Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, May 24, 2022
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Vol. 46 N° 21
Special consultations and public hearings on Bill 35, An Act to harmonize and modernize the rules relating to the professional status of artists
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Intervenants par tranches d'heure
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IsaBelle, Claire
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Roy, Nathalie
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St-Pierre, Christine
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Dorion, Catherine
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Roy, Nathalie
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IsaBelle, Claire
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Lemieux, Louis
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St-Pierre, Christine
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Dorion, Catherine
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Bérubé, Pascal
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IsaBelle, Claire
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Roy, Nathalie
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Roy, Nathalie
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IsaBelle, Claire
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St-Pierre, Christine
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Dorion, Catherine
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Bérubé, Pascal
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IsaBelle, Claire
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Roy, Nathalie
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IsaBelle, Claire
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St-Pierre, Christine
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Dorion, Catherine
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Bérubé, Pascal
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IsaBelle, Claire
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Roy, Nathalie
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Lemieux, Louis
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St-Pierre, Christine
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St-Pierre, Christine
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IsaBelle, Claire
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Dorion, Catherine
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Bérubé, Pascal
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IsaBelle, Claire
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Roy, Nathalie
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Roy, Nathalie
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IsaBelle, Claire
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Boutin, Joëlle
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St-Pierre, Christine
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Dorion, Catherine
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IsaBelle, Claire
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Roy, Nathalie
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St-Pierre, Christine
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St-Pierre, Christine
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IsaBelle, Claire
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Dorion, Catherine
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IsaBelle, Claire
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Roy, Nathalie
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Lemieux, Louis
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St-Pierre, Christine
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Dorion, Catherine
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Dorion, Catherine
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IsaBelle, Claire
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Roy, Nathalie
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Roy, Nathalie
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IsaBelle, Claire
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St-Pierre, Christine
9 h (version révisée)
(Neuf heures deux minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je vous
demande de bien vous assurer d'éteindre la sonnerie de votre appareil
électronique.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 35, Loi visant à harmoniser et à moderniser les règles relatives au
statut professionnel de l'artiste.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Lemieux (Saint-Jean);
M. Tanguay (LaFontaine), par Mme St-Pierre (Acadie); et M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve), par Mme Dorion (Taschereau).
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Alors, nous débutons ce matin par les remarques préliminaires, puis nous
poursuivrons rapidement avec les organismes suivants : l'Union des
artistes et La Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec; ensuite, nous
entendrons l'Association des professionnels des arts de la scène du Québec
conjointement avec la Fédération nationale des communications et de la culture
et les Travailleuses et travailleurs regroupés des arts, de la culture et de l'événementiel;
ensuite, nous entendrons l'Association nationale des éditeurs de livres; et
finalement l'Association québécoise des autrices et des auteurs dramatiques
conjointement avec l'Union des écrivaines et écrivains québécois.
Remarques préliminaires
Alors, nous commençons immédiatement les
remarques préliminaires. J'invite maintenant la ministre de la Culture et des
Communications à faire ses remarques. Vous disposez de six minutes.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Alors, je ne prendrai pas ce six minutes parce qu'on a des
invités extrêmement importants, mais vous allez me permettre, un, de féliciter
et de remercier à l'avance tous les groupes qui vont venir nous parler, nous
expliquer dans quelle mesure le p.l. n° 35 va les
aider, parce qu'on est ici pour améliorer les conditions socioéconomiques des
artistes.
Je veux aussi remercier, d'entrée de jeu,
naturellement, tous les députés qui sont autour de la table, les députés de la
partie gouvernementale, mais également les oppositions. D'abord, entre autres, Québec
solidaire, qui nous a fait la suggestion de changer de commission pour pouvoir
être ici, pour pouvoir procéder, ça a fonctionné, merci. Mais ça a fonctionné
pourquoi? Parce que tous les partis d'opposition se sont mis d'accord. Alors,
je veux saluer, là-dessus, la députée de l'Acadie, entre autres, qui est ici
avec nous pour faire avancer le projet. Sachez qu'avec l'accord des partis d'opposition
nous avons déjà fait adopter en accéléré l'adoption de principe, donc on a une
étape qui est déjà franchie.
Maintenant, aujourd'hui, on y va avec les
groupes. Les groupes, vous allez voir, sont rassemblés. Ça aussi, c'est à la
demande même des groupes, pour accélérer le processus. C'est pour vous dire
jusqu'à quel point on souhaite adopter ce projet de loi. C'est une suggestion
des groupes, et les oppositions l'ont, encore une fois, acceptée. Et nous
allons tout faire pour que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement
possible et que l'étude détaillée débute le plus rapidement possible.
Alors, je vais me taire ici pour laisser
mon temps aux groupes. Merci, Mme la Présidente. Merci à l'avance pour les
travaux.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Alors, nous poursuivons maintenant avec la porte-parole de l'opposition
officielle et députée de l'Acadie à faire ses remarques préliminaires. Vous
disposez de quatre minutes.
Mme Christine
St-Pierre
Mme St-Pierre : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Alors, je salue la ministre, toute l'équipe qui l'accompagne,
les députés, aussi, de la partie gouvernementale, ma collègue de Taschereau. Je
salue les invités qui sont avec nous ce matin et tous ceux et celles qui vont
participer à cette commission parlementaire, cette consultation.
Nous avons appelé de tous nos vœux ce
projet de loi depuis des mois. Nous avons demandé à ce qu'il soit déposé et
adopté avant la fin des travaux parlementaires, et je souhaite, bien sûr, qu'il
soit adopté. Je pense que c'est dans l'ordre des choses, et il y a énormément
de bonne volonté de notre côté.
J'ai lu, j'ai parcouru à la vitesse grand
V les mémoires. Le projet de loi n'est pas parfait, et je m'attends à ce qu'il
y ait une écoute très attentive de la part de l'équipe de la ministre, parce
que moi, je n'ai pas, comme vous voyez, une armada d'avocats avec moi, et il y
a des éléments très, très pertinents qui sont soulevés. Moi, je n'ai pas l'intention
de faire en sorte que les travaux, là, s'éternisent puis qu'on s'accroche sur
les points puis les virgules, mais il y a des choses très pertinentes qui ont
été soulevées dans les mémoires, notamment je vois l'UDA et La Guilde des
musiciens, qui vont être les premiers à nous parler.
Alors, il faut que ce projet de loi là
aille rondement, mais il faut aussi que l'équipe de la ministre se mette au
travail. Nous n'avons eu qu'une offre de <briefing pour le...
Mme St-Pierre :
...mais
il faut aussi que l'équipe de la ministre se mette au travail. Nous n'avons eu
qu'une offre de >briefing pour le projet de loi, une heure, alors que ça
fait quatre ans que ce projet de loi doit être analysé, déposé, enfin, doit
être évidemment conçu avant de le déposer. Et nous, nous avons eu une offre
pour une heure de briefing. Alors, vous comprenez que je vais faire tout ce que
je peux. Je veux faire tout mon possible. J'ai déjà été ministre de la Culture
et je comprends les attentes du milieu culturel. Ça a été aussi un engagement
dans la politique culturelle de revoir la loi sur le statut d'artistes. Alors,
tout le monde est unanime sur la question de revoir, moderniser la loi sur le
statut d'artistes. Le monde a changé.
Et il faut aussi, je pense, rendre hommage
à Lise Bacon qui, à l'époque, avec la complicité de l'UDA, avait révolutionné
le milieu artistique et le monde artistique avec la loi sur le statut d'artistes.
Elle n'est pas... Elles n'étaient... Ces deux lois-là n'étaient pas parfaites, bien
évidemment. Le monde a changé aussi, les nouvelles technologies, tout a
évidemment changé depuis ce temps, mais c'était vraiment une pierre d'assise
pour faire en sorte que les artistes aient de meilleures conditions de travail.
J'ai moi-même changé la loi en 2010.
Encore là, ce n'était peut-être pas complet, mais il y avait, à ce moment-là,
vous vous souviendrez, une crise dans le milieu du cinéma, et les techniciens
de cinéma voulaient être reconnus dans la loi. C'est ce que nous avons fait.
Donc, je comprends vraiment l'urgence
d'agir. Il faut le faire. Je répète encore que je m'attends à ce qu'il y ait
des amendements. Il y a des notions très, très pertinentes qui ont été
présentées dans les mémoires. Et il faut absolument que cette loi-là soit la
plus parfaite possible. Elle ne sera pas parfaite parce que... Une loi n'est
jamais parfaite. Elle sera imparfaite puisque nous n'aurons pas pris tout le
temps nécessaire. Il aurait fallu, je pense, beaucoup plus de temps, d'heures
de travail en commission parlementaire. Nous allons nous soumettre à cet
échéancier très serré. La loi est prête, à ce que... selon mes informations,
depuis plusieurs semaines. Elle aurait pu être déposée bien avant. On aurait pu
travailler encore plus en profondeur. Mais sachez que, de notre côté, vous avez
toute notre collaboration, et nous ferons évidemment de notre mieux.
Alors, je vous souhaite encore une fois la
bienvenue. Puis j'ai bien hâte de vous entendre parce que je vous ai lu puis
j'ai pas mal de questions. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons avec, cette fois-ci,
la porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée de Taschereau à
faire ses remarques préliminaires. Vous disposez d'une minute.
Mme Catherine
Dorion
Mme Dorion : Merci. Ça
va aller vite. Moi, je n'ai jamais été ministre de la Culture. Moi, je suis une
militante pour l'art. Puis je suis très contente de voir qu'on a la ministre
Roy de notre côté. Merci d'avoir fait ce qu'il fallait. Je ne sais pas comment
ça se passe au Conseil des ministres, ça ne doit pas être toujours facile, mais
merci pour ça.
Merci aussi, au passage, pour l'église
Saint-Sacrement. C'est vraiment... Je le... C'est reconnu et c'est très
apprécié quand on voit une ministre qui fait ça.
Donc, ce qui est beau avec ce projet de
loi là, c'est que tout le monde veut aller dans la même direction. Saint-Exupéry
dit que s'aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, mais regarder ensemble
dans la même direction. Ça fait que, si les Québécois aiment la culture, aiment
leur culture, bien, on est sur la bonne voie.
Bravo à toutes les organisations
d'artistes qui ont travaillé tellement fort pour ne pas que... pour échapper à
la politisation de cet enjeu-là. C'est merveilleux où on est en ce moment. Je
croise les doigts très, très fort pour que ça aille rondement, bien et dans le
sens où les artistes veulent que ça aille, finalement. On est avec eux. On est
réunis aujourd'hui pour que ça avance. Je vais faire tout ce que je peux pour
que ça aille dans ce sens-là.
Alors, merci et, bien, bonne commission,
bonnes auditions à tout le monde.
• (9 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Auditions
Alors, nous souhaitons maintenant... Nous
commençons donc les auditions. Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Union des artistes, Mme Prégent et Mme Fortin. Je
vous invite, avant de commencer votre exposé, à bien vous présenter, et vous
disposez de cinq minutes.
La Guilde des musiciens
et musiciennes du Québec (GMMQ) et Union des artistes (UDA)
Mme Prégent (Sophie) : Bonjour.
Sophie Prégent. Je suis présidente de l'Union des artistes depuis 2013. Et
Christine Fortin, qui est avocate à l'Union des artistes, depuis cinq, six ans?
Mme Fortin (Christine) : Oui.
Mme Prégent (Sophie) : Déjà.
Ça va vite. Voilà. Alors, je ne vous présenterai pas l'Union des artistes. Je
pense que vous connaissez tous les 13 000 membres de l'Union des
artistes, qui sont des chanteurs, des danseurs, des animateurs et des acteurs.
L'union estime que le projet de loi
n° 35 apporte plusieurs modifications nécessaires à la loi sur le statut
de l'artiste et qu'il importe d'adopter celui-ci avant la fin de la session parlementaire
afin de faire bénéficier les artistes des avancées qu'il contient et qui sont
attendues depuis fort longtemps. L'union <relève...
Mme Prégent (Sophie) :
...les
artistes des avancées qu'il contient et qui sont attendues depuis fort longtemps.
L'union >relève notamment, à ce titre, l'élargissement des compétences
du Tribunal administratif du travail. Bravo! L'ajout de dispositions pour
contrer le harcèlement psychologique. Bravo encore!
L'Union des artistes est par ailleurs
d'avis que certaines dispositions du projet de loi soulèvent des inquiétudes et
nécessitent certains ajustements. L'article 24.2 présente une
problématique majeure pour les associations d'artistes. Il impose un devoir de
représentation envers tous les artistes qui font partie des secteurs de
négociation pour lesquels une association d'artistes détient une reconnaissance
même si aucune entente collective n'existe et même si l'association ne reçoit
aucune cotisation syndicale.
L'article 24.2 ne prend pas en compte
la nature foncièrement différente de la loi sur le statut de l'artiste par
rapport au régime des accréditations du code, par exemple. Une accréditation en
vertu du code ne peut se rattacher qu'à un seul employeur, alors que les reconnaissances
octroyées en vertu de la loi sur le statut de l'artiste visent la totalité d'un
secteur, et donc l'ensemble des producteurs. Toutefois, dans la mesure où un
producteur n'est pas membre d'une association liée par une entente collective,
nous devons négocier individuellement avec ceux-ci.
Enfin, notons que les associations
d'artistes ne détiennent pas le monopole exclusif de représentation et que la
défense de nos droits est à la hauteur des ressources financières limitées dont
nous disposons. Dans ce contexte, il serait impensable, et voire même
impossible pour les associations d'artistes d'assumer un devoir de
représentation qui couvre l'entièreté des productions pour lesquelles elle
détient une reconnaissance. Il est donc primordial de modifier
l'article 24.2 pour qu'il vise les artistes assujettis à une entente
collective négociée par une association d'artistes. Donc, nous proposons que
24.2 pourrait se lire comme suit :
«Une association d'artistes reconnue ne
doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire ni
faire preuve de négligence grave à l'endroit des artistes visés par une entente
collective à laquelle elle est partie, peu importe qu'ils soient ses membres ou
non.»
Article 68.6 : pouvoir
réglementaire du ministre de décréter des conditions minimales. L'union salue
l'introduction de ce nouveau mécanisme. Bravo! Il reste toutefois à préciser
les conditions dans lesquelles ce mécanisme est accessible et ses modalités
d'application. Nous estimons qu'il devrait être accessible pour viser toute
situation où un artiste ne bénéficie pas d'une entente collective. De plus, la
fixation des conditions minimales de cet article devrait être enclenchée sur
demande, sans que cela soit assujetti à une discrétion. Nous sommes d'avis que
cette demande devrait provenir uniquement des associations d'artistes reconnues
et non d'un producteur ou d'une association de production. En effet, permettre
à une association de producteurs de faire une telle demande permettrait à
celle-ci de contourner le chapitre de la loi actuelle concernant l'obtention
d'une reconnaissance formelle entraînant pour elle des droits et des
obligations. Une telle demande provenant d'une association de producteurs
pourrait entraîner une baisse importante des conditions de travail de nos
artistes.
Enfin, une fois que des conditions
minimales auront été décrétées par le gouvernement, celles-ci devraient être
assimilées à une entente collective.
Recommandation concernant 68.6, qui
pourrait débuter ainsi : «Sur demande d'une association d'artistes
reconnue, le gouvernement peut, par règlement, après consultation de
l'association d'artistes et de l'association de producteurs reconnues», etc.
Les aspects manquants, maintenant.
Première proposition : ajouter dans la loi sur le statut de l'artiste un
pouvoir conféré au ministre d'ordonner aux organismes subventionnaires de la
culture d'exiger des producteurs l'application de conditions de travail
minimales pour les artistes avant de leur octroyer un sou de financement.
Proposition n° 2 :
modifier les programmes de soutien de l'État, le CALQ, la SODEC, etc., de
manière à préciser que l'octroi de financement est conditionnel à l'application
par les producteurs de conditions de travail minimales pour les artistes ainsi
que d'une reddition de comptes obligatoire. Que fait-on avec notre argent?
Et finalement prévoir un examen périodique
de la loi, donc un mécanisme de révision obligatoire et automatique de la loi
sur le statut de l'artiste aux cinq ans. Voilà. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci,
Mme Prégent. Nous continuons cette fois-ci avec M. Fortin et M. Lefebvre,
de La Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec. Vous disposez <également...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...de La Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec. Vous
disposez >également de cinq minutes.
M. Fortin (Luc) : Oui. Donc,
je me présente, Luc Fortin. Je suis président de La Guilde des musiciens et
musiciennes du Québec. Et mon collègue Me Éric Lefebvre, qui est
secrétaire-trésorier, m'accompagne aujourd'hui. Et on tient à remercier la ministre
de la Culture et la commission de nous avoir invités à cette consultation
importante.
Beaucoup de choses que Mme Prégent a
dites, on les supporte, on les partage. Dans notre mémoire, donc, on a énuméré
beaucoup de points, six points qui représentent pour nous des avancées
importantes. Je vais mentionner là-dessus l'harmonisation et l'intégration des
deux lois en une seule, l'intégration des dispositions sur les normes du
travail visant le harcèlement psychologique, et aussi, bien, de pouvoir définir
par règlement des termes et expressions utilisés dans la LSA, soit le 68.5. Et
l'autre article important, c'est de fixer des conditions contractuelles minimales
dans un secteur par l'article 68.6. Et on est d'avis que le projet de loi
aura pour effet d'améliorer sensiblement l'encadrement des relations
contractuelles entre des artistes et les producteurs.
Il faut vous rappeler aussi que le but
premier de la révision de la loi sur le statut de l'artiste était mentionné
déjà dans le plan d'action gouvernemental de 2018-2023, qui s'appelait Partout,
la culture, puis on y mentionne très clairement que, pour améliorer les
conditions socioéconomiques des artistes, on doit mettre en œuvre à court terme
des solutions concrètes. Et, dans ces solutions à court terme, il y avait en
tête de liste la révision des deux lois sur le statut de l'artiste. Ça fait
quatre ans que c'est écrit dans le plan d'action qu'on est rendus là. On
souligne aussi que, selon un récent sondage commandé par la FNCC, la vaste
majorité des répondants appuient nos revendications — on parle de
80 % — et 75 % des Québécois sondés pensent que le
gouvernement doit respecter sa promesse et adopter la loi le plus tôt possible.
Donc, maintenant, quelques remarques. Je
vais vous parler aussi de 24.2, qui suscite des préoccupations. On pense que,
tel que rédigé, ça imposerait un fardeau démesuré aux associations d'artistes.
Ce fardeau-là n'est pas imposé aux syndicats de travailleurs, par exemple. Ils
sont tenus de représenter seulement les employés qui travaillent pour un seul
employeur et dans le cadre d'une convention collective. Bien que les
associations d'artistes représentent, en principe, tous les artistes dans le
secteur de négociation qui lui a été conféré, ça nous serait pratiquement
impossible de représenter tout le monde dans certains secteurs où il n'y a pas
d'entente puis il n'y a pas d'interlocuteur commun, il n'y a pas d'association
avec qui négocier. Ça se complique beaucoup dans ces secteurs-là puis ça
devient ingérable pour nous. Si on avait des demandes de représentation dans
ces secteurs-là, il faudrait y aller au cas par cas avec une multitude
d'employeurs. Ça serait ingouvernable. Donc, on ne peut pas parler de
négligence de représentation dans ces cas-là.
Et on appuie aussi ce que dit Mme Prégent
par rapport à 68.6. Il faut que ça soit demandé par les associations
d'artistes. Donc, il faut limiter la portée de l'article pour que le devoir de
représentation, ça s'applique juste aux artistes visés par l'entente collective
à laquelle il est partie. Ensuite... Ça, c'est 24.2.
68.6, par règlement, on peut fixer des
conditions minimales applicables. Comme elle venait de dire tantôt, il faut que
ça soit demandé par l'association d'artistes. C'est un article quand même
intéressant parce que ça permettrait de structurer des secteurs qui ne sont pas
structurés du tout, qui sont difficiles à gérer, comme je disais tantôt, et ça
nous permettrait de demander au gouvernement de mettre de l'ordre dans certains
secteurs qu'on considère un peu anarchiques, dans lesquels il n'y a pas
d'interlocuteurs. Donc, il est nécessaire aussi, par contre, dans 68.6, de
prévoir que les artistes puissent avoir des recours si les conditions ne sont
pas rencontrées par les producteurs, qui ne suivent pas le règlement. À ce
moment-là, on n'a... Actuellement, dans le projet de loi, il n'y a pas
d'instance à qui s'adresser. Il faudrait que, comme tous les travailleurs du
Québec, on puisse s'adresser à la CNESST comme dans le cas de non-respect pour
les normes du travail. Ça serait par souci d'équité.
• (9 h 20) •
Et finalement on parle de responsabilité
de l'État et de reddition de comptes. On va taper sur le même clou que l'UDA.
Ça fait des années qu'on en parle. On pense que c'est obligatoire de prévoir
que le financement assuré par des sociétés d'État soit conditionnel au respect
des conventions de travail négociées par les associations reconnues.
D'ailleurs, pendant la pandémie, on était très heureux de voir que l'octroi des
mesures particulières à la diffusion de spectacles était conditionnel à une
reddition complète quant à la rémunération des artistes et artisans du
spectacle impliqués dans la production. C'était la première fois qu'on voyait
une telle politique, qui semblait tellement évidente. Donc, le chemin est
tracé. Maintenant, l'État doit continuer dans la même <direction...
M. Fortin (Luc) :
...semblait
tellement évidente. Donc, le chemin est tracé. Maintenant, l'État doit
continuer dans la même >direction pour tous ses programmes de
subventions en culture. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, effectivement, merci aussi, M. Fortin, pour votre exposé très
intéressant. Alors, nous allons commencer la période d'échange. Mme la
ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 17 min 30 s.
Mme Roy : Parfait. Merci
beaucoup. Merci pour vos mémoires, que j'ai lus avec attention. Juste pour le
bénéfice des gens qui nous écoutent, moi aussi, à mon tour, tout comme la
députée de l'Acadie l'a fait, j'aimerais saluer Mme Lise Bacon, qui est à
l'origine des premières lois sur le statut de l'artiste. 1987, 1988, ça fait
quand même un petit bout de temps. Et cette refonte-là, elle était importante
pour vous, puis on l'a tous senti ici. Donc, on veut tous travailler dans cette
direction.
Et je veux aussi saluer Mmes Liza
Frulla et Louise Beaudoin, parce qu'il faut savoir que cette promesse-là, oui,
il y a quatre ans qu'elle a été faite, vous avez raison, elle était dans le
plan en culture du précédent gouvernement, que nous avons fait nôtre lorsque
nous sommes arrivés au pouvoir. Alors, vous avez raison que ce plan... que
cette adoption de loi, elle a été éditée en 2018, et avant notre arrivée, mais
nous avons dit : On reprend le flambeau puis on va y aller.
Puis je voulais spécifier que je salue
Mmes Beaudoin et Frulla parce que, rappelez-vous, en décembre 2019, on
avait commencé les travaux, et j'avais demandé à ces deux ex-ministres de la
Culture de travailler avec nous. Malheureusement, la pandémie est arrivée, on a
dû arrêter les travaux, ce qui a fait que, bon, il a fallu tout reprendre après
un certain temps, lorsque le milieu a été prêt à reprendre et nous envoyer les
mémoires. Donc, on aurait aimé travailler plus rapidement, il y a eu des aléas
de la vie, mais on est rendus ici. Mais je pensais que c'était important aussi
de signifier ça et de les remercier, toutes ces ex-ministres de la Culture,
pour le travail précédent.
Et d'ailleurs vous avez remarqué que
certains nous ont déjà parlé, dans les précédents mémoires — il y a
1 000 pages de mémoires ici, là, entre autres — de donner
un statut d'intermittent aux artistes. Ça, c'est la formule française, en
France. Nous, on a décidé de garder la formule québécoise, au Québec, mais de
la bonifier avec une refonte importante. Alors, je voulais spécifier ces choses
et remercier les ex-ministres d'avoir travaillé avec nous. Et on voulait aussi
lancer le message qu'il s'agit ici d'un projet de loi non partisan. Alors, on
est là pour vous, pour vous aider, pour aider les artistes.
Maintenant, revenons aux mémoires. Dans
votre rédaction de mémoire, il y a des choses extrêmement intéressantes, et j'aimerais
que vous nous disiez, dans le pratico-pratique, autant à l'UDA, l'Union des
artistes, qu'à La Guilde des musiciens, qu'est-ce que l'adoption du projet de
loi va changer concrètement dans la vie de vos artistes.
Mme Prégent (Sophie) : C'est
une bonne question. On avait une sectorielle la semaine dernière, ils m'ont
posé la même question : Qu'est-ce que ça va changer dans nos vies? Ça va
essentiellement changer beaucoup de choses pour la défense de nos artistes
parce que ça va donner beaucoup plus d'encadrement à la loi. Nous, ça va être
beaucoup plus profitable pour nous. Ça, c'est ce qui n'est pas concret pour
eux. Ce qui est concret, c'est que, dans certains secteurs, ça a toujours été
un peu le far west, pour m'exprimer ainsi, puis là on va pouvoir enfin resigner
des ententes collectives qui n'ont pas été signées depuis 20 ans, donc
améliorer leur travail, leurs conditions de travail. C'est sûr que, si on se
bute à un phénomène de non-communication, puis de, à la limite, mauvaise foi,
mais qu'on ne peut pas l'adresser, bien, forcément, là, le train, il reste à la
gare, il n'avance pas. Alors là, l'entente devient complètement désuète, elle n'a
plus rapport avec la réalité. Après ça, on se fait reprocher de ne pas avoir de
prise sur la réalité. Ça, ça va permettre d'être toujours à jour, de vous
adresser les problèmes qu'on est incapables de régler depuis des années et qu'on
traîne, qui sont énergivores, chers, dispendieux, et, pendant ce temps-là, sur
le terrain, on est moins présents.
Alors, c'est fou, mais une loi avec des
bons règlements, ça fait en sorte que nous, au bout du compte, on est
physiquement plus présents pour nos artistes, plus qu'on l'est là, là,
présentement, parce qu'on se bat devant les tribunaux. C'est ça qu'on fait pour
l'instant, avec beaucoup, beaucoup de coûts engendrés à ça. Puis ça, ça ne fait
pas qu'on fait de la vigie. Ça, ça ne fait pas qu'on améliore nos relations
avec les producteurs. Parce que moi, je suis sur le terrain, dans la vie, là,
je m'en vais tourner, moi, cet après-midi, ce ne sont pas nos ennemis, ces
gens-là. On travaille avec eux.
Par contre, quand l'encadrement est mou,
forcément, c'est nous, parce que c'est une chaîne, c'est toujours le dernier
qui pogne le choc électrique. Le choc électrique, c'est nous qui le pognons. Si
tout ça est clair, ça va être encore plus facile d'avoir de bonnes relations
avec les producteurs. Je suis convaincue de ça. Veux-tu ajouter quelque chose?
Mme Fortin (Christine) : Si
je peux ajouter quelque chose, le pouvoir réglementaire qui est instauré à 68.6
est une très belle avancée dans les secteurs, comme Sophie disait, où est-ce qu'on
a de la difficulté à conclure des ententes <collectives...
Mme Fortin (Christine) :
...où
est-ce qu'on a de la difficulté à conclure des ententes >collectives :
parlons du secteur de la danse, de la scène en général, il y a beaucoup de
problématiques. Donc, le pouvoir réglementaire va nous aider à aller chercher
le règlement du gouvernement dont on a besoin. Après ça, évidemment, il va
falloir le préciser, mais ça va permettre enfin à des artistes qui sont sans
filet social, sans conditions de travail minimales d'obtenir ce qu'ils
devraient avoir via la LSA.
Et également une très belle avancée, c'est
le Tribunal administratif du travail. La liberté d'association, ça doit venir
avec un tribunal accessible, et peu coûteux, et rapide, et spécialisé. Enfin,
le TAT va pouvoir traiter l'ensemble des litiges qui découlent de la LSA. Donc,
c'est ce qui était demandé depuis plusieurs années, même par nos amis les
producteurs. Alors, c'est clair que ça, c'est une excellente avancée. Dans des
cas, justement, de négociations de mauvaise foi sur une table de négociation,
ou d'ingérence, ou quoi que ce soit, on va pouvoir aller devant le TAT et
traiter tout litige de manière efficace.
Mme Roy : Et du côté de La
Guilde?
M. Fortin (Luc) : Oui, je
vais vous laisser la parole, M. Lefebvre.
M. Lefebvre (Eric) : Oui,
bien, en fait, j'aimerais souligner un élément. Il y a quelques années, en
fait, de 1976, je crois, à 1989, il existait un décret applicable aux musiciens
dans la région de Montréal. Lorsque la première loi sur le statut de l'artiste
a été adoptée, en 1987, si je me souviens bien, eh bien... c'est-à-dire, La
Guilde et les associations de producteurs ont décidé d'abandonner, dans le
fond, le décret. Il a été par la suite abrogé. C'est un juste retour, dans le
fond, des choses, que... Dans certains secteurs, il est très difficile de faire
en sorte que les conditions de travail minimales soient respectées. Dans ce
cas-ci, c'était un décret qui visait essentiellement la musique qui concernait
les musiciens de scène.
Et effectivement l'article 68.6 est
un élément important dans la stratégie à venir. En tout cas, on espère que le
gouvernement ira de l'avant lorsqu'on fera des demandes pour effectivement
structurer certains secteurs culturels, qui est nécessaire... en fait, que la
structure est nécessaire afin d'améliorer les conditions. Et pour ça que...
68.6 est une première étape. Mais 68.6 a effectivement besoin d'être modifié
afin de faire en sorte que... lorsqu'un règlement est adopté par le
gouvernement pour fixer des conditions de travail minimales, il est nécessaire
d'avoir certaines dispositions, dans la loi, qui permettent de faire respecter
ces conditions-là une fois que le règlement a été adopté.
C'est pour ça, dans le fond, que, nous, ce
qu'on propose, c'est que ce règlement-là devient comme... est réputé une
entente collective entre l'association d'artistes et les producteurs visés par
le... bien, je dis «par le décret», mais c'est un règlement dans ce cas-ci,
justement pour faire en sorte que l'association d'artistes puisse déposer un grief
si, par la suite, des producteurs ne respectent pas les conditions qui sont
fixées par règlement. C'est l'élément qui manque actuellement dans la loi, la
Loi sur les décrets de convention collective, qui est une autre loi, qui vise
l'adoption de décrets justement pour assujettir tout un secteur d'activité à
des conditions minimales. Bien, il y a un comité paritaire, il y a déjà des
ententes collectives qui sont étendues juridiquement. Mais là, dans ce cas-ci,
on a une disposition, l'article 68.6, qui demande un petit peu plus
d'agressivité au plan législatif pour faire en sorte que les conditions
minimales, une fois que le règlement est... puissent être véritablement
appliquées sur le terrain.
• (9 h 30) •
Mme Roy : ...combien de
temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste neuf minutes.
Mme Roy : Parfait. Vous
parlez, dans vos mémoires, tous les deux, dans des termes un peu différents,
mais c'est la même chose... puis juste pour référence pour les collègues, entre
autres, dans le mémoire de La Guilde des musiciens, dans vos recommandations,
au point 5, vous nous demandez d'introduire dans notre nouvelle loi un
mécanisme semblable à celui de l'article 154 de la Loi sur les sociétés
par actions afin que la responsabilité des administrateurs d'une société soit
engagée en cas de non-paiement du cachet des artistes. Pouvez-vous me dire en
quoi ce mécanisme-là, qui serait calqué sur le 154 de la Loi sur les sociétés
par actions, ça serait utile pour vos membres?
Mme Fortin (Christine) : Mme
la ministre, à l'UDA, nous avons à peu près une vingtaine de sentences
arbitrales qu'on n'est pas en mesure d'exécuter sur le terrain. Donc, des
producteurs partent des compagnies, obtiennent des subventions du gouvernement,
tournent un film, signent des contrats UDA, se lient à des ententes collectives
existantes, fait travailler nos artistes puis, au bout de la production, ne
paient pas les artistes. Donc, j'ai beaucoup de sentences arbitrales, à l'UDA,
où est-ce que... je vous parle... un cas, là, à peu près 100 000 $ de
cachet, où est-ce que je ne suis pas en mesure d'aller chercher ces sous-là
pour les artistes. Alors, même si je tente de poursuivre le producteur,
j'obtiens une sentence arbitrale en ma faveur, mais je ne suis pas capable de
l'exécuter puisque la personne n'a pas d'actif. La compagnie qu'elle a
constituée n'a pas d'actif. Elle tente même, par exemple, d'aller faire le film
ailleurs. J'essaie de faire toutes sortes de moyens pour bloquer la diffusion
du film. Ce n'est pas possible. C'est très coûteux d'aller chercher ces
sous-là. Donc, ce que ça ferait en <sorte...
>
9 h 30 (version révisée)
< Mme Fortin (Christine) :
...la diffusion du film, ce n'est pas possible. C'est très coûteux d'aller
chercher ces sous-là. Donc, ce que ça ferait en >sorte, c'est que la
responsabilité des administrateurs, en fait, de cette compagnie-là serait
importante pour pouvoir aller chercher ces sous-là en cas de non-paiement des
artistes. Alors, une personne qui va partir une compagnie va devoir être
sérieuse. Si elle sait que sa responsabilité personnelle serait engagée en cas
de non-paiement, elle va faire ce qu'il faut pour payer les artistes. J'ai
plein d'exemples. On l'a cité dans le mémoire en février.
Alors, ça, c'est très important parce qu'on
en a beaucoup, beaucoup, beaucoup. Évidemment, des producteurs sérieux qui sont
membres d'une association de producteurs, les «majors» au Québec, on n'a pas de
problème puisque toutes les sociétés sont liées, elles ont des statuts, règlements
à l'effet qu'ils sont responsables des cachets, c'est beaucoup plus facile.
Mais tous les petits producteurs émergents — qui font des excellents
films, ceci dit — bien, ils doivent avoir un... ils doivent être
sérieux pour faire un film puis ils doivent payer nos artistes.
Une voix : ...
Mme Roy : Oui, allez-y,
du côté de La Guilde.
M. Lefebvre (Eric) : Oui,
j'ai un élément supplémentaire, peut-être, pour vous expliquer pourquoi on... L'article 154,
de la façon dont il est érigé actuellement, s'applique aux salariés d'une
entreprise, mais il ne s'applique pas aux travailleurs autonomes.
Essentiellement, les artistes qui sont représentés par nos associations sont
des travailleurs autonomes à peut-être 85 % ou 90 %. Donc, dans ce
cas-là, l'article 154 n'est pas applicable puisque ce ne sont pas des
salariés. Alors, c'est dans cet esprit-là, dans le fond, qu'on demande une
modification pour que, justement, ce que Christine vient de décrire puisse nous
donner des outils supplémentaires afin de poursuivre personnellement les
administrateurs d'une corporation qui serait, dans le fond, débiteur de cachets
des artistes.
Mme Prégent (Sophie) : La
même personne pourrait, en plus, faire un autre film après en n'ayant pas payé
les artistes dans le premier film, mais avoir quand même le droit à certaines
subventions pour faire un deuxième film. Nous, comme l'imputabilité ne suit
pas, on n'a rien, on est pieds et poings liés, on ne peut rien faire. Ce n'est
pas normal que quelqu'un puisse retourner un film alors qu'il n'a pas respecté
les contrats initiaux de son œuvre initiale.
Mme Roy : Si je
comprends bien, c'est une façon... puis je l'ai lu, là, c'est vraiment une
façon de lever le voile corporatif, entre autres, sur ces coquilles pour aller
chercher la personne, le mauvais payeur, finalement, pour permettre aussi,
quand vous avez des sentences arbitrales, qu'elles soient exécutoires, parce
que vous savez qui est le débiteur. Est-ce que je comprends bien?
Une voix : Oui, exactement.
Mme Roy
: Je vous ai
bien entendus.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste cinq minutes.
Mme Roy : Cinq minutes.
J'ai mon collègue le député de... — où est-il? Il est là — de
Saint-Jean qui aimerait intervenir. Et, comme c'est quelqu'un du milieu des
communications, vous le connaissez bien. Je ne peux pas dire son nom, hein, je
n'ai pas le droit de dire son nom, je suis obligée de dire le député de
Saint-Jean, qui aimerait prendre la parole. Alors, je vais lui céder.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Bonjour. Pour la petite histoire, on est en mode,
disons, accéléré et particulier, non partisan dans la mesure du possible. Vous
aussi, dans la mesure où vous avez regroupé les intervenants ici aujourd'hui,
vous avez regroupé les recommandations par rapport au projet de loi que vous
avez, mais ça fait des années que vous intervenez et que vous discutez. J'étais
curieux de savoir jusqu'à quel point, sans aller dans chacune des
recommandations, jusqu'à quel point c'est aussi, pour vous, gagnant-gagnant,
dans la mesure où tout ce qu'on va pouvoir sortir de plus que ce qu'on avait, c'est
des gains importants.
Et là-dessus, Mme Prégent, et d'ailleurs
Me Fortin en a parlé, vous avez dit dans... un mot en particulier dans une
question en particulier : C'est énergivore, c'est cher, c'est dispendieux.
Le TAT ne réglera pas tout, mais le TAT, c'est un des outils que vous n'aviez
pas dans votre coffre à outils. Est-ce que c'est un bon exemple de ce que vous
allez retrouver dans le projet de loi n° 35, qui deviendra, je l'espère,
loi avant la fin de la législature, ce genre d'outil que vous n'aviez pas, qui
vient — et le nom du projet de loi le dit bien — moderniser,
harmoniser d'abord? Puis ça, on va en parler plus tard avec ceux qui sont
vraiment... qui étaient dans la deuxième loi, qui avait beaucoup moins d'outils,
là, et de dents, en réalité, mais, effectivement, c'est les outils que vous
allez trouver dans l'harmonisation et dans la modernisation.
Mme Prégent (Sophie) : Exactement.
Quelqu'un d'intelligent me disait : Une loi, c'est une idéologie. L'encadrement
et les règlements font en sorte que cette idéologie-là se poursuit. Si une loi,
c'est fait pour améliorer les conditions socioéconomiques des artistes, il faut
encadrer cette loi-là pour faire en sorte que nous, sur le terrain, on ne perde
pas notre temps à faire tout le temps des serpents au jeu de l'échelle et du
serpent où il n'y a pas d'échelle, il n'y a que des serpents. Il y a des choses
qu'on n'est pas capables de régler présentement. Le tribunal nous dit : Je
n'ai pas la compétence pour régler ceci ou cela, adressez-vous à un autre <tribunal...
Mme Prégent (Sophie) :
...dit :
Je n'ai pas la compétence pour régler ceci ou cela, adressez-vous à un autre >tribunal,
qui nous répond la même chose. Pendant ce temps-là, ça coûte 1 million à l'Union
des artistes, à 2,5 de cotisations syndicales. Pendant ce temps-là, on n'est
pas sur le terrain. On ne vérifie pas si nos ententes collectives sont bien
suivies. Puis, à chaque fois qu'on débarque, on les met... tout d'un coup, ils
deviennent sans connaissance. Mais, si on y allait un peu, toujours, puis qu'on
réussissait à travailler sur le terrain, ce n'est plus la philosophie qu'ils
auraient de nous, que, tout d'un coup, le gros méchant de l'Union des artistes débarque
juste pour voir. Non, on aurait, dans le travail quotidien, une relation tout à
fait normale, comme dans tous les autres secteurs. Qui? La construction, la
santé, peu importe, je ne sais trop. Mais, bref, c'est... Mme Roy l'a dit,
Mme St-Pierre aussi, merci, Mme Bacon, c'est une bonne loi. Je vais à
la Fédération internationale des Acteurs, je le sais, cette loi-là n'existe pas
ailleurs. C'est pour nous, à nous, ça, il faut que ça reste, il faut juste lui
donner un petit peu plus de mordant.
M. Lemieux : Juste pour
faire œuvre utile pour ceux qui nous regardent d'aventure et qui essaient de
comprendre, parce qu'on est presque entre initiés ici, ça fait, comme je le
disais, des années que vous faites des... Quand vous parlez de tribunal... Juste
pour être très clair, je vous ai parlé du TAT, c'est le Tribunal administratif
du travail, auquel vous n'aviez pas accès. Quand vous disiez tantôt : On
va au tribunal, ça coûte des fortunes, c'est que vous étiez un peu condamnés à
monter dans les tribunaux de hautes instances, dans le fond?
Mme Prégent (Sophie) : Mais
ce qu'il faut comprendre, là, c'est que nous, l'Union des artistes, on défend
tous nos membres devant le Tribunal administratif du travail. Les producteurs,
comme ils ne sont pas associés, défendent leurs griefs, un grief. Nous, on
défend tous les griefs. Imaginez-vous ce que ça coûte à l'Union des artistes de
défendre tous les griefs déposés. Ce n'est pas AQPM qui défend ses griefs, c'est
le producteur en question avec qui on a déposé un grief. C'est une autre façon
de voir. C'est ça, l'argent que ça coûte.
M. Lemieux : ...Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne vous reste que 40 secondes. 39, 38...
M. Lemieux : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait.
M. Lemieux : Vous me
savez très docile. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Et c'est surtout...
Une voix : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, allez-y. 30 secondes.
M. Fortin (Luc) : M. le député
de Saint-Jean, si vous permettez. Par rapport au TAT, là, le Tribunal
administratif du travail, par le passé, si on avait eu ça, on aurait sauvé des
centaines de milliers de dollars en frais d'avocats. Il y a des causes qui se
sont ramassées à la Cour d'appel. Ça commence par la commission des relations
artistes-producteurs, ça s'en va en révision, ça s'en va là, ça s'en va là,
c'est hallucinant. Alors, si on avait eu notre tribunal spécialisé, ça aurait
probablement arrêté au premier niveau, ça aurait été réglé. On parle de deux
causes célèbres, là, entre autres la fameuse saga festival contre l'UDA, etc.,
et d'autres exemples.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Vous aurez sûrement l'occasion d'en reparler. Pardon. Pardon, M. Fortin.
Il faut respecter le temps. Je vous remercie. Alors, nous poursuivons cette
fois-ci avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci, Mme
la Présidente, j'aime bien vos décomptes. Bon. Alors, oui, c'était fort
intéressant, votre présentation. Il y a des questions qui surgissent.
J'aimerais ça... Quand vous nous parlez de l'article 24, pour que je
comprenne vraiment bien ce que vous avez voulu nous dire tout à l'heure, pouvez-vous
nous donner un exemple concret d'une situation qui devra être... Bien, en fait,
je pense que vous demandez à ce qu'il soit changé, l'article 24. Une
situation qui échapperait à ce qu'on veut faire aujourd'hui, c'est-à-dire une
meilleure protection des artistes.
• (9 h 40) •
Mme Fortin (Christine) :
En ce moment, dans la mouture actuelle, le 24.2, on a importé textuellement le
47.2 du Code du travail sans faire les nuances. Donc, comme disait tantôt
Sophie, sous le Code du travail, les syndicats ont le monopole exclusif du
travail... de représentation, pardon.
Alors, un exemple concret dans le secteur
de la danse, où est-ce que nous n'avons pas d'entente collective, un danseur
qui aurait un problème avec son producteur pourrait venir dire à l'union :
Bien, viens m'aider, j'ai un problème, j'ai une situation particulière avec mon
contrat, voulez-vous faire un recours, etc., me représenter jusqu'à la fin? Et
là on serait obligés, par le nouvel article 24.2, de le faire, lorsque
dans ce secteur-là nous n'avons pas d'entente collective. Donc, nous allons
prendre des cotisations syndicales de nos membres dans des secteurs visés par
une entente collective et nous allons devoir déployer des ressources
financières pour défendre ce danseur-là, qui est dans une situation fort
problématique. Alors, c'est quand même injuste pour nous et c'est fort
problématique, parce que, là, on ne connaît pas la situation litigieuse avec
cette personne-là, ce danseur-là face à un producteur, on n'est pas dans le
milieu, on n'est pas son représentant officiel parce qu'il n'y a pas d'entente
collective, alors il y a une panoplie de situations où est-ce qu'on est... on
va devoir la représenter sans avoir une représentation au niveau de ses
conditions de travail.
Également, la loi prévoit la possibilité
de négocier individuellement des cachets supérieurs à la loi, donc tout ce qui
échappe à la négociation collective par l'UDA... par exemple, un problème qui
touche un excédent négocié par un acteur, par <exemple...
Mme Fortin (Christine) :
...qui
touche un excédent négocié par un acteur, par >exemple, bien là, est-ce
qu'on va devoir le représenter pour ce litige-là, qui ne concerne pas une
condition minimale de travail?
Mme St-Pierre : Donc,
qu'est-ce que vous voulez, au juste, qu'on ajoute pour que ça, là, ça soit
réglé, là? Donc, il faudrait ajouter «visé par une entente collective à
laquelle elle est partie»?
Mme Fortin (Christine) : Voilà.
Exactement. Oui.
Mme St-Pierre : Mais si vous
n'avez pas d'entente collective avec le producteur pour le danseur?
Mme Fortin (Christine) : Bien,
justement, on ne veut pas avoir l'obligation de juste représentation s'il n'y a
pas d'entente collective. Nous voulons le statu quo, tel qu'elle est
actuellement. S'il y a une entente collective visée, je n'ai aucun problème à
représenter le danseur, qu'il soit membre ou non membre chez nous, mais, s'il
n'y a pas d'entente collective, comment voulez-vous que je le représente? Je ne
connais pas la situation du tout d'un contractuel.
Mme St-Pierre : Ce
danseur-là, s'il n'a pas d'entente collective, ce danseur-là, il est laissé
dans...
Mme Prégent (Sophie) : Bien,
c'est-à-dire qu'avec le 68.8 qu'on a, là, présentement, on pourrait avoir
une poigne, justement, dans un secteur au grand complet, faire en sorte qu'il y
ait une entente collective, ou alors la responsabilité... ce dont on parlait,
le 68.8... 68.6 pourrait permettre, justement, d'aller attacher tout ce
secteur-là, puis après ça, quand on l'aura attaché, forcément, il va y avoir...
il va naître une entente collective ou semblable, et là on va pouvoir mieux les
défendre, on va être au courant.
Mme St-Pierre : C'est très
lié, c'est très lié, il faut qu'on fasse la modification à 28, il faut qu'on
aille faire la modification à 68 pour que ce soit sur demande.
Mme Prégent (Sophie) : Exactement.
Mme St-Pierre : Sur demande...
Je n'ai pas beaucoup de temps puis j'ai beaucoup de questions. Sur demande, ça
veut dire après combien de temps? Est-ce que c'est sur demande parce que, pouf,
il arrive un scandale, puis là, boum, on demande, ou s'il faut qu'il y ait comme
un... Est-ce qu'il faudrait préciser dans la... Moi, je suis d'accord avec le
«sur demande», là, je vous le dis tout de suite, puis j'envoie le message aux
personnes qui tiennent le crayon de l'autre bord. Mais sur demande après
combien de temps? Ça ne peut pas être sur demande après deux jours de négo ou
deux jours de tentative, il faut qu'il y ait quand même une possibilité que les
parties s'entendent avant que le gouvernement intervienne, parce que là on
demande au gouvernement d'intervenir, là.
M. Fortin (Luc) : Si vous
permettez, il y a des secteurs que ça fait éternellement qu'ils ne sont pas
structurés. Pour donner un exemple, l'événementiel puis les congrès, c'est
n'importe quoi, ça, il n'y a pas d'interlocuteur commun, ça «poppe» un peu
partout, ça apparaît, ça disparaît, c'est impossible de...
Mme St-Pierre : Mais la loi
ne vous donne pas d'interlocuteur commun.
M. Fortin (Luc) : Non, mais
c'est parce que, mettons que j'ai 50 organisateurs de congrès au Québec,
je ne peux pas aller négocier individuellement avec chacun d'eux, ça va me
prendre 50 ans avant d'en venir à bout, là.
Mme St-Pierre : Alors, ce que
vous...
M. Fortin (Luc) : On n'a pas les
ressources pour ça, mais, un article comme 68.6, on pourrait dire, exemple, là :
Bien là, on aimerait qu'il y ait des conditions minimales dans ce secteur-là.
Mais, à ce moment-là, là, on est en business, on peut commencer à même... à
représenter...
Mme St-Pierre : Mais ce
serait le gouvernement qui ferait ce cadre-là, cette entente-cadre-là?
M. Fortin (Luc) : C'est ça,
comme les bars, c'est pareil, il y a des milliers de bars avec des scènes, puis
il n'y a rien.
Mme St-Pierre : O.K. Mais
pour le sur demande, ce serait après combien de temps?
Mme Fortin (Christine) : Dès
que l'association d'artistes est prête. Nous, dans le secteur de la danse, là,
on a juste à monter un projet de règlement qu'on soumettrait au gouvernement, on
analyse la situation, on a des ententes collectives avec certains producteurs.
Dès qu'on est prêts, on y va, là, on dépose, puis le gouvernement doit faire
ses consultations et décréter.
Mme St-Pierre : O.K. Vous
parlez de l'article 12, là, puis, là aussi, c'est vraiment... je vais
vraiment vouloir avoir des explications, vous demandez à ce qu'on mette une
modification, «rassemble le plus grand nombre d'artistes», à l'article 12.
Mme Fortin (Christine) : Bien,
en fait...
Mme St-Pierre : J'essaie de
vous suivre, là.
Mme Fortin (Christine) : ...on
veut une harmonisation puisqu'en ce moment vous avez changé le critère... dans
le projet de loi, on a changé le critère de la «majorité» pour «le plus grand
nombre». Alors, on veut juste... on veut harmoniser ça, et surtout,
effectivement, l'article 12, «rassemble le plus grand nombre», puisque
vous utilisez deux terminologies. En fait, le gouvernement utilise deux
terminologies, «la plus représentative» et «le plus grand nombre». Donc, on
veut juste harmoniser la terminologie. Et surtout l'article 20, il faut
changer ça, parce qu'on parle de 25 % de l'effectif de l'association pour
annuler une demande de reconnaissance. Or, il y a un problème juridique,
puisqu'on a plusieurs reconnaissances, puis c'est impossible d'aller chercher
25 % de l'effectif de l'Union des artistes, par exemple, pour aller
chercher...
Mme St-Pierre : Il y a un
autre méli-mélo, ici, là. L'UDA estime que la terminologie devrait être
uniformisée, il y a du méli-mélo : gardez la formulation de l'article 8,
soit les termes «conditions contractuelles»... parce qu'ailleurs on parle de
«conditions minimales applicables aux contrats conclus». Enfin, c'est un peu
mélangé.
Mme Fortin (Christine) : Oui.Nous, on veut juste...
Mme St-Pierre : Les gens qui
ont conçu ce projet de loi là, c'est des spécialistes. Alors, j'essaie de
comprendre pourquoi ils ont utilisé ces termes-là plutôt qu'uniformiser comme
vous le demandez.
Mme Fortin (Christine) : Bien,
c'est une très bonne question, on va demander au législateur.
Mme
St-Pierre
: Alors,
ils vont venir avec leurs crayons, donc ils pourront changer leur <texte...
Mme St-Pierre :
...crayon,
donc ils pourront changer leur >texte.
Mme Fortin (Christine) : En
fait, notre point de vue là-dessus, c'est juste, justement, d'uniformiser et
d'utiliser la condition contractuelle. Alors, on a importé... dans le fond, ce
qu'on a compris de nos appels avec le ministère, c'est qu'on a importé la loi n° 2,
là, S-3201, dans notre loi. Alors, il y avait plusieurs terminologies
différentes. Alors, l'idée, c'est de juste harmoniser quand on parle de
conditions d'engagement versus conditions contractuelles.
On parle de conclusion de contrats
professionnels. Alors, ça, devant un juge, moi, en tant que juriste, ça peut
être plus compliqué de faire la distinction. Alors, pour uniformiser, on soumet
au gouvernement d'uniformiser la terminologie pour être la plus englobante
possible, à savoir des «conditions contractuelles minimales», tout simplement,
partout dans la loi, pour uniformiser, parce qu'on comprend que c'est une
importation de la deuxième loi, là, qui a fait peut-être un peu dévier, là, les
termes.
Mme St-Pierre : Vous parlez
de plusieurs aspects manquants aussi dans votre mémoire. Vous n'avez pas eu le
temps d'élaborer là-dessus. Quelles sont les priorités dans vos aspects
manquants qu'il faudrait ajouter? Vous comprenez, cette loi-là, là, la
dernière, elle date des années 80, il y a eu un changement en 2010, puis
là on est peut-être dans un processus qui ne sera pas changé avant les
30 prochaines années, là. Alors, je comprends que la loi, c'est
l'idéologie, mais la loi, à un moment donné, elle peut devenir hyperrigide.
Alors, vous souhaitez... Vous dites qu'il y a des aspects manquants dans la
loi. Est-ce qu'il y a des choses qu'on devrait vraiment... sur lesquelles on
devrait se pencher puis bonifier cette loi-là?
Mme Prégent (Sophie) : Entre
autres, la reddition de comptes, là, l'obligation d'être en règle avec les
associations à partir du moment où quelqu'un a un financement public, là.
Mme St-Pierre : Ça, ça
m'apparaît vraiment important aussi.
Mme Prégent (Sophie) : Bon,
ça, c'est l'essentiel. Puis, si ce n'est pas dans la loi, ça pourrait être
autrement, là, on est bien ouverts, là, à toutes sortes de solutions, nous
autres, là.
Mme St-Pierre : ...dans un
autre dossier qui est...
Mme Prégent (Sophie) : Mais
le début étant ça, parce que c'est ça qui n'est pas normal. On ne peut pas
recevoir de l'argent public puis faire un peu n'importe quoi, ne pas être en
règle avec les associations, pas payer les musiciens, pas payer les artistes,
mais ce n'est pas grave, on va faire un deuxième film, puis je vais me
racheter, puis ça va bien aller le deuxième, là. Ça ne peut pas fonctionner
comme ça.
Mme St-Pierre : Ça m'étonne,
parce que, quand on donne une subvention, il me semble que la subvention vient
avec... En fait, la subvention ne vient pas avec une reddition de comptes? Je
donne 3 millions pour un film, puis je n'ai jamais personne qui dit
comment l'argent a été dépensé?
Mme Fortin (Christine) : Bien,
je ne sais pas si le gouvernement le dit, mais certainement on n'a pas... il
n'y a pas d'obligation conditionnelle à ce que les artistes soient payés. Il
n'y a pas d'obligation d'avoir... de signer des contrats.
Mme Prégent (Sophie) : Il y a
probablement un budget de déposé ou je ne sais trop, mais, s'il n'y a pas de
reddition de comptes puis si ce n'est pas une condition sine qua non, être en
règle avec les associations, merci, bonjour.
Mme St-Pierre : Puis le
mécanisme de révision tous les cinq ans.
Mme Prégent (Sophie) : Bien oui,
ça, ça éviterait ce qu'on est en train de vivre, c'est-à-dire 30 ans ou
20 ans sans avoir... tu sais... je vais le dire un peu en langage de
Shakespeare, mais «up to date», tu sais, faire en sorte...
Mme St-Pierre : Mais ça ne
garantit pas un changement, mais quand même ça pourrait rafraîchir.
Mme Prégent (Sophie) : Non,
non, mais si tel est le besoin, par contre. Là, il y a quand même une certaine
accumulation, là, depuis les années, là, de choses.
Mme St-Pierre : Est-ce qu'il
me reste du temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste 1 min 40 s.
Mme St-Pierre : Ah, bien, mon
Dieu! C'est formidable. Sur le projet de loi en général, tout le monde s'entend
qu'on va y arriver, mais je pense que votre message est vraiment très clair
qu'il n'est pas encore... il est perfectible, là, il faut vraiment y
apporter... parce qu'il va y avoir des trous, là, dans lesquels on pourra
peut-être s'incruster et faire en sorte que les artistes n'aient pas toute la
protection qui est nécessaire.
Combien de producteurs devront... Les
négociations ne se feront pas avec un ensemble de producteurs, mais ça sera des
producteurs. Combien vous prévoyez de négociations?
Mme Prégent (Sophie) : Avec
des producteurs?
Mme St-Pierre : Oui.
Mme Prégent (Sophie) : À l'Union
des artistes, on a 57 ententes collectives et 200 lettres d'entente.
Mme St-Pierre : Puis celle
qui est désuète depuis 20 ans?
Mme Prégent (Sophie) : Ah,
ça, c'est tout dans le milieu de la musique, avec ADISQ, pour ne pas les
nommer, désolée, même chose avec La Guilde.
• (9 h 50) •
M. Fortin (Luc) : Oui, on a
des... énormément d'ententes, mais il y a énormément d'ententes qu'on n'a pas
non plus dans des secteurs qui ne sont pas structurés, ils sont un peu
anarchiques.
Mme St-Pierre : Mais la loi
ne vous prévoit pas comme une entente-cadre, la loi prévoit que vous allez être
obligés de reprendre... de prendre le processus avec chacun de ces
producteurs-là.
Mme Prégent (Sophie) : 68.6
pourrait régler ça. Encore une fois, 68.6 pourrait faire en sorte qu'on fait
une forme de décret dans un secteur bien précis. Puis là, bien, on va avancer.
Moi... on l'a dit puis on le redit, hein, 68.6, là, ah! c'est ça pour nous, là,
tu sais, c'est un peu ça.
Mme St-Pierre : Mais vous ne
serez peut-être pas plus contents, parce que, là, ce n'est pas vous autres qui
va décider des conditions, ça va être le...
Mme Prégent (Sophie) : Bien,
au moins, on va avancer puis, tu sais, au moins, on va pouvoir l'adresser. Au
moins, il y a quelqu'un qui va nous entendre, c'est déjà bien.
Mme St-Pierre : Oui, on va
avancer.Donc, ma question : Après combien de temps vous allez...
Quand vous dites «sur demande», là, vous comprenez que ça ne peut pas, pour le
ministre, là, dire... On reçoit une lettre puis, si le ministre dit O.K.,
on y va demain matin.
Mme Prégent (Sophie) : Bien,
ça fait partie de nos demandes, là, que ces modalités-là d'application soient
plus claires, là, tu sais, parce qu'effectivement, là, l'idée, elle est bonne,
mais comment ça va se <traduire...
Mme Prégent (Sophie) :
...tu
sais, parce qu'effectivement, là, l'idée, elle est bonne, mais comment ça va se
>traduire tout ça puis comment ça va fonctionner, ça, pour nous, ce
n'est pas clair encore, là.
Mme Fortin (Christine) : C'est
sûr que la priorité, ça va être d'utiliser 68.6 dans les secteurs où est-ce
qu'il n'y a pas d'entente collective, clairement. Des négociations qui durent
depuis 20 ans, le mécanisme que je vois d'emblée, c'est d'aller au TAT
puis dire : Attention, on est en train de faire la négociation de mauvaise
foi, il y a quelque chose qui ne marche pas, on refuse systématiquement toutes
les demandes, il y a de l'obstruction. On va aller chercher une ordonnance du
TAT pour dire : Ça suffit, assoyez-vous et terminez cette négociation-là.
Donc, ça, c'est une première chose.
Pour le 68.6, moi, en tout cas, à l'Union
des artistes, on va se dire : Bien, quels sont les secteurs à prioriser où
est-ce qu'on n'a pas d'entente collective présentement?
Mme St-Pierre : Mais
vous êtes conscients que le TAT a aussi des délais qui peuvent être longs.
Mme Fortin (Christine) : Ah,
ça peut aller vite au niveau... En tout cas, ça va être beaucoup plus vite
qu'en ce moment, je peux vous le dire. Mais les ordonnances de négociation de
mauvaise foi, ça va très vite, là.
Mme St-Pierre : O.K.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait.Alors, merci. Nous poursuivons cette fois-ci avec la
parole... avec la... Nous donnons maintenant la parole à la députée de
Taschereau. Vous disposez de 2 min 55 s.
Mme Dorion : Moi, je
m'intéresse à l'aspect manquant de l'imputabilité de ceux qui reçoivent des
subventions. C'est vrai, chaque artiste que je connais, là, a des histoires de
producteur qui va chercher des subventions puis qui ne paie pas les artistes, ça
fait que ce n'est pas tous les producteurs, c'est loin d'être tous les
producteurs, mais il y en a, ça existe parce que la loi est floue, parce qu'il
y a une possibilité de faire ça. Donc, moi, je me demande ce serait quoi,
l'idéal, tu sais, parce que, pour les gros producteurs, c'est extraordinaire
qu'on puisse savoir... que l'État surveille est-ce que tu as payé les artistes.
Ce serait quoi, la meilleure manière? Puis, pour les petits producteurs après,
tu sais, pour ceux qui font des shows de théâtre, ils sont quatre, c'est
autoproduit, ils essaient d'aller chercher des sous à gauche, à droite, ils ne
veulent pas avoir une tonne de paperasse, donc, question générale là-dessus, là :
Comment, dans les faits, ça se ferait, cette vérification-là?
Mme Prégent (Sophie) : Mais,
pour les petits producteurs, ce n'est pas un problème, on a tout ce que ça
prend dans nos ententes collectives. On a des artistes entrepreneurs, il y a
même des artistes interprètes qui ne veulent pas nécessairement s'associer à
une association de producteurs. Nous, on fait ça avec eux, tu sais, on les
suit. À Québec, il y a beaucoup de théâtres, entre autres, on le sait, c'est
toutes des petites compagnies de théâtre, on ne fait pas mourir ces gens-là,
là. Donc, il faut quand même une mesure flexible de dérogation, par exemple, à
des ententes collectives, etc. Peut-être que tu pourrais...
Mme Fortin (Christine) : Bien,
c'est exactement ça. Puis, après ça, ils le font d'emblée. Mais, si au moins
dans les programmes de la SODEC ou du CALQ, on dit : Regarde, va chercher
des contrats UDA à l'Union, puis nous, on va faire un plan de match adapté avec
le théâtre en question, ce qu'on fait déjà tous les jours, mais, au moins, ça
va lui donner un incitatif. S'il est obligé de déposer des contrats UDA pour
avoir sa subvention, bien, on va aller tous les chercher, les petits théâtres,
là, puis les gens vont avoir leur filet social. Donc, voilà.
M. Fortin (Luc) : Je
vais vous donner l'exemple des artistes qui ont des demandes... qui ont des
bourses de création du CALQ, on soumet beaucoup plus de redditions de comptes
qu'un gros producteur qui reçoit 200 000 $, parce que, quand tu as
fini ton... quand tu fais ton rapport de bourse, il faut que tu prouves toutes
tes dépenses, de A à Z. S'il te manque quelque chose, tu ne pourras plus avoir
de bourse après. Dans les cas extrêmes, il faut que tu rembourses. Les
producteurs ne sont pas soumis à la même chose. Quelqu'un à la SODEC m'a déjà
dit... je lui avais demandé : Est-ce que vous êtes certain, une fois que
le projet est terminé, que tout le monde a été payé correct? Il me disait :
Non. C'était clair comme de l'eau de roche, parce qu'il n'y a pas de mécanisme.
Aussi simple que ça.
Mme Dorion : Là, vu que mon
deux minutes est quasiment fini : Pour les gros, comment qu'on
ferait? Ce serait quoi, le mécanisme idéal, tu sais, pour vérifier?
M. Fortin (Luc) : Bien,
comme pour les petits, quand tu as fini ton rapport. Tu fais ton rapport puis
tu prouves que tout le monde a été payé, c'est tout. Sans ça, tu n'en auras pas
d'autres après. Voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Il vous restait 20 secondes.
Mme Dorion : Parfait.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est beau? Merci. Alors, nous poursuivons cette fois-ci avec le député de
Matane-Matapédia. Vous disposez, vous aussi, de 2 min 55 s.
M. Bérubé : Merci, Mme
la Présidente. Je veux, d'entrée de jeu, révéler un intérêt : ma conjointe
est membre de l'Union des artistes. Alors, ce que je vais faire, c'est que je
vais offrir tout mon temps à l'Union des artistes pour nous parler d'un élément
qui ne se retrouve pas dans le projet de loi ou un élément qui ne devrait pas s'y
retrouver. Alors, je vous donne tout mon temps pour vous adresser à nous.
Mme Prégent (Sophie) : C'est
trop gentil, M. Bérubé.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...que 2 min 40 s, hein?
M. Bérubé : C'est
l'intention qui compte, Mme la Présidente
Mme Prégent (Sophie) : Vas-y.
Mme Fortin (Christine) : Bien,
moi, je parlerais... Dans notre mémoire, on a parlé des fonctions réputées, à
l'article 1.2, qu'on ne retrouve pas. Nous avons beaucoup d'artistes qui
travaillent dans le milieu de la scène, par exemple, des régisseurs, des
assistants metteurs en scène qui sont toujours non syndicables en ce moment
puisque le 1.2, pour tout ce qui est fonction réputée, est limité au secteur de
l'audiovisuel. Nous, c'est un enjeu important. Il y a des gens qui viennent
nous voir pour avoir des conditions de travail, mais on ne peut pas aller
chercher une reconnaissance pour ces gens-là puisque les fonctions réputées,
donc tous les assistants metteurs en scène, régisseurs... il y a une panoplie
de techniciens, également, qui ne peuvent pas aller chercher une reconnaissance
syndicale puisque l'article 1.2 de la loi actuelle est limité à
l'audiovisuel. Donc, nous, ce qu'on voudrait, c'est élargir à tous les domaines
de production <artistique...
Mme Fortin (Christine) :
...à l'audiovisuel. Donc, nous, ce qu'on voudrait, c'est élargir à tous les
domaines de production >artistique, ce qui pourrait enfin donner la
chance à d'autres artistes d'aller chercher la protection syndicale.
M. Bérubé : D'autres
éléments que vous voulez porter à l'attention de la commission?
Mme Prégent (Sophie) : Bien,
j'ai peut-être un dernier mot. Tu sais, je sais qu'on a l'air un peu de prêcher
pour nos paroisses en disant : Ça prend des contrats Union des artistes ou
ça prend des contrats Guilde, mais la seule façon d'améliorer les conditions
socioéconomiques des artistes, c'est qu'ils soient liés avec nous, c'est comme
ça qu'ils vont avoir des assurances. Puis, au bout de 20 ans, ils sont
contents d'avoir des assurances bronze, argent, platine ou peu importe.
C'est la même chose avec le filet social,
avec le congé payé 4 %. C'est la seule façon, en tout cas, c'est la seule
que je connais. Et ceux qui sont les plus vulnérables, le secteur de la danse,
par exemple, ou même de la musique, c'est les endroits où ils travaillent sans
contrat, parce qu'ils n'ont pas de filet social, parce qu'ils ne réussissent
pas à mettre l'argent de côté, ils n'ont pas de REER, il n'y a pas la part
producteur. La part producteur sur un contrat, c'est 10 % que ça va dans
notre REER, puis plus l'ajout qu'on y fait nous-mêmes. Bien, au bout du compte,
quand tu as un peu travaillé dans la vie, tu as un REER, un REER qui a été payé
par le producteur, puis que nous, on négocie avec la Caisse de sécurité des
artistes d'année en année, à raison de 1 % de plus. Moi, c'est la seule
façon que je connaisse qui puisse améliorer les conditions socioéconomiques des
artistes.
J'entends beaucoup le mot «culture» dans
la vie. Je tiens à dire qu'il n'y a pas de culture sans artiste. C'est tout. Si
Fred Pellerin ne nous racontait pas ses histoires, on ne les connaîtrait pas,
puis notre culture, elle serait autre chose. Elle est ça parce qu'il existe,
parce qu'il vous parle, et que les gens s'identifient à lui. Voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M.
Bérubé
: On a
encore du temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est tout. Non, on n'a plus de temps.
M. Bérubé : ...mais
c'était important de vous révéler mon intérêt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est bien. Alors, merci, Mme Prégent, Mme Fortin, M. Fortin
et M. Lefebvre, pour votre bonne contribution et belle contribution aux
travaux de la commission.
Nous allons donc maintenant suspendre les
travaux, le temps de donner au prochain groupe... de s'installer. Merci
beaucoup. Merci encore.
(Suspension de la séance à 9 h 59)
10 h (version révisée)
(Reprise à 10 h 09)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous accueillons maintenant la Fédération nationale des
communications et de la culture ainsi... qui sont réunis ensemble,
conjointement, les Travailleuses et travailleurs regroupés des arts, de la
culture et de l'événementiel. Mme Charette et Mme Baril-Jannard, je
vous invite à bien vous présenter avant de commencer votre exposé.
Association des professionnels
des arts de la scène du Québec (APASQ), Fédération nationale des communications
et de la culture (FNCC-CSN) et Travailleuses et travailleurs regroupés des
arts, de la culture et de l'événementiel (TRACE)
Mme Charette (Annick) : Bonjour.
Annick Charette, présidente de la Fédération nationale des communications et de
la culture. Je viens du milieu de la télévision et je suis fille de chanteurs
lyriques, donc je connais très bien la condition d'être élevée sous la loi du
statut de l'artiste.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
Bonjour, Mathilde Baril-Jannard. Je travaille pour le service juridique de
la CSN depuis plus de huit ans. Merci de l'invitation.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, vous pouvez commencer votre exposé.
• (10 h 10) •
Mme Charette (Annick) : D'abord,
la FNCC est très, très contente d'être assise ici pour pouvoir discuter de ce
projet de loi avec vous. Et, en tant qu'organisation syndicale, la raison d'être
de la FNCC est d'assurer et de promouvoir la liberté d'association, le droit à
la négociation collective, et la liberté de presse et d'expression, et l'amélioration
des conditions de pratique et de travail de ses membres : des artistes,
des artisans, du milieu de la communication et de la culture en général, y
compris les travailleurs regroupés des arts, de la culture et de l'événementiel.
Dans un premier temps, la FNCC est très
contente de souligner l'aspect historique du projet de loi n° 35 pour l'amélioration
de nos institutions de travail, en premier, et la promotion de la liberté d'association
par l'instauration d'un processus de négociation collective pour les artistes
professionnels exerçant dans les domaines des arts visuels, des métiers d'art
et de la littérature. C'est très important pour nous que nous soyons tous sous un
même régime.
Nous tenons également à mentionner que l'introduction
des dispositions en matière de harcèlement psychologique et sexuel dans la loi
est une avancée essentielle pour le bien-être et la santé au travail des
artistes. Et c'est quelque chose qui me tient particulièrement à coeur. Avec
cette insertion législative, contrer le harcèlement psychologique et sexuel
dans les milieux artistiques ne sera dorénavant plus une monnaie d'échange dans
la négociation des conventions collectives, mais un droit à respecter pour les
artistes et les artisans, les femmes et les hommes qui <oeuvrent dans
ce...
Mme Charette (Annick) :
...
respecter pour les artistes et les artisans, les femmes et les hommes qui >oeuvrent
dans ce milieu et qui ont été sous la loi de l'omerta pendant tant de temps.
D'autre part, nous soulignons
l'élargissement des pouvoirs du Tribunal administratif du travail, notamment à
l'égard de l'entrave à l'intimidation des activités syndicales, de la
négociation de mauvaise foi et des actions concertées. Cet élargissement des compétences
du TAT était d'ailleurs une autre de nos revendications, à la FNCC. Cette
demande est donc comblée et même au-delà de nos attentes, puisque les
associations d'artistes auront désormais un recours en matière de prélèvement
de cotisations syndicales.
En somme, la FNCC considère que... ces
apports législatifs comme étant les plus significatifs du projet de loi n° 35 et, ce faisant, elle désire les voir subsister sans
aucune modification. Par contre, nous avons quelques commentaires sur d'autres
aspects du projet de loi, et je passe la parole à Mathilde ici présente.
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Oui. Donc, bonjour. Ma présentation va axer sur les
modifications et les précisions que la FNCC-CSN recherche dans le cadre du
projet de loi n° 35.
Dans le mémoire qui a été déposé par la
FNCC-CSN le 1er février 2021, la FNCC, la fédération, recherchait en
fait un mécanisme, une adhésion forcée, obligatoire pour les producteurs et les
diffuseurs, dorénavant, en fait, obligation de s'associer à une association de
producteurs ou de diffuseurs. Parce qu'actuellement un producteur ou un
diffuseur non membre d'une association n'est pas lié par les ententes
collectives du secteur. Alors, cette obligation... bien, en fait, cette
adhésion obligatoire aurait permis d'obtenir un régime de rapport collectif
sectoriel, un réel régime de rapport collectif sectoriel.
Le législateur n'a pas pris cette voie, il
a plutôt pris la voie qui est, en fait, l'article 68.6, dont... sur lequel
l'UDA et La Guilde a parlé ce matin. C'est une voie qui est intéressante,
effectivement, surtout dans les secteurs que l'on dit à découvert, notamment le
secteur de la danse, où il n'y a pas d'entente collective, et également c'est
une voie intéressante aussi pour les secteurs où il y a des ententes
collectives, mais, pour... En fait, il pourrait y avoir également une
réglementation qui viendrait lier les producteurs et les diffuseurs non membres
des associations, donc, par exemple, dans le milieu des concepteurs, de
l'Association des professionnels des arts de la scène, où il y a des ententes
collectives. Mais ça fait en sorte que, lorsque les producteurs diffuseurs sont
non membres, l'association d'artistes doit faire une chasse à la négociation
des producteurs, et souvent les productions sont déjà terminées avant même
qu'une entente collective soit conclue.
Par conséquent, un règlement, dans un
secteur où il y a déjà une entente, mais qui lierait les producteurs et les
diffuseurs non membres des associations, permettrait, donc, d'obtenir un peu...
en fait, cette visée d'avoir un réel régime de rapport collectif sectoriel. Bien
entendu, nous espérons que le gouvernement puisse... en fait, exerce ce devoir.
Et là on appuie également la revendication de l'UDA, que ça soit sur demande et
que ça devienne obligatoire lorsque c'est sur demande d'une association
d'artistes.
Alors, à la page 5, également, de
notre mémoire, nous faisons une... c'est la même recommandation que l'UDA, donc,
que les associations d'artistes se sont concertées pour offrir une modification,
en fait, consensuelle à travers les associations d'artistes. Alors, à la
page 5 de notre mémoire, vous avez, donc, la modification que nous
recherchions à l'article 68.5... 68.6, pardonnez-moi.
Deuxième point que nous souhaiterions
avoir une précision, à l'égard du projet de loi, c'est la question du devoir de
juste représentation, qui est instauré à l'article 24.2. Nous tenons
toutefois à indiquer d'emblée que la FNCC-CSN et que la CSN ne remettent
aucunement en question l'importance du devoir de juste représentation
lorsqu'une association syndicale exerce son... en fait, exerce sa
représentation, lorsqu'elle est dans le cadre de sa représentation exclusive.
Or, le projet de loi n° 35
est un calque de l'article 47.2. Nous tenons également, en fait, à
indiquer que ce calque est inexact puisque le Code du travail impose un
monopole de représentation exclusive à l'association... à l'association de
personnes salariées. Et le corollaire de ce monopole de représentation exclusif
est le devoir de représentation. Il n'y a aucun espace de négociation entre une
personne salariée et un employeur. Il n'y a pas de négociation individuelle.
Dans le contexte bien particulier de la
loi S-32.1, il y a un espace de négociation entre un artiste et un
producteur. Par conséquent, l'association d'artistes n'a pas un monopole de
représentation exclusif. Alors, la disposition 24.2 doit refléter ce
particularisme et cette idiosyncrasie.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci. Nous poursuivons, cette
fois-ci, avec l'Association des professionnels des arts de la scène du <Québec,
avec M. Delorme...
La Présidente
(Mme IsaBelle) :
...l'Association des professionnels des
arts de la scène du >Québec, avec M. Delorme-Bouchard...
M. Delorme-Bouchard
(Cédric) : Merci. Bien, je commencerais tout de suite en disant que j'appuie
les revendications... En fait, je présente aussi Mme Viviane Morin,
directrice générale de l'APASQ. Cédric Delorme-Bouchard, président de l'APASQ.
Donc, nous appuyons, évidemment, les
revendications de nos collègues de la FNCC et de l'UDA, aussi de La Guilde des
musiciens, qui sont passés juste avant nous.
Durant le temps qui m'est imparti, ce que
j'aimerais, c'est pointer sur une particularité qui est vraiment au domaine des
personnes conceptrices, donc des artistes concepteurs. Et ici je parle comme
président de l'APASQ, mais aussi comme artiste concepteur. Je suis scénographe,
metteur en scène, j'ai signé quelque 300 conceptions de théâtre, de danse,
d'opéra, autant à Québec qu'à l'étranger. J'enseigne la conception au niveau
collégial, universitaire, c'est mon domaine, c'est mon univers, donc c'est de
ça que je viens vous parler aujourd'hui.
Présentement, dans le projet de loi, il y
a un angle mort pour les artistes concepteurs, et ça faisait partie d'une des
recommandations déposées par l'APASQ dans le mémoire de janvier 2021, qui était
d'élargir la définition d'artiste pour inclure la portion conception et la
portion réalisation. Et là c'est vraiment quelque chose qui est propre au
domaine des artistes concepteurs de théâtre, scénographes, concepteurs
costumes, concepteurs lumières, compositeurs musique pour les arts de la scène,
etc.
Donc, pour bien comprendre la différence,
la portion conception... si on prend une personne conceptrice de costumes, par
exemple, la portion conception, ça va être l'étape d'idéation, de croquis, d'esquisse
et du dessin de toutes ces maquettes qui vont représenter l'ensemble des
éléments de costumes d'une production. Évidemment, ça s'applique à tous les
métiers, je prends costumes en exemple. Lorsqu'on rentre dans la phase de
réalisation, présentement on cesse d'être reconnus comme des artistes au sens
de la loi, donc on n'est plus couverts par cette portion, contrairement à la
loi de l'audiovisuel, où les concepteurs, les artistes sont reconnus comme
artistes du début à la fin du processus. Ça, c'est une différence majeure, et
ça crée d'énormes iniquités dans le milieu.
Je reviens à l'exemple d'un artiste
concepteur de costumes. Donc, à partir du moment qu'on rentre en réalisation,
en fabrication, on ne se poserait pas de question si on est en présence d'un
artiste peintre qui applique de la peinture sur sa toile, d'un sculpteur qui
qui manipule l'argile pour lui donner forme, c'est la même chose. L'artiste
concepteur fait appel à son savoir-faire et aussi à son idéation du projet pour
lui donner forme par le médium qu'il maîtrise, que ce soit la lumière, l'espace,
le costume, etc.
Donc, à partir de ça, ça cause deux grands
problèmes pour le domaine de la conception. Le premier, à partir de la phase de
réalisation, comme on n'est plus considérés comme artistes concepteurs, les
associations d'artistes, on n'a pas de moyens d'aller négocier des conditions
de travail pour cette portion-là, et malheureusement ça représente... La
portion réalisation commence très, très tôt dans le processus, donc, à partir
du tiers et même, des fois, du quart du calendrier de production, on n'est plus
des artistes. Et, toute cette portion-là, les associations ne peuvent pas
négocier des cachets décents, des conditions de travail décentes. Et, même si
ça se passe bien avec certains producteurs, dans d'autres domaines, ça peut
arriver que les artistes sont très mal payés, voire parfois, même, la
rémunération disparaît complètement, il n'y a pas moyen de réussir à se faire
rémunérer pour ce travail qui est obligatoire et qu'on ne peut pas séparer de
la conception. C'est deux choses qui vont ensemble. On essaierait de diviser
ces deux aspects entre deux personnes différentes, on n'y arriverait pas, c'est
inclus à l'intérieur. La conception inclut de la réalisation.
J'arrive à mon 3 min 30 s, je
terminerai avec... On n'est pas non plus couverts au chapitre III sur la
loi pour la... bien, en fait, pour la protection contre le harcèlement
psychologique. Donc, on cesse, dans la nouvelle loi, d'être protégés pour
harcèlement psychologique au tiers du contrat. Merci.
• (10 h 20) •
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, merci pour vos exposés très instructifs.
Nous allons maintenant, effectivement, débuter la période d'échange avec Mme la
ministre. À vous la parole, vous disposez de 17 min 30 s.
Mme Roy : Merci. Merci
beaucoup d'être là. On s'est vus, la plupart d'entre nous, en Teams, on en a
fait, des réunions, cet hiver, et on a discuté de beaucoup de choses. Et merci
pour votre présentation. La présentation... je n'avais pas la présentation écrite
de ce que vous venez de me dire, mais il y a matière à réflexion, on a pris des
notes.
Maintenant, j'aimerais savoir... plus
techniquement, vous avez commencé à en parler du côté de la FNCC, entre autres,
vous proposez un amendement, puis là on rentre vraiment dans le corps du sujet,
parce qu'on n'avait pas terminé, à l'article 24.2 du p.l. n° 35,
ce fameux article qui nous parle de la représentation. Vous nous dites... Je
vous apporte à la page 6, vous nous recommandez une modification sur le
juste devoir de représentation, puis la modification que vous nous demandez de
faire, elle est différente de celle qui a été faite ou présentée juste avant
par l'UDA et La Guilde, entre autres. Vous nous dites, et c'est votre
modification : «Une association d'artistes reconnue ne doit pas agir de <mauvaise
foi ou de...
Mme Roy :
...
modification : «Une association d'artistes reconnue ne doit pas agir de >mauvaise
foi ou de manière arbitraire, discriminatoire ni faire preuve»... Attendez un
petit peu, je ne veux pas... je veux être au bon endroit. Oui. Alors, je
poursuis : «...arbitraire, discriminatoire ni faire preuve de négligence
grave à l'endroit des artistes visés par une entente collective ou lorsqu'une
entente prévue à l'article 26.1 a été conclue, à laquelle l'association
est partie, peu importe qu'il soit membre ou non.» Donc, cet amendement que
vous proposez à 24.2, on n'en avait pas parlé, mais il est dans votre mémoire.
Pourquoi est-il différent de celui qui a été proposé par les collègues de La Guilde
et de l'UDA?
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Oui,
je vais y aller pour... Ou tu veux commencer?
Une voix : Vas-y, vas-y.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Donc,
j'y vais parce que c'est un point assez technique. Mais c'est que
l'article 26.1 actuel de la loi prévoit qu'«à compter du moment où l'avis
de négociation prévu à l'article 28 a été transmis, une association
reconnue d'artistes et une association de producteurs ou un producteur ne
faisant pas partie d'une association de producteurs peuvent convenir par écrit
qu'un producteur devra retenir, sur la rémunération», la cotisation syndicale.
Alors, s'il y a une entente de cette nature-là, suivant l'avis de négociation,
une cotisation syndicale est donc prélevée sur le cachet que reçoit... sur le
montant, la rémunération que reçoit un artiste.
Par conséquent... et je me suis basée sur
les enseignements du Pr Jean-Yves Brière, c'est que, pour lui, la cotisation
syndicale est aussi une contrepartie au devoir de juste représentation.
Lorsqu'une personne salariée donne une cotisation syndicale, alors là c'est...
en fait, il dit que «l'intégration de l'obligation»... «En effet, cette
obligation syndicale serait, en quelque sorte, la contrepartie de l'obligation
faite à chaque salarié de contribuer aux frais collectifs.»
Alors, la FNCC se disait donc, et c'était
un souci des associations d'artistes, que le devoir de juste représentation
s'applique dans un cas où il n'y a aucune cotisation syndicale, notamment
lorsque... considérant qu'il n'y a pas d'entente collective. Toutefois, si une
telle entente est faite, bien, il y a une cotisation syndicale qui est perçue
sur la rémunération de l'artiste. Alors, c'est pour ça que nous avons mis cette
distinction-là. Donc, le devoir de juste représentation débuterait à ce
moment-là, puisque les personnes artistes déboursent déjà des cotisations
syndicales. Alors, c'était, pour nous également, un compromis qu'on verrait.
Mme Roy : Merci. Je vous
ramène à la page 5 de votre mémoire, encore, toujours sur le devoir de
juste représentation qui, lui, est l'article 15 du projet de loi
n° 35. Vous nous dites : «La disposition 24.2 est, en somme, un
calque de la disposition 47.2 du Code du travail.» Vous avez totalement raison.
C'est exactement ce qu'on a fait, et on l'a fait parce qu'entre autres c'est un
projet de loi qui a été travaillé avec trois ministères : le ministère de
la Culture, avec les spécialistes au ministère de la Culture, avec également
les spécialistes de la direction des affaires juridiques du gouvernement, donc
le ministère de la Justice, et avec les collègues juristes du ministère de
l'Emploi, du Travail. Et ces collègues nous ont dit : Ça va nous prendre
cet article-là, parce qu'il est important.
Mais vous arrivez en disant : Faites
attention, ici, on est... Et c'est vrai, vous avez raison, je vous le dis, là,
d'entrée de jeu, vous avez raison, puis les deux autres groupes ont fait la
même remarque ce matin, vous avez raison, on a fait une adaptation peut-être un
peu trop identique à l'article 47.2, et je crois qu'il y a des adaptations
qu'on pourrait faire, compte tenu du fait, entre autres, que... ce fameux
corollaire, là, du monopole de la représentation est exclusif quand on parle de
salariés.
Mais, dans le cas présent, c'est ça qui
est extrêmement important de comprendre, les artistes ne sont pas des salariés
au sens de la loi, ils sont des travailleurs autonomes. C'est une loi
d'exception qu'on est en train de créer, sur laquelle on travaille. C'était
déjà une loi d'exception. Et je pense vraiment que vos remarques à cet égard-là
sont judicieuses, tout comme les deux autres groupes qu'on a entendus. Alors,
sachez-le, là, je pense qu'il y a des adaptations qui pourraient s'imposer, et
je vous invite à élaborer sur les adaptations que vous aimeriez voir, parce
qu'il est important, cet article 47.2. Alors, quelles sont les adaptations
que vous aimeriez y voir?
Mme Charette (Annick) : On en
a parlé, mais je vais laisser Mathilde, qui a le langage juridique un peu plus
évolué que le mien, vous en faire part.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Bien,
en fait, c'est vraiment... les adaptations que nous souhaiterions voir à
l'article 24.2, c'est vraiment la modification qu'on vous propose à la
page 6 de notre mémoire. Pour nous, dans ce contexte-là... Le législateur
québécois a déjà fait, dans d'autres régimes particuliers de rapports
collectifs... Et là je pense notamment à la loi sur les relations de travail
dans le milieu de la construction, à l'article 27, où on importe également
le devoir de juste représentation dans cette loi-là. Le législateur, à ce
moment-là, a choisi le vocable «avec les adaptations nécessaires», donc, pour
refléter le particularisme, l'idiosyncrasie de ce régime qu'est... ce régime
particulier qui <s'applique au...
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) :
... particularisme, l'idiosyncrasie de ce régime
qu'est... ce régime particulier qui >s'applique au milieu de la
construction. Toutefois... Donc, le législateur aurait pu prendre cette
voie-là.
Toutefois, on vous soumet une voie plus
précise, parce qu'il est clair que, dans certains secteurs où il n'y a pas
d'ententes collectives... C'est qu'il faut comprendre que l'association
d'artistes exerce son pouvoir de représentation exclusif lorsqu'elle négocie
une entente collective et lorsqu'elle applique les conditions minimales d'une
entente collective. Alors, c'est pour ça qu'à l'article 22.2 nous
souhaiterions avoir, à l'instar de l'UDA, que... cette précision-là que les
artistes visés par une entente collective... Et on a également rajouté notre
petite subtilité CSN-FNCC sur l'entente prévue à l'article 26.1. Mais
c'est vraiment... ce sont les modifications que nous souhaiterions avoir.
Mme Roy : Merci. Et on
va travailler ensemble pour que tout soit plus précis à cet égard. Je vais vous
dire ça comme ça. Je ne peux pas présumer de rien, mais on est là pour vous
aider, on est tous là pour vous aider.
Mme Charette, je voudrais vous parler
de deux choses. D'abord, dans votre mémoire, vous dites : Des
recommandations non prises en considération. Puis je vais le dire tout de
suite, d'entrée de jeu, vous nous avez demandé que les journalistes
indépendants soient sous l'égide de la loi sur le statut de l'artiste. On en a
parlé ensemble. Mme la députée de l'Acadie, vous avez été journaliste une bonne
partie de votre vie, moi également, et ce que nous... C'est beaucoup, hein? Donc,
vous connaissez le travail. Et, pour nous, les journalistes ne sont pas des
artistes. On veut vraiment aider les artistes, alors c'est la raison pour
laquelle... Mais il y aura d'autres choses, on peut aider les journalistes de
différentes façons. Mais je voulais le spécifier, parce qu'on a une sensibilité
à l'égard des journalistes également.
Par ailleurs, Mme Charette, j'aimerais
savoir dans quelle mesure... Puis vous nous disiez, d'entrée de jeu, que ça
vous avait particulièrement touchés, les... vous tenez particulièrement aux
mesures qui font en sorte que nous allons transposer les dispositions de la Loi
sur les normes du travail qui concernent le harcèlement psychologique, le
harcèlement sexuel dans cette loi pour les artistes. Expliquez-nous
concrètement qu'est-ce que ça va changer pour les artistes, selon votre lecture
du p.l. n° 35.
Mme Charette (Annick) : Bien,
ça va officialiser ou peut-être faire la promotion qu'il existe un filet à cet
égard-là dans le milieu de la communication et de la culture, qui est un milieu
qui a été, ma foi, assez interpelé sur ce type de conditions de harcèlement
sexuel et psychologique. Et je pense que ça marque d'une pierre le fait que
maintenant, notamment au niveau des conventions collectives, quand il fallait
«trader» des dispositions de prévention en matière de... — excusez
l'anglicisme — matière de prévention de harcèlement psychologique et
sexuel contre d'autres dispositions, quand les associations négociaient avec
les producteurs... je pense que le fait que ce soit maintenant à l'intérieur de
la loi, ça enlève cette chose-là d'un aléatoire possible, donc ça devient
officiel.
Et c'est un message fort important pour
l'ensemble du milieu, d'entendre que des artistes... Parce que les artistes
sont toujours... participent à quelque chose qui sont souvent plus grand que
soi. Ils sont en relation de dépendance au niveau de pouvoirs, souvent... Si tu
veux exister comme artiste, tu dois être produit, tu dois pouvoir te faire
entendre, te faire voir, te faire lire, te faire... donc, tu dépends toujours
d'un tiers, le tiers étant le producteur, le metteur en scène qui va te
choisir, l'éditeur qui va t'éditer. Et ce tiers-là a toujours un rapport de
force prédominant sur plusieurs aspects, dont celui-là. Et, je l'ai dit dans un
autre contexte, la loi de l'omerta doit terminer, dans ces milieux-là, à cet
égard-là. Et je pense que ceci va marquer d'une pierre, je vous en remercie à
cet égard-là.
• (10 h 30) •
Il y a d'autres dispositions, d'ailleurs,
qui ont été instaurées par le projet p.l. n° 59,
qui est devenu la loi n° 27, qui vont devoir,
j'en ai parlé avec Mme Doucet... Il y a une harmonisation qui va devoir se
faire aussi sur certaines normes de la loi du travail qui vont pouvoir se
répercuter là-dedans. Je ne sais pas encore lesquelles, parce qu'on n'a pas eu
le temps de le faire comme exercice, ni de votre côté, mais ça, ça va
s'associer à ça.
Pour l'AJIQ, je ne pouvais pas faire
d'économie de ne pas parler, on a eu cette conversation, je vous l'accorde, et
on va continuer à travailler avec Me Baril-Jannard, ici. On a des choses sur
lesquelles on va vous voir à cet égard-là, mais c'était quand même des gens qui
sont sans filet social, comme beaucoup d'artistes sont sans filet social. Donc,
c'était important de les mentionner à cet égard.
L'autre chose, la reddition de comptes, vous
en avez entendu parler dans ce qui n'a pas été... dans nos choses qu'on
souhaitait voir et qui n'est pas là, on comprend qu'il y a peut-être d'autres
mécanismes, mais le fait d'être dans la loi, ça empêcherait que ces
mécanismes-là ne puissent pas être mis en place ou être soumis à la volonté de
certains dirigeants qui voudraient ne peut-être pas vouloir les promouvoir.
Donc, la reddition de comptes est très importante.
Moi, j'ai travaillé pendant des années
dans le milieu de la télévision. Ce n'est pas qu'il n'y a pas de reddition de
comptes, notamment en audiovisuel, de producteurs qui reçoivent de l'argent, il
y en a une certaine forme, parce qu'évidemment ils doivent fournir des états
financiers vérifiés. Mais il n'est pas dit dans ces états financiers là que ça
a respecté des ententes minimum, c'est le step au-dessus, la marche qu'on doit
monter pour avoir ces redditions de <comptes là...
>
10 h 30 (version révisée)
< Mme Charette (Annick) :
...que
ça a respecté des ententes minimums, c'est le step au-dessus, la marche qu'on
doit monter pour avoir ces redditions de >comptes là, à l'image de ce qu'elles
devraient être, c'est-à-dire tenir compte des artistes, qui sont la matière
première de toute production culturelle et l'essence de notre vitalité, je
dirais, identitaire québécoise.
Mme Roy : ...Mme Charette.
Je vous voyais hocher la tête, monsieur, quand Mme Charette parlait des
dispositions pour contrer le harcèlement et le harcèlement psychologique et
sexuel. Et, du côté des arts de la scène, dans quelle mesure l'adoption de ces
articles, que nous souhaitons, vont vous aider concrètement, là?
M. Delorme-Bouchard (Cédric) :
Bien, évidemment, on disait le rapport avec le producteur, le metteur en scène,
avec toute personne en position d'autorité pour programmer un artiste, pour l'inclure
dans une saison officielle. Je pense qu'on ne peut même pas comparer ça à un
rapport traditionnel entre un employeur et un salarié. Le pouvoir d'un
producteur, d'un metteur en scène d'engager ou non, de choisir ou non a un
impact sur une carrière, c'est immense. Donc, le pouvoir qui est conféré est
très, très grand. Le fait qu'il n'y ait aucune protection pour harcèlement psychologique,
c'est un angle mort immense.
Et, comme je le disais à la fin, aussi, la
portion très spécifique aux artistes concepteurs, donc toute personne
conceptrice pour les arts de la scène, présentement, fait aussi qu'à partir d'un
moment dans le calendrier... comme je disais tout à l'heure, ça arrive très tôt
dans le processus. Parce que la portion réalisation, ce n'est pas ce qui arrive
une semaine avant la représentation, ça commence des fois deux semaines...
pas deux semaines, deux mois après le début du processus, on tombe en
réalisation. Il nous reste un an de travail, ce qui fait que cette portion-là
n'est plus couverte. Et, s'il y a des problèmes de harcèlement qui vont
apparaître, ce ne sera peut-être pas dans les deux premiers mois du projet
et, au contraire, ça risque de se concrétiser surtout dans la ligne finale,
dans les moments de grand stress, dans les moments de pression, dans les
moments où la première approche, dans les moments où les échéanciers, les
contraintes budgétaires, la réalité rattrape le projet, et c'est dans ces
moments-là que ça risque d'arriver.
Donc, la section III, le chapitre III
de la nouvelle loi permet de protéger en partie, mais, pour les artistes
concepteurs, il faut penser à eux jusqu'à la fin du processus de création, et
pas seulement en début uniquement, sinon on retomberait comme dans l'ancienne
loi, on retomberait, les personnes conceptrices, non couvert à la moitié du
parcours.
Mme Roy : Une précision. Mme
la Présidente, il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Quatre minutes.
Mme Roy : O.K. Je vais y
aller avec une autre question, qui est plus pointue, qui est plus technique, mais
vous êtes la FNCC, vous connaissez le droit du travail, alors c'est pour vous.
Vous avez remarqué qu'on a ajouté, dans le projet de loi, l'article 42,
une interdiction de représailles à l'encontre d'un artiste qui exercerait un
droit prévu. Est-ce que ça aussi, c'est quelque chose qui va aider les artistes
concrètement? Dans quelle mesure? Pourquoi? Avez-vous des exemples?
Mme Charette (Annick) : Bien,
c'est certain, parce qu'on l'a... je l'ai mentionné, d'ailleurs, peut-être
rapidement, en entrée de jeu, là, mais c'est certain que ça va aider. Parce qu'à
partir du moment où tu as la sensation ou le sentiment que tu as une certaine
protection tu vas peut-être faire un pas en avant pour t'autoreprésenter dans
des intérêts que tu as. Mais, Mathilde, tu veux peut-être... d'autre chose à
rajouter là-dessus. Mais c'est vraiment essentiel aussi, là, comme dans les
milieux de travail, quand tu es protégé de ton droit de faire une action pour
faire valoir tes droits, c'est essentiel.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Si
je peux me permettre, en fait l'article 42 qui est instauré par l'article 24,
effectivement, c'est un article qui est très similaire également à l'article 15
et suivants du Code du travail pour contrer les mesures de représailles dans
les milieux de travail. Et c'est certain que l'article 42 de la loi est
une illustration... en fait, permet de concrétiser l'exercice de la liberté d'association
puisqu'on... en fait, on insère, on met, on interdit, on prohibe un tel
comportement d'un producteur à l'égard des personnes artistes. Alors, très... Il
est certain que, pour la FNCC, et même l'APASQ, que j'en suis certaine, si une
personne artiste exerce un droit à l'égard de cette loi-là, disons qu'il exerce...
il fait une plainte pour harcèlement psychologique, donc, et que ça passe mal
auprès d'un producteur, la personne de... Cédric Delorme-Bouchard vous l'a dit,
le pouvoir d'un metteur en scène et d'un producteur à l'égard d'une personne
artiste, sur sa carrière, est immense. Alors, ce type de recours là va
permettre ainsi aux personnes artistes, en fait, de mieux survivre. Donc, c'était
vraiment... c'était également... Dans notre mémoire, nous soulignons <également...
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
...nous
soulignons >également cet apport-là de la loi.
Puis j'avais... Si je peux me permettre,
Mme la ministre, c'était simplement pour supporter également les propos du
président de l'APASQ à l'égard des dispositions de harcèlement psychologique.
C'est que la loi... en fait, la loi, à l'article 1.2, et ça, ça a été
instauré en 2009, là, pour les personnes de l'audiovisuel, donc les
personnes qu'on dit techniciennes, donc en 2009, pour des considérations,
disons, économiques, en ce sens que le législateur québécois avait éclairci le
régime de rapports collectifs qui s'appliquait aux artistes suivant le conflit...
en fait, le conflit qui est survenu dans le milieu du cinéma, mais les
personnes des arts, par exemple, ne sont pas visées par un tel élargissement de
la notion d'artiste. C'est pourquoi, lorsqu'ils font la réalisation, ils ne
sont pas couverts par la loi. Et donc c'est certain que c'est un écueil majeur
du projet de loi n° 35, et nous en discutons d'ailleurs dans notre
mémoire. Je vous remercie.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
ne reste que 20 secondes.
Mme Roy : 20 secondes...
Vous n'aurez pas le temps de répondre à mes questions. Je laisse aux
oppositions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Alors, nous poursuivons cette fois-ci avec la députée de
l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci, merci
beaucoup. Alors, merci d'être parmi nous ce matin. C'est très intéressant de
vous entendre, mais je suis vraiment restée sur la notion d'introduire dans la
loi la protection aussi des concepteurs, comme c'est le cas pour l'audiovisuel.
Donc, ça serait un amendement qui irait à l'article 1.2, c'est-à-dire de
l'inclure... — peux-tu me remonter mon article, s'il vous plaît? Donc,
ici, ça dit : «1.2. Dans le cadre d'une production audiovisuelle
mentionnée à l'annexe I, est assimilée à un artiste», puis là on donne
toutes les fonctions, les fonctions liées à la conception, la planification, la
mise en place ou la réalisation de costumes, de coiffures, de prothèses, de
maquillages, de marionnettes. Ça, c'est pour l'audiovisuel uniquement, et vous
n'êtes pas inclus dans cette catégorie-là. Alors, ça serait assez simple, là,
de le faire. Vous avez dû en faire des représentations quand il y a eu la
conception de ce projet de loi là. Ça fait quatre ans, là, que le
ministère est là-dessus. Pourquoi vous n'avez pas été entendus, vous pensez?
Mme Morin (Viviane) : Je peux
y aller. Bien, je ne veux pas présumer de rien, mais, à l'APASQ, on est une
toute petite association, on représente 280 artistes. On n'est pas donc,
j'imagine, les plus entendus ou... bon, tu sais, c'est qu'est-ce que je pense.
Une voix : ...
Mme Morin (Viviane) : Bien,
on essaie, on essaie. Mais peut-être qu'on ne nous entend pas aussi bien que
d'autres parce que, surtout, on représente des personnes qui sont derrière la
scène, donc qui sont dans les... tu sais, plus dans les coulisses, qui
travaillent... tu sais, qui ne sont pas au-devant de la scène. Ça fait que ça a
peut-être... ça a peut-être un lien.
Mais effectivement, quand les personnes
conceptrices... Dans nos ententes collectives, quand ils sont la portion
conception, ils sont couverts, on peut négocier des ententes collectives. Mais,
la portion réalisation, qu'est-ce qui est mentionné dans nos ententes, c'est
que ça ne fait pas partie du cachet de conception, et il y a un budget de
réalisation qui est entendu entre la personne conceptrice et le producteur. Et
les budgets sont tellement petits, et ça vient souvent sur les épaules de la
personne conceptrice de budgéter, et, à la fin de ça, il ne reste, aussi, pas
nécessairement de montant pour se payer. Puis il y a beaucoup de producteurs
qui pensent que le travail de réalisation va être couvert par l'entièreté du
cachet de conception. C'est une méconnaissance des ententes collectives,
qu'est-ce qui fait qu'ils sont très peu rémunérés ou pas rémunérés des fois
pour la réalisation.
Bref, donc, à partir du moment où ils
réalisent, ils ne sont plus considérés comme des artistes. Mais Cédric pourra
l'expliquer, le travail de conception, même si la réalisation n'est pas
incluse, la plupart des personnes conceptrices réalisent leurs conceptions, et
c'est...
Mme St-Pierre : ...
Mme Morin (Viviane) : Oui,
mais la conception est là pour les personnes conceptrices, mais pas la
réalisation. Et, pour l'audiovisuel, la réalisation, elle est là.
Mme St-Pierre : Oui, c'est
ça.
• (10 h 40) •
Mme Morin (Viviane) : C'est
ça. C'est la portion qui nous manque pour être reconnus du début à la fin comme
un artiste.
Mme St-Pierre : Oui, M. Delorme?
Je pense que vous vouliez ajouter quelque chose… Mais là vous êtes conjoints
dans cette portion-là de nos consultations avec la CSN. Est-ce qu'on peut
imaginer que c'est la CSN qui pourrait vous représenter? Vous avez dit que vous
êtes une petite association.
Mme Charette (Annick) : L'APASQ
est sous le chapeau... est un des membres de la FNCC.
Mme St-Pierre : O.K. Donc,
c'est...
Mme Charette (Annick) : Et,
dans le mémoire que nous avons produit...
Mme St-Pierre : Oui, bien,
vous en parlez dans votre mémoire, justement.
Mme Charette (Annick) : Dans
celui-là, mais, dans celui qu'on a produit précédemment aussi, on en a parlé...
Mme St-Pierre : Ah! l'autre
avant, l'autre qu'on n'a pas vu.
Mme Charette (Annick) : ...et
c'est une représentation qu'on a faite de <façon...
Mme Charette (Annick) :
...qu'on
a faite de >façon constante. Est-ce que ça n'a pas été entendu dans sa
subtilité? Peut-être, mais je pense qu'aujourd'hui la subtilité est plus... est
moins subtile et plus évidente.
Mme St-Pierre : Bien, moi,
j'invite à ce qu'on le fasse puis je pense qu'il faut le faire. Parce que j'ai
été là quand on l'a fait pour l'audiovisuel en 2009, et ça a été un gros
plus puis ça a été... Puis je peux vous dire que les producteurs qui sont venus
en commission parlementaire disaient : Ça va arrêter les productions, il
n'y aura plus de production, ça va être bien épouvantable, puis ça ne s'est pas...
ça ne s'est pas produit du tout. Puis mon estimée amie, madame... il y avait
Mme Solange Drouin qui était vraiment montée aux barricades, puis je
l'aime beaucoup, mais ça... on prédisait le pire, et ce n'est pas arrivé. Alors,
je pense qu'il y en a qui peuvent en témoigner, là, qui sont ici, dans la
salle, là, peuvent en témoigner que le pire n'est pas arrivé. Alors, moi, je
pense qu'il faut absolument que la ministre et son équipe se penchent sur cette
possibilité-là. C'est un oubli qui est regrettable, à mon avis, et c'est
important de le faire.
Sur la question du harcèlement sexuel et
psychologique, je suis d'accord puis je trouve que c'est vraiment important de
l'inclure dans la loi, mais l'artiste qui va subir ça, est-ce qu'il va avoir...
est-ce qu'il va être capable, encore aujourd'hui, avec tout ce qui a été... ce
qui s'est passé dans les médias dans les dernières années, même s'il est
enchâssé dans la loi, puis, je pense, il faut que ça le soit... est-ce qu'on
peut penser qu'il va encore hésiter à aller déposer une plainte pour
harcèlement sexuel et psychologique?
Mme Charette (Annick) : Je
pense qu'il y a quelque chose d'important à... La nature humaine va toujours
être la nature humaine. À la FNCC, on a lancé une étude dernièrement pour... avec...
en collaboration avec le Département des sciences juridiques et le département
des sciences sociales de l'UQAM, pour documenter, en fait, la loi de l'omerta
dans nos milieux de communication et de la culture, à cet égard-là, c'est
vraiment le but de l'opération, c'est ça, dans une condition de rapport de
force, parce que c'est... précarité, les liens de précarité et de rapports de
pouvoir. Donc, nous espérons que ces résultats-là vont nous aider à illustrer
et à faire de l'éducation dans nos milieux pour faire reculer ça. Le fait que
ce soit dans la loi, c'est quelque chose qu'on peut évoquer, alors que tu ne
pouvais pas l'évoquer de façon... c'était silencieux avant.
Je pense qu'il y a une force quand même à
mettre ça dans la loi. Tu sais, je l'ai dit dans un autre contexte, la loi ne
précède jamais la société, mais je pense que la société ici est rendue là et
que la loi y répond en ce moment, et c'est... je le salue encore.
Mme St-Pierre : Vous avez
parlé, la ministre l'a mentionné aussi, de la question des journalistes
indépendants. C'est une question qui, je pense, est encore plus d'actualité
aujourd'hui que dans mon temps, puis je me souviens qu'on en avait discuté.
Moi, j'avais voulu, à l'époque, introduire la notion d'un statut de journaliste
professionnel, ce n'était pas un ordre professionnel, c'était un journaliste
professionnel. Je vous fais un petit sourire parce que la CSN n'avait pas voulu
accompagner le processus. Mais effectivement je pense qu'aujourd'hui, avec la
multiplication des réseaux sociaux et des médias, il faut accorder une
protection aux journalistes indépendants, c'est majeur, majeur, majeur.
Pourquoi on ne pourrait pas, justement... La ministre a dit : Il va y avoir
quelque chose pour les journalistes indépendants puis c'est une loi pour les
artistes, mais on pourrait faire un chapitre pour les journalistes
indépendants. Est-ce que vous auriez une idée d'amendement qu'on pourrait
apporter?
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Bien,
en fait, à mon sens, ça serait dans la définition d'artiste, donc c'est qu'on
mettrait... on inclurait également, dans la notion d'artiste, la question des
journalistes indépendants.
Mme St-Pierre : Et ça serait tout
à fait faisable dans l'esprit de la loi, selon vous?
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Oui,
exact, avec les adaptations nécessaires, s'il doit y avoir, là, entre les
milieux journalistiques et culturels. Mais, de cette façon-là, en les incluant dans
la définition de ce qu'est une personne artiste... Puis les journalistes
contribuent à la culture, là, très certainement, dans une certaine façon.
Mme St-Pierre : En effet, je
suis bien d'accord avec vous.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Alors,
ils pourraient bénéficier de cette façon-là de la loi.
Mme St-Pierre : Puis, pour la
négociation, ça serait... les vis-à-vis seraient qui? Parce que le journaliste
indépendant, il peut travailler pour plusieurs médias.
Mme Charette (Annick) : Bien,
de la même façon que les artistes négocient avec plusieurs producteurs ou
plusieurs associations de producteurs, je pense qu'il faudrait négocier avec
l'ensemble des...
Mme St-Pierre : O.K. Des
acheteurs de contenu?
Mme Charette (Annick) : ...des
embaucheurs pour les journalistes indépendants. Mais notre préoccupation pour
les journalistes indépendants, c'est l'absence totale, totale de rapport de
force, et l'absence totale de filet de protection sociale, et les conditions de
pratique qui sont de moins en moins évidentes.
Mme St-Pierre : Bien, je
pense qu'on a l'occasion ici... Déposer une loi, ce n'est pas simple, ça prend
du temps, celle-là a pris quatre ans. Essayer de vraiment donner gain de
cause aux journalistes indépendants, moi, je plaide pour ça. J'appelle la
ministre à faire... à poser un geste. Et on pourrait, je suis convaincue,
l'écrire... l'inclure dans la loi. Puis, s'il faut changer le titre de la loi,
on pourra le changer, mais je pense que c'est... le <temps...
Mme St-Pierre :
...mais
je pense que c'est... le >temps est venu pour une telle protection.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
Pour votre réflexion, il y a le rapport Payette qui...
Mme St-Pierre : Que
j'avais commandé.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
Oui, que vous avez commandé et qui donne également beaucoup de
recommandations, notamment l'instauration d'un régime qui est similaire à la loi
sur les artistes. Ça fait que... Donc, concrètement, il pourrait y avoir
introduction dans la définition d'artiste et un chapitre peut-être plus précis
pour la question des journalistes, ou en annexe. Donc, ça serait des
possibilités, là.
Mme St-Pierre : Merci
beaucoup. Il me reste deux minutes. Bon, bien, je pense que j'ai fait le
tour, moi, pour mes questions de ce côté-là. Je vous remercie beaucoup. Je vous
félicite, M. Delorme-Bouchard, pour votre carrière, parce qu'on vous
définit comme étant une étoile montante, et vous êtes.... Et,
Mme Charette, je veux en profiter parce que ça a été public, je veux vous
féliciter pour votre courage et parce que, dans la loi, bien, on retrouve un
peu de vous là-dedans, je pense, puis du courage que vous avez eu, puis vous
avez donné l'exemple, vous allez donner l'exemple encore. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons cette fois-ci avec la députée de Taschereau.
Vous disposez de 2 min 55 s, mais on pourra aller un peu plus.
Mme Dorion : Mon Dieu! Je
n'utiliserai jamais tout ça. Pour parler du dorénavant fameux
article 68.6, moi, je suis intéressée de savoir... tu sais, c'est
superintéressant, la notion de... que, par règlement, on puisse fixer des
conditions de travail minimales, surtout quand il y a une pléthore de
producteurs et que, là, c'est impossible d'y aller à la pièce. Mais je commence
à voir que ça fait... ça comporte aussi... bien, il y a des inquiétudes par
rapport à ça. Qu'est-ce qu'on veut... puis c'est écrit dans votre mémoire.
Qu'est-ce qu'il faut éviter avec ça? Qu'est-ce... Tu sais, on voit : «Cette
capacité — d'appeler pour qu'il y ait un règlement, de demander au
ministre qu'il y ait un règlement — devrait être réservée aux
associations d'artistes.» Spontanément, j'en suis, mais expliquez-nous
pourquoi. Puis on veut éviter quels problèmes aussi? Ça fait que comment est-ce
que ça pourrait être spécifié, ce mécanisme-là, pour que ça serve le bien
commun, finalement, des artistes?
Mme Charette (Annick) : Le
bien commun étant le mot à retenir ici. Mathilde.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
Bien, le fait que ça soit sur demande d'une ou plusieurs associations
d'artistes, je pense que c'est l'idée que ça soit que le besoin vienne des
associations d'artistes. Alors, très certainement, le fait que ça soit précisé
dans la loi viendrait concrétiser cette nécessité-là. Parce qu'on ne souhaite
pas non plus que ce soient les associations de producteurs qui viennent, eux,
par... déposer un projet de conditions minimales. Toutefois, on l'a dit dans
notre mémoire, il faut qu'il y ait un dialogue social suivant cette demande, il
faut qu'il y ait des consultations, là, et nous sommes tout à fait pour le
dialogue social. Alors, très certainement, il devrait y avoir des
consultations.
L'idée... Ce qu'il faut, je crois, obtenir
là-dedans, c'est une précision que le gouvernement va exercer ce pouvoir-là,
parce que, dans la loi S-32.01, bien que l'article était différent... mais
il y avait un pouvoir de réglementation, et également dans la loi S-32.01,
et le gouvernement n'a jamais... n'a jamais exercé ce pouvoir-là. Alors là, il
faut que vous... en fait, donc, dès qu'il y a demande, que le gouvernement
enclenche un processus de consultation.
Mme Dorion : Donc, dès qu'une
association d'artistes reconnue fait une demande, il faut absolument... il y aurait
comme obligation pour le ou la ministre de dire : On arrive à un règlement
à la fin d'un processus.
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Exactement.
Mme Charette (Annick) : Puis
il y a sûrement... aussi peut-être préciser ce qu'en fait on souhaitait, hein,
avoir des précisions sur la mécanique qui pouvait mener à ça. Le bien commun,
c'est bien, mais quoi et comment? C'est un peu... c'était un peu flou.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
Oui.Puis également la modification, comme on disait, c'était la même de
l'UDA et La Guilde. Là, on souhaite que le règlement lie les producteurs et les
associations de producteurs non membres ou... et que ce règlement confère les
mêmes droits et pouvoirs qu'une entente collective à l'association d'artistes. Là,
ça serait très important, là, de venir préciser ça, l'effet.
Mme Dorion : Donc, si je
comprends bien, que ça soit... que ce soient juste les associations d'artistes
qui puissent faire cette demande-là et que ça lie tout le monde, peu importe
qu'ils soient membres ou pas.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
Suivant l'adoption, puis il y avait...
Mme Dorion : Tout le
monde des producteurs.
• (10 h 50) •
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
Il y avait une question à savoir après combien de temps. C'est certain que
je ne pense pas que les associations d'artistes ni les associations de
producteurs souhaitent... On veut laisser libre cours à la négociation
collective. Toutefois, l'historique des relations a démontré, dans certains
secteurs, surtout la danse, que certaines ententes collectives étaient
impossibles à obtenir. Alors, je crois qu'un tel mécanisme, dans une telle
circonstance, est nécessaire, puis également dans les secteurs où il y a des
ententes collectives, mais les... où il y a une multiplicité des producteurs ou
diffuseurs qui sont non membres. Alors, ça, c'est vraiment... c'est une voie
très intéressante, mais, encore là, il faut, comme disait, je pense, Sophie
Prégent, du mordant.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne vous reste que 25 secondes.
Mme Dorion : Bien moi,
je veux juste ajouter que les concepteurs sont particulièrement vulnérables.
Souvent, c'est des artistes de la scène qui vont partir un projet, même dans
les milieux où, tu sais, les gens commencent dans la relève. Les concepteurs
sont face à des producteurs qui sont des fois eux-mêmes des <artistes...
Mme Dorion :
...qui
sont des fois eux-mêmes des >artistes, qui gèrent l'argent comme ils
peuvent, qui n'arrivent pas toujours. Puis il y a vraiment... il y a des
situations où ils sont vraiment les derniers payés puis à être très souvent pas
payés, en fait, à espérer être vus, puis tout. Ça fait qu'il y a vraiment... j'ajoute
un peu de poids à la demande que fait l'APASQ, là, ça serait superimportant. La
conception, c'est dans la tête, puis c'est dans les mains aussi, puis c'est
dans tout ce qu'on fait, c'est du début à la fin, ça fait que voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bien, merci. Merci beaucoup. Nous poursuivons cette fois-ci avec le député
de Matane-Matapédia. Vous disposez de — on vous en donne un petit peu
plus cette fois-ci — 3 min 40 s.
M. Bérubé : Votre
mansuétude vous honore, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, oui, grâce à... oui, effectivement.
M. Bérubé : Je veux
souhaiter la bienvenue à l'ensemble des représentants de ces organisations.
Vous avez parlé du devoir de juste représentation. J'aimerais qu'on puisse
approfondir qu'est-ce que ça veut dire. Souvent, les organisations viennent
nous voir... alors je vous offrirais mon temps pour bien expliquer ce
concept-là et vos attentes à l'égard du projet de loi.
Des voix : ...
M.
Bérubé
: Vous
pouvez faire ça ensemble aussi. Qu'est-ce que ça veut dire puis qu'est-ce qu'on
peut faire dans le projet de loi pour aider?
Mme Baril-Jannard (Mathilde) :
Bien, le devoir de juste représentation est un incontournable en droit du
travail nord-américain. Je veux dire, c'est quelque chose qui a été établi par
la jurisprudence américaine et c'était d'une nécessité absolue à... je pense,
c'est l'arrêt Steele, de la Cour suprême des États-Unis, qui a fait en sorte
d'établir un devoir de juste représentation qui s'exerce... En fait, une
association ne peut être discriminatoire, négligente ou agir de manière
arbitraire. Alors, c'est certain qu'une association... Et c'est pour ça que je
l'ai dit d'emblée, la FNCC-CSN et la CSN ne remettent pas en question ce devoir
de juste représentation, soit de ne pas agir de manière arbitraire,
discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des artistes. Toutefois, comme on
l'indiquait tout à l'heure, le devoir de juste représentation doit être adapté
à la réalité du régime particulier de rapports collectifs qui gouverne les
artistes, là. Alors, c'est pour ça que nous souhaitons une modification, que
nous retrouvons à notre rapport.
Puis, peut-être, je ne l'ai pas dit tout à
l'heure, mais même le Tribunal administratif du travail a reconnu le
particularisme de ce régime-là. En fait, je crois que c'était le juge
administratif Guy Roy qui a dit que «l'association reconnue — donc
l'association d'artistes — a donc le pouvoir exclusif de négocier des
conditions minimales, mais elle ne possède pas le monopole de représentation.»
Alors, ce particularisme-là doit se refléter dans la loi, et c'est pour ça que
nous demandons...
Si je vais relire la modification qu'on
souhaite, c'est : «Une association d'artistes reconnue ne doit pas agir de
mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire ni faire preuve de
négligence grave à l'endroit des artistes, visés par une entente collective — j'ai
indiqué les raisons tout à l'heure — ou lorsqu'une entente prévue à
l'article 26.1, alinéa un, a été conclue, à laquelle l'association
est partie, peu importe qu'ils soient membres ou non [membres].» Ça, c'est
fondamental, qu'il soit membre ou non membre.
Mme Charette (Annick) : J'allais
ajouter que, quand on a commencé à discuter de ce projet de loi là et
d'analyser les avenues et les réalités existantes, pour avoir un point de
comparaison, on a pas mal discuté de la loi qui... puis là je n'ai pas les
numéros parce que ça, c'est Mathilde, là, mais la loi qui régit la
construction, en fait, parce que les artistes sont souvent dans la même
condition que les travailleurs de la construction, c'est-à-dire
multiemployeurs, mutlicontrats. Et ceci, c'est un particularisme qu'il faut...
dont il faut tenir compte quand tu... du devoir de représentation. Au niveau de
la loi de la construction, du... ce n'est pas... ce n'est pas un décret, là, il
y a un autre nom, que je ne me souviens plus parce que je ne travaille pas en construction,
mais il y a cette particularité-là qu'ils ont réussie... que le législateur a
réussie à introduire, qu'il y avait quand même un devoir d'égalité et de
traitement égal de l'ensemble des travailleurs dans ces conditions-là. Et c'est
un petit peu ce qui est souhaité aussi avec la juste représentation. C'est que
notre «core business» à nous, notre... c'est de représenter les travailleurs,
qu'ils soient travailleurs autonomes ou qu'ils soient salariés, dans un rapport
collectif qui vise l'équité et le traitement à égalité.
Donc, la juste représentation est à la
fois ce que... les devoirs qui doivent être rendus et les exigences par rapport
au fait d'être syndiqué. Tu sais, on n'a pas la formule Rand ici, donc la juste
représentation a quand même sa limite.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Mme Charette (Annick) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, c'est tout le temps que nous disposons. Merci beaucoup, hein, pour
votre contribution très instructive aux travaux de la commission.
Alors, nous allons suspendre les travaux
quelques instants pour donner la chance au prochain groupe de s'installer.
Merci beaucoup encore.
(Suspension de la séance à 10 h 57)
11 h (version révisée)
(Reprise à 11 h 05)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous accueillons, cette fois-ci, l'Association nationale
des éditeurs de livres avec monsieur… pardon, M. Foulon, Mme Pigeon
et Mme Vachon. Je vous inviterais, avant de commencer votre exposé, à vous
présenter également.
Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)
M. Foulon (Arnaud) : Donc,
je suis Arnaud Foulon. Je suis vice-président Éditions, Groupe HMH, et
président de l'Association nationale des éditeurs de livres.
Mme Pigeon (Geneviève) : Je
suis Geneviève Pigeon, directrice, présidente des éditions L'instant même,
membre du conseil d'administration de l'ANEL et présidente du comité du droit
de l'ANEL.
Mme Vachon (Karine) : Je
suis Karine Vachon, directrice générale de l'ANEL.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, vous pouvez commencer votre exposé de 10 minutes.
M. Foulon (Arnaud) : Merci.
Bien, j'aimerais d'abord remercier la commission d'avoir invité notre
association à prendre part à ces consultations sur le projet de loi n° 35.
La loi du statut de l'artiste est fondamentale dans l'exercice de notre métier,
et nous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de
commenter ce projet de loi.
C'est avec une inquiétude certaine que
nous avons accueilli la fusion des lois S-32.1 et S-32.01, l'ANEL s'étant
toujours montrée favorable au maintien de deux lois distinctes, estimant que la
loi S-32.01 protégeait les particularités de l'écosystème du livre et
favorisait sa bibliodiversité. En effet, notre milieu réunit une panoplie d'auteurs
et d'autrices qui écrivent une diversité de types d'ouvrages et qui ne
revendiquent pas tous le statut d'artiste dans l'exercice de leur projet d'écriture.
À notre avis, nous sommes aujourd'hui devant un changement de paradigme qui a
de quoi donner le vertige à certains éditeurs.
Néanmoins, nous comprenons la voie que
souhaite prendre le gouvernement pour améliorer les conditions socioéconomiques
des artistes et nous l'accueillons avec ouverture. Nous recommanderons quelques
modifications dans une optique de clarification, de cohérence et afin d'éviter
les contrecoups qui auraient l'effet malheureux de freiner une industrie qui
connaît finalement, après des années difficiles, une croissance, celle-là même
qui favorise l'augmentation des revenus des créateurs.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, vous
me permettrez de rappeler que l'industrie du livre est également <régie...
M. Foulon (Arnaud) :
...dans
le vif du sujet, vous me permettrez de rappeler que l'industrie du livre est
également >régie et encadrée par une autre loi, la loi 51 ou loi
sur le livre, dont on nous annonce des changements dans les réglementations
depuis un certain temps. Nous nous étonnons d'ailleurs que le gouvernement
souhaite rapidement entériner le projet de loi n° 35 mais que l'on n'ait
pu nous donner, après des années de consultations, les conclusions finales et
les changements au règlement de la loi 51 sur le livre. Ces changements
auront-ils, par ailleurs, une incidence sur le projet de loi n° 35? On ne
le sait pas. Toutes ces lois et réglementations, comme toutes les subventions
et aides qui touchent le livre, ont un impact sur notre industrie, sur sa
production et sur ses artisans.
Nous avons une première préoccupation
concernant l'article 1, qui indique que la loi s'applique aux artistes du
domaine de la littérature, en ce qui nous concerne, et aux diffuseurs qui
contractent avec eux en vue de la diffusion d'œuvres préalablement créées ou
qui retiennent leurs services professionnels.
Rappelons ici que c'est un contrat sur la
publication et la diffusion d'une œuvre qui lie l'artiste littéraire et
l'éditeur. Nous avions, dans notre mémoire et lors des consultations, expliqué
le rapport qui lie les écrivains et les maisons d'édition. Ces dernières
s'engagent dans un contrat par lequel l'auteur d'une œuvre leur cède ou leur
octroie par licence le droit de fabriquer, de reproduire des exemplaires d'une
œuvre à l'issue d'un processus éditorial entre l'éditeur et l'auteur et selon
des conditions déterminées de gré à gré. L'éditeur assume ensuite seul le
risque financier lié à la publication et à la diffusion de l'œuvre.
Si, de manière générale, les maisons
d'édition reçoivent des œuvres préalablement écrites, un contrat peut aussi
être signé, à la suggestion des parties, avant la rédaction d'une œuvre. Peu
importe le contexte de création, l'auteur demeure toujours le seul détenteur
des droits moraux sur son œuvre. Il ne cède à l'éditeur que les droits en lien
avec la commercialisation de ladite œuvre. Il serait donc faux de considérer
que l'éditeur retient les services de l'auteur.
Nous demandons donc au législateur :
Qu'entend-on, dans le domaine de la littérature, par «retient les services
professionnels»? Est-ce des services postcréation, par exemple, pour des enjeux
de promotion, ou quelque service rendu au moment de la création? Une précision
s'impose pour éviter des discussions et litiges potentiels relatifs à
l'application de la loi.
Mme Pigeon (Geneviève) : Ensuite,
dans ce contexte de refonte en profondeur des lois sur le statut de l'artiste,
il nous semble fondamental de mieux définir la littérature à l'article 2.
La définition présente dans le projet de loi reprend celle qu'on retrouvait
dans la loi S-32.01, soit : la littérature est «la création et la
traduction d'oeuvres littéraires originales, exprimées par le roman, le conte,
la nouvelle, l'oeuvre dramatique, la poésie, l'essai ou toute oeuvre écrite de
même nature». La fin de l'énoncé, donc, «toute œuvre écrite de même nature»,
est un concept flou, problématique dans une optique de négociations collectives
souhaitées par le gouvernement. Cette formulation ouvre la porte à de
nombreuses contestations devant les tribunaux.
• (11 h 10) •
Nous proposons deux avenues pour y
remédier, soit, premièrement, ajouter le mot «littéraire», donc «toute œuvre
littéraire écrite de même nature», et, deuxièmement, s'appuyer sur les genres
littéraires admissibles à la SODEC, où on cite les catégories suivantes : poésie,
théâtre, bande dessinée, roman, nouvelle, conte, album pour la jeunesse, essai
en sciences humaines, recueil de chansons. Cette énumération nous semble
représentative de la littérature.
M. Foulon (Arnaud) : Au
chapitre III.3, il est prévu que les articles 30 à 36 et 38 à 42 de
la loi S-32.01, portant sur les obligations des contrats individuels dans
le domaine des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature, soient
ajoutés à l'article 40 du présent projet de loi. L'ANEL reconnaît qu'il
est cohérent d'avoir conservé ces obligations relatives aux contrats
individuels dans le domaine de la littérature. Cela signifie également que l'on
retrouve dans la nouvelle mouture le deuxième paragraphe de l'ancien
article 30, qui indique que la loi «s'applique également à tout contrat
entre un diffuseur et une personne non visée par les chapitres I et II et
ayant pour objet la publication d'un livre».
Deux choses ici, nous estimons que la
nouvelle loi doit clarifier que tous les contrats individuels, contrats
d'édition, sont soumis aux exigences de la loi mais que seuls les artistes dans
le domaine de la littérature ont droit à la représentation de l'association
d'artistes reconnue dans le domaine de la littérature aux fins de négociation
de quelque entente collective et de quelque représentation en lien avec
l'exécution de leur contrat individuel. Car la loi, revenons à son titre, a
pour but de protéger les artistes.
Dans cette optique, nous suggérons au
législateur qu'il aurait intérêt à ne pas supprimer l'article 37 de la
loi S-32.01, qui précise que, et je cite, «sauf renonciation expresse,
tout différend sur l'interprétation du contrat est soumis, à la demande d'une
partie, à un arbitre» et, un peu plus loin, suivant «les dispositions du
titre II du livre VII du Code de procédure <civile»....
M. Foulon (Arnaud) :
...et,
un peu plus loin, suivant «les dispositions du titre II du livre VII
du Code de procédure >civile». En effet, il nous apparaît que cet
article demeure pertinent pour les auteurs qui ne sont pas des artistes au sens
de la loi et qui ne sont pas visés par la reconnaissance d'association d'artistes
reconnues dans le domaine de la littérature et dont les livres échappent à la
portée de la littérature au sens de la loi.
Rappelons que les auteurs et autrices qui
ne sont pas visés par cette reconnaissance sont nombreux, car il se publie
grand nombre de livres pratiques, de documentaires, d'ouvrages scolaires ou universitaires
au Québec. Cette zone d'ombre risque de nuire à la cohérence de la nouvelle loi
et à son application.
Mme Pigeon (Geneviève) : Nous
souhaitons proposer des changements à l'article 24.1 indiquant que, dans «l'exercice
de ses fonctions, l'association reconnue peut notamment :
«1° représenter ses membres aux fins de la
négociation et de l'exécution de leurs contrats».
L'ANEL propose deux modifications.
Premièrement, remplacer le terme «représenter» par «assister». Étant donné le
nombre de contrats d'édition littéraire qui sont signés chaque année au Québec,
selon les plus récentes données de la BANQ, il s'est publié
3 500 titres de littérature en un an, nous croyons qu'il est
impensable de demander à l'association d'artistes reconnue de représenter les
auteurs dans les négociations individuelles. Cela risque d'étirer d'une manière
substantielle les délais de signature et donc de retarder des parutions, une
situation qui fragiliserait notre industrie devant la concurrence éditoriale
internationale.
Nous suggérons aussi de préciser par le
fait même que les contrats dont on parle dans cet article sont les contrats d'artistes
ou les contrats d'édition, dans notre cas, qui interviendront à la suite de la
conclusion d'une entente collective applicable.
Nous sommes reconnaissants que le
gouvernement ait proposé, à l'article 27, que la négociation d'ententes
collectives doive prendre en considération l'objectif de faciliter
l'intégration des artistes de la relève ainsi que les conditions économiques
particulières qui caractérisent les producteurs émergents et les divers types
de production.
Nous proposons plutôt de mentionner les
petites entreprises de production et de diffusion ainsi que les producteurs et
diffuseurs émergents. Rappelons qu'au Québec les maisons d'édition demeurent
souvent de très petites... des petites structures. Par exemple, sur les
115 membres de l'ANEL, 40 % ont un chiffre d'affaires qui ne dépasse
pas 250 000 $ par année. Ces petites structures, publiant principalement
des œuvres littéraires, sont importantes pour notre industrie mais ne sont pas
toutes émergentes.
M. Foulon (Arnaud) : Finalement,
les articles 68.5 et 68.6 du chapitre IV.2 sont particulièrement
surprenants. On y lit que, et je cite, «le gouvernement peut, par
règlement, définir les termes et les expressions utilisés dans la présente loi
ou préciser les définitions qui y sont prévues» et, un peu plus loin, qu'il
peut «fixer des conditions minimales applicables, dont la rémunération et les
avantages sociaux». L'ANEL questionne ce besoin d'instaurer un pouvoir de
réglementation. De plus, nous recommandons de circonscrire davantage les
circonstances qui motiveraient le gouvernement à faire usage de ce pouvoir.
En conclusion, je tiens à préciser que les
éditeurs de livres oeuvrent avec passion et dans le plus grand respect des
auteurs. Ils font partie d'un écosystème fragile. Il y a, dans le milieu de l'édition,
une multitude de modèles de contrats puisqu'il existe une grande possibilité de
projets éditoriaux, lesquels ne se limitent pas à la seule réalité littéraire.
Si le gouvernement souhaite que la refonte
des lois sur le statut de l'artiste puisse s'appliquer adéquatement dans le
domaine de la littérature, il importe en priorité de clarifier que seuls les
artistes du domaine de la littérature ont droit à la représentation de l'association
d'artistes reconnue dans le domaine de la littérature aux fins de la
négociation de quelque entente collective et de revoir la définition de la
littérature afin d'en proposer une plus complète et exempte de termes flous.
Nous vous remercions de votre écoute,
votre ouverture aux enjeux du domaine de la littérature, et nous vous
remercions à l'avance des considérations que vous porterez aux modifications
que nous proposons et aux réflexions que nous vous soumettons.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour l'exposé. Nous commençons donc la période d'échange avec
Mme la ministre. À vous la parole.
Mme Roy : Merci
beaucoup. Merci. Merci, M. Foulon, merci à vous tous d'être là, tous et
toutes.
J'aimerais, d'entrée de jeu, dire que vous
avez raison, c'est un changement de paradigme que nous faisons aujourd'hui.
Nous le faisons après mûre réflexion, une réflexion qui a commencé très
sérieusement lorsqu'on a finalement reçu tous les mémoires, il y a un an, à peu
près, parce qu'on n'avait pas les mémoires avant, même si on avait débuté, là.
Ce changement de paradigme là, nous considérons qu'il est rendu nécessaire.
Et, pour le bénéfice des gens qui nous
écoutent... Puis je vais répondre à vos interrogations puis à vos craintes, à
certaines de vos craintes, parce que vous dites des choses, puis je veux
justement vous rassurer sur l'interprétation que vous en faites ou la lecture
que vous en faites. On est tous conscients que c'est hypercompliqué, que ce
sont des lois du travail. Et ce changement de paradigme là vient du fait, entre
autres, que les fameuses lois sur le statut de l'artiste, il y en a deux au
Québec, ce que les gens ignorent. Il y en a une première, on va <l'appeler...
Mme Roy :
...au
Québec, ce que les gens ignorent. Il y en a une première, on va >l'appeler
la première, qui, elle, touche les artistes de la scène, de l'audiovisuel, de
la musique, qui sont nos artistes des arts vivants, si vous voulez, là, je ne
vais pas tous les énumérer. Puis il y en a une deuxième qui touche les artistes
de la littérature, des métiers d'art et des arts visuels. Et c'est cette loi-là
avec laquelle vous travaillez depuis près de 25 ans. C'est important de le
souligner.
Naturellement, en 25 ans, les choses
changent, les réalités changent, et force est de constater que, dans la
deuxième loi, c'est-à-dire celle qui s'applique spécifiquement à votre domaine
d'intervention, le législateur de l'époque avait dit : Bien, les artistes
et leurs diffuseurs, parce qu'on les appelle les diffuseurs dans la deuxième
loi, qui ne sont pas les mêmes diffuseurs de la première, juste pour mêler tout
le monde, là, pourront se négocier des ententes. Bien, force est de constater
qu'après 25 ans il n'y a pas d'ententes qui ont été négociées. On y va par
contrat, puis, c'est correct, c'est ce que la loi prévoyait, vous avez raison,
la loi, c'est ce qu'elle prévoyait à l'époque.
Mais nous sommes rendus à un changement de
paradigme, vous l'avez dit, et, oui, dorénavant, ce que nous faisons, pour la
compréhension des gens qui nous écoutent, nous prenons ces deux lois, nous
incorporons la deuxième, c'est-à-dire celle qui touche à la littérature, aux
arts visuels et aux métiers d'art, nous l'incorporons dans la première, pour ne
plus qu'il y ait deux catégories d'artistes professionnels au Québec mais une
seule. Ils sont tous sous le même chapeau, naturellement avec les adaptations
qui s'imposent, dépendamment des domaines très spécifiques et des réalités
spécifiques à chacune des pratiques, entre autres à l'égard de la littérature.
Alors, c'est la raison pour laquelle il
n'y a qu'une seule loi, que nous vous présentons aujourd'hui, qui est le p.l. n° 35. Nous harmonisons les articles qui peuvent l'être, et
d'autres demeureront parce que votre domaine est particulier, puis le domaine
des arts de la scène est particulier, donc ce ne sont pas nécessairement les
modalités qui doivent être les mêmes. Cependant, les grands pans du projet de
loi n° 35 qui touchent, entre autres, tous les artistes que nous...
pardon, «les artistes», les articles que nous allons transférer de la Loi sur
les normes du travail, qui touchent, entre autres, le harcèlement
psychologique, le harcèlement sexuel, seront transposés à tout le monde. Ça,
c'est important de le spécifier, ça, c'étaient des demandes qui sont faites
depuis quelques années déjà par tout le milieu culturel, qu'on soit un auteur,
un danseur, un artiste.
Donc, c'est pour vous dire qu'il y a des
dispositions qui s'appliquent d'emblée à tous, qui nous viennent de la Loi sur les
normes du travail, que nous incorporons dans ce p.l. n° 35,
et d'autres dispositions qui, à juste titre, sont vraiment les dispositions
d'origine de votre loi, la deuxième loi, et qui sont reprises, même,
textuellement, entre autres à l'égard de la définition.
• (11 h 20) •
Je suis un petit peu surprise quand vous
nous dites que vous avez un problème avec la définition de la littérature qu'on
retrouve dans le p.l. n° 35, alors qu'on a repris
exactement la définition de la littérature avec laquelle vous travaillez depuis
25 ans. Tu sais, juste pour vous dire, c'est la même définition que nous
avons conservée. Alors, probablement qu'on pourra ouvrir la discussion à cet
égard-là, mais c'est pour vous dire que les dispositions qui vous sont... qui
sont strictement liées au milieu de la littérature, puisque c'est de ça qu'on
parle avec vous aujourd'hui et non des arts visuels ou encore des métiers
d'art, demeurent, demeureront dans ce p.l. n° 35, entre
autres les dispositions que nous avons mises en place relativement à
l'élargissement de l'application des règles parce que, puis je le souligne pour
les gens qui nous écoutent, les artistes ne sont pas des salariés. La Loi sur
les normes du travail ne s'applique pas aux artistes.
Alors, ce qu'on fait avec cette loi, qui
est une loi d'exception, on utilise des moyens exceptionnels... Et on a
travaillé énormément avec le ministère de l'Emploi et du Travail pour nous dire,
bien, quels sont les pans de la Loi sur les normes du travail qui s'appliquent
pour des salariés, pas pour des travailleurs autonomes, que nous pourrions
transposer pour rendre la vie plus facile aux artistes, oui, mais aussi aux
employeurs. Et, à cet égard, on est allés chercher des pans de la Loi sur les
normes du travail, qui nous permet et qui permettra aux deux parties, autant
employeurs qu'artistes, d'utiliser des recours devant le Tribunal administratif
du travail, ce qui est beaucoup plus facile, rapide et moins coûteux
qu'actuellement. Parce qu'actuellement, dans les lois, il n'y a pas beaucoup de
recours au Tribunal administratif du travail, mais beaucoup de recours qui
doivent se faire devant les tribunaux de droit commun, ce qui est très onéreux,
vous le savez.
Donc, on a tenté, avec ce projet de loi,
de trouver un équilibre entre les différentes forces en présence et les
différentes parties, parce que, c'est important de le dire, tout ce monde-là,
ce n'est pas des antagonistes, ce sont tous des gens qui travaillent ensemble.
Et j'ai beaucoup aimé, puis on a fait des réunions Teams, d'ailleurs, ensemble
cet <hiver...
Mme Roy :
...travaillent
ensemble. Et j'ai beaucoup aimé, puis on a fait des réunions Teams, d'ailleurs,
ensemble, cet >hiver, j'ai beaucoup aimé entendre tous les éditeurs me
dire jusqu'à quel point les contrats qu'ils faisaient respectaient les
artistes, étaient adaptés aux artistes, etc. Parce que, dans le fond, ce que ce
projet de loi nous dit, c'est que, dorénavant, bien, il y aura aussi cette
obligation de négocier des ententes collectives. Alors, j'ai tellement entendu
de bonne foi et de bonne volonté venant de la part des éditeurs que ce sera
l'occasion, je pense, pour la communauté littéraire et pour le monde du livre
et de l'édition, de s'asseoir et de négocier des ententes avec les auteurs et
dans l'optique d'avoir de meilleures conditions de travail, en quelque part,
parce que c'est aussi du travail.
Donc, le changement de paradigme, oui,
vous avez raison, il est là, mais soyez rassurés à l'effet que nous conservons
des pans de votre loi pour votre domaine, entre autres à l'égard de la
définition, nous reprenons la même. Alors là, je comprends que vous n'êtes pas
d'accord avec ça.
Par ailleurs, vous nous dites, d'entrée de
jeu, à votre point 9.3, vous dites : «Nous demandons donc au
législateur : Que signifie "qui retiennent les services
professionnels" dans le domaine de la littérature? Est-ce des services
postcréation, par exemple pour des enjeux de promotion, ou quelque service
rendu au moment de la création? Une précision s'impose pour éviter les discussions
et litiges potentiels relatifs à l'application de la loi.»
Je vais vous la donner tout de suite, la
précision : Ne vous inquiétez pas, ça ne vous touche pas. Et je vais vous
dire pourquoi. Le texte, de la façon dont il est rédigé... Puis on comprend
qu'il y a des petites redites, puis il y a des... tout à l'heure, on parlait
avec d'autres groupes, il y avait des termes qui étaient là puis qui
apparaissaient de façon soudaine. On va affiner le projet de loi pour qu'il y
ait le plus de clarté possible.
Mais, dans le cas de la remarque que vous
nous faites, vous nous dites... à l'article 1, déjà, vous y voyez un
problème. Alors, je voulais vous rassurer tout de suite, alors, j'ai fait un
long préambule, parce que l'article 1, c'est ce qu'il fait, il nous dit, au
paragraphe un, quand on parle... les services professionnels dans les…
bon, «s'applique aux artistes et aux producteurs qui retiennent leurs services
professionnels». Dans le paragraphe un de l'article 1, on parle de
ceux de la première loi. Vous, vous n'êtes pas là, ça fait que ça, ça ne
s'applique pas à vous.
Vous, vous êtes dans le deuxième
paragraphe, quand on dit, texte proposé : La loi «s'applique également aux
artistes qui œuvrent dans les domaines des arts visuels, des métiers d'art et
de la littérature [...] qui contractent avec eux en vue de la diffusion
d'œuvres préalablement créées ou qui retiennent leurs services professionnels».
Ces deux-là, là, ces deux paragraphes de l'article 1 sont distincts parce
que le premier touche ceux de la première loi et le deuxième touche ceux de la
seconde loi. Alors, je voulais vous rassurer à cet égard-là, on juxtapose deux
réalités. Ça fait que je voulais vous rassurer.
Par ailleurs... Et on transpose aussi les
obligations de vos contrats, on les a gardées. Puis vous nous dites : «L'ANEL
reconnaît qu'il est cohérent d'avoir conservé les obligations relatives aux
contrats individuels.» Ça reste là, ça. C'est pour ça que je vous disais :
Je suis très contente de vous avoir entendu dire que, vos contrats, vous les
négociez, puis c'est vraiment du cas par cas, dépendamment des auteurs, du type
d'oeuvre, etc. Donc, on a vraiment transposé des portions de la loi qui vous
touchent directement.
Par ailleurs, peut-être, on pourra
discuter, j'aimerais que vous me disiez pourquoi... tiens, quand vous nous
dites, au point 10... vous nous parlez de la définition de la littérature
à l'article 2, puis qu'on reprend celle qui se trouve dans votre loi, pourquoi
vous voudriez changer cette définition-là maintenant, puisque c'est la
définition avec laquelle vous travaillez depuis 25 ans?
M. Foulon (Arnaud) : Je
peux peut-être commencer. Il y a plusieurs éléments là-dedans. La définition de
la loi S-32.01 date, donc, je pense, de Mme Bacon. Il y avait déjà eu,
même, un débat, à ce moment-là, pour ne pas y faire paraître la bande dessinée.
Un exemple anodin, mais, en 30 ans, la bande dessinée a complètement
changé, donc il faut profiter de la loi pour être au goût du jour, ça, je pense,
c'est important.
L'autre chose, c'est que les sociétés
d'État avec lesquelles on travaille, la SODEC, le CALQ notamment, ont des
définitions qui sont beaucoup plus précises que celle de la loi. Et nous, on
pense qu'il faut s'arrimer avec celles que vous avez même suggérées ou, en tout
cas, encouragé vos sociétés d'État à utiliser, qui sont plus récentes que
celle-là, qui laissent place à moins de flou et qui sont plus adaptées à la
littérature d'aujourd'hui. C'est dans cette optique-là qu'on a fait la
remarque.
Mme Roy : Et j'aimerais
rajouter que, lors de négociations d'ententes, vous pourrez y aller,
effectivement, du contenu de la littérature, pour vous, c'est quoi, ça signifie
quoi. Alors, il y a des discussions qui seront entamées avec le milieu, puis je
pense que c'est pertinent de le faire à cet <égard-là...
Mme Roy :
...entamées
avec le milieu, puis
je pense que c'est pertinent de le faire
à
cet >égard-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste six minutes.
Mme Roy : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Je lis vos inquiétudes, entre autres… Moi, je suis plutôt
positive, je crois qu'on est rendu, 25 ans plus tard, à faire une refonte,
dans la mesure... Et puis vous le dites, à juste titre, c'est une industrie qui
a connu et qui connaît finalement, après des années ardues, une croissance.
Puis je pense qu'il faut le souligner puis féliciter tout le milieu, toute la
chaîne du livre, qui a travaillé hyperfort. Puis on l'a vu durant la pandémie,
je pense que les gens ont redécouvert la lecture, la littérature. Nos libraires
ont fait de bonnes ventes, puis nos artistes québécois ont été découverts.
Alors, je ne peux que vous féliciter pour le travail qui est fait au niveau de
l'édition. Donc, le travail devait être bon, puisque les lecteurs étaient au
rendez-vous.
Dans quelle mesure vous craignez... Et là
vous nous dites que vous craignez que ça freine votre croissance. Pouvez-vous
me dire dans quelle mesure… quelles sont vos craintes de cette nature-là?
Mme Pigeon (Geneviève) : Je
peux donner une réponse qui relève plutôt du concret, en fait, de la pratique
d'une éditrice littéraire. Parmi les inquiétudes qui ont été véhiculées, qu'on
a entendues de la part des éditeurs, il y a notamment le fait que, si des
charges administratives supplémentaires devaient s'imposer, il y a un moment où
des petites structures comme les nôtres ne peuvent pas faire face à énormément
de dépenses supplémentaires. Et, quand on parle de dépenses, on ne parle pas
juste, malheureusement, de ce qui pourrait être redonné aux artistes, alors que
c'est là qu'on voudrait bien dépenser plus, mais plutôt des dépenses,
justement, si on doit alourdir, par exemple, la gestion des contrats, la
gestion des contraintes administratives ou fiscales, il faut embaucher du
personnel supplémentaire, il faut avoir recours à des expertises légales. Et là
c'est de l'argent qui s'en va dans l'administration plutôt que d'aller,
justement, dans le soutien de la diffusion des œuvres littéraires. Et c'est une
des grandes inquiétudes qu'on a entendues, c'est-à-dire ce potentiel
alourdissement de la charge administrative ou comptable, finalement, qui serait
imposée aux éditeurs et aux éditrices.
• (11 h 30) •
Mme Roy : Je voudrais quand
même souligner, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, que le milieu du
livre est extrêmement important. C'est hyperimportant, les livres, je pense, la
littératie, la littérature, on doit lire davantage. Ça nous fait une société
qui est allumée, une société qui est avertie, qui est instruite et qui prend de
meilleures décisions. Et c'est la raison pour laquelle les gouvernements, tous
les gouvernements précédents et le gouvernement actuel, investissent des
sommes, et croient en la littérature, et soutiennent l'industrie et la chaîne
du livre. Donc, à cet égard-là, je pense que les sommes que nous avons
investies au cours des dernières années ont été conséquentes, demeurent là, il
y a des subventions, il y a des crédits d'impôt.
Donc, compte tenu du fait que le
gouvernement investit de façon importante, parce que la culture... Moi, je
crois foncièrement qu'au Québec, la culture, on doit la protéger puis on doit
aussi l'aider financièrement, parce que, vous avez raison, ça coûte cher, ça coûte
cher, créer des œuvres. Et, à cet égard-là, nous croyons, et je crois, et je
persiste, et je signe, que, lorsque des industries sont subventionnées
minimalement... je pense qu'il serait favorable et il est souhaitable, et nous
le mettons dans un projet de loi, que les conditions… les conditions,
ultimement, socioéconomiques des artistes soient prises en considération et
qu'il est important de négocier des ententes.
Alors, je vous soumets juste que le
gouvernement demeure là, le crédit d'impôt demeure là, la SODEC demeure là pour
vous aider. Puis on est conséquents avec, entre autres, l'achat de livres.
Notre gouvernement a investi des sommes colossales, colossales, au cours des
quatre dernières années. Là, on parle de centaines de millions de dollars pour
l'achat de livres, entre autres pour nos bibliothèques scolaires. Alors, je
pense que vous pouvez voir l'importance que nous vouons à la littérature, aux
livres, aux maisons d'édition. Et je suis optimiste pour la suite des choses.
Je pense qu'entre parlementaires de bonne
volonté on est capables de faire avancer un projet de loi, puis on est là pour
le faire avancer. Puis moi, je suis surtout là pour vous rassurer à l'égard des
craintes que vous avez. Je pense qu'on est rendu, 25 ans plus tard, à prendre
en considération, et c'est pour ça qu'on est là, là, c'est vraiment une loi sur
le statut de l'artiste, les conditions socioéconomiques de nos artistes, à
l'égard de leurs relations avec ce qu'on appelle les diffuseurs, ça s'appelle
comme ça dans la deuxième loi, qui n'a rien à voir avec un diffuseur de la
première loi qui... une télévision, par exemple. Et, oui, c'est une loi qui est
complexe, mais je pense qu'en bout de piste nous y trouverons tous… nous y
trouverons tous un avantage puis au bénéfice des lecteurs et des <artistes...
>
11 h 30 (version révisée)
<12187
Mme
Roy :
...qu'en bout de piste nous y trouverons tous... nous y
trouverons tous un avantage, puis au bénéfice des lecteurs, et des >artistes,
et également des éditeurs, des maisons d'édition, de toute la chaîne. C'est
extrêmement important pour nous. Moi, je vous remercie pour le mémoire que vous
nous avez soumis, que j'ai lu entre les interventions, pendant la pause. Je
vous remercie.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Merci. Alors, nous poursuivons cette fois-ci avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci, Mme la
Présidente, merci. Merci d'être avec nous ce matin. C'est absolument important,
votre présence ici ce matin, parce qu'on a besoin d'entendre aussi vos
préoccupations. On a eu des rencontres, et je vous ai écoutés, et j'ai
vraiment... j'ai à cœur que vous ayez aussi... que vous participiez à ce
processus-là, parce que c'est un processus qui fait en sorte qu'on va mieux
traiter les artistes québécois.
Je déclare, Mme la Présidente, mon conflit
d'intérêts, parce que j'ai publié en 2020 un livre et j'ai été très, très bien
traitée par mon éditeur. Ça a été vraiment...
Des voix : ...
Mme
St-Pierre
: Effectivement,
très, très bien traitée. Mais moi, je n'en fais pas mon métier, je n'en fais
pas mon gagne-pain, ça a été un geste que j'ai posé... En fait, ça a été une
aventure, mais ça sera probablement la dernière pour moi. Alors, il n'y en aura
pas... probablement pas d'autre, puis ça, c'est un... je ne sais pas, une
affaire unique qui s'était... qui s'est passée dans ma vie, puis j'ai été... j'ai
eu une très belle expérience.
Mais convenez avec moi qu'il y a des
maisons d'édition qui sont très voraces et qui vont ratisser très large, et le...
celui qui sort, là, la... celui ou celle qui sort la... le minerai de la mine,
bien, c'est la personne qui est sur son ordinateur puis qui a écrit l'oeuvre, et
je pense que ça... je sens qu'il y a eu une évolution chez vous pour dire :
En effet, il y a des gens qui sont de véritables artistes dans ce domaine-là.
Donc, ce que vous proposez, vous, c'est de
dire : Limitons la protection à des gens qui œuvrent dans différents
genres littéraires, et non pas à tous les genres. Par exemple, j'ai beaucoup de
respect pour les gens qui écrivent des livres de cuisine ou des livres de
mécanique, mais vous ne les voyez pas dans cette catégorie-là. Est-ce que c'est
ça que je comprends?
Mme Vachon (Karine) : Bien,
en fait, on ne les considère pas dans la catégorie de la littérature au sens
large de «littérature», mais c'est pourquoi on reconnaissait, en fait, que les
obligations individuelles de la loi S-32.01 aient été transmises dans le
nouveau projet de loi justement parce qu'on a là des obligations nécessaires
aux contrats qui vont toucher l'ensemble des auteurs, qu'ils soient donc des
artistes de la littérature ou non. Donc, on considère qu'ils sont quand même
protégés par les obligations qu'on demande aux éditeurs, mais que, pour la négociation
d'ententes collectives, comme c'est une loi sur le statut de l'artiste et que les
associations reconnues sont reconnues du domaine de la littérature, bien, ça
concerne les auteurs littéraires du domaine de la littérature.
Mme
St-Pierre
: Donc
les auteurs... c'est-à-dire ce qui est couvert par la SODEC?
M. Foulon (Arnaud) : Bien, c'est
ce qu'on... c'est un peu le parallèle qu'on faisait, nous, c'est... On
travaille beaucoup avec la SODEC, vous le savez, donc il y a un lien étroit.
Comme vous le disiez tout à l'heure, un livre pour faire son patio, à moins que
ça soit devenu un métier d'art... mais, je pense, ça n'a pas rapport avec le
milieu artistique, c'est vraiment une spécificité technique de quelqu'un qui
apporte sa... son expertise et puis qui la transmet dans un livre dans le cadre
d'une proposition qui est faite pour quelqu'un qui voudrait construire un
patio. Mais ce n'est pas du tout la même chose que quelqu'un qui écrit un
roman, quelqu'un qui écrit de la poésie, quelqu'un qui écrit un album jeunesse,
où là on se retrouve davantage, comme disait Mme la ministre, notamment, dans
les achats de bibliothèques scolaires, et donc dans... Il y a un écosystème qui
est différent pour ce genre de livres littéraires, donc il y a une distinction
qui doit être faite par rapport à ce qui est imposé dans les ententes
collectives, effectivement.
Mme St-Pierre : Mais je
cherche à comprendre vos craintes. Parce que vous êtes des amoureux du domaine.
Alors, quelle est la... quelles sont les craintes qui surgissent? Madame a
parlé de... pas tracasseries, mais de surcharge administrative pour des petites
maisons d'édition. Mais, outre cela, quelles sont vos craintes par rapport à
la... au fait qu'on amène les écrivains, les écrivaines, là, dans la loi sur le
statut de l'artiste?
Mme Vachon (Karine) : C'est
que les contrats varient beaucoup d'un genre de livre à l'autre. Donc, le
domaine de l'édition scolaire, par exemple, c'est une réalité en soi, les
auteurs ont des très bonnes conditions, qui oeuvrent dans le secteur de... du
livre scolaire. Dans le domaine du livre pratique, il y a une multitude de
modèles d'affaires aussi qui sont derrière la publication d'un livre. Donc, on
a de la difficulté à voir comment on peut arriver à faire des ententes
collectives pour une si large diversité de livres, alors que, dans le domaine
de la littérature, bien là, on est capables de voir qu'on peut effectivement
établir des conditions minimales, donc des ententes qui vont s'appuyer vraiment,
là, sur des contrats qui sont équivalents.
Mme
St-Pierre
:
Je suis peut-être naïve, mais pourquoi <vous ne...
Mme Vachon (Karine) :
...des
contrats qui sont équivalents.
Mme St-Pierre :
Je
suis peut-être naïve, mais pourquoi >vous ne pourriez pas être le
principal interlocuteur de votre vis-à-vis? C'est-à-dire, là, ce que je
comprends — peut être que je suis dans le champ, là — c'est
que le vis-à-vis pourrait... devrait négocier avec plusieurs maisons d'édition
différents contrats, qui pourront être différents les uns et des autres, alors
que, s'il y avait un tronc commun de votre association comme étant le principal
négociateur de cette... de ce beau projet là, je trouve, de société... Ça ne
serait pas une avenue, ça?
M. Foulon (Arnaud) : Le tronc
commun, comme disait Karine, peut être lié à un type de livres identiques. Si
on revient aux livres scolaires, si un éditeur décide, par exemple dans le
cadre d'un projet scolaire, de libérer le salaire d'un enseignant pour lui
permettre d'écrire, ça ne se compare pas avec quelqu'un qui a déjà écrit un
roman, qui vient le déposer. Ce n'est pas du tout le même genre de contrats qui
vont être signés. Si on essaie de les comparer, les gens vont dire : Ça ne
se compare pas, c'est... Donc, est-ce que ça veut dire, sinon, qu'il faut avoir
une panoplie d'ententes collectives? Donc, c'est pour ça que, pour nous... puis
revenons à l'énoncé même de la loi, la loi sur le statut de l'artiste doit
s'adresser aux artistes, et non pas à tous les gens qui écrivent des livres. Il
y a une nuance qui est importante là-dedans, parce que, sinon, on n'y arrivera
jamais, là, il n'y a pas de... Le terrain de jeu est trop vaste, j'ai envie de
dire, là.
Mme St-Pierre : Oui. Mais
vous convenez avec moi que, si on regarde en termes de cotisations syndicales,
si un auteur vend 200 livres dans l'année, puis qu'il y en a... quelqu'un
qui vend des livres de recettes en vend 10 000, bien, il va rapporter à
votre vis-à-vis, de l'autre côté, plus de cotisations syndicales, ce qui va
faire que... En fait, ça va être un tronc commun qui va aider d'autres artistes
aussi, d'autres créateurs.
J'essaie... Vous savez, c'est comme... Quand
on est dans un syndicat — je le sais, je suis une vieille
syndicaliste — quand on est dans un syndicat... Il y a des gens, dans
le syndicat, qui gagnaient beaucoup plus cher que d'autres, mais tout ça
s'équivalait parce qu'on payait des cotisations syndicales, les cotisations
syndicales s'en allaient à la CSN, puis la CSN représentait tout le monde, les
plus faibles comme les plus forts. Autrement dit, il y a des faibles puis il y
a des forts, faibles dans le sens... pas dans le sens négatif du terme, mais
faibles dans le sens que le marché n'est pas nécessairement un marché pour des
livres à grand public. Donc, il y aurait une protection, à mon avis, pour tout
le monde, pour les plus... bien, ceux qui essaient de faire de la littérature
leur métier.
Mme Vachon (Karine) : Bien, ça
serait aux auteurs...
Mme
St-Pierre
: Est-ce
que vous me suivez?
Mme Vachon (Karine) : Bien,
ça serait aux auteurs des secteurs non littéraires de vérifier leur volonté ou
non de faire partie d'ententes collectives et d'associations d'artistes
reconnus aussi. Donc, pour l'instant, l'association reconnue, elle représente
le domaine de la littérature. Est-ce que les auteurs plus larges souhaitent en
faire partie, les auteurs d'autres secteurs? Au sein des maisons d'édition, on
n'a pas reçu de volonté d'auteurs de secteurs variés de négocier des ententes
collectives avec nous pour le moment.
• (11 h 40) •
Mme St-Pierre : Quand vous
parlez, ici, de remplacer le terme «représenter» par «assister», je ne sais pas
si c'est la bonne.... vous en faites la bonne lecture, du mot «représenter». «Représenter»,
ça ne voudrait pas dire nécessairement que l'auteur qui publie un livre puis
qui discute avec la maison d'édition serait obligatoirement représenté. Ça ne
serait pas lui ou elle qui discuterait, que ça soit... ça serait son... oui, j'appelle
ça son «syndicat», là, son union, que c'est.... Il faudrait... La façon dont,
je pense, vous le voyez, c'est qu'il faudrait qu'à chaque fois cette personne-là
aille chercher l'aval de son association pour pouvoir négocier... pour pouvoir
parler, discuter de son contrat.
Mme Pigeon (Geneviève) : Bien,
en fait, oui et non. Je pense que l'inquiétude, ce n'est pas tellement... Bien,
enfin, effectivement, c'est vrai qu'il y a peut-être une nuance à préciser ici.
Mais l'inquiétude, c'est vraiment une question aussi de délais, c'est-à-dire
que, même si ce n'est pas systématique que l'auteur soit représenté par son
association, si, à chaque fois que l'auteur a une question, il doit passer par
un processus où quelqu'un de l'association doit intervenir, à ce moment-là,
avec 3 500, bon, on le disait, contrats annuels, par exemple, on craint
d'être face à des délais et de retarder des projets de publication. Parce qu'on
discute avec... En tout cas, personnellement, je discute avec les auteurs de
contrats, ça peut durer plusieurs heures. On clarifie des points, on jase, on
explique des situations concrètes. Mais, si à chaque fois une tierce partie
doit intervenir même dans une discussion pour expliquer un point, ça pourrait
devenir très lourd, effectivement. Donc, je pense que c'est là l'inquiétude
entre «représenter» et «assister». En fait, c'est la lecture qu'on en a faite,
nous, ici.
Mme St-Pierre : S'il y a une
entente-cadre, il me semble que ça simplifierait votre travail, non?
Mme Pigeon (Geneviève) : Bien,
c'est-à-dire qu'on travaille déjà avec les paradigmes de la S-32.01, qui déjà — donc,
c'est déjà <reproduit...
Mme Pigeon (Geneviève) :
...on
travaille déjà avec les paradigmes de la S-32.01, qui déjà
— donc,
c'est déjà >reproduit dans le projet de loi n° 35, là — dicte
un certain nombre de conditions qu'on doit respecter. À partir de là, ce
seraient des conditions minimales, ce qui veut dire que chaque auteur pourrait
quand même souhaiter discuter davantage et augmenter ses conditions, ou
nuancer, ou préciser. Donc, je pense qu'on n'échappe pas quand même au risque
ou à la possibilité que des discussions supplémentaires soient nécessaires pour
les contrats, de toute façon.
Mme St-Pierre : Quand il
y a des salons du livre, les auteurs que vous invitez ne sont pas rémunérés
dans... que les éditeurs invitent dans les... dans les différents... leurs
différents secteurs, là, les auteurs ne sont pas rémunérés. Est-ce que vous
trouvez ça normal qu'un auteur ne soit pas rémunéré pour aller dans un salon du
livre, alors qu'il est... que la personne qui va s'occuper de vendre des
billets va être rémunérée?
M. Foulon (Arnaud) : En
fait, il y a deux éléments. Il y a les activités des tables rondes, dans les
salons du livre, organisées par les... et ils sont rémunérés dans ces tables
rondes, là, les auteurs, là. Il faut faire attention, là, et c'est pour ça que
je corrige cet aspect-là. Un auteur qui est invité à participer à une table
ronde avec d'autres auteurs ou à une entrevue avec un animateur va être
rémunéré pour ça, et il faut qu'il le soit, c'est important. Un auteur qui fait
des tournées scolaires... dans les écoles va être rémunéré pour ça. Par rapport
à être rémunéré pour faire une séance de signatures — c'est peut-être
ça, votre question — effectivement, ça, c'est dans une activité de
promotion pour son livre qui est incitée par la maison d'édition même. Si la
maison d'édition devait rémunérer ça, bien là, on s'en va vers peut-être une
best-sellerisation des auteurs que vous allez avoir dans les salons du livre. Vous
n'en aurez pas 1 500 au Salon du livre de Montréal, vous en aurez
peut-être 200 ou 300.
Parce que ce qu'on oublie... Il y a un
aspect quand même important, c'est que cette loi-là ne fait pas apparaître de
l'argent dans le milieu du livre. Donc, on est quand même contraint par un
domaine où les salaires sont très peu élevés par rapport à beaucoup d'autres
domaines culturels, puis ça, c'est vrai pour plusieurs gens dans la chaîne du
livre. Le libraire... Vous n'êtes pas sans savoir que... même si la loi du
livre leur octroie 40 % de remise, mais la marge bénéficiaire des
libraires n'est pas énorme aujourd'hui. C'est vrai pour l'ensemble des artisans.
Donc, il faut faire attention à cet aspect-là. J'ai l'impression que... Des
fois, quand on lit les propositions, on a l'impression que c'est la panacée
puis que l'argent va apparaître. Mais ça, c'est une inquiétude qu'on a : il
n'apparaîtra pas, mais elles vont amener une certaine surcharge dont les
éditeurs ne peuvent pas absorber seuls les frais, ça va... il va falloir que ça
se fasse en partage pour le bénéfice et le ruissellement jusqu'aux artistes. Ça,
c'est important.
Mme St-Pierre : Donc,
votre proposition, c'est que vous êtes ouverts à ce que soit inclus dans la loi
un certain type d'œuvres littéraires et que certains autres ne soient pas dans
la loi. Et ça, vous seriez capables de vivre avec ça?
M. Foulon (Arnaud) : En
fait, ils vont être dans la loi, mais qu'ils ne soient pas couverts par des
ententes collectives. C'est pour ça que je fais la nuance. C'était le cas dans
S-32.01, il y avait aussi cette nuance-là, qui était quand même assez claire.
Quand on parle des personnes non visées, c'est les personnes non visées par les
artistes... les clauses au niveau artistique mais qui ont écrit un livre. Donc,
ils doivent être régis par une loi, quand on écrit un livre. Quelqu'un qui
écrit un livre, pour revenir au livre de jardinage, ou autres, pourrait avoir
un conflit avec son éditeur, puis il faut qu'il ait un recours... il faut qu'il
y ait un recours qui existe devant les tribunaux pour pouvoir contester la
chose, là. C'est l'important que ça existe, ça.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Mme St-Pierre : Merci. ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons cette fois-ci avec la députée de Taschereau.
Mme Dorion : Bonjour, contente
de vous revoir. J'ai réfléchi à la... aux discussions qu'on avait eues — j'ai
juste deux minutes, je vais aller vite — à mon bureau de comté puis
j'ai reparlé aussi à beaucoup d'auteurs. Bon, l'argument qu'ils disaient, c'est :
On comprend les difficultés dans lesquelles pourraient se trouver les éditeurs,
parce qu'effectivement l'argent ne tombe pas du ciel, mais nous, comme auteurs,
on est souvent pris pour espérer que l'argent tombe des éditeurs, puis eux nous
disent : Bien, nous, on n'en a pas, d'argent. Et donc ils disaient... vous
pouvez peut-être m'aider à répondre à ça, mais ils disaient : Au moins, si
on est régis et si tous, tous les livres font partie aussi de ce règlement-là,
on va être un plus grand nombre à dire: Bien, de l'argent, on en a besoin, et nous,
on ne sera pas, les auteurs, dépendants d'un ruissellement qui n'arrivera
peut-être jamais.
C'est la question que je me pose
aujourd'hui, parce que ça pourrait... Je comprends que vous voulez faire une
distinction entre les artistes qui écrivent et les non-artistes qui écrivent,
mais il ne faudrait pas créer une situation où, tout à coup, ceux qui ne sont pas
des artistes, c'est plus avantageux pour des éditeurs de faire affaire avec
eux. Et moi, j'ai peur de ça aussi.
Donc, ces deux craintes-là, ces deux
soucis-là, si vous pouvez juste me dire votre avis là-dessus, votre
intelligence collective d'éditeurs... Je n'ai jamais fait cette job-là, ça fait
que je suis bien curieuse de savoir.
Mme Vachon (Karine) : Bien,
les éditeurs... les éditeurs de livres valorisent toujours la bibliodiversité,
donc c'est-à-dire de publier une vaste catégorie de livres de tous genres, et
la littérature est la partie la plus importante, là, de la création au Québec,
là. Donc, je <pense qu'il y aura...
Mme Vachon (Karine) :
...plus
importante de la création au Québec, là. Donc, je >pense qu'il y aura
toujours cette volonté de publier les œuvres de création, de publier, donc, les
œuvres littéraires, et tout ça. Mais les livres d'autres genres, les livres
pratiques puis les livres scolaires, et tout ça, sont créés selon d'autres
modèles aussi, des... qui nécessitent aussi des... un investissement important
quand on fait du livre illustré, quand on fait des ouvrages universitaires avec
des tableaux, des graphiques, et tout ça, d'un nombre de pages important.
Donc, je pense qu'il n'y a pas d'avantage
à publier un genre de livre plus qu'un autre, et une oeuvre littéraire peut
devenir un best-seller comme un livre de cuisine peut l'être, mais... et vice
versa. Donc, c'est... je ne pense pas que les éditeurs, ils vont faire des
choix en fonction de ce qui est couvert ou non par une loi, ils vont faire des
choix par rapport à c'est quoi, le créneau de la maison d'édition, qu'est-ce qu'ils
souhaitent publier, et, à certains égards, bien, les conditions vont être les
mêmes dans les contrats de toute façon. C'est juste que, dans certains types de
livres, des fois, il y a des modèles d'affaires qui sont différents, il y a des
conditions qui sont différentes, qui sont négociées avec les auteurs aussi, qui
ne sont pas nécessairement désavantageuses pour le créateur pour autant, là.
M. Foulon (Arnaud) : Puis,
si je peux compléter, alors, il y a des livres qui ne sont pas subventionnés,
des livres pratiques. Revenons au guide de jardinage, il n'est pas
subventionné, il ne s'en fait pas moins pour autant au Québec, ou le livre de
cuisine. La SODEC, ce n'est pas son mandat. Donc, il faut faire attention, il y
a des livres qui se font, mais les... les investissements, pardon, financiers
sont quand même colossaux, hein, et l'embauche... notamment, je vais vous
donner l'exemple de photographes pour ce genre de livres là, bien, c'est quand
même important, les dépenses qui sont liées à ça, donc ça amène un montage
financier qui est différent. Mais, heureusement, le milieu du livre au Québec
est rendu concurrentiel avec l'international, et il s'en fait beaucoup, des
livres comme ça, ce qui n'était pas le cas il y a 20 ans.
Donc, la crainte que vous avez, je ne la
partage pas. Je pense vraiment que ces livres-là, si on laisse la latitude de
travail, devraient continuer à se faire. L'exemple, c'est que, sans certaines
des subventions, ils se font quand même.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. C'est tout. Alors, c'est tout le temps que nous disposons. Nous
poursuivons avec le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. La question de la reddition
de comptes est vraiment importante pour vous et pour nous, c'est de l'argent
public qui est donné à des entreprises. Donc, les éditeurs de livres reçoivent
tous de l'argent public. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus? Qu'est-ce qui
devrait se retrouver dans le projet de loi pour améliorer la reddition de
comptes et s'assurer que d'abord les créateurs puissent être les premiers
servis?
M. Foulon (Arnaud) : Je
dirais... Je ferais juste une correction : il y a des éditeurs qui ne
reçoivent pas d'argent public. Il y en a qui n'ont pas de subventions parce qu'ils
ne respectent pas certains des critères, là.
M. Bérubé : D'accord. Alors,
pour ceux qui en reçoivent.
M. Foulon (Arnaud) : Pour
ceux qui en reçoivent, je pense... Puis là-dessus, il faut que je lève mon
chapeau au gouvernement et à la ministre, il y a eu beaucoup de choses qui ont
été faites récemment. L'investissement dans les bibliothèques scolaires est un
bon exemple. Donc, il y a plusieurs programmes qui existent. Là où il y a
encore des lacunes aujourd'hui, si je peux me permettre, au niveau des
artistes, c'est les bourses d'écriture, au CALQ, qui ne sont absolument pas
concurrentielles avec ce qui existe au niveau fédéral. Il y a certains aspects
où je vous dirais qu'il y a encore du travail qui peut être fait pour
encourager la création et pour aider la création de nos artistes, pour être
plus concurrentiels sur la scène internationale. Donc, il y a des choses qui
peuvent être faites.
• (11 h 50) •
Par rapport au projet de loi, nous, on a
fait nos revendications par rapport à ce qui nous semble le plus logique pour
aller de l'avant, et dans un esprit d'ouverture, parce que, même si on n'était
pas, et je le répète, d'accord avec la fusion de ces deux lois-là, aujourd'hui
on se rend compte qu'on doit avancer tous ensemble, on fait... on est dans le
même bateau, auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires. Mais, si on veut que
le bateau continue à avancer, bien, je pense qu'il faut faire preuve aussi d'avancement,
dans ce sens-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste une minute.
M. Bérubé : Est-ce qu'il
y a un élément de votre présentation qu'on n'a pas discuté que vous aimeriez
mettre en lumière ou préciser, avec le temps qu'il nous reste, que je vous
offre?
M. Foulon (Arnaud) : Bien
là, je suis surpris. Je...
M. Bérubé : Vous ne
devriez pas l'être avec moi.
Mme Pigeon (Geneviève) : J'aimerais
juste revenir sur la question qui concernait le choix des éditeurs : Est-ce
qu'on va privilégier certains types de livres ou d'autres? Parce que ça m'interpelle
de façon personnelle, dans la mesure où j'ai fait le choix d'être propriétaire
d'une maison d'édition qui fait du très littéraire, et je n'aurai jamais...
enfin, je ne dirai pas «je n'aurai jamais», mais la best-sellerisation ne fait
pas partie de mon quotidien, on va dire ça comme ça. Et, malgré tout ça, je n'estime
pas avoir les compétences, l'énergie, l'envie de me lancer dans d'autres types
d'œuvres, de publications, c'est ma passion, c'est ce que j'aime, c'est ce que
je connais. Donc, en ce qui me concerne, ce risque-là n'existe pas, je vais
continuer à faire ce que je sais faire et ce que je fais bien, et en ce sens-là
je pense que chaque éditeur aurait pu venir à ma place et dire la même chose.
Donc, ce qu'on souhaite vraiment, c'est plutôt d'avoir les moyens de pouvoir
continuer à avancer et de bien le faire, en fait.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Alors, merci, M. Foulon, Mme Pigeon et
Mme Vachon, pour votre contribution aux travaux de la commission. Merci
encore.
Et nous allons suspendre quelques
instants.
(Suspension de la séance à 11 h 52)
(Reprise à 12 heures)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
bonjour. Pour ce bloc-ci, nous allons entendre deux groupes : l'Union des
écrivaines et écrivains du Québec... ou québécois, pardon, et l'Association
québécoise des autrices et des auteurs dramatiques.
Nous commençons d'abord par l'Union des
écrivaines et écrivains québécois, avec Mme Aubry. À vous la parole. Je
vous demanderais de bien vous présenter avant de commencer votre exposé de huit
minutes, si j'ai bien compris.
Association québécoise des auteurs dramatiques
(AQAD) et Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ)
Mme Aubry (Suzanne) : Merci,
Mme la Présidente. Je me présente : Suzanne Aubry, présidente de l'Union
des écrivaines et des écrivains québécois, écrivaine et autrice dramatique.
Mme la Présidente, Mme la ministre de la
Culture et des Communications, Mme la députée de l'Acadie, Mme la députée de
Taschereau, M. le député de Matane-Matapédia, Mmes et MM. les députés, nous
souhaitons d'abord vous remercier infiniment d'avoir fait ce projet de loi, de
l'avoir déposé et de nous recevoir aujourd'hui à cette commission
parlementaire. Maintenant, je cède la parole à Laurent Dubois.
M. Dubois (Laurent) : Bonjour
à toutes et tous. Laurent Dubois, directeur général de l'UNEQ, l'Union des
écrivaines et écrivains québécois, qui est un syndicat professionnel fondé le
21 mars 1977, ça fait donc 45 ans. L'Union des écrivaines et des
écrivains regroupe aujourd'hui plus de 1 600 écrivaines et écrivains
dans tous les genres, dans tous les genres littéraires : poésie, roman,
théâtre, essai, jeunesse, ouvrages scientifiques et pratiques, manuels scolaires,
etc., guides de l'auto, et j'en passe. L'UNEQ protège un métier et non pas un
genre.
Depuis 45 ans, l'UNEQ travaille à la
défense des droits socioéconomiques des écrivaines et des écrivains ainsi qu'à
la valorisation de la littérature québécoise, et l'UNEQ a été reconnue en 1990
comme l'association la plus représentative des artistes du domaine de la
littérature en vertu de la Loi sur le statut professionnel des artistes en arts
visuels, des métiers d'art et de littérature, appelée loi S-32.01. Pendant plus
de 30 ans, les <écrivaines et les...
>
12 h (version révisée)
< M. Dubois (Laurent) :
...pendant
plus de 30 ans, les >écrivaines et les écrivains que nous
représentons ont dû vivre avec la loi 32.01, qui n'obligeait d'aucune façon les
éditeurs et les producteurs à négocier des ententes collectives fixant les conditions
minimales de contrats. Résultat : zéro entente en 30 ans. Pendant
plus de 30 ans, contrairement à la majorité des artistes, les autrices et
auteurs ont exercé leur métier sans bénéficier d'ententes collectives encadrant
leurs conditions de travail, sans filet social, sans recours à l'arbitrage ou
au Tribunal administratif du travail en cas de litige. Pendant plus de 30 ans,
les autrices et les auteurs ont dû négocier leurs contrats seuls face à des
éditeurs de plus en plus puissants. Peu familiers avec le jargon juridique,
embourbés dans des négociations de gré à gré, ils sont nombreux à signer des
contrats abusifs qui vont les suivre pendant des décennies, souvent même après
leur décès, avec des répercussions incalculables sur la suite de leur carrière.
Voici quelques exemples les plus criants
des clauses tellement abusives qui ont été imposées dans les contrats des
écrivaines et écrivains au fil des années : les clauses de préférence, par
exemple, qui imposent… qu'imposent certaines maisons d'édition, qui condamnent
l'artiste à réserver ses oeuvres futures exclusivement aux diffuseurs, et ce,
parfois sans aucune limite dans le temps, ce qui revient à dire que vous êtes
pieds et poings liés avec votre éditeur pour la suite de votre carrière; autre
exemple, des cessions de droit complètes qui dépossèdent les autrices et les
auteurs de tout contrôle sur les diverses exploitations futures de leurs oeuvres,
adaptations cinématographiques, livres audio, traductions, adaptations au
théâtre, par exemple; et enfin des clauses appelées paiements intertitres, qui
permettent aux éditeurs de compenser l'éventuel manque de rentabilité d'une
publication en ponctionnant les redevances à verser pour une autre oeuvre.
Pendant plus de 30 ans, un abus de
position dominante dû au déséquilibre du rapport de force entre les écrivains
et les diffuseurs a favorisé un climat de travail parfois toxique, pouvant
mener à du harcèlement psychologique ou, dans des cas rares heureusement, à des
situations d'agression sexuelle, sans que la loi n'offre quelque protection que
ce soit en cas d'abus, aucun grief, aucune médiation, aucun recours facilement
accessible. Pendant plus de 30 ans, les autrices et les auteurs se sont vu
offrir de participer à des activités de promotion ou de valorisation de la
littérature sans contrepartie financière ou avec une rémunération indécente,
bien en dessous des recommandations de l'UNEQ. Pendant plus de 30 ans, l'UNEQ
a été privée de son pouvoir de représenter comme il se doit les écrivains
membres et non membres, et, par le fait même, ceux-ci ont été privés d'une
partie importante de leur liberté de s'associer pour améliorer leurs conditions
socioéconomiques. Pendant plus de 30 ans, la loi S-32.01 a démontré
qu'elle était inéquitable, injuste et inapplicable.
Mme Aubry (Suzanne) : Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés, fort heureusement, aujourd'hui, un nouveau
chapitre peut s'écrire. En intégrant la littérature, le théâtre et les arts
visuels parmi la liste des secteurs qui étaient auparavant encadrés par la loi S-32.01,
le projet de loi n° 35 instaure enfin une obligation pour les diffuseurs
et producteurs de s'asseoir avec les syndicats pour négocier de bonne foi des
ententes collectives fixant les conditions minimales des contrats. En
instituant une loi commune à toutes les disciplines artistiques, le législateur
permet un rééquilibrage du rapport de force. Il sort les autrices et les
auteurs de l'ornière du contrat négocié de gré à gré et donne à l'UNEQ le
pouvoir de négocier des ententes collectives avec les différents partenaires du
milieu du livre.
Ainsi, nos artistes ne seront plus jamais
isolés dans cette étape cruciale qui est la signature d'un contrat. Des
conditions minimales auront été négociées préalablement entre les parties, et
la discussion ne porterait alors que sur une possible bonification de ces
planchers.
Grâce au projet de loi n° 35, l'UNEQ
entreprendra aussi rapidement que possible des négociations de bonne foi avec
les éditeurs et autres diffuseurs afin de signer autant d'ententes collectives
que nécessaire, et je le souligne ici, secteur par secteur, et ce, dans le but
de tenir compte des différentes réalités dans la chaîne du livre, ce qui répond
aux interrogations de l'ANEL tantôt.
En élargissant les pouvoirs du Tribunal
administratif du travail aux artistes, le projet de loi n° 35 favorise l'accès
à la justice pour une catégorie de travailleurs et travailleuses obligés jusqu'alors,
en cas de litige, de se tourner vers les tribunaux de droit commun, aux
procédures souvent longues et coûteuses.
Pour ce qui est du harcèlement
psychologique ou sexuel, le projet de loi n° 35 donne enfin à tous les
artistes les mêmes dispositions que celles qui s'appliquent aux travailleurs et
travailleuses québécois, qui figurent dans la Loi sur les normes du travail.
Ces questions si fondamentales ne feront plus l'objet de négociations entente
par entente. Le projet de <loi…
Mme Aubry (Suzanne) :
...le
projet de >loi n° 35 donnera à l'UNEQ des
moyens essentiels pour négocier avec tous les diffuseurs, que ce soient les
salons du livre, les bibliothèques, les librairies, institutions scolaires.
L'UNEQ salue la volonté politique du
gouvernement et les efforts transpartisans de tous les partis politiques au
soutien du projet de loi n° 35 afin qu'il puisse être
adopté rapidement. Le projet de loi n° 35 doit à tout
prix vivre, car il instaure équité et justice pour les écrivaines et les
écrivains, qui seront enfin considérés comme des artistes à part entière et
auront les mêmes droits et les mêmes protections que les autres artistes. Nous
appuyons fortement le projet de loi n° 35 et
demandons son adoption avant la fin des travaux parlementaires.
Pour toutes ces raisons, le projet de loi n° 35 est historique. Il constitue un projet... un progrès
socioéconomique sans précédent pour les écrivaines et les écrivains. Il y aura
un avant et un après-projet de loi pour notre métier.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Nous poursuivons avec Mme Gagnon, de l'Association québécoise des
autrices et des auteurs dramatiques. Je vous invite à bien vous présenter,
Mme Gagnon, avant de commencer votre exposé de 2 min 20 s.
Mme Gagnon (Marie-Eve) : Alors,
mon nom est Marie-Eve Gagnon. Je suis directrice générale de l'Association
québécoise des autrices et auteurs dramatiques.
L'AQAD salue le dépôt du projet de loi n° 35, qui constitue une avancée absolument essentielle
pour l'amélioration des conditions des artistes que nous représentons. Qui sont
ces artistes que nous représentons? Ce sont ceux qui écrivent, traduisent ou
adaptent les histoires que vous allez voir sur les scènes de théâtre et dans
d'autres lieux sur tout le territoire. Il faut savoir que l'AQAD est la seule
association d'artistes visée par les deux lois sur le statut de l'artiste.
Donc, on est à même de voir les différences très grandes des effets de chacune
des lois.
Concrètement, ça veut dire qu'un auteur,
une autrice qui a un contrat AQAD quand elle est engagée pour écrire une oeuvre,
si tout va bien, le producteur doit respecter les conditions minimales de
l'entente collective. L'artiste écrit, est payé et reçoit des avantages
sociaux. Toutefois, l'autre loi s'applique quand s'enclenche le travail de
production et de diffusion de l'oeuvre. Ça a pour conséquence que l'auteur se
retrouve alors sans norme minimale, tout seul pour une négociation de gré à gré
avec le producteur.
Permettez-moi de citer Emmanuelle Jimenez,
autrice et vice-présidente de l'AQAD : «J'exerce le métier d'autrice
dramatique depuis près de 25 ans, mais j'éprouve une grande fatigue
culturelle, et, cette fatigue, je l'ai ressentie dès mon premier contrat de
licence. J'ai tout de suite constaté que je n'étais pas sur un pied d'égalité
avec mes collègues artistes, qui, eux et elles, voyaient leurs pratiques
encadrées par un régime de travail. Mes collègues metteurs en scène, par
exemple, auraient droit à une contribution du producteur à leur fonds de
pension, moi, non. Moi, pour avoir un minimum décent par représentation, il
faut que je me batte, que je gagne mes conditions de travail à l'arraché. Il
n'y a jamais rien d'acquis, même après 25 ans de pratique. À chaque
contrat, c'est toujours à recommencer, et ça, ça use. Je veux arrêter de me
dire [que] tous les jours que la loi sur le statut de l'artiste est contre
moi.» Fin de la citation.
Il faut absolument adopter ce projet de
loi pour que les auteurs et autrices puissent enfin avoir un véritable impact
sur leurs conditions de travail. Merci.
• (12 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, effectivement, merci à vous aussi. Nous allons commencer la
période d'échange. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Roy : Merci,
Mme Aubry, M. Dubois, Mme Gagnon. Merci d'être ici. Merci pour
votre témoignage. Merci pour votre résilience et votre combativité. On s'est
rencontrés, on s'est vues, même, en personne à un certain moment, c'est
extraordinaire. On s'est vues aussi par Teams, Zoom, etc.
Je veux vous dire que ce projet de loi là,
la pierre angulaire de cette refonte, c'est, entre autres, le fait que,
maintenant, il n'y a plus deux classes d'artistes au Québec. Il y en a une
seule, une seule classe d'artistes professionnels. Vous serez tous sous la même
loi, naturellement, quand nous réussirons à l'adopter tous ensemble. Je ne veux
plus… mais j'ai confiance. J'ai confiance. On est là pour vous, pour les
artistes. Cette loi-là est pour les artistes. Et il n'est pas question ici
d'antagoniser qui que ce soit ou quoi que ce soit. On est rendus ailleurs, je
pense, en 2022, maintenant.
J'aimerais très concrètement... Et je sais…
Je vous ai lu, j'ai lu les articles que vous avez faits. Puis j'avais même
répondu à un journaliste qui me questionnait que j'avais un préjugé favorable à
votre recommandation. Alors, vous avez lu <entre...
Mme Roy :
...vous
avez lu >entre les lignes, lisez tous entre les lignes, mais l'idée de
n'avoir qu'une seule loi et surtout de nous assurer que le secteur, donc, de la
deuxième loi, qui était le secteur de la littérature, des arts visuels et des
métiers d'art, fasse désormais partie de la même loi, d'une seule loi, pour
moi, c'était fondamental, ça allait de soi. Maintenant, on est rendus ailleurs.
Je vais vous poser des questions très concrètes,
maintenant, dans l'application. Et puis, tout comme vous, je souhaite qu'elle
soit adoptée d'ici la fin de la session, mais je veux juste vous rassurer, dans
la mesure où c'est possible, il y a suffisamment de temps. Puis on écoute très
attentivement pour voir dans quelle mesure on peut bonifier les choses. Entre
autres, entre autres, il y a des… Vous nous parlez du devoir de juste
représentation, le fameux article 24.2. Naturellement, c'est l'UQAD qui
nous… l'AQAD, pardon, qui nous… formation… qui nous parle de ça, c'est le
fameux article 15 du projet de loi n° 35. Vous n'êtes pas le premier
groupe qui nous en parlez. Je pense qu'on peut faire des ajustements qui
pourraient être intéressants. Je vais dire ça comme ça.
Maintenant, je veux poser des questions,
parce que, de façon plus concrète… Puis il y a tout un pan aussi du projet de
loi qui touche des articles de la Loi sur les normes du travail que nous
transposons, que nous apportons à plusieurs égards, entre autres, vraiment, à
l'égard des tribunaux administratifs, du Tribunal administratif du travail,
mais également à l'égard... les dispositions à l'égard du harcèlement
psychologique et sexuel. Dans quelle mesure, si le projet de loi a été adopté,
ces mesures-là vont pouvoir aider les artistes du milieu de la littérature,
entre autres?
M. Dubois (Laurent) : Ça
va tout changer, Mme la ministre, tout changer. Vous parlez des... Notamment,
vous faites allusion aux situations de harcèlement. Vous savez, vous n'êtes pas
sans savoir qu'en juillet 2020 on a eu droit, dans le milieu, à un #moiaussi
littéraire où, finalement, on a eu plus de 150 victimes qui ont pu
exprimer des plaintes qui ont été déposées au niveau de l'UNEQ, etc., puis, ces
plaintes-là, moi, je ne peux rien en faire. Je ne peux absolument rien en
faire. En tant que directeur d'un syndicat, je ne peux pas contraindre un
éditeur à s'intéresser à la question, à me parler, à s'asseoir pour qu'on
regarde le cas, pour faire ce qu'on pourrait appeler une médiation ou pour
entrer dans un processus d'accompagnement de la plainte. Je ne peux pas le
faire aujourd'hui. Bien, avec ce projet de loi, tout ça est réglé. Donc, c'est
sûr que, s'il y a des écrivaines et des écrivains qui ont été victimes et qui
nous écoutent, elles savent très bien... ils et elles savent très bien que les
choses peuvent changer grâce à ce projet de loi. Donc, bravo et merci pour ça.
Mme Roy : Merci à vous.
Vous nous dites : Il est important que le projet de loi soit adopté avant
la fin de la session parlementaire. Pourquoi cette urgence-là, là? J'ai une
bonne idée, mais je veux juste vous entendre.
Mme Aubry (Suzanne) : Bien,
parce que ça fait plus de 30 ans qu'on vit cette situation-là. Moi, quand je
suis arrivée à l'UNEQ, mon seul but, quand j'ai constaté... Je suis scénariste
aussi, et j'ai constaté que j'étais protégée en vertu des ententes collectives
qui avaient été négociées par la SARTEC, et je suis devenue écrivaine, et je
n'avais aucune protection, rien, aucun filet social, aucune entente collective.
Je suis arrivée à l'UNEQ, je me suis fait élire et j'ai annoncé que, moi, ce
que je voulais, mon seul but, c'était qu'il y ait une loi, enfin, qu'on puisse
avoir des ententes collectives, qu'on puisse avoir la même protection et le
même statut que les autres écrivains.
Comme scénariste, j'étais en dichotomie
avec l'écrivaine et je trouvais ça insensé. Les métiers de l'écriture, c'est
d'écrire. Qu'on fasse un livre de botanique, qu'on écrive de la poésie, qu'on
écrive un essai sur l'automobile, quel que soit le genre, on est des écrivains
à part entière. Or, cette loi le reconnaît. Et nous, on ne veut pas, en tant
que syndicat, avoir des catégories d'artistes dont certains seraient protégés
et d'autres pas. Ça va complètement à l'encontre de notre ADN. On veut protéger
toutes les écrivaines et tous les écrivains, quel que soit le genre d'écriture.
Comme le disait Laurent tout à l'heure, on ne protège pas… on ne représente pas
un genre, on représente les artistes.
Mme Roy : J'aimerais
vous poser une question, Mme Gagnon, à l'égard plus précisément de votre
association, l'Association québécoise des auteurs dramatiques. Dans ce projet de
loi là, je vous disais qu'on a importé plusieurs dispositions, qui sont des
dispositions qu'on retrouve dans la Loi sur les normes du travail, qui ne
s'appliquent pas aux artistes. Donc, on va chercher des dispositions pour les
appliquer aux artistes, celle sur le harcèlement, on vient d'en parler, mais
également des dispositions à l'égard du fameux Tribunal administratif du
travail. Et donc on donne de nouveaux pouvoirs au Tribunal administratif du
travail. Alors, s'il était adopté, ce projet de loi là, dans quelle mesure ça
viendrait régler certains problèmes pour vous? Puis là on parle de toute la
dynamique syndicale, là.
Mme Gagnon (Marie-Eve) : Bien,
en fait, ça nous <aiderait à...
Mme Gagnon (Marie-Eve) :
...nous
>aiderait à accélérer les processus de négociation, comme Mme Fortin, de
l'UDA, en a parlé ce matin, c'est-à-dire que, si on peut... Par exemple, sur la
négociation de bonne foi, ça va accélérer les processus de négociation, qui
sont souvent beaucoup trop longs. Dans notre cas, il y a une négociation qui a
duré sept ans. Donc, c'est sûr que, si on peut avoir certains outils, donc, qui…
Les nouveaux pouvoirs du Tribunal administratif du travail, bien, ça va pouvoir
nous aider à mieux faire notre travail puis à accélérer le processus de
négociation.
Mme Roy : Et, pour le
bénéfice des gens qui nous écoutent, entre autres, la disposition qui traite de
la négociation de bonne foi, qui vient d'apparaître… Comment est-ce que vous
entrevoyez... On a entendu tantôt les éditeurs. Comment est-ce que vous
entrevoyez la négociation d'ententes collectives une fois que le p.l. n° 35
sera adopté? Comment vous voyez ça pour la suite des choses?
M. Dubois (Laurent) : Très,
très bien. Non, mais c'est vrai, c'est un progrès social. Je veux dire, on ne
peut pas imaginer aujourd'hui qu'il y ait encore des secteurs qui ne soient pas
obligés de se parler quand ils collaborent. Donc là, tout à coup, on va pouvoir
se parler. On va s'asseoir et on va négocier. Aujourd'hui, on gagne juste ça
avec le projet de loi n° 35. Votre projet de loi, il ne contient pas les
conditions minimales de nos futures ententes. Il ne donne rien de tout ça, et c'est
bien normal. C'est à nous de faire ce travail-là, puis on est enfin contents de
pouvoir le faire.
Donc, on va le faire. On espère pouvoir le
faire avec un interlocuteur unique qui acceptera l'idée qu'on pourrait négocier
plusieurs ententes collectives différentes pour tenir compte des réalités,
parce que, oui, des réalités... entre le milieu de la poésie et le milieu du
guide pratique, le «business model», le modèle d'affaires n'est pas le même,
mais ça n'en reste pas moins que ce sont des… Dans les deux cas, on a besoin d'encadrer
la pratique. Et, tout à l'heure, j'ai entendu qu'il y avait beaucoup de modèles
d'affaires. Oui, mais il y a aussi beaucoup de modèles d'affaires qui méritent
d'être encadrés pour ne pas dériver.
Et donc nous, on est là. On va prendre
notre temps. On va tendre la main. Il n'y a pas de... On a attendu 30 ans.
Donc, on n'est plus à deux semaines près. Et on va s'asseoir, et on va parler,
et on va progresser et pour le bien de tout le monde. Et je suis convaincu, Mme
la ministre, que, si on se reparle, si on a la chance de se reparler, là, tous
ensemble, dans quelques années, on trouvera que c'était un vrai progrès social
pour toute la chaîne du livre, parce que ça va aider tout le monde à assainir
aussi un milieu, et à valoriser les bonnes pratiques, et à mettre de côté les
joueurs qui abusent. Et c'est toujours les mêmes 15 joueurs qui abusent, c'est
les gros joueurs, puis ces joueurs-là, il faut les mettre à l'index, puis on va
leur dire que, maintenant, ils n'ont plus le choix de s'asseoir et de faire la
même chose que les petits éditeurs, qui, eux, essaient de faire tout comme il faut.
Mme Roy : Merci. Il y a mon
collègue le député de Saint-Jean qui aimerait vous poser une question. Vous le
connaissez. Je ne peux pas mentionner son nom, je suis obligée de dire «le
député de Saint-Jean», alors, qui est un grand lecteur également.
M. Lemieux : Merci, Mme la
ministre. Il reste combien de temps, madame?
La Présidente (Mme IsaBelle) : …Saint-Jean,
il vous reste huit minutes.
M. Lemieux : D'accord, mais j'ai
peut-être des collègues qui vont vouloir se lancer, mais j'y vais tout de go. Mme Gagnon,
Mme Aubry, M. Dubois, de toute évidence, c'est un projet de loi qui n'était
pas juste inattendu et... très attendu et nécessaire, mais qui va tout changer,
de ce que je comprends de votre enthousiasme. Bon, cela est juste et bon, tant
mieux, mais il y a quand même... Dans les arguments qui flottent ici et qui
vont se répercuter dans la société, il y a quand même des choses qui ont... qui
méritent explication et arguments, éventuellement. Entre autres, votre formule
est belle, M. Dubois, «tous les genres», tu sais. J'oublie votre formule,
tellement elle était belle. Je ne l'ai pas notée, là, mais le «genre» a frappé.
Expliquez-nous ça pour quelqu'un qui nous regarde, là, puis qui dit : Eh! un
guide de réparation de motoneiges, puis de la littérature, puis de la poésie,
ça n'a rien à voir, là. Pourquoi on beurre si large, dirait-il?
• (12 h 20) •
M. Dubois (Laurent) : Ça va
me prendre 30 secondes pour vous faire la démonstration. Prenons l'UDA, un
comédien. Le comédien, quand il est au théâtre, quand il est dans un film, là,
il est au meilleur de sa pratique. Il joue, il incarne un personnage, Cyrano,
passez-en. Il est bon. Quand il fait une pub pour Canadian Tire, la question de
la pratique artistique peut peut-être être remise en question, mais son métier,
c'est le même. Il est comédien et, dans les deux cas, il doit être encadré par
des minimums. Il travaille comme comédien.
Nous, c'est ça qu'on raconte, c'est qu'en réalité
ce qu'on encadre, nous, comme syndicat, ce sont les travailleurs et les
travailleuses qu'on représente, qui sont des écrivains. Maintenant, ce qu'ils
écrivent, ce n'est pas notre problème. Ils écrivent dans un milieu, dans un
contexte, dans un univers, dans un écosystème, et c'est ça qu'on doit encadrer,
l'écosystème. Qu'ils écrivent de la poésie — les pauvres, ils ne se
mettront pas riches avec ça — ou qu'ils écrivent des best-sellers,
ils doivent être accompagnés pareil.
M. Lemieux : Bien, justement...
Et, juste pour référence, si jamais vous vous demandez pourquoi j'ai parlé de
motoneiges, c'est à cause du député de Mégantic, ici, bon, il pourrait en
écrire un, guide. Mais, justement, les genres sont <tellement...
M. Lemieux :
...sont
>tellement différents, et les modèles d'affaires qui vont avec aussi.
Vous venez de le dire, les pauvres, ils ne se mettront pas riches. Est-ce qu'on
n'a pas affaire à deux bêtes complètement différentes?
M. Dubois (Laurent) : On a
affaire à des conditions de pratique qui sont vraiment différentes, à des
réalités économiques qui sont différentes, et c'est très clair qu'on va en
tenir compte parce que ce serait complètement irresponsable de notre part que
d'essayer de négocier des ententes sans tenir compte du contexte dans lequel
évoluent et le producteur et l'artiste. Et je parlais de la poésie, et avec
tout l'amour qu'on porte pour la poésie, mais c'est vrai que la poésie, ça
reste bien souvent, bien trop souvent, un marché limité. Évidemment qu'on va en
tenir compte quand on va négocier. On ne peut pas avoir la même approche, les
mêmes exigences, les mêmes demandes que quand on est dans un autre univers qui
va partir à l'international, qui va être traduit, qui va avoir une vie, une
adaptation cinématographique.
M. Lemieux : Je m'en doutais
bien. En fait, j'en étais certain, mais je croyais qu'il était important de
vous l'entendre dire, tout comme la ministre qui vous a fait dire tout à
l'heure ou qui vous a demandé de dire comment ça allait se passer, ces négos, parce
qu'on s'est fait dire juste avant : Elle ne sera pas facile, là. Là, on
change tout, là. Là, on va être dans le trouble. Alors, l'a priori que vous
venez de me donner, il est fondamental, là, parce que, demain matin, la
motoneige, voiture qui se vend à un prix de fou, qui se vend tellement bien que
ça finit par rapporter d'énormes revenus, ce n'est pas la même chose que la
poésie, pour revenir à cet exemple-là. Il va falloir non seulement que vous en
soyez conscients, mais, si vous voulez que tout le monde soit heureux dans
trois ans... quand on va se reparler, comme vous disiez, là, il va falloir que
tout le monde soit content, pas juste vous, là.
M. Dubois (Laurent) : C'est
notre objectif.
M. Lemieux : D'accord, bon.
Mme Aubry (Suzanne) : On va
négocier secteur par secteur avec pragmatisme et réalisme, comme on l'a
toujours fait depuis le début de notre grande bataille.
M. Lemieux : C'est ce que je
voulais vous entendre dire, Mme Aubry. Merci beaucoup. Je voudrais aussi
que vous me parliez de ceux dont vous avez dit... les gros joueurs. On s'est
fait… Avec le député qui va vous poser des questions dans quelques minutes, on
a parlé plus tôt du fait que, par exemple, dans un salon du livre, une séance
de signatures ne rapporte pas nécessairement, puis ce qu'on veut éviter, c'est,
comment il a dit ça, une best-sellarisation des salons du livre, parce qu'on
veut que tous les auteurs puissent y aller, mais on n'a pas les moyens de payer
tout le monde. Bon, je comprends ce bout-là de l'histoire comme je comprends
que, quand ils vont discuter à une radio, Radio-Canada pour ne pas la nommer,
dans un salon du livre, ils sont payés par la radio aussi, bon.
Donc, je comprends tous ces bouts-là, mais
je voulais voir jusqu'à quel point, quand vous parlez des gros joueurs,
toujours les mêmes, avez-vous dit... jusqu'à quel point est-ce que c'était
devenu invivable et intenable pour certains d'entre vous. Par exemple, j'ai lu,
avant d'arriver ici, dans des notes de préparation, les droits à perpétuité qui
sont exigés dans certains cas, et vous, vous avez soulevé tout à l'heure une
autre... quelque chose qui ressemble à ça, un droit à être obligé de signer
pour toujours avec cet éditeur-là, pas nécessairement les droits à perpétuité.
Ça, c'est de l'anecdote ou c'est...
Mme Aubry (Suzanne) : Non, ce
n'est pas de l'anecdote, monsieur, c'est vraiment... Je l'ai vécu
personnellement. Je me suis battue continuellement pour faire... pour enlever
la clause de préférence qui était dans mon premier contrat. Ce qu'il faut
comprendre, c'est que le premier contrat d'une écrivaine, d'un écrivain le suit
ensuite très longtemps, et c'est extrêmement difficile de faire enlever une
clause qui a été... qui est déjà apparue. Et, pour un premier roman, on n'a pas
beaucoup de marge de manœuvre et, évidemment, on n'a pas de pouvoir de
négociation. Et le grand avantage qu'on aurait avec des ententes collectives,
c'est qu'on aurait la force du syndicat qui protégerait aussi les
primoromanciers, qui acceptent souvent des conditions inacceptables parce qu'ils
n'ont pas le choix, à cause de cette fameuse négociation de gré à gré.
Je peux vous donner aussi un exemple,
celui qu'on a donné, des intertitres, les paiements intertitres. Je l'ai encore
dans mes contrats. C'est inacceptable. Quel risque prend l'éditeur quand il
peut se repayer d'une oeuvre à l'autre, alors que c'est censé être des contrats
individuels? Je pose la question. Je n'ai jamais eu de réponse claire de la
part de mon éditeur là-dessus, mais je suis... J'ai réussi à réduire la portée
de la clause récemment, mais elle est encore là. Ça va même à l'encontre des
lois. Ça n'a aucun sens de se repayer d'un titre à l'autre, c'est révoltant, et
je le vis depuis que j'écris des romans.
M. Lemieux : Il me reste
combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) : 1 min 30 s.
M. Lemieux : Tant mieux,
parce que je ne voulais pas que Mme Gagnon pense que je l'avais oubliée.
Ce que j'apprécie de votre... ce n'est pas un témoignage, mais... oui, c'est un
témoignage, dans le fond, c'est une consultation. Ce que vous nous avez dit,
c'est que vous vivez des deux côtés de la barrière. Bien, vos membres et les
gens que vous représentez vivent des deux côtés de la barrière. Donc, on ramène
deux lois dans une. Est-ce que tout le monde va être content ou il y a des gens
de l'autre côté de la barrière qui ne seront pas nécessairement... ils ne
seront nécessairement pas aussi satisfaits parce qu'ils ont <moins...
M. Lemieux :
...ils
ont >moins de gains ou est-ce que de ce côté-là, il y a des gains aussi?
Mme Gagnon (Marie-Eve) : Bien,
c'est sûr que je ne crois pas qu'ils vont être totalement satisfaits, mais, en
même temps, le secteur du théâtre est très structuré. Il y a déjà des ententes
collectives pour tous les métiers. Donc, que l'auteur se rajoute pour la
diffusion des oeuvres, je ne pense pas que ça va poser, je dirais,
financièrement, quelque chose qui pourrait les mettre en péril. Donc, je crois
que c'est quelque chose... qu'on est rendus là, comme disait Mme la ministre,
puis je pense qu'il faut briser le paradigme, et puis je pense qu'eux sont… comprennent
qu'on est rendus, à ce moment-là, de dépasser le paradigme.
M. Lemieux : Mme Gagnon,
Mme Aubry, M. Dubois, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Alors, nous poursuivons avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Donc, si je comprends bien, Mme Aubry, quand
vous avez… quand vous écrivez un scénario de télévision, par exemple, vous avez
votre chapeau SARTEC, et là vous êtes... votre contrat est... en fait, votre
négociation est protégée par le contrat SARTEC. Si vous écrivez un livre, vous
n'avez pas de protection autre que celle que vous allez… vous êtes négociée
vous-même. C'est ça, le…
Mme Aubry (Suzanne) : Exactement.
L'avantage, à la SARTEC, comme scénariste, c'est qu'il y a déjà des clauses
minimales qui sont négociées. Je n'ai pas à les négocier. C'est déjà acquis. Ce
que je peux faire, avec un agent ou moi-même : négocier des conventions
supérieures, le cas échéant.
Mme St-Pierre : Alors, ce que
l'ANEL nous disait tout à l'heure, si j'ai bien compris, c'est qu'on parlait
d'être représenté ou d'être assisté, là. Donc, l'obligation d'être représenté
automatiquement par quelqu'un qui vient de l'UNEQ, c'est... Vous, vous voulez
négocier touts seuls vos contrats à Radio-Canada. Vous n'avez pas besoin de la
SARTEC pour négocier votre contrat.
Mme Aubry (Suzanne) : Bien, il
faut… ce qu'il faut comprendre là-dedans, c'est que des ententes collectives
qui seraient négociées par l'UNEQ, par exemple, déjà, ça poserait un cadre.
Après ça, il pourrait y avoir une négociation individuelle pour augmenter, par
exemple, certains montants ou améliorer ce qu'il y aurait à la base, mais ça,
déjà, j'aimerais... C'est une bonne question, parce que j'aimerais répondre à
l'ANEL, à sa préoccupation du fait que ça ajouterait une charge à leur travail.
Je pense le contraire. Je pense que le fait d'unir les bonnes pratiques
contractuelles dans de bonnes ententes collectives ferait un bon ménage. Il y a
des éditeurs qui ont de mauvaises pratiques. Il y en a beaucoup qui en ont de
bonnes. Et donc le fait qu'on se parle et qu'on puisse identifier les bonnes
pratiques, et avoir un encadrement simple, et négocier de bonne foi va
énormément changer pour le mieux, en fait, l'économie… l'écologie du système, et
ça n'empêchera pas une négociation individuelle. On la fait déjà avec nos
éditeurs. Ça va continuer, ça, mais il va y avoir des normes minimales qui vont
être établies et qui vont énormément simplifier les choses. On ne voit pas ça
comme une charge. On voit ça comme une simplification.
Mme St-Pierre : L'article qui
prévoit le pouvoir réglementaire, c'est votre, comme, police d'assurance, parce
que vous n'avez pas de droit de grève, là. Les écrivains ne pourront pas
décréter la grève puis aller se promener avec des pancartes, là.
Mme Aubry (Suzanne) : On
appuie cette clause-là parce que...
Mme St-Pierre : Mais est-ce
que vous ajouteriez à la demande? Comme, ce matin, l'UDA nous disait qu'il
faudrait ajouter un élément à cette clause-là.
M. Dubois (Laurent) : Bien,
on aimerait… oui, évidemment, on aimerait… on ferait ça, la proposition que
soit ajoutée une mention pour que ce soit à l'initiative des associations
d'artistes que ce pouvoir réglementaire puisse être sollicité.
Mme St-Pierre : Je pense que
l'éléphant dans la pièce, ce sont surtout les géants, là, du monde de
l'édition. Je pense qu'on est là comme éléphant dans la pièce, là. Est-ce que
vous avez... Comment entrevoyez-vous cette relation-là avec ces grands… ces géants-là
du monde de l'édition?
• (12 h 30) •
M. Dubois (Laurent) : Bien,
idéalement, dans un monde parfait, ces géants-là de l'édition seraient membres
d'une association représentative, et qui négocierait pour eux également.
Maintenant, est-ce qu'ils vont vouloir ça? Ça, je ne le sais pas. Puis ils sont
tellement puissants et lourds dans le milieu de l'édition que leur parole,
j'imagine, a du poids, y compris chez nos collègues de l'ANEL, et je le
comprends tout à fait. Eh bien, écoutez, nous, on ira... Soit on est capables
de les approcher via un interlocuteur commun soit on les approchera en direct.
On sait que ce sera difficile, là. On sait que ça va être difficile et long,
mais on est déterminés, parce que, je vais vous dire, les pires contrats que je
peux lire, c'est de chez eux qu'ils viennent. Il n'y a pas de hasard.
Mme St-Pierre : Bien, c'est
ce que je pensais que vous disiez tantôt, là, quand on lisait entre les lignes.
M. Dubois (Laurent) : Il n'y
a pas de hasard.
Mme St-Pierre : Mais, moi, ma
crainte… Puis je suis d'accord pour qu'on ait une loi, là, n'ayez pas de
crainte là-dessus, mais ma crainte, c'est de vous voir embarquer dans un
processus où vous allez vous retrouver à devoir négocier à la pièce, et ça va
prendre… ça peut prendre des années, des années, des années, et je cherche un
peu comment on pourrait amener ce processus-là où on aurait la possibilité
d'avoir quelque <chose...
>
12 h 30 (version révisée)
<1235
Mme
St-Pierre :
...amener ce processus-là où on aurait la
possibilité d'avoir quelque >chose de cadre qui pourrait satisfaire vos
membres à l'UNEQ, mais je ne la vois pas, la solution.
M. Dubois (Laurent) : Bien,
la reddition de comptes, dont vous avez déjà entendu parler, en serait une. C'est-à-dire
qu'à partir du moment où il y a une entente qui est signée dans un secteur et
qu'une maison d'édition, qu'elle soit membre ou non d'une association d'éditeurs,
reçoit une subvention, elle pourrait avoir l'obligation d'adhérer à la
convention collective qui a été signée. Ce serait une solution. Il existe des
pratiques négociées sur lesquelles on s'est entendus : vous recevez de l'argent
public, vous êtes en devoir de respecter ces ententes qui ont été négociées, et
voilà. Mais c'est possible, par exemple, d'adhérer à une convention. Moi, je ne
m'attends pas à ce que tout le monde vienne négocier directement.
D'ailleurs, les petites maisons d'édition,
elles vont avoir intérêt à se regrouper auprès de mes collègues de l'ANEL, ou
ailleurs, mais de se regrouper, parce que ça coûte cher, une négociation, c'est
long, c'est fatigant, ça prend des experts. On ne veut pas faire ça à la pièce,
on veut faire ça collectivement. C'est tout l'enjeu du projet de loi. C'est
justement le mot «collectif» qui est le plus important, mais on n'a pas
toutes les cartes en main, malheureusement, pour décider de comment les
producteurs vont réagir.
Mme St-Pierre : Est-ce que
votre prochaine négociation est rédigée déjà?
M. Dubois (Laurent) : Pas mal
avancée, je vous dirais, mais je... Voilà.
Mme St-Pierre : Je voudrais
parler des salons du livre. Les salons du livre ne sont pas organisés par les
éditeurs, les salons du livre sont organisés par les salons du livre. Comment
vous allez vous assurer que les... ceux qui vont dans les salons, ceux et
celles qui vont dans les salons du livre puissent... Est-ce que ça serait une
avenue? C'est-à-dire si l'éditeur dit : Bien, c'est que ça va être
difficile pour moi de payer l'auteur qui va venir faire une heure de signature,
est-ce que ça pourrait être le salon du livre qui rémunère les auteurs?
M. Dubois (Laurent) : Le
salon du livre, c'est un diffuseur, dans cet... au sens noble du terme, là.
Mme St-Pierre : Oui, c'est un
diffuseur. Est-ce que vous avez négocié avec les diffuseurs?
M. Dubois (Laurent) : Donc,
on va négocier avec eux, évidemment, et on avait déjà commencé, d'ailleurs, il
faut être complètement transparents, on avait commencé à avoir des
conversations avec l'Association québécoise des salons du livre. Il y a des
salons qui étaient très ouverts, il y en a d'autres qui étaient plus fermés, mais
voilà. Là, on tient quelque chose, mais, oui, c'est un diffuseur, donc c'est...
Il faut comprendre que le temps où on invite un écrivain en lui disant :
Est-ce que tu n'aurais pas une tante ou un oncle qui ne dort pas trop loin, parce
que ça nous arrangerait bien, si tu pouvais venir en voiture ou prendre un bus,
partager avec quelqu'un, parce qu'on n'a pas trop de sous, puis, tu sais, au
nom de la promotion, si tu pouvais bien être présent huit heures sur le stand
pour signer des autographes, ça nous ferait... Enfin, bon, écoutez, il a passé
quatre jours, il a dormi chez sa tante... on a beau aimer nos tantes, on n'a
pas toujours envie de dormir chez elles.
Mme St-Pierre : Oui, mais, si
les salons du livre avaient des subventions avec des redditions de comptes, des
subventions plus importantes, ils pourraient défrayer, pas chez ma tante, mais
à l'hôtel.
M. Dubois (Laurent) : Vous
avez raison, Mme St-Pierre. Si je peux me permettre, en fait, ce qui se
passe en ce moment, là, puis on l'a illustré, nous, dans la sphère publique,
dans les médias, on est sortis plusieurs fois l'année dernière sur des sujets
comme ceux-là... En fait, ce qui se passe, c'est : comme ce n'est pas
réglementé, la ligne budgétaire qui concerne les écrivains, c'est la première
ligne qu'on va faire sauter quand on n'a plus de budget. Vous ne pouvez pas
faire sauter la ligne des gens qui vont installer les kiosques dans un salon du
livre. Ces gens-là, ils sont payés, c'est un sous-traitant, il doit les payer,
il y a un tarif, on ne peut pas le faire sauter. Nous, c'est toujours la ligne
qui est optionnelle, dans le fond, puis on a eu le cas avec la fête nationale de
Québec, on a eu le cas avec le salon du livre de Québec. On a eu des exemples,
on est allés dans les médias avec ça. Je comprends...
Mme St-Pierre : Même la fête
nationale?
M. Dubois (Laurent) : Oh oui!
Mais c'est normal, c'est la seule ligne qu'ils pouvaient faire sauter une fois
que leur budget était déficitaire, donc.
Mme Aubry (Suzanne) : Ce qu'on
appelle la ligne «Paie ton auteur».
M. Dubois (Laurent) : C'est
ça.
Mme St-Pierre : Sur le
mécanisme qui était proposé, qu'à tous les cinq ans la loi soit soumise à une
révision, est-ce que... je pense que ça, c'est quelque chose sur lequel on
devrait plancher puis on devrait l'inclure dans la nouvelle mouture, là.
Mme Aubry (Suzanne) : Moi, je
pense que oui. Je crois que ça ne serait pas compliqué à faire, c'est... Les
lois sont imparfaites, comme nous tous, et donc ce n'est pas une mauvaise chose
de pouvoir revenir si... En cinq ans, on peut avoir éprouvé la loi, savoir qu'est-ce
qui fonctionne, qu'est-ce qui fonctionne moins bien, puis il pourrait y avoir,
peut-être, des améliorations à apporter. Alors, oui. On ne croit pas que ça
serait compliqué à ajouter. Enfin, on l'espère. On espère que ce ne soit pas
compliqué, parce qu'on veut à tout prix que cette loi passe, comme vous le
savez, on l'a répété à de nombreuses reprises, je le redis encore, c'est une
loi si importante pour nous.
Mme St-Pierre : Dans le cas
de ce qu'on appelle en bon français, là, un «ghostwriter», là, quelqu'un qui...
en fait, on va avoir une vedette qui va publier un livre, mais tout le monde
sait que ce n'est pas la vedette qui l'a écrit, le livre, est-ce que cette
personne-là serait considérée comme une écrivaine ou un écrivain, alors que...
Mme Aubry (Suzanne) : Si on ne
la connaît pas, ça serait difficile de la...
Mme St-Pierre : ...le «ghostwriter»
n'est pas considéré comme écrivain, écrivaine? Comment ça va... comment ça
fonctionne, dans votre tête, là?
Mme Aubry (Suzanne) : Le
problème de ce qu'on appelle le «ghostwriting», c'est qu'on ne connaît pas l'identité
de la personne qui... Il y a des pratiques dans d'autres pays où il y a... on
dit nommément qu'une personne qui écrit un livre, ce n'est pas la personne qui
signe le livre, bien... mais ce n'est pas des pratiques, on voit ça... Moi, j'ai
vu ça <surtout...
Mme Aubry (Suzanne) :
...que
ce n'est pas la personne qui signe le livre, bien... mais ce n'est pas des
pratiques, on voit ça... Moi, j'ai vu ça >surtout à la télévision, mais,
dans le domaine du livre, c'est quand même plus rare, mais c'est une des
questions qu'on aura à se poser quand on négociera.
M. Dubois (Laurent) : Il
va falloir regarder de près est-ce que cette personne est salariée par la
maison d'édition. Auquel cas, si elle est salariée, là elle tombe dans un
autre... un autre cadre de protection du personnel de la maison d'édition, soit
les pas salariés. Puis, effectivement, on va regarder de près à pouvoir élargir
notre champ de compétence pour pouvoir protéger ces gens-là aussi, qui, après
tout, écrivent et gagnent leur vie de l'écriture.
Mme St-Pierre : Mais la
personne qui ne l'a pas écrit mais qui met son visage sur la couverture?
M. Dubois (Laurent) : Bien,
cette personne-là, elle est protégée par son contrat d'édition, puis là on
parle du contrat d'édition, elle est protégée et à la fois par la loi sur le
statut de l'artiste, ici, par la Loi sur le droit d'auteur, au fédéral, elle
devient l'écrivain qui signe le contrat d'édition.
Mme St-Pierre : O.K.
Elle est considérée comme l'écrivain qui a signé.
M. Dubois (Laurent) : Oui,
oui.
Mme
St-Pierre
:
D'accord. Donc, je pense que, pour moi, ça fait le tour. Je veux vous féliciter
pour votre détermination. J'espère que ça se fera dans l'harmonie, parce que je
pense qu'il n'y a personne qui a intérêt, dans ce milieu-là, de chiquer de la
guenille, là. Il faut que ça se fasse dans l'harmonie puis il faut que ça se
fasse en ouverture aussi. Alors, vous avez quand même un ton qui est quand même
assez, je dirais, rassembleur, quand même. Vous avez... vous êtes bien
déterminés, vous avez travaillé très fort, puis moi, je vous souhaite beaucoup
de succès dans cette entreprise gigantesque que vous allez entreprendre, parce
que la loi, c'est une chose, mais, après ça, il faut l'appliquer. Merci
beaucoup.
Mme Aubry (Suzanne) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors nous poursuivons avec la députée de Taschereau.
Mme Dorion : Merci.
Bonjour. Merci pour tout ce que vous avez fait depuis des années. Moi, je veux
être auteure depuis que j'ai cinq ans... autrice, maintenant, qu'on dit, depuis
que j'ai cinq ans, puis je me souviens avoir lu, adolescente, dans le journal,
qu'un auteur gagnait en moyenne 6 000 $, 8 000 $ par année.
Ça fait que ça réoriente quelqu'un. Et combien d'auteurs ne seront jamais
devenus des auteurs à cause de ça?
Il y a, c'est vrai, moi, je l'ai
expérimenté mais j'entends aussi beaucoup de témoignages de gens qui m'en
parlent, face aux gros joueurs, et on... vraiment une différence à faire, en
général, là, tu sais, face aux gros joueurs, il y a des enjeux qu'on ne
retrouve jamais ou presque jamais auprès des plus petits. C'est quoi, les
choses qui sont très fréquentes dans les contrats d'édition ou dans les façons
de fonctionner des gros joueurs que vous avez vues souvent et qui, pour vous,
doivent absolument prendre le bord dès la première négociation?
• (12 h 40) •
M. Dubois (Laurent) : Bien,
la première, là, c'est... écoutez, c'est les clauses d'exclusivité. C'est-à-dire
que, là, un grand groupe qui rassemble plusieurs maisons d'édition, que je ne
citerai pas, mais qui représente quand même un gros pourcentage du milieu d'édition,
a intégré dans ses clauses, récemment, une clause de premier et de dernier
refus. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que, si vous écrivez un livre et puis que
vous voulez une adaptation de ce livre au théâtre, au cinéma, traduction, etc.,
eh bien, votre éditeur se réserve un premier refus. Vous devez d'abord lui
montrer, puis, si jamais ça l'intéresse, il va le faire. Si ça ne l'intéresse
pas, il va vous dire : O.K., tu peux aller voir avec quelqu'un d'autre.
Là, vous allez voir avec quelqu'un d'autre puis là vous êtes... trouvez un
autre éditeur, ou Radio-Canada dit : Ah! je veux faire une version en
livre audio, ça marche, voici, etc., eh bien, là, vous avez maintenant un droit
de dernier refus. Ça veut dire que vous devez revenir devant ce groupe et
présenter votre contrat que vous avez réussi à négocier avec Radio-Canada, et
le groupe se dit : Ah! ça me donne une deuxième chance, oui, finalement,
ça me tente, je vais le faire, ça ne coûtait pas si cher. Donc là, on
est dans des pratiques qui sont vraiment complètement abusives, qui sont d'ailleurs
abusives au sens de 32.01 aujourd'hui. Le seul problème, c'est que 32.01 n'ayant
pas de recours, on doit aller dans les tribunaux de droit commun, et personne n'est
capable, pour les quelques milliers de dollars que ça représente, d'aller jusqu'en
Cour supérieure.
Mme Aubry (Suzanne) : On
doit dire que ces clauses-là sont souvent imposées à des primoromanciers ou romancières
qui... Comme je l'ai dit en amont, c'est extrêmement difficile, après, d'enlever
une clause pareille. Puis même la clause de préférence... le dernier refus, c'est
apparu récemment. C'est pour ça, quand on parlait de l'urgence, là, d'adopter
la loi, bien, ça fait partie de l'urgence, là, parce que c'est des pratiques
qui s'insèrent et puis avec lesquelles on doit se battre, et avec aucun
recours. Donc, c'est vital.
Mme Dorion : Et est-ce
que le... Que ce soit pour l'univers entier et pour jusqu'à 50 ans après
votre mort, ça fait-tu partie de ces choses-là?
Mme Aubry (Suzanne) : Bien
sûr.
M. Dubois (Laurent) : Bien
oui, ça n'a pas d'allure. Ça n'a pas d'allure. La cession de droit, ça n'a pas
d'allure. Un écrivain qui travaille des années sur son roman, qui cède
complètement ses droits à quelqu'un d'autre, ça n'a pas de sens. On doit parler
d'une licence d'exploitation, une licence d'utilisation qu'on limite dans le
temps.
Mme Aubry (Suzanne) : Avec
une durée dans le temps, voilà.
M. Dubois (Laurent) : Cinq,
sept, huit, 10 ans, pourquoi pas, mais, à partir de là, la possession doit
quand même rester à l'artiste qui a créé cette œuvre, je veux dire, ça me... c'est
la base, là. Et donc on voit que, bien, finalement, l'absence d'encadrement
fait que même ce qu'on croyait être acquis parce qu'étant la base, le bon sens,
comme on dit, est complètement perdu, aujourd'hui, complètement perdu.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Mme Aubry (Suzanne) : On
parle souvent de redevances, des questions monétaires, mais les droits dérivés
sont extrêmement importants. Je vais vous donner <l'exemple...
Mme Aubry (Suzanne) :
...On
parle souvent de redevances, des questions monétaires, mais les droits dérivés
sont extrêmement importants. Je vais vous donner >l'exemple de Margaret
Atwood avec La servante écarlate. Elle a signé une cession complète
quand elle a écrit son roman. Personne n'aurait pu prévoir, à l'époque, que ça
serait un tel succès. Alors, quand ça a été présenté à la télévision, elle a
touché zéro sou pour son œuvre. Son œuvre. Et je donne cet exemple-là parce que,
quand j'avais lu là-dessus, ça m'avait totalement scandalisée. Et c'est la même
chose avec les cessions de droit ici. C'est ce qui arrive. Si notre œuvre
connaît un grand succès, on ne peut pas le prévoir, on va être dissocié du
succès de son œuvre, et c'est insensé, ça ne devrait jamais arriver.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. On va...
Mme Aubry (Suzanne) : On
parlait de... je pense que c'est Mme St-Pierre qui parlait de...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Je
dois vous couper, mais probablement que... connaissant le député de
Matane-Matapédia, il va vous laisser la parole.
M. Bérubé : Continuez.
Mme Aubry (Suzanne) : Vous
parlez de matière première, de la mine, ce que les écrivains et écrivaines vont
chercher, cette matière première là. Et ce n'est pas juste de la matière
première, elle est transformée en mots sur le papier, qui va devenir des livres
qui vont être lus par des lectrices et lecteurs. C'est un énorme travail.
J'adore ça. Je le fais par passion. Je l'ai fait depuis plusieurs décennies. Je
ne m'en lasse pas, mais je veux juste que les conditions dans lesquelles on le
fait soient décentes. C'est tout ce qu'on demande.
M. Bérubé : Bonjour.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. La question de la reddition de comptes,
évidemment, c'est des fonds publics importants, je voulais qu'on puisse revenir
là-dessus, l'importance de bien surveiller ce qui se passe, de s'assurer que
les premiers payés, ça devrait être les artisans au début de la chaîne, le talent
d'abord, là. Alors, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose sur cette
importance, sur les mécanismes de reddition de comptes qu'on devrait se doter
dans la loi?
Mme Aubry (Suzanne) : Je veux
juste parler d'un premier mécanisme de reddition de comptes, puis, après ça, je
te... On avait discuté avec l'ANEL, pendant des années, d'un processus de
reddition de comptes, les comptes pour les redevances annuelles, là, et on est
arrivés à un assez bon résultat, mais, quand est venu le moment de l'appliquer,
évidemment, ce n'était pas obligatoire parce qu'on n'avait pas d'entente collective,
et donc il y avait à peu près 6 % à 7 % des éditeurs qui
l'appliquaient. La reddition de comptes, c'est très important, parce qu'on a
beau avoir un bon contrat, si on ne sait pas combien de livres se sont vendus,
si les chiffres ne sont pas précis, on se retrouve Gros-Jean comme devant.
Alors, la reddition de comptes, c'est une
des questions qu'on avait déjà discutées avec l'ANEL, ça s'était bien passé. Maintenant,
avec une négociation d'entente collective, la reddition de comptes va pouvoir
être incorporée à une entente et appliquée à tout le monde. Et je pense que ça
va faire l'affaire de l'ANEL aussi parce que, s'il y a un mauvais payeur, bien,
il va être identifié, puis on va pouvoir le retracer plus facilement. Mais il y
a un autre concept aussi de reddition de comptes...
La Présidente (Mme IsaBelle) : ...
M. Dubois (Laurent) : Bien,
je pense, M. le député, que vous faisiez allusion à la reddition de comptes de
manière... l'argent public qui est donné à des producteurs.
M. Bérubé : Bien oui. Il y en
a beaucoup.
M. Dubois (Laurent) : Il y en
a énormément. Écoutez, sincèrement, ça ne me paraît pas compliqué, voilà. Il y
a quelque chose que je n'ai pas compris. Ça ne me paraît pas compliqué de
partir du principe que, quand il y a de l'argent public qui est utilisé pour
quelque chose, construire une route, écrire un livre, faire un film, peu
importe, si c'est de l'argent public, ça doit respecter la loi. Une entente
collective, ça fait... ça fait force de loi, ça fait partie de la loi. À partir
du moment où c'est négocié entre les parties, c'est ça qui compte. Ce n'est pas
compliqué, pour un bailleur de fonds, d'exiger que l'argent soit utilisé
conformément à la loi en vigueur dans le secteur. Moi, ça me paraît très
simple. Je dépose ça ici.
M. Bérubé : Je n'ai rien à
ajouter, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
parfait.
M. Bérubé : C'était le mot de
la fin, c'était très bien comme ça. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Alors, merci, Mme Gagnon, Mme Aubry et M. Dubois, pour votre
précieuse contribution à la commission.
Alors, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci. Merci
beaucoup. Bon dîner à tous et à toutes.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
15 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 42)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
bonjour, tout le monde. La Commission de l'économie et du travail reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs <appareil...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur
>appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi
visant à harmoniser et à moderniser les règles relatives au statut
professionnel de l'artiste.
Cet après-midi, nous entendrons les
personnes et les organismes suivants : la Pre Martine D'Amours; la
Guilde canadienne des réalisateurs, Conseil du Québec, conjointement avec l'alliance
québécoise des techniciennes et techniciens de l'image et du son, section
locale 514 IATSE; l'Association des réalisateurs et réalisatrices du
Québec, conjointement avec la Société des auteurs de radio, télévision et
cinéma; et l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et
de la vidéo, conjointement avec l'Association québécoise de la production
médiatique.
Alors, Mme D'Amours, si vous êtes prête...
Vous m'entendez bien?
Mme Martine D'Amours
Mme D'Amours (Martine) : Oui,
je vous entends bien.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
Mme D'Amours, avant de commencer votre exposé de 10 minutes, je vous
demanderais de bien vous présenter, puisque maintenant la parole est à vous.
Mme D'Amours (Martine) : Merci,
Mme la Présidente. Alors, je suis Martine D'Amours, je suis professeure au
Département des relations industrielles de l'Université Laval. Mes intérêts de
recherche et d'enseignement portent sur le travail atypique. Alors, en gros,
c'est tout ce qui n'est pas à l'emploi salarié permanent pour un seul
employeur, et je m'intéresse en particulier aux enjeux relatifs à la protection
sociale et à la représentation collective de ces travailleurs et travailleuses.
Et c'est ce qui m'a amené à étudier différents régimes dérogatoires au Code du
travail, comme les décrets de convention collective, le régime applicable à
l'industrie de la construction et les lois sur le statut de l'artiste.
Alors, Mme la ministre, Mmes, MM. les
députés, d'abord, je vous remercie de m'avoir invitée à vous adresser la parole
dans le cadre de ces consultations particulières. Et, avant de parler
directement du projet de loi à l'étude, j'aimerais rappeler que les artistes
sont des travailleurs et des travailleuses précaires sur trois des quatre
caractéristiques de la précarité en emploi qui ont été initialement énoncés par
Rogers mais qui font l'objet d'un vaste consensus dans le monde de la
recherche. Alors, trois des quatre éléments de la précarité :
premièrement, l'insécurité du lien d'emploi; deuxièmement, le peu de protection
réglementaire, ça veut dire le peu de protection par les lois du travail et les
régimes de protection sociale; et, finalement, la faiblesse du revenu.
Je vous épargne toutes les données
là-dessus qu'il y a dans mon mémoire pour tout de suite vous dire qu'en raison
de cette précarité, en raison des caractéristiques particulières de leur
activité, c'est-à-dire la courte durée de leurs engagements, leur mobilité à
l'intérieur d'un secteur artistique, le fait qu'ils ont plusieurs prestations,
soit cumulées ou soit successives, avec plusieurs donneurs d'ouvrage, les
artistes font partie de ces groupes de travailleurs, travailleuses pour qui le
législateur a prévu des régimes de relations de travail mieux adaptés à cette
activité… à leur activité. Autrement dit, ces gens-là avaient du mal à accéder
à la négociation collective efficace en vertu du Code du travail. Et moi, je
trouve que c'est nécessaire d'avoir de tels régimes, mais à la condition que
ces régimes aient les mêmes caractéristiques protectrices que le Code du
travail. Pour reprendre les termes de Leah Vosko et autres collègues, il est
souhaitable d'avoir une pluralité, mais aussi une parité des régimes de
rapports collectifs de travail.
Alors, selon mon ex-collègue, le regretté Pr
Rodrigue Blouin, tout régime de rapports collectifs de travail doit comporter
trois piliers : premier pilier, un mécanisme d'identification des
associations représentatives; deuxième pilier, un processus de négociation et
de règlement des conflits; et, troisième pilier, des voies de résolution des
litiges au sujet des conditions de travail. Alors, c'est à l'aune de ces trois
piliers que je vais commenter certains éléments du projet de loi n° 35.
Sur le premier pilier, mécanisme
d'identification des associations représentatives, le projet de loi n° 35
apporte assez peu de changements, sinon l'ajout de l'obligation de juste
représentation, qui est un copier-coller du Code du travail. D'autres
intervenants avant moi ont bien mentionné que le libellé du nouvel article
nécessiterait des adaptations.
En revanche, ce que le projet de loi n° 35
change au premier pilier, et c'est majeur, c'est l'effet de cette
reconnaissance pour les associations regroupant les artistes des arts visuels,
des métiers d'art et de la littérature. Et ça, pour moi, ça constitue le
changement, là, l'apport majeur du projet de loi. En effet, en fusionnant les
deux lois, le projet de loi n° 35 fournit aux artistes des arts visuels,
des métiers d'art et de la littérature un accès autre que <volontaire...
Mme D'Amours (Martine) :
...fournit
aux artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature un accès
autre que >volontaire à la négociation d'ententes collectives. En
d'autres termes, la reconnaissance d'associations représentatives aura, pour
eux et elles, le même effet que pour les artistes qui sont actuellement
couverts par 32.1, à savoir un cadre permettant un accès réel à la négociation
de bonne foi des conditions d'exercice de leur travail. Donc, je me réjouis que…
de ce… qu'en présentant ce projet de loi la ministre de la Culture et des
Communications ait pris en compte divers éléments, dont le plus important est
le fait qu'il n'y avait eu aucune entente collective conclue en vertu de 32.01,
et cela depuis l'adoption de la loi en 1988. Ça fait plus de 30… ça fait 30…
plus de 30 ans. Bon.
Mais, au-delà de ces éléments contextuels,
on peut se demander ce qui, plus fondamentalement, fonde le besoin de
négociations collectives pour ces catégories d'artistes. Et la réponse réside
dans leur dépendance économique à l'égard d'entités qui sont habituellement la
partie forte au contrat. Mis à part les vedettes, à qui leur notoriété assure
un traitement particulier, les artistes, donc la vaste majorité des artistes,
n'ont guère de pouvoir de négociation individuelle. Les conditions qu'on leur
offre sont souvent à prendre ou à laisser, dans un contexte où l'artiste a
besoin que son œuvre soit diffusée, non seulement pour des motifs économiques,
mais également parce qu'il en va de sa reconnaissance comme artiste
professionnel. Bon.
Alors, doter tous les groupes d'artistes,
sans égard à la nature de leur contrat, d'un cadre juridique créant
l'obligation de négocier avec diligence et bonne foi des conditions minimales
d'exercice de leur activité, pour moi, c'est un immense pas en avant. Et je
suis convaincue qu'à l'intérieur de ce cadre les parties vont aménager leurs
relations avec les producteurs. Et le résultat serait certainement différent
selon les secteurs de négociation, donc on peut déjà… d'ores et déjà prévoir
qu'il y aura plusieurs ententes collectives pour s'adapter aux particularités
de chacun des sous-secteurs de négociation.
Sur le deuxième pilier, un processus de
négociation et de règlement des conflits, là, ici, il faut souligner que, même
si 32.1, donc la LSA, prévoit que la représentation et la négociation
collective s'exercent sur la base d'un secteur au sein duquel les artistes
partagent une communauté d'intérêts, ce ne sont pas tous les artistes d'un
secteur qui bénéficient des conditions négociées. Je pense que l'intention
initiale du législateur… je n'étais pas là en 1987, mais je pense que
l'intention initiale du législateur, c'était de créer un véritable régime de
négociation par secteur, mais il faut bien se rendre à l'évidence qu'il n'y a,
en ce moment, aucune contrainte légale pour un producteur ou une productrice de
respecter les conditions de travail minimales des artistes s'il n'est pas
membre d'une association de producteurs ayant conclu une entente collective ou
s'il n'a pas conclu individuellement une entente collective. Je reprends ici,
entre guillemets, les termes du mémoire de l'Association des réalisateurs,
réalisatrices du Québec.
• (15 h 50) •
Donc, en l'absence de contraintes légales,
la multiplicité des entreprises de production, la courte durée des productions,
la malléabilité des formes corporatives, on a parlé de voile corporatif, hein,
il y a des gens qui sont très imaginatifs pour créer toutes sortes de
structures qui font en sorte qu'ils vont échapper à l'application des ententes
collectives, ça fait en sorte qu'effectivement, l'artiste, ses conditions
varient selon avec qui il ou elle contracte. Et, dans certains cas, eh bien, il
se retrouve ramené à son pouvoir individuel de négociation, dont j'ai dit
antérieurement qu'il n'était pas important, sauf pour les vedettes.
Alors, cette situation, elle n'est pas
souhaitable, quant à moi, pour des motifs d'équité. Elle n'est pas équitable,
d'une part, à l'égard des artistes qui, pour certaines productions, travaillent
en deçà des minimas prévus aux ententes collectives. Elle n'est pas équitable à
l'égard des producteurs qui ont des pratiques contractuelles respectueuses des
droits des artistes, lesquels se trouvent désavantagés face à ceux qui ne
développent pas de telles pratiques. Et elle n'est pas équitable à l'égard des
associations d'artistes qui sont forcées de multiplier les processus de
négociation, alors que la majorité d'entre elles ne disposent pas des
ressources humaines et financières pour ce faire.
La question est discutée depuis le rapport
L'Allier de 2010 et même avant. Si on refuse d'imposer la reconnaissance
obligatoire des associations de producteurs, et il semble que la ministre n'ait
pas voulu aller dans le sens de la… d'imposer une reconnaissance obligatoire,
alors, si on ne va pas dans ce sens-là, il faut trouver un mécanisme permettant
d'assurer que les conditions minimales négociées seront appliquées par toutes
les entreprises relevant d'un <même...
Mme D'Amours (Martine) :
...minimales
négociées seront appliquées par toutes les entreprises relevant d'un >même
secteur.
Alors, on possède, au Québec, un
dispositif juridique unique en Amérique du Nord, qui s'appelle la Loi sur les
décrets de convention collective. Cette loi donne au ministre le pouvoir, à la
demande d'une partie à une convention collective, de recommander au
gouvernement d'étendre à un métier, une industrie, un commerce ou à une
profession les conditions négociées par certaines associations représentatives
et certains employeurs. Avant de recommander une telle extension...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Mme
D'Amours, en conclusion. 30 secondes.
Mme D'Amours (Martine) : Oui.En conclusion, alors je voulais vous dire que, dans les secteurs où est-ce
qu'il y a déjà des ententes collectives, on devrait prévoir un mécanisme
d'extension. Dans les secteurs où il n'y en a pas, c'est là qu'on pourrait
appliquer le fameux article 60... excusez, là, bon, l'article qui permet
au ministre de décréter des conditions minimales à la demande d'une association
d'artistes, mais, s'il y a des conditions négociées, s'il y a une entente
collective, on ne voit pas pourquoi il ne serait pas étendu.
Troisièmement, sur le troisième pilier, je
veux dire que le fait d'inclure dans le projet de loi ce qui est prévu au Code
du travail concernant l'arbitrage de griefs et l'extension des pouvoirs du Tribunal
administratif du travail, c'est certainement un moyen de renforcer le troisième
pilier de tout régime de rapports collectifs de travail. Je m'excuse pour la
longueur.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Pas
de souci. Merci. Alors, nous allons commencer la période d'échange. Alors, Mme
la ministre, à vous la parole.
Mme Roy : Oui. Bien,
professeure, bonjour, Mme D'Amours. Merci d'être là, merci d'être avec nous.
J'ai lu avec attention votre mémoire, et, quand vous nous parliez de ces trois
piliers, j'ai appris beaucoup, on sent le professeur en vous, on le sent aussi,
la chercheuse. Dans vos documents, j'ai même compris que vous avez déjà fait un
mandat, minimalement, pour le ministère de la Culture. Donc, vous êtes une
professionnelle, dirons-nous, du milieu du travail, mais des artistes. Et, comme
vous le dites d'entrée de jeu, des... travail, mais travail atypique, et c'est
là qu'on est.
La loi, cette loi que nous déposons, ce
projet de loi n° 35, et vous l'avez dit à juste titre, c'est un régime
d'exception, c'est une loi d'exception. C'est un régime d'exception pour ces
travailleurs qui ne sont pas des salariés. Et toute la complexité de trouver un
équilibre là-dedans, c'est le fait que ces travailleurs du milieu culturel, ces
artistes ne sont pas des salariés au sens de nos fameuses lois sur les normes
du travail. Et nous tentons de faire basculer plusieurs des articles de la Loi
sur les normes du travail dans cette loi, dans ce projet de loi n° 35,
pour aider les artistes.
J'aimerais vous entendre, selon votre
expertise, votre expérience, sur la fusion des deux lois, parce que vous
l'avez... vous avez vraiment mis le doigt dessus, c'est ce qu'on tente de
faire, de faire en sorte qu'il n'y ait plus deux classes d'artistes mais une
seule. Et, selon vous, cette fusion-là, dans quelle mesure sera-t-elle
bénéfique pour les artistes de la deuxième loi, hein, ceux de la littérature,
des arts visuels et des métiers d'art? Selon vous, quels seront les plus... les
gains que ces artistes de la deuxième loi feront avec l'adoption de ces
dispositions?
Mme D'Amours (Martine) : Bien,
merci pour la question. Donc, effectivement, le projet... la loi 32.01
prévoyait la possibilité de négociation d'ententes collectives, qu'on appelait
des ententes générales. Il n'y en a pas eu, alors c'était… c'était la négociation
volontaire. Ça ne fonctionne pas, pas plus qu'avant l'adoption de la Loi sur
les relations ouvrières, qui est l'ancêtre du Code du travail. Il y avait des
lois qui prévoyaient la négociation volontaire, mais ça a donné des… ça a donné
gains à partir du moment où on a rendu la négociation obligatoire, à partir du
moment où un certain nombre de conditions sont remplies, à savoir des
associations représentatives, l'envoi d'avis de négociation, etc. Donc, de
créer l'obligation de négocier des conditions d'exercice du travail de bonne
foi, avec diligence et bonne foi, c'est pour moi une clé pour mettre en œuvre
des dispositifs qui vont permettre d'améliorer les conditions de travail et
d'emploi. C'est l'élément clé. Jusqu'ici, il y avait une possibilité, mais elle
ne s'est jamais concrétisée.
Mme Roy : Vous avez raison, puis
c'est ce qui a mené à nos travaux, justement, le fait qu'il n'y en a jamais eu.
On a vu, à l'usage, au terme de ces 30 quelques années, que personne n'avait
été là. Et donc c'est le moyen que nous avons trouvé, et je pense... jusqu'à
présent, je pense que c'est un moyen qui est apprécié et qui est souligné.
À l'égard... vous avez dit quelque chose
d'autre aussi, puis il… je ne le vois pas dans votre mémoire précisément. Vous
avez parlé du fameux <voile…
Mme Roy :
...je
ne le vois pas dans votre mémoire précisément. Vous avez parlé du fameux >voile
corporatif, là, le fait de lever le voile corporatif. Il y a les groupes
précédemment entendus ce matin, entre autres La Guilde des musiciens et l'UDA,
qui nous disaient : Bien, écoutez, madame, peut-être pourrions-nous faire
un calque de l'article 154 de la fameuse Loi sur les sociétés par actions
pour rendre responsables les administrateurs des sociétés, tout le fameux
dossier des coquilles, des fameuses coquilles. Les administrateurs se partent
des coquilles, et ils disparaissent, et ils ne paient pas, ils repartent sous
un autre nom. Donc, des groupes nous ont demandé d'ajouter au projet de loi un
amendement qui pourrait être un calque de l'article 154 de la Loi sur les
sociétés par actions. Vous en pensez quoi?
Mme D'Amours (Martine) : Écoutez,
je n'ai pas étudié cette loi-là en détail, alors j'aurais du mal à me
prononcer, mais il me semble que le principe est intéressant, d'étudier la
possibilité de dire : Bien, si vous... En fait, c'est de bloquer la
possibilité d'échappatoire à la loi, hein? Il y a une norme et puis il y a des
gens qui jouent avec la norme, qui trouvent toutes sortes de moyens de
contourner la norme. Alors, il faut essayer de bloquer les échappatoires
possibles. Une échappatoire, c'est de créer une structure qui va disparaître
aussitôt la production terminée. Alors, ça nuit non seulement à régler des...
je dirais, des problèmes de sommes dues, qui ne sont pas versées aux artistes,
mais également pour l'application de l'ensemble... d'un ensemble de clauses des
ententes collectives.
Donc, en principe, il y a toutes sortes de
débats, là, plus largement sur est-ce qu'il faut, autrement dit, que les
principes du droit du travail soient pris en compte par le droit commercial. Et
moi, je dis oui, là, non seulement dans ces questions-là, mais sur les
questions de sous-traitance. Et la Loi sur les décrets de convention
collective, elle permet ça. Et, je vous dirais, même la Loi sur les normes du
travail permet... pas exactement ça, mais qui dit : Bon, bien, il faut que
le... en cas de sous-traitance, il faut que le donneur d'ordre principal soit
tenu responsable. Donc, le principe de responsabilité doit être étendu, mais je
ne suis pas juriste et je ne connais pas suffisamment la loi pour me prononcer,
mais je peux vous dire que je suis d'accord avec le principe.
• (16 heures) •
Mme Roy : Parfait,
merci. J'ai beaucoup appris à l'égard de vos trois piliers. J'ignorais que c'était
la façon dont... On parlait d'un mécanisme d'identification des associations
représentatives, un processus de négociation et de règlement des conflits et
des voies de résolution des litiges au sujet des conditions de travail.
J'aimerais vous apporter au troisième
pilier, les voies de résolution des litiges au sujet des conditions de travail.
On en parle, entre autres, pour le bénéfice des collègues, à la page 10 de
votre mémoire, le troisième pilier, voies de résolution. On a tenté d'amener le
plus possible d'articles de la Loi sur les normes du travail, donc articles de
loi qui sont pour des salariés, et de les adapter, de les transposer, de les
faire migrer dans le projet de loi n° 35. Entre autres... et j'aimerais
que vous nous en parliez, parce que... vous élaboriez un peu plus, en ce qui a
trait à l'arbitrage de griefs, si on parle des dispositions des
articles 100 à 101.9 du Code du travail, qui sont maintenant réputées
faire partie des ententes collectives et constituer en tout ou en partie la
procédure d'arbitrage de griefs, selon vous, dans quelle mesure c'est une bonne
chose et pourquoi? Si vous pouviez un petit peu élaborer à cet égard-là.
Mme D'Amours (Martine) : Au
fond, le troisième pilier, là, juste pour expliquer un peu, c'est ce qui... ce
sont les outils qu'on donne aux parties pour appliquer ce qu'ils ont négocié.
Parce qu'on a beau avoir négocié quelque chose, ça, c'est beau, c'est le
deuxième pilier, on ne s'entend pas nécessairement sur la façon d'interpréter
ce qu'on a négocié. Et c'est là qu'intervient l'outil de l'arbitrage de griefs.
Jusqu'ici, il fallait que les parties la
négocient à l'intérieur d'une entente collective. Maintenant... Alors,
maintenant, on dit : Ces articles du Code du travail, ils sont réputés...
donc sur les pouvoirs de l'arbitre, sur les matières sur lesquels il peut se
prononcer, ça va faire partie de chacune des ententes collectives. Donc, on n'a
pas à le négocier. Parce que, jusqu'ici, ça donnait, je dirais, des résultats
inégaux. Alors, jusqu'ici, on a dit : Bien, on va... l'outil qui est fort,
là, qui a été expérimenté dans le cadre du travail, soit les pouvoirs de l'arbitre
de griefs, comment il peut se prononcer, sur quoi il peut se prononcer, etc.,
on va l'inclure dans toute entente collective. Et vous avez fait la même chose
à l'égard de la Loi sur les normes du travail en disant : Les clauses sur
le harcèlement psychologique, qui inclut le harcèlement sexuel, on les prend et
on présume qu'ils vont <faire...
>
16 h (version révisée)
< Mme D'Amours (Martine) :
...psychologique
qui inclut le harcèlement sexuel. On les prend et on présume qu'ils vont >faire...
en fait, ils vont être considérés comme faisant partie d'emblée de toute
entente collective, comme les articles équivalents du code font d'emblée partie
de toute convention collective. Alors, bravo pour ça aussi, en passant.
Mme Roy : Est-ce qu'en
travaillant de la sorte, en faisant ces transferts de bonnes portions d'articles
de la Loi sur les normes vers le p.l. n° 35, et
donc pour donner des outils supplémentaires aux artistes et naturellement aux
associations... est-ce que, selon vous, ça va alléger peut-être le processus de
la négociation d'ententes et fournir une protection supérieure pour les
artistes?
Mme D'Amours (Martine) : Bien,
ça dépend de quels artistes... de quels articles de la Loi sur les normes du
travail vous parlez.
Mme Roy : À l'égard, par
exemple, de ceux pour l'arbitrage de griefs, parce que je pense que vous avez
mis le doigt sur quelque chose d'important. Ça devait être négocié dans chaque
entente individuelle. Là, ça ne sera plus le cas, ça va... d'emblée, c'en fera
partie. Alors...
Mme D'Amours (Martine) : D'emblée,
c'en fera partie, ce qui n'empêche pas les parties de négocier au-dessus de ça,
mais ça demeure la base, ça demeure la base. Alors, on va dire, dans le cas de
mésentente, etc., c'est un recours possible, et il est présumé faire partie de
toute entente collective. Alors, ça va, je pense, faciliter le règlement des
mésententes qui surviennent en cas d'entente collective. Et, je dirais, c'est
même... Étant donné que, pendant l'entente collective, on ne peut pas exercer
de moyens de pression... hein, la durée de l'entente collective, c'est une
période de paix industrielle, mais, même en période de paix, si on ne s'entend
pas, il faut trouver un moyen de résoudre les mésententes. Alors, c'est un
moyen qui est codifié dans la loi et qui deviendrait partie prenante. Donc, je
pense que c'est facilitant, et même pour les deux parties, pour les deux
parties.
Et c'est la même chose pour les clauses
qui concernent la précision apportée aux pouvoirs du tribunal du travail... du
Tribunal administratif du travail, oui, du TAT. Effectivement, jusqu'ici, sa
compétence était relativement limitée. Puis là elle va être étendue à toute une
série d'éléments, là, qui sont mentionnés. Je ne veux pas nécessairement tous
les redire, mais une négociation de mauvaise foi, déclenchement de l'action
concertée, reconnaissance, etc. Bon. Alors, ça aussi, pour moi, ça fait partie
d'un arsenal, là, beaucoup plus solide pour permettre aux parties de résoudre
les litiges qui peuvent survenir en cours d'entente collective.
Mme Roy : J'aime
beaucoup vous entendre, parce que c'est ce qu'on a tenté de faire, d'avoir un
projet de loi équilibré, qui colmatait des brèches qu'on a vues avec l'usage,
avec le temps, mais aussi y apporter des articles... quand vous dites «facilitants»
pour les deux parties. Et ça, c'est important, pour nous, de garder une
harmonie autant pour les artistes que pour ceux qui les emploieront. Donc, le
fait qu'il y ait des articles qui plaisent aux deux, c'est... On a beaucoup
tenté de trouver des chemins d'entente, des chemins pour arriver avec ces nouvelles
dispositions. Donc, vous nous dites «un arsenal plus solide», je suis... je
le prends en note, j'aime les termes que vous employez. Mme D'Amours, moi,
je vous remercie pour votre collaboration. Je vous remercie pour le mémoire. Je
sais, entre autres, que vous êtes une invitée qui a été chaudement recommandée
par nos collègues de la deuxième opposition. Alors, moi, je vais céder mon
temps de parole. Il y reste peut-être mon collègue de Saint-Jean qui...
Des voix : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Pardon?
Mme Roy : ...Joëlle. Ah!
Pardon. Excusez-moi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Pas de problème.
Mme Roy : La députée de
Jean-Talon, la députée de Jean-Talon qui aimerait vous poser une question.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Ah ! la parole, députée
de Jean-Talon, il vous reste 4 min 20 s.
Mme Boutin : Bonjour,Mme D'Amours. Merci pour votre mémoire. C'est vraiment très, très
intéressant, j'en apprends beaucoup. Puis nous, on siège sur cette
commission-ci, donc ce n'est pas le premier projet de loi qui touche, justement,
la sécurité ou les normes du travail de certaines catégories dans la société.
Donc, on aime ça toucher un secteur qui est aussi névralgique et, je dirais,
émotif au Québec, quand même, les artistes.
À la page 11 de votre mémoire, vous
parlez, bon, que, oui, là, le p.l. n° 35, là,
est susceptible de réduire la précarité socioéconomique des artistes. Puis je
pense qu'on répond aussi aux recommandations, là, du rapport de l'UNESCO de
1980, justement, en ce sens-là.
J'ai deux petites questions. Je vais vous
les dire d'emblée. Premièrement, est-ce que, par rapport à ce qui se fait
ailleurs, notamment en France... comment est-ce que vous pourriez comparer,
justement, le projet de loi n° 35 à... les conditions
en France, est-ce qu'il y a une <amélioration...
Mme Boutin :
...les
conditions en France, est-ce qu'il y a une >amélioration?
Mme D'Amours (Martine) : Est-ce
que vous parlez du régime des intermittents du spectacle?
Mme Boutin : Oui, j'ai lu un
peu. Puis je me demandais, justement, est-ce qu'on se démarque, au Québec, avec
ce projet de loi là.
Mme D'Amours (Martine) : Bien,
c'est parce que ça ne porte pas sur les mêmes objets. Le régime des intermittents
du spectacle, c'est un régime d'assurance chômage, si on veut, adapté aux
artistes et, d'ailleurs, aux ouvriers et aux techniciens. Ce n'est pas
seulement les artistes, c'est aussi tous les travailleurs qui sont de près ou
de loin associés à la production des œuvres, parce qu'ils vivent les mêmes
problématiques que les artistes.
Mme Boutin : Bien,
d'ailleurs, dans votre mémoire, vous faites un petit peu de recommandations, mais
ce n'était pas vraiment ma question, là. Au niveau du régime, là, allemand
d'assurance sociale puis de protection sociale, vous faisiez la recommandation
d'aller plus vers cette direction-là. Mais, moi, ma question, c'est par rapport
à l'enjeu de la santé, la sécurité du travail, vous dites... Moi, ma question...
Puis je ne suis pas intervenue beaucoup, mais je sais que la plupart des
artistes au Québec oeuvrent à titre de travailleur autonome. Puis, bon, bien,
pour avoir accès, justement, au régime de la CNESST, les gens doivent faire une
demande de protection personnelle ou individuelle, mais c'est personnel. Est-ce
que vous savez s'il y a des artistes qui vont faire une demande comme ça?
Est-ce que vous croyez que le projet de loi, là, n° 35
est suffisant en ce sens-là? Avez-vous des recommandations?
Mme D'Amours (Martine) : C'est
très particulier, la question de la santé et sécurité du travail. Certains
groupes d'artistes, ceux qui correspondent à 32.1, là, certains groupes
d'artistes de la scène ont bénéficié d'une couverture SST pour des activités
prévues dans le cadre de leur contrat d'engagement. Cependant, pour tous les
autres, et toutes les autres situations, ils doivent adhérer individuellement.
Autrement dit, l'ensemble des travailleurs québécois... pour l'ensemble des
salariés québécois, c'est l'employeur qui paie la cotisation CSST. Et on
voudrait nous dire que, ah, bien, si tu ne tombes pas... d'abord, si tu n'es
pas salarié puis si tu ne fais pas partie des catégories d'artistes de la scène
qui bénéficient d'une couverture SST dans le cadre de ton contrat d'engagement...
Par exemple, si tu es comédien, danseur, bon, puis tu te blesses pendant une
prestation, tu vas être couvert, et, si tu ne fais pas partie de ces
catégories, tu devras cotiser individuellement.
Alors, on dit la même chose d'ailleurs aux
travailleuses domestiques. Je pense qu'il y a un nombre minime de travailleurs,
travailleuses, au Québec, qui paie elle-même ou lui-même la cotisation, parce
que c'est des coûts prohibitifs pour des gens qui sont précaires et qui gagnent
des faibles revenus. Donc, ça, pour moi, c'est un vœu pieux, c'est complètement
inadéquat.
Par ailleurs, la question de la SST, c'est
quelque chose de très particulier. Moi, j'hésiterais à dire : Il faut
l'intégrer dans la loi, à ce moment-ci, parce que ça mériterait une étude en
profondeur, et de comment on peut prévenir les blessures au travail, et comment
on peut indemniser les personnes lorsqu'elles sont blessées. C'est ce que je
peux vous dire.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
20 secondes... À moins que ça soit terminé déjà.
Mme Boutin : Merci beaucoup,
Mme D'Amours. C'est vraiment très, très intéressant.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Alors, nous poursuivons la période d'échange cette fois-ci avec la députée de
l'Acadie.
• (16 h 10) •
Mme St-Pierre : Merci. Merci
pour votre présence. C'est effectivement très intéressant. Moi, je regarde
votre quatrième principe, là, en page 13, puis vous dites... vous parlez
de la multiactivité et des avantages sociaux qui peuvent être payés pour
quelqu'un qui pourrait, par exemple, être un concepteur, puis écrire, puis
jouer. Donc, on ferait affaire avec trois... peut-être trois conventions
collectives différentes. Et on l'avait vu avec AQTIS puis IATSE, à ce
moment-là, dans le domaine du cinéma, qu'il y avait... des avantages sociaux
ont été fusionnés. Je ne me souviens plus si on l'avait fait dans la loi ou
dans le cadre d'une entente à part, là, on pourrait avoir des gens pour nous
éclairer là-dessus, mais ça s'est fait. Là, ça veut dire que quelqu'un qui
serait en multiactivité aurait moins de... bien, moins de protection,
c'est-à-dire ne serait pas protégé totalement pour l'ensemble de son activité.
Est-ce que c'est exact, ce que je vous dis là?
Mme D'Amours (Martine) : C'est-à-dire
qu'actuellement, si vous êtes couvert par une entente collective, vous avez
droit à des protections. Mais les protections... le niveau de la protection
dépend du niveau de revenus que vous avez fait dans cette activité. Alors, si
vous avez des activités dans plusieurs champs artistiques, vous allez avoir le
minimum. Autrement dit, vous allez avoir cumulé le niveau... le niveau de
protection va correspondre au niveau de revenus que vous avez cumulé. Pour vous
donner l'exemple que je trouve inspirant, dans l'industrie de la construction,
peu <importe...
Mme D'Amours (Martine) :
...pour vous donner l'exemple que je trouve inspirant, dans
l'industrie de la construction, peu >importe que le travailleur de
la construction travaille dans le résidentiel, le commercial, l'industriel, sur
chaque paie, la cotisation de l'employeur, de l'entrepreneur est prélevée,
celle du travailleur est prélevée, ça va tout dans le même fonds, et c'est vrai
pour les assurances collectives et c'est vrai pour la retraite, si bien qu'il
n'y a pas ce fractionnement selon le type d'activités que vous faites. Et, bien
sûr, si on cumule les cotisations à l'échelle du secteur, bien, au bout du
compte, hein, si on additionne ça dans un même régime, les bénéfices vont être
encore plus grands.
Parce que les bénéfices d'un régime de
protection sociale, c'est lié à deux caractéristiques, hein, votre niveau de
revenus puis la quantité d'activités que vous faites, hein, votre présence sur
le marché du travail. Alors, si vous êtes présent la majorité du temps, vous
devriez bénéficier des retombées ou des bénéfices qui sont liés à l'ensemble de
votre activité et non pas la voir fractionnée entre différents régimes. Puis
ça, c'est ma conviction.
Mme St-Pierre : J'ouvre
peut-être un trop grand chapitre, mais est-ce que c'est quelque chose que l'on
devrait prévoir dans la loi, ou si c'est impossible, ou si ça veut dire que,
vraiment, on ouvrirait quelque chose qui prendrait des mois et des mois, ou si
on peut suggérer d'en faire, je ne sais pas, un règlement ou... Autrement dit,
est-ce qu'il y a une voie pour que nous puissions régler cette situation-là?
Mme D'Amours (Martine) : Moi,
je ne suggère pas que vous l'intégriez dans la loi, tout simplement parce qu'il
n'y a pas eu de discussions avec les partenaires sociaux sur cette question-là.
Ça serait la première étape.
Je pense que, le chantier de la protection
sociale comme tel, à la fois les programmes de protection que j'appelle privés,
c'est-à-dire ceux qui se négocient à l'intérieur des ententes collectives où on
prévoit une contribution du travailleur et une contribution du donneur d'ordre,
et à la fois les programmes publics doivent être repensés, hein, doivent être...
ou doivent faire l'objet d'un chantier. C'est pour ça que j'avais mis ça dans
mon mémoire à la fin, en disant : Bon, bien, c'est un pas en avant, le
projet de loi, je souhaite son adoption d'ici la fin de la présente
législature, mais ça ne fait pas le tour, hein? Ce n'est pas un projet de loi,
une loi qui va régler l'ensemble de la problématique de la précarité des
artistes. Et, le dossier de la santé et sécurité et le dossier général de la
protection sociale, dont les programmes publics, je me faisais... je me
permettais de souhaiter que ça fasse l'objet de projets chantiers
gouvernementaux, et pas dans 30 ans, là.
Parce que dites-vous bien qu'un artiste,
même... ou un travailleur autonome, en général, même s'il performe très bien,
qu'il gagne un bon revenu, il suffit qu'il tombe malade, hein, qui... Et
actuellement il n'y a pas de protection, alors il peut basculer dans la
pauvreté la plus abjecte du jour au lendemain par défaut de filet suffisant de
protection sociale.
Mme St-Pierre : Oui. Alors
donc, je comprends qu'il faudrait qu'on se penche là-dessus éventuellement. Ça
serait comme un complément, puis on viendrait encore donner plus de protection.
Mais je me demandais si ça pouvait se faire par une voie réglementaire,
c'est-à-dire ne pas nécessairement le faire là, dans la loi, mais laisser le
champ libre pour une voie réglementaire. Mais on en reparlera.
Je voudrais vous poser une question sur...
J'ai deux autres questions. Entre autres, vous avez parlé d'un mécanisme
d'extension, vous avez dit... je ne vous ai peut-être pas bien compris, mais
vous avez dit : S'il y a des conventions existantes, il faudrait que ce
soit un mécanisme d'extension et qu'il n'y ait pas de négociation
nécessairement. Je ne sais pas si je vous ai bien suivi, et... Mais il y a
quelqu'un, ce matin, qui est venu nous dire qu'il y a une convention collective
qui est là depuis 20 ans, puis elle devrait être revue, puis le vis-à-vis
est complètement barré, puis il ne veut pas. Alors là, avec cette loi-là qu'on
va adopter, bien, s'il continue à barrer, là c'est le règlement qui va entrer
puis qui va forcer une renégociation. Qu'est-ce que vous voulez dire par «mesure
d'extension»?
Mme D'Amours (Martine) : O.K.
Bien, je dirais qu'il y a trois cas de figure. Premier cas de figure, il y a
des ententes collectives dans un secteur, mais il y a toutes sortes de
subterfuges qui sont utilisés pour faire en sorte de ne pas l'appliquer. Alors,
il y a certains producteurs par... Je vous donne un exemple, il va démarrer une
entreprise pour une production, il va la fermer ensuite. Alors, on n'a même pas
le temps, l'association d'artistes n'a même pas le temps de négocier et d'avoir
le... Bon. Donc, s'il y a des ententes collectives dans des secteurs mais que,
dans les faits, elles ne s'appliquent pas, un mécanisme d'extension juridique
permettrait au gouvernement de dire : On va l'étendre à tout le secteur.
Quant à moi, c'est un incitatif aux parties à <négocier...
Mme D'Amours (Martine) :
...on va l'étendre à tout le secteur. Quant à moi, c'est un
incitatif aux parties à >négocier, parce que tu dis : Bien, si
je ne négocie pas, il va y avoir quelque chose d'autre que peut-être je
n'aimerai pas. Alors, ça, c'est une première chose.
Deuxième cas de figure, des secteurs où il
n'y a pas d'entente collective. Là, je pense qu'à la demande d'une association
d'artistes, oui, le ministre, la ministre ou enfin le gouvernement pourrait
établir un minimum. Et ce que vous me disiez, c'est le cas de secteurs... Là,
je ne sais pas auxquels cas, au juste, vous faites allusion.
Mme St-Pierre : Où les
négociations... où il n'y a jamais... où il n'y a pas de négociation depuis
plusieurs années, alors qu'il y a quand même une demande de la partie qui veut négocier
vers le vis-à-vis, puis, le vis-à-vis, c'est barré depuis 20 ans. C'est ça
que je voulais savoir, quand vous parlez de mécanisme d'extension, si vous
vouliez dire... on devrait dire : Bien, cette convention-là, elle va se
poursuivre, mais ce n'est pas ça que vous vouliez dire.
Mme D'Amours (Martine) : Bien,
ce n'est pas ce que je voulais dire, puis, ce cas-là, je ne le connais pas,
j'aurais du mal à me prononcer dessus... là-dessus.
Mme St-Pierre : C'est
dans le cas d'une maison de production qui ouvrirait ses portes pour une
production, ferme ses portes, s'en va sur une autre production, puis qu'il n'y
a pas de lien entre les deux.
Mme D'Amours (Martine) : Bien,
en fait, c'est dans tous les cas où les associations n'arrivent pas à négocier
avec des producteurs dans des secteurs, parce que... Bon, ils réussissent avec
certains à négocier, entre autres avec l'ADISQ, l'AQPM, mais il y en a d'autres
qui ne sont pas membres de ces associations et qui trouvent toutes sortes de
moyens d'échapper à la négociation collective. Alors, je dis : Bon, bien,
si on ne veut pas rendre obligatoire leur adhésion à une association de
producteurs... Ça pourrait être le cas, hein, dans la construction, tous les
entrepreneurs sont obligés d'être membres de l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec, alors ils sont obligés d'être membres, et c'est
l'association qui négocie, en leur nom, le tronc commun des conventions
collectives. Puis il y a aussi des associations d'employeurs sectorielles, mais
il y a une obligation d'appartenance. Alors, autrement dit, ce qui est négocié
dans la construction, ça va automatiquement être appliqué par l'ensemble.
Mme St-Pierre : Je pense
que, dans un monde idéal, c'est ça qui devrait arriver, là, que le vis-à-vis...
en tout cas, dans le domaine du livre.
J'ai une question sur le tribunal. Je n'ai
pas... Je ne connais pas beaucoup le volume d'activité du tribunal, mais je
présume que c'est un gros volume d'activité. Est-ce que les gens qui siègent au
tribunal sont des gens qui vont être équipés, à court terme, pour prendre des
dossiers qui vont leur être soumis? Est-ce qu'ils ont l'expertise pour ça? Est-ce
que ça prend une expertise particulière pour être capable de gérer une cause
qui viendrait devant le tribunal? Parce que peut-être que ça devrait être un tribunal
spécialisé sur la question des artistes, mais...
Mme D'Amours (Martine) : Mais
il y en a déjà, hein, au départ, là, dans la loi, il y avait la Commission de
reconnaissance des associations d'artistes et des associations de producteurs.
Puis on a, ensuite, transféré... on a aboli cette commission. Donc, ça, c'était
un tribunal spécialisé sur les questions des artistes.
Alors là, je pense qu'eux on a plutôt
trouvé qu'ils manquaient peut-être d'expertise en relations du travail, au
contraire, et puis on a confié le mandat à la Commission des relations de
travail, qui est aujourd'hui le Tribunal administratif du travail. Je pense que
votre question, elle aurait peut-être pu se poser au moment de ce transfert,
hein, alors que la Commission des relations du travail n'était pas familière.
Mais maintenant ça fait quand même un certain nombre d'années qu'ils ont cette
responsabilité. Alors, je ne serais pas trop inquiète. Est-ce qu'ils ont les
ressources? Ça, je pense peut-être qu'il faut leur fournir davantage de
ressources pour le faire, je ne suis pas au courant.
Mme St-Pierre : En tout
respect, ça va être nouveau pour eux, là, parce que les causes, elles
n'allaient pas là, les causes s'en allaient sur les tribunaux réguliers.
• (16 h 20) •
Mme D'Amours (Martine) : Bien,
les causes allaient là pour certains éléments, sur toutes les demandes de
reconnaissance, et tout ça, donc ils en ont étudié. Moi, j'ai vu de la
jurisprudence du Tribunal administratif du travail, sauf qu'ils étaient
restreints à certains objets, ils ne pouvaient pas se prononcer sur, par
exemple, négociation de mauvaise foi, des choses comme ça, mais ils ont... Ils
connaissent quand même la problématique des artistes, beaucoup plus qu'au
moment où ils ont eu ce mandat.
Mme St-Pierre : ...Netflix,
qui produit aussi, est-ce que Netflix échapperait à cette loi-là?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 20secondes.
Mme D'Amours (Martine) : Netflix,
ce n'est pas un producteur du Québec, hein?
Mme St-Pierre : Mais il
produit, il pourrait acheter des... Il pourrait faire de la production pour le
Québec.
Mme D'Amours (Martine) : Écoutez,
en principe, là, si on avait un vrai régime de... collectif de travail, il
s'appliquerait à tout producteur qui exerce... qui fait sa production sur le
territoire du Québec. Cependant, je ne suis pas assez, comment dire, connaissante
en droit international et en <droit comparé...
Mme D'Amours (Martine) :
...ne
suis pas assez, comment dire, connaissante en droit international et en >droit
comparé pour vous dire s'il y aurait des compétences partagées, tout ça. Moi,
ce que je note, c'est qu'il me semble que l'intention originale du législateur,
c'était un vrai régime sectoriel qui couvre l'ensemble. Et là on s'aperçoit
qu'il y a trop d'échappatoires, il y a trop de situations où des artistes ne
sont pas couverts par des ententes.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Merci, Mme D'Amours. Nous poursuivons cette fois-ci avec la
députée de Taschereau. Elle ne dispose que de 2 min 55 s. Alors,
il faut être brève dans nos réponses.
Mme Dorion : Merci beaucoup.
Merci, Mme D'Amours. Très intéressant. Donc, on en retient que là on a une loi
sur le statut de l'artiste, une réforme, mais qu'un jour il va falloir des
programmes, et on va les attendre avec beaucoup d'espoir. Donc, on voit, dans
la loi, que ce qui est demandé, c'est que... ce qui pourrait avancer, c'est
que, bon, là où il n'y a pas de convention collective, là où il n'existe pas de
règlement, bien, le ministre ou la ministre pourra déterminer par règlement des
conditions.
Et beaucoup d'associations d'artistes sont
venues, ils ont dit : Oui, mais c'est important de savoir quel sera le
processus, qui peut faire cette demande-là à la ministre. Est-ce que la
ministre est obligée de répondre si c'est une organisation d'artistes reconnue
qui fait la demande? Bon, c'est des questions importantes, et comme on va avoir
à en discuter, puis ça ne sera peut-être pas si compliqué à régler, mais on... J'aimerais
avoir votre point de vue là-dessus, comment ça devrait fonctionner. Est-ce que
c'est juste des associations d'artistes qui devraient pouvoir faire cette
demande-là? Et est-ce que la ministre devrait obligatoirement arriver à mettre
les parties ensemble pour les faire s'entendre? Comment ça pourrait
fonctionner? Voilà, question large sur le processus.
Mme D'Amours (Martine) : C'est...
Tu sais, le diable est dans les détails, là. Alors, j'aurais pu vous dire,
comme chercheur en relations de travail : Oui, oui, il aurait suffi qu'une
des parties demande... Mais j'ai entendu, ce matin, le témoignage des
représentants et représentantes de l'UDA et qui disaient : Ah! bien oui,
si c'était un producteur qui le demanderait, il pourrait complètement
contourner l'esprit de la loi, en se disant : On va se contenter de
conditions minimales, on ne va pas négocier.
Alors, ce n'est pas ça, l'esprit de la loi,
l'esprit de la loi, c'est de dire : On veut favoriser au maximum la
conclusion d'ententes collectives. Là où elles sont conclues, on veut qu'elles
s'appliquent à tout le monde, hein, à tous les producteurs, à tous les
artistes. Et, bien là, si pour x raisons, après négociation, etc. ou parce que
les parties à la relation d'emploi ne sont pas assez constituées en association,
tu sais, il y a des domaines plus émergents, il y a des... alors, à ce
moment-là, qu'il y ait, à la demande d'une association d'artistes, une
intervention du législateur, je serais favorable. Mais je pense que le premier
temps, c'est toujours de favoriser la négociation collective et de mettre à la
disposition des parties des outils pour les aider en ce sens. Donc, l'arbitrage
de la première convention, ça fait partie de ça.
Mme Dorion : O.K. Mais,
quand il y a trop de producteurs différents, par exemple quand on parlait de
conférences ou de colloques, tu sais, on ne peut pas faire des négociations à
la pièce avec chaque employeur parce qu'ils sont trop petits et trop nombreux.
C'est une occasion ou ça pourrait être une bonne idée qu'il y ait un règlement
de la part de la ministre. Mais, c'est ça, on se demandait quel processus,
quelle forme ça pourrait prendre, s'il y aurait des obligations, mais là je
pense que... À moins que M. le député de Matane-Matapédia...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Je vais vous laisser une minute additionnelle, Mme Daoust, pour
répondre... Mme D'Amours, pardon, pour répondre à la question.
Mme D'Amours (Martine) : Bien,
ça ne serait pas très long parce que j'ai du mal à vous répondre. J'ai du mal à
imaginer quelle serait la procédure exacte, mais qu'à la demande d'une
association d'artistes il y ait consultation de la ministre ou du ministre
auprès des associations d'artistes et de producteurs pour déterminer des normes
minimales, que ce soit donc liant, hein, je veux dire, que, hein, ce ne soit
pas seulement un vœu pieux. Et là-dessus, bien, le libellé de l'article était
peut-être un peu mou. J'essaie de retrouver le libellé... «le gouvernement peut,
par règlement, après consultation», etc. Donc, il n'y a pas de déclencheur,
autrement dit, pour le moment il n'y a pas de critère qui dit : Bien,
qu'est-ce qui fait qu'à partir du moment où tel et tel critère sont présents il
y a comme quelque chose qui s'enclenche pour les déterminer, hein, pour faire
des consultations, pour faire des études, déterminer, bon, ça serait quoi, ces
normes-là?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Merci, Mme D'Amours, pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Alors, nous allons suspendre quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 27)
(Reprise à 16 h 29)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
pour le prochain bloc ou groupe, si vous voulez, on reçoit deux groupes, la
Guilde canadienne des réalisateurs, Conseil du Québec, et l'Alliance québécoise
des techniciens et des techniciennes de l'image et du son, section locale
514 IATSE. Alors, nous commençons d'abord par Mme Barrette. Avant de
commencer votre exposé de cinq minutes, je vous inviterais à bien vous
présenter.
Conseil du Québec de la Guilde canadienne des
réalisateurs (CQGCR) et Alliance québécoise des techniciens et techniciennes de
l'image et du son, section locale 514 IATSE (AQTIS)
Mme Barrette (Chantal) : Oui,
bonjour. Je me présente : Chantal Barrette, agente d'affaires pour le
Conseil du Québec. Je suis accompagnée de notre avocate, Me Lisane Bertrand.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Alors, vous pouvez commencer votre exposé.
• (16 h 30) •
Mme Barrette (Chantal) : Donc,
bonjour, Mme la ministre, Mme Roy, Mme la Présidente et membres de la
Commission de l'économie et du travail. Merci de nous recevoir aujourd'hui. La
Guilde est un syndicat pancanadien de 6 600 membres. Le Conseil du
Québec compte, quant à lui, plus de 800 membres oeuvrant au niveau créatif
et de production et logistique, tant en production cinéma, télévision et
nouveaux médias. Nous négocions des ententes collectives avec l'AQPM, avec
l'Association des producteurs publicitaires, et des ententes collectives
promulguées avec les producteurs américains.
Tout d'abord, parlons des éléments
présentés dans le projet de loi n° 35 pour lesquels nous avons des
préoccupations. Premièrement, l'article 24.2, sur le devoir de
représentation. Nous sommes tout à fait d'accord avec la proposition de l'UDA,
de ce matin, pour les raisons qu'ils ont invoquées. C'est pourquoi le devoir de
représentation devrait, selon nous, concerner les artistes qui sont visés par
une entente collective.
L'article suivant sur lequel nous désirons
attirer votre attention est l'article 68.6. Pour ce qui est de la Guilde,
notre réalité est un peu différente des autres associations qui couvrent des
secteurs autres que l'audiovisuel. C'est pourquoi nous ne croyons pas que nous
en ayons besoin, d'un tel article, mais nous comprenons que d'autres
associations pourraient en avoir besoin.
Toutefois, étant donné que cet article
serait dans la loi, la proposition, dans son état actuel, nous préoccupe, et
nous croyons que celle-ci devrait prévoir des éléments suivants : tout
d'abord, que ce soit sur demande d'une association d'artistes seulement, qu'il
y ait une procédure de grief intégrée, que le règlement ait une durée limitée
dans le temps, et notre recommandation est de deux ans, et que, pendant l'application
de la loi, les parties doivent... peuvent négocier une entente collective et
faire en sorte que le règlement cesse de s'appliquer si une entente collective
est conclue.
Maintenant, permettez-nous de vous parler
de ce qui n'est pas dans le projet de loi n° 35 et qui nous préoccupe. En
2009, afin de régler un conflit syndical entre l'artiste et IATSE, le
gouvernement a fait les deux principales modifications suivantes : ils ont
brillamment reconnu 150 fonctions de travail et ils ont mis en place, de
façon artificielle, cinq <secteurs de...
>
16 h 30 (version révisée)
< Mme Barrette (Chantal) :
...de
façon artificielle cinq >secteurs de production selon l'origine du
producteur, les secteurs 1 à 4 et le secteur des annonces publicitaires. C'est
pourquoi, en 2009, les fonctions de travail suivantes ont été assimilées, à juste
titre, à l'artiste : on parle de chauffeur, cantinier, assistant à la
réalisation, gréeur, assistant-coiffeur, et j'en passe.
Toutefois, certaines personnes n'ont pas
eu cette chance. Certaines ont plutôt été nommément exclues de la loi, les
privant automatiquement du droit à la syndicalisation. On pense, entre autres,
aux comptable et assistant comptable de production. De plus, ces dernières
années, de nouvelles fonctions sont apparues ou apparaîtront au fil des
transformations technologiques, et, parce qu'elles n'existaient pas en 2009,
les associations d'artistes devront continuer à faire la preuve que ces fonctions
sont artistiques ou devraient être assimilées à l'artiste.
Vous comprendrez, mesdames et messieurs,
qu'il est très difficile de comprendre et encore plus d'expliquer à des membres
pourquoi un cantinier, à juste titre, a eu le droit et le privilège d'être
assimilé à un artiste, alors qu'une autre personne faisant partie de la même
équipe de production ne puisse avoir le même droit. Nous tenons à mentionner
que les producteurs américains qui viennent tourner sur notre territoire les
reconnaissent volontairement. Ils sont donc couverts par nos ententes
collectives avec les producteurs. Toutefois, ce n'est pas le cas avec les
producteurs québécois.
Afin de permettre la reconnaissance et le
droit à la syndicalisation de toutes les personnes travaillant au sein d'une
équipe de production, nous vous recommandons d'amender l'article 1.2 de la
loi afin d'y inclure tous les artistes, les techniciens et les autres personnes
dont les services sont retenus à la pige et qui occupent des fonctions
permettant à ce qu'une œuvre audiovisuelle puisse voir le jour.
Maintenant, parlons de l'impact de l'implantation
des cinq secteurs. Pour un technicien, cela signifiait que, s'il désirait
travailler à la fois sur les productions québécoises et sur les productions
américaines, il devait être membre de deux syndicats différents, même si le
travail, les méthodes de travail et les enjeux restaient les mêmes.
Or, en janvier 2021, les deux locaux IATSE
ont fusionné avec l'AQTIS, réglant une fois pour toutes leurs conflits
syndicaux. On les en félicite. Aujourd'hui, en 2022, tout semble réglé entre
les syndicats grâce à la fusion? Malheureusement, non, certains membres de la
guilde continuent d'être double allégeance, car leur fonction est scindée entre
nous et l'AQTIS, selon les secteurs. Nous vous invitons, d'ailleurs, à
consulter le tableau de représentation actuel, figurant à la page 9 dans
notre mémoire.
Nos démarches légales effectuées en 2019
pour les représenter afin qu'ils soient tous réunis sous la guilde se sont
soldées par un échec. Ils sont actuellement pris dans un cul-de-sac juridique,
malgré leur volonté clairement exprimée, comme en témoignent les deux pétitions
signées par 239 membres. Ces 239 membres doivent continuer à payer
deux cotisations à deux syndicats pour le même travail fait de la même façon,
mais avec des employeurs différents. Cette double allégeance comporte plusieurs
désavantages, dont un frein à leur carrière.
Pour toutes ces raisons, nous vous
demandons d'ajouter l'article 44.1 au projet de loi n° 35 afin d'établir
que la guilde représente pleinement ses membres dans tous les secteurs. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci,
Mme Barrette. Nous poursuivons maintenant avec l'alliance québécoise des
techniciennes et techniciens de son et de l'image. Je vous invite à vous
présenter avant de commencer votre exposé de cinq minutes.
M. Lemay (Christian) : Merci,
Mme la Présidente. Mon nom est Christian Lemay. Je suis le président du
syndicat récemment fusionné AQTIS 514 IATSE. Je suis accompagné de Me
Étienne Lafleur, qui est aussi le directeur des relations de travail de notre
syndicat.
Mme la ministre, Mmes et MM. les députés
et membres de la commission, l'Association québécoise des techniciens et
techniciennes de l'image et du son, AQTIS 514 IATSE, affiliée à la FTQ,
tient à vous remercier de votre invitation. Nous représentons 8 000 professionnels
pigistes qui oeuvrent dans plus de 200 métiers liés à la production
audiovisuelle, travaillant derrière la caméra. Notre organisation propulse la
passion et le talent de ses membres et contribue ainsi au rayonnement de l'industrie
ainsi qu'à la vitalité économique de la province.
Nous sommes devant vous aujourd'hui afin
de vous présenter notre mémoire commentant le projet de loi n° 35. D'emblée,
reconnaissons tout de suite une chose, l'exercice de révision de la LSA était
plus que nécessaire, et nous considérons que c'est un début, un début dans la
mesure où ce projet de loi n° 35 propose une avancée importante sur
plusieurs aspects. Dorénavant, tous les artistes de la province seront couverts
par un seul et unique et plus avantageux régime.
De plus, notre association est heureuse d'avoir
constaté que plusieurs de nos propositions de notre mémoire initial sont
retenues dans le projet de loi n° 35, telle que la reconnaissance générale
du Tribunal administratif du <travail...
M. Lemay (Christian) :
...telle
que la reconnaissance générale du
Tribunal administratif du >travail
afin qu'il soit le seul tribunal compétent afin d'entendre les litiges
découlant de la LSA. Bien entendu, l'ajout d'une protection législative contre
le harcèlement psychologique et sexuel était plus que nécessaire.
Nous aimerions profiter de notre présence
afin de vous indiquer certaines préoccupations, entre autres à l'égard de
l'article 22 du projet de loi et qui aura un impact important sur nos
membres et les artistes en général si l'article n'est pas modifié.
Il était grandement temps que les artistes
et artisans couverts par la LSA puissent bénéficier de la même protection que
leurs collègues salariés au sens du Code du travail. Toutefois, il est
important de vous indiquer, contrairement à l'article 59 du Code du
travail et à l'article 32b de la Loi sur le statut de l'artiste, fédérale,
que le gel des conditions de travail suggéré par le projet de loi est
incomplet. Incomplet, car l'article 22 du projet de loi, tel que rédigé,
ne contient aucune protection pour nos membres et les artistes en général
contre une possible modification unilatérale des conditions d'engagement par un
producteur, et ce, durant la période de grande vulnérabilité qu'est celle
suivant l'envoi d'un avis de négociation collective et avant qu'une entente
collective ne soit conclue. C'est à ce moment que les artistes ont besoin de la
protection plus étendue de la loi. Les artistes oeuvrent déjà dans un milieu à
grande précarité, alors pourquoi rajouter un souci de plus en permettant une
potentielle modification unilatérale de leurs conditions de travail?
Une autre préoccupation que nous tenons à
vous soumettre aujourd'hui et qui n'apparaît pas dans la mouture actuelle du
projet de loi est à l'égard de l'importance de rendre les sociétés liées
solidairement responsables les unes envers les autres pour les dettes et
obligations découlant d'une entente collective. Il s'agit d'un problème réel
pour les associations d'artistes. Trop souvent, nous sommes confrontés à des
coquilles vides qui ont tôt fait de disparaître après les productions, rendant
ainsi difficile, voire même impossible, en quelques situations, l'exécution
d'obligations qui peuvent notamment découler d'un jugement ou d'une sentence
arbitrale.
En guise de conclusion, nous voulons vous
indiquer... nous voulons indiquer, pardon, aux membres de la commission que, si
ce projet de loi n'est pas traité en profondeur par l'Assemblée nationale, il y
a lieu de croire que l'objectif d'améliorer les conditions socioéconomiques des
techniciennes et techniciens de l'audiovisuel du Québec ne soit pas atteint.
Convenons ensemble que le dialogue doit
continuer. Le moment est trop important afin de prendre cet exercice à la
légère, et c'est pour cette raison que nous voulons vous indiquer que nous
sommes solidaires des autres associations d'artistes, du principe d'une
révision de la loi sur le statut de l'artiste à chaque cinq ans, surtout
sachant que de nombreuses transformations technologiques sont à venir, dans les
prochaines années, qui auront un impact important sur les conditions
d'engagement des travailleuses et travailleurs de l'audiovisuel. Merci, Mme la
Présidente.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Merci pour vos exposés. Nous allons donc commencer immédiatement la période
d'échange avec Mme la ministre. Vous disposez de 10 min 30 s.
Mme Roy : Eh là là! Merci,
tout le monde, d'être là. Je suis contente de vous voir, M. Lemay, entre
autres, maître, maître, maître. On a fait des Teams, on a fait des Zoom, on
s'est beaucoup parlé. J'apprécie beaucoup votre mémoire. J'apprécie aussi le
fait que vous soulignez qu'on a retenu des demandes que vous nous aviez faites.
Et je souhaite vivement que ces modifications qui ouvrent davantage la porte à
l'utilisation du Tribunal administratif du travail pour régler vos différends,
parce qu'on parle vraiment ici à des syndicats qui sont des experts en la
matière, ça va vous aider. C'est le but. Et puis c'est quelque chose qui, je
pense... puis la professeure qui était juste avant vous parlait de moyens qui
peuvent aider toutes les parties en cause ici. Alors, je suis contente de voir
qu'à cet égard-là, vous le soulignez à juste titre, là, on vous a vraiment
entendus, on vous a écoutés. Et ne vous inquiétez pas, le travail ne sera pas
bâclé. Vous me connaissez un petit peu, on a travaillé fort ensemble et on va
continuer le dialogue.
D'ailleurs, d'entrée de jeu, les deux
groupes qui sont devant nous avaient les mêmes réticences qu'on entend depuis
ce matin. Alors, comprenez que, quand on entend depuis ce matin : Il y a
un bobo à un endroit, on va tout faire pour voir dans quelle mesure on peut
améliorer la situation. C'est la raison pour laquelle on est ici, pour
travailler ensemble puis de façon absolument... dans un seul but, aider les
artistes. C'est la loi... c'est une fameuse loi sur le statut des artistes <professionnels...
Mme Roy :
...
artistes. C'est la loi... c'est une fameuse loi sur le statut des artistes >professionnels.
Vous accrochez sur l'article 15, vous
n'êtes pas les seuls, tous les syndicats, ce matin, sont venus nous le dire, le
fameux devoir de juste représentation. Alors, je pense qu'à cet égard-là il y a
des modifications qui pourraient être apportées. J'aimerais que vous élaboriez,
dans quelle mesure, pour vous, il faut amener un amendement puis qu'est-ce qui
vous... qu'est-ce qui vous dérange, votre vision à cet égard-là. Parce que je
pense que vous faites pratiquement vôtres les observations qui ont été faites,
entre autres, par l'UDA et La Guilde à cet égard-là. Mais j'aimerais vous
entendre un petit peu parler du devoir de juste représentation.
Mme Bertrand (Lisane) : C'est
bon, je vais y aller. Alors, oui, en fait, c'est qu'effectivement, comme l'UDA
l'a mentionné ce matin, c'est que, dans... pour plusieurs raisons, des fois
c'est parce qu'on n'arrive pas à négocier une entente collective dans un
secteur ou avec un producteur donné, mais ça fait en sorte que, lorsqu'il n'y a
pas d'entente collective qui s'applique, évidemment, bien, les artistes sont un
peu... sont laissés à eux-mêmes pour négocier.
Si le devoir de représentation s'applique,
et on doit représenter aussi ces artistes-là, alors qu'il n'y a pas d'entente
collective, on vient en quelque sorte obliger les associations d'artistes à
représenter et à défendre les intérêts d'un artiste qui a négocié lui-même son
contrat avec un producteur alors qu'il n'y a pas d'entente collective, quelque
chose qui n'existe pas dans le monde du travail. En vertu du Code du travail,
là, il y a vraiment des ententes collectives, et on est liés par les ententes
collectives.
Donc, la proposition qui était faite par
l'UDA, ce matin, bien, nous apparaissait tout à fait pertinente, de dire :
Bien, ça doit viser, ça doit être ouvert, ce recours-là ou cette protection-là
pour le devoir de juste représentation, lorsqu'il y a une entente collective
applicable aux artistes.
Je donne un exemple. Par exemple, le CQGCR — excusez,
je dis l'acronyme, là, ça va plus vite — le CQGCR n'a pas d'entente
qui couvre l'animation. Et est-ce qu'il pourrait y avoir quelqu'un, un
réalisateur en animation qui viendrait dire... déposer une plainte contre le
CQGCR en disant : Bien, vous n'avez pas négocié d'entente collective, donc
vous manquez à votre devoir de représentation, et on se retrouve devant le
tribunal administratif alors qu'il n'y a pas d'entente collective? Alors, ça
devient un problème. C'est très difficile à gérer lorsqu'il n'y a pas d'entente
collective, il y a une multitude de situations qui peuvent se poser.
C'est pour ça que c'est nécessaire que le
devoir de représentation soit lié à la présence d'une entente collective, sinon
on se retrouve à devoir défendre. Et je vous le dis par connaissance de cause,
parce que je suis impliquée dans un autre dossier qui est maintenant rendu en
Cour supérieure, mais où la partie adverse a, justement, plaidé que... Mais,
indépendamment qu'il y ait une entente collective ou pas, l'association
d'artistes doit représenter, c'est elle qui doit déposer des griefs. On n'a pas
d'entente collective, je ne sais pas comment on peut faire ça. Donc, c'est pour
ça qu'il doit y avoir... ça doit être lié à une entente collective.
Mme Roy : Alors, si je
comprends bien ce que vous dites, c'est que, dans le fond, le libellé, de la
façon qu'il est actuellement, cet article-là, l'article 15 vient vous
faire porter un fardeau trop lourd sur les épaules?
Mme Bertrand (Lisane) : Tout
à fait.
Mme Roy : C'est ça. O.K.
Il faut que vous sachiez, puis je l'ai dit à d'autres groupes ce matin, mais je
pense que c'est bon que je vous le dise pour vous rassurer, il avait été mis là
à la demande, entre autres, du ministère du Travail, parce que c'est pertinent.
Vous, vous l'avez vu, vous connaissez...
Une voix : ...
Mme Roy : Oui, à la
demande du Tribunal administratif du travail, qui, lui, relève du ministère du
Travail, parce que c'est un calque de l'article 47.2. Vous l'avez vu. Mais
vous avez aussi vu, puis c'est pour ça que... c'est à ça que ça sert, les
commissions, vous avez aussi vu que, oui, c'est un bon article, mais il y a un
aménagement qu'il faut faire, parce que le fardeau sera trop lourd pour nous.
Alors, nous l'avons entendu, les oppositions l'ont aussi entendu. Alors, on va
voir dans quelle mesure on peut travailler cet article-là pour aider, pour nous
assurer que le Tribunal administratif du travail y trouve son compte.
Mais c'est pour ça que je vous dis : C'est...
ce n'est pas que de la transposition d'articles du Tribunal administratif du
travail ou de la Loi sur les normes que nous faisons, mais nous faisons les
adaptations au milieu artistique, au milieu culturel, qui est très particulier
aux artistes. Donc, merci de le soulever, vous aussi. Alors, je pense qu'à
force de l'entendre... On est convaincus déjà, depuis ce matin, mais on va
travailler à cet égard-là. Ça fait que je voulais vous rassurer à cet égard-là.
Vous faites mention — là, je
vais regarder ça, ici — ...oui, vous nous parlez, entre autres...
vous parliez des fameuses coquilles puis de nous assurer qu'on soit capable...
vous émettez le souhait qu'on soit capable de retracer les administrateurs des
entreprises qui, je pense... Puis c'est important de le souligner, là, la
majorité du monde, c'est du bon monde, puis ils respectent les ententes, puis
ça travaille bien. Vous n'avez pas le choix, vous êtes condamnés à travailler
ensemble parce que vous avez besoin l'un de l'autre. Mais, s'il arrive
d'aventure où il y a certaines personnes qui ne <respectent pas...
Mme Roy :
...
l'autre. Mais, s'il arrive d'aventure où il y a certaines personnes qui ne >respectent
pas les ententes, à cet égard-là, ou qui créent des entreprises qui ne
respectent pas les contrats signés et puis qui disparaissent, la possibilité de
se faire payer devient difficile. Alors, à cet égard-là, qu'est-ce que vous
nous demandez pour qu'on puisse les retracer?
Mme Barrette (Chantal) : En fait,
je vais juste... à cet égard-là, je vais juste, peut-être, vous relater... On a
un dossier... Ce matin, l'UDA vous a dit qu'ils ont une vingtaine de sentences
non exécutées. Malheureusement, à la guilde, nous en avons eu une aussi,
également, puis je dois vous dire qu'on a tout fait en notre... On a déposé un
grief, le producteur a essayé d'aller en Cour d'appel, vraiment...
Une voix : ...
Mme Barrette (Chantal) : Pardon?
Une voix : ...
Mme Barrette (Chantal) : On a
saisi les... on est allés jusqu'à la limite, qui est de saisir les bobines.
Alors, je vous confirme que, durant huit ans de temps, nous avons dû payer ces
bobines-là, qui étaient, naturellement, en sauvegarde, pour tenter de récupérer
le paiement dû au réalisateur, qui était la sentence arbitrale. Et, après huit
ans de temps, vraiment, là, parce qu'on payait des frais à tous les mois, ça
nous a coûté une fortune, nous avons... j'ai contacté moi-même le producteur
pour lui dire : Viens reprendre tes bobines, je vais te les envoyer, parce
que ça me coûte plus cher de garder les bobines. Et notre réalisateur n'a
jamais été payé. Malheureusement, il est mort dans la... vraiment, dans la
déchéance, et c'est vraiment dommage, parce qu'on a une sentence arbitrale qui
n'a servi absolument à rien. Ce producteur-là, par la suite, a produit une
autre production, tu sais?
C'est sûr qu'on ne peut pas dire que les
producteurs sont tous comme ça, puis ce n'est pas vrai. Puis, tu sais, moi,
vraiment, généralement... il y a un respect qui se fait. Par contre,
malheureusement, on a la preuve que ça peut arriver. L'UDA en a la preuve aussi,
que ça peut arriver, également, qu'on ait des sentences arbitrales qu'on n'est
pas capables de faire exécuter. Ça fait que qu'est-ce qu'on fait une fois qu'on
a saisi les bobines? La compagnie est vidée, il n'y a pas d'actif, il n'y a
rien, que reste-t-il? Que pouvons-nous faire? Puis c'est pour ça que, dans
notre mémoire, ce qu'on avait demandé, c'est vraiment les compagnies de... les
productions qui bénéficient d'une subvention gouvernementale doivent s'assurer...
doivent payer les artistes pour lesquels ils sont engagés, tu sais? C'est
incroyable.
Puis, je vous dirais aussi, là, il y a
quelqu'un qui a parlé aussi, là, de faire une reddition de comptes, moi, je vous
confirme, là, pour l'avoir fait dans notre cas, là, malheureusement, autant... On
a fait des demandes à Téléfilm, tout ça, dans les comptes, ça ne paraissait pas
que le réalisateur n'était pas payé, tout simplement parce que le producteur
s'était versé lui-même l'argent. Ça fait que, sérieusement, tu sais, il y a du
travail à faire, là, à ce niveau-là. Puis ce n'est pas... on en a parlé dans
notre chose. Puis je vais laisser notre avocate, peut-être, au niveau légal...
mais moi, je peux vous dire, réalistiquement, c'est ce qui est arrivé à notre
membre, malheureusement.
• (16 h 50) •
Mme Bertrand (Lisane) : C'est
certain que ce qui serait utile pour nous, c'est d'avoir un mécanisme, à tout
le moins, que, lorsqu'un producteur fasse une demande de financement aux
organismes qui financent les productions dans le milieu, bien, il y ait non
seulement... qu'ils doivent montrer patte blanche, mais peut-être une
vérification qui soit faite auprès des associations d'artistes.
Parce que le producteur peut bien dire,
comme dans le cas que Chantal vient de vous expliquer, que, bien, finalement,
oui, oui, ça a été payé, puis ça paraît bien, oui, on a fait le budget, voici,
tout a été payé, mais, dans les faits, il reste des sentences à exécuter. On en
a, il y en a, à la guilde, il y en a dans d'autres associations d'artistes.
Donc, soit un mécanisme où les producteurs... qu'ils puissent se retourner et
avoir du financement public, alors qu'il y a des dettes et qu'il n'y a pas de
vérification qui est faite auprès des associations d'artistes, ça, ça devrait
être une première étape.
La deuxième étape, c'est aussi... En fait,
l'AQTIS a parlé de productions liées, je pense, je vais... des maisons de... des
compagnies liées, je vais leur laisser la balle au bond, parce que c'était leur
proposition. Mais on serait d'accord avec ça, que la production qui s'ouvre... je
vais donner des... excusez, District 31 1, 2, 3, en fonction des
saisons, bien, qu'on les lie les unes entre les autres. Je vais laisser
l'AQTIS...
M. Lafleur (Étienne) : Tout
est une question d'aller rechercher la solidarisation des compagnies, des
coquilles, avec les maisons mères. Donc, manifestement, on peut comprendre que
l'écosystème du financement fonctionne de cette manière-là, mais, au final, il
faut que la compagnie mère, peu importe le nombre de coquilles ou le nombre de
structures corporatives qu'elle peut mettre en place pour obtenir le
financement nécessaire à créer les oeuvres, bien, soit ultimement responsable
des obligations qui en découlent pour toute et chacune, que ce soit en vertu
d'une sentence arbitrale, des obligations en vertu des contrats qui ont été
négociés.
Donc, pour nous, ça, c'est très important
d'aller rechercher cette <solidarisation-là...
M. Lafleur (Étienne) :
...pour
nous, ça, c'est très important d'aller rechercher cette >solidarisation-là...
cette solidarité-là entre les mères... entre les sociétés mères et les sociétés
filles. C'est un point qu'on a mis beaucoup d'emphase dans notre mémoire déposé
en février 2021, qu'on n'a pas nécessairement repris dans le cadre de... en
réponse au projet de loi n° 35 parce qu'on voulait,
disons, prioriser certains points qui avaient été inclus dans le p.l. n° 35. Mais, en prenant la balle au bond, je pense que ça
serait quelque chose qu'il serait très important de réfléchir à intégrer, d'aller
pouvoir retenir la solidarité entre les différentes coquilles pour le
financement.
Mme Roy : ...personnelle
des administrateurs. Ça, je pense qu'on l'a entendu aussi.
M. Lafleur (Étienne) : Également,
aussi, à l'instar des... je fais miens les propos des autres associations qui
ont été mentionnées aujourd'hui.
Mme Roy : Selon vous,
parce qu'on en a... une des choses que vous demandiez dans le gros mémoire
initial de février dernier, c'était d'ouvrir le Tribunal administratif du
travail davantage. Dans quelle mesure, de façon concrète, ça va avantager... dans
quelle mesure vos membres, lorsque viendra le temps, justement, de régler des
litiges ou... Je voulais avoir vraiment le pouls de... s'il est adopté tel qu'il
est là, dans quelle mesure ça va aider à l'égard, par exemple, de tout ce qui
touche le harcèlement. Parce qu'on a mis des pans de la Loi sur les normes du travail
touchant le harcèlement psychologique, le harcèlement sexuel, on l'a adapté et
fait transférer dans ce projet de loi, en ce qui a trait à l'arbitrage de
griefs, en ce qui a trait aux pouvoirs du Tribunal administratif du travail d'y
avoir recours. Dans quelle mesure ça va vous simplifier la vie ou pas? On
espère que ça vous la simplifie. Avez-vous des exemples à me donner?
M. Lafleur (Étienne) : Bien,
ça va simplifier la vie des artistes. Nous, à l'AQTIS, on a déjà intégré, avec
la majorité des associations patronales avec qui qu'on travaille, les
dispositions relatives au harcèlement psychologique. Donc, les membres qu'on
représente bénéficiaient déjà d'un recours en vertu des ententes collectives.
Donc, ils pouvaient déposer ou exercer leur droit de déposer un grief à l'égard
des productions XYZ pour faire valoir leurs droits.
Là où est-ce que ça va changer, c'est que
ça va nous permettre d'avoir un tribunal compétent et unique qui va être à même
d'entendre les litiges potentiels qui découlent de la LSA, au-delà d'une simple
petite proportion qui était prévue avant. Donc, je pense que ça va aider la
majorité des artistes qui ne pouvaient pas bénéficier d'avoir inclu... ou
notamment, même, de ne pas avoir... de bénéficier de conventions collectives,
de pouvoir aller s'adresser à ce tribunal-là, de déposer des plaintes. Donc, ça
va certainement leur faciliter la vie, pour ces personnes-là. Malheureusement,
nous, les membres qu'on représente bénéficiaient déjà de cette protection-là.
Mme Roy : Parfait.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous reste trois minutes.
Mme Roy : Il me reste
trois minutes! Donc, moi, je tiens à vous dire que le dialogue reste ouvert et
que nous allons travailler pour voir dans quelle mesure on peut bonifier ce
projet de loi.
Je vais être très, très transparente et
directe avec vous. Je comprends que vous souhaitiez qu'on ouvre davantage à
davantage de professions la loi. Vous comprenez que je n'irai pas jouer dans
les amendements qui ont été faits en 2009 par ma collègue de l'Acadie. Je n'ouvre
pas ce pan de possibilités, je vais dire comme ça, parce qu'on tentait de
régler les problématiques, pallier aux brèches qui sont là, qui sont les
plus... qui étaient les plus grandes et les plus... qui couvraient le plus
grand nombre d'artistes, actuellement, pour lesquels il y a des problématiques.
Et, comprenez-moi bien, c'est à l'égard du fait qu'il s'agit de la Loi sur le
statut professionnel des artistes et que, dans mon âme et conscience et dans
notre cœur à tous, le comptable, l'assistant comptable n'est pas un artiste,
mais je... au même titre où je ne le fais pas pour les journalistes
indépendants. Un journaliste n'est pas un artiste.
Mais je sais que vous êtes déçus à cet
égard-là, que vous vouliez ouvrir bien davantage. Nous n'irons pas là, là, mais
tout est possible dans le futur. Mais on veut vraiment resserrer cette loi-ci
en donnant plus de pouvoirs, actuellement, à vos associations, aux syndicats,
aux artistes, et pour pouvoir travailler d'une façon plus efficace. Mais je
suis très transparente et je ne vous fais pas de cachotteries, mais je veux
vraiment améliorer des points que vous avez soulevés, qu'on pourrait améliorer
aussi. Alors, voilà, je tente de trouver un équilibre dans tout ça.
Mais je <veux vous...
Mme Roy :
...
pourrait améliorer aussi. Alors, voilà, je tente de trouver un équilibre dans
tout ça.
Mais je >veux vous remercier
pour votre mémoire, et puis le dialogue reste ouvert, et on continue à
travailler ensemble. Merci infiniment.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Merci, Mme la ministre. Nous poursuivons l'échange avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Je pense qu'on est dans un exercice qui est rare,
c'est-à-dire celui d'une loi sur le statut d'artiste qui a été adoptée dans les
années 80, qui a été revue dans les années... en 2009, puis là on est rendus
en 2022. Alors, on ne fait pas ça tous les jours.
Je pense que la ministre doit comprendre
qu'il faut aussi, peut-être, être ouverts à certains aménagements qui sont
réclamés. C'est sûr que, quand vous nous parlez des exceptions comme les
comptables et... si ma mémoire est bonne, à l'époque, ça touchait les
techniciens d'AQTIS et IATSE, et je pense que les comptables n'étaient pas sous
ces deux chapeaux-là, ces deux syndicats là, alors c'était ça, l'idée. Moi, je
serais ouverte à le faire, parce qu'effectivement il peut y avoir une certaine
iniquité pour des gens qui travaillent sur les mêmes productions. Et, sur la
question des journalistes, on en parlera, mais je pense qu'il faut que la
ministre soit un peu plus ouverte à cette question-là, parce qu'on ne fait pas
ça tous les jours.
Je voudrais avoir... je voudrais bien
comprendre la question de l'article 22, qui a l'air à être un sérieux
problème, là. Expliquez-nous exactement qu'est-ce que vous voyez là-dedans,
pour qu'on le comprenne bien comme il faut, et quel serait l'amendement qui
devrait être apporté, là.
M. Lafleur (Étienne) : Pour
nous, c'est sûr et certain que, dès le moment du dépôt de l'avis de
négociation, les masques tombent. Donc, on voit qu'il y a une intention réelle
de vouloir négocier des conditions de travail. Présentement... Et là c'est sûr
qu'on salue l'intégration et l'arrivée d'un gel partiel des conditions de
travail au moment où est-ce que les obligations de la convention collective
échoient. Sauf que là, nous, ce qu'on dit, et ce qu'on demande, et ce qu'on
considère qui est nécessaire pour protéger les artistes, c'est surtout au
moment où est-ce qu'on dépose l'avis de négociation et d'arrimer aussi l'idée
derrière la loi avec le droit fédéral.
Le droit fédéral, il prévoit déjà aussi...
la Loi sur le statut de l'artiste, fédérale, prévoit déjà que, dès le dépôt de
l'avis de négociation, les conditions de travail sont gelées et ne peuvent être
modifiées de manière unilatérale par l'employeur. Présentement, la mouture du
projet de loi, à l'article 22, ne mentionne pas ça, donc elle ne protège
que les artistes a posteriori, et, nous, c'est le ab initio qui nous importe,
pour que la protection soit complète et pour qu'on puisse favoriser également
la liberté d'association, on se doit...
Parce que la Cour suprême, elle l'a
mentionné, Mme la députée, que le gel des conditions de travail est... favorise
aussi la négociation collective, favorise aussi le maintien du rapport de
force. Donc, pour nous, c'est capital d'apporter cet amendement-là pour
protéger les artistes au complet, dès le moment du... bien, dans tout le
processus de négociation collective, que ce soit avant, pendant ou après. Donc,
elle est là, c'est une courte modification qui, selon nous, ne coûte pas
grand-chose, et de juste... de prévoir dès le dépôt de l'avis de négociation,
après...
• (17 heures) •
Mme St-Pierre : Je pense que
les juristes vont peut-être entendre votre message, ils vont peut-être se
mettre sur la rédaction. Mais, si vous pouviez nous aider, moi, je suis prête à
déposer un amendement. Et si vous pouviez m'aider dans la rédaction, parce que,
vous voyez, on a de bien bonnes personnes qui travaillent de notre côté, mais
on n'a pas toute une armada d'avocats, ce serait important de nous faire des
suggestions d'amendement.
M. Lafleur (Étienne) : Si
vous me permettez, Mme la députée, je peux vous lire la suggestion qu'on a
d'incluse dans notre mémoire.
Mme St-Pierre : O.K.,
allez-y.
M. Lafleur (Étienne) : Donc,
on propose de modifier 36.1, à l'article 22 du p.l. n° 35, de la
manière suivante : «À compter du dépôt, par une association d'artistes,
d'une demande de reconnaissance, et tant que le droit énoncé à l'article 34
n'est pas exercé ou qu'une décision arbitrale suivant l'article 33 n'est
pas intervenue, un producteur ne doit pas modifier les conditions de travail
des artistes dont il retient les services sans le consentement écrit de
l'association.» Alinéa deux : «Il en est de même à compter de
l'expiration de l'entente collective et tant qu'une nouvelle entente collective
n'a pas été conclue ou qu'une décision arbitrale suivant l'article 33
n'est pas intervenue.» Alors, voilà.
Mme St-Pierre : Parfait, donc
c'est bien noté. On va essayer de faire le changement.
Sur la question des coquilles, est-ce que
c'est possible... par exemple, une maison de production qui s'appellerait Les
productions CSP pourrait avoir une <mégaproduction...
>
17 h (version révisée)
<1235
Mme
St-Pierre :
...est-ce que c'est possible... Par exemple, une
maison de production, qui s'appellerait les productions CSP, pourrait avoir une
>mégaproduction et contracter certains éléments de la mégaproduction à d'autres
petites maisons de production, mais qu'il n'y a pas de lien... c'est-à-dire il
n'y a pas de responsabilité de la grande maison de production par rapport à ces
petites maisons de production là, qui pourraient se sauver une fois le produit
fini, est-ce que c'est... une fois la production faite, c'est-tu ça?
M. Lemay (Christian) : Je
peux vous donner un peu le sens de ce que vous décrivez. Ça existe déjà,
malheureusement.
Mme St-Pierre : Oui, bien, c'est
parce que… C'est ce que j'avais compris, là.
M. Lemay (Christian) : Ça
existe déjà surtout en postproduction. Il y a de nombreuses entreprises qui
font de la sous-traitance en postproduction. C'est monnaie courante dans l'audiovisuel.
On en a parlé dans notre mémoire initial de février 2021.
Mme St-Pierre : O.K. Alors,
quel serait le remède, là, approprié dans la loi qu'on est en train de... sur
laquelle on est en train de travailler?
M. Lemay (Christian) : Une
seule suggestion, c'est d'abolir la sous-traitance. C'est aussi simple que ça.
Mme St-Pierre : Mais, sans
abolir la sous-traitance, on pourrait exiger une responsabilité, un lien, parce
que ce n'est pas possible, là, d'abolir la sous-traitance, là.
M. Lemay (Christian) : Effectivement.
Non, garder le lien de subordination du producteur employeur à l'égard de tous
les aspects de la production.
Mme St-Pierre : Mon autre
question, c'est la reddition de comptes. La question peut être à l'un ou l'une
de vous. La reddition de comptes, on la comprend quand on reçoit... si le
producteur reçoit des subventions du gouvernement, qu'il y a une reddition de
comptes, mais il y a d'autres types de productions qui ne reçoivent pas de
subvention mais qui ont des crédits d'impôt. Est-ce qu'on pourrait appliquer la
reddition de comptes aux crédits d'impôt?
Mme Bertrand (Lisane) : En
fait, ça fonctionne... En tout cas, pour la guilde, là, je vais parler vraiment
pour la guilde, ça fonctionne un peu différemment avec les productions
américaines, généralement on demande le dépôt en garantie avec les employeurs
américains.
Mme
St-Pierre
: O.K.,
c'est là que je m'en allais.
Mme Bertrand (Lisane) : Donc,
un producteur américain qui viendrait à Montréal, automatiquement nous, on va
demander un dépôt en garantie ou, si jamais il fait partie d'un studio, une
lettre du studio confirmant qu'ils vont absorber… en cas de difficultés, qu'ils
vont payer les sommes dues. Donc, généralement, le problème n'est pas
nécessairement là. C'est arrivé. Je ne dis pas que ce n'est jamais arrivé, là,
qu'un producteur américain indépendant, de bas budget, qu'il vienne, puis qu'il
parte, puis qu'il ne paie pas, oui, mais c'est plus rare. En tout cas, pour la
guilde, c'est moins un problème récurrent. On le voit plus avec les productions…
les producteurs d'ici, où est-ce qu'ils ont des petits budgets, ils n'ont pas
beaucoup de moyens. Ils veulent produire à tout prix, peu importe, je veux le
faire pareil, alors, puis, bon, malheureusement, il arrive ce qu'il arrive, là,
tu sais. Mais, au niveau des productions américaines, ce n'est jamais un enjeu.
Mme St-Pierre : Mais on ne
pourrait pas avoir de dépôt en... On ne pourrait pas exiger de dépôt en
garantie ici aussi? Parce que, si le producteur reçoit une subvention, il n'est
pas dans un état précaire, là.
Mme Bertrand (Lisane) : Certaines
dispositions des ententes collectives qu'on a, à la guilde, prévoient qu'on
peut, dans certaines circonstances, demander des dépôts en garantie, généralement
des permissionnaires, des producteurs qui ne produisent pas souvent, oui, c'est
possible de pouvoir le faire, tu sais. Bon, des fois, ça va arriver qu'un
producteur va nous dire... qui est très inquiétant, là, à quelque part, qui va
nous dire : Bien, désolé, je n'ai pas d'argent pour te donner un dépôt de
garantie, je n'ai pas assez de liquidités. Déjà, moi, ça me… ça nous donne un
drôle de signal d'alarme.
Généralement, on informe nos membres dans
des cas comme ça, parce que, bon, que voulez-vous faire, là, on avertit les
gens qu'on ne peut pas avoir de dépôt de garantie, mais là les… que nos membres
décident de rester sur la production. On comprend que, s'il arrive un pépin, on
va pouvoir peut-être faire un grief, mais, tu sais, ça va être difficile de
récupérer cet argent-là, là. C'est toujours le problème de la production. Les
gens veulent collaborer. Les artistes veulent travailler. Ils comprennent le
projet, sont intéressés. Donc, c'est difficile, des fois, d'arrêter la machine,
de dire : Bien, O.K., on vous demande de vous retirer. Alors, généralement,
là, c'est difficile à faire auprès des membres, là.
Je ne sais pas si M. Lemay a quelque chose
à ajouter là-dessus?
M. Lemay (Christian) : Je
voudrais peut-être juste ajouter, pour vous donner un peu la mesure... Et je
suis tout à fait d'accord avec ma consœur de la DGC, mais sachez que les dépôts
en garantie sur certaines productions, pour les membres qu'on représente, sont
très volumineux. Là, on parle de 250 000 $, 300 000 $.
Alors, pour certains producteurs québécois, ça pourrait... on peut envisager
que c'est plus difficile à faire ce <genre de...
M. Lemay (Christian) :
...ce >genre de dépôt là. La première réflexion qui m'est venue
lorsqu'on a entendu... ou discuté avec la ministre à ce sujet-là dans une
consultation, c'est peut-être… Et vous saurez mieux m'indiquer, en tant que
parlementaires, si c'est une piste de solution, mais la loi sur le financement
public, il y a des règles qui s'appliquent à ceux qui touchent du financement,
là, que ça soit dans le milieu de la construction, ou autres. Alors, il y
aurait peut-être une mesure ou des mesures qui pourraient inspirer un peu une
pratique similaire dans… via le financement de la SODEC, par exemple, mais je
crois que la solution devrait être équitable pour tous et toutes les
producteurs, productrices et non pas de trouver des solutions mitoyennes. Je
crois qu'on est rendus à ce stade-ci dans des mesures qui doivent être vraiment
très sérieuses.
M. Lafleur (Étienne) : Si je
puis me permettre, Mme la députée, juste de compléter la réponse de mon
collègue Christian par rapport à la question de la sous-traitance, bien, c'est
sûr qu'une solution serait de rendre solidaires le producteur et le
sous-traitant des obligations. Donc, ça, pour moi, c'est manifeste, ça
s'inscrit dans la même logique de la solidarisation entre les compagnies mères
et les compagnies coquilles ou les compagnies filles. Donc, pour nous, c'est un
petit peu la même mécanique qui existe encore.
On s'est grandement inspirés, là, vous
avez pu entendre, là, aujourd'hui, de l'industrie de la construction et de la
réalité des sous-traitants, et, sans vouloir simplement importer, mais plutôt,
peut-être, avec les adaptations qui s'imposent, on considère que de solidariser
les obligations serait très important, entre le producteur et les
sous-traitants, notamment pour ce qui est des salaires qui sont dus aux
artistes qui travaillent.
Mme St-Pierre : Donc, ce
serait possible de le faire dans… d'avoir un amendement dans cette loi… dans
cette loi-ci pour les rendre responsables, là, imputables. C'est faisable.
M. Lemay (Christian) : Je le
considère, je le considère. Là, je n'en ai pas à vous suggérer, là, à
brûle-pourpoint comme ça, mais...
Mme St-Pierre : O.K. Bien, on
va vous demander votre aide. On va travailler fort, vous allez voir. Sur la
question... Rafraîchissez-moi la mémoire, sur la question des avantages
sociaux, là, qui avaient été fusionnés, comment... c'était quoi, le mécanisme,
là, parce que l'intervenante auparavant avait soulevé ça dans son mémoire.
M. Lemay (Christian) : On en
a discuté quand on vous a entendue. Je vais laisser Chantal, qui a la mémoire
plus alerte que moi…
Mme St-Pierre : Oui, meilleure
que la mienne? Oui.
Mme Barrette (Chantal) : En
fait, j'étais auparavant...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Un
instant, là, je vais vous inviter à conclure parce qu'on est déjà dans le
rouge, comme je dirais, là. Allez-y rapidement.
Mme Barrette (Chantal) : Parfait.
Oui, très brièvement, j'ai déjà... Avant, j'ai… J'ai auparavant travaillé à IATSE 514.
Donc, j'étais personnellement impliquée au niveau du plan du régime
d'assurance. Effectivement, il y avait une entente qui avait été signée que les
parties tenteraient… l'AQTIS IATSE 514, IATSE 667 tenteraient de
faire un seul et unique plan d'assurance. Malheureusement, ça n'a pas
fonctionné. Toutefois, on a trouvé une autre solution. On a été créatifs. On a
des ententes de réciprocité entre les syndicats. Donc, entre nous, la guilde et
l'AQTIS lATSE, il y a des ententes de réciprocité. Ça fait que, donc, un membre
travaille sous l'une ou l'autre des juridictions. Il peut choisir.
Mme
St-Pierre
:
Il peut choisir.
Mme Barrette (Chantal) : Il
peut choisir d'envoyer les contributions à l'un endroit ou l'autre, ce qui fait
que, donc, nos plans d'assurance... Et il y a des plans d'assurance. Tantôt, il
y a quelqu'un qui parlait, là… Mme D'Amours, je crois, qui parlait au niveau...
si quelqu'un est malade. Bien, je vous rassure, en milieu audiovisuel, en tout
cas, pour la guilde, on a des couvertures d'assurance qui existent pour les
membres dans certaines circonstances.
• (17 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait,
merci. Merci. Alors, nous poursuivons. Nous poursuivons avec la députée de
Taschereau.
Mme Dorion : Oui, bien, c'est
très intéressant et très éclairant. Merci pour vos mémoires, pour vos
présentations. Moi, j'aimerais ça juste avoir des exemples qui vont marquer
l'imaginaire, de qu'est-ce qui est possible en ce moment, pour les travailleurs
que vous représentez, qui n'a pas d'allure puis qui va pouvoir être réglé grâce
à cette loi-là si vos deux principales revendications, là, sont incluses aussi?
C'est quoi, les situations que vous voyez arriver, que vos membres vous
rapportent, que vous faites, comme, mon Dieu! ça, ça arrive tout le temps puis
ça n'a pas de bon sens?
M. Lemay (Christian) : Ce
n'est pas une question facile à répondre parce qu'on voit souvent le négatif,
hein, dans ces choses-là. Je crois que ce qui fait le plus mal à l'heure
actuelle, et on attend avec impatience la possibilité d'un amendement à cette
loi-là, c'est la question de la sous-traitance. Il y a des travailleurs
pigistes, concentrés, je dirais, en grande partie en postproduction, mais aussi
des photographes de plateau, dont les diffuseurs oublient totalement que c'est
des postes qu'on représente, sur des plateaux de tournage, et ces gens-là sont
engagés par un diffuseur et/ou un producteur qui fait de la <sous-traitance...
M. Lemay (Christian) :
...de
la >sous-traitance en postproduction où le pigiste monteur, par exemple,
sonore ou image, est engagé par une maison de postproduction en sous-traitance
pour un projet qui a été financé par la SODEC. Alors, c'est... Si cet
amendement-là est honoré, c'est sûr que ça sera un gain en capital pour nous, mais,
à l'heure actuelle, je pense que l'élargissement du Tribunal administratif du
travail, c'est un excellent ajout. Ça va nous permettre que les... Puis je
crois que l'expertise, d'ailleurs, au tribunal est de plus en plus forte et
l'exercice du droit au tribunal aussi se fait de plus en plus rapidement.
Alors, ça, c'est des gains importants.
Je pense que vous avez parlé aussi de
programmes, hein? Ça prendrait des programmes. Bien, je crois que ça, c'est une
lancée, que le tribunal soit appuyé pour écouter les causes qui découlent de la
LSA. C'est certain que ça va aider toute la communauté.
Mme Dorion : Par exemple, en
sous-traitance, ce qui arrive, c'est que... ou quand c'est des filiales puis
qu'ils contournent un peu les ententes, ce qui arrive, c'est qu'il n'y a juste
pas de condition minimale, c'est comme... si ce n'est pas toi, ça va être un
autre, ça fait que prend le chèque, puis c'est tout.
M. Lemay (Christian) : Je
dirais en réponse à ça que le plus dramatique, c'est la perte des avantages
sociaux. Ces gens-là ont un demi-filet social, et là il y en… plus ça va, moins
ils en ont. Alors, sachez que les organisations syndicales, pour la grande
majorité, dans l'industrie font la gestion des régimes d'assurance collective
et de REER. Et je dirais qu'à la lueur de ce que la députée St-Pierre posait
comme question, avec la fusion d'AQTIS-IATSE, on est en train de faire une
réforme de tous les régimes d'assurance collective et de REER. Alors, on a
trouvé des solutions malgré la rivalité et la nouvelle fusion suite à 2009.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
tout?
Mme Dorion : Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
bien. Alors, merci, Mme Barrette, Mme Bertrand, M. Lafleur, M.
Lemay. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.
Nous allons suspendre quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 20)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Pour le prochain bloc, nous allons entendre la Société des
auteurs de radio, télévision et cinéma et L'Association des réalisateurs et des
réalisatrices du Québec. Nous commençons d'abord par la Société des auteurs,
avec Mme Cadieux. Je vous invite, avant de commencer votre exposé, à bien
vous présenter, les deux personnes de la société.
L'Association des réalisateurs et réalisatrices du
Québec (ARRQ) et Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC)
Mme Cadieux (Chantal) : Merci.
Alors, bonjour. Je suis Chantal Cadieux, présidente de la SARTEC. Au cours de
ma carrière, j'ai écrit des romans jeunesse ainsi que des oeuvres pour le
théâtre, la télévision et le cinéma. Je suis accompagnée de notre directrice
générale, Me Stéphanie Hénault.
La SARTEC regroupe les auteurs et
recherchistes francophones de la radio, de la télévision, du cinéma et du
doublage. En général, la loi sur le statut professionnel et les conditions
d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma a produit des
résultats très positifs en audiovisuel, permettant aux auteurs de négocier des
ententes collectives couvrant la recherche, l'écriture et l'adaptation, que ce
soit en fiction, en documentaire ou en variétés. Si ces négociations ont
parfois été laborieuses, les mécanismes de la loi se sont révélés fort utiles,
mais ils sont insuffisants pour en atteindre pleinement les objectifs, ce que veut
corriger le projet de loi n° 35 déposé par la ministre de la Culture et
des Communications, Mme Nathalie Roy.
Le projet de loi n° 35 considère
enfin tous les auteurs de la littérature comme des artistes à part entière,
bénéficiant du droit fondamental à la négociation collective. Comme lorsqu'ils
écrivent pour le cinéma ou la télévision, ils auront enfin droit à des
conditions minimales d'exercice de leur métier, une nécessité pour assurer leur
protection. La SARTEC applaudit donc cette avancée et se réjouit également que
le projet de loi n° 35 introduise des dispositions pour contrer le
harcèlement psychologique et sexuel et confère des pouvoirs plus importants au
Tribunal administratif du travail. Au <nom de…
Mme Cadieux (Chantal) :
...au
>nom de la SARTEC, nous demandons aux parlementaires d'adopter le projet
de loi n° 35, en y apportant toutefois huit points
d'amélioration, et ce, dans l'intérêt des artistes, des gens oeuvrant dans le
milieu culturel et du public québécois.
Premier point, investir plus
judicieusement l'argent public en culture. Comme indiqué dans notre mémoire
déposé le 1er février 2021, disponible en ligne, les programmes de la Société
de développement des entreprises culturelles, SODEC, échouent parfois encore à
soutenir nos auteurs malgré l'aide publique leur étant destinée via des
entreprises de productions non engagées envers la SARTEC ou irrespectueuses de
leur engagement envers la SARTEC.
La seule façon de nous assurer que
l'argent public investi le soit de façon régulière et responsable envers les
auteurs en audiovisuel est d'engager le producteur à respecter les normes
minimales, dont la SARTEC est la gardienne, en développement comme en
production d'une œuvre. Il conviendrait donc d'apporter cette précision dans la
loi comme suit : «Les organismes publics subventionnaires du milieu
culturel doivent exiger des producteurs, avant de leur octroyer du financement,
qu'ils respectent des conditions contractuelles minimales avec l'association
d'artistes reconnue ainsi que des conditions négociées par l'artiste.»
Notre deuxième point, encadrer la
responsabilité des administrateurs d'une entreprise de production. Même
lorsqu'un producteur est lié par une entente collective, il arrive que la
SARTEC ne parvienne pas à obtenir l'exécution de ses obligations en raison du
paravent de sa personne morale. Des administrateurs mettent leur compagnie en
faillite ou constituent d'autres compagnies en dépouillant leur compagnie
débitrice de ses biens pour ne pas payer les auteurs, sans toutefois être tenus
responsables des cachets impayés.
Il y a donc lieu d'introduire dans la loi
des dispositions afin de solliciter la responsabilité personnelle des
administrateurs lorsque des sommes dues aux auteurs demeurent impayées. Nous
suggérons donc l'introduction d'un nouvel article dans la loi, qui irait comme
suit : «Les sociétés liées sont solidairement responsables les unes envers
les autres des dettes dues par l'une d'elles découlant d'une entente collective
ou d'un contrat d'artiste. De plus, ses administrateurs sont solidairement
responsables avec leur société de ces dettes.»
Troisième point, améliorer les pouvoirs du
Tribunal administratif du travail en ajoutant, au troisième paragraphe de
l'article 56 de la loi, l'article 7 concernant la liberté
d'association des artistes.
Quatrième point, adapter au milieu
culturel le juste devoir de représentation de l'article 24.2 en précisant
qu'il vise les artistes assujettis à une entente collective.
Cinquième point, préciser le pouvoir
réglementaire de l'article 68.6 en ajoutant qu'il devrait découler d'une
demande d'une association reconnue d'artistes. Il faudrait aussi préciser que
le règlement adopté en vertu du présent article tient lieu d'entente collective
et lie les producteurs du secteur en cause et les artistes qu'ils engagent.
Sixième point, ajuster le libellé de la
définition d'artiste... de l'artiste, 1.1, afin de le simplifier, en omettant
la répétition des termes «professionnel» et «professionnellement».
Point 7, ajuster l'article 8 sur
le droit à la négociation individuelle en enlevant les termes «sous réserve des
dispositions de la présente loi».
Et, le huitième point, uniformiser la
terminologie de «contrat d'engagement» par «conditions contractuelles».
En conclusion, la SARTEC vous demande
respectueusement d'adopter le projet de loi n° 35 en
y apportant ces quelques améliorations. Nous vous remercions de nous avoir
entendus, et il nous fera plaisir, à Me Hénault et moi, de répondre à vos
questions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Cadieux. Nous poursuivons avec le deuxième groupe, de L'Association
des réalisateurs et des réalisatrices du Québec. M. Pelletier, à vous la
parole, et bien vous présenter avant de commencer votre exposé.
M. Pelletier (Gabriel) : Merci.
Bien, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier, Mme la ministre, et Mme la
Présidente, ainsi que les membres de la Commission de l'économie et du travail,
de nous donner l'opportunité de nous exprimer devant vous aujourd'hui. Mon nom
est Gabriel Pelletier. Je suis président de L'Association des réalisateurs et
réalisatrices du Québec. Ainsi, je suis aussi réalisateur.
L'ARRQ est une association d'artistes et
un syndicat professionnel qui a légalement été accrédité et reconnu en vertu de
la loi sur le statut des artistes, S-32.1, pour représenter et défendre les
intérêts de tous les réalisateurs et réalisatrices qui oeuvrent au Québec en
français ou en toute autre langue que l'anglais dans les domaines du cinéma, de
la télévision, du Web et de l'animation. Notre association compte plus de
850 membres.
L'ARRQ attend depuis plusieurs années des
modifications à cette loi puisque, dans son état <actuel...
M. Pelletier (Gabriel) :
...son
état >actuel, elle a atteint ses limites. Il est essentiel d'adopter
avant la fin de la session parlementaire ce projet de loi avec les
modifications proposées afin qu'elle atteigne son but premier, soit d'améliorer
les conditions d'engagement des artistes.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Mylène
Cyr, directrice générale de l'association, qui vous fera état des dispositions
qui, selon nous, méritent quelques modifications et celles que nous aimerions
également inclure.
Mme Cyr (Mylène) : Merci.
Alors, je confirme, mon nom est Mylène Cyr et je suis la directrice générale de
l'ARRQ.
Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre,
MM. et Mmes les députés et membres de la commission, je vous remercie de nous
recevoir aujourd'hui. C'est un moment que l'on attendait avec beaucoup
d'anxiété et de joie, et ça nous fait extrêmement plaisir d'être là
aujourd'hui.
Alors, il est essentiel pour nous de
bonifier les droits des artistes et de rétablir une équité entre les fardeaux
de la loi imposés aux associations d'artistes en comparaison à ceux des
associations de producteurs. Nous saluons ainsi les avancées du projet de loi
quant aux dispositions visant le harcèlement, l'élargissement des pouvoirs du
Tribunal administratif du travail ainsi que ceux de l'arbitre. Cependant,
certaines dispositions du projet de loi méritent, selon nous, des modifications
afin de leur donner plein effet.
Le pouvoir réglementaire de l'article 68.6.
La première négociation de l'entente collective avec l'APFTQ, pour la
télévision, a duré 15 ans. Sur près de 30 ans, l'ARRQ n'a eu que deux
ententes collectives. Deux nouvelles ententes se sont ajoutées dernièrement,
dont une qui a nécessité près de cinq ans de négociation. Face à la difficulté
de négocier de façon globale pour un secteur, l'ARRQ proposait notamment de
rendre obligatoire la reconnaissance des associations de producteurs. Le
gouvernement a plutôt prévu à l'article 68.6 de se doter d'un pouvoir
réglementaire lui permettant de fixer les conditions minimales dans les
secteurs où il n'y a pas d'entente collective. Nous saluons toutefois cette
initiative qui semble répondre en partie aux préoccupations soulevées et
espérons qu'elle saura faire une différence quant à cette partie de l'industrie
culturelle qui n'est toujours pas sous entente collective.
L'ARRQ suggère donc d'apporter certaines
précisions à l'article 68.6 afin que celui-ci atteigne les objectifs
souhaités. Au premier alinéa de l'article 68.6, il nous apparaît important
de faire en sorte que cette demande soit limitée aux associations d'artistes
reconnues. Le libellé actuel de l'article 68.6 ne donne pas de précision
sur la façon d'assurer le respect des conditions édictées. Nous croyons donc
essentiel de prévoir qu'une procédure d'arbitrage devra obligatoirement faire
partie intégrante du règlement. De plus, malgré l'application du règlement,
nous sommes d'avis que les parties devraient toujours être en mesure de
convenir d'une entente collective entre elles.
• (17 h 30) •
Le devoir de juste représentation. La
rédaction actuelle de l'article 24.2 ne tient pas compte des spécificités
des relations de travail dans le domaine culturel et ne fait qu'alourdir le
fardeau des associations d'artistes. Le devoir de représentation est le
corollaire du monopole de représentation qu'ont les syndicats envers les
salariés qu'ils représentent. Or, la loi ne confère pas aux associations
d'artistes le même monopole. Contrairement à ce qui est applicable en droit du
travail selon la formule Rand, des cotisations syndicales ne sont pas retenues
sur l'ensemble des rémunérations reçues par les artistes, mais seulement
lorsqu'une entente collective couvre leur prestation de service. L'ARRQ
reconnaît le bien-fondé du devoir de juste représentation mais suggère de
limiter la portée seulement lorsqu'il y a une entente collective qui
s'applique.
Le financement conditionnel et la reddition
de comptes. Les conditions socioéconomiques précaires des artistes, depuis
toujours préoccupantes, ont été exacerbées par la pandémie. Des données
recueillies en 2013 par les associations d'artistes démontraient que près de 50 %
des productions subventionnées par les institutions gouvernementales n'avaient
pas déposé de contrat auprès des associations d'artistes. Rien ne nous laisse
croire aujourd'hui que cette situation est différente. Cela crée des injustices
flagrantes tant chez les artistes que chez les producteurs. Nous proposons que
l'aide gouvernementale soit conditionnelle à l'obligation d'appliquer des
conditions de travail minimales découlant d'ententes collectives et également
une reddition de comptes. L'application de cette solution ne nécessite aucun
coût et pourrait faire une énorme différence pour assurer des conditions
décentes et un filet social à la presque majorité des artistes.
Certaines dispositions applicables en
matière de santé et sécurité au travail. Afin que les artistes bénéficient des
mêmes protections que les salariés au Québec, l'ARRQ estime que les
dispositions encadrant le droit de refus de travailler lorsqu'il y a danger ou
encore le retrait préventif de la femme enceinte devraient être incorporées au
projet de loi.
Nous vous remercions de votre intérêt et
nous sommes disposés à répondre à vos questions. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci pour vos <exposés…
>
17 h 30 (version révisée)
< Mme Cyr (Mylène) :
...à
vos questions. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci pour vos >exposés. Nous allons commencer
la période d'échange avec Mme la ministre.
Mme Roy : Merci. Merci à
vous, à distance, merci à vous tous d'être ici. Merci pour vos deux mémoires.
Je suis très contente de vous voir en personne, ça fait du bien. Vous avez
travaillé fort, et là on peut... on recueille les fruits de votre réflexion sur
ce projet de loi pour lequel... De notre côté, on a tenté de colmater le plus
de brèches qui sont apparues au fil des années et puis de donner à vos
associations, aux syndicats le plus d'outils possible, et également aux parties
patronales, pour régler des différends, pour avancer dans leurs négociations
puis pour permettre de la négociation pour ouvrir davantage.
Vous saluiez le fait, tout à l'heure, Mme
Cadieux, que nos artistes de la deuxième loi entrent maintenant dans la
première, alors on parle ici de nos artistes en littérature, et ça me fait chaud
au cœur que vous le souligniez, parce que je pense que c'est important qu'il n'y
ait plus deux catégories d'artistes, mais bien une seule, au Québec, je crois
qu'on est rendus là.
Vous disiez quelque chose, puis là je vais
juste me permettre une petite précision, une petite information, vous parliez
de l'argent, j'ai trouvé ça intéressant : «Investir plus judicieusement l'argent
public en culture», ce que vous avez mentionné à votre point n° 1
dans le mémoire de la SARTEC. Je voulais juste vous mettre au courant qu'à cet
égard-là — parce que, là, on parle pour les auteurs, là, naturellement, là
— j'ai commandé à la SODEC, qui est une de ces sociétés d'État sous ma
responsabilité, de créer un programme pour nous assurer que les œuvres
audiovisuelles issues de la littérature québécoise, bien, soient soutenues, et j'ai
vraiment spécifié ici «la littérature québécoise», ce qui fait qu'on aura plus
de productions audiovisuelles qui parlent de nos romans, de nos histoires.
Alors, je veux juste souligner qu'un des privilèges d'être ministre de la
Culture, c'est aussi de demander des programmes spécifiques pour voir dans
quelle mesure on peut soutenir davantage notre milieu et nous assurer que les
œuvres québécoises brillent. Alors, je voulais... C'est juste une petite
parenthèse, là, mais je comprends ce que vous disiez, ce que vous disiez va
plus loin que ça.
Et puis on y travaille, je tiens à tous
vous le dire, là, on y travaille. Puis on l'a vu, puis quelqu'un l'a mentionné
ce matin, dans les audiences... oui, ce matin, à l'égard de l'argent qui doit
ruisseler, puis nous assurer que le donneur d'ouvrage paie ses artistes. Ça, c'est
une... À la suite d'une discussion que j'ai eue, durant la pandémie, entre autres,
avec Mme Prégent, de l'UDA, qui nous disait qu'il faut que l'argent
ruisselle. Au CALQ, on l'a mis dans les programmes pour nous assurer que… la
mesure à la billetterie, par exemple, bien, nous assurer qu'avant que le
producteur ait tout l'argent qu'il réclame, en fonction du programme auquel il
a droit à des subventions… de faire la démonstration que les artistes, les
artisans sont payés. Alors, je pense qu'on s'en va vers cette façon d'agir,
vers cette réflexion dans nos programmes. Alors, ce n'est pas parce que ce n'est
pas nécessairement dans le projet de loi là qu'on n'agit pas. Et il y a... et,
je le disais à tous les groupes auxquels j'ai parlé durant l'hiver, c'est qu'on
a des solutions qui ne seront pas nécessairement dans la loi mais qui vont nous
permettre d'avancer puis d'atteindre le même objectif.
Maintenant, pour ce qui est des demandes
spécifiques que vous nous faites, là, je… il y en a qui sont intéressantes.
Vous soulevez ici des petites coquilles aussi de rédaction. On n'en a pas parlé,
mais le fait qu'on parle d'artiste ou artiste professionnel, des fois
professionnel, des fois pas professionnel, ça, je pense qu'on va corriger ça,
là, pour avoir la même terminologie d'un bout à l'autre du projet de loi. Je
pense que ce n'est pas une problématique, là, c'est plutôt une coquille de
notre part.
Vous, cependant, avez des... à peu près, et
c'est ça qui est fascinant, les mêmes demandes ou modifications que les autres
groupes, entre autres que l'UDA, à l'égard, entre autres, du devoir de juste
représentation. Puis on se l'est fait expliquer aussi. J'ai posé la question
aux groupes, précédemment, entre autres la Guilde canadienne des réalisateurs
puis l'Alliance québécoise des techniciennes, des techniciens... bien, on va le
dire, là, l'AQTIS, ça va plus vite, et j'ai posé la question à l'égard de cet…
ce devoir de juste représentation. Vous nous dites, dans le mémoire... C'est l'article 15
du projet de loi, mais qui porte le numéro 24.2, en tout cas, il y a bien
des numéros, là, mais on parle du 15 du projet de loi ici. Et ils nous ont dit,
les groupes précédents, qu'en quelque part, de la façon dont c'est libellé, ça
ne faisait qu'alourdir le fardeau des associations, et c'est à ça que ça sert,
les audiences, puis j'aimerais vous entendre parler de cet… de ce devoir de
juste représentation, parce que vous nous dites : Oui, c'est un article
qui est important. Puis vous avez compris que c'était un calque de ce qui
existe déjà dans la Loi sur les normes. Alors, on est là pour ajuster. Donc, dans
quelle mesure il faudrait l'ajuster, pour vous, puis <pourquoi...
Mme Roy :
...loi
sur les normes. Alors, on est là pour ajuster. Donc, dans quelle mesure il
faudrait l'ajuster, pour vous, puis >pourquoi c'est important de
l'ajuster?
Mme Cyr (Mylène) : Oui, bien,
je peux y aller. Oui, alors, juste représentation, effectivement, et d'emblée je
vous ai dit qu'une préoccupation majeure pour nous, c'était, en fait, justement
le fardeau qui n'était pas équitable au niveau des associations d'artistes
versus les associations de producteurs. Je vous ai aussi dit la peine qu'on a
eue à avoir des ententes collectives dans notre secteur. Donc, il y a beaucoup
de secteurs qui ne sont pas couverts par des ententes collectives. Et je vous
ai aussi parlé des durées de négociation, dont une qui a duré 15 ans, cinq
ans, etc. Donc, vous avez compris qu'on n'a pas les ressources nécessaires pour
arriver à couvrir tous ces gens avec des ententes collectives.
Donc, c'est sûr que, pour nous, tel que
libellé, ça fait en sorte que l'association d'artistes a le devoir de défendre
un artiste qui négocierait un contrat avec un producteur qui n'est pas sous
entente collective, alors... Et là je pense que, d'ailleurs, la DGC vous en a
donné un exemple concret, où elle a dit : Bien, on nous demande de faire
un grief, mais il n'y a pas de grief applicable parce qu'il n'y a pas d'entente
collective. Donc, on est soumis à aller devant les tribunaux de juridiction
commune.
Donc, dans ce sens-là, je pense que vous
l'avez souligné… En fait, vous avez entendu nos collègues, ce matin, cet
après-midi, vous dire qu'il faudrait, en fait... Oui, on a aussi souligné que
c'était un calque qui venait du Code du travail et qu'il faut donc l'adapter à
notre réalité, et notre réalité, c'est qu'on travaille avec... on est capables
de faire cette juste représentation lorsque les artistes sont sous entente
collective. Et donc, oui... et d'ailleurs on est tout à fait pour la juste
représentation. Bien sûr, ça fait partie des devoirs des syndicats, mais je
pense que... si on faisait cet amendement à l'article 24.2 de façon à ce
que ce soit seulement dans les cas où il y a des ententes collectives
applicables, je pense que ça répondrait tout à fait à l'objectif.
Mme Roy : Parfait. Si on y va
très concrètement, l'adoption du projet de loi n° 35 changerait
concrètement quoi dans la vie de vos membres?
Mme Cyr (Mylène) : Bien,
veux-tu y aller ou j'y vais? Alors, écoutez, je pense que, de façon générale,
vous avez compris qu'on accueille favorablement le projet de loi, parce qu'il y
a des avancées importantes là-dedans. Alors, je vous dirais que c'est à deux
niveaux, donc, qu'est-ce que ça changerait pour nos artistes et pour nous, les
associations. Donc, pour les artistes, donc, vous avez intégré les dispositions
sur le harcèlement, et ça, on s'entend que, dorénavant, donc, un artiste qui
n'est pas sous entente collective est maintenant couvert par ces dispositions.
Alors, ça, ça fait une énorme différence.
• (17 h 40) •
Par rapport aux associations d'artistes,
bien que, dans certaines ententes collectives, on avait déjà adopté des
dispositions par rapport au harcèlement, une politique contre le harcèlement,
bien sûr, chaque fois que nous devons négocier une nouvelle entente, on doit
renégocier cette partie-là. Donc, c'est sûr que, pour nous, chaque fois que des
dispositions s'appliquent d'emblée, ça allège notre fardeau, et on a moins de
temps à passer en négociation, et on peut arriver à une entente plus vite.
Donc, c'est sûr, la même chose au niveau…
donc, au pouvoir... tribunal du travail, c'est la même chose. Donc, on va être
devant un tribunal, donc, au niveau des associations d'artistes, un tribunal
spécialisé qui pourra entendre, en fait, toutes les causes qui découlent des
obligations de la loi, plutôt que de se retrouver, sur certaines parties,
devant le TAT, et d'autres devant les tribunaux de droit commun. Alors, je
pense que c'est... dans ce sens-là, c'est une grande avancée qui va faciliter
la vie des associations et, par ricochet, la vie de nos artistes, puisqu'ils
auront des ententes collectives plus rapidement.
M. Pelletier (Gabriel) : Si
je peux ajouter, on fonde beaucoup d'espoir dans le 68.6, c'est-à-dire qu'on
aurait aimé une reconnaissance des associations de producteurs, mais, pour
nous, on l'a mentionné, on est une relativement petite association dans le
domaine de l'audiovisuel, le fait qu'on puisse représenter des membres,
actuellement, qui ne sont pas… qui ne sont pas sous entente collective, c'est
une énorme avancée. On a des membres qui peuvent travailler, par exemple, en
télévision et qui sont donc couverts par une entente collective, avec les
protections que ça amène, mais, quand ils travaillent... quand ils travaillent
sur le Web, par exemple, jusqu'à dernièrement, il n'y avait pas d'entente <collective…
M. Pelletier (Gabriel) :
...ils
travaillent sur le Web, par exemple, jusqu'à dernièrement, il n'y avait pas
d'entente >collective. Et, à ce moment-là, le temps qu'ils consacraient
là, et les efforts, ils n'avaient pas de protection, telle que des assurances
collectives, telle qu'un REER, et donc ils n'avaient pas ces protections-là.
Concrètement, donc, pour eux, 68.6, et ça, dépendamment des modalités que vous
allez amener… et c'est pour ça que ça nous intéresse de savoir comment
fonctionnerait ce processus-là, mais c'est une capacité d'aller chercher des
domaines où est-ce qu'on n'a pas d'entente collective encore. Et ça existe en
publicité, par exemple, en corporatif, jusqu'à dernièrement, donc, dans les
productions numériques.
Mme Roy : Merci, et votre
réponse est claire. J'aimerais vous entendre parler des dispositions,
maintenant, relativement à l'arbitrage de griefs, parce qu'ici le but qui était
recherché, c'était de simplifier la vie et de vos membres et de tout le monde, finalement,
aussi, de toutes les parties impliquées, parce que je pense que c'est... c'est
l'objectif de ce projet de loi là, améliorer les conditions puis aussi
simplifier la vie de tout le monde. Alors, je voulais vous entendre à l'égard
des dispositions sur l'arbitrage de griefs.
M. Pelletier (Gabriel) : Bien,
ça découle un peu de ce que je disais, c'est-à-dire que, quand on a des
négociations, disons, de mauvaise foi ou, en tout cas, qu'il y a énormément de
résistance, qui durent 15 ans, de pouvoir se fier à l'arbitrage, c'est
déjà une façon d'accélérer le processus. C'est, justement, de ramener les
parties pour qu'il y ait une négociation de bonne foi. Veux-tu ajouter?
Mme Roy : Et on ajoute
aussi, dans le projet de loi, ces articles de la Loi sur les normes concernant
la négociation de bonne foi. Alors là, on l'inclut, là. Donc, on souhaite que
les gens s'assoient ensemble et discutent pour arriver à des ententes.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
…Mme la ministre, je ne sais pas si Mme Cadieux voudrait intervenir.
Mme Roy : Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
On l'oublie peut-être. Mme Cadieux, je ne sais pas si, des fois, vous
aviez...
Mme Cadieux (Chantal) : Non,
non, ça va.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Ça va…
Mme Cadieux (Chantal) : Non,
non, j'approuve, là, je suis comme ça… puis ça va. Vous êtes vraiment
intéressants. Écoute, Gabriel parle, on dirait qu'il parle en mon nom. Là, je
blague. Mais Me Hénault pourra parler aussi, peut-être, à ce moment-là, plus
précisément, là. Allez.
Mme Hénault (Stéphanie) : Je
suis d'accord avec mes... on est d'accord avec nos collègues de l'ARRQ.
Mme Roy : C'est bien.
Merci. Je regarde vos mémoires aussi, mais je constate aussi que plusieurs des
recommandations que vous formulez, puis je pense... je parle du mémoire de la
SARTEC, entre autres, ressemblent beaucoup, beaucoup au mémoire de l'UDA, entre
autres. Je pense qu'il y a ici une communion d'idées. Et, comme je vous disais,
entre autres, à votre... là, je pense, je parle à la SARTEC, votre
recommandation n° 6 : Ajuster le libellé, la
définition de l'artiste, artiste, artiste professionnel, je pense qu'ensemble
on va être capables d'ajuster ça. Compte tenu du fait que c'est... que ce sont
deux lois, comme vous avez compris, que nous avons amalgamées, nous avons pris
le meilleur de chacune pour... et nous avons ajouté plusieurs dispositions.
Donc, on va le corriger facilement.
Donc, tout de suite, vous pouvez dire que
c'est... déjà, il y a des choses qui vont se régler facilement, qu'on pourra
ajouter. C'est précis. En fait, ce que vous dites est très précis et ça
correspond à ce qu'on a entendu depuis ce matin. Juste vérifier mes notes...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Mme la ministre, il vous reste 2 min 30 s. Est-ce que vous
voulez laisser la parole au député de Saint-Jean ou...
M. Lemieux : Si la
ministre a d'autres questions, je la laisse aller, là.
Mme Roy : Bien, je ne
veux pas être redondante. Alors, vous avez sûrement une idée différente, une
façon différente de l'amener.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, en 2 min 15 s.
M. Lemieux : Merci, Mme
la Présidente. J'espère ne pas vous décevoir, Mme la ministre. Bonjour,
messieurs, dames.
Des voix : Bonjour.
M. Lemieux : Il y a par
rapport... D'abord, félicitations, vous avez dû jaser beaucoup, beaucoup,
beaucoup dans l'industrie, parce que vous êtes arrivés avec des choses qui se
ressemblent, en fait qui sont pareilles. Ça nous force à bien comprendre où
vous allez. Mais, ne serait-ce que pour ça, je pense qu'on a gagné, parce qu'il
y a une certaine unicité de pensée là-dedans, là.
Par rapport au 68.6, je suis curieux,
parce que ça revient tout le temps, comment vous voyez la négo maintenant qu'il
y aura cette possibilité de décréter des conditions minimums? Forcément, c'est
comme un levier, si vous le demandez, si vous l'obtenez, mais la négo, elle,
considérant ce nouvel outil là, vous la voyez comment? J'ai posé la question
plus tôt, puis... aux auteurs, qui disaient : Ah mon Dieu! Ça va être la
belle vie, ça, bon. Mais, dans la vraie <vie...
M. Lemieux :
…Ah
mon Dieu! Ça va être la belle vie, ça, bon, mais dans la vraie >vie, là?
M. Pelletier (Gabriel) : En
fait, ça n'affecte pas tant la négo que d'aller chercher des secteurs où il n'y
en a pas encore, c'est-à-dire que, pour une petite association comme nous, d'aller
chercher individuellement chacun des producteurs, c'est beaucoup trop lourd.
M. Lemieux : ...pas vous
interrompre, mais je vais le faire, parce qu'il me reste juste
30 secondes. Vous avez dit que ça a pris 15 ans dans un cas, cinq ans
dans un autre. Avec cette loi-là, ça va aller plus vite.
M. Pelletier (Gabriel) : Bien
oui, justement, avec le pouvoir d'un règlement. Alors, c'est très bon.
M. Lemieux : C'est ça que
je voulais savoir. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste une minute, si vous voulez, là, 50 secondes. Allez-y, si
vous avez autre chose à ajouter à la question.
M. Lemieux : Oui, parce
que je vous ai interrompu, désolé.
M. Pelletier (Gabriel) : Bien,
en fait, c'est...
Mme Cyr (Mylène) : Bien,
en fait...
M. Pelletier (Gabriel) : Vas-y,
Mylène.
Mme Cyr (Mylène) : Si
vous permettez. Certainement que ça va changer notre façon de voir la négociation,
parce que j'ai dit que, pendant longtemps, on n'en avait eu que deux, parce qu'on
est obligés de prioriser, compte tenu des ressources limitées qu'on a. Alors
là, on va pouvoir aller dans des secteurs où il y a de multiples producteurs,
où on n'est pas capables d'aller, et même, je vous dirais, dans des secteurs où
on a une entente collective avec une association de producteurs, mais où il y a
d'autres producteurs qui ne sont pas membres de cette association-là. Alors, ça
vient combler une faille importante. Comme le disait M. Pelletier, pour
nous, c'est vraiment important ce pouvoir réglementaire. Je pense que, si on l'applique
et que ça va de l'avant, ça va faire une différence pour nous, oui.
M. Lemieux : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci beaucoup. Nous poursuivons l'échange avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci,
Mme la Présidente. Merci à nos invités. Merci, Mme Cadieux, pour votre
témoignage, qui est fort important puis qui... évidemment, qui concorde avec ce
qu'on a entendu ce matin et au cours de la journée. On revient sur les mêmes
éléments, puis je pense que ça, c'est très, très important, puis la reddition
de comptes est importante aussi. Il faut s'assurer qu'on retrouve… dans l'argent
qui est donné par le gouvernement, qu'on retrouve une certaine transparence et
une véritable reddition de comptes.
Je voudrais savoir : Les
réalisateurs, on les retrouve où dans la loi initiale? Est-ce qu'ils sont dans
la… à l'article 1.2? Moi, je le… je pense que l'article 1.2, ça
touche plus les techniciens. Les réalisateurs... Parce qu'on parle... Ah! les
fonctions... Non, «fonctions liées à la réalisation de montages, d'enchaînements,
sur les plans sonore et visuel». Vous vous retrouvez dans l'article 1.2,
les réalisateurs, est-ce que c'est là que vous êtes?
Mme Cyr (Mylène) : Non,
pas 1.2, En fait, nous, on est à 1, là, dans... oui, dans le film. Et c'est
parce qu'ils sont des auteurs, ce sont des créateurs, donc ce sont des
artistes, là.
M. Pelletier (Gabriel) : Ce
ne sont pas des techniciens mais des artistes.
Mme
St-Pierre
: O.K.,
mais, quand vous voulez... vous dites que vous voulez, évidemment, puis je le
comprends très bien, là, vous… négocier avec... Vous êtes une petite
association, vous voulez négocier avec des producteurs. Les producteurs peuvent
être des gros géants, là. Puis 68 va protéger, dans une certaine mesure, cette
volonté-là d'arriver à quelque chose, à une entente, mais, dans un premier
temps, vous allez devoir faire une tentative de négociation.
M. Pelletier (Gabriel) : Absolument.
Mme St-Pierre : Qui vont
être... ou qui va être votre vis-à-vis, vous allez commencer par qui?
• (17 h 50) •
Mme Cyr (Mylène) : Ça
sera une question, comme je disais tantôt, de priorisation, je... En fait, ce
qu'on comprend, c'est que cette demande pourra être adressée au ministre, en
fait, pour couvrir un secteur, et il y aura des consultations. Et ce qu'on
comprend, c'est qu'il n'y a pas nécessairement de négociation dès le départ.
Cette demande pourra être faite, selon ce qu'on en comprend, dans des secteurs
où il y a une multitude de producteurs. Alors, avec la consultation, ce qu'on
nous a expliqué, c'est qu'il y aura, à ce moment-là, du côté du ministère, des
consultations qui seront faites, évidemment, au niveau du… de l'association d'artistes
qui dépose la demande et du secteur, en fait, des producteurs qui seront visés
par le règlement. Alors, je pense que c'est ça… c'est ça, l'idée ici.
Mme St-Pierre : Mais là
vous parlez du règlement, mais, avant l'étape du règlement, il faut qu'il y ait
une certaine tentative de faite. Est-ce que c'est... vous...
M. Pelletier (Gabriel) : Il
faut qu'il y ait une association qui existe. Et donc c'est sûr que, d'abord,
la... Pour nous, on priorise des représentants d'associations de producteurs,
mais, dans certains cas, il y a des producteurs qui ne sont pas membres d'association,
et c'est là qu'il faut aller les chercher. Et même certains secteurs... Tu
sais, je parlais du numérique <tantôt...
M. Pelletier (Gabriel) :
...aller
les chercher. Et même certains secteurs... Tu sais, je parlais du numérique
>tantôt, ce secteur-là n'était pas organisé au départ. Et il y a des… il
y a donc des compagnies de production qui se sont créées et qui n'avaient pas,
donc, de... Il n'y avait pas d'entente, il n'y avait pas de standard, même au
niveau du financement, on était... on partait de zéro, finalement. Et donc il
faut qu'il y ait une certaine structure pour qu'on puisse négocier.
Mme St-Pierre : Mais, la
structure, vous comptez sur le ministère pour vous le...
Mme Cyr (Mylène) : En
fait, ce qu'on nous a expliqué, c'est que...
Mme St-Pierre : Qui ça
«on nous a expliqué»?
Mme Cyr (Mylène) : Ce
qu'on comprend de 68.6, en fait, c'est que notre demande de règlement devrait
viser, par exemple, des producteurs dans tel secteur qui ne sont pas membres.
Dans notre secteur à nous, nous avons une entente avec l'AQPM, mais le
règlement pourrait, à ce moment-là, prévoir des conditions minimales dans ce
secteur pour les producteurs non membres de l'AQPM, parce que ça répond à ce
besoin qui… où est-ce qu'on est totalement dans l'impossibilité d'envoyer... Pour
toutes les raisons que vous avez entendues aujourd'hui, particulièrement dans
le secteur de l'audiovisuel, on n'est pas en mesure d'envoyer des avis à tous
ces producteurs de façon individuelle, on n'a pas les ressources.
Et, deuxièmement, particulièrement en
audiovisuel, ce sont des structures, donc, légales qui naissent souvent le
temps d'une production. Donc, envoyer un avis de négociation, c'est
physiquement impossible d'arriver à finir la négociation avant la fin de la
production. Donc, vous avez entendu plusieurs associations faire état du fait
qu'ils obtiennent une sentence arbitrale, puis que c'est impossible, en fait,
de passer à l'exécution parce que cette coquille est vide ou n'existe plus.
Donc, je pense que ça peut être une façon,
en fait, d'aller… d'aller chercher des producteurs d'un secteur, mais qui ne
sont pas membres, par exemple, d'une association de producteurs.
Mme St-Pierre : Oui.
Peut-être… peut-être que je… qu'on comprend mal la procédure, mais, moi, dans
mon esprit, ce que je comprends, c'est que, dans un premier temps, puis je l'ai
dit tantôt, dans un premier temps, vous avez comme une... la loi vous donne la
poignée pour aller voir des producteurs, mais, si vous avez 30 producteurs
à voir, qui sont des producteurs qui ne sont pas au sein d'une association, ça
va être gros pour votre association à vous. Parce que vous l'avez dit
vous-même, vous l'avez dit à quelques reprises, vous êtes une petite
association.
Mme Cyr (Mylène) : Oui,
tout à fait.
Mme St-Pierre : C'est là
que je ne vois pas comment il va y avoir une certaine rapidité pour y arriver.
Mme Cyr (Mylène) : Bien,
en fait, moi, je comprends ça un peu comme la Loi sur les décrets de convention
collective, finalement, où on a une entente collective qui est élargie à un
secteur. Alors, je pense que l'idée en arrière de ça, c'est un peu la même
chose, c'est d'être capable... Parce que, sinon, ce n'est pas possible, et
on...
Mme St-Pierre : Donc,
c'est le règlement qui va faire le job.
Mme Cyr (Mylène) : Oui,
qui va… oui, qui va édicter les conditions minimales, effectivement.
Mme St-Pierre : Donc,
dans votre esprit, vous ne faites pas la... vous ne faites pas… vous ne vous
dites pas : On va faire la démarche en premier, puis, si ça accroche puis
ça ne bouge pas, là on va demander au gouvernement d'intervenir. Autrement dit,
vous demandez au gouvernement d'intervenir dès l'adoption du projet de loi pour
régler un secteur, certains secteurs qui seraient peut-être des secteurs un
peu... bien, enfin, il y en a beaucoup, là, puis…
Mme Cyr (Mylène) : Oui.
Mme
St-Pierre
:
Donc, c'est… mais, ça, on ne l'avait pas... Je vous avoue que moi, je ne
l'avais pas compris comme ça. Puis c'est important, là, cette précision-là que
vous faites. Parce que moi, je n'avais pas compris comme ça, j'avais compris
que... Puis on n'a pas aussi, dans 68, «à la demande de»? Donc, dès que la loi
va être adoptée, vous allez demander au ministère de réglementer, c'est ça?
Mme Cyr (Mylène) : On
pourrait le faire. On pourrait le faire?
M. Pelletier (Gabriel) : Oui.
Mme St-Pierre : O.K.
M. Pelletier (Gabriel) : Et
il y a quand même des normes, certaines normes établies, c'est-à-dire que, dans
un secteur où est-ce qu'on a déjà des ententes, par exemple avec l'AQPM, il y a
quand même des normes minimales qui ont déjà été négociées. Alors, on peut
demander un règlement pour des producteurs qui ne seraient pas membres de
l'AQPM.
Mme Cyr (Mylène) : Tout
à fait.
M. Pelletier (Gabriel) : Donc,
il y a des... Et c'est ce qu'on fait, je veux dire, on documente des conditions
de travail aussi. Même dans un secteur où il n'y a pas d'entente collective, on
est capables d'aller voir aussi auprès de nos membres les contrats qui sont
signés et certaines normes, donc, des contrats de travail qui sont existants.
Il y a quand même une documentation des contrats de travail qui existe, et on
peut se baser, donc, sur ces normes-là pour appliquer, donc, un règlement, là,
faire une demande de règlement.
Mme St-Pierre : Je fais
un peu un parallèle avec l'UNEQ, ce matin. Parce que l'UNEQ vis-à-vis l'ANEL, l'ANEL
représente plein d'éditeurs, l'ANEL ne se voit pas manifestement comme
étant la partie en face, là. Ça veut dire que l'UNEQ pourrait faire la même
chose, dire au <gouvernement…
Mme St-Pierre :
...la
partie en face, là. Ça veut dire que l'UNEQ pourrait faire la même chose, dire
au >gouvernement : Passons immédiatement à l'étape du règlement, sans
essayer de faire des négociations.
M. Pelletier (Gabriel) : Bien,
il y a déjà, quand même, une association qui existe, l'ANEL est là. Et donc ils
peuvent, oui, entamer des négociations avec l'ANEL. Et après, si, là, ça
achoppe, là, c'est autre chose, là, mais...
Mme St-Pierre : Mais vous, de
votre côté, en face, vous en avez qui ne sont… qui ne sont pas membres d'une
association.
M. Pelletier (Gabriel) : Exactement.
Mme St-Pierre : Mais c'est la
même chose chez les éditeurs.
M. Pelletier (Gabriel) : C'est
ça.
Mme St-Pierre : Ils ne sont
pas tous membres de l'ANEL.
M. Pelletier (Gabriel) : Ils
ne sont pas tous membres, mais c'est, en fait, de trouver des intervenants
crédibles, dans un premier temps, puis d'établir des normes. Je veux dire, pour
nous, on négocie avec l'AQPM prioritairement. On considère que c'est des bons
citoyens corporatifs, si vous voulez, et on négocie des normes considérées
minimales. Alors, ce qu'on irait chercher avec un règlement, c'est d'étendre
ces normes minimales là chez des producteurs qui ne sont pas membres.
Mme Cyr (Mylène) : 68.6, moi,
je le vois vraiment comme un levier supplémentaire.
Mme St-Pierre : Est-ce qu'il
faut absolument mettre le mot «à la demande»?
M. Pelletier (Gabriel) : Bien
oui, ça devrait être à la demande des associations d'artistes.
Mme Cyr (Mylène) : Oui, à la
demande des associations.
Mme St-Pierre : Il faut qu'il
y ait cet amendement-là, ça, vous le demandez. Vous n'êtes pas les premiers à
le demander, là, mais il faut absolument que ce soit… que ça se retrouve là.
M. Pelletier (Gabriel) : Tout
à fait, oui. Et on le fait en coeur avec certains autres de nos collègues que
vous avez entendus.
Mme St-Pierre : Ça, c'est un…
ça veut dire que, si ce n'est pas là, ce changement-là, il y a comme un flou
artistique.
M. Pelletier (Gabriel) : C'est
certain que, là, il y a un flou. Tu sais, on discute entre nous, déjà, des
modalités puis de ce qu'on comprend, et on l'interprète comme on le comprend, mais
effectivement il y a un flou à combler, c'est-à-dire au niveau des modalités,
puis de comment ce processus-là s'entamerait, et de l'obligation d'arriver au
bout du processus.
Mme St-Pierre : Parfait.
Bien, moi, c'est… je n'ai pas d'autre question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Merci. Alors, nous allons poursuivre avec la députée de Taschereau.
Mme Dorion : Merci. Je n'ai
pas beaucoup de temps, ça fait que je vais y aller vraiment vite. On a...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous
avez plus de temps, parce qu'effectivement elle peut vous donner... elle vous
donne une minute, et on peut prendre quelques minutes de votre collègue.
Mme Dorion : Yé!Ça
fait plus 33 % de temps. Il y a… C'est ça, c'est… là, on discute beaucoup,
depuis ce matin, de cette fameuse... de ce règlement que la ministre pourrait
faire pour réglementer, effectivement, toutes ces espèces de zones où il y a
une pléthore de producteurs différents. C'est impossible, pour les
associations, d'y aller comme ça, puis... Donc là, on se demande quel processus
devrait, tu sais... Parce que, bon, «à la demande des associations d'artistes»,
ça, on est avec vous. Après, comment ça se fait? Tu sais, est-ce que c'est une…
comme un arbitrage? Est-ce que c'est... Tu sais, dans votre monde idéal, ce
serait comment?
Puis une question un petit peu plus
précise, sous-question : Est-ce que c'est... on pourrait dire : Bon,
bien, allons-y avec tous les producteurs qui ne sont pas dans les ententes
collectives déjà, donc comme le sac final pour tous ceux qui ne rentrent pas
dans les ententes collectives, ou est-ce que vous aimeriez y aller mieux, comme,
avec tel type, tel type, tel type, puis vous-mêmes les diviser en sortes de
producteurs?
M. Pelletier (Gabriel) : Bien,
c'est certain que nos ententes sont divisées par types. Je veux dire, en
réalisation, nous, on représente autant de la fiction, du documentaire, du
magazine, etc. Et donc, oui, il faut s'adresser à certains sites de production,
là. Donc, ça ne peut pas être...
• (18 heures) •
Mme Dorion : Tout ce qui
reste, O.K… ce serait par types. Puis c'est ça, est-ce que ce serait... Un
processus qui vous paraîtrait bien, là, ce serait quoi?
Mme Cyr (Mylène) : Bien, on
est d'accord avec une consultation. Je pense que… dans la demande, je pense que
ce qu'on va faire, c'est qu'on va, en fait, indiquer qui est visé et quelles
sont, en fait, les conditions qu'on aimerait voir appliquer. Et donc je pense
qu'à partir de là, effectivement, il y aura... il pourra y avoir des consultations
et voir dans quelle mesure c'est applicable.
Puis, comme je disais tantôt, l'exemple du
secteur où on a déjà une entente collective puis qu'on veut aller chercher les
producteurs de ce secteur qui ne sont pas membres et qui ne sont pas liés par
cette entente collective, donc c'est une façon de le faire. Et donc, la
consultation, à ce moment-là, il y a déjà quelque chose qui s'applique dans le
secteur. Donc, pour nous, c'est… ça devrait… ça devrait s'appliquer, là,
facilement au reste du secteur.
Et puis je pense que le plus de latitude
on peut avoir, plus ça va être facilitant pour nous, c'est-à-dire qu'on puisse
agir par secteurs, qu'on puisse agir par tous les non-membres, c'est ce qui va
nous <aider...
>
18 h (version révisée)
< Mme Cyr (Mylène) :
...secteurs,
qu'on puisse agir par tous les non-membres, c'est ce qui va nous >aider.
Et c'était vraiment à la base de nos demandes à nous. Je pense que le plaidoyer
qu'on a fait pendant toutes ces années-là, c'est de dire : Écoutez, il
faut nous donner des outils pour qu'on arrive à faire ce pour quoi on a été
créés, c'est-à-dire négocier des ententes collectives. Et, quand on regarde ça
après 30 ans, c'est trop peu d'ententes collectives et trop peu d'artistes.
Moi, je vous ai parlé des 50 % des productions subventionnées qui n'avaient
pas déposé. C'est énorme, et c'est de l'argent public. Et c'est en 2013 qu'on a
fait cet examen exhaustif. Et je vous dirais que, quand on a préparé le
mémoire, on est allés dans nos données internes, et il n'y a rien qui me laisse
sous-entendre que cette situation-là s'est améliorée avec le temps. C'est moins
de 50 % de nos membres qui ont accès aux REER et aux assurances
collectives.
Mme Dorion : Donc, ça
serait, dans l'idéal, par exemple : une des associations d'artistes
reconnues fait une demande de règlement, puis la ministre serait liée. Donc, ça
ne serait pas, genre : On va regarder ça, ça serait... ça serait presque...
la loi obligerait, finalement.
M. Pelletier (Gabriel) : Ou
une obligation que le processus arrive à terme à un moment donné.
Mme Dorion : Parfait. O.K.
Dans un certain délai.
M. Pelletier (Gabriel) : Oui.
Mme Dorion : Bon.
Mme Hénault (Stéphanie) : Si
je peux compléter...
Mme Dorion : Oui.
Mme Hénault (Stéphanie) :
...pour la SARTEC, il arrive que notre interlocuteur, l'association de
producteurs, refuse de négocier pour certains types de productions. Donc, on se
retrouve sans interlocuteur. Alors, c'est certainement un mécanisme, cette
disposition-là de la loi, qu'on pourrait utiliser, par exemple, pour négocier
dans un secteur où on n'a pas pu négocier avec notre interlocuteur.
Mme Dorion : Parfait.
Très intéressant.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Intéressant. Merci. Alors, merci, Mme Cadieux, Mme Hénault, M. Pelletier
et Mme Cyr, pour votre contribution à l'avancement des travaux de la
commission. Merci beaucoup d'être venus. Merci.
Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 18 h 04)
(Reprise à 18 h 13)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
pour notre dernier bloc de la journée, nous avons deux groupes, deux
associations : l'Association québécoise de l'industrie du disque, du
spectacle et de la vidéo ainsi que l'Association québécoise de la production
médiatique. Nous commençons donc par la première association avec Mme Bouchard.
Je vous invite à vous présenter et ensuite commencer votre exposé pour cinq
minutes.
Association québécoise de l'industrie du disque, du
spectacle et de la vidéo (ADISQ) et Association québécoise de la production
médiatique (AQPM)
Mme Bouchard (Lyette) : Merci.
Alors, je suis Lyette Bouchard, directrice générale adjointe de l'ADISQ, et je
suis accompagnée de ma collègue Me Stéphanie... Sophie...
Mme Hébert (Sophie) : Un relent...
un relent du passé.
Mme Bouchard (Lyette) : ... — un
relent du passé — Sophie Hébert, directrice des relations de travail,
donc, à l'ADISQ avec moi.
Mme la ministre, Mmes et MM. députés, nous
vous remercions de l'invitation qui nous est faite aujourd'hui de participer
aux travaux de cette commission.
Notre association, qui représente non
moins de 150 entrepreneurs de la musique du Québec, a pour mission de
protéger, de faire grandir et d'outiller les entreprises de la musique d'ici
pour qu'elle rayonne au Québec et au-delà de nos frontières. La mission
d'outiller et de professionnaliser notre secteur passe notamment par
l'éducation des producteurs et des artistes au régime de relations de travail
découlant de la loi sur le statut de l'artiste. Nos membres producteurs
connaissent ce régime et sont tenus d'appliquer, depuis plus de 30 ans,
des conventions collectives négociées par l'ADISQ pour la production de
spectacles, d'enregistrements sonores, de vidéoclips et de captations de
spectacles.
La loi, mieux connue sous le vocable de
loi 32.1, a eu ses effets dans notre secteur, en ce sens que des ententes
collectives ont été négociées et le sont encore. Par contre, les chamboulements
importants connus par l'industrie de la musique dans les deux dernières
décennies auront notamment eu comme conséquence le développement de modèles
d'affaires se distinguant du modèle de production traditionnel. Le phénomène de
l'autoproduction a connu un essor important de façon encore plus marquée dans
la production d'enregistrements sonores. Nous constatons toutefois que cette
autoproduction se fait en grande partie en marge de la loi sur le statut de
l'artiste, créant ainsi un déséquilibre entre les producteurs membres de
l'ADISQ, qui appliquent des ententes collectives et tout l'administratif qui en
découle, et les autoproducteurs non membres de l'ADISQ, qui ne sont soumis à
aucun régime.
Encore une fois, je le répète, l'ADISQ est
pour la professionnalisation du secteur de la musique et la mise en place d'un
meilleur filet social pour ses artistes et artisans, et, en ce sens, l'ADISQ
est d'avis que la loi sur le statut de l'artiste devrait s'appliquer à toutes
les productions musicales professionnelles. Nous croyons d'ailleurs comprendre
que cela aurait... que cela pourrait aussi être un des objectifs visés par le
nouvel article 68.6 proposé par le projet de loi. Nous sommes toutefois d'avis
que d'importantes précisions quant au cadre d'application de cet article
devraient être apportées à même la loi, comme nous le précisons dans notre
mémoire.
À noter que nous abordons dans notre
mémoire quatre autres sujets à l'égard desquels nous soulevons certaines
préoccupations, à savoir : le pouvoir de réglementation de
l'article 68.5, qui nous apparaît trop large et non avenu; en troisième
lieu, donc, la définition d'artiste de l'artiste 1.1, qui, dans sa mouture
actuelle, laisse place à une ambiguïté qu'il serait important de dissiper dès
maintenant pour éviter des débats absolument non nécessaires — mais,
je comprends, Mme la ministre, vous avez indiqué tout à l'heure que, déjà,
c'est noté et qu'il y aurait des modifications; en quatrième point, la
représentativité d'une association, au sens de l'article 9, à l'égard de
laquelle le critère du plus grand nombre représenté nous apparaît beaucoup trop
vague; finalement, en ce qui concerne... ce qui nous semble être l'introduction
de l'article 24.1, le pouvoir de représentation individuelle des
associations, par opposition à leur pouvoir de représentation collective, nous
apparaît, donc, un élément important, et nous le soulevons dans notre mémoire.
Il nous fera évidemment plaisir de
répondre à vos questions sur ces cinq préoccupations que nous avons soulevées
dans notre mémoire durant la période d'échange qui suivra. Nous avons
d'ailleurs soumis des pistes de solution, dans notre mémoire, qui se veulent
pragmatiques et qui, selon nous, répondront aux besoins et intérêts de la
majorité des parties prenantes.
Cela étant dit, les discussions entourant
le projet de loi n° 35 s'inscrivent dans une grande réflexion collective
sur l'état de notre industrie de la musique et de ses acteurs. Les besoins sont
criants, et c'est encore plus vrai en cette période pandémique et
postpandémique. L'état d'urgence en musique, il est encore bien présent :
pénurie de main-d'oeuvre, santé psychologique plus
précaire que jamais, revenus instables et <fragiles...
Mme Bouchard (Lyette) :
...santé
psychologique plus précaire que jamais, revenus instables et >fragiles,
et tout cela pour tous les acteurs de la chaîne industrielle.
Mais on persiste et signe : notre
musique, elle est belle, notre musique, nous en sommes fiers, notre musique,
c'est notre identité, et on ne doit pas la laisser tomber. Selon nous, les
discussions entourant la loi sur le statut de l'artiste devraient être
l'occasion de rallier les forces de tous les partenaires du milieu de la
musique, incluant le gouvernement, bien évidemment, pour bâtir une structure
pérenne de professionnalisation et de protection au bénéfice de tous les
acteurs de la chaîne.
Ensemble, agissons notamment pour des
mesures de financement adéquates, pour un développement professionnel porteur,
pour des droits d'auteur signifiants, pour une fiscalité encore plus efficace,
car quiconque comprend bien le carré de sable d'application de la loi sur le
statut de l'artiste comprend qu'on ne réglera pas tout par cette loi, mais
c'est l'occasion ou jamais de poursuivre notre réflexion collective et de
mettre en place des mesures complémentaires à la loi qui sauront appuyer
l'ensemble d'une industrie qui se veut des plus fondamentales pour notre
société. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Alors, nous poursuivons avec la deuxième association. Je vous invite à prendre
la parole, mais, avant, de bien vous présenter.
Mme Leduc (Geneviève) : Oui. Bonjour.
Geneviève Leduc. Je suis directrice des relations de travail et des affaires
juridiques à l'AQPM, et je suis accompagnée de Me Frédéric Massé, qui est
associé chez BLG.
Alors, l'Association québécoise de la
production médiatique vous remercie de l'invitation dans le cadre des
consultations du projet de loi n° 35. L'AQPM conseille, bon an, mal an,
160 entreprises de production en audiovisuel dans le domaine cinéma,
télévision, Web. Donc, quand vous regardez la télé, que ce soit émission
jeunesse, documentaire ou fiction, souvent vous regardez des productions
produites par des producteurs membres de l'AQPM, qui démarrent le projet du
développement jusqu'à l'exploitation ultime de l'œuvre. Donc, c'est des gens
très passionnés, souvent, par leur métier.
L'AQPM, c'est l'association qui a
négocié... de producteurs qui a négocié le plus d'ententes collectives depuis
l'histoire de l'entrée en vigueur de la loi. Présentement, on a
17 ententes collectives en vigueur et on négocie avec sept associations
d'artistes reconnues. Nous investissons énormément de temps et d'énergie quotidiennement
pour négocier des conditions d'engagement pour les artistes... entre les
producteurs et les artistes. L'AQPM est aussi l'association qui a eu peut-être
le plus grand nombre de litiges fondés sur la loi sur le statut de l'artiste.
En somme, l'AQPM et ses membres sont
l'association qui vit peut-être le plus et compose le plus avec la Loi sur le
statut professionnel des artistes, et ce, depuis des années. Il faut savoir
que, même avant l'adoption de la loi, l'AQPM, avant... l'autre... notre autre
acronyme, l'APFTQ, avait négocié déjà des ententes collectives, et ce, avant
même l'adoption de la loi.
Dans le domaine de l'audiovisuel, la loi
fonctionne, donc, relativement bien. Elle a porté ses fruits. On est donc
heureux de constater que le gouvernement ne propose pas de changements majeurs
pour le domaine de l'audiovisuel. Le projet de loi compose néanmoins quelques
modifications qui préoccupent l'AQPM, et on va en identifier trois. Je vous
dirais que certains articles va être une redite et un thème pour la journée,
mais je commencerais brièvement sur l'article 24.1.
• (18 h 20) •
Le gouvernement semble donner aux
associations d'artistes la prérogative de négocier des contrats individuels
d'engagement. Or, la loi est une loi de rapports collectifs de travail. Donc,
l'essence même, la mission même des associations d'artistes est de négocier
avec des associations de producteurs ou des producteurs des conditions de
manière globale, dans un cadre de rapports collectifs, et non pas, comme un agent
d'artistes, de manière individuelle. Ça me semble donc un facteur qui peut
compliquer les négociations où... entre la capacité de négocier collectivement,
qui... un minimum d'ententes collectives, et celui individuellement, qui est
souvent le rôle, comme je disais, soit de l'artiste... le fait seul ou par le
biais d'un agent d'artistes.
Le deuxième article qui nous préoccupe,
c'est l'article 68.5 du projet de loi, qui permet au gouvernement
d'intervenir par règlement pour modifier soit les notions ou les définitions
qui pourraient être celles d'artiste ou de producteur. Je pense, c'est un
constat aujourd'hui, c'est des notions sensibles qui sont fondamentales dans
l'application de la loi sur le statut de l'artiste. Donc, ce qu'on suggère
plutôt, c'est de rayer cet article et de garder la faculté de faire des
modifications dans le cadre d'une révision subséquente de la loi. Il a été
mentionné que... la possibilité que la loi soit révisée aux cinq ans. Ça
pourrait être, à ce moment-là, une bonne opportunité de faire cette <révision-là...
Mme Leduc (Geneviève) :
...ça
pourrait être, à ce moment-là, une bonne opportunité de faire cette >révision-là,
si c'est le souhait du gouvernement.
En terminant, puis... pas tout à fait, avant,
on... juste concernant l'article 68.6, qui donne au gouvernement le
pouvoir de fixer les conditions minimales d'engagement, parce que c'est ce qui
est prévu dans l'article 68.6... seulement être conscient que c'est le
travail, aussi, des associations de producteurs de négocier des conditions
d'engagement avec les associations d'artistes, ne pas sous-estimer la
difficulté de fixer des conditions minimales d'engagement dans des secteurs qui
prend en considération les besoins d'une variété de producteurs. Que ce soit,
comme je disais, le documentaire, la jeunesse, il y a des réalités différentes
auxquelles les associations doivent composer quand ils fixent les minimums
d'engagement.
Donc, pour ce domaine-là, ce pouvoir-là,
ce qu'on propose, et je crois que c'est bien détaillé dans notre mémoire, c'est
vraiment de l'utiliser seulement quand c'est des domaines où il y a absence de
condition d'engagement, et non pas comme un concurrent à l'AQPM ou une autre
association comme l'ADISQ, qui a comme mission de négocier des conditions
minimales d'engagement avec ses partenaires, parce que nous, on les voit comme
des partenaires, les associations d'artistes.
Et, si, par exemple, en audiovisuel, le
gouvernement émettait des règlements concurrents à celles négociées par l'AQPM,
la question que je me pose, c'est : Pourquoi que les membres de l'AQPM
resteraient chez nous? Parce qu'à ce moment-là il y a un règlement qui
viendrait régir vraiment les relations de travail, et notre raison d'être
serait questionnable.
En terminant le cinq minutes, s'il m'en
reste au moins une, je céderais la parole à... bon, c'est parfait, à Me
Frédéric Massé, concernant deux autres points sur...
M. Massé (Frédéric) : En
fait, Mme la Présidente, je comprends qu'il me reste peu de temps. Simplement,
on m'avait demandé de rétroagir par rapport à plusieurs commentaires qui ont
été faits par d'autres associations précédemment, et je mentionnerai que, si
des questions sont posées, il y a des commentaires qui ont été faits qui nous
apparaissent très particuliers sur trois notions.
La question de la responsabilité des tiers,
où il y a beaucoup de commentaires qui ont été faits, il a été mention de
peut-être faire des amendements, on aurait des observations, parce que ce qui a
été dit nous apparaît curieux. Toute la discussion sur le gel relatif,
l'article 36.1, suite aux commentaires qui ont été faits par l'AQTIS, nous
aurions aussi des commentaires à vous faire, parce que ce qui a été mentionné
nous apparaît un peu curieux. Et peut-être une brève note sur le devoir de
juste représentation, car on a semblé vouloir distinguer beaucoup, beaucoup le Code
du travail de la loi sur le statut de l'artiste. Or, ma foi, ce n'est pas si différent.
Donc, on aurait peut-être une courte observation à faire sur ce point-là.
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
merci pour vos exposés. Nous allons commencer la période d'échange. Mme la
ministre.
Mme Roy : Oui. Bien, allez-y.
Bonjour. Bonjour, tout le monde. Allez-y.
M. Massé (Frédéric) : Oui.
Donc, très brièvement sur ces trois thèmes-là, Mme la ministre.
D'abord, la responsabilité des tiers.
D'abord, je veux souligner qu'on a parlé très vite de trois choses complètement
différentes : la question des sociétés liées, la question de la
sous-traitance, la question des administrateurs. C'est complètement différent.
La responsabilité des administrateurs,
c'est une chose. Il y a beaucoup de législation en droit du travail qui
responsabilise les administrateurs. Vous l'avez mentionné, l'article 154
de la Loi sur les sociétés par actions prévoit une mécanique de cette
nature-là. A priori, ce n'est pas choquant. C'est curieux, mais ce n'est pas
une modification qui serait choquante. C'est quelque chose qu'on voit ailleurs.
Les deux autres notions, elles, soit de
responsabilité les sociétés liées et d'interdire, ou d'empêcher, ou de
responsabiliser les sous-traitants, ça serait très, très, très déstructurant
pour l'industrie, à tout le moins l'industrie de l'audiovisuel.
La notion des sociétés liées, si on devait
les responsabiliser, non seulement ça poserait des questions immenses pour des
producteurs étrangers, ça poserait aussi énormément de questions dans le
financement même des sociétés québécoises, leur fonctionnement. Il y a
plusieurs règles de la SODEC ou de d'autres organismes qui ne permettent pas
d'utiliser des sommes d'une société X pour une société Y. Donc, ça
contreviendrait à plusieurs notions.
Et la question de la sous-traitance, comme
vous l'avez dit vous-même, Mme la ministre, d'interdire la sous-traitance dans
notre industrie, c'est à toutes fins pratiques impossible. De punir des
sous-traitants ou de responsabilité des gens entre eux parmi les sous-traitants,
ça pose des enjeux très conséquents et ça pourrait, je dirais, faire
disparaître un certain nombre d'entreprises. Donc, ça aussi, c'est un enjeu
très majeur.
Donc, de ces trois approches-là,
administrateurs, probablement la plus simple. Les deux autres nous apparaissent
très, très difficiles à atteindre.
La question du gel relatif. Donc, pour
ceux d'entre vous qui ne faites pas régulièrement du droit du travail, il faut
comprendre que, la notion de gel relatif, donc le maintien des relations de
travail... des conditions de travail, il y a trois principes : il n'y en a
pas, il y a un gel partiel, il y a un gel complet. La loi actuelle ne prévoit <rien...
M. Massé (Frédéric) :
...il
y a un gel partiel; il y a un gel complet. La loi actuelle ne prévoit >rien,
O.K.? Elle prévoit que les parties peuvent négocier quelque chose, mais elle
n'impose pas un gel relatif. Le projet de loi imposerait un gel relatif
partiel, mais pas complet, O.K.? L'AQPM est d'accord avec ça, ça ne pose pas
d'enjeu dominant. Nos ententes prévoient toutes, déjà, ces clauses-là, de toute
façon.
Un gel complet, c'est quoi, la différence?
Ce qu'il faut comprendre, c'est : quand c'est un gel partiel, si on
déclenche une grève, par la suite il n'y a plus d'entente. Donc, il y a une
liberté qui est réacquise, O.K., il y a une espèce de rapport de force qui se
refait. Si on a un gel complet et qu'il y a une grève — on appelle ça
des grèves perlées, O.K.? — qui se déclenche, le lendemain de cette
grève perlée là, les producteurs sont encore tenus par les ententes
collectives. Sans autre moyen de contrer ce pouvoir de force là, ça débalance
complètement les négociations.
Je vous donne un exemple. On a un gros
show, il vaut 10 millions, c'est un immense show, là, disons, c'est la
finale de Star Académie. Un syndicat manifeste sur ce show-là un soir.
Le rapport de force qu'il obtient en faisant ça est immense. En théorie, s'il
fait ça dans le contexte actuel des ententes collectives, le lendemain l'AQPM
peut faire des recommandations de modification de conditions d'engagement et se
donner un rapport de force réciproque, O.K.? Si on avait un gel complet, on ne
pourrait pas faire ça. Le rapport de force serait complètement déséquilibré.
Dans l'éventualité où le gouvernement
envisagerait de faire un amendement de cette nature-là, et ça nous apparaît
être un immense amendement à faire à la vitesse à laquelle on procède
actuellement, il serait impératif, selon nous, à tout le moins de considérer de
faire l'amendement que nous proposions à l'article 23 du projet de loi,
c'est-à-dire de préciser c'est quoi, les moyens de pression dans notre
industrie.
L'AQPM avait fait des représentations par
rapport à ce point-là dans son mémoire initial, il y a déjà de cela un an et
demi, elles n'ont pas été retenues. Ça ne nous posait pas d'inconvénient majeur
parce que, par ailleurs, on ne voulait pas changer l'exercice du droit de grève.
Mais, si on voulait changer l'exercice du droit de grève, pour nous, ça
redeviendrait d'actualité, de façon très importante, de considérer cette
réalité-là. On avait d'ailleurs fait une proposition, dans notre mémoire très,
très récent, pour un autre texte sur l'article 35.1, qui est la
contrepartie, donc l'article 23 du projet de loi, et on vous inviterait à
la considérer très sérieusement.
Pour ce qui est du devoir de
représentation, un très court... une très courte note. Même sous le Code du
travail, tu n'es pas obligé de négocier pour tout le monde. Ce n'est pas une
réalité, là, tu peux négocier seulement pour certaines personnes. Et, en vertu
de la LSA, tu peux demander d'avoir des cotisations syndicales de n'importe
qui. Il suffit juste que tu envoies un avis de négociation. Donc, les réalités
ne sont pas si différentes.
J'ajouterai que les syndicats définissent
ce qu'ils veulent représenter, O.K.? C'est l'UDA, à titre d'exemple, qui a
demandé de représenter les interprètes dans tous les domaines artistiques.
C'est l'ARRQ qui a demandé de représenter les réalisateurs dans tous les
domaines. À partir du moment où l'ARRQ représente les réalisateurs dans tous
les domaines, aucune autre association ne peut le faire. Ce que ça veut dire,
c'est que, si l'ARRQ, à titre d'exemple, n'a pas envoyé d'avis de négociation
pour les producteurs de publicité pendant 15 ans, personne d'autre ne
pouvait le faire à leur place. Et, si l'ARRQ n'avait pas de bonnes raisons de
ne pas envoyer d'avis de négociation, les gens qui étaient dans ce
sous-groupe-là étaient dépourvus de tout droit. Donc, il est utile, quant à
nous, qu'il y ait un devoir de juste représentation. Ça ne veut pas dire que
l'ARRQ serait obligée de négocier pour tout le monde, mais ça voudrait dire
qu'il se justifie.
• (18 h 30) •
La même chose en danse pour l'UDA. L'UDA,
pendant de très, très, très nombreuses années, a tenté par à-coups, je vais
dire ça comme ça, de négocier des ententes collectives, mais, pendant qu'elle
le faisait, aucune autre association de danseurs ne pouvait demander à être
reconnue. Et, si, un jour, certains danseurs avaient voulu dire : UDA, faites-en
plus pour nous, vous avez demandé à être... à nous représenter, c'est vous qui
avez fait ce choix-là, faites-en plus pour nous, ils n'avaient pas ce
pouvoir-là.
Le projet de loi, dans sa facture
actuelle, permettrait d'avoir ce débat-là, cette discussion-là, qui nous
apparaît saine pour un mouvement syndical. Et, conséquemment, le texte, tel que
proposé, pour nous, il n'est pas choquant, il n'est pas dérangeant, il
correspond à une réalité qui est adaptée à notre milieu.
Mme Roy : Merci. C'est très
éclairant de vous entendre puis c'est intéressant. Pour le bénéfice des gens
qui nous écoutent, c'est que l'ADISQ et l'AQPM, c'est l'autre côté de la
médaille, c'est les employeurs, c'est les patrons, et c'est pour ça que c'est
important d'avoir tout le monde autour d'une table.
Vous disiez quelque chose... Je vais juste
me permettre quelques petits apartés, là. Vous avez dit quelque chose, Mme
Bouchard, d'intéressant, vous dites : Ce projet de loi là ne réglera pas
tout, puis on s'en était parlé. Ça ne réglera pas tout, mais on a aussi
travaillé d'autres... d'autres moyens, d'autres mesures, des mesures
complémentaires, puis je vais vous donner juste un <exemple...
>
18 h 30 (version révisée)
<12187
Mme
Roy :
...d'autres moyens, d'autres mesures, des mesures
complémentaires. Puis je vais vous donner un >exemple, vous l'avez
sûrement vu passer, le gouvernement, donc, nous avons décidé d'augmenter les
cachets des artistes, les artistes qui vont se produire dans les écoles. On a
fait passer les cachets, pour les artistes qui sont reconnus par le répertoire
la culture à l'école... on a fait passer leur cachet de 325 $ à 515 $,
et c'est indexé, donc ça va monter au fil des années qui viennent. Donc, c'est
pour vous dire qu'on tente aussi, par différents mécanismes, d'aider le milieu.
Donc, je voulais juste le souligner, parce que je pense que c'est à mon droit
de dire que c'est... ça ne règle pas tout, mais il y a aussi la possibilité de
mettre des mesures dans d'autres... dans d'autres outils. Voilà.
Maintenant, il y a quelque chose d'intéressant
que j'ai lu dans votre mémoire et que j'aimerais... puis il y a des petites
corrections qu'on apportera, on en a parlé, j'aimerais revenir... vous nous parlez...
là, je parle à l'ADISQ, vous nous parlez dans votre mémoire du deuxième
paragraphe de l'article 27, qui établit les facteurs à considérer lors d'une
négociation. Nous, on nous a expliqué qu'il fallait considérer la hauteur d'un
budget de production plutôt que la taille de l'entreprise. Donc, on a modifié le
paragraphe en conséquence, «conditions économiques qui caractérisent les divers
types de production».
Vous, vous nous dites : Attention.
Alors, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous souhaitez que nous
réintégrions dans ce paragraphe les petites entreprises de production comme
facteur à considérer. En d'autres mots, si je vulgarise, tu peux être petite puis
avoir un bien gros budget de production. Ça fait que c'est pour ça que nous, on
a voulu axer sur la grosseur du budget et pas la grosseur de l'entreprise. Puis
vous, vous me dites : Non, Mme la ministre, il faut que ce soit la
grosseur de l'entreprise. Expliquez-moi pourquoi.
Mme Bouchard (Lyette) : Je
pense que ça peut être tout ça. Ça peut être tout ça. C'est-à-dire qu'on peut
aussi être une petite entreprise et avoir de très petits budgets aussi.
Mme Roy : Totalement.
Mme Bouchard (Lyette) : Donc,
c'est ça, l'objectif. Dans notre... Au sein de notre association, la grande
majorité des entreprises ont deux employés ou moins. Ce sont souvent de petites
productions aussi. Donc, c'est pour ça que, pour nous, il est important, dans
le cadre des négociations, de s'assurer qu'on tienne compte aussi des petites
entreprises de production. Alors, on voulait le ramener, l'ajouter aux critères
que vous avez amenés, donc d'émergence et autres critères.
Mme Hébert (Sophie) : Puis il
y a un point à ajouter là-dessus, c'est que, dans notre secteur, un point
extrêmement soulevé par l'ensemble des producteurs que nous représentons et des
producteurs que nous ne représentons pas, mais qu'on peut leur parler aussi, c'est
tout l'administratif qui découle des applications des ententes collectives.
Vous le savez, on a eu du papier carbone, on en a encore. Ça va partir, merci,
on est vers la sortie du papier carbone, mais c'est ce qui est décrié le plus
fortement, tout l'administratif qui découle. Le fait d'appliquer des ententes
collectives exige l'embauche d'une personne supplémentaire en comptabilité, et
c'est majeur pour les petites entreprises de production qui ne comptent que
deux personnes ou moins, incluant le propriétaire ou la propriétaire de la
boîte, là. Donc, c'est pour ça.
Puis on a consulté aussi, on a parlé à d'autres
associations soeurs, notamment dans le théâtre, et ils ont le même problème…
même problème, la même réalité. Et, pour nous tous, après discussion, on a
considéré que c'était important de ramener ce concept-là de la petite
entreprise de production. On se le disait entre nous, on est tous des... majoritairement,
on représente tous des petites entreprises de production, mais il y a un
corollaire extrêmement important qu'on ne doit pas garder... qu'on doit garder
en considération, c'est le fait qu'il n'y a pas beaucoup de gens pour appliquer
les ententes collectives et l'administratif qui en découle.
Mme Roy : O.K. Je vous
entends. Puis nous, on avait enlevé la grosseur de l'entreprise parce qu'on se
disait : Dans le fond, ce qui compte, c'est la grosseur du budget, que tu
sois gros ou que tu sois petit, combien d'argent est-ce qu'on consacre à la
réalisation du projet.
Mme Hébert (Sophie) : Il peut
y avoir des projets avec un très gros budget mais avec deux personnes dans l'entreprise
pour faire tout ce qui en découle. Donc, c'est pour cette raison-là qu'on a
considéré que c'était important de réintégrer la notion de petite entreprise de
production, parce que, oui, on prend en considération les conditions
économiques, mais c'est inclus là-dedans, le fait que la main-d'oeuvre est très
mince à l'intérieur de l'entreprise. Donc, c'est important pour nous de ramener
le concept de petite entreprise de production.
Mme Roy : O.K. Je vous
entends. Maintenant, je vais poser la même question à chacun des groupes, à l'ADISQ
puis à l'AQPM : Le projet de loi, tel que rédigé, selon vous, quelles
seraient les plus importantes avancées pour, justement, vos membres?
Mme Bouchard (Lyette) : Elle
est à nous, la question?
Mme Roy
: Oui, chacun votre
tour.
Mme Bouchard (Lyette) : Le
projet de loi, bien, c'est sûr que le 68.6 est un article important. Je l'ai
dit tantôt, hein, nous, on souhaite que les conventions collectives s'appliquent
le plus largement possible. Le phénomène de l'autoproduction fait en sorte qu'il
y a un nombre important de petites entreprises de production qui passent sous
le radar et qui ne respectent pas les conventions collectives que nous avons
négociées dans notre secteur. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que ces petites entreprises
là appliquent aussi les conventions <collectives...
Mme Bouchard (Lyette) :
...Nous,
ce qu'on souhaite, c'est que ces petites
entreprises là appliquent aussi
les
conventions >collectives. Quand une ou un artiste
autoproducteur gère sa propre compagnie, fait sa propre production, engage des
choristes, il engage des musiciens, on souhaite qu'il, elle applique les
conventions collectives que nos membres, petites entreprises, appliquent
également. Pour nous, c'est important pour notre secteur que ces entreprises-là
qui passent sous le radar, bien, agissent dans le... sont dans le même carré de
sable, qu'ils appliquent les mêmes règles que nos membres. Et il y a des
producteurs qui ne sont pas des artistes autoproducteurs qui ne sont pas au
sein de l'ADISQ et n'appliquent pas les conventions collectives. On souhaite
évidemment que ces entreprises-là appliquent aussi les conventions collectives.
Et pourquoi ils ne joignent pas les rangs de l'ADISQ? Justement parce qu'ils ne
veulent pas appliquer de convention collective.
Alors, nous, ce qu'on dit : 68.6 est
important pour justement faire en sorte qu'il y ait un régime qui s'applique de
façon large, uniforme, avec des règles qui sont en lien, en phase avec
l'écosystème d'aujourd'hui, qui puisse accueillir… Nous, ce qu'on rêve, c'est
que la convention soit tellement attrayante qu'on ait envie de venir la
respecter. C'est ça qu'on souhaite et c'est ce qu'on s'attelle à faire en ce
moment, justement, avec l'Union des artistes et à La Guilde, notamment dans le
domaine du phonogramme.
Mme Roy : Merci. Et l'AQPM?
Mme Leduc (Geneviève) : Donc,
sur l'apport... Oui, je comprends la question, c'est l'apport des modifications
dans notre domaine ou l'ajout.
Mme Roy : Oui, exact.
Mme Leduc (Geneviève) : Je
dirais que... Je vais mettre l'AQPM un peu comme avant-gardiste parce qu'il y a
beaucoup de choses qu'on avait déjà dans les ententes collectives. Donc, au
niveau du harcèlement, au niveau de beaucoup de dispositions qui étaient déjà…
qui est prévu dans le projet de loi, sont déjà intégrées dans les ententes
collectives négociées par l'AQPM depuis 2018‑2019.
Par ailleurs, il y a des dispositions
comme le pouvoir du tribunal, qui est un plus, négociation de mauvaise foi
également. Je vous dirais que je rejoins ma collègue sur une grande
préoccupation, par exemple, sur notre capacité de négocier des ententes
collectives, et là on revient, à ce moment-là, à l'article 68.6. Donc,
comme je vous disais, on a une très grande variété de types de production. On a
eu l'occasion d'échanger sur le fait que c'est des fois des très petits
budgets, court métrage de 15 000 $, qui n'est pas la même réalité
d'un long métrage de 15 millions de dollars. Et c'est sûr que c'est
un défi, c'est un défi pour les producteurs, c'est un défi pour l'AQPM
elle-même, donc c'est sûr que 68.6 est tout de même une source de
préoccupation.
Mme Roy : Puis je vais
poursuivre dans la foulée, je pense que tout le monde ici, autour de la table,
puis les artistes, mais il n'en reste plus beaucoup dans la salle, mais il y en
a quand même, devront, je le souhaite ardemment, s'asseoir autour de la table,
parce qu'effectivement on ne peut pas commander les mêmes conditions à un
producteur qui aurait une toute petite production avec un tout petit budget. Et,
de toute évidence, il ne peut pas payer les mêmes salaires qui sont payés sur
les grosses productions de plusieurs millions. Je pense qu'il faut vraiment
assimiler cette réalité-là. Alors, je souhaite que, dans les négociations, on
le prenne vraiment en considération.
Il y a une grande différence à cet égard-là
pour qu'il y ait ce partage des ressources entre tous. Puis ce qu'on veut,
c'est autant faire grandir les petites entreprises que continuer à faire
briller les grandes. Ça fait que je pense que ça, c'est... en tout cas, c'est
mon souhait le plus cher, que tous puissent s'asseoir à la table et prendre en
considération la taille et le budget des entreprises pour… en ce qui a trait au
respect des obligations, des obligations qui peuvent être différentes aussi. Je
veux vous remercier pour votre... Il me reste-tu du temps?
• (18 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : 1 min 40 s.
Mme Roy : Eh, là, là! Aussi
bien dire qu'il reste très peu de temps.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Pour
les remerciements.
Mme Roy : Pour les
remerciements. Écoutez, oui, puis ça permettra à la collègue de l'opposition
officielle de poursuivre, mais je veux vraiment vous remercier pour votre
disponibilité et votre mémoire, les lumières que vous nous avez apportées à
l'égard de l'application. Puis on est vraiment là-dedans, là, depuis ce matin,
là, de voir dans quelle mesure on peut peaufiner, aider. Il y aura des
amendements, pas tout, comme je dis depuis le début, ce sera... on tente de
colmater des brèches et puis réunir davantage de gens. On ne pourra pas tout
accepter comme modifications parce qu'il y a des règles de droit qu'il faut
appliquer, là, mais on va essayer d'améliorer de belle façon. Alors, je vous
remercie beaucoup pour vos travaux. Merci pour votre participation.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Alors, nous poursuivons la période d'échange avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Ça a été une
très longue journée, mais très, très, très enrichissante. Vous avez dû un peu
sursauter lorsque vous avez... tous ceux et celles qui sont venus nous dire
qu'il faut que la demande de règlement... en fait, que le règlement soit à la
demande. Vous allez plus loin, en fait, vous allez plus loin, vous allez <complètement...
Mme St-Pierre :
...Vous
allez plus loin, en fait, vous allez plus loin, vous allez >complètement
dans l'autre sens. C'est l'article 68.5 qui est comme, pour vous, quelque
chose qui va être catastrophique, si je comprends bien.
Mme Hébert (Sophie) : 68.5 ou
68.6?
Mme St-Pierre : Bien, il y a
les deux, là.
Mme Hébert (Sophie) : Le
68.5, c'est de réglementer...
Mme St-Pierre : Il y a 68.5,
il y a 68.6.
Mme Hébert (Sophie) : Bien,
pour nous, ce sont deux choses différentes, là, ce sont deux pouvoirs de
réglementation, le 68.5 étant de réglementer sur, notamment, des définitions.
On considère que le travail est en train de se faire et sera complété.
Mme St-Pierre : O.K. C'est
celui-là que vous demandez qu'on enlève.
Mme Hébert (Sophie) : Exactement.
Le 68.6, du côté de l'ADISQ, on ne demande pas de l'enlever, mais, comme les
associations d'artistes l'ont fait, nous demandons aussi qu'il soit davantage
structuré et encadré, parce qu'effectivement il ne faudrait pas que 68.6 soit
utilisé comme une manière de court-circuiter un processus de négociation dûment
entamé. C'est un peu comme une loi spéciale, on ne sort pas la loi spéciale dès
la première approche, là.
Mme St-Pierre : Bien, en
fait, vous avez entendu ceux qui sont venus, plus tôt, dire : Nous, nous
sommes des réalisateurs, nous sommes une petite association. Moi, ce que j'ai
compris, c'est que ça ne sera pas long qu'ils vont demander au gouvernement de
faire la job à leur place parce qu'ils sont trop petits puis ils n'ont pas les
moyens d'aller voir tout le monde. Et ça, c'est pour ça, la notion d'à la
demande, ils vont le demander rapidement. C'est ce que j'ai compris, moi.
Mme Hébert (Sophie) : Oui,
bien, c'est ce qu'on comprend aussi puis... Allez-y, allez-y. Bien sûr,
allez-y.
Mme St-Pierre : Puis vous,
vous voyez une compétition, vous voyez une compétition entre ces...
M. Massé (Frédéric) : Le
danger, Mme la députée...
Mme St-Pierre : Oui, c'est ça
que j'essaie de...
M. Massé (Frédéric) : ...puis
il faut bien le comprendre, là, parce que c'est ça qu'il faut voir, là, c'est
que le règlement établirait des conditions minimales. Les ententes font la même
chose. Il faut voir que, dans notre milieu, la raison de devenir membre d'une
association de producteurs, c'est d'avoir accès à des pools de main-d'œuvre,
O.K.? La seule façon, normalement, d'avoir du talent syndiqué, tu sais, «go
union», c'est d'être membre d'une association parce que ça me donne accès à
l'entente collective.
Mme St-Pierre : Mais ce n'est
pas obligatoire d'être membre.
M. Massé (Frédéric) : Vous avez
tout à fait raison. Si, pour une raison ou une autre, il y a un règlement qui
établit des conditions minimales d'engagement qui est adopté, les associations
de producteurs, comme l'AQPM et l'ADISQ, n'ont, à toutes fins pratiques, plus
de raison d'être, parce que vous allez établir des planchers qui vont permettre
aux gens d'avoir accès à ces conditions-là.
Or, je peux vous assurer, Mme la députée,
que la meilleure façon d'augmenter les conditions d'engagement des artistes,
c'est plutôt d'avoir plus d'associations de producteurs. Parce que l'AQPM,
avant même qu'il y ait une loi, elle négociait des conditions d'engagement qui
étaient très avantageuses. La plupart des éléments que vous mettez dans la loi
présentement, ce sont des choses que l'AQPM a insérées dans ses ententes
collectives il y a 10 ans. Nous, on n'en a plus, de débat sur le
harcèlement psychologique, c'est réglé depuis longtemps.
Le danger, c'est que les règlements
deviendraient la voie facile pour tout milieu où il y a des… il y a une
potentialité que ce soit adopté, que les producteurs se disent : Moi, je
n'investirai pas de l'argent, ça coûte une fortune, négocier une entente
collective, là, moi, je n'investirai pas de l'argent, des ressources, des
cotisations dans des associations de producteurs pour qu'ils viennent négocier
plus, je le sais, que, dans trois ans ou dans cinq ans, le gouvernement va
faire le travail pour nous. Parce que c'est très différent, à titre d'exemple,
d'un décret de convention collective. Un décret de convention collective, c'est
un minimum. Une convention collective, c'est «above». Mais les associations de
producteurs, ils négocient des minimums. Donc, ça serait exactement des
compétiteurs.
Et, dans ce contexte-là, c'est pour ça que,
l'AQPM, ce qu'ils disent, c'est : Il y a certainement des milieux qui ne
sont pas assez structurés, O.K., où est-ce que, pour tout un paquet de raisons,
il n'y a pas assez d'argent, il n'y a pas assez de profits, ça ne vaut pas la
peine de se constituer des grosses associations de producteurs. Dans ces
milieux-là où il n'y en a pas, d'entente collective, là, ça vaut la peine que
le gouvernement agisse, parce que, là, vous pourriez avoir une valeur ajoutée,
vous ne feriez pas double usage avec des ententes prénégociées. Mais, si vous
vous servez du pouvoir réglementaire pour patcher des trous, il y a un domaine...
disons, l'audiovisuel, 80 % ou 75 % des productions sont couvertes
par une entente collective, si vous adoptez un règlement pour couvrir le
25 % qui manque, un, ça va être très, très, très compliqué. Au départ, là,
je pense qu'on sous-estime la difficulté. Tu sais, il n'y en a pas, d'autre
modèle, au Québec, qui fait ça, là. Le décret de convention collective, vous
prenez une convention qui existe déjà puis vous l'appliquez à tout le monde.
S'il fallait que vous...
Mme St-Pierre : Bien, ils
pourraient faire un copier-coller de votre entente.
M. Massé (Frédéric) : Et là
vous feriez disparaître 25 %. J'assume que la raison pour laquelle le
gouvernement n'a pas mis de l'avant le fait de nous rendre obligatoires ou de
décréter nos ententes, c'est parce qu'on accepte le fait qu'il y a un certain
nombre de productions qui, pour tout un paquet de bonnes ou mauvaises raisons,
ne peuvent pas se faire avec nos conditions, on est trop cher. Donc, pour que
ces shows-là subsistent, soit ils sont dans une «union», mais là, si vous
mettez des règlements... nous, nos ententes, c'est... vos règlements vont être
des <minimums...
M. Massé (Frédéric) :
...nous,
nos ententes, c'est... vos règlements vont être des >minimums. Nos
ententes, c'est des minimums. Prochaine négociation, on va s'asseoir puis on va
dire : Très bien, on sait c'est quoi, le minimum, c'est ça. Puis,
rapidement, les associations, sur un horizon de cinq à 10 ans, les
associations de producteurs vont perdre de leur utilité.
Donc, ce que nous, on propose, puis on
répond, je pense, à toutes les préoccupations qui ont été mises de l'avant
autant par l'UDA que par l'AQTIS, puis un peu aussi à une question que vous
avez posée, nous, ce qu'on dit, c'est : Il faut que ce soit à la demande
d'une association d'artistes reconnue. On est tout à fait d'accord avec ça.
Nous, on répond à la question que vous aviez posée à l'AQTIS, vous leur
demandiez combien de temps... C'est à l'UDA, excusez-moi, que vous demandiez
cette question-là.
Mme St-Pierre : Ce matin,
oui.
M. Massé (Frédéric) : Nous,
on dit : Minimum trois ans, il faut que tu aies essayé pendant trois ans.
Mme St-Pierre : O.K.
M. Massé (Frédéric) : C'est
court. Soyons honnêtes, là, on aurait pu mettre cinq ans, parce que c'est long,
le processus, mais on comprend que, dans certains domaines, il y a une forme de
préoccupation rapide, là, vous les avez entendus, en danse, peut-être dans
l'événementiel, quoique dans l'événementiel, je n'aimerais pas être le
législateur qui adopte un règlement, parce que le minimum, ça risque d'être
difficile à écrire, mais je comprends qu'il pourrait y avoir une intervention,
mais, dans ces domaines-là où ils ne sont pas structurés, ça peut être utile.
Alors, nous, ce qu'on ajoute comme
critère, c'est : ça pourrait être fait à la demande, après que le Tribunal
administratif du travail ait attesté, puis ça peut se faire très vite, c'est un
exercice qu'on fait souvent devant le Tribunal administratif du travail, qu'il
n'y a pas d'entente, entre parenthèses, dominante dans ce domaine-là.
Donc, à titre d'exemple, nous, en
audiovisuel, ce qu'on dit, c'est : Ce n'est pas un domaine où cette espèce
de juxtaposition entre un règlement, probablement plus bas que ce qu'on offrirait,
puis nos ententes est susceptible d'être efficace. Alors, on les pousse vers
les domaines où est-ce qu'il n'y a pas d'entente collective. Et ça correspond à
l'essentiel des domaines où est-ce que, historiquement, les associations
d'artistes ont dit : On n'est pas capables d'avoir des conditions de
travail minimalement décentes. Parce que ce n'est pas un argument que vous
entendrez beaucoup, à titre d'exemple, de l'audiovisuel. En audiovisuel,
souvent, les gens vont avoir l'impression qu'ils viennent en audiovisuel pour
augmenter leur rémunération.
Mais le but, nous, ce qu'on dit, c'est :
Les secteurs où la loi a bien fonctionné, laissons-la fonctionner. Vous avez
ajouté la plainte de négociation de mauvaise foi, qui va faire d'immenses
différences, là, ça va vraiment changer significativement la dynamique entre
les parties, ça risque d'être coûteux, là, mais ça va beaucoup, beaucoup
changer la dynamique entre les parties. Voyons comment ça, ça fonctionne. Puis,
dans les domaines où il n'y a pas d'association de producteurs, donc, de toute
évidence, il ne peut pas vraiment y avoir de plainte de négociation de mauvaise
foi, là, on ne négocie pas, dans ces domaines-là, un règlement peut être
efficace.
Mme St-Pierre : O.K. Donc,
dans votre esprit, il faudrait ajouter une notion de temps.
M. Massé (Frédéric) : Notre
proposition est à cet effet-là, Mme la députée.
Mme St-Pierre : C'est la
question que je posais ce matin, comme vous l'avez dit, il y a une notion de
temps. Puis tout à l'heure, on a vu le contraire, en disant : Aussitôt que
la loi est adoptée, nous autres...
M. Massé (Frédéric) : Cette
approche-là, Mme la députée, nous terrorise et, bien honnêtement, va scléroser…
Mme
St-Pierre
: O.K.
Mais il va falloir qu'on trouve un…
M. Massé (Frédéric) : …va
scléroser nos négociations, parce que, soyons candides, les secteurs, à titre
d'exemple… on va prendre cet exemple-là, l'ARRQ vous parlait de la publicité.
Et je sais pour un fait que l'ARRQ, pendant, justement, une quinzaine d'années,
depuis qu'ils sont reconnus, n'ont jamais tenté de négocier dans ce secteur-là,
O.K.? Là, mettons que vous leur dites : Oui, sur demande, on va... Là, je
sais qu'ils viennent, il y a deux semaines, d'envoyer un avis de négociation,
O.K.? Là, disons qu'eux savent, puis les producteurs aussi vont le savoir,
qu'il est possible que vous émettiez un règlement sur demande dans trois mois.
Il est à peu près certain que les producteurs publicitaires vont dire :
Très bien, je vais attendre le règlement, le gouvernement va faire le travail à
ma place.
Mme St-Pierre : Oui, mais la
crainte, ça peut être aussi l'inverse. La crainte, ça peut être, s'il n'y a pas
«à la demande» puis que… et que ce soit… que le gouvernement s'assoit puis dise :
Bien, ils nous ont demandé un règlement, mais on le fera bien quand on voudra,
notre règlement, là.
• (18 h 50) •
M. Massé (Frédéric) : Ah! ça,
c'est possible. Mais ça, rendu là, ça devient une décision...
Mme St-Pierre : Mais c'était
ça, leur crainte, tantôt, là, s'il n'y avait pas...
M. Massé (Frédéric) : Eux, je
comprends qu'ils voudraient vous y contraindre, ils voudraient changer le mot
«peut» par le mot «doit», mais je serais surpris que le gouvernement accepte de
devenir la créature des parties.
Mme St-Pierre : Je reviens…
je voudrais parler des autoproducteurs. Parce que, les autoproducteurs, ce que
je comprends, pourquoi ils deviennent autoproducteurs, c'est parce qu'ils ne
sont pas... ils ne sentent pas qu'ils ont le service qu'ils méritent avec les
grands producteurs. Et...
Mme Hébert (Sophie) : Il y a
différentes raisons. En fait...
Mme St-Pierre : Attendez un
petit peu.
Mme Hébert (Sophie) : Pardon.
Excusez.
Mme St-Pierre : Puis les
technologies ont changé. Tu n'as plus besoin d'un immense studio à la Morin-Heights
pour, maintenant, faire des productions de disques, hein? Et ils n'ont pas
accès aux subventions de la SODEC. Alors, si vous voulez faire en sorte que les
autoproducteurs soient traités différemment, enfin, soient dans...
Mme Hébert (Sophie) : Dans le
giron.
Mme St-Pierre : ...dans la
gang, il faut qu'ils aient les mêmes avantages que les grandes maisons de
production, ce qu'ils n'ont pas présentement. Il faut qu'ils aillent faire une
génuflexion au CALQ pour avoir un peu d'argent puis prouver qu'ils ont
peut-être un petit projet de faire un petit disque.
Mme Bouchard (Lyette) : Bon,
maintenant, ils ont déjà... ils ont de l'argent, les <autoproducteurs...
Mme St-Pierre :
...faire
un petit disque.
Mme Bouchard (Lyette) :
Bon,
maintenant, ils ont déjà... ils ont de l'argent, les >autoproducteurs.
Mme St-Pierre : Par le CALQ.
Mme Bouchard (Lyette) : Et
par la SODEC, par la SODEC également. Il y a 1 million de dollars qui a
été donné aux autoproducteurs, par année, pour les trois prochaines années.
Maintenant, c'est à nous, en négociation, de nous assurer que nos conditions
soient suffisamment attrayantes pour attirer l'autoproduction, pour que les
conditions minimales soient des conditions d'application générale, et ainsi
faire en sorte que ces autoproducteurs-là, qui, des fois, le sont,
autoproducteurs, parce qu'ils ont envie... des fois parce qu'il n'y a pas
d'autre maison de disques qui a voulu les produire, des fois parce qu'ils sont
autoproducteurs de leur bande maîtresse, détenteurs des droits sur leur bande
maîtresse, mais pas vraiment des autoproducteurs, parce qu'après ils font du
«label servicing», donc ils vont faire appel à une maison de disques pour
commercialisation, un agent de promo pour la promotion radio, etc., et un
distributeur, donc ils vont faire ce qu'on appelle des ententes de service,
mais ils vont détenir leur bande maîtresse. Donc, il y a toutes sortes de
modèles, la SODEC est en train d'étudier tout ça.
Donc, c'est ça qu'on vise, nous, on se dit :
Ces gens-là veulent avoir accès à du financement, parfait, il faut aussi qu'ils
jouent avec des règles syndicales, comme nos petites entreprises de production,
au quotidien, avec toute la paperasse qui s'ensuit. Donc, c'est, pour nous,
essentiel qu'ils aient... Nos producteurs paient 9 %, 10 %,
11 %, 15 % de frais de producteurs, en vertu des conventions collectives,
ce qui passe sous le radar quand il s'agit d'autoproduction. Alors, il n'y a
pas ces frais-là qui sont versés au fonds vacances, au fonds... aux REER, à
toutes sortes de fonds, donc, qui sont versés aux syndicats. Nous, on dit :
Bien, ça doit s'appliquer à tout le monde. Et qu'il y ait du financement,
bravo, oui, on n'est pas contre ça, mais c'est les conventions collectives
aussi.
Mme St-Pierre : ...par
rapport à ce que l'ADISQ reçoit, que les grands producteurs reçoivent, c'est...
on n'est pas dans la...
Mme Bouchard (Lyette) : Non,
je suis d'accord, je suis d'accord, mais on ne parle pas des mêmes niveaux...
Mme St-Pierre : ...on n'est
pas dans le trèfle à quatre feuilles, là.
Mme Bouchard (Lyette) : Non,
mais on ne parle pas des mêmes niveaux de production non plus. Une grande
entreprise de production va avoir combien de productions dans son année, ne va
pas produire... L'autoproducteur, il se produit lui-même, il n'investit pas
dans la carrière d'autres artistes, alors que des grandes entreprises... nos
producteurs indépendants vont investir dans la carrière de plusieurs artistes
et vont miser, investir sur de la relève et l'émergence.
Mme St-Pierre : Donc, comment
on les contraint, dans la loi qu'on a devant nous, pour...
Mme Hébert (Sophie) : Bien,
selon nous, c'est un peu ce qu'on voyait dans 68.6. Quand on a lu cet
article-là, première lecture, on s'est dit : Peut-être que ça vise notre
phénomène de l'autoproduction. On ne pouvait pas se mettre la main dans le feu,
on n'avait pas la réponse, mais c'est de cette façon-là qu'on l'a vu. Et de ce
qu'on comprend des autoproducteurs, encore une fois, ce n'est pas un problème
de cachets, par exemple, ce ne serait pas les cachets dans nos ententes
collectives qui pourraient les rebuter.
Premier point important : la loi sur
le statut de l'artiste, sur le terrain, dans le milieu de la musique, elle est
méconnue. Quand on parle de mesures complémentaires à la loi sur le statut de
l'artiste qui pourraient grandement aider le milieu de la musique, c'est de
l'aide à la formation. Dans le milieu de la musique, ce sont des gens qui
deviennent entrepreneurs un peu sans s'en rendre compte, qu'on ne se le cache
pas, là, c'est souvent ce qui arrive. La ligne, elle est ténue entre l'amateur
et le professionnel. Celui qu'on pourrait croire amateur dans son sous-sol peut
connaître un succès fulgurant du jour au lendemain et devenir un professionnel.
Il ne le savait même pas, qu'il devait appliquer une entente collective ou même
s'il était membre d'une association d'artistes ou non, il ne sait même pas
qu'il y a des ententes collectives négociées par l'association d'artistes. On
part de là, là, dans notre secteur.
On a entendu des artistes autoproducteurs
avec de forts succès nous avouer ne même pas savoir qu'il y avait des ententes
collectives applicables dans notre secteur. Et ce n'est pas par manque d'effort
de la part des associations d'artistes ou de la part de l'association de
producteurs, mais il y a clairement des efforts encore plus grands qui devront
être faits en matière de formation. C'est notamment à ça qu'on faisait
référence en matière de mesures complémentaires.
Donc, on est conscients que les
associations d'artistes se trouvent dans une situation un peu difficile, à savoir
envoyer des avis de négo à leurs propres membres.
Mme St-Pierre : ...un avis de
négo à lui-même, l'autoproducteur.
Mme Hébert (Sophie) : Il va
retenir les services de d'autres personnes. Donc, nécessairement, en retenant
les services d'artistes... Puis, encore une fois, comme on vous dit, ce n'est
pas nécessairement une question de cachet, le problème, c'est soit que c'est
méconnu ou ils ont peur de l'administratif qui peut en découler. En revient à
nous, maintenant, de négocier des ententes qui seront faciles d'application
puis intéressantes pour tout le monde, mais... et c'est d'ailleurs ce qu'on a
écrit dans notre mémoire. Si on allait vers cette avenue-là, il ne faudrait
certainement pas que le règlement vienne enlever... on rejoint l'AQPM
là-dessus, là, que ce soit une iniquité concurrentielle totale. Puis on serait
d'accord à ce que les ententes collectives qui sont négociées dans notre
secteur actuellement puissent s'appliquer au plus grand nombre possible.
Mme St-Pierre : Donc, selon
vous, il faut vraiment qu'il y ait... «à la demande de», il faut qu'il y ait eu
un processus avant <d'engagé...
Mme St-Pierre :
...«à
la demande de», il faut qu'il y ait eu un processus avant >d'engagé.
M. Massé (Frédéric) : Mme
la députée, je veux juste mettre une chose bien au clair, c'est parce qu'on
parle de deux dynamiques, je pense, totalement différentes, O.K.? Ce qui
existe, puis Mme D'Amours, si elle était encore là, nous le dirait, là,
dans le monde des pigistes, là, il existe trois façons, il n'y en a pas 150 000,
là, trois façons d'élargir les ententes collectives. On peut forcer l'adhésion
à des associations de producteurs ou à des associations d'employeurs, là, on
peut forcer la... eux vont avoir des conventions, donc les conventions
deviennent applicables automatiquement, O.K.? Ça peut être vu comme
anticoncurrentiel, ça pose plein de problèmes, là, mais ça peut être fait.
L'autre façon, c'est des décrets, puis on en a eu, au Québec, ce n'est pas
superefficace, c'est cher, il faut créer des comités d'application.
Mme St-Pierre : On
connaît ça, les décrets, ici.
M. Massé (Frédéric) : Voilà.
Il y a une troisième façon, que tout le monde sait, c'est qu'on peut rendre
conditionnel à l'application d'une ou d'un… d'une entente ou d'un ensemble de
règles du financement public, O.K.? L'AQPM, quand on a lu le projet de loi, ce
qu'on a retenu, c'est que le gouvernement, quant à nous, à bon droit, n'avait
pas retenu l'option un, car problématique, n'avait pas retenu l'option deux,
car aussi problématique pour d'autres raisons, O.K.? Il restait l'option trois.
Vous demandez qu'est-ce qu'on pouvait faire dans la loi, O.K.? L'option trois,
elle n'est pas dans la loi, l'option trois, c'est dans les règles de
financement, c'est dans les politiques de la SODEC. Et, pour nous, cette
option-là, elle a l'avantage d'être excessivement facile à manier avec beaucoup
de finesse. C'est-à-dire qu'aujourd'hui en commission parlementaire, en cinq
minutes, on ne peut pas vous donner tous les exemples qu'on pourrait vous
donner, mais il y a des cas où ce n'est pas parfait d'appliquer une entente
collective, pour tout un paquet de bonnes ou mauvaises raisons. Mais ça, la
SODEC ou d'autres organismes de financement pourraient jouer avec ça puis
rencontrer à 100 % les objectifs de l'ADISQ sans miner le travail, je
pense, très utile des associations de producteurs pour faire monter les
conditions d'engagement des artistes.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci.
M. Massé (Frédéric) : Donc,
ce modèle-là...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, merci, merci, vous êtes déjà dans le rouge...
M. Massé (Frédéric) : ...fonctionne
mieux mais n'est pas dans la loi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...beaucoup, beaucoup, beaucoup. Et alors, si on veut pouvoir sortir de la
salle, il faut en finir, à un moment donné. Merci beaucoup, très intéressant.
Alors, merci, Mme Bouchard, Mme Hébert, Mme Leduc et M. Massé,
merci pour votre contribution à l'avancement des travaux de la commission.
Mémoires déposés
Avant d'ajourner les travaux, je dépose
les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus.
Compte tenu de l'heure, la commission,
ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup et
bonne soirée à tous et à toutes.
(Fin de la séance à 19 heures)