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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, September 27, 2017 - Vol. 44 N° 175

Special consultations and public hearings on Bill 135, An Act to reinforce the governance and management of the information resources of public bodies and government enterprises


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Table des matières

Auditions (suite)

Association professionnelle des entreprises en logiciels libres (APELL)

Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information (RPGTI)

La Voix des entrepreneurs en TI de Québec inc. (VETIQ inc.)

Intervenants

M. Dave Turcotte, président suppléant

M. André Fortin, président suppléant

M. Pierre Moreau

M. Patrick Huot

Mme Mireille Jean

M. Éric Caire

M. Robert Poëti

*          M. Cyrille Béraud, APELL

*          M. Bernard Robitaille, RPGTI

*          M. Robert Pilote, idem

*          Mme Anick Tardif, VETIQ inc.

*          M. Eric Villeneuve, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures huit minutes)

Le Président (M. Turcotte) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 135, Loi renforçant la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Reid (Orford) est remplacé par M. Huot (Vanier-Les Rivières); M. Bonnardel (Granby) est remplacé par M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Turcotte) : Merci, M. le secrétaire.

Auditions (suite)

Donc, voici l'ordre du jour de cet après-midi. Nous allons entendre l'Association professionnelle des entreprises en logiciels libres, le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information et La Voix des entrepreneurs en TI de Québec.

Donc, je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins de l'enregistrement, je vous demande de bien vouloir pour présenter. Je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Association professionnelle des entreprises en logiciels libres (APELL)

M. Béraud (Cyrille) : Oui. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci. Merci de nous accueillir. Donc, je suis Cyrille Béraud, je représente l'Association professionnelle des entreprises en logiciels libres et je suis accompagné de Pascal Priori, qui a travaillé à l'APELL sur le mémoire, et de Baptiste Ivol, qui est également un membre de l'APELL.

Le Président (M. Turcotte) : ...présenter votre...

• (15 h 10) •

M. Béraud (Cyrille) : O.K. Nous sommes évidemment venus parler ici de gestion de ressources informationnelles, M. le Président. M. le ministre, vous savez à quel point la question du logiciel libre revient, insiste au fil des années, et nous sommes venus ici pour souligner l'importance de cette question, de ce débat. Je vais essayer, là, de la formuler clairement, d'une manière non technologique. Je souhaiterais que ma présentation... je souhaiterais la faire la plus courte possible pour permettre d'avoir un débat, des échanges constructifs, d'une manière positive.

Nous vous avons déposé, je crois, hier, un mémoire. C'est un mémoire qu'il ne faut pas prendre comme une position officielle de l'association, mais l'agrégation de l'ensemble de problématiques, de recommandations, de remarques que nos divers membres ont constatées. Notre industrie est en plein développement. Vous savez que l'industrie des technologies ouvertes et du logiciel libre est maintenant, comme on dit, «mainstream», en anglais, c'est-à-dire que l'essentiel de l'industrie maintenant s'appuie sur ces nouvelles technologies, et je vais expliquer pourquoi.

Je dois vous avouer que j'ai écouté hier l'intervention du premier vice-président de la caisse Desjardins, qui était tout à fait remarquable et brillante, et je me suis dit en venant ici : Mais tout a été dit sur cette question. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir rajouter? En effet, la plupart des compagnies privées, la plupart des gouvernements se lancent dans des grands programmes de transformation digitale. C'est le terme qui est maintenant retenu par tous et qui signe une profonde mutation liée à l'avancée des technologies et surtout la mise en réseau des systèmes d'information, c'est-à-dire qu'on était dans l'ère du numérique, où l'informatique servait à automatiser les processus de production, et nous sommes passés à une ère où les systèmes d'information en soi créent de la valeur.

Donc... et ça l'État est confronté aussi. Quand on parle des gouvernements ouverts, c'est l'interconnexion de tous les systèmes qui va permettre de créer beaucoup de valeur. Parce que des valeurs pour l'État, ça veut dire quoi? C'est des services mieux rendus, des services supplémentaires rendus aux contribuables, mais aussi à ces entreprises, à son économie. Et beaucoup d'États se sont lancés dans des politiques très avancées. Le gouvernement français annonçait, il y a deux semaines, qu'en 2022 l'ensemble des services fournis à la population passerait par l'ère numérique.

Je voudrais souligner, avant de rentrer dans le sujet précis, à quel point le travail que vous faites ici va être important. Vous le savez, je ne vais pas revenir là-dessus, l'importance pour l'État de se moderniser, de suivre les gains de productivité du secteur privé, mais j'aimerais souligner aussi l'importance, pour l'ensemble du Québec, des décisions que vous allez prendre aujourd'hui... aujourd'hui, enfin, sur cette loi.

Lorsque le premier employeur de l'État s'engage dans une direction, dans une stratégie, je parle de la fonction publique, les réseaux de la santé, le réseau de l'éducation, en fait, c'est évidemment... les choix qui vont être faits par vous vont orienter toute l'économie et tout le Québec. Par exemple, évidemment, à partir de stratégies que vous aurez définies, le système éducatif, bien, va former des ingénieurs ou des techniciens qui répondent à votre attente. Vos fournisseurs vont s'orienter en fonction de vos décisions. La plupart, donc, du tissu économique... les PME vont subir les conséquences directes des décisions que vous allez prendre. Donc, cette loi de gestion des ressources informationnelles va avoir un impact non seulement pour les services rendus à la population et aux entreprises, mais va avoir un impact pour l'ensemble du Québec.

Je pourrais prendre un exemple historique. On est tous fiers, au Québec, d'avoir cette entreprise extraordinaire, CGI, qui est maintenant devenue une multinationale, 70 000 personnes, qui a rendu des services très forts. Ça a été un choix de l'État québécois dans les années 70 de se dire : On va se doter de cette industrie, une industrie souveraine en informatique. Et on a donc depuis... pendant des années, on a donné tous les contrats, l'État a donné tous les contrats, a protégé cette entreprise, mais il y a eu les conséquences. On en paie toujours le prix. On ne peut pas tricher avec le marché. On en paie les conséquences. C'est qu'à un moment, une situation de monopole, cette entreprise est devenue très grosse et qu'elle n'a pas permis à des entreprises moyennes en informatique de se développer, et une autre conséquence de ça, c'est que les PME, les petites entreprises et les PMI du Québec n'ont pas eu d'interlocuteurs pour se moderniser.

Et l'État a constaté depuis des années qu'il y a un retard très important qui est lié à l'informatisation des PME, PMI du Québec. Vous voyez, comme un choix gouvernemental pour la gestion de l'État, il y a eu des conséquences pour l'ensemble de la population et de l'économie, et la contrepartie pour le coût, pour contrecarrer cette situation, l'État est obligé d'injecter toute une série de subventions. On parle souvent du crédit d'impôt aux affaires électroniques, c'est un projet de financement. Bien, c'était une des raisons, une des motivations qui a motivé ce programme, c'était : il faut absolument favoriser l'émergence des entreprises moyennes en informatique qui vont être capables de servir les PME, PMI du Québec qui sont en retard dans l'automatisation des processus de production.

Maintenant, on parle de logiciels libres, et notamment dans la loi, peut-être que ce sera plutôt dans des échanges que j'entrerai dans ce sujet, on parle de technologies. Elle est présentée, notamment au niveau de l'administration publique, comme une nouvelle technologie. Et dans le fond, l'enjeu serait de permettre de remettre à niveau. On aurait, sur le plateau de toutes les solutions disponibles une solution supplémentaire, une technologie en plus. Il y aurait les technologies propriétaires et il y aurait maintenant une nouvelle technologie qui s'appellerait... J'aimerais vraiment là-dessus m'inscrire en faux. Et d'ailleurs il y a un vrai problème sur certains articles qui font un mélange des genres. Les logiciels libres, les technologies ouvertes ne sont pas une technologie. J'insiste bien. J'aimerais juste revenir un petit peu en arrière pour que les choses soient bien claires pour tous et de quoi on parle.

Au début des années 80, et les choses se sont accélérées dans les années 90, et c'est très lié à l'arrivée... à l'émergence de l'Internet, les systèmes informatiques à l'époque fonctionnaient en silo. Et dans le fond, à un moment, elles se sont mises... le modèle de la propriété intellectuelle était tout à fait adapté, c'est-à-dire que le modèle qui était utilisé, c'est celui en fait des livres, la licence, que vous connaissez. On vous fournit un logiciel, vous n'avez pas le droit d'y toucher, vous n'avez pas le droit de le modifier, vous avez le droit juste de l'utiliser, et c'était tout à fait adapté à l'époque.

À partir du moment où les systèmes d'information se sont mis à communiquer entre eux, où les programmes ont commencé à échanger des données et les programmes, les ordinateurs... s'est posé à l'industrie un véritable défi. C'est que, pour pouvoir connecter, interconnecter de manière efficace ces systèmes, eh bien, il fallait ouvrir le code, il fallait comprendre comment ça marche, c'est-à-dire, si on veut connecter deux machines, eh bien, il fallait ouvrir le coffre et les connecter. Et très vite, l'industrie s'est confrontée à une difficulté particulière qui était de comment protéger la propriété intellectuelle tout en ouvrant notre code. Et beaucoup d'intellectuels, d'avocats surtout — c'est un problème de droit — ont réfléchi à cette question aux États-Unis et ont proposé un modèle de propriété intellectuelle qui permettait de protéger la propriété intellectuelle des auteurs tout en adressant les nouveaux besoins technologiques, c'est-à-dire en ouvrant le code de ces programmes.

Donc, vous voyez, le logiciel libre, c'est d'abord une propriété intellectuelle qui répond à des exigences nouvelles liées à la capacité que nous avons de connecter les ordinateurs et les applications les uns avec les autres d'une manière efficace. Comment protéger? Donc, on donne le code. Le code est ouvert, effectivement, parce que l'industrie en a besoin. On doit pouvoir interconnecter tous ces systèmes-là, mais en même temps il faut protéger la propriété intellectuelle. C'est la définition du logiciel libre. C'est d'abord une licence, c'est d'abord un cadre juridique. C'est un type de propriété intellectuelle qui répond aux nouveaux défis et aux nouvelles exigences des utilisateurs qui ont besoin d'interconnecter ces systèmes, d'autant plus qu'aujourd'hui c'est en interconnectant ces systèmes qu'on crée de la valeur.

Donc, vous...

Le Président (M. Turcotte) : M. Béraud, il reste une minute.

M. Béraud (Cyrille) : D'accord. Bien, c'est très bien de conclure sur ce point. Le logiciel libre, donc, n'est pas une technologie. C'est un cadre juridique qui permet de répondre aux nouveaux défis et qui permet de créer beaucoup plus de valeur que les anciens systèmes. Donc, pour nous, je vais conclure là-dessus, le logiciel libre apparaît comme une nécessité. Ce n'est pas une option. En fait, toute l'économie de l'Internet est bâtie sur des technologies ouvertes. M. Habib, hier, l'a tout à fait pointé, et c'est le défi pour le gouvernement : Comment organiser ce virage vers ce cadre juridique qui organise les choses d'une manière saine?

Voilà. Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais je veux m'arrêter là et je vous rends la parole.

Le Président (M. Turcotte) : Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec chacun des groupes parlementaires. Donc, pour débuter, je vais céder la parole à M. le ministre et président du Conseil du trésor.

M. Moreau : Merci, M. le Président. Permettez-moi, avant de m'adresser à nos invités, de vous saluer. Vous êtes avec nous aujourd'hui. Vous n'y étiez pas hier et...

Le Président (M. Turcotte) : On ne peut pas souligner la présence ou l'absence de députés.

• (15 h 20) •

M. Moreau : Non, non, mais... A posteriori, ça, je ne le sais pas si ça s'applique d'une journée à l'autre, mais on est très heureux de vous avoir avec nous. Merci d'être là. M. Béraud, M. Priori, M. Ivol, merci de joindre votre voix à ceux et à celles qui souhaitent participer à ces consultations dans l'objectif d'améliorer le projet de loi qui est devant nous.

J'ai bien écouté votre présentation, M. Béraud, puis curieusement j'ai l'impression, peut-être que c'est à tort, là, vous corrigerez cette impression-là, que vous voyez le projet de loi comme étant en opposition au logiciel libre, alors qu'il n'en est rien. Alors, vous avez dit... Il y a une chose avec laquelle je suis en désaccord avec vous, mais peut-être qu'on dit la même chose en s'exprimant différemment. Vous dites : Le logiciel libre n'est pas une option, c'est une obligation. Moi, je dis : C'est une option, mais c'est une option parmi d'autres.

Et je regardais... le dirigeant principal de l'information attirait mon attention sur des statistiques d'utilisation du logiciel libre par le gouvernement, par les organismes, et on voit qu'il y a une croissance constante d'utilisation du logiciel libre, là. Les chiffres qu'on me donne, entre 2011 et 2017, là, on dit que le nombre de variétés de logiciels libres utilisés en 2011 était de 259; aujourd'hui, il y a une augmentation d'environ 49 % sur une période de six ans et que le pourcentage d'organismes publics qui utilisent un logiciel libre entre 2011 et 2017 a cru de 53 % à 80 %. Donc, il y a une ouverture, là, puis il n'y a rien, dans le projet de loi, qui supposerait qu'on aille à l'encontre de cette situation-là.

Je vais vous poser quelques questions. Bien, vous avez encensé largement la présentation qui a été faite par Desjardins. J'ai trouvé aussi que c'était très au point. Lorsqu'il traitait du logiciel libre, je me souviens, je pense que c'était une question de ma collègue de Chicoutimi, le vice-président de Desjardins nous disait qu'il se fixait trois conditions préalables à l'utilisation d'un logiciel libre. Il dit : Bon, on ne peut pas l'utiliser partout, parce que ce n'est pas une fonctionnalité qui s'applique à n'importe quelle situation et, quand on estime que c'est possible de l'utiliser, on précède la décision de trois critères. Pour Desjardins — je comprends que ça s'applique moins ici pour le gouvernement du Québec — la capacité de l'utiliser partout au Canada ou, je dirais, pas sa complémentarité, mais la capacité qu'il a d'être en référence sur l'ensemble du territoire; deuxièmement, la capacité qu'il soit encadré par un fournisseur pour assurer un bon soutien; et, troisièmement, la possibilité d'obtenir une garantie.

Bon, sur la capacité au Canada, c'est peut-être un critère qui nous retient moins ici, là, au gouvernement du Québec, quoique ça peut avoir une utilité, mais, pour les deux autres, j'aimerais savoir si vous partagez cette opinion-là. Et après je vais vous poser une question liée à l'autre élément sur lequel je vous disais que je ne suis pas sûr qu'on est en opposition, on l'exprime peut-être différemment, quand vous dites : Ce n'est pas une option, c'est une obligation. Je veux voir avec vous certaines dispositions du projet de loi et voir si vous avez une réaction à faire.

Je vais vous avouer très candidement, votre mémoire est entré hier, je n'ai pas eu le temps, entre hier et aujourd'hui, de le lire. Je vous fais l'engagement de le lire avant que nous passions à l'étude article par article du projet de loi, mais j'aurai quand même un élément, et c'est pour ça, peut-être l'abordez-vous dans votre mémoire, mais je veux m'assurer qu'on a une bonne compréhension sur une disposition spécifique de la loi.

Le Président (M. Turcotte) : M. Béraud.

M. Béraud (Cyrille) : M. le ministre, vous avez dit beaucoup de choses, alors je vais essayer d'articuler une réponse dans l'ordre.

Je n'ai pas parlé d'obligation, j'ai parlé de nécessité et je dirais que ce cadre juridique qui a été inventé, c'était justement pour répondre à un besoin très spécifique, c'est l'interconnexion des systèmes et leur capacité à les changer en permanence... système d'information et l'État, comme toutes les entreprises, a un système d'information qui change en permanence et, si on n'a pas un outil juridique adapté... Ça, c'est un premier pas.

Vous parlez de la... On n'est pas hostiles, il y a de très bons éléments dans la loi que vous proposez, M. le ministre. Je voulais vous le dire, et puis cette loi s'inscrit aussi... il y a eu la stratégie TI proposée par M. Coiteux, votre prédécesseur, et je crois que ça s'inscrit, là aussi, dans le même fil. Je voudrais le signaler, parce que c'est inscrit à la page 24 de ce rapport, parmi les sept objectifs que le comité consultatif en TI a élaborés, le troisième, c'est : Il faut plus de logiciels libres, hein? Donc, c'est une... Quand on parle aux experts, ils vous le disent, il faut plus de logiciels libres. Ils ne le font pas par idéologie, ils disent : C'est un cadre adapté par rapport aux défis technologiques que vous allez rencontrer pour bâtir les systèmes d'information que vous aurez besoin. C'est à ce titre-là.

Vous soulignez que...

M. Moreau : Juste sur ce point-là, puis je vais vous laisser continuer, là-dessus, je pense que les statistiques vous donnent raison, c'est-à-dire qu'il y a une évolution. Ce que je voyais, les chiffres qu'on me donne semblent vous donner raison, c'est-à-dire qu'il y a un espace qui s'établit et qui s'élargit pour le logiciel libre.

M. Béraud (Cyrille) : Oui, parce que vous avez des gens qui travaillent, et ils n'ont pas le choix, dans le fond, d'utiliser des technologies ouvertes. Et juste parce que vous avez évoqué l'intervention de M. Habib hier, qu'est-ce qu'il dit? Il dit : D'abord, il faut une vision globale. C'est peut-être quelque chose qui manque au niveau de l'État, au niveau de la stratégie.

Et puis, la deuxième chose, ce qu'on a pris comme méthode, il faut des systèmes ouverts. Je pourrais rentrer et vous expliquer la différence entre le système ouvert et le logiciel libre. Un système ouvert, c'est un système dont on possède les codes sources, simplement on n'a pas besoin de les redistribuer, et vous n'avez pas besoin de mettre sur Internet tous les codes sources d'Internet. Un logiciel libre, c'est quelque chose qu'on va trouver sur Internet, mais dans le fond c'est la même chose. On parle de système ouvert, «open source», logiciel libre. Le vrai terme serait logiciel sous licence libre. C'est la même opération.

Je voulais pointer... Vous avez pointé les progrès qui ont été faits. Ils n'ont pas été faits par hasard, ça ne s'est pas fait naturellement. Et, dans votre projet de loi, il y a des choses très, très bonnes, et j'aimerais pouvoir les pointer, mais surtout c'est une loi modificatrice, c'est-à-dire qu'il y a des choses qui ont été enlevées et notamment les trois articles qui donnaient obligation à tous les organismes publics de s'assurer que les logiciels libres étaient pris en compte au même titre que les autres logiciels. C'était un patch que Mme Courchesne... un patch, je m'excuse — une rustine, dans le fond, parce que c'était une manière de s'assurer que tous les organismes... et voilà les effets, M. Moreau. Effectivement, il y a eu beaucoup de progrès qui ont été faits, et ça a été accompagné... notamment les mesures de renforcer les talents et de s'assurer qu'on a maintenant des gens compétents au sein de la fonction publique dans les domaines de l'information, ont permis ces progrès.

Mais j'insiste, l'innovation ne vient jamais naturellement. Quand vous innovez, et d'ailleurs M. Habib l'a pointé, la gestion du changement est essentielle. Quand vous innovez, il y a des gagnants et il y a des perdants. Et c'est parce qu'à un moment donné votre gouvernement — je crois que vous participiez également à ce gouvernement-là de M. Charest, il me semble, de mémoire — a eu le courage de jouer son rôle, parce que dans l'appareil... dans le dispositif de l'État, qui a ce rôle d'innover? C'est vous. C'est vous qui allez pousser vos fonctionnaires. Les fonctionnaires, dans le fond, et tout est dans le nom, sont là pour faire fonctionner la machine? Ils ne sont pas là pour innover, et c'est à vous en tant qu'élus de les pousser à l'innovation.

Et ces articles de loi, ces trois articles de loi que vous supprimez et qui ont eu des effets très concrets, j'ai de très nombreux témoignages, ils étaient... ça a l'air d'être une phrase anodine, assurez-vous que le logiciel libre sois pris en compte au même titre que les autres logiciels. Ce n'était pas grand-chose, ce n'était pas suffisant, mais Mme Courchesne, le gouvernement de l'époque avait dit : C'est un premier pas, et on va poursuivre ce premier pas.

Donc, M. Moreau, M. le ministre, oui, il y a eu de nombreux progrès qui ont été faits. Ils ne sont pas suffisants. On est encore très en retard. On n'a pas encore tous les outils. La fonction publique n'a pas encore tous les outils pour mener à bien une politique adéquate là-dessus. Mais, en tout cas, un premier pas avait été fait, et ils ont eu des effets considérables et notamment pour les petits organismes. Alors... parce que très concrètement, une loi, il faut voir, un article, qu'est-ce que concrètement sur le terrain ça va avoir comme effet opératoire. Un article qui dit : Ah! bien, on va considérer toutes les technologies, dont le logiciel libre, ça n'a aucun effet opératoire.

Donc, c'est dans ce sens-là, on pense qu'il y a un recul là-dessus, mais qu'on peut très bien le bonifier. Et j'aimerais vous donner un cas très concret, c'est que, dans chaque équipe de travail maintenant, le gestionnaire informatique, eh bien, dans le fond, se réunit avec son équipe et, tout d'un coup, il y a une case à remplir pour chaque projet : Vous êtes-vous assurés que le logiciel libre est pris en compte au même titre que les autres logiciels? Et on doit se justifier. Et là, à ce moment-là, bien, il y a quelqu'un dans l'équipe qui va dire : Ah! mais tu sais qu'il y a telle technologie en logiciel libre qui ferait parfaitement l'affaire.

Les gestionnaires informatiques du gouvernement, M. le ministre, ne sont pas des informaticiens, hein? Vous savez que c'est un problème... ce n'est pas un reproche, c'est des spécialistes de la gestion contractuelle avec les fournisseurs. C'est comme ça que l'État...

M. Moreau : ...

• (15 h 30) •

M. Béraud (Cyrille) : Oui. Oui, absolument, mais j'aimerais peut-être saisir une perche, là, que vous me donnez parce que, là aussi, M. Habib... et en tant qu'entrepreneur je peux en témoigner. Vous savez, il y a 15 ans, quand on rentrait dans une entreprise, vendre des services informatiques, c'était qui qui nous rencontrait? C'étaient les finances, c'était l'informatique numérique. Le président : Trouve-moi le meilleur système comptable, trouve-moi le système ERP, trouve-moi le... À l'ère digitale, alors que c'est le système d'information qui crée de la valeur, c'est maintenant le président qui s'occupe... le président de l'entreprise ou, voire, le conseil d'administration.

Rappelez-vous les propos de M. Habib, c'est le conseil d'administration de Desjardins qui pilote directement les politiques d'innovation, ce n'est plus les finances. Imaginez Monique Leroux aller voir son contrôleur : Trouvez-moi le meilleur système de plateforme numérique. Ou imaginez le président de Bombardier... Le CSeries, mon entreprise a participé à des composants logiciels de cet avion, on en est très, très fiers. La grande force de cet avion, malgré les déboires qu'il rencontre actuellement, c'est que c'est l'informatique qui leur permet... Vous imaginez le président de Bombardier aller voir le contrôleur : Trouve-moi le meilleur système? Non, parce que maintenant c'est l'informatique qui crée de la valeur, et ce n'est plus les finances qui s'occupent de ça.

Et juste pour revenir encore une fois à la remarquable intervention de M. Habib, c'est maintenant tous les... C'est peut-être un problème de l'État que ça soit la commission des finances qui s'occupe des problèmes informatiques. C'est trop stratégique. Permettez, je voulais saisir cette occasion pour le dire, il y a peut-être un problème, il faut que les parlementaires prennent leurs responsabilités parce que c'est eux qui vont amener l'innovation. Les fonctionnaires, ils vont faire fonctionner la machine, ils vont faire... C'est des gens très bien, j'en connais certains, ils sont remarquables. Ils vont faire ce que vous leur dites de faire.

L'innovation, dans les logiciels libres — ...

Le Président (M. Turcotte) : Je vous remercie, monsieur...

M. Béraud (Cyrille) : ...je vais juste terminer mon point, M. le ministre, excusez-moi — est venue de la loi...

Le Président (M. Turcotte) : C'est le président qui préside ici, là.

M. Béraud (Cyrille) : Pardon!

Le Président (M. Turcotte) : Donc, vous pouvez terminer votre phrase.

M. Béraud (Cyrille) : L'innovation va venir de votre volonté à vous tous ici. Et, s'il y a eu tant de progrès — insuffisants, hein? — en logiciel libre, c'est parce que justement il y avait ces articles de loi que vous vous apprêtez à supprimer et remplacer par des articles qui n'auront aucun effet opératoire. Donc, c'est une première réserve sur ce projet de loi.

Le Président (M. Turcotte) : Merci. M. le ministre.

M. Moreau : Merci, M. le Président. Je ne veux pas vous empêcher de parler, M. Béraud, j'essaie d'avoir des échanges avec vous. Si vous prenez tout le temps, malheureusement — puis je n'en veux pas au président, c'est les règles, et ça s'applique pour tout le monde — on n'aura pas l'occasion d'échanger. Vous m'avez parlé de vision globale puis vous parlez d'éléments du projet de loi. On est là pour ça précisément, alors, laissez-moi vous poser quelques questions, puis, si vous n'êtes pas d'accord, vous me dites : Je ne suis pas d'accord, je vais écouter ça, puis, vous allez voir, on va être aussi bons amis à la fin de l'exercice.

Vous parlez qu'on a besoin d'avoir une vision globale. Le projet de loi propose une façon d'avoir cette vision globale — je fais un résumé exprès — en réduisant le nombre de personnes qui vont être dans ce comité de direction qui va être présidé par le dirigeant de l'information et où on va avoir une fluidité de l'information pour justement bénéficier des meilleurs exemples et des meilleures pratiques dans les ministères et organismes. Alors, sur cet aspect-là de la vision, je pense que le projet de loi, là, vous donne une belle ouverture.

Là où vous me semblez... Parce que vous me parlez de trois articles, là, je veux juste m'assurer qu'on parle de la même chose. Il y a eu des modifications, mais, quel que soit l'article qu'on considère, c'est toujours la même phraséologie qui a été utilisée, et je pense que c'est là-dessus que vous attirez mon attention, et donc je veux être très précis. Je vous demanderais : Répondez-moi, mais répondez-moi brièvement.

Exemple, on a l'article 7, l'article 8 et, je pense, l'article 9 où... 7 où on parle des fonctions du dirigeant principal de l'information, et la modification à laquelle, je pense, vous en avez, c'est le paragraphe 8° où on dit maintenant : «[Il aura] notamment pour fonction [...] de prendre les mesures requises pour que les organismes publics considèrent l'ensemble des technologies offrant un potentiel d'économies ou de bénéfices et des modèles de développement ou d'acquisition disponibles pour répondre à leurs besoins, dont les logiciels libres.» Et ce qui a disparu, c'est «au même titre que les [logiciels libres]». Alors, on change la phraséologie.

Moi, si je vous soumets que, juridiquement, ce n'est pas un affaiblissement puis ce n'est pas un renforcement, mais ça vient nous dire peut-être que... Et là c'est là où je vous pose véritablement la question : Est-ce que ce contre quoi vous en avez, c'est qu'on associe, dans cette phraséologie-là, logiciel libre à une technologie, puis vous dites : Ce n'en est pas une, ou si c'est le fait de dire... quand je retire «au même titre que les autres logiciels» et que je remplace ça par «dont les logiciels libres», vous y voyez un affaiblissement?

Parce que moi, sincèrement, je n'ai pas la compétence que vous avez en matière de technologies de l'information, mais en rédaction juridique, j'estime que je ne suis pas si pire et je ne vois pas un grave problème, honnêtement, d'interprétation là. Peut-être qu'on a à tort nommé logiciels libres technologies, et c'est peut-être ça qui fait... Mais si, votre crainte, c'est le fait d'enlever «au même titre que les logiciels libres», je pense que, dans la façon dont le paragraphe 8 — et c'est la même chose dans les deux autres cas — est rédigé, là, je ne vois pas véritablement un affaiblissement.

Le Président (M. Turcotte) : M. Béraud.

M. Béraud (Cyrille) : Les deux points sont exacts. D'abord, il y a une confusion des genres. Le logiciel libre n'est pas une technologie.

M. Moreau : Comment vous le décririez?

M. Béraud (Cyrille) : Bien, je l'ai expliqué, c'est un cadre juridique. C'est une propriété intellectuelle qui permet de protéger les auteurs de leurs créations et qui permet, tout en ouvrant, donc, le code, d'adresser les besoins, d'interconnecter.

M. Moreau : Mais, pour le décrire dans la loi... Je comprends ce que vous faites, vous faites une définition de ce qu'est une technologie. Parce qu'une technologie... Alors, si, moi, j'invente le microphone, il y a aussi un droit lié à ça parce que je l'ai conçu. Mais, à la fin, au-delà du droit juridique, ça devient une technologie. Alors, le logiciel libre devient une technologie.

M. Béraud (Cyrille) : Oui. Bien, ça devient un ensemble de technologies. Oui, mais ça a des impacts aussi organisationnels, hein? C'est-à-dire qu'il y a des choses que... Le fait qu'on va pouvoir interconnecter ces systèmes et les faire vivre en permanence, vous allez pouvoir créer des nouvelles méthodes de gouvernance des projets informatiques. Peut-être que cette question me sera posée, on parle d'agilité, d'ailleurs le monsieur de la caisse Desjardins le soulignait, c'est avant tout... Le logiciel libre, les technologies ouvertes sont d'abord et avant tout une formidable innovation organisationnelle qui permet d'adresser les défis des nouveaux systèmes d'information modernes.

M. Moreau : Et peut-être de réduire les coûts.

M. Béraud (Cyrille) : Peut-être, peut-être pas. Peut-être pas.

M. Moreau : Bon, mais c'est ce que la disposition de la loi dit, là — oublions notre argument, là, sur technologie : «...offrant un potentiel d'économies ou de bénéfices — vous dites que oui, on répond à ça — et des modèles de développement ou d'acquisition disponibles pour répondre à leurs besoins, dont les logiciels libres.»

M. Béraud (Cyrille) : O.K. Là-dessus, la loi initiale était très spécifique et avait un effet très opérant. Ce n'est pas juste une modification de fin de phrase, c'est : Les dirigeants sectoriels, les dirigeants principaux de l'information doivent s'assurer que le logiciel libre soit pris en compte au même titre que les autres logiciels. Donc, c'est extrêmement précis, puis ça a eu un effet... juste je constate, M. Moreau, que ça a eu un effet considérable pour l'adoption, dans une certaine mesure, pas suffisante, mais dans une certaine mesure. C'est dans l'intérêt de l'État, vous savez, M. Moreau.

Là, je ne défends pas... M. le ministre. Je ne défends pas... Bon, je sais, la parole de M. Habib était beaucoup plus forte parce qu'il n'était pas partie prenante de l'industrie et il pouvait parler librement. Mais j'insiste bien, toute l'économie de l'Internet, tous les experts vous le disent... Vous faites une table de consultation, qu'est-ce qui en ressort en troisième position? Il faut plus de logiciels libres. L'innovation ne va pas venir naturellement, elle va venir de votre volonté. Et, si vous n'est pas clair dans cette volonté, eh bien, l'innovation va s'arrêter tout de suite. Parce que dès qu'on veut faire un changement, eh bien, évidemment, il y a des gagnants et il y a des perdants.

Le Président (M. Turcotte) : Je m'excuse. Je crois qu'il y a une dernière intervention. Il reste environ deux minutes. M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Huot : Oui. Je vais y aller très rapidement. Considérez-vous tous salués. Juste bien saisir, parce que vous dites que, dans l'ancienne version de la loi... de considérer au même titre que les logiciels, mais vos recommandations vont dans le sens de prioriser les logiciels libres. Donc, il y a une nuance dans ce que vous dites sur l'ancienne loi et ce que vous recommandez.

Mais moi, ma lecture, et là, je vais compléter un peu... moi, je ne suis pas juriste comme le ministre, mais j'ai l'historique un peu de tout ce dossier-là depuis quelques années, et la phrase du nouveau projet, du projet de loi qui est sur la table, quand on dit : Nécessité de considérer «l'ensemble des technologies offrant un potentiel d'économies ou de bénéfices et des modèles de développement», etc., vous connaissez la phrase. Est-ce qu'on ne vient pas se coller sur le règlement d'acquisition qui a été déposé il y a un an et demi, environ, où est-ce qu'on a amené le total d'acquisition qu'on doit considérer, le coût total d'acquisition? Donc, on vient vraiment se coller sur ces questions-là. Donc, vous n'avez pas beaucoup de temps, mais je veux peut-être vous entendre sur la question du coût total d'acquisition, qui est vraiment, là... C'est ce qu'on cible avec cet article de loi là en lien avec le règlement. Donc, il faut être cohérents avec nous-mêmes aussi.

• (15 h 40) •

M. Béraud (Cyrille) : Oui, oui, oui. Il y a beaucoup de choses là-dedans, ce que vous venez de dire. Vous avez parlé de règlement. Nous avons considéré, à l'époque, que c'était un mauvais règlement qui n'allait pas dans la bonne direction. Je vous le dis très clairement, cash. Bon, il est là, il est là, on peut encore l'amender.

Effectivement, nous recommandons, M. le ministre... Et d'ailleurs, il y a les premiers éléments statistiques qui sont sortis, on a sorti quelques pages, quelques études, vous voyez, par exemple, de mi-juin à la fin de l'année 2016, on voit, ministère de la Santé et des Services sociaux, 90 % des appels d'offres, un seul fournisseur. Donc, on va voir...

Et en plus, on va voir un phénomène de concentration des fournisseurs et non pas d'ouverture des marchés, notamment aux PME et PMI, qui vont être complètement exclus, et, d'autre part, un phénomène d'opacité accrue, puisque la plupart de ces appels d'offres et de ces marchés ont été attribués sur invitation. C'est-à-dire, un appel d'offres sur invitation, c'est qu'il n'y a pas d'appel d'offres. Et là, vous pouvez le constater, on a pris trois organismes. Ça, c'est un point juste sur le...

Le Président (M. Turcotte) : Merci. Merci beaucoup. Malheureusement, je dois mettre fin à ce bloc. Nous allons passer au bloc de l'opposition officielle, et je cède la parole à Mme la députée de Chicoutimi et porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Jean : Merci beaucoup. Alors, bonjour à tous. Bonjour, messieurs, merci d'être ici aujourd'hui. M. Béraud, M. Piori et M. Ivol, bienvenue à l'Assemblée nationale, c'est un privilège de vous rencontrer, puis merci aussi de venir partager avec nous votre point de vue sur le projet de loi n° 135 de manière à l'améliorer au mieux pour qu'il soit le plus adapté possible aux nouvelles réalités d'aujourd'hui.

Je suis d'accord avec vous, lorsque vous parlez de ressources informationnelles, à quel point c'est stratégique pour l'État. Oui, c'est stratégique de revoir et de travailler sur ce projet de loi là de manière à ce que les projets puissent être contrôlés au niveau des coûts et que les nouvelles technologies informationnelles qui apparaissent puissent aussi être intégrées le plus possible à nos systèmes au niveau de l'État, de manière à maximiser les ressources qui sont en place, augmenter la productivité, mais aussi, possiblement, de pouvoir offrir de nouveaux services, ce que permet souvent l'arrivée de nouvelles technologies. Donc, je voulais préciser justement l'importance de ce projet-là et l'importance aussi de vos commentaires.

Aujourd'hui, vous présentez l'importance de considérer le logiciel libre dans les nouvelles plateformes qui seront adoptées par l'État pour les projets qui seront déposés. On parle des coûts d'acquisition et de toutes sortes de choses. Mais, avant d'aller plus loin, juste pour vous dire, on a environ 12 minutes pour échanger. J'ai quelques questions, donc, si vous pouvez avoir des réponses assez courtes, ça va me permettre de couvrir l'ensemble des sujets que je pense qui sont importants de couvrir pour l'ensemble des participants et aussi des auditeurs qui seraient intéressés d'en savoir plus.

Lorsqu'on parle de logiciels libres, on parle souvent que ça veut dire que c'est gratuit. Selon vous, lorsqu'on dit ça, est-ce qu'on est dans l'erreur ou pas dans l'erreur? Et là, où je veux en venir, est-ce que, d'adopter le logiciel libre, la seule considération qu'on doit aborder est l'économie que ça peut apporter? Donc, la gratuité perçue par l'ensemble des gens versus ce que ça apporte en général.

Le Président (M. Turcotte) : M. Béraud.

M. Béraud (Cyrille) : Je vais essayer d'être le plus bref possible, mais vos questions sont très denses, il y a beaucoup de choses.

Mme Jean : ...juste une partie.

M. Béraud (Cyrille) : Oui. Le logiciel libre, on ne vous donne pas la valeur marchande, on vous donne la valeur d'usage, c'est-à-dire vous pouvez le prendre sur Internet et en faire ce que vous voulez, mais, si vous voulez le mettre sur le marché, à ce moment-là, il y a des règles qui s'appliquent et il y a toutes sortes, hein, de licences libres différentes qui s'appliquent. Donc, pour un usage interne, dans le fond, c'est gratuit. Ça demande beaucoup d'expertise, donc, la compensation... ça permet de bâtir des systèmes dans le temps.

M. le ministre et Mme la députée de Chicoutimi, il y a un élément très positif, dans cette loi, je ne me rappelle plus le nom de l'article, c'est l'obligation donnée au DPI de s'assurer de la pérennité des actifs informationnels. Et surtout, notamment, les systèmes d'information de l'État, c'est 10, 20, 30, 50, 100 ans, et, notamment, plus ils s'enrichissent, plus ils prennent de valeur. Et c'est une avancée, je trouve que cet article de loi est une vraie avancée, mais elle n'est pas suffisante.

Et alors, évidemment, quand on choisit... Et en fait, dans le fond, vous faites écho à la question du député de Vanier sur les coûts de logiciel libre. Lorsque vous bâtissez un système d'information sur 50, 60 ans ou 100 ans, bien, évidemment, là, vous devez posséder le code source parce que, si votre fournisseur d'il y a 10 ans a disparu, vous êtes bien pris avec. Donc, quand vous allez bâtir des systèmes d'information stratégiques, il faut absolument... c'est une nécessité d'avoir tous les codes, les codes sources. Et évidemment, bâtir ce type de système d'information, le logiciel libre est tout à fait adapté à ça. Et évidemment, bien, ça va peut-être coûter plus cher que juste si on regarde localement un système d'information qui va durer un an ou deux.

Et c'est pour ça qu'il y a une grande difficulté à évaluer les coûts parce qu'évidemment, sur un besoin local, souvent... Et c'est pour ça que l'innovation ne se fait pas naturellement. Le gestionnaire informatique, lui, qu'est-ce qui va se passer dans 50 ans ou qu'est-ce qui va se passer dans les autres organismes, ce n'est pas son sujet, et donc il va...

Le Président (M. Turcotte) : Merci, M. Béraud.

Mme Jean : Je vais faire du chemin là-dessus.

M. Béraud (Cyrille) : Je ne sais pas si je vous ai donné les éléments de réponse.

Mme Jean : Oui.

Le Président (M. Turcotte) : Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Donc, j'ai une bonne partie de la réponse, dans le sens que le logiciel libre n'est pas... la seule considération du logiciel libre n'est pas seulement que pécuniaire, pas seulement que financière, comme l'ont mentionné aussi les gens d'hier, c'est-à-dire que l'application, l'utilisation du logiciel libre doit se faire selon les besoins ou selon l'application en laquelle on le dédit.

Et à partir de là, lorsqu'on adopte le logiciel libre, ce que je comprends, selon ce que vous me dites, c'est qu'un des arguments, un des éléments qui est intéressant au logiciel libre, c'est d'assurer une pérennité, puisqu'on a accès au code source et qu'on peut avoir aussi accès à un ensemble de fournisseurs qui peuvent se brancher, qui peuvent se connecter de façon plus naturelle.

Puis là j'arrive à ma deuxième question. Les systèmes doivent se parler, ce qu'on appelle... ou doivent communiquer ensemble, sinon, on a de la grande difficulté à les faire... à les rendre efficaces parce que deux systèmes qui ne peuvent pas se parler, bien, à ce moment-là, ou bien on le fait à la mitaine ou bien on n'a pas la communication, donc on n'augmente pas notre productivité, ce qu'on appelle l'interopérabilité. J'aimerais que vous me parliez rapidement de comment le logiciel libre s'intègre dans ce concept-là d'interopérabilité.

M. Béraud (Cyrille) : Alors donc, l'interopérabilité, c'est un ensemble de règles qui sont définies à l'avance, que les éditeurs de logiciel vont utiliser pour s'assurer que les systèmes peuvent se parler. Le gouvernement du Québec a mis en place un guide d'interopérabilité tout à fait remarquable, je dois vous dire, vos gens ont fait des choses... un travail remarquable, et il existe depuis des années. Et ce serait sans doute une des solutions, et plusieurs fois on est revenus là-dessus, pour permettre de mixer des systèmes propriétaires avec des systèmes libres.

Un logiciel libre, un système ouvert, est, par nature, interopérable, puisqu'on a le code et puis on peut le modifier comme on veut. Pour les logiciels propriétaires, ce n'est pas forcément le cas, et même ce n'est souvent pas le cas. Mais certains fournisseurs... éditeurs de logiciels propriétaires rentrent dans la... respectent un certain nombre de normes et permettraient la mise en place d'un guide d'interopérabilité opératoire. C'est-à-dire, en le rendant obligatoire, ça permettrait, M. le ministre, Mme la députée, de permettre la compétition et d'avoir des systèmes hybrides.

Et d'ailleurs un des reproches, je vais vous dire, M. le ministre, souvent, c'est que l'administration publique québécoise a divisé les choses, c'est soit le logiciel libre, soit le logiciel propriétaire. Mais, nous, dans le métier, ce n'est pas comme ça du tout qu'on le vit. Il y a des situations où le logiciel propriétaire est tout à fait adapté et il y a des situations où le logiciel libre est tout à fait adapté, est la meilleure solution. Et on est capables de les faire vivre ensemble.

Souvent, j'entends : Ah, mais si on choisit le logiciel libre, ça va être la catastrophe, on n'a pas les ressources, ça va coûter de l'argent. Alors, on peut très bien mixer et intégrer une véritable politique volontariste d'utilisation de ces technologies-là dans un environnement qui est le vôtre, pour des raisons historiques, très fermé, très propriétaire, et ça va fonctionner très, très bien grâce à ce fameux guide d'interopérabilité. Simplement, c'est un guide qui est actuellement conseillé, mais il n'est pas obligatoire. Il faut le rendre obligatoire. Ça va stimuler le marché, vos fournisseurs de services et ça va permettre d'intégrer des... de mettre en place une compétition saine et équitable entre tous les... de permettre en fait d'appliquer la loi, c'est-à-dire choisir la meilleure solution.

Mme Jean : Juste pour être certaine de ce que vous dites, lorsque vous dites «rendre obligatoire», c'est obligatoire l'implantation du logiciel libre?

M. Béraud (Cyrille) : Non, rendre obligatoire l'utilisation du guide d'interopérabilité.

Mme Jean : O.K. D'accord.

M. Béraud (Cyrille) : Si vous installez un logiciel, qu'il soit libre ou propriétaire, vous devez respecter un ensemble de normes...

Mme Jean : On s'entend là-dessus.

M. Béraud (Cyrille) : ...toute une série de formats, de standards, notamment, par exemple, ceux qu'on utilise sur Internet. C'est ce qui permet à toutes les entreprises différentes de dialoguer entre elles et de s'échanger des informations.

Le Président (M. Turcotte) : Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jean : Oui. Merci. Rapidement, les grandes organisations que vous connaissez ou encore des gouvernements qui utilisent comme plateforme principale le logiciel libre, est-ce que vous en connaissez et est-ce que vous avez des exemples à nous donner?

M. Béraud (Cyrille) : Ah, bien, ils sont innombrables.

Mme Jean : Bien, disons cinq.

M. Béraud (Cyrille) : Cinq? Bon, bien, écoutez, vous avez eu M. Habib hier, de la caisse Desjardins, c'est une entreprise qui est tout à fait là-dedans. Il vous a dit la même chose mieux que moi, hein? Je vais vous le dire d'une manière plus concise, et tout. C'est un très bon exemple. La STM a une grande politique aussi. C'est plus difficile parce qu'il y a des syndicats, et le changement est un peu plus difficile, mais il y a une vraie volonté de la direction. Je pourrais évoquer... la ville de Montréal a une vaste politique aussi d'utilisation des technologies ouvertes, menée par Harout Chitilian, très ambitieuse et très lucide. Et, au niveau des gouvernements, je pourrais évoquer la Grande-Bretagne, qui est vraiment en avance, comme souvent, dans l'innovation, et la France aussi, mais l'Allemagne... Il n'y a pas de pays maintenant qui échappe à ça.

• (15 h 50) •

Mme Jean : En adoptant le logiciel libre à des plateformes auxquelles ils s'adaptent, on serait dans la tendance d'aujourd'hui par rapport aux grandes organisations, est-ce que c'est ça?

M. Béraud (Cyrille) : Oui. Absolument.

Mme Jean : D'accord. Vous parliez tout à l'heure que le logiciel libre pourrait permettre l'émergence de... ou favoriserait la compétition. Moi, j'aimerais savoir, selon vous, comment l'adoption ou... pas l'adoption, mais de prioriser... ou l'adoption, oui, de plateformes sur logiciel libre pourrait favoriser l'émergence ou l'intégration de PME comme étant des fournisseurs de services à un État comme l'État québécois? Comment elle pourrait s'inscrire et comment l'adoption d'un logiciel libre permettrait cette intégration?

M. Béraud (Cyrille) : C'est un point... même, je dirais que c'est la voie royale, hein? Là encore, je vais me référer à M. Habib, je m'excuse, il l'a évoqué hier, c'est une question de gestion de risque. Tous les fonctionnaires vous le disent : Écoutez, on ne peut pas faire appel à un petit entrepreneur; si sa boîte fait faillite, qu'est-ce qu'on va devenir? On ne peut pas mettre le système critique dessus. C'est tout à fait légitime, et donc ça freine... c'est difficile pour l'État de travailler avec des petites entreprises.

Lorsque vous êtes dans un contexte de système ouvert, eh bien, dans le fond, la petite entreprise... Et d'ailleurs l'exemple donné par M. Habib était le suivant : La petite entreprise innovante, elle fournit le code source; eh bien, même si elle disparaît, même si elle fait faillite, le code source reste disponible, et d'autres compétiteurs peuvent reprendre le travail. C'est ce qui arrive régulièrement dans la communauté du logiciel libre.

Pour répondre précisément, là, pour les PME, PMI, c'est une grande préoccupation parmi nos membres de l'APELL où il y a beaucoup petites entreprises. Il y en a des plus grosses comme la mienne, des choses comme ça, mais il y a beaucoup de petites entreprises. Comment accéder au marché public? Je sais que c'est une préoccupation de votre gouvernement, M. le ministre, et depuis de nombreuses années. Vous avez, avec le logiciel libre, une voie royale pour leur permettre de démonter leur sens de l'innovation, l'imagination. Le Québec est d'une richesse extraordinaire, et ce n'est pas assez utilisé. Et, dans le fond... parce que, là encore, vous diminuez le risque complètement, puisqu'en fait l'État va disposer des sources. L'entreprise fait faillite, un autre peut reprendre la suite.

Le Président (M. Turcotte) : Il reste 1 min 15 s.

Mme Jean : 1 min 15 s Donc, naturellement, vous êtes des ambassadeurs pour le logiciel libre, et, lorsque vous avez regardé le projet de loi, ce que vous aimeriez voir arriver ou voir dans le projet de loi, c'est de favoriser et même, lorsque des projets de ressources informationnelles seront étudiés, de prioriser la considération du logiciel libre, plutôt que de le considérer comme une autre technologie ou une autre façon de faire les logiciels. Est-ce que c'est bien ça, votre message aujourd'hui?

M. Béraud (Cyrille) : Oui, absolument. Ce que je vous propose, c'est de faire un deuxième petit pas. Un premier petit pas avait été fait par Mme Courchesne et d'ailleurs Mme Malavoy. C'était une proposition non partisane des deux partis de faire un premier pas. Il a eu des effets, ce premier pas. L'innovation ne viendra que de votre côté, et, M. le ministre, c'est ça que nous vous proposons.

C'est toujours dans l'intérêt de l'État de posséder les codes sources de ses applications, toujours. Des fois, ce n'est pas intéressant, des fois, ce n'est pas stratégique, des fois, c'est plus cher, et on ne veut pas prioriser cette... Donc, il faut se donner toujours la liberté, il ne faut pas idéologiser. On est dans un spectre de cadres juridiques et de propriété intellectuelle très large, il faut pouvoir les... Par défaut, l'État doit privilégier toujours les technologies ouvertes parce que ça lui donne la liberté d'évoluer, ça le libère des contraintes du marché...

Le Président (M. Turcotte) : Merci...

M. Béraud (Cyrille) : ...ça permet un marché compétitif et concurrentiel.

Le Président (M. Turcotte) : Merci beaucoup.

Mme Jean : Merci.

Le Président (M. Turcotte) : Nous allons mettre fin à ce bloc et passer au bloc de la deuxième opposition, et je cède la parole au député de La Peltrie et porte-parole du deuxième groupe d'opposition.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Vous avez dit quelque chose, à mon sens, qui est important, vous avez dit : On a fait des progrès, mais, en matière d'utilisation du logiciel libre, on affiche quand même un retard important. Là, j'aimerais vous entendre là-dessus parce qu'on est en retard par rapport à qui et en quoi est-ce qu'on est en retard tant que ça dans l'utilisation du logiciel libre?

M. Béraud (Cyrille) : Alors, pour faire court, chaque pays a une situation historique ou chaque État. Et le fait que l'État a décidé de sous-traiter toute son expertise en offrant, historiquement, dans les années 70, à une grosse entreprise dont tout le monde peut être fier, qui s'appelle CGI... finalement, l'État s'est retrouvé sans expertise. Et pour le coup, finalement, l'expertise... Toi, le gestionnaire informatique, tu es responsable des contrats, mais, l'expertise, tu vas aller la chercher auprès de notre partenaire. Et donc les dirigeants informatiques se sont habitués à travailler avec le représentant de telle ou telle firme pour leur fournir les meilleures solutions, et c'est eux qui expliquaient les besoins, c'est eux qui fournissaient les solutions.

Et, dans le fond, il ne faut pas blâmer les fonctionnaires, s'il y a eu tant de projets qui ont dépassé, parce que, dans le fond, c'était toujours l'oreille du marchand — vous allez les entendre dans quelques minutes d'ailleurs — qui, dans le fond, ont toujours intérêt à vous vendre plus de licences, plus de logiciels et toujours la nouveauté, des choses comme ça. Et, dans le fond, l'État s'est retrouvé aujourd'hui face aux nouveaux défis de l'information, on a une organisation qui est absolument inadaptée, et l'État n'a pas les outils pour adresser ces besoins-là, en termes d'expertise, tout simplement. Et, dans le fond, un directeur informatique, un gestionnaire informatique du gouvernement doit tout... parce que, si un projet informatique est réussi, c'est que son fournisseur lui a donné les informations et les trucs pour que le projet fonctionne, le fournisseur informatique doit tout au dirigeant informatique.

Et il y a eu une espèce de phénomène de fusion d'intérêts, je pourrais vous montrer de nombreux exemples, entre des fournisseurs privés et les dirigeants de l'informatique au sein du gouvernement. Et ceci, ça s'est poursuivi jusqu'à il y a encore... encore maintenant, je dois le dire. Maintenant, l'État fait un effort, là, pour mettre de l'expertise en son sein pour conseiller vraiment librement, et non pas en fonction de l'intérêt de firmes privées. Mais c'est le manque d'expertise interne qui a été un choix, à un moment, qui était probablement le bon choix, à l'époque, mais qui maintenant n'est pas du tout adapté. Je ne sais pas si je réponds à votre...

M. Caire : Si je peux me permettre, je vous entends sur la perte d'expertise, mais en quoi, ça, ça explique le retard sur le logiciel libre? Et vous dites : On est en retard, mais on est en retard par rapport à quoi? En quoi on est en retard? C'est ça que j'essaie de voir. Est-ce que vous avez un pourcentage d'utilisation de logiciel libre par le gouvernement du Québec par rapport à d'autres États? Est-ce qu'il y a des comparables?

M. Béraud (Cyrille) : Non. Moi, je peux comparer par rapport au marché. Je connais beaucoup les entreprises, les grandes entreprises du Québec, je vois, elles ont toutes, chacune à leurs manières, chacune avec leurs problématiques particulières, des grandes politiques de rentrer dans l'ère du digital, c'est-à-dire maîtriser un système d'information qui crée... bâtir un système d'information qui, en lui-même, va créer de la valeur. Ça demande de l'expertise, ça demande beaucoup d'expertise, on l'a souligné. Et, si le logiciel peut être gratuit, par contre, il va falloir des ingénieurs, et souvent...

J'aimerais parler un mot juste sur la question du manque de ressources. On a une pénurie d'expertise en informatique. C'est curieux parce que c'est des postes qui sont très, très bien payés, les jeunes sont des passionnés d'informatique, et les universités sont vides, dans le fond, et se plaignent, les recteurs se plaignent, mais personne... Bien, parce que le système éducatif québécois s'est aligné sur les orientations du gouvernement, et, dans le fond, puisqu'on n'étudiait pas les nouvelles technologies et on étudie toujours les anciennes, eh bien, les universités se vident. Pour le coup, l'État se retrouve sans ressource et s'en plaint. C'est tout un ensemble qui s'est créé, un écosystème qui n'est pas favorable, et il faut... L'innovation et le changement viendra de vos décisions, toujours, et ne viendront pas naturellement, j'insiste sur ce point, M. le député.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Caire : Oui. J'ai comme une interrogation, parce que je comprends ce que vous dites, on doit faire la promotion de l'innovation, j'en suis... D'ailleurs, j'entends que, si jamais j'avais besoin de me chercher une job en informatique, coudonc, je pourrais peut-être être réintégré...

Une voix : ...

M. Caire : Hein? Oui, il y a peut-être des petites mises à jour à faire, là, une ou deux, mais, bon... Non, mais, sauf qu'en même temps, jusqu'à quel point on peut passer par une loi pour faire ça? Jusqu'à quel point on peut rendre l'utilisation ou l'innovation légale ou l'obliger par une loi? Puis, là-dessus, j'essaie de voir, là, ce qui se fait dans le projet de loi, en termes de promotion du logiciel libre. Donc, vous, comment vous nous conseilleriez de l'intégrer au projet de loi, cette recherche ou cette obligation d'innovation là? Parce que vous comprendrez qu'on ne peut pas faire une obligation légale d'utiliser le logiciel libre, on ne peut pas dire : Vous avez l'obligation légale d'utiliser le logiciel libre, donc il faut... Est-ce que cette loi-là ou une loi est le bon véhicule pour atteindre les objectifs dont vous parlez?

M. Béraud (Cyrille) : Moi, je suis un entrepreneur. Moi, je fais ma job. Chaque matin, je me lève, je crée des emplois, je crée de la valeur, je sers mes clients, je modernise mes clients. C'est à vous de trouver le chemin, je ne peux pas... Je pense qu'il faut faire un deuxième pas. Il y a toutes sortes de manières. Je sais que vous avez des gens très inventifs dans la fonction publique.

Beaucoup, d'ailleurs, d'États, puisque vous le signalez, ont des lois extrêmement coercitives pour pousser. Il y a toutes sortes de manières. Mais vous avez suffisamment de spécialistes, au sein de votre fonction publique, sur ces questions, vous avez des gens très, très brillants qui seraient capables de vous donner les manières de le faire légalement pour encourager. Juste ce que je sais, c'est que l'innovation viendra de vous. C'est vous qui pourrez pousser votre fonction publique à donner les outils pour adresser les défis que vous allez rencontrer pour bâtir cet État numérique que le Québec a besoin.

Le Président (M. Turcotte) : Il reste deux minutes, M. le député de La Peltrie. Ça va?

M. Caire : Merci.

Le Président (M. Turcotte) : Bien, je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

Je vais suspendre, mais, pendant la suspension, le prochain groupe peut s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Turcotte) : Donc, nous reprenons nos travaux.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Je vous rappelle, pour les fins de l'enregistrement, de bien vouloir vous présenter lors du début de votre présentation, présenter les gens qui vous accompagnent, tout dépendant la personne qui va s'adresser à nous. Donc, pour un bloc de 10 minutes, je vous cède la parole.

Ah! bien, je ne vous ai pas présentés, c'est vrai. Nous avons le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information. Donc, la parole est à vous.

Regroupement des partenaires du gouvernement
en technologie de l'information (RPGTI)

M. Robitaille (Bernard) : M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, il nous fait plaisir d'être devant vous aujourd'hui. Mon nom est Bernard Robitaille, et je suis, depuis deux jours, président du RPGTI, soit le Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l'information. Je suis accompagné de M. Robert Pilote, secrétaire général du regroupement. Nous sommes heureux d'avoir l'opportunité de prendre part aujourd'hui au processus de consultation sur le projet de loi n° 135.

Partenaires privilégiés du gouvernement du Québec en matière de technologies de l'information et témoins des nombreuses évolutions et percées qui caractérisent ce secteur d'activité en constante ébullition, les membres du RPGTI sont heureux de pouvoir contribuer à la réflexion amorcée dans le cadre du dépôt de ce projet de loi.

Peut-être le savez-vous déjà, mais le RPGTI est le plus grand, le plus important regroupement d'entreprises de technologies de l'information oeuvrant auprès du gouvernement du Québec. Nous regroupons des équipementiers, des éditeurs de logiciels de même que des firmes de services-conseils. Certains de nos membres offrent une gamme complète de services reliés aux technologies de l'information qui va du conseil stratégique pour les hauts dirigeants des organisations au soutien et à la prise en charge des opérations alors que d'autres ont plutôt choisi des créneaux spécifiques d'intervention. Nous comptons parmi nos membres des multinationales reconnues comme chefs de file dans leurs domaines d'affaires mais également des entreprises qui se sont développées au Québec et qui ont aujourd'hui un rayonnement provincial, national et même international.

Notre mandat à titre de regroupement est notamment d'agir comme porte-parole des firmes en TI oeuvrant auprès du secteur public québécois et de favoriser un partenariat constructif avec le gouvernement du Québec. Nous mettons à contribution les expertises et les expériences de nos membres dans la définition des bonnes pratiques qui favorisent la réussite des projets reliés aux technologies de l'information, la saine utilisation des ressources informationnelles et un meilleur retour sur l'investissement. C'est dans cet esprit que nous participons aujourd'hui aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 135, que nous accueillons favorablement. En effet, le RPGTI appuie la vision stratégique du gouvernement du Québec à l'effet que ses ministères et organismes puissent disposer des meilleures ressources et des meilleurs outils disponibles en matière de TI, et ce, dans un cadre de gouvernance et de gestion renforcées.

Par ailleurs, nous saluons la volonté du gouvernement de moderniser le visage numérique de l'État québécois et d'intensifier le virage vers une prestation électronique de services au bénéfice de tous.

Enfin, le RPGTI reçoit favorablement l'intention du gouvernement d'accroître la cohérence de ses actions et d'exercer un meilleur contrôle sur ses ressources informationnelles. Le RPGTI est notamment d'avis que les principaux changements proposés par le projet de loi, comme le fait d'accentuer le rôle du dirigeant principal de l'information, la mise en place d'un comité de gouvernance, la gestion centralisée des investissements et la publication des documents stratégiques, permettront non seulement de renforcer la gouvernance des technologies de l'information mais également de prioriser les bons investissements en ressources informationnelles.

Toutefois, nous estimons qu'il serait d'intérêt d'apporter au projet de loi n° 135 certaines améliorations. Nous en soumettons donc trois recommandations.

La première concerne le dirigeant principal de l'information et le leadership fort que le gouvernement du Québec souhaite lui confier. Cette décision bien pensée s'inscrit dans la foulée des grandes tendances mondiales en matière d'approche et de gestion des TI, autant dans les secteurs privés que publics. Je pense que les gens de Desjardins, hier, vous en ont fait part également. Par exemple, les entreprises misant de façon stratégique sur les TI pour la réalisation de leur mission se sont dotées, au sein de leur équipe de haute direction, d'un DPI en mesure de se prononcer, d'influencer et de participer aux prises de décision.

Toutefois, le RPGTI constate que, dans son rôle actuel, le DPI n'occupe pas une position exécutive aussi importante au sein de l'instance décisionnelle de l'État québécois. Bien qu'il soit responsable de maintenir le niveau des actifs et des équipements en TI et de trouver des manières d'innover, d'assurer un contrôle serré des dépenses et des investissements, de se prononcer sur les priorités des ministères et organismes, il ne détient pas un véritable pouvoir de décision.

Nous estimons par ailleurs qu'il est essentiel de maintenir un lien fort entre les décideurs politiques et les instances administratives en matière de technologies de l'information. Il faut éviter qu'un fossé se creuse et que s'installe une mauvaise compréhension des enjeux et des réalités en matière de TI, un secteur particulièrement mouvant. En ce sens, le RPGTI suggère que le DPI dispose d'un lien plus étroit avec l'instance décisionnelle et qu'il relève directement d'un ministre délégué aux Ressources informationnelles. Le regroupement suggère également qu'il dispose, sous cette autorité, d'un pouvoir d'intervention et de décision accru. Le DPI devrait, suivant cette structure, être responsable de l'ensemble des actions du gouvernement en matière de TI, des orientations technologiques à la prestation de services, en passant par les stratégies d'acquisition et le partage des services et des ressources.

Le DPI serait donc chargé de déterminer et de proposer aux élus des stratégies, des conseils et des plans d'action structurés, cohérents et efficaces en regard des objectifs du gouvernement du Québec dans son virage numérique actuel. Le DPI serait ainsi en mesure de faire le pont entre le politique, l'appareil administratif et les dirigeants des organismes publics et parapublics.

• (16 h 10) •

En vue de l'atteinte de ces objectifs, le RPGTI estime que ce nouveau DPI aurait besoin d'être appuyé et soutenu par une équipe multidisciplinaire qualifiée et diversifiée. Cette équipe devrait être dotée de moyens financiers et matériels adéquats afin d'assurer la fluidité, la cohérence et l'efficience de ses activités. Le RPGTI est d'avis que les sommes consacrées à la mise en place ainsi qu'aux activités de cette équipe seraient largement compensées par les gains en productivité, en matériel et en investissements induits par cette décision.

Notre deuxième recommandation concerne les budgets et les investissements à consacrer aux technologies de l'information. Les technologies de l'information évoluent rapidement, et cela oblige les gestionnaires et les élus, dans un contexte budgétaire serré, à concilier à la fois les projets liés à la modernisation et à l'accroissement des ressources en TI en plus de devoir répondre aux besoins liés à l'entretien et au maintien des équipements et logiciels déjà en place. Dans ce contexte, le RPGTI rappelle l'importance de se doter d'un cadre financier clair, cohérent et réaliste.

À cet égard, le RPGTI établit une distinction entre la notion de budget d'entretien récurrent en matière de TI et la notion d'investissements dans les technologies numériques. Pour reprendre une analogie familière, la gestion des ressources en TI d'un organisme s'apparente à la gestion d'un vaste réseau routier. D'une part, il faut réserver des budgets pour l'entretien du réseau existant, sa réfection et son amélioration afin qu'il demeure sécuritaire et adapté aux besoins des usagers. Ces budgets récurrents ne servent pas à ajouter des kilomètres de route au réseau existant. Toutefois, il devient régulièrement nécessaire de développer, en raison de la croissance des besoins, de nouveaux tronçons de route au réseau. Cela passe par la réalisation de chantiers et de projets d'investissement ponctuels. Au même titre, le RPGTI estime qu'il est nécessaire de mieux établir cette distinction entre les budgets d'entretien et les investissements en TI. En lien avec notre première recommandation, nous croyons que le DPI devrait être en mesure de superviser et de définir les budgets d'entretien comme les investissements stratégiques nécessaires en TI.

Enfin, notre troisième et dernière recommandation aborde la mise en place d'un partenariat optimal entre le DPI et l'industrie des TI. Des expériences démontrent comment un partenariat étroit et bien balisé entre l'industrie des TI et l'État peut se révéler fructueux et gagnant. D'une part, les firmes engagées en TI auprès de l'appareil gouvernemental sont en mesure d'assurer leur croissance, de créer de l'emploi et de contribuer au développement économique, d'autre part, le gouvernement peut miser sur des conseils avisés, de l'aide concrète et des ressources matérielles, humaines et techniques solides, à la fine pointe des connaissances internationales.

Alors que le gouvernement du Québec a entrepris un vaste virage numérique et souhaite l'intensifier, il apparaît essentiel pour le RPGTI que le partenariat entre l'industrie des TI québécoise et l'État soit modernisé, redéfini sur des bases solides et adapté aux nouvelles réalités du monde technologique. Cela permettrait notamment à l'industrie de pouvoir mieux comprendre les objectifs, les motivations et les orientations déployés par le gouvernement.

Le RPGTI tient à rappeler qu'en vertu de son expertise acquise ici et ailleurs dans le monde, de ses compétences et de sa fine connaissance des enjeux et des réalités des TI, l'industrie québécoise demeure plus que jamais en mesure de soutenir le gouvernement du Québec. En revanche, le RPGTI comprend également le mouvement amorcé par le gouvernement du Québec et visant à ramener à l'intérieur de son organigramme d'importantes ressources en matière de TI. Dans ce contexte, il importe toutefois de préciser et de clarifier quelle est la contribution attendue et le rôle qui sera réservé aux firmes québécoises. Ainsi, l'industrie sera en mesure d'anticiper les besoins de l'État, de s'y ajuster et d'agir efficacement dans son rôle de soutien.

Enfin, le RPGTI propose au gouvernement de revenir aux mandats de type forfaitaire, tel que recommandé par le Vérificateur général du Québec, afin de mieux partager les risques pour la réalisation de certains projets. Il s'agit là d'un autre exemple démontrant les possibilités qu'offre un partenariat resserré entre les firmes de TI québécoises et l'État.

En terminant, permettez-moi de réitérer l'appui du RPGTI à la volonté du gouvernement du Québec de poursuivre son important virage numérique et de redéfinir ses modes de gestion et de gouvernance à cet effet. Dans cet esprit, le RPGTI est disposé à travailler avec le gouvernement afin de permettre au Québec d'affronter efficacement les défis posés par la révolution numérique. Ainsi, c'est toute l'économie du Québec, de même que la qualité des services offerts à toute la population, qui en sortiront renforcées. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Turcotte) : Je vous remercie beaucoup, M. Robitaille. Je vous félicite pour votre nomination, en espérant que votre mandat commence bien en venant nous présenter votre mémoire.

Je vais céder maintenant la parole à M. le ministre et président du Conseil du trésor pour son bloc.

M. Moreau : Merci, M. le Président. Vous m'enlevez les mots de la bouche, j'allais féliciter M. Robitaille. Vous êtes quand même à l'aube d'un nouveau mandat, alors, première journée, disons que c'est une bonne lancée. Vous avez fait une présentation, et je veux vous remercier ainsi que M. Pilote, qui vous accompagne, pour joindre votre voix à ceux et celles, comme je le dis, qui veulent ici fournir un témoignage pour améliorer le projet de loi qui est devant nous.

Vous avez indiqué de façon très large votre position favorable au projet de loi. Vous formulez trois recommandations. Je commencerai par la troisième parce que, d'après moi, on est exactement au bon endroit, où vous dites, bon : On doit continuer le recours à l'externe. Et d'ailleurs je pense que c'est le vice-président aux technologies Desjardins, hier, qui disait : L'utilisation de ressources externes est importante pour contaminer, disait-il, l'expertise interne — évidemment, dans ce cas-là, c'est une bonne contamination, les meilleures pratiques, c'est un peu comme l'abeille, c'est à de bonnes fins — contaminer, donc, l'expertise interne des meilleures pratiques qui se font dans le secteur privé.

Là-dessus, je dois vous dire qu'on est non seulement tout à fait d'accord avec votre troisième recommandation, mais vous me permettez de souligner, dans la stratégie gouvernementale en technologies de l'information, dont vous avez probablement pris connaissance, et je sais que vous faites partie du Conseil consultatif québécois des technologies de l'information, c'est la cinquième mesure, de confirmer le rôle du conseil consultatif. Donc, le gouvernement est définitivement orienté vers l'appui inconditionnel à cette troisième recommandation.

Sur la deuxième recommandation, ce n'est pas que je suis en désaccord avec vous, au contraire, je suis d'accord avec vous, mais j'ai l'impression qu'on le retrouve dans le projet de loi. Parce que vous dites : On doit avoir un processus de gestion des dépenses des investissements en amont de l'attribution des budgets. Alors, traditionnellement et jusqu'à maintenant, ce qui se fait, c'est qu'on attribue les crédits budgétaires aux ministères et donc aux organismes qui dépendent directement des ministères, et c'est là que les ministères établissent leurs budgets pour les technologies de l'information. Ce que l'on souhaite faire, c'est de rendre compatible au cycle budgétaire toute la question des investissements en technologies de l'information en disant, un peu comme on le fait dans le cas des infrastructures : On veut que le programme d'investissements soit connu. Et vous le savez, je ne répète pas, il y a une centralisation qui est faite des dirigeants de l'information au sein d'un groupe consultatif présidé par le dirigeant principal, vous en avez parlé, j'y reviendrai tantôt. Mais, si je vous dis que, là, on l'inscrit dans le cycle budgétaire, ça veut dire une chose, ça veut dire que, comme le gouvernement prépare annuellement son budget, comme il y a des consultations prébudgétaires, comme il y a des consultations prébudgétaires avec les contribuables et les groupes de pression mais aussi avec les ministères et les organismes, est-ce que vous ne pensez pas que cette façon de faire là répond pas mal à la deuxième recommandation, c'est-à-dire d'aller puiser sur un plan à long terme quelles sont les orientations d'investissement qui doivent être faites en technologies de l'information par les ministères et organismes? Est-ce que c'est ce que vous avez en tête?

Le Président (M. Turcotte) : M. Robitaille.

M. Robitaille (Bernard) : Bien, effectivement, je pense que le projet de loi va dans ce sens-là, donc nous, on l'appuie. Ce qu'on se demande, c'est quels sont les mécanismes qui vont être mis en place pour s'assurer que les investissements sont faits selon des règles du jeu qui sont claires, qui vont assurer la pérennité des investissements en technologies de l'information puis que chacun des ministères et organismes vont disposer des ressources nécessaires à maintenir ces actifs-là et à prendre le virage numérique. Donc, souvent, on... bien, pas souvent, là, je n'utiliserai pas le terme «souvent», mais j'ai la perception que certains projets, des fois, sont mis de l'avant, mais on calcule le coût du projet, mais on oublie que par la suite il va y avoir des coûts d'entretien.

• (16 h 20) •

M. Moreau : Ce qu'on appelle le maintien d'actif. D'ailleurs, en matière d'éducation et en santé, on a la résorption des déficits d'entretien dans le cas des immobilisations, et c'est exactement là où on va. C'est-à-dire que, maintenant, le Plan québécois des infrastructures prévoit les sommes pour la résorption des déficits d'entretien, et ce qu'on veut infléchir par ce projet de loi là, c'est une mécanique qui est tout à fait semblable dans le domaine des technologies de l'information, c'est-à-dire, un, pour prévoir non seulement les nouveaux programmes, mais aussi les coûts liés à l'entretien, et faire en sorte que le développement des ressources informatiques se fasse suivant un plan qui est prévisible. Et là où on aura à faire des choix...

Parce que ce que vous dites : Est-ce qu'ils ont les ressources suffisantes? Quand vous assoyez des ministres autour de la table, je pense que c'est vrai quel que soit le parti, il y a une confrérie des présidents du Conseil du trésor, peu importe à quel gouvernement ils ont appartenu, qui se disent tous la même chose : Il faut tirer un peu sur les cordons parce que les demandes sont infinies. Par contre, à partir du moment où on demande à des cabinets, à des ministères, à des organismes d'avoir une prévision sur plusieurs années, on réalise que les choix deviennent plus faciles à faire. Est-ce qu'on peut répondre à tous les besoins? La réponse, c'est non, on ne pourra jamais parce que les besoins sont infinis, et ça, vous le comprenez, mais ça permet une prévisibilité et, je pense, un meilleur équilibre entre le maintien, justement, des technologies existantes et le développement de ce système-là. Donc, je comprends que vous prenez comme une bonne nouvelle le fait que l'on arrime au cycle budgétaire toute la question des investissements en technologies.

Je vais aller maintenant sur la question du dirigeant principal de l'information, oui. Là, je ne l'ai pas pris personnel que vous demandiez un ministre différent du président du Conseil du trésor, je trouverai d'autres choses pour m'occuper, mais ce n'est pas moi qui décide de ça. Puis on ne peut pas le faire dans le cadre du projet de loi, c'est un privilège qui appartient au premier ministre. Mais, quand vous dites qu'il devrait y avoir une délégation explicite et de réels pouvoirs, dans l'architecture actuelle de la loi le dirigeant principal de l'information relève du président du Conseil du trésor, à tort ou à raison, c'est le bon ou le mauvais ministre. Si vous préfériez un ministre qui a un portefeuille plus pointu, ça, c'est une chose, mais est-ce que la relation avec un éventuel ministre dédié aux technologies serait différente de celle qu'on lui donne dans la loi actuelle?

Le Président (M. Turcotte) : M. Robitaille.

M. Robitaille (Bernard) : Bien, tout d'abord, le ministre délégué aux Technologies de l'information pourrait relever de vous.

M. Moreau : Oui, mais ça fait une couche additionnelle, là. Là, il est plus près du président du Conseil du trésor.

M. Robitaille (Bernard) : Bon, je ne suis pas un politicien, je ne connais pas vos structures, mais dans le sens que nous, on pense qu'un ministre délégué aux Technologies de l'information pourrait être à la table des ministres pour appuyer le ministre, qu'il soit du Conseil du trésor ou d'un autre ministère, à venir défendre les investissements en technologies de l'information. Donc, c'est un peu dans ce sens-là qu'on l'amène.

Puis l'autre élément, pour revenir aux... oui, on est contents de voir le projet de loi dans le sens où il va en termes de planification budgétaire, mais, contrairement aux routes, où c'est facile de voir qu'il y a eu un investissement quand, le matin, l'asphalte est foncé, là, on est passé puis...

M. Moreau : ...en face de l'Assemblée nationale.

M. Robitaille (Bernard) : ...oui, les travaux qu'on voit, en informatique, c'est plus difficile d'investir des sous dans l'entretien d'un réseau informatique ou d'un parc informatique parce que c'est humain, on ne voit pas le changement, on le capte moins bien. Donc, c'est pour ça que nous, on pense qu'un DPI appuyé par un ministre délégué aux TI qui siège sur le Conseil des ministres pourrait recevoir un appui plus fort du niveau politique pour obtenir les sommes nécessaires aux besoins.

M. Moreau : O.K. Quand on parle, toujours dans la stratégie gouvernementale en technologies de l'information, de constituer et de maintenir un portrait complet de l'état des actifs informatiques, ça, ça répond à la préoccupation que vous avez de dire : Ce qui est moins visible et moins intéressant, peut-être, mais au moins, avec ça, on aura la capacité, même publique, de dire : Regardez, là il commence à y avoir un déficit d'entretien. Alors, c'est une mesure de contrôle, j'imagine, que vous accueillez favorablement.

M. Robitaille (Bernard) : Oui, effectivement, on l'accueille favorablement, puis je peux vous dire que, pour être sur le terrain, certains ministères ou organismes qui le font très bien actuellement, ils n'ont pas besoin d'un projet de loi.

M. Moreau : Maintenant, la question que je me pose... parce que je pense que, sur les recommandations que vous avez faites, on est pas mal au même endroit, vous avez entendu le groupe devant vous, puis là je ne veux pas profiter de leur absence, mais moi, je veux m'instruire sur toute la question du logiciel libre. Les statistiques nous montrent qu'il y a une croissance de l'utilisation du logiciel libre. À ma connaissance, la rédaction législative, en tout cas, elle n'était pas dirigée de façon à éliminer ou à rendre la chose plus difficile, au contraire. J'ai vu que Desjardins l'utilise, mais avec un encadrement puis des prérequis très spécifiques.

Vous êtes des partenaires importants du gouvernement. Vous, comme moi, voyez l'augmentation de la référence au logiciel libre. Est-ce que vous pourriez me dire est-ce que cet élément-là devient toujours incontournable? Est-ce que le fait d'encadrer l'utilisation du logiciel libre pour avoir recours à des fournisseurs, demander des garanties et dans quels contextes... Est-ce qu'il y a des contextes qui se prêtent plus que d'autres à l'utilisation de ce type de logiciel là?

M. Robitaille (Bernard) : Bien, le RPGTI supporte l'utilisation du logiciel libre, tout est une question de contexte, de besoins puis de solutions disponibles dans le marché, en tenant compte, effectivement, du coût total d'acquisition. Donc, en ce sens-là, je peux vous dire que, moi, personnellement, ma firme, on a livré une solution cet été en logiciel libre. Ce qui est important, effectivement, comme le disaient hier les gens de Desjardins, c'est d'avoir un fournisseur local qui connaît la technologie, qui est capable de vous supporter dans l'intégration de cette solution-là au même titre que les autres solutions.

Aujourd'hui, on est dans un monde d'interopérabilité qui permet de connecter des bases de données Oracle avec des logiciels Microsoft, puis de faire fonctionner un iPhone, puis de communiquer avec Android. On n'est plus dans une fermeture des solutions. La différence, je pense, qui a été exprimée, c'est d'avoir accès au code source. Mais une fois qu'on l'a, le code source, il faut lui aussi l'entretenir et le faire évoluer, puis ça a un coût. Donc, dans votre évaluation, vous devez considérer tout ça.

M. Moreau : O.K. Mais en soi, moi, honnêtement, je vous dis, là, très sincèrement, je ne vois pas d'obstacle à l'utilisation du logiciel libre, mais je voulais savoir si vous en aviez vu dans l'analyse que vous avez faite du projet de loi. À mon point de vue, je pense qu'on s'en va là. Le dirigeant principal de l'information m'indiquait qu'il y a des organismes gouvernementaux qui se sont distingués comme finalistes aux Octas 2015, dans la catégorie Solutions d'affaires en logiciels libres, alors il me semble que... Je voulais juste m'assurer que je n'avais pas manqué un élément.

Je sais que mon collègue de Vanier-Les Rivières souhaite vous poser des questions.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Huot : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. M. Robitaille, bienvenue — bienvenue dans votre nouveau poste de président aussi — M. Pilote. Salutations à votre président sortant, M. Ferland, qui était membre du comité consultatif. Donc, ce sera vous, dans nos prochaines rencontres, sans doute, qui serez là avec nous au comité consultatif.

Je veux revenir, entre autres, sur la recommandation 1, à propos des pouvoirs, si on veut, du dirigeant principal de l'information. Bon, le ministre vous a expliqué que la question d'un ministre délégué, c'est la prérogative du premier ministre. Ça, on ne changera pas ça. Mais, sur la question de la délégation de pouvoirs d'intervention du DPI, il y a quand même beaucoup de choses déjà dans la loi, mais vous demandez peut-être un peu plus, ce que je comprends, là, parce que vous voudriez qu'il assume un leadership encore plus fort. Mais il y a quand même beaucoup de choses avec le comité de coordination qui est mis en place, donc qui préside un peu la coordination des grands portefeuilles ministériels. Il y a quand même un pouvoir d'intervention, de vérification, si on veut, il y a des choses dans le suivi des projets qui sont là aussi, il peut décréter certains services obligatoires. Est-ce qu'on comprend que vous voudriez qu'on aille encore plus loin dans les pouvoirs qu'on donnerait au DPI, qui seraient donnés s'il avait un statut plus élevé ou... C'est quoi, votre position? J'aimerais mieux la comprendre là-dessus.

M. Robitaille (Bernard) : Je vais laisser mon collègue répondre.

M. Pilote (Robert) : Oui, oui. Bien, il y a l'idée d'assumer un leadership fort, de faire la promotion des technologies, de la livraison de nouveaux services en prestation électronique. En même temps, il y a toute la question des directives qui pourraient être données sur le maintien des actifs, les stratégies qui devraient être mises de l'avant. On peut penser aussi en termes d'architecture, grandes orientations qui pourraient être décrétées par le DPI et qui fourniraient un encadrement pour les différents ministères et organismes. C'est dans ce sens-là qu'on... Et l'idée aussi, c'est de s'assurer qu'il y ait vraiment un focus sur les technologies de l'information. Quelqu'un qui en fait la promotion puis qui voit ça un peu comme sa mission première, il est là pour être en avant, d'en parler. Je repense à M. Habib, qui mentionnait que le C.A. du Mouvement Desjardins est devenu le C.A. de Groupe Technologies Desjardins, rencontres quatre fois par année, quatre heures. C'est dans ce sens-là, de s'assurer qu'il y ait des pouvoirs d'encadrement, de faire de la promotion, et c'est vraiment dans ce sens-là.

• (16 h 30) •

M. Moreau : Mais on n'est pas en désaccord avec ça parce que le dirigeant principal de l'information est avec le président du Conseil du trésor et siège au Conseil du trésor toutes les semaines. Alors, moi, je trouvais que le modèle dont nous parlait M. Habib, c'est... Parce qu'il n'est pas dit que, par exemple, un ministre délégué aux Technologies de l'information serait membre du Conseil du trésor, alors que, là, on l'inscrit clairement non seulement dans le cycle budgétaire, mais dans le cycle de contrôle des dépenses en cours d'année, en cours d'exercice budgétaire pour voir même si, au-delà des crédits qui sont donnés en technologies de l'information, il y a lieu d'avoir, par exemple, recours au fonds de suppléance pour pallier à une situation qui n'aurait pas été prévue dans le cadre budgétaire.

Alors, je trouve que là où on le place avec le projet de loi, il est à un endroit extrêmement stratégique en termes de capacité économique de développer les technologies de l'information et d'avoir une vue immédiate sur les ressources.

M. Robitaille (Bernard) : Bien, écoutez, nous, le terme clé, vous l'avez dit, c'est le développement économique. Il faut voir les TI comme un outil de développement économique puis à partir du moment... C'est vous qui êtes les mieux placés pour dire quelle est la meilleure formule pour y arriver. Donc, on vous appuie là-dedans.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Huot : Merci. Un mot peut-être maintenant sur la question... Tu sais, c'est parce que c'est des discussions qui ont eu lieu au comité consultatif, sans révéler de secrets, c'est des choses dont plusieurs personnes parlent, la question de l'équipe multidisciplinaire ou ce qu'on pourrait dire le «SWAT team», là. C'est un sujet qui revient souvent. Avec plusieurs personnes, plusieurs groupes, le sujet du «SWAT team» revient souvent.

Là, on peut dire en quelque sorte que ce que vous proposez, c'est de le formaliser dans la loi, là, à quelque part, que vous voudriez que ça soit plus officiel. Mais il n'y a rien qui empêche, avec le comité de gouvernance, avec la structure qu'on se donne... À un moment donné, dans la loi, les moyens d'application de la loi, c'est peut-être limité à ce qu'on peut écrire dans la loi, mais il n'y a rien qui empêche actuellement de former une équipe autour du DPI, une équipe, comme vous appelez, multidisciplinaire qui va pouvoir intervenir un petit peu partout. Entre autres, on lui a donné des pouvoirs de vérification, on lui a donné des pouvoirs d'intervention. Il y a tout un volet des grands projets basés un peu sur la question des infrastructures publiques, de la Loi sur les infrastructures publiques. Donc, il y a beaucoup de pouvoir qui est donné par ça, et cette équipe multidisciplinaire là est quelque chose de possible.

Mais peut-être vous entendre un peu plus sur le rôle, sur comment vous voyez cette équipe multidisciplinaire là sans nécessairement qu'on ait besoin de le mettre dans la loi, mais je pense que c'est quelque chose qui doit être dit publiquement dans cette commission sur un rôle d'une équipe comme ça.

M. Robitaille (Bernard) : D'accord. Bien, effectivement, moi, je vois deux volets dans l'équipe multidisciplinaire. Il y a un volet lié à... Puis la réussite de tous les projets informatiques, moi, je la résume toujours à deux choses, c'est une bonne gouvernance puis une bonne équipe d'experts.

Donc, si on se donne les moyens, au niveau de la gouvernance de pouvoir avoir un inventaire des actifs de tous les ministères et organismes, savoir c'est quoi les investissements qu'on a à faire annuellement pour entretenir notre parc informatique et aussi planifier comme il faut nos projets d'investissement avec une gouvernance qui permet de gérer nos risques, bien là, je pense qu'on vient de régler une partie du volet du rôle du DPI.

Le volet expertise, je pense que c'est là... Il faut être conscient que les technologies de l'information, c'est encore une industrie qui est très jeune. Ça a seulement 30 ans, je pense, au niveau de l'accès grand public, là. On se rappelle les ordinateurs PC avec des disquettes en 1985. Moi, c'est là que je suis arrivé au monde, mais c'est à peu près là qu'on a démocratisé l'informatique. On est loin d'une industrie comme la construction où, il y a 2 000 ans, on faisait des pyramides. Donc, l'expertise est encore jeune malgré tout, puis c'est un domaine qui évolue très rapidement, là. Il y a des mises à jour régulièrement. Hier, j'ai un de mes collègues qui avait un problème avec son iPhone, il y avait un bogue dans son iPhone. C'est quand même des compagnies qui investissent des centaines de millions de dollars par année dans leurs produits. Donc, il faut être conscient que c'est nécessaire d'être toujours à faire de la veille, comprendre où s'en vont les technologies, voir comment on peut les intégrer au contexte du gouvernement du Québec, puis dans ce sens-là, bien, c'est difficile de décupler ces compétences-là dans tous les ministères et organismes.

C'est pour ça que l'idée d'un «SWAT team» est intéressante, parce que ça va permettre d'orienter les ministères et organismes avec ces experts-là qui vont faire de la veille puis les encadrer sur leurs orientations ou leurs choix. On comprend que ça ne peut pas être les mêmes choix pour tout le monde. Il y a un contexte qui s'applique à chacun. Ce n'est pas le logiciel libre qui est la solution, ce n'est pas un produit en particulier. Il y a différentes solutions, mais il y a un cadre à donner puis il y a les orientations pour éviter qu'on fasse des erreurs qui vont nous coûter cher après ça en entretien et en évolution.

Donc, c'est pour ça qu'on pense que d'avoir ce «SWAT team» là est intéressant, puis ça aussi, ça va venir minimiser les risques dans les grands projets d'investissement que vous allez faire au niveau du numérique.

Le Président (M. Turcotte) : Il reste 30 secondes, M. le député.

M. Huot : Ah! bien, j'aurais voulu vous entendre, mais on aura peut-être l'occasion de discuter ensemble, là, sur... parce que vous parlez de redéfinir le rôle de l'industrie puis la question de la gestion des risques. C'est des discussions qu'on a déjà eues, mais avec... il y a quand même eu une grande redéfinition, là, depuis le règlement, entre autres, d'acquisition. Donc, peut-être quelques secondes là-dessus.

M. Robitaille (Bernard) : Bien, juste une seconde pour vous dire que nous, on veut faire partie de... on pense qu'on peut amener un conseil avisé au DPI puis on pense qu'on devrait faire partie de ces réflexions-là, on devrait être écoutés. Oui, il y a le CCQTI, qui est un endroit pour se faire entendre, mais, si vous y allez avec une équipe pour appuyer le DPI, je pense que quelque part il faudrait que l'industrie puisse influencer ces orientations-là.

Le Président (M. Turcotte) : Merci beaucoup. C'est ce qui met fin au bloc du gouvernement. Je cède la parole à Mme la députée de Chicoutimi, porte-parole de l'opposition officielle, pour son temps de parole.

Mme Jean : Merci, M. le Président. Alors, M. Robitaille, je me joins à mes collègues pour vous féliciter pour votre nomination. Deux jours, quand même, c'est récent. Bienvenue à l'Assemblée nationale. M. Pilote, bienvenue aussi. Merci de participer à l'exercice d'améliorer le projet de loi n° 135.

Donc, on parlait tout à l'heure... mon collègue parlait de l'équipe multidisciplinaire. J'aimerais revenir là-dessus. Selon vous, la manière comment vous le présentez, je comprends que c'est faisable, mais vous, vous aimeriez le voir inscrit dans la loi en question pour que ce soit obligatoire qu'il y a une équipe multidisciplinaire à la disposition du DPI?

M. Robitaille (Bernard) : Écoutez, c'est une recommandation en lien avec le projet de loi. Est-ce que ça doit être écrit dans la loi? Je ne peux pas vous dire.

Le Président (M. Turcotte) : Mme la députée.

Mme Jean : Maintenant, vous parlez d'une équipe multidisciplinaire. Donc, à ce niveau-là, dans le contexte de ressources informationnelles, de technologies de l'information, qu'entendez-vous par «multidisciplinaire»? Est-ce que vous désirez qu'il y ait une équipe avec des administrateurs, des gestionnaires de projet ou c'est plutôt disciplinaire au niveau technique, des différentes technologies qui sont disponibles, au niveau de contrôle de qualité? Bref, qu'entendez-vous par «multidisciplinaire» dans le contexte des technologies de l'information?

Le Président (M. Turcotte) : M. Robitaille.

M. Robitaille (Bernard) : Oui, merci. Merci, M. le Président. Dans le fond, ce qu'on pense, c'est qu'il y a deux volets, effectivement, dans l'équipe multidisciplinaire, puis on pense que le rôle du DPI, avant tout, c'est un rôle d'orientation, d'encadrement. Donc, dans ce sens-là, d'avoir des gens expérimentés qui ont vécu des grands projets au sein de l'appareil gouvernemental, en termes de gouvernance de projets, je pense que ce serait bien pour venir appuyer le DPI. Mais c'est aussi un volet expertise des grands projets, les grandes technologies, comment tout ça... l'interopérabilité peut s'arrimer dans ces grands projets là. Les grandes décisions qu'on prend par rapport à ça, ça prendrait aussi des experts, puis nous, on se voit être membre de ce groupe-là.

Puis une petite chose aussi, je pense, qui pourrait être intéressante, si jamais la question ne vient pas, je vais quand même me permettre de souligner qu'il pourrait y avoir aussi un groupe de travail qui pourrait être une espèce de laboratoire d'innovation, qui permettrait à l'industrie, autant les grandes que les petites entreprises de faire valoir les solutions innovantes qui pourraient être mises à profit pour le gouvernement du Québec.

Le Président (M. Turcotte) : Mme la députée.

Mme Jean : Pour revenir avec votre laboratoire d'innovation que je trouve... ça semble intéressant, est-ce que c'est dans le même esprit que les vitrines technologiques dont on a déjà parlé? Est-ce que vous pensez que le gouvernement pourrait se doter de vitrines technologiques où les innovateurs, les entreprises innovatrices pourraient venir présenter leurs projets? Est-ce que c'est ça que vous entendez par «laboratoire d'innovation»?

M. Robitaille (Bernard) : C'est plus que ça.

Mme Jean : Plus que ça?

M. Robitaille (Bernard) : Je pense qu'on peut aller plus loin que ça en dotant, dans ce laboratoire-là... Ce n'est pas juste de venir présenter des solutions, mais c'est de voir aussi c'est quoi, à la base, les besoins de nos citoyens et de nos entreprises, comment ils veulent transiger de manière électronique avec le gouvernement. Puis, à partir des besoins de nos citoyens... parce qu'il ne faut pas oublier que c'est eux, en bout de ligne, qu'on doit desservir. Donc, comment, à partir de... il y a même des «focus groups» qui devraient faire partie de ce laboratoire-là pour identifier ces nouveaux comportements de consommateurs là dont on va devoir répondre dans les prochaines années, parce que les nouvelles générations, eux, ils sont dans le Web à temps plein. C'est par là que ça se passe, puis ces comportements-là, on les connaît mal, on les découvre au jour le jour. Ça fait que ce laboratoire d'innovation là pourrait permettre d'identifier ces nouveaux comportements-là et de bâtir des solutions qui répondent aux besoins de nos citoyens et des entreprises.

Le Président (M. Turcotte) : Mme la députée.

• (16 h 40) •

Mme Jean : Merci. Intéressant comme approche, donc avoir un lien directement avec le terrain, les usagers, et leurs habitudes, et les moyens qu'ils espéraient avoir aujourd'hui pour communiquer avec leur gouvernement, en même temps d'avoir les gens qui pensent aux technologies, donc aux solutions qui pourraient s'adresser à ces nouveaux besoins là et, j'imagine, l'appareil gouvernemental qui a à implanter et à mettre en oeuvre ces solutions-là vis-à-vis les besoins. Mon Dieu, quelle bonne idée!

Vous parlez, dans votre recommandation 3, que le gouvernement du Québec continue à miser sur un partenariat optimal entre le DPI et l'industrie pour la rendre optimale, parce que je comprends que vous êtes déjà en partenariat ou on est déjà en partenariat avec vous. Qu'est-ce qui manque, pour être optimal aujourd'hui, à ce partenariat?

M. Robitaille (Bernard) : Bien, je vous dirais que, depuis quelques années, on se sent utilisés plus comme des firmes de placement de ressources. Donc, on vous fournit maintenant, de plus en plus, des ressources. Ce qu'elles font, honnêtement... Moi, dans ma compagnie, j'ai 300 employés puis qui travaillent, la majorité, pour le gouvernement, puis honnêtement je ne sais pas ce qu'elles font. À part d'avoir répondu à des critères d'appels d'offres, de fournir des gens qui répondent à vos exigences... Après ça, ils sont dans vos mains puis ils livrent des projets avec vous.

On est loin de l'époque où on avait vraiment une valeur ajoutée comme industrie en prenant la maîtrise d'oeuvre de certains projets puis en amenant l'expertise qu'on a développée avec vous, mais aussi avec l'industrie privée, que ce soit localement ou au niveau international. Donc, aujourd'hui, on est de moins en moins appelés à vous fournir cette expertise-là, ou des conseils dans ce sens-là, ou à vous aider à livrer vos projets en partageant le risque.

Le Président (M. Turcotte) : Mme la députée. M. Pilote.

M. Pilote (Robert) : Si je pourrais me permettre un petit commentaire, il y a l'aspect de la réalisation, mais il y a aussi l'aspect du partage des connaissances, de l'expérience, de l'innovation qui s'est faite ailleurs, et en ce sens-là, le rôle-conseil des firmes, qu'elles soient en technologie, de matériel, logiciels ou les services, ce serait de pouvoir les utiliser encore plus en amont pour ouvrir les possibilités, l'esprit par rapport aux améliorations qui peuvent être faites.

Et c'est ce qu'on constate, au cours des dernières années, cet aspect-là est devenu moins prioritaire et on est plus sollicités à répondre en termes de : voici, le profil de ressources qu'on a besoin, amenez-les. Et à partir de là, on n'est plus réellement en mode d'influences qui peuvent être bénéfiques auprès du client. Je pense que Desjardins parlait, à un moment donné, de réduire le nombre de fournisseurs, d'avoir des fournisseurs internationaux qui vont chercher ces innovations-là, ces aspects d'innovation là. Il y a les entreprises, au sein du RPGTI, qui sont très bien placées pour ça, mais on les sollicite moins, depuis quelques années, et on pense que, dans la redéfinition de la relation de partenariat, c'est un des éléments de considération dont on devrait se préoccuper si on veut vraiment venir chercher la valeur ajoutée des firmes.

Le Président (M. Turcotte) : Mme la députée.

Mme Jean : Merci. Donc, je comprends qu'actuellement la culture gouvernementale pour ces appels d'offres ou ces demandes de services en ressources informationnelles, c'est une liste de ressources qu'on a besoin, tel type d'informaticien qui connaît tel logiciel, qui connaît tel langage, et le nombre d'heures qu'on aurait besoin. Et les logiciels x, y, z, comment vous nous chargez pour faire ça? Donc, c'est la généralité des appels d'offres d'aujourd'hui, si je comprends bien.

Et ce qui serait intéressant, ce serait plutôt, pour être capable d'aller chercher le savoir-faire, l'innovation, l'expertise, l'imagination de tous ces gens-là, ce serait peut-être plutôt d'aborder les appels d'offres en disant : On a une problématique, quelle solution pourriez-vous nous apporter puis combien ça coûterait apporter cette solution-là? Est-ce que je vous suis quand je dis ça?

M. Robitaille (Bernard) : Oui, mais il faut quand même faire une distinction entre... Ça dépend de la nature du projet. Je vous dirais que les projets d'investissement, dans le virage numérique, je pense que votre approche résume bien notre pensée. Mais il y a certains dossiers, certains projets qu'effectivement on comprend qu'à la ressource il y a une bonne approche aussi, parce qu'on est... les enjeux sont connus, il n'y a pas beaucoup d'innovation, c'est de l'entretien. On a besoin de ressources pour entretenir notre parc informatique.

Donc, les deux approches se valent, mais là on sent qu'il y a... moi, à l'époque, à peu près 50 % de nos projets, on avait la maîtrise d'oeuvre. Aujourd'hui, je n'ai pas 10 % des projets où je suis impliqué à partager le risque avec vous.

Le Président (M. Turcotte) : Mme la députée.

Mme Jean : Donc, c'est un mariage des deux options, dans le fond, et de l'appliquer lorsque c'est le bon moment, c'est-à-dire lorsque c'est sans risque et qu'on contrôle, on sait où est-ce qu'on s'en va. Des ressources, à ce moment-là, ça se prête bien.

Lorsqu'on a une problématique à solutionner, bien, à ce moment-là, on pourrait aller justement à l'appel d'offres de solutions et là on aurait le meilleur des deux mondes. Quelque chose comme ça?

M. Pilote (Robert) : Comme on peut comprendre, c'est qu'il y a des projets... Il y a plusieurs parties dans un projet. Certaines vont bien se prêter à le faire à forfait, où il y a un partage de risques. Il y a d'autres approches où ce n'est pas possible. Les cibles ne sont pas assez précisées. Donc, il y a du travail de défrichage, et, en ce sens-là, le recours au temps immatériel est approprié.

Est-ce que maintenant on peut penser à des formules comme Desjardins en mentionnait, où il y a une certaine bonification, même pour le temps matériel? Je ne connais pas la formule, mais j'ai trouvé intéressante la remarque que M. Habib a faite hier à ce sujet-là.

Mme Jean : Merci. Il nous reste deux minutes environ.

Le Président (M. Turcotte) : Oui, Mme la députée.

Mme Jean : J'aurais une question à vous poser, à développement peut-être. Selon vous, comment... Le gouvernement prend un virage numérique ou continue, de façon importante, le virage. J'imagine qu'il est quand même amorcé, ce virage-là. Mais comment ce virage-là pourrait servir, selon vous, de levier d'émergence d'entrepreneurs, de PME innovatrices? Comment le gouvernement, par rapport à son virage, pourrait servir justement de lieu d'émergence et de valorisation d'entreprises qui ne sont pas nécessairement des grandes entreprises, mais d'aller chercher nos innovateurs qui sont dans nos PME puis le mettre à profit de la machine gouvernementale?

M. Robitaille (Bernard) : Je vous remercie pour la question, Mme la députée. Je pense qu'il faut quand même ramener les choses en contexte. La PME est déjà partie prenante de votre virage numérique. Peut-être que ce n'est pas aussi évident qu'on le souhaiterait, mais nous, les grands intégrateurs, on fait appel à la PME dans le contexte de certains dossiers. Je ne le ferai pas cet après-midi, mais je pourrais vous donner deux exemples concrets dans lesquels j'ai fait appel à des entreprises innovantes qui avaient des solutions à vous proposer, qui répondaient à vos besoins.

Puis il faut comprendre quand même que les projets du gouvernement du Québec, c'est des grands projets, O.K., puis ça coûte cher, répondre à vos appels d'offres. C'est des investissements importants. Pour les PME, ce n'est pas facile de répondre à vos cahiers de charge, puis en plus il faut s'assurer que les solutions qu'on va vous livrer sont évolutives, sont sécuritaires, sont robustes, répondent à vos attentes. Puis il y a un cadre de réalisation de vos projets qui se développe avec l'expérience. Puis notre regroupement, la majorité de nos firmes ont cette expérience-là puis ils peuvent vous garantir une certaine forme de succès dans vos projets. Puis ce n'est pas toujours le cas. On a fait les journaux, vous le savez. Même nous, les grandes firmes, des fois, ce n'est pas facile de livrer les projets, puis j'en suis le premier désolé, là, quand je vois ça dans les journaux. Mais il reste néanmoins que c'est des grands projets pour une population, une grande population, puis je pense que le mariage des deux a sa place.

Puis l'autre élément, c'est ce que je vous parlais tout à l'heure, c'était le laboratoire d'innovation. Je pense que là il y a une belle place pour la PME. Puis dans les dialogues compétitifs aussi, je pense que vous pourriez, en amont de vos appels d'offres, là... On voit des dialogues compétitifs, là, sur des grands projets, mais on est dans un contexte d'appels d'offres très rigide. Avant de sortir vos appels d'offres, vous devriez ouvrir la porte aux firmes à venir vous présenter les solutions. Vous pourriez présenter votre projet puis, après ça, vous... à tout le monde...

Le Président (M. Turcotte) : Je vous remercie.

M. Robitaille (Bernard) : Ah! d'accord.

Le Président (M. Turcotte) : Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions pour ce bloc. Je vais céder la parole à notre collègue le député de La Peltrie, porte-parole du deuxième groupe d'opposition, pour son temps de parole.

M. Caire : Merci, M. le Président. M. Robitaille, M. Pilote, bonjour. Moi aussi, je vais m'attarder peut-être un peu plus à votre recommandation n° 1. Puis j'ai trouvé plusieurs éléments intéressants dans vos recommandations puis je vais aller peut-être par quelques petites questions un peu plus courtes mais, dans le fond, j'entends de votre volonté d'avoir un ministre délégué de s'assurer que le responsable, quel que soit le titre ou la forme que ça prend, mais le responsable des technologies de l'information au gouvernement du Québec a une influence réelle, a une autorité réelle qui est plus qu'une autorité morale. Donc, vous voulez éventuellement qu'il soit en mesure d'être partie prenante des décisions puis d'influencer jusqu'au plus haut niveau.

Vous parlez aussi d'une équipe multidisciplinaire. Donc, je comprends que vous dites que cette organisation-là devrait être en mesure d'adresser les différentes problématiques, proposer différentes solutions en matière de technologies de l'information. Donc, on devrait être capable, là, d'aller jouer dans à peu près toutes les gammes de solutions qui peuvent être nécessaires en termes de technologies de l'information.

Vous parlez aussi d'avoir un laboratoire où on pourrait, peut-être un peu comme M. Habib expliquait hier, là, où on va aller explorer les nouvelles solutions, définir le potentiel de ces solutions-là, savoir s'il y a une applicabilité au niveau du gouvernement et, si oui, dans quel délai, donc l'espèce de groupe un peu obscur de gens à qui on dit : Allez vous amuser, là, puis quand vous aurez des solutions... Bien, c'est parce que j'écoute l'ensemble de... Puis, bon, vous avez parlé aussi d'avoir une influence sur les politiques d'acquisition. Donc, je comprends que cette autorité-là devrait aussi avoir la sensibilité des tendances du marché, donc de savoir qu'est-ce qui s'en vient comme technologie, est-ce que c'est pertinent de se lancer là-dedans, est-ce que ça peut être...

Vous pensez quoi de la solution qui a été mise en place par Desjardins avec le groupe technologique, dans le fond, qui fait un regroupement de toutes ces recommandations-là à l'intérieur de ce groupe-là? C'est un peu ce que Desjardins fait avec son groupe technologique, non?

• (16 h 50) •

M. Robitaille (Bernard) : Bien, effectivement, je pense que ça va dans le bon sens. On est positifs, effectivement, avec ces orientations-là. Je vous avoue qu'on en discutait ensemble avant de participer à l'audience, cet après-midi, puis on trouvait que nos recommandations s'apparentaient beaucoup à celles de Desjardins. Puis on ne s'est pas parlé, je vous le jure.

M. Caire : Je vous crois. Maintenant...

M. Pilote (Robert) : Si je pourrais me permettre, peut-être...

M. Caire : Oui, je vous en prie.

M. Pilote (Robert) : ...un petit point additionnel là-dessus. Je pense qu'un élément qui devient de plus en plus important, ça va être de départager le rôle entre les dirigeants informatiques ou les responsables des lignes d'affaires et les ressources matérielles qui administrent le processus d'acquisition. Je pense que ça, c'est un élément où il y a des choses qui se sont passées, au cours des dernières années, puis je pense que ça va devenir important de bien préciser les responsabilités de chacun dans ce processus-là qui doit se faire.

M. Caire : Avez-vous l'impression qu'actuellement ce n'est pas le cas puis que ça pourrait amener une certaine confusion?

M. Pilote (Robert) : Je dirais que peut-être, à un moment donné, au niveau des ressources matérielles, des gens qui s'occupent des achats, qui devraient s'occuper du processus, à un moment donné, ça va peut-être plus loin que le processus, puis on tombe du côté technologie, puis c'est là que ça... il faut faire attention. Ça fait que...

M. Caire : O.K. Je viens du monde de la consultation. Dans mon ancienne vie, là, je faisais ça aussi. J'écoutais hier M. Habib nous parler de comment Desjardins négocie un peu l'utilisation de ce qui doit être fait à l'interne et l'utilisation de ce qui doit être fait à l'externe. Puis, M. Robitaille, je n'ai pas pu m'empêcher de dire : Écoutez, j'ai eu la maîtrise d'oeuvre de projets. À peu près 50 % des projets avaient la maîtrise d'oeuvre. Maintenant, tout ça se réduit comme peau de chagrin.

Dans quelle mesure le gouvernement pourrait avoir une plus-value à laisser la maîtrise d'oeuvre? Puis dans quel secteur le gouvernement pourrait avoir une plus-value à laisser la maîtrise d'oeuvre de projets? Donc, on parle plus, là, que de la simple réalisation. On parle que vous êtes le concepteur, vous faites l'ensemble des processus d'un développement jusqu'à sa livraison, son implémentation, la formation aussi, j'imagine, si tant est... la gestion du changement, si tant est que c'est nécessaire. Compte tenu de notre récent passé informatique, dans quelle mesure, ça, ça pourrait faire en sorte d'être un partenariat bénéfique et pour l'industrie mais aussi pour le gouvernement?

Le Président (M. Turcotte) : M. Robitaille.

M. Robitaille (Bernard) : Merci, M. le Président. Bien, je pense que les projets dont on avait la maîtrise d'oeuvre à l'époque, c'était sur une base forfaitaire. Donc, pour le gouvernement, ça limite ses risques financiers, donc c'est plus facile de contrôler ses budgets.

Maintenant, il reste quand même qu'il y a des leçons apprises des échecs des dernières années, puis je pense que le gouvernement a apporté un certain nombre de correctifs et de mesures qui sont très intéressantes. On voit déjà des changements qui sont profitables, mais, en même temps, on pense que le balancier, il devrait revenir un petit peu au milieu puis de permettre aux entreprises de travailler avec le gouvernement à livrer ces projets-là ensemble, en partage de risques, avec un modèle de maîtrise d'oeuvre qui serait tiré des leçons apprises.

Je ne pense pas qu'il faut refaire la même chose qu'on faisait dans le passé. Il y a certaines erreurs qui ont été commises, mais je pense que c'est là qu'au niveau de la... le contrôle des coûts puis l'engagement, l'implication de l'industrie à livrer avec le gouvernement des projets pour les citoyens, je pense que c'est là qu'est la clé.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député, il vous reste deux minutes.

M. Caire : Oui. Bien, je vais avoir peut-être une dernière... parce que vous parlez de la maîtrise d'oeuvre, mais est-ce qu'on s'entend que le gouvernement devrait toujours garder la maîtrise d'ouvrage?

M. Robitaille (Bernard) : Oui, on s'entend.

M. Caire : Et dans quelle mesure on peut le faire sans que le gouvernement... sans créer une dépendance? Vous comprenez ce que je veux dire? Moi, dans ma carrière informatique, j'ai vu beaucoup de systèmes du gouvernement pour lesquels le savoir-faire, la mémoire institutionnelle était la propriété de l'entreprise privée et donc à risque. Aussitôt qu'on perdait une ressource, on était à risque de perdre tout ça, et donc ça mettait le gouvernement dans une position de vulnérabilité.

Donc, comment on peut concilier ce partenariat-là? Puis je peux comprendre, là, qu'il y a un partage des risques puis qu'il y a une volonté d'être efficient, mais la nécessaire maîtrise d'ouvrage par le gouvernement, comment on peut concilier les deux?

M. Robitaille (Bernard) : Bien, comme je vous dis, les technologies de l'information évoluent rapidement puis les méthodologies aussi. Donc, aujourd'hui, on parle de développement agile. On module les livraisons en plus petits morceaux, on a des résultats plus rapidement. On n'est plus à l'époque de trois ans d'études pour livrer un projet cinq ans plus tard avec la majorité des parties prenantes ou intervenants qui étaient là au début qui ne sont plus là à la fin, où on perd donc le fil du projet.

Donc, je pense que c'est plus à ce niveau-là qu'est la problématique, parce que, pour le reste, la documentation est là, les systèmes sont là. On est capables de les entretenir, de les faire évoluer. Puis avec le gouvernement qui se dote de certaines compétences depuis un certain temps, je pense que cet enjeu-là va disparaître.

Le Président (M. Turcotte) : Merci. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions.

Donc, je vais suspendre les travaux et inviter le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

(Reprise à 17 h 1)

Le Président (M. Turcotte) : Nous reprenons nos travaux.

Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de La Voix des entrepreneurs en TI de Québec. Donc, je vous rappelle, pour les fins de l'enregistrement, au début de votre présentation, de bien vouloir vous présenter pour que nous puissions savoir à qui nous nous adressons. Et je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour présenter votre mémoire ou vos recommandations. Par la suite, on va faire des échanges avec chacun des groupes parlementaires. Donc, la parole est à vous.

La Voix des entrepreneurs en TI de Québec inc. (VETIQ inc.)

Mme Tardif (Anick) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme et MM. les députés et membres de la commission, merci de nous recevoir aujourd'hui.

Mon nom est Anick Tardif et je suis présidente du conseil d'administration de la VETIQ, La Voix des entrepreneurs en TI de Québec. Et je suis accompagné aujourd'hui d'Éric Villeneuve, qui est trésorier au sein de notre conseil d'administration. Nous sommes tous deux des propriétaires de TPE, de très petites entreprises qui font affaire avec le gouvernement, et nous nous sommes investis dans la VETIQ bénévolement depuis plusieurs années.

Nous représentons aujourd'hui les membres de la VETIQ, majoritairement des très petites et petites entreprises ayant jusqu'à 100 employés. Si vous me le permettez, je vais utiliser le terme PME ou PME en TI pour faciliter notre discours, en ayant toujours en sous-entendu que, dans PME, il y a une importante place occupée par de plus petites entreprises, qui ont une haute valeur ajoutée à apporter aux organismes publics.

Éric va poursuivre. Il va vous parler de notre mission. Il va vous dresser un portrait rapide de l'écosystème et des PME en TI de la grande région de Québec. Je vais poursuivre par la suite avec nos commentaires sur le projet de loi et la conclusion. Merci.

Une voix : Merci.

M. Villeneuve (Eric) : Bonjour. Les piliers de la VETIQ sont le maillage, le rayonnement et le porte-voix. L'association a pour mission de rassembler les dirigeants des PME en TI de la grande région de Québec. Elle contribue au rayonnement de l'excellence de ses membres et de l'industrie du numérique. Elle valorise la synergie avec les organisations vouées à leur croissance et agit auprès des instances de développement économique et des gouvernements, afin de faire valoir les intérêts de ses membres.

La VETIQ collabore entre autres avec le gouvernement du Québec au sein du conseil consultatif des technologies de l'information et du groupe de travail Passeport Entreprises.

La VETIQ s'est donné trois axes d'intervention prioritaires : faire valoir l'expertise de ses membres en matière de transformation numérique; faire connaître les besoins de ses membres en attraction et formation des talents; l'accès aux marchés publics.

Nous poursuivrons avec un portrait de l'écosystème et des PME de l'industrie de la grande région de Québec. La région se démarque par son écosystème dynamique. Le numérique rayonne à Québec, et les entreprises qui ont choisi cette voie ont de nombreux défis et aussi de nombreux appuis. Je pense d'abord au rayonnement international de l'événement WAQ et de la qualité des sujets qui y sont traités chaque année, aux nombreuses communautés d'expertise qui s'entraident et valorisent l'innovation et le partage des connaissances. Au Camp, qui est un incubateur pour les start-up à la ville de Québec, qui finance des projets et qui a mis en place un programme de vitrine technologique où elle utilise elle-même les solutions des entreprises qu'elle finance. Cette vitrine a notamment été mentionnée dans le rapport final du Comité de travail sur l'entrepreneuriat des jeunes entreprises présenté le 19 février 2017 sous la présidence de M. Robert Poëti.

Sans oublier les nombreuses instances de développement économique et les projets découlant des établissements d'éducation, cet écosystème contribue à une expertise régionale de haut niveau dans de nombreux créneaux d'avenir, pour résultat que Québec, c'est plus de 375 PME proposant des logiciels, des solutions infonuagiques et des services professionnels. Il faut savoir que 97 % de ces entreprises ont moins de 200 employés, que six d'entre elles sur 10 ont 10 employés et moins et qu'elles sont nombreuses à répondre aux besoins complexes des grandes organisations de leurs clientèles. Nous parlons aujourd'hui au nom des entreprises qui font partie de cet écosystème dynamique et qui, comme elles le font d'ailleurs, ne demandent pas mieux que de contribuer à l'atteinte des objectifs de transformation organisationnelle du gouvernement et d'utilisation des meilleures pratiques en matière de gestion de projet en ressources informationnelles afin d'assurer la bonne utilisation des fonds publics, des services de qualité aux citoyens et aux entreprises, ainsi que la pérennité du patrimoine numérique gouvernemental.

Mme Tardif (Anick) : Merci. À propos du projet de loi n° 135, la VETIQ accueille favorablement le projet de loi et reconnaît qu'il s'inscrit clairement dans la continuité de l'axe I de la stratégie gouvernementale en TI annoncée en 2015. Il nous semble toutefois que trois enjeux auxquels sont confrontées des PME en TI découlant de la gouvernance et de la gestion des ressources informationnelles dans les organismes publics et les entreprises du gouvernement ne sont pas traités spécifiquement ou strictement dans le projet de loi ou dans la loi actuelle, et qu'ils méritent d'être abordés dans le cadre d'une consultation particulière et d'auditions publiques.

Nous constatons que plusieurs PME se démarquent par leur savoir-faire moderne, leur capacité de veille, leur haut niveau de connaissance des meilleures pratiques et des modèles de développement dans des champs qui leur sont propres. Nous faisons référence ici, entre autres, aux nombreuses technologies du Web, au logiciel libre, à la sécurité, au «devops», à des solutions infonuagiques spécifiques, en Internet des objets, l'intelligence artificielle, l'expérience utilisateur et bien plus. Ces PME se démarquent par leur efficience dans leur champ d'expertise. Elles sont ainsi un atout pour répondre à des besoins complexes et contribuer aux montées en compétence des organismes publics.

Nous souhaitons d'abord aborder le premier des trois thèmes, qui est la connaissance et le développement des compétences internes, un fossé à combler difficilement. Vous reconnaîtrez peut-être le mot «fossé», parce que je vais citer deux extraits de la recommandation 13 du Commissaire à la lutte contre la corruption concernant l'octroi et la gestion des contrats publics en informatique, publiée en 2015. Ces derniers témoignent bien d'obstacles majeurs auxquels font face les PME en TI en matière d'accès aux marchés publics et sont, selon nous, des enjeux de gouvernance. Je cite que «les informations détenues par le commissaire permettent de confirmer un manque de connaissances et de responsabilisation de certains gestionnaires dans l'administration des ressources en TI». Mais aussi il est cité dans la même recommandation que «le commissaire fut étonné de constater que le réel problème n'était pas le manque de règles, mais bien le fossé entre ces dernières et leur application».

Vous ne serez pas surpris de nous entendre dire qu'un contexte dans lequel la vision, les objectifs, les règles, la connaissance ne sont pas maîtrisés par les principaux intervenants nuit à l'accès des PME aux marchés publics. Certes le développement d'une vision globale, la responsabilisation, le partage de connaissance, l'obligation de reddition de comptes, l'obligation de collaboration et le pouvoir de vérification sont des pistes fort appréciables. Cependant, sont-elles suffisantes pour assurer qu'un manque de connaissance sera comblé définitivement?

Notre premier point est donc que l'enjeu des talents et compétences est inhérent aux technologies de l'information et doit, selon nous, être exprimé clairement dans la gouvernance. Nous pensons que la complexité de maintenir et de faire évoluer la connaissance et les compétences doit être reconnue et exprimée de façon à faire partie intégrante de la gouvernance et de la gestion des ressources informationnelles.

Notre deuxième thème porte sur des environnements ouverts à la transformation. Pour bénéficier de façon efficiente de l'expertise des entreprises TI, et principalement celle des très petites et petites entreprises, il est essentiel que l'ensemble des intervenants d'un organisme public partagent la même vision, soient au fait des objectifs, de la planification et des règles, et qu'ils soient appuyés et sujets à un contrôle. Notre point est qu'il est tout autant essentiel que les technologies ainsi que les modèles de développement et d'acquisition favorisent des environnements ouverts à la transformation, à l'utilisation des meilleures pratiques et solutions, et ainsi permettent de prioriser les investissements en fonction des meilleurs rapports entre les coûts et les bénéfices. Nous espérons que la considération de l'ensemble des technologies et modèles de développement disponibles... woups, pardon, développement disponibles et le développement d'une vision globale permettra à des expertises et solutions d'ici d'émerger en minimisant le risque, autant pour les organismes publics que pour les PME. Nous faisons ici référence, par exemple, à l'interopérabilité ainsi qu'à des modèles où des solutions québécoises seront testées et adoptées.

Nous pensons également qu'une réflexion devra être poursuivie afin d'être à l'affût de ce qui se fait au Québec et que cela favorisera l'utilisation de solutions ayant un fort potentiel de bénéfice, tout en encourageant l'expertise québécoise. Des pistes de solution ont entre autres été mentionnées dans le rapport final du Comité de travail sur l'entrepreneuriat des jeunes entrepreneurs qui a déjà été mentionné.

Notre troisième thème est la diffusion des besoins et planifications en amont, et de façon accessible. La publication annuelle d'un plan gouvernemental des investissements et des dépenses en est un premier pas. La VETIQ accueille favorablement les nouvelles fonctions du dirigeant principal de l'information, des dirigeants de l'information et la création d'un comité de gouvernance. Nous ne pouvons qu'espérer une approche de collaboration, mais aussi d'obliger une reddition de comptes sur la gouvernance des ressources informationnelles allant du plan directeur à l'inventaire, à l'état des actifs informationnels, ainsi que l'utilisation des sommes, en plus d'instaurer des pratiques rigoureuses de vérification et de contrôle, sera bénéfique.

Nous tenons à rappeler qu'une entreprise saura mieux contribuer à l'atteinte des objectifs d'un organisme public si elle détient les informations pertinentes relatives à ses besoins et ses enjeux le plus tôt possible. La VETIQ ne peut qu'encourager à la plus grande transparence possible et à l'utilisation de moyens tels que des vitrines inversées, qui ont été instaurées au printemps dernier, mais pas uniquement, puisque celles-ci sont éphémères.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Turcotte) : En terminant.

Mme Tardif (Anick) : Oui. Donc, en... Ça fait quelques secondes, ça? Bien, en terminant, dans une économie numérique mondiale où les enjeux de transformation, d'expertise et d'innovation sont profonds et communs, le gouvernement se doit de poursuivre ces nombreuses initiatives et passer à l'action afin de rattraper le retard et faire tomber les barrières qui limitent sa progression. Merci.

Le Président (M. Turcotte) : Merci à vous. Donc, je cède la parole à M. le ministre et président du Conseil du trésor pour son temps de parole.

M. Moreau : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Tardif, M. Villeneuve, bienvenue. Merci de venir nous livrer vos opinions sur le projet de loi n° 135 et, à travers les opinions que vous livrez sur le projet de loi, de passer les messages qui sont importants. Je retiens notamment le deuxième enjeu que vous avez soulevé, c'est-à-dire en fait, si je le résume dans mes mots, un accès au marché pour les petites et moyennes entreprises et pour ce que vous avez décrit en entrée de jeu comme les très petites entreprises, et je vais vous dire que sur cet aspect-là vous avez tout à fait raison. Et non seulement je suis d'accord avec cette approche-là, mais vous avez une caution qui est encore bien plus forte que la mienne, c'est celle du premier ministre, qui a lui-même confié le mandat à mon collègue le député de Marguerite-Bourgeoys, qui va s'adresser à vous tantôt, pour produire un rapport qui nous permettra d'adapter les pratiques, notamment en termes d'appels d'offres, pour permettre aux petites entreprises de venir faire affaire avec le gouvernement dans un contexte qui soit aussi sécuritaire pour elles, parce que vos prédécesseurs disaient tantôt : Les contrats gouvernementaux sont souvent de très grandes entreprises où les besoins sont énormes, compte tenu du volume et de la dimension de l'État et des mandats qui sont à accomplir. Alors, il faut que non seulement vous ayez accès à ce marché-là, mais il ne faut pas non plus que vous vous fassiez boucher par une situation où, par exemple, avec des délais indus au niveau des paiements, le gouvernement vous mette dans une mauvaise situation.

Et, à cet égard-là, vous l'avez nommé, moi, je dois le nommer par le nom de sa circonscription, c'est les règles parlementaires qui l'imposent, le député de Marguerite-Bourgeoys est mon adjoint parlementaire, et au premier titre, dans le dossier des technologies de l'information aussi, comme ailleurs dans les marchés publics, qui est la responsabilité du Conseil du trésor, il a pour mission, sur la base du mandat que lui a confié le premier ministre, d'aller vers cette ouverture-là. Donc, le deuxième enjeu que vous soulevez, qui est moins un enjeu lié au projet de loi lui-même, mais un enjeu plus général, je dois vous dire qu'à mon point de vue on va y répondre, mais, à cet égard-là, je laisserai la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.

Mais, juste avant, sur le premier enjeu, qui est la question du développement, de la complexité de maintenir et d'évoluer les connaissances et les compétences, j'aimerais vous entendre sur cette question-là, parce que le rôle accru que l'on donne au dirigeant principal de l'information me semble répondre à la préoccupation. Vous faisiez une citation dans votre mémoire, à la page 4, notamment de la Commissaire à la lutte contre la corruption concernant l'octroi et la gestion des contrats publics où vous dites : «...le commissaire fut étonné de constater que le réel problème n'était pas le manque de règles, mais bien le fossé entre ces dernières et leur application.» Vous êtes conscient de l'architecture du projet de loi, qui vient réduire le nombre de personnes autour d'un comité directeur qui va être un peu bâti sur le modèle de l'arbre gouvernemental, c'est-à-dire les ministères et les principaux organismes qui ont des besoins spécifiques en TI, qui sera présidé par le dirigeant principal à l'information, et dont le rôle sera non seulement d'avoir un meilleur contrôle sur les projets en technologies de l'information, sur une façon de les coordonner, sur une façon de bien les financer, d'entretenir ceux qui existent et de voir au développement, et donc, je dirais... et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre : Est-ce que vous ne pensez pas que ça, c'est de nature à combler le fossé auquel vous faites référence dans votre mémoire?

Mme Tardif (Anick) : Nous pensons que ce que va apporter le comité de gouvernance, le rôle augmenté, les nouvelles fonctions du DPI, va amener vers une piste, mais on n'est pas convaincus, dans les discussions qu'on a entendues, dans tout ce qu'on a vu jusqu'ici, que réellement le volet connaissance et compétence de toutes les technologies possibles, toutes les façons de faire, est pris en compte comme enjeu, au niveau des ressources informationnelles, comment on a compris. On a une équipe, on a des gens responsables de veiller et de s'assurer à ce que l'information passe. Mais est-ce assez? Ça va très, très loin, le besoin de connaissance et de compétence pour être capables, entre autres, de faire affaire avec une entreprise, une petite entreprise qui aurait 20 experts dans une technologie qui aurait été choisie par le gouvernement. Pour qu'elle offre, qu'elle apporte la compétence au sein de cet organisme-là, elle doit arriver dans un contexte où il y a une capacité de monter en compétence, il y a déjà une connaissance puis une possibilité de la maintenir à long terme. Puis c'est cet enjeu-là qu'on n'est pas convaincus qui est vraiment pris en compte présentement.

M. Moreau : Je vais vous lire une partie, là, le paragraphe 8 de l'article 7, par exemple, dans les fonctions du dirigeant principal de l'information, puis, si ça ne satisfait pas à la crainte que vous exprimez ou ça ne répond pas à la crainte que vous avez exprimée, je vais vous demander de me dire qu'est-ce que vous suggérez pour qu'on puisse y répondre, parce que l'intention me semble être là. On dit : «...prendre les mesures requises pour que les organismes publics — donc, dans le contexte du projet de loi, c'est ministères et organismes — considèrent l'ensemble des technologies offrant un potentiel d'économies ou de bénéfices et des modèles de développement ou d'acquisitions disponibles pour répondre à leurs besoins, dont les logiciels libres.» On a eu la discussion plus tôt sur les logiciels libres. Mais quand on dit : lui, il va avoir pour fonction de faire en sorte que les organismes et les ministères prennent les mesures pour que l'ensemble des technologies offrant un potentiel d'économies ou de bénéfices, ou des modèles de développement soient pris en considération, est-ce que ça ne va pas dans le sens de répondre à la préoccupation que vous exprimez? Et, si vous trouvez que ce n'est pas assez fort, qu'est-ce que vous feriez comme suggestion?

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Mme Tardif.

Mme Tardif (Anick) : Je vais poursuivre. Effectivement, ça va certainement dans le bon sens, mais il y a prendre en considération, mais aussi maîtriser, combler le fossé qu'il y a actuellement. Comment on fait pour combler le fossé, actuellement, pour s'assurer qu'il ne se recrée pas? C'est surtout ce volet-là, c'est le volet formation, amélioration continue, si on veut, maintien et veille, qu'on a toute confiance de ce qu'on a vu, entendu, que les orientations qui s'en vont vers là, mais qu'on n'est pas convaincus qu'il prend toute la place. J'essaie de faire... J'aimerais avoir une bonne recommandation à faire. Malheureusement, je n'ai pas la formulation ou l'expérience pour le faire.

M. Moreau : ...du groupe-conseil, là, qui, dans la stratégie gouvernementale en TI, son rôle est confirmé par l'orientation 5, donc vous pourriez dire : Bon, on prend connaissance, M. le ministre, de ce qui est écrit dans la loi, là, puis, au fur et à mesure, on voit si oui ou non les bottines suivent les babines. En d'autres termes, à travers ce comité-là, si véritablement vous voyez qu'il y a d'autres actions qui peuvent être prises pour combler le fossé, ça pourrait peut-être être une avenue à explorer, à défaut d'avoir une recommandation. Et, je vous le dis, si vous n'en avez pas une dans le délai qui est imparti par l'agenda de la commission, si vous en avez d'autres d'ici à ce que le projet de loi soit adopté, il sera toujours temps pour vous de nous les faire parvenir, parce que c'est véritablement l'orientation que le gouvernement et le premier ministre ont en tête, souhaitent donner à l'orientation que nous prenons. Je vais céder...

Une voix : ...

M. Moreau : Oui, bien, je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys voulait poser des questions.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : M. le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est à vous.

• (17 h 20) •

M. Poëti : Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. En fait, vous savez que j'ai à coeur non seulement de faciliter l'accès aux marchés publics pour les jeunes entreprises, pour les PME... Vous l'avez souligné tantôt, et c'est vrai qu'on n'est plus à l'ère d'évaluer la connaissance ou les compétences par la grandeur du bureau puis le nombre d'employés, là. On n'est plus là. Vous avez participé aussi à des discussions avec Passeport Entreprises, donc la création de Passeport Entreprises. Entre le début de Passeport Entreprises et aujourd'hui, est-ce que vous y voyez une amélioration pour vous permettre plus facilement d'avoir accès aux appels d'offres publics?

Mme Tardif (Anick) : Ce qu'on a mis en place... ce qui a été mis en place, pardon, par le Passeport Entreprises et qui a été discuté dans le groupe de travail... On a effectivement vu la présentation, on a des membres qui étaient... Ce qu'on a le plus entendu de la part de nos membres, c'était la modification du seuil de... au niveau de la norme ISO de 500 000 à deux millions, qui a été appréciée. Est-ce que ça a favorisé l'accès? Celles qui étaient déjà bonnes ont continué de l'être. Celles qui n'étaient pas nécessairement intéressées, la formule, l'allotissement, ce n'est pas encore là. On ne dit pas qu'il n'y a pas de travail, mais ce n'est pas encore là. Le modèle est à améliorer. Je pense que c'est déjà dit par... de votre côté. Donc, ça va prendre encore du temps avant que ce soit accessible, et surtout que la valeur ajoutée de ces petites et très petites entreprises-là puisse servir. Parce que, quand on passe par un fournisseur ou quand on est dans une... dans certains contextes, bien, on va arriver puis les décisions et tout est déjà structuré. On fait... On réalise quelque chose, on prend une place, mais on n'apporte pas de valeur, tandis que ces gens... cette petite entreprise-là ont beaucoup plus à apporter.

M. Poëti : D'accord. J'ai été interpellé un peu, parce que vous l'avez dit à plus d'une reprise, vous avez souvent souligné la compétence et la connaissance des fonctionnaires, je pense, bien, en fait, des gens qui demandent ou qui font l'appel d'offres. Éclaircissez-moi ça, parce que, si je le prends bêtement comme je l'entends, vous dites, dans le fond : Ceux qui demandent une solution ou, en fait, un produit, n'ont peut-être pas — puis vous me corrigez si je suis dans l'erreur — la compétence ou la connaissance nécessaire, puis que... Et là, par définition, je comprendrais que vous auriez, vous, quelque chose de plus à dire? C'est où, le problème? Dans la façon dont vous vous exprimez, il semble avoir un problème avec les fonctionnaires qui rédigent ou qui demandent l'appel d'offres, le besoin.

Mme Tardif (Anick) : Il y a deux aspects. Je ne sais pas si je vais répondre exactement, mais je vais exprimer ce qu'on souhaitait dire à ce niveau-là, les choses qu'on voit, qu'on se fait témoigner, qu'on constate. Le premier et peut-être le plus simple, c'est quand les... en amont... et on entend, et on a référé quelques fois au niveau du secrétaire du Conseil du trésor des organismes qui sont plus petits qui ne savent pas comment opérer, qui ne maîtrisent pas et qui simplement ont envie de faire des choses, mais ne le font pas, et suivent le moule, c'est beaucoup plus simple, donc ça ne donne pas de chances aux petites et moyennes entreprises.

Dans l'autre cas, ce qu'on nous témoigne, à un moment où il y a quelques personnes avec des expertises pointues ou une seule qui va arriver avec un mandat extrêmement stimulant, quand elle arrive en place, et ça existe dans de nombreuses grandes organisations aussi. On vit... on va... Tout le monde va citer Desjardins au moins une fois, donc on va le citer aussi. Quand une personne arrive dans une grande entreprise, bien, elle doit se soumettre à un poste de travail particulier, des règles particulières pour la sécurité et tout. Mais ce qu'on nous rapporte, c'est que c'est beaucoup plus limitant quand on arrive dans un mandat au gouvernement. C'est-à-dire qu'on veut apporter, puis il va avoir quelques personnes qui ont envie d'apporter cette... de faire les choses de la bonne façon, de façon efficiente, mais la structure empêche de faire ça. Puis là on va donner un exemple tout simple. Mais un développeur a besoin d'accéder à ses logs. Je ne sais pas si c'est correct.

Une voix : ...

Mme Tardif (Anick) : Oui? Puis ce qui va arriver souvent, c'est qu'il n'y a pas le niveau, puis ça va le retarder d'une journée, deux journées, de façon répétitive dans son mandat... c'est extrêmement... ce n'est même pas efficace, c'est... Donc on est loin de l'efficience, à ce moment-là. Donc, c'est un peu... Ça traite large quand même la connaissance puis la compétence, de la façon qu'on le dit. Puis on ne parle surtout pas de mauvaises intentions et de généralisation, que tout le monde est dans le même bateau.

M. Poëti : Ma dernière question rapide, puis ce n'est pas une suggestion, je veux juste vous entendre là-dessus. J'ai entendu à quelques occasions à travers le travail qu'on a fait avec l'équipe : nous avons l'habitude dans nos appels d'offres de demander quelque chose de précis. Est-ce qu'il est exact que vous aimeriez entre le moment où on demande quelque chose de précis... qu'on identifie notre problème au lieu de sa solution pour que vous puissiez nous offrir autre chose que ce qu'on demande, qui pourrait être plus efficient, moins dispendieux, plus efficace? Est-ce que ça, c'est... Vous pensez que ça peut être une avenue de solution pour faciliter les PME à venir nous dire : Bien, vous demandez ça, mais moi, j'ai peut-être quelque chose de bien mieux, moins cher, plus facile? Est-ce que vous pensez que c'est un problème actuellement, la clarté? Parce qu'ils sont précis, nos appels d'offres. Est-ce que ça vous pose un problème ou vous pouvez contourner ça?

Mme Tardif (Anick) : On ne peut pas contourner grand-chose quand on est une petite entreprise au niveau de ces processus-là, mais pour répondre à votre question, dans le... on en a discuté aussi au sein du comité consultatif, dans d'autres groupes. Oui, en amont. Plus il va y avoir de travail en amont avant qu'un document d'appel d'offres sorte, plus les réponses vont être axées sur la réponse aux besoins. Il n'y a rien de mal à exprimer : j'ai besoin d'exactement ça. Je connais mon besoin et on a fait nos devoirs et on a l'expertise et on n'a pas... on est allés consultés d'autres gens. Même, ça peut faire une réponse extrêmement efficace puis ouvrir à des gens compétents, mais ce qu'on nous rapporte, ce qu'on constate aussi, c'est qu'il va y avoir... On spécifie ce qu'on veut et, quand la réponse sur ce qui est exprimé... quand on arrive sur le terrain, ce n'était pas exactement ça qu'il avait besoin puis c'est là que le problème se situe. Donc, tout dépend du contexte et du besoin.

M. Poëti : D'accord. Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Merci, M. le député. M. le député de Vanier-Les Rivières, vous avez des questions.

M. Huot : Oui, merci. Merci, M. le Président. Bien, ça tombe bien. Je voulais aller exactement sur ce dont parlait Mme Tardif. Bien, bienvenue, Mme Tardif, M. Villeneuve. Parce que vous en avez parlé en amont. Moi, je veux vous amener sur un sujet de discussion qu'il y a eu, parce qu'on sait que tout le projet de loi, ça vient des recommandations du comité consultatif, la VETIQ est représentée, vous êtes là présentement; il y a eu de vos prédécesseurs, là, par le passé, qui étaient là aussi. Donc, il y a tout le volet gouvernance. C'est ce qu'on voit aujourd'hui, mais il y a plusieurs volets qui sont identifiés, qui sont... permettez-moi le mauvais français, là, mais adressés dans la stratégie gouvernementale, dont la recommandation 22. Je ne sais pas si vous vous souvenez par coeur. La recommandation 22, il y a les vitrines technologiques inversées, entre autres. Donc, quand on parle connaître les besoins en amont, les vitrines technologiques inversées, donc... C'est-à-dire qu'il y en a eu quelques-unes, là, qui ont été faites. Puis il y en a eu, on me dit entre cinq et 10, là, qui ont été faites dans les derniers mois. C'est-à-dire que l'organisme gouvernemental... Prenons, par exemple, dans le Revenu Québec, qui dit : Bien, voici mes besoins au cours des trois ou cinq prochaines années, voici un peu mon plan de match. Je ne sais pas si personnellement... Parce que, là, aujourd'hui, vous êtes des représentants de la VETIQ, mais vous êtes aussi des entrepreneurs. Donc, sentez-vous à l'aise de parler comme représentants de la VETIQ, ou comme expériences personnelles, ou comme entrepreneurs. Avez-vous participé à ces vitrines technologiques là? Et avez-vous trouvé — ou de vos membres ont sûrement participé aux vitrines technologiques — ça utile ou est-ce qu'il y a des choses à améliorer, à bonifier? On vient d'en commencer quelques-unes, donc j'aimerais ça vous entendre spécifiquement sur les vitrines.

M. Villeneuve (Eric) : Bien, premièrement, on n'a pas participé personnellement à des vitrines technologiques. Par contre, j'ai essayé de participer à un appel d'intérêt sur des solutions, pas infonuagiques mais d'intelligence d'affaires. Par contre, les restrictions pour pouvoir y participer étaient tellement énormes que je n'ai pas pu m'y présenter. Qu'est-ce qui manque, selon moi personnellement — j'irai là-dessus — c'est que ce serait intéressant de peut-être ne pas mettre autant de balises, pour pouvoir voir c'est quoi les solutions qui peuvent se présenter, même si elles ne sont pas complètes. Le gouvernement pourrait devenir partenaire de ces solutions-là, les amener à terme selon les besoins et les normes que le gouvernement veut avoir. Donc, on peut partir d'une solution de base et l'améliorer en cours de route. Ça, ça peut être intéressant aussi pour les deux parties. Donc, on n'a pas une solution complète, mais on peut l'adapter selon nos besoins spécifiques puis répondre à plusieurs...

• (17 h 30) •

M. Huot : Avez-vous un exemple concret de ce que vous dites là?

M. Villeneuve (Eric) : Juste un?

M. Huot : Oui.

M. Poëti : ...les normes. Dites-moi une chose qui vous a bloqués.

M. Villeneuve (Eric) : Bien, le niveau de sécurité, d'avoir la norme ISO ou quelque chose pour pouvoir — je n'ai pas le nombre avec moi, là — présenter le document ou notre solution qu'on voulait présenter. C'est juste ça. La sécurité était... puis était exigée. Il y a des gens qui l'ont demandé, voir si c'était exigé, puis la réponse a été oui, sur un addenda.

M. Huot : Mais il y a eu des assouplissements, si je ne me trompe pas, sur la norme ISO, quand même.

M. Villeneuve (Eric) : À la fin, mais sauf qu'à un moment donné, rendus à la fin, on ne pouvait plus présenter, dû le délai suite à ça, mais c'est...

M. Moreau : ...

M. Villeneuve (Eric) : Pardon?

M. Moreau : Est-ce que c'est ISO 2001 auquel vous référez?

M. Villeneuve (Eric) : Non. C'est une norme de sécurité que je n'ai pas par coeur, mais, normalement, que toutes les grandes firmes ont.

M. Moreau : Mais, à la fin, quand elle est retirée, ça ne vous aide pas plus, c'est ce que vous dites, parce que...

M. Villeneuve (Eric) : Ça ne m'aide pas plus parce que c'est à la fin.

M. Moreau : Il est trop tard.

M. Villeneuve (Eric) : Tu sais, quand on a pris compte puis on a vérifié... on ne pouvait pas avancer notre solution en conséquence.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : M. le député, il vous reste 1 min 30 s.

M. Huot : Oui. Si je reviens aux vitrines technologiques inversées, avez-vous des commentaires de vos membres qui...

Mme Tardif (Anick) : Je peux répondre. On a demandé... On a eu quelques commentaires. Je ne les ai pas sur place. C'est sûr que c'est reçu très positivement. On a déjà souligné, au niveau du conseil consultatif, il me semble, qu'on souhaiterait une meilleure collaboration avec les organisations parce que présentement je ne suis pas certaine que c'est bien connu. Puis je suis allée la semaine dernière, là, sur le site aussi des vitrines technologiques, ah! elles sont affichées là. Même, déjà, on est supposés de le savoir puis facilement. On est tellement proches, puis la mécanique n'est pas bien connue pour bien en bénéficier. Mais c'est favorable, bien entendu.

M. Huot : Commentaire bien entendu. Merci.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : M. le ministre.

M. Moreau : Ce qui est mal connu, c'est qu'il n'y a pas de... c'est la publicité de ces firmes-là. C'est ce que vous dites?

Mme Tardif (Anick) : Oui, c'est ça, comment, facilement, les entreprises ont l'habitude d'utiliser SEAO, par exemple. On fait la veille sur SEAO pour voir qu'est-ce qui se passe. À ma connaissance, présentement, il faut se rendre sur le site des vitrines technologiques pour voir qu'est-ce qui se passe là aussi. Ça multiplie les canaux. Il n'y a pas nécessairement d'alerte. Peut-être que je me trompe, mais c'est le...

M. Moreau : Parce qu'on me dit que c'est sur le site, mais il n'y a peut-être pas d'alerte. Alors, dans le fond, c'est dire : Envoyez, exprimez-vous, dites-le, que ça existe. C'est ça? O.K. Très bien.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Merci. Ceci conclut le temps du gouvernement. Mme la députée de Chicoutimi, la parole est à vous.

Mme Jean : Merci. Alors, bonjour à vous deux, Mme Tardif, M. Villeneuve. Bienvenue à l'Assemblée nationale puis merci d'être ici pour nous apporter votre éclairage sur le projet de loi n° 135, et votre opinion, et vos commentaires qui sont très aidants pour son amélioration.

Je veux aussi vous féliciter pour votre implication. Je comprends que vous êtes bénévoles dans cet organisme, le VETIQ, et je veux partager avec vous à quel point je trouve ça important que des organismes comme le vôtre existent pour être une voix pour les petites et moyennes entreprises et les très, très petites entreprises, une voix qui est souvent difficile à avoir. Donc, bravo pour votre investissement, puis c'est très important dans le milieu, je suis certaine.

D'entrée de jeu, je vous dirais que je suis une adepte de l'idée d'intégrer le plus possible des PME et même des très petites entreprises dans le processus de développement de nouvelles solutions en ressources informationnelles dans l'État, dans la machine gouvernementale. Étant moi-même un produit de PME qui a eu à travailler justement avec des grandes entreprises et une compagnie innovatrice qui a eu à travailler avec des grandes entreprises, je peux vous dire que ce n'est pas facile à faire et que, si on peut trouver des moyens pour faciliter cette intégration-là des petites et moyennes entreprises innovatrices dans des organisations comme l'État gouvernemental, ça serait... ça sera et non pas ça serait, ça sera gagnant pour tout le monde. Ce n'est pas une idée d'aller aider les PME, mais c'est plutôt l'idée d'aller chercher les forces des petites et moyennes entreprises en créativité, en vitesse, en innovation, en capacité de voir les choses autrement et de venir influencer ce qui se passe dans des systèmes comme l'État gouvernemental dont on parle.

Dans ce contexte-là, j'aimerais avoir votre opinion parce qu'une institution comme un gouvernement, naturellement, de faire affaire avec des grands intégrateurs, ça simplifie une gestion de projet. Ça simplifie comment on va avoir à faire les choses. Ça réconforte les gens qui sont responsables d'un projet. Donc, c'est comme jouer sur des valeurs sûres. De faire affaire avec des petites entreprises et surtout des très, très petites entreprises, ça augmente le risque pour le gestionnaire d'un projet, et on doit avouer que ça augmente aussi la complexité. Même si je suis une adepte de ça, il faut quand même accepter ou constater que la complexité de gérer 30 fournisseurs versus d'en gérer un, c'est tout un défi. Donc, de votre côté, si vous avez de l'expérience là-dessus, comment vous voyez la cohérence de... Comment on pourrait faciliter la cohérence de l'intégration des plus petits joueurs dans des projets qui seraient plus importants dans une institution comme le gouvernement?

Mme Tardif (Anick) : Il peut y avoir plusieurs approches.

La première va beaucoup dans la lignée de la réappropriation des systèmes d'information, dans la réembauche, la reprise de contrôle au niveau de la stratégie au gouvernement. Donc, à ce moment-là, plus le projet est mené, est maîtrisé par l'organisme, plus il est en mesure d'aller chercher exactement l'expertise dont il a besoin. C'est dans cette approche-là qu'on voit la possibilité...

Dans une approche où... comment renverser ce qui se passe maintenant... ne pas répéter, pardon, ce qui se passe, ce qu'on observe, je ne vous dirai pas dans tous les cas, mais, souvent, présentement, dans un format où, oui, on comprend qu'il est souvent plus facile... Puis parfois on n'a pas le choix, on doit faire affaire avec une plus grande organisation parce qu'on a tellement de besoins, mais comment s'assurer que la petite entreprise va réussir à apporter sa valeur ajoutée? On cite beaucoup le rapport sur les jeunes entreprises parce qu'il y a des bons points là-dedans. Il y avait, entre autres, des... Il a, entre autres, été étudié, de votre côté, au Royaume-Uni, si je ne me trompe pas, qu'il y a eu des obligations d'intégrer des plus petites entreprises, mais vraiment pour leur laisser... pas seulement pour que ce soit du temps-personne, du temps matériel, mais bien pour leur savoir-faire.

Il y a aussi quand on touche toute l'architecture d'entreprise, toute la façon d'aller plus loin, si j'ai bien compris, vers où le gouvernement souhaite également s'en aller, avoir une structure qui va minimiser le risque. Donc, si on a besoin d'un service particulier à mettre en place, bien, on va pouvoir aller chercher une petite entreprise qui fait cette solution-là sans risquer, si ça ne fonctionne pas après quelques années, bien, que tout s'effondre. Eh bien, simplement changer cette partie-là du projet...

Alors, je pense que ça fait trois approches.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Mme la députée.

Mme Jean : Merci. Dans la même considération, effectivement, on s'apprête à faire affaire avec plusieurs petites entreprises qui ont leurs solutions et de pouvoir assurer une pérennité dans le temps parce que, veux veux pas, le risque, effectivement, avec les plus petites entreprises, que l'entreprise n'existe plus à un moment donné prévisible est quand même assez élevé. Est-ce que, selon vous ou selon votre expérience, selon vos membres, le fait d'utiliser des plateformes de logiciels libres par ces créateurs de nouvelles solutions là peut aider à assurer une pérennité ou, selon vous, même s'il y avait des solutions avec des logiciels propriétaires, ça ne ferait pas de différence? Est-ce que ça fait une différence, selon vous, dans la pérennité, pour une institution comme le gouvernement, s'il faisait affaire avec des petites entreprises, selon les plateformes de logiciels qu'il pourrait utiliser?

Mme Tardif (Anick) : Au niveau du logiciel libre et de la pérennité, c'est entendu que ça va aller... C'est toujours dans le critère de sélection. On choisit... J'oserais dire qu'on a beaucoup plus de possibilités de continuité avec un logiciel libre d'abord si on choisit un logiciel libre, d'avoir plusieurs fournisseurs où, déjà, il y a des standards, il y a des bonnes pratiques qui sont en place. Il y a des possibilités d'être très près de l'éditeur aussi qui offre des garanties ou qui certifie que plusieurs petites entreprises au Québec sont capables de certifier leur travail, de répondre dans un temps idéal.

À l'inverse, si on prend un logiciel libre pour un logiciel libre puis qu'on ne prend pas le temps de l'évaluer, tout comme si on fait la même chose pour une solution propriétaire, c'est la même chose. Donc, quand on va choisir... Quand on parle de faire affaire avec des solutions d'entreprise, disons, une entreprise qui aurait une solution en ligne qui serait intéressante pour un service aux citoyens, en bénéficier, bien, c'est sûr qu'il va falloir que, dans les façons d'analyser au gouvernement, il y ait une bonne évaluation des risques et de, bon, qu'est-ce qu'on fait et jusqu'où on va avec ce projet-là, sachant que, oui, peut-être que ça va être notre projet qui va fonctionner pendant 50 ans, mais peut-être que l'année prochaine il ne sera plus là.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Mme la députée.

• (17 h 40) •

Mme Jean : Oui, merci. Vous avez abordé la problématique des obstacles qui existaient pour l'entrée de vos membres des petites et moyennes entreprises en informatique aux contrats ou aux travaux qu'ils avaient à faire au gouvernement. Dans ces obstacles, j'imagine qu'il y en a plusieurs, mais est-ce que... Tout à l'heure, on parlait de la complexité des appels d'offres, et la personne parlait plutôt de gros projets, mais, au gouvernement, il y a des petits projets, donc complexité des appels d'offres. Est-ce que les entreprises qui sont membres de votre organisation font face à cette difficulté-là, face à la complexité des appels d'offres auxquels ils doivent remplir... donc qui serait peut-être effectivement un obstacle à pouvoir participer à l'implantation de leurs solutions?

M. Villeneuve (Eric) : Effectivement, ça peut être un point assez important parce que répondre à un appel d'offres, pour une entreprise, est quand même assez coûteux, et les petites entreprises, évidemment, n'ont peut-être pas nécessairement les ressources pour répondre à l'appel d'offres côté paperasse. Mais par contre ils ont la capacité à répondre aux besoins spécifiques que l'appel d'offres aurait de besoin. C'est ça qui amène que les petits entrepreneurs n'ont pas la chance de pouvoir remplir un appel d'offres, ou, s'ils le remplissent, bien souvent, ils ne sont pas choisis à cause... Bien souvent, le coût va peut-être être plus élevé qu'au fournisseur qui, lui, a beaucoup plus de ressources disponibles que le plus petit. Mais par contre la complexité amène quand même... C'est assez fastidieux à remplir, un appel d'offres, pour une petite entreprise, selon moi, là.

Mme Jean : Donc, je comprends, même pour les petits projets, ça demeure fastidieux, selon vous?

M. Villeneuve (Eric) : Ça va dépendre comment l'appel d'offres est préparé, mais c'est sûr que les points sont assez spécifiques et les critères sont très exigeants pour la petite entreprise, oui, effectivement.

Mme Tardif (Anick) : Je pense qu'un bon travail a quand même déjà été fait. On parlait tantôt de Passeport Entreprises. Mais est-ce que les résultats sont concrets? Ça commence à peine. Quand on en parle avec les membres, on ne peut pas dire : Aïe! Oui. Hourra! J'ai gagné! Il y a plein de mandats auxquels je n'avais pas accès il n'y a pas si longtemps. On voit encore souvent des mandats qui passent puis on dit : Je serais tellement bon pour répondre à ça, on est les meilleurs là-dedans, mais il faut aussi ça puis ça. Puis ce n'est pas des gros mandats, là, mais il n'y a pas assez d'allotissements à même le contrat pour donner accès, donc ça va être une firme plus généraliste. Donc, on peut imaginer qu'il va y avoir peut-être... L'organisme va moins profiter de l'expertise, qui est disponible, pourtant, de pointe par rapport aux besoins exprimés.

Sinon, dans les critères qui... Mais c'est ça, c'est comme je disais, dans ce qui est... On n'a pas eu beaucoup de commentaires encore par rapport à ce que Passeport Entreprises avait apporté de positif dans la capacité d'atteindre... les façons... Souvent, une petite entreprise, elle n'aura pas un énorme portfolio, puis donc elle ne sera pas... Elle va avoir de la difficulté dans le contexte actuel à démontrer qu'elle a elle-même fait... même si son équipe l'a déjà fait, mais son équipe l'a fait dans d'autres contextes, puis on ne peut pas les présenter dans ce temps-là, l'expertise puis la capacité ne peuvent pas être présentées au niveau de l'appel d'offres.

Mme Jean : Est-ce que vous pensez qu'à ce moment-là ça serait... Si je comprends la situation, le scénario dont vous me parlez, que, dans un appel d'offres, si on permettait à ceux qui ont des parties de la solution de faire... qu'il serait permis de soumissionner pour cette partie-là, qu'à la limite le demandeur pourrait dire : Ah! lui, il a cette partie-là, l'autre a cette partie-là, cette partie-là, ça serait intéressant de les mettre ensemble, est-ce que ça serait possible ou encore il faudrait que ce soit d'elles-mêmes, les entreprises, peut-être par le biais de votre organisation qui réussit à identifier... Est-ce que, dans vos membres, il n'y a pas un consortium à faire pour appliquer un appel d'offres? Est-ce que c'est le genre de chose qui se fait ou qui serait faisable?

Mme Tardif (Anick) : Il y a des choses qui se font déjà. Bien entendu, quand il y a une possibilité, c'est clair que les petites entreprises vont tenter de se mettre ensemble. Le nombre, présentement, d'entreprises qui ont le portfolio, de petites entreprises qui ont le bon portfolio pour répondre à ce qui est demandé... Ce n'est pas parce qu'elles ne le font pas à d'autres échelles, mais, souvent, de la façon que c'est formulé, elles ne sont pas capables de le présenter ou ont l'impression que ça ne vaut pas la peine parce que, de toute façon, il y a quelqu'un qui a déjà, par le biais de plusieurs années... le portfolio parfait, les réalisations parfaites à présenter pour avoir le maximum au niveau de la qualité, là.

Mme Jean : Parfait. Je vous remercie. C'est beau pour moi. Merci.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Je vous remercie, Mme la députée. M. le député de La Peltrie, c'est à votre tour.

M. Caire : Merci, M. le Président. Mme Tardif, M. Villeneuve, bonjour.

Je vous écoutais parler, puis, écoutez, j'ai quitté le monde de la consultation il y a 10 ans puis j'ai l'impression que les... puis j'aime votre expression, les PTE, les petites et très petites entreprises sont confrontées au même problème. J'ai moi-même été à l'emploi d'une firme de moins de 10 employés. Ce que je comprends, c'est que vous êtes confrontés à peu près encore au même problème, à savoir qu'on va exiger de vous une norme ISO qui est à peu près impossible à obtenir pour une petite entreprise parce que ça représente un volume de travail qui est trop important. On va exiger de vous des garanties financières. On va exiger de vous d'avoir déjà géré un certain nombre de grands projets, ce qui n'est pas le propre des petites entreprises. Évidemment, on va exiger de vous un certain nombre d'expertises différentes que la taille de l'entreprise ne justifie pas. Bref, on va exiger de vous que vous soyez ce que vous n'êtes pas, c'est-à-dire d'être une grande entreprise. C'est à peu près ça?

Mme Tardif (Anick) : Oui. C'est encore... Bien, comme on dit, on a vu qu'il y a des choses qui ont été mises en place puis on est en continuité, mais on croit effectivement qu'il y a beaucoup plus à faire puis on espère faire partie des discussions pour continuer à améliorer...

M. Caire : En même temps, je comprends le dirigeant du ministère ou de l'organisme, puis je pense que ma consoeur de Chicoutimi l'a bien résumé, qui a évidemment la maîtrise d'ouvrage de sa solution à mettre en place, de façon plus ou moins experte, la maîtrise d'oeuvre aussi. C'est plus facile pour ce dirigeant-là de faire affaire avec une grande firme parce qu'on a un clés en main, dans le fond. Et donc on peut comprendre que le dirigeant va trouver toutes ces caractéristiques-là dans la grande entreprise, et donc va se diriger vers la grande entreprise de façon naturelle.

Vous avez amené quelque chose, un élément, tout à l'heure, Mme Tardif, sur lequel moi, j'ai accroché. Vous sembliez dire que, si le gouvernement pouvait, dans son organisation, jouer le rôle de cette grande entreprise là qui ferait la gestion du projet, donc s'il y avait, au gouvernement, une organisation dédiée aux technologies de l'information, qui jouait ce rôle de généraliste là, cette organisation-là pourrait avoir un intérêt à faire affaire avec des plus petites firmes tout en étant la caution morale du ministère qui a recours à ses services, et donc, pour vous, ce serait facilitant.

Mme Tardif (Anick) : C'est un modèle qui semble intéressant, bon, puis, bien sûr, on a peu de connaissances sur ce que vous avez exprimé. Mais, oui, cette formule-là, assurément, quand je l'ai exprimée, je n'avais pas en tête un organisme particulier, mais j'exprimais plutôt, oui, l'importance que chaque organisme ait la maîtrise de ses systèmes d'information et la maîtrise de sa vision puis soit en capacité d'aller chercher l'information pour être capable de dire : C'est là qu'on s'en va. Comme ça, ça devient beaucoup plus facile de travailler avec des plus petits experts.

M. Caire : Mais tantôt vous avez dit : Bon, bien tout le monde cite Desjardins. Mais en fait Desjardins nous a expliqué le modèle qu'ils ont mis en place, donc une espèce d'entité à part entière, une boîte informatique, si j'ose m'exprimer ainsi, mais dédiée évidemment aux besoins des entités de Desjardins, qui, elle, pouvait faire ce rôle-là aussi et aller effectivement en consultation externe pour des expertises pointues. Est-ce que c'est un modèle qui pourrait être approprié pour répondre aux besoins par rapport à des mandats au gouvernement?

Mme Tardif (Anick) : Je vais répondre personnellement. Dans ce cas-ci, j'ai eu la chance de participer à un projet justement dans les premières années où Desjardins a fait ses preuves de concept, puis, comme ça, une petite entreprise du Québec s'est retrouvée à être au coeur du projet de refonte des systèmes chez Desjardins, puis c'est parce qu'ils avaient fait leurs devoirs puis ils étaient capables. Ils ont mis en compétition plusieurs grandes solutions puis, au bout de la ligne, c'est une petite, moyenne entreprise québécoise qui a eu la chance d'envoyer une équipe d'experts puis de participer avec eux au succès de ce projet-là. Mais c'étaient eux, les pilotes. Ils allaient seulement chercher de l'expertise. Donc, oui, c'est un modèle qui, personnellement, de ce que j'ai vu, est une des histoires de succès que j'ai vues, de belle collaboration.

M. Caire : Merci.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Ça va, M. le député?

M. Moreau : ...

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Si le député le veut bien?

M. Caire : Oui, oui.

• (17 h 50) •

M. Moreau : Je trouve qu'on va tous pas mal dans la même direction puis je trouve très intéressante la proposition. Et vous avez utilisé une expression tantôt, mais je veux faire du millage avec vous là-dessus, vous parlez d'allotissement. Là, on est dans une loi qui est spécifique, mais la loi sur l'octroi des contrats publics relève aussi du Conseil du trésor. Si, dans un modèle, on introduisait une notion qui, par exemple, dans le cas des technologies de l'information, là, spécifiquement, oublions l'ensemble des contrats de l'État, disait, exemple : Le ministère de la Justice veut passer à l'ère numérique et numériser l'ensemble de la documentation qui est traitée dans les palais de justice — je vous donne ça comme exemple parce que vous allez probablement en entendre parler bientôt — et, si on disait : Dans ce contexte-là, une personne qui répond à l'appel d'offres, si, présumément, c'est une grande entreprise, elle devra répondre à un seuil d'allotissement en établissant que, dans son appel d'offres, elle transige avec des petites entreprises du secteur des technologies, ce qui va dans le sens du rapport fait par mon collègue de Marguerite-d'Youville, est-ce que ça... Parce que tantôt j'entendais le député de La Peltrie dire : Bon, un organisme qui agirait un peu en lieu et place d'une entreprise déjà existante au sein de l'État... Si on veut alléger cette structure-là puis dire : Très bien, on va laisser le secteur privé être la partie imputable pour la fourniture du service, mais, en maintenant cette imputabilité-là, on l'oblige à dire : Bien, il y aura un pourcentage x, y, z qui viendra en allotissement à des petites entreprises du secteur des technologies de l'information, est-ce que ça, pour vous, c'est un modèle qui pourrait répondre à vos appréhensions?

Mme Tardif (Anick) : Assurément, c'est un modèle à explorer. On est toujours dans le contexte et dans l'objectif de répondre aux besoins. Comment le tout va être mené par la suite? Mais, oui, c'est sûr que c'est une façon d'inclure les PME.

M. Moreau : Parce que, dans le contexte du projet de loi actuel — je ne veux pas prendre mes collègues au dépourvu, puis on réfléchit tout haut, mais on essaie de voir comment on peut l'améliorer — comme on est dans le même portefeuille, on pourrait introduire un amendement qui prévoirait ce genre d'élément là qui pourrait permettre aux petites entreprises du secteur... Parce que le premier ministre nous dit : Moi, là, je suis tanné de faire des tournées à travers le Québec puis de voir des petites entreprises innovantes comme les vôtres qui me disent : Nous, là, M. le premier ministre, on a des contrats partout à travers le monde, mais on n'est pas capables d'en avoir avec le gouvernement du Québec. Alors, la recherche et ce que nous, ici, on est appelés à faire, bien au-delà de la ligne des partis, c'est de dire : Comment on peut faire en sorte que ce développement économique là percole vers les petites entreprises innovantes comme la vôtre?

Puis, pour répondre à ce que le député de La Peltrie disait tantôt, bien là tu regardes, tu es une petite entreprise, puis on te demande de te transformer en grosse pour être capable de transiger avec l'État, ce qui n'a pas de sens. Alors, si on introduisait des éléments dans le projet de loi qui iraient dans le sens de dire : On va fractionner ou obliger un certain pourcentage pour répondre à une demande unique avec un fournisseur unique, mais qui l'oblige à aller greffer à son appel d'offres des petites entreprises... Vous dites que vous vous regroupez parce que vous vous connaissez. Vous connaissez aussi les grands. Vous pourriez très bien dire : Aïe! si tu veux répondre à ça, moi, je pourrais être intéressant dans le pourcentage x. Est-ce que c'est quelque chose... Est-ce qu'on parle à peu près le même langage lorsqu'on s'enligne là-dessus?

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Une très courte réponse, Mme Tardif.

Mme Tardif (Anick) : On peut dire qu'on parle le même langage.

M. Moreau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Fortin, Pontiac) : Très bien. Merci beaucoup, Mme Tardif, M. Villeneuve, pour cet intéressant échange.

Sur ce, je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux à demain, après les affaires courantes, où nous poursuivrons notre mandat.

(Fin de la séance à 17 h 54)

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