(Onze
heures vingt-six minutes)
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, bonjour. Nous allons donc commencer. Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail
ouverte.
La
commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre
des consultations particulières sur le projet de loi n° 14, Loi
visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Gaudreault (Jonquière)
remplace Mme Richard (Duplessis).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Ce matin, nous entendons deux groupes, alors, le premier, Force Jeunesse,
et le Conseil interprofessionnel du Québec.
Alors, je souhaite la bienvenue à M. Telles et Mme Racine, de Force
Jeunesse.
Comme
vous le savez, vous disposez de 10 minutes, mais, avant de commencer votre
exposé, je vous invite à bien vous présenter avec votre titre, et
ensuite vous pourrez commencer.
Force Jeunesse
M. Telles (Simon) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour l'invitation. Merci aux
membres de la commission de prendre le temps de nous écouter aujourd'hui.
Alors, Simon Telles,
je suis avocat dans la vie de tous les jours, en droit du travail, justement.
Donc, vous comprendrez que je suis particulièrement interpelé par le sujet de
discussion aujourd'hui. Je laisse ma collègue...
Mme Racine
(Éliane) : Éliane Racine, je suis vice-présidente au contenu chez
Force Jeunesse puis, dans la vie de tous les jours, je fais un doctorat en
relations industrielles à l'Université de Montréal. Donc, pour moi aussi, c'est
un sujet, là, qui touche des cordes sensibles.
M. Telles (Simon) : Alors, j'aimerais
débuter, Mme la Présidente, en présentant un peu la mission de Force Jeunesse,
qui est de défendre les intérêts, les droits des jeunes dans l'élaboration des
politiques publiques et avec un angle tout particulier en matière de travail et
d'emploi, qui constitue vraiment notre champ d'intervention principal.
On suit évidemment
avec intérêt les travaux de la commission. On a déposé notamment un mémoire
dans le cadre du projet de loi n° 59, dont certains membres ont peut-être
eu la chance de prendre connaissance. Mais on est encore plus contents
aujourd'hui d'être en personne pour vous présenter nos recommandations sur le
projet loi n° 14.
Tout d'abord, on
tient à saluer la volonté du ministre et les actions concrètes que le ministre
a posées pour octroyer des protections supplémentaires aux stagiaires, qui,
dans l'état du droit actuel, à notre avis, ne sont pas adéquatement protégés.
On pense qu'il aurait été plus approprié de passer directement par la Loi sur
les normes du travail pour leur conférer ces protections-là additionnelles.
Cela dit, on est quand même d'opinion que le projet de loi améliore les
conditions des stagiaires, et donc on va vous faire des recommandations dans le
projet de loi qu'on a actuellement sous les yeux pour tenter de le bonifier et
d'accroître davantage ces protections-là.
Dans le cadre de la présentation,
on va insister principalement sur quatre recommandations : celle de la
définition du rôle des stagiaires, celle de la durée du stage, en troisième
lieu, de l'ajout de protections additionnelles pour les stagiaires et,
finalement, des recours pour pratiques interdites. Je vais laisser ma collègue
poursuivre avec la définition de stagiaire.
Mme Racine
(Éliane) : Merci, Simon. Donc, comme Simon l'a mentionné dans son
introduction, dans la Loi sur les normes du travail actuelle, le statut de stagiaire
est pratiquement inexistant, et donc le projet de loi n° 14 vient définir
un terme qu'on utilise couramment en pratique, puis, pour nous, ça, c'est déjà
un pas de plus dans la bonne direction, parce qu'on vient vraiment clarifier ce
qu'on entend comme étant un stage puis on vient faire le lien avec la portion,
là, qui est liée à l'éducation puis au système des établissements
d'enseignement.
Maintenant, pour
nous, le petit morceau manquant, c'est de vraiment venir l'ajouter aussi dans
la Loi sur les normes du travail pour qu'il y ait vraiment un lien entre ces
deux lois-là, donc la Loi sur les normes du travail puis le projet de loi
n° 14. On croit qu'en ajoutant cette définition-là à même la Loi sur les
normes du travail, bien, on va être en mesure de mieux protéger les stagiaires,
mais également les personnes, sur le marché du travail, qui se font offrir un
stage qui, en réalité, est un emploi. Je vais laisser Simon continuer avec la
durée des stages.
• (11 h 30) •
M. Telles (Simon) : Merci, Éliane.
Alors, au niveau de la durée des stages, il n'y a rien actuellement, dans le
projet de loi n° 14, qui vient préciser quelle devrait être la durée d'un
stage ou au moins donner des balises pour que la durée
d'un stage soit spécifiée, dépendamment des différents programmes. Et, pour
nous, c'est problématique, c'est un élément qui devrait clairement être précisé
dans la convention de stage, pour éviter qu'une personne, un stagiaire effectue
un nombre d'heures supérieur à la durée qui est attendue sans bénéficier des
protections de la Loi sur les normes du travail.
Alors, évidemment
que, pour les stages dont la durée est spécifiée en jour ou en mois, il va y
avoir un travail des ordres professionnels, des établissements d'enseignement
de définir qu'est ce qu'est une journée normale de stage, qu'est ce qui est une
semaine normale de stage afin, justement, de s'assurer que les gens ne
continuent pas de travailler au-delà de cette durée-là et qu'ils ne soient pas
protégés. Et, pour vous donner un exemple que je connais très bien, je peux
vous parler du stage du Barreau. Le stage du Barreau qui est d'une durée de six
mois, il n'y a pas d'autres balises qui sont données. Donc, est-ce que la
semaine normale d'un stagiaire du Barreau, c'est 35 heures par semaine?
Par expérience, je peux vous garantir que c'est pas mal plus que ça. Est-ce que
c'est 80 heures-semaine? En ce moment, on voit les deux cas d'espèce, et
il n'y a pas de protections qui sont données aux stagiaires qui travaillent des
80 heures par semaine. Donc, ça, pour nous, c'est un cas très client...
très criant plutôt, qui est problématique. Et, en plus, ce n'est pas tous les
stages qui sont rémunérés, même en droit, contrairement à ce qu'on pourrait
penser, donc il y a un autre problème qui s'ajoute au niveau de la compensation
financière, dont on aura la chance de vous parler un petit peu plus tard.
Alors ce qu'on
demande, c'est l'objet de notre recommandation n° 3,
c'est qu'on crée un mécanisme similaire à celui de l'article 2090 du Code
civil du Québec, qui viendrait prévoir qu'une fois qu'un stagiaire termine ses
heures normales de stage, s'il continue à exercer une prestation dans son
milieu de stage, bien, qu'il soit réputé devenir salarié au sens de la Loi sur
les normes du travail. Donc, c'est l'essence de notre recommandation n° 3.
On souhaite aussi,
dans le projet, qu'il y ait des normes du travail supplémentaires, minimales
qui soient ajoutées aux stagiaires, parce que, dans sa version actuelle du
projet de loi n° 14, il y a encore une distinction trop grande qui est faite, selon nous, entre un salarié
et un stagiaire. C'est-à-dire que, pour nous, toutes les protections minimales
qui sont accordées à un salarié, qui sont transposables à la réalité d'un
stagiaire devraient être accordées aux stagiaires. Et, pour vous en donner
quelques exemples, on parle notamment de la durée du travail dont je vous ai
parlé un petit peu plus tôt, les périodes de repos. On pense qu'un stagiaire
aussi devrait avoir le droit d'avoir une pause de 30 minutes pour manger,
devrait avoir une période de repos d'au moins 32 heures par semaine entre
ses semaines de travail, devrait avoir droit aussi à des absences prolongées
pour cause de maladie ou familiale. Présentement, dans la version du projet de
loi qui est à l'étude, ces conditions-là ne sont pas incluses. Et, en plus,
c'est des conditions qui sont à coût nul pour l'employeur parce que c'est des
questions d'absence et de repos. Donc, le coût de cette mesure-là n'est pas
très, très grand pour les bénéfices que ça pourrait apporter aux stagiaires.
Alors, on propose que ces normes-là soient élargies dans la version actuelle du
projet de loi.
Maintenant, il y a
une autre norme minimale du travail particulièrement importante qui n'est pas
dans le projet de loi n° 14 et c'est celle de la compensation financière.
On propose que les stagiaires qui exécutent des activités d'acquisition et de mise
en oeuvre de compétences, donc je ne parle pas des activités d'observation ici,
mais vraiment lorsqu'un stagiaire effectue une prestation, dans un milieu de
stage, qui bénéficie au milieu de stage, bien, qu'il y ait une compensation
financière qui leur soit donnée, qui est équivalente au salaire minimum. Donc,
ça pourrait être sous forme de salaire, ça pourrait être sous forme de bourses.
Mais, pour nous, la prestation que fait un stagiaire dans un milieu qui en
bénéficie, il n'y a pas de raison de soustraire ça des normes minimales du
travail du salaire, comme c'est le cas actuellement.
Les stagiaires
ajoutent une valeur à leur milieu de travail, je pense que personne ne peut en
douter. Et ça limite leur temps actif. C'est-à-dire que, quand ils sont...
quand ils et elles sont en milieu de stage, elles ne peuvent pas travailler
pendant ces heures-là, et donc il y a un réel danger pour les stagiaires d'être
en situation de précarité, et, sur le terrain, c'est ce qu'on observe.
Alors, on pense que
ce mécanisme-là est essentiel pour assurer de meilleures conditions aux
stagiaires. Parallèlement, évidemment, il pourrait y avoir un mécanisme de
transition pour laisser le temps au milieu de stage de s'adapter à cette
mesure-là, et peut-être d'autres incitatifs qui pourraient être mis en place
pour aider les milieux à se conformer à
cette directive-là. Mais on pense que cette recommandation là, dans un contexte
de pénurie de main-d'oeuvre et de
diminution de la population active, est d'autant plus importante, parce que ça
augmente la rétention des stagiaires dans les milieux, particulièrement
en santé, où il y a beaucoup de stagiaires et où les besoins sont criants.
Alors, je vais laisser ma collègue poursuivre avec les recours pour pratiques
interdites.
Mme Racine
(Éliane) : Merci, Simon. Donc, en matière de recours, la proposition
qu'on vient faire, c'est vraiment simplement de pouvoir élargir qui peut
déposer une plainte, pour refléter un peu la réalité du milieu des stages. À
l'heure actuelle, si un stagiaire vit une situation qui est inadéquate dans son
stage, il n'aura peut-être pas le réflexe d'appeler la CNESST pour pouvoir dire :
Je pense que je vis quelque chose que je ne suis pas censé vivre. Les
mécanismes existent déjà dans les universités, que ce soit à travers
l'établissement d'enseignement ou encore à travers les associations étudiantes.
Et donc ce qu'on propose, c'est que ces deux organismes-là qui défendent et qui
peuvent défendre les intérêts des stagiaires puissent faire un dépôt de plainte
auprès de la CNESST, là, moyennement d'avoir l'autorisation écrite du stagiaire
en question.
Donc, en terminant,
je pense que c'est évident pour nous que le stage, c'est une étape importante
dans la vie puis dans le processus d'intégration professionnelle des jeunes. Le
projet de loi n° 14 a la capacité de pouvoir venir protéger davantage ces jeunes-là. Pour nous, les
modifications qu'on viendrait apporter en accordant des bénéfices, là,
au niveau des normes du travail, ce seraient des points importants, là, pour
pouvoir améliorer cette protection-là. Puis c'est certain que ça passe aussi,
selon nous, là, par un accompagnement à la fois des milieux de stages, mais
aussi un accompagnement
au niveau de la société, là, à travers une campagne de sensibilisation. Je l'ai
mentionné un peu plus tôt, il y a...
le terme «stage» est utilisé à toutes sortes de sauces, donc je pense qu'il
faut pouvoir venir, là, qualifier clairement qu'est-ce qu'un stage,
qu'est-ce que n'est pas un stage, puis quels droits s'appliquent, à qui, sur le
marché du travail. Donc, merci beaucoup pour votre écoute. Puis on va être
prêts à prendre vos questions.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci,
merci pour votre exposé. Alors, effectivement, nous allons commencer la
période d'échange. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Boulet : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, merci pour votre engagement, la qualité
de votre mémoire, la réflexion derrière les recommandations qui nous sont
soumises. Peut-être quelques petites précisions, là, puis peut-être que je n'ai
pas bien compris, là. Je pense, c'est toi, Simon, qui y faisais référence, à
2290, il me semble que ce que tu
mentionnais, par exemple, en référence avec un stagiaire du Barreau, qu'au lieu
d'être une semaine régulière de 40 heures, ça pouvait être
50 heures, tu as fait référence à 80, peut-être qu'il y en a qui se
rendent à 80, là, puis je connais la réalité des grands cabinets, là, surtout à
Montréal, mais qu'au-delà de 40 heures ils devraient être assimilés à un salarié conformément à 2290. Le souvenir que
j'ai, parce que je n'ai pas l'article devant moi, c'est... il me semble
qu'après l'arrivée du terme du mandat, s'il continue à travailler pendant
cinq jours, par exemple, à ce moment-là, il est réputé à... O.K. C'est
plus à ça que tu faisais référence.
M. Telles (Simon) :
Exact.
M. Boulet : O.K. Parce que j'avais mal compris, là, parce que
tu semblais dire qu'au-delà d'une semaine régulière de travail il devait
être considéré comme un salarié. O.K.
M. Telles
(Simon) : Non. Ce qu'on souhaite, c'est qu'à la fin de la durée du
stage, donc... Prenons, par exemple, le
stage du Barreau. Si, après six mois de stage, le stagiaire continue à
travailler dans son milieu de stage pendant deux mois supplémentaires,
c'est qu'après cinq jours de prestation sans opposition de l'employeur, là, il
soit assimilé à un salarié. Ce qu'on
souhaite éviter, c'est qu'une personne soit maintenue dans le statut de
stagiaire, alors qu'elle exerce une prestation de travail qui
s'apparente à celle d'un salarié.
M. Boulet :
O.K. Dans un cabinet d'avocats, c'est une réalité qui est connue. O.K. C'est
parce qu'il faut... il ne faut pas faire aussi le mélange des genres, hein? Le
Code civil du Québec, c'est du droit supplétif. La Loi sur les normes du
travail, c'est une loi qui s'applique dans un contexte de relations bipartite
entre un employeur puis un salarié. Il y a une infime minorité de stagiaires
qui sont couverts dans la Loi sur les normes du travail, mais il y a des
exceptions. Puis c'est des stagiaires qui sont rémunérés, qui font des stages
pour accéder à un ordre professionnel. Puis il y a beaucoup d'exceptions en ce
qui les concerne.
Le projet de loi
n° 14, il est autoportant parce que là on a voulu faire assumer des
responsabilités partagées, notamment au milieu de travail, à l'établissement
d'enseignement ou l'ordre professionnel, le cas échéant. Puis la statistique
que j'ai, c'est que 88 % des stagiaires ne sont pas rémunérés au niveau
technique collégial, alors qu'au niveau universitaire c'est 67 %. Donc, on
ne... ce n'est pas un projet de loi de rémunération, c'est un projet de loi qui
vise à conférer des droits, puis des
protections, puis des recours, comme vous l'avez bien mentionné. Puis, je suis
heureux de constater que vous êtes, bien sûr, d'accord avec le principe.
Puis, en ce qui
concerne la durée des stages, j'aimerais ça vous entendre sur la compatibilité
entre des stages de courte durée... Parce qu'il y a une diversité de stages,
là, vous y avez fait référence. Il y en a, c'est purement de l'observation,
d'autres, développement d'habiletés, acquisition de compétences et
connaissances. Mais la durée est très variable. Comment on peut concilier une
durée de stage qui est plus courte avec des absences de longue durée?
Expliquez-moi, donc, un ou l'autre, là, comment vous voyez la mécanique
d'interruption?
• (11 h 40) •
Mme Racine
(Éliane) : En fait, je pense que l'idée de permettre une mécanique
d'interruption... Puis vous le mentionnez bien, là, il y a des stages de
différentes durées. C'est évident pour nous que le fait d'être disponible ou
non pour offrir la prestation de travail au moment où l'entreprise a besoin de
cette prestation-là est un facteur important à considérer. Ça l'est déjà quand
on regarde, par exemple, pour l'octroi de contrats à durée déterminée sur le
marché du travail, c'est un facteur qui peut être considéré, là, au niveau de
la jurisprudence.
Maintenant, pour
nous, l'idée, c'est de dire : La personne qui ferait, par exemple, un
stage de plus longue durée, comme le stage du Barreau, bien, cette personne-là,
si elle fait... si elle a besoin d'une absence durant le stage, elle a peut-être moins la capacité de pouvoir le
prévoir en amont qu'un stage de courte durée qui serait, par exemple, sur
une semaine. Et donc, dans ce contexte-là, d'avoir des mesures comme le congé
de longue durée qui s'appliquerait aux...
qui s'appliquerait un peu de la même manière qu'au salarié, bien, ça
permettrait de protéger ces personnes-là. Puis je réitère vraiment que l'idée, ce n'est pas nécessairement de vouloir mettre
les bâtons dans les roues des employeurs, là, ce n'est pas ça, le point.
Le point, c'est de dire : Pour les travailleurs puis pour les salariés, on
a mis en place des mesures qui s'appliquent puis qu'on est capable d'appliquer
en fonction d'un contrat à courte durée puis d'un contrat à durée indéterminée.
Pour nous, c'est un peu le même principe qui s'appliquerait, là, au niveau des
stages.
M.
Boulet : C'est donc dire...
puis là je ne comprends pas bien, Éliane, la mécanique qui permettrait, par
exemple, à quelqu'un qui est un stagiaire qui est dans un stage, par
exemple, de six semaines... comment on appliquerait une absence de longue
durée dans un contexte comme celui-là?
Mme
Racine (Éliane) : Mais je pense que l'absence de longue durée va surtout
affecter aussi... Puis vous l'avez mentionné plus tôt, là, la relation de
stagiaire, c'est une relation qui est tripartite, ça fait que c'est évident que
ça va affecter du côté de l'employeur aussi. Puis je pense que... l'employeur
et de l'établissement d'enseignement. C'est l'idée de pouvoir dire : Bien,
si la personne a déjà effectué trois semaines de stage, bien, ces
trois semaines-là doivent pouvoir lui être reconnues comme étant avoir été
complétées, puis donc de pouvoir continuer par après, là, puis de reprendre,
une fois son absence terminée, son stage là où elle l'avait laissée, là.
M. Boulet :
Est-ce que tu ne crains pas que ça puisse donner naissance à un régime à deux
vitesses? Parce que, si tu es étudiant puis qu'au bout de quelques semaines tu
dois t'absenter pour des raisons parentales ou des raisons de maladie, ou
autres, ou de proche aidance, tu ne recommenceras pas ta session là où tu
l'avais complétée. Si tu dois revenir, tu reprends ta session ou tu reprends
ton année académique, si c'est dans un centre de formation professionnelle. Et
là, ce que tu me mentionnes, Éliane, pour le stage, il faudrait comme avoir un
processus de reconnaissance des acquis préabsence de longue durée et, après ça,
lui permettre de continuer son stage, indépendamment
des ressources qui sont disponibles dans le milieu de stage. Est-ce que ça...
il n'y a pas une appréhension, de votre part, d'iniquité potentielle?
Mme Racine
(Éliane) : Mais je pense que ce serait quand même possible de pouvoir
anticiper ces enjeux-là. Puis je pense qu'il faut quand même rappeler que ce
n'est pas la majorité des stagiaires qui vont se prévaloir, là, des absences de
longue durée, là. Puis, sur ce point-là, c'est certain que ça va demander une
adaptation. Mais, encore là, quand on regarde au niveau des universités, bien,
il y a des mécanismes qui existent aussi là, que ce soit pour le congé de
maternité ou pour des congés de longue durée, il y a quand même des mécanismes
qui existent aussi pour accommoder les étudiants. Donc, ça pourrait être de se
canner sur ces processus-là aussi, là.
M. Boulet : Moi,
je serais assez ouvert à ça, Éliane, c'est une très bonne idée. D'ailleurs, il
y a quelqu'un de la fédération des collèges du Québec qui en a fait référence,
les accommodements. Quand tu réfères à des accommodements, dans un contexte
comme celui-là, peux-tu nous donner un ou deux exemples d'accommodements dans
un contexte comme celui-là?
Mme Racine
(Éliane) : Pour un congé de longue durée, là?
M. Boulet : Oui.
Mme Racine
(Éliane) : C'est évident que, si on prend, par exemple, le cas d'un
stage où la personne doit aller faire un don d'organes, ou, en tout cas, pour
une maladie, bien, la personne, elle va devoir quitter son lieu de travail puis après ça revenir. Après ça, c'est sûr
que ça va... le temps qui est passé à l'extérieur, évidemment il va y avoir
du travail qui va pouvoir être fait puis que ce n'est pas le même contexte
qu'un salarié, là, où, quand il revient dans son
emploi, il retrouve son emploi, mais je pense qu'il y a quand même moyen de
pouvoir s'arranger pour que la personne puisse revenir puis pouvoir
reprendre le stage. Là, si on regarde, il y a certains milieux de stage
qu'année après année ou session après session, ils utilisent des stagiaires
pour faire une partie, là, de leur travail. Donc, ils ont quand même du travail
disponible qui peut être réalisé par un stagiaire une fois que la période est
terminée.
Puis c'est certain
qu'on est très conscients, là, que ce n'est peut-être pas le cas pour certaines
PME qui vont prendre un stagiaire une fois pour un besoin très particulier.
Mais, encore là, le principe de l'accommodement raisonnable prévoit aussi que
l'entreprise dans laquelle la personne va faire le stage n'a pas non plus la
possibilité d'accommoder. Bien là, on pourra regarder avec l'université pour
voir comment est ce qu'on peut accommoder différemment. Peut-être qu'il y a une
autre organisation qui, elle, a besoin d'un stagiaire puis qui pourrait prendre
cette personne-là, là.
M. Boulet : Absolument.
Je pense qu'on est à peu près sur la même longueur d'onde. Il y a tellement une
asymétrie, là aussi, dans les réalités de stage. Puis, Éliane, je te comprends
bien, dans certains cas, il serait possible de faire un accommodement
raisonnable, si c'est des milieux de travail privés, effectivement. Puis il y a
des milieux de travail privés, ça peut être une PME qui attendait le stagiaire.
Puis, bon, on dit : La plupart ne sont pas rémunérés, mais il y en a qui
sont rémunérés puis qui effectuent une prestation de travail effective, et ils
en ont besoin. Puis, si le stagiaire doit
s'absenter, il va devoir être remplacé par une autre personne, là. Il y a une
question aussi de planification pour le milieu de l'emploi. Puis, des fois, il
y a des ordres professionnels qui s'attendent à ce que le stage soit
complété à l'intérieur d'une période
spécifique. Ça fait que c'est vraiment variable, là, ça dépend véritablement
d'un milieu à l'autre.
Sur les recours,
Éliane, quand tu réfères à de l'accompagnement, à quoi tu penses? Parce que tu
connais bien le mécanisme qui prévoit aussi
qu'un médiateur-conciliateur de la CNESST va accompagner les parties. Il y
a-tu, dans ton esprit, un accompagnement additionnel qui pourrait être
requis pour le bénéfice d'un stagiaire?
Mme Racine
(Éliane) : Mais je pense que le premier accompagnement additionnel
qu'on peut avoir, ça va même avant même de porter plainte, là. Que ce soit pour
les normes du travail en général ou pour les conditions des stagiaires
précises, je pense que la connaissance de ses droits au travail n'est pas
toujours connue par l'ensemble des jeunes,
en particulier. Puis, sur ce point-là, que ce soit à travers l'escouade
jeunesse ou encore un nouveau programme qui pourrait être mis en place
par la CNESST, il y a un réel besoin, là, de pouvoir faire connaître les
services qui sont disponibles pour les jeunes puis en même temps aussi de
pouvoir connaître les droits qui s'appliquent à soi. Parce que
je n'irai pas porter plainte si je ne sais pas que je suis victime de quelque
chose que je ne suis pas supposée vivre, là. Donc, c'est certain que, pour
cette partie-là, je pense que c'est la première étape de l'accompagnement.
Après,
pour le processus d'accompagnement durant la plainte, bien, c'est certain que
la CNESST le fait déjà, là, auprès de salariés. Ça fait que je pense que
ce service-là devrait perdurer.
Puis, dans le cas du
stagiaire, bien, c'est évident que, si, par exemple, les établissements
d'enseignement ou les associations étudiantes sont prêts à prêter main-forte
dans la mise en oeuvre du mécanisme de la plainte, bien, évidemment, là, on
serait d'avis que ça serait favorable qu'eux autres aussi soient impliqués, là,
dans ce processus-là.
M. Boulet :
Oui. Puis, Éliane, juste à des fins d'information, c'est important de réitérer,
parce que tu as lu le projet de loi, mais
l'article 5 le dit clairement, là, que l'employeur, l'établissement
d'enseignement, l'ordre professionnel doivent informer tout stagiaire
des droits prévus par la présente loi. Donc, dans les droits prévus par la
présente loi, il y a notamment la possibilité d'intenter un recours. Mais en
même temps il y a aussi le droit de demander à quelqu'un de t'accompagner.
Parce que la CNESST n'est pas là que pour intervenir quand il y a des plaintes,
elle est là aussi pour accompagner, aider les parties à comprendre leurs droits
et obligations.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : M. le ministre, il reste trois minutes à l'échange.
M. Boulet :
Parfait. Merci. Alors, je vais donner l'opportunité à ma collègue de Jean-Talon
d'intervenir. Merci beaucoup, hein, Simon puis Éliane, là.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, la parole est à vous, députée de Jean-Talon.
Mme Boutin :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Éliane et Simon, pour votre mémoire.
C'est hyperintéressant, honnêtement. J'aime beaucoup le fait que vous voulez,
justement, inclure et mieux définir ce qu'est un
stage, pas juste dans la loi, dans le p.l. n° 14,
mais également dans les normes du travail, il me semble que c'est quand
même logique.
Je vais continuer un
peu dans la même veine que M. le ministre, parce que, là, on parle beaucoup de
l'importance ou de l'obligation de bien informer les stagiaires sur leurs
droits, les rôles des institutions scolaires, des employeurs, mais est-ce que
ces rôles-là et ces obligations-là ne devraient peut-être pas être balisés avec
un contrat? Quel serait le meilleur véhicule? Parce que, tout à l'heure, vous
avez mentionné que, justement, dans un milieu de travail, on signe un contrat.
Puis là nous, on a rencontré plusieurs groupes, puis ils qui nous disent que,
bon, il n'y a pas nécessairement toujours des conventions de stage. Je sais que
ça relève de l'Éducation, et tout ça, mais, tu sais, vu qu'on parle de ces
choses-là, je pense, ce serait important. Vous en pensez quoi, vous, de ça?
• (11 h 50) •
M. Telles
(Simon) : Bien, comme le ministre l'a suggéré, effectivement, il y a
déjà une obligation, dans le projet, d'information des droits contenue au
présent projet. Donc, ça, on pense que c'est une partie de la solution. Mais, dans la convention de stage, c'est ça, un
peu, le contrat qui lie... On parlait de relation tripartite, tout à l'heure,
là, qui lie le milieu de stage, l'étudiant et l'établissement
d'enseignement. Bien, pour nous, la convention de stage devrait préciser la
durée du stage, ce qui n'est pas une obligation à l'heure actuelle, mais aussi
les autres éléments qui vont régir la conduite des parties ainsi que les
droits. Donc, ce serait intéressant de trouver une façon de s'assurer que, dans
les conventions de stage, bien, les protections qui sont prévues par le projet
de loi s'y retrouvent.
Mme Boutin : Bien, dans cette même veine là, parce que, justement, Éliane, tu
parlais des processus de plainte puis les mécanismes, impliquer des organismes,
peut-être, universitaires. Mais là il y a aussi des stages au niveau collégial.
Tu sais, c'est assez diversifié, les stages, il y en a que c'est des courts
stages, longs stages. Dans un type de contrat, est-ce qu'on ne pourrait pas
aussi donner de l'information sur des mécanismes ou un accompagnement en cas de
plainte ou d'abus, tu sais, que l'employeur le voit puis... Parce que, moi, ça
fait longtemps, là, que je n'ai pas fait de stage, là, mais moi, je n'ai jamais
signé ça, là. Je trouve ça quand même intéressant.
Mme Racine
(Éliane) : Non, mais c'est ça. Puis, nous, c'est un peu l'idée de
dire : Quand un stagiaire vient sur un milieu de travail, bien, c'est
vraiment dans un objectif, souvent, d'apprendre puis de commencer, si on veut,
sa carrière professionnelle. Et donc, pour nous, qu'un stage soit signé par un
contrat ou une convention, bien, c'est totalement souhaitable puis ça va
vraiment permettre à la fois pour le stagiaire de connaître ses droits, mais également pour l'employeur de venir rappeler,
peut-être, certaines dispositions, là, qui sont applicables à cette
personne-là.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, écoutez, il reste 20 secondes. Merci. Nous
poursuivons l'échange avec, cette fois ci, le député de Viau.
M. Benjamin :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, collègues. Merci,
Éliane, merci, Simon, pour votre mémoire, pour votre présentation. Donc, comme
j'ai eu l'occasion de vous le dire, et là je vous le dis devant les micros,
j'aime beaucoup votre mémoire, bien étoffé, bien documenté, donc ce qui traduit
toute la compétence de Force Jeunesse dans plusieurs dossiers, mais
particulièrement celui-là.
À la page 2 de votre mémoire, donc, vous
non suggérez qu'il y avait deux options, qu'il y avait deux options, donc
modifier la Loi sur les normes du travail ou créer une nouvelle loi spécifique.
Vous croyez que la première option aurait été plus appropriée. J'aimerais
peut-être vous entendre là-dessus.
M.
Telles (Simon) : Merci pour la question. Effectivement, en fait, il y
avait deux approches possibles et il aurait été souhaitable... La Loi sur les
normes du travail, qui est une loi d'ordre public, qui prévoit vraiment les
normes minimales du travail, les normes desquelles, on s'est dit, en société,
on ne peut pas aller en delà de ça, mais on pense que de définir le rôle du
stagiaire directement dans cette loi-là d'ordre public, ça aurait été
souhaitable pour plusieurs raisons, d'une part, parce que, si jamais il y a des
modifications législatives à y adopter par la suite, bien là, il va falloir
toujours avoir le réflexe d'aller modifier les deux lois, alors que tout ça
aurait pu être intégré dans un même corpus. Déjà, notre corpus législatif en
matière de droit du travail, et là, je mets mon chapeau de praticien, est très,
très éclaté au Québec, on vient quand même créer une certaine complexité en
créant un régime parallèle distinct. Donc, ça, c'est une première
préoccupation.
Aussi, d'un point de
vue très pratique sur le terrain, les personnes responsables des ressources
humaines vont devoir se familiariser avec un tout nouvel outil alors qu'ils
connaissent très bien la Loi sur les normes du travail. Donc, dans
l'application, ça peut causer certaines problématiques également. Mais il y a
vraiment cette idée-là de se dire : Bien, on aurait pu, à même d'une loi
qui existe déjà, venir clarifier très, très précisément quels sont les droits
additionnels qu'on donne aux stagiaires et quelles sont les normes qui ne
s'appliquent pas à eux. Parce qu'il y a des normes aussi, il faut le dire, qui,
par la réalité même des stages, ne sont pas transposables aux stagiaires. Je
pense notamment aux normes en matière de retraite, pour des raisons évidentes,
qui ne sont pas applicables, de travail des enfants. Donc, il y a des
adaptations à faire, mais, pour nous, ça aurait été plus logique et même
transparent aussi de le faire à même la Loi sur les normes du travail.
M. Benjamin :
Merci. Je ne me rappelle plus à quelle page de votre mémoire que je l'ai lu, mais,
en fait, je pense que c'est autour de la durée du travail, dans le chapitre
concernant la durée du travail, et ce sont des cas dont j'avais déjà entendu parler, donc, par exemple, le stagiaire, un stage
qui est prévu pour 10 heures-semaine, et l'employeur demande
d'aller au-delà de ça. J'aimerais que vous nous situiez votre position
là-dessus.
M. Telles (Simon) : Donc, ce qu'on précise, justement, c'est que les parties s'entendent et
sachent clairement la situation dans laquelle ils s'engagent. Donc, à
partir du moment où un stagiaire doit faire 10 heures par semaine, si
jamais l'employeur ou le milieu de stage a des besoins additionnels, bien,
qu'il contracte avec le stagiaire, qu'il fasse un contrat à durée déterminée pour des besoins additionnels, mais qu'on
ne profite pas du stage pour soutirer des heures de travail
supplémentaires aux stagiaires qui sont déjà dans une situation de précarité.
Et malheureusement c'est ce qu'on observe
sur le terrain actuellement. Le stagiaire est dans une position qui est un peu
vulnérable face au milieu de stage, il y a un désir de bonne
performance, mais... et ça, on joue un peu là-dessus pour aller faire faire une
prestation de travail à un stagiaire. Donc, ce qu'on dit, c'est : À partir
du moment où le nombre d'heures est fixe et clair, les parties, ensuite, sont libres de prendre une autre entente si elles
veulent aller au-delà de ça, mais il faut que la limite soit connue pour
que les droits des stagiaires soient bien protégés. Donc, pour nous, ça fait
vraiment partie des éléments importants qui doivent être précisés dans tout
stage.
M. Benjamin :
Le ministre vient de l'évoquer tout à l'heure, c'est 82 % des stages,
au niveau collégial, qui sont non rémunérés, et 67 % au niveau
universitaire, M le ministre?
M. Boulet :
88 % au niveau technique collégial, 67 % au niveau universitaire non
rémunérés.
M. Benjamin :
Et j'aimerais vous entendre sur la recommandation 6, qui m'apparaît
intéressante, très intéressante aussi.
Mme Racine (Éliane) : Oui, bien, en fait, c'est de dire : Les stagiaires... de la même
manière que dans le monde du travail actuel, quand un travailleur est en
formation, on va le rémunérer durant la période de formation parce qu'on considère qu'il est réputé être au travail, pour
nous, c'est un peu le même principe pour la personne qui est en stage, parce que, contrairement à un travail que je
ferais... par exemple, dans le cadre universitaire ou dans le cadre collégial,
mon travail que je vais déposer auprès de mon professeur ne va bénéficier que
ma personne. Tandis que, là, dans le contexte d'un stage, on parle
vraiment d'une personne qui va effectuer un travail qui, oui, peut l'aider à
améliorer ses connaissances puis à parfaire son éducation, mais qui contribue
aussi à la mission de l'organisation dans laquelle elle fait son stage. Et
donc, quand on prend cette considération-là en compte, bien, pour nous, ça
devient impensable de se dire : Bien, il y a une forme de prestation où la
personne apprend, qu'on va la rémunérer pour ce travail-là, puis, la personne à
côté qui apprend, elle, mais qui est avec un milieu d'enseignement, bien,
celle-là, la prestation de travail qu'elle
va faire, ce n'est pas du travail, donc elle n'est pas rémunérée pour ça. Donc,
c'est vraiment une idée aussi de pouvoir venir avoir un traitement juste
et équitable, là, même les salariés et les stagiaires.
M. Telles
(Simon) : Un parallèle intéressant qu'on aimait faire, c'est
dire : Disons, quelqu'un commence un nouvel
emploi, il y a toujours une période d'adaptation, il y a toujours une période
où le travailleur est moins productif, au début, parce qu'il apprend comment
fonctionne son milieu de travail, il y a certaines recherches qui doivent être
faites. On n'accepterait pas que cette
personne-là ne soit pas payée au salaire minimum même s'il y a une perte de
productivité. Alors, pourquoi est-ce
qu'on tolère qu'un stagiaire, même s'il retire des apprentissages de son stage,
quand il effectue une prestation de travail, ne reçoive aucune
compensation? On se l'explique mal.
Et, moi, c'est des
chiffres qui me parlent énormément, là : 88 % au collégial, 67 %
dans les universités, c'est majeur, là, la
quantité de travail qui est faite, qui n'est pas rémunérée, par des stagiaires.
Et je pense qu'on est rendus là, collectivement, à se dire qu'il y a un
problème puis qu'on a l'opportunité aujourd'hui, avec ce projet-là, de voir un
changement de paradigme.
M. Benjamin : D'autant plus
quand on regarde... En fait, vous vous êtes attardés à faire... donc, à bien
nous expliquer le sens du stage et du stagiaire, le rôle du stagiaire. Votre
recherche a été rapide, non exhaustive sur, justement, la définition du stage
du stagiaire. Mais j'aimerais vous entendre sur cette recherche-là.
Mme Racine
(Éliane) : Oui. Bien, en
fait, on a pris la plateforme ou la banque de données, là, du gouvernement
qui permet aux employeurs d'afficher des stages. Puis, quand on choisit
l'option stage, même sur une plateforme gouvernementale, on peut retrouver
toutes sortes d'offres d'emploi qui vont être identifiées comme étant stage.
Donc, la personne qui connaît un peu son droit du travail va être peut-être en
mesure de négocier avec l'employeur puis dire : Non, non, ça, ce n'est pas
un stage, c'est un travail au sens de la Loi sur les normes du travail. Sauf
que la réalité, c'est que ce n'est pas tout le monde qui a ces connaissances-là
de base pour pouvoir discerner, là, est-ce que c'est réellement une offre de
stage ou bien un emploi qu'on me fait.
M. Benjamin : Merci. Une autre
recommandation qui m'apparaît aussi fort intéressante, vous en avez échangé,
tout à l'heure, quelques mots lors de l'intervention du ministre, mais
j'aimerais quand même vous entendre sur la recommandation 9, qui
m'apparaît très importante aussi, sur le rôle que peuvent jouer, entre autres,
des instances comme les associations étudiantes.
• (12 heures) •
Mme Racine (Éliane) : Oui.
Bien, en fait, comme on le mentionnait, le système tripartite fait en sorte
que, dans le contexte étudiant, il y a déjà des associations qui existent pour
protéger les droits et les intérêts des étudiants. Puis, considérant qu'il y a
plusieurs stages qui sont faits par des étudiants qui ont des associations les
représentant, bien, pour nous, ce serait complètement logique d'inclure cet
intervenant-là dans la campagne de sensibilisation qui peut être faite, là,
auprès des stagiaires, donc de pouvoir inclure ces associations-là dans le
pouvoir de défendre les stagiaires au-delà de juste le contexte, là, du campus universitaire.
M. Benjamin : Le projet de loi,
c'est un projet de loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu
de travail. Et un enjeu qui me préoccupe, je pense, qui préoccupe l'ensemble
des collègues, je crois, c'est les questions relatives au harcèlement en milieu
de travail et dont peuvent être l'objet les stagiaires. Et votre
recommandation 7, justement, s'attarde
par rapport aux mécanismes de plainte. Et j'aimerais aussi vous entendre sur
cette recommandation-là, aussi.
M. Telles (Simon) : Merci. En fait,
évidemment, on est très heureux de voir que les protections contre le
harcèlement ont été accordées aux stagiaires, là, par le projet de loi actuel,
ce qui est une protection qui est très, très importante. Ce qu'on vise avec la
recommandation n° 7, c'est vraiment de faciliter
l'exercice d'un recours par les stagiaires, qui, comme on l'a exprimé, souvent
ne connaissent pas leurs droits. Donc, c'est de prévoir, comme le mécanisme
existe déjà, là, pour la Loi sur les normes du travail, qu'une plainte puisse
être portée au nom du stagiaire par un organisme de défense des droits
étudiants, donc, vraiment, les associations étudiantes et les établissements
d'enseignement supérieur aussi, qui devraient pouvoir accompagner les stagiaires
et défendre des conditions de stage qui soient équitables et qui respectent la
loi. Donc, je pense que ce qu'on veut faire, en fait, c'est donner l'intérêt à ces deux entités-là de pouvoir défendre
l'application de cette loi-là, c'est très important, d'une part, et aussi pour
donner un meilleur accompagnement.
M. Benjamin : Merci beaucoup, merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour. Deux petites questions. D'abord, je ne sais pas si vous êtes familiers
avec les rapports de mise en application qui visent, donc, à faire une
évaluation après quelques années d'une
nouvelle loi. On est vraiment dans du droit nouveau. Est-ce que vous pensez que
ça pourrait être quelque chose qui serait intéressant de rajouter dans
le projet de loi?
Et, deuxième
question, vous faites... vous prenez une position assez forte, là, justement, à
la recommandation 6, là, pour dire
qu'il faut qu'il y ait une rémunération au moins équivalente au salaire
minimum. Est-ce que le fait de choisir le chemin d'une loi alternative à la Loi
des normes du travail n'est pas, en quelque sorte, un verrou que le ministre
applique sur ce débat-là du salaire du stagiaire? Parce que, oui, il y a la
question des bourses qui sont offerts... offertes,
pardon, mais, le salaire, lui, est-ce qu'on ne vient pas barrer à tout jamais
cette question-là, cette possibilité-là d'avoir accès à un salaire?
Mme Racine (Éliane) : Je vais
répondre à la première question, puis je laisserai Simon compléter. Pour le
rapport, c'est évident que, pour nous, ça peut être pertinent d'avoir ce type
d'exercice là. Je pense, par contre, que, compte tenu de
ce qu'on vous a dit par rapport au fait que, des fois, il y a des stages qui
existent qui ne sont pas réellement des stages pour nous, il faudrait que le
rapport puisse aussi évaluer, là, le recours à cette pratique-là pour qu'on
puisse venir bonifier, que ce soit la LNT ou encore, là, le projet de loi n° 14, pour l'avenir.
Ensuite, pour le salaire minimum, je peux
laisser Simon y aller.
M. Telles (Simon) : Évidemment que
l'adoption d'un régime distinct pour les stagiaires, pour la question du
salaire minimum, sans parler de verrous, c'est vrai que ça crée un obstacle
supplémentaire à ce que cette norme-là, minimale, du travail, si elle n'est pas
accordée dans le cadre du présent projet, là, à l'étude... évidemment, il va
falloir réouvrir la loi, et ça vient créer un régime distinct. Donc, pour nous,
ça ne rend pas impossible, mais ça vient créer un frein supplémentaire à
l'ajout de cette norme-là, d'où notre recommandation d'avoir procédé d'abord
par la Loi sur les normes du travail. Je ne sais pas si c'est encore possible
de le faire. Je comprends que c'est complexe, mais, au moins, ce qu'on
souhaite, c'est de ramener le plus possible de normes du travail dans ce projet
de loi là, et, pour nous, le salaire devrait en faire partie.
M. Leduc : Combien de temps, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste 45 secondes.
M. Leduc : Ah mon Dieu! Bien, on en
profite. Sur cette idée, donc, de pouvoir représenter des stagiaires, ce que
l'UEQ nous disait hier, je pense que ça allait un peu plus loin, c'est d'être
le procureur, en quelque sorte, un peu comme la Commission des normes du
travail le fait pour les salariés non syndiqués. Est-ce que votre association,
par exemple, pourrait jouer ce rôle-là éventuellement ?
M. Telles (Simon) : Ce qu'on avait
pensé, effectivement, c'est que, vraiment... On a parlé d'organismes à but non
lucratif de défense des droits des étudiantes et des étudiants, ce qui n'est
pas tout à fait la mission de Force Jeunesse, là, on représente plutôt,
vraiment les jeunes de 18-35 ans sur le marché du travail. Donc, je pense
qu'il y a des regroupements étudiants qui ont une expertise, au niveau des
stages, là, de défense de droits plus pertinente que Force Jeunesse. Donc, on
laisserait ce travail-là aux associations étudiantes.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Mme Racine (Éliane) : Peut-être
juste en complémentarité, c'est sûr aussi que l'ensemble des programmes où il y
a des stages n'ont pas nécessairement d'associations étudiantes, d'où la
pertinence, là, pour nous, d'ajouter aussi l'établissement d'enseignement qui
peut venir faire cette représentation-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup,
M. Telles et Mme Racine. Votre association est très, très importante pour
représenter la jeunesse au Québec. Pour nous, c'était essentiel que vous soyez
ici aujourd'hui.
Je me fais un peu l'avocat du diable, là, sur la
Loi sur les normes du travail. Le ministre nous a dit : Ah! c'est pour une plus grande flexibilité. Bon. Et là vous
nous dites : Bien, on voudrait, par exemple, avoir des compensations
ou un salaire minimum pour les stagiaires, donc on veut passer par la LNT. Mais
est-ce que la Loi sur les normes du travail ne deviendrait pas, comment je
pourrais dire... Tu sais, ouvrir la Loi sur les normes du travail, ça ouvre les
demandes aussi pour beaucoup de choses, pour un débat plus large, alors
qu'avoir une loi à part sur les stagiaires... est-ce que ça peut permettre
d'agir plus rapidement pour l'enjeu des stagiaires? En tout cas, le ministre
parle de flexibilité. Je veux être sûr de bien comprendre, là, les positions
pour qu'on agisse correctement ici.
M. Telles (Simon) : Absolument.
Bien, c'est une position qui se défend très bien et c'est vrai que ça permet de
cibler directement les stagiaires. Par contre, si on y va avec cette
approche-là, notre position, c'est vraiment de venir intégrer les autres
dispositions de la Loi sur les normes du travail qui s'appliqueraient aux
stagiaires en fonction de leur réalité. Donc, pour nous, là, il y a un
traitement différencié encore qui est trop grand entre un salarié et un
stagiaire. Dans la mesure où la prestation du stagiaire bénéficie au milieu de
travail comme celle d'un salarié, bien, on
est d'avis qu'il faudrait importer davantage de droits de la LNT qui, en ce
moment, n'ont pas été accordés aux stagiaires dans le projet de loi
qu'on a sous les yeux.
M. Gaudreault : O.K. Autre élément,
est-ce que vous, vous entendez des témoignages ou avez-vous des exemples ou des chiffres qui démontrent qu'il y a
des entreprises qui sont hésitantes à accueillir des stagiaires parce qu'ils
manquent de moyens? Parce que vous parlez quand même de mettre en place des
incitatifs ou des subventions pour les PME. Est-ce que c'est un problème que
vous ressentez chez vos membres ou ailleurs?
M. Telles
(Simon) : Pas
particulièrement. Nous, ce qu'on a comme écho, c'est que les étudiants, les
étudiantes ont de la facilité à se trouver des milieux de stage. De façon
réaliste, en demandant des protections additionnelles aux stagiaires, on
en demande plus aux employeurs et aux milieux de stage. Il faut quand même être
lucide par rapport à ça. Mais je pense que c'est réaliste, ce qu'on demande. Je
pense que c'est jouable. C'est des normes minimales du travail
qu'on demande, donc. La plupart des milieux de stage, de toute façon, vont
au-delà de beaucoup des conditions qui sont dans le projet de loi. Mais on se
remet à quel est l'exercice qu'on fait, aujourd'hui, en adoptant une loi, comme
ça, de protection. Bien, c'est de se doter d'un plancher. Et on pense que les
normes minimales du travail sont le plancher duquel on devrait s'attendre pour
nos stagiaires.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci.
M.
Gaudreault : Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. Telles, Mme Racine, pour votre
belle collaboration et votre belle contribution, aussi, aux travaux de la
commission.
Alors, nous allons
suspendre quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 09)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous accueillons maintenant le Conseil interprofessionnel du Québec, avec Mme Desrosiers et M. Beaudoin.
Alors, je vous invite à bien vous présenter avec votre titre avant de commencer
votre exposé. Alors, à vous la parole.
Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Merci, Mme la Présidente. Je suis Gyslaine Desrosiers,
présidente du Conseil interprofessionnel du Québec, et je suis accompagnée de
M. Marc Beaudoin, qui est le directeur général du Conseil
interprofessionnel du Québec.
Alors, Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, on est
très heureux d'avoir l'occasion, aujourd'hui, d'échanger avec vous sur le
projet de loi n° 14, Loi visant à assurer la
protection des stagiaires en milieu de travail.
Permettez-moi
de prendre juste quelques instants pour vous présenter notre organisme. Le Conseil interprofessionnel du Québec, nous regroupons les 46 ordres
professionnels québécois. Et le Code
des professions confère au conseil un
rôle officiel d'aide-conseil auprès du gouvernement pour tout ce qui touche le
système professionnel. Alors, on a des fonctions d'encadrement, comme ça, de l'ensemble des ordres et on agit comme
vulgarisateur afin de permettre aux parlementaires de bien saisir la
portée des réformes qui touchent les ordres professionnels. Alors, c'est le
rôle qu'on prévoit jouer aujourd'hui auprès de la commission.
Alors, concernant,
justement, le projet de loi n° 14, d'entrée de jeu, on tient à souligner
et à saluer le travail effectué par le
ministre et son équipe. On a bien compris les objectifs du projet, qui visent à
protéger plus adéquatement les
stagiaires québécois, et c'est un objectif auquel on souscrit entièrement. Il
importe que notre relève professionnelle et que les étudiantes et étudiants du Québec puissent bénéficier d'une
protection plus adéquate dans les milieux de stage.
Par ailleurs, il est
important de clarifier quels sont les stages visés, parce que vous interpelez
les ordres professionnels. On a bien compris qu'il y a des stagiaires étudiants
pour lesquels il y a des stages qui se font avant la diplomation et il y a des
stagiaires employés pour lesquels les stages se font après la diplomation,
avant l'obtention d'un permis d'exercice. Et le projet de loi, justement,
précise qu'il s'agit de «toute activité d'observation, d'acquisition ou de mise
en oeuvre des compétences requise» en vue de l'obtention d'un permis d'exercice
délivré par un ordre professionnel.
Dans les deux cas des
stages visés par le projet de loi, on veut apporter un éclairage important qui
justifie des amendements qu'on demande au
projet de loi. Les ordres professionnels... l'ordre professionnel n'a aucune
implication directe dans l'encadrement d'un stagiaire, que ce soit pour
les stages sous la responsabilité d'un établissement d'enseignement ou encore
ceux offerts en entreprise sous la responsabilité d'un employeur. C'est pourquoi
le conseil demande de retirer la mention «ordre professionnel» aux articles
prévoyant une obligation liée à une implication directe de l'ordre dans le
milieu de stage. L'ajout de l'ordre professionnel comme intervenant dans les
relations employeur... avec l'employeur, le stagiaire ou l'établissement
d'enseignement laisse croire que l'ordre pourrait avoir une autorité sur ces
instances ou pourrait être impliqué directement dans le milieu de stage. Or, ce
n'est pas le cas. Ces articles pourraient même créer de la confusion quant à la
responsabilité des différents acteurs, autant pour la diffusion d'information
sur les droits des stagiaires que sur les endroits appropriés pour déposer une
plainte. Ils pourraient également mener à la
multiplication de demandes auprès de différents acteurs, multipliant par le
fait même les éventuels recours, ce
qui mènerait à encore plus de confusion et ne rencontrerait pas l'esprit du
présent projet de loi.
Alors,
les ordres, de par leur mission prévue par les lois en vigueur, notamment le Code
des professions ou les lois particulières,
n'ont aucun rôle en matière de conditions de travail de leurs professionnels
membres. Au contraire, ils doivent enquêter sur toute plainte du public à leur
endroit, à l'endroit de leurs membres. La proposition du projet de loi
s'avère contraire à la mission des ordres prévue dans les lois
professionnelles. D'ailleurs, il est important de rappeler que l'ordre pourrait
toujours refuser éventuellement l'émission d'un permis de pratique à l'issue
d'un stage advenant qu'il ne serait pas complété avec succès, nonobstant
l'application du projet du présent projet de loi, s'il juge que la protection
du public pourrait être compromise.
Un aspect qui nous a
préoccupés, c'est la durée du stage. Le projet de loi prévoit que les
stagiaires pourront s'absenter pour des jours fériés, de maladie ou autres
congés. On ne remet pas en question l'octroi de ces droits pour les stagiaires,
mais on tient à réitérer l'importance de garantir des stages de qualité, la qualité
des stages, notamment en ce qui a trait au nombre d'heures prescrit pour un
stage. Le nombre d'heures de stage ainsi que les compétences à acquérir pendant
un stage ne devraient pas pouvoir être réduits en raison de l'exercice d'un
droit prévu au projet de loi. On demande donc qu'une exclusion soit prévue à la
section I du chapitre V afin que la durée du stage prévue ne soit pas diminuée
par des congés ou absences prévus par le projet de loi.
Concernant les congés de longue durée, on tient
à aborder ce sujet-là, qui n'est pas dans le projet de loi mais qui a fait
l'objet de beaucoup de questions par les parties prenantes, notamment dans les
consultations préliminaires, les congés de longue durée, on constate qu'il
n'est pas dans le projet de loi, mais on sait que c'est un enjeu important pour
les représentants étudiants, et les ordres ont été cités comme réfractaires à
cette idée.
D'abord, il est important de mentionner que
cette question touche principalement ou particulièrement les stages postdiplômes
et que peu d'ordres imposent des conditions supplémentaires aux diplômes.
Cependant, dans le cas où l'ordre prévoit ce type de stage, il est encadré par
un règlement. C'est une prescription prévue dans un règlement. Ces règlements
prévoient une série de normes pour la réalisation du stage ainsi qu'un délai
maximal avant lequel il doit être complété. Ces règlements, d'ailleurs, sont
semblables à ceux qu'on retrouve pour baliser l'absence prolongée d'un
professionnel. Si quelqu'un est absent de sa profession pendant plusieurs
années, il y a des règlements qui visent à des obligations de remise à jour.
D'ailleurs, cet aspect a fait couler beaucoup d'encre dernièrement, là, quand
il était question du retour à la pratique de retraités afin de lutter contre la
COVID-19, alors...
Pour les stages menant à l'obtention d'un permis
de pratique, il y a des délais similaires qui sont prévus. On ne peut pas
être... Si un professionnel ne peut pas être absent de sa profession pendant x
années, on peut supposer que, pour un stage de longue durée, il ne pourrait pas
être absent un délai trop long. Par exemple, l'Ordre des ingénieurs forestiers
du Québec prévoit qu'un candidat doit avoir réussi un stage de 32 semaines
à l'intérieur d'un délai de cinq ans à compter de l'obtention de son diplôme.
Pour le Conseil interprofessionnel et les
ordres, un congé de longue durée ne pourrait faire en sorte que le délai
maximal prévu pour le retour à la pratique ne soit dépassé. Autrement dit, les
lois et les réglementations professionnelles doivent être respectées. Une
absence de longue durée sans délai maximal pourrait entraîner un décalage des
compétences trop important quant à la pratique professionnelle et souvent, en
lien, un décalage avec l'évolution de la science propre à cette profession.
Cependant, cette réglementation n'empêche pas,
selon nous, de considérer l'intégration d'un congé de longue durée, si jamais
le ministre ou les membres de la commission voulaient aller dans cette
direction. Les exigences réglementaires des différentes professions,
actuellement, varient selon la réalité des ordres, et des aménagements à ces
règlements pourraient toujours être considérés ou nécessaires.
Par ailleurs, les ordres consultés ont tenu à
mentionner que des mécanismes sont prévus afin de traiter des circonstances
exceptionnelles pouvant amener une personne à outrepasser les délais prévus par
règlement. Alors, les ordres professionnels sont très sensibles aux réalités
particulières et souhaitent que chaque candidat à une profession puisse
éventuellement mettre son talent au service du Québec.
Alors, pour conclure, on espère que nos
éclairages pourront aider les membres de la commission dans la réalisation de
vos travaux. C'est certain que le projet de loi n° 14 est une avancée
importante, là, pour notre jeunesse et les droits des stagiaires. Mais, bien
que nous ayons signifié certains amendements souhaitables, on espère que le
projet de loi cheminera promptement et on vous assure notre collaboration.
Je tiens à rappeler que, nonobstant l'adoption
ou non du projet de loi, il existe présentement des mécanismes de contrôle qui
sont prévus au Code des professions, et toute personne, tout stagiaire peuvent
déjà s'en prévaloir s'ils estiment être victimes d'un comportement
répréhensible de la part d'un membre d'un ordre en faisant une plainte au syndic de l'ordre, qui peut enquêter sur des
conduites indignes. C'est déjà un mécanisme qui est courant, qui est robuste,
qui existe déjà présentement et qui couvre une certaine réalité. Alors, merci beaucoup
de votre attention.
• (12 h 20) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Desrosiers. Alors, nous allons donc commencer la période
d'échange avec M. le ministre.
M. Boulet : Merci. Content de vous
revoir, Mme Desrosiers puis M. Beaudoin. Merci pour la qualité de
votre mémoire puis la réflexion derrière vos recommandations. C'est
superintéressant parce que les consultations particulières nous permettent
d'avoir des points de vue qui varient.
Ici, c'est de la perspective d'un ordre
professionnel, et je vais faire des commentaires ou vous poser des questions,
Mme Desrosiers, simplement pour mieux comprendre. Quand vous dites, pour
les stages visés... bon, vous faites référence aux responsabilités des ordres
professionnels, qu'il faudrait les exclure, puis probablement que vous faites
notamment référence à l'article 4, qui dit que «l'employeur et, selon le
cas, l'établissement d'enseignement ou l'ordre professionnel doivent prendre
les moyens raisonnables pour s'assurer de la réussite des études», bon, puis
s'assurer que les conditions d'exécution du stage soient les plus optimales
possible.
Moi, le seul stage que j'ai fait, c'en était un
du Barreau du Québec. Et je me souviens que la corporation professionnelle
exigeait quand même de la supervision, on avait un mentor, il y avait des
rapports de stage. Est-ce que j'ai bien compris, quand vous dites... Puis, en
bout... ultimement, de toute façon, comme vous avez mentionné, l'ordre
professionnel pourrait refuser d'émettre le permis d'exercice pas que pour des
questions de protection du public, mais en raison de la qualité ou en raison
des compétences non acquises.
Mais comment vous voyez,
donc, l'ordre professionnel si vous dites : On devrait l'exclure pour lui
permettre de ne pas assumer de responsabilités dans la réussite d'un stage?
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Bien, c'est... voilà, concernant les stagiaires, les stages en cours d'étude,
que ce soit au cégep ou à l'université, le
seul rôle de l'ordre, c'est de recevoir le diplôme. C'est que c'est le
gouvernement qui fixe, en vertu, je pense, de l'article 184 du Code
des professions, le diplôme qui donne accès à une profession. Donc, ce
diplôme-là, il est déjà prescrit par une instance gouvernementale, et l'ordre
ne peut pas questionner la valeur du
diplôme. C'est établi dans une loi et des règlements. Donc, pour tout ce qui
touche les stages en cours d'étude, l'ordre n'a aucune responsabilité.
Concernant les stages qu'on appelle... vous
donniez l'exemple de votre stage postdiplôme, je pense, vous parliez d'un stage
au Barreau, ça, c'est un autre... c'est une disposition du Code des professions
qui permet à certains ordres d'établir des conditions supplémentaires au
diplôme. Ces conditions-là peuvent être un examen, un stage, des cours... en fait, toutes les conditions
supplémentaires au diplôme, c'est établi dans un règlement. Mais, un peu comme
je disais tantôt pour le diplôme, le règlement établit ces fameuses
conditions-là et il...
Par exemple, on connaît des professions pour
lesquelles, je ne sais pas, exemple, le stage est... un stage... je donnais
l'exemple des ingénieurs forestiers, un stage de 32 semaines. Bien,
l'ingénieur qui a fini son diplôme, il faut qu'il se trouve un employeur qui va
accepter d'être son superviseur de stage et de rencontrer les objectifs du
stage. Les modalités et les objectifs du
stage sont dans le règlement qui découle de la loi, mais l'ordre n'intervient
pas sur le terrain. L'ordre ne peut
pas décider si une absence est raisonnable ou non, l'ordre ne peut pas décider
comment la personne doit vivre chaque
jour de son stage, etc. Donc, l'ordre reçoit le rapport de stage à l'effet
que... si le stage a été complété et que les objectifs ont été rencontrés.
Et l'ordre peut, à ce moment-là, émettre un permis.
Donc, on essaie d'expliquer que l'ordre prescrit
une condition supplémentaire mais ne la gère pas dans le quotidien. Et ce qui
nous inquiète, c'est que le stagiaire voudrait faire, je ne sais pas... avoir
besoin d'une absence de deux jours parce que
quelqu'un de sa famille est mort, bien, il ne peut pas s'adresser à l'ordre. On
n'est pas là. On n'est pas dans le milieu de stage. On doit vérifier le
succès ou l'insuccès du stage.
M. Boulet : Donc... Mais la loi
prévoit ça de façon assez générale, là. Si l'ordre... Parce que c'est des... On
parle de moyens raisonnables pour assurer des bonnes conditions de formation
pendant le stage puis pour ne pas, par exemple, permettre à un ordre de refuser
d'émettre un permis d'exercice, ou que le permis d'exercice ne soit pas
compromis, ou que son octroi ne soit pas remis en question en raison de
l'exercice d'un droit. Parce que c'est une loi, en fait, qui confère des droits
à des stagiaires, des droits, des protections puis des recours.
Mais je
comprends votre point. Mais, tu sais, c'est parce qu'en pratique, souvent,
l'ordre professionnel est présent dans le milieu de travail par la voix
d'une personne intermédiaire, par la voix d'une personne interposée.
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Oui, là vous avez raison. Il y a toujours un superviseur de stage ou un
responsable de stage qui... mais l'ordre n'est pas... En tout cas, on ne veut
pas jouer sur les mots, l'ordre prescrit les conditions
de stage, et c'est un membre de l'ordre qui devient un superviseur de stage.
Alors, telle entreprise, je ne sais pas,
il y a un comptable, il y a un cabinet comptable qui accepte des stagiaires
comptables, et évidemment le superviseur de stage doit être identifié et devient responsable, un peu comme le
professeur au cégep, devient responsable du stage puis de dire, oui ou
non, s'il est réussi.
Mais l'ordre
n'est pas sur place, et c'est pour ça qu'on trouvait un peu abusif de nous
demander de prendre tous les moyens raisonnables pour la question des
conditions de stage ou même les moyens raisonnables concernant la prévention
du harcèlement psychologique. Ce qu'on vous dit là-dessus, c'est que, si un
superviseur de stage fait l'objet d'une
plainte sur des comportements indignes, bien, l'étudiant pourrait ou le
stagiaire pourrait toujours se plaindre au syndic de l'ordre, on a déjà des
mécanismes de prévus dans le Code des
professions, mais on ne peut pas
intervenir sur le terrain en cours de stage pour aller sur place, là. On
n'est pas là.
M.
Boulet : Non. Je pense qu'on
dit à peu près la même chose. Mais ça revient un peu à la même chose. Il y a
quand même des rapports qui doivent être complétés, rapports dont les contenus
sont préparés puis élaborés par les corporations professionnelles. Puis il y a
des fois des personnes du bureau du syndic qui peuvent se déplacer ou des
personnes de certains ordres professionnels qui viennent pour inspecter et
s'assurer que tout est fait de manière convenable.
Mais je vais être attentif à ça,
Mme Desrosiers, pour m'assurer qu'on ne fasse pas assumer à des ordres
professionnels des responsabilités qui vont au-delà de leur capacité
d'intervention.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : C'est
ça.
M. Boulet : Je pense que c'est le
terme le plus important qu'on doit retenir.
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Exactement. Je vous remercie de le dire, parce qu'aussi ça pourrait créer une
confusion pour le stagiaire. Le stagiaire, s'il ne sait pas à qui s'adresser,
ça peut mêler les cartes, là.
• (12 h 30) •
M.
Boulet : Maintenant,
un autre point que j'aimerais discuter avec vous. Vous dites : C'est
difficile, on va se soumettre à la
loi, bien sûr. Mais est-ce que même un congé de courte durée pourrait, dans
votre esprit, être incompatible avec la durée prescrite d'un stage? Parce qu'il y
a des stages que ça prend un nombre spécifique de semaines de travail effectif
ou un certain nombre d'heures effectives de travail. Est-ce que, donc, même une
absence de courte durée pourrait retarder la réussite du stage? Mais il
y en a, par ailleurs, des stages, qui doivent être complétés à l'intérieur
d'une période, dans le calendrier, qui est prédéterminée.
J'aimerais vous
entendre un peu plus sur ce point-là. J'ai bien compris votre élément sur les
absences de longue durée, là, moi, là-dessus, je suis totalement confortable
avec vos observations, mais, pour la courte durée, comment vous raisonnez?
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien, dans la vraie vie, les congés de courte durée,
habituellement, ne sont pas un problème, là,
parce que c'est rare que des stagiaires de cégep... le jour de l'An, tu sais,
et il y a déjà, dans l'organisation ordinaire et normale des stages, un
certain nombre de congés pour les... de jours où il n'y a pas de stage. Donc,
ils ne sont pas comptabilisés, ces congés-là, dans la durée du stage,
habituellement.
Là, vous amenez des
éléments de protection pour qu'un stagiaire ait le droit de s'absenter pour des
motifs très importants, là, de décès, ou
autres. Ça lui confère un droit qui est important pour amener une certaine
souplesse dans l'organisation des stages. Et habituellement, à un ou
deux jours près, on n'est pas... ça ne compromet pas le stage.
M. Boulet :
On se comprend bien.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Ça demande quand même certains rattrapages. Mais
là on ne savait pas trop, quand vous dites «courte durée», on est-tu à cinq
jours, 10 jours, 15 jours? C'est qu'à un moment donné il faut quand
même...
M. Boulet :
Il y a des limites.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien, c'est ça.
Pour ce qui est des
établissements d'enseignement, comme je vous ai dit tantôt, étant donné que
l'ordre ne peut que recevoir le diplôme, si jamais l'établissement d'enseignement
faisait juste la moitié de la durée du stage et qu'il considérait que les
objectifs ont été atteints, l'ordre est obligé d'accepter le diplôme. Le
diplôme qui est émis de façon officielle, il est obligé de l'accepter. On prend
pour acquis que les établissements ne donnent pas des diplômes de complaisance.
Donc, ça, pour les diplômes, on ne peut rien remettre en question.
Pour les stages
postdiplôme, ça pourrait... il y a certains accommodements, mais, comme je vous
dis, on vous invite à... on vous a invité quand même à préciser que les congés
ne pourraient pas, comment je dirais... de respecter la qualité ou quand même l'intégrité du stage, surtout que vous parlez
de quelques jours. Donc, si c'est 32 jours de stage, il a eu trois ou quatre jours, il peut être
prolongé trois, quatre jours, là, je veux dire, parce qu'on est vraiment dans
des absences de journées. Mais notre préoccupation était beaucoup plus
sur les stages de longue durée où, là, vraiment, c'est plus complexe à gérer.
M. Boulet : Ah! je vous ai totalement compris, puis il ne faut
jamais perdre de vue que l'objectif visé par un stage, c'est de
permettre le développement de nouvelles habiletés. Il y a des stages que c'est
purement de l'observation, mais c'est pour permettre à quelqu'un de compléter
une formation, ce n'est pas nécessairement le même statut qu'un salarié, là, ce n'est pas... puis c'est limité
dans le temps, puis il y a tellement une grande diversité de stages, que ce
soit professionnel, collégial ou
universitaire, là, puis les objectifs, ça peut être d'obtenir un certificat, un
diplôme, un D.E.C., un baccalauréat ou en vue d'obtenir un permis
d'exercice, là, d'une corporation professionnelle.
Peut-être une
dernière question, si j'ai encore le temps.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il vous reste 4 min 50 s.
M. Boulet : Quatre
minutes, après ça j'offrirai l'opportunité à une collègue, mais est-ce que vous
pensez... qu'est-ce que vous pensez d'un accommodement potentiel? Par exemple,
moi, ce qui m'est extrêmement cher dans ce projet de loi là, c'est la
vulnérabilité des stagiaires, particulièrement au harcèlement psychologique et
sexuel, de savoir qu'ils ne sont pas visés par des procédures, des politiques
en matière de harcèlement qui doivent être adoptées dans les milieux de
travail, de les savoir ne pas pouvoir disposer d'un mécanisme de plainte contre
le harcèlement, qu'il soit psychologique ou sexuel, ça me... moi, ça m'irrite,
là, puis je pense que c'est... je pense qu'on s'entend tous là-dessus.
Si, par exemple, il y
a un stagiaire qui est pris par un encadrement réglementaire serré en termes de
durée et d'heures, puis que la personne est victime de harcèlement, puis qu'on
fait une enquête suite à une plainte, puis que cette personne-là doive s'absenter un certain temps pour faire de la
psychothérapie ou pour être encadrée, ou elle a besoin d'être réaffectée
dans un nouvel endroit du milieu de stage, comment tu... vous voyez, Gyslaine,
est-ce qu'il y a un accommodement potentiel possible dans un contexte comme
celui-là?
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien, je n'ai pas vérifié chaque règlement de chaque
ordre, mais, de ce que j'en sais, de quelques-uns de ces règlements-là, pour en
avoir même moi-même géré à l'époque où j'étais présidente d'un ordre, un stagiaire peut demander une
modification de lieu de stage. Comme je vous dis, un stagiaire peut faire une
plainte au syndic sur... s'il est victime de comportement indigne. Donc là, on
rentre dans une autre filière de plainte.
Il y a quand même des mécanismes prévus. Donc
là, c'est tout à votre honneur de vouloir mieux les protéger, mais, comme je vous dis, c'est que, si on tombe
dans l'univers réglementaire, c'est... autrement dit, la dizaine d'ordres qui ont des règlements prescriptifs, ces règlements-là,
habituellement, incluent des modalités, mais ils incluent aussi des assez
longues durées, on a vu que c'est entre... Il y a des règlements que c'est
trois, cinq ou sept ans où la personne a le
temps de compléter son fameux stage postdiplôme. Donc, c'est vraiment des
délais qui, à sa face même, permettent des accommodements de
modification de lieu de stage, de modification de superviseur ou des trucs comme ça, pendant que la plainte est traitée
ailleurs, là. Comme vous dites, vous établissez un nouveau mécanisme, là, qui
est celui d'une plainte en harcèlement. Mais, comme je vous dis, l'ordre,
pendant ce temps-là, s'il n'a pas une demande
de modification du lieu de stage ou une demande de modification de superviseur,
il faut que l'ordre... l'ordre ne peut pas présumer que quelqu'un ait
fait une plainte à quelque part sans en être informé, là.
M. Boulet : Non. Puis il y a
plusieurs ramifications, hein, tu sais, dans l'exemple de harcèlement, l'auteur
du harcèlement, s'il est membre de la corporation professionnelle, c'est lui
qui fait l'objet de l'enquête du syndic et c'est lui qui peut potentiellement
être suspendu ou radié, ultimement. Puis c'est intéressant, ce que vous dites,
ça varie d'un règlement à l'autre. Puis j'imagine que c'est la même approche
dans les établissements d'enseignement, par exemple les universités. Si tu veux
faire une maîtrise, tu as un certain nombre d'années à l'intérieur duquel tu
dois compléter ta maîtrise ou ton doctorat, ça fait que c'est certain que, pour
certains stages... Mais c'est tellement asymétrique, Mme Desrosiers, ça
varie tellement d'un règlement professionnel à un autre, là.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Il
faudrait juste faire attention que la loi ne soit pas en... que vous suggérez
vienne en porte-à-faux avec une dizaine d'autres règlements. Je pense bien que
vous n'avez pas... vous n'avez pas le goût de commencer d'aller jouer dans tous
ces règlements-là. Puis, comme on vous a dit, c'est qu'il reste qu'il y a une
qualité de stage qui est nécessaire. On vous rassure sur la question de la
longue durée, qu'habituellement c'est des délais quand même assez longs et
assez suffisants pour introduire certains congés de longue durée. Puis on ne
peut aussi pas prévoir tous les cas de figure. Si quelqu'un est malade
10 ans, bien, peut-être qu'il ne pourra jamais exercer cette
profession-là, ça fait qu'on rentre dans des cas très, très particuliers.
M. Boulet : Parfait. Aïe! Merci
beaucoup, Mme Desrosiers. Merci, M. Beaudoin.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons l'échange avec le député de Viau.
M. Benjamin : Bonjour,
Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Oui,
bonjour.
M. Benjamin : Est-ce que vous
m'entendez?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Oui,
tout à fait.
M. Benjamin : Ah! parfait, merci.
Alors, écoutez, merci pour votre mémoire. Je commencerais peut-être à faire...
avec une première question, donc, qui concerne votre première recommandation,
donc, sur le retrait de la mention d'ordre professionnel de certains articles
du projet de loi. Je veux m'arrêter sur le projet de loi, sur l'article 4
en particulier. Sur les autres articles, on pourrait en discuter, on pourrait
en débattre. Mais, en fait, ce que j'ai devant moi comme disposition générale à
l'article 4 prévoit qu'au cours de la réalisation d'un stage, et je lis,
pour le bénéfice des gens qui nous écoutent ou qui nous regardent,
«l'employeur, selon le cas, l'établissement d'enseignement ou l'ordre
professionnel doivent prendre les moyens raisonnables à leur disposition pour
s'assurer que la réussite des études ou de la formation de stagiaire ou
l'obtention, par ce dernier, d'un permis pour exercer une profession ne soit
pas compromise». J'aimerais savoir pourquoi vous souhaitez qu'on enlève la
mention d'ordre professionnel à l'article 4.
• (12 h 40) •
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
comme on expliquait tantôt, c'est que les ordres professionnels ont déjà des... une loi-cadre, qui est le Code des professions, ou des lois particulières pour lesquelles c'est déjà... comment dire,
les conditions qui concernent les stages sont déjà prescrites à quelque part
dans un règlement qui découle d'une loi. Donc, pour ce qui est des
stages qui concernent l'obtention d'un diplôme, l'ordre professionnel ne peut
que prendre acte du diplôme, il n'a aucune intervention sur les stages qui
mènent à l'obtention d'un diplôme. Donc, on n'a pas de moyen raisonnable, là, à
prendre.
Et, concernant... la même chose concernant les
stages postdiplômes, c'est un règlement qui découle d'une loi particulière qui
établit que la personne doit avoir complété un stage, je ne sais pas, moi, de
50 semaines, 32 semaines ou... enfin, la durée de ce stage-là est
prescrite dans un règlement. Donc, c'est plus l'obligation de faire un stage
dont l'ordre est responsable. Et c'est une obligation qui est sujette aussi à
un rapport de stage que l'ordre reçoit, qui établit si la personne a vraiment fait le stage et, dans certains cas, si les
objectifs du stage, qui sont prescrits par le règlement, ont été
atteints. Donc, l'ordre prend acte de la réussite du stage, il faut que ça soit
conforme au règlement en vigueur.
Donc, on ne
voit pas pourquoi, tout d'un coup, dans une autre loi, vous nous demandez de
prendre des moyens raisonnables pour
s'assurer de la réussite d'un stage. D'autant plus que, dans le moment, les
ordres, ils n'interviennent pas sur les conditions de travail de leurs
propres membres. On se demandait comment un ordre va aller intervenir sur les
conditions de travail d'un stagiaire, tu sais, on n'est pas là, on n'est pas
dans le milieu où se vivent les stages.
M. Benjamin :
En fait, je vais m'attarder à la fin du premier article... de l'article 4
toujours, où on parle de l'exercice d'une profession qui ne serait pas
compromise en raison de l'exercice d'un droit. Vous savez que ce projet de loi
là, c'est la Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de
travail. Donc, c'est un projet de loi qui nous dit qu'advenant le cas où un
stagiaire ou une stagiaire exercerait un droit que lui accorde ce projet de
loi, donc, cela n'entrave pas, justement, l'exercice de ce droit-là, par
rapport à l'obtention d'un permis ou, du moins, d'une reconnaissance de
l'ordre. Donc, vous êtes en train de me... Est-ce que je dois comprendre que
vous me dites que l'ordre... un ordre professionnel n'aurait rien à voir dans
les conséquences que peuvent résulter l'exercice d'un droit d'un stagiaire ou
d'une stagiaire?
Mme
Desrosiers (Gyslaine) : L'ordre est obligé de respecter les règlements en
vigueur. Alors, si l'établissement d'enseignement n'envoie pas un
diplôme, il ne peut pas donner un permis. On attend le diplôme. Donc, si
l'étudiant a manqué x jours de stage ou n'a pas réussi un cours ou il n'a
pas réussi un stage, nous, on n'est pas dans le cursus, on attend le diplôme.
La même chose pour le stage. Si, dans les droits
prévus par la loi que vous proposez... puis c'est, par exemple, d'avoir droit à
des congés ou d'avoir le droit de faire une plainte pour harcèlement
psychologique ou autre forme de harcèlement, bien, le stage va être suspendu,
et l'ordre va être... pendant un certain temps, et l'ordre va être informé que
le stage est présentement suspendu. Mais, tôt ou tard, la personne va devoir
faire la preuve qu'il a complété un stage.
Si ce n'est pas à cet endroit-là, il faut que ça soit ailleurs, parce qu'il y a
un règlement qui le prescrit. L'ordre est obligé d'appliquer les
règlements qui sont en vigueur.
Donc, on pourrait... c'est ça qui nous inquiète,
que cette loi-là dise... je ne sais pas, quelqu'un pourrait ne pas compléter un stage postdiplôme puis penser que l'ordre
va émettre le permis pareil. C'est impensable, ça serait contraire aux
lois, aux règlements en vigueur.
M.
Benjamin : À la page 5
de votre mémoire, vous... à la fin de la page 5, en fait, vous faites une
différenciation au niveau des stages... des stagiaires étudiants et des
stagiaires employés. J'aimerais vous entendre sur cette différenciation.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien, en
fait, on fait une différence parce que, dans la vraie vie, c'est des
déroulements qui sont complètement différents, mais, au niveau de l'implication
de l'ordre, ça revient un peu au même. Le stagiaire étudiant est complètement
sous l'autorité d'un établissement d'enseignement, qui trouve les lieux de
stage, qui est... L'établissement d'enseignement est complètement responsable
que l'étudiant remplisse toutes les conditions du cursus. Un stage, c'est un
cours, donc nous autres, on essaie d'expliquer qu'on n'est pas là, on attend le
diplôme.
Et, les stagiaires employés, ce qui nous embête,
c'est d'autres considérations, comme je vous expliquais, c'est que les ordres
n'ont aucune prérogative de protection des conditions de travail de leurs propres
membres ou d'un stagiaire. On n'est pas dans
l'univers des conditions de travail. Nous autres, on est dans l'univers de la
protection du public. À la limite, même, on pourrait avoir une plainte
du public contre un stagiaire. Il faudrait faire enquête. On ne pourrait pas
faire enquête sur un stagiaire parce qu'il n'est pas membre de l'ordre, mais on
doit accueillir, nous, les plaintes du public. Ce qu'on dit, c'est qu'on n'est
pas impliqué dans le déroulement du stage au quotidien. Est-ce qu'il peut prendre
congé? Est-ce qu'on a une preuve qu'il y a vraiment eu un décès dans sa famille
puis il veut prendre congé? Il a droit à certains congés. Est-ce qu'il y a un
problème avec un superviseur de stage? Comme j'ai expliqué tantôt, la seule
chose qu'on pourrait faire, c'est que, si on avait une plainte contre un
superviseur de stage qui est membre de la profession, le syndic pourrait aller
enquêter sur le comportement de ce superviseur de stage là, mais ça n'empêcherait pas la mise à...
l'obligation de rencontrer les obligations du règlement, c'est-à-dire qui
établissent la durée du stage, qui est prescrite dans un règlement.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
reste trois minutes à l'échange.
M. Benjamin : Trois minutes.
Écoutez, deux questions, rapidement, sur les mécanismes de contrôle des ordres.
J'aimerais vous entendre sur ce que vous faites en amont en termes de
prévention, gestes de prévention par rapport au harcèlement en milieu de
travail, donc au niveau des ordres, et ce que... et vous avez parlé du rôle des
syndics, c'est bien. Et ma deuxième... Allez-y avec la première question, avec
une réponse courte, en espérant pouvoir vous poser la deuxième question.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
écoutez, si une personne membre de l'ordre veut se... voudrait se qualifier
comme superviseur de stage et qu'il est lui-même visé par l'inspection
professionnelle ou par le syndic, il ne
pourra pas se qualifier comme superviseur de stage. Donc, on peut agir en amont
sur la qualification d'un superviseur de stage ou d'un milieu de stage.
Par exemple, un cabinet professionnel, je ne nommerai pas la profession, fait
l'objet d'une enquête criminelle, de fraude, de corruption ou je ne sais trop
quoi, c'est certain que ce milieu-là ne sera pas jugé acceptable comme milieu
de stage. Donc, il y a des choses qui peuvent être faites en amont dans la
détermination du milieu de stage.
M. Benjamin : Merci. Et que
dites-vous de cette suggestion, donc, que le Commissaire à l'admission, donc,
au sein de l'Office des professions, dont les fonctions sont prévues aux
articles 16.9, suivant le Code des professions, qui
posséderait toute l'indépendance et l'expertise nécessaires pour évaluer, porte
un regard... qui porte un regard neutre pour les pratiques, qui posséderait
toute l'expertise pour regarder ce qui se passe dans les milieux de stage? Qu'est-ce que vous dites par rapport à cette
suggestion-là que le Commissaire à l'admission puisse jouer un rôle là-dessus?
Mme
Desrosiers (Gyslaine) :
Bien, écoutez, on a consulté les ordres, et c'est une suggestion qui est
particulière, là, qui n'a pas fait l'objet de... je ne suis pas en mesure de
l'évaluer, mais je suis quand même très surprise, parce que, le
Commissaire à l'admission, ses prérogatives sont prévues dans le Code des
professions. Et, si on veut amender la mission du commissaire, je pense bien
que vous n'aurez pas le temps d'aller amender la loi. Et le commissaire, il
fait des études à caractère général sur les conditions d'admission à une
profession, il peut aussi regarder les conditions supplémentaires au diplôme,
mais il peut accueillir des plaintes qui viennent de certains professionnels,
par exemple, de professionnels ou de stagiaires. Il pourrait... il a accueilli
des plaintes, le commissaire. Par exemple, il y a eu des gens qui ont eu des problèmes avec la traduction
d'un examen, il a accueilli une plainte, il fait enquête. Il peut accueillir...
il pourrait accueillir des plaintes, c'est vrai, mais, comment dirais-je, à
l'intérieur de son mandat, qui est vraiment sur l'admission à la profession.
Je ne sais pas, là, vous me prenez un peu au
dépourvu, je ne sais pas exactement jusqu'où... Il n'est pas sur les conditions
de travail, ça, c'est vrai. Il ne peut pas accueillir une plainte sur le
harcèlement psychologique ou des choses comme ça. Il est sur, plutôt, est-ce
que les conditions de... l'application d'une loi ou d'un règlement qui touche les conditions d'admission à une profession
ont été... le règlement a-t-il été respecté? Il peut porter un jugement plus
général, mais pas sur une plainte de harcèlement psychologique. Je suis
certaine qu'il ne pourrait pas... Ce n'est pas prévu à la loi.
• (12 h 50) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Merci au député de Viau. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec
le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Bonjour. Merci, Mme la
Présidente. Les intervenants qui sont passés avant vous, de Force Jeunesse, soulignaient à quel point on
a un droit du travail qui est morcelé au Québec et qui, là, va être morcelé
davantage avec ce nouveau régime. Vous semblez tenir fort à l'idée que l'idée
des congés de longue durée ne devrait peut-être pas être intégrée comme
une norme générale à l'intérieur... là, visiblement pas aux normes du travail,
mais, en tout cas, dans ce régime parallèle là. Mais est-ce que le fait de
laisser à chacune des corporations que vous représentez, des ordres que vous
représentez le soin de déterminer l'applicabilité ou pas de tels congés ne va
pas encore plus morceler le droit qu'il l'est actuellement?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
écoutez, c'est une situation de fait que les lois particulières, les lois
professionnelles particulières à certaines professions prévoient des conditions
supplémentaires au diplôme. Donc, si vous êtes avocat, vous avez fait l'École
du Barreau, les examens. Si vous êtes infirmière, vous êtes obligée de faire un
examen postdiplôme. Et puis, dans d'autres cas, c'est des... il y a une dizaine
d'ordres pour lesquels il y a des stages de prévus, et le règlement prévoit une
durée à ces stages-là et un délai à l'intérieur duquel il doit être fait. Ce
qu'on dit, c'est que les délais sont tellement larges, habituellement, c'est
des délais d'années. On a fait une première vérification puis on a vu que c'est
entre trois et sept ans. Donc, si quelqu'un n'a pas le temps de compléter un
stage, je ne sais pas, moi, de 30 semaines à l'intérieur de x années,
c'est que peut-être que son... premièrement, ça ne respecterait pas le règlement.
Puis ce qu'on vous dit, c'est qu'introduire un nouvel article dans une autre
loi pour essayer d'aller impacter sur des lois et des règlements déjà en
vigueur, mais qui déjà permettent une certaine souplesse, c'est...
M. Leduc : Mais on s'entend sur une chose,
si d'aventure on convainc le ministre de rajouter les congés de longue durée
dans la loi, dans le projet de loi actuel, et que ce projet de loi là est
d'ordre public, c'est ça qui va prévaloir aux règlements et aux lois.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien là,
écoutez, je ne suis pas juriste, mais il faudrait vérifier parce que, quand
même, quand... il existe des, comment je dirais ça... des lois et des
règlements en vigueur, et ce qu'on vous dit, c'est
que ces règlements-là qui permettent plusieurs années avant de réussir un stage
ou une condition supplémentaire au
diplôme sont suffisamment larges et n'ont pas de... selon nos informations, n'empêchent pas l'obtention d'un permis d'exercer. Alors, pourquoi
prendre le risque d'aller impacter toutes ces lois ou ces règlements-là? Ça
nous inquiète.
Et on insiste aussi beaucoup sur le fait que le
stage doit être réussi. Il y a des... Il peut arriver que quelqu'un... Ça
arrive, dans certains ordres, qu'il y a des gens qui ont un échec à un stage
postdiplôme et qui n'obtiennent jamais leurs permis.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup
pour votre présence. Je veux bien comprendre votre position. Hier, nous avons
rencontré la Fédération des cégeps, et ils nous ont rappelé, on le sait déjà,
mais je trouve ça tellement important de toujours le dire, et le redire, et le répéter,
que le stage s'inscrit dans un processus pédagogique, dans un processus de
formation. Et là vous, vous nous dites qu'il faut retirer la mention «ordre
professionnel» partout, en tout cas aux
articles 4, 7, 19, 20, 22, 25. Je comprends votre position, vous l'avez
expliquée à plusieurs reprises, mais est-ce qu'il
n'y a pas un juste milieu? Parce que ça fait partie de la formation. Moi, je
suis passé aussi par l'École du Barreau puis par le stage. Ça fait partie de la
formation, par exemple, d'avoir des considérations éthiques ou de déontologie
dans un milieu de travail, de protection du public.
Alors, sans être impliqué directement, parce que
je comprends que vous voulez garder un bras de distance par rapport aux enjeux
plus directs, concrets de relations de travail, mais sur les enjeux qui font
aussi partie de la formation, qui sont de comprendre la déontologie, le respect
du public, etc., est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir un juste milieu
entre être là complètement puis n'être pas là du tout?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
vous avez tellement raison que c'est déjà prévu, c'est que les conditions qui
doivent prévaloir pour un stage, il y a des objectifs, il y a des modalités
d'établies. Alors, comment dirais-je, les éléments que vous soulignez,
l'attitude éthique au plan professionnel, les aptitudes, les compétences qui
doivent se déployer, l'atteinte de certaines, comment dirais-je, habilités,
quand on pense à certaines professions qui demandent des habilités
particulières qui doivent être exercées, je pense, par exemple, aux
sages-femmes, tu sais, il faut avoir fait un certain nombre d'accouchements,
etc., prévus dans un stage, donc c'est prévu, ça, à l'intérieur du stage et ça
peut avoir fait l'objet... Le règlement pourrait avoir été amendé ou pourrait
être amendé pour introduire au fil du temps... Parce qu'il y a certains de ces
règlements-là de conditions supplémentaires au diplôme qui existent depuis
100 ans, je veux dire, là, ils ont été amendés au fil du temps pour
rajouter des objectifs pertinents au déploiement de ce stage-là. Donc, c'est
vraiment dans la prescription du stage.
M. Gaudreault : O.K. Donc, pour
vous, ce n'est pas nécessaire, à ce stade-ci, d'en rajouter, je dirais, ou d'en
ajouter dans un projet de loi comme celui qu'on a devant nous, que les
conditions actuelles, ou les lois, ou les règlements actuels sont suffisamment
forts ou, en tout cas, ça couvre ce que ça doit couvrir.
Mme
Desrosiers (Gyslaine) : Oui,
parce que ça serait un très, très grand précédent. Les ordres ne s'immiscent
jamais dans les conditions de travail de leurs propres membres. On n'est jamais
à la défense des conditions de travail de nos membres et, tout d'un coup, on
serait interpelés dans les conditions de travail d'un stagiaire, alors qu'il y
a déjà un employeur, il y a déjà des éléments contractuels du milieu que vous
cherchez à combler.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci, Mme Desrosiers et M. Beaudoin aussi, qui vous
accompagnait. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.
Alors,
écoutez, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h 55. Alors,
merci. Bon dîner à toutes et à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 15 h 59)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour à toutes et à tous. La Commission de l'économie et du travail
reprend ses travaux.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 14, Loi visant
à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail.
Cet après-midi, nous entendrons les
Pres Gesualdi et Bernstein et le Conseil du patronat du Québec.
Alors, nous
commençons immédiatement avec vous, chères professeures. Je vous invite donc à
vous présenter et à donner votre titre, exactement, et ensuite vous
pourrez commencer votre exposé. Merci.
Mmes Dalia
Gesualdi-Fecteau et Stéphanie Bernstein
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Merci. Donc, Dalia Gesualdi-Fecteau, professeure de droit du travail à
l'Université du Québec à Montréal. Je laisse ma collègue se présenter.
Mme
Bernstein (Stéphanie) : Oui.
Bonjour. Stéphanie Bernstein. Je suis également professeure au Département
des sciences juridiques à l'UQAM.
• (16 heures) •
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Bonjour. D'abord, nous vous remercions de nous accueillir aujourd'hui. Les
représentations que nous allons vous faire aujourd'hui sont consignées dans un
mémoire qui, on doit bien le préciser, a été rédigé en collaboration avec nos
collègues professeurs de droit du travail, Marie-Ève Bernier, de la TELUQ,
Gilles Trudeau, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, Guylaine
Vallée, de l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal, ma
collègue Bernstein et moi-même. Et nous vous renvoyons au mémoire pour certains
aspects que nous n'aurons pas le temps d'approfondir aujourd'hui.
Donc, d'entrée de jeu, on souhaite saluer la
volonté du gouvernement de mieux protéger les stagiaires. On salue également le
fait que le projet de loi prenne en compte le caractère multipartite du rapport
entre les stagiaires, les milieux d'accueil, les établissements d'enseignement
et, dans certains cas, les ordres professionnels. Finalement, nous saluons le fait que le projet de loi octroie
un socle de droits aux personnes qui effectuent des stages d'observation.
Mais, ceci étant dit, vous l'aurez compris, nous estimons que le projet de loi n° 14 soulève certains problèmes qu'il importe
de corriger. Et aujourd'hui, dans le cadre de cette présentation, nous allons
en soulever deux avant de vous présenter nos recommandations.
Donc, d'abord, on le répète, bien que le projet
de loi n° 14 a pour effet ou aurait pour effet, s'il
était adopté, d'octroyer des droits aux stagiaires qui effectuent un stage
d'observation, nous sommes d'avis qu'il engendre une importante ambiguïté pour les personnes qui effectuent des stages
d'acquisition ou de mise en oeuvre des compétences, qui, en vertu du
droit en vigueur, et on insiste là-dessus, sont susceptibles de bénéficier
d'ores et déjà de protections prévues à la Loi sur les normes du travail.
Donc, il faut le souligner, et je pourrai
revenir dans la période de questions là-dessus, l'état actuel du droit fait en
sorte que les stagiaires qui effectuent, et le ministre l'a évoqué dans le
cadre d'autres représentations... donc les stagiaires qui effectuent une
prestation effective de travail sont susceptibles, dans certaines
circonstances, d'être reconnus comme des personnes salariées au sens de la Loi
sur les normes du travail. Or, et c'est la question qu'on se pose, si le projet
de loi n° 14 était adopté en l'état, est-ce que
l'article 6 de ce projet de loi là permettrait, dans les faits, aux
stagiaires qui effectuent une prestation de travail effective, donc qui sont,
dans le langage droit du travail, subordonnés juridiquement à l'employeur et/ou
rémunérés... est-ce que ces personnes-là pourraient encore prétendre aux
protections prévues par la Loi sur les normes du travail? Et je veux quand même
le souligner, ça a été évoqué dans d'autres présentations, c'est quand même
près de 35 % des stagiaires des programmes universitaires qui sont
rémunérés et 12 % des stagiaires des programmes au niveau collégial qui
sont rémunérés.
Alors, nous sommes d'avis, encore une fois, et
malgré l'article 6 du projet de loi, que, si le projet de loi est adopté en l'état, il entraînerait une importante
confusion qui serait susceptible d'entraîner une perte de droits pour certains
groupes de stagiaires qui effectuent des stages visant surtout l'acquisition ou
la mise en oeuvre de compétences. Donc, pour éviter, et je vais y revenir tantôt... pour éviter de générer de
nouvelles ambiguïtés quant aux protections auxquelles ces différents groupes de
stagiaires peuvent prétendre, nous estimons que d'autres solutions peuvent être
préconisées. Je passe la parole à ma collègue.
Mme Bernstein (Stéphanie) :
Oui. En effet, le socle de protection conférée aux stagiaires par le projet de
loi est en deçà de ce que prévoit la Loi sur les normes du travail.
D'autres intervenants ont déjà évoqué le fait
que le projet de loi ne mentionne pas les congés dits longs. Aussi, alors que la Loi sur les normes prévoit le
droit au salaire pour différents congés plus courts, en cas, par exemple, de
décès d'un proche ou encore un congé férié, ces mêmes congés prévus au projet
de loi ne sont pas rémunérés pour les stagiaires visés.
Contrairement à la Loi sur les normes, le projet
de loi ne comporte aucune limitation de la durée du travail pour les stagiaires, dont le droit de refuser de
travailler au-delà d'un certain nombre d'heures et le droit à des périodes
de repos. Et aussi soulignons qu'en matière de harcèlement psychologique
l'accès aux remèdes de nature pécuniaire n'est pas explicitement mentionné dans
le projet de loi, notamment en matière de dommages moraux et punitifs.
Afin de bien comprendre le déficit de protection
d'un nombre important de stagiaires, qui sera soit maintenu ou exacerbé par le
projet de loi, nous pouvons aussi faire un parallèle avec la situation des
apprentis dans plusieurs secteurs. On sait
que la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la
main-d'oeuvre définit l'apprentissage comme étant, je cite, «un mode de
formation professionnelle dont le programme est destiné à qualifier un apprenti
et comporte une période de formation
pratique chez un employeur et généralement des cours dans des matières
techniques et professionnelles pertinentes».
Alors, à l'instar des stagiaires qui font un
stage d'acquisition des compétences ou de mise en oeuvre des compétences, les
apprentis doivent réaliser certaines tâches «sous la supervision d'une personne
qualifiée pour les travaux supervisés qui sera sur place et à proximité de
l'apprenti», je cite encore. Comment ne pas conclure à l'existence de similitudes importantes entre un apprentissage dans un
secteur à prédominance masculine, comme le secteur de la construction,
par exemple, et un stage d'acquisition des compétences ou de mise en oeuvre des
compétences dans des secteurs à prédominance féminine, comme l'enseignement et
la santé et les services sociaux, et qui sont visés par le projet de loi?
L'apprenti a droit à une rémunération, laquelle dépendra de l'étape de
l'apprentissage et encore du secteur, et a une protection sur le plan de ses
conditions de travail.
Bien que l'évolution historique de la formation
et de la reconnaissance des qualifications professionnelles soit distincte dans
le secteur de la construction et plusieurs autres secteurs à prédominance
masculine, nous devons conclure que la protection qu'offre le droit du travail
aux stagiaires dans plusieurs secteurs à prédominance féminine est extrêmement faible comparativement à celle
offerte aux apprentis. Alors, nous estimons qu'il est vraiment impératif
que soit conduite une analyse différenciée selon les sexes, rigoureuse, afin de
mesurer l'impact réel du projet de loi sur l'égalité des femmes. Ma collègue va
maintenant présenter sommairement nos recommandations. Merci.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Merci beaucoup, Stéphanie. Alors, nous formulons trois recommandations dans
notre mémoire, la première étant qu'en lieu et place d'une loi particulière
soit ajoutée une section, dans la Loi sur les normes du travail, portant sur
les stages. Depuis le début des travaux sur ce projet de loi, on entend
quelques fois parler de la difficulté d'intégrer la protection des stagiaires
dans la Loi sur les normes du travail, car il s'agit d'une relation
multipartite. Or, Il faut bien le souligner, en 2018, la Loi sur les normes du
travail a été modifiée pour y voir ajouter une section sur les agences de
placement de personnel, dont le recours, évidemment, entraîne dans son sillage
une relation tripartite.
Ce que nous proposons, c'est qu'à l'instar de
l'article 92.7 de la Loi sur les normes du travail, laquelle figure dans
la section qui porte sur le placement de personnel... donc à l'instar,
évidemment, de cet article-là, de faire une section sur
les stages, de faire... donc d'ajouter une section qui porte sur les stages
dans la Loi sur les normes du travail. Cette
section pourrait contenir une disposition prévoyant que le gouvernement peut,
par règlement notamment, définir ce que constituent pour l'application
de la Loi sur les normes de travail un stage et une stagiaire, déterminer les
obligations qui incombent au milieu de travail qui accueille un stagiaire et à
l'établissement d'enseignement et/ou à l'ordre professionnel et prévoir toute
autre mesure visant à assurer la protection des droits des stagiaires.
Ce
que je viens de vous mentionner, c'est exactement ce que l'on retrouve en
matière d'agences de placement de personnel à l'article 92.7. Et, on le
sait, il y a un règlement, qui a été adopté en vertu cette disposition-là,
qui, justement, définit ces termes-là, prévoit les obligations de chacun des
partis. Alors, il faut aussi souligner que c'est la voie réglementaire qui a été préconisée par le droit du travail fédéral.
Le Règlement sur les normes relatives aux activités d'apprentissage en milieu de travail est adopté en
vertu de la partie III du Code canadien du travail et encadre, justement,
les droits et les obligations des
stagiaires, mais aussi, évidemment, des milieux de stage et des milieux
d'enseignement.
Notre deuxième
recommandation, et, celle-là, je pourrai y revenir dans la période d'échange,
c'est qu'en lieu et place de l'exclusion qui est prévue à l'article 3.5° de la Loi sur les normes du travail, et qui prévoit qu'un
étudiant qui travaille au cours de l'année
scolaire dans un établissement choisi par un établissement d'enseignement et en
vertu d'un programme d'initiation au travail approuvé par le ministère
de l'Éducation ou le ministère de l'Enseignement supérieur est exclu des
protections de la Loi sur les normes du travail, nous proposons que cette disposition-là
soit modifiée et que l'exclusion ne vise que
les stages d'observation. Mais c'est important qu'à l'instar des autres groupes
de salariés qui sont exclus à l'article 3 de la Loi sur les normes du
travail, certains droits prévus à la Loi sur les normes du travail soient
conférés aux personnes qui font un stage d'observation.
Alors, c'est
extrêmement important de souligner qu'à l'heure actuelle l'article 3.5° entraîne énormément de confusion. Qui sont les étudiants visés
par cette disposition? Qu'est-ce qu'un programme d'initiation au travail approuvé par le ministère de l'Éducation? C'est
une disposition qui entraîne de la confusion, et il convient de la modifier
pour la clarifier, pour exclure potentiellement les stages d'observation, tout
en conférant à ces stagiaires-là un certain socle de droits comme ceux prévus,
par exemple, au projet de loi n° 14.
• (16 h 10) •
Finalement, et je
vais terminer là-dessus, il faudrait que soit clarifié que la Loi sur les
normes du travail s'applique aux personnes qui effectuent ce qu'on appelle
communément dans la littérature un faux stage et introduire une disposition,
donc, dans la Loi sur les normes du travail, qui vise à lever toute ambiguïté à
cet égard-là. Et je vous renvoie à la
disposition prévue au Code canadien du travail à cet égard-là, qui clarifie que
les personnes qui effectuent un stage
dans le but d'acquérir des connaissances ou de l'expérience sans... et qui ne
sont pas inscrits à un programme d'études, bien, à ce moment-là, ils sont
couverts par l'ensemble des protections prévues à la partie III du Code
canadien du travail.
Alors, en conclusion,
c'est une initiative qu'il faut saluer, mais, à notre avis, qui est nécessaire,
mais qui est aussi nécessairement perfectible. Je vous remercie.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange avec
M. le ministre.
M. Boulet : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Mme Fecteau. Merci, Mme Bernstein. Bon,
évidemment, vous nous avez entretenus beaucoup de... puis je ne le fais pas en
mésestimant votre point de vue, là, beaucoup sur la forme, un peu moins sur le fond.
Sur la forme, moi, je ne suis pas de cet avis-là que ça crée de la confusion.
Évidemment, c'est un projet de loi qui crée un seuil minimal, qui confère un
régime de protection et des recours. Et on a tenu compte, après les
consultations des ordres professionnels, les établissements d'enseignement, que
les droits qui y sont conférés sont compatibles avec la variété puis
l'asymétrie des stages. Moi, je pourrais vous résumer ça simplement en disant
que l'article 2, qui définit la notion de salarié, permet à un stagiaire
salarié d'être couvert par la loi. Donc, pour être un salarié, vous le savez
aussi bien que moi, ça prend une prestation de travail effective, ça prend un
lien de subordination et ça prend une rémunération.
Vous faisiez état des
stages. Moi, la statistique que je mentionnais aujourd'hui, c'est :
88 % des stagiaires ne sont pas rémunérés au niveau professionnel et au
niveau collégial; 67 % ne le sont pas au niveau universitaire. Ça fait que
ceux qui sont des salariés peuvent être couverts par la loi, sauf évidemment,
vous le dites bien... tu sais, l'alinéa 5° de
l'article 3 exclut ceux qui sont dans un contexte d'initiation dans un
établissement qui est déterminé et choisi par son établissement d'enseignement.
Et ça, il n'y a pas de confusion, ça n'a jamais fait... J'ai fait vérifier, il
n'y a pas de décision de jurisprudence, il n'y a pas eu d'enjeu
d'interprétation ou d'application. Mais on dit que, même dans ce cas-là
exceptionnel, où c'est un salarié qui fait un programme d'initiation dans un
établissement choisi par son école, il
bénéficie quand même des dispositions en matière de harcèlement psychologique.
Donc, c'est certain que celui qui est un stagiaire salarié, qui n'est pas dans
l'acception de 3.5°, il peut bénéficier de la Loi sur les normes du
travail, et c'est deux régimes qui se concilient totalement.
Donc, moi, c'est ma
compréhension, je vous dirais que le caractère distinctif et particulier du
stagiaire, et ça, vous l'avez souligné à juste titre, il y a une relation
tripartite ou quadripartite, là, parce qu'on réfère au milieu de travail, au stagiaire, à l'établissement
d'enseignement ou la corporation professionnelle. Puis il n'y a rien
d'impossible, là, Mme Fecteau, on aurait pu amender la Loi sur les
normes du travail, mais ça aurait impliqué une gymnastique de rédaction
législative qui, à mon avis, est beaucoup plus complexe. Et là c'est simple,
c'est dans un régime qui est parallèle. Donc, moi, je n'y vois pas de
confusion. J'y vois au contraire plus de simplicité. Mais je vous dis ça avec
beaucoup, beaucoup de respect, là, parce que vous avez quand même souligné la
reconnaissance de la relation tripartite, avec les responsabilités qui en
découlent.
J'aimerais
ça peut-être que... Bon, puis là, Mme Bernstein, peut-être un élément, là,
quand vous référiez aux dommages moraux et punitifs, là, j'essayais de
retrouver l'article, là, mais vous lirez l'article 30 du projet de loi,
qui prévoit que les dispositions de la LNT
qui sont applicables à l'exercice d'un recours en cas de harcèlement
s'appliquent. Donc, ça concerne notamment 123.15 de la LNT, donc
l'octroi de dommages et intérêts punitifs et moraux aussi. Donc, c'est visé,
bien sûr, dans le contexte d'application du projet de loi n° 14.
Et là-dessus,
Mme Bernstein, peut-être que j'en ai perdu un bout, là, mais la
distinction entre l'apprenti et le stage, puis, bon, l'apprenti est avec un
compagnon, puis vous référiez au secteur de la construction, puis je n'étais
pas sûr que j'avais bien compris tout ce que vous avez expliqué. Est-ce que
vous pouvez me donner des explications additionnelles ou m'éclaircir un peu
plus?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Merci
beaucoup pour votre question, M. le ministre. Je vais répondre en sectionnant
un peu vos commentaires.
D'abord
sur l'article 3.5°, la raison pour laquelle on estime que l'ajout
d'une loi du travail visant explicitement les stagiaires, sans modifier la Loi
sur les normes du travail, va ajouter de la complexité, de l'ambiguïté
s'articule, justement, autour notamment de l'article 3.5°.
Et vous l'avez dit, il n'y en a pas, de jurisprudence, et cette disposition-là
est interprétée, on l'a vu dans les
différents mémoires qui ont été déposés, de différentes façons par différentes
parties prenantes.
Et je réfère quand
même au guide, au guide d'interprétation produit par la CNESST, qui mentionne
explicitement que, l'article 3.5°, il faut faire une
distinction entre un étudiant au sens du paragraphe 5°
de l'article 3 et un stagiaire dans le cadre d'un stage de formation. Donc, déjà,
il faut faire la différence entre ces deux types de stagiaires là ou
d'étudiants stagiaires là. Maintenant, donc, et la question demeure, qui est
l'étudiant qui est exclu par l'article 3.5°?
Qu'est-ce qu'un programme d'initiation? Il faut que ce soit fait pendant
l'année scolaire. Donc, il reste quand même une certaine ambiguïté sur quel
groupe de stagiaires étudiants est exclu par l'article 3.5°.
Ensuite, vous
soulevez, M. le ministre, le fait que, dans le projet de loi n° 14, on
parle du fait que le stagiaire peut être rémunéré ou pas. Oui, tout à fait, la
définition de stagiaire prévoit que ça peut être salarié ou non, c'est tout à
fait vrai. Mais c'est ça, de notre point de vue, qui entraîne de l'ambiguïté et
de la confusion, c'est la définition très, très
large de la notion de stage, où on a autant le stage d'observation que le stage
de mise en oeuvre des compétences. Les stages d'observation et de mise
en oeuvre des compétences, vous le savez comme moi, ce sont des stages très
différents. Le coefficient d'intégration dans l'entreprise varie, la durée
varie. Comment le milieu de stage profite ou non du travail qui est fait par le
stagiaire, ça varie énormément.
Mais ce qui est
important de souligner, c'est que, si, le stagiaire rémunéré, son socle de
protection ou les protections auxquelles ils ont droit, c'est celles qui sont
prévues au projet de loi n° 14, bien, on fait face, à notre avis, M. le
ministre, à un recul par rapport à la situation actuelle. Parce que la Loi sur
les normes du travail, pour un grand nombre de stagiaires qui effectuent une
prestation effective de travail, qui sont subordonnés juridiquement à leurs
milieux de stage, qui sont rémunérés, possiblement, aussi, peuvent jouir de la
plupart des protections prévues à la Loi sur les normes du travail. Si,
évidemment, ils effectuent un stage dans le cadre d'une formation
professionnelle prévue par une loi, ils sont
exclus de l'application du salaire minimum et du droit au congé annuel, ça,
c'est vrai, mais l'ensemble des autres protections, dont le droit à la
rémunération, même si ce n'est pas nécessairement le salaire minimum, ils y ont
droit.
Donc, c'est quand
même... et je pense que c'est là où le bât blesse et c'est là que la confusion
peut s'installer, en mettant en place un régime parallèle à la Loi sur les
normes du travail, qui embrasse très largement la notion de stage et très largement la notion de stagiaire,
sans modification de la Loi sur les normes du travail. La difficulté
d'articulation entre ces deux lois-là, sur le plan de l'interprétation,
risque d'intervenir. Et, à mon avis, ça va être un casse-tête autant pour la
CNESST, quand elle va être mise en charge de mettre en oeuvre cette loi-là, que
pour les stagiaires qui doivent naviguer dans ce paysage législatif et de normes,
qui est déjà d'une complexité assez effarante.
Donc,
c'est pour ça qu'on... et, encore une fois, on salue les protections qui sont
prévues au projet de loi n° 14 pour un bon nombre de stagiaires qui
n'en avaient aucune, mais on estime qu'à l'instar de ce qui a été fait par...
pour les agences de placement de personnel... et j'insiste là-dessus parce que
le choix aurait pu être, pour les agences, de faire
une loi à part, on a choisi d'inclure une section dans la Loi sur les normes du
travail, d'adopter un règlement pour plus de flexibilité, pour encadrer
les activités des agences, les obligations des entreprises clientes. Ce qu'on
estime, bien humblement, M. le ministre, c'est que c'est ça qui aurait pu être
considéré aussi pour les stagiaires, en lieu et place, M. le ministre, de faire
une loi spéciale. Je vais laisser ma collègue Berstein répondre.
• (16 h 20) •
Mme Bernstein
(Stéphanie) : Oui. Merci beaucoup pour vos questions. Je vais
continuer sur la ligne de... la question de la confusion qui peut être apportée
par le projet de loi.
Alors, commençons par
la question du harcèlement psychologique et la réparation pécuniaire. Alors, le
projet de loi ne prévoit pas nommément la possibilité d'octroi de dommages
moraux, ou punitifs, ou monétaires, alors que la
Loi sur les normes du travail le prévoit expressément à l'article 123.15,
paragraphe 4°. Alors, cela veut dire qu'une personne qui
fait un stage, subit du harcèlement sexuel, un stage d'observation, cette
personne, finalement, reçoit un message ambigu à ce qu'une stagiaire victime de
harcèlement sexuel dans son milieu de stage a moins droit à une réparation en vertu du projet de loi qu'elle
aurait en vertu de la charte québécoise, qui interdit notamment le harcèlement
sexuel, dans le cas de harcèlement discriminatoire, dans l'apprentissage et la
formation professionnelle.
Alors, c'est
finalement l'absence de la possibilité. Vous avez entièrement raison, on parle
de «notamment» dans l'énumération d'ordonnances, mais le message est
ambigu puisqu'il y a cette différence avec la Loi sur les normes du travail.
En...
M. Boulet :
O.K., on va... Oui, allez-y.
Mme Bernstein (Stéphanie) : Sur ce
point, est-ce que vous voulez intervenir?
M.
Boulet : Non, mais, si ça
mérite d'être précisé, on... Je pense que c'est un commentaire qui est
intéressant, parce qu'on a la même compréhension. Mais, si vous achevez, oui,
j'aurai peut-être deux autres questions à vous soumettre.
Mme Bernstein (Stéphanie) : D'accord.
Alors, sur la question de la comparaison avec les apprentis, nous convenons
qu'il y a un système différent de qualification professionnelle et de
reconnaissance de cette qualification. Toutefois, il y a des similitudes
notables, notamment pour les personnes qui font des stages où ils mettent en
oeuvre et acquièrent des compétences. Et on pense aux apprentis qui... bon, il
y a toute une... Il y a des apprentis dans différents milieux, pas uniquement
dans la construction. Les salariés de garage, par exemple, il y a un système
d'apprentissage. Mais, dès le début de l'apprentissage, les apprentis sont
rémunérés et bénéficient d'à peu près des mêmes
conditions de travail que les autres personnes qui effectuent ce travail.
Alors, on voit la différence entre les secteurs à prédominance masculine
et féminine. Alors, bon, il y a des trajectoires différentes pour qu'il y ait
reconnaissance des compétences, mais finalement l'activité de travail est
semblable.
M. Boulet : Ah! tout à fait. Je
voulais simplement refaire un commentaire. Moi, ça m'apparaît très simple,
hein, parce que, si c'est deux lois côte à côte, si un stagiaire est salarié,
répond à la définition de salarié qui est à l'article 2 puis qu'il peut
bénéficier de droits supérieurs, il peut bien sûr s'inspirer de la Loi sur les
normes du travail, sauf, évidemment, s'il est dans l'exception de 3.5°, et, en ce cas, il ne bénéficie que de la protection du
harcèlement psychologique, là. Puis c'est quand même... je disais les chiffres,
88 %, ça veut dire 12 % qui sont des salariés, présumément. Mais, dans ce 12 % là, il y en a
peut-être un pourcentage qui sont dans 3.5°. Et,
au niveau universitaire, si c'est 33 %, il y en a certainement un
pourcentage aussi qui est dans 3.5°, là. Ça fait que ça
confère une protection, quand même, qui est assez élargie, et les deux lois
sont parfaitement compatibles et, selon moi, conciliables l'une avec l'autre.
Je voulais simplement vous poser deux... bien,
deux, peut-être, dernières questions à répondre rapidement. Est-ce que vous
considérez qu'il y a certains congés... Parce que je comprends qu'on parle
beaucoup de forme, un peu moins de fond, puis, sur la forme, je comprends
qu'avoir fait une section particulière dans la LNT ça ouvre la porte à la
rémunération puis aux congés de longue durée, ce qui n'était pas... un des
éléments qui n'étaient pas souhaités dans le cadre du projet de loi n° 14.
Mais est-ce que vous considérez qu'il y a certains congés qui ne devraient ou
ne pourraient pas être accordés à des stagiaires, en raison de la durée de
leurs stages? Parce qu'on sait très bien qu'il y a énormément de stages, au
niveau professionnel, technique, collégial et même universitaire, qui sont de
très courte durée. Quelle est votre approche par rapport au congé de longue
durée? Peut-être Mme Fecteau ou Mme Bernstein, là.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Je
peux y aller. Écoutez, de notre point de vue, pour ce qui est des congés longs,
vous avez beaucoup fait l'analogie avec ce qui se passait dans les milieux
d'enseignement dans le cadre d'un programme, hein, on chemine dans un
programme, il nous arrive un congé de maladie, ou parfois même un congé de
paternité, ou un congé de maternité, il y a une diversité d'arrangements avec
les institutions d'enseignement qui peuvent intervenir, hein? Si on doit
suspendre nos études parce qu'on est en congé de maternité ou parce qu'on est
ponctuellement en congé maladie, on va prendre soit un arrangement avec notre
professeur ou un arrangement avec l'institution d'enseignement pour suspendre
le programme d'enseignement et le reprendre là où on l'a arrêté. À notre avis, il
n'y a pas d'obstacle majeur.
Évidemment, après ça, il y a une diversité et
une... c'est très hétérogène, les stages ou les milieux de stage qui
accueillent des stagiaires. Mais il n'y a pas à proprement dit une... il n'y
aurait pas une objection de principe à octroyer des congés longs à l'ensemble
des stagiaires. Après ça, quand il y a des problèmes ponctuels qui se posent,
par exemple un milieu de stage qui ne peut pas réaccueillir le stagiaire pour
x, y raisons, bien, à ce moment-là, et ça, on
le salue, M. le ministre, c'est aussi au milieu d'enseignement à venir un peu à
la rescousse pour essayer de replacer la personne, peut-être, dans un
autre milieu de stage ou essayer que la personne ne soit pas pénalisée sur le
plan de sa trajectoire d'études.
Donc, en soi, à notre avis, pour résumer, il n'y
a pas d'objection à ce que des congés longs soient octroyés. S'il y a des
problèmes ponctuels qui se posent, bien, à ce moment-là, ce qu'il va devoir
faire, c'est... comme c'est déjà prévu, que
le milieu d'enseignement collabore avec le stagiaire ou la stagiaire et le
milieu d'accueil pour assurer, justement, de pallier aux problèmes
ponctuels qui pourraient se poser. Donc, il n'y a pas, à notre avis...
M. Boulet : Je suis assez d'accord
avec vous. Ça nous ramène à la notion, puis vous l'avez probablement souvent
entendue, d'accommodement raisonnable. Les corporations professionnelles le
font. Expliquez-moi donc, aussi, à l'UQAM,
si quelqu'un entreprend une session, celle d'automne, par exemple, puis, au
bout d'un mois et demi, doit prendre
un congé ou doit s'absenter pour une période plus longue, quelle est l'attitude
de l'UQAM? Est-ce qu'on annule la session puis on la reprend ou il y a
un accompagnement personnalisé? Comment ça marche, Mme Fecteau?
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
10 secondes.
Mme
Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Je vous dirais que — en
10 secondes — c'est
du cas par cas, selon la cause de l'absence...
M. Boulet : Ah! ça, j'aime ça. Je
suis assez... Oui, c'est du cas par cas.
Mme
Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Non, mais c'est différents arrangements, c'est des arrangements institutionnels
qui peuvent être pris avec le professeur, avec le département ou parfois
avec les institutions, dépendamment de la nature
de l'absence. Et c'est difficile, pour moi, ici, de vous formuler une règle
générale d'application pour l'ensemble de l'institution.
M. Boulet : Parce qu'il y a
tellement une immense diversité dans la nature et la forme des stages. Oui, je
vous comprends bien.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Je
vais conclure là-dessus, c'est pour ça, M. le ministre, qu'à notre avis il n'y
a pas d'opposition à ce que les congés longs soient octroyés, à condition qu'on
reconnaisse l'importance du rôle du milieu d'enseignement pour, justement,
appuyer des problèmes qui peuvent survenir.
M. Boulet : Dans la mesure où ça
peut se faire, effectivement. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Viau.
M.
Benjamin : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Me Gesualdi-Fecteau et Me Bernstein, pour votre
présentation, donc, pour votre mémoire. Vous êtes des professeures de droit,
donc vous... je vais vous demander, pour nous, pour le bénéfice des gens qui
nous écoutent ou qui nous regardent, de faire office de pédagogie,
notamment en nous parlant des faux stages. En quoi consistent les faux stages?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Alors,
les faux stages ne sont... évidemment, ce n'est pas une notion juridique, c'est
une notion qui a été élaborée, bon, par la littérature et qui a été identifiée
comme étant un stage qui s'effectue à l'extérieur des programmes de formation,
donc après qu'on ait diplômé, typiquement, ou alors qu'on arrive dans un
processus migratoire, par exemple, dans une trajectoire migratoire, qu'on
arrive au Québec ou au Canada et que, pour s'insérer en emploi, on fasse un
stage dans un milieu de travail pour, justement, augmenter notre employabilité.
C'est vraiment de ça dont on parle quand on parle d'un faux stage.
Et typiquement qu'est-ce qui se passe quand un
faux stage est réalisé, bien, c'est qu'en fait on remplace une personne
salariée, on fait le travail qu'une personne salariée ferait normalement, à peu
près l'entièreté de ses tâches, à peu près,
je dis bien, et en contrepartie de quoi nous ne sommes généralement pas
rémunérés. Et c'est là où le bât blesse.
Et là je voudrais quand même souligner ici que
ça risque d'être une catégorie qui va être en émergence dans les prochaines
années, parce qu'il y a un programme fédéral de migration temporaire qui a été
mis en place, à travers le Programme de mobilité internationale, qui permet le
recrutement, par des employeurs québécois et canadiens, de stagiaires qui
obtiennent un permis de travail fermé, donc lié à un employeur unique, et qui
viennent ici pour réaliser un stage et qui n'a pas besoin d'être rémunéré. Et,
pour nous, à notre avis, ça ouvre la porte à des situations d'abus, à une
augmentation du nombre de stagiaires dans une situation de précarité économique
importante.
M.
Benjamin : Donc, est-ce que le projet de loi que nous avons
devant nous, le projet de loi n° 14, par rapport aux enjeux des
faux stages, vient combler un vide ou bien est-ce que... n'améliore rien à la
situation?
• (16 h 30) •
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Le
projet de loi que vous avez étudié présentement ne vise pas la question des faux stages, vise de façon précise les stages
qui se font en lien avec un programme de formation ou pour l'obtention
d'un titre professionnel, donc ça ne vise pas les stages. Mais on profite de
l'occasion pour souligner aux membres de la
commission que cette question-là devrait être explicitement envisagée dans la
Loi sur les normes du travail, comme ce
que le Code canadien du travail a fait dans la partie III, pour souligner
que ces stages-là sont, en fait, une prestation de travail qui doit
faire l'objet de l'ensemble des protections prévues à la loi.
M. Benjamin : Vous avez rapidement
évoqué tout à l'heure la situation au fédéral. Est-ce que je dois comprendre
qu'un jeune Québécois ou une jeune Québécoise qui fait un stage dans une
entreprise de compétence fédérale n'a pas les mêmes avantages ou a plus
d'avantages qu'une jeune stagiaire québécoise qui ferait un stage dans une entreprise de compétence québécoise mais
en vertu... par rapport à ce projet de loi, s'il serait adopté tel quel?
Quelle est la situation?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Alors, comme vous savez, là, les stagiaires qui sont régis par le Code canadien
du travail et ses règlements sont les stagiaires qui font un stage dans une
entreprise de compétence fédérale. Donc, ça
représente, bon an, mal an, environ 10 % de la main-d'oeuvre, en général,
donc c'est une proportion plus petite de
stagiaires. Mais, effectivement, leurs droits vont être régis par... s'ils font
un stage qui est encadré par un programme d'enseignement, un programme
de formation, par le Règlement sur les normes relatives aux activités
d'apprentissage en milieu de travail, et l'ensemble des normes, ou à peu près,
de la partie III du Code canadien s'appliquent, sauf le salaire
minimum et certaines normes en matière de durée du travail. Mais, pour
l'ensemble, il n'y a pas une loi spéciale qui est mise en place, c'est un
règlement adopté en vertu de la partie III du Code canadien du travail.
M. Benjamin : Merci. À la
page 10 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous nous dites :
«Toutes les exceptions à ces règles doivent être interprétées restrictivement,
c'est-à-dire "qu'elles ne doivent pas être étendues aux cas non formellement prévus par la loi."»
Pouvez-vous nous donner quelques explications par rapport à ce paragraphe?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : C'est
un principe... En fait, comme c'est une loi d'ordre public à caractère social,
ce qui est depuis toujours convenu, c'est que toutes les exceptions, toutes les
exclusions dans la loi doivent être interprétées restrictivement. Et l'exemple
qu'on vous cite, ici, c'est l'exemple de l'article 3.5° de
la loi qui, donc, exclut les étudiants qui
réalisent, donc, un programme d'initiation au travail approuvé par un des
ministères. Donc, c'est une exclusion de protection prévue par la loi,
mais l'interprétation de cette exclusion-là doit être interprétée de façon
restrictive. Donc, ce que l'on dit, en quelque sorte, c'est qu'on ne peut pas
conclure que, par l'effet de 3.5°, l'ensemble des stagiaires étudiants sont
privés des protections prévues par la Loi sur les normes du travail.
M.
Benjamin : J'ai entendu avec
beaucoup d'intérêt vos premiers commentaires, notamment des commentaires où il
y a une de vos recommandations pour ce qui est de la Loi sur les normes du
travail. J'aimerais savoir : Est-ce que... Avez-vous
l'impression... Le projet de loi qu'on a devant nous, est-ce que c'est un
projet de loi, selon vous, qui permet de faire des avancées ou, du moins, si on
fait du surplace avec ce projet de loi?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Alors, comme on l'a mentionné, à notre avis, le fait de protéger, d'offrir un socle de protection aux personnes qui font un
stage d'observation est une avancée importante. Ces stagiaires-là, il était
peu probable qu'ils soient considérés comme
des salariés au sens de la Loi sur les normes du travail. Donc, en ce sens,
on salue cette initiative-là.
Ce sur quoi on insiste dans notre mémoire et
aujourd'hui devant vous, c'est que le droit du travail, on ne vous apprend
rien, est un ensemble excessivement complexe. C'est un agencement d'une
pluralité de lois. D'ajouter une nouvelle loi du travail qui doit se lire en
conjonction avec la Loi sur les normes du travail, ça ajoute un étage à l'édifice de la complexité. Et, à notre avis, il
va y avoir des enjeux d'effectivité du droit et d'interprétation des normes
juridiques qui vont causer des soucis, à notre avis, et c'est notre avis, à
plusieurs acteurs, que ce soient les tribunaux, la CNESST, mais, au premier
chef, les personnes qu'on est censés protéger, c'est-à-dire les stagiaires. Et
c'est ça qui nous préoccupe dans la complexité, et c'est l'avis qu'on a,
ajouter... L'ambiguïté qu'ajoute le projet de loi n° 14 dans l'interprétation qu'il faut en faire avec la Loi
sur les normes, c'est que les stagiaires aient de la difficulté à s'y retrouver
après pour savoir : Suis-je un stagiaire qui pourrait jouir des
protections prévues à la Loi sur les normes du travail ou suis-je un stagiaire
qui ne peut jouir que des protections prévues au projet de loi n° 14?
M.
Benjamin : Un peu plus tôt
aujourd'hui, les membres du conseil... les représentants du Conseil
interprofessionnel du Québec nous ont clairement fait la différenciation dans
leur mémoire, à savoir : les stagiaires étudiants, c'est une chose, et les
stagiaires employés... Est-ce que vous, vous faites cette différence aussi?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Alors, évidemment, nous, notre analyse se fait du point de vue du droit du
travail. Donc, pour que la Loi sur les normes s'applique, il faut être un
salarié au sens de cette loi-là et ne pas être visé par une exclusion prévue à
l'article 3 de la Loi sur les normes du travail. Donc, pour être un
salarié au sens de la Loi sur les normes du
travail, il faut... bien, il faut qu'on retrouve les critères d'un contrat de
travail, dont, typiquement, la subordination juridique et la
rémunération. Mais, j'insiste là-dessus, M. le député, il y a eu des cas, et il
y a de la jurisprudence sur cette question-là, où une personne n'avait pas de
rémunération et s'est vu octroyer le statut de salarié au sens de la Loi sur
les normes du travail. Et ça, c'est bien important de le souligner, il y a des
personnes qui ne sont pas payées pour ce
qu'elles font pour différentes raisons et, par une contestation judiciaire, se
sont vu octroyer le statut de salarié
parce qu'on a considéré qu'on était en présence de la plupart des critères, là,
d'un contrat de travail.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste deux minutes, si vous voulez.
M.
Benjamin : Deux minutes? Ah!
c'est beau, c'est pas mal. Écoutez, ma prochaine question, c'est sur l'enjeu de
la rémunération. Certains groupes sont venus nous dire : C'est important
de poser cette question-là, c'est un débat qui ne doit pas être fermé.
Donc, quelle est votre lecture de cet enjeu?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Je
vais laisser ma collègue intervenir là-dessus.
(Interruption)
M. Benjamin : Ah! votre micro.
Mme Bernstein (Stéphanie) : Alors,
sur la question de la rémunération, si on revient avec notre analogie avec les apprentis qui sont rémunérés dans un
cadre d'apprentissage où ils sont sur la... sous la surveillance de personnes
plus expérimentées, ces personnes sont rémunérées. Aussi, la question, c'est...
Le travail est effectué au bénéfice d'un employeur,
d'accord? Alors, lorsqu'on parle du stage d'acquisition de compétences et aussi
de mise en oeuvre des compétences, ce travail est effectué au bénéfice de
l'employeur même si le stagiaire est en apprentissage. On le sait, un nouvel
employé est également en phase d'apprentissage au début de l'emploi, mais cette
personne doit être rémunérée. Aussi, la question de la rémunération, rappelons
qu'une rémunération peut être versée sous différentes formes. La notion de
salaire, dans la Loi sur les normes du travail, est très large. Alors, on n'a
pas de position comme telle par rapport à la forme de la rémunération, mais
nous considérons que, lorsque le travail est effectué au bénéfice de l'employeur,
les stagiaires doivent être rémunérés.
M. Benjamin : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, à vous deux.
Content de pouvoir vous entendre en commission. J'ai une question à deux
volets sur le concept de l'effectivité du droit.
Premier
volet, le ministre, tantôt, disait : Ah bien! dans les deux lois qui se
superposent, il n'y a pas de problème, ça va être capable de se conjuguer.
Mme Gesualdi-Fecteau, vous faisiez référence au fait que ça allait être
compliqué de s'y retrouver pour un ou une stagiaire. Est-ce qu'on a donc
un angle mort ici, peut-être, du projet de loi, sur l'effectivité du droit?
Et l'autre aspect de la question, toujours sur
l'effectivité, il y a des groupes qui vous ont précédés, hier puis aujourd'hui,
qui réclamaient de pouvoir introduire une requête au nom d'un stagiaire, qui ne
sont pas syndiqués, par la force des choses, donc une association étudiante ou
un groupe, un OSBL, etc. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait contribuer
à rendre plus effectif, donc, ce nouveau droit qu'on est en train de créer
aujourd'hui?
• (16 h 40) •
Mme Gesualdi-Fecteau
(Dalia) : Alors, à notre
avis, effectivement, il y a un enjeu d'effectivité du droit. Pourquoi?
Parce que prenons l'exemple d'un stagiaire qui, par exemple, recevrait une
compensation, donc, une compensation, une
rémunération sous différentes formes, qui effectue un stage assez long, un
important coefficient d'intégration dans le milieu de stage, et cette
personne-là doit s'interroger : Est-ce que je suis visé par la Loi sur les
normes du travail ou suis-je seulement
protégé par le projet de loi n° 14? La définition de stagiaire, dans le
projet de loi n° 14, mentionne «salarié ou non». Donc, il y a déjà
là une confusion, hein, qui peut être entraînée par cette définition qu'on a
mise, de stagiaire, et moi... De notre point de vue, les stagiaires qui vont
être confrontés à cette situation-là vont avoir de la difficulté à s'y
retrouver.
Est-ce que c'est réaliste de penser qu'en
donnant des outils à un tiers pour faire de l'accompagnement et
d'éventuellement, peut-être, de la représentation... Quoiqu'on comprend que la
CNESST, division normes du travail, pourrait encore représenter en cas de
litige. Est-ce que ça pourrait aider? Certainement, mais il n'en demeure pas
moins que, si on veut garder une intelligibilité interne au droit du travail,
ça nous semble plus opportun d'avoir une section, dans la Loi sur les normes du
travail, qui prévoit ces droits-là que d'avoir une loi à part, parce que,
malgré l'accompagnement, malgré la représentation, il faut que les bénéficiaires
du droit, qui sont ici les stagiaires, puissent comprendre et se démêler à
travers cet important faisceau de droits qui s'entremêlent, finalement. Donc,
il est là, l'enjeu d'effectivité du droit.
Évidemment, l'accompagnement qu'on peut donner au
stagiaire peut aider, mais ce n'est pas une solution pour pallier à une
complexité qu'on ajoute par ce projet de loi là. Donc, c'est pour ça qu'encore
une fois on suggère de considérer l'ajout d'une section dans la Loi sur les
normes du travail pour avoir une cohérence interne, dans cette loi-là, des
droits qui s'appliquent aux différentes catégories de travailleurs et de
travailleuses.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui, bonjour,
mesdames. Merci infiniment pour votre mémoire et votre présentation, ma foi,
très, très claire et dynamique.
Je veux revenir encore une fois sur cette
intégration que vous suggérez dans la Loi sur les normes du travail. Et, tout à l'heure, vous avez fait mention de
l'exemple de 2018 avec le dossier des agences de placement des travailleurs
étrangers temporaires, et là vous avez dit : Bien, nous, on propose, au
fond, de faire une section dans la Loi sur les normes du travail. Et, là où
j'ai une certaine réserve, puis je veux que vous me précisiez votre pensée,
j'ai senti que vous faisiez une proposition
donnant quand même un certain pouvoir réglementaire au ministre en
disant : Bien, ça sera au gouvernement de définir dans des
règlements quel encadrement pour les stagiaires, donc mentionner les stagiaires
dans la LNT, mais ensuite y aller par
pouvoir réglementaire. Vous comprenez que moi, je garde une réserve sur le
pouvoir réglementaire. Je ne suis pas
contre le principe de l'intégrer dans la LNT, mais je pense qu'il faut le
détailler davantage. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Gesualdi-Fecteau
(Dalia) : Merci beaucoup de votre question, M. le député. On partage
tout à fait votre ambivalence vis-à-vis des règlements et on le comprend tout à
fait. Ceci étant dit, juste pour la question de l'opportunité d'encadrer ça par voie
réglementaire, les stages sont quelque chose qui bouge rapidement, qui se
transforme très rapidement, selon le marché du travail, selon les programmes de
formation et d'enseignement. Un règlement est un outil de régulation
flexible qui permet d'être changé plus rapidement pour faire face aux
différents changements qui surviennent. Ce
qu'on propose, M. le député, c'est de calquer, en quelque sorte,
l'article 92.7 de la Loi sur les normes du travail, qui prévoit qu'un
règlement, justement, peut être adopté pour prévoir... pour définir, par
exemple, qu'est-ce qu'une agence de placement, qu'est-ce qu'une
entreprise cliente, définir les droits et les obligations d'une agence, d'une
entreprise cliente, de faire la même chose pour le stage, pour le milieu
d'enseignement, et donc de prévoir une section avec un renvoi dans un règlement.
M. Gaudreault : Vous comprenez que c'est peut-être plus flexible,
mais en même temps c'est plus soumis au pouvoir discrétionnaire d'un gouvernement qui peut changer au gré des
élections et qui pourrait être moins sympathique, par exemple, à la protection
des stagiaires.
Avec les quelques
secondes qui nous restent, avez-vous un bel exemple de bonnes pratiques
internationales à nous recommander? J'ai vu que la France a quand même un
certain nombre de protections à l'égard des stagiaires. Pour vous, là, c'est
quoi, le meilleur modèle, à l'échelle internationale, qui pourrait nous
inspirer?
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Rapidement.
Mme Gesualdi-Fecteau
(Dalia) : Alors, je vous dirais que, pour la France, la France est
allée encore plus loin, a réglementé la question des faux stages. Mais je vous
dirais que, plus proche de chez nous, je recommanderais de regarder peut-être
ce qui se fait du côté du Code canadien du travail avec le règlement,
justement, qui a été adopté en vertu de la partie III du Code canadien, et
auquel on réfère dans notre mémoire.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci, Mme Gesualdi-Fecteau
ainsi que Mme Berstein. Merci pour votre collaboration et surtout
votre contribution aux travaux de la commission.
Alors, nous
allons suspendre quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 45)
(Reprise à 16 h 50)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous poursuivons avec le Conseil du patronat du
Québec, avec M. Blackburn et Mme Gagnon. Alors, je vous
invite, avant de commencer votre exposé, à bien vous présenter avec votre
titre.
Conseil du patronat du Québec
(CPQ)
M. Blackburn
(Karl) : Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil
du patronat du Québec.
Mme Gagnon (Karolyne) : Alors, Karolyne Gagnon, vice-présidente, Travail
et affaires juridiques, le Conseil du patronat du Québec. Bonjour à
tous.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, vous pouvez commencer votre
exposé.
M. Blackburn
(Karl) : Merci, Mme la Présidente. D'abord, c'est avec beaucoup
d'humilité, d'ouverture et de pragmatisme que je m'adresse à vous aujourd'hui.
Le Conseil du patronat du Québec remercie tout d'abord la Commission économie et travail de lui fournir
l'occasion de soumettre ses commentaires sur le projet de loi n° 14, Loi
visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail.
Pour le CPQ, la
formation menant à la diplomation et la certification de la main-d'oeuvre, le
développement des compétences ainsi que la mise à niveau des connaissances tout
au long de la vie active des travailleurs sont des éléments essentiels de la
productivité actuelle et future de nos entreprises et de la prospérité du
Québec. Nous sommes d'avis que le projet de loi vient combler une lacune sur le
plan de protection légale des stagiaires en milieu de travail. Il met en place
les bonnes conditions nécessaires à l'obtention d'un diplôme, d'une
certification ou d'un permis d'exercice, en plus de faciliter la transition des
stagiaires dans le milieu du travail.
Rappelons que, dans
le contexte actuel où la main-d'oeuvre se fait plus rare, il est d'autant plus
important que les employeurs, les
institutions d'enseignement et les ordres professionnels agissent en
collégialité au niveau des cursus d'études des futurs travailleurs. Il
faut cependant que les mesures qui sont mises en place par les gouvernements...
par le gouvernement prennent en compte les réalités propres à des milieux de
travail et permettent une certaine souplesse afin de pouvoir faciliter les
apprentissages et le développement des compétences.
Plus précisément, il
importe que le gouvernement demeure sensible aux différentes réalités afin de
continuer à encourager cette bonne pratique de collaboration. À cet effet, le
Conseil du patronat du Québec se doit de soulever quelques enjeux en lien avec certaines exigences contenues dans le
projet de loi, notamment en matière de responsabilité des entreprises et
de l'impact des absences sur la réussite du stage et l'obtention d'un diplôme,
d'une certification ou d'un permis d'exercice. Finalement, il y a également
lieu de se questionner sur le champ de pouvoirs que ce projet octroie au Tribunal du travail, le TAT, versus le
rôle et la mission du milieu de l'éducation et des ordres professionnels.
Permettez-moi maintenant
d'aborder plus en détail les éléments que je viens de mentionner. Tout d'abord,
au niveau de la responsabilité de l'employeur au regard des absences pendant le
stage et des enjeux de qualification, le projet
de loi n° 14 stipule que l'employeur doit prendre les moyens raisonnables
pour assurer que la réussite des études, de la formation du stagiaire ou de
l'obtention de son permis d'exercice ne soit pas compromise en raison de
l'exercice d'un droit. En vertu de cette disposition, l'employeur a la
responsabilité de prendre les moyens raisonnables pour que le stagiaire qui
exerce les droits qui lui sont conférés en vertu du projet de loi ne voie pas
sa formation de stagiaire compromise sans
égard au nombre de jours d'absence et aux modalités prévues pour la réussite de
ses études ou l'obtention de son diplôme.
Cette disposition ne tient pas compte des
particularités des milieux de travail et des contingences qui peuvent nécessiter la présence du stagiaire pour permettre
d'acquérir certains apprentissages nécessaires à son cursus académique. Dans les faits, l'employeur n'a aucun moyen
d'assurer que les occasions d'absence prises par un stagiaire ne pourront pas,
dans certaines circonstances, nuire à l'acquisition des connaissances
obligatoires requises par les établissements d'enseignement ou les
ordres professionnels. En fait, dans cette situation, l'employeur a peu de
leviers qui lui permettent d'ajuster la réalité des activités quotidiennes à la
présence ou l'absence du stagiaire. C'est encore plus vrai dans un contexte de
pénurie de main-d'oeuvre où les ressources sont limitées.
Par exemple, si l'entreprise travaille sur un
projet dont l'une des activités essentielles aux apprentissages se réalise à
une période déterminée et unique et que cette activité permet d'acquérir une
connaissance préalable aux activités qui suivront, l'employeur ne peut en être
imputable. Si l'article 4 du projet de loi vise principalement les mesures
de représailles contre le stagiaire dans le cadre de l'exercice de ses droits,
nous y souscrivons. Cependant, si, au
contraire, la responsabilité de l'employeur peut être engagée du fait que
l'exercice des droits du stagiaire ne lui a pas permis d'acquérir les
connaissances requises, nous devons alors soulever certains bémols.
Ces absences, dont le nombre peut être
déterminant dans le cadre de certains stages, ne sont aucunement subordonnées à
la réussite des exigences du stage et à une quelconque forme de reprise des
journées d'absence pour y satisfaire. Il repose entièrement sur l'employeur,
l'établissement d'enseignement ou encore l'ordre professionnel d'assurer que, nonobstant ces absences,
l'obtention du permis pour l'exercice de la profession ne soit pas compromise.
Or, l'employeur ne détermine aucunement les exigences du programme de
formation. Il n'est donc pas à même de mesurer
ou de s'assurer que le nombre d'absences n'aura pas d'impact sur la qualité et
la suffisance des apprentissages dans le milieu du travail.
Les périodes d'évaluation d'un stage sont
généralement déterminées afin que la personne qui précède... qui procède à son
évaluation, pardon, puisse être à même d'apprécier, par exemple, le
développement des compétences du savoir, du savoir-faire et du savoir-être.
L'ensemble des exigences qui sont soit déterminées par l'établissement
d'enseignement ou l'ordre professionnel se doivent d'être respectées par le
responsable du stage. Le CPQ soumet à cette commission que le projet de loi
devrait inclure une disposition précise à cet effet afin que l'exercice d'un
droit qui résulte de la loi ne mette en péril la validité et la conformité du
stage.
Le CPQ reconnaît la pertinence de prévoir
certains congés pour permettre au stagiaire de s'absenter du travail en raison
de sa santé et autres motifs qui font partie des aléas de la vie courante. Il
est toutefois important que l'encadrement législatif mis en place prenne en
considération le contexte ainsi que les contraintes particulières des milieux
de travail. Ainsi, il faut que le moment, le nombre et la durée de ces congés
ne dénaturent pas les objectifs du stage en regard des critères qui sont
déterminés par l'établissement d'enseignement ou de l'ordre professionnel.
Dans le même ordre d'idées, il serait hasardeux
de tenir un employeur responsable d'une situation sur laquelle il n'a pas ou
très peu de contrôle. De fait, il appartient au stagiaire d'assumer les
conséquences probables de son degré d'assiduité et de participation à toutes
les activités propres et nécessaires à la réussite de son stage. Il est tenu
responsable de la réussite de son stage, de ses études, la formation et
l'obtention de son permis d'exercice. Il doit comprendre que le nombre
d'absences pourrait effectivement compromettre son stage.
Dans un
premier temps, les milieux de travail possèdent, pour la plupart, un cadre
particulier et limité à l'intérieur duquel l'étudiant est invité à effectuer un
stage. Les droits exercés par le stagiaire quant au nombre d'occasions
d'absence et leur durée ne devraient pas nécessiter une réorganisation des
paramètres de l'entente du stage, s'il y a lieu, à moins que l'employeur, le
stagiaire, l'établissement d'enseignement ou l'ordre professionnel n'y
consente.
Le CPQ considère qu'il est essentiel que les
employeurs prennent les moyens raisonnables, concernant le harcèlement psychologique, pour prévenir et faire
cesser le harcèlement psychologique tel qu'édicté dans
l'article 81.19 de la Loi sur les normes du travail. D'ailleurs, la
politique de l'entreprise à cet effet, qui est en vigueur dans tous les milieux
de travail depuis le 1er janvier 2019, est rédigée de manière telle
qu'elle vise généralement, d'ores et déjà, les stagiaires. L'article 19 du
projet de loi n° 14 diffère cependant légèrement des dispositions législatives
énoncées à la LNT, ce qui peut à la fois porter à confusion quant aux
obligations des employeurs à cet effet et également créer des difficultés
d'interprétation et d'application dans les milieux du travail. Nous proposons
donc de modifier le premier paragraphe de l'article 19 du projet de loi
pour éviter la confusion.
Pour finir, j'aborderai les pouvoirs du Tribunal
administratif du travail, le TAT. Le projet de loi n° 14 prévoit que la
CNESST peut représenter un stagiaire qui ne fait pas partie d'un groupement de
salariés visés par une accréditation dans le cadre des recours à l'encontre
d'une pratique interdite, dont, entre autres, pour le non-respect des
dispositions de l'article 4 dudit projet, si la réussite des études, la
formation et l'obtention d'un permis pour exercer une profession sont
compromises en raison de l'exercice d'un droit prévu par la loi.
Le CPQ est en accord avec ce soutien
supplémentaire offert au stagiaire dans l'exercice de ses droits mais se
questionne à savoir si les modalités de la formation, les critères visant à
évaluer la réussite ou non des études et les règles d'octroi des permis
d'exercice devraient être exercés par le Tribunal administratif du travail...
d'organismes de régulation ont un champ d'expertise plus
approprié, pourraient s'en charger, par exemple un stagiaire qui pourrait
s'adresser à la CNESST et se faire représenter par elle s'il juge qu'il n'a pas
obtenu son diplôme, car il a été absent, en vertu du projet de loi, lors
d'activités de formation nécessaires à l'acquisition des connaissances ou
encore lors d'une évaluation menant à son obtention. Les dispositions
législatives proposées par l'article 30 du projet de loi nous semblent
pertinentes quant aux situations en lien avec le droit du travail québécois
mais difficilement conciliables lorsqu'il s'agit d'une appréciation qui vise la
qualité ou la validité d'un stage.
En terminant, le CPQ recommande que la
juridiction du TAT se limite aux lois qui sont mentionnées au premier paragraphe de l'article 30, en
laissant les établissements d'enseignement ou les ordres professionnels le
pouvoir d'évaluation des stages de formation académique. Quoi qu'il en
soit, il importe de ne pas multiplier les instances juridictionnelles
impliquées. Merci de votre attention.
• (17 heures) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. Blackburn, pour votre exposé. Nous allons donc commencer
la période de questions avec M. le ministre.
M. Boulet : Oui, merci, Mme la
Présidente. D'abord, merci, Karl Blackburn, merci, Karolyne Gagnon. C'est un
beau mémoire. Puis je suis, encore une fois, fier de votre engagement pour le
monde patronal québécois et aussi heureux de constater que vous approuvez le
principe, les objectifs et que le projet de loi comble des lacunes. C'est une
loi qui vise à protéger le stagiaire. Il ne l'était pas, de façon très
incomplète, sauf dans les cas où le stagiaire était un salarié.
Évidemment, vous vous attendez à de la
flexibilité. Vous ne voulez pas que ce soit compliqué puis vous ne voulez pas que les employeurs assument une
responsabilité qui va au-delà de la mission que le milieu de travail a à
assumer dans une perspective de formation ou d'apprentissage. C'est la
raison pour laquelle on met beaucoup l'accent sur la relation tripartite.
Puis vous avez
noté, à l'article 4, que les responsabilités sont partagées, mais ce n'est
pas des responsabilités... ce n'est pas comme des responsabilités statutaires, c'est de prendre des moyens raisonnables. Mais,
ultimement... puis là j'aimerais ça vous entendre, M. Blackburn, parce que, je
pense, j'ai manqué un petit bout, vous dites : Tu sais, on veut
protéger les stagiaires qui vivraient un impact négatif en raison de l'exercice
d'un droit prévu dans le projet de loi n° 14. Puis, j'ai noté, vous avez
dit : L'exercice d'un droit ne met pas en péril... ou il ne faut pas
embarquer dans cette dynamique-là. Puis je n'étais pas certain... Est-ce que
vous pourriez juste préciser ce petit point là rapidement?
M.
Blackburn (Karl) : Oui,
effectivement, parce que ce qu'on considère... Puis je vais permettre à
Mme Gagnon, par la suite, de pouvoir en ajouter davantage, mais ce qu'on
considère, M. le ministre, c'est qu'effectivement, ce que vous avez
mentionné dans votre préambule, au niveau de la flexibilité et de la capacité
d'avoir une adaptation qui va permettre,
dépendamment du milieu de travail, dépendamment de l'organisation, est-ce que
c'est avec un ordre professionnel...
de permettre d'atteindre les objectifs que poursuit le stagiaire en termes de
compétences et d'augmenter sa capacité ou son apprentissage pour le
travail.
Et les propositions qu'on a faites, en fait, il
y en a trois vraiment très précises dans notre projet de loi. La
recommandation 1, par rapport à l'article 4, je pourrais demander à
Karolyne d'aller vraiment plus dans les détails concernant cette recommandation qu'on fait, et je suis convaincu que ça
va peut-être apporter des éclairages intéressants pour la question que
vous avez soulevée, M. le ministre.
Mme Gagnon (Karolyne) : Alors,
bonjour, M. le ministre, merci du temps que vous prenez pour nous entendre. En
fait, vous avez bien cerné, là, il y a deux dimensions qui ont été soulevées, à
savoir : oui, l'article 4 semble protéger puis veut protéger le stagiaire
qui ferait valoir des droits par rapport à certaines absences, par rapport à d'autres préoccupations puis d'autres
protections qui sont prévues dans le projet de loi, mais, si, par ailleurs, ces
droits qu'il fait valoir fait en sorte qu'il manque une partie des
apprentissages dans le milieu de travail, ce qu'on ne veut pas, c'est que la responsabilité puisse incomber à
l'employeur, puisque l'employeur, généralement, a une organisation du
travail qui ne s'adapte pas nécessairement, là, à la présence ou à l'absence
des travailleurs, mais bien à une régulation,
là. Comme on l'expliquait, si on fait une construction et puis que, lors de la
démolition, c'est un des éléments importants et que le stagiaire n'est pas là,
on ne voudrait pas se faire reprocher qu'on n'a pas permis qu'il ait cet
apprentissage-là parce que la personne était absente cette journée-là et
qu'on n'a pas repris une activité. Je ne crois pas que c'est l'objectif de la
loi...
M. Boulet : Tout à fait,
Karolyne.
Mme Gagnon (Karolyne) : ...mais,
si c'était le cas, il faudrait vraiment s'en prémunir puis dire : Il faut
considérer le milieu du travail, puis il ne faut pas que le milieu du travail
s'encadre en fonction des absences de tous et chacun, que ça soit des
travailleurs ou des stagiaires, parce que c'est vraiment un milieu de formation
pour les stagiaires.
M. Boulet : Et c'est l'immense
avantage du caractère tripartite ou quadripartite de la relation qui nous
concerne dans le projet de loi n° 14. Il y a le milieu de travail, qui est
l'employeur, il y a le stagiaire, il y a l'établissement d'enseignement et
l'ordre professionnel, là. Et, le cas échéant, c'est chaque... chacun des
acteurs ou chacun des partenaires a une responsabilité d'assurer un milieu de
stage qui se fait dans des conditions optimales.
Je veux juste... Un
dernier point, M. Blackburn, quand vous disiez : Il ne faudrait pas
que le TAT puisse s'arroger le pouvoir de déterminer ce qui relève de
l'expertise, par exemple, d'un établissement d'enseignement ou d'une
corporation professionnelle, je vous rassure, il y a un autre groupe qui m'a
interpelé là-dessus, puis, quand je lis l'article 30, pour moi, c'est de
retourner le dossier. Mais, sur le mérite de comment corriger un dossier
disciplinaire, ou d'accorder ou non un permis d'exercice, ou de modifier, on ne
dira pas... le Tribunal administratif du
travail n'aura pas ce pouvoir-là. Il sera, dans son ordonnance, contraint de
respecter l'expertise de chacun des partenaires, mais, si besoin, en
mai, on pourra préciser lors de l'étude détaillée. Mais, moi, ça m'apparaissait
relativement clair.
Maintenant, j'aimerais ça vous entendre... Quand
vous dites : Il y a des congés... Puis, bien, vous avez vu comment le
projet de loi est bâti, là, c'est des congés de courte durée, qui ne mettent
pas en péril la réussite du stage. On sait que 88 % des stagiaires, aux
niveaux professionnel et collégial, ne sont pas rémunérés. Au niveau
universitaire, c'est 67 %. Donc, c'est des congés de courte durée, c'est
des protections, surtout en matière de congés sociaux, des deuils, des
maladies, des naissances, ou des unions civiles, ou des mariages, ainsi que des
protections à l'égard du harcèlement psychologique ou sexuel. Parce que, moi,
c'est ce qui m'a... tu sais, quand j'avais rencontré les mouvements étudiants,
il y a trois ans, ça a été ma grande motivation, là. Puis ça, c'est une avancée
que les fédérations étudiantes saluent, évidemment. Mais vous dites, puis je
pense que je vous rejoins puis je vous comprends, mais j'aimerais ça... quand
vous dites : Il faut faire attention à la nature, la durée et le nombre de
congés, j'aimerais ça que vous soyez un peu plus spécifique. Qu'est-ce qui vous
apparaît un congé qui est trop long, qui peut mettre
en péril la réussite de la formation ou le continuum qui est souvent nécessaire
dans un processus d'apprentissage? J'aimerais ça vous entendre,
M. Blackburn : la nature, la durée des congés, par exemple.
M. Blackburn (Karl) : Votre
question est très intéressante, M. le ministre. D'abord, si on regarde la liste
de certains jours où les possibilités, là, de congé sont attribuées en fonction
des calendriers, en fonction de certaines fêtes,
etc., et ça rejoint également ce qui se retrouve sur les normes du travail,
alors c'est, je dirais, relativement la base.
L'exemple plus concret qu'on pourrait prendre,
où là on ne voit pas nécessairement de balises au niveau du projet de loi,
c'est au niveau, par exemple, des examens pour la grossesse ou en lien avec des
examens pour permettre justement à cette grossesse d'être... d'avoir un suivi
médical. On voit que la pratique courante dans de plus en plus de conventions
collectives, entres autres dans le monde du travail... peuvent déjà être
déterminées ou prédéterminés probablement à quatre demi-journées par année ou
six demi-journées par année ou par grossesse, pour s'assurer que le suivi médical puisse être fait. On ne retrouve pas
nécessairement cet encadrement dans le projet de loi.
Alors, ce qu'on propose ou ce qu'on mentionne,
c'est : Si le cas du législateur, c'est de s'assurer qu'il y a des
éléments qui soient raisonnables et qui permettent d'avoir une certaine
sécurité pour les stagiaires, bien, pourquoi ne pas avoir encadré cet aspect-là
particulièrement dans le projet de loi pour peut-être le calquer aux bonnes
pratiques qui se réalisent actuellement dans le monde du travail et qui
auraient été un peu dans la même direction que certaines journées qui ont été édictées qui, elles,
correspondent à ce qui se passe sur la Loi des normes du travail, par exemple?
M. Boulet : La diversité des
stages, ça serait quoi, votre suggestion à cet égard-là pour s'assurer
qu'au-delà d'un certain nombre de jours ou d'une certaine durée d'absence... il
faut y aller au cas par cas ou en tenant compte des caractéristiques particulières du stage? Parce qu'il y a des stages,
M. Blackburn, vous le savez, qui durent trois semaines, il y en a
de six semaines, puis il y en a de six mois, puis il y en a d'un an, puis il y
en a qui sont limités par les corporations professionnelles à un calendrier
spécifique. Et ça serait quoi, votre guide? Avez-vous une suggestion à faire sur comment on devrait... Parce que, dans le
fond, nous, on a pris l'approche qu'on identifie les congés auxquels ont
droit les stagiaires, ceux que j'ai mentionnés un peu plus tôt. Est-ce qu'il y
a une autre approche qui, vous pensez, pourrait être plus bénéfique ou une
approche plus rassurante pour les entreprises?
• (17 h 10) •
M. Blackburn
(Karl) : Puis je pourrais
faire référence à ce que vous mentionnez dès le départ, M. le ministre,
à la flexibilité qui est nécessaire. Et la recommandation n° 2 qu'on
fait dans le mémoire correspond un peu à cet aspect-là,
où on préconise qu'il y ait effectivement ce genre d'entente pour différentes
raisons où le stagiaire doit s'absenter pour une plus longue période de son stage, dans un contexte où les
opérations, par exemple, de l'employeur, permettraient d'étirer la
période du stage pour compenser les journées perdues, sans nuire à
l'apprentissage du stagiaire... nous apparaîtraient des éléments intéressants à
envisager en fonction du type du stage et en fonction du type de l'organisation
du travail. Et c'est là que ça va prendre beaucoup de flexibilité et beaucoup
de possibilités pour que, quelque part, il y ait cette marge de manoeuvre
nécessaire entre le stagiaire et l'employeur pour... dans des cas
exceptionnels. Parce qu'il faut bien comprendre que ça sera des cas
exceptionnels où il y aurait des absences prolongées, pour des raisons de
santé, par exemple.
Alors, pour des raisons exceptionnelles, je
pense que, dans cette perspective-là, avec une collaboration avec l'entreprise
et l'employeur, ça vient baliser, je dirais, les éléments... les objectifs à
atteindre pour la réussite du stage et les apprentissages.
M. Boulet : Donc, ça revient un
peu au cas par cas. Dans le projet de loi, on confère des droits spécifiques à
des congés de courte durée, donc... et, en ce qui concerne l'exercice d'un
droit à une absence de plus longue durée, il faudrait s'adapter à la réalité de
l'environnement de travail de l'employeur, surtout dans les entreprises
privées, là. C'est... O.K., je vous comprends.
M. Blackburn (Karl) : C'est
exact.
M. Boulet :
Puis ça rejoint votre concept de flexibilité auquel vous faisiez référence au
début.
M. Blackburn
(Karl) : Exact. C'est exactement ça, M. le ministre.
M. Boulet :
Je comprends. Très bien.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : M. le ministre, il reste à peu près
4 min 30 s.
M. Boulet : O.K., parfait. Je vais laisser... Non? Est-ce que ma collègue de... Je
vais... Ma collègue de Jean-Talon va poursuivre, si ça vous convient,
Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Tout à fait. Alors, la parole est à vous,
députée de Jean-Talon.
Mme Boutin :
Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous amener dans une section de votre
mémoire qui traite du harcèlement
psychologique. On en a un petit peu discuté, là, avec M. le ministre. Je le
trouve très intéressant, là, votre mémoire, puis je trouve ça toujours
intéressant de voir le côté employeur. Puis ce que je trouve... Les discussions
qui reviennent souvent, c'est que, dans cette relation tripartite là, on se pose
des questions sur les rôles et responsabilités de chacun puis comment est-ce
qu'on peut les encadrer. Puis là, dans votre section, vous dites que la section
sur le harcèlement psychologique est un ajout qui ne semble pas nécessairement
justifié. Vous parlez, bon, effectivement... «il est essentiel que les
employeurs prennent tous les moyens raisonnables pour prévenir et faire cesser
le harcèlement psychologique», puis vous faites une suggestion de
recommandation 3. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus parce que,
pour moi, ce n'était pas clair, votre recommandation. Vous vouliez enlever pour
protéger le stagiaire. Est-ce que vous pourriez clarifier cette section-là?
Parce que ça me semble quand même important, là, le rôle de l'employeur pour
prévenir le harcèlement psychologique.
M. Blackburn
(Karl) : Tout à fait. Et je vous remercie pour la question. Mais, par
souci d'équité, je vais demander à ma collègue Karolyne de pouvoir vous donner
ses explications, qui sont contenues dans notre mémoire.
Mme Gagnon
(Karolyne) : Merci, Karl. Bonjour. Ça me fait plaisir. En fait, là, un
ajout qui ne semble pas justifié, c'est le titre, mais le seul ajout au niveau
de l'article, c'était pour qu'il y ait de la concordance. Ce n'est pas l'ajout
du fait qu'on protège le stagiaire qui n'est pas justifié, mais bien l'ajout
qu'on retrouve, qui est un peu différent de l'article 81.19, à l'effet
qu'il faut protéger... En fait, il faut prévenir le harcèlement, il faut le
faire cesser et il faut protéger le stagiaire. Le seul imbroglio qu'on peut
retrouver à ce niveau-là, c'est que... dans l'interprétation. Parce que, comme
c'est dit plus tôt, généralement, dans les entreprises, là, puis c'est comme ça
des travailleurs, puis c'est comme ça même des tiers qui arrivent dans
l'entreprise, la politique contient des dispositions pour protéger les gens qui viennent, que ça soit les stagiaires ou
autres. Alors, ça peut couvrir. Tant mieux pour celles, là, qui ne l'auraient pas
prévu. Mais, dans ce qu'on a déjà fait comme modèle de politique à la CNESST, qui
est sur le site, on prévoit, là, effectivement, que tous les gens qui sont dans
les milieux de travail puissent être protégés.
Alors,
ce qu'on dit simplement, c'est... peut-être que c'est un oubli ou c'est un
ajout, mais on dit : Cet ajout-là pour protéger le stagiaire, il va
de soi, parce que, si on fait cesser puis... le harcèlement, à ce moment-là, on
protège aussi le stagiaire. C'est juste pour
empêcher qu'on arrive puis qu'il y ait quelque chose de plus. On ne sait pas
c'est quoi, le quelque chose comme tel. Mais, si on est ici pour en
parler, si jamais il y avait un acte qu'il fallait poser puis faire
différemment, il faudra également le prévoir, là, dans les politiques internes
des entreprises.
M. Boulet : ...si
vous permettez, collègue. Tu sais, puis M. Blackburn le soulignait, les
stagiaires sont généralement protégés dans les politiques en matière de
harcèlement. Puis, Karolyne, vous savez, maintenant les politiques sont
obligatoires, les politiques en matière de harcèlement, qui contiennent
généralement des mécanismes de plainte. Et
là les stagiaires seront tous couverts, parce que la vaste majorité des
stagiaires ne sont pas des salariés. Puis on a quand même vu, Karolyne,
beaucoup de politiques en matière de harcèlement où c'est l'employeur et le
salarié. Les stagiaires qui sont de passage parfois sont marginalisés ou pas
intégrés dans les politiques de harcèlement. Puis ça, les fédérations
étudiantes ont soulevé ça comme étant une récrimination qui était quand même
assez importante. Ça fait que le p. l. n° 14 permet
de faire un grand bond en avant pour s'assurer que tous les milieux de
travail...
Puis
je pense qu'on a tous un intérêt commun à ce que ces personnes-là soient
protégées. Parce qu'il y en a eu, des cas qui nous ont été rapportés où des
stagiaires étaient victimes de harcèlement, qu'il soit sexuel ou psychologique,
puis ils toléraient, puis ils n'étaient pas conscients de leurs droits.
Alors que, maintenant dans le projet de loi n° 14, les trois parties ou
les quatre parties ont quand même un devoir d'informer les stagiaires des
droits qui sont prévus dans le projet de loi n° 14.
Je pense que ça
complète pas mal. Mais merci beaucoup, hein, Karl puis Karolyne. Bien apprécié.
Toujours intéressant d'échanger avec vous. Merci.
M. Blackburn
(Karl) : Merci, M. le ministre.
Mme Gagnon
(Karolyne) : Merci.
M. Blackburn (Karl) : Toujour un
plaisir.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. le ministre. Nous
poursuivons l'échange, cette fois-ci avec le député de Viau.
M. Benjamin :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Gagnon. Bonjour,
M. Blackburn.
M. Blackburn
(Karl) : Bonjour.
M. Benjamin :
Dans un premier temps, merci pour
votre mémoire, donc, que j'ai lu avec beaucoup d'attention. J'y ai
trouvé de la justesse pour ce qui a trait à la situation des entreprises et
aussi de la sensibilité, notamment par rapport à votre deuxième recommandation,
donc, et, pour cela, donc, je vous salue.
Ma première question.
À la page 4 de votre document, mise en contexte, troisième paragraphe,
vous soulignez que... vous vous questionnez sur le champ de pouvoirs que ce
projet octroie au Tribunal du travail par rapport au rôle et à la mission de
l'éducation et des ordres professionnels. Et, un peu plus loin, à la page 9,
vous nous suggérez... vous dites... vous
questionnez à savoir est-ce que les modalités de la formation et les critères
visant à évaluer la réussite ou non des études et l'arrêt des octrois
devraient être exercés par le Tribunal administratif du Québec ou plutôt par
des organismes de régulation appropriés. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Blackburn
(Karl) : Karolyne.
Mme Gagnon (Karolyne) : Oui. Alors, merci. Bonjour. Effectivement,
naturellement, au niveau des entreprises, on veut s'assurer que, si le
stagiaire qui vient dans l'entreprise... a un tribunal ou a une audience qui
est juste par rapport à la réussite ou non
de son stage. On ne les connaît pas. J'ai vu que vous aviez entendu la
Fédération des cégeps. Également, vous expliquiez qu'il y a certaines
modalités de régulation. Alors, quand ça concerne le dossier scolaire ou le
dossier d'un étudiant, on ne voudrait pas être amené devant un tribunal
autrement que pour des questions, là, de préjudice à ses droits, qui jugerait
ou pas de la validité du stage en entreprise et puis qui remettrait en doute,
là, les critères ou l'évaluation du travail qui est fait, là, par le stagiaire
dans un cadre bien précis. Alors, on pense que c'est probablement un tribunal
qui a, à ce moment-là, compétence.
Et surtout d'éviter
le dédoublement. Alors, je comprends, là, à ce niveau-là... Naturellement, on
représente nos membres, qui nous ont soumis ces préoccupations-là. J'ai bien
entendu, là, que les préoccupations avaient été soulevées et puis que vous y
avez répondu, mais évitons les dédoublements, pour ne pas se retrouver, d'une
part, dans un dossier scolaire, où, là, on juge des critères d'évaluation pour
la réussite d'un diplôme, versus devant le Tribunal du travail, où, là, on
jugera à juste droit si une personne a été lésée... si un stagiaire a été lésé
dans ses droits. Mais ça n'enlève pas le pouvoir du Tribunal du travail à ce
niveau-là.
• (17 h 20) •
M. Benjamin :
Merci. À la page 5 de votre mémoire, donc dans le chapitre qui concerne
les absences pendant le stage et enjeux de
qualification, troisième paragraphe, vous dites que, «par ailleurs, cette
disposition ne tient pas compte des particularités des milieux de
travail et des contingences», et j'aimerais vous entendre nous expliquer
qu'est-ce que vous entendez par ça, et pouvez-vous nous donner, peut-être, un
exemple, si vous en avez?
M. Blackburn (Karl) : Bien, dépendamment du domaine, dépendamment, effectivement, du secteur
d'activité dans lequel le stage est requis, qui peut nécessiter des
connaissances ou des apprentissages particuliers par rapport aux apprentissages qui sont nécessaires, dans un
contexte d'une absence prolongée, bien, malheureusement, ça devient plus
difficile d'être capable d'aller chercher les compétences ou les apprentissages
liés à ces tâches spécifiques ou à l'objectif spécifique de cette formation de
stage. Alors, dans ce contexte, ce qui est inquiétant par rapport à ces éléments-là, c'est par rapport justement à des
éléments beaucoup plus précis et effectivement nécessitant des capacités
ou des apprentissages très précis en termes de formation.
M. Benjamin :
Merci. À la page 6, votre recommandation, donc, vous nous suggérez, donc,
par rapport à la durée des stages...
Peut-être, nous expliquer le sens et la portée de cette recommandation, selon
vous. La recommandation 1.
M. Blackburn
(Karl) : Vas-y, Karolyne.
Mme Gagnon
(Karolyne) : Excusez-moi, parce que je n'ai sûrement pas la même...
bon, à la page 6, je n'avais pas de... O.K., «ajouter le paragraphe...» En
fait, bon, on dit : «Nonobstant le premier paragraphe [...] dont la durée ou le moment des absences a une incidence
sur la réussite...» Il faut que, si... Parce qu'il y a des groupes puis il y a
des gens qui sont très préoccupés, au niveau de l'enseignement, en
disant : Il y a des stages de courte durée. Si, pendant ce
stage-là, la personne manque 50 % de ses activités sur le terrain, il
faudrait qu'elle puisse le reprendre.
Alors, nous, ce qu'on
dit... il faut s'assurer, là, qu'on est en mesure d'offrir de poursuivre le
stage s'il y a reprise de ces journées-là, et d'offrir les conditions. Alors,
ce n'est pas tout, là, de faire en sorte, mais il faut voir si l'entreprise a
le même projet qui permet d'évoluer ou reçoit... parce que, dans certains
milieux, ils m'ont dit : Bien, c'est aux six mois qu'on va recevoir des
stages. Naturellement, dans le monde, peut-être, du droit, où là les maîtres et
les responsables de ces gens-là qui vont les suivre, les appuyer ne sont
peut-être pas disponibles pour poursuivre... Alors, c'est pour ça qu'on veut
s'assurer, dans cette relation tripartite, que tout le monde s'entend, que,
s'il y avait des changements pour répondre aux objectifs puis répondre aux
exigences des établissements, le milieu est capable de s'adapter par la suite,
là, s'il y avait une prolongation.
M.
Benjamin : Merci. Le titre de ce projet de loi, c'est le projet de loi
visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail. C'est un
projet de loi qui part d'un préjugé favorable aux stagiaires. Et vous nous
semblez nous suggérer, dans votre troisième recommandation, d'enlever la
mention pour protéger le stagiaire. Est-ce que ça vous semble être une entrave?
Mme Gagnon
(Karolyne) : En fait, ce qu'on dit, c'est que la façon que la loi
est... par rapport au harcèlement psychologique ou sexuel, même de violence,
là, de façon générale, dans une organisation, elle vise à protéger l'ensemble
des membres qui sont là. Ce qu'on dit, simplement, c'est : Si j'ai une
définition particulière pour les stagiaires, puis j'entendais M. le ministre
dire qu'il y a des situations où ils sont mis de côté, s'il y a un élément
qu'il faut faire de plus, comme on l'introduit dans la politique, ça pose
simplement une interrogation à savoir quel est l'élément de plus, parce que généralement on fait en sorte de protéger
l'ensemble du personnel. Puis cette protection-là existe au niveau du
harcèlement psychologique, qui est vraiment quelque chose, là, qui... où les
milieux sont très sensibles à ça depuis plusieurs années.
On a tous une
politique, on a des formations. Est-ce qu'il va falloir dire que pour les
stagiaires, il y a quelque chose de différent? Alors, on pensait que c'était
peut-être, oui, un élément, mais qui n'avait pas nécessairement plus
d'importance que ce qui était déjà dans la loi. Est-ce que le retirer serait
fatal, puis ça enlèverait une protection? On pense, effectivement, que de faire
cesser, de prendre les moyens, là, de protéger de façon générale les
travailleurs se fait au même titre que ce
qui est fait. On veut éviter la judiciarisation pour dire : Bien, est-ce
qu'on a fait quelque chose en moins? Est-ce qu'il fallait faire quelque chose
en plus? Bien, en fait, nos tribunaux n'ont pas nécessairement, là,
de... on n'a pas d'expérience à ce niveau-là, mais on sait que, dans des cas de
harcèlement, l'action et les actions à prendre,
là, sont toujours avec la même diligence, là, que ce soit un stagiaire ou
autre, surtout s'il est inclus, là, d'office dans certains endroits où
il n'y était pas auparavant.
M. Blackburn
(Karl) :] Puis, si je peux me permettre, M. le député, il ne faut pas
voir dans cette proposition-là une moins grande protection pour les stagiaires,
au contraire. Mais c'est simplement, je dirais, un élément de concordance avec
la Loi sur les normes qui existe, l'article 81.19. Alors, c'est vraiment
cet aspect-là, plus spécifique, que je
voulais rajouter. Mais ce n'est d'aucune façon d'avoir moins de protection
envers les stagiaires, comme le propose le ministre dans son projet de
loi.
M. Benjamin : Merci. J'ai deux autres questions, rapidement. D'autres groupes nous
ont parlé précédemment, donc, de l'importance
que le débat sur la rémunération des stagiaires puisse se poursuivre. Et
j'aimerais vous entendre là-dessus, sur cet enjeu-là.
Et la deuxième
question, M. Blackburn, au cours des derniers mois, on vous a beaucoup
entendu sur les questions, sur les enjeux de la pénurie de main-d'oeuvre. Sans
faire de lien banal, donc, entre le projet de loi, donc, et cette réalité-là, la pénurie de main-d'oeuvre,
j'aimerais peut-être que vous nous parliez un peu comment vous en... comment
le conseil du patronat voit, en général,
l'apport des stagiaires par rapport, éventuellement, comme réponse aux pénuries
de main-d'oeuvre?
M. Blackburn
(Karl) : Bien, c'est une excellente question par rapport, justement,
aux besoins, surtout dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Avant les
fêtes, c'était près de 300 000 postes qui étaient disponibles dans
toutes les entreprises du Québec, dans toutes les régions du Québec. Et, bien
évidemment, le bassin de stagiaires, ça permet d'avoir accès à une main-d'oeuvre
qualifiée avec les bonnes compétences, avec les bons apprentissages en fonction
des secteurs dans lesquels les stages se déroulent. Alors, c'est clair que ces
gens-là, ces jeunes stagiaires peuvent contribuer d'une certaine façon, comme
plusieurs autres groupes, je dirais, dans la société, à combler ou à relever le
défi de la pénurie de main-d'oeuvre.
Et, pour répondre,
peut-être plus rapidement, sur votre première question, sur la rémunération des
stages, bien, bien évidemment, je pense que la flexibilité aux entreprises, au
secteur, au monde de l'enseignement est requise pour être capable, en fonction
de leur spécification, de pouvoir soit rémunérer des stages ou, dans certains
cas, que ce soient des stages d'éducation, simplement.
M. Benjamin :
Merci.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci.
M. Blackburn
(Karl) : Merci à vous.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, merci au député de Viau. Nous poursuivons, cette
fois-ci, l'échange avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux.
M. Blackburn
(Karl) : Bonjour.
M. Leduc :
Mon collègue de l'opposition officielle a amorcé le débat, je veux creuser un
peu la question. Plusieurs groupes ont noté qu'il y avait un grand absent dans
ce projet de loi, qui est la question de la rémunération des
stages. C'est un gros chantier. Je ne sais pas si vous êtes heureux ou
malheureux que ça ne soit pas traité par ce projet de loi là. Au-delà de cette
question un peu taquine, quelle pourrait être la contribution de votre
organisation, là, on assume que ce n'est peut-être pas dans ce projet de loi là
mais dans un autre projet de loi, sur la question de la rémunération des
stages? Est-ce qu'on doit bouger vers une loi rapide à ce sujet-là? Est-ce
qu'on doit aller vers le salaire ou vers les bourses? Où est-ce que vous vous
situez par rapport à ce grand chantier?
M. Blackburn
(Karl) : Bien honnêtement, j'aurais tendance à vous dire qu'on doit
être prudent et garder toutes les flexibilités ou les outils nécessaires
flexibles pour les organisations ou les secteurs. Parce qu'il n'y a pas juste
une formule qui peut être appliquée et ainsi uniformisée à l'ensemble des
domaines où les stages se déroulent. Il y a des secteurs qui... en même temps
qu'ils ont accès, je dirais, d'une certaine façon, à des stagiaires, ça leur
permet de former leur main-d'oeuvre de demain en fonction de leurs compétences,
alors que, des fois, dans d'autres secteurs, comme par exemple dans le domaine
de l'éducation, ça s'inscrit dans le contexte de leurs études et ça leur permet
d'aller chercher les apprentissages nécessaires pour leurs diplômes ou leurs
compétences à développer. Alors, j'aurais beaucoup plus tendance à garder cet
aspect très flexible et de laisser, je dirais, la capacité aux organisations,
aux secteurs, aux ordres professionnels, aux entreprises d'élaborer les
stratégies qui vont permettre, d'une part, soit de rémunérer ou non et des
stages en fonction de leurs besoins.
• (17 h 30) •
M. Leduc :
Vous conviendrez peut-être avec moi que la flexibilité, c'est un peu ce qu'il y
a en ce moment, dans le milieu des stages,
mais ça n'a pas donné des résultats très probants en matière de rémunération ou
de couverture. On en parlait plus tôt dans différents groupes, la
rémunération des stages, c'est très minoritaire.
Peut-être une autre
question sur l'effectivité du droit. Des groupes ont réclamé, ici, aujourd'hui
et hier, le fait que des associations
étudiantes, par exemple, ou d'autres OSBL puissent aller représenter un
stagiaire dans ses recours, que ce soit au TAT ou ailleurs. Est-ce que
c'est quelque chose avec laquelle vous seriez confortable?
M. Blackburn
(Karl) : Ça m'apparaît difficile. Puis, peut-être avant de céder la
parole à Karolyne, il y a quand même... Puis je reprends les propos du
ministre, hier, qui mentionnait que 195 000 stagiaires sont à l'oeuvre
actuellement au Québec, ce qui, en soi, est
une excellente nouvelle pour les employés de demain, avec les compétences
nécessaires pour relever les défis. Et, pour
aller directement à votre question sur l'aspect des représentativités, j'aurais
un bémol et je vais demander, peut-être, à Karolyne, là, de vous donner
davantage d'informations.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Brièvement, parce qu'il ne reste plus vraiment
de temps.
Mme Gagnon
(Karolyne) : ...rapidement vous dire, c'était une bonne nouvelle que
les représentants, les spécialistes, là, en fait, les avocats qui sont à la
CNESST puissent représenter, là, les stagiaires, parce qu'on a ici des
procureurs qui ont une grande expertise au niveau des recours qui sont des
recours en vertu de la Loi sur les normes, alors,
qu'ils connaissent bien. Il ne faut pas dédoubler devant les tribunaux puis
embourber non plus, là. Ce n'est pas que j'ai des réserves, mais on a vraiment
des gens spécialisés pour les aider. S'il y a d'autres groupes, on ne veut pas
non plus, là, que ça se mélange, mais
j'avoue que ça, ça appartient un petit peu au monde de l'éducation, fédération,
qui, elles-mêmes, quelquefois aussi, font en sorte de pouvoir
accompagner. Mais l'accompagnement versus la représentation devant les
tribunaux, ça n'empêche pas un accompagnement. Puis ça peut être valable
lorsqu'on parle de cas plus délicats comme le harcèlement psychologique,
physique, ou autres, là, c'est bien de pouvoir être aidé et accompagné.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Oui. Alors, merci. Merci. Nous poursuivons,
cette fois-ci, l'échange avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Alors, bonjour à vous deux. Bonjour, M. Blackburn, Mme Gagnon.
Je veux saluer les chiens, aussi, qui vous accompagnent, derrière vous,
Mme Gagnon, alors...
Mme Gagnon
(Karolyne) : C'est si jamais je n'ai plus d'argument, les chiens sont
là.
M. Gaudreault : Oui, c'est ça. S'ils brassent de la queue, ça veut dire qu'ils sont
d'accord avec moi. Écoutez, moi aussi, la rémunération des...
M. Blackburn
(Karl) : Ils ont des puces, il faut faire attention!
M. Gaudreault :
Moi aussi, la rémunération des stagiaires me préoccupe. J'ai l'impression que,
dans le fond, quand on dit : Flexibilité, tenir compte de la spécificité,
c'est qu'on ne veut pas aller un petit peu plus loin sur la rémunération des
stagiaires. Moi, j'ai été frappé par des statistiques qui démontrent que, dans
les secteurs à plus grande prédominance féminine, il y a moins de stages
rémunérés puis, dans les secteurs à grande prédominance masculine, il y a plus de stages rémunérés. Alors, est-ce qu'on ne peut
pas agir en amont pour éviter une reproduction, constamment, là,
notamment chez les jeunes, d'inégalité ou d'iniquité dans la remunération entre
les hommes et les femmes? Donc, je me demande si on ne devrait pas forcer un
petit peu plus, là, sur la rémunération puis j'aimerais ça vous entendre
là-dessus. Je n'ai pas beaucoup de temps.
Ce qui m'amène également peut-être à une
deuxième question, puis après ça je vous laisse toute la parole, sur quelles
sont les principales contraintes que les membres de votre organisation vous
disent sur l'accueil des stagiaires. Est-ce qu'il y a des
membres qui vous disent : Oui, on serait prêts à en accueillir plus, mais
on ne peut pas pour x, y raisons? Puis je
sais, M. Blackburn, vous êtes très préoccupé par le développement des
régions. Est-ce qu'il y a une différence aussi sur le territoire versus
les régions métropolitaines et les régions ressources, disons?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Uneminute.
M. Blackburn (Karl) : Bien, je
vais peut-être, dans un premier temps, M. le député, rapidement répondre à la
première partie sur l'aspect de la rémunération, et, pour des cas plus concrets
avec les entreprises directement, je laisserais Karolyne y répondre.
Alors, pour la rémunération, comme je l'ai
mentionné à votre collègue de l'opposition, je crois qu'il est important de
garder cette flexibilité et cette agilité dépendamment des secteurs dans
lesquels les stages se déroulent. Vous avez été chanceux, vous l'avez mentionné
hier, vous avez fait votre stage chez Cain Lamarre, dans un bureau d'avocats à
Chicoutimi, très réputé, et ça a permis justement d'aller chercher ces
compétences dans un encadrement ou dans une spécification. Mais ça je vous
dirais qu'il faut laisser vraiment cette flexibilité-là.
Et je demanderais peut-être à Karolyne
spécifiquement, en fonction des messages, ou des recommandations, ou des
commentaires des entreprises ou des employeurs, dépendamment des régions, de
venir peut-être nous donner quelques exemples à ce niveau-là, M. le député.
Mme Gagnon (Karolyne) : M. le
député...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Brièvement.
Mme Gagnon (Karolyne) : Oui.
Rapidement, un stagiaire, puis on l'a nommé, c'est... ce n'est pas un étudiant,
mais ce n'est pas un travailleur, dépendamment des milieux. Il y a des milieux
où il faut encadrer, il faut aider, il faut former le stagiaire, et il n'a pas
de plus-value sur le terrain. Autrement, il y a des stagiaires, oui, qui vont
venir aider à la production, puis je rejoins sur ça les propos de
M. Blackburn. Mais le plus grand... la plus grande difficulté, c'est de
dire que les travailleurs en place, les gestionnaires ont une responsabilité
envers les stagiaires, et ils doivent les aider la plupart du temps, donc il y
a tout ça aussi. Dans la rémunération, j'irais jusque-là. La rémunération est
vraiment, dépendamment du milieu, du cas par cas. Alors, c'est important
d'évaluer et que le milieu puisse être à même de l'évaluer. Pourquoi? Parce
qu'on en a besoin, c'est nos travailleurs de demain. Puis on veut effectivement
les aider, mais on ne voudrait pas qu'il y ait un frein à ça par de
l'imposition qui ne répond pas au milieu de travail.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci,
M. Blackburn. Merci, Mme Gagnon, pour votre contribution à
l'avancement des travaux.
Mme Gagnon (Karolyne) : Merci.
M. Blackburn (Karl) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
merci beaucoup.
Mme Gagnon (Karolyne) : Bonne
fin de journée.
M. Blackburn (Karl) : Bonne fin
de journée.
Mme Gagnon (Karolyne) : Au
revoir.
Mémoires déposés
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Avant de terminer, je
dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été
entendus.
Alors, ayant
accompli son mandat, la commission ajourne ses travaux sine die. Bonne soirée à
toutes et à tous.
(Fin de la séance à 17 h 36)