Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Wednesday, October 9, 2024
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Vol. 47 N° 70
Special consultations and public hearings on Bill 71, An Act to improve support for persons and to simplify the social assistance regime
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11 h (version non révisée)
(Onze heures quatorze minutes)
La Présidente (Mme D'Amours) : Alors,
bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue
et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi no 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à
simplifier le régime d'assistance sociale. Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Dufour (Abitibi-Est) est remplacé par Mme Blais
(Abitibi-Ouest); Mme Tremblay (Hull) est remplacée par Mme Poulet
(Laporte); Mme Dufour (Mille-Îles) est remplacée par Mme Prass (D'Arcy-McGee);
Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme McGraw
(Notre-Dame-de-Grâce); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé
par Mme Labrie (Sherbrooke).
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Nous entendrons ce matin les témoins suivants, soit Renaissance Québec et la
Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre.
Je souhaite maintenant la bienvenue à Renaissance Québec. Je vous rappelle,
chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.
M. St-Arnaud (Éric) : Bonjour.
Mon nom, c'est Éric St-Arnaud, directeur général pour Renaissance Québec, et je
vous présente Guillaume Rousseau qui est conseiller aux affaires publiques pour
Renaissance Québec.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
M. St-Arnaud (Éric) : Bien,
merci de l'invitation, monsieur, madame, pour la Commission de l'économie et du
travail. Je me suis présenté, je travaille pour Renaissance Québec. C'est...
Personnellement, c'est... c'est intimidant de venir vous voir parce que je fais
partie de la classe ouvrière. Premier diplômé, j'ai fait un programme d'insertion
il y a 32 ans et je réussis aujourd'hui à être diplômé. Donc, je tiens à
cœur ce que je fais comme travail énormément. Je tiens à le dire, là, ça me
permet de me déstresser en vous parlant. Donc, je viens de la ville de Québec
aussi. Donc... Et c'est la première fois que je dis que j'ai fait un parcours d'insertion.
Donc, Renaissance Québec, c'est quoi? C'est une organisation qui a été créée à
Montréal...
M. St-Arnaud (Éric) : ...Montréal.
On est à peu près 1 500 employés. On est dans la moitié des régions
administratives de la province de Québec. On soutient à peu près
3 000 personnes à intégrer le marché du travail dans la province de
Québec par année. On est un partenaire avec Services Québec de longue date et
on autofinance plusieurs de nos programmes. Mais on n'est pas juste social, on
est aussi environnemental. Le deuxième volet de Renaissance, c'est de dévier
des sites d'enfouissement, là. On a dévié l'année dernière
27 000 tonnes des sites d'enfouissement puis on se dirige sur un
50 000 tonnes. Et notre but, ça serait d'aider un autre
10 000 personnes par année d'ici 2030‑2031 à intégrer le marché du
travail.
Donc, le projet de loi, pour moi,
no° 71, qui marque des changements importants dans le système d'assistance
sociale du Québec, propose des réformes structurelles qui répondent à certains
des enjeux de longue date auxquels les prestataires d'aide sociale sont
confrontés, tout en introduisant des mesures visant à mieux soutenir leur
réintégration socioéconomique. Certaines de ces réformes sont particulièrement
prometteuses. Par exemple, la révision des définitions légales pour les fausses
déclarations, ça permet de, bien, au lieu de pénaliser injustement certains
groupes de prestataires, est un pas dans la bonne direction.
Ou encore le fait d'exclure les proches
aidants avec une personne prestataire, la définition de conjoint est
essentielle car elle met fin à des situations inéquitables à l'aide offerte
pour les proches aidants naturels qui résulte dans une réduction des
prestations pour le ménage. Il en est de même pour les exclusions des
contributions parentales pour les jeunes adultes ne vivant plus avec leurs
parents. Ça vient vraiment aider la réalité économique de ces jeunes et
peut-être les propulser vers l'emploi par la suite.
Un autre point positif dans le projet de
loi est l'ajout du supplément de prestation pour encourager le retour aux
études. On sait que les études, c'est important de ne pas retourner au DAS. Ce
soutien supplémentaire encourage les bénéficiaires à améliorer leurs
qualifications et acquérir des compétences nécessaires. Moi, j'appelle ça un
peu la mobilisation. C'est commencer par une mobilisation. Bien, s'ils veulent
retourner à la DAS, c'est très bien. Puis on le sait, souvent, c'est l'argent
qui bloque. Donc, ça peut être un élément structurant pour venir aider.
Cependant, ces initiatives sont bien
louables, mais elles doivent être complétées par d'autres ajustements au projet
de loi pour maximiser leur impact. Nous croyons fermement qu'il y a des mesures
additionnelles qui doivent être mises en place pour s'assurer que chaque
prestataire ait accès à un accompagnement réellement personnalisé et qu'il
puisse progresser selon son propre rythme. Je pense qu'il faut sortir du carcan
et d'aller vraiment sur un programme personnalisé. Nous sommes tous différents,
puis on peut aider ces personnes.
Un élément central du projet de loi est la
création d'un réseau régional d'accompagnement qui aura pour mission de
superviser et d'accompagner les prestataires pour la mise en œuvre d'un plan de
programme individualisé. Et si derrière... derrière cette... l'intention
derrière cette mesure est positive, bien, on exprime certaines réserves sur le
comment, comment elle va être mise en œuvre, pour être certain de ne pas... de
ne pas le faire contre les réseaux qui existent présentement, mais comment on
peut s'appuyer pour faire un ajout supplémentaire. Donc, on veut être certain
que ce nouveau réseau ne vienne pas substituer, mais vienne collaborer avec les
réseaux existants.
Bien, Renaissance fait partie du
collectif, mais il y a d'autres réseaux d'employabilité qui existent. Il y a
les forums régionaux qui existent avec Services Québec. Mais comment on peut
faire en sorte que ça vient... C'est un ajout, mais ça ne vient pas... un ajout
supplémentaire, mais de travailler en cohésion, mais pas ajouter un plateau
supplémentaire.
Ça fait qu'on recommande donc que
l'article 18 sur le projet de loi soit amendé pour y inclure de façon
formelle des entreprises d'insertion dans les membres des réseaux
d'accompagnement. L'introduction... Le deuxième élément, l'introduction du
supplément de prestation pour le retour aux études, super note positive. Nous,
on ajouterait les D.E.P. puis les CFMS, les certificats de... de certification
de semi-spécialisé, parce que ce n'est pas vrai que tout le monde veut
retourner faire son secondaire V. Et en même temps il y a des gens qui veulent
aller dans des métiers spécialisés la mécanique, l'hôtellerie, les services. Et
on le sait qu'aujourd'hui il y a des besoins criants qui vont être là pour les
10, 15 prochaines années.
• (11 h 20) •
Comment on peut faire les deux... deux
choses en même temps, aider les gens à pouvoir aller à l'école dans des
domaines... Vous le savez un D.E.P., on peut aller le faire en secondaire II.
Si on a quitté le secondaire puis si on revient faire le secondaire, c'est une
bonne chose au point de vue de l'État, au point de vue, dire, bien, on a atteint
un niveau de secondaire V. Mais comment on peut individuellement aider ces
gens-là? En laissant peut-être un programme. Donc, les inclure pourrait
vraiment maximiser, puis faire une pierre deux coups, aider le marché du
travail, mais aider vraiment chacune des personnes dans des métiers qui sont
très intéressants, hein, il faut le dire.
En plus des modifications qu'on recommande
au projet de loi, d'autres mesures réglementaires et extraréglementaires sont
nécessaires afin d'assurer le meilleur accompagnement. Donc, par exemple,
l'enjeu crucial abordé par la révision du montant du revenu d'emploi qui peut
être exempté des prestations sans affecter le calcul de l'aide sociale,
exactement, présentement, il est 200 $ par personne. Par ménage, il est
300 $. Il n'a pas été ajusté depuis 1990. Donc, on met... on est
vraiment... On salue, là, le plan d'action du gouvernemental de la lutte...
M. St-Arnaud (Éric) : ...de
2024 à 2029, qui dit que le 10 % est exempté. Mais on croit qu'en même
temps il faudrait revoir le montant de 200 $. Je le sais que ce n'est pas
dans le projet de loi, mais c'est probablement dans les règlements, mais de
prendre en note, je pense, ce serait intéressant parce que c'est vraiment
l'argent qui peut bloquer, des fois. Parce que, vous savez, juste acheter
l'autobus, bien, si on n'est pas capables, bien, l'argent, quand on le coupe
immédiatement, ça peut être difficile. Donc, comment on peut inclure les gens
pour qu'ils aient leur place au soleil, ça peut être des éléments supplémentaires
au point de vue de l'évolution du coût de la vie. Donc on recommande de prendre
l'évolution du coût de la vie des 30 dernières années pour voir ce qu'on
peut ajouter dans le deuxième.
Puis, en fait, on recommande de bonifier
les ententes prévues aux entreprises d'insertion ou les organisations pour des
montants spécifiques pour soutenir les prestataires face aux difficultés qu'ils
peuvent vivre dans leur participation à un programme d'insertion. Présentement,
les programmes sont souvent cartonnés, mais ils ne sont pas pensés individuels.
Puis il est difficile parfois de faire un programme individualisé. Ça fait que
je salue le projet de loi qui veut davantage aller vers des programmes
individualisés, ce qui devrait aider davantage d'individus, surtout les gens
qui ont des grandes difficultés ou plusieurs pathologies additionnées ensemble.
Bien, un autre élément, c'est, bien qu'il
soit possible pour les prestataires de se faire rembourser des frais de
transport en commun qui est souvent géré présentement par l'État, bien, on
préfère... Puis il est difficile pour eux d'avancer l'argent avant de payer. Ça
fait qu'on dit : Bien, pourquoi les organismes qui travaillent en
employabilité ne pourraient pas gérer cette portion monétaire?
Ça fait qu'en conclusion le projet de loi
n° 71 ne réglera pas tout, il n'est pas parfait, mais il a un potentiel de
transformer positivement le système d'assistance sociale du Québec. Ça fait
longtemps qu'il n'a pas été revisité. Je vous félicite de le faire. Il... cependant
des ajustements ciblés pour maximiser son impact et créer un cadre d'impact
plus inclusif, flexible et résilient, et je mets le mot «flexible et
résilient». Chacun des individus a le droit à sa place au soleil. Et, si on
pouvait aider chacun, il est clair que le Québec en bénéficierait. Mais il faut
vraiment travailler avec ces individus-là. Ils ont le droit à leur place. Puis
ils ont perdu confiance en notre système et ils ont perdu confiance en
l'autorité, souvent. Comment leur redonner confiance, bien, il faut travailler
avec eux. Puis, des fois, bien, ça ne se fait pas en deux semaines, puis ça se
fait, des fois, pas en six mois, c'est comment on le fait avec chacun des
individus. J'ai vraiment confiance qu'on peut aider plus... un plus grand
nombre d'individus.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir
permis la parole.
La Présidente (Mme D'Amours) : M.
St-Arnaud, merci beaucoup pour votre exposé. C'est comme si vous aviez toujours
fait ça. Soyez sans crainte, vous pouvez revenir à toutes les commissions qui
toucheront votre dossier. Maintenant, nous sommes prêts à commencer les
échanges. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Et merci beaucoup, M. St-Arnaud. M. Rousseau. Bienvenue. Et
vraiment, merci de collaborer à cette commission qui nous permet de moderniser
les régimes d'assistance sociale, qui n'a... ce qui n'a pas été fait depuis
20 ans, comme vous l'avez si bien mentionné. Puis bravo pour votre
parcours et avoir tout le courage de le dire. Merci parce que c'est exactement
ça qu'on veut. Je ne connais pas toute votre histoire, là, mais l'objectif de
cette modernisation, c'est d'accompagner les gens, des gens qui sont éloignés
du marché du travail et de les ramener, de les insérer, procéder à l'insertion
sociale, participation sociale, éventuellement, en emploi. On agit de
différentes façons, là, évidemment, l'accompagnement, la formation. Et puis
c'est ça que vous... c'est ce que je comprends, vous êtes allés en insertion,
formation, puis atteignez ce... enfin, vous êtes devenu une personne
extrêmement importante dans le milieu, je le sais.
J'aimerais savoir quelles sont les plus
grandes embûches qu'une personne, là, puis là, on parle des prestataires de
l'aide sociale, parce que c'est... c'est le régime d'aide sociale, quels sont
les plus grands... les plus grandes embûches qu'une personne peut rencontrer
pour la réinsertion et pour aller en emploi, et même pour la formation?
Puisqu'on a un volet formation, là, qu'on met en place aussi... que nous
souhaitons mettre en place.
M. St-Arnaud (Éric) : C'est
une excellente question. Je vous dirais... Je vais vous donner l'exemple.
C'est... Je compare beaucoup l'employabilité à la dépendance. Et, dans le
système de santé, on parle beaucoup de problématique de porte tournante, des
gens qui ont une dépendance à la toxicomanie ou une dépendance.
L'employabilité, pour moi, c'est un peu la même chose. C'est que, si on ne
prend pas la personne puis on ne prend pas le temps...
M. St-Arnaud (Éric) : ...de le
servir correctement, il va tourner dans tous les programmes qu'on a puis il ne
trouvera sa place au soleil. Puis je trouve que c'est un... je sais que ce
n'est pas la même problématique, mais, pour moi, c'est... ça reste un être
humain. Donc, la première chose, c'est les embûches quand on sort de l'aide
sociale ou qu'on veut s'en sortir.
J'ai rencontré une femme, voilà deux ans,
que j'ai été visiter dans Hochelaga-Maisonneuve, et elle avait 11 enfants, elle
n'avait jamais pris l'autobus de sa vie, jamais pris le métro de sa vie puis
jamais sorti de son patelin, qui est Hochelaga-Maisonneuve, où ce que j'habite,
et elle n'avait jamais sorti de là. Donc, pour elle, juste de se dire qu'il
faut je me transporte pour aller à quelque part... On ne parle pas de l'argent
de la garderie, on ne parle pas des enfants, la conciliation. Ça fait que, là,
il y avait... il y a le transport.
Là, après ça, quand on arrive au travail,
ils vivent... ils vivent déjà de la stigmatisation. Donc, il faut souvent y aller
par progression, dans certains cas. Les programmes ont toujours été, dans le
passé, dire : Bien, tu rentres à 35 heures, puis ça finit là, mais, en
fait, ce n'est pas tout le monde qui a la capacité de commencer. Moi, j'appelle
ça la mobilisation. Au début, il faut travailler avec la personne, sa
mobilisation. Rentrer au travail, après la première journée, là, bien, une
femme enceinte qui a arrêté de travailler un an, elle revient au travail, la
première journée elle est brûlée. Ça fait qu'imaginez quelqu'un qui n'a pas
travaillé pendant six ans puis qui a de la misère à accepter un employeur.
Donc, juste travailler, c'est déjà quelque chose.
La nourriture, de se faire un lunch, déjà
qu'on a de la misère à avoir de l'argent pour... Tu sais, nous, on a...
Renaissance été fondée par le fondateur de Moisson Montréal. On a une belle
entente avec Moisson, ça fait qu'on réussit à avoir de la nourriture, puis on
fait des boîtes pour les gens pour qu'ils puissent se faire des lunchs. Mais
les gens qui arrivent pas de lunch, c'est très fréquent, là, la première
semaine.
Donc, imaginez, il faut que vous achetiez
les billets d'autobus, vous allez faire vous rembourser plus tard. Là, après
ça, il faut que vous ayez un lunch. Et là il y a toute la... l'acceptation de
l'autorité, que j'appelle, moi. C'est qu'en fait ils ont perdu... ils ont perdu
confiance en l'autorité paternelle et maternelle souvent, et après ça ils ont
perdu confiance en l'État. Donc, comment on reprend confiance tranquillement?
Et ça, ça se fait par pas.
Ça fait qu'il y a le transport, il y a la
nourriture. Donc, c'est pour ça que le 200 $, quand on commence à couper
immédiatement, ce n'est pas... ce n'est pas simple, là. Là, c'est sûr que,
quand ils embarquent dans le parcours d'insertion, c'est plus simple parce
qu'il y a un revenu dès le départ, mais ils ne sont pas là tout le temps, là.
Ça fait que, là, ils se font couper parce qu'ils ne peuvent pas faire 35
heures. Il y a des embûches. Là, après ça, je vous ajouterais, il y a la santé
mentale, il y a les enfants. Il y a beaucoup de monoparentales. Donc, il y a
plusieurs embûches qu'il faut traverser avec ces personnes-là. Il faut...
Les organisations comme les nôtres, on
travaille avec un écosystème complet, puis ça... C'est pour ça que je trouvais
que le réseau était un élément central qui pourrait permettre d'aider la
création de l'écosystème où ce qu'on pitche, excusez l'expression, la personne
à dire : Bien, va te trouver ta nourriture, va te trouver ton logement,
mais qu'il y ait une cohésion dans la communication. C'est ce que je trouve qui
est manquant au Québec, et probablement bien ailleurs, c'est... il y a des
filets qu'il y a des trous, puis la personne, elle tombe dans la craque parce
qu'il faut qu'elle change de programme, puis là... mais cette personne-là, elle
n'est pas... elle n'est pas dans la compréhension que nous... dans les
programmes. Ça fait que c'est : comment on peut travailler en cohésion,
parce que chacun, on a des expertises, puis ça ne sert à rien d'être... de devenir
une épicerie avec toutes les expertises, mais comment on travaille pour créer
un chaînon complet puis qu'on soit capable de travailler en cohésion.
• (11 h 30) •
Ça fait que les mutualisations de services
pour aider les gens seraient... c'est des outils supplémentaires, surtout pour
les éléments de base. Parce que, quand on sort des prestations, on est dans la
base, on est vraiment dans la base. C'est... Quand vous avez quelqu'un qui vous
dit qu'elle, ce qu'elle voit dans son frigidaire, c'est la lumière du
frigidaire, tu sais, ça fait mal au cœur, tu sais. Ou, tu sais... Puis on
l'entend. Ça fait que... Ou un M. qui a quatre enfants qui nous dit qu'il n'a
pas de four, ce n'est pas drôle, faire à manger à quatre enfants avec un four
micro-ondes.
Ça fait qu'il y a des enjeux. Ça fait
qu'il faut le rentrer sur le marché du travail, mais ce n'est pas... ce n'est
pas un clou qu'on rentre dans le bois. Ça fait que c'est : Comment
l'aider? Mais il faut avoir des partenaires autour de ça, puis c'est... Moi,
j'y crois vraiment. C'est par l'emploi qu'on réussit à s'accomplir
personnellement, qui par la suite va aider la société. Puis on va pouvoir aider
l'ensemble de la communauté autour de nous. Parce que l'emploi, ce n'est pas
juste l'individu, c'est la femme, c'est le mari, c'est les enfants, c'est les
grands-parents. C'est l'ensemble de la communauté autour de cette personne qui
est transformée. Et là vous parlez avec un fervent. Ça fait que je suis vendu
au modèle d'employabilité, là.
Mme Rouleau : On veut élargir
le programme Objectif Emploi, qui actuellement s'adresse aux premiers
demandeurs, aux primodemandeurs, là, qu'on appelle dans le jargon, et l'élargir
pour les personnes qui reviennent une deuxième fois à l'aide sociale pour leur
permettre d'avoir accès à ces... à ce programme qui va permettre l'intégration,
la formation puis...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Rouleau : ...à l'emploi,
qui est un programme obligatoire, et certains demandent que ce soit optionnel.
Croyez-vous que, si c'est optionnel, ça va permettre ou ça va faire en sorte
que les gens vont être plus enclins à avoir accès à ce programme-là?
M. St-Arnaud (Éric) : Ça, c'est
une excellente question, parce que le principe de base qu'on se dit... Il faut
vouloir. Parce que, quand vous êtes obligé... Mes parents m'ont dit de ne pas
fumer, j'ai quand même fumé et j'ai quand même mangé du fast food, puis ils m'ont
dit de ne pas le faire. Et après un moment donné, on apprend qu'il ne faut pas
fumer. Ça fait que, si on oblige, est-ce qu'on est en train d'inclure? Ça fait
que je pense qu'il faut aller par l'incitatif puis il faut que les gens, on
leur explique le bienfait au bout de la ligne pour les inclure.
L'obligation fait en sorte que les
personnes vont venir par le souci administratif, mais est-ce qu'on... Il faut
qu'il y ait une partie d'engagement dans le modèle. Ça fait que je suis mitigé,
dans le sens qu'il ne faut pas que les gens continuent à n'être pas informés
puis mis de côté, puis dire : Bien, c'est volontaire, ça fait que, là,
vous ne vous déplacez pas, puis il n'y a rien qui se passe. Il faut quand même
qu'il y ait une incitation, à au moins accompagner... contact.
J'ai travaillé beaucoup avec des
organisations comme Tapage, qui fait le travail à la journée, là, c'est un
modèle, et j'ai vraiment appris qu'en fait, plus il y avait le lien de
confiance qui se créait avec les gens, plus on était capable de les embarquer
dans un programme, puis là il y a un engagement qui se crée. Ça fait que l'obligation,
je vous dirais, ce n'est pas si bien, mais il faut qu'il y ait quelque chose
pour aider les gens à venir s'engager, parce que, sinon, bien, on va rester à
laisser ces personnes-là de côté, puis il faut essayer de les inclure, mais par
l'obligation, je... des fois, ça me... ça me tracasse un peu là, surtout par
des gens qui ont souvent perdu confiance en l'autorité. On va se le dire, là,
la grande majorité ont perdu confiance dans le système. Puis là je ne vous
parle pas de complotisme, je vous parle juste de l'autorité tout court. Des
fois, ils ont eu des vies familiales pas simples puis là ils se disent :
Bien, si mon... Tu sais, l'autorité, c'est nos parents, donc, par la suite, c'est
le ministre, c'est le patron, c'est le... donc tout est autorité. Donc, c'est
comment rebâtir la confiance, mais il faut le travailler avec les gens puis
avoir une conversation. Obliger, ça oblige à venir. Moi, je pense qu'il faut qu'il
y ait des incitatifs, puis ce n'est pas juste financier, mais de comprendre
dans quoi il peut aller.
Puis aussi qu'il ait le choix, vraiment,
le choix de son parcours, pour ne pas être obligé de faire quelque chose, mais
de choisir, au moins de l'aider... Nous, on appelle ça des projets de sortie,
chez nous. Bien, si vous avez le goût d'être caissière, tant mieux, mais si
vous voulez devenir médecin, bien, on va vous montrer c'est quoi, le chemin.
Vous avez le droit à votre vie, puis vous avez le droit chemin, puis vous avez
le droit à l'espoir aussi. Donc, c'est comment les ramener pour croire à ça.
Puis je crois qu'il y a beaucoup de modèles qui fonctionnent, et là,
présentement, c'est la flexibilité qui manquait pour inclure le maximum de
gens. Mais je salue l'ouverture, par exemple, sur... la plus grande ouverture
sur le programme, sur le plus grand nombre de personnes, parce que ça va être
plus simple de pouvoir inclure le plus grand nombre de personnes dans le
programme et ça va peut être inciter davantage de gens à venir, là. Là, l'obligation,
il faudrait voir le comment, dans l'obligation, là.
Mme Rouleau :
Oui.
Bien, ceci dit, l'obligation, elle est là, l'obligation, mais c'est beaucoup
axé sur l'accompagnement parce que, depuis le début que ce programme a été mis
en place, là, en 2018, on a pu constater qu'avec l'accompagnement, bien, ça
facilite les choses. Puis il y a très peu de personnes, en fait, qui ont été
impactées par l'obligation, là, en termes de réprimande, je dirais, là, mais
donc l'accompagnement est très important.
Et, en accompagnement, bon, il y a le
réseau régional qu'on veut mettre en place. Avez-vous l'impression qu'il existe
déjà des choses qu'on aurait juste à bonifier ou... Puis comment voyez-vous l'arrimage
entre les organismes d'insertion sociale et les organismes qui sont spécialisés
en emploi, comment... et l'intégration de tout ça dans le réseau régional?
M. St-Arnaud (Éric) : Bien, c'est
une bonne question. En fait, ce que j'en comprenais, du réseau, c'était une
complémentarité, à mon avis, en fait, ça devrait, c'est... Je le voyais comme
étant multidisciplinaire pour essayer d'aller chercher les expertises... juste
que, présentement, il existe Services Québec, il y a des forums, il y a des
associations d'employabilité et, après ça, il y a l'association, bon, pour la
lutte à la pauvreté, et ainsi de suite.
Là, où est-ce qu'il se situe, ce
réseau-là, pour être certain que ça soit un complément et un ajout...
M. St-Arnaud (Éric) : ...qui
va en faire partie pour s'assurer que ça ne devient pas un tirage de couverte
puis qu'on s'assure que l'individu soit au centre. Tu sais, moi, je me dis,
personnellement, je suis un employé d'une organisation. Mon seul but, c'est de
me dire comment ces personnes-là... qu'on puisse les servir. Puis, peu importe
le réseau qu'on met en place, c'est l'individu qu'on essaie de servir puis que,
si on met des réseaux... Ça fait que, là, si c'est par exemple l'employabilité
qui travaille avec un CSSS dans une région, pour être certain que le service de
santé soit donné en même temps puis que la nourriture soit mise en même temps.
Et, quand je nommais pour l'employabilité, il y a plusieurs réseaux
d'employabilité, puis ils ont chacun leur expertise, qui sont reconnus puis qui
répondent à des besoins. Donc, comment s'assurer que l'employabilité reste au
centre et que ça ne devient pas un tirage de couverte, mais que l'individu soit
au centre, puis que l'employabilité avec l'individu, puis que, l'ensemble des
services, on devient au service du citoyen, tu sais? Parce qu'au fond on est au
service du citoyen. Ça fait que c'est comment on peut servir le citoyen au
mieux avec l'ensemble des acteurs.
Ça fait que je le... La façon que je le
lisais, c'était que vous vouliez, à mon avis, ça fait que, là, je ne veux pas
vous dire ce que vous n'avez pas dans votre tête... Ça fait que ce que je
voyais, moi, c'était que vous vouliez mettre des acteurs qui sont diversifiés
de Services Québec ou de l'employabilité pour s'assurer de créer un momentum où
est-ce que l'individu n'est pas oublié puis qu'il y ait un filet de sécurité.
C'est ce que j'en comprenais. Ça fait que c'est ça que j'en comprenais. Là, il
faut juste s'assurer de comment il est créé, pour s'assurer que cet
individu-là, il n'est pas oublié. Parce qu'on ne va pas se cacher, là, des
fois, quand on crée des patentes, pour ne pas le dire de même, bien là, des
fois, on finit par tomber dans l'administratif puis on oublie l'individu. Ça
fait que ça serait, pour moi, la mise en garde. Ce n'est pas une mise en garde,
mais c'est un conseil.
Puis l'autre élément, bien, de... je prône
vraiment l'emploi parce que je trouve ça beau aujourd'hui, le taux de chômage.
Parce que, même... que ça crée des difficultés, pour la première fois de notre
vie, au Québec, une personne handicapée, c'est un être humain, une personne
avec une santé mentale, c'est un être humain, une femme monoparentale avec
11 enfants, c'est un être humain, la personne qui n'a pas travaillé, c'est
un être humain, ça fait que, pour la première fois, ces gens-là sont vus comme
des êtres humains qui peuvent participer. Ça fait que, mon dieu, profitons de
ce momentum pour créer une synergie, pour inclure toutes ces personnes-là. Ça
fait que je trouve que c'est un beau momentum. Bon, économiquement, ils vont
tous dire que c'est difficile, mais, moi, je trouve, c'est un bon momentum parce
que, là, ils peuvent tout inclure. Et ces personnes-là peuvent toutes
travailler à différentes façons. Ça fait qu'ils peuvent venir des fois du CSSS,
parce que c'est des gens en santé mentale, ils peuvent venir de l'employabilité
avec Services Québec. Ils reçoivent des prestations quand même. Donc, est-ce
que ces acteurs-là, ensemble, peuvent aider à intégrer? Bien, si c'est ça,
l'avenue, bien, moi, je trouve que ça serait une bonne idée, mais ça va être
dans... moi, je suis toujours dans le comment dans ma tête, c'est :
Comment on peut s'assurer que l'être humain reste au centre?
Mme Rouleau : Si je peux me
permettre.
La Présidente (Mme D'Amours) : Il
reste une minute.
Mme Rouleau : Une minute.
Bien, je vais me permettre une autre question. Vous êtes une entreprise
notamment d'insertion sociale, mais qu'est-ce que vous recommanderiez aux
employeurs pour mieux insérer les personnes qui partent de loin et qu'on insère
en emploi? Quelles seraient les principales recommandations aux employeurs?
• (11 h 40) •
M. St-Arnaud (Éric) : Les
principales recommandations. Il faudrait... En premier lieu, il faut que... il
faut que les gestionnaires soient outillés et formés pour l'intégration des
personnes puis qu'ils ne les voient pas juste pour... comme un intrant. Et la
deuxième chose que je leur conseillerais, c'est de travailler avec les
organisations puis les réseaux qui existent pour aller chercher... Il existe
des programmes, aujourd'hui, où est-ce que... les tripartites, les bipartites
qui ont été créés dans les dernières années, pour travailler avec les
employeurs pour créer des momentum avec des organisations puis des employeurs
pour aider l'accompagnement puis le maintien en emploi. Et je pense que ça,
c'est essentiel, que les employeurs fassent partie du plan complet, là. Ça ne
peut pas juste être cette loi-là avec Services Québec, là, il faut que les
employeurs en fassent partie. C'est ce qui va faire un monde meilleur, là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme Rouleau : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout le temps que nous avions. Maintenant, je vais céder la parole à la députée
de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. On est d'accord pour dire que c'est une excellente présentation, un
mémoire. M. Arnaud... St-Arnaud, pardon, merci d'être là. On est très fiers, à
Notre-Dame-de-Grâce, sur la rue Saint-Jacques, d'avoir une renaissance. J'y
contribue. Personne issue... personne très privilégiée issue du Privilège, mais
je participe à ma façon et je... en tant que pas juste porte-parole, action
communautaire... sociale, mais aussi économie sociale, je trouve que le modèle
Renaissance fait vraiment partie de la solution tant au niveau de l'inclusion
sociale mais que de la circularité de l'économie. Alors, bravo! Et justement,
pour enchaîner justement sur...
Mme McGraw : ...sur la
question de la ministre, c'est vous, votre témoignage, votre expérience vécue,
en tant que personne avec une expérience vécue... Donc, qu'est-ce que vous
avez... Vous nous parlez plus... Qu'est-ce qui, en fait, avec
l'accompagnement... les facteurs de succès clés qui ont fait en sorte que vous
avez été bien accompagné pour vous rendre être D.G. de Renaissance, mais aussi
l'accompagnement de Renaissance envers les employés et conseil, pour donner
suite à la question de la ministre, pour d'autres entreprises? Parce que la
chambre de commerce nous dit : La plupart des entreprises sont des PME, il
y a peut-être une méconnaissance, peut-être des fois une méfiance. Alors,
comment accompagner les entreprises québécoises dans l'accompagnement des
employés, non seulement pour leur insérer, mais pour maintenir ce lien-là?
M. St-Arnaud (Éric) : À la
première question, je vous dirais, ça serait la confiance qu'on a eue en moi.
En premier, je vous dirais merci de participer à la mission de Renaissance.
C'est grâce aux donateurs qu'on réussit à faire nos programmes, donc merci
beaucoup. Je vous dirais : C'est sûr, la confiance, le lien de confiance
avec l'intervenant socioprofessionnel ou le psychologue, tout dépendant les
personnes que j'ai eues qui m'ont aidé.
Le soutien dans l'emploi, ça a été... Moi,
quand j'avais fait... dans le temps, j'avais travaillé sur un restaurant sur la
rue Saint-Jean, puis ça a été vraiment une aide, parce qu'il y avait un... dans
le temps, il y avait des programmes, puis ça ne s'appelait pas «l'insertion»,
ils avaient un autre nom, là, mais... puis je ne me souviens pas c'est quoi, le
nom, non plus, mais on avait une aide avec l'employeur, tu sais, puis
l'employeur faisait partie, parce qu'il choisissait des candidats, tu sais,
puis dans le temps... Bon. J'ai 50 ans. Ça fait que dans ces années-là, le
taux de chômage était à 10, 12, là, donc ce n'était pas facile, avoir un
emploi. Donc, il y avait un grand accompagnement avec l'employeur.
Je vous dirais, si je viens vers
Renaissance, on a... avec le nombre de personnes, on a un financement avec
Services Québec d'à peu près pour 500 personnes sur les 3 000 personnes.
Le reste, on autofinance nos programmes. Mais 100 % de nos programmes ont
été suivis avec les mêmes règles que Services Québec, parce qu'on ne veut pas
que les gens sachent qui est financé puis qui ne l'est pas. L'objectif, c'est
la personne. Et, au bout de la ligne, c'est quoi? C'est vraiment individualiser
le plus possible le programme, donner confiance aux gens. Nous, on part du
principe que la personne nous donne sa confiance. Donc, si elle nous donne sa
confiance, on doit tout faire pour lui redonner cette confiance-là. Puis
l'autre élément, c'est que c'est les citoyens qui nous font vivre. Oui, on a un
gros revenu autogénéré, mais c'est les citoyens qui nous le donnent, donc on
doit le redonner pour nos programmes. Donc, c'est la base de la confiance,
travailler avec les individus.
On crée des... des cercles, on appelle ça
des «groupes d'insertion», qui sont des patrons. Chez nous... chez nous, le...
le gérant de magasin, par exemple, ou le directeur de l'entrepôt, bien, son
patron, de la personne, c'est le vrai patron. Il vit la vraie vie
immédiatement, mais il est un peu dans une serre chaude avec un intervenant
socioprofessionnel. Donc, il va avoir un patron qui va dire : Tu arrives
en retard. La différence, c'est qu'il va avoir l'intervenant pour lui
expliquer : Bien, pourquoi tu t'es fait dire que tu arrives en retard?
Donc, il y a une... il y a des éléments
qui sont mis en place sans arrêt, ce qui fait qu'on a un taux d'abandon très
bas. On a un taux de retour aussi très haut, mais on a un taux de placement
élevé. On fait un suivi beaucoup avec les employeurs, on a beaucoup
d'employeurs avec qui on travaille. L'Institut de cardiologie de Montréal en
est un, mais Winners en est un autre, donc on est très diversifiés. Et on
essaie vraiment de travailler avec les employeurs, c'est vraiment essayer de...
Il faut embarquer les employeurs dans le plan complet.
Et, quand vous dites : les
employeurs, il faut... et c'est la raison pour laquelle je... j'ai accepté de
travailler dans le conseil d'administration du commerce de détail du Québec,
parce que je veux vraiment travailler avec les grands employeurs du Québec pour
leur expliquer que l'intégration en emploi, bien, ce n'est pas un immigrant
qu'on va chercher, puis qu'on apporte, puis que c'est ça, tu sais. Bien, une
pharmacie au Québec, ce n'est pas une pharmacie en France, puis faire
l'épicerie, ce n'est pas la même chose qu'au Congo. Donc, il y a une
intégration, puis c'est pour ça que c'est socioprofessionnel.
Donc, il faut que l'employeur comprenne
que la personne qui arrive, qui a une santé mentale fragile ou qui a un
handicap physique, bien, c'est une personne à part entière, puis comment je
peux l'intégrer, puis comment je travaille avec l'ensemble des employés. C'est
pour ça que le taux de chômage est un atout, là, parce qu'au moins il y a moins
de compétition avec les anciens employés puis les nouveaux.
Mais, pour l'employeur, il faut inclure
l'employeur puis il faut qu'il y ait une plus grande communication avec lui
pour travailler avec les organismes en place pour essayer d'intégrer le mieux
possible ces gens-là, pour ne pas qu'ils retournent après ça dans le système,
espérant avoir répondu à vos questions.
Mme McGraw : Je... Excellent.
Je retiens beaucoup de choses, entre autres donner confiance aux gens pour
qu'ils nous donnent aussi confiance, et, en tant qu'ancienne prof, je confirme
que les élèves et les personnes apprennent à leur mieux lorsqu'ils ont ce
sentiment de confiance et d'appartenance...
Mme McGraw : ...c'est vraiment
clé pour faire partie des conditions gagnantes dans la société.
Pour aller plus sur les plans... tellement
de questions... peut-être... on comprend qu'avec le projet de loi la ministre
affirme que le travail est la solution pour affirmer la situation des personnes
en précarité. Je pense que vous partagez cette philosophie. Mais, selon votre
expérience d'accompagnement, quelles sont, peut-être... là, vous avez parlé des
atouts, mais quelles seraient les limites de cette vision, et, en particulier,
pour les personnes qui font face à des obstacles importants à l'emploi, malgré,
peut-être, une grande volonté? Question de capacités? Comment rendre le travail
plus accessible et plus soutenable pour tous, notamment pour ceux qui sont éloignés
du marché du travail?
Autre question très spécifique :
Est-ce que la plupart des employés proviennent du programme d'Objectif Emploi?
C'est quoi, le lien entre... Est-ce qu'il y a un lien entre vos employés et le
programme d'Objectif Emploi?
M. St-Arnaud (Éric) : On a-tu
le pourcentage d'Objectif Emploi? Je pense que c'était 23 %? C'est-tu ça?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui...
M. St-Arnaud (Éric) : ...vas-y.
M. Rousseau (Guillaume) : Dans
le fond, ce n'est pas nécessairement... on n'a pas le pourcentage spécifique
qu'ils proviennent d'Objectif Emploi. On a le pourcentage moyen qui sont des
prestataires d'aide sociale, tous programmes confondus. Dans les dernières
années, dans notre cas, ça tourne autour de 23 % des gens qui suivent un parcours
d'insertion. Donc, ce n'est pas nécessairement nos employés, de façon générale,
là.
Mme McGraw : O.K., dans
l'ensemble. Donc, on revient à la première question, au niveau de la limite de
cette... Quelle serait, selon vous, la limite de cette vision? Parce que là,
vous parlez aussi d'autres... hausse de prestations, hausse d'allocations, dans
vos recommandations. Et comment faire en sorte que cette hausse ne va pas être
en conflit avec les gens pour être incités, lorsqu'on parle de... question de pas
juste les capacités, mais volonté? Quel serait le... comme on dit en anglais,
désolée, le sweet spot?
M. St-Arnaud (Éric) : Bien,
vous avez raison, là, il y a une limite, hein? C'est pour ça que je vous
donnais le mot «mobilisation». Le chiffre de 23 %, c'est parce que nous,
nos programmes sont à 35 heures-semaine, et là elle est là, la limite. C'est
qu'enfin ce n'est pas vrai que tout le monde, un jour, va travailler 35 heures.
On est tous, dans cette salle, privilégiés d'avoir une santé, qu'on peut venir
travailler 35, 40 heures-semaine, et probablement... probablement plus. Mais il
n'est pas vrai que tout le monde...
Et là on va rentrer, d'après moi, dans une
nouvelle ère, qu'on doit redéfinir différemment comment on intègre les gens. Il
y a des gens qui vont venir travailler à temps partiel. Vous allez peut-être
avoir des gens qui vont venir travailler une journée ou deux journées-semaine
qui vont continuer à avoir des prestations, puis ils vont aller faire du
bénévolat une journée. Mais s'ils peuvent participer à la société... Au moins,
ils participent à la société, puis... Et, probablement... Selon les études,
c'est que plus vous êtes actifs à quelque chose, bien, vous avez moins besoin
du système de santé, moins de problèmes de dépendance, et d'autres.
Donc, je pense qu'il y a des limites sur
le temps plein, par exemple. Ce n'est pas vrai que tout le monde va y aller.
Puis, on va se le dire, si vous avez été itinérant pendant 10 ans, là, vous ne
tomberez pas à travailler, demain matin, 35 heures-semaine, on va être
honnêtes, là. Mais est-ce qu'il y a moyen de mobiliser la personne? Bien, la
sortir de la rue, oui. Puis, après ça... je sais bien que ce n'est pas le
projet de loi, mais il y a quand même quelque chose à faire avec cette personne
pour lui donner la place au soleil. On a le droit à toute notre place au soleil
dans notre social-démocratie. Donc, la limite va être : on doit travailler
avec les individus.
Ça fait que je ne peux pas vous dire une
limite en tant que telle. Une personne va être deux jours-semaine. On a des
gens qui quittent chez nous, maintenant, puis qui veulent du temps partiel.
Mais, avant, on disait non, mais là, aujourd'hui, on l'accepte, parce que c'est
ça, la vie.
• (11 h 50) •
Mme McGraw : Je crois qu'il
nous reste une minute. Dernière question de ma part. On avait proposé, notre
formation, au projet de loi n° 693, pour faire en... vous avez parlé de
200 $... pour faire en sorte que c'est bien, un travail, pour les
personnes sur solidarité sociale, c'est-à-dire des personnes avec des
contraintes sévères, peut-être temporaires, mais sévères à l'emploi... puissent
gagner un peu plus sans être pénalisées, et introduire des éléments du PRB,
que, je me souviens, c'était une initiative libérale, ainsi que le projet Objectif
Emploi. Donc, ça a été des réformes en 2016 et 2018, il y a 20 ans. Il faut
vraiment corriger cet... cet aspect-là. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cet
aspect-là, d'un calcul cumulatif sans pénaliser la personne, qui est capable,
peut-être, d'aller chercher quelques... de l'argent de plus pour avoir...
valoriser eux-mêmes, mais aussi, contribuer à l'économie, à la société?
La Présidente (Mme D'Amours) : Réponse
en cinq secondes.
M. St-Arnaud (Éric) : En
fait... Juste en cinq secondes, c'est ça? Donc...
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
terminé. Je suis désolée, c'est terminé. Je vais passer maintenant... je vais
céder la parole, maintenant, à la députée de Sherbrooke. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente.
De toute façon, je voulais aussi vous amener sur la question des gains de
travail, parce que vous avez glissé un mot très rapidement là-dessus. Vous avez
aussi parlé beaucoup de la question du...
Mme Labrie : ...qui, parfois,
est plus adapté, là, à des personnes, justement, qui retournent sur le marché
du travail. Comment vous pensez que, justement, d'aller chercher plus de
souplesse sur les gains de travail viendrait permettre à ces personnes-là de
retourner sur le marché du travail à leur rythme?
M. St-Arnaud (Éric) : Vous
voulez dire, sur le marché du travail, la souplesse ou dans les programmes,
la...
Mme Labrie : La souplesse
dans les gains de travail qu'on leur permet de conserver. Parce qu'en ce
moment, vous l'avez nommé, là, c'est 200 $, maximum, au-delà de ça, c'est
perdu. Puis 200 $, bien, des fois, ça coûte plus que ça, se déplacer, se
faire des lunchs, s'habiller pour aller travailler, là.
M. St-Arnaud (Éric) : Bien
oui, c'est ça, c'est ça, puis, en plus... bien, en fait, le gain est majeur au
point de vue tout, là, au point de vue société, est majeur, il est majeur aussi
pour l'individu. Puis, en fait, c'est un incitatif aussi, là, parce que, tu
sais, entre vous et moi, le montant d'argent, pour vivre là-dessus, ce n'est
pas diable, là. Ça fait que, là, c'est comment on peut l'inciter davantage à
sortir de la maison.
Puis, tu sais, je sais bien que personne
ne veut l'entendre, mais il y a bien du monde qui travaille au noir,
présentement, pour essayer de se départir, là... Là, je sais bien que je ne
suis peut-être pas la bonne personne de le dire, mais je vais le dire, ça fait
que, là, c'est comment... Et nous, c'est ce qu'on s'est rendu compte, c'est, en
allant chercher... en ouvrant nos programmes le soir, les fins de semaine, on
allait chercher des gens qui travaillaient au noir pour réussir... vous n'aurez
pas les noms, là, mais pour aller chercher de... comment on peut introduire ces
gens-là puis à comprendre l'avantage d'aller travailler. Mais c'est sûr que,
quand vous êtes en prestation puis vous perdez, bien là, il est peut-être
difficile... Mais, tu sais, c'est la flexibilité, c'est comment on peut
apporter, tranquillement, pas vite, une flexibilité au programme pour que, si
vous êtes à temps partiel, bien, vous ne perdez pas tout, là. Parce que, si
vous avez deux enfants puis vous voulez juste vous intégrer, puis vous avez vos
dents à payer, puis les lunettes, ce n'est pas drôle, là, aller gagner juste
800$ de plus, là, vous allez perdre quasiment tout. Bien là, vous vous
dites : Ça ne vaut plus la peine. Ça fait que, là, c'est comment réussir à
les intégrer, puis, tranquillement, ils vont peut-être revenir à temps plein,
mais, au moins, il y a des marches à aller, selon les difficultés de chacun des
individus.
C'est pour ça que je parlais du montant,
là, parce que je sais bien que c'est juste de l'argent, mais il y a tout le
lien sur où est-ce que la personne veut s'intégrer. Aïe! Ce n'est pas facile.
Il y a des femmes, on les voit, là, tu sais, ça drop vite... excusez, ça échoue
vite, puis là il faut les rembarquer parce qu'ils ont des enfants, puis là...
bien, ce n'est pas toujours simple.
Mme Labrie : La question des
services de garde, est-ce que c'est quelque chose que vous rencontrez souvent,
comme obstacle pour... au marché du travail?
M. St-Arnaud (Éric) : Oui,
assez. On travaille avec beaucoup de partenaires, ça fait qu'on réussi à
trouver des places, puis on a une grande, grande flexibilité, nous, à
l'interne, à la grandeur qu'on est. Tu sais, on est 1500 employés, ça, c'est
tous des permanents, puis on est un autre 3000 personnes à aider, ce qui fait
qu'on a une grande flexibilité quand il y a des enjeux. Tu sais, on est ouvert
les soirs, les fins de semaine, ça nous permet d'ajuster les horaires, ça fait
que... Mais, tu sais, c'est ça que je me rends compte, là, il y a beaucoup de
gens qui veulent travailler juste les soirs, les fins de semaine, parce que le
mari a décidé de retourner à l'école, puis là, bien, le jour, elle est là, tu
sais, et vice versa, ou le gars va travailler juste les soirs, les fins de
semaine. Ça fait qu'on a ajusté nos programmes en conséquence. C'est une autre
partie de flexibilité.
Il faut sortir du carcan de
l'employabilité du lundi au vendredi, de 8 à 16h. Tu sais, je veux dire, les
individus, on est tous différents, ça fait qu'il faut sortir de ça, à mon avis,
là, mais... puis il faut sortir aussi du carcan carré monétaire pour tout le
monde puis essayer de voir où est-ce que la personne est. C'est pour ça que
j'aimais aussi... au point de vue de... avec des difficultés, là, on a changé
le terme.
Une voix : ...
M. St-Arnaud (Éric) : Pardon?
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la députée de Sherbrooke.
M. St-Arnaud (Éric) : Ah!
c'est beau.
La Présidente (Mme D'Amours) :
Maintenant, je vais céder la parole au député de Jean-Talon. M. le député, la
parole est à vous.
M. Paradis : Un des éléments
qui ressort de votre mémoire et de votre témoignage, c'est le rôle important
que les organisations comme la vôtre jouent en matière de réinsertion. Vous
nous dites, d'abord, bon : C'est bien, les réseaux régionaux qui vont
permettre de mettre en œuvre le plan d'intervention individualisé, mais nous,
on est déjà là, on existe, vous pouvez vous assurer qu'on fait partie de ces
réseaux régionaux.
Il y a un article, là, qui mentionne que
les organismes concernés font partie des réseaux régionaux. Vous, est-ce qu'il
y a une inquiétude que vous ne soyez pas dans ces réseaux-là?
M. St-Arnaud (Éric) : Bien,
je le nomme parce que je voudrais juste qu'on s'assure que les spécialistes...
Il y a beaucoup de réseaux un peu partout au Québec, Renaissance n'est pas tout
seul, on fait partie d'un réseau, donc il y a des spécialités, il y en a qui
aident les jeunes il y en a qui aident les moins jeunes, il y en a qui aident
dans différents domaines. Donc, il y a des expertises, ça fait qu'il ne
faudrait pas perdre ces expertises-là, pour s'assurer d'aider le plus grand
nombre. Ça fait qu'une inquiétude... Je pense que je voulais le nommer, là, je
voulais m'assurer qu'on ne l'oublie pas.
M. Paradis : Puis vous nous
dites de ne pas faire de la structurite, en quelque sorte, parce qu'il y a déjà
des éléments qui existent, et ce qu'il y a de nouveau, c'est bien, mais il
faudrait que ce soit complémentaire. C'est un message important dans votre
mémoire, c'est bien ça?
M. St-Arnaud (Éric) : Oui.
Pour moi, on ajoute beaucoup de choses dans l'État, au fur et à mesure qu'on
avance pour améliorer, mais il faut qu'il y ait une complémentarité. Il ne faut
pas que ce soit juste ajouté pour ajouter, il faut qu'il y ait une
complémentarité, quitte à travailler avec...
M. St-Arnaud (Éric) : ...réseau
pour créer un nouveau réseau, tu sais.
M. Paradis : Et là vous nous
dites : Bien, nous, on est déjà là, on fait du bon travail, on connaît
notre travail, mais ce n'est pas facile comme travail, on n'a pas beaucoup de
ressources. Et vous nous parlez donc du Fonds d'aide à la mutualisation et la
fusion des organismes d'accompagnement. Et ça, vous dites : Pour
l'instant, ça, ce sont des fonds qui sont incertains, qui ne sont pas pérennes.
Et vous invitez le gouvernement à les pérenniser parce que ce serait utile pour
les services aux personnes concernées.
M. St-Arnaud (Éric) : Bien,
c'est parce que ça vient d'une... ça vient d'une philosophie que je me dis
qu'au fond, si on veut changer le modèle puis si la loi veut changer de
modèle... Bien, en fait, il y a beaucoup d'organisations comme la nôtre qui ont
été créées voilà 30 ans ou 40 ans. Donc, aujourd'hui, je pense que la
vie a changé, donc est-ce qu'il y a des mutualisations qui vont se faire, des
fusions, des... peu importe, pour réussir à aider davantage les personnes?
Bien, il y a des nouveaux fonds, je salue ces fonds-là, là, du ministère, qui
ont été mis en place pour une période de deux ans. Est-ce que ça pourrait être
quelque chose qui pourrait être mis? Bien, j'entends beaucoup de mes collègues
qui veulent mutualiser, ça coûte cher, on ne s'y connaît pas à faire ça, ce
n'est pas tout le monde qui a la grosseur de Renaissance. Donc, est-ce que ces
fonds-là pourraient être nécessaires pour réussir à offrir un meilleur service?
Parce que, si vous avez trois organismes dans un territoire qui travaillent
avec le réseau, est-ce qu'ils décident de mutualiser ensemble, puis ça crée un
meilleur filet pour l'individu? Bien, moi, je salue ça parce que ce serait un
avenir du futur. Parce qu'il faut... il faut encore sortir de la boîte, si on
veut, bien, arriver en 2030 différemment de ce qu'on fait aujourd'hui. Oui.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Alors merci pour votre
contribution.
Et je suspends les travaux quelques
instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 58)
(Reprise à 12 h 01)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à la Coalition
des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Je
vous rappelle, cher invité, que vous disposez...
12 h (version non révisée)
La Présidente (Mme D'Amours) : ...de
10 minutes pour votre exposé. Et puis nous allons procéder à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à
commencer votre exposé, s'il vous plaît.
M. Gravel (Richard) : Alors,
Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes MM. les députés, membres de la
commission, écoutez, c'est un grand plaisir de venir faire la présentation sur
le projet de loi no 71. Mon nom est Richard Gravel. Je suis le
vice-président de la coalition des organismes communautaires en développement
de l'employabilité.
Alors, je dis un grand privilège parce
que, pour moi, ce projet de loi est un projet de loi important. Il faut se
rappeler, et j'écoutais un peu les présentations qui ont été faites au cours
des deux dernières journées, on parle beaucoup de... On parle beaucoup de ce
que ça va donner aux prestataires d'aide sociale, qu'est-ce que ça va enlever
aux prestataires d'aide sociale. Il faut se rappeler que la façon dont la
société traite les personnes les plus éloignées, les plus démunies, ce n'est
pas une... Ce n'est pas des lois qui n'atteignent que les bénéficiaires de l'aide
sociale, mais l'ensemble de la société, l'ensemble de la société parce que, d'une
part, personne n'est à l'abri d'un jour avoir besoin de recourir aux services
de l'aide sociale.
Et ça, je pense qu'il faut l'avoir en
tête. On est dans une vision de société, mais aussi parce que la façon dont on
traite les personnes les plus démunies de notre société, c'est aussi la qualité
de vie qu'on se donne tous et toutes comme citoyens du Québec alors, en termes
de sécurité, en termes de cohésion sociale. Puis moi, je pense que ça, au
niveau du débat, je pense qu'il faut toujours le garder de façon... Parce que,
tu sais, on va souvent de façon très pointue, mais je pense qu'il faut garder
cette vision large de dire dans quelle société on veut vivre, comment on veut
traiter les personnes qui ont le plus d'obstacles dans notre société puis qu'est-ce
que ça redonne comme citoyen, même si on est bien nantis de vivre dans une
société où on est, où il y a moins de personnes exclues, où il y a moins de
personnes pauvres.
Donc, dans un premier temps, je vais vous
présenter la coalition, et après on va vous venir avec les grandes lignes de
notre... de notre mémoire. Alors, la Coalition des organismes communautaires en
développement de la main-d'oeuvre existe depuis plus de 30 ans et elle a
pour mission de combattre l'exclusion sociale et professionnelle des personnes
laissées en marge du développement économique et social en visant une pleine
reconnaissance des droits à la formation, des droits au travail pour tous et
toutes. La Coalition axe ses actions auprès des personnes éloignées du marché
du travail. Elle regroupe notamment parmi ses membres une douzaine de réseaux
nationaux, donc, qui a un impact sur plus de 1 000 organisations. Ces
organisations-là sont liées au développement de la main-d'œuvre, soit dans
un... soit l'insertion, soit l'intégration en emploi, soit la formation, l'éducation,
le développement local et la défense des droits.
Donc on regroupe, on regroupe, on coalise
vraiment des organismes de tous les horizons, tant dans l'insertion que dans...
Et par rapport au projet de loi, il y a des enjeux à ce niveau-là. Alors, ces
organismes sont voués au bien-être des clientèles démunies et les accompagnent
vers l'emploi. Elles constituent des acteurs majeurs au chapitre du
développement de la main-d'œuvre, notamment en offrant une expertise précieuse
spécifique en matière d'intervention. Unis autour de l'importance de développer
sans exclure, les membres de la coalition n'ont de cesse de valoriser et de
faire émerger le potentiel socioéconomique des personnes en démarche d'insertion
et de prôner la mise en place de politiques publiques, services et mesures d'une
société inclusive et participative. La coalition siège notamment au sein de la
Commission des partenaires du marché du travail, où elle est le représentant
phare de l'ensemble des collèges électoraux. Électoraux? Communautaires,
excusez, ce n'est pas difficile à dire.
Donc, par rapport au projet de loi, je
vous dirais que, d'emblée, on salue la contribution et les avancées du projet
de loi. La coalition salue le remplacement du concept de contrainte à l'emploi
par la contrainte de santé. Accorder le droit à d'autres professionnels que des
médecins de faire une évaluation médicale permet de mieux prendre en compte et
reconnaître les problématiques de santé et...
M. Gravel (Richard) : ...ainsi
que les contraintes de nature psychologique. Pour nous, c'est une avancée
importante parce qu'il y a un certain nombre d'individus qui ne réussissaient
pas à se qualifier dans les contraintes sévères à l'emploi, là, les
contraintes... mais qui... avec la nouvelle définition, qui est plus... là.
Puis j'ai entendu qu'il y a du monde qui dit : Bien, ça ne devrait
peut-être pas s'appeler «contraintes de santé». Mais ce qu'on comprend de la
philosophie, c'est qu'il y a un élargissement qui va répondre à des besoins
beaucoup plus larges et qui va permettre à faciliter l'accès à un certain
nombre de personnes qui ne le pouvaient pas.
La coalition accueille aussi favorablement
les plans d'intervention individualisés prévus pour chacun des prestataires
afin que les personnes puissent résoudre leurs difficultés. On reconnaît
l'importance du réseau d'organismes, mais on aimerait quand même porter à votre
intention qu'effectivement, puis là j'entendais la présentation, il y a des
réseaux qui existent et, pour nous, c'est important que les organismes en
employabilité puissent... fassent partie du réseau, de ces réseaux-là, dans
l'ensemble des régions.
Vous savez, la crainte qu'on a à ce niveau
là, c'est que l'intervention soit... qu'on vienne dire, dans le fond :
Bien, il y a des individus pour qui il y a des problèmes d'insertion sociale,
il y a des individus pour qui il y a des problèmes liés à l'emploi, donc
d'avoir des réseaux différents puis de travailler en silos. Déjà, je vous
dirais, présentement, il y a un peu ce phénomène-là avec les programmes PASS où
on dit : Bien, comment on fait pour que les personnes qui sont dans des
programmes d'accompagnement social passent au volet emploi? Bien, il y a une
marche, là, puis, notamment parce que les organisations ne travaillent
peut-être pas assez ensemble pour permettre une fluidité. Ça, c'est un élément.
L'autre élément qui, pour nous, est
majeur, c'est que les individus n'ont pas toujours l'intention de travailler
les items dans le même ordre. Alors, de façon conceptuelle, on peut dire
insertion sociale, préemploi, emploi, puis le mettre en schéma, mais
l'individu, lui, il veut qu'on réponde à ses besoins, puis, ses priorités,
bien, elles ne sont pas nécessairement les priorités du cursus qui a été
développé.
La coalition accueille également favorablement
les plans... Oh, non, excusez, les interventions sociales. Excusez, je vais
retrouver mon... On a aussi... Ah! oui, la coalition reconnaît aussi
favorablement l'individualisation des versements des chèques, donc de verser
aux individus plutôt qu'aux ménages. Puis ça, c'est un pas dans la bonne
direction, vous le soulignez. Et on vous tient aussi à souligner l'abolition de
la contribution parentale pour les jeunes.
• (12 h 10) •
Alors, les limites, les éléments qu'on
veut porter à votre attention. Dans un premier temps, on voudrait quand même
qu'on porte attention sur la question des tests des avoirs liquides, qui est
préoccupante pour les gens qui intègrent l'aide sociale ou qui réintègrent
l'aide sociale. Donc, cette barrière là, pour nous, le test d'avoirs liquides à
887 $ pour un individu à 1 319 $ pour un couple est beaucoup
trop bas. On amène les gens à être... On amène les gens à se mettre en
situation de précarité financière avant qu'ils puissent avoir accès aux programmes
d'aide sociale. On sait que c'est dans les règlements, là, que ça va jouer,
mais, pour nous, c'était important de souligner que, dans une vision
d'accompagnement, bien, il faut avoir l'idée d'aider les personnes en fonction
de leurs capacités et ne pas les insécuriser au départ de la mesure.
On tient à souligner aussi l'impact, là,
des perspectives que l'aide sociale reste encore sur l'angle de l'activation,
donc... Puis on souligne, hein, puis là il y a peut-être un paradoxe, on
souligne l'objectif emploi, parce qu'on dit : Bien, ça donne des
contributions supplémentaires, mais ça demeure que, si on regarde en termes
d'intervention, le fait...
M. Gravel (Richard) : ...le
fait d'associer les mesures au montant d'argent que les gens sont... ça va être
contreproductif pour l'intervention. Notamment, en termes... aux termes
d'Objectif emploi, je pense que c'est une bonne chose de l'offrir à tout le
monde. On pense que ça devrait demeurer en fait volontaire, mais pas juste pour
les nouveaux... pour les nouvelles personnes, mais pour l'ensemble des
personnes qui sont à l'aide sociale. Moi, je suis...
La Présidente (Mme D'Amours) : M.
Gravel, je dois vous interrompre, votre 10 minutes est passé. Est-ce qu'il
vous reste encore beaucoup de choses dans votre exposé? Mme la ministre,
voulez-vous, sur votre temps, que M. Gravel continue? Alors, allez-y, M.
Gravel, en terminant votre exposé.
M. Gravel (Richard) : Oui,
bien, en fait, un dernier point, là, qu'on ramènerait, là, parce qu'on
trouve... Parce que c'est sûr que la coalition, on a toujours trouvé que
l'élimination des catégories serait une bonne chose et on pense que le
programme de revenu de base devrait être étendu à l'ensemble des clientèles.
Donc, pour nous, une personne qui a été 66 mois à l'aide sociale, pour
nous, il y a déjà là, de son statut, parce qu'il a été absent très longtemps du
marché du travail, il y a déjà là des contraintes assez importantes pour qu'il
puisse... pour qu'on lui reconnaisse le statut de revenu de base. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Mme la ministre, on commence la période d'échange, la parole est à
vous.
Mme Rouleau : Bien, merci.
D'abord, je vous... Pour information, là, dans le plan de lutte qu'on... que
j'ai déposé au mois de juin dernier, il y a une mesure qui concerne le premier
test d'avoir liquide, on abolit le premier test d'avoir liquide, qui était à
800 quelques dollars pour qu'il y ait concordance avec le montant que les gens
peuvent avoir tout au long de leurs prestations. Alors, c'est déjà fait. On
vous a entendu.
Vous parlez du programme de revenu de base
qui devrait être à tous, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait y
avoir certains ou qu'il y ait... Le programme de revenu de base a été pensé, et
on l'a appliqué comme ça, pour les personnes qui ont des contraintes très, très
sévères à l'emploi et qui ont... qui sont des personnes handicapées, lourdement
handicapées pour, en fait, briser cet enclos dans lesquelles les gens étaient,
là, pour leur donner une qualité de vie meilleure. Est-ce que ce serait
équitable, que tout le monde ait ce programme de revenu de base plutôt que les
personnes qui en ont vraiment, mais vraiment besoin parce qu'elles ne peuvent
pas participer, pour certaines, là, à la société?
M. Gravel (Richard) : Bien,
en fait... mais c'est l'angle du vraiment, vraiment besoin. Alors, qui a
vraiment, vraiment besoin du revenu de base? Alors là, on est... Et c'est tout
l'axe de dire : Bien, on est dans l'angle de l'activation. Donc, on part
d'une prémisse que les personnes, si on ne les encourage pas, ils vont... ils
ne quitteront pas l'aide sociale. Moi, je peux vous dire, là, en 35 ans,
là, à travailler auprès de personnes éloignées du marché du travail, il n'y a
personne, mais personne qui veut rester à l'aide sociale quand on travaille
avec eux autres.
Mme Rouleau : Je suis
d'accord avec vous.
M. Gravel (Richard) : Donc,
il y a là l'élément. L'élément qu'on vous amène... puis on pourrait parler de
revenu minimum garanti dans un autre contexte, mais, vu que le projet de loi,
dans le fond, vient jouer dans les quatre catégories, on amène quand même à
votre attention qu'une personne, qu'elle soit sans contrainte, qui se rend
jusqu'à 66 mois à l'aide sociale avec un niveau de revenu qui est
vraiment, là, en bas de ce qu'est la mesure de panier d'épicerie, donc, qui ne
couvre pas ses besoins de base, bien, je pense que là, ici, on veut... C'est
parce que vient un temps où la contrainte financière devient en elle-même un
obstacle à la réinsertion. Puis moi, je suis sûr que, quand vous allez faire
l'analyse du programme de revenu de base, moi, je suis sûr que le programme de
revenu de base, il a amené des gens à intégrer le marché du travail, notamment
à temps partiel, mais peut-être même à temps plein, parce qu'on vient libérer,
dans le fond, de contrainte économique, et ça permet aux gens de pouvoir
canaliser leur énergie sur le retour en emploi, sur comment évoluer. Donc, nous
autres, dans le fond, on est dans la prémisse de dire : Les gens veulent
sortir de l'aide sociale, une grande majorité, là, on...
M. Gravel (Richard) : ...la
totalité, là, on peut se garder une marge de... mais, si on travaille avec ces
gens-là, puis on les... on les sécurise financièrement pour leur permettre de pouvoir
mettre leur énergie sur leur réinsertion en emploi, bien, moi, je pense que
c'est gagnant, là, dans une vision, puis dans une vision aussi où on travaille
à la fois sur les volets d'insertion sociale et les volets d'insertion à
l'emploi. C'est vrai que l'emploi, ce n'est pas tout, là, et qu'il y a
peut-être du monde qui vont juste... qui vont juste aller dans la participation
sociale. Mais moi, je pense qu'au fur et à mesure... parce que l'emploi, ce
n'est pas que de la rémunération, l'emploi, c'est aussi une façon de se
valoriser, c'est aussi une façon de créer une identité. Moi, je pense que, si
on met les conditions nécessaires, les gens vont vouloir intégrer l'emploi.
Mme Rouleau : O.K. Et
pourriez-vous me dire comment vous... Quelle est votre opinion, là, plus
précisément sur le changement qu'on apporte de contraintes en emploi à
contraintes santé, en intégrant bien sûr toutes les dimensions de santé mentale
et des enjeux psychosociaux? Comment... comment vous voyez ça?
M. Gravel (Richard) : Nous
autres, on voit ça de façon extrêmement positive. Et vous voyez, c'est un peu
ça, hein, quand on parle par rapport au revenu de base, on pourrait se
dire : Ah! bien, là, on augmente le nombre de personnes, mais pour nous,
là, les... que les gens aient des contraintes, donc plus gros... un plus gros
chèque, là, dans les 60 premiers mois, ça n'a jamais été un obstacle pour
qu'ils décident de retourner en emploi. Donc, non, on l'accueille très
favorablement. Puis je pense que c'est une avancée, là, puis... importante, là,
pour les gens qui sont à l'aide sociale.
Mme Rouleau : Et les mesures
d'emploi favorisent-elles la participation des gens? Et là, par exemple,
l'objectif emploi est obligatoire, même ça... c'est obligatoire, mais avec beaucoup
d'assouplissement, là, et d'accompagnement pour que les gens intègrent.
Croyez-vous qu'il serait... que c'est correct de maintenir l'obligation, ou il
faudrait que ce soit selon la volonté de la personne?
M. Gravel (Richard) : Bien,
dans le cadre d'Objectif emploi, là, puis on avait déjà... en fait, on avait
déjà signalé qu'on trouvait que l'obligation n'était pas nécessaire. Et ça a
des bons résultats. Mais je ne pense pas que les bons résultats d'Objectif
emploi soient liés à la coercition. Puis moi, je pense que ça, il devrait y
avoir des études. Mais moi, je me souviens que, suite à Objectif Emploi, avoir
rencontré des gens qui ont intégré des parcours, notamment en entreprise
d'insertion, qui disaient : C'était la première fois que mon agent m'appelait
pour me proposer quelque chose. Parce que la relation... la relation avec les
agents d'aide était vraiment liée au chèque. C'est pour ça que tout le volet
soutien du revenu, à quelque part, il vient un peu perturber la relation quand
on devient dans l'aide à l'accompagnement, parce que ça vient... ça vient
fausser la... Ça vient fausser la relation d'aide. Donc, voilà, nous autres,
on...
• (12 h 20) •
Mme Rouleau : O.K. Et c'est
quoi, les étapes essentielles d'une bonne intégration pour une personne qui est
éloignée du marché du travail?
M. Gravel (Richard) : Bien,
en fait... puis, vous voyez, c'est là qui est... quand on dit : Ah! les
nouveaux réseaux, puis... c'est que les individus, ils ne vont pas nécessairement
travailler leur employabilité. Puis les organismes en employabilité, souvent,
vont se faire dire : Bien là, vous ne devriez pas faire de l'insertion
sociale. Ça, c'est du... la règle... Ça, c'est du social, vous ne devriez pas
faire ça. Ils le font pareil, parce qu'à un moment donné, si on veut avoir des
résultats. Mais c'est sûr que l'insertion sociale devient comme la base, hein,
c'est la fondation sur laquelle, tu sais... puis c'est l'échelle de Maslow, là,
c'est la... la fondation sur laquelle il faut construire.
Mais prenons par exemple une personne
immigrante qui arrive ici, qui est peu scolarisée, des fois analphabète dans sa
langue d'origine, mais sa préoccupation d'intégrer le marché du travail, sa
préoccupation fait que, pour lui, là, le volet réinsertion sociale n'est
peut-être pas dans sa priorité numéro un. Alors, de pouvoir travailler à la
fois l'ensemble des dimensions...
M. Gravel (Richard) : ...puis
de permettre aux organisations de pouvoir le faire puis de créer des liens
entre les différentes organisations pour que le passage d'une organisation
ou... à l'autre soit... soit facilité, bien, je pense que ça, c'est gagnant
pour l'ensemble de la société.
La Présidente (Mme D'Amours) : Mme
la députée de Laporte, la parole est à vous.
Mme Poulet : Oui, merci, Mme
la Présidente. Merci de votre présence et votre apport aux travaux. Très
intéressant.
Vous dites beaucoup de choses. L'objectif
des réseaux... Je voudrais vous entendre aussi, que vous développez, parce que,
c'est ça, vous avez mentionné énormément d'informations. L'objectif des réseaux
régionaux d'accompagnement est de soutenir des prestataires éloignés du marché
du travail qui rencontrent des difficultés particulières. Pouvez-vous donner
des exemples, d'autres exemples complets ou d'autres exemples, développer
encore sur quel apport croyez-vous que les organismes d'employabilité
pourraient avoir en ce domaine? Est-ce que vous pensez que tous les angles
morts ont été couverts?
M. Gravel (Richard) : Bien, en
fait, c'est parce que nous, on est dans un projet de loi, on entend... on
entend qu'il va y avoir un réseau, on on voit qu'il y a des ministères qui sont
ciblés, puis on parle d'organismes communautaires. C'est clairement... en tout
cas, dans notre lecture, le projet de loi vise beaucoup de développer un peu ce
qui existe en employabilité dans le domaine plus de l'insertion sociale. Ça,
c'est notre lecture, avec le peu d'information qu'on a dans le projet de loi.
Nous autres, dans le fond, ce qu'on veut
porter à votre... à votre attention, c'est qu'il faut... il ne faudrait pas
créer des silos, des silos qui existent, là, des fois, entre les... Par
exemple, là, par analogie, avec les organismes qui vont s'adresser aux
personnes immigrantes et les organismes qui sont... font de l'employabilité,
alors quand est-ce que ça devient de l'employabilité de la personne immigrante,
est-ce que la personne immigrante a besoin d'employabilité dédiée à sa
communauté ou parce que c'est une personne immigrante? On aurait tout avantage
à maximiser les interventions puis qu'il y ait des liens qui existent de façon
plus fluide. Mais c'est des réseaux qui ne travaillent pas nécessairement de
façon... de... tant ensemble, parce qu'il y a un ministère qui se crée un petit
réseau qui offre... qui offre de l'aide à l'établissement et un bout
d'employabilité ou de connaissance du marché du travail. Et comment ça va
passer dans l'autre réseau qui est autour plus de Services Québec, qui est
essentiellement faire de l'employabilité. Donc, comment ces passages-là... Puis
là on voit la création d'une nouvelle table puis on dit : On va-tu créer
un autre petit réseau qui est plus de l'ordre de l'insertion sociale, mais qui
n'aura pas tant de passage?
Ça fait que, dans le fond, ce qu'on veut
porter à votre attention, c'est que c'est important que, comme on dit, bien, il
y a plusieurs ministères, mais que les organisations communautaires qui siègent
à ces réseaux-là, bien, soient aussi de différentes provenances. Parce que
l'idée, c'est vraiment d'offrir... de mettre nos énergies, parce que là, ça va
être des réseaux régionaux, mettre nos énergies pour que l'ensemble des
services se mettent autour des individus et non pas traiter les problématiques
de façon segmentée.
Mme Poulet : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme la ministre.
Mme Rouleau : Bien, c'est
dans cette direction-là qu'on veut aller au niveau des réseaux régionaux, c'est
d'assurer une bonne coordination. Parce qu'on sait que les organisations, les
organismes et les ressources existent déjà, mais il faut s'assurer justement
qu'il n'y ait pas de... il faut briser ces silos. Parce que le constat, c'est
que les gens ne se parlent pas toujours. Dans certaines régions, j'ai pu le
constater.
La formation, la formation pour aller...
aller chercher un diplôme de secondaire cinq, comment voyez-vous ça? Parce
qu'il existe des... il existe, dans les mesures d'emploi, là, la possibilité
d'avoir des DEP, etc. Mais, secondaire cinq, ça, on constate que 42 % des
personnes qui sont sur l'aide de dernier recours n'ont pas de diplôme d'études
secondaires. Et on veut favoriser cette formation. Est-ce que ça a un impact
pour vous?
M. Gravel (Richard) : Bien,
en fait, dans le mémoire, on souligne, là, que c'est une... c'est une bonne
mesure. C'est une mesure que ça fait... je vous dirais, ça fait longtemps
qu'on... qu'on revendique, donc on...
Mme Rouleau : ...
M. Gravel (Richard) : Hein?
Mme Rouleau : Encore une
fois, on vous a écouté.
M. Gravel (Richard) : Bien,
c'est... c'est une bonne chose, c'est une bonne chose. Mais, à ce niveau-là,
dans le fond, ce qu'on... ce qu'on... ce qu'on soulignait, c'est qu'on pourrait
aller plus loin que juste les mesures de formation générale. Parce que, pour le
profil des clientèles notamment qui sont à l'aide sociale, des fois, un diplôme
d'études professionnelles, un diplôme métier semi-spécialisé...
M. Gravel (Richard) : ...spécialisé
pourrait, là, dans le fond, être un élément qui serait plus... qui serait
plus... plus, je ne veux pas dire à la portée des individus, mais plus dans
leur intérêt. Moi, je pense que ce qui est important autour de ça, c'est
vraiment de partir à partir des intérêts de l'individu pour dire : Bien...
Parce que c'est quand... Parce que la motivation, elle vient quand tu fais de
quoi qui, pour toi, fait du sens. Donc, les prestataires d'aide sociale sont
dans la même dynamique. Alors, il faut leur donner cette espèce de marge là de
pouvoir dire : J'ai décidé pour moi, donc c'est ce qui... Et là tu crées
la motivation. C'est toujours un peu... c'est un peu... c'est complexe, la
motivation, parce qu'on a tendance à voir ça comme si ça existait ou ça
n'existait pas, mais dans un parcours d'un individu, des fois, il y a des journées
qu'ils sont plus motivés, des fois, il y a des journées qu'ils sont moins
motivés. Donc là, il y a comme... Mais quand ça vient de l'individu, bien, la
journée qu'il est moins motivé, c'est plus facile de pouvoir travailler avec, à
dire : Mais non, tu y croyais. Quand c'est une mesure qui est imposée,
bien là, c'est sûr que là en termes de motivation... Et ça, ça crée des
abandons dans les services, là.
Mme Rouleau : O.K. Et...
La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.
Mme Rouleau : 30 secondes.
Qu'est-ce qui favoriserait l'engagement des organisations à intégrer des
personnes qui sont en situation de précarité? Qu'est-ce qui favoriserait, là,
pour les employeurs, l'insertion?
M. Gravel (Richard) : Pour
les employeurs?
Mme Rouleau : Pour les
employeurs.
M. Gravel (Richard) : Ah,
moi, je pense qu'il y a un travail à faire de, comment je pourrais dire, qu'il
y a un travail de vulgarisation à faire auprès des employeurs.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions avec l'échange avec la ministre.
Maintenant, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. Une question. Ensuite, ma collègue va prendre la relève. Il y a des
groupes qui souhaitent voir... Vous avez parlé du programme de revenu de base,
il y a des groupes qui souhaitent que le programme de revenu de base inspire
tous les programmes de l'aide sociale. Et on aimerait vous entendre là-dessus.
Je sais qu'il y a des inquiétudes en parlant de la motivation. Il y a une
question de capacité... Revenu de base, c'est pour les personnes, comme vous
savez, qui n'ont pas la capacité, après cinq ans, là, de vraiment travailler,
c'est des contraintes sévères à l'emploi permanentes. Là, on a plus, avec la
réforme de solidarité sociale, c'est fusionné avec un autre programme. On avait
proposé un projet de loi qu'avec les gains de travail de 200 $ par mois,
que ce serait calculé, cumulatif et plus élevé, comme en s'inspirant du
programme de revenu de base, mais, avec cette réforme-là, on voit qu'on va dans
une autre direction, on s'éloigne du programme de revenu de base. Alors, où est
le juste milieu entre programme de revenu de base pour tout le monde et aller
dans l'autre direction du programme de revenu de base qui a quand même ses
atouts. Voilà.
• (12 h 30) •
M. Gravel (Richard) : Mais
moi, ma perception, c'est que le programme de revenu de base pour tous, c'est
juste une question financière. C'est simplement ça. Parce que, pour les
individus, là, pour les organismes, là, qui sont membres de la coalition, il
n'y a aucune crainte, mais vraiment aucune, de penser que, si les gens ont tous
le programme de revenu de base, ils ne viendront plus dans les services
d'emploi. C'est un peu ce que je disais, là, dans ma présentation, les gens qui
sont à l'aide sociale de façon importante, quasi majoritaire, veulent sortir de
l'aide sociale. Et, pour nous, la question du revenu, c'est juste un obstacle
supplémentaire parmi la série d'obstacles que les gens vont avoir à surmonter.
Alors, il y a des contraintes financières supplémentaires quand tu as quelqu'un
qui n'a pas de revenu. Et il faut que, nous autres, on travaille à éliminer
puis à trouver des solutions pour les problèmes de précarité. Puis là je ne dis
pas que le programme de revenu de base sort tout le monde de la précarité, là,
je ne veux pas être mal interprété, mais c'est clairement que, pour nous
autres, ce n'est pas un enjeu qui va avoir un impact sur la motivation des gens
à intégrer les programmes d'employabilité ou les programmes qui... en lien avec
l'insertion sociale et professionnelle. Les gens, là, ne le font pas pour une
question de revenu ou très peu...
12 h 30 (version non révisée)
M. Gravel (Richard) : ...ou
très peu.
La Présidente (Mme D'Amours) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, de
représenter, donc, la coalition. Comme mes collègues, je pense que j'ai été...
en lisant dans votre mémoire, donc, ça m'a frappée, donc, les éléments, donc,
dont vous... vont... vous parliez, donc, au niveau, donc, d'affirmer la place
des organismes en employabilité dans les réseaux régionaux d'accompagnement. Je
pense que vous nous avez dit tantôt : Les organismes en employabilité
doivent faire partie de ces réseaux, sinon, donc, il y a un risque, donc, de
travailler en silo. Je pense, vous n'êtes pas le premier, donc, à nous en faire
part aujourd'hui. Quel est... Quel serait, donc, le plus grand risque, en fait,
de ne pas confirmer, donc, cette place-là, donc, des organismes en
employabilité à l'intérieur de ces réseaux régionaux?
M. Gravel (Richard) : Bien,
en fait, le risque, c'est de créer, dans le fond, un nouveau, un nouveau silo
puis que les gens, qu'ils soient orientés. C'est parce que, tu sais, dans le
fond, l'enjeu, c'est que le prestataire soit orienté dans un réseau où on est
plus dans l'insertion sociale puis qu'il n'ait jamais l'axe de l'emploi, là,
qui vienne, qui vienne. Ça fait que l'idée, c'est de... vraiment d'avoir une
approche qui est holistique, là, qui va... qui va travailler sur l'ensemble des
dimensions et ne pas voir les individus comme... bien, tu vas régler l'étape un,
puis après on va passer à l'étape deux. Puis c'est vrai, là, que, pour le...
puis moi-même, là, quand on fait des parcours, là, on en fait des étapes, mais,
quand on va travailler avec les individus, on ne les oblige pas à répondre aux
étapes, on va de façon... et on s'adapte aux besoins des individus.
Mme Cadet : C'est fluide, c'est
agile. On ne traite pas des individus comme s'ils étaient des petites cases.
M. Gravel (Richard) : Ça fait
que c'est sûr que, pour nous autres, ça nous sécuriserait, que ce soit nommé
dans la loi, cette diversité-là, comme il y a des ministères qui sont nommés.
Mme Cadet : Ensuite, il y a
quelques... quelques autres, donc des intervenants en commission, qui nous ont
dit : Bon, le projet de loi, on parle beaucoup d'intégration à l'emploi
mais peu de maintien à l'emploi. Vous, qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Gravel (Richard) : Bien,
au cours des dernières années, toute la question du maintien à l'emploi a pris
de la place. Moi, je pense que c'est une bonne chose. Nous autres, on trouve
que c'est... Parce qu'il y a... il y a deux éléments, il y a le maintien en
emploi puis il y a aussi éviter le retour à l'emploi rapide, là, qui, pour moi,
fait la partie de la sortie, dans le fond, vers l'emploi. L'objectif, c'est que
les gens se valorisent dans l'emploi dans lequel ils vont se trouver, qui vont
la conserver. Alors, pour certains, pour certaines personnes, bien, ils ont
besoin, même quand ils étaient avec de l'emploi, d'un support particulier. Et
ce que je disais tantôt à la ministre, là, puis c'est bon, ça va me permettre
de finir la question, alors, les employeurs, en contexte de pénurie de main-d'œuvre,
là, puis, on le voit notamment dans les emplois peu spécialisés, ils se sont
avoués complètement dépourvus devant des personnes qui peuvent avoir des
dynamiques, là, plus... plus complexes, comment j'interagis. Bon, il y a les
handicaps, il y a... mais il y a aussi des aspects, là, qui sont plus de l'ordre
comportemental qu'on peut... dans lesquels on peut appuyer, là. Il y a des
programmes qui ont été développés, là, dans les dernières années, dans les
organismes d'employabilité, où on fait de... Mais ça, ces programmes-là
devraient, selon moi, être plus généralisés à pas mal l'ensemble des parcours,
là, en fonction des besoins des individus. Ce n'est pas tous les individus qui
ont besoin d'avoir un accompagnement en emploi quand ils finissent un parcours,
mais, les individus qui ont besoin d'un accompagnement en emploi, je pense que
c'est... La somme supplémentaire et l'effort supplémentaire qu'on va faire en
faisant de l'accompagnement l'emploi, si on évite un retour à l'aide sociale, c'est
nettement avantageux pour l'ensemble de la société.
Mme Cadet : Oui, bien, c'est
ce que c'est... c'est ce que je perçois en fait de votre propos, c'est que ce
serait avantageux de pouvoir, donc, poursuivre cet accompagnement-là pour le
maintien à l'emploi, surtout pour les personnes les plus éloignées du marché du
travail, pour qu'elles puissent se maintenir puis qu'on réalise l'objectif ici
du projet de loi.
M. Gravel (Richard) : Mais,
vous savez, les entreprises, là... puis nous autres, on travaille beaucoup, là,
mais moi, là, dans ma job, je travaille beaucoup, là, avec des réseaux d'employeurs
et des entreprises, là, puis, au Québec, là, les PME, ils n'ont... ils n'ont
pas de service de ressources humaines, là. Ça fait que, s'il n'y a pas des
organismes qui peuvent leur offrir ce service-là de dire : Mais on va t'aider
dans ton accompagnement d'emploi... Ce n'est pas toutes les entreprises, là,
qui peuvent se payer du monde qui vont avoir cette vision-là de dire : Ah!
comment on peut adapter pour s'assurer que...
M. Gravel (Richard) : ...que
la personne va rester en emploi. Ça fait que ça, c'est vraiment un élément
où... Tu sais, c'est sûr que, dans les années 80, la PME... ils engageaient,
ils recevaient 200 C.V., ils en rencontraient 10 puis ils prenaient le meilleur
des 10. Il y avait beaucoup moins de problèmes de rétention. Mais on l'entend
là, des employeurs, là, qui disent : Mon problème, ce n'est pas de trouver
du monde, c'est de les garder. Alors là, il faut vraiment qu'on travaille, là,
dans cet ordre-là.
Mme Cadet : Oui. Vous l'avez
dit, élargir le supplément pour études et diplomation à d'autres programmes de
formation, comme les DEP, comme les métiers semi-spécialisés. Je pense qu'on
est assez d'accord avec vous, là, de dire qu'ici, donc, il ne faudrait pas
qu'on soit... que c'est une bonne chose, l'élargissement, ici, mais il faudrait
qu'il ne soit pas linéaire, dans le fond, qu'il s'adapte, donc, aux parcours de
vie des apprenants.
M. Gravel (Richard) : Bien,
il faut que ça vienne de l'individu, vous savez. Parce qu'il faut faire
attention, ce n'est pas... ce n'est pas : on va offrir... on va offrir
d'abord des métiers semi-spécialisés parce que c'est plus rapide, c'est
vraiment en fonction des besoins puis de la capacité des individus. Mais ça
demeure qu'il y a des individus qui ont... puis, tu sais, il faut se le dire,
qui n'auront peut-être pas la capacité de faire un diplôme d'études générales
puis qui ne veulent pas le faire, qui ne veulent pas l'essayer. Bien dans ce
cas-là, bien, il y a d'autres certifications qui leur permettent d'accéder à
des métiers qui sont tout aussi honorables, hein, puis qui sont nécessaires
pour la société, là, on l'a vu, dans les dernières années, donc.
Mme Cadet : ...
La Présidente (Mme D'Amours) : 50
secondes.
Mme Cadet : Ah! d'accord.
Vous travaillez beaucoup avec des personnes éloignées du marché du travail. Les
obstacles les plus fréquents qui sont rencontrés, selon vous, dans leurs
parcours vers l'emploi?
M. Gravel (Richard) : Eh boy!
C'est difficile, hein, de nommer une chose, mais moi, je vous dirais que
l'élément le plus central qui fait que les gens ont de la misère à intégrer le
marché du travail, là, dans l'ensemble des problématiques, c'est des... c'est
des personnes qui n'ont pas nécessairement le contrôle sur les événements et
qui se font contrôler par les événements, là. Donc, d'être capable de permettre
aux gens de se stabiliser puis de faire face aux aléas de la vie, là... Puis
ça, ça en fait partie, là, quand on parle des mesures de maintien en emploi,
là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci. C'est
intéressant de vous entendre dire que l'accès au revenu de base ne vient pas
diminuer l'intérêt pour un retour sur le marché du travail. Vous avez nommé à
quelques reprises que la précarité financière elle-même est parfois une entrave
pour le retour au travail. J'aimerais ça, vous entendre élaborer là-dessus.
Donc, pourquoi, en quoi ça devient une entrave, le fait d'être précaire
financièrement?
• (12 h 40) •
M. Gravel (Richard) : Bien,
parce que, quand les gens sont en situation de survie, leurs préoccupations
sont de l'ordre de... d'ordre financier. Bien, ça prend plus toute la place, et
ils ne peuvent pas se mobiliser sur leur retour à l'emploi, sur mettre les
énergies aux bons éléments. C'est un peu ce que je disais, dans le fond, ça
devient que les intervenants dans les organisations en développement de
l'emploi... pour eux autres, l'aspect contrainte financière devient un obstacle
en soi qui est traité, de la même façon que tu vas avoir de l'analphabétisme,
ou... il faut venir...
Alors, tout cet élément-là de dire...
c'est un peu l'idée, là, où on dit : Bien, pourquoi on veut éliminer
les... pourquoi on veut que les gens diminuent leurs avoirs? Peut-on... a-t-on
de besoin que les personnes qui sont à l'aide sociale aient vraiment zéro
revenu, zéro capital dans leurs comptes de banque puis de les mettre en
précarité. Pour qu'après, là, quand on les prend dans nos organisations, on
leur dise : Ah! c'est bien important que tu te construises un montant
d'argent pour affronter les aléas de la vie, là, tu sais, demain matin, ton
frigidaire brise, qu'est-ce que tu fais? Présentement, une personne qui est à
l'aide sociale, que son frigidaire brise, bien là, il est complètement démuni.
Il faut qu'il aille chercher puis se faire donner de la nourriture, il a... il
faut qu'il aille... c'est... Alors, comment on peut accepter... Puis on
comprend, là, qu'il y a une limite, là, mais on trouve que la limite, elle est
très, très basse, même à l'aide sociale, ce n'est pas... ce n'est pas...
Mme Labrie : Ça fait que vous
nous dites, dans le fond, que même avec tout ce qui est déployé comme mesures
d'accompagnement vers l'emploi, même avec les programmes, les plans
individualisés, qui pourraient être faits pour accompagner ces personnes-là, si
on n'agit pas sur le montant...
Mme Labrie : ...qui est
mis à disposition de ces personnes-là pour survivre à chaque mois. On va les
mettre dans une situation où ça va être très difficile, même avec un plan
individualisé, de se remettre en mouvement parce qu'elles sont trop en mode
survie encore.
M. Gravel (Richard) : Mais
vous voyez, malgré ça, ils le font. Malgré ça, ils le font, mais ça demeure que
c'est un obstacle supplémentaire.
Mme Labrie : O.K. Bien,
je vous remercie.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Vous
insistez sur la question de la conditionnalité, c'est-à-dire l'établissement
d'un lien entre le soutien minimal du revenu des personnes et la participation
à des mesures d'employabilité. Et vous dites que vous nous invitez à mettre fin
aux catégories administratives qui distinguent les individus avec contrainte et
sans contrainte parce que, notamment, ça stigmatise, ça entretient des préjugés
et la discrimination. Deux questions là-dessus. La première, est-ce qu'il
s'agit surtout d'une question d'utiliser les bons mots, parce que vous dites
c'est une étiquette, ou ça va plus loin que ça, c'est-à-dire que
l'établissement de catégories en soi, c'est le problème?
Si c'est le cas, deuxième question,
comment on réconcilie le désir ou l'intention, qui paraît louable,
d'individualiser les mesures d'aide aux besoins de la personne, puis vous avez
dit vous-mêmes que chaque personne n'est pas dans la même situation, avec cette
volonté de ne pas justement les catégoriser? Donc, d'un côté, des besoins
individuels, chacun n'a pas besoin de la même route, mais l'autre côté on
voudrait commencer en les mettant tous sur le même pied.
M. Gravel (Richard) : Bien,
en fait, c'est qu'on part toujours du principe que c'est l'argent qui motive
les gens à intégrer différents... Ça fait qu'on est, oui, pour une ouverture,
puis adapter les accompagnements en fonction des besoins des individus. On dit
juste que le fait de... le fait que les gens vont aller... on va avoir des
montants supplémentaires, bien, à la limite, ce n'est pas vraiment ça. Oui, ça
va, les... Ça va les motiver dans la mesure où on leur enlève des obstacles.
Donc, c'est sûr que c'est aidant dans ce
cadre-là, et on le reconnaît. Mais est-ce que, si le niveau de revenu était
plus élevé pour tout le monde, ils arrêteraient de le faire puis ils iraient
chercher une mesure qui n'est pas nécessairement... On ne croit pas. Moi je
pense qu'il faut... il faut offrir l'accompagnement, il faut travailler avec
les individus, là, puis faire vraiment un bon... un bon bilan de... Bon, O.K.,
vers où tu t'en irais? C'est quoi tes aspirations? C'est quoi, toi, tes
capacités aussi? Parce qu'il y a toujours cet élément-là, là. On parle des
aspirations. On parle aussi de regarder les capacités, puis c'est quoi les
pistes de solution qui t'adressent. Puis on va faire le parcours qui répond à
tes besoins. Mais pour... Mais pour moi, il n'y a pas de... il n'y a pas
d'obligation qu'il ait une... qu'il soit en difficulté financière pour qu'il
puisse intégrer les mesures d'emploi.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
M. Gravel, pour votre contribution à nos travaux à la commission.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures. Merci, tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 05)
La Présidente (Mme D'Amours) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leur appareil électronique, s'il vous plaît.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi
visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance
sociale. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants, soit le Réseau
des services spécialisés de main-d'oeuvre, l'Union des consommateurs, le Réseau
Solidarité Itinérance du Québec et l'Alliance québécoise des regroupements
régionaux pour l'intégration des personnes handicapées.
Donc, je souhaite maintenant la bienvenue
au Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre. Chers invités, je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je
vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Donc,
bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour à
toutes et à tous. Permettez-moi, au nom de mes collègues, de Patrick Pilon,
directeur général de Réhabex, Laurence Rodier, agente de communication et d'analyse,
et de tous les membres du Réseau des services spécialisés de main-d'œuvre,
RSSMO, ainsi qu'en mon nom personnel, Nisrin Al Yahya, directrice générale du
RSSMO, de vous exprimer nos sincères remerciements pour l'opportunité qui nous
est offerte de participer aux consultations particulières et aux...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...auditions
publiques sur le projet de loi n° 71 intitulé Loi visant à améliorer
l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale.
Cette occasion nous permet de partager nos réflexions sur ce projet de loi
crucial pour l'avenir des personnes en situation de vulnérabilité au Québec.
Nous souhaiterions tout d'abord vous
présenter brièvement le RSSMO. Notre réseau regroupe 50 organismes
répartis dans 14 régions du Québec et établis dans plus de 90 points
de service. Ensemble, ces organismes viennent en aide à plus de 30 000 personnes chaque
année, dont une majorité appartient à des groupes particulièrement marginalisés
et sous représentés sur le marché de travail. Notre mission première est de
favoriser le développement de l'employabilité à travers l'intégration, la
réintégration et le maintien en emploi des personnes qui rencontrent des
difficultés socioprofessionnelles. Nous agissons en étroite collaboration avec
les gouvernements provincial et fédéral afin de proposer des programmes et des
mesures personnalisées adaptées aux réalités de chaque individu.
Nos membres sont des experts en
employabilité, mais aussi des partenaires de première ligne qui interviennent
auprès des clientèles vulnérables, telles que les jeunes en difficulté, les
personnes en situation de handicap, les nouveaux arrivants, les clientèles
judiciarisées, les femmes, ainsi que diverses personnes éloignées du marché de
travail en raison de différents obstacles personnels ou structurels. Leur
expertise ne se limite pas à l'accompagnement vers l'emploi, mais englobe
également une compréhension approfondie des enjeux sociaux qui influencent le
parcours professionnel des personnes.
Le projet de loi n° 71 représente une
avancée importante pour soutenir les personnes en situation de précarité. Il
offre la possibilité de simplifier l'accès aux services d'assistance sociale,
tout en améliorant l'accompagnement des personnes les plus éloignées du marché
du travail. Toutefois, pour maximiser son impact, il est essentiel d'intégrer
certaines dimensions clés qui concernent les clientèles vulnérables et les
organismes qui les accompagnent.
Nous avons structuré nos recommandations
autour de quelques axes prioritaires qui, selon nous, méritent une attention
particulière dans le cadre de l'élaboration des mesures prévues par le projet
de loi. Notre approche est fondée sur les principes de simplification des
démarches d'inclusion des bénéficiaires, de respect des réalités individuelles
et de valorisation des ressources communautaires existantes. En mettant de
l'avant ces éléments, nous croyons fermement que ce projet de loi pourra mieux
répondre aux besoins réels des populations visées. Dans ce qui suit, je vous
présente brièvement les recommandations du réseau.
Donc, la première est la prise en compte
des ressources communautaires en employabilité. Les organismes communautaires
spécialisés en employabilité possèdent une expertise reconnue pour accompagner
les personnes les plus éloignées du marché de travail. Il est crucial de les
intégrer pleinement dans les réseaux régionaux d'accompagnement pour éviter les
doublons et d'optimiser les ressources déjà en place. Cela permettra de
renforcer l'efficacité des interventions, tout en s'appuyant sur l'expertise
développée depuis plusieurs décennies, autant au niveau de l'accompagnement des
personnes vers une intégration réussie sur le marché de travail qu'au niveau du
maintien en emploi et de l'intervention auprès des entreprises.
• (15 h 10) •
La deuxième porte sur la simplification
des démarches administratives. Le RSSMO soutient fermement la démarche de
simplification des procédures qui permettra de mieux répondre aux besoins des
populations, surtout celles ayant des compétences numériques et/ou
linguistiques limitées. Le RSSMO rappelle l'importance d'une approche humanisée
et simplifiée pour l'ensemble des services de réintégration professionnelle.
Les processus actuels, souvent complexes et bureaucratiques, constituant un
obstacle majeur à l'accès aux aides... aux aides sociales, peuvent poser
certaines problématiques au niveau des usagers. Nous préconisons la mise en
place de guichet unique qui centralise... ou qui centraliserait les demandes et
fournirait un soutien personnalisé, tout en réduisant les délais et les
barrières. Aussi, il nous semble essentiel que les documents soient disponibles
dans plusieurs langues, facilitant ainsi l'accès aux services pour les
personnes ayant une maîtrise limitée du français ou des outils numériques.
La participation active des bénéficiaires
dans les projets pilotes est notre troisième recommandation. En effet, les
bénéficiaires doivent être partie prenante des solutions mises en œuvre dans le
cadre des projets pilotes. Nous recommandons d'inclure une approche
participative où les usagers pourraient s'exprimer et contribuer à
l'élaboration des mesures qui les concernent directement. Cela pourrait se
faire par le biais d'ateliers de consultation, ou des groupes de discussion, ou
de différentes autres manières.
Éviter les modèles coercitifs. Le RSSMO
plaide en faveur d'une approche d'accompagnement fondée sur la bienveillance et
la flexibilité, évitant les modèles coercitifs ou punitifs systématiques. Nous
croyons qu'il est essentiel de respecter les réalités individuelles, notamment
en ce qui concerne les...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...contraintes
personnelles, sociales et économiques qui influencent la capacité d'une
personne à réintégrer le marché du travail.
Un accès équitable aux services et
réduction de la fracture numérique serait notre cinquième recommandation. Les
personnes vivant dans des zones rurales ou défavorisées font face à des défis
particuliers pour accéder aux services sociaux. Nous recommandons d'augmenter
la présence d'agents mobiles et de promouvoir la littératie numérique pour
garantir que tous puissent bénéficier des mesures d'accompagnement, peu importe
leur localisation ou leurs compétences technologiques.
La révision des montants d'aide
financière. Bien que le projet de loi n° 71 ne traite
pas directement des aides financières, le RSSMO tient à rappeler que les
montants actuels des prestations d'aide sociale sont insuffisants pour
permettre aux personnes de subvenir à leurs besoins de base. Une révision de
ces montants serait probablement nécessaire pour favoriser une réelle inclusion
socioéconomique.
La promotion des compétences et de la
diplomation, l'acquisition des compétences variées, y compris la formation
professionnelle est essentielle pour garantir une insertion durable sur le
marché du travail. Nous recommandons une reconnaissance accrue des parcours non
traditionnels, comme les formations techniques ou les certifications
professionnelles ou l'apprentissage professionnel, qui peuvent avoir un impact
direct sur l'employabilité.
La prise en compte des demandeurs d'asile
qui sont souvent exclus des mesures d'accompagnement malgré leur grande
vulnérabilité. Nous croyons que le projet de loi devrait prévoir des mécanismes
spécifiques pour soutenir cette population dans son intégration
socioéconomique, même en amont de la régularisation de leur statut. Je tiens à
souligner que le RSSMO salue l'initiative du plan d'intervention individualisé
proposé dans le cadre du projet de loi n° 71. Ce
dispositif offre un soutien personnalisé prenant en compte la situation sociale
et professionnelle de chaque personne, ce qui permettra d'encadrer de manière
plus efficace les parcours des individus en difficulté, notamment ceux
provenant des programmes de dernier recours. Cette approche est en parfaite
adéquation avec les pratiques des organismes d'employabilité, membres du RSSMO,
qui privilégient une intervention spécialisée, globale et individualisée afin
de répondre aux besoins spécifiques de chaque individu.
Le RSSMO salue également l'initiative de
reconnaître toute forme de participation sociale, dont le bénévolat, les
ateliers de développement personnel, les stages non rémunérés en entreprise et
bien d'autres. La reconnaissance officielle de ces formes de participation
sociale dans le cadre de ce projet de loi valorise les efforts des personnes en
démarche de réinsertion, même lorsqu'elles ne sont pas encore prêtes pour un
emploi rémunéré. Cela leur permet de développer des compétences, de créer des
liens sociaux et de s'inscrire dans un parcours évolutif vers l'autonomie.
Pour conclure, ce qui est très important,
c'est qu'en intégrant les recommandations que nous avons formulées aujourd'hui,
le projet de loi n° 71 pourra non seulement mieux
répondre aux besoins des personnes en situation de précarité, mais également
favoriser une véritable inclusion sociale et professionnelle. Nous soulignons
l'importance d'adopter une approche collaborative, bienveillante et centrée sur
les bénéficiaires, impliquant activement les organismes d'employabilité et les
individus eux-mêmes afin de maximiser l'impact des mesures proposées. Il est
crucial que les politiques publiques continuent d'évoluer en tenant compte des
besoins spécifiques et complexes des bénéficiaires afin de bâtir des solutions
durables et inclusives.
En adoptant les dispositifs aux réalités
des populations les plus vulnérables, nous contribuons à créer une société plus
équitable où chacun aura une réelle opportunité de s'intégrer et de participer
pleinement à la vie économique et sociale. Ainsi, le projet de loi n° 71 a le potentiel d'agir comme un levier de
transformation sociale, à condition qu'il soit mis en œuvre avec flexibilité,
écoute et collaboration entre tous les acteurs concernés.
Pour finir, je citerai Aliana, qui disait
avec un sourire qui illuminait son visage : Il n'y a rien de plus beau
pour moi que d'avoir traversé le système d'assistance sociale et d'en être
ressortie plus forte avec de l'espoir pour un avenir meilleur et un emploi que
j'aime. Merci de m'avoir si bien soutenu. Cela illustre parfaitement que, grâce
à un accompagnement adéquat, il est possible de se relever et d'avancer vers de
nouvelles perspectives. Nous vous remercions de votre attention et avons hâte
de discuter avec vous.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup pour votre exposé.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Maintenant,
nous commençons la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, merci
beaucoup, Mme Al Yahya. J'ai bien prononcé?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Absolument.
Mme Rouleau : Bon, parfait.
Merci beaucoup pour votre exposé. Je salue aussi M. Pilon et
Mme Rodier. Merci de contribuer à l'avancement de cette modernisation du
régime...
Mme Rouleau : ...l'assistance
sociale, c'est un projet de loi qui est fort important. Et vous avez... Vous
avez déjà bien mis la table sur certains éléments qui feront partie de nos
réflexions, évidemment. Je suis curieuse. Vous parlez de la mise en place d'un
guichet unique pour centraliser les demandes d'assistance, d'aide financière,
accompagnement social, insertion professionnelle, etc. Comment vous...
Qu'est-ce que c'est que le guichet unique? Comment voyez-vous cette... cette
proposition?
Mme Al Yahya (Nisrin) :
Bien, en fait, cette proposition vient d'une réflexion dans laquelle nous
avons pensé qu'avoir des guichets uniques régionaux pour simplifier l'accès aux
services aurait pour objectif de centraliser des démarches administratives pour
permettre aux bénéficiaires d'accéder plus facilement aux services d'assistance
sociale. Dans le fond, ce qu'on aimerait avoir, c'est une mise en place de ce
réseau de guichet unique dans certaines régions pilotes. Ces guichets, par
exemple, pourraient regrouper des services administratifs, des services
psychosociaux et de réinsertion professionnelle pour offrir un soutien global
simplifié, centralisé. On pourrait aussi mettre des systèmes d'évaluation de ce
genre de guichet en mesurant la réduction, par exemple, du temps de traitement
des dossiers pour la satisfaction des usagers. Donc, notre objectif, c'est de
vraiment aller dans le sens d'une simplification d'accès, d'une approche
facilitée et d'une diminution de la lourdeur administrative.
Mme Rouleau : O.K. Mais
je pense qu'on a... qu'on va dans la même direction parce qu'on parle de
réseaux régionaux d'accompagnement, et qui comprennent un ensemble de
partenaires, dont les organismes communautaires, pour s'assurer d'un bon
accompagnement des personnes et donc bien les diriger. Et c'est une question
d'une meilleure coordination pour éviter les silos. Alors, je crois qu'on va
dans la même direction à ce niveau-là. Sur.... Pourriez-vous détailler un petit
peu plus sur le vécu de vos organismes? Comment ça se passe sur le terrain pour
vous?
Mme Al Yahya (Nisrin) :
Comment ça se passe? C'est tellement une grande question, Mme la ministre.
En fait, vous savez, au jour d'aujourd'hui, le gros défi que nous avons en
termes d'organisme, c'est que nous avons une demande croissante de plus en plus
de la part d'une population vulnérable et fragilisée. Et puis cette demande-là,
malheureusement, ne peut pas être répondue dans le cadre des financements
actuels de ce qu'on voit. Malheureusement aussi, malgré toutes les compétences,
les capacités et les connaissances de nos intervenants, ce problème
d'accessibilité aux services pose un gros défi pour nous. Le fait de devoir
calculer les temps d'intervention, le fait de devoir ne pas nécessairement
aller dans le sens de l'individu et ses besoins, mais d'être limité par une
lourdeur administrative au quotidien fait que, des fois, nos intervenants se
retrouvent dans une posture où eux-mêmes se sentent fragilisés dans leur
approche et dans leur intervention.
• (15 h 20) •
C'est sûr aussi qu'on voit que la
vulnérabilité augmente de plus en plus, la pauvreté aussi. Vous savez, ces
dernières années surtout, on a remarqué, puis je ne vous annonce rien de
nouveau, une augmentation de l'itinérance. On a remarqué une... une diminution
de la capacité d'acheter un panier à toutes les semaines pour certaines
personnes. Et puis encore plus, pour plusieurs qui même ont des emplois, ils
n'ont pas accès à un logement décent.
Donc, nos organismes vivent de vrais défis
à pouvoir accompagner, aider au meilleur de leur connaissance une population de
plus en plus vulnérable. Je vais aussi peut être laisser la parole à Patrick
qui va pouvoir venir en appui à ma réponse étant donné qu'il fait partie des
organismes de terrain qui travaillent beaucoup auprès de cette clientèle
vulnérable.
M. Pilon (Patrick) : Merci
beaucoup. Donc, si je peux me permettre, pour illustrer la situation au sein
des organismes, lorsqu'on parle d'investissement, on ne parle pas
nécessairement autant d'investissement financier, bien que c'est nécessaire,
mais aussi d'investissement de temps pour modifier le mécanisme d'application
des services d'aide à l'emploi, pour qu'il soit adapté aux besoins des
clientèles que l'on dessert. Si je peux exprimer ici une situation, notamment
dans nos organismes spécialisés pour les personnes judiciarisées, quelqu'un qui
aurait des troubles au niveau de la santé mentale, on pourrait très bien avoir
une double participation avec un organisme qui est un expert au niveau de
l'approche en santé mentale. Il pourrait venir offrir des services qui sont
complémentaires pour optimiser les chances de la personne d'intégrer le marché
du travail...
M. Pilon (Patrick) : ...par
contre, il s'agit souvent de décision arbitraire basée sur une décision qui
vient d'un agent d'aide à l'emploi ou un agent d'un bureau du ministère qui
fait en sorte qu'on refuse ces doubles participations là. Mais ici je parle de
personnes, exemple, santé mentale judiciarisée, mais ça pourrait être la même
chose, santé mentale, femmes ou personnes avec des limitations physiques aussi.
Donc, c'est vraiment de permettre aux organismes d'adapter leurs interventions
et de collaborer ensemble pour bien accompagner le citoyen dans sa démarche
d'intégration sur le marché du travail et de maintien sur le marché du travail.
Donc, ce serait mon commentaire.
Mme Rouleau : D'accord. On
souhaite dans ce projet de loi changer la contrainte d'emploi en contrainte
santé, en faisant intervenir l'aspect de santé mentale et d'enjeux
psychosociaux, et les diagnostics pourront être faits par des professionnels de
la santé, pas seulement que le médecin. Est-ce que, ça, vous pensez que c'est
un... c'est quelque chose qui viendrait... qui va venir aider vos organisations
à mieux... mieux cibler, mieux aider les gens qui viennent vers vous?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
là encore, moi, ce que je nommerai, c'est que non seulement ce serait utile,
intéressant et fort aidant, mais que nous-mêmes, on a des professionnels qui
pourraient, eux aussi, aider, accompagner dans cette démarche en termes de
santé. Donc, nous avons plusieurs intervenants psychosociaux, on a des
conseillers en orientation, on a des conseillers qui suivent des personnes
depuis l'instant où ils commencent avec eux. C'est juste une question de temps
aussi puisque... Je tiens à insister sur le point que vient de mentionner
Patrick, parce que nos programmes d'accompagnement sont très limités dans le
temps. Donc, moi, si j'ai un psychoéducateur dans mes organismes, par exemple,
bien, il serait capable de pouvoir aider ces personnes-là dans le cadre des
intervenants qui accompagnent des professionnels dans le programme PAAS Action,
par exemple. C'est des personnes qui ont un ensemble d'expertises très, très
avancées, qui peuvent absolument savoir quels sont les points de vigilance pour
un individu, puis faire le va-et-vient, carrément, avec la ressource en santé
ou en services sociaux pour pourvoir l'aider à avancer dans des démarches qui
peuvent l'amener vers le milieu de l'emploi. Cependant, on n'a pas cette
opportunité, justement, de pouvoir continuer ce travail. On est beaucoup plus,
malheureusement, occupés à faire des démarches administratives que
d'accompagner les personnes et de jouer notre rôle, en fait.
Mme Rouleau : O.K. Donc,
les... disons, modifier les contraintes, les contraintes à l'emploi vers
contraintes de santé, plus le réseau régional d'accompagnement, plus la
possibilité pour chaque individu d'avoir un plan personnalisé d'accompagnement,
ce sont des... et de travailler avec les organismes... parce qu'il est prévu de
travailler avec les organismes, là, je souligne que je suis le ministre de
l'Action communautaire aussi. Alors, c'est important de travailler avec les
organismes du milieu, s'assurer d'une bonne coordination. Ça, ça répond... ça
répond assez bien, là, à vos besoins, puis on pourra élaborer un petit peu
plus. Mais pourriez-vous me parler des enjeux que rencontrent les personnes en
situation de précarité qui sont prestataires de l'aide sociale, qui veulent
embarquer, qui veulent s'insérer? Parce que l'objectif, c'est l'insertion
sociale, la participation sociale et aller vers l'emploi. Quels sont les enjeux
que ces personnes peuvent rencontrer pour arriver à un emploi?
Mme Al Yahya (Nisrin) : En
fait, il y en a plusieurs, dans le fond. Donc, on parle beaucoup de la
diplomation, on parle beaucoup de la fracture numérique, mais on parle aussi
des enjeux linguistiques et de maîtrise de langue. Donc, vous comprendrez que,
de plus en plus, la littératie numérique n'est plus du tout une condition qu'on
ne peut pas... qu'on ne peut pas ne pas respecter dans les milieux
professionnels. Et puis, par exemple, dans plusieurs de nos projets
prépréparatoires à l'emploi, préparatoire à l'emploi, cette dimension-là est
maintenant prise en compte par nos intervenants, car, sans cela, ils ne
pourront jamais comme s'adapter dans des milieux professionnels. Lors de l'une
de mes dernières rencontres avec une directrice d'un organisme qui s'occupe
de...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...projet
préparatoire à l'emploi pour femmes, elles me nommaient le fait que, dans le
temps, ils se satisfaisaient de ce que la personne leur disait en termes de ses
connaissances personnelles, en termes d'informatique, etc. Par exemple, là,
maintenant, ils font carrément passer des petits tests pour pouvoir voir est-ce
qu'ils peuvent ou pas se débrouiller en termes de littératie numérique. Et, de
plus en plus, pratiquement 100 % de cette clientèle-là va avoir besoin
d'avoir cette formation en outils numériques. Les compétences linguistiques,
c'est certain que des personnes nouvellement arrivées peuvent avoir des bonnes
diplomations ou d'un bon accès au marché de travail, mais tant et aussi
longtemps que la francisation n'est pas nécessairement accessible en tout
temps, qu'elle n'est pas à la hauteur des attentes des employeurs et qu'il y a
urgence d'emploi, donc on va avoir encore ce genre de défi et problématique
pour les personnes et les professionnels à accéder au marché de travail.
Donc, il faut absolument qu'on puisse
aussi aider les individus dans leur démarche d'insertion en termes... en termes
d'un accompagnement individualisé selon leurs propres besoins. Parce que, ce
qui pose problème, des fois, c'est qu'on les rentre dans le cadre ou dans la
case d'un programme défini, mais leurs besoins dépassent le cadre de ce
programme-là. Donc, il faut qu'on les... qu'on les ramène vers nos programmes
et puis qu'on puisse détailler encore plus leurs besoins en lien avec le marché
de travail.
Et c'est sûr aussi que j'aimerais bien
parler de ce qu'on appelle, nous, les emplois qualifiés. Parce qu'il est très
important pour nous que les personnes ne soient pas juste en emploi, mais
qu'ils puissent avoir accès à des emplois qualifiés. Et ce qu'on... ce qu'on
nomme ou ce qu'on veut définir comme emplois qualifiés, au travers de notre
réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, c'est que c'est un emploi qui
va respecter les besoins des individus tout en assurant la sécurité et la
stabilité, donc des contrats à durée indéterminée, des conditions de travail
respectueuses, des salaires décents, des opportunités d'évolution, une
possibilité d'avoir une conciliation de travail et de vie personnelle. Donc,
cet ensemble d'éléments dans un emploi de qualité vont permettre à l'individu
de bien se classer, mais aussi de rester dans son emploi.
Il y a un arrimage à faire, par exemple,
entre les emplois de qualité et le programme Objectif Emploi, qui peut être
réalisé en créant des passerelles, par exemple, vers des secteurs qui offrent
des emplois stables, en valorisant les compétences transférables et en
soutenant des entreprises engagées, par exemple, dans des bonnes pratiques.
Donc, on... Donc là, je mentionne comme, en fait, trois facteurs de réussite
d'une intervention.
Mme Rouleau : O.K. Vous
parlez de bonnes pratiques. Qu'est-ce que vous... Qu'est-ce... Quelles seraient
les bonnes pratiques?
• (15 h 30) •
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
des bonnes pratiques en entreprise, vous voulez dire? Bien, en fait, les
entreprises qui ont des bonnes pratiques, par exemple, en termes d'équité,
diversité, inclusion, qui ont des programmes d'accueil, qui ont des programmes
de soutien et qui ont des possibilités de travailler en mode... en mode
bipartite ou tripartite, donc en mode tripartite avec nous, comme organismes
communautaires, dans l'accompagnement et l'aide des personnes à mieux
s'intégrer sur le marché de travail, d'avoir une personne qui soit une
référence, par exemple, dans l'entreprise et une personne du milieu
communautaire qui va pouvoir résoudre des problématiques qui peuvent être
soumises ou soulevées. Dans le cadre de nos programmes pilotes, nous avons un
programme qui s'occupe particulièrement de cette situation-là. Donc, le
maintien en emploi, pour nous aussi, est un élément très, très important. Donc,
la collaboration, entre guillemets, entre les différents acteurs de l'écosystème
en est une très importante, quand on parle de bonnes pratiques, dans le fond.
Mme Rouleau : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais : Merci, Mme la
Présidente. Lorsqu'on parle... Merci pour la belle présentation et ce que vous
faites pour cette catégorie de gens là. Ils en ont tellement besoin.
Je voudrais savoir le taux de réussite, de
placement, d'études, et tout ça. Quel est le taux de réussite? Et quel âge ont
environ votre clientèle? Est-ce que c'est jeune ou jusqu'à 60 ans et plus?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
60 ans et plus, c'est encore jeune, Mme la députée!
Mme Blais : Je m'envoyais
des... Je m'envoyais des fleurs.
Mme Al Yahya (Nisrin) : On s'envoie
des fleurs. Donc, en fait, effectivement, notre clientèle est... est d'un
échantillon très, très large, en fait. On a des... On a une clientèle très
jeune. Nos interventions commencent à partir de l'âge de 15 ans puis
peuvent aller très, très loin, à beaucoup plus que 60 ans, donc nos
travailleurs expérimentés, les 45 ans et plus. Toutes les clientèles sont
intégrées dans notre regroupement, notre réseau.
Le taux de réussite...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...placement
en emploi est pas mal intéressant, honnêtement, parce que nous avons fait
partie de ceux qui ont monté ce qu'on appelle le projet Continuum entreprise
qui a mené vers les parcours de maintien en emploi au niveau de Services
Québec. Donc, on a une expérience et une expertise et on a une formation très
avancée pour nos intervenants à ce niveau, puis qui nous permettent pas mal de
pouvoir aider cette population-là au meilleur de notre connaissance. Patrick,
je vais aussi te laisser la parole là-dessus. Je sais que, toi aussi, dans ton
secteur, il y a beaucoup de travaux qui sont faits à ce niveau-là.
La Présidente (Mme D'Amours) : 30
secondes, M. Patrick.
M. Pilon (Patrick) : Merci
beaucoup. Bonjour, Mme la députée. En fait, c'est ça, pour tout ce qui est du
taux de placement, c'est difficile parce que, tout dépendant des catégories et
des profils type de clientèle aussi, c'est un taux qui peut être assez
changeant, qui est variable aussi dans les temps. Comme parlait Mme Al Yahya,
il y a, bien sûr, des projets qui donnent des résultats très probants. Je pense
notamment au projet type qui a été développé par le Regroupement des services
spécialisés en main-d'oeuvre, qui est un taux de placement et de maintien en emploi,
si ma mémoire est bonne...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup, M.... M. Patrick, je suis obligée de vous interrompre parce qu'on a
terminé le temps de la partie gouvernementale. Maintenant, on serait rendus à l'opposition
officielle. Donc, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente. D'ailleurs, merci beaucoup pour la présentation et le mémoire
détaillé. Peut-être vous pouvez compléter votre réponse. Je vous laisse compléter
votre réponse à la question antérieure.
M. Pilon (Patrick) : Merci.
Le taux de placement et de maintien en emploi est de près de 90 % sur ce
projet.
Mme McGraw : Parfait. Merci.
J'aimerais aller sur la recommandation numéro 6. Alors, vous parlez de... On
parle du programme de revenu de base. Si je comprends bien, vous recommandez de
bonifier le programme pour les bénéficiaires présentement, mais aussi d'étendre
le programme à l'ensemble des bénéficiaires. Je veux juste bien comprendre.
Présentement, vous savez que le programme de revenu de base, c'est pour des
personnes avec des contraintes sévères et permanentes, c'est-à-dire des
personnes qui n'ont pas la capacité de travailler ou très peu. Mais vous
prévoyez l'étendre ou vous proposez de l'étendre sur l'ensemble des
bénéficiaires, dont ceux qui ont une plus grande capacité. On ne parle même pas
de volonté, on parle de capacité. Donc, je veux vous entendre plus là-dessus
parce que c'est sûr qu'il va y avoir des avantages, mais aussi des coûts
associés pour l'État.
Mme Al Yahya (Nisrin) : En
fait, oui, tout à fait, vous avez parfaitement raison, nous, c'est exactement
comme ça qu'on le voit, c'est d'étendre ce programme-là ou de l'élargir, dans
le fond, dans l'application à plus de personnes ou, en fait, à ceux dont la...
ce n'est pas juste dont la capacité est limitée, mais la volonté aussi.
Pourquoi est-ce qu'on parle de cela dans le fond? C'est parce que
malheureusement, de plus en plus, les personnes sont vulnérabilisées par le manque
de ressources et que la fameuse pyramide de Maslow n'est même plus répondue,
disons-le comme ça.
Donc quand on parle de cet élément-là, il
faut absolument, pour qu'on nomme le besoin, justement, d'avoir des ressources
suffisantes pour pouvoir répondre aux besoins des personnes, peu importe leur
situation de vulnérabilité. On sait très, très bien que le projet de loi ne
concerne justement pas les aides financières. On le comprend puis on le... on l'admet,
mais cependant on voulait vraiment amener un point de vigilance.
Parce que, vous savez, puis je peux vous
donner un exemple très concret, une personne qui aujourd'hui reçoit ces
montants-là, qui pourrait recevoir ces montants-là, ça ne veut pas dire que ça
va être exclusif à l'utilisation de... pour qu'elle puisse éventuellement aller
vers des programmes et autres choses. Le défi qu'on a au jour d'aujourd'hui, c'est
que ces montants-là ne sont absolument pas adéquats ni suffisants pour qu'elle
puisse répondre à ses besoins.
De plus, en fait, ce qu'on est en train de
nommer, c'est que les personnes vulnérables doivent absolument être soutenues
et qu'aujourd'hui ce n'est pas du tout le cas. Donc, d'où notre proposition d'élargissement,
tout en sachant que ça va engendrer des coûts assez importants et que ce n'est
pas pris en considération dans le cadre du projet de loi.
Mme McGraw : Et pour être
clair, on a souligné le fait que c'est une réforme qui espère être à coût nul
et que l'État ne devrait pas faire des économies sur le dos des plus démunis.
Mais quand même, il faut qu'on... Est-ce que vous avez calculé? Est-ce que vous
proposez que ça soit tel montant, MPC? Est-ce que vous avez fait des calculs?
Parce que si on...
Mme McGraw : ...en deçà sur l'ensemble
des prestataires. Quels seraient les calculs? Donc, non, O.K., mais je voulais
juste savoir, peut-être vous avez fait ces calculs-là de... je voulais savoir,
mais on est d'accord pour dire qu'on ne peut pas faire des réformes à coût nul
non plus.
Sur la question, recommandation numéro
deux, je veux entendre plus sur... vous entendre plus sur les formalités
administratives et la simplification. Donc, la réforme souhaite ou se dit
simplifiée, puis nous, on veut s'assurer que cette simplification ne fait...
n'est pas une déshumanisation, bien qu'il va y avoir des plans individualisés.
Donc, vous avez... bon, vous avez parlé avec la ministre d'un guichet unique.
Et vous avez peur aussi de la lourdeur administrative, non seulement pour les
bénéficiaires, mais pour les travailleurs, pour les personnes qui accompagnent
ces gens-là, qui sont rendus plus dans l'administratif, presque, que dans
l'accompagnement. Alors, peut-être une dernière question là-dessus avant que je
cède le reste de mon temps à ma collègue de D'Arcy-McGee.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Parfait.
Donc, en fait, nous, pour nous, il est absolument primordial qu'il puisse y
avoir un engagement fort vers l'allègement des formalités administratives et la
simplification des démarches, non seulement justement pour faciliter l'accès
aux aides sociales, mais parce que les démarches actuelles sont très complexes
et bureaucratiques. Vous savez, une personne qui va présenter une demande
d'aide sociale, peut prendre des heures et des heures à pouvoir comprendre
comment elle va fonctionner. La personne qui l'accompagne dans nos organismes
aussi a des gros enjeux et défis en termes administratifs. Donc, ce que nous
prêchons, c'est vraiment de pouvoir s'assurer que la documentation, les
formulaires, les façons de travailler soient simplifiées et en même temps que
les personnes qui vont utiliser ces moyens-là soient formées adéquatement pour
qu'ils puissent répondre aux besoins des bénéficiaires.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Et je cède maintenant la parole à la députée de D'Arcy-McGee. Il vous reste six
minutes, 40 s.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci de votre mémoire, de votre présentation. Alors, comme on
parle de personnes issues de différentes populations vulnérables, une de vos
recommandations, c'est que les projets pilotes qui sont suggérés incluent une
dimension participative où les bénéficiaires eux-mêmes pourraient exprimer
leurs besoins et contribuer à façonner les programmes de leur conception.
Évidemment, encore une fois, comme c'est
des populations vulnérables, chacun a sa réalité, que ce soient des gens qui
sortent de l'itinérance, des personnes avec un handicap, des parents
monoparentales. Comme il y a quelqu'un qui a... un groupe qui a témoigné plus
tôt aujourd'hui, pour dire : Ce n'est pas tout le monde qui peut
travailler 35 h, par exemple. Donc, il faut prendre la réalité de chacun
en considération. Donc, je voudrais que vous... vous puissiez élaborer
justement sur les différentes réalités de chacun, et pourquoi ça, ça serait
nécessaire pour vraiment avoir leur participation, leur volonté, pour bien les
orienter par la suite.
• (15 h 40) •
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
dans le fond, l'ensemble de nos démarches d'intervention, d'évaluation, de
besoin sont bâties sur c'est quoi, les besoins de l'individu et la personne.
Donc, tant et aussi longtemps qu'on ne les entend pas, qu'on n'écoute pas leurs
besoins, qu'on ne sait pas exactement qu'est-ce qui va faire qu'ils
réussissent, bien, on ne va pas pouvoir répondre à ces besoins de la meilleure
façon que ce soit. Donc, ce que nous proposons, c'est justement des activités,
par exemple, dans lesquelles on va voir des groupes de travail, des groupes de
discussion. Les réalités différentes vont vite ressortir, mais on demande que
ce soient des rencontres qui soient accompagnées, par exemple par un chercheur,
par un professionnel, qui va pouvoir aiguiller la discussion de telle sorte à
ce qu'une fois qu'on a des réponses probantes on puisse monter des projets pilotes
qui vont pouvoir répondre aux attentes de cette population-là. Et puis en même
temps répondre à une amélioration de qualité des perspectives pour ces
personnes-là. Donc, en fin du compte, il n'y a personne qui peut être meilleur
juge et expert de sa réalité que la personne elle-même. Et c'est pour ça qu'on
demande qu'il y ait une co-construction et pas une imposition de façon de
faire. Vous savez, on... ce qui est bon pour moi n'est pas nécessairement bon
pour quelqu'un d'autre et vice-versa.
Mme Prass : Et, dans le même
sens, vous avez parlé d'accompagnement plus tôt. Pour vous, qu'est-ce qui est
un accompagnement adéquat? Parce qu'on a aussi entendu, par exemple, que...
encore une fois, pour certaines populations, qu'il faudrait que cet accompagnement
se fasse de façon plus longue. Ce n'est pas juste parce que la personne est au
travail depuis... intégrée, dans un emploi, depuis une ou deux semaines que
tout va bien, et là on les laisse tomber, on les laisse aller. Encore une fois,
c'est des populations vulnérables qui ont différents enjeux. Donc, pour vous,
un accompagnement adéquat, c'est quoi au juste? Et je vais... juste une petite
sous-question...
Mme Prass : ...vous que ces
personnes devraient avoir des formations spécifiques aux populations avec
lesquelles ils vont... ils vont aider?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Alors,
oui, un accompagnement adéquat est un accompagnement qui prend plus de temps,
plus de flexibilité, plus d'ouverture, de perspective, et une meilleure
compréhension et une adéquation entre l'offre et la demande. Donc, ça, c'est
vraiment un accompagnement adéquat.
Est-ce que les personnes sont censées
avoir des formations spécifiques, dans certaines situations, oui, dans
d'autres, non. L'ensemble de nos professionnels qui interviennent auprès des
clientèles, un peu importe la clientèle, sont des professionnels de haut niveau
en général. C'est des personnes qui ont déjà des diplomations. Par contre, des
formations spécifiques qui vont être en adéquation pour rehausser la compétence
de la main-d'œuvre qui accompagne ces personnes vulnérabilisées peut devenir
une solution très probante et très adéquate aux besoins de ces clientèles-là.
On peut mentionner les conseillers en orientation, par exemple, qui, eux, vont
pouvoir avoir un échantillon très complet et complexe de profils à proposer à
nos personnes vulnérables et vulnérabilisées, mais s'ils ont une formation en
plus en termes d'état de santé, de situations psychosociales, etc., ils vont
pouvoir encore améliorer leur intervention et répondre aux besoins de cette
clientèle-là.
Mme Prass : Pour venir, donc,
la durée de l'accompagnement?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui,
absolument. La durée de l'accompagnement, comme je le disais, n'est pas...
bien, enfin, n'est pas nécessairement adéquate aujourd'hui. Pour nous, il faut
prolonger cette période d'accompagnement là selon le besoin de l'individu,
parce qu'il y aurait des individus qui auraient besoin de trois semaines
d'accompagnement, puis quelqu'un d'autre qui va avoir besoin d'un an et demi
d'accompagnement. En fait, les cadres rigides, dans lesquels nous sommes,
actuels de programmes qui ne ciblent que... on peut éventuellement avoir juste
un accompagnement de courte durée avec un individu, impliquent très souvent
qu'on perde le lien avec la personne.
Donc, ce que nous prêchons dans nos
interventions, c'est de pouvoir accompagner les personnes jusqu'au maintien en
emploi et dans le maintien en emploi. Donc, notre objectif initial, c'est
d'accompagner l'individu au départ, de respecter ses contraintes sociales et
psychologiques, essayer de l'intégrer sur le marché de travail par une
réinsertion socioprofessionnelle, ensuite, l'aider à être bien accueilli en
entreprise, maintenu en emploi puis inclus dans l'entreprise. Donc, c'est une
démarche complète et complexe pour laquelle nous avons besoin de plus de temps,
plus de moyens et plus de financement.
Mme Prass : Et vous avez dit
que les personnes vulnérables ne sont pas soutenues aujourd'hui. Comment est-ce
que... Pourquoi est-ce que vous dites ça? Comment est-ce que vous voyez ça?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Nous
ne sommes pas soutenus, parce que, dans le fond, ils se sentent de plus en plus
éloignés, ils se sentent de plus en plus vulnérables, ils se sentent de moins
en moins... de moins en moins... en fait, de plus en plus pauvres et de moins
en moins riches. Ils sont soutenus par nos organismes au meilleur de notre
connaissance, mais malheureusement, nous ne pouvons pas leur accorder tout ce
qu'on voudrait et puis tout ce qu'on pourrait leur accorder comme temps, comme
énergie puis comme place dans notre système. Très souvent, nos intervenants...
puis je vais laisser Patrick enchaîner avec ma réponse, nos intervenants se
sentent eux-mêmes en situation de vulnérabilité parce qu'ils auraient pu
répondre au mieux aux besoins de l'individu s'ils avaient le temps et les
financements requis pour qu'ils puissent mieux y répondre.
Donc, Patrick, je te laisse la parole sur
ce.
La Présidente (Mme D'Amours) : M.
Patrick, il vous reste 18 minutes. J'ai l'air de la personne qui ne veut
pas... 18 secondes, pardon, 18 secondes. J'ai l'air de ne pas vouloir
vous laisser parler, mais que voulez-vous, c'est comme ça. Je suis la gardienne
du temps. Alors allez-y.
M. Pilon (Patrick) : Bon.
Rapidement, pour faire un cas de figure, là, nous, on fonctionne par
participation. Parfois, la participation dans nos services est terminée, un
individu qui se présente au comptoir d'accueil, qui dit : Je suis sur le
point de quitter mon emploi parce que je vis une crise dans mon travail,
malheureusement, parce que l'intervention ponctuelle qu'on va faire n'est pas
reconnue dans le cadre des mesures actuelles, on ne sera pas capables
d'accompagner adéquatement l'individu ou bien on va tout simplement le faire,
mais perdre un temps précieux à pouvoir s'affairer à intervenir auprès de nos
clientèles qui cadrent dans les mesures actuelles du ministère de l'Emploi.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
M. Pilon (Patrick) : Bon.
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je suis désolée. Mme la députée de Sherbrooke, la parole est à vous.
Mme Labrie : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Je veux revenir sur l'échange qui a eu lieu un peu plus tôt
concernant l'accès élargi au Programme de revenu de base. Vous avez mentionné
que ce serait une bonne mesure à mettre en œuvre. J'aimerais vous entendre
davantage là-dessus. En quoi ça favoriserait finalement la réinsertion de
personnes qui actuellement, ils n'ont pas accès, d'avoir eux aussi accès au
revenu de base?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
dans le fond, vous savez...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...Je
vais prendre la situation des certaines populations spécifiques à ce niveau-là.
Donc, si on prend, par exemple, l'exemple des populations jeunes, ou des
personnes de 45 ans et plus, ou encore des personnes nouvellement
arrivées, bien c'est toutes des personnes qui peuvent se mobiliser puis se
mettre en démarche d'insertion socioprofessionnelle dans le cas où ils ont les
moyens de pouvoir se l'offrir. Pour le moment, des fois, ils sont tellement
dans l'obligation et dans l'urgence de se trouver un emploi, peu importe
l'emploi, juste pour pouvoir subvenir à des besoins minimes qu'ils ne peuvent
même plus réfléchir à ce qui pourrait advenir d'eux, le cas échéant, où on leur
donnait la possibilité de pouvoir avoir des sommes qui leur permettraient de
mieux vivre au moins la période dans laquelle ils sont dans ce mode de, bien,
soit je réfléchis à me réintégrer, soit je suis très vulnérable aujourd'hui
puis je ne suis pas capable de trouver un emploi, ou j'ai besoin de comprendre
comment le système fonctionne. Parce que malheureusement, pour plusieurs aussi,
il y a une incompréhension de comment fonctionne le système. Et puis le fait
qu'on les accompagne, comme organisme communautaire, à court, moyen et long
terme, permet d'éclairer très, très souvent leur vision d'avenir.
Vous savez, même si nos interventions ne
sont même pas des fois supposées aller dans une direction de, je t'explique
comment fonctionne la société, bien, on doit ou on est dans l'obligation, on se
voit dans l'obligation d'expliciter des évidences. Donc, très souvent, pour
nous et puis pour nos intervenants, on vit ce qu'on appelle des chocs
d'évidence. Ce qui est évident pour moi n'est pas évident pour l'autre. Donc,
ce genre de montant pourrait nous permettre d'avoir une meilleure marge de
manœuvre pour mieux aider les personnes pendant des périodes un peu plus
longues et un peu plus réfléchies, et de créer un filet social de sécurité pour
ces personnes-là.
Mme Labrie : Ce que je
comprends de votre intervention, c'est que, des fois, le mode survie dans
lequel se retrouvent les personnes qui ont des prestations trop faibles, ça
peut être une entrave à prendre la meilleure décision pour elles à moyen et
long terme, là, et peut-être se garrocher dans quelque chose qui ne sera pas
adapté et qu'il va être dans une spirale de précarité, d'aller-retour par des
emplois qui ne sont pas les bons pour eux dans le fond.
Mme Al Yahya (Nisrin) :
Exact.
Mme Labrie : Pour les
aider à long terme, on aurait besoin de leur offrir une prestation qui donne un
peu plus de lousse pour réfléchir à la meilleure façon de retourner sur le
marché du travail. C'est bien ça?
Mme Al Yahya (Nisrin) :
C'est exactement ça. Puis en même temps, je vous dirais que... Puis je vais
revenir peut-être un petit peu aussi par rapport à la question précédente, qui
est à 100 % en lien avec ce que je vais nommer ici et ce que... et la
réponse que vous donnez. C'est que, plus la personne... Parce que là, on
parlait d'un projet de loi à coût nul ou presque. Mais, vous savez, on va
gagner énormément si jamais ces gens-là se placent dans des endroits qui sont
favorables à une intégration réussie, à un maintien en emploi, à un
développement professionnel, plutôt que de les laisser justement, comme vous le
dites si bien, se garrocher d'un emploi à un autre dans un cercle vicieux qui
finit toujours par, bien, je ne sais pas quoi faire, je n'ai pas d'argent, je
n'ai pas de logement, je n'ai pas de... Je ne peux pas me nourrir, j'ai une
famille. Donc, cette option d'accorder un peu plus de lousse n'en est pas une
pour pouvoir faire autre chose que de se faire mieux accompagner dans le fond.
Mme Labrie : Et donc, si
en apparence ça peut avoir l'air d'une dépense importante à court terme, vous
nous dites qu'on sauverait probablement à long terme en déployant une mesure
comme celle-là.
Mme Al Yahya (Nisrin) :
Absolument.
Mme Labrie : Parfait.
Bien, je vous remercie.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
infiniment. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre
commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre à nos prochains invités de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 50)
(Reprise à 15 h 54)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à l'Union des
consommateurs. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Puis nous débuterons la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à
commencer votre exposé, s'il vous plaît.
M. Dorais (Maxime) : Mme la
ministre, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je me présente,
Maxime Dorais, codirecteur général d'Union des consommateurs. Alors, je suis
accompagné aujourd'hui de mon collègue Olivier Surprenant, analyste en matière
de santé ainsi qu'en politiques sociales et fiscales.
Permettez-moi tout d'abord de vous
présenter rapidement Union des consommateurs. Alors, nous regroupons
15 associations de défense des droits des consommateurs, qu'on connaît pour
la plupart sous le nom d'ACEF. Les ACEF interviennent sur le terrain auprès des
consommateurs pour les accompagner vers une meilleure santé financière et dans
la défense de leurs droits.
En plus de défendre les droits des
consommateurs et en particulier les ménages à revenus modestes, l'équipe
d'analystes et de juristes d'Union des consommateurs s'intéresse aussi de près
aux questions de pauvreté et de justice sociale. C'est donc dans cette optique
que nous souhaitons intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 71.
Sur ces considérations, je céderais
maintenant la parole à mon collègue Olivier Surprenant.
M. Surprenant (Olivier) : Merci,
M. Dorais. Donc, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés,
permettez-moi d'abord de souligner que le projet de loi comporte des
modifications positives, lesquelles nous détaillons dans notre mémoire qui a
été déposé aujourd'hui. Cela dit, nous allons en relever quelques-unes.
L'élargissement de l'évaluation de
contraintes à la notion plus large de professionnel de la santé et de services
sociaux, on la souligne. On espère que ça permettra un traitement plus rapide
et efficace des demandes, en plus de prendre en compte davantage de situations
qui sont liées à la loi... aux fins de la loi.
La mise en œuvre de projets pilotes dans
le but d'améliorer le fonctionnement, l'efficacité et l'efficience des
programmes d'assistance sociale. On espère que les résultats recherchés par de
tels projets pilotes seront de trouver les moyens les plus efficaces de sortir
le plus grand nombre de personnes de la pauvreté.
On salue l'ajout d'une preuve d'intention
pour l'infraction de fausse déclaration. Nos associations membres, les ACEF,
nous rapportent...
M. Surprenant (Olivier) : ...que
ces dettes sont lourdes à porter et qu'elles ne sont pas susceptibles de
libération lors de la faillite. Nous saluons également le passage de la
prescription pour le recouvrement des créances de 15 à 5 ans. Cela dit,
nous estimons qu'il serait opportun d'ajouter un article, dans les dispositions
transitoires et finales, qui prévoit un effet rétroactif à cet article,
c'est-à-dire que la prescription aurait cours pour les dettes passées,
présentes et futures. Plusieurs assistés sociaux se retrouveraient ainsi
libérés d'une telle dette et le ministère pourra clore plusieurs dossiers de
recouvrement en cours.
Pour passer aux objectifs du projet de
loi, nous estimons que l'initiative persiste dans la logique de l'activation ou
du «workfare», alors que nous préconisons de meilleurs revenus pour assurer une
sortie efficace de la pauvreté. On constate que le fait de diminuer les
montants des prestations ne mène pas nécessairement une diminution du nombre de
prestataires, la fluctuation du nombre de prestataires étant plutôt liée à l'état
de l'économie, ni à une incitation efficace à l'emploi. En fait, c'est tout le
contraire. Les prestataires sont pris dans une logique de subsistance que
certains ont comparé à des sables mouvants, les poussant à consacrer leur temps
et leur énergie à garder tout juste la tête hors de l'eau et à assurer leurs
besoins de base, avant de pouvoir effectuer un retour efficace à l'emploi.
Il serait donc préférable que la
participation des prestataires soit volontaire. Il serait également important
de rehausser le montant de toutes les prestations afin d'assurer un niveau de
vie décent à tous les prestataires, et nous proposons donc la mesure du panier
de consommation, bien que d'autres mesures pourraient être plus proches de la
réalité pour une sortie efficace de la pauvreté.
Le MPC est donc... la mesure de
consommation est un minimum à atteindre. Par conséquent, nous proposons que les
prestataires puissent recevoir des montants différents selon leurs besoins,
mais qu'aucun ne puisse être sanctionné ou pénalisé à tel point que son aide
financière ne lui permette de remplir ses besoins de base.
Enfin, nous recommandons de ne pas adopter
la modification de l'article 53 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux
familles, ni les autres modifications proposées qui ont effet de réduire les
prestations additionnelles anciennement allouées aux personnes présentant des
contraintes temporaires à l'emploi. On comprend qu'il est d'application future,
cet article, qu'il y a une certaine clause de droit acquis. Par contre, on
considère qu'on vient enlever plusieurs personnes qui ont besoin d'aide
supplémentaire dans... du rayon, finalement, de la loi sur l'aide aux personnes
et à la famille. Sur ce, on est prêt à échanger avec vous.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Maintenant, nous commençons la période d'échange.
Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Rouleau : Bien, je vous
remercie, Messieurs... Messieurs Dorais et Surprenant d'être avec nous pour
participer à ces travaux d'une... de la modernisation du régime d'aide sociale,
ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans, globalement, j'insiste, ça n'a pas
été fait depuis 20 ans. Alors, de pouvoir soulever chacune des pierres et
puis d'arriver avec différentes propositions pour améliorer les conditions des
personnes qui vivent en situation de précarité, c'est fort important.
Je relevais, là, dans votre mémoire que
vous voyez d'un très bon œil l'attitude qu'on... dont on veut se doter pour
rendre admissibles des catégories de clientèles actuellement non admissibles.
Comment voyez-vous cette nouvelle admissibilité? Ça concernerait qui?
Comment... Expliquez-moi.
• (16 heures) •
M. Surprenant (Olivier) : Oui,
bien, vous l'avez bien expliqué, effectivement, donc c'est une flexibilité que
vous offrez... bien, que la loi habilitante offrirait à la personne titulaire
de la charge de ministre. Et, dans ce sens-là, ça lui permet de s'adapter au
contexte. Donc là, en ce moment, on parle beaucoup de demandeurs d'asile, qui
ont un certain... un besoin d'accompagnement, un besoin de revenus et d'aide de
la part de l'État, parce qu'ils ont... pour la plupart, n'ont pas de permis de
travail au moment d'arriver ici. Alors, dans ce contexte-là, c'est une des
catégories de personnes qu'on vous enjoint, là, d'inclure au règlement
lorsqu'il sera rédigé. Mais, comme je vous dis, il y aura plusieurs situations
qui vont se révéler où il va falloir agir et que, pour une certaine catégorie
de personnes, bien, de l'aide sera appropriée à ce moment-là.
Mme Rouleau : O.K. Pour
réaliser ces travaux, j'ai fait une tournée à travers le Québec, dans toutes
les régions. J'ai rencontré énormément d'organismes, dont plusieurs ACEF
évidemment, et pour voir comment... qu'est-ce que... quelle orientation pouvait
donner à cette modernisation, deux choses, l'accompagnement, c'est
primordial...
16 h (version non révisée)
Mme Rouleau : ...et
alléger le régime, parce que ça peut être extrêmement complexe. Alors, dans ce
sens, on agit aussi. Et dans l'accompagnement on vise... on vise notamment à
élargir le programme Objectif emploi pour qu'il ne soit plus disponible seulement
pour les premiers demandeurs, primo demandeurs, mais aussi pour des gens qui
vont revenir dans le régime d'assistance sociale. Est-ce que vous trouvez
pertinent d'inclure de nouvelles personnes qui pourraient passer, là, d'une
prestation, une prestation de base à éventuellement un emploi qui leur
permettrait d'aller chercher 475 $ par semaine de plus?
M. Surprenant (Olivier) : Bien,
écoutez, comme on vous l'a dit plus tôt, on croit que l'augmentation des
revenus est la meilleure façon de toucher toutes les particularités qui se
trouvent, là, à l'aide sociale, à la solidarité sociale, au programme de revenu
de base. Donc, l'Objectif emploi, en soi, ce n'est pas une mauvaise idée. On
croit que l'accompagnement des personnes plus vulnérables, c'est important.
Puis il y a des personnes pour qui, dans le contexte dans lequel ils sont
placés, ils sont dans une sortie finalement des prestations et ils se sentent à
l'aise d'aller vers des incitations à l'emploi, vers le développement
professionnel, etc.
Par contre, ce que le projet de loi vient
faire, c'est de rendre obligatoire à toutes les personnes qui sont
actuellement, bien, qui seront à l'aide sociale et qui feront des demandes, de
passer par ce programme-là. Ce n'est pas nécessairement adapté pour toutes les
catégories de personnes. Pour les personnes que ça fait longtemps qu'ils sont
là, par exemple, ou pour les personnes qui sont un peu plus âgées, ça va
vraiment dépendre.
Donc, je crois, vraiment... On croit
vraiment que c'est à l'approche volontaire qui est la... qui est gagnante, c'est-à-dire
qu'on peut accompagner les gens dans ce qu'ils vivent, dans ce qui les a amenés
à être à l'aide sociale, à l'assistance sociale, puis au revenu de base. Mais
en clair, c'est seulement lorsqu'ils sont prêts et que c'est dans une démarche
volontaire qu'on croit que ça va être efficace.
Et il y a plusieurs témoignages à cet
égard-là qui ont été donnés, là. Je pense notamment au Collectif pour un Québec
sans pauvreté qui avait recueilli des témoignages à l'occasion, là, de la
première réforme. Mais je peux penser à... Il y a un nom qui m'échappe, là,
mais je pourrais vous revenir là-dessus. Mais bref, on pense vraiment que l'approche
volontaire, c'est la manière la plus efficace et assurée que les gens rentrent
dans une démarche d'emploi.
Mme Rouleau : On passe
des contraintes à l'emploi à contraintes de santé. Et en passant... en allant
vers les contraintes de santé, on intègre toute la dimension de santé mentale
et d'enjeux psychosociaux. Dans les contraintes de l'emploi, à l'heure
actuelle, il y a une contrainte qui dit qu'une personne de 58 ans ne peut pas
travailler. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette contrainte?
M. Surprenant (Olivier) : Clairement,
il est plus difficile pour une personne de 58 ans de se trouver un emploi. Ça
dépend évidemment de chaque contexte. Si on parle d'une personne qui a été P.D.G.,
bien là, se retrouver un emploi de P.D.G., mais on n'est pas dans ce cadre-là,
ici. Dans le cadre actuel, si vous avez passé votre vie, je parle... Je pense à
un exemple, une usine en particulier, vous avez fait du «carpet», du tapis
pendant toute votre vie. Si l'usine ferme et elle s'en va ailleurs, ça va être
difficile pour vous de retrouver un autre filon. Peut-être qu'il y a de l'emploi
disponible, peut-être que ça va être moins adapté pour votre contexte, pour
votre personne en tant que telle.
C'est important d'accompagner les gens
vers ce qui les intéresse, ce qui les motive, pour empêcher une espèce de porte
tournante qui fait qu'ils ressortent puis qu'ils reviennent. Je pense que ça
serait plus efficace, évidemment, quand c'est bien personnalisé et qu'on s'assure
d'amener la personne à l'emploi idéal pour elle.
Mme Rouleau : La
reconnaissance. Parlons un peu de la reconnaissance des professionnels de la
santé. Quelle serait, selon vous, la meilleure approche pour assurer un bon
service auprès des personnes, des prestataires, lorsqu'ils font la demande?
Quels seraient les meilleurs ordres, les meilleurs ordres de professionnels à
qui on pourrait penser?
M. Surprenant (Olivier) : Oui.
Bien, il existe toute une multitude de professions et de problématiques. Je ne
serais pas... Je ne serais pas avisé de faire une liste complète, mais je vous
dirais qu'actuellement... Je parle... Je pense à des travailleurs sociaux. Je
pense que, ça, ça serait vraiment opportun pour plusieurs types de
prestataires...
M. Surprenant (Olivier) : ...d'avoir
accès à ces ressources-là. Maintenant, il y a... il y a vraiment la
problématique d'avoir accès, de rentrer finalement puis d'avoir accès à une
ressource de santé. C'est peut-être là où est-ce que ça va être plus difficile.
Aujourd'hui, on nous guide vers des guichets... pas «des guichets», mais plutôt
vers le site Clic Santé et des ressources privées. Je ne pense pas qu'on est
dans ce cadre-là au niveau d'une personne qui est à l'aide sociale ou à
l'assistance sociale. Mais moi... on voit d'un bon œil au moins que les
travailleurs sociaux pourraient diagnostiquer ou du moins, là, décrire une
contrainte.
Mme Rouleau : Et quelles sont
les principales... les principales embûches qu'une personne peut rencontrer,
une personne qui est sur l'aide de dernier recours, les embûches qu'elle peut
rencontrer pour aller vers l'insertion sociale? Parce que ce qu'on vise avec la
modernisation du programme d'aide sociale, c'est l'insertion, la participation
sociale, c'est de briser l'isolement et d'aller vers l'emploi, et c'est de
durer en emploi. Quelles sont les embûches, les défis que doivent... que
peuvent rencontrer certaines personnes?
M. Surprenant (Olivier) : Bien,
ça a été dit... ça a été dit par plusieurs intervenants ici, mais c'est
vraiment... c'est le manque de revenus, c'est de devoir courir après sa
nourriture, d'aller dans les banques alimentaires, de devoir finalement
s'assurer d'avoir une subsistance avant tout, puis après ça, de pouvoir...
pouvoir faire un démarchage pour se sortir de la pauvreté. Ce n'est pas aisé
avec une prestation qui est en deçà de la mesure du panier de consommation.
Donc, moi, je... on considère que c'est le principal embûche... la principale
embûche, plutôt.
Je ne sais pas si mon collègue a quelque
chose à rajouter.
M. Dorais (Maxime) : Bien, en
fait, comme mon collègue Olivier l'a dit, la question vraiment centrale ici,
c'est... c'est la question des revenus et la question de la précarité. Puis on
a parlé de... comment dire, on a parlé de l'aspect alimentaire, mais je pense
qu'il ne faut pas négliger l'aspect du logement également. Donc, quand on a des
revenus insuffisants maintenant pour se loger, nécessairement, on n'est pas en
train de penser à son avenir et de penser à qu'est-ce qu'on voudrait faire
comme carrière ou occuper comme emploi par le futur... dans le futur. Donc,
vraiment, c'est un enjeu.
Sinon, il y a effectivement des...
certaines contraintes qu'on a identifiées dans le mémoire à l'effet... bon, par
exemple, là, des contraintes pour remplir la paperasse, faire les demandes pour
avoir accès aux prestations. Alors, ça, on pense que c'est vraiment quelque
chose qui doit être simplifié au maximum. Et on sait que, par ailleurs, il y a
une tendance en matière d'accès aux services et aux prestations, disons, à
compliquer l'accompagnement ou la rencontre d'une personne pour avoir un suivi
de son dossier, pour déposer une demande, et donc on renvoie souvent les gens à
faire des demandes par Internet. Et on sait que pour plusieurs personnes qui
sont en... dans des situations, disons, plus précaires, ça peut poser un enjeu,
notamment, à la base, des enjeux, par exemple d'analphabétisme ou autres, et
donc qui sont des problèmes. Alors, on insiste là-dessus, c'est important que
les gens en première ligne, qui gèrent les demandes de ces programmes-là, donc,
voient des... voient des gens, rencontrent les prestataires, et non pas que
tout se passe par Internet.
• (16 h 10) •
Mme Rouleau : Il y a
évidemment, dans la proposition du projet de loi, une fusion de programmes. On
veut réduire la bureaucratie, on veut réduire la paperasse, on veut réduire les
formulaires. Alors, je pense qu'on va dans un... dans le sens d'une plus grande
accessibilité. Vous, vous parlez beaucoup du... d'amener le niveau de
prestation, là, autour de la MPC. Et est-ce que... est-ce que c'est... d'amener
un niveau de revenu de l'aide de dernier recours à cette hauteur, qui peut
correspondre à celle d'un travailleur au salaire minimum, est-ce que ça va
inciter la personne qui est prestataire à aller vers des mesures d'emploi et
d'intégration et de sortir? Parce que l'objectif, c'est de ne pas rester, là, à
l'aide sociale, ce n'est pas ça qu'on veut, ce n'est pas ça que la personne
veut. Elle veut être intégrée, elle veut travailler, c'est ce que... c'est ce
qu'on entend beaucoup, c'est ce que j'ai pu constater. Alors, élever à ce
niveau, le niveau que vous proposez, est-ce que...
Mme Rouleau : ...que c'est un
incitatif à sortir de l'aide sociale et d'aller vers l'emploi.
M. Surprenant (Olivier) : Bien,
le fait contraire, c'est-à-dire de baisser les prestations selon la
participation, ou la non-participation, ou selon le programme de... selon la
contrainte, finalement, fait en sorte... ne fait pas en sorte nécessairement de
favoriser le retour vers l'emploi, c'est ce qu'on constate. Puis même, comme je
vous disais, ça mène à une logique, une espèce de spirale sans fin où
finalement le prestataire doit composer avec son manque de revenus et s'assurer
d'avoir tout ce qui est nécessaire pour pouvoir sortir de la pauvreté puis, en
fait, pouvoir subvenir au jour le jour. Donc, pour nous, c'est sûr que c'est la
base, c'est le revenu. Après ça, pour retourner au travail, on vous l'a dit,
d'avoir une démarche d'accompagnement, ce n'est pas une mauvaise idée, mais il
faut simplement que les gens soient volontaires et qu'ils soient prêts,
dépendamment de leur contexte, à retourner à l'emploi puis à faire ces
démarches-là.
Mme Rouleau : Mais comment
peut-on traiter d'équité, là, l'équité entre le prestataire qu'on veut
accompagner vers l'emploi et le travailleur qui est en emploi et... Comment
traitons-nous l'équité?
M. Dorais (Maxime) : Bien, en
fait, si je peux me permettre, je pense qu'il faut peut-être voir la question
ou l'enjeu sous un autre angle, c'est-à-dire que... est ce qu'il est décent
d'offrir des prestations qui sont sous le minimum de subsistance? Et, en fait,
à partir du moment où... en fait, pour l'Union des consommateurs, pour nos
membres, c'est très clair que la réponse est non. Et donc, partons de cette
base là où tout le monde doit avoir le minimum, donc pour assurer ses besoins
de base. Et, et au-delà de ça, bien, on vient bâtir. Et on pense que s'il y a
un enjeu, par exemple avec un différentiel qui ne serait pas suffisamment grand
pour les revenus, disons, les personnes qui travaillent au revenu minimum,
bien, à ce moment-là, on inviterait davantage le législateur à réfléchir à la
hauteur du salaire minimum et non pas de niveler vers le bas, finalement.
La Présidente (Mme D'Amours) : Mme
la députée d'Anjou Louis Riel pour 1 min 50 s.
Mme Boivin Roy : Merci, Mme
la Présidente. Merci, messieurs, pour la présentation. Vous proposez notamment
des projets pilotes qui permettent de faciliter et simplifier les démarches des
prestataires qui leur permettraient finalement, là, de lever les barrières
susceptibles d'empêcher ou de freiner une personne à demander ou à conserver
les prestations d'aide sociale... d'assistance sociale, pardon. Est-ce que vous
pouvez nous en dire davantage sur le type d'éléments qui pourrait être testé
dans ce contexte-là?
M. Surprenant (Olivier) : Oui,
tout à fait. Bien, on parle de revenu depuis qu'on est arrivé, mais d'essayer
le revenu minimum garanti avec un groupuscule de gens, voir comment est-ce
qu'ils s'en sortent puis voir, effectivement, si au bout d'un certain temps, si
ça a été plus efficace de les emmener vers le Programme objectif emploi ou de
leur donner un revenu minimum garanti qui leur permette de subvenir à leurs
besoins sans stress financier, sans se compliquer la vie finalement. Donc, nous
on pense que ça pourrait être un projet très intéressant puis ça réglerait la
question peut-être une fois pour toutes.
Mme Boivin Roy : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Maintenant,
je cède la parole à la députée de Notre Dame de Grâce.
Mme McGraw : Merci, Mme la
Présidente, et merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui et aussi pour votre
mémoire. Aller dans le vif du sujet. Les contraintes à l'emploi. Dans votre
mémoire, vous dites que... d'ailleurs, on parle justement d'un des grands
changements, c'est la... on parle moins de contraintes à l'emploi et plus de
contraintes de sorties à l'emploi. On comprend qu'il y a des gens qui ont des
contraintes de santé qui ont des emplois. Il y a des gens qui ont des emplois,
qui ont aussi des contraintes et qui n'ont pas de contraintes de santé. Alors,
est ce que vous pouvez élaborer sur les contraintes à l'emploi qui ne sont pas
d'ordre des contraintes de santé physique, mentale ou autre, par exemple? Parce
que vous dites, juste pour... vous dire que cela a donc pour effet, je cite,
«de limiter les catégories de personnes qui pourront recevoir ces prestations
et allocations supplémentaires». Mais on n'a pas les détails, parce que ça va
être dans les règlements et on n'a même pas les intentions réglementaires.
Donc, est-ce que vous pouvez nous préciser des exemples de catégories de
personnes qui... où il y aurait des contraintes à l'emploi qui ne sont pas
d'ordre de santé mentale, physique, etc.?
M. Surprenant (Olivier) : Il
y a plusieurs...
M. Surprenant (Olivier) : ...un
seul exemple. Déjà les personnes qui étaient énumérées dans la liste, là, qui
ne fait plus partie finalement de la loi, ce sont tous des exemples qui ne sont
pas typiquement de santé et qui, pour une raison... pour ces raisons-là, ne
peuvent pas aisément retourner ou être à l'emploi. On peut penser aussi, on
peut penser aux personnes qui ont beaucoup d'enfants. Bref, il y a des...
Biens, je pense à une émission de télévision en ce moment, là, que je me
demande, avec 12 ou 18 enfants, comment pouvez-vous vraiment être à
l'emploi? Ça, ça peut être un exemple parmi tant d'autres. Une famille
monoparentale, aussi, avec plusieurs enfants. Il y a beaucoup d'exemples comme
ça, mais encore une fois, on salue la flexibilité que s'est donnée la ministre
pour pouvoir agir sur les différents types. Puis je laisserais évidemment les
situations être démontrées au fur et à mesure qu'on voit qu'il y a des
personnes qui ne peuvent tout simplement pas être à l'emploi. Je ne sais pas si
tu veux rajouter.
M. Dorais (Maxime) : Bien,
on en revient aussi à la question des spécialistes ou du personnel habilité à
rédiger des rapports donnant droit à des contraintes. Et dans ce cadre-là,
évidemment, tous les intervenants sociaux, on pense qu'ils sont bien placés
pour évaluer des contraintes qui seraient à l'extérieur de... qui ne seraient
pas des contraintes à proprement parler de santé. En fait, on disait santé,
donc des contraintes qui finalement seraient facilement observables dans un
cabinet de médecin.
Alors, qu'est-ce qui peut être observé
au-delà de ça? On pense que les intervenants du secteur des services sociaux
sont bien placés. Par exemple, on l'a dit, la question d'une personne qui a un
enfant qui... Ou alors, il y a plein de situations comme ça qui peuvent
difficilement, on pense, être énumérées et prévoir tous les cas à l'intérieur
du règlement. Et on pense qu'il devrait y avoir une certaine latitude dans les,
comment dire, dans les recommandations qui seraient faites par les intervenants
sociaux qui ont des rapports à rédiger pour l'évaluation à l'admissibilité des
prestataires.
Mme McGraw : Mais on
comprend que dans le mémoire de la ministre au Conseil des ministres, ils ont
quand même pu faire ces calculs-là, justement, de combien d'argent ils vont
sauver, épargner pour... Justement, il y a des catégories entières, mais on n'a
pas les détails parce qu'on n'a pas les règlements ni les intentions réglementaires.
Donc, c'est à surveiller.
Vous dites aussi... Là, je vais passer à
l'Objectif emploi. Comme vous le savez, c'était une initiative libérale en 2016
et... Mais vous êtes... Vous dites dans votre... vos recommandations que...
Vous parlez du «workfare» et nous sommes d'avis qu'il faut entièrement
dissocier l'aide financière gouvernementale et le programme d'Objectif emploi.
Mais y a quand même des atouts. Vous dites que malgré certaines vertus des
programmes de retour à l'emploi, donc j'aimerais entendre... vous entendre sur
les vertus de ce programme. Nous sommes d'avis que d'imposer d'y participer
sous peine de sanctions est inefficace et ne contribuera pas à sortir un plus
grand nombre de personnes de la pauvreté. Donc, j'aimerais tout d'abord vous
entendre sur les vertus et ensuite les défis.
M. Surprenant (Olivier) : Bon,
très bien. Bon, ce qui est... ce qui est des vertus ou, du moins, les points
positifs, c'est qu'effectivement on met en place des programmes pour
accompagner les personnes selon leurs besoins individualisés pour autant,
j'aime bien peser sur ce mot, pour autant qu'ils soient dans une approche
volontaire, c'est-à-dire qu'ils veulent retourner à l'emploi. Pour nous, ça
nous semble efficace. Donc, on parlait de développement professionnel, on
parlait de réinsertion sociale. C'est vraiment... Ce sont des programmes qui
peuvent vraiment aider à ce niveau-là, clairement.
• (16 h 20) •
Par contre, c'est dans l'individualité où,
là, on trouve qu'il y a peut-être un défi, c'est-à-dire que les personnes sont
attirées vers le marché de l'emploi, mais est-ce que les emplois qui leur sont
offerts sont des emplois qui correspondent à leurs valeurs, à leurs intérêts
personnels, leurs aspirations? Ça semble être plus orienté vers le marché et ça
devient des portes battantes, comme on vous l'a expliqué, là. Je pense qu.il y
a plusieurs représentants qui vous l'ont expliqué, c'est-à-dire qu'il y a une
subvention, par exemple, qui est donnée à une entreprise. Du moment, où est-ce
que cette subvention-là se perd, l'emploi est en péril, et on doit retourner
vers un autre emploi. Nous, ce qu'on recherche, c'est la stabilité pour la
personne, c'est sûr, pour être sûre d'avoir des revenus suffisants, constants
pour pouvoir boucler son budget puis, bien, vivre, là, finalement vivre
dignement, là.
Mme McGraw : Vous
soulignez quand même au début de votre mémoire des aspects positifs, donc,
reliés aux fausses déclarations, en tout cas des pas dans la bonne direction.
Est-ce que vous pouvez citer ou parler d'autres programmes au sein du
gouvernement du Québec...
Mme McGraw : ...d'autres
gouvernements qui pourraient inspirer nos travaux. Par exemple, je pense au
RQAP. Lorsqu'on fait des déclarations de revenus, si on... ce n'est pas les
bonnes informations, on n'est pas pénalisé, on rembourse. Ce n'est pas punitif.
Est-ce qu'il y a des exemples qui pourraient nous inspirer dans ce projet de
loi, ici, au Québec, ou ailleurs, dans notre approche puis nos travaux?
M. Surprenant (Olivier) : Je
ne pourrais pas, rapidement comme ça, vous donner un exemple précis. Par
contre, ce que je voudrais... ce que je voudrais souligner à gros trait, c'est
que, justement, d'enlever la notion... bien, en fait, d'ajouter la notion
d'intention, c'est une très bonne initiative parce qu'on sait qu'il peut y
avoir des enjeux au niveau de la littératie, chez certaines personnes, mais il
peut y avoir aussi des enjeux de temps. Ce n'est pas aisé, de remplir un
formulaire d'aide sociale. Donc, selon nous, d'avoir ajouté cette notion
d'intention là, ça... c'est une belle... une belle vision, finalement, de ce
que devrait être un programme idéal. Et en enlevant aussi les prescriptions,
c'est-à-dire de... celles qui sont passées, c'est-à-dire de cinq ans, et pour
l'avenir, on pense que, rétroactivement, comme ça, on peut annuler des dettes
qui, au final, ne seront jamais recouvertes et qui vont demander plus de temps
et d'investissement par le ministère.
Mme McGraw : Peut-être une
dernière question avant que je cède, avec la permission de la présidente, mon
temps... le reste de mon temps à ma collègue. Le Collectif Petite enfance, ils
ont suggéré... ils ont fait plusieurs recommandations, et une, c'est l'équité
entre les parents, peu importe la situation financière, peu importe si on
cotise en ce moment présent, et que tous les parents devraient avoir accès au
RQAP ou à un régime semblable pour prendre un congé parental, surtout dans des
situations de précarité, où il faut absolument avoir des fondements très
solides, dont la présence soutenue d'au moins parent. Est-ce que vous avez des
réactions à cette proposition-là? Entre autres parce que, là, on parle, j'ai
demandé, au début, des exemples de groupes qui ont des contraintes à l'emploi
qui ne sont pas d'ordre santé mentale, physique, etc. Par... Vous avez cité
les parents monoparentaux, qui sont surtout des femmes. Alors, je ne sais pas
si vous avez une réaction pour combler ces besoins-là ou tenir compte de cette
réalité.
M. Surprenant (Olivier) : Bien,
je pourrais juste dire que c'est sûr qu'un congé bonifié, c'est une très bonne
idée, là, surtout quand on n'a pas les moyens, on n'a pas le temps, puis
que... je pense qu'au Québec, on fait ce choix-là, souvent, de prioriser le
bien-être des enfants. Donc, effectivement, si on peut aller dans ce sens-là,
on serait cohérents avec notre logique... notre logique... notre logique, là,
profamiliale, oui.
Mme McGraw : Donc, avec la
permission de la présidente, je...
La Présidente (Mme D'Amours) :
Oui. Je vais lui céder la parole tout de suite. Il reste 45 minutes... 45
secondes, pardon, 45 secondes.
Des voix : ...
Mme Prass : Deux petites
questions vite parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Quand on parle de la
proposition de remplacer les contraintes à l'emploi par les contraintes à la
santé, pensez-vous que c'est un recul?
M. Surprenant (Olivier) : Excusez-moi,
je... pouvez-vous, oui...
Mme Prass : Quand on propose
de remplacer les contraintes au travail avec les contraintes de santé, est-ce
que c'est un recul pour vous?
M. Dorais (Maxime) : Un
recul?
Mme Prass : Oui, dans le sens
que comme...
M. Surprenant (Olivier) : Bien
oui, parce qu'on va couvrir moins de personnes, inévitablement. Donc, comme on
le disait, ce n'est pas... les contraintes ne sont pas liées seulement à la
santé, elles sont liées à une panoplie de contextes qui sont propres à chaque
individu, là, qui devient prestataire malgré lui.
Mme Prass : Donc, il y a un
recul.
M. Surprenant (Olivier) : Oui.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je vais vous ramener sur votre recommandation deux, là, concernant
les dettes passées, là. Vous nous suggérez une rétroactivité là-dessus.
J'aimerais ça que vous nous parliez de ce que ça peut représenter pour les
personnes concernées, là, les types de dettes, l'accablement que ça représente,
puis tout ça, puis, peut-être en... peut-être, si vous avez des chiffres sur le
nombre de personnes que ça concerne, par exemple.
M. Surprenant (Olivier) : On
n'a pas de chiffres sur le nombre de personnes nécessairement parce que, bon,
on devrait faire une demande d'accès à l'information. Probablement qu'on va s'y
intéresser davantage, mais il est certain que c'est des sanctions qui peuvent
aller jusqu'à 224 $. Donc, pour un budget qui est déjà assez serré, là, on
parle, par exemple, d'une personne qui est à l'aide sociale, telle quelle, avec
807 $. Déjà là, en partant, on enlève 224$, ça ne va pas bien.
Et, comme on l'a expliqué, bien, ça va
s'accumuler, il va avoir des dettes, des intérêts. Si on...
M. Surprenant (Olivier) : ...si
on fait juste limiter ce nombre de personnes-là, bien, comment dire, c'est...
c'est... c'est sûr que c'est un fardeau additionnel, puis une dette, ça...
c'est un poids additionnel, en plus d'avoir déjà le fardeau d'être à l'aide
sociale, qui est multifactoriel, là. Donc, c'est ce que nos ACEF nous
racontent, que ça devient encore plus difficile à ce moment-là de boucler le
budget et d'aider à la conciliation budgétaire avec les consommateurs.
Mme Labrie : Ça vient comme
affecter l'espoir de s'en sortir de ces personnes-là puis leur motivation à
faire des démarches pour s'en sortir aussi.
M. Surprenant (Olivier) : Tout
à fait.
Mme Labrie : Puis le fait
qu'il y ait des intérêts là-dessus, en plus du montant qu'une personne devrait
avoir à rembourser, là, par exemple pour une erreur, c'est quoi votre position
là-dessus, sur l'existence même d'intérêts?
M. Surprenant (Olivier) : Bien,
c'est... Oui, c'est... Bien, ça revient au... ça revient à la même question.
C'est-à-dire que, si on met des intérêts, bien, nécessairement, bon, on tombe
sur : il faut payer les intérêts d'abord, les intérêts s'accumulent, puis
on n'est même pas rendu au capital. Donc, on ne peut pas s'imaginer ça quand on
est une personne qui a déjà un déficit vers la subvenance de ses besoins.
Alors, c'est sûr que pour nos membres, c'est... c'est une inquiétude d'avoir
des dettes pour des intentions... pas «des intentions», pardon, mais pour des
fausses déclarations qui souvent sont juste le fruit de manque de temps, le
manque de compréhension, la complexité, en fait, des formulaires d'aide sociale
ou de la science sociale.
Mme Labrie : Vous voyez ça
souvent, ces histoires-là, de gens qui ont commis une erreur, là, de bonne foi
parce qu'ils avaient mal compris, par exemple, la démarche à faire ou ce qu'ils
avaient le droit de faire ou pas faire? C'est quelque chose qui est récurrent?
M. Surprenant (Olivier) : C'est
ce qu'on nous a rapporté. Oui.
Mme Labrie : Oui. O.K. Je
vous remercie.
M. Surprenant (Olivier) : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Les
articles 24, 25 et suivants du projet de loi abolissent des motifs
permettant d'obtenir des allocations pour contraintes temporaires qui sont
prévues à l'actuel article 53 de la loi. Vous nous dites qu'avec cette
abolition, des sommes de 99,7 millions, dans les cinq prochaines années,
ils vont être économisés par le gouvernement en allocations non versées, et que
pour les prestataires, c'est une perte d'une allocation de 161 $ par mois,
ce qui est considérable, considérant que la prestation de base n'est que de
807 $ à l'aide sociale. Donc, on s'entend, vous êtes en train de nous dire
qu'il s'agit d'une coupure budgétaire du gouvernement qui va résulter en une
coupure pour les personnes affectées. C'est bien ça?
M. Surprenant (Olivier) : Ce
qu'on... Ce qu'on vous dirait, c'est qu'il y a moins de personnes qui vont être
couvertes par le régime de la loi sur l'aide... dans le fond, de l'aide
sociale, de l'assistance sociale, c'est certain. De là à dire des coupures, je
ne veux pas m'avancer sur les termes qui sont strictement budgétaires, là, mais
clairement, il y a des personnes qui vont manquer d'aide qui leur est
nécessaire compte tenu de leurs besoins et de leur situation.
M. Paradis : Donc, perte
d'une allocation mensuelle pour les personnes concernées. Et vous nous
dites : Ça n'a pas d'effet d'encouragement vers l'emploi, puis cette
logique fait fi de la capacité réelle de ces personnes à trouver et à conserver
un emploi. C'est ce que vous nous dites?
• (16 h 30) •
M. Surprenant (Olivier) : Oui.
Bien, c'est... c'est que, dans le fond, au final... au final, on revient dans
le même cercle, dans le même film qu'on a joué, on replonge des personnes dans
la précarité. Ils ne peuvent pas s'en sortir. Ils ne peuvent pas s'attarder sur
leurs problèmes, ils doivent d'abord survivre. C'est... Non, tout à fait. En
fait, je vous répète la même logique, dans le fond, qui est... qui est celle de
la subsistance. Puis ça ne devrait pas être ça. Ça devrait être de pouvoir
accompagner les gens vers vivre dignement, de façon décente, telle que la
Charte le prévoit à l'article 45.
M. Paradis : Donc, pas une
mesure à même de participer au mouvement vers l'emploi des personnes
concernées?
M. Surprenant (Olivier) : Ah!
selon nous, non. Le retrait des contraintes, non, ce n'est pas une mesure qui
va favoriser le retour à l'emploi des personnes. Non.
M. Paradis : Très bien.
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Donc, M. Surprenant, M. Dorais, merci de votre contribution à la commission.
Je suspends les travaux quelques minutes
afin que nos prochains invités prennent place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 31)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 39)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et j'ai une demande de la députée de D'Arcy-McGee...
Mme McGraw : ...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...de
Notre-Dame-de-Grâce, pardon, Notre-Dame-De-Grâce, pour faire une demande à la
ministre. Alors, Mme la députée, allez-y.
Mme McGraw : On est voisines
à Montréal et aujourd'hui, mais ce n'est pas le même comté. Mais merci, Mme la
Présidente. Alors, j'aimerais profiter de ce moment des consultations
particulières du projet de loi pour faire une demande formelle. Cette demande
sera certainement profitable à tous les parlementaires autour de la table. J'aimerais
officiellement demander à la ministre, par l'entremise de vous, Mme la
Présidente, qu'avant notre retour de la semaine en circonscription, pour l'étude
détaillée, qu'elle dépose à la commission ces intentions réglementaires
concernant le projet de loi.
Je vous rappelle que lors du dépôt du projet
de loi n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de base
pour les personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi, soit le
14 mars 2018, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale de l'époque
avait pris soin de déposer un document présentant les intentions réglementaires
concernant ledit projet. Je peux même déposer, Mme la Présidente, pour informer
la commission de ce qui a été déjà fait précédemment. Je demande donc
officiellement la collaboration de la ministre de nous faire parvenir ses
intentions réglementaires. Cela aidera certainement grandement à nous éclairer,
les parlementaires élus par les citoyens du Québec, lors de l'étude détaillée
du projet de loi. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme la ministre, réplique?
Mme Rouleau : Bien, je vais
prendre ça en délibéré, Mme la députée.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme la députée de Sherbrooke.
• (16 h 40) •
Mme Labrie : Bien, très
rapidement, j'aimerais joindre ma voix à celle de ma collègue pour appuyer sa
demande. J'ajouterais, par ailleurs, que les intentions d'amendement de la
ministre suite à toutes les auditions qu'on aura faites seraient bienvenues
aussi pour nous permettre de gagner du temps en se penchant à l'avance, là,
avant qu'on soit en étude détaillée.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
M. le député de Jean-Talon, voulez-vous rajouter quelque chose?
M. Paradis : Oui. Bonne
initiative. Je joins ma voix à celle de mes collègues. Ça nous a été souligné à
plusieurs reprises jusqu'à maintenant par plusieurs intervenants qu'il nous
faut ces intentions réglementaires pour bien comprendre la portée des
changements et des initiatives qui nous sont proposées.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Merci beaucoup. On revient à nos auditions. Nous avons des invités, alors je
souhaite la bienvenue au réseau...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...Réseau
Solidarité Itinérance du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, et puis nous commencerons la période
d'échange. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé,
s'il vous plaît.
M. Vallée Dore (Boromir) : Donc,
je me nomme Boromir Vallée Dore et je suis directeur général au Réseau
Solidarité Itinérance du Québec.
M. Tremblay (Daniel) : Bonjour.
Moi, c'est Daniel Tremblay. Je suis responsable au secteur fiducie de la Maison
Lauberivière.
M. Vallée Dore (Boromir) : Donc,
aujourd'hui, on va vous faire une présentation concernant évidemment la réforme
sur le projet de loi no 71. Le projet de loi no 71... J'en profite,
par contre, pour vous situer, qui est le Réseau Solidarité Itinérance du
Québec. C'est un réseau national d'organismes communautaires en itinérance qui
fédère plus de 15 concertations régionales puis plus de
200 organismes communautaires en itinérance au Québec. On est beaucoup
interpelés pour de l'analyse, et des recommandations pour les politiques
publiques, et des plans d'action. Donc, voilà rapidement pour le Réseau
Solidarité Itinérance du Québec.
Les objectifs de la présentation
aujourd'hui vont être de vous sensibiliser quant à la réalité des personnes en
situation d'itinérance et à risque de l'être, sensibiliser quant au rôle de
l'aide de dernier recours dans la prévention et la réduction de l'itinérance,
donc, sur la crise de l'itinérance actuelle et nos recommandations pour la
réforme à l'aide sociale.
Donc, dans un but de sensibilisation, je
vais passer la parole à Daniel qui va pouvoir nous parler de la réalité de
certaines personnes qui sont en situation d'itinérance ou à risque de l'être
qu'il rencontre dans le cadre de son travail.
M. Tremblay (Daniel) : Bonjour.
Désolé, ça peut arriver que je bafouille, je suis un petit peu intimidé, mais bon,
ça devrait passer. Dans le fond, c'est juste qu'il y a des différents exemples.
Je vais commencer tout de suite. Il y a Jean-Pierre, par exemple, c'est un nom
fictif, vous comprendrez, avec des situations qui peuvent être amalgamées, mais
ceci dit, c'est des situations tout à fait réelles. Le revenu de
M. Jean-Pierre était à 857 $, est tombé à 807 $. Lui, le
monsieur en question, il était à d'hébergement Lauberivière depuis quelques
mois. Depuis qu'il est à l'hébergement, bon, il s'est fait couper de 50 $
étant donné que quand on est en hébergement ou quand on est à la rue, il y a un
50 $ qui est considéré comme étant... que la personne n'habite plus seule.
Donc, on se fait... La personne a 50 $ de moins. Il essaie de trouver
quelque chose de logement, mais les logements abordables, ce n'est pas... c'est
plutôt des exceptions. Même les chambres sont rares. Donc, le M. est à
Lauberivière, ça fait environ trois mois. Puis pendant ce temps-là, bien, ça
lui prend une place à l'hébergement parce qu'il n'a pas les moyens de se
relocaliser présentement.
Il y a le cas d'Yves. Yves, c'est un
travailleur. Il gagnait entre 1 800 $ puis 2 500 $ par mois
environ. Là, c'est ça, sa situation a changé. Dans le fond, Yves, il vient de
se séparer avec sa conjointe. Sa famille est à l'extérieur et ses relations
avec elle sont plus ou moins bonnes parce qu'Yves, dans le passé, il a eu des
problèmes de cocaïne. Et donc il a souvent emprunté de l'argent à sa famille,
qu'il n'a pas remis. Il y a tous les mensonges et tout ça. Donc, la famille a
coupé les ponts avec lui. Côté amis, bien, ses amis, c'était des chums de coke.
Ça fait qu'à ce moment-là, bien, ses amis ne sont pas tellement... Ce n'est pas
vraiment des amis. Donc, il se retrouve à faire une demande d'hébergement par le
fait même, mais il n'y a pas de place. Ça fait qu'il se retrouve à la rue.
Donc, M. est à la rue. Comme qu'il ne s'est jamais retrouvé à la rue, bien, il
se cherche des repères, des aides parce qu'il ne connaît pas ça. Ça fait qu'il
se dit quoi de mieux que quelqu'un qui est dans la rue pour avoir des conseils.
Ça fait qu'il se lie avec d'autres personnes qui sont à la rue pour connaître
les ressources, les usages puis comment on peut se débrouiller dans cette
situation. Pendant cette période de temps aussi, il a perdu son emploi, il
travaillait. Puis là, bien, c'est ça, avec ce qui est arrivé dans sa vie, ça
lui a créé des anxiétés et tout ça, des retards multiples. Et son attitude au
travail n'était pas adéquate, tu sais. Mettons que sa patience n'était pas la
même qu'auparavant. Donc, il a fini par perdre son emploi. Il reçoit donc
807 $ d'aide sociale par la suite. Et puis, étant dans la rue, bien, la
tentation de consommer est revenue au galop. Ça fait qu'au début, ça a pris..
Ça a commencé par quelques bières. Après ça, bien avec quelques bières, c'est
devenu plusieurs bières. L'envie de consommer de la cocaïne se faisait de plus
en plus présente parce que, ça, c'était son starter. Quand il consommait, lui,
bon bien, ça commençait par l'alcool, puis par la suite, ça tombait en cocaïne.
Lorsqu'on lui a offert du crack, chose qu'il y a dans la rue, bien, le pas
n'était pas grand... il n'était pas tellement grand à faire. Il est tombé dans
le crack... Ça fait que c'est là qu'il est rendu. Ça fait qu'il s'enfonce de
plus en plus. Puis il a pris des mauvaises habitudes, des mauvaises
fréquentations. Donc, plus le temps avance, plus que sa situation se
cristallise, plus qu'il est dans une situation qui est difficile à rattraper.
On saute à M. Gérard. M. Gérard
est un... Il est hébergé présentement. Il a 807 $ par mois. Avec ce
montant-là, bien, bien sûr, il ne peut pas trouver de logement. Ça va être plus
une chambre. Il n'a pas... Excusez-moi. Bon, c'est ça. Donc, les chambres, dans
le fond, ce qui se passe à Québec, précisément, c'est que les chambres qu'il y
a au centre-ville sont plus chères. Les chambres...
M. Tremblay (Daniel) : ...en
périphérie, ils sont un peu moins chers, sauf qu'ils sont réservés la plupart
du temps pour des travailleurs, pour des étudiants, parce que c'est souvent en
lieu résidentiel. Donc, à ce moment-là, ils se retrouvent à avoir juste des
chambres au centre-ville. Ça, ça amène une autre problématique. Les gens sont
concentrés... Dans le fond, les maisons de chambres qu'il y a dans le côté
centre-ville, ça devient un peu comme si c'était de l'hébergement, mais de
l'hébergement qui n'est pas... qui n'a pas d'intervenants. Ça fait qu'à ce
moment-là, des conflits entre voisins et tout ça, bien, ce n'est pas rare.
Donc, l'intervention se fait par les policiers, puis des policiers, bien, quand
ils interviennent, ça va être... il y a quelqu'un qui sort souvent de la place,
donc la personne se retrouve à ce moment-là à perdre sa chambre. Puis quand ce
n'est pas les policiers qui le font souvent, souvent, ça va être le
propriétaire qui va dire : Aïe, toi... Vous vous imaginez la suite, ce
n'est pas des beaux mots. Ça fait que la personne perd sa place, se retrouve à
l'Auberivière. S'il y a de la place, bien, elle va aller à l'hébergement, sinon,
elle est à la rue. Donc...
Puis avec ces montants d'argent là, c'est
ça, lui, dans le fond, avec un 250 $, il peut... bien, c'est ça, il reste
250 $, mais attendez un petit peu, là, je pense que... j'ai-tu mélanger
deux affaires, moi, là, là? Oui, non, c'est ça, je pense que j'ai sauté un
bout. En tout cas, je vais le laisser de même parce que je pense que, de toute
façon, on peut comprendre que même s'il trouve une chambre... parce que ça, là,
c'est environ 550 $ pour une chambre, là, dans le centre-ville, donc s'il
a 807 $, bien, il reste 250 $ pour manger, se vêtir, acheter une
passe de bus, parce qu'il est supposé se chercher une job pendant ce temps là.
Ça fait que, tu sais, mettons, que c'est assez limite, voire impossible.
Il y a... c'est là qu'on est rendu? Oui,
parfait. Donc... présentement, c'est 633 $ qu'elle reçoit. Elle est
originaire du Tchad, elle a dû quitter son pays parce que sa vie était menacée.
Elle a occupé divers emplois comme préposé pour les personnes âgées, ménages,
surtout la restauration. Il y a eu des emplois précaires. Madame a reçu, entre
deux emplois, de l'assurance-emploi et de l'aide sociale, mais comme il est
difficile d'arriver avec un montant de base pour l'aide sociale, dans le fond,
entre deux... La personne, dans le fond, elle a, un moment donné, eu des
emplois pas nécessairement déclarés, ça fait qu'elle a commencé à travailler au
noir puis, ce faisant, bien, c'était un peu tentant et tout ça, mais, de toute
façon, la personne, c'est impossible, dans le fond, là, je ne peux pas le dire
autrement que ça, ce n'est pas possible d'arriver avec 807 $ par mois.
Donc, à ce moment-là, bien, la personne travaille au noir puis, au fil du
temps, bien, elle a accumulé... l'aide sociale a fini par le découvrir, et là,
la personne, elle doit 20 000 $ à l'aide sociale.
Aussi, pendant cette période-là, la
personne, bien, en parlant des jobs... là, je perds un peu le fil, là, attendez
un petit peu... Ah! bien, c'est ça, c'est que la personne travaille au noir
puis, c'est ça, son mode de vie aussi a changé. C'est ça, bien, avec 633 $
par mois, bien, la personne, elle vit dans la rue, puis là, bien, elle ne
travaille plus dans les restaurants, et tout ça. Ce qu'elle fait pour survivre,
c'est vendre de la drogue, ça fait qu'avec les tickets qui vont avec vivre dans
la rue, plusieurs infractions et tout ça, donc, encore une fois... bien, sa
situation se cristallise et, de la sortir de là par la suite, c'est de plus en
plus difficile et de plus en plus coûteux, je vous dirais aussi, pour tout le
monde. Je ne sais pas dans le temps où est-ce qu'on...
La Présidente (Mme D'Amours) : Il
vous reste deux minutes.
M. Tremblay (Daniel) : Deux
minutes. Je vais te laisser, à ce moment-là...
M. Vallée Dore (Boromir) :
Parfait. Donc, ce qu'on essaie de... c'est... en fait, c'est 40 personnes
qui naviguent autour de la fiducie, puis ça, c'est des histoires de vie de gens
dans le concret au quotidien qui sont pris, qui n'y arrivent pas. Ce qu'on
essaie de démontrer, c'est que la réforme proposée actuelle, l'analyse qu'on en
fait, ne nous donne pas de leviers pour ces situations-là. Donc, ça nous
surprend parce qu'au Québec on a une politique nationale de lutte à
l'itinérance, qui a été signée par le ministère de la Solidarité sociale, qui
met notamment l'accent sur le droit des personnes, les déterminants de la
santé, de la responsabilité collective, mais aussi de l'importance du revenu
décent dans la capacité des personnes de sortir de leur situation d'itinérance.
Tantôt, on parlait... il y a-tu des exemples de population qui... ce n'est pas
des contraintes à la santé, mais ce qu'on constate, c'est que d'être en
situation d'itinérance devient une contrainte pour être capable d'accéder à
l'emploi de par les différentes réalités entourant ça.
Actuellement, on a un plan d'action
interministériel en itinérance dans lequel on a une mesure, la 7.2, qui vise à
documenter les freins d'accès à l'aide de dernier recours au programme Objectif
emploi puis certaines mesures fiscales chez les personnes en situation
d'itinérance. On est très déçu de constater, malgré que, dans le plan d'action
en itinérance, il y ait une mesure spécifiquement pour ça, de ne rien retrouver
dans la proposition de la réforme de loi n° 70, et ce
dans le contexte où est-ce que l'Assemblée nationale a déclaré l'état de crise
en itinérance en septembre dernier à l'Assemblée nationale. Donc, on s'attend
un peu à des actions et des mesures plus soutenues.
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Nous sommes rendus maintenant à la période d'échange. Mme la
ministre, la parole est à vous...
Mme Rouleau : ...j'aurais une
première question. Vous avez une grande expérience, là, des gens qui vivent en
extrême pauvreté et qui se retrouvent à la rue. Est-ce que vous voyez une...
Est-ce que vous voyez que le profil de ces personnes-là change et comment
change-t-il?
M. Vallée Dore (Boromir) : Oui,
bien là, la question des parcours de vie, des profils en situation
d'itinérance, tu sais, on dit que... on a le préjugé que la personne en
situation d'itinérance, c'est la personne avec une barbe, vieux M., donc qui
fut d'une certaine époque. Mais c'est drôle parce que c'est multifactoriel,
c'est multitrajectoire, donc il y a toutes sortes de personnes qui se ramassent
en situation d'itinérance. Ce qu'on voit, malheureusement, c'est que, oui, des
M. avec des barbes, on en voit de plus en plus. Donc, des gens qui n'ont pas de
retraite, qui se retrouvent à la rue, qui n'ont pas de support, avec des besoins...
des fois des démences, des besoins physiques, des besoins psychologiques. On a
des jeunes qui sortent de la DPJ, on a des gens qui sortent des hôpitaux, qui
n'ont pas eu d'accompagnement, des gens qui sortent de la prison. On a des
femmes qui fuient des situations de violence conjugale. Donc, le profil est
très varié, là, quand on parle d'itinérance.
Puis d'ailleurs, à cet égard-là, ça
devient complexe, parce que, l'itinérance, on la définit selon un processus de
désaffiliation sociale, de rupture sociale qui fait qu'on a du mal à maintenir
des liens avec notre communauté, mais aussi avec des... un manque d'accès à des
domiciles stables, sécuritaires et adéquats. Donc, toute cette... on perd nos
liens avec nos familles, on perd notre lien avec notre communauté, avec notre
emploi, avec l'école. C'est comme si on se ramassait seul dans tout ça, avec
tous les enjeux que ça peut apporter. Puis évidemment, il y a une part de...
individuel, donc des fois des troubles de santé mentale, physique, mais il y a
une part aussi de notre système qui génère de l'itinérance. Quand les gens
n'ont pas accès à un logement, n'ont pas accès à des soins de santé, n'ont pas
des revenus nécessaires pour combler leurs besoins de base ou n'ont pas droit
d'occuper l'espace public, ou d'avoir accès à l'éducation.
Mme Rouleau : O.K. Dans le
plan de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, que j'ai déposé au mois
de juin dernier, le plan de lutte est intimement lié à l'habitation et à
l'itinérance et est axé beaucoup sur la question d'accompagnement. C'est
l'objet du... de la modernisation du régime d'assistance sociale, d'ailleurs,
le projet de loi n° 71, axée sur l'accompagnement et l'allègement, la
simplification du régime. Et dans l'accompagnement, ce qu'on a pu constater,
là, l'importance de l'accompagnement, il y a des personnes qui sont vraiment
très éloignées du marché du travail. On veut les rapprocher, et ça passe par la
participation sociale, ça passe par l'intégration, la société, là, briser
l'isolement puis se rapprocher, recréer son réseau et aller vers l'emploi. On a
le programme... qu'on veut... qu'on améliore avec le volet de participation
sociale, ce qui n'existe pas à l'heure actuelle. Avez-vous une opinion sur le
programme Passe par exemple?
M. Vallée Dore (Boromir) : Pas
sur le programme Passe spécifiquement, mais par contre sur l'accompagnement
je... C'est important, ce que vous mentionnez, c'est la clé de voûte, en fait,
de prendre le temps avec ces personnes-là. Puis malheureusement, on est toujours
pris dans des statistiques. Vous en avez accompagné combien? Oui, mais les gens
qu'on accompagne, c'est des gens, des fois, qui sont désaffiliés depuis des
années. Donc, on part de très loin. Puis de bien accompagner les personnes,
c'est aussi d'être avec eux dans nos différents systèmes qui des fois ne se
parlent pas ensemble.
Tantôt, on avait un très bon exemple, on
posait la question : Est-ce qu'on a des programmes qui fonctionnent mieux
que d'autres? On a parlé du RQAP. J'aimerais vous... juste, je pense que vous
avez plus de chances d'avoir fait une demande de RQAP que d'aide sociale. Mais
ça va bien, faire une demande de RQAP, ce n'est pas compliqué. Puis j'invite
les gens ici autour de la table à se questionner c'est quoi, faire une demande
d'aide sociale, puis peut-être d'essayer d'aller s'asseoir avec quelqu'un qui
fait cette demande-là. Puis là on ne parlera pas du chômage, là, c'est une
autre affaire, mais ça vaut la peine de l'essayer, parce que, là, on le voit,
là, que c'est difficile. Puis les gens sans accompagnement, ils ont du mal à y
arriver, puis nous, on le mentionne beaucoup, l'accompagnement, c'est la clé,
donc il en faut toujours.
Mme Rouleau : C'est pour ça
qu'on veut mettre en place le réseau régional d'accompagnement, qu'on veut dans
la loi statuer que chaque personne peut obtenir un accompagnement personnalisé.
Et, quand on parle des gens en situation d'itinérance, ce qu'on sait, c'est que
quatre personnes sur 10 n'ont pas... n'ont pas l'aide de dernier recours. Donc,
six sur 10 l'ont... l'obtiennent minimalement. Mais quand...
Mme Rouleau : ...ne l'ont pas.
Comment on pourrait faire en sorte... parce que c'est la question qu'on se pose
aussi, comment on peut aller chercher ces quatre autres personnes sur 10 pour
qu'elles aient minimalement cette aide de dernier recours?
M. Vallée Dore (Boromir) : Bien,
d'avoir accès à l'aide de dernier recours... Puis il y avait un autre élément
juste avant de l'accès à l'aide de dernier recours qui m'échappe.
Mme Rouleau : J'ai parlé
du... de l'accompagnement personnalisé et du réseau régional, où on...
M. Vallée Dore (Boromir) : Oui.
Donc...
Mme Rouleau : ...où... je
veux spécifier que, dans le réseau régional, ce qu'on... ce qu'on voit, c'est
de travailler avec, évidemment, la solidarité sociale, avec les services
sociaux, avec les organismes, et, en fait, c'est de briser les silos et
s'assurer d'une meilleure communication et coordination des services pour que
la personne soit bien accompagnée.
M. Tremblay (Daniel) : Bien,
je ne sais pas, il y a peut-être des exemples aussi. Tu sais, on parle :
Bon, O.K., c'est beau, l'accompagnement, mais, en même temps, si la personne
n'a pas assez d'argent... si la personne est dans la rue, supposons, ou qu'elle
est en hébergement, si elle n'a pas assez d'argent pour se relocaliser, c'est
bien beau cette démarche-là, mais c'est un peu difficile, faire des démarches
ou d'avancer dans un lieu où ce que peut-être on ne dort pas du mieux qu'on
peut, on n'est pas chez soi. Il y a quelque chose déjà là en partant, là,
que... bon, qui se passe là. Puis les... Oui, en tout cas, il y aurait ça, il y
a ce bout-là en partant.
M. Vallée Dore (Boromir) : Oui,
puis les intervenants vont vous le dire. Tu sais, quand les gens n'ont pas
les... L'accompagnement doit reposer sur la capacité aux personnes de combler
leurs besoins de base. Quand on oeuvre... on travaille en itinérance, la
première chose qu'on demande à quelqu'un, c'est : Tu as-tu mangé? Tu as-tu
dormi? Sinon, bien, O.K., on va prendre le temps de s'assurer que tu as mangé,
tu as dormi, puis après on fera d'autres choses. Mais là, ce qu'on voit, c'est
que, les gens, on leur demande d'être en action et on est conscient qu'ils ne
sont pas capables de combler leurs besoins de base. Donc, ça a été calculé avec
la MPC. Donc, il y a quelque chose à réfléchir aussi, là, de comment qu'on
stabilise cet élément-là.
Puis, concernant les six personnes sur 10
qui n'ont pas accès à...
Mme Rouleau : ...quatre sur
10.
M. Vallée Dore (Boromir) : Oui,
oui... Oui.
Mme Rouleau : Il y en a six
sur 10 qui ont l'aide sociale, puis quatre qui ne l'ont pas.
M. Vallée Dore (Boromir) : Oui.
Puis on est chanceux d'avoir des chiffres à jour concernant le dénombrement par
rapport à ça. Puis il y a d'autres choses qui sont alarmantes aussi dans ces
statistiques-là, notamment, quand on regarde, il y a 7 % des personnes qui sont
avec aucun revenu. Et cette statistique... Donc, en bas, à droite, ici, on l'a.
Et cette statistique-là explose quand on est avec les jeunes de moins de 30
ans. Donc, 12,1 % des jeunes de moins de 30 ans n'ont aucun revenu. Donc,
on a une question à se poser : Pourquoi ils ne font pas d'aide de
demande... de demande d'aide de dernier recours?
Mme Rouleau : C'est la
question que je vous pose.
M. Vallée Dore (Boromir) : Parfait.
Et, bien, à cet égard-là, normalement, le ministère de l'Emploi et de la
Solidarité, comme je le mentionnais, dans le plan d'action interministériel,
là, en itinérance, a, dans son... s'est engagé à documenter ces freins d'accès
là. Nous, on a été consultés pour participer à ladite recherche. Donc, on n'a
pas encore accès à ces données-là, qui vont être publiées une fois... qui vont
être publiques une fois terminées. Toutefois... Donc, il y a... Nous, on a des
exemples, un peu, de freins, mais le ministère a ça dans son carton en ce
moment. Donc, bien, M. Gauthier, on a échangé là-dessus pas plus tard
qu'aujourd'hui.
Mme Rouleau : Est-ce qu'il y
a des exemples heureux de personnes qui sont sorties de la rue puis qui se...
qui ont pu... Parce qu'on en a eu, des exemples, aujourd'hui, là, de personnes
qui ont vécu des moments extrêmement difficiles, troublants et qui s'en sont
sortis, qui sont passés à travers les programmes d'insertion, puis... Est-ce
que vous en avez, vous, des histoires... des belles histoires, là? Ce n'est pas
toujours noir, complètement noir. Il y a tout le temps des petites zones de
gris puis un peu de soleil.
M. Vallée Dore (Boromir) : Vous
m'amenez dans ma sphère émotive, là, pour moi-même en avoir connu. Mais je
passerais la parole à Daniel, que je suis sûr qu'il a plein de beaux...
• (17 heures) •
M. Tremblay (Daniel) : ...oui.
Bien, d'une part, moi, je travaille à la fiducie. Donc, la fiducie, c'est un...
grosso modo, c'est comme une curatelle volontaire. Ça fait que les gens qui
sont à la fiducie, on paie le logement en premier lieu. Ça fait que ça assure,
en général, un toit sur la tête, à part de... à part si la personne a des
comportements inadéquats. Mais sinon, bien, il y a ce bout-là. Ça fait que ça,
en partant, c'est des... La plupart des gens qu'on a en suivi, c'est ça. C'est
des gens que... qui pour qui ça a fonctionné et qui sont rendus à cette
étape-là, mais ce n'est pas la première étape. Tu sais, il y a eu d'autres
étapes avant. Comme à l'hébergement, bien là, c'est ça, c'est des gens de
l'hébergement, là, que, des fois, on va se faire référer, mais c'est ça, oui...
Ça fait que, des histoires, je ne sais pas
si vous voulez un exemple d'une histoire en particulier, mais, c'est ça, il y
en a... il y en a... bien, genre, il y en a plusieurs, là, tu sais. Bien, je ne
sais pas... il y a une dame qui était à l'hébergement à un moment donné qui eu
avait des problèmes de...
17 h (version non révisée)
M. Tremblay (Daniel) : ...de l'hébergement,
puis là, bien, elle... Je suis rendue où dans la liste, parce qu'il y a une
liste d'attente? Donc, je suis rendue où, je suis rendue où? Elle était presque
harcelante. Mais, finalement, cette personne-là, par la suite, bien, elle a
retrouvé un travail. Elle a... Le travail c'est sûr que c'est toujours des
emplois précaires aussi. Mais, tranquillement pas vite, ses choses s'améliorent,
mais, tu sais, ça reste toujours quand même... Ce n'est pas l'Eldorado, c'est
quand même... Cependant, pour elle, versus qu'est-ce qu'elle était à ce moment-là,
c'est le jour et la nuit, pareil, pour elle.
M. Vallée Dore (Boromir) : Puis
il me vient en tête des jeunes de la Coalition Jeunes+, qui est une coalition
qui vise à prévenir l'itinérance. Puis ces jeunes-là qui ont vécu l'itinérance,
il y en a qui sont allés à Tout le monde en parle, en parler. Ils sont allés à
l'Assemblée nationale. Ils ont reçu des médailles d'honneur, parce que là, en
ce moment, ils sont très impliqués dans : Comment je peux faire pour que
ce qui m'est arrivé n'arrive pas aux autres? Donc... Puis ces jeunes-là vous le
diraient : La question du revenu, il faut absolument pallier à ça, là.
Mme Rouleau : Vous savez
peut-être qu'on veut abolir la contribution parentale pour les jeunes qui...
chez leurs parents, les jeunes adultes. Donc, particulièrement, lorsqu'ils
sortent de la DPJ, on leur demande, aujourd'hui, d'aller chercher une
attestation, auprès de leurs parents, puis ça cause des histoires vraiment...
extrêmement tristes. Alors, on abolit ça. Je pense que ça, ça va être une façon
de faire intéressante.
Puis je voudrais vous entendre aussi sur
le fait qu'on change... On parle de contraintes à l'emploi aujourd'hui, donc, c'est
la capacité de la personne à travailler. On va vers la contrainte de santé pour
axer sur l'état de la personne, son état de santé, en faisant intégrer, ce n'est
pas seulement la santé physique, mais la santé... la santé mentale et les
enjeux psychosociaux. Parce que vous avez mentionné dans vos exemples,
notamment, les dépendances auxquelles peuvent être confrontés les gens. Alors,
ça, comment vous voyez ça, qu'on parle maintenant de contraintes de santé?
Des voix : ...
M. Vallée Dore (Boromir) : C'est
difficile pour nous, je vous avouerais, de concevoir la différence. Par contre,
ce qui nous arrive souvent, c'est que les gens avec qui on travaille, c'est des
gens qui tombent entre toutes les cases. Évidemment, plus qu'on crée des cases,
plus il y a des gens qui vont tomber entre ces cases-là, puis qu'est-ce qu'elles
font? Elles vont cogner au refuge, à côté de chez elles. Les intervenants les
accompagnent dans leurs difficultés d'être reconnues dans leur réalité, donc...
Puis aussi contraintes de santé, il y a des contraintes, des fois,
situationnelles qui sont liées à quelque chose de très temporaire, mais qui
fait en sorte que les gens ne peuvent pas travailler.
Donc, notamment nous, on va parler d'obstacles
à l'emploi. On a fait un survol de la littérature, là, cette semaine pour...
Puis la littérature est assez fournie à ce niveau-là. On a... on a créé un
document, je pense... D'ailleurs, on s'excuse d'avoir envoyé notre document
tardivement. Je sais que ça vous met de la pression, puis une réaction... mais
merci pour votre compréhension. Donc ce qu'on constate, c'est que ces
contraintes à l'emploi là, des fois, il y a une liste d'exemples, là, donc, de
partager aux employeurs le fait qu'on a une période sans emploi, toutes les
motivations fluctuantes, donc, besoin de plus de temps pour s'adapter, avoir un
logement avant d'intégrer un emploi. Il y a des gens que ça fait trop
longtemps, qui n'ont pas été en logement, les gens qui ne faisaient pas leur
suivi quand la motivation n'était pas là.
Donc, le fait de tout recommencer à zéro
quand la motivation revient, évidemment, la consommation, la peur de revivre
des traumas passés, d'autres obstacles. Donc, il y a vraiment une liste. La
littérature scientifique est assez claire sur le fait qu'il y a des obstacles à
l'emploi pour les personnes en situation d'itinérance. Le gouvernement du
Canada le dit aussi, et même le gouvernement du Québec en fait mention, là,
dans le deuxième portrait. Puis ils donnent même des exemples de gens qui sont
en emploi et que l'enfant... l'emploi a des effets délétères sur la santé
physique et mentale de ces personnes-là, parce qu'ils sont obligés de prendre
ce qui passe avec des conditions, des fois, donc, de nuit, du travail qui est
fait à l'extérieur, etc. Donc, même dans le deuxième portrait en
itinérance, on fait état des obstacles à l'emploi et aussi des enjeux des
emplois précaires pour des gens qui, oui, travaillent.
Mme Rouleau : On considère
que c'est par l'emploi qu'on améliore son sort, qu'on retrouve sa dignité, qu'on
peut avoir une vie...
Mme Rouleau : ...plus
épanouis, là, on s'entend là-dessus, alors on veut amener les gens vers ça,
à... et qu'ils puissent contribuer à la hauteur de leurs moyens et passer par
le processus d'intégration, participation sociale, etc.
Et puis, pour revenir aux contraintes de
santé, ce qu'on amène aussi, c'est que les diagnostics ne soient pas faits
uniquement par le médecin, mais aussi par des professionnels de la santé.
Est-ce que vous auriez des propositions à nous faire ...(panne de son)... de la
santé?
M. Vallée Dore (Boromir) : Professionnels
de la santé, mais il y a aussi des professionnels dans le milieu communautaire.
Il y a des infirmiers, infirmières, il y a des travailleurs sociaux, il y a des
psychoéducateurs, il y a même des psychiatres qui travaillent dans le milieu
communautaire, donc ça ne devrait pas être enclavé juste pour le réseau de la
santé.
Mme Rouleau : Bien, ça ne
veut pas dire qu'ils sont uniquement du réseau de la santé.
M. Vallée Dore (Boromir) : Parfait.
Je suis content de l'entendre.
Mme Rouleau : Ils sont des
ordres... ils ont... ils font partie des ordres. Mais c'est à déterminer tout
ça, là, mais ils font partie des ordres professionnels. De quel ordre
professionnel pourrions-nous parler?
M. Vallée Dore (Boromir) : Je
ne pourrais pas m'avancer sur quel ordre en particulier, mais le fait que ce
soient les membres des ordres, c'est intéressant. Parce qu'effectivement il y a
des gens dans le milieu communautaire qui peuvent être membres de certains
ordres, donc ça désenclave. Parce que, quand qu'on parle de professionnels de
la santé et des services sociaux, souvent, ça laisse sous-entendre que c'est le
réseau de la santé. Donc, c'est pour ça que, des fois, c'est ça, je suis
content que vous spécifiiez que ce n'est pas enclavé au réseau de la santé.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions avec la ministre. Je cède maintenant la
parole à la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci du travail que vous avez fait aujourd'hui et que vous faites
à tous les jours.
Quand on parle de la proposition d'aller
de «contraintes de travail» à «contraintes à la santé», comme vous avez dit, il
y a tellement de situations qui existent. Une personne itinérante peut avoir
des enjeux de santé mentale ou ne peut pas en avoir, une femme qui a été
violentée, tu sais, c'est... ce n'est pas un médecin qui va faire en sorte que,
bien, vous avez un diagnostic, vous avez été violentée, vous n'êtes pas apte au
travail. Donc, pour vous, est-ce que c'est un recul de proposer que l'analyse
se fasse pour des contraintes de santé plutôt que des contraintes à l'emploi?
M. Vallée Dore (Boromir) : C'est...
C'est difficile de se prononcer. Mais c'est sûr que quand... Ce qu'on voit,
c'est que les gens ne vont pas chercher de diagnostic. Tu sais, un exemple,
pour les personnes en situation d'itinérance et traumatisme crânien, donc plus
que les gens sont... vivent à la rue, plus qu'ils sont à risque de développer
des traumatismes crâniens. Puis les chiffres sont quand même, là, importants,
là. Dans une recherche, là, une métanalyse, là, on parle de 53,1 % des
personnes en situation d'itinérance qui ont un historique lié à un traumatisme
craniocérébral. Donc, ce qu'on voit souvent, c'est que ce ne sera pas
diagnostiqué. Donc, c'est sûr que si on s'appuie sur des diagnostics, bien, il
y a un effet délétère sur une population qui n'a pas tendance à aller à
l'hôpital pour chercher des diagnostics. Donc...
Puis la question du non-recours à
différents services s'explique de multiples façons, autant le non-recours à
l'aide sociale ou aux soins de santé. Puis ça, ça prend vraiment racine, des
fois, dans des traumas, dans des situations extrêmement compliquées, donc, puis
ça... c'est très fréquent, là, dans le milieu dans lequel on intervient.
Mme Prass : Puis, avec le
dernier dénombrement de l'itinérance du gouvernement, on a eu une augmentation
de 44 %. Puis, la première raison pour laquelle les gens se retrouvent à
la rue maintenant, c'est les évictions, les expulsions de logement, donc,
encore une fois, des gens qui n'ont pas nécessairement des problèmes de santé
en tant que tels, mais pour des circonstances économiques, etc. Et aussi, le
visage a changé : beaucoup de personnes aînées qui n'arrivent plus à payer
leur loyer, qui se retrouvent dans la rue pour la première fois, des gens qui
ont une déficience intellectuelle ou avec un handicap également, qui ont des...
qui sont en situation de précarité financière, donc, avec les prix du logement,
trouvent ça impossible. Pensez-vous... Bien, premièrement, on a parlé du
recours d'aide d'urgence, mais est-ce qu'il y a quelque chose que vous voyez,
dans ce projet de loi ou que vous voyez au-delà de ce projet de loi, en termes
de prévention? Parce qu'il est tellement plus difficile de sortir une personne
de la rue plutôt que de prévenir qu'elle se retrouve dans la rue.
• (17 h 10) •
M. Vallée Dore (Boromir) : Puis
c'est... On l'a vraiment mentionné en début de propos. On n'a pas identifié des
mesures qui nous permettent concrètement d'agir sur les personnes en situation
d'itinérance, selon notre analyse. Mais évidemment, on n'a pas le portrait
complet. Donc, toutefois, le... Ça fait penser aussi, les personnes en
situation d'itinérance puis souvent situation de pauvreté sont invisibilisées
dans les actions gouvernementales. Donc, ça s'explique par le fait qu'on n'a
pas beaucoup de données sur les personnes en situation d'itinérance, notamment
toute la question de l'itinérance cachée. Puis il y a beaucoup de recherches
qui viennent appuyer ça, notamment la Stratégie d'accès aux soins de santé pour
les personnes en situation...
M. Vallée Dore (Boromir) : ...itinérance,
la recherche de l'itinérance et enjeux climatiques nous dit aussi que, dans
toutes les mesures climatiques, les personnes en situation d'itinérance souvent
sont oubliées. Quand on dit : Restez à l'intérieur, il y a de la fumée,
des feux, bien, il y a des gens qui n'ont pas d'intérieur. Pendant la pandémie,
c'était la même chose. Restez chez vous. Bien, je n'en ai pas, de chez moi.
Aussi, le Conseil national sur la pauvreté du Canada nous le dit que c'est
des... les gens se sentent non reconnus aussi dans les politiques et actions
gouvernementales. C'est comme une population qu'on voit... qui n'est comme pas
souvent à l'agenda. Donc, on a le sentiment que, dans le projet de loi
actuellement, il y aurait un coup supplémentaire à donner pour voir quels
leviers on se donne pour agir sur la crise de l'itinérance actuellement.
Mme Prass : Également, vous
avez parlé d'accompagnement, de l'importance de l'accompagnement surtout.
Encore une fois, le visage de l'itinérance, il y a tellement des visages, il y
a tellement de situations différentes. Justement, le Protecteur du citoyen a
émis une lettre aujourd'hui critiquant le fait que l'accompagnement qui est
proposé dans le projet de loi serait... devrait se faire sur demande plutôt que
d'être offert de façon universelle à tout le monde. Est-ce que vous pensez
surtout avec une population qui est réticente des fois surtout à faire
confiance de l'autre côté et qui ne connaît pas nécessairement les programmes
et quelles sont les possibilités... Pensez-vous que justement ça ne devrait pas
être sur demande, ça devrait être offert à tout le monde et par la suite, on
s'organiserait avec les personnes?
M. Vallée Dore (Boromir) : Bien,
je... puis, tu sais, je pense que ça revient au concept d'universalité dans
notre programme. Je pense que c'est important de ne pas justement créer des
catégories puis l'accompagnement devrait effectivement être central. Puis
j'étais heureux d'entendre Mme Rouleau à cet effet-là, parce que... Puis on
devrait avoir la responsabilité d'accompagner les gens dans nos organisations.
Si j'ai des formulaires à faire remplir, bien, pourquoi ce n'est pas moi qui
les remplis avec la personne, tu sais, de... C'est d'être conscient, des fois,
ça peut devenir un frein pour les personnes parce que... puis ça fait partie de
nos recommandations, souvent, le vocabulaire utilisé, les gens ne le
comprennent pas. Donc, il y a un niveau de langage qui n'est pas là aussi.
Donc, c'est à ces moments-là que c'est important d'être avec les gens à côté
d'eux.
Puis, quand on accompagne aussi, c'est une
posture où est-ce qu'on vit des situations, où on tombe un peu à part... pas en
fratrie, là, mais en équipe avec les personnes pour les accompagner dans leurs
difficultés. Puis c'est à partir de ce moment-là qu'on prend conscience des limites,
des problèmes systémiques, des obstacles. Quand on... quand on ne se met pas le
pied dedans avec eux, souvent, on ne le conçoit pas, là. C'est pour ça que je
vous invitais à essayer de voir un jour si vous pouvez faire une demande d'aide
sociale ou... c'est ça, ça vaut la peine. Mais Daniel est rendu bon, vous irez
voir Daniel.
M. Tremblay (Daniel) : ...c'est
déjà fait quand ils arrivent... mais volontaire ou pas, bien, c'est sûr que la
question aussi, je dirais... ça dépend, tu sais, si ça devient comme une espèce
de, bien, tu n'es pas volontaire, on tape sur les doigts, bien, ce n'est pas...
pas très friand. Sinon, aussi, le côté... les personnes qui ont des problèmes
de santé mentale, c'est quoi? C'est que, dans le fond, il va être obligé de faire
un accompagnement avec un agent d'aide sociale, c'est ce que je comprends,
j'imagine. C'est-tu ça? Oui, bien, je ne sais pas, dans le fond, ça va... Oui,
bien, c'est ça. Parce que c'est ça, ça dépend... ça dépend de la forme que ça
prend dans le fond. Parce que la personne, elle peut se sentir... bien là, moi,
si c'est de même, je ne veux pas... tu sais, pour quelqu'un qui est
schizophrène puis qui n'est pas traité, aller dans un hôpital, oublie ça, ça
fait que d'aller là-dedans puis de dire : Bien, il va s'en aller, puis il va se
ramasser dans les statistiques de personnes qui ne reçoivent plus de revenus du
tout, là.
Mme Prass : ...qu'on le
propose à tout le monde, les gens ne sont pas obligés, évidemment, mais qu'au
moins ce soit proposé à tout le monde plutôt qu'ils aient à le demander. Puis
dans le même sens que vous allez, encore une fois, c'est des gens qui ont vécu
des situations traumatiques, des situations difficiles certaines fois.
Pensez-vous que les personnes qui vont faire l'accompagnement, si ce n'est pas
les organismes communautaires, devraient être inclus dans tout ça, qu'il
devrait y avoir des formations pour ces personnes qui vont faire de
l'accompagnement? Parce que, comme vous dites, que ce soit un enjeu de santé
mentale, que ce soit une personne qui sort de l'itinérance... fonctionnelle,
disons, ne connaît pas toutes ces réalités-là. Puis, comme vous dites, on ne va
pas leur faire peur non plus, on ne va pas les intimider puis qu'ils
disent : Écoute, moi, je ne veux plus faire partie du processus parce que
vous ne comprenez pas ma réalité. Donc, est-ce que vous pensez qu'il devrait y
avoir des formations pour des populations vulnérables spécifiques, dont les
personnes itinérantes ou avec des enjeux de santé mentale?
M. Vallée Dore (Boromir) : Puis
c'est compliqué, ça, parce qu'on ne peut pas être formé sur tout, tu sais,
parce que... ça fait que... puis il faut vraiment qu'on le réfléchisse bien,
cette portion d'accompagnement là, parce que c'est vraiment important, c'est
central. Puis je pense qu'on a une réflexion de plus à faire, comment qu'on va
le faire au Québec. Parce qu'on a des experts de l'accompagnement dans les
milieux. Toutefois, le milieu communautaire ne veut pas être instrumentalisé
dans cette portion-là, parce qu'on va encore se ramasser à accompagner des
personnes, bien, qui n'ont juste pas assez d'argent pour se nourrir et...
M. Vallée Dore (Boromir) : ...donc
là on est un peu en échec aussi, dans cet accompagnement-là. Donc, comment
qu'on va le travailler ensemble ce bout-là? Je pense que ça vaut la peine
d'interpeller les experts de l'accompagnement. Puis aussi comment que le
réseau... bien, le ministère va se positionner dans ça. Travaillons-le
ensemble, ce bout-là, puis je pense qu'on va pouvoir avoir des beaux résultats,
parce que c'est important, c'est central, cet accompagnement-là, là.
Mme Prass : Puis avec tout ce
qui est proposé dans le projet de loi, comment est-ce que vous... comment
est-ce que vous voyez que ça va avoir un effet sur les revenus des personnes en
situation d'itinérance, avec les réalités qu'ils vivent maintenant, ou, en
général, sur la situation?
M. Vallée Dore (Boromir) : Je
pense que, bien, comme je le mentionne, on n'a pas identifié dans le projet de
loi, tu sais, avec, un peu, les histoires que Daniel nous racontait, c'est
quoi, les leviers qu'on va pouvoir avoir. On a commencé à travailler quelque
chose qu'on pourrait aller vraiment plus loin, qui est toute la notion de vie
maritale pour les gens qui vont vivre avec des pairs qui se soutiennent, mais
cette notion de vie maritale là, on pourrait juste la laisser tomber, je... Il
y a eu une bonne conférence de presse qui expliquait c'était quoi, les enjeux
reliés à ça. Puis ça me permet de... bien, justement, de la violence
économique, des... le fait qu'on réduise des chèques pour deux personnes qui
habitent ensemble. Maintenant, deux personnes, deux chèques, ça, c'est très
positif. Toutefois, il y a quand même une réduction du chèque.
Ce qui m'amène un peu à une autre
recommandation qu'on fait, c'est que, pour toutes les personnes qui se situent
en bas de la MPC, on ne devrait pas couper d'argent à ces personnes-là parce
que ce qu'on coupe, ce qu'on fait, c'est qu'on les empêche de se loger et de se
nourrir, et là on enclenche quelque chose de plus. On rend ça beaucoup plus
difficile d'être avec ces personnes-là, de les accompagner, de leur sortir de
la situation. Ça fait que c'est une chose, peut-être, d'avoir un chèque qui est
en bas de la MPC, mais on ne devrait jamais couper quand on est en bas de la
MPC parce qu'on dit aux gens...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
c'est tout le temps que nous avions avec le député. La parole à la députée de
Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour vos recommandations. Il y en a certaines qui n'avaient
pas été explicitées aussi clairement par les autres qui sont passés avant vous.
Donc, j'apprécie tout ça.
Est-ce que vous, vous avez confiance, avec
ce qui est proposé en ce moment dans le projet de loi, d'élargir, là, la notion
de contrainte puis d'appeler ça une contrainte de santé, que ça va permettre
aux personnes qui sont, justement, par exemple, dans la rue à cause du contexte
psychosocial dans lequel ils évoluent... est-ce que vous êtes confiant que
cette formulation-là va vraiment permettre de les couvrir puis de leur donner
accès à la reconnaissance de la contrainte qu'ils vivent dans la vraie vie?
M. Vallée Dore (Boromir) : ...difficile
de...
M. Tremblay (Daniel) : Moi, il
y a le bout où est-ce que, bon, que c'est ouvert à d'autres professionnels ou à
quelqu'un qui fait partie d'ordres... Bien, déjà là, pour donner... d'accorder
la contrainte sévère, bien, déjà, ça peut ouvrir, mais, par contre, de l'autre
côté, des organismes communautaires, des gens qui font partie d'un ordre...
d'avoir... présentement, c'est sûr qu'il n'y en a pas, mais sauf que, s'il y a
une raison d'être d'avoir... de faire partie de l'ordre puis payer la
cotisation, bien là, peut-être que, là, il va y en avoir plus, là. Mais il y a
ce bout-là.
Mais, sinon, au niveau de la demande,
c'est sûr, que ce niveau-là, je ne sais pas à quel point que... tu sais, je ne
le vois pas, ce bout-là, à savoir lorsqu'une demande qui est faite, mettons, la
personne a un problème de santé mentale... oui, mais là on est comme pas sûr.
Je ne le sais pas, quand ça marche, quand ça ne marche pas, parce qu'à mon
niveau les gens ont déjà fait leur demande, cette démarche-là est déjà faite,
ça fait que je ne pourrais pas me prononcer.
Mme Labrie : Ça fait qu'il y
a comme un flou qu'il faudrait préciser dans la rédaction du projet de loi pour
nommer, peut-être, explicitement des situations qui méritent la reconnaissance
d'une contrainte.
M. Vallée Dore (Boromir) : Si
on explicite, on crée des cases, puis ce qu'on fait, c'est qu'on a... nous, on
se ramasse avec les gens qui ne fittent pas dans les cases. Ça fait que, dans
une perspective universelle, en tout cas, il y a quelque chose à réfléchir,
puis surtout que ce qu'on voit, c'est que les contraintes, les obstacles à
l'emploi, comme on va les nommer, bien, ce n'est pas lié à la santé, c'est lié
à des situations temporaires, donc. Puis, pour quelqu'un, ça peut être un
obstacle à l'emploi, puis une autre personne, non. Ça fait que c'est ça, c'est
dur de... si on se met à catégoriser, en tout cas, on ouvre la porte à en
échapper.
Mme Labrie : Puis
l'importance pour vous que les travailleurs, travailleuses du réseau
communautaire, s'ils sont membres de l'ordre professionnel qui est sur la
liste, puissent s'occuper de cette paperasse-là, c'est parce que, sinon, les
délais sont trop longs, là, s'ils doivent faire affaire avec quelqu'un du
réseau de la santé, c'est ça, c'est... ou c'est une question de confiance
aussi?
• (17 h 20) •
M. Tremblay (Daniel) : Bien,
déjà... un problème de santé mentale, il faut que tu aies accès à un
psychiatre. Un psychiatre, ça ne court pas les rues, là. Ça fait que c'est ça,
ça fait que, souvent, c'est très, très, très compliqué, là. Là, il existe, bon,
des organismes, là... pour ne pas nommer... là, exemple, à Québec, où est-ce
que, là, tu as l'organisme où est-ce qu'il y a un psychiatre, puis là, bien,
des fois, par cette branche-là, bien... C'est ça, c'est... quand il n'y a plus
de psychiatre, bien...
M. Tremblay (Daniel) : ...c'est
beaucoup plus compliqué, mettons.
Mme Labrie : Vous en voyez
une, en ce moment, une difficulté d'accès, là, aux professionnels?
M. Tremblay (Daniel) : Bien,
par rapport à santé mentale... Puis comme je vous dis, là, tu sais, c'est... je
ne suis pas dans les derniers, parce que, là, je travaille à la fiducie, avant
ça, j'étais à l'hébergement, c'était peut-être plus... je le voyais plus dans
le temps que j'étais à l'hébergement, ça fait une dizaine d'années que je ne
suis plus là, ça fait qu'il y a un bout que je vois moins, là, mais, à
l'époque, c'était ça, c'était vraiment au niveau... Bien, ça prend un
psychiatre, puis tu allais rencontrer un psychiatre, bien, ça va être très,
très long. Puis la personne, souvent, bien, avec un problème de santé mentale,
elle ne veut pas aller voir un psychiatre parce qu'elle n'a pas de problème de
santé mentale, ça fait que...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Je cède maintenant la
parole au député de Jean-Talon.
M. Paradis : Merci de nous
rappeler qu'il y a un plan d'action interministériel en itinérance qui prévoit
que le gouvernement doit documenter les freins à l'accès à l'aide financière de
dernier recours et au Programme objectif emploi et à d'autres mesures fiscales,
et que le gouvernement doit envisager d'implanter des mesures visant à
faciliter l'accès à l'aide financière aux prestataires. Merci de le faire.
Est-ce qu'à votre connaissance on a tenu
compte de ces obligations-là pour arriver aux solutions proposées par le projet
de loi n° 71? Donc, est-ce que vous avez été consultés, par exemple, à cet
effet, là? Ou quand vous lisez le projet de loi n° 71, est-ce que vous
avez l'impression qu'on a tenu compte de cette obligation dans le plan d'action
interministériel?
M. Vallée Dore (Boromir) : On
a été interpellés et nos membres ont participé à l'étape de documenter ces
freins-là. On n'a pas vu les résultats encore. On s'est fait mentionner que
c'était en cours de traitement. Toutefois, ce qu'on constate, c'est... bien,
dans la réforme proposée actuellement, on ne voit pas de proposition qui visent
à enlever des obstacles, là, pour les personnes en situation d'itinérance.
M. Paradis : C'est à dire que
lorsque vous analysez le projet de loi n° 71, vous n'avez pas l'impression
que ces freins, qui ont été déjà documentés, ont été considérés dans les
solutions proposées, c'est bien ça?
M. Vallée Dore (Boromir) : Non,
on n'a pas cette impression-là.
M. Paradis : Merci aussi de
nous donner d'autres témoignages, parce qu'on a entendu d'autres intervenants
qui disent : Mais il faut vraiment écouter la voix des personnes concernées.
Est-ce que vous avez parlé de cette réforme-là qui s'en vient à des personnes
itinérantes et qu'est ce qu'elles vous disent, qu'est ce qu'elles voient dans
cette réforme-là? Est-ce que c'est un exercice auquel on s'est prêté déjà?
M. Tremblay (Daniel) : Moi,
je vous avoue, ça c'était tellement passé vite que... dans le fond, il y a eu
la convocation il y a peut-être deux semaines, puis là, la semaine passée, il
m'a contacté pour illustrer des personnes en situation d'itinérance, là, un peu
c'était quoi, le vécu? Ça fait que, moi, le projet de loi, il m'en a parlé,
c'est à peu près de même que je l'ai connu, ça fait que, moi, je ne l'ai pas lu
comme tel, ça fait que je ne pourrais pas vous en parler vraiment, là.
M. Paradis : Puis vous avez une
proximité. Qu'est-ce que vous en pensez? Qu'est-ce que vous diriez?
M. Vallée Dore (Boromir) : Normalement,
on aurait voulu apporter une personne en situation d'itinérance qui l'a vécue.
Toutefois, les délais étaient trop serrés, puis on n'aurait pas pu faire un
accompagnement, là, digne de ce nom puis s'assurer que la personne puisse
sécuritairement témoigner à la commission. Et d'autre part, quand on demande
aux personnes en situation d'itinérance : C'est quoi vos besoins? Bien, la
notion de sécurité ressort beaucoup. Évidemment, la notion de logement. Mais
souvent ils nous disent : J'ai besoin d'argent, tu sais. Puis...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
c'est tout le temps que nous avions. M. Vallée Dore, M. Tremblay,
merci pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux prochains invités de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 30)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à l'Alliance
québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes
handicapées. Je vous rappelle, chère invitée, chers invités, que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.
Mme Tremblay (Isabelle) : Alors,
bonjour, tout le monde. Isabelle Tremblay, je suis la directrice de l'Alliance
québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes
handicapées. Il s'agit d'un organisme national de défense collective des droits
des personnes et des proches formé de 17 regroupements régionaux qui, eux,
rassemblent plus de 400 organismes de personnes handicapées et de parents
partout au Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Pierre Berger,
qui est mon collègue de travail à l'AQRIPH, et de M. Patrick Fougeyrollas,
qui est notre conseiller expert.
Alors, on vous a fait remettre un napperon
pour présenter notre position par rapport au projet de loi n° 71. Ça se
passe en deux parties : nos sujets d'intérêt dont on voulait vous
entretenir, qui ne sont pas nécessairement des avancées, mais où on voulait
quand même attirer votre attention quand c'en était, et puis ici on a certains
questionnements; et la seconde partie va porter plus sur les enjeux importants
qu'on a soulevés...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Tremblay (Isabelle) : ...là,
dans le projet de loi.
Alors, dans nos sujets d'intérêt, l'établissement
des plans d'intervention individualisés et la création des réseaux régionaux d'accompagnement,
pour nous, ce sont des bonnes nouvelles parce qu'avec une bonne planification
et la contribution de partenaires, évidemment, ce sont des conditions gagnantes
pour favoriser l'intégration et le maintien en emploi, là, des personnes.
L'élargissement de l'accès au programme
Objectif emploi. Bien, je pense que c'est important de souligner que ça prend
un accompagnement personnalisé, surtout pour les personnes handicapées qui sont
plus éloignées, là, du marché du travail. C'est une mesure qui doit par contre
être incitative et non plus punitive pour réussir à sortir les personnes de la
pauvreté.
Pour nous, la révision de la notion de vie
maritale est aussi une avancée dans le projet de loi parce que, pour des
personnes handicapées, la plupart vivent quand même seules. Et d'avoir une
personne qui les accompagne dans leur quotidien, bien, ça peut éviter, là, des
hébergements, là, dans le réseau de la santé.
L'ouverture à d'autres professionnels de
la santé que les médecins pour établir les contraintes sévères, écoutez, l'AQRIPH,
avec d'autres partenaires nationaux, on a travaillé longtemps sur le programme
de revenu de base, et c'est quelque chose qu'on avait souligné, là, dans les
dernières années. Donc, c'était une modification qui était attendue. Par
contre, on se questionnait à l'article 12 parce qu'il est indiqué que le
rapport médical est rédigé par le professionnel de la santé ou des services
sociaux. Et dans notre tête, un rapport médical, c'est rédigé par un médecin.
Donc on voulait quand même attirer votre attention, si c'est possible d'appeler
ça un rapport médical quand c'est fait par une autre personne qu'une personne
qui est membre, là, du Collège des médecins.
Parlant de terminologie, il y a un article
qui nous embête un peu, c'est l'article 20, parce qu'il comporte tellement
de termes. J'attire votre attention sur le fait que cet article-là édicte que
le programme vise également à inciter ces personnes à entreprendre ou à
poursuivre des démarches favorisant leur participation active à la société,
leur inclusion, leur participation sociale ou leur réintégration ou
réintégration en emploi. Alors, qu'est-ce qu'on entend par participation
active, par rapport à participation sociale? Qu'est-ce qu'on entend par
intégration, par rapport à inclusion? C'est des concepts qui auraient eu le
mérite d'être définis pour ne pas apporter confusion. Parce que, là, quand on
lit la phrase, on dirait qu'on a mis toutes les situations possibles. Et sans
les définir, bien, c'est ça, on risque d'avoir des confusions, là, sur ces
termes-là.
L'obligation de communiquer dans des
termes clairs et concis. Bien, écoutez, ça fait longtemps qu'on vous le dit,
hein, des lettres qui sont transmises par les ministères, qui ne sont pas
signées, qui sont mises dans des termes qui peuvent ressembler à des mises en
demeure, bien, c'est bien que ce soient des termes, maintenant, qu'on a
inscrits dans le projet de loi. Il s'agit de voir comment on va interpréter les
termes clairs et concis.
Maintenant, je passerais aux enjeux dont
on voulait vous entretenir. Et il y a un enjeu principal, là, qui nous... qui a
attiré notre attention, et c'est le remplacement des contraintes sévères à l'emploi
par des contraintes sévères de santé. Pour nous, c'est un recul sur la vision
gouvernementale de la participation sociale des personnes handicapées. Depuis
de nombreuses années au Québec, on a délaissé ce modèle exclusif du biomédical
pour considérer l'environnement physique et social de la personne par le modèle
conceptuel du processus de production du handicap. En 2009, une politique
gouvernementale a été adoptée, À part entière, dont l'assise était cette
conception renouvelée de la participation sociale. Donc, c'était pour nous un
grand pas en tant que société.
Maintenant, j'aimerais introduire notre
conseiller expert, M. Patrick Fougeyrollas. Là, on est chanceux aujourd'hui
parce que M. Fougeyrollas, c'est celui à qui on attribue la paternité du
modèle conceptuel du processus de production du handicap. Il fait partie
intégrante de l'évolution du Québec en matière de vision du handicap, et au
niveau international aussi. Et c'était vraiment la personne la mieux placée
pour venir vous expliquer pourquoi c'est un recul pour notre société de parler
de contrainte sévère de santé. Alors, je laisse la parole à M. Fougeyrollas.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Bonjour,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme la ministre, et tout le monde. Donc, la
question qui nous préoccupe véritablement, comme Mme Tremblay le dit, c'est
qu'on passe à nouveau d'un modèle qui vise... Quand on parle de contrainte
sévère à l'emploi, c'était dans l'intention, antérieurement, où on ne voulait
plus parler d'inaptitude au travail, parce que l'inaptitude au travail...
M. Fougeyrollas (Patrick) : ...c'est
d'attribuer à la personne la responsabilité de sa situation. On est donc arrivé
à la notion de contrainte sévère à l'emploi, qui visait à mettre l'accent sur
la relation entre les caractéristiques personnelles et les exigences de
l'emploi et les modalités de réalisation de cet emploi. Donc, de la même
manière qu'un handicap n'appartient pas à la personne, c'est pour ça qu'on
parle d'une situation de handicap, c'est la relation entre les
caractéristiques, les capacités de la personne et les conditions,
l'environnement qui va déterminer sa possibilité de participation sociale ou
ses situations de handicap, donc d'exclusion sociale.
Donc, en reprenant... en remplaçant
«contrainte sévère à l'emploi» par «contrainte de santé», on revient à mettre
l'accent sur la notion de santé, donc une caractéristique de la personne, et
vous... on refait peser la responsabilité de sa condition sur la personne et
non pas avec la relation avec son contexte et la production d'obstacles qui
vont l'amener à vivre ces situations d'exclusion.
Donc, c'est extrêmement important de
revenir à ça, parce que, quand on parle même de santé, les personnes qui ont
des déficiences n'ont pas obligatoirement des problèmes de santé. On peut avoir
une déficience physique, une déficience intellectuelle qui n'a pas
obligatoirement... qui ne provoque pas obligatoirement des problèmes de santé.
Une déficience organique n'est pas non plus une maladie, mais un état et n'est
donc pas une contrainte de santé. Mais, en mettant l'accent uniquement sur la
santé, on exclut justement que l'évaluation... et puis c'est des éléments très
positifs du projet de loi qui élargissent quand on... à une évaluation globale,
il faut prendre en compte, en plus des éléments personnels, les conditions
d'accès à l'emploi et les modalités pour y avoir accès. Et ça, ça doit faire
partie de l'évaluation.
Alors, très justement, on... au départ, la
préoccupation, c'était de sortir d'une approche diagnostique. La notion de
contrainte sévère à l'emploi était tout à fait adéquate, et c'est la notion de
contrainte qui devait être clarifiée tel que ça avait été dit dans le plan
d'action de lutte contre la pauvreté. Mais, au lieu de clarifier la notion de
contrainte comme étant une interaction, on revient à ramener cette notion de
santé, qui est une caractéristique de la personne et qui ne couvre pas toutes
les situations.
Donc, ça nous préoccupe énormément puisque
le ministère de l'Emploi et Solidarité sociale, comme tous les autres
ministères du gouvernement, a officiellement adopté le modèle conceptuel
MDH-PPH depuis son adhésion à la politique À part entière. Alors, je vous
remercie.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange, et je cède la
parole à Mme la ministre.
• (17 h 40) •
Mme Rouleau : Bien, merci
beaucoup, Mme Tremblay, M. Berger, M. Fougeyrollas. Merci pour vos
éclaircissements, évidemment, puis merci de votre... pour votre participation
aux travaux menant à la modernisation du régime d'assistance sociale, ce qui
n'a pas été fait depuis 20 ans dans son ensemble.
Je vais... Je vais revenir sur ce que vous
venez de dire, là, vos objections, est-ce qu'on passe de «contrainte à
l'emploi» vers «contrainte de santé». L'idée sous-jacente, c'est que la
contrainte à l'emploi, elle est axée sur la capacité de la personne à
travailler et ce qui peut l'empêcher de le faire. Et aujourd'hui, ce qu'on
constate avec les personnes qui sont dans le régime d'assistance sociale,
d'aide de dernier recours et d'assistance sociale en général, les personnes
sont plus éloignées du marché du travail, et on a constaté des... de réels
enjeux de santé, notamment la santé mentale et les enjeux psychosociaux. Et
c'est dans ce sens-là qu'on fait intervenir la contrainte qu'on appelle ça
maintenant «contrainte de santé», parce que les enjeux... les enjeux
psychosociaux, comme la dépendance ou les choses semblables, et la maladie
mentale ne faisaient pas partie...
Mme Rouleau : ...des... des
diagnostics, et, de plus, bien, on élargit la possibilité des diagnostics à des
professionnels de la santé, pas seulement que le médecin, qui, lui n'était pas
capable... lui ou elle... avait plus... plus de difficultés à déterminer ses
enjeux psychosociaux. Alors, c'est... c'est dans cette... dans cette optique-là
que les changements se font. Si vous avez des... quelque chose à nous proposer,
on pourra certainement l'analyser.
J'aimerais savoir, de votre part... On
parle beaucoup de... La loi prévoit de l'accompagnement pour les personnes.
C'est... On veut mieux accompagner et on veut alléger le programme, l'ensemble
des programmes. Quels seraient les éléments qui, selon vous, pourraient
contribuer à bien accompagner les personnes que vous défendez, les personnes
handicapées?
M. Berger (Pierre) : Mais,
peut-être, d'abord... je voudrais peut-être réagir à votre... à ce que vous
avez dit, là, concernant les gens qui ont des problèmes de santé mentale, par
exemple, ou d'autres problématiques. Le fait d'utiliser «contraintes sévères de
santé», on ramène ça encore à des caractéristiques individuelles de la
personne. Une personne handicapée qui a des difficultés à intégrer un emploi
parce qu'elle a des incapacités, et que les environnements ne sont pas adaptés
à sa situation, n'a pas nécessairement un problème de santé. Ça fait qu'il y a
un problème terminologique là, que... sur lequel on attire votre attention,
puis c'est cette terminologie-là qui est... qui peut être dommageable, parce
qu'en fait elle insère... elle infère une façon de concevoir les choses où on
fait reposer l'ensemble de la situation à l'individu. Je ne suis pas sûr que,
par rapport à l'objectif que vous poursuivez, c'est le bon terme à utiliser.
Mais je comprends que, quand on parle des
contraintes temporaires... Nous, on a ramené ça à des contraintes de santé. Ça
permettait d'exclure d'autres clientèles. Mais, même à ça, je pense qu'il y
aurait lieu de réfléchir là-dessus, parce que là on exclut aussi des situations
qui mériteraient peut-être un meilleur soutien financier. Notamment, quand on
pense aux parents d'enfants handicapés, il peut arriver des situations où il y
a un enfant qui est lourdement handicapé, et, malheureusement, la personne ne
sera pas disponible pour l'emploi. Donc, il y a ces conditions-là qui
mériteraient d'être regardées.
En ce qui concerne l'accompagnement, tout
à fait d'accord qu'un bon accompagnement c'est une question... c'est garant,
là, d'un processus d'insertion sociale, de soutien à l'insertion sociale.
Je ne sais pas si mes collègues voulaient
ajouter quelque chose?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien
là, vous nous ramènerez à l'ordre, Mme la ministre, mais on va quand même vous
reparler de notre enjeu principal, là, qui est la terminologie «contraintes
sévères de santé». Dans le fond, quand on avait la terminologie «contraintes
sévères en emploi», ça pouvait s'appliquer, à peu près, à toutes les
clientèles, qu'on parle d'itinérance, qu'on parle de santé mentale, qu'on parle
de personnes handicapées, qu'on parle de mères monoparentales. Dans le fond, ça
s'appliquait à tout le monde. Parce que l'objectif de la loi, c'est d'essayer de
sortir les gens de la pauvreté puis de les amener sur le marché du travail.
Donc, si elles ne travaillent pas, c'est qu'elles ont des contraintes sévères
pour ne pas travailler. Donc, on ne comprend pas pourquoi, dans ce projet de
loi, c'est ce terme qui a été utilisé, et on...
Je voudrais quand même insister sur
l'enjeu que c'est un recul pour notre société, parce que nous, longtemps,
longtemps, et il n'y a pas si longtemps, les personnes handicapées étaient
considérées comme des personnes inaptes au travail, et c'est par des travaux,
et par la création de l'Office des personnes handicapées, et de la première
loi, il y a 50 ans... Puis 50 ans, là, dans l'histoire d'un pays, là, ce n'est
quand même pas si grand, mais on a quand même évolué depuis tout ce temps-là.
Et M. Fougeyrollas, on est chanceux, il
est encore vivant, il est encore actif, même s'il est à sa retraite, et puis il
peut être avec nous, mais c'est quand même le père fondateur de ce... de ce
modèle conceptuel là, qui vient nous dire que le processus de production du
handicap, c'est l'environnement de la personne, au niveau social et au niveau
physique, qui la met dans une situation complexe, puis qui vient l'amener dans
des contraintes sévères en emploi. Alors là, on refait tout porter sur la personne.
Et si on a adopté la politique gouvernementale...
Mme Rouleau : C'est parce que
l'idée, l'idée, ce n'est pas de faire porter sur la personne, mais plutôt
d'être centré sur la personne, plutôt que sa capacité au travail, centré sur la
personne pour... pour adapter le meilleur accompagnement et les prestations qui
vont avec, parce qu'il y a les prestations qui vont avec cet... avec son état
de santé. Mais c'est d'être axé sur la personne, et pas de faire porter le
fardeau...
Mme Rouleau : ...à la
personne.
M. Fougeyrollas (Patrick) : ...
Mme Rouleau : Mais on peut
passer toute la période à discuter de ça ou avoir certains éclaircissements
sur... Parce que là, j'ai compris, là, ce que vous disiez. Je comprends votre
enjeu.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Mais
il faut prendre en compte, dans l'évaluation, le contexte environnemental. Et
ça, c'est fondamental. Si on ne le fait pas, c'est un grand recul.
Mme Rouleau : Et lorsqu'on
parle des enjeux psychosociaux, ça fait partie des... ça en fait partie, là, le
contexte environnemental.
M. Fougeyrollas (Patrick) : Mais
ce n'est pas... ce n'est pas explicite dans la... dans le mot «santé», hein? Le
mot «santé» nous ramène à l'individu et à ses caractéristiques, à sa maladie,
pas sa pathologie.
Mme Rouleau : D'accord.
J'aimerais... En fait, j'aimerais avoir... savoir si vous avez des exemples
d'inclusion. Tu sais, on parle évidemment d'insertion, on parle de
participation sociale, on veut éviter l'exclusion sociale, alors est-ce que,
dans vos... dans le travail que vous effectuez au quotidien, vous voyez de
beaux exemples d'inclusion qui peuvent... dont vous pourriez nous parler?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien
oui, on peut vous parler d'inclusion, d'intégration au travail par...
Mme Rouleau : En fait, des
pratiques qui sont. Avez-vous des pratiques à nous partager?
Mme Tremblay (Isabelle) : Des
pratiques? Bien, je pense que l'accompagnement est quelque chose de primordial
pour inclure les personnes soit dans des activités valorisantes ou au niveau de
l'emploi, préparer les personnes qui sont plus éloignées du marché du travail
pour justement les accompagner adéquatement, pour que... pour qu'elles puissent
pas non seulement intégrer le marché du travail mais se maintenir dans ce...
dans ce milieu de travail.
Mme Rouleau : O.K. Puis vous
avez... vous avez soulevé tantôt, là, il y a... il y a... il y a peut-être des
termes qui sont utilisés, on parle d'inclusion, on parle d'intégration. Quelle
distinction faites-vous entre l'inclusion et l'intégration?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Oui.
Je peux... Je peux, à ce moment-là, vous en parler, l'évolution des concepts.
Si on parle d'intégration à l'emploi, ce que ça veut dire, c'est qu'on amène
une personne à s'intégrer, c'est elle qui fait le processus de s'intégrer à
l'emploi, c'est une démarche de la personne, alors que la notion d'inclusion,
c'est une notion qui vise à transformer l'environnement. C'est-à-dire, si vous
adaptez votre environnement, s'il y a une transformation de l'entreprise, une
formation au niveau des acteurs impliqués dans l'emploi, des adaptations de
travail, des compensations, comme le CIT, par exemple, ça va venir permettre
d'adapter le contexte. Donc, la notion d'inclusion, on n'inclut pas les
personnes, c'est la société qui fait une transformation pour permettre de
correspondre à la diversité de sa population. Donc, c'est ça, les distinctions
importantes. L'intégration, c'est quelque chose qu'on veut faire faire aux
personnes, alors que l'inclusion, c'est une prise de conscience de la
responsabilité des acteurs, faire de... faire sa place et de mettre en place
les modalités qui permettent d'exercer un emploi pour cette personne, quelles
que soient ses caractéristiques.
Mme Rouleau : D'accord. M.
Berger, vous vouliez dire quelque chose tantôt?
M. Berger (Pierre) : Bien,
c'est en... c'est en lien avec votre question précédente. En fait, quand qu'on
parle de choses qui peuvent aider, parfois, les... Il y a quelque chose dans la
loi, là, qui... dans le projet de loi qui n'est pas très clair, là, à
l'article 25, là. C'est toute la question de... les gens qui sont
actuellement sur le programme de solidarité sociale. Quand qu'il va passer à
l'aide sociale, s'il participe à une mesure quelconque, vont-ils perdre leur
statut de personnes ayant des contraintes sévères à... bien, en tout cas, des
contraintes de santé sévères, selon la terminologie que vous utilisez? Est-ce qu'il
va perdre ce statut-là, qui permet d'avoir une allocation supplémentaire, et
être pénalisé éventuellement pour pouvoir intégrer le revenu de base? Ce n'est
pas très clair parce qu'on ne connaît pas...
• (17 h 50) •
Mme Rouleau : Non. Je peux
vous répondre tout de suite. Non.
M. Berger (Pierre) : O.K.Donc,
elle ne devrait pas perdre son statut, même si elle participe à des mesures.
Parce que, quand qu'on lit l'article, ce n'est pas clair. Mais...
M. Berger (Pierre) : ...merci
de me rassurer.
Mme Rouleau : D'accord. On
parle, dans le projet de loi, de réseaux régionaux d'accompagnement. Comment...
Quelles seraient les conditions gagnantes de ce réseau régional
d'accompagnement?
M. Berger (Pierre) : En fait,
quand on parle de la création de réseaux comme ça, c'est fort intéressant pour
pouvoir solutionner les problèmes que des personnes connaissent sur de
multiples facteurs. Donc, par exemple, si on vise une intégration en emploi,
donc, on peut se donner un plan en conséquence, mais il y a peut-être des
chances que le réseau de la santé et des services sociaux pourrait mettre à
contribution dans le processus. Donc, effectivement, la création de réseau, les
acteurs se parlent pour pouvoir accompagner une personne, c'est un gros plus,
parce qu'actuellement ça ne se produit pas toujours, où, par la Loi assurant
l'exercice des droits des personnes handicapées, la possibilité de faire faire
un plan de services via le PEHQ, mais je pense que c'est quand même intéressant
de pouvoir réseauter, effectivement, avec d'autres réseaux pour pouvoir mieux
répondre aux besoins, la diversité des besoins des personnes. Ça, je pense que
c'est un gros plus, là, que vous mettez là.
Mme Rouleau : D'accord. Et
quels éléments peuvent contribuer à une meilleure intégration pour les
personnes handicapées... important de retenir, de souligner pour une meilleure
intégration des personnes handicapées dans le cadre de cette... de
l'accompagnement et de l'objectif de les intégrer, là, de les amener vers
l'emploi et vers l'insertion sociale?
M. Berger (Pierre) : Bien, je
pense que la meilleure chose, ce serait d'intégrer plus de monde dans le revenu
de base parce que le revenu de base permet, offre une flexibilité qui est très
grande à la personne de pouvoir travailler à temps partiel, travailler,
contribuer selon ses capacités sans être pénalisé nécessairement. Donc,
peut-être que le choix qui a été fait de transférer les gens qui sont
présentement sur le programme de solidarité sociale vers le seul... en tout
cas, le Programme d'aide de dernier recours... peut-être qu'on aurait pu faire
le choix inverse, d'ouvrir davantage, d'élargir l'accès au Programme de revenu
de base. Je pense que ça répondrait à davantage de besoins de personnes
handicapées, surtout quand on parle de personnes lourdement handicapées qui se
qualifient pour le revenu de base. C'est un peu difficile, 66 semaines sur 72,
si la personne tente quelques expériences d'insertion en emploi, elle se
pénalise. Ce n'est pas quelque chose d'aidant, là. Il y a peut-être quelque
chose à repenser à ce niveau-là. Donc, je pense que, si on ouvrait davantage
sur le revenu de base, on aurait une meilleure meilleure réponse, là.
Mme Rouleau : O.K. Et est-ce
que favoriser des emplois temporaires ou à temps partiel peuvent inciter les
personnes à aller vers l'emploi, là, et à durer en emploi?
M. Berger (Pierre) : Bien,
chose certaine, c'est que ça leur permet de contribuer. Il y a des personnes
qui n'ont pas les capacités physiques pour tenir un emploi de longues heures.
Donc, pour eux, un temps partiel, ne serait-ce que cinq, six heures par
semaine, pourrait être quelque chose, une contribution qu'ils pourraient faire
à la société. Mais là ils ne peuvent pas vraiment le faire, dans les
circonstances, de la façon que les choses sont structurées, là. Ça fait que,
oui, il y a des possibilités de ce côté-là, mais il faut... il faut revoir les
programmes en conséquence, là.
Mme Rouleau : Et au programme
PASS, le Programme d'aide et d'accompagnement social, on élargit, on ajoute le
volet de participation sociale. Comment voyez-vous l'ajout de ce volet de
participation sociale?
M. Berger (Pierre) : C'est
clair que, pour une partie des personnes qu'on représente, c'est quelque chose
qui va répondre à des besoins puis c'est quand même intéressant que des personnes
qui ne sont pas en mesure de faire des activités productives puissent faire
autre chose aussi, qu'elles ne soient pas laissées pour compte. Et c'est
peut-être une façon, tranquillement, de pouvoir développer des habiletés puis
pouvoir aller un peu plus loin en termes d'intégration puis de participation
sociale.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : ...la présidente.
Merci de votre présentation. Et aussi on s'est croisés, lors des consultations
sur l'aide médicale à mourir, donc je vous remercie encore d'être les
défenseurs pour la population... que vous êtes.
Vous êtes certainement familiers avec les
CIT, les contrats d'intégration de travail, justement, qui permettent souvent à
des personnes avec un handicap d'intégrer le marché du travail. Il a récemment
été annoncé qu'il va y avoir une baisse de 5 % de la contribution du
gouvernement...
Mme Prass : ...pour les CIT.
Et justement ce qu'on parle, on parle ici de la population avec un handicap,
bien, c'est une mesure justement pour les intégrer... les aider à intégrer le
marché du travail. Et le but de ce projet de loi, c'est d'aller dans ce
sens-là. Donc, est-ce que vous ne voyez pas une contradiction entre ce que ce
projet de loi propose, pour intégrer les gens au travail, et une coupure de
5 % dans les CIT, qui fera en sorte que les employeurs vont être
peut-être... auront moins appétit, justement, d'engager des personnes qui
vivent avec un handicap.
M. Berger (Pierre) : Bon, on
sait de quelle façon sont structurés les programmes d'emploi où ils pigent dans
un fonds du marché du travail. Moi, je trouve ça... Jamais il ne me serait
passé à l'esprit de fournir une aide à une personne qui a, par exemple, une
déficience physique. On va lui donner un fauteuil roulant avec une seule roue,
ça aurait été t impensable. Couper les contrats d'intégration au travail, c'est
comme couper une partie de l'aide, la compensation, finalement, pour la partie
non compétitive du travailleur, on lui enlève ça, donc, ses chances de maintien
en emploi sont nécessairement affectées. Oui, il y a eu des coupures du côté
fédéral, on peut comprendre, mais je pense qu'on a fait des représentations
auprès d'Emploi Québec, pour essayer de renverser ça. Moi, je pense qu'il va
falloir trouver une façon de revenir à l'originalité du programme, parce que le
Québec est en avance là-dessus.
Maintenant, en lien avec la loi, c'est
comme si on réduisait un soutien que les personnes ont besoin pour pouvoir
contribuer. Donc, ce n'est pas une aide à l'accompagnement, c'est clair.
Mme Prass : Et...
Mme Tremblay (Isabelle) : Peut-être
compléter là-dessus, excusez-moi.
Mme Prass : Non, je vous en
prie, allez-y.
Mme Tremblay (Isabelle) : Bon,
on a quand même réagi fortement, plusieurs organisations cet été, quand on a
appris la nouvelle de la coupure de tous les CIT de 5 %, parce que le CIT,
ce n'est pas une subvention salariale, et on l'a entendu par plusieurs personnes
que c'était une subvention salariale. On a ramené à l'ordre quand même. Parce
que, nous, on est des anciens, hein, ça fait longtemps qu'on est là. Moi, ça
fait 25 ans que je dirige l'AQRIPH. Patrick et Pierre sont des anciens aussi,
alors on a vu notre société évoluer. Et, quand on voit qu'il y a des brèches
comme ça qui sont faites dans nos programmes, et le CIT est un excellent
programme pour l'intégration au travail, bien, on réagit fortement et c'est ce
qu'on a fait cet été avec d'autres organisations.
Hier, on était en rencontre avec la
ministre Kateri Jourdain Champagne, et puis on lui a dit aussi que ça avait
fait mal, cette brèche de 5 % dans les contrats, et qu'il fallait vraiment
préserver le CIT qui est un excellent programme, et puis on a été bien
entendus. Et, au fédéral, ce qu'on nous répond, c'est que ce n'est pas une
coupure, hein, c'était des sommes qui avaient été ajoutées pour une certaine
période et puis qu'eux, ils ne peuvent rien faire, parce que ce que c'est le
Québec qui a décidé où est-ce qu'il amputait les montants pour faire face à ce
manque de financement. Mais il va falloir qu'on préserve nos programmes qui
fonctionnent superbien, là, comme, entre autres, le revenu de base qui est
censé avoir une fin aussi, le CIT. Donc, c'est effectivement une brèche
importante, là, qu'on a soulevée cet été dans le programme.
M. Berger (Pierre) : J'ajouterais
peut-être une chose aussi, c'est que de la façon que ça fonctionne, la façon
que les programmes sont structurés, malheureusement, on ne peut pas transformer
une mesure passive en une mesure active. Écoutez, une personne qui vit... des
contraintes sévères à l'emploi, par exemple, reçoit, je ne me souviens plus le
montant exact, mais si on transformait cet argent-là en contrat d'intégration
au travail, probablement qu'il y a beaucoup plus de personnes qui pourraient
intégrer. Mais ces budgets-là ne se transfèrent pas, comme des cloisons. Et ça,
ce genre de fonctionnement là n'est pas de nature à aider. Au fond, ce serait
intéressant qu'éventuellement on puisse penser à des transferts budgétaires. On
fait une économie à l'aide sociale, bien, pour des contrats d'intégration au
travail. Parce qu'un contrat d'intégration au travail, c'est une économie à
l'aide sociale. Donc, il faudrait pouvoir transférer ces sommes-là pour
financer le fonds du marché du travail, en ce qui a trait aux contrats
d'intégration au travail.
• (18 heures) •
Mme Prass : Parce que, tel
que vous l'avez mentionné, c'est un levier important, parce que, déjà, les
employeurs, malheureusement, sont un petit peu frileux quand vient le temps
d'engager une personne vivant avec un handicap. Et, justement, il y a la
question d'accessibilité. Par exemple, si on a une mobilité réduite, on est en
chaise roulante. Il faut quand même que l'employeur soit prêt à rendre le lieu
accessible. Puis on se comprend que c'est surtout des PME qui n'ont pas
nécessairement les moyens de le faire, qui n'ont pas nécessairement des gens,
en ressources humaines, qui sont là pour les guider, etc. Donc, il faut
vraiment qu'on offre un avantage aux employeurs, parce que c'est...
18 h (version non révisée)
Mme Prass : ...ce n'est pas
leur première... ils ne sont pas nécessairement ouverts à ces réalités-là, mais
il faut les encourager de le faire. Et justement, dans la question de l'accompagnement
encore, avec une population vivant avec un handicap, est-ce que vous pensez que
ces personnes-là devraient recevoir une formation justement pour bien
comprendre la réalité des personnes qui vont accompagner, des besoins qu'ils
auront et la durée de l'accompagnement? Parce que ce qu'on entend aussi
beaucoup, et comme vous l'avez mentionné, tu sais, on peut intégrer un emploi
quelques semaines, ça a l'air de bien aller, mais après quelques mois, ça ne
fonctionne plus, raisons physiques, quoi que ce soit. Donc, deux questions.
Pensez-vous qu'il devrait y avoir une formation pour les... pour ceux qui vont
accompagner les personnes vivant avec un handicap? Et de combien est-ce que
vous pensez la durée de cet accompagnement devrait durer?
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
je pense que la formation, c'est essentiel, hein? On la réclame aussi dans le
réseau de la santé. On la réclame pour ceux qui conduisent les véhicules de
transport adapté. Donc, pour travailler avec une clientèle qui est une
clientèle de personnes handicapées, évidemment qu'il faut avoir certaines formations.
Moi, j'ai entendu, vous devez bien vous imaginer, au cours des dernières
années, des histoires un peu d'horreur, là, à l'effet que, bon, bien, c'est une
personne handicapée, elle ne devrait pas être ici toute seule dans mon bureau,
elle devrait être en appartement. On devrait la visiter chez elle. Donc,
effectivement, est-ce que tous nos gens sont bien formés pour accompagner des
personnes qui ont une déficience intellectuelle à intégrer le marché de l'emploi?
On n'aura jamais trop de formation, là. Et puis, vous savez, on collabore
beaucoup à tout ce qui peut s'instaurer comme mesure de formation. Puis on le
demande aussi dans les cursus universitaires, de former vraiment les futurs
travailleurs à la réalité, là, des personnes handicapées.
Combien devrait durer l'accompagnement des
personnes? Bien, ça dépend de la personne, des besoins de la personne, mais ça
peut être une semaine pour une personne, puis ça peut être quatre mois pour une
autre personne, là, ça dépend. Puis, tu sais, quand on parle des obstacles, la
personne qui va accompagner, ça va dépendre de la nature des obstacles
rencontrés par la personne handicapée, parce qu'il n'y a pas juste tous les
préjugés envers l'employeur ou envers les autres employés, mais la personne
handicapée peut faire face aussi à des obstacles liés à son soutien à domicile.
Si elle a besoin de quelqu'un pour se lever le matin puis que la personne
arrive trois quarts d'heure en retard ou ne se présente pas, bien, on a une
problématique. La même chose si la personne a en plus besoin de transport
adapté pour se rendre à son travail, s'il n'y a pas ce service de transport
adapté là, bien, ça fait encore un autre obstacle à son intégration. Donc, ça
va dépendre vraiment de la situation particulière de la personne puis de ses
besoins pour déterminer la durée de l'accompagnement.
Mme Prass : Parce que, ce que
j'entends aussi sur le terrain, c'est plusieurs personnes issues de populations
vivant avec un handicap qui ont une crainte que, s'ils intègrent un travail
puis ça ne fonctionne pas après quelques semaines, après quelques mois, bien
là, ils vont se retrouver à devoir tout recommencer avec pas de revenu. Donc,
on sait malheureusement qu'il y a de la discrimination puis il y a des préjugés
justement de la part des employeurs. Donc, est-ce qu'il y aurait une façon de
mettre quelque chose en place pour... en prenant en considération la situation
de la personne, que si jamais l'emploi ne fonctionne pas pour des raisons de
santé ou quoi que ce soit, qu'il y ait un mécanisme quand même pour pouvoir les
rattraper avant qu'ils se retrouvent à devoir tout recommencer.
Mme Tremblay (Isabelle) : Bien,
c'est là que l'accompagnement devient superimportant. Parce que si on a un
intervenant qui connaît la personne, qui connaît le réseau... tantôt, on
parlait de projets interministériels ou interrégionaux, quand un intervenant
pivot, là, qu'on appelle dans le réseau de la santé connaît la personne, connaît
les employeurs, connaît la famille, connaît les réalités des personnes, bien, c'est
plus facile après ça de dire : O.K., cet employeur-là, je pense que ça ne
fonctionnera pas pour telle ou telle affaire. Admettons que c'est des chiffres
de nuit, bien là, ce sera facile à dire : Toi, tu peux le faire ou toi, tu
ne peux pas le faire. Donc, c'est important que la personne soit connue pour ne
pas qu'elle recommence aussi tout le temps son histoire à chaque fois. Parce
que ça, ça peut être vraiment des freins à son intégration. Parce qu'à chaque
fois on va la mettre en situation d'échec, ça ne pourra pas fonctionner parce
qu'on ne la connaît pas, on a mal évalué ses besoins, on ne savait pas que ça,
elle ne pouvait pas le faire ou, etc. Donc, c'est important.
M. Berger (Pierre) : J'ajouterais
peut-être une chose. Si on orientait davantage les gens vers le revenu de base,
ce problème n'existerait pas. Ça fait qu'au fond, il y a une question d'ouverture,
de bonification du revenu de base. On a peut-être... tant qu'à réformer la Loi
de la de l'aide sociale, il aurait été intéressant qu'on élargisse cet accès-là
parce que ça répond... ça répondrait mieux aux besoins de plusieurs personnes
handicapées.
Mme Prass : Et parmi d'autres,
il y en avait plusieurs, mais parmi d'autres, vous mentionnez également...
Mme Prass : ...le retrait des
parents d'enfants handicapés pour les contraintes temporaires... ça pourrait
sembler évident quand on entend ça, mais est-ce que vous pouvez élaborer
vraiment l'effet négatif que ça pourrait avoir, pas seulement sur les parents,
mais ces enfants également.
M. Berger (Pierre) : Bien,
c'est parce qu'on appauvrit des parents qui se ramassent dans une situation
quasi impossible. Puis il y a des personnes, des enfants handicapés qui demandent
tellement de soins que, pour le parent, ça... il n'est pas... il n'est pas en
mesure d'aller travailler parce qu'il faut qu'il... il faut que quelqu'un
réponde aux besoins de cette personne-là. Donc, il y a des contextes comme ça
que je pense qu'il faut préserver la contrainte temporaire là-dessus, là.
Mme Prass : Et dans la...
Allez-y.
M. Berger (Pierre) : Et là on
la... Et là, présentement, je pense qu'on la garde uniquement pour ceux qui
sont déjà dessus, mais pour les prochaines, ça n'existera plus.
Mme Tremblay (Isabelle) : Puis
est-ce que c'était vraiment une économie? Parce que je ne pense pas qu'il y
avait des milliers de parents qui abandonnaient aussi leur emploi de manière
temporaire, là, pour s'occuper de leur enfant. Puis il faut penser aux impacts
économiques puis aux impacts aussi sur toute la famille, la fratrie, l'autre
conjoint, s'il y en a un, avec le poids financier que ça peut faire, la perte
d'un emploi. Donc, c'était quand même une mesure temporaire, là, pour les familles,
mais qui pouvait être quand même très aidante pour la période dont... quand
elles en avaient besoin, là.
La Présidente (Mme D'Amours) : 20 secondes.
Mme Prass : 20 secondes?
Donc, merci beaucoup pour votre contribution. Puis on espère que vos
recommandations seront prises en considération. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Maintenant, je cède la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je vais revenir sur la discussion que vous avez eue tout à l'heure
concernant le choix de vocabulaire. Je me souviens qu'on a discuté beaucoup de
ça quand on discutait de l'aide à... l'aide médicale à mourir, la notion de
handicap, notamment. Vous avez raison de nous rappeler à l'ordre là-dessus. Ce
n'est pas la caractéristique de la personne qui constitue un handicap, c'est le
milieu social dans lequel elle évolue. C'est la société finalement qui crée ce
handicap-là. Je veux tester peut-être des formulations avec vous pour qu'on
trouve une solution sur comment utiliser les bons mots pour, finalement, pour
atteindre les objectifs.
Mme Tremblay (Isabelle) : Profitez-en,
vous avez notre expert avec nous, là. Donc...
Mme Labrie : Oui. Bien, c'est
ça. Au lieu de parler de contraintes de santé, si on parlait plutôt de
contrainte psychologique, sociale ou de santé, ou encore si on disait
contrainte au maintien en emploi à temps plein, est-ce que c'est des
formulations qui seraient davantage le reflet, là, de l'objectif du projet de
loi, mais aussi de la préoccupation que vous soulevez ou peut-être d'autres
idées que vous auriez, là?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Je
pense qu'il faut ajouter, justement, les dimensions sociales à la notion de
contraintes psychosociales et environnementales, hein, c'est la notion vraiment
environnementale qu'il faudrait préciser pour s'assurer qu'on ne retienne
pas... Parce que même quand on parle de psychosocial, on parle des
caractéristiques de la personne. Alors, c'est important parce que... Mais par
contre, le fait d'ajouter la notion psychosociale, ça permet de ne pas juste
considérer, par exemple, les déficiences ou les incapacités, mais les
caractéristiques identitaires de cette personne. Parce que quand on parle du
modèle de production du handicap, il faut aussi tenir compte des
caractéristiques identitaires de la personne. Donc, en ajoutant cet élément-là
de caractéristique psychosociale et environnementale, d'ailleurs, c'est tout ce
qui... Bon, on pourrait dire social, mais est-ce que ça va être bien compris?
Je pense que le parler environnemental, ce serait positif.
Mme Labrie : Bien, je me
questionne, moi, si environnemental serait bien compris par tout le monde. Par
contre, tu sais, si on parle de contrainte sociale par exemple, est-ce que,
pour vous, ça englobe une situation d'une personne qui pourrait peut-être
travailler, mais comme elle n'a pas accès, dans sa région, à du transport
adapté, c'est ça qui l'empêche finalement d'intégrer le marché du travail?
Est-ce que, pour vous, ça pourrait être inclus dans contraintes sociales?
M. Fougeyrollas (Patrick) : Contraintes
sociales dans ce sens-là, tout à fait, mais il faut que ce soit explicite, ce
soit défini.
Mme Labrie : Donc, ça, ce
serait des... le genre de formulation qui permettrait de régler l'enjeu que
vous soulevez.
• (18 h 10) •
Mme Tremblay (Isabelle) : Puis
vous savez, ce n'est pas un débat de sémantique, hein, c'est vraiment un enjeu
crucial, là. Le Québec a évolué avec cette contribution là du modèle conceptuel
de processus de production du handicap et de revenir sur la santé, puis c'est
pour ça qu'on voulait insister sur cet enjeu-là. C'est vraiment un recul, là,
pour notre société. Mettez-vous à la place, là, d'une personne où, pendant des
années, on lui a dit : Tu es une personne inapte au travail.
Maintenant : O.K., regarde, on va regarder ton environnement, tu es une
personne qui a des contraintes sévères en emploi. Pourquoi le changer ce mot-là
pour...
Mme Tremblay (Isabelle) : ...c'est
quoi la plus-value, là, de changer ce terme-là? Bon, O.K., peut-être qu'il y
aurait d'autres manières de le dire, mais il ne faut surtout pas rattacher ça
uniquement à la santé. Une personne handicapée n'est pas une personne qui est
malade, c'est un état, donc elle peut avoir des maladies comme tout le monde,
mais son statut, c'est sa condition, c'est un état. Donc, il ne faut pas...
C'est un débat de sémantique plus probablement que... bon, l'office des...
handicapées n'est pas ou n'a pas été convoqué, mais je sais qu'ils vont faire
un mémoire puis je suis à peu près convaincu que l'office va vous dire :
Eh non, il faut revenir au processus de protection du handicap et puis il ne
faut pas utiliser ce terme de contrainte sévère de santé. C'est un recul pour le
gouvernement. Puis c'est une politique gouvernementale adoptée par tous, là. On
est tannant, on insiste, là, mais ça en prend, des tannants, dans la société.
Mme Labrie : Si on changeait
le vocabulaire...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je suis vraiment désolée. Le temps étant écoulé, Mme Tremblay,
M. Berger, M. Fougeyrollas, merci de votre contribution à la
commission.
Donc, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain, le jeudi 10 octobre, après les avis touchant les
travaux des commissions, où elle poursuivra son mandat. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 13)