(Neuf heures une minute)
Le Président
(M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des finances publiques ouverte et, bien sûr, je
demande, comme d'habitude, de bien vouloir éteindre la sonnerie de votre téléphone
cellulaire.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le rapport de la Commission
d'examen sur la fiscalité québécoise.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Carrière (Chapleau) est remplacé par M. Fortin (Pontiac).
Le
Président (M. Bernier) : Alors, bienvenue à tous en ce vendredi
matin. On est heureux de participer à cette commission. Voici l'ordre du
jour. Nous entendrons le Conseil québécois du commerce de détail, la Fédération
des travailleurs du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, la
Centrale des syndicats du Québec et l'Union des consommateurs.
Auditions (suite)
Alors, je
vous souhaite la bienvenue, le Conseil québécois du commerce de détail. Je vous
donne la parole. Vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation. Par la suite suivront les échanges avec les parlementaires. Bon
matin.
Conseil québécois du
commerce de détail (CQCD)
M. Turgeon
(Léopold) : Merci, M. le
Président. Bonjour. Mon nom est Léopold Turgeon, président-directeur général du Conseil québécois du commerce de
détail. Je suis accompagné de M. Pierre-Emmanuel Paradis, économiste et président de la firme AppEco, ainsi que de Me
Françoise Pâquet, directrice des relations gouvernementales du CQCD.
Mesdames et
messieurs de la commission, merci pour votre accueil. Vous comprendrez que le
Conseil québécois du commerce de
détail est en total désaccord avec l'annonce d'hier matin du ministre des
Finances, qui veut hausser la taxe de
vente pour une troisième fois en cinq ans. Vous verrez rapidement pourquoi au
cours des prochaines minutes, et surtout
la solution que nous proposons. Notre mémoire que vous avez reçu fait un suivi
à nos représentations d'octobre 2014 auprès de la commission
Godbout, au rapport qui en a découlé et au budget également.
Aujourd'hui,
les détaillants du Québec tiennent à vous sensibiliser à deux réalités :
d'abord, l'érosion fiscale due au
commerce en ligne transfrontalier, alors que le gouvernement laisser filer des
millions de dollars en taxes qui lui sont dus et que les détaillants sont victimes d'une importante inéquité,
ainsi que l'inquiétude des détaillants à propos d'une éventuelle hausse
de la taxe de vente du Québec proposée par la commission Godbout.
Tout d'abord,
l'importance de combattre l'érosion fiscale due au commerce en ligne
transfrontalier. Vous le savez, les
Québécois, les Canadiens, de plus en plus, sont des adeptes d'achats en ligne.
Vous êtes probablement du nombre. Même
si les produits achetés par le commerce électronique sont pour la plupart
taxables et sujets aux droits de douane, il est très facile d'éviter de
payer les taxes de vente applicables. Comment? Vous achetez en ligne à
l'extérieur du Canada. Vous recevez votre
achat sur lequel les taxes n'ont pas été perçues. Au moment de faire votre
rapport d'impôt, vous ne remplissez
pas le formulaire de déclaration de vos achats en ligne à l'extérieur du
Canada. C'est aussi simple que ça. Selon Statistique Canada, entre 2010
et 2012, la valeur des commandes électroniques au Québec est passée de
2,4 milliards à 3,1 milliards, en hausse de 27 %. Durant la même
période, les ventes au détail totales n'ont progressé que de 4,2 %.
Voici un extrait du rapport Godbout, volume I,
page 179 :
«Dans le cas
du Québec, Revenu Québec estimait en 2012 à 165 millions de dollars les
pertes fiscales subies par l'État
québécois en raison des achats en ligne effectués par des Québécois auprès des
fournisseurs établis hors du Canada.
«Il est
difficile d'estimer les pertes liées aux achats en ligne effectués par des
Québécois auprès [des] fournisseurs établis
dans une autre province — ici même, au Canada — mais il s'agit vraisemblablement d'un
montant significatif. Le chiffre de 300 millions de dollars a déjà
été avancé par Revenu Québec.» Fin de la citation.
Ce congé de taxes, bien qu'apprécié par les
consommateurs, provoque un problème majeur pour les commerçants québécois
traditionnels. Les détaillants qui ont pignon sur rue à l'origine de milliers
d'emplois directs et indirects
doivent percevoir et remettre tous les taxes
et impôts requis par la loi, alors que les entreprises étrangères situées hors
Québec échappent impunément a ces obligations fiscales qui constituent les
assises du financement de nos gouvernements et de nos services publics. Bien au fait de cette situation, les
détaillants situés hors Québec en profitent allègrement. Pensons aux
détaillants qui annoncent directement leurs produits sur les sites Web et pages
Facebook avec la mention «pas de taxes»,
«pas de TVQ» au Québec. On vous a donné un exemple dans le vêtement, et c'est
assez probant, et ça, c'est de plus en plus courant.
Pensons aussi aux compagnies de
livraison comme UPS offrant des adresses postales où expédier les colis à
la frontière des États-Unis, ce qui permet
aux Canadiens de les récupérer en évitant de payer les taxes, ou encore à
Netflix qui est encore à ses premiers
balbutiements sur le marché canadien alors que l'alliance du Canada... l'ACTRA,
l'Alliance of Canadian Cinema, Television
and Radio Artists estime que les ventes de Netflix à elles seules
engendrent des pertes de plus de
15 millions en taxe de vente au Québec et de 11 millions en TPS au
fédéral. Vous conviendrez avec moi que la position de Revenu Québec, selon qui les consommateurs rempliront avec
diligence le formulaire de remise de taxes, le FP-505, relève de la pensée magique. Savez-vous combien de formulaires
FP-505 ont été remplis en 2011? Cinq. En 2012? Six, ou c'est l'inverse.
Pour
le CQCD, il est plus qu'urgent que les gouvernements du Québec et du Canada se
préoccupent activement de cet enjeu
alors que le reste du monde s'active et corrige ces lacunes. Le statu quo n'est
plus acceptable. À titre d'exemple, les
États-Unis ont instauré le Marketplace Fairness Act qui permet aux États de
percevoir les taxes de vente auprès des détaillants n'ayant aucune présence physique dans leur propre État ainsi
qu'auprès des détaillants en ligne n'ayant pas nécessairement pignon sur rue. Depuis 2003, l'Union européenne a
instauré un guichet unique permettant de s'inscrire dans un État membre de l'Union européenne et
percevoir et remettre la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, et, depuis
janvier 2015, la TVA est perçue au taux applicable
du pays de résidence où l'achat est effectué. Au Royaume-Uni, la Google
Tax est entrée en vigueur cette année. Quant
au Brésil, il perçoit, depuis mai 2013, les taxes de vente en exigeant une
retenue de 6 % sur les cartes de crédit.
Maintenant, autre
préoccupation d'envergure qui a fait les manchettes dernièrement : une
troisième hausse de TVQ en cinq ans, les
détaillants du Québec disent : Non merci. Le coeur de la réforme proposée
par la commission Godbout consiste à
diminuer les impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés et à
augmenter la taxe de vente du Québec. Les
projections des experts du ministère des Finances indiquent que la combinaison
des effets suivants : la réforme sur l'impôt à payer, les crédits d'impôt remboursables et la taxe de vente
augmente la richesse nette des ménages même pour ceux à faibles revenus.
Le CQCD soulève néanmoins dans son mémoire quatre
préoccupations majeures concernant la réforme proposée.
Premièrement,
la réforme ne tient pas compte suffisamment de l'environnement concurrentiel
des détaillants. Le rapport Godbout appuie sa réforme en comparaison
avec certains pays européens, dont la France où le taux de TVA est de 20 %. Or, nos principaux compétiteurs
ne sont pas situés en Europe, mais bien aux États-Unis, où les taxes de
vente se situent pour la grande majorité des États entre 0 % et 6 %.
L'augmentation de la taxe de vente au Québec ne ferait qu'inciter davantage les
consommateurs à acheter en ligne aux États-Unis sans payer les taxes.
• (9 h 10) •
Deuxièmement, la
réforme ne se concrétisera pas comme prévu. Le gouvernement dit suivre l'esprit
des recommandations de la commission Godbout, mais, dans les faits, les
changements sont souvent timides et étalés sur plusieurs exercices fiscaux, surtout s'il s'agit de baisses d'impôt. Un
exemple éloquent : la recommandation n° 19 du rapport Godbout
proposait de réduire les taxes sur la masse salariale des PME, passant de
2,7 % à 1,6 %, soit une diminution de
430 millions à être compensée par diverses révisions des dépenses
fiscales. Or, le gouvernement a plutôt opté pour une réduction à peine perceptible et très graduelle de
2,7 % à 2,5 % ne touchant que les PME des secteurs des services et
de la construction ayant une masse salariale
inférieure à 5 millions de dollars, donc rejetant du coup des milliers
d'entreprises. Jusqu'en 2019, ces réductions seraient de l'ordre de
31 millions, donc on est loin de notre 430 millions.
Par
conséquent, cet exemple représente la manière avec laquelle le gouvernement appliquera
les recommandations du rapport
Godbout. Il est fort possible que le gouvernement décide de moins diminuer
l'impôt sur le revenu et d'augmenter davantage
la taxe de vente que ce qui est proposé par la commission Godbout. L'impact
résultant serait alors plus faible que
prévu, voire négligeable pour l'économie dans son ensemble. Vous pouvez
comprendre la grande inquiétude des détaillants.
Troisièmement, les
impacts projetés du côté de la taxe de vente pourraient être sous-estimés. Deux
éléments soutiennent notre affirmation : d'abord, certaines limites
méthodologiques, les analyses économiques, les impacts de la réforme; ensuite,
la croissance soutenue des ventes du détail via le commerce électronique.
En portant attention
à une des études majeures ayant servi à évaluer les impacts économiques de la
réforme, Wen, Dahlby et Ferede, on constate
que ces résultats seraient difficilement applicables en 2015, car les auteurs
utilisent des données pancanadiennes qui ne tiennent pas compte de la diversité
des sensibilités provinciales, se basant sur des données couvrant uniquement les années 1972 à 2006, soit une période
antérieure à l'avènement du commerce électronique. Ils ne tiennent pas suffisamment compte des
nouvelles réalités du commerce électronique, notamment transfrontalier,
et de l'ampleur des ventes en ligne. Le
commerce électronique demeure en effet un phénomène en pleine expansion et
encore peu étudié par les organismes
statistiques. Le risque considérable de fuite commerciale dans le contexte de
la présente réforme est bien réel.
Une augmentation de la taxe de vente pourrait bien aller de pair avec une
augmentation des taxes non perçues par le gouvernement.
Quatrièmement,
même si la réforme est adoptée telle quelle, la hausse de taxe de vente
affecterait négativement le commerce
de détail. Les consommateurs réagissent négativement à chaque hausse de la TVQ.
Une analyse des données de l'Agence
de revenu du Canada démontre que la croissance annuelle des ventes a diminué de
moitié durant les années de hausse de
la TVQ. Bien entendu, aucune de ces hausses de taxe ne s'est accompagnée de
baisse d'impôt significative sur le revenu. Rappelons que seule la
Nouvelle-Écosse, à 15 %, surpasse le Québec à 14,975 % — combinés
TPS et TVQ — au
chapitre de la taxe de vente. L'Île-du-Prince-Édouard — 14 % — l'Ontario,
le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador,
à 13 %, ne sont pas loin derrière, tandis que les autres provinces et
territoires ne facturent que les 5 % de la base de la TPS fédérale,
donc aucune taxe de vente provinciale ou territoriale.
Le Président (M. Bernier) :
Je vous interromps...
M.
Turgeon (Léopold) : La
dernière chose, dont les détaillants ont besoin, c'est d'une autre augmentation de la TVQ. Avec la réalité du
commerce électronique... On est dans notre temps?
Le Président (M. Bernier) :
Oui, bien, je vous invite à conclure, le temps est déjà écoulé.
M. Turgeon
(Léopold) : J'y arrive. En conclusion,
donc, avec l'avènement du commerce électronique, ça va prendre de l'ampleur.
Donc, on dit
souvent : Ainsi va le commerce au détail, ainsi va l'économie. Comme on est un joueur majeur dans l'économie du Québec et qu'on
vit une profonde mutation dans le commerce de détail, ce qu'on recommande au gouvernement, c'est la solution avancée par Mme Marwah Rizqy, professeure au
Département de fiscalité de l'Université de Sherbrooke, soit d'imposer la responsabilité de la perception des
impôts et taxes aux intermédiaires de paiement lors des transactions de commerce en ligne,
interprovincial et transfrontalier. Donc, évidemment, Ottawa devra obliger
les fournisseurs de services de paiement,
tels que les sociétés de cartes de crédit PayPal et autres, à agir à titre de
mandataire du gouvernement du Québec.
Et, en conclusion, nous disons non à une
troisième hausse de taxe de TVQ en cinq ans.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Turgeon (Léopold) : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bernier) :
Merci de votre présentation. M. le ministre, je vous invite à ouvrir la période
de questions et d'échange.
M.
Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup,
Mme Pâquet, M. Paradis, et M. Turgeon, d'être ici et donc de nous
faire part des inquiétudes de vos membres, de votre association.
En effet, le
commerce de détail est un acteur économique très important. D'ailleurs, juste
avec les chiffres d'emploi qui sont
sortis ce matin, par exemple, on constate qu'au Québec il y a 670 000
personnes qui travaillent dans le commerce au détail. Donc, ce n'est pas
rien, c'est même beaucoup. Donc, bien sûr que c'est un secteur qui est très
important.
Ces chiffres
aujourd'hui aussi nous démontrent que, depuis le début de l'année, l'emploi
dans le commerce au détail est en
hausse de 19 000. Ce n'est pas beaucoup, mais quand même, c'est
19 000. Plus 19, commerce au détail au Québec depuis le début de l'année. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est
quand même meilleur que la moyenne canadienne où c'est «flat». Mais tout ça
pour dire que le commerce au détail, c'est un secteur très important pour notre
économie et qui subit des transformations profondes, le
commerce électronique étant certainement un des éléments le plus importants de cette transformation-là. Transformation, et
l'exemple patent de ce problème, c'est que même les meilleurs, ou, en tout cas, ceux qui se pensent les meilleurs, comme Target Canada,
ont échoué lamentablement. Donc, c'est un secteur difficile.
Maintenant,
commerce électronique et réforme Godbout. Que la réforme aille de l'avant ou
pas, cette question de commerce
électronique est toujours là. Donc, si on décidait qu'on ne faisait absolument
rien, qu'on ne changeait absolument rien,
il faudrait toujours adresser cette
question du commerce électronique. Moi, je vous soumettrais que, si on va de
l'avant, tel que proposé par la commission,
l'augmentation d'un point de pourcentage de la TVQ, je ne pense pas que ça
aurait un effet profondément néfaste sur le
commerce au détail. Mais je comprends qu'il faudrait faire attention et qu'il
faudrait mettre en place des mesures qui
atténueraient cet impact-là, particulièrement dans un meilleur contrôle du
commerce électronique.
Alors, dans
cet ordre d'idées là... Ah! Et, avant de vous poser une question, je veux vous
rassurer aussi. Dans les quatre
points que vous avez mentionnés, votre deuxième, où vos membres vous font part
d'une inquiétude quant à la volonté du gouvernement de mettre en place
une telle réforme telle qu'établie... Donc, vos membres et d'autres personnes aussi — ce ne sont pas seulement vos membres — expriment un certain scepticisme comme quoi
le gouvernement, la première chose qu'il ferait, si on fait ça, ça
serait de hausser la TVQ et puis l'impôt sur le revenu. Bon, on le ferait peut-être, peut-être pas. Je veux juste vous
rassurer que, si on fait cette réforme, ça serait justement le contraire qu'on
ferait. Et donc, ça, je peux vous rassurer
que, si la réforme va de l'avant, votre deuxième inquiétude, je vous rassure,
ne constituerait pas un problème.
Maintenant, le commerce électronique, un enjeu
très important. Il y a des problématiques pancanadiennes et internationales : internationales, vous
comprenez bien que ça va demander une plus grande collaboration avec les
autorités fédérales, ce que nous sommes en
train de faire avec eux; pancanadiennes aussi, mais c'est un autre ordre de
grandeur. Qu'est-ce que — et là j'arrive à ma question — vous nous suggérez concrètement que le
gouvernement du Québec fasse pour
commencer à adresser cette question de commerce électronique? Parce qu'en effet
c'est important. Alors, quelles seraient vos propositions, vos
recommandations à cet égard-là?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turgeon.
M. Turgeon
(Léopold) : M. le ministre,
si vous permettez — vous
avez souligné Target — si vous permettez, Target
a exactement pas fait le premier élément qu'on a analysé, ils n'ont pas bien
analysé tout l'espace concurrentiel. Donc,
c'est pour la même raison qu'on se dit : Ici, au Québec, on n'est pas dans
une économie fermée, on est dans une économie ouverte, donc il faut
analyser tout cet environnement-là concurrentiel.
En ce qui
concerne le commerce en ligne transfrontalier et les taxes, on sait que la loi
fédérale date des années 1920, et évidemment, à l'époque, il n'y avait
pas vraiment d'Internet, et tout, donc cette loi-là n'a pas été modifiée. On se doit... Je sais
que, dans le dernier budget, vous avez annoncé que vous vouliez être le leader
au niveau canadien pour faire avancer
ce dossier-là. Ça ne peut pas passer par autre chose que de modifier la loi,
parce qu'effectivement ce n'est pas
déloyal, mais plutôt défavorable. La loi permet de le faire, donc ils le font.
Donc, ce qu'on recommande fortement, c'est
de passer par les cartes de crédit. Visa, MasterCard, PayPal vont contrôler
presque 90 % des transactions. Ce n'est pas en passant par les
douanes qu'on va trouver des solutions.
Juste à titre
d'information, Postes Canada, ils passent à peu près un million de colis par
jour et il y a un douanier, donc, des
fois, six, sept colis un par-dessus l'autre. Donc, vous comprendrez qu'on en
prend de temps en temps. Donc, il y a
neuf colis sur 10 qui rentrent au Canada pas de taxes, pas de douanes, alors
que, si on va avec la proposition de passer par les cartes de
crédit, par les émetteurs de cartes de crédit, je pense qu'on vient assez simplement
de régler la situation. Mais, évidemment, il va falloir s'entendre avec
les émetteurs de cartes de crédit.
• (9 h 20) •
Le Président (M. Bernier) :
Très bien. Merci. M. le ministre.
M.
Leitão : Merci. Maintenant,
pour ce qui est, donc, des consommateurs et l'effet néfaste de la hausse de la
TVQ... Et, j'en conviens, si on augmente la
taxe de vente, c'est fort probable que ça ait un effet négatif sur les
consommateurs si on prend ça seulement
en isolation, parce que la réforme, c'est... Ce qu'on propose de faire, ce
n'est pas une hausse de la TVQ juste pour hausser la TVQ, c'est une
hausse de la TVQ pour financer une baisse d'impôt sur le revenu. Donc, les consommateurs québécois, au bout de
l'exercice, auraient un revenu disponible plus élevé puisqu'il y aurait une
baisse d'impôt sur le revenu, et puis, avec
ça, ils pourraient continuer de consommer. Donc, c'est pour ça que nous jugeons
que l'impact d'une hausse de la TVQ sur les
dépenses de consommation — commerce
de détail — ne
serait pas aussi négatif que lors des
dernières fois parce que, cette fois-ci, c'est accompagné par une baisse du
revenu. Ça a été fait à la fin des années
90 par un autre gouvernement, qui n'était même pas libéral. Un certain Bernard
Landry avait justement haussé
la TVQ d'un point pour baisser l'impôt sur
le revenu. Donc, ça a déjà été fait, et il me semble qu'à cette époque
l'impact de cela sur les ventes au détail
n'était pas négatif. C'est différent maintenant.
Je sais que les économistes disent
toujours : C'est différent maintenant, c'est différent maintenant. En
effet, c'est différent maintenant parce que le commerce électronique est un enjeu nouveau, mais enfin comment vous réagissez à
ça? Vous pensez que la baisse d'impôt sur le revenu n'aurait pas d'effet
positif sur les dépenses de consommation?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turgeon.
M. Turgeon (Léopold) : M. le
ministre, en 90, quand il y a eu une révision de la taxe, vous vous souvenez
qu'il n'y avait pas de taxe sur les souliers, sur les chaussures et sur le
vêtement. Il y a eu un impact très grand sur les fermetures de magasins à l'époque, quand on a décidé de mettre la taxe sur
ces deux produits-là. On a eu un impact. Et qu'est-ce qu'a fait le consommateur? À ce moment-là, il est allé acheter
en Ontario puis il est allé acheter aux États-Unis. Aujourd'hui, ils n'ont même
plus besoin de ça, il l'a sur son téléphone, il peut acheter. Donc, ça avait eu
un impact aussi dans les débuts des années 90.
Maintenant,
si on prend un milliard, on va chercher un milliard d'un côté puis on le
redonne au consommateur... Selon la
vertu, ça fait bien, bien, bien du sens, mais, selon l'environnement concurrentiel, ça ne fait pas de sens. Ce milliard-là, qu'est-ce qu'ils vont faire, les consommateurs,
avec ce milliard-là? C'est la question qu'il faut se poser. Les consommateurs, ils
ne sont pas pris là, ils ne sont pas pris là, ils sont pris là. Donc, qu'est-ce
qu'ils vont faire avec le milliard? Ils vont
dire : Bien, où est-ce que ça me coûte le moins cher? C'est-u en achetant
en Alberta des produits de photo? C'est-u
en achetant aux États-Unis? Donc, le consommateur, il va faire des choix où
ça lui coûte moins cher. On est la province
qui va être la plus taxée en termes de taxe de vente. Donc, pour notre réseau
de détaillants, ce n'est vraiment pas un élément concurrentiel, puis
pour l'économie du Québec, on ne considère pas que c'est un avantage.
M. Leitão : Très bien. Merci.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão : Est-ce que vos collègues...
Le Président (M. Bernier) :
Oui, le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci, M. le Président. En fait, j'aimerais ça un petit peu continuer dans la même veine que la question du ministre. Et
j'en profite pour vous remercier d'être ici, pour votre mémoire également.
Si on enlève
la question du commerce électronique... Ça ne se fait pas. On
ne peut pas juste l'enlever, elle existe, évidemment, mais vous semblez
penser qu'il y a des solutions quand
même assez simples : passer par
les cartes de crédit, avoir des
ententes, etc. Si cette question-là est réglée et que la réforme, elle... les propositions qui sont dans la réforme, disons qu'elles sont adoptées par
rapport à l'impôt sur le revenu et par rapport à la taxe de vente... Moi, en
tant que consommateur, si j'ai l'option, là,
d'acheter en Alberta ou l'option d'acheter de façon électronique sans
payer de taxe de vente en quelque
part d'autre n'est plus sur la table... Moi, je suis consommateur, j'ai 33 ans,
je suis un homme, je fais un tel salaire, je descends la rue ici, je
m'en vais chez Simons. J'ai plus d'argent dans mes poches. Ça vaut quelque
chose, quelqu'un de mon âge, de ma tranche
de salaire qui rentre dans un magasin. Si j'ai plus d'argent dans mes poches à
cause d'une réforme comme ça, est-ce que ce n'est pas bon pour le détaillant,
même si la taxe de vente est plus élevée?
Le Président (M.
Bernier) : M. Turgeon.
M. Turgeon (Léopold) : Je vais me
répéter, mais il faut savoir que le détaillant n'a pas les mêmes outils pour concurrencer son environnement.
Fondamentalement, le problème, il est là. Le consommateur... Bien sûr qu'on
veut tous que le consommateur... Puis on est
d'accord. Sur le principe, on est d'accord dans la mesure où on n'est pas
comme en Europe, où les taxes de vente sont à peu près pareilles partout à
19 %, 20 %, 21 %. Dans la mesure où tout notre environnement, les États-Unis puis le reste du
Canada, on est tous à peu près dans les mêmes ordres de grandeur, on est
tout à fait d'accord avec ça, là. Alors, on n'est pas contre la vertu, mais les
faits, la réalité, c'est que ce n'est pas ça. Et le détaillant aura l'odieux de
charger 16 % de taxe.
Le
consommateur... C'est certain que le consommateur, parce qu'il est pris, comme
je le disais tout à l'heure, c'est certain
qu'il va chercher à trouver à meilleur prix possible. Il y a 40 % des
consommateurs qu'il y a juste une chose qui les importe, c'est le prix. On en a heureusement 60 % qui veulent vivre
une expérience client, etc., d'autres choses, mais tu as 40 % des consommateurs, il y a juste une
chose qui importe : le prix. Donc, c'est sûr que le consommateur veut
avoir plus d'argent dans les poches, ça, c'est clair.
Mais ce que
je vois aussi dans les médias, c'est qu'on va augmenter les cigarettes, on va
augmenter la taxe sur la bière, la
taxe sur les cigarettes, on va augmenter plein d'autres choses. On verra bien
si le consommateur va avoir plus d'argent dans les poches.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Oui. Je veux parler de commerce électronique. Vous avez,
par le passé — je pense
que c'est ce que vous avez présenté en
octobre 2014 — parlé de
la situation des commerçants québécois qui ont peut-être un peu de retard par rapport à d'autres pays
industrialisés, là, par rapport à la présence sur le Web, par rapport à
l'importance des ventes qu'ils ont par
rapport à leurs sites Web. Évidemment, là, le ministre vous a demandé comment
le gouvernement pouvait régler sa
partie du problème. Qu'est-ce qui fait que les détaillants québécois font moins
cet investissement-là, ce choix-là?
Pourquoi ils sont moins en ligne et qu'est-ce que vous pouvez faire, qu'est-ce
que nous pouvons faire pour aider à ce qu'ils soient plus présents?
M. Turgeon
(Léopold) : Bien, il faut
savoir que la composition du commerce de détail au Québec est totalement
différente du reste de l'Amérique du Nord.
Au Québec, dans une proportion de 65-35, on a des propriétaires
indépendants. Il faut savoir que 90 % des détaillants ont 50 employés
et moins, donc limités en ressources humaines puis limités en ressources
financières. Donc, c'est vraiment une particularité. On a des
propriétaires : Metro, BMR, etc. On a des propriétaires indépendants. La beauté de la chose, c'est qu'ils sont
impliqués dans leur milieu, impliqués dans l'économie, impliqués dans les 125 comtés. Ça, c'est
merveilleux. L'envers de la médaille : ils ont peu de moyens. Alors
qu'ailleurs en Amérique du Nord, pas
seulement au Canada, en Amérique du Nord, c'est le système corporatif, qui est
complètement à l'inverse : 35 % de
propriétaires indépendants, 65 % de corporatif. On s'entend que, quand la
corporation dit qu'on tourne à droite, tourne à droite; tourne à
gauche... Donc, ils ont beaucoup plus de moyens, et c'est ce qui explique un
retard. Mais je vais vous rassurer en disant
qu'il n'y a pas juste le Québec qui est en retard. J'assistais, au début de
l'année, à une conférence à New York,
et le président de l'association à New York parlait des mêmes enjeux. Ils sont
un peu plus en avant, mais on est loin derrière l'Europe.
Et pour
répondre à votre question : Qu'est-ce qu'on peut faire? Nos détaillants,
ce qu'ils ont besoin, particulièrement ce
90 % là, ils ont besoin d'accompagnement. Ce n'est pas des subventions
qu'ils ont besoin, c'est d'accompagnement. On a fait des petits essais dans ce sens-là et on a vu une progression
rapide des détaillants pour l'appropriation des technologies, notamment
les médias sociaux.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Oh! transition
abrupte, encore une fois, M. le Président.
Des voix : ...
M. Marceau : Merci, M. le
Président. Tout d'abord, merci pour votre mémoire. Merci, donc,
M. Turgeon, Mme Pâquet et M. Paradis. Encore une fois, des gens
que je connais depuis longtemps, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) :
...de connaissances.
M. Marceau : J'ai beaucoup de
connaissances, voilà. Surtout parmi les économistes, et je m'en excuse, c'est
comme ça. Donc, merci pour votre mémoire. Puis, moi, je... Vous savez, il y a
des considérations d'équité qui ont été discutées hier, par moi entre autres
puis par d'autres intervenants, qui sont extrêmement importantes et puis qui
peuvent faire en sorte qu'une personne soit opposée à la réforme qui est
proposée par le ministre des Finances — ça, c'est une chose, je n'irai pas là-dessus pour l'instant — mais aussi des considérations, donc, qui
sont carrément : Est-ce que le
changement proposé est à même de faire croître l'économie québécoise? Est-ce
que c'est favorable à la création de la
richesse? Et, votre mémoire, quant à moi, c'est un appel au réalisme puis c'est
un appel à la réflexion puis à la pause et non pas à la précipitation.
C'est de rappeler les faits.
J'ai
trouvé très intéressant votre mémoire. J'ai bien aimé en particulier les
solutions que vous proposez, qui sont toutes
des solutions qui devraient être envisagées, qui devraient toutes faire l'objet
de travaux... peut-être pas de mandat d'initiative,
M. le Président, parce qu'au rythme où on va, on va avoir des mandats
d'initiative pour les trois prochaines années...
Le Président (M. Bernier) :
Je vous écoutais. Au rythme où on va, on va siéger très, très longtemps.
• (9 h 30) •
M. Marceau :
...mais certainement, en tout cas, de la réflexion. Moi, je pense qu'au-delà
des questions d'équité, encore une
fois, qui, elles, sont un autre élément, au plan, là, de l'impact que ça
pourrait avoir sur notre économie, il faut réfléchir puis il faut
prendre le temps de bien faire les choses.
J'ai plusieurs questions. Je vais simplement
ajouter un élément surtout pour mes collègues du ministère des Finances. J'ai, cet été, moi, avant donc...
pendant que je me préparais pour cette commission, j'ai revu un peu la
littérature.
Je veux
simplement vous dire que, dans le passé, moi, j'ai enseigné la taxation, j'ai
enseigné l'impact économique de la
taxation. C'est quelque chose que je connais bien. Puis les résultats sur
lesquels s'appuie la commission Godbout, c'est des choses que je
connais. Puis je l'ai même déjà enseigné. Alors, ce n'est pas comme si on était
dans un monde que je ne connais pas.
Et je vais
redire ce que j'ai dit hier puis que vous rappelez dans votre mémoire, c'est
que la plupart des résultats sont
basés sur un monde qui n'existe plus, un monde dans lequel il n'y a pas de
commerce électronique, dans lequel les gens ne se déplacent pas ou, en
tout cas, ne se déplacent pas autant que maintenant.
Puis
simplement dire, pendant cet été, donc, je suis tombé sur un texte. Je vous
invite à l'utiliser, vous aussi, puis j'invite
les gens du ministère des Finances à aller le lire. C'est un texte qui a été
publié dans une revue académique qui s'appelle
Policy & Internet, en 2012, par des gens qui s'appellent Goel,
G-o-e-l, et Nelson. Et c'est sur la taxation des cigarettes. Et simplement, simplement, ce que ça montre, c'est que,
depuis qu'il y a eu apparition d'Internet, la demande de cigarettes aux
États-Unis est plus élastique qu'auparavant. «La demande est plus élastique»,
ça veut dire quoi? Ça veut dire que les
consommateurs de cigarettes réagissent plus à la taxation qu'auparavant, et
c'est clairement causé par Internet. Donc, je sais que les gens du
ministère des Finances vont se précipiter pour aller le lire.
Ce qui fait
que, vous savez, traditionnellement, on disait qu'il fallait taxer les vices,
fallait taxer le tabac entre autres parce
que c'était quelque chose qui ne répondait pas à la taxation, qui ne bougeait
pas. Les gens étaient accros à la cigarette et ne réagissaient pas. Et
simplement ça dit : Bien, il faut faire attention. Alors, les conclusions
qu'on a tirées à une certaine époque, il ne faut plus les tirer de la même
façon.
Alors, question, donc... Ça, c'était mon
préambule. Je vais vous poser une question très simple. Vous avez parlé — puis je trouve que c'est quelque chose qui
doit être exploré — de
l'idée de demander donc aux intermédiaires de percevoir la taxe, hein, comme moyen de contrer l'évasion fiscale. Je
veux savoir, au plan légal, là, quelle loi devrait être changée. Est-ce que ça implique des changements de lois
strictement québécoises? Est-ce que ça exige aussi des changements aux
lois canadiennes? Est-ce que vous avez examiné, là, les aspects légaux des
changements qui seraient exigés pour arriver à ça?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turgeon.
M. Turgeon (Léopold) : Oui,
effectivement, c'est une loi canadienne. C'est la loi canadienne qui doit être
modifiée. Et cette loi-là, comme je le disais tout à l'heure, date de 1920. Je
ne sais pas le numéro de la loi, là, mais je peux vous la fournir, j'ai tout ça
au bureau.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Marceau :
O.K. Et puis, à votre connaissance, est-ce que le gouvernement canadien est
ouvert à ce type de changement?
Est-ce qu'il y a des grands obstacles à ça au plan politique puis au plan aussi
purement faisabilité, là, légal? Est-ce
qu'il y a d'autres lois qui empêcheraient d'imposer, par exemple, aux
intermédiaires de... qui nous empêcheraient d'imposer aux intermédiaires
de poser ces gestes-là?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turgeon.
M. Turgeon (Léopold) : Ma
compréhension d'une rencontre qu'il y a eu au mois de juin avec les gens des Finances à Ottawa est à l'effet qu'ils
s'intéressent davantage aux biens non tangibles qu'aux biens tangibles, les
Netflix de ce monde, les iTunes, etc. En tout cas, ma compréhension de
cette rencontre-là : c'est plus ça qui les intéressait que,
nécessairement, les biens tangibles. Mais, pour nous, on considère que les
biens tangibles sont bien plus importants, multiplié par 10 facilement, en termes
de volume de vente, que les biens intangibles.
M. Marceau : Parce que c'est
difficile de justifier de le faire seulement pour l'intangible, là. J'ai bien
de la difficulté à comprendre. O.K.
Parmi les
solutions que vous rapportez, là, à la page 6 de votre mémoire, bon, il y a la
solution américaine, qui ne marche
pas parfaitement, en passant, je pense que vous le savez, là. Il y a de la
contestation judiciaire présentement aux États-Unis. Il y a l'autre solution, là, qui est l'Amazon Tax, là, qui
est en discussion. Puis je pense que c'est moitié-moitié, là, dans les
États américains, là, pour une approche ou pour l'autre. Mais, en tout cas, il
y a cette approche-là, il y a l'approche de l'Union européenne et puis il y a l'approche brésilienne.
Y a-tu quelque chose là-dedans que vous préférez, que vous pensez qui est plus faisable, que vous
recommandez à notre ministre des Finances, là, vous vous dites là :
C'est là-dessus qu'il faut aller?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turgeon.
M. Turgeon (Léopold) : C'est
vraiment la perception via les cartes de crédit. Le Brésil, depuis 2013, est là
et le fait. Ça se fait ailleurs dans le monde. C'est la direction... laquelle
on propose.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Marceau :
O.K. Bon, par ailleurs... O.K. Puis,
juste pour revenir à ce que disait le ministre sur le fait que, là, donc, on va libérer du revenu pour les
consommateurs et puis on va augmenter la taxe de vente, puis que, donc, ça
n'aura pas d'impact économique, vous savez, puis je ne révélerai pas un grand
secret ici, là, il y a une forme d'équivalence importante entre la taxation du
revenu tel qu'on définit le revenu au Québec puis la taxation de la
consommation. Quand on dit qu'au Québec on a un impôt sur le revenu des particuliers,
on devrait quasiment dire : Un impôt sur la consommation des particuliers, parce
que, dans le fond, ce qu'on taxe,
là... Quand on remplit notre rapport d'impôt, on établit c'est quoi, notre revenu, on déduit notre épargne, n'est-ce pas,
toute l'épargne qui est enregistrée dans les REER, et ainsi de suite, ce
qui fait que, quand on fait taxation moins épargne, qu'est-ce qu'il reste? Il
reste consommation. Et effectivement l'impôt qu'on a au Québec est tout près d'un
impôt à la consommation, la différence étant qu'il est direct, c'est-à-dire qu'on peut appliquer des taux de
taxes différents, mais c'est très proche d'un impôt à la consommation
aussi.
La
différence, c'est que traditionnellement la consommation, tu as les
transactions, c'était quelque chose qui était inévitable et donc c'était facile de taxer ça, alors que le revenu des
particuliers, ça, c'était plus difficile à taxer, parce que ça reposait sur
l'autodéclaration. Mais le monde a changé, puis vous l'avez bien dit, je pense,
là, c'est très clair, ce que vous avez établi.
Peut-être
un dernier point, parce que... puis je ne veux pas faire une bataille de
chiffres, là, mais le ministre a parlé de 19 000 emplois créés.
J'ai de la misère à le croire, là. Je ne dis pas que le ministre a voulu nous
induire en erreur, là, loin de là, là...
Une voix : ...
M. Marceau : ...mais 19 000... il y a
45 000 emplois au Québec dans le secteur, ça... Est-ce que
ça correspond aux informations que vous avez?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turgeon.
M. Turgeon
(Léopold) : M. le ministre a parlé de 180 000, le commerce de détail et le commerce de gros,
c'est l'ensemble du commerce.
M. Marceau : O.K., O.K.
M. Turgeon
(Léopold) : Je n'ai pas les
chiffres de mai à juin, mais je peux vous dire que l'an passé, malgré
une année très, très difficile, il y avait eu quand même
4 000 créations d'emplois, et il y avait eu une augmentation des
ventes de 3 milliards, malgré ça.
M. Marceau : Est-ce que vous
avez des chiffres là-dessus?
M. Turgeon (Léopold) : Il y a
45 000 établissements au Québec... spécifiquement le commerce de
détail.
M. Marceau : Mais l'évolution
depuis cinq ans, depuis trois ans?
M. Turgeon (Léopold) : Pardon?
M. Marceau : L'évolution du
nombre d'établissements depuis trois ans ou depuis cinq ans?
M. Turgeon (Léopold) : Il est en
décroissance.
M. Marceau : De combien?
M. Turgeon
(Léopold) : De 2008 à 2013,
il s'est fermé 2 860 établissements. On peut penser que, l'an
passé, ce n'est pas loin de
1 000 établissements avec Target, Jacob, etc. Donc, il y a
eu pas mal de fermetures l'an passé, on n'a pas encore les chiffres
exacts. Malgré ça, il y a quand même de la création d'emplois, parce que les
gens se replacent...
M. Marceau : O.K., mais la
consommation augmente, on s'entend.
M. Turgeon
(Léopold) : Voilà.
M. Marceau : C'est ça. C'est simplement qu'on n'a plus les
mêmes vendeurs qu'auparavant, les mêmes... Les consommateurs continuent d'acheter, mais ils achètent différemment, et,
je pense que c'est le message à notre ministre, c'est qu'il faut en
tenir compte pour la suite des choses.
Peut-être un dernier point, est-ce que j'ai le
temps?
Le Président (M. Bernier) :
15 secondes.
M. Marceau : Bon, je voulais juste vous parler... J'ai parlé
des aînés, à plusieurs reprises, qui, dans le fond, alors qu'ils travaillaient, ont eu à payer des impôts relativement élevés sur le revenu puis, maintenant qu'ils sont rendus à l'étape où ils consomment plus puis ils ont moins de
revenus, vont avoir à payer plus de taxes à la consommation. Si vous
avez l'occasion de commenter ça dans une réponse ultérieure, faites-le.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci,
M. le Président. Alors, bienvenue,
Mme Pâquet, M. Turgeon et M. Paradis. Votre mémoire est très intéressant. Tout
de suite, j'aimerais préciser que je
m'inscris en faux contre l'idée du ministre ou la réaction du ministre qui dit : On
augmente de 1 % la TVQ, mais,
par contre, on va baisser les impôts de l'équivalent, donc le monde va avoir plus d'argent pour dépenser plus. Oui,
mais vous ne répondez pas à la question. Ils vont dépenser plus, mais ça
va encourager encore plus le commerce
électronique. Alors, moi, ça ne veut pas dire que ça va encourager le
commerce de détail, parce que, comme M. le
président de l'association l'a dit, je pense que les ménages québécois ont
énormément de difficultés, de plus en plus
de difficultés — le
ménage moyen — à
joindre les deux bouts et sont de plus en plus susceptibles de faire
leurs achats où ça coûte le moins cher.
Et, s'ils ont plus d'argent dans les poches, ça
ne veut pas dire qu'ils ne continueront pas à acheter où c'est le moins cher.
Et le commerce électronique est une forme de marchandise qui est moins chère à
cause de l'élimination des taxes, je pense qu'on s'entend là-dessus. Je trouve
ça...
Vous dites
également que ça va augmenter avec les prochaines années. Les derniers chiffres
qu'on a, c'est 2012, je crois, dans
votre rapport. J'aimerais ça avoir ceux-là de 2015. Quelles sont les pertes des
ventes, pour vous puis pour les Québécois,
là, si on ne fait rien, là, pour le commerce électronique? Vous entrevoyez quoi
d'ici les cinq prochaines années?
• (9 h 40) •
Le Président (M. Bernier) :
M. Turgeon.
M. Turgeon
(Léopold) : Merci. M. le
député, en ce qui concerne les chiffres à jour, le CEFRIO, au mois de
juin, a évalué à 6,5 milliards les
ventes en ligne. Alors, si on exclut l'hôtel, l'avion, les voyages, etc., on
peut penser que le commerce de détail
à lui seul, c'est environ 3,2 milliards, 3,3 milliards en 2014. De ce
nombre, 1,2 milliard est acheté par les Québécois à l'étranger, à l'extérieur du Canada. Ça, on est assez
proches de la vérité, quoiqu'il n'y a pas de... On n'a pas beaucoup de
documentation, mais on est assez proches de 1,2 milliard.
Et ce qu'il
faut surtout savoir, c'est que c'est un secteur qui est en croissance. Pour les
prochaines années, on prévoit des
croissances annuelles qui vont varier entre 15 % et 20 %. C'est là
que ça se passe. Le consommateur est rendu sur sa tablette, il est rendu
sur son téléphone. Et ne leur donnons pas davantage de chances pour aller
essayer à l'extérieur parce qu'à partir du
moment où on essaie à l'extérieur, qu'on a acheté aux États-Unis à quelque
part, la relation s'est établie, c'est difficile de revenir en arrière.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M.
Spénard : O.K.
Considérez-vous que le gouvernement du Québec manque un peu de guts pour
s'attaquer au problème du commerce électronique? Vous venez de dire que le
Brésil l'a fait, il y a une retenue de 6 % sur les cartes de crédit. J'imagine que la taxe de vente au Brésil doit être de
6 %? O.K. Maintenant, il y a d'autres solutions, comme facturer les
achats en ligne à la résidence de l'acheteur. Ça, est-ce que, selon vous, ça
peut se faire?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turgeon.
M. Turgeon
(Léopold) : Un, on ne fait
pas de politique, donc, pour moi, ce n'est pas juste le gouvernement du Québec, c'est l'ensemble des gouvernements du
Canada qui devraient réagir fortement à cette évasion-là. Donc, pour la
première partie de votre question. Rappelez-moi la deuxième parce que j'ai
perdu le fil.
M.
Spénard :
Est-ce qu'on peut envisager de taxer où est livré le produit du commerce
électronique, c'est-à-dire au lieu de
résidence? Si la résidence est en Ontario, c'est taxé selon l'Ontario. Si elle
est au Québec, c'est taxé selon les lois du Québec. Mais à la résidence,
à la réception du produit acheté en ligne?
M. Turgeon
(Léopold) : Les solutions... On l'a vu, M. Marceau le mentionnait tout
à l'heure, il n'y a pas un État qui
fonctionne de la même façon. Les États-Unis fonctionnent d'une façon,
l'Angleterre, la France... Tout le monde fonctionne de façon différente, puis il y a des lacunes partout. On ne
dit pas que la perception via les cartes de crédit, c'est parfait, mais on dit que
c'est celle qui est la plus sensible à intercepter autour de 90 % des
transactions. C'est pour ça qu'on préconise d'aller de l'avant avec la
perception via les cartes de crédit.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Spénard : Le commerce en ligne, est-ce qu'il y a une
différence entre les biens achetés et les services achetés?
M. Turgeon (Léopold) : Si on appelle les services des biens non
tangibles, il n'y a pas vraiment de différence. Netflix est un bel exemple, par exemple. Netflix est une entreprise
américaine qui vend du vidéo, du film ici. Eux passent direct avec le consommateur. Mais le consommateur,
lui, entre-temps, il paie avec sa carte de crédit, donc c'est là qu'on
pourrait... Plutôt que de partir des gros systèmes de recouvrement, et tout,
c'est une façon beaucoup plus simple de passer par les cartes de crédit.
M.
Spénard : ...3,2 à 3 milliards, y a-t-il une différence
entre les biens et les services? Est-ce que c'est séparé?
M. Turgeon
(Léopold) : C'est seulement les produits.
M.
Spénard :
C'est seulement les produits, ça?
M. Turgeon
(Léopold) : Les services, c'est ce qui nous amène à
6,5 milliards.
M.
Spénard :
O.K., avec les services?
M. Turgeon
(Léopold) : Oui.
M.
Spénard : C'est drôle, je suis abonné à Netflix;
j'ignore si je paie de la taxe. Je ne sais pas si je paie de la taxe à Netflix.
Est-ce qu'on paie la taxe...
Des voix :
...
M.
Spénard :
Je ne sais pas si je paie de la taxe, là, il faudrait que je regarde...
M. Turgeon
(Léopold) : Vous avez un formulaire pour le faire.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député, vous êtes sauvé par la cloche.
M.
Spénard :
Sauvé par la cloche? O.K.
Le Président (M.
Bernier) : Merci, M. Turgeon, merci, M. Paradis,
Mme Pâquet, de votre participation à la Commission des finances publiques.
Je
vais suspendre quelques instants afin de permettre à la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à
9 h 45)
(Reprise
à 9 h 49)
Le
Président (M. Bernier) : Donc, nous allons reprendre nos travaux, et nous avons le plaisir, ce
matin, de recevoir la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec. Bienvenue, M. Boyer, M. L'Ériger. Bienvenue à la
Commission des finances publiques. Vous avez 10 minutes pour votre
présentation. Par la suite suivront les échanges avec les parlementaires. La
parole est à vous.
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
(FTQ)
M. Boyer (Daniel) : Merci, M. le Président. Écoutez, bonjour à tous. J'aimerais d'abord
remercier la Commission des finances
publiques de nous recevoir pour
discuter du rapport, rapport Godbout. La FTQ, c'est la plus importante
centrale syndicale au Québec, avec plus de 600 000 travailleurs et
travailleuses qui oeuvrent dans tous les secteurs d'activité économique et dans l'ensemble des régions
québécoises. Le rapport de la Commission d'examen sur la fiscalité
québécoise est colossal et nous tenons à
saluer le travail des commissaires. Vous conviendrez qu'en 10 minutes je
n'aurai pas le temps de faire le tour
de tout ce qui a été écrit dans le rapport, mais j'aimerais quand même prendre
le temps qui m'est alloué pour vous faire part de nos réflexions, nos
interrogations et nos craintes.
• (9 h 50) •
Avant de mettre
en place des réformes, on pense qu'il
faut absolument inclure la question des services
publics. En analysant la fiscalité en vase clos, on perd de vue que la finalité
de tout régime fiscal est de financer des biens et des services pour favoriser le bien-être
collectif. Après des années de compressions et d'austérité, on pense que le
gouvernement doit hausser ses revenus et réinvestir dans les services publics. Malheureusement, ça ne semble pas être ce qui est privilégié. On ne pense pas
qu'il soit souhaitable d'utiliser de futurs surplus pour réduire la dette et
baisser les impôts. Il s'agit d'un choix politique qui manque de vision.
Quand on regarde le rapport dans son ensemble,
nous sommes partagés. D'un côté, il y a des mesures qui améliorent la progressivité du régime fiscal comme le bouclier fiscal,
la hausse du montant personnel de base et l'imposition complète des
gains en capital. De l'autre côté, il y a des éléments qui sont moins
acceptables, voire pas du tout, notamment la réduction du taux d'imposition du revenu des entreprises,
la hausse des taxes à la consommation et un recours accru à la tarification.
On craint surtout que le gouvernement choisisse uniquement les mesures qui font
son affaire.
Pour mettre en place ces mesures, les commissaires proposent un processus
en plusieurs étapes. À court terme, on propose de diminuer l'impôt sur le revenu et
d'augmenter les taxes et les tarifs. À moyen terme, on trouve des
mesures progressistes, mais qui sont plus
difficiles à instaurer, par exemple l'imposition complète des gains en capital. Ce
processus nous inquiète sérieusement. Il y a un risque qu'on laisse de côté plusieurs
mesures intéressantes.
Nous
déplorons également l'attitude de fermeture par rapport à la fiscalité des entreprises. Quand on regarde le dernier budget, le gouvernement semble avoir déjà
pris une décision : baisse d'impôt et révision des aides fiscales.
Selon nous, cette stratégie
pour stimuler les investissements a atteint ses limites. Les entreprises
dorment déjà sur des montagnes de liquidités et elles n'investissent pas. En 2013, on parle, au Canada,
là, de 600 milliards de
liquidités. Au Québec, je pense,
c'est 111 milliards. Nous pensons qu'il faut hausser leur contribution
fiscale et utiliser ces sommes pour relancer l'économie, créer des
emplois de qualité et réinvestir dans les services publics.
Je pense
qu'il est important de revenir sur la révision des modes de taxation parce que
c'est un peu le socle du rapport. Les
commissaires estiment que l'on favoriserait la croissance économique en ayant
davantage recours aux tarifs et aux
taxes plutôt qu'à l'impôt sur le revenu. D'après les simulations, on estime que
le PIB serait haussé à 2 milliards de dollars à la suite des
réformes.
On se pose
beaucoup de questions sur la révision des modes de taxation. Est-ce que ces
prédictions sont fiables? Est-ce que
cette croissance économique va profiter à tout le monde ou à une minorité?
Est-ce que le choix du PIB comme indicateur est adéquat? On pense qu'il
faut être extrêmement prudent par rapport aux résultats de ces simulations.
La FTQ dit
oui à la croissance économique, mais pas à n'importe laquelle. Elle doit entrer
en harmonie avec le progrès social et
le développement durable. Dans les 30 dernières années, il y a eu de la croissance.
Cependant, ce sont surtout les plus
riches qui en ont profité. La part des revenus du 1 % des plus riches a
pratiquement doublé au cours de cette
période. Qu'est-ce que le gouvernement entend faire pour lutter contre la
hausse des inégalités socioéconomiques au Québec? Pourtant, ce ne sont
pas les solutions qui manquent.
Les auteurs
du rapport nous assurent avoir tenu compte de la question de l'égalité entre
les hommes et les femmes. Comment le
gouvernement va-t-il s'assurer que les réformes ne soient pas nocives pour les
femmes? Est-ce qu'une analyse différenciée selon les sexes sera réalisée
afin de mieux guider la prise de décision?
Dans le rapport, on indique aussi que plus de
20 000 emplois seraient créés à terme. C'est une perspective réjouissante, mais il ne s'agit pas d'une
certitude. De plus, le gouvernement doit réaliser que son rôle en matière de
création d'emplois va beaucoup plus loin que la révision des modes de taxation.
À quand un chantier d'électrification des transports? À quand une politique
industrielle structurante pour relancer le secteur manufacturier?
Le rapport fait une place importante à
l'écofiscalité. Bien qu'il s'agisse d'une idée intéressante pour protéger l'environnement, nous voulons une écofiscalité qui
soit progressiste. On ne doit pas se servir de la protection de l'environnement comme d'une justification pour
l'introduction de mesures régressives. Vous savez, le développement
durable, ce n'est pas juste la conciliation de l'économie et de
l'environnement. La dimension sociale fait aussi partie de l'équation.
Dans le
rapport, on ouvre la porte à la tarification de l'eau, ce qui est difficilement
conciliable avec le développement durable,
qui vise à répondre aux besoins essentiels de l'être humain. Nous croyons donc
que le gouvernement doit s'abstenir de toute tarification de l'eau dans
le secteur résidentiel.
L'écofiscalité ne doit pas servir à réduire la
contribution fiscale des entreprises. Le gouvernement doit plutôt
viser à hausser ses revenus, parce qu'il faudra les ressources supplémentaires
pour réduire notre dépendance au pétrole, restructurer l'économie, électrifier les transports. Le
gouvernement doit s'assurer que ceux et celles qui oeuvrent dans des
industries polluantes ne soient pas les
seuls à assumer les coûts de cette transition. Plusieurs communautés auront
également besoin d'être accompagnées
pour diversifier leur économie. Ce n'est pas vrai qu'on va réussir à lutter
contre les changements climatiques sans se donner les moyens de nos
ambitions.
Pour conclure, quelques mots sur la hausse des
tarifs d'électricité. Rappelons au gouvernement que le bloc patrimonial est au
coeur du pacte social qui lie Hydro-Québec à son unique propriétaire, la
population québécoise. Récemment, le tarif
du bloc patrimonial a été indexé pour alimenter le Fonds des générations, et on
a changé en partie sa vocation dans
le dernier projet de loi mammouth, le projet de loi n° 28. Si le
gouvernement souhaite aller de l'avant avec les recommandations du
rapport, il doit organiser de larges consultations sur le sujet.
La commission propose aussi d'instaurer une taxe
à la surconsommation d'électricité. En principe, la FTQ se positionne en faveur d'une tarification
progressive, tant que ça n'entre pas en conflit avec la justice sociale. Nous
émettons certains doutes quant au seuil de
80 kilowatts pour cette surtaxe. Est-ce vraiment le seuil le plus adapté? Nous
sommes loin d'en être certains. Dans les
débats sur la question, on fait souvent référence à un individu qui possède trois
garages et deux piscines chauffées. On pense qu'il faut aller au-delà de cet
argument si on veut mettre en place une structure tarifaire socialement acceptable. Nous demandons au gouvernement
d'analyser plus en profondeur cette question afin que ce ne soit pas les
plus démunis qui fassent les frais de cette réforme. Merci.
Le
Président (M. Bernier) : Merci de votre présentation. M. le
ministre.
M. Leitão :
Très bien.
Le Président (M.
Bernier) : La parole est à vous.
M. Leitão :
Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, messieurs, d'être là, de venir
nous présenter vos réactions au rapport de
la commission Godbout. Vous y étiez, vous avez aussi fait vos représentations
lors de la préparation de ce
rapport-là. Donc, la commission vous a rencontrés, et donc vous avez participé
à l'exercice, et, pour cela, je vous remercie. Votre opinion est
importante.
Si je peux commencer
par votre tout dernier commentaire, que cette réforme, ou changement, qu'on
fasse éventuellement ou pas, ne se fasse pas au détriment des plus démunis,
bon, justement, c'est une considération que la commission a tenu à... C'est quelque chose que la commission a tenu en
considération — pardon,
c'est la fin de la semaine, voilà — et il y a des moyens, il y a des outils pour
minimiser cet impact-là, particulièrement la bonification du CIS, ou
crédit d'impôt solidarité, qui est
d'ailleurs un outil québécois qui est très utile. Et donc avec cette
bonification-là ainsi que de rendre
l'impôt sur le revenu, après diminution, mais plus progressif, puisqu'on
augmente les paliers, donc je pense que la réforme ne se ferait pas, si
on va de l'avant, au détriment des plus démunis.
Mais
je vais au coeur de la question, parce que je pense que c'est de cela qu'il
s'agit. Donc, ce que la commission propose,
et ce que moi, personnellement, je trouve très intéressant, c'est un redosage
de notre régime fiscal, donc, une baisse de l'impôt sur le revenu compensée par une hausse de certains taxes et
tarifs, taxes à la consommation et tarifs, etc. À mon avis, ce
redosage-là est souhaitable et contribuera, à terme, à améliorer la performance
économique du Québec.
Si
j'ai bien compris, vous, au-delà, des détails de ci et de ça, mais, en
principe, ce redosage-là, vous ne considérez pas que ce soit utile pour
le Québec? C'est ça?
Le Président (M.
Bernier) : M. Boyer.
• (10 heures) •
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, je pense qu'on a déjà eu l'occasion de vous le dire, M.
Leitão, on pense que la meilleure
façon que l'État puisse avoir des revenus, c'est par un impôt progressif. Et là
on fait l'inverse : on diminue les impôts, donc, on va avoir des
mesures régressives, qui est l'augmentation des taxes et des tarifs, et on va
compenser par une autre mesure, qui est le
crédit à la solidarité, ou bouclier fiscal, ou peu importe, là. Par d'autres
mesures, on va compenser cet
inconvénient-là. On se dit que la mesure la plus simple, ça serait que les
impôts soient progressifs, puis, vous
savez, quand on instaure des mesures, elles ne sont jamais parfaites, les
mesures de compensation. Oui, peut-être que les plus démunis sont un peu protégés, mais il y a tout le temps une strate où ça aura un impact plus
significatif. Je vous donne un
exemple. Le crédit solidarité, bon, il est moindre pour ceux qui sont moins
démunis. Est-ce qu'ils vont avoir un crédit suffisant pour faire face à l'augmentation des taxes et
des tarifs? Est-ce que la classe moyenne, ceux qui n'ont pas droit, qui n'ont juste pas droit à ce crédit de
solidarité là et qui vont subir l'augmentation des taxes et des tarifs vont avoir les moyens de subir ces augmentations-là? Je vous
avoue que c'est un grand questionnement. Pourtant, quelqu'un qui est en
bas de la classe moyenne, qui n'a pas droit
au crédit de solidarité, va avoir la même augmentation de taxes et
tarifs que les mieux nantis de notre
société. Nous, on pense que ça devrait être un impôt progressif puis que les
mieux nantis paient davantage que les moins nantis, puis ça, on a toujours
préconisé ça. Puis ce qu'on veut dans un régime fiscal, c'est plus de justice, puis d'équitabilité, plus de
partage du revenu, et il me semble qu'on nage à contre-courant quand on
fait ça, il me semble qu'on nage à contre-courant.
M. Leitão :
Très bien. Je vous entends, c'est votre opinion. La mienne est différente, mais
je pense qu'on ne serait pas d'accord
là-dessus. Cependant, une chose qui est claire aussi, c'est que cet
exercice-là de redosage, s'il se fait, ce n'est pas un exercice d'augmentation des revenus de l'État. Donc, là, oui, là,
nous sommes d'accord tous les deux. Vous pensez que c'est nécessaire d'augmenter les revenus. Si ça se faisait, ce
serait d'une autre façon. Le travail de la commission, ce n'est pas...
ou les propositions de la commission ne sont des propositions de hausse ou de
baisse des revenus de l'État. C'est neutre à ce chapitre-là. C'est juste un
redosage. Voilà.
Est-ce que les
collègues, vous avez des questions?
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Pontiac.
M.
Fortin (Pontiac) : Merci. Merci, M. le Président. Merci, messieurs,
d'être avec nous aujourd'hui et de nous faire part de vos pensées et
également de vos préoccupations par rapport au rapport de M. Godbout.
À la toute fin de
votre présentation, vous avez touché aux tarifs d'Hydro-Québec. Vous avez dit
que cette tarification-là était au coeur du pacte social au Québec, entre
autres. Hier, hier, il y avait des gens d'Équiterre qui étaient ici, il y avait d'autres groupes également, et la question leur
a été posée à un certain point : Est-ce que la tarification d'Hydro-Québec, le changement de la tarification
tel que proposé par le rapport de M. Godbout, serait si détrimental aux
gens, aux gens les plus démunis? Parce que souvent c'est à eux qu'on pense
quand on pense à l'augmentation des tarifs d'Hydro-Québec, des gens qui doivent
évidemment faire appel à l'électricité pour chauffer leur maison ou leur appartement, etc. Il nous a été dit hier que ce
n'était pas nécessairement le cas, que ça n'aurait pas nécessairement un
impact négatif de la façon que c'était proposé par M. Godbout. J'aimerais vous
entendre là-dessus.
Le Président (M. Bernier) :
M. Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, premièrement, on n'a pas toujours les mêmes
idées, nous et, écoutez, Équiterre, vous m'avez dit, qui était là, là?
Premièrement, on a un sérieux doute sur le seuil
de 80 kilowatts. On a ce sérieux doute, là.
Deuxièmement, on a toujours jugé que
l'électricité, c'est un service essentiel. C'est pour ça que d'ailleurs on s'oppose à la privatisation d'Hydro-Québec puis on
va s'y opposer ad vitam aeternam. Donc, on juge que l'électricité, c'est un service essentiel et qu'il doit à la
limite, à la limite, être financé par le fonds général, puisqu'on doit fournir
de l'électricité à tout le monde, puis effectivement, là, je ne sais pas les
calculs qu'a faits Équiterre, mais effectivement on a de sérieux doutes sur l'impact qu'aura l'augmentation des tarifs
d'électricité sur les familles les plus démunies qui vivent dans des logements moins bien isolés. Bon,
on peut toujours dire : Ils vont se trouver un logement mieux
isolé, là, mais déménager, ça coûte des sous
aussi. Ils sont captifs de ces tarifs d'électricité là et on a de grandes
inquiétudes sur le fait qu'ils soient en mesure d'assumer ces
augmentations de tarifs là.
En même
temps, bien, écoutez, c'est toujours le même impact, là. On va augmenter les
tarifs : ça a peu d'impacts sur les mieux nantis, mais ça a
beaucoup d'impacts sur ceux qui ont moins de sous, les moins nantis et également
la classe moyenne, la classe moyenne qu'on représente généralement à la FTQ.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député.
M. Fortin (Pontiac) : Oui. Merci. Je
vais revenir sur les paliers d'imposition, rapidement, qui sont proposés par M.
Godbout. Je sais que par le passé vous, vous avez proposé d'avoir des paliers
d'imposition pour les classes supérieures
plus élevés. Il y a beaucoup de gens qui se sont prononcés par rapport à la
réforme de M. Godbout en disant que
d'avoir des paliers inférieurs au palier de 16 % actuel, des paliers de
13 %, 14 %, que ce soit l'Ordre des comptables professionnels
qui était ici hier... Encore là, vous allez me dire que vous n'avez pas
toujours les mêmes opinions que différents
groupes, c'est vrai. Il y a des économistes aussi, on entendait Pierre-Yves
McSween, ce matin, qui disait que, justement,
cette réforme-là était plus progressiste à cause, entre autres, des paliers
d'imposition. Vous, vous avez l'approche inverse, soit d'avoir des
paliers plus importants pour les mieux nantis.
Est-ce qu'il
y a un seuil, par exemple, pour les mieux nantis, où on ne peut pas
nécessairement dépasser... Est-ce qu'il y a un seuil... On parlait hier
d'un seuil psychologique, rendu à 50 %, est-ce que ça vous dit quelque
chose, ça?
Le Président (M. Bernier) :
M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez,
vous l'avez, à notre revendication numéro 11. Écoutez, concernant l'instauration de paliers — je pense qu'il y a neuf paliers, là, dans le
rapport de la commission Godbout — on accueille ça favorablement, là, parce que ça diminue l'impôt
pour les moins nantis. On accueille ça très favorablement, mais on
aurait aimé que la commission aille
davantage plus loin en ayant des paliers qui sont supérieurs aux revenus de
150 000 $, là. C'est parce
que, je pense, ça arrête à 150 000 $, le rapport de la commission.
Donc, on aurait voulu des paliers... Puis la recommandation n° 11,
c'est : la FTQ recommande d'abolir le palier actuel d'imposition maximale
de 25,75 % et de le remplacer par deux
paliers, soit un taux de 28 % à partir de revenus imposables de
130 000 $ et de 31 % pour les revenus de
250 000 $ et plus. C'est ce qu'on demande.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Portneuf.
M. Boyer
(Daniel) : Et ça, c'est de
vieilles revendications, là. Ce n'est pas... On avait ces revendications-là
avant même que la commission Godbout se penche sur la fiscalité, là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Portneuf.
M.
Matte : Merci, M. le Président. Bon matin à vous, ce matin. Alors,
dans votre mémoire, vous avez proposé que le gain en capital soit imposé
au même titre que tous les autres revenus. Est-ce que, aussi, vous croyez que
la résidence familiale, lorsqu'elle est vendue, doit être imposée à 100 %?
Et je trouve
aussi que plusieurs de vos membres ont déjà procédé à l'achat de petits duplex,
complexes, là... qu'ils peuvent le
vendre. Et, en plus, ceux qui sont actionnaires du Fonds de solidarité FTQ, si
la tendance se maintient, ils ont de fortes tendances d'avoir un gain en
capital. Comment concilier, là, ces différentes propositions là?
Le Président (M. Bernier) :
M. L'Ériger.
M. L'Ériger (Colin) : Pour la
question des résidences principales, le rapport Godbout propose, je pense, une
exonération à partir d'un million, donc le premier million ne serait pas
imposé. Déjà, ça, c'est une solution qui est quand
même acceptable, parce que des fois la maison sert de capital
d'épargne-retraite. Donc, ça, c'est quand même un point à considérer. Puis, par rapport à ça, on ne
s'est pas vraiment positionnés pour l'achat des maisons, mais c'est une
mesure qui devrait être examinée, en effet. Puis l'autre partie de votre
question, c'était?
M.
Matte : Bien, c'est un tout, dans le sens qu'à la page 30 de votre
mémoire vous ne faites pas cette nuance-là. Vous dites que tout ce qui est gains en capital devrait être imposé à
100 %, comme les autres. Alors, comment inciter... parce que, quand
on fait un investissement, il y a toujours un risque, et vous ne tenez pas
compte, là, du pourcentage de risque que l'investisseur prend. C'est là. Et, quand je vous
dis : Comment concilier que, si on achète des actions dans le Fonds de solidarité, qui a une tendance, si la
tendance se maintient, d'avoir un gain en capital... Vous recommandez
qu'on puisse maintenir le même crédit d'impôt, O.K., à l'investissement, mais
vous dites : Il va être imposé à 100 %. La tendance et la logique devraient être que, si vous soutenez d'avoir un
crédit d'impôt puis d'investissement parce qu'il y a un risque, pourquoi
qu'elle ne se tient pas aussi quand vient le temps de revendre les actions?
Le Président (M. Bernier) : M.
L'Ériger.
M.
L'Ériger (Colin) : Bien,
pour l'imposition des gains en capital, si je me souviens bien, dans le
document des dépenses fiscales, la
justification, bien, du fait que l'imposition ne soit pas complète, c'était
pour tenir compte en partie de l'inflation, si je ne m'abuse, là. Donc,
la question du risque n'est pas vraiment une justification qui est contenue
dans Dépenses fiscales, donc je ne comprends pas trop votre question, mais,
bien... C'est ça.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député.
M.
Matte : Oui, c'est dans le sens que... Pourquoi vous sollicitez une
exonération d'imposition quand on achète des actions dans le fonds FTQ, O.K.? Donc, vous demandez qu'il y ait un
crédit d'impôt. Le motif qui était là, c'est parce qu'il y avait aussi... d'avoir un intérêt et aussi
il y a un risque. Alors, s'il y a un risque, pourquoi que, quand je viens
de le vendre, mon gain en capital, je n'en tiendrais pas compte?
Le Président (M. Bernier) :
M. L'Ériger. M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez,
je peux peut-être répondre. Écoutez...
Le Président (M. Bernier) :
Un des deux.
• (10 h 10) •
M. Boyer
(Daniel) : Bien, il faudrait
aller plus loin sur le crédit d'impôt du Fonds de solidarité,
effectivement. Il y a un crédit d'impôt pour attirer l'épargne-retraite des
particuliers, mais, aussi, ce crédit d'impôt là... Le Fonds de solidarité, il a quatre missions, quand même, là.
Le crédit d'impôt, il est aussi octroyé parce que le Fonds de solidarité
ne fait pas n'importe quoi avec cet
argent-là. Ce n'est pas un gain en capital comme on pourrait l'avoir dans une
autre institution financière qui n'a
aucune obligation d'investissement au Québec. Donc, le Fonds de solidarité, on le sait, a une
obligation de création puis de maintien
d'emplois au Québec, de stimuler l'économie, et à cet effet-là il y a
60 % de l'actif du fonds
qui doit être investi en capital de risque. Donc, il y a ça, là, les
institutions financières n'ont pas ces obligations-là.
Le
Président (M. Bernier) : On aura l'occasion, M. le député de
Portneuf, de revenir. Le Fonds de solidarité va participer à la
commission le... Jeudi prochain, à 10 heures, on va les entendre ici.
M. Boyer (Daniel) : Effectivement.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Sainte-Rose.
M.
Habel : Oui. Merci, M. le Président. À mon tour de saluer les invités qui sont avec
nous. Dans la prémisse de votre
mémoire, vous affirmez qu'il ne faudrait pas hausser la TVQ, mais il faudrait hausser
les impôts en passant d'un palier de
25 % à un palier de 28 %,
puis même un palier de 31 %, alors que l'esprit même du rapport Godbout,
lui, c'est une stabilisation,
c'est-à-dire qu'en augmentant la TVQ on diminue les impôts pour donner plus de
pouvoir d'achat à tous les Québécois.
Puis je me pose une question, parce que, si on augmente le seuil de la
pauvreté... c'est-à-dire le palier d'imposition
de 14 231 $ à 18 000 $, si on maintient un certain
crédit d'impôt à la solidarité, si on augmente l'aspect du multipaliers, si on augmente les taxes sur les
véhicules de luxe et, en plus, on incite les travailleurs à travailler
davantage et que ce soit plus payant pour eux, ne trouvez-vous pas qu'on a un
certain filet social de maintenu à coût nul?
Le Président (M. Bernier) :
M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Écoutez, c'est
ce qu'on ne sait pas, c'est ce qu'on ne sait pas. Est-ce qu'on introduit des mesures qui sont plus régressives? Et est-ce qu'on a les mécanismes de compensation qui sont adéquats pour pallier
à ces mesures plus régressives là? C'est le grand questionnement qu'on a. Et,
comme je vous le dis, le crédit de solidarité, au moment où on se parle, répond en quelque sorte en grande
partie, là, peut-être à ce que subissent les plus démunis de notre société.
Mais, quand on arrive dans le bas de la classe moyenne, ceux qui n'ont plus
droit au crédit de solidarité, puis qui
n'ont pas des revenus faramineux, puis qui appartiennent à la classe moyenne,
bien là il y a des impacts, et là on dit : Oui, on va payer moins d'impôts, donc le plus
riche va payer moins d'impôts, mais va payer plus de taxes. Mais lui a
les moyens de payer plus de taxes à la
consommation, alors que celui de la classe moyenne qui n'a pas de crédit de
solidarité, qui a juste un revenu au-dessus
du seuil pour avoir droit au crédit de solidarité va payer les taxes et les
tarifs au même titre que les mieux nantis de la société.
Le Président (M. Bernier) :
...Sainte-Rose.
M.
Habel : Mais vous savez que,
par exemple au niveau de l'alimentation, au niveau des
loyers, il n'y a pas de taxes, là, donc les besoins de
base, là...
M. Boyer (Daniel) : Oui, oui. Les
loyers, oui, oui, les loyers.
M. Habel : Est-ce que j'ai encore un
peu de temps?
Le Président (M. Bernier) :
Une minute.
M.
Habel : Une minute. Est-ce que
vous êtes d'accord avec juste la prémisse, là, sur les impacts
économiques que la majorité des experts ont
avancée, c'est-à-dire qu'un dollar additionnel a un impact plus négatif
lorsque c'est un impôt sur le revenu des particuliers, c'est-à-dire un
impact de 0,72 $, par rapport à la TVQ, qui est de 0,43 $, ou la tarification, qui est à 0,41 $? L'ordre des
comptables, Luc Godbout, la majorité des économistes affirment ça. Est-ce
que vous êtes d'accord avec cette prémisse-là?
Le Président (M. Bernier) :
M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez,
je pense qu'on ne peut pas contester, je pense qu'il y a de nombreux économistes qui sont d'accord avec cette
prémisse-là. Maintenant, oui, effectivement, ça augmente le PIB, puis ça
augmente le niveau de vie. Mais est-ce
que c'est nécessairement
synonyme d'amélioration du bien-être puis de la qualité de vie des gens? Ça,
c'est une autre question. Ça, c'est une autre question. Donc, les indicateurs
qu'on se donne... Derrière les indicateurs
qu'on se donne, il y a des êtres humains, des travailleurs puis des communautés, et ça, il faut s'interroger sur l'impact que ça aura sur eux. On peut bien
dire : On va augmenter, on va doubler le PIB demain matin, mais, si on
crée plus de pauvres, plus de gens qui
vivent dans la pauvreté, plus d'inégalités sociales, on n'est pas plus avancés,
là. Nous, ce n'est pas le genre de société qu'on revendique, on veut
moins d'inégalités sociales.
M. Habel : Même chose pour nous.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Alors, M. Boyer, M. L'Ériger, bonjour. Merci de
votre mémoire puis merci de votre présentation. Moi, je vais quand même répondre un
petit peu à ce que vient de dire le député de
Sainte-Rose, parce
que les résultats sur lesquels s'appuie la commission Godbout, ce sont
des résultats qui sont, si vous voulez, l'espèce de
consensus traditionnel de la
théorie... de la science économique, mais qui... Ce consensus-là est fortement
ébranlé par ce qui s'est passé récemment dans le secteur de la consommation. Juste avant votre arrivée, on a eu
le Conseil québécois du commerce de détail, qui disait à quel point il avait eu des difficultés
puis à quel point il y avait une concurrence qui était observable, là, de
la part des gens qui sont dans le commerce électronique. Et puis, juste
pour... Parce que c'est dans votre mémoire, vous mettez en cause... En tout cas, vous avez des doutes sur le modèle d'équilibre
général calculable du ministère des
Finances. Puis je veux juste être au clair, moi... Cet outil-là, ce
n'est pas un outil qui est mauvais en tant que tel, sauf qu'il est adéquat
pour certaines choses puis il l'est moins
pour d'autres. Et puis surtout je
crois que, malheureusement, il n'a pas été mis à jour pour tenir compte du commerce
électronique, du secteur informel, des transactions transfrontalières et puis
que donc il y a des... On n'a pas les intervalles de confiance,
là. On a des chiffres, mais on ne sait pas... Mettons que vous avez 0,7 puis 0,5, il
y a un intervalle de confiance autour
de ça, là. Le 0,5, ça peut être... il
y a un intervalle de confiance
autour de ça. Le 0,7, il y a
un intervalle de confiance autour de ça. Et il se peut très bien
que ça se recoupe puis que ça ait bougé aussi, avec ce qui s'est passé récemment.
Enfin, bref,
j'ai les mêmes doutes que vous, mais je vais vous laisser en parler quand même.
Je vais vous laisser nous dire pourquoi, vous, vous avez des doutes.
Le Président (M. Bernier) :
M. Boyer. M. L'Ériger.
M.
L'Ériger (Colin) : Le
modèle, ce qu'il mesure... Il faut premièrement
se poser la question : Qu'est-ce que le modèle mesure? Puis il mesure une augmentation du PIB. Donc, déjà, le
PIB, c'est un indicateur qui, oui, nous dit des choses, mais qui ne dit pas... qui ne donne pas un portrait global. On
ne peut pas asseoir une politique fiscale uniquement sur un seul indicateur, ce serait un petit peu
problématique. Puis il y a beaucoup de travaux à l'international qui se
penchent sur ces questions-là puis qui essaient de développer des nouveaux
indicateurs pour tenir compte des questions de développement durable puis d'accroissement des inégalités sociales.
Donc, déjà, ça, c'est un problème, et je pense que vous l'avez souligné également, c'est la question
d'intervalle de confiance. C'est : Oui, on a un modèle, mais est-ce
que c'est une certitude absolue que, quand
on diminue de 1 $ les taxes à la consommation, bien, ça fait tel impact
sur le PIB? Parce que 0,43, ça me
semble très précis. Donc, si on avait eu, par exemple, un intervalle, ça aurait
peut-être été une meilleure idée pour
juger de la mesure. Déjà, on aurait eu une meilleure idée. Puis, dans d'autres
rapports, il y a d'autres études là-dessus, d'autres simulations qui
montrent que ça peut varier, les résultats.
Donc, ça, c'est les questions qu'on avait, puis
on doute un peu de ces résultats pour ces raisons-là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M. Marceau : Merci.
Autre élément que vous avez mis en évidence puis que je partage avec vous,
c'est l'idée, puis je pense que ça a
été assez démontré depuis plusieurs années maintenant, que de combattre les
inégalités, ça peut aussi contribuer à la croissance économique.
Puis,
encore récemment, il y avait, j'en parlais hier, un rapport de l'OCDE qui a été
publié au mois de mai puis qui
s'appuie sur 30 ans de données de pays de l'OCDE, là — on ne parle pas de pays en voie de
développement, on parle de 30 pays de
l'OCDE, donc des pays riches — 30 ans et puis ils se sont rendu compte que,
avec les données, là, en mai 2015, les pays dans lesquels... quand on
diminuait les inégalités, ça contribuait à la croissance économique.
Alors,
peut-être vous laisser commenter, parce que, quant à moi, le choix qui a été
fait à l'origine par la commission, qui se voulait, je pense... Ce n'était pas
malicieux, là. La commission avait des bonnes intentions quand elle a fait le
choix de vouloir séparer les
questions d'équité puis les questions de croissance. Mais, moi, il me semble
qu'on aurait pu penser que s'attaquer aux
inégalités, c'était aussi à l'avantage de la croissance économique. En tout
cas, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Vous en parlez dans votre
mémoire.
Le Président (M. Bernier) :
M. Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, on est d'accord avec ça, bien évidemment.
Vous savez, dans les pays en développement,
là, ce n'est pas le manque de richesses qui fait problème, c'est la répartition
de ces richesses-là. Et au Québec
comme... Au Québec, au Canada comme ailleurs dans les pays développés dans le
monde, on constate un écart de plus
en plus grand entre les plus riches et les plus pauvres. Puis, à notre avis, ce
n'est pas ça qui stimule l'économie, ce n'est pas ça qui stimule
l'économie du tout. Donc, on doit y voir. On doit y voir.
Puis,
quand on dit qu'on veut un impôt progressif puis qu'on a de la misère à croire
que l'augmentation des taxes et des
tarifs vont solutionner une partie de la problématique, bien, c'est ça qui nous
inquiète. C'est qu'on pense qu'on va affecter davantage les plus démunis
de notre société. Et là on va encore accroître les inégalités.
On
cite souvent les pays scandinaves, là. Je veux dire, ils ont un haut taux de
taxation, mais ils ont aussi des impôts importants qu'ils paient. Premièrement, ce n'est plus les «magic
kingdoms» qu'on connaissait, ces pays-là, là, mais, en même temps, c'est
les pays qui ont les moins grands écarts entre les plus riches et les plus
pauvres. C'est les pays les plus égalitaires de la planète.
Donc,
si on veut s'en inspirer, il faudrait aussi s'en inspirer jusqu'au bout puis
avoir les programmes sociaux qui font
en sorte que les plus démunis de notre société ne soient plus les plus démunis
puis que la classe moyenne se rapproche des mieux nantis de notre
société.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Rousseau.
• (10 h 20) •
M.
Marceau : Tout à fait. Puis vous parliez aussi avec raison, je
pense, du bas de la classe moyenne, là, celle qui n'a pas accès aux crédits d'impôt, qui ne paie pas
ou peu d'impôt, puis qui donc ne va pas bénéficier des baisses d'impôt qui sont proposées, puis qui va par ailleurs, bon,
devoir payer plus de taxes à la consommation. Moi, en tout cas, ça me semble clair, là. Puis les tableaux,
malheureusement, de la commission ne permettent pas d'avoir une vision de
l'ensemble de la réforme qui est proposée puis encore moins de celle qui
pourrait être proposée par le gouvernement, puisque le gouvernement va faire
quelque chose de différent de ce qu'il y a dans le rapport, là. Ça, c'est
acquis.
Puis un autre élément, je pense,
qui n'a pas été dit, je pense, puis j'aimerais ça peut-être
vous entendre là-dessus, c'est que les gens qui gagnent plus que 150 000 $, eux, ils vont bénéficier d'une
baisse d'impôt parce que, pour tous les dollars en dessous de 150 000 $, ils vont payer moins d'impôt.
Puis, par ailleurs, la consommation dans leurs revenus, ça représente
une part beaucoup plus faible que pour quelqu'un, mettons, qui gagne
40 000 $. Donc, c'est clair que la réforme proposée n'est pas
progressive, en tout cas, pour ces gens-là, en tout cas.
J'aimerais
vous entendre là-dessus parce que moi, je pense que c'est important de
clarifier ces concepts-là. Vous dites,
les démunis, c'est vrai, mais la progressivité de la réforme, c'est autre
chose, puis je pense que c'est des bons points.
Le Président (M.
Bernier) : M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien, effectivement, l'impact sur les mieux nantis de notre société,
c'est un impact positif pour les
mieux nantis de notre société, ils ont une baisse au niveau
de leurs impôts, et l'augmentation des taxes et tarifs a peu d'impacts sur
eux, là, je veux dire. Ici, dans cette salle, il n'y a pas beaucoup de monde
qui ont de la misère avec l'augmentation des taxes et tarifs. Moi, parmi mes
membres, il y a beaucoup de gens qui vont avoir de la misère avec l'augmentation des taxes et des tarifs. Je
pense que, oui, je pense,
ça va faire... on pense que ça va favoriser les mieux nantis de la société, puis ça va
encore augmenter les inégalités. Puis, oui, effectivement, il y a
certaines mesures proposées... Là, ce
sera à vérifier si elles sont adéquates pour pallier les mesures agressives qui
vont être imposées. Mais, oui, il y
a des mécanismes de compensation, mais est-ce qu'ils sont totalement adéquats?
On
pense qu'ils sont peut-être suffisamment adéquats pour les moins nantis de notre société,
mais ils ne le sont assurément pas pour ceux qui n'auront pas le droit à
ces mesures de compensation là puis qui sont situés justement dans le bas de la classe moyenne. Puis, bon, ceux
qui gagnent 40 000 $,
50 000 $, 60 000 $, 70 000 $, bien, qui ont
des revenus familiaux à 70 000 $ par année, ils n'en gagnent pas
300 000 $ puis 400 000 $, mais eux, ils n'auront pas de
mécanisme de compensation, mais ils vont subir les augmentations de taxes et
tarifs comme ceux qui ont des revenus familiaux de 300 000 $ puis de
400 000 $
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M. Marceau :
Peut-être une dernière question. En tout cas, je n'ai pas vu dans votre mémoire — peut-être
que ça y est, je ne m'en suis pas rendu
compte — votre
opinion sur... Parce que, bon, tant qu'à parler de réforme fiscale,
voyons quelles sont les possibilités, là. Les taxes sur les vices, tabac,
alcool, bon, et autres vices, je ne détaillerai pas, c'est quoi, la position de
la FTQ là-dessus?
Une voix : Sur les vices?
M. Marceau : Non, sur les
taxes, sur les taxes.
Le Président (M. Bernier) :
Non, monsieur, il parle de quincaillerie. Allez-y, M. Boyer.
M. Marceau : Oh là là! M. le
Président.
M. Boyer (Daniel) : Mon collègue dit
que ça va faire mal aux quincailleries, une taxe sur les vis.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Marceau : Bien, c'est
quoi, votre opinion? Est-ce que vous trouvez qu'il y a de l'espace de ce côté-là?
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez,
on est relativement favorables à ces augmentations de taxes là,
mais, écoutez, il faudrait aussi
avoir des mesures qui permettent aux gens d'arrêter de fumer, d'arrêter de
boire, puis tout ça. Il faudrait favoriser
ces mesures-là aussi parce que, je veux dire, oui, il y a des plus démunis de
notre société qui boivent et qui fument, qui ont certains problèmes, problèmes personnels aussi. Il faudrait
peut-être les aider à sortir de ces problématiques-là.
M. Marceau :
Pour ce genre de taxe spécifique là, vous êtes moins... Vous trouvez ça moins
problématique puis vous trouvez qu'il y a une certaine justification, si
on fait attention.
M. Boyer (Daniel) : Écoutez, oui, je
veux bien, puis je vais répéter ce que j'ai dit tantôt quand on parle de l'électricité qui est un service essentiel. Tout
ce qui est service essentiel, là, on a une certaine allergie à ce qu'on
augmente les taxes et les tarifs de ces
services essentiels là. Ce qui n'est
pas un service essentiel, c'est une autre affaire, mais, tu sais, il y a
plusieurs affaires qui sont des services essentiels dans les taxes et tarifs à
la consommation, je veux dire, les plus
démunis ont besoin d'un frigo aussi autant que les mieux nantis. Si mon frigo
est kaput, il faut que je le change, mais moi, je vais payer des taxes,
des taxes sur ce frigo-là. Si j'augmente les taxes, est-ce que je vais avoir
les moyens de changer mon réfrigérateur?
Le
Président (M. Bernier) :
Merci. M. le... Beauce-Nord. M. le député de Granby. Allez-y, M. le député de
Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. Bon matin, messieurs. La première revendication que
vous avez dans votre document, qui se lit comme suit : «La FTQ
demande au gouvernement de cesser ses politiques d'austérité, de hausser les revenus de l'État et de ne pas
utiliser de futurs surplus budgétaires pour réduire les impôts et la dette», je
pense, démontre les grandes difficultés
qu'auront les syndicats et le gouvernement à s'entendre dans les prochains mois
puis les prochaines années.
Le visage économique du Québec a énormément
changé. Vous n'êtes pas sans savoir que, de 2003 à 2013, la croissance des dépenses a été près de 5 %; ça
a été un bar ouvert ou presque. Vous n'êtes pas sans savoir qu'en 2010
on ne balançait pas le budget. M. Bachand a
décidé de hausser les revenus de façon très, très, très forte. C'étaient les
deux points de TVQ, c'était la
fameuse contribution santé, c'était l'indexation des tarifs, les fameuses taxes
sur le vice. C'était 16 milliards
d'argent additionnel qu'on voulait aller chercher dans les poches des
contribuables pour essayer d'équilibrer le budget, puis on ne l'a pas
fait, puis on ne l'a pas fait.
Alors là,
vous, vous dites, première question fort simple : «Cesser ses politiques
d'austérité», ça veut dire cesser de réduire
ses dépenses puis, de l'autre côté, vous dites : «Hausser les revenus de
l'État». Comment on essaie de hausser les revenus de l'État, encore une
fois, différemment de ce que les libéraux ont fait en 2010? Bien, on a un
rapport qui est devant nous qui... Ma foi, si on devait le mettre en place,
c'est dans son entièreté, ce qui risque d'être extrêmement difficile, parce que c'est un changement
de culture fiscale jamais vu ou
presque au Québec. Vous avez vos positions, j'ai les miennes, le gouvernement a les siennes. Mais, vous n'êtes pas sans
le savoir non plus, le grand choc qu'on a devant nous, messieurs, c'est
le choc démographique, choc démographique qui nous frappe présentement. Vous
n'êtes pas sans savoir que, voilà 40 ans, il y avait neuf travailleurs
pour un retraité pour payer l'assiette fiscale qui était la nôtre. Demain, en 2016, il y aura trois travailleurs pour
un retraité. Et, dans 15 ans, il y en aura deux pour un. Alors,
imaginez la pression fiscale de vos
travailleurs. Ceux qui nous écoutent, les enfants qui vont arriver sur le
marché du travail... Et, si on continue
comme c'est présentement, bien ça risque d'être un mur. Alors, je comprends vos
interrogations, vous dites : Bien,
il faut cesser ça, mais on est face à une situation qui est intenable. Et ce
choc, la deuxième nation au monde, le Québec, la plus vieillissante
après le Japon, moi, je vous dis qu'il faut prendre ça au sérieux. Il faut
prendre ça au sérieux.
Et les
politiques qu'on essaie... que le gouvernement essaie de mettre en place, ce
n'est pas nécessairement celles que
j'accepte. Mais je pense que ce rapport mérite d'être bien étudié, bien étudié
pour être capable d'en arriver à avoir une vitalité économique qui va,
oui, comme vous le souhaitez, amener des jobs qui vont être plus payantes,
avoir des impôts des sociétés qui vont amener du boulot
pour le Québec, un revenu disponible moyen... Je pense que vous êtes persuadés
que le revenu disponible, on veut l'augmenter, on ne veut plus être neuvième
sur 10 dans les provinces au Canada. On veut
que l'investissement privé... Vous en avez parlé tantôt, on ne veut pas juste
que nos sociétés soient frileuses et gardent dans la banque le cash-flow
qu'elles ont; qu'elles soient prêtes à dépenser pour soutenir l'emploi.
Donc,
première question, fort simple : On ne touche pas aux dépenses, mais on
hausse les revenus. Puis, dans un autre
point, vous dites : Le bloc patrimonial, il faudrait en discuter. Je pense
que tout ça, tout ça, c'est un arrimage qui est extrêmement, extrêmement
difficile à mettre en application, mais on n'a pas le choix, on n'a pas le
choix. Puis vous entendre avec... vous
entendre avec... Puis tout est là. Dans votre première revendication, là, c'est
le Québec même qui est en jeu dans
cette première revendication, puis c'est ce Québec qui est en jeu dans vos
négociations avec le gouvernement.
Le Président (M. Bernier) :
M. Boyer, commentaires?
M. Boyer (Daniel) : Je ne pensais
pas qu'on parlait des négociations, mais...
M.
Bonnardel : Non,
mais, mais je veux dire... Vous comprenez où je m'en vais, là, tu sais,
c'est...
M. Boyer
(Daniel) : Oui, oui, oui.
Mais, écoutez, ce que je peux vous dire, c'est que — puis c'est vrai, je pense, pour l'ensemble des organisations syndicales au
Québec — on n'a
rien contre le retour à l'équilibre budgétaire, au contraire, il faut qu'il se fasse. De la façon dont il se
fait, c'est ça qu'on conteste. À la vitesse grand V dont il se fait, c'est ça
qu'on conteste. Et, je veux dire, on n'est
pas les seuls, là. Le FMI, l'OCDE, qui prônaient des mesures d'austérité dans
les pays qui étaient en crise
financière, là, disaient justement qu'il fallait avoir... mettre en place des
mesures d'austérité. Là, woups! tout d'un
coup, ce n'est pas le cas. Surtout dans les pays développés, ce que viennent
dire le FMI et l'OCDE, c'est : N'allez pas couper, il faut
réinvestir. Il faut réinvestir, donc il ne faut pas couper.
Puis nous, on
pense... Puis, si vous prenez, là, le point 5, «les éléments essentiels
d'une réforme fiscale», il y a un paquet de solutions qu'on propose qui
ne touchent pas aux plus démunis de notre société. Puis, quand on dit que les entreprises devraient faire leur juste part, nous,
on est d'accord d'aider les entreprises, mais, en réduisant les taxes et
impôts des entreprises comme on le fait au
moment où se parle, c'est une passe gratuite qu'on leur donne, on n'exige rien
de ces entreprises-là en retour. C'est comme si c'était l'opération du
Saint-Esprit : Je vais réduire vos taxes et vos impôts, et vous allez réinvestir dans l'économie, vous allez
créer des jobs. Ce n'est pas ça qui s'est fait dans les dernières
années. Elles accumulent des liquidités, les
entreprises, elles n'investissent pas. Donc, si on veut, il faudrait les
obliger à investir. Si on les oblige
à investir puis les... Écoutez, les entreprises qui ont des projets novateurs,
qui vont améliorer leur productivité puis qui vont créer des jobs, là,
aidons-les, je n'ai aucun problème avec ça, puis c'est comme ça qu'on va
stimuler l'économie. Mais des passes gratuites, ça, c'est moins le fun.
Puis là vous
parlez du choc démographique. Il faudrait peut-être se pencher sur la qualité
des retraites qu'on donne à nos gens
aussi. Si on avait un régime de retraite public adéquat... Là, vous nous situez
dans les statistiques, là, mais le Québec
est cheap en maudit en termes de régime de retraite public. Je pense qu'on est
dans les bons derniers des pays de l'OCDE.
On pense qu'on devrait améliorer notre régime de retraite public. Donc, nos
retraités auraient plus de revenus à leur retraite puis ils seraient en
mesure de se payer des services.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député, je vous redonne la parole. Il reste une minute.
M.
Bonnardel : Vous
avez raison, sauf que l'argent ne tombe pas des érables au printemps, là.
M. Boyer (Daniel) : Non.
M.
Bonnardel : Tu
sais, vous êtes conscients de ça, là.
M. Boyer (Daniel) : Oui.
• (10 h 30) •
M.
Bonnardel :
Puis vous parlez de l'impôt des sociétés, il faut faire attention, la PME au
Québec, là, la PME, là, les cinq
employés, 10 employés au moins, là, c'est ce qui supporte l'économie du
Québec. Les grandes entreprises, je suis d'accord, elles sont capables
d'avoir un cash-flow qui est beaucoup plus important. Je suis un ancien
entrepreneur puis je le sais, jusqu'à quel
point c'est extrêmement, extrêmement difficile présentement pour les petites
PME, là, celles qui soutiennent l'économie des régions et même des
villes, de certaines villes. Donc, d'avoir un équilibre pour ramener l'impôt
des sociétés à un niveau canadien puis espérer qu'avec un dollar bas, c'est ce
que je mentionnais tantôt aux journalistes,
un dollar bas, le secteur manufacturier va revenir en effervescence comme on
l'a connu dans les années... voilà
presque une dizaine d'années, ça ne se fait pas comme ça. Donc, je comprends,
je comprends votre point, mais ce n'est pas nécessairement celui que je
prône. Puis je veux vous amener sur un autre point de votre...
Le Président (M. Bernier) :
C'est terminé, M. le député.
M.
Bonnardel : Déjà
fini?
Le Président (M. Bernier) :
C'est déjà fini.
M.
Bonnardel : Câline! On aurait passé...
Le
Président (M. Bernier) : M. Boyer, M. L'Ériger, merci de votre participation à la Commission des
finances publiques.
Je
vais suspendre quelques instants afin de permettre à la Confédération des syndicats nationaux de prendre place.
(Suspension de la séance à
10 h 31)
(Reprise à 10 h 35)
Le Président (M.
Bernier) : Nous reprenons nos travaux. Donc, nous avons le
plaisir de recevoir ce matin la Confédération
des syndicats nationaux. Bienvenue à la Commission des finances publiques. Nous sommes heureux de vous
recevoir. Vous avez 10 minutes pour votre présentation. Par la suite vont
suivre les échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
M.
Létourneau (Jacques) : Bien,
alors, merci, M. le Président, M. le
ministre, les gens de l'opposition. Je suis accompagné de Judith
Carroll, qui est adjointe au comité exécutif de la CSN, Pierre Patry, qui est
trésorier de la CSN, et François Bélanger, qui est économiste au service
de recherche de la CSN.
Alors,
en une dizaine de minutes, je vais essayer de brosser un portrait général du
mémoire quand même assez
volumineux qu'on vous dépose aujourd'hui. Puis évidemment, dans la période
d'échange, on pourra approfondir un certain nombre d'éléments.
D'abord,
on remercie la commission pour cette invitation. Mais, d'entrée de jeu, on doit avouer qu'on trouve que les propositions qui sont faites par la Commission d'examen sur
la fiscalité, de façon générale, sont décevantes pour nous. Il y en a
un certain nombre qui présente un intérêt, mais, de façon générale, nous, on pense que le
débat sur la fiscalité au Québec doit viser deux objectifs bien
précis : d'abord, assurer une meilleure redistribution de la richesse dans
notre société, mais aussi financer adéquatement les programmes et les services
publics, et ça, on a eu la chance de le dire à plusieurs reprises. Malheureusement,
le gouvernement du Québec a fait des choix, décidé, par exemple, de poser la question
de la révision des programmes dans une perspective de réduction des programmes gouvernementaux
et des services publics. Et il mène, parallèlement à ça, une consultation sur
la fiscalité au Québec, alors que nous, on pense qu'on aurait dû, oui, débattre
de fiscalité, mais débattre aussi de sa finalité par rapport aux programmes et
débattre de développement économique.
Et, comme on va vous
le démontrer, nous, on pense que c'est vrai que la fiscalité peut jouer un rôle
sur le terrain du développement économique,
mais que ce n'est pas le premier déterminant qui nous permet de mesurer et
de favoriser la croissance, la croissance économique.
Donc,
pour nous, c'est très important de mentionner qu'à chaque fois qu'on pose la
question de la fiscalité on pose la
question de l'augmentation des inégalités sociales. C'est vrai qu'au Québec
c'est moins frappant qu'ailleurs en Occident, mais il y a quand même quelque chose d'assez troublant au cours des
dernières années, où on observe effectivement une augmentation des écarts. Et souvent les réformes
en fiscalité ne permettent pas, justement, de combler la problématique
des inégalités sociales. Et on pose aussi la
question de l'équité dans la distribution des revenus dans une société. Alors,
vous ne serez pas étonnés qu'on défende
plutôt l'impôt progressif plutôt que des mesures régressives comme les taxes et
les tarifications, surtout qu'il y a
toujours une prétention gouvernementale à l'effet que les tarifs, on les
compense par des mesures fiscales
pour faire en sorte que les plus démunis ou la classe moyenne ne soient pas
affectés. Mais, pas plus tard qu'encore
hier, on démontrait qu'il y a des parents qui se désinscrivent dans les centres
de la petite enfance parce qu'ils considèrent,
effectivement, que l'augmentation des tarifs pour la classe moyenne mais
supérieure, là, a un impact sérieux sur l'accessibilité à des services à
la population. On observe exactement la même chose par rapport aux services de garde en milieu scolaire, où on nous confirmait
encore récemment qu'il y a des gens qui désinscrivent leurs enfants
parce qu'on double les tarifs, alors que les
gens n'ont pas les moyens, surtout pour les plus démunis, d'assumer ces
augmentations. Donc, pour nous, c'est
quelque chose qui est fondamental, quand on aborde la question de la fiscalité,
la question des écarts des inégalités et de la redistribution de la
richesse.
On va vous dire très
honnêtement, on trouve que la proposition de réforme de la fiscalité qui repose
sur le modèle d'équilibre général est plus
que questionnable. Alors là, il y a des gens qui nous ont dit dans le
débat : Écoutez, vous remettez
en question le modèle d'équilibre général, alors que, dans les faits, c'est
reconnu de façon générale par l'ensemble des économistes depuis une trentaine d'années et qu'au ministère des
Finances on a toujours travaillé avec ce modèle-là. On ne dit pas qu'on ne doit pas réfléchir à un
certain nombre de modèles; il en existe d'autres, d'ailleurs. Là, on parle
d'un modèle plus néoclassique, mais il y a
aussi des modèles keynésiens, qui sont beaucoup plus portés par la
redistribution puis la diminution des
inégalités sociales. Mais, en même temps, on trouve que de réformer la
fiscalité au Québec à partir d'un modèle comme celui-là... Nous, on l'a
appelé la boîte noire, là : on ne sait pas trop ce qu'il y a dans la
boîte.
D'ailleurs,
quand on avait rencontré le ministre ce printemps avec M. Godbout, on
avait dit : Est-ce qu'on pourrait avoir
accès aux données qui permettent justement de tirer des conclusions aussi
précises que la création de 20 505 emplois au cours des prochaines années? Ça, c'est à peu
près cinq mois de création d'emplois quand on considère le plan de
création d'emplois du Parti libéral, qui
était de 250 000 emplois sur cinq ans, et qu'on ajoute au produit
intérieur brut 2 milliards de dollars, alors que le produit
intérieur brut du Québec tourne autour de 360.
Donc, comment on peut en
arriver à des données aussi exactes et prétendre qu'en révisant la fiscalité et
en augmentant les tarifs et les taxes de
vente non seulement ça n'aura pas d'effet sur l'augmentation des écarts et des
inégalités sociales, mais qu'en plus ça va
permettre une relance de l'économie québécoise? Et honnêtement nous, on a
toujours plaidé, dans toutes les
commissions parlementaires, que ce soit devant le gouvernement actuel ou les
autres, que, quand on parle de
déterminants à la croissance économique, il faut poser la question des
investissements en capital public : les programmes qu'on met en
place, l'éducation, la santé, la formation professionnelle, une main-d'oeuvre
qualifiée beaucoup plus déterminante en
matière de développement et de croissance économique que le débat sur la
fiscalité. C'est un peu la même chose
quand on pose la question en termes d'investissements, en termes de capital
humain ou encore en termes de capital public, que ce soient les
infrastructures, l'accès à de l'énergie.
• (10 h 40) •
Donc, pour
nous, la fiscalité, oui, elle joue un rôle, mais ce n'est pas l'élément le plus
déterminant quand on pose la question de la croissance, et, bien
honnêtement, on aimerait entendre ceux qui défendent ce modèle nous expliquer
comment... Depuis une dizaine d'années, au Québec et au Canada, on réduit
effectivement les impôts des particuliers et des sociétés, on augmente les
taxes, on impose des tarifs, et disons que les effets, là, sur l'économie
réelle sont encore à démontrer.
Donc, nous,
on aurait souhaité que ce débat-là sur la fiscalité... Oui, on peut évaluer un
certain nombre de modèles, mais, en
même temps, qu'on en fasse une profession de foi comme si c'était quelque chose
d'automatique... Puis là je pense
qu'il commence à y avoir de plus en plus de groupes qui s'élèvent justement en
disant : Faites bien attention parce qu'on a entendu aussi comment le gouvernement est en train de la jouer,
c'est-à-dire, on semble annoncer des diminutions d'impôt à très court terme, alors que la question de la taxe n'a pas
l'air si certaine quand on entend le premier ministre.
Donc, pour nous, ça, ça nous pose un sérieux
problème. L'autre chose sur laquelle on veut insister, c'est qu'il y a
certaines recommandations qui visent à renforcer l'incitation au travail,
particulièrement pour les travailleuses et les
travailleurs à faibles revenus ou encore pour les travailleurs âgés, pour les
inciter à demeurer en emploi. Nous, on dit : Il faut faire attention là aussi. C'est vrai que la
fiscalité peut être un supplément, mais en même temps c'est clair qu'il
faut poser plus fondamentalement la question
des conditions de rémunération des travailleuses et des travailleurs,
particulièrement dans le secteur public, mais aussi dans le secteur privé, le
souci de la création d'emplois de qualité et
le rôle que l'État peut jouer et les partenaires du marché du travail pour
créer des emplois de qualité. Juste rappeler à la commission que, depuis une dizaine d'années, on a
perdu près de 200 000 emplois dans le secteur manufacturier
industriel au Québec, qui étaient des
emplois de qualité et qui ont été remplacés par des emplois souvent précaires,
à temps partiel, mal rémunérés.
Alors, quand
on pose la question des conditions de maintien sur le marché du travail et du
bon fonctionnement du marché du
travail, je pense qu'il faut aller au-delà du débat sur les mesures fiscales et
adresser les vraies questions en termes de rémunération et en termes de
qualité des emplois offerts, que ce soient les conditions de travail générales
ou les conditions de santé et sécurité au
travail. Juste rappeler à la commission qu'il y a 6 %, 7 % des
travailleurs au Québec qui vivent en
dessous du seuil de pauvreté avec le salaire minimum, mais qu'il y a 20 %
des travailleurs et des travailleuses au Québec qui dépendent de ce salaire-là et qui vivent à peine au-dessus du
salaire minimum, et inutile de vous rappeler que ce sont souvent des
emplois qui ne sont pas syndiqués.
Donc, il faut
avoir cette préoccupation-là, et on ne pense pas que c'est juste par des
mesures d'atténuation sur le plan
fiscal qu'on va être capables de soutenir les plus démunis. Je viens de le
dire, là, les mesures d'atténuation, on n'est pas certains que ça couvre l'ensemble des conséquences des augmentations
de taxes. On parle de taxes... l'augmentation de taxe à l'essence, tarif d'électricité, produits de tabac et d'alcool. On
sait que, quand on augmente les taxes et les tarifs, ça a un effet régressif, et on est loin d'être
convaincus que les mesures qui sont même proposées par la commission
Godbout couvrent l'ensemble de ces
augmentations-là. Et je ne crois pas, même, me tromper en disant que les
tarifs — l'augmentation
des tarifs à Hydro-Québec — ne
sont pas couverts par la bonification du crédit d'impôt pour solidarité.
Donc, il faut faire extrêmement attention quand
on touche aux tarifs et aux taxes et que, par le fait même, on propose des mesures fiscales qui ne permettront
peut-être pas de maintenir les gens au-dessus du seuil de la pauvreté
et, surtout, qui ne permettront pas de réduire les inégalités sociales plutôt
que de les augmenter.
Alors, peut-être en conclusion, parce que je
vous vois vous avancer...
Le Président (M. Bernier) :
Bien oui, je vous regarde, M. Létourneau. Allez-y.
M. Létourneau (Jacques) : Pardon?
Le Président (M. Bernier) :
Allez-y, vous pouvez conclure.
M.
Létourneau (Jacques) : Oui.
Alors, nous, ça fait longtemps qu'on réclame un vrai débat public au Québec.
La dernière fois qu'on s'est penché, au Québec,
avec la société civile, avec les employeurs, les syndicats et le gouvernement
sur la question économique, mais poser des questions de fiscalité en
perspective avec les programmes sociaux et les services publics que nous
voulons... La question nous est adressée par rapport au modèle scandinave, mais
on oublie toujours de dire que, dans les pays scandinaves, les programmes
sociaux et les services publics sont hautement de qualité, en termes de prise en charge, avec des taux de
syndicalisation qui dépassent largement ce qui existe au Québec
et une rémunération qui est nettement
au-dessus de ce qui existe au Québec. Donc, c'est vrai qu'on a beaucoup
joué la carte des taxes, mais en même temps on pense que c'est dans sa globalité qu'il faut poser le débat de la
fiscalité et non de la façon dont le gouvernement est en train de le
faire. Alors, voilà. Merci.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Létourneau, de votre présentation. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Merci, M. le Président. Alors, Mme Carroll, MM. Létourneau, Patry et
Bélanger, bonjour. Merci d'être venus et de nous présenter vos réactions
au rapport de la commission Godbout.
Vous aviez
été consultés avant, pendant que la commission préparait son rapport et recueillait les
commentaires de tout le monde, et maintenant vous réagissez à ça. Je vous entends, vous êtes
déçus du rapport de la commission. Vous auriez
souhaité que la commission se penche sur des questions de redistribution et
financement de services. Ce n'était pas le mandat que nous avions donné à la commission. Nous avons donné à
la commission un mandat d'examiner la fiscalité d'une façon neutre pour l'État.
Donc, ce n'est pas un exercice d'augmenter les revenus ni de les baisser, mais,
à l'intérieur, donc, du pot d'argent
que l'État va chercher, est-ce qu'il y a façon de le
faire d'une façon plus efficace et plus moderne que ce que nous faisions
jusqu'à maintenant? Donc, c'est dans cet état d'esprit que la commission a
analysé cette question. Les recommandations qu'elle nous soumet, moi, je les
trouve très intéressantes, et donc c'est ici que nous, maintenant, discutons de
ces recommandations-là. Le coeur de la commission, le coeur du rapport, c'est
une baisse importante d'impôt sur le revenu compensée par d'autres mesures de
taxes et tarifs, etc.
Maintenant,
juste avant de continuer, j'aimerais clarifier une chose, parce que
ça circule depuis déjà quelques jours, c'est cette fameuse question du
modèle d'équilibre général du ministère des Finances. Notre collègue le député
de Rousseau ainsi que d'autres personnes
comme vous et les autres syndicats essaient de discréditer ce modèle-là. Bon,
ce que je vous dirais, c'est que, d'un point de vue technique, on ne va pas
commencer ici les discussions parce qu'on ne finirait jamais, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) : Il y a
une limite de temps.
• (10 h 50) •
M.
Leitão : Il y a une limite de temps et aussi une limite de patience de
la part de tout le monde à discuter des petites formules, mais certainement vos experts sont cordialement
invités à discuter de ces questions-là avec les experts du ministère des
Finances, et ça, nous sommes très ouverts à ça.
Juste
mentionner que le modèle que nous avons aux Finances qui a commencé... a été
créé par un certain Jacques Parizeau
en 1984, je pense. C'est un modèle qui évolue et qui aujourd'hui est parmi les
meilleurs qu'on a au Canada et au monde.
C'est un modèle qui est très performant. Il n'est jamais exact, il ne sera
jamais exact. Les conclusions, les prévisions qui sortent du modèle, il faut toujours les interpréter avec soin. C'est
clair que, quand un modèle vous sort une création d'emplois à terme de 20 056, bien, c'est
clair que c'est bien trop précis pour que ce soit exactement ça, mais ça vous
donne un ordre de grandeur, et c'est ça, l'utilité d'un tel modèle, ça vous
donne un ordre de grandeur des conséquences, des résultats d'un changement, et moi, je suis tout à fait à l'aise avec le
modèle que nous avons ici. Je le trouve très performant et il se compare
très bien à ce qui se fait ailleurs. Ce qui se fait ailleurs, que ce soit à
Finances Canada, que ce soit la Banque du
Canada, que ce soit dans les grands organismes comme l'OCDE, le FMI, la Banque
mondiale, on n'a pas à avoir honte du modèle que nous avons ici, aux
Finances, à Québec. Donc, ça, je voulais mettre ça au point parce que je trouve
que c'est très important.
Maintenant, pour ce qui est... Aussi, vous avez mentionné
l'investissement en capital public, et c'est très important. Et c'est tellement important que c'est ce que nous faisons. 10 milliards de
dollars cette année en infrastructure, 90 milliards sur 10 ans pendant que nos amis fédéraux, c'est beaucoup
moins que ça pour tout le pays. Nous, 90 milliards sur 10 ans, c'est un effort substantiel qu'on fait au Québec
parce que, justement... Non
seulement on a besoin de ce capital
public pour refaire les infrastructures, mais en même temps ça a un effet très
positif sur la croissance économique.
Alors, ça,
c'est un peu ce que j'avais à partager avec vous. Je comprends que vous êtes
déçu du rapport parce qu'il n'adresse pas la question de la
redistribution et il n'adresse pas la question d'un financement accru pour les
services publics. Ce n'était pas ça, le mandat de la commission, mais c'est un
mandat que nous lui avons donné.
Alors, juste
peut-être un dernier petit point. Vous avez mentionné que, de ce que vous nous
avez entendu ici et là, vous êtes
sous l'impression que, si le gouvernement va de l'avant avec cette réforme, le
gouvernement baisserait l'impôt sur le revenu et puis le gouvernement
augmenterait les taxes, peut-être. Ça, c'est ce que j'ai compris. Si c'est ça,
votre conclusion... Bon, c'est le contraire
des conclusions d'autres groupes, qui craignent le contraire. Mais que ce soit
un ou l'autre, je vais un peu rassurer
tout le monde que, si jamais on fait ça, si jamais on va de l'avant avec
la réforme, évidemment, comme
M. Godbout l'a mentionné hier, au bout d'un certain temps, on le fera dans
son ensemble. Et il faudrait que ce soit plus ou moins neutre pour les
revenus de l'État. Donc, on va faire les deux, les deux parties.
Mais, si j'ai
bien compris, et c'est ça, la question que j'ai pour vous, après tout ce grand
préambule, donc, vous, ce que vous
craignez le plus, c'est que, si on fait la réforme, l'État se retrouve à court
d'argent, c'est-à-dire qu'on ne va pas
chercher assez de revenus pour compenser la baisse de l'impôt sur le revenu.
C'est ça, votre problème fondamental?
Le Président (M. Bernier) :
M. Létourneau.
M.
Létourneau (Jacques) : Oui. Bien, écoutez, c'est clair que la
proposition à somme nulle, si elle est retenue de façon intégrale, parce qu'on se rappelle que M.
Godbout nous dit que c'est un tout... À partir du moment où on déplace des morceaux, pas certain que la proposition et
son efficacité, là... J'aime bien les nuances que vous avez apportées
sur la question du modèle d'équilibre
général, là. Mais c'est clair que, dans un contexte de crise des finances
publiques, et c'est ce que le
gouvernement nous répète depuis qu'il est au pouvoir... Dans une perspective
d'exercice de réduction importante des
programmes, c'est clair que nous craignons qu'on se dirige vers une fiscalité
de plus en plus réduite avec non seulement moins d'argent qui rentre dans les coffres de l'État, mais aussi des
effets extrêmement négatifs sur le plan du développement et surtout le risque de la croissance de ces inégalités-là
si les tarifs et les taxes donnent des effets comme on l'a déjà constaté dans
le passé.
En même temps, si
vous permettez, sur le mandat de la commission, nous, on pense que c'est un peu
ça, le problème. Le mandat de la commission est très circonscrit, alors, que,
quand on pose les questions de développement économique,
le ministre nous dit : On investit en capital public 90...
10 milliards de dollars. C'est clair qu'on peut poser la question des investissements dans les infrastructures,
mais il faut poser la question des investissements en capital humain lié
à la formation, à l'éducation de la
main-d'oeuvre et à la santé et aux programmes sociaux qu'on se donne pour se
permettre d'avoir une main-d'oeuvre de
qualité. Et je ferais remarquer que, depuis quelques années, alors qu'on réduit
les charges fiscales des entreprises,
ces mêmes entreprises là ne réinvestissent pas nécessairement en formation, en
machinerie et en équipement. On a
déjà eu la chance d'échanger avec le premier ministre sur cette question-là à
l'occasion d'une fête du premier mai,
et force est de constater que tout le monde s'entendait pour dire que, même
quand on baisse les charges fiscales des
entreprises, elles ne réinvestissent pas nécessairement en termes de
productivité, d'efficience puis d'efficacité des entreprises. Donc, oui, poser la question de la fiscalité dans un mandat
aussi circonscrit, ça nous apparaît un peu hasardeux. Maintenant, sur le modèle d'équilibre général,
peut-être, mes collègues voudraient répondre, là, pour ajouter des
éléments supplémentaires?
Le Président (M.
Bernier) : M. Patry.
M. Patry (Pierre) : Bien, très rapidement, puis je ne veux pas faire un long débat
technique sur cette question-là, mais
je veux être clair : Pour la CSN, l'objet n'est pas de discréditer le
modèle d'équilibre général. Par contre, ce qu'on questionne, c'est la robustesse des résultats obtenus avec un tel
modèle, compte tenu que, quel que soit le modèle qu'on va utiliser... Puis la réalité est souvent
difficile à traduire, hein, en modèle mathématique. Moi-même, j'ai une
formation en mathématique, donc je suis
capable d'en parler un petit peu. Il y a des choix qui se font, puis, en
fonction des choix... on peut obtenir
des résultats qui peuvent varier en fonction de ces choix-là. Puis il y a des
éléments dont on tient compte puis d'autres dont on ne tient pas compte,
qui font en sorte que les résultats peuvent fluctuer.
Donc,
c'est là-dessus qu'on veut mettre en garde le gouvernement puis les parlementaires.
Parce que, dans le débat public, ça
s'est joué beaucoup autour des effets des résultats de la commission Godbout en
termes d'emplois, en termes d'augmentation de produit intérieur brut.
Mais nous, on veut mettre en garde le gouvernement à l'effet qu'il faut... On questionne la justesse de ces résultats-là,
d'une part. Et, d'autre part, il y a plein d'autres éléments qui ne sont pas
tenus en compte, dont notamment les effets
sur les possibles inégalités que ça pourrait créer, compte tenu qu'on est dans
une perspective où il y a une montée des
inégalités, depuis 30, 40 ans, qui a un impact sur la croissance économique.
Mais c'est un élément dont il faut tenir compte politiquement, qui n'est pas
tenu en compte par le modèle.
Donc,
c'est là-dessus, ce n'est pas sur le discrédit du modèle, mais sur la
robustesse des résultats obtenus dans le contexte de l'étude qui est en
cours.
Le Président (M.
Bernier) : M. le ministre.
M.
Leitão : À ça, écoutez, je dirai seulement que moi, je pense que... et
la commission Godbout aussi pense que les
résultats du modèle sont robustes. Mais, au-delà de ça, la commission elle-même
a adopté, donc, des conclusions bien plus
conservatrices que cela. Il y avait d'autres études, d'autres modèles qui leur
suggéraient des effets positifs encore plus forts, mais ils ont
choisi — c'était
un choix — de
rester très conservateurs dans, donc, les résultats à terme d'une telle
réforme.
Mais c'est tout.
Alors, les collègues, si vous avez des questions.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Létourneau. Bonjour,
Mme Carroll, MM. Patry et Bélanger. C'est un plaisir de vous avoir encore ici.
Je ne veux pas revenir sur le modèle d'équilibre
général par rapport à l'impact de la réforme sur la création d'emplois ou sur le PIB, mais j'aimerais parler, par
exemple, de l'impact de la réforme sur vos membres, sur les travailleurs — on
en a parlé, vous nous en avez parlé par
rapport à ce que certaines initiatives qui sont dans la réforme proposée par M. Godbout peuvent avoir — par exemple, l'augmentation de taxes, de
tarifs, que ça peut avoir sur la classe moyenne et le début de la classe
moyenne, là, dont les gens de la FTQ faisaient aussi référence, ceux qui font
30 000 $, 40 000 $.
Évidemment, vous vous
êtes positionnés, un petit peu plus tôt dans votre présentation, comme
défendeurs de l'impôt progressif. Et, si on
regarde ces gens-là... J'imagine que vous en avez beaucoup, des travailleurs
qui font, disons, 40 000 $
par année. Ces gens-là se retrouvent avec un barème, sous la réforme de M.
Godbout, un barème proposé qui est complètement différent que le barème
actuel. Et donc il y a des classes de citoyens, il y a beaucoup de citoyens, de
travailleurs qui vont se retrouver à payer
de l'impôt, si une telle réforme est adoptée, qui est quand même inférieur à
ce qu'ils paient actuellement.
Puis,
si on regarde les propositions de M. Godbout ou les suppositions du rapport
Godbout par rapport à ce que ça veut dire, l'ensemble du rapport...
Parce que, comme vous l'avez dit et comme plusieurs groupes l'ont dit hier, il
faut regarder la globalité du rapport. Si je
prends une mère monoparentale, qui est travailleur, qui fait
40 000 $, M. Godbout nous
dit que cette personne-là va avoir 1,5 % de son revenu de plus dans ses
poches à la fin de la réforme. Qu'est-ce que vous dites à ce travailleur-là qui nous écoute aujourd'hui... ou qui ne
nous écoute probablement pas parce qu'il travaille, mais qui va
entendre, là, les échos de la commission?
Le Président (M.
Bernier) : M. Létourneau.
M.
Létourneau (Jacques) : Oui, bien, peut-être, Mme Carroll pourra
ajouter, là, mais on va lui dire ce que l'on décode des différentes réformes qui sont faites en ce moment. Alors, on
peut parler de 1,5 % de plus dans les poches de, mais au prix de
quelle augmentation de tarif? Alors, ça, c'est quelque chose, quand même, qui
est assez considérable parce que, quand on coupe dans les programmes, quand on
coupe dans les services publics... Moi, je suis encore témoin... J'ai encore des enfants à l'école primaire, secondaire, là,
où, effectivement, les compressions puis les coupures font en sorte qu'on diminue l'offre de services,
la gamme de services en termes d'aide aux élèves. Et souvent ce qui
s'offre à eux, c'est le privé. Alors, si
vous n'avez pas d'assurance complémentaire, ça veut dire que vous payez de
votre poche.
Donc, on peut bien réduire les impôts de la classe
moyenne en prétendant qu'on va améliorer leur sort, mais, si, à côté, on augmente les tarifs puis on privatise
même des services, bien ça n'a pas juste un effet nul, souvent, ça a un
effet régressif pour la population puis la classe moyenne.
Donc, moi, je
sais que, dans le discours public puis dans l'économie générale du débat, on
plaide depuis plusieurs années sur la réduction des charges fiscales des
particuliers et des entreprises, mais, en même temps, il ne faut pas faire ce débat-là de façon isolée, quand on fait
le débat sur l'impôt des particuliers, mais il faut voir ce que ça donne
en termes de retour et d'investissement. Alors, quand vous payez de l'impôt et
que vous avez des services en retour, accessibles
et gratuits, puis que vous avez des programmes qui vous permettent justement de
vous en tirer parce que vous gagnez 35 000 $,
40 000 $ par année, bien, c'est un investissement qui est
considérable, alors que souvent on ne le tient pas en compte. Peut-être Judith...
• (11 heures) •
Le Président (M. Bernier) :
Mme Carroll.
Mme Carroll (Judith) : Oui, merci.
Peut-être ajouter : L'exercice auquel s'est prêtée la commission est un exercice à somme nulle dans un carré de sable bien
déterminé. Donc, effectivement, on peut retrouver, à l'intérieur des différents types de ménages, un ou deux ménages
qui pourraient gagner à ce jeu-là, mais il faut voir tout l'autre
pendant, c'est-à-dire l'ensemble des ménages
qui, eux, vont être perdants par l'exercice. Il ne peut pas y avoir, dans cet
exercice-là, que des gagnants, puisque ce
qui va être économisé en termes d'impôts va devoir nécessairement être payé
sous forme de taxes ou encore de
tarifs, que ce soient électricité, assurances, etc. M. Létourneau en a fait
l'énumération tout à l'heure. Donc, au final, d'autant plus que la
classe moyenne a une consommation, un revenu dédié presque entièrement à la consommation et non pas à l'épargne, au final, ces
familles-là vont être pris nécessairement par les tarifs et les taxes
qui vont être ajoutés, et c'est à cet exercice-là que M. Godbout s'est confiné.
Puis on peut
comprendre que c'est le mandat qui lui était donné, mais ça ne nous empêche pas
de considérer que le mandat aurait pu être plus large, et, au terme de
l'exercice — et,
si je ne me trompe pas, les simulations tenaient en compte l'ensemble des recommandations, sauf certaines dont le caractère
quantifiable était difficile, notamment les taxes sur l'alcool et le tabac — on dit : Il n'y aura pas plus de
revenus pour l'État, il y aura 5 000 emplois de plus par année, peut-être dans cinq ans, ce que, on va en convenir
de part et d'autre, on sera incapable de mesurer. Si jamais on y arrive,
on dira que c'est la réforme et, si on n'y
arrive pas, on dira que c'est d'autres éléments qui se sont produits au cours
de ces cinq années-là.
Le Président (M. Bernier) :
...Mme Carroll. Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Tout d'abord,
bonjour, M. Létourneau, M. Patry, Mme Carroll, M. Bélanger.
Moi, je vais continuer sur ce que vous disiez,
Mme Carroll, parce que moi, j'ai fait mes petits calculs, là, et, effectivement, à la page 224, là, pour le député
de Pontiac, il est dit explicitement l'ensemble des mesures qui ne sont
pas prises en compte dans les tableaux qui
suivent, là. Et, dans l'ensemble des mesures qui ne sont pas prises en compte,
ce sont des mesures qui sont coûteuses pour les contribuables.
Je vais juste
vous donner quelques chiffres, là, parce que j'ai... Écoutez, ça ne peut pas
être parfaitement exact, ce que je vais
vous dire, mais je pense que l'ordre de grandeur n'est pas pire, là. Moi, j'ai
calculé que, dans les tableaux, on tenait compte d'un avantage consenti
aux contribuables de 2,8 milliards puis on ne tenait pas compte d'un
fardeau supplémentaire de 2,1 milliards.
J'ai calculé... Autrement dit, dans les tableaux, ce que vous avez, c'est la
distribution à l'ensemble des contribuables
du Québec d'un cadeau de 2,8 milliards. Évidemment, dans ce contexte-là,
les chiffres sont positifs puis les
gens y gagnent tous. Mais, comme la réforme est à coût nul, par définition,
dans l'ensemble des tableaux, on devrait
avoir une somme égale à zéro, il devrait y avoir du monde qui gagne, du monde
qui perde, sauf qu'on ne les a pas, parce
qu'il manque grossièrement, là, pour 2,2 milliards de... pas de claques
dans la face, là, mais, en tout cas, de fardeau fiscal supplémentaire que les gens ont à payer. Alors, juste être au
clair là-dessus, les tableaux... Je ne dis pas qu'il y a de la malice là-dedans, là, puis que c'était mal
intentionné, je dis juste : Les tableaux donnent une image partielle de
l'impact de la réforme, mais ils ne donnent
certainement pas une image complète. Alors, Mme Carroll a entièrement raison,
là, ce qu'elle disait, c'est parfaitement juste.
Mais j'aimerais
avoir votre appréciation, votre analyse de l'impact sur l'équité, là, pour
différentes catégories. Peut-être, si
vous me disiez, d'après vous, pour les démunis, d'après vous, pour la classe
moyenne puis, d'après vous, pour les
gens les plus fortunés, c'est quoi, votre analyse de la situation, de ce qui
pourrait se passer avec une telle réforme? Vous en faites un peu une
explication, mais j'aimerais bien vous entendre plus clairement.
Le Président (M. Bernier) :
M. Létourneau. M. Patry. Mme Carroll.
Une voix :
Vas-y, François.
Le Président (M. Bernier) :
Faites un choix.
Une voix : Oui, oui,
absolument.
Le Président (M. Bernier) :
M. Bélanger.
M.
Bélanger (François) : Bien,
en fait, sur les plus démunis, ce qu'on a noté, c'est que, bon, il y a...
Essentiellement, dans le rapport Godbout, il y a trois mesures, là, qui
visent à compenser l'impact de la hausse de tarifs et de taxes à la consommation sur les plus démunis. Il y a
évidemment, là, la bonification du crédit d'impôt pour la solidarité, il y a
les légères baisses d'impôt des premiers taux, des deux premiers taux
marginaux, et puis il y a aussi l'augmentation de l'exemption personnelle de base. Mais, si on s'en tient — parce que c'est le seul calcul spécifique trouvé relativement à ça dans le rapport — à la bonification du crédit d'impôt pour solidarité, le calcul qui est fait par le ministère des Finances montre que, pour des ménages gagnant moins de 30 000 $, finalement, l'impact de la
hausse de TVQ serait relativement compensé,
sauf que, dans le cadre du rapport, il y a une myriade d'autres tarifs et taxes
qui sont bonifiés, là. Notamment, un
élément très important : il y a une augmentation importante qui est proposée
pour les tarifs d'électricité, qui va coûter très cher aux ménages. Puis c'est l'essentiel des ménages au Québec qui
se chauffent à l'électricité étant donné qu'au fil des dernières décennies Hydro-Québec, pour
développer son marché intérieur, fait en sorte d'inciter les gens à se
chauffer essentiellement par ce mode-là, puis il n'y a pas vraiment tant que ça
de substituts possibles au Québec, là, vu que le réseau de gaz naturel est relativement peu développé. Donc, ca, ça va
avoir un impact important. Puis il n'est pas clair que les deux petites mesures, là, de réduction de taux
d'impôt marginaux pour les premiers groupes peuvent compenser ce genre
de coût là.
Il y a aussi
des augmentations importantes au niveau des «sin tax», là, des taxes sur le
vice, comme disait M. Marceau :
cigarettes, tabac, alcool. Dans le cas du tabac, c'est assez évident, là, il y
a des analyses de l'Institut de la statistique
du Québec qui disent que le quintile le plus pauvre, finalement, des Québécois
représente 32 % des fumeurs au Québec.
Donc, évidemment, cette taxe-là, cette hausse de taxe là, qui peut avoir des
côtés intéressants du point de vue de la santé publique, bien, en
monnaie sonnante trébuchante, là, ça va frapper les plus démunis, là.
Puis ça fait
plusieurs fois que le gouvernement du Québec a recours à... Tu sais, ça a été
un des éléments qui a été mis de
l'avant lors du plan de cinq ans pour le retour à l'équilibre budgétaire. Puis
même chose pour à peu près toutes les autres
taxes sur lesquelles la commission Godbout veut donner un autre tour de roue,
là, que ce soit la taxe de vente ou... Puis, même, l'augmentation des
tarifs, d'une certaine manière, a déjà eu lieu de façon importante pour
l'électricité patrimoniale. L'indexation, en fait, sert à financer le Fonds des
générations puis va devenir... est en train de devenir actuellement, là, d'ici
cinq ans, le principal facteur de financement du Fonds des générations.
Donc,
finalement, il y a une accumulation de tarifs et de taxes à la
consommation pour lesquels les compensations prévues par la commission Godbout ne peuvent pas prétendre compenser entièrement, là. Donc, le système global fiscal au Québec devient plus
régressif avec les recommandations de la commission du fait qu'on poursuit sur
la tendance des 15 dernières années, là, de
réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, qui, lui, est
progressif, en remplaçant ça par des mesures plus régressives. Donc,
c'est essentiellement ce que je peux dire là-dessus en ce moment.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Combien de
temps?
Le Président (M. Bernier) :
3 min 50 s.
M. Marceau : O.K. Peut-être sur la question de l'équité, toujours, puis de la
croissance économique, vous êtes aussi
de ceux qui croyez qu'il faut à la fois... en fait, combattre les inégalités va
contribuer à la croissance économique. Vous êtes de cette école? Est-ce
qu'on peut dire ça? Il faut faire les deux en même temps.
M. Patry (Pierre) : Bien oui.
Le Président (M. Bernier) :
Allez-y, M. Patry.
M. Patry
(Pierre) : Oui, oui, tout à fait. On est totalement de cette école-là. D'ailleurs, la crise, dont on
vit toujours les effets aujourd'hui, est liée à la montée des inégalités. Le salaire réel n'a pas augmenté
pour les gens. On les a incités à consommer
parce qu'il faut consommer, effectivement, pour créer de
la croissance économique, mais cette consommation-là s'est faite par une augmentation importante de l'endettement privé puis la cupidité des
banques qui ont prêté à du monde qui
n'avait pas les moyens de rembourser. Mais la cause première de la crise à
laquelle on assiste aujourd'hui, c'est la montée des inégalités, le fait que le 1 % s'est de plus en plus enrichi, et la classe moyenne s'est
appauvrie, puis les démunis se sont à peu près maintenus. Donc, des gens
pour lesquels il n'y a pas de croissance de revenus, bien, soit qu'ils consomment moins ou soit ils consomment en
s'endettant, avec les effets négatifs, d'un point de vue économique,
mais aussi d'un point de vue social, de la
montée de l'endettement privé. Puis la crise qu'on a vécue en 2007‑2008, puis
on a encore les effets de ça aujourd'hui à l'échelle mondiale, bien, c'est lié
à la montée des inégalités.
Le Président (M.
Bernier) : Oui, M. Létourneau, vous voulez ajouter?
M.
Létourneau (Jacques) : Oui. Bien, peut-être rapidement sur les mieux
nantis de la société. On faisait remarquer, dans notre mémoire, qu'au Québec les revenus avant et après impôt du
1 %, là, des plus riches a augmenté plus vite que tous les autres, et franchement on est étonnés que
la commission ne retienne pas minimalement les niveaux d'imposition actuels, mais réduise la charge fiscale des mieux
nantis. Et, quelque part, même si on prétend que le Québec n'a pas le
même niveau d'inégalités sociales que d'autres provinces ou encore que celui
qu'on connaît aux États-Unis, il n'en demeure pas moins qu'il y a une tendance
qui est en train de s'installer, et, notre crainte, c'est que la réforme qui
est proposée actuellement amplifie justement cette tendance-là.
Peut-être
juste rappeler rapidement que, dans les sociétés les plus égalitaires, les
programmes sociaux, les services publics ne sont pas révisés en fonction
d'une réduction de la gamme de services, peut-être révisés en fonction d'être plus efficients, efficaces, d'être capables de
répondre aux nouvelles réalités, mais pas en réduisant, comme on est en
train de le faire au Québec, l'accès aux services publics.
• (11 h 10) •
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Rousseau, il vous reste une minute.
M. Marceau :
Bien, écoutez, bon, si j'ai une minute, je vais faire un commentaire sur le
modèle d'équilibre général calculable
encore parce que j'ai trouvé que M. Patry avait les mots justes. Les mots
justes sont qu'il n'est pas question de discréditer le modèle puis
l'utilité de ce type de modèle, mais la robustesse des résultats à certains
égards peut être mise en cause. Je veux
simplement ajouter un élément qui n'a pas été rappelé beaucoup ici : vous
savez, quand on envisage une baisse
de l'impôt des particuliers, dans le fond, ce qu'on fait, c'est qu'on veut
augmenter le revenu des gens lorsqu'ils travaillent, et donc le
paramètre clé fondamental qui génère l'essentiel des résultats, c'est ce qu'on
appelle l'élasticité de l'offre de travail.
Un modèle
d'équilibre général calculable peut être très riche et tenir compte de la
décision de participer ou pas au marché
du travail, de la décision des hommes et des femmes, avoir des paramètres qui
reflètent le fait que les hommes et les femmes réagissent différemment,
que les femmes mariées réagissent différemment des femmes célibataires, que la décision peut changer si les gens sont en couple
ou pas. Bon. Bref, il y a beaucoup de choses. À ma connaissance, et
peut-être que je suis mal informé, M. le
Président, à ma connaissance, dans le modèle du Québec, il y a un paramètre
pour refléter l'ensemble des
circonstances très variées que je viens de décrire, et il existe par ailleurs
des modèles beaucoup plus riches construits ailleurs qui tiennent compte
de toutes ces circonstances que je viens de décrire. Vous comprendrez que la réaction des gens à des changements dans
l'imposition, ça va dépendre de ça, et, à ma connaissance donc, parce que
le modèle n'est pas suffisamment riche, il y
a des enjeux de robustesse tel que le disait M. Patry. Je pense, ce n'est
pas de dire que tout ce qu'on a n'est pas bon, c'est
simplement dire qu'il faut être prudents dans l'interprétation des résultats
obtenus. Voilà.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel : Merci,
M. le Président. Bonjour, messieurs dames.
Des voix : Bonjour.
M.
Bonnardel :
Vous semblez, dans votre mémoire, bon, rejeter dans son ensemble, là, le
rapport. Question fort simple :
Est-ce qu'il y a... Puis on sait, là, qu'on ne voudrait pas prendre seulement
les quelques propositions, là. Le rapport Godbout, là, vous l'avez mentionné, il disait : Il faut que ça soit
dans son ensemble. Mais est-ce qu'il y a quand même des points dans ce rapport auxquels vous dites :
C'est intéressant, on pourrait peut-être l'appliquer? Si c'était le cas, est-ce
qu'il y a des points auxquels, pour vous,
là, dans son ensemble, que ce soit du côté des entreprises, la baisse des
impôts, TVQ, peu importe, là...
Le Président (M. Bernier) :
Oui, Mme Carroll.
Mme
Carroll (Judith) : Bien, on a eu l'occasion de le dire quand on a
commenté, à la sortie, le rapport, il y a des mesures qui peuvent être intéressantes. Quand on parle de l'augmentation
du nombre de paliers d'imposition, quand on parle de l'augmentation du seuil des paliers, quand M. Godbout a
fait référence au bouclier fiscal, c'est des mesures qui peuvent être
intéressantes et qui vont favoriser les gens qui sont à plus faibles revenus,
puis ça, on en est.
Le problème,
c'est que la recommandation du rapport Godbout ou les recommandations du
rapport Godbout sont un tout qui
repose sur l'idée qu'en diminuant l'impôt sur le revenu puis en augmentant les
taxes et les tarifs on va, dans un cadre
à somme nulle, générer 5 000 emplois par année pendant cinq ans. Ce qu'on
dit, c'est que c'est mettre beaucoup au jeu, c'est amener beaucoup de régressivité dans le système fiscal, alors
que la création de 5 000 emplois devrait pouvoir se faire au Québec par beaucoup plus d'autres mesures
de création d'emplois, d'incitatifs, d'aide à l'entreprise. Et j'étais
là tout à l'heure quand vous en avez parlé.
Le gouvernement a des moyens, et il en avait pris l'engagement, de créer
moult plus d'emplois que ce qui est là, et
on pense que, compte tenu de ces incertitudes-là, compte tenu des risques que
représente une telle réforme, compte tenu de son effet régressif, il
faut faire objet... preuve de beaucoup plus de prudence que ce qui était
annoncé.
Donc,
oui, prises isolément, certaines mesures peuvent avoir de l'intérêt puis
rencontrer nos objectifs, mais pour l'ensemble
de l'oeuvre on appelle à la prudence puis on pense que ce sur quoi on doit
travailler, c'est le développement économique du Québec, c'est la réduction des
inégalités sociales, c'est un financement adéquat des services publics
et des programmes sociaux.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Bonnardel : Merci, M. le Président. À la page 20, là, vous dites : Pour
affirmer et pour retrouver le chemin de la vraie croissance économique, il faut retourner à une productivité comparable à
celle de nos concurrents par des investissements.
Est-ce que, pour vous... On le sait, les investissements publics ont été quand même
importants suite à la crise de 2008-2009, où on a voulu soutenir l'économie.
Est-ce que c'est un peu par encore de l'investissement public additionnel? Parce qu'on sait que l'investissement public, que ça soit pour nos
routes, et tout, a quand même légèrement baissé, parce que, nécessairement, un investissement public, ça va sur
la dette, donc il y a un équilibre à aller chercher. Est-ce que c'est surtout là-dessus ou vous
dites : Il faut trouver une façon de soutenir l'économie privée — entre guillemets, entre
guillemets — pour
soutenir l'investissement privé, qui n'est pas adéquat quand on se compare avec
le reste du Canada? Peut-être les deux combinés, là.
Le Président (M.
Bernier) : M. Bélanger.
M.
Bélanger (François) : O.K.
Bien, évidemment, l'investissement public est un facteur très important, puis
on doit reconnaître quand même
que depuis maintenant plusieurs années, là, le gouvernement du Québec,
avec le programme d'investissement en infrastructure, a de beaucoup
relevé, là, ses investissements, là. Bon, tu sais, c'est à hauteur de... c'est allé à hauteur presque de 11 milliards. Là, c'est redescendu à hauteur de 8,9, 9 milliards. Donc, évidemment,
ça se traduit par plein
d'investissements nécessaires au Québec,
bon, les investissements routiers,
mais il y a aussi un certain rééquilibrage, par rapport
au routier, au niveau du transport en commun. C'est important de développer le
transport en commun pour déscléroser Montréal, entre autres. Au niveau régional
aussi, c'est important, mais... En tout cas, il y a de multiples facteurs
d'investissement public.
En santé, on vient de
construire deux mégahôpitaux. Tout ça, c'est des facteurs très importants pour
rendre attractif le Québec, en fait, puis
faire en sorte qu'on puisse avoir les conditions nécessaires pour se
développer. Mais aussi, au niveau de
l'investissement privé, là, il y a un problème. Ça fait plusieurs années qu'il
y a un problème, là. Je me rappelle, il
y a longtemps déjà, on avait rencontré le ministre des Finances Audet, là, je
parle de 2006, puis, à ce moment-là, le Parti libéral venait d'introduire une mesure fiscale pour finalement alléger
les investissements dans l'équipement, la machinerie, puis, déjà à l'époque, après deux, trois ans, il
déplorait le fait que ça ne levait pas, il convenait que ça ne fonctionnait
pas.
Donc,
depuis ce temps-là, 10 ans, presque, ont passé, puis les gouvernements
n'arrêtent pas de modifier finalement les
dispositions fiscales pour inciter les entreprises québécoises à investir, puis
on n'arrive pas, finalement, à relancer ça au niveau qu'on souhaiterait.
Puis,
du point de vue de la CSN, on ne croit vraiment pas que ça va se produire
simplement en appuyant sur le levier
de la fiscalité. Il faudrait qu'il y ait une espèce de politique industrielle
au sens large, qui touche tant les industries de la fabrication que les
industries des services, le secteur primaire, là, finalement, une politique
industrielle relativement moderne. Ça existe. Il y a des pays qui mettent ça en
oeuvre, qui multiplient un nombre de mesures, dont la fiscalité peut faire
partie, mais il y a plein d'autres éléments qu'il faut prendre en
considération : des investissements dans le marché du travail, formation
de la main-d'oeuvre, recherche-développement.
Québec fait tout ça
déjà à plusieurs niveaux, mais il faudrait intégrer ces réflexions-là, parce
que la fiscalité, là, il y a des limites
évidentes à ce qu'on peut faire avec. Au Québec, le taux effectif d'imposition
de l'investissement, selon le rapport
Fortin d'il y a plusieurs années, là, en 1998, c'était 34,5 %. Puis là,
avec toutes les réductions d'impôt sur le revenu des sociétés, l'élimination de la taxe sur le capital au fédéral,
à Québec, puis toutes les autres choses dont je ne parlerai pas, on est rendus avec un TEMI, là, un taux
d'investissement effectif sur les investissements des entreprises, de 15,2 %.
Donc, on a réduit ça de plus que de la
moitié, puis il n'y a toujours pas d'effet tangible au niveau de la croissance
économique, qui est plus faible qu'il y a 15
ans, de l'investissement, de la productivité. Donc, vraiment, là, ce n'est pas
la recette magique, d'y aller vers la
réduction. Puis, de toute manière, de façon tendancielle, si on continue à ce
rythme-là, il n'y aura plus d'impôt sur les entreprises dans 10 ans, là.
Ça fait qu'il faut faire autre chose, c'est ce qu'on dit, à la CSN, puis...
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M. Bélanger
(François) : Pour le privé, c'est ça. Merci.
Le Président (M.
Bernier) : M. Létourneau, Mme Carroll, M. Patry,
M. Bélanger, merci de votre participation à la Commission des finances publiques.
Je suspends quelques
instants afin de permettre à la Centrale des syndicats du Québec de prendre
place.
(Suspension de la séance à
11 h 19)
(Reprise à 11 h 22)
Le Président (M. Bernier) :
Nous reprenons nos travaux. Donc, nous avons le plaisir de recevoir la Centrale
des syndicats du Québec, représentée par Mme Louise Chabot et M. Érik
Bouchard-Boulianne.
Merci de votre participation. Merci de votre
présence à la Commission des finances publiques. Vous avez 10 minutes pour votre présentation. Par la suite suivront les
échanges avec les parlementaires. La parole est à vous, Mme Chabot.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Chabot (Louise) : Merci beaucoup. Bonjour. Bien, écoutez, de se retrouver en commission
parlementaire pour faire une discussion ou
un débat sur notre régime fiscal, je vous dirais que, là-dessus, on va saluer
ça parce que ça fait quelques années
déjà que la CSQ réclame qu'il y ait un grand débat sur la fiscalité au Québec.
Bien, on vous remercie de cette invitation puis on tient à souligner
aussi, dans cette foulée-là, la contribution de la commission Godbout et du
travail minutieux qu'elle a fait.
Cette idée d'une
grande fiscalité n'était pas par hasard — d'avoir un grand débat — c'est
que la montée des inégalités puis les
difficultés persistantes aussi de nos finances publiques et de la série de
compressions qui s'abat sur le Québec,
pour nous, ça nous apparaissait capital de débattre de cette question-là puis
de rappeler que la fiscalité, c'est avant tout un choix de société. Donc, c'est le moyen qu'une société va se
donner pour financer les programmes sociaux et les services publics.
On
le sait, que, depuis les années 60, les Québécoises et les Québécois ont fait
le choix de mettre en place une gamme
étendue de services publics et de programmes sociaux. Ça a été un choix
judicieux, ça, il ne faudra pas le perdre de vue dans le débat, et ça a généré et ça génère toujours de nombreux
bienfaits pour la société québécoise. Lorsqu'on discute de fiscalité, il
faut garder ça en tête.
Le Québec aussi, il
faut se le rappeler, est l'une des sociétés les plus performantes sur le
continent en matière d'égalité de revenus,
de santé publique, de faible incidence de la criminalité ainsi que de biens
d'autres aspects. Ça fait que c'est
un aspect de notre régime fiscal qui fait aussi en sorte que la société, et le
bien commun, est, d'une certaine façon, garante.
Nos
commentaires généraux sur le rapport Godbout, parce qu'on est invités à le
commenter, et on l'a déjà fait aussi,
c'est qu'il propose une réforme à coût nul, tant pour l'impôt des particuliers
que des sociétés, et, à la diffusion du rapport de la commission, on a souligné notre déception à cet égard-là,
concernant que c'était une réforme qui ne proposait pas de revenus
additionnels, avec l'absence de revenus additionnels de la réforme, le tout contrairement
à ce qu'on demandait. C'est clairement une faiblesse du rapport Godbout.
D'autre
part, on tient aussi à exprimer notre déception, on espère se tromper, de la déclaration hier du ministre des Finances qui a annoncé, avant même le début des audiences,
son intention d'aller de l'avant avec une baisse d'impôt et une hausse
de la TVQ à coût nul. D'abord, cette position est pour nous irrecevable, puis, deuxièmement,
ça nous questionne sur la pertinence de notre présence. Si déjà on
a l'intention d'aller de l'avant avec la réforme telle que proposée,
bien... Bon, on va quand même prendre le temps de vous expliquer notre point de
vue parce que je pense qu'on a des solutions
alternatives à proposer à ce que le ministre a l'intention de faire. Parce que,
pour nous, la fiscalité, ça doit servir une chose : financer adéquatement et équitablement les programmes
sociaux et les services publics, et les compressions demandées dans tous les secteurs, pour nous, c'est
inacceptable. Il faut réinvestir dans les services publics puis
maintenir, consolider la qualité. Donc, la
centrale va recommander qu'une réforme globale de la fiscalité québécoise
permette au gouvernement d'augmenter ses revenus.
Notre scepticisme
quant aux impacts de la réforme proposée, c'est que le fondement de
l'ambitieuse réforme proposée par la commission
Godbout, c'est que les taxes et les tarifs favorisent davantage
l'investissement, l'emploi et la croissance économique que
l'impôt sur le revenu. On est sceptiques quant aux deux prétentions de la commission...
et insister surtout sur le fait que la question de la répartition de la
richesse, c'est un élément particulièrement important pour nous. L'évaluation de l'effet redistributif de la proposition d'ensemble faite par la commission néglige de prendre en compte les augmentations importantes
à certaines taxes à la consommation qu'on a eues au cours du temps, ainsi que
l'effet de l'augmentation des tarifs d'électricité. C'est des éléments
régressifs importants.
Donc,
la CSQ est d'avis que la progressivité du régime fiscal global est réduite une
fois que les hausses de taxes et de
tarifs ont toutes été prises en compte, et ça nous semble inacceptable, compte tenu de la hausse bien documentée des inégalités de revenu. On recommande donc de ne procéder à aucune réforme
du régime fiscal des particuliers qui a un effet global de réduire sa
progressivité et on propose également un mécanisme qui vise à s'assurer que la mise
en oeuvre d'une éventuelle réforme de la
fiscalité ait un effet neutre ou même positif sur la redistribution des
revenus. C'est en se basant sur ces
deux grands principes, c'est-à-dire des revenus accrus pour l'État
puis un régime fiscal plus redistributeur, que nous mettons sur la table une proposition d'ensemble, un peu
à la manière de la commission Godbout... comme la commission Godbout l'a
fait.
Le
régime fiscal des particuliers. Pour la CSQ, le nouveau dosage proposé par la commission
va trop loin et utilise trop
lourdement les taxes à la consommation et au tarif d'électricité. On va
proposer un plan alternatif. On va recommander une nouvelle grille d'imposition qui va comporter 10 paliers, dont un
nouveau de 28 % pour les revenus
qui dépassent 150 000 $, et la mise en place de cette nouvelle
grille, vous le verrez à la recommandation n° 4, doit se conformer aux
conditions qu'on va énumérer.
On
refuse aussi la prétention, vous le verrez au passage, que le taux marginal
maximal d'imposition ne puisse dépasser
le prétendu seuil symbolique de 50 %. Les plus nantis ont été les grands
gagnants des 30 dernières années des réformes
et il est normal de leur demander de contribuer à l'organisation sociale qui
les a favorisés. Donc, notre proposition d'ensemble a le mérite de générer environ 800 millions de dollars
en nouveaux revenus pour l'État et rendrait aussi le régime d'imposition
des particuliers plus progressif, conformément aux deux grands principes que
nous défendons.
En matière d'écofiscalité,
on sera en accord, on s'est montrés ouverts aussi à l'accroissement de
l'écofiscalité à deux conditions : que les nouvelles mesures fiscales
vertes servent à générer des nouveaux revenus pour l'État et qu'on protège
adéquatement les moins fortunés.
Au
niveau de l'imposition des sociétés, au global, nos propositions : on va
vous recommander que le nouveau dosage
pour l'imposition pour les dépenses fiscales permette d'augmenter la
contribution fiscale globale des sociétés.
Au niveau des gains en capital, bien, la CSQ demandait la
hausse du taux d'inclusion. Selon nous, tous les revenus doivent être
traités sur un pied d'égalité lorsque vient le temps de les imposer, mais, dans
le contexte, on accueille favorablement les
recommandations de la commission
Godbout à l'égard du traitement des gains en capital, même si on aurait
aimé aller plus vite et plus loin.
Lutte à
l'évasion fiscale, à l'évasion et à l'évitement fiscal, là aussi il y a une
solution porteuse avec laquelle on serait
en accord. On sait que le gouvernement s'est attaqué beaucoup plus à la
question de l'évasion fiscale et du travail au noir qu'à l'évitement fiscal. Et, je pense, ça va prendre des mesures
beaucoup plus agressives. Et on aurait pu même aller plus loin puis aborder d'autres questions comme
l'incorporation des professionnels, les comptes d'épargne libres
d'impôt. Et je pense qu'il y aura aussi une
commission sur la question des paradis fiscaux. Ça va être important d'être
proactif.
Et, en
conclusion, on pense qu'il est primordial pour le Québec... prenne les moyens
de financer adéquatement les services. C'est un des piliers de notre
qualité de vie. Et on espère que, dans le cadre des présentes consultations,
les nombreuses recommandations que la CSQ met en place auront le mérite d'être
entendues puis peuvent être porteuses aussi... avec les besoins et la révision
du régime fiscal sur lequel on est prêts à avancer. Merci.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Bernier) :
Merci, Mme Chabot. M. le ministre.
M.
Leitão : Merci, M. le Président. Alors, Mme Chabot, M.
Bouchard-Boulianne, merci beaucoup d'être là pour nous présenter vos
conclusions, vos réactions à la commission Godbout. C'est apprécié.
D'entrée de
jeu, je veux juste vous rassurer, Mme Chabot, et peut-être clarifier, que tout
le monde soit au même diapason, ce
que j'ai dit hier — et ce
que je maintiens — c'est
que moi, je suis d'accord avec l'enjeu principal de la réforme Godbout. Je trouve que ce serait non seulement bon
pour le Québec, mais que ce serait même nécessaire pour le Québec d'y aller, dans cette direction-là, donc moi, si vous
voulez, j'achète la réforme Godbout, mais que, pour passer à l'étape
suivante, et donc de la mettre en pratique, et, comme je l'ai dit hier et je le
redis ici, il faut qu'on trouve un consensus suffisant
pour pouvoir le faire. Et c'est ce à quoi sert cette commission, c'est de
dégager un tel consensus. Et, après une journée, bon, et demie, si je peux ainsi dire, je suis quand même un peu
réconforté de penser que je ne suis pas le seul qui pense de cette façon-là. Il y a eu plusieurs autres
groupes qui sont venus aussi qui sont d'accord avec la réforme,
généralement, du rapport Godbout.
Une des
caractéristiques de la réforme Godbout, je trouve, qui est essentielle et qui
va au coeur de tout, et c'est la raison
pour laquelle, moi, vraiment, comme j'ai dit, j'achète la réforme, c'est la
notion de baisse de l'impôt sur le revenu. Pour moi, ça, c'est primordial, ça redonne aux contribuables, ça redonne
aux individus un plus grand choix de quoi faire avec leur argent. Ils
vont dépenser plus, ils vont épargner plus, mais ça sera leurs choix. Et, pour
moi, ça, c'est très important, de redonner le choix aux contribuables. Donc,
ça, c'est, d'entrée de jeu, ce qu'il y avait à dire là-dessus.
Maintenant,
j'accueille aussi avec intérêt vos propositions. Surtout, et peut-être que vos
pouvez élaborer un peu plus là-dessus,
M. Bouchard-Boulianne... ou Mme Chabot, je ne veux pas présumer de
qui répondrait... mais, avec votre nouvelle grille d'imposition que vous suggérez, si j'ai bien compris, ça
générerait 800 millions de dollars de plus. Est-ce que vous pouvez
peut-être élaborer un peu plus là-dessus? Je trouve ça intéressant de...
Le Président (M. Bernier) :
Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise) : Je vais
laisser avec plaisir Érik répondre, mais je ne peux pas passer à côté de votre image de «j'achète». Moi, j'avais l'image, ce
matin, de dire : Est-ce que, un peu comme Facebook, «j'aime» ou
je... Ça fait que, si on est venus nous demander si j'aime, bien, je
n'aime pas la réforme Godbout parce que... Je comprends... On peut
comprendre...
M. Leitão : ...
Mme Chabot
(Louise) : Mais vous allez
voir, de toute façon, M. le ministre, j'espère que vous allez vous y
attarder, puis l'ensemble des parlementaires, on ne propose pas non plus un
statu quo, on ne vient pas vous dire ici aujourd'hui :
On garde l'imposition des particuliers puis des sociétés telle quelle. Quand on
vous propose une nouvelle grille,
elle s'inspire beaucoup de celle du rapport Godbout, en y mettant un palier
additionnel avec des taux d'imposition différents, mais ce qu'on veut
s'assurer aussi, puis... l'idée d'un pourcentage de TVQ additionnel, vous
verrez aussi qu'on pourrait aller de l'avant.
Mais ça,
c'est... Les principes qui nous ont guidés dans ça, c'est de s'assurer que
cette réforme-là, fiscale, génère des nouveaux
revenus pour l'État. Pour nous, là où il y a une faiblesse dans ce rapport-là,
c'est l'idée que ça doit être à coût nul et que l'État va se priver à nouveau, dans une réforme fiscale, de
quelque chose d'important, en termes de principe, de nouveaux revenus. Parce qu'à quoi ça sert, la
fiscalité? On l'a dit, à financer mieux nos services publics. Puis,
actuellement, budget après budget, la
manière qu'on a eue de contrôler le budget de l'État, c'est en comprimant dans
les dépenses. Ça fait que, là, à quelque part, il faut s'assurer que,
tant qu'à procéder à un nouveau régime fiscal, il faut aller chercher des nouveaux revenus. Mais il faut s'assurer aussi,
dans ce nouvel équilibre là, je dirais, entre les taxes et les impôts, que
les plus démunis... puis que ça soit compensé par des crédits assez importants.
Ça fait qu'il y a tout un équilibre dans notre proposition aussi, et je vais laisser quand même expliquer... Je ne
pense pas que ça soit toute la nouvelle grille qui génère le
800 millions, mais, pour être sûre de ne pas me tromper, je vais laisser
Érik vous la présenter.
Le Président (M.
Bernier) : M. Bouchard-Boulianne, la parole est à vous.
M.
Bouchard-Boulianne (Érik) :
Merci. Merci, Mme Chabot. Oui, écoutez le rapport Godbout,
essentiellement, allait, selon nous,
beaucoup trop loin dans ce nouveau dosage de l'impôt et de la taxation,
tarification, et ça a été amplement dit par nos collègues des autres
centrales qui sont passés précédemment. Quand on prend en compte l'ensemble des
nouveaux tarifs et des nouvelles taxes, il
est clair que la réforme Godbout, selon nous, réduit la progressivité globale
du régime fiscal. Et donc le fait d'avoir
exclu des analyses des effets redistributifs dans le rapport Godbout, et j'en
ai parlé à M. Godbout lors de la
rencontre de la table des partenaires... Je trouvais que c'était un vice majeur
dans le rapport, en fait, de ne pas
avoir pu ou de ne pas avoir tenté d'analyser l'ensemble des effets des taxes,
même si, effectivement, c'est vrai que
les tarifs d'électricité, la taxation sur l'alcool, le tabac, tout ça est
variable d'un ménage à l'autre. On comprend ces difficultés-là, mais on
doit en tenir compte pour avoir une appréciation juste du rapport Godbout.
Donc, pour cette raison-là, le rapport est
irrecevable, et aussi parce que cette idée-là, du revenu neutre, bon, elle peut
être séduisante, mais, dans l'état
actuel des choses, avec l'évolution de la fiscalité depuis le début des années
2000, il y a des manques à gagner importants. L'année dernière, l'IREC a
publié une recherche qui démontrait que, si on avait conservé le régime fiscal comme en 1997, nous aurions généré près de
8 milliards de plus de revenus. Alors, c'est faux de dire que les impôts,
les taxes ont été augmentés de façon terrible. Depuis le début des années 2000,
c'est une réduction réelle.
Donc, notre
proposition, c'est d'aller chercher des nouveaux revenus. Et je vous avoue que,
bon, la taxation reste encore un moyen qui nous apparaît moins
intéressant que l'impôt sur le revenu. Vous le savez, pour chaque forme d'imposition, il y a des avantages et des
inconvénients, et la taxation comporte peut-être des avantages mais
comporte aussi des inconvénients. Donc, ce
qu'on propose, c'est de réformer la grille d'imposition avec les deux
modifications que nous proposons dans
la recommandation 4 pour ajuster la proposition du rapport... de la
commission Godbout, mais de limiter,
d'ajuster les seuils pour limiter les réductions d'impôt non pas à
4,3 milliards, mais à 1,5 milliard au maximum. En contrepartie, on serait flexibles à une façon
d'aller chercher des nouveaux revenus pour l'État. On propose quelques
éléments : la taxe sur le carburant, qui est justifiable, selon nous, avec
la lutte aux changements climatiques, qui doit absolument s'intensifier; la
hausse de la TVQ... Et évidemment tout ça doit être mis de façon concomitante
avec des mesures pour limiter les impacts sur les ménages à faibles revenus.
Donc, dans l'ensemble, ce qu'on propose générerait
à peu près 800 millions de dollars à court terme.
Évidemment, on souhaite ardemment que les
autres mesures visant à générer des revenus, dont on recommande l'application
dans notre mémoire, c'est-à-dire par exemple la hausse du taux d'inclusion du gain en capital,
un nouveau dosage de l'impôt des sociétés qui génère des nouveaux revenus... Globalement, on pense qu'il serait possible d'aller chercher plus que 1 milliard de nouveaux revenus. Donc, c'est un peu l'essence
de cette proposition alternative là, qui répond aux deux grands
principes que nous défendons.
• (11 h 40) •
Le Président (M. Bernier) : M.
le ministre.
M. Leitão : Merci beaucoup, parce
que vous avez...
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Sainte-Rose.
M. Habel : Oui. Merci, M. le
Président, à mon tour de saluer les invités.
D'abord et
avant tout, je pense qu'il faut aussi... Vous parliez d'équilibre, de
favoriser aussi le filet social. Je
pense qu'il faut ne pas toujours
oublier l'aspect équité intergénérationnelle aussi, là. C'est-à-dire que, quand on augmente les revenus, à un certain moment donné,
les gens vont devoir absorber cette hausse de revenus là, et avec le nombre de
travailleurs qui réduit d'année en année, on doit prendre ça aussi en
considération.
L'esprit du
rapport, lui, était un esprit à coût nul, c'est-à-dire que, lorsqu'on
diminue les impôts, on augmente les tarifs
et aussi la TVQ, parce qu'il y a un modèle... Puis j'aimerais avoir votre avis
sur le modèle des impacts négatifs sur le
dollar additionnel. Dans la recommandation n° 5, vous dites de ne recourir davantage à aucune
hausse de tarification. Et, dans le
modèle, puis je reconnais qu'il peut y avoir une certaine élasticité, là, mais
on dit qu'un dollar additionnel pour un impôt sur le revenu des
particuliers a un impact négatif de 0,072 $ par rapport à la tarification
de 0,041 $. Je reconnais qu'il y
a un écart de 0,31 $, là, mais c'est sûr et certain que le modèle semble
se diriger vraiment vers une tarification qui serait plus
avantageuse. Qu'est-ce que vous pensez de ce modèle-là? Est-ce que vous l'endossez?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Chabot. M. Bouchard-Boulianne.
M. Bouchard-Boulianne (Érik) : Écoutez,
on l'a mentionné dans notre mémoire, on est sceptiques face aux résultats du modèle. Pour avoir étudié en
économie, je pense que c'est assez clair qu'il y a une différence
entre ce qu'on a comme résultat dans un modèle d'équilibre général par ordinateur,
là, qui peut sortir, finalement, somme toute, d'un «laptop», et la réalité. Est-ce que, par exemple — et
c'est ce qu'on souligne dans le mémoire — les
paramètres du modèle général permettent d'expliquer que les entreprises canadiennes
dorment actuellement sur 700 milliards de liquidités? Je vous dirais qu'en économie, ce serait
impossible que des entreprises dorment sur une telle montagne de liquidités.
Donc, on est fort sceptiques des résultats. Bon. C'est la première chose à
dire.
La deuxième chose, c'est que ce qu'on nous donne
comme résultats, c'est un des critères sur lesquels on doit baser notre décision pour juger de comment on doit
imposer au Québec, et ce n'est pas le seul critère, O.K.? Comme
je vous l'ai dit tout à l'heure, les formes d'imposition ont toutes des avantages et des inconvénients,
et, en tant que société, on doit regarder l'ensemble des avantages et des inconvénients et prendre une
décision. Et la tarification comporte des désavantages fort importants. Et, pour nous, ces désavantages-là font en
sorte... On les considère plus importants que les avantages
que vous citez, pour lesquels on a un certain scepticisme. Et je crois, en tout cas pour avoir entendu quelques intervenants ici devant vous, qu'on
n'est pas les seuls à avoir avancé certaines réserves. Et je l'avais mentionné
aussi à Luc Godbout. C'est dommage que le
rapport de la commission ait été si faible, je dirais, sur ça. On nous
présente ces chiffres-là comme étant
la parole de Dieu ou la parole... Et on aurait aimé avoir comment les
paramètres ont été déterminés, les analyses de sensibilité, et tout ça.
Donc, c'est ça qu'il y a à dire sur les données donc que vous citez.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député Sainte-Rose.
M.
Habel : Oui, je vais prendre
un petit 30 secondes, merci. Vous devez quand même reconnaître qu'il y
a des choses de bonnes, là, dans le
rapport, c'est-à-dire qu'on propose, entre autres, d'augmenter le seuil de
14 231 $ à 18 000 $, ça veut dire au-dessus du seul
de pauvreté. On instaure une idéologie de multipaliers, c'est-à-dire qu'on
passerait de quatre à neuf paliers. On met des recommandations pour augmenter
les taxes sur les véhicules de luxe. Au niveau du crédit impôt solidarité, on s'assit sur une stabilité envers ça. On incite aussi les gens
au travail. Qu'est-ce que vous pensez de ces mesures-là spécifiques du
rapport? Est-ce que vous êtes en accord?
Le Président (M.
Bernier)
: Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : Je vais vous inviter à lire attentivement. Vous avez raison
de dire qu'il y a des bonnes choses dans le
rapport. D'ailleurs, dans notre mémoire,
on va y référer. Quand vous
parlez des paliers d'imposition, on
s'en inspire. Quand il y a des choses de bonnes aussi, on le mentionne. Donc
là, je pense qu'il faut le regarder de façon globale, on le dit de façon globale. Là où il y a
une faiblesse dans ce rapport-là, c'est toute cette idée qu'une réforme... il y
aurait plus de progressivité, puis je
pense qu'Éric vous l'a mentionné. Puis l'autre idée, c'est que c'est une
réforme qui abandonne l'idée que l'État
aille chercher aussi des nouveaux revenus. Ça fait que, dans cet équilibre-là,
il y a des faiblesses. Mais on
reconnaît des mérites. Voilà.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Nous allons passer du côté de l'opposition officielle. M. le député
de Rousseau.
M. Marceau : Oui, parfait.
Alors, bonjour, Mme Chabot, bonjour, M. Bouchard-Boulianne.
Je veux aller
sur votre recommandation 6. Je m'excuse, je veux aller sur des points plus
spécifiques, là. Je pense que le thème
de votre présentation puis ce qui vous inspire, je l'ai bien compris. Mais, sur
la 6, je voulais juste être bien au clair,
parce qu'effectivement la commission Godbout a proposé un bouclier fiscal, le
gouvernement a emprunté cette idée-là puis a introduit ça dans sa
fiscalité, puis, à certains égards, c'est une bonne idée. Mais il y a comme un
petit détail qui a été oublié, puis je veux juste m'assurer de bien comprendre
ce que vous avez en tête.
Vous savez, le bouclier fiscal, tel qu'il a été
mis en place, fait en sorte que, lorsqu'un contribuable voit son revenu augmenter, il est protégé d'une certaine
façon de la diminution de son crédit d'impôt pour services de garde en garderie commerciale, mais il n'est pas protégé de
la hausse du tarif en CPE, dans nos services de garde publics. Autrement
dit, le bouclier fiscal qui a été mis en
place par le gouvernement n'est pas neutre. On est protégés, hein? Les
avantages qui nous sont consentis par la fiscalité sont protégés quand on est
dans le secteur privé, commercial, mais on n'est pas protégés si on est dans
les CPE. Je voulais juste être sûr que... Enfin, je me doute de ce que vous
allez me dire, mais je voulais juste être au clair parce que votre
recommandation 6 n'est pas parfaitement limpide à cet égard.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : Je vais laisser
Éric... Mais je veux juste dire que c'est arrivé après, la modulation
des tarifs de services de garde, puis ce
n'était pas dans le cadre du rapport de la commission. Ce n'était pas la même
chose que le gouvernement a adoptée. Éric?
M. Marceau : O.K., ah oui!
oui, je comprends. O.K.
Le Président (M. Bernier) :
M. Bouchard-Boulianne.
M.
Bouchard-Boulianne (Érik) :
Oui, tout à fait. Non, le... Puis, effectivement, l'appui au bouclier fiscal,
c'est le bouclier fiscal tel que conçu dans
le rapport Godbout, là, puis la différence... Je suis allé revoir les chiffres
ce matin, là. Le bouclier fiscal tel
que conçu par la commission sur la fiscalité comportait un coût estimatif à
près de 90 millions, puis ce qui
a été présenté par le gouvernement, ça tourne autour de 50 millions. Donc,
on parle d'un bouclier fiscal à moitié moins performant, je pourrais
dire.
Quant à la distinction entre les garderies commerciales
et les garderies à tarif subventionné, écoutez, on a présenté deux mémoires, au
projet de loi n° 28, qui expliquaient de façon très, très explicite
l'impact majeur sur le réseau public que
cette réforme-là de la modulation avait. Et l'avantage financier... J'ai passé
plusieurs journées à travailler sur
des tableaux qui montraient clairement que pour une grande partie de la classe
moyenne envoyer son enfant dans une garderie
commerciale... le crédit d'impôt était plus avantageux que le tarif modulé, ce
qui nous apparaissait totalement inacceptable. Donc, oui, vous avez tout
à fait raison de soulever ce point-là.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Merci. Pour la suite des choses, je ne crois pas qu'on puisse espérer, ni vous
ni moi, là, qui n'étions pas d'accord
avec la modulation des tarifs de services de garde, que le gouvernement
revienne sur cette décision. Mais on peut peut-être espérer que le
bouclier fiscal soit modifié de façon à introduire une certaine neutralité, en
tout cas, minimalement de s'assurer que les
contribuables, lorsqu'ils voient leur revenu augmenter, ne soient pas
assujettis à des tarifs plus élevés
en CPE. En tout cas, je ne sais pas si vous avez le même souhait que moi, mais,
en tout cas, moi, je le souhaite, au moins qu'on ajuste le bouclier
fiscal pour ne pas favoriser le secteur commercial plutôt que le secteur des
CPE.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise) : Bien, vous
avez un plan A puis un plan B. Le meilleur plan serait d'annuler.
M. Marceau : Voilà.
Mme Chabot (Louise) : Le plan B,
c'est minimalement ce que vous proposez.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M. Marceau : O.K.
• (11 h 50) •
Mme Chabot
(Louise) : Puis on voit
encore... Excusez. Puis on voit
encore les dérives, je m'excuse, là, d'analyses qu'on a pu lire dans les
journaux ce matin, que c'est du pareil au même. C'est assez incroyable. Voilà.
M. Marceau : Effectivement. Je ne sais si vous avez entendu la présentation
de l'AQCPE, mais il y avait
d'autres résultats qui ont été présentés
hier à cet égard et puis qui montrent, en tout cas, encore une fois, ce que nous savons déjà, là, que, sans dire que toutes les garderies
commerciales ne sont pas de bonne qualité... il n'y a personne qui dit ça, mais
qu'en moyenne, en tout cas, les CPE offrent des services de meilleure qualité,
là. Ça, c'est tellement bien démontré que...
Mme Chabot (Louise) : Je le sais,
qu'il nous reste peu de temps, mais c'est toute l'analyse qu'on vient vous
présenter que, pour nous, les services éducatifs à la petite enfance, là, ce
n'est pas du pareil au même. Ça fait partie de
notre panier de services publics qui permet, en termes de mission... Il
faut financer ça adéquatement, puis la formule proposée actuellement
nous apparaît... Il faut trouver une solution dans une réforme fiscale plus
globale, là, sur cette question-là.
Le Président (M. Bernier) : Merci.
M. le député.
M. Marceau : J'aimerais vous parler de votre proposition 3, recommandation 3, qui m'a... bien, enfin, intrigué. Je la trouve très intéressante, en tout cas, mais maintenant il y a l'opérationnalisation de cette proposition. Tout d'abord, vous dites
que, donc, une réforme devrait être soumise à l'obligation de résultat pour ce
qui est de son impact sur l'équité, sur la redistribution. Ensuite de ça, vous dites — c'est
l'avant-dernier picot : «Que l'évaluation faite préalablement à l'adoption du projet de loi soit suivie d'une évaluation des impacts réels à la première et à la troisième
année de la réforme» et puis que, le cas échéant, si donc les objectifs
n'ont pas été satisfaits, des modifications soient apportées.
Alors, deux choses... En tout cas, deux commentaires...
En tout cas, un commentaire puis une question, tiens. Premièrement, cette question-là
de l'impact sur l'équité, elle se pose aussi sur la neutralité en termes de revenus. On peut se donner...
La commission s'est dit : À tel moment dans le temps, à
tel moment dans le temps, les revenus de la réforme doivent être...
enfin, le changement dans les revenus doit être de zéro. C'est-à-dire, vous,
vous proposez plus 800, la commission, elle, s'est dit plus 0, je pense
que le gouvernement avait été à plus 0. Mais la question, c'est : Que se
passe-t-il si, au fil du temps, ça change,
si la réforme s'avère appauvrissante pour les revenus de l'État ou
enrichissante pour les revenus de l'État? Ça,
c'est une question. Vous, vous abordez aussi la question
de la neutralité quant à la redistribution, mais j'aimerais juste donc avoir... Ma question, c'est : Que
pensez-vous d'une idée équivalente sur la neutralité en termes de revenus, premièrement? Deuxièmement,
comment vous voyez le mécanisme qui permettrait d'ajuster la fiscalité au bout
de quelques années?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Chabot? M. Bouchard?
M.
Bouchard-Boulianne (Érik) : Oui, alors, bien, écoutez, c'est effectivement un point fort intéressant de voir que cette neutralité-là, effectivement,
c'est à un point marqué dans le temps puis de voir comment ça peut évoluer au
fur et à mesure que les années avancent. Donc, c'est un très bon point. Évidemment,
il était moins critique dans le cadre de notre proposition alternative, parce
qu'on allait chercher des revenus additionnels, bon.
Donc, bon, on
n'a pas pensé à mettre ce volet-là dans un mécanisme de vérification des effets
réels de la réforme. C'est juste que,
quand on nous présente la réforme disant : Il y aura des gains en termes de performance économique, puis en
plus le système est aussi équitable et progressif qu'il ne l'était avant, parce
que c'est ça, la prétention du rapport, l'examen
sur la fiscalité, eh bien, ce qu'on dit : Bien, si vous allez de l'avant,
prouvez-nous-le. Bon, évidemment, c'est plus
simple à dire dans le principe que l'opérationnalisation de ça. Et je vous
avoue qu'on n'est pas allé dans le détail là-dessus. Bon, il y a divers
indicateurs pour mesurer la capacité de redistribution des revenus du régime
fiscal. Si le gouvernement est intéressé, et tout ça, on pourrait travailler
sur des... regarder plus précisément quelle forme pourrait prendre ce mécanisme-là. Mais l'idée, c'était
vraiment d'obtenir une garantie du gouvernement que cette réforme-là va
se faire en maintenant ou même en améliorant la progressivité globale du régime
fiscal.
Mme Chabot
(Louise) : Si je peux
ajouter, puis ça ne sera pas en termes économiques, il y a des outils
qu'on se donne sur d'autres questions pour
évaluer les impacts de certaines mesures ou de certaines politiques. On
pourrait s'en inspirer, mais là je ne suis pas... des termes
économiques, mais l'idée de fond dans ça... Puis ça nous est apparu aussi important de le faire, parce que, là, on a la
proposition Godbout, on aura peut-être, au sortir de ça, même si le
ministre achète... Peut-être que ce sera autre chose, mais il faut se rappeler
de quelque chose, puis notre proposition va un peu
dans ce sens-là, c'est que la réforme
Godbout, là, c'est un tout, hein? Si tu achètes juste la baisse d'impôt,
mais tu ne compenses pas par une
baisse de revenus ou par la progressivité... C'est ça, là. Moi, je l'avais
imagé à l'époque en disant : C'est un château de cartes, si le gouvernement pige là-dedans les mesures qui lui conviennent,
bien, on va venir... même s'il aurait été maintenu progressiste, en termes de progressivité, mettons qu'il le
serait, c'est extrêmement périlleux. Ça fait qu'il faut penser vraiment à un nouveau régime fiscal sous cet angle-là, de
l'assurer, puis de le préserver, puis de corriger si on s'égare.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Nous allons passer du côté du député de Granby.
M.
Bonnardel : Bonjours, messieurs dames. Bienvenue. Je n'ai pas
le choix d'aller à la recommandation 9, où vous
dites, bon, que la commission, vous, la CSQ, recommandez de mettre les propositions suivantes de la commission Godbout,
que ce soit la hausse de la TVQ, prime d'assurance, hausse de taxe sur les
carburants et la bonification du crédit d'impôt à la solidarité. Ce
sont des mesures qui ont déjà été appliquées, autant par les gouvernements subséquents... La hausse de
la TVQ, bon, on a vu les augmentations suite à la baisse de la TPS par le gouvernement libéral, et vous dites :
Il faut compenser ça par la recommandation 4
où on irait chercher 1,5 milliard dans la progressivité des impôts. Mais
ça nous laisse quand même, dans la
soustraction ou l'addition qu'on fait de vos deux recommandations, avec une
hausse de 800 millions des revenus de l'État. Ce que ça veut dire, c'est
un fardeau fiscal augmenté pour une grande majorité de la classe moyenne ou des familles du Québec. Pourquoi vous n'êtes pas
allés un peu dans la même constatation qui était celle du rapport Godbout, d'y arriver avec ce changement de culture
fiscale, que supposément beaucoup d'autres États, mêmes les provinces du Canada, ont mis en
application, qui était de baisser les impôts, si on est capable de le mettre
dans son entièreté, puis, de l'autre côté,
d'augmenter les taxes? Parce que là, veux veux pas, ce 800 millions, c'est
vrai que c'est bien le fun si on pouvait le trouver demain matin, mais
il reste que le fardeau fiscal des Québécois depuis 2010 est extrêmement... a été augmenté comme... On ne peut
plus vraiment aller chercher, selon moi, plus d'argent, à moins vraiment
de compenser par une baisse, une baisse des
impôts, puis là ce que vous mentionnez là, c'est vraiment 800 millions
de plus dans les coffres de l'État, donc, veux veux pas, de l'argent de moins
dans les poches du monde.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : Bien, écoutez,
vitement, là, on propose un nouvel équilibre, mais c'est sûr qu'on ne
peut pas penser à un régime fiscal — puis je ne partage pas l'idée que ça va être
encore plus pour les contribuables — qui ne ferait pas en sorte qu'on irait chercher des nouveaux revenus pour
l'État, sans ça, on continue de se tirer dans le pied. Puis on continue
de penser qu'un régime fiscal, c'est là pour avant tout financer nos services
publics. Ça dépend de notre point de vue. Si
on pense que les services publics, ce n'est pas important, puis on peut les
ratatiner, puis ça ne fait pas partie du
bien commun, bien, on va proposer des régimes fiscaux qui vont nous priver de
revenus. Là, on profite de l'occasion pour
faire en sorte qu'on diminue, oui, l'impôt des particuliers, mettons qu'on...
mais pas de la taille de... pas de l'ordre, pardon, qu'on le fait, puis, en même temps, avec les taxes qui sont plus
régressives, il y a un dosage dans notre proposition, mais qu'il faut
préserver les plus démunis. Ça fait qu'on assure, un, de hausser les revenus de
l'État, puis, deux, la progressivité. Mais Éric a plus... Je ne pense pas que
l'équation que...
Le Président (M. Bernier) :
Oui, M. le député.
M.
Bonnardel :
Vous nous laissez quand même, avec ce que vous dites là, dans deux indicateurs
économiques qui m'attristent. On reste les
plus taxés et les plus imposés en Amérique du Nord, et, deuxièmement, on a un
revenu disponible moyen qui nous amène à être neuvièmes sur 10. Moi, je
veux bien croire, là, le 800 millions... 800 millions, la TVQ
seulement, c'est beaucoup de sous, puis, depuis 2010, on a essayé d'aller
chercher — souvenez-vous
de Raymond Bachand, là — 16 milliards d'argent additionnel avec
les deux points de TVQ, la contribution santé, l'indexation des tarifs, la taxe sur le vice, essence, alcool, machin, on
n'a toujours pas équilibré le budget depuis ce temps, et là, depuis 14
mois, c'est 1 400 $ de moins dans
les poches de vos membres, des familles des Québécois. Alors, si on dit :
Bien, 800 millions de plus, tant mieux, mais on va aller le
chercher dans les poches de quelqu'un, là. Non?
Le Président (M. Bernier) :
M. Boulianne.
Mme Chabot (Louise) : ...point de
vue, mais, Érik, sur les questions plus que...
• (12 heures) •
M. Bouchard-Boulianne (Érik) : Bien, essentiellement, vous posez la
question : Mais pourquoi voulez-vous aller chercher 800 millions de dollars de plus dans la poche des
contribuables? Puis la réponse, c'est parce qu'on pense que ça amène une meilleure société, ça amène une
meilleure qualité de vie. Les endroits sur la planète qui imposent le plus
leurs citoyens, ce sont les endroits sur la
planète qui ont les meilleures performances dans à peu près toute une série
d'indicateurs, et je parle des pays
scandinaves. Si le Québec avait une fiscalité comme en Suède, le budget du
gouvernement du Québec passerait de
100 milliards par année à 130 milliards par année. Alors, on n'est
pas dans ces ligues-là, mais pas du tout.
Et, depuis 2000,
comme je vous l'ai dit tout à l'heure... C'est vrai que, si on regarde depuis
2010, depuis les budgets assez drastiques de
Raymond Bachand, il y a eu un effort pour aller chercher des nouveaux revenus,
mais ça faisait suite à plusieurs
années... et plusieurs baisses : en 1999-2000, en 2007. Ça fait que c'est
important de poser le regard à une peu
plus longue échéance pour comprendre qu'est-ce qui nous arrive maintenant. Et
donc on pense que c'est important. De toute
façon, avec les compressions, ce que les gens économisent en baisses d'impôt,
ils le paient en tarifs ou en services qu'ils vont se procurer dans le
secteur privé.
Le Président (M.
Bernier) : Alors, merci. Merci de votre participation, donc, à
la Centrale des syndicats du Québec. Je vais suspendre quelques instants afin
de permettre à l'Union des consommateurs de prendre place.
(Suspension de la séance à
12 h 2)
(Reprise à 12 h 8)
Le
Président (M. Bernier) : Alors, nous reprenons. Nous avons le plaisir de recevoir l'Union des
consommateurs, représentée par Mme Élisabeth Gibeau et M. Marc-Olivier
Moisan-Plante.
Bienvenue
à la Commission des finances
publiques. Vous avez 10 minutes
pour votre présentation. Par la suite suivront les échanges avec les parlementaires.
La parole est à vous.
Union des consommateurs
Mme
Gibeau (Élisabeth) : Merci beaucoup. Alors, on vous remercie de nous accueillir ici aujourd'hui, M. Leitão en particulier. À vous entendre hier, on se
demandait si, peut-être, vous seriez absent aujourd'hui selon les déclarations que
vous avez faites hier. Donc, on est contents d'avoir la chance de pouvoir
partager nos analyses avec vous. Donc, c'est avec plaisir qu'on va vous
partager les constats qu'on a fait suite à la lecture du rapport Godbout.
Alors,
moi, je suis Élisabeth Gibeau, analyste, Politiques sociales et
fiscales, à l'Union des consommateurs, et je vous présente mon collègue,
Marc-Olivier Moisan-Plante, qui est analyste Énergie.
La
première chose qu'on voulait vous dire, c'est qu'on déplorait le fait que la commission,
dans son rapport final, propose une
réforme fiscale qui soit à coût nul pour l'État. Pour nous, il apparaît
incontournable qu'une réforme fiscale soit
exécutée dans le but de mieux financer nos services publics et les programmes
sociaux. C'est un incontournable pour notre
organisation. Et c'est difficile pour nous de souscrire à une
approche d'une réforme fiscale à coût nul, d'autant plus que l'approche
qui consiste à fonder une réforme fiscale sur la baisse des impôts sur le
revenu des sociétés et des particuliers et
la hausse des taxes à la consommation et des différents tarifs — électricité
et garderie, en l'occurrence, dans le présent rapport — nous
semble à contre-courant des récentes recommandations qui ont été formulées par
de réputés économistes, par exemple
Stiglitz, Krugman, Piketty, et aussi par des grandes institutions
internationales comme le FMI ou l'OCDE,
qui recommandent, depuis plusieurs années et à maintes reprises, d'aller plutôt
chercher des revenus auprès des plus fortunés. L'OCDE déclare en toutes
lettres que le Canada aurait toute la marge de manoeuvre voulue pour aller
augmenter l'impôt des plus fortunés dans... Donc, pour nous, les
recommandations de la commission Godbout nous semblent aller totalement à
contre-courant dans ce sens-là.
• (12 h 10) •
Et même chose par rapport au fait de prendre
les pays scandinaves pour modèle. Ce qu'on remarque, nous, dans nos lectures, c'est que les pays scandinaves semblent
adopter, dans les dernières années, l'approche contraire de ce que
propose la commission Godbout, c'est-à-dire de diminuer les taxes à la consommation et de se tourner davantage
vers l'impôt sur le revenu.
Tout le contraire de ce qui est proposé aujourd'hui ou actuellement par le
rapport Godbout.
Autre
constat qu'on voulait apporter et mettre sur la table : on a des doutes
majeurs quant à la pertinence de baser une
réforme fiscale sur les constats d'une étude dont les analyses sont partielles.
Alors, la commission fonde la majeure partie de son
argumentaire sur une étude qu'elle a commandée qui vient déclarer que les taxes
à la consommation et les tarifs seraient
meilleurs pour stimuler l'économie que l'impôt sur le revenu. Mais cette étude-là, qu'on a lue
en détail, mentionne aussi le fait
qu'ils n'ont pas pris le temps d'analyser les impacts sociaux de ces mesures,
donc l'impact sur les populations, et pour nous c'est une omission
majeure qui fait en sorte qu'on peut difficilement baser une réforme fiscale
sans avoir pris le temps de regarder les effets sur la population et le budget
des gens d'augmenter la TVQ, d'augmenter les tarifs d'électricité et autres
tarifs à venir et de baisser les impôts sur le revenu.
On
voulait aussi mentionner que, pour nous, toute hausse de taxes qui ne serait
pas compensée par une hausse équivalente
du revenu, ça vient augmenter immanquablement l'endettement déjà préoccupant
des ménages québécois. Les données statistiques nous montrent que les
ménages des trois premiers quintiles, soit 60 % des ménages québécois, dépensent déjà plus... tout ou plus que leur
revenu disponible. Donc, l'endettement est déjà assez préoccupant, et
pour nous une hausse de TVQ, c'est-à-dire... ça équivaut à une hausse sur des
biens essentiels qui va aboutir à une hausse de l'endettement pour les ménages.
Enfin, un petit mot sur le bouclier
fiscal avant de passer à l'électricité, aux tarifs d'électricité. Notre analyse
du bouclier fiscal nous semble indiquer que
la durée d'application ne soit pas assez longue pour constituer un incitatif
au travail assez efficace. Donc, ce sera seulement la première année où le
revenu d'un ménage augmente pour que les ménages puissent profiter du bouclier fiscal. De même, le montant qui est
retourné aux ménages nous semble insuffisant. Donc, on recommanderait
d'allonger la durée de l'application et d'augmenter les montants pour le
bouclier fiscal.
En ce qui concerne
les tarifs d'électricité, je cède la parole à mon collègue Marc-Olivier.
Le Président (M.
Bernier) : Allez-y, monsieur.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) : Oui. Bonjour. Bien, je vais vous parler
des tarifs d'électricité. La commission fait deux recommandations à cet effet-là. Dans le contexte actuel, les
tarifs d'électricité ont été... Il y a eu un branle-bas de combat, là, depuis plusieurs années puisque les
tarifs d'Hydro-Québec ont augmenté beaucoup plus vite que l'inflation. Conjugué aux hivers froids qu'on a eus, bien, ça a
mené beaucoup de ménages dans une impasse financière. En 2014, il y a eu 288 000 ménages qui ont dû prendre d'une
façon ou d'une autre une entente de paiement avec Hydro-Québec pour acquitter leur facture. C'est une progression de
45 % par rapport à 2013. Un record de débranchements,
malheureusement, en 2014 également : 62 000 ménages. Je pense que le
ministre des Ressources naturelles a émis un décret enjoignant Hydro-Québec à ramener les hausses de tarifs à
l'inflation dans son plan stratégique qui doit être déposé cet automne.
Alors,
dans ce contexte-là, on trouve que
l'idée de la commission d'augmenter le tarif patrimonial, ce qui aurait
un impact majeur sur la facture d'électricité des Québécois, est une idée
téméraire et à un moment qui est vraiment mal choisi.
Aussi, pour nous, l'électricité, c'est un service essentiel. Ça frappe plus
durement les plus démunis, mais aussi la classe moyenne, nous, ce qu'on appelle les ménages à budget modeste,
hein, qui n'ont pas accès à des ententes de paiement spécifiques avec Hydro-Québec, donc, souvent sont
laissés à eux-mêmes pour faire face aux hausses de tarifs d'Hydro. Ils
n'ont pas les moyens d'isoler leur maison convenablement ou ils ne sont pas
propriétaires.
Il
y a une autre mesure aussi de la commission, une taxe à la surconsommation
d'électricité. Pour nous, ça, c'est basé
sur un sophisme, lequel étant que les Québécois surconsomment l'énergie. La
commission n'a pas documenté d'où provient
ce constat. Pourtant, nous, quand on vérifie dans les données de Ressources
naturelles Canada, bien, au contraire, le nombre de... l'intensité énergétique par ménage, là, la quantité
d'énergie qu'un ménage utilise en moyenne au Québec est beaucoup plus faible que dans le reste du Canada. Donc, on dirait que c'est une réponse à un problème
qui n'existe pas.
Et,
pour ce qui est du bloc patrimonial,
la commission justifie ça, d'après nous, avec un autre sophisme à
l'effet que, bon, les tarifs d'électricité
d'Hydro-Québec sont plus bas que la plupart des autres juridictions
nord-américaines, donc ça sous-entend
qu'il y a un rattrapage à faire, mais ce n'est pas la statistique pertinente à
regarder. Quand on regarde le budget d'un
ménage, ce qu'il faut regarder, c'est le poids de sa facture d'électricité ou
d'énergie en général, hein, dans son budget. Dans les autres juridictions nord-américaines, en général, la
température est beaucoup plus clémente qu'au Québec. On ne chauffe pas
beaucoup l'hiver quand on chauffe, et, dans beaucoup d'autres juridictions, si
on chauffe, on chauffe au gaz naturel qui est beaucoup moins cher.
Donc,
quand on regarde les données qui proviennent de Statistique Canada, en
pourcentage, la dépense d'énergie après
taxe, en pourcentage du budget des ménages, bien, encore une fois, on se rend
compte que le Québec est dans la moyenne et même un petit peu en haut.
Donc, on dépense légèrement plus en ce moment pour notre énergie, donc augmenter les tarifs d'Hydro, encore une fois, ce
serait la réponse à un problème qui n'existe pas. Donc, on demande, on
vous recommande de ne pas adopter ces mesures ou de s'y opposer. Alors, voilà.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Alors, merci de votre présentation. M. le
ministre, la parole est à vous.
M.
Leitão : Très bien.
M. le Président, merci. Alors, bonjour. Merci d'être là. Je n'ai
pas trouvé ça tellement
élégant de dire que... penser que je ne
serais pas présent aujourd'hui. On est une commission
parlementaire, bien sûr
que je vais être là. Bon. Je vais laisser à mon collègue la chance de
poser des questions.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Pontiac.
M.
Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation et d'être avec
nous aujourd'hui. J'ai trouvé quelques éléments de ce que
vous venez de dire particulièrement intéressants, notamment quand vous faites référence à la tendance chez les économistes, et
vous dites que ce que le rapport Godbout propose est en quelque sorte à contre-courant. Évidemment,
hier, on a eu la chance de voir M. Godbout ainsi que tous les commissaires qui
étaient présents, qui représentent une bonne partie de la communauté économique
au Québec. Ils nous ont même dit... En fait,
M. Fortin, Pierre Fortin, qui était ici avec un autre groupe, nous a dit
que la grande majorité des économistes de renom au Québec avait
été consultée, peut-être à l'exception de nos deux collègues ici, les deux
députés présents. Et c'est évidemment la conclusion à laquelle ils sont
arrivés. Bon.
On
peut en débattre, mais il y a certains points que vous avez faits par le passé,
par exemple, que je trouverais intéressant d'analyser. Vous
avez, par le passé, présenté des suggestions quant à
l'augmentation des paliers
d'imposition, une augmentation du nombre de paliers d'imposition. Évidemment,
le rapport de M. Godbout parle de passer de quatre
à neuf paliers d'imposition en ajoutant, évidemment, des paliers
d'imposition pour les gens à plus faibles revenus. Vous avez parlé d'en ajouter à l'autre extrême
également. Donc, j'aimerais savoir, pour vous, l'ajout de paliers
d'imposition pour des gens à faibles revenus, ce qui leur permettrait d'avoir un taux d'imposition plus bas,
qu'est-ce que ça vous dit?
Le
Président (M. Bernier) : Mme Gibeau.
Mme
Gibeau (Élisabeth) : Donc,
pour nous, l'approche... On a souligné justement la valeur de l'idée d'augmenter la progressivité en multipliant le nombre de
paliers d'imposition. Ce qu'on déplorait, c'est que ce soit fait dans
l'optique non pas d'aller chercher des
nouveaux revenus, mais d'aller compenser pour d'autres mesures qui allaient
être faites. Et la proposition qu'on fait, en collaboration avec la Coalition opposée à la tarification et la
privatisation des services publics, c'est
11 paliers, mais on ne s'obstinerait pas longtemps sur huit, neuf, 10, 12
paliers. L'objectif, ce n'est pas tellement le nombre de paliers, mais
c'est l'idée d'aller chercher les nouveaux revenus, et ça, ça nous permettrait
d'aller récolter 1 milliard de dollars,
selon les paliers que nous, on proposait avec la coalition tarification. Et on
met souvent de l'avant le fait que
ces 11 paliers d'imposition permettraient une baisse d'impôt pour 94 % des
contribuables. Donc, on n'irait pas alourdir le fardeau fiscal pour les
contribuables; on allège pour 94 % des contribuables et on va chercher
auprès des plus fortunés davantage de contributions.
• (12 h 20) •
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M.
Fortin (Pontiac) : Un des objectifs que vous avez évidemment, c'est la
réduction du fardeau fiscal de cette grande majorité des contribuables
là. J'imagine que vous avez vu les chiffres que M. Godbout a présentés, en
disant lui-même qu'une grande partie de la
population bénéficierait, aurait plus d'argent dans ses poches à la fin de la
journée avec le rapport Godbout. Alors, qu'est-ce qui vient vous faire dire que
ce n'est pas la solution à préconiser?
Le Président (M.
Bernier) : Mme Gibeau.
Mme
Gibeau (Élisabeth) : J'aurais du mal à croire la prétention que le
rapport Godbout donnerait plus d'argent dans la poche des contribuables. Moi, si on considère juste le fait que
40 % des contribuables à l'heure actuelle n'ont pas de revenus suffisants pour payer des impôts,
évidemment que ces gens-là ne profiteront pas des baisses d'impôts, mais
vont subir de plein fouet les hausses de tarifs d'électricité, les hausses de
TVQ. Donc, je ne sais pas, juste en regardant cet exemple-là, on voit tout de suite que c'est loin d'être tout le monde
qui profiterait de ces mesures-là. Plus d'argent dans les poches, là,
non, on n'y souscrit pas.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Fortin (Pontiac) : Merci. Ah! bien, parlons-en, alors, des tarifs,
justement, des tarifs d'électricité. Entre autres, vous avez, au cours de votre présentation, là,
fait le point sur cette proposition-là. Hier, il y avait des gens
d'Équiterre qui étaient avec nous, il y
avait Sidney Ribaux qui est, évidemment, là, un des fondateurs d'Équiterre,
mais qui, également, est un ancien
analyste en énergie pour Option Consommateurs, si je ne me trompe pas, et donc
on a profité du fait qu'il était ici
pour lui poser la question : Une augmentation du tarif patrimonial,
qu'est-ce que ça peut vouloir dire, justement, pour ces gens-là, les
gens à plus faibles revenus, les gens plus démunis, à qui on pense parfois, là,
quand, justement, il peut y avoir hausse des
tarifs d'électricité? Et on lui a demandé de faire un petit peu cette
analyse-là. Je dois vous dire que la
réponse qu'il nous a fournie n'est pas exactement celle que vous avez présentée
dans votre analyse initiale, comme quoi, pour lui, c'était évidemment un outil à s'assurer d'une bonne
consommation, qu'il y a des impacts environnementaux importants dans la
chose, mais que ce n'était pas nécessairement pour affecter de façon
disproportionnée, là, les gens les plus démunis. Vous pensez quoi de son
analyse?
Le Président (M.
Bernier) : M. Moisan.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) : Nous, l'Union des consommateurs, on est
un regroupement de 10 ACEF, des
associations d'économie familiale, qui rencontrent beaucoup de gens sur le terrain
qui ont des problèmes budgétaires, en
particulier avec Hydro-Québec, qui est un poste de dépense important. Donc, il
y a beaucoup de ménages, comme vous dites,
plus démunis qu'on rencontre, à faibles revenus, mais aussi maintenant, si vous
me permettez l'expression, du bas de
la classe moyenne, qui ont de la difficulté actuellement à payer leur compte
d'Hydro. On est à des niveaux record. Ça, les chiffres que j'ai présentés dans le mémoire et que je vous ai fait part
tantôt, 288 000 ménages qui ont pris des ententes de paiement, c'est les chiffres qui proviennent
d'Hydro-Québec. Alors, avec tout le respect que j'ai pour M. Ribaux, il
n'est peut-être pas à jour sur les
informations terrain que nous transmettent nos associations coopératives
d'économie familiale.
Donc, pour nous,
c'est certain qu'on voit maintenant toute une classe de clientèle aussi, comme
je vous ai expliqué, les ménages à budget
modeste, qui sont un revenu juste un peu en haut des lignes de faibles revenus,
qu'on ne voyait pas il y a quelques
années. Maintenant, ils viennent cogner à la porte de nos ACEF pour avoir des
conseils ou de l'aide de dernier recours. Donc, il y a une augmentation
importante des difficultés pour ces gens-là. Les débranchements d'Hydro-Québec,
62 000 ménages, en grande partie, ça, c'est justement ces gens-là qui sont
débranchés. Hydro-Québec, disons, a quelques programmes spécifiques pour les ménages à
très faibles revenus, une fois qu'on a des preuves de revenus. Donc, tout ce
qu'on voit, ces débranchements-là, c'est des gens à budget modeste, là, qui
n'arrivent pas à acquitter leur facture d'électricité.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M. Fortin
(Pontiac) : Une dernière question, parce que je sais que mon collègue
de Sainte-Rose a également une ou
deux questions à vous poser. Une des choses qui m'ont surpris dans votre
présentation, justement, en rapport avec les tarifs d'Hydro-Québec, c'est votre opposition,
disons, à la taxe à la surconsommation. Je dois vous avouer que moi, j'ai une grande maison et que peut-être
on tomberait dans cette catégorie de surconsommateurs. Et, quand on parle de s'assurer que les gens utilisent bien
l'électricité, il me semble que ces consommateurs-là font justement
partie de ceux qui doivent vérifier leur utilisation un peu plus. Je suis
surpris de vous entendre dire que ce n'est peut-être pas la meilleure mesure pour le faire. C'est simplement un
questionnement. Donc, je vous demanderais d'élaborer un peu sur la
question.
Le Président (M. Bernier) :
M. Moisan.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) : Bien, pour nous, en ce moment, les
tarifs d'électricité sont suffisamment élevés par rapport à leur coût
social, là, donc pas juste le coût de production, tout ce que ça peut
représenter. C'était d'ailleurs la conclusion
de la Commission sur les enjeux énergétiques, qui a déposé son rapport en
février 2014. L'électricité, c'est
quand même une source d'énergie qui est relativement verte, comparée, par
exemple, aux combustibles fossiles.
Encore une fois, la Commission sur les enjeux énergétiques suggérait de porter
nos efforts d'efficacité énergétique sur les combustibles fossiles, en
particulier dans le domaine du transport.
Je rajouterais
qu'une des raisons aussi pour laquelle on s'y oppose, c'est telle qu'elle est
formulée : ce n'est pas simplement
des surconsommateurs qui la paieraient, il y a beaucoup de ménage... On a même
donné un exemple, dans le mémoire :
des gens qui ont un quatre et demie qui finalement se feraient... paieraient
cette surtaxe. Alors, la commission a un point de vue, je dirais, dogmatique en
indiquant qu'un logement de type cinq et demie ne paierait pas cette surtaxe.
Nous, ce n'est pas ce qu'on constate sur le terrain. Il y a beaucoup de ménages
qui ont des logements mal isolés; malheureusement, ils n'ont pas les
moyens d'y faire face, et leur consommation augmente. Mais est-ce que c'est de
la surconsommation? Je ne penserais pas, là. C'est pour du chauffage en hiver.
Donc, pour nous, la mesure est mal conçue également.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Sainte-Rose.
M. Habel : Oui. Merci, M. le
Président. Je vais continuer un peu dans la même lignée, sur l'aspect de la surconsommation de l'électricité. Donc, vous êtes
en train de... Puis je vais vous dire, en partant, là, les gens qui
viennent des fois à notre bureau, ils
viennent pour des ententes de paiement, donc on est conscients de la situation.
Puis ça nous fait plaisir, à chaque
jour, aussi de les accompagner dans ces ententes de paiement là pour maintenir
l'électricité à ces gens-là.
Sur le point
de vue de la surconsommation, vous avez mentionné que c'est 80 kWh par
jour environ. Est-ce que vous avez beaucoup d'exemples de personnes qui
ont de faibles revenus qui surconsommeraient ce 80 kWh par jour?
Le Président (M. Bernier) :
M. Moisan.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) : On n'a pas fait un dénombrement
officiel, là. Évidemment, c'est Hydro-Québec qui pourrait vous aider à
répondre. Mais, encore là, Hydro-Québec n'a pas nécessairement l'information
par rapport à la taille du logement des
gens, hein? Il faudrait mener une enquête. Là vous avez un exemple en annexe,
je pense, en annexe 2, vers la fin du
mémoire : une dame d'un quartier relativement pauvre à Montréal,
Parc-Extension, je pense qu'elle a un
quatre et demie, et, d'après sa facture, qui est présentée, là, sa consommation
des mois de décembre et janvier doit tourner autour de
6 000 kWh pour 60 jours, donc une centaine de kilowattheures par
jour.
Nous, ce qui
nous a surpris, au contraire, c'est la commission, de voir la commission
prendre un seuil de 80 kWh par
jour sans aucune analyse ou référence. Moi, personnellement, je suis analyste
dans le domaine de l'énergie depuis plusieurs années, je n'ai jamais
entendu parler de seuil précis, vu d'études là-dessus, donc je ne sais pas d'où
la commission tire ce seuil-là.
Le Président (M. Bernier) :
Une courte question.
M.
Habel : Ah! Mais il faut aussi prendre l'ensemble du rapport, dans son
ensemble, c'est-à-dire que certaines mesures
prises... Puis on a reçu M. Godbout à cet effet-là. Il nous a dit :
Il faut le prendre dans son ensemble. Donc, je tiens à dire que lui nous a parlé d'une assurance d'avoir
un maintien du filet social, notamment avec l'instauration de la hausse
du seuil de pauvreté, c'est-à-dire de passer
de 14 231 $ à 18 000 $ pour le premier palier d'imposition,
la hausse du nombre de paliers
d'imposition. Il nous a aussi parlé du crédit d'impôt solidarité, de
l'augmentation aussi de la taxe sur les véhicules de luxe et
l'incitation au travail.
Donc, dans sa globalité, est-ce que vous ne
pensez pas quand même, avec les chiffres qui sont apportés par le rapport
Godbout, que l'impôt sur le revenu des fois est plus négatif que, par exemple,
la tarification? Et c'est prouvé.
• (12 h 30) •
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Rousseau.
M. Habel : Ne pensez-vous pas quand
même qu'on s'assure d'un certain filet social avec ça?
Le Président (M. Bernier) :
Je dois vous interrompre. Maintenant, nous devons aller du côté de l'opposition
officielle parce que je dois terminer à 13 h 40... 12 h 45.
Donc, M. le député de Rousseau, la parole est à vous.
M.
Marceau : Merci.
Votre question comportait trop de propositions subordonnées, et ça vous a joué un tour. Mais je
peux laisser peut-être répondre 30 secondes aux intervenants, à votre question,
M. le député.
Le
Président (M. Bernier) : M. Moisan.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) : Merci, M. Marceau. Très
rapidement, je regardais les chiffres de M. Godbout dans l'annexe 6 de la présentation qu'il a donnée
hier, page 1, j'ai pris... Il y a un tableau, là. Quelqu'un... un couple
qui fait 20 000 $, selon M.
Godbout, au net, il y aurait un impact positif de 177 $ avec sa réforme.
Malheureusement, on voit, par
exemple, qu'il y a une Prime au travail là-dessus de 311 $. Donc, moi, ma
compréhension, c'est qu'un couple qui aurait un revenu de 20 000 $, mais que ça ne soit pas un revenu de
travail, n'aurait pas accès à la Prime au travail, déjà serait dans le négatif, et ça, ça ne comprend pas les hausses de
taxes ou de tarif sur l'électricité, par exemple. Donc, moi, je vois
plusieurs ménages à budgets modestes, des ménages démunis, là, qui seraient
perdants avec la réforme proposée.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Marceau : Oui. Bon, bien, merci pour votre mémoire, merci pour
aussi votre présentation et vos commentaires.
Peut-être
un aspect qui n'a pas été abordé spécifiquement puis que j'ai soulevé à
quelques reprises depuis le début des
travaux, c'est la question des aînés qui, dans le passé... Donc, je rappelais
simplement le fait que les personnes qui sont arrivées à l'âge de la retraite
ont, lorsqu'ils étaient travailleurs, payé des impôts sur le revenu
relativement élevés et des taxes à la consommation relativement faibles, et là
on leur dit, après leur vie de travail : Maintenant, on change le monde,
et on va baisser les impôts sur les revenus, puis on va
taxer plus la consommation. Évidemment, ils sont perdants dans le processus.
J'aimerais juste... vous qui connaissez bien
effectivement les aînés, surtout ceux qui ont plus de difficultés financières,
là, à travers vos ACEF, là, peut-être nous dire comment vous pensez que ça va
être reçu parmi les gens chez vous.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Gibeau.
Mme
Gibeau (Élisabeth) : Bien, écoutez, on voit déjà de plus en plus de
ménages qui viennent cogner aux portes des
ACEF. C'est ce qu'on nous rapporte année après année. Donc, tout ce qu'on
entrevoit, c'est une situation qui va empirer entre autres pour les
aînés. Et, quand on parlait du filet social tout à l'heure, les crédits d'impôt
à l'heure actuelle ne sont pas suffisants
pour combler les besoins. Donc, on parle... Je suis allée faire les calculs sur
la petite calculette de Revenu Québec
hier pour le crédit d'impôt pour solidarité. Un ménage qui gagne
50 000 $ à l'heure actuelle de revenu familial avec deux enfants reçoit 36 $ par mois de
crédit d'impôt pour solidarité, et ça, c'est supposé compenser la TVQ et
l'impôt foncier, et, à 60 000 $ de
revenu familial pour deux adultes, c'est 0 $. Donc, je sais que le rapport
Godbout propose de bonifier ces
crédits d'impôt là, mais on aurait aimé voir dans le rapport des projections
pour voir, si on hausse le taux de 1 %,
de combien devrait-on bonifier les crédits d'impôt. Donc, justement par rapport
aux aînés, les aînés seront comme tous les autres ménages à faibles
revenus et moyens revenus...ils vont être pénalisés de plein fouet par ce qui
est proposé : hausse de TVQ, hausse de
tarif d'électricité, et, pour 40 % des contribuables, aucune baisse
d'impôt. On voit mal comment les Québécois pourraient s'en tirer
gagnants.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Marceau : Puis il y a aussi... puis c'était peut-être le point
sur lequel... j'entends très bien ce que vous dites, là, mais il y a
aussi le fait qu'on change les règles du jeu, là, en cours de route.
Mme Gibeau
(Élisabeth) : Oui.
M.
Marceau : Évidemment, chaque changement fiscal, ça crée des
perdants et des gagnants, et j'ai tenté d'en convaincre mes collègues depuis hier, et on n'a pas l'identité des
perdants parfaitement dans le rapport, malheureusement, là. Mais, quand on change les règles du jeu en
particulier, il y a des gens qui gagnent et puis il y a des gens qui
perdent, et, dans ce cas-ci, les aînés, moi,
ça m'apparaît être des perdants très, très clairs, là, beaucoup plus que
d'autres contribuables.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) : Peut-être juste en complément de
réponse à Mme Gibeau, c'est l'intuition que j'avais aussi. Quand je regarde les tableaux présentés par
M. Godbout, quasiment tout le monde gagne. Évidemment, on cherchait
les perdants. C'était un peu ma première intuition, là, que ça serait les aînés
dans le fond qui paieraient les baisses
d'impôt. Je pourrais rajouter rapidement, vu que je suis dans
l'électricité : Les aînés passent la journée à la maison, donc ils chauffent plus, sans compter qu'ils
peuvent mettre la température peut-être un peu plus élevée pour toutes
sortes de raisons, donc ça va leur faire d'autant plus mal, et malheureusement
ces impacts-là, bien, ce n'est pas présenté dans les calculs du rapport.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M. Marceau : Très bien. Par ailleurs, vous avez soulevé, puis je
trouvais ça... vous êtes les seuls, d'ailleurs, qui l'avez fait, là, et puis ça témoigne de la lecture
méticuleuse que vous avez faite de la documentation disponible. Vous avez noté que,
lorsqu'on parle, là, du concept de coût marginal des fonds publics, là, ce
concept-là peut être enrichi par les aspects
redistributifs, et effectivement... Parce qu'il y a deux piliers, là, dans le
fond, sur lesquels s'appuie le rapport. Il y a le modèle d'équilibre général calculable dont on a parlé abondamment
ici, en commission, puis il y a le concept de coût marginal des fonds publics qui a été, entre autres, exploré par les
économistes Dahlby et Ferede, puis, effectivement, dans une conclusion d'un de leurs travaux, ils disent
effectivement : Les coûts marginaux des fonds publics qu'on utilise — qui ont été utilisés
beaucoup par le député de Sainte-Rose dans ses questions auparavant — on pourrait les ajuster pour tenir compte des
impacts redistributifs. Ça n'a pas été fait
par les auteurs, mais ça pourrait être fait. Je vais juste vous laisser ajouter
à ça.
Le Président (M.
Bernier) : Mme Gibeau.
Mme
Gibeau (Élisabeth) : C'est là-dessus qu'on base notre principale critique
du rapport parce que, pour nous, ça
nous semble inadmissible qu'on puisse baser une réforme fiscale sans avoir fait
l'analyse complète. Et là les auteurs l'admettent
eux-mêmes en remettant leur rapport à la commission, mais la commission, dans
son rapport final, a omis toute cette
partie-là, n'a gardé que les conclusions à l'effet que les tarifs et les taxes
à la consommation seraient meilleurs pour
stimuler l'économie. Mais qu'est-ce qui serait mieux? Qu'est-ce qui est le
mieux pour la population? Quels seraient les effets de ces mesures sur la population, la redistribution de la
richesse? On ne le sait pas. Les auteurs, même, disent qu'un impôt qui
serait supporté principalement par les pauvres comporte un coût social élevé.
Ça, ce sont les mots mêmes des auteurs Ferede, Dahlby et compagnie.
Donc,
voilà, pour nous, c'est sur cette base-là qu'on dit qu'on ne peut pas aller de
l'avant avec cette réforme fiscale là :
pour le fait qu'elle soit faite à coût nul, sans perspective de mieux financer
nos programmes sociaux et parce qu'il nous manque des données
extrêmement importantes pour savoir quel serait l'effet concret sur les ménages
québécois de cette réforme fiscale là annoncée.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Rousseau, 1 min 20 s.
M.
Marceau : Peut-être
une dernière question très rapide. Je veux juste être certain de bien
comprendre. Donc, le bouclier fiscal,
vous dites qu'il a un effet temporaire, mais là, ça, c'est un peu la nature de
la machine, là. C'est-à-dire,
moi, ce que je comprends, puis vous me le confirmerez, c'est que, si le revenu
d'un individu augmente, admettons de 25 000 $
à 27 000 $, le bouclier, admettons, en 2014, admettons... La
protection qui est offerte par le bouclier fiscal opère lorsque le revenu augmente de 25 000 $ à
27 000 $. Évidemment, si le revenu du contribuable demeure à
27 000 $ pour la suite, évidemment, l'année suivante, il n'y a
pas... enfin, la protection demeure, mais il n'y a pas d'amélioration de la
protection. Vous, vous suggérez que ça soit étalé, que ça dure plus longtemps
ou...
Le Président (M.
Bernier) : Mme Gibeau.
Mme
Gibeau (Élisabeth) : On
aurait souhaité voir une analyse à l'effet... un bouclier fiscal qui soit
appliqué sur un an, deux ans ou trois
ans, quel serait l'effet sur l'incitation au travail. Parce qu'il nous apparaît
qu'un an ne sera pas suffisant pour
permettre à un ménage, tu sais, de se remettre en emploi, de reconsolider son budget,
et tout. Et, en plus, quand on
regarde les montants qui sont octroyés, ce n'est pas des montants qui sont très
élevés, donc, ça aussi, il nous manquait d'éléments d'analyse dans le
rapport pour essayer de voir est-ce que le montant est suffisant, d'après les
analyses qui sont faites, pour inciter un ménage à demeurer en emploi.
On
regardait, pour une hausse de revenu de travail de 1 000 $, nos
calculs nous montrent que ce serait 180 $ de plus par année qu'un ménage — pas
seulement un contribuable, un
ménage — recevrait.
Est-ce que 180 $ par année de plus, c'est vraiment ce qui permet à
quelqu'un de se réinsérer en emploi?
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Bienvenue à Mme Gibeau et M. Moisan-Plante. C'est
un rapport assez complet, parce que vous
avez une foule de statistiques qui m'interpellent beaucoup, et, la principale,
on en parle depuis tantôt, et j'en ai parlé souvent : Hydro-Québec.
Les tarifs d'Hydro-Québec, moi, j'ai dit... J'avais déjà dit dans une autre
commission parlementaire que j'ai toujours pensé qu'il y avait Dieu et
Hydro-Québec. À l'autre commission parlementaire, j'ai dit qu'il y avait Dieu,
le président du Conseil du trésor et Hydro-Québec et je le maintiens.
Excusez-moi, M. le ministre des Finances, mais...
Une voix :
...
• (12 h 40) •
M.
Spénard : L'Hydro-Québec, c'est parce que... Vous m'avez
éclairé parce que, souvent, on dit : Bien, on a les plus bas tarifs en Amérique du Nord, donc il
faudrait se comparer avec les tarifs... ce qui se fait ailleurs, et tout, mais
vous, vous avez apporté une nuance qui, pour
moi, est fort importante. Il faut regarder non pas ce qui se fait ailleurs,
mais il faut regarder le coût
énergétique par rapport au portefeuille des ménages des autres provinces, le
coût énergétique comparable. Et ça, je trouve ça intéressant, et j'ai
regardé dans votre... l'ensemble des ménages ayant une facture d'électricité,
le pourcentage des revenus consacrés à la
facture d'électricité d'après la chose salariale. Mais est-ce qu'on peut... C'est quoi, dans les autres provinces ou dans les autres...
Est-ce que vous avez un pourcentage de revenus consacré à l'énergie? Parce que
je ne l'ai pas vu dans vos statistiques.
Le Président (M. Bernier) :
M. Moisan.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) :
Oui, bien, il y a un graphique dans notre mémoire, je pense,
c'est en page 35.
M.
Spénard : Oh!
attendez, je ne suis pas rendu là. O.K.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) :
Ça, c'est la dépense pour l'énergie après taxe à des fins résidentielles.
Là, on voit que le Québec est en milieu de peloton, si on veut, pratiquement
égal à l'Alberta.
Évidemment,
les tarifs d'électricité, ils sont plus bas au Québec peut-être,
mais on chauffe beaucoup plus parce qu'il fait plus froid qu'en
moyenne dans le reste du Canada. Deuxièmement, on chauffe à l'électricité. Ça,
c'est spécial qu'on ait un climat
aussi froid et qu'on chauffe à l'électricité. Normalement, le gaz naturel
est moins cher pour chauffer. C'est ce qu'on
utilise en Alberta majoritairement,
même au Manitoba et en Colombie-Britannique. Même si on a des ressources
hydroélectriques, il y a beaucoup de ménages qui vont chauffer au gaz. Donc,
leurs factures d'énergie vont être...
M.
Spénard : Mais ça
comprend le gaz, ça aussi, quand vous parlez d'une facture énergétique.
M. Moisan-Plante (Marc-Olivier) :
Oui.
M.
Spénard : O.K.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) : C'est ça, la plupart des ménages, par
exemple, en Alberta, vont chauffer au gaz
et, bon, l'électricité pour l'éclairage évidemment puis les électros, mais
leurs factures finales d'énergie en proportion de leurs budgets vont
être plus élevées que le Québec. Même si leur tarif d'électricité peut être
beaucoup plus élevé...
M.
Spénard : ...est
beaucoup plus élevé.
M.
Moisan-Plante (Marc-Olivier) : Mais ils l'utilisent beaucoup moins.
Donc, simplement s'en tenir au niveau des tarifs, c'est une analyse qui
est complètement incomplète.
Puis je
rajouterais aussi qu'il y a beaucoup de juridictions dans lesquelles
l'électricité à des fins résidentielles est traitée différemment d'un
niveau soit taxation ou aide gouvernementale. En Colombie-Britannique, il n'y a
pas de taxe provinciale sur soit l'électricité ou le gaz au niveau résidentiel.
Ça ne leur empêche pas d'avoir une taxe sur le carbone, là, qui va jouer, mais
on considère que c'est un bien essentiel puis on ne taxe pas ça.
En Ontario,
en ce moment, il y a une remise de 10 % sur la facture finale des usagers
pour l'électricité, encore une fois
pour aider les ménages à payer. Des programmes à grande échelle. Alors, tout ça
fait en sorte que ça explique un peu l'apparente
contradiction entre les tarifs les plus bas ou parmi les plus bas et des
records de débranchements, des ententes de paiement qui atteignent des
nouveaux records au Québec.
M.
Spénard :
Oui, j'ai vu le graphique. Une autre chose qui m'a surpris, que vous avez dite...
Je n'ai pas vu de statistiques, mais j'aimerais ça que vous élaboriez un
peu plus. Les trois quintiles, c'est-à-dire 60 % des ménages, dépensent plus que leurs revenus disponibles. Où
avez-vous... Je ne sais pas vous prenez ça où? 60 % des ménages,
c'est quand même énorme, c'est la majorité des ménages au Québec, ça.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Gibeau.
Mme Gibeau (Élisabeth) : Oui, donc,
c'est des statistiques fiscales... Pardon, c'est une statistique fiscale qui est tirée d'une étude de l'IRIS. La référence est
dans la recherche, est dans le mémoire, je vais essayer de vous la
retrouver. Et, oui, on avait les tableaux qui démontraient clairement que les
trois premiers quintiles, donc les quintiles avec les plus faibles revenus...
M.
Spénard : Oui,
évidemment.
Mme Gibeau
(Élisabeth) : ...dépensaient tout ou plus que leurs revenus
disponibles à l'heure actuelle au Québec. Donc, ça nous donne un petit peu une idée de la marge de manoeuvre qu'on
a pour augmenter les taxes et les tarifs qui vont aller directement,
selon nous, augmenter l'endettement des ménages.
M.
Spénard : Et donc
les baisses d'impôt ne les toucheront pas nécessairement autant.
Mme Gibeau
(Élisabeth) : Bien, pour 40 % de ces contribuables-là, les
baisses d'impôt ne les toucheront pas du tout, alors qu'ils vont subir
de plein fouet les hausses de taxes et tarifs.
M.
Spénard : O.K.
Le
Président (M. Bernier) : Donc, merci de votre participation,
Mme Gibeau, M. Moisan-Plante, à la Commission des finances publiques.
Je remercie également tous les groupes qui ont participé ce matin, les
parlementaires et le personnel de l'Assemblée nationale qui nous a assistés
dans nos travaux.
Je lève la séance, et la commission ajourne ses
travaux au jeudi 10 septembre, 9 h 30.
(Fin de la séance à 12 h 45)