To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy

Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Friday, June 4, 2021 - Vol. 45 N° 103

Clause-by-clause consideration of Bill 59, An Act to modernize the occupational health and safety regime


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

M. Saul Polo, président suppléant

M. Jean Boulet

M. Alexandre Leduc

Mme Lise Lavallée

M. Monsef Derraji

Journal des débats

(Onze heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Polo) : Votre attention, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boutin (Jean-Talon) est remplacée par Mme Lavallée (Repentigny) et Mme Chassé (Châteauguay) est remplacée par M. Caron (Portneuf).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Polo) : Merci. Ce matin, nous poursuivons avec l'étude de... nous poursuivons avec le sujet 4, Fonctionnement, deuxième partie, 4.2, l'optimisation des recours, 4.2.1, la révision des décisions de la CNESST.

Nous poursuivons l'étude de l'amendement du député d'Hochelaga-Maisonneuve proposant le nouvel article 112.1. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet amendement?

M. Leduc : Oui. Si vous me donnez juste un instant, M. le Président, je vais juste ramasser mes papiers vite, vite puis je vous reviens.

Le Président (M. Polo) : Pas de problème.

M. Leduc : Peut-être une suspension de deux, trois minutes?

Le Président (M. Polo) : Ah? Oui. Suspension, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

(Reprise à 11 h 29)

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Nous sommes de retour. Donc, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez demandé une suspension pour réviser quelques instants. Alors, la parole est à vous.

M. Leduc : Merci beaucoup, M. le Président. Merci de cette suspension, ça nous aide à se saisir du dossier qu'on a terminé très tard hier. Et voilà.

La proposition que j'ai déposée, je ne relirai pas le libellé, là, de toute façon, il est assez technique, mais fait référence au processus bien compliqué, mais qui est important quand même, puis on en a largement discuté, là, d'une décision de la commission, du processus de révision, et, après ça, de contestation devant le tribunal. Il faut bien comprendre l'étape un, deux, trois : décision de la commission, potentielle révision, et, après ça, potentielle contestation au tribunal. Et, à l'article 362 de LATMP, il y a une précision qui dit que les décisions rendues en révision ont effet immédiatement, ce qui est assez logique, mais, après ça, dans l'article 362, ils font une liste de toutes sortes d'exceptions, ils font référence à d'autres articles de la loi.

• (11 h 30) •

Et nous, ce qu'on voudrait faire ici, c'est rajouter une autre exception, donc, qui viendrait suspendre l'applicabilité de la décision de révision jusqu'à la contestation, si, bien sûr, elle fait objet d'une contestation, et c'est celle... une autre exception qui ferait référence au montant d'une indemnité de remplacement de revenu, le fameux IRR.

C'est... On ne sort pas ça d'un chapeau. C'est quelque chose qui existait auparavant, dans la loi originale, dans la loi de 1985, et qui a été retiré plus tard, dans ce que certains pourraient appeler une contre-réforme. Mais là n'est pas la question, de refaire le bilan de cette réforme-là de l'époque, mais pour vous dire que c'est quelque chose qui a déjà existé. Donc, ce n'est pas quelque chose qui sort d'un chapeau et c'est quelque chose que certains groupes nous indiquent qui serait bénéfique pour les travailleurs, travailleuses de ramener.

Alors, c'est sûr que, lorsqu'on parle du montant de l'indemnité de remplacement de revenu, c'est essentiel pour la stabilité financière d'un salarié. Ça ne change à peu près rien pour le taux, l'imputation, ou la cotisation, ou les finances de l'employeur, c'est tout un autre système qui s'applique à ce moment-là. Mais, pour le salarié qui subit une lésion... Bien sûr, donc, on se rappelle, hier, on faisait référence au double défi d'un travailleur qui vit une situation comme ça, il y a la lésion comme telle puis en plus il y a tout le processus révision, contestation, etc. Alors, si, en plus de ça, dans la possibilité qui existe d'avoir, donc, une décision favorable de la commission de vous reconnaître une indemnité et un montant qui va avec, mais que, là, il y a une révision qui est demandée par l'employeur et que, là, la révision donne raison à l'employeur, mais... on voudrait s'assurer que, si le salarié conteste, bien, qu'on aille au bout de cette logique-là, qu'on aille au bout de la contestation, mais qu'en attendant... Et on le sait, le ministre l'a soulevé lui-même hier, à quel point ça peut être long, malheureusement, pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons.

Mais le processus complet, là, entre la décision, et la révision, et la contestation, et la décision finale, finalement, de cette contestation-là, il peut se passer quand même plusieurs mois. Et de considérer que cette personne-là n'aurait pas accès à son IRR parce qu'il y a contestation parce qu'il y a une révision qui a renversé la décision de la commission m'apparaît un fardeau trop lourd à payer pour le salarié.

Et ce qu'on souhaiterait, donc, c'est que... dans le fond, que la commission, la CNESST, continue d'appliquer la décision initiale... dans ces cas-là, hein? Parce que, là, on ne change pas la règle générale. La règle générale, elle est bien précise à 362, c'est que les décisions rendues en révision s'appliquent immédiatement. Ça, on ne vient pas bousculer l'ordre des choses. C'est déjà prévu à 362 qu'il y ait plusieurs exceptions à cette règle générale.

Nous, on pense qu'il y a lieu d'en rajouter une nouvelle, exception, pour que la décision originale de la commission, qui reconnaîtrait, donc, une indemnité de revenu et un montant lié à cette indemnité-là, continue de s'appliquer si la révision est négative au travailleur et qu'il décide de la contester, bref, pour avoir la décision finale. Parce qu'on le sait, que la révision peut, dans certains cas, être la dernière étape dans ce processus, dans cette possibilité de contestation judiciaire, mais, on l'a également abordé abondamment, n'est souvent qu'une étape, parce que souvent on va aller au tribunal, souvent on va aller au tribunal, surtout dans un cas en particulier où une indemnité est soit refusée ou le montant est revu substantiellement à la baisse. Mais c'est surtout, évidemment, à ces étapes-là qu'il va y avoir des contestations jusqu'au tribunal.

Or, il m'apparaît intéressant d'aborder cette question-là pour qu'on donne toute la stabilité financière nécessaire au salarié qui vit déjà un parcours difficile vu sa lésion et, en plus, un parcours difficile au regard de la judiciarisation de son dossier.

M. Boulet : Merci. On va reprendre le même genre de discussion qu'on a eue hier à un autre de vos amendements qui concernait les mesures de réadaptation, où, finalement, ce que nous soumettions, c'est qu'il ne faut pas aller dans le paramétrique, il faut tenir compte des particularités de chaque cas d'espèce.

Et donc on référait à la possibilité du Tribunal administratif du travail de surseoir à la décision plutôt qu'unilatéralement le travailleur qui est contre des mesures de réadaptation approuvées par son médecin et entérinées par les intervenants décide qu'en contestant il peut mettre fin... ça met fin immédiatement aux mesures de réadaptation. Donc, c'est de même nature, parce que 362 reprend le principe du caractère exécutoire des décisions, sauf.

Puis les exceptions, vous allez voir, c'est toujours des cas vraiment particuliers, une indemnité forfaitaire, par exemple, suite au décès de quelqu'un, une indemnité pour dommage corporel. Donc, on prévoit la possibilité de poursuivre dans des cas exceptionnels.

Mais là vous transformeriez ça en règle. Dès qu'il y a une décision qui annule un montant d'IRR, s'il y a une contestation, tu continues d'y avoir droit. Mais la décision n'est plus exécutoire. En fait, ce que vous dites : Il continue de recevoir l'indemnité de remplacement de revenu jusqu'à ce qu'il y ait une décision finale — est-ce que c'est ce que je comprends bien? — alors que, déjà, puis votre collègue à votre gauche a dû déjà vous le signifier, 359, point 2° prévoit la possibilité, comme hier, à la... quand il y a une contestation, le tribunal peut ordonner de surseoir, d'une part, quand le travailleur pourrait en subir un préjudice grave. Donc, cette possibilité-là nous permet d'avoir des décisions compatibles avec la particularité de chaque cas.

Puis autre article intéressant aussi, que votre collègue à votre gauche vous a indiqué, c'est que, dans les cas de décisions qui annulent ou qui réduisent des indemnités de remplacement de revenus — parce que l'inverse peut arriver, il continue d'en recevoir parce que la décision lui est favorable, puis le Tribunal administratif du travail peut dire que ce n'était pas justifié, il peut réduire ou annuler — ces prestations-là, déjà fournies, ne peuvent être recouvrées. Donc, on a une pas pire ceinture puis on a des pas pires bretelles. Il y a la possibilité de surseoir, d'une part, puis en plus il y a une garantie que ce qu'il a reçu, ce n'est pas recouvrable. Moi, je trouve que c'est un filet de sécurité, pour le travailleur, qui est extrêmement intéressant dans le corpus actuel de la loi.

Là, systématiquement dire : Quand il y a une décision qui annule le montant d'une indemnité, c'est dans les exceptions, puis le caractère exécutoire ne s'applique pas, je trouve que c'est paramétrique puis c'est... suivant le même raisonnement qu'hier, ça ne nous apparaît pas comme un amendement qui est... bien, qui est recevable, oui, mais qui est approprié.

M. Leduc : On a un bel exemple, ici, puis probablement dans les plus clairs, du problème de l'effectivité du droit, que je ramène de manière systématique ou systémique, selon le mot, ça dépend de qui est à l'aise ou pas avec ce mot-là, mais, bref, que je ramène souvent, le concept de l'effectivité du droit, qui dit : Bravo, là, il y a un bel article sur papier, là, dans ton beau Code du travail, ou dans ta belle LSST, ou LATMP, mais est-ce qu'elle fonctionne? Est-ce qu'elle fonctionne dans le réel? Est-ce qu'elle fonctionne dans le terrain, sur le plancher des vaches? Moi, les...

M. Boulet : Oui, s'il y a un problème de fonctionnement, soulevez-le. Mais je l'ai mentionné aussi hier, les demandes de sursis sont entendues d'urgence. C'est tout le temps entendu d'urgence. C'est comme... Je faisais le parallèle avec les demandes d'injonction dans les conflits de travail, c'est entendu, c'est une affaire de jours. Ça fait qu'il n'y a pas de problème de fonctionnalité. Je le dis, il n'y a pas personne... Si la personne subit un préjudice grave, elle va obtenir un sursis. Puis, en plus, on dit : Il n'y a pas de possibilité de recouvrement des indemnités déjà reçues par le travailleur. Je pense que ça, c'est une protection qui est adéquate puis qui tient compte du cas par cas, parce que chaque cas, vous le savez, je le redis souvent, en est un d'espèce.

M. Leduc : Ce que les praticiens, donc, de la santé et sécurité me disent, c'est que cette disposition-là, là, de l'alinéa 2° de 359, bien, ce n'est jamais appliqué, en pratique, pour... en particulier pour les cas d'IRR. Le TAT n'ordonne jamais de surseoir à une décision. Puis la contestation, bien, qui devrait, comme vous le dites, être traitée d'urgence ou en priorité, bien, de ce qu'on me dit, dans les faits, ça reçoit un traitement équivalent à toutes les autres dispositions pour surseoir.

• (11 h 40) •

M. Boulet : Bien, si c'est le cas, là, moi, je dis aux praticiens : Utilisez cette possibilité-là. Je pense que les praticiens ne l'utilisent pas. Mais, si un travailleur, en raison d'une décision qui annule son IRR, son indemnité de remplacement de revenu, subit un préjudice, qu'il demande un sursis, qu'il demande au Tribunal administratif d'exercer son pouvoir. Puis, comme c'est entendu et c'est prévu que c'est instruit d'urgence, s'il y a une problématique, qu'on lève la main. Puis ce n'est pas acceptable, là.

Est-ce qu'il y a eu un cas? Mais il ne faut pas transformer le cas malheureux, où ça n'a peut-être pas bien été... Parce que je ne nie pas que peut-être un praticien en santé et sécurité l'a tenté puis pas avec succès. Mais il ne faut pas, parce qu'il y a eu un cas ou des cas comme ça, transformer ça en une nouvelle règle paramétrique disant qu'à chaque fois qu'il y a une décision qui annule, elle n'est pas exécutoire tant qu'il n'y a pas de décision finale. C'est comme un peu régler... Moi, j'appelle ça...

Puis je n'ai jamais été un partisan de ça, là, tu sais, même en matière disciplinaire. Il faut coller à la réalité de chaque cas, tenir compte des circonstances aggravantes, des circonstances atténuantes. Ce n'est pas parce que tu as un retard au travail qu'on va t'imposer une suspension de trois jours.

Puis il y a des... vous le savez, il y avait une époque où il y avait des codes de discipline, puis c'était mécanique, mais ça ne donne pas des bons résultats. Moi, je n'ai jamais été un partisan de ça, puis on ne pratiquait pas du même côté. J'ai toujours dit : Non, chaque cas, il faut en faire une analyse complète : Est-ce que c'est son premier retard? C'est quoi, ses années d'ancienneté? C'est quoi, sa motivation? Puis la mesure disciplinaire tient compte. Il faut qu'elle soit proportionnelle à la réalité factuelle de chaque cas.

Je raisonne exactement de la même manière en droit, puis les lois modernes sont ainsi raisonnées : il faut tenir compte de la particularité de chaque personne puis ne pas dire à chaque fois : Bien, il y a une décision qui annule mon indemnité de remplacement de revenu, puis elle est contestée par l'employeur, je continue de recevoir l'indemnité, indépendamment de la situation. C'est plutôt y aller à la source puis dire : Il y a un problème, puis je peux subir un préjudice grave. Puis c'est de la même nature que les exceptions qui sont prévues à 362. C'est une indemnité forfaitaire de décès, une indemnité pour dommages corporels. C'est de la nature des exceptions. Nous ne sommes pas dans ce type de catégories là.

M. Leduc : Moi, je... C'est drôle, parce qu'hier on parlait de tendances lourdes; là, aujourd'hui, c'est comme si on parlait de l'autre extrême, des anecdotes. C'est comme s'il faudrait prouver le...

M. Boulet : Moi, j'apprends beaucoup en commission parlementaire avec un expert des tendances lourdes, là. Vous allez nous en annoncer une autre, je présume?

M. Leduc : Ce n'est pas là que je m'en allais, mais, si vous m'ouvrez la porte...

M. Boulet : ...si vous ne l'avez pas mentionné, le cas des praticiens auxquels vous faisiez référence, c'est que c'était probablement une tendance légère. Est-ce que ça se peut?

M. Leduc : Ah! là, je ne m'avancerai pas sur les nuances entre anecdote et tendance lourde. Il y en aurait beaucoup à dire, en effet.

Mais, en fait, écoutez, blague à part, M. le ministre, si on vous amène ça aujourd'hui, c'est quand même que ça arrive assez fréquemment pour qu'on veuille vouloir transformer cette possibilité-là de pouvoir surseoir en règle un peu plus générale. Je ne me cacherai pas par rapport à ça, là.

M. Boulet : Totalement générale. Ce n'est pas un peu plus.

M. Leduc : Bien oui, puis... mais ça demeure une règle générale si elle est choisie, si elle est appliquée. On a eu le débat, hier, sur l'autre sujet. Mais, encore une fois, je pense que ce qui diffère peut-être cet amendement-là de ceux qu'on a discutés hier, c'est que, là, on parle de la précarité financière du salarié. Dans les faits, donc, la presque systématique non-application de 359 par le TAT, compte tenu des longs... longs délais du TAT en plus sur les demandes de sursis, bien, il y a une forme d'injustice de laisser sans revenu pendant des longs mois une victime de lésions professionnelles inapte au travail, puis qui aurait normalement eu droit à l'IRR en début de parcours, selon la CNESST, qui a été initialement reconnue.

Puis, vous savez, cette proposition-là, que je vous fais, vous pouvez la retrouver, si on fouine dans les rapports de la commission dans laquelle on siège, hein, aujourd'hui, la Commission de l'économie et du travail, qui, en décembre 2006, avait produit un intéressant rapport sur le BEM, le Bureau d'évaluation médicale, qui recommandait un mécanisme de protection du revenu des travailleurs, travailleuses qui contestent notamment un BEM en attendant de pouvoir faire valoir leurs droits au tribunal. Donc, c'est une des variantes, là.

Mais l'idée d'assurer une stabilité financière aux salariés, moi, me semble suffisamment intéressante, cette perspective-là, pour vous faire cette proposition-là aujourd'hui. Parce que l'idée de les laisser s'essayer puis de voir si 359, contrairement à toutes les autres fois, cette fois-ci, va fonctionner pour toi, de les laisser aller en disant : Bien, prends ton mal en patience, pour toutes sortes de bonnes et mauvaises raisons, les délais aux tribunaux sont longs, sont trop longs, puis essaie-toi en sursis, puis après ça tu pars en contestation, puis Dieu seul sait quand est-ce que ça va se terminer... me semble qu'on devrait lui assurer ce revenu-là pour le long de la contestation. Puis, entre vous et moi, ça serait une... peut-être une petite pression salutaire sur le système juridique et le système plus général, donc, de la SST pour accélérer, là, la prise en charge des dossiers, du point de vue des tribunaux.

M. Boulet : Je résume. Comme je pose parfois la question, vous n'avez pas pu évaluer l'impact financier d'un amendement de cette nature-là, j'en profite pour redire que 100 % des cotisations du régime d'indemnisation sont payés par les employeurs. Il y a des coûts. Puis il n'y a pas de coûts qui sont des pinottes, là, comme on a déjà discuté, là. Que ce soit 1 million ou 5 millions, c'est toujours un fardeau. Mais je ne veux pas trop m'attacher à ça.

Il y a un mot que vous avez dit qui me préoccupe, quand vous dites «une injustice». C'est la raison pour laquelle on ne veut pas qu'il y en ait, d'injustices. Puis d'ailleurs on fait un amendement à l'article 235, on en a discuté hier, reconfirmant le pouvoir du Tribunal administratif de surseoir. Et, dans le cas d'une décision qui annule une indemnité de remplacement de revenu, il est prévu encore plus clairement, le sursis de la décision.

Je pense qu'on a intérêt à faire de la pédagogie auprès des praticiens puis leur dire, s'il y a injustice, parce que j'aime ça, ce mot-là, s'il y a une injustice qui est exprimée par le concept de préjudice grave dans des cas — puis il peut y avoir des cas où ça engendre une précarité financière — il peut faire une demande de sursis, puis le tribunal va s'exprimer rapidement.

Puis, je répète encore une fois, c'est un régime en plus qui prévoit que, si tu as reçu de l'argent comme travailleur, ça ne peut même pas être récupéré par la suite. C'est quand même une protection qui est adéquate et qui est respectueuse des droits des travailleurs, là.

M. Leduc : Puis pourquoi elle ne peut pas s'appliquer, justement, dans cette situation-là?

M. Boulet : Bien, c'est parce que... c'est le même raisonnement que je tenais hier, c'est systématiquement. Dans tous les cas, indépendamment de la situation, indépendamment de la motivation de la contestation, dès qu'il y a une décision qui annule l'indemnité, elle continue d'être effective, elle continue d'être exécutoire, c'est ça que vous dites, tant qu'il n'y a pas une décision finale, elle continue d'être exécutoire. En fait, le travailleur continue de recevoir son indemnité même s'il y a une décision qui annule son indemnité. Ça va à l'encontre du principe du caractère exécutoire. Et, je le dis, il y a des cas, sûrement, des cas où ce n'est pas justifié, d'où la raison du deuxième paragraphe de 359 qui permet de faire une demande de sursis. Puis le texte est clair. Le texte est clair. Puis je vous rappelle, encore une fois, qu'il y a aussi 363 qui a un impact extrêmement intéressant. C'est rare que... Bien, c'est rare, il l'a probablement dans d'autres lois, là, mais on dit : Si tu as reçu des montants sans droit, tu n'as pas à les rembourser. Quand même une belle disposition en faveur des travailleurs, je pense qu'on le reconnaît tous.

Et moi, ceci dit, je suis totalement à l'aise avec des dispositions de cette nature-là puis je suis totalement à l'aise avec la possibilité de sursis. Puis je pense que, les praticiens, s'il y a 1 %, 5 %, je ne le sais pas, de cas où ça cause un préjudice important au travailleur, je les encourage : Faites des demandes de sursis, puis que le tribunal respecte ses règles puis instruise l'affaire d'urgence.

M. Leduc : Vous faites référence, là, à 100 % des cotisations qui proviennent des employeurs puis vous avez raison. Puis une chance que c'est comme ça parce que 100 % des lésions sont produites dans le cadre du travail. Une maudite chance que c'est les employeurs qui soient responsables, là. On ne refera pas le débat du principe de Meredith qu'on a fait hier, mais ça me semble évident, là, que 100 % des cotisations sont des employeurs.

• (11 h 50) •

M. Boulet : Encore une fois, on est devant un régime d'indemnisation sans égard à la faute. Si on revenait aux principes généraux de responsabilité civile puis il y avait des poursuites tout le temps, imaginez les travailleurs qui perdent leur poursuite, où il y a une responsabilité qui n'est pas reconnue. Imaginez le nombre. Parce que vous m'avez déjà dit, des employeurs, qu'ils risqueraient la précarité financière en raison des poursuites, soit, mais il y a un moyen nombre important de travailleurs aussi qui vivraient dans la précarité non seulement financière...

Mais ce régime-là, là, ce qui est beau, là, c'est la santé des travailleurs, d'abord et avant tout. On les encadre. Il y a un régime où il y a des médecins traitants, il y a des mesures de réadaptation, il y a un filet de protection. Avoir un accident de travail au Québec, tu bénéficies d'avantages, puis je ne les nie pas, je suis, au contraire, d'accord avec ça, mais ce que nous devons viser, fondamentalement, c'est des travailleurs en santé. C'est un pacte. Il y a une immunité de poursuites, mais, en retour, il y a un gros donnant, donnant, c'est que c'est une indemnisation sans égard à la faute. Puis ça, il n'y a pas un travailleur qui va remettre ça en question. Puis il n'y a pas un syndicat, en tout cas, de mon expérience, qui m'a dit : Jean, ça n'a pas de bon sens, ce pacte-là, au contraire.

M. Leduc : Et je ne remets pas en question aujourd'hui, loin de moi. Je n'ai pas dit : 100 % des lésions sont totalement de la faute des employeurs. J'ai dit : 100 % des lésions sont sur les lieux de l'employeur.

M. Boulet : Oui, mais ça ne rend pas l'employeur systématiquement responsable, mais, en vertu du régime, ça rend l'employeur systématiquement redevable d'un régime qui indemnise les travailleurs quand c'est un accident de travail, ou une maladie professionnelle, ou une rechute, récidive, aggravation.

M. Leduc : Et un régime qui se doit d'être assez large et assez généreux dans sa réparation, en particulier. Et c'est là que je trouve ça intéressant, parce que vous le dites vous-même, puis vous dites que vous êtes fier de cette disposition-là, où est-ce que les indemnités qui sont déjà ramassées par le travailleur, on n'ira pas les rechercher par après. Mais c'est comme si la porte était déjà ouverte au grand complet puis il restait juste trois pouces, là, à tirer pour la finir de l'ouvrir, puis là, non, ce trois pouces-là, il est trop gros pour terminer l'ouverture de la porte. Ça me...

M. Boulet : Non, je suis d'accord avec vous qu'il y a des situations, mais je dis que ce n'est pas tous les cas. Puis je pense véritablement... à moins que vous me disiez qu'il y a une tendance lourde, mais c'est loin d'être la majorité des cas où ça provoque des préjudices, où ça engendre une précarité. Puis, dans ces cas-là, il y a un corridor à emprunter qui permet à la personne de continuer de recevoir son indemnité. C'est simple, on demande de surseoir puis on explique...

M. Leduc : ...

M. Boulet : Pardon?

M. Leduc : Je vais vous laisser terminer.

M. Boulet : ...puis on explique ce pour quoi on veut continuer de recevoir l'indemnité malgré la contestation.

M. Leduc : Mais je vous renverse l'argument du systématique. Vous me dites : On ne veut pas rendre ça systématique, sauf que, moi, ce que je comprends des gens du terrain, c'est que c'est la situation actuelle qui est systématique, c'est la demande de sursis qui est systématiquement refusée dans les cas d'IRR.

M. Boulet : Ah! mon Dieu...

M. Leduc : Ça fait que c'est là qu'on vient... Dans le fond, c'est lequel, systématique, qu'on choisit, finalement?

M. Boulet : Bien, tout à l'heure, vous me disiez que les praticiens ne le faisaient pas. Après ça, vous m'avez dit : Les praticiens, ce qu'ils ont constaté, c'est que le TAT ne traitait pas ça de manière urgente, il traitait ça comme un autre dossier. Moi, ce n'est pas l'écho que j'ai. Si c'est ça au tribunal administratif, c'est que... Le tribunal est chargé d'appliquer la loi, là. Puis je ne veux pas donner de leçon aux juges, en qui j'ai une immense confiance. C'est des juges qui tiennent compte du mérite des cas puis ils rendent des décisions aussi selon l'équité et la bonne conscience. Puis, s'il y a eu des décisions où il y a eu des refus de sursis, bien, je présume que c'était bien fondé. Mon Dieu! Je ne remettrai pas en question les décisions rendues par les juges, surtout pas ici, en commission parlementaire. Il y a aussi certainement des cas où la demande de sursis a pu être acceptée.

Que ça ne soit pas entendu dans des délais... que ça ne soit pas instruit d'urgence, ça, il faut s'interpeler, parce que, si c'est effectivement le cas, ça me préoccupe autant que vous, parce que, s'il y a un préjudice grave puis que le Tribunal administratif du travail n'entend pas l'affaire d'urgence, il y a une problématique.

M. Leduc : Là, après ça, comme je vous ai tantôt, moi, je ne les ai pas toutes lues, les décisions. Puis je n'ai pas dit que les plaideurs ne le faisaient pas. J'ai dit que, justement, quand ils le faisaient, c'est très, très rare qu'ils le gagnent, ce sursis-là. Et c'est pourquoi, pour renverser ce presque systématiquement sursis perdu, qu'on veut le renverser en disant : Bien, dans ce cas-là, que ça soit clair qu'ils peuvent le faire. Et là il n'y aura plus de problème d'aller en sursis ou pas, ça sera possible de l'avoir rapidement.

M. Boulet : Il n'y aura plus de problème. C'est que, dans tous les cas, indépendamment de la présence d'un préjudice... Donc, ce que vous dites, par amendement, c'est que, dans tous les cas, indépendamment du préjudice, la particularité du cas, systématiquement, il continue de recevoir son indemnité.

Moi, je pense que ce n'est pas comme ça qu'on règle un problème. Un problème, il faut y aller à sa source puis il faut vraiment tenir compte et prendre en considération les faits de l'espèce.

M. Leduc : Quand on regarde... Parce qu'il y a deux aspects au débat, là, il y a l'aspect sur le fond, que ce n'est presque jamais reconnu, puis, après ça, il y a l'aspect du délai. Quand on regarde le rapport annuel du TAT, là, ce n'est pas... Puis je sais qu'ils ont plein de défis puis qu'ils font plein d'effort, là n'est pas la question. Mais, dans le réel, on a des croûtes à manger, là, pour commencer à s'approcher à des délais raisonnables.

Quand on regarde les dossiers qui sont qualifiés d'urgents, ils classent ça entre deux types de délais, là, de zéro à neuf mois ou plus de neuf mois, bien, il y en a la moitié qui sont plus de neuf mois. Donc, ils ont de la misère à accoter un seuil de 50 % pour traiter des dossiers soi-disant urgents dans un délai de zéro à neuf mois. Puis là je n'ai pas la ventilation, là... entre zéro, trois, six et neuf mois, il y en a quand même des nuances, mais, s'ils ont mis jusqu'à neuf mois, on peut imaginer qu'il y en a quand même quelques-unes qui sont plus proches du neuf que du zéro. Alors, la moitié des cas urgents se traitent dans le neuf mois et moins, l'autre moitié dans plus de neuf mois.

Alors là, quand on est dans le plus de neuf mois pour des dossiers soi-disant urgents, là, qu'est-ce que ça veut dire, après ça, urgent, là? Puis on sait que ce n'est pas... ce n'est pas sur la qualité du dossier. On sait que, bien sûr, les gens au TAT voudraient et reconnaissent l'urgence. Évidemment, ils font une catégorie urgence puis ils n'ont pas du tout de problème à publier une statistique en disant qu'ils ont de la misère à donner aux dossiers urgents un traitement de moins de neuf mois dans la moitié des cas. Alors, neuf mois, là, pour un sursis, neuf mois sans indemnité de revenu, ce n'est pas... Ce n'est pas banal, là. Et on s'approche d'une année, là.

La personne est en lésion. Elle a des souffrances probablement d'une nature ou d'une autre. Elle se pitche dans un parcours qui va être compliqué, juridiquement. Elle aura des dépenses. Elle a une perte de revenu. Elle a peut-être une famille à nourrir. Bref, vous connaissez la chanson, elle est dans une situation relativement précaire et, dans certains cas, certainement précaire. Et là on lui dit que, dans le meilleur des mondes, là, elle a une chance sur deux que son dossier urgent, donc la demande de sursis, par exemple, puisse être traité à l'intérieur de neuf mois. Une chance sur deux, vous tirez votre bille. Puis, même si vous tombez dans la bonne catégorie, on s'entend qu'entre zéro puis neuf, il y a une méchante marge. Vivre quelques semaines sans revenu, encore possible de le faire. Quand on arrive dans du trois mois, du six mois, ça commence à être plus difficile. Du neuf mois...

On parlait hier de l'aide sociale, tu sais, qui devient, dans les faits, la plupart du temps, le seul revenu disponible. Vous êtes également ministre de la Solidarité sociale. Vous savez qu'on a toutes sortes d'échanges sur les insuffisances de ce régime, mais est-ce qu'on n'est pas là en train de condamner, d'une part, par les délais très difficiles au TAT... Puis on le sait, qu'ils font des efforts, puis on les salue. Mais, dans les faits, là — puis ils le disent eux-mêmes, c'est compliqué, ce n'est pas évident — est-ce qu'on n'est pas en train de condamner ces personnes-là? Parce qu'on refuse de faire quelque chose qu'on fait déjà de toute façon, là, de ne pas aller réclamer les indemnités qu'on aurait déjà versées, dans le fond, d'étirer ça un peu plus longtemps puis s'assurer qu'une lésion professionnelle pour personne au Québec devienne un immense fardeau financier, que la personne, là... Puis là, dans le cas qu'on est en train d'étudier, c'est les personnes qui se sont fait reconnaître la décision, au départ, par la commission, qui la perdent en révision, mais qui veulent aller contester puis qui gagnent au tribunal. Ça existe, là.

• (12 heures) •

M. Boulet : Oui, mais il y a plein de cas aussi à l'inverse où le Tribunal administratif du travail décide, par une décision finale, un an, un an et demi après la réclamation, que les indemnités n'étaient pas fondées, qu'il n'y avait pas d'accident de travail ou de maladie professionnelle au sens de la loi. Et il n'y a même pas d'obligation de rembourser une cent.

Et, s'il y a un problème au Tribunal administratif du travail, la façon de régler ça, c'est d'en parler. Puis la présidente du Tribunal administratif du travail était là lors de l'étude de crédits. Vous auriez pu lui poser des questions de cette nature-là. Et ça l'interpelle, puis probablement qu'elle nous écoute. Et, si c'est des délais déraisonnables en matière de sursis, il faut que la présidente soit concernée par ce phénomène-là. Si, effectivement, il y a un phénomène ou une tendance, il faut que ce soit entendu d'urgence.

On parle, ici, de préjudices graves. Bon, c'est de la nature puis c'est... c'est des motifs qui sont, à certains égards, similaires à ceux applicables en matière d'injonction provisoire. Il faut que ce soit...

Et ça, c'est un autre problème. On ne réglera pas le problème des délais que vous considérez trop longs au Tribunal administratif pour entendre des demandes de sursis en modifiant la loi puis en disant : Maintenant, systématiquement, peu importe la nature de la contestation, quand il y a une décision qui annule, tu continues de la recevoir jusqu'à la décision finale. À quelque part, il faut être équilibré puis il faut s'assurer que ce soit considéré cas par cas.

Mais je comprends que vous faites une critique de ce délai-là au Tribunal administratif du travail puis je suis convaincu que la présidente du TAT nous entend puis qu'elle va adresser, entre guillemets, parce que c'est un anglicisme, cette situation-là de manière diligente. Puis, je pense, comme je la connais, là, elle serait ici puis elle expliquerait les délais, parce que moi, je ne suis pas en mesure de dire : Est-ce que c'est le cas? Est-ce que ce n'est pas le cas? Puis c'est quoi, ce délai-là? À partir de quand? Puis, comme je la connais, là, c'est une femme minutieuse, rigoureuse et ordonnée, elle nous donnerait des explications logiques, j'en suis convaincu.

M. Leduc : Oui, sûrement, puis la question, ici, aujourd'hui, n'est pas de voir s'il y a des raisons valides ou logiques d'avoir des délais comme ça au TAT. Tout ça est probablement très bien explicable et certainement très bien expliqué. Puis ça m'aurait fait plaisir de poser des questions à la présidente du TAT à l'étude des crédits. C'est un processus intéressant, l'étude des crédits. On a un temps limité, comme vous le savez bien, très peu de minutes. En plus, notre temps inclut vos réponses, ce qui réduit, au final, le temps à très peu de questions.

Puis j'ai voulu profiter de l'étude des crédits de la dernière fois pour poser des questions à Mme Oudar sur la fameuse pérennité du régime auquel vous faisiez référence à de nombreuses reprises plus tôt dans le projet de loi. Elle n'a pas pu répondre à toutes mes questions, malheureusement, parce que vous préfériez, un peu, reprendre le fil de la discussion. Alors, qu'en aurait été... si j'avais posé des questions à Mme Nadeau, je pense, la présidente du TAT? Bien, bref, on ne le saura jamais. On le saura peut-être l'année prochaine. Toujours est-il que, peu importe l'explication lumineuse qu'elle aurait pu nous fournir, je suis convaincu qu'elle l'aurait fait, reste que les chiffres qui sont devant nous sont là et que le délai qui est devant nous est là.

Si on fouine un peu plus loin dans le rapport annuel du TAT, il y a un tableau intéressant. Il parle d'un objectif, là, que le tribunal s'est donné, qui est : «La fermeture des dossiers prioritaires. Cible 2019‑2020 : respecter le délai prévu par la loi pour 10 % des dossiers.» Il faut respecter la loi pour 10 % des dossiers. Il y a quelque chose de triste que ça soit un objectif, mais, bon, on se le donne puis on pousse dans le bon sens. Puis là ça suit : «L'article 359 de la LATMP prévoit que la décision concernant les contestations prioritaires doit être rendue dans les trois mois qui suivent le dépôt de l'acte introductif.» Sur papier encore, hein? Puis je ramène mon concept de l'effectivité du droit. Puis là ils font trois catégories : délais de zéro à trois mois, de trois à neuf mois et plus de neuf mois. Alors, de zéro à trois mois, sur 17 000 dossiers, on a 972, de trois à neuf, 6 200, et plus de neuf, 9 900. Alors, pour un total de 17 000 dossiers soi-disant prioritaires, il n'y en a que 900 qui respectent le délai de rendre une décision en moins de trois mois, ce qui fait 5,7 % des dossiers.

Alors, le malheureux objectif de 10 % n'est pas rencontré. Le TAT ne réussit pas à accoter le maigre objectif de 10 % de respecter la loi. On n'est pas dans un scénario facile en ce moment par rapport au tribunal, on n'est pas dans un scénario agréable. Est-ce que ça va s'améliorer? Est-ce que la présidente actuelle peut faire des efforts supplémentaires? J'en suis convaincu. Là n'est pas la question. Et, même si elle faisait des efforts surhumains, ce n'est pas un bateau qui va se revirer sur un 10 cents. Ça va prendre du temps. Ça va prendre des plans. Ça va prendre des investissements. Avec la meilleure volonté du monde, vous auriez beau donner, même, des... doubler leur budget demain matin puis des directives très claires, je serais bien surpris que, dans un délai d'un an, deux ans, trois ans, tout ça soit rentré dans l'ordre et qu'on approche le 100 % du respect du délai de zéro à trois mois. Je serais bien surpris.

Donc, ça légitime encore plus ma démarche aujourd'hui. Pourquoi le travailleur, le salarié, a, lui, à porter sur ses épaules le fardeau de ces délais qui sont, je pense qu'on peut le reconnaître, déraisonnables?

M. Boulet : Bon, le mot... le chat est sorti du sac, des délais déraisonnables, bon. Je veux simplement vous dire qu'une étude de crédits, c'est les études de crédits du ministre. C'est le ministre qui répond. Ce n'est pas l'étude de crédits du TAT puis de la CNESST. Puis vous posez des questions au ministre sur les crédits.

Quand vous avez des questions ou des demandes d'informations particulières concernant le TAT, vous le savez, que ma porte est tout le temps ouverte. Puis, dans le cas présent, j'ai même demandé qu'on obtienne du TAT une ventilation des délais dans les cas de demandes de sursis. Puis, comme je connais la présidente, Mme Nadeau, c'est une femme de grande rigueur administrative. En termes d'efficacité organisationnelle, je n'ai que des bons mots à dire du fonctionnement du TAT. Ce n'est pas parfait, mais ça va relativement bien.

Par ailleurs, à la fin, ce qu'il faut viser, c'est de déjudiciariser, qu'il y en ait le moins possible, de judiciarisation. Ça fait qu'il faut être clairs dans nos propos. Il faut s'assurer que ça colle à la réalité des caractéristiques de chaque dossier.

Donc, pour tous les motifs que j'ai exposés, je respecte votre argumentaire, mais je demeure convaincu que la loi actuelle répond bien aux soucis des personnes qui risquent d'être affectées puis va même au-delà en prévoyant qu'il n'y a pas de possibilité de récupération des sommes reçues, malgré la décision qui dit que ce n'était pas fondé. Merci.

Le Président (M. Polo) : Il vous reste 75 secondes, M. le député.

M. Leduc : Merci, M. le député... M. le Président, pardon. Vous avez semblé être surpris par mon utilisation du terme «déraisonnable», mais, mon Dieu! je l'assume pleinement, là. On est en train de parler de gens qui ont une lésion, qui se rendent dans un processus judiciaire compliqué, anxiogène et qui sont privés de revenus. Ils n'ont plus de salaire de leur patron parce qu'ils sont... ils ont une lésion. Et là ils ne sont pas capables d'avoir accès à l'IRR parce qu'il y a un processus qui est compliqué, qu'ils ne maîtrisent probablement pas, qui les prive de cet IRR là. Puis il y a bien des chances qu'ils gagnent, au final, au TAT, mais, en attendant, ça prendra bien neuf mois, 10 mois, on ne le sait pas, hein?

Dans la catégorie de plus de neuf mois, là, ce n'est pas ventilé, c'est la plus grosse catégorie, 9 900 sur 17 000. Mais ça va jusqu'à quand, ça, plus de neuf mois? Ça va-tu jusqu'à un an, un an et demi, deux ans? Je ne sais pas. Et moi, je trouve que ce qu'on impose à ces gens-là, d'attendre, d'attendre et de se priver de revenus, ce n'est pas correct, et ce n'est surtout pas correct parce que ce n'est pas de leur faute si le tribunal n'est pas capable de rendre ses décisions dans le délai qui est prévu, de toute façon, par la loi, dans moins de trois mois.

Le Président (M. Polo) : M. le ministre?

M. Boulet : Non, ça va. Je n'ai pas de commentaire.

Le Président (M. Polo) : Y a-t-il d'autres commentaires? Parfait. Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

La Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Abstention.

Le Président (M. Polo) : Ah! c'est vrai, on n'a pas notre collègue de Bonaventure aujourd'hui.

Une voix : ...

Le Président (M. Polo) : Non, non, il n'y avait pas de sous-entendu, M. le député. Amendement rejeté.

Non, c'est parce que, vous savez, hier soir, il y a eu un vote, et il était penché derrière votre recherchiste. C'est pour ça qu'on ne l'avait pas vu. Il n'y a pas de sous-entendu, M. le député.

Ceci dit, on est prêts à avancer si... Ah! voilà. M. le député.

M. Leduc : ...pour rédaction, s'il vous plaît.

Le Président (M. Polo) : Excellent.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

(Reprise à 12 h 29)

Le Président (M. Polo) : Merci. Merci beaucoup, chers collègues. Alors, nous avons bien reçu l'amendement soumis par le député d'Hochelaga-Maisonneuve. M. le député, je vous invite à lire l'amendement, et à nous l'expliquer, et, par la suite, à faire vos interventions et vos échanges avec le ministre. Merci.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Alors, ça va comme suit :

Insérer, après l'article 112 du projet de loi, le suivant :

112.1. L'article 362 de cette loi est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant :

«Toutefois, si une décision rendue en vertu de l'article 358.3 qui annule le montant d'une indemnité de remplacement [de] revenu accordée par la commission est contestée devant le tribunal et que le délai pour l'instruire ou la décider prévu par l'article 359 est dépassé, la commission sursoit à l'exécution de la décision contestée quant à cette conclusion et redonne effet à la décision initiale à partir du premier jour du dépassement du délai jusqu'à ce que [cette] décision contestée devienne finale.»

En d'autres termes, on parlait ici, tantôt, de délais qui étaient difficiles. On parle d'une loi qui propose un délai de 30 jours... pardon, de trois mois, 90 jours, puis là on se dit : Bien, ce n'est pas possible de systématiquement ou presque systématiquement ne pas respecter ce délai-là. On vous a montré des chiffres, là, à l'instant qui nous démontrent que ces délais-là ne sont, à toutes fins pratiques, jamais appliqués ou très rarement appliqués. Alors, à défaut de faire ce que l'amendement précédent faisait, bien, on peut peut-être essayer de donner vie à ces délais-là, mais d'une autre manière, à savoir que, lorsque le délai est dépassé, bien, on sursoit, dans le fond.

• (12 h 30) •

M. Boulet : O.K. Je viens de le recevoir, M. le Président. Si vous me donnez...

Donc, ce que je comprends, vous dites : Si la décision, donc, la décision serait exécutoire même s'il y a contestation, une décision, toujours, là, qui annule une indemnité de remplacement de revenu. Donc, elle est exécutoire. Il n'y a pas d'indemnité de remplacement de revenu, mais l'indemnité recommencerait à être versée si la décision n'est pas rendue dans les 90 jours qui suivent le dépôt de l'acte introductif.

M. Leduc : Exact. C'est une variation sur celle précédemment. Nous, on voulait que ça soit tout de suite possible qu'il puisse recevoir son IRR, dans le cas que vous venez de décrire. Vous vous y êtes opposé. D'accord. On tourne la page.

Maintenant, est-ce que, donc, une variation, une version plus modérée...

M. Boulet : ...elle sursoit à l'exécution de la décision au-delà du délai de 90 jours.

M. Leduc : Exact.

M. Boulet : C'est parce que la façon dont c'est libellé, ce n'est pas facile à comprendre.

M. Leduc : Alors, on donne une chance aux 90 jours de s'appliquer, dans un scénario normal, c'est ce qui est prévu par la loi. Dans ces 90 jours, s'il n'y a pas de décision, bien, il n'y a pas d'IRR.

M. Boulet : Mais la problématique que ça engendre, c'est que ça vient comme remettre en question l'existence même du sursis, qui est là, qui est déjà prévu au Tribunal administratif du travail.

En fait, le grand grief que vous avez, c'est en ce qui concerne les délais que vous qualifiez de déraisonnables au TAT. Puis je pense que la présidente du Tribunal administratif du travail va être interpelée, si elle ne l'est pas actuellement, elle sera interpelée par ce que vous qualifiez de délais déraisonnables.

Et je pense qu'il faut assurer la fluidité puis l'harmonie dans l'application des dispositions de la loi plutôt que de prévoir une disposition un peu alambiquée puis dire : Si tu ne respectes pas ce délai-là, là ça va prendre un mécanisme de vérification dans chaque dossier qui concerne l'annulation d'une indemnité de remplacement de revenus. Est-ce que la décision est rendue dans le délai qui est prévu de 90 jours? Et, à ce moment-là, si la décision n'est pas rendue...

Vous le savez, qu'en pratique ces délais-là ne sont pas... sont généralement pas... On dit : «La décision [contestant] doit être rendue dans les 90 jours qui suivent le dépôt de l'acte introductif et dans les 60 jours de la prise en délibéré de l'affaire.» Bon, je pense que c'est l'objectif du TAT qui n'est pas rencontré. Mais, à chaque fois que ça va être 92 jours, on va dire : Ton droit de recevoir l'IRR renaît pour deux jours ou pour 12 jours. Imaginez la complexité dans le fonctionnement, dans la gestion puis l'administration d'une façon de faire comme celle que vous proposez là, alors qu'il y a la possibilité d'obtenir un sursis.

Puis je reviens tout le temps à 363 : quand la décision finale est rendue, même si le travailleur n'a pas raison, il n'a pas à rembourser. Puis l'employeur n'a même pas l'équivalent, donc il n'est pas remboursé. Puis ça fait partie du volume de cotisations, c'est payé à même le volume de cotisations assumées par les employeurs. Ça fait que je pense que ça complexifie.

Je comprends votre objectif. Le remède à l'objectif que vous avez en tête, comme pour votre amendement précédent, c'est de s'assurer, un, que les sursis soient entendus d'urgence, comme c'est prévu, puis, deux, que les délais d'audience au TAT soient rendus le plus possible conformément aux délais prévus dans la loi. Merci.

M. Leduc : Quand vous dites : La personne n'a pas à rembourser, bien, en effet. Mais rembourser quoi? Elle n'a même pas droit à son IRR, elle perd son IRR. Elle n'aurait pas grand-chose à rembourser si, pendant neuf mois, 10 mois, peut-être plus, elle n'a plus son IRR. Je ne vois pas une grosse facture, là. Ça fait que, si elle n'a pas à rembourser, d'accord, c'est le principe général qui gouverne le TAT et la commission. Tant mieux. Moi, je suis d'accord avec ce principe-là. Mais, elle n'a pas à rembourser, c'est ça, le problème, c'est qu'elle n'a rien à rembourser. Elle n'a rien du tout. Elle n'a plus d'IRR, elle le perd pendant plusieurs mois. Puis le fait que ça soit plusieurs mois, ce n'est pas de sa faute, c'est de la faute d'un système qui, pendant longtemps, s'est... pour toutes sortes de raisons, là, a développé ce genre de retard là.

Si vous voulez m'envoyer la présidente du TAT pour discuter de la nature déraisonnable ou pas du délai... Moi, quand je le qualifie de déraisonnable, je ne suis pas en train de dire que le TAT est déraisonnable, je suis en train de prendre la situation du salarié qui doit subir pendant de nombreux mois... et plus souvent qu'autrement plus de neuf mois, hein? Je répète, ici, la statistique de tantôt : de zéro à trois mois, c'est à peine 5,7 % des cas qui respectent le délai prévu par la loi. Ce n'est pas un délai...

Tu sais, le 90 jours, ce n'est pas un objectif, ce n'est pas comme une espèce de... ce n'est pas comme une politique interne : Oui, on devrait viser ça, 90 jours. C'est la loi. On ne la respecte pas à, quoi... 96 % du temps, 94 % du temps, on ne la respecte pas. Mais ce n'est toujours bien pas la faute du travailleur, ce n'est toujours pas bien la faute de la personne qui a subi une lésion dans un lieu de travail. Je n'ai pas dit à cause de l'employeur, mais dans le lieu de l'employeur, dans un régime sans égard à la faute. On ne refera pas le débat. Mais là, lui, il subit une lésion, il doit se taper un parcours anxiogène judiciaire, puis là en plus, par une disposition qui a déjà existé, mais qu'on a retirée puis, là, on essaie de ramener, bien là cette... il n'a pas accès à son IRR parce que, là, il y a une contestation puis il faut attendre la contestation jusqu'au bout. Tout ça pour quoi, pour économiser?

Le régime est capitalisé à 125 %. Il y a des millions et des millions de dollars de placements et de revenus, et de revenus de placements, justement. Ce n'est pas un régime qui a des problèmes d'argent, ce n'est pas un régime qui a des problèmes de liquidités. Est-ce qu'on peut faire mieux? Est-ce qu'on peut faire des améliorations? Est-ce qu'on peut avoir un régime qui est plus efficace? J'en suis, mais on ne peut certainement pas plaider que c'est un régime qui a des problèmes d'argent. C'est tout l'inverse. C'est tout l'inverse.

Le tribunal, lui, le TAT, vous me corrigerez si je me trompe, mais, à ma connaissance, il est financé à même les cotisations de la CNESST. Il fait donc vraiment partie de l'écosystème CNESST, et donc particulièrement SST. Si on adopte une mesure comme celle que je vous propose, on peut imaginer, d'une part, que ça va faire une pression sur l'organisation pour qu'elle rende ses décisions plus rapidement, parce que là, de l'autre côté, il y a la commission, qui va dire : Oui, peut-être que tant qu'à payer une IRR pendant des mois, si je pouvais peut-être transférer un peu d'argent pour que le TAT puisse être plus efficace dans ses délais, je ferais d'une pierre deux coups.

Et l'autre chose aussi, si on permet au salarié d'avoir accès à son IRR après 90 jours, qu'on a donné une chance au TAT de remplir son obligation légale, si, après ça, on lui donne accès à son IRR, bien, on vient certainement de se magasiner beaucoup moins de demandes de sursis. Puis, on le disait tantôt, notre objectif commun, c'est la déjudiciarisation. Si vous avez cet objectif-là, puis on le partage, là, mais, si vous avez la lecture que je vous présente, qu'il y en a, des demandes de sursis, malgré le fait qu'elles sont rarement gagnées, mais il y en a, bien, si vous donnez l'IRR, c'est presque... on peut prévoir un effet presque automatique, beaucoup moins de besoins de demander un sursis.

Ils ne demanderont pas un sursis pour 90 jours, ça, je suis pas mal certain. De toute façon, le temps d'entendre le sursis risque d'être plus de 90 jours. Mais, s'ils ont 90 jours à se serrer les dents, à vivre peut-être sur les économies, avec le soutien d'un réseau familial ou autre, bien, ils vont peut-être serrer les dents puis traverser ce 90 jours là, ça peut se faire.

Si vous leur demandez d'attendre des six mois, des neuf mois, des un an, des un an et demi, et ça semble être certainement la norme, en tout cas, le plus que neuf mois, là... le plus que trois mois, pardon, semble certainement être la norme, bien là vous pouvez vous assurer que ça pousse ou, en tout cas, cet écosystème-là favorise l'utilisation de la requête en sursis.

Alors, moi, j'y vois un avantage en matière de déjudiciarisation des demandes de sursis puis, en matière de pression, une saine pression faite sur notre TAT pour qu'il trouve des solutions.

• (12 h 40) •

M. Boulet : Rapidement. Mme Nadeau, qui est présidente du Tribunal administratif du travail, vous entend.

Deuxièmement, 363, juste vous remettre en contexte, c'est le cas où une décision finale dit que le versement de l'indemnité n'était pas fondé, par exemple, parce qu'il n'y avait pas d'accident de travail, la présomption de la loi ne s'appliquait pas. Ça fait que c'est dans ce contexte-là où, un an, un an et demi après la réclamation, il n'a pas à rembourser rien de l'indemnité de remplacement de revenu qu'il a eue.

Je reviens sur le sursis. Cette possibilité-là, il faut que le TAT continue de travailler à améliorer ses délais. Puis je sais que Mme Nadeau travaille... c'est un défi constant pour elle de réduire les délais. On n'a pas les délais des tribunaux supérieurs, mais elle le sait, elle en est consciente. Puis, à l'étude des crédits, je n'ai pas eu de question à ce sujet-là, mais ça aurait été le fun qu'elle puisse saisir l'opportunité de vous expliquer son plan d'action en matière de réduction des délais. Puis, je vous le dis, c'est un tribunal dirigé par une équipe qui est très, très rigoureuse.

Les coûts... ce n'est pas tant les coûts. Tu sais, quand on parle d'améliorer... La modernisation, c'est notamment pour s'assurer que tout le monde soit couvert par de la prévention et de diminuer le nombre de lésions professionnelles. Il y en a eu 103 000 en 2018. Il faut baisser ça. Il faut ramener le monde au travail plus rapidement. Puis, si on traduit ça en nombre de travailleurs à temps plein, c'est l'équivalent de 36 000 travailleurs à temps plein. Imaginez en contexte de rareté de main-d'oeuvre. Mais on vise tous le même objectif : la santé des travailleurs.

Là, ici, il y a une problématique, que vous soulevez, de délais. Le tribunal vous entend. La CNESST vous entend. On en a discuté fréquemment. Pour la révision administrative, on a même imposé un délai qui, s'il n'était pas respecté, permettait à l'autre partie d'opter. Le délai, au Tribunal administratif du travail, je me souviens tellement quand j'ai rencontré la présidente actuelle la première fois, qu'elle me disait que c'était un défi. Puis c'est un défi constant qu'elle relève de façon extraordinaire, je dirais. Puis c'est important de le dire pour le bénéfice de ceux et celles qui nous écoutent. C'est tout le temps trop long, mais on s'améliore. Puis, d'année en année, il y a des améliorations qui sont faites. Merci.

M. Leduc : Moi, je trouve ça superintéressant, que vous souleviez la référence aux délais que nous avons discutés il y a quelques jours, quelques semaines par rapport à la possibilité de sauter par-dessus la DRA et d'aller directement au TAT, parce que c'était mon prochain argument. Je suis surpris que vous l'évoquiez, vous. Moi, je pensais que c'était un argument qui était plutôt en faveur de mon...

M. Boulet : Pardon?

M. Leduc : J'allais dire que j'étais surpris que vous évoquiez le délai qu'on a discuté pour pouvoir sauter par-dessus la DRA parce que c'était mon prochain argument. Puis, à mon sens, c'est un argument qui soutient ma démarche dans cet amendement-là. Vous n'êtes pas d'avis de ça?

M. Boulet : Non, au contraire. Puis avez-vous peur à l'effet... Puis vous savez comment je suis un partisan de la présomption de bonne foi. Mais, tu sais, est-ce que ça impliquerait, dans votre esprit, qu'indépendamment de la nature de la réclamation, indépendamment du bien-fondé de la réclamation pour accident de travail soumise par un travailleur à la CNESST, la décision... il reçoit de l'IRR, puis il y a une décision de la révision administrative qui met fin à son IRR, il y a une contestation, puis il continue, indépendamment, là, de la nature du cas? C'est pour ça que je dis : Le paramétrique, le systématique mène à des risques d'abus. Et, encore une fois, souhaitons que ce ne soit pas ce que nous présumions, mais il y a quand même des risques.

Je le répète, le régime actuel s'adapte à la réalité de chaque cas, puis je pense que, le régime actuel, il faut l'améliorer, notamment ce que vous soulevez quant au délai en matière de sursis. Pour le reste, pour l'article 363, pour le recouvrement, je n'ai jamais entendu de cas où un travailleur avait été contraint de rembourser des montants qu'il avait reçus, même s'ils ont été jugés non fondés par une décision du TAT.

M. Leduc : Parce que, vous savez, dans le fond, vous me parlez du défi qui est constant puis qui est renouvelé, puis moi, j'en suis, là. Puis vous soulevez le fait qu'on n'a pas posé de questions au TAT à l'étude des crédits. Je vous l'ai dit tantôt : avoir eu plus de temps, j'en aurais posé à tout le monde qui vous accompagne. J'ai préféré me concentrer avec Mme Oudar sur la pérennité du régime, parce que vous l'aviez évoquée à plusieurs reprises, puis j'étais sincèrement inquiet. Elle nous a rassurés en partie. Mais j'aurais voulu poser des questions à Mme Nadeau aussi sur les délais au TAT, puis je suis convaincu que sa démonstration sur son plan d'action aurait été tout à fait intéressante.

M. Boulet : Ce qui ne vous empêche pas de m'acheminer, moi, une correspondance avec des questions, puis je vais les partager avec Mme Nadeau, puis on va... et elle va se faire un plaisir de vous préparer des réponses.

M. Leduc : Mais toujours est-il qu'en attendant qu'elle réussisse son plan d'action et qu'il soit entré en vigueur, en attendant, c'est le travailleur qui paie.

M. Boulet : Bien, c'est sûr qu'avec un... avec vous, probablement, vous lui mettriez plus de pression, j'imagine? Est-ce que vous...

M. Leduc : Ce n'est pas ça que je suis en train de vous dire. Je suis en train de vous dire qu'on peut...

M. Boulet : Il y a un plan d'action. C'est sûr que les résultats ne seront pas instantanés. Je pense que c'est progressif, l'amélioration des délais, puis c'est la raison pour laquelle il y a un plan spécifique là-dessus, là.

M. Leduc : Puis je ne vous propose pas de vous inventer une baguette magique, là, je vous pose de pallier au temps que ça va prendre pour régler cette situation-là avec un autre type de solution.

M. Boulet : Non. La meilleure solution, c'est de travailler à la réduction des délais parce que les remèdes sont là dans la loi. Il y a une possibilité de demander un sursis si le travailleur a un préjudice.

M. Leduc : Bon.

M. Boulet : Il y a une possibilité... en fait, il y a une obligation de ne pas récupérer aucune somme, même si la décision est jugée non fondée.

Votre remède est disproportionné par rapport à l'enjeu que vous soulevez, c'est de dire : À chaque fois qu'il y aura une contestation d'une décision qui annule une IRR, une indemnité de remplacement de revenu, il va continuer de la recevoir systématiquement, dans tous les cas, indépendamment du préjudice ou non, indépendamment de la... Mais c'est ça que je ne trouve pas acceptable pour cet amendement.

M. Leduc : Bien, indépendamment... au même titre que si la révision lui donne raison, mais que l'employeur conteste au TAT, là il la reçoit jusqu'au bout. La commission lui donne raison, lui donne une indemnité. La révision lui dit : Vous avez raison. L'employeur l'amène au TAT. Tout le long de ça, là, jusqu'à la décision finale, il l'a, son indemnité.

Là, on vous parle d'un scénario où c'est à la révision que la décision est renversée. Vous me dites... tu sais, il faut... indépendamment, en effet, mais c'est ça, c'est une règle générale qu'on veut appliquer, que, tout le long de l'entièreté du processus judiciaire, nonobstant les décisions, si ça a été accordé par la commission au début, ça soit accordé jusqu'au bout.

Puis là, en plus, je rétropédale puis je vous offre de dire : Bien, O.K., dans les 80 premiers 10 jours... les 80 premiers jours, on donne la chance au TAT de rencontrer ses obligations légales, puis c'est à partir de ce délai-là... on pourrait quasiment faire un parallèle avec le délai de carence, le fameux délai de carence en assurance-emploi, par exemple, après un délai de carence de 90 jours, là, la commission s'engage à lui redonner son IRR en attendant le tribunal, parce que ce n'est pas de sa faute, au travailleur, si c'est long, ce n'est pas de sa faute pantoute.

M. Boulet : Non, puis ce n'est pas de sa faute. Puis, s'il y a un préjudice, il peut faire une demande de sursis.

Moi, j'ai fait mes commentaires, ceci dit, avec respect, hein? Puis, vous le savez, quand je dis : Je n'ai pas de commentaire, ce n'est pas pour vous irriter de quelque manière que ce soit.

M. Leduc : Je ne le prends jamais comme ça, M. le ministre.

M. Boulet : C'est juste pour éviter de me répéter. Puis on ne s'aime jamais, hein, quand on répète les mêmes arguments, hein?

Le Président (M. Polo) : ...peut jamais avoir trop d'amour, M. le ministre.

Des voix : Ha, ha, ha!

• (12 h 50) •

M. Leduc : Mais M. le ministre le sait, que j'apprécie nos échanges, qui sont d'un bon niveau intellectuel, j'ose croire. Vous me dites, le problème, ce n'est pas tellement de changer ça, le problème véritable, la solution véritable, c'est les délais au TAT. Puis je suis d'accord avec vous. Si on avait, en effet, un TAT qui était capable, dans une grande majorité des cas, de répondre à ses obligations légales de rencontrer une décision en 90 jours, je ne tiendrais peut-être pas autant mordicus à mon amendement aujourd'hui.

Ça fait que ce que je vous propose, dans le fond : Pourquoi on ne prend pas mon amendement, mais qu'on ne lui donne pas une clause crépusculaire qui serait reliée à la rencontre de l'obligation du TAT, qu'on pourrait même être généreux, on pourrait dire 50 % des cas? Là, ils sont à 5 %, 6 %, qu'on disait tantôt? On pourrait dire : Cette clause-là s'applique, la clause crépusculaire, jusqu'à tant que le TAT rencontre 50 % de ses obligations légales de rendre un jugement dans les trois mois.

M. Boulet : Je n'ai pas de commentaire.

M. Leduc : Ce n'est pas possible, un genre de clause comme ça, une clause crépusculaire, de dire : Ça, ça s'applique de manière temporaire? Vous n'aimez pas le mur-à-mur, vous n'aimez pas le systématique, je l'ai bien compris. Ça, ça s'applique de manière temporaire parce que, là, visiblement, il y a une situation qui perdure depuis longtemps, mais bon.

Là on est convaincus ça va s'améliorer dans les prochaines années. Ça fait qu'on peut y mettre un nombre d'années, au pire. On peut dire aussi, clause crépusculaire, on donne cinq ans, on donne cinq ans au TAT pour s'améliorer. Puis on lui fait foncièrement confiance que ça va fonctionner. Alors, cette clause-là, cet amendement-là s'autodétruira, comme les messages dans Mission : impossible, à la fin... à la fin d'un délai de cinq ans.

M. Boulet : Pas de commentaire. On peut dire ça, hein, M. le Président?

Le Président (M. Polo) : Oui.

M. Leduc : Ce n'est pas encore dans le lexique des termes interdits à l'Assemblée, le «pas de commentaire». Je trouve ça dommage.

Bien, écoute, je n'étirerai pas la sauce plus que ça. Je trouve ça dommage, parce qu'il y avait une volonté d'aller sincèrement retirer des épaules des salariés une conséquence d'un problème administratif qui... dont... sur lequel ils n'ont absolument aucun pouvoir, absolument aucun pouvoir. C'est un problème administratif qui relève surtout de vous et de la direction du TAT, un peu de nous, les législateurs, mais d'aucune manière ça ne relève du travailleur, du travailleur pris dans son sens individuel, d'une personne qui subit une lésion. D'aucune manière il n'est responsable de ça. Puis, en plus, il n'a aucun pouvoir pour changer cette situation-là des délais, mais il est le seul à en subir la conséquence. Puis la conséquence, elle est terrible, c'est d'être privé de revenu pendant plusieurs mois. Pas une semaine, pas deux semaines, plusieurs mois dans une grande majorité des cas. Et c'est regrettable. Et c'est une solution qui est assez simple.

Vous m'avez demandé, tantôt, si j'avais fait des projections financières. Bien sûr que non. Je n'ai pas... Je n'ai pas accès aux actuaires de la CNESST, je n'ai pas accès aux actuaires. J'ai essayé de faire des projections financières sur d'autres débats, quand on avait le projet de loi sur le RQAP, puis le conseil de gestion du RQAP ne répond pas à nos demandes de faire des projections. Puis, honnêtement, c'est un peu normal, il ne relève pas de l'opposition, il relève du ministre. Donc, non. Non, je n'ai pas une projection de combien ça va coûter.

À moins que vous me disiez qu'à partir de maintenant, quand je prépare un amendement, je puisse aller faire des projections auprès des gens qui vous accompagnent, ça va me faire plaisir de le faire. Mais, à moins que vous me garantissiez ça, je peux... je peux peut-être modérer vos attentes quant à ce que je chiffre systématiquement toutes mes projections.

Et pour être bien sincère avec vous, quand on a discuté d'autres aspects financiers par rapport aux études d'impact, quand on parlait de surdité ou quand on parlait de toutes sortes d'autres dossiers, c'est très spéculatif, hein? C'est... On prend des hypothèses de travail, on arrive à un chiffre qui a des chances d'être dans une fourchette de réalisme. Donc, une projection, même faite par des experts de vos ministères, dans un document aussi sérieux qu'une étude d'impact, n'arrive pas à un chiffre particulièrement fondé. Puis les fonctionnaires qui rédigent ce rapport-là le disent eux-mêmes en toutes lettres. Puis c'est bien normal. Puis moi, je ne critique pas ça, hein? J'en ai fait, des rapports, dans mon travail précédent comme conseiller à la recherche, puis, quand on tombe dans la projection, ce n'est pas évident, hein? Quand on tombe dans la projection, il faut faire, en effet, des hypothèses puis voir où est-ce que ça va atterrir. Mais il est peu possible qu'on arrive à un chiffre exact, que ça soit ça qui va se produire de toute façon.

Ça fait qu'encore une fois je veux juste modérer vos attentes sur le côté systématique du calcul et des projections que je pourrais faire. Je n'ai pas les outils pour le faire. Je n'ai pas les logiciels de la CNESST. Je n'ai pas accès aux actuaires. Je n'ai pas... J'ai un camarade qui m'accompagne du service de la recherche, il est très compétent, je le salue... son appui tout au long de ce projet de loi, mon ami Guillaume. Vu qu'il n'est pas député, je ne sais pas si j'ai le droit de dire son prénom. Je n'enfreins peut-être pas de règle vu qu'il n'a pas de fonction. Dans tous les cas, je le salue. Mais autant il est compétent et est de bonne compagnie, autant je pense qu'il serait bien malheureux si je lui demandais de systématiquement me fournir un chiffre de projection de ce que pourrait coûter chacun des amendements qu'on préparerait.

Mais je vais m'arrêter là-dessus, M. le Président, parce que, visiblement, je n'obtiendrai pas de réponse supplémentaire ou... en tout cas, sur le fond, j'aurai été jusqu'au bout de la logique, j'aurai été jusqu'au bout de demander à M. le ministre de prévoir, peut-être, une voie de passage qui mettrait une pression sur le TAT. Malheureusement, on... on va souhaiter, et j'ai confiance, que le plan d'action de Mme Nadeau, la présidente, va avoir des effets. Moi, je suis un gars enthousiaste puis j'ai confiance que ça va avoir des effets. Je vais le suivre. Peut-être que l'année prochaine... il nous reste, quoi, une étude des crédits ensemble? Il reste un budget avant les prochaines élections? J'essaierai de me rappeler, l'année prochaine, qu'il faut que je pose une question à Mme Nadeau sur l'avancement de son plan d'action quant au délai du TAT. Voilà, je me prends cette note-là pour l'année prochaine, M. le Président.

Le Président (M. Polo) : Merci. Y a-t-il d'autres commentaires? Mme la secrétaire.

La Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

La Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

La Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Lavallée (Repentigny)?

Mme Lavallée : Contre.

Le Président (M. Polo) : L'amendement est battu.

M. Leduc : Pardon?

Le Président (M. Polo) : J'ai dit : L'amendement est rejeté, battu. Allez-y, M. le député.

M. Leduc : Bien, je demanderais une suspension pour rédaction. Je ne sais pas si, là, compte tenu de l'heure... Voulez-vous une suspension générale?

Le Président (M. Polo) : Regardez, j'anticipe déjà ce que vous allez proposer. Un amendement? Voilà. Exactement. Donc, regardez, compte tenu de l'heure et compte tenu aussi de la tendance lourde de vos précédents amendements, j'imagine que trois minutes est insuffisant pour rédiger et déposer votre amendement.

Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 57)

Document(s) related to the sitting