(Dix heures vingt-deux minutes)
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Donc, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la Commission des finances publiques
ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires. Je veux prendre également quelques instants pour saluer
tous les membres de la commission, saluer les travailleurs de
l'Assemblée nationale, la secrétaire de la commission, les gens de l'Assemblée
qui nous aident, les gens du ministère, également tous les gens qui vont nous
présenter des mémoires ce matin.
Je veux en
profiter pour souhaiter une bonne année à tous. C'est la première séance de la
Commission des finances publiques
aujourd'hui. Donc, bonne année à tous, mes collègues de l'opposition
officielle, de la deuxième opposition, mes collègues du gouvernement. Donc,
merci d'être avec nous ce matin.
La commission est réunie afin de procéder à des
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 141, la Loi visant
principalement à améliorer l'encadrement du secteur financier, la protection
des dépôts d'argent et le régime de fonctionnement des institutions
financières.
Mme la secrétaire, il y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président. Il n'y a aucun remplacement.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Donc, ce matin, nous entendrons les organismes suivants : la
Coalition des associations de consommateurs
du Québec, le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires et
l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec.
Les auditions
de chacun des organismes est d'une durée de 45 minutes. Vous disposez de
10 minutes pour votre exposé.
Par la suite, le temps est réparti de la façon suivante : 16 minutes
d'échange avec le gouvernement, 9 min 30 s avec
l'opposition officielle et 6 min 30 s avec la deuxième
opposition.
Donc,
bienvenue à notre premier groupe aujourd'hui, au niveau de la Coalition des
associations de consommateurs du
Québec, nous avons Mme Rebecca Bleau et M. Jacques St-Amant qui sont avec nous.
Donc, sans plus tarder, je vous laisse débuter avec votre
10 minutes de présentation de votre mémoire.
Coalition des associations
de consommateurs du Québec (CACQ)
Mme Bleau
(Rébecca) : Merci, M. le
Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, nous vous remercions aujourd'hui de nous permettre de vous présenter
nos observations dans le cadre de l'étude du projet de loi. La Coalition
des associations de consommateurs du Québec
est un regroupement national d'organismes communautaires qu'on appelle
les associations de consommateurs. Les
associations, elles sont présentes dans toutes les régions du Québec. La CACQ
en compte actuellement 21 membres et elles sont... on a beaucoup de
membres dans des régions éloignées des grands centres urbains.
Donc, les
associations sont des organismes communautaires qui interviennent dans la
défense collective des droits et des intérêts des consommateurs et elles
le font depuis maintenant plus de 50 ans. Au quotidien, les associations rencontrent des consommateurs pour leur offrir des
services d'aide et d'information en matière budgétaire. Donc, elles sont
bien au fait des défis que doivent relever
les consommateurs en termes de services financiers, que ce soit des
activités à caractère bancaire, de l'assurance ou même de l'obtention de
crédit.
Le projet de
loi propose une importante réforme de l'encadrement du secteur financier
québécois. Par contre, la coalition
s'inquiète de plusieurs dispositions prévues au projet de loi. Pour vous en
parler, je cède maintenant la parole à M.
Jacques St-Amant qui enseigne le droit de la consommation au Département des
sciences juridiques de l'UQAM et qui agit à titre d'analyste pour la
coalition.
M. St-Amant (Jacques) : M. le
Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, nous sommes généralement heureux de venir vous rencontrer à Québec
et nous sommes particulièrement privilégiés, puisque nous avons l'occasion
d'ouvrir vos travaux ce matin, mais cette
fois-ci, nous sommes un peu tristes. Quand nous avons lu l'article
premier du projet de loi, nous avons été ravis. Nous avons dévoré ce texte
passionnant, à la recherche de toutes les innovations qu'on nous y
promettait et qui allaient mieux protéger les consommateurs québécois. Et nous
en avons trouvé, ma foi, fort peu. Par contre, beaucoup d'éléments nous ont considérablement
inquiétés. En somme, nous avons été déçus.
Nous
avons cherché à comprendre pourquoi afin de rendre justice aux efforts quand
même considérables consentis pour rédiger ce projet et afin de vous en
proposer une critique aussi précise que faire se peut. Et nous avons voulu fonder cette critique sur
un certain nombre de principes, de règles, qui sont établies en économie, en
droit, de façon à nous outiller, de
façon à avoir une critique aussi claire, précise que possible. Et nous avons
aussi procédé, en décembre dernier, à une petite enquête auprès des
associations de consommateurs québécoises — nous en avons rejoint quand
même une bonne proportion — pour
avoir aussi un aperçu de comment elles perçoivent, elles réagissent à certaines
questions.
Alors, voici
quelques-uns de nos constats.
Il arrive que des
agents économiques prennent des décisions qui les arrangent, mais qui ont des
conséquences négatives pour d'autres. Les économistes parlent alors
d'externalité négative. Quand un réseau comme celui des Caisses Desjardins refuse d'ouvrir un compte à une personne à faibles
revenus à cause de son faible revenu ou ferme un point de service, il génère des externalités négatives. Il est extrêmement
difficile pour une personne de s'intégrer à la société, de nos jours, si
on ne parvient même pas à ouvrir un compte dans une institution de dépôt. Or,
la Commission des droits de la personne nous disait, il y a quelques années,
qu'il y a peut-être 8 % des personnes à faibles revenus au Québec qui n'ont pas de compte. Et la
quasi-totalité des 17 associations de consommateurs qui ont répondu à notre
petite enquête en décembre nous ont dit
qu'elles reçoivent à l'occasion, parfois souvent, des plaintes de consommateurs
à qui Desjardins a dit non, a refusé d'ouvrir un compte.
C'est
que rien n'oblige Desjardins à offrir ce genre de service de base. La Loi sur
les banques exige, depuis le début
des années 2000, qu'une banque ouvre un compte à toute personne qui peut
s'identifier, sous réserve de quelques exceptions,
cas de fraude manifeste, etc. Le droit européen a pris la même direction. Mais
Desjardins, qui se vante d'être la seule
institution présente dans plusieurs communautés au Québec, persiste à exclure
des consommateurs. Et nous sommes un
peu chagrinés de voir qu'un projet de loi visant la réforme du secteur
financier et touchant notamment Desjardins ne contient aucune mesure à
l'égard des questions comme l'accès aux services bancaires de base ni rien qui
touche, par exemple, l'accès aux services d'assurance. Les externalités
négatives, elles, continueront à s'accroître.
Dans
des marchés parfaits, l'information circule parfaitement. Mais les marchés,
bien sûr, ne sont pas parfaits, et certains détiennent beaucoup plus
d'informations et d'expertise que d'autres. C'est notamment manifeste en
matière d'assurances, où les consommateurs doivent se fier à des experts
compétents et intègres. Le cadre de la Loi sur la distribution de produits et
services financiers a été mis en place pour garantir notamment cette
compétence.
Il
nous paraît toutefois que le projet de loi n° 141 affaiblit
considérablement les obligations du représentant en assurances et il ouvre la porte à ce que des
personnes qui ne sont pas des représentants dûment certifiés puissent
donner des conseils en assurances. Il
éviscère le régime actuel de la distribution sans représentant, qui aurait pu
être amélioré en tenant compte des
recommandations formulées, il y a quelques années, par l'Autorité des marchés
financiers. En matière d'offre d'assurances
en ligne, il n'offre aucune orientation claire, à notre avis, et aucune
protection notable aux consommateurs, se bornant essentiellement à consacrer la liberté des fournisseurs de faire
ce que bon leur semble. Les asymétries d'information vont donc continuer à s'amplifier de plus en plus,
et cela au moment où, par exemple, l'Union européenne, avec sa directive
sur la distribution d'assurances, fait le contraire et vient imposer de plus en
plus d'obligations aux concepteurs, aux distributeurs d'assurance.
N'en
déplaise aux économistes et aux juristes, les humains ne se comportent pas
toujours de manière parfaitement rationnelle,
en tout cas classiquement rationnelle. Des recherches nombreuses, au cours des
30 dernières années, dans le monde
de l'économie comportementale, et dont plusieurs ont été récompensées par des
prix Nobel, ont démontré pourquoi nous
utilisons le plus souvent des méthodes de prise de décision simplifiées. Par
exemple, nous sommes souvent tentés par ce qui coûte moins cher
immédiatement, même si ce sera moins rentable à terme.
• (10 h 30) •
Le régime d'assurance
de frais funéraires proposé dans le projet de loi n° 141 paraît calculé
pour exploiter ces tendances. Il rétablirait une formule de financement de ce
genre de service abolie par l'Assemblée nationale en 1974 et il instaurerait des règles à certains égards moins avantageuses
qu'elles l'étaient en matière
d'assurance funéraire, en 1916, quand
le régime a été instauré. Nous revenons en arrière d'un siècle. Ça nous
inquiète légèrement. Et il nous paraît que rien dans ce régime ne serait
bénéfique au consommateur.
Les lois encadrant
les institutions financières, d'autre part, les obligent à mettre en place des
mécanismes de traitement des plaintes.
L'expérience des associations de consommateurs, que nous avons mesurée avec la
petite enquête dont je vous parlais, indique que les associations, en
général, ont des expériences qui vont de bonnes à franchement mauvaises avec les mécanismes actuels. Il nous
paraît qu'il serait utile de faire d'abord une évaluation en profondeur
des régimes qui existent actuellement, avant
de songer à les améliorer. Mais on ne paraît pas avoir fait cette évaluation et
on nous propose, dans le projet de loi, un
certain nombre de réformes qui vont, par exemple, donner aux institutions
financières le pouvoir de déterminer elles-mêmes les types de plaintes contre
elles qui seraient recevables. On ouvre également la porte à l'imposition de
frais qui seraient imposés aux consommateurs qui voudraient s'engager dans un
processus de traitement des plaintes. Et
cette mesure est contraire à l'esprit et, dans certains cas même, à la lettre
des recommandations du G20 et de l'OCDE en matière de traitement des
plaintes des consommateurs.
Là
encore, l'Union européenne a adopté un régime, il y a quelques années, qui est
également plus intéressant que ce qu'on envisage au Québec. Et les
éléments du projet de loi n° 141 vont également nettement moins loin, sont
moins avantageux pour les consommateurs que les processus actuellement
appliqués au niveau canadien par la commission des plaintes relatives aux
services de télécom/télévision ou l'ombudsman des services bancaires.
Mais, pour encadrer tout
ça, bien sûr, il y a un organisme, l'Autorité des marchés financiers, créé en
2002, à l'époque où il y avait un peu partout dans le monde un grand engouement
à l'égard de la mise en place d'organismes réglementaires
intégrés. Et puis il y a eu la crise de 2008. Et puis, depuis, un peu partout
dans le monde, on se dit : La structure
intégrée, ça ne fonctionne peut-être pas très bien, et on s'oriente de plus en
plus vers des structures bicéphales avec
un régulateur prudentiel et un régulateur des pratiques de marché. C'est le cas
en Australie, au Royaume-Uni, en France, aux Pays-Bas, en Afrique du
Sud. Même en Chine, on envisage actuellement de se diriger dans ce sens.
Au Québec, non seulement
ne semble-t-on pas avoir entamé de réflexion à ce sujet, mais on veut ajouter à
la centralisation actuelle en abolissant la Chambre d'assurance de dommages et
la Chambre de la sécurité financière. Incidemment,
nous ne voyons aucun avantage à cette abolition. Contrairement à ce qui est
parfois colporté, il n'existe pas actuellement de confusion importante,
de la part des consommateurs ou des associations, à l'égard des structures
réglementaires.
Les chambres
sont dotées d'une expertise utile. Elles contribuent à la pluralité des débats
menant à l'élaboration des normes en
matière d'assurance. Elles nous paraissent jouer un rôle qui est important et
elles ont, à l'égard de la réalisation de
leur seule mission, une motivation que n'aurait peut-être pas l'assemblée pour
qui ce serait une mission peu familière parmi bien d'autres.
Ce ne sont là
que certains exemples des difficultés que comporte le projet de loi. Notre
court mémoire en évoque aussi quelques autres. Par conséquent...
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. St-Amant, juste vous mentionner...
M. St-Amant (Jacques) : Juste
une minute?
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : O.K. Excellent. Parfait.
M. St-Amant
(Jacques) : Merci, M. le Président. Par conséquent, la conclusion
s'impose, dans l'ensemble, le projet
de loi n° 141 ne contribue pas à mieux protéger les consommateurs
québécois. Dans certains cas, il entraînera même une dégradation de
cette protection.
Dans ce
contexte, nous sommes... Mais nous sommes conscients également qu'il y a des
éléments importants, dans le projet
de loi, notamment ceux qui ont trait à la résolution en cas de difficultés
financières. Et donc, nous sommes tentés
de recommander à l'Assemblée d'envisager de scinder le projet de loi de façon à
ce qu'on adopte, par exemple, la loi sur
les institutions de dépôt et la protection des dépôts, quelques autres éléments
relatifs au régime de dénonciation, à la création d'un comité consultatif des consommateurs, et qu'on procède à
une étude en profondeur pour vraiment évaluer ce que sont les besoins des consommateurs en matière de services financiers
au XXIe siècle, et qu'on puisse nous revenir avec une réforme qui
répondrait vraiment aux besoins que nous constatons.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Merci beaucoup.
M. St-Amant (Jacques) : Nous
formulons aussi 40 quelques recommandations. Et nous serons heureux d'échanger
sur tout ça avec vous.
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Excellent. Justement, nous allons passer à la période d'échange,
et cette période va débuter avec le gouvernement. Donc, M. le ministre, la
parole est à vous pour un échange avec notre organisme pour une période de
14 minutes.
M. Leitão :
Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour, M. St-Amant et
Mme Bleau. Merci. Merci d'être là,
merci d'être venus nous présenter votre point de vue et de nous avoir aussi — je
veux vous féliciter — déposé
votre court mémoire, comme vous avez dit.
Des voix : ...
M.
Leitão : Mais je veux vous
féliciter parce que ce sont 158 pages basées sur l'allégorie de la toile
d'araignée, c'est très... Ça fait un peu
différent de ce qu'on voit ici. Alors, je vous remercie pour ça. Mais ça va
nous prendre aussi un peu de temps maintenant
pour bien l'analyser, bien le digérer. Mon équipe va s'occuper de faire ça, et,
s'il y a lieu, on vous contactera pour échanger davantage.
Mais
j'aimerais aborder un peu avec vous, en
fin de compte, deux aspects. Vous en
avez mentionné plusieurs. On pourrait
en discuter longuement, des externalités négatives. Fascinant, je trouve. Mais,
bon, ça sera peut-être pour une autre fois. Mais j'aimerais vous parler un peu plus de deux aspects de votre
mémoire : la distribution par Internet d'assurances et l'intégration
des deux chambres à l'AMF.
Alors, vous
partagez l'opinion aussi d'Option Consommateurs et d'autres groupes à l'effet
que ce regroupement de responsabilités et l'encadrement, donc, à
l'intérieur d'un seul organisme pourraient conduire à un affaiblissement de l'encadrement, et cela, selon vous, au profit de
l'encadrement des cabinets. Moi, je
trouve ça quand même une conclusion assez sévère, que vous sembliez dire
qu'on change les choses au profit des cabinets.
Bon, alors j'aimerais si vous pouviez nous
expliquer un peu comment vous arrivez à une telle conclusion. Pourquoi est-ce
que l'intégration des chambres à l'AMF... Parce qu'on ne parle pas d'abolition.
On n'abolit pas les chambres. Les fonctions
qui sont exercées par les chambres maintenant vont continuer d'être exercées.
Les personnes qui font ce travail à
l'intérieur des chambres, les personnes vont faire le même travail à l'AMF.
Donc, je ne vois pas pourquoi une personne, soudainement, perdrait son
expertise parce qu'elle... maintenant travaille à l'AMF, plutôt que dans la
chambre. Si, en effet, on éliminait les chambres et personne d'autre ne
s'occupait de ce que les chambres font, alors là,
oui, ce serait bien sûr un problème. Mais ces fonctions-là, cette mission-là va
être exercée par les mêmes personnes à l'AMF.
Et d'ailleurs il ne faut
pas non plus oublier que c'est l'AMF qui délègue ses pouvoirs aux deux
chambres. Donc, ça revient maintenant à l'AMF.
J'aimerais que vous nous expliquiez un peu pourquoi vous voyez cela comme
un affaiblissement de l'encadrement.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. St-Amant.
• (10 h 40) •
M.
St-Amant (Jacques) : Je
serais tenté, d'abord, d'avoir l'insolence de vous retourner la question : Pourquoi, au fait, abolir
les chambres? Où est la justification? Mais c'est un débat qu'on pourra avoir
ailleurs.
Mais, si on
fait un changement, c'est qu'on veut produire des effets, et il nous paraît
que... Deux choses. D'une part, le
régime actuel de l'autorité, est un organisme intégré, ça nous paraît en soi une question
qui est digne de discussion. On le
voit, un peu partout dans le monde actuellement on se dirige de plus en plus vers des régimes
bicéphales. L'OCDE a déjà écrit que c'était le benchmark. Alors, il y a
là, au départ, une question. Il y a déjà beaucoup de fonctions dans cet organisme, c'est
remis en cause ici et là. Est-ce qu'on veut en ajouter? Ça, c'est un élément.
Le deuxième, c'est que les chambres, depuis une
vingtaine d'années, jouent un rôle important de plusieurs manières, et notamment elles assurent
l'implication active des représentants dans les processus d'élaboration des
normes et d'application des normes. Les
représentants sont les membres. Ils sont représentés au conseil
d'administration. Ils peuvent participer à des comités de travail. Ils
sont membres des comités de discipline. Ils peuvent jouer un rôle actif,
concret dans la fabrication des normes. Et,
en principe, c'est le propre d'un régime quasi professionnel, ils le font parce
qu'ils y ont un intérêt collectif. Le professionnel a un intérêt particulier à
ce que sa profession soit bien protégée parce que c'est la réputation de tout
le groupe et donc sa réputation comme professionnel qui est également en jeu.
Si on transfère ces attributions à l'autorité,
bien, on perd tout cet apport démocratique, si on veut, toute cette participation des représentants et des acteurs de
la société civile. Parce que nous interagissons avec les chambres, tout
ça s'en va à l'AMF, avec des gens qui sont très certainement pleins de bonne
volonté mais qui auront de très nombreux mandats,
parfois divergents, à gérer ensemble. Et on se dirige aussi possiblement... et
on sait qu'il y a des entreprises qui le
souhaitent, on se dirige possiblement vers une situation, à terme, dans cinq
ans, dans 10 ans, où l'autorité se dirait : Oui, on a repris
ces attributions, mais c'est un peu compliqué à gérer, c'est un peu lourd.
Alors, pourquoi on ne déléguerait pas tout ça à
un organisme d'autoréglementation qui, si on regarde les modèles qui existent actuellement dans les
secteurs analogues, sont très souvent dominés non par les représentants,
mais par les grandes entreprises et sont
généralement des organismes pancanadiens? Ça a l'avantage, pour ces grandes
entreprises, qu'il y a des normes uniformes,
mais souvent moins élevées que ce qu'on voit au Québec. Et, pour des secteurs
de la société civile québécoise, bien, c'est un obstacle de plus à la
possibilité de jouer un rôle actif dans l'élaboration des normes.
Alors, de un,
on n'y voit pas d'avantage, de deux, on y voit des inconvénients à court terme
et, de trois, on y voit un risque hypothétique, nous en convenons, à
long terme. Alors, nous sommes sceptiques.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. le ministre.
M.
Leitão : Très bien. Bon, ça ne vous ne surprendra pas que je vous dise
que je ne suis pas de cet avis-là. Je pense que, bon, d'abord, on a procédé à d'importantes consultations, cela n'a
pas été fait rapidement sur un coin de table. En fin de compte, le projet de loi n° 141 fait suite
à sept, je pense... six rapports d'application de différentes lois. L'industrie
du secteur a été consultée abondamment. Et,
comme vous avez constaté, c'est un projet de loi quand même majeur.
Donc, ça n'a pas été improvisé. Alors, on a réfléchi tout ça.
Le coeur de la question, à mon avis, et vous
l'avez touché, concerne l'AMF, donc concerne l'expertise de l'AMF, concerne la mission de l'AMF. Vous avez
mentionné qu'il y a maintenant, dans le monde post-2008... qu'il y a une
tendance maintenant à s'éloigner des
régulateurs intégrés, plus ou moins. Moi, je pense que le modèle que nous
avons au Québec, le modèle de l'AMF, d'un
régulateur intégré, je pense que ce modèle a fait ses preuves, justement, suite
à 2008. Et ce que nous, on voit,
quand on parle à nos homologues des autres provinces canadiennes, c'est que,
justement, le modèle québécois semble bien fonctionner et semble
d'ailleurs être supérieur à ce qui existe ailleurs au Canada. Alors, moi, je
pense que ce que nous avons comme modèle fonctionne bien.
Et la raison
pour laquelle on a procédé à cette intégration des chambres à l'AMF — encore une fois, on n'abolit pas les chambres, on transfère sa mission à
l'AMF — c'est
justement pour mettre fin a une certaine ambiguïté qui existait souvent
et qui se manifestait souvent quand il y avait, malheureusement, des choses qui
fonctionnaient moins bien, quand il fallait se plaindre à quelqu'un, quand il fallait
chercher un redressement parce qu'il y aurait eu un mauvais service, ou une malversation, ou quoi que ce soit.
À ce moment-là, il y avait confusion de qui fait quoi, qui réglemente
quoi. Est-ce que c'est la chambre? Est-ce
que c'est l'AMF? Est-ce qu'on avertit la chambre? Mais, si on avertit la
chambre, on risque de dérailler un procès
que l'AMF pourrait faire. Donc, je pense qu'on était arrivé à un point où il
fallait procéder à cette intégration des...
D'ailleurs,
lors de la création de l'AMF, je pense que l'intention du législateur était
d'arriver là où on est aujourd'hui, d'arriver
à cette étape. Ça n'a pas été fait tout de suite, la création de l'AMF. Ça
aurait été trop de changements, peut-être, d'un coup. Mais l'intention
était là, à mon avis, de procéder à cette étape où nous allons maintenant.
Mais
j'aimerais vous amener maintenant, parce que je vois que le temps file quand même, à l'autre aspect que je trouve très important, et ça a été
mentionné par d'autres groupes, quand on s'est réunis en décembre, la
distribution d'assurances surtout par Internet. Donc, si j'ai bien compris,
vous trouvez que c'est quelque chose qui n'est pas dans l'intérêt du consommateur, donc, de permettre la
distribution par Internet. Pouvez-vous nous expliquer un peu votre point
de vue à cet égard?
M. St-Amant (Jacques) : On va expliquer, mais
d'abord deux toutes petites choses à l'égard de votre dernière intervention.
Nous ne constatons pas sur le terrain qu'il y ait de confusion à l'égard des
organismes réglementaires. Les associations à qui nous avons parlé savent très bien qui fait quoi. Nous parlions
aux gens d'Option
Consommateurs, hier, qui nous disaient :
Nous, nous rencontrons des consommateurs sur le terrain régulièrement qui ne
perçoivent pas cette confusion. Alors, je ne sais pas où elle existe.
À
l'égard des consultations qui ont eu lieu, notamment, en 2015, simplement un exemple. Dans le rapport
du ministre sur la Loi sur la distribution de produits et services financiers, à la
page 14, si j'ai bonne mémoire, on a un passage où on dit : La distribution
de biens en ligne, ça ne pose aucun problème particulier. Un paragraphe
comme ça reflète une méconnaissance,
en toute déférence, profonde, du droit de la consommation. Simplement
dans la loi québécoise sur la protection du consommateur, il y a
16 articles visant spécifiquement le commerce en ligne. En Europe, il y a
quelques directives. Il y a des problèmes
particuliers reliés à la distribution de produits en ligne. Et il y a également
des problèmes ou des risques particuliers reliés à la distribution de produits
financiers en ligne. Nous ne sommes absolument pas contre la distribution d'assurance en ligne, nous ne sommes
pas... Mais il nous paraît que c'est un type d'activité qui peut
comporter des risques.
Il
faut s'assurer de bien informer les consommateurs. Il faut s'assurer qu'ils ont
accès à des personnes compétentes qui
peuvent leur donner de l'information s'ils en ont besoin. Il faut peut-être se
demander si tous les produits d'assurance devraient pouvoir être diffusés, ou mis en ligne, ou mis en vente sur
Internet. Il y a peut-être des produits trop complexes qui n'ont pas
leur place, tout simplement. Alors, il nous paraît qu'il y a une réflexion à
terminer, une réflexion qui est inachevée.
Nous avons l'impression, en toute déférence, que le projet de loi dit un peu à
l'industrie : Vous pourrez prélever des renseignements comme vous
le voulez, vous mettez tout ça en ligne, et nous avons entièrement foi en vous,
chers assureurs, que tout se passera bien.
Nous avons, l'expérience aidant, un petit peu de difficultés à être aussi
optimistes.
M. Leitão :
O.K. Si...
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre, il vous reste
30 secondes.
M.
Leitão : Ah! 30 secondes. Écoutez, ça ne se passe pas comme ça, je
vous rassure. La vente par Internet, la distribution, se fait, maintenant, ça se fait. Donc, il ne faut pas non
plus être naïf. Ça se fait. Nous, avec notre projet de loi, ce qu'on fait, c'est qu'on va l'encadrer pour
justement protéger les consommateurs. Parce que sinon, si on ne faisait
rien, on ne peut pas l'interdire, ça ne
marcherait pas, et, si on ne l'encadrait pas, on pourrait se trouver alors là,
oui, dans une situation où on pourrait avoir une espèce d'ubérisation du
marché de l'assurance.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Désolé de vous interrompre, M. le
ministre...
M. Leitão :
Il fallait l'encadrer.
Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : ...le temps est terminé. Nous allons maintenant
passer avec le premier groupe d'opposition. Donc, on laisse la parole à
M. le député de Rousseau.
• (10 h 50) •
M. Marceau :
Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonne année à tous les collègues. Je vous
en souhaite une fructueuse et en santé. Et
bonjour, Mme Bleau, M. St-Amant. Merci pour votre mémoire. J'ai quelques
questions... enfin, j'ai beaucoup de
questions, mais je vais restreindre les questions avec le temps que j'ai.
Peut-être commencer par un énoncé que vous faites qui m'apparaît
important, puis j'aimerais juste avoir quelques précisions.
Vous
dites, en 9.1, là, dans la liste de vos recommandations, que vous aimeriez avoir
un encadrement qui favorise la concurrence. Et moi, je suis très
préoccupé, là, de concurrence, puis on sait qu'en Occident puis en particulier
en Amérique du Nord, il y a des preuves de
plus en plus importantes que la concurrence ne joue plus autant son rôle
qu'elle le faisait dans le passé. Avez-vous,
pour le secteur financier, vous... puis vous qui avez l'expérience du terrain
en particulier, là, avez-vous
identifié des secteurs dans lesquels la concurrence laisse à désirer, dans lesquels les prix sont trop élevés, dans lesquels les consommateurs paient trop? Est-ce que
vous avez ce genre... avez-vous été en mesure d'identifier des secteurs
comme ceux-là, des produits? Voilà.
M. St-Amant
(Jacques) : À l'égard du marché de services bancaires, entre
guillemets, la situation est assez claire,
Desjardins occupe, grosso modo, 40 %
du marché; dans certaines régions, davantage. Alors, il y a là un défi.
Je serais étonné que la concurrence augmente beaucoup dans un avenir
prévisible, avec des points de service terrain, et donc il faut peut-être
encadrer un peu mieux pour s'assurer que Desjardins s'acquitte de ses
responsabilités sociales.
Mais,
de façon plus large... parce que, malheureusement, nous n'avons pas les
ressources pour avoir fait le genre d'étude
que nous aimerions faire et dont nous aimerions partager les résultats. Mais je
regarde par exemple, justement, tout ce qui est distribution de produits financiers en ligne et je tiens à
assurer, notamment le ministre, que nous sommes en faveur de distribution de produits en ligne. Notre
appréhension, à l'égard du projet de loi actuel, c'est qu'il n'encadre pas
suffisamment.
Et,
en matière de concurrence, ce que nous constatons, c'est fort peu d'arrimage,
par exemple, avec la réflexion qui a
été faite par le Bureau de la concurrence et publiée en décembre dernier sur
les «fintech». Qu'y a-t-il comme
mécanisme dans la loi qui viendrait
faciliter l'arrivée sur le marché d'entreprises qui ont des modèles d'affaires totalement différents et des modèles de distribution
en ligne?
Autre secteur
où ça bouge énormément, c'est celui des paiements. On sait déjà
qu'au niveau fédéral le ministère des Finances a annoncé son intention
de légiférer, une consultation qui a eu lieu l'été dernier. On croit savoir
qu'il pourrait y avoir un projet de loi sur l'encadrement
des paiements de détail en 2018. Comment ce secteur-là, qui est extrêmement important au
niveau des services financiers, qui
est extrêmement important pour des fournisseurs comme Desjardins...
comment l'arrivée de nouveaux joueurs va-t-elle, par exemple, être facilitée
par le régime?
Et je regarde
la loi actuelle sur les entreprises de services monétaires, c'est essentiellement une loi de police, et on sait
pourquoi elle a été adoptée. Mais je pense à des situations
comme la consommatrice qui fait appel aux services de PayPal : Je vais vous envoyer des fonds par
PayPal. Il va y avoir un intervalle de temps où les fonds qui transitent
entre mon compte et le vôtre sont détenus
par PayPal. Il n'y a actuellement
aucune protection juridique à l'égard de ces fonds-là. Si PayPal fait
faillite, dommage, il y a un de nous deux... enfin, on va devoir se parler. Ça
aurait été intéressant, dans un contexte où ce genre de modèle d'affaires se
diversifie, qui devient de plus en plus important dans le marché, que les services en ligne de ce genre deviennent de plus
en plus importants, ça aurait été intéressant qu'on voie, dans le projet
de loi, des traces qui viendraient poser des balises, qui viendraient commencer
à poser un cadre.
Et ça me
ramène à ce que je disais tantôt à l'égard du processus des consultations qui a
été entamé en 2015. Il nous paraît, en tout respect, que ce qui aurait
été intéressant, c'est qu'une fois que le ministre ait eu ramassé toute cette information il ait publié quelque chose comme un
livre blanc qui aurait pu nous dire : Voici nos grandes orientations
en matière notamment de protection des consommateurs. Et ça nous aurait permis
d'avoir des discussions fascinantes en économie et en droit, sans avoir à
s'accrocher constamment dans les virgules d'un projet de loi. Pour toutes
sortes de raisons, cette étape-là n'a pas eu
lieu, mais il nous paraît que, si on veut bien protéger des consommateurs, si
on veut avoir un régime vraiment du XXIe siècle, il faudrait faire
cet exercice.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. le député.
M. Marceau :
Bien, écoutez, merci pour votre réponse. Effectivement, dans le secteur
bancaire, moi, je constate comme
vous, on a quelques grandes banques à charte, on a Desjardins, on a... Ici,
évidemment, au Québec, on a le pouvoir d'agir
sur un de ces joueurs-là, pas sur tous. Alors, c'est une situation qui est
complexe. Maintenant, le fait est que les... enfin, certains indicateurs de concurrence tendent à montrer qu'il n'y
en a pas autant qu'on le désirerait, dans le secteur bancaire, mettons
qu'on va dire ça gentiment comme ça.
Puis j'entends ce que vous dites aussi sur le
fait que les services en ligne, en principe, devraient favoriser les consommateurs. Mais encore faut-il que
l'encadrement soit adéquat et encore faut-il aussi prévoir les mécanismes
d'arrivée de nouveaux joueurs dans ça.
Il y a — d'ailleurs, vous mentionnez la question des
unions réciproques, là, l'assurance pair à pair — d'autres
joueurs, des gros joueurs du secteur des
assurances, là, disons, classiques et
traditionnelles... s'inquiètent de la façon dont c'est introduit dans le
projet de loi. Est-ce que vous avez les mêmes inquiétudes?
M.
St-Amant (Jacques) : À
l'égard de l'assurance pair à pair, je suis tenté de vous ramener deux ou trois
jours en arrière, où, après un cours que je
donnais, une étudiante est venue me voir, et elle m'a dit : J'ai des amis qui participent à un cercle de partage d'épargne; chaque mois, on met
300 $, et, à tous les x mois, il y a quelqu'un qui retire la cagnotte.
Et elle me demandait : Est-ce que c'est légal? Et j'ai frémi, ai-je besoin
de vous dire. Je n'ai même pas essayé de faire l'inventaire de tout ce qui
n'est pas légal dans ça.
Mais on voit actuellement — parce
qu'elle me disait qu'elle a plusieurs amis qui sont dans des trucs comme ça — dans le marché des pratiques de partage
d'épargne, d'assurance pair à pair, qui se développent, qui,
personnellement, me posent une question.
Comment se fait-il que les grandes entreprises ne desservent pas ce marché?
S'il y a des services comme ça qui
émergent, c'est qu'il y a un vide dans le marché, il y a un vide dans l'offre,
là. Mais ça émerge, ça n'est pas encadré. Il y a peut-être de ces
choses-là qu'il faudrait carrément interdire.
À l'égard de
l'assurance pair à pair, pour revenir plus précisément à votre question, le
sentiment que nous avons, sans
l'avoir étudié outre mesure, c'est que c'est un régime qui peut sans doute être
intéressant pour des grandes entreprises, par exemple, pour certains joueurs importants qui ont les ressources
pour évaluer le risque juridique, le risque financier, etc. Mais, pour les consommateurs, c'est tout
simplement... ce genre de services disponibles, ça risque de nous ramener à
ce qui se faisait en assurances à la fin du
XVIIIe siècle. On a appris, depuis, on a mis des règles en place, depuis.
Mais là on a l'air de revenir 200 ans en arrière et de réinventer
la roue.
Et, dans son
rapport, pour revenir à la question précédente, le Bureau de la concurrence
concernant les «fintech» disait :
Écoutez, nous voyons des traces de pratiques de certaines institutions qui
limitent, qui briment la concurrence, qui briment l'entrée dans le
marché notamment. Alors, il y a des choses à explorer, en étant conscient, bien
entendu, des compétences constitutionnelles
partagées entre Québec et Ottawa. Mais il nous paraît — et on n'a pas fait un inventaire, ça serait un autre 200 pages — qu'il y aurait lieu de se pencher
sérieusement sur ces questions-là pour mettre en place un cadre
vraiment, vraiment...
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Désolé, M. St-Amant, je dois vous interrompre. Ceci met fin au
bloc avec la première opposition. Si on veut
laisser une chance égale à tous nos groupes ce matin, donc, on doit être très
stricts au niveau du temps. Donc, je passe la parole au député de Granby pour
son bloc d'intervention de six minutes.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. Mme Bleau, M. St-Amand, votre mémoire, c'est une pièce
d'anthologie. Bravo! C'est tout un travail que vous avez fait.
Je veux
commencer rapidement au 3.1, sur la notion de représentant. Pour moi, ça
m'interpelle. Je lis ici... Bon, Option
Consommateurs, j'imagine que vous avez lu les problèmes qu'eux amènent aussi,
qui sont pas mal les mêmes que vous. Vous dites, à la page 84 de votre
mémoire, puis je prends le temps de lire quand même, là : «Par conséquent,
toute personne pourrait, moyennant rémunération, formuler des conseils dans le
domaine de l'assurance. L'activité de conseiller
ne serait plus réservée. Aucune exigence particulière de compétence ne pourrait
être exigée. On serait conseiller en
assurance comme on est conseiller en électroménagers ou en matelas. Il ne faut
pas, d'autre part, se faire d'illusions, une fois les conseils donnés, s'ils semblent crédibles, la décision de
conclure le contrat sera vite prise. Cette évolution législative nous
paraît, avec le plus grand respect, indéfendable.»
Quels sont
les points, pour vous, pour convaincre le ministre? Parce que moi aussi, dans
une certaine mesure, j'ai des craintes énormes, qu'il ne faudrait pas,
comme vous le dites, appliquer ou altérer la notion de représentant.
• (11 heures) •
M. St-Amant (Jacques) : Le projet de
loi n° 141 modifie quelques dispositions de la loi sur la distribution en retirant le conseil du champ d'activité
attribué aux représentants certifiés. Et c'est ce qui génère notre inquiétude à
cet égard-là... enfin, c'est un des éléments.
Il est
manifeste que l'assurance, c'est un secteur complexe. Il y a eu un certain
nombre de sondages. Il y en a un par
la Chambre de l'assurance de dommages, il y a quelques années, dont on reprend
quelques chiffres, d'ailleurs — et il y a un sondage du CEFRIO également — qui indique que les consommateurs trouvent
que l'assurance, c'est complexe, et ça n'ira pas en se simplifiant.
Si on offre de
l'assurance simplement en disant : Voici un produit, il est moins cher,
signez ici, on risque fort de créer
des situations où les consommateurs vont se retrouver avec beaucoup moins de
protection d'assurance, avec des produits
de mauvaise qualité parce qu'on a, d'une part, cette modification à la loi dont
je vous parlais, à l'égard de la notion de conseil, et il y a une autre modification qui serait apportée à
l'article 27 de la loi sur la distribution, qui, actuellement, oblige le représentant à vous proposer le meilleur
produit qui correspond à vos besoins. On vient modifier l'article 27
pour dire aux représentants : Vous
n'avez qu'à donner un avis adéquat. Pourquoi, diantre, vient-on, 20 ans
après l'adoption de la loi, nous
dire : On passe de l'argumentation du meilleur produit à la proposition de
quelque chose de correct? Je n'ai pas vu
d'étude. Je n'ai pas vu de plainte manifeste de l'industrie nous disant qu'il y
a un problème. Et là, si on informe moins, si on conseille moins, on met
les gens en danger.
M.
Bonnardel :
Pour ce qui est de la distribution en ligne, vous dites : On n'est pas
contre le fait qu'un citoyen peut aller
acheter assurance automobile, habitation. Option Consommateurs parle d'un
modèle hybride qu'on devrait mettre en place.
Moi, je trouve aussi que m'assurer pour une maison sur Internet, ça peut
peut-être être compliqué. On peut oublier certaines choses. Bon, mon
humble opinion. Quelle sorte de produit vous souhaiteriez retirer un peu?
Est-ce qu'on devrait obligatoirement... Au-delà,
peut-être, de l'assurance automobile ou cliquer «send» pour dire : O.K.,
je pense que j'ai l'assurance qui me
convient, pour ce qui est du reste, est-ce qu'on devrait, comme Option
Consommateurs le propose, avoir un modèle hybride où on devrait parler à
un représentant avant que soit entérinée l'assurance qu'on...
M.
St-Amant (Jacques) : Il y a,
me semble-t-il, beaucoup de produits d'assurance de personnes
qui sont assez complexes merci, assurance vie, tout ça. Il faudrait très
certainement encadrer plus précisément qu'est-ce qu'on nous propose. En assurance de dommages, il faut
voir. Il y a des choses relativement simples. Il faut
voir aussi si vous voulez simplement renouveler votre assurance
habitation avec le même assureur, mais vous voulez voir les prix. Ce n'est peut-être
pas trop problématique. Il serait bien qu'on ait un régime hybride et qu'il y ait
un conseiller qui puisse venir s'assurer
que vous n'avez rien oublié, qu'au fait vous avez acheté quelque chose de neuf, il faut en tenir compte, etc. Mais ça, ça peut
sans doute se faire.
Il y a par contre
des secteurs spécialisés même en assurance de dommages. Je pense
à l'assurance de certains biens de
haute valeur, des assurances de produits de collection. Il y a
des marchés très, très spécifiques où là il serait pratiquement essentiel qu'on puisse peut-être
magasiner, bien sûr, sur Internet, qu'on puisse entamer une démarche, mais qu'il y ait une intervention humaine quelque
part d'un représentant certifié qui viendra s'assurer que vous avez donné
toutes les informations pertinentes, que vous avez bien compris tous les
éléments de la proposition qu'on vous fait et qui nous permettra d'arriver à un
accord, là, des consentements véritablement éclairés.
Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) :
Il vous reste 35 secondes, M. le député.
M.
Bonnardel : Rapidement. Vous dites que les modifications proposées au
fonds d'indemnisation soient adoptées, mais qu'on étende davantage le
champ d'application du fonds. L'étendre à qui?
M.
St-Amant (Jacques) : Oui,
bien, il y a un élargissement, un premier élargissement. C'est
une bonne chose. Il y a encore, cependant, beaucoup de types de situations qui ne seraient pas
couvertes. Je pense à tout ce qui est distribution sans représentant. La distribution en ligne ne serait pas couverte
par le fonds d'indemnisation. Alors, il
y a des choses, encore là, à
retravailler, à être révisées sérieusement.
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci beaucoup, Mme Bleau, M. St-Amant. Merci beaucoup
de votre contribution aux travaux de la commission.
Donc, je vais
suspendre les travaux quelques instants pour permettre aux représentants du
Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires de prendre place
pour continuer cette séance. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 4)
(Reprise à 11 h 6)
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons maintenant
le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires : M. Daniel
Thouin, président du conseil d'administration, et M. Willie Gagnon, coordonnateur.
Bienvenue à la Commission des finances publiques. Donc, vous allez avoir 10
minutes pour votre exposé. Par la suite,
nous allons procéder à des échanges avec chacun des groupes parlementaires.
Donc, sans plus tarder, je vous laisse nous présenter votre mémoire.
Mouvement d'éducation et
de défense des actionnaires (MEDAC)
M. Thouin
(Daniel) : Merci, M. le Président. M. le ministre, messieurs et dames
députés de la commission, mon nom est
Daniel Thouin. Je suis président du MEDAC depuis maintenant cinq ans. Je
succède à des présidents célèbres comme
M. Michaud, qui a été notre fondateur, en 1995, et aussi M. Daoust, qui a été
président pendant plusieurs années avant
moi. Il y a eu aussi M. Béland, qui a précédé immédiatement ma présidence, et,
bien sûr, le conseil absolument avisé de M. Parizeau, pendant quelques
années avant son décès.
Donc, c'est
une longue tradition que je viens vous présenter ce matin, une tradition d'une
vingtaine d'années de débats,
d'engagement, et beaucoup de volontariat parce que notre petit groupe compte
uniquement une personne à temps plein,
qui est M. Gagnon, à côté de moi, et tous les autres collaborateurs du MEDAC
sont des bénévoles ou des consultants, selon nos besoins.
Donc, le MEDAC a été constitué en 1995 dans le
but de faire valoir au gouvernement le point de vue de ses membres sur le fonctionnement des marchés
financiers, promouvoir une meilleure représentation des actionnaires aux
conseils d'administration des entreprises,
ce que l'on fait annuellement avec des propositions, favoriser une plus
grande transparence dans la gestion des
sociétés par actions, constituer un espace de débat et d'échange, et, enfin,
assurer une formation de ses membres et, plus généralement, de la
population sur les marchés financiers.
Notre conseil
d'administration est constitué actuellement de 10 personnes. Il y a un poste
vacant. Et les neuf personnes
qui constituent notre conseil : il y a moi-même, il y a Mme Beaudoin,
ancienne présidente-directrice générale de l'Association
des femmes d'affaires du Québec, M. Jules Gilbert, qui est trésorier et
qui est un administrateur d'une petite entreprise de gestion, il y a aussi M. Michaud, qui
reste toujours comme fondateur, Mme Julie Biron, qui est
professeure à l'Université de Montréal en droit, Mme Nicole Laveau, qui est ici avec
nous aujourd'hui, qui est présidente du comité des citoyens
de Vanier et aussi représentante de plusieurs associations de retraités, M. Jean
Dorion, qui est un ancien représentant du Québec dans des missions internationales,
M. Mathieu Dupuis, qui est un professeur de la TELUQ en relations industrielles,
M. Léo Marcotte, qui est un président de comité de retraités.
Il y a
aussi trois conseillers spéciaux qui nous secondent : M. Daoust est toujours
présent, M. Frédéric Grotino, qui est un spécialiste en rémunération de
dirigeants d'autres entreprises, et Mme Labrèche, qui vient de se joindre à
nous récemment.
• (11 h 10) •
M. Gagnon
(Willie) : M. le Président, bonjour. Bonne année, M. le
ministre, pareillement. Je m'appelle
Willie Gagnon. Vous devez savoir que je suis
aussi président du conseil
d'administration d'Option
Consommateurs et que ce n'est pas à
ce titre que je suis ici aujourd'hui.
C'est demain qu'Option Consommateurs sera là. Je ne répondrai pas aux
questions relatives au mémoire d'Option. Je suis le seul employé du MEDAC.
Notre mémoire
ne comporte pas 158 pages. On a tenté de se concentrer sur l'essentiel. En
résumé, nous allons vous parler du Fonds d'indemnisation des services
financiers. Nous allons vous parler de la distribution par Internet des produits d'assurance — mais on ne va pas s'étendre là-dessus étant
donné que ce qu'on représente, c'est les actionnaires et non pas les
consommateurs en général — le
Fonds pour l'éducation en saine gouvernance, le Comité consultatif des
consommateurs de produits et utilisateurs de services financiers, l'abolition
ou l'intégration des chambres et puis un commentaire
général. Je vous invite, si vous avez le document de notre mémoire, à nous
suivre à la page 9, où on a regroupé l'essentiel de nos recommandations.
On va s'échanger la balle, moi et M. Thouin, au cours de la présentation.
Premièrement, nous recommandons que le fonds d'indemnisation soit géré et
piloté par un conseil
d'administration indépendant composé de représentants du public, au nombre de
quatre, de représentants inscrits auprès de l'AMF, au nombre de trois, d'un
administrateur provenant du milieu de l'enseignement et d'un représentant de
l'AMF.
Deuxièmement, nous recommandons de développer le rôle de prévention et d'information
du fonds d'indemnisation. L'essentiel
de nos recommandations vise la représentation des consommateurs et des
utilisateurs de produits financiers au sein
des instances. Le plus gros problème
qu'on voit dans la consommation de produits financiers, c'est bien l'information.
Il faut qu'elle circule. Il faut que l'éducation puisse se faire. Et, si l'État ne s'en charge pas, il va falloir que ça soit
les entreprises qui le fassent. On ne veut pas ça. On préférerait que ça se passe
autrement. Et puis on pense que ça pourrait être un des rôles du fonds
d'indemnisation de s'occuper d'éducation, comme ça devrait aussi être le mandat
d'autres organismes, mais on y reviendra plus tard.
Pour ce qui est des assurances, je vous laisse
aller.
M. Thouin
(Daniel) : O.K. En ce qui concerne la distribution d'assurance par Internet, on a beaucoup
d'éléments qui viennent comme mettre
en questionnement cette possibilité-là. À la page 5 de notre mémoire, on vous dit
ceci. Les contrats d'assurance qui
seraient distribués par Internet auraient les capacités d'être avec ces défauts
suivants. Ça pourrait être des
contrats invalides. Ça pourrait être aussi des assurances qui sont inadéquates.
Ça pourrait être des assurances qui seraient
trop coûteuses pour le consommateur. Ça pourrait être des assurances qui
seraient multiples. Déjà, les gens
seraient déjà couverts
par d'autres types d'assurance. Le consommateur choisit une assurance
uniquement pour le prix sur Internet, donc
il ne considère pas nécessairement la qualité de l'offre. Les conseils
prodigués via les médias sociaux sont toujours comme aléatoires et non nécessairement de bonne qualité. Les médias
virtuels s'empareraient de ça et feraient en sorte que les contrats
d'assurance pourraient être très vulnérables. La fuite de renseignements
personnels aussi est un élément important qu'il faudrait considérer. Et enfin
les mégadonnées qui seraient générées par ce genre de travail là vont aussi
possiblement être des dangers de vol d'identité.
Donc, la
partie assurance, ce que l'on vous recommande, c'est de la reporter carrément à
la fin, lorsqu'on aura la réglementation qui va s'attacher à la
distribution par Internet des produits d'assurance.
M. Gagnon (Willie) : Le fonds
d'éducation à la saine gouvernance, ça a été notre mamelle pendant plusieurs années. Ce fonds-là nous a permis de nous financer
et d'enseigner les rudiments des produits financiers et des affaires touchant à l'argent auprès de nos membres, auprès
de la population en général. C'est un fonds très important, qui est doté
de 43 millions de dollars. Ça se trouve à la page 47 des derniers états
financiers de l'AMF. On veut que ce fonds-là soit maintenu. Il est question qu'il soit aboli. En fait, l'article dans
lequel il a été créé, il n'en est plus question maintenant. Et puis non seulement ça, mais le robinet auquel
s'abreuvait ce fonds-là a été changé de place, donc est passé, en partie,
là, des mains de l'AMF aux mains du ministre. On le déplore, évidemment. On
veut la survie de ce fonds-là. On est parfaitement
conscients que le mandat d'éducation de l'AMF demeure, mais on voudrait que le
fonds y demeure attaché. C'est un montant important qui est absolument
essentiel dans l'écosystème dans lequel on vit.
M. Thouin
(Daniel) : On vous mentionne
immédiatement qu'on utilise actuellement le fonds d'éducation à la saine gouvernance, là, pour un de nos produits-phares qui
est distribué auprès des retraités, avec, entre autres, la FADOQ et Éducaloi.
Donc, on a déjà un produit de formation, là, en collaboration avec le fonds.
Le quatrième point. La création d'un comité
consultatif des consommateurs. Là, ici, on se réjouit qu'effectivement il y ait
à l'intérieur de l'AMF ce genre de comité et on veut tout simplement lui donner
une certaine crédibilité en tant que
constitution. On ne voudrait pas que ce soit un comité qui est constitué uniquement
de personnes nommées par la direction
de l'AMF, mais on voudrait qu'il y ait aussi des postes dédiés dans ce comité. Donc,
on vous propose effectivement une représentation des
organismes qui sont déjà sur le terrain pour être présents sur le comité
en question. On vous mentionne, entre
autres, que le MEDAC pourrait être effectivement un des membres de ce comité-là.
Et je veux
juste vous souligner en aparté que le MEDAC a été le seul organisme canadien à
être reconnu comme représentant des
actionnaires auprès d'une poursuite qui a été faite à la Cour suprême du
Canada. Donc, pour nous et pour le Québec, le MEDAC est un actif très
important.
On voudrait
aussi que... Dans le cas de l'abolition des chambres, on ne s'oppose pas à
cette abolition. On pense, un peu comme le ministre, qu'il y aurait
correspondance entre les demandes des consommateurs et les différentes montées des dossiers de réclamation. Si vous voyez
le dossier de la Chambre de sécurité financière, on a dénombré, en 2016, uniquement 27 dossiers qui relevaient
strictement d'une poursuite contre des vols ou des utilisations mal
appropriées des argents des consommateurs.
Oui, vas-y.
M. Gagnon (Willie) : De manière
générale, on a un commentaire sur l'ensemble du projet de loi. Pour ce qui est
des mesures qui touchent aux consommateurs de produits financiers et non pas de
produits d'assurance, on trouve qu'il y a
une très forte augmentation du pouvoir de l'AMF et on trouve que cette
augmentation de pouvoir là devrait être encadrée. Non seulement elle
devrait être encadrée, mais la participation des consommateurs de produits
financiers devrait être inscrite dans la loi, comme on le suggère dans
plusieurs de nos recommandations.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Merci beaucoup. Donc, nous allons immédiatement
passer à la période d'échange, et je passe la parole à M. le ministre des
Finances.
M.
Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Alors, M. Thouin et M. Gagnon, bonjour.
Merci d'être là. Merci de nous avoir
fait part de vos commentaires. Je sais que c'est un peu... C'est rapide, hein?
C'est juste 10 minutes. Ce n'est pas assez.
C'est un vaste sujet. Mais j'apprécie vos commentaires et j'apprécie aussi que
votre mémoire soit bref, mais quand même assez détaillé. Et vous allez
droit au but, et c'est très utile pour nous.
Maintenant, quelques choses, quelques petits
points que j'aimerais discuter un peu avec vous. Peut-être, pour commencer, M. Gagnon, je pense, vous aviez
commencé à parler de l'intégration des chambres à l'AMF, puis on a dû
vous arrêter parce que le temps pressait. Est-ce que vous pouvez continuer dans
cette voie-là?
M. Gagnon
(Willie) : Bien, d'emblée, je suis dans une position très difficile
parce que je travaille pour le MEDAC, qui
n'a pas la même position que l'organisme que je préside. Donc, j'aimerais me
garder un droit de réserve là-dessus. J'ai
une opinion qui n'est pas nécessairement celle exactement du MEDAC. Je suis
d'accord avec certains aspects de la position, mais je me garde une
réserve. Si vous permettez, je vais laisser parler mon président.
M. Thouin
(Daniel) : M. le ministre, on a été consultés, effectivement, comme bien d'autres, dans le cadre de la préparation de cette immense loi de changements importants
de services financiers. Et un des éléments qui nous apparaissait
fondamental de votre réforme, c'est le fait qu'on continue dans l'AMF les mêmes
services que ce que les chambres accordent actuellement auprès des
consommateurs, des utilisateurs des services financiers. Dans cette
démarche-là, ce qui nous a préoccupés lors de la consultation,
ça a été le fait... Est-ce qu'il y a un gain quelque part dans cette intégration? Et le gain que je voudrais que vous
puissiez constater éventuellement, et surtout que vous allez mettre en place un comité de suivi consommateurs et épargnants,
c'est qu'on soit capables de voir ce qui se passait maintenant
et ce qui va se passer par la suite,
donc d'identifier clairement dans le projet
de loi qu'il pourrait y avoir une
comptabilité distincte des activités
que les chambres faisaient versus ce que l'AMF va mettre en place. Mon
inquiétude, et comme probablement bien d'autres,
là, c'est que l'AMF a déjà une structure assez importante. Ils sont plus de
700 employés avec sept directions générales et quasiment une quinzaine
de directions particulières.
Donc, pour nous, là, il ne faut pas qu'on noie
le poisson dans l'aquarium, là. Et, si on veut donner un mandat spécifique, plus clair et plus novateur, au comité
de consultation consommateurs et épargnants, bien, il faut lui donner
des outils pour pouvoir travailler, et un
des outils, c'est le maintien d'une comptabilité distincte avec des résultats
pour qu'on soit capables de voir, avec les années, quel est le gain
qu'on va pouvoir faire de l'intégration.
• (11 h 20) •
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. le ministre.
M.
Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Vous avez aussi mentionné, entre
autres choses, le fonds d'indemnisation. Alors, le fonds
d'indemnisation, comme toute la politique autour de l'indemnisation, a été
critiqué par plusieurs, à commencer par le
Vérificateur général, qui avait émis certaines critiques, et, je pense, avec
raison. Et, avec les changements que nous faisons, il me semble que nous
répondons un peu à ces questions-là. Et surtout, à mon avis, et c'est que j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, je pense
qu'on met fin à un certain nombre d'ambiguïtés qui existaient, où on mettait sur le dos de l'épargnant ou du
consommateur beaucoup trop de demandes, beaucoup trop d'exigences parce
qu'il fallait qu'il soit au courant de quel type de permis avait vendu quel
type de produit. Et donc, à la fin, bien, personne n'était indemnisé, là. C'était vraiment une grande confusion. Là,
maintenant, il me semble que ça va être beaucoup plus clair. Un certifié qui vend un produit, quel que
soit le produit, bon, il va être couvert. Alors, si vous pouvez me
donner votre opinion sur ça.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. Gagnon, allez-y.
M. Gagnon
(Willie) : Bien, vous comprenez, on a souligné dans notre mémoire les
conclusions de la vérificatrice. Puis
vous avez remarqué que, sur les moyens que vous avez entrepris pour régler la
question, on s'est tus parce qu'on est d'accord jusqu'à un certain
point. Nous, ce qui nous importe, c'est que les consommateurs soient
représentés sur ce comité-là. Donc, on veut
être certains d'avoir une voix au chapitre. On ne veut pas être à l'écart de
comment ça fonctionne, comment ça va
s'incarner au bout du compte, parce qu'au bout du compte, si on laisse tout ça
seulement à l'AMF, bien, le consommateur se trouve où là-dedans? C'est
ça, tout l'enjeu de ce qu'on fait, nous, dans la vie, c'est d'essayer de représenter un intérêt qui n'est pas ni celui de
l'industrie ni celui de l'État, mais celui de la population en général.
C'est pour ça que la société civile existe,
hein, puis qu'elle a ses représentants. Donc, on veut avoir des sièges là, pas
nécessairement le MEDAC en tant que tel,
mais on veut que les organisations de la société civile puissent être
représentées. On ne se prononce pas sur le fond de l'élargissement des
devoirs du fonds d'indemnisation. On est essentiellement d'accord avec la
Vérificatrice générale puis on conçoit que le projet de loi a été conçu pour
essayer d'améliorer les choses.
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : M. Thouin, avez-vous quelque chose à ajouter? M. Thouin,
allez-y.
M. Thouin
(Daniel) : Oui, juste pour, dans le fond, renforcer un peu la question
du ministre, là, on a relevé un certain
nombre de professions ou de cadres professoraux qui sont actuellement sous la
gestion des chambres, là. Je veux juste
vous les nommer vite, vite, vite, puis ce n'est pas exhaustif, là. Il y a des
conseillers en placements, des conseillers en épargne, des conseillers en épargne collective, des courtiers de plein
exercice, des courtiers à escompte, des conseillers en services financiers, des représentants d'assurance
de personnes, des représentants d'assurance collective de personnes et
des conseillers en sécurité financière. Le
consommateur ne peut pas s'y retrouver là-dedans. Donc, l'amélioration que
vous avez faite de la gestion du fonds
d'indemnisation en élaguant jusqu'à un certain point ce genre de problème, pour
nous, c'est un avantage
extraordinaire puis ça va être un avantage aussi de tout le système. On va
pouvoir rationaliser un peu le coût des cotisations que ces gens-là
doivent payer pour pouvoir vendre un, deux, trois, quatre produits.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Merci. M. le ministre.
M.
Leitão : Oui, absolument, vous avez tout à fait raison. Alors, si on
peut parler un peu du comité consultatif des consommateurs, donc, qu'on
met en place, donc vous nous recommandez, si j'ai bien compris, que la
nomination des membres de ce comité ne
relève pas exclusivement de l'AMF. Donc, quel serait le mécanisme que vous
voyez pour rendre ça plus représentatif?
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. Gagnon.
M. Gagnon
(Willie) : Le choix de mécanisme, c'est compliqué. Ça peut être toutes sortes de choses. Ce qui
nous inquiète, c'est que ça relève d'une
seule personne pour le moment. On aimerait qu'il y ait en place au moins
un comité duquel relèveraient des recommandations faites au président de l'autorité.
C'est certain qu'ultimement il va lui appartenir de déterminer qui va
être au comité, mais l'idée est de faire en sorte qu'il ne soit pas seul
là-dedans. Ce qu'on déplore, c'est l'augmentation encore
une fois de son pouvoir. Et puis ce qu'on voudrait aussi, c'est que certains
sièges soient réservés à la société civile, à certaines organisations.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. le ministre.
M. Leitão : Oui, mais vous savez
aussi qu'il y a le... Donc, le conseil consultatif de l'AMF va conseiller le
président de l'AMF dans ce processus-là de nomination, et, bon, le ministre...
On va aussi avoir notre mot à dire dans ce processus-là.
La vente par
Internet, là, si j'ai bien compris, vous êtes très préoccupés par un tel
processus. Et, d'entrée de jeu, oui, je comprends très bien et je
partage un peu vos préoccupations. Mais c'est un peu pour ça que nous avons
décidé d'encadrer cela, parce que ça se fait
déjà, la vente par Internet se fait déjà. On peut l'aimer ou ne pas l'aimer,
mais ça se fait et ce n'est pas encadré du tout. Donc, il fallait, à
notre avis, mettre ne serait-ce qu'un minimum d'encadrement en place pour
éviter justement des histoires qui pourraient être bien malheureuses plus tard.
La question
que vous avez soulevée, et le groupe précédent aussi, c'est qu'en effet il y a
certains produits... Bon, l'assurance,
c'est complexe. C'est aussi très simple, mais ça peut devenir très complexe. Et
donc certains produits ne sont pas
tout à fait appropriés pour être distribués de cette façon-là. Alors, la
question est comment est-ce qu'on adresse ça. Est-ce qu'on adresse ça à l'intérieur d'un projet de loi, qui est, à mon
avis, un instrument quand même assez lourd pour déterminer qu'est-ce qui est éligible ou qu'est-ce qui ne l'est pas? La
route que nous avons choisie, c'est que ça sera à l'AMF, un peu plus
tard, à élaborer les règlements, élaborer l'encadrement par règlement, et donc
qui peut répondre très rapidement aux
changements dans le marché parce que, vous le savez très bien, c'est un marché
qui va évoluer assez rapidement. Et donc, si on essaie de figer dans un
projet de loi des règles très lourdes, on sera toujours à un mois de rattrapage. Donc, en permettant à l'AMF, à
l'autorité, d'émettre ces règlements au fur et à mesure, moi, je pense
qu'on va sortir gagnants. Je suis tout à fait d'accord avec vous que certains
produits, surtout dans l'assurance vie...
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. Thouin.
M. Thouin
(Daniel) : Entre-temps, avant qu'on reçoive directement l'ensemble des
règles que l'AMF va mettre ensemble, est-ce qu'on pourrait tout
simplement reporter spécifiquement les règles de vente d'assurance Internet
tout simplement à plus tard, lorsqu'on
connaîtra les règles que l'AMF va se donner, tout simplement scinder ça du
projet de loi, tout simplement, juste ça?
M.
Leitão : Enfin, non, je ne suis pas d'accord avec ça parce que ce
phénomène se passe déjà. Ça existe déjà, là. La vente se fait déjà par Internet. Et donc il y a quand même une certaine
urgence à ce qu'on l'encadre, comme par exemple le fait qu'on va dire qu'un consommateur aura
10 jours pour annuler son contrat s'il trouve qu'après réflexion ce
n'était pas la bonne chose à faire, l'obligation que l'entreprise qui
offre le service en ligne d'avoir un représentant certifié qui peut répondre aux questions. Donc, il y a déjà un
certain nombre de choses qui se font, et ça va être raffiné au fur et à
mesure que ça progresse parce qu'en effet c'est un domaine qui évolue
rapidement.
Vous avez mentionné une chose. C'est un peu lié,
mais ça m'a un peu intrigué. Vous avez mentionné, je me rappelle plus lequel des deux,
qu'à votre avis l'AMF va avoir trop de pouvoirs. Je ne sais pas s'il y a beaucoup de temps ou malheureusement pas.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) :
30 secondes.
M. Leitão : Qu'est-ce
que vous voulez dire par que l'AMF a
trop de pouvoirs, grosse concentration de pouvoirs?
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. Gagnon.
M. Gagnon (Willie) : Ce qu'on
déplore, c'est l'augmentation du pouvoir, de la puissance de l'AMF sans contrepartie pour nous. Vous comprenez? Donc,
l'AMF pourrait avoir beaucoup de pouvoirs. Si le nôtre augmente au sein des instances, on va être contents. Ce qu'on
trouve, c'est que c'est déséquilibré.
Donc, la plupart de nos recommandations visent l'intégration des
représentants de la société civile au sein des instances de l'AMF, hein?
Essentiellement, c'est ça, le sens de notre intervention.
M. Leitão : ...comité
consultatif, bon, mais je pense qu'on en traitera...
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Malheureusement, ça met fin à cette période d'échange. Nous
allons donc passer du côté de la première opposition avec le député de
Rousseau.
M. Marceau : Oui, merci. Merci,
M. le Président. Bonjour, M. Thouin, M. Gagnon.
Peut-être juste pour aller sur ce dernier point,
effectivement, avec le pouvoir, avec la capacité d'agir devrait apparaître aussi la reddition de comptes et, en
tout cas, un mécanisme de «checks and balances» comme disent nos amis ailleurs. Effectivement, tout n'est pas présent.
Moi, je partage votre analyse. Cela étant, moi, je suis pour une autorité
qui soit capable d'agir et puis qu'elle ait
les moyens des responsabilités qui lui incombent. Mais je constate comme vous
qu'il n'y a pas tous les mécanismes de reddition de comptes qu'on pourrait
désirer, mais je vais changer de sujet.
Sur
l'abolition des chambres, les intervenants avant vous puis d'autres, là, sont
venus nous dire que l'autoréglementation,
c'était une façon de faire qui fonctionnait bien. Puis effectivement les
organismes d'autoréglementation sont
présents dans plusieurs secteurs, évidemment pour plusieurs professions, hein,
au Québec. Ils sont présents aussi dans même certains sous-secteurs du
secteur financier. Qu'est-ce qui fait, pour vous, que, dans le secteur de
l'assurance, l'autoréglementation, c'est
moins bien puis que c'est préférable de laisser de côté l'autoréglementation
pour confier le mécanisme d'encadrement des assureurs à l'autorité?
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. Thouin ou M. Gagnon.
M. Thouin (Daniel) :
M. Gagnon va répondre.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. Gagnon, allez-y.
M. Gagnon
(Willie) : On n'est pas nécessairement contre l'autoréglementation,
mais, dans l'état actuel des choses, on
n'a pas grand-chose à dire sur l'administration des chambres. Jusqu'à un
certain point, il a été évalué, au MEDAC — là, je ne parle pas pour Option Consommateurs, je le
répète, là — il a été
évalué, au MEDAC, qu'il y avait l'occasion, avec l'intégration des chambres, d'augmenter le pouvoir que pourraient avoir
les consommateurs sur ce que va faire l'AMF dans ce domaine-là. Présentement, ce n'est pas possible, là. On ne peut pas
siéger à la chambre. Il n'y a pas de représentant du public à la chambre. Là, il y a un comité
consultatif qui a été habilement conçu par le ministre jusqu'à un certain
point. On a nos critiques, mais, au MEDAC,
il y a des gens qui ont vu là l'occasion d'augmenter le pouvoir que pouvaient
avoir les citoyens sur leur devenir.
Tout ça est
dit, on a quelques réserves aussi, là. Il y en a qui, chez nous, craignent que
l'intégration des activités de la
chambre à l'AMF puisse permettre plus facilement à l'AMF de déléguer certaines
responsabilités à l'OCRCVM, comme
c'est déjà le cas pour certaines choses. Par exemple, présentement, la Chambre
de la sécurité financière s'occupe des représentants en épargne
collective, et puis partout ailleurs au Canada, sauf à Terre-Neuve, bien, ils
sont tous regroupés. Il serait facile pour
l'Autorité des marchés financiers de déléguer ça à une autorité pancanadienne,
tandis que, si la Chambre de la
sécurité financière continue d'exister, ça serait plus compliqué. Bref, il y a
des réserves. Il y a des réserves, sauf qu'on ne s'oppose pas a priori à
l'intégration.
M. Marceau : Non, je comprends.
Je comprends.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Puis merci pour
votre réponse, là, puis je...
Une voix : ...
M. Marceau : Oui, oui, je pense que
je comprends. En même temps, le fond de ma question, c'est : Est-ce qu'il y a des particularités dans le secteur
financier qui font que, justement, les consommateurs devraient avoir plus
leur mot à dire que dans le cas des médecins
ou d'autres professions, là? J'essaie de voir quelle est la particularité qui
fait que l'autoréglementation, qui est utilisée, là, pour la
déontologie, la discipline, dans plein de professions au Québec... qu'est-ce
qui fait que, quand on arrive au secteur financier, c'est différent?
Mais je
comprends qu'il y a quelque chose de bénéfice au... d'avantageux au fait que
les consommateurs puissent participer, à travers l'AMF, là, comme vous
le suggérez. Puis en même temps, je comprends qu'il y a les bénéfices de l'autoréglementation, du fait que les pairs
s'assurent que leur profession est une profession exemplaire. Il y a
aussi des avantages là puis il y a quelque
chose qui se passe, quand on pense au secteur financier, là, il y a quelque
chose qui arrive quand on pense au secteur financier, qui semble
disparaître, puis j'essaie de voir quels sont ces facteurs-là, là.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. Thouin.
M. Thouin
(Daniel) : M. le Président, un des premiers facteurs qui fait qu'il y
a une distinction très importante, c'est
qu'on sait ce que c'est, un ingénieur, on sait ce que c'est, un médecin, on
sait ce que c'est, une infirmière. Mais, dans l'énumération que je vous
ai donnée tantôt, chacune des catégories de personnes que je vous ai nommées
est attachée à un produit à vendre, à un produit qui est distribué par un
manufacturier financier. Et, dans ce cadre-là, la notion de professionnel qui est unique et qui est capable de
faire tout, dans la même personne, est impossible à gérer. Si vous
regardez la composition des comités
déontologiques de la chambre, ils sont composés d'à peu près une cinquantaine
de personnes, si ce n'est pas plus.
Donc, chaque petit groupe de conseillers a son propre comité déontologique. Ça
devient extrêmement ardu à gérer.
Donc, je
pense qu'effectivement l'intégration à l'intérieur de l'AMF, où les
manufacturiers vont être présents et où les vendeurs ou les représentants de ces manufacturiers-là vont être
présents sur une même table, va faciliter la compréhension de l'un et de l'autre et va surtout bien enligner
les consommateurs, les utilisateurs de plans d'épargne dans les mêmes règles. Parce qu'actuellement, là, je...
En tout cas, moi, je suis un consommateur de services financiers, et je ne suis
pas le dernier venu, là, j'ai
travaillé au gouvernement pendant plusieurs années, et j'aurais beaucoup de
difficulté, si j'avais un problème
financier, à retracer quelles règles, quel fonctionnement je vais être obligé
de faire pour remonter à une plainte.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : M. le député.
M. Marceau : Parfait. Merci
pour votre réponse. Autre sujet, qui n'est pas abordé dans votre mémoire, mais honnêtement, je croyais que ça viendrait, c'est
toute la question de la gouvernance, hein? Parce qu'évidemment le projet
de loi, là, met en place un nouveau
fonctionnement, une nouvelle gouvernance pour les assureurs, les institutions
de dépôt et autres, là, et il y a des gens qui sont sortis sur la place
publique pour dire qu'il y avait des problèmes. Entre autres, là, j'y vais rapidement, mais la création... enfin,
les comités du conseil d'administration, comités d'audit, comités
d'éthique, qui vont avoir des pouvoirs
qu'ils n'auraient pas aujourd'hui, qui vont être en conflit avec le conseil
d'administration, avec les liens de
loyauté. En tout cas, il y a plein d'enjeux. Le régime de dénonciation aussi,
qui est prévu dans le... Moi, il me semble
que le MEDAC est une organisation qui est capable de nous fournir une opinion
là-dessus. Est-ce que vous avez eu le temps de réfléchir à ça?
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. Thouin.
M. Thouin
(Daniel) : On va vous donner une opinion, mais on ne le mettra pas
dans notre mémoire. Je pense qu'au fil...
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : ...mais ça va être enregistré, de toute façon.
M. Thouin (Daniel) : Au fil des
années, le MEDAC a effectivement fait énormément de propositions aux assemblées
annuelles de sociétés publiques afin d'améliorer leur gouvernance. Et, la
plupart du temps, on s'est butés... dans le
cas de l'information qu'on voulait obtenir ou dans le cas des changements qu'on
voulait obtenir, on s'est butés à l'autorité des conseils
d'administration.
Maintenant,
je pense que le remplacement d'une autre forme de gestion dans les conseils d'administration
ne sera pas nécessairement bienvenu parce qu'on n'aura plus le même
interlocuteur. Si on est deux ou trois interlocuteurs sur un même conseil d'administration, comme, bon, un comité de
déontologie, qui pourraient dénoncer les autres membres du conseil, je pense que les commentaires que l'IGOPP
a faits là-dessus sont assez pertinents pour nous. On aime mieux avoir
un représentant, une responsabilité légale qui doit répondre de tous les gestes
de la société. Il me semble que c'est plus simple au niveau de la gestion et au
niveau de l'organisation des propositions dans la société.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Il vous reste 10 secondes, M. le député.
M. Marceau :
O.K. Dans le cas du fonds d'indemnisation, certains pensent qu'on pourrait
regarder les cas où les gens n'ont
pas été indemnisés dans le passé, remonter un peu dans le passé pour aider les
épargnants qui ont été floués.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Ceci met fin à votre bloc.
M. Marceau : Est-ce que vous
pensez que c'est une bonne idée puis que ce travail-là devrait se faire, une
évaluation, au ministère des Finances?
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Désolé, on n'a plus de temps, M. le député. Nous allons passer
du côté de la deuxième opposition.
M. Marceau : ...
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : O.K. On va continuer du côté du... temps du groupe de la
deuxième opposition. Allez-y.
M.
Bonnardel : ...voulez-vous
répondre...
• (11 h 40) •
M. Thouin
(Daniel) : Bien, deux secondes. Je pense qu'effectivement remonter
dans le temps, on... Nous, on a déjà déposé
des mémoires dans le cas de Norbourg, on a eu des dossiers de recours collectif
avec CINARS, avec Nortel. Je pense que
les mécanismes ont déjà été mis en place pour récupérer le maximum d'argent possible. Remonter encore plus loin en
arrière, je ne suis pas certain. Je ne suis pas certain.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. le député de Granby, allez-y.
M.
Bonnardel : Bonjour, messieurs. Une question
rapide : Vous n'êtes pas contre la fusion des deux chambres, mais
vous dites souhaiter une comptabilité distincte.
M. Gagnon (Willie) : On a des
réserves aussi...
M.
Bonnardel : Bien,
j'imagine que ma question est facile, là. Vous doutez qu'il y ait des gains
d'efficience avec la fusion?
M.
Gagnon (Willie) : Bien, on a refusé de nous dire que c'était un
argument, hein?
M.
Bonnardel :
Qui a refusé de vous le dire?
M.
Gagnon (Willie) : On a posé
la question à beaucoup de monde, là. On a eu des entretiens avec le
ministère avant de venir ici, on a eu des
entretiens avec les gens autour de nous, des gens de l'industrie,
des gens de l'AMF. C'est sûr que ça ne fait pas chic de dire : On
veut sauver de l'argent, parce que c'est comme si on accusait la chambre d'en perdre alors que c'est difficile à prouver, là.
Mais je ne sais pas, M. Thouin, vous avez peut-être quelque chose de plus intelligent que moi à dire là-dessus.
M. Thouin
(Daniel) : Bien, écoutez, c'est clair que le coût des services
financiers actuellement au Canada, et particulièrement au Québec, est très élevé par rapport aux frais de
gestion de nos fonds mutuels, par
rapport aux frais de gestion
de tout ce qui entoure le monde du marché financier. Et on a fait plusieurs recommandations
à cet effet-là, entre autres en 2013, là, sur l'abolition des frais de suivi
pour les fonds communs de placement. Le maintien de deux organisations comme c'est le cas actuellement, la Chambre de la sécurité
financière avec un budget de 12 millions puis, bon, l'AMF avec un
budget de plusieurs millions aussi, là, avec des dossiers qui sont très, très,
très similaires...
Je vous disais tantôt
qu'il y a 27 dossiers qui ont fait l'objet d'une demande au fonds d'indemnisation,
donc pour 5 % des dossiers,
l'exécution... de mauvaise exécution de mandats pour 48 % des demandes,
c'est 9 % des dossiers à la
chambre; la falsification et des contrefaçons des signatures, c'est 52 %
des demandes qui sont faites à la chambre, c'est 9 %. Ensuite,
globalement, 236 demandes d'enquête visant le non-respect des procédures et de
remplacement des dossiers pour 48 % des demandes. Ça, c'est facilement
gérable à même une même organisation. L'AMF a à
peu près le même nombre de demandes
de réclamation, et tout, par année, à
peu près 500, puis je suis absolument
certain que les 27 qui sont faites
par la sécurité financière, de mauvaise utilisation d'argent,
c'est les mêmes qui sont à l'AMF, là. Ça ne peut pas faire autrement.
Donc, une cohésion plus grande des deux activités va permettre des économies
dans le temps, on l'espère, des services financiers.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : M. le député.
M.
Bonnardel : Vous
énumérez certaines situations indésirables que vous citez avec la vente par
Internet. Vous avez demandé de retirer tous ces articles. Le ministre
vous a répondu non.
J'ai
une question fort simple, que j'ai posée à d'autres aussi. Est-ce qu'on devrait avoir certains produits où un représentant certifié devrait donner son aval à une transaction que,
moi, comme consommateur que ce soit l'assurance automobile, l'assurance maison, l'assurance pour la vie? Est-ce que,
pour vous, parce que tout indique qu'on va aller de l'avant,
là, est-ce qu'on devrait choisir certains produits puis qu'un représentant
certifié puisse donner son aval à une transaction?
M.
Gagnon (Willie) : Bien, M. le Président, premièrement, d'emblée, là,
la question des assurances, ça ne nous touche
pas directement. On est le Mouvement d'éducation et de défense des
actionnaires, hein? Donc, ce n'est pas des consommateurs d'assurance
qu'on représente.
Deuxièmement,
on trouve ça éminemment complexe, puis la raison pour laquelle le ministre
vient de nous dire qu'il ne veut pas scinder le projet de loi, c'est
qu'il dit que la chose est urgente. Mais on conçoit que c'est possible de scinder le projet de loi de manière urgente. Je
pense que c'est possible d'envoyer ça ailleurs puis de la faire
rapidement quand même. Puis, bien, troisièmement,
eh bien, la liste qu'on a dressée là m'apparaît éloquente à sa face même. Je
pense qu'on ne veut pas aller plus loin sur cette question-là.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Merci. M. le député.
M.
Bonnardel :
Dernière petite question. Vous parlez...
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Une minute.
M.
Bonnardel : ...que le fonds d'indemnisation soit géré et
piloté par un conseil d'administration indépendant composé de représentants du public. Trop de pouvoir
encore à l'AMF, c'est un peu ça que vous dites, puis vous souhaitez que
votre... vous, comme tel, soyez...
M.
Gagnon (Willie) : Encore une
fois, on pense que l'augmentation du pouvoir de l'AMF devrait s'accompagner
d'une contrepartie, de notre pouvoir à nous, à titre de citoyens.
M.
Thouin (Daniel) : Et
d'utilisateurs des services surtout aussi. Donc, avoir quelqu'un
à l'interne qui est capable de voir
comment ça se passe, quelles sont les grandes règles qui sont mises en place, et si ces règles-là vont avoir un
impact, et quelle sorte d'impact ça peut
avoir. Donc, d'avoir un témoin à l'interne qui est capable de répondre des
gestes que l'AMF va poser, particulièrement dans le fonds
d'indemnisation.
Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci beaucoup, M. Thouin, M. Gagnon. Merci
beaucoup. Merci de votre contribution
à la Commission des finances publiques.
Donc, j'ajourne les travaux quelques
minutes pour permettre à notre autre
groupe, l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec,
de pouvoir s'installer.
(Suspension de la séance à 11 h 45)
(Reprise à 11 h 47)
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous
recevons présentement l'Organisme d'autoréglementation du courtage
immobilier du Québec. Nous avons Mme
Nadine Lindsay, Mme Claudie Tremblay
et Me Caroline Champagne qui sont présentes avec nous aujourd'hui. Donc, vous allez disposer de 10 minutes pour faire la présentation de
votre mémoire. Par la suite, nous allons procéder à des échanges avec
chacun des groupes parlementaires. Donc, sans plus tarder, je vous laisse nous
présenter votre mémoire.
Organisme
d'autoréglementation du courtage
immobilier du Québec (OACIQ)
Mme Lindsay (Nadine) : Merci, M. le
Président. M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, je suis Nadine Lindsay, vice-présidente... présidente et chef de la direction de l'OACIQ. Je suis accompagnée
de Me Claudie Tremblay, vice-présidente exécutive, Affaires
corporatives, ainsi que de Me Caroline Champagne, vice-présidente, Encadrement,
toutes deux de l'OACIQ.
D'entrée de jeu, j'aimerais remercier les
membres du cabinet du ministre pour leur grande disponibilité, ce qui nous a permis d'avoir plusieurs rencontres et
conversations en regard du projet de loi. C'est un plaisir pour nous
d'être ici aujourd'hui.
L'OACIQ est
le régulateur, qui est institué par le législateur, qui doit veiller à
l'application des dispositions de la Loi
sur le courtage immobilier. Il a pour unique et exclusive mission la protection
du public dans les domaines du courtage immobilier résidentiel et commercial et du courtage hypothécaire. Ces
domaines sont réservés aux quelque 16 000 titulaires de permis qui sont assujettis à la compétence de
l'OACIQ. Nous exerçons également la fonction d'assureur responsabilité pour
les courtiers et les agences. L'OACIQ compte 168 employés et gère un
budget de 22 millions annuellement.
Le projet de loi n° 141 interpelle l'OACIQ dans sa mission de
protection du public. Tout d'abord, nous saluons la reconnaissance par le gouvernement de l'importance de rehausser les
amendes en matière disciplinaire et pénale, puisque celle-ci permettra
de mieux exercer notre mission en ayant un effet plus dissuasif en regard des
contrevenants de la loi. L'intervention de l'État a été requise il y a déjà
plusieurs années en regard du marché immobilier car il y avait un besoin de resserrer les règles en regard de cette
complexe activité qu'est la transaction immobilière et qui est souvent
la transaction la plus importante d'une vie.
• (11 h 50) •
Aujourd'hui, les transactions immobilières et
hypothécaires sont encore plus complexes, que l'on pense au vieillissement du parc immobilier, aux
inondations, à la pyrite, à la pyrrhotite, à la mérule pleureuse, etc. En ayant
adopté la Loi sur le courtage immobilier, on
précise les responsabilités et les obligations des courtiers immobiliers et
hypothécaires qui ont comme rôle de réduire
en amont les risques inhérents à la
transaction immobilière pour les acheteurs et les vendeurs. À titre de régulateurs, nous aimerions proposer
principalement quatre recommandations d'amélioration au projet de loi.
La première recommandation, qui est la plus
importante, est de définir clairement l'opération de courtage. Vous savez, il y a trois façons de vendre un
immeuble : par soi-même, par l'entremise d'une entreprise d'assistance
ou par l'entremise d'un courtier immobilier.
D'entrée de jeu, l'OACIQ souhaite d'emblée préciser qu'elle respecte le choix
du public d'effectuer ces transactions
immobilières de la façon dont elle l'entend. L'OACIQ souhaite toutefois que le
public puisse faire un choix éclairé à cet égard. Nous voyons une difficulté
importante dans ce qui est proposé au projet de loi, notamment en regard du libellé
proposé aux articles 1 et 4, qui crée un flou.
Il y a un
flou dans la définition des activités précises que seul un courtier immobilier
peut effectuer, soit l'opération de courtage, et celle où les activités
effectuées par quelqu'un qui n'est pas inscrit comme tel. Par conséquent, ces non-inscrits qui offrent des services similaires
n'ont aucune obligation et responsabilité spécifiques dédiées à leur
activité, ce qui crée un système inégal,
deux poids deux mesures, dirait-on, que nous aimerions voir adresser. Ce flou
engendre une confusion qui serait maintenue dans le projet de loi auprès
du public. Ceci crée un sentiment de protection en regard des dispositions de
la Loi sur le courtage immobilier lorsque le public fait affaire avec une
organisation offrant des services de façon
similaire à une agence immobilière sans être toutefois inscrite auprès du
régulateur. Plusieurs croient donc, à tort, qu'ils sont protégés par la
Loi sur le courtage immobilier.
Un sondage indépendant effectué dernièrement, en
novembre, démontre que 71 % des répondants ont précisé qu'ils croient bénéficier des protections de la
Loi sur le courtage immobilier ou ne savent pas s'ils en bénéficient
lorsqu'ils font affaire avec une entreprise
d'assistance. C'est révélateur. Cette impression est confirmée également par
les recours intentés auprès des tribunaux civils ainsi que par le nombre
des demandes effectuées auprès du centre d'information OACIQ. Effectivement, en 2017 seulement, 183 personnes ont demandé
l'aide de l'OACIQ parce qu'elles avaient fait affaire avec des entreprises d'assistance et qu'elles pensaient à tort
que nous pouvions intervenir dans leur transaction.
La définition
du contrat de courtage proposée au projet de loi n° 141 est compliquée et
contribue à augmenter la confusion et
le faux sentiment de protection du public. La difficulté réside dans le fait
que l'opération de courtage proposée n'est pas incluse dans la
définition de contrat de courtage.
L'OACIQ
propose donc que la loi prévoie les trois éléments suivants. Premièrement,
définir l'opération de courtage comme étant
les faits et gestes posés dans l'exécution des obligations qui incombent au
titulaire de permis tel qu'il est
déjà prévu dans le projet de loi. Deuxièmement, exiger que seuls les titulaires
de permis puissent effectuer une opération de courtage. Le ministre
Leitão a été très clair le 7 décembre dernier, lorsqu'il a précisé ses
attentes, en fait, que les opérations de
courtage doivent être effectuées par un courtier. Nous avons le même positionnement,
alors définissons-le clairement dans
la loi. Et finalement, obliger les entreprises d'assistance d'indiquer dans
leurs communications que le public n'est pas protégé par la Loi sur le
courtage immobilier.
Deuxième
recommandation, maintenir l'encadrement et moderniser le courtage immobilier
locatif. L'OACIQ est convaincu que l'encadrement du courtage locatif
doit être maintenu pour contrer l'évasion fiscale et assurer une harmonisation
avec les autres provinces canadiennes qui exigent toutes la détention d'un
permis. Ce retrait aurait des conséquences
quant au respect des obligations découlant des ententes conclues par le Québec
avec les autres provinces en matière de mobilité de la main-d'oeuvre tel
qu'il est prévu dans l'Accord de libre-échange canadien. De plus, l'État québécois abdiquerait les pouvoirs d'encadrement
de ce secteur d'affaires complexe, non pas seulement en s'empêchant
d'encadrer ces professionnels du Québec en la matière, mais en laissant
également les autres régulateurs canadiens régir le marché locatif québécois.
L'OACIQ propose
également une modernisation de l'encadrement du courtage locatif par deux
éléments. Le premier, un allègement
réglementaire pour les gestionnaires immobiliers sophistiqués, proposition qui
a été développée en collaboration avec l'IDU, et qui a été présentée au
cabinet du ministre en janvier 2017, et qui est jointe au mémoire. Et deuxièmement, une exclusion en regard des
personnes ou sociétés qui agissent pour le compte de personnes âgées ou
vulnérables sur le plan physique ou mental, disposition qui est prévue à la loi
actuelle, mais qui n'a jamais été mise en vigueur.
Troisième
recommandation, maintenir la compétence de l'OACIQ quant à l'encadrement du
courtage hypothécaire. Si l'objectif
ici est d'avoir un meilleur encadrement au niveau du courtage
hypothécaire, l'OACIQ propose plutôt
de modifier la Loi sur le courtage immobilier actuelle afin de lui octroyer les
pouvoirs nécessaires. En effet, le public doit pouvoir
continuer de bénéficier d'un régime de protection unique et uniforme relevant
d'un même régulateur, d'accéder à un guichet unique pour traiter chacun des aspects de sa transaction immobilière et
hypothécaire et finalement afin
d'éviter le dédoublement réglementaire. Ce transfert à l'AMF ne viserait pas seulement
les 759 titulaires de permis en courtage immobilier, mais il
affecterait également plus de 11 000 courtiers immobiliers qui
détiennent actuellement les deux droits d'exercice. Ça représente deux tiers de
l'ensemble des courtiers inscrits auprès de l'OACIQ.
Actuellement,
ces courtiers ne détiennent qu'un seul permis et ne sont soumis qu'à un seul
cadre réglementaire. L'hypothèque, qu'elle soit considérée ou non comme
un produit financier, est intrinsèquement liée à la transaction immobilière et à l'immeuble. D'ailleurs, plus de
95 % des promesses d'achat dans le secteur résidentiel sont
conditionnelles à une approbation hypothécaire. Le guichet unique permet de
faciliter les démarches des consommateurs en cas de plainte et d'éviter à ces
derniers de devoir témoigner à deux reprises devant des comités de discipline
ou d'être à la merci de litiges entre
assureurs quant à la responsabilité du courtier immobilier ou du courtier
hypothécaire en regard des fautes
commises. Il est parfois difficile de départager la responsabilité des deux
courtiers dans les enquêtes du syndic, notamment en lien avec la
fabrication de faux documents ou l'utilisation de prête-noms. De plus, on évite
le risque de jugements contradictoires.
Et, finalement, notre
quatrième recommandation est d'assurer une gouvernance de l'OACIQ crédible et cohérente. L'OACIQ est favorable à l'amélioration
de sa gouvernance. Plusieurs initiatives ont d'ailleurs été implantées à
l'OACIQ en 2017. Notons principalement l'établissement de profils de
compétence.
Nous avons toutefois
les trois recommandations suivantes. La première, afin de maintenir le principe
d'autoréglementation souhaité, nous proposons un nombre de supérieur de titulaires
de permis dans sa composition, soit 7-6.
Deuxièmement, les administrateurs doivent pouvoir choisir le président en
fonction de ses compétences à travers l'ensemble
des administrateurs. Et, finalement, conserver la représentativité régionale
afin d'assurer la complémentarité des compétences. Ceci termine notre
présentation initiale.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Directement dans les temps. Bravo! Merci
beaucoup. Donc, le premier bloc d'échange
aura lieu avec M. le ministre et les représentants du gouvernement. Donc, à
vous, M. le ministre, la parole pour une période de 16 minutes.
• (12 heures) •
M. Leitão :
Très bien. Merci beaucoup. Alors, mesdames, bonjour. Merci. Merci d'être là, de
venir nous parler de votre opinion
sur le projet de loi et les changements que vous souhaiteriez qu'on y accorde.
Plusieurs choses.
J'aimerais
commencer par une question fondamentale, à mon avis, c'est la notion même de
courtage. Donc, si j'ai bien compris, vous prétendez que l'opération de
courtage comprend, en fin de compte, tous les gestes posés dans l'exécution d'un contrat immobilier. Il me semble
que cela, c'est extrêmement large. À la limite, ça voudrait dire que je
ne pourrais pas... si je décide de vendre ma
maison, je ne pourrais pas demander à quelqu'un de m'aider à, je ne sais
pas, moi, prendre des photos, faire un
«staging», parce que ce sont des choses que les courtiers font, donc ça devrait
être réservé aux courtiers.
J'ai
un peu de difficulté à suivre votre notion de courtage qui, à mon avis, me
semble être très large et qui donc exclurait,
si on le porte jusqu'à l'extrême, exclurait beaucoup d'autres personnes. Donc,
c'est cette différence entre courtage et conseil, parce que ce n'est pas
tout à fait la même chose. Je comprends très bien quel est le processus de
courtage, l'intermédiation, mais le conseil,
on ne peut pas réserver le conseil, là. Tout le monde peut donner des conseils.
Le voisin de mon beau-frère peut me
donner des conseils, même si ses conseils, des fois, ce n'est pas... Mais,
c'est-à-dire, je ne pense pas qu'on doive restreindre la notion de
conseil. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay, allez-y.
Mme Lindsay
(Nadine) : Merci. Alors, il y a plusieurs éléments à votre question.
Premièrement, le but n'est pas
d'interdire à qui que ce soit d'oeuvrer...
le but est de délimiter précisément qu'est-ce qu'un courtier peut faire,
quelles sont les obligations que seul un courtier peut faire, et ça nous permet
de pouvoir exercer notre rôle en tant que régulateur.
Dans
ce qui est proposé au niveau du projet
de loi, le contrat de courtage, la
façon dont il est précisé, n'est pas uniquement la mise en relation des
parties ou de faire accorder les parties. Et l'activité de courtage ou
l'opération de courtage doit être effectuée uniquement par un courtier, on en
convient, mais ce n'est pas ça que la loi précise en ce moment. Alors, la proposition
est de définir clairement qu'est-ce qu'une opération de courtage pour
déterminer les obligations qui incombent aux courtiers. Et, de par cette
définition, qui est déjà dans le projet de loi, c'est-à-dire, on l'entend, là, par les faits et gestes posés par
les titulaires de permis dans l'exécution de leurs obligations, alors ça,
c'est ce que vous proposez, pour lequel on
est entièrement d'accord avec ça. Le seul bout qui manque, dans cette
définition, est de le rattacher en disant que seul le courtier peut
faire l'opération de courtage.
Et,
si nous avons cette définition d'opération de courtage, qui constitue en fait
l'élément de base, hein, pour nous, en tant
que régulateur, parce que, vous savez, une fois qu'on a délimité les
obligations du courtier, il est possible pour nous, en tant que régulateur, de pouvoir former adéquatement le courtier en fonction de ses obligations spécifiques, il est
possible de pouvoir surveiller ses
activités, l'inspecter afin de s'assurer qu'il respecte ses obligations, de
l'enquêter et de le poursuivre, le
cas échéant, advenant qu'il y aurait manquement à ses obligations... Alors,
c'est cette précision que nous voulons voir apparaître au niveau de la
loi.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.
M.
Leitão : Je comprends votre point, en même temps, nous, ce qu'on
souhaite, c'est que cette précision-là ne pas devienne une barrière, ne
devienne pas un moyen d'empêcher d'autres personnes ou d'autres entreprises
d'opérer, de fonctionner dans ce marché-là, donc... et ça, c'est quelque chose
que plus la technologie évolue, et elle évolue très rapidement, c'est quelque chose à laquelle on va devoir réfléchir comme
il faut parce qu'il y a... le nerf de la guerre, c'est l'information, donc d'avoir accès à l'information,
et ça, il y a encore des choses qui... Mais, en tout cas, je comprends
votre point.
L'autre
question où on n'est pas d'accord, j'aimerais peut-être
que vous nous expliquiez un peu mieux, là, pourquoi vous ne pensez pas que ce soit une bonne idée que
le courtage hypothécaire soit
transféré à l'AMF. Moi, il me semble que le courtage hypothécaire est devenu une opération financière. Les
compagnies de courtier hypothécaire sont de plus en plus présentes dans le marché et de plus en plus
importantes, et leurs responsabilités et leurs activités, à mon avis,
sont différentes du courtage immobilier.
Puisqu'ils sont de plus en plus présents dans le marché, raison de plus pour, à
mon avis, pour que leurs activités, leurs fonctions, leur fonctionnement soient
supervisés par une autre organisation — dans ce cas-ci, l'AMF, qui,
elle, supervise les marchés financiers.
Alors,
pourquoi vous insistez pour dire que le courtage hypothécaire devrait continuer
d'être supervisé par votre organisation? Quelle est la logique de cela?
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay.
Mme Lindsay
(Nadine) : Il y a trois raisons principalement. La première, vous
savez, toute activité a une connotation
économique et financière, alors, ça, on en convient. L'activité hypothécaire,
elle est intiment liée à l'opération de
courtage, à un immeuble, à une transaction immobilière. On le voit, là, c'est
une des deux conditions les plus essentielles lorsqu'on achète un
immeuble. Il est certain qu'actuellement il est difficile de départager la
responsabilité du courtier hypothécaire et
du courtier immobilier dans les enquêtes du syndic. Alors, le fait de
transférer les responsabilités ferait en sorte qu'il y aura un dédoublement réglementaire. On pense que le
gouvernement, dans toutes les initiatives, est plutôt à simplifier la réglementation. Ici, il y aurait
donc deux régulateurs. Et l'ensemble des courtiers... Là on parle des deux
tiers des courtiers immobiliers qui ont
actuellement les deux permis. Et ça, c'est un élément très important, là. Ce
n'est pas seulement les 759 courtiers
hypothécaires, actuellement, mais c'est vraiment les deux tiers de l'ensemble
des courtiers, c'est plus de 11 000 courtiers qui auraient à
faire le choix de décider de maintenir deux permis auprès de deux régulateurs différents, avec deux programmes de formation,
avec deux systèmes d'encadrement. Pour nous, en tant que régulateurs, la
protection du public ne serait pas améliorée, au contraire. Parce
qu'actuellement, lorsqu'il y a une transaction, une problématique qui arrive dans une transaction immobilière, le
consommateur doit être capable de se retourner auprès d'un seul
régulateur, qui pourra déterminer quelle est la responsabilité de l'un ou de
l'autre. Et c'est l'avantage qu'on voie à maintenir notamment le courtage
hypothécaire auprès de l'OACIQ.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.
M.
Leitão : Si je voulais être un peu méchant, je vous dirais que vous
êtes en train de donner des arguments à transférer l'OACIQ à l'AMF.
Mais, écoutez, non, ce n'est pas ça.
Mme Lindsay
(Nadine) : Bien, on pourrait tout transférer le Québec à l'AMF aussi,
là, si on veut.
M. Leitão :
Je sais, c'est ça. Mais, dans le cas du courtage hypothécaire et
particulièrement pour prévenir des potentiels
conflits d'intérêts, et on a vu ce que ça a donné dans d'autres juridictions
quand il y a eu une proximité trop proche entre les courtiers hypothécaires, les
prêteurs, les agents immobiliers, on a vu ce que ça a donné, donc, moi,
je pense que, d'un point de vue prudentiel,
d'un point de vue de maintenir des marchés efficaces, c'est utile qu'une
activité qui est essentiellement
financière, comme un courtage hypothécaire, soit supervisée par un organisme
qui est habitué à superviser les
transactions financières et les institutions financières. Parce qu'un courtier
hypothécaire ressemble de plus en plus à une institution financière.
Une
question un peu plus rapide, en termes de gouvernance : Est-ce que vous
pouvez m'expliquer pourquoi le conseil
d'administration qui serait présidé par un élu, comme par un courtier, serait
mieux préparé à assumer sa mission que quelqu'un qui serait nommé par le
ministre, par exemple? C'est quoi, la logique?
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay.
Mme
Lindsay (Nadine) : Merci. En fait, c'est qu'on croit qu'en regard des
saines pratiques de gouvernement... qu'il
est vraiment souhaitable que les membres du conseil d'administration, et c'est
une élection qui se fait à chaque année, puissent déterminer eux-mêmes qui est la personne la mieux compétente.
Et c'est ce qu'on propose dans notre mémoire, que ce soit la personne la
plus compétente. Et, à titre d'exemple, il vient d'y avoir, là, la nomination,
l'élection du trésorier. Et il était
possible d'élire quelqu'un qui venait du public, nommé par le gouvernement, ou
bien un courtier. Et puis, en fonction des compétences spécifiques,
cette année, la meilleure personne à occuper ce poste a été une personne nommée
par le gouvernement. Et ça a été le choix des administrateurs présents. Donc,
on croit que cette façon de procéder, de
déterminer la meilleure personne — qu'elle vienne de n'importe quel
milieu — qui soit
présente au conseil d'administration, on veut laisser l'autorité et le
choix au conseil d'administration de faire ce choix éclairé.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.
M.
Leitão : O.K. Maintenant, peut-être une chose un peu plus pratique,
mais je pense que c'est important qu'on ait un peu vos lumières : Quels sont les cas les plus fréquents que
vous traitez, que votre comité de discipline traite? Quels sont les
problèmes qui vous sont adressés le plus fréquemment?
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay.
• (12 h 10) •
Mme
Lindsay (Nadine) : Oui. Vous savez, le comité de discipline, c'est un
des comités, c'est un des paramètres de l'OACIQ. Tout à l'heure, je
parlais du risque inhérent, qui est diminué lorsqu'on a un encadrement comme
celui de l'OACIQ, en regard du courtage
immobilier, puis je pense que c'est un élément sur lequel il est important de
revenir. Parce que, vous savez, on s'est
doté, au Québec, là, d'un système. On s'est dit : Une transaction
immobilière, là, c'est extrêmement compliqué. On parle d'un fonds commun
de placement, hein, on fait un pacte ou un achat de 1 000 $, 500 $ par mois. Là, on parle d'une seule
transaction des fois d'un demi-million, 1 million et plus, etc.,
c'est vraiment une transaction
extrêmement importante. On s'est dit : Le Québec a besoin de professionnels
compétents qui sont formés adéquatement pour pouvoir conseiller M., Mme Tout-le-monde dans cette activité, afin de s'assurer, là, qu'ils prennent une bonne décision en la matière. Alors, toutes les
démarches qui sont faites précisément pour former les courtiers en
fonction de leurs obligations
et de leurs responsabilités... Puis j'aimerais ici peut-être
en ramener seulement que trois, qui sont déjà prévues dans la réglementation et qui
apportent une valeur. On voit qu'ils doivent informer avec objectivité, en
regard des faits pertinents à la
transaction, ils doivent vérifier les renseignements et démontrer l'exactitude des renseignements qui sont présentés, ils
doivent entreprendre également des démarches pour découvrir les facteurs pouvant
affecter défavorablement les parties.
Et nous, le
régulateur, on est là pour s'assurer que ces obligations qui apportent une
valeur ajoutée sont bien respectées, et donc
on les inspecte, on les forme, on les encadre. Et, advenant le cas d'une problématique, on a la possibilité de les poursuivre. Il y a...
M. Leitão :
Excusez-moi.
Mme Lindsay
(Nadine) : Oui?
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : M. le ministre.
M.
Leitão : Ce que j'avais
demandé, c'est quels sont les cas qui sont traités par le comité de discipline?
Ce serait des... quel est le plus fréquent, donc... des courtiers qui ne
collaborent pas entre eux quand il y a une...
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Me Champagne.
Mme Champagne
(Caroline) : Oui, alors donc j'ai la réponse pour vous, M. le ministre.
Donc les cas les plus fréquents portent sur des matières relatives aux informations,
aux vérifications qui n'auraient pas été complètes. On a aussi des cas de fraude, d'appropriation, alors c'est plus des cas
qui opposent le courtier lui-même avec le client et, dans ces
matières-là, on peut agir rapidement, comme le démontrent tous nos dossiers d'enquête,
de même que les décisions qui sont prises par les comités de discipline. Alors,
c'est une façon rapide d'encadrer.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : M. le ministre.
M.
Leitão : En effet, c'est important
qu'on puisse agir rapidement dans ces cas-là. Question qui est un peu
connexe à celle-là, bon, présentement, la loi est telle qu'il y a certaines activités qui sont illégales, donc il y a
un exercice illégal de l'activité de
courtage. Alors, quelle est votre approche à cet égard-là? Comment est-ce que
vous surveillez cela, quand c'est porté à votre attention, qu'un tel, un
tel, un tel pratique illégalement l'activité de courtage? Comment vous adressez
cette question?
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Me Champagne.
Mme Champagne (Caroline) : Effectivement,
c'est une partie de notre compétence que de poursuivre les personnes ou les entreprises
qui exercent illégalement les opérations de courtage. Alors, c'est pour ça que
c'est bien important de clairement définir ce que c'est qu'une opération de
courtage, pour bien établir quelles sont les balises qui ne peuvent pas être franchies par une personne ou une entreprise
qui viendrait jouer dans le carré de sable des courtiers immobiliers. Nous, on n'a pas de problème
avec le fait que les consommateurs fassent appel à des entreprises
d'assistance. Toutefois, ils doivent vraiment
savoir qu'ils ne sont pas protégés, ils ne sont pas protégés par la loi sur le
courtage et ils ne font pas affaire
avec des professionnels dans le domaine, ils ne font pas affaire avec
des professionnels qui ont eu une formation, qui sont
inspectés à chaque année, qui sont poursuivis, qui sont enquêtés dans le cas où
est-ce qu'il y a des manquements qui...
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Malheureusement, Me Champagne, je dois vous arrêter. Ceci met
fin au premier bloc avec le gouvernement. Nous allons continuer les échanges
avec le premier groupe d'opposition... avec l'opposition officielle, plutôt, et
le député de Rousseau.
M. Marceau :
Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames, merci pour votre
présence, merci pour votre mémoire.
Question de clarification, puis, bien sincèrement, là, je sais l'effort que
vous avez fait pour clarifier les choses, mais, même maintenant, je
pense que c'est encore nécessaire, là, de clarifier ce que vous avez en tête
quand on parle d'opérations de courtage. Et puis,
bon, l'éléphant dans la pièce, évidemment, c'est DuProprio. DuProprio, j'ai
ici... ils sont passés, déjà, ils
nous disent essentiellement qu'ils offrent des services d'affichage de
propriété sur un site Web qui s'appelle duproprio.com, qu'ils
fournissent à leurs clients des renseignements généraux sur le marché
immobilier — leurs
clients, qui ne sont que des vendeurs, il
n'y a pas d'acheteur, là — donc fourniture de renseignements généraux
sur le marché immobilier et les
meilleures pratiques de mise en marché, l'accès aussi à des professionnels compétents, les notaires, les évaluateurs, et l'accès à différents outils de
mise en marché, des pancartes, des brochures, et ainsi de suite. Bon.
Lesquels des gestes que je viens d'énumérer
constituent, selon vous, du courtage, et donc ne devraient pas être permis pour
quelqu'un qui n'a pas le permis de courtier?
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Mme Lindsay.
Mme Lindsay (Nadine) : Oui, merci.
Alors, nous aussi, nous avons l'inventaire des offres. Les offres des
entreprises d'assistance comme DuProprio fluctuent, hein, donc, on a fait des
suivis, puis il y en avait certaines qui étaient
là à l'été 2017 qui ne sont plus là au mois de décembre, comme des garanties,
hein, si jamais le courtier immobilier fait
mieux qu'eux, de rembourser deux fois la somme payée au client. Alors, des
choses comme ça, là, ça n'apparaît plus sur le site en ce moment, mais
c'était déjà là.
Donc, ça, il
faut faire attention pour avoir une loi qui ne représente pas juste ce qui est
disponible aujourd'hui, mais ce qui
peut se produire dans les prochaines années. Vous dites qu'ils ne représentent
que le vendeur ou que l'acheteur. Il y a des informations sur leur site qui le sont également
pour l'acheteur. Donc, il y a des informations qui sont disponibles pour les acheteurs également, et il y a des mécanismes
aussi de notification, là, quant à la disponibilité. Donc, il peut y
avoir également des informations, là, qui toucheraient autant l'acheteur que le
vendeur.
Pour répondre
spécifiquement à votre question, que ce soient des photos, que ce soit de
référer à des professionnels comme un
notaire ou donner une liste d'évaluateurs ou d'inspecteurs, que ce soit de
mettre une pancarte sur le terrain, que ce soit de donner des formulaires types au consommateur, c'est-à-dire
les activités qui étaient, à la base, faites par des entreprises
d'assistance, il n'y a aucun problème.
La
problématique qui survient... et ce qu'on propose n'empêche pas cette façon de
faire... la problématique, c'est lorsqu'on
rentre dans des éléments de coaching où, pour nous, quand on parle de coaching,
ça nécessite, vous savez, une valeur ajoutée. On doit apporter une
valeur ajoutée sur les informations qu'on va donner au consommateur quant à la vente ou l'achat de sa maison. Et pour donner de
l'information, une valeur ajoutée, il faut qu'il y ait quelqu'un qui
soit formé. On ne peut pas prendre n'importe
quelle personne et dire : On veut que notre société, nous, là, se gère,
là, avec des conseils qui viennent de
n'importe qui. On veut des gens qui sont compétents, qui sont formés de façon
adéquate, qui sont surveillés également et qui ne peuvent pas faire
n'importe quoi, et qu'ils ont des responsabilités.
Si vous me permettez, j'aimerais apporter
quelques informations en regard des recours intentés. On a fait une analyse des recours intentés au niveau des
tribunaux civils, là, la Cour du Québec, Cour supérieure. Depuis 2010, il y
a eu 41 recours intentés par des
consommateurs qui ont fait affaire avec l'entreprise DuProprio, O.K., mais qui
ne peuvent pas poursuivre DuProprio
parce qu'ils n'ont aucune responsabilité. Vous comprenez? La Loi sur la
protection du consommateur va régir
le lien entre le contrat de DuProprio avec le consommateur pour dire est-ce
qu'il est écrit lisiblement, est-ce qu'il est en français, en avez-vous obtenu une copie, mais ça ne règle pas le
reste de la transaction du consommateur. Donc, le seul recours que ces consommateurs-là... c'est
aller devant les tribunaux civils. Ce qu'ils ont fait : 41 recours
depuis 2010.
Je
vais juste vous faire référence à deux éléments : un élément où est-ce
qu'un vendeur a dû payer une somme de
106 782 $ — ce n'est
pas rien, ça — sur sa
maison parce que, justement, il a fait défaut d'informer que la maison avait fait l'objet d'une perquisition en regard du
cannabis, obligation qui est prévue au niveau des courtiers. Le courtier
a l'obligation de faire en sorte que ces
déclarations ne soient pas cachées. Voyez-vous? C'est difficile des fois
d'apporter la valeur ajoutée de la conformité ou d'un système réglementaire,
parce que le fait est que ça évite les recours en regard des tribunaux civils. Malheureusement, on ne peut
pas le quantifier, on ne peut pas savoir combien de recours ont été évités
grâce à cet encadrement qui existe actuellement au Québec. Mais on peut croire
qu'il y en a beaucoup, et ceci en est un exemple qui aurait pu être évité.
Juste un deuxième,
rapidement : Un montant de 78 000 $, où là, il a été caché un
vice apparent, où est-ce qu'il y avait
justement l'affaissement des fondations. Encore une fois, un élément qui est
lié spécifiquement à l'obligation d'un
courtier de vérifier l'exactitude des informations qui sont données, de
s'assurer qu'il fait les démarches nécessaires pour vérifier qu'il n'y a
pas des éléments défavorables à une transaction. Et ceci aurait également pu
être évité.
• (12 h 20) •
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : M. le député de Rousseau.
M.
Marceau : Oui, merci. Alors, pour résumer, donc, c'est le volet
coaching, le conseil pour la mise en marché, le marketing, là, qui pose problème, d'après vous, dans les gestes qui sont
posés chez DuProprio. Si je résume, c'est ça?
Mme Lindsay
(Nadine) : Le coaching, définitivement.
M.
Marceau : Puis, oui,
juste une petite parenthèse, vous avez raison de dire qu'évidemment
les acheteurs et les vendeurs vont se l'approprier, mais ceux qui paient
pour les services, c'est les vendeurs, ce n'est pas les acheteurs. Enfin, j'arrête là. Ce n'est pas important.
Juste sur le courtage locatif, pouvez-vous juste reformuler? Parce que vous
ne l'avez pas dit clairement.
Bon, évidemment, on sait que le projet de loi prévoit qu'il ne
sera plus nécessaire de détenir un permis, là, pour le courtage locatif.
Maintenant, il y a des gens qui apportent des nuances, entre autres les acteurs
sophistiqués du marché, qui aimeraient bien,
justement, pouvoir ne pas avoir à utiliser des courtiers.
Juste vous laisser vous exprimer là-dessus, si vous voulez.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : Me Tremblay.
Mme Tremblay (Claudie) : Merci. Alors, effectivement, en matière de location, location résidentielle et surtout de location
commerciale, on sait que, si on allait de l'avant avec le projet de loi n° 141,
on viendrait déréglementer cette location,
hein, ce champ d'activité, et, ce faisant, toute personne provenant des autres
juridictions pourrait venir faire du courtage locatif ici au Québec sans
détenir de permis. C'est ce que prévoit le projet de loi. Nous, on maintient
que la protection du public doit être
maintenue, et on doit maintenir cet encadrement-là également,
si ce n'est pour s'harmoniser avec
les autres juridictions et éviter l'évasion fiscale, puisque, par le passé, ce
n'était pas réglementé et on avait beaucoup de travail au noir qui se
faisait.
Par
ailleurs, pour répondre plus spécifiquement à votre question
concernant des allègements qu'il pourrait y avoir, effectivement, il y a des gestionnaires sophistiqués qui, dans le cadre de leur
contrat de gestion, de façon accessoire, vont faire une opération visant la location. Et, lorsque ces gestionnaires-là
opèrent, on considère qu'ils ont les compétences, les connaissances et
la conformité nécessaires. Alors, ce que nous prévoyons, c'est qu'il y ait des
allègements, dont une exclusion pour ces
gestionnaires-là, dans le cadre de ces opérations-là, évidemment, à partir du moment
d'un certain seuil où il y aurait une
valeur d'actifs, par exemple, à déterminer par règlement, qu'ils détiennent
une assurance responsabilité, et pour
des clients qui, eux aussi, sont sophistiqués, et je m'explique : Pour des
clients qui aussi ont un certain encadrement, que ce soit le gouvernement,
que ce soit des entreprises du gouvernement ou bien des banques, ou bien des sociétés
cotées à la bourse avec un certain seuil.
M. Marceau :
Donc, les seuils s'appliqueraient à la fois aux locataires et puis à celui qui
va louer, là...
Mme Tremblay
(Claudie) : ...un seuil pour le gestionnaire...
M. Marceau :
Pour chacun des deux acteurs du marché.
Mme Tremblay (Claudie) : Les deux doivent être sophistiqués, appelons ça
comme ça, par un seuil de la valeur.
M. Marceau :
C'est ça. O.K., on se comprend. Parce qu'autrement, effectivement, il y a un
déséquilibre.
Mme Tremblay
(Claudie) : Voilà.
M. Marceau :
Alors, on s'entend là-dessus.
Le Président (M.
Girard, Trois-Rivières) : 30 secondes.
M. Marceau : O.K. Puis juste sur le.. Bien, sur la perte de
revenus qui pourraient en découler, là, pour les acteurs du marché québécois,
les courtiers actuels, est-ce que vous avez une idée du volume dont il est
question?
Mme
Tremblay (Claudie) : Au
point de vue du volume? Écoutez, pas au niveau du commercial. Le nombre
de... le volume que ça peut représenter fait
exclusivement par des courtiers. Toutefois, nous avons une donnée qui est à l'effet
que c'est plus de 14,2 milliards de dollars en commercial, en location
commerciale qui ont été faits... en commercial, pardon, qui ont été faits au Québec dans les dernières années. Alors, c'est un acteur
majeur et effectivement une économie qui est importante.
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Merci beaucoup, Me Tremblay. Nous allons maintenant
passer au deuxième groupe d'opposition, avec M. le député de Granby.
M.
Bonnardel : Merci,
M. le Président. Bonjour, mesdames.
Content de vous revoir. Pas le choix de revenir sur le courtage. J'ai déjà dit, quand DuProprio
était ici, j'ai déjà utilisé dans ma vie les services d'un courtier et
DuProprio. Comme mon collègue l'a
mentionné, l'éléphant dans la pièce, c'est DuProprio. On ne peut pas se cacher
que DuProprio, dans une certaine
mesure, a un certain succès. Comment on définit, demain matin, l'opération de
courtage? Vous l'avez énuméré, puis
vous semblez dire que le consommateur est un peu mal informé. Est-ce que je me
trompe? Parce que, quand je vais chercher
sur la plateforme de DuProprio les éléments pour m'accompagner, que ce soit le
«home staging», le coaching, peu importe,
je sais grosso modo ce que je vais avoir pour un prix x. Maintenant,
moi, je suis assez informé pour savoir que je n'ai peut-être pas les
protections qu'un courtier en bonne et due forme me donne. Est-ce que j'ai
tort?
Mme Lindsay (Nadine) : Pas du tout.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : Mme Lindsay.
Mme
Lindsay (Nadine) : Merci. Il y a effectivement de la confusion, on le voit, et puis c'est pour ça qu'on est d'avis, là, qu'il devrait y avoir une mention, là,
auprès des entreprises d'assistance, de préciser qu'ils ne sont... le
public n'est pas protégé par la Loi sur le
courtage immobilier et, par conséquent, par l'OACIQ. On le voit notamment...
juste les appels qu'on a reçus en 2017, et,
à chaque année, ça augmente, ce nombre. On en a eu 183, personnes, qui ont fait
affaire avec des entreprises
d'assistance — dans
ce cas-ci, c'était avec DuProprio — et pour lesquelles ils pensaient qu'on
pouvait intervenir. Ils avaient des problèmes, ils voulaient résilier le
contrat, ils n'étaient pas contents de l'affichage qui avait été fait, etc. Donc, ils avaient différentes
problématiques, même en regard de la transaction. Alors, oui, il y a une
confusion, parce que ces gens-là croyaient
qu'on pouvait intervenir. On l'a vu également dans le sondage, hein? On n'a pas
posé 5 000 questions, on s'est
inspirés du gouvernement, on n'a posé qu'une seule question, et elle était
claire. C'est : Est-ce que, lorsque vous faites affaire avec...
Vous êtes... excusez-moi : Est-ce que vous êtes protégé par la Loi sur le
courtage immobilier lorsque, un, vous faites
affaire avec un courtier, deux, vous faites affaire avec une entreprise
d'assistance — et
il y avait une énumération — et, trois, seul? Et les chiffres le
démontrent : 71 % sont mêlés. Alors, il y a vraiment un besoin
de clarifier cet élément-là afin de s'assurer que le consommateur fasse un
choix éclairé et sache qu'il n'est pas protégé, qu'il n'a pas les protections
offertes ni par la loi ni par le support de l'OACIQ.
Le Président (M. Girard, Trois-Rivières) :
M. le député.
M.
Bonnardel :
Donc, on le clarifie de façon simple,
dans le contrat qu'un client va signer avec DuProprio, en lui
disant : Bien, voici l'offre que vous avez acceptée, à la fin...
Mme
Lindsay (Nadine) : Il
faudrait le mettre plus large, parce
que, vous savez, le contrat
intervient seulement entre deux
parties. Il y a une troisième partie, qui va être l'acquéreur,
etc. Donc, on croit qu'il est important de le mettre dans l'ensemble des
communications. Nous avons proposé une disposition à notre mémoire pour qu'une disposition
législative soit ajoutée à la Loi sur la
protection des consommateurs pour, bien
sûr, exiger, là, cette communication
dans l'ensemble des communications; de façon simple, là, mais c'est important
que ce soit précisé dans l'ensemble des communications.
M.
Bonnardel : Donc, ce serait satisfaisant pour vous que, dans
le contrat que je vais signer avec DuProprio, on m'informe en me disant
que je n'ai pas les protections x, y reliées à votre emploi, ce qu'un courtier
me donne quand j'utilise ses services.
Mme
Lindsay (Nadine) : Cet
élément, joint à la définition d'opération de courtage, de façon
simple — on
a essayé de travailler avec ce que le ministre avait commencé à
travailler — donc,
joint avec cette clarification de l'opération courtage,
qui constitue les faits et gestes du courtier en fonction de ses obligations,
et la précision que seul un courtier peut effectuer une opération de
courtage; la réponse est oui.
M.
Bonnardel : Et le
ministre vous posait une question tantôt, à savoir : Bon, la gouvernance
de l'OACIQ, crédible et cohérente? Il vous
posait la question à savoir pourquoi on devrait avoir un courtier. Je lui
réponds dans une certaine mesure, puis c'est une question un peu «passe
sur la palette» que je vous fais, là. Le Barreau, les médecins, d'habitude,
on met un avocat ou on met un médecin. Loin de moi de dire qu'une personne ne
serait pas qualifiée — nommée
par le gouvernement — mais
je persiste et signe qu'un courtier en bonne et due forme qui connaît son
métier serait la personne la plus crédible pour piloter un conseil comme ça.
Non?
Mme
Lindsay (Nadine) : Absolument.
On est pour que ce soit la personne la plus compétente. Vous savez,
c'est une élection qui se fait à chaque
année, et ça, ça peut varier à travers le moment. Donc, définitivement que plus on a des gens qui
comprennent les enjeux du marché, c'est encore plus efficace, puis on a un
système plus vigoureux.
M.
Bonnardel :
Rapidement, peut-être une dernière petite question.
Le Président (M. Girard,
Trois-Rivières) : 1 min 30 s.
M.
Bonnardel :
Prévoir les... Vous dites : «Maintenir
et moderniser l'encadrement du courtage immobilier locatif, prévoir
les exceptions en matière de location pour le compte de personnes âgées ou
vulnérables.»
Mme
Lindsay (Nadine) : Oui. C'est une disposition pour laquelle... Elle
est déjà dans la loi, puis on aimerait qu'elle
soit mise en vigueur. Il y a différents spécialistes qui sont là, comme des
travailleurs sociaux qui travaillent avec les personnes âgées, qui
peuvent apporter les services de façon, des fois, plus... conseiller les
personnes âgées, puis on considère qu'on n'aurait pas besoin de gérer, qu'ils
pourraient être exclus de la loi actuelle.
M.
Bonnardel : Merci,
M. le Président.
Le
Président (M. Girard, Trois-Rivières) : Mme Lindsay, Me Champagne, Me Tremblay, merci beaucoup, merci
pour votre contribution à la commission.
Donc, compte
tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures, où nous allons
recevoir cet après-midi la Chambre de
l'assurance de dommages, la Chambre de la sécurité financière, le Groupe
Promutuel, l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec et le
Regroupement de cabinets de comptables. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 14 h 2)
La
Présidente (Mme de Santis) :
À l'ordre, s'il
vous plaît! La Commission des finances publiques reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 141, la Loi
visant principalement à améliorer
l'encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d'argent et le
régime de fonctionnement des institutions financières.
Nous
entendrons cet après-midi les organismes suivants : la Chambre d'assurance
de dommages, la Chambre de sécurité
financière, Promutuel, l'Ordre des comptables professionnels agréés et le
Regroupement des cabinets comptables, M. Alain
Côté, associé, Deloitte, et M. Raymond Deschênes, associé directeur,
Conseils financiers, Raymond Chabot Grant Thornton.
Alors, je
souhaite la bienvenue aux représentants de la Chambre d'assurance de dommages.
Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je
vous invite donc à vous présenter et ensuite à commencer votre exposé. Vous
avez 10 minutes. Bienvenue.
Chambre de l'assurance de
dommages (CHAD)
Mme
Beaudry (Diane) : Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, membres de la
commission, bonjour et merci de nous recevoir.
Je me
présente, Diane Beaudry, comptable professionnelle agréée et membre de
l'Institut des administrateurs de sociétés.
Je suis présidente du conseil d'administration de la Chambre de l'assurance de
dommages, comme administratrice indépendante nommée par le ministre des
Finances. Je suis accompagnée de Maya Raic, membre de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec et
présidente-directrice générale de la CHAD, elle siège aussi aux organismes
canadiens de réglementation en assurances;
de M. Jean-François Raymond, certifié en gestion de risques, membre de
l'Institut des administrateurs de
sociétés et vice-président du conseil d'administration de la CHAD, élu par les
membres de l'industrie, il est
également courtier et dirigeant de cabinet d'assurance; et de Me Jannick
Desforges, directrice du service des affaires institutionnelles et de
conformité de la CHAD.
Nous
représentons bien les divers pans qui composent l'industrie et sommes ici au
nom de la CHAD, dont la seule et unique mission est la protection du
public. La CHAD est un organisme d'autoréglementation qui encadre plus de
15 000 professionnels de l'industrie de l'assurance de dommages.
D'entrée de
jeu, sachez que nous sommes heureux que les lois qui encadrent le secteur
financier soient modernisées. L'évolution de l'industrie depuis les
20 dernières années imposait une telle adaptation.
Plusieurs
articles du projet de loi n° 141 sont adéquats, justes et nécessaires.
Toutefois, d'autres nous préoccupent grandement.
Étant donné le temps qui nous est réservé, nous souhaitons vous parler de trois
éléments qui nous interpellent davantage,
soit le retrait de l'exclusivité de l'acte de conseil aux professionnels, la
distribution de produits par Internet et le modèle d'encadrement des services financiers. Nous espérons que nos
commentaires vous permettront d'amender le projet de loi afin d'assurer
une meilleure protection du public.
Commençons
avec le retrait de l'exclusivité de l'acte de conseil aux professionnels. Le
projet de loi propose de retirer l'acte de
conseil actuellement réservé aux représentants certifiés. Cela signifie que
toute personne n'ayant ni certification
ni obligation déontologique pourrait
offrir des services-conseils aux consommateurs. Il s'agirait d'un énorme
recul pour la protection du public.
Imaginez
quelques scénarios plausibles. Par
exemple, cela signifierait qu'un
concessionnaire automobile pourrait comparer différents produits
d'assurance et donner des conseils à ses clients ou encore que les courtiers
immobiliers pourraient offrir des conseils en assurance habitation à leurs
clients.
Rappelons
qu'actuellement l'exercice des activités de courtier immobilier
ou de concessionnaire automobile est jugé
incompatible avec les activités du représentant en assurance de dommages pour
cause d'apparence de conflit d'intérêts. Alors, pourquoi retirer l'exclusivité de l'acte de conseil aux professionnels?
Veut-on vraiment laisser des personnes n'ayant aucune obligation
déontologique de conseiller le client en matière d'assurance de dommages?
Pour
la CHAD, la ligne doit demeurer claire : aucun conseil ne devrait être
prodigué à des consommateurs, si la personne
n'est pas certifiée, encadrée, et, ce faisant, non imputable de ses gestes. Il
nous apparaît primordial de maintenir l'exclusivité
de l'acte de conseil aux représentants. Autrement, il s'agirait d'une réelle
perte pour la protection du public.
M. Raymond
(Jean-François) : L'importance du conseil nous amène à parler du
deuxième élément, soit la distribution de produits d'assurance en ligne.
L'Internet
est un excellent moyen de communication pour moderniser la collecte
d'information, pour renseigner et
pour faciliter les échanges avec les clients. Nous saluons la volonté
d'encadrer la distribution en ligne. Toutefois, Internet ne peut
remplacer le conseil d'un professionnel certifié.
L'assurance de
dommages demeure un sujet difficile à comprendre. Un sondage Léger révélait que
76 % des Québécois trouvent l'assurance de dommages complexe. C'est trois
personnes sur quatre. Cela comprend tant l'assurance
auto, dont le contrat fait 35 pages et compte 42 avenants, que
l'assurance des entreprises de multiples PME qui sont le moteur de
l'économie du Québec.
Il
est évident qu'Internet ne peut qu'amplifier les risques d'être sous-assuré ou
mal assuré, en plus de transférer la responsabilité actuelle du
professionnel sur les épaules du consommateur.
De
plus, le projet de loi propose un régime d'encadrement fort différent pour les
assureurs et pour les cabinets. Par exemple,
l'obligation de rendre disponible une personne physique pour conseiller les
consommateurs s'appliquerait aux assureurs, mais pas aux cabinets. Par
exemple, l'assureur n'a aucune obligation d'avoir une personne certifiée à son emploi, alors que le cabinet doit en avoir au
moins une, peu importe la taille de son cabinet. Par exemple, l'assureur
n'a pas le devoir de conseil, contrairement
au cabinet. D'ailleurs, comment se traduira ce devoir de conseil si un
représentant n'est pas impliqué dans le processus?
Bref,
peu importe le canal choisi pour souscrire à un produit d'assurance, le
consommateur doit avoir les mêmes droits, les mêmes protections, les
mêmes recours.
• (14 h 10) •
Mme
Raic (Maya) : Je prends la parole pour parler du troisième et dernier
élément, soit le modèle d'encadrement des services financiers au Québec.
Ce
modèle est composé d'un organisme public ayant un pouvoir de surveillance,
d'analyse et de contrainte, soit l'AMF,
et d'organismes d'autoréglementation de première ligne spécialisés, telles les
chambres. Et ce modèle, le modèle québécois, est précurseur. Certaines
provinces le regardent avec intérêt, et l'International Association of
Insurance Supervisors, qui regroupe les régulateurs
à travers le monde, soutient que les organismes d'autoréglementation sont
un moyen efficace d'assurer les plus hauts
standards de professionnalisme. Il est donc curieux de constater que le
Québec fait fi de cette reconnaissance canadienne et internationale en
envisageant d'abolir les chambres.
Revenons
dans le passé. Il y a près de 20 ans, devant la complexité des produits
d'assurance et de leur importance tant pour la protection du patrimoine
des consommateurs et des entreprises que pour l'économie du Québec, le législateur s'était assuré que des professionnels
certifiés, formés et encadrés interviennent entre l'assuré profane et
l'assureur qui distribue des produits. Ce sont aussi ces professionnels, les
agents, les courtiers et les experts en sinistres, qui ont incarné, au fil des ans, le point d'ancrage qui
maintient la confiance du public envers l'industrie. La CHAD s'assure
donc que ces professionnels respectent leurs obligations déontologiques,
suivent des formations en continu pertinentes et maintiennent les meilleurs
standards de professionnalisme.
Voilà
les éléments essentiels à la protection du public, mais aussi à sa confiance
envers l'industrie, laquelle, vous le savez tous, peut facilement être
fragilisée.
La protection du
public passe donc par une approche préventive que seule la CHAD peut incarner.
Pourquoi? Parce que sa proximité avec
l'industrie et sa fine connaissance des enjeux en assurance de dommages lui
permettent de créer des outils
pratiques que les professionnels, les assureurs, les cabinets et l'AMF
consultent près de 2 000 fois par mois.
Par
exemple, nous avons produit un guide qui a permis de clarifier le partage des
rôles et des responsabilités entre les
experts en sinistres et les multiples intervenants impliqués dans la gestion
d'un sinistre. Ce travail collaboratif a été fort utile pour
l'industrie. D'ailleurs, l'AMF l'a traduit sous forme de directives.
Avec seulement
30 employés, la CHAD est agile et représente les antennes sur le terrain.
Je m'explique mal pourquoi on souhaite
l'abolir. La CHAD est le premier rempart de protection pour le public. Et de
toute façon nous sommes d'avis que ce
n'est pas en divisant les forces en présence ni en les éliminant qu'on
protégera mieux le public. C'est plutôt en les additionnant qu'on
continuera de faire la différence auprès des consommateurs.
Tous s'entendent pour
dire qu'il reste beaucoup de travail à faire pour améliorer la littératie
financière des Québécois. Il ne faut donc
pas que le projet de loi transfère la responsabilité actuelle des
professionnels sur les épaules des consommateurs ni qu'il leur retire
une protection de première ligne. Ce serait perdant-perdant.
On doit donc remettre au coeur de la
législation la protection du public. Les organismes d'autoréglementation
spécialisés, les actions préventives et les
hauts standards de professionnalisme doivent aussi s'y retrouver. Ce sont
les remparts mêmes qui permettent d'atténuer
le déséquilibre informationnel qui existe entre les professionnels certifiés
et les consommateurs profanes.
Merci de votre
attention.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous allons maintenant débuter la période de questions. M. le ministre,
la parole est à vous pour 16 minutes.
M. Leitão :
Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour, mesdames
monsieur. Merci. Merci d'être là pour discuter d'un sujet qui est très
important, évidemment, du projet de loi.
Mais,
avant de commencer, j'aimerais que ce soit clair, là, que tout le monde
comprenne que l'idée que nous avons d'intégrer,
donc, les chambres à l'AMF ne découle pas d'un quelconque constat d'échec ou
quoi que ce soit. Donc, ça ne reflète
pas un point de vue négatif sur le travail de la chambre, des chambres. Ce
n'est pas ça du tout. Il y a toujours des choses à améliorer, bien sûr,
mais ce n'est pas ça, notre motivation. En fin de compte, notre motivation,
c'est essentiellement que le régime
d'encadrement soit plus efficace. Qu'il soit davantage centralisé, à notre
avis, va le rendre plus efficace qu'il ne l'est actuellement. Donc,
c'est ça qui a motivé notre approche à ce sujet-là.
Maintenant,
pour ce qui est de ce que vous avez mentionné dans votre présentation, il y a
quelque chose qui... puis je pense qu'on n'a pas la même compréhension
des enjeux. Nous, on ne retire pas l'obligation que les personnes qui fournissent les conseils soient certifiées. Au
contraire, elles doivent être certifiées, elles doivent avoir des
représentants certifiés. Donc, il y a peut-être une mauvaise compréhension des
articles du projet de loi.
Et,
oui, pour la protection du public, encore une fois, si on abolissait les
chambres, si c'était de l'abolition pure et simple des chambres, ça, oui, je serais d'accord avec vous que, oui, on
serait en train d'affaiblir la protection du public. Mais ce n'est pas ça, ce qu'on fait. Nous, on va
les intégrer, les chambres, aux activités de l'AMF. Donc, on va centraliser, on va additionner
plutôt que diminuer. Et d'ailleurs, même les employés, les personnes, les
30 personnes qui travaillent dans la chambre vont migrer aussi vers l'AMF.
En tout cas, moi,
j'arrêterais ici. Je sais que mes collègues ont quelques questions à vous
poser, alors vous pouvez... Allez-y.
Mme Raic
(Maya) : ...
M. Leitão :
Oui, certainement.
Mme Raic
(Maya) : ...répondre aux questions que vous avez soulevées à juste
titre. Quand vous parlez de la notion de
conseil qui serait encore présente chez le représentant certifié, vous
avez parfaitement raison, sauf qu'elle ne lui est plus réservée. Dans le projet de loi qui est présenté actuellement, ce n'est plus un acte réservé au professionnel.
Donc, quiconque veut offrir un conseil
pourra l'offrir, il ne sera pas obligé d'être certifié. C'est ce que nous
mettons en relief. Ce n'est pas le
fait que le représentant certifié ne doive plus donner de conseil. Oui, il
doit donner conseil, mais il y a
d'autres personnes qui ne sont pas des représentants certifiés qui vont aussi pouvoir le faire. Ça, c'est clair dans le projet de loi.
Au niveau
de la centralisation, ou ce que vous évoquez en matière de centralisation ou
d'addition, j'admire... ou j'apprécie
que vous dites que les 30 employés de la chambre vont être intégrés à l'Autorité des marchés financiers. Mais, le projet de loi, ce n'est pas ce qu'il dit. À l'article 559, il est absolument
clair, on parle d'abolition et on parle strictement de transfert de deux
responsabilités, soit le Règlement sur la formation continue obligatoire ainsi
que le règlement sur la déontologie et les règles de pratique.
Là-dessus,
je vous dirais que c'est très important que les organismes d'autoréglementation demeurent parce que c'est un ajout, c'est une addition, c'est un
premier rempart de protection du public par rapport à l'Autorité des marchés financiers, dont on ne
questionne pas du tout ni l'opportunité, ni la présence, ni les devoirs. C'est important
que l'Autorité des marchés financiers
demeure. Mais qu'elle soit accompagnée d'organismes
d'autoréglementation de première ligne, je pense que c'est clé, d'autant
que l'OCRCVM demeure.
Alors,
la question se pose : Pourquoi, en assurance, il n'y a
pas d'organisme où on veut intégrer, entre guillemets, comme vous dites, les organismes
tels les chambres? Parce que, comme je vous le répète, ce n'est pas ce que le
projet de loi prévoit. On parle carrément d'abolition.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci.
M.
Leitão : O.K.
Bon, peut-être une question de sémantique. Nous, on parle d'intégration.
Mais, les collègues, vous avez des questions.
La Présidente (Mme
de Santis) : M. le député de Trois-Rivières.
M.
Girard (Trois-Rivières) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, salutations aux gens de la CHAD.
J'ai eu l'occasion de rencontrer certains d'entre vous à quelques reprises.
Ma première question
va aller au niveau de l'inspection, l'inspection des cabinets. Dans votre
mémoire, on mentionne que 75 % des
cabinets de l'industrie sont des cabinets de 24 représentants et moins, ce qui représente combien de cabinets, environ?
Mme Raic (Maya) : Environ 1 200 au Québec
qui sont inscrits à l'Autorité des
marchés financiers. En
assurance dommages, plus spécifiquement, c'est une multitude de petits
cabinets. Le gros des cabinets ont sept certifiés et moins. Alors, quand je dis «le gros», je parle d'au-delà de 85 %,
87 % des cabinets se composent de sept certifiés et moins et sont répartis partout au Québec. Facilement, on
pense à des cabinets tels Desjardins ou encore La Capitale parce que ce
sont des gros cabinets, mais, dans l'assurance de dommages, l'univers est
composé principalement de petits cabinets.
M.
Girard (Trois-Rivières) : Vous avez un mandat d'inspection de ces
cabinets-là, de s'assurer qu'ils soient conformes, et tout. Comment vous procédez, au niveau des inspections des
différents cabinets? Vous avez une équipe d'inspecteurs qui procèdent
aux inspections?
Mme
Raic (Maya) : En fait, c'est
un mandat confié par l'Autorité des
marchés financiers, alors on
travaille de façon très étroite avec
l'Autorité des marchés financiers. L'avantage qu'on a, c'est que notre programme d'inspection est évidemment
bâti et adopté aussi par l'Autorité
des marchés financiers, mais il est
bâti en fonction des réalités du monde de l'assurance de dommages. Alors, on s'assure effectivement que les cabinets et les individus qui y travaillent se
conforment à leurs obligations.
C'est
une démarche de prévention. On ne fait pas d'enquête, quand on est en
inspection, on est en mode préventif. On
veut s'assurer effectivement que les gens se conforment à leurs obligations
et on bâtit aussi, on en profite, c'est une façon de tirer bénéfice des informations
que nous avons en inspection pour bâtir des outils destinés aux individus qui
travaillent dans un cabinet et destinés aussi aux dirigeants de cabinets pour
qu'ils puissent mieux se conformer à leurs obligations.
M. Girard
(Trois-Rivières) : Et tout ceci se fait en collaboration avec l'AMF,
bien entendu.
Mme Raic
(Maya) : Bien sûr, comme toutes les activités de la chambre par ailleurs.
M. Girard
(Trois-Rivières) : Dans votre mémoire, vous parlez, au niveau de
l'inspection des cabinets, de 1 300 inspections
depuis 2005. Donc, ce qui représente, grosso modo, bon... on arrive en 2018,
j'arrête en 2017, ça fait 108 inspections
par année. Vous me dites qu'il y a 1 200 cabinets, donc ça veut dire que
ça va prendre environ 12 ans avant qu'on réinspecte un cabinet une
deuxième fois.
Mme
Raic (Maya) : Je vais vous
corriger sur quelque chose. Parce que nous, nous n'inspectons que les
cabinets de 24 représentants et moins. Et ce n'est pas les 1 200. On
a un bassin à peu près de 900 cabinets.
• (14 h 20) •
M.
Girard
(Trois-Rivières) : Donc, grosso modo, ça peut prendre peut-être un sept, huit ans avant de
revenir dans un même cabinet. Et est-ce que
vous considérez que vous avez suffisamment d'effectifs et que vous êtes en
mesure de bien faire le travail, au niveau de la CHAD, à ce niveau-là?
Est-ce que vous considérez que c'est suffisant au niveau des inspections?
Mme
Raic (Maya) : Ça sera toujours
mieux d'en avoir plus, c'est évident. Mais, chose certaine, on
fonctionne par gestion de risques. C'est l'Autorité des marchés financiers, de
toute façon, qui nous désigne les
cabinets qui doivent être inspectés. Par exemple, je vous donne un exemple bien banal, un nouveau cabinet qui part en
affaires, on va peut-être avoir plus intérêt à aller le visiter une première
fois pour s'assurer qu'il parte bien, qu'un cabinet qui est plus établi.
Aussi, on a... dans la gestion des risques,
suite à des fusions de cabinets ou des achats de cabinets, il y a
là un moment d'incertitude qui
requiert des fois un exercice d'inspection. Alors, c'est comme ça qu'on
procède. On ne fait pas tous les cabinets et ensuite on refait tous les
cabinets. On cible les cabinets en fonction de la gestion des risques.
M.
Girard (Trois-Rivières) :
Donc, les nouveaux cabinets vont recevoir l'autorisation de l'AMF d'opérer,
et vous, vous allez aller faire, entre
guillemets, une inspection. Je regarde tout ça, je me dis : Il me semble,
pour moi, c'est beaucoup plus simple
de fonctionner avec l'AMF ensemble, dans une même opération, plutôt qu'une
portion à vous, une portion à l'AMF,
l'AMF fait un bout, vous faites un bout. Et ils ont peut-être
des moyens plus importants pour peut-être faire plus d'inspections, travailler ensemble. De cette façon-là, moi, je vois
l'intégration de la CHAD avec l'AMF pour vraiment améliorer les processus
de suivi, améliorer les inspections, de le faire de façon efficace et qu'on
puisse avoir, entre guillemets, des gens qui
sont beaucoup plus près pour émettre l'autorisation, faire les
vérifications et faire la suite logique de A à Z. Vous ne trouvez pas que c'est une bonne chose de pouvoir
travailler ensemble en intégrant la CHAD à l'AMF?
Mme
Raic (Maya) : Non. Je ne
peux pas être plus claire que ça. L'intégration, ce n'est pas nécessairement toujours la solution à tout. La spécialisation de la
Chambre de l'assurance de dommages est importante dans l'équation. Et on
est 30 employés. Rentrer dans une organisation de 780 dont un bureau est à
Québec, l'autre à Montréal... Vous avez été confrontés,
je pense, dans vos vies, à des institutions qui en achètent d'autres ou qui se
fusionnent avec d'autres. Ce n'est pas le 30 qui influence le 780. C'est
l'inverse, d'ordinaire, dans la vie.
Alors, à cet
égard-là, je pense que la spécialisation que nous avons développée et
l'expertise que nous avons développée se
perdraient dans l'immensité, si on peut s'exprimer, de l'organisation qu'est l'Autorité des marchés
financiers et qui se veut une organisation généraliste.
C'est tout à fait correct, mais c'est pour ça
que le modèle qui avait été pensé par le législateur ou lorsqu'on a institué l'Autorité
des marchés financiers, c'était d'être aussi accompagné d'OAR. OAR, ce n'est
pas une maladie, c'est
un organisme d'autoréglementation. Et ça permet justement à l'industrie de
s'investir dans les règles qu'ils mettent de l'avant et aussi à cette organisation-là
spécialisée d'intervenir en proaction plutôt qu'en réaction. Et nous sommes là
comme partenaires de l'AMF.
Vous gardez
les organismes d'autoréglementation en valeurs mobilières, mais vous les
éliminez en assurances. Pourquoi?
C'est la question qui se pose. Et ça se fait en valeurs mobilières.
Pourquoi ça ne peut pas se faire en assurances?
M. Girard (Trois-Rivières) : Et,
dans d'autres juridictions, on procède comment au niveau des assurances? Est-ce
que c'est le même principe, si on regarde dans d'autres provinces, dans
d'autres pays, en Europe ou ailleurs?
Mme Raic
(Maya) : Je peux vous...
Bien, je vous ai dit, dans le mémo de début, le mémo de présentation,
qu'au niveau international les OAR existent. Elles sont reconnues comme étant une
valeur ajoutée pour augmenter le niveau de professionnalisme des gens de
l'industrie. Alors, c'est un choix que l'on fait, c'est évident.
Au niveau
du reste du Canada, je peux vous expliquer longuement qu'est-ce qui
se fait dans le reste du Canada. Il n'y
a pas une province qui est pareille.
Vous avez des inspecteurs généraux des institutions financières, complètement dans l'Ouest canadien, avec des «insurance
councils», qui sont des organismes qui sont apparentés à la chambre.
Vous avez en Ontario le FSCO, qui est
l'organisme... la commission ontarienne des services financiers, accompagnée par ailleurs de RIBO, qui est le Registered Insurance Brokers Association of Ontario,
qui est un organisme d'encadrement qui encadre tous les courtiers en assurance
de dommages. Alors, c'est un OAR. Vous avez, dans les provinces de l'Est...
parce que les provinces sont beaucoup plus petites, vous avez l'équivalent d'un
inspecteur général des institutions financières.
Alors, vous
n'avez pas des modèles identiques partout au Canada, mais ce que je peux
vous dire, c'est qu'on nous regarde et qu'on nous envie notre modèle.
Pour siéger moi-même à OCRA, qui est un organisme de régulateurs d'assurances,
c'est un fait. On nous demande comment est-ce qu'on agit et même qu'on utilise
nos outils. On nous demande de traduire nos outils pour les utiliser
localement. Alors, ça doit avoir du bon.
M. Girard (Trois-Rivières) : Merci,
madame. Je passe la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Maintenant, c'est le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames monsieur. Dans votre annexe C,
vous nous parlez de la distribution
par Internet et de l'encadrement entre les assurés et les cabinets. Ce que vous
nous dites ici, bon, vous nous faites
la comparaison entre les deux, mais vous ne nous dites pas est-ce qu'on devrait
prendre une position ou l'autre, ou vous
maintenez le statut que les cabinets actuellement devraient rester exactement où est-ce qu'ils en
sont. Puis qu'est-ce qu'on fait avec,
finalement, la distribution par Internet? Vous n'en voulez pas ou bien il
faudrait l'encadrer autrement? C'est un peu sur ça que je voudrais vous
entendre.
M. Raymond
(Jean-François) : ...nous, ce
qu'on dit à l'annexe C, c'est que le problème
vient dans la disparité entre les
principaux intervenants du marché. Ça, ce n'est pas acceptable. Il faut que
tout le monde travaille avec les mêmes balises. C'est un peu la base de
la comparaison.
En termes de
distribution par Internet, on n'arrive pas à quelque chose de nouveau, là, ça
fait longtemps que ça existe, ça fait
longtemps que c'est utilisé, au-dessus de 10 ans qu'on peut déjà magasiner
sur Internet. Le problème, c'est qu'avec le projet de loi on s'en va
vers... il n'y aura plus de révisions qui seront faites par un professionnel
certifié. Ce qui est le cas présentement.
Une personne qui est néophyte, qui va sur
Internet, qui remplit, complète des informations, va chercher sa soumission, il
n'y a aucun problème avec ça. Présentement, elle va être rappelée, après, que
ce soit par un courtier ou un agent, mais
elle va être rappelée par un professionnel certifié. C'est ce bout-là qu'on dit
qu'il faut absolument qu'il demeure
pour ne pas ouvrir la porte à des personnes qui vont penser être assurées, mais
elles ne le sont pas. Finalement, c'est de prendre le fardeau, de
l'enlever du professionnel pour le mettre sur le consommateur. Et c'est
vraiment ça qu'on veut éviter. ...les mêmes balises et après ça avoir une
révision par un professionnel.
La Présidente (Mme de Santis) : Le
ministre aimerait poser une question. M. le ministre.
M. Leitão : Oui, merci beaucoup.
Rapidement, pour revenir à la question...
La Présidente (Mme de Santis) : Il
vous reste 1 min 25 s.
M.
Leitão : O.K. Il
faut que je parle très vite. Non, non! Si je parle très vite, on ne comprend
rien. Trouvez-vous qu'il y a un avantage... Je pense, votre réponse, je
peux la deviner, mais est-ce qu'il
n'y a pas un avantage important à avoir un organisme de
réglementation comme l'AMF, qui a une vue d'ensemble de l'industrie, une vue à
360 degrés de l'industrie? Parce que
l'industrie est devenue extrêmement complexe, et donc, si nous avons un
organisme qui réglemente une partie de l'industrie et un autre qui
réglemente une autre partie de l'industrie, les cabinets, les représentants,
les grands cabinets, les petits cabinets
dans le monde d'aujourd'hui, au XXIe siècle, que... ça devient tellement
complexe. À notre avis, d'avoir un réglementeur intégré qui peut tout voir en
même temps, je pense, c'est important.
D'ailleurs,
on mentionnait ce matin que l'AMF a trop de pouvoirs, mais je pense que c'est
nécessaire d'avoir ces moyens-là aujourd'hui pour bien protéger le
public. C'était juste ça ce que je voulais mentionner.
Mme
Raic (Maya) : Je vous dirais
là-dessus, M. le
ministre, que le projet de loi n° 141, je trouve, ampute certains pouvoirs de l'AMF. C'est particulier de ma part de
dire ça, là, mais je vous dirais qu'en distribution sans représentant, par
exemple, ce serait quelque chose qu'il
faudrait revisiter. L'AMF avait certains pouvoirs qui disparaissent avec le
projet de loi, y compris la partie du permis restreint qui pourrait être dédiée
à des produits plus spécifiques...
La Présidente (Mme de Santis) : Je
m'excuse, mais...
Mme Raic (Maya) : ...comme
l'assurance de dommages. C'est terminé.
La
Présidente (Mme de Santis) : C'est terminé. Maintenant, la parole est
au représentant de l'opposition officielle, député de Rousseau.
M. Marceau : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Je veux revenir sur l'autoréglementation... enfin, sur le fait que,
donc, le projet de loi prévoit de faire disparaître l'organisme
d'autoréglementation que vous êtes.
Puis j'ai
posé la question ce matin, je pense que vous connaissez la question,
c'est : Y a-t-il des caractéristiques du secteur financier qui font en sorte que l'autoréglementation est moins
appropriée dans ce secteur-là que dans d'autres? Parce qu'effectivement il y a une asymétrie dans ce
qu'on constate. C'est-à-dire qu'on fait disparaître l'autoréglementation
pour l'assurance, mais on la maintient pour
les valeurs mobilières ou on maintient l'autoréglementation dans d'autres
secteurs. Y a-t-il une caractéristique particulière du secteur financier qui
fait en sorte que c'est moins approprié, selon vous?
• (14 h 30) •
Mme Raic (Maya) : Surtout pas.
L'assurance de dommages, c'est un produit complexe, on l'a bien dit tout à l'heure, et même le Groupement des assureurs
automobiles en convient, même juste pour l'assurance automobile, que
c'est un produit complexe, puisqu'ils
disaient récemment, suite à une étude, que ça prenait 16 ans de scolarité
pour comprendre un contrat d'assurance automobile. 16 ans de scolarité,
c'est quand même un niveau universitaire. Il y a 18 % des Québécois qui
ont ce niveau-là à leur actif. Qu'est-ce qu'on fait des 82 autres pour
cent? Alors, c'est important effectivement qu'il y ait un conseil qui ait cours
à ce niveau-là.
Donc, ça
prend des organismes d'autoréglementation qui puissent incarner la déontologie
nécessaire pour exercer la profession.
Et ça, c'est un peu comme la moralité de l'industrie, si on peut s'exprimer
ainsi, que la déontologie. Alors, c'est
de se doter de pratiques qui vont faire qu'on a un contact avec le client où on
est imputables, et on fait son travail correctement,
et qu'on puisse accompagner le client dans ses protections de son patrimoine,
que ce soit son patrimoine personnel, auto, habitation, ou patrimoine
économique. Il y a des entreprises au Québec. Les PME, c'est la force économique du Québec. Il faut qu'elles soient bien
protégées pour poursuivre leurs opérations quand c'est requis suite à un
sinistre.
Alors, c'est
important, le rôle du professionnel est important, ce faisant. Puis le
déséquilibre informationnel qui existe
entre le consommateur et le professionnel mérite... Parce qu'on a carrément le
profil qu'il faut même pour devenir un ordre
dans les critères d'un ordre professionnel, alors ça mérite quelqu'un qui est
un professionnel et ça mérite un organisme qui porte ou qui incarne ce
professionnalisme-là.
M.
Marceau : Et donc la complexité qui a été évoquée par d'autres,
effectivement, on retrouve cette même... En fait, on retrouve au moins autant de complexité quand on s'adresse à un
avocat ou bien à un médecin, hein? Les gens, évidemment, ils souffrent
d'un désavantage informationnel lorsqu'ils parlent à leur médecin,
généralement, là.
Mme Raic (Maya) : Je vais renchérir.
M. Marceau : O.K., allez-y.
Mme Raic
(Maya) : Le Bureau d'assurance du Canada reçoit, bon an, mal an,
25 000 appels de consommateurs par année en assurance de dommages.
61 % de ces appels concernent l'assurance automobile. Ça fait toujours
bien 15 000 par année, c'est beaucoup. L'Autorité des marchés financiers
reçoit de son côté 21 000 appels par année tous secteurs confondus : assurance de dommages, assurance de personnes,
valeurs mobilières, et etc. C'est pour ça que nous croyons que la recherche d'un organisme intégré
pour être un organisme intégré n'est pas requise. C'est l'addition des
forces en présence qui va faire toute la différence en matière de protection du
public.
M.
Marceau : O.K. D'autres ont évoqué l'efficacité des enquêtes en
disant : Dans le fond, l'autorité mène ses enquêtes sur les cabinets, la chambre, sur les courtiers eux-mêmes, et
il y aurait avantage à ce que, donc, je ne sais pas, ces enquêtes-là
soient menées simultanément. Faites juste commenter là-dessus parce que c'est
quelque chose, je pense, qu'ici on aurait tous intérêt à mieux comprendre et à
mieux savoir.
Mme
Raic (Maya) : Au niveau des enquêtes, les demandes d'enquête ou les...
Les consommateurs s'adressent généralement à l'autorité, très
généralement à l'Autorité des marchés financiers, qui reçoit les plaintes et
qui nous les achemine si elles ont une
fonction ou un caractère déontologique. L'Autorité des marchés financiers sait
parfaitement, parce que nous devons faire
rapport de façon très, très régulière — très, très régulier, un rapport très
régulier — mensuellement, de toutes les enquêtes que nous menons et du statut de ces enquêtes. Et
il y a des rencontres, en plus, régulières qui se font pour s'assurer
qu'effectivement il n'y a pas de plage, ou de perte de temps, ou etc. Ça se
fait, et ça peut se faire, et ça peut s'améliorer,
mais c'est purement administratif. Ça n'a rien à voir avec la structure. Ça a à
voir avec la fluidité des opérations.
Et
là-dessus, comme je vous dis, non seulement avec les rapports que nous faisons,
non seulement avec les réunions que
nous avons de façon statutaire, régulièrement entre le bureau du syndic et les
autorités compétentes à l'Autorité des marchés
financiers... Ça roule assez bien, merci. Et d'ailleurs, même au niveau des
inspections, s'il faut donner suite à des inspections, les inspecteurs de la chambre peuvent se présenter devant
le TMF pour présenter la situation devant le TMF lorsque requis, accompagnés des gens de l'autorité. On travaille de
concert. C'est juste que le fait d'être un organisme d'autoréglementation va assurer les hauts
standards de professionnalisme et aussi va assurer la spécialisation en
assurance de dommages, parce que l'assurance
de dommages, dans les services financiers, c'est tout petit, là, dans la mer
des services financiers, là. Alors, c'est important d'avoir des
organismes d'autoréglementation pour ça.
M.
Marceau : Je vais changer de sujet même si on pourrait continuer
là-dessus longtemps. Sur la distribution en ligne, bon, vous recommandez, j'ai compris, donc, le maintien de
l'exigence qui est, à quelque part dans la transaction, un représentant
certifié qui intervienne. Bon, si le modèle suggéré par le ministre, le
gouvernement dans le projet de loi était
celui qui était retenu à la fin, est-ce que vous plaidez quand même pour qu'on
restreigne l'univers des produits qui peuvent
faire l'objet de transactions sur
Internet? Ça a été déjà évoqué par le ministre, et par moi, puis par
mon collègue de Granby dans le passé.
Est-ce que vous pensez que ce serait un compromis... disons,
peut-être pas l'idéal de votre point de vue, mais est-ce
que ce serait un compromis meilleur que ce qui est présenté dans le projet de
loi?
M.
Raymond (Jean-François) :
Mais là je pense que c'est une fausse perception, qu'il y a des produits
vraiment plus simples que d'autres. On parle
toujours de l'automobile parce que le produit est quand même standardisé, mais
ça reste quand même un très gros document légal. C'est un contrat d'assurance.
Et avec 35 pages, 42 avenants, on est loin de parler
de la simplicité. Puis le réflexe serait aussi d'aller vers l'habitation parce que
l'assurance des particuliers, c'est la masse.
Mais comment que quelqu'un peut comprendre qu'une inondation, ce n'est pas un
dommage par eau? C'est pas mal de
l'eau qui rentre dans sa maison, et pourtant c'est complètement différent. Ça n'a pas de lien puis la police d'assurance ne va
pas le traiter de la même façon.
Donc,
la perception qu'il y a des produits d'assurance qui sont... c'est banal puis
pourraient facilement passer par Internet, c'est une fausse
perception. Le contrat d'assurance, ça a été rédigé par des avocats. Les
professionnels d'assurance sont formés pour
en expliquer les tenants et aboutissants. Et d'apprendre ce que le contrat dit
après coup, après avoir reçu la
réclamation, ça va toujours être négatif. Donc, je pense qu'ouvrir une porte
à certains produits en disant que ces produits-là sont simples, c'est
mal voir venir la vague qui va suivre.
M.
Marceau : O.K.
Puis, par rapport au statu quo, là, au fonctionnement actuel, y a-t-il des allègements dans la façon dont les produits d'assurance sont vendus en
ligne? Parce que ça existe déjà, là. Y a-t-il des allègements que vous croyez possibles, qui permettraient quand même
de s'assurer d'une bonne protection du public? Y a-t-il des avenues qui ne sont pas explorées? Parce que, bon, on comprend
qu'il y a... Évidemment, on a toujours les deux mêmes considérations en tête
lorsque, hein, on réfléchit à ce projet de loi là, la protection du public,
d'une part, mais aussi s'assurer que nos entreprises
peuvent prospérer puis réussir à faire encore plus de nouveaux produits, puis
ainsi de suite. Donc, y a-t-il quelque chose que je rate ou que nous ratons, un endroit où on
pourrait alléger sans qu'il y ait de risque pour les consommateurs?
M. Raymond (Jean-François) :
Là, on rentre déjà dans un monde qui est excessivement simple avec Internet, là. Les derniers sites transactionnels,
là, qui ont été faits par certains assureurs, là, ça se limite pratiquement
à cinq questions pour assurer une maison. La différence, c'est qu'après...
La Présidente (Mme
de Santis) : ...secondes.
M.
Raymond (Jean-François) :
Parfait. Tout de suite après, par contre, il va être appelé par un
professionnel qui va réviser le
dossier : Est-ce que c'est bien les informations que vous avez
dites, vous êtes assuré de ci, de ça? Et, si la personne est d'accord, on va aller de l'avant avec la police. L'étape
d'après, ça serait d'éliminer le professionnel pour sauver quoi? Pour sauver cet appel-là qui est pour
valider les informations, expliquer les tenants et aboutissants, puis,
après ça, bien, que l'assureur ait
besoin de moins d'employés? C'est le seul gain. C'est déjà
fait dans un système d'efficacité absolu. C'est le conseil qui est le dernier... à la fin. La personne peut aller sur
Internet tout faire, jusqu'à avoir sa révision de dossier, présentement.
Donc, ça va comme ça.
M. Marceau :
O.K., très bien. Merci.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. Il reste trois secondes. Maintenant, la parole est
au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, Mme la Présidente. Messieurs dames, bonjour. Je vais continuer moi
aussi...
Vous
dites donc qu'il n'y a aucun produit en ligne qui devrait être vendu, au final,
sans qu'un représentant certifié puisse
parler à un consommateur. C'est ce que vous dites. Qu'on soit automobile,
habitation, pour vous, c'est la protection totale d'avoir au minimum un représentant qui va confirmer... Puis je le
sais, là, je pense que tout le monde s'est déjà assuré, là, l'automobile, certains considèrent que c'est
peut-être plus facile, mieux encadré. Mais je sais que, pour
l'habitation, d'innombrables oublis ou d'avenants qu'on pourrait... Pour vous,
c'est sûr que...
M. Raymond (Jean-François) :
Bon, c'est certain. Mais la révision, elle ne prend pas énormément de
temps, là. Faire une révision d'une police
automobile, demander si la personne a une remorque, est-ce qu'elle porte des
chargements, lui expliquer les différentes
franchises, ce n'est pas un appel qui dure longtemps, mais c'est l'appel qui va
faire toute la différence. Quand il
va y avoir une déclaration, la personne, elle sait parfaitement dans quoi
qu'elle s'est embarquée, elle n'a pas
juste cliqué, sauté une section. Donc, encore là, en habitation, il a
parfaitement raison, c'est complexe, très complexe. En automobile, on se dit que c'est standardisé, mais
une mauvaise assurance, ça peut aller très loin, là. Donc, ce n'est pas
parce qu'il y a une énorme perte de temps, là. L'appel peut se faire en dedans
de deux minutes.
M.
Bonnardel : Qu'est-ce que vous... Vous dites, à la page 21
de votre mémoire, là : L'encadrement de la vente en ligne devrait s'inspirer des expériences
internationales, par exemple en France et en Grande-Bretagne. Avez-vous
regardé un peu ce qui se fait? Vous
dites : Par des mesures de protection du public à cet égard-là...
Élaborez, peut-être, en une ou deux minutes?
• (14 h 40) •
Mme
Desforges (Jannick) : Oui, effectivement. Alors, rapidement, quand on
regarde ce qui se passe en Grande-Bretagne
et en France, ils sont beaucoup plus avancés que nous, ici, au niveau de la
distribution en ligne. Et ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont basculé
une responsabilité qu'ont les consommateurs québécois,
c'est-à-dire de déclarer le risque, sur les épaules de
l'assureur. Alors, l'assureur en France et en Grande-Bretagne, il doit avoir un
questionnaire fermé, et le consommateur doit répondre à ces questions-là, et on
ne peut pas, par la suite, invoquer, par exemple, un refus de couverture parce
que le consommateur aurait omis de divulguer une information importante.
Alors,
ça, actuellement, le Code
civil du Québec,
au Québec, naturellement, prévoit que la déclaration de risque repose sur les épaules du consommateur. Donc,
c'est à lui de tout divulguer. Alors, prenons, par exemple, si un
assureur ne pose pas la question
sur les antécédents criminels, bien, en Europe, il ne peut pas invoquer le
dossier criminel pour refuser de couvrir la réclamation.
M.
Bonnardel : Merci.
Autre question. À l'article 562, on parle que le projet de loi pourrait abroger les codes de déontologie.
On dit, là : «...jusqu'à ce qu'ils soient abrogés ou remplacés par un règlement pris par l'autorité en vertu de l'article 202.1.» Quelles en seront les conséquences si, demain matin, c'est un règlement,
au-delà d'un code de déontologie?
Mme
Desforges (Jannick) : Bien, actuellement, le code de déontologie de la
chambre est un règlement. Donc, celui-ci
doit être approuvé par le ministre des Finances. Alors, naturellement,
l'autorité a plusieurs pouvoirs réglementaires. Il peut décider de
modifier des règlements. Il peut décider par la suite d'abroger des règlements,
mais toujours, généralement, suite à l'approbation du ministre ou du
gouvernement. Donc, ça ne change pas grand-chose, là.
Mme
Raic (Maya) : Je peux peut-être ajouter quelque chose. Évidemment, je
rappelle que le code de déontologie a
été bâti via des comités composés de professionnels. Donc, ce sont des gens de
l'industrie qui participent à la création de ce code même s'il devient
un règlement en tant que tel. Évidemment, si tout est transféré à l'Autorité
des marchés financiers, les comités comme nous en avons à la chambre, ça n'existera
plus. Alors, ce n'est plus la même nature de composition dans la réflexion et
dans le travail d'élaboration, forcément.
M.
Bonnardel :
Pouvez-vous juste spécifier... À la page 26, vous dites : Abolition de
certains pouvoirs réglementaires de l'AMF.
Vous parlez de certains pouvoirs qui disparaissent. En deux ou trois exemples,
pouvez-vous spécifier un peu quels sont ces... À la page 26.
Mme Desforges
(Jannick) : Oui, effectivement, c'est concernant tout l'encadrement de
la distribution sans représentant. On trouve
là aussi qu'il y a des failles parce qu'actuellement il y a une obligation
d'avoir un guide, et le projet de loi
abolit cette obligation-là plutôt que d'améliorer les choses. C'est sûr que le
guide, il était complexe, écrit dans un jargon juridique difficile à
comprendre, mais on aurait pu l'améliorer.
L'autre
élément aussi que le projet de loi modifie, c'est qu'actuellement l'Autorité
des marchés financiers reçoit les plaintes des consommateurs concernant
les distributeurs. Eh bien, là, le projet de loi enlève cette responsabilité-là
à l'AMF. Donc, on ne comprend pas pourquoi
on déleste, dans le fond, l'encadrement de la distribution sans
représentant parce que celle-ci est
problématique. Même l'autorité l'a constaté, avec le fameux produit d'assurance
de remplacement, et a listé toute une
panoplie de problèmes aujourd'hui. Donc, on aurait aimé voir les choses
s'améliorer en distribution sans représentant plutôt que de voir
diminuer la protection du public.
M.
Bonnardel :
Dernière petite question, Mme la Présidente. Le projet de loi pourrait être
adopté dans les prochains 90 jours, 120
jours. Avez-vous discuté avec l'AMF dernièrement de cette possible fusion ou
vous n'avez eu aucune discussion avec eux? Zéro?
Mme Raic (Maya) :
Non.
M.
Bonnardel :
Pas un coup de fil?
Mme Raic
(Maya) : Non.
M.
Bonnardel : Processus
d'intégration, zéro?
Mme
Raic (Maya) : Non. Je peux le dire autrement, mais c'est n‑o‑n, dans
un sens ou dans l'autre.
M.
Bonnardel :
Voilà. C'est ça que je voulais savoir.
Mme Raic
(Maya) : D'accord.
M.
Bonnardel :
Merci.
La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, Mme Beaudry, M. Raymond,
Mme Raic et Me Desforges, merci pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la Chambre de
sécurité financière de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
14 h 44)
(Reprise à 14 h 47)
La Présidente (Mme
de Santis) : Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Chambre
de la sécurité financière. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous allons
procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite à vous présenter et ensuite commencer votre exposé. Bienvenue.
Chambre
de la sécurité financière (CSF)
Mme
Farley (Marie Elaine) : Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs, bonjour. Alors, au
nom du conseil d'administration, nous
vous remercions de vous recevoir. Mon nom est Marie Elaine Farley. Je suis
présidente et chef de la direction de la
Chambre de la sécurité financière. Je suis accompagnée de Me Stéphane Rousseau,
administrateur indépendant de la chambre et vice-doyen à la Faculté de droit de
l'Université de Montréal, de M. Gino-Sebastian Savard, premier vice-président de la Chambre de la sécurité financière
et président d'un cabinet de services financiers, et ainsi que Me Marc
Beauchemin, avocat à la chambre.
La Chambre de la sécurité financière est un
organisme d'autoréglementation qui encadre plus de 32 000 professionnels
qui conseillent le public en matière
d'épargne collective, d'assurance de personnes, d'assurance collective de
personnes, en plan de bourses d'études ainsi
qu'en planification financière. Notre mission est d'assurer la protection du
public par la formation, la
déontologie et la discipline de nos membres. Notre modèle s'apparente à celui
d'un ordre professionnel et notre
approche en est une de prévention et de protection, comme l'a décidé le
législateur lors de notre création en 1998.
L'adoption
du projet de loi n° 141 bouleversera le paysage financier québécois,
notamment dans le secteur très complexe qu'est l'assurance. Cela mettra
fin à un encadrement d'autoréglementation multidisciplinaire fondé sur la contribution et la participation des membres.
C'est en lien avec notre mission que nous vous présenterons notre point
de vue, en nous demandant si le consommateur est bien protégé avec le projet de
loi n° 141.
Je cède maintenant la
parole à M. Gino Savard.
• (14 h 50) •
M.
Savard (Gino-Sebastian) : Merci, Mme Farley. Mesdames et messieurs, à
mon tour de vous saluer. Je suis un administrateur
de la chambre et, en plus, je suis un conseiller qui, tous les jours, guide des
Québécois en matière de finances personnelles. Par conséquent, je suis
bien placé pour voir comment le projet de loi n° 141 affectera
négativement les consommateurs. Je prendrais quelques minutes pour vous exposer
nos inquiétudes parce que ce projet laissera le consommateur à lui-même dans
cette jungle très complexe des services financiers.
Moderniser la loi
était nécessaire. Toutefois, permettre à n'importe qui de donner des conseils
en assurance, abandonner l'encadrement
professionnel et abolir un organisme professionnel voué à la protection du
public serait une décision risquée et imprudente. C'est la première fois
en 20 ans qu'on modifie des règles au profit des institutions financières et au
détriment des consommateurs. N'importe qui, sans obligation déontologique et sans
imputabilité professionnelle, pourrait conseiller les consommateurs sur
leurs besoins ou fournir des conseils en assurance pour faciliter la
vente sur Internet. On déréglemente donc pour que le conseil en assurance ne
soit plus l'exclusivité des spécialistes certifiés.
Est-ce que ceci veut dire que quelqu'un comme Earl Jones,
accusé et condamné pour fraude, pourrait donner des conseils en
assurance en toute impunité?
Dans le régime
actuel, le consommateur peut compter sur l'expertise d'un conseiller, encadré
par la Chambre de la sécurité financière,
qui peut perdre son droit de pratique s'il ne respecte pas ses nombreuses
obligations légales et déontologiques, parmi celles-ci, celle de veiller
aux meilleurs intérêts de son client. Le projet de loi n° 141 banalise
l'importance de cette obligation fondamentale. Dorénavant, n'importe qui, un
assistant non certifié ou encore un téléphoniste
dans un centre d'appel outre-mer, pourrait conseiller sans être un
professionnel, et qui sera le grand perdant? Le consommateur. En fait, la conséquence du projet de loi n° 141
est de transférer sur les épaules du consommateur le fardeau de connaître lui-même ses besoins
financiers en matière d'assurance, de faire les bons choix et de prendre les
bonnes décisions, dans un contexte où la sollicitation en ligne ou autre sera
considérablement accrue.
La Chambre de la sécurité financière n'est pas
contre l'utilisation des nouvelles technologies, au contraire, mais l'assurance est un produit complexe,
difficile à comprendre, qui comporte d'importantes clauses. Les
professionnels certifiés
ont le devoir d'expliquer à leurs clients toutes les nuances d'un contrat. Une
mauvaise réponse à une question, une omission involontaire ou une
interprétation erronée d'une phrase par le consommateur peut entraîner de
lourdes conséquences pour une famille,
qu'elle constatera uniquement lorsque le drame surviendra, parfois plusieurs
années plus tard. Je peux vous
confirmer que c'est la relation de confiance et les nombreux échanges entre le
conseiller certifié et son client qui
permettent au professionnel d'identifier le véritable besoin pour lui
recommander le produit qui lui convient le mieux.
De plus, qui
d'entre nous peut prétendre avoir lu la totalité de son contrat d'assurance
vie? Qui peut prétendre avoir compris
par lui-même toutes les clauses qu'il comporte? Pouvons-nous vraiment prétendre
que les consommateurs ont les connaissances financières requises pour
interpréter un tel contrat? En fait, c'est comme si on permettait au patient de
s'autodiagnostiquer, de magasiner sur
Internet un traitement et de se procurer auprès d'une pharmaceutique le
médicament qui le guérira sans l'aide d'un professionnel.
En abolissant la Chambre de sécurité financière,
on abolirait la structure de surveillance et de formation des professionnels. Allons-nous faire de même avec le
Barreau, le Collège des médecins, l'Ordre des pharmaciens? Priver le public d'un organisme de protection de première
ligne correspond tout simplement à livrer le consommateur à lui-même, à
le priver d'un filet de sécurité et à ouvrir la porte à toutes sortes d'abus.
Plusieurs
raisons ont été invoquées pour justifier la disparition de la Chambre de la
sécurité financière, confusion, dédoublement,
réduction des coûts, autant d'allégations qui restent à être démontrées. Aucune
donnée probante, analyse ou étude n'a
été fournie pour établir leur véracité. En fait, ceci ressemble davantage à des
prétextes qui évitent de dire que le contexte actuel complique la vie
réglementaire de certaines institutions financières.
A-t-on mesuré
l'impact de l'abolition de la Chambre de la sécurité financière sur l'industrie
et, surtout, sur les consommateurs? A-t-on demandé l'avis des
consommateurs, des conseillers? Avons-nous fait une étude d'impact dans l'éventualité où le projet de loi n° 141
devienne force de loi? Pourquoi tourner le dos au modèle de
fonctionnement actuel? En fait, les seules
questions qui demeurent sont les suivantes. Qui a intérêt à déréglementer ce
secteur important de la santé
financière des consommateurs? Qui l'a
demandé? Qui a intérêt à ce que le consommateur soit livré à lui-même, alors que le système actuel le
protège?
Nous nous opposons à une déréglementation dont
les conséquences seront sans commune mesure pour les consommateurs. La protection du public est une condition sine qua non à
toute réforme et doit guider le législateur. Est-ce que vous voulez risquer que les consommateurs
procèdent seuls, sans être compétents et certifiés, à l'autodiagnostic
de leur situation financière, au magasinage et à l'achat, à leur guise, sans
soutien professionnel, d'un produit aussi complexe et aussi important qu'est
l'assurance? Comme société, voulons-nous vraiment ouvrir cette brèche?
Nous vous
remercions pour votre attention et nous sommes prêts à répondre aux questions,
Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons
débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous
avez 16 minutes.
M. Leitão : Très bien. Merci
beaucoup. Alors, bonjour, madame messieurs... d'être là.
Écoutez, ce
n'est pas une surprise pour vous d'apprendre que je suis en désaccord total
avec ce que vous venez de dire,
M. Savard, parce que je trouve que vous allez un peu loin, là. Comme
j'avais dit, d'entrée de jeu, à la CHAD, nous, notre motivation pour procéder à ces changements-là, proposer ces
changements-là, ce n'est pas qu'on a quelque chose contre la CSF ou la CHAD. Vous faites un travail
correct, là. Ce n'est pas ça, le problème. Mais c'est que nous pensons
que d'intégrer des activités des chambres à
l'AMF, c'est une façon plus efficace de réglementer l'industrie. Donc, quand
vous dites qu'on laisse le consommateur
abandonné à lui-même, et l'AMF, dans tout ça, ils sont là juste pour décorer la
chose, mais non, l'AMF joue un rôle très
important dans la réglementation de votre industrie. Et ça, c'est quelque chose
qui avait déjà été mentionné par la
CHAD. Et je pense que c'est important de revenir sur ça parce qu'il y a un peu
de confusion là-dessus.
Vous avez
mentionné, comme eux ils avaient mentionné aussi, que, dorénavant, si le projet
de loi est approuvé, que n'importe
qui peut faire n'importe quoi. Là, on n'a pas vraiment la même lecture de notre
projet de loi. Nous, ce qu'on dit, c'est
que nous ne... D'abord, nous ne modifions pas l'article 12 de la loi, qui
dit que «nul ne peut agir comme représentant, ni se présenter comme tel, à moins d'être titulaire d'un certificat
délivré à cette fin par l'autorité». Donc, on ne laisse pas les
consommateurs livrés à eux-mêmes, là. Les personnes qui parlent au nom d'une
compagnie d'assurance doivent continuer d'être certifiées. Donc, ce n'est pas
Jean-Jacques n'importe qui qui peut faire n'importe quoi, là. Je pense, c'est
important de préciser cela.
L'autre
chose, c'est la notion de conseil. La CHAD aussi et vous, vous venez beaucoup
sur la notion de conseil, l'exclusivité
du conseil. Alors, nous, nous pensons que donner un conseil, c'est une activité
qui ne doit pas être exclusive. De
prétendre que seulement les courtiers peuvent donner des conseils, je pense que
c'est très limitatif. Mais, quand on passe à l'acte suivant, donc, de
contracter une assurance, de faire un contrat, donc, quand quelqu'un parle au
nom d'une compagnie d'assurance, alors là, on n'est pas dans le conseil, là on
est dans le contractuel, et là il faut un représentant certifié. Donc, je pense que d'empêcher le conseil ou de vouloir
restreindre le conseil, au contraire, ça serait de priver les
consommateurs d'une source d'information qui peut leur être très utile.
Alors, je
pense, c'était important de faire ces précisions-là. Et encore une fois on
n'abolit pas les chambres, on les intègre
à l'AMF. Et les activités de
déontologie et de discipline seront maintenant, si le projet
de loi est approuvé, exercées
par l'AMF avec les mêmes personnes qui travaillent présentement à la chambre et
qui vont migrer vers l'AMF.
C'est un peu
ce que j'avais à dire. Je ne sais pas si, les collègues, vous avez des
questions que vous voulez poser.
• (15 heures) •
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Mme la Présidente, est-ce que je peux réagir à ce
que M. le ministre vient de mentionner?
La Présidente (Mme de
Santis) : Oui, allez-y.
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Alors, ce n'est pas nous qui avons inventé ou
planté le mot «abolition» dans le discours,
M. le ministre, ce sont vos mots. Les chambres vont être abolies et certaines
des occupations, certaines des tâches qui étaient dévolues aux chambres
n'y seront plus et ne se retrouveront pas à l'Autorité des marchés financiers.
Si on incorpore gentiment les chambres à
l'autorité pour tout conserver, mais pourquoi se donner la peine de faire cet
exercice? Moi, si je tombe d'un précipice,
j'aime pas mal mieux qu'il y ait deux filets en dessous de moi que juste un,
surtout si le deuxième filet a la charge de surveiller le premier et de
s'assurer qu'il est toujours en bon état et dans le meilleur état pour faire
son travail.
M.
Leitão : ...excusez-moi d'être en désaccord, parce que le... en fin de
compte, il y a un filet. C'est l'AMF qui est le filet. L'AMF délègue une partie de sa mission, elle la délègue aux
chambres, aux deux chambres, mais ultimement, c'est l'AMF qui est
responsable de fournir ce filet-là.
M. Savard
(Gino-Sebastian) : M. le ministre, l'AMF est responsable, sauf que le
consommateur peut s'adresser aux deux
endroits. Il peut avoir un premier filet, un OAR de proximité auquel il peut
s'adresser d'entrée de jeu et ensuite, en plus, bénéficier de l'autorité. Alors, pourquoi? Qu'est-ce que ça peut
donner d'abolir un OA? Et, en complément d'information, j'aimerais
laisser la parole à mon collègue Me Rousseau.
M.
Rousseau (Stéphane) : Oui. M. le ministre, moi, j'aimerais peut-être
recentrer notre discussion sur l'idée que ce qu'on met sur la table, c'est la disparition de l'autoréglementation. Et
l'autoréglementation, elle a fait ses preuves et elle est largement reconnue, à la fois dans la sphère
académique, à la fois par les organismes internationaux, dont
l'Organisation internationale des
commissions de valeurs, dont le Fonds monétaire international qui fait ses
enquêtes et ses évaluations des cadres nationaux.
Largement
reconnue pourquoi? Parce qu'elle génère des bénéfices : meilleure
compréhension de l'environnement des
pratiques, meilleure adhésion des professionnels réglementés aux normes qui
sont mises de l'avant par leurs pairs et une agilité, une capacité de répondre aux mouvements, aux changements dans
l'industrie. Donc, ça, on le met sur la table. Avec la proposition qui
est dans le projet de loi, on va perdre l'autoréglementation,
autoréglementation donc qui se traduit effectivement
par des pouvoirs à des chambres, pouvoirs qui sont dévolus par la loi. Et je
pense qu'il ne faut pas perdre de vue cet enjeu-là.
Et l'autre élément que l'on va perdre, c'est la
justice par les pairs. Et ça aussi, il y a un élément sain et souhaitable d'avoir une justice par les pairs. On
le voit pour les ordres professionnels, et je pense que c'est
préoccupant également de voir une
transformation de la discipline vers une autre forme d'encadrement qui ne sera
plus une justice par les pairs.
M. Leitão :
Bien, nous sommes... Encore une fois, nous sommes en désaccord, mais je pense
que mes collègues voulaient poser des questions.
La Présidente (Mme de
Santis) : Est-ce que c'est le député de Trois-Rivières? Non,
c'est le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci, messieurs et madame, pour votre présentation et vos
arguments.
Ceci dit,
bon, vous comprenez, ma position est la même que celle du ministre, mais en
tant qu'ancien membre... parce qu'en
fait vous avez ici... Moi, je ne suis plus membre, mais je ne sais pas si mon
collègue... O.K. Bon. Mais en tant qu'ancien
membre de la CSF, j'ai une question parce que je comprends votre argumentaire,
votre position, ce que vous plaidez,
et je pense que vous le plaidez depuis déjà quelque temps également, de
multiples façons également, mais je suis quand même curieux de savoir combien de ressources, combien d'efforts
vous y mettez puis quelle est la proportion de ces ressources-là que vous mettez non seulement à
défendre votre point, mais en faire la promotion. Parce qu'une des
choses qui... j'ai été sur votre site Web,
vous êtes très présent au niveau des médias sociaux, bien sûr, pour plaider
votre cause également, mais là vous
êtes allés encore plus loin dans des campagnes publicitaires télévisées. Je
regardais tantôt, là, celle de la
dame qui, justement, est spécialiste en chirurgie pédiatrique, et vous avez
celle de l'ophtalmologue également, et je me demande dans l'intérêt de
vos membres qui cotisent, qui font des cotisations... Je pourrais vous le
présenter...
Une voix : ...
M.
Polo : Oui, oui. Mon, effectivement, mais vous pourrez le trouver...
Regardez, le site Web, c'est bien simple, là, c'est la CSF...
chambresf.com, puis vous allez le retrouver.
Quelle
est la dimension des ressources? Parce que je me mets à la place d'un membre, à
savoir... Je comprends, vous... Ils
donnent tous des cotisations, mais quelle est la dimension de ces
ressources-là? Juste pour bien comprendre, là, sur, justement, les budgets accordés à la publicité puis au lobbying.
Juste pour savoir, juste... parce que je comprends que vous n'avez pas ce genre
de campagne là à toutes les années non plus, là, parce que vous en avez eu en
2015, après ça en 2014, en 2006. Ce
n'est pas à chaque année non plus, mais cette année, c'est une année
exceptionnelle, j'imagine. Mais juste pour bien comprendre.
M.
Savard (Gino-Sebastian) : Ça revient périodiquement. Les
communications et la publicité, qui sont un des postes des
communications à la Chambre de sécurité financière, cette année, c'est 6 %
du budget total de la chambre. Ça revient
périodiquement. Il peut y avoir eu un peu moins de publicité en 2016, mais ça
fait partie de notre mission de protection du public, d'informer le
public sur l'importance de faire affaire avec un conseiller certifié,
l'importance de la chambre... l'importance d'avoir, justement, un filet de
sécurité à laquelle ils peuvent s'adresser.
Alors,
ça fait tout à fait partie de notre mission que d'informer les consommateurs
sur leurs droits et en créant des images les plus efficaces possible
pour qu'ils puissent faire des parallèles par rapport à leur situation
financière.
M.
Polo : Et ça, c'est à même les contributions des membres, à même le
budget d'opération et perçu à travers...
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Tout à fait.
M.
Polo : Intéressant. Ceci dit, vous présentez votre perception du
projet de loi en question, puis c'est comprenable. Bon, bien, merci
beaucoup.
La Présidente (Mme
de Santis) : Il reste 5 min 25 s. Le député de
Trois-Rivières.
M.
Girard (Trois-Rivières) : Un petit cas d'espèce... Merci d'être là,
bienvenu. Si moi, j'ai rencontré un conseiller qui n'est peut-être pas
conseiller... Quelqu'un est venu me voir chez nous, veut me vendre des produits
financiers. Finalement, j'accepte puis là
j'entends dire que, woups! ce n'est peut-être pas un vrai conseiller, c'était
quelqu'un qui fait de la fraude. J'appelle la Chambre de la sécurité
financière pour porter une plainte officielle. Comment ça fonctionne? Comment
la plainte est traitée à ce moment-là?
M.
Savard (Gino-Sebastian) : En partant, si ce n'est pas un conseiller,
je crois bien que la plainte va être orientée à l'Autorité des marchés financiers, parce que nous ne gérons, nous ne
supervisons... et travaillons uniquement avec les conseillers
financiers. Donc, un fraudeur de la sorte serait dirigé vers l'Autorité des
marchés financiers.
M. Girard
(Trois-Rivières) : Est-ce que vous le dirigez? Comment...
M.
Savard (Gino-Sebastian) : Naturellement, il y a... Autant l'Autorité
des marchés financiers dirige les plaintes ou appel des consommateurs
qui est fait directement à eux et qui s'adresse à la chambre. Ils vont le
faire, et c'est majoritairement ce qui
arrive. Et, dans l'autre sens, ça va, il y a une très bonne collaboration entre
les deux organisations.
M. Girard
(Trois-Rivières) : Et donc il y a deux endroits où on peut porter
plainte?
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Il y a deux endroits. Il vaut toujours mieux deux
que un.
M.
Girard (Trois-Rivières) : O.K. C'est votre opinion. S'il a un permis,
mais que je juge avoir été lésé, c'est quoi, le fonctionnement? J'ai
fait un chèque, supposément, c'est un investissement très payant, puis, woups!
l'argent... l'intérêt ne rentre pas. J'essaie de ravoir mon argent, je ne suis
pas capable de ravoir l'argent. Mais il a un certificat.
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Je peux laisser peut-être maître...
Mme
Farley (Marie Elaine) : Merci, mais, en fait, vous pouvez porter
plainte. Dans la loi, actuellement, vous avez un mécanisme qui prévoit que vous pouvez vous adresser à l'Autorité des
marchés financiers, puis la plainte est transférée à la Chambre de la
sécurité financière et vice versa. Ce qu'il faut comprendre, c'est que nos
obligations de supervision, on divulgue mensuellement toutes les plaintes qui
nous reçoivent avec l'Autorité des marchés financiers.
M. Girard
(Trois-Rivières) : Mais peut-être plus dans... excusez, mais dans le
système... Je vous appelle, je porte
plainte. Monsieur XYZ, je soupçonne qu'il est parti avec mon argent parce que
l'intérêt ne vient pas, il ne retourne pas mes appels, etc. Quel est votre rôle? Vous faites quoi? Vous appelez la
police? Vous appelez le conseiller? Comment ça fonctionne techniquement?
Mme
Farley (Marie Elaine) : Écoutez, ça fonctionne comme dans les autres
ordres professionnels, c'est-à-dire que vous pouvez porter... Nous, on
enquête sur la déontologie du conseiller, du professionnel. Donc, si...
M. Girard
(Trois-Rivières) : Donc, vous envoyez une lettre au conseiller, vous
appelez le conseiller, vous communiquez avec le conseiller?
Mme Farley
(Marie Elaine) : En fait,
c'est qu'on enquête sur la conduite du professionnel. Donc, le consommateur
peut s'adresser directement à nous ou il peut s'adresser à l'Autorité des
marchés financiers. Alors, c'est suite... Puis nous, on
enquête sur la conduite professionnelle, comme le Collège des médecins pourrait
le faire sur un médecin qui aurait soit commis une allégation qui est à la fois
professionnelle ou de d'autres types, comme criminelle aussi. Ça peut arriver,
hein, avec des...
Donc, ce qu'il faut regarder, c'est que nous,
notre mission, c'est la protection du public, la protection du public par
l'encadrement transparent des conduites professionnelles. Donc, il y a un
syndic qui enquête. Après ça, il rend une décision et, en plus, il doit
communiquer sa décision au consommateur pour lui dire qu'est-ce qu'il fera avec
la plainte. Et le consommateur a un droit d'appel, de révision de sa décision
au comité de révision qui est à l'Autorité des marchés financiers. Avec le projet
de loi, on enlève ça.
• (15 h 10) •
La Présidente (Mme de Santis) : Le ministre
aimerait poser une question.
M.
Leitão : Oui, parce qu'on arrive à la fin. J'aimerais juste, encore une fois, mentionner
que cette histoire d'abolir ou de ne
pas abolir les chambres... la mission, les missions des chambres, la
déontologie et la discipline, cette mission-là ne disparaît pas. La mission est transférée à l'AMF,
avec les personnes qui y sont maintenant aussi, qui s'occupent de faire ce suivi. Ces personnes aussi migrent vers l'AMF.
Donc, il n'y a pas d'affaiblissement de l'encadrement ou de la
protection des consommateurs, parce que,
si ces missions-là étaient abolies, alors là, oui, bien sûr,
mais la mission demeure. C'est le régulateur principal qui va s'occuper
de faire ça. Donc, c'est là où on est en désaccord profond. Voilà.
M. Girard
(Trois-Rivières) : ...où je voulais en venir après, c'est que, si je
veux être dédommagé, moi, comme client,
là il va y avoir une déontologie pour le conseiller, il va y avoir un jugement,
il va perdre son permis d'exercer, etc. Mais là je veux avoir mon argent. Je fais quoi? Est-ce que vous me
remboursez mon argent ou, à ce moment-là, il faut que j'aille porter une
autre plainte à l'AMF pour essayer d'être remboursé à ce moment-là?
Mme Farley
(Marie Elaine) : Bien, écoutez, vous avez des mécanismes du fonds
d'indemnisation. Vous pouvez vous
adresser au fonds d'indemnisation. C'est un fonds d'indemnisation qui existe
depuis nombre d'années, puis d'ailleurs vous en avez élargi la
couverture. Alors, vous pouvez vous adresser au fonds d'indemnisation.
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Mais la grande différence, c'est que ce
professionnel-là qui a commis une faute, il va être porté aux nues devant le public, il va perdre son droit
d'exercer, tandis que, si la plainte avait été faite auprès de la
compagnie d'assurance ou du cabinet, on peut en douter fortement. Parce que
c'est ce que dit le projet de loi n° 141 présentement.
M. Girard
(Trois-Rivières) : Mais, à l'heure actuelle, on a deux endroits, un
endroit qui nous indemnise et un endroit
qui gère le conseiller. Ça ne serait pas plus simple de mettre tout ça au même
endroit que le citoyen... Moi aussi, j'ai à coeur le citoyen...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup.
M. Girard (Trois-Rivières) : ...qu'il
y a un endroit à porter plainte et tout va se faire au même endroit.
La Présidente
(Mme de Santis) : Merci. Maintenant, la parole est au représentant de
l'opposition officielle, le député de Rousseau.
M. Marceau : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, madame, bonjour, messieurs. Merci de votre présence, merci de vos commentaires. Bon, moi, je
pense que l'essentiel du projet de loi, donc, quant à vous, c'est le
fait qu'on fait disparaître l'autoréglementation, là.
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Bien, on fait disparaître l'autoréglementation,
mais on amène aussi le processus de plainte
directement auprès du cabinet ou de l'assureur, en premier lieu. Il y a quand
même des... On n'est pas en train de prendre les chambres et de les
transférer à l'Autorité des marchés financiers. On abolit les chambres et on
transfère certains rôles à l'Autorité des
marchés financiers. C'est très différent. Alors, il n'y a pas juste
l'autoréglementation, il y a aussi le processus de plainte qui va être
différent. Il y a beaucoup de choses qui partent.
M.
Marceau : Non, non, ça, je comprends. Et puis je vais vous poser la
même question. Vous avez le bénéfice de passer après la Chambre de l'assurance dommages, là. Y a-t-il quelque
chose qu'on doit comprendre, là, quant aux caractéristiques des produits
financiers qui font en sorte que l'autoréglementation serait moins appropriée
dans le cas des produits financiers?
M. Savard (Gino-Sebastian) :
Absolument pas.
M. Marceau : Parce que la
complexité... Puis j'ai bien entendu la réponse des représentants de la Chambre
d'assurance dommages. Eux prétendent que la
complexité milite en faveur de l'autoréglementation, alors que le
ministre, lui, prétend que la complexité, ça va contre l'autoréglementation.
Alors, moi, j'aimerais bien départager puis vous entendre là-dessus.
M.
Savard (Gino-Sebastian) : Je n'y comprends rien moi non plus. Puis je
vous ai amené ici, là... Le contrat le plus simple qui existe en assurance vie,
c'est un temporaire 10 ans, sans aucun avenant, sans aucune garantie,
hyperniaiseux, le contrat le plus «basic».
Ça a 60 pages, écrit tout petit, puis je peux vous dire qu'il y a plein,
plein de choses très importantes à comprendre là-dedans. Et c'est le
contrat le plus simple.
Je peux vous
montrer un contrat complexe qui, présentement, pourrait être vendu aussi, et
proposé, et expliqué par quelqu'un
qui n'a pas de permis. O.K.? Et c'est ça, là. Peut-être qu'un règlement...
parce qu'on parle qu'il pourrait y avoir des règlements par la suite, mais là, à l'heure actuelle, on est en
train d'étudier le projet de loi n° 141, là. C'est ça, là, un
contrat compliqué puis un contrat simple. Ça n'existe pas, des contrats
simples, en assurance de personnes.
M.
Marceau : C'est ça. Donc, quand on entend dire qu'en assurance
dommages, puis plus particulièrement dans le cas de l'assurance automobile, il y a une certaine standardisation qui
est survenue, on ne peut pas dire l'équivalent pour l'assurance vie, là.
M. Savard (Gino-Sebastian) : Il n'y
a pas beaucoup de standardisation en assurance de personnes.
M.
Marceau : O.K. L'argument voulant que ça soit désormais plus simple en
abolissant, parce que moi, je n'ai pas de misère à utiliser le terme là,
en abolissant la Chambre de la sécurité financière puis en envoyant une partie
de ses fonctions à l'Autorité des marchés financiers, donc l'argument que ce
serait plus simple pour le consommateur de s'y
retrouver et de savoir comment déposer une plainte, vous trouvez que c'est un
bon argument ou un mauvais argument?
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Je trouve qu'il n'y a aucun argument là, parce que
c'est facile, le consommateur a deux
places plutôt qu'une à qui s'adresser, puis inévitablement sa plainte va être
prise en charge par un organisme indépendant. Au lieu de devoir se
plaindre auprès du cabinet ou auprès de l'assureur, donc se plaindre auprès de
son bourreau pour espérer avoir réparation
et ensuite, si ça ne fonctionne pas, peut-être avoir de l'arbitrage avec
l'Autorité des marchés financiers, moi, je
ne vois pas en quoi on protège mieux le consommateur avec ça. On protège mieux
peut-être la réputation des
assureurs, là, il n'y a aucun doute là-dessus, parce qu'ils auront tout
avantage, à ce moment-là, à étouffer l'affaire,
à faire le règlement avec le consommateur, et la brebis galeuse demeurera dans l'industrie
au lieu d'avoir été radiée et publicisée dans les journaux comme c'est
le cas avec un organisme indépendant qui a uniquement comme objectif de
protéger le consommateur.
M. Marceau :
Oui, puis là vous soulevez un point. D'après vous, la justice par les pairs
est-elle plus efficace ou, en tout
cas, les sanctions imposées par les pairs sont-elles plus dissuasives pour ceux
qui envisageraient d'enfreindre des règles de base de déontologie?
Est-ce que, d'après vous, donc, cette discipline par les pairs, elle est plus
dissuasive?
M. Savard
(Gino-Sebastian) : La discipline par les pairs, au départ, elle est
plus juste parce qu'elle est dispensée par
quelqu'un qui connaît l'industrie. Être condamné avec une radiation de cinq ans
de son droit de pratique par des pairs ou par un tribunal indépendant, tu as une suspension de cinq ans, est-ce
que c'est plus ou moins dissuasif? Pas nécessairement. Mais le fait d'avoir un règlement juste et
équitable pour toutes les parties lorsque la justice est apportée par les
pairs, je pense que c'est un
«no-brainer» de penser qu'on y arrive pas mal plus. Peut-être que
Me Rousseau voudrait ajouter là-dessus.
M. Rousseau
(Stéphane) : Bien, je souhaiterais ajouter quelques commentaires,
parce qu'en plus d'être professeur de
droit des marchés financiers, j'agis également comme membre du comité de
discipline de la Bourse de Montréal et membre du comité de discipline de
l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières dont
vous entendrez le président demain.
Évidemment, comme membre indépendant du public
travaillant avec des membres de l'industrie... et, moi, il y a deux mots que je retiens de mon expérience
dans les comités de discipline, c'est rigueur et intégrité, c'est-à-dire
que les professionnels qui siègent sont là
pour s'assurer que les plus hauts standards de la profession soient respectés,
et je pense que, ça, c'est un message
très important. Et ils apportent en plus une compréhension fine de la réalité
de l'industrie qui est très précieuse
pour un membre comme moi qui arrive, qui a une connaissance, bien sûr, des
règles à un niveau à la fois concret
et abstrait. Mais là le regard de l'industrie et cette rigueur pour s'assurer
que l'on a les plus hauts standards, je la constate. Et après on pourrait aller sur les études empiriques,
M. Marceau, qui sont quand même assez concluantes sur la rigueur au
niveau des sanctions par les comités de discipline. Alors, je pense que c'est important de ne pas perdre de vue
cet élément-là.
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Et j'ajouterais, Mme la Présidente, si vous me
permettez, que le principe d'OAR est universellement accepté et il est
là dans les autres... On n'est pas en train de dire : On va abandonner, on
va abolir l'ordre des médecins, on va
envoyer tout à la RAMQ, ça va être plus simple. On va abolir le Barreau du
Québec, on va envoyer ça au ministère
de la Justice, ça va être plus simple, on va avoir un guichet unique. Pourquoi
juste nous? Pourquoi? Pourquoi nous quand ça ne s'y prête pas plus? On se
la pose.
M. Marceau : C'est une bonne
question, puis moi, je vous renvoie la question. Moi, je l'ai posée à plusieurs
personnes et puis je cherche encore les
caractéristiques du secteur financier qui font en sorte que
l'autoréglementation serait moins
appropriée. Et peut-être qu'on aura l'occasion de trouver des réponses à un
moment donné. Pour l'instant, on la cherche encore.
Sur
le déroulement des enquêtes, bon, il est envisageable de penser que
l'information, si elle était collectée par
une seule personne qui est l'Autorité des marchés financiers plutôt
que... l'information nécessaire à l'enquête, là, plutôt que par deux acteurs que sont vous et l'Autorité
des marchés financiers, certains pourraient prétendre que c'est mieux
que ça soit une personne qui récolte l'information. Je vous laisse commenter.
• (15 h 20) •
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Oui. Bien, j'ai rarement vu, dans ma carrière
jusqu'à maintenant et dans ma vie, une
grosse organisation être plus efficace que quelques petites. Alors, je ne crois
pas à plus d'efficacité dans un monstre que serait l'AMF après qu'avec
des petits organismes versatiles d'autoréglementation comme on vit
présentement.
Donc, je ne crois
pas, je ne pense pas qu'avec les fusions municipales, les citoyens des arrondissements
de Montréal ont gagné en efficacité
beaucoup. Je n'ai jamais vu, dans aucun exercice du type, des gains
d'efficacité. Je n'en ai jamais vu. Et on ne parle pas non plus de gains
financiers parce qu'on dit : On va garder le staff, on va garder... On abandonne certaines affaires, là, mais on va
garder... donc, il n'y a pas d'économie, puis, de toute façon, ce n'est pas
les consommateurs qui paient pour l'autorité
des... c'est-à-dire pour la Chambre de la sécurité financière, c'est les
conseillers financiers eux-mêmes qui paient pour ça. Donc, je ne vois pas
vraiment... je ne vois pas pourquoi on procède à cet exercice-là présentement.
La Présidente (Mme
de Santis) : Une minute.
M.
Marceau : Rapidement, M. Rousseau. Me Rousseau, vous avez évoqué la
meilleure adhésion des membres assujettis aux règles que se donnent des
pairs. Pouvez-vous juste élaborer un petit plus là-dessus, là, parce que je... évidemment, car c'est un tribunal qui vient
sanctionner les mauvais comportements, on peut peut-être ne pas adhérer,
mais respecter malgré tout les règles, là. Donc, peut-être juste nous en dire
un peu plus là-dessus.
M.
Rousseau (Stéphane) : Oui. Bien, sur l'adhésion, c'est que, d'une
part, la construction des normes se fait avec un dialogue des membres de l'industrie. Donc, de cette façon-là, on a
déjà une conversation qui fait en sorte que petit à petit on comprend
les enjeux et on est à même d'adhérer aux règles que l'on met de l'avant.
En
même temps, on participe aussi, dans ce dialogue-là, à une prise de conscience
de l'importance de la réputation, la
réputation des professionnels et la raison pour laquelle justement on met de
l'avant des normes de cette nature-là. Donc, tout ça s'ajoute pour justement susciter une adhésion plutôt que d'avoir
des règles imposées du haut à une industrie qui parfois se sent en
décalage de ne pas avoir été consultée.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au représentant du deuxième groupe de l'opposition, M. le député de
Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue.
Je veux revenir sur
le processus disciplinaire. Dans votre mémoire, à la page 45, vous dites donc,
bon : Le processus disciplinaire, avec
l'abolition, va disparaître, mais vous mentionnez, au quatrième paragraphe, le
TMF, le tribunal des marchés
financiers. Expliquez-moi en quoi le TMF... c'est un peu ce que mon collègue
vous a posé, là, mais je vais un peu
plus loin. En quoi le TMF ne pourra pas faire le travail, vous parlez d'assesseurs, là, vis-à-vis ce
que vous étiez comme tribunal dans une certaine mesure, là, avec le
processus disciplinaire que vous appliquiez?
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Là-dessus, Mme la Présidente, je laisserais la
parole à Me Beauchemin pour répondre à la question, s'il vous plaît.
M.
Beauchemin (Marc) : Merci. Écoutez, c'est complètement quelque chose
de différent, le tribunal des marchés financiers,
versus ce qu'on a chez nous avec le comité de discipline. C'est un organisme
qui est intégré dans l'AMF. Et, si la question est
au niveau des assesseurs, il faut comprendre que les assesseurs, là, c'est tous
des conseillers. Ce ne sont pas vraiment
des juges ou des... Ils sont là pour assister. Ça peut paraître comme étant
quelque chose comme effectivement justice par les pairs, mais ce n'est
pas le cas.
Et
il y a certains organismes qui ont ce type de chose là, mais nous, ce qu'on a
constaté, en faisant l'analyse, ce n'est pas du tout la même chose que le comité de discipline qu'on a en tant
que tel. Ces gens-là ne doivent pas nécessairement venir. C'est à la discrétion du président du
tribunal et sont seulement consultés dans ces cas-là. Donc, ce n'est pas du
tout ça, là, en tant que tel. Ça fait que
c'est un petit peu, là... nous, quand on a vu ça, oui, c'est une annonce, mais
ça n'a rien à voir, et c'est pour ça qu'il y a beaucoup... quand on
parle d'intégration, ce n'est pas ça, là. On part d'un système à un autre système, mais là complètement différent, qui va
peut-être avoir des adaptations, mais ce n'est pas du tout le même genre
de justice. Donc, c'est le constat qu'on essayait de faire dans le mémoire en
tant que tel.
M.
Bonnardel :
O.K. Merci. À la page 10 de votre mémoire, vous parlez du fonds
d'indemnisation. Vous dites qu'en raison
de l'abolition de l'exclusivité du conseil, des personnes non certifiées
pourront offrir et dispenser des services
et des conseils en assurance pour faciliter l'achat d'un produit en ligne et
que le fonds pourrait ne pas dédommager ces victimes s'ils n'ont pas nécessairement une certification.
Pouvez-vous élaborer, là, puis nous... C'est un oubli. C'est un oubli
dans la loi qui...
M.
Savard (Gino-Sebastian) : C'est ça, on pourrait dédommager, pourrait
ou ne pourrait pas, mais d'une façon ou
d'une autre, si les uniques contribuants à ce fonds d'indemnisation là sont les
conseillers certifiés, on va se retrouver, nous, à contribuer à quelque chose qui va être
vidé périodiquement par des gens qui ne sont pas certifiés, qui ne sont
pas formés et qui ont la moeurs légère pour
procurer des conseils. Et ils pourraient très bien dire : On embarque dans
un projet, puis, de toute façon, tu vas pouvoir réclamer au fonds
d'indemnisation, si ça ne fonctionne pas, quand ils n'ont jamais cotisé à ça,
là.
Ça fait que c'est...
et je pense qu'en complément de réponse Me Farley veut intervenir.
Mme
Farley (Marie Elaine) : Oui.
En fait, c'est qu'aussi... un complément, mais j'aimerais préciser que,
puisque toute personne pourra donner des conseils sans être certifiée aux
consommateurs, ça ouvre peut-être... on pose la question, on ne fait pas d'affirmation, on pose la question,
peut-être qu'il y
aurait lieu de se questionner, vu que
ce ne seront plus uniquement des
spécialistes, les personnes qui sont formées, encadrées, qui sont imputables de
leurs gestes, de leurs actes, qui pourront conseiller. Alors, c'est ça
qu'on est venu... c'est un recul de 20 ans au niveau de l'encadrement du
conseil, là, qui est venu dans la loi, et c'est à ce niveau-là qu'on pose la
question.
Alors,
c'est une invitation à pouvoir, dans la protection du public, être vigilant en termes de déréglementation au niveau
des activités du conseil, parce que toute personne
physique pourra donner des conseils, notamment pour faciliter la vente en ligne. Alors, c'est poser la question dans ce contexte-là,
vu que le Fonds d'indemnisation des services financiers ne concerne que
les personnes qui sont soumises à la loi ou les cabinets. Donc, voilà. Alors,
c'était le point qu'on voulait faire.
M.
Bonnardel : Mme la
présidente, vous dites encore moins de protection dans la distribution sans
représentant. Le p.l. n° 141
prévoit malheureusement d'importants changements, notamment
l'abolition complète du régime de certificat restreint, qui donne à l'AMF le pouvoir d'exiger
d'un distributeur d'avoir un certificat restreint pour certains
produits. Vous parlez donc pour la vente...
d'offre d'assurance, accessoires, la vente d'un bien. Pouvez-vous élaborer,
expliquer?
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Me Beauchemin veut intervenir.
M.
Beauchemin (Marc) : Je veux
intervenir. Écoutez, ce n'est pas... la distribution sans
représentant, ce n'est pas quelque chose sur lequel on a été souvent appelés à intervenir parce que
ça n'implique pas de représentant
certifié, sauf que ce qu'on constate de par l'abolition du projet, c'est qu'il
y avait peut-être des problèmes.
Premièrement, l'abolition du guide de distribution, O.K.,
c'est beau, c'est aboli, mais c'est remplacé par quoi? Une espèce d'obligation générale d'assureur, pas
prévue spécifiquement. Ça fait qu'on part quand même d'un régime
qui avait vraiment... qui était peut-être
lourd un peu, mais qui avait des exigences spécifiques, à quelque chose qui n'est pas encore prévu, qu'on ne sait pas. Ça fait que là,
nous, on trouve que c'est un recul. Au moins, actuellement, vous étiez obligés, si vous vouliez offrir quelque chose par une distribution sans représentant, de préparer un guide de distribution, que le distributeur le remette au client. Donc, au
moins, la personne pouvait lire certaines clauses, les principales
clauses. Ça, c'est le premier point.
Le deuxième point, l'abolition
du régime...
La Présidente (Mme
de Santis) : Une minute.
M. Beauchemin
(Marc) : ...de certificat restreint, écoutez, le seul point, c'est
que, nous, on avait toujours prétendu que
les distributeurs, surtout dans certains cas, devraient eux-mêmes être
certifiés, peut-être pas avec la
même chose. Et là, en abolissant ce régime-là, il n'y a même
plus cette possibilité-là en tant que telle. Donc, c'est pour ça
qu'on disait que ça a baissé.
M.
Savard (Gino-Sebastian) :
Alors donc, pour l'achat par Internet, ça sera comme quand vous tous,
comme moi, achetez par Internet. Donc, on va
aller acheter notre produit, on va donner notre numéro de carte de crédit.
Après ça, on va balayer huit pages de
petits caractères, gros de même, on va cliquer «j'accepte», puis ça va
être parti, mais on va se rendre compte, une fois décédé ou malade,
qu'on aurait dû lire les petits caractères.
M.
Bonnardel : Puis
rapidement... puis, vous, là, c'est un problème, à la page 31, vous dites que,
bon, selon la taille des activités, aussi des différents cabinets, un
seul représentant... mais un conseiller certifié nécessairement...
M. Savard
(Gino-Sebastian) : Avoir accès à un seul conseiller...
M.
Bonnardel :
Sur la taille d'un bureau, là.
M.
Savard (Gino-Sebastian) :
...ça veut dire que Google ou Facebook pourrait s'ouvrir un cabinet au
Canada, avec un cabinet, puis 200, 300 personnes en Inde qui conseillent les
produits financiers aux Québécois.
La Présidente (Mme de Santis) : Merci
beaucoup. Alors, Me Farley,
M. Savard, Me Rousseau, Me Beauchemin, on vous remercie
d'avoir participé et contribué aux travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Groupe Promutuel de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 29)
(Reprise
à 15 h 31)
La Présidente (Mme
de Santis) : Je souhaite la bienvenue aux représentants du Groupe
Promutuel. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, ensuite nous allons procéder à
la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et commencer votre
exposé. Bienvenue.
Groupe
Promutuel, fédération de sociétés
mutuelles d'assurance générale
M. Morin
(Jean-Denis) : Jean-Denis Morin, vice-président du Groupe Promutuel.
M. Fauchon
(Sylvain) : Sylvain Fauchon, chef de la direction au Groupe Promutuel
Assurance.
M. Girard (Simon) : Simon Girard, vice-président, Affaires corporatives et gouvernance, chez
Promutuel Assurance également.
Mme Beaudry (France) :
France Beaudry, notaire, coordonnatrice des services juridiques chez Promutuel.
M. Morin (Jean-Denis) : Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs
membres de la commission, et membres de la fonction publique, bonjour. Sont également présents avec moi
aujourd'hui, derrière, M. Michel Gauthier, président de Promutuel
Portneuf-Champlain et Martin Paquette, président de Vallée-Saint-Laurent.
D'entrée
de jeu, nous désirons vous remercier de nous avoir fait place pour nous
permettre d'exprimer notre point de vue — de Promutuel
Assurance — sur
le projet de loi n° 141. Notre présence cet après-midi, en commission
parlementaire, nous permet de parler au nom de nos 640 000 membres. Nos
assurés, qui ont fait le choix du modèle mutualiste,
l'ont fait au nom de l'économie locale. Ils ont choisi ainsi de se regrouper,
de faire valoir leurs particularités régionales.
Ils encouragent par le fait même le maintien, et la présence, et la création
d'emplois de qualité en région, et aussi,
également, le financement d'activités locales et régionales par les mutuelles
des régions. Un fort sentiment d'appartenance existe chez eux, ce qui
fait la force du service à nos membres.
Ceci étant dit,
aujourd'hui, dans un premier temps, M. Simon Girard, vice-président,
Affaires corporatives et gouvernance, fera
un retour sur le contenu de notre mémoire. Il mettra l'emphase sur l'importance
de ne pas dénaturer le modèle
mutualiste par des lois corporatives, sur les difficultés d'interprétation qui
marqueront sans doute, si le projet de loi est adopté tel que proposé, la nécessité d'adapter la loi sur les
assureurs au modèle mutualiste. Ensuite, M. Fauchon, notre chef de
direction viendra conclure notre présentation.
Je vous remercie de
votre écoute et, dès maintenant, je cède la parole à M. Girard.
M. Girard (Simon) : Merci, M. Morin. Madame et messieurs, j'aimerais tout de suite informer
la commission que nous aurons
l'opportunité de rencontrer le bureau du ministre des Finances le lundi
22 janvier 2018, pour discuter d'aspects
plus techniques du projet de loi n° 141, et nous serons heureux d'informer
ultérieurement la commission du résultat
de cette rencontre. Au-delà des aspects plus techniques, nous souhaitons vous
présenter un sommaire de notre mémoire et mettre l'emphase sur nos
observations, commentaires et préoccupations, notamment en ce qui a trait à
l'application de la Loi sur les sociétés par actions à des assureurs
mutualistes.
Puisque
nous sommes le seul groupement mutualiste dont la gouvernance ne peut se
comparer à celle des sociétés par
actions, nous souhaitions avoir la chance de vous faire part de nos inquiétudes
afin que vous compreniez les impacts importants que le projet de loi
n° 141 aurait sur le Groupe Promutuel, s'il était adopté tel que proposé.
Nous croyons d'ailleurs que ces impacts sont
plus importants pour Promutuel que pour tout autre assureur ou groupement
d'assureurs au Québec.
Le Groupe Promutuel
regroupe 17 sociétés mutuelles, un réassureur, Promutuel Réassurance, un
fonds de garantie et un fonds de placement,
le tout tel que plus amplement démontré à l'organigramme produit en annexe de
notre mémoire. Le Groupe Promutuel est présent dans le paysage québécois depuis
plus de 165 ans. Il emploie plus de 1 925 personnes
réparties dans les mutuelles et leurs
centaines de points de service partout en région, mais également dans la grande région de Québec et de Montréal. Notre volume-primes de plus de 815 millions et nos actifs de plus de 1 milliard de dollars font de Promutuel
un des plus grands assureurs de dommages au Québec. Aussi, le Fonds de
placement Promutuel gère un actif de 450 millions de dollars au bénéfice
de ses membres. Ce montant, qui était de 100 millions en 2007, a plus que quadruplé au cours des
10 dernières années et représente maintenant plus de 75 % des placements de toutes
les sociétés mutuelles.
Bien
que Promutuel soit ancré dans la communauté et qu'il soit reconnu dans chacune des régions
comme étant un partenaire important, il fait face à de grands défis liés
aux lois actuelles, en raison de son modèle mutualiste. Plus précisément, alors que l'actuelle Loi sur les
assurances consacre une section distincte aux dispositions visant à
encadrer la vie démocratique et la gouvernance des sociétés mutuelles, le projet
de loi n° 141 viendrait plutôt fournir un tel encadrement par
l'application de la Loi sur les sociétés par actions, une loi corporative, aux sociétés
mutuelles. L'application de cette loi rendra
le cadre législatif du Groupe Promutuel complexe et ambigu et
donnera une ouverture à de multiples interprétations. Cette application
ne fera qu'alourdir la vie démocratique des sociétés mutuelles, sans réel
bénéfice pour nos membres assurés.
D'emblée,
le texte proposé crée deux catégories d'assureurs : les sociétés
par actions et les sociétés mutuelles. Il est normal d'assujettir les
assureurs constitués en corporation sur la Loi sur les sociétés par actions,
puisque ce sont, à la
base, des corporations auxquelles les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions sont
adaptées et ont tout son sens.
Pensons, par exemple, au concept d'actionnariat, de capital-actions ou
de partage du reliquat. Il en va autrement des sociétés mutuelles, auxquelles
la philosophie et les notions de la Loi sur les sociétés par actions créent,
par leur application, des
distorsions. Notons d'ailleurs que plus de 10 % des dispositions du texte proposé de la Loi sur les assureurs fait état de
particularités, d'exceptions, de précision ou autres distinctions qui sont propres
aux sociétés mutuelles et qui sont nécessaires pour les distinguer des autres assureurs
constitués en société par actions. Ceci démontre bien, à notre avis, la difficulté d'assimiler les
sociétés mutuelles à des sociétés par actions.
Prenons
un exemple concret : nos 17 sociétés
mutuelles doivent convoquer leurs membres en assemblée générale au moins
annuellement. Les mécanismes
en place dans l'actuelle Loi sur les assurances ne créent par d'enjeu quant à
la convocation, le déroulement et, en général,
la gouvernance de ces assemblées. La vie démocratique des sociétés mutuelles ne bénéficierait pas d'un
nouvel encadrement qui, nécessairement, alourdirait cette gouvernance qui est
basée sur le principe d'un membre, un vote.
Donc, nul besoin de protéger certains au détriment de d'autres. Cet
alourdissement de la gouvernance, qui vise, selon nous, davantage
la protection des actionnaires minoritaires, se traduirait ultimement par
des contraintes financières dont les membres en subiraient le contrecoup.
D'ailleurs,
de par leur nature et leur gouvernance, les sociétés mutuelles se rapprochent davantage
des coopératives de services
financiers. Ces dernières voient leur encadrement corporatif et leur vie démocratique régis par une loi distincte, la Loi sur les coopératives de
services financiers. Nous n'avons pas de connaissance qu'il serait de
l'intention du législateur de prévoir que la Loi sur les sociétés par actions
supplée aux dispositions de la Loi sur les coopératives de services financiers
pour régir la vie corporative et la gouvernance des coopératives de services
financiers. Pourquoi en serait-il autrement des sociétés mutuelles?
Promutuel recommande
donc de continuer de traiter les sociétés mutuelles dans une section distincte
de la Loi sur les assureurs en incorporant
explicitement les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions qui
devraient leur être applicables. En
effet, plutôt que d'inclure par référence, comme le préconise
le projet de loi n° 141, des dispositions de la Loi sur les sociétés par actions qui ne
seraient pas applicables ou en contradiction avec les principes mutualistes et
qui, par conséquent, obligent à prévoir de
nombreuses exceptions, particularités, précisions ou distinctions propres aux
sociétés mutuelles, nous croyons qu'il
serait plus approprié de répertorier et d'incorporer dans le projet de loi sur les assureurs les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions qui sont
compatibles avec ces principes et qui favorisent la démocratie et la gouvernance des sociétés mutuelles. Ainsi, nous réduisons les risques de
se trouver devant des difficultés d'interprétation qui ne manqueront pas de
survenir, et nous éviterons de dénaturer le modèle mutualiste.
En
terminant, avant de passer la parole à M. Fauchon, j'aimerais attirer
l'attention des membres de la
commission sur d'autres éléments importants abordés dans notre mémoire. Comme
je le mentionnais précédemment, le Fonds de placement
Promutuel, gérant un actif de plus de 450 millions de dollars,
représente une activité économique
importante. Afin de lui permettre de gérer
ces placements de la manière la plus efficace possible, Promutuel souhaite que
la Loi sur les assureurs prévoie que le fonds de placement puisse
prendre diverses formes corporatives. Cette précision permettrait d'éviter que
la structure du Fonds de placement Promutuel soit désavantagée par rapport à
d'autres assureurs, ce qui entraînerait des opérations de placement moins
performantes.
Promutuel
souhaite également que le nombre de membres requis pour créer une fédération,
qui est de 12 membres selon les
termes de la loi actuelle, soit
maintenu et que le fait, pour une fédération, de compter moins de
12 membres ne crée pas un cas de défaut permettant au ministre
d'ordonner sa dissolution ou sa liquidation.
Notre
mémoire aborde aussi la question particulière de Promutuel Réassurance, le
réassureur faisant partie du Groupe
Promutuel, qui est régi par une loi privée. Promutuel recommande que la loi
privée de Promutuel Réassurance continue
de prévaloir et que Promutuel Réassurance ne soit pas soumise aux dispositions de la Loi sur les sociétés par actions. Pour conclure, je passe
la parole à Sylvain Fauchon.
• (15 h 40) •
M. Fauchon
(Sylvain) : Merci, M. Girard. Madame, messieurs, je vous résumerais
notre position comme suit : D'entrée de
jeu, nous saluons l'exercice de vouloir moderniser l'actuelle Loi sur les
assurances, l'exercice qui est nécessaire,
qui est attendu de l'industrie, qui est attendu également de nous. Notre
enjeu, il vient de la façon dont le projet de loi n° 141
est rédigé. Concrètement, l'application de la Loi sur les sociétés par actions, à titre
supplétif, on estime que c'est
incompatible avec la nature et le caractère unique de ce que nous sommes,
c'est-à-dire un groupe mutualiste. Une fédération, un fonds de garantie, un membre, un vote, ce
sont tous des exemples concrets. Ce sont des réalités qui n'existent pas dans l'univers des sociétés
par actions. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 141, on estime qu'il va amener des problèmes d'interprétation et de l'insécurité au sein de notre groupe.
Nous sommes conscients que notre réalité appose un défi supplémentaire au législateur. Notre objectif,
ce n'est surtout pas de retarder la mise
en vigueur du projet de loi n° 141, et encore moins d'obtenir un avantage compétitif à
l'intérieur de celui-ci. Notre objectif, c'est plutôt d'améliorer le projet de loi
n° 141 afin qu'il reconnaisse le modèle mutualiste, un modèle qui a fait
ses preuves, un modèle qui a déjà été reconnu par le gouvernement en d'autres
occasions.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Alors, merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant
débuter avec la période d'échange, M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Merci, Mme la Présidente. Alors, madame et messieurs, bonjour, merci,
merci d'être là. Je ne sais pas si
vous vouliez conclure, on vous a comme arrêté un peu, parce que... mais
allez-y, si vous avez d'autres choses à... Allez-y.
M. Fauchon (Sylvain) : Oui, j'apprécie,
merci beaucoup. Donc, effectivement, notre objectif, c'est vraiment de faire reconnaître le modèle mutualiste, un
modèle qui a fait ses preuves, un modèle qui est résilient, un modèle
aussi, on se rend compte, qui a de plus en plus de de popularité
auprès de la jeune génération, et un modèle aussi que le gouvernement a déjà reconnu en d'autres occasions.
Et, dans le fond, notre volonté également... s'il y a une ouverture de la part de la commission, soyez assuré de la
pleine collaboration de nos gens pour faire en sorte qu'on fasse ça
rapidement et de façon diligente. Merci.
M. Leitão : Très bien, merci. Et
vous aviez mentionné aux collaborateurs que, le 22 janvier, il va y avoir une
réunion avec les membres du ministère pour traiter de ces questions plus
techniques, plus précises, et on est ouverts à essayer de vous accommoder. Je
comprends très bien que le modèle mutualiste est différent des sociétés par
actions, donc on va essayer de trouver un
moyen d'accommoder votre organisation. Parce qu'en effet, c'est quand même un
succès intéressant au Québec, Promutuel, et donc ce n'est surtout pas notre
intention de nuire à votre croissance, à votre activité. Très bien, donc, on va
essayer d'adresser ces questions un peu plus techniques.
Maintenant, vous êtes dans le domaine de
l'assurance, bien sûr, on a entendu beaucoup de choses ce matin, cet après-midi, sur l'assurance générale, la
réglementation. J'aimerais avoir votre opinion sur l'AMF, sur la capacité
de l'AMF... pas la capacité, mais l'outillage que l'AMF a pour réglementer
l'industrie et pour... avec comme objectif de protéger
le public. Donc, vous faites affaire avec l'AMF, comment vous voyez ça? Est-ce
que vous pensez qu'avec les provisions
dans notre projet de loi, où on transfère à l'AMF les activités qui sont
maintenant exercées par les deux chambres... On a entendu que ce transfert-là va affaiblir la protection des
consommateurs. Vous êtes dans le domaine, qu'est-ce que vous pensez de
cet enjeu-là?
M. Fauchon
(Sylvain) : Je vais ajuster
mon chapeau. Je pense que je n'étais pas préparé à des questions de
cette nature-là. D'entrée de jeu, je pense que c'est important que je mentionne
que nous étions signataires, dans le fond, d'un
mémoire qui a été déposé par la CADD, donc la corporation des assureurs de
dommages directs. Donc, je pense que les
gens ont eu l'occasion de venir exprimer le contenu de ce mémoire-là.
Donc, étant signataires de ce dernier, je pense que nous sommes
confortables avec les modifications qui sont proposées à l'intérieur du projet
de loi n° 141, donc qui ajusteraient, dans le fond, certains pouvoirs, responsabilités,
en faveur de l'AMF.
M. Leitão : Ce que j'ai un
peu... c'est peut-être dommage, mais la discussion a un peu, à mon avis, peut-être
dérapé, dans le sens où on semblait imputer
des idées un peu malveillantes aux assureurs directs. Donc, quand on
vend de l'assurance directement, c'est comme... que, oups! faites attention,
c'est une façon peut-être de ne pas bien servir le consommateur. Mais vous travaillez dans ce domaine depuis longtemps
et, en tout cas, je ne pense pas que ce soit un enjeu.
Je pense que vous le faites très bien, que l'industrie le fait très correctement
au Québec. Quel est votre...
M. Fauchon
(Sylvain) : ...une particularité
que nous avons au sein de notre organisation, donc on fait également... nous distribuons au direct et par courtage. Donc,
comme on dit, on entend, dans le
fond, les commentaires des deux côtés. Mais je réitère, dans le fond, que, bien, un,
vous y faites allusion, la distribution directe, je pense, nous avons également
à coeur la protection du consommateur. Et si je reviens à votre question
précédente, effectivement, dans les échanges, nous, comme assureurs
que nous avons avec l'Autorité des marchés financiers, présentement on sent, dans
le fond, cette sensibilité-là, justement, à l'égard du consommateur.
M. Leitão : C'est ça. Et donc, vous, vous pouvez faire la
distribution directe et tout ça. Mais une personne qui travaille chez vous et qui fait ce travail-là, et
qui, donc, est en contact avec les consommateurs, cette personne doit
être certifiée. Donc, vous ne pouvez pas faire faire ce travail-là par quelqu'un
qui n'est pas certifié.
M. Fauchon (Sylvain) : Exactement.
Il doit détenir les permis en bonne et due forme.
M. Leitão : Alors
donc, ce n'est pas n'importe qui qui peut faire n'importe quoi. C'est une
activité qui est très encadrée, qui doit demeurer très encadrée. Et sur
ça, nous sommes d'accord.
Je ne sais
pas si vous utilisez ou non la distribution par Internet, mais, en tous les
cas, c'est quelque chose qui va certainement prendre de l'élan.
Pouvez-vous nous dire un peu comment vous faites ça? Est-ce que vous utilisez
la distribution en ligne ou vous n'êtes pas
encore rendus là? Est-ce que ce n'est pas pertinent dans votre modèle
d'affaires?
M. Fauchon (Sylvain) :
Aujourd'hui, notre utilisation d'Internet, je vais utiliser des anglicismes,
là, je m'en excuse, donc on va chercher des
soumissions. Mais, chez Promutuel assurance, nous ne sommes pas encore,
justement, là, on n'a pas franchi le pas de «binder», de...
Une voix : De conclure.
M. Fauchon (Sylvain) : ... de
conclure, excusez, merci la traduction, en ligne. Donc, justement, on attend, là, l'évolution des travaux, là, qui se font dans
le cadre du projet de loi. Par contre, c'est clair qu'à notre avis c'est
une réalité, donc, la distribution par
Internet, et les gens sont rendus là. Il faut s'assurer, dans le fond, de
rendre ça faisable tout en étant conscient
justement, là, qu'il y a un équilibre, dans le fond, de connaissances
différentes entre nous, manufacturier, et le consommateur. Donc, il faut l'encadrer. Mais j'ai déjà entendu, je ne
sais plus trop c'était quel moment... je pense que ça serait de se mettre la tête dans le sable, là, de
dire que ça n'arrivera pas, la distribution par Internet de produits
simples en assurance de dommage.
M. Leitão :
C'est ça. Parce que la distribution par Internet se fait déjà. Et elle se fait
de façon non encadrée. Donc, c'est
pour ça que c'est important pour nous de l'encadrer pour qu'on puisse mieux
protéger les consommateurs. Vous n'êtes pas encore rendus au point d'avoir un site transactionnel, mais ça
viendra. Ce qu'on a entendu d'autres participants, c'est que les produits d'assurance sont tellement
complexes que ça ne serait pas viable de faire ça. Et puis il faut
absolument avoir un contact direct avec un courtier, parce que c'est beaucoup
trop complexe. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
• (15 h 50) •
M. Fauchon
(Sylvain) : Je vous dirais,
la complexité des couvertures est
différente selon le secteur d'affaires. Deux exemples qui me viennent à l'esprit : l'assurance automobile,
je pense que les formulaires sont déjà, dans le fond, connus, uniformes, donc, pour moi, il y a un niveau de simplicité qui,
d'entrée de jeu, se prête bien, si on peut dire, là. C'est beaucoup plus simple pour procéder à la distribution en
ligne. À l'inverse, totalement à l'autre bout du spectre, si on pense de couverture responsabilité civile pour des
choses archicomplexes, là, mon opinion personnelle, là-dessus, je pense
que ça ne serait pas compatible du tout.
M.
Leitão : Très bien, merci.
Écoutez, moi, je n'ai pas d'autres questions. Je ne sais pas si, les collègues,
vous avez quelque chose. Mais encore une fois, je réitère notre ouverture
à en discuter avec vous, d'un point de vue technique, des changements
qu'il y aurait à faire ou pas, avec les membres du ministère. Je pense que le
collègue a une question.
M. Bolduc : Oui.
La Présidente (Mme de Santis) : M.
le député de Mégantic.
M.
Bolduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame, bonjour, messieurs. Dans votre organigramme,
que vous nous avez envoyé, juste pour une
question de clarification, puis,
souvent les gens qui nous écoutent, il y en a des millions, ils veulent
comprendre un peu plus de quoi on parle, est-ce que vous pourriez nous donner
un peu une espèce de survol? Parce que la
mutuelle est une organisation qui, elle, via ses membres, se finance et prend
le risque, puis... Mais vous avez des
commanditaires, des commandités, et vous avez toutes sortes de sociétés en
commandite. Vous pourriez juste nous donner une brève explication de
comment tout ça s'intègre et génère la caractéristique de mutuelle?
M. Girard
(Simon) : Le Groupe
Promutuel, à la base, est constitué de 17 sociétés mutuelles. Ce à quoi
vous faites référence, c'est des corporations ou des entités autour du
Groupe Promutuel qui ont été mises en place pour offrir des services aux
membres, donc, aux sociétés mutuelles, donc, indirectement, aux membres
assurés. Les sociétés en commandite auxquelles vous faites référence, c'est
pour le fonds de placement. Donc, à la fédération, à Québec, on gère les placements, plus de 75 % des
placements des sociétés mutuelles, et ces sociétés en commandite là ont été
mises en place pour faciliter, avec
l'économie d'échelle... donc, c'est plus facile de gérer 430 millions de
volume conjointement, par les mêmes gestionnaires, que 17 fois
séparément, pour chacune des sociétés.
Et un des éléments qu'on a fait valoir dans
notre mémoire, c'est que c'est important que la future loi sur les assureurs puisse nous permettre que ces fonds ou
ce fonds de placement là puisse prendre une forme juridique qui nous
permet d'avoir la même performance que si c'était fait dans une corporation
individuelle.
M. Bolduc : Globale.
M. Girard (Simon) : Exactement.
M. Bolduc : O.K., merci beaucoup.
C'est beau.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
questions du côté du gouvernement? Non? Donc, maintenant, nous allons
procéder avec le représentant de l'opposition officielle, le député de
Rousseau. La parole est à vous.
M.
Marceau : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, madame, bonjour,
messieurs. Bon, l'essentiel de votre mémoire
concerne la gouvernance de Promutuel. Bon, je ne suis pas un avocat versé dans
ces questions-là, je ne suis pas avocat
pantoute, puis encore moins un avocat... encore moins versé. Ça fait que
j'aimerais que vous me simplifiiez ça, si c'est possible. Ce que je comprends, puis peut-être que souvent c'est
une façon pour moi de mieux comprendre, c'est de l'exprimer. C'est que, donc, il y a présentement une loi privée qui a
été rédigée pour vous. Vous êtes aussi gouverné par les chapitres 3.1, 3.2, 3.3 de la Loi sur les
assurances du Québec, et là, ce qui est prévu, si j'ai bien compris, c'est de
faire disparaître le bout de la Loi sur les assurances du Québec puis que ça
soit la Loi sur les sociétés par actions qui vous gouverne. Puis là, il y a
plein de problèmes concrets qui découlent de ça. C'est-u correct jusqu'à
maintenant?
M. Girard (Simon) : Moi non plus, je
ne suis pas avocat, donc, je vais essayer de vous résumer ça...
M. Marceau : O.K., on est dans le
même club.
M. Girard
(Simon) : ...puis je vais
laisser Me Beaudry compléter. Actuellement, il y a la Loi sur les
assurances, qui est divisée en trois. Le
premier tiers, qui concerne tous les assureurs au Québec, le deuxième tiers,
qui concerne les sociétés
mutuelles, et le dernier tiers, qui concerne la fédération. Donc, les deux
tiers de la loi concernent uniquement Promutuel assurance. Et,
par-dessus ça, il y a Promutuel Réassurance qui est régi par une loi privée.
S'il n'y a pas de dispositions, dans la Loi
sur les assurances, pour nous, il n'y a pas de loi supplétive qui vient nous
aider dans la régie ou dans la
gouvernance des différentes entités. Donc, un des objectifs que le ministre
avait en intégrant la Loi sur les sociétés par actions, c'est de donner une loi supplétive au
Groupe Promutuel. Ça nous règle certains problèmes, mais ça amène
beaucoup de difficultés d'interprétation parce qu'on se trouve à appliquer des
dispositions de la Loi sur les sociétés par
actions qui visent notamment la protection des actionnaires minoritaires, etc.,
à un mouvement mutualiste qui est basé sur
un membre, un vote. Donc, moi, je n'ai pas à défendre l'intérêt de minorités
qui ont une différence de pouvoirs... par rapport à des actionnaires
minoritaires. Tous mes membres ont le même pouvoir dans l'organisation. Donc,
c'est cet élément-là. On a voulu amener une
loi supplétive, mais la façon dont c'est appliqué, ça amène beaucoup de
difficultés d'interprétation, et, nous, ça fait depuis 2015 qu'on
travaille sur le premier projet de texte, et on trouve encore des dispositions qui sont difficilement applicables
pour nous. Donc, c'est vraiment une gymnastique intellectuelle assez
ardue à compléter, puis je ne sais pas si, Me Beaudry, vous voulez ajouter
des spécificités?
Mme
Beaudry (France) : Bien, je
pourrais peut-être mentionner que, moi non plus, je ne suis pas avocate,
je suis notaire. Ça fait que j'ai plus de qualités que d'aucuns...
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme
Beaudry (France) : Je ne
ferai pas de politique, ceci dit. J'ai une expérience de la vie corporative
assez... de plusieurs années, sans révéler mon âge, et quand je suis arrivée
chez Promutuel, j'étais vraiment perdue, parce que je cherchais dans les lois corporatives qu'est-ce qui gérait Promutuel, et
il fallait se rabattre sur la section de la Loi sur les assurances qui gère la vie corporative de
Promutuel Assurance pour savoir qu'est-ce qui s'appliquait à elle. Et, au
terme de ces années-là puis au terme de nos
analyses, on arrive à la conclusion que tout ce qui était nécessaire pour
encadrer la vie corporative, la
gouvernance de Promutuel, se trouvait dans cette section-là de la loi.
L'exercice est ardu, de vouloir intégrer ça dans la loi sur les assureurs, de nous assimiler à un autre assureur
puis, par la suite, d'essayer de dire : Bien, ça, ça ne s'applique pas parce que ce n'est pas vraiment
applicable ou on fait une exception, ou... Alors, j'ai fait l'exercice de
relever le nombre d'exceptions, et il y en a
plus de 10 %, d'exceptions, de particularités, puis on dit, dans le projet
de loi : Bien, pour les sociétés mutuelles, c'est telle chose,
quand on parle de tel article, bien on devrait annuler tel article. Donc, il y a beaucoup d'exceptions, c'est très, très, très
difficile à lire. La vie corporative, la gouvernance, dans la loi actuelle
ne posait pas d'enjeu. Je salue l'exercice,
mais, en même temps, quand on le gratte et on le gratte, je n'arrive pas à
trouver une façon de le faciliter la lecture ou l'interprétation.
M. Girard
(Simon) : C'est pour cette
raison qu'on préférerait qu'on aille chercher les dispositions de la Loi
sur les sociétés par actions qui peuvent
nous permettre de bénéficier de la modernisation de la loi, parce que la Loi
sur les sociétés par actions, c'est
quand même un exercice de passer la loi sur les compagnies pour moderniser la
loi, donc, pour bénéficier de cette modernité-là, sans nécessairement
assujettir l'entièreté de la loi. Je vous donne un autre exemple...
M. Marceau : Juste pour être
clair, là, avant... Puis après ça, je vais... Donc, ce que vous proposez, c'est
que dans 141, dans le fond, on vous enlève
de là, là, on vous sorte de la Loi sur les assureurs, dans 141, puis qu'on
apporte des changements à la loi qui vous régit ou à la Loi sur les sociétés
par actions?
M. Girard
(Simon) : Pas tout à fait. Ce qu'on préférerait, c'est, plutôt que de dire : La Loi sur les sociétés
par actions s'applique de façon supplétive,
sauf pour telle, telle, telle chose, de dire : Les dispositions suivantes de la Loi sur les sociétés par actions devraient s'appliquer aux sociétés
mutuelles. Donc, pour être certain qu'on identifie tous les éléments qui
sont applicables et pertinents, plutôt que d'y aller a contrario et de...
M. Marceau : Mettons qu'on
vous laisse dans le 141...
M. Girard (Simon) : Oui, tout à
fait.
M. Marceau : ...mais de la
façon dont vous... Donc, une liste positive plutôt qu'une liste négative.
M. Girard (Simon) : Exact.
M. Marceau :
O.K. Je comprends. O.K. Très bon. Bon, bien écoutez, là, rendu là, vous allez
avoir une rencontre. Moi, je compte
sur vous, vous avez dit que vous alliez nous revenir, puis évidemment, il y a
une étude détaillée, alors... puis,
bon, on va vouloir aller promptement, mais, même si on y va promptement, ça va
prendre un certain temps, c'est certain. Ça fait qu'on aura l'occasion,
je suis certain, de recevoir vos commentaires sur l'allure de la rencontre que
vous avez eue.
Juste sur la... puis je sais que vous n'étiez
peut-être pas préparé à ça, mais, sur la vente par Internet, le fait que l'exigence d'un représentant certifié dans une
transaction par Internet ne soit pas présente, là, est-ce que vous, vous
êtes favorable à ça? Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça?
• (16 heures) •
M. Girard
(Simon) : Bien, nous, ce qu'on a toujours dit, en plus de supporter
les positions de la CADD, la Corporation des
assureurs directs, il faut assurément trouver un équilibre entre les désirs des
consommateurs de faire des transactions
de façon autonome sur Internet et l'information qui doit leur être donnée s'ils
ont besoin de conseils. Parce qu'on
ne se cachera pas, on a eu des exemples tout à l'heure, qu'il y a des produits
d'assurance qui peuvent être complexes. L'équilibre est difficile à trouver, mais je pense qu'il va falloir se
rendre là pour mettre à la disposition des consommateurs l'information dont ils ont besoin au moment où ils
en ont besoin. Est-ce que ça veut dire que ça prend nécessairement
quelqu'un qui parle à la personne avant de conclure un contrat? Peut-être pas,
mais il faut absolument qu'il y ait des mécanismes qui permettent de protéger
les consommateurs.
M. Marceau : Ça va pour moi.
Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au représentant du deuxième groupe de l'opposition, le député de Granby.
M.
Bonnardel : Merci,
Mme la Présidente. Messieurs dames, bonjour.
Petite
question aussi sur un peu ce que mon collègue vous a posé. À la page 4, le
point 4. Je veux juste comprendre un
peu ce qui a été les négos avec le gouvernement. Vous dites : Promutuel a
eu la possibilité de formuler ses observations auprès du bureau du ministre des Finances dans le cadre de la révision
de la Loi sur les assurances du Québec et a été placé devant l'obligation d'identifier, à la demande du
bureau du ministre, les dispositions de la loi de la société par
actions. Vous dites un petit peu plus loin,
à l'autre paragraphe : Promutuel arrive à la conclusion que l'application
de la loi sur les sociétés par actions ou sociétés mutuelles
représenterait un changement majeur qui rendrait le cadre législatif de
Promutuel complexe et ambigu, pouvant donner ouverture à de multiples
interprétations.
Comment on
est arrivés à ce qu'on ne soit pas capables de vous satisfaire dans cette loi?
Pour répondre un peu à ce qu'on mon
collègue vous a posé, là... Donc, vous dites, en octobre 2016, on rencontre le
gouvernement, on rencontre le ministère :
Voici les dispositions d'une future loi n° 141, vous êtes une
mutuelle. Comment ça se fait qu'on en arrive à ça aujourd'hui?
M. Girard (Simon) : Je vais
commencer puis je vais vous laisser compléter.
On a commencé les travaux avec le bureau du
ministre justement, comme vous le disiez, pour identifier les éléments qui ne s'appliquaient pas et qui ne
trouvaient pas application pour le Groupe Promutuel. C'est des travaux
que le bureau du ministre nous avait demandé
de faire. On a commencé nos travaux. On a fait une première série
d'identifications. Et, au fur et à mesure
qu'on faisait nos travaux, on trouvait toujours des nouveaux éléments qui
faisaient en sorte que ça ne s'appliquait
pas chez Promutuel et on arrivait même à des situations où on avait des
difficultés d'interprétation. On parlait avec des représentants du bureau du ministre, qui nous disaient :
Oui, ça, c'est l'intention du légiste, c'est comme ça, on a la même interprétation de la loi. Nous, dans les
travaux à l'interne, on en discute puis on dit : O.K., tout le monde est à
la même place aujourd'hui. Mais vous savez
ce que c'est, des juristes, ça peut interpréter des lois de façons différentes.
Quelle sera l'interprétation de la loi dans
cinq ans par différents juristes? C'est là où avait un inconfort. Donc, on en
est venus à la conclusion que ça
serait beaucoup plus sécurisant pour Promutuel que des dispositions soient
exclues, comme on le disait tantôt, ou ajoutées par une liste positive
plutôt que par référence avec des exclusions.
M.
Bonnardel : O.K.
Mme Beaudry (France) : Voulez-vous
que je complète?
M.
Bonnardel : Oui, si
vous avez une minute, là, oui.
Mme Beaudry (France) : Puis, dans
nos échanges, qui étaient toujours très constructifs, puis on avait une excellente collaboration... Évidemment, ça ne nous
donnait pas le texte final. Ça fait que parfois on nous disait : Oui,
ça, ça va être réglé, ça, ça va être réglé,
ça, ça va être réglé. Ça fait que, quand on a relu le projet de loi
n° 141, certains aspects étaient
réglés, suscitaient d'autres questions parce qu'on n'avait pas lu le texte
final, et d'autres, on se disait : Ah non! Ça n'a pas de sens, de la façon dont c'est réglé, parce
que ça peut amener une autre problématique qu'on n'avait pas anticipée.
Alors, tout ça fait en sorte qu'on se retrouve aujourd'hui à encore se
questionner sur plusieurs dispositions.
M.
Bonnardel :
Vous dites, au point c, à la page 3 : Promutuel recommande que le nombre
de membres requis actuellement pour
créer une fédération aux termes de la Loi sur les assurances... 12 membres soit
maintenus, et que le fait, pour une fédération, de compter moins de 12
membres ne crée un cas de défaut permettant au ministre d'ordonner sa
dissolution et sa liquidation. Je sais qu'on en parle un petit peu plus loin.
Pouvez-vous élaborer et préciser un petit peu la problématique?
M. Girard
(Simon) : Tout à fait.
Alors, on ne se cachera pas que le nombre de sociétés mutuelles dans notre
groupe a diminué de façon importante au cours
des dernières années. Dans les 10 dernières, on est passés de 32 sociétés à 17
aujourd'hui. Donc, le nombre se réduit de façon considérable.
M.
Bonnardel : Ah!
excusez-moi, des fusions, c'est ça, des regroupements, là...
M. Girard (Simon) : Oui, tout à fait, des regroupements pour
différentes raisons : efficacité opérationnelle, etc.
Par contre, ce qui
nous préoccupe avec le nombre de six membres, c'est... Ce qu'on souhaite...
C'est que la réduction, en atteignant un
certain seuil, peut devenir problématique. Donc, ça peut affaiblir le mouvement
mutualiste. Et on préférerait que le statu
quo à 12 membres soit maintenu et que ça demeure la prérogative du ministre et
de l'autorité d'accepter que le
nombre diminue en bas de 12 dépendamment du contexte dans lequel ça se fera
quand on sera rendus là. Donc, on préférerait le statu quo à cet égard.
M.
Bonnardel :
Ça me va. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, M. Morin, M.
Fauchon, M. Girard et Me Beaudry, merci d'avoir contribué aux travaux de
la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Ordre des
comptables professionnels agréés du Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 5)
(Reprise à 16 h 11)
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants
de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à ensuite
présenter votre exposé. Bienvenue.
Ordre
des comptables professionnels agréés
du Québec (Ordre des CPA du Québec)
Mme Mottard (Geneviève) : Merci,
Mme la Présidente. Donc, bonjour. M. le ministre, membres de la commission,
c'est avec grand plaisir que je viens vous
parler aujourd'hui. Alors, mon nom est Geneviève Mottard. Je suis
présidente et chef de la direction de
l'Ordre des CPA du Québec. M'accompagne Me Christiane Brizard, qui est
secrétaire de l'ordre et aussi conseillère stratégique en matière de
législation et réglementation de la profession.
Alors,
je vous dis encore une fois merci de l'invitation que vous nous avez tendue de
participer aux consultations du projet de loi n° 141. C'est clair
que le projet de loi n° 141, c'est une pièce de législation majeure. Il
propose une actualisation que nous jugions
essentielle, de mettre à jour l'encadrement du système financier, qui permettra
au Québec de s'adapter à l'ère numérique et aux nouvelles réalités d'une
économie qui change sans cesse.
Depuis
la création de l'AMF, et à chaque fois que le législateur a voulu modifier le
rôle de l'auditeur ou modifier les
pouvoirs de surveillance ou d'enquête de l'AMF, la démarche a toujours été
menée dans un esprit de collaboration avec l'ordre des CPA. C'est donc par hasard, et avec une certaine
stupéfaction, qu'en lisant le projet de loi on a fait la découverte de dispositions qui touchent aux fondements mêmes
de la profession comptable. On a eu plusieurs discussions avec l'AMF en amont du dépôt du projet de loi, ainsi qu'avec
le ministère des Finances, concernant l'aspect dénonciation au projet de
loi. Mais malheureusement aucune des dispositions qui modifient de façon
importante le rôle du CPA n'a fait objet de
consultations avec l'ordre. Évidemment, c'est ce qui nous amène devant vous
aujourd'hui. Je pense qu'une solution simple
et qui ferait gagner du temps à l'appareil gouvernemental, à l'AMF et à vous,
les parlementaires, ce serait à l'avenir de consulter l'ordre en amont
des dépôts du projet de loi chaque fois que ceux-ci modifient de façon si
importante la profession de CPA. Et, M. le
ministre, je vais avoir besoin que vous nous rassuriez à ce sujet-là et que
vous nous rassuriez que le travail qu'on fait avec l'AMF ne sera pas en
vain à ce sujet.
Le
projet de loi propose une série de dispositions qui traduisent malheureusement
d'une méconnaissance des règles d'audit
et du rôle du CPA. C'est à croire que le législateur a entrepris de modifier le
rôle de l'auditeur en lui imposant des responsabilités qui ne relèvent
ni de ses fonctions ni de son expertise. Le CPA est un professionnel qui
optimise la performance, la rentabilité et
la saine gouvernance des entreprises. Il contribue à la fiabilité de
l'information financière, un gage essentiel pour gagner et maintenir la
confiance du public et des diverses parties prenantes à la gouvernance des
marchés financiers. C'est donc un acteur clé du bon fonctionnement de ces
marchés financiers et de la protection des investisseurs.
Alors qu'il agit comme auditeur externe, il a la responsabilité de certifier la
conformité des états financiers. Il intervient donc en ligne de défense
supplémentaire, en aval des processus de contrôle du conseil d'administration
et du comité d'audit.
Et c'est ici, Mme la
Présidente, que le projet de loi introduit une véritable confusion des genres.
En tentant de décrire dans des dispositions législatives les normes d'audit généralement reconnues, auxquelles les CPA sont assujettis, le législateur
crée de la confusion et impose un double standard aux CPA du Québec. Je vous le
dis très clairement. Il n'y a aucune valeur ajoutée d'aller réécrire les normes
d'audit dans un vocabulaire différent, sans les précisions et les nuances qu'elles contiennent, au lieu d'y faire tout simplement référence. J'ai dans mes mains ici une partie du manuel des normes d'audit d'un CPA. Il est malheureusement déconcertant de constater qu'aucune disposition du projet de loi n° 141 ne prévoit que l'auditeur doit respecter ces
normes d'audit qui sont généralement reconnues, alors qu'elles font partie du
corpus législatif actuel, et je peux vous en donner quelques exemples.
Les dispositions du projet de loi prévoient que
l'auditeur qui détecte une erreur ou un renseignement inexact, et, selon lui, importante dans les états financiers... qu'il peut les modifier s'il le juge nécessaire. On n'a pas besoin
d'être très familier avec les normes d'audit pour savoir
qu'un auditeur n'est pas propriétaire des états financiers et, non, ne peut pas
lui-même les modifier puisque, ce faisant, il contrevient à sa règle
d'indépendance. La responsabilité est la propriété
de la direction. La responsabilité des états financiers incombe à la direction
et aux responsables de gouvernance de l'entité.
Autre
exemple, où, cette fois, les rôles de l'auditeur et de l'actuaire ont été
confondus, les dispositions prévoyant la rédaction par l'auditeur d'un rapport détaillé lorsqu'il a pris
connaissance, dans le cadre de ses fonctions, d'une situation qui entraîne une détérioration de la situation
financière de l'entité. Cette obligation constitue pour l'auditeur une
reddition de comptes qui dépasse de très loin la portée de son mandat.
Enfin,
l'introduction par le législateur d'une nouvelle responsabilité du CPA de
s'assurer du respect par l'entité des pratiques de saine gestion et des
saines pratiques commerciales... Encore là, le législateur porte à l'auditeur
une responsabilité qui ne relève pas de sa mission, mais qui relève du conseil
d'administration et du comité d'audit.
J'aimerais
vous parler maintenant de notre deuxième sujet, qui est celui de la
dénonciation. Le projet de loi
prévoit la levée du secret professionnel du CPA afin d'autoriser, sinon d'encourager, celui-ci à dénoncer
auprès de l'AMF, ou son employeur, ou
son client, et ce, sans préciser les situations où il est justifié de le faire
ni les démarches qu'il doit effectuer à l'interne avant d'arriver à une solution aussi extrême. Nous y voyons
là, et nous ne sommes pas les seuls, un sérieux risque de dérapage dont toutes les conséquences n'ont pas
été réfléchies ni mesurées. L'ordre reconnaît l'importance d'emblée
d'instaurer des mécanismes de dénonciation. Il reconnaît également la nécessité
de lever le secret professionnel pour dénoncer des infractions graves qui sont
susceptibles d'entraîner un préjudice financier pour des investisseurs et le
grand public.
Toutefois, la
qualité de l'audit, sur laquelle plusieurs fondent leur jugement d'une
entreprise, dépend en grande partie
de la relation de confiance de l'auditeur avec cette entreprise. Cette relation
de confiance assure le libre accès à l'auditeur
à toute l'information qu'il a besoin pour réaliser sa mission. Un encadrement
judicieux de la dénonciation est donc,
dans cet exercice, essentiel. Le projet de loi fait malheureusement fausse
route à cet égard en proposant de généraliser la levée du secret
professionnel du CPA pour tout manquement d'une entreprise à une loi que l'AMF
est chargée d'appliquer, et ce, sans égard à la gravité de ce manquement ou du
préjudice.
Pour éviter
d'affaiblir la position des entreprises assujetties au contrôle de l'AMF, une
dénonciation par un CPA à une
autorité externe devrait être limitée à des manquements dont la gravité est
susceptible d'avoir un impact sur les états financiers ou sur la continuité
de l'exploitation de l'entreprise, c'est-à-dire lorsque ça cause un préjudice
financier important. Nous sommes persuadés
que l'intention du législateur n'est pas d'ouvrir la porte à l'arbitraire, mais
de s'assurer d'avoir une dénonciation de qualité, et je vais mettre
l'emphase là-dessus.
• (16 h 20) •
Pour parvenir à avoir des dénonciations de
qualité, on suggère une démarche qui devrait reposer donc sur sept conditions : un, consulter l'ensemble
des parties prenantes, au premier chef, l'ordre des CPA; deuxièmement,
respecter les règles de gouvernance et le rôle fondamental du conseil
d'administration de l'entreprise, comme le réclament, d'ailleurs, l'IGOPP, l'IAIS et le CCRC dans leurs mémoires
et lettres déposés à cette commission; troisièmement, ne pas court-circuiter
et substituer les normes d'audit, qui sont maintenant internationales et
auxquelles adhèrent 130 pays, dont le Canada; quatrièmement, favoriser
la dénonciation préalable par des canaux internes comme notamment le prévoit la
norme NOCLAR, qui est «non-compliance with
laws and regulations», qui a été adoptée par l'IFAC, dont le Canada est membre, et 130 pays, dont ceux
de l'Union européenne et du Commonwealth, à la demande même des autorités de réglementation et des investisseurs; cinquièmement, de définir le
processus à suivre par le dénonciateur; sixièmement, définir la gravité
des manquements; et enfin assurer l'immunité dont doit bénéficier le CPA.
Nous sommes
d'avis que ne pas respecter les normes NOCLAR, qui sont déjà
prévues dans les normes... de prendre effet l'an prochain, va vraiment
désavantager économiquement le Québec sur un plan non seulement canadien, mais
international.
La réflexion
qui a été faite ici est un juste équilibre entre les préoccupations qu'on vous a présentées. Alors, je vous remercie et il me fera
plaisir de prendre vos questions, évidemment.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Alors, mesdames, bonjour. Merci d'être là, de partager vos enjeux,
vos préoccupations.
Peut-être, en commençant, je vous dirais que ce
serait un peu difficile pour nous de vous consulter de façon très précise avant le dépôt du projet de loi parce que ce serait un peu un outrage au Parlement. On vous a consultés
de façon générale, oui. Mais, pour ce qui
est des détails du projet de loi, c'est après l'avoir déposé qu'on peut avoir ces
échanges-là. Je comprends qu'il y a certains enjeux qui vous préoccupent.
On va certainement y réfléchir pour voir s'il y a une façon
de les adresser.
La question de la dénonciation, et donc de la
levée du secret professionnel, ça a été longuement discuté entre nous, et surtout ça a été longuement discuté dans
le contexte... On avait aussi parlé de ces choses-là lors d'une
discussion du projet de loi n° 87. C'est ça, 87? Je n'ai pas le numéro. Le n° 87, donc, le projet de loi sur les lanceurs d'alerte, nous, on avait déjà
parlé de la nécessité de lever le secret professionnel pour, en fin de compte,
protéger les délateurs, protéger les lanceurs d'alerte.
Alors, ici,
dans ce projet de loi, ce qu'on fait à cet égard-là, c'est par souci
d'harmonisation ou de continuité avec ce
qui a déjà été fait. Alors, je comprends que c'est... C'est ça,
vous n'êtes pas nécessairement à l'aise avec ça, mais vous n'étiez déjà pas très à l'aise avec la levée du secret quand
on a parlé du projet de loi n° 87. Donc, on a une certaine cohérence entre les différents projets de loi et c'est pour ça qu'on a fait ça
ici aussi. Bon, on va voir si on peut amener certaines précisions. C'est clair que nous, on ne va pas... on n'est pas
intéressés... On ne veut pas avoir une situation où il y aurait toutes sortes de dénonciations
frivoles. Ce n'est pas ça du tout, là... Donc, en effet, nous, ce qu'on a en
tête, c'est que ce qui devrait être dénoncé,
ce sont des infractions graves ou susceptibles d'entraîner un préjudice
important. Ce n'est pas dans notre intention d'ouvrir la porte à un peu
tout et n'importe quoi.
Donc, c'est ça, on va continuer d'analyser les questions
à la lumière de votre mémoire pour voir s'il y a des ajustements qu'on doit faire.
On travaillera sur ça. Mais là où j'aimerais vous entendre un peu, c'est...
Vous parliez tantôt que ça créerait, si on
ne change pas ce qu'on a ici, une espèce de... une situation où les comptables
au Québec seraient dans une situation beaucoup plus problématique vis-à-vis vos confrères dans
les autres provinces canadiennes. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus
qu'est-ce que... plus concrètement?
Mme Mottard (Geneviève) : Certainement.
D'abord, je suis très heureuse d'apprendre que ce n'était pas l'intention du législateur d'ouvrir à des
dénonciations que je vais dire mineures. Donc, nous, notre recommandation, ça va être de préciser dans le projet de loi les conditions
sous lesquelles un CPA devrait faire une dénonciation, c'est-à-dire qu'il y a
un préjudice financier important, une fraude, bon. Alors, là-dessus, on
s'entend totalement. Je dois vous dire d'emblée qu'on n'est pas contre, hein,
la levée du secret professionnel du tout, mais c'est dans des situations qui le
justifient, d'où l'importance, je pense, d'apporter les précisions que vous
mentionnez, M. le ministre, à ce sujet-là.
Sur la question de la cohérence législative, je
pense qu'il faut mesurer, et ça va répondre à votre deuxième préoccupation, le
risque d'avoir une incohérence entre deux lois du Québec et une incohérence du
Québec versus le Canada et versus
l'international. Et les réflexions... Le commentaire que je vous faisais
tantôt, c'est que le restant du monde, dont l'Ontario maintenant, a
balisé les circonstances dans lesquelles une dénonciation doit être faite,
menant à la levée du secret professionnel.
Et il y a
deux, je vais dire, grandes conditions. Un, c'est qu'il y a un degré de
gravité. Alors, ça reprend vos propos où il y a un degré de gravité,
donc que ça va avoir un impact important au niveau des états financiers, ça va
avoir un impact important au niveau d'un
préjudice financier aux investisseurs. Ça, c'est les premières conditions. Les
deuxièmes, c'est que ce processus-là doit se faire premièrement à l'interne, et
pour ne pas court-circuiter les mécanismes de gouvernance
qui existent déjà à ce sujet-là, notamment par le rôle du comité d'audit et par
le rôle du conseil d'administration. Et ça, je vous invite à lire le
mémoire de l'Institut des administrateurs de sociétés du Québec, qui explique
très bien cette problématique-là.
Donc, la dénonciation doit, en premier, passer
par un processus externe... et que, si celui-là n'aboutit pas, oui, on est d'accord à ce qu'il y ait à ce moment-là
dénonciation à l'externe, mais toujours en respectant la première
prémisse de base qu'il y a un préjudice important, grave, ou un impact
important sur les états financiers.
M. Leitão : Pour bien comprendre,
donc, vous, vous suggérez que la dénonciation se fasse d'abord à l'interne.
C'est ça?
Mme Mottard (Geneviève) : Oui, tout
à fait.
M. Leitão : O.K., parce que vous
avez dit...
Mme Mottard (Geneviève) : Et, c'est
ça, la réflexion qui a été faite, à laquelle les normes canadiennes vont s'harmoniser cette année, prévoit ce mécanisme à
l'interne et ensuite à l'externe si ces mécanismes-là n'ont pas abouti.
M. Leitão : Excusez-moi, mais, dans
le cas, donc, d'un événement grave, dans un souci d'agir rapidement, pourquoi est-ce que le comptable, le CPA, ne
pourrait pas s'adresser directement à l'AMF avant de passer par le
mécanisme interne?
Mme
Mottard (Geneviève) : Parce qu'en fait vous court-circuitez les
mécanismes de gouvernance et les normes professionnelles qui existent à ce sujet-là. Et c'est exactement ça, la
réflexion, après cinq ans d'efforts qui ont été faits, à l'international. Si un CPA voit un acte, un
préjudice financier grave et une faute grave, je peux vous garantir qu'un
conseil d'administration ne devrait pas rester assis là-dessus très, très
longtemps. Et un CPA, je pense, est un professionnel qui va porter un jugement, de dire : Si, après 24 heures que
je rapporte une faute majeure, rien ne s'est passé... Peut-être, à ce moment-là, qu'il prendra la décision d'aller à
l'externe, mais il ne faut pas court-circuiter les rôles qu'on donne aux
personnes qui sont responsables de la
gouvernance. La différence ici, M. le ministre, par rapport à 87, c'est qu'on
parle de sociétés publiques, alors c'est
majeur. Ce n'est pas nécessairement dans le cas de malversations, où là on fait
affaire à l'État. Vous avez un public investisseur ici.
Donc, la
cohérence législation... Je le comprends très bien, votre point, mais, je
pense, c'est plus important d'être cohérent économiquement parlant pour
ne pas désavantager les CPA du Québec, qui auront un peu toujours cette épée de Damoclès là sur la tête. Est-ce que les
sociétés, à ce moment-là, vont être moins transparentes envers leur CPA parce qu'il va toujours y avoir le
risque que le CPA pourrait aller dénoncer?
• (16 h 30) •
M.
Leitão : Je comprends votre
point. Mais vous ne pensez pas que ça serait plus simple pour le CPA
d'avoir cette possibilité d'aller directement? Parce
que, là, il ou elle peut se trouver
dans une situation un peu complexe où il se rend compte qu'il y a un manquement très grave, il ne peut pas
aller directement à l'autorité réglementaire, il doit attendre que ça se fasse à l'interne d'abord.
On peut le lui reprocher plus tard : Bien, tu aurais dû, tu étais au
courant, tu aurais dû. Vous ne voyez pas là un risque aussi?
Mme
Mottard (Geneviève) :
J'aimerais vous rappeler que le CPA ici, dans le projet de loi, n'a pas l'obligation
de dénoncer, hein? On l'encourage à dénoncer. Alors, ça amène l'effet pervers
que vous venez exactement d'exposer, M. le
ministre, c'est-à-dire qu'un CPA pourrait, parce
qu'on ne lui a pas demandé de
faire... cette obligation-là de ne pas dénoncer. Et, s'il ne dénonce
pas, il ne bénéficie d'aucune immunité. Alors, si le CPA découvre une fraude
grave et, pour des raisons... parce qu'il a peur de représailles, parce
qu'il a peur de perdre son travail,
ne dénonce pas et qu'un jour cette
fraude-là, par exemple, est divulguée, le CPA ne bénéficie d'aucune
immunité. Alors que, s'il va dénoncer, bien là, il aura une immunité.
Alors, vous pouvez imaginer l'inconfort dans lequel vous allez mettre nos
membres.
Encore une fois, on a
des mécanismes de gouvernance. Il y a des normes qui légifèrent, si vous voulez,
les comportements qu'un CPA doit faire
devant une situation comme ça, et je pense qu'on ne doit pas les
court-circuiter, à défaut de se camper un peu dans notre coin, tout
seuls, au Québec.
M. Leitão :
O.K., très bien.
Mme Brizard
(Christiane) : M. le ministre, si vous me permettez...
M. Leitão :
Oui, certainement.
Mme
Brizard (Christiane) : Il y
a aussi des exemples américains et le NOCLAR où, dans les situations
telles que vous décrivez, il y a
urgence à dénoncer. Parce qu'on parle d'une situation grave, il y a
des mécanismes prévus, dans ces dispositions-là, où il
y a des délais à respecter, c'est-à-dire qu'on tente de le régler à l'interne, mais il y a
des délais très, très courts où, quand ça devient évident qu'à l'interne
ça ne se réglera pas, à ce moment-là, on autorise immédiatement la dénonciation à l'externe. Mais tout ça, comme dit
Mme Mottard, c'est balisé, et à ce
moment-là le professionnel sait
ce qu'il doit faire, quand, comment, pourquoi.
On ne laisse pas place à l'arbitraire, on ne laisse pas place à une
incertitude pour le professionnel.
M. Leitão :
Très bien. Merci. Je voudrais vous amener maintenant sur un autre enjeu qui
vous concerne, je pense, directement, mais vous ne l'avez pas abordé dans votre mémoire, mais ça a été
abordé ici, dans un autre contexte, c'est
la notion de conseil. Et on a entendu, soit de la part des groupes qui
représentent les courtiers en immobilier comme aussi les courtiers en assurance, que la notion de courtage devrait être
assez large pour inclure aussi la notion de conseil et que, donc, seulement les courtiers
certifiés seraient autorisés à fournir des conseils. Moi, il me semble que,
justement, les comptables, c'est un peu
votre ADN de donner des conseils.
Alors, comment est-ce que vous voyez ça? Est-ce que ça serait une... Ça rendrait, il me semble, votre vie
assez complexe.
Mme Mottard
(Geneviève) : Je vais demander à Me Brizard de répondre.
Mme
Brizard (Christiane) : On a
déjà fait valoir notre point de vue au ministre
des Finances, dans le cadre de
la première consultation en matière de loi sur le courtage puis de description de la définition d'activité de
courtage, et on le mettait en garde justement de vouloir réserver l'activité
de conseil dans l'activité de courtage. Au niveau des ordres professionnels, dans les 46 ordres
professionnels, plusieurs
des ordres avaient fait... ont déjà fait des démarches pour se faire
réserver l'activité de conseil, et, dans aucun de ces ordres-là, l'activité de
conseil n'est-elle réservée, justement à cause des difficultés, de l'arbitraire,
du flou artistique que peut amener de définir ce qu'est l'activité de conseil.
On va prendre comme
exemple la Loi sur les CPA. L'article 4 définit le champ d'exercice ainsi
que l'activité réservée. Le champ
d'exercice, c'est très large, et on prévoit, dans le champ d'exercice, qu'il y a
une activité de conseil. Pourquoi on prévoit ça? Pour
permettre d'appliquer le code de déontologie, tous les règlements
d'encadrement qui nous permettent de réguler à la fois l'activité
de services particuliers et l'activité de conseil. Mais, dans l'activité qui
nous est réservée, qui est la certification,
l'activité de conseil n'apparaît pas, et c'est la même chose pour les 45 autres ordres professionnels.
M.
Leitão : Très bien.
Merci. Écoutez, pour moi, c'est tout. Je ne sais pas si vous avez des
questions, les collègues. Non? Alors, ce serait tout pour moi. Merci
beaucoup de votre participation.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, M. le ministre. Maintenant, la
parole est au représentant de l'opposition officielle, député de
Rousseau.
M.
Marceau : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour... ou bonsoir, mesdames — à
cette heure-ci. Bien, merci pour
votre mémoire. Peut-être des questions... juste revenir sur la question
du seuil de gravité pour la... enfin, pour qu'on se mette à dénoncer. Comment c'est formulé ailleurs? Parce que
vous nous disiez que ça existe ailleurs, là. Comment on le formule, le seuil de gravité? C'est un
impact sur, je ne sais pas, moi, la valeur des actions d'entreprises? Ou,
enfin, je vous laisse développer là-dessus, s'il vous plaît, pour qu'on en
sache plus.
Mme
Mottard (Geneviève) : Les
deux grandes lignes qui sont utilisées dans la définition internationale sont
au niveau d'avoir un impact important en
vertu des normes d'audit et de comptabilité sur les états financiers. Donc,
c'est-à-dire qu'un auditeur fait le
constat que l'état financier qui lui est présenté par la direction ne
représente pas de façon juste les chiffres
ou les divulgations qu'il devrait y avoir et que ce manquement-là, cette
erreur-là est importante au jugement que porterait quelqu'un en lisant
les états financiers. Ça, c'est le premier constat, le premier critère.
Le deuxième,
c'est quand ça met en péril la continuité d'exploitation de la société.
C'est-à-dire que l'auditeur fait un constat
que, dans un délai à l'intérieur d'un an — et, encore une fois, ça aussi, c'est balisé
dans les normes — la
société va visiblement avoir de la difficulté à continuer ses opérations, payer
ses créanciers et payer ses employés.
Alors, c'est
à l'intérieur de ces grandes lignes là. Et le CPA, à ce moment-là, dit :
Bien, s'il y a une erreur majeure dans
les états financiers, et les gens s'appuient sur cet état financier là pour
faire une décision, investir, et qu'il y a... et/ou, surtout ou, il y a un doute important quant à la
continuité d'exploitation de cette société-là, eh bien, là, ça, ça devient,
donc, des éléments qui créent un préjudice
financier important au public investisseur. Et c'est dans ces cas-là que la
norme dit qu'il devrait y avoir dénonciation.
M. Marceau : Puis ça, ça existe,
mettons, en Ontario?
Mme
Mottard (Geneviève) : Oui, ça existe en Ontario et ça va exister au
Canada aussi une fois que le Canada se sera harmonisé aux normes
internationales qui ont été réfléchies à ce sujet-là.
M. Marceau : O.K.
Mme
Brizard (Christiane) : En fait, en Ontario, on utilise le critère
«serious violation», donc on a la gravité. Dans le reste du monde, on va dans beaucoup plus de détails sur la
précision, sur le critère de gravité. Mais, si vous voulez, on pourra
vous fournir l'information.
M. Marceau : Surtout à l'équipe du
ministre, pour qu'ils puissent...
Mme Mottard (Geneviève) : Mais ça
respecte essentiellement les deux grands principes que je vous explique, oui.
M.
Marceau : Oui. Bien je comprends le principe, là. O.K. O.K. Sur la
question que vous abordiez aussi avec le ministre, sur la question de la dénonciation puis de l'urgence, là,
qu'il pouvait y avoir, on peut... Vous disiez qu'il y avait des balises qui faisaient en sorte que, bon, dans des
situations extrêmement urgentes ou extrêmement graves, là, il y a moyen peut-être de passer outre le mécanisme interne.
Quand, par exemple, il y a une fraude qui a été concoctée par, je ne
sais pas, la moitié des membres du conseil
d'administration, mettons, là, on s'entend que... j'imagine qu'il va y avoir
des balises aussi concernant
l'identité des personnes autour de la table, puis qui a concocté la fraude,
puis qui l'a... Est-ce que ça existe, ça?
Mme
Mottard (Geneviève) : Oui, tout à fait, c'est aussi réfléchi dans la
norme internationale, où le CPA doit se poser la question : Qui est
à la source de la problématique qu'il a relevée? Et, dans le cas où c'est le
conseil d'administration, là, il y a des dispositions pour aller envers les
régulateurs.
M. Marceau : On s'entend.
Mme Mottard (Geneviève) : Tout à
fait.
M.
Marceau : Parce qu'il y a des fois où on ne veut pas que le
responsable de la fraude sache qu'on sait qu'il a commis une fraude.
Mme Mottard (Geneviève) :
Certainement. Bien sûr.
M.
Marceau : O.K. O.K. Bon. Puis je vais revenir aussi à votre
commentaire sur les responsabilités de l'auditeur. Vous nous disiez que,
donc, il est prévu présentement que l'auditeur modifie les états financiers,
s'il constate une irrégularité, alors
qu'évidemment... vous le disiez, ça n'appartient pas... Est-ce que ça existe
ailleurs, ça, des auditeurs qui doivent modifier des états financiers?
Mme
Mottard (Geneviève) : Non, parce que les lois... les normes
internationales en matière d'audit demandent une indépendance de l'auditeur. Donc, l'auditeur ne peut pas modifier
les états financiers et ensuite émettre une opinion. Donc, non, ça
n'existe nulle part ailleurs.
• (16 h 40) •
M.
Marceau : O.K. Donc, ça, je pense que ça... j'imagine que c'est clair
et bien compris. Vous avez évoqué, dans votre discussion aussi, la lettre des administrateurs de sociétés, puis,
bon, ils ne sont pas présents. Alors, peut-être vous donner la parole, puis peut-être parler aussi en
leur nom sur les comités des conseils d'administration, puis la
responsabilité des comités, puis
l'imputabilité, dans le fond, fondamentale du conseil d'administration. Est-ce
que vous voulez peut-être nous dire en deux minutes ce qu'il en est?
Mme Mottard (Geneviève) :
Oui, très brièvement. Le point que
l'Institut des administrateurs amène,
c'est que le projet de loi, dans la façon dont il est rédigé maintenant,
créerait essentiellement deux catégories d'administrateurs, où on mandaterait un sous-groupe du conseil
d'administration de devenir un peu, je vais appeler... l'organisme de
chien de garde, à qui on irait confier les
fraudes, les malversations, et ces administrateurs-là n'auraient pas la
possibilité d'interagir avec
l'ensemble du conseil. Alors, on va créer deux camps, mais, surtout, on va
briser la confiance entre les membres du conseil d'administration, qui doit
exister pour exercer la bonne gouvernance sur une société.
Donc, on questionnait
la légitimité de vouloir aller créer deux catégories d'administrateurs, alors
que la responsabilité de voir à la bonne
gouvernance d'une société, de s'assurer que ce qu'on fait, c'est dans les lois,
qu'il n'y a pas de fraude majeure,
incombe à l'ensemble du conseil d'administration et non pas un groupe en
particulier. Et j'essaie de me mettre dans les pieds d'un administrateur
qui siège autour de cette table-là, ne pas savoir tout ce qui se passe à l'intérieur de ma société, je pense que ça
causerait un inconfort, et là on va briser la confiance entre les membres du
comité, qui est essentielle dans l'exercice de leurs fonctions.
M.
Marceau : Puis il y avait aussi la question, mettons, du code
de déontologie qui pourrait être adopté par le comité, plutôt que
simplement suggéré au conseil, là. Je vous laisse commenter.
Mme
Mottard (Geneviève) : Bien, encore une fois, la bonne gouvernance d'une
société passe par un code de déontologie
qui doit être entériné par l'ensemble des administrateurs du conseil
d'administration. Alors, encore une fois, pourquoi camper ça dans un
sous-groupe versus l'ensemble du conseil? On n'y voyait pas la pertinence.
M. Marceau :
Bien. Merci pour vos commentaires. Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, Mme la Présidente. Mesdames, bienvenue. À la page 10 de votre
mémoire, moi aussi, j'y vais un petit peu
sur la dénonciation dans le secteur financier, là, vous parlez, puis je vous
cite, là : «Suivant la tendance lourde observée à l'extérieur du
Québec et partout ailleurs dans le monde, l'ouverture à la dénonciation par un
CPA à une autorité externe est limitée à des
manquements dont la gravité est susceptible d'avoir un impact sur les états
financiers ou sur la continuité de l'exploitation de l'entreprise, et elle est
clairement balisée.» Vous dites : On doit s'arrimer aux pratiques chez nos
voisins. En quoi une dénonciation non balisée va avoir des effets qui vont être
susceptibles... ou pervers face à ce que quelqu'un souhaite dénoncer, une
malversation, là?
Mme Mottard
(Geneviève) : Bien, nous, on est partis de la prémisse que ce que le
législateur veut, c'est une dénonciation de
qualité. Ce qu'on veut, c'est de s'assurer que ce qu'on va aller dénoncer a un
impact important. Si on ne balise pas
cet exercice-là, on va mettre le CPA dans une position où on va l'encourager à
aller dénoncer tout et n'importe quoi.
Et il peut y avoir, dans le cadre d'une opération d'une entreprise, toutes
sortes d'exigences en matière de conformité à des lois de l'AMF qui sont
administratives.
Puis je peux prendre l'exemple, par exemple, là,
si vous êtes une société d'équité privée, vous devez, trimestriellement,
soumettre un formulaire qui vous demande de
faire état de votre fonds de roulement excessif... c'est-à-dire en
excédance. Alors, est-ce qu'on va demander
aux CPA d'appeler l'AMF à chaque fois qu'une société va être en retard de deux
jours, d'envoyer ce formulaire-là? Alors,
sans baliser, ça devient... où l'AMF va être, à notre avis, submergée de
dénonciations qui sont, certaines, probablement importantes et d'autres qui ne
le seront pas. Et, à ce moment-là, comment faire la part des choses?
Nous,
on partait de la prémisse que ce que M. le ministre cherchait, ce que le
législateur cherchait, c'est d'avoir des dénonciations de qualité et pas
toutes sortes de dénonciations que je vais appeler sur des modalités
administratives. Vous pouvez demander...
imaginer le temps et l'argent que ça va prendre à l'AMF de gérer toutes ces
dénonciations-là et ensuite aux sociétés de devoir répondre aux
interrogations de l'AMF sur toutes sortes de processus administratifs, par
exemple.
M.
Bonnardel : Donc, on se base déjà sur des normes
nord-américaines, internationales, on balise, on met ça en place. Ça
prend combien de temps?
Mme Mottard
(Geneviève) : Bien, au Canada... Comme je vous dis, il y a eu déjà
cinq ans de réflexion qui a été faite à l'international pour tous les pays qui sont membres de l'Institut... the International
Federation of Accountants, dont fait
partie le Canada. La réflexion, elle est faite, et le Canada a déjà accepté d'entériner les principes de
ces normes-là dès cette année, en décembre 2018. Alors, moi, je vous
dis, d'ici, là, 12 mois, 18 mois, c'est déjà mis en place ici.
Mme Brizard
(Christiane) : Mais ça prendra une modification législative si on veut
passer outre au secret professionnel. Donc, il va falloir quand même avoir une modification
législative.
M. Bonnardel :
Puis ça avez-vous déjà eu ces discussions avec l'AMF?
Mme Mottard (Geneviève) : Oui.
Ça a fait partie des discussions qu'on a eues avec l'AMF sur le balisage de la
dénonciation, effectivement.
M. Bonnardel :
Et eux reçoivent ça? Ou il y a un canal de communication qui va bien?
Mme Mottard
(Geneviève) : Je peux vous
dire qu'on travaille très bien avec l'AMF lorsqu'on nous
consulte. Quand on a des dossiers communs,
c'est un travail qui est productif. Et je comprends aujourd'hui qu'il y a déjà un travail qui est fait avec l'AMF avec notre consultation, d'où mon commentaire à M. le ministre qu'on espère que ça ne sera pas en vain et
qu'on sera entendus sur ces points-là.
M. Bonnardel : O.K. Une dernière petite question.
À la page 17, vous dites, à l'article 28.70 : «L'auditeur qui prend
connaissance ou est informé d'une erreur ou d'un renseignement inexact et,
selon lui, important dans les états financiers
qu'il a audités, doit en informer le conseil d'administration. Il peut — on en a déjà parlé, là — modifier l'état financier s'il le
juge nécessaire.» Vous dites que ça va à l'encontre des normes et du code de
déontologie des CPA.
Mme Mottard
(Geneviève) : Oui.
M. Bonnardel : Je ne sais pas, là... C'est extrêmement grave, ce que vous... ce que le gouvernement demande aux
jurisconsultes, juricomptables, peu importe, là, aux CPA, de dire : Je
vois un manquement puis je peux modifier l'état financier, qui,
logiquement, appartient à la société «first».
Mme Mottard
(Geneviève) : En fait, l'état financier n'appartient qu'à la société,
il n'appartient absolument pas à l'auditeur,
vous avez tout à fait raison. Et ce n'est pas dans le mandat d'un
auditeur, ni en vertu de ses normes ni en vertu de son code de
déontologie, de pouvoir modifier les états financiers. Ce que je comprends,
ici, c'est qu'il y a potentiellement eu
confusion des rôles ou des genres où, dans certains cas, un actuaire, pour une
opinion qui est autre qu'un état financier, peut faire certaines modifications. Mais ce n'est totalement pas le rôle d'un auditeur dans un état financier. Et ça irait à l'encontre de
ses normes et à l'encontre des règlements de l'ordre de pouvoir les modifier.
M. Bonnardel :
Puis ça ne se fait pas ailleurs nulle part dans le monde?
Mme Mottard
(Geneviève) : Nulle part dans le monde.
M. Bonnardel : On serait les seuls à dire : Toi, le juri,
tu fais ta vérification, tu avises le C.A., puis, si le CPA s'est trompé, ou peu importe, là, ça va...
La Présidente (Mme
de Santis) : Une minute.
M.
Bonnardel :
Ça revient sur lui aussi, là.
Mme Mottard
(Geneviève) : Oui, on serait effectivement les seuls dans le monde.
Encore une fois, ça va contre les normes qui sont adoptées à
l'international. Alors, oui, on serait les seuls à avoir cette disposition-là.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Merci, Mme Mottard
et Me Brizard, d'avoir contribué aux travaux de la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre aux Représentants du regroupement
de cabinets de comptables de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 48)
(Reprise à 16 h 50)
La Présidente (Mme
de Santis) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la
bienvenue aux représentants du Regroupement de cabinets de comptables. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous
invite à vous présenter et ensuite commencer votre exposé. Bienvenue.
Ernst & Young, PricewaterhouseCoopers,
Deloitte SENCRL/SRL,
KPMG SRL/SENCRL et Raymond Chabot Grant Thornton
M. Côté (Alain) :
Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à tous. Alors, on se présente :
Martin Deschênes, mon collègue de
Raymond Chabot Grant Thornton, et moi, Alain Côté, de chez Deloitte. Et nous
sommes ici pour représenter les cinq
cabinets de services professionnels qui sont nommés dans notre mémoire. Alors,
on remercie la commission de nous donner l'opportunité de présenter les
éléments clés de notre mémoire.
Et, compte tenu du
temps qui nous est accordé, nous couvrirons essentiellement un sujet, soit la
possibilité de dénonciation, à 17.0.1. On vient d'en discuter il y a quelques
minutes, mais on peut encore prendre un peu de temps.
Ceci
dit, en ce qui a trait aux dispositions visant le rôle des auditeurs des
sociétés d'assurance, de fiducie et de dépôt,
nous faisons nôtres les commentaires qui ont été émis par l'ordre, il y a
quelques minutes, dans leur... et ce qui est compris dans leur mémoire.
Les questions sont aussi importantes que celles qu'on va couvrir maintenant,
soit celles de la dénonciation.
Alors, Martin
et moi, on est ici pour apporter des critiques constructives sur le sujet de la
dénonciation, réalisant premièrement que nous sommes directement visés
par le sujet, mais surtout que nous sommes les mieux placés pour commenter.
D'entrée de jeu, sachez que nous ne sommes pas contre le principe de la
dénonciation. En fait, nous comprenons et acceptons le principe de la dénonciation,
à condition qu'il soit encadré correctement.
La
problématique que nous voyons avec 17.0.1 est que le CPA est relevé de toutes
ses obligations professionnelles de
confidentialité et de loyauté ainsi que du secret professionnel afin de
l'encourager à dénoncer tout manquement — on dit «tout
manquement» — commis
ou sur le point de l'être, à une loi sous l'administration de l'AMF. Il n'y a
donc aucun encadrement sur une série
d'éléments. Par exemple, aucun encadrement sur la gravité du manquement. Est-ce
qu'on parle des choses importantes ou pas? J'ai entendu le ministre
mentionner que l'objectif, c'est des choses importantes, mais il n'y a rien de
balisé. Donc, je pense qu'on peut essayer d'améliorer à ce niveau-là.
Aucun
encadrement sur la gravité du préjudice. Est-ce qu'il y a des conséquences ou
non pour un tiers? Est-ce que c'est
simplement un manquement théorique ou il y a véritablement des conséquences?
Aucun encadrement sur les manquements
corrigés. Donc, une compagnie qui dénote un manquement, prend la peine de
corriger, est-ce qu'on s'attend à ce que tous ces manquements, corrigés
ou non, soient dénoncés?
Il n'y a aucun encadrement sur la nécessité
d'escalader la question de non-conformité potentielle auprès de la direction, de dire : On by-passe la
direction, on by-passe les normes de gouvernance qui existent déjà dans les
règles des... Commission des valeurs
mobilières. Et, selon nous, il n'y a aucun encadrement sur comment cette
information sera utilisée ou serait
utilisée une fois qu'elle aura été communiquée. Est-ce qu'on perd la protection
du secret professionnel... du secret de
l'information, une fois qu'elle est utilisée? Ce n'est pas clair. Je ne suis
pas juriste non plus, mais les juristes consultés m'ont dit que ce n'est
pas évident.
Alors, je
prévois déjà votre première question. Et vous allez me dire : Mais oui,
mais le C.A. n'est pas obligé de dénoncer,
on utilise le mot «peut». C'est vrai, mais il y a un danger ici. Certains
pourraient voir dans l'article 17.0.1 un standard de conduite pour le professionnel prudent et diligent pour
dénoncer toute non-conformité. Donc, un professionnel pourrait juger
prudent de tout dénoncer, vu qu'il n'y a plus de secret professionnel à
respecter, afin d'éviter toute possibilité de responsabilité et de chercher une
protection contre les recours civils, ou autres.
Pour nous, il
est nécessaire de baliser la dénonciation à l'externe pour un CPA, et c'est
pour ça que nous vous demandons de
retirer de l'article 17.0.1 la levée du secret professionnel et des autres
obligations de déontologie des C.A., mais
simplement le temps d'apporter les balises appropriées. Sinon, sans balise, la
notion de dénonciation perd tout son sens.
Ceci dit, on veut faire partie de la solution,
et nous vous offrons notre collaboration pour en arriver avec une solution qui
va rencontrer vos attentes et celles de la profession. Étant la contrepartie
visée par ces mesures, nous, les cabinets, par l'intermédiaire de notre ordre
professionnel, on aurait apprécié être consultés sur ces questions. Nous avons
des solutions à proposer, puisque la profession, comme l'a indiqué Mme Mottard,
s'est déjà penchée sur ce sujet-là depuis déjà quelques années. En fait, cette
question a été étudiée, comme l'a mentionné Mme Mottard, par l'IFAC. L'IFAC regroupe 175 membres, dont CPA
Canada. Et je peux témoigner personnellement du rôle joué par la
profession canadienne dans cet organisme. On a un poids énorme en termes
d'influence.
Alors, de
façon pratique, les paramètres sont proposés aux pays membres de l'IFAC pour encadrer la
dénonciation. On ne peut donc pas dénoncer
n'importe quoi, dénoncer n'importe quand ou dénoncer n'importe comment. On
parle ici de dénonciation de qualité, pertinente et qui mérite des
suivis.
Nous avons
remarqué que l'article 17.0.1 reprend presque intégralement des
dispositions sur la dénonciation que vous
avez récemment adoptées dans d'autres lois. Par contre, je vous rappelle que
ces lois portaient principalement sur la dénonciation d'organismes gouvernementaux ou reliés au gouvernement. On parle ici non
pas de dénonciation de villes ou d'organismes
du gouvernement, mais de sociétés cotées, notamment,
avec toutes les conséquences qu'une dénonciation peut avoir sur les
marchés financiers.
Alors, c'est de ça dont on parle ici et c'est
exactement la réflexion qui est engagée avec CPA Canada sur ces normes. Alors, pourquoi ne pas simplement
travailler avec nous et faire un examen de ces normes pour en arriver à
des propositions d'amendements à la loi qui
instaureraient un régime clair : Encadrement à la dénonciation à un
professionnel externe? C'est l'invitation qu'on vous fait. Martin.
M.
Deschênes (Martin) : En
pratique, nous travaillons de concert avec nos clients afin de corriger des
situations de non-conformité. On fait ça à
tous les jours, à toutes les semaines. On est formés, on est outillés pour
aider nos clients dans le respect des normes et des règlements, quand on
prend le rôle de CPA auditeur, particulièrement, qui est un rôle aussi extrêmement important, un rôle de protéger le
public, protéger les utilisateurs des états financiers qui sont notamment
les actionnaires, les investisseurs potentiels, les créanciers et même le gouvernement.
Mais, pour que le CPA auditeur puisse jouer son
rôle adéquatement, réaliser sa mission, c'est extrêmement important qu'il
puisse compter sur une collaboration de son client, une communication
transparente. Il doit en fait avoir accès à toute l'information.
Nous croyons
fermement que la levée du secret professionnel telle que stipulée à l'article
17.0.1 serait un frein majeur à la
transparence des communications entre le client et son auditeur, viendrait également
réduire la capacité de l'auditeur à
réaliser un audit des états financiers d'une façon adéquate et ultimement
pourrait avoir un effet néfaste sur la protection du public.
Si on demande aux CPA de dénoncer
toute forme de non-conformité, comme le dit mon collègue, que ce soit
des non-conformités pour lesquelles il n'y a
aucune gravité ou des non-conformités qui ont été corrigées, il peut y avoir
des conséquences importantes pour les
entreprises, et, pire encore, ces entreprises pourraient être découragées à
maintenir la relation de confiance, une communication continue avec son
auditeur, ce qui serait extrêmement néfaste.
Mettre
en place l'article 17.0.1, nous croyons qu'il peut y avoir d'autres
effets pervers. Isoler le Québec,
notamment. Je ne veux pas faire peur à personne, mais effectivement on pourrait
se retrouver dans une situation où on s'isole complètement du reste du monde et
des autres provinces canadiennes.
On
sait que, d'un point de vue économique, c'est extrêmement important d'avoir des
normes harmonisées. Alors, cet
aspect-là nous inquiète beaucoup. Ça pourrait inciter des entreprises québécoises
à mettre des stratégies en place pour détourner
l'application de ce règlement. Pire, ça pourrait mettre... en fait, ça pourrait
décourager des entreprises québécoises privées
qui sont en très forte croissance à ne pas utiliser des sources de financement,
le capital public, comme l'ont fait les Alimentation Couche-Tard, les CGI, un paquet de... des Transcontinental,
les Dollarama, qu'ils ont fait pour justement supporter leur croissance.
En lien avec la
question du ministre, tout à l'heure, j'aimerais mentionner rapidement qu'il y
a des normes qui existent déjà et
qui dictent quoi faire à l'auditeur dans des cas de non-conformité graves.
Donc, l'auditeur doit soit mettre une
réserve à son rapport de l'auditeur, soit émettre une opinion défavorable sur
les états financiers ou, dans des cas
très graves, mettons de fraude, se retirer du mandat. Mais, dans les trois cas,
c'est une information qui est publique, et tant l'AMF que le public
seraient informés de cette situation-là. Donc, oui, il faut quand même suivre
les normes et escalader à l'interne, mais,
pour répondre plus spécifiquement à la question du ministre,
l'AMF et le public se retrouveraient quand même informés.
Comme
mon collègue l'a dit, nous comprenons tout à fait que, dans des situations
particulières de non-conformité graves
avec des conséquences financières, il serait pertinent de lever le secret
professionnel. Il faut baliser, il faut encadrer la dénonciation, il
faut le faire pour que ce soit...
La Présidente (Mme
de Santis) : Une minute.
• (17 heures) •
M.
Deschênes (Martin) : ...
efficace et qu'on atteint l'objectif qui est recherché. Mon collègue l'a dit,
nous sommes prêts à participer à
cette réflexion. Il n'y a pas de vide réglementaire, comme je vous l'ai
dit. Il y a déjà des normes qui adressent des
non-conformités importantes. Prenons le temps d'avoir cette réflexion.
En conclusion, si
vous permettez, j'aimerais mentionner que le Conseil canadien de la reddition
des comptes, qui est un organisme complètement indépendant, extrêmement important
pour les marchés financiers, qui a été créé d'ailleurs
en 2002 ou en 2003, qui avait comme mission et qui a encore la mission de
rehausser la confiance du public envers
les marchés financiers, alors cet organisme-là, son rôle principal, c'est de surveiller les
auditeurs. C'est la police de la
police, et cet organisme-là est tout
à fait d'accord avec les conclusions
auxquelles nous arrivons, que, pour l'instant, on ne devrait pas lever
le secret professionnel. Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange. La parole est à vous, M. le ministre.
M.
Leitão : Très bien.
Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Côté, M. Deschênes, bonjour.
Merci d'être là, de nous avoir fait
part de votre problématique en ce qui concerne la levée du secret professionnel,
comme on avait discuté avec l'ordre des comptables juste avant.
Évidemment, notre objectif
n'est pas de promouvoir la dénonciation de toutes sortes d'événements mineurs. Nous, on veut vraiment favoriser un processus
où le professionnel, dans son propre intérêt,
pourrait dénoncer rapidement des situations
graves, des infractions graves entraînant un préjudice important
pour les investisseurs. Donc, s'il faut mieux préciser ça, on va le faire, on travaillera avec vous pour mieux
préciser ça. Bien sûr, nous, on ne veut pas... je comprends très bien
la problématique. Si on s'éloigne beaucoup trop de ce qui se
fait, ailleurs au Canada et aux États-Unis, ce ne serait pas tout à fait souhaitable
que cela arrive.
Mais,
en même temps, nous vivons dans des temps un peu complexes, où il y a beaucoup
de cynisme ambiant, et chaque fois
qu'on... on n'a qu'à mentionner le terme «secret professionnel», on voit toutes
sortes de complots qui se cachent derrière
ça, et donc vous comprenez un peu notre position où, d'un côté, on comprend la
nécessité d'être harmonisé avec la réglementation internationale, ce qui
est... les pratiques courantes internationales, mais, en même temps, on veut renforcer la confiance du public dans nos
institutions. Et, si maintenant on est capables de lever le secret bancaire,
beaucoup de personnes se posent la
question : Mais pourquoi est-ce qu'on continue de se cacher derrière le
secret professionnel?
Je
fais tout ce détour-là pour... peut-être que vous pourriez expliquer, à la
commission et à ceux qui nous écoutent, pourquoi c'est nécessaire de
maintenir le secret professionnel. Pourquoi est-ce que cette relation-là de
confiance qui doit exister entre vous et vos
clients, pourquoi est-ce que c'est important de la maintenir? Parce que, comme
j'ai dit tantôt, il y a ce cynisme ambiant qui doute un peu de tout,
alors est-ce que vous pourriez peut-être nous rassurer un peu?
M. Deschênes (Martin) : Je peux débuter. Vous avez raison pour
l'harmonisation des normes entre les provinces puis ailleurs dans le
monde, mais le secret professionnel est la base de la communication entre
l'auditeur, notamment, l'auditeur et son
client. Et ça lui permet effectivement d'avoir accès à toute l'information et à toute la communication et de corriger des cas de
non-conformité s'il y a lieu, et ces corrections-là viennent protéger en même
temps le public.
La chose qu'on veut
éviter, si ce n'est pas suffisamment balisé puis encadré comme dénonciation,
c'est de venir réduire cette communication-là, et ainsi de suite, et avoir un effet néfaste sur la qualité de
l'audit, donc la protection du public. C'est pour ça que nous, on pense vraiment
qu'un encadrement au niveau de la dénonciation ne serait pas un frein
au travail de l'auditeur, mais... c'est fait actuellement, nous croyons que
c'est un frein.
M.
Leitão : Merci. Aussi, bon,
la nécessité de maintenir ce secret professionnel là, comment l'interpréter dans le contexte où l'AMF, ou n'importe quelle autre
autorité réglementaire, l'AMF, puisque c'est de ça qu'il s'agit ici, ne
peut pas évidemment être présente partout. Déjà, il y a 700 personnes qui
travaillent, et certains pensent que c'est déjà beaucoup trop. On ne va pas commenter là-dessus, mais
évidemment l'AMF ne peut pas être partout, ne peut pas avoir des yeux
partout, ne peut pas tout faire.
Donc,
l'AMF et tout autre organisme réglementaire doit pouvoir compter sur des
professionnels qui opèrent dans les entreprises, qu'ils soient un peu
les yeux et les oreilles du régulateur. Comment vous voyez cette question-là?
M. Côté
(Alain) : ...mais la question est fort pertinente, et la relation
entre les auditeurs et l'AMF ne sera pas différente
de celle entre les auditeurs et les autres organismes de réglementation à
travers le monde, dans laquelle la levée du secret professionnel est permise dans des cas qui sont significatifs. En
fait, vous avez mentionné que vous ne voulez pas avoir tout des
dénonciations... parce qu'on est deux jours en retard dans la livraison
d'un document ou parce qu'un document a été légèrement incomplet mais sans
aucune conséquence, et on supporte ça.
Ce
qu'on demande, c'est : Pourquoi ne pas le baliser avec le travail qui
existe déjà, de... Si l'IFAC a été capable de s'entendre avec
175 juridictions sur la façon d'opérer, je suis pas mal convaincu que
nous, on devrait être capable de s'entendre avec l'ordre professionnel, les
instituts de réglementation au Canada, parce qu'on les a dans chacune des provinces, sur la façon d'opérer. Et on vous
encourage à utiliser le travail qui existe déjà. Il existe et il est en place
dans plusieurs pays. Le nôtre, ça va être en vigueur à la fin de décembre. Il y
a des pays qui sont en vigueur depuis déjà juillet dernier. Donc, ça existe
déjà.
Alors,
ce qu'on dit, c'est : Balisons-le de la bonne façon. Et on n'est pas
contre la dénonciation. Et, lorsqu'on aura quelque chose de très grave, si c'est grave pour nous quand on va le
voir, ça veut dire que ça sera grave pour le management, ça va être
grave pour le conseil. Il n'y aura pas beaucoup de temps à perdre jusqu'au
moment où on dénoncera à l'AMF, dans la mesure où la société, par exemple,
déciderait de ne rien faire. Alors, on est déjà dans une situation où on n'a jamais eu autant de matériel
mis à la disposition des réglementaires canadiens, parce que le travail
a été fait à l'international depuis déjà
quatre ans. Alors, pourquoi ne pas avoir un effet de levier avec ce matériel et
ainsi on va s'harmoniser? Je ne sais pas si ça répond bien à votre question,
M. le ministre, mais...
M. Leitão :
Oui.
M.
Deschênes (Martin) : Si vous permettez, je peux ajouter, nous sommes
d'accord de lever le secret professionnel
pour faire des dénonciations de non-conformité importantes décelées dans le
cadre de notre audit. Je vais reprendre votre expression, les yeux et
les oreilles. Nous ne sommes pas des enquêteurs de l'AMF. Nous n'avons pas
cette formation-là non plus, nous n'avons pas de normes et de règles à suivre
pour agir avec le chapeau de l'AMF. Toutefois,
effectivement, comme mon collègue le mentionne, si on fait face à des non-conformités
qui sont majeures et que c'est balisé, nous ne sommes pas contre le fait
d'avoir une dénonciation.
M.
Leitão : O.K. Merci. Comme j'ai fait avec l'ordre qui était là avant
vous, j'aimerais avoir un peu votre opinion, même si je n'en doute pas
beaucoup, mais, juste pour que ce soit «on the record». Quelle est votre
opinion quant à la prétention de certains groupes qu'il faut réserver
l'activité de conseil, la réserver seulement à des courtiers certifiés et donc de ne pas permettre à d'autres
professionnels, dans le cadre normal de leurs activités, de fournir des
conseils? Je pense, pour un comptable, ça serait un peu compliqué de
faire ça.
M.
Côté (Alain) : Bien, écoutez, j'ai participé très, très étroitement à
la fusion des trois ordres professionnels, et, à ce moment-là, vous savez qu'on a eu d'énormes discussions sur les
travaux réservés ou les services réservés versus ceux qui ne sont pas réservés. On aurait adoré que vous
permettiez aux CPA seulement de faire du conseil à travers le pays. On
aurait adoré. Malheureusement, ce n'est pas ce qui a été décidé, et honnêtement
je ne suis pas sûr que c'est un service à rendre au public en général de donner
à un seul groupe la lumière sur la capacité de donner un bon conseil.
Alors,
je n'ai pas lu, naturellement, tous les autres règlements, là, à l'intérieur de
ce que projette 141, donc au niveau de
cette particularité, mais ça a déjà été balisé. Nous, on donne déjà des
conseils, et les conseils qu'on donne vont être régis par notre code de
déontologie si on ne le fait pas comme il faut. Maintenant, laissons un petit
peu le marché décider s'il décide d'utiliser
nos services à nous ou les services de quelqu'un d'autre qui a un conseil. À ce
moment-là... Mais, si vous voulez changer la loi et nous la redonner, on
va être plus qu'heureux et on va s'en occuper très bien.
• (17 h 10) •
M.
Leitão : J'en suis sûr. Écoutez, merci beaucoup. Moi, je n'ai pas
d'autres questions. Je ne sais pas si, vous, les collègues, vous avez
quelque chose. Sinon, merci beaucoup de vos propos.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le ministre. La parole
maintenant est au représentant de l'opposition officielle, le député de
Rousseau.
M. Marceau :
Oui, merci. Bonsoir, messieurs. Merci pour votre présence. Donc, vous êtes favorables,
vous, d'accord, en tout cas, avec l'idée de lever le secret professionnel
dans la mesure où c'est balisé. Je pense avoir bien
compris ce que vous avez dit.
Il y a
deux points sur lesquels je veux aller, que vous n'avez pas développés autant.
Un, vous avez évoqué le fait qu'on
devrait, je pense, en
tout cas, là, ne pas lever le secret
professionnel dans le cas d'un manquement qui a été corrigé. Puis effectivement il y a quelque
chose de raisonnable là-dedans,
là, mais j'aimerais quand même que vous développiez là-dessus, parce que,
bon, on peut imaginer un manquement très grave, mais qui a été corrigé à la satisfaction
entière de l'auditeur, mais, des fois, il
est à moitié corrigé. En tout cas, bref, j'aimerais ça vous entendre un peu plus
sur ce bout-là.
M. Côté
(Alain) : Effectivement, dans tous les éléments d'encadrement, on parle naturellement «d'important», on parle «qui a des conséquences»,
on parle «corrigé, non corrigé». Ils ne sont pas nécessairement exclusifs.
Nous, ce qu'on dit, c'est que... et on en voit régulièrement
dans notre travail d'audit. On arrive au conseil d'administration et on leur
dit : Nous, on considère qu'il y a eu tel, tel manquement. Le client
disait : Tu as raison, on n'a peut-être
pas le même point de vue, mais je
pense que tu as raison, on va le
corriger, et finalement on passe à autre chose. Si c'était un
manquement, même corrigé, qui est une fraude ou une collusion, je pense qu'on
ne parle pas de la même chose.
M. Marceau : On s'entend.
M. Côté
(Alain) : Alors, c'est pour
ça que quand nous, on parle des quatre, cinq types d'encadrement à encadrer, ils ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs. Ça peut être tous ensemble.
Ça fait que c'est dans ce contexte-là, quand
je dis : Il est corrigé versus non corrigé, parce que,
dans le cadre de notre audit, si les manquements sont importants, ils
sont non corrigés, ils vont aussi être divulgués jusqu'au conseil
d'administration et probablement plus haut.
M. Marceau : O.K. Je comprends bien.
C'est parfait. Ça correspond à ce que j'espérais entendre aussi.
Aussi, vous
parlez de l'utilisation de l'information, le
cas échéant, là, mettons que vous
avez fait une dénonciation, vous la
communiquez à l'Autorité des marchés
financiers. Évidemment, l'Autorité des marchés financiers hérite d'une information qui, jusqu'avant, était un secret professionnel. Là,
vous vous inquiétez, puis je pense, à juste titre, de ce qui va advenir de l'information. Peut-être juste
développer un peu. Vous dites qu'il y a des mécanismes prévus
présentement dans la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, 15.1 à 15.7.
Peut-être juste développer un peu plus, là, qu'est-ce que vous voyez.
M. Côté
(Alain) : En fait, ce qu'on suggère... Et j'ai le privilège d'avoir
notre avocate qui a travaillé avec nous là-dessus, mais, en fait, ce qu'on dit, c'est qu'on s'est déjà assis
avec l'AMF et l'ordre professionnel. Quand je dis nous, disons, je
porte mon grand chapeau de professionnel. On a déjà une entente avec l'AMF
sur la façon d'utiliser des documents dans
le cadre d'une enquête et la façon, donc, d'en préserver le secret. Ce qu'on
dit, c'est : Pourquoi ne pas utiliser ces mêmes normes dans ce qui
nous préoccupe ici? Présentement, on ne l'a pas.
Alors, ce
qu'on dit, c'est : Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir une certaine
consistance ou constance là-dessus pour
être capable de dire : Bien, l'information qu'on va donner, il faut
qu'elle, quand même, garde son secret professionnel, compte tenu des
conséquences que ça peut avoir sur le marché?
M. Marceau : ...pas transmise,
mettons, à une tierce partie sans...
M. Côté (Alain) : Exactement.
M. Marceau : Bon, enfin. O.K., ce
genre de considération là, c'est ce dont il est question.
M. Côté
(Alain) : En fait, ce que je
demanderais, c'est : Si 15.0 à 15.7, là, pour reprendre, est bon dans le cadre d'un élément très particulier
de l'AMF, pourquoi ne pas l'utiliser aussi pour cet élément-là?
M. Marceau : Dans le cas d'une
dénonciation.
M. Côté (Alain) : Est-ce que c'est
le bon point, maître? Parce que je ne suis pas avocat, alors je prêche
l'ignorance de...
M. Marceau : On est tous dans le
même club.
Une voix : Il n'y a pas
beaucoup d'avocats ici aujourd'hui.
M. Leitão : ...
M. Marceau : Oui, qui est avocate
spécialiste même de ces questions-là, je pense, en plus. O.K. Bien, merci pour
ça.
Peut-être une dernière question pour moi. Il y a
l'Institut des administrateurs de sociétés qui s'est inquiété de pouvoirs particuliers qui sont donnés, par
exemple, au comité d'audit puis au comité d'éthique dans... puis dans le
fait que ça va créer de la confusion dans la gouvernance des grandes
entreprises. Vous êtes évidemment des spécialistes, des conseillers de ça.
Pouvez-vous juste nous dire ce que vous en pensez?
M. Côté (Alain) :
Honnêtement, j'étais un peu surpris de voir qu'on croit que c'est un besoin,
parce qu'avec tout ce qui a été
instauré au niveau des commissions des valeurs mobilières et des règles
d'éthique qu'on a demandé aux entreprises de suivre et de divulguer dans leur rapport et leur notice annuelle,
cette escalade de... on passe par le conseil, ensuite on passe par les comités puis, s'il y a lieu, on ira
jusqu'aux actionnaires, selon moi, couvre déjà tous ces besoins-là.
Alors, d'avoir ce comité d'éthique qui est
un peu en parallèle, qui ne travaille pas nécessairement dans le même objectif
que le conseil, ça me semble aller contre toute règle de gouvernance que
je vois ici, au Canada, ou même dans d'autres pays.
J'ai été un peu
surpris. J'aurais voulu creuser un peu plus sur qu'est-ce qui a amené, parce
que personne ne s'est levé un matin, il a
décidé de mettre ça dans la loi, qu'est-ce qui a amené ça, et je ne le saisis
pas bien, pour être bien honnête. Martin, je ne sais pas si tu avais
d'autres commentaires là-dessus.
M. Deschênes
(Martin) : Je suis d'accord avec ce commentaire-là, effectivement.
M.
Côté (Alain) : Je pense que les règles actuelles de gouvernance pour
les sociétés... Et vous avez vu tout ce qu'une société doit suivre maintenant, depuis les 20 dernières
années, en termes de divulgation dans la notice, dans le rapport annuel, quand ils ne sont pas en
conformité avec telle ou telle règle, toutes les 52, 108, 109, 110. Je pense
que c'est suffisant pour atteindre cet objectif d'éthique là. On n'a pas besoin
de ce comité indépendant et en parallèle, selon moi.
M. Marceau :
O.K., parfait, excellent. Merci, messieurs. Merci beaucoup.
M. Côté
(Alain) : Plaisir, M. le député.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonsoir. Vous êtes les derniers, puis le
sujet de la dénonciation semble être extrêmement important.
M. Côté
(Alain) : ...pas d'autres engagements après, donc on peut rester aussi
longtemps que vous voulez.
M.
Bonnardel :
Dites-moi, là, je veux juste comprendre, vous expliquez dans votre mémoire que,
bon, l'IFAC, l'International
Federation of Accountants, travaille déjà sur des balises. Un petit peu plus bas, vous
dites que le Canada aussi, avec les
provinces, travaille aussi là-dessus. À la base, est-ce que le Canada travaille
avec l'IFAC précisément? Je veux juste être capable de comprendre. C'est
l'IFAC qui est la...
M.
Côté (Alain) : L'IFAC est l'organisme qui regroupe les 175 pays.
Naturellement, l'IFAC doit, dans ses comités, se composer d'un certain
nombre de membres qui viennent de ces 175 pays. CPA Canada, qui est notre
profession, à laquelle se rattachent CPA
Ontario, CPA Québec et l'ensemble des provinces, parce que notre système de
profession est géré provincialement,
alors participe activement à tous les comités importants de l'IFAC, que ce
soient les comités au niveau des
normes comptables, des normes d'audit ou des normes d'éthique. Les normes dont
on parle ici, c'est les normes du comité d'éthique de l'IFAC, et on fait
partie de ce groupe-là.
Donc,
quand on les a acceptées à l'IFAC pour les 175 pays, on savait très bien
qu'il fallait maintenant les mettre dans
notre juridiction à nous, avec notre langage, avec les modifications au Code
des professions ou toutes modifications requises. On le savait déjà, et
maintenant chacune des provinces travaille à y insérer ces éléments-là. Donc,
on est d'accord avec le principe.
M.
Bonnardel :
Vous avez dit tantôt que ça fait quatre ans ou à peu près quatre ans.
M. Côté
(Alain) : Ça a pris quatre ans à entendre... à s'assurer que les 175
pays étaient d'accord, oui.
M.
Bonnardel :
O.K. Tout le monde est sur la même ligne de pensée.
M. Côté
(Alain) : Oui.
M.
Bonnardel : Vous avez dit tantôt aussi qu'il y a des pays
qui ont déjà adopté. Quels sont ces pays, vite, vite, que vous avez
vus...
M. Côté
(Alain) : Bien, en fait, la norme de l'IFAC était requise... je ne
sais pas si tu as le détail, mais était requise à partir de juillet...
Une
voix : ...
M.
Côté (Alain) : L'Australie l'a fait? Alors, l'Australie, du
Commonwealth, l'a fait, mais tous les pays se sont donné une période très courte d'adoption. Alors,
nous, on a attendu en décembre 2018 parce qu'on a des choses à modifier ici, là, au Canada, mais chacune des provinces va
y travailler. Donc, le délai ne sera pas très long entre le moment où le
premier pays, si c'est l'Australie, là, de ce que Christiane me dit, et tous
les autres pays vont s'harmoniser.
M.
Bonnardel : Donc, vous dites que les provinces canadiennes
sont déjà en train d'étudier aussi. Ça pourrait prendre combien de
temps? Vous dites...
M. Côté (Alain) :
Bien, tout à l'heure, Geneviève a mentionné entre 12 et 18 mois, je trouve
qu'elle est assez conservatrice. Moi,
je pense qu'avec tout ce qu'on a sur la table, si on a la collaboration de
l'AMF et le ministère, et on s'assoit, et on le fait arriver, il n'y a
pas de raison que ça prenne plus qu'un an. Mais nous, on est prêts à commencer
à travailler demain matin.
M.
Bonnardel :
Donc, selon vous, là, tout le monde est dans la même ligne de pensée, là. On
s'en va pour se dire que ça prend des balises claires puis que
logiquement, avec la loi que le ministre a déposée déjà, on devrait attendre
d'avoir des dispositions précises, les balises pour être capables de rencontrer
les mêmes...
M.
Deschênes (Martin) : Et puis
j'aimerais juste préciser aussi que le choix des normes internationales,
c'est fait d'une façon très, très rigoureuse. C'est fait par... on n'a pas le
temps ici, là, mais c'est fait par le comité national de certification. Et au-dessus du comité national de
certification qui, eux... ce comité-là fait les recommandations
d'adopter les normes internationales, il y a le comité supérieur et sur lequel
siègent des représentants de l'AMF.
Donc, tout
est connecté, là. Tout est enligné pour effectivement adopter les normes internationales, profiter du
quatre ans de réflexion qu'ils ont fait pour l'appliquer correctement ici, au
Canada.
M.
Bonnardel :
Est-ce que la Chambre des communes pourrait demander de légiférer aux provinces
ou c'est vraiment chaque province spécifiquement qui va adopter ces balises
en lien avec l'IFAC?
M. Côté
(Alain) : C'est parce qu'au niveau du code de déontologie on essaie
d'avoir un code de déontologie harmonisé
au Canada. Alors, il faut tous s'entendre, dans chacune des provinces. Donc, il
faut les discuter dans chacune des provinces pour ensuite les harmoniser
à l'intérieur du code, mais chaque province a souvent un point de vue qui peut
être un peu différent.
Donc, c'est
pour ça que, dans ces comités-là, il y a des représentants du Québec, de
l'Ontario, de la Colombie-Britannique, pour s'assurer est-ce qu'on
comprend tous la même chose, et on modifie ça, et ça va être la même
interprétation pour tout le monde. C'est pour ça que ça nécessite une
discussion un petit peu plus large, parce que, si on avait une profession gérée
nationalement, ça serait différent, ce qui n'est pas le cas au Canada.
M.
Bonnardel : Est-ce
que les Américains sont dans le même courant de pensée que nous là-dessus?
• (17 h 20) •
M. Côté
(Alain) : Bien, les Américains ont déjà... quand on parle des IFRS,
par l'IFAC, les Américains, eux, sont plutôt
encore dans les normes... ce qu'on appelle les US GAAP. Donc, les États-Unis
sont un petit peu indépendants au niveau
des règles. Par contre, ils veulent être sur à peu près tous les comités de
l'IFAC parce qu'ils aiment les influencer afin qu'on se rapproche un peu de l'approche américaine. Alors, eux
aussi ont des choses. La SEC a déjà des règles de dénonciation qui sont un petit peu plus avancées
que ce qu'on a maintenant. Donc, ça veut dire qu'ils ont déjà, eux
autres, vu des choses qui étaient à accélérer, si on veut.
M.
Bonnardel : Vous
dites que la SEC est plus avancée déjà que l'IFAC?
M. Côté
(Alain) : Bien, la SEC, dans
le... si vous regardez dans le mémoire de l'Ordre des CPA, et peut-être que tu peux en parler, Christiane, mais, dans le mémoire de l'ordre, il y a
des références sur les règles de la SEC, ce qui se passe en Ontario, ce qui se passe aux États-Unis, où ils ont déjà des règles de dénonciation qui sont
balisées, et nous, on ne les a pas encore. Donc, c'est ce qu'on discute aujourd'hui.
M.
Bonnardel : O.K.
Excellent. Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Alors, M. Côté, M. Deschênes, merci pour votre
contribution aux travaux de la commission. Je lève la séance.
La commission ajourne ses travaux au jeudi 18
janvier 2018, où elle poursuivra ce mandat. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 17 h 21)