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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, October 9, 2024 - Vol. 47 N° 70

Special consultations and public hearings on Bill 71, An Act to improve support for persons and to simplify the social assistance regime


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures quatorze minutes)

La Présidente (Mme D'Amours) : Alors, bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Dufour (Abitibi-Est) est remplacé par Mme Blais (Abitibi-Ouest); Mme Tremblay (Hull) est remplacée par Mme Poulet (Laporte); Mme Dufour (Mille-Îles) est remplacée par Mme Prass (D'Arcy-McGee); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Nous entendrons ce matin les témoins suivants, soit Renaissance Québec et la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Je souhaite maintenant la bienvenue à Renaissance Québec. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. St-Arnaud (Éric) : Bonjour. Mon nom, c'est Éric St-Arnaud, directeur général pour Renaissance Québec, et je vous présente Guillaume Rousseau qui est conseiller aux affaires publiques pour Renaissance Québec.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, merci de l'invitation, monsieur, madame, pour la Commission de l'économie et du travail. Je me suis présenté, je travaille pour Renaissance Québec. C'est... Personnellement, c'est... c'est intimidant de venir vous voir parce que je fais partie de la classe ouvrière. Premier diplômé, j'ai fait un programme d'insertion il y a 32 ans et je réussis aujourd'hui à être diplômé. Donc, je tiens à cœur ce que je fais comme travail énormément. Je tiens à le dire, là, ça me permet de me déstresser en vous parlant. Donc, je viens de la ville de Québec aussi. Donc... Et c'est la première fois que je dis que j'ai fait un parcours d'insertion. Donc, Renaissance Québec, c'est quoi? C'est une organisation qui a été créée à Montréal...

M. St-Arnaud (Éric) : ...Montréal. On est à peu près 1 500 employés. On est dans la moitié des régions administratives de la province de Québec. On soutient à peu près 3 000 personnes à intégrer le marché du travail dans la province de Québec par année. On est un partenaire avec Services Québec de longue date et on autofinance plusieurs de nos programmes. Mais on n'est pas juste social, on est aussi environnemental. Le deuxième volet de Renaissance, c'est de dévier des sites d'enfouissement, là. On a dévié l'année dernière 27 000 tonnes des sites d'enfouissement puis on se dirige sur un 50 000 tonnes. Et notre but, ça serait d'aider un autre 10 000 personnes par année d'ici 2030‑2031 à intégrer le marché du travail.

Donc, le projet de loi, pour moi, no° 71, qui marque des changements importants dans le système d'assistance sociale du Québec, propose des réformes structurelles qui répondent à certains des enjeux de longue date auxquels les prestataires d'aide sociale sont confrontés, tout en introduisant des mesures visant à mieux soutenir leur réintégration socioéconomique. Certaines de ces réformes sont particulièrement prometteuses. Par exemple, la révision des définitions légales pour les fausses déclarations, ça permet de, bien, au lieu de pénaliser injustement certains groupes de prestataires, est un pas dans la bonne direction.

Ou encore le fait d'exclure les proches aidants avec une personne prestataire, la définition de conjoint est essentielle car elle met fin à des situations inéquitables à l'aide offerte pour les proches aidants naturels qui résulte dans une réduction des prestations pour le ménage. Il en est de même pour les exclusions des contributions parentales pour les jeunes adultes ne vivant plus avec leurs parents. Ça vient vraiment aider la réalité économique de ces jeunes et peut-être les propulser vers l'emploi par la suite.

Un autre point positif dans le projet de loi est l'ajout du supplément de prestation pour encourager le retour aux études. On sait que les études, c'est important de ne pas retourner au DAS. Ce soutien supplémentaire encourage les bénéficiaires à améliorer leurs qualifications et acquérir des compétences nécessaires. Moi, j'appelle ça un peu la mobilisation. C'est commencer par une mobilisation. Bien, s'ils veulent retourner à la DAS, c'est très bien. Puis on le sait, souvent, c'est l'argent qui bloque. Donc, ça peut être un élément structurant pour venir aider.

Cependant, ces initiatives sont bien louables, mais elles doivent être complétées par d'autres ajustements au projet de loi pour maximiser leur impact. Nous croyons fermement qu'il y a des mesures additionnelles qui doivent être mises en place pour s'assurer que chaque prestataire ait accès à un accompagnement réellement personnalisé et qu'il puisse progresser selon son propre rythme. Je pense qu'il faut sortir du carcan et d'aller vraiment sur un programme personnalisé. Nous sommes tous différents, puis on peut aider ces personnes.

Un élément central du projet de loi est la création d'un réseau régional d'accompagnement qui aura pour mission de superviser et d'accompagner les prestataires pour la mise en œuvre d'un plan de programme individualisé. Et si derrière... derrière cette... l'intention derrière cette mesure est positive, bien, on exprime certaines réserves sur le comment, comment elle va être mise en œuvre, pour être certain de ne pas... de ne pas le faire contre les réseaux qui existent présentement, mais comment on peut s'appuyer pour faire un ajout supplémentaire. Donc, on veut être certain que ce nouveau réseau ne vienne pas substituer, mais vienne collaborer avec les réseaux existants.

Bien, Renaissance fait partie du collectif, mais il y a d'autres réseaux d'employabilité qui existent. Il y a les forums régionaux qui existent avec Services Québec. Mais comment on peut faire en sorte que ça vient... C'est un ajout, mais ça ne vient pas... un ajout supplémentaire, mais de travailler en cohésion, mais pas ajouter un plateau supplémentaire.

Ça fait qu'on recommande donc que l'article 18 sur le projet de loi soit amendé pour y inclure de façon formelle des entreprises d'insertion dans les membres des réseaux d'accompagnement. L'introduction... Le deuxième élément, l'introduction du supplément de prestation pour le retour aux études, super note positive. Nous, on ajouterait les D.E.P. puis les CFMS, les certificats de... de certification de semi-spécialisé, parce que ce n'est pas vrai que tout le monde veut retourner faire son secondaire V. Et en même temps il y a des gens qui veulent aller dans des métiers spécialisés la mécanique, l'hôtellerie, les services. Et on le sait qu'aujourd'hui il y a des besoins criants qui vont être là pour les 10, 15 prochaines années.

• (11 h 20) •

Comment on peut faire les deux... deux choses en même temps, aider les gens à pouvoir aller à l'école dans des domaines... Vous le savez un D.E.P., on peut aller le faire en secondaire II. Si on a quitté le secondaire puis si on revient faire le secondaire, c'est une bonne chose au point de vue de l'État, au point de vue, dire, bien, on a atteint un niveau de secondaire V. Mais comment on peut individuellement aider ces gens-là? En laissant peut-être un programme. Donc, les inclure pourrait vraiment maximiser, puis faire une pierre deux coups, aider le marché du travail, mais aider vraiment chacune des personnes dans des métiers qui sont très intéressants, hein, il faut le dire.

En plus des modifications qu'on recommande au projet de loi, d'autres mesures réglementaires et extraréglementaires sont nécessaires afin d'assurer le meilleur accompagnement. Donc, par exemple, l'enjeu crucial abordé par la révision du montant du revenu d'emploi qui peut être exempté des prestations sans affecter le calcul de l'aide sociale, exactement, présentement, il est 200 $ par personne. Par ménage, il est 300 $. Il n'a pas été ajusté depuis 1990. Donc, on met... on est vraiment... On salue, là, le plan d'action du gouvernemental de la lutte...

M. St-Arnaud (Éric) : ...de 2024 à 2029, qui dit que le 10 % est exempté. Mais on croit qu'en même temps il faudrait revoir le montant de 200 $. Je le sais que ce n'est pas dans le projet de loi, mais c'est probablement dans les règlements, mais de prendre en note, je pense, ce serait intéressant parce que c'est vraiment l'argent qui peut bloquer, des fois. Parce que, vous savez, juste acheter l'autobus, bien, si on n'est pas capables, bien, l'argent, quand on le coupe immédiatement, ça peut être difficile. Donc, comment on peut inclure les gens pour qu'ils aient leur place au soleil, ça peut être des éléments supplémentaires au point de vue de l'évolution du coût de la vie. Donc on recommande de prendre l'évolution du coût de la vie des 30 dernières années pour voir ce qu'on peut ajouter dans le deuxième.

Puis, en fait, on recommande de bonifier les ententes prévues aux entreprises d'insertion ou les organisations pour des montants spécifiques pour soutenir les prestataires face aux difficultés qu'ils peuvent vivre dans leur participation à un programme d'insertion. Présentement, les programmes sont souvent cartonnés, mais ils ne sont pas pensés individuels. Puis il est difficile parfois de faire un programme individualisé. Ça fait que je salue le projet de loi qui veut davantage aller vers des programmes individualisés, ce qui devrait aider davantage d'individus, surtout les gens qui ont des grandes difficultés ou plusieurs pathologies additionnées ensemble.

Bien, un autre élément, c'est, bien qu'il soit possible pour les prestataires de se faire rembourser des frais de transport en commun qui est souvent géré présentement par l'État, bien, on préfère... Puis il est difficile pour eux d'avancer l'argent avant de payer. Ça fait qu'on dit : Bien, pourquoi les organismes qui travaillent en employabilité ne pourraient pas gérer cette portion monétaire?

Ça fait qu'en conclusion le projet de loi n° 71 ne réglera pas tout, il n'est pas parfait, mais il a un potentiel de transformer positivement le système d'assistance sociale du Québec. Ça fait longtemps qu'il n'a pas été revisité. Je vous félicite de le faire. Il... cependant des ajustements ciblés pour maximiser son impact et créer un cadre d'impact plus inclusif, flexible et résilient, et je mets le mot «flexible et résilient». Chacun des individus a le droit à sa place au soleil. Et, si on pouvait aider chacun, il est clair que le Québec en bénéficierait. Mais il faut vraiment travailler avec ces individus-là. Ils ont le droit à leur place. Puis ils ont perdu confiance en notre système et ils ont perdu confiance en l'autorité, souvent. Comment leur redonner confiance, bien, il faut travailler avec eux. Puis, des fois, bien, ça ne se fait pas en deux semaines, puis ça se fait, des fois, pas en six mois, c'est comment on le fait avec chacun des individus. J'ai vraiment confiance qu'on peut aider plus... un plus grand nombre d'individus.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir permis la parole.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. St-Arnaud, merci beaucoup pour votre exposé. C'est comme si vous aviez toujours fait ça. Soyez sans crainte, vous pouvez revenir à toutes les commissions qui toucheront votre dossier. Maintenant, nous sommes prêts à commencer les échanges. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et merci beaucoup, M. St-Arnaud. M. Rousseau. Bienvenue. Et vraiment, merci de collaborer à cette commission qui nous permet de moderniser les régimes d'assistance sociale, qui n'a... ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans, comme vous l'avez si bien mentionné. Puis bravo pour votre parcours et avoir tout le courage de le dire. Merci parce que c'est exactement ça qu'on veut. Je ne connais pas toute votre histoire, là, mais l'objectif de cette modernisation, c'est d'accompagner les gens, des gens qui sont éloignés du marché du travail et de les ramener, de les insérer, procéder à l'insertion sociale, participation sociale, éventuellement, en emploi. On agit de différentes façons, là, évidemment, l'accompagnement, la formation. Et puis c'est ça que vous... c'est ce que je comprends, vous êtes allés en insertion, formation, puis atteignez ce... enfin, vous êtes devenu une personne extrêmement importante dans le milieu, je le sais.

J'aimerais savoir quelles sont les plus grandes embûches qu'une personne, là, puis là, on parle des prestataires de l'aide sociale, parce que c'est... c'est le régime d'aide sociale, quels sont les plus grands... les plus grandes embûches qu'une personne peut rencontrer pour la réinsertion et pour aller en emploi, et même pour la formation? Puisqu'on a un volet formation, là, qu'on met en place aussi... que nous souhaitons mettre en place.

M. St-Arnaud (Éric) : C'est une excellente question. Je vous dirais... Je vais vous donner l'exemple. C'est... Je compare beaucoup l'employabilité à la dépendance. Et, dans le système de santé, on parle beaucoup de problématique de porte tournante, des gens qui ont une dépendance à la toxicomanie ou une dépendance. L'employabilité, pour moi, c'est un peu la même chose. C'est que, si on ne prend pas la personne puis on ne prend pas le temps...

M. St-Arnaud (Éric) : ...de le servir correctement, il va tourner dans tous les programmes qu'on a puis il ne trouvera sa place au soleil. Puis je trouve que c'est un... je sais que ce n'est pas la même problématique, mais, pour moi, c'est... ça reste un être humain. Donc, la première chose, c'est les embûches quand on sort de l'aide sociale ou qu'on veut s'en sortir.

J'ai rencontré une femme, voilà deux ans, que j'ai été visiter dans Hochelaga-Maisonneuve, et elle avait 11 enfants, elle n'avait jamais pris l'autobus de sa vie, jamais pris le métro de sa vie puis jamais sorti de son patelin, qui est Hochelaga-Maisonneuve, où ce que j'habite, et elle n'avait jamais sorti de là. Donc, pour elle, juste de se dire qu'il faut je me transporte pour aller à quelque part... On ne parle pas de l'argent de la garderie, on ne parle pas des enfants, la conciliation. Ça fait que, là, il y avait... il y a le transport.

Là, après ça, quand on arrive au travail, ils vivent... ils vivent déjà de la stigmatisation. Donc, il faut souvent y aller par progression, dans certains cas. Les programmes ont toujours été, dans le passé, dire : Bien, tu rentres à 35 heures, puis ça finit là, mais, en fait, ce n'est pas tout le monde qui a la capacité de commencer. Moi, j'appelle ça la mobilisation. Au début, il faut travailler avec la personne, sa mobilisation. Rentrer au travail, après la première journée, là, bien, une femme enceinte qui a arrêté de travailler un an, elle revient au travail, la première journée elle est brûlée. Ça fait qu'imaginez quelqu'un qui n'a pas travaillé pendant six ans puis qui a de la misère à accepter un employeur. Donc, juste travailler, c'est déjà quelque chose.

La nourriture, de se faire un lunch, déjà qu'on a de la misère à avoir de l'argent pour... Tu sais, nous, on a... Renaissance été fondée par le fondateur de Moisson Montréal. On a une belle entente avec Moisson, ça fait qu'on réussit à avoir de la nourriture, puis on fait des boîtes pour les gens pour qu'ils puissent se faire des lunchs. Mais les gens qui arrivent pas de lunch, c'est très fréquent, là, la première semaine.

Donc, imaginez, il faut que vous achetiez les billets d'autobus, vous allez faire vous rembourser plus tard. Là, après ça, il faut que vous ayez un lunch. Et là il y a toute la... l'acceptation de l'autorité, que j'appelle, moi. C'est qu'en fait ils ont perdu... ils ont perdu confiance en l'autorité paternelle et maternelle souvent, et après ça ils ont perdu confiance en l'État. Donc, comment on reprend confiance tranquillement? Et ça, ça se fait par pas.

Ça fait qu'il y a le transport, il y a la nourriture. Donc, c'est pour ça que le 200 $, quand on commence à couper immédiatement, ce n'est pas... ce n'est pas simple, là. Là, c'est sûr que, quand ils embarquent dans le parcours d'insertion, c'est plus simple parce qu'il y a un revenu dès le départ, mais ils ne sont pas là tout le temps, là. Ça fait que, là, ils se font couper parce qu'ils ne peuvent pas faire 35 heures. Il y a des embûches. Là, après ça, je vous ajouterais, il y a la santé mentale, il y a les enfants. Il y a beaucoup de monoparentales. Donc, il y a plusieurs embûches qu'il faut traverser avec ces personnes-là. Il faut...

Les organisations comme les nôtres, on travaille avec un écosystème complet, puis ça... C'est pour ça que je trouvais que le réseau était un élément central qui pourrait permettre d'aider la création de l'écosystème où ce qu'on pitche, excusez l'expression, la personne à dire : Bien, va te trouver ta nourriture, va te trouver ton logement, mais qu'il y ait une cohésion dans la communication. C'est ce que je trouve qui est manquant au Québec, et probablement bien ailleurs, c'est... il y a des filets qu'il y a des trous, puis la personne, elle tombe dans la craque parce qu'il faut qu'elle change de programme, puis là... mais cette personne-là, elle n'est pas... elle n'est pas dans la compréhension que nous... dans les programmes. Ça fait que c'est : comment on peut travailler en cohésion, parce que chacun, on a des expertises, puis ça ne sert à rien d'être... de devenir une épicerie avec toutes les expertises, mais comment on travaille pour créer un chaînon complet puis qu'on soit capable de travailler en cohésion.

• (11 h 30) •

Ça fait que les mutualisations de services pour aider les gens seraient... c'est des outils supplémentaires, surtout pour les éléments de base. Parce que, quand on sort des prestations, on est dans la base, on est vraiment dans la base. C'est... Quand vous avez quelqu'un qui vous dit qu'elle, ce qu'elle voit dans son frigidaire, c'est la lumière du frigidaire, tu sais, ça fait mal au cœur, tu sais. Ou, tu sais... Puis on l'entend. Ça fait que... Ou un M. qui a quatre enfants qui nous dit qu'il n'a pas de four, ce n'est pas drôle, faire à manger à quatre enfants avec un four micro-ondes.

Ça fait qu'il y a des enjeux. Ça fait qu'il faut le rentrer sur le marché du travail, mais ce n'est pas... ce n'est pas un clou qu'on rentre dans le bois. Ça fait que c'est : Comment l'aider? Mais il faut avoir des partenaires autour de ça, puis c'est... Moi, j'y crois vraiment. C'est par l'emploi qu'on réussit à s'accomplir personnellement, qui par la suite va aider la société. Puis on va pouvoir aider l'ensemble de la communauté autour de nous. Parce que l'emploi, ce n'est pas juste l'individu, c'est la femme, c'est le mari, c'est les enfants, c'est les grands-parents. C'est l'ensemble de la communauté autour de cette personne qui est transformée. Et là vous parlez avec un fervent. Ça fait que je suis vendu au modèle d'employabilité, là.

Mme Rouleau : On veut élargir le programme Objectif Emploi, qui actuellement s'adresse aux premiers demandeurs, aux primodemandeurs, là, qu'on appelle dans le jargon, et l'élargir pour les personnes qui reviennent une deuxième fois à l'aide sociale pour leur permettre d'avoir accès à ces... à ce programme qui va permettre l'intégration, la formation puis...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Rouleau : ...à l'emploi, qui est un programme obligatoire, et certains demandent que ce soit optionnel. Croyez-vous que, si c'est optionnel, ça va permettre ou ça va faire en sorte que les gens vont être plus enclins à avoir accès à ce programme-là?

M. St-Arnaud (Éric) : Ça, c'est une excellente question, parce que le principe de base qu'on se dit... Il faut vouloir. Parce que, quand vous êtes obligé... Mes parents m'ont dit de ne pas fumer, j'ai quand même fumé et j'ai quand même mangé du fast food, puis ils m'ont dit de ne pas le faire. Et après un moment donné, on apprend qu'il ne faut pas fumer. Ça fait que, si on oblige, est-ce qu'on est en train d'inclure? Ça fait que je pense qu'il faut aller par l'incitatif puis il faut que les gens, on leur explique le bienfait au bout de la ligne pour les inclure.

L'obligation fait en sorte que les personnes vont venir par le souci administratif, mais est-ce qu'on... Il faut qu'il y ait une partie d'engagement dans le modèle. Ça fait que je suis mitigé, dans le sens qu'il ne faut pas que les gens continuent à n'être pas informés puis mis de côté, puis dire : Bien, c'est volontaire, ça fait que, là, vous ne vous déplacez pas, puis il n'y a rien qui se passe. Il faut quand même qu'il y ait une incitation, à au moins accompagner... contact.

J'ai travaillé beaucoup avec des organisations comme Tapage, qui fait le travail à la journée, là, c'est un modèle, et j'ai vraiment appris qu'en fait, plus il y avait le lien de confiance qui se créait avec les gens, plus on était capable de les embarquer dans un programme, puis là il y a un engagement qui se crée. Ça fait que l'obligation, je vous dirais, ce n'est pas si bien, mais il faut qu'il y ait quelque chose pour aider les gens à venir s'engager, parce que, sinon, bien, on va rester à laisser ces personnes-là de côté, puis il faut essayer de les inclure, mais par l'obligation, je... des fois, ça me... ça me tracasse un peu là, surtout par des gens qui ont souvent perdu confiance en l'autorité. On va se le dire, là, la grande majorité ont perdu confiance dans le système. Puis là je ne vous parle pas de complotisme, je vous parle juste de l'autorité tout court. Des fois, ils ont eu des vies familiales pas simples puis là ils se disent : Bien, si mon... Tu sais, l'autorité, c'est nos parents, donc, par la suite, c'est le ministre, c'est le patron, c'est le... donc tout est autorité. Donc, c'est comment rebâtir la confiance, mais il faut le travailler avec les gens puis avoir une conversation. Obliger, ça oblige à venir. Moi, je pense qu'il faut qu'il y ait des incitatifs, puis ce n'est pas juste financier, mais de comprendre dans quoi il peut aller.

Puis aussi qu'il ait le choix, vraiment, le choix de son parcours, pour ne pas être obligé de faire quelque chose, mais de choisir, au moins de l'aider... Nous, on appelle ça des projets de sortie, chez nous. Bien, si vous avez le goût d'être caissière, tant mieux, mais si vous voulez devenir médecin, bien, on va vous montrer c'est quoi, le chemin. Vous avez le droit à votre vie, puis vous avez le droit chemin, puis vous avez le droit à l'espoir aussi. Donc, c'est comment les ramener pour croire à ça. Puis je crois qu'il y a beaucoup de modèles qui fonctionnent, et là, présentement, c'est la flexibilité qui manquait pour inclure le maximum de gens. Mais je salue l'ouverture, par exemple, sur... la plus grande ouverture sur le programme, sur le plus grand nombre de personnes, parce que ça va être plus simple de pouvoir inclure le plus grand nombre de personnes dans le programme et ça va peut être inciter davantage de gens à venir, là. Là, l'obligation, il faudrait voir le comment, dans l'obligation, là.

Mme Rouleau :  Oui. Bien, ceci dit, l'obligation, elle est là, l'obligation, mais c'est beaucoup axé sur l'accompagnement parce que, depuis le début que ce programme a été mis en place, là, en 2018, on a pu constater qu'avec l'accompagnement, bien, ça facilite les choses. Puis il y a très peu de personnes, en fait, qui ont été impactées par l'obligation, là, en termes de réprimande, je dirais, là, mais donc l'accompagnement est très important.

Et, en accompagnement, bon, il y a le réseau régional qu'on veut mettre en place. Avez-vous l'impression qu'il existe déjà des choses qu'on aurait juste à bonifier ou... Puis comment voyez-vous l'arrimage entre les organismes d'insertion sociale et les organismes qui sont spécialisés en emploi, comment... et l'intégration de tout ça dans le réseau régional?

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, c'est une bonne question. En fait, ce que j'en comprenais, du réseau, c'était une complémentarité, à mon avis, en fait, ça devrait, c'est... Je le voyais comme étant multidisciplinaire pour essayer d'aller chercher les expertises... juste que, présentement, il existe Services Québec, il y a des forums, il y a des associations d'employabilité et, après ça, il y a l'association, bon, pour la lutte à la pauvreté, et ainsi de suite.

Là, où est-ce qu'il se situe, ce réseau-là, pour être certain que ça soit un complément et un ajout...

M. St-Arnaud (Éric) : ...qui va en faire partie pour s'assurer que ça ne devient pas un tirage de couverte puis qu'on s'assure que l'individu soit au centre. Tu sais, moi, je me dis, personnellement, je suis un employé d'une organisation. Mon seul but, c'est de me dire comment ces personnes-là... qu'on puisse les servir. Puis, peu importe le réseau qu'on met en place, c'est l'individu qu'on essaie de servir puis que, si on met des réseaux... Ça fait que, là, si c'est par exemple l'employabilité qui travaille avec un CSSS dans une région, pour être certain que le service de santé soit donné en même temps puis que la nourriture soit mise en même temps. Et, quand je nommais pour l'employabilité, il y a plusieurs réseaux d'employabilité, puis ils ont chacun leur expertise, qui sont reconnus puis qui répondent à des besoins. Donc, comment s'assurer que l'employabilité reste au centre et que ça ne devient pas un tirage de couverte, mais que l'individu soit au centre, puis que l'employabilité avec l'individu, puis que, l'ensemble des services, on devient au service du citoyen, tu sais? Parce qu'au fond on est au service du citoyen. Ça fait que c'est comment on peut servir le citoyen au mieux avec l'ensemble des acteurs.

Ça fait que je le... La façon que je le lisais, c'était que vous vouliez, à mon avis, ça fait que, là, je ne veux pas vous dire ce que vous n'avez pas dans votre tête... Ça fait que ce que je voyais, moi, c'était que vous vouliez mettre des acteurs qui sont diversifiés de Services Québec ou de l'employabilité pour s'assurer de créer un momentum où est-ce que l'individu n'est pas oublié puis qu'il y ait un filet de sécurité. C'est ce que j'en comprenais. Ça fait que c'est ça que j'en comprenais. Là, il faut juste s'assurer de comment il est créé, pour s'assurer que cet individu-là, il n'est pas oublié. Parce qu'on ne va pas se cacher, là, des fois, quand on crée des patentes, pour ne pas le dire de même, bien là, des fois, on finit par tomber dans l'administratif puis on oublie l'individu. Ça fait que ça serait, pour moi, la mise en garde. Ce n'est pas une mise en garde, mais c'est un conseil.

Puis l'autre élément, bien, de... je prône vraiment l'emploi parce que je trouve ça beau aujourd'hui, le taux de chômage. Parce que, même... que ça crée des difficultés, pour la première fois de notre vie, au Québec, une personne handicapée, c'est un être humain, une personne avec une santé mentale, c'est un être humain, une femme monoparentale avec 11 enfants, c'est un être humain, la personne qui n'a pas travaillé, c'est un être humain, ça fait que, pour la première fois, ces gens-là sont vus comme des êtres humains qui peuvent participer. Ça fait que, mon dieu, profitons de ce momentum pour créer une synergie, pour inclure toutes ces personnes-là. Ça fait que je trouve que c'est un beau momentum. Bon, économiquement, ils vont tous dire que c'est difficile, mais, moi, je trouve, c'est un bon momentum parce que, là, ils peuvent tout inclure. Et ces personnes-là peuvent toutes travailler à différentes façons. Ça fait qu'ils peuvent venir des fois du CSSS, parce que c'est des gens en santé mentale, ils peuvent venir de l'employabilité avec Services Québec. Ils reçoivent des prestations quand même. Donc, est-ce que ces acteurs-là, ensemble, peuvent aider à intégrer? Bien, si c'est ça, l'avenue, bien, moi, je trouve que ça serait une bonne idée, mais ça va être dans... moi, je suis toujours dans le comment dans ma tête, c'est : Comment on peut s'assurer que l'être humain reste au centre?

Mme Rouleau : Si je peux me permettre.

La Présidente (Mme D'Amours) : Il reste une minute.

Mme Rouleau : Une minute. Bien, je vais me permettre une autre question. Vous êtes une entreprise notamment d'insertion sociale, mais qu'est-ce que vous recommanderiez aux employeurs pour mieux insérer les personnes qui partent de loin et qu'on insère en emploi? Quelles seraient les principales recommandations aux employeurs?

• (11 h 40) •

M. St-Arnaud (Éric) : Les principales recommandations. Il faudrait... En premier lieu, il faut que... il faut que les gestionnaires soient outillés et formés pour l'intégration des personnes puis qu'ils ne les voient pas juste pour... comme un intrant. Et la deuxième chose que je leur conseillerais, c'est de travailler avec les organisations puis les réseaux qui existent pour aller chercher... Il existe des programmes, aujourd'hui, où est-ce que... les tripartites, les bipartites qui ont été créés dans les dernières années, pour travailler avec les employeurs pour créer des momentum avec des organisations puis des employeurs pour aider l'accompagnement puis le maintien en emploi. Et je pense que ça, c'est essentiel, que les employeurs fassent partie du plan complet, là. Ça ne peut pas juste être cette loi-là avec Services Québec, là, il faut que les employeurs en fassent partie. C'est ce qui va faire un monde meilleur, là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

Mme Rouleau : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. On est d'accord pour dire que c'est une excellente présentation, un mémoire. M. Arnaud... St-Arnaud, pardon, merci d'être là. On est très fiers, à Notre-Dame-de-Grâce, sur la rue Saint-Jacques, d'avoir une renaissance. J'y contribue. Personne issue... personne très privilégiée issue du Privilège, mais je participe à ma façon et je... en tant que pas juste porte-parole, action communautaire... sociale, mais aussi économie sociale, je trouve que le modèle Renaissance fait vraiment partie de la solution tant au niveau de l'inclusion sociale mais que de la circularité de l'économie. Alors, bravo! Et justement, pour enchaîner justement sur...

Mme McGraw : ...sur la question de la ministre, c'est vous, votre témoignage, votre expérience vécue, en tant que personne avec une expérience vécue... Donc, qu'est-ce que vous avez... Vous nous parlez plus... Qu'est-ce qui, en fait, avec l'accompagnement... les facteurs de succès clés qui ont fait en sorte que vous avez été bien accompagné pour vous rendre être D.G. de Renaissance, mais aussi l'accompagnement de Renaissance envers les employés et conseil, pour donner suite à la question de la ministre, pour d'autres entreprises? Parce que la chambre de commerce nous dit : La plupart des entreprises sont des PME, il y a peut-être une méconnaissance, peut-être des fois une méfiance. Alors, comment accompagner les entreprises québécoises dans l'accompagnement des employés, non seulement pour leur insérer, mais pour maintenir ce lien-là?

M. St-Arnaud (Éric) : À la première question, je vous dirais, ça serait la confiance qu'on a eue en moi. En premier, je vous dirais merci de participer à la mission de Renaissance. C'est grâce aux donateurs qu'on réussit à faire nos programmes, donc merci beaucoup. Je vous dirais : C'est sûr, la confiance, le lien de confiance avec l'intervenant socioprofessionnel ou le psychologue, tout dépendant les personnes que j'ai eues qui m'ont aidé.

Le soutien dans l'emploi, ça a été... Moi, quand j'avais fait... dans le temps, j'avais travaillé sur un restaurant sur la rue Saint-Jean, puis ça a été vraiment une aide, parce qu'il y avait un... dans le temps, il y avait des programmes, puis ça ne s'appelait pas «l'insertion», ils avaient un autre nom, là, mais... puis je ne me souviens pas c'est quoi, le nom, non plus, mais on avait une aide avec l'employeur, tu sais, puis l'employeur faisait partie, parce qu'il choisissait des candidats, tu sais, puis dans le temps... Bon. J'ai 50 ans. Ça fait que dans ces années-là, le taux de chômage était à 10, 12, là, donc ce n'était pas facile, avoir un emploi. Donc, il y avait un grand accompagnement avec l'employeur.

Je vous dirais, si je viens vers Renaissance, on a... avec le nombre de personnes, on a un financement avec Services Québec d'à peu près pour 500 personnes sur les 3 000 personnes. Le reste, on autofinance nos programmes. Mais 100 % de nos programmes ont été suivis avec les mêmes règles que Services Québec, parce qu'on ne veut pas que les gens sachent qui est financé puis qui ne l'est pas. L'objectif, c'est la personne. Et, au bout de la ligne, c'est quoi? C'est vraiment individualiser le plus possible le programme, donner confiance aux gens. Nous, on part du principe que la personne nous donne sa confiance. Donc, si elle nous donne sa confiance, on doit tout faire pour lui redonner cette confiance-là. Puis l'autre élément, c'est que c'est les citoyens qui nous font vivre. Oui, on a un gros revenu autogénéré, mais c'est les citoyens qui nous le donnent, donc on doit le redonner pour nos programmes. Donc, c'est la base de la confiance, travailler avec les individus.

On crée des... des cercles, on appelle ça des «groupes d'insertion», qui sont des patrons. Chez nous... chez nous, le... le gérant de magasin, par exemple, ou le directeur de l'entrepôt, bien, son patron, de la personne, c'est le vrai patron. Il vit la vraie vie immédiatement, mais il est un peu dans une serre chaude avec un intervenant socioprofessionnel. Donc, il va avoir un patron qui va dire : Tu arrives en retard. La différence, c'est qu'il va avoir l'intervenant pour lui expliquer : Bien, pourquoi tu t'es fait dire que tu arrives en retard?

Donc, il y a une... il y a des éléments qui sont mis en place sans arrêt, ce qui fait qu'on a un taux d'abandon très bas. On a un taux de retour aussi très haut, mais on a un taux de placement élevé. On fait un suivi beaucoup avec les employeurs, on a beaucoup d'employeurs avec qui on travaille. L'Institut de cardiologie de Montréal en est un, mais Winners en est un autre, donc on est très diversifiés. Et on essaie vraiment de travailler avec les employeurs, c'est vraiment essayer de... Il faut embarquer les employeurs dans le plan complet.

Et, quand vous dites : les employeurs, il faut... et c'est la raison pour laquelle je... j'ai accepté de travailler dans le conseil d'administration du commerce de détail du Québec, parce que je veux vraiment travailler avec les grands employeurs du Québec pour leur expliquer que l'intégration en emploi, bien, ce n'est pas un immigrant qu'on va chercher, puis qu'on apporte, puis que c'est ça, tu sais. Bien, une pharmacie au Québec, ce n'est pas une pharmacie en France, puis faire l'épicerie, ce n'est pas la même chose qu'au Congo. Donc, il y a une intégration, puis c'est pour ça que c'est socioprofessionnel.

Donc, il faut que l'employeur comprenne que la personne qui arrive, qui a une santé mentale fragile ou qui a un handicap physique, bien, c'est une personne à part entière, puis comment je peux l'intégrer, puis comment je travaille avec l'ensemble des employés. C'est pour ça que le taux de chômage est un atout, là, parce qu'au moins il y a moins de compétition avec les anciens employés puis les nouveaux.

Mais, pour l'employeur, il faut inclure l'employeur puis il faut qu'il y ait une plus grande communication avec lui pour travailler avec les organismes en place pour essayer d'intégrer le mieux possible ces gens-là, pour ne pas qu'ils retournent après ça dans le système, espérant avoir répondu à vos questions.

Mme McGraw : Je... Excellent. Je retiens beaucoup de choses, entre autres donner confiance aux gens pour qu'ils nous donnent aussi confiance, et, en tant qu'ancienne prof, je confirme que les élèves et les personnes apprennent à leur mieux lorsqu'ils ont ce sentiment de confiance et d'appartenance...

Mme McGraw : ...c'est vraiment clé pour faire partie des conditions gagnantes dans la société.

Pour aller plus sur les plans... tellement de questions... peut-être... on comprend qu'avec le projet de loi la ministre affirme que le travail est la solution pour affirmer la situation des personnes en précarité. Je pense que vous partagez cette philosophie. Mais, selon votre expérience d'accompagnement, quelles sont, peut-être... là, vous avez parlé des atouts, mais quelles seraient les limites de cette vision, et, en particulier, pour les personnes qui font face à des obstacles importants à l'emploi, malgré, peut-être, une grande volonté? Question de capacités? Comment rendre le travail plus accessible et plus soutenable pour tous, notamment pour ceux qui sont éloignés du marché du travail?

Autre question très spécifique : Est-ce que la plupart des employés proviennent du programme d'Objectif Emploi? C'est quoi, le lien entre... Est-ce qu'il y a un lien entre vos employés et le programme d'Objectif Emploi?

M. St-Arnaud (Éric) : On a-tu le pourcentage d'Objectif Emploi? Je pense que c'était 23 %? C'est-tu ça?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui...

M. St-Arnaud (Éric) : ...vas-y.

M. Rousseau (Guillaume) : Dans le fond, ce n'est pas nécessairement... on n'a pas le pourcentage spécifique qu'ils proviennent d'Objectif Emploi. On a le pourcentage moyen qui sont des prestataires d'aide sociale, tous programmes confondus. Dans les dernières années, dans notre cas, ça tourne autour de 23 % des gens qui suivent un parcours d'insertion. Donc, ce n'est pas nécessairement nos employés, de façon générale, là.

Mme McGraw : O.K., dans l'ensemble. Donc, on revient à la première question, au niveau de la limite de cette... Quelle serait, selon vous, la limite de cette vision? Parce que là, vous parlez aussi d'autres... hausse de prestations, hausse d'allocations, dans vos recommandations. Et comment faire en sorte que cette hausse ne va pas être en conflit avec les gens pour être incités, lorsqu'on parle de... question de pas juste les capacités, mais volonté? Quel serait le... comme on dit en anglais, désolée, le sweet spot?

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, vous avez raison, là, il y a une limite, hein? C'est pour ça que je vous donnais le mot «mobilisation». Le chiffre de 23 %, c'est parce que nous, nos programmes sont à 35 heures-semaine, et là elle est là, la limite. C'est qu'enfin ce n'est pas vrai que tout le monde, un jour, va travailler 35 heures. On est tous, dans cette salle, privilégiés d'avoir une santé, qu'on peut venir travailler 35, 40 heures-semaine, et probablement... probablement plus. Mais il n'est pas vrai que tout le monde...

Et là on va rentrer, d'après moi, dans une nouvelle ère, qu'on doit redéfinir différemment comment on intègre les gens. Il y a des gens qui vont venir travailler à temps partiel. Vous allez peut-être avoir des gens qui vont venir travailler une journée ou deux journées-semaine qui vont continuer à avoir des prestations, puis ils vont aller faire du bénévolat une journée. Mais s'ils peuvent participer à la société... Au moins, ils participent à la société, puis... Et, probablement... Selon les études, c'est que plus vous êtes actifs à quelque chose, bien, vous avez moins besoin du système de santé, moins de problèmes de dépendance, et d'autres.

Donc, je pense qu'il y a des limites sur le temps plein, par exemple. Ce n'est pas vrai que tout le monde va y aller. Puis, on va se le dire, si vous avez été itinérant pendant 10 ans, là, vous ne tomberez pas à travailler, demain matin, 35 heures-semaine, on va être honnêtes, là. Mais est-ce qu'il y a moyen de mobiliser la personne? Bien, la sortir de la rue, oui. Puis, après ça... je sais bien que ce n'est pas le projet de loi, mais il y a quand même quelque chose à faire avec cette personne pour lui donner la place au soleil. On a le droit à toute notre place au soleil dans notre social-démocratie. Donc, la limite va être : on doit travailler avec les individus.

Ça fait que je ne peux pas vous dire une limite en tant que telle. Une personne va être deux jours-semaine. On a des gens qui quittent chez nous, maintenant, puis qui veulent du temps partiel. Mais, avant, on disait non, mais là, aujourd'hui, on l'accepte, parce que c'est ça, la vie.

• (11 h 50) •

Mme McGraw : Je crois qu'il nous reste une minute. Dernière question de ma part. On avait proposé, notre formation, au projet de loi n° 693, pour faire en... vous avez parlé de 200 $... pour faire en sorte que c'est bien, un travail, pour les personnes sur solidarité sociale, c'est-à-dire des personnes avec des contraintes sévères, peut-être temporaires, mais sévères à l'emploi... puissent gagner un peu plus sans être pénalisées, et introduire des éléments du PRB, que, je me souviens, c'était une initiative libérale, ainsi que le projet Objectif Emploi. Donc, ça a été des réformes en 2016 et 2018, il y a 20 ans. Il faut vraiment corriger cet... cet aspect-là. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cet aspect-là, d'un calcul cumulatif sans pénaliser la personne, qui est capable, peut-être, d'aller chercher quelques... de l'argent de plus pour avoir... valoriser eux-mêmes, mais aussi, contribuer à l'économie, à la société?

La Présidente (Mme D'Amours) : Réponse en cinq secondes.

M. St-Arnaud (Éric) : En fait... Juste en cinq secondes, c'est ça? Donc...

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est terminé. Je suis désolée, c'est terminé. Je vais passer maintenant... je vais céder la parole, maintenant, à la députée de Sherbrooke. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. De toute façon, je voulais aussi vous amener sur la question des gains de travail, parce que vous avez glissé un mot très rapidement là-dessus. Vous avez aussi parlé beaucoup de la question du...

Mme Labrie : ...qui, parfois, est plus adapté, là, à des personnes, justement, qui retournent sur le marché du travail. Comment vous pensez que, justement, d'aller chercher plus de souplesse sur les gains de travail viendrait permettre à ces personnes-là de retourner sur le marché du travail à leur rythme?

M. St-Arnaud (Éric) : Vous voulez dire, sur le marché du travail, la souplesse ou dans les programmes, la...

Mme Labrie : La souplesse dans les gains de travail qu'on leur permet de conserver. Parce qu'en ce moment, vous l'avez nommé, là, c'est 200 $, maximum, au-delà de ça, c'est perdu. Puis 200 $, bien, des fois, ça coûte plus que ça, se déplacer, se faire des lunchs, s'habiller pour aller travailler, là.

M. St-Arnaud (Éric) : Bien oui, c'est ça, c'est ça, puis, en plus... bien, en fait, le gain est majeur au point de vue tout, là, au point de vue société, est majeur, il est majeur aussi pour l'individu. Puis, en fait, c'est un incitatif aussi, là, parce que, tu sais, entre vous et moi, le montant d'argent, pour vivre là-dessus, ce n'est pas diable, là. Ça fait que, là, c'est comment on peut l'inciter davantage à sortir de la maison.

Puis, tu sais, je sais bien que personne ne veut l'entendre, mais il y a bien du monde qui travaille au noir, présentement, pour essayer de se départir, là... Là, je sais bien que je ne suis peut-être pas la bonne personne de le dire, mais je vais le dire, ça fait que, là, c'est comment... Et nous, c'est ce qu'on s'est rendu compte, c'est, en allant chercher... en ouvrant nos programmes le soir, les fins de semaine, on allait chercher des gens qui travaillaient au noir pour réussir... vous n'aurez pas les noms, là, mais pour aller chercher de... comment on peut introduire ces gens-là puis à comprendre l'avantage d'aller travailler. Mais c'est sûr que, quand vous êtes en prestation puis vous perdez, bien là, il est peut-être difficile... Mais, tu sais, c'est la flexibilité, c'est comment on peut apporter, tranquillement, pas vite, une flexibilité au programme pour que, si vous êtes à temps partiel, bien, vous ne perdez pas tout, là. Parce que, si vous avez deux enfants puis vous voulez juste vous intégrer, puis vous avez vos dents à payer, puis les lunettes, ce n'est pas drôle, là, aller gagner juste 800$ de plus, là, vous allez perdre quasiment tout. Bien là, vous vous dites : Ça ne vaut plus la peine. Ça fait que, là, c'est comment réussir à les intégrer, puis, tranquillement, ils vont peut-être revenir à temps plein, mais, au moins, il y a des marches à aller, selon les difficultés de chacun des individus.

C'est pour ça que je parlais du montant, là, parce que je sais bien que c'est juste de l'argent, mais il y a tout le lien sur où est-ce que la personne veut s'intégrer. Aïe! Ce n'est pas facile. Il y a des femmes, on les voit, là, tu sais, ça drop vite... excusez, ça échoue vite, puis là il faut les rembarquer parce qu'ils ont des enfants, puis là... bien, ce n'est pas toujours simple.

Mme Labrie : La question des services de garde, est-ce que c'est quelque chose que vous rencontrez souvent, comme obstacle pour... au marché du travail?

M. St-Arnaud (Éric) : Oui, assez. On travaille avec beaucoup de partenaires, ça fait qu'on réussi à trouver des places, puis on a une grande, grande flexibilité, nous, à l'interne, à la grandeur qu'on est. Tu sais, on est 1500 employés, ça, c'est tous des permanents, puis on est un autre 3000 personnes à aider, ce qui fait qu'on a une grande flexibilité quand il y a des enjeux. Tu sais, on est ouvert les soirs, les fins de semaine, ça nous permet d'ajuster les horaires, ça fait que... Mais, tu sais, c'est ça que je me rends compte, là, il y a beaucoup de gens qui veulent travailler juste les soirs, les fins de semaine, parce que le mari a décidé de retourner à l'école, puis là, bien, le jour, elle est là, tu sais, et vice versa, ou le gars va travailler juste les soirs, les fins de semaine. Ça fait qu'on a ajusté nos programmes en conséquence. C'est une autre partie de flexibilité.

Il faut sortir du carcan de l'employabilité du lundi au vendredi, de 8 à 16h. Tu sais, je veux dire, les individus, on est tous différents, ça fait qu'il faut sortir de ça, à mon avis, là, mais... puis il faut sortir aussi du carcan carré monétaire pour tout le monde puis essayer de voir où est-ce que la personne est. C'est pour ça que j'aimais aussi... au point de vue de... avec des difficultés, là, on a changé le terme.

Une voix : ...

M. St-Arnaud (Éric) : Pardon?

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la députée de Sherbrooke.

M. St-Arnaud (Éric) : Ah! c'est beau.

La Présidente (Mme D'Amours) : Maintenant, je vais céder la parole au député de Jean-Talon. M. le député, la parole est à vous.

M. Paradis : Un des éléments qui ressort de votre mémoire et de votre témoignage, c'est le rôle important que les organisations comme la vôtre jouent en matière de réinsertion. Vous nous dites, d'abord, bon : C'est bien, les réseaux régionaux qui vont permettre de mettre en œuvre le plan d'intervention individualisé, mais nous, on est déjà là, on existe, vous pouvez vous assurer qu'on fait partie de ces réseaux régionaux.

Il y a un article, là, qui mentionne que les organismes concernés font partie des réseaux régionaux. Vous, est-ce qu'il y a une inquiétude que vous ne soyez pas dans ces réseaux-là?

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, je le nomme parce que je voudrais juste qu'on s'assure que les spécialistes... Il y a beaucoup de réseaux un peu partout au Québec, Renaissance n'est pas tout seul, on fait partie d'un réseau, donc il y a des spécialités, il y en a qui aident les jeunes il y en a qui aident les moins jeunes, il y en a qui aident dans différents domaines. Donc, il y a des expertises, ça fait qu'il ne faudrait pas perdre ces expertises-là, pour s'assurer d'aider le plus grand nombre. Ça fait qu'une inquiétude... Je pense que je voulais le nommer, là, je voulais m'assurer qu'on ne l'oublie pas.

M. Paradis : Puis vous nous dites de ne pas faire de la structurite, en quelque sorte, parce qu'il y a déjà des éléments qui existent, et ce qu'il y a de nouveau, c'est bien, mais il faudrait que ce soit complémentaire. C'est un message important dans votre mémoire, c'est bien ça?

M. St-Arnaud (Éric) : Oui. Pour moi, on ajoute beaucoup de choses dans l'État, au fur et à mesure qu'on avance pour améliorer, mais il faut qu'il y ait une complémentarité. Il ne faut pas que ce soit juste ajouté pour ajouter, il faut qu'il y ait une complémentarité, quitte à travailler avec...

M. St-Arnaud (Éric) : ...réseau pour créer un nouveau réseau, tu sais.

M. Paradis : Et là vous nous dites : Bien, nous, on est déjà là, on fait du bon travail, on connaît notre travail, mais ce n'est pas facile comme travail, on n'a pas beaucoup de ressources. Et vous nous parlez donc du Fonds d'aide à la mutualisation et la fusion des organismes d'accompagnement. Et ça, vous dites : Pour l'instant, ça, ce sont des fonds qui sont incertains, qui ne sont pas pérennes. Et vous invitez le gouvernement à les pérenniser parce que ce serait utile pour les services aux personnes concernées.

M. St-Arnaud (Éric) : Bien, c'est parce que ça vient d'une... ça vient d'une philosophie que je me dis qu'au fond, si on veut changer le modèle puis si la loi veut changer de modèle... Bien, en fait, il y a beaucoup d'organisations comme la nôtre qui ont été créées voilà 30 ans ou 40 ans. Donc, aujourd'hui, je pense que la vie a changé, donc est-ce qu'il y a des mutualisations qui vont se faire, des fusions, des... peu importe, pour réussir à aider davantage les personnes? Bien, il y a des nouveaux fonds, je salue ces fonds-là, là, du ministère, qui ont été mis en place pour une période de deux ans. Est-ce que ça pourrait être quelque chose qui pourrait être mis? Bien, j'entends beaucoup de mes collègues qui veulent mutualiser, ça coûte cher, on ne s'y connaît pas à faire ça, ce n'est pas tout le monde qui a la grosseur de Renaissance. Donc, est-ce que ces fonds-là pourraient être nécessaires pour réussir à offrir un meilleur service? Parce que, si vous avez trois organismes dans un territoire qui travaillent avec le réseau, est-ce qu'ils décident de mutualiser ensemble, puis ça crée un meilleur filet pour l'individu? Bien, moi, je salue ça parce que ce serait un avenir du futur. Parce qu'il faut... il faut encore sortir de la boîte, si on veut, bien, arriver en 2030 différemment de ce qu'on fait aujourd'hui. Oui.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Alors merci pour votre contribution.

Et je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 12 h 01)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Je vous rappelle, cher invité, que vous disposez...


 
 

12 h (version non révisée)

La Présidente (Mme D'Amours) : ...de 10 minutes pour votre exposé. Et puis nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Gravel (Richard) : Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes MM. les députés, membres de la commission, écoutez, c'est un grand plaisir de venir faire la présentation sur le projet de loi no 71. Mon nom est Richard Gravel. Je suis le vice-président de la coalition des organismes communautaires en développement de l'employabilité.

Alors, je dis un grand privilège parce que, pour moi, ce projet de loi est un projet de loi important. Il faut se rappeler, et j'écoutais un peu les présentations qui ont été faites au cours des deux dernières journées, on parle beaucoup de... On parle beaucoup de ce que ça va donner aux prestataires d'aide sociale, qu'est-ce que ça va enlever aux prestataires d'aide sociale. Il faut se rappeler que la façon dont la société traite les personnes les plus éloignées, les plus démunies, ce n'est pas une... Ce n'est pas des lois qui n'atteignent que les bénéficiaires de l'aide sociale, mais l'ensemble de la société, l'ensemble de la société parce que, d'une part, personne n'est à l'abri d'un jour avoir besoin de recourir aux services de l'aide sociale.

Et ça, je pense qu'il faut l'avoir en tête. On est dans une vision de société, mais aussi parce que la façon dont on traite les personnes les plus démunies de notre société, c'est aussi la qualité de vie qu'on se donne tous et toutes comme citoyens du Québec alors, en termes de sécurité, en termes de cohésion sociale. Puis moi, je pense que ça, au niveau du débat, je pense qu'il faut toujours le garder de façon... Parce que, tu sais, on va souvent de façon très pointue, mais je pense qu'il faut garder cette vision large de dire dans quelle société on veut vivre, comment on veut traiter les personnes qui ont le plus d'obstacles dans notre société puis qu'est-ce que ça redonne comme citoyen, même si on est bien nantis de vivre dans une société où on est, où il y a moins de personnes exclues, où il y a moins de personnes pauvres.

Donc, dans un premier temps, je vais vous présenter la coalition, et après on va vous venir avec les grandes lignes de notre... de notre mémoire. Alors, la Coalition des organismes communautaires en développement de la main-d'oeuvre existe depuis plus de 30 ans et elle a pour mission de combattre l'exclusion sociale et professionnelle des personnes laissées en marge du développement économique et social en visant une pleine reconnaissance des droits à la formation, des droits au travail pour tous et toutes. La Coalition axe ses actions auprès des personnes éloignées du marché du travail. Elle regroupe notamment parmi ses membres une douzaine de réseaux nationaux, donc, qui a un impact sur plus de 1 000 organisations. Ces organisations-là sont liées au développement de la main-d'œuvre, soit dans un... soit l'insertion, soit l'intégration en emploi, soit la formation, l'éducation, le développement local et la défense des droits.

Donc on regroupe, on regroupe, on coalise vraiment des organismes de tous les horizons, tant dans l'insertion que dans... Et par rapport au projet de loi, il y a des enjeux à ce niveau-là. Alors, ces organismes sont voués au bien-être des clientèles démunies et les accompagnent vers l'emploi. Elles constituent des acteurs majeurs au chapitre du développement de la main-d'œuvre, notamment en offrant une expertise précieuse spécifique en matière d'intervention. Unis autour de l'importance de développer sans exclure, les membres de la coalition n'ont de cesse de valoriser et de faire émerger le potentiel socioéconomique des personnes en démarche d'insertion et de prôner la mise en place de politiques publiques, services et mesures d'une société inclusive et participative. La coalition siège notamment au sein de la Commission des partenaires du marché du travail, où elle est le représentant phare de l'ensemble des collèges électoraux. Électoraux? Communautaires, excusez, ce n'est pas difficile à dire.

Donc, par rapport au projet de loi, je vous dirais que, d'emblée, on salue la contribution et les avancées du projet de loi. La coalition salue le remplacement du concept de contrainte à l'emploi par la contrainte de santé. Accorder le droit à d'autres professionnels que des médecins de faire une évaluation médicale permet de mieux prendre en compte et reconnaître les problématiques de santé et...

M. Gravel (Richard) : ...ainsi que les contraintes de nature psychologique. Pour nous, c'est une avancée importante parce qu'il y a un certain nombre d'individus qui ne réussissaient pas à se qualifier dans les contraintes sévères à l'emploi, là, les contraintes... mais qui... avec la nouvelle définition, qui est plus... là. Puis j'ai entendu qu'il y a du monde qui dit : Bien, ça ne devrait peut-être pas s'appeler «contraintes de santé». Mais ce qu'on comprend de la philosophie, c'est qu'il y a un élargissement qui va répondre à des besoins beaucoup plus larges et qui va permettre à faciliter l'accès à un certain nombre de personnes qui ne le pouvaient pas.

La coalition accueille aussi favorablement les plans d'intervention individualisés prévus pour chacun des prestataires afin que les personnes puissent résoudre leurs difficultés. On reconnaît l'importance du réseau d'organismes, mais on aimerait quand même porter à votre intention qu'effectivement, puis là j'entendais la présentation, il y a des réseaux qui existent et, pour nous, c'est important que les organismes en employabilité puissent... fassent partie du réseau, de ces réseaux-là, dans l'ensemble des régions.

Vous savez, la crainte qu'on a à ce niveau là, c'est que l'intervention soit... qu'on vienne dire, dans le fond : Bien, il y a des individus pour qui il y a des problèmes d'insertion sociale, il y a des individus pour qui il y a des problèmes liés à l'emploi, donc d'avoir des réseaux différents puis de travailler en silos. Déjà, je vous dirais, présentement, il y a un peu ce phénomène-là avec les programmes PASS où on dit : Bien, comment on fait pour que les personnes qui sont dans des programmes d'accompagnement social passent au volet emploi? Bien, il y a une marche, là, puis, notamment parce que les organisations ne travaillent peut-être pas assez ensemble pour permettre une fluidité. Ça, c'est un élément.

L'autre élément qui, pour nous, est majeur, c'est que les individus n'ont pas toujours l'intention de travailler les items dans le même ordre. Alors, de façon conceptuelle, on peut dire insertion sociale, préemploi, emploi, puis le mettre en schéma, mais l'individu, lui, il veut qu'on réponde à ses besoins, puis, ses priorités, bien, elles ne sont pas nécessairement les priorités du cursus qui a été développé.

La coalition accueille également favorablement les plans... Oh, non, excusez, les interventions sociales. Excusez, je vais retrouver mon... On a aussi... Ah! oui, la coalition reconnaît aussi favorablement l'individualisation des versements des chèques, donc de verser aux individus plutôt qu'aux ménages. Puis ça, c'est un pas dans la bonne direction, vous le soulignez. Et on vous tient aussi à souligner l'abolition de la contribution parentale pour les jeunes.

• (12 h 10) •

Alors, les limites, les éléments qu'on veut porter à votre attention. Dans un premier temps, on voudrait quand même qu'on porte attention sur la question des tests des avoirs liquides, qui est préoccupante pour les gens qui intègrent l'aide sociale ou qui réintègrent l'aide sociale. Donc, cette barrière là, pour nous, le test d'avoirs liquides à 887 $ pour un individu à 1 319 $ pour un couple est beaucoup trop bas. On amène les gens à être... On amène les gens à se mettre en situation de précarité financière avant qu'ils puissent avoir accès aux programmes d'aide sociale. On sait que c'est dans les règlements, là, que ça va jouer, mais, pour nous, c'était important de souligner que, dans une vision d'accompagnement, bien, il faut avoir l'idée d'aider les personnes en fonction de leurs capacités et ne pas les insécuriser au départ de la mesure.

On tient à souligner aussi l'impact, là, des perspectives que l'aide sociale reste encore sur l'angle de l'activation, donc... Puis on souligne, hein, puis là il y a peut-être un paradoxe, on souligne l'objectif emploi, parce qu'on dit : Bien, ça donne des contributions supplémentaires, mais ça demeure que, si on regarde en termes d'intervention, le fait...

M. Gravel (Richard) : ...le fait d'associer les mesures au montant d'argent que les gens sont... ça va être contreproductif pour l'intervention. Notamment, en termes... aux termes d'Objectif emploi, je pense que c'est une bonne chose de l'offrir à tout le monde. On pense que ça devrait demeurer en fait volontaire, mais pas juste pour les nouveaux... pour les nouvelles personnes, mais pour l'ensemble des personnes qui sont à l'aide sociale. Moi, je suis...

La Présidente (Mme D'Amours) : M. Gravel, je dois vous interrompre, votre 10 minutes est passé. Est-ce qu'il vous reste encore beaucoup de choses dans votre exposé? Mme la ministre, voulez-vous, sur votre temps, que M. Gravel continue? Alors, allez-y, M. Gravel, en terminant votre exposé.

M. Gravel (Richard) : Oui, bien, en fait, un dernier point, là, qu'on ramènerait, là, parce qu'on trouve... Parce que c'est sûr que la coalition, on a toujours trouvé que l'élimination des catégories serait une bonne chose et on pense que le programme de revenu de base devrait être étendu à l'ensemble des clientèles. Donc, pour nous, une personne qui a été 66 mois à l'aide sociale, pour nous, il y a déjà là, de son statut, parce qu'il a été absent très longtemps du marché du travail, il y a déjà là des contraintes assez importantes pour qu'il puisse... pour qu'on lui reconnaisse le statut de revenu de base. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Mme la ministre, on commence la période d'échange, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Bien, merci. D'abord, je vous... Pour information, là, dans le plan de lutte qu'on... que j'ai déposé au mois de juin dernier, il y a une mesure qui concerne le premier test d'avoir liquide, on abolit le premier test d'avoir liquide, qui était à 800 quelques dollars pour qu'il y ait concordance avec le montant que les gens peuvent avoir tout au long de leurs prestations. Alors, c'est déjà fait. On vous a entendu.

Vous parlez du programme de revenu de base qui devrait être à tous, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait y avoir certains ou qu'il y ait... Le programme de revenu de base a été pensé, et on l'a appliqué comme ça, pour les personnes qui ont des contraintes très, très sévères à l'emploi et qui ont... qui sont des personnes handicapées, lourdement handicapées pour, en fait, briser cet enclos dans lesquelles les gens étaient, là, pour leur donner une qualité de vie meilleure. Est-ce que ce serait équitable, que tout le monde ait ce programme de revenu de base plutôt que les personnes qui en ont vraiment, mais vraiment besoin parce qu'elles ne peuvent pas participer, pour certaines, là, à la société?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait... mais c'est l'angle du vraiment, vraiment besoin. Alors, qui a vraiment, vraiment besoin du revenu de base? Alors là, on est... Et c'est tout l'axe de dire : Bien, on est dans l'angle de l'activation. Donc, on part d'une prémisse que les personnes, si on ne les encourage pas, ils vont... ils ne quitteront pas l'aide sociale. Moi, je peux vous dire, là, en 35 ans, là, à travailler auprès de personnes éloignées du marché du travail, il n'y a personne, mais personne qui veut rester à l'aide sociale quand on travaille avec eux autres.

Mme Rouleau : Je suis d'accord avec vous.

M. Gravel (Richard) : Donc, il y a là l'élément. L'élément qu'on vous amène... puis on pourrait parler de revenu minimum garanti dans un autre contexte, mais, vu que le projet de loi, dans le fond, vient jouer dans les quatre catégories, on amène quand même à votre attention qu'une personne, qu'elle soit sans contrainte, qui se rend jusqu'à 66 mois à l'aide sociale avec un niveau de revenu qui est vraiment, là, en bas de ce qu'est la mesure de panier d'épicerie, donc, qui ne couvre pas ses besoins de base, bien, je pense que là, ici, on veut... C'est parce que vient un temps où la contrainte financière devient en elle-même un obstacle à la réinsertion. Puis moi, je suis sûr que, quand vous allez faire l'analyse du programme de revenu de base, moi, je suis sûr que le programme de revenu de base, il a amené des gens à intégrer le marché du travail, notamment à temps partiel, mais peut-être même à temps plein, parce qu'on vient libérer, dans le fond, de contrainte économique, et ça permet aux gens de pouvoir canaliser leur énergie sur le retour en emploi, sur comment évoluer. Donc, nous autres, dans le fond, on est dans la prémisse de dire : Les gens veulent sortir de l'aide sociale, une grande majorité, là, on...

M. Gravel (Richard) : ...la totalité, là, on peut se garder une marge de... mais, si on travaille avec ces gens-là, puis on les... on les sécurise financièrement pour leur permettre de pouvoir mettre leur énergie sur leur réinsertion en emploi, bien, moi, je pense que c'est gagnant, là, dans une vision, puis dans une vision aussi où on travaille à la fois sur les volets d'insertion sociale et les volets d'insertion à l'emploi. C'est vrai que l'emploi, ce n'est pas tout, là, et qu'il y a peut-être du monde qui vont juste... qui vont juste aller dans la participation sociale. Mais moi, je pense qu'au fur et à mesure... parce que l'emploi, ce n'est pas que de la rémunération, l'emploi, c'est aussi une façon de se valoriser, c'est aussi une façon de créer une identité. Moi, je pense que, si on met les conditions nécessaires, les gens vont vouloir intégrer l'emploi.

Mme Rouleau : O.K. Et pourriez-vous me dire comment vous... Quelle est votre opinion, là, plus précisément sur le changement qu'on apporte de contraintes en emploi à contraintes santé, en intégrant bien sûr toutes les dimensions de santé mentale et des enjeux psychosociaux? Comment... comment vous voyez ça?

M. Gravel (Richard) : Nous autres, on voit ça de façon extrêmement positive. Et vous voyez, c'est un peu ça, hein, quand on parle par rapport au revenu de base, on pourrait se dire : Ah! bien, là, on augmente le nombre de personnes, mais pour nous, là, les... que les gens aient des contraintes, donc plus gros... un plus gros chèque, là, dans les 60 premiers mois, ça n'a jamais été un obstacle pour qu'ils décident de retourner en emploi. Donc, non, on l'accueille très favorablement. Puis je pense que c'est une avancée, là, puis... importante, là, pour les gens qui sont à l'aide sociale.

Mme Rouleau : Et les mesures d'emploi favorisent-elles la participation des gens? Et là, par exemple, l'objectif emploi est obligatoire, même ça... c'est obligatoire, mais avec beaucoup d'assouplissement, là, et d'accompagnement pour que les gens intègrent. Croyez-vous qu'il serait... que c'est correct de maintenir l'obligation, ou il faudrait que ce soit selon la volonté de la personne?

M. Gravel (Richard) : Bien, dans le cadre d'Objectif emploi, là, puis on avait déjà... en fait, on avait déjà signalé qu'on trouvait que l'obligation n'était pas nécessaire. Et ça a des bons résultats. Mais je ne pense pas que les bons résultats d'Objectif emploi soient liés à la coercition. Puis moi, je pense que ça, il devrait y avoir des études. Mais moi, je me souviens que, suite à Objectif Emploi, avoir rencontré des gens qui ont intégré des parcours, notamment en entreprise d'insertion, qui disaient : C'était la première fois que mon agent m'appelait pour me proposer quelque chose. Parce que la relation... la relation avec les agents d'aide était vraiment liée au chèque. C'est pour ça que tout le volet soutien du revenu, à quelque part, il vient un peu perturber la relation quand on devient dans l'aide à l'accompagnement, parce que ça vient... ça vient fausser la... Ça vient fausser la relation d'aide. Donc, voilà, nous autres, on...

• (12 h 20) •

Mme Rouleau : O.K. Et c'est quoi, les étapes essentielles d'une bonne intégration pour une personne qui est éloignée du marché du travail?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait... puis, vous voyez, c'est là qui est... quand on dit : Ah! les nouveaux réseaux, puis... c'est que les individus, ils ne vont pas nécessairement travailler leur employabilité. Puis les organismes en employabilité, souvent, vont se faire dire : Bien là, vous ne devriez pas faire de l'insertion sociale. Ça, c'est du... la règle... Ça, c'est du social, vous ne devriez pas faire ça. Ils le font pareil, parce qu'à un moment donné, si on veut avoir des résultats. Mais c'est sûr que l'insertion sociale devient comme la base, hein, c'est la fondation sur laquelle, tu sais... puis c'est l'échelle de Maslow, là, c'est la...  la fondation sur laquelle il faut construire.

Mais prenons par exemple une personne immigrante qui arrive ici, qui est peu scolarisée, des fois analphabète dans sa langue d'origine, mais sa préoccupation d'intégrer le marché du travail, sa préoccupation fait que, pour lui, là, le volet réinsertion sociale n'est peut-être pas dans sa priorité numéro un. Alors, de pouvoir travailler à la fois l'ensemble des dimensions...

M. Gravel (Richard) : ...puis de permettre aux organisations de pouvoir le faire puis de créer des liens entre les différentes organisations pour que le passage d'une organisation ou... à l'autre soit... soit facilité, bien, je pense que ça, c'est gagnant pour l'ensemble de la société.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme la députée de Laporte, la parole est à vous.

Mme Poulet : Oui, merci, Mme la Présidente. Merci de votre présence et votre apport aux travaux. Très intéressant.

Vous dites beaucoup de choses. L'objectif des réseaux... Je voudrais vous entendre aussi, que vous développez, parce que, c'est ça, vous avez mentionné énormément d'informations. L'objectif des réseaux régionaux d'accompagnement est de soutenir des prestataires éloignés du marché du travail qui rencontrent des difficultés particulières. Pouvez-vous donner des exemples, d'autres exemples complets ou d'autres exemples, développer encore sur quel apport croyez-vous que les organismes d'employabilité pourraient avoir en ce domaine? Est-ce que vous pensez que tous les angles morts ont été couverts?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait, c'est parce que nous, on est dans un projet de loi, on entend... on entend qu'il va y avoir un réseau, on on voit qu'il y a des ministères qui sont ciblés, puis on parle d'organismes communautaires. C'est clairement... en tout cas, dans notre lecture, le projet de loi vise beaucoup de développer un peu ce qui existe en employabilité dans le domaine plus de l'insertion sociale. Ça, c'est notre lecture, avec le peu d'information qu'on a dans le projet de loi.

Nous autres, dans le fond, ce qu'on veut porter à votre... à votre attention, c'est qu'il faut... il ne faudrait pas créer des silos, des silos qui existent, là, des fois, entre les... Par exemple, là, par analogie, avec les organismes qui vont s'adresser aux personnes immigrantes et les organismes qui sont... font de l'employabilité, alors quand est-ce que ça devient de l'employabilité de la personne immigrante, est-ce que la personne immigrante a besoin d'employabilité dédiée à sa communauté ou parce que c'est une personne immigrante? On aurait tout avantage à maximiser les interventions puis qu'il y ait des liens qui existent de façon plus fluide. Mais c'est des réseaux qui ne travaillent pas nécessairement de façon... de... tant ensemble, parce qu'il y a un ministère qui se crée un petit réseau qui offre... qui offre de l'aide à l'établissement et un bout d'employabilité ou de connaissance du marché du travail. Et comment ça va passer dans l'autre réseau qui est autour plus de Services Québec, qui est essentiellement faire de l'employabilité. Donc, comment ces passages-là... Puis là on voit la création d'une nouvelle table puis on dit : On va-tu créer un autre petit réseau qui est plus de l'ordre de l'insertion sociale, mais qui n'aura pas tant de passage?

Ça fait que, dans le fond, ce qu'on veut porter à votre attention, c'est que c'est important que, comme on dit, bien, il y a plusieurs ministères, mais que les organisations communautaires qui siègent à ces réseaux-là, bien, soient aussi de différentes provenances. Parce que l'idée, c'est vraiment d'offrir... de mettre nos énergies, parce que là, ça va être des réseaux régionaux, mettre nos énergies pour que l'ensemble des services se mettent autour des individus et non pas traiter les problématiques de façon segmentée.

Mme Poulet : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Mme la ministre.

Mme Rouleau : Bien, c'est dans cette direction-là qu'on veut aller au niveau des réseaux régionaux, c'est d'assurer une bonne coordination. Parce qu'on sait que les organisations, les organismes et les ressources existent déjà, mais il faut s'assurer justement qu'il n'y ait pas de... il faut briser ces silos. Parce que le constat, c'est que les gens ne se parlent pas toujours. Dans certaines régions, j'ai pu le constater.

La formation, la formation pour aller... aller chercher un diplôme de secondaire cinq, comment voyez-vous ça? Parce qu'il existe des... il existe, dans les mesures d'emploi, là, la possibilité d'avoir des DEP, etc. Mais, secondaire cinq, ça, on constate que 42 % des personnes qui sont sur l'aide de dernier recours n'ont pas de diplôme d'études secondaires. Et on veut favoriser cette formation. Est-ce que ça a un impact pour vous?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait, dans le mémoire, on souligne, là, que c'est une... c'est une bonne mesure. C'est une mesure que ça fait... je vous dirais, ça fait longtemps qu'on... qu'on revendique, donc on...

Mme Rouleau : ...

M. Gravel (Richard) : Hein?

Mme Rouleau : Encore une fois, on vous a écouté.

M. Gravel (Richard) : Bien, c'est... c'est une bonne chose, c'est une bonne chose. Mais, à ce niveau-là, dans le fond, ce qu'on... ce qu'on... ce qu'on soulignait, c'est qu'on pourrait aller plus loin que juste les mesures de formation générale. Parce que, pour le profil des clientèles notamment qui sont à l'aide sociale, des fois, un diplôme d'études professionnelles, un diplôme métier semi-spécialisé...

M. Gravel (Richard) : ...spécialisé pourrait, là, dans le fond, être un élément qui serait plus... qui serait plus... plus, je ne veux pas dire à la portée des individus, mais plus dans leur intérêt. Moi, je pense que ce qui est important autour de ça, c'est vraiment de partir à partir des intérêts de l'individu pour dire : Bien... Parce que c'est quand... Parce que la motivation, elle vient quand tu fais de quoi qui, pour toi, fait du sens. Donc, les prestataires d'aide sociale sont dans la même dynamique. Alors, il faut leur donner cette espèce de marge là de pouvoir dire : J'ai décidé pour moi, donc c'est ce qui... Et là tu crées la motivation. C'est toujours un peu... c'est un peu... c'est complexe, la motivation, parce qu'on a tendance à voir ça comme si ça existait ou ça n'existait pas, mais dans un parcours d'un individu, des fois, il y a des journées qu'ils sont plus motivés, des fois, il y a des journées qu'ils sont moins motivés. Donc là, il y a comme... Mais quand ça vient de l'individu, bien, la journée qu'il est moins motivé, c'est plus facile de pouvoir travailler avec, à dire : Mais non, tu y croyais. Quand c'est une mesure qui est imposée, bien là, c'est sûr que là en termes de motivation... Et ça, ça crée des abandons dans les services, là.

Mme Rouleau : O.K. Et...

La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.

Mme Rouleau : 30 secondes. Qu'est-ce qui favoriserait l'engagement des organisations à intégrer des personnes qui sont en situation de précarité? Qu'est-ce qui favoriserait, là, pour les employeurs, l'insertion?

M. Gravel (Richard) : Pour les employeurs?

Mme Rouleau : Pour les employeurs.

M. Gravel (Richard) : Ah, moi, je pense qu'il y a un travail à faire de, comment je pourrais dire, qu'il y a un travail de vulgarisation à faire auprès des employeurs.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions avec l'échange avec la ministre. Maintenant, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. Une question. Ensuite, ma collègue va prendre la relève. Il y a des groupes qui souhaitent voir... Vous avez parlé du programme de revenu de base, il y a des groupes qui souhaitent que le programme de revenu de base inspire tous les programmes de l'aide sociale. Et on aimerait vous entendre là-dessus. Je sais qu'il y a des inquiétudes en parlant de la motivation. Il y a une question de capacité... Revenu de base, c'est pour les personnes, comme vous savez, qui n'ont pas la capacité, après cinq ans, là, de vraiment travailler, c'est des contraintes sévères à l'emploi permanentes. Là, on a plus, avec la réforme de solidarité sociale, c'est fusionné avec un autre programme. On avait proposé un projet de loi qu'avec les gains de travail de 200 $ par mois, que ce serait calculé, cumulatif et plus élevé, comme en s'inspirant du programme de revenu de base, mais, avec cette réforme-là, on voit qu'on va dans une autre direction, on s'éloigne du programme de revenu de base. Alors, où est le juste milieu entre programme de revenu de base pour tout le monde et aller dans l'autre direction du programme de revenu de base qui a quand même ses atouts. Voilà.

• (12 h 30) •

M. Gravel (Richard) : Mais moi, ma perception, c'est que le programme de revenu de base pour tous, c'est juste une question financière. C'est simplement ça. Parce que, pour les individus, là, pour les organismes, là, qui sont membres de la coalition, il n'y a aucune crainte, mais vraiment aucune, de penser que, si les gens ont tous le programme de revenu de base, ils ne viendront plus dans les services d'emploi. C'est un peu ce que je disais, là, dans ma présentation, les gens qui sont à l'aide sociale de façon importante, quasi majoritaire, veulent sortir de l'aide sociale. Et, pour nous, la question du revenu, c'est juste un obstacle supplémentaire parmi la série d'obstacles que les gens vont avoir à surmonter. Alors, il y a des contraintes financières supplémentaires quand tu as quelqu'un qui n'a pas de revenu. Et il faut que, nous autres, on travaille à éliminer puis à trouver des solutions pour les problèmes de précarité. Puis là je ne dis pas que le programme de revenu de base sort tout le monde de la précarité, là, je ne veux pas être mal interprété, mais c'est clairement que, pour nous autres, ce n'est pas un enjeu qui va avoir un impact sur la motivation des gens à intégrer les programmes d'employabilité ou les programmes qui... en lien avec l'insertion sociale et professionnelle. Les gens, là, ne le font pas pour une question de revenu ou très peu...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Gravel (Richard) : ...ou très peu.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, de représenter, donc, la coalition. Comme mes collègues, je pense que j'ai été... en lisant dans votre mémoire, donc, ça m'a frappée, donc, les éléments, donc, dont vous... vont... vous parliez, donc, au niveau, donc, d'affirmer la place des organismes en employabilité dans les réseaux régionaux d'accompagnement. Je pense que vous nous avez dit tantôt : Les organismes en employabilité doivent faire partie de ces réseaux, sinon, donc, il y a un risque, donc, de travailler en silo. Je pense, vous n'êtes pas le premier, donc, à nous en faire part aujourd'hui. Quel est... Quel serait, donc, le plus grand risque, en fait, de ne pas confirmer, donc, cette place-là, donc, des organismes en employabilité à l'intérieur de ces réseaux régionaux?

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait, le risque, c'est de créer, dans le fond, un nouveau, un nouveau silo puis que les gens, qu'ils soient orientés. C'est parce que, tu sais, dans le fond, l'enjeu, c'est que le prestataire soit orienté dans un réseau où on est plus dans l'insertion sociale puis qu'il n'ait jamais l'axe de l'emploi, là, qui vienne, qui vienne. Ça fait que l'idée, c'est de... vraiment d'avoir une approche qui est holistique, là, qui va... qui va travailler sur l'ensemble des dimensions et ne pas voir les individus comme... bien, tu vas régler l'étape un, puis après on va passer à l'étape deux. Puis c'est vrai, là, que, pour le... puis moi-même, là, quand on fait des parcours, là, on en fait des étapes, mais, quand on va travailler avec les individus, on ne les oblige pas à répondre aux étapes, on va de façon... et on s'adapte aux besoins des individus.

Mme Cadet : C'est fluide, c'est agile. On ne traite pas des individus comme s'ils étaient des petites cases.

M. Gravel (Richard) : Ça fait que c'est sûr que, pour nous autres, ça nous sécuriserait, que ce soit nommé dans la loi, cette diversité-là, comme il y a des ministères qui sont nommés.

Mme Cadet : Ensuite, il y a quelques... quelques autres, donc des intervenants en commission, qui nous ont dit : Bon, le projet de loi, on parle beaucoup d'intégration à l'emploi mais peu de maintien à l'emploi. Vous, qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Gravel (Richard) : Bien, au cours des dernières années, toute la question du maintien à l'emploi a pris de la place. Moi, je pense que c'est une bonne chose. Nous autres, on trouve que c'est... Parce qu'il y a... il y a deux éléments, il y a le maintien en emploi puis il y a aussi éviter le retour à l'emploi rapide, là, qui, pour moi, fait la partie de la sortie, dans le fond, vers l'emploi. L'objectif, c'est que les gens se valorisent dans l'emploi dans lequel ils vont se trouver, qui vont la conserver. Alors, pour certains, pour certaines personnes, bien, ils ont besoin, même quand ils étaient avec de l'emploi, d'un support particulier. Et ce que je disais tantôt à la ministre, là, puis c'est bon, ça va me permettre de finir la question, alors, les employeurs, en contexte de pénurie de main-d'œuvre, là, puis, on le voit notamment dans les emplois peu spécialisés, ils se sont avoués complètement dépourvus devant des personnes qui peuvent avoir des dynamiques, là, plus... plus complexes, comment j'interagis. Bon, il y a les handicaps, il y a... mais il y a aussi des aspects, là, qui sont plus de l'ordre comportemental qu'on peut... dans lesquels on peut appuyer, là. Il y a des programmes qui ont été développés, là, dans les dernières années, dans les organismes d'employabilité, où on fait de... Mais ça, ces programmes-là devraient, selon moi, être plus généralisés à pas mal l'ensemble des parcours, là, en fonction des besoins des individus. Ce n'est pas tous les individus qui ont besoin d'avoir un accompagnement en emploi quand ils finissent un parcours, mais, les individus qui ont besoin d'un accompagnement en emploi, je pense que c'est... La somme supplémentaire et l'effort supplémentaire qu'on va faire en faisant de l'accompagnement l'emploi, si on évite un retour à l'aide sociale, c'est nettement avantageux pour l'ensemble de la société.

Mme Cadet : Oui, bien, c'est ce que c'est... c'est ce que je perçois en fait de votre propos, c'est que ce serait avantageux de pouvoir, donc, poursuivre cet accompagnement-là pour le maintien à l'emploi, surtout pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, pour qu'elles puissent se maintenir puis qu'on réalise l'objectif ici du projet de loi.

M. Gravel (Richard) : Mais, vous savez, les entreprises, là... puis nous autres, on travaille beaucoup, là, mais moi, là, dans ma job, je travaille beaucoup, là, avec des réseaux d'employeurs et des entreprises, là, puis, au Québec, là, les PME, ils n'ont... ils n'ont pas de service de ressources humaines, là. Ça fait que, s'il n'y a pas des organismes qui peuvent leur offrir ce service-là de dire : Mais on va t'aider dans ton accompagnement d'emploi... Ce n'est pas toutes les entreprises, là, qui peuvent se payer du monde qui vont avoir cette vision-là de dire : Ah! comment on peut adapter pour s'assurer que...

M. Gravel (Richard) : ...que la personne va rester en emploi. Ça fait que ça, c'est vraiment un élément où... Tu sais, c'est sûr que, dans les années 80, la PME... ils engageaient, ils recevaient 200 C.V., ils en rencontraient 10 puis ils prenaient le meilleur des 10. Il y avait beaucoup moins de problèmes de rétention. Mais on l'entend là, des employeurs, là, qui disent : Mon problème, ce n'est pas de trouver du monde, c'est de les garder. Alors là, il faut vraiment qu'on travaille, là, dans cet ordre-là.

Mme Cadet : Oui. Vous l'avez dit, élargir le supplément pour études et diplomation à d'autres programmes de formation, comme les DEP, comme les métiers semi-spécialisés. Je pense qu'on est assez d'accord avec vous, là, de dire qu'ici, donc, il ne faudrait pas qu'on soit... que c'est une bonne chose, l'élargissement, ici, mais il faudrait qu'il ne soit pas linéaire, dans le fond, qu'il s'adapte, donc, aux parcours de vie des apprenants.

M. Gravel (Richard) : Bien, il faut que ça vienne de l'individu, vous savez. Parce qu'il faut faire attention, ce n'est pas... ce n'est pas : on va offrir... on va offrir d'abord des métiers semi-spécialisés parce que c'est plus rapide, c'est vraiment en fonction des besoins puis de la capacité des individus. Mais ça demeure qu'il y a des individus qui ont... puis, tu sais, il faut se le dire, qui n'auront  peut-être pas la capacité de faire un diplôme d'études générales puis qui ne veulent pas le faire, qui ne veulent pas l'essayer. Bien dans ce cas-là, bien, il y a d'autres certifications qui leur permettent d'accéder à des métiers qui sont tout aussi honorables, hein, puis qui sont nécessaires pour la société, là, on l'a vu, dans les dernières années, donc.

Mme Cadet : ...

La Présidente (Mme D'Amours) : 50 secondes.

Mme Cadet : Ah! d'accord. Vous travaillez beaucoup avec des personnes éloignées du marché du travail. Les obstacles les plus fréquents qui sont rencontrés, selon vous, dans leurs parcours vers l'emploi?

M. Gravel (Richard) : Eh boy! C'est difficile, hein, de nommer une chose, mais moi, je vous dirais que l'élément le plus central qui fait que les gens ont de la misère à intégrer le marché du travail, là, dans l'ensemble des problématiques, c'est des... c'est des personnes qui n'ont pas nécessairement le contrôle sur les événements et qui se font contrôler par les événements, là. Donc, d'être capable de permettre aux gens de se stabiliser puis de faire face aux aléas de la vie, là... Puis ça, ça en fait partie, là, quand on parle des mesures de maintien en emploi, là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci. C'est intéressant de vous entendre dire que l'accès au revenu de base ne vient pas diminuer l'intérêt pour un retour sur le marché du travail. Vous avez nommé à quelques reprises que la précarité financière elle-même est parfois une entrave pour le retour au travail. J'aimerais ça, vous entendre élaborer là-dessus. Donc, pourquoi, en quoi ça devient une entrave, le fait d'être précaire financièrement?

• (12 h 40) •

M. Gravel (Richard) : Bien, parce que, quand les gens sont en situation de survie, leurs préoccupations sont de l'ordre de... d'ordre financier. Bien, ça prend plus toute la place, et ils ne peuvent pas se mobiliser sur leur retour à l'emploi, sur mettre les énergies aux bons éléments. C'est un peu ce que je disais, dans le fond, ça devient que les intervenants dans les organisations en développement de l'emploi... pour eux autres, l'aspect contrainte financière devient un obstacle en soi qui est traité, de la même façon que tu vas avoir de l'analphabétisme, ou... il faut venir...

Alors, tout cet élément-là de dire... c'est un peu l'idée, là, où on dit : Bien, pourquoi on veut éliminer les... pourquoi on veut que les gens diminuent leurs avoirs? Peut-on... a-t-on de besoin que les personnes qui sont à l'aide sociale aient vraiment zéro revenu, zéro capital dans leurs comptes de banque puis de les mettre en précarité. Pour qu'après, là, quand on les prend dans nos organisations, on leur dise : Ah! c'est bien important que tu te construises un montant d'argent pour affronter les aléas de la vie, là, tu sais, demain matin, ton frigidaire brise, qu'est-ce que tu fais? Présentement, une personne qui est à l'aide sociale, que son frigidaire brise, bien là, il est complètement démuni. Il faut qu'il aille chercher puis se faire donner de la nourriture, il a... il faut qu'il aille... c'est... Alors, comment on peut accepter... Puis on comprend, là, qu'il y a une limite, là, mais on trouve que la limite, elle est très, très basse, même à l'aide sociale, ce n'est pas... ce n'est pas...

Mme Labrie : Ça fait que vous nous dites, dans le fond, que même avec tout ce qui est déployé comme mesures d'accompagnement vers l'emploi, même avec les programmes, les plans individualisés, qui pourraient être faits pour accompagner ces personnes-là, si on n'agit pas sur le montant...

Mme Labrie : ...qui est mis à disposition de ces personnes-là pour survivre à chaque mois. On va les mettre dans une situation où ça va être très difficile, même avec un plan individualisé, de se remettre en mouvement parce qu'elles sont trop en mode survie encore.

M. Gravel (Richard) : Mais vous voyez, malgré ça, ils le font. Malgré ça, ils le font, mais ça demeure que c'est un obstacle supplémentaire.

Mme Labrie : O.K. Bien, je vous remercie.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Vous insistez sur la question de la conditionnalité, c'est-à-dire l'établissement d'un lien entre le soutien minimal du revenu des personnes et la participation à des mesures d'employabilité. Et vous dites que vous nous invitez à mettre fin aux catégories administratives qui distinguent les individus avec contrainte et sans contrainte parce que, notamment, ça stigmatise, ça entretient des préjugés et la discrimination. Deux questions là-dessus. La première, est-ce qu'il s'agit surtout d'une question d'utiliser les bons mots, parce que vous dites c'est une étiquette, ou ça va plus loin que ça, c'est-à-dire que l'établissement de catégories en soi, c'est le problème?

Si c'est le cas, deuxième question, comment on réconcilie le désir ou l'intention, qui paraît louable, d'individualiser les mesures d'aide aux besoins de la personne, puis vous avez dit vous-mêmes que chaque personne n'est pas dans la même situation, avec cette volonté de ne pas justement les catégoriser? Donc, d'un côté, des besoins individuels, chacun n'a pas besoin de la même route, mais l'autre côté on voudrait commencer en les mettant tous sur le même pied.

M. Gravel (Richard) : Bien, en fait, c'est qu'on part toujours du principe que c'est l'argent qui motive les gens à intégrer différents... Ça fait qu'on est, oui, pour une ouverture, puis adapter les accompagnements en fonction des besoins des individus. On dit juste que le fait de... le fait que les gens vont aller... on va avoir des montants supplémentaires, bien, à la limite, ce n'est pas vraiment ça. Oui, ça va, les... Ça va les motiver dans la mesure où on leur enlève des obstacles.

Donc, c'est sûr que c'est aidant dans ce cadre-là, et on le reconnaît. Mais est-ce que, si le niveau de revenu était plus élevé pour tout le monde, ils arrêteraient de le faire puis ils iraient chercher une mesure qui n'est pas nécessairement... On ne croit pas. Moi je pense qu'il faut... il faut offrir l'accompagnement, il faut travailler avec les individus, là, puis faire vraiment un bon... un bon bilan de... Bon, O.K., vers où tu t'en irais? C'est quoi tes aspirations? C'est quoi, toi, tes capacités aussi? Parce qu'il y a toujours cet élément-là, là. On parle des aspirations. On parle aussi de regarder les capacités, puis c'est quoi les pistes de solution qui t'adressent. Puis on va faire le parcours qui répond à tes besoins. Mais pour... Mais pour moi, il n'y a pas de... il n'y a pas d'obligation qu'il ait une... qu'il soit en difficulté financière pour qu'il puisse intégrer les mesures d'emploi.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. Gravel, pour votre contribution à nos travaux à la commission.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 45)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 05)

La Présidente (Mme D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil électronique, s'il vous plaît.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 71, Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants, soit le Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, l'Union des consommateurs, le Réseau Solidarité Itinérance du Québec et l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées.

Donc, je souhaite maintenant la bienvenue au Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre. Chers invités, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Donc, bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour à toutes et à tous. Permettez-moi, au nom de mes collègues, de Patrick Pilon, directeur général de Réhabex, Laurence Rodier, agente de communication et d'analyse, et de tous les membres du Réseau des services spécialisés de main-d'œuvre, RSSMO, ainsi qu'en mon nom personnel, Nisrin Al Yahya, directrice générale du RSSMO, de vous exprimer nos sincères remerciements pour l'opportunité qui nous est offerte de participer aux consultations particulières et aux...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...auditions publiques sur le projet de loi n° 71 intitulé Loi visant à améliorer l'accompagnement des personnes et à simplifier le régime d'assistance sociale. Cette occasion nous permet de partager nos réflexions sur ce projet de loi crucial pour l'avenir des personnes en situation de vulnérabilité au Québec.

Nous souhaiterions tout d'abord vous présenter brièvement le RSSMO. Notre réseau regroupe 50 organismes répartis dans 14 régions du Québec et établis dans plus de 90 points de service. Ensemble, ces organismes viennent en aide à plus de 30 000 personnes chaque année, dont une majorité appartient à des groupes particulièrement marginalisés et sous représentés sur le marché de travail. Notre mission première est de favoriser le développement de l'employabilité à travers l'intégration, la réintégration et le maintien en emploi des personnes qui rencontrent des difficultés socioprofessionnelles. Nous agissons en étroite collaboration avec les gouvernements provincial et fédéral afin de proposer des programmes et des mesures personnalisées adaptées aux réalités de chaque individu.

Nos membres sont des experts en employabilité, mais aussi des partenaires de première ligne qui interviennent auprès des clientèles vulnérables, telles que les jeunes en difficulté, les personnes en situation de handicap, les nouveaux arrivants, les clientèles judiciarisées, les femmes, ainsi que diverses personnes éloignées du marché de travail en raison de différents obstacles personnels ou structurels. Leur expertise ne se limite pas à l'accompagnement vers l'emploi, mais englobe également une compréhension approfondie des enjeux sociaux qui influencent le parcours professionnel des personnes.

Le projet de loi n° 71 représente une avancée importante pour soutenir les personnes en situation de précarité. Il offre la possibilité de simplifier l'accès aux services d'assistance sociale, tout en améliorant l'accompagnement des personnes les plus éloignées du marché du travail. Toutefois, pour maximiser son impact, il est essentiel d'intégrer certaines dimensions clés qui concernent les clientèles vulnérables et les organismes qui les accompagnent.

Nous avons structuré nos recommandations autour de quelques axes prioritaires qui, selon nous, méritent une attention particulière dans le cadre de l'élaboration des mesures prévues par le projet de loi. Notre approche est fondée sur les principes de simplification des démarches d'inclusion des bénéficiaires, de respect des réalités individuelles et de valorisation des ressources communautaires existantes. En mettant de l'avant ces éléments, nous croyons fermement que ce projet de loi pourra mieux répondre aux besoins réels des populations visées. Dans ce qui suit, je vous présente brièvement les recommandations du réseau.

Donc, la première est la prise en compte des ressources communautaires en employabilité. Les organismes communautaires spécialisés en employabilité possèdent une expertise reconnue pour accompagner les personnes les plus éloignées du marché de travail. Il est crucial de les intégrer pleinement dans les réseaux régionaux d'accompagnement pour éviter les doublons et d'optimiser les ressources déjà en place. Cela permettra de renforcer l'efficacité des interventions, tout en s'appuyant sur l'expertise développée depuis plusieurs décennies, autant au niveau de l'accompagnement des personnes vers une intégration réussie sur le marché de travail qu'au niveau du maintien en emploi et de l'intervention auprès des entreprises.

• (15 h 10) •

La deuxième porte sur la simplification des démarches administratives. Le RSSMO soutient fermement la démarche de simplification des procédures qui permettra de mieux répondre aux besoins des populations, surtout celles ayant des compétences numériques et/ou linguistiques limitées. Le RSSMO rappelle l'importance d'une approche humanisée et simplifiée pour l'ensemble des services de réintégration professionnelle. Les processus actuels, souvent complexes et bureaucratiques, constituant un obstacle majeur à l'accès aux aides... aux aides sociales, peuvent poser certaines problématiques au niveau des usagers. Nous préconisons la mise en place de guichet unique qui centralise... ou qui centraliserait les demandes et fournirait un soutien personnalisé, tout en réduisant les délais et les barrières. Aussi, il nous semble essentiel que les documents soient disponibles dans plusieurs langues, facilitant ainsi l'accès aux services pour les personnes ayant une maîtrise limitée du français ou des outils numériques.

La participation active des bénéficiaires dans les projets pilotes est notre troisième recommandation. En effet, les bénéficiaires doivent être partie prenante des solutions mises en œuvre dans le cadre des projets pilotes. Nous recommandons d'inclure une approche participative où les usagers pourraient s'exprimer et contribuer à l'élaboration des mesures qui les concernent directement. Cela pourrait se faire par le biais d'ateliers de consultation, ou des groupes de discussion, ou de différentes autres manières.

Éviter les modèles coercitifs. Le RSSMO plaide en faveur d'une approche d'accompagnement fondée sur la bienveillance et la flexibilité, évitant les modèles coercitifs ou punitifs systématiques. Nous croyons qu'il est essentiel de respecter les réalités individuelles, notamment en ce qui concerne les...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...contraintes personnelles, sociales et économiques qui influencent la capacité d'une personne à réintégrer le marché du travail.

Un accès équitable aux services et réduction de la fracture numérique serait notre cinquième recommandation. Les personnes vivant dans des zones rurales ou défavorisées font face à des défis particuliers pour accéder aux services sociaux. Nous recommandons d'augmenter la présence d'agents mobiles et de promouvoir la littératie numérique pour garantir que tous puissent bénéficier des mesures d'accompagnement, peu importe leur localisation ou leurs compétences technologiques.

La révision des montants d'aide financière. Bien que le projet de loi n° 71 ne traite pas directement des aides financières, le RSSMO tient à rappeler que les montants actuels des prestations d'aide sociale sont insuffisants pour permettre aux personnes de subvenir à leurs besoins de base. Une révision de ces montants serait probablement nécessaire pour favoriser une réelle inclusion socioéconomique.

La promotion des compétences et de la diplomation, l'acquisition des compétences variées, y compris la formation professionnelle est essentielle pour garantir une insertion durable sur le marché du travail. Nous recommandons une reconnaissance accrue des parcours non traditionnels, comme les formations techniques ou les certifications professionnelles ou l'apprentissage professionnel, qui peuvent avoir un impact direct sur l'employabilité.

La prise en compte des demandeurs d'asile qui sont souvent exclus des mesures d'accompagnement malgré leur grande vulnérabilité. Nous croyons que le projet de loi devrait prévoir des mécanismes spécifiques pour soutenir cette population dans son intégration socioéconomique, même en amont de la régularisation de leur statut. Je tiens à souligner que le RSSMO salue l'initiative du plan d'intervention individualisé proposé dans le cadre du projet de loi n° 71. Ce dispositif offre un soutien personnalisé prenant en compte la situation sociale et professionnelle de chaque personne, ce qui permettra d'encadrer de manière plus efficace les parcours des individus en difficulté, notamment ceux provenant des programmes de dernier recours. Cette approche est en parfaite adéquation avec les pratiques des organismes d'employabilité, membres du RSSMO, qui privilégient une intervention spécialisée, globale et individualisée afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque individu.

Le RSSMO salue également l'initiative de reconnaître toute forme de participation sociale, dont le bénévolat, les ateliers de développement personnel, les stages non rémunérés en entreprise et bien d'autres. La reconnaissance officielle de ces formes de participation sociale dans le cadre de ce projet de loi valorise les efforts des personnes en démarche de réinsertion, même lorsqu'elles ne sont pas encore prêtes pour un emploi rémunéré. Cela leur permet de développer des compétences, de créer des liens sociaux et de s'inscrire dans un parcours évolutif vers l'autonomie.

Pour conclure, ce qui est très important, c'est qu'en intégrant les recommandations que nous avons formulées aujourd'hui, le projet de loi n° 71 pourra non seulement mieux répondre aux besoins des personnes en situation de précarité, mais également favoriser une véritable inclusion sociale et professionnelle. Nous soulignons l'importance d'adopter une approche collaborative, bienveillante et centrée sur les bénéficiaires, impliquant activement les organismes d'employabilité et les individus eux-mêmes afin de maximiser l'impact des mesures proposées. Il est crucial que les politiques publiques continuent d'évoluer en tenant compte des besoins spécifiques et complexes des bénéficiaires afin de bâtir des solutions durables et inclusives.

En adoptant les dispositifs aux réalités des populations les plus vulnérables, nous contribuons à créer une société plus équitable où chacun aura une réelle opportunité de s'intégrer et de participer pleinement à la vie économique et sociale. Ainsi, le projet de loi n° 71 a le potentiel d'agir comme un levier de transformation sociale, à condition qu'il soit mis en œuvre avec flexibilité, écoute et collaboration entre tous les acteurs concernés.

Pour finir, je citerai Aliana, qui disait avec un sourire qui illuminait son visage : Il n'y a rien de plus beau pour moi que d'avoir traversé le système d'assistance sociale et d'en être ressortie plus forte avec de l'espoir pour un avenir meilleur et un emploi que j'aime. Merci de m'avoir si bien soutenu. Cela illustre parfaitement que, grâce à un accompagnement adéquat, il est possible de se relever et d'avancer vers de nouvelles perspectives. Nous vous remercions de votre attention et avons hâte de discuter avec vous.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup pour votre exposé.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Maintenant, nous commençons la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Bien, merci beaucoup, Mme Al Yahya. J'ai bien prononcé?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Absolument.

Mme Rouleau : Bon, parfait. Merci beaucoup pour votre exposé. Je salue aussi M. Pilon et Mme Rodier. Merci de contribuer à l'avancement de cette modernisation du régime...

Mme Rouleau : ...l'assistance sociale, c'est un projet de loi qui est fort important. Et vous avez... Vous avez déjà bien mis la table sur certains éléments qui feront partie de nos réflexions, évidemment. Je suis curieuse. Vous parlez de la mise en place d'un guichet unique pour centraliser les demandes d'assistance, d'aide financière, accompagnement social, insertion professionnelle, etc. Comment vous... Qu'est-ce que c'est que le guichet unique? Comment voyez-vous cette... cette proposition?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, en fait, cette proposition vient d'une réflexion dans laquelle nous avons pensé qu'avoir des guichets uniques régionaux pour simplifier l'accès aux services aurait pour objectif de centraliser des démarches administratives pour permettre aux bénéficiaires d'accéder plus facilement aux services d'assistance sociale. Dans le fond, ce qu'on aimerait avoir, c'est une mise en place de ce réseau de guichet unique dans certaines régions pilotes. Ces guichets, par exemple, pourraient regrouper des services administratifs, des services psychosociaux et de réinsertion professionnelle pour offrir un soutien global simplifié, centralisé. On pourrait aussi mettre des systèmes d'évaluation de ce genre de guichet en mesurant la réduction, par exemple, du temps de traitement des dossiers pour la satisfaction des usagers. Donc, notre objectif, c'est de vraiment aller dans le sens d'une simplification d'accès, d'une approche facilitée et d'une diminution de la lourdeur administrative.

Mme Rouleau : O.K. Mais je pense qu'on a... qu'on va dans la même direction parce qu'on parle de réseaux régionaux d'accompagnement, et qui comprennent un ensemble de partenaires, dont les organismes communautaires, pour s'assurer d'un bon accompagnement des personnes et donc bien les diriger. Et c'est une question d'une meilleure coordination pour éviter les silos. Alors, je crois qu'on va dans la même direction à ce niveau-là. Sur.... Pourriez-vous détailler un petit peu plus sur le vécu de vos organismes? Comment ça se passe sur le terrain pour vous?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Comment ça se passe? C'est tellement une grande question, Mme la ministre. En fait, vous savez, au jour d'aujourd'hui, le gros défi que nous avons en termes d'organisme, c'est que nous avons une demande croissante de plus en plus de la part d'une population vulnérable et fragilisée. Et puis cette demande-là, malheureusement, ne peut pas être répondue dans le cadre des financements actuels de ce qu'on voit. Malheureusement aussi, malgré toutes les compétences, les capacités et les connaissances de nos intervenants, ce problème d'accessibilité aux services pose un gros défi pour nous. Le fait de devoir calculer les temps d'intervention, le fait de devoir ne pas nécessairement aller dans le sens de l'individu et ses besoins, mais d'être limité par une lourdeur administrative au quotidien fait que, des fois, nos intervenants se retrouvent dans une posture où eux-mêmes se sentent fragilisés dans leur approche et dans leur intervention.

• (15 h 20) •

C'est sûr aussi qu'on voit que la vulnérabilité augmente de plus en plus, la pauvreté aussi. Vous savez, ces dernières années surtout, on a remarqué, puis je ne vous annonce rien de nouveau, une augmentation de l'itinérance. On a remarqué une... une diminution de la capacité d'acheter un panier à toutes les semaines pour certaines personnes. Et puis encore plus, pour plusieurs qui même ont des emplois, ils n'ont pas accès à un logement décent.

Donc, nos organismes vivent de vrais défis à pouvoir accompagner, aider au meilleur de leur connaissance une population de plus en plus vulnérable. Je vais aussi peut être laisser la parole à Patrick qui va pouvoir venir en appui à ma réponse étant donné qu'il fait partie des organismes de terrain qui travaillent beaucoup auprès de cette clientèle vulnérable.

M. Pilon (Patrick) : Merci beaucoup. Donc, si je peux me permettre, pour illustrer la situation au sein des organismes, lorsqu'on parle d'investissement, on ne parle pas nécessairement autant d'investissement financier, bien que c'est nécessaire, mais aussi d'investissement de temps pour modifier le mécanisme d'application des services d'aide à l'emploi, pour qu'il soit adapté aux besoins des clientèles que l'on dessert. Si je peux exprimer ici une situation, notamment dans nos organismes spécialisés pour les personnes judiciarisées, quelqu'un qui aurait des troubles au niveau de la santé mentale, on pourrait très bien avoir une double participation avec un organisme qui est un expert au niveau de l'approche en santé mentale. Il pourrait venir offrir des services qui sont complémentaires pour optimiser les chances de la personne d'intégrer le marché du travail...

M. Pilon (Patrick) : ...par contre, il s'agit souvent de décision arbitraire basée sur une décision qui vient d'un agent d'aide à l'emploi ou un agent d'un bureau du ministère qui fait en sorte qu'on refuse ces doubles participations là. Mais ici je parle de personnes, exemple, santé mentale judiciarisée, mais ça pourrait être la même chose, santé mentale, femmes ou personnes avec des limitations physiques aussi. Donc, c'est vraiment de permettre aux organismes d'adapter leurs interventions et de collaborer ensemble pour bien accompagner le citoyen dans sa démarche d'intégration sur le marché du travail et de maintien sur le marché du travail. Donc, ce serait mon commentaire.

Mme Rouleau : D'accord. On souhaite dans ce projet de loi changer la contrainte d'emploi en contrainte santé, en faisant intervenir l'aspect de santé mentale et d'enjeux psychosociaux, et les diagnostics pourront être faits par des professionnels de la santé, pas seulement que le médecin. Est-ce que, ça, vous pensez que c'est un... c'est quelque chose qui viendrait... qui va venir aider vos organisations à mieux... mieux cibler, mieux aider les gens qui viennent vers vous?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, là encore, moi, ce que je nommerai, c'est que non seulement ce serait utile, intéressant et fort aidant, mais que nous-mêmes, on a des professionnels qui pourraient, eux aussi, aider, accompagner dans cette démarche en termes de santé. Donc, nous avons plusieurs intervenants psychosociaux, on a des conseillers en orientation, on a des conseillers qui suivent des personnes depuis l'instant où ils commencent avec eux. C'est juste une question de temps aussi puisque... Je tiens à insister sur le point que vient de mentionner Patrick, parce que nos programmes d'accompagnement sont très limités dans le temps. Donc, moi, si j'ai un psychoéducateur dans mes organismes, par exemple, bien, il serait capable de pouvoir aider ces personnes-là dans le cadre des intervenants qui accompagnent des professionnels dans le programme PAAS Action, par exemple. C'est des personnes qui ont un ensemble d'expertises très, très avancées, qui peuvent absolument savoir quels sont les points de vigilance pour un individu, puis faire le va-et-vient, carrément, avec la ressource en santé ou en services sociaux pour pourvoir l'aider à avancer dans des démarches qui peuvent l'amener vers le milieu de l'emploi. Cependant, on n'a pas cette opportunité, justement, de pouvoir continuer ce travail. On est beaucoup plus, malheureusement, occupés à faire des démarches administratives que d'accompagner les personnes et de jouer notre rôle, en fait.

Mme Rouleau : O.K. Donc, les... disons, modifier les contraintes, les contraintes à l'emploi vers contraintes de santé, plus le réseau régional d'accompagnement, plus la possibilité pour chaque individu d'avoir un plan personnalisé d'accompagnement, ce sont des... et de travailler avec les organismes... parce qu'il est prévu de travailler avec les organismes, là, je souligne que je suis le ministre de l'Action communautaire aussi. Alors, c'est important de travailler avec les organismes du milieu, s'assurer d'une bonne coordination. Ça, ça répond... ça répond assez bien, là, à vos besoins, puis on pourra élaborer un petit peu plus. Mais pourriez-vous me parler des enjeux que rencontrent les personnes en situation de précarité qui sont prestataires de l'aide sociale, qui veulent embarquer, qui veulent s'insérer? Parce que l'objectif, c'est l'insertion sociale, la participation sociale et aller vers l'emploi. Quels sont les enjeux que ces personnes peuvent rencontrer pour arriver à un emploi?

Mme Al Yahya (Nisrin) : En fait, il y en a plusieurs, dans le fond. Donc, on parle beaucoup de la diplomation, on parle beaucoup de la fracture numérique, mais on parle aussi des enjeux linguistiques et de maîtrise de langue. Donc, vous comprendrez que, de plus en plus, la littératie numérique n'est plus du tout une condition qu'on ne peut pas... qu'on ne peut pas ne pas respecter dans les milieux professionnels. Et puis, par exemple, dans plusieurs de nos projets prépréparatoires à l'emploi, préparatoire à l'emploi, cette dimension-là est maintenant prise en compte par nos intervenants, car, sans cela, ils ne pourront jamais comme s'adapter dans des milieux professionnels. Lors de l'une de mes dernières rencontres avec une directrice d'un organisme qui s'occupe de...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...projet préparatoire à l'emploi pour femmes, elles me nommaient le fait que, dans le temps, ils se satisfaisaient de ce que la personne leur disait en termes de ses connaissances personnelles, en termes d'informatique, etc. Par exemple, là, maintenant, ils font carrément passer des petits tests pour pouvoir voir est-ce qu'ils peuvent ou pas se débrouiller en termes de littératie numérique. Et, de plus en plus, pratiquement 100 % de cette clientèle-là va avoir besoin d'avoir cette formation en outils numériques. Les compétences linguistiques, c'est certain que des personnes nouvellement arrivées peuvent avoir des bonnes diplomations ou d'un bon accès au marché de travail, mais tant et aussi longtemps que la francisation n'est pas nécessairement accessible en tout temps, qu'elle n'est pas à la hauteur des attentes des employeurs et qu'il y a urgence d'emploi, donc on va avoir encore ce genre de défi et problématique pour les personnes et les professionnels à accéder au marché de travail.

Donc, il faut absolument qu'on puisse aussi aider les individus dans leur démarche d'insertion en termes... en termes d'un accompagnement individualisé selon leurs propres besoins. Parce que, ce qui pose problème, des fois, c'est qu'on les rentre dans le cadre ou dans la case d'un programme défini, mais leurs besoins dépassent le cadre de ce programme-là. Donc, il faut qu'on les... qu'on les ramène vers nos programmes et puis qu'on puisse détailler encore plus leurs besoins en lien avec le marché de travail.

Et c'est sûr aussi que j'aimerais bien parler de ce qu'on appelle, nous, les emplois qualifiés. Parce qu'il est très important pour nous que les personnes ne soient pas juste en emploi, mais qu'ils puissent avoir accès à des emplois qualifiés. Et ce qu'on... ce qu'on nomme ou ce qu'on veut définir comme emplois qualifiés, au travers de notre réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, c'est que c'est un emploi qui va respecter les besoins des individus tout en assurant la sécurité et la stabilité, donc des contrats à durée indéterminée, des conditions de travail respectueuses, des salaires décents, des opportunités d'évolution, une possibilité d'avoir une conciliation de travail et de vie personnelle. Donc, cet ensemble d'éléments dans un emploi de qualité vont permettre à l'individu de bien se classer, mais aussi de rester dans son emploi.

Il y a un arrimage à faire, par exemple, entre les emplois de qualité et le programme Objectif Emploi, qui peut être réalisé en créant des passerelles, par exemple, vers des secteurs qui offrent des emplois stables, en valorisant les compétences transférables et en soutenant des entreprises engagées, par exemple, dans des bonnes pratiques. Donc, on... Donc là, je mentionne comme, en fait, trois facteurs de réussite d'une intervention.

Mme Rouleau : O.K. Vous parlez de bonnes pratiques. Qu'est-ce que vous... Qu'est-ce... Quelles seraient les bonnes pratiques?

• (15 h 30) •

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, des bonnes pratiques en entreprise, vous voulez dire? Bien, en fait, les entreprises qui ont des bonnes pratiques, par exemple, en termes d'équité, diversité, inclusion, qui ont des programmes d'accueil, qui ont des programmes de soutien et qui ont des possibilités de travailler en mode... en mode bipartite ou tripartite, donc en mode tripartite avec nous, comme organismes communautaires, dans l'accompagnement et l'aide des personnes à mieux s'intégrer sur le marché de travail, d'avoir une personne qui soit une référence, par exemple, dans l'entreprise et une personne du milieu communautaire qui va pouvoir résoudre des problématiques qui peuvent être soumises ou soulevées. Dans le cadre de nos programmes pilotes, nous avons un programme qui s'occupe particulièrement de cette situation-là. Donc, le maintien en emploi, pour nous aussi, est un élément très, très important. Donc, la collaboration, entre guillemets, entre les différents acteurs de l'écosystème en est une très importante, quand on parle de bonnes pratiques, dans le fond.

Mme Rouleau : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente. Lorsqu'on parle... Merci pour la belle présentation et ce que vous faites pour cette catégorie de gens là. Ils en ont tellement besoin.

Je voudrais savoir le taux de réussite, de placement, d'études, et tout ça. Quel est le taux de réussite? Et quel âge ont environ votre clientèle? Est-ce que c'est jeune ou jusqu'à 60 ans et plus?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, 60 ans et plus, c'est encore jeune, Mme la députée!

Mme Blais : Je m'envoyais des... Je m'envoyais des fleurs.

Mme Al Yahya (Nisrin) : On s'envoie des fleurs. Donc, en fait, effectivement, notre clientèle est... est d'un échantillon très, très large, en fait. On a des... On a une clientèle très jeune. Nos interventions commencent à partir de l'âge de 15 ans puis peuvent aller très, très loin, à beaucoup plus que 60 ans, donc nos travailleurs expérimentés, les 45 ans et plus. Toutes les clientèles sont intégrées dans notre regroupement, notre réseau.

Le taux de réussite...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...placement en emploi est pas mal intéressant, honnêtement, parce que nous avons fait partie de ceux qui ont monté ce qu'on appelle le projet Continuum entreprise qui a mené vers les parcours de maintien en emploi au niveau de Services Québec. Donc, on a une expérience et une expertise et on a une formation très avancée pour nos intervenants à ce niveau, puis qui nous permettent pas mal de pouvoir aider cette population-là au meilleur de notre connaissance. Patrick, je vais aussi te laisser la parole là-dessus. Je sais que, toi aussi, dans ton secteur, il y a beaucoup de travaux qui sont faits à ce niveau-là.

La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes, M. Patrick.

M. Pilon (Patrick) : Merci beaucoup. Bonjour, Mme la députée. En fait, c'est ça, pour tout ce qui est du taux de placement, c'est difficile parce que, tout dépendant des catégories et des profils type de clientèle aussi, c'est un taux qui peut être assez changeant, qui est variable aussi dans les temps. Comme parlait Mme Al Yahya, il y a, bien sûr, des projets qui donnent des résultats très probants. Je pense notamment au projet type qui a été développé par le Regroupement des services spécialisés en main-d'oeuvre, qui est un taux de placement et de maintien en emploi, si ma mémoire est bonne...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup, M.... M. Patrick, je suis obligée de vous interrompre parce qu'on a terminé le temps de la partie gouvernementale. Maintenant, on serait rendus à l'opposition officielle. Donc, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente. D'ailleurs, merci beaucoup pour la présentation et le mémoire détaillé. Peut-être vous pouvez compléter votre réponse. Je vous laisse compléter votre réponse à la question antérieure.

M. Pilon (Patrick) : Merci. Le taux de placement et de maintien en emploi est de près de 90 % sur ce projet.

Mme McGraw : Parfait. Merci. J'aimerais aller sur la recommandation numéro 6. Alors, vous parlez de... On parle du programme de revenu de base. Si je comprends bien, vous recommandez de bonifier le programme pour les bénéficiaires présentement, mais aussi d'étendre le programme à l'ensemble des bénéficiaires. Je veux juste bien comprendre. Présentement, vous savez que le programme de revenu de base, c'est pour des personnes avec des contraintes sévères et permanentes, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas la capacité de travailler ou très peu. Mais vous prévoyez l'étendre ou vous proposez de l'étendre sur l'ensemble des bénéficiaires, dont ceux qui ont une plus grande capacité. On ne parle même pas de volonté, on parle de capacité. Donc, je veux vous entendre plus là-dessus parce que c'est sûr qu'il va y avoir des avantages, mais aussi des coûts associés pour l'État.

Mme Al Yahya (Nisrin) : En fait, oui, tout à fait, vous avez parfaitement raison, nous, c'est exactement comme ça qu'on le voit, c'est d'étendre ce programme-là ou de l'élargir, dans le fond, dans l'application à plus de personnes ou, en fait, à ceux dont la... ce n'est pas juste dont la capacité est limitée, mais la volonté aussi. Pourquoi est-ce qu'on parle de cela dans le fond? C'est parce que malheureusement, de plus en plus, les personnes sont vulnérabilisées par le manque de ressources et que la fameuse pyramide de Maslow n'est même plus répondue, disons-le comme ça.

Donc quand on parle de cet élément-là, il faut absolument, pour qu'on nomme le besoin, justement, d'avoir des ressources suffisantes pour pouvoir répondre aux besoins des personnes, peu importe leur situation de vulnérabilité. On sait très, très bien que le projet de loi ne concerne justement pas les aides financières. On le comprend puis on le... on l'admet, mais cependant on voulait vraiment amener un point de vigilance.

Parce que, vous savez, puis je peux vous donner un exemple très concret, une personne qui aujourd'hui reçoit ces montants-là, qui pourrait recevoir ces montants-là, ça ne veut pas dire que ça va être exclusif à l'utilisation de... pour qu'elle puisse éventuellement aller vers des programmes et autres choses. Le défi qu'on a au jour d'aujourd'hui, c'est que ces montants-là ne sont absolument pas adéquats ni suffisants pour qu'elle puisse répondre à ses besoins.

De plus, en fait, ce qu'on est en train de nommer, c'est que les personnes vulnérables doivent absolument être soutenues et qu'aujourd'hui ce n'est pas du tout le cas. Donc, d'où notre proposition d'élargissement, tout en sachant que ça va engendrer des coûts assez importants et que ce n'est pas pris en considération dans le cadre du projet de loi.

Mme McGraw : Et pour être clair, on a souligné le fait que c'est une réforme qui espère être à coût nul et que l'État ne devrait pas faire des économies sur le dos des plus démunis. Mais quand même, il faut qu'on... Est-ce que vous avez calculé? Est-ce que vous proposez que ça soit tel montant, MPC? Est-ce que vous avez fait des calculs? Parce que si on...

Mme McGraw : ...en deçà sur l'ensemble des prestataires. Quels seraient les calculs? Donc, non, O.K., mais je voulais juste savoir, peut-être vous avez fait ces calculs-là de... je voulais savoir, mais on est d'accord pour dire qu'on ne peut pas faire des réformes à coût nul non plus.

Sur la question, recommandation numéro deux, je veux entendre plus sur... vous entendre plus sur les formalités administratives et la simplification. Donc, la réforme souhaite ou se dit simplifiée, puis nous, on veut s'assurer que cette simplification ne fait... n'est pas une déshumanisation, bien qu'il va y avoir des plans individualisés. Donc, vous avez... bon, vous avez parlé avec la ministre d'un guichet unique. Et vous avez peur aussi de la lourdeur administrative, non seulement pour les bénéficiaires, mais pour les travailleurs, pour les personnes qui accompagnent ces gens-là, qui sont rendus plus dans l'administratif, presque, que dans l'accompagnement. Alors, peut-être une dernière question là-dessus avant que je cède le reste de mon temps à ma collègue de D'Arcy-McGee.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Parfait. Donc, en fait, nous, pour nous, il est absolument primordial qu'il puisse y avoir un engagement fort vers l'allègement des formalités administratives et la simplification des démarches, non seulement justement pour faciliter l'accès aux aides sociales, mais parce que les démarches actuelles sont très complexes et bureaucratiques. Vous savez, une personne qui va présenter une demande d'aide sociale, peut prendre des heures et des heures à pouvoir comprendre comment elle va fonctionner. La personne qui l'accompagne dans nos organismes aussi a des gros enjeux et défis en termes administratifs. Donc, ce que nous prêchons, c'est vraiment de pouvoir s'assurer que la documentation, les formulaires, les façons de travailler soient simplifiées et en même temps que les personnes qui vont utiliser ces moyens-là soient formées adéquatement pour qu'ils puissent répondre aux besoins des bénéficiaires.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Et je cède maintenant la parole à la députée de D'Arcy-McGee. Il vous reste six minutes, 40 s.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre mémoire, de votre présentation. Alors, comme on parle de personnes issues de différentes populations vulnérables, une de vos recommandations, c'est que les projets pilotes qui sont suggérés incluent une dimension participative où les bénéficiaires eux-mêmes pourraient exprimer leurs besoins et contribuer à façonner les programmes de leur conception.

Évidemment, encore une fois, comme c'est des populations vulnérables, chacun a sa réalité, que ce soient des gens qui sortent de l'itinérance, des personnes avec un handicap, des parents monoparentales. Comme il y a quelqu'un qui a... un groupe qui a témoigné plus tôt aujourd'hui, pour dire : Ce n'est pas tout le monde qui peut travailler 35 h, par exemple. Donc, il faut prendre la réalité de chacun en considération. Donc, je voudrais que vous... vous puissiez élaborer justement sur les différentes réalités de chacun, et pourquoi ça, ça serait nécessaire pour vraiment avoir leur participation, leur volonté, pour bien les orienter par la suite.

• (15 h 40) •

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, dans le fond, l'ensemble de nos démarches d'intervention, d'évaluation, de besoin sont bâties sur c'est quoi, les besoins de l'individu et la personne. Donc, tant et aussi longtemps qu'on ne les entend pas, qu'on n'écoute pas leurs besoins, qu'on ne sait pas exactement qu'est-ce qui va faire qu'ils réussissent, bien, on ne va pas pouvoir répondre à ces besoins de la meilleure façon que ce soit. Donc, ce que nous proposons, c'est justement des activités, par exemple, dans lesquelles on va voir des groupes de travail, des groupes de discussion. Les réalités différentes vont vite ressortir, mais on demande que ce soient des rencontres qui soient accompagnées, par exemple par un chercheur, par un professionnel, qui va pouvoir aiguiller la discussion de telle sorte à ce qu'une fois qu'on a des réponses probantes on puisse monter des projets pilotes qui vont pouvoir répondre aux attentes de cette population-là. Et puis en même temps répondre à une amélioration de qualité des perspectives pour ces personnes-là. Donc, en fin du compte, il n'y a personne qui peut être meilleur juge et expert de sa réalité que la personne elle-même. Et c'est pour ça qu'on demande qu'il y ait une co-construction et pas une imposition de façon de faire. Vous savez, on... ce qui est bon pour moi n'est pas nécessairement bon pour quelqu'un d'autre et vice-versa.

Mme Prass : Et, dans le même sens, vous avez parlé d'accompagnement plus tôt. Pour vous, qu'est-ce qui est un accompagnement adéquat? Parce qu'on a aussi entendu, par exemple, que... encore une fois, pour certaines populations, qu'il faudrait que cet accompagnement se fasse de façon plus longue. Ce n'est pas juste parce que la personne est au travail depuis... intégrée, dans un emploi, depuis une ou deux semaines que tout va bien, et là on les laisse tomber, on les laisse aller. Encore une fois, c'est des populations vulnérables qui ont différents enjeux. Donc, pour vous, un accompagnement adéquat, c'est quoi au juste? Et je vais... juste une petite sous-question...

Mme Prass : ...vous que ces personnes devraient avoir des formations spécifiques aux populations avec lesquelles ils vont... ils vont aider?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Alors, oui, un accompagnement adéquat est un accompagnement qui prend plus de temps, plus de flexibilité, plus d'ouverture, de perspective, et une meilleure compréhension et une adéquation entre l'offre et la demande. Donc, ça, c'est vraiment un accompagnement adéquat.

Est-ce que les personnes sont censées avoir des formations spécifiques, dans certaines situations, oui, dans d'autres, non. L'ensemble de nos professionnels qui interviennent auprès des clientèles, un peu importe la clientèle, sont des professionnels de haut niveau en général. C'est des personnes qui ont déjà des diplomations. Par contre, des formations spécifiques qui vont être en adéquation pour rehausser la compétence de la main-d'œuvre qui accompagne ces personnes vulnérabilisées peut devenir une solution très probante et très adéquate aux besoins de ces clientèles-là. On peut mentionner les conseillers en orientation, par exemple, qui, eux, vont pouvoir avoir un échantillon très complet et complexe de profils à proposer à nos personnes vulnérables et vulnérabilisées, mais s'ils ont une formation en plus en termes d'état de santé, de situations psychosociales, etc., ils vont pouvoir encore améliorer leur intervention et répondre aux besoins de cette clientèle-là.

Mme Prass : Pour venir, donc, la durée de l'accompagnement?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui, absolument. La durée de l'accompagnement, comme je le disais, n'est pas... bien, enfin, n'est pas nécessairement adéquate aujourd'hui. Pour nous, il faut prolonger cette période d'accompagnement là selon le besoin de l'individu, parce qu'il y aurait des individus qui auraient besoin de trois semaines d'accompagnement, puis quelqu'un d'autre qui va avoir besoin d'un an et demi d'accompagnement. En fait, les cadres rigides, dans lesquels nous sommes, actuels de programmes qui ne ciblent que... on peut éventuellement avoir juste un accompagnement de courte durée avec un individu, impliquent très souvent qu'on perde le lien avec la personne.

Donc, ce que nous prêchons dans nos interventions, c'est de pouvoir accompagner les personnes jusqu'au maintien en emploi et dans le maintien en emploi. Donc, notre objectif initial, c'est d'accompagner l'individu au départ, de respecter ses contraintes sociales et psychologiques, essayer de l'intégrer sur le marché de travail par une réinsertion socioprofessionnelle, ensuite, l'aider à être bien accueilli en entreprise, maintenu en emploi puis inclus dans l'entreprise. Donc, c'est une démarche complète et complexe pour laquelle nous avons besoin de plus de temps, plus de moyens et plus de financement.

Mme Prass : Et vous avez dit que les personnes vulnérables ne sont pas soutenues aujourd'hui. Comment est-ce que... Pourquoi est-ce que vous dites ça? Comment est-ce que vous voyez ça?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Nous ne sommes pas soutenus, parce que, dans le fond, ils se sentent de plus en plus éloignés, ils se sentent de plus en plus vulnérables, ils se sentent de moins en moins... de moins en moins... en fait, de plus en plus pauvres et de moins en moins riches. Ils sont soutenus par nos organismes au meilleur de notre connaissance, mais malheureusement, nous ne pouvons pas leur accorder tout ce qu'on voudrait et puis tout ce qu'on pourrait leur accorder comme temps, comme énergie puis comme place dans notre système. Très souvent, nos intervenants... puis je vais laisser Patrick enchaîner avec ma réponse, nos intervenants se sentent eux-mêmes en situation de vulnérabilité parce qu'ils auraient pu répondre au mieux aux besoins de l'individu s'ils avaient le temps et les financements requis pour qu'ils puissent mieux y répondre.

Donc, Patrick, je te laisse la parole sur ce.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. Patrick, il vous reste 18 minutes. J'ai l'air de la personne qui ne veut pas... 18 secondes, pardon, 18 secondes. J'ai l'air de ne pas vouloir vous laisser parler, mais que voulez-vous, c'est comme ça. Je suis la gardienne du temps. Alors allez-y.

M. Pilon (Patrick) : Bon. Rapidement, pour faire un cas de figure, là, nous, on fonctionne par participation. Parfois, la participation dans nos services est terminée, un individu qui se présente au comptoir d'accueil, qui dit : Je suis sur le point de quitter mon emploi parce que je vis une crise dans mon travail, malheureusement, parce que l'intervention ponctuelle qu'on va faire n'est pas reconnue dans le cadre des mesures actuelles, on ne sera pas capables d'accompagner adéquatement l'individu ou bien on va tout simplement le faire, mais perdre un temps précieux à pouvoir s'affairer à intervenir auprès de nos clientèles qui cadrent dans les mesures actuelles du ministère de l'Emploi.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

M. Pilon (Patrick) : Bon. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je suis désolée. Mme la députée de Sherbrooke, la parole est à vous.

Mme Labrie : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je veux revenir sur l'échange qui a eu lieu un peu plus tôt concernant l'accès élargi au Programme de revenu de base. Vous avez mentionné que ce serait une bonne mesure à mettre en œuvre. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus. En quoi ça favoriserait finalement la réinsertion de personnes qui actuellement, ils n'ont pas accès, d'avoir eux aussi accès au revenu de base?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, dans le fond, vous savez...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...Je vais prendre la situation des certaines populations spécifiques à ce niveau-là. Donc, si on prend, par exemple, l'exemple des populations jeunes, ou des personnes de 45 ans et plus, ou encore des personnes nouvellement arrivées, bien c'est toutes des personnes qui peuvent se mobiliser puis se mettre en démarche d'insertion socioprofessionnelle dans le cas où ils ont les moyens de pouvoir se l'offrir. Pour le moment, des fois, ils sont tellement dans l'obligation et dans l'urgence de se trouver un emploi, peu importe l'emploi, juste pour pouvoir subvenir à des besoins minimes qu'ils ne peuvent même plus réfléchir à ce qui pourrait advenir d'eux, le cas échéant, où on leur donnait la possibilité de pouvoir avoir des sommes qui leur permettraient de mieux vivre au moins la période dans laquelle ils sont dans ce mode de, bien, soit je réfléchis à me réintégrer, soit je suis très vulnérable aujourd'hui puis je ne suis pas capable de trouver un emploi, ou j'ai besoin de comprendre comment le système fonctionne. Parce que malheureusement, pour plusieurs aussi, il y a une incompréhension de comment fonctionne le système. Et puis le fait qu'on les accompagne, comme organisme communautaire, à court, moyen et long terme, permet d'éclairer très, très souvent leur vision d'avenir.

Vous savez, même si nos interventions ne sont même pas des fois supposées aller dans une direction de, je t'explique comment fonctionne la société, bien, on doit ou on est dans l'obligation, on se voit dans l'obligation d'expliciter des évidences. Donc, très souvent, pour nous et puis pour nos intervenants, on vit ce qu'on appelle des chocs d'évidence. Ce qui est évident pour moi n'est pas évident pour l'autre. Donc, ce genre de montant pourrait nous permettre d'avoir une meilleure marge de manœuvre pour mieux aider les personnes pendant des périodes un peu plus longues et un peu plus réfléchies, et de créer un filet social de sécurité pour ces personnes-là.

Mme Labrie : Ce que je comprends de votre intervention, c'est que, des fois, le mode survie dans lequel se retrouvent les personnes qui ont des prestations trop faibles, ça peut être une entrave à prendre la meilleure décision pour elles à moyen et long terme, là, et peut-être se garrocher dans quelque chose qui ne sera pas adapté et qu'il va être dans une spirale de précarité, d'aller-retour par des emplois qui ne sont pas les bons pour eux dans le fond.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Exact.

Mme Labrie : Pour les aider à long terme, on aurait besoin de leur offrir une prestation qui donne un peu plus de lousse pour réfléchir à la meilleure façon de retourner sur le marché du travail. C'est bien ça?

Mme Al Yahya (Nisrin) : C'est exactement ça. Puis en même temps, je vous dirais que... Puis je vais revenir peut-être un petit peu aussi par rapport à la question précédente, qui est à 100 % en lien avec ce que je vais nommer ici et ce que... et la réponse que vous donnez. C'est que, plus la personne... Parce que là, on parlait d'un projet de loi à coût nul ou presque. Mais, vous savez, on va gagner énormément si jamais ces gens-là se placent dans des endroits qui sont favorables à une intégration réussie, à un maintien en emploi, à un développement professionnel, plutôt que de les laisser justement, comme vous le dites si bien, se garrocher d'un emploi à un autre dans un cercle vicieux qui finit toujours par, bien, je ne sais pas quoi faire, je n'ai pas d'argent, je n'ai pas de logement, je n'ai pas de... Je ne peux pas me nourrir, j'ai une famille. Donc, cette option d'accorder un peu plus de lousse n'en est pas une pour pouvoir faire autre chose que de se faire mieux accompagner dans le fond.

Mme Labrie : Et donc, si en apparence ça peut avoir l'air d'une dépense importante à court terme, vous nous dites qu'on sauverait probablement à long terme en déployant une mesure comme celle-là.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Absolument.

Mme Labrie : Parfait. Bien, je vous remercie.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 50)

(Reprise à 15 h 54)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux. Et je souhaite maintenant la bienvenue à l'Union des consommateurs. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous débuterons la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Dorais (Maxime) : Mme la ministre, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je me présente, Maxime Dorais, codirecteur général d'Union des consommateurs. Alors, je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue Olivier Surprenant, analyste en matière de santé ainsi qu'en politiques sociales et fiscales.

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter rapidement Union des consommateurs. Alors, nous regroupons 15 associations de défense des droits des consommateurs, qu'on connaît pour la plupart sous le nom d'ACEF. Les ACEF interviennent sur le terrain auprès des consommateurs pour les accompagner vers une meilleure santé financière et dans la défense de leurs droits.

En plus de défendre les droits des consommateurs et en particulier les ménages à revenus modestes, l'équipe d'analystes et de juristes d'Union des consommateurs s'intéresse aussi de près aux questions de pauvreté et de justice sociale. C'est donc dans cette optique que nous souhaitons intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 71.

Sur ces considérations, je céderais maintenant la parole à mon collègue Olivier Surprenant.

M. Surprenant (Olivier) : Merci, M. Dorais. Donc, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, permettez-moi d'abord de souligner que le projet de loi comporte des modifications positives, lesquelles nous détaillons dans notre mémoire qui a été déposé aujourd'hui. Cela dit, nous allons en relever quelques-unes.

L'élargissement de l'évaluation de contraintes à la notion plus large de professionnel de la santé et de services sociaux, on la souligne. On espère que ça permettra un traitement plus rapide et efficace des demandes, en plus de prendre en compte davantage de situations qui sont liées à la loi... aux fins de la loi.

La mise en œuvre de projets pilotes dans le but d'améliorer le fonctionnement, l'efficacité et l'efficience des programmes d'assistance sociale. On espère que les résultats recherchés par de tels projets pilotes seront de trouver les moyens les plus efficaces de sortir le plus grand nombre de personnes de la pauvreté.

On salue l'ajout d'une preuve d'intention pour l'infraction de fausse déclaration. Nos associations membres, les ACEF, nous rapportent...

M. Surprenant (Olivier) : ...que ces dettes sont lourdes à porter et qu'elles ne sont pas susceptibles de libération lors de la faillite. Nous saluons également le passage de la prescription pour le recouvrement des créances de 15 à 5 ans. Cela dit, nous estimons qu'il serait opportun d'ajouter un article, dans les dispositions transitoires et finales, qui prévoit un effet rétroactif à cet article, c'est-à-dire que la prescription aurait cours pour les dettes passées, présentes et futures. Plusieurs assistés sociaux se retrouveraient ainsi libérés d'une telle dette et le ministère pourra clore plusieurs dossiers de recouvrement en cours.

Pour passer aux objectifs du projet de loi, nous estimons que l'initiative persiste dans la logique de l'activation ou du «workfare», alors que nous préconisons de meilleurs revenus pour assurer une sortie efficace de la pauvreté. On constate que le fait de diminuer les montants des prestations ne mène pas nécessairement une diminution du nombre de prestataires, la fluctuation du nombre de prestataires étant plutôt liée à l'état de l'économie, ni à une incitation efficace à l'emploi. En fait, c'est tout le contraire. Les prestataires sont pris dans une logique de subsistance que certains ont comparé à des sables mouvants, les poussant à consacrer leur temps et leur énergie à garder tout juste la tête hors de l'eau et à assurer leurs besoins de base, avant de pouvoir effectuer un retour efficace à l'emploi.

Il serait donc préférable que la participation des prestataires soit volontaire. Il serait également important de rehausser le montant de toutes les prestations afin d'assurer un niveau de vie décent à tous les prestataires, et nous proposons donc la mesure du panier de consommation, bien que d'autres mesures pourraient être plus proches de la réalité pour une sortie efficace de la pauvreté.

Le MPC est donc... la mesure de consommation est un minimum à atteindre. Par conséquent, nous proposons que les prestataires puissent recevoir des montants différents selon leurs besoins, mais qu'aucun ne puisse être sanctionné ou pénalisé à tel point que son aide financière ne lui permette de remplir ses besoins de base.

Enfin, nous recommandons de ne pas adopter la modification de l'article 53 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, ni les autres modifications proposées qui ont effet de réduire les prestations additionnelles anciennement allouées aux personnes présentant des contraintes temporaires à l'emploi. On comprend qu'il est d'application future, cet article, qu'il y a une certaine clause de droit acquis. Par contre, on considère qu'on vient enlever plusieurs personnes qui ont besoin d'aide supplémentaire dans... du rayon, finalement, de la loi sur l'aide aux personnes et à la famille. Sur ce, on est prêt à échanger avec vous.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup pour votre exposé. Maintenant, nous commençons la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Rouleau : Bien, je vous remercie, Messieurs... Messieurs Dorais et Surprenant d'être avec nous pour participer à ces travaux d'une... de la modernisation du régime d'aide sociale, ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans, globalement, j'insiste, ça n'a pas été fait depuis 20 ans. Alors, de pouvoir soulever chacune des pierres et puis d'arriver avec différentes propositions pour améliorer les conditions des personnes qui vivent en situation de précarité, c'est fort important.

Je relevais, là, dans votre mémoire que vous voyez d'un très bon œil l'attitude qu'on... dont on veut se doter pour rendre admissibles des catégories de clientèles actuellement non admissibles. Comment voyez-vous cette nouvelle admissibilité? Ça concernerait qui? Comment... Expliquez-moi.

• (16 heures) •

M. Surprenant (Olivier) : Oui, bien, vous l'avez bien expliqué, effectivement, donc c'est une flexibilité que vous offrez... bien, que la loi habilitante offrirait à la personne titulaire de la charge de ministre. Et, dans ce sens-là, ça lui permet de s'adapter au contexte. Donc là, en ce moment, on parle beaucoup de demandeurs d'asile, qui ont un certain... un besoin d'accompagnement, un besoin de revenus et d'aide de la part de l'État, parce qu'ils ont... pour la plupart, n'ont pas de permis de travail au moment d'arriver ici. Alors, dans ce contexte-là, c'est une des catégories de personnes qu'on vous enjoint, là, d'inclure au règlement lorsqu'il sera rédigé. Mais, comme je vous dis, il y aura plusieurs situations qui vont se révéler où il va falloir agir et que, pour une certaine catégorie de personnes, bien, de l'aide sera appropriée à ce moment-là.

Mme Rouleau : O.K. Pour réaliser ces travaux, j'ai fait une tournée à travers le Québec, dans toutes les régions. J'ai rencontré énormément d'organismes, dont plusieurs ACEF évidemment, et pour voir comment... qu'est-ce que... quelle orientation pouvait donner à cette modernisation, deux choses, l'accompagnement, c'est primordial...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Rouleau : ...et alléger le régime, parce que ça peut être extrêmement complexe. Alors, dans ce sens, on agit aussi. Et dans l'accompagnement on vise... on vise notamment à élargir le programme Objectif emploi pour qu'il ne soit plus disponible seulement pour les premiers demandeurs, primo demandeurs, mais aussi pour des gens qui vont revenir dans le régime d'assistance sociale. Est-ce que vous trouvez pertinent d'inclure de nouvelles personnes qui pourraient passer, là, d'une prestation, une prestation de base à éventuellement un emploi qui leur permettrait d'aller chercher 475 $ par semaine de plus?

M. Surprenant (Olivier) : Bien, écoutez, comme on vous l'a dit plus tôt, on croit que l'augmentation des revenus est la meilleure façon de toucher toutes les particularités qui se trouvent, là, à l'aide sociale, à la solidarité sociale, au programme de revenu de base. Donc, l'Objectif emploi, en soi, ce n'est pas une mauvaise idée. On croit que l'accompagnement des personnes plus vulnérables, c'est important. Puis il y a des personnes pour qui, dans le contexte dans lequel ils sont placés, ils sont dans une sortie finalement des prestations et ils se sentent à l'aise d'aller vers des incitations à l'emploi, vers le développement professionnel, etc.

Par contre, ce que le projet de loi vient faire, c'est de rendre obligatoire à toutes les personnes qui sont actuellement, bien, qui seront à l'aide sociale et qui feront des demandes, de passer par ce programme-là. Ce n'est pas nécessairement adapté pour toutes les catégories de personnes. Pour les personnes que ça fait longtemps qu'ils sont là, par exemple, ou pour les personnes qui sont un peu plus âgées, ça va vraiment dépendre.

Donc, je crois, vraiment... On croit vraiment que c'est à l'approche volontaire qui est la... qui est gagnante, c'est-à-dire qu'on peut accompagner les gens dans ce qu'ils vivent, dans ce qui les a amenés à être à l'aide sociale, à l'assistance sociale, puis au revenu de base. Mais en clair, c'est seulement lorsqu'ils sont prêts et que c'est dans une démarche volontaire qu'on croit que ça va être efficace.

Et il y a plusieurs témoignages à cet égard-là qui ont été donnés, là. Je pense notamment au Collectif pour un Québec sans pauvreté qui avait recueilli des témoignages à l'occasion, là, de la première réforme. Mais je peux penser à... Il y a un nom qui m'échappe, là, mais je pourrais vous revenir là-dessus. Mais bref, on pense vraiment que l'approche volontaire, c'est la manière la plus efficace et assurée que les gens rentrent dans une démarche d'emploi.

Mme Rouleau : On passe des contraintes à l'emploi à contraintes de santé. Et en passant... en allant vers les contraintes de santé, on intègre toute la dimension de santé mentale et d'enjeux psychosociaux. Dans les contraintes de l'emploi, à l'heure actuelle, il y a une contrainte qui dit qu'une personne de 58 ans ne peut pas travailler. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette contrainte?

M. Surprenant (Olivier) : Clairement, il est plus difficile pour une personne de 58 ans de se trouver un emploi. Ça dépend évidemment de chaque contexte. Si on parle d'une personne qui a été P.D.G., bien là, se retrouver un emploi de P.D.G., mais on n'est pas dans ce cadre-là, ici. Dans le cadre actuel, si vous avez passé votre vie, je parle... Je pense à un exemple, une usine en particulier, vous avez fait du «carpet», du tapis pendant toute votre vie. Si l'usine ferme et elle s'en va ailleurs, ça va être difficile pour vous de retrouver un autre filon. Peut-être qu'il y a de l'emploi disponible, peut-être que ça va être moins adapté pour votre contexte, pour votre personne en tant que telle.

C'est important d'accompagner les gens vers ce qui les intéresse, ce qui les motive, pour empêcher une espèce de porte tournante qui fait qu'ils ressortent puis qu'ils reviennent. Je pense que ça serait plus efficace, évidemment, quand c'est bien personnalisé et qu'on s'assure d'amener la personne à l'emploi idéal pour elle.

Mme Rouleau : La reconnaissance. Parlons un peu de la reconnaissance des professionnels de la santé. Quelle serait, selon vous, la meilleure approche pour assurer un bon service auprès des personnes, des prestataires, lorsqu'ils font la demande? Quels seraient les meilleurs ordres, les meilleurs ordres de professionnels à qui on pourrait penser?

M. Surprenant (Olivier) : Oui. Bien, il existe toute une multitude de professions et de problématiques. Je ne serais pas... Je ne serais pas avisé de faire une liste complète, mais je vous dirais qu'actuellement... Je parle... Je pense à des travailleurs sociaux. Je pense que, ça, ça serait vraiment opportun pour plusieurs types de prestataires...

M. Surprenant (Olivier) : ...d'avoir accès à ces ressources-là. Maintenant, il y a... il y a vraiment la problématique d'avoir accès, de rentrer finalement puis d'avoir accès à une ressource de santé. C'est peut-être là où est-ce que ça va être plus difficile. Aujourd'hui, on nous guide vers des guichets... pas «des guichets», mais plutôt vers le site Clic Santé et des ressources privées. Je ne pense pas qu'on est dans ce cadre-là au niveau d'une personne qui est à l'aide sociale ou à l'assistance sociale. Mais moi... on voit d'un bon œil au moins que les travailleurs sociaux pourraient diagnostiquer ou du moins, là, décrire une contrainte.

Mme Rouleau : Et quelles sont les principales... les principales embûches qu'une personne peut rencontrer, une personne qui est sur l'aide de dernier recours, les embûches qu'elle peut rencontrer pour aller vers l'insertion sociale? Parce que ce qu'on vise avec la modernisation du programme d'aide sociale, c'est l'insertion, la participation sociale, c'est de briser l'isolement et d'aller vers l'emploi, et c'est de durer en emploi. Quelles sont les embûches, les défis que doivent... que peuvent rencontrer certaines personnes?

M. Surprenant (Olivier) : Bien, ça a été dit... ça a été dit par plusieurs intervenants ici, mais c'est vraiment... c'est le manque de revenus, c'est de devoir courir après sa nourriture, d'aller dans les banques alimentaires, de devoir finalement s'assurer d'avoir une subsistance avant tout, puis après ça, de pouvoir... pouvoir faire un démarchage pour se sortir de la pauvreté. Ce n'est pas aisé avec une prestation qui est en deçà de la mesure du panier de consommation. Donc, moi, je... on considère que c'est le principal embûche... la principale embûche, plutôt.

Je ne sais pas si mon collègue a quelque chose à rajouter.

M. Dorais (Maxime) : Bien, en fait, comme mon collègue Olivier l'a dit, la question vraiment centrale ici, c'est... c'est la question des revenus et la question de la précarité. Puis on a parlé de... comment dire, on a parlé de l'aspect alimentaire, mais je pense qu'il ne faut pas négliger l'aspect du logement également. Donc, quand on a des revenus insuffisants maintenant pour se loger, nécessairement, on n'est pas en train de penser à son avenir et de penser à qu'est-ce qu'on voudrait faire comme carrière ou occuper comme emploi par le futur... dans le futur. Donc, vraiment, c'est un enjeu.

Sinon, il y a effectivement des... certaines contraintes qu'on a identifiées dans le mémoire à l'effet... bon, par exemple, là, des contraintes pour remplir la paperasse, faire les demandes pour avoir accès aux prestations. Alors, ça, on pense que c'est vraiment quelque chose qui doit être simplifié au maximum. Et on sait que, par ailleurs, il y a une tendance en matière d'accès aux services et aux prestations, disons, à compliquer l'accompagnement ou la rencontre d'une personne pour avoir un suivi de son dossier, pour déposer une demande, et donc on renvoie souvent les gens à faire des demandes par Internet. Et on sait que pour plusieurs personnes qui sont en... dans des situations, disons, plus précaires, ça peut poser un enjeu, notamment, à la base, des enjeux, par exemple d'analphabétisme ou autres, et donc qui sont des problèmes. Alors, on insiste là-dessus, c'est important que les gens en première ligne, qui gèrent les demandes de ces programmes-là, donc, voient des... voient des gens, rencontrent les prestataires, et non pas que tout se passe par Internet.

• (16 h 10) •

Mme Rouleau : Il y a évidemment, dans la proposition du projet de loi, une fusion de programmes. On veut réduire la bureaucratie, on veut réduire la paperasse, on veut réduire les formulaires. Alors, je pense qu'on va dans un... dans le sens d'une plus grande accessibilité. Vous, vous parlez beaucoup du... d'amener le niveau de prestation, là, autour de la MPC. Et est-ce que... est-ce que c'est... d'amener un niveau de revenu de l'aide de dernier recours à cette hauteur, qui peut correspondre à celle d'un travailleur au salaire minimum, est-ce que ça va inciter la personne qui est prestataire à aller vers des mesures d'emploi et d'intégration et de sortir? Parce que l'objectif, c'est de ne pas rester, là, à l'aide sociale, ce n'est pas ça qu'on veut, ce n'est pas ça que la personne veut. Elle veut être intégrée, elle veut travailler, c'est ce que... c'est ce qu'on entend beaucoup, c'est ce que j'ai pu constater. Alors, élever à ce niveau, le niveau que vous proposez, est-ce que...

Mme Rouleau : ...que c'est un incitatif à sortir de l'aide sociale et d'aller vers l'emploi.

M. Surprenant (Olivier) : Bien, le fait contraire, c'est-à-dire de baisser les prestations selon la participation, ou la non-participation, ou selon le programme de... selon la contrainte, finalement, fait en sorte... ne fait pas en sorte nécessairement de favoriser le retour vers l'emploi, c'est ce qu'on constate. Puis même, comme je vous disais, ça mène à une logique, une espèce de spirale sans fin où finalement le prestataire doit composer avec son manque de revenus et s'assurer d'avoir tout ce qui est nécessaire pour pouvoir sortir de la pauvreté puis, en fait, pouvoir subvenir au jour le jour. Donc, pour nous, c'est sûr que c'est la base, c'est le revenu. Après ça, pour retourner au travail, on vous l'a dit, d'avoir une démarche d'accompagnement, ce n'est pas une mauvaise idée, mais il faut simplement que les gens soient volontaires et qu'ils soient prêts, dépendamment de leur contexte, à retourner à l'emploi puis à faire ces démarches-là.

Mme Rouleau : Mais comment peut-on traiter d'équité, là, l'équité entre le prestataire qu'on veut accompagner vers l'emploi et le travailleur qui est en emploi et... Comment traitons-nous l'équité?

M. Dorais (Maxime) : Bien, en fait, si je peux me permettre, je pense qu'il faut peut-être voir la question ou l'enjeu sous un autre angle, c'est-à-dire que... est ce qu'il est décent d'offrir des prestations qui sont sous le minimum de subsistance? Et, en fait, à partir du moment où... en fait, pour l'Union des consommateurs, pour nos membres, c'est très clair que la réponse est non. Et donc, partons de cette base là où tout le monde doit avoir le minimum, donc pour assurer ses besoins de base. Et, et au-delà de ça, bien, on vient bâtir. Et on pense que s'il y a un enjeu, par exemple avec un différentiel qui ne serait pas suffisamment grand pour les revenus, disons, les personnes qui travaillent au revenu minimum, bien, à ce moment-là, on inviterait davantage le législateur à réfléchir à la hauteur du salaire minimum et non pas de niveler vers le bas, finalement.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme la députée d'Anjou Louis Riel pour 1 min 50 s.

Mme Boivin Roy : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour la présentation. Vous proposez notamment des projets pilotes qui permettent de faciliter et simplifier les démarches des prestataires qui leur permettraient finalement, là, de lever les barrières susceptibles d'empêcher ou de freiner une personne à demander ou à conserver les prestations d'aide sociale... d'assistance sociale, pardon. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur le type d'éléments qui pourrait être testé dans ce contexte-là?

M. Surprenant (Olivier) : Oui, tout à fait. Bien, on parle de revenu depuis qu'on est arrivé, mais d'essayer le revenu minimum garanti avec un groupuscule de gens, voir comment est-ce qu'ils s'en sortent puis voir, effectivement, si au bout d'un certain temps, si ça a été plus efficace de les emmener vers le Programme objectif emploi ou de leur donner un revenu minimum garanti qui leur permette de subvenir à leurs besoins sans stress financier, sans se compliquer la vie finalement. Donc, nous on pense que ça pourrait être un projet très intéressant puis ça réglerait la question peut-être une fois pour toutes.

Mme Boivin Roy : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Maintenant, je cède la parole à la députée de Notre Dame de Grâce.

Mme McGraw : Merci, Mme la Présidente, et merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui et aussi pour votre mémoire. Aller dans le vif du sujet. Les contraintes à l'emploi. Dans votre mémoire, vous dites que... d'ailleurs, on parle justement d'un des grands changements, c'est la... on parle moins de contraintes à l'emploi et plus de contraintes de sorties à l'emploi. On comprend qu'il y a des gens qui ont des contraintes de santé qui ont des emplois. Il y a des gens qui ont des emplois, qui ont aussi des contraintes et qui n'ont pas de contraintes de santé. Alors, est ce que vous pouvez élaborer sur les contraintes à l'emploi qui ne sont pas d'ordre des contraintes de santé physique, mentale ou autre, par exemple? Parce que vous dites, juste pour... vous dire que cela a donc pour effet, je cite, «de limiter les catégories de personnes qui pourront recevoir ces prestations et allocations supplémentaires». Mais on n'a pas les détails, parce que ça va être dans les règlements et on n'a même pas les intentions réglementaires. Donc, est-ce que vous pouvez nous préciser des exemples de catégories de personnes qui... où il y aurait des contraintes à l'emploi qui ne sont pas d'ordre de santé mentale, physique, etc.?

M. Surprenant (Olivier) : Il y a plusieurs...

M. Surprenant (Olivier) : ...un seul exemple. Déjà les personnes qui étaient énumérées dans la liste, là, qui ne fait plus partie finalement de la loi, ce sont tous des exemples qui ne sont pas typiquement de santé et qui, pour une raison... pour ces raisons-là, ne peuvent pas aisément retourner ou être à l'emploi. On peut penser aussi, on peut penser aux personnes qui ont beaucoup d'enfants. Bref, il y a des... Biens, je pense à une émission de télévision en ce moment, là, que je me demande, avec 12 ou 18 enfants, comment pouvez-vous vraiment être à l'emploi? Ça, ça peut être un exemple parmi tant d'autres. Une famille monoparentale, aussi, avec plusieurs enfants. Il y a beaucoup d'exemples comme ça, mais encore une fois, on salue la flexibilité que s'est donnée la ministre pour pouvoir agir sur les différents types. Puis je laisserais évidemment les situations être démontrées au fur et à mesure qu'on voit qu'il y a des personnes qui ne peuvent tout simplement pas être à l'emploi. Je ne sais pas si tu veux rajouter.

M. Dorais (Maxime) : Bien, on en revient aussi à la question des spécialistes ou du personnel habilité à rédiger des rapports donnant droit à des contraintes. Et dans ce cadre-là, évidemment, tous les intervenants sociaux, on pense qu'ils sont bien placés pour évaluer des contraintes qui seraient à l'extérieur de... qui ne seraient pas des contraintes à proprement parler de santé. En fait, on disait santé, donc des contraintes qui finalement seraient facilement observables dans un cabinet de médecin.

Alors, qu'est-ce qui peut être observé au-delà de ça? On pense que les intervenants du secteur des services sociaux sont bien placés. Par exemple, on l'a dit, la question d'une personne qui a un enfant qui... Ou alors, il y a plein de situations comme ça qui peuvent difficilement, on pense, être énumérées et prévoir tous les cas à l'intérieur du règlement. Et on pense qu'il devrait y avoir une certaine latitude dans les, comment dire, dans les recommandations qui seraient faites par les intervenants sociaux qui ont des rapports à rédiger pour l'évaluation à l'admissibilité des prestataires.

Mme McGraw : Mais on comprend que dans le mémoire de la ministre au Conseil des ministres, ils ont quand même pu faire ces calculs-là, justement, de combien d'argent ils vont sauver, épargner pour... Justement, il y a des catégories entières, mais on n'a pas les détails parce qu'on n'a pas les règlements ni les intentions réglementaires. Donc, c'est à surveiller.

Vous dites aussi... Là, je vais passer à l'Objectif emploi. Comme vous le savez, c'était une initiative libérale en 2016 et... Mais vous êtes... Vous dites dans votre... vos recommandations que... Vous parlez du «workfare» et nous sommes d'avis qu'il faut entièrement dissocier l'aide financière gouvernementale et le programme d'Objectif emploi. Mais y a quand même des atouts. Vous dites que malgré certaines vertus des programmes de retour à l'emploi, donc j'aimerais entendre... vous entendre sur les vertus de ce programme. Nous sommes d'avis que d'imposer d'y participer sous peine de sanctions est inefficace et ne contribuera pas à sortir un plus grand nombre de personnes de la pauvreté. Donc, j'aimerais tout d'abord vous entendre sur les vertus et ensuite les défis.

M. Surprenant (Olivier) : Bon, très bien. Bon, ce qui est... ce qui est des vertus ou, du moins, les points positifs, c'est qu'effectivement on met en place des programmes pour accompagner les personnes selon leurs besoins individualisés pour autant, j'aime bien peser sur ce mot, pour autant qu'ils soient dans une approche volontaire, c'est-à-dire qu'ils veulent retourner à l'emploi. Pour nous, ça nous semble efficace. Donc, on parlait de développement professionnel, on parlait de réinsertion sociale. C'est vraiment... Ce sont des programmes qui peuvent vraiment aider à ce niveau-là, clairement.

• (16 h 20) •

Par contre, c'est dans l'individualité où, là, on trouve qu'il y a peut-être un défi, c'est-à-dire que les personnes sont attirées vers le marché de l'emploi, mais est-ce que les emplois qui leur sont offerts sont des emplois qui correspondent à leurs valeurs, à leurs intérêts personnels, leurs aspirations? Ça semble être plus orienté vers le marché et ça devient des portes battantes, comme on vous l'a expliqué, là. Je pense qu.il y a plusieurs représentants qui vous l'ont expliqué, c'est-à-dire qu'il y a une subvention, par exemple, qui est donnée à une entreprise. Du moment, où est-ce que cette subvention-là se perd, l'emploi est en péril, et on doit retourner vers un autre emploi. Nous, ce qu'on recherche, c'est la stabilité pour la personne, c'est sûr, pour être sûre d'avoir des revenus suffisants, constants pour pouvoir boucler son budget puis, bien, vivre, là, finalement vivre dignement, là.

Mme McGraw : Vous soulignez quand même au début de votre mémoire des aspects positifs, donc, reliés aux fausses déclarations, en tout cas des pas dans la bonne direction. Est-ce que vous pouvez citer ou parler d'autres programmes au sein du gouvernement du Québec...

Mme McGraw : ...d'autres gouvernements qui pourraient inspirer nos travaux. Par exemple, je pense au RQAP. Lorsqu'on fait des déclarations de revenus, si on... ce n'est pas les bonnes informations, on n'est pas pénalisé, on rembourse. Ce n'est pas punitif. Est-ce qu'il y a des exemples qui pourraient nous inspirer dans ce projet de loi, ici, au Québec, ou ailleurs, dans notre approche puis nos travaux?

M. Surprenant (Olivier) : Je ne pourrais pas, rapidement comme ça, vous donner un exemple précis. Par contre, ce que je voudrais... ce que je voudrais souligner à gros trait, c'est que, justement, d'enlever la notion... bien, en fait, d'ajouter la notion d'intention, c'est une très bonne initiative parce qu'on sait qu'il peut y avoir des enjeux au niveau de la littératie, chez certaines personnes, mais il peut y avoir aussi des enjeux de temps. Ce n'est pas aisé, de remplir un formulaire d'aide sociale. Donc, selon nous, d'avoir ajouté cette notion d'intention là, ça... c'est une belle... une belle vision, finalement, de ce que devrait être un programme idéal. Et en enlevant aussi les prescriptions, c'est-à-dire de... celles qui sont passées, c'est-à-dire de cinq ans, et pour l'avenir, on pense que, rétroactivement, comme ça, on peut annuler des dettes qui, au final, ne seront jamais recouvertes et qui vont demander plus de temps et d'investissement par le ministère.

Mme McGraw : Peut-être une dernière question avant que je cède, avec la permission de la présidente, mon temps... le reste de mon temps à ma collègue. Le Collectif Petite enfance, ils ont suggéré... ils ont fait plusieurs recommandations, et une, c'est l'équité entre les parents, peu importe la situation financière, peu importe si on cotise en ce moment présent, et que tous les parents devraient avoir accès au RQAP ou à un régime semblable pour prendre un congé parental, surtout dans des situations de précarité, où il faut absolument avoir des fondements très solides, dont la présence soutenue d'au moins parent. Est-ce que vous avez des réactions à cette proposition-là? Entre autres parce que, là, on parle, j'ai demandé, au début, des exemples de groupes qui ont des contraintes à l'emploi qui ne sont pas d'ordre santé mentale, physique, etc. Par...  Vous avez cité les parents monoparentaux, qui sont surtout des femmes. Alors, je ne sais pas si vous avez une réaction pour combler ces besoins-là ou tenir compte de cette réalité.

M. Surprenant (Olivier) : Bien, je pourrais juste dire que c'est sûr qu'un congé bonifié, c'est une très bonne idée, là, surtout quand on n'a pas les moyens, on n'a pas le temps, puis que...  je pense qu'au Québec, on fait ce choix-là, souvent, de prioriser le bien-être des enfants. Donc, effectivement, si on peut aller dans ce sens-là, on serait cohérents avec notre logique... notre logique... notre logique, là, profamiliale, oui.

Mme McGraw : Donc, avec la permission de la présidente, je...

La Présidente (Mme D'Amours) : Oui. Je vais lui céder la parole tout de suite. Il reste 45 minutes... 45 secondes, pardon, 45 secondes.

Des voix : ...

Mme Prass : Deux petites questions vite parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Quand on parle de la proposition de remplacer les contraintes à l'emploi par les contraintes à la santé, pensez-vous que c'est un recul?

M. Surprenant (Olivier) : Excusez-moi, je... pouvez-vous, oui...

Mme Prass : Quand on propose de remplacer les contraintes au travail avec les contraintes de santé, est-ce que c'est un recul pour vous?

M. Dorais (Maxime) : Un recul?

Mme Prass : Oui, dans le sens que comme...

M. Surprenant (Olivier) : Bien oui, parce qu'on va couvrir moins de personnes, inévitablement. Donc, comme on le disait, ce n'est pas... les contraintes ne sont pas liées seulement à la santé, elles sont liées à une panoplie de contextes qui sont propres à chaque individu, là, qui devient prestataire malgré lui.

Mme Prass : Donc, il y a un recul.

M. Surprenant (Olivier) : Oui.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je vais vous ramener sur votre recommandation deux, là, concernant les dettes passées, là. Vous nous suggérez une rétroactivité là-dessus. J'aimerais ça que vous nous parliez de ce que ça peut représenter pour les personnes concernées, là, les types de dettes, l'accablement que ça représente, puis tout ça, puis, peut-être en... peut-être, si vous avez des chiffres sur le nombre de personnes que ça concerne, par exemple.

M. Surprenant (Olivier) : On n'a pas de chiffres sur le nombre de personnes nécessairement parce que, bon, on devrait faire une demande d'accès à l'information. Probablement qu'on va s'y intéresser davantage, mais il est certain que c'est des sanctions qui peuvent aller jusqu'à 224 $. Donc, pour un budget qui est déjà assez serré, là, on parle, par exemple, d'une personne qui est à l'aide sociale, telle quelle, avec 807 $. Déjà là, en partant, on enlève 224$, ça ne va pas bien.

Et, comme on l'a expliqué, bien, ça va s'accumuler, il va avoir des dettes, des intérêts. Si on...

M. Surprenant (Olivier) : ...si on fait juste limiter ce nombre de personnes-là, bien, comment dire, c'est... c'est... c'est sûr que c'est un fardeau additionnel, puis une dette, ça... c'est un poids additionnel, en plus d'avoir déjà le fardeau d'être à l'aide sociale, qui est multifactoriel, là. Donc, c'est ce que nos ACEF nous racontent, que ça devient encore plus difficile à ce moment-là de boucler le budget et d'aider à la conciliation budgétaire avec les consommateurs.

Mme Labrie : Ça vient comme affecter l'espoir de s'en sortir de ces personnes-là puis leur motivation à faire des démarches pour s'en sortir aussi.

M. Surprenant (Olivier) : Tout à fait.

Mme Labrie : Puis le fait qu'il y ait des intérêts là-dessus, en plus du montant qu'une personne devrait avoir à rembourser, là, par exemple pour une erreur, c'est quoi votre position là-dessus, sur l'existence même d'intérêts?

M. Surprenant (Olivier) : Bien, c'est... Oui, c'est... Bien, ça revient au... ça revient à la même question. C'est-à-dire que, si on met des intérêts, bien, nécessairement, bon, on tombe sur : il faut payer les intérêts d'abord, les intérêts s'accumulent, puis on n'est même pas rendu au capital. Donc, on ne peut pas s'imaginer ça quand on est une personne qui a déjà un déficit vers la subvenance de ses besoins. Alors, c'est sûr que pour nos membres, c'est... c'est une inquiétude d'avoir des dettes pour des intentions... pas «des intentions», pardon, mais pour des fausses déclarations qui souvent sont juste le fruit de manque de temps, le manque de compréhension, la complexité, en fait, des formulaires d'aide sociale ou de la science sociale.

Mme Labrie : Vous voyez ça souvent, ces histoires-là, de gens qui ont commis une erreur, là, de bonne foi parce qu'ils avaient mal compris, par exemple, la démarche à faire ou ce qu'ils avaient le droit de faire ou pas faire? C'est quelque chose qui est récurrent?

M. Surprenant (Olivier) : C'est ce qu'on nous a rapporté. Oui.

Mme Labrie : Oui. O.K. Je vous remercie.

M. Surprenant (Olivier) : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Les articles 24, 25 et suivants du projet de loi abolissent des motifs permettant d'obtenir des allocations pour contraintes temporaires qui sont prévues à l'actuel article 53 de la loi. Vous nous dites qu'avec cette abolition, des sommes de 99,7 millions, dans les cinq prochaines années, ils vont être économisés par le gouvernement en allocations non versées, et que pour les prestataires, c'est une perte d'une allocation de 161 $ par mois, ce qui est considérable, considérant que la prestation de base n'est que de 807 $ à l'aide sociale. Donc, on s'entend, vous êtes en train de nous dire qu'il s'agit d'une coupure budgétaire du gouvernement qui va résulter en une coupure pour les personnes affectées. C'est bien ça?

M. Surprenant (Olivier) : Ce qu'on... Ce qu'on vous dirait, c'est qu'il y a moins de personnes qui vont être couvertes par le régime de la loi sur l'aide... dans le fond, de l'aide sociale, de l'assistance sociale, c'est certain. De là à dire des coupures, je ne veux pas m'avancer sur les termes qui sont strictement budgétaires, là, mais clairement, il y a des personnes qui vont manquer d'aide qui leur est nécessaire compte tenu de leurs besoins et de leur situation.

M. Paradis : Donc, perte d'une allocation mensuelle pour les personnes concernées. Et vous nous dites : Ça n'a pas d'effet d'encouragement vers l'emploi, puis cette logique fait fi de la capacité réelle de ces personnes à trouver et à conserver un emploi. C'est ce que vous nous dites?

• (16 h 30) •

M. Surprenant (Olivier) : Oui. Bien, c'est... c'est que, dans le fond, au final... au final, on revient dans le même cercle, dans le même film qu'on a joué, on replonge des personnes dans la précarité. Ils ne peuvent pas s'en sortir. Ils ne peuvent pas s'attarder sur leurs problèmes, ils doivent d'abord survivre. C'est... Non, tout à fait. En fait, je vous répète la même logique, dans le fond, qui est... qui est celle de la subsistance. Puis ça ne devrait pas être ça. Ça devrait être de pouvoir accompagner les gens vers vivre dignement, de façon décente, telle que la Charte le prévoit à l'article 45.

M. Paradis : Donc, pas une mesure à même de participer au mouvement vers l'emploi des personnes concernées?

M. Surprenant (Olivier) : Ah! selon nous, non. Le retrait des contraintes, non, ce n'est pas une mesure qui va favoriser le retour à l'emploi des personnes. Non.

M. Paradis : Très bien. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Donc, M. Surprenant, M. Dorais, merci de votre contribution à la commission.

Je suspends les travaux quelques minutes afin que nos prochains invités prennent place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 31)


 
 

16 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 16 h 39)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux. Et j'ai une demande de la députée de D'Arcy-McGee...

Mme McGraw : ...

La Présidente (Mme D'Amours) : ...de Notre-Dame-de-Grâce, pardon, Notre-Dame-De-Grâce, pour faire une demande à la ministre. Alors, Mme la députée, allez-y.

Mme McGraw : On est voisines à Montréal et aujourd'hui, mais ce n'est pas le même comté. Mais merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais profiter de ce moment des consultations particulières du projet de loi pour faire une demande formelle. Cette demande sera certainement profitable à tous les parlementaires autour de la table. J'aimerais officiellement demander à la ministre, par l'entremise de vous, Mme la Présidente, qu'avant notre retour de la semaine en circonscription, pour l'étude détaillée, qu'elle dépose à la commission ces intentions réglementaires concernant le projet de loi.

Je vous rappelle que lors du dépôt du projet de loi n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour les personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi, soit le 14 mars 2018, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale de l'époque avait pris soin de déposer un document présentant les intentions réglementaires concernant ledit projet. Je peux même déposer, Mme la Présidente, pour informer la commission de ce qui a été déjà fait précédemment. Je demande donc officiellement la collaboration de la ministre de nous faire parvenir ses intentions réglementaires. Cela aidera certainement grandement à nous éclairer, les parlementaires élus par les citoyens du Québec, lors de l'étude détaillée du projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Mme la ministre, réplique?

Mme Rouleau : Bien, je vais prendre ça en délibéré, Mme la députée.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke.

• (16 h 40) •

Mme Labrie : Bien, très rapidement, j'aimerais joindre ma voix à celle de ma collègue pour appuyer sa demande. J'ajouterais, par ailleurs, que les intentions d'amendement de la ministre suite à toutes les auditions qu'on aura faites seraient bienvenues aussi pour nous permettre de gagner du temps en se penchant à l'avance, là, avant qu'on soit en étude détaillée.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. M. le député de Jean-Talon, voulez-vous rajouter quelque chose?

M. Paradis : Oui. Bonne initiative. Je joins ma voix à celle de mes collègues. Ça nous a été souligné à plusieurs reprises jusqu'à maintenant par plusieurs intervenants qu'il nous faut ces intentions réglementaires pour bien comprendre la portée des changements et des initiatives qui nous sont proposées.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup. On revient à nos auditions. Nous avons des invités, alors je souhaite la bienvenue au réseau...

La Présidente (Mme D'Amours) : ...Réseau Solidarité Itinérance du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et puis nous commencerons la période d'échange. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Vallée Dore (Boromir) : Donc, je me nomme Boromir Vallée Dore et je suis directeur général au Réseau Solidarité Itinérance du Québec.

M. Tremblay (Daniel) : Bonjour. Moi, c'est Daniel Tremblay. Je suis responsable au secteur fiducie de la Maison Lauberivière.

M. Vallée Dore (Boromir) : Donc, aujourd'hui, on va vous faire une présentation concernant évidemment la réforme sur le projet de loi no 71. Le projet de loi no 71... J'en profite, par contre, pour vous situer, qui est le Réseau Solidarité Itinérance du Québec. C'est un réseau national d'organismes communautaires en itinérance qui fédère plus de 15 concertations régionales puis plus de 200 organismes communautaires en itinérance au Québec. On est beaucoup interpelés pour de l'analyse, et des recommandations pour les politiques publiques, et des plans d'action. Donc, voilà rapidement pour le Réseau Solidarité Itinérance du Québec.

Les objectifs de la présentation aujourd'hui vont être de vous sensibiliser quant à la réalité des personnes en situation d'itinérance et à risque de l'être, sensibiliser quant au rôle de l'aide de dernier recours dans la prévention et la réduction de l'itinérance, donc, sur la crise de l'itinérance actuelle et nos recommandations pour la réforme à l'aide sociale.

Donc, dans un but de sensibilisation, je vais passer la parole à Daniel qui va pouvoir nous parler de la réalité de certaines personnes qui sont en situation d'itinérance ou à risque de l'être qu'il rencontre dans le cadre de son travail.

M. Tremblay (Daniel) : Bonjour. Désolé, ça peut arriver que je bafouille, je suis un petit peu intimidé, mais bon, ça devrait passer. Dans le fond, c'est juste qu'il y a des différents exemples. Je vais commencer tout de suite. Il y a Jean-Pierre, par exemple, c'est un nom fictif, vous comprendrez, avec des situations qui peuvent être amalgamées, mais ceci dit, c'est des situations tout à fait réelles. Le revenu de M. Jean-Pierre était à 857 $, est tombé à 807 $. Lui, le monsieur en question, il était à d'hébergement Lauberivière depuis quelques mois. Depuis qu'il est à l'hébergement, bon, il s'est fait couper de 50 $ étant donné que quand on est en hébergement ou quand on est à la rue, il y a un 50 $ qui est considéré comme étant... que la personne n'habite plus seule. Donc, on se fait... La personne a 50 $ de moins. Il essaie de trouver quelque chose de logement, mais les logements abordables, ce n'est pas... c'est plutôt des exceptions. Même les chambres sont rares. Donc, le M. est à Lauberivière, ça fait environ trois mois. Puis pendant ce temps-là, bien, ça lui prend une place à l'hébergement parce qu'il n'a pas les moyens de se relocaliser présentement.

Il y a le cas d'Yves. Yves, c'est un travailleur. Il gagnait entre 1 800 $ puis 2 500 $ par mois environ. Là, c'est ça, sa situation a changé. Dans le fond, Yves, il vient de se séparer avec sa conjointe. Sa famille est à l'extérieur et ses relations avec elle sont plus ou moins bonnes parce qu'Yves, dans le passé, il a eu des problèmes de cocaïne. Et donc il a souvent emprunté de l'argent à sa famille, qu'il n'a pas remis. Il y a tous les mensonges et tout ça. Donc, la famille a coupé les ponts avec lui. Côté amis, bien, ses amis, c'était des chums de coke. Ça fait qu'à ce moment-là, bien, ses amis ne sont pas tellement... Ce n'est pas vraiment des amis. Donc, il se retrouve à faire une demande d'hébergement par le fait même, mais il n'y a pas de place. Ça fait qu'il se retrouve à la rue. Donc, M. est à la rue. Comme qu'il ne s'est jamais retrouvé à la rue, bien, il se cherche des repères, des aides parce qu'il ne connaît pas ça. Ça fait qu'il se dit quoi de mieux que quelqu'un qui est dans la rue pour avoir des conseils. Ça fait qu'il se lie avec d'autres personnes qui sont à la rue pour connaître les ressources, les usages puis comment on peut se débrouiller dans cette situation. Pendant cette période de temps aussi, il a perdu son emploi, il travaillait. Puis là, bien, c'est ça, avec ce qui est arrivé dans sa vie, ça lui a créé des anxiétés et tout ça, des retards multiples. Et son attitude au travail n'était pas adéquate, tu sais. Mettons que sa patience n'était pas la même qu'auparavant. Donc, il a fini par perdre son emploi. Il reçoit donc 807 $ d'aide sociale par la suite. Et puis, étant dans la rue, bien, la tentation de consommer est revenue au galop. Ça fait qu'au début, ça a pris.. Ça a commencé par quelques bières. Après ça, bien avec quelques bières, c'est devenu plusieurs bières. L'envie de consommer de la cocaïne se faisait de plus en plus présente parce que, ça, c'était son starter. Quand il consommait, lui, bon bien, ça commençait par l'alcool, puis par la suite, ça tombait en cocaïne. Lorsqu'on lui a offert du crack, chose qu'il y a dans la rue, bien, le pas n'était pas grand... il n'était pas tellement grand à faire. Il est tombé dans le crack... Ça fait que c'est là qu'il est rendu. Ça fait qu'il s'enfonce de plus en plus. Puis il a pris des mauvaises habitudes, des mauvaises fréquentations. Donc, plus le temps avance, plus que sa situation se cristallise, plus qu'il est dans une situation qui est difficile à rattraper.

On saute à M. Gérard. M. Gérard est un... Il est hébergé présentement. Il a 807 $ par mois. Avec ce montant-là, bien, bien sûr, il ne peut pas trouver de logement. Ça va être plus une chambre. Il n'a pas... Excusez-moi. Bon, c'est ça. Donc, les chambres, dans le fond, ce qui se passe à Québec, précisément, c'est que les chambres qu'il y a au centre-ville sont plus chères. Les chambres...

M. Tremblay (Daniel) : ...en périphérie, ils sont un peu moins chers, sauf qu'ils sont réservés la plupart du temps pour des travailleurs, pour des étudiants, parce que c'est souvent en lieu résidentiel. Donc, à ce moment-là, ils se retrouvent à avoir juste des chambres au centre-ville. Ça, ça amène une autre problématique. Les gens sont concentrés... Dans le fond, les maisons de chambres qu'il y a dans le côté centre-ville, ça devient un peu comme si c'était de l'hébergement, mais de l'hébergement qui n'est pas... qui n'a pas d'intervenants. Ça fait qu'à ce moment-là, des conflits entre voisins et tout ça, bien, ce n'est pas rare. Donc, l'intervention se fait par les policiers, puis des policiers, bien, quand ils interviennent, ça va être... il y a quelqu'un qui sort souvent de la place, donc la personne se retrouve à ce moment-là à perdre sa chambre. Puis quand ce n'est pas les policiers qui le font souvent, souvent, ça va être le propriétaire qui va dire : Aïe, toi... Vous vous imaginez la suite, ce n'est pas des beaux mots. Ça fait que la personne perd sa place, se retrouve à l'Auberivière. S'il y a de la place, bien, elle va aller à l'hébergement, sinon, elle est à la rue. Donc...

Puis avec ces montants d'argent là, c'est ça, lui, dans le fond, avec un 250 $, il peut... bien, c'est ça, il reste 250 $, mais attendez un petit peu, là, je pense que... j'ai-tu mélanger deux affaires, moi, là, là? Oui, non, c'est ça, je pense que j'ai sauté un bout. En tout cas, je vais le laisser de même parce que je pense que, de toute façon, on peut comprendre que même s'il trouve une chambre... parce que ça, là, c'est environ 550 $ pour une chambre, là, dans le centre-ville, donc s'il a 807 $, bien, il reste 250 $ pour manger, se vêtir, acheter une passe de bus, parce qu'il est supposé se chercher une job pendant ce temps là. Ça fait que, tu sais, mettons, que c'est assez limite, voire impossible.

Il y a... c'est là qu'on est rendu? Oui, parfait. Donc... présentement, c'est 633 $ qu'elle reçoit. Elle est originaire du Tchad, elle a dû quitter son pays parce que sa vie était menacée. Elle a occupé divers emplois comme préposé pour les personnes âgées, ménages, surtout la restauration. Il y a eu des emplois précaires. Madame a reçu, entre deux emplois, de l'assurance-emploi et de l'aide sociale, mais comme il est difficile d'arriver avec un montant de base pour l'aide sociale, dans le fond, entre deux... La personne, dans le fond, elle a, un moment donné, eu des emplois pas nécessairement déclarés, ça fait qu'elle a commencé à travailler au noir puis, ce faisant, bien, c'était un peu tentant et tout ça, mais, de toute façon, la personne, c'est impossible, dans le fond, là, je ne peux pas le dire autrement que ça, ce n'est pas possible d'arriver avec 807 $ par mois. Donc, à ce moment-là, bien, la personne travaille au noir puis, au fil du temps, bien, elle a accumulé... l'aide sociale a fini par le découvrir, et là, la personne, elle doit 20 000 $ à l'aide sociale.

Aussi, pendant cette période-là, la personne, bien, en parlant des jobs... là, je perds un peu le fil, là, attendez un petit peu... Ah! bien, c'est ça, c'est que la personne travaille au noir puis, c'est ça, son mode de vie aussi a changé. C'est ça, bien, avec 633 $ par mois, bien, la personne, elle vit dans la rue, puis là, bien, elle ne travaille plus dans les restaurants, et tout ça. Ce qu'elle fait pour survivre, c'est vendre de la drogue, ça fait qu'avec les tickets qui vont avec vivre dans la rue, plusieurs infractions et tout ça, donc, encore une fois... bien, sa situation se cristallise et, de la sortir de là par la suite, c'est de plus en plus difficile et de plus en plus coûteux, je vous dirais aussi, pour tout le monde. Je ne sais pas dans le temps où est-ce qu'on...

La Présidente (Mme D'Amours) : Il vous reste deux minutes.

M. Tremblay (Daniel) : Deux minutes. Je vais te laisser, à ce moment-là...

M. Vallée Dore (Boromir) : Parfait. Donc, ce qu'on essaie de... c'est... en fait, c'est 40 personnes qui naviguent autour de la fiducie, puis ça, c'est des histoires de vie de gens dans le concret au quotidien qui sont pris, qui n'y arrivent pas. Ce qu'on essaie de démontrer, c'est que la réforme proposée actuelle, l'analyse qu'on en fait, ne nous donne pas de leviers pour ces situations-là. Donc, ça nous surprend parce qu'au Québec on a une politique nationale de lutte à l'itinérance, qui a été signée par le ministère de la Solidarité sociale, qui met notamment l'accent sur le droit des personnes, les déterminants de la santé, de la responsabilité collective, mais aussi de l'importance du revenu décent dans la capacité des personnes de sortir de leur situation d'itinérance. Tantôt, on parlait... il y a-tu des exemples de population qui... ce n'est pas des contraintes à la santé, mais ce qu'on constate, c'est que d'être en situation d'itinérance devient une contrainte pour être capable d'accéder à l'emploi de par les différentes réalités entourant ça.

Actuellement, on a un plan d'action interministériel en itinérance dans lequel on a une mesure, la 7.2, qui vise à documenter les freins d'accès à l'aide de dernier recours au programme Objectif emploi puis certaines mesures fiscales chez les personnes en situation d'itinérance. On est très déçu de constater, malgré que, dans le plan d'action en itinérance, il y ait une mesure spécifiquement pour ça, de ne rien retrouver dans la proposition de la réforme de loi n° 70, et ce dans le contexte où est-ce que l'Assemblée nationale a déclaré l'état de crise en itinérance en septembre dernier à l'Assemblée nationale. Donc, on s'attend un peu à des actions et des mesures plus soutenues.

• (16 h 50) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Nous sommes rendus maintenant à la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous...

Mme Rouleau : ...j'aurais une première question. Vous avez une grande expérience, là, des gens qui vivent en extrême pauvreté et qui se retrouvent à la rue. Est-ce que vous voyez une... Est-ce que vous voyez que le profil de ces personnes-là change et comment change-t-il?

M. Vallée Dore (Boromir) : Oui, bien là, la question des parcours de vie, des profils en situation d'itinérance, tu sais, on dit que... on a le préjugé que la personne en situation d'itinérance, c'est la personne avec une barbe, vieux M., donc qui fut d'une certaine époque. Mais c'est drôle parce que c'est multifactoriel, c'est multitrajectoire, donc il y a toutes sortes de personnes qui se ramassent en situation d'itinérance. Ce qu'on voit, malheureusement, c'est que, oui, des M. avec des barbes, on en voit de plus en plus. Donc, des gens qui n'ont pas de retraite, qui se retrouvent à la rue, qui n'ont pas de support, avec des besoins... des fois des démences, des besoins physiques, des besoins psychologiques. On a des jeunes qui sortent de la DPJ, on a des gens qui sortent des hôpitaux, qui n'ont pas eu d'accompagnement, des gens qui sortent de la prison. On a des femmes qui fuient des situations de violence conjugale. Donc, le profil est très varié, là, quand on parle d'itinérance.

Puis d'ailleurs, à cet égard-là, ça devient complexe, parce que, l'itinérance, on la définit selon un processus de désaffiliation sociale, de rupture sociale qui fait qu'on a du mal à maintenir des liens avec notre communauté, mais aussi avec des... un manque d'accès à des domiciles stables, sécuritaires et adéquats. Donc, toute cette... on perd nos liens avec nos familles, on perd notre lien avec notre communauté, avec notre emploi, avec l'école. C'est comme si on se ramassait seul dans tout ça, avec tous les enjeux que ça peut apporter. Puis évidemment, il y a une part de... individuel, donc des fois des troubles de santé mentale, physique, mais il y a une part aussi de notre système qui génère de l'itinérance. Quand les gens n'ont pas accès à un logement, n'ont pas accès à des soins de santé, n'ont pas des revenus nécessaires pour combler leurs besoins de base ou n'ont pas droit d'occuper l'espace public, ou d'avoir accès à l'éducation.

Mme Rouleau : O.K. Dans le plan de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, que j'ai déposé au mois de juin dernier, le plan de lutte est intimement lié à l'habitation et à l'itinérance et est axé beaucoup sur la question d'accompagnement. C'est l'objet du... de la modernisation du régime d'assistance sociale, d'ailleurs, le projet de loi n° 71, axée sur l'accompagnement et l'allègement, la simplification du régime. Et dans l'accompagnement, ce qu'on a pu constater, là, l'importance de l'accompagnement, il y a des personnes qui sont vraiment très éloignées du marché du travail. On veut les rapprocher, et ça passe par la participation sociale, ça passe par l'intégration, la société, là, briser l'isolement puis se rapprocher, recréer son réseau et aller vers l'emploi. On a le programme... qu'on veut... qu'on améliore avec le volet de participation sociale, ce qui n'existe pas à l'heure actuelle. Avez-vous une opinion sur le programme Passe par exemple?

M. Vallée Dore (Boromir) : Pas sur le programme Passe spécifiquement, mais par contre sur l'accompagnement je... C'est important, ce que vous mentionnez, c'est la clé de voûte, en fait, de prendre le temps avec ces personnes-là. Puis malheureusement, on est toujours pris dans des statistiques. Vous en avez accompagné combien? Oui, mais les gens qu'on accompagne, c'est des gens, des fois, qui sont désaffiliés depuis des années. Donc, on part de très loin. Puis de bien accompagner les personnes, c'est aussi d'être avec eux dans nos différents systèmes qui des fois ne se parlent pas ensemble.

Tantôt, on avait un très bon exemple, on posait la question : Est-ce qu'on a des programmes qui fonctionnent mieux que d'autres? On a parlé du RQAP. J'aimerais vous... juste, je pense que vous avez plus de chances d'avoir fait une demande de RQAP que d'aide sociale. Mais ça va bien, faire une demande de RQAP, ce n'est pas compliqué. Puis j'invite les gens ici autour de la table à se questionner c'est quoi, faire une demande d'aide sociale, puis peut-être d'essayer d'aller s'asseoir avec quelqu'un qui fait cette demande-là. Puis là on ne parlera pas du chômage, là, c'est une autre affaire, mais ça vaut la peine de l'essayer, parce que, là, on le voit, là, que c'est difficile. Puis les gens sans accompagnement, ils ont du mal à y arriver, puis nous, on le mentionne beaucoup, l'accompagnement, c'est la clé, donc il en faut toujours.

Mme Rouleau : C'est pour ça qu'on veut mettre en place le réseau régional d'accompagnement, qu'on veut dans la loi statuer que chaque personne peut obtenir un accompagnement personnalisé. Et, quand on parle des gens en situation d'itinérance, ce qu'on sait, c'est que quatre personnes sur 10 n'ont pas... n'ont pas l'aide de dernier recours. Donc, six sur 10 l'ont... l'obtiennent minimalement. Mais quand...

Mme Rouleau : ...ne l'ont pas. Comment on pourrait faire en sorte... parce que c'est la question qu'on se pose aussi, comment on peut aller chercher ces quatre autres personnes sur 10 pour qu'elles aient minimalement cette aide de dernier recours?

M. Vallée Dore (Boromir) : Bien, d'avoir accès à l'aide de dernier recours... Puis il y avait un autre élément juste avant de l'accès à l'aide de dernier recours qui m'échappe.

Mme Rouleau : J'ai parlé du... de l'accompagnement personnalisé et du réseau régional, où on...

M. Vallée Dore (Boromir) : Oui. Donc...

Mme Rouleau : ...où... je veux spécifier que, dans le réseau régional, ce qu'on... ce qu'on voit, c'est de travailler avec, évidemment, la solidarité sociale, avec les services sociaux, avec les organismes, et, en fait, c'est de briser les silos et s'assurer d'une meilleure communication et coordination des services pour que la personne soit bien accompagnée.

M. Tremblay (Daniel) : Bien, je ne sais pas, il y a peut-être des exemples aussi. Tu sais, on parle : Bon, O.K., c'est beau, l'accompagnement, mais, en même temps, si la personne n'a pas assez d'argent... si la personne est dans la rue, supposons, ou qu'elle est en hébergement, si elle n'a pas assez d'argent pour se relocaliser, c'est bien beau cette démarche-là, mais c'est un peu difficile, faire des démarches ou d'avancer dans un lieu où ce que peut-être on ne dort pas du mieux qu'on peut, on n'est pas chez soi. Il y a quelque chose déjà là en partant, là, que... bon, qui se passe là. Puis les... Oui, en tout cas, il y aurait ça, il y a ce bout-là en partant.

M. Vallée Dore (Boromir) : Oui, puis les intervenants vont vous le dire. Tu sais, quand les gens n'ont pas les... L'accompagnement doit reposer sur la capacité aux personnes de combler leurs besoins de base. Quand on oeuvre... on travaille en itinérance, la première chose qu'on demande à quelqu'un, c'est : Tu as-tu mangé? Tu as-tu dormi? Sinon, bien, O.K., on va prendre le temps de s'assurer que tu as mangé, tu as dormi, puis après on fera d'autres choses. Mais là, ce qu'on voit, c'est que, les gens, on leur demande d'être en action et on est conscient qu'ils ne sont pas capables de combler leurs besoins de base. Donc, ça a été calculé avec la MPC. Donc, il y a quelque chose à réfléchir aussi, là, de comment qu'on stabilise cet élément-là.

Puis, concernant les six personnes sur 10 qui n'ont pas accès à...

Mme Rouleau : ...quatre sur 10.

M. Vallée Dore (Boromir) : Oui, oui... Oui.

Mme Rouleau : Il y en a six sur 10 qui ont l'aide sociale, puis quatre qui ne l'ont pas.

M. Vallée Dore (Boromir) : Oui. Puis on est chanceux d'avoir des chiffres à jour concernant le dénombrement par rapport à ça. Puis il y a d'autres choses qui sont alarmantes aussi dans ces statistiques-là, notamment, quand on regarde, il y a 7 % des personnes qui sont avec aucun revenu. Et cette statistique... Donc, en bas, à droite, ici, on l'a. Et cette statistique-là explose quand on est avec les jeunes de moins de 30 ans. Donc, 12,1 % des jeunes de moins de 30 ans n'ont aucun revenu. Donc, on a une question à se poser : Pourquoi ils ne font pas d'aide de demande... de demande d'aide de dernier recours?

Mme Rouleau : C'est la question que je vous pose.

M. Vallée Dore (Boromir) : Parfait. Et, bien, à cet égard-là, normalement, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, comme je le mentionnais, dans le plan d'action interministériel, là, en itinérance, a, dans son... s'est engagé à documenter ces freins d'accès là. Nous, on a été consultés pour participer à ladite recherche. Donc, on n'a pas encore accès à ces données-là, qui vont être publiées une fois... qui vont être publiques une fois terminées. Toutefois... Donc, il y a... Nous, on a des exemples, un peu, de freins, mais le ministère a ça dans son carton en ce moment. Donc, bien, M. Gauthier, on a échangé là-dessus pas plus tard qu'aujourd'hui.

Mme Rouleau : Est-ce qu'il y a des exemples heureux de personnes qui sont sorties de la rue puis qui se... qui ont pu... Parce qu'on en a eu, des exemples, aujourd'hui, là, de personnes qui ont vécu des moments extrêmement difficiles, troublants et qui s'en sont sortis, qui sont passés à travers les programmes d'insertion, puis... Est-ce que vous en avez, vous, des histoires... des belles histoires, là? Ce n'est pas toujours noir, complètement noir. Il y a tout le temps des petites zones de gris puis un peu de soleil.

M. Vallée Dore (Boromir) : Vous m'amenez dans ma sphère émotive, là, pour moi-même en avoir connu. Mais je passerais la parole à Daniel, que je suis sûr qu'il a plein de beaux...

• (17 heures) •

M. Tremblay (Daniel) : ...oui. Bien, d'une part, moi, je travaille à la fiducie. Donc, la fiducie, c'est un... grosso modo, c'est comme une curatelle volontaire. Ça fait que les gens qui sont à la fiducie, on paie le logement en premier lieu. Ça fait que ça assure, en général, un toit sur la tête, à part de... à part si la personne a des comportements inadéquats. Mais sinon, bien, il y a ce bout-là. Ça fait que ça, en partant, c'est des... La plupart des gens qu'on a en suivi, c'est ça. C'est des gens que... qui pour qui ça a fonctionné et qui sont rendus à cette étape-là, mais ce n'est pas la première étape. Tu sais, il y a eu d'autres étapes avant. Comme à l'hébergement, bien là, c'est ça, c'est des gens de l'hébergement, là, que, des fois, on va se faire référer, mais c'est ça, oui...

Ça fait que, des histoires, je ne sais pas si vous voulez un exemple d'une histoire en particulier, mais, c'est ça, il y en a... il y en a... bien, genre, il y en a plusieurs, là, tu sais. Bien, je ne sais pas... il y a une dame qui était à l'hébergement à un moment donné qui eu avait des problèmes de...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Tremblay (Daniel) : ...de l'hébergement, puis là, bien, elle... Je suis rendue où dans la liste, parce qu'il y a une liste d'attente? Donc, je suis rendue où, je suis rendue où? Elle était presque harcelante. Mais, finalement, cette personne-là, par la suite, bien, elle a retrouvé un travail. Elle a... Le travail c'est sûr que c'est toujours des emplois précaires aussi. Mais, tranquillement pas vite, ses choses s'améliorent, mais, tu sais, ça reste toujours quand même... Ce n'est pas l'Eldorado, c'est quand même... Cependant, pour elle, versus qu'est-ce qu'elle était à ce moment-là, c'est le jour et la nuit, pareil, pour elle.

M. Vallée Dore (Boromir) : Puis il me vient en tête des jeunes de la Coalition Jeunes+, qui est une coalition qui vise à prévenir l'itinérance. Puis ces jeunes-là qui ont vécu l'itinérance, il y en a qui sont allés à Tout le monde en parle, en parler. Ils sont allés à l'Assemblée nationale. Ils ont reçu des médailles d'honneur, parce que là, en ce moment, ils sont très impliqués dans : Comment je peux faire pour que ce qui m'est arrivé n'arrive pas aux autres? Donc... Puis ces jeunes-là vous le diraient : La question du revenu, il faut absolument pallier à ça, là.

Mme Rouleau : Vous savez peut-être qu'on veut abolir la contribution parentale pour les jeunes qui... chez leurs parents, les jeunes adultes. Donc, particulièrement, lorsqu'ils sortent de la DPJ, on leur demande, aujourd'hui, d'aller chercher une attestation, auprès de leurs parents, puis ça cause des histoires vraiment... extrêmement tristes. Alors, on abolit ça. Je pense que ça, ça va être une façon de faire intéressante.

Puis je voudrais vous entendre aussi sur le fait qu'on change... On parle de contraintes à l'emploi aujourd'hui, donc, c'est la capacité de la personne à travailler. On va vers la contrainte de santé pour axer sur l'état de la personne, son état de santé, en faisant intégrer, ce n'est pas seulement la santé physique, mais la santé... la santé mentale et les enjeux psychosociaux. Parce que vous avez mentionné dans vos exemples, notamment, les dépendances auxquelles peuvent être confrontés les gens. Alors, ça, comment vous voyez ça, qu'on parle maintenant de contraintes de santé?

Des voix : ...

M. Vallée Dore (Boromir) : C'est difficile pour nous, je vous avouerais, de concevoir la différence. Par contre, ce qui nous arrive souvent, c'est que les gens avec qui on travaille, c'est des gens qui tombent entre toutes les cases. Évidemment, plus qu'on crée des cases, plus il y a des gens qui vont tomber entre ces cases-là, puis qu'est-ce qu'elles font? Elles vont cogner au refuge, à côté de chez elles. Les intervenants les accompagnent dans leurs difficultés d'être reconnues dans leur réalité, donc... Puis aussi contraintes de santé, il y a des contraintes, des fois, situationnelles qui sont liées à quelque chose de très temporaire, mais qui fait en sorte que les gens ne peuvent pas travailler.

Donc, notamment nous, on va parler d'obstacles à l'emploi. On a fait un survol de la littérature, là, cette semaine pour... Puis la littérature est assez fournie à ce niveau-là. On a... on a créé un document, je pense... D'ailleurs, on s'excuse d'avoir envoyé notre document tardivement. Je sais que ça vous met de la pression, puis une réaction... mais merci pour votre compréhension. Donc ce qu'on constate, c'est que ces contraintes à l'emploi là, des fois, il y a une liste d'exemples, là, donc, de partager aux employeurs le fait qu'on a une période sans emploi, toutes les motivations fluctuantes, donc, besoin de plus de temps pour s'adapter, avoir un logement avant d'intégrer un emploi. Il y a des gens que ça fait trop longtemps, qui n'ont pas été en logement, les gens qui ne faisaient pas leur suivi quand la motivation n'était pas là.

Donc, le fait de tout recommencer à zéro quand la motivation revient, évidemment, la consommation, la peur de revivre des traumas passés, d'autres obstacles. Donc, il y a vraiment une liste. La littérature scientifique est assez claire sur le fait qu'il y a des obstacles à l'emploi pour les personnes en situation d'itinérance. Le gouvernement du Canada le dit aussi, et même le gouvernement du Québec en fait mention, là, dans le deuxième portrait. Puis ils donnent même des exemples de gens qui sont en emploi et que l'enfant... l'emploi a des effets délétères sur la santé physique et mentale de ces personnes-là, parce qu'ils sont obligés de prendre ce qui passe avec des conditions, des fois, donc, de nuit, du travail qui est fait à l'extérieur, etc.       Donc, même dans le deuxième portrait en itinérance, on fait état des obstacles à l'emploi et aussi des enjeux des emplois précaires pour des gens qui, oui, travaillent.

Mme Rouleau : On considère que c'est par l'emploi qu'on améliore son sort, qu'on retrouve sa dignité, qu'on peut avoir une vie...

Mme Rouleau : ...plus épanouis, là, on s'entend là-dessus, alors on veut amener les gens vers ça, à... et qu'ils puissent contribuer à la hauteur de leurs moyens et passer par le processus d'intégration, participation sociale, etc.

Et puis, pour revenir aux contraintes de santé, ce qu'on amène aussi, c'est que les diagnostics ne soient pas faits uniquement par le médecin, mais aussi par des professionnels de la santé. Est-ce que vous auriez des propositions à nous faire ...(panne de son)... de la santé?

M. Vallée Dore (Boromir) : Professionnels de la santé, mais il y a aussi des professionnels dans le milieu communautaire. Il y a des infirmiers, infirmières, il y a des travailleurs sociaux, il y a des psychoéducateurs, il y a même des psychiatres qui travaillent dans le milieu communautaire, donc ça ne devrait pas être enclavé juste pour le réseau de la santé.

Mme Rouleau : Bien, ça ne veut pas dire qu'ils sont uniquement du réseau de la santé.

M. Vallée Dore (Boromir) : Parfait. Je suis content de l'entendre.

Mme Rouleau : Ils sont des ordres... ils ont... ils font partie des ordres. Mais c'est à déterminer tout ça, là, mais ils font partie des ordres professionnels. De quel ordre professionnel pourrions-nous parler?

M. Vallée Dore (Boromir) : Je ne pourrais pas m'avancer sur quel ordre en particulier, mais le fait que ce soient les membres des ordres, c'est intéressant. Parce qu'effectivement il y a des gens dans le milieu communautaire qui peuvent être membres de certains ordres, donc ça désenclave. Parce que, quand qu'on parle de professionnels de la santé et des services sociaux, souvent, ça laisse sous-entendre que c'est le réseau de la santé. Donc, c'est pour ça que, des fois, c'est ça, je suis content que vous spécifiiez que ce n'est pas enclavé au réseau de la santé.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions avec la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci du travail que vous avez fait aujourd'hui et que vous faites à tous les jours.

Quand on parle de la proposition d'aller de «contraintes de travail» à «contraintes à la santé», comme vous avez dit, il y a tellement de situations qui existent. Une personne itinérante peut avoir des enjeux de santé mentale ou ne peut pas en avoir, une femme qui a été violentée, tu sais, c'est... ce n'est pas un médecin qui va faire en sorte que, bien, vous avez un diagnostic, vous avez été violentée, vous n'êtes pas apte au travail. Donc, pour vous, est-ce que c'est un recul de proposer que l'analyse se fasse pour des contraintes de santé plutôt que des contraintes à l'emploi?

M. Vallée Dore (Boromir) : C'est... C'est difficile de se prononcer. Mais c'est sûr que quand... Ce qu'on voit, c'est que les gens ne vont pas chercher de diagnostic. Tu sais, un exemple, pour les personnes en situation d'itinérance et traumatisme crânien, donc plus que les gens sont... vivent à la rue, plus qu'ils sont à risque de développer des traumatismes crâniens. Puis les chiffres sont quand même, là, importants, là. Dans une recherche, là, une métanalyse, là, on parle de 53,1 % des personnes en situation d'itinérance qui ont un historique lié à un traumatisme craniocérébral. Donc, ce qu'on voit souvent, c'est que ce ne sera pas diagnostiqué. Donc, c'est sûr que si on s'appuie sur des diagnostics, bien, il y a un effet délétère sur une population qui n'a pas tendance à aller à l'hôpital pour chercher des diagnostics. Donc...

Puis la question du non-recours à différents services s'explique de multiples façons, autant le non-recours à l'aide sociale ou aux soins de santé. Puis ça, ça prend vraiment racine, des fois, dans des traumas, dans des situations extrêmement compliquées, donc, puis ça... c'est très fréquent, là, dans le milieu dans lequel on intervient.

Mme Prass : Puis, avec le dernier dénombrement de l'itinérance du gouvernement, on a eu une augmentation de 44 %. Puis, la première raison pour laquelle les gens se retrouvent à la rue maintenant, c'est les évictions, les expulsions de logement, donc, encore une fois, des gens qui n'ont pas nécessairement des problèmes de santé en tant que tels, mais pour des circonstances économiques, etc. Et aussi, le visage a changé : beaucoup de personnes aînées qui n'arrivent plus à payer leur loyer, qui se retrouvent dans la rue pour la première fois, des gens qui ont une déficience intellectuelle ou avec un handicap également, qui ont des... qui sont en situation de précarité financière, donc, avec les prix du logement, trouvent ça impossible. Pensez-vous... Bien, premièrement, on a parlé du recours d'aide d'urgence, mais est-ce qu'il y a quelque chose que vous voyez, dans ce projet de loi ou que vous voyez au-delà de ce projet de loi, en termes de prévention? Parce qu'il est tellement plus difficile de sortir une personne de la rue plutôt que de prévenir qu'elle se retrouve dans la rue.

• (17 h 10) •

M. Vallée Dore (Boromir) : Puis c'est... On l'a vraiment mentionné en début de propos. On n'a pas identifié des mesures qui nous permettent concrètement d'agir sur les personnes en situation d'itinérance, selon notre analyse. Mais évidemment, on n'a pas le portrait complet. Donc, toutefois, le... Ça fait penser aussi, les personnes en situation d'itinérance puis souvent situation de pauvreté sont invisibilisées dans les actions gouvernementales. Donc, ça s'explique par le fait qu'on n'a pas beaucoup de données sur les personnes en situation d'itinérance, notamment toute la question de l'itinérance cachée. Puis il y a beaucoup de recherches qui viennent appuyer ça, notamment la Stratégie d'accès aux soins de santé pour les personnes en situation...

M. Vallée Dore (Boromir) : ...itinérance, la recherche de l'itinérance et enjeux climatiques nous dit aussi que, dans toutes les mesures climatiques, les personnes en situation d'itinérance souvent sont oubliées. Quand on dit : Restez à l'intérieur, il y a de la fumée, des feux, bien, il y a des gens qui n'ont pas d'intérieur. Pendant la pandémie, c'était la même chose. Restez chez vous. Bien, je n'en ai pas, de chez moi. Aussi, le Conseil national sur la pauvreté du Canada nous le dit que c'est des... les gens se sentent non reconnus aussi dans les politiques et actions gouvernementales. C'est comme une population qu'on voit... qui n'est comme pas souvent à l'agenda. Donc, on a le sentiment que, dans le projet de loi actuellement, il y aurait un coup supplémentaire à donner pour voir quels leviers on se donne pour agir sur la crise de l'itinérance actuellement.

Mme Prass : Également, vous avez parlé d'accompagnement, de l'importance de l'accompagnement surtout. Encore une fois, le visage de l'itinérance, il y a tellement des visages, il y a tellement de situations différentes. Justement, le Protecteur du citoyen a émis une lettre aujourd'hui critiquant le fait que l'accompagnement qui est proposé dans le projet de loi serait... devrait se faire sur demande plutôt que d'être offert de façon universelle à tout le monde. Est-ce que vous pensez surtout avec une population qui est réticente des fois surtout à faire confiance de l'autre côté et qui ne connaît pas nécessairement les programmes et quelles sont les possibilités... Pensez-vous que justement ça ne devrait pas être sur demande, ça devrait être offert à tout le monde et par la suite, on s'organiserait avec les personnes?

M. Vallée Dore (Boromir) : Bien, je... puis, tu sais, je pense que ça revient au concept d'universalité dans notre programme. Je pense que c'est important de ne pas justement créer des catégories puis l'accompagnement devrait effectivement être central. Puis j'étais heureux d'entendre Mme Rouleau à cet effet-là, parce que... Puis on devrait avoir la responsabilité d'accompagner les gens dans nos organisations. Si j'ai des formulaires à faire remplir, bien, pourquoi ce n'est pas moi qui les remplis avec la personne, tu sais, de... C'est d'être conscient, des fois, ça peut devenir un frein pour les personnes parce que... puis ça fait partie de nos recommandations, souvent, le vocabulaire utilisé, les gens ne le comprennent pas. Donc, il y a un niveau de langage qui n'est pas là aussi. Donc, c'est à ces moments-là que c'est important d'être avec les gens à côté d'eux.

Puis, quand on accompagne aussi, c'est une posture où est-ce qu'on vit des situations, où on tombe un peu à part... pas en fratrie, là, mais en équipe avec les personnes pour les accompagner dans leurs difficultés. Puis c'est à partir de ce moment-là qu'on prend conscience des limites, des problèmes systémiques, des obstacles. Quand on... quand on ne se met pas le pied dedans avec eux, souvent, on ne le conçoit pas, là. C'est pour ça que je vous invitais à essayer de voir un jour si vous pouvez faire une demande d'aide sociale ou... c'est ça, ça vaut la peine. Mais Daniel est rendu bon, vous irez voir Daniel.

M. Tremblay (Daniel) : ...c'est déjà fait quand ils arrivent... mais volontaire ou pas, bien, c'est sûr que la question aussi, je dirais... ça dépend, tu sais, si ça devient comme une espèce de, bien, tu n'es pas volontaire, on tape sur les doigts, bien, ce n'est pas... pas très friand. Sinon, aussi, le côté... les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, c'est quoi? C'est que, dans le fond, il va être obligé de faire un accompagnement avec un agent d'aide sociale, c'est ce que je comprends, j'imagine. C'est-tu ça? Oui, bien, je ne sais pas, dans le fond, ça va... Oui, bien, c'est ça. Parce que c'est ça, ça dépend... ça dépend de la forme que ça prend dans le fond. Parce que la personne, elle peut se sentir... bien là, moi, si c'est de même, je ne veux pas... tu sais, pour quelqu'un qui est schizophrène puis qui n'est pas traité, aller dans un hôpital, oublie ça, ça fait que d'aller là-dedans puis de dire : Bien, il va s'en aller, puis il va se ramasser dans les statistiques de personnes qui ne reçoivent plus de revenus du tout, là.

Mme Prass : ...qu'on le propose à tout le monde, les gens ne sont pas obligés, évidemment, mais qu'au moins ce soit proposé à tout le monde plutôt qu'ils aient à le demander. Puis dans le même sens que vous allez, encore une fois, c'est des gens qui ont vécu des situations traumatiques, des situations difficiles certaines fois. Pensez-vous que les personnes qui vont faire l'accompagnement, si ce n'est pas les organismes communautaires, devraient être inclus dans tout ça, qu'il devrait y avoir des formations pour ces personnes qui vont faire de l'accompagnement? Parce que, comme vous dites, que ce soit un enjeu de santé mentale, que ce soit une personne qui sort de l'itinérance... fonctionnelle, disons, ne connaît pas toutes ces réalités-là. Puis, comme vous dites, on ne va pas leur faire peur non plus, on ne va pas les intimider puis qu'ils disent : Écoute, moi, je ne veux plus faire partie du processus parce que vous ne comprenez pas ma réalité. Donc, est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir des formations pour des populations vulnérables spécifiques, dont les personnes itinérantes ou avec des enjeux de santé mentale?

M. Vallée Dore (Boromir) : Puis c'est compliqué, ça, parce qu'on ne peut pas être formé sur tout, tu sais, parce que... ça fait que... puis il faut vraiment qu'on le réfléchisse bien, cette portion d'accompagnement là, parce que c'est vraiment important, c'est central. Puis je pense qu'on a une réflexion de plus à faire, comment qu'on va le faire au Québec. Parce qu'on a des experts de l'accompagnement dans les milieux. Toutefois, le milieu communautaire ne veut pas être instrumentalisé dans cette portion-là, parce qu'on va encore se ramasser à accompagner des personnes, bien, qui n'ont juste pas assez d'argent pour se nourrir et...

M. Vallée Dore (Boromir) : ...donc là on est un peu en échec aussi, dans cet accompagnement-là. Donc, comment qu'on va le travailler ensemble ce bout-là? Je pense que ça vaut la peine d'interpeller les experts de l'accompagnement. Puis aussi comment que le réseau... bien, le ministère va se positionner dans ça. Travaillons-le ensemble, ce bout-là, puis je pense qu'on va pouvoir avoir des beaux résultats, parce que c'est important, c'est central, cet accompagnement-là, là.

Mme Prass : Puis avec tout ce qui est proposé dans le projet de loi, comment est-ce que vous... comment est-ce que vous voyez que ça va avoir un effet sur les revenus des personnes en situation d'itinérance, avec les réalités qu'ils vivent maintenant, ou, en général, sur la situation?

M. Vallée Dore (Boromir) : Je pense que, bien, comme je le mentionne, on n'a pas identifié dans le projet de loi, tu sais, avec, un peu, les histoires que Daniel nous racontait, c'est quoi, les leviers qu'on va pouvoir avoir. On a commencé à travailler quelque chose qu'on pourrait aller vraiment plus loin, qui est toute la notion de vie maritale pour les gens qui vont vivre avec des pairs qui se soutiennent, mais cette notion de vie maritale là, on pourrait juste la laisser tomber, je... Il y a eu une bonne conférence de presse qui expliquait c'était quoi, les enjeux reliés à ça. Puis ça me permet de... bien, justement, de la violence économique, des... le fait qu'on réduise des chèques pour deux personnes qui habitent ensemble. Maintenant, deux personnes, deux chèques, ça, c'est très positif. Toutefois, il y a quand même une réduction du chèque.

Ce qui m'amène un peu à une autre recommandation qu'on fait, c'est que, pour toutes les personnes qui se situent en bas de la MPC, on ne devrait pas couper d'argent à ces personnes-là parce que ce qu'on coupe, ce qu'on fait, c'est qu'on les empêche de se loger et de se nourrir, et là on enclenche quelque chose de plus. On rend ça beaucoup plus difficile d'être avec ces personnes-là, de les accompagner, de leur sortir de la situation. Ça fait que c'est une chose, peut-être, d'avoir un chèque qui est en bas de la MPC, mais on ne devrait jamais couper quand on est en bas de la MPC parce qu'on dit aux gens...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, c'est tout le temps que nous avions avec le député. La parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Merci pour vos recommandations. Il y en a certaines qui n'avaient pas été explicitées aussi clairement par les autres qui sont passés avant vous. Donc, j'apprécie tout ça.

Est-ce que vous, vous avez confiance, avec ce qui est proposé en ce moment dans le projet de loi, d'élargir, là, la notion de contrainte puis d'appeler ça une contrainte de santé, que ça va permettre aux personnes qui sont, justement, par exemple, dans la rue à cause du contexte psychosocial dans lequel ils évoluent... est-ce que vous êtes confiant que cette formulation-là va vraiment permettre de les couvrir puis de leur donner accès à la reconnaissance de la contrainte qu'ils vivent dans la vraie vie?

M. Vallée Dore (Boromir) : ...difficile de...

M. Tremblay (Daniel) : Moi, il y a le bout où est-ce que, bon, que c'est ouvert à d'autres professionnels ou à quelqu'un qui fait partie d'ordres... Bien, déjà là, pour donner... d'accorder la contrainte sévère, bien, déjà, ça peut ouvrir, mais, par contre, de l'autre côté, des organismes communautaires, des gens qui font partie d'un ordre... d'avoir... présentement, c'est sûr qu'il n'y en a pas, mais sauf que, s'il y a une raison d'être d'avoir... de faire partie de l'ordre puis payer la cotisation, bien là, peut-être que, là, il va y en avoir plus, là. Mais il y a ce bout-là.

Mais, sinon, au niveau de la demande, c'est sûr, que ce niveau-là, je ne sais pas à quel point que... tu sais, je ne le vois pas, ce bout-là, à savoir lorsqu'une demande qui est faite, mettons, la personne a un problème de santé mentale... oui, mais là on est comme pas sûr. Je ne le sais pas, quand ça marche, quand ça ne marche pas, parce qu'à mon niveau les gens ont déjà fait leur demande, cette démarche-là est déjà faite, ça fait que je ne pourrais pas me prononcer.

Mme Labrie : Ça fait qu'il y a comme un flou qu'il faudrait préciser dans la rédaction du projet de loi pour nommer, peut-être, explicitement des situations qui méritent la reconnaissance d'une contrainte.

M. Vallée Dore (Boromir) : Si on explicite, on crée des cases, puis ce qu'on fait, c'est qu'on a... nous, on se ramasse avec les gens qui ne fittent pas dans les cases. Ça fait que, dans une perspective universelle, en tout cas, il y a quelque chose à réfléchir, puis surtout que ce qu'on voit, c'est que les contraintes, les obstacles à l'emploi, comme on va les nommer, bien, ce n'est pas lié à la santé, c'est lié à des situations temporaires, donc. Puis, pour quelqu'un, ça peut être un obstacle à l'emploi, puis une autre personne, non. Ça fait que c'est ça, c'est dur de... si on se met à catégoriser, en tout cas, on ouvre la porte à en échapper.

Mme Labrie : Puis l'importance pour vous que les travailleurs, travailleuses du réseau communautaire, s'ils sont membres de l'ordre professionnel qui est sur la liste, puissent s'occuper de cette paperasse-là, c'est parce que, sinon, les délais sont trop longs, là, s'ils doivent faire affaire avec quelqu'un du réseau de la santé, c'est ça, c'est... ou c'est une question de confiance aussi?

• (17 h 20) •

M. Tremblay (Daniel) : Bien, déjà... un problème de santé mentale, il faut que tu aies accès à un psychiatre. Un psychiatre, ça ne court pas les rues, là. Ça fait que c'est ça, ça fait que, souvent, c'est très, très, très compliqué, là. Là, il existe, bon, des organismes, là... pour ne pas nommer... là, exemple, à Québec, où est-ce que, là, tu as l'organisme où est-ce qu'il y a un psychiatre, puis là, bien, des fois, par cette branche-là, bien... C'est ça, c'est... quand il n'y a plus de psychiatre, bien...

M. Tremblay (Daniel) : ...c'est beaucoup plus compliqué, mettons.

Mme Labrie : Vous en voyez une, en ce moment, une difficulté d'accès, là, aux professionnels?

M. Tremblay (Daniel) : Bien, par rapport à santé mentale... Puis comme je vous dis, là, tu sais, c'est... je ne suis pas dans les derniers, parce que, là, je travaille à la fiducie, avant ça, j'étais à l'hébergement, c'était peut-être plus... je le voyais plus dans le temps que j'étais à l'hébergement, ça fait une dizaine d'années que je ne suis plus là, ça fait qu'il y a un bout que je vois moins, là, mais, à l'époque, c'était ça, c'était vraiment au niveau... Bien, ça prend un psychiatre, puis tu allais rencontrer un psychiatre, bien, ça va être très, très long. Puis la personne, souvent, bien, avec un problème de santé mentale, elle ne veut pas aller voir un psychiatre parce qu'elle n'a pas de problème de santé mentale, ça fait que...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Merci de nous rappeler qu'il y a un plan d'action interministériel en itinérance qui prévoit que le gouvernement doit documenter les freins à l'accès à l'aide financière de dernier recours et au Programme objectif emploi et à d'autres mesures fiscales, et que le gouvernement doit envisager d'implanter des mesures visant à faciliter l'accès à l'aide financière aux prestataires. Merci de le faire.

Est-ce qu'à votre connaissance on a tenu compte de ces obligations-là pour arriver aux solutions proposées par le projet de loi n° 71? Donc, est-ce que vous avez été consultés, par exemple, à cet effet, là? Ou quand vous lisez le projet de loi n° 71, est-ce que vous avez l'impression qu'on a tenu compte de cette obligation dans le plan d'action interministériel?

M. Vallée Dore (Boromir) : On a été interpellés et nos membres ont participé à l'étape de documenter ces freins-là. On n'a pas vu les résultats encore. On s'est fait mentionner que c'était en cours de traitement. Toutefois, ce qu'on constate, c'est... bien, dans la réforme proposée actuellement, on ne voit pas de proposition qui visent à enlever des obstacles, là, pour les personnes en situation d'itinérance.

M. Paradis : C'est à dire que lorsque vous analysez le projet de loi n° 71, vous n'avez pas l'impression que ces freins, qui ont été déjà documentés, ont été considérés dans les solutions proposées, c'est bien ça?

M. Vallée Dore (Boromir) : Non, on n'a pas cette impression-là.

M. Paradis : Merci aussi de nous donner d'autres témoignages, parce qu'on a entendu d'autres intervenants qui disent : Mais il faut vraiment écouter la voix des personnes concernées. Est-ce que vous avez parlé de cette réforme-là qui s'en vient à des personnes itinérantes et qu'est ce qu'elles vous disent, qu'est ce qu'elles voient dans cette réforme-là? Est-ce que c'est un exercice auquel on s'est prêté déjà?

M. Tremblay (Daniel) : Moi, je vous avoue, ça c'était tellement passé vite que... dans le fond, il y a eu la convocation il y a peut-être deux semaines, puis là, la semaine passée, il m'a contacté pour illustrer des personnes en situation d'itinérance, là, un peu c'était quoi, le vécu? Ça fait que, moi, le projet de loi, il m'en a parlé, c'est à peu près de même que je l'ai connu, ça fait que, moi, je ne l'ai pas lu comme tel, ça fait que je ne pourrais pas vous en parler vraiment, là.

M. Paradis : Puis vous avez une proximité. Qu'est-ce que vous en pensez? Qu'est-ce que vous diriez?

M. Vallée Dore (Boromir) : Normalement, on aurait voulu apporter une personne en situation d'itinérance qui l'a vécue. Toutefois, les délais étaient trop serrés, puis on n'aurait pas pu faire un accompagnement, là, digne de ce nom puis s'assurer que la personne puisse sécuritairement témoigner à la commission. Et d'autre part, quand on demande aux personnes en situation d'itinérance : C'est quoi vos besoins? Bien, la notion de sécurité ressort beaucoup. Évidemment, la notion de logement. Mais souvent ils nous disent : J'ai besoin d'argent, tu sais. Puis...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, c'est tout le temps que nous avions. M. Vallée Dore, M. Tremblay, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains invités de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

(Reprise à 17 h 30)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Je vous rappelle, chère invitée, chers invités, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

Mme Tremblay (Isabelle) : Alors, bonjour, tout le monde. Isabelle Tremblay, je suis la directrice de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Il s'agit d'un organisme national de défense collective des droits des personnes et des proches formé de 17 regroupements régionaux qui, eux, rassemblent plus de 400 organismes de personnes handicapées et de parents partout au Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Pierre Berger, qui est mon collègue de travail à l'AQRIPH, et de M. Patrick Fougeyrollas, qui est notre conseiller expert.

Alors, on vous a fait remettre un napperon pour présenter notre position par rapport au projet de loi n° 71. Ça se passe en deux parties : nos sujets d'intérêt dont on voulait vous entretenir, qui ne sont pas nécessairement des avancées, mais où on voulait quand même attirer votre attention quand c'en était, et puis ici on a certains questionnements; et la seconde partie va porter plus sur les enjeux importants qu'on a soulevés...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Tremblay (Isabelle) : ...là, dans le projet de loi.

Alors, dans nos sujets d'intérêt, l'établissement des plans d'intervention individualisés et la création des réseaux régionaux d'accompagnement, pour nous, ce sont des bonnes nouvelles parce qu'avec une bonne planification et la contribution de partenaires, évidemment, ce sont des conditions gagnantes pour favoriser l'intégration et le maintien en emploi, là, des personnes.

L'élargissement de l'accès au programme Objectif emploi. Bien, je pense que c'est important de souligner que ça prend un accompagnement personnalisé, surtout pour les personnes handicapées qui sont plus éloignées, là, du marché du travail. C'est une mesure qui doit par contre être incitative et non plus punitive pour réussir à sortir les personnes de la pauvreté.

Pour nous, la révision de la notion de vie maritale est aussi une avancée dans le projet de loi parce que, pour des personnes handicapées, la plupart vivent quand même seules. Et d'avoir une personne qui les accompagne dans leur quotidien, bien, ça peut éviter, là, des hébergements, là, dans le réseau de la santé.

L'ouverture à d'autres professionnels de la santé que les médecins pour établir les contraintes sévères, écoutez, l'AQRIPH, avec d'autres partenaires nationaux, on a travaillé longtemps sur le programme de revenu de base, et c'est quelque chose qu'on avait souligné, là, dans les dernières années. Donc, c'était une modification qui était attendue. Par contre, on se questionnait à l'article 12 parce qu'il est indiqué que le rapport médical est rédigé par le professionnel de la santé ou des services sociaux. Et dans notre tête, un rapport médical, c'est rédigé par un médecin. Donc on voulait quand même attirer votre attention, si c'est possible d'appeler ça un rapport médical quand c'est fait par une autre personne qu'une personne qui est membre, là, du Collège des médecins.

Parlant de terminologie, il y a un article qui nous embête un peu, c'est l'article 20, parce qu'il comporte tellement de termes. J'attire votre attention sur le fait que cet article-là édicte que le programme vise également à inciter ces personnes à entreprendre ou à poursuivre des démarches favorisant leur participation active à la société, leur inclusion, leur participation sociale ou leur réintégration ou réintégration en emploi. Alors, qu'est-ce qu'on entend par participation active, par rapport à participation sociale? Qu'est-ce qu'on entend par intégration, par rapport à inclusion? C'est des concepts qui auraient eu le mérite d'être définis pour ne pas apporter confusion. Parce que, là, quand on lit la phrase, on dirait qu'on a mis toutes les situations possibles. Et sans les définir, bien, c'est ça, on risque d'avoir des confusions, là, sur ces termes-là.

L'obligation de communiquer dans des termes clairs et concis. Bien, écoutez, ça fait longtemps qu'on vous le dit, hein, des lettres qui sont transmises par les ministères, qui ne sont pas signées, qui sont mises dans des termes qui peuvent ressembler à des mises en demeure, bien, c'est bien que ce soient des termes, maintenant, qu'on a inscrits dans le projet de loi. Il s'agit de voir comment on va interpréter les termes clairs et concis.

Maintenant, je passerais aux enjeux dont on voulait vous entretenir. Et il y a un enjeu principal, là, qui nous... qui a attiré notre attention, et c'est le remplacement des contraintes sévères à l'emploi par des contraintes sévères de santé. Pour nous, c'est un recul sur la vision gouvernementale de la participation sociale des personnes handicapées. Depuis de nombreuses années au Québec, on a délaissé ce modèle exclusif du biomédical pour considérer l'environnement physique et social de la personne par le modèle conceptuel du processus de production du handicap. En 2009, une politique gouvernementale a été adoptée, À part entière, dont l'assise était cette conception renouvelée de la participation sociale. Donc, c'était pour nous un grand pas en tant que société.

Maintenant, j'aimerais introduire notre conseiller expert, M. Patrick Fougeyrollas. Là, on est chanceux aujourd'hui parce que M. Fougeyrollas, c'est celui à qui on attribue la paternité du modèle conceptuel du processus de production du handicap. Il fait partie intégrante de l'évolution du Québec en matière de vision du handicap, et au niveau international aussi. Et c'était vraiment la personne la mieux placée pour venir vous expliquer pourquoi c'est un recul pour notre société de parler de contrainte sévère de santé. Alors, je laisse la parole à M. Fougeyrollas.

M. Fougeyrollas (Patrick) : Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, Mme la ministre, et tout le monde. Donc, la question qui nous préoccupe véritablement, comme Mme Tremblay le dit, c'est qu'on passe à nouveau d'un modèle qui vise... Quand on parle de contrainte sévère à l'emploi, c'était dans l'intention, antérieurement, où on ne voulait plus parler d'inaptitude au travail, parce que l'inaptitude au travail...

M. Fougeyrollas (Patrick) : ...c'est d'attribuer à la personne la responsabilité de sa situation. On est donc arrivé à la notion de contrainte sévère à l'emploi, qui visait à mettre l'accent sur la relation entre les caractéristiques personnelles et les exigences de l'emploi et les modalités de réalisation de cet emploi. Donc, de la même manière qu'un handicap n'appartient pas à la personne, c'est pour ça qu'on parle d'une situation de handicap, c'est la relation entre les caractéristiques, les capacités de la personne et les conditions, l'environnement qui va déterminer sa possibilité de participation sociale ou ses situations de handicap, donc d'exclusion sociale.

Donc, en reprenant... en remplaçant «contrainte sévère à l'emploi» par «contrainte de santé», on revient à mettre l'accent sur la notion de santé, donc une caractéristique de la personne, et vous... on refait peser la responsabilité de sa condition sur la personne et non pas avec la relation avec son contexte et la production d'obstacles qui vont l'amener à vivre ces situations d'exclusion.

Donc, c'est extrêmement important de revenir à ça, parce que, quand on parle même de santé, les personnes qui ont des déficiences n'ont pas obligatoirement des problèmes de santé. On peut avoir une déficience physique, une déficience intellectuelle qui n'a pas obligatoirement... qui ne provoque pas obligatoirement des problèmes de santé. Une déficience organique n'est pas non plus une maladie, mais un état et n'est donc pas une contrainte de santé. Mais, en mettant l'accent uniquement sur la santé, on exclut justement que l'évaluation... et puis c'est des éléments très positifs du projet de loi qui élargissent quand on... à une évaluation globale, il faut prendre en compte, en plus des éléments personnels, les conditions d'accès à l'emploi et les modalités pour y avoir accès. Et ça, ça doit faire partie de l'évaluation.

Alors, très justement, on... au départ, la préoccupation, c'était de sortir d'une approche diagnostique. La notion de contrainte sévère à l'emploi était tout à fait adéquate, et c'est la notion de contrainte qui devait être clarifiée tel que ça avait été dit dans le plan d'action de lutte contre la pauvreté. Mais, au lieu de clarifier la notion de contrainte comme étant une interaction, on revient à ramener cette notion de santé, qui est une caractéristique de la personne et qui ne couvre pas toutes les situations.

Donc, ça nous préoccupe énormément puisque le ministère de l'Emploi et Solidarité sociale, comme tous les autres ministères du gouvernement, a officiellement adopté le modèle conceptuel MDH-PPH depuis son adhésion à la politique À part entière. Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre.

• (17 h 40) •

Mme Rouleau : Bien, merci beaucoup, Mme Tremblay, M. Berger, M. Fougeyrollas. Merci pour vos éclaircissements, évidemment, puis merci de votre... pour votre participation aux travaux menant à la modernisation du régime d'assistance sociale, ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans dans son ensemble.

Je vais... Je vais revenir sur ce que vous venez de dire, là, vos objections, est-ce qu'on passe de «contrainte à l'emploi» vers «contrainte de santé». L'idée sous-jacente, c'est que la contrainte à l'emploi, elle est axée sur la capacité de la personne à travailler et ce qui peut l'empêcher de le faire. Et aujourd'hui, ce qu'on constate avec les personnes qui sont dans le régime d'assistance sociale, d'aide de dernier recours et d'assistance sociale en général, les personnes sont plus éloignées du marché du travail, et on a constaté des... de réels enjeux de santé, notamment la santé mentale et les enjeux psychosociaux. Et c'est dans ce sens-là qu'on fait intervenir la contrainte qu'on appelle ça maintenant «contrainte de santé», parce que les enjeux... les enjeux psychosociaux, comme la dépendance ou les choses semblables, et la maladie mentale ne faisaient pas partie...

Mme Rouleau : ...des... des diagnostics, et, de plus, bien, on élargit la possibilité des diagnostics à des professionnels de la santé, pas seulement que le médecin, qui, lui n'était pas capable... lui ou elle... avait plus... plus de difficultés à déterminer ses enjeux psychosociaux. Alors, c'est... c'est dans cette... dans cette optique-là que les changements se font. Si vous avez des... quelque chose à nous proposer, on pourra certainement l'analyser.

J'aimerais savoir, de votre part... On parle beaucoup de... La loi prévoit de l'accompagnement pour les personnes. C'est... On veut mieux accompagner et on veut alléger le programme, l'ensemble des programmes. Quels seraient les éléments qui, selon vous, pourraient contribuer à bien accompagner les personnes que vous défendez, les personnes handicapées?

M. Berger (Pierre) : Mais, peut-être, d'abord... je voudrais peut-être réagir à votre... à ce que vous avez dit, là, concernant les gens qui ont des problèmes de santé mentale, par exemple, ou d'autres problématiques. Le fait d'utiliser «contraintes sévères de santé», on ramène ça encore à des caractéristiques individuelles de la personne. Une personne handicapée qui a des difficultés à intégrer un emploi parce qu'elle a des incapacités, et que les environnements ne sont pas adaptés à sa situation, n'a pas nécessairement un problème de santé. Ça fait qu'il y a un problème terminologique là, que... sur lequel on attire votre attention, puis c'est cette terminologie-là qui est... qui peut être dommageable, parce qu'en fait elle insère... elle infère une façon de concevoir les choses où on fait reposer l'ensemble de la situation à l'individu. Je ne suis pas sûr que, par rapport à l'objectif que vous poursuivez, c'est le bon terme à utiliser.

Mais je comprends que, quand on parle des contraintes temporaires... Nous, on a ramené ça à des contraintes de santé. Ça permettait d'exclure d'autres clientèles. Mais, même à ça, je pense qu'il y aurait lieu de réfléchir là-dessus, parce que là on exclut aussi des situations qui mériteraient peut-être un meilleur soutien financier. Notamment, quand on pense aux parents d'enfants handicapés, il peut arriver des situations où il y a un enfant qui est lourdement handicapé, et, malheureusement, la personne ne sera pas disponible pour l'emploi. Donc, il y a ces conditions-là qui mériteraient d'être regardées.

En ce qui concerne l'accompagnement, tout à fait d'accord qu'un bon accompagnement c'est une question... c'est garant, là, d'un processus d'insertion sociale, de soutien à l'insertion sociale.

Je ne sais pas si mes collègues voulaient ajouter quelque chose?

Mme Tremblay (Isabelle) : Bien là, vous nous ramènerez à l'ordre, Mme la ministre, mais on va quand même vous reparler de notre enjeu principal, là, qui est la terminologie «contraintes sévères de santé». Dans le fond, quand on avait la terminologie «contraintes sévères en emploi», ça pouvait s'appliquer, à peu près, à toutes les clientèles, qu'on parle d'itinérance, qu'on parle de santé mentale, qu'on parle de personnes handicapées, qu'on parle de mères monoparentales. Dans le fond, ça s'appliquait à tout le monde. Parce que l'objectif de la loi, c'est d'essayer de sortir les gens de la pauvreté puis de les amener sur le marché du travail. Donc, si elles ne travaillent pas, c'est qu'elles ont des contraintes sévères pour ne pas travailler. Donc, on ne comprend pas pourquoi, dans ce projet de loi, c'est ce terme qui a été utilisé, et on...

Je voudrais quand même insister sur l'enjeu que c'est un recul pour notre société, parce que nous, longtemps, longtemps, et il n'y a pas si longtemps, les personnes handicapées étaient considérées comme des personnes inaptes au travail, et c'est par des travaux, et par la création de l'Office des personnes handicapées, et de la première loi, il y a 50 ans... Puis 50 ans, là, dans l'histoire d'un pays, là, ce n'est quand même pas si grand, mais on a quand même évolué depuis tout ce temps-là.

Et M. Fougeyrollas, on est chanceux, il est encore vivant, il est encore actif, même s'il est à sa retraite, et puis il peut être avec nous, mais c'est quand même le père fondateur de ce... de ce modèle conceptuel là, qui vient nous dire que le processus de production du handicap, c'est l'environnement de la personne, au niveau social et au niveau physique, qui la met dans une situation complexe, puis qui vient l'amener dans des contraintes sévères en emploi. Alors là, on refait tout porter sur la personne. Et si on a adopté la politique gouvernementale...

Mme Rouleau : C'est parce que l'idée, l'idée, ce n'est pas de faire porter sur la personne, mais plutôt d'être centré sur la personne, plutôt que sa capacité au travail, centré sur la personne pour... pour adapter le meilleur accompagnement et les prestations qui vont avec, parce qu'il y a les prestations qui vont avec cet... avec son état de santé. Mais c'est d'être axé sur la personne, et pas de faire porter le fardeau...

Mme Rouleau : ...à la personne.

M. Fougeyrollas (Patrick) : ...

Mme Rouleau : Mais on peut passer toute la période à discuter de ça ou avoir certains éclaircissements sur... Parce que là, j'ai compris, là, ce que vous disiez. Je comprends votre enjeu.

M. Fougeyrollas (Patrick) : Mais il faut prendre en compte, dans l'évaluation, le contexte environnemental. Et ça, c'est fondamental. Si on ne le fait pas, c'est un grand recul.

Mme Rouleau : Et lorsqu'on parle des enjeux psychosociaux, ça fait partie des... ça en fait partie, là, le contexte environnemental.

M. Fougeyrollas (Patrick) : Mais ce n'est pas... ce n'est pas explicite dans la... dans le mot «santé», hein? Le mot «santé» nous ramène à l'individu et à ses caractéristiques, à sa maladie, pas sa pathologie.

Mme Rouleau : D'accord. J'aimerais... En fait, j'aimerais avoir... savoir si vous avez des exemples d'inclusion. Tu sais, on parle évidemment d'insertion, on parle de participation sociale, on veut éviter l'exclusion sociale, alors est-ce que, dans vos... dans le travail que vous effectuez au quotidien, vous voyez de beaux exemples d'inclusion qui peuvent... dont vous pourriez nous parler?

Mme Tremblay (Isabelle) : Bien oui, on peut vous parler d'inclusion, d'intégration au travail par...

Mme Rouleau : En fait, des pratiques qui sont. Avez-vous des pratiques à nous partager?

Mme Tremblay (Isabelle) : Des pratiques? Bien, je pense que l'accompagnement est quelque chose de primordial pour inclure les personnes soit dans des activités valorisantes ou au niveau de l'emploi, préparer les personnes qui sont plus éloignées du marché du travail pour justement les accompagner adéquatement, pour que... pour qu'elles puissent pas non seulement intégrer le marché du travail mais se maintenir dans ce... dans ce milieu de travail.

Mme Rouleau : O.K. Puis vous avez... vous avez soulevé tantôt, là, il y a... il y a... il y a peut-être des termes qui sont utilisés, on parle d'inclusion, on parle d'intégration. Quelle distinction faites-vous entre l'inclusion et l'intégration?

M. Fougeyrollas (Patrick) : Oui. Je peux... Je peux, à ce moment-là, vous en parler, l'évolution des concepts. Si on parle d'intégration à l'emploi, ce que ça veut dire, c'est qu'on amène une personne à s'intégrer, c'est elle qui fait le processus de s'intégrer à l'emploi, c'est une démarche de la personne, alors que la notion d'inclusion, c'est une notion qui vise à transformer l'environnement. C'est-à-dire, si vous adaptez votre environnement, s'il y a une transformation de l'entreprise, une formation au niveau des acteurs impliqués dans l'emploi, des adaptations de travail, des compensations, comme le CIT, par exemple, ça va venir permettre d'adapter le contexte. Donc, la notion d'inclusion, on n'inclut pas les personnes, c'est la société qui fait une transformation pour permettre de correspondre à la diversité de sa population. Donc, c'est ça, les distinctions importantes. L'intégration, c'est quelque chose qu'on veut faire faire aux personnes, alors que l'inclusion, c'est une prise de conscience de la responsabilité des acteurs, faire de... faire sa place et de mettre en place les modalités qui permettent d'exercer un emploi pour cette personne, quelles que soient ses caractéristiques.

Mme Rouleau : D'accord. M. Berger, vous vouliez dire quelque chose tantôt?

M. Berger (Pierre) : Bien, c'est en... c'est en lien avec votre question précédente. En fait, quand qu'on parle de choses qui peuvent aider, parfois, les... Il y a quelque chose dans la loi, là, qui... dans le projet de loi qui n'est pas très clair, là, à l'article 25, là. C'est toute la question de... les gens qui sont actuellement sur le programme de solidarité sociale. Quand qu'il va passer à l'aide sociale, s'il participe à une mesure quelconque, vont-ils perdre leur statut de personnes ayant des contraintes sévères à... bien, en tout cas, des contraintes de santé sévères, selon la terminologie que vous utilisez? Est-ce qu'il va perdre ce statut-là, qui permet d'avoir une allocation supplémentaire, et être pénalisé éventuellement pour pouvoir intégrer le revenu de base? Ce n'est pas très clair parce qu'on ne connaît pas...

• (17 h 50) •

Mme Rouleau : Non. Je peux vous répondre tout de suite. Non.

M. Berger (Pierre) : O.K.Donc, elle ne devrait pas perdre son statut, même si elle participe à des mesures. Parce que, quand qu'on lit l'article, ce n'est pas clair. Mais...

M. Berger (Pierre) : ...merci de me rassurer.

Mme Rouleau : D'accord. On parle, dans le projet de loi, de réseaux régionaux d'accompagnement. Comment... Quelles seraient les conditions gagnantes de ce réseau régional d'accompagnement?

M. Berger (Pierre) : En fait, quand on parle de la création de réseaux comme ça, c'est fort intéressant pour pouvoir solutionner les problèmes que des personnes connaissent sur de multiples facteurs. Donc, par exemple, si on vise une intégration en emploi, donc, on peut se donner un plan en conséquence, mais il y a peut-être des chances que le réseau de la santé et des services sociaux pourrait mettre à contribution dans le processus. Donc, effectivement, la création de réseau, les acteurs se parlent pour pouvoir accompagner une personne, c'est un gros plus, parce qu'actuellement ça ne se produit pas toujours, où, par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, la possibilité de faire faire un plan de services via le PEHQ, mais je pense que c'est quand même intéressant de pouvoir réseauter, effectivement, avec d'autres réseaux pour pouvoir mieux répondre aux besoins, la diversité des besoins des personnes. Ça, je pense que c'est un gros plus, là, que vous mettez là.

Mme Rouleau : D'accord. Et quels éléments peuvent contribuer à une meilleure intégration pour les personnes handicapées... important de retenir, de souligner pour une meilleure intégration des personnes handicapées dans le cadre de cette... de l'accompagnement et de l'objectif de les intégrer, là, de les amener vers l'emploi et vers l'insertion sociale?

M. Berger (Pierre) : Bien, je pense que la meilleure chose, ce serait d'intégrer plus de monde dans le revenu de base parce que le revenu de base permet, offre une flexibilité qui est très grande à la personne de pouvoir travailler à temps partiel, travailler, contribuer selon ses capacités sans être pénalisé nécessairement. Donc, peut-être que le choix qui a été fait de transférer les gens qui sont présentement sur le programme de solidarité sociale vers le seul... en tout cas, le Programme d'aide de dernier recours... peut-être qu'on aurait pu faire le choix inverse, d'ouvrir davantage, d'élargir l'accès au Programme de revenu de base. Je pense que ça répondrait à davantage de besoins de personnes handicapées, surtout quand on parle de personnes lourdement handicapées qui se qualifient pour le revenu de base. C'est un peu difficile, 66 semaines sur 72, si la personne tente quelques expériences d'insertion en emploi, elle se pénalise. Ce n'est pas quelque chose d'aidant, là. Il y a peut-être quelque chose à repenser à ce niveau-là. Donc, je pense que, si on ouvrait davantage sur le revenu de base, on aurait une meilleure meilleure réponse, là.

Mme Rouleau : O.K. Et est-ce que favoriser des emplois temporaires ou à temps partiel peuvent inciter les personnes à aller vers l'emploi, là, et à durer en emploi?

M. Berger (Pierre) : Bien, chose certaine, c'est que ça leur permet de contribuer. Il y a des personnes qui n'ont pas les capacités physiques pour tenir un emploi de longues heures. Donc, pour eux, un temps partiel, ne serait-ce que cinq, six heures par semaine, pourrait être quelque chose, une contribution qu'ils pourraient faire à la société. Mais là ils ne peuvent pas vraiment le faire, dans les circonstances, de la façon que les choses sont structurées, là. Ça fait que, oui, il y a des possibilités de ce côté-là, mais il faut... il faut revoir les programmes en conséquence, là.

Mme Rouleau : Et au programme PASS, le Programme d'aide et d'accompagnement social, on élargit, on ajoute le volet de participation sociale. Comment voyez-vous l'ajout de ce volet de participation sociale?

M. Berger (Pierre) : C'est clair que, pour une partie des personnes qu'on représente, c'est quelque chose qui va répondre à des besoins puis c'est quand même intéressant que des personnes qui ne sont pas en mesure de faire des activités productives puissent faire autre chose aussi, qu'elles ne soient pas laissées pour compte. Et c'est peut-être une façon, tranquillement, de pouvoir développer des habiletés puis pouvoir aller un peu plus loin en termes d'intégration puis de participation sociale.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : ...la présidente. Merci de votre présentation. Et aussi on s'est croisés, lors des consultations sur l'aide médicale à mourir, donc je vous remercie encore d'être les défenseurs pour la population... que vous êtes.

Vous êtes certainement familiers avec les CIT, les contrats d'intégration de travail, justement, qui permettent souvent à des personnes avec un handicap d'intégrer le marché du travail. Il a récemment été annoncé qu'il va y avoir une baisse de 5 % de la contribution du gouvernement...

Mme Prass : ...pour les CIT. Et justement ce qu'on parle, on parle ici de la population avec un handicap, bien, c'est une mesure justement pour les intégrer... les aider à intégrer le marché du travail. Et le but de ce projet de loi, c'est d'aller dans ce sens-là. Donc, est-ce que vous ne voyez pas une contradiction entre ce que ce projet de loi propose, pour intégrer les gens au travail, et une coupure de 5 % dans les CIT, qui fera en sorte que les employeurs vont être peut-être... auront moins appétit, justement, d'engager des personnes qui vivent avec un handicap.

M. Berger (Pierre) : Bon, on sait de quelle façon sont structurés les programmes d'emploi où ils pigent dans un fonds du marché du travail. Moi, je trouve ça... Jamais il ne me serait passé à l'esprit de fournir une aide à une personne qui a, par exemple, une déficience physique. On va lui donner un fauteuil roulant avec une seule roue, ça aurait été t impensable. Couper les contrats d'intégration au travail, c'est comme couper une partie de l'aide, la compensation, finalement, pour la partie non compétitive du travailleur, on lui enlève ça, donc, ses chances de maintien en emploi sont nécessairement affectées. Oui, il y a eu des coupures du côté fédéral, on peut comprendre, mais je pense qu'on a fait des représentations auprès d'Emploi Québec, pour essayer de renverser ça. Moi, je pense qu'il va falloir trouver une façon de revenir à l'originalité du programme, parce que le Québec est en avance là-dessus.

Maintenant, en lien avec la loi, c'est comme si on réduisait un soutien que les personnes ont besoin pour pouvoir contribuer. Donc, ce n'est pas une aide à l'accompagnement, c'est clair. 

Mme Prass : Et...

Mme Tremblay (Isabelle) : Peut-être compléter là-dessus, excusez-moi.

Mme Prass : Non, je vous en prie, allez-y.

Mme Tremblay (Isabelle) : Bon, on a quand même réagi fortement, plusieurs organisations cet été, quand on a appris la nouvelle de la coupure de tous les CIT de 5 %, parce que le CIT, ce n'est pas une subvention salariale, et on l'a entendu par plusieurs personnes que c'était une subvention salariale. On a ramené à l'ordre quand même. Parce que, nous, on est des anciens, hein, ça fait longtemps qu'on est là. Moi, ça fait 25 ans que je dirige l'AQRIPH. Patrick et Pierre sont des anciens aussi, alors on a vu notre société évoluer. Et, quand on voit qu'il y a des brèches comme ça qui sont faites dans nos programmes, et le CIT est un excellent programme pour l'intégration au travail, bien, on réagit fortement et c'est ce qu'on a fait cet été avec d'autres organisations.

Hier, on était en rencontre avec la ministre Kateri Jourdain Champagne, et puis on lui a dit aussi que ça avait fait mal, cette brèche de 5 % dans les contrats, et qu'il fallait vraiment préserver le CIT qui est un excellent programme, et puis on a été bien entendus. Et, au fédéral, ce qu'on nous répond, c'est que ce n'est pas une coupure, hein, c'était des sommes qui avaient été ajoutées pour une certaine période et puis qu'eux, ils ne peuvent rien faire, parce que ce que c'est le Québec qui a décidé où est-ce qu'il amputait les montants pour faire face à ce manque de financement. Mais il va falloir qu'on préserve nos programmes qui fonctionnent superbien, là, comme, entre autres, le revenu de base qui est censé avoir une fin aussi, le CIT. Donc, c'est effectivement une brèche importante, là, qu'on a soulevée cet été dans le programme.

M. Berger (Pierre) : J'ajouterais peut-être une chose aussi, c'est que de la façon que ça fonctionne, la façon que les programmes sont structurés, malheureusement, on ne peut pas transformer une mesure passive en une mesure active. Écoutez, une personne qui vit... des contraintes sévères à l'emploi, par exemple, reçoit, je ne me souviens plus le montant exact, mais si on transformait cet argent-là en contrat d'intégration au travail, probablement qu'il y a beaucoup plus de personnes qui pourraient intégrer. Mais ces budgets-là ne se transfèrent pas, comme des cloisons. Et ça, ce genre de fonctionnement là n'est pas de nature à aider. Au fond, ce serait intéressant qu'éventuellement on puisse penser à des transferts budgétaires. On fait une économie à l'aide sociale, bien, pour des contrats d'intégration au travail. Parce qu'un contrat d'intégration au travail, c'est une économie à l'aide sociale. Donc, il faudrait pouvoir transférer ces sommes-là pour financer le fonds du marché du travail, en ce qui a trait aux contrats d'intégration au travail.

• (18 heures) •

Mme Prass : Parce que, tel que vous l'avez mentionné, c'est un levier important, parce que, déjà, les employeurs, malheureusement, sont un petit peu frileux quand vient le temps d'engager une personne vivant avec un handicap. Et, justement, il y a la question d'accessibilité. Par exemple, si on a une mobilité réduite, on est en chaise roulante. Il faut quand même que l'employeur soit prêt à rendre le lieu accessible. Puis on se comprend que c'est surtout des PME qui n'ont pas nécessairement les moyens de le faire, qui n'ont pas nécessairement des gens, en ressources humaines, qui sont là pour les guider, etc. Donc, il faut vraiment qu'on offre un avantage aux employeurs, parce que c'est...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Prass : ...ce n'est pas leur première... ils ne sont pas nécessairement ouverts à ces réalités-là, mais il faut les encourager de le faire. Et justement, dans la question de l'accompagnement encore, avec une population vivant avec un handicap, est-ce que vous pensez que ces personnes-là devraient recevoir une formation justement pour bien comprendre la réalité des personnes qui vont accompagner, des besoins qu'ils auront et la durée de l'accompagnement? Parce que ce qu'on entend aussi beaucoup, et comme vous l'avez mentionné, tu sais, on peut intégrer un emploi quelques semaines, ça a l'air de bien aller, mais après quelques mois, ça ne fonctionne plus, raisons physiques, quoi que ce soit. Donc, deux questions. Pensez-vous qu'il devrait y avoir une formation pour les... pour ceux qui vont accompagner les personnes vivant avec un handicap? Et de combien est-ce que vous pensez la durée de cet accompagnement devrait durer?

Mme Tremblay (Isabelle) : Bien, je pense que la formation, c'est essentiel, hein? On la réclame aussi dans le réseau de la santé. On la réclame pour ceux qui conduisent les véhicules de transport adapté. Donc, pour travailler avec une clientèle qui est une clientèle de personnes handicapées, évidemment qu'il faut avoir certaines formations. Moi, j'ai entendu, vous devez bien vous imaginer, au cours des dernières années, des histoires un peu d'horreur, là, à l'effet que, bon, bien, c'est une personne handicapée, elle ne devrait pas être ici toute seule dans mon bureau, elle devrait être en appartement. On devrait la visiter chez elle. Donc, effectivement, est-ce que tous nos gens sont bien formés pour accompagner des personnes qui ont une déficience intellectuelle à intégrer le marché de l'emploi? On n'aura jamais trop de formation, là. Et puis, vous savez, on collabore beaucoup à tout ce qui peut s'instaurer comme mesure de formation. Puis on le demande aussi dans les cursus universitaires, de former vraiment les futurs travailleurs à la réalité, là, des personnes handicapées.

Combien devrait durer l'accompagnement des personnes? Bien, ça dépend de la personne, des besoins de la personne, mais ça peut être une semaine pour une personne, puis ça peut être quatre mois pour une autre personne, là, ça dépend. Puis, tu sais, quand on parle des obstacles, la personne qui va accompagner, ça va dépendre de la nature des obstacles rencontrés par la personne handicapée, parce qu'il n'y a pas juste tous les préjugés envers l'employeur ou envers les autres employés, mais la personne handicapée peut faire face aussi à des obstacles liés à son soutien à domicile. Si elle a besoin de quelqu'un pour se lever le matin puis que la personne arrive trois quarts d'heure en retard ou ne se présente pas, bien, on a une problématique. La même chose si la personne a en plus besoin de transport adapté pour se rendre à son travail, s'il n'y a pas ce service de transport adapté là, bien, ça fait encore un autre obstacle à son intégration. Donc, ça va dépendre vraiment de la situation particulière de la personne puis de ses besoins pour déterminer la durée de l'accompagnement.

Mme Prass : Parce que, ce que j'entends aussi sur le terrain, c'est plusieurs personnes issues de populations vivant avec un handicap qui ont une crainte que, s'ils intègrent un travail puis ça ne fonctionne pas après quelques semaines, après quelques mois, bien là, ils vont se retrouver à devoir tout recommencer avec pas de revenu. Donc, on sait malheureusement qu'il y a de la discrimination puis il y a des préjugés justement de la part des employeurs.   Donc, est-ce qu'il y aurait une façon de mettre quelque chose en place pour... en prenant en considération la situation de la personne, que si jamais l'emploi ne fonctionne pas pour des raisons de santé ou quoi que ce soit, qu'il y ait un mécanisme quand même pour pouvoir les rattraper avant qu'ils se retrouvent à devoir tout recommencer.

Mme Tremblay (Isabelle) : Bien, c'est là que l'accompagnement devient superimportant. Parce que si on a un intervenant qui connaît la personne, qui connaît le réseau... tantôt, on parlait de projets interministériels ou interrégionaux, quand un intervenant pivot, là, qu'on appelle dans le réseau de la santé connaît la personne, connaît les employeurs, connaît la famille, connaît les réalités des personnes, bien, c'est plus facile après ça de dire : O.K., cet employeur-là, je pense que ça ne fonctionnera pas pour telle ou telle affaire. Admettons que c'est des chiffres de nuit, bien là, ce sera facile à dire : Toi, tu peux le faire ou toi, tu ne peux pas le faire. Donc, c'est important que la personne soit connue pour ne pas qu'elle recommence aussi tout le temps son histoire à chaque fois. Parce que ça, ça peut être vraiment des freins à son intégration. Parce qu'à chaque fois on va la mettre en situation d'échec, ça ne pourra pas fonctionner parce qu'on ne la connaît pas, on a mal évalué ses besoins, on ne savait pas que ça, elle ne pouvait pas le faire ou, etc. Donc, c'est important.

M. Berger (Pierre) : J'ajouterais peut-être une chose. Si on orientait davantage les gens vers le revenu de base, ce problème n'existerait pas. Ça fait qu'au fond, il y a une question d'ouverture, de bonification du revenu de base. On a peut-être... tant qu'à réformer la Loi de la de l'aide sociale, il aurait été intéressant qu'on élargisse cet accès-là parce que ça répond... ça répondrait mieux aux besoins de plusieurs personnes handicapées.

Mme Prass : Et parmi d'autres, il y en avait plusieurs, mais parmi d'autres, vous mentionnez également...

Mme Prass : ...le retrait des parents d'enfants handicapés pour les contraintes temporaires... ça pourrait sembler évident quand on entend ça, mais est-ce que vous pouvez élaborer vraiment l'effet négatif que ça pourrait avoir, pas seulement sur les parents, mais ces enfants également.

M. Berger (Pierre) : Bien, c'est parce qu'on appauvrit des parents qui se ramassent dans une situation quasi impossible. Puis il y a des personnes, des enfants handicapés qui demandent tellement de soins que, pour le parent, ça... il n'est pas... il n'est pas en mesure d'aller travailler parce qu'il faut qu'il... il faut que quelqu'un réponde aux besoins de cette personne-là. Donc, il y a des contextes comme ça que je pense qu'il faut préserver la contrainte temporaire là-dessus, là.

Mme Prass : Et dans la... Allez-y.

M. Berger (Pierre) : Et là on la... Et là, présentement, je pense qu'on la garde uniquement pour ceux qui sont déjà dessus, mais pour les prochaines, ça n'existera plus.

Mme Tremblay (Isabelle) : Puis est-ce que c'était vraiment une économie? Parce que je ne pense pas qu'il y avait des milliers de parents qui abandonnaient aussi leur emploi de manière temporaire, là, pour s'occuper de leur enfant. Puis il faut penser aux impacts économiques puis aux impacts aussi sur toute la famille, la fratrie, l'autre conjoint, s'il y en a un, avec le poids financier que ça peut faire, la perte d'un emploi. Donc, c'était quand même une mesure temporaire, là, pour les familles, mais qui pouvait être quand même très aidante pour la période dont... quand elles en avaient besoin, là.

La Présidente (Mme D'Amours) : 20 secondes.

Mme Prass : 20 secondes? Donc, merci beaucoup pour votre contribution. Puis on espère que vos recommandations seront prises en considération. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je vais revenir sur la discussion que vous avez eue tout à l'heure concernant le choix de vocabulaire. Je me souviens qu'on a discuté beaucoup de ça quand on discutait de l'aide à... l'aide médicale à mourir, la notion de handicap, notamment. Vous avez raison de nous rappeler à l'ordre là-dessus. Ce n'est pas la caractéristique de la personne qui constitue un handicap, c'est le milieu social dans lequel elle évolue. C'est la société finalement qui crée ce handicap-là. Je veux tester peut-être des formulations avec vous pour qu'on trouve une solution sur comment utiliser les bons mots pour, finalement, pour atteindre les objectifs.

Mme Tremblay (Isabelle) : Profitez-en, vous avez notre expert avec nous, là. Donc...

Mme Labrie : Oui. Bien, c'est ça. Au lieu de parler de contraintes de santé, si on parlait plutôt de contrainte psychologique, sociale ou de santé, ou encore si on disait contrainte au maintien en emploi à temps plein, est-ce que c'est des formulations qui seraient davantage le reflet, là, de l'objectif du projet de loi, mais aussi de la préoccupation que vous soulevez ou peut-être d'autres idées que vous auriez, là?

M. Fougeyrollas (Patrick) : Je pense qu'il faut ajouter, justement, les dimensions sociales à la notion de contraintes psychosociales et environnementales, hein, c'est la notion vraiment environnementale qu'il faudrait préciser pour s'assurer qu'on ne retienne pas... Parce que même quand on parle de psychosocial, on parle des caractéristiques de la personne. Alors, c'est important parce que... Mais par contre, le fait d'ajouter la notion psychosociale, ça permet de ne pas juste considérer, par exemple, les déficiences ou les incapacités, mais les caractéristiques identitaires de cette personne. Parce que quand on parle du modèle de production du handicap, il faut aussi tenir compte des caractéristiques identitaires de la personne. Donc, en ajoutant cet élément-là de caractéristique psychosociale et environnementale, d'ailleurs, c'est tout ce qui... Bon, on pourrait dire social, mais est-ce que ça va être bien compris? Je pense que le parler environnemental, ce serait positif.

Mme Labrie : Bien, je me questionne, moi, si environnemental serait bien compris par tout le monde. Par contre, tu sais, si on parle de contrainte sociale par exemple, est-ce que, pour vous, ça englobe une situation d'une personne qui pourrait peut-être travailler, mais comme elle n'a pas accès, dans sa région, à du transport adapté, c'est ça qui l'empêche finalement d'intégrer le marché du travail? Est-ce que, pour vous, ça pourrait être inclus dans contraintes sociales?

M. Fougeyrollas (Patrick) : Contraintes sociales dans ce sens-là, tout à fait, mais il faut que ce soit explicite, ce soit défini.

Mme Labrie : Donc, ça, ce serait des... le genre de formulation qui permettrait de régler l'enjeu que vous soulevez.

• (18 h 10) •

Mme Tremblay (Isabelle) : Puis vous savez, ce n'est pas un débat de sémantique, hein, c'est vraiment un enjeu crucial, là. Le Québec a évolué avec cette contribution là du modèle conceptuel de processus de production du handicap et de revenir sur la santé, puis c'est pour ça qu'on voulait insister sur cet enjeu-là. C'est vraiment un recul, là, pour notre société. Mettez-vous à la place, là, d'une personne où, pendant des années, on lui a dit : Tu es une personne inapte au travail. Maintenant : O.K., regarde, on va regarder ton environnement, tu es une personne qui a des contraintes sévères en emploi. Pourquoi le changer ce mot-là pour...

Mme Tremblay (Isabelle) : ...c'est quoi la plus-value, là, de changer ce terme-là? Bon, O.K., peut-être qu'il y aurait d'autres manières de le dire, mais il ne faut surtout pas rattacher ça uniquement à la santé. Une personne handicapée n'est pas une personne qui est malade, c'est un état, donc elle peut avoir des maladies comme tout le monde, mais son statut, c'est sa condition, c'est un état. Donc, il ne faut pas... C'est un débat de sémantique plus probablement que... bon, l'office des... handicapées n'est pas ou n'a pas été convoqué, mais je sais qu'ils vont faire un mémoire puis je suis à peu près convaincu que l'office va vous dire : Eh non, il faut revenir au processus de protection du handicap et puis il ne faut pas utiliser ce terme de contrainte sévère de santé. C'est un recul pour le gouvernement. Puis c'est une politique gouvernementale adoptée par tous, là. On est tannant, on insiste, là, mais ça en prend, des tannants, dans la société.

Mme Labrie : Si on changeait le vocabulaire...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je suis vraiment désolée. Le temps étant écoulé, Mme Tremblay, M. Berger, M. Fougeyrollas, merci de votre contribution à la commission.

Donc, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, le jeudi 10 octobre, après les avis touchant les travaux des commissions, où elle poursuivra son mandat. Merci, tout le monde.

(Fin de la séance à 18 h 13)


 
 

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