(Dix-neuf
heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M.
Simard) : Chers amis, bonsoir à tous. Je constate que nous avons
quorum. Je déclare donc cette séance de travaux ouverte. Comme vous le savez,
nous entreprenons le dernier sprint ce soir, c'est la dernière séance de
travail de la Commission des finances publiques. Et, comme vous le savez, nous
sommes réunis afin de poursuivre l'étude du
volet Conseil du trésor des crédits budgétaires du portefeuille Conseil du
trésor et Administration gouvernementale pour l'exercice financier 2020‑2021.
À cet effet, une période de 1 h 30 min est prévue pour l'étude
de ces crédits.
Mme la secrétaire,
bonsoir.
La
Secrétaire : Bonsoir.
Le Président (M.
Simard) : Y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Chassin
(Saint-Jérôme) est remplacé par Mme Guillemette
(Roberval); M. Émond (Richelieu) est
remplacé par Mme Chassé
(Châteauguay); et Mme Foster
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)
est remplacée par M. Bélanger (Orford).
Conseil
du trésor
Le
Président (M. Simard) : Bienvenue à ces nouveaux collègues.
Donc, comme le veut la tradition, nous allons
alterner par bloc d'échange de 20 minutes au cours duquel l'opposition et le gouvernement pourront
s'échanger la parole. Et je reconnais
immédiatement le député de La Pinière pour une période de 20 minutes. Bienvenue,
cher collègue.
Discussion générale
(suite)
M.
Barrette : Alors, merci, M. le Président. Alors, permettez-moi de resaluer, évidemment,
Mme la présidente du Conseil
du trésor ainsi que les gens qui l'accompagnent. Et, si je ne me trompe pas, aujourd'hui
Mme la ministre est accompagnée des gens de l'Autorité des marchés publics.
C'est le cas?
Mme LeBel :
C'est exact.
M. Barrette :
Très bien. Alors, je vais faire quelques interventions, M. le Président, sous
cet angle-là, en commençant par poser une question bien simple.
Hier,
la ministre nous a dit, évidemment, après avoir, et on
le comprend, mis aux poubelles l'ancienne version du projet de loi
n° 61, la ministre nous a dit qu'elle allait nous représenter une nouvelle
mouture, qu'on a hâte... puis on a hâte non seulement de...
Le Président (M.
Simard) : ...enlever votre masque, hein, si vous voulez.
M. Barrette :
Ah! c'est vrai. Excusez-moi.
Le Président (M.
Simard) : C'est comme vous voulez.
M.
Barrette : Excusez-moi à tout le monde qui nous écoutez. Écoutez, c'était l'Halloween à l'avance, mais...
Le Président (M.
Simard) : Non, mais j'ai tellement votre bien à coeur, vous le savez.
M. Barrette :
Voilà. Alors... Bien, vous savez, pour moi, c'est une seconde nature d'avoir
des masques. J'ai passé ma vie avec un masque dans le visage.
Alors, j'aimerais
savoir de la ministre, qui nous a dit hier qu'elle était sensible, pour le
moins, je ne pense pas que c'est le mot qui a été utilisé, mais certainement
qu'elle a manifesté un certain intérêt aux amendements que nous avions, les
oppositions, déposés, qu'elle allait les prendre en considération... Et un des
amendements que j'avais déposés était la question des pouvoirs à octroyer dans
le cadre de la loi n° 61.
Le
Président (M. Simard) : Mme la ministre.
Mme
LeBel : Excusez-moi. Vous
voulez savoir si j'ai pris connaissance des amendements que vous avez octroyés?
M. Barrette :
Non, ça, je suis sûr que vous avez pris connaissance. Mais est-ce que... Je
voulais savoir votre opinion, là. Vous avez dit que vous étiez sensible aux
amendements qu'on avait déposés, mais nous, on avait déposé des amendements qui
étaient particuliers, là, dans le cadre de projet de loi n° 61,
en ce qui a trait aux pouvoirs d'un inspecteur général à l'AMP, en fait, des
pouvoirs additionnels à l'AMP.
Mme
LeBel : Bien, premièrement,
vous allez me permettre, peut-être, de souligner
quand même un événement exceptionnel ce soir. Et je veux remercier le secrétaire
au Conseil du trésor, qui passe sa soirée avec moi en son anniversaire
de naissance. Alors, je voulais lui souhaiter bonne fête. Je pense que c'est
encore... Je comprends qu'on est tous un cadeau pour lui. Alors, bonne soirée
avec nous.
Non, effectivement, écoutez,
je ne vous donnerai...
M. Barrette :
Ce n'est pas mon masque qui est l'événement spécial?
Mme LeBel :
Non, non, mais je suis contente que le président ait souligné que vous
deviez... M. le Président, je suis contente que vous ayez souligné à mon collègue
de La Pinière d'enlever son masque, ça va me permettre de voir son
sourire, là, que j'ai découvert hier soir, lors de la dernière séance.
Donc, écoutez, je
suis... De façon très générale, effectivement, on a pris connaissance. On
pourra en discuter avec M. Trudel, qui est dirigeant de l'AMP, mais on a pris
connaissance, effectivement, du fait que vous mentionnez qu'il devrait y avoir
plus de pouvoirs pour l'AMP sur certains aspects. J'en ai pris connaissance.
Moi, mon souci dans
tout ça... Puis naturellement je suis très prudente parce que je ne veux pas
donner les conclusions qui vont se retrouver
dans le projet de loi, la mouture de l'automne, mais je peux vous dire
que mon souci est de faire en sorte, effectivement, non seulement de ne
pas avoir de pouvoir habilitant du type article 50... Ça, je pense que je
l'ai dit d'entrée de jeu, l'article 50 n'existera plus. D'ailleurs, nous
avions déjà déposé un amendement qui prônait le retrait de l'article 50
dans les premières 48 heures, je pense, qui ont suivi le dépôt du projet
de loi n° 61 par mon collègue le précédent président
du Conseil du trésor.
Mais évidemment le
souci que nous avons, dans les principes, est de faire en sorte qu'il y ait,
pour l'AMP, à tout le moins dans une
perspective de projet de loi qui accélère certaines mesures... de nous
permettre de faire en sorte que l'AMP ait toute la latitude nécessaire
pour pouvoir exercer une surveillance adéquate de ces projets particuliers et
de rassurer ainsi la population.
Parce que l'objectif
n'est certainement pas de contourner les principes d'intégrité qui sous-tendent
les articles de la Loi sur les contrats des organismes publics, n'est
certainement pas non plus de fragiliser la confiance de nos citoyens dans le
fait que nous allons mettre en place ou que toute... que nous allons mettre en
place, mais qu'il existe déjà plusieurs garde-fous. Je pense qu'il faut le
comprendre. Il y a déjà des garde-fous en place. L'AMP a été mise en place,
l'UPAC existe.
• (19 h 50) •
Le Président (M.
Simard) : Merci.
Mme LeBel :
Je pourrai compléter lors de votre prochaine question, cher collègue.
Le Président (M.
Simard) : Merci. M. le député.
M. Barrette :
Bon, très bien. Merci, M. le Président. Merci pour la réponse, là. Je suis
heureux de voir qu'il y a un intérêt. On en reparlera, évidemment, lorsque le
projet de loi nouveau sera déposé.
Alors
là, je vais continuer ce bloc-ci dans un esprit d'analyse et de comportement du
gouvernement en matière de contrats. Et on constate, M. le Président,
que, sous ce gouvernement, il y a une tendance à augmenter les contrats de gré
à gré. Le 15 juillet dernier, d'ailleurs, le gouvernement du Québec, par
la voix du ministre de l'Économie, a octroyé un contrat de gré à gré à la firme
PetalMD, un contrat gré à gré à la firme PetalMD pour un produit que je
connais, O.K., et la raison qui a été invoquée est le fait que, selon le
ministre, seule cette compagnie-là était capable de fournir le service qui
était visé. Bien, moi, je peux vous dire, là, qu'il y en a plein, de compagnies
au Québec qui peuvent faire ça. Alors, il y en a
plein, je peux vous en nommer. Une des choses qui avaient été évoquées est que
cette compagnie-là, PetalMD, était la seule qui avait des autorisations de
gestion de données, là, dans le réseau de la santé. Il y a plein de compagnies
qui ont ça actuellement.
Alors,
comment ça se fait, là, que de telles choses... Je comprends que le ministre de l'Économie a une certaine autorité et responsabilité
dans son secteur, mais, à quelque part, ça, c'est une question qui relève, sur
le plan de l'intégrité des marchés, de vous, Mme la présidente du Conseil du
trésor.
Comment expliquer ça
quand on sait... Je le sais, là, j'ai négocié avec toutes ces compagnies-là
quand j'étais ministre de la Santé, je sais que cet élément-là, ce produit-là,
cette finalité-là est faisable par d'autres.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oui. Alors, peut-être pour situer nos auditeurs, nos... qui nous écoutent, qui
ne connaissent peut-être pas la plateforme Petal ou la compagnie Petal autant
que vous la connaissez, cher collègue, une telle plateforme va nous permettre l'harmonisation
des processus, là, dans un contexte où différentes solutions de prise de rendez-vous sont utilisées par le réseau de la santé. Donc, plusieurs
portes d'entrée sont utilisées par les citoyens pour être capables d'aller prendre un rendez-vous en ligne, peut-être
que je simplifie à outrance, vous serez probablement plus à même de me
corriger... mais n'ont pas nécessairement accès à tous les rendez-vous
disponibles quand on entre par une plateforme ou par une autre. Donc, c'est un
agrégateur de... cette plateforme-là, qui va permettre à un citoyen d'avoir un guichet
unique et de dire : Je veux un rendez-vous dans une clinique quelconque,
et... effectivement.
Naturellement, je
vais vous répondre de façon très générale, c'est un dossier qui a été mené en
très grande partie par mon collègue
qui est le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, monsieur... c'est ça,
et le ministre de la Santé ainsi que le ministre de l'Économie, vous
l'avez dit, qui seront probablement plus à même de répondre en détail à vos questions, mais effectivement il existe, vous le savez, cher collègue, dans l'article 25 de la loi sur les contrats publics,
la possibilité de le faire par décret ministériel.
Alors,
cette compagnie-là, Petal, s'est vu octroyer ce contrat-là par décision du Conseil des ministres, effectivement. Donc, c'est une décision qui a été prise par l'ensemble
du Conseil des ministres, et on... C'est un orchestrateur de rendez-vous. C'est
le terme le plus approprié. Donc, cette décision a été prise, effectivement...
Le Président (M.
Simard) : ...M. le député. Merci, Mme la ministre. M. le député.
Mme LeBel :
J'allais continuer sur les motifs, mais...
Le Président (M.
Simard) : On pourra le faire plus tard. M. le député.
M. Barrette :
Bien, M. le Président, je ne souhaite pas avoir d'explication sur le produit.
Je comprends très bien ce que le produit fait, je n'ai pas besoin d'explication
de ça. Je sais exactement ce que va intégrer, agréger le produit en question.
Je dis seulement que la programmation menant à un produit d'agrégation pouvait
être faite par n'importe qui d'autre. C'est
ce que je dis, je l'affirme haut et fort. Et je dis qu'il y a
de plus en plus de contrats octroyés de gré à gré. Est-ce que c'est
normal?
Et,
ce soir, il y a l'Autorité
des marchés publics, là. Je serais
intéressé d'avoir leur opinion. Dans un fonctionnement sain de l'espace
public, il me semble que la compétition est une valeur à défendre, à
promouvoir, et, dans le cas présent, je peux vous le dire, là, les raisons
invoquées pour le donner, ce contrat-là, ne tiennent tout simplement même pas un
peu la route, même pas la gravelle sur le bord du chemin. On est dans le dalot,
là. Alors, moi, je ne comprends pas.
Le Président (M.
Simard) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Bien, de façon très générale, cher collège de La Pinière, vous avez tout à
fait raison, il faut favoriser une saine concurrence, les appels d'offres.
Mais, dans la loi sur les contrats publics, il existe les possibilités de
donner des contrats de gré à gré, notamment en matière d'urgence, en matière...
Il y a certaines spécificités, là, je ne les nommerai pas par coeur. Il y a
l'article 25 de la loi sur les contrats publics, qui permet également au
Conseil des ministres de le faire dans certaines circonstances.
Donc,
on ne peut pas faire une affirmation à l'emporte-pièce. D'ailleurs, je ne suis
pas d'accord avec vous sur le fait
qu'on l'utilise de plus en plus souvent ou même trop souvent. Je pense qu'il
faut le faire à la pièce, voir pourquoi on les justifie et si chaque
contrat est justifié.
Maintenant, dans le
cas de PetalMD, de façon très générale, l'urgence de la situation, la
préparation en cas de deuxième vague, ce sont des motifs qui ont été évoqués.
Je vous référerais à mes collègues qui ont mené le dossier pour expliquer...
qu'ils puissent expliquer la raison pour laquelle on a procédé de cette
façon-là. Mais un contrat de gré à gré, là, ça s'examine, et il peut y avoir
des circonstances particulières où c'est justifié. La loi elle-même le permet.
Le Président (M.
Simard) : Merci. M. le député.
M.
Barrette : Je comprends que, là, on invoque l'urgence. Alors là, là,
c'est pousser le bouchon pas mal loin. Là, là, prendre des rendez-vous,
là, avoir ce système d'agrégation là... Hein, ce n'est pas compliqué, là. Faire
ça, d'abord, ça vient de nuire à la gestion
gouvernementale, j'y reviendrai plus tard, mais de mettre un agrégateur en
place, faire un contrat de gré à gré sur la base de la COVID? Franchement!
Franchement, là! Là, là, ça dépasse l'entendement, là.
Maintenant, dans le
communiqué, O.K., dans... Ah oui! En passant, justement, dans le communiqué qui
a été fait par le gouvernement, là, qui est daté du 5 août 2020, le ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux, lui, il vient de parler d'un hub, qui est la fameuse patente, lui-même parle des
compagnies qui font ça : KinLogix, Medesync, MYLE, Oscar Québec, Omnimed, entre autres.
Puis il a bien raison d'«entre autres», parce que je peux vous en
nommer d'autres qui sont actuellement totalement implantées dans le réseau qui
font ça.
Mais,
mieux que ça, Mme la Présidente... M. le
Président, pardon, on dit, dans le
comité, que le coût d'acquisition de
la solution est de 2,9 millions
de dollars pour un contrat de cinq
ans avec possibilité de renouvellement qui pourrait aller jusqu'à
12 ans.
M. le Président, la question que j'ai à poser à Mme la présidente du Conseil du trésor, qui a une longue expérience
dans l'avis public de contrats : C'est quand la dernière fois qu'elle a vu
des contrats renouvelables jusqu'à 12 ans? On...
Le Président (M. Simard) : Je vous
remercie.
M. Barrette : Je veux juste finir ma
phrase.
Le Président (M. Simard) : Oui.
M.
Barrette : Ça veut dire que,
là, on vient de faire un contrat de gré
à gré qui peut, de gré à gré,
durer 17 ans ou, si on l'interprète différemment, 12 ans, en
incluant les cinq ans. Ça, en français, là, c'est sortir tout le monde du
marché.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
Mme la ministre.
M.
Barrette : Moi, j'aimerais
entendre la présidente du Conseil du
trésor et l'AMP là-dessus. Je n'ai jamais
vu ça.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme
LeBel : Bon, je n'ai pas la
prétention d'avoir fait le recensement
de tous les contrats publics qui se sont donnés. Je n'ai pas d'expertise
particulière en matière de contrats particuliers du gouvernement, donc je n'ai
pas fait de recensement. Je vous dis qu'il faut regarder les contrats dans leur
individualité.
Dans le cas de
PetalMD, il y a des justifications pour avoir procédé de la sorte, et je vous
réfère à mes collègues du ministère
de la Santé et de l'Économie qui ont mené ce dossier-là. Mais ils sont passés
par un mécanisme qui est dûment
autorisé par la loi et qui existe dans la loi, qui est l'article 27 de la
loi sur les contrats publics. L'article 25, pardon.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme la ministre. M. le député.
M. Barrette : Mme la Présidente...
M. le Président, les lois sont ainsi faites qu'il y a toujours un article qui
dit «ou toute autre raison déterminée par le gouvernement», puis ce n'est
jamais précis. Les lois sont faites de même, on a toujours une porte de sortie.
J'aimerais entendre l'Autorité des marchés publics, ils sont là, ici, pour ça
ce soir.
Devant mon
affirmation... je ne vous oblige même pas à y croire, mais, dans le communiqué,
on fait référence à des compagnies qui peuvent le faire. Mais, sur le
simple fait de pouvoir renouveler pendant 12 ans, quand est-ce la dernière
fois que vous avez vu, dans un contrat de gré à gré, la possibilité de
renouveler pendant 12 ans? Renouveler pendant
un an, pendant deux ans, pendant trois ans... 12 ans, c'est
anticompétition. C'est livrer, par décret, à une compagnie un produit,
un marché.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Mme la présidente du Conseil du trésor.
• (20 heures) •
Mme LeBel : Je vais réitérer ma
réponse. Je n'ai pas la connaissance d'un recensement nécessaire des contrats
publics de tout le gouvernement pour vous répondre. Ce que je vous dis, c'est
qu'on ne fait pas l'analyse de la justification de l'usage d'un article de loi
particulier par la comparaison avec d'autres contrats. Il faut regarder les
justifications pour ce contrat-là particulier et il existe des justifications d'être
passé par l'article 25 de la Loi sur les contrats publics.
Le Président (M. Simard) : Merci, Mme
la ministre. M. le député.
M. Barrette : M. le Président, je
suis un pas plus loin, là. J'ai établi les faits ainsi que les problèmes que ça
soulève. La question que je pose, qui devrait être répondue par l'AMP, c'est
pour ça que je pose cette question-là ici ce soir : Pour l'AMP, est-ce
qu'il est normal de voir des contrats renouvelables jusqu'à 12 ans? C'est
simple, ça. Moi, je vous le dis, M. le Président, pour moi, c'est un précédent,
mais peut-être que je n'ai pas assez d'expérience.
Le Président (M. Simard) : D'accord.
Mme la ministre.
Mme LeBel : Alors, peut-être
M. Trudel, avec consentement?
Le
Président (M. Simard) : Oui.
Alors, y aurait-il consentement afin que M. Trudel puisse s'adresser à
nous?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Simard) : Il y
a consentement. M. Trudel, pour les fins de nos travaux, auriez-vous l'amabilité
de vous présenter?
M. Trudel (Yves) :
Bonsoir. Mon nom est Yves Trudel, je suis président-directeur général de l'Autorité
des marchés publics.
Le Président (M. Simard) :
Bienvenue, monsieur. On vous écoute.
M. Trudel (Yves) : Merci. Donc, M.
le député de La Pinière, je n'ai évidemment pas vu le contrat dont vous faites
mention, je ne peux donc pas me prononcer sur la nature du contrat, de quelle
façon il a été accordé, le contrat, et quelles raisons qui sous-tendraient les
renouvellements. Je ne suis pas en mesure d'en discuter puisque je ne l'ai pas
vu.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
Merci beaucoup, M. Trudel. M. le député.
M. Barrette : Je comprends que c'est
malaisant, comme question, là. Je vais la répéter pour la, je pense, quatrième
fois : Avez-vous déjà vu, soit, M. le Président, la présidente du Conseil
du trésor, dans sa vie antérieure qui a été très floride sur le plan juridique,
ou vous à l'AMP, là, avez-vous déjà vu, de façon régulière ou même une seule
fois, un contrat renouvelable jusqu'à 12 ans? Avez-vous, oui ou non, déjà
vu ça? Est-ce que ça vous apparaît comme étant un précédent? S'il vous plaît,
ne me répondez pas sur : Je n'ai pas vu le contrat, voici ce que le
contrat fait. J'ai établi ça, là. Là, je
veux savoir de l'AMP si, pour vous, c'est usage commun de voir des contrats
renouvelables pendant 12 ans.
Le
Président (M. Simard) :
Merci, M. le député. M. Trudel, à moins que Mme la ministre souhaite intervenir. M. Trudel.
Mme LeBel : ...répondu, non.
Le Président (M. Simard) : Merci. M. Trudel.
M.
Trudel (Yves) :
Merci. Alors, je suis à l'autorité
depuis peu, on se rappellera que c'est une nouvelle agence, en plus,
moi, je n'ai jamais vu de contrat de gré à gré renouvelable sur une période de
12 ans. Par contre, il est possible de le faire. Mais je n'en ai pas vu.
Le Président (M. Simard) : Je vous
remercie. M. le député.
M. Barrette : M. le président,
merci. Moi non plus, je n'en ai jamais vu. Ayant été à la tête... (panne de
son) ...là, je n'ai jamais fait ça, je n'ai jamais vu ça. Alors, la question
est encore à l'AMP, M. le Président : Est-ce que c'est... Vous êtes l'AMP,
là, vous êtes le gardien de l'éthique, et ainsi de suite. Est-ce que c'est
recommandable, recommandé? Est-ce que c'est une façon de faire que vous
recommandez?
Le Président (M. Simard) : Merci.
Monsieur...
M. Barrette : Ou l'inverse ou l'inverse :
Trouvez-vous, ça, que c'est une chose qu'on ne devrait pas faire?
Le Président (M. Simard) : Merci.
M. Trudel.
M. Trudel (Yves) : La notion du
contrat de gré à gré, c'est pour un besoin particulier...
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : On va le
laisser finir.
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Non,
mais... M. Trudel, veuillez poursuivre, je vous prie.
M. Trudel
(Yves) : C'est donc pour un
besoin particulier, et il est possible, dans certains cas, et je
comprends que c'est le cas dans celui-là, que le donneur d'ouvrage ait besoin
de renouveler sur une certaine période de temps. Je ne l'ai pas vu, le contrat,
je sais que vous n'aimez pas ma réponse, mais il reste que je ne l'ai pas vu,
et je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ça. Alors, il est possible,
légalement parlant, d'accorder un contrat avec du renouvellement...
Le Président (M. Simard) :
...M. Trudel. M. le député.
M. Barrette : M. le Président,
n'est-il pas vrai, et la question est encore à l'AMP, que la plupart des
contrats ont des clauses de renouvellement?
C'est normal. M. Trudel nous a dit, là... Et M. Trudel a été nommé,
là, parce qu'il avait une grande expérience, je le sais, j'ai appuyé sa
nomination. Il a une grande expérience et il nous a dit que, non, il n'avait
jamais vu ça, il n'a jamais vu ça à l'AMP, mais il n'a jamais vu ça avant. Et
il a une grande expérience. Je le sais, je l'ai appuyé comme candidature.
Alors, tous les contrats ont des clauses de renouvellement. 12 ans, il
n'en a jamais vu. Est-ce que M. Trudel... M. le Président, M. Trudel
peut nous confirmer qu'il n'en a jamais vu non plus dans sa vie antérieure?
Le Président (M. Simard) : Merci. Mme
la ministre.
Mme LeBel : Écoutez, il se peut que
ça existe, un contrat avec une clause de renouvellement... D'ailleurs, c'est
12 ans, en tout, avec les clauses de... puis c'était pour des entretiens
puis des mises à niveau — j'allais
dire «upgrades» — de
la plateforme dont on fait l'acquisition. Mais, écoutez, vous pouvez jugez ici,
dans l'absolu, sans contexte, sans détail, sans examen du besoin, que
12 ans pourrait apparaître trop élevé, et peut-être qu'on pourrait juger,
dans l'absolu, que 12 ans est trop court. Alors, écoutez, moi, je n'ai pas
de commentaire supplémentaire à faire sur ce contrat-là. Vous avez votre
opinion, je suis en désaccord, mais je n'ai pas de commentaire supplémentaire.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme la ministre. M. le député.
M. Barrette : Je le répète, un,
c'est correct, un contrat de gré à gré, encore faut-il qu'il soit justifié, et,
pour moi, il ne l'est pas. Deux, M. Trudel le confirme, il n'a pas vu ça,
lui, des contrats, là, ni dans sa vie présente ni dans sa vie précédente, qui
se renouvelaient jusqu'à 12 ans. Moi, rien que de lire ça, là, ça me
surprend, je trouve ça surprenant. Je suis encore plus surpris quand je vois
que, dans les investisseurs initiaux de PetalMD ainsi que le conseil
d'administration, actuellement, il y a Charles Sirois. Mais je ne veux pas...
M. le Président, je ne veux pas prêter des intentions à qui que ce soit, mais
là il y a une accumulation de choses qui sont étonnantes. Dans les faits, c'est
un produit qui est faisable par n'importe qui, qui est donné à quelqu'un qui a
des liens très rapprochés avec la CAQ et qui a des clauses qui sont
exceptionnelles dans la durée. Alors, si, moi, là, je faisais une plainte à l'Autorité
des marchés publics, est-ce que la plainte serait recevable pour l'AMP?
Le Président (M. Simard) : Merci.
Mme la ministre. En conclusion, parce qu'il reste 20 secondes.
Mme LeBel : Je ne pourrai pas
répondre pour l'AMP, je veux dire, c'est un organisme indépendant.
M. Barrette : Justement, la question
est dirigée vers l'AMP.
Le Président (M. Simard) : Non. S'il
vous plaît! Mme la ministre.
Mme LeBel : Non, j'ai dit : Je
ne peux pas répondre pour l'AMP. Alors, il y a consentement.
Le Président (M. Simard) : Alors,
M. Trudel, très rapidement, s'il vous plaît.
M. Trudel (Yves) : Donc, au tout
début... et, si vous vouliez porter plainte auprès de l'Autorité des marchés
publics, il faudrait que vous le fassiez, dans un premier temps, au donneur
d'ouvrage, dans un premier temps.
M. Barrette : Dans un premier
temps...
M. Trudel (Yves) : Au donneur
d'ouvrage, dans un premier temps.
Le Président (M. Simard) : Très
bien...
M. Trudel (Yves) : Suivant...
M. Barrette : Alors, en
15 secondes...
Le
Président (M. Simard) : Non,
bien, c'est... Bien, vous pouvez terminer. Ça sera pris sur votre prochain
temps.
M.
Barrette : ...donc, en
terminant : un contrat de gré à gré qui aurait pu être fait par quelqu'un
d'autre, Charles Sirois, 17 ans, on sort tout le monde du marché.
Alléluia! J'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci, M.
le député. Je cède maintenant la parole à mon collègue le député de Rosemont
pour une période de 14 min 40 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Chers collègues, Mme la présidente du Conseil du trésor, monsieur de
l'AMP, M. Trudel, bonjour, puis à votre personnel aussi, merci d'être là.
En ce qui me
concerne, j'entame ma 26e heure de crédits en quatre jours. Ce n'est pas
pour me plaindre, c'est juste pour... si je
cherche mes mots, c'est un peu normal. Puis, si vous me voyez m'éclipser à un
moment donné, dans la soirée, c'est normal aussi
parce qu'il faudrait que je retourne chez moi à Montréal. Je dis ça pour ne pas
être impoli de me lever et de partir tout à l'heure, surtout envers M. le
Président.
Le Président (M.
Simard) : Vous allez nous manquer.
M. Marissal :
Je sais, mais je reviendrai, je reviendrai. M. Trudel, mon collègue de La Pinière
a parlé d'un... Bien, je m'adresse à la présidente ou au président, mon
collègue de La Pinière vient de faire état d'un contrat de gré à gré qui,
il est vrai, avec ses rallonges, atteint une longueur inusitée. Il y en a eu un
autre, contrat de gré à gré, entre autres, là, un dont je suis au courant, qui
a été donné, je crois, par Santé, pour des masques N95. En soi, on ne sera
pas contre le principe d'avoir des masques. Ce que je veux dire, c'est que ce
contrat a été donné de gré à gré sur 10 ans. 10 ans, ça fait quand
même un bail, ça. C'est facile, pour un entrepreneur, après ça, de prévoir sur
10 ans. Et je ne juge pas le produit, là, tout le monde conviendra ici que
le produit est essentiel et que les péripéties des avions chinois qui se posaient ou qui ne se posaient pas à
Montréal avec le matériel, on voudrait ne pas revivre ça, si d'aventure
nous devions avoir besoin une fois de plus ces masques.
Cela dit,
10 ans, gré à gré, pour un produit essentiel, là, je suis en train de me
demander s'il n'y a pas un risque... et puis j'adresserais ma question à
M. Trudel, qu'il n'y ait pas un risque. Et je l'invite peut-être à être
prudent là-dessus, avec son équipe, en toute modestie et en toute humilité,
parce qu'il ne faudrait pas que la COVID devienne une carte Passez «Go» et
réclamez un contrat gré à gré. Il y a un danger là, il y a un danger que
des fournisseurs qui ont des lobbyistes, ici, fassent pression auprès du
gouvernement puis disent : Tu en as besoin, tu en as besoin, là, regarde,
tu en as manqué la dernière fois. Puis là tout le monde a la chienne à cause de
la COVID, puis on comprend. Il ne faudrait
pas que ce prétexte COVID devienne une façon de faire de l'exception une forme
de règle.
Alors, je ne sais pas
si M. Trudel peut commenter ça, s'il a envisagé ce scénario, puisque
«money is no object», évidemment, on veut sauver notre monde puis avoir du
matériel, et il y a une urgence sanitaire et, parfois, un manque de matériel.
• (20 h 10) •
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. le député. Mme la ministre.
Mme LeBel :
...peut-être commenter avant de céder la parole à M. Trudel, peut-être
faire quelques commentaires. Il est très difficile... puis, moi, je
viens d'un monde où on doit examiner les dossiers, on ne doit pas en faire des
affirmations à l'emporte-pièce, et on ne doit pas lancer des affirmations dans
les airs de cette façon-là, et on doit... Et je ne parle pas de ce que vous
venez de dire, je parle de dire... Non, non, je veux le préciser pour pas...
Mais c'est parce que c'est... on ne peut pas dire : Contrat de gré à gré
10 ans ou contrat de gré à gré 12 ans. Effectivement, à sa face même, ça demande d'avoir des explications et des
justifications supplémentaires. Ça, je le conçois. Ce que je vous dis, c'est que je ne suis pas à même de
vous les donner. Elles existent, mais je ne suis pas à même de
vous les donner.
Ceci étant dit, la
COVID est quand même un fait que l'on vient de traverser, donc, qui est un fait
brut. On parle de masques N95. Il y a un
besoin criant d'avoir des approvisionnements, aussi, suffisants
et, dans ce cas-là, il y avait besoin aussi d'avoir... d'être capables
d'être autosuffisants et d'attirer une compagnie sur notre territoire, qui
pourrait faire en sorte que les Québécois sont prêts pour une éventuelle
seconde vaque qu'on espère tous éviter.
Ceci
étant dit, je vais, avec consentement, si vous avez toujours l'intention de
poser votre question à M. Trudel, lui permettre de prendre la
parole.
Le Président
(M. Simard) : Il y a consentement, M. le député de Rosemont?
M. Marissal :
...
Le Président
(M. Simard) : Il y a consentement. M. Trudel, brièvement, je
vous prie.
M. Trudel
(Yves) : Oui. Merci. Donc, en ce moment et dans l'exemple que vous
donnez, et je n'ai, encore une fois, pas vu le contrat dont il est question,
mais c'est du décret sanitaire qu'il s'agit, et le décret sanitaire devient notre cadre normatif. Comme vous le savez, nous,
c'est le respect du cadre normatif que nous suivons, donc que nous
surveillons, et le décret sanitaire devient le cadre normatif. Il y a des
mots-clés importants, dans le décret sanitaire, que nous regardons. Donc, je ne
me prononcerai pas sur le contrat dont il est question, en ce moment, parce que
je ne le connais pas. Mais, dans les mots-clés, le décret a été décrété pour,
avant tout, protéger la santé de la population, et ce, sans aucune autre
formalité, donc...
Le Président (M.
Simard) : Merci. M. le député.
M. Marissal :
Je comprends qu'il n'y avait peut-être pas de réponse à donner à ma question,
alors considérez donc que ma question était une forme de mise en garde que je
fais, encore une fois, je le répète, en toute humilité. Mais, dans l'urgence,
parfois, on l'a vu, d'ailleurs, on s'est fait avoir avec des gens qui nous ont
vendu des masques, si je comprends, qui n'existaient pas. Donc, prudence, je
pense que ce sera le mot-clé ici.
Rapidement, parce que
j'ai un autre sujet auquel je veux... duquel je veux absolument parler ce soir,
dans la précédente étude du défunt projet de loi n° 61, l'AMP avait notamment
dit aux parlementaires qu'elle n'avait pas, l'autorité, les mêmes pouvoirs que le BIG, à Montréal,
et c'était quelque chose qui semblait problématique. Sans avoir
vu la nouvelle mouture du projet de loi, hein, évidemment, est-ce que c'est toujours
quelque chose qui est problématique pour l'AMP?
Le Président (M.
Simard) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Un consentement, si M. Trudel est prêt à répondre.
Le Président (M.
Simard) : Donc, M. Trudel.
M.
Trudel (Yves) : Merci. Tout d'abord,
je me permettrai, depuis quelques mois, il se véhicule qu'à l'Autorité
des marchés publics on n'a pas de pouvoir. Je vais, ceci dit, vous dire qu'on a
d'importants pouvoirs. Nos pouvoirs, on les retire de l'article 22 à 24,
des pouvoirs importants, dans ce cas-là, puisqu'on peut pénétrer en tout lieu,
dans un bureau d'organisme public et tout autre lieu, à toute heure
raisonnable...
Le Président (M.
Simard) : Excusez-moi, M. Trudel. M. le député.
M. Marissal :
Juste parce qu'on... je n'ai vraiment pas beaucoup de temps puis je ne voudrais
pas vous faire parler pour rien. Je n'ai pas dit que vous n'aviez pas de
pouvoir. Je reprenais un commentaire à l'effet que vous disiez ne pas avoir les
mêmes pouvoirs, notamment, que le BIG. Est-ce que c'est toujours le cas? Est-ce
que c'est toujours un problème?
Le Président (M.
Simard) : M. Trudel.
M. Trudel
(Yves) : Donc, on a d'importants pouvoirs et, entre autres, on a le
pouvoir, à l'article 26, qui est un pouvoir de commissaire enquêteur mais
pour l'examen de gestion contractuelle uniquement. Ce qu'on a besoin ou ce
qu'on demande, ce n'est pas un nouveau pouvoir, c'est d'étendre ce pouvoir-là,
qui existe déjà dans notre loi, à toute vérification, enquête en adjudication,
en attribution et en exécution de contrat. C'est la seule grande différence
qu'on a entre les deux.
Le Président (M.
Simard) : Merci, M. Trudel. M. le député.
M. Marissal :
Donc, je présume que vous avez déjà fait vos représentations auprès de la ministre,
de la présidente du Conseil du trésor, mais
je serais quand même curieux de connaître la réponse préliminaire de la
présidente du Conseil du trésor à cette demande.
Mme LeBel :
...on a effectivement eu une rencontre. Dans le fond, ce qu'on nous demande,
c'est l'ajout de pouvoir de contraintes, là,
qui pourraient permettre, là, de faire des vérifications de l'enquête que le
Bureau de l'inspecteur général peut avoir, qu'il a souvent, dans la
forme... inclus dans les contrats, là, qui sont signés.
Donc, on a considéré
ça avec beaucoup de sérieux, on a discuté, effectivement, avec l'AMP, parce
que, bien que l'AMP soit un organisme indépendant, je pense que c'est son
expertise, effectivement, de savoir comment ils peuvent faire un contrepoids,
non seulement des mesures à plus long terme. Mais, moi, ce qui m'intéressait,
dans la première discussion, parce que les discussions vont se poursuivre,
naturellement, avec l'AMP, c'était de savoir, par rapport... dans le cadre
d'une mouture qui découlerait du projet de loi qui n'existe plus mais qui va
être remplacé par une nouvelle version, comment on pourrait faire, justement,
pour ajouter le contrepoids ou rassurer les Québécois, si on veut. Mon objectif
est de rassurer les Québécois...
Le Président (M.
Simard) : Merci, Mme la ministre. M. le député...
Mme LeBel :
Donc, oui, cette conversation a eu lieu, mais je ne vous donnerai pas le
résultat tout de suite. À suivre.
Le Président (M.
Simard) : M. le député.
M.
Marissal : Oui. Il y a un sujet que je veux absolument aborder parce
que c'est un sujet qui me tient à coeur, comme ancien journaliste, mais comme parlementaire, point, puis, je
pense, même, comme citoyen, puis j'y ai travaillé depuis deux ans
ici, depuis que j'ai été élu, c'est les lanceurs d'alerte.
Mme LeBel :
Les...
M. Marissal :
Les lanceurs d'alerte.
Mme LeBel :
Lanceurs d'alerte? O.K. Excusez-moi, je n'avais pas...
M. Marissal :
Mon micro est-il trop faible ou je ne parle pas assez fort, peut-être?
Mme
LeBel : Non, il n'y a pas de... excusez-moi, il n'y a comme pas de
retour ou de...
M.
Marissal : Non, bien, je
n'ai pas une voix qui porte beaucoup, et puis, comme je vous ai dit, après 26 heures
à parler, peut-être que mes cordes vocales sont un peu usées. Votre
arrivée au Conseil du trésor a été généralement bien reçue, pour plein de
raisons. Je vous ai aussi souhaité bonne chance et j'étais heureux de vous y
voir, surtout pour la question des lanceurs
d'alerte. Parce qu'en votre qualité d'ancienne procureure à la commission Charbonneau, j'imagine que, même
si, au moment où ça s'est passé, vous étiez ministre du gouvernement actuel,
votre coeur a dû saigner quand même en voyant le traitement qu'on a réservé à
Louis Robert. Je ne sais pas si la ministre m'écoute, parce que, là, j'ai
l'impression que je parle vraiment tout seul, là.
Mme LeBel :
C'est parce que... Oui, je sais. Oui, allez-y, je vous écoute. On est sur les
lanceurs d'alerte, et vous parlez de mon expérience dans ce domaine.
M. Marissal :
C'est bon, c'est bon. C'est un petit test. Je disais donc que...
Mme LeBel :
Compte tenu de la commission Charbonneau, surtout.
M. Marissal :
Mais compte tenu de la commission Charbonneau... Mais c'est parce que je
parlais de votre coeur. J'aimerais ça que vous m'écoutiez, quand même.
Mme LeBel :
Ah! mais non, mais mon coeur bat toujours pour vous.
M. Marissal :
Bien, j'espère.
Le Président (M.
Simard) : On va suspendre nos travaux. Non...
M. Marissal :
Je disais que votre coeur a dû saigner en voyant... — arrêtez,
vous allez me faire rougir — en
voyant le sort qui avait été réservé à ce lanceur d'alerte, Louis Robert. J'ai
discuté avec votre prédécesseur d'une révision
de la loi, une première loi qui a été déposée, qui était un bon pas dans la
très bonne direction, mais qui, d'après moi, n'a pas complété le
travail. J'ai déposé moi-même un projet de loi, on en a discuté avec votre
prédécesseur. Et c'est facile pour moi de retourner voir ce qu'il y avait dans
la commission Charbonneau, dans le rapport final, des choses qui ne sont pas
dans la loi actuelle ou qui pourraient être renforcées dans la loi actuelle,
c'est-à-dire, et c'étaient les recommandations de Charbonneau : la protection
de l'identité de tous les lanceurs d'alerte, peu importe l'instance à laquelle ils s'adressent — peu
importe à l'instance à laquelle ils s'adressent, ça, ça veut dire qu'un lanceur
d'alerte pourrait aller voir un journaliste, pas nécessairement la police ou
son supérieur; l'accompagnement des lanceurs d'alerte dans leur démarche, évidemment,
parce que c'est une démarche difficile, qui a des répercussions, notamment,
psychologiques, financières; un soutien financier requis... lorsque requis,
pardon. C'était dans le rapport que vous avez
rédigé et qui découlait de vos travaux à la commission Charbonneau.
Êtes-vous d'accord avec ça? Est-ce qu'on peut espérer, avant longtemps,
avoir un projet de loi complété, notamment, avec ça?
Le Président (M.
Simard) : Merci, M. le député. Mme la présidente du Conseil du trésor.
Mme
LeBel : Donc, je ne prendrai
pas le crédit des 1 700 pages
du rapport de la commission Charbonneau, je ne les ai pas rédigées, mais
j'étais... effectivement, je faisais partie des travaux, donc je suis d'accord,
naturellement, avec les conclusions, là — c'était simplement une petite
boutade.
Écoutez, je vais, en
toute humilité, vous dire que je suis au courant qu'il y a des travaux qui ont
été faits par le Conseil du trésor, il y a eu le rapport de mise en oeuvre de
la loi qui a été adopté en 2017, qui a été déposé. Entre autres, il y a des
recommandations de la Protectrice du citoyen à l'intérieur de ce rapport-là. Je
peux vous dire que mon collègue, mon prédécesseur, adhérait, comme moi, aux
propositions de la Protectrice du citoyen. Ça fait partie... J'ai eu, sur les démarches actuelles, je dois vous
avouer, un breffage qui était partiel parce que ça fait partie des enjeux
que je veux qu'on examine avec beaucoup d'attention dans le cours de mon
mandat.
Vous
comprendrez que, dans les dernières semaines, et ceci n'est pas une excuse,
c'est un fait brutal, là, je me suis consacrée au projet de loi
n° 61, aux négociations et à prendre connaissance, le plus possible, de
mes nouvelles activités. On a l'intention de déposer un projet de loi qui
devrait... bon, la première intention, à l'époque, était à l'automne 2020.
Je ne m'y attacherai pas, compte tenu que je viens de prendre le poste, mais,
oui, ça fait partie des choses qui sont sur ma liste de choses que j'aimerais
faire avec le Conseil du trésor pendant mon mandat.
M.
Marissal : J'en profite, je
ne l'ai peut-être pas dit, pour vous offrir mon entière collaboration dans l'éventuelle rédaction...
ou débat menant à une rédaction de quelque
chose de plus complet, pour protéger...
Je ne le dirai jamais assez à quel point c'est important, dans une démocratie
saine, que les gens qui voient des choses illicites, frauduleuses ou
incorrectes puissent le dire sans en subir les foudres, comme M. Robert,
malheureusement, a dû le constater.
• (20 h 20) •
Mme
LeBel : Ma compréhension, vous me corrigerez, c'est que le rapport
qu'on a déposé, sur le rapport de mise en
oeuvre, va être débattu aussi en commission parlementaire. Donc, on aura
l'occasion, entre autres, à ce moment-là, d'avoir des bons échanges en
vue de l'élaboration d'un futur projet de loi.
Le Président (M.
Simard) : M. le député, il vous reste une minute.
M. Marissal :
Une minute? Le 31 mars 2020, le Secrétariat du Conseil du trésor a émis
une directive qui demandait aux entités gouvernementales de limiter leurs
dépenses à ce qui est jugé, puis ça, c'est... à ce qui est jugé essentiel à la réalisation de leur mission. Ça
avait, d'ailleurs, coulé dans les médias. Est-ce que c'est toujours en cours,
de même que la directive touchant le gel des embauches jusqu'à nouvel ordre?
Mme LeBel :
Non, ce n'est pas toujours en cours. C'était vraiment ce que... Ma
compréhension... parce que je n'étais pas là
à l'époque, naturellement, mais ma compréhension, c'était pendant la période où
l'Assemblée nationale ne siégeait pas, parce qu'on s'était fait voter
une partie de crédit limitée. Par contre, là, vous savez que mon collègue, dans
sa mise à jour économique, là, les mesures du budget de mars tiennent toujours.
Il a fait, même, une mise à jour de l'ordre de 5 milliards pour tenir en
compte les dépenses qui ont eu lieu par la COVID. Donc, ce n'était pas...
c'était simplement de dire : Bon, pendant cette période-là, limitez-vous à
l'essentiel...
Le Président
(M. Simard) : En conclusion.
Mme LeBel :
...ne commencez pas tout de suite à dépenser le budget de mars. Mais ça ne
tient plus.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous. Merci, Mme la ministre.
Merci, M. le député. Bon retour à Montréal. M. le député de
La Pinière, vous disposez de 20 minutes.
M. Barrette :
Merci. Donc, ça fait 42. Alors, M. le Président, j'ai exposé une situation qui
était, à sa face même, questionnable. Je vais en déposer une autre et je vais
commencer par poser une question à la présidente du Conseil du trésor
et/ou — en
fait, c'est «et» — à
M. Trudel, si j'ai l'autorisation de lui poser cette question-là. Il me
semble que, normalement, dans l'octroi d'un contrat gouvernemental, on veut
éviter des conflits d'intérêts chez la personne qui reçoit le contrat, à qui on
octroie le contrat, ainsi que l'apparence de conflit d'intérêts. Ça, je pense
qu'on va être d'accord là-dessus?
Mme LeBel :
Pour le principe que vous venez d'énoncer?
M. Barrette :
Oui, le principe.
Mme LeBel :
Les conflits d'intérêts et les apparences de conflit d'intérêts? C'est un
principe général.
M. Barrette :
Très bien.
Mme LeBel :
Maintenant, s'applique-t-il?
M. Barrette :
M. le Président, en général, quand on... Puis là c'est une opinion... une
confirmation que je cherche. Quand on donne des contrats de gré à gré à une
OSBL, on est moins stressé, c'est un OSBL. Est-ce que ça, c'est une affirmation
avec laquelle on est d'accord? Moins stressé en termes de conflit d'intérêts,
et ainsi de suite.
Mme LeBel :
Écoutez. M. le député de La Pinière, je ne veux pas avoir l'air de ne pas
vouloir converser avec vous, là, parce que c'est toujours très agréable, mais
on ne peut pas débattre de ces principes-là dans un... hors contexte. Si on
veut juger d'un conflit d'intérêts ou d'une apparence de conflit d'intérêts, ça
nous prend une situation factuelle. Je peux
toujours bien vous dire que, de façon générale, un OSBL n'a pas... mais ce
n'est pas nécessairement vrai dans
tous les cas de figure, comme ce n'est pas parce qu'un contrat de gré à gré
donné pour une période maximale de 12 ans... ça ne vaut pas dire
qu'il n'est pas justifié. Donc, je peux bien... je suis prêt à vous suivre...
Le Président
(M. Simard) : Merci, Mme la ministre. M. le député.
M. Barrette :
Allons-y main dans la main.
Mme LeBel :
Bien oui.
M. Barrette :
Allons-y main dans la main. M. Trudel nous a dit, il y a quelques
instants, que le décret sanitaire était maintenant le nouveau cadre
normatif, donc on peut faire ce qu'on veut parce que c'est l'urgence sanitaire.
Le ministre de la Transformation numérique, récemment, il y a à peu près deux
semaines, nous a annoncé le plus gros projet de l'histoire d'ETI du gouvernement,
qui est celui de l'identité numérique. Et il y a une bonne chose, dans l'État,
les ministres travaillent ensemble. C'est bien correct. Et le ministre de
l'Économie, lui, a récemment conclu un contrat de gré à gré avec un OSBL qui
est à Gatineau. Alors, pourquoi?
C'est
un contrat pour faire un laboratoire d'identité numérique. En français, là, je
l'explique, je n'ai pas besoin de réponse là-dessus, sur ce que ça fait,
essentiellement, c'est un laboratoire qui va avoir comme mission de tester ce
qui sera mis en place. Je prends une image : on va demander à ces gens-là
de hacker le système pour voir s'il a des faiblesses. Ce qui est une bonne
chose à faire, c'est bien correct. On dit à une organisation qui a une
compétence en cybersécurité :
Lâchez-vous lousse, là, puis vous allez tester qu'est-ce qu'on fait. Bon, on
s'entend, là, que cet OSBL-là va avoir accès à toutes sortes de données
des citoyens, là. Ils vont tester, là puis ils vont tester à Revenu Québec, ils
vont tester à la RAMQ, ils vont tester à la SAAQ, ils vont le tester partout
parce que le projet d'identité numérique, c'est pour tout l'État.
Bon, là, on regarde la patente, là, l'OSBL en
question qui va être un laboratoire d'identité numérique, et on constate deux
choses. On constate que le ministre de l'Économie, lui, a en même temps annoncé
sa volonté de faire un hub de cybersécurité en Outaouais. Ça va?
Le Président (M. Simard) : Très
bien.
M. Barrette : Bon, l'OSBL est
composé de deux personnes, là. Je ne sais pas si je dois les nommer, là.
Le Président (M. Simard) : Libre à
vous.
M. Barrette : C'est de connaissance
publique, là : M. Antoine Normand et un autre qui a moins d'intérêt. Mais
ce monsieur Antoine Normand, il est là, il est tout seul avec son collègue, là,
qui a son expertise, et il a une adresse, ce
gars-là. L'OSBL, là, qui bénéficie d'un contrat de gré à gré de 500 000 $ a une adresse. On a creusé et, ô
surprise, à la même adresse, à la même adresse, il y a une compagnie qui
s'appelle BlueBear, l'ours bleu. Même compagnie... c'est-à-dire même adresse
que l'OSBL. On vérifie là-bas et on constate que le P.D.G., le
président-directeur général, le CEO de la compagnie BlueBear est la même
personne. C'est étonnant. Alors là, on a un contrat de gré à gré donné à un
OSBL, puis ça, c'est rassurant, c'est un OSBL, mais on voit que l'OSBL a
l'adresse d'une compagnie, puis celui qui dirige l'OSBL est celui qui dirige la
compagnie. Et le ministre nous dit qu'il veut faire un hub de cybersécurité en Outaouais. Wou! Il
me semble que, là, des drapeaux
devraient se lever, des enquêtes devraient être faites. N'est-ce pas là
surprenant?
Il est de connaissance commune que le stratagème
de passer par un OSBL pour faire affaire avec d'autres qui sont nos amis, c'est
quelque chose à proscrire. Et ça, là, je pose la question à l'AMP :
N'est-ce pas quelque chose à proscrire? Parce qu'on a vu, dans l'histoire,
plein de travers qui sont passés par des stratagèmes d'OSBL qui avaient des
connexions, des ententes avec des compagnies.
Alors, je
résume : le plus gros projet de l'histoire du Québec, la
volonté du ministre de faire un hub en Outaouais, un individu
qui est le P.D.G., le CEO d'une compagnie qui est à la même adresse qu'un OSBL,
500 000 $ donnés à l'OSBL. Il me
semble que, là... Je comprends que l'urgence... le décret sanitaire est le
nouveau cadre normatif, mais là on pousse pas mal fort, là.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel : Bon. Et
premièrement ce n'est pas un cadre normatif, ce n'est pas le décret sanitaire.
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : S'il
vous plaît! La parole est à la ministre.
Mme LeBel : Merci,
M. le Président. Ce que
M. Trudel a répondu tantôt, c'est que, pour le contrat particulier
que mon collègue mentionnait, dans ce cas-là, le cadre normatif à examiner,
c'était le décret sanitaire. Dans le cas que
vous mentionnez, je pense que vous parlez de la subvention qui a été octroyée par le MEI, ce n'est
pas un contrat, donc c'est une subvention,
ça ne passe pas du tout par nous. Là, ce n'est pas un contrat, il n'y a
pas de cadre normatif, c'est une subvention
de 500 000 $ qui a été octroyée à un OBNL, vous avez raison, dans le
but de réaliser des activités de démarrage. Ça a été fait dans le respect
des règles en vigueur. Mais c'est une subvention qui a été octroyée par mon
collègue en collaboration avec mon autre collègue qui est le ministre du Virage...
Transformation numérique. Et vous pourrez les questionner sur le pourquoi du
comment, mais c'est une subvention, M. le député de La Pinière, ce n'est
pas un contrat de gré à gré, là.
Le Président (M. Simard) : Mme
la ministre. M. le député.
Mme LeBel : À moins qu'on ne
parle pas du même dossier.
• (20 h 30) •
M. Barrette : Très bien. Alors,
on va creuser. Est-ce que la ministre était au courant que M. Normand, non
seulement est-il un donateur à la CAQ, pour
la première fois de son histoire, à un parti politique, il y a moins d'un an?
Est-ce qu'elle était au courant que, derrière, il y avait BlueBear?
Le Président (M. Simard) : Merci. Mme
la ministre.
Mme LeBel : Je ne suis pas au courant des détails outre le
fait que c'est une subvention qui a été accordée par le ministère de l'Économie. Alors, vous parlerez
avec mon collègue le ministre de
l'Économie. Je veux dire, il pourra
vous dire si, lui, il était au courant quand il a donné la subvention. Moi, ça
n'a pas à faire avec mes fonctions, là.
Le Président (M.
Simard) : Merci, madame. M. le député.
M.
Barrette : M. le Président, la question que je pose est simple. Était-elle au courant? La réponse,
c'est non. Est-ce qu'elle
trouve ça raisonnable sur le plan éthique? Et c'est l'AMP qui devrait répondre
de ça, mais la ministre peut répondre, c'est elle qui est ultimement
la responsable. Pas un contrat de gré à gré, une subvention, ce n'est pas grave.
Un, est-ce
que c'est normal qu'on donne une subvention — je vais utiliser le terme qui semble le plus
approprié — à un OSBL qui a un lien clair, net et
précis — mais il
a fallu creuser pour le trouver — avec une compagnie qui est dirigée
par la même personne?
Le Président (M.
Simard) : Mme la ministre.
Mme LeBel :
Écoutez, mon cher collègue de La Pinière, bien que j'aie une très haute
estime pour votre opinion, que je suis convaincue que vous avez une très grande
crédibilité, je ne donnerai pas d'opinion sur des faits que vous m'affirmez ce
matin... ce soir. Je ne le sais pas. Je ne suis pas au courant de cette
subvention-là. Je ne sais pas si ce que vous
affirmez est même exact. Je ne connais pas les circonstances de l'octroi de la
subvention. Alors, vous pourrez parler avec mon collègue, mais je ne
donnerai pas d'opinion sur un dossier que je n'ai pas vu.
M. Barrette :
Madame... M. le Président...
Le Président (M.
Simard) : Merci, Mme la ministre. M. le député.
M.
Barrette : Alors, j'aimerais qu'à l'AMP, qui ont une certaine
indépendance... puissent exprimer leur opinion.
Mme LeBel :
Mais l'AMP ne regarde pas les subventions.
M. Barrette :
M. le Président, je n'ai pas fini ma question.
Le Président (M.
Simard) : Alors, veuillez poursuivre, cher collègue.
M. Barrette :
M. Trudel, est-ce que c'est une bonne pratique de donner une subvention à un
OSBL si on ne sait pas ou si on ne fait pas la recherche qu'il y a, derrière,
une compagnie? Il y a un vase communiquant, là. Est-ce que ça, c'est une
pratique éthiquement acceptable?
Le Président (M.
Simard) : Merci.
M. Barrette :
Monsieur...
Le Président (M.
Simard) : Oui. Avez-vous...
M. Barrette :
Une dernière phrase. M. Nadeau, là... M. Normand, pardon, là, il est président
de la Chambre de commerce de Gatineau, c'est
lui qui dirige l'OSBL, c'est lui qui dirige la compagnie, on lui donne une
subvention. Ça ne lève pas un drapeau, ça, à l'AMP?
Le Président (M.
Simard) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Avec consentement, M. le Président.
Le Président (M.
Simard) : Pardon?
Mme LeBel :
Consentement pour que M. Trudel réponde à la question, si...
Le Président (M.
Simard) : Très bien. M. Trudel, à vous la parole.
M. Barrette :
Et, juste pour que ce soit clair, pour ne pas que j'aie la réponse que je ne
voudrai pas avoir, là, oubliez les noms, les compagnies, là. Le principe...
Le Président (M.
Simard) : Très bien.
M.
Barrette : ...un individu
reçoit de l'argent à titre d'OSBL, mais il y a
une compagnie qu'il dirige en arrière.
Le Président (M.
Simard) : Merci, M. le député. M. Trudel,
à vous la réponse. M. Trudel, on vous écoute.
Des voix : ...
Le Président (M. Simard) : S'il vous
plaît, à l'ordre!
M. Trudel
(Yves) : Je vais revenir
avec la même réponse, c'est-à-dire : Je n'ai pas vu le dossier, je ne sais pas
de quoi vous...
M. Barrette : ...
Le Président (M. Simard) : Non. S'il
vous plaît, monsieur...
M. Trudel
(Yves) : Je ne peux pas
parler d'un principe si je ne vois pas ce qu'il y a derrière. Et malheureusement
je ne l'ai pas vu et je ne le connais pas, le dossier. Alors, j'ai de la difficulté
à donner une réponse ou, en tout cas, la réponse que vous recherchez, puisque
je n'ai pas vu, malheureusement, le dossier. Et chaque dossier est un cas.
Le Président (M. Simard) : Merci, M.
Trudel. M. le député.
M.
Barrette : Alors là, M. le Président, ça va mal. L'autorité, O.K., «autorité» comme dans «gardien des principes»,
n'est pas capable de se prononcer sur une situation que je mets
hypothétique : subvention gouvernementale arbitraire donnée à un OSBL puis
qui donne une belle image mais qui, en arrière, a une compagnie, c'est la même personne
qui dirige les deux, puis je vais en
rajouter, M. le Président, pour une activité qui, en général, est faite
gratuitement par tout le monde.
Allez voir en
France, allez voir aux États-Unis, allez voir en Italie, allez voir n'importe où,
toutes les compagnies qui ont une expertise en cybersécurité, là, faire
ce genre de test là, ils le font gratuitement. Ça, c'est un fait, là. Je ne
vous demande même pas d'accepter le fait, vous avez juste à le vérifier. Alors,
ils le font.
Puis on a plein d'expertise là-dessus au Québec,
mais non. Là, on a une subvention donnée à un organisme qui est affiché OSBL,
qui est publiée, la subvention, comme étant donnée à un OSBL, et on apprend, en
creusant, que c'est la même personne qui dirige la compagnie dans un contexte
où le ministre dit lui-même : Je veux un hub dans l'Outaouais. Bien,
coudon, là, sur ce principe-là, l'AMP n'est pas capable de se prononcer. Bien
là, ça va mal.
Le Président (M. Simard) : Merci, M.
le député. Mme la ministre.
Mme LeBel : Je ne suis pas d'accord
avec mon collègue le député sur ses prémisses de base. Premièrement, ce n'est pas pour de la cybersécurité, c'est pour
développer des identités numériques. Deuxièmement, c'est un programme
normé du ministère de l'Économie et de l'Innovation avec des critères, des
règles qui sont jugés par les fonctionnaires, qui donne des subventions pour
des compagnies en démarrage. Et troisièmement l'AMP ne surveille pas les subventions,
surveille les contrats publics en fonction de la loi sur les contrats publics.
Alors, c'est un beau château de cartes que mon collègue nous bâtit, mais il
part sur des prémisses qui sont inexactes.
Alors, maintenant, c'est un programme normé,
c'est une subvention. Est-ce que, dans le cas de figure qu'il nous mentionne,
il est exact... les faits qu'il nous rapporte sont exacts? Peut-être. Mais est-ce
que ça veut dire que la subvention n'a pas été accordée selon les règles et
cette compagnie ou cet OBNL là que vous décrivez n'y avait pas droit? J'en doute. Mais on n'est pas dans des bonnes
prémisses, on n'est pas dans le bon carré de sable, là, du tout, du
tout, si on parle de l'AMP, pas pantoute.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme la présidente du Conseil du trésor. M. le député.
M. Barrette : M. le Président, je
reconnais le talent juridique de la présidente du Conseil du trésor. Dans une plaidoirie, on se construit soi-même un château
avec ses propres cartes, mais les miennes sont transparentes. Je ne me
cache pas, je ne me cache pas derrière une plaidoirie, j'établis des faits. Ce
que j'ai dit, ce sont des faits. Et je vous dirais, M. le Président, que la
présidente du Conseil du trésor a remis ma parole en doute, a mis ma parole en
doute. «Je ne sais pas si c'est vrai.» Bien oui, c'est vrai. C'est vrai. Vous
vérifierez. Ceux qui nous écoutent vont sûrement vérifier. C'est une situation
étonnante.
Et je le
répète, n'importe quelle compagnie de cybersécurité va faire ça. C'est
leur fun, c'est leur b.a.-ba, tester, trouver des failles. Nous, on
donne 500 000 $, avec une intention avouée d'avoir un hub dans la
région, pour un donateur de la CAQ qui est président de la chambre de commerce,
qui se présente à la tête d'un OSBL sans que ce soit de connaissance commune
qu'il est avec une compagnie de cybersécurité qui est à la même adresse. Bien
là, là, je comprends, là.
Puis, en passant, M. le Président, c'est M.
Trudel qui a dit que le décret sanitaire était le nouveau cadre normatif pour
n'importe quoi.
Alors là, il y a une apparence au moins d'irrégularité.
Et c'est de connaissance commune que les stratagèmes de passer par un OSBL pour
aller ailleurs, c'est discutable, et je ne suis même pas capable d'avoir une
opinion.
Je vais
reposer ma question, et la seule personne qui peut répondre à ça, c'est le
gardien actuel de ces principes-là, l'AMP. M. Trudel, des stratagèmes
qui font qu'on passe par un OSBL pour aller vers une compagnie, c'est-tu
quelque chose qui est au moins débattable?
Le Président (M.
Simard) : Merci. Mme la ministre.
Mme
LeBel : Première des choses, M. Trudel n'a pas dit que le décret
sanitaire était le nouveau cadre normatif pour tout. Il était le cadre
normatif applicable dans le cas de figure que le député de la deuxième
opposition nous a présenté.
Deuxième des choses, on ne parle pas de
cybersécurité, on parle de développement d'une identité numérique, et les
compagnies, ou les groupes, ou les organismes capables de le faire sont
beaucoup plus restreints.
Troisième des choses, on parle d'une subvention,
qui n'est pas sous la juridiction de l'AMP. Ceci étant dit, je suis prête quand
même à consentir pour que M. Trudel puisse compléter sa réponse.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme la ministre. M. Trudel.
M. Trudel (Yves) : Alors,
effectivement, comme il s'agit d'une subvention, à la lumière de ce que vous
nous rapportez, M. le député de La Pinière, l'AMP, on n'a pas de
juridiction dans les subventions.
M. Barrette : ...
Le
Président (M. Simard) : S'il vous plaît, M. le député, on va laisser
M. Trudel compléter sa réponse. M. Trudel, nous vous écoutons.
M. Trudel (Yves) : Ça complétait ma
réponse. Donc, l'AMP n'a pas juridiction dans ce type de dossier là tel que
décrit par le député de La Pinière.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. M. le député.
M. Barrette : Ceux qui nous écoutent
actuellement n'en reviennent pas, là. Ils n'en reviennent pas. Ils n'en reviennent pas. Le plus gros contrat de l'histoire
du Québec, la volonté d'avoir un hub, une subvention donnée à un OSBL,
qui est censé être un gage de non-collusion, non ci, non ça, la même adresse,
le même individu, ça ne soulève rien.
Alors, je vais poser la question suivante à la présidente
du Conseil du trésor : Est-ce qu'elle serait, ce soir, disposée à vérifier
mes faits, et en faire un résumé, et demander à l'AMP son opinion sur cette situation-là,
et nous donner... de nous faire parvenir la réponse écrite de l'AMP?
Le Président (M. Simard) : Je vous
remercie. Mme la ministre.
Mme LeBel : Bien, la réponse va être
très claire. La réponse, c'est non. Ce n'est pas un contrat, c'est une subvention, qui découle d'un programme normé d'un ministère avec des critères objectifs,
de 500 000 $ pour permettre à une société d'innover et de
démarrer en matière d'identité numérique. Alors, vous vous adresserez à mon collègue
du ministère de l'Économie et de l'Innovation pour qu'il vous parle de son programme
en innovation, ce programme particulier là. Ce n'est pas un contrat. Ce n'est
pas un contrat, c'est une subvention, comme on en donne toujours, comme votre gouvernement
en a donné, M. le député de La Pinière, et c'est de l'ordre de
500 000 $.
• (20 h 40) •
Le Président (M. Simard) : Merci, Mme
la ministre. M. le député.
M.
Barrette : Et, M. le Président, une subvention à un donateur pour faire quelque chose qu'au moins 10 autres compagnies de cybersécurité au Québec
feraient gratuitement. Quand on met PetalMD avec le Laboratoire d'identité
numérique, ça commence à en faire... C'est un bel été. Et vous vous... bien, M.
le Président, on se cache ici — et évidemment «on» exclut la personne qui
parle — derrière
des règles pour ne pas avoir à s'adresser ce qui, à sa face même, pose des questions
auxquelles on devrait avoir les réponses.
Le Président (M. Simard) : Merci. Mme
la ministre.
Mme
LeBel : C'est parce qu'il
s'agit, M. le député, d'un programme normé d'un ministère. Alors, vous
parlerez avec mon collègue de l'Économie. J'allais dire de l'Éducation, c'est
le e sur lequel j'ai buté, de l'Éducation. Une subvention de
500 000 $, M. le député de La Pinière. On ne parle pas d'un
contrat, là. Donc, il y a... C'est un programme normé, et ces gens-là ont le
droit à la subvention, ont rempli les critères du programme et ont obtenu la subvention,
c'est tout. C'est aussi simple que ça. Je ne remettrai pas votre parole en
doute, mais le château de cartes factuelles sur lequel vous bâtissez votre
argumentaire est déficient.
Le Président (M. Simard) : Merci, Mme
la ministre.
M. Barrette : Quelques secondes?
Le Président (M. Simard) : Ah! si
vous voulez. Il vous restait à peu près 45 secondes, cher collègue.
M.
Barrette : Très bien. Je laisse le soin à ceux qui nous écoutent de
conclure quel château de cartes est le plus solide. Et moi, je connais la
réponse à ça puis je pense que tout le monde ici la connaît. Le reste de mon
temps, je vais le...
Le
Président (M. Simard) :
Merci. Alors, M. le député de René-Lévesque, vous avez une période de
14 min 40 s.
M. Ouellet :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour, Mme la présidente du Conseil
du trésor.
Au coeur de la crise
de la COVID, les Québécois ont pu compter sur d'excellents journalistes pour
exposer des situations problématiques. Et permettez-moi d'ailleurs de souligner l'excellent travail de M. Aaron
Derfel, du Montreal Gazette. Grâce à lui, on a pu mettre au jour
ce qui s'est passé au CHSLD de Herron. On a notamment découvert le passé
criminel de son président.
M. Samir
Chowieri, président du controversé CHSLD Herron, a été condamné, dans les
années 80, pour complot pour trafic de drogue et complot pour fraude.
M. Chowieri a été l'objet d'une enquête pour blanchiment d'argent dans les
années 1990 sans mener à des accusations et a été reconnu coupable d'évasion
fiscale en 2002.
Plusieurs personnes
estiment qu'il y a des trous dans la loi. Actuellement, cinq ans après leur
condamnation, les entreprises
et les criminels peuvent généralement obtenir à nouveau les contrats du gouvernement. Certains croient que l'on devrait scruter le passé d'un
individu d'une manière globale et ne pas se limiter au principe de cinq ans
ni seulement aux antécédents judiciaires.
Alors, ma question à
la ministre : Est-ce que vous êtes ouverts à procéder à de tels
changements?
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. le député. Mme la ministre.
Mme LeBel : Est-ce
que... Vous allez peut-être
me répondre, mais je pense qu'il y a une enquête sur ce cas-là
particulier qui est menée présentement, si je ne me trompe pas. Mais je ne veux
pas dire des choses que... Mais c'est une impression que j'ai, là, parce que je
n'ai pas... bon.
Écoutez, c'est sûr
que ce sont des choses qu'on va examiner, parce que ça peut être assez
préoccupant d'entendre de telles choses.
Encore une fois, je ne vais pas... Puis je ne remets pas votre parole, là. J'ai
entendu comme vous les articles de journaux qui le relataient. Je n'ai
pas de connaissance personnelle, mais c'est sûrement des choses qu'on va prendre
en considération.
Et vous parlez du
fait de pouvoir octroyer des contrats à des gens qui ont un passé criminel, là.
J'imagine que c'est le fond de votre question.
M. Ouellet :
...
Mme LeBel :
Je veux juste être sûre de la comprendre pour y répondre, mais je pense que
c'est ce que j'ai cru comprendre de votre...
M. Ouellet :
Oui. C'est parce qu'après cinq ans, si, effectivement, on a obtenu un pardon et
tout est O.K., on ne peut pas reculer. Donc, la grande question qu'on a,
notamment avec ce qui s'est passé : Est-ce qu'on devrait aller un peu plus
loin? Est-ce qu'on pourrait effectivement permettre...
Mme LeBel :
La question d'examiner la probité des gens à qui on pourrait accorder un
contrat ou, en tout cas, dans ce cas-là, la mécanique étant... Écoutez,
ce sont des choses qu'on va très certainement examiner, là, mais je n'ai pas le... Cette situation-là, je pense qu'il va
falloir la creuser. Puis je pense qu'il y a une enquête qui a cours là-dessus,
mais je ne veux pas me...
M. Ouellet :
Il y a une...
Mme LeBel :
Hein?
Une voix :
...
Mme LeBel :
Une enquête policière. Oui, c'est ça. Ça fait que je veux...
M. Ouellet :
Oui, c'est ça, sur ce qui s'est passé.
Mme LeBel :
Oui, c'est ça. C'est pour ça.
M. Ouellet :
Je comprends que vous ne voulez pas commenter le cas en question, mais, si on
se recule, cette personne-là s'est trouvée à
la tête d'un organisme qui s'occupait de nos personnes âgées et, dans certains
cas, des gens qui avaient besoin de soins. Ça ne s'est pas résulté comme
étant un excellent succès. Et malheureusement on doit faire enquête pour savoir
ce qui s'est véritablement passé.
Or, lorsqu'on a creusé, on s'est rendu
compte qu'il y avait quand même un passé criminel à l'individu et on se
dit : Est-ce que cette personne-là aurait dû être à la tête... Puis je
dis «cette personne-là»... Je pose la question : Est-ce qu'il y en a
d'autres à la tête de ce genre d'organisation là ou qui
pourraient être là? Et donc est-ce que cette fameuse règle des cinq ans ne
pourrait pas être revue pour s'assurer qu'effectivement on puisse aller plus
loin puis avoir une meilleure information pour juger si, oui ou non, ces
personnes-là peuvent recevoir des subsides de l'État pour opérer dans le
secteur privé ou parapublic dans le domaine des services, entre autres, notamment
pour des services directs aux citoyens?
Mme LeBel :
Bien, je serais portée à vous dire que ce cas-là de figure, là, on va le
prendre pour avéré pour des fins de discussion, sans conclure qu'il l'est ou
non, là, parce que je veux être très prudente en matière d'enquête policière,
mais c'est sûr que c'est assez préoccupant pour qu'on puisse se poser la question,
là. Mais effectivement, là, de façon très... moi, je suis d'accord avec vous
qu'il faut se poser la question.
Maintenant, on pourra
voir, par la suite des événements, qu'est-ce qu'on va faire avec ça, surtout
quand on aura les résultats de l'enquête
policière. Ça va peut-être nous permettre encore d'avoir encore plus de
détails pour voir s'il y a des pistes de solution ou des moyens d'action
pour nous, le cas échéant, là, effectivement.
Mais je ne peux pas
vous répondre de façon plus précise, là, mais effectivement c'est assez
préoccupant, ce genre de situation
là. On parle du droit de contracter avec le gouvernement, naturellement, là, je veux juste le préciser. Mais on va l'examiner, mais on
verra bien avec ce cas de figure là pour nous aider à réfléchir.
M. Ouellet :
Dans les médias, c'est l'ancien président-directeur général de l'Autorité des
marchés publics qui a soulevé cette possibilité-là d'aller un peu plus loin que
les cinq ans, M. Gallant.
Mme LeBel :
...je sais, je suis au courant, mais je vous dirais qu'à la lumière de ce cas
de figure là c'est une question qui est très légitime de se poser puis on va
l'examiner. Je ne suis pas en train de m'engager à la changer, mais ça vaut la
peine d'y réfléchir, ça, c'est certain.
M. Ouellet :
O.K. Est-ce que je peux demander si l'AMP est d'accord avec cette orientation-là
possible?
Mme LeBel :
...de consentement...
M. Ouellet :
Est-ce que ça serait utile que l'AMP ait cette possibilité-là pour le futur?
Le Président (M.
Simard) : M. Trudel.
Mme LeBel :
Consentement.
M. Trudel
(Yves) : En fait, on va collaborer avec le Secrétariat du Conseil du
trésor. S'il y avait un éventuel amendement législatif possible, je suppose que
nous serons consultés, et nous allons prendre la voie utile, là, pour... Puis ça me rejoint un peu, ce que vous dites. Effectivement, ça mérite d'être regardé, et, si c'est fait de ce côté-là et on
me consulte, je vais aller dans le même sens que mes collègues du Secrétariat
du Conseil du trésor iront, tout à fait.
M. Ouellet : C'est-à-dire que, si elle dit que ce n'est pas une bonne
chose, vous allez dire que ce n'est pas une bonne chose?
M. Trudel
(Yves) : Ça mérite...
M. Ouellet : Ou, si vous dites que ça serait peut-être une chose à obtenir, vous
allez essayer de la convaincre, je dis «essayer de la convaincre», vous
allez essayer de plaider comme étant une chose peut-être à regarder et à
obtenir? Parce qu'on cherche juste à bonifier le coffre à outils, là, on n'est
pas en train de dire que le travail... Parce que l'organisation, elle est
jeune. On apprend avec ce qui se passe puis malheureusement des fois on apprend
avec des situations qui ont été dramatiques, pour lesquelles il y a
effectivement une enquête.
Mais j'aimerais
savoir si l'AMP serait un fervent défenseur de cette volonté d'avoir plus de
pouvoirs ou plus d'outils pour aller encore un peu plus dans la protection des marchés
publics et notamment dans la protection des individus qui ont à faire avec des
gens qui, malheureusement, ont des antécédents criminels.
Malgré le fait qu'il
a obtenu un pardon, les antécédents sont quand même questionnables dans le cas
qui nous suit, là. C'était une maison pour personnes âgées, c'étaient des soins
de santé à offrir à des personnes qui étaient... je ne veux pas dire en fin de vie, mais qui étaient dans les derniers
chemins de leur vie. Et, quand on voit tout le scandale et tout ce qui s'est passé, l'enquête va nous dire
tous les détails, on se rend bien compte que ce genre d'individu n'aurait
jamais dû avoir ça entre les mains et d'avoir des sous de l'État pour être
capable d'opérer ce genre d'organisation.
Le Président (M. Simard) :
M. Trudel.
M. Trudel
(Yves) : En fait, l'AMP, on aurait beaucoup d'intérêt à collaborer
avec le SCT, par exemple, ou un comité
quelconque pour voir et analyser ce qui s'est passé dans ce cas-là et voir les
possibilités que ça ne se reproduise plus, le cas échéant, si c'est une
décision qui serait prise à la lumière de l'analyse de ce type de cas là.
M. Ouellet : ...je
me cherche des alliés.
Mme LeBel : Mais c'est vrai que, de
façon générale, de dire qu'une personne qui a des antécédents criminels depuis
x nombre d'années ou qui a bénéficié d'un pardon devrait être autorisée à
contracter avec l'État, bien, c'est un principe très large, parce qu'il y a des
cas de figure, quel est l'antécédent criminel aussi, c'est quoi qui est arrivé
dans le passé. Est-ce que c'est une faculté affaiblie, qui est, théoriquement,
un antécédent criminel pour lequel on pourrait avoir obtenu un pardon — là,
vous tombez un peu dans mon ancienne vie, là — et qui pourrait faire en
sorte de ne pas nécessairement faire en
sorte que vous êtes un mauvais administrateur d'une société quelconque ou vous
disqualifie automatiquement de contracter avec l'État?
Donc, comme règle générale, la règle des cinq
ans nous met une certaine zone tampon. Mais, si on voudrait penser peut-être à
l'éventualité d'élargir cette zone-là, bien, je pense qu'il y a plus de
questions à se poser que de dire : C'est cinq ans, c'est 10 ans,
c'est 15 ans. Il y a de la modulation à faire en fonction des antécédents
criminels. Si quelqu'un a été condamné, a purgé sa sentence, a été pardonné, il
est théoriquement pardonné par la société, donc il reprend... il a tous ses
droits comme un citoyen ordinaire. Est-ce que ça tiendrait la route de la
charte? Est-ce que ça tiendrait la route de la...
Là, ce que je
vous dis, c'est que c'est une situation suffisamment préoccupante pour
qu'effectivement on se pose la
question, mais c'est quand même assez difficile, là, comme situation, ça peut
apporter d'autres questionnements.
Mais, si vous me parlez du fait qu'est-ce que ça vaut la peine de se poser la
question, la réponse, c'est très certainement oui.
Le Président (M. Simard) : Merci. M.
le député.
M. Ouellet : Parfait. Merci beaucoup.
Les analystes à l'Autorité des marchés publics doivent demander l'autorisation
pour accéder aux bases de données policières. C'est vrai, ça?
M. Trudel (Yves) : ...
M. Ouellet : L'AMP, là, vous devez
demander l'autorisation pour accéder aux bases de données policières si vous voulez avoir... accéder... Quand vous faites
votre enquête, là, pour avoir accès aux données, vous devez demander une
autorisation?
• (20 h 50) •
M. Trudel (Yves) : Non, on n'a pas
accès aux bases de données policières.
M. Ouellet : O.K. Est-ce que ce
serait une bonne chose de vous permettre d'avoir cet accès-là?
M. Trudel (Yves) : Présentement... En
termes d'enquête, vous voulez dire?
M. Ouellet : Oui, oui, oui.
M. Trudel
(Yves) : Présentement, au moment où on se parle, avec notre jeune
histoire, je ne vois pas la pertinence d'obtenir des renseignements
d'une base policière en ce moment, si ce n'est que je collabore avec des
autorités policières, et, s'ils peuvent me partager le renseignement, ils me le
partagent. Mais d'avoir accès aux bases de données policières...
M. Ouellet : Bien, c'est ça...
M. Trudel
(Yves) : ...dans le contexte où ma mission est la surveillance des
marchés publics, je n'en vois pas la pertinence au moment où on se
parle.
M. Ouellet : Mais, si vous avez des
interrogations sur des individus, vous demandez à la police s'il y a des informations
existantes sur... puis eux, ils vous les transmettent, c'est ce que je
comprends?
M. Trudel (Yves) : Non.
M. Ouellet : Non?
M. Trudel (Yves) : Non. Si j'avais
des soupçons eu égard à un individu sur son comportement criminel, à ce
moment-là, je transmettrais l'information à l'UPAC, et l'UPAC ferait le travail
qu'ils ont à faire.
Mme
LeBel : ...policier, maintenant
l'UPAC a l'autorisation d'avoir accès à toutes les bases de données
policières qu'elle a besoin pour faire son enquête au niveau criminel.
Il faut comprendre que l'AMP surveille les
cadres normatifs contractuels, donc ne surveille pas les incidents criminels
qu'un individu... Donc, par contre, dans une vérification de l'AMP, si elle en
vient à trouver des éléments, parce que
c'est quand même des enquêteurs, ça peut être des... pas «ça peut être», mais
c'est des enquêteurs d'expérience qui peuvent détecter quelque chose, alors l'UPAC fera
son travail. Et, l'UPAC, sa zone de surveillance, c'est la collusion,
c'est la corruption surtout et... pas la collusion, parce que ça, c'est le...
Une voix : ...
Mme LeBel : ...Bureau de la
concurrence, merci. C'est la corruption. Donc, c'est l'UPAC qui fera... Et
l'UPAC, surtout maintenant qu'elle est une entité policière, qu'elle est un
corps policier, a tous les outils nécessaires pour le faire.
Mais effectivement ma connaissance du mandat de l'AMP... Je vois mal, moi aussi, quel est
le type de situation qui
pourrait faire en sorte que l'AMP ait besoin d'une telle situation.
Présentement, quand on parle de la vérification
dans le but de décerner une autorisation, c'est l'UPAC qui la mène, de toute
manière, présentement et qui va chercher les renseignements. Si un tel renseignement
pourrait faire en sorte qu'on dit : Cette personne-là ne devrait pas avoir
l'autorisation de contracter, c'est l'UPAC qui y a accès, et l'UPAC a accès aux
banques de données policières. Je veux juste être sûre qu'on se comprend, là.
M. Ouellet : Je suis juste raccord à
ce que M. Gallant avait aussi énoncé dans les médias.
Mme
LeBel : Mais mon... M. Gallant
avait dit que l'AMP devrait avoir accès aux banques de données policières?
Vous me surprenez, le connaissant.
M. Ouellet : Les banques de données
policières pour vérifier sur les antécédents de cinq ans.
Mme LeBel : Pour?
M.
Ouellet : Avoir accès aux
données de base... les bases de données policières pour enquêter
sur les données de cinq ans.
Le Président (M. Simard) : ...cher collègue,
parce qu'on a de la difficulté à vous entendre.
Mme LeBel : Oui, je m'excuse. Le
son...
M. Ouellet : Oui, excusez. Avoir
accès aux bases de données policières pour étudier sur les antécédents sur cinq
ans. Mais ce n'est pas grave, on...
Mme LeBel : Oui, mais ça, c'est un renseignement
qu'ils pourraient demander, là, savoir est-ce qu'il y a des antécédents dans
les cinq dernières années. Ça, c'est un renseignement qui est accessible, là,
je veux dire...
M. Ouellet : Mais vous devez le
demander, c'est ça?
Mme LeBel : Oui.
M. Trudel (Yves) : ...de l'UPAC, de la vérification de l'UPAC. Lorsque
les gens font une demande d'autorisation de contracter avec l'État,
bien, c'est l'UPAC qui fait la vérification utile,
et ils vont nous envoyer un avis favorable ou
défavorable. Défavorable, ça veut dire qu'il y a eu quelque chose à l'intérieur
de cinq ans, des cinq dernières années en principe, et donc ils
vont nous envoyer un avis à cet effet-là.
Mme LeBel : ...à l'aide des plumitifs
criminels, qui sont disponibles dans tous les palais de justice, d'aller
rechercher si un individu a été condamné dans les cinq dernières années. Vous
n'aurez pas s'il a obtenu un pardon, par contre, là.
Le Président (M. Simard) :
Merci. M. le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Je pense que le député de La Pinière va
aller vérifier si le monsieur de Gatineau a été condamné.
En terminant, pas beaucoup de temps...
Mme LeBel : Les accès sont
restreints dans les palais de justice présentement, par contre, en raison de la
COVID. Elle a le dos large, dit-il.
M. Ouellet : Mme la
présidente du Conseil du trésor, vous nous avez dit que le projet
de loi n° 61 ne reviendrait
pas tel qu'on l'a connu, vous avez fait mention que l'article 50 a été
rejeté. Mais, lorsqu'on a rejeté l'article 50, votre prédécesseur a introduit l'article 50.1, qui donnait aussi l'opportunité aux municipalités de contourner les
règles applicables en matière d'octroi de contrats. Vous faites non.
Mme LeBel : Personne n'aura
l'opportunité de contourner quoi que ce soit.
M. Ouellet :
Donc, je comprends bien...
Mme LeBel :
C'est le plus précis que je serai.
M. Ouellet :
Donc, cet amendement-là, qu'on a vu apparaître pour contrecarrer le 50...
Mme LeBel :
Bien, je pense qu'en rejetant le projet de loi n° 61 au complet je rejette
l'article 50.1 dans la foulée. Donc, je peux vous dire que, dans la
prochaine mouture, personne n'aura l'autorisation de contourner quoi que ce
soit.
M. Ouellet :
Oh! donc aucune règle environnementale, aucune expropriation...
Mme LeBel :
Non. J'ai dit : En matière d'intégrité... Non...
M. Ouellet :
Ah! bien, c'est ça. Bien là...
Mme LeBel :
Excusez-moi. Ah! vous avez... Merci de me permettre de préciser, de ne pas
gazouiller que j'ai dit une ineptie.
M. Ouellet :
J'étais déjà dessus.
Mme LeBel :
Mais, non, non, je parle toujours en référence à l'article 50 et 50.1, qui
parlait de la loi sur les contrats publics, on se comprend.
M. Ouellet : O.K. Parce que votre prédécesseur nous avait dit qu'il avait fait un
bon bout de chemin en retirant l'article 50, mais, quand on a vu
réapparaître l'article 50.1, on était déjà haut dans les airs, on a resté
haut parce que, pour nous, ce qui était permis pour le gouvernement ne l'était
plus, mais on permettait aux municipalités de le faire.
Donc, ce que je
comprends, je ne l'ai pas vu encore, mais je sais qu'il existe toujours, le
projet de loi n° 61, cette possibilité-là ne devrait
pas se retrouver dans la nouvelle mouture qu'on devrait étudier ensemble au
courant de l'automne et qu'on pourrait adopter avant Noël, tel que vous le
désirez, ou, si...
Mme LeBel :
On continue... Je vous dirais qu'on a terminé la session parlementaire, là,
mais, si on avait continué en commission parlementaire, l'article 50.1, je
pense que c'est quelque chose que je peux affirmer...
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
Mme
LeBel : ...l'article 50.1 aurait subi le même sort que
l'article 50. C'est parce qu'on était en cheminement, là. Mais il
n'y aura pas de pouvoir habilitant de contourner la loi sur les contrats
publics, là. Je vais le dire de cette façon beaucoup plus précise là.
Le Président (M.
Simard) : Très bien.
Mme LeBel :
Et il n'y aura pas non plus de pouvoir de contourner les normes dans d'autres...
Le
Président (M. Simard) : Merci, Mme la ministre. Merci. Je cède
maintenant la parole au député de La Pinière. Vous disposez de
18 min 30 s, cher collègue.
M. Barrette :
Très bien.
Mme LeBel :
...ensemble, cher collègue.
M. Barrette :
C'est normal.
Mme LeBel :
Oui. L'entrée et la sortie.
M. Barrette :
Puis là je ne ferai pas de commentaire supplémentaire sur la fin de la soirée.
Alors, M. le Président, puisqu'on termine l'étude des
crédits là-dessus, je vais aller... je vais poser... je vais aborder, je
dirais, un sujet à propos duquel... Quand on est ministre, on a des orientations.
Et, quand on a un vécu comme la ministre, je suis sûr qu'elle a une
approche qui lui est propre et elle a une expérience qui va probablement
l'amener à vouloir laisser un héritage, une empreinte dans son ministère.
Introduction
pour dire que la ministre, M. le
Président, a un ministre
délégué qui, avant qu'elle arrive en poste, a eu à faire adopter le
projet de loi n° 14, O.K.? Le projet de loi n° 14, on l'a appuyé sur
le fond, pas nécessairement sur la forme, mais sur le fond. Le projet de loi
n° 14, c'est la transformation numérique.
Mme
LeBel : ...numéro, moi, je m'excuse.
M. Barrette :
Je comprends. C'est la transformation numérique. Je comprends très bien ça.
J'ai critiqué une
chose, puis là j'aimerais... Et ça, ma question vise la globalité de la
position que la ministre va prendre dans l'octroi des contrats, M. le
Président. J'ai critiqué une chose, et c'est la chose suivante. Dans le projet
de loi n° 14, le ministre délégué, qui est sous la responsabilité de la
ministre, et son prédécesseur ont mis en place une affaire qui est critiquée
par la Vérificatrice générale, à savoir l'augmentation croissante, et
surprenante, et inquiétante du nombre de contrats de gré à gré. J'ai donné deux
exemples, à date, très discutables. Alors, Mme la ministre, suivez-moi, vous
allez voir, c'est bien simple.
Dans la loi
n° 14, on a fait quelque chose de relativement nouveau, pas totalement
nouveau, mais on l'a porté encore plus loin dans des secteurs nouveaux. Le
président, notre président ce soir, je pense qu'il était au projet de loi
n° 14, je pense, oui. Alors, ça va lui rappeler des souvenirs. Dans le
projet de loi n° 14, ils ont fait quelque chose qui n'est pas inédit mais
qui prend une grande ampleur, et c'est la chose suivante : on ne fait plus
d'appel d'offres pour des budgets... pour des contrats de millions de dollars.
Dans le projet de loi
n° 14, là, de mémoire, je le dis de mémoire, là, il y a plus de
150 millions de dollars de contrats qui vont être octroyés. Comment? On
fait des appels de qualification et d'intérêt, intérêt, qualification en même
temps. Ça, c'est unique, on ne fait pas ça normalement. On fait appel
d'intérêt, voir s'il y a du monde qui serait intéressé à participer à ça,
qualification après, appel d'offres. Là, on fait intérêt, qualification en même
temps. Bingo! Et ceux qui sont intéressés et qualifiés... Ça, en français, ça
veut dire : Je suis intéressé à le faire puis j'ai la capacité de le
faire. C'est correct, ça, de faire ça, mais la suite est surprenante et elle
est ample.
La
suite, c'est que les entreprises qualifiées ont accès à ce que le ministre
appelle un catalogue de projets. Il y en
a pour à peu près 150 millions. Et là les ministères et organismes qui ont
à oeuvrer dans le cadre de la transformation
numérique peuvent faire des ententes gré à gré.
Là, j'aimerais bien
ça savoir quelle est la vision de la ministre sur ça. J'aimerais bien ça le
savoir, parce que la ministre a cette responsabilité-là. J'ai fait la démonstration,
ce soir, de deux cas étonnants. Je ne demande pas à la ministre d'être étonnée. Tout le monde qui nous a écoutés ont été étonnés. Puis je ne lui demande pas de
revenir là-dessus. Mais là on
est dans une ère que je pourrais qualifier, pour certains entrepreneurs,
d'agréable par le gré à gré. Est-ce que la ministre, elle, souhaite changer les
critères d'octroi d'adjudication de contrats? Parce que, là, sous sa
responsabilité, M. le Président — elle en hérite, ça a été mis de l'avant
par son prédécesseur — là,
on arrive dans une ère, là : Aïe! c'est le fun, là, on se qualifie puis on
fait du gré à gré. Mais on sait que le gré à gré, parfois, ça peut mener à des
dérives.
• (21 heures) •
Le Président
(M. Simard) : Mme la ministre, à vous la parole.
Mme LeBel :
Écoutez, le projet de loi n° 14 a 12 articles, cher collègue, je ne
vois... hein, 12. Je ne vois pas à quel
article de l'article... du projet de loi n° 14 on se donne le pouvoir de
faire du gré à gré. Je voudrais bien discuter avec vous, mais, sans
blague, là, je...
M. Barrette :
...
Le Président
(M. Simard) : Non, M. le député, on va laisser la ministre
terminer.
Mme LeBel :
Oui, hein, et c'est un projet de loi que je comprends qui a été dûment débattu
à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire,
et adopté, alors je pense qu'il est en toute transparence. Mais j'essaie de
vous suivre, en toute honnêteté, mais je n'arrive pas à vous suivre et
je ne vois pas où vous allez, là, dans vos affirmations, parce que...
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Barrette :
M. le Président...
Le Président
(M. Simard) : Aviez-vous terminé, Mme la ministre?
Mme LeBel :
Oui, absolument.
Le Président
(M. Simard) : Merci. M. le député.
Mme LeBel :
Je veux juste comprendre, pour répondre...
M. Barrette :
Oui. Et nous avons habilement consommé un bon deux minutes. Je vais le répéter.
Ce n'est pas dans le projet de loi, c'est sûr, mais ça a été longuement
débattu, c'est établi, c'est connu. Et c'est bien plate, mais, à un moment donné, il faut la prendre, ma parole, là.
C'est connu, vous étiez là, M. le Président, vous pouvez le confirmer. Alors, le projet de loi n° 14 fait en sorte
que, dans l'exercice de transformation numérique, il va être possible
pour les entreprises de répondre à des appels d'intérêt, qualification, c'est
de nature publique, à la suite desquels il y a un catalogue de contrats qui va
être octroyé, et ça se fait de gré à gré.
Je
me suis levé, peut-être que la présidente du Conseil du trésor n'a pas noté
cette question-là, mais je l'ai posée, la question, au salon bleu,
spécifiquement là-dessus, à propos d'une compagnie qui n'avait pas été, pour
des raisons administratives, qualifiée, pour
des raisons circonstancielles. Je me suis levé en Chambre, il y a eu des
articles là-dessus, alors, ça, là, ça ne sert à rien de débattre de ça,
c'est un fait. Alors, je pose une question, M. le Président, non pas sur ça,
mais je demande à la ministre quelle est sa position sur le futur. A-t-elle
l'intention de changer d'une façon significative l'adjudication des contrats,
changer les critères d'adjudication? Parce que c'est actuellement... Puis elle
va l'apprendre, si elle ne le sait pas encore, dans l'industrie, c'est une des
choses les plus demandées, laisser de côté le plus bas soumissionnaire
conforme.
Le Président (M.
Simard) : Merci, M. le député. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Oh! là, vous amenez une autre notion, parce que vous n'étiez pas... Première
des choses, je ne suis pas d'accord avec ce
que vous dites avec le projet de loi n° 14, là, il ne vient pas donner au gouvernement le pouvoir de faire des contrats de gré à gré. Je pense qu'on fait des amalgames
qui ne sont pas le cas. Premièrement. Deuxième chose, est-ce que... vous me
demandez si je dois, si je... C'est parce que vous faites des affirmations, M.
le député de La Pinière, puis vous me demandez d'acquiescer à vos
affirmations. Je n'acquiesce pas à vos affirmations, première chose.
Deuxième
chose, si vous me demandez si j'ai l'intention de modifier la loi sur les
contrats publics et de changer les critères
d'octroi des contrats publics, de façon générale, la réponse est non. Par
contre, si vous me parlez... si vous me dites que la règle du plus bas
soumissionnaire, est-ce que c'est une règle qui mérite d'être réexaminée, la
réponse est oui. Et c'est, d'ailleurs, une recommandation de la commission
Charbonneau. Parce que la règle du plus bas soumissionnaire, dans certains cas
de figure, dans certains cas de figure, est une règle qui permet, justement, d'avoir de la collusion, le marché peut
s'organiser, on peut faire une rotation de soumissions. C'est facile pour les
soumissionnaires de s'organiser pour avoir un
prix, de mettre un prix plus haut, en disant : Les autres, vous serez au-dessus
de moi. D'ailleurs, une des règles est de
dire que, si une soumission est 20 % plus élevée ou 20 % plus basse qu'une estimation, ça
peut... ça doit lever un drapeau rouge.
Donc,
la règle du plus bas soumissionnaire, c'est une règle qu'il faut, je pense, à
un moment donné, se donner la peine de réexaminer. Si vous me demandez
si j'entends toucher à la loi sur les contrats publics, dans ses principes
fondamentaux d'intégrité des marchés, la réponse est non. Maintenant, je
n'acquiesce pas à vos affirmations sur le projet de loi n° 14.
Le Président (M.
Simard) : Merci, Mme la ministre. M. le député.
M. Barrette :
Bien, j'invite la ministre à faire ses devoirs et de bien écouter quand je fais
une intervention. Je n'ai pas dit que le ministère voulait faire des contrats
de gré à gré à répétition. J'ai dit que le ministère, dans le dossier de la
transformation numérique, donnait le loisir aux ministères et organismes de
faire des contrats de gré à gré avec les organismes qualifiés. Point à la
ligne. Je n'ai pas dit : Le ministère de... son ministre délégué allait
faire ça. J'ai dit : Les entités qui sont dans le périmètre gouvernemental
pouvaient faire des contrats de gré à gré avec les qualifiés. Si ça, ce n'est
pas assez clair, ce n'est pas grave, M. le Président, on en reparlera plus
tard. Je suis sûr que la ministre va prendre le temps de faire ses devoirs.
Mme LeBel :
Vous faites référence, cher collègue...
M. Barrette :
Je n'ai pas terminé, je n'ai pas terminé.
Le Président (M.
Simard) : ...M. le député, oui.
M.
Barrette : Alors là, sur la question de l'octroi, la ministre nous a
dit qu'elle n'a pas l'intention d'attaquer... pas d'attaquer, mais de
s'adresser aux principes de la LCOP. Je comprends ça, je comprends très bien
ça. Au moment où on se parle, on a un gouvernement qui permet de passer un
petit peu à côté, dans l'exemple que j'ai donné. Maintenant, il y a beaucoup de
pression, actuellement, du milieu économique pour changer cette règle-là.
J'aimerais savoir quelle est la position de la ministre là-dessus.
Le Président (M.
Simard) : Merci, M. le député. Mme la Présidente du Conseil du trésor.
Mme
LeBel : Parfait. Alors, vous
faites un amalgame avec le projet de
loi n° 14,
alors que l'article auquel vous faites référence, M. le député
de La Pinière, dans la loi sur les contrats publics, c'est l'article 48,
qui permet qu'un contrat pour l'acquisition de biens ou de services
infonuagiques pourrait être conclu de gré à gré. Mais, chose assez étonnante et intéressante, c'est un article
qui a été adopté en 2016. Si je ne m'abuse, en 2016, c'est votre
gouvernement qui était au pouvoir.
Ceci
étant dit, quand on parle de la règle du plus bas soumissionnaire, je l'ai
mentionné, c'est une règle qu'on a examinée, à la commission Charbonneau,
puis effectivement cette règle-là, qui peut être très appropriée dans des
contrats de biens, peut... est quelque chose qu'il ne faut pas mettre en
compte. Mais c'est une règle, et ça a été dit... On a même eu la règle du prix
médian, qui est une règle qui a été étudiée comme étant une règle peut-être
encore plus facile, plus... pas facile, mais plus sécuritaire pour être capable
de protéger les marchés publics.
Le
problème, avec la règle du plus bas soumissionnaire, bien qu'elle semble
logique, tout le monde veut payer le meilleur prix possible, le plus bas
possible pour un bien ou un service... peut entraîner, justement, des facilités
d'organisation pour le marché, des facilités de collusion. Et on l'a vu, on a
étudié la ville de Montréal, pour les 15 dernières... pour les 15 années
qui précédaient le mandat de la commission, et... dans les 15 ans, les
prix ont été poussés à la hausse justement parce que la règle du plus bas
soumissionnaire permettait à ces gens-là de faire des soumissions de complaisance, des soumissions de rotation, de passer un
après l'autre et d'augmenter très sensiblement les prix, ce qui faisait
en sorte que la ville, dans ses facteurs d'évaluation de ses propres estimés,
prenait les valeurs du marché et était poussée tranquillement vers le haut.
Donc, oui, il
y a une problématique en matière de collusion et de marchés pour la règle du
plus bas soumissionnaire. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du
bain, mais il faut se poser sérieusement la question : Est-ce que cette règle-là est appropriée dans tous les
types de contrat? Est-ce qu'il ne faut pas avoir des outils plus
diversifiés pour être capable de faire... de
prendre des règles d'octroi de contrat différentes pour ne pas faire en sorte
que le marché s'organise, entre autres je vous disais la règle du prix
médian, qui a été étudiée dans d'autres juridictions, qui pourrait être
appropriée? Est-ce que c'est dans tous les cas de figure? La réponse est non.
Est-ce que la règle du plus bas soumissionnaire est une règle absolue qui nous
permet d'avoir dans tous les cas le plus bas prix? On l'a vu dans le passé, en
l'étudiant, que ce n'est pas toujours le cas. Donc, la question se pose.
Mais la question fondamentale : Est-ce que
j'ai l'intention de toucher aux principes fondamentaux de la Loi sur les
contrats d'organismes publics pour mettre en jeu l'intégrité des marchés? La
réponse est non.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme la ministre. M. le député.
M. Barrette : Bien, moi, je suis
très heureux de constater que la ministre, M. le Président, est capable de se
poser des questions elle-même et d'y répondre. Ça me fait plaisir, ça montre
une certaine lucidité et introspection. Je n'ai pas posé cette question-là. Ça
fait que la ministre peut bien s'autoposer la question puis s'autorépondre,
c'est parfait, je lui ai demandé quelle était son opinion et sa vision sur ce
qu'elle allait avoir à faire avec les adjudications de contrat, changer ou non
les règles. Elle m'a répondu, et c'est parfait. Je comprends donc qu'elle a
l'intention de s'y adresser. Et s'y adresser
n'implique pas qu'on va altérer, modifier, attaquer les principes fondamentaux
de la LCOP. Alors, j'ai ma réponse, et c'est parfait comme ça.
Mme LeBel : Je vais y réfléchir...
M. Barrette : Bon, maintenant, M. le
Président...
Le Président (M. Simard) : Excusez.
Vous souhaitiez réagir, Mme la ministre?
Mme LeBel : Oui. Bien, j'ai
l'intention d'y réfléchir parce que c'est quelque chose qu'effectivement j'ai
étudié, dans mon passage pendant la commission Charbonneau, qui a été soulevé
par la commission, puis, si je ne m'abuse, ça fait partie des recommandations
du rapport. Alors, c'est quelque chose sur lequel je vais certainement
réfléchir.
• (21 h 10) •
Le Président (M. Simard) : Merci. M.
le député.
M. Barrette : Excellent! Alors, je
vais revenir sur le projet de loi n° 61, O.K., pour,
d'abord et avant tout, rectifier un fait. Puis je ne sais pas si le secrétaire
du Conseil du trésor peut lui aussi rectifier ce qui a été dit hier. Hier,
quand j'ai parlé du centre mère-enfant du CHUS Estrie, hein, j'ai dit : Le
Trésor va arrêter. Et j'ai posé une question
bien simple puis je répéterai la question tantôt, mais la réponse qui m'a été
faite par la ministre, sur la suggestion évidente de son
secrétaire, c'est que les plans avaient changé. Bien, j'ai vérifié aujourd'hui,
puis les plans n'ont pas changé.
Mme LeBel : ...mètres carrés de
plus.
M. Barrette : Mme la ministre...
Mme LeBel : La portée.
M. Barrette : Oui, mais la...
Le Président (M. Simard) : Attendez.
Mme la ministre, est-ce que vous souhaitez que M. Ducharme...
Mme LeBel : Oui, on peut laisser
M. Ducharme... Mais effectivement il y a eu des changements.
Le
Président (M. Simard) :
Est-ce qu'il y aurait consentement
afin que M. Ducharme puisse s'adresser à nous?
M. Barrette : Bien sûr, avec
plaisir.
Le
Président (M. Simard) : M. Ducharme, pour les fins de nos
travaux, auriez-vous l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?
M.
Ducharme (Éric) : Éric Ducharme, secrétaire du Conseil du trésor. Il y
a 93 mètres carrés de plus, ce n'est pas beaucoup. Par ailleurs, on a réduit la grandeur des stationnements pour
permettre des espaces de soins plus grands, donc, à des coûts plus
élevés.
M. Barrette :
Oui. Alors, essentiellement, c'est le même projet...
M. Ducharme
(Éric) : Donc, la portée a changé.
M. Barrette :
...c'est le même nombre de lits. Vous avez raison que 93 mètres carrés, ce
n'est rien, ce n'est absolument rien, là, 93 mètres carrés...
Le Président (M.
Simard) : On va y aller en ordre, il y a des gens qui doivent
retranscrire nos travaux...
M. Ducharme
(Éric) : Non, non, mais il y a 93 mètres carrés de plus, mais...
Le
Président (M. Simard) : S'il vous plaît, M. Ducharme, on va y aller dans l'ordre. On a tout le temps qu'il
faut. M. Ducharme, à vous la parole.
M.
Ducharme (Éric) : Il y a
seulement 93 mètres carrés de plus. Par ailleurs, il y a des espaces stationnement
qui ont été modifiés en espaces-soins. Ça fait qu'au global il y a plus
d'espaces soins plus coûteux.
Le Président (M.
Simard) : Merci. M. le député.
M. Barrette :
Les espaces soins, M. le Président, c'est les espaces... les espaces soins, ce
sont les lits, des lits de soins intensifs, et ainsi de suite, il n'y en a pas
plus, il n'y en a pas moins.
Alors, j'ai posé une
question bien simple, j'aimerais bien avoir la réponse aujourd'hui. Vous
avez... Le projet a été arrêté, M. le Président, parce que, supposément, il
coûtait trop cher. Puis c'est vrai qu'il coûtait plus cher que ce qui avait été
estimé, parce qu'il y a eu un seul soumissionnaire. Tout a été arrêté. On a mis
un frein à un projet dans... pour lequel la pépine était littéralement dans la
cour, là, on avait commencé à creuser. Bon, ça, là, c'était, là, dans la
première partie du dernier mandat. Imaginez le retard qu'on a pris, hein, par
le Conseil du trésor. Et j'ai posé une question
simple, j'aimerais bien ça avoir la réponse. Je comprends qu'on ne divulguera
pas des prix, là, je pense qu'on... vous ne voudrez pas le faire. Mais,
en proportion, combien plus cher le contrat d'aujourd'hui a-t-il été octroyé
par rapport au premier qui était déjà trop cher?
Le Président (M.
Simard) : Merci. Mme la ministre.
Mme LeBel :
Je ne suis pas à même de faire le calcul. Je peux...
M. Barrette :
Bien, c'est pour ça que je pose la question à...
Le Président (M.
Simard) : S'il vous plaît!
Mme
LeBel : Je peux confirmer que le contrat d'aujourd'hui revient plus
cher que le contrat qui a été annulé... pas annulé, parce qu'il n'y a
jamais été octroyé, là, ça, je peux le confirmer. À l'époque, il y avait un
seul soumissionnaire, qui était de beaucoup
plus élevé que 20 % que l'estimé qu'il y en avait, ça, c'est clair. Donc,
premier drapeau rouge qui se lève :
un seul soumissionnaire, 20 % au-dessus. Mais, oui, puis hier peut-être
que je me suis mal exprimée, effectivement, ce n'est pas le projet...
pas les plans qui ont changé, mais il y a eu certaines modifications, qu'on
vient d'expliquer, aussi les délais. Mais peut-être que mon... le Secrétaire du
Conseil du trésor peut donner le pourcentage. Vous disiez, à peu près, de
plus...
M. Barrette :
M. le Président...
Le Président (M.
Simard) : Oui.
M. Barrette :
M. le Président, que l'un ou l'autre qui connaît les chiffres prenne son
téléphone, il y a une calculatrice dans le téléphone : on met le chiffre
d'aujourd'hui divisé par le chiffre d'en bas moins un, ça donne le pourcentage.
Alors, vous avez un projet qui coûtait 20 % trop cher, que vous avez
arrêté lorsque la pépine était là...
Mme LeBel :
...
M.
Barrette : Là, c'est à moi, là. Plus de 20 %, c'est correct, mais
je le sais que c'est pour ça que vous l'avez arrêté. Le projet actuel n'est pas 20 % plus lourd que le prochain...
que le précédent. Et le projet actuel, il est marginalement
différent par rapport à celui qui a été arrêté et — bien là, c'est parce
que... là, laissez-moi mon expertise, là — et ce projet-là est plus cher
que le trop cher. Je ne vous demande pas les chiffres, je ne vous demande pas
de révéler quoi que ce soit, je vous demande de me donner les ratios. Comment
plus cher est-il que le plus cher, précédent?
Le
Président (M. Simard) : Merci, M. le député. Mme la ministre, à moins
que M. Ducharme ne souhaite y répondre.
M. Barrette : Ait calculé?
Le Président (M. Simard) :
M. Ducharme, je vous vois en train de calculer, mais comme on est loin, là...
M. Ducharme (Éric) : 75 %.
M. Barrette : Le contrat actuel...
Le Président (M. Simard) :
73 %. M. le député.
M. Barrette : ...est 75 % plus
cher que le contrat qui était trop cher de plus de... 20 %, 30 %?
Mme LeBel : Ah! J'ai dit plus de
20 %, mais c'est un «ball park», là. C'est un «ball park».
M. Barrette : Plus de 20 %. Il
est 75 % plus cher que celui qui était...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Barrette : Vous allez me laisser
finir, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Bien, il
reste... il vous reste 10 secondes.
M.
Barrette : Parfait. Quand je vous ai dit hier que ce projet-là, toute
cette situation-là de 61, était impressionniste, vous en avez un fichu de
bon exemple. Et on s'en vient en récession et on a un PQI qui n'est pas budgété
au complet.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. Alors, cela met
fin, M. le député, à nos travaux pour ce soir. Je vous remercie vraiment
pour votre précieuse collaboration tout le long de nos travaux.
Document déposé
En terminant, je dépose les réponses aux
demandes de renseignements généraux et particuliers.
Et compte tenu de l'heure, comme notre commission
a accompli son mandat, j'ajourne nos travaux jusqu'au 25 août, où nous
entreprendrons un nouveau mandat. Merci à tous ceux qui nous ont écoutés. Belle
fin de soirée à tous et à toutes.
(Fin de la séance à 21 h 16)