(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le
Président (M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue à tous. Heureux de vous retrouver en ce
beau mardi matin. Je constate que nous avons quorum et je déclare donc
cette séance de travail ouverte.
Comme vous le savez, la commission est réunie
afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 53, Loi sur les agents d'évaluation de
crédit.
Mme la secrétaire, bonjour. Dites-nous, y a-t-il
des remplacements ce matin?
La Secrétaire : Oui, M.
Barrette (La Pinière) est remplacé par M. Fortin (Pontiac).
Le
Président (M. Simard) : Très bien.
Alors, bienvenue aux collègues. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires et nous entendrons à
tour de rôle l'Office de la protection du consommateur, qui est déjà parmi nous, Option Consommateurs, et nous aurons,
par visioconférence, TransUnion, avec une traduction simultanée.
Remarques préliminaires
Donc, nous commençons par nos remarques
préliminaires, et, comme le veut la tradition, je cède la parole au ministre. Monsieur,
vous disposez d'une période de six minutes, si tant est que vous
souhaitiez l'utiliser totalement.
M. Eric Girard
M. Girard
(Groulx) : Alors, bonjour à
tous, bienvenue aux invités. M. le
Président, c'est toujours
un plaisir d'être à la Commission des finances publiques, qui a la
réputation d'être extrêmement efficace.
Ce projet de loi a été rédigé dans la foulée des fuites de renseignements personnels, notamment celle chez notre institution financière d'importance systémique, Desjardins. D'emblée, il
faut rappeler que la stratégie du gouvernement entourant la protection des données personnelles ne repose pas
exclusivement sur ce projet de loi. Le projet de loi n° 53,
c'est l'un des éléments clés d'une action gouvernementale concertée en matière
de cybersécurité et de protection des renseignements
personnels. À cela, nous pouvons ajouter le projet de loi n° 64,
déposé par ma collègue Mme Sonia LeBel le 12 juin dernier. Ce projet de loi prévoit notamment diverses
dispositions afin de renforcer la notion de consentement et la confidentialité des données. Mon collègue
M. Éric Caire a aussi déposé, le 17 mars dernier, sa politique gouvernementale en matière de cybersécurité, qui a
plusieurs objectifs complémentaires à l'encadrement des agences de
crédit, notamment en ce qui concerne la création d'une identité numérique à
chaque citoyen.
Dans le projet de loi n° 53, dont nous discuterons aujourd'hui, nous ciblons spécifiquement l'encadrement des agences de crédit, que nous
désignerons comme des agents d'évaluation de crédit. Jusqu'ici ceux-ci n'avaient pas d'encadrement spécifique. Ils étaient simplement considérés comme des agents de renseignements personnels au sens de la Loi sur la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé. Or, les agents de renseignements personnels qui seront
désignés par l'Autorité des marchés
financiers comme étant des agents d'évaluation de crédit jouent un rôle crucial
au coeur même du secteur financier en raison de leur commerce avec les institutions financières. Leurs actions peuvent donc avoir des effets importants
sur les citoyens, mais aussi sur la réputation et ultimement
la solvabilité des institutions financières. Le projet de loi n° 53
vient donc resserrer l'encadrement des agences de crédit en créant un régime
qui leur sera spécifique, administré par l'Autorité des marchés financiers.
Par ailleurs, les agents d'évaluation de crédit resteront aussi assujettis à la Loi sur
la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Le projet
de loi garantira l'accès pour les Québécois à trois mesures de protection, soit le gel de sécurité, qui permettra au
consommateur qui le désire d'empêcher que les informations contenues à son
dossier soient utilisées pour
l'octroi de nouveaux crédits, la note explicative, qui devra apparaître au
dossier du consommateur qui en fait
la demande et qui permettra à ce dernier d'exposer sa version des faits lorsqu'il
y a un désaccord concernant un élément de son dossier, et l'alerte de sécurité,
qui, lorsqu'elle est en
vigueur, obligera les utilisateurs
des dossiers de crédit à prendre des mesures additionnelles pour
vérifier l'identité du consommateur avec lequel ils font affaire.
Le projet aura aussi pour effet de garantir le
droit pour les consommateurs d'avoir accès à une cote de crédit, d'introduire des exigences relatives aux pratiques
commerciales des agents, notamment en les obligeant à établir un régime de traitement des plaintes et en permettant à
l'AMF d'en faire le suivi, d'introduire des exigences relatives aux pratiques
de gestion des agences, ce qui permettrait notamment de créer par règlement des
exigences spécifiques à la capacité opérationnelle de respecter leurs obligations
et de répondre efficacement à un grand volume de demandes lorsque requis, d'introduire un régime de sanctions
administratives pécuniaires et de donner au gouvernement le pouvoir de limiter
par règlement la tarification applicable aux services offerts par les agents.
M. le
Président, j'ai bien hâte d'entendre nos invités et leurs suggestions dans les
prochains jours. Le gouvernement est
à l'écoute. Je tiens à réitérer que la stratégie gouvernementale en matière de
renseignements personnels est un tout
et que le projet de loi n° 53 est une partie de ce tout. J'entends collaborer
avec les partis d'opposition et souhaite un débat constructif dans
l'intérêt supérieur du Québec. Merci, M. le Président.
• (9 h 40) •
Le
Président (M. Simard) : Merci, M. le ministre. Y aurait-il d'autres remarques du côté ministériel? Sans quoi, je cède la parole au critique de l'opposition officielle et député de Pontiac. Cher collègue, à vous la parole pour quatre minutes.
M. André Fortin
M. Fortin : Oui, merci, M. le Président. Effectivement, comme le ministre le disait, là, je pense
qu'il y a beaucoup de monde qui attendait avec impatience le début
des travaux de cette commission
parlementaire là. D'ailleurs,
je note que probablement même le ministre était impatient face au début de ces
travaux, lui qui avait dit initialement que c'était sa priorité, sa grande priorité, ce dossier-là. Malheureusement, là, disons qu'il a déposé le projet
de loi en décembre, très bien, mais on est au mois d'août, alors on aurait
souhaité procéder plus rapidement. Bien évidemment, là, il y a eu un certain délai dû à la
pandémie, mais quand même.
M. le Président, on est ici aujourd'hui et, effectivement, comme le ministre l'a dit, entre autres
suite à la fuite des renseignements personnels de Desjardins, qui nous a permis, entre autres, de prendre une prise de conscience
collective par rapport à l'importance que peuvent avoir des incidents
comme ceux-là sur notre sécurité, notre sécurité financière, sur la protection de nos renseignements
personnels. Il y a beaucoup de Québécois qui ont eu peur à la fraude dans leurs
propres dossiers, dans leurs propres finances.
Alors, maintenant que
cette prise de conscience collective là a eu lieu, il y a lieu de passer à
l'action. Et il y a certains enjeux dans le projet de loi n° 53, c'est vrai, mais, à la base, c'est un projet de loi qui est nécessaire. Maintenant, il faudra
entendre, de la part des différents groupes et... Je suis content que les
groupes de consommateurs soient ici et qu'on commence, entre autres, aujourd'hui, là, lors de la première journée d'audition, avec certains groupes de
consommateurs parce que c'est pour
eux qu'il faut travailler ensemble, mais les enjeux qu'on voudra mettre de
l'avant sont justement des enjeux
qui seront importants pour les consommateurs, c'est-à-dire la gratuité. À la
base, ces données-là appartiennent aux Québécois, ce sont leurs données. Ils devraient pouvoir y
avoir accès, ils devraient pouvoir savoir qui y a accès, ils devraient pouvoir
en restreindre l'accès, ils devraient savoir qu'il y a un cadre, M. le Président, qui les protège à travers tout ça.
Alors,
au cours des prochains jours, des prochaines semaines, on tentera, bien évidemment,
de comprendre certaines des décisions que le gouvernement a prises par
rapport aux mesures qu'il met de l'avant, certaines mesures qui sont, comme on
le disait, M. le Président, positives. On va également tenter de comprendre
certaines des décisions que le gouvernement n'a pas prises, c'est-à-dire... ou,
en fait, les décisions qu'il a prises en n'allant pas au bout de sa pensée, en n'allant pas jusqu'au bout de certaines
mesures qui pourraient permettre de protéger davantage les consommateurs.
Enfin,
M. le Président, on voudra comprendre tout le suivi qui sera fait par rapport à
ces dossiers-là, par rapport au traitement, entre autres, des plaintes, le
ministre y faisait référence, pour permettre à l'AMF de faire un suivi sur le
traitement des plaintes. On voudra savoir
exactement comment ça se produira pour que les gens qui se sentiront lésés à
travers tout ça aient accès aux recours nécessaires. Je vous remercie, M. le
Président.
Le
Président (M. Simard) : Je
vous remercie, M. le député de Pontiac. Je cède maintenant la parole au député de
Rosemont.
M. Vincent Marissal
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Tellement peu de temps pour tant de choses à dire, mais
on aura le temps d'en discuter beaucoup. La
fuite chez Desjardins en 2019, ça a été comme un réveil collectif pour à peu
près tout le monde, parce qu'à peu près tout le monde au Québec a été touché.
4,5 millions de dossiers, évidemment, ça fait beaucoup de monde.
Ce
qu'on commence aujourd'hui, c'est un peu la prise deux de ce qu'on n'a pas été
capable de faire il y a un an. Parce
qu'on avait demandé, notamment, des mandats d'initiative, il y a eu beaucoup
d'allers-retours entre le gouvernement et
nous, mais assez peu d'avancées, finalement. Alors, je suis heureux de voir le
projet de loi aujourd'hui. Je l'accueille de façon plutôt positive, M. le Président, mais surtout avec une
approche constructive ici, parce que moi, je garde en tête, d'abord et avant
tout, l'intégrité des données personnelles des citoyens et des citoyennes,
parce que c'est dans nos bureaux qu'ils retontissent, ces gens-là, quand
ils se font voler leur identité, et c'est des récits à briser le coeur, et ça brise des vies aussi. Et, mon collègue de Pontiac
a raison, ce sont leurs données, il y a des institutions qui s'en servent.
C'est probablement nécessaire, mais il ne faut jamais oublier que ce sont leurs
données et que notre première et seule préoccupation ici, c'est la
sécurité de nos concitoyens. Merci.
Le Président (M.
Simard) : Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.
Soyez le bienvenu, cher collègue.
M. Martin Ouellet
M. Ouellet :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, rappelez-moi, un gros 50 secondes?
Le Président (M. Simard) : Une
minute.
M. Ouellet : Une minute. Donc, merci aux gens de la
commission. On se voit régulièrement depuis les derniers temps, mais c'est
essentiel de se voir aujourd'hui, considérant tout ce qui a pu se passer dans
le Québec en entier, le vol de
données personnelles dans tous secteurs confondus, que ce soit dans le
gouvernemental, que ce soit dans l'institutionnel et même dans le
domaine de la finance. Les Québécois veulent des réponses de façon très prompte
et assumée par le gouvernement et les
oppositions. On doit trouver des solutions. Ce projet de loi là trace la ligne
d'une première partie, c'est-à-dire de verrouiller le crédit,
verrouiller son accès. Évidemment, c'est tout nouveau, on n'a pas de
législation en cette matière ici, au Québec,
et l'Autorité des marchés financiers sera le gardien de cette nouvelle législation.
Donc, on entreprend ces travaux-là
avec une certaine, je vous dirais, rigidité pour s'assurer qu'on fait les
bonnes choses pour l'avenir du Québec.
Auditions
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Comme nos
remarques préliminaires sont terminées, nous allons procéder aux auditions. Nous avons parmi nous des
représentants de l'Office de la
protection du consommateur.
Auriez-vous d'abord l'obligeance de vous présenter? Et vous savez que vous
disposez d'une période de 10 minutes.
Office de la protection du
consommateur (OPC)
Mme Champoux
(Marie-Claude) : Merci, M. le Président. Alors, mon nom est
Marie-Claude Champoux, je suis présidente de
l'Office de la protection du
consommateur et je suis accompagnée
de Me André Allard, qui est directeur des affaires juridiques à
l'office.
Le Président
(M. Simard) : ...nous vous écoutons.
Mme Champoux
(Marie-Claude) : Alors, je vous remercie de cette invitation à venir présenter le mémoire et les positions de
l'office sur le projet de loi n° 53. En tant que présidente de l'office, je peux vous affirmer que la protection des
renseignements personnels est une préoccupation constante et je dirais même
croissante de notre organisation.
Chaque année, près de
160 000 consommateurs se tournent vers l'office pour s'informer sur
leurs droits et recours ou pour entreprendre
une démarche. Ils s'expriment aussi sur différents enjeux relatifs à leur vie de
consommateur, des enjeux qui ne
relèvent pas nécessairement des lois que l'office applique. La protection des
renseignements personnels en est un
bon exemple. N'empêche, l'office
n'hésite pas à participer aux efforts de sensibilisation des
consommateurs et se sert de toutes les tribunes dont il dispose pour appeler à
la vigilance au moment de communiquer des données personnelles.
Il va de soi qu'un
dossier de crédit constitue un élément central de plusieurs transactions régies
par la Loi sur la protection du consommateur, que je nommerai LPC. Les commerçants consultent régulièrement les renseignements contenus dans ces dossiers pour conclure des
contrats avec des consommateurs. C'est dire toute l'importance du contenu de ce dossier. Les renseignements qu'il renferme peuvent
entraîner des impacts néfastes dans la vie financière des consommateurs. Une mauvaise cote de crédit
peut vite se traduire par le refus d'un prêt par une institution financière ou l'octroi d'un
prêt sous réserve de conditions moins favorables, comme un taux de crédit plus
élevé.
L'office
s'est intéressé à la question du contenu des dossiers de crédit et à leurs
répercussions sur les consommateurs lors
de travaux de révision de la LPC portant sur le crédit à la consommation. Depuis, des changements législatifs interdisent, entre autres, d'informer un
agent de renseignements personnels de l'exercice par un consommateur d'un droit de résiliation ou
de résolution prévu par la LPC. Une telle trace dans un dossier peut nuire à
l'obtention d'une carte de crédit ou d'un prêt. Plus encore, son effet peut se faire sentir dans différentes circonstances, par exemple au moment de souscrire une assurance ou de
louer une voiture.
C'est
donc à titre d'organisme bien au fait des appréhensions et des expériences
vécues par les consommateurs que nous soumettons nos observations à
propos du projet de loi n° 53. Dans l'ensemble, l'office salue les
objectifs poursuivis par le projet de loi, sous réserve des commentaires qui
suivent.
J'aimerais
commencer par les mesures de protection. L'office souhaite soulever la portée de l'article 9
du projet de loi, qui instaure
un gel de sécurité uniquement dans certaines situations. Nous nous questionnons
sur les motifs à l'origine de ces limitations, considérant qu'un dossier de
crédit est susceptible d'être consulté dans des circonstances multiples, comme,
à titre d'exemple, à la conclusion d'un contrat de téléphonie mobile ou d'un
bail de location.
Pour
ce qui est de l'alerte de sécurité, le projet de loi est silencieux sur les
mesures à mettre en place par un tiers pour s'assurer de l'identité de
la personne ayant consenti à communiquer ses renseignements personnels. Il en
va de même sur les conséquences à subir par
un tiers qui conclurait un contrat avec un consommateur sans vérifier son
identité. Ne serait-il pas opportun
d'introduire un pouvoir réglementaire à la loi pour que le gouvernement
prescrive les mesures à prendre? Dans la foulée, il pourrait être
envisagé que l'article 10 soit ajusté de façon à obliger le tiers qui
souhaite obtenir les renseignements contenus
dans un dossier qui fait l'objet d'une alerte de sécurité à procéder à une
vérification satisfaisante avant d'obtenir des renseignements sur la
personne concernée. Cela permettrait de mieux protéger une personne qui aurait été victime d'un vol
d'identité et qui n'aurait donc pas donné son consentement à la communication
de ses renseignements personnels.
Un
autre outil prévu est la note explicative qui apparaîtrait au dossier du
consommateur à sa demande. Ce dernier pourrait donc exposer sa version des
faits en cas de désaccord sur un élément de son dossier de crédit. Compte
tenu des conséquences pour le consommateur,
il pourrait être envisagé que la note explicative accompagne les renseignements
communiqués par l'agent d'évaluation de
crédit. Il faut rappeler que ces renseignements pourraient avoir servi à
produire la cote de crédit sur laquelle un tiers pourrait fonder sa
décision.
Nous savons qu'un
commerçant peut procéder à une inscription dans un dossier de crédit sans en
démontrer le bien-fondé et ainsi affecter la
cote de crédit. Dans un tel cas, il revient au consommateur de faire des démarches
pour contester une inscription
relative à une dette qui est inexistante, mal fondée, prescrite ou erronée ou
qui appartient à un autre individu
ayant volé son identité. Ces démarches demeurent lourdes, fastidieuses et
stressantes, vu les ressources limitées
dont dispose un consommateur. Elles impliquent également des délais qui peuvent
provoquer des effets préjudiciables. De ce point de vue, nous sommes
d'avis que les travaux relatifs au projet de loi pourraient être l'occasion
d'explorer des pistes de solution pour contrer ces difficultés. Pourrait
également être examinée la possibilité qu'une inscription liée à une
contestation par le consommateur n'affecte pas sa cote de crédit tant que le
commerçant ne fait pas la démonstration de son exactitude.
• (9 h 50) •
Sur le plan
de l'exercice des droits, nous voulons partager nos doutes quant à l'idée de
laisser les deux seuls joueurs du marché fixer le montant à verser par
le consommateur pour exercer ses droits. Il serait malheureux que le montant fixé freine la mise en oeuvre d'une démarche. Une
approche facilitant la consultation des cotes de crédit et l'accès aux mesures
de protection proposées devrait être privilégiée. Ainsi, le consommateur ne
devrait-il pas être en mesure de se prévaloir gratuitement des droits
prévus par le projet de loi?
Autre fait à
considérer, la détection rapide d'une inscription à un dossier de crédit des
suites d'un vol d'identité serait favorisée si le consommateur pouvait accéder
à son dossier sans frais en tout temps, par exemple par Internet. De plus, la prise de connaissance en temps opportun
d'une inscription anormale serait facilitée si les agents d'évaluation du
crédit devaient aviser gratuitement les
consommateurs dès qu'un événement se produit au dossier, par exemple la baisse de la cote de crédit ou une nouvelle
créance inscrite. En somme, une plus grande transparence quant au contenu
du dossier de crédit serait à l'avantage du consommateur.
Par ailleurs, selon l'article 16, le consommateur qui suspend ou révoque
une mesure de protection doit justifier son identité. Or, le projet de
loi n'indique pas la façon dont la
personne pourrait satisfaire à cette exigence. Nous sommes d'avis que la
mécanique de preuve d'identité devrait être précisée par règlement.
En effet, il est fort probable qu'un consommateur
ayant été confronté à une fuite de ses données personnelles ait recours à une
mesure de protection. Il faut donc
s'assurer qu'un tiers en possession de ses données personnelles ne puisse pas
les utiliser pour justifier frauduleusement l'identité du consommateur afin de mettre fin à la mesure de protection.
Nous proposons aussi l'obligation pour l'agent d'évaluation de transmettre
au consommateur un préavis l'informant que la mesure de protection arrive à
échéance.
Le volet des
plaintes et recours des consommateurs a également attiré notre
attention. Nous comprenons que le projet
de loi permettrait au consommateur de
porter plainte auprès de la Commission
d'accès à l'information, de l'Autorité des marchés financiers et de
l'agent d'évaluation du crédit. Cependant, les différentes
options et les conditions offertes au consommateur pourraient être confondantes
et lui faire perdre un temps précieux dans le processus visant à protéger l'intégrité de son dossier de crédit. Nous
estimons que l'efficacité des droits à cet effet gagnerait à la mise en place
d'un mécanisme pour permettre à une autorité
de contraindre rapidement un agent à donner suite à la demande du consommateur.
En ce qui
concerne les modifications à la Loi sur la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé, nous nous questionnons sur les raisons des
orientations suivantes. L'article 19 ne vise que l'exploitant d'une
entreprise ayant pour objet le crédit
et la location à long terme, alors qu'un dossier de crédit est susceptible
d'être consulté par différents types de commerçants. L'obligation
d'information concerne uniquement la personne qui essuie un refus de la part du
commerçant. La personne à qui on accorde un
prêt à des conditions moins avantageuses ne devrait-elle pas être informée
également? L'information au sujet du refus
d'un prêt d'argent nécessite une demande. Ces informations ne devraient-elles
pas être communiquées en tout état de cause?
Il semble qu'il s'agit là d'une mesure simple pour favoriser la détection
précoce de toute irrégularité au dossier du crédit.
En conclusion, je remercie, au nom de l'office,
la commission de nous avoir donné l'occasion de faire valoir les intérêts des
consommateurs en lien avec le projet de loi n° 53. Je souhaite que les
idées et les pistes de réflexion formulées
dans le mémoire déposé aujourd'hui contribuent à bonifier cette vaste démarche.
Bien entendu, il est essentiel de resserrer l'encadrement des activités des
agences d'évaluation du crédit, tout comme il est incontournable d'offrir
au consommateur les leviers nécessaires pour
qu'il soit bien au fait de l'état de son dossier et qu'il puisse agir afin
d'éviter des fraudes potentielles avec ses données. Merci de votre
écoute.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, Mme Champoux, pour
votre belle présentation. Je cède maintenant la parole au ministre, qui
dispose d'une période de 16 minutes.
(Consultation)
Le Président (M. Simard) : Le bloc
de la partie ministérielle dispose de 16 minutes.
M. Girard
(Groulx) : C'est ce que je
croyais, puis, peut-être, d'entrée de jeu, puisque j'ai d'excellents
collègues avec moi, nous allons partager cette... mais, puisque vous me
l'offrez, je vais prendre la première question.
Le concept de
gratuité, évidemment, à la base, est attrayant pour les consommateurs. Est-ce que
vous êtes d'avis que... puisqu'on fait affaire avec deux multinationales
privées, est-ce que vous croyez que le service, la qualité du service
peut être fonction du prix?
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Je
ne sais pas si la qualité du service peut être fonction du prix. Nous, on
l'a pris sous l'angle de l'accessibilité et de la transparence pour les
consommateurs. Si ceux qui ont moins de sous n'ont pas accès à une grande qualité, je trouve
que ça ne répond pas à l'objectif d'une accessibilité de ces renseignements
et de cette importante cote de crédit pour les consommateurs.
Le Président (M. Simard) : M. le
ministre.
M. Girard
(Groulx) : O.K., mais la
livraison de services, là, parce
qu'on demande à des entreprises privées de fournir un service d'intermédiation
dans des transactions financières... Et vous, vous êtes d'avis que le gel de
crédit, l'accès à la cote de crédit, l'alerte de sécurité... Est-ce que
vous demandez que l'alerte de sécurité soit gratuite aussi?
Le Président (M. Simard) :
Mme Champoux? M. Blais?
M. Allard (André) :
André Allard.
Le Président (M. Simard) : Allard,
pardon. Excusez-moi, M. Allard, de vous avoir ainsi débaptisé.
M. Allard
(André) : Écoutez, c'est une question, en fait, qu'on porte à
l'attention des parlementaires justement pour faciliter l'accès des
consommateurs aux données personnelles qui sont détenues par les agences de
crédit. On a l'impression... D'abord,
peut-être simplement vous dire que l'Office de la protection du consommateur
est un organisme d'application des
lois, mais pas de celles dont il est question ici. Donc, c'est un peu avec
humilité qu'on propose certaines réflexions.
Le service dont il est question ici nous
apparaît être essentiellement un service qui est fourni aux entreprises. Les
entreprises ont besoin d'évaluer leurs risques lorsqu'un consommateur sollicite
du crédit auprès d'une institution financière.
Donc, ils s'en réfèrent donc au dossier de crédit que possèdent ou, enfin, que
préparent les agences de crédit. Donc, c'est un service qui est d'abord et
avant tout utile pour les entreprises. Le consommateur qui voit ses données
personnelles détenues dans ces dossiers-là
nous apparaît, disons, avoir un intérêt certain à consulter ce qu'on conserve
dans ces dossiers-là et ce qui le concerne directement.
Actuellement, dans le contexte actuel, on constate que, lorsqu'un consommateur
négocie, en quelque sorte, un contrat de consommation, ce qui est
rarement le cas, mais, quand même, qui sollicite ou qui demande du crédit, la
personne avec qui il transige, l'institution financière, possède beaucoup plus d'informations à son égard qu'il en possède lui-même.
Tous les documents ou toutes les informations, tous les renseignements qui sont inscrits au dossier de crédit ne sont
pas portés en temps réel à l'attention du consommateur. La cote de
crédit en est un bon exemple. Alors donc, c'est vrai qu'il y a un volet de contrat
de service qui pourrait impliquer le consommateur avec l'agence de crédit, mais
ce n'est que pour satisfaire à ses droits d'avoir accès à ses données
qui le concernent directement.
Le Président (M. Simard) : Merci, M.
Allard. M. le ministre.
M. Girard
(Groulx) : Alors, O.K.,
parce que c'est important, là, est-ce que vous dites que le service devrait
être payé par les entreprises ou qu'il n'y ait pas de tarif pour le
service?
M. Allard (André) : On comprend très
bien que tous les coûts d'opération d'une entreprise sont répercutés, ultimement, chez les consommateurs. Ça, on le
conçoit très bien. Est-ce que c'est au consommateur de payer pour avoir accès à
ses informations? Quant aux autres... C'est une question
qu'on se pose. Et d'ailleurs les frais raisonnables qui pourraient être exigés
pourraient l'être pour certains et non pas pour d'autres. Et, si ça ne l'est
pas pour d'autres, c'est sans doute les personnes qui ont, sans doute, le plus
besoin de savoir ce qui se passe dans leur dossier de crédit parce qu'ils
sont sans doute dans une situation
de difficultés financières ou même de détresse financière.
Donc, si ces frais qui pourraient être raisonnables pour certains ne le sont
pas pour eux, ils n'auront pas accès à cette information et ils ne sauront
pas pourquoi le crédit leur est refusé. Et, lorsque le crédit leur est refusé, ces
consommateurs se dirigent vers le marché secondaire du crédit à la consommation, et ce qui exige évidemment des conditions qui
ne sont pas très favorables, et tout ça favorise donc à la spirale
d'endettement et de surendettement des consommateurs.
L'accès, encore une fois, direct, fluide et régulier, constant, a été rendu nécessaire
par les événements auxquels vous
avez fait référence tout à l'heure et qui ont alerté beaucoup les citoyens,
les consommateurs du besoin d'aller voir dans leur dossier de crédit ce
qui s'y passe.
Le Président (M. Simard) : Merci, M.
Allard. M. le ministre.
M. Girard (Groulx) : Je passerais la
parole à mes collègues, si vous le permettez.
• (10 heures) •
Le
Président (M. Simard) : Oui,
bien volontiers. M. le député de Saint-Jérôme, vous disposez d'une période de
10 minutes.
M.
Chassin : Merci, M. le Président. Merci d'être là. Peut-être, pour continuer sur la même question,
M. Allard, Mme Champoux, j'essaie de bien comprendre, parce
que vous parlez que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit, pour le
prêt d'argent... vous êtes comme spécifiques là-dessus, là.
Vous vous interrogez : Pourquoi seulement
ça?, mais c'est quand même assez commun dans la vie des consommateurs. Dans le fond, dans
cette loi-là, on prévoit que, si on consulte le dossier de crédit, on doit le
communiquer avec le consommateur qui a fait
la demande de prêt, on doit aussi l'indiquer, que le prêt lui est refusé pour
cette raison-là. Donc, il y a quand
même... est-ce que vous ne jugez pas qu'il y a quand même,
dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, déjà un certain nombre d'outils, du moins pour le prêt d'argent?
Puis, après ça, peut-être, dites-nous, pour ce qui est d'autres...
comment dire, d'autres activités, comment vous jugez que ça pourrait être
intéressant.
Mme
Champoux (Marie-Claude) :
C'est certain qu'on trouve que c'est intéressant que ça s'adresse aux prêts
puis au crédit, ça, c'est indéniable.
D'ailleurs, c'est comme ça qu'on a commencé notre présentation, mais, à l'Office de la protection du consommateur, on
sait qu'il y a énormément de transactions qui sont plus larges que le prêt,
puis c'est pour ça qu'on se posait la question : Pourquoi
l'application n'est pas plus large?
M.
Chassin : Je pars peut-être
d'une prémisse fausse, là, peut-être que le prêt d'argent n'est pas si commun,
mais j'imagine que ça doit représenter quand même la vaste majorité des
consultations de dossier de crédit, par exemple.
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Ce n'est pas une prémisse fausse, c'est très
commun, mais il y a d'autres consultations qui sont énormes, puis j'en ai
signalé quelques-unes, ça peut aller jusqu'à téléphonie cellulaire,
contrat de téléphonie cellulaire, un bail, un achat de meuble. C'est très, très
large.
M. Chassin :
Est-ce que... Puis donc vous jugez, par exemple, qu'un propriétaire d'un
triplex devrait pouvoir informer, par
exemple, un locataire, de dire : Bien, avec le dossier de crédit que j'ai
vu, je ne peux pas, malheureusement, vous louer l'appartement. C'est ça
que vous demandez? C'est quand même une charge en plus, là.
Mme
Champoux (Marie-Claude) : On souhaiterait que l'application soit plus
large ou, en fait, on se posait la question pourquoi l'application était
uniquement concentrée sur ça alors que, chez nous, pour la protection des
consommateurs, c'est... l'appliquait.
M.
Chassin : O.K. Pour revenir
sur les agents d'évaluation de crédit, vous parlez, puis là je vais essayer de
retrouver la bonne page, dans votre mémoire, des recours et, dans le fond, du
fait qu'il y a des recours devant la Commission d'accès à l'information
ou des recours devant l'Autorité des marchés financiers, des politiques de
plainte aussi que les agents eux-mêmes
doivent mettre en place. Vous dites que ça pourrait être confondant pour le
consommateur. Puis là, même si
l'Office
de la protection du consommateur n'a
pas nécessairement un rôle dans la gestion de cette loi-là, est-ce que
vous pourriez avoir un rôle d'information des consommateurs sur ce type
de recours?
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Certainement qu'on pourrait avoir un rôle d'information puis on l'assumera avec plaisir, le cas échéant, mais c'était, je pense, plus une question de délais qu'on
trouvait préoccupants. C'est que, si on
va à l'Autorité des marchés
financiers puis que ça ne fonctionne
pas, on peut se tourner vers la Commission
d'accès à l'information ou la... Alors, c'était plus les allers-retours.
Puis, étant donné que, souvent dans des dossiers de vol
d'identité... disons que la rapidité puis les délais sont importants.
C'était plus dans un souci de faciliter, je dirais, le parcours du
consommateur.
M.
Chassin : Oui. Que
l'interface soit plus aisée puis que le délai soit raisonnable. Est-ce que — puis
là vous parlez à un converti, là — est-ce qu'on veut, dans le
fond, s'assurer que tant l'AMF que la Commission d'accès à l'information se parlent et, par exemple, si quelqu'un se trompait et référait son dossier à la mauvaise
instance, que ça soit référé à la
bonne instance automatiquement? Je pense qu'il y a comme une volonté que
la main droite et la main gauche se parlent, en quelque sorte, là.
Mme
Champoux (Marie-Claude) :
Disons qu'on va laisser au législateur le moyen, le choix du moyen. Chose
certaine, ce qu'on souhaite, c'est que ça soit le plus accessible et le plus
simple pour les consommateurs.
M.
Chassin : D'accord.
Bien, je vais peut-être revenir sur le premier point qu'a fait le ministre,
parce qu'évidemment,
en général, quand on ne paie pas cher, on n'a pas une grande valeur. J'ai un
peu cette crainte par rapport à la gratuité, que, finalement, on se retrouve à
avoir quelque chose de peu de valeur. Parce qu'effectivement c'est toujours une personne physique, vous parliez des clients,
là, mais ça peut être les employés, ça peut être les fournisseurs, ça peut
être... justement, c'est toujours une personne physique, hein? Une entreprise,
comme toute organisation, c'est un réseau de collaboration d'abord
et avant tout.
D'avoir des
frais raisonnables... Puis là je veux vous amener quand même
sur le mécanisme qui est prévu dans la loi... ou dans le projet de loi, pardon, c'est
la possibilité que le gouvernement légifère ou, en tout cas, réglemente, par
décret, je pense, les montants maximums. Il y a une espèce de principe,
là, qu'on dit en anglais, pardonnez-moi, M. le Président, puis vous me
corrigerez... trouvez le mot français, on parle, en anglais, de «deterrence».
Donc, il y a une espèce d'épée de Damoclès qui garde ou qui discipline, en quelque sorte, les agents d'évaluation de crédit. Même si ce n'est pas ce que
vous recommandez, est-ce que vous voyez quand même que cette épée de Damoclès
peut avoir un impact?
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Au risque de me répéter, je pense que ce qui
nous a beaucoup préoccupés, c'est
l'accessibilité, comme Me Allard disait, à partir du moment... Parce que ça
devient toujours... des frais raisonnables peuvent
l'être pour moi, mais pas nécessairement pour tous les consommateurs. Alors,
est-ce qu'à ce moment-là quelqu'un dont la situation financière est plus
difficile serait pénalisé? C'est le côté qui nous inquiète à l'Office de la
protection du consommateur.
M. Chassin :
Mais ce rôle de discipline, vous préférez ne pas vous prononcer là-dessus?
Mme Champoux (Marie-Claude) : On ne
se prononce pas là-dessus.
M. Chassin :
D'accord. M. le Président, moi, ça fait pas mal le tour de mes questions.
Le Président (M. Simard) : M. le
député de Rousseau.
M. Thouin : Oui. D'abord, bien,
bonjour.
Le Président (M. Simard) : Il vous
reste quatre minutes, cher collègue.
M.
Thouin : Merci. Heureux de
vous recevoir ici ce matin. Peut-être une question rapide, là. Juste au niveau
de la cote de crédit, je partage votre opinion en ce sens qu'à partir du moment
où une cote de crédit a été endommagée pour x raison, c'est toujours difficile, hein, pour le consommateur de faire
rectifier ça. C'est un combat, puis je comprends que c'est... bon, ils font face à des multinationales,
là, tu essaies d'appeler Equifax ou TransUnion, pour ne pas les nommer,
puis essaie de faire changer les choses, puis là t'obstiner avec l'entreprise
qui a donné la mauvaise cote.
Vous dites, en fait, ce que vous souhaiteriez,
c'est que le fardeau de la preuve soit viré de bord, que ça ne soit plus le
consommateur qui doive prouver qu'il a bien agi mais plutôt l'entreprise qui a
donné la cote qui confirme que c'est... qui
doit faire la démonstration, en fait, que le consommateur n'a pas respecté ses engagements
tels que prévus, disons.
O.K. Ma question, c'est : À partir du
moment où moi, je suis... Parce qu'aussi, tu sais, le citoyen, M. et Mme
Tout-le-monde, mais aussi les citoyens corporatifs... Moi, je suis une entreprise,
je divulgue que quelqu'un m'a mal payé ou je
ne suis pas satisfait, là, de la façon dont le contrat s'est passé avec un
citoyen, vous informer, c'est une chose, mais de devoir faire la
démonstration, puis tout ça, il n'y a pas un risque que l'entreprise
dise : Regarde, on ne se bat pas, là,
on envoie l'information, puis, si ça ne passe pas, ça ne passe pas, c'est
tout? Ça fait que, là, bien, on se ramasse avec des
citoyens qui, des fois, auraient dû avoir une mauvaise cote de crédit, mais est-ce
que l'entreprise va faire la démarche, va mettre des énergies pour... Tu sais, à
un moment donné, il n'est plus là, là, Paul, il n'est plus là, on passe-tu à d'autres choses ou bien on met de
l'énergie, on met des ressources? C'est ce qui me titille un peu. Qu'est-ce que
vous en pensez?
Le Président (M. Simard) : Mme
Champoux.
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Je
dirais, mon premier réflexe, je préfère que le consommateur n'ait pas à faire
cette bataille-là plutôt que l'entreprise, parce
que, si l'entreprise inscrit puis ça revient au consommateur à prouver que l'inscription est erronée, alors il peut se
décourager puis il se retrouve avec un dossier de crédit entaché. Moi, je pense,
que... en tout cas, à l'Office de la protection du consommateur, on considère que c'est à l'entreprise de faire cette preuve-là, puis, juste pendant ce temps-là, la
cote de crédit n'est pas touchée.
M. Thouin :
Mais, présentement, c'est comme ça. Est-ce que
je me trompe, là? Présentement, c'est comme ça. C'est le consommateur qui
doit faire des démarches pour essayer de prouver, là.
Mme Champoux (Marie-Claude) :
Qui doit faire.
M. Thouin : C'est ce qu'il se passe présentement. Puis ce que vous dites, c'est : Transférons le fardeau de la
preuve du côté de l'entreprise qui a émis la cote.
Mme Champoux (Marie-Claude) :
Dans notre mémoire, on parle de... pas l'entreprise qui a émis la cote,
l'entreprise qui inscrit un défaut, par exemple.
M. Thouin : Oui, c'est ça. C'est ce
que je voulais dire. Je m'excuse, je me suis peut-être mal exprimé.
• (10 h 10) •
Mme Champoux (Marie-Claude) :
D'accord.
M. Thouin :
O.K., mais vous ne pensez pas qu'il pourrait y avoir, comme je vous dis, tu
sais, un... Je comprends, je comprends l'avantage, là, pour le consommateur, je
suis d'accord à 100 %, mais je me dis : De l'autre côté, est-ce
qu'il n'y a pas un risque que l'entreprise
qui a décoté le client, en tout cas, qui a transmis la décote, là, ne fasse pas
la démarche nécessaire en disant : Écoute, nous autres, on te l'a
dit, là, il nous a mal payés, maintenant, si tu veux que j'en fasse la preuve, bien, oublie ça, on tient ça comme ça,
on ne se bat pas? Mais là ça va faire que, dans le système, il y a quelqu'un
qui est un mauvais payeur qui ne sera pas
tagué comme mauvais payeur. Ça ne va pas donner une mauvaise information?
Je comprends qu'au niveau de... la démarche
pour le consommateur, je comprends qu'elle est lourde, là, je le partage,
comme je vous disais
au départ, mais il n'y a pas un... il me semble qu'il y a quelque chose qu'il
faudrait trouver, là, un mi-chemin entre les deux, là.
Mme Champoux
(Marie-Claude) : Bien, présentement il y a peut-être, dans les
systèmes, des consommateurs qui devraient avoir un excellent dossier de
crédit puis qui ont eu une fausse cote ou une fausse information.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Puis, à l'Office de la protection du
consommateur, on aime mieux que le consommateur soit protégé.
Le
Président (M. Simard) : Merci, M. le député de Rousseau. Je cède
maintenant la parole au critique de l'opposition officielle.
M. Fortin :
Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Champoux, M. Allard.
Merci d'être avec nous.
D'entrée de
jeu, j'aimerais ça qu'on parle... vous en avez parlé un peu, là, mais
j'aimerais ça qu'on parle de gratuité parce
que, pour nous, c'est un des principes quand même importants dans tout le débat
qu'on a autour de ça, puis le ministre a amorcé la discussion justement
en parlant de ça lui-même.
Je vous avoue,
M. le Président, que j'étais un peu surpris d'entendre, sans leur prêter
d'intentions, là, mais d'entendre la
tendance dans les propos du gouvernement à l'effet que, bien, si on finit par
ne pas payer, que probablement qu'il n'y aura pas une grande attention
ou une grande qualité de la donnée ou de l'information qui serait partagée. Le scénario, là, le scénario, disons, normal, à
travers tout ça, ou un scénario potentiel... il y a une fraude dans une
institution bancaire, on l'a vu, ou
il y a une fuite d'informations dans une institution bancaire, on l'a vu chez
Desjardins, il y a un mécanisme qui
est mis en place, c'est-à-dire le gel du dossier. Et là le consommateur se
trouverait à payer pour, disons, le dégel
de ce dossier-là. Est-ce que
ce scénario-là, là, pour vous, c'est un de ceux qui devraient être gratuits?
C'est ce que j'ai bien compris de votre présentation?
Le Président (M. Simard) :
Mme Champoux.
Mme Champoux (Marie-Claude) :
C'est ce qu'on préconise, effectivement.
M. Fortin : O.K. Alors, quand le gouvernement fait référence,
et je pense que c'était le député de Saint-Jérôme qui y a fait référence, à des frais raisonnables, est-ce que
vous avez une idée de ce que ça peut vouloir dire, ça, des frais raisonnables? Je comprends, pour quelqu'un, c'est très différent, mais, quand c'est le gouvernement qui en parle, c'est parce que, là, il
y a probablement quelque chose, un chiffre ou quelque chose à mettre derrière ça. Est-ce que
vous avez une idée de ce que ça
pourrait coûter, disons, au consommateur aujourd'hui et de ce qui
serait un frais raisonnable comme le décrit le gouvernement?
Mme Champoux
(Marie-Claude) :
Franchement, on n'a pas d'opinion là-dessus, on n'a pas eu de réflexion sur qu'est-ce
que pourrait être un frais raisonnable.
M. Fortin : O.K. Si vous prônez la gratuité aujourd'hui,
pouvez-vous nous dire combien ça coûterait au consommateur aujourd'hui quelque
chose comme ça?
Mme Champoux (Marie-Claude) :
Je n'ai pas cette information-là.
M. Fortin :
Non? O.K. Parfait. Bien, moi, je vous avoue, là, que le fait que le gouvernement
parle de frais raisonnables et de le faire par voie réglementaire, ça, c'est inquiétant.
C'est inquiétant pour le consommateur parce qu'honnêtement
on peut discuter ici autant qu'on veut de la gratuité, tout ça, mais ça veut
dire qu'on n'a aucune prise, aucune emprise, là, sur ce que le
gouvernement pourrait décider s'il choisit même d'aller dans cette avenue-là.
Alors, plus tard, c'est certain qu'on aura
des questions pour TransUnion, peut-être certaines des questions que je vais
déjà poser là-dessus, là, mais, à la
base, je pense qu'il y a beaucoup de gens autour de la table qui sont d'accord
que ça devrait être gratuit, que le
consommateur, quand il y a une fraude à son dossier ou quand il y a une fuite,
ce n'est pas lui qui devrait avoir à
payer pour ça. Et j'ai trouvé votre propos intéressant, Mme Champoux, à
l'effet que celui qui en a le plus besoin, c'est probablement celui qui
ne peut pas se le payer, peu importe le frais.
Vous avez
fait référence au processus pour contester. Vous nous avez dit que c'était un
processus qui était long, qui était fastidieux, qui, financièrement, pouvait
être difficile. Est-ce que vous avez quelque chose à suggérer pour
améliorer, disons, ce processus-là?
Mme Champoux
(Marie-Claude) : Comme je disais, je pense qu'on va laisser aux
législateurs le choix du moyen. Chose certaine, les options qui s'offrent,
est-ce que ça pourrait être un guichet unique ou une meilleure communication
entre les, je dirais, trois instances, là,
si je peux m'exprimer, là, le mécanisme de plainte des agents évaluateurs, la
Commission d'accès et l'autorité des
marchés? Dans le fond, la préoccupation de l'office, ce n'est pas dans le moyen
comme dans le résultat, pour que ça soit le plus accessible et le plus
facile pour le consommateur.
M. Fortin : Ah! je peux comprendre ça. Je peux comprendre ça, que, vous, dans le
fond, là, c'est plus une directive, ou
une suggestion, ou une demande, c'est : Organisez-vous comme vous voulez,
mais assurez-vous que ça soit plus simple pour le consommateur.
Alors, si je
le prends de l'autre côté, on est
dans le processus ici où les gens viennent témoigner pour essayer
de convaincre le gouvernement de l'importance de le faire. Alors, qu'est-ce que
vous avez vu comme impacts chez les consommateurs du fait que c'est long, c'est fastidieux, c'est
difficile? Il y a des impacts financiers à tout ça? L'impact sur,
peut-être, certains des citoyens que vous avez vus aux prises avec ce
problème-là, ça peut ressembler à quoi?
Mme Champoux (Marie-Claude) : Je
vais demander à Me Allard, là.
Le Président (M. Simard) : Me
Allard.
M. Allard
(André) : Bien, c'est une question
intéressante, parce que toutes les modalités... Puis on salue,
d'ailleurs, les mécanismes, entre autres, de résolution de différends
auxquels le consommateur peut avoir accès lorsqu'il y a une inscription avec laquelle il est en désaccord,
mais, intrinsèquement, ce système-là transfère le fardeau sur les épaules du consommateur, parce que les dettes qui sont inscrites, même si elles sont contestées,
elles sont inscrites. Le consommateur souhaiterait, à la limite, être poursuivi
devant le tribunal pour que l'entreprise fasse la démonstration de l'existence
d'une dette qu'il conteste. Or, les dettes
ou les montants ne sont généralement pas suffisamment élevés pour entreprendre
de tels recours.
Donc, il y a
un fardeau sur les épaules du consommateur, ultimement, au terme de tous ces
processus de plainte, qui vont reposer essentiellement sur l'inscription par
l'entreprise créancière de la dette dans le dossier pour démontrer l'inexistence de la dette. Et c'est ce que les
consommateurs font lorsqu'ils en ont les moyens, et les tribunaux sont parfois saisis
de recours en dommages et intérêts, et là ils doivent faire la démonstration
que la dette n'est pas due. Faire la démonstration
de l'inexistence d'une chose est beaucoup plus compliqué que d'en faire la démonstration
lorsqu'elle existe.
Donc, c'est
un fardeau excessivement important sur les épaules du consommateur, mais on ne
voit pas, de toute façon, comment les choses pourraient être autrement, malheureusement, puisque c'est la nature même des dossiers de crédit et leur système. Les entreprises ont
l'autorisation d'y inscrire ce qu'elles veulent, en quelque sorte, sans en
faire la démonstration et sans démontrer. Et, lorsqu'on est victime, et
je termine là-dessus...
Le Président (M. Simard) : Merci,
M Allard.
M. Fortin :
Non, non, ça va.
Le Président (M. Simard) : Ça va?
M. Fortin :
Oui, oui, ça va, vous pouvez conclure.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
Oui, veuillez poursuivre.
M. Allard
(André) : ...d'un vol
d'identité, on est dans une situation qui va ressembler beaucoup
à celle-là, parce qu'il y a une personne qui a contracté en votre nom un
contrat de téléphonie cellulaire de trois ans, et vous allez l'apprendre au bout de trois ans, que vous devez 5 000 $. Et là vous n'avez pas eu accès,
vous ne savez pas ce qui s'est passé, et donc vous allez devoir saisir
les tribunaux pour pouvoir contester une dette qui vous est exigée.
M. Fortin :
Mais là vous touchez quelque chose d'intéressant, parce que la plupart des gens — c'est
mon impression — n'ont probablement pas consulté souvent leur
dossier de crédit, s'ils l'ont consulté, point. Peut-être qu'on l'a fait
pour eux dans une demande d'hypothèque, peut-être qu'on l'a fait pour eux dans
différents contrats, mais eux-mêmes n'ont
jamais nécessairement fait cet exercice-là. Alors, souvent, il peut se
passer — parce
que ce n'est pas quelque chose qu'on
fait régulièrement — un
certain laps de temps, disons, et c'est là qu'il peut y avoir des enjeux comme
le décrit Me Allard.
Vous avez, si
je vous ai bien compris, Mme Champoux, vous avez suggéré qu'on avise le
citoyen ou le consommateur dès qu'une
activité se produit à son dossier de crédit. Est-ce qu'on a une idée de ce que
ça peut représenter, un consommateur
moyen, là? Je ne sais pas à quel point ça change, comment souvent ça arrive.
Parce que, là, j'essaie de comprendre
l'importance... Le mécanisme, là, il est important. Ce que vous proposez, je
suis d'accord avec vous, mais est-ce que ça arrive régulièrement? Est-ce
qu'on va recevoir des coups de fil aux deux semaines, aux mois ou aux deux mois? Comment ça se passe si on avise le
client ou le consommateur, là, de quelque chose qui se produit à son dossier?
Le Président (M. Simard) : M.
Allard.
M. Allard
(André) : Bien, écoutez,
le système fonctionne déjà à la faveur... Malheureusement, s'il n'y a qu'un seul élément positif des fuites de
Desjardins, c'est qu'un grand nombre de personnes ont soudainement eu accès gratuitement à leur dossier de crédit, et ils
reçoivent périodiquement des alertes ou des informations à l'effet qu'il y a
eu des changements ou il n'y a
pas eu de changement. Le système fonctionne, le système est déjà
accessible. Donc, c'est possible.
Donc,
évidemment, pour la très grande majorité des gens qui ont déjà
accès à Internet, c'est bien. Reste la portion des gens qui pourraient ne pas y avoir accès. Je n'ai pas de réponse sur
cette question-là précisément, mais, actuellement, ça fonctionne.
M. Fortin : O.K. Vous faites référence, dans votre mémoire, souvent, là, à
l'enjeu de «en temps opportun». Je vous lis,
rapidement, là : «La prise de connaissance en temps opportun
d'une inscription anormale permettant de détecter des activités frauduleuses [...] serait [...] grandement
favorisée si les agents d'évaluation...». Et là je continue, mais «en temps
opportun», là, qu'est-ce que vous entendez dire par ça?
• (10 h 20) •
M. Allard
(André) : Oui, sur cette
question-là, écoutez, le régime actuel, là, il est sujet à des
ajustements, qu'on salue, là, dont notamment un accès à nos informations détenues
dans le dossier de crédit par un mécanisme technologique, là, dans le projet de loi n° 64, ce qui est
très bien. Donc, ça accélère, mais, actuellement, vous le savez, si vous voulez
avoir accès gratuitement à votre dossier de crédit, vous devez imprimer un
document, le compléter par écrit, le plier, le mettre dans une enveloppe, l'envoyer et attendre. Ça, à notre avis, ça
ne nous donne pas une information en temps opportun pour prendre
l'extrémité du spectre de...
M. Fortin :
Mais qu'est-ce que ça donne, ça? Combien de temps ça prend?
M. Allard (André) : Je ne peux pas
vous répondre.
M. Fortin :
Non? Vous ne savez pas? O.K., c'est correct.
M. Allard
(André) : Mais, «en temps
opportun»... Lorsqu'on apprend, tous et toutes, que l'institution avec laquelle on fait affaire, par
exemple, a été victime d'une fuite,
bien, on aurait le goût d'aller voir notre dossier de crédit pour voir si cette fuite-là n'a pas entraîné dans
notre dossier une demande de crédit par une personne malintentionnée. La
technologie actuelle permet une vitesse assez importante.
M.
Fortin : O.K.
Donc, utilisez-la. C'est ça que vous nous dites, là. La technologie permet une vitesse importante, utilisez-la.
Dernière
chose. Sur l'aspect de gratuité, je vous ai entendue, Mme Champoux, en
disant : Tu sais, nous, là, on pense
aux consommateurs, là-dedans, là. Que TransUnion ou d'autres, là, aient les
moyens ou pas, que ça leur tente ou pas, c'est une autre affaire. Est-ce
que ça change quelque chose pour vous si c'est la multinationale étrangère, comme l'a dit le
ministre, ou si c'est l'institution où il y a eu la fraude qui paie?
Le Président (M. Simard) : Très brièvement,
s'il vous plaît, très, très brièvement.
Mme Champoux (Marie-Claude) :
L'important, pour nous, c'est l'accessibilité pour le consommateur.
Le
Président (M. Simard) :
Merci. Merci beaucoup. Je
cède maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de
2 min 40 s.
M.
Marissal : Merci. Mme Champoux, Me Allard, bienvenue. J'ai peu de
temps, alors je vais y aller directement. Vous représentez l'Office de la protection du consommateur. Ça a le
mérite d'être assez clair, comme titre, puis vous faites même le résumé
de votre mandat. Ce projet de loi là, n° 53, il est
présenté, évidemment, dans un but, on peut ne pas s'entendre sur tout, mais il
est présenté dans un but de protéger les consommateurs. Dans son ensemble,
selon votre évaluation, parce que vous
faites de nombreuses suggestions, pour ne pas dire critiques, on fait le quart
du chemin? La moitié du chemin? Plus?
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Je ne qualifierai pas le pourcentage. Chose
certaine, on le reçoit positivement. C'est une très bonne réponse. Ce
qu'on souhaite, c'est peut-être de l'élargir.
M. Marissal : D'accord.
Mme Champoux (Marie-Claude) : Je ne
le qualifierai pas de pourcentage.
M.
Marissal : Très bien. Notamment à l'article 9, dont vous parlez
au tout début de votre mémoire... On va avoir de la pédagogie puis de la
vulgarisation à faire, hein, tout le monde ici, parce que ce n'est pas si
simple que ça. Puis c'est vrai que les gens
ne consultent pas tous les jours, là, puis, des fois, des gens apprennent même
qu'ils ont un dossier de crédit puis
ils apprennent toutes sortes d'affaires bien, bien drôles. Moi, j'ai monté un
dossier avec des citoyens dans Rosemont.
C'est assez absurde, des fois, ce qui peut sortir des échanges avec les
institutions bancaires et avec les Equifax de ce monde.
Quand vous
dites, là, que «nous nous questionnons sur les motifs qui sont à l'origine de
ces limitations» — là,
je fais court volontairement parce que je
n'ai pas beaucoup de temps — dans le quotidien, là, de quelqu'un, là,
qu'est-ce que ça peut vouloir dire, les limitations à l'article 9,
les effets, évidemment, négatifs ou contre-productifs?
Le
Président (M. Simard) : M. Allard.
M.
Allard (André) : Lorsqu'on fait une demande, par exemple, on parlait de
téléphonie cellulaire, l'entreprise va vérifier votre dossier de crédit.
Ce n'est pas un contrat de crédit, ce n'est pas un contrat de location à long
terme. Il a accès et, si vous ne payez pas, il va y apposer des inscriptions.
Alors donc, à notre avis, tous les contrats qui sont susceptibles d'amener l'entreprise créancière qui offre des services de
vérifier votre dossier de crédit devraient être visés par cette
mesure-là. Et voilà.
M. Marissal :
Et ce n'est pas le cas dans le présent projet de loi. Vous pensez que le fait
que ce ne soit pas là désavantage
nécessairement le consommateur, qui peut se retrouver, sans même le savoir,
avec une note à son dossier?
M.
Allard (André) : Si on
prend, par exemple, le contrat de téléphonie cellulaire, il n'y aura pas de gel
de sécurité à l'égard de cette entreprise-là, donc...
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
M.
Allard (André) : ...cette
entreprise-là ne se verra pas refuser l'accès aux renseignements et à la cote
de crédit et donc va prendre sa décision...
Le Président (M.
Simard) : Merci, M. Allard. Merci beaucoup. Je cède maintenant la
parole au député de René-Lévesque pour une période de
2 min 40 s.
M. Ouellet : Merci beaucoup, madame, messieurs, de nous avoir produit votre mémoire.
Évidemment, je le disais ce matin en
point de presse, pour nous, il est fondamental que ce verrou de crédit soit
gratuit pour les consommateurs. Vous en avez fait référence tout à
l'heure, vous avez parlé d'accessibilité et, assurément, de transparence. Donc,
je comprends que, pour vous, sans dire que
c'est non négociable, ce ne serait pas juste l'avenue privilégiée, ce serait
l'avenue primordiale qu'on devrait
mettre de l'avant, là. Ne pas laisser les forces du marché s'installer pour
dire : Bien, écoute, ça coûte 15 $ par mois, 30 $ par
mois, on a un forfait sur trois mois, tu t'es fait voler, tu as un an gratuit.
Tu sais, vous comprenez le genre de principe qu'on pourrait avoir, là?
Donc,
ce que vous nous dites : Faites attention, si on veut le rendre accessible
à tous, il ne devrait pas y avoir de coût, parce que c'est un frein. Et
ce que vous nous dites aussi : Faites attention, parce que ceux qui en ont
le plus de besoin sont probablement ceux
qui, malheureusement, n'auront pas les moyens d'obtenir cette protection. C'est
ça que j'ai bien compris.
Le Président (M.
Simard) : Mme Champoux.
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Vous comprenez notre préoccupation pour
l'accessibilité aux consommateurs puis,
effectivement, s'assurer que ceux qui en ont le plus besoin, qui sont les plus
démunis, aient aussi accès aux mêmes informations.
M. Ouellet : O.K. Vous avez fait référence aussi tout à l'heure en disant : Peu
importe le coût raisonnable, ça peut l'être
pour un individu, peut-être pas pour d'autres. Donc, si je vous entends bien,
si le gouvernement continue d'aller de
l'avant en disant : Oui, oui, il y aura un tarif qui sera décrété ou
réglementé par le gouvernement, selon vous, ça va causer préjudice, là. Je veux dire, ça ne serait
pas l'alternative. C'est-à-dire qu'au-delà du fait qu'on a d'excellentes
mesures et que vous proposez, au
final, certaines modifications, dont l'article 9 et l'article 10, ce
que vous nous dites : Faites attention, si on veut que ça ait un
véritable champ d'application, assurons-nous que ça soit accessible, et donc
gratuit à tous.
Mme Champoux
(Marie-Claude) : Ce que l'Office de la protection du consommateur a
exprimé, c'est sa préoccupation pour une accessibilité plus grande possible.
M. Ouellet : O.K. Donc, est-ce que ça mettrait à risque, si elles n'étaient pas
accessibles à tous, les différentes dispositions pour une différente
partie de la clientèle? Bref, en voulant bien faire, de dire : On va
mettre des verrous, on va mieux protéger les
données, parce qu'on y fixe un prix et que les gens ne seront pas capables de le payer, on se met encore à
risque, alors qu'avant ça on n'avait même pas de loi? Là, on aurait une loi
mais qui ne couvrira pas tous les consommateurs?
Mme
Champoux (Marie-Claude) : Je réitère qu'on reçoit avec bonheur ce
projet de loi mais qu'on exprime notre préoccupation pour une plus
grande accessibilité.
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
M. Ouellet :
Écoutez, je reçois avec bonheur votre mémoire et je partage vos préoccupations.
Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le député de René-Lévesque. Ceci met donc fin à notre période d'échange. Mme Champoux, M. Allard, de l'Office de la protection des consommateurs, merci de votre contribution à nos travaux.
Sur
ce, nous allons suspendre pour une période de 10 minutes afin de
rencontrer les nouvelles règles sanitaires auxquelles nous sommes
assujettis.
(Suspension de la séance à 10 h 28)
(Reprise à 10 h 39)
Le Président (M. Simard) :
Alors, chers collègues, bienvenue. Nous allons reprendre nos travaux.
Option Consommateurs (OC)
Nous sommes en ce moment en présence de représentants de l'organisation Option Consommateurs. Messieurs,
auriez-vous l'amabilité de vous présenter?
M. Corbeil (Christian) :
Christian Corbeil, directeur général d'Option Consommateurs.
M. Plourde (Alexandre) :
Alexandre Plourde, avocat et analyste.
Le
Président (M. Simard) :
Bienvenue parmi nous. Vous savez que vous disposez d'une période de
10 minutes pour votre présentation. À vous la parole.
• (10 h 40) •
M. Corbeil
(Christian) : Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes,
MM. les députés, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter nos observations aujourd'hui.
Créée en 1983, Option Consommateurs est une association
à but non lucratif qui a pour mission d'aider les consommateurs et de défendre leurs droits. Option Consommateurs est en
contact avec des consommateurs vivant des difficultés financières ou qui
ont des questions sur leur dossier de crédit. Chaque année nous
recevons des centaines de personnes en consultation budgétaire ou en
atelier d'information sur l'endettement et le crédit.
Depuis longtemps,
nous nous intéressons également aux enjeux de la protection de la vie privée
des consommateurs. Nous sommes donc
bien positionnés pour commenter le projet
de loi n° 53. C'est sur la base
de l'expertise acquise sur le terrain et lors de nos représentations que
nous vous présentons nos commentaires devant cette commission.
D'emblée,
nous recevons positivement ce projet de loi et nous saluons l'initiative du
gouvernement. Cependant nous souhaitons proposer des
modifications qui permettraient de l'améliorer afin qu'il soit à la hauteur de
ce qui se fait de mieux ailleurs dans
le monde, notamment aux États-Unis, et ainsi protéger davantage les
consommateurs. Mon collègue, Me Alexandre Plourde, vous exposera
ici les grandes lignes de nos observations. Merci.
M. Plourde
(Alexandre) : Alors, comme
l'a mentionné mon collègue Christian, le projet de loi n° 53 est positif
pour les consommateurs. Toutefois, nous croyons que des améliorations doivent y
être apportées pour qu'il puisse adéquatement
protéger le public. Donc, je vais brièvement résumer quelques-unes de nos
préoccupations en quatre points. Je vous rappelle aussi que nous avons produit
un mémoire écrit qui détaille davantage nos positions sur ce projet de loi.
Donc, premier
point, la gratuité et l'étendue des mesures de protection. Nous accueillons
favorablement l'instauration des
trois mesures de protection prévues au projet de loi n° 53, soit le gel de
sécurité, l'alerte de sécurité et la note explicative. Plus particulièrement,
nous croyons que le gel de sécurité va permettre de complexifier la
tâche des fraudeurs. En bloquant l'accès au dossier de crédit, cette mesure
fera en sorte que les fraudeurs auront plus de mal à détourner l'identité d'un
consommateur et à conclure des contrats en son nom.
Cependant,
nous soulevons deux problèmes quant à la façon dont ces mesures sont énoncées
dans le projet de loi. Le premier
problème concerne leurs coûts pour les consommateurs. En effet,
l'article 16 du projet de loi laisse la possibilité aux agences de
crédit d'imposer des frais aux consommateurs pour se prévaloir des mesures de
protection. Il nous semble inconcevable que
des citoyens victimes d'un bris de sécurité survenant dans une entreprise et
qui n'ont strictement rien à se reprocher doivent engager eux-mêmes des
frais pour se protéger. Cela est d'autant plus problématique pour les personnes à faible revenu qui pourraient ainsi
renoncer à inscrire un gel de sécurité à leur dossier de crédit et qui s'exposeraient alors à davantage de risques de vol
d'identité. Selon nous, les coûts liés à l'exercice des droits conférés
dans le projet de loi n° 53 doivent être supportés par les agences de
crédit.
Le second
problème quant aux mesures de protection du projet de loi n° 53
concerne leur étendue. Selon nous, la
portée du gel de sécurité devrait être élargie pour s'assurer que cette mesure
puisse protéger adéquatement les consommateurs. En effet, l'article 9 du projet de loi énonce que le gel de
sécurité ne s'appliquera uniquement qu'aux contrats de crédit. Cependant, cette approche ne tient pas compte du
fait que d'autres entreprises que des prêteurs d'argent, par exemple des
entreprises de télécommunication, peuvent
faire des requêtes au dossier de crédit. Nous recommandons donc de reformuler
cet article de façon à ce qu'il interdise à toute entreprise de recevoir
communication des renseignements figurant au dossier de crédit, sous
réserve d'exceptions qui pourraient être précisées dans la loi ou dans un
règlement.
Je mentionne
également que les lois aux États-Unis et même en Ontario prévoient que le gel de
sécurité est gratuit pour les consommateurs et qu'il s'applique par défaut à
tout type d'entreprise, sous réserve d'exceptions précises telles que la location d'un logement ou la souscription
d'assurances. On voit mal ce qui justifierait que le Québec n'adopte pas
minimalement des mesures aussi étendues que celles de ces juridictions.
Deuxième point, l'accès au dossier de
crédit par les consommateurs. Avoir la possibilité de consulter le dossier
de crédit est primordial pour les consommateurs
qui cherchent à savoir s'ils ont été victimes d'un vol d'identité. Pourtant,
malgré que la loi prévoie qu'une personne a le droit d'obtenir gratuitement ses
renseignements personnels, les consommateurs font face à des barrières d'accès
pour obtenir leur dossier de crédit. Jusqu'à tout récemment, Equifax exigeait encore des consommateurs qu'ils leur
fassent parvenir un formulaire papier par la poste pour obtenir une copie
gratuite de leur dossier de crédit. L'accès au dossier de crédit via Internet
était payant et n'a été rendu gratuit qu'en raison
de la pandémie de COVID-19. De plus, lorsqu'un consommateur visite le site
Web d'Equifax ou de TransUnion pour
obtenir son dossier de crédit, il se fait bombarder de publicités pour
souscrire à leurs services destinés aux particuliers, comme le service
de surveillance de la fraude ou des assurances contre le vol d'identité. Les
procédures pour obtenir gratuitement le
dossier de crédit, quant à elles, peuvent être très difficiles à repérer sur
ces sites Internet. Ces représentations font en sorte que beaucoup de
consommateurs pensent qu'ils doivent obligatoirement s'abonner à un forfait
mensuel payant pour obtenir leur dossier de crédit.
À
l'ère numérique, il est inacceptable que les agences de crédit puissent encore
imposer de telles barrières d'accès aux
consommateurs. Selon nous, ces pratiques commerciales n'ont que pour intérêt de
permettre aux agences de crédit de favoriser la vente de leurs services aux
particuliers, dont la valeur ajoutée est discutable. Nous demandons donc
que le projet de loi n° 53
soit modifié pour donner au consommateur un droit d'accès au dossier de crédit
par Internet sans frais via un mécanisme simple et facile à repérer pour
le public.
Ce
qui m'amène au troisième point, concernant les recours des consommateurs. Donc,
compte tenu de la multitude des problèmes que peuvent
rencontrer les consommateurs avec les agences de crédit, des mécanismes
de plainte efficaces doivent être mis
en oeuvre pour leur permettre de véritablement faire valoir leurs droits. La possibilité
pour le consommateur d'aller en
médiation avec l'agence de crédit instaurée par le projet de loi laisse entrevoir un mécanisme
rapide et informel pour résoudre les
différends entre les consommateurs et les agences de crédit. Nous proposons
toutefois d'élargir le champ des
tiers pouvant être impliqués dans cette médiation compte tenu que d'autres types d'entreprises que des institutions financières peuvent
porter des inscriptions au dossier de crédit.
Par ailleurs, nous
regrettons que le projet de loi n° 53 ne contribuera
pas à faciliter les recours judiciaires des consommateurs
contre les agences de crédit, qui se montrent souvent lourds et complexes. Nous
aurions souhaité que le projet de loi étende les pouvoirs à la fois de
la Commission d'accès à l'information et des tribunaux de droit commun pour
éviter qu'un consommateur qui souhaite obtenir justice face à une agence de
crédit doive entreprendre plusieurs procédures judiciaires différentes.
Quatrième point, les
utilisations secondaires du dossier de crédit. Donc, nous accueillons
favorablement les dispositions contraignant
les agences de crédit à adopter de saines pratiques commerciales et à suivre
des pratiques de gestion appropriées.
Nous regrettons toutefois que le législateur n'ait pas cru bon aller plus loin
en encadrant les utilisations secondaires du dossier de crédit dans les
domaines de l'assurance, de l'emploi et de la location de logement.
Pourtant,
l'utilisation du dossier de crédit dans ces domaines qui n'ont rien à voir avec
l'octroi de crédit soulève plusieurs problèmes, notamment quant à ses effets
préjudiciables sur des personnes en situation de précarité. Ces enjeux ont d'ailleurs amené d'autres juridictions, comme l'Ontario et Terre-Neuve-et-Labrador, à limiter l'utilisation des renseignements de crédit en matière
d'assurance. À défaut d'un tel encadrement, nous recommandons minimalement de modifier
l'article 19 de la Loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé de façon à ce que les
consommateurs puissent au moins être adéquatement informés lorsqu'on
utilise leurs dossiers de crédit dans ces domaines inattendus.
Donc, en conclusion,
nous estimons que le projet de loi n° 53 prévoit des mesures qui sont positives
pour les consommateurs québécois. Nous considérons qu'il est dans l'intérêt
public qu'il soit adopté, dans la mesure où des modifications y sont apportées.
Parallèlement
à l'adoption de ces mesures législatives, nous croyons que d'autres initiatives
devraient également être mises en
oeuvre. D'abord, étant donné que l'exactitude des dossiers de crédit est remise
en doute depuis fort longtemps, nous
suggérons que le gouvernement du
Québec supporte la tenue d'une vaste
étude québécoise qui permettrait de documenter plus précisément la
proportion d'erreurs qu'on y trouve. Ensuite, compte tenu que le public
comprend souvent mal le fonctionnement du
système d'évaluation du crédit, le gouvernement québécois devrait également
consacrer des ressources pour soutenir les activités d'éducation en ce
domaine. Merci.
Le Président (M.
Simard) : Alors, merci à vous deux. Nous allons maintenant
entreprendre notre période d'échange. M. le ministre, vous disposez de
16 minutes.
M.
Girard (Groulx) : Merci. Et
merci pour votre présentation et l'intérêt que vous attachez à cette question.
Vous demandez que le...
D'abord, une question
rapide : Qui serait le mieux apte à faire cette étude que vous suggérez,
là?
M. Plourde (Alexandre) : L'étude, en fait, là, ça pourrait être fait par
des universitaires, ça pourrait être
fait même par des organismes publics, notamment l'AMF. Puis, si je prends le
cas des États-Unis, là, je m'inspire, en fait, de la situation américaine, la Federal Trade Commission,
aux États-Unis, a fait une étude au début des années 2010 là-dessus,
sur l'exactitude des dossiers de crédit,
puis ils arrivaient à des résultats qui étaient vraiment préoccupants, de
type... Par exemple, un dossier de crédit sur cinq pouvait comporter des
erreurs, 5 % des consommateurs pouvaient avoir même des erreurs dans leur dossier de crédit qui
avaient un impact négatif sur leur cote de crédit. Donc, si on reprenait la
formule américaine, bien, ça serait
un régulateur, là, public qui s'occuperait sans doute de ce genre d'étude là,
potentiellement l'Autorité des marchés financiers ou la Commission
d'accès à l'information.
• (10 h 50) •
M. Girard (Groulx) :
O.K. Bon, j'aimerais revenir sur la gratuité parce que, pour moi... Et le
député de Pontiac s'est étonné que je parle de cette question d'entrée
de jeu, alors je vais lui donner l'occasion de relever les yeux, et de dire... On a... Prenons... Parce que le rôle du
ministère des Finances du Québec, là, ici, là, c'est... on veut avoir une
approche systémique. On a des marchés financiers. Les agences d'évaluation de
crédit sont un intermédiaire reconnu dans le processus d'octroi de crédit. Ça
existe ici, ça existe partout. C'est des milliers, des millions. Le nombre de transactions financières est extrêmement
important, et le nombre de fois où on réfère à ces cotes de crédit est
extrêmement élevé. C'est un service
d'intermédiation utilisé dans le cadre de l'octroi du crédit qui est, pour les
citoyens, souvent la transaction ou les transactions les plus
importantes dans leur bilan financier.
Alors, s'il y
a fuite de renseignements, l'alerte de sécurité est un mécanisme utile pour
prévenir la fraude. Ce que nous n'avons pas, c'est, s'il y a fraude, le
gel de sécurité... Et vous avez référé à l'Ontario, le gel de sécurité n'est
pas effectif en Ontario. S'il y a fraude, le
gel de sécurité est utile pour y
mettre fin ou, à tout le moins, limiter la propagation de ce qui était
amorcé.
Mais est-ce que vous demandez que le service
soit gratuit ou vous demandez que le service soir payé par, par exemple,
l'institution financière qui a été victime de la fraude? Parce que
ce n'est pas la même chose. Ce qui m'inquiète dans la gratuité universelle, c'est la qualité du service. Alors, est-ce que
vous prônez la gratuité complète ou vous recommandez que ce soit l'institution
financière qui octroie le crédit ou l'institution financière qui aurait été
victime d'un vol de données qui paie pour un service de qualité?
Le Président (M. Simard) : Merci. M.
Plourde.
M. Plourde
(Alexandre) : En fait, oui,
on prône une gratuité totale, pour reprendre votre expression, là. Ce n'est pas... Indirectement, c'est les acteurs du système d'évaluation du crédit qui vont payer, là,
que ça soit... Les clients des agences de crédit, évidemment, sont les
institutions financières.
Vous
mentionnez, bon, l'éventualité qu'une institution financière soit victime d'un
bris de sécurité. Ça soulève plusieurs
problèmes. Compter sur le fait que l'institution financière qui a été victime
du bris... qui a été la cible du bris de sécurité paie à ses clients le gel
de sécurité, ça soulève des enjeux. C'est se remettre un peu au hasard. Là, on
a eu l'histoire avec Desjardins,
évidemment. Desjardins a payé un abonnement à Equifax, par exemple, à beaucoup de consommateurs.
Mais on pourrait présumer que, si on avait un gel de sécurité qui est effectif
au Québec, probablement
que Desjardins aurait effectivement payé aux consommateurs un gel de sécurité.
L'enjeu par rapport à ça, bien, première chose, des fois, il y a des bris de sécurité,
puis on n'est pas au courant. Puis
même la très large majorité des bris de sécurité, on n'est pas au courant.
Donc, qu'est-ce qui arrive si
l'institution financière ou si
n'importe quelle autre entreprise est victime d'un bris de sécurité? On ne le
sait pas, ou elle ne l'a pas divulgué,
ou encore l'entreprise, elle décide tout simplement d'ignorer le problème, ou
de minimiser le problème, ou elle choisit
de ne pas payer les consommateurs. Est-ce qu'il va falloir attendre qu'il y ait
un recours collectif pour dédommager les
consommateurs pour qu'ils puissent se faire payer les frais qu'ils ont
déboursés pour des gels de sécurité? Puis là ce n'est pas tout le monde
qui va peut-être, au terme de ça, pouvoir obtenir un remboursement. Ça cause
énormément de problèmes, se fonder sur
l'idée qu'une institution financière victime d'un bris de sécurité, la cible
d'un bris de sécurité, puisse payer
ce service-là qui serait payant, autrement, auprès de l'agence de crédit. La
meilleure formule, c'est la gratuité, la gratuité pour tout le monde. Puis
ça...
Écoutez, il y a aussi une idée... Vous avez
mentionné l'idée de service, là. Vous avez parlé... c'est un service qui est offert aux consommateurs. Mais ce qu'il
faut bien comprendre, c'est que les consommateurs, ce ne sont pas les clients des agences de crédit. Les consommateurs subissent ce
système-là. Les consommateurs, ils n'ont pas le choix de participer à ce
système-là. Les clients des agences de crédit sont les institutions
financières, ce sont les entreprises qui
font des requêtes aux dossiers de crédit. Dans la mesure où les consommateurs
ne sont pas nécessairement une partie contractuelle là-dedans, c'est
n'est pas à eux d'assumer les défauts du système, les bris de sécurité, puis
d'avoir à débourser des frais par rapport à tout ça, là.
M. Girard (Groulx) : O.K., mais...
Le Président (M. Simard) : Merci. M.
le ministre.
M. Girard
(Groulx) : Oui. Donc, dans
le... Parce qu'encore là, là, moi, je
suis dans le risque où la stabilité du système...
Pour qu'il y ait un service, il y a quelqu'un qui va devoir payer pour. Donc,
s'il n'y a pas de frais, implicitement, les agences de crédit vont
charger des frais aux institutions financières pour cette intermédiation-là, et
les institutions financières, pour avoir
déjà travaillé dans une institution financière, je vais m'avancer, là, je ne
veux pas prêter... je m'excuse à mes
anciens collègues, là, je ne veux pas prêter aucune intention, mais on pourrait
penser qu'ils vont imputer des frais à leurs clients.
Donc, avec
cette proposition-là, est-ce qu'on ne s'en va pas vers, ultimement : le
client paie, sauf qu'il ne saura pas combien il paie?
M. Plourde
(Alexandre) : Bien, écoutez,
ça mériterait d'être approfondi comme question, si, vraiment, tous ces coûts-là
vont être ultimement refilés au consommateur ou ça va être intégré dans les
dépenses des institutions financières.
Je vais simplement mentionner une chose, là,
c'est que l'industrie du crédit, elle se porte bien au Québec. Les gens ont très facilement accès au crédit. C'est
une industrie qui est très profitable, les institutions financières qui prêtent
de l'argent aux consommateurs,
puis je pense que c'est des coûts que les institutions peuvent supporter dans
l'exercice de leurs activités. Puis
je ne pense pas que ça serait déraisonnable, là, que ça fasse partie des coûts
systémiques, à mon avis, là.
M.
Girard (Groulx) : O.K. Parce que
moi, je veux juste dire, là, en théorie, en théorie, l'alerte de sécurité,
c'est extrêmement efficace pour
prévenir la fraude, et, en théorie, le gel de sécurité, c'est extrêmement
efficace si vous avez été victime de
fraude. Mais, pour ça, il faut que le service soit de qualité. Si la livraison
du service est sous-optimale, bien là on n'a pas les protections dont on
a besoin.
Alors,
dans le cas que nous avons vécu, l'institution financière a payé pour le
service. Ce qu'on aurait voulu, c'est que le déploiement du service se
fasse de façon optimale, efficace.
Maintenant,
ces services-là avaient probablement été conçus pour faire un client à la fois et non
des millions de clients en
24 heures. Ça a peut-être impacté le service, puis on va poser ces
questions-là à ceux qui livrent les services, mais mon...
Je
pense qu'il faut distinguer entre le droit au citoyen de se protéger,
d'avoir accès à ses données et d'imposer à deux entreprises privées de nous offrir un service gratuitement. Et ça,
ça risque malheureusement d'impacter le service.
Alors,
on pourra en discuter à l'étude détaillée. On va arriver là. Mais je comprends
de votre position que ce que vous recommandez, c'est aucuns frais pour
tous les services.
M. Plourde (Alexandre) : Exactement. Ce qu'on a... On demande la gratuité
pour toutes les mesures de protection.
Je
fais juste mentionner qu'à mon sens la qualité du service, puis je dis
«service» entre guillemets, là, ce n'est pas nécessairement lié à la
gratuité ou pas. Je ne vois pas nécessairement un lien entre la gratuité ou non
pour le consommateur pour la qualité du
service. De toute façon, le projet de loi n° 53, il prévoit des balises
là-dessus. Il prévoit que les agences
de crédit sont tenues d'avoir de saines pratiques commerciales, des pratiques
de gestion appropriées, puis que
l'AMF va chapeauter tout ça. S'il y a un problème avec la qualité du service,
bien, ça va être au tour de l'AMF de mettre
son nez là-dedans puis vérifier si le service est de qualité. Le lien avec la
gratuité, la qualité du service, il me semble ténu, personnellement.
Vous
avez raison de mentionner aussi, je pense, que gel sécurité, alerte de sécurité
sont des bonnes mesures. On propose
aussi, chez Option Consommateurs, quand même de renforcer la méthode, la façon
que l'alerte de sécurité est énoncée
dans le projet de loi. On proposerait notamment que la personne qui fait une
requête au dossier de crédit contacte obligatoirement
le consommateur à toutes les fois qu'il y a une alerte de sécurité, qu'il y a
une requête faite à son dossier de crédit pour un nouveau contrat, par
exemple, pour s'assurer d'avoir bien identifié la personne.
• (11 heures) •
M. Girard
(Groulx) : Bien, je vous remercie. Puis c'est très clair pour moi.
Mais je dirais que, théoriquement, de demander
à des entreprises privées de donner
un bon service gratuitement, je n'ai pas vu ça souvent. Là, à ce moment-là,
peut-être il faudrait... vous allez jusqu'à remplacer le service, l'offrir autrement. Alors,
je passerais la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Simard) : M. le député de Saint-Jérôme, vous disposez d'une période de
4 min 15 s.
M. Chassin : Merci. Dans l'aspect, dans le fond, de gratuité, vous parlez aussi
d'avoir un accès à sa cote en ligne et gratuitement. Là, je veux poser une
question toute naïve, mais disons que je loue un logement, j'aimerais avoir
la cote de crédit. Au lieu de payer un frais
à l'agent d'évaluation, est-ce que je ne peux pas demander, dans le fond, à la
personne à qui je viens de faire visiter le
logement, dire : Bien, peux-tu aller en ligne me sortir ta cote de crédit,
que je voie, là, puis ça va m'aider dans ma décision?
Le Président (M.
Simard) : M. Corbeil.
M. Corbeil
(Christian) : Je vais laisser mon collègue intervenir.
Le Président (M.
Simard) : Très bien. M. Plourde.
M. Plourde (Alexandre) : Oui, bien, on recommande occasionnellement aux
consommateurs, par exemple, qui veulent de, par exemple, fournir
eux-mêmes leur dossier de crédit. Ça pourrait être ça, là. C'est le genre de
solution qui peut être faite, mais, en fait,
nous, ce qu'on demande chez Option Consommateurs, particulièrement, là, par rapport à la fois à la cote de crédit
puis au dossier de crédit, ce qu'on demande, c'est un accès en ligne gratuit.
C'est vraiment ça qu'on demande pour le consommateur.
Puis,
ce qu'on a constaté au fil des ans, c'est, oui, la loi nous donne accès à notre
dossier de crédit. J'ai le droit, légalement puis selon les lois sur la
protection des renseignements personnels, j'ai le droit tout à fait d'avoir
accès à mon dossier de crédit. Le problème,
c'est, quand je veux l'avoir, mon dossier de crédit, c'est compliqué, j'ai des
embûches, je m'en vais sur le site
d'Equifax ou de TransUnion, ils essaient de me vendre des forfaits, des
assurances contre le vol d'identité, ce genre de choses là. C'est
vraiment ça, l'enjeu pour les consommateurs actuellement.
M.
Chassin : Je comprends bien. Est-ce que vous avez évalué, dans
le fond, la part de marché que les agents d'évaluation de crédit pourraient
perdre avec une mesure comme celle-là?
M. Plourde (Alexandre) : Vous voulez
dire...
M. Chassin : Parce que, dans le fond, il y a plusieurs petits... tu sais, ce n'est
pas que les banques et les institutions financières d'importance qui demandent des dossiers de crédit. Et donc est-ce qu'il peut y avoir, finalement, une perte en termes de revenus pour
eux?
M. Plourde (Alexandre) : Je ne suis
pas très inquiet pour la profitabilité des agences de crédit.
M.
Chassin : Bien, pas tant sur
la profitabilité, mais est-ce que vous pensez qu'il va y avoir des pertes pour eux?
M. Plourde
(Alexandre) : Bien, il va peut-être
y avoir des coûts liés à ce genre d'exercice là. Ceci étant, moi, ce que je... Si, par exemple, je donne accès
gratuitement au consommateur au dossier de crédit, ce qu'il faut comprendre,
c'est que les agences de crédit vont avoir
comme deux types de clients, là. Ils vont avoir le client consommateur puis ils
vont avoir le client corporatif. Le client
corporatif fait des accès au dossier de... va chercher... fait des requêtes au
dossier de crédit. Ils ont beaucoup
développé leurs services face au consommateur, ils veulent vendre aussi au
consommateur toutes sortes de service d'accès, prévention de la fraude,
tout ça. Potentiellement qu'ils pourraient perdre de l'argent à ce niveau-là.
M. Chassin : De
ce côté-là aussi. Non, je comprends.
M. Plourde
(Alexandre) : Dans les
services au consommateur, mais, de
toute façon, ce n'est pas ça, leur
business principal, les agences de
crédit, ça a tout le temps été un système d'évaluation qui est lié aux entreprises. Ça, c'est vraiment une
utilisation secondaire du dossier de crédit pour maximiser leurs profits quant
à l'utilisation de nos renseignements
personnels.
M.
Chassin : Je comprends. Pour
la partie médiation, par exemple, avec la Commission
d'accès à l'information ou encore le
rôle qui est confié à l'Autorité des
marchés financiers, l'intervenant précédent, l'Office de la
protection du consommateur, nous parlait que ça pouvait peut-être
être confondant pour certains consommateurs, à quelle, finalement, autorité je me réfère. Est-ce que
vous le voyez confondant, d'une part, puis, d'autre part, si oui, est-ce que
vous voyez un moyen d'expliquer, de diffuser, de publiciser la bonne information
au consommateur?
M. Plourde
(Alexandre) : Oui. La
médiation est une bonne mesure, à mon
avis. C'est vrai que, bon, il va y
avoir plusieurs organismes mélangés là-dedans, là. Il va y avoir l'AMF, il
va y avoir la Commission d'accès à
l'information là-dedans. L'AMF va
jouer un rôle, un peu un intermédiaire avant de se rendre à la Commission d'accès à l'information. Ça
peut effectivement être un peu mélangeant pour les consommateurs. Ça
va être, effectivement, à mon sens, la qualité de l'information
qui va être donnée dans le processus au consommateur qui pourrait faire la
différence là-dedans.
M. Chassin :
Comment les renseigner, comment les...
M. Plourde (Alexandre) : Comment les
gens sont aiguillés là-dedans.
M. Chassin :
Vous avez peut-être un rôle aussi, mais...
M. Plourde
(Alexandre) : C'est ça. On a
un rôle, tout le monde a un rôle à jouer là-dedans. Ceci étant, qu'il y ait
un organisme public qui cherche à faciliter les recours des consommateurs...
Le
Président (M. Simard) : Merci, M. Plourde. Merci beaucoup. Désolé, c'est le temps qui nous était imparti.
Excusez-moi de vous couper comme ça. M. le député de Pontiac, vous disposez de
10 min 40 s.
M.
Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est vrai que j'étais, disons, surpris,
initialement, que le ministre fasse le lien entre la qualité du service et la
gratuité. Je vois que le ministre a repris ce thème-là.
Et une chose qui me surprend encore plus... je vais permettre au ministre et au député de lever les yeux aussi,
là, mais une chose qui me surprend
encore plus, c'est que l'angle de question du gouvernement semble plus
préoccupé par la profitabilité de
l'entreprise privée que par la protection des données puis ce qui est
nécessaire pour protéger les Québécois par rapport à leur dossier de
crédit, à l'accès à leur dossier de crédit.
Juste pour
terminer sur ce point-là, je vois, dans votre mémoire, là, vous notez, et je
vous cite : «Il est intéressant de noter qu'aux États-Unis le gel
de crédit s'avère totalement gratuit pour les consommateurs.» Est-ce que le
service est moindre?
M. Plourde
(Alexandre) : Il y a eu
certains politiciens qui ont critiqué l'accès à ces mesures-là à certains
moments. Il faudrait vérifier, c'est
assez récent aussi, l'instauration du
gel de sécurité aux États-Unis, ça date de peut-être un an ou deux.
M. Fortin :
O.K.
M. Plourde
(Alexandre) : Donc, il
faudrait peut-être voir, là, des études peut-être plus poussées qui
vérifieraient, là, comment ça s'est
déroulé exactement. Ceci étant, les États-Unis, ce n'est pas une juridiction qui sont reconnus pour avoir une
protection du consommateur qui est plus étendue que celle du Québec, puis, à
mon sens, je crois qu'on est minimalement
capables d'atteindre un seuil aussi élevé en matière de protection du
consommateur que ce qui se fait aux États-Unis. Puis, si jamais il y a des problèmes aux États-Unis,
bien, apprenons de leur expérience puis veillons à ce que l'AMF s'assure
que les consommateurs soient bien desservis par ces entreprises-là, tout
simplement.
Le Président (M. Simard) : ...M. le
député.
M.
Fortin : Juste comme ça, les
politiciens auxquels vous faites référence, j'imagine qu'ils ont fait ce
lien-là, là, entre la qualité de
service puis la gratuité, qu'ils se sont inquiétés de la gratuité, c'étaient probablement des politiciens républicains, j'imagine.
M. Plourde (Alexandre) : Je ne
pourrais pas commenter là-dessus.
M.
Fortin : Non... O.K.
Tantôt, vous nous avez dit que beaucoup... et ça, c'est inquiétant, et, en fait, vous
êtes bien placé pour nous parler de
ça, mais vous nous avez dit tantôt : Il y a beaucoup
de consommateurs qui pensent qu'ils doivent
souscrire à un service payant pour obtenir de l'information sur leur cote de
crédit quand ils vont, par exemple, visiter des sites Internet des
entreprises privées. Est-ce que vous avez des données là-dessus? Savez-vous
combien de Québécois sont tombés dans ce panneau-là?
M. Plourde
(Alexandre) : Non, je n'ai
pas de données fiables, puis c'est aussi un des enjeux en matière d'agences de
crédit. C'est que c'est un enjeu que... Nous, ça fait des décennies que ça
perdure, les questions qui sont liées aux agences de crédit, puis il y a peu d'études qui se
font là-dessus, on documente peu la question.
J'ai parlé des erreurs, tantôt. On n'a pas
de données fiables, au Québec, sur ce genre de choses là. C'est vraiment
une lacune aussi qui rend difficile de faire des politiques publiques sur ces questions-là, mais, de manière
empirique, ce qu'on voit, là, c'est... les consommateurs à qui on parle sur une base régulière, ils me
disent : Bien, je me suis inscrit aux services d'Equifax pour avoir accès
à mon dossier de crédit. On leur dit : Vous aviez accès gratuitement, puis
les gens peuvent être surpris d'entendre ça, qu'ils peuvent avoir accès
gratuitement à leur dossier de crédit.
M.
Fortin : O.K.
Vous parlez justement de vos liens avec les consommateurs puis des
échanges que vous avez avec eux,
hein? Vous dites, dans votre mémoire, qu'il y a des consommateurs qui
aimeraient pouvoir inscrire à leur dossier de crédit les raisons, par
exemple, pour lesquelles il y a
eu une mésentente, ils n'ont pas pu faire un paiement ou peu importe, là.
Est-ce que c'est quelque chose que vous voyez beaucoup? Ça arrive-tu souvent,
ça, que les gens, ils disent : Oui,
c'est vrai, là, ce qu'il y a dans mon dossier de crédit, mais j'aimerais ça
être capable de l'expliquer, j'aimerais ça être capable de le faire? Puis peut-être sous-question, là : Ça se
fait-u ailleurs? Il y a-tu un autre endroit dans le monde où on peut
faire ça dans notre dossier de crédit?
M. Plourde (Alexandre) : Bon, pour
ce qui est de la note de sécurité, en fait, toutes les mesures de sécurité, vous voyez qu'on propose de les élargir un peu
plus, les rendre gratuites puis les élargir un peu plus. Ça existe, en fait,
déjà au Québec. L'article 40 du Code civil du Québec nous dit que je peux déjà inscrire dans un dossier des commentaires,
ce genre de choses là. Il y a déjà un principe général dans la loi.
Cependant,
nous, ce qu'on proposerait, ce serait d'élargir la note explicative dans le projet de loi n° 53, en fait, pour permettre de notifier, c'est
vraiment l'intérêt, c'est de notifier l'entreprise qu'il y a une note dans le
dossier de crédit à ce moment-là. Je ne
pourrais pas vous dire qu'est-ce qui se fait ailleurs dans le monde. C'est sûr
que, là, c'est un aspect qui est peut-être plus marginal dans le projet
de loi, mais ça peut être intéressant pour les consommateurs, parce qu'il y a des gens, effectivement, qui
peuvent avoir des problèmes de jeu, ils ont une maladie, ce genre de choses là,
qui aimeraient peut-être l'expliquer dans
leur dossier de crédit. Mais, encore là, c'est bien peu de choses qu'on
demande, parce que le commerçant, ou
l'entreprise, ou l'institution financière n'est même pas obligé de prendre ça
en compte, de toute façon, puis ce
n'est pas pris en compte dans le score de crédit. L'algorithme, ça ne lui
dérange pas, lui, qu'est-ce qui est écrit comme note dans le dossier de
crédit, là.
• (11 h 10) •
M. Fortin : Ça
se fait-u ailleurs? Savez-vous?
M. Plourde (Alexandre) : Je ne
pourrais pas vous dire.
M.
Fortin : Non, vous ne savez
pas? O.K. Tantôt, le ministre a amené le concept, l'hypothèse, là, l'hypothèse,
selon son expérience bancaire,
qu'effectivement si c'est l'institution financière qui a subi une fraude qui
doit payer, bien, peut-être qu'ils vont simplement refiler le prix aux
consommateurs.
Une voix : Si c'est gratuit.
M.
Fortin : Si c'est gratuit.
Bien, si c'est eux qui doivent... en fait, si c'est gratuit pour le
consommateur, si c'est eux qui doivent payer la note.
Est-ce que...
Tu sais, si on prend le concept jusqu'au bout, là, de ce que le ministre
avance, si c'est gratuit et c'est, je ne sais pas moi, Equifax ou
quelqu'un d'autre qui doit payer, bien, il est bien possible qu'eux refilent le
prix aux institutions bancaires, qui vont éventuellement
le refiler aux consommateurs. Mais là où l'Office de la protection du consommateur nous a éclairés tantôt, et ils avaient totalement raison de le faire,
c'est que, souvent, il faut trouver une façon pour que les gens qui ont besoin de cette information-là, qui ont besoin
de poser des actions sur leur dossier de crédit, ce ne soit pas eux qui paient. Donc, au minimum, même si c'est les
institutions bancaires, même si c'est refilé au consommateur à travers les institutions bancaires ou à travers
les multinationales, bien, au moins, ce n'est pas le consommateur qui a un
problème de crédit, qui est dans le trouble
financièrement, sur lequel il y a potentiellement eu une fraude, qui est obligé
de payer.
Est-ce que
vous êtes d'accord avec l'affirmation de l'Office de la protection du consommateur qu'il faut trouver un moyen, là, peu importe ce que c'est, mais
il faut trouver un moyen pour que ce consommateur-là qui a un enjeu
présentement ne soit pas obligé de payer?
M. Plourde
(Alexandre) : Bien, comme je
disais tantôt, il faut que ça soit gratuit. Effectivement, vous avez raison.
Ceci étant, la formule sur laquelle on
compterait, par exemple, sur le fait que l'institution financière qui a subi un
bris de sécurité paie pour le consommateur juste au moment où est-ce qu'on
déclare le bris de sécurité, donc, on imagine, là, une institution financière qui annonce à tout le monde
qu'elle a subi un bris de sécurité majeur puis elle dit : Je vais payer à tous les consommateurs, à tous mes clients le gel
de sécurité, ce n'est pas une formule qui est efficiente au
sens économique. Vous savez très bien que, dans l'histoire de
Desjardins, par exemple, il y a très peu de gens qui se sont inscrits, une proportion qui est assez minime de gens qui se
sont inscrits au service de surveillance de la fraude. Donc, qu'est-ce qu'on
fait avec tous ces autres-là? Donc, ce n'est
pas toujours simple, là, de compter sur une approche à la
pièce plutôt que faire une approche qui serait
universelle, là, qui fonctionnerait dans tous les cas, là.
Le Président (M. Simard) : ...
M. Fortin : Merci, M. le Président. Les consommateurs auxquels vous avez parlé...
j'imagine que vous avez parlé avec des consommateurs qui avaient des problèmes
pour rectifier leurs dossiers de crédit.
M. Plourde (Alexandre) : Oui.
M. Fortin :
Combien de temps ça prend à rectifier son dossier de crédit en ce moment?
M. Plourde
(Alexandre) : Bien, on espère
que le projet de loi n° 53 va
améliorer ça, justement, avec la médiation, puis c'est un bon point du
projet de loi. L'enjeu, c'est que, si moi, je conteste une inscription à mon
dossier de crédit, j'appelle l'agence de
crédit, j'appelle Equifax, Equifax, qu'est-ce qu'ils vont faire? Ils vont
appeler le créancier, puis le créancier
va leur dire : Ah oui, il me doit l'argent. Donc, ils vont prêter foi à ce
que dit le créancier, mais moi, si je ne suis pas d'accord avec le créancier, qu'est-ce que je fais? Bien, je
m'en vais devant les tribunaux de droit commun, je conteste la créance, donc là on va avoir... la
Cour du Québec va se prononcer là-dessus. La Cour du Québec, par contre,
elle n'a pas le pouvoir de faire rectifier
mon dossier de crédit. Donc, pour faire rectifier mon dossier de crédit après
avoir gagné à la Cour du Québec, si
le créancier ne change pas l'inscription au dossier de crédit, je m'en vais à
la Commission d'accès à l'information puis je demande une rectification
de mon dossier de crédit, mais, après ça, la Commission d'accès à l'information, elle n'a pas le droit de m'octroyer les
dommages et intérêts. S'ils ont commis une faute, ils ont fait une inscription fautive à mon dossier de crédit,
ils ne peuvent pas m'en donner, de l'argent, par exemple, un dédommagement
pour le temps que j'ai perdu ou pour le
crédit que j'ai perdu. Donc, il faut que je retourne ensuite à la Cour du
Québec.
Puis,
traditionnellement... les choses changent actuellement, là, mais la Commission
d'accès à l'information est un organisme qui a été beaucoup sous-financé
au cours des dernières années, puis ça pouvait se compter en années, par exemple. Puis on sait aussi que les tribunaux
judiciaires peuvent être très longs. Donc, un consommateur... puis c'est
rare, ceux qui vont se battre jusqu'au bout,
là, mais un consommateur qui veut se battre jusqu'au bout, ça peut prendre
des années, là, devant les tribunaux.
M.
Fortin : Puis, entre-temps,
le consommateur n'a pas pu avoir son prêt, par exemple, parce que son dossier
de crédit, il a un enjeu, soulève un enjeu
potentiel, là, puis peut-être qu'il a eu accès à une autre source de
financement avec des taux de crédit, des taux d'intérêt absolument
dérisoires.
M. Plourde (Alexandre) : Ce n'est
pas juste ça. Ce n'est pas juste ça, les impacts d'une inscription négative sur un dossier de crédit. Oui, le crédit est plus
cher, donc des impacts sur le crédit, mais c'est utilisé à plein d'autres
sauces, hein, le dossier de crédit.
C'est utilisé en matière d'assurances. Donc, je vais payer plus cher mes
assurances. C'est utilisé en matière
de logement. Donc, je pourrais me faire refuser mon logement parce que j'ai une
inscription défavorable dans mon
dossier de crédit. C'est même utilisé en matière d'emploi. Donc, avant
d'engager quelqu'un, on peut vérifier son dossier de crédit aussi. Donc, ça
peut avoir des conséquences dans toutes sortes de sphères de la vie d'une
personne pour une inscription que je conteste, que je ne suis pas
d'accord, qui est erronée.
M. Fortin : Très bien. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. le député de Pontiac. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci,
M. le Président. Messieurs, bonjour.
On a entendu le ministre, tout à
l'heure dire, que sa préoccupation,
puis j'espère que je ne le cite pas mal, c'est de protéger le système tel qu'il
est, Equifax, et autres, étant un
rouage essentiel dans toute la machine de crédit. Moi, ma préoccupation, bien
franchement, puis je l'ai annoncée, là, d'entrée de jeu, là, dans ma petite minute de préliminaires, c'est les
consommateurs, ce sont les citoyens et les citoyennes.
Vous
l'avez dit vous-mêmes, et j'ai eu des cas comme ça à mon bureau, de gens qui ne
se sont pas fait engager comme
caissière dans des petits commerces parce que sa cote de crédit n'était pas
top. On ne parle pas de casier judiciaire,
là, de quelqu'un qui avait volé ou fraudé, là. Sa cote de crédit n'était pas au
top. L'employeur a dit : Bien, je ne t'engage pas parce que tu vas être à la caisse, puis tu vas manipuler de
l'argent, puis tu n'es peut-être pas fiable vu que ta cote de crédit... Alors, ça a des implications
insoupçonnées, cette affaire-là, insoupçonnées. Ce pour quoi c'est la
responsabilité des gens qui
manipulent nos données que de payer le service puis de s'assurer que ce soit un
service de qualité. Puis moi, je ne
vois pas trop pourquoi les banques n'auraient pas intérêt à avoir un service de
qualité, même s'il est gratuit pour le consommateur. Ça ne m'inquiète
pas trop.
Ma
question, là-dessus : Pourquoi vous n'allez pas jusqu'à demander
l'interdiction de l'élargissement de l'utilisation de la cote de crédit, comme ça se fait ailleurs,
vous avez dit en Ontario, pour l'assurance? Là, c'est rendu que — en plus, c'est un autre frein au logement, on n'a pas besoin de plus de freins,
là, au logement, surtout pas à Montréal — on ne se fait pas engager parce que notre cote n'est pas top. Pourquoi vous ne
demandez pas carrément... Ça me rappelle un peu le numéro d'assurance sociale, hein, qui, au début,
avait une fonction puis que, là, est rendu, là, à toutes les sauces, là. Si tu
vas t'ouvrir un compte quelque part, tout le monde te demande ton NAS, là. Ça a
de l'air que tout le monde a mon NAS
ici, là. Pourquoi est-ce que vous ne demandez pas carrément l'interdiction ou
la fermeture à deux, trois options, deux, trois utilisations?
M. Plourde
(Alexandre) : On est favorables à une interdiction maintenant, là, ou,
du moins, une très grande restriction du
dossier de crédit dans ces domaines-là. Donc, que ce soit assurance, que ce
soit emploi, que ce soit location de
logement aussi, on est favorables à au moins une réduction très grande de
l'utilisation du dossier de crédit dans ces domaines-là.
La difficulté pour
nous aussi, c'est que les impacts de ces pratiques-là, on les voit sur le
terrain, mais il n'y a pas d'étude tellement
qui documente ça. Donc, c'est difficile de recommander des bonnes politiques
publiques quand on ne sait pas
exactement c'est quoi, les impacts concrets, là-dessus, mais, minimalement, ce
qu'on recommande, c'est suivez l'exemple de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le Président (M.
Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de
René-Lévesque.
M. Ouellet : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vais fonctionner à l'inverse
avec vous, messieurs. Le ministre disait tout à l'heure : Pour que ça
fonctionne, le gel, il faut qu'on ait été fraudé pour dire qu'une fois que je
mets le gel je vais éviter que ça se
réplique dans le système, mais on
peut fonctionner à l'inverse. Si moi, je décide de demander le gel tout de suite... Moi, là, mon hypothèque
roule, je ne pense pas avoir des achats qui vont demander du crédit, est-ce que
je pourrais, comme consommateur, décider d'appliquer le verrou tout de suite?
Parce que, moi, ce qui me fait peur, là, c'est de voir les fuites de données partout. Il y a un risque de me faire
frauder et d'être pogné au téléphone à essayer de régler ça. Est-ce que je pourrais, en amont, décider,
comme consommateur, moi, là, je veux un gel tout de suite parce que je regarde mes finances, je ne devrais pas demander de crédit
puis, si jamais j'en demande, je lèverai le verrou à ce moment-là?
M. Plourde (Alexandre) : Moi, ma lecture de l'article 9, c'est que je
peux faire ça, c'est que c'est discrétionnaire. Moi, c'est ça, ma lecture du projet de loi. C'est ce que
j'en ai compris. Si ça n'avait pas été ça qui avait été écrit, je veux
dire, c'est exactement ce que vous dites que j'aurais proposé.
J'estime,
de toute façon... Il y
a un enjeu par rapport à ça, c'est que bien des gens ont été victimes d'un vol d'identité ou,
du moins, d'un bris de sécurité, puis la plupart des gens l'ignorent complètement. Le Commissariat à la protection de la vie privée, l'an passé, a
estimé qu'à peu près tous les Canadiens ont été victimes d'un bris de sécurité
à un endroit ou à un autre. Donc, on est
tous à risque. Puis attendre de subir une fraude, attendre de vivre un vol
d'identité, c'est bien souvent inutile.
Puis quelqu'un qui n'a aucune consultation à faire faire sur
son dossier de crédit, qui ne se cherche pas de crédit, ne se cherche pas d'assurance, ne se cherche pas,
bon, d'emploi ou de logement, peut très
bien décider de mettre un verrou, là.
M. Ouellet : C'est pour ça qu'il faut que ça soit gratuit, parce que,
si le consommateur ne veut pas avoir accès au crédit, il ne veut pas
être victime de quelqu'un qui pourrait usurper son identité. Donc, à la base,
je peux, comme consommateur, demander le
verrou avant même que d'autres le demandent, et donc, à ce moment-là, je peux avoir une protection, et c'est pour ça que cette
protection-là doit être gratuite. À la base, le consommateur qui ne veut pas
faire affaire avec ces compagnies-là, ne
cherche pas à avoir du crédit, doit avoir une protection minimale, et cette
protection minimale de qualité, parce que ça existe ailleurs, aux États-Unis,
les infrastructures sont déjà existantes, ça peut être répliqué au Québec.
Je
regarde les chiffres d'Equifax. Écoutez, un bond phénoménal de l'action de 107 $ à 160 $ pendant la pandémie. Je veux dire, ces compagnies-là fonctionnent très
bien. Donc, le coût d'implantation est déjà assumé, une partie aux États-Unis.
On peut répliquer ça au Canada, et ça peut...
• (11 h 20) •
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
M.
Ouellet : ...rapidement se
répercuter sur des taux, mais évidemment pas sur un long terme, et considérant
qu'en pandémie il y aura plusieurs réquisitions en matière de crédit.
Le
Président (M. Simard) : Alors, merci. Merci à vous, cher collègue.
Ceci, donc, met fin à notre temps que nous avions pour l'exposé.
MM. Corbeil et Plourde, merci pour votre présence.
Sur ce, nous allons suspendre momentanément nos
travaux.
(Suspension de la séance à 11 h 21)
(Reprise à 11 h 35)
Le Président (M. Simard) : À
l'ordre, chers collègues! Nous allons maintenant poursuivre nos travaux.
TransUnion of Canada Inc.
Nous sommes en présence de représentants du
groupe TransUnion. Comme vous le savez, nous sommes en visioconférence et nous bénéficions d'un système de traduction
simultanée. Je remercie donc notre traductrice, qui est avec nous ici
aujourd'hui.
Mesdames,
bienvenue. Merci de vous joindre à nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de
vous présenter, s'il vous plaît?
(Visioconférence)
Mme Banfield (Chantal) : Oui. Alors,
bonjour, M. le Président. Je m'appelle Chantal Banfield et je suis la
vice-présidente et avocate-conseil chez TransUnion du Canada. Et ma collègue
ici, Johanna Fitzpatrick. Johanna?
Le
Président (M. Simard) :
Alors, je crois comprendre que nous n'entendons pas pour le moment
Mme Fitzpatrick. Et, le temps d'arranger, donc, ce petit problème technique,
Mme Banfield, nous vous cédons la parole.
Mme
Banfield (Chantal) :
D'accord. Alors, comme je disais, je suis accompagnée de ma collègue Johanna
Fitzpatrick, qui est conseillère
juridique. Je sais que vous avez eu de la difficulté à l'entendre. Alors, je
voudrais brièvement présenter TransUnion du Canada avant d'aller dans le vif de
notre sujet, c'est-à-dire nos recommandations au sujet de la Loi sur les
agents d'évaluation du crédit, donc, le projet de loi n° 53.
Alors, depuis
1989, TransUnion est un des
principaux fournisseurs de services de renseignement sur le crédit au Québec
et dans le reste du Canada. Alors, au coeur de notre activité, bien sûr,
nous conservons des renseignements sur
le crédit des consommateurs pour aider les prêteurs à prendre des décisions en
matière de crédit. Nous aidons également les consommateurs en facilitant la
réalisation d'un certain nombre de leurs rêves financiers personnels, comme
l'achat d'une maison, d'une voiture ou un
investissement dans leur éducation. C'est ce que nous appelons l'information à
bon escient.
Alors, avant
de poursuivre, je voulais souligner que, bien que le Québec
n'ait pas eu de loi autonome concernant les agences d'évaluation de crédit
jusqu'à maintenant, nous avons veillé à ce que les Québécois
aient accès aux mêmes droits et
recours que leurs voisins des autres provinces qui disposent d'une telle loi,
comme, par exemple, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Écosse. Alors, ainsi, les Québécois bénéficient, depuis
de nombreuses années, de plusieurs
droits que le projet de loi n° 53 cherche à codifier. Parmi ces avantages, par
exemple, on a les notes explicatives qui peuvent être ajoutées aux
fiches de crédit ainsi que les alertes de sécurité.
Alors,
maintenant, si on passe au projet de
loi n° 53, notre témoignage aujourd'hui portera sur nos suggestions pour
améliorer le projet de loi. Et nous voulons explorer trois thèmes. Le premier
est temporel. Nous voulons nous assurer que les agences d'évaluation du crédit disposent de suffisamment de
temps pour ajuster et revoir la conception de leurs systèmes afin d'atteindre des objectifs de la
législation, particulièrement là où il y a du nouveau, évidemment. Le deuxième thème, c'est la protection adéquate des
consommateurs. Et enfin nous voulons nous assurer que le projet de loi
n° 53 ne crée pas une complexité
administrative qui entraînerait une augmentation des coûts de service au Québec.
Alors, on va commencer avec le temps pour
s'adapter. Comme j'ai mentionné en introduction, depuis plus de 15 ans, TransUnion fournit déjà les deux
premières mesures que j'ai déjà mentionnées, soit les alertes de sécurité et
les notes explicatives, aux consommateurs québécois. En fait, le secteur de
l'évaluation de crédit a été le premier à lancer les alertes de sécurité
dans les années 1990. Donc, ça existe depuis longtemps. L'obligation, par
contre, de donner aux consommateurs la
possibilité d'appliquer un gel de crédit, ça, c'est une mesure qui est
entièrement nouvelle au Canada, comme vous le savez déjà probablement.
Alors, nous
comprenons l'intérêt d'offrir aux consommateurs la possibilité de geler l'accès
à leurs renseignements. Tout à fois, il faut souligner que c'est une
fonctionnalité qui est toute nouvelle pour le secteur du crédit au Canada,
et nous voulons nous assurer que nous
procéderons correctement. Alors, les agents d'évaluation de crédit ont besoin
de temps pour mettre au point des
nouvelles technologies, intégrer les capacités du gel de crédit dans les
différents systèmes qui sont utilisés actuellement par les créanciers
pour accéder aux renseignements de crédit.
• (11 h 40) •
Alors,
l'effort ne... (panne de son) ...non pas uniquement sur nos épaules, mais
également, à leur tour, tous les créanciers, tels que les caisses
d'épargne, les banques, les autres institutions financières, devront également
apporter des modifications importantes à leurs systèmes
pour recevoir l'indication du gel de crédit et y répondre de manière appropriée. Il faudra faire des changements pour
ne pas que le système faille quand il reçoit une alerte de gel. Alors, ils
auront besoin également de temps pour se préparer, pour préparer les systèmes,
les mettre à l'épreuve, faire les tests adéquats
et, de plus, pour préparer les processus pour qu'en succursale les employés
sachent quoi faire avec une alerte de gel de crédit.
Alors, nous avons noté que le projet de loi a
prévu une date ultérieure pour la mise en oeuvre des dispositions relatives au gel de crédit, alors cela permettra
d'allouer le temps nécessaire pour mettre en place la fonctionnalité du gel.
Et TransUnion a toujours
soutenu, dans toutes ses conversations sur la mise au point de ce projet de loi, qu'il faudra deux ans pour mettre au point correctement cette
mesure selon les exigences du projet de loi tel qu'il est en ce moment.
Alors, outre
le gel de crédit, maintenant, si je peux me tourner à la protection des
consommateurs, alors, le projet
de loi n° 53 permet aux consommateurs de placer des alertes de sécurité et
des notes explicatives, et nous sommes préoccupés par la formulation de
certains articles qui permettent à un consommateur de suspendre ces méthodes de
protection. Nous pensons qu'une suspension
d'une alerte de sécurité ou de notes explicatives ne fonctionne pas. Alors,
laissez-moi vous expliquer pourquoi.
Si on prend,
par exemple, les alertes de sécurité, actuellement, les consommateurs ajoutent une alerte de
sécurité à leur dossier de crédit s'ils sont, par exemple, victimes de
fraude ou s'ils ont des raisons de croire qu'ils pourraient être victimes de fraude. Disons,
par exemple, que leurs renseignements faisaient partie des renseignements ayant
été touchés par une faille de
sécurité à leur institution financière, à leur détaillant, à leur société de
télécommunication, etc. Alors, quand une alerte de sécurité est présente
sur un dossier de crédit, elle est envoyée au prêteur, qui demande la fiche de ce consommateur pour les avertir que le
consommateur en question a été victime de fraude. Alors, les prêteurs sont
ainsi avisés de prendre les mesures
appropriées pour vérifier l'identité du consommateur. Et d'ailleurs le projet
de loi prévoit un amendement à cet
effet à l'article 19.1 de la loi sur les renseignements personnels. Alors,
par conséquent, l'idée d'une suspension va un peu à l'encontre de cet objectif
et n'apporte pas d'avantage. Alors, c'est difficile d'imaginer l'avantage
de suspendre cette mesure d'alerte pendant
une période limitée. Cette suspension pourrait en fait servir à perpétrer
d'autres fraudes dans le cas où le prêteur ne serait pas informé de la situation
du consommateur.
Alors, de la même
manière, les notes explicatives ne sont pas un obstacle à l'approbation de
crédit. Ça fonctionne comme une alerte, donc ça n'empêche pas les transactions
de continuer. Alors, les notes explicatives permettent aux consommateurs d'inscrire des remarques dans leur
dossier de crédit, qui seront transmises aux prêteurs et qui pourront
prendre cette information-là en considération quand ils doivent formuler une
décision à propos du consommateur.
Donc, de suspendre temporairement les remarques
placées dans le dossier du consommateur, on ne voit pas d'avantage. Alors, pour cette raison, nous recommandons donc que la
suppression, le droit de supprimer les alertes de sécurité et les notes
explicatives soit enlevé du projet de loi. Les consommateurs ont bien sûr le
droit de révoquer les mesures, mais le concept de la suspension, nous croyons,
n'est pas utile dans ce contexte.
Alors, en ce
qui concerne les notes explicatives également, je voulais vous mentionner que les notes
explicatives, de la façon dont elles
sont décrites dans le projet de loi, sont très restrictives. Alors, ça fait... De la
façon dont c'est décrit dans le projet de loi, on parle de notes
explicatives seulement pour discuter une mésentente avec l'agent d'évaluation de crédit ou un litige avec l'agent d'évaluation du crédit. Comme nous l'avons mentionné, c'est une fonctionnalité qui
existe aujourd'hui et c'est utilisé de façon beaucoup
plus large en ce moment. Alors, par
exemple, si les consommateurs
ont des événements négatifs dans leur vie, comme la maladie ou le divorce, qui
pourraient avoir des conséquences à court
terme sur leur solvabilité, ils peuvent utiliser les notes explicatives, qui
seront sur leur fiche de crédit, et, comme ça, quand elles sont envoyées, comme je disais plus tôt, aux prêteurs,
ils peuvent les prendre en considération. Alors, pour ces raisons, nous
recommandons que le projet de loi n° 53 soit modifié
pour élargir la définition, si on veut, des notes explicatives.
Alors, finalement, relativement au fardeau administratif,
nous estimons que certains processus pourraient être simplifiés pour éviter le dédoublement et la création de coûts
additionnels de conformité supplémentaires au Québec. Alors, une de nos préoccupations concerne le processus de
plainte. Alors, permettez-moi de vous expliquer comment les plaintes fonctionnent
à l'heure actuelle. TransUnion dispose d'un processus
de plaintes qui est très bien établi depuis plusieurs années, qui
rencontre les normes législatives qui existent actuellement. Alors, une
première étape serait, pour le consommateur, d'obtenir une copie de leur
dossier de crédit...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, chère madame.
Mme Banfield
(Chantal) : ...ce qu'il peut
faire gratuitement par courrier, en ligne, par exemple. Ensuite, après
examen du dossier de crédit, si un
consommateur estime avoir une plainte à formuler, généralement, la plupart des plaintes portent
sur l'exactitude des renseignements, les consommateurs peuvent lancer une enquête
qui peut être faite encore par courrier, en ligne, etc.
Le Président (M. Simard) :
Merci, madame.
Mme Banfield (Chantal) : À
chacune de ces interventions...
Le Président (M. Simard) : Mme
Banfield?
Mme Banfield (Chantal) : ...nous
fournissons aux consommateurs des informations sur leurs droits...
Le Président
(M. Simard) : Pardon, Mme Banfield.
Mme Banfield (Chantal) : ...que
ce soit encore en ligne, par courrier, etc.
Le Président (M. Simard) :
Mme Banfield?
Mme Banfield (Chantal) : Donc,
dans les conditions normales...
Le Président (M. Simard) :
Mme Banfield?
Mme Banfield
(Chantal) : ...nos
enquêteurs règlent les différends dans les 30 jours, et, dans la plupart
des cas, il s'agit de vérifier l'information auprès des institutions
financières. Alors, à la fin du processus, nous informons le consommateur des résultats et lui fournissons un
résumé de ses droits. Par exemple, ils peuvent ajouter une note explicative
ou faire part des préoccupations au comité d'accès à l'information.
Le projet de loi semble introduire un processus supplémentaire qui pousserait les consommateurs
vers l'Autorité des marchés
financiers...
Le Président (M. Simard) :
Mme Banfield.
Mme Banfield
(Chantal) : ...je pense,
plus tôt que nécessaire, alors qu'ils pourraient autrement avoir recours
au processus de plaintes qui existe à la satisfaction du consommateur.
Alors, par
conséquent, nous recommandons de clarifier le processus de règlement
des différends pour qu'il s'entame après que le processus de base de
plaintes que les agents d'évaluation de crédit ont ait été épuisé.
Alors, en
conclusion, au nom de TransUnion, je tiens à féliciter le gouvernement pour ce que nous estimons être un
bon texte de loi de façon générale, et nous vous encourageons à prendre en
considération les modifications que nous avons proposées pour améliorer
son application et son efficacité.
Le
Président (M. Simard) :
Alors, merci beaucoup, madame, pour votre présentation. Nous allons maintenant passer
à la période d'échange, et je cède immédiatement la parole au ministre des
Finances.
M. Girard
(Groulx) : Merci pour votre présentation. J'aimerais revenir, en fait,
sur les deux... Votre présentation était quand même assez exhaustive sur
la note, alors je vais me concentrer sur l'alerte de sécurité et le gel de
crédit. J'aimerais que vous nous donniez une
description fonctionnelle de l'alerte de sécurité. En quoi l'alerte de sécurité
protège un client, un individu? Comment ça fonctionne? Vous avez mentionné qu'il y a
un signal au prêteur de faire des vérifications supplémentaires
sur l'identité. Est-ce que le consommateur reçoit aussi un signal qu'il y a
activité sur son dossier? Et une autre sous-question :
Combien ce service pour cinq ans... Quelle est la tarification actuelle de ce
service?
Le Président (M. Simard) :
Mme Banfield.
Mme Banfield (Chantal) : Alors,
l'alerte de sécurité, comme je disais, n'empêche pas qu'une transaction ait eu lieu. C'est un système d'alerte. Donc, s'il y a
une alerte sur le fichier de crédit, le prêteur va recevoir l'alerte et va
devoir, évidemment, prendre les précautions nécessaires afin de vérifier
l'identité du consommateur.
Le consommateur, lui, ne reçoit pas... De la façon dont le système
est conçu aujourd'hui, le consommateur ne reçoit pas d'alerte en même temps,
quoique l'accès du prêteur serait noté à leur fiche de crédit.
Et je pense
que l'autre question... parce
que j'entends les questions
qui sont traduites, mais je pense que la question
était relative au prix. Ce service, qui
existe depuis les années 90, est gratuit. Donc, le consommateur n'a pas besoin de payer pour ajouter des alertes de sécurité.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. M. le ministre.
• (11 h 50) •
M. Girard
(Groulx) : O.K.
Nous avons évoqué le gel de crédit, d'être la première juridiction... Notre objectif, c'est de donner un outil supplémentaire
au consommateur, d'avoir accès au gel de crédit.
J'aimerais que vous nous décriviez l'impact du
gel de crédit. Avec quelle flexibilité un consommateur peut demander le gel de crédit, le retirer? Quelle est l'implication pour un consommateur d'avoir demandé
le gel de crédit sur son dossier?
Le Président (M. Simard) :
Mme Banfield.
Mme Banfield
(Chantal) : Alors, bon, le processus,
évidemment, n'a pas été encore... parce que
ça n'existe pas aujourd'hui, donc on n'a pas écrit notre processus et
pensé, là, à notre processus pour mettre ça en oeuvre. Toutefois, on peut penser que ça va être fait de la même
façon, une façon très similaire aux alertes de sécurité. Alors, il s'agirait,
par exemple, que le consommateur soit nous écrive ou soit qu'il utilise notre
portail pour demander le gel. Évidemment, il va
falloir identifier le consommateur pour s'assurer qu'effectivement c'est la bonne personne et que c'est la bonne fiche qui va être
gelée. Et, dans la mesure où la fiche a été gelée, tant qu'elle n'est pas
révoquée ou tant qu'elle n'expire pas, là, d'après les règlements, dépendamment de ce que les règlements
vont prescrire, quand il y aurait une transaction relativement au crédit, comme c'est spécifié dans
la loi, il y aurait un message qui irait au prêteur disant : La fiche de
crédit de la personne concernée est gelée.
Donc,
il faut demander aux consommateurs de dégeler leur fiche de crédit pendant un
certain temps. Et j'imagine que ce sont des choses qui vont être
prescrites par le règlement, justement. Normalement, je pense, dans les autres juridictions où ça existe, c'est pour une période,
je pense, de 24 heures ou de 48 heures. Peut-être
ma collègue Johanna aurait
plus de détails là-dessus. Je sais qu'elle a plus d'informations au niveau
du fonctionnement dans les autres juridictions.
Le Président (M.
Simard) : Merci. Mme Fitzpatrick, à vous la parole.
Mme
Fitzpatrick (Johanna) : Yes. Good morning. So, the other jurisdiction that has a lock is within
the United
States. It was developed
quite differently because primarily related to the distinction in laws. In the
U.S., they were able to pass legislation that impacted
not just the three credit reporting agencies, but they also regulated the
financial institutions, the major
institutions like banks and the credit unions. So, they could develop the
system much more fluently for the
entire industry where, as Canada, we don't
have that type of legal setup where we have this distinction between the regulation by the provinces versus the regulation by the federal Government.
The legislation in the U.S. actually created an independent company and required that
the banks pay substantial amounts of money into this
new independent company. That was used to develop a very complex credit-free
system which took about five years to develop even with creating a new company
to manage it.
Understandably, in Canada, we don't
have that capability at any level to pass laws across the entire financial
industry entirely.
So, I'd say that's been the barrier to why the U.S. system is not able to
transition to the Canadian marketplace.
Le
Président (M. Simard) :
Merci, madame. M. le député. Ah! pardon. M. le ministre. Bien oui.
Excusez-moi. Il vous reste encore sept minutes. Je pensais que votre
temps était révolu.
M. Girard (Groulx) :
Je passerais la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Simard) : Oui, voilà. M. le député de Saint-Jérôme. Merci beaucoup.
M. Chassin : Merci. Merci, mesdames, de votre présentation. J'ai peut-être une
question un peu primaire, mais j'aimerais
que vous nous expliquiez peut-être le fonctionnement ou, en tout cas, la
difficulté à instaurer le gel de crédit puisque, vous le disiez dans votre
présentation, il y a une similitude avec les alertes. Autrement dit, de
l'extérieur, d'un point de vue, là, tout à fait non-expert dans votre
industrie, on se dit que le demandeur, par exemple, une institution financière
ou n'importe quel prêteur qui fait une demande auprès de vous pour un dossier
de crédit, va simplement recevoir l'information : Ce dossier fait l'objet
d'un gel, nous ne pouvons vous communiquer l'information. En quoi est-ce que
c'est complexe pour vous de vous adapter et d'adapter vos systèmes à ce type de
message là?
Le Président (M.
Simard) : Mme Banfield?
Mme Banfield (Chantal) :
Oui, alors, comme j'expliquais, il y a une grosse différence entre les deux, et
la différence entre les deux, c'est que,
relativement à l'alerte de sécurité, ça n'empêche pas les transactions. Donc,
il y a une note, une alerte qui est
retournée aux institutions financières qui dit tout simplement que le
consommateur a été potentiellement victime
de fraude et dont il faut vérifier l'identité. La transaction continue à
procéder. Toutes les informations qui sont requises, la décision, la cote de crédit, les indications de fraude,
toute l'information est envoyée. Il n'y a aucune transaction qui est
arrêtée.
Alors,
la différence avec le gel, c'est qu'il faudra, pour certains types de
transactions, geler ou arrêter la transaction. Alors, il faut que... pour tous les systèmes qui sont utilisés, il faut
bâtir ce système pour justement arrêter toutes les transactions et
ensuite il faut avoir un système avec lequel le consommateur, donc un portail
ou quoi que ce soit... que le consommateur peut utiliser pour être capable d'enlever le gel pour qu'il puisse, par
exemple, obtenir une copie de leurs
informations pour avoir un prêt automobile, un prêt hypothécaire, etc.
M.
Chassin : Mais est-ce que c'est de la responsabilité...
Mme Banfield
(Chantal) : Et donc il faut non seulement...
M.
Chassin : Excusez-moi.
Mme Banfield (Chantal) : ...avoir un système, il faut non seulement avoir
un système que les consommateurs puissent utiliser, mais on doit aussi modifier
nos systèmes internes pour que nos agents puissent manipuler et s'assurer
que, si un consommateur demande que le gel
soit enlevé, qu'ils soient capables eux-mêmes de le faire de l'interne, de
nos systèmes.
Le Président (M.
Simard) : D'accord. Merci, madame.
Mme
Banfield (Chantal) : Parce
qu'évidemment on a un système que nos agents utilisent qui parle à toutes nos
banques de données.
Alors, il y a plusieurs aspects de ce projet...
M. Chassin : Je
veux juste poser une question peut-être un peu plus précise, si vous me
permettez.
Mme
Banfield (Chantal) :
...plusieurs modifications au point de vue de la technologie qui doivent
être... faire à plusieurs systèmes différents...
M. Chassin : Je
pense que vous ne nous entendez pas.
Mme
Banfield (Chantal) : ...en
plus de la coordination, évidemment, avec, comme je disais, les créanciers, qui
doivent aussi être capables de développer leurs systèmes et parler au nôtre...
M. Chassin : Un
petit instant, s'il vous plaît.
Mme Banfield (Chantal) : ...parce que
toutes nos transactions, en ce moment...
Le Président (M. Simard) : M. le
député, je crois qu'elle ne vous entend pas.
M. Chassin :
Non, c'est ça. C'est pour ça que je fais un signe. Juste...
Mme Banfield (Chantal) : ...sont
électroniques, évidemment.
M. Chassin :
Excusez-moi, je fais des signes parce que j'ai l'impression...
Mme Banfield (Chantal) : Pardon?
M. Chassin :
...que vous ne nous entendez pas.
Le Président (M. Simard) : Oui,
madame... Excusez-moi, M. le député. Mme Banfield, nous tentons parfois d'entrer en communication avec vous, et,
visiblement, je pense que votre micro ne fonctionne pas. Enfin, c'est ce qu'on
m'indique.
M. Chassin :
Ou, quand vous parlez, vous ne nous entendez pas, peut-être.
Mme
Banfield (Chantal) : Avec la
traduction, c'est très difficile, en fait, de savoir si on traduit ce que je
dis ou est-ce... si on traduit ce que vous dites.
M. Chassin :
Ah! d'accord.
Mme
Banfield (Chantal) : Alors,
c'est un petit peu difficile, l'échange, à cause de ça parce que j'entends la
traduction.
M. Chassin :
Bon, écoutez, je vais essayer de poser une question un peu plus précise. Parce
que vous parliez, dans le fond, du fait
qu'il s'agit, donc, dans le cas du gel par rapport à l'alerte, de bloquer la
transaction. Est-ce que vous êtes en train de me dire que, selon vous,
c'est la responsabilité, donc, de l'agent d'évaluation de crédit de bloquer la
transaction de prêt? J'essaie juste de clarifier le point que vous faites.
Mme
Banfield (Chantal) : De la
façon dont le projet de loi est écrit, oui, c'est notre obligation, mais,
évidemment, l'obligation des créanciers, c'est d'être capable de
recevoir cette information-là. Donc, il y a des modifications à leurs systèmes
qui est nécessaire également.
Si je vous
donne un exemple, quand l'Ontario, en 2008, a adopté le projet de loi
relativement aux alertes de sécurité, c'était quelque chose qu'on
offrait depuis les années 90, mais certains...
Est-ce que vous m'entendez toujours?
Le Président (M. Simard) : Très
bien, madame, très bien.
• (12 heures) •
Mme Banfield (Chantal) : J'ai perdu
l'image. Oui?
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
Mme
Banfield (Chantal) :
D'accord. Je ne vous vois plus. Il y avait
certaines institutions qui n'avaient pas fait le changement, alors ils ont dû faire le changement à
ce moment-là, et ça a pris environ 18 mois pour juste l'alerte de
sécurité. Alors, le gel, c'est plus complexe. Alors, c'est pour ça qu'on
demande deux ans.
Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, madame. M. le député de Rousseau,
il vous resterait 1 min 30 s si vous souhaitez
intervenir. Ça va pour vous? Merci beaucoup. Alors, M. le député de Pontiac.
M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Banfield, Mme Fitzpatrick.
Merci d'être avec nous. Une bonne partie de nos discussions ce matin ont
porté sur la gratuité des différents services. Le projet de loi en tant que tel, là, pour plusieurs items, ne fait pas
référence à la gratuité, mais il y a quand même beaucoup de voix qui s'élèvent,
des groupes de consommateurs, ici, certains
d'entre nous, dans les différentes formations politiques, dont la mienne, qui
proposent la gratuité de ces mesures-là parce qu'on croit fondamentalement que
ces données-là appartiennent aux Québécois.
Alors, le ministre, d'entrée de jeu, a émis la possibilité que, si ces
services-là, par exemple l'obtention de la cote de crédit, par exemple des mises à jour de la fiche, par exemple le
dégel, si ces services-là sont gratuits, que le service serait peut-être
moindre. Comment vous réagissez à ça?
Mme Banfield (Chantal) : Sorry. Maybe... I don't think I understand the question. Maybe...
What would be left?
M.
Fortin : Well, there's no... nowhere in this
bill is there any indication that the services would be free for Quebeckers.
And that's a bit of a problem for us and...
Mme
Banfield (Chantal) : The quality of the credit
freeze?
M. Fortin : ...yes, and that's... the question that
the Minister is raising is: If the service is free, then what would the quality looks like? Would the quality change if it's mandated
that the service is free to Quebeckers?
Mme Banfield (Chantal) : Alors, écoutez, d'une façon ou d'une autre, les services vont être
développés de façon à rencontrer les
exigences du projet de loi ou de la loi au moment où ça va être adopté. Donc,
il n'y a aucun doute que le coût pour développer un système comme ça, non
seulement les changements que les agents de crédit doivent faire à leurs
systèmes, mais également tout le marché
financier, si on veut... c'est sûr que les coûts, c'est dans les millions de
dollars. Alors, je ne sais pas
exactement combien, parce que c'est difficile à prévoir, là, dépendamment des
critères. Donc, c'est un coût
substantiel. Alors, c'est la raison pour laquelle avoir des frais... Et d'ailleurs, dans nos voisins, aux États-Unis, il
y a des frais dans plusieurs des États
pour justement être capable de
défrayer les coûts pour obtenir ce genre de service là.
C'est
sûr qu'on offre déjà plusieurs services, relativement à la fraude, qui
sont gratuits, comme, par exemple,
notre service d'enquête relativement à la fraude, les services d'aide aux
victimes de fraude, et qui peuvent enquêter les renseignements de crédit, là, dans l'éventualité où quelqu'un est
victime de fraude. Nous offrons également les alertes de sécurité de façon gratuite, mais le gel, c'est
une fonctionnalité qui est toute nouvelle et qui va requérir un investissement
de beaucoup d'argent. Alors, je pense que,
d'une façon ou d'une autre, les services vont rencontrer les normes de la loi,
évidemment.
M. Fortin : Très
bien. Je vous entends, je vous
entends, vous nous dites : S'il est mandaté dans la loi un certain niveau de service, une certaine qualité de
service, on va respecter ça. S'il est mandaté dans la loi que ce service-là
doit être gratuit, bien, on n'aura
pas le choix de le respecter, mais à un certain... Je vous entends et j'ai
entendu votre préoccupation initiale qui dit : Bien, s'il y a
une complexité administrative, ça
peut entraîner une augmentation des coûts qui, peut-être, vont être refilés à
d'autres, mais, si c'est mandaté dans la loi que c'est gratuit, si c'est
mandaté dans la loi que le service doit être offert, vous allez
respecter la loi.
Mme Banfield (Chantal) : Bien sûr, il va falloir se conformer à la loi,
mais, d'une façon ou d'une autre, si les coûts sont plus élevés, le prix
de nos services au Québec vont être plus élevés par rapport à nos clients. Et
ça pourrait évidemment résulter dans des
augmentations de coûts relativement aux services que nous offrons au Québec et
relativement aux frais qui sont chargés aux consommateurs par nos
clients.
M.
Fortin : Oui, je vous entends bien là-dessus, la préoccupation
qui...
Mme Banfield (Chantal) : Mais, de façon directe, si la législation nous
dit que c'est gratuit, bien, de toute évidence, il va falloir que ce
soit gratuit.
M. Fortin : Très bien. Je vous remercie. Je n'avais aucun doute que vous vous
plieriez aux exigences législatives.
Mme Banfield
(Chantal) : Exact.
M.
Fortin : J'ai peut-être une question rapide. Comme
consommateurs, souvent, on se tourne vers vous. Et moi-même, j'ai appelé chez vous, il n'y a pas très longtemps, et, je
dois vous dire, je me posais une question en appelant, en disant : Bien, si je choisis l'option en
français, est-ce que ça va être beaucoup plus long? Alors, est-ce que vous avez
des données par rapport à votre service en
français aux citoyens qui auraient besoin de vous contacter? Est-ce que le
temps d'attente est plus long en
français? Est-ce que le service est disponible au citoyen francophone qui vous appelle au même niveau de service
qu'en anglais?
Mme
Banfield (Chantal) : Alors,
si on met COVID de côté, parce qu'il
y a eu, évidemment, certaines complexités, là, relativement à la COVID, ça a créé,
comme vous savez, beaucoup de volume dans les centres d'appels, bien, dans les circonstances
normales, nos niveaux de service sont les mêmes en français ou en anglais.
M.
Fortin : O.K. Très bien.
Quand je pense à quand les citoyens peuvent vous contacter... et, en ce moment, là, il y a des citoyens, bien évidemment, là, qui ne sont pas d'accord
avec leur dossier de crédit, qui ont des enjeux, qui se posent des questions
à savoir, bien, pourquoi un tel enjeu ou qu'est-ce qui s'est passé exactement, des citoyens qui veulent corriger les erreurs, et les groupes de
consommateurs qui étaient ici ce matin nous en ont fait part. Est-ce qu'il y a
un délai moyen pour corriger les
erreurs chez vous? Est-ce que vous savez combien de temps ça peut prendre pour
corriger les erreurs?
Mme
Banfield (Chantal) : Alors,
comme j'ai mentionné durant mes remarques, au tout début, normalement, le
service d'enquête, quand il y a des
inaptitudes au dossier de crédit et que le consommateur nous formule une
demande d'enquête ou une plainte, nous complétons l'enquête à l'intérieur de
30 jours. Alors, il faut comprendre que, dans ce temps-là, il faut recevoir la plainte, regarder la
fiche de crédit. Ensuite, la plupart du temps, ça nous demande d'envoyer
l'information à l'institution financière qui
a rapporté l'information au bureau de crédit, et donc il y a un certain délai,
mais, normalement, c'est à l'intérieur de 30 jours, comme j'ai
mentionné.
M. Fortin :
Quelqu'un qui voudrait... Il me reste un peu de temps, M. le Président?
Le Président (M. Simard) : ...cher
collègue.
M.
Fortin : O.K. Très bien. Quelqu'un qui voudrait procéder au gel ou au
dégel de son dossier aujourd'hui, là, si...
et je mets de côté tout l'aspect gratuité du service qu'on a discuté, vous et
moi, qui est encore théorique parce que le ministre n'a pas accepté cette demande-là, mais, si on veut procéder au
gel ou au dégel de son dossier de crédit, combien ça coûterait?
Mme
Banfield (Chantal) : Ce
n'est vraiment pas une question que je suis prête à répondre aujourd'hui, je
n'ai pas les informations pour ça. Ça va dépendre évidemment des
exigences de la loi. Et, basé là-dessus, il faudrait faire comme... regarder le coût, c'est quoi
l'intervention manuelle, c'est quoi... si c'est fait par l'intranet... par
l'Internet, si c'est fait par
courrier, etc. Donc, je ne peux vraiment pas répondre à cette question-là en ce
moment. Je n'ai pas vraiment les
informations.
M. Fortin :
Combien ça coûte en ce moment, avoir accès à sa cote de crédit?
Mme
Banfield (Chantal) : Il n'y
a pas, en ce moment, de service permettant l'accès à la cote de crédit en tant
que tel chez TransUnion. Alors, il y a
quelques façons pour les consommateurs d'obtenir leur cote de crédit. Il y a
des produits de surveillance qui
donnent plusieurs services, y compris la cote de crédit, et il y a également
certaines institutions financières qui offrent aujourd'hui ce service-là
par l'entremise de leurs services bancaires qui sont gratuits pour le
consommateur.
M.
Fortin : O.K., mais vous me
dites que, chez vous, là, il n'y a pas personne qui... Un consommateur aujourd'hui, là, avant le projet de loi, là, mais aujourd'hui, ne peut pas
appeler, ne peut pas dire : J'aimerais savoir ma cote de crédit. Ce service-là n'est pas fourni, à moins qu'on
achète un package plus global qui, selon ce que mon collègue
avance, là, et selon ce que je vois
sur votre site Internet, coûte 19,95 $ par mois. Donc, 20 $ par mois, 240 $ par année, c'est la
seule façon d'obtenir directement de TransUnion notre cote de crédit.
Mme Banfield (Chantal) : Non, comme
je vous ai dit, il y a certaines institutions financières qui offrent également
l'information gratuitement par l'entremise de leurs services bancaires.
• (12 h 10) •
M.
Fortin : Oui, mais, chez
TransUnion, c'est la seule façon. C'est le seul package que vous avez, là. La
seule façon de contacter TransUnion
et d'avoir notre cote de crédit, si on fait outre l'institution bancaire, c'est
un package qui coûte 240 $ par mois... par année, pardon.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
Mme Banfield (Chantal) : Pour le
service de surveillance, oui, exact, qui inclut la cote de crédit. Exact.
M. Fortin :
D'accord, merci.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci beaucoup, cher collègue.
Mme
Banfield (Chantal) : Et vous
me dites que c'est 19,99 $, je ne sais pas exactement le montant, mais
c'est exact, il y a des frais pour le service de surveillance.
Le
Président (M. Simard) : Merci. Je cède maintenant la parole au député
de...
M.
Marissal : Bonjour,
Mme Banfield, Mme Fitzpatrick. Mme Banfield, je fais court dans
les mondanités, j'ai moins de trois
minutes et j'ai trois questions. Alors, pouvez-vous les prendre en note et y
répondre de façon ordonnée? Première
question : Quel est le taux d'exactitude de vos dossiers?, puisque c'est
une préoccupation qui nous a été mentionnée par certains groupes de protection de consommateurs, selon lesquels il y
a un gros taux, fort taux d'inexactitude dans les dossiers, ce qui peut
avoir évidemment des répercussions.
Vous
me parlez d'un processus de contestation et de différend qui est bien en place
et qui est efficace. Deuxième question : Combien de plaintes ou de
contestations avez-vous par année?
Troisième
question : Nonobstant les défis techniques que vous mentionnez pour le
gel, qui semble être une affaire bien, bien, compliquée, est-ce que
c'est néanmoins une mesure efficace pour la protection des consommateurs?
Le Président (M.
Simard) : Il vous reste 1 min 40 s, Mme Banfield.
M. Marissal :
35, 30...
Mme Banfield (Chantal) : Relativement à la dernière question, je ne suis
pas certaine que j'ai bien compris la dernière question.
M.
Marissal : Bien là, on brûle
mon temps, madame, là. Nonobstant les défis techniques pour appliquer le gel,
est-ce que c'est une mesure efficace telle qu'elle est écrite dans le projet de
loi n° 53?
Mme Banfield (Chantal) : Alors, je peux commencer avec celui-là. Est-ce que
ça serait efficace? Je veux dire, dans la mesure où les systèmes sont
développés, ça permettrait de geler, donc que l'information ne soit pas envoyée
à des tiers, à moins que le consommateur, de
façon active, enlève le gel pour que, justement, leurs informations soient
partagées avec une institution financière.
Alors, dans la mesure où ce développement-là, au niveau des systèmes, est fait,
ça serait efficace d'empêcher l'information d'aller à des tierces parties,
effectivement.
Relativement
au nombre de plaintes, je n'ai pas cette information-là avec moi aujourd'hui, mais on peut fournir cette information-là après l'audience. Il va
falloir que je réfère cela aux gens qui s'occupent de nos opérations. Et
le nombre de plaintes vis-à-vis le nombre de
fichiers qui sont livrés à des tierces parties, ça, c'est un bon indicateur,
là, du taux d'exactitude, si vous voulez.
Ce qu'il faut
comprendre... ce que j'allais dire, c'est que ce qu'il faut comprendre, c'est
qu'une plainte...
Le Président (M.
Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Banfield (Chantal) : ...ça peut être d'ajouter un numéro de téléphone
ou une adresse, ce n'est pas nécessairement : Il y a une carte de
crédit, sur ma fiche de crédit qui ne m'appartient pas. Alors, il faut
comprendre qu'il y a différentes sortes de plaintes qui sont plus ou moins
matérielles, mais je peux vous revenir avec les chiffres là-dessus.
Le Président (M.
Simard) : Merci, madame. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, madame. J'aimerais savoir, lorsque le gouvernement
américain a décidé d'imposer le gel de
sécurité gratuit, TransUnion a dû, effectivement, mettre ça gratuit. À qui elle
a refilé la facture du coût d'implantation de cette nouvelle
infrastructure informatique?
Le Président (M.
Simard) : Madame, à vous la parole.
Mme Banfield
(Chantal) : Je vais demander à ma collègue Johanna de répondre à cette
question-là.
Mme Fitzpatrick (Johanna) : Yes. Well, again, because of the structure in the United States, they have an institution, they created a company that manages
that. Banks are required to pay into that and they also have... it's called the
FACT Act surcharge, so, for every transaction in the US, with regards to
customers. So, for example, a bank accessing credit information, there are charges on top of that,
that is used to fund the access to information request
and the credit freeze program.
M. Ouellet :
Donc, en résumé, c'est les compagnies comme TransUnion et les banques qui
agissent sur le territoire américain
qui paient pour le développement et la mise en application du système.
Une
autre question pour vous. Considérant que... Si le Québec allait
de l'avant et rendait obligatoire la
gratuité, est-ce que ça remettrait en question votre modèle d'affaires
et votre présence au Québec?
Mme Banfield (Chantal) : On va revoir les coûts, évidemment, relativement
à ça. Et ce que je voulais mentionner, c'est,
au niveau des États-Unis, je pense que vous avez conclu qu'il n'y a pas de
charge au consommateur, mais je crois que,
dans certains États, il y en a. Donc, peut-être que c'est quelque chose que...
on peut vous revenir là-dessus, là, pour confirmer.
M. Ouellet : Moi, dans mes informations, il n'y a pas de
charge dans d'autres États. Il y en avait eu par le passé, mais la loi
qui a été adoptée semblait rendre... proscrire, pardon, les charges.
Donc, si je
comprends bien, vous seriez d'accord à ce que le Québec aille de l'avant avec
la gratuité. Cependant, vous nous
avez manifesté que ça représentait des coûts de quelques millions. Est-ce que
vous seriez prêts à les assumer, considérant que le gouvernement du
Québec pourrait aller dans cette avenue-là?
Le Président (M. Simard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Banfield
(Chantal) : Comme on a
mentionné plus tôt, évidemment, si la législation nous demande d'approvisionner les consommateurs gratuitement,
nous devrons le faire et nous allons réviser nos structures de coûts
vis-à-vis nos clients en conséquence, toutefois.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Mme Banfield, Mme Fitzpatrick, merci d'avoir été présentes
avec nous aujourd'hui. Nous avions deux gros
handicaps, la distance et, bien sûr, la traduction. Donc, merci d'avoir été avec
nous aujourd'hui.
Sur ce, je mets fin à nos travaux pour cet
avant-midi. Nous allons reprendre à 14 heures dans la même salle. À plus
tard.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise à 14 h 03)
Le
Président (M. Simard) :
Alors, à l'ordre, chers collègues! À
l'ordre! Nous voici de retour pour la
reprise de nos travaux.
Comme vous le savez, la commission est réunie
afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 53, Loi sur les agents d'évaluation du crédit.
Alors, avant
de reprendre nos travaux, il y a eu consentement de la part du ministre,
et donc de la partie ministérielle,
afin de concéder trois minutes du temps qui
leur était dévolu sur les 16 initialement attribuées afin que ces trois minutes
soient réparties équitablement entre QS et
le Parti québécois, donc, qui, en plus de leur
2 min 40 s, auront donc 1 min 30 s chacun. Tout ça se fait de manière consensuelle,
bien sûr, avec l'appui de l'opposition
officielle. Donc, merci à toutes
les parties prenantes pour la courtoisie et la collaboration dont vous faites
preuve.
Autorité des marchés financiers (AMF)
Je souhaite donc la bienvenue aux représentants
de l'Autorité des marchés financiers. Messieurs, auriez-vous l'amabilité, pour
les fins de nos travaux, de vous présenter?
M.
Morisset (Louis) : Oui, bien
sûr. Merci, M. le Président. Alors, Louis Morisset, président-directeur général de l'Autorité
des marchés financiers, et je suis
accompagné aujourd'hui de mon collègue Patrick Déry, qui est surintendant de
l'encadrement de la solvabilité.
Le Président (M. Simard) : Vous
disposez d'une période de 10 minutes.
M.
Morisset (Louis) : Merci encore une fois, M. le Président. Bonjour, chers membres de la commission.
Alors, tout d'abord, merci de cette invitation à vous rencontrer aujourd'hui
afin de vous offrir la perspective de l'autorité relativement au projet de loi sur les
agents d'évaluation du crédit, le projet de loi n° 53, un projet
de loi qui vise à répondre à plusieurs enjeux d'importance touchant la
protection des consommateurs québécois, notamment en ce qui a trait à leurs dossiers de
crédit et leurs données personnelles.
La fuite de
renseignements personnels rendue publique le 20 juin 2019 par le Mouvement Desjardins de même que celles ayant
touché d'autres entreprises et institutions financières, dont Capital One, au
cours de la dernière année ont
conscientisé les Québécois quant à leurs renseignements détenus par les divers
assujettis du secteur financier et au rôle des agents d'évaluation du crédit. Ces événements ont notamment mis en
lumière la nécessité de mettre en oeuvre pour les consommateurs
québécois un encadrement normatif approprié en matière de protection de leur
dossier de crédit.
En ce sens, l'autorité se réjouit des solutions
proposées dans le projet de loi et l'appuie avec enthousiasme. En effet,
l'autorité estime que ce projet de loi accroît de façon marquée la protection
des consommateurs et renforce l'encadrement
du secteur financier au Québec en y assujettissant des acteurs importants que
sont les agents d'évaluation du
crédit, en l'occurrence Equifax et TransUnion. De plus, l'autorité accueille
favorablement le mandat qui lui est confié, soit d'encadrer et de surveiller les agents d'évaluation du crédit. En
effet, les activités de ces agents sont étroitement liées aux activités des institutions financières que
l'autorité encadre et surveille conformément à sa mission. Nous sommes d'avis
que ce nouveau mandat s'intègre ainsi naturellement à la mission de l'autorité.
Cela dit, nous croyons que certains ajustements
au projet de loi permettraient à l'autorité de réaliser plus efficacement ce nouveau mandat et d'atteindre plus
aisément les objectifs visés. J'aurai l'occasion d'y revenir un petit peu plus loin.
En
vertu du projet de loi, l'autorité sera mandatée pour encadrer et surveiller
les agents d'évaluation du crédit qu'elle
aura désignés. Pour ce faire, elle bénéficiera d'outils similaires à ceux dont
elle dispose présentement pour exercer ce même rôle auprès des institutions financières, notamment divers pouvoirs qui
lui permettent d'émettre une instruction écrite, une ordonnance ou d'imposer des sanctions administratives
pécuniaires. L'autorité pourra également faire appel aux tribunaux, notamment le Tribunal administratif des marchés financiers,
pour faire cesser ou sanctionner une conduite non conforme.
L'autorité
entend ainsi mettre à profit la vaste expérience qu'elle s'est forgée auprès
des institutions financières en matière de surveillance et de
contrôle, de même que celle acquise depuis sa création en matière de traitement des plaintes, de règlement de différend et d'éducation financière.
Rappelons qu'à titre de régulateur intégré du secteur financier et en raison des diverses lois que l'autorité
administre, elle bénéficie d'une vue globale sur les institutions financières et autres assujettis
qu'elle encadre. L'autorité possède déjà une infrastructure technologique
sécuritaire lui permettant de recevoir et de traiter les divulgations en
provenance des institutions financières de même que celles de leurs groupements
affiliés.
La surveillance
qu'elle exerce auprès de ses assujettis lui permet d'intervenir en amont afin
de rehausser les mécanismes visant notamment la protection des consommateurs et
la résilience des institutions et ainsi faire en sorte que le secteur financier soit suffisamment robuste pour affronter des
crises importantes. L'autorité possède de plus une solide expérience
dans la conception et la diffusion de publications touchant la protection des
consommateurs, ce qui lui permettra... de
développer, pardon, plus aisément, donc, de nouveaux contenus relativement au
rôle que jouent les agents d'évaluation
du crédit auprès des consommateurs. En matière de protection des renseignements
personnels, l'autorité joue un rôle complémentaire à celui que joue la
Commission d'accès à l'information du Québec, qui administre les lois consacrées spécifiquement à la protection
de ces renseignements.
Le
projet de loi prévoit la possibilité pour le consommateur de soumettre une
plainte à l'agent d'évaluation du crédit qui a refusé sa demande d'exercice
d'un des droits prévus. Le processus de traitement de cette plainte est encadré
par l'autorité, et, à cette occasion, l'autorité peut également offrir des
services de conciliation ou de médiation pour tenter
de régler le différend. Selon le projet de loi, cette même plainte peut
également faire l'objet d'une demande d'examen de mésentente auprès de
la Commission d'accès à l'information. Cela fait en sorte qu'en raison de cette
situation et possiblement bien d'autres un consommateur pourrait s'adresser
aussi bien à l'autorité qu'à la Commission d'accès à l'information. Il existe là, selon nous, un risque de confusion pour le
consommateur, et nous croyons qu'une clarification des rôles respectifs
de la Commission d'accès à l'information et de l'autorité serait appropriée.
Afin
de faciliter la coordination avec la Commission d'accès à l'information et
d'assurer le partage d'informations liées
aux plaintes des consommateurs, l'autorité entend proposer à la Commission
d'accès à l'information des mécanismes de
coordination, notamment par voie d'ententes, afin de spécifier leurs
interventions respectives, le moment de mener celles-ci et l'assistance qui devra être apportée aux consommateurs
québécois au meilleur de leurs intérêts. Nous croyons qu'il serait
approprié de prévoir ces mécanismes dans la loi.
• (14 h 10) •
Par ailleurs, nous
tenons à rappeler que les entités qui exercent présentement au Québec
l'activité d'agent d'évaluation du crédit
sont d'importantes multinationales. Elles devront suivre de saines pratiques
commerciales et des pratiques de
gestion appropriées lorsqu'elles seront désignées. L'autorité croit nécessaire
que le législateur précise son intention
à cet égard, notamment quant à l'obligation pour ces entités d'allouer les
ressources nécessaires à l'exercice de leurs
activités au Québec et d'offrir aux consommateurs québécois des services qui
répondent pleinement à leurs besoins.
Nous
exprimons enfin certaines préoccupations en ce qui concerne le régime de
sanctions proposé par le projet de loi. Nous constatons, en effet, une
évolution marquée en matière de sanctions dans le projet de loi modernisant des
dispositions législatives en matière de protection des renseignements
personnels, soit le projet de loi n° 64, déposé par le gouvernement du Québec le 12 juin dernier, qui contraste
avec le régime de sanctions proposé au projet de loi n° 53 de même qu'avec celui qui prévaut dans toutes les
autres lois administrées par l'autorité par un quantum substantiellement
plus élevé et résolument plus dissuasif.
Dans un souci de cohérence, si telle est la volonté du législateur de
concrétiser cette évolution, un
régime de sanctions aussi dissuasif serait recommandé pour niveler à la hausse
celui prévu au projet de loi n° 53 et, incidemment, ceux des autres
lois administrées par l'autorité.
En
conclusion, l'autorité appuie avec enthousiasme le dépôt du projet de loi
n° 53 par le gouvernement du Québec et lui réitère sa volonté de
participer à la mise en place d'un encadrement adapté à la réalité des agents
d'évaluation du crédit et d'assurer la
surveillance de leurs activités au Québec. L'autorité entend travailler en
étroite collaboration avec la Commission d'accès à l'information,
l'Office de la protection du consommateur et toute autre partie prenante qui s'intéresse à la protection des consommateurs et
aux enjeux que soulève la protection des renseignements personnels.
Sous
réserve des ajustements évoqués plus tôt, l'autorité s'estime en mesure
d'assujettir les agents d'évaluation du
crédit qu'elle aura désignés aux normes qui seront prescrites et entend les
enjoindre à suivre les meilleures pratiques commerciales et les meilleures
pratiques de gestion en vigueur.
La
protection des consommateurs est un pilier important de la mission de
l'autorité. Les mesures de protection proposées
par le projet de loi n° 53 serviront certainement les intérêts des
consommateurs et permettront aux institutions financières et aux agents d'évaluation du crédit de continuer de
développer de meilleures pratiques, notamment en matière d'identification du client et de prévention d'une utilisation frauduleuse ou erronée des
données personnelles. Les intérêts des
consommateurs seront mieux protégés, et leur confiance dans l'écosystème
financier québécois sera renforcée par la même occasion.
Nous
saluons donc la volonté du gouvernement
du Québec de protéger davantage
les consommateurs québécois et nous offrons notre pleine collaboration afin d'apporter les ajustements nécessaires à certaines dispositions du projet de loi, tel qu'évoqué précédemment. Nous demeurons
disponibles pour répondre à vos questions, bien
sûr, aujourd'hui et durant
tout le processus qui doit mener à l'adoption de ce projet de loi. Alors, merci
de votre attention.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. Morisset. Je cède immédiatement la parole au ministre des Finances.
M. Girard (Groulx) : Merci pour la
présentation, et c'est un plaisir de vous voir — on se parle souvent
par Zoom — aujourd'hui, et notre régulateur intégré des marchés
financiers, l'AMF, fait un excellent travail. Et l'épisode de la fuite
de données que nous avons connu était évidemment un épisode extrêmement
sérieux.
Alors, le projet de loi vise à vous donner le pouvoir d'émettre des lignes directrices sur les
pratiques commerciales et les pratiques de gestion. En quoi votre intervention
aurait amélioré la situation que nous avons vécue? Clairement, le projet
de loi n'aurait pas pu prévenir la
fuite de données, mais, une fois qu'il
y a eu fuite, il y a
eu gestion de l'incident par l'institution financière, et les agences d'évaluation de crédit ont... l'institution financière, les Québécois
ont demandé de l'aide aux agents d'évaluation de crédit pour protéger leurs renseignements, leur crédit, leurs dossiers avec les services
d'alerte, la note, le gel n'étant pas
disponible. Mais en quoi l'émission de lignes directrices pour des meilleures
pratiques de gestion, des meilleures pratiques commerciales aurait
amélioré la situation difficile que nous avons vécue?
Le Président (M. Simard) : M.
Morisset.
M.
Morisset (Louis) : Merci, M. le ministre. Bien, d'abord, les droits que confère le projet de loi, comme vous l'avez dit, sont des droits qui n'existent pas en ce
moment. Donc, il est clair que les mesures de protection que le projet de loi offre, le gel de sécurité, l'alerte de sécurité, la note explicative, sont
des droits qui n'existent pas et qui auraient bénéficié au consommateur
s'ils avaient été en vigueur, évidemment, à la suite de ces événements-là.
Par ailleurs, en termes d'encadrement de ces agences-là puis à l'égard
de ce qui s'est produit, bon, on a tous entendu parler de certaines difficultés qu'ont pu connaître les deux agences, mais notamment Equifax, on
pense que d'avoir un encadrement par
voie de lignes directrices qui dicteraient les attentes de l'autorité,
notamment en matière de pratiques de
gestion saine et prudente, de pratiques de gestion appropriées, de traitement
équitable du consommateur, aurait fait en
sorte que la qualité du service qui aurait été rendu aurait été supérieure.
Donc, on pense que notre capacité, par voie de lignes directrices, notamment,
et/ou par voie de règlements, parce que le projet de loi prévoit que, dans
certaines matières, on pourrait
prendre des règlements, je pense au traitement des plaintes, c'est certainement
un sujet sur lequel... on pense que,
par voie réglementaire, il serait approprié d'intervenir. Bien, ces règlements
ou ces lignes directrices vont édicter, un peu à l'instar de ce qu'on
fait pour les institutions financières, nos attentes, qui ne sont pas
prescriptives, mais qui sont fortement
suggérées et qui vont amener ces entités-là, je dirais, encore une fois, à se
conformer et se comporter d'une manière encore plus à l'avantage des
consommateurs. C'est ça, l'idée.
Quand je
pense, justement, au corpus de lignes directrices qui existent aujourd'hui pour
les institutions financières, elles
visent une panoplie de sujets : la gouvernance, la probité, la conformité,
la gestion intégrée des risques, par exemple, le risque opérationnel. En tout cas, il y en a une panoplie. Puis, pour
avoir vécu votre ancienne vie, vous savez que le BSIF en a aussi tout
autant à l'égard des institutions financières.
Donc, l'idée
serait, pour nous, de développer une ligne directrice qui viserait chacun de
ces sujets-là, par ailleurs, et qui
serait, en quelque sorte, là, unique ou spécifique aux agents d'évaluation du
crédit. Alors, pour répondre à votre
question, que ces agences-là, qui ne sont pas encadrées au Québec en ce moment, pas ailleurs, véritablement, non plus, au Canada... bien, permettrait de
s'assurer, je dirais, d'une qualité de services ou d'une acuité à rendre des
services qui sont attendus en vertu de la loi.
M. Girard
(Groulx) : Est-ce que
c'est aussi simple que de dire que... C'est beau, parler de l'alerte, puis du
gel, puis de la note, mais est-ce que c'est de mettre le niveau de standards de qualité
du service que la personne qui est en difficulté...
est-ce que c'est d'émettre un niveau d'exigences dans la livraison du service
ou vous vous référez uniquement aux règles de saine gouvernance d'une
entreprise?
M.
Morisset (Louis) : Merci, M.
le Président. En fait, c'est plus vaste
que la qualité du service. C'est un des aspects qui sera touché par
l'ensemble des... en fait, par le corpus de lignes directrices qu'on mettra en
place. Je pense que la qualité du service...
on parle d'une loi qui propose de donner des droits à des consommateurs qui
n'existent pas aujourd'hui. La préoccupation qu'on aura, c'est que
ces droits-là puissent être mis en oeuvre de façon efficace, rapide. Donc, oui,
il va y avoir un aspect, clairement, qui va toucher la qualité du service, la
capacité de ces deux agences-là de livrer la marchandise, mais l'encadrement va
être plus vaste que ça.
Tu sais, les
aspects qu'on va toucher, notamment dans les lignes directrices, je pense aux
technologies de l'information, aux
saines pratiques commerciales de façon générale, les risques liés à
l'impartition... bref, on va regarder comment ces entités-là opèrent
puis on va s'assurer qu'on développe un ensemble de sujets dans la ligne
directrice qui vont s'assurer d'une saine gestion. C'est ça, l'objectif
également. Ça fait qu'il y a un aspect, au niveau des saines pratiques
commerciales puis du traitement équitable du consommateur, qui va être très
important, mais ce qu'on a à l'esprit aujourd'hui, ce sera plus vaste, ce sera de s'assurer que ces entreprises-là sont
bien gérées et opèrent de manière efficace au Québec.
M. Girard (Groulx) : O.K. Puis un
exemple concret, là... on a parlé de permettre au citoyen d'avoir accès à sa cote de crédit, et le concept a été évoqué, là,
que ça soit facilement accessible sur le Web, là, qu'on ne soit pas obligé
de remplir un formulaire, de le poster,
d'attendre des semaines, d'espérer une réponse. Est-ce que, par exemple,
l'exigence d'avoir accès à une cote standard aisément via un outil Web
serait dans les lignes directrices?
• (14 h 20) •
M. Morisset (Louis) : C'est un des sujets qui en ferait probablement
partie. Je pense qu'à ce stade-ci il y a une réalité, ce sont des agences que l'on n'encadre pas, puis on ne sait pas
parfaitement, en ce moment, comment elles opèrent et comment elles se comportent, qu'est-ce qui est
mis en place ailleurs. On sait qu'aux États-Unis il y a certains
droits qui existent, et donc comment ils les opérationnalisent.
Alors,
oui, je pense qu'en comprenant mieux comment ces entités-là opèrent, comment
elles envisagent mettre en oeuvre ces nouveaux droits pour que ça soit
efficace, clairement, dans notre réflexion qui sera conduite en parallèle,
bien, on verra à établir ce qui nous
apparaît des normes acceptables. Alors, oui, ça fait partie des sujets qui
pourraient être touchés par la ligne directrice.
M.
Girard (Groulx) : O.K. Alors, je comprends que des normes acceptables,
là, c'est une cote de crédit standard, compréhensible par les citoyens,
accessible et que, malheureusement, ce n'est pas la situation actuelle, bien
que vous ne les réglementez pas
présentement. Je m'arrête ici, M. le Président. Je passe la parole, dans la
mesure où il nous reste du temps, que vous allez nous...
Le Président (M.
Simard) : Oui, vous avez 4 min 45 s à votre
disposition, cher collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci, M. le Président. Merci à vous, messieurs, d'être là. En fait, le
modèle d'affaires des agents d'évaluation
de crédit, pour faire un peu du pouce sur ce que le ministre disait, est aussi
fonction... finalement, c'est des courtiers
d'information, en quelque sorte. Ils agrègent l'information par les
algorithmes. J'imagine qu'il y a une certaine mesure où on peut leur
demander de rendre facilement accessible au détenteur ou, enfin, au titulaire
du dossier, hein, la personne qui est concernée, moi, par exemple, une
information. Évidemment, est-ce que les prêteurs doivent payer ces agences-là pour avoir accès à cette
information-là? Je pense que c'est un petit peu leur modèle d'affaires, mais
vous aurez certainement l'occasion de creuser davantage cette
question-là.
Peut-être, j'aurais
une salutation, d'abord, à faire, parce que vous dites, en conclusion de votre
mémoire, que «l'autorité entend proposer à
la Commission d'accès à l'information des mécanismes de coordination, notamment
par voie d'ententes, afin que les
deux organismes puissent spécifier les modalités de leurs interventions»,
question, justement, que ce ne soit
pas trop confus. Je trouve ça intéressant, je veux le saluer. L'Office de la
protection du consommateur, ce matin, nous disait aussi la même
chose : Est-ce qu'il peut y avoir confusion dans les rôles?
Maintenant,
peut-être plus précisément, est-ce qu'il est possible de conclure de telles
ententes sans nécessairement le
préciser ou l'intégrer dans la loi par amendement? Parce que, dans le fond, on
rajoute une petite mesure de rigidité. Est-ce que ça apporte des grands
bénéfices de l'intégrer dans la loi d'une façon formelle?
M. Morisset (Louis) : Merci. Bien, de notre point de vue, ce serait
utile de le faire. Je n'ai aucun doute qu'on peut, en s'assoyant puis en
poursuivant nos échanges avec la commission, établir par voie d'entente les
mécanismes dont on a besoin,
considérant le rôle de tribunal que joue la commission, notamment, qui est un
rôle différent du rôle que joue l'autorité,
considérant la réalité, clairement, où il y a plusieurs dossiers qui vont être
mixtes. Puis, nous, ce qu'on veut, puis
j'assume que c'est la même chose pour... je suis convaincu, en fait, que c'est
la même chose pour la commission, on veut que le concitoyen ne se perde
pas dans des dédales administratifs, ait une réponse efficace. Je pense que que
la loi mette une assise législative au
mécanisme serait utile. Donc, je ne pense pas que c'est impossible, mais on
verrait d'un bon oeil que ce soit fait.
Si
je peux me permettre, juste pour revenir un peu à la question aussi précédente
du ministre, je pense que c'est
important, puis c'est ce qu'on suggère, c'est que l'intention législative soit
bien clarifiée quant à l'attente que l'on devrait avoir et qu'on mettra en oeuvre par voie de lignes
directrices ou règlements à l'égard de ces entités-là. Ce sont, comme j'ai dit,
des multinationales, une ayant son siège social à Atlanta, l'autre à Chicago.
Je présume qu'elles veulent bien faire
le travail au Québec, mais la réalité... Quelle sera leur présence, quelle sera
leur empreinte, quelle sera leur capacité de rendre des services que
l'on veut?
Je
pense qu'il serait utile, là aussi, que l'intention du législateur soit plus précise,
ça nous donnera une meilleure assise
pour venir développer ces lignes directrices si l'intention est plus claire. Et
je pense que l'intention, elle est là, dans le règlement, notamment à l'article 38 et suivants, mais ça
vaudrait vraiment, je pense, la peine et ça nous aiderait à faire le
travail si l'intention était encore plus cristallisée.
M.
Chassin : D'accord. Et, sur un tout autre sujet, vous parlez, dans
le fond, que vous allez vous baser sur l'expérience
que vous avez en surveillance d'institution
financière, puis là j'ai quand même un petit sourcil qui se lève.
J'imagine que la réglementation, elle est lourde, avec raison, des institutions
financières. J'imagine qu'il n'y aura pas de
«stress test» d'un niveau aussi élevé de surveillance des agents d'évaluation
de crédit. Est-ce que vous vous fondez sur
votre expérience, mais ce ne sera pas nécessairement la même chose, ou est-ce
que vous laissez entendre que ça va être effectivement un régime très,
très similaire?
Le Président (M.
Simard) : En conclusion...
M.
Morisset (Louis) : Bien sûr.
Bien, écoutez, je céderais la parole à mon collègue Patrick
Déry, dont le rôle est justement d'encadrer au quotidien les institutions financières. Peut-être juste, d'entrée
de jeu, avant de lui passer la
parole, je pense qu'il y a
tout un volet de nos lignes directrices qui s'applique aux institutions financières, notamment
celles qui touchent la capitale, qui ne serait pas applicable, et tout le
reste, pour nous, aurait vraisemblablement une pertinence. Alors, peut-être, si
vous me le permettez, Patrick compléterait.
Le Président (M.
Simard) : M. Déry, s'il vous plaît.
M. Déry
(Patrick) : Ce ne sera pas un copier-coller intégral. Il va falloir
comprendre comme il faut les réalités d'affaires, les risques de ces
entreprises-là, et on va retenir ce qui est pertinent dans l'encadrement qui
existe déjà.
Le
Président (M. Simard) : Merci, M. Déry. Je dois maintenant céder la
parole à mon collègue de Pontiac, mais, avant, nous avons pris un léger retard dans notre programmation, y
aurait-il consentement afin que nous puissions poursuivre au-delà du
temps initialement prévu? Consentement. Très bien. M. le député de Pontiac.
M.
Fortin : Oui, juste...
aviez-vous terminé votre réponse, M. Déry? Je sais que vous avez été pressé
dans le temps un peu. Ça va?
M. Déry (Patrick) : Ça va. Merci
beaucoup.
M.
Fortin : O.K.
Merci à vous deux d'être avec nous aujourd'hui. L'autorité a effectivement un rôle important à
jouer, déjà, mais une fois... sans en présumer l'adoption,
mais une fois le projet de loi
n° 53 adopté. Il y a une journaliste, ce matin, qui se questionne, quant à
l'appétit de l'autorité de faire appliquer ce qui est dans la loi présentement
ou ce qui sera dans la loi à sa conclusion.
On espère, de notre côté, quelques changements significatifs, mais, quand même,
je vous donne l'occasion de lui répondre : Est-ce qu'il y a un
appétit, du côté de l'autorité, à justement faire appliquer la loi telle
qu'elle est écrite en ce moment?
M.
Morisset (Louis) : Merci
pour votre question. Nous avons l'appétit pour faire appliquer toutes les lois
dont on nous confie l'administration. Il est clair que, dans la mesure,
évidemment, où on nous confiera ce rôle-là, nous allons faire appliquer la loi intégralement, scrupuleusement.
Je pense que ce dont il faut garder à l'esprit, c'est qu'on mettrait en oeuvre
une nouvelle réalité au Québec, puis, à certains égards, quand on fait
appliquer des lois, parfois, il faut, souvent dans les premiers temps, être plus indulgents, aiguiller pour s'assurer
qu'on la respecte scrupuleusement, mais aucun doute que nous allons la
faire appliquer si on nous confie ce mandat-là, comme toutes les autres lois,
d'ailleurs.
M.
Fortin : Ce matin, on a
entendu, je pense que c'était TransUnion qui nous disait : On aimerait une
période de mise en place de deux ans pour nous permettre d'adapter à l'interne,
là, chez la compagnie, ce dont ils ont besoin de faire. Vous, vous n'avez pas besoin d'un temps d'adaptation très long,
j'imagine, pour être capable de faire appliquer cette loi-là?
M. Morisset (Louis) : Non. Sur le
plan opérationnel, je pense qu'on peut s'organiser rapidement. Sur le plan normatif, les lignes directrices dont on a parlé,
les règlements, il va falloir s'assurer simplement qu'on suive un processus
robuste, usuel, des consultations, tu sais,
les règlements émis pour consultation publique, si on veut, ou commentaire.
Donc, il va simplement falloir suivre ce processus-là. Ce n'est pas un
processus... à moins de faire de l'outrage au Parlement, là, ce n'est pas un processus qu'on peut démarrer avant
l'adoption, la sanction du projet de loi, mais c'est un processus qui peut
s'échelonner sur un horizon de quelques
mois. Donc, de notre côté, il n'y a pas d'enjeu, sous réserve de suivre
correctement le processus normatif.
• (14 h 30) •
M.
Fortin : Je veux revenir un
peu à ce qu'avançait le député de Saint-Jérôme, là, parce que, dans votre
mémoire, vous dites que la plupart
des plaintes qui pourraient être soumises pourraient être des plaintes
hybrides, c'est-à-dire avec des gens
qui pourraient être inquiets, d'un côté, du contenu de leur dossier de crédit,
de l'autre côté, peut-être une insatisfaction par rapport à l'agence
d'évaluation.
Et je peux
comprendre votre logique derrière cette affirmation-là, mais le mécanisme que
vous voulez proposer... Si,
effectivement, là, vous vous entendez avec la commission puis vous dites :
Bien voici les paramètres de ce que l'un fera et ce que l'autre fera, c'est une
chose. Quand vous proposez de le mettre dans la loi, moi, je suis d'accord avec
vous. Je pense que ça clarifie des
choses, je pense que ça simplifie des choses tant pour vous, que pour eux, que
pour le consommateur, que pour les autres intervenants qui pourraient être
affectés par le dossier, mais il faudrait faire ça rapidement. Donc, si
vous voulez que ce soit dans la loi, on a besoin de recommandations plus
précises, à savoir qui fait quoi. Avez-vous un enlignement de départ que vous
souhaitez, à ce niveau-là?
M. Morisset (Louis) : Écoutez, je
pense qu'on peut... on a des idées puis on peut assurément, suite à ces consultations-là, travailler avec les
représentants du ministère des
Finances, avec le ministre, son
entourage, et tout ça, pour élaborer
de façon plus précise ce qu'on aurait à l'esprit. Pour nous, ce n'est pas un
enjeu, mais, oui, on verrait un avantage à clarifier ça davantage.
Encore une
fois, je pense que l'objectif, c'est qu'on confère des droits importants au
citoyen, puis on veut que le citoyen s'y retrouve. Sachant que certains
dossiers peuvent prendre toujours un certain temps... quand il s'agit de
plaintes, il y a un processus à
suivre, mais, à la fin, il ne faut pas qu'on se perde entre l'autorité et la
commission, ne pas savoir à quelle organisation se vouer puis qu'à la
fin les citoyens soient non seulement déçus, mais frustrés.
M.
Fortin : Je le sais, qu'en
théorie, là, vous relevez du ministère
des Finances. Vous étiez à l'étude
des crédits la semaine dernière. En
même temps, je vous encouragerais à faire vos recommandations à la commission
ici, parce que, là, on a un début de présentation. Je vois le problème
que vous soulignez. Le ministre a fait le choix de ne pas le mettre dans la loi. Ça, ça lui
appartient. Le gouvernement a fait ce choix-là. Mais, à partir du moment où
vous nous dites : Bien, il y a
un enjeu, il y a un enjeu de coordination, il y a un enjeu pour le
consommateur, je pense que nous, comme commission, qui allons étudier
dans le détail le projet de loi et des meilleures façons de l'adapter à la
réalité que vous mettez de l'avant, on
serait très intéressés à voir comment vous suggérez de le faire. Le travail, il
peut être fait en amont avec le ministre, mais je pense que ça nous
serait utile, si vous avez des recommandations plus précises, qu'elles soient
déposées à la commission.
M.
Morisset (Louis) : Parfait.
Bien, je pense que, lors de l'étude article par article, on pourra certainement
faire ces suggestions-là avec plaisir.
M.
Fortin : Très bien. Vous
avez fait référence... et, encore là, on parle peut-être, là, des dents du
projet de loi, c'est-à-dire le niveau de mordant du projet de loi, pour
ne pas utiliser un anglicisme, mais vous avez fait référence aux dispositions législatives dans le projet de loi n° 64, qui, jusqu'à un certain niveau, là, sont plus
strictes que ce qui est avancé dans le projet
de loi n° 53. Est-ce que vous
avez quelque chose en tête de bien précis que vous aimeriez voir, que vous aimeriez... Est-ce qu'il y a une mesure?
Est-ce qu'il y a une disposition, là, que vous aimeriez vous assurer qui est
vraiment «on par», là, qui est vraiment équivalente dans un projet de loi comme
dans l'autre?
M. Morisset
(Louis) : Non, je ne peux pas
dire qu'on a une mesure spécifique en tête. Ce qui est notre préoccupation, c'est qu'on ait, encore une fois,
dans le projet de loi n° 53, également dans les autres lois que l'autorité
administre, un régime de sanctions qui est résolument dissuasif. Les
sanctions...
Puis, encore
une fois, ça détonne. Lorsqu'on voit le projet de loi n° 64, on voit qu'il
y a une évolution, on voit qu'on... et on salue cette évolution-là, mais ça ne
peut pas... le régime de sanctions ne peut pas être... faire partie du
coût de faire des affaires au Québec. Il faut que le régime de sanctions potentiel...
Puis ça va au-delà aussi juste du quantum, ça va
aussi au niveau des infractions, de notre point de vue. Il faudrait y réfléchir, au niveau des infractions, parce que la façon dont le régime est constitué, si on
constate une mauvaise conduite, on se
doit ultimement de... Nous, on peut rendre une ordonnance leur édictant quoi
faire, comment bien le faire. Et, si on ne respecte pas notre
ordonnance, bien là on pourra aller vers une sanction.
Alors, il y a
une étape ici, dans notre corpus de loi, qui fait en sorte que de sanctionner
une conduite déficiente est plus ardu. Puis le quantum peut apparaître, encore une fois, insuffisant puis peut être
vu par des entreprises — je ne dis
pas qu'il est vu, mais peut être vu par des entreprises — comme simplement un coût de faire affaire au
Québec. Alors, on est d'avis qu'il y aurait lieu...
En tout cas,
si c'est l'intention du législateur, des parlementaires, en bout de piste, de
faire évoluer un régime de sanction,
on pense qu'il faudrait s'en inspirer. Mais loin de nous l'idée de dire un
chiffre précis, mais dans une philosophie d'avoir des sanctions
réalistes, circonscrites mais dissuasives.
M. Fortin :
O.K. Dernière question de ma part. Bien honnêtement, M. le président, quand
vous dites dans votre mémoire que
vous aimeriez que le législateur précise son intention par rapport à c'est
quoi, une saine pratique commerciale, des
pratiques de gestion appropriées, s'il n'y a pas de modifications qui sont
faites au projet de loi, là, comment vous allez interpréter ça? Parce qu'on
demande essentiellement que les agents d'évaluation du crédit qui sont désignés
par l'autorité suivent des saines pratiques commerciales, des pratiques
de gestion appropriées. C'est vrai que c'est flou, ça mérite précision, je suis d'accord avec vous, mais, si on
ne fait pas ce travail-là, si ça reste comme ça, comment est-ce que vous
allez faire appliquer ça?
M. Morisset
(Louis) : Bien, dans le
projet de loi, notamment à l'article 31, il y a une assise, déjà, là, qui
nous permet notamment de réfléchir à ce qui devrait être mis en place en termes
de lignes directrices pour assurer, donc, les saines pratiques
commerciales.
Un des défis,
puis, encore une fois, je l'ai dit, c'est qu'on a affaire à des joueurs qui
sont basés aux États-Unis, dont la
vaste, très vaste majorité des employés sont à l'extérieur du Canada, dont on
sait peu encore de leurs activités réelles au Québec. Puis je mets ça en relief
avec des difficultés qu'on a vécues il n'y a pas si longtemps au Québec suite à
cette fuite de données chez Desjardins, le
fait que plusieurs individus, au Québec, ont voulu avoir recours à leurs
services et ont été soit frustrés ou insatisfaits.
Alors, il y a
une réalité, c'est que c'est beau de mettre en place des lignes directrices,
mais, à la fin, encore une fois, si on nous perçoit comme étant, bien... il y a
un coût à faire des affaires au Québec, puis sanctionnez-nous, au besoin,
et l'intention n'est pas cristallisée sur les attentes que l'on a quant à la
qualité du service ou quant à la faculté de rendre
des services au Québec, puis je pense, notamment, en français, alors c'est des
aspects qui, pour nous... s'il y a une meilleure
assise législative ou une assise plus solide, ça va faciliter notre travail, un
jour, de les forcer à obtempérer et à agir.
Alors, aujourd'hui, il y en a une, base...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
M. Morisset (Louis) : ...mais on
verrait cette base-là accrue.
Le
Président (M. Simard) : Merci. Merci, M. Morisset. Je cède maintenant
la parole au député de Rosemont pour une période de
4 min 10 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. MM. Morisset et Déry, rebienvenue. On s'est vus, il me semble, il
n'y a pas très longtemps dans une autre salle, mais ici.
C'est
vraiment intéressant, ce que vous nous dites là, mais c'est un peu inquiétant
aussi, parce que ça sonne dans mes
oreilles, puis je ne suis probablement pas le seul, on a l'impression que vous
dites que vous n'avez peut-être pas un marteau suffisamment grand pour
enfoncer le clou quand c'est le temps de le faire.
Je
prends une autre image. Un chien de garde, nécessairement, ça a des dents. Les
vôtres, de votre organisme, j'entends,
l'autorité, ne sont peut-être pas assez longues ou assez acérées. Puis vous
réclamez, ce n'est pas la première fois
qu'on vous entend dire ça ici, quelque chose d'un peu plus costaud. C'est
inquiétant, parce qu'à quoi bon voter toutes les plus belles lois du monde, les mieux intentionnées, si l'autorité
chargée de les faire appliquer juge ne pas avoir les moyens nécessaires
pour réellement avoir une opération dissuasive?
Et
vous dites, là, d'entrée de jeu, dans votre mémoire : «En vertu du projet
de loi, l'autorité sera mandatée pour encadrer et surveiller les agents
d'évaluation [de] crédit qu'elle aura désignés. Pour ce faire, elle bénéficiera
d'outils similaires à ceux à sa disposition
lorsqu'elle exerce ce même rôle auprès des institutions financières.» Ça
m'amène à une question. Ces outils, visiblement, ne sont pas suffisants
ou devraient être revus, améliorés?
M. Morisset (Louis) : Bien, écoutez, d'abord, il y a certainement une réflexion qui peut être
conduite à l'égard des outils actuels
dont on dispose. Aujourd'hui, on s'exprime à l'égard d'un nouveau projet de loi
qui nous donne des outils, oui, qui sont similaires à ceux dont on dispose et
qui font en sorte, en effet, qu'il ne nous est pas toujours possible,
sinon rarement possible de sanctionner une conduite problématique autrement que
d'imposer une ordonnance qui, si celle-ci
n'est pas respectée, pourra être sanctionnée. Alors, on invite certainement à
une réflexion plus large, qui pourrait se faire dans un autre contexte,
et on verrait d'un bon oeil qu'on nous donne des outils plus dissuasifs.
Maintenant,
on se permet de faire cette recommandation-là dans le contexte aussi où on constate, dans un
autre projet de loi, une philosophie peut-être différente, puis c'est
dans ce sens-là qu'on se dit : Où vous atterrirez, où le gouvernement atterrira à cet égard-là, ça serait certainement utile de s'en
inspirer pour le projet de loi n° 53 et dans cette réflexion plus globale sur les outils dont dispose actuellement l'autorité. Alors, c'est certainement qu'on verrait donc d'un bon oeil une
réflexion plus large que le projet de loi n° 53,
assurément.
M.
Marissal : Ça vous aiderait
à jouer votre rôle de police, parce
que vous avez un rôle de police, en
fait, là. C'est un peu cru, là, dit comme ça, mais vous avez un rôle de
discipline dans le marché. Ça vous aiderait.
• (14 h 40) •
M. Morisset
(Louis) : Ça nous aiderait.
M.
Marissal : D'accord.
Les disparités entre 64 et 53... Je m'excuse du jargon, mais on n'a pas beaucoup
de temps, malgré le cadeau du ministre,
que j'apprécie, d'ailleurs, un cadeau de temps. Le danger, donc, si je
comprends bien, c'est que, 53 n'ayant
pas la même force que 64, il y a un danger de dilution de ce que 53 représente
réellement comme nouveau... comme nouvelle loi éventuellement.
M. Morisset (Louis) : Bien, je ne dirais pas un danger de dilution. D'abord,
le projet de loi n° 53 a été déposé six mois avant le projet de
loi n° 64.
Il y a des choses qui ont évolué entre-temps. Donc, on constate cette évolution,
du moins peut-être dans la réflexion.
Mais,
en bout de piste, une des préoccupations qu'on a, c'est... puis, si je donne un exemple,
il pourrait y avoir une situation, si les choses cheminaient telles qu'elles sont
proposées, une situation où la conduite, par exemple, d'une de ces agences d'encadrement là pourrait
entraîner... Parce qu'il y a eu des enjeux que la Commission d'accès à l'information peut sanctionner
d'une manière plus dissuasive, mais qui seraient tributaires d'une même problématique, par exemple au niveau des pratiques de gestion ou des pratiques
commerciales puis qui nous amèneraient, nous, avec ce regard-là, à une peine
ou, en tout cas, une amende, une sanction beaucoup, beaucoup moins dissuasive.
Le Président (M.
Simard) : ...
M. Morisset (Louis) : Alors, c'est là qu'on peut voir s'il n'y a pas un arrimage, qu'il
pourrait y avoir un décalage important puis qui pourrait affecter la
crédibilité.
Le
Président (M. Simard) :
Merci. Merci, M. Morisset. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque pour une période de
quatre minutes.
M. Ouellet : Oui. Merci beaucoup, M. le
Président. Donc, à mon tour de
remercier le ministre de nous avoir fait don de son temps. Vous
faites mention, tout à l'heure, que c'est un nouveau droit qu'on va créer. On
va donner à des citoyens, à des consommateurs
une nouvelle protection. Croyez-vous que de ne pas mettre la gratuité vient
brimer un peu l'accès à ce nouveau droit des consommateurs et
consommatrices?
M. Morisset (Louis) : Bien, écoutez, c'est une question... c'est une très bonne question. Il
nous apparaît que, dans le cas, bien sûr, où il y a eu perte de données, ça
s'est fait, évidemment, à l'insu des
consommateurs, que de les amener à devoir
défrayer les coûts pour se protéger peut apparaître, à sa face même, injuste.
Donc, quand on regarde juste les faits, ce qui s'est passé, notamment au Québec, la réalité, c'est que les consommateurs n'ont
pas eu à payer pour se protéger. En tout cas, si je prends le cas de Desjardins,
Desjardins a défrayé ce coût-là pour l'ensemble de ses clients et membres.
Alors, oui, je pense que que ce soit gratuit pour le consommateur serait certainement approprié dans
les circonstances.
Cela étant dit, il n'y a jamais rien de gratuit dans la vie. Il faut que quelqu'un
paie. Puis, nous, la préoccupation
qu'on a, c'est la qualité du service, la
capacité, encore une fois, de satisfaire le consommateur lorsqu'il
veut exercer un de ses droits. Puis
ça, c'est l'aspect qui va nous interpeler davantage, bien sûr,
là, dans l'élaboration des lignes directrices de la réglementation
à venir.
M. Ouellet : L'article 10 mentionne que l'alerte de sécurité oblige
l'agent d'évaluation du crédit qui détient le dossier qui en fait
l'objet à aviser le tiers auquel il communique l'un des renseignements
personnels contenus dans ce dossier ou l'un
de ceux qu'il produit à partir de ceux-ci de l'obligation qui incombe à ce
tiers en vertu de l'article 19.1 de la loi sur la protection des renseignements personnels. Et cette loi
fait référence à des moyens raisonnables d'informer. Ça serait quoi, pour vous, des moyens raisonnables?
Parce que notre crainte, c'est que les gens qui seront
informés, est-ce que ça
sera simplement un coup de téléphone? J'ai fait sonner deux coups
et je n'ai pas eu de réponse. Je l'ai informé et je raccroche. La personne n'a pas de boîte vocale. Ça serait quoi, pour
vous, à titre de régulateur, les moyens raisonnables qu'on devrait utiliser pour s'assurer que la
personne qui veut utiliser, je vous dirais, cette disposition-là puisse en avoir pour, entre parenthèses, son argent?
M. Morisset (Louis) : Son argent. C'est une bonne question.
Je n'ai pas de bonne réponse à offrir à votre bonne question
aujourd'hui. Peut-être que mon collègue Patrick Déry en aurait, lui, mais ça fait partie
des réflexions qu'on va devoir mener.
Puis, encore une fois, par voie de lignes directrices, on pourra
édicter nos attentes à cet égard-là, qu'est-ce
que sont des moyens raisonnables dans un contexte notamment technologique dans
lequel on oeuvre, et tout ça.
C'est
une excellente question. Je ne sais pas si je peux céder la parole à Patrick.
Peut-être aurait-il un meilleur réflexe que moi, mais on va certainement
porter attention à ça en temps et lieu.
Le Président
(M. Simard) : M. Déry.
M. Déry
(Patrick) : Malheureusement, je ne pense pas avoir la réponse géniale
à la question, si ce n'est qu'on suit
les travaux. On voit déjà... On est au début des travaux sur 53. On entend déjà
cette préoccupation-là de simplifier la vie aux consommateurs, de rendre le service accessible. Cette
intention-là, on va en tenir compte le plus possible. Et plus qu'elle sera claire dans la loi, plus ça va nous
aider à arriver à des solutions qui vont rendre le service facilement
accessible.
Puis on a vu aussi
ailleurs, aux États-Unis, par exemple, il y a des solutions technologiques qui
existent, des sites Internet simplifiés. On
a un volet, on l'explique dans notre mémoire, où on va faire nous-mêmes de
l'éducation. On va rendre de l'information disponible pour expliquer ces
nouveaux droits là, comment ça fonctionne.
Donc,
on comprend bien le message de se mettre dans les souliers du consommateur ici
puis de faire en sorte qu'à la fin le
service soit de bonne qualité, facilement accessible, et on comprend qu'il y a
une préoccupation sur qui va payer.
M. Ouellet :
53, 64, de grandes nuances par rapport aux amendes.
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
M. Ouellet :
Ce que j'ai entendu, 64, il est dissuasif pour ceux qui auront malheureusement
mal protégé nos données. Il faut qu'il soit
aussi dissuasif pour les agences de crédit, parce qu'ils ont aussi nos données
entre les mains, et s'assurer qu'il soit en accord avec les obligations.
Donc, je suis en
accord avec votre proposition. J'espère qu'on aura l'occasion d'en jaser
pour...
Le
Président (M. Simard) : Merci, M. le député. Merci, cher collègue.
Alors, MM. Morisset et Déry, merci pour votre exposé.
Sur ce, je suspends
momentanément nos travaux.
(Suspension de la séance à
14 h 46)
(Reprise à 14 h 56)
Le Président
(M. Simard) : Alors, à l'ordre, chers collègues! Nous allons
reprendre nos travaux.
M. Benoit Dupont
Nous
sommes en compagnie, par le biais de la visioconférence, du professeur Benoit Dupont, directeur scientifique
du Réseau intégré sur la cybersécurité à Université de Montréal. Cher collègue,
bienvenue.
(Visioconférence)
M. Dupont
(Benoit) : Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Vous
disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé.
M. Dupont
(Benoit) : Merci beaucoup de cette invitation, Mmes et MM. les députés. Donc, dans ces
10 minutes, j'aimerais peut-être
commencer par rappeler quel est le problème, la prévalence que constitue le vol d'identité au
Québec.
Les statistiques, qui est en fait la raison pour laquelle aussi ce projet de loi est considéré, en 2018, les plus récentes statistiques de Statistique Canada laissaient penser qu'au Québec
3,3 % de la population adulte
s'est fait voler son identité, ce qui
représente à peu près
230 000 personnes chaque année. En parallèle, en 2017, on estimait
qu'au Canada 4,8 % des entreprises canadiennes s'étaient fait dérober les données personnelles
de leurs clients et de leurs employés, ce qui représente, à l'échelle de tout le Canada, à peu près
58 000 entreprises. Et, si on en croit les statistiques du bureau... pardon, du
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, ce seraient, en 2019,
plus de 28 millions de Canadiens dont les données personnelles auraient été compromises à l'occasion
de plus de 680 brèches de données déclarées. Donc, on voit qu'il y
a un préjudice à l'échelle nationale,
à l'échelle du Québec, pour les victimes qui est probablement
considérable à la suite de ces statistiques.
Ce préjudice est évidemment financier, mais il
est également psychologique. Il peut être aussi physiologique, relationnel,
professionnel. Et je pense que c'est important d'essayer de se doter d'un
arsenal juridique qui permette de protéger
les victimes de vol d'identité et particulièrement dans ses modalités les plus
préjudiciables, c'est-à-dire quand les
données personnelles volées sont utilisées pour obtenir de nouveaux services de
crédit ou pour obtenir des services en utilisant les... en ouvrant de
nouveaux comptes et en se faisant passer pour la personne dont on a volé les
identifiants personnels. Ça, c'est le premier point pour contextualiser.
Un deuxième
point que j'aimerais également soulever, c'est celui du rôle des agences de
crédit dans le vol d'identité. On sait que les agences de crédit elles-mêmes ne
sont pas à l'abri de brèches massives de données. J'aimerais, à ce titre,
rappeler qu'Equifax, évidemment, en septembre 2017, s'est fait voler les
données personnelles de 148 millions d'Américains et d'au moins 20 000 Canadiens et que
des amendes de près de 1 milliard de dollars US ont été imposées à
l'entreprise aux États-Unis, de
500 000 £ au Royaume-Uni, mais, au Canada, aucune amende, aucune
pénalité parce qu'on ne dispose justement
pas de cadre législatif qui permettrait de sanctionner les manquements de ces
agences de crédit dans ce type de situation.
Et d'ailleurs
ce n'est pas le seul ni le premier incident de cette nature puisque, depuis le
début des années 2010, on a recensé une demi-douzaine d'incidents
de vol ou de perte de données lors desquels des agences de crédit étaient impliquées, principalement aux États-Unis, et qui
allaient de la perte de plusieurs centaines de milliers de dossiers à la
compromission de près de 200 millions
de dossiers. Et toutes les agences de crédit ont été impliquées. Donc, ça, je
pense que c'est important aussi de
s'en souvenir, parce que ça, quelque part, justifie pourquoi on a besoin de
réglementer l'activité de ces entreprises-là.
• (15 heures) •
Alors, si on s'intéresse plus particulièrement
au projet de loi n° 53 que vous examinez, je pense
qu'on peut tirer un certain nombre de leçons
des États-Unis, où ce type de législation,
sur le gel des dossiers de crédit, sur les alertes de sécurité, les notes explicatives, a été
implanté d'abord au
niveau des divers États puis au niveau
fédéral en 2018, mais les États avaient commencé à se doter de ce type
de législation dès le début des années 2000. La première législation que j'ai retrouvée, c'est en Californie en 2003,
qui prévoyait le type de dispositions incluses dans le projet de loi n° 53. Donc, à travers cette
expérience, cet historique législatif américain, qui implique d'ailleurs
les mêmes entreprises que celles qui opèrent au Canada, ce qui
est très intéressant parce que certains des arguments qu'elles soulèvent sur
leur capacité à livrer certains services
peuvent être justement vérifiés à la lumière de ce qu'elles font déjà aux
États-Unis, on peut identifier environ huit problèmes
principaux, je pense, huit défis dans l'implantation de ce type de législation.
Le premier,
c'est celui du coût du service. Jusqu'en 2018 aux États-Unis,
où la législation a été harmonisée au niveau national, les nombreux... certains États
prévoyaient de faire payer le gel des dossiers de crédit, et, en septembre
2018, ces dispositions ont été annulées, ont été remplacées par une disposition
nationale fédérale qui a unifié le dispositif et qui a établi la gratuité du service pour tous les consommateurs. Et je pense que ça, c'est le résultat d'une quinzaine d'années
d'observation sur ce qui se passait, sur le fait que les victimes les plus
fragiles peuvent être dissuadées de demander le
gel de leurs dossiers de crédit même quand les coûts afférents peuvent sembler
très modestes, de l'ordre d'une dizaine ou une quinzaine de dollars. Donc, je pense que le législateur
américain a établi qu'il était nécessaire que ce service-là soit offert
gratuitement.
Le deuxième
défi ou la deuxième question qui se posait dans de nombreux États, c'est la question
de la période du dégel. C'est-à-dire que, si on fait geler son dossier de crédit, ce n'est pas pour ça qu'on
n'a plus, parfois, besoin d'accéder à
des services de crédit, donc on doit pouvoir aussi être capable de faire
dégeler son dossier de façon temporaire et de façon extrêmement rapide. Donc, l'autorité réglementaire aux États-Unis, la FTC, qui encadre le processus
de gel, fixe des critères de dégel
avec des délais qui sont d'une heure quand le dégel est demandé par téléphone
ou en ligne et qui est de trois jours ouvrables quand le dégel est
demandé par courrier postal. Et je pense que ce serait intéressant, justement, d'harmoniser également nos propres exigences
réglementaires et de s'assurer que ces exigences-là figurent
dans la loi ou dans les règlements qui vont être adoptés pour faire
appliquer la loi.
Le troisième
problème, c'est celui du dégel temporaire versus la révocation permanente du
service. Il me semble important d'offrir au consommateur une diversité
d'options, en termes de gestion du gel de leur dossier de crédit, qui aillent de la suspension temporaire du gel à la
résiliation permanente du gel de leur dossier de crédit et que ces changements de statut ne soient pas, eux non plus,
payants pour les consommateurs, mais qu'ils soient également gratuits.
Quatrième problème que j'ai identifié est peut-être
celui du gel de dossier de crédit versus le verrouillage du dossier de crédit. C'est-à-dire
que de nombreuses agences de crédit offrent une alternative qui est payante,
qu'elles appellent le verrouillage, le
«credit lock», et qui est un abonnement qu'elles proposent au consommateur de
souscrire. Dans leur marketing, elles
leur indiquent que c'est beaucoup plus flexible et beaucoup plus efficace, mais
c'est beaucoup moins réglementé, évidemment, et donc je
pense que ce serait important que la loi prévoie également ce que les agences
de crédit pourront faire en termes d'offre de services alternatifs.
En termes de
durée des mesures de protection, un cinquième problème aux États-Unis : le gel peut être permanent. Donc,
tant qu'il n'est pas révoqué par le consommateur, on considère que le gel peut
s'appliquer jusqu'à la fin de la vie de la personne qui a demandé ce service-là. Et, en termes d'alerte de
sécurité, celle-ci est valide pour un an. Et je pense que c'est important de prévoir des délais relativement
longs, parce que les fraudeurs peuvent exploiter des identifiants
volés parfois plusieurs mois, voire
plusieurs années après que la brèche de sécurité ou que le vol de données ait
eu lieu, et on ne veut pas faire peser sur les consommateurs un fardeau
excessif de devoir faire renouveler, en fait, tous les trois mois, tous
les six mois, une alerte de sécurité ou le gel de leur dossier de crédit.
Sixième
problème qui a été identifié, c'est celui de la résistance à l'adoption des
mesures de protection. Je suis certain que vous entendrez devant cette
commission de nombreux représentants de diverses industries qui vont vous expliquer à quel point ça va peut-être
créer des obstacles à l'accès au crédit ou ça va nuire à la fluidité du crédit,
et donc nuire à l'économie. Mais ce qu'on a pu observer avec l'implantation de
la législation américaine depuis 2018, c'est qu'il ne semble pas y avoir eu de conséquence négative
sur les secteurs économiques qui offrent des services de crédit. Et donc les
arguments en ce sens, peut-être, manquent probablement de données probantes.
Septième
problème, c'est l'indifférence face à l'adoption des mesures de protection. C'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'on
aura instauré ce régime réglementaire et législatif que les gens, les victimes,
les consommateurs vont forcément s'en
prévaloir. Il y a de nombreuses raisons d'économie comportementale
qui expliquent pourquoi les gens vont sous-estimer
le risque, et je pense que c'est important de demander à l'autorité
réglementaire qui va gérer ce dossier-là de mener également de grandes campagnes d'information et de
sensibilisation du public, régulières et de grande échelle, pour
expliquer aux consommateurs les droits qu'ils ont dans ce domaine-là.
Et je vais
terminer avec le huitième et dernier problème, qui est celui que l'utilité de
la possibilité de geler son dossier de crédit ne peut être efficace que
si on dispose également de dispositifs plus rigoureux d'encadrement des
incidents de vols et de pertes de données par les entreprises et les services
publics. C'est-à-dire qu'on ne peut... les consommateurs ne peuvent utiliser la
disposition de gel de crédit que s'ils savent que les entreprises avec qui ils
font affaire se sont fait subtiliser des
données. Et, au Québec jusqu'à présent, il n'y a pas d'obligation de
divulgation. Je sais que le projet de loi n° 64 le prévoit et je
pense que ça serait très intéressant d'harmoniser les deux dispositifs.
Le
Président (M. Simard) :
Merci, M. Dupont. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au ministre des Finances.
M. Girard (Groulx) : Merci pour
cette présentation très structurée. Et j'ai pris huit notes, alors je pense
qu'il y avait huit messages. Merci.
Je voulais
vous demander pourquoi le gel n'est pas disponible au Canada, à votre
connaissance, pourquoi l'Ontario... Bien
sûr, il y a eu un changement de gouvernement, mais, normalement, les nouveaux
gouvernements mettent en place les règlements associés aux lois des
gouvernements précédents. Pourquoi le gel de crédit n'existe pas au Canada?
Le Président (M. Simard) :
M. Dupont.
M. Dupont (Benoit) : C'est difficile
pour moi de répondre à votre question. Je pense qu'il y a probablement, historiquement, une certaine réticence à trop
réglementer les activités de ce type d'entreprise parce qu'à tort ou à raison
on estime que ça peut justement nuire à
l'activité économique, ralentir un certain nombre de transactions commerciales.
Et je pense,
la deuxième raison, probablement, mais, encore une fois, c'est une pure
hypothèse, et je ne pourrais pas
l'affirmer avec certitude, c'est le fait que, jusqu'à assez récemment, le vol
d'identité et les impacts négatifs du vol d'identité sur les victimes
mais aussi sur les consommateurs en général n'a pas nécessairement été
considéré comme une priorité législative et
que c'est, y compris au Québec récemment avec les incidents chez Desjardins
mais aussi dans le reste du Canada,
chez Capital One, qu'il y a eu, je pense, un vrai réveil, une vraie prise de
conscience du côté désastreux de ce type d'incident et de la nécessité
de se doter de mesures législatives et réglementaires beaucoup plus robustes.
• (15 h 10) •
M.
Girard (Groulx) : D'accord. Ma
deuxième question. Ce matin, on a eu
des discussions sur le service de base, là, l'alerte qui vise à mettre une note au dossier pour que l'entreprise
financière qui fait de l'octroi de crédit soit... qu'on lui demande de faire
des vérifications additionnelles parce que le sujet aurait été victime ou
certaines de ses données seraient en
circulation ou à risque. Et puis on a parlé de gratuité, et puis on avait une
agence ce matin, elle nous a dit : Mais c'est déjà gratuit. Évidemment, ici, on parle seulement
de cette note-là, mais l'autre flux d'information, qui est le consommateur
qui veut connaître l'activité sur son
dossier de crédit, qui veut savoir qu'une institution financière est dans
l'exercice de peut-être répondre à
une demande de crédit sur son dossier, quelle est l'importance de ce flux
d'information là? Parce que celui-là,
il n'est pas gratuit, là. Il y a eu une certaine, je dirais, confusion dans le
message, ce matin, qu'on a reçu. On nous a dit : Bien, le service, c'est déjà gratuit, mais le service qui
est gratuit, il est incomplet. C'est quoi l'importance que le client
lui-même soit conscient de ce qui se passe sur son dossier?
M. Dupont
(Benoit) : ...je pense que
ce critère-là est essentiel et central, c'est-à-dire que ces agences de crédit,
leur modèle d'affaires repose sur la commercialisation de données personnelles
qui appartiennent aux citoyens du Québec, et
d'autres provinces, et d'autres pays. Donc, à quelque part, c'est la
monétisation d'informations personnelles, et je pense que ça pourrait être quand même la moindre des choses que
les personnes dont on monétise les informations soient mieux informées de la façon dont on les
utilise, de la manière dont elles sont utilisées. J'ai vu que certains groupes
vont jusqu'à réclamer la transparence des
algorithmes qui sont utilisés par ces agences pour calculer les cotes de
crédit. Donc, je pense qu'il y a toute une palette de transparence ou de
dévoilement des usages et des flux d'information qui permettent au crédit de
couler et à l'économie de fonctionner.
Mais
je pense que, pour en revenir au projet de loi, le blocage me semble être la
solution qui est probablement la plus
efficace par rapport à l'alerte de sécurité, parce qu'à partir du moment où on
a un blocage il est difficile pour
des tierces organisations de
surmonter, quand même, l'alerte de sécurité pour se laisser persuader
d'octroyer du crédit à un fraudeur.
Donc, le dossier est bloqué, on ne peut rien faire avec, et il n'y aura aucune
agence de prêt ou de commerce qui va octroyer un crédit ou un service
s'il n'a pas accès à un dossier de crédit.
M. Girard
(Groulx) : Est-ce qu'en pratique le blocage, ou le gel, ou, jusqu'à un
certain point, le verrou, cet outil-là peut
être utilisé fréquemment? Ce matin, on a évoqué la possibilité d'un client
satisfait de sa situation — j'imagine, son hypothèque est payée, il a déjà sa carte de
crédit, tout va bien dans sa famille — et puis qui voudrait utiliser
ce service comme outil de prévention, alors
que ce service est généralement vu comme vous avez été victime d'une fraude,
vous êtes face à une situation de détresse,
vous voulez mettre fin à une situation qui est insoutenable, désagréable, et
donc c'est un service d'urgence.
Est-ce que la migration vers un service à haute fréquence ou à usage plus
commun, est-ce que c'est réaliste? Est-ce qu'on peut verrouiller,
déverrouiller son crédit au gré de ses activités?
M. Dupont
(Benoit) : Oui, je pense que c'est un service qui est tout à fait
réaliste parce que, quelque part, c'est un petit peu ce que font... enfin, je veux dire, cette fréquence de
transactions auxquelles vous faites référence, c'est déjà ce que font les agences de crédit au quotidien à
chaque fois qu'elles reçoivent des demandes sur le dossier de crédit d'un
client potentiel par une entreprise. Donc,
les systèmes, les bases de données qui permettent d'accéder rapidement à un
dossier, de le verrouiller, de le déverrouiller, existent déjà.
Et ce qu'il suffirait
de rajouter, c'est une couche logicielle qui permettrait d'octroyer à chaque
personne qui demande ce service-là un code
secret — c'est ce
qui se passe aux États-Unis — et, à partir de ce code secret là, elle peut
appeler l'agence de crédit, et, en donnant ce code secret à la personne qui
reçoit son appel ou sur le site Internet, on valide son identité et on
verrouille ou on déverrouille le crédit.
Et je vous répondrais
même qu'il y a certains de mes collègues juristes beaucoup plus extrémistes que
moi, aux États-Unis, qui préconisent que
tous les dossiers de crédit de tous les consommateurs devraient, par défaut,
être gelés et qu'on devrait avoir un modèle inverse, c'est-à-dire que
c'est uniquement les gens qui voudraient déverrouiller leur dossier de crédit qui devraient faire une demande
pour que l'accès à leur dossier soit plus fluide, mais que, par défaut,
la législation prévoirait que l'ensemble des dossiers de crédit de
l'ensemble de la population serait verrouillé à chaque fois qu'on crée
un nouveau dossier de crédit.
Donc, je pense que
c'est peut-être un peu extrême, parce que probablement que les agences de
crédit auraient beaucoup de mal à prospérer et puis à offrir leurs services,
mais je pense que c'est tout à fait réaliste d'imaginer des procédures où le gel et le dégel des dossiers de
crédit se fait à haute fréquence sans que ça pénalise en quoi que ce soit les
agences de crédit, qui pourront, de toute
façon, répercuter ces coûts-là sur les entreprises qui font appel à leurs
services.
Le Président (M.
Simard) : Merci. M. le ministre.
M. Girard
(Groulx) : Je passerais la parole à mes collègues.
Le Président (M.
Simard) : Oui. M. le député de Saint-Jérôme, vous disposez de
quatre...
M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci, M. Dupont. Je souligne que votre
septième point, je suis plutôt en accord
avec vous, là, en matière de risque pour les données personnelles et quant à la
capacité de prendre des assurances pour
se protéger de ces risques-là. Il y a parfois des biais, effectivement, d'où les besoins d'information. On en a parlé avec l'Office de
la protection du consommateur, avec Option Consommateurs ce matin, encore cet
après-midi avec l'Autorité des marchés financiers. Donc, je le souligne, je
trouve que c'est un point important.
Je voudrais peut-être
une précision, parce que vous avez parlé de l'expérience des Américains, puis
là je vous entendais dire : Certains
pensent que ça peut, par exemple, causer des problèmes en termes de fluidité ou
des impacts économiques, mais ils
n'ont pas de donnée. Ça fait que, là, je veux juste être sûr. Est-ce que,
dans le fond, ces opposants n'ont pas réussi à prouver leur point de vue
ou est-ce que vous, vous disposez d'études qui, depuis 2018, montrent l'absence d'effet ou une évaluation quelconque de
ce qui s'est passé aux États-Unis, ce qui nous intéresserait grandement?
M. Dupont
(Benoit) : Non, je ne dispose d'aucune donnée particulière, mais ce
qui s'est passé, c'est qu'en 2017 la loi a
été adoptée, donc la loi de... mise en oeuvre en septembre 2018. Et notamment
les agences de crédit, mais aussi,
par exemple, les concessionnaires automobiles ont fait de nombreuses
représentations auprès de la Chambre des représentants, lors de
l'adoption de la loi, à l'effet que cette loi-là allait les empêcher de
conclure des transactions avec la vitesse
habituelle et allait bloquer l'accès au crédit d'un certain nombre de
consommateurs. Et on voit bien que, jusqu'à
la crise de la pandémie du coronavirus, l'économie américaine, par exemple,
était sur une phase ascendante de croissance extrêmement rapide. Et donc
je ne pense pas qu'on puisse affirmer, finalement, que ça a été le cas.
M.
Chassin : Donc, c'est ça, on
a des arguments qui ont peut-être été invalidés, mais c'est trop récent encore,
on n'a pas d'évaluation, là. C'est bien dommage.
M.
Dupont (Benoit) : Absolument, absolument.
M. Chassin :
Puis, dans le fond, peut-être une autre question, mais est-ce que vous
considérez que, dans les pratiques actuelles
des agents d'évaluation de crédit, puis là je ne veux pas nécessairement
rentrer dans les algorithmes et les différentes cotes de crédit, mais est-ce
que le besoin d'information pour le consommateur peut être défini par, par exemple, une cote généralement transmise à des prêteurs
d'argent? Est-ce que cette définition-là, puis M. le ministre a posé une question un peu similaire, là, ce matin, mais est-ce que
ça permet de bien identifier quel type d'information est en droit
de s'attendre le consommateur ou est-ce que vous, vous iriez, par exemple, vers une définition beaucoup plus large de : On devrait avoir accès à la
variété entière des cotes, même si on n'a pas nécessairement la capacité de
les interpréter?
M. Dupont
(Benoit) : Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question.
Est-ce qu'en termes... Votre question porte sur score de crédit et comment
l'interpréter pour les consommateurs?
M. Chassin : Donc, sur les scores de crédit au pluriel, parce que chaque agent d'évaluation peut calculer une série de
différents scores, là. On n'a pas chacun un score de crédit, on en a toute une
panoplie, selon ce qui est pris en considération
ou pas, puis, dans le fond, on cherche à avoir, en termes d'information et de qualité d'information, un score généralement
transmis à des prêteurs d'argent. Ça m'apparaît un...
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
M.
Dupont (Benoit) : Bien,
disons qu'il y a quand
même deux principales agences de
crédit avec lesquelles la majorité des prêteurs sont familiers et pour
lesquelles les scores et les échecs de score sont bien connus des prêteurs. Et donc je
pense que déjà de
familiariser le public avec ces deux scores-là et de rendre l'accès du public beaucoup
plus facile, ce serait déjà un progrès notable.
• (15 h 20) •
M.
Chassin : Merci.
Le Président (M.
Simard) : Merci, M. Dupont. Je cède maintenant la parole au député de Pontiac.
M.
Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Dupont.
Merci d'être parmi nous et de partager votre expertise
aujourd'hui. D'entrée
de jeu, avant même
d'entrer dans les détails du projet
de loi n° 53, vous avez mentionné les
amendes qui ont été mises de l'avant aux États-Unis, en Europe aussi, si je ne
m'abuse, pour les agences de crédit qui, elles-mêmes, ont été victimes,
disons, de fuite de données personnelles, là. Est-ce qu'en disant qu'ici au
Québec, au Canada, il n'y a eu aucune
amende, est-ce que vous êtes en train de nous dire, là : Dans le projet de
loi n° 53, soyez beaucoup plus
stricts puis mettez des amendes pour les agences de crédit aussi? Vous avez
fait le point, alors j'imagine que c'est pour ça.
M.
Dupont (Benoit) : Exactement. Je pense que, si on se dote d'un arsenal
réglementaire, il me semble que la
moindre des choses, c'est qu'il soit suffisamment dissuasif et qu'il soit capable justement de faire en sorte
que les agences de crédit appliquent
de façon rigoureuse l'esprit de la loi et que, si elles ne le font pas, il y a
des sanctions qui puissent être dispensées de manière extrêmement
crédible.
M.
Fortin : Qu'est-ce que vous aimeriez voir?
Qu'est-ce que vous considérez assez rigoureux?
M. Dupont
(Benoit) : Bien, je pense que les dispositions qui figurent dans le projet
de loi n° 64, qui sont elles-mêmes inspirées du RGPD européen, où on fixe un pourcentage des revenus annuels mondiaux de 2 % à 4 %, je pense, sont suffisamment dissuasives à la
fois pour les hauts gestionnaires et pour les actionnaires des entreprises
concernées pour faire prendre très au sérieux ce type de législation là.
M. Fortin : Est-ce
qu'elles sont trop dissuasives dans
le sens où est-ce que ces entreprises-là pourraient abandonner le Québec si on
va trop loin?
M. Dupont
(Benoit) : Non, je ne pense pas, parce qu'elles savent très bien que
les autorités réglementaires sont quand même
un petit peu plus sophistiquées que ça et que l'application
des amendes n'est pas systématique. Il
y a des négociations, il y a
des discussions. Donc, je pense qu'elles ne vont pas du tout quitter le Québec,
de la même façon qu'Equifax n'a pas quitté
les États-Unis quand elle a reçu ses amendes de plus de 700 millions de dollars. D'ailleurs, elle les
a acceptées, elle a amélioré ses services, elle a licencié son P.D.G.
et elle a amélioré un petit peu la qualité de ce système. Mais je pense
que ces entreprises-là sont tout à fait capables de reconnaître leurs fautes
aussi.
M. Fortin : Fantastique! Très bien. Si je passe à un autre sujet, au sujet de la
gratuité, je vous ai lu dans le journal ce matin, j'ai entendu vos propos
initiaux. Je ne sais pas si vous nous avez suivis ce matin, mais on a eu une
longue conversation sur la gratuité
des services, et le ministre s'inquiétait de la qualité du service en lien
avec les services qui sont gratuits. Est-ce que c'est une préoccupation
qui vous habite également?
M. Dupont (Benoit) : Disons que, dans la mesure où j'ai remarqué que,
dans le projet de loi, la qualité du service, justement, retombe
sous la responsabilité de l'autorité régulatrice, donc l'AMF, et qu'il y a déjà
un certain nombre de critères qui ont été
énoncés dans le projet de loi, donc, avec des niveaux de performance qui vont
pouvoir être fixés de façon très
explicite par l'autorité régulatrice, moi, je n'ai pas d'inquiétude
particulière. On voit que ces entreprises-là peuvent le faire à
l'échelle d'un pays qui a plus de 350 millions de consommateurs, donc
j'aurais de la difficulté à comprendre
pourquoi les mêmes entreprises, avec les mêmes systèmes, n'arriveraient pas à
offrir le même type de service au Québec pour 8 millions de
consommateurs.
M. Fortin : C'est pas mal la même question qu'on se pose. D'un côté, là, il y a des
groupes de consommateurs qui disent : C'est essentiel que ce soit
gratuit. Les gens qui en ont le plus besoin ne sont pas capables de se le
payer, parfois. D'un autre côté, on a TransUnion qui dit : Bien, si c'est mandaté
comme ça, on va le faire. Et vous-même, vous nous rappelez que, dans la législation qui est proposée par le ministre,
c'est mandaté que le niveau de service soit surveillé par l'AMF. Alors, est-ce
que vous voyez une raison quelconque pour laquelle ça ne serait pas gratuit?
M. Dupont
(Benoit) : Je n'en vois pas du tout, non.
M. Fortin : Très bien. Sur un autre dossier, vous avez parlé du gel du dossier de
crédit versus le verrouillage du dossier de crédit. Je pense que c'est une
nuance que vous apportez qui, de toute évidence, beaucoup de citoyens ne
comprennent pas, puisqu'il y en a beaucoup qui, justement, achètent des
services comme ceux-là, alors qu'ils n'en ont peut-être pas besoin.
Qu'est-ce que vous proposez pour s'assurer que ça ne se fasse pas?
M.
Dupont (Benoit) : Je pense,
c'est toujours très difficile d'empêcher les entreprises
d'offrir un certain nombre de services. Ceci dit, je crois que — et
encore une fois on en revient à la section du projet de loi concernant la
réglementation et puis la qualité du service — il
serait bon que l'autorité réglementaire s'assure ou que le projet de loi lui
permette de s'assurer qu'il n'y ait pas de
confusion possible entre l'option de faire geler son dossier de crédit, qui est
un droit de tous les citoyens, et des services payants qui pourraient être
acquis en sus de cette option gratuite offerte à tous les citoyens québécois.
Donc, qu'on soit capables de distinguer ce qui est un service volontaire offert
par l'entreprise, payant, avec peut-être un certain niveau, une certaine régularité, une
certaine rapidité, et le gel de crédit, qui est un droit avec un autre
niveau de service qui est, lui aussi, suffisamment satisfaisant pour pouvoir
convenir à toutes les victimes et à tous les consommateurs.
M. Fortin : Dans ce que vous connaissez de ces différents produits-là, le service,
qui est le gel, et le produit, qui est
le verrouillage, c'est quoi la différence? Techniquement, là, c'est quoi la
différence? Qu'est-ce que le verrouillage donne de plus?
M.
Dupont (Benoit) : Pas
grand-chose, sincèrement. Ce qu'il propose, en théorie, de plus, c'est une
beaucoup plus grande régularité dans le suivi du dossier de crédit, mais on
sait très bien que les usagers ont très, très peu de temps disponible pour s'en prévaloir. Donc, je pense qu'avec
le gel du dossier de crédit c'est amplement suffisant pour correspondre
aux besoins des victimes et des consommateurs.
M.
Fortin : O.K. Alors, c'est une question d'éducation, j'imagine,
de s'assurer que les Québécois sachent qu'est-ce qui leur est disponible et, on
l'espère, gratuit, là, mais sachent ce qui leur est disponible versus ce qui
est un produit vendu par la compagnie au-delà de ce qu'ils devraient
nécessairement avoir?
M.
Dupont (Benoit) :
Absolument, question d'éducation et question d'éducation des groupes les plus
vulnérables aussi, qui peuvent être
exposés au vol d'identité. Donc, ça peut être dans des langues autres que le
français et l'anglais, ça peut être
dans des groupes qui, par exemple, n'ont pas forcément accès aux grands médias
majoritaires au Québec, etc.
M. Fortin : O.K. Vous vous êtes aventuré avec le ministre
sur la possibilité que tous les dossiers soient gelés par défaut.
Vous avez dit : Ce n'est pas nécessairement une bonne idée, là. Il y a
des collègues qui sont peut-être plus radicaux que vous à ce niveau-là, mais la raison que vous avez évoquée, pour
laquelle ça ne serait peut-être pas la chose à faire, c'est une question de viabilité de l'entreprise. Et là on ne
parle pas de la profitabilité, là, les députés du gouvernement en ont parlé tantôt, mais là, vraiment, la viabilité ou la survie même de l'entreprise. Est-ce que ça veut dire que ce que les États-Unis ont amené, par exemple, la possibilité de dégeler rapidement son dossier de crédit, il y a
très peu de gens qui le font?
M. Dupont
(Benoit) : On estime que,
dans les... Pas dégeler, de geler le dossier de crédit, là. La moitié des gens
qui sont victimes de vol d'identité seulement se prévalent de la possibilité de
geler leur dossier de crédit. C'est-à-dire que
l'autre moitié pense que, même si ses identifiants personnels
ont été volés lors d'une grosse brèche de données, leur dossier à eux ne va pas être utilisé, ou ils ne
vont pas être victimes de fraude, ou leur institution financière va suffisamment les protéger. Donc, il y a tout un tas d'erreurs de jugement, parfois, qui
sont commises par des gens qui sont victimes. Et uniquement la moitié, aux États-Unis,
des victimes de vol d'identité dans les grandes brèches de données demandent le
gel de leur dossier de crédit.
M. Fortin : Le dégel, et ce sera ma dernière question,
mais le dégel, quand les États-Unis... Quand la loi américaine a été adoptée, là, légiférant le dégel en moins d'une heure du
dossier du consommateur, est-ce
qu'il y a des enjeux qui sont
apparus initialement, des raisons pour lesquelles ça ne pourrait pas
fonctionner ici, ça?
M. Dupont
(Benoit) : Non, pas à ma connaissance. Et d'ailleurs le délai d'une heure était un compromis, parce qu'il y avait certains États dans
lesquels le délai imposé était de 15 minutes. Donc, le une heure était une
espèce d'entre-deux entre la position
de 15 minutes de certains États et d'autres États qui allaient jusqu'à
trois jours. Et donc on a estimé que, pour une demande de dégel par moyen
électronique, une heure était un délai tout
à fait raisonnable avec les
bases de données et puis les outils technologiques dont disposent les grandes
entreprises d'agences de crédit.
M. Fortin :
Et vous êtes d'accord avec ça? Une heure, ce serait raisonnable ici aussi?
M. Dupont
(Benoit) : Bien, écoutez,
moi, je pense que ce serait tout à fait des délais
raisonnables. J'ai une banque, que je ne nommerai pas, mais qui m'offre un
accès instantané à mon dossier de crédit, à mon score de crédit, en moins
de deux secondes. Donc, je ne vois pas pourquoi
une heure serait déraisonnable pour une procédure dans laquelle les gens
pourraient rentrer leur code secret sur un portail en ligne.
M. Fortin : Très bien. J'ai vu que le ministre prenait des notes.
J'apprécie, M. le ministre. Très
bien, merci beaucoup.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. le
député. Je cède maintenant
la parole au député de Rosemont.
• (15 h 30) •
M. Marissal : Merci,
M. le Président. M. Dupont,
merci d'être là par la magie des ondes. Votre présentation était très
intéressante, effectivement, très structurée, très riche, surtout.
On a fait le débat,
de ce côté-ci de la table, de la gratuité du service partant du principe que ça
ne devrait pas être aux citoyens à payer
parce que des gens ne prennent pas nécessairement bien soin de leurs données ou parce qu'ils
veulent protéger tout simplement leurs données ou leur dossier de crédit. Moi, ça me paraît être une
évidence. Du côté ministériel en particulier, le ministre des Finances prétend
ou, en tout cas, il avance qu'il y aurait peut-être
des problèmes de qualité de service à ce moment-là, puisque ça serait gratuit. Aux États-Unis, vous nous dites que c'est gratuit. Est-ce
qu'il y a quelque indication que ce soit que le service s'est détérioré par la
gratuité?
M.
Dupont (Benoit) : Pas à ma
connaissance, mais je n'ai pas lu d'études non plus qui ont été menées depuis
l'adoption nationale de cette disposition,
puisque ça date de septembre 2018. Mais, en même temps, on parle de
qualité de service. La qualité de service, elle concerne beaucoup plus
l'alerte de sécurité ou la note explicative.
Le gel d'un dossier
de crédit, c'est relativement simple, comme service à offrir. C'est-à-dire que
vous avez un usager qui appelle une agence
de crédit — il
doit en appeler deux au Québec — qui
indique son nom, son identifiant, qui essaie de démontrer son identité
et qui demande un gel, l'employé de l'agence de crédit enregistre la donnée,
lui donne un code secret pour pouvoir
dégeler ultérieurement son dossier. Ça s'arrête là. C'est terminé. À partir de
là, il n'y a plus aucun autre service à offrir jusqu'à ce que le
consommateur demande un dégel de son dossier de crédit, donc. Et ça peut se faire de façon automatisée. Donc, dans
les cas les plus rudimentaires, ça peut aller très vite, et il n'y a même
pas forcément besoin d'avoir un service très, très développé pour que,
néanmoins, l'utilité du gel s'exerce.
M.
Marissal : Bien. Vous avez
parlé tout à l'heure de l'obligation de divulgation, ce qui n'est pas
le cas encore ici. Donc, vous souhaiteriez... Bien, d'abord, est-ce que
ça se fait ailleurs? Il y a des juridictions où ça se fait?
M. Dupont
(Benoit) : Oui, bien, ça se fait dans tout le reste du Canada et pour
les entreprises québécoises qui ont des
places d'affaires ailleurs qu'au Québec, donc, depuis novembre 2018. C'est pour ça qu'on
a ces statistiques sur les
700 brèches de données et les 28 millions de Canadiens dont les
données personnelles ont été compromises en 2019. Et donc, comme... (panne de son) ...ne s'applique
pas au Québec, puisqu'on dispose d'une loi équivalente au Québec
mais qui n'a pas inclus cette
disposition de la divulgation obligatoire, on est un petit peu dans une
situation de léger retard qui, je l'espère, sera comblée par le projet
de loi n° 64.
M. Marissal :
D'accord, mais, puisque 64 couvrirait, on peut penser que les agences de crédit
seraient aussi couvertes par 64, là, ça va de soi.
M. Dupont
(Benoit) : Ça va de soi.
M.
Marissal : Ça va de soi. Il y a
une question, là, qui me taraude depuis ce matin, puis peut-être
que j'aurais dû commencer par
celle-là. Est-ce qu'il y a d'autres options pour les consommateurs du Québec
qu'Equifax ou TransUnion? Bien, c'est
peut-être la première question. On a l'impression, finalement,
qu'on est un peu condamnés avec ces deux-là. Il n'y en a pas d'autres,
puis, évidemment, bien, nécessairement, ça entraîne une situation
quasi monopolistique. On a vu que Desjardins a essayé quand même d'en redonner un peu plus à TransUnion parce que ça devenait gênant d'avoir tous les oeufs
dans le même panier qu'Equifax. Il y a une solution à ça? Parce qu'évidemment,
s'il n'y a pas d'offre, on est pognés avec les deux, là, qui nous ont donné un
service de bouette, là, on va le dire, là, surtout Equifax, là, particulièrement
en français. Est-ce qu'il y a une solution pour les consommateurs?
Le
Président (M. Simard) : ...s'il vous plaît.
M.
Dupont (Benoit) : À ma
connaissance, c'est à peu près les deux qui s'offrent. Aux États-Unis,
qui a un marché énorme...
Le Président (M.
Simard) : En conclusion, M. Dupont.
M.
Dupont (Benoit) : Oui, aux États-Unis,
qui est un marché énorme, bien, ils sont trois agences. Et ce qui est assez frappant, c'est que, quand Equifax s'est
fait pirater, il a été obligé lui-même de donner le contrat pour le suivi de
ses victimes à son concurrent, Experian.
Le
Président (M. Simard) : Merci, M. Dupont, vous êtes bien aimable. Je cède maintenant la parole au député
de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci, M. Dupont. Un plaisir de vous revoir dans la même commission
sur un autre sujet, cette fois-ci.
Il y a quelque chose qui a attiré mon attention dans votre présentation, vous avez parlé du
droit des citoyens d'avoir cette protection-là, et ça vient un peu renforcer
votre proposition et ce qu'on a pu lire dans les médias ce matin,
à savoir qu'il faut que ça soit gratuit. On
donne un nouveau droit aux citoyens et citoyennes du Québec, et,
pour avoir accès à ce droit-là, selon
votre prémisse de base, il faut que ça soit gratuit. Donc, la notion de droit,
pour vous, elle est fondamentale.
M.
Dupont (Benoit) : Oui, elle
est fondamentale, parce que, dans le monde numérisé dans lequel on vit, le
droit de pouvoir exercer un contrôle un petit peu plus rigoureux sur nos données personnelles découle notamment
de ce type de dispositif.
M. Ouellet :
Tout à l'heure, à la question du ministre des Finances, à savoir est-ce que
c'était pensable ou la chose à faire si un
client voulait, par prévention, avoir le verrou de crédit, vous avez répondu
que ça se fait déjà ailleurs et qu'on est capables de le faire
rapidement. Donc, technologiquement, ce n'est pas quelque chose qui est un
frein à l'implantation ici, au Québec, puisqu'on le fait déjà ailleurs, aux
États-Unis, entre autres.
M.
Dupont (Benoit) : Effectivement, je ne vois aucun obstacle
technologique à ce que l'implantation soit très rapide ici, au Québec.
M. Ouellet : On sait qu'ailleurs dans le monde, notamment en France, il existe
un fichier national des incidents de
remboursement de crédit aux particuliers. Donc, on a mis ça ensemble. Est-ce
que vous pensez que cette avenue-là pourrait être pertinente pour le Québec et
pour le Canada? Est-ce qu'on pourrait effectivement avoir un registre national
pour s'assurer d'avoir à un seul endroit ces
informations-là qui permettraient au consommateur de cogner à la porte d'un
seul organisme ou d'une seule entreprise pour obtenir les informations et avoir
un certain contrôle?
M.
Dupont (Benoit) : C'est toujours une possibilité, d'autant plus que ça
simplifie un petit peu les procédures pour
les victimes et les consommateurs. Ceci dit, en France, ce fichier-là est opéré
par la Banque de France, donc, qui est l'autorité qui émet et gère la monnaie
et réglemente toutes les institutions bancaires, financières et de crédit. Donc,
son équivalent au Canada serait la Banque du Canada.
M. Ouellet :
O.K. Ce matin...
M.
Dupont (Benoit) : Et ça me... Excusez-moi, je veux juste terminer. Ça
me semblerait risqué qu'on confie la gestion de ce fichier-là à une
entreprise.
M. Ouellet : O.K. TransUnion, ce matin, nous a expliqué que, du côté des États-Unis,
la mise en application des nouvelles dispositions législatives a été
faite en mettant en contact les institutions financières et les agences de
crédit ensemble. Ils ont mis de l'argent et
ont créé ce fameux portail qui permet effectivement de colliger toutes ces informations-là. Est-ce que ce serait le genre de
chose qu'on devrait faire au Canada? Considérant que, bon, le Québec est en avant... les autres provinces du Canada ne
sont pas à cet endroit-là, mais, tôt ou tard, s'ils suivaient le pas du Québec,
ce serait le genre de chose,
d'infrastructure qui permettrait d'aplanir les coûts sur l'ensemble du Canada
au complet pour l'implantation de ce genre de registre?
M. Dupont
(Benoit) : Probablement que ça pourrait être une solution à
considérer, mais je pense que les deux...
parce qu'au Canada les agences de crédit sont deux, donc elles seront vraiment
dans un duopole. Donc, je pense qu'à
deux elles ont certainement — également seules — la capacité de mettre en place un portail
qui leur est propre, mais probablement
qu'on pourrait très bien envisager aussi que les institutions financières
collaborent à ce type d'initiative et
facilitent... Justement, l'avantage que ça aurait, c'est que ça permettrait
probablement de faire en sorte que les consommateurs soient mieux
informés parce qu'ils seraient les relais plus directs auprès des usagers.
Le Président (M. Simard) : Merci. En
conclusion, cher collègue. Il vous reste 15 secondes.
M.
Ouellet : Évidemment, vous
êtes d'accord pour qu'on relève les pénalités, c'est ce que l'Autorité des
marchés financiers nous a dit tout à l'heure, pour avoir un effet
beaucoup plus dissuasif par rapport aux agences de crédit s'il y avait
effectivement faute de leur part d'avoir mal protégé les données des Québécois
et des Québécoises.
M. Dupont
(Benoit) : Effectivement, je pense que des pénalités sévères seront
probablement souhaitables dans ce domaine.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
Dupont.
Le
Président (M. Simard) : Alors, Pr Dupont, merci pour votre
contribution très précieuse, du reste, à nos travaux.
Sur ce, j'ajourne notre séance à demain,
9 heures. Bonne soirée à toutes et à tous.
(Fin de la séance à 15 h 39)