(Quatorze heures huit minutes)
Le Président (M. Simard) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum. Je vous
souhaite la bienvenue. Nos travaux sont donc officiellement débutés. Comme vous
le savez, la commission est réunie afin de procéder à l'étude de la politique
budgétaire du gouvernement et à l'évolution des finances publiques.
Nous accueillons, aujourd'hui, pour ce faire, le
ministre des Finances du Québec. M. le ministre, soyez le bienvenu parmi nous.
M. Girard (Groulx) : Merci.
Bonjour.
Le Président (M. Simard) :
Alors, tel qu'adopté lors de la motion que nous avons votée ensemble en séance
de travail le 6 octobre dernier, il y avait possibilité à l'effet qu'il y ait
des remplacements. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Oui. Alors,
Mme Guillemette (Roberval) remplace M. Asselin
(Vanier-Les Rivières).
Le
Président (M. Simard) : Merci. Dans cette motion, toujours, était
mentionnée la possibilité qu'il puisse y avoir des votes par
procuration. Est-ce le cas, Mme la secrétaire?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Chassin
(Saint-Jérôme) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de
M. Émond (Richelieu); Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré),
M. Thouin (Rousseau).
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Avant de commencer, j'aimerais saluer le député de René-Lévesque, puisqu'il a été reconfirmé dans ses fonctions de
leader à titre... pour la troisième opposition. Donc, M. le leader, on est
heureux de vous avoir parmi nous.
M. Ouellet : Merci.
Le Président (M. Simard) : Maintenant,
nous avions, toujours dans la motion, si ma mémoire est fidèle, mentionné qu'il
y aurait des remarques préliminaires de six minutes qui étaient consenties à l'opposition,
mais nous avions également
convenu informellement que ces six minutes ne seraient pas dévolues comme
telles à des remarques
préliminaires, mais plutôt mises dans le bloc global des échanges, des
questions que chaque groupe parlementaire avait reçues.
Alors, est-ce qu'il y a toujours consentement
pour éliminer les remarques préliminaires tout en gardant le temps complet
comme convenu?
• (14 h 10) •
M. Leitão : Bien sûr, M. le
Président.
Le Président (M. Simard) : Il y
a consentement? Bien, formidable.
Discussion générale
Alors, nous allons, comme convenu, commencer par
le groupe formant le gouvernement pour une période d'environ 11 minutes. Je cède maintenant la parole au député
de Saint-Jérôme, à qui je souhaite, bien sûr,
la bienvenue.
M. Chassin : Merci,
M. le Président. Bonjour à tous.
Bonjour, M. le ministre. Bienvenue dans cette commission, où vous êtes fréquemment. On
est réunis, dans le fond, pour parler de la politique budgétaire du gouvernement,
qui est enjeu particulier en ce moment, compte tenu de la pandémie puis de ses
effets sur les finances publiques. Et puis, dans
le fond, je ne veux pas présumer des questions de mes collègues des
oppositions, mais c'est clair que la population québécoise se préoccupe
d'un éventuel retour à l'équilibre budgétaire, tout en sachant qu'on n'est pas
encore sortis d'un moment difficile à passer, tant pour les individus que pour
les entreprises, ce qui a évidemment un effet sur les revenus. Et le
gouvernement a été aussi généreux et présent pour appuyer l'économie
québécoise, et, dans ce cas-là, ça signifie des dépenses supplémentaires,
parfois avec des programmes temporaires, donc, qui peuvent eux-mêmes prendre
fin. Mais, néanmoins, c'est un peu les éléments de contexte qui fait, je pense,
que c'est intéressant de vous entendre aujourd'hui.
J'ai tendance à vouloir débuter un peu cet
échange avec deux thèmes qui me sont chers. D'une part... puis, bon, vous le savez, je mets brièvement mon chapeau
d'économiste, là, outre d'être député, il y a un volet en économie où on
a un peu l'impression que, dans le débat public, parfois, on regarde les
déficits comme une espèce d'équation statique, on se
dit : Pour régler un déficit, il faut soit augmenter les revenus, et donc
hausser les taxes, soit diminuer les dépenses, et donc couper dans les services.
Or, ce n'est pas nécessairement le cas. C'est davantage une équation dynamique
qui s'échelonne sur plusieurs années. Ça fait que je pense que c'est peut-être
le premier thème que j'aimerais aborder avec vous. Le deuxième, ce sera sur le Fonds
des générations, avec un point plus précis sur la stratégie qu'a suivi le gouvernement
dans ses premières années, là, de choisir de rembourser une partie de la dette
en ayant finalement un transfert de 10 milliards du fonds vers le
remboursement de la dette.
Mais commençons donc par cette équation un peu
dynamique pour que, finalement, le cadre d'analyse de tout le monde ne soit pas
limité à simplement une seule année puis avoir un peu ce réflexe de dire :
Est-ce que le gouvernement de la Coalition avenir Québec va couper ou va
augmenter les taxes? Est-ce que vous pouvez nous expliquer, dans des mots que tout le monde peut comprendre, pour ceux
qui nous suivent, comment, finalement, il y a des tendances sur plusieurs années, en termes d'évolution des recettes
et d'évolution des dépenses, qui fait, par exemple, que, même sans
augmenter les taux de taxe et les taux d'impôt, parce que l'économie du Québec
croît, les recettes du gouvernement
croissent aussi? Est-ce que je me trompe là-dedans? Est-ce que vous pourriez
m'éclairer, si c'est le cas?
Le Président (M. Simard) : M.
le ministre.
M. Girard
(Groulx) : Merci pour cette introduction. En fait, je pense que c'est
important de rappeler les efforts que les Québécois ont faits au cours
des 15 dernières années. Il y a eu un effort de lutte à, d'abord, la
résorption du déficit, la gestion de la dette. Le Québec... Et on remonte
jusqu'à Lucien Bouchard, en fait. C'est même... On va jusqu'à 25 ans, où
le Québec était la province la plus endettée du Canada. Et, oui, le Québec a un
panier de services qui est, jusqu'à un
certain point, plus développé, mais c'est certain que le Québec était la
province la plus endettée. Et, tranquillement, différents gouvernements
ont décidé de prendre des efforts pour ramener la trajectoire de la dette du
Québec à un niveau raisonnable. Et, durant ce parcours, il y a eu, bien sûr, la
Loi sur l'équilibre budgétaire, la loi sur la gestion de la dette et le Fonds
des générations, et je vous dirais qu'en théorie économique la plupart des gens
s'entendent que, si vous voulez réduire votre dette, vous devez le faire durant
la période de croissance. C'est-à-dire que
vous devez profiter de l'augmentation,
de l'effet induit de l'augmentation de la croissance sur les revenus, et votre...
On parle souvent de la dette en fonction de la taille de l'économie, la dette par
rapport au PIB, et, en période de croissance,
vous voulez diminuer le poids de votre dette par rapport au PIB pour
pouvoir, en période de récession, intervenir, que la demande publique se
substitue à la demande privée, et pour aider les gens, les citoyens, les
entreprises.
Alors, les efforts que les Québécois ont faits
ont permis au Québec, lorsque nous sommes entrés dans cette pandémie, dans
cette récession, d'avoir une position enviable. C'est-à-dire que nous étions en
position de surplus budgétaire, même après contribution au Fonds des
générations, nous étions sur une trajectoire descendante de la dette, et là il
faut aider les Québécois et les entreprises, et faire un effort extrêmement important
au niveau de la sécurité sanitaire et de la santé.
Alors, cette année, il y aura un déficit important
qui est fonction de la baisse des revenus puis de la hausse des dépenses. C'est
ça, essentiellement. Et puis, lorsque la récession sera terminée... parce qu'il
y a une pandémie, il y a une récession puis il y a des défis importants de
finances publiques. Lorsque la pandémie sera terminée, la récession sera
terminée, la baisse de revenus temporaire et l'augmentation des dépenses
induites par la pandémie... la récession va
baisser, il va rester un déficit structurel, puis c'est ça,
l'effort que nous allons devoir faire collectivement, en vertu de notre
loi sur cinq ans, pour revenir à l'équilibre budgétaire.
Mais, pour donner la variable importante, là, parce
que je veux bien cadrer la discussion, vous l'avez dit, essentiellement, au Québec,
on regarde le niveau de dette par rapport au PIB. Le comparable international,
c'est la dette nette. Au Québec, on s'était donné des cibles en termes de dette
brute et de somme des déficits. Je ne sais pas pourquoi on n'a pas pris la
définition qui était la plus commune, mais on a pris les deux autres. Mais ce
n'est pas grave, tous ces chiffres-là sont corrélés. Et c'est certain qu'en
vertu du déficit de cette année il y aura une hausse de la dette et puis que,
l'an prochain, il va falloir continuer à faire des efforts, mais après, avec le
retour à la normale, il va falloir reprendre une trajectoire descendante pour
éventuellement arriver à l'équilibre.
M. Chassin :
Et est-ce que, sur cinq ans... Parce que, pour moi, c'est un peu ça, la clé,
là. C'est ça qui donne à l'équation de l'équilibre des finances publiques toute
sa richesse dynamique. C'est qu'on n'a pas à faire des choix, comme si on ne
regardait qu'une seule année, en arrivant à un déficit de zéro soit en coupant
soit en haussant les taxes. Parce que c'est sur cinq ans, est-ce qu'on peut croire qu'après la crise, avec la reprise économique, les recettes,
par exemple, de l'État peuvent croître sans qu'on ait à augmenter le fardeau
fiscal?
M. Girard (Groulx) : Bon. Alors
là, c'est important de concevoir qu'il y a plusieurs phases dans le cycle
économique. Alors, on a vécu une phase extrême, qui était la fermeture de 40 %
de l'économie pendant 10 semaines. Alors, ça, c'est une interruption
profonde de l'économie, on n'avait jamais vu ça, extrêmement prononcée.
Ensuite, nous avons vécu à partir, je qualifierais, du début mai jusqu'à la fin
septembre, ce qu'on a appelé le déconfinement. O.K.? C'est la récupération de
près de 87 % des emplois perdus, la réouverture progressive. Et là on
arrive... Et le virus est toujours présent, là. C'est ça qui rend les choses
difficiles, le virus est toujours présent, il n'y a pas, pour l'instant, de
remède, de vaccin. Et là on est à ce qu'on va appeler la période de
récupération. On va vouloir reprendre le
temps perdu, c'est-à-dire les... d'une part, le fait que le déconfinement n'a
pas comblé la chute complète, et, d'autre part, nous avions prévu de la
croissance en 2020 et 2021, puis ça, c'est perdu aussi, là, au niveau des
revenus. Alors, on va vouloir, dans le temps, récupérer ce qu'on avait perdu,
qui était sur une trajectoire.
Puis il faut se
rappeler... Puis ça, c'est important, puis je pense que, ça, je ne sais pas
combien d'éléments je vais dire aujourd'hui qui vont faire consensus, mais le
Québec était... avant la pandémie, l'arrivée de la pandémie, le Québec était au
plein-emploi et venait de connaître trois années de croissance exceptionnelle,
et donc nous étions en position de force. Mais là l'année 2020, la chute,
le rebond partiel, 2021 ne nous permettra pas de récupérer la croissance que nous avions prévue en 2020 et 2021.
Et ça, il y a des défis associés à ça, des défis de finances publiques.
• (14 h 20) •
M. Chassin :
Absolument. M. le Président, combien de temps me reste-t-il exactement?
Le Président (M. Simard) :
50 secondes, cher collègue.
M. Chassin :
Bon. Je vous pose une question assez rapide dans ce cas-là. On a été peut-être
un peu critiqués, à la Coalition avenir Québec, de parler de prendre une partie
du Fonds des générations pour rembourser la dette par certains. Par ailleurs, on a vu l'incertitude, notamment avec la crise
actuelle. Est-ce que vous jugez, à l'aune, finalement, de l'expérience qu'on vient de vivre, que c'était
une bonne décision d'utiliser ces 10 milliards pour diminuer la dette?
M. Girard (Groulx) : Bon.
Une voix : ...
M. Chassin : Peut-être qu'on pourra y revenir, mais c'est une question...
Le Président (M. Simard) : Vous
pouvez le prendre sur votre prochain bloc, soit dit en passant, mais il vous
reste 20 secondes.
M. Girard
(Groulx) : Bon, bien... Non,
mais je veux simplement dire que ces décisions-là doivent être jugées avant. C'est facile de dire, après : Bon, il
y a eu une pandémie, vous avez bien fait de rembourser la dette. C'est avant
qu'on doit évaluer ces décisions-là.
Nous sommes
dans un monde d'incertitude, et puis, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir,
il y avait neuf années de croissance intéressante, mais surtout neuf
années où, suite à la récession, là, ce qu'on a appelé la grande récession de 2008‑2009,
les rendements des actifs risqués ou des actifs boursiers avaient surperformés
le coût de la dette du Québec. Alors,
ça avait été intéressant d'investir, emprunter pour investir. Et, dans une
saine gestion de risques, nous avons dit : Il est temps de diminuer
la taille du Fonds des générations et de rembourser la dette.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Merci, M. le ministre. Je cède
maintenant la parole au député de Robert-Baldwin.
M. Leitão : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, chers collègues, M. le ministre et les personnes du
ministère, bonjour. Merci d'être là. On va y aller tout de suite dans le vif
sujet. On n'a pas beaucoup de temps. Je commencerais en disant que, pour une
fois, nous sommes d'accord sur une chose. En effet, votre dernière réponse, le Fonds
des générations, de maintenant vouloir dire si c'était une bonne idée ou
une mauvaise idée de le réduire, c'est un peu compliqué. Mais on va revenir sur
le Fonds des générations. Nous avons une perspective sur le Fonds des
générations, mon collègue surtout et moi, bien sûr, sur la nécessité d'avoir un
fonds des générations bien garni. On va y arriver.
Maintenant, donc, il y a eu le budget de mars
2020, par la suite, un budget qui n'a pas été vraiment discuté en tant que
parlementaires puisque, très tôt au mois de mars, le Parlement a été fermé, et
je pense que c'était la bonne chose à faire, je ne remets pas ça en question.
Par la suite, il y a eu la mise à jour de juin. De la mise à jour de juin, vous
avez annoncé, à ce moment-là, un déficit qui pourrait atteindre
15 milliards de dollars, dont 4... qui incluaient un 4 milliards de
provisions pour éventualités. C'est un peu de ça que je veux parler maintenant,
d'abord en disant que je vous avais salué en disant que c'était une très bonne
idée de mettre une provision de 4 milliards. Moi, j'aurais même mis un peu
plus, mais c'est une bonne idée de l'avoir fait, et je l'avais dit
publiquement.
Moi, j'ai quelques questions sur ça maintenant.
La première, c'est qu'en juin il semblait que c'était prévisible ou, en tout
cas, fort probable qu'une deuxième vague pourrait nous arriver puisque, dans
vos travaux pour mettre en place la mise à jour, vous avez certainement analysé
des études, des rapports, vous avez parlé à vos collègues, et donc vous avez
jugé bien de mettre en place cette provision, parce qu'il y avait une forte
probabilité d'un retour en deuxième vague. Pouvez-vous juste nous dire un peu qu'est-ce qui a alimenté votre réflexion à ce
moment-là, en juin, pour arriver avec une provision de 4 milliards de
dollars pour éventualités?
M. Girard (Groulx) : Oui, merci
pour la question. Puis j'en profite pour saluer tout le monde, ce que je n'ai
pas fait. Excusez-moi. Vous ne m'avez pas inspiré les salutations, alors là...
là, je le fais. Et puis je félicite aussi le député de René-Lévesque.
Alors, juste
pour clarifier les termes, M. le député de Robert-Baldwin, en juin, nous avons
appelé le document un portrait, parce que le désir, c'était de donner
l'heure juste sur les finances publiques. C'était vraiment un exercice de
reddition de comptes. Et la mise à jour aura lieu quelque part entre ici et
Noël, et, à ce moment-là, nous aurons une mise à jour formelle et un débat sur
celle-ci, comme vous le souhaitez, je crois.
La
provision. La provision était fonction, d'une part, de notre marge de
manoeuvre, que nous voyions en fonction de
la réserve de stabilisation. Elle était fonction de notre connaissance
partielle des coûts de la première vague. Elle était fonction de notre connaissance de... Nous commencions, en
juin, à avoir des estimés des efforts qui devraient être faits pour les
municipalités, les sociétés de transport en commun, et nous continuions, à ce
moment-là, d'amener des programmes de soutien. Alors, je vous dirais que le
4 milliards, grosso modo, 1 % du PIB, là, était conçu pour avoir une portion
pour la santé, une portion pour nos partenaires au niveau des municipalités et
une portion pour les entreprises et les Québécois.
M. Leitão :
Très bien. Pouvez-vous nous dire maintenant si ce 4 milliards là a déjà
été tout engagé ou est-ce qu'il y a encore un peu de place?
M. Girard
(Groulx) : Mais, en fait, il y a plusieurs variables qui bougent, mais
c'est certainement... Elle n'a pas été toute consommée actuellement. Mais nous
sommes, évidemment, seulement en octobre, et l'année fiscale se termine le
31 mars, alors il est donc concevable qu'elle le sera et...
Par contre, on a un
peu plus de marge de manoeuvre, actuellement, reliée au fait que le confinement
a été légèrement moins drastique que prévu. Il a été néanmoins extrêmement
sévère, on a fermé 40 % de l'économie, mais le déconfinement s'est aussi mieux passé que prévu. Et vous avez
constaté que le Québec est la province qui a récupéré le plus d'emplois,
la deuxième, en fait, après le Manitoba, qui a récupéré le plus d'emplois.
Alors, je vous dirais que le les revenus sont un peu mieux que prévu, ce qui
dégage une marge de manoeuvre additionnelle.
M. Leitão :
Très bien. Merci. Maintenant, le... vous avez mentionné les revenus, mais nous
sommes encore au mois de mars... Excusez-moi, j'aurais bien aimé. Non, non,
nous sommes encore au mois d'octobre.
M. Girard
(Groulx) : D'accord.
M. Leitão :
Avant d'arriver à mars 2021, donc la fin de l'année fiscale, il y a six mois
presque, cinq mois et demi, donc il y a encore du temps. Une bonne
partie des 4 milliards de la provision a été déjà engagée. Moi, je
l'estime à peu près à 2,7 à 3 milliards qui a déjà été engagé. Alors,
qu'est-ce qu'on fait, maintenant, d'ici le mois de mars? Surtout dans le contexte
où votre collègue le ministre de l'Économie a annoncé, un peu plus tôt la
semaine dernière, je pense, ou l'autre d'avant, étant donné les nouvelles de
confinement de certains secteurs, un nouveau programme de soutien aux entreprises en zone rouge que le gouvernement a décidé de
fermer. Et votre collègue avait estimé ça à peu près à 100 millions de dollars par mois pour la région de Montréal
et de Québec. Là, maintenant, c'est plus que Montréal et Québec, et moi,
j'ai bien l'impression que ça va être plus qu'un mois.
Alors, ces
dépenses-là, par exemple, comment est-ce qu'elles... comment ça va être
financé? Est-ce que... Devriez-vous annoncer, dans la mise à jour qui viendra
quelque part d'ici Noël, une nouvelle provision, une hausse de la provision? Comment est-ce qu'on va financer
les mesures qui devront être mises en place au cours des prochains mois
pour soutenir une grande partie de l'économie qui est en difficulté? Et je vous
dis, en partant, que moi, je ne pense pas que la croissance économique va beaucoup
s'accélérer d'ici le 31 mars.
• (14 h 30) •
M. Girard
(Groulx) : Bien, d'abord, pour la croissance économique, encore une
fois, le deuxième trimestre, bien que la chute soit extrêmement sévère,
légèrement moins pire que prévu, là, sur une base annualisée, là je prends mon trimestre
à la... je l'annualise, là. À un certain moment, j'anticipais une chute de 46 %
au deuxième trimestre, et le chiffre est
plus autour de 40 %. Au
troisième trimestre, le rebond est plus fort que nous anticipions, et vous avez
raison qu'avec la deuxième vague, le quatrième trimestre, lui, a des
risques, sera moins fort qu'anticipé.
Alors, pour... évidemment,
tout ça sera divulgué dans la mise à jour, mais je tiens à vous dire, aujourd'hui,
que l'ordre de grandeur que nous avons donné, un déficit de 15 milliards
de dollars, cet ordre de grandeur là est toujours bon. Et, oui, il y aura plus
de dépenses en santé, il y aura plus d'aide, mais on a reçu un peu plus d'aide du
gouvernement fédéral et plus de revenus,
parce que la croissance économique a été moins faible au deuxième trimestre
et meilleure au troisième trimestre. Alors, tout ça, M. le député de
Robert-Baldwin, lorsqu'on somme ça, ça nous ramène dans le même ordre de
grandeur que nous étions au portrait, c'est-à-dire un déficit de l'ordre de
15 milliards de dollars.
M. Leitão :
Merci. Merci. Là, c'est là qu'on est en profond désaccord, parce que je pense
que le scénario avec lequel vous
fonctionnez, scénario économique, scénario de base, donc, d'une continuation de
la reprise économique, la fin de la phase urgence, le rebond de
l'économie et puis la croissance qui s'enchaîne, ce scénario de base là,
maintenant, il me semble qu'il est très risqué. Je ne peux pas vous dire qu'il
est impossible, ça pourrait arriver, mais la probabilité d'un tel scénario, à
mon avis, diminue avec chaque jour qui passe.
Donc, d'ailleurs, aux
États-Unis, le Fonds monétaire international lui-même nous dit que la baisse de
la production, au printemps et en été, un peu partout dans l'OCDE, était moins
forte que prévu, oui, moins profonde, comme vous l'avez mentionné, mais que la
croissance à venir va être, elle aussi, beaucoup plus faible que ce qui était
prévu avant. Donc, il n'y aura pas d'événement en v, il n'y aura pas ça. Il y a
eu une baisse et puis une reprise, une croissance qui est lente et qui ralentit
davantage avec cette deuxième vague, qui prend des proportions alarmantes aux
États-Unis et en Europe.
Alors, ma
question : Quels sont vos scénarios? Parce que vous ne pouvez pas vous
limiter à un scénario de base où les choses vont aller bien, là, et vous
avez parlé beaucoup de fois sur la gestion du risque, donc je suis sûr que vous devez avoir un
scénario, un scénario b, un «low case», avec lequel vous travaillez aussi. Alors, pouvez-vous nous parler un petit
peu de ce scénario, pas de catastrophe, là, mais un scénario moins vigoureux
que le scénario de base, qui demanderait des
mesures plus proactives pour soutenir l'économie jusqu'à ce que, je ne sais pas, moi, on trouve un
vaccin ou quelque chose?
M. Girard (Groulx) : Bien, d'abord,
on pourra revenir sur les mesures, ça me fera plaisir d'en discuter avec vous. Je veux être bien honnête avec tous les Québécois,
les six prochains mois vont être difficiles. Le virus est toujours là, il n'y a pas de remède, il n'y
a pas de vaccin. Et j'ai déjà mentionné que le quatrième trimestre sera un peu
plus faible que nous aurions voulu qu'il
soit, mais, lorsqu'on somme l'ensemble de 2020, M. le député de Robert-Baldwin, tous s'entendent que, dans l'ensemble, 2020, qui sera la pire
année de croissance... en fait, la pire, excusez-moi, je n'ai pas le bon terme, la pire récession depuis la
Deuxième Guerre mondiale, la chute du PIB de l'économie mondiale
sera de l'ordre de moins 4 %. C'est un peu moins pire que nous avions
prévu pour l'ensemble de la période, O.K.? Alors, il y a des nuances, le
deuxième est un peu moins pire, le troisième est beaucoup mieux, le quatrième
est un peu plus faible, dans l'ensemble.
Pour ce qui est
de scénarios alternatifs, vous avez raison, c'est important d'avoir des
scénarios alternatifs. Il y a des distributions de probabilité. S'il y
avait... Si nous avions un vaccin rapidement, on sera dans des événements plus positifs, et, si la pandémie s'accélère, n'est pas
contrôlée, il y aura... La sécurité sanitaire est nécessaire à la confiance
des consommateurs, la confiance des entreprises. Alors, oui, nous sommes
dépendants de l'évolution de la pandémie, c'est définitif. Alors, oui, il y a
des scénarios alternatifs.
M. Leitão : Merci. Est-ce qu'on
pourrait — je
m'essaie, M. le Président — est-ce
qu'on pourrait en discuter un petit peu, de ces scénarios alternatifs?
M. Girard (Groulx) : Bien sûr.
M. Leitão : Alors, discutons.
Donc, qu'est-ce que vous voyez? Et, encore là, je ne vous demande pas de nous dresser un portrait catastrophique, là, mais à l'intérieur des paramètres de ce qui est probable, avec une probabilité normale, à votre avis, 2021, on
aurait une croissance du PIB, au Québec, qui pourrait se placer, je ne sais
pas, moi, à 2 %, 3 % seulement, et pas le 6 % qui était prévu
lors... donc, la moitié de la croissance, est-ce que c'est un scénario
probable?
M. Girard (Groulx) : O.K. D'abord... D'accord. Nous allons réviser, 2020 sera un peu
mieux, tout le monde... c'est le consensus. Et puis on a moins d'incertitude,
on a plus de mois derrière nous qu'on en a devant. Et 2021, parce que
janvier, février, mars, l'épidémie est toujours présente, 2021 sera plus faible
que nous avions prévu lors du portrait. Donc, plus fort, 2021, un rebond moins
prononcé... excusez-moi, la chute un peu moins prononcée en 2020, le rebond un
peu moins fort, 2021. Alors, c'est ça.
Alors, on parlait, à ce moment-là, de 6 %,
puis, si je regarde les secteurs privés, si le scénario de base pour 2021 était autour de 5 %, bien, oui, il est
raisonnable d'avoir une distribution. Ça peut être plus fort. Ça peut être
6 %, 7 % — c'est peu probable — et ça peut être 4 %, 3 %,
2 %. Oui, tout est possible. C'est une distribution de probabilité,
M. le député.
M. Leitão : Très bien. Merci.
Je comprends bien, mais la question, c'est que chacun de ces scénarios-là va
avoir des répercussions sur les revenus de l'État. Vous avez parlé, au début,
avec votre intervention avec le collègue de Saint-Jérôme, donc, qu'il y a une
partie du déficit qui sera structurelle, une fois la pandémie terminée, et tout
ça, mais le point que j'aimerais faire ici, c'est que ce qu'il s'est déjà
passé, et ce qu'il se passe maintenant, et ce qu'il risque de se passer dans
les prochains mois risque d'affecter le potentiel de croissance du PIB du
Québec. On risque d'avoir un coût sur le potentiel de croissance. Donc, la
croissance économique, en 2021‑2022, ces deux années-là, va être plus faible.
Donc, les revenus ne seront pas au rendez-vous.
La seule chose, la seule question, dans un tel
scénario, est : Seriez-vous prêt, en tant que gouvernement, dans un tel
scénario, à continuer de soutenir l'économie québécoise avec un déficit
important, un autre 10 milliards, un autre 15 milliards?
M. Girard (Groulx) : Bien...
Le Président (M. Simard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, nous venons d'épuiser le premier bloc. Si vous laissez au ministre le temps de répondre,
le temps sera pris dans votre prochain bloc. Qu'est-ce que vous choisissez?
M. Leitão : Une réponse très
courte, s'il vous plaît.
M. Girard (Groulx) : Bien,
certainement, nous envisageons de l'aide supplémentaire en 2021, oui. Et puis
je pense qu'il faut voir la réaction économique, la chute, en 2020, et le
rebond, en 2021, comme un bloc. Alors, oui, lorsqu'on parle de déficit
structurel, après la portion cyclique, nous sommes à partir de 2022.
M. Leitão : On y reviendra.
Merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci, M. le député. Merci, M. le
ministre. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont. Cher
collègue, vous disposez de 16 min 35 s.
M. Marissal : Merci. Bonjour, M.
le ministre.
M. Girard (Groulx) : Bonjour.
M. Marissal : Content d'être
là. On a travaillé fort pour vous avoir ici devant nous, alors on va en
profiter au maximum pour ce qu'on a obtenu.
M. Girard (Groulx) : Pourtant,
moi, j'ai l'impression d'avoir passé les dernières semaines avec vous.
• (14 h 40) •
M. Marissal : Oui, mais ce n'était pas sur ce sujet-ci, et,
comme c'est un plaisir renouvelable à l'infini, on ne devrait pas s'en priver,
mais je sais que vous étiez disponible pour en parler, puis ça tombe bien parce
qu'il y a quand même beaucoup
de choses.
Je vais
poursuivre sur ce que le député de Robert-Baldwin a commencé, là, sur le déficit. Si j'ai bien
compris, vous dites que vous
maintenez, pour le moment, là, sous réserve d'une mise à jour entre maintenant
et Noël, le déficit, là, pour l'année courante, autour de
15 milliards.
M. Girard (Groulx) : Exact.
M. Marissal : Pourtant,
pourtant, il est vrai qu'on a récupéré des emplois à un bon rythme, il est vrai
que c'est peut-être un peu moins catastrophique que prévu, mais c'est quand
même lourd. C'est lourd. Et il y a un certain pan de l'économie, même plusieurs
pans de l'économie qui ne s'en remettront peut-être pas si bien. Je pense à
tous les pans qui viennent d'être refermés
en tout ou en partie. Votre prévision, là, de déficit à 15 milliards, elle
n'est pas... Parce que vous
dites : Je veux être franc envers les Québécois et les Québécoises, là, ça
va être toffe, les six prochains mois — moi,
je plaiderais que ça va être plus que six mois, mais, bref — puis,
en même temps, vous dites : Faites-vous-en pas, le déficit va
rester à la même hauteur. Comment vous arrivez à ça?
M. Girard (Groulx) : Bon,
alors, encore une fois, je pense que c'est important de regarder l'ensemble de l'année 2020. Pour ce qui est du déficit, on
parle de jusqu'au 31 mars. Bien que la situation soit extrêmement difficile au niveau de la pandémie, de la récession, pour les entreprises,
pour les Québécois, qu'on demande des efforts à tout le monde, dans l'ensemble,
aujourd'hui, nous pouvons affirmer — et, en fait, c'est la
communauté des économistes, le Fonds monétaire international, l'OCDE — que
la chute du PIB réel, en 2020, au niveau mondial — et le Québec est une économie ouverte, là, on est fonction de
ça — sera
un peu moins pire que prévu. Alors, associez à ça plus de revenus.
Un des phénomènes pour quoi nous avons plus de
revenus, et ça, c'est très important parce que je pense que ça n'a... ça a été
dit, mais évidemment le cycle des nouvelles est intense et chacun choisit les
nouvelles sur lesquelles il se concentre,
mais le revenu disponible des Québécois en 2020, présentement, pour les six premiers mois de l'année,
est en hausse de plus de 10 %. Les programmes d'aide, notamment le
gouvernement fédéral... Je pense qu'il faut le dire, là, on ne fait pas un déficit de l'ordre de plus de 300,
350 milliards de dollars sans avoir des programmes généreux. Le
revenu disponible des Québécois est en hausse, ça veut dire que les recettes
fiscales sont meilleures que prévu. Et les
entreprises... c'est extrêmement difficile d'avoir une entreprise, d'opérer une
entreprise dans un tel contexte, mais, dans
l'ensemble, pour la somme des entreprises, c'est mieux que prévu, ce qui fait
qu'on a plus de revenus. On a plus de revenus.
Et, oui, on a
eu... écoutez, au portrait, notre gouvernement a annoncé 400 millions pour
le transport en commun. À ce moment-là, nous ne savions pas l'ampleur de
l'aide que le fédéral allait nous donner pour les municipalités puis les
sociétés de transport en commun. On s'est avancés, on savait qu'il y avait des
besoins. Depuis, nous savons que l'ampleur de l'aide est de 1,1 milliard,
1 150 000 000 $, ce qui nous permet, puisqu'on contribue à
50 %, d'aider au niveau de 2,3 milliards de dollars.
Alors, dans
l'ensemble, dans des circonstances extrêmement difficiles, un peu plus de
revenus, plus de dépenses en santé, ce qui n'était pas imprévu au
portrait, mais on a plus de précision à mesure que nous avançons : plus généreux aux municipalités, des nouveaux
programmes d'aide pour les entreprises, tout ça. En toute transparence, je vous
le dis, puis ce n'est pas la mise à jour aujourd'hui, mais le chiffre de
15 milliards de déficit pour l'année 2020‑2021 est toujours valable.
M. Marissal : On savait ou, en
tout cas, on craignait effectivement qu'il y ait deuxième vague, là, c'est
généralement le cas dans les pandémies, et puis on commence déjà à parler d'une
éventuelle troisième, là, mais tenons-nous en à la deuxième pour le moment.
Elle est vraisemblablement plus sévère que ce à quoi on s'attendait ou peut-être ce qu'on espérait, je ne sais trop. Elle
est sévère, c'est clair. Est-ce que ça se ressent aussi dans vos prévisions?
Est-ce que vous voyez aussi, notamment en santé mais en aide aux entreprises,
et dans d'autres programmes qui pourraient devoir naître dans les prochaines
semaines parce que la deuxième vague est plus lourde que prévu?
M. Girard (Groulx) : Bon,
écoutez, la deuxième vague est différente. Elle est là. C'est certain qu'au
niveau économique le confinement qui a été décrété au début octobre, ce n'est
pas du tout la même ampleur que ce qui a été décrété en
mars et avril. À ce moment-là, on parlait de 40 % de l'économie, et puis
là c'est inférieur à 5 % de l'économie, là, disons 5 %, pour
arrondir. Alors, au... Et, par contre, ce 5 % de l'économie est un secteur
intensif en emplois, c'est 10 % des emplois. Il y a... Je ne veux pas
sous-estimer l'impact du confinement qui a été demandé, restaurants, bars,
gyms, services, mais il reste que c'est... au niveau de l'économie, c'est plus
petit et, par contre, ce sont des secteurs plus intensifs en emplois.
Alors, tout ça, c'est dynamique, nous en sommes
conscients, c'est pour ça qu'on avait une réserve, une provision pour éventualités
de 4 milliards de dollars, et cette provision-là sera très utile, elle
sera utilisée, là.
Le Président (M. Simard) : M.
le député.
M. Marissal : Oui, merci.
J'avais bien compris 16 minutes, hein?
Le Président (M. Simard) : Il
vous en reste neuf.
M. Marissal :
Très bien, merci. Parce que je vous entendais de mon oreille droite, je pensais
que c'était six minutes et que j'avais mal compris.
Le Président (M. Simard) : 16.
M. Marissal : Alors, je poursuis,
avec un soulagement. Vos prévisions... Je comprends que ce n'est pas la mise à
jour économique aujourd'hui, je comprends qu'elle aura lieu entre maintenant
puis Noël, là, ce qui devrait nous placer
quelque part à la mi-novembre, là, j'imagine, donc d'ici trois semaines ou,
enfin, des poussières. Vous aviez aussi parlé d'un éventuel retour à
l'équilibre budgétaire, là. Corrigez-moi si je me trompe, là, mes souvenirs
sont peut-être flous, mais, il me semble, j'avais cinq ans, un horizon de
quatre, cinq ans.
M. Girard (Groulx) : C'est
notre loi. Nous avons une loi sur l'équilibre budgétaire.
M. Marissal : Vous croyez que
c'est encore possible, là, plausible, là?
M. Girard (Groulx) : Bien oui,
c'est certainement plausible, puis c'est important d'être ambitieux, là. Alors,
l'an 1, ce serait l'an prochain, O.K.? Cette
année, c'est le choc, on l'absorbe. L'an prochain, il y a encore des mesures
d'aide, on est encore dans le rebond, et
puis c'est l'an 1. Et puis, éventuellement, en 2025‑2026, il est important d'être ambitieux et de
viser un retour à l'équilibre. Et puis là nous, nous allons tracer le chemin,
énoncer, en toute transparence, ce qui est nécessaire pour y arriver. Et puis
c'est... ce sera difficile. C'est important de le dire, que c'est ambitieux.
C'est peu probable, et là je ne représente pas le gouvernement de l'Ontario ou
du Canada, mais ce ne sera pas facile pour le gouvernement de l'Ontario ou le
gouvernement canadien de retrouver l'équilibre en cinq ans, là. Alors, c'est un
défi. Nous avons une loi qui dit qu'on doit retrouver l'équilibre budgétaire
d'ici cinq ans et nous allons tracer la voie qui va montrer, en toute
transparence, ces efforts qui sont nécessaires pour revenir à l'équilibre.
M. Marissal : Je comprends,
mais il n'y a pas de loi qui dit qu'il faut absolument qu'on trouve un vaccin demain, là, parce qu'autrement on l'aurait trouvé,
le vaccin, là. La bibitte qu'on combat, en ce moment, est particulièrement
vicieuse et difficile. La preuve en est que, jusqu'à preuve du contraire, il
n'y en a toujours pas, de vaccin. Je trouve un peu... je cherche le bon terme,
mais je trouve particulier de vous voir vous enfermer absolument, à moins que
ce soit pour des raisons électoralistes, là, mais de vous enfermer absolument
dans cet échéancier. Il me semble que vous ne
vous laissez pas grande porte pour dire : Bien, écoute, on va faire ce
qu'il faut, là, puis on le souhaite. Mais de dire : 2025‑2026,
retour, là, avec un zéro à la colonne du bas, je trouve ça... je ne sais pas si
c'est ambitieux ou si c'est téméraire de votre part.
• (14 h 50) •
M. Girard (Groulx) : Je cherche
un peu la question, là, mais, écoutez, c'est indéniable que les six prochains
mois vont être difficiles, le virus est toujours présent. Ensuite, quelque part
en 2021... Ou disons qu'il y aura une certaine normalité, certainement, à
partir de 2022. Puis là je veux faire attention, là, la normalité, je ne suis
pas convaincu que ça implique le retour des croisières à Québec, là, on verra,
là, ça, c'est... Vous savez, il y aura des changements qui vont... il y a des
secteurs de l'économie qui sont affectés de façon beaucoup plus permanente,
mais, à partir de 2022, il y aura un retour à la normale, où il y aura
l'opportunité de récupérer la croissance qui a été perdue sur la somme des
années 2020 et 2021. Les dépenses temporaires en santé, certaines seront
non récurrentes, d'autres, l'ajout de personnel, la hausse de la rémunération,
seront permanentes. Et il faudra jongler avec tout ça, et on va tracer le
chemin, montrer l'effort qui est nécessaire aux Québécois.
Et, juste pour conclure, vraiment, ça n'a rien
à voir avec l'échéancier électoral, là. Là, on a une pandémie, on a une
récession, on est là pour aider les Québécois et les entreprises et on donne
tout ce qu'il faut à la santé pour essayer
d'assurer les conditions sanitaires optimales. Et, vraiment, il y a d'abord
la situation actuelle puis il y aura un après.
M. Marissal : Bien, je souhaite
assurément que vous ayez raison, je le dis très sincèrement, là, j'espère vraiment
que vous avez raison de dire que nous aurons retrouvé une forme de normalité en
2022, là, en 2022. Ce que je sais, par contre, c'est qu'on pensait qu'on y
arriverait quelque part plus tôt en 2021. Et, il y a neuf mois, quand on parlait des tout débuts de la pandémie, on était même en
train de se demander quel effet ça aurait, parce que c'était limité en Chine,
qui est quand même un gros marché.
Alors, depuis quelques
mois, le portrait a vraiment changé. Qu'est-ce que vous voulez dire par une
forme de normalité en 2022? Parce que, là, vous avez l'air de plancher là-dessus,
là, pour vos prévisions.
M. Girard
(Groulx) : Bon, d'abord, pour parler de la Chine, la Chine est le
secteur économique qui va le mieux, présentement. Alors, eux ont évolué dans le
cycle de la pandémie plus rapidement que prévu. Ça, il y a un certain positivisme là-dedans. Bien sûr, les
chiffres qu'on observe en Europe montrent que l'évolution de la pandémie,
si on regarde les chiffres en France... en fait, c'est la Belgique qui a les
pires chiffres, présentement, on est à 300... bien, je pense qu'en Belgique
c'est jusqu'à 500 par million d'habitants, le Québec est à 125. Alors, dans
l'immédiat, c'est extrêmement difficile, indéniable.
Éventuellement, des
remèdes, une évolution, une intégration des saines pratiques sanitaires par l'ensemble
des citoyens, peut-être un vaccin. Je ne fais aucune prédiction sur l'évolution
épidémiologique, mais je pense que, lorsque
je me déplace dans 15 mois, 2022, ce que j'évoque, c'est que, normalement,
on devrait être dans des conditions plus normales, qu'il y aura eu des
déficits importants en 2020‑2021, qu'il y aura aussi des déficits importants en
2020‑2021, qu'il y aura aussi des déficits
importants, de moindre importance, fort probablement, en 2021‑2022, mais,
à partir de 2022‑2023, on sera face à un déficit structurel, et puis il faudra
le résorber dans le temps.
M. Marissal :
Je vais finir, il me reste peut-être une minute, avec un sujet qui nous divise,
vous et moi, de façon durable, qui crée une distance de beaucoup plus de deux
mètres, peut-être de deux... ou de 20 000 kilomètres, c'est-à-dire tout ce mouvement de «wealth tax»,
comme disent les Anglais, ou de taxe de riches, ou de taxer les riches.
Je serais curieux de vous entendre là-dessus, pas venant de moi, là, vous
m'avez déjà répondu, mais venant de ces gens notamment de deuxième génération
de gens très riches, deuxième, troisième génération, qui disent «I'm rich, tax me», j'ai plein d'argent, là, je veux
contribuer. Est-ce que c'est... Parce qu'il n'y a pas de niveau de revenus dans
vos prévisions, puis je vous ai déjà
parlé de ça, vous m'avez dit non. C'était un non clair et net. Qu'est-ce que
vous pensez de ce mouvement de gens qui disent : On devrait
contribuer davantage?
M. Girard
(Groulx) : Bien, d'abord, notre gouvernement, bien sûr, aimerait avoir
plus de revenus, mais en générant ces revenus à l'aide d'une croissance
économique plus forte, pas en augmentant les impôts ou la taxe de vente. Et les
Québécois sont déjà suffisamment taxés — je vois le président qui me
demande de conclure.
Lorsqu'on
compare le fardeau fiscal des entreprises québécoises par rapport aux autres
provinces, les entreprises sont plus
taxées. Lorsqu'on compare les Québécois, nous sommes plus taxés. Alors là, vous
parlez d'une taxe spécifique...
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Merci, M. le député. Voilà, votre temps
est malheureusement révolu, avec un petit boni, de surcroît. Je cède maintenant
la parole à la députée de Roberval. Chère collègue, votre groupe parlementaire
dispose de 10 min 20 s.
Mme Guillemette :
Merci, M. le Président. M. le ministre, merci.
M. Girard
(Groulx) : Bonjour.
Mme Guillemette :
Chers collègues, merci. Ça me permet de... Je ne parle pas souvent d'économie,
donc, ça me permet d'être ici et de discuter des finances avec vous. J'aimerais
vous entendre sur la relance économique, mais, en tant que vice-présidente de
la Commission culture et éducation, je vais y aller au niveau de l'éducation.
En juin dernier, on a
lancé des appels à la communauté universitaire, donc, afin que celle-ci
propose... par l'entremise notamment de travaux de recherche et d'actions à
privilégier pour accélérer la reprise économique, le gouvernement souhaite
aller chercher les meilleures idées de la part des experts en la matière pour
assurer une croissance économique durable, mais aussi dynamiser les régions du
Québec et absorber le déficit budgétaire, qui va être inévitable. Donc, le
gouvernement devra aussi maintenir les investissements en santé et en
éducation.
Donc, suite à ces
invitations-là, on en est où dans les propositions? Est-ce que vous avez eu le
loisir...Je sais que vous êtes très occupé, mais est-ce que vous eu le loisir
de regarder quelques mémoires, et qu'est-ce qui en est ressorti, globalement?
M. Girard
(Groulx) : Merci. Bon, d'abord, tous les mémoires sont disponibles sur
le site Web du ministère des Finances. C'était une condition pour participer à
l'exercice. Nous avons fait appel à la communauté des économistes qu'on
dit plus académiques, des... nous avons demandé aux chercheurs des idées. Il y
a eu plusieurs contributions extrêmement intéressantes. Bon, je vais en
souligner quelques-unes, mais, pour vraiment faire respect à ce qui a été fait,
il faut consulter le site du ministère.
Je commencerais par
Catherine Haeck, économiste spécialiste de l'éducation à l'UQAM, qui a
participé au forum sur la requalification de la main-d'oeuvre de mon collègue
le ministre Boulet vendredi dernier, qui a souligné l'importance de la
formation, de la requalification de la main-d'oeuvre et de la valeur économique
d'investir dans le capital humain. Alors,
Catherine Haeck, c'est une de nos spécialistes, et puis, d'ailleurs, on
travaille avec elle pour l'accès aux données en éducation, au niveau de
l'Institut de la statistique du Québec.
Ensuite,
il y a M. Luc Godbout, qui travaille avec Suzie St-Cerny à la Chaire en
fiscalité de l'Université de Sherbrooke, et il y a d'autres auteurs, là, je m'excuse, il
y a d'autres... Est-ce qu'on pourrait donner le nom? Godbout,
St-Cerny...
Une voix :
...
• (15 heures) •
M. Girard (Groulx) : Oui, pour leurs travaux de recherche, là. Je vais
trouver le nom des autres auteurs, là, par respect pour eux, parce qu'on dit
souvent Luc Godbout, mais Luc Godbout a des associés. Eux, ils ont estimé le
déficit structurel... qu'après la chute et le rebond, ils estiment le déficit
structurel du Québec de l'ordre de 4 milliards de dollars et s'avancent même... un peu dans la lignée du
rapport Godbout sur la fiscalité québécoise — M. Yves St-Maurice — proposent
d'éliminer des crédits d'impôt pour faire le... je vais utiliser... ce n'est
pas des termes très académiques, là, mais ils ont parlé de faire le ménage dans
les crédits d'impôt pour récupérer des revenus. Alors, ça, c'est Godbout,
St-Cerny, St-Maurice, toujours extrêmement intéressants, qui l'écrivent dans L'Actualité.
Dans un contexte
universitaire, Pierre Fortin, qui nous rappelle : Oui, là, on a les yeux
sur la pandémie, la récession, mais il ne faut pas oublier la croissance à long
terme du Québec, qu'on... Le Québec était au plein-emploi, fonctionnait à plein régime, donc un taux de
croissance... on avait réussi à s'approcher du 2 % de croissance par année
de PIB potentiel que notre gouvernement vise. Et ce qu'il dit, c'est qu'il ne
faut pas oublier ce 4 % de croissance qui a été perdu, là.
Dans nos prévisions
de revenus, on avait presque 2 % de croissance en 2020 puis en 2021. Bien,
lorsqu'on somme 2020 puis 2021, même si nous
réussissons à revenir au point de départ, décembre 2019, bien, on va avoir
perdu ce 4 %. Puis il faut aller
le rechercher, ce 4 % là. Puis,
en anglais, ils appellent ça l'«output gap», l'écart de production, aller
rechercher ce 4 % de croissance, dans les années suivantes, pour récupérer
les revenus. Et ça, c'est une contribution d'un de nos grands économistes, là,
Pierre Fortin, qui est bon pour voir la forêt et pas juste les arbres, là.
Mme Guillemette :
Merci, M. le ministre.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, chère collègue. M. le député de
Beauharnois.
M. Reid :
...bonjour. Très heureux d'être ici aujourd'hui. On va parler des programmes
d'aide gouvernementaux qui ont été
mis en place au cours des derniers mois, donc, pour contrer la pandémie. Le
28 septembre dernier, la FCEI, fédération canadienne des
entreprises indépendantes, a publié un communiqué qui faisait état des
résultats d'un sondage qui a été effectué
auprès de ses membres à propos des programmes d'aide qui sont offerts par le
gouvernement du Québec. Ils voulaient
comprendre, à travers ce sondage-là, dans quelle mesure les propriétaires
d'entreprise étaient satisfaits de la
réponse gouvernementale pour soutenir l'économie en général, les travailleurs,
bien entendu, et les PME. Ce sondage-là a eu lieu en ligne, en septembre
dernier, auprès de 970 chefs d'entreprise.
Laissez-moi
vous lire une citation de François Vincent, qui est le V.P. Québec à la FCEI.
Il dit : «Les résultats parlent d'eux-mêmes : les programmes québécois ont
été très utiles pour les entreprises qui ont pu en bénéficier. Le
gouvernement du Québec a été proactif dans leur mise en place et nous l'en
remercions. Soyez encouragés par ces résultats et poursuivons le travail pour
améliorer l'appui apporté aux PME, [et] surtout celles qui sont encore en difficulté.»
À cet égard,
j'aimerais savoir si vous partagez ces constats, c'est-à-dire si vous estimez
que les différents programmes d'aide ont atteint leurs objectifs pour soutenir l'économie
et l'entrepreneuriat au Québec.
M. Girard
(Groulx) : Les programmes d'aide ont été conçus dans une situation
d'urgence. Alors, c'est important de regarder l'effet principal, et il y a des
effets secondaires, et puis aucun des programmes qui a été conçu en situation d'urgence n'était parfait. Le gouvernement fédéral a amené la Subvention
salariale d'urgence, la Prestation canadienne d'urgence. Si on prend la
Prestation canadienne d'urgence, là, rapidement, parce que ce n'est pas ça,
l'objet de votre question... mais c'était un programme généreux pour subvenir à
une situation exceptionnelle. On l'a dit, là, le revenu disponible des
Québécois était plus haut en 2020 qu'en 2019. Donc, les programmes étaient extrêmement généreux, ce qui est bénéfique, mais
il y a quand même eu des effets induits où des PME étaient incapables
d'embaucher des gens qui gagnaient plus de 1 000 $
par mois, parce que c'était le seuil qui vous gardait éligible à la PCU, la
Prestation canadienne d'urgence. Bon.
La
Subvention salariale d'urgence, elle, couvrait les salaires, jusqu'à 75 %
des salaires, donc très bénéfique. Quel est l'autre coût important pour les
entreprises? C'est les loyers. Et j'ai eu plusieurs discussions avec le
ministre Morneau, à ce moment-là, sur la conception d'un programme
d'urgence pour les loyers, et c'était clair que nous aurions préféré que l'aide
aille directement aux locataires, mais le programme a été conçu via la SCHL
pour l'ensemble du Canada, et le
gouvernement fédéral était celui qui mettait le plus d'argent, 37,5 % du
loyer, et le Québec, 12,5 %. Mais, encore une fois, ce n'était pas
parfait, parce que ça passait par les locataires, et le Québec, voyant ça, a
voulu inciter les locataires à en... les
propriétaires à en faire plus, a doublé la mise, donc passé de 12,5 % à
25 %. Le programme est expiré.
Donc, lorsqu'on
couvre les salaires puis les loyers, on a couvert la majorité des frais d'une
PME. Et, lors de mes discussions avec la
nouvelle ministre, la ministre Freeland, nous avons tenté d'influencer ses
orientations futures, et, à partir du
1er octobre, rétroactivement, parce que, là, ils ont annoncé ça... on
voulait rassurer les locataires, ils ont annoncé ça avant l'Action de grâces, mais le programme n'est pas... Il
devrait y avoir un projet de loi qui sera adopté au Parlement puis il devrait y avoir des détails, mais la
nouvelle mouture va passer directement aux locataires. Donc, la nouvelle
mouture sera supérieure à l'ancienne.
Et,
pour ce qui est du Québec et le programme qui a été très populaire, c'est le
programme de formation en entreprise, qu'on a appelé le PACME, là, je m'excuse
pour les acronymes.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Nous devons ainsi conclure, M. le
ministre. Je cède maintenant la parole au leader de la troisième opposition.
Cher collègue.
M. Ouellet :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. le
ministre. On va faire un peu de pédagogie ensemble pour être certains que les
citoyens et citoyennes du Québec nous comprennent bien, parce qu'on est en
finances publiques, des fois ça vole un peu haut, mais vous êtes un bon
vulgarisateur, et je pense que ça va aider tout le monde pour comprendre dans
quelle situation on se situe présentement.
Une réserve de stabilisation,
là, c'est des points bonus, c'est-à-dire qu'on a eu des budgets qui ont été à
la hauteur, on a fait des surplus. Et la loi
est ainsi faite que, si j'ai des étoiles pour de bons gestes, je peux utiliser
ces étoiles-là pour venir gagner sur
mes déficits. Donc, grosso modo, on a 15 belles étoiles,
15 milliards. Vous nous dites aujourd'hui : Le déficit devrait
être autour de 15 milliards en 2020‑2021, donc j'utilise toutes mes
étoiles, mais, techniquement, ce n'est pas de l'argent qu'on a de plus dans nos
poches, c'est un déficit, c'est un surplus comptable, mais ce n'était pas de
l'argent qu'on avait. On a acheté 15 milliards de dettes avant de
déclencher la Loi sur l'équilibre budgétaire si on fait des déficits. Est-ce
que c'est bien vrai, ça?
M. Girard
(Groulx) : Bon, la réserve de stabilisation, c'est un concept de
finances publiques qui est plutôt obscur, O.K.? Je vais être franc avec les
Québécois. C'est... L'auteur de ce concept était sûrement bien intentionné, mais, au niveau vulgarisation, c'est moyen. La
réserve de stabilisation, on va appeler ça la somme des surplus passés, c'est
tout ce que c'est. Ça veut dire qu'au cours des cinq dernières années, la
dernière année se terminant en 2019‑2020, la somme des surplus au-delà des contributions au Fonds des générations
totalisait 15 milliards de dollars. Il n'y a aucun lien entre les
surplus passés et les déficits futurs, c'est juste un compteur.
M. Ouellet :
Parfait. Donc, pour ce qui est de l'année financière terminant en 2020‑2021, on
a utilisé nos 15 milliards d'étoiles pour venir les appliquer, donc on n'a
pas besoin de déclencher la Loi sur l'équilibre budgétaire.
M. Girard
(Groulx) : Écoutez, si on a besoin d'aider à la hauteur de
16 milliards, 17 milliards, on le fera. Ce n'est pas... Le déficit de
cette année, O.K., je sais qu'il y a une réserve de stabilisation qui a été
estimée... Parce que les comptes publics n'étaient pas fermés, ils ne le
sont toujours pas, d'ailleurs, avec la pandémie, et on a une réserve de
stabilisation de 15 milliards. Là, il y a un déficit. On est là pour aider
les Québécois puis les entreprises à traverser une période difficile. S'il
fallait que le déficit soit de 16 milliards, il sera de 16 milliards.
Mais ce qui est important au niveau de la Loi sur l'équilibre budgétaire, c'est
que l'an 1 des cinq années, là, ça va être l'an prochain.
M. Ouellet :
Parfait. C'est là que j'en suis. Donc, on va faire un déficit à l'an 1, donc en
2021‑2022. Je pense que ça, personne n'est surpris de ça.
M. Girard
(Groulx) : Ce serait étonnant que ça ne soit pas le cas.
M. Ouellet :
Et donc, suite à ce déficit-là, vous devrez, comme ministre des Finances,
proposer un plan pour revenir à l'équilibre budgétaire sur cinq ans. Pour
arriver sur ce plan-là... je vous ai entendu, lors de la présentation du
Symposium sur les finances publiques, auquel la chaire a participé et d'autres
experts, la Banque Nationale, entre autres, et vous expliquiez, et vous me
corrigerez si je suis dans l'erreur, que, pour arriver à votre plan, vous
tablez sur une croissance du PIB de 2 %, plus une inflation autour de
2 % et des dépenses courantes du gouvernement à autour de 3,5 % pendant
cinq ans. Est-ce que j'ai bien résumé, là? C'est deux plus deux, donc 4 %
de croissance pendant quatre ans... cinq ans et 3,5 % de dépenses
courantes.
M. Girard
(Groulx) : Mais notre gouvernement s'est engagé... La croissance de
long terme, là, ce qu'on appelle le PIB potentiel, la trajectoire de la
croissance du Québec, était estimée à 1,3 % par le précédent gouvernement.
Nous nous sommes engagés, par des efforts au
niveau de la participation de la main-d'oeuvre, l'innovation dans les entreprises,
à faire des efforts pour augmenter la productivité, à viser 2 %.
Alors, oui, 2 %
de croissance plus 2 % d'inflation, ça fait, en moyenne... la croissance
économique puis les revenus, c'est hautement
corrélé, ça fait à peu près 4 % de croissance de revenus. Ce qui fait que,
lorsqu'on veut converger puis réduire un écart entre les revenus puis
les dépenses, il faudrait que les dépenses augmentent de moins que 4 % par
année, donc 3 %, 3,5 %, dépendamment du niveau des revenus.
• (15 h 10) •
Mais il y a une
variable que... Et là je pense que je vais le dire puis après je vais vous
laisser parler, parce que je pense que tous les précédents gouvernements le
savent, il y a une variable qui est importante, c'est les transferts fédéraux
en santé, O.K.? Et nous avons des demandes historiques qui ont été véhiculées
par les gouvernements du Parti québécois,
par les gouvernements du Parti libéral du Québec, par notre gouvernement... et
qui est maintenant portée par l'ensemble des premiers ministres
provinciaux. Il est très important que le gouvernement fédéral nous donne une
augmentation des transferts fédéraux en santé, récurrente, sans condition.
M. Ouellet :
Dans le scénario qu'on vient de discuter, M. le ministre, est-ce que vous
prenez en compte que ces transferts-là vont
être à la hauteur que vous avez estimée, ou vous prenez compte que ça sera du...
si on les obtient à cette hauteur-là?
M. Girard (Groulx) : Bien,
lorsqu'on fait un cadre financier, on ne peut que prendre ce qui est établi en
vertu des ententes existantes, là, alors. Et il y a une demande du Conseil de
la fédération pour un rehaussement des transferts fédéraux en santé pour
atteindre les niveaux où ils étaient autrefois, et pour faire une contribution,
pour nous aider à embaucher du personnel, à
le payer, à prendre soin de nos citoyens, à offrir des services. Mais, non, la
hausse... En fait, une hausse du transfert canadien en santé,
significative, nous aiderait certainement à résorber le déficit, là.
M. Ouellet : D'accord. Vous ne serez pas surpris si je vous
sors le tableau de la chaire de recherche en fiscalité, qui n'arrive pas
au même scénario que vous, qui arrive à l'équilibre budgétaire en sept ans
plutôt que cinq.
M. Girard (Groulx) : Oui, effectivement.
M. Ouellet : Quelle est la
grosse différence? Ils sont plus pessimistes? Vous êtes trop optimiste?
Qu'est-ce qui fait que les deux scénarios diffèrent? Je veux dire, vous avez
fait l'éloge, tout à l'heure, de gens qui travaillent...
M. Girard (Groulx) : Bien,
d'abord, moi, je n'ai pas divulgué mon scénario, là.
M. Ouellet : O.K. Bien, quand
on vous entend, là, à 2 %, 2 %, 2 %...
M. Girard (Groulx) : Bien, ce
qui est clair, là, c'est qu'il y aura un déficit structurel. O.K.? Et alors on chute en 2020, on rebondit en 2021. Il y a une
baisse temporaire des revenus, il y a une hausse discrétionnaire des dépenses
en santé. À partir de 2022, il y a une forme de normalité. Et puis là Godbout,
St-Cerny...
Une voix : ...
M. Girard
(Groulx) : St-Maurice, merci — M. St-Maurice ne sera pas content que je
l'oublie continuellement — estiment que le déficit structurel soit
de l'ordre de 4 milliards. C'est un chiffre qui est plausible. Nous, on va donner un estimé de ce chiffre-là, le
déficit structurel, et puis, après ça, bien, il faudra revenir à l'équilibre
sur cinq ans.
M. Ouellet : Dans leur
scénario, eux, ils tablent sur un PIB réel. Bon, je pense que personne ne va
contredire qu'on est à moins 6 % en 2020 et on retourne à l'équilibre en
2021 avec plus 6 %, mais on commence en 2022 à 2,1 %, 2023, on va à
1,8 % puis, de 2024 à 2029, on est à 1,5 %.
M. Girard (Groulx) : Oui.
M. Ouellet : Donc, on est très
loin du 2 % que vous aviez projeté. Eux, ils sont plus pessimistes dans le
potentiel. Je comprends que c'est votre rôle, au ministère des Finances, de
stimuler pour que ça fonctionne, mais qu'est-ce
qu'il va se passer si ça ne fonctionne pas? Vous allez nous le présenter dans
la mise à jour, mais à un scénario de
1,5 % qui est le plus... peut-être le plus optimiste en termes...
M. Girard (Groulx) : Bien,
1,5 %, c'est l'estimé du PIB potentiel selon la Chaire en fiscalité et
finances publiques de l'Université de
Sherbrooke, présentement. Le PIB potentiel, le gouvernement précédent
l'estimait à 1,3 %. On fait des efforts collectivement pour le
rehausser, ce n'est pas... S'il est estimé à 1,5 % aujourd'hui, très bien.
On parle du long terme ici, là, on parle d'augmenter le taux de participation
de la main-d'oeuvre des Québécois, on parle d'augmenter la productivité et la
compétitivité des entreprises québécoises. C'est sur un horizon qui est long.
M. Ouellet : Je suis d'accord, mais je vous ai entendu dire
que vous voulez éviter ce que l'ancien gouvernement a fait, de jouer au yoyo avec les dépenses, donc de
ne pas assez dépenser dans les premières années et de trop dépenser.
Vous voulez stabiliser ça. Là, ce que vous nous dites, c'est qu'il faut se
projeter sur un horizon de cinq ans. Si jamais il y a des années moins bonnes comme on l'avait prévu, il faut regarder
ça sur cinq ans, on va rebalancer ça, mais, vous allez me dire, vous
n'allez pas jouer au yoyo avec les dépenses non plus, là.
M. Girard (Groulx) : Non.
M. Ouellet : Si vous devez faire des corrections, vous ne
jouerez pas au yoyo avec les dépenses, donc elles seront toujours autour
de 3,5 %. Donc, il va peut-être arriver sur une année, deux, il va nous en
manquer dans ce cas-là.
M. Girard (Groulx) : Bon.
Écoutez, encore une fois, ce n'est pas aujourd'hui que je vais tracer le
sentier, mais ce qu'ils ont donné comme
estimé du déficit structurel, 4 milliards, c'est plausible. Je vous dirais
que le chiffre peut être plus élevé que ça, c'est le chiffre qu'eux ont
donné. Il pourrait être moindre, il pourrait être plus élevé. On vous donnera le meilleur estimé du déficit structurel à partir de
2022, estimé par le ministère des Finances du Québec en temps et lieu, à la mise à jour, en fait, puis on pourra en discuter.
Mais, à partir de là, croissance économique, transferts fédéraux... c'est important, là, les transferts
fédéraux en santé, parce que c'est notre poste budgétaire le plus important...
M. Ouellet :
On se bat pour ça, mais on se fait dire non. Je le sais, on se fait dire non.
M. Girard
(Groulx) : Le gouvernement, en 1977...
M. Ouellet :
On se fait dire non, ça fait que je comprends que c'est un potentiel de gains...
Excusez de vous couper, là. C'est un
potentiel de gains, mais, si on ne l'a pas, M. le ministre, il va avoir un
manque à gagner tôt ou tard. Donc, j'essaie de voir comment qu'on va
réussir à...
M. Girard
(Groulx) : Bien, c'est pour ça qu'on va tracer le sentier. On va
donner les variables qui peuvent nous aider puis les variables qui vont rendre
ça difficile. On va tracer le sentier puis on va décider collectivement. Et puis la situation évolue aussi dans le temps, là,
on est au mois d'octobre 2020, O.K? Là, on va se déplacer, on va voir 2020,
comment ça se termine, 2021. On va avoir un déficit structurel à résorber à
partir de 2022 puis on va faire un effort dans le temps. Mais, c'est certain,
regardez la contribution en santé du gouvernement fédéral. En 1977, on dit
qu'il couvrait 50 % des frais de santé, mais c'est faux, parce que le
panier... ce n'est pas faux, mais le panier, ce n'était pas l'ensemble du
panier de dépenses en santé, là. Ça fait que c'était plus autour de 41 %,
42 % du panier total, mais eux disaient
50 %, mais 50 % d'un plus petit panier, c'était 42 % du total.
Aujourd'hui, c'est 22 % qu'il contribue, puis on a nos points d'impôt qu'ils nous ont donnés, O.K.,
qui ont évidemment augmenté moins vite que les dépenses en santé.
Alors,
tout ça pour dire que 22 %... Il
y a des demandes légitimes du Québec, historiques, et, s'il y a une chose que
la pandémie a montrée, c'est que le système de santé avait besoin d'un
financement stable à long terme, plus de personnel, mieux rémunéré, des
investissements dans les infrastructures, des investissements stables à long
terme. Alors, nous disons : Les
Québécois représentent 23 % de la population canadienne, 20 % de
l'économie, la santé, c'est 43 % de notre budget en temps
ordinaire, ce sera plus cette année. Nous disons, comme tous les gouvernements
précédents, l'ensemble des premiers ministres, le conseil des fédérations l'a
dit, que le fédéral doit augmenter sa contribution en santé.
M. Ouellet :
Oui, puis, si vous me permettez, je vais rajouter : sans condition.
M. Girard
(Groulx) : Sans condition, je suis parfaitement d'accord avec vous.
M. Ouellet :
Le temps file. La réduction de la taxe scolaire, c'était prévu jusqu'en 2024‑2025.
Est-ce que ça tient encore la route, là, votre engagement de réduire la taxe
scolaire pour arriver, finalement, à ce qui avait été prévu en campagne
électorale? Est-ce que ça, on est encore dans les mêmes objectifs?
M. Girard
(Groulx) : En fait, 100 % de l'engagement est comblé, ça a été
fait plus rapidement que prévu. Nous avions prévu quatre ans, nous l'avons fait
sur deux ans.
M. Ouellet :
O.K., mais donc les sommes additionnelles annoncées en 2020‑2021 sont venues
compléter, c'est ça? Donc, tout est fait?
M. Girard
(Groulx) : C'est fait, c'est dans le cadre financier.
• (15 h 20) •
M. Ouellet : O.K. Le Fonds
des générations, vous avez lancé une
discussion, j'aimerais peut-être vous entendre. Quelle est votre réflexion
pour dire : Si on sortait la contribution au Fonds des générations, pour
arriver à l'équilibre avant? Quel est votre
raisonnement de base en disant que ce serait la chose à faire? Parce que, moi,
ma crainte, c'est que, si on décide de faire ça, on vient un peu
dénaturer, là, ce à quoi le Fonds des générations... Parce que c'est une
dépense, là, je veux dire, dans le bilan du gouvernement du Québec, à chaque
année, la contribution au Fonds des générations, c'est une dépense inscrite qu'on doit faire dans
la loi. Là, ce que vous nous dites, et vous lancez la réflexion :
Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt atteindre l'équilibre et, par la suite,
après ça, faire les contributions au Fonds des générations? Donc, on rejouerait
dans la loi, je crois comprendre, là.
M. Girard
(Groulx) : Bon. Il y a plusieurs choses dans votre question. D'abord,
je vais vous suggérer à nos auditeurs et aux gens qui sont présents de regarder
la page D.12 du portrait, parce qu'il y a une espèce de débat, là, on...
Parce que je regardais les commentaires après mon énoncé et je voyais que les
gens étaient fébriles par rapport à mon énoncé. Or, tout ce que j'ai dit,
c'était un principe comptable généralement reconnu. Alors, si vous regardez à
la page D.12, vous voyez, pour 2021,
surplus, déficit, moins 12,373 %. Il s'agit du solde budgétaire, ce
n'est pas écrit, au sens des
comptes publics. Ça veut dire, ça, c'est essentiellement une identité
comptable. Ensuite, il y a une contribution au Fonds des générations qui
nous amène à un déficit de l'ordre de 15 milliards de dollars.
Alors, tout ce que
j'ai dit, c'est qu'au sens des comptes publics, surplus, déficit, c'est avant
contribution au Fonds des générations, au sens de la Loi sur l'équilibre
budgétaire, la loi sur la gestion de la dette et les contributions au Fonds des
générations. On mesure le déficit du Québec après contribution au Fonds des
générations. C'est tout ce que j'ai dit. Le Fonds des générations est extrêmement
utile, il est là pour rester. Voilà.
M. Ouellet :
Il n'est pas question qu'on pige dedans pour se donner les moyens de nos
ambitions?
M. Girard
(Groulx) : 1gr1C'est-à-dire que,
présentement, les contributions sont de l'ordre de 2,6 milliards de
dollars, et puis ça va augmenter dans
le temps. Dans cinq ans, ça va être rendu à 4 milliards de dollars, puis,
dans sept, huit ans, on sera rendus à
5 milliards de dollars. Ce qui veut dire, au sens des comptes publics,
que, lorsque nous serons à l'équilibre, dans les faits, nous serions à
5 milliards de surplus dans huit ans.
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole
au député de La Pinière pour une période de 14 min 50 s.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. M. le ministre, alors, bienvenue, même si on est... je
suis le dernier. J'aimerais des réponses
brèves, parce que j'ai bien compris, mais je veux des confirmations sur ce qui
a été dit, là. Alors, dans votre
esprit, le plan, le scénario qui fait qu'on revient à l'équilibre budgétaire en
2025, c'est le scénario optimiste, dans votre esprit?
M. Girard
(Groulx) : Non, c'est le scénario de base.
M. Barrette :
De base. Il n'est ni optimiste ni pessimiste?
M. Girard
(Groulx) : Bien, c'est le scénario de base.
M. Barrette :
Bon, très bien, mais moi, je pense qu'il devrait être qualifié, là, mais très
bien. Alors, j'ai bien compris aussi, là,
que, dans ce scénario de base là... il est construit avec une croissance de
revenus de 4 % puis des dépenses gouvernementales globales entre
3 % et 3,5 %.
M. Girard
(Groulx) : Bien, en fait, ce scénario-là n'a pas été divulgué encore,
mais je donne...
M. Barrette :
Je comprends, mais le raisonnement, c'est celui-là, là.
M. Girard
(Groulx) : Le raisonnement, oui.
M. Barrette :
Très bien.
M. Girard
(Groulx) : Vous voulez des réponses courtes : oui.
M. Barrette :
Très bien, c'est le raisonnement. Est-ce que le gouvernement prévoit, dans ce
raisonnement-là, là, non qualifié, qu'à chaque année il va y avoir une
provision de 4 milliards de dollars pour éventualités?
M. Girard
(Groulx) : Non.
M. Barrette :
Non. Alors, s'il y a des éventualités, on a un générateur potentiel de déficit,
par exemple, il y a une troisième vague en 2022.
M. Girard
(Groulx) : Effectivement,
là, s'il y avait une récession en 2022, ou une troisième vague, ou scénario
adverse, oui.
M. Barrette :
On s'entend. Dans le scénario, il n'y a pas, à partir de l'année prochaine, de
provision de x milliards de dollars, comme on en a eu une, de
4 milliards.
M. Girard
(Groulx) : Dans ce qui a été divulgué, parce que c'est important de faire
une distinction entre ce qui a été divulgué et ce qui sera divulgué, O.K.?
Parce qu'on n'a pas divulgué...
M. Barrette :
Je comprends, mais aujourd'hui vous m'avez dit non, là, c'est non.
M. Girard
(Groulx) : Non, non, mais, dans ce que j'ai divulgué en juin, il y a
une provision l'an prochain.
M. Barrette :
O.K. De combien?
M. Girard
(Groulx) : 3 milliards.
M. Barrette :
3 milliards. 3 millions?
M. Girard
(Groulx) : 3 milliards.
M. Barrette :
Milliards, c'est ce que j'ai... Très bien. Alors, je reviens au 3 % à
3,5 %. Vous nous dites ça d'une façon sereine et précise, tant mieux.
C'est parce que, si les dépenses... Et j'ai bien posé ma question, là, les
dépenses globales du gouvernement, là, à 3,5 %, là, mettons, là, juste si
100 % de ces dépenses-là allaient à la santé, oui, on serait corrects. Il
n'y aurait rien ailleurs. Alors, à 3,5 % global, la santé périt. Vous êtes
au courant de ça, tous les experts disent qu'idéalement c'est entre 5 % et
5,5 %. Moi, je le sais, là, qu'on ne peut pas reconduire l'année prochaine
ce qu'on a fait l'année d'avant en bas de 4,3 %. Nous annoncez-vous, d'ici
2025, des coupures en santé?
M. Girard
(Groulx) : La question, c'est quoi?
M. Barrette :
Nous annoncez-vous, par votre raisonnement, d'ici 2025, des coupures qui vont
durer pendant cinq ans en santé?
M. Girard
(Groulx) : Non.
M. Barrette :
Pourquoi?
M. Girard
(Groulx) : Bien, parce que, lors de la précédente campagne électorale,
nous nous étions engagés... à ce moment-là, nous estimions, ce que vous
avez dit là, 4,3 %, nous estimions 4,1 %. Alors, l'idée, c'est de
rencontrer ce 4,1 %. Il y a des négociations présentement dans le secteur
public.
M. Barrette :
On s'entend. À 4,1 %, à 4,3 %, à 4,4 %, on comprend que, comme
c'est à peu près la moitié des dépenses de programmes, il n'y aura pas beaucoup
de dépenses...
M. Girard
(Groulx) : Bien, c'est 43 %...
M. Barrette :
C'est 40 % de l'État mais pas des dépenses de programmes, ce n'est pas la
même affaire. Alors, à partir de ce
moment-là, si c'est 4,1 %, 4,2 %, 4,3 %, 4,5 % à 3 %,
3,5 % par année, il n'en reste plus bien, bien pour le reste. Au
moment où on se parle, au moment où on se parle, vous avez...
M. Girard
(Groulx) : Bien, c'est une moyenne pondérée, là, ça fait que...
M. Barrette :
Non, je comprends, mais...
M. Girard
(Groulx) : Si ça donne 3,5 %, vous avez 4 % pour 40 %,
bien, 60 % va être plus bas que 3,5 %.
M. Barrette :
Je sais comment ça marche, une moyenne pondérée, puis la population qui nous
écoute comprend que, s'il n'y en a plus d'un bord, il y en a moins de
l'autre bord. Puis, quand que le un bord, le total est 3,5 %, là, puis il va être probablement plus 3 % selon
le scénario que vous nous avez envoyé... Puis je le comprends, là, ce n'est
pas ça, là, mais je veux juste que le monde
comprenne que ce qui est discuté aujourd'hui amène probablement, disons,
des ceintures très serrées dans les cinq prochaines années en santé, sinon des
coupures.
Au moment où on se
parle, vous avez un PQI de 135 milliards de dollars. Vous en avez 48 qui
ne sont pas financés. Vous savez qu'actuellement tous les projets qui se font
sont inflationnistes. Est-il possible, sans augmenter le déficit, de maintenir
le PQI et les PQI subséquents?
M. Girard
(Groulx) : Ah! là, il y a plusieurs éléments dans votre question, là.
Il y a les coûts du PQI, il y a la notion du PQI. Bon, le PQI, à 130, le
PQI, il y a des projets à l'étude, en développement et en réalisation.
M. Barrette :
M. le Président, si vous me le permettez, je vais interrompre le ministre. Ça
ne sert à rien de me faire cette
démonstration-là. Vous sortez encore, comme gouvernement, sur la place publique
à outrance, en disant que vous allez respecter vos promesses. Alors, vos
promesses coûtent tant, il y en a 40 % qui ne sont pas financées, et,
actuellement, tout ce qui est financé coûte plus cher au réel. C'est une
équation, là, qui ne fonctionne pas. Alors, est-ce que le PQI va générer plus
de déficit ou non? Êtes-vous prêt à ça?
M. Girard
(Groulx) : Est-ce que j'ai le même temps pour répondre que la question
ou...
Le Président
(M. Simard) : ...
M. Barrette :
Oui, mais c'est parce qu'on aimerait avoir des réponses brèves.
M. Girard
(Groulx) : C'est parce que je n'ai pas eu le temps de répondre dans le
cas précédent, là.
Le Président
(M. Simard) : Allez-y, M. le ministre.
M. Girard
(Groulx) : Merci. Alors, encore une fois, là, c'est important de
respecter les principes comptables que nous nous sommes donnés. Dans le
PQI, il y a des projets à l'étude, en développement et en réalisation, et
c'était le cas, avec les précédents gouvernements et notre
gouvernement, que les projets à l'étude ne sont pas complètement financés.
Il y a, par contre, des partenaires possibles tels
que la Caisse de dépôt et placement, la Banque d'infrastructure du Canada, les
municipalités, le gouvernement fédéral. Il est possible que nous ayons des
partenaires supplémentaires pour financer ces projets.
Quant aux coûts des
projets, là, vous dites : Il y a de l'inflation, les coûts sont plus
élevés. En fait, le but d'accélérer les
infrastructures, c'est que la demande publique pallie à la faiblesse de la demande privée. Alors, s'il y a moins
de construction de... commerciale, de tours à bureaux, ça libère des employés,
ça libère des firmes de construction, des firmes d'ingénierie et ça va
permettre de contenir les coûts de construction.
• (15 h 30) •
M. Barrette :
Non, puisqu'au moment où on se parle les coûts sont plus élevés que ce que vous
aviez planifié. Alors, moi, on parle du budget du Québec, là. On ne parle pas
de ce qu'il se passe chez Pomerleau, là. Eux autres,
ils sont libérés dans certains projets, je veux bien, mais c'est votre dépense
à vous. Votre dépense à vous, actuellement, que vous avez financée, que
vous avez planifiée, elle coûte plus cher puis elle n'est pas complètement
financée. Et là vous nous dites qu'avec tout ça vous allez réussir à respecter
les... à revenir à l'équilibre budgétaire.
J'en ai une
meilleure. Je vous écoute, là, depuis le début, là, hein? Je vous ai écouté
attentivement. Ce que vous nous dites, finalement, dans les faits, c'est que,
s'il y a des déficits plus grands, ça va être la faute du fédéral. Vous le dites vous-même, là, d'une façon
formelle : le retour à l'équilibre budgétaire dépend de joueurs
extérieurs, dont le fédéral. Vous
revendiquez, pour revenir à l'équilibre budgétaire, une contribution
additionnelle du fédéral, entre autres, en santé. Vous venez de
mentionner, pour les infrastructures, des programmes fédéraux. Alors, ça, ça
veut dire que le fédéral, lui, là, s'il arrête de contribuer, on va être dans
le trouble. Le déficit va augmenter, n'est-ce pas?
M. Girard
(Groulx) : Mais, en fait, nous, dans le cadre financier, contrairement
à votre gouvernement, les transferts fédéraux sont stables. Vous, vous avez
bénéficié de transferts fédéraux qui ont augmenté deux fois plus vite que vos revenus autonomes. O.K.? Vous avez
bénéficié d'un gouvernement fédéral extrêmement généreux. Ça, c'est ce
qu'il s'est passé. Les chiffres sont indéniables.
M. Barrette :
Je vous rappelle, M. le ministre, qu'on parle ici du futur. Dans le futur, vous
nous dites que vous avez besoin du fédéral, et je comprends — puis
ma question, c'est simplement ça — je comprends que, pour contrôler le
déficit, vous avez besoin du fédéral.
Je vais aller plus
loin. Le fédéral, à date, ne contribuant que ponctuellement, vous nous annoncez
donc que des déficits, un, pour les raisons que je viens d'évoquer, vont être
difficiles pour le retour à l'équilibre budgétaire, et, quand le ponctuel
fédéral sera disparu, on restera ou on reviendra en déficit. Ça, cette
équation-là, là, elle est difficile à battre, là. Moi, je le dis simplement
pour que le monde comprenne ce qu'il se passe, là.
M. Girard
(Groulx) : Mais je vous remercie, puis c'est un plaisir d'échanger
avec vous. Tous les gouvernements de l'histoire du Québec récente
exigent une augmentation de la contribution fédérale en santé stable sur
l'horizon du cadre financier. Ce que le fédéral a fait, cette année, pour la
relance sécuritaire, c'est apprécié, là, mais ce n'est pas récurrent. On a besoin... Or, les personnes qu'on
embauche, les négociations que nous avons dans le secteur public, c'est des hausses de dépense récurrentes, permanentes,
d'où la position du Conseil de la fédération de réclamer une augmentation
des transferts fédéraux. Mais moi... L'équilibre budgétaire ne repose pas sur
l'augmentation des transferts fédéraux. Ce que je vous dis, c'est que c'est une
des variables où nous pourrions obtenir une augmentation de revenus. Je vous
l'énonce.
M. Barrette :
Bien oui. Je suis d'accord. L'autre variable, c'est d'augmenter le déficit.
Je
vais vous poser une question simple avant de reposer la question... passer la
parole à mon collègue. Quelle serait, pour
vous, la condition qui ferait que vous auriez à consommer le Fonds des
générations? La condition, la situation, là?
M. Girard
(Groulx) : Qu'est-ce que vous voulez dire par : consommer le
Fonds des générations?
M. Barrette :
O.K. Bien là, vous avez un fonds des générations. Il y a des gens qui
voudraient que vous le liquidiez. Moi, je pense que ce n'est pas une bonne
idée.
M. Girard
(Groulx) : Non, le Fonds des générations est là pour rester.
M. Barrette :
Ça, c'est clair.
M. Girard
(Groulx) : Le Fonds des générations a aidé les Québécois à réduire
leur dette. Une dette trop élevée nuit à
l'équité intergénérationnelle, nuit à notre capacité à financer à long terme
les services, nuit... nous nuirait à lutter contre les changements
climatiques...
M. Barrette : Est-ce que la formule de paiement... de
contribution au Fonds des générations est là pour rester selon la même formule?
M. Girard (Groulx) : Bien,
c'est le cas actuellement, oui.
M. Barrette :
Bien non, mais là je ne parle pas de maintenant ni d'avant, je vous parler de
d'ici 2025.
M. Girard (Groulx) : Bien, la
contribution au Fonds des générations est là pour rester. Indéniable.
M. Barrette : Ainsi que le
fonds. Ça va.
Le Président (M. Simard) :
Merci. M. le député de Robert-Baldwin.
M. Leitão : Merci, M. le
Président. Combien de temps, s'il vous plaît?
Le Président (M. Simard) :
Trois minutes, cher collègue.
M. Leitão : Oh! «God»! Trois minutes? Bon, je vais parler très vite.
Non, non. Le Fonds des générations, nous
sommes d'accord, il est là pour rester, il reste là. Il est très utile. Il est
très utile surtout dans le contexte de l'endettement du Québec. Donc, est-ce que vous allez revoir les cibles
qui sont présentement inscrites dans notre législation?
Dette PIB, 45 %, déficit,
est-ce que ces cibles-là vont changer?
M. Girard (Groulx) : Bon, nous
nous étions donné, collectivement, des cibles, 43 % de dette brute en 2025‑2026,
et une cible moins connue, là, la somme des déficits cumulés, 17 % en 2025‑2026.
Avec ce que je sais aujourd'hui, fort peu probable que nous soyons en mesure
d'atteindre les cibles.
Maintenant, nous sommes dans le coeur de la
tempête, hein? La pandémie, c'est maintenant, là, la deuxième vague. Et on est
dans la pire récession depuis la Deuxième Guerre mondiale, en 2020. Il y aura
un rebond en 2021. On parle de cibles en 2025‑2026, mais, avec ce que je sais
aujourd'hui, ce sera très difficile d'atteindre les cibles.
M. Leitão : Très bien. Donc, ce
serait mieux plus tôt que tard d'avoir cette discussion au Parlement pour qu'on
puisse avoir...
M. Girard (Groulx) : Oui, bien
sûr, au budget.
M. Leitão : Moi, je vous
dirais, même, commencer ça un peu avant, mais...
M. Girard (Groulx) : Au budget,
je pense qu'il faudrait...
M. Leitão : Il faudrait trouver
un consensus.
M. Girard (Groulx) : Il
faudrait discuter pour revoir les cibles.
M. Leitão : Très bien. Parce
que vous savez très bien aussi que la dette, ce n'est pas seulement le déficit,
c'est aussi la dette d'investissement, donc les infrastructures, et autres
choses.
M. Girard (Groulx) : Je suis
d'accord avec vous.
M. Leitão : Et alors la dette,
elle, augmente vite.
Maintenant, pour continuer un peu dans la même
veine que mon collègue le député de La Pinière sur les revenus et les
dépenses de l'État, moi, j'aimerais parler un peu plus de revenus de l'État. Et
franchement je pense qu'il va vous manquer des revenus, parce que les dépenses
de l'État sont prévues, bon, étaient prévues, dans le budget de mars, à un
rythme de 3,5 % par année. Ça, en soi, c'est déjà tout un défi de le
maintenir à ce rythme-là. Dans le contexte actuel, ça va être un défi encore
plus élevé. Et les revenus qui étaient prévus dans le même budget étaient de
4 %. Moi, je vous soumets qu'il va vous manquer des revenus. Il n'y aura
pas assez de revenus pour pouvoir garder ce cadre financier là. Donc, il va
falloir revoir le cadre financier à long terme, surtout beaucoup d'attention
très particulière aux revenus autonomes.
Le Président (M. Simard) : M.
le ministre, très, très rapidement, s'il vous plaît, très rapidement.
M. Girard (Groulx) : Oui, nous
allons revoir le cadre financier ensemble. Il y a une récession et une
pandémie, c'est certain...
Le Président (M. Simard) :
Voilà. Donc, c'était le temps dont nous disposions. M. le député de
La Pinière.
M. Barrette : Attendez, M. le
Président.
(Interruption)
M. Barrette : Il va-tu se taire
rien qu'un peu?
Le Président
(M. Simard) : Mais, quand même, ça a le mérite de mettre de
l'atmosphère.
M. Girard (Groulx) : C'est
l'heure de la sieste ou quoi?
Le Président (M. Simard) : Vous
aviez une proposition à nous faire, cher collègue.
M. Barrette : Oui, M. le
Président. Oui, je propose de revoir le manuel d'instruction de mon téléphone.
Alors, M. le Président, donc, merci de me
laisser me... de me permettre de me prévaloir de ma demande. Alors, nous
aimerions nous prévaloir de notre droit de faire des recommandations
nécessaires.
Le Président (M. Simard) :
D'accord.
M. Barrette : Conséquemment,
comme notre règlement l'indique, nous aimerions nous réunir en séance de
travail sur les heures régulières de nos travaux afin que notre commission
puisse déterminer les conclusions et recommandations que nous entendons
formuler.
Le Président (M. Simard) :
Alors, cher collègue, votre demande est très bien entendue. Je sais que ma
secrétaire l'a également entendue...
M. Barrette : Elle est très
efficace, d'ailleurs.
Le Président (M. Simard) : ...qui
est toujours très efficace, et nous ferons le suivi nécessaire.
Donc, compte tenu de l'heure, notre commission
ayant accompli son mandat, j'ajourne nos travaux jusqu'à demain, 10 heures.
Merci à nouveau pour votre précieuse collaboration. Bonne soirée à toutes et à
tous.
(Fin de la séance à 15 h 39)