(Onze heures vingt-sept minutes)
Le Président (M. Polo) : Vous
attention, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je souligne que cette séance
se déroulera à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau, où je me trouve, et
dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.
La commission est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime
de santé et de sécurité du travail.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boutin (Jean-Talon) est remplacée par M. Chassin (Saint-Jérôme); Mme Chassé (Châteauguay) est
remplacée par M. Caron (Portneuf); Mme Dansereau (Verchères) est
remplacée par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); et Mme Richard
(Duplessis) est remplacée par M. Roy (Bonaventure).
Le Président (M. Polo) : Merci
beaucoup, Mme la secrétaire.
Compte tenu qu'il y a également d'autres travaux
qui se déroulent au salon bleu, je vais demander une suspension temporaire.
(Suspension de la séance à 11 h 28)
(Reprise à 12 h 50)
Le Président (M. Polo) : Alors,
rebonjour, tout le monde.
Nous reprenons les travaux, mais, compte tenu de
l'heure, je propose de suspendre les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 51)
(Reprise à 15 h 15)
Le Président (M. Polo) : Votre
attention, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend
ses travaux.
Nous poursuivons l'étude détaillée du projet de
loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité
du travail.
Étude détaillée (suite)
Nous
poursuivons avec le sujet 4, Fonctionnement, deuxième partie, et 4.2.,
l'optimisation des recours, 4.2.1., la révision
des décisions de la CNESST. Nous poursuivons l'étude de l'amendement du député
d'Hochelaga-Maisonneuve proposant le nouvel article 112.1. Est-ce qu'il
y a d'autres interventions sur cet amendement? M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M. le Président.
D'abord, vous saluer. Bienvenue dans cette commission. Vous allez voir, on a beaucoup de plaisir. On aime beaucoup
échanger, on aime beaucoup discuter, on a beaucoup de questions. Merci
d'être là et de nous accompagner dans ce débat.
Si vous me
permettez, peut-être, d'abord, juste une petite question. Je sais qu'on vient
d'adopter, ou ça va être fait tantôt, là... ça a été fait tantôt, le
projet de loi n° 78, puis je sais que M. le ministre,
je l'ai croisé vite, vite, tantôt, il a rencontré les trois responsables de
RQAP pour tous, puis je voulais juste savoir si ça c'était bien passé, si elles
étaient contentes de l'adoption.
M. Boulet : Vraiment, vraiment.
C'est un bel engagement citoyen qui a donné des résultats, je pense qu'on l'a
mentionné, et c'est une belle démonstration de la capacité des parlementaires
de travailler ensemble pour le bénéfice,
dans le cas présent, de 30 000 parents qui vont bénéficier d'une moyenne
de 3 500 $. Ça fait que je pense que c'est un grand geste
humain que nous avons fait ce matin.
Puis oui, j'étais bien... Elles étaient
enchantées, puis ça va probablement leur donner le goût de faire de la
politique un jour.
M. Leduc :
Dans un bon parti, on espère. À suivre.
M. Boulet : Je ne me prononcerai pas
là-dessus. On pourrait...
M. Leduc : Non, vous ne pensez pas
qu'il y a un parti qui est meilleur que l'autre, vous, M. le ministre? Vous devriez,
pourtant.
M. Boulet : Moi, je ne suis pas un
partisan de l'arrogance. En politique, c'est tellement la démocratie... la population
qui parle, puis il faut tellement respecter ce que la population décide. Alors,
c'est ça.
M. Leduc : Merci pour cette petite
anecdote sur les trois camarades qui sont venues nous voir aujourd'hui. C'était
bien apprécié.
Revenons sur l'étude de l'article en cours. Pour
vous mettre même un peu dans le bain, vous, M. le Président, qui vous... nous
joignez aujourd'hui, dans le fond, c'est un article, je ne le relirai pas au
complet, il était d'ailleurs assez long à lire, mais qui vise à créer un bureau
de soutien en santé et en sécurité du travail.
Puis il faut bien comprendre qu'en matière de
droit du travail, puis en matière de tous les droits, mais en particulier dans
le droit du travail, dans les droits sociaux, en général, il y a tout le
concept de l'effectivité du droit qui est important, à savoir : Bravo, là,
il y a une belle loi, là, qui est écrite, mais est-ce qu'elle fonctionne? Est-ce
qu'elle est effective? Est-ce qu'elle est appliquée au quotidien dans les
différentes situations où elle devrait l'être? Et donc cette effectivité du
droit, il y a toutes sortes d'écrits là-dessus, il y a des chaires de recherche
là-dessus, mais, au final, elle est beaucoup plus susceptible d'être
rencontrée, cette effectivité, s'il y a des mécanismes pour l'appliquer.
Pour, par exemple, les normes du travail, il
existe la Commission des normes du travail, qu'on a fusionnée, là, avec la
CSST, la Commission de l'équité salariale, il y a quelques années déjà. Mais la
CNESST, maintenant, elle est responsable d'appliquer cette loi-là. Et non
seulement elle est responsable de l'appliquer, mais en plus elle va accompagner et représenter des salariés non
syndiqués qui vont faire une plainte en fonction des normes du travail.
Elle va devenir, de facto, leur avocat, leur procureur, elle va les accompagner
devant le tribunal puis elle va les défendre.
Quand on est dans une situation de santé,
sécurité au travail, malheureusement, il n'y a pas d'équivalent. La CNESST ne jouera pas ce rôle-là précisément parce
qu'elle joue le rôle inverse. La CNESST va rendre des décisions, parfois
favorables au travailleur, parfois défavorables au travailleur, et c'est la
CNESST qui va se rendre devant le tribunal pour appliquer sa décision, donc
pour... souvent, dans une situation de décision défavorable au travailleur, la CNESST va aller combattre, entre parenthèses, le
travailleur devant le tribunal. Alors, on est dans un rôle complètement inversé de celui des normes du travail, où la
CNESST joue un rôle de procureur. Alors, c'est impossible, par la
structure même de la CNESST, de donner un rôle d'accompagnement similaire à
celui qu'il a sur les normes du travail et à le transposer dans un contexte de
santé, sécurité du travail. C'est impossible.
• (15 h 20) •
Cela dit, dans plusieurs autres législatures de
ce pays qu'on appelle le Canada, il y a des bureaux de soutien en sécurité et
en santé du travail. Ils ont toutes sortes de noms différents, j'en ai nommé
quelques-uns mardi matin, mais ce qu'il faut retenir, c'est que toutes les
autres provinces ont un bureau de représentation des personnes non syndiquées
principalement pour intervenir auprès du tribunal, les accompagner, et c'est
vraiment un aspect, je trouve, qui manque et qui est négligé, je pense, de la
réforme du ministre... qui couvre beaucoup, beaucoup d'angles, hein? C'est
ambitieux, la réforme du projet de loi n° 59. Il y a deux grosses lois, la
Loi de la santé, sécurité et la Loi de l'accident de travail et maladies
professionnelles. Il y a des avancées à gauche et à droite, mais une grosse,
grosse avancée, là, pour les travailleurs, une grosse réforme positive, bien,
on la cherche encore. Et les reculs, eux, par contre, sont plus faciles à
trouver. Mais ça, on en a déjà beaucoup parlé. Concentrons-nous donc sur cette
potentielle avancée, celle de la création d'un bureau de soutien en santé et en
sécurité du travail.
Comme je vous le disais, dans toutes les autres
provinces, il y a des bureaux d'équivalents qui font des services gratuits
d'accompagnement, des services-conseils, de la représentation de travailleurs
et travailleuses auprès de personnes non syndiquées qui vivent, donc, une
injustice, qui vivent une lésion du travail qui n'est pas reconnue ou qui ont
de la misère à faire reconnaître.
Quand j'ai souligné... soulevé ça, pardon, mardi
matin, le ministre nous a répondu que, bien, dans le fond, ce n'est pas si
grave s'il n'y avait pas de ce genre de bureau là, malgré qu'il y en a dans
toutes les autres provinces, parce qu'au Québec il y a ce qui s'appelle le
SACAIS, qui est un programme de soutien à l'action communautaire, qui est un
beau programme, dont le ministre est responsable, là, dans ses fonctions, qui
finance des... Dans le fond, c'est un programme de défense collective de
droit... des droits, j'oserais dire, le SACAIS, puis c'est très connu. C'est
très différent du PSOC aussi, le PSOC qui finance peut-être un peu plus la
mission des organismes et toutes sortes de programmes, en santé, notamment.
Mais le SACAIS, lui, c'est la défense collective des droits. Et c'est précisément
parce que c'est la défense collective des
droits que des groupes comme l'UTTAM, par exemple, l'Union des
travailleurs et travailleuses accidentés du travail de Montréal, peuvent faire
ce genre de travail là. Ils sont financés, ils peuvent faire de l'action
collective, mais ils ne peuvent pas faire de la défense individuelle en
fonction de ce financement du SACAIS. Ils réussissent à en faire un peu grâce à
d'autres types de financement, qui est celui de Centraide ou des dons de
communautés religieuses ou d'organisations syndicales.
Mais, pour donner un portrait, celui, donc, du
rapport annuel d'activité de l'UTTAM, c'est qu'il y a donc des dizaines de
milliers de personnes au Québec et à Montréal, dans le Grand Montréal en
particulier, qui reçoivent des prestations de la CNESST. Et, vous savez, à
l'UTTAM, ils sont quatre salariés.
Le
Président (M. Polo) : ...
M. Leduc :
Deux minutes. Est-ce que le ministre pense que quatre salariés à l'UTTAM, c'est
suffisant pour faire le travail de représentation de dizaines de milliers de
personnes non syndiquées?
Le Président
(M. Polo) : M. le ministre.
M. Boulet :
M. le Président, oui, je pense que c'est important de redire... Est-ce qu'il y
avait de quoi?
M. Leduc :
...voter l'autre côté, M. le Président.
Le Président
(M. Polo) : Pardon?
M. Leduc :
Je pense que je dois aller voter. Désolé.
Le
Président (M. Polo) :
Nous allons... Si vous permettez, nous allons suspendre les travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à
15 h 23)
(Reprise à 15 h 27)
Le Président (M.
Polo) : Alors, nous reprenons nos travaux. La parole était au ministre,
qui formulait une réponse. Juste pour vous informer, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
il vous reste 1 min 15 s, lorsque vous reprendrez la parole.
Allez-y, M. le ministre.
M. Boulet :
À la question : Est-ce que c'est suffisant quant à l'UTTAM?, vous savez
l'estime et le respect que j'ai pour l'UTTAM, ce n'est probablement pas assez.
C'est eux qui pourraient me donner la meilleure réponse.
Il y a un filet, quand
même, de protection qui est quand même très développé au Québec, là. Vous avez
fait référence au SACAIS. Il y a 40 % des travailleurs qui sont syndiqués.
Les non-syndiqués, il n'y a pas que l'UTTAM. Il
y a Au bas de l'échelle, il y a le CIAFT, il y a le CANO, il y a des groupes
dans toutes les régions, Montérégie, Saguenay—Lac-Saint-Jean, qui sont
financés. C'est des organismes de défense collective de droits.
Puis, ceci dit,
réforme positive... Quand on fait une réforme de cette ampleur-là, il y a des
éléments positifs puis il y a des éléments
moins positifs, mais, comme parlementaires, il faut trouver un bon équilibre
puis il faut s'assurer que, comme parlementaires représentant les Québécois,
les Québécoises, on s'assure aussi de représenter dignement puis adéquatement
les travailleurs et les employeurs, dans le cas présent. Évidemment, les syndicats
sont aussi des parties prenantes parce qu'elles représentent des travailleurs.
Mais l'UTTAM, s'il y
a des besoins additionnels, ça peut être géré par des demandes de financement
additionnelles au SACAIS ou par d'autres manières. Mais je pense que l'UTTAM
vous a déjà donné de meilleures réponses que la mienne là-dessus. Est-ce qu'ils
sont suffisants? Donc, c'était le commentaire que je voulais partager. Merci,
M. le Président.
Le Président (M.
Polo) : Merci. Ah! M. le député de Nelligan.
M. Derraji :
Oui, merci, M. le Président. Et je joins mon collègue le député d'Hochelaga
pour vous dire : Vous allez trouver
notre commission très agréable parce que c'est une commission où il y a pas
mal, pas mal d'échanges. Nous avons vécu tout un projet n° 78,
et le 59, je pense, il va être un des projets de loi où on va battre des
records, j'en suis sûr et certain. Je ne sais pas à quel... le nombre de
séances où on est rendus, nombre d'heures, mais je pense pas mal que nous
sommes pas mal dans les 70 heures, hein, M. le ministre, 70 heures?
M. Boulet :
Je ne sais pas. Mais moi, j'ai confiance. Ça va bien.
M. Derraji :
Oui, oui. Ça va très bien.
M. Boulet :
Puis, avec la bonne volonté puis de la détermination, on va passer au travers.
M.
Derraji : Ça va très bien, et vous allez aimer mon prochain
sous-amendement, M. le ministre. J'en suis sûr et certain que ça va
aller très, très, très bien. Je m'inspire de l'amendement de mon collègue le
député d'Hochelaga-Maisonneuve pour déposer un amendement. Donc, je demande une
petite suspension pour déposer un amendement.
Le Président (M.
Polo) : Nous suspendons. Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 30)
(Reprise à 15 h 39)
Le Président (M. Polo) : Merci à tous.
Nous reprenons les travaux. Un sous-amendement a été déposé par le député de Nelligan.
Je vous invite à le lire.
M. Derraji : O.K. Merci, M. le
Président. Donc, comme je l'ai mentionné au début, le collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve
faisait référence aux travailleurs non syndiqués, et c'est dans ce sens que je
présente le présent sous-amendement. Je vais commencer avec le premier
sous-amendement.
Donc, l'article 112.1. L'article 366.2
introduit par l'article 112.1 proposé au projet de loi concernant le
Bureau de soutien en santé et sécurité du travail est remplacé par le libellé
suivant :
• (15 h 40) •
«Sont institués le Bureau de soutien aux
travailleurs non-syndiqués et le Bureau de soutien aux petites et moyennes
entreprises.»
Merci, M. le Président.
Donc, explications. C'est que ce que... la
volonté que j'aimerais ramener, ou l'idée derrière cet amendement, c'est que je
comprends l'argumentaire du collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve. Et au tout
début, avant de voir cet amendement, nous avons parlé de la problématique des
travailleurs qui n'arrivent pas à naviguer à l'intérieur du système et qui aimeraient être accompagnés à
l'intérieur de la machine. Le ministre nous a exposé quelques exemples.
Mais, comme
vous le savez, il y a quelques jours, il y avait toute une représentation de
travailleurs syndiqués, non syndiqués, que j'ai eu l'occasion de parler
avec eux à l'extérieur du Parlement, une manifestation qui a duré
59 heures en guise de protestation pour le projet de loi n° 59.
Mais ce qui nous intéresse et ce qui m'intéresse
personnellement dans le cadre de ces sous-amendements, c'est ramener l'enjeu
des petites et moyennes entreprises. Ce n'est pas vrai que c'est uniquement les
travailleurs non syndiqués qui souffrent de ce problème d'accompagnement. On
peut parler d'une relation de travail qui lie le travailleur syndiqué ou non
syndiqué — je
vais plus dire non syndiqué, hein, et le collègue d'Hochelaga a raison de soulever cette problématique — mais il ne faut pas oublier, dans
l'équation, qu'il y a des petites et moyennes entreprises qui aussi ont
besoin d'accompagnement.
Et c'est de là, quand nous avons commencé nos
recherches... le bureau en Ontario, qui est le parfait exemple de l'accompagnement des travailleurs, et je me
suis dit : Bon, si le Québec veut être leader au niveau de la
modernisation et de l'accompagnement des travailleurs non syndiqués, bien, on
peut aussi le faire pour les petites et moyennes entreprises. Et c'est de là
l'esprit que je ramène pour sous-amender l'amendement du collègue et ramener ce
réflexe d'avoir aussi un bureau de soutien aux petites et moyennes entreprises
pour les accompagner. Voilà, M. le Président.
M. Boulet : Si vous me permettez,
moi, je salue ce sous-amendement, dans la mesure où il reflète une préoccupation non seulement pour les travailleurs,
mais aussi pour les PME. Il y a beaucoup de PME qui ont besoin de support, de soutien, d'accompagnement, puis ce n'est pas le même filet
de soutien pour les PME que pour les travailleurs.
En même temps, vous le savez, il y a beaucoup de
PME, même la majorité, qui font partie de ce qu'on appelle des mutuelles de prévention. Les PME se regroupent pour
mutualiser les coûts, diminuer leur taux de cotisation, faire de la
formation, s'assurer de faire des demandes de partage de coûts conformément aux
articles pertinents de la Loi sur les accidents du travail et maladies
professionnelles. Sans oublier qu'à la CNESST, comme pour les travailleurs, il y a des agents d'indemnisation qui répondent aux
besoins d'information, la CNESST étant un organisme qui tranche,
là, qui rend des décisions délimitant les droits tant des entreprises que des travailleurs.
Mais, pour les autres raisons déjà mentionnées, ce que nous souhaitons, c'est
qu'il y ait un accompagnement suffisant.
Il y a
aussi les associations sectorielles paritaires, au-delà des mutuelles de
prévention, puis il y a la fédération. On parlait justement des
amis de notre collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, notamment la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante. Ils font beaucoup de formations maintenant
en matière de santé et sécurité. Il y a les corporations comme les CRHA, c'est
incomparable avec ce qu'ils ont en Ontario en termes de réseau partenarial.
Puis vous connaissez les autres organisations qui font de la formation puis qui
font de l'accompagnement, puis la Commission des partenaires du marché du
travail est un exemple que vous connaissez bien, collègue de Nelligan.
Mais ceci dit, au-delà du mérite, ce qui est
intéressant de votre sous-amendement, c'est que ça vient nous redire
l'importance, dans un projet vaste de modernisation, de tenir compte des
intérêts de tout le monde. Il y a des intérêts communs, puis il y a des
intérêts divergents, puis il faut trouver, dans un projet de modernisation
comme le nôtre, la façon d'accroître le champ des intérêts communs et de
diminuer le champ des intérêts divergents. On ne les éliminera pas. Ce n'est
pas comme un risque au travail. On aurait beau faire toute la prévention
imaginable sur la Terre, il va y avoir encore une certaine fréquence et une
certaine gravité de lésions professionnelles. Mais essayons d'aller dans la
bonne direction et de faire du mieux qu'on peut. Merci, M. le Président.
M. Derraji : Merci, M. le Président.
Bien, écoutez, je vous entends, M. le ministre, et je pense que vous avez
entendu les commentaires de mon collègue le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Et
je tiens à saluer aussi l'effort de la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante. Sérieux, ils font un bon travail, surtout pour
l'accompagnement des PME, et c'est eux qui nous ont sensibilisé aussi de
l'impact pour certaines PME, et c'est eux qui cotisent aussi dans...
c'est-à-dire ils contribuent à notre régime.
Donc, c'est là où je vous sensibilise, M. le
ministre, parce que, quand on parle des travailleurs non syndiqués, de l'autre
côté, il y a des PME qui se ramassent à contribuer, vous l'avez mentionné, dans
des mutuelles, et parfois ce n'est pas tout le monde qui
est membre d'une mutuelle, et il y a un fardeau pour ces PME. Et parfois ce
n'est pas pour mal faire, parfois le manque d'information, le manque
d'accompagnement, et ce n'est pas facile, naviguer dans tous ces aspects. C'est
que, si tu n'as pas un problème et tu n'as pas à vivre cette expérience, c'est
toujours la première expérience qui te dicte, par la suite, la démarche à
suivre, surtout si le milieu, il est sécuritaire. Mais Dieu sait qu'au nombre
de fois qu'on reçoit des appels, parfois, les gens sont tellement surpris de la
paperasse et de la navigation dans le système pour être accompagnés et pour
faire respecter la Loi sur la santé et sécurité du travail.
Et c'est de là où je me suis dit : Bon,
est-ce qu'il n'y a pas des oubliés, M. le ministre? Oui, la FCEI fait un travail exceptionnel, et je prends le temps de
saluer le travail de la FCEI, la FCCQ, le Conseil du patronat du Québec,
les Manufacturiers et exportateurs du Québec, parce que l'ensemble de ces associations
patronales, ils insistaient sur la modernisation du régime de la santé et
sécurité au travail. Pour eux, c'est une obligation de le moderniser, bien
entendu pas au détriment des travailleurs, ça, je l'ai toujours, toujours dit.
Mais aujourd'hui, si on veut penser aux
travailleurs non syndiqués, ce qui est une chose bonne, il ne faut pas oublier que, de l'autre côté, ceux qui
contribuent, donc le monde patronal qui contribue à ce régime aussi, bien, il y
a des personnes oubliées. Et les
oubliés de ce système, c'est ces PME qui... parfois, les règles... Vous avez
mentionné, M. le ministre, CRHA, vous avez mentionné d'autres groupes
qui accompagnent ces PME en termes de santé et sécurité, mais aujourd'hui, ce
que je veux ramener sur la table, c'est l'équité dans le processus. C'est cette
équité dans le processus qui, un, va nous éviter des longs délais, des longs
délais de la judiciarisation, mauvaise connaissance de la loi, des milieux non
sécuritaires, de la prévention qu'on peut dire moitié-moitié. Donc, c'est cet
aspect que j'aimerais ramener sur la table.
Si vous me
dites que ça se fait déjà avec des programmes que la CNESST a déjà avec
l'ensemble des associations patronales... mais, comme dans le cas des
travailleurs non syndiqués, qui s'occupent de ces PME qui n'ont pas... qui ne
sont pas membres d'aucune association, qui, pour eux, c'est très difficile,
naviguer à l'intérieur du système? Ça, c'est question 1.
Question 2 : Est-ce qu'au niveau de la
CNESST il y a des programmes ou des projets pilotes avec ces associations
patronales, qui sont des contribuables dans ce régime et des gens qui
contribuent au sein de ce régime, de faire de la formation continue à ces
patrons de PME? Parce que ce n'est pas l'ensemble des PME qui ont des
départements de ressources humaines. Et c'est là l'idée du bureau
d'accompagnement, qui existe ailleurs et qui ne doit pas, je tiens à le
préciser, qui ne doit pas sortir de la poche des PME ou des patrons de PME
parce que déjà ils contribuent. Voilà. Merci, M. le Président.
M.
Boulet : Bien, écoutez,
les seuls commentaires que je ferais, c'est que les organisations que vous mentionnez, là, la
FCEI, le Conseil du patronat, le FCCQ puis les MEQ, ils ont effectivement en place des programmes de formation, de soutien,
d'accompagnement.
Ce que je retiens surtout de votre propos, c'est
qu'il faut décomplexifier nos systèmes, il faut simplifier les façons de faire.
On y a référé pour des programmes, là, pour des travailleurs étrangers
temporaires, mais tout ce qui est programme gouvernemental... Puis mon collègue
à l'Économie et Innovation, en fait, on travaille beaucoup à l'allègement des
processus réglementaires. Puis, à la CNESST, je pense qu'on contribue, dans une
certaine mesure, à alléger le processus.
Mais, je le répète, la majorité des petites
organisations sont dans des mutuelles de prévention pour des raisons de coûts.
Il y a aussi beaucoup de formation avec eux. Il y a beaucoup de formation avec
les associations sectorielles paritaires. Il y a un réseau très développé, au
Québec, d'organismes qui font de la formation, du soutien et de
l'accompagnement pour le bénéfice des PME puis, je le dis aussi, pour le
bénéfice des travailleurs. Donc, c'est complet, M. le Président.
• (15 h 50) •
M. Derraji : Je vous comprends. Je
vous comprends, M. le ministre. Vous êtes comme à l'intérieur d'un dilemme et
vous savez très bien. De l'autre côté, il y a mon collègue de Québec solidaire,
et, de l'autre côté, vous avez le Parti libéral. Vous pouvez trancher au milieu
et trouver une solution qui répond aux besoins à la fois des travailleurs non
syndiqués et des PME. On est en train de moderniser, M. le ministre. On est en
train de moderniser.
M. Boulet : Non, mais la solution,
on l'a déjà.
M. Derraji : Vous êtes un gars centriste. Vous avez agi
toujours au centre depuis le début, hein, M. le ministre?
M. Boulet : Non, mais les
solutions — parce
qu'il n'y a pas la solution, mais les solutions — existent déjà dans le
marché québécois. Puis parlez-en au CRHA, parlez au CCTM, parlez-en aux
organisations syndicales, parlez-en aux associations patronales, on a déjà un
filet extrêmement développé et sophistiqué, pas simplement de formation, mais
aussi d'information puis de sensibilisation. Je pense que, dans son
application... Bien sûr, il va falloir faire de la formation nouvelle. C'est la
raison pour laquelle on va référer plus tard aux associations sectorielles paritaires,
aux campagnes d'information que nous allons devoir amorcer suite à l'adoption
du projet de loi, de formations puis de sensibilisation, et la façon...
Puis la CNESST va développer aussi, collègues,
je le dis pour le bénéfice de mes trois collègues, beaucoup d'outils. Vous
l'avez vu, durant la pandémie, on est partis de zéro puis on a fait
26 guides de normes sanitaires par secteur d'activité complètement
nouveaux, avec des fiches d'information, avec des guides sur application
mobile, avec des services pour répondre aux questions tant des PME que des
travailleurs.
Puis,
dans le secteur de la construction, ils ont véritablement été en amont. On a
formé un comité tactique où les syndicats, les patrons étaient présents, la
Santé publique, l'INSPQ, la CNESST. Tout le monde a collaboré, tout le monde
s'est viré de bord. On apprend.
Puis là, évidemment,
ça va être une nouvelle loi puis ça va... il va y avoir une période de
transition, mais on va s'adapter quand même sur le fond, sur les façons de
faire. Les agents d'indemnisation, notamment de la CNESST, vont être au service
des demandes d'information tant des PME que des travailleurs.
M.
Derraji : Ce que j'aime avec
votre exemple, M. le ministre, c'est de parler de l'importance de la
formation et de l'accompagnement. Et ça a été vu d'une manière très claire lors
de cette pandémie. Vous avez évoqué, nous avons eu la chance de recevoir, dans
cette même salle, la CNESST, et je les ai remerciés par rapport aux guides par
secteur. Et, à certains moments, ils ont très bien réussi, et, dans certains
cas, c'était un peu difficile. Et ces deux-là... Moi, je vous fais juste une
petite référence, et c'est très important de garder ça en tête parce que je
sais que la volonté qu'on a autour de la table, l'ensemble des collègues, c'est
vraiment une vraie et une réelle modernisation. Oui, on parle de
l'indemnisation, mais l'idée qu'on vous propose autour de la table, peu importe
côté non syndical, travailleurs ou côté patronal, PME, est extrêmement importante.
Et je veux juste vous
citer le CRHA. Le CRHA, ils nous ont dit quelque chose de très important :
Il faut informer et éduquer davantage. Ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas
suffisant, et il ne sera jamais assez. Regardez, même pendant la pandémie, vous
étiez obligé de faire des guides et de s'adapter à une réalité qui était hors
de votre contrôle. C'est une pandémie, je l'avoue. Mais, si nous sommes rendus
aujourd'hui à parler de l'indemnisation, dont certains aspects où l'utilisation
était très difficile, bien, pensons juste au télétravail, pensons à des milieux
de travail où il n'y avait pas de règles, où l'accompagnement, il est très
difficile.
J'insiste sur un
point au niveau de l'accompagnement. L'idée qu'on vous ramène, c'est que
j'espère que, si la CNESST pense à un système d'accompagnement pour les PME,
qu'au bout de la ligne les employeurs ne vont pas se ramasser à payer les
avocats des employés ou employeurs. Le but, c'est accompagner par rapport aux
mesures de prévention. Et je vous ai dit, M. le ministre, par rapport aux
lésions, que ce soient les lésions psychologiques ou autres, l'Ordre des CRHA
insiste beaucoup sur la formation et sur l'appui à l'éducation davantage des
travailleurs.
Et l'aspect que je
voulais ramener avec l'insertion, dans l'amendement du collègue, des petites et
moyennes entreprises, c'est que, un, il ne faut pas que ça coûte quelque chose
aux PME, il ne faut pas que les employeurs... c'est
les employeurs qui vont payer les avocats, employés et employeurs, parce que je
ne veux pas que ça soit un autre fardeau
financier pour les PME. Le but... Il y a déjà une contribution, les employeurs
le font, mais est-ce qu'on investit davantage au niveau de l'éducation,
au niveau de la prévention et de l'accompagnement? D'où l'idée du bureau.
Donc, si le bureau...
le bureau de soutien financé par le ministère va avoir comme tâche de diminuer
le fardeau sur les PME et, de l'autre côté aussi, être la porte
d'accompagnement pour les travailleurs non syndiqués, mais aussi les PME. Voilà.
M. Boulet :
On se connaît bien maintenant. Vous savez à quel point, pour moi, à quel point
c'est important de faire de la formation. Et vous allez voir, d'ailleurs, pour
les associations sectorielles paritaires, il y a des budgets de formation, il y
a la possibilité de créer des nouvelles associations sectorielles paritaires
puis des associations aussi multisectorielles dans les milieux non syndiqués. De
même, il va falloir mettre l'accent, puis ça, ça s'applique dans l'ensemble des
lois du Québec, que ce soient des lois sociales, administratives, ou lois du
travail. Et la CNESST non seulement finance les activités de formation des
associations sectorielles paritaires, elle contribue à des initiatives de
simplification de la loi puis elle donne, elle fabrique des outils de
simplification un peu à la lumière de ce que vous connaissez, là. Éducaloi fait
beaucoup de formations pour faire comprendre à la population comment appliquer,
comment exercer des droits, peu importe la nature de la loi. Donc, à la CNESST,
on fait beaucoup aussi de ce type d'initiative là. Merci, M. le Président.
M. Derraji :
C'est très intéressant, ce que vous me dites par rapport à la CNESST, mais
n'oubliez pas, nous sommes en train de moderniser. Ça veut dire il va y avoir
un avant et un après projet de loi n° 59. Donc,
j'espère que vous êtes capable de dire dès maintenant... l'amendement, on passe au vote, vous allez voter contre, et on
perd le combat.
Mais au-delà du
combat, M. le ministre... Et je sais que vous êtes très sensible, et on a toujours
fonctionné comme ça avec vous, parce que l'idée, c'est... vos équipes sont là,
vous êtes là, nous sommes en train d'étudier et de moderniser une loi extrêmement
importante. Et je vous parle et je reçois des messages en parallèle des gens
qui nous écoutent, qui suivent, qui ont des attentes énormes par rapport à
cette loi. Et moi, la seule chose que je veux ramener sur la table, c'est que... ne pensez pas que c'est aussi facile pour les
PME, ne pensez pas qu'aussi pour les employeurs c'est facile... que ce soit perdre un travailleur dans un contexte
de rareté de main-d'oeuvre, de pénurie
de main-d'oeuvre. Je parle beaucoup du secteur privé. Je sais que mon collègue,
tout à l'heure, parlait beaucoup du secteur public. D'ailleurs, il vous a posé
une question aujourd'hui...
M. Boulet :
Deux.
M. Derraji :
...au salon bleu, et vous...
M. Boulet :
En fait, trois, là, mais deux...
M. Derraji : Oui, oui. Il
interpelait aussi vos collègues sur l'éducation.
M. Boulet : ...une sur la santé, une sur l'enseignement, puis merci pour les questions. J'ai bien apprécié les deux.
M.
Boulet : Et je pense que le ministre
apprécie préparer une autre pour demain, même s'il ne sera pas là, M. le
ministre.
M. Boulet :
Moi non plus.
M. Derraji :
C'est la bulle. C'est la bulle.
M. Boulet :
La semaine prochaine, Alex!
M. Derraji :
Donc, non, non, mais nous avons l'habitude, dans ce projet de loi, mais surtout
avec vous, d'avoir une certaine collégialité autour de la table. Moi, je ne
vise pas uniquement l'amendement du collègue ou l'amendement que je ramène,
mais vous avez l'exemple parfait qu'on peut, ensemble, faire avancer des idées.
Le collègue vous a
ramené l'idée des travailleurs non syndiqués qui l'ont interpelé, et ils m'ont
interpelé lundi. J'ai passé avec eux une trentaine de minutes à l'extérieur du
Parlement. Il faisait très froid, j'avais une petite chemise. Ils m'ont
dit : Écoute, est-ce que vous avez oublié votre manteau à Montréal? Oui,
je l'ai oublié, mais la discussion était tellement chaude que je n'ai jamais...
pas senti qu'il faisait froid à l'extérieur.
Juste,
je vous partage une situation, M. le
ministre, mais c'est intéressant de ramener ce débat sur la table, M. le ministre, parce que, là...
• (16 heures) •
M. Boulet :
...oui, puis c'est tout à fait appréciable que vous ayez des discussions avec
l' UTTAM, comme le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a des discussions avec la
FCEI. C'est comme ça que nous devons travailler. C'est comme ça que nous
pouvons faire avancer notre projet de modernisation.
Mais vous voulez
avoir nos intentions au-delà de l'amendement technique. Les formations, là, il
va falloir continuer d'en faire constamment, parce qu'on a beau avoir des mécanismes
de prévention, même dans une loi comme
celle-là, puis des mécanismes de participation, des comités de santé et
sécurité, des représentants en prévention, mais il faut sensibiliser,
former puis informer. Puis je pense que les guides sectoriels qui ont été faits
de façon collaborative durant la pandémie sont des illustrations de l'immense
capacité du Québec de se prendre en main quand il est question de santé et
sécurité.
Puis,
quand j'en parlais avec mes homologues des autres provinces dans des
conférences fédérales-provinciales-territoriales, ils louaient, ils
saluaient la façon québécoise de faire, ils vantaient la qualité du réseau partenarial québécois. Mais c'est sûr qu'il faut
en faire plus, mais moi, je ne suis pas un créateur de structures, là. Tu
sais, il ne faut pas recréer des structures
parallèles à celles que nous avons déjà. Pour les travailleurs, il y a déjà un
bon filet.
Ceci dit, moi, je ne
suis jamais fermé à l'améliorer, ce filet-là. Que ce soit pour l'UTTAM, ou Au
bas de l'échelle, ou pour d'autres,
l'important, c'est qu'il y ait un accompagnement qui soit... qu'on soit en
mesure de répondre aux besoins et à la demande. Puis la même affaire
pour les PME, puis... vraiment heureux que vous ayez soumis ce
sous-amendement-là. Ça nous permet de réitérer l'importance de trouver un bon
équilibre dans tout ce que nous faisons, ni parfait d'un côté ni parfait de
l'autre, mais un bon équilibre.
M. Derraji :
Mais moi, ce que je cherche aujourd'hui de votre part, M. le ministre, et
je veux le dire d'une manière très, très claire, parce que, j'en suis sûr, mon
collègue va le faire pour les travailleurs non syndiqués, c'est que j'ai
plusieurs demandes de PME et d'employeurs qui lèvent beaucoup de drapeaux
rouges. Et déjà ils cotisent. Et ça, vous le savez, et ce n'est pas par rapport
aux travailleurs ni au détriment des travailleurs.
C'est que... est-ce
que vous avez la volonté, après l'adoption du projet de loi... si on faisait un
10 % d'effort sur les programmes de sensibilisation avec des associations
patronales, et je pense à la Fédération des chambres de commerce du
Québec, je pense au Conseil du patronat du Québec, je pense aux Manufacturiers
et exportateurs du Québec, je pense à la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, est-ce que vous avez un plan que votre investissement, que ce soit en termes d'argent ou
temps, sera doublé? Est-ce que vous avez chiffré? Parce que, si on ne change pas la façon avec laquelle on travaille
avec ces associations patronales pour augmenter et simplifier l'accompagnement
pour ces PME, pour des milieux sécuritaires, bien, ça va être un peu difficile,
et les résultats ne seront pas...
M. Boulet :
Non, mais vous avez mon engagement, là. Les budgets qui seront requis...
Le Président (M.
Polo) : M. le ministre, compte tenu qu'il y a un vote qui doit
prendre place, je vais suggérer de suspendre quelques instants. Nous allons
reprendre la discussion tout de suite après.
(Suspension de la séance à
16 h 03)
(Reprise à 16 h 04)
Le Président
(M. Polo) : Merci, chers collègues. Donc, nous reprenons. La
parole est à vous, M. le ministre.
M. Boulet : Ah! je n'ai pas
d'autre commentaire.
Le
Président (M. Polo) : Bon, allez-y, M. le député de Nelligan.
M. Derraji :
...terminer par rapport à ce point. C'est noté, M. le ministre. C'est sûr que
ce n'est pas la fin. C'est le début, parce qu'avec la modernisation c'est un
premier pas. Comme on s'est entendus par rapport au p.l. n° 78,
par rapport au rapport de mise en oeuvre au niveau du registraire, je pense
que, même avec ce projet de loi, on va s'attendre à un suivi au niveau des
comités paritaires au niveau de l'ensemble des régions. Mais l'idée derrière le
sous-amendement, c'est que, oui, il y a les travailleurs non syndiqués, mais il
y a aussi l'appui aux PME, surtout dans certaines régions où l'accessibilité à
la formation, elle n'est pas uniforme, si j'ose dire. Voilà.
M. Boulet :
...multiplier les initiatives de sensibilisation, de formation, de soutien,
d'accompagnement pour les travailleurs et pour les PME, particulièrement.
Merci.
Le Président
(M. Polo) : M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Merci, M. le Président. Je ne peux pas m'empêcher de réagir. J'ai un peu
sursauté, là, quand le ministre a dit tantôt qu'il y avait un bon filet, en ce
moment, au Québec. J'ai de la misère à être d'accord, là. Un bon filet? Il y en
a un. Il y a des groupes, on les a nommés tantôt, entre autres l'UTTAM, il y a
des formations qui existent — là, je parle autant pour les PME, mais,
entre autres, pour les travailleurs aussi — mais un bon filet?
J'ai un chiffre ici,
là, qui est assez éloquent : 11 500 litiges devant le TAT par année
dans la grande région de Montréal. 11 500. Ils sont quatre salariés à
l'UTTAM. 11 500 litiges par année. Comment ils peuvent gérer ça? C'est
juste impossible. Ça constitue un bon filet, ça?
M. Boulet :
Mais je ne suis pas en mesure de vérifier, de confirmer ou d'infirmer les
statistiques. Il y a des personnes qui se représentent par elles-mêmes. Il y en
a d'autres qui sont représentées par des avocats, des avocates qui reçoivent
des honoraires de l'aide juridique. Il y en a d'autres qui font... qui sont
représentées par des conseillers en
relations de travail. Il y en a par des membres de l'ordre des CRHA. Il y a un
filet. Il y a énormément de consultants puis il n'y a pas que l'UTTAM.
Il y a Au bas de l'échelle, il y a le CIAFT. Il y a d'autres organismes de
défense collective de droits pour les travailleurs immigrants, pour les... Bon,
je dis «canaux», là, mais il y en a, des carrefours d'aide, là, pour les
travailleurs non syndiqués.
Ceci
dit, collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, on pourrait en parler longtemps. Je ne dis pas
qu'il y a assez de service-conseil, mais, si, moi, un jour, on me fait
une démonstration qu'on a besoin d'un soutien financier différent à l'UTTAM parce
qu'il y a une problématique de déséquilibre entre l'offre et la demande, on
sera prêts à analyser ça. C'est juste
que je ne suis vraiment pas d'avis qu'il faille créer des structures parallèles
à celle d'UTTAM, Au bas de
l'échelle, CIAFT et autres. Et moi, je pense
qu'on complexifie, on bureaucratise puis on n'atteint pas l'objectif
qu'on recherche. Ce n'est pas avec les structures qu'on soutient, c'est
avec la simplification, puis c'est dans cette philosophie-là que la CNESST
travaille.
Ceci
dit, on pourra faire l'inventaire de toutes les personnes... Puis il y a des personnes,
même des travailleurs syndiqués, non syndiqués, à la retraite qui
représentent, qui connaissent très bien le régime de santé-sécurité du travail.
Puis il y a des syndicats, il y a des conseillers syndicaux qui sont devenus
des spécialistes en santé et sécurité, qui représentent des travailleurs, là.
Ça fait que je ne veux juste pas réduire... puis j'ai beaucoup d'estime pour
l'UTTAM, mais je ne veux pas réduire le corridor à limiter ça à l'UTTAM. Merci,
M. le Président.
M. Leduc :
Puis je comprends ça, mais élargissez-le pas trop non plus, là.
M. Boulet :
Il y en a.
M. Leduc :
Dans le réel, là, il n'y a pas tant de monde que ça. Vous nommez le CIAFT puis Au
bas de l'échelle, mais ils ne font pas de représentation individuelle en santé
et sécurité au travail. Au bas de l'échelle, ils font de la représentation
individuelle, oui, mais en normes du travail.
M. Boulet :
Bien, il y en a qui en font puis il y en a qui en font par... en utilisant des
représentants qui sont éparpillés. Moi, le souvenir que j'ai de ma région, là,
il y a plein de conseillers qui en font, là, pour les travailleurs non
syndiqués. Je n'ai jamais eu... puis même le juge au Tribunal administratif du
travail, si un travailleur arrivait seul puis qu'il dit : Je ne suis pas
capable de... je ne comprends rien, il va ajourner, il va suspendre l'audience
puis il va permettre à la personne de pouvoir consulter un membre d'une
fédération ou d'une association qui représente des travailleurs non syndiqués.
Ce n'est pas en créant des...
Mais bon, je vais
finir par me répéter, M. le Président. Je pense que...
M. Leduc :
Vous dites que ce n'est pas en créant des structures, d'accord, mais
visiblement toutes les autres provinces du Canada ont fait ce choix-là, avec
des variations d'une place à une autre. On est la seule, au Canada, qui n'a pas
cette structure-là.
• (16 h 10) •
M. Boulet :
Ah mon Dieu! Mais ça, je l'ai dit, là, comparons-nous pas à l'Ontario en termes
de qualité de réseau partenarial. Puis le SACAIS, allez me trouver le
comparatif en Ontario, allez me trouver le comparatif des organismes de défense
collective de droit.
Mais, en fait, est-ce
qu'on est encore sur le sous-amendement du collègue de Nelligan, là? O.K. Mais
moi, je n'ai plus de commentaire à faire.
M. Leduc : Bien, vous me dites «la
défense collective», mais je vous ai expliqué tantôt très clairement que le
SACAIS, votre programme ne finance pas la défense individuelle de droit. Elle
défend la défense collective... elle soutient la défense collective de droit.
M. Boulet : Non, mais c'est de la
défense individuelle, puis il y a d'autres organismes.
M. Leduc : Mais pas via le SACAIS.
M. Boulet : Tu sais, quand je vous
ai parlé... Bien, c'est parce que je finis par me répéter, là. Les travailleurs
immigrants agricoles à Saint-Rémi, le CANOS, le carrefour d'aide aux
travailleurs non syndiqués... Il y a d'autres groupes, là. On pourrait faire
l'inventaire de tout ce qui est financé par le SACAIS, là, mais il y a du
financement qui est accessible puis il y a une capacité pour répondre à la
demande. Peut-être que, par périodes, il manque de conseillers, là, mais il y a
aussi des CRHA, là. Ils sont 10 000 membres, les CRHA, puis il y a un
pourcentage très élevé qui sont dans la région de Montréal. Vous allez me
dire : Ce n'est pas tous des spécialistes en santé et sécurité, mais il y en a un fort pourcentage, de personnes
de cette corporation-là, qui représente des travailleurs, là, non
syndiqués. Elles sont représentées, ces personnes-là, là.
M. Leduc : Oui, mais à grands frais,
évidemment. Mais oui, mais avec des frais...
M. Boulet : Bien là, moi, je ne
discuterai pas des honoraires des conseillers des CRHA. Il y en a à 80 $
de l'heure, comme il peut y en avoir à 200 $. Mais les travailleurs, ils
sont bien représentés, là, puis...
M.
Leduc : Hi, là, là! Vous
affirmez ça, vous, aujourd'hui : en
matière de santé et sécurité, les non-syndiqués sont bien représentés?
M. Boulet : Bien, je pense qu'ils
ont accès à une représentation, à des services.
Puis les PME, le collègue de Nelligan l'a
soulevé à juste titre, il y a des PME qui sont probablement dans des situations
aussi précaires que des travailleurs aussi. Tu sais, c'est tout le monde, là.
Mais toutes les lois ont un certain niveau de
complexité. Ce qui est important, c'est que la CNESST travaille à produire des
outils de simplification de la loi dans son application. Puis ça, ce n'est pas
nouveau, ça existe depuis des années.
M.
Leduc : On parlait tantôt d'association, mais justement, on nomme
souvent l'UTTAM, bien sûr, c'est la plus connue, mais vous savez qu'il y a des équivalents, donc, de l'UTTAM dans
plusieurs régions. Hier, à la vigie, j'ai rencontré deux personnes de
l'équivalent de l'UTTAM en Abitibi-Témiscamingue. Ils ont fait tout le chemin.
Ce n'est pas une petite «ride» d'autobus d'une couple d'heures, là, c'est quand
même tout un chemin. Ils sont venus ici pour vous dire à vous, M. le ministre,
qu'ils voulaient une meilleure loi. Mais ils sont venus d'Abitibi-Témiscamingue.
Alors, ils ne sont pas gros, ils sont deux en Abitibi-Témiscamingue pour tout
un territoire, un immense territoire.
Des équivalents d'unions de travailleurs, travailleuses
accidentés du travail, là, peu importe la région, il y en a dans
certaines régions, mais il n'y en a pas dans la région de Québec, il n'y en a pas dans la région de l'Outaouais, il n'y
en a pas dans la région du Saguenay.
Ce n'est pas des petites régions, là, c'est dans les régions les plus
peuplées. Puis celle de Montréal, c'est le Grand Montréal, le très, très Grand
Montréal, là, la Montérégie, la couronne nord, Laval, ils sont quatre. Ils sont quatre pour défendre des dizaines et des
dizaines de milliers de non-syndiqués. Ce n'est pas banal.
Moi, je suis
surpris que vous disiez : Il y a un bon filet, ils sont bien représentés. Oui, ils
font des petits miracles, mais, mon Dieu, c'est une goutte dans un
océan, là. Il y a tellement, tellement de gens non syndiqués qui vivent des
problèmes. Puis... vous les réfère aux gens qui sont membres du CRHA. Ils sont sûrement
des gens très compétents, mais ça coûte des sous, là. Ça fait que ça ne me
semble pas une solution particulièrement efficace.
M. Boulet : Bon, je vais... puis on
était constamment préoccupés. Puis j'avais fait référence à l'UTTAM, notamment,
qui m'avait interpelé pour les laissés-pour-compte, puis en leur disant que,
quand on parle d'un retour prompt et
durable au travail... Tu sais, eux autres, ils me disaient : Ils ne sont
pas... Ils n'ont pas accès aux mesures de réadaptation, ils sont consolidés, ils ont une atteinte
permanente à l'intégrité physique ou psychique, ils ont des limitations
fonctionnelles puis ils finissent par, en raison de la chronicisation de leurs
lésions, être laissés pour compte, être mis en marge. Je pense que, dans le
bloc Indemnisation, on a fait des grands pas en avant pour les accompagner,
leur donner accès aux services de conseillers en réadaptation puis à des
mesures qui vont leur permettre d'être accompagnés, puis toujours avec... sous
les autorisations du médecin traitant.
Mais, tu sais, je ne veux pas prétendre : Il
y en a assez, il n'y en a pas assez. Je veux juste que... Oui, il y aura des
efforts additionnels à faire, puis on pourra en parler au cas par cas. Mais
moi, ça complétait les... pour le sous-amendement, là, concernant les PME, ça
complétait mes commentaires.
Le Président (M. Polo) : Allez-y, M.
le député.
M. Leduc : Merci,
M. le Président. Dans un des mémoires qu'on a reçus pendant les audiences de ce
projet de loi là, qui est celui de Katherine Lippel, là, une sommité en matière
de santé et sécurité au travail, à la page 16 de son mémoire, elle dit la
chose suivante : «Thématiques absentes de la réforme proposée. Soutien
multidisciplinaire aux travailleurs et aux
syndicats : En Ontario, le fonds d'accident finance les Occupational
Health Clinics for Ontario Workers, des cliniques multidisciplinaires
indépendantes qui soutiennent les travailleurs et les syndicats aux prises avec
des problèmes de santé au travail dans leurs milieux. Un accès à un tel service
serait important pour promouvoir l'équité du régime.»
Alors, encore une fois, c'est Mme Lippel. M.
le ministre y a fait référence à plusieurs reprises, à quel point il respectait son opinion, à quel point il respectait
son parcours. C'est vraiment une sommité en santé et sécurité. Et, dans
la liste des absents, là, de cette réforme-là, il y a ça, le soutien
multidisciplinaire aux travailleurs et aux syndicats.
Également, un autre rapport qui, lui, n'a pas nécessairement
été déposé en audience ici, mais qui a fait quand même beaucoup de bruit, là, c'était le rapport de l'IRIS,
l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, paru... je crois que c'est l'année passée, qui s'appelle La
judiciarisation du régime d'indemnisation des lésions
professionnelles au Québec et couvre, là, surtout la question de
l'imputation, là, mais il couvre aussi d'autres aspects. Et leur recommandation
n° 3, à la page 53 de leur rapport, va comme suit : «La mise en
place de bureaux de conseillers des travailleurs et travailleuses et des
employeurs. Rejoignant la recommandation précédente, nous recommandons la mise
sur pied de bureaux de conseillers des travailleurs et travailleuses et de
bureaux de conseillers des employeurs, à l'instar des provinces de l'Ontario et
de la Colombie-Britannique. Sous la responsabilité du ministère du Travail et
financés par les cotisations des employeurs à la CNESST, ces bureaux
permettraient de soutenir les travailleuses et travailleurs, surtout les travailleurs et travailleuses non syndiqués
faisant face au coût prohibitif des services juridiques, dans la
compréhension de leurs droits et dans leur expérience des procédures de gestion
de dossiers.» Et j'insiste sur «coût
prohibitif». «Ces bureaux contribueraient également à la réduction de la
judiciarisation en permettant aux employeurs, surtout les plus petites
entreprises, d'être en phase avec la loi et avec son application, et d'être
supportées et dirigées dans la mise en place de programmes de prévention en
santé et sécurité au travail.»
C'est des gens quand même sérieux, ça, Katherine
Lippel, l'IRIS. On ne sort pas ça d'un chapeau aujourd'hui, là. Vous avez
certainement eu à y réfléchir en amont de cette commission.
M. Boulet : Non, écoutez, vous savez
tout le respect que j'ai pour la Pre Lippel, qui, à bien des égards, a eu
des commentaires favorables à notre projet de modernisation. Écoutez, je n'ai
pas d'autre commentaire sur le sous-amendement présenté par le collègue de
Nelligan, là. Je pense que j'ai... je finirais par me répéter, là, puis...
M. Leduc : Parce que le bout de
l'IRIS que je viens de vous lire est particulièrement éclairant. Puis parfois,
à la rigolade peut-être, mais vous faites souvent peut-être des caricatures du
Parti libéral très proche des entreprises, Québec solidaire très proche des
travailleurs, bien, on peut difficilement accuser un institut comme l'IRIS
d'être à la solde du grand patronat. Et il nous propose quelque chose qui...
justement, en quelque sorte, la synthèse de ma proposition, tel qu'amendée par
mon collègue de Nelligan. N'y a-t-il pas là une porte, là, une confirmation que
c'est quelque chose de bien raisonnable, si ça fait le consensus de Québec
solidaire, Parti libéral du Québec et de l'IRIS? On n'est pas près d'une
fusion, comme on l'a dit tantôt au p.l. n° 78. Ce ne
sera pas demain la veille, le PLQS, mais, des fois, deux extrêmes peuvent se
rejoindre, en effet, au milieu.
• (16 h 20) •
M.
Boulet : Les associations patronales font de la formation. Les
syndicats font de la formation. Les organismes de défense collective des droits font de la
formation. Les associations sectorielles paritaires font de la formation.
Possibilité de créer des associations multisectorielles, possibilité de créer
des nouvelles associations sectorielles paritaires. Les CRHA... Tout le
monde fait de la formation. Il faut en faire de plus en plus. Les personnes qui
font de la formation font aussi du soutien, de l'accompagnement. On a déjà, au
Québec, un filet extrêmement développé d'accompagnement pour les personnes qui
ont des besoins, qui exercent leurs droits, puis sans négliger aussi ce que la
CNESST...
Durant la
période de pandémie, là, il y en a eu, des réclamations, il y en a eu, du
soutien, de l'accompagnement. C'est la première fois qu'on me
soulève : Il n'y a pas assez d'accompagnateurs au Québec. Je sais que,
pour certains travailleurs non syndiqués, on peut être en marge de ce qui se
fait, mais il n'y a jamais un juge qui va décider sans donner l'opportunité à
la personne d'être entendue et d'être bien représentée. Le droit d'être bien
représenté est reconnu, il est intégré dans les façons de faire, et même à la
CNESST.
Vous avez déjà eu des contacts avec les agents
d'indemnisation. Ce sont, dans l'âme, des accompagnateurs. Même s'ils ont des décisions à prendre, ils vont
accompagner le petit entrepreneur qui a besoin de support, le travailleur
qui fait une réclamation, comment remplir un formulaire, comment décrire
l'événement, comment l'employeur, en vertu de la loi... Et même il y a même une
obligation, je pense que c'est 265, de prêter assistance au travailleur, de lui
faire signer les formulaires qui s'imposent. Il y en a beaucoup,
d'accompagnateurs.
Je ne dis pas qu'on est parfaits. On est
perfectibles encore dans le marché du travail au Québec, mais on se donne des
mécanismes nouveaux de prévention, puis j'espère qu'au fil des ans on va
s'assurer que l'ensemble des travailleurs soient protégés aussi, pas rien que
par des programmes de prévention, mais aussi par des comités puis par des représentants qui vont jouer un rôle. Dans
les milieux de travail, actuellement, vous le savez, il y a des représentants en prévention qu'on appelle des représentants en santé et
sécurité, ils accompagnent. Le travailleur qui a besoin d'exercer un droit de refus, il l'est, accompagné. S'il y a
un désaccord entre le représentant de l'employeur puis le travailleur ou son
délégué syndical, le cas échéant, l'inspecteur de la CNESST vient. Il y a un accompagnement
qui excède largement d'autres juridictions quand on fait des comparaisons.
Moi, je suis, au
contraire, très fier de ce que nous avons. Et je ne pense pas que ce soit
opportun, ni utile, ni justifié de créer un bureau parallèle pour offrir des
services d'information et de représentation en matière de santé et sécurité au
Québec.
M. Leduc : Personne n'est en
train de dire qu'il ne se passe absolument rien dans le réseau actuellement. Je
ne voudrais pas qu'on déforme mes propos, là. Ce n'est pas du tout ça que je
dis. Bien sûr qu'il y a des agents d'indemnisation. Bien sûr qu'il y a des
personnes à gauche, à droite qui veulent bien faire, qui veulent accompagner. Bien
sûr qu'il y a des juges administratifs bienveillants au TAT. Ce n'est pas ça,
la question. La question n'est pas là du tout. La question, c'est la
représentation.
Vous me
parlez de formation. Il faut faire de la formation, il y a de la formation. Je
veux bien, là, la formation, là, mais vous ne transformerez pas un
salarié qui vient de subir une lésion en procureur avec de la formation. Pour faire le travail que vous faisiez
avant d'être ministre, là, M. le ministre, là, bien, il vous avait fallu
pas mal d'années d'études, puis pas mal d'années d'expérience, puis de travail,
puis de mise à niveau, puis des conférences, de la formation continue. Vous ne
transformerez pas un salarié qui vient de subir une lésion, qui est stressé, qui
a peur de se faire charroyer, de perdre sa job, vous ne le transformerez pas
avec une formation ou des formations en procureur. Voyons! Soyons sérieux.
Vous pouvez peut-être l'accompagner, vous pouvez
peut-être lui donner deux, trois conseils, mais, au final, sera-t-il assis seul
devant la CNESST, potentiellement son employeur puis un juge administratif du
TAT? C'est ça, la véritable question. Puis,
à tout ce que vous nous avez répondu tantôt, la réponse demeure non, il ne sera
pas représenté.
Et c'est tout ça qui était derrière la volonté
d'avoir la Commission des normes du travail qui joue ce rôle de représentation.
La Commission des normes du travail, quand quelqu'un perd sa job, là, sans
cause juste et suffisante en fonction des normes du travail, elle ne fait pas
juste donner un coup de téléphone puis dire : Voici vos droits, puis je vous conseille d'avoir un beau veston,
d'arriver à l'heure puis d'être gentil avec le juge administratif. Elle ne fait
pas juste ça. Elle va le préparer, elle va
monter sa défense et elle va livrer
la défense de la personne. Elle va le représenter. Comme ça, la personne
qui subit un stress immense, qui tente de faire vivre ses droits — et,
dans le système, là, on en arrive à l'effectivité du droit — bien,
elle passera peut-être un petit moins de nuits blanches, surtout les nuits
précédents son audience, à paniquer.
Imaginez-vous donc, là, vous allez vous
représenter vous-même dans un soi-disant tribunal administratif qui a été
ultrajudiciarisé, avec les années, par les mutuelles de prévention, par les
avocats du service juridique maison de plus grosses entreprises. Vous pensez
deux secondes, là, qu'avec de l'information une personne peut suffisamment se
former et s'équiper en connaissances, en confiance, en apprentissage de langage
juridique pour venir arriver devant un juge administratif, aussi bienveillant
soit-il, puis être capable, le moindrement du monde, d'accoter le procureur de
la CNESST et/ou un avocat patronal? Vous ne pouvez pas penser ça pour vrai.
M. Boulet : Je n'ai pas de
commentaire.
M. Leduc : Vous ne pouvez pas penser
pour vrai parce que...
M. Boulet : Non, non, non, mais
c'est parce que vos questions m'invitent toujours à répéter. À la dernière
rencontre, ici, en étude détaillée, je vous ai expliqué que la Commission des
normes, ce n'est pas la même dynamique, puis vous le savez, vous êtes même
accompagné d'un conseiller juridique. La Commission des normes, elle
représente, donc elle peut accompagner. La Commission des normes en santé et
sécurité, elle rend des décisions qui déterminent... elle tranche entre un
employeur puis un travailleur. Ce n'est pas du tout la même chose, là. Arrêtez de faire des comparaisons de ce qui ne peut se
comparer. La Commission des normes, c'est sûr qu'elle peut représenter,
c'est sûr qu'il y a un service de contentieux parce qu'elle a un devoir de
représentation. Vous le savez en vertu de la Loi sur les normes du travail.
Ça fait que c'est pour ça que, des fois, je peux
ne plus faire de commentaire parce que... est-ce que ça vaut la peine de
répéter? J'ai répondu à cette question-là déjà.
M. Leduc : Est-ce que ça vaut la
peine de répéter? Mais c'est parce que, moi, je n'ai jamais dit que je voulais
que la CNESST obtienne ce rôle-là. J'ai commencé mon intervention en faisant la
distinction entre les deux, au bénéfice de notre ami le président qui vient de
nous rejoindre aujourd'hui. J'ai précisément dit l'inverse. Puis là vous me
dites... vous m'accusez de vouloir vous faire répéter. Bien, ce n'est pas ça du
tout que j'ai dit.
M. Boulet : Donc, on s'entend.
M. Leduc : Ce n'est pas ça du tout
que je propose.
M. Boulet : Donc, on s'entend.
M. Leduc : Je propose un autre
système qui, je ne l'invente pas, est exactement celui qui prévaut dans les
autres provinces, qui n'est pas parfait, mais qui est certainement plus intéressant
que ce qu'on a ici. Quatre... trois régions que je vous ai nommées tantôt,
Québec, Outaouais, Saguenay, n'ont pas d'équivalent de groupes communautaires
qui font de la défense de droits comme le fait l'Union des travailleuses et
travailleurs de Montréal. Vous m'avez nommé d'autres
associations, puis il y en a d'autres. Je ne sais pas à quel point elles
accompagnent et représentent le salarié devant le TAT. J'ai des doutes, mais il
faudrait vérifier. Ce que je sais, c'est que l'UTTAM, elle, peut le faire, des
groupes de ce type-là peuvent le faire. Ils ont... Ils sont... Mon Dieu!
sous-financés n'est pas le bon mot, ce n'est même pas possible de comparer ce
qu'ils peuvent faire avec quatre salariés par rapport à l'immensité des causes
qui sont devant le TAT en lien avec des non-syndiqués.
Puis là on
n'aborde même pas l'enjeu des non-syndiqués qui décident de ne pas aller devant
le TAT précisément parce qu'ils ne seront pas accompagnés, précisément
parce qu'ils n'ont pas le soutien d'une organisation parce que les ressources
sont limitées. Ça a des conséquences concrètes.
Puis il y a... J'ai fait référence, mardi matin,
à une étude qui est vraiment fascinante. J'ai pris le temps de la relire cette
semaine, L'accompagnement et la représentation des personnes accidentées ou
malades du travail : Quel accès? Quelle
justice? par Dalia
Gesualdi-Fecteau, professeure au Département des sciences juridiques, et un
candidat doctorant en droit de l'Université d'Ottawa, Maxine
Visotzky-Charlebois. C'est dans cette étude-là... donc, au début de notre intervention, je faisais référence aux
différents titres des différents bureaux dans chacune des autres
provinces, qui font ce travail de représentation. Mais il y a vraiment une
section qui est éclairante quant au rôle que ça doit jouer, la représentation
dans le cadre d'un litige en santé et sécurité au travail.
Je vous lis un passage. C'est la section D
au rapport... à la page 20 du rapport :
«Le rôle du milieu communautaire en matière
d'accompagnement des personnes accidentées ou malades du travail», qu'ils vont
résumer par PAMT :
«Nos résultats de recherche permettent de mettre
en lumière l'importance de la fonction d'accompagnement des PAMT qu'exercent
certains groupes communautaires. Cet accompagnement est susceptible
d'intervenir à différents moments du processus, et parfois bien avant
l'audience devant le TAT. Ces organismes peuvent orienter les PAMT, leur
fournir des ressources et l'information dont elles ont besoin. Dans certains
cas, ces organismes préparent également les PAMT à l'audience si elles se
représentent seules.
«En amont, il semble que les PAMT ayant reçu de
l'information en tout début de processus sont susceptibles de mieux comprendre
la nature du processus en cause. Une avocate pratiquant auprès de PAMT nous
évoqua "une différence notoire" [entre ses clients ayant]
reçu du support d'un groupe de défense de droits .
Ces PAMT sont de manière généralement
"mieux informées" et se "sentent généralement moins
seules". Certaines PAMT rencontrées nous parlaient aussi du soutien, tant moral qu'informationnel, qu'elles
avaient reçu de la part d'organismes communautaires.»
• (16 h 30) •
Ça suit : «Une avocate rencontrée nous
expliqua en ces mots la façon dont le manque d'information influe
substantiellement sur le cours du dossier : "Puis, le fait qu'ils
sont peu informés, ça entraîne aussi le fait qu'ils viennent nous voir puis il
y a un paquet de décisions qui n'ont pas été contestées, et ils sont hors délai
dans les contestations, parce qu'ils recevaient une lettre de la CSST et ils
laissaient traîner ça sur le comptoir. Parce qu'ils ne savaient pas c'était
quoi l'impact de cette décision-là. Ça, c'est un gros problème.» Fin de
citation.
Le rapport suit : «Ces organismes souffrent
toutefois d'un sous-financement chronique qui rend leur pérennité toujours incertaine et doivent composer avec des moyens
limités. Par ailleurs, ces organismes sont inégalement répartis sur le territoire
du Québec, certaines régions n'étant desservies par aucun organisme.
«Les acteurs clés rencontrés ont souligné avoir
constaté que plusieurs PAMT ne comprenaient pas le processus dans lequel elles
étaient engagées. La représentation
peut-elle toutefois venir pallier cette incompréhension, voire cette désorientation? La réponse n'est pas
claire. De fait, il semble impératif de miser non seulement sur
l'importance de la représentation en fin de parcours, mais également sur la
plus-value d'un accompagnement en amont. En effet, certaines de ces personnes
rencontrées, bien que représentées, ne parviennent pas à nous expliquer quelles
étaient les prochaines étapes de leurs dossiers, la raison pour laquelle elles
devaient se soumettre à une expertise médicale ou même ce qui les attendait une
fois l'audience terminée.
«Au Québec, l'accès par les PAMT à
l'accompagnement et la représentation n'est pas sans heurts. Or, cette réalité
n'est pas sans conséquence sur la possibilité pour les PAMT de disposer d'un
accès effectif au régime de réparation des lésions professionnelles. Qu'en
est-il dans le reste du Canada?»
Et là, évidemment, le rapport suit et nous
expose les détails de toutes les autres provinces qui offrent ce genre de
soutien là.
Qu'est-ce que ça vous évoque, ce rapport-là, M.
le ministre?
M. Boulet :
Avec votre permission, M. le Président, est-ce qu'on peut suspendre deux
minutes, s'il vous plaît?
Le Président (M. Polo) : Oui,
on peut suspendre.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
(Reprise à 16 h 58)
Le
Président (M. Polo) : Nous
sommes de retour, chers collègues. Merci pour votre patience. M. le ministre, puisque c'est vous qui avez
demandé une suspension, avez-vous d'autres...
M. Boulet : Je n'ai pas de
commentaire à faire.
Le Président (M.
Polo) : Pas d'autre commentaire? M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve?
Non? Parfait. Ça va être M. le député de Bonaventure. Merci pour votre
patience.
• (17 heures) •
M. Roy : Merci, M. le
Président. Écoutez, j'ai écouté mes collègues, tout à l'heure, argumenter sur
la proposition de créer — bon,
mon ordi est fermé, là — de
créer une structure ou un bureau de soutien aux travailleurs qui ferait de la
promotion, mais qui ferait aussi de l'accompagnement juridique. Là, j'écoutais
puis j'essayais de réfléchir à un chiffre que le député d'Hochelaga-Maisonneuve
a sorti, 11 500 litiges à Montréal, et ça m'a rappelé certaines
affirmations de certains syndicats sur l'industrie du litige et de la
contestation.
Dans un rapport de force, si une entreprise ou
un acteur quelconque sent une faiblesse chez l'autre, il va instaurer un litige
pour avoir gain de cause. Ça fait que la réflexion est la suivante :
Est-ce que la création du bureau que le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve
propose pour rééquilibrer le rapport de force ne viendrait pas diminuer
l'industrie du litige et de la contestation, dans un contexte où les
entreprises ou les groupes qui veulent contester une réclamation ou une
indemnisation... s'ils voient en avant d'eux quelqu'un qui est organisé, structuré,
soutenu et aidé, bien, c'est évident que nous allons assister à une réduction
importante de l'industrie du litige, et, par ricochet, ça va engendrer une diminution de coûts assez importante
en termes de soutien juridique ou de judiciarisation du processus.
Alors, je
n'ai jamais vu le chiffre, là, de la judiciarisation de la contestation, mais ce sont des centaines de millions, au Québec,
par année, sûrement, mais je ne l'ai pas. Mais moi, j'appuie le projet et l'amendement
du député d'Hochelaga-Maisonneuve, parce qu'on pourrait créer un rapport de
force qui viendrait déjudiciariser le processus et on aurait des gens qui
verraient en avant d'eux des gens aussi organisés.
Puis Dr Patry nous l'avait dit, hein? Ce sont...
Les travailleurs accidentés sont des gens qui sont affaiblis. Ils partent avec deux prises. Ils n'ont pas l'énergie,
la force d'aller chercher gain de cause quand ils sentent une injustice.
Ça fait que la judiciarisation via les litiges se fait souvent dans des
situations où l'individu qui est en avant d'eux est affaibli puis la
possibilité de gagner est importante.
Donc, je vous demande d'acquiescer aux
propositions du député d'Hochelaga-Maisonneuve. Puis je veux vous entendre
là-dessus aussi : Est-ce que de rééquilibrer le rapport de force entre les
groupes, est-ce que, selon vous, ça pourrait diminuer la judiciarisation et
l'industrie de la contestation?
M. Boulet : C'est intéressant comme
intervention, parce qu'un des objectifs de la modernisation, c'est de
déjudiciariser. D'avoir de la représentation, généralement, ça accentue le
nombre de contentieux, ça judiciarise plus qu'avant. En même temps, je pense
que la meilleure façon de déjudiciariser, c'est de faire ce qu'on a proposé
pour la possibilité d'aller directement au Tribunal administratif du travail
plutôt que d'obtenir une décision en révision administrative.
Cette possibilité-là d'opter, dans certains cas, m'apparaît être porteuse de
déjudiciarisation beaucoup plus.
Puis quand... vous le savez, si la décision de
la révision administrative n'est pas rendue dans les 90 jours, la personne
pourrait aller directement au Tribunal administratif du travail. Pour moi, la
judiciarisation, ça passe beaucoup par la réduction des délais puis la
réduction des canaux de contestation, et je pense qu'on a atteint un bel
équilibre. Comme vous le savez, on ne pouvait pas éliminer complètement le
niveau de révision administrative, mais on a permis cette option-là, justement,
pour diminuer les délais et diminuer le nombre d'opportunités de présentation
d'observations puis de contentieux entre les travailleurs puis les employeurs.
Pour le reste, pour la formation, l'information,
la sensibilisation puis la représentation, je pense que vous avez entendu mes
propos, autant pour les travailleurs que pour les microentreprises, hein, vous
le savez aussi, dans votre comté, il y a beaucoup de petits entrepreneurs qui
ne sont pas... tu sais, qui ont accès soit par leur association patronale, ou une association sectorielle
paritaire, ou d'autres conseillers à de la formation puis de
l'accompagnement, mais, de la même façon qu'un travailleur, s'il y avait un
problème de représentation, puis ce n'est vraiment pas fréquent que ça... en
tout cas, moi, je ne l'ai pas vu en pratique fréquemment, le juge va suspendre
son audience pour permettre à l'entrepreneur d'être représenté.
Le Président (M. Polo) : M. le
ministre, en parlant de suspension, nous allons suspendre quelques instants,
puisqu'il y a un vote au salon bleu. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 04)
(Reprise à 17 h 09)
Le Président (M. Polo) : Merci
beaucoup. On est de retour. Donc, M. le ministre aviez-vous terminé votre
commentaire?
M. Boulet : Oui.
Le Président (M. Polo) : Parfait. M.
le député de Bonaventure, allez-y.
• (17 h 10) •
M. Roy : Merci, M.
le Président. Je pense qu'où on se
rejoint, moi et le ministre, c'est sur la déjudiciarisation, mais
c'est... C'est un enjeu fondamental. Ça coûte des centaines de millions aux entreprises,
aux travailleurs, aux syndicats, etc. Par
contre, sur les moyens, je pense qu'on pourrait en rajouter une couche pour
justement faire en sorte qu'on diminue la judiciarisation. C'est par le... et je le répète encore, on
fait de la pédagogie, M. le ministre, le rééquilibrage des forces en présence.
Et je
recommence. Pourquoi on a 11 500 litiges juste dans la région de Montréal?
Ce n'est pas pour rien, c'est parce qu'il y a des gens qui vont
judiciariser parce qu'ils savent très bien qu'ils vont gagner. Sinon, ça ne se
passerait pas comme ça. Si on a des forces en présence qui sont équilibrées
puis on a des gens qui savent que leur adversaire ou l'individu dont ils
veulent retirer l'indemnisation, ils savent qu'il va être capable de se
défendre parce qu'il va avoir les ressources adéquates, nécessaires, suffisantes
pour le faire dans un contexte où souvent c'est un individu qui est fragilisé
par sa condition physique, psychologique, etc., bien, je vous gagerais une
tarte au sirop d'érable qu'on va assister à
une diminution du nombre de contestations juridiques, sirop d'érable de la
Gaspésie, bien sûr. Ça fait que, je ne sais pas, on dirait que ça va...
c'est logique.
Puis vous dites qu'il y a, vous l'avez dit, là,
il y a beaucoup d'accompagnement. Il semblerait que tout est là. Mais pourquoi
on a tant de contestations? Peut-être que je... Je sais que, bon, ça implique
beaucoup, là, de soutenir la proposition du député d'Hochelaga-Maisonneuve,
mais, en même temps, on aurait des effets bénéfiques pour des travailleurs qui ont besoin d'aide puis qui ont
besoin d'être accompagnés, donc, posture d'équilibre pour arriver à une déjudiciarisation, diminution des coûts associés à
l'aspect de la contestation. Je ne sais plus comment vous le dire.
Voilà.
M.
Boulet : Je partage beaucoup les objectifs de déjudiciarisation puis
je partage beaucoup les préoccupations de mon collègue de Bonaventure.
Je reviendrai d'ailleurs sur un des forts consensus du Comité consultatif
travail et main-d'oeuvre où sont présents
les syndicats et les patrons, c'était d'éliminer complètement la direction de
la révision administrative, d'éliminer ce palier-là. Pour les raisons
déjà expliquées, on n'était pas en mesure de le faire en vertu de la Loi sur la
justice administrative, mais on a pris les bons moyens pour diminuer la
judiciarisation.
J'aimerais ça en profiter pour rajouter un
commentaire. Comme toute loi, cette loi-là, ce projet de loi là qui deviendra
une loi, sera encore perfectible. Je pense qu'on fait des avancées puis on
réalise, nous tous, que ça fait longtemps que ça aurait dû être dépoussiéré.
Puis il va y avoir encore du dépoussiérage à faire dans deux ans puis dans quatre ans, mais je pense qu'on fait un pas
en avant. On pourrait en faire d'autres, je suis d'accord avec le
collègue de Bonaventure, on fait un pas en
avant. La loi, quand elle sera adoptée, sera toujours perfectible, mais on va
mesurer son impact en termes de déjudiciarisation puis on pourra voir comment
on peut faire un pas additionnel, si ça s'impose.
Mais je suis d'accord avec vous, il faut
diminuer le nombre de contestations, il faut simplifier le processus, il faut
accompagner, il faut donner la main. Puis, en matière d'accident de travail,
c'est des parcours qui sont vraiment personnalisés. Chaque cas en est un
d'espèce. C'est la raison pour laquelle je suis totalement d'accord avec
l'importance de l'information, la formation puis la représentation. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Polo) : Allez-y.
Moi, juste pour vous dire, je n'interviens pas, si ça avance. Donc, si le ministre
a fini de répondre, allez-y. Il faut que ça...
M. Roy : Tant que la chicane
n'est pas pognée, vous n'interviendrez...
Le Président (M. Polo) : Pardon? Je
n'ai pas compris.
M. Roy : C'est bon. Non, mais
c'est ça.
Le Président (M. Polo) : C'est beau.
Une voix : ...
M. Roy : Non, non, non, et le ton est excellent, ça, je
tiens à le souligner. C'est une commission, quand
même, qui est civilisée.
Ceci étant dit, il faut dire ce qu'on a à dire.
40 ans. Ça fait 40 ans qu'on attend. Et pourquoi ne pas bien le faire
maintenant? Et pourquoi remettre à plus tard? Vous dites : Ah! bien, on va
être capables de modifier des choses. Non.
On va... Pourquoi ne pas le faire maintenant? Les collègues ont d'excellentes idées. On va amener des
amendements, on va travailler ensemble à faire la meilleure loi possible.
Mais, pour le
moment, je peux vous dire qu'il y a eu beaucoup de bruit cette semaine, et les signaux que nous
avons reçus étaient que ce n'est pas une avancée, c'est un recul, cette loi.
Puis je pense que le ministre aussi, il a eu écho de ces manifestations-là et
de toute cette prise de parole qui a été faite en avant de l'Assemblée, là,
pour 59 heures.
Donc, je reviens sur le fait que ça fait
40 ans qu'elle n'a pas été modernisée. On prend notre temps, on le fait
comme il faut, on va vous expliquer pourquoi on considère que certains éléments
seraient importants à ajouter. Et moi, je reviens à la posture d'équilibre
entre des groupes en présence pour permettre à ceux et celles qui n'ont pas les
outils en main de se défendre, mais de les avoir pour, encore une fois, puis je
le répète, déjudiciariser. À mon avis, le chemin de la déjudiciarisation et de
la réduction des sommes faramineuses investies dans la contestation passe par
un équilibre des rapports des forces. C'est une théorie, mais je pense que mes collègues
vont acquiescer aussi. Voilà.
M.
Boulet : Tout à fait. Dans toute négociation, dans tout contentieux, le rapport de force est extrêmement important.
M. Roy : Pour le moment, ça
va. Je laisserais la parole à mes collègues.
Le Président (M.
Polo) : M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Le rapport de force est
en effet essentiel dans ce dossier-là. Mon collègue a raison de faire référence
à la déjudiciarisation. C'est un angle qui n'est peut-être, à mon avis, pas
assez exploité dans le projet de loi, dans son économie générale. Est-ce qu'il
n'y a pas un autre aspect intéressant qui pourrait être envisagé, et là je
parle vraiment précisément de l'amendement de mon collègue de Nelligan, donc de
rajouter les entreprises, les PME dans ce bureau de soutien en santé et
sécurité au travail, et c'est celui de l'obsession, parfois, de la
désimputation? Parce qu'on le sait, c'est
bien documenté que ce qui motive beaucoup de contestations, de décisions de la CNESST,
des contestations,
bien sûr, de l'employeur d'une décision favorable
de la CNESST auprès du travailleur, ce qui motive beaucoup ces contestations-là,
c'est le désir de se faire désimputer le coût sur sa cotisation.
On l'a évoqué de long en large, c'est...
On n'a pas trouvé de meilleur système, malheureusement,
à ce jour, mais c'est comme ça qu'on l'a construit, le régime. Si vous êtes un
cancre en matière de prévention puis que vous avez beaucoup de lésions, vous
allez être pénalisé sur votre cotisation, on va vous demander de payer plus
cher, philosophie qui a un certain sens. Le revers de la médaille de cette
logique-là, c'est que ça pousse beaucoup les employeurs, particulièrement les
mutuelles de prévention, à surjudiciariser
tous les dossiers pour éviter de se faire imputer un coût. Puis on l'a même
évoqué sur d'autres sujets, les
mutuelles de prévention qui font leur approche auprès de petites entreprises,
de petites et moyennes
entreprises en disant : Si vous signez
avec moi, je vous garantis un certain nombre de réductions de coûts, de frais,
de désimputations, c'est comme ça qu'ils font leur argent, tu sais, en
vendant ça. Alors, il y a une... Je le dis sans méchanceté, mais ils profitent
du système, en quelque sorte. Ils profitent du fait qu'en effet on veut
pénaliser les mauvais... les cancres, mais ça finit par pénaliser, par retour
du balancier, les travailleurs et les travailleuses par la surjudiciarisation.
Est-ce qu'il
y a un bureau, donc, de soutien de santé et sécurité au travail qui aurait un
volet pour les PME, tel que présenté par amendement par mon... par
sous-amendement par mon collègue de Nelligan? Il n'y aurait pas un intérêt à aller accompagner les entreprises, les PME, mais
de les accompagner au-delà du simple regard de la désimputation?
• (17 h 20) •
M. Boulet : Je regrette, là, mais
les mutuelles de prévention... je comprends très bien le propos de... mais ils
ne se motionnent pas uniquement en regard de leur capacité de faire des
demandes de partage de coûts, non. Au contraire,
il y a des mutuelles... Les mutuelles de prévention, ils font de la formation
puis de l'information sur l'assignation temporaire, sur des mécanismes
de réadaptation, ils font de l'enseignement sur les réclamations. Il n'y a pas
que ça, là. Tu sais, ce serait de banaliser le rôle des mutuelles de
prévention.
Puis, je regrette aussi, les PME n'adhèrent
pas... Ils mutualisent, ils mettent ensemble, ils se regroupent pour des fins
non seulement de diminution de coûts... ce n'est pas que ce qui les motive
d'être partie à une mutuelle de prévention,
et il y a bien au-delà de ça, là. Ça fait que ce n'est pas... Ils font de
l'accompagnement à bien d'autres égards.
Mais ce n'est pas la première fois que
j'entends... Il y a des conseillers syndicaux qui m'ont dit : Oui, mais,
Jean, ils sont dans les mutuelles juste parce qu'ils veulent faire des demandes
de partage de coûts, soit en raison du concept d'obérer injustement ou en
raison de la notion de handicap. Puis ce n'est pas la première fois non plus
qu'on me dit : C'est le fonds commun
qui paie... En fait, ils balaient les coûts dans le fonds commun, puis ça a une
répercussion sur l'ensemble des employeurs, mais il n'y a pas que ça.
Moi, je m'appuie beaucoup sur la bonne foi des
personnes qui sont dans les mutuelles de prévention. Puis je comprends la
légitimité de leur présence, leur impact au sein des PME. C'est des
regroupements qui sont bénéfiques, comme les
syndicats qui représentent une collectivité de travailleurs et qui les
représentent. Non, je pense que c'est sain.
Puis on n'a pas besoin d'une autre structure
parallèle pour complexifier l'écosystème de la santé et sécurité du travail. Je
le redis, on pourrait discuter longtemps de ce mérite-là. Moi, je dis : On
fait un pas considérable vers une déjudiciarisation. On va voir comment ça se
mesure dans le temps, notamment pour la simplification des recours et le droit
d'opter entre le TAT et la révision administrative. Je le répète, le CTTM, lui,
il plaidait pour l'élimination, purement et simplement, de la Direction de la
révision administrative. C'est tout.
M. Leduc : Les mutuelles de
prévention... là, n'ayant pas eu d'expérience dans la fondation d'une
entreprise, par exemple, mais, quand on embauche ou quand on a un contrat avec
les mutuelles de prévention, ça peut être appliqué dans une charge d'entreprise,
d'un point de vue fiscal, par exemple?
M. Boulet : Je ne comprends pas la
question. S'il y a des impacts fiscaux de... Je ne suis pas un fiscaliste, là,
mais je ne suis pas en mesure de répondre à cette question-là.
M. Leduc : Au final, dans le fond,
ce que je souhaiterais qu'on ait... l'optique qu'on puisse avoir avec cette idée-là, c'est que, oui, la mutuelle de
prévention, elle existe, mais, s'il y
avait un bureau neutre financé par
l'État, il y aurait certainement
moins de pression globale sur les entreprises pour contester les... c'est dans
la seule optique.
M.
Boulet : ...ça serait une
autre structure parallèle, puis les petites et moyennes... les PME
continueraient d'adhérer à la... Tu
sais, ils font de la prévention aussi, là. Il ne faut pas oublier qu'il y a
le mot «prévention» après «mutuelles». Ils font énormément de prévention, puis il y a beaucoup
de travail qui est fait autour des meilleures pratiques pour identifier,
contrôler et éliminer à la source les risques pour la santé, sécurité,
intégrité physique des travailleurs et psychique, là.
Ça fait que c'est un travail phénoménal qui est
fait par les mutuelles de prévention, et, en plus, ils font de la
représentation comme le bureau dont vous proposez la création. C'est vraiment
de la duplication sans que ça ait le même impact sur la mutualisation non
seulement de la prévention, mais des coûts, là.
M.
Leduc : Ça fait que, pour une entreprise donnée qui a un contrat avec
une mutuelle de prévention, vous dites que c'est quoi, la proportion du travail
de prévention versus le travail de contestation?
M. Boulet :
Oh mon Dieu! Je ne suis pas en mesure de répondre, là, mais ça peut varier
d'une mutuelle de prévention à l'autre, là, mais...
Des
voix : ...
M. Boulet :
Ils doivent faire la démonstration à la CNESST qu'ils font de la prévention
puis qu'ils font du travail de prévention avec les membres de la mutuelle pour
être reconnus comme étant une mutuelle de prévention par la CNESST. Ça fait que
ça serait très, très réducteur du rôle et de la mission des mutuelles de
prévention que de dire qu'elles ne font que des demandes de partage de coûts.
M. Leduc :
Donc, elles ont une forme de reconnaissance, d'accréditation de la CNESST?
M. Boulet :
Oui.
M. Leduc :
Qui est un processus compliqué ou...
M. Boulet :
Bien, on pourra... Un processus compliqué...
Des
voix : ...
M. Boulet : Ils doivent faire une reddition de comptes à chaque année et, dans la reddition
de comptes, ils doivent démontrer l'atteinte de leurs objectifs,
et c'est après cette reddition de
comptes, là, qu'on continue de les
reconnaître comme étant des mutuelles
de prévention approuvées par la CNESST. Donc, c'est contrôlé. Ce n'est pas le
libre-marché total, là.
M. Leduc :
Est-ce qu'on a une idée il y en a combien au Québec?
M. Boulet :
Je ne le sais pas, il y en a combien. Je vais le vérifier, si vous voulez avoir
l'information. On peut poursuivre puis on vous donnera la réponse.
Le Président
(M. Polo) : Pas d'autre commentaire, M. le député?
M. Leduc :
Je pense que mon temps est écoulé, de toute manière.
Le Président
(M. Polo) : Non. En fait, il y avait une petite erreur. Il vous
reste 90 secondes.
M. Leduc :
Ah! Bon, qu'est-ce que je pourrais faire avec... Non, non. Bien, écoutez, si le
chiffre n'est pas loin, on peut l'attendre, mais sinon on pourra me l'acheminer
plus tard, là.
M. Boulet :
On peut peut-être l'avoir assez rapidement, hein?
M. Leduc :
...
M. Boulet :
Pardon?
M. Leduc :
Le chiffre sera quand même pertinent après.
Le Président
(M. Polo) : M. le député de Bonaventure. Non? M. le député de
Nelligan, puisqu'on est encore sur votre sous-amendement, avez-vous des
commentaires?
M. Derraji :
Non, c'est bon. Par rapport à mon sous-amendement, c'est bon.
Le Président
(M. Polo) : Donc, y a-t-il d'autres commentaires? Parfait. Mme la
secrétaire.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. Pour les membres de l'opposition officielle,
M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Pour.
La Secrétaire :
M. Boulet (Trois-Rivières)?
M. Boulet :
Contre.
La
Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant
le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?
M. Jacques :
Contre.
La Secrétaire :
M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc :
Pour.
La Secrétaire :
M. Roy (Bonaventure)?
M. Roy :
Pour.
M. Polo :
Le sous-amendement est rejeté.
Nous revenons donc à l'amendement
du député d'Hochelaga-Maisonneuve. Voilà, et, à ma connaissance, il vous
restait cinq minutes.
M. Leduc :
Parfait. Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre... Je vais le
laisser...
M. Boulet :
...en train de faire le calcul pour les mutuelles de prévention. Non,
excusez-moi. Désolé.
M. Leduc :
Merci de continuer à chercher le chiffre, c'est apprécié. Est-ce que le
ministre serait ouvert...
Le Président
(M. Polo) : Il vous reste 1 min 25 s, M. le
député de...
M. Leduc :
Ah! ça a fondu comme neige au soleil. C'est bien. Est-ce que le ministre serait
ouvert à demander à la CNESST de faire une étude sur la pertinence de la
création d'un bureau de soutien en santé et sécurité au travail?
M. Boulet :
Je pense que, si on faisait une étude à la CNESST, ça serait peut-être pour
permettre de faire l'inventaire des ressources à la disposition des
travailleurs et des PME en matière de soutien et de représentation et de
vérifier l'adéquation entre l'offre et la demande. Puis ça, je pense que ça
pourrait se réaliser, là. Ça va prendre un certain temps, là, mais je ne suis
pas fermé à ça. Je comprends l'objectif, puis ce n'est pas négatif de le faire,
puis ça va nous permettre de réaliser que le Québec est distinctif aussi à cet
égard-là.
M. Leduc :
Parce qu'entre vous et moi je ne m'attendais pas nécessairement à ce que je
crée un bureau aujourd'hui avec mon amendement. C'est le genre de chose, pour
qu'il se réalise... bien, d'une part, soit qu'il aurait fallu qu'il soit déjà
dans la mouture originale mais... ou, d'autre part, que le ministre le prenne
en délibéré puis qu'il nous revienne avec une nouvelle mouture. Mais, dans tous
les cas, si on pouvait au moins sortir de ce débat-là, de cette discussion-là,
avec une reconnaissance que c'est un angle pertinent... Tu sais, je vous ai
cité le rapport de Mme Lippel de l'IRIS, de Mme Gesualdi-Fecteau, c'est un
angle qu'on ne traite pas à travers le projet de loi du ministre. Donc, vous semblez ouvert à la chose. Comment ça pourrait
prendre forme, un type de rapport de la CNESST?
M. Boulet :
Mon Dieu! Faire l'inventaire des ressources à la disposition des... tu sais,
tant les conseillers que les consultants, que les syndicats, que les
associations sectorielles paritaires, dans quelle mesure on répond à nos besoins, puis quelle est la nécessité de créer
d'autres associations sectorielles paritaires, comment les besoins en
formation, et information, et représentation, et soutien sont rencontrés, puis
est-ce qu'il y a une adéquation entre l'offre et les besoins, puis ça, je pense qu'il faut aller dans cette direction-là. Ça
m'apparaît être une orientation envisageable que de faire un examen, une
étude de la question puis, après ça, que nous le partagions quand il y aura un
rapport de la CNESST qui suivra par la suite. Ça fait que oui.
104 mutuelles de
prévention au Québec, c'est quand même pas mal, hein?
M. Leduc :
Oui, c'est beaucoup. Merci pour avoir trouvé le chiffre, c'est apprécié.
Donc, techniquement parlant, comment ça
fonctionnerait? Vous feriez une directive à la CNESST avec une demande?
• (17 h 30) •
M. Boulet :
Oui. Moi, je fais une lettre puis je donne instruction de faire un examen sur
les points que je viens de soulever, là. Oui, ça, je peux le faire.
M. Leduc :
Là, vous en prenez donc l'engagement aujourd'hui?
M. Boulet :
Bien oui, bien sûr.
M. Leduc :
Parfait. Bon, bien, je l'apprécie. Ça complète mes commentaires, M. le
Président.
Le
Président (M. Polo) :
Parfait. Y a-t-il d'autres commentaires sur l'amendement du député d'Hochelaga-Maisonneuve? M. le
député de Nelligan,
je crois comprendre que vous avez déposé plusieurs sous-amendements.
M. Derraji :
Oui, oui, et on est toujours dans... Oui, absolument, mais, si j'ai bien
compris, on est toujours dans le 306... 66.2. On n'est pas dans le 306.3.
Le
Président (M. Polo) : Attendez un instant, on fait une vérification.
Des
voix : ...
Le Président
(M. Polo) : Oui, oui, on étudie l'amendement dans son ensemble.
M. Derraji :
...j'ai cru qu'on va parler de sous-amendement par sous-amendement.
Le
Président (M. Polo) :
Non. Donc, comment souhaitez-vous procéder, en lien avec vos sous-amendements... vos amendements?
M. Derraji :
Oui, bien, je vais faire une dernière intervention.
Le Président
(M. Polo) : Oui, allez-y.
M. Derraji :
J'ai cru que c'est par sous-amendement, donc ça règle un peu tout ce que
j'ai... ça règle un peu la suite. Au fait, je résume le tout, c'est qu'avec les
amendements de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve on avait sur la table le
bureau de soutien aux travailleurs. Après explication du ministre, j'ai proposé
à ce qu'on rajoute aussi le soutien aux petites et moyennes entreprises. Le ministre
a clairement expliqué un peu la volonté de la CNESST aussi de collaborer avec
les employeurs avec les formations.
Donc, écoutez, moi,
je n'ai plus rien à dire par rapport aux autres amendements. J'ai cru que c'est
un à la fois, mais, bon, je n'ai plus rien à dire par rapport aux autres sous-amendements
que j'ai déposés.
Le Président
(M. Polo) : Donc, vous les retirez ou... Je veux juste
comprendre.
Une
voix : ...
Le
Président (M. Polo) :
Ils ont été versés sur Greffier, mais ils n'ont pas été distribués. O.K.
Parfait. Donc, parfait.
Bien, écoutez, si ça
conclut votre temps de parole, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, et qu'il
n'y a pas d'autre intervention sur l'amendement à l'article 112.1, Mme la
secrétaire.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc :
Pour.
La Secrétaire :
M. Boulet (Trois-Rivières)?
M. Boulet :
Contre.
La
Secrétaire : Pour les
membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?
M. Jacques :
Contre.
La Secrétaire :
Pour les membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Pour.
La Secrétaire :
M. Roy (Bonaventure)?
M. Roy :
Pour.
Le Président
(M. Polo) : Amendement rejeté.
Donc, nous revenons,
si je comprends bien... oui. Ah! M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
...suspension pour un nouvel amendement, s'il vous plaît...
Le Président
(M. Polo) : Ah! Donc, on va suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 33)
(Reprise à 17 h 50)
Le Président (M. Polo) : Nous
reprenons les travaux. Nous avons procédé au vote sur l'amendement du député d'Hochelaga-Maisonneuve
à l'article 112.1.
Avant
de procéder avec l'article 235, je pense que, de part et d'autre, il y a peut-être
des amendements. Qui souhaiterait prendre la parole?
Une voix :
Le Président (M.
Polo) : Pardon?
M. Leduc :
...un 112.1 aussi?
Le Président (M.
Polo) : Non, pas sur le même article. C'est pour ça que...
M. Leduc :
C'est celui qu'on avait mis en dépôt, là?
M. Boulet :
Non, on revenait à 111 parce qu'on avait un amendement à 111, là. On retirait
notre texte français puis on faisait un ajustement en anglais.
Mais, si vous avez un
autre amendement, Alexandre, à 112.1, on peut s'en parler, là. Je ne sais pas,
là.
M. Leduc :
Bien, voulez-vous qu'on fasse 111 en premier? Ça, on l'avait suspendu, de toute
façon. C'est de ça qu'on parle?
M. Boulet :
Oui, c'est ça. Oui.
M. Leduc :
Bien, on peut le faire, là. Faisons ça en premier, puis je dépose le mien
après.
Le
Président (M. Polo) : Avec le
consentement, on peut revenir à l'article 111? Consentement? Allez-y, M.
le ministre.
M. Boulet :
Donc, remplacer l'article 111 du projet de loi par le suivant :
111.
L'article 364 de cette loi est modifié, dans le texte anglais :
1° par le
remplacement, dans le premier alinéa, de «to a benefit which he had been
refused initially or increases the amount of a benefit» par «to an indemnity which he
had been refused initially or increases the amount of an indemnity».
2°
par le remplacement, dans le deuxième alinéa, de «the compensation» par «the indemnity».
Donc, à 111, on
retire l'amendement que nous avions proposé pour les intérêts. Suite à nos
discussions, on l'annule complètement et on fait l'ajustement en anglais parce
qu'ils utilisaient «a benefit» ou «compensation» au lieu de «indemnity», puis
c'est juste un ajustement avec le texte français parce que c'est véritablement
«indemnity» qu'il faut dire, non «benefit or compensation». C'est tout. Ça fait
que ça serait ça à 111.
Le Président (M.
Polo) : Merci, M. le ministre. D'autres commentaires?
M. Leduc :
...une légère suspension pour le lire, là, mais, de ce que je comprends, donc,
retrait complet de 111 tel que rédigé.
M. Boulet :
Tout à fait.
M. Leduc :
Parce qu'on avait soulevé des problèmes, là.
M. Boulet :
Donc, où on disait que les intérêts, c'était sur les indemnités x, y et z
prévues au chapitre III, alors qu'il n'y avait pas de telles précisions dans
364, et on le retire complètement, suite à nos discussions.
M. Leduc :
Parce que j'avais la crainte que ça... en nommant des choses, que ça en exclue
d'autres.
M. Boulet :
C'est pour ça que c'est retiré, puis on a profité de l'occasion pour ajuster le
texte anglais pour qu'il soit compatible avec le texte français actuel de 364.
C'est tout.
M. Leduc :
Parfait.
M. Boulet :
Merci, M. le Président.
M. Leduc :
Alors, une légère suspension. Je vais le lire trois secondes puis je...
Le Président (M.
Polo) : Nous allons suspendre.
(Suspension de la séance à
17 h 53)
(Reprise
à 17 h 54)
Le Président (M.
Polo) : Alors, nous reprenons nos travaux. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
la parole est à vous.
M.
Leduc : Merci, M. le Président. Donc, j'ai rapidement relu, puis c'est, en
effet, conforme aux explications de M. le ministre. Je le salue parce
que c'était un enjeu... Tu sais, des fois, on a des grands débats sur les gros
aspects du projet de loi, puis il y en a quand même plusieurs, mais des aspects
peut-être un peu plus mineurs, je n'ose pas dire secondaires, bien sûr, tout
est important, mais des aspects de moins grande envergure, mais qui sont
importants quand même, et celui-là en faisait partie. On a fait un bon échange,
une bonne démonstration, visiblement, puis M. le ministre l'a entendu, donc je
l'apprécie.
Le Président (M.
Polo) : D'autres commentaires? MM. les députés des différentes
oppositions, opposition officielle, non? Pas d'autre commentaire? Parfait.
Alors, Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Boulet (Trois-Rivières)?
M. Boulet :
Pour.
La
Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant
le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?
M. Jacques :
Pour.
La Secrétaire :
Pour les membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Pour.
La Secrétaire :
M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc :
Pour.
La Secrétaire :
M. Roy (Bonaventure)?
M. Roy :
Pour.
Le Président (M. Polo) : Adopté. L'amendement est adopté. Parfait. Donc
là, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve...
Une
voix : ...
Le
Président (M. Polo) : O.K. Parfait.
Une
voix : ...
Le Président (M.
Polo) : Oui, c'est vrai. Parfait. Donc, nous revenons donc à
l'article 111 tel qu'amendé. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Mme
la secrétaire.
La Secrétaire :
Pour, contre, abstention. M. Boulet (Trois-Rivières)?
M. Boulet :
Pour.
La
Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant
le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?
M. Jacques :
Pour.
La Secrétaire :
Pour les membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji :
Pour.
La Secrétaire :
M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc :
Pour.
La Secrétaire :
M. Roy (Bonaventure)?
M. Roy : Pour.
Le Président (M. Polo) : Article adopté. Parfait. Donc, ce que je comprends, M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve, vous aviez également un amendement à présenter.
M.
Leduc : Tout à fait. Merci, M. le Président. Ça serait un
nouveau 112.1, considérant que mon précédent 112.1 n'a pas été
retenu.
Une voix : ...
M. Leduc : Ah! bien, je vais le
déposer puis je peux venir vous en parler, si vous voulez.
Une voix : ...
M. Leduc : Suspendre, ça va être
plus simple.
Le Président (M. Polo) : Parfait. On
va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise à 17 h 58)
Le Président (M. Polo) : Alors, nous
reprenons nos discussions. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous invite
à lire votre proposition d'amendement, et, en même temps, bien, tout de suite
après, plutôt que de reprendre la discussion, nous allons suspendre pour
reprendre à 19 h 30. Allez-y.
M. Leduc : Volontiers, M. le
Président. Alors, ça va comme suit : Insérer, après l'article 112 du projet
de loi, le suivant :
112.1. Cette loi est modifiée par l'insertion,
après l'article 366.1, du suivant :
«366.2. La Commission rembourse, sur
présentation des pièces justificatives, au travailleur ou au bénéficiaire, les
frais de représentation engagés dans le cadre d'un litige relevant de la
présente loi et devant être entendu par le Tribunal administratif du travail,
pour un montant maximum de 1 500 $ pour une audience plus 500 $
par litige supplémentaire au-delà du premier devant être traité lors de la même
audience.»
Le Président (M. Polo) : Parfait. Compte
tenu du temps, je propose une suspension et qu'on reprenne les travaux du projet
de loi à partir de 19 h 30. Merci beaucoup, et bon repas, bon souper.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 19 h 31)
Le Président (M. Polo) : À l'ordre,
s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux, nos discussions. Juste
avant la suspension, le député d'Hochelaga-Maisonneuve avait lu sa proposition
d'amendement. Peut-être, si vous le souhaitez... Souhaitez-vous la relire? Oui,
le relire. Allez-y.
M. Leduc : Ça va être plus simple.
Merci, M. le Président. Alors, c'était 112.1. On rajoute un article. Cette loi
est modifiée par l'insertion... Oh! je vais l'ouvrir, parce que la version
électronique était un petit peu différente de ma version écrite. Voilà :
112.1. Cette loi est modifiée par l'insertion,
après l'article 366.1, du suivant :
«366.2. La commission
rembourse, sur présentation des pièces justificatives, au travailleur ou au bénéficiaire, les frais
de représentation engagés dans le
cadre d'un litige relevant de la présente loi et devant être entendu par le
Tribunal administratif du travail, pour un
montant maximum de 1 500 $ pour une audience, plus 500 $ par
litige supplémentaire au-delà du premier devant être traité lors de la
même audience.»
Quelques explications avant d'avoir un échange,
M. le Président. Évidemment que mon souhait initial, et dans la hiérarchie des
priorités, bien, ça aurait été qu'on adopte l'amendement précédent, donc qu'un
bureau de soutien soit créé de manière comparée avec le reste des législatures
dans l'espace canadien et qu'on soit donc assurés qu'il allait y avoir des
structures, des gens en chair et en os qui allaient assurer, potentiellement,
de la représentation, bien sûr du service aussi, mais surtout de la représentation
pour les personnes, en particulier les non-syndiqués.
On a eu un bon échange là-dessus avec le
ministre. Il a évoqué lui-même la possibilité qu'ont les salariés non syndiqués, notamment, d'avoir de l'aide ou d'avoir
recours à d'autres types de services de représentation, évidemment dans
un contexte non syndiqué. Il faisait référence, entre autres, aux CRHA, à des
experts, des avocats, des avocates, j'imagine, des conseillers en ressources
humaines aussi.
Toujours est-il que ça coûte cher. C'est loin d'être
gratuit, les services de ce genre. Ce n'est pas banal. Ce n'est pas quelque
chose qui se monnaie facilement pour plusieurs personnes. Vous savez que la
question du rapport de force, la question du
déséquilibre, j'oserais dire, du rapport de force est centrale à notre étude
d'une réforme de la santé et sécurité au Québec. Ce n'est pas quelque chose
qu'on peut dire que la réforme traite de manière frontale, la question de la
déjudiciarisation et la question de l'équilibre de force. C'est vraiment plutôt
les oppositions qui le soulèvent, qui l'amènent par différents moyens, par
différents amendements. Le ministre connaît très bien, évidemment, le concept
du rapport de force. Le ministre reconnaît que c'est quelque chose qui s'exerce
dans la vie en général ou en particulier
dans le cadre d'une contestation pour une lésion professionnelle, il l'a dit
lui-même tantôt.
Maintenant, le fait que, bon, on n'ait pas le
bureau de représentation, ce sera une chose. Maintenant, est-ce qu'il y a moyen
de créer une espèce de fonds qui pourrait venir aider, de manière ponctuelle et
de manière pointue, j'oserais dire, des
personnes qui en font la demande parce que soit ils ont de la misère à se
trouver de l'accompagnement, soit ils
ont de la misère à trouver et à entrer en contact avec des groupes, mais qui
ont trouvé, potentiellement, un fameux avocat ou un fameux membre de
l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés dont faisait référence le
ministre et qui pourrait venir les accompagner, faire un travail de représentation
auprès du TAT, auprès du tribunal, qui inclut, évidemment, toute la question de
conciliation?
On sait à quel point c'est important. On sait à
quel point le ministre tient à cette idée de conciliation pré-séance. Ce n'est
pas une mauvaise chose, bien sûr, mais tout ça, ça va beaucoup mieux, et
l'intérêt du travailleur, de la travailleuse est beaucoup mieux représenté,
bien sûr, si c'est représenté par quelqu'un d'autre que lui-même, quelqu'un qui
connaît le dossier, quelqu'un qui a de l'expérience en santé et sécurité du
travail, qui a de l'expérience en plaidoirie, hein, qui est un plaideur. Les
syndicats ont, à travers leur historique, réussi à former des dizaines de plaideurs, dans toutes les centrales. Ils ont des
formations très robustes. J'avais eu l'occasion d'en suivre quelques-unes
dans mon parcours syndical, M. le Président, c'est des bonnes formations. Et il
y a des bons services de santé et sécurité qui font bien sûr de la prévention,
mais qui font aussi de la représentation, et ça, c'est une bonne chose.
Alors, vraiment, pour les gens qui sont
syndiqués, à part de rares exceptions, ça se passe somme toute assez bien en
matière de représentation. Est-ce que la surjudiciarisation n'est pas un
problème aussi pour l'ensemble des salariés, syndiqués ou pas? Oui, ça, c'est
clair. Mais, pour les salariés qui sont syndiqués, franchement, le niveau
d'expertise des centrales syndicales en matière de défense et de représentation
est assez élevé.
Maintenant, on le sait, au Québec, c'est
40 % de gens, plus ou moins, là, bon an mal an, entre 35 % et
40 % de gens qui sont syndiqués. Ça fait en sorte qu'il y a donc un
60 %, 65 % de gens non syndiqués. Ils ne sont pas représentés par une
organisation, ils n'en ont pas fait le choix ou, peu importe les raisons, ils
n'ont pas de service de représentation. Et il ne faut pas s'imaginer que de se
présenter devant un tribunal du travail, même si, à l'origine, ça se voulait un
tribunal de nature administrative où il n'y a pas les mêmes règles que devant
une cour criminelle, par exemple... il n'y a pas de toge, il n'y a pas
nécessairement les mêmes règles juridiques, mais force est de constater que,
malgré ça, malgré la philosophie de départ, c'est instauré, et ça, c'est bien
documenté, c'est même ce qu'on nous enseigne dans les salles de classe, là.
J'ai fait un certificat en droit du travail,
puis, dans tous mes cours, on me disait que, malgré la non-volonté, l'absence
de volonté de judiciariser ces... comment je dirais ça, pas de judiciariser,
mais d'importer la culture juridique de cours plus classiques, comme la cour
criminelle, par exemple, bien, elle crée la volonté de ne pas faire ça avec certains tribunaux administratifs parce
que, bien, beaucoup d'entreprises sont représentées par des avocats,
parce que beaucoup de salariés aussi, au final, sont représentés par des
avocats, qu'ils soient des avocats de nature... syndicaux ou des avocats privés. Mais il reste qu'il y a une culture de
droit, le langage qui est utilisé, les références, la jurisprudence... bien
sûr, il n'y a pas la toge, là, et les effets de toge, comme on pourrait dire,
mais il y a quand même toute la culture
générale du droit qui s'affirme de manière très forte dans un tribunal
administratif comme celui du TAT.
Et, pour ce faire, évidemment que le salarié,
pour avoir la moindre chance d'avoir un rapport de force intéressant, se doit
d'avoir une représentation. Et, si on lui permettait, à travers un amendement
de ce genre, si on lui permettait d'avoir accès à un certain fonds, qui n'est pas
énorme mais qui n'est pas banal non plus, bien, il pourrait plus facilement
aller rechercher cette aide-là, et espérer se présenter au tribunal, et
espérer, donc, avoir un rapport de force qui ne soit pas trop déséquilibré.
M. Boulet : Je suis convaincu que
vous anticipez ma réaction. Un, c'est sûr que j'ai de l'empathie pour les
travailleurs, j'ai de l'empathie pour les PME, j'ai de l'empathie pour les
personnes qui doivent se représenter. On en a parlé abondamment dans
l'amendement qui précédait. Maintenant, je vous rappellerai que 100 % des
cotisations versées à la CNESST proviennent des employeurs, petits, moyens et
grands.
Donc, vous demandez, par votre amendement, que
les employeurs paient les honoraires jusqu'à concurrence des montants que vous
indiquez pour permettre à des travailleurs de contester les décisions de la
CNESST, donc aux employeurs d'assumer les honoraires des travailleurs dans le
contexte de l'application de la Loi sur les accidents de travail, maladies professionnelles
ou la Loi sur la santé et sécurité du travail.
Deuxièmement, vous demandez que la CNESST paie
ce montant-là, qui provient bien sûr des cotisations des employeurs, pour
contester ses propres décisions parce que... Vous le savez, la CNESST tranche
une question. Que ce soit une affaire d'indemnité, ou une question médicale, ou
une question de partage de coûts, la CNESST tranche. Elle ne peut pas payer au travailleur... Ultimement, vous allez nous
demander de payer des honoraires aux employeurs. Qui va assumer ça? C'est,
de toute façon, les employeurs.
• (19 h 40) •
Donc, ce
n'est pas que je ne comprends pas votre amendement, je le sais que
vous le faites de bonne foi, mais je présume ou j'assume que vous savez
qu'on ne peut pas faire ça. La CNESST serait comme en position conflictuelle,
d'une part, puis les employeurs seraient requis de payer des honoraires à des
travailleurs qui contestent des décisions.
Peut-être un dernier
commentaire. C'est qu'on parle plus de déjudiciariser. On ne parle pas de payer
des honoraires à des personnes pour faire des contestations ou assumer des
frais de représentation. Puis je le comprends, le travailleur non syndiqué,
seul, qui a besoin d'être représenté, mais il y en a, des ressources. Donc,
pour ces raisons-là, on ne peut pas aller... malheureusement, on ne peut pas
accepter l'amendement que vous soumettez. Puis je comprendrai toutes les
raisons du monde où vous m'expliquerez : Mais, M. le ministre, la personne
est seule, elle a besoin d'être encadrée, d'être accompagnée, ce n'est pas
simple, c'est complexe. N'oubliez pas que c'est...
Moi, quand vous parlez d'effet de toge, là, dans
les tribunaux judiciaires... Bon, on parle ici d'un tribunal administratif.
Même dans les tribunaux judiciaires, les effets de toge, ça n'existe plus, là.
Tu sais, ce n'est plus... on n'est pas à
l'époque de l'adoption des lois, là, en matière de santé et sécurité du
travail. Les procureurs puis les conseillers qui plaident le font de manière rigoureuse, puis le Tribunal administratif du travail, vous le savez, on a des conciliateurs qui
rencontrent les parties avant l'audience. Il y a un accompagnement de services
de conciliation préaudience devant le TAT
qui est hyperhumain. J'ai vu des conciliateurs compenser largement. J'ai vu des
travailleurs être seuls, puis des employeurs être
accompagnés d'avocats, puis les conciliateurs compensent. Puis j'ai vu des
petits entrepreneurs être seuls, puis des travailleurs accompagnés par un
avocat de l'aide juridique ou d'une fédération qui représente les travailleurs
accidentés. L'équilibre, là, le rapport de force, il est généralement assuré
par ce processus de conciliation préaudience ou par le juge au Tribunal
administratif du travail. C'est des personnes extrêmement empathiques qui sont
nommées au Tribunal administratif du travail, puis vous en connaissez certainement
plusieurs.
Donc, ça, pour moi, ça répond à mon appétit ou
l'empathie que j'ai à l'égard des personnes qui sont seules, que ce soit des travailleurs,
ou des bénéficiaires, ou des employeurs, peu importe la grosseur de
l'employeur. Merci, M. le Président.
M. Derraji : ...dans la même logique
de l'admissibilité ou l'accompagnement des travailleurs, selon vous, donc, il
n'y a pas de problème par rapport à la présence des conciliateurs. Les travailleurs
sont très bien accompagnés, il n'y a pas de problématique soulevée pour l'accompagnement
des travailleurs.
M.
Boulet : ...un processus
de conciliation préaudience devant le Tribunal
administratif du travail, puis il y
en a aussi à la CNESST. Et, devant le tribunal, oui, ça peut arriver qu'un entrepreneur
ne soit pas accompagné d'un avocat ou d'un conseiller. Des fois, c'est le travailleur,
mais il y a la possibilité d'obtenir un ajournement pour être dûment
représenté. Et, si la personne n'est pas représentée, elle bénéficie des outils
que le juge peut lui donner, puis il l'encadre, il l'accompagne.
M. Derraji : Justement, parlant des
outils, parce que c'est intéressant, ce que vous soulevez, parce que ce n'est
pas toujours... les préjugés que l'entrepreneur, il est toujours accompagné,
les petites et moyennes entreprises, il a tout avec lui, genre, lui, il a
l'avocat, il a les frais... Je connais plein, plein, plein de PME, elles n'ont
même pas les moyens d'aller en cour et faire tout, tout, tout le suivi. C'est
un fardeau, hein? Et c'est pour cela, tout à l'heure, quand j'ai proposé des amendements...
c'est dans ce sens d'équilibrer un peu les choses. Mais le fond ramené par le collègue
est quand même intéressant.
Parlant d'accompagnement, donc, quand le juge
constate qu'il n'y a pas d'accompagnement, ou la personne en face de lui, peu
importe, PME, entrepreneur ou travailleur, a besoin d'aide, est-ce qu'il y a un
service d'accès à l'aide juridique?
M. Boulet : Absolument, puis on a
aussi le droit d'être représenté seul, là. On n'est pas contraint. Le droit à
l'avocat, c'est reconnu, c'est un droit qui est intégré dans nos lois, mais une
personne peut décider d'être représentée seule. Et, oui, le juge va demander à
la personne qui est seule, que ce soit un entrepreneur ou un travailleur :
Vous êtes seul, est-ce que vous... Puis les juges, ils guident même dans le
témoignage d'une personne qui est seule, va le guider dans son témoignage, va
lui poser des questions : Quand c'est arrivé? Puis il va jouer le rôle,
dans une certaine mesure, du procureur ou du conseiller qui n'est pas présent.
Donc, c'est un encadrement humain.
M. Derraji : Mais j'imagine qu'il y
a des critères d'admissibilité pour avoir cette aide juridique. Ce n'est pas
offert à tout le monde. Ce n'est pas tous les travailleurs qui bénéficient de
l'aide juridique ou bien les PME qui bénéficient de l'aide juridique auront dû,
à cette étape... parce que...
M. Boulet : Il y a des organismes,
il y a des conseillers.
M. Derraji : Comme par exemple?
Avez-vous des noms?
M. Boulet : Il y a les avocats dans
des bureaux privés. Il y a beaucoup d'avocats qui pratiquent en privé et qui
sont spécialisés en santé et sécurité du travail, puis ils font beaucoup de cas
devant le Tribunal administratif du travail. Il y a les conseillers en relation de travail,
parce que tu n'as pas besoin, nécessairement, d'être un avocat. Il y a
beaucoup de firmes de conseillers en relation de travail. Il y a les membres
des CRHA, un pourcentage important qui font aussi de la représentation au nom
des travailleurs et au nom des employeurs. Il y a l'UTTAM, bien sûr, il y a Au
bas de l'échelle, mais il y a plusieurs organismes qui s'occupent d'assurer...
Un travailleur qui veut avoir une
représentation, c'est sûr qu'il y a des coûts, mais l'employeur qui veut être
représenté, lui aussi assume des coûts. Puis c'est faux de dire que ce ne sont
que les grandes organisations qui vont au Tribunal
administratif du travail, il y a aussi beaucoup de petites entreprises. Puis on
ne peut pas... Puis je le regrette, là, mais demander aux employeurs de payer
des honoraires à des travailleurs pour contester des décisions où ils sont parties... Bon, parlez-en aux employeurs,
vous allez avoir une réponse assez franche. Puis, deuxièmement, demander
à la CNESST d'assumer des honoraires pour contester des décisions que cette
commission-là a rendues pour trancher un litige entre deux personnes, entre un
travailleur et un employeur, moi, je pense que faire cet énoncé-là commande une
réponse qui est claire.
M. Derraji : Et ce qu'on doit
conclure, c'est que l'aide ou l'admissibilité à l'aide juridique, il est
très... il est disponible. Donc, j'imagine que, peu importe la cause, si le
travailleur ou même l'entrepreneur... parce qu'encore une fois j'insiste sur
l'entrepreneur. Il ne faut pas penser que, l'entrepreneur, les poches sont très
bien remplies, garnies, sachant que
c'est lui, probablement dans le... Donc, je ne sais pas si, dans le cadre des
mutuelles, ils ont accès à l'accompagnement du moment qu'ils bénéficient
de l'effet de masse de la mutuelle. Donc, s'il est membre d'une mutuelle, je ne
pense pas qu'il sera dépaysé dans la cour ou être mal accompagné.
Mais, dans le cas... pensons à l'entrepreneur
qui n'a pas tous ces moyens, qui ne se... qui n'est même pas membre d'une
mutuelle ou n'est même pas au courant que la mutuelle existe... et il y en a,
et on a un nombre de programmes que le gouvernement lance, et les gens ne se
rappellent même pas ou ne pensent même pas que le programme existe et ils
n'appliquent même pas pour bénéficier du programme. Mais je reviens à la
question de départ. Donc, peu importe, l'entrepreneur ou le travailleur, la
situation actuelle, les deux doivent débourser de leur poche, doivent payer les
frais de leur poche. Mais, dans le cas où il y a une précarité ou que ce
soit... l'un ou l'autre passe par des moments difficiles, situations très
complexes, probablement c'est hypothétique, mais l'aide juridique qu'on voit ailleurs, donc, avec d'autres
organismes pour accompagner d'autres personnes lésées par une situation x,
est-ce que, pour le régime santé et sécurité au travail, dans le cadre qu'il y
a un litige et des personnes en précarité, l'axe d'admissibilité à l'aide juridique, dans l'accompagnement de a à z, est
que ça ne coûte rien? Que ce soit pour l'entrepreneur ou pour le
travailleur, est-ce que c'est des situations qui existent, pour des situations
particulières, ou peu importe, l'UTTAM ne peut pas accompagner ou la mutuelle
ne peut pas accompagner l'entrepreneur? Est-ce que c'est des choses que... je
ne sais pas, est-ce que c'est des choses que vous avez vues ou c'est des
problématiques soulevées?
M. Boulet : Non.
M. Derraji : Non?
M. Boulet : Puis je ne connais pas
tout le détail des règles d'admissibilité à l'aide juridique, là, mais c'est
une situation, un travailleur qui peut être couvert par ça puis un autre
travailleur peut décider d'aller dans des bureaux...
Moi, j'étais
avec un cabinet, et il y a des travailleurs qui m'appelaient, qui voulaient se
faire représenter, puis il y a des avocats de mon bureau qui faisaient
ce type de représentation là, là. Dans tous les cabinets privés... puis il y a
des cabinets...
M.
Derraji : Mais, au niveau des cabinets privés, je suis au courant de
la situation et de la démarche. Ça, il y en a partout.
M. Boulet : Puis des conseillers.
Mais, à l'aide juridique, oui, il y en a...
M. Derraji : Il y en a? O.K.
M. Boulet : ...qui sont représentés
par des avocats, avocates de l'aide juridique, absolument.
M. Derraji : Il n'y a pas de
critère? C'est ouvert?
• (19 h 50) •
M. Boulet : Il y a des règles, là.
Il y a une grille de tarification. Il faut que ton revenu soit, par exemple,
inférieur à tant...
M. Derraji : Oui, oui, c'est ça.
M. Boulet : ...dépendamment de ta
situation familiale.
M. Derraji : Donc, même les
travailleurs peuvent bénéficier de cet accompagnement, même les travailleurs.
M. Boulet : Les travailleurs qui
respectent les conditions, là...
M. Derraji : Les conditions, oui.
M. Boulet : ...les règles, oui. Tout
à fait.
M. Derraji :
Merci.
M. Boulet : Ça me fait plaisir.
M. Leduc : Dites-moi si je me
trompe, mais la Commission des normes du travail ou, du moins, la version
normes du travail de la CNESST, c'est financé par des cotisations de
l'employeur, non?
M. Boulet : Non, mais la Commission
des normes ne rend pas des décisions qui tranchent un litige.
M. Leduc : Oui, oui, ça, je
comprends, mais elle est financée par les cotisations de l'employeur.
M. Boulet :
C'est un service de contentieux qui est assumé par la commission, mais c'est
dans un tout autre contexte.
Là, ça n'existe pas. Là, moi, je n'ai pas...
Vous avez probablement vérifié l'impact financier de votre demande, là. Si c'est 4, 5 millions, c'est un
coût additionnel qu'on demande de payer en cotisation par les
employeurs.
Dans les normes du travail, ça existe avant la
fusion. La fusion a eu lieu il y a quatre ans, puis ça existait avant. Puis, à
l'origine, ça a été bâti de cette manière-là. Ça tenait compte,
probablement, puis je n'étais pas là à l'origine, du fait que la
Commission des normes ne tranchait pas, et ce service gratuit là d'un avocat
qui accompagne la partie contestante, ça existe depuis je ne sais pas combien
d'années, là, mais beaucoup d'années.
M. Leduc : O.K. Mais je veux
juste...
M. Boulet : Là, c'est de créer
ici une obligation additionnelle qui aurait pour impact de demander à la CNESST
de payer des honoraires dans un contexte où elle tranche une question, donc
payer des honoraires à des personnes qui contestent ses propres décisions. Je
pense que c'est un argument central puis je pense que ça m'apparaît être un
incontournable. Puis on fait une modernisation pour diminuer la
judiciarisation, puis ça peut être un incitatif à une augmentation de la
judiciarisation que d'embarquer dans des mécaniques comme ça.
M. Leduc : Ça fait deux fois
que vous le soulevez. Qu'est-ce qu'il y a dans votre projet de loi qui diminue
la judiciarisation?
M. Boulet : Voyons donc,
collègue! Bon, on en a parlé abondamment. Le Comité consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre, je pense que vous respectez les gens qui siègent à ce
comité-là, ils ont parlé de la judiciarisation. Vous vous souvenez de la
recommandation centrale? Abolir la DRA, la Direction de la révision
administrative, pour déjudiciariser. C'est demandé autant par les patrons que
les syndicats, et ça va avoir un impact considérable.
Or, vous le savez, on est allés très près de ça,
mais on a maintenu la révision administrative dans certaines situations. Je
sais que probablement vous voulez me faire redire tout ça, là, parce que vous
posez des questions dont vous connaissez la réponse ou peut-être pas, là, mais
j'ai l'impression, des fois, de redire que l'option devrait avoir des
conséquences extrêmement intéressantes parce que c'est vous qui décidez. Puis
on en a discuté abondamment, je sais que vous avez présenté des amendements,
mais on a trouvé un excellent point d'équilibre. Puis ce n'est pas totalement
ce que le... le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais je
sais que ce n'est pas un enjeu pour eux
autres avec... en tout cas, peut-être des syndicats qui... Moi, ça n'a pas été porté à ma connaissance, mais il n'y a jamais personne
qui m'a soulevé que ça, là, ça n'allait pas contribuer à la déjudiciarisation.
C'était même, selon moi, la recommandation principale concernant la
déjudiciarisation.
C'est sûr qu'en indemnisation, c'est sûr que les
retours plus prompts, plus durables, l'application des mécanismes de réadaptation
avant la consolidation puis l'atteinte permanente, à mon avis, ça va
contribuer, parce que le retour au travail va être plus rapide à une certaine
forme de déjudiciarisation, parce que moins longtemps la personne va être
absente, plus vite elle va pouvoir réintégrer le travail, moins il y a de
risques de chronicisation et donc d'approfondissement, d'atteintes permanentes
ou de limitations fonctionnelles. Il y a des éléments comme ça qui n'ont pas
autant de valeur que l'option entre la révision administrative puis le TAT,
mais je pense que ça nous préoccupe. La déjudiciarisation, c'est un des
objectifs qu'on avait déjà convenus au départ, en tout cas, que j'avais annoncé
au départ, là, quand on avait présenté le projet de loi n° 59, là.
M. Leduc : J'entends ce que
vous me dites, puis c'est un objectif que je partage. Je ne sais pas si ça va
être suffisant, mais, en tout cas, certainement, la partie de la DRA...
M. Boulet : Là-dessus, ça ne
sera jamais suffisant pour les uns, trop pour les autres, mais je vais répéter
constamment que notre objectif, c'est de trouver un bon équilibre puis
d'améliorer ce qui se fait actuellement. Puis, pour la déjudiciarisation, il
faut reconnaître qu'on a fait un grand pas en avant. Bon.
M. Leduc : Quand vous dites
qu'il est difficilement concevable qu'une organisation de l'État, dans ce
cas-ci, de la CNESST, finance des gens pour venir la contester, elle, je ne
peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec un programme dont on a parlé
tantôt, puis que vous gérez vous-même, qui est le SACAIS. Parce que souvent, en
cette enceinte ou dans l'espace public, il se trouvait des voix pour dire que
c'était paradoxal que l'État finance des groupes populaires,
des groupes communautaires via le SACAIS et défendait la défense collective de
droits qui, par définition, implique une certaine contestation de l'État et de
ses politiques publiques. Et, au contraire, moi, ça m'a toujours paru être le... probablement un des symboles les plus forts du
fait que nous vivons en démocratie ici, au Québec.
M. Boulet : ...intéressant.
Pour moi, c'est un débat parallèle, là. On ne peut pas faire d'analogie. Mais,
oui, ça m'est arrivé de me faire dire : On finance tel organisme qui
critique nos politiques environnementales, sociales, du travail, et autres. M.
le ministre, ça n'a pas de bon sens. Puis je ne tombe pas dans ces pièges-là.
Moi, je suis un représentant d'un gouvernement
qui donne accès à un financement selon des critères, puis, si les critères sont
rencontrés, le financement est accordé, il y a des protocoles d'entente qui
sont signés. Puis ces organismes-là, s'ils
expriment une opinion, s'ils font dans des règles d'éthique, on ne retirera pas
le financement. S'ils
venaient... Tu sais, puis j'ai en tête des groupes environnementaux.
M. Leduc : Pouvez-vous les nommer?
M. Boulet : Non, mais j'en ai en
tête. Mais, oui, tout à fait, puis j'ai...
Mais je n'ai
jamais accepté... À moins qu'ils viennent dans l'arène politique puis que, là,
ils disent spécifiquement : On est... Tu sais, s'ils prêchent,
s'ils prônent pour un Québec plus vert, puis qu'ils proposent, puis qu'ils font
ça dans les règles de l'art, moi, j'ai toujours respecté la liberté d'opinion.
Puis c'est ce que j'ai écrit quand je vous écoutais, la liberté d'opinion. Puis
ce n'est pas parce que quelqu'un est en désaccord avec moi, ou avec mes
collègues, ou avec notre gouvernement qu'on va cesser le financement.
Mais c'est parallèle. Je ne raisonne pas de la
même manière ici. Un, c'est les fonds publics auxquels vous référez. Là, ici,
on parle des cotisations des employeurs qui paient des cotisations pour qu'une
commission gère ces cotisations-là, et là on demanderait à ces employeurs de
payer une cotisation... de payer qu'un 4 millions, qu'un
6 millions... je ne sais pas. Avez-vous calculé l'impact de votre demande?
M. Leduc : Je n'ai pas des actuaires
du ministère à mon service, M. le ministre.
• (20 heures) •
M. Boulet : O.K. Bon, de toute
façon, ça n'a peut-être pas beaucoup d'importance à vos yeux.
M. Leduc : Au contraire.
M. Boulet : Donc, on demanderait aux
employeurs : Bon, ça va coûter 8 millions en honoraires, là, pour les
travailleurs qui contestent puis... On n'est pas dans la recherche d'un
équilibre. On est dans la recherche d'une judiciarisation
accrue, pour le bénéfice, bien sûr, d'un meilleur accompagnement puis d'une
meilleure représentativité. Mais on n'embarque... Je ne sais pas quel
terme utiliser, là. Ça ne m'apparaît pas acceptable qu'on entre dans une
dynamique où la commission assume des honoraires pour des travailleurs qui
contestent ses propres décisions. Je veux dire, pour moi, c'est conflictuel en
plus.
Mais, je le répète, là, ne faites pas l'analogie
que vous me soumettez, le SACAIS puis ce que mon ministère fait avec des fonds
publics. On ne donnera pas de l'argent puis on ne financera pas juste ceux
disent ce qu'on veut qu'ils disent. On se
comprend? Puis vous auriez été dans mon bureau, à côté de moi, quand j'étais
interpelé là-dessus, puis vous auriez été fier qu'on gère les fonds
publics de cette manière-là.
Tout ce que je fais en politique, vous le savez,
collègue, puis je le répète souvent, je veux que les Québécois puis les
Québécoises qui nous regardent puis nous écoutent soient fiers de ce qu'on fait
pour eux autres. Puis, pour moi, c'est important de le dire le plus souvent
possible.
M.
Leduc : Vous le dites bien puis vous le faites bien. Puis, comme vous
dites, j'aurais probablement apprécié la réponse que vous avez donnée au
moment où on vous a posé la question.
L'analogie que je faisais, puis, on s'entend,
une analogie, ce n'est jamais parfait, celle-là, elle n'est pas plus parfaite
qu'une autre, elle tient, à mon avis, quand même un peu, dans le sens où il est
possible d'aller au-delà d'une apparente contradiction entre quelqu'un qui
finance quelqu'un d'autre pour se faire contester, ce qui est un petit peu...
ce qui est le cas, par essence, du SACAIS et de la défense collective des
droits, et ce qui, à mon avis, pourrait être aussi le cas de l'argent des
cotisations des employeurs qui pourrait être utilisé pour financer un tel fonds
de défense des salariés. Parce qu'on va s'entendre, vous faites beaucoup référence
au fait que ça serait paradoxal que la CNESST finance des gens qui la conteste.
La majorité des cas qui se ramassent devant le tribunal, c'est quand c'est
l'employeur qui conteste la décision. C'est ça, la réalité, c'est la grosse
majorité des cas qui se retrouvent devant le tribunal, devant le TAT, devant un
juge administratif, c'est parce que l'employeur refuse la décision de la
CNESST, probablement dans une volonté de se faire désimputer du coût sur sa
cotisation, parlant de cotisation.
Et, si on revient à l'origine de la CNESST, si
on revient à l'origine du principe de la santé et sécurité du travail, c'est le
fameux principe de Meredith, qui disait : Si je renonce, comme employé, à
mon droit de poursuivre, au civil ou au criminel, mon employeur pour sa
négligence qui a causé une lésion chez nous, qui soit une lésion réparable ou
pas, si je renonce à ce droit-là, je dois avoir un régime de réparation qui est
le plus libéral, le plus entier possible. Et là, visiblement, il y a des
failles dans ce régime-là. On tente d'en corriger quelques-unes avec le présent
projet de loi. Une de ces failles-là est la surjudiciarisation et l'énorme
iniquité du rapport de force, quand on se retrouve devant un tribunal, entre
l'employeur et l'employé.
Tantôt, vous faisiez
référence, dans l'échange avec mon collègue de Nelligan, au fait qu'il y a des
petites entreprises aussi qui se ramassent là, qui ne sont pas représentées ou
mal représentées, puis vous avez entièrement raison. Moi, je ne suis pas en train
ici de tenter de vous peindre une situation monochrome et unidimensionnelle, j'essaie de dégager des grandes tendances. Je ne
suis pas en train de dire qu'il y a... tous les employeurs arrivent là
avec des gros cabinets d'avocats bourrés d'argent jusqu'aux oreilles. Il y en a
plein, plein, de variations, il y en a plein, plein, de nuances. Puis, oui, il
y a des petites entreprises qui se ramassent là, puis qui sont perdues, puis
qui auraient besoin d'accompagnement, puis qui auraient besoin de représentation
aussi.
La tendance lourde, par contre, elle n'est
pas... ce n'est pas celle-là. La tendance lourde, c'est le petit salarié, seul,
qui ne comprend pas la loi, qui ne comprend pas ses recours, qui ne comprend
pas le langage juridique auquel il doit faire face et qui se retrouve devant
une entreprise puis un... et/ou la CNESST avec un avocat bien ferré. C'est ça,
la réalité, le portrait, la tendance générale. C'est à ça qu'il faut s'attaquer
et c'est à ça qu'on tente de s'attaquer avec des programmes comme l'aide
juridique, par exemple, qui font une partie du chemin. C'est ça que j'ai
tenté... C'est ce phénomène auquel j'ai tenté de m'attaquer avec l'amendement
précédent, qui aurait eu quand même une bonne partie du chemin de fait. Ça n'a
pas été retenu. Ce n'est pas plus grave que ça, on y va sur un plan b. Un
certain montant déposé dans un salarié peut faire toute la différence.
M. Boulet : On aime ça placoter,
hein, M. le Président? On va continuer. N'oubliez jamais l'autre bout de l'équation. Il y a une immunité à l'égard des
recours pour les employeurs, mais, de l'autre côté, il y a une indemnisation
des travailleurs sans égard à la faute. Tu sais, moi, quand je me fais
dire : Il y a beaucoup d'employeurs qui, sans ce régime-là, se ramasseraient à la rue, je ne suis pas tout à fait à
l'aise avec ça parce qu'il y a énormément de travailleurs qui n'auraient
pas accès à une indemnisation sans égard à la faute. Puis ça, c'est un pacte de
donnant-donnant. C'est une équation où les deux parties ont convenu d'aller...
d'adopter un régime de cette nature-là.
Deuxièmement, ne négligez pas le fait que, dans
ce régime-là, il y a un tribunal administratif final qui rend des décisions finales et qui est composé de
personnes extrêmement compétentes. Puis, je le répète, il y a un
processus de conciliation, il y a des juges qui accompagnent, qui encadrent.
Et la tendance lourde à laquelle vous faites
référence, je ne suis pas capable... Peut-être que vous êtes un expert en
tendances lourdes, mais moi, j'ai vu des syndicats extrêmement bien outillés
dans des petites entreprises, puis j'ai plaidé et j'ai vu plaider des
conseillers syndicaux qui sont de fins experts en santé et sécurité du travail
puis qui connaissent l'état de la jurisprudence, qui savent comment
contre-interroger un témoin. Le rapport de force, il n'est pas toujours à
l'avantage de celui qu'on pense. Ça fait que je veux un peu combattre ce
préjugé-là.
Est-ce qu'il y a une tendance lourde? Je ne le
sais pas, je ne suis pas capable de mesurer ça, mais il y a quand même beaucoup
de syndicats dans les petites entreprises qui prennent de la place en santé et
sécurité du travail, puis je respecte ça.
Puis ce qui va au TAT, c'est souvent des recours qui sont dirigés par des
syndicats qui accompagnent des travailleurs. Puis, dans le contexte non
syndiqué, bien, il n'y a pas beaucoup de grandes entreprises, je vous rappelle,
qui ne sont pas syndiquées. Tu sais, dans le secteur des mines, des forêts, et
autres, c'est fortement syndiqué et c'est des syndicats aguerris, là, en
matière de santé et sécurité.
D'ailleurs, je les félicite parce que, dans ces
secteurs-là, ils ont été très solides en matière de développement des
mécanismes de prévention et de participation des travailleurs, puis on l'a vu
avec les niveaux de risque au départ. Dans ces secteurs-là, la fréquence et la
gravité des lésions professionnelles a baissé beaucoup au fil des années. Puis
je lève mon chapeau, moi, aux syndicats qui se sont investis là-dedans puis,
des fois, je parle à des syndicalistes qui me disent qu'ils ont eu une
excellente collaboration aussi du côté patronal.
Ça fait que les travailleurs seuls, laissés à
eux-mêmes dans les grandes organisations, il y en a très peu. Puis il y en a
plus dans les PME, mais, dans les PME, il y a aussi des syndicats. Puis, dans
les PME, bien, ils n'ont pas souvent des départements de ressources humaines
avec des spécialistes en santé et sécurité, ça fait que... Puis l'équilibrage,
entre guillemets, du rapport de force provient de la CNESST, avec ses outils
d'information, ses outils de simplification, ses agents d'indemnisation qui
donnent beaucoup d'information.
Évidemment, tous les organismes qui font de la
formation, la conciliation, le pouvoir de reconsidération... la révision
administrative, collègues, vous le savez, c'est simple. Pour un travailleur,
c'est simple avec un réviseur. À la limite, tu pourrais ne rien dire. Puis les
réviseurs que je connais à la CNESST, c'est des personnes qui étudient le
dossier. Si l'employeur décide d'aller au TAT puis le travailleur a aussi
contesté, bien, vous voyez que le TAT va ramener ça en révision administrative.
Ça fait qu'il y a quand même un... écosystème,
là, je pense que c'est un mot qui est surutilisé, là, mais, disons-le, il y a
quand même un écosystème qui est favorable aux travailleurs, aussi aux
employeurs et qui assure quand même un certain équilibre dans le rapport de
force. Puis je sais qu'il y a des méchants employeurs puis il y a des
travailleurs victimes, il y a aussi des employeurs qui sont victimes d'une
sous-représentation. Ça fait que je veux juste m'assurer qu'on ne déclare pas
si aisément qu'il y a une tendance lourde.
M. Leduc : Juste clarifier quelque
chose, là. Un employeur qui se ramasse au TAT, c'est qu'il a contesté la
décision du TAT de reconnaître la lésion.
M. Boulet : Il n'a pas contesté la
décision du TAT. Il se ramasse au TAT parce qu'il a contesté la décision de la
CNESST ou du réviseur administratif.
• (20 h 10) •
M. Leduc : ...syndicat qui l'amène
au TAT. Vous avez dit tantôt : Le syndicat l'amène au TAT.
M. Boulet :
Non, mais c'est parce que vous dites : Il se ramasse au TAT parce qu'il
conteste la décision du TAT. Non, la décision du TAT est finale. Il ne peut pas
contester la...
M.
Leduc : Il n'y a personne,
il n'y a pas un employeur qui se ramasse au TAT sans avoir préalablement
contesté la décision de la CNESST. Vous avez
dit tantôt : Le syndicat traîne l'entreprise au TAT. Ce n'est pas ça, la
séquence.
M. Boulet : Non, non, mais le
travailleur peut aussi contester.
M. Leduc : Bien oui, bien, ça,
j'espère.
M. Boulet : Bien oui, mais c'est ça
que... c'est simplement ce que j'ai mentionné. Puis ce n'est pas la décision du TAT, c'est la décision de la CNESST ou
en révision administrative qui est contestée par l'employeur. Il y a une
équivalence de droit quant aux recours et aux mécanismes de contestation.
L'employeur et le travailleur bénéficient exactement d'une égalité de droit de
contestation.
M. Leduc : J'ai le rapport annuel,
ici, de l'UTTAM, là, qui font référence à toutes sortes de chiffres dans la
région métropolitaine de Montréal par rapport aux contestations, par rapport
aux litiges, là. Je n'ai pas le chiffre détaillé, mais, en tout cas, ils font
référence que 64 % des travailleuses et travailleurs étaient non syndiqués
dans les gens qui évoluent dans les questions de la contestation, ce qui n'est
pas très loin, de toute façon, de...
M. Boulet : De la réalité, là.
M. Leduc : ...de la réalité globale
de la syndicalisation au Québec...
M. Boulet : Je ne sais pas comment
ils font leurs... mais moi, j'ai vu beaucoup, au TAT, des employés syndiqués,
là.
M. Leduc : Bien, bien sûr.
M.
Boulet : Mais bon, là, le
chiffre de l'UTTAM, c'est que 64 % des travailleurs au TAT sont non
syndiqués.
M. Leduc : Écoutez, il faudrait leur
demander comment ils ventilent ça, là, mais...
M. Boulet : Je ne sais pas comment
ils calculent ça, mais ça m'apparaît surprenant comme donnée. Mais...
M. Leduc : Vous, vous pensez que ça
serait moins?
M. Boulet : Oui. Bien, il y a
40 % des travailleurs qui sont syndiqués.
M. Leduc : Tout à fait.
M. Boulet : Puis ils sont... Moi, je
les vois... puis ça, c'est une perception que j'ai, mais, à mon avis, les travailleurs au TAT, il y a plus de travailleurs
syndiqués que de non syndiqués. Mais je le dis vraiment sous réserve,
là.
M. Leduc : C'est ça, on leur
demandera de nous ventiler ça, si ça leur chante.
Moi, je veux juste clarifier quelque chose
aussi. Vous me dites : Ah! la révision administrative, le réviseur, c'est
quelque chose qui est plus accessible, c'est plus facile, mais remettons-nous
dans les souliers d'un salarié. Puis le rapport de Mme Gesualdi-Fecteau, auquel
je faisais référence tantôt, était limpide. Je vous invite vraiment à le
relire. Rien n'est simple pour un travailleur, pour un salarié qui doit aller
se battre devant le TAT, qui se fait contester
sa décision soit par la CNESST, qui se fait refuser ou qui doit aller défendre
sa position face à une contestation de l'employeur. Rien n'est simple.
Je lisais une citation tantôt, je ne la relirai pas textuellement, mais, de mémoire, elle disait que ça arrive très
fréquemment qu'une personne reçoit une lettre pour pouvoir contester les
décisions. N'étant pas connaisseur, ne connaissant pas le concept des délais,
il peut en échapper bien des aspects, de son propre dossier.
Ça fait
qu'imaginez-vous, si, déjà, ça déraille avec les simples lettres puis les
simples délais d'administration, et d'application, et de contestation,
on peut-tu s'imaginer qu'une révision administrative, aussi simple peut-elle
paraître pour nous, des législateurs, pour nous, des gens qui ont travaillé
beaucoup et à peine avec le droit... bien sûr qu'une révision administrative,
c'est une pacotille, à la limite. Mais, pour un salarié qui n'a pas
nécessairement une longue éducation, pour un salarié qui n'a certainement pas
évolué dans le domaine du droit, qui n'a, par bonheur, pas eu à aller devant le
tribunal sur d'autres sujets non plus, si, demain matin, on le place dans une
situation où il doit commencer à jouer avec
tous ces concepts-là, moi, ma conviction profonde et l'écho que j'ai du
terrain, c'est qu'il n'y a absolument rien de simple là-dedans, ni la
révision administrative ni rien d'autre.
M. Boulet :
Et, bon, ceci dit avec respect, là, puis vous connaissez la procédure, si le
travailleur a une réclamation à faire, le formulaire va être fourni par
l'employeur. Puis il y a une case où le travailleur, il écrit à la main la version de l'événement, il signe la version de
l'événement. Il rencontre son médecin qui lui donne une attestation médicale
initiale, c'est transmis à la CNESST. Puis, honnêtement, les décisions rendues
par la CNESST sont d'une simplicité extraordinaire. C'est quelques lignes, puis
vous en avez vu aussi, là, mais... puis c'est écrit : La réclamation que
vous avez présentée le 1er juin 2021 à titre d'accident de travail est
accueillie ou est refusée pour telle raison. Puis là on dit : Vous pouvez
demander la révision de cette décision dans les 30 jours de la réception
de cette lettre. C'est simple.
Et, même si la
personne passe le délai de 30 jours, puis ça arrive à des employeurs
aussi, là, autant que des travailleurs, vous pouvez, si vous avez un motif
raisonnable, faire une demande d'être relevé du défaut de respecter le
30 jours. Ce n'est pas fréquent que... Tu sais, je veux bien, là, mais
c'est sûr que, pour le citoyen ordinaire, c'est peut-être plus complexe, mais,
pour l'entreprise qui n'a pas les ressources, qui n'a pas les outils, c'est
aussi complexe. Puis ils ont beaucoup de chats à fouetter, puis c'est...
Mais les systèmes
administratifs au Québec, là, puis je ne réfère pas rien qu'à la CNESST, sont
parfois trop bureaucrates. Puis on fait beaucoup d'allègements dans tous les règlements,
on essaie de simplifier au maximum. Puis la CNESST, en termes d'outils de
simplification, là, vous l'avez vu durant la pandémie, les affichettes, là, les
mains, la désinfection, la distanciation sociale avec des flèches, il n'y a
rien qui n'est pas fait simplement, en collaboration avec les associations de
travailleurs, les patrons... Tu sais, au C.A. de la CNESST, là, il y a du
monde, là, qui savent ce que vous me dites, puis ils contribuent à ce que la
CNESST mette en place des outils d'information, de formation, de
sensibilisation et de simplification.
Puis
moi, j'ai... à moins qu'il y ait des associations, je ne me souviens pas, dans
les consultations particulières, qui sont venues nous dire : Tout
est trop compliqué... les formulaires sont simples, puis vous en avez vu
plusieurs, puis j'ai vu des... Puis même qu'au TAT, j'ai vu des juges accompagner,
prendre par la main des travailleurs pour bien comprendre leur version des
faits. Puis la version des faits, c'est quatre lignes, six lignes, huit lignes.
Tu t'es fait une entorse, comment c'est
arrivé? Qu'est-ce que tu faisais quand c'est arrivé? Puis le travailleur, il
décrit ce qui est arrivé, puis, si
c'est compatible avec une entorse, ça va être accepté puis... Non, moi, je n'ai
pas d'appréhension à cet égard-là.
M. Leduc :
Il y a un élément, on a fait référence plus tôt, qui est la question de l'aide
juridique. Puis, tu sais, on pourrait se servir de cet argument-là pour dire
qu'on n'a pas nécessairement besoin d'avoir un type de régime comme ça, là, où on offre une espèce de montant de
soutien pour que la personne se retrouve de l'aide. Parce qu'il y a de
l'aide juridique, mais ce qu'il faut savoir, c'est qu'en plus de tous les
débats alentour des seuils de l'aide juridique qui sont à revoir, bien, il y a
peu de cabinets qui acceptent d'en faire, tout simplement, d'une part, parce
que ce n'est pas une expertise qui est légion. Vous le savez, vous-même, M.
le ministre, vous en avez fait longtemps, je ne sais pas si vous pouviez faire
des gros partys de Noël avec tous les avocats du Québec en santé et sécurité,
je ne sais pas à quel point ils étaient nombreux. Et l'autre aspect aussi,
c'est que, bien, ce n'est pas super payant, faire de l'aide juridique, puis
encore moins en santé et sécurité au travail.
L'autre aspect que je
voudrais souligner, c'est... je suis allé fouiner un peu sur des statistiques,
il semblerait qu'en matière de recours au tribunal du travail il y en a presque
deux fois plus, des recours qui sont initiés par les employeurs pour contester
une décision de la commission que de recours initiés par les travailleurs. On
est proche du ratio de deux pour un.
Alors, encore une
fois, hein, on n'est pas en train de faire des noirs ou blancs, on essaie de
dégager des grandes tendances. Je ne suis pas un expert en tendances lourdes
comme vous le disiez tantôt. J'essaie d'écouter le terrain. J'essaie d'écouter
ce qu'on me présente, ce que je vois qui ressort qui... encore une fois, hein,
pas une peinture en noir et blanc ou tous d'un bord ou tous de l'autre. Oui,
j'ai des sympathies idéologiques. Oui, je suis plus proche de telle ou telle
famille politique. C'est un secret de polichinelle que je suis beaucoup plus
proche, par exemple, des syndicats que des entrepreneurs. Ça, il n'y a pas
de... je n'ai pas de honte à le dire, au contraire, je suis plutôt fier de le
dire. Ça ne veut pas dire pour autant que j'ai une aversion des entrepreneurs,
ou que je méprise les entrepreneurs, ou que je ne m'intéresse pas aux
entrepreneurs. J'ai des amis entrepreneurs. J'ai des très bons amis
entrepreneurs, puis dans des PME, dans des shops un peu plus grosses, dans des
établissements. Puis je suis toujours très intéressé d'aller les rencontrer
puis qu'ils me fassent visiter leur secteur, qu'ils me fassent visiter leur
travail, qu'ils me parlent comment ils gèrent leurs ressources humaines avec ou
sans syndicat.
Puis
vous le savez, M. le ministre, on devient des employeurs quand on devient
député. J'ai eu à négocier une convention collective en tant
qu'employeur puis je peux vous dire qu'en tant ex-syndicaliste, c'est un peu
spécial.
M. Boulet :
...emprunter pour consentir les demandes d'augmentation salariale?
M. Leduc :
J'ai respecté tous les paramètres financiers de l'Assemblée nationale.
M. Boulet :
Ah! c'est bon. Est-ce qu'il y en avait, des paramètres? Là, c'est des fonds
publics.
M. Leduc :
J'ai failli vous appeler pour avoir des conseils, d'ailleurs, quand ça bloquait
à la table de négo. J'ai failli vous appeler. Je sais... mais je me demandais
si vous me chargiez un prix accessible ou pas. J'ai fini par aller chercher
conseil ailleurs. Cela dit...
M. Boulet :
Vous êtes tellement généreux, de toute façon.
M. Leduc :
Oui, mais tout ça pour dire que la grande tendance, celle qui se dégage,
là, c'est quand même plus, beaucoup de
recours qui sont faits par les employeurs au TAT que l'inverse. Alors, on me
dit : Il ne faut peut-être pas
financer. Est-ce qu'il y a moyen de regarder si on ne pourrait pas prioriser,
par exemple, d'appuyer les salariés précisément lorsque c'est un employeur
qui conteste et pas nécessairement pour que lui conteste une décision de la
CNESST?
M. Boulet : Je n'ai pas votre
expertise en tendances lourdes, là. Pour le reste, je pense que j'ai fait mes
commentaires. Merci, M. le Président.
• (20 h 20) •
M. Leduc : On va ouvrir un
certificat à l'Université Laval, expert en tendances lourdes.
M. Boulet : Ma connaissance du
terrain me laisse croire que la tendance lourde est... Tu sais, vous seriez bon
en campagne électorale pour prédire aussi la tendance du vote.
M. Leduc : Je laisse ça à mon
collègue de Gouin qui a bien prédit le score du dernier match des Canadiens
contre les Maple Leafs. Il pourra, lui, continuer dans les tendances lourdes
électorales.
M. Boulet : Aïe! ça va bien avec le
Canadien, hein? Êtes-vous partisan?
M. Leduc : Oui, oui.
M.
Boulet : Oui, hein? Notre
collègue de Bonaventure aussi? Êtes-vous un partisan du Canadien de Montréal?
M. Roy : Je suis un partisan
de la chasse à l'orignal. On ne peut pas être passionné par tout.
M. Boulet : Non, ça, c'est vrai.
Puis le collègue de Nelligan, lui?
M. Derraji : Absolument. Canadien.
On va dire... on va faire en six cette fois-ci? C'est quoi, votre...
M. Boulet : J'écoutais, à un moment
donné, La Joute, j'étais dans mon bureau, puis Emmanuelle Latraverse,
elle disait que son conjoint supportait les Maple Leafs de Toronto. C'était vraiment
cute, son commentaire, alors qu'elle, bien sûr, elle supporte le Canadien de Montréal.
Ça fait que c'est une série qui a divisé un peu sa famille.
Mme Jeannotte : ...
M. Boulet : Ah oui, tout à fait!
Mais je suis d'accord avec toi, Chantale.
Mme Jeannotte : Mais, si la tendance
se maintient, on va finir très tard ce soir.
M. Boulet : Oui, c'est ça, oui.
M. Leduc : ...M. le Président.
Le Président (M. Polo) : Excellent. Y
a-t-il d'autres commentaires sur l'amendement du député d'Hochelaga-Maisonneuve?
Non? Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
La Secrétaire : M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
La
Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant
le gouvernement, Mme Jeannotte
(Labelle)?
Mme Jeannotte : Contre.
La Secrétaire : Pour les
membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji : Abstention.
La Secrétaire : M. Roy
(Bonaventure)?
M. Roy : Pour.
Le Président
(M. Polo) : Donc, l'amendement a été battu... rejeté. Donc,
voilà. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Je demanderais la
suspension pour la rédaction d'un autre amendement, M. le Président.
Le Président (M. Polo) : Parfait.
(Suspension de la séance à 20 h 23)
(Reprise à 20 h 37)
Le Président
(M. Polo) : Chers collègues,
à l'ordre! L'amendement est sur...
présenté par le député d'Hochelaga-Maisonneuve est officiellement déposé
sur le Greffier. J'invite, ceci dit, le député d'Hochelaga-Maisonneuve à en faire la lecture. M. le ministre, dans quelques
instants, vous allez recevoir une copie ou vous allez le voir par
Internet. Allez-y, M. le député.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Insérer, après l'article 112 du projet de loi, le
suivant :
112.1. Cette loi est modifiée pas l'insertion,
après l'article 366.1, du suivant :
«366.2. La
commission rembourse, sur présentation des pièces justificatives, au
travailleur ou au bénéficiaire, les frais engagé pour la production
d'une expertise pertinente à un litige relevant de la présente loi et devant
être entendu par le Tribunal administratif du travail, pour un montant maximum
de 1 200 $.»
Je peux y aller avec l'explication?
Le Président (M. Polo) :
Allez-y. Allez-y.
M. Leduc : Alors, dans le fond,
c'est une variation. Évidemment, là, tantôt, je parlais que j'avais un
plan A, après ça un plan B. On
tombe dans le plan C, malheureusement, mais c'est quand même ça qu'il faut
être... que je fais ici pour tenter d'aller trouver une voie de passage.
Donc, on voulait, au début, une grande... un
bureau, une grande instance de l'État ou, en tout cas, détachée de la CNESST,
mais une agence, en quelque... une forme de l'État qui allait pouvoir défendre
le travailleur, l'accompagner, l'informer et le défendre surtout. Ça n'a pas
été possible.
Donc, après ça, on s'est dit : O.K.
Peut-être qu'il serait possible d'avoir un montant dédié aux travailleurs, aux
travailleuses, aux salariés qui se représentent, qui ne sont pas syndiqués, qui
ont accès à peu de représentation. On a fait des chiffres tantôt, là, par
rapport à des organisations comme l'UTTAM, qui font des petites merveilles, mais qui ne peuvent, évidemment, avec quatre
salariés, pas toucher les 11 quelques milles, là, litiges au TAT par
année, voire plus, même, des fois.
Et à défaut, donc, d'avoir ça, qui était le
plan B, un montant pour payer des honoraires de représentation, il reste
qu'il y a une autre dépense qui est quand même importante, qui est la question
de l'expertise, et plus précisément, et plus souvent, en fait, de l'expertise
médicale. Quand on est forcés, donc, d'aller devant le TAT ou qu'on décide
d'aller contester une décision, mais surtout quand on est forcés d'y aller, là,
c'est souvent le cas, on l'a vu tantôt, c'est deux fois plus souvent que
l'inverse, quand un employeur conteste une décision de la commission et qu'on
doit aller se défendre, et qu'on tombe dans des débats médicaux, des débats
médicaux qui deviennent très pointus. Ça devient difficile, ça devient très
technique.
Évidemment, tantôt, on parlait de tout l'arsenal
de termes juridiques, tout le langage juridique qui n'est pas accessible au
salarié. On s'imagine que le langage médical l'est encore moins. Alors, si vous
conjuguez et que vous additionnez langage juridique, langage médical, là, on
est complètement, mais complètement perdus, pour la vaste majorité des
salariés. Alors, on ne peut pas s'imaginer être dans un environnement ou dans
un contexte de débat ou de combat à armes égales. Le rapport de force est
encore une fois complètement déséquilibré.
• (20 h 40) •
Et qui dit armes égales... On parlait de
représentation tantôt. Là, on entre sur un terrain quand même passablement
différent qui est celui de l'expertise. Donc, c'est une chose d'être représenté,
d'avoir un avocat ou un conseiller qui parle en votre nom, et c'en est une
autre d'avoir, quand on parle d'être à armes égales, le matériel ou les outils
pour vous représenter, pour vous soutenir, pour développer des arguments, et
des arguments, évidemment, verbaux, des arguments de droit. Mais, dans des cas,
et très souvent c'est le cas, justement, devant le TAT, dans des cas
d'expertise médicale, il faut aller chercher, donc, une expertise médicale
qui... ce n'est pas gratuit. C'est loin d'être le cas, d'ailleurs.
Et l'expérience du
terrain nous confirme qu'il est, à toutes fins pratiques, impossible pour un
travailleur ou une travailleuse de renverser un avis du BEM, le fameux Bureau
d'évaluation médicale. Donc, il est... de renverser cet avis du BEM au tribunal
sans s'appuyer sur une expertise médicale. C'est rêver en couleurs de penser
qu'on peut y arriver sans arriver avec son expertise médicale. Or, une telle
expertise médicale, ça peut représenter des coûts, là, qui peuvent facilement
atteindre 1 000 $, 1 500 $, 2 000 $, même, puis
ce n'est pas rare. Alors, c'est des montants qui sont très élevés, c'est des
montants qui sont encore une fois des arguments qui peuvent pousser un salarié
à ne pas aller devant le TAT, à ne pas contester soit une décision de la CNESST
ou soit laisser l'employeur gagner sa contestation de la
décision de la CNESST. C'est des coûts prohibitifs. C'est des coûts qui ne sont
pas, à mon avis... qui cadrent difficilement avec la vision que nous avions, à
l'origine, des tribunaux administratifs, qui se voulaient des tribunaux de
justice plus accessibles aux citoyens, aux citoyennes.
Alors, quand on
réalise, avec le temps, parce qu'une culture judiciaire s'est inscrite, parce
qu'une culture médicale également s'est imposée, qu'il faut absolument un
rapport, une contre-expertise médicale pour aller renverser une décision du
BEM — il
y a quand même souvent des cas de ce genre-là qui se ramassent au TAT — et
que ça va vous coûter 1 500 $, 2 000 $, bien, force est de
constater que, si on laisse l'état des choses évoluer tout simplement, on va juste continuer à perpétrer
cette iniquité et ce combat à armes inégales qui est actuellement en
cours, à mon avis et à l'avis de plusieurs personnes, comme on a mentionné
tantôt dans les différents rapports que j'ai cités.
Donc, qu'il y ait un
montant prévu qui soit disponible pour les salariés pour aller chercher cette
expertise médicale là, et arriver, et se
présenter à armes égales devant un employeur qui conteste cette décision au
TAT, ça nous semble, en troisième option, peut-être, quelque chose qui
permettrait au ministre de démontrer que sa lecture du rapport de force, bien,
il la transpose dans le réel, qu'il permet à des salariés de pouvoir
rééquilibrer ce rapport de force là, s'inscrire, du moins, dans ce rapport de
force là, et ça...
Parce qu'on pourrait
aussi abolir le BEM, hein? Ça, c'est un autre débat qu'on a commencé à avoir
dans différents amendements. Mais, bon, je ne suis pas certain que le ministre
veut aller dans ce sens-là. En tout cas, ce n'est certainement pas dans son
projet de loi initial.
Ça fait qu'à défaut
d'avoir le BEM sur place il faudrait toujours bien qu'il y ait possibilité
d'aller chercher une expertise ailleurs, qui est toujours bien la possibilité
d'aller chercher les outils pour se présenter devant le tribunal et espérer
avoir une chance, finalement. Parce qu'autrement, vous avez beau vous lever le
plus tôt possible, puis avoir toute la volonté du monde, puis avoir toutes les
formations du monde, pas d'expertise médicale, pas de renversement d'une
décision de BEM. Ça, c'est à peu près impossible.
Alors, voilà un peu
notre troisième approche. Est-ce que c'est quelque chose qui peut être
susceptible d'avoir l'intérêt du ministre comme troisième tentative?
Le Président
(M. Polo) : M. le ministre.
M. Boulet :
Susceptible d'intéresser... ce n'est pas mon intérêt qui compte, c'est
l'intérêt du régime. J'ai donné les mêmes
motifs dans l'amendement précédent. Ici, on demande d'assumer par la commission
des frais d'expertise médicale pour contester devant le TAT, pour
aller devant un juge du Tribunal administratif du travail, une décision
qu'elle a rendue, d'une part.
Deuxièmement, c'est
encore une fois demander aux employeurs d'assumer les frais d'expertise
médicale permettant à un travailleur d'obtenir une expertise médicale pour
aller au Tribunal administratif du travail, puis ce n'est pas si fréquent que c'est requis. Souvent, le médecin dont le
rapport a la meilleure valeur probante, vous le savez, devant un juge,
c'est celui qui a fait le suivi, qui a fait les consultations en amont de la
réclamation, qui a fait l'attestation médicale initiale, qui a fait les
rapports médicaux d'évolution. Il a des notes évolutives dans son dossier puis
il vient témoigner, ce qui lui confère une valeur extrêmement intéressante à
son témoignage. Ce n'est pas si fréquent que ça que le travailleur doit,
au-delà de ça...
Je sais que vous
allez avoir des groupes qui vont vous dire l'inverse, là, mais je sais que,
parfois, il y a des expertises qui sont requises, mais c'est la même, même
dynamique, là. Puis l'employeur, il n'a même pas cet avantage-là, là. Lui, il demande une expertise à partir des documents
médicaux qui sont dans le dossier du travailleur.
Ça fait que, là, vous
êtes en train de conférer un avantage, en termes de financement des expertises
médicales, qui ne serait pas compatible avec ce que l'employeur, souvent la
petite... Excusez-moi de revenir souvent avec la microentreprise ou la petite entreprise,
mais ils ont souvent à assumer les frais. Puis eux, l'expertise, c'est presque
un incontournable parce qu'ils n'ont pas de médecin qui a charge. Ils ont ce
qu'on appelle les médecins désignés, mais souvent, quand c'est rendu au Tribunal
administratif du travail... Puis ne négligez pas le cas du litige qui est mené,
qui est conduit par le travailleur qui a son médecin traitant. Puis
l'employeur, il est contraint, s'il veut avoir des armes à force égale,
d'obtenir une expertise médicale. Ça fait qu'il y a des cas variés, là.
Puis, encore une
fois, je sais que vous connaissez mieux les tendances lourdes que moi, vous
développez ou vous avez développé, avec certaines personnes, une expertise en
la matière, mais, pour les mêmes raisons que mentionnées à l'amendement
précédent, ça ne m'apparaît pas acceptable, malheureusement. Puis je comprends,
je démontre la même empathie puis compréhension qu'à l'amendement précédent,
mais, pour les mêmes raisons, on ne peut pas aller dans cette direction-là.
M.
Leduc : J'apprécie que vous témoigniez de l'empathie, M. le ministre.
Ça ne peut pas en soi me satisfaire, comme vous le comprendrez, mais
j'apprécie que vous le fassiez.
Il y a quelque chose
qu'il faut rappeler. Vous dites : Souvent, c'est le médecin traitant qui
va avoir plus de poids devant un tribunal. Oui, d'accord, c'est vrai. Encore
faut-il l'amener devant le tribunal, son médecin traitant. Et ce n'est pas
gratuit, ça, non plus. Le médecin traitant, il a beau être votre médecin
traitant, il ne prendra pas sa demi-journée pour venir au tribunal parce qu'il
vous aime bien, là. Il va y avoir des frais d'attachés à ça. Ça fait que, même
si vous avez un super médecin traitant, même si son opinion risque de peser
plus lourd dans la balance, si vous n'avez pas les moyens l'amener au tribunal,
ça ne servira pas à grand-chose.
M. Boulet : ...le médecin
traitant, il fait votre suivi, puis ça, c'est assumé par les fonds publics.
Puis il fait le suivi, il fait les rapports, il fait l'attestation médicale
initiale après avoir examiné le travailleur, fait des rapports médicaux d'évolution généralement à tous les mois, ça fait
qu'il fait le suivi. Si ça va au Tribunal administratif du travail un an ou un
an et demi après, oui, sa présence est rémunérée. Mais l'employeur, lui, il a
dû demander une expertise, lui, du début,
puis en plus il a la présence au tribunal, ça fait que les coûts sont
probablement deux, deux fois et demie, trois fois plus élevés, là, du
côté de l'employeur, puis il les assume, là.
Ça fait qu'il faut... je pense que le médecin
traitant est un atout, généralement, pour le travailleur devant une audience du
tribunal... devant le tribunal.
M. Leduc : On s'entend, il n'y
a pas grand débat là-dessus. Le débat, c'est... comme je vous le dis, il faut
qu'il l'amène, il faut qu'il le paie pour le mettre... pour l'asseoir devant un
juge, mais ce n'est pas gratuit. Qu'un salarié qui n'est pas représenté, un
salarié qui n'est pas syndiqué puis que, là, il réussit à comprendre, par
miracle, par ses formations, les fameuses formations dont vous faisiez
référence, qu'il a intérêt à amener son médecin traitant pour avoir une chance
de gagner, mais il va le payer comment? Il va le payer de sa poche. Ça va
coûter, ça, un 1 000 $, 1 500 $, 2 000 $. C'est
spécial, non?
• (20 h 50) •
M. Boulet : On a eu cette
discussion-là pour les honoraires dans l'amendement précédent, pour les mêmes raisons, là. Puis je me répéterais, là, puis, par
respect pour les personnes qui sont ici, dans cette enceinte, je ne
répéterai pas encore une fois la réponse que j'ai donnée à cet amendement-ci
puis quelques fois à l'amendement précédent.
M. Leduc :
Il y a une disposition, dans la Loi sur l'assurance automobile, qui est
intéressante. Elle va comme suit, c'est l'article 83.31 :
«Une personne dont la demande de révision ou le
recours formé devant le Tribunal administratif du Québec — le
TAQ et non le TAT, bien faire la différence — est accueillie et qui a
soumis une expertise médicale écrite à l'appui de sa demande a droit au
remboursement du coût de cette expertise jusqu'à concurrence des sommes fixées
par règlement.»
M. Boulet : Ce n'est pas le même
régime, hein? Puis ici, vous connaissez la structure décisionnelle en matière
médicale, il y a des médecins qui peuvent avoir des opinions divergentes puis
il y a, contrairement à la loi que vous invoquez, un bureau d'évaluation
médicale, avec lequel vous pouvez être en désaccord, mais c'est quand même un
arbitre médical qui tranche, et la CNESST adhère à ça.
Ça fait que... puis ça, c'est le médecin désigné
soit de l'employeur ou le médecin de la CNESST puis le médecin traitant, là,
puis le travailleur n'a pas eu nécessairement à obtenir d'expertise ou
rarement. C'est le médecin qui fait la consultation primaire puis qui fait le
suivi. Je répète à peu près le même argument. Puis ici, les cotisations sont
assumées complètement aussi par les employeurs à qui... qui n'ont pas
l'équivalent de ce que vous demandez et qui n'ont pas les avantages, en plus,
de bénéficier d'un médecin, évidemment, qui ne fait pas le suivi de
l'employeur, là, parce qu'on est dans un contexte d'accidenté ou de malade en
vertu de la LATMP. Donc, ce n'est pas... Je comprends que vous puissiez vous en
inspirer, mais ce n'est pas la même dynamique, là.
M.
Leduc : C'est juste... les
comparaisons sont toujours limitées puis ne sont jamais exactement la même
chose. C'est pour ça qu'elles sont des comparaisons.
M. Boulet : Des pommes et des
poires, ça a plus d'inconvénients que d'avantages puis...
M. Leduc : C'est encore drôle, là.
On a discuté longtemps sur le 78. On se comparait entre pays sur le fameux seuil. Mais ne revenons pas sur 78. On l'a
adopté aujourd'hui, puis c'était un beau moment parce qu'il y avait tout
le volet RQAP aussi qui était ajouté.
M. Boulet : ...tellement eu une
belle collaboration en étude détaillée dans ce projet de loi là, tout à fait.
M. Leduc : Vous avez insisté sur le
«ce» dans votre phrase.
M. Boulet : C'est parce qu'on l'a
fini. Ah! puis vous riez parce que vous pensez que je pouvais inférer quelque
chose. Tirez-en vos conclusions.
M. Leduc : Je les tire, je les tire.
M.
Boulet : Il y a beaucoup
de monde ici, dans la salle, qui était présent, qui était présent à l'autre
étude détaillée.
M.
Leduc : Reste que, si la
comparaison ne vous sied pas ou ne vous plaît pas au complet, reste qu'elle...
moi, je ne la trouve pas complètement
impertinente, là, loin de là. On a une société d'État, qui est la Société d'assurance automobile, et là on...
une personne qui conteste, une demande de révision ou un recours formel devant
le tribunal contre la Société d'assurance
automobile, qui a eu à soumettre une
expertise médicale puis qui gagne son recours, peut se le faire rembourser.
Donc, tantôt,
on se demandait, tu sais : Est-ce qu'on peut financer quelqu'un qui nous
conteste? Là, visiblement, c'est le cas, là. On dit que, si votre
recours était fondé et qu'il a été accueilli, je rembourse votre expertise
médicale. Est-ce que c'est ce volet-là qui vous dérange, le volet «accueilli»?
M. Boulet :
Là, je vais reprendre ma réponse. Bon, vous le savez qu'en vertu de la Loi sur
l'assurance automobile les cotisations sont payées par l'ensemble des
automobilistes, d'une part. Ici, les cotisations sont payées à 100 % par
les employeurs. C'est un régime d'indemnisation qui est complètement différent,
puis il n'y a pas le mécanisme de médecin qui a charge, qui fait le suivi du
travailleur accidenté, il n'y a pas le mécanisme de Bureau d'évaluation
médicale qui confère, peu importe ce qu'on en pense, une certaine objectivité,
une grande objectivité au processus décisionnel. Puis la CNESST rend une
décision sur les cinq aspects médicaux de l'article 212 de la loi en tenant compte de cet avis-là du Bureau
d'évaluation médicale. Ça fait que ce n'est certainement pas la même
dynamique.
Et je reviens aux mêmes arguments qu'au départ.
Tu sais, c'est des coûts souvent, bien, supplémentaires qui doivent être
assumés par les petites entreprises, d'une part. Puis, d'autre part, c'est ces
mêmes petites entreprises là qui paient les
cotisations. Ça fait qu'on se trouverait, encore une fois, à la commission, à
être dans une position conflictuelle d'assumer des coûts pour contester
des décisions à l'égard desquelles ils sont partie prenante. Puis, en plus, ils
sont liés par une décision de nature... suite à l'avis du Bureau d'évaluation
médicale. Et ce n'est pas des cotisations, contrairement à la Loi sur
l'assurance automobile, qui sont assumées par l'ensemble des automobilistes.
Ici, je n'ai
pas... Est-ce qu'il y avait une volonté qu'une partie des cotisations soit
assumée par les travailleurs, comme c'est le cas dans plusieurs régimes,
là? Mais ici, c'est 100 % par les employeurs.
M. Leduc : ...que vous proposez?
M. Boulet : Non, non, mais c'est
différent de la Loi sur l'assurance automobile. Non, non, il n'y a rien dans la
loi qui change l'assumation à 100 % par les employeurs, mais il ne faut
pas négliger quand même cet élément-là, là. On est dans un contexte... les
frais de... L'expertise médicale, c'est dans un contexte de contentieux puis,
dans un projet de loi où on veut déjudiciariser... puis dans un contexte où le
travailleur, encore une fois, pour aller au TAT, il est souvent... il a le coffre à outils à côté de lui. L'employeur, il
n'a aucun outil. Lui, il doit aller acheter ses outils pour aller au
tribunal administratif.
M. Leduc : ...ses outils à côté de
lui, vous parlez d'un...
M. Boulet : Bien, il a son médecin,
parce que son médecin, qui a fait l'attestation médicale initiale, les rapports
médicaux d'évolution, il a ses notes dans son dossier. Il y a le coût de
présence au tribunal, mais, je veux dire, son arsenal est déjà en bonne partie
préparé. Ce n'est pas fréquent, au-delà de ça, qu'il ait besoin d'une expertise
médicale, sauf dans les cas sophistiqués, là, où il y a eu des interventions
puis... Mais l'employeur, il ne part pas avec ces outils-là dans son coffre
avant d'aller au tribunal.
M. Leduc : Peut-être. Ça dépend tellement
d'une situation à l'autre. On faisait référence au...
M. Boulet : Ça, je suis d'accord
avec vous, puis c'est pour ça que je me méfie de ce que vous appelez les
tendances lourdes. C'est tellement des cas d'espèce en matière... Chaque cas
est personnalisé, chaque dossier est individualisé.
M. Leduc : Est-ce qu'il y a d'autres
environnements ou il y a d'autres moments où est-ce qu'une expertise peut être intéressante?
On parlait beaucoup d'expertise médicale, mais il y a aussi la question des... il
y a d'autres sortes de litiges, là, mais d'expertise, par exemple,
d'ergonomique, ou même des expertises en employabilité qui ne sont pas nécessairement...
surtout l'employabilité des expertises médicales classiques, là, qu'on pourrait
dire, est-ce que, dans ces cas-là, il y aurait plus d'ouverture à ce que ça
soit applicable?
M. Boulet : C'est les mêmes motifs.
M. Leduc : Les mêmes motifs qui vous
poussent à refuser...
M. Boulet : Que ceux que j'ai
énoncés à cet amendement et au précédent.
M. Leduc : Je vais demander une
légère suspension, M. le Président.
Le Président (M. Polo) : Parfait. On
va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 20 h 59)
(Reprise à 21 h 05)
Le
Président (M. Polo) : Alors,
merci. Nous reprenons nos travaux. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M.
Leduc : Merci, M. le
Président. Dans le fond, j'aurais un dernier argument à soulever par rapport à
la pertinence de cette série d'amendements, mais là on se concentre sur
le dernier qui est sur la table. Puis M. le ministre parle des dépenses, des cotisations des employeurs qui ne devraient
pas servir à ce qu'on puisse contester, notamment, ou outiller les opposants,
au TAT, des employeurs, à savoir les travailleurs.
Mais j'ai pris le temps, donc, de fouiner un
petit peu pendant l'arrêt, pendant la petite pause, pour vérifier que, par
exemple, quand un employeur conteste, qu'il embauche un avocat ou qu'il
embauche le service d'une mutuelle de prévention, ces dépenses-là sont
déductibles d'impôt. Alors, les dépenses déductibles d'impôt, de frais d'avocat
ou d'une mutuelle de prévention pour un employeur fait en sorte qu'il réduit,
dans le fond, l'assiette, son assiette, sa
propre assiette fiscale et, au final, bien, ça change tout. Parce que
l'argument qui était utilisé par le ministre, à savoir que ça ne peut pas... ça peut juste être les cotisations des
employeurs qui déterminent, en quelque sorte, l'utilisation de cet
argent-là, bien, si on permet qu'il y ait des discussions fiscales sur ce genre
de dépense là, là, ça renverse l'argument parce que ça vient dire que l'ensemble
de la société québécoise fait une dépense fiscale en acceptant que des entreprises
paient moins d'impôt lorsqu'ils embauchent des avocats pour aller contester le
tribunal... pour aller contester la CNESST, pardon, au tribunal, bien, ça
renverse l'argument.
M. Boulet : Écoutez, je redis que je
ne suis pas un expert en fiscalité puis je n'embarquerai pas dans ce type de
débat là parce qu'ici on est dans la dynamique d'un régime d'indemnisation où
les travailleurs reçoivent des indemnités de remplacement de revenu pour
compenser des dommages corporels. Et toutes les indemnités, les bénéfices, les
compensations prévus par la loi sont assumés à 100 % par les employeurs.
Ça fait qu'il n'y a pas...
Ne cherchons pas d'équivalence financière. Au
contraire, si on cherchait une équivalence financière, vous le savez, comment
fonctionne le régime et qui sont les prestataires des indemnités versées par la
CNESST. Le reste, les déductions fiscales, je ne sais pas si une petite
entreprise peut déduire des honoraires x, y ou z, puis je ne sais pas si un
travailleur peut déduire des frais médicaux, des frais de consultation de
spécialiste ou autre. Je ne suis pas un comptable, je ne suis pas un
fiscaliste, mais probablement qu'il y en a des deux côtés qui réussissent à
déduire, là. Je ne pense pas que les entreprises aient le monopole des
déductions fiscales en semblable matière, là. J'ai vu des travailleurs être
habiles là-dedans aussi, là, tu sais.
M. Leduc : Encore une fois, ce n'est
pas ce que j'ai dit, M. le ministre. Je n'ai pas dit qu'il y avait seulement un
côté de la médaille. J'ai dit que ça existait, et que c'était possible, et
qu'en ce sens ça fragilisait fortement votre argument de dire : C'est les
cotisations de l'employeur, elles ne peuvent servir à faire de la défense des
travailleurs dans ces situations-là. Mais, si les cotisations de l'employeur,
les frais d'avocat, en parallèle, sont déduits de l'impôt, mais c'est qu'on
donne une petite passe sur la palette, collectivement. C'est un choix qui peut
se défendre, hein? Je ne suis pas en train de dire que c'est un mauvais choix,
je suis en train de dire que ce choix-là existe et qu'il faut qu'il soit mis en
parallèle avec votre argument parce qu'il vient le fragiliser.
M. Boulet : Bien, ce n'est pas...
C'est parce que, parfois, vous essayez d'isoler un de mes arguments puis de
mettre l'accent uniquement là-dessus. J'ai aussi mentionné que la CNESST
tranchait des litiges et qu'on lui demande, en même temps, de payer des frais, des
honoraires ou des frais d'expertise pour contester ses propres décisions. Puis,
je le répète, en matière d'expertise médicale, le meilleur expert médical,
celui qui a la meilleure valeur probante devant le Tribunal administratif du
travail, c'est le médecin qui a charge du travailleur.
M. Leduc : Je contesterais quand
même un peu votre affirmation quand vous dites que la CNESST tranche les
litiges. La CNESST prend des décisions, mais elle ne tranche pas un litige.
C'est le TAT qui tranche le litige.
M. Boulet : Quand il y a une
révision administrative, il y a quand même un... Tu sais, c'est la CNESST qui rend sa décision par le biais d'un réviseur
administratif qui obtient des observations, qui obtient des documents, qui
étudie l'ensemble du dossier, qui entend les parties, pas dans un contexte
formel. Tu sais, souvenez-vous des... ce qui est à l'origine de l'arbitrage de
griefs puis des tribunaux administratifs. Tu sais, la Cour suprême mentionnait
souvent... c'est son côté expéditif, c'est
son côté simple, c'est son côté non formel. La révision administrative répond
totalement à ça, là, pour celui qui décide d'y aller. Et la CNESST, quand ça va
au TAT, ça passe en révision administrative, là. Ça fait que c'est la CNESST
qui tranche ce litige-là, là.
• (21 h 10) •
M. Leduc : Je n'ai pas...
M. Boulet : Absolument, puis
vous savez comment ça fonctionne. Puis ce qui est intéressant de la justice
purement administrative, c'est qu'elle répond aux objectifs souvent énoncés par
nos tribunaux supérieurs, notamment la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel.
Puis l'arbitrage de griefs est de la même mouture, si j'ose dire, là. Ça fait
que...
M. Leduc : Mais c'est parce que je
ne suis pas en train de proposer que le TAT, lui, il finance l'expertise
médicale. Là, ce serait vraiment grossier, là.
M. Boulet : C'est la CNESST. Non,
non, mais c'est la commission qui finance une personne qui va contester à un
tribunal une décision qu'elle a elle-même rendue. Donc, on aide à... Mais,
regardez...
M. Leduc : Bien, exactement comme le
fait la Société de l'assurance automobile.
M. Boulet :
Mais, bon, j'ai fait la distinction, là. Le régime n'est pas de même nature,
les cotisants ne sont pas les mêmes. Il n'y
a pas de bureau d'évaluation médicale, il n'y a pas de médecin qui a charge. Ce
n'est pas vraiment le même type de contentieux non plus. Il y a beaucoup
de distinctions, là. Mais, bon, j'ai déjà fait mes commentaires sur ce point-là, là, ceci dit avec respect, là. Je
comprends l'analogie. Puis vous le dites bien, hein, il n'y a pas
d'analogie parfaite, puis c'est votre... c'est celle que vous utilisez, puis
moi...
M.
Leduc : Je terminerai là-dessus, M. le Président. Je trouve ça quand
même regrettable qu'à trois tentatives de trouver une forme de droit
nouveau, une forme... pas tellement du droit nouveau, mais une initiative
nouvelle pour le soutien des salariés qui sont non syndiqués puis qui ont de la
misère à se faire représenter, qui ont de la misère à, j'oserais dire, se
débattre au Tribunal administratif du travail, qu'il ne soit pas possible de
trouver aucune solution, qu'il ne soit pas possible d'avoir la solution qui
existe en Ontario puis dans le reste des autres provinces aussi, à savoir un
bureau de défense. C'est trop gros, ce n'est pas possible, ça coûte trop cher.
Après ça, on essaie de réduire la taille en
disant : Bien, peut-être qu'au moins il peut y avoir une espèce de
montant, une espèce de prime pour se payer une certaine représentation. Ce ne
sera jamais suffisant, mais au moins il y aurait ça. Ça non plus, ça ne passe
pas. Mais là, au moins, est-ce qu'ils peuvent avoir des outils, comme
l'expertise médicale qui coûte quand même assez cher, alors qu'on le sait qu'en
plus il y a de plus en plus de médecins qui trouvent ça difficile, les dossiers
de santé et sécurité du travail, qui n'ont pas envie d'aller devant le
tribunal, puis en plus, là, il faut les payer?
Alors, un salarié, là, non syndiqué, là, qui
décide de se battre, là, puis qui décide de ne pas plier l'échine par rapport à
une contestation de l'employeur, bien, il va ramer sur un moyen temps, puis il
va ramer, puis il va ramer pas mal tout seul. Il va avoir un petit peu
d'accompagnement. S'il a appelé à la CNESST, il va parler à un agent
d'indemnisation qui va peut-être l'orienter un petit peu. S'il a été capable de
trouver une association du type UTTAM dans
sa région, il va peut-être l'appeler, il pourra être un petit peu orienté. S'il
est très chanceux, il va peut-être être accompagné devant le tribunal,
mais ça, ça doit être très, très rare par rapport à la moyenne.
Puis c'est regrettable parce qu'il faut le dire
aussi, dans beaucoup de cas... Puis encore une fois, hein, je ne suis pas en
train de dire que c'est noir ou blanc, mais il y a quand même beaucoup de cas
où une personne, là, qui va se ramasser dans cette séquence-là de
judiciarisation, bien, soit la séquence au complet ou soit le résultat, ça va
être souvent l'aide sociale, hein? Ça va être souvent l'aide sociale qui va se
ramasser à devoir subvenir aux besoins de la personne, puis c'est ça qui est
regrettable. C'est qu'au final...
Tantôt, on parlait, tu sais, c'était la faute à
qui. C'est à qui à payer? Bien, pendant que ça, ça se judiciarise, puis pendant
que c'est long, puis pendant qu'il n'y a pas de moyens financiers, bien, il y a
bien des chances que ça soit l'aide sociale qui soit le palliatif. Puis ça,
l'aide sociale, on la paie tous, on la paie tous par nos impôts, puis une
chance que ça existe. Puis il y a plein de problèmes dans la Loi de l'aide
sociale, puis j'en ai déjà parlé au ministre avec des groupes, puis on va
continuer à le faire, mais il y aurait lieu, donc, d'avoir, je pense, un régime
un peu plus audacieux, un peu plus imaginatif quant à l'accompagnement des
travailleurs.
Puis j'ai cité des études fascinantes, celle de
Me Gesualdi-Fecteau avec son étudiant, les rapports de l'IRIS, le rapport
de Mme Lippel. Ce n'est pas un sujet, là, qui sort des nues, là,
l'accompagnement des travailleurs et travailleuses dans le processus difficile
de contestation judiciaire dans le cadre de la santé et sécurité au travail. Ce
n'est pas quelque chose que j'invente aujourd'hui. C'est un thème qui n'a pas
retenu nécessairement suffisamment l'attention du ministre pour se retrouver
dans son projet de loi. Là, on l'a un petit peu attaché à ce qu'il y ait
peut-être une étude, là, qui soit accompagnée à ça. En tout cas, il s'est
engagé verbalement à ce qu'il y ait une directive, c'est toujours bien ça de
gagné, mais, au final, je suis déçu. Au final, j'aurais aimé ça qu'il y ait
quelque chose... qu'on ressorte de cette étude détaillée là, qu'on ressorte de
ce segment-là avec quelque chose à se mettre sous la dent pour améliorer la
défense des travailleurs, travailleuses non syndiqués.
Est-ce qu'il y a lieu d'explorer un meilleur
financement du SACAIS ou que tel ou tel groupe puisse faire une demande auprès
de son ministère pour obtenir un rehaussement? Puis ça peut se faire, puis ça
sera tant mieux s'ils en auront un. Mais, encore une fois, je le répète, c'est
loin d'être toutes les régions qui ont un groupe de ce genre-là. C'est loin
d'être suffisant pour le Grand Montréal, quatre salariés pour défendre les
non-syndiqués devant le tribunal. C'est excessivement limité comme portée que
peut avoir un groupe comme ça.
Puis, encore une fois, hein, ils font des beaux
petits miracles. Mais vraiment, face à l'océan de problèmes, on ne peut que se
désoler qu'il n'y ait pas davantage de soucis qui soient portés à l'effectivité
du droit et, dans ce cas-ci, à rendre et à outiller, j'oserais dire, financièrement
les salariés au bas de l'échelle — on a un organisme qu'on faisait
référence, qui s'appelle Au bas de l'échelle, il ne s'appelle pas comme ça pour
rien — donc
à outiller des salariés au bas de l'échelle qui n'ont pas de moyens financiers,
qui ne se qualifient pas à l'aide juridique, qui ne sont pas syndiqués, mais
qui, en théorie, ont accès à un tribunal administratif qui est, en théorie, un
tribunal qu'on a fait pour qu'il soit
possible d'évoluer pour le salarié dans ce tribunal-là, mais, dans les faits,
M. le Président, ce n'est pas ça, la réalité.
Dans les faits, c'est difficile. Dans les faits,
c'est anxiogène. Dans les faits, ça coûte cher. Dans les faits, on met sa santé
en jeu. Déjà qu'elle est déjà atteinte par une lésion, par une contestation de
l'employeur, ça fait qu'on... le salarié paie deux fois, finalement. Il paie de
sa santé et de sa sécurité par la lésion qu'il a subie puis il repaie une deuxième fois par le parcours de combattant qu'on
lui impose par une contestation, plus souvent qu'autrement, deux fois
plus souvent qu'autrement par l'employeur, devant le tribunal. C'est vraiment
injuste. C'est vraiment quelque chose qui, moi, me fâche, quelque chose que je
trouve qui n'est pas à la hauteur de notre société, à notre société de droit
où, bien trop souvent, on a un droit sur papier qui est bien beau, qui est bien
théorique, mais qui a de la misère à se rendre sur le terrain, sur le plancher
des vaches, qui a de la misère à se concrétiser.
Là-dessus, on a beaucoup
de croûtes à manger. Là-dessus, là, le ministre, là, il dit qu'il va faire des
pas sur la déjudiciarisation avec quelques amendements sur la révision
administrative, puis on en a parlé, puis c'est correct, puis c'est vrai que ça
ne me plaît pas, mais que, bon, on avance un petit peu quand même, mais ce
n'est pas suffisant. Ce n'est pas suffisant pour atteindre l'effectivité du
droit. Ce n'est pas suffisant pour permettre vraiment au justiciable d'aller au
bout de sa démarche, de lui donner les pleines possibilités, les pleines
chances d'accoter celles de la personne en
face, qui, bien plus souvent qu'autrement, sera avec des armes beaucoup plus
grandes. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Polo) :
Souhaitez-vous intervenir, M. le ministre?
M. Boulet : Non, ça... Merci.
Le Président (M. Polo) : Ça va
aller? Merci. Y a-t-il d'autres commentaires en lien avec l'amendement proposé
par le député d'Hochelaga-Maisonneuve? Non? Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
La Secrétaire :
M. Boulet (Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
La
Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, Mme Jeannotte (Labelle)?
Mme Jeannotte : Contre.
La Secrétaire : Pour les
membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji : Abstention.
La Secrétaire : M. Roy
(Bonaventure)?
M. Roy : Pour.
Le Président (M. Polo) :
L'amendement est rejeté. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Suspension pour la
rédaction d'un amendement, s'il vous plaît.
Le Président (M. Polo) : Une
suspension? Oui? Nous suspendons.
(Suspension de la séance à 21 h 19)
(Reprise à 21 h 33)
Le Président (M. Polo) : Chers
collègues, on va reprendre les discussions. On a reçu l'amendement, et puis il est également déposé et versé dans le Greffier.
Donc, j'invite l'équipe du ministre à informer ou partager l'amendement
avec le ministre.
Des voix : ...
Le Président (M. Polo) : J'invite
maintenant le député à présenter son amendement et à nous l'expliquer. Merci
beaucoup, M. le député.
M. Leduc : Alors, juste être certain
que j'ai le bon. Je pense que oui. Oui. C'est bon? On est en... C'est parfait.
Alors, insérer, après l'article 112 du projet de loi, le suivant :
112.1. L'article 361 de cette loi est
modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant :
«Toutefois, si le travailleur demande la
révision ou conteste une décision par laquelle la commission accorde une ou
plusieurs mesures de réadaptation, la décision cesse d'avoir effet quant aux
mesures concernées jusqu'à ce qu'elle devienne finale.»
Ça fait en sorte, en effet, de bonifier un
article, que je ne relirai pas parce qu'il fait référence à pleins d'autres
articles dans la loi, mais l'essentiel de cet amendement-là, M. le Président,
c'est qu'il vise à réintroduire une disposition qui a été existante dans LATMP
pendant un certain temps et qui avait un libellé un peu différent, mais qui revenait au même. Dans le fond, quand il y a la
contestation, pour le travailleur, d'une décision qui accorde une ou des
mesures de réadaptation, bien, ça aurait pour effet, avec cet amendement-là, de
suspendre la mesure de réadaptation jusqu'à ce qu'elle soit finale. Puis ça
vise, en quelque sorte, à protéger le travailleur ou la travailleuse contre
l'imposition d'une mesure de réadaptation qu'on pourrait ou que le travailleur
pourrait qualifier d'arbitraire.
Là, on sait, avec les amendements qu'il y a eu
lieu précédemment, en tout début d'étude détaillée, que la commission peut
maintenant imposer des mesures de ce genre-là, mais là ce qu'on voudrait venir
dire, dans le fond, c'est qu'en cas de litige... parce qu'on imagine qu'il y en
aura, à quel point, on ne le sait pas, mais il y en aura, ça, c'est à peu près
certain, en cas de litige, elles ne s'appliqueront pas tout de suite, ces
mesures-là. Elles ne vont s'appliquer qu'à la fin du processus, à la fin du
processus de contestation, une fois la décision devenue finale.
Je le disais précédemment, le projet de loi
qu'on discute en ce moment introduit, puis on l'a fait plus tôt, on l'a
introduit... des nouvelles dispositions de réadaptation, comme, par
exemple, la possibilité de retour au travail avant consolidation. Ça n'existait
pas avant, c'est nouveau. C'est contesté. Le ministre a vraiment tenté de nous
rassurer, de se faire rassurant. Je le suis à moitié, là, pour être honnête, M.
le Président, ce qui me pousse donc à amener ce genre d'amendement là. Donc,
des nouvelles dispositions de réadaptation, comme je viens de dire, possibilité
de retour au travail avant consolidation, il y a aussi la recherche d'emploi
qui pourrait devenir obligatoire, et tout ça peut nous mener dans des
potentiels, et j'insiste sur «potentiels», abus de la commission.
Et donc d'envisager qu'il y ait une suspension
de l'application de ces mesures-là par une demande de révision, bien, ça
donnerait le temps aux travailleurs et aux travailleuses qui voudraient
contester, bien, de démontrer que la mesure en question, de réadaptation avant
consolidation, par exemple, bien, ça présente un risque d'atteinte à sa santé
ou, dans l'autre cas des recherches d'emploi obligatoires, que la recherche
d'emploi qu'on veut lui imposer est excessive.
Alors, il y aurait ces nouveaux pouvoirs là,
qu'on a déjà discutés, qu'on a déjà votés. On ne revient pas là-dessus, sur le
fond. Je vous reverbalise les critiques et les craintes que j'ai eues en début
d'étude détaillée, que j'ai encore, mais justement j'essaie de les concrétiser
puis de chercher des manières de les tempérer, ces craintes-là, et voilà, dans
le fond, en ayant une mesure qui viendrait dire que, si on conteste ces types
de décision de la commission, bien, leur application est suspendue, finalement,
et que leur application ne sera définitive que lorsque le processus de
contestation sera final et qu'on aura soit l'annulation de la mesure ou soit,
en effet, l'application totale de la mesure telle qu'elle était décidée
originalement.
M. Boulet : ...estomaqué de cet
amendement-là. Puis c'est important pour moi de redire que, bon, ça fait
plusieurs projets de loi que je travaille avec le collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve, puis on a toujours, dans les autres projets de loi,
travaillé de façon collaborative. Puis, jusqu'à il y a à peu près quelques
semaines aussi, dans le cadre du projet de loi n° 59, il y a des
amendements où on trouve des terrains d'entente. Puis parfois ça ne marche pas,
puis parfois j'ai fait des compromis. Parfois, ce n'est pas totalement à ma
satisfaction. Parfois, ce n'est pas totalement à la satisfaction d'un groupe A
ou d'un groupe D. Je pense que c'est ça, travailler de manière collaborative,
trouver des voies de passage ou des compromis. Puis j'essaie tout le temps de
le faire de manière équilibrée puis je pense que, de toute façon, c'est ce que
vous croyez fondamentalement aussi, cher collègue.
Ici, il faut revenir aux principes applicables
en matière d'exécution des décisions. La règle, c'est que les décisions sont
exécutoires nonobstant contestation, puis c'est une règle qui est généralement
applicable, à moins de circonstances véritablement exceptionnelles. Puis vous
connaissez la motivation de ça. Sinon, à chaque fois, une décision serait
suspendue si une personne allait en appel ou contestait. Puis, en matière de
sursis d'exécution d'une décision, vous le savez, devant les tribunaux
supérieurs, c'est les mêmes motifs que dans le contexte d'une injonction
interlocutoire provisoire. Dans un cas de conflit de travail, c'est s'il y a
urgence, en gros, puis, bon, il y a la balance des inconvénients, et autres.
Mais ici, je reviens à la base, là, je vais
essayer de parler simplement, c'est une mesure de réadaptation qui est en
faveur du travailleur. Puis vous le savez, un des objectifs qui nous guide dans
cette réforme-là, c'est d'assurer un retour prompt et durable au travailleur,
puis ça passe par la réadaptation. La réadaptation, c'est au bénéfice du
travailleur. Il bénéficie des services d'un conseiller en réadaptation qui est
à la CNESST, puis c'est avec la collaboration de son médecin. On a vu le rôle
que joue le médecin traitant, puis vous avez été efficace dans la
reconnaissance du rôle du médecin traitant dans tout le processus de
réadaptation.
• (21 h 40) •
Là, le travailleur, lui, décide que ça ne fait
pas, même si la CNESST le décide après tout le processus menant à une décision
de réadaptation. Il dit : Moi, je demande la révision, ou je conteste,
puis je mets fin aux mesures de réadaptation.
Ça m'apparaît incompatible avec l'objectif que nous recherchons, d'aider,
d'accompagner, de supporter pour un retour prompt et durable, pour
éviter la chronicisation des lésions professionnelles et la multiplication des
personnes qui finissent par être laissées pour compte.
Imaginez la personne qui conteste, puis
vous connaissez les délais d'audience au Tribunal administratif du travail...
Je vais me débarrasser des mesures... puis je ne dis pas que les travailleurs
sont... La vaste majorité des travailleurs, la vaste majorité des employeurs
sont de bonne foi. Mais ici, il fait une contestation, c'est entendu huit mois,
10 mois plus tard, puis la mesure de réadaptation, elle est comme un
cerf-volant dans les airs, sans ficelle, puis elle ne s'applique pas, même si
c'est à son bénéfice. Il prend une décision dont il ne saisit pas toujours la
portée, dont il ne maîtrise pas non plus toutes les incidences médicales.
Parce qu'être
réadapté, là, tu peux trouver ça bien plate, tu peux trouver ça bien... bien
dérangeant, bien contraignant, mais, en même temps, c'est souvent à ton
avantage. Puis, on le dit, pour des personnes adultes, puis les personnes accidentées, puis malades, c'est la même, même
dynamique. Tu ne veux pas. Il y a même un phénomène de négation. Puis on est tous des êtres humains puis il y a... des
mesures de réadaptation, on n'aime pas ça. Aïe! on va donner un droit,
là, regarde, tu n'as rien qu'à contester puis tu vas avoir une suspension de
l'application de ta mesure de réadaptation. La décision cesse d'avoir effet,
quant aux mesures concernées, jusqu'à ce qu'elle devienne finale.
Ça fait que tu vas...
tu décides d'aller en révision, ça prend une couple de mois, tu t'en vas devant
le TAT, ça prend des mois. Je veux dire, on vient de défaire ce qu'on a bâti
dans le volet indemnisation, particulièrement en ce qui concerne le processus
de réadaptation et les mesures qui en découlent sur la volonté d'un travailleur
qui... puis après que ça ait été déterminé, encore une fois, en collaboration
avec son médecin traitant. Je comprends, mais je ne suis pas capable d'assumer
un amendement de cette nature-là à ce stade-ci, alors qu'on a déjà débattu
amplement, sous toutes ses coutures, de l'importance de la réadaptation dans la
réforme que nous faisons.
M. Leduc :
Vous avez raison, M. le ministre, de mentionner qu'on en a débattu beaucoup.
Puis j'en suis fier qu'on en ait débattu beaucoup, parce que ce n'était pas et
ce n'est toujours pas quelque chose qui est parfaitement clair pour tout le
monde, qui est parfaitement clair pour les gens qui nous écoutent. On entre
dans un territoire nouveau, là. De faire des retours au travail avant la
consolidation, ce n'est pas du tout ça qui était la pratique. Vous pouvez avoir
des objectifs vertueux.
M. Boulet :
Écoutez, juste peut-être reprendre, parce que je regardais un autre article
pour vous donner un élément de réponse.
M. Leduc :
Il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de problème. Je disais donc qu'il y a
quand même quelque chose de fondamentalement
nouveau, puis on en a discuté à l'époque, mais c'est précisément parce qu'on en
a discuté, puis j'en suis fier qu'on en ait discuté... C'était un moment
important de la commission que je ramène aujourd'hui.
Vous avez introduit
quelque chose de nouveau, le retour au travail avant la consolidation. Qui est
placé, aujourd'hui, pour garantir que ça va bien fonctionner? Qui peut garantir
que ça ne va pas mal tourner? Personne. Vous avez des intentions vertueuses
quant à cette pratique-là. Moi, je ne remets pas en question vos intentions
quant à cette pratique-là. J'ai quand même des craintes.
M. Boulet :
Collègue, c'est fait en collaboration avec le médecin traitant. Il ne faut pas
avoir peur d'avoir peur. Quand même, ce n'est pas un processus qui est décidé
unilatéralement par un corps étranger, c'est décidé par des spécialistes en
semblables matières après examen par le médecin traitant, avec des spécialistes
qui sont des conseillers en réadaptation. Mon Dieu! Garantie, non. Je ne
donnerai jamais de garantie dans ma vie. Puis j'ai commencé ma pratique en
relations de travail, je n'ai jamais... j'ai appris à ne jamais donner de
garantie. Combien de fois on se fait demander, quand... C'est quoi, le
pourcentage de nos chances de succès? Je ne réponds pas à ça. Il y a des vieux
guerriers qui disent 50-50 tout le temps, mais on ne peut pas répondre à ça, tu
sais?
Puis je vous ai déjà
raconté que, quand j'étais stagiaire à la Cour d'appel à Montréal, il y avait
un... juge qui m'avait dit, avec qui je faisais mon stage : Tu vas
apprendre ce qu'est le droit quand tu vas perdre une cause gagnée d'avance et
quand tu vas en gagner une perdue d'avance. Donc, je ne peux pas donner de
garantie.
Sauf qu'ici il y a un
autre élément de réponse qui peut vous rassurer, là. Moi, je pense qu'il ne
faut pas avoir d'appréhensions inutiles, là, mais l'article suivant, 235, c'est
sur la Loi instituant le Tribunal administratif du travail, que vous
connaissez. On prévoit, vous allez voir, à l'article 9 de cette loi... on
insère un paragraphe, le pouvoir du TAT de surseoir. Puis l'explication que je
donne, c'est qu'on donne au Tribunal administratif du travail le pouvoir de
surseoir à une décision, s'il estime que cette mesure permet de sauvegarder les
droits des parties, entre autres, mais il aurait le pouvoir de surseoir. Donc,
ça répond à votre amendement que vous nous soumettez, puis ça, on va le faire à
l'article qui suit. Ça fait que je pense que c'est intéressant que je le
mentionne.
M. Leduc :
Oui, puis...
M. Boulet :
Puis vous avez confiance... excusez-moi, là, mais on connaît le profil, les
qualifications des juges du Tribunal administratif du travail. Donc, un
travailleur pourrait décider d'aller direct au TAT, la décision dont vous parlez dans votre amendement, et de
demander au tribunal administratif de surseoir parce qu'il est affecté, ou ça affecte ses droits, ou... peu
importe. S'il y a une motivation raisonnable, les juges, que vous connaissez,
ils vont surseoir à la décision. Ça, c'est
une façon, je pense, ordonnée de faire sans avoir un impact négatif sur le
principe que, normalement, à moins de circonstances particulières, les
décisions sont exécutoires, nonobstant les contestations, sauf dans les cas
particuliers.
M. Leduc :
Vous faites référence à la notion de collaboration. Quand on a discuté,
originalement, de l'article avec la collaboration, puis c'était un des mots,
là... qu'on a essayé de discuter puis de trouver un compromis, puis on l'a
trouvé, c'est ce mot-là qui est dans la loi maintenant, c'est-à-dire, si on
adopte le 59, en bout de piste, mais c'est parfois toute l'ambiguïté ou toutes
les zones de gris qui peuvent se retrouver dans ce projet de loi là, qu'est-ce
que ça veut dire, au final, «collaboration»? Puis là je ne veux pas qu'on
refasse tout le débat original, mais c'est pour vous dire que, des fois, vous
nous présentez avec beaucoup d'assurance des choses ou le sens qu'aura telle ou
telle expression, puis on peut difficilement assurer que le mot «collaboration»
va dire quoi que ce soit.
M. Boulet :
...collègue, on utilise le mot «approuve». Le médecin approuve la mesure de
réadaptation. Ne cherchez pas d'ambiguïté où
il n'y en a pas. Puis vous savez que la langue française a aussi ses
imperfections. Il y aura toujours des problématiques d'interprétation ou
d'application. On a un projet de loi qui est bien écrit par des spécialistes en
rédaction législative, et, dans le cas présent, vous avez été impliqué dans les
débats puis vous avez fait cheminer tout ce qui concerne le retour au travail
avant...
Puis me dire : Ça ne marchera pas, pourquoi
ça... Aïe! je veux dire, on peut-tu faire un projet de loi, qui est une réforme
de lois qui sont vieilles de 40 ans, en se disant : Faisons-nous
confiance? «Approuve» puis «pouvoir de surseoir» au TAT, on ne peut pas, là,
chercher les fissures qui n'existent pas. Moi, je vous dis, à un moment donné,
collègue... puis vous êtes une personne dont j'apprécie l'instinct, le jugement,
la rigueur, mais on ne vit pas dans un monde parfait, puis il n'y a pas une loi
qui va être complètement bleue sans un petit risque d'interprétation. On
n'éliminera pas tous les litiges. On n'éliminera pas tous les comportements
potentiellement abusifs. On présume de la bonne foi. On écrit des textes les
plus clairs possible.
Moi, je pense, là, qu'il ne faut pas avoir peur
d'avoir peur. Il faut être audacieux. Puis, oui, je m'exprime avec assurance,
mais c'est comme ça qu'il faut agir comme parlementaire. Puis l'assurance qu'on
dégage, elle engendre de la confiance de la part de ceux qui nous écoutent.
Puis la CNESST, elle entend nos représentations, puis il faut s'exprimer comme
ça. «Approuve», pour moi, c'est un terme assez clair.
• (21 h 50) •
M. Leduc : ...vous discutez, à ce
moment-là, de toute cette logique, là, de réadaptation, de retour avant
consolidation, de recherche d'emploi obligatoire. Oui, il y avait la notion
d'approbation, il y avait la notion... bref, on cherchait la collaboration du
travailleur, de la travailleuse, mais il y avait quand même, au final, et là
vous me corrigerez si ma mémoire me fait
défaut, mais il y avait quand même, au final, que, si le travailleur refusait,
bien, il y avait une vraie
conséquence. Ça, vous ne l'avez pas nié à l'époque, il me semble, que la
conséquence était potentiellement de ne pas recevoir son IRR.
Alors, là aussi, est-ce que, si on est en train
de pouvoir éliminer cette conséquence-là, qui est très grave, pour un droit nouveau qui, à mon avis, malgré votre
assurance, comporte quelques zones de gris qui devront être définies
avec le temps, avec la jurisprudence... Vous le dites vous-même, on peut avoir
des mots, mais on va voir comment ils vont s'appliquer. Moi, je trouve,
personnellement, qu'il y a certains mots qui sont suffisamment flous ou qui
comportent suffisamment de flou pour ne pas être parfaitement rassuré. Est-ce
que j'ai besoin, moi, d'être parfaitement rassuré pour que tout fonctionne?
Évidemment pas, mais c'est certainement mon rôle de parlementaire d'aller tirer
sur toutes les ficelles possibles pour essayer d'en éclairer le plus, de zones
d'ombre possible.
Et là, moi, je me demande, quand vous
dites : On peut faire une demande de sursis pour surseoir justement à une
décision, l'effet d'une décision en attendant la contestation... bien, une
demande de sursis, ce n'est pas quelque chose de simple non plus, là. Si je
fais un parallèle avec le débat précédent sur le justiciable puis l'effectivité
du droit, une demande de sursis, là, quelqu'un qui a de la misère à aller se
faire représenter, qui n'a pas d'argent pour aller chercher une expertise
médicale, demandez-y pas d'aller connaître les tenants et aboutissants d'une
méthode de requête en sursis au TAT. Je veux
dire, vous pouvez bien lui parler une autre langue, puis il ne comprendra pas
plus, là.
M.
Boulet : Collègue, quand même! Le texte que vous intégrez, il n'est
pas moins clair. Si le travailleur demande la révision ou conteste... «par laquelle la commission accorde une ou
plusieurs mesures de», c'est un texte qui, à mon avis, est aussi alambiqué, sinon plus, puis susceptible de problèmes
d'interprétation ou d'application. Moi, je suggère...
Puis ça répond à 235. Puis je ne vous demande
pas de faire confiance... oui, faire confiance aux mots, mais faire confiance
aux juges qui vont exercer le pouvoir de surseoir pour sauvegarder. Puis vous
le savez, puis votre collègue le sait, quand on ordonne un sursis, c'est pour
sauvegarder les droits des parties. Puis, s'il y a une mesure de réadaptation,
ce ne sera pas, dans tous les cas, systématiquement, puis on ne dérogera pas au
principe de caractère exécutoire des décisions nonobstant contestation. On
vient simplement dire...
Puis je le répète, la mesure de réadaptation, elle
aura été approuvée par le médecin traitant. Là, vous êtes en train de me
dire : Malgré le médecin traitant, malgré le conseiller, malgré la CNESST,
je vais faire une demande de révision, puis «that's it», puis, tant qu'il n'y a
pas une décision finale, donc le TAT, plus de réadaptation, pas d'heures, pas
de retour au travail. C'est justement l'effet pervers qu'on veut éviter, la
création de personnes laissées pour compte, qui ne sont pas accompagnées par
des conseillers en réadaptation, qui ne peuvent pas en bénéficier.
Ceci dit, là où je vous suis, il y a peut-être
un cas où, je ne sais pas, le médecin traitant n'a pas bien analysé. Il est
allé voir un autre médecin qui n'est pas d'accord, ce n'est pas bénéfique pour
toi. Il va contester, il va obtenir un sursis pour sauvegarder ses droits. À
mon avis, ça se dit bien, l'information qui est fournie au travailleur lui
permet de faire ce qui est compatible avec ses droits puis pour sauvegarder sa
situation. Au lieu d'en faire une règle systématique dans tous les cas, on le
fait en tenant compte des particularités de chaque cas d'espèce. Je pense que
c'est ça qui est l'élément le plus important à retenir, ce que je viens de dire
à la fin.
M. Leduc : Puis justement, moi, je
ne veux pas que la méthode du sursis, qui existe puis qui est bien correcte,
mais qui, dans les faits, est une méthode qui est surtout utilisée pour des cas
d'exception... Ce n'est pas à tous les jours qu'on... tous les cas qu'on fait
une demande de sursis. Moi, je préfère une méthode et une règle plus générale
que je vais mettre sur la table.
M. Boulet :
Là, non, on ne peut pas faire du paramétrique ou du mur-à-mur. C'est pour ça
que je vous dis : Votre amendement a pour conséquence d'engendrer du
mur-à-mur, alors que le projet de loi, de la manière dont il est bâti, il va tenir compte des cas d'espèce, des
particularités de chaque dossier. C'est comme ça qu'il faut faire des lois aujourd'hui,
là, ceci dit, puis ça m'étonne que vous n'ayez pas cette philosophie-là de
rédaction législative. Puis ça ne ressemble pas aux idées que vous défendez. Le
paramétrique, vous n'avez jamais été bien, bien... En tout cas, je pense que
vous vous attardez aux cas particuliers puis aux circonstances de chaque
personne puis de chaque individu. Je suis étonné, mais, bon, si c'est une
nouvelle approche pour soumettre un amendement, je pense que j'ai répondu, j'ai
fait mes commentaires.
Puis,
je vous le dis, n'allons pas dans le mur-à-mur, ne créons pas une dérogation
qui s'applique systématiquement, suivant la volonté du travailleur,
malgré l'approbation de son médecin et de tous les spécialistes. Permettons-le
dans certains cas qui le justifient, puis mes instructions sont assez claires,
là. Puis le tribunal est composé de personnes qui jugent objectivement. Moi, je
leur fais confiance, puis ils décideront de surseoir à la décision. Puis ça ne
sera pas juste réadaptation en plus, c'est dans tous les cas. C'est bien mieux
qu'avoir du paramétrique uniquement pour les cas de réadaptation. Merci, M. le
Président.
M. Leduc :
Il semble y avoir une certaine contradiction entre deux éléments de votre
argumentation. Vous dites : Je ne veux pas faire du mur-à-mur ou... Puis,
en fait, donc, vous, vous me... bien, vous avez la crainte, en tout cas, que ce
que je vous mets devant les yeux produise un effet de mur-à-mur. Mais
justement, moi, je me demande pourquoi vous présupposez, en quelque sorte, que
tous les salariés vont se pitcher là-dessus pour dire...
M. Boulet :
...ce que vous dites, c'est qu'une mesure de réadaptation, là, si tu n'es pas
confortable avec, même si ton médecin l'a
approuvée, puis que la commission a décidé comme ça, puis que les conseillers en
réadaptation l'ont décidé, tu décides de contester puis tu y mets fin. C'est
dans ce contexte que c'est...
M. Leduc :
Temporaire.
M. Boulet :
Bien, temporaire, jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue, quand même,
vous connaissez les délais, vous avez pratiqué, alors que tout ce que je dis,
oui, ça peut se justifier dans certains cas, vraiment une minorité de cas.
Demande un sursis au tribunal, tu vas l'avoir, si c'est justifié. Quand même!
C'est ça qui n'est pas du mur-à-mur, c'est ça qui est du droit adapté aux
situations particulières de chaque cas et de chaque dossier. Puis je pense que
la façon moderne de faire des lois, c'est comme ça. Ce n'est pas en faisant
dire...
Bon, il y a des cas
que... puis peut-être qu'il y a des groupes qui vous disent ça, il y a des cas
où il y a des mesures de réadaptation, puis ça ne fait vraiment pas l'affaire
des... oui, soit, ça peut arriver, mais servons-nous pas de ces cas-là pour en faire une généralité
législative. C'est juste ce que je vous dis. Soyons souples, donnons les
pouvoirs appropriés au Tribunal administratif du travail et laissons les juges
décider dans des cas où c'est inapproprié, où... contrairement aux médecins,
contrairement aux conseillers en réadap et contrairement à la CNESST.
M. Leduc :
Moi, je trouve ça intéressant que vous fassiez référence aux délais. Vous
dites : Bien là, si c'est suspendu, la décision, ça va être bien que trop
long à cause des délais. C'est quand même spécial qu'on soit contraints, par des délais complètement ridicules,
de faire ou pas des amendements législatifs applicables. Parce que ce
que j'entends ou, en tout cas, ce que je peux déduire, c'est que, si on avait
des délais plus raisonnables pour les décisions, ce genre d'application là vous
irriterait moins.
• (22 heures) •
M. Boulet :
Non, même pas. Ce n'est pas... Il n'y a pas que le délai. C'est que,
systématiquement, quelqu'un qui conteste une mesure de réadaptation qui a été
approuvée par son médecin — je
vais prendre un raccourci, là — il s'en départit, il s'assure qu'elle ne
soit pas appliquée, il fait une contestation, même si c'est entendu deux mois
et demi après. Deux mois et demi, là... les experts en santé et sécurité puis
les médecins industriels vont tous vous dire que plus on attend, plus il y a
des risques de chronicisation. Puis, vous le savez, il y a des personnes qui
attendent avant de consulter puis qui attendent, puis il y a des cancers, il y
a des maladies qui se sont développées pendant ces périodes de temps là. Puis
je dis deux mois et demi, ça peut être un mois.
Je le répète, le
médecin a approuvé, puis, dans les cas minoritaires, le tribunal va avoir le
pouvoir d'ordonner un sursis. Ça ne peut pas être une justice plus appropriée,
plus compatible avec la sauvegarde des droits des parties, incluant les
travailleurs.
M. Leduc :
Moi, ce que je vous propose dans cet amendement-là, c'est en effet de ne pas
seulement se rabattre sur le sursis, puis il va être là de toute façon, mais
c'est d'y aller avec une possibilité générale. Et c'est là, peut-être, que je diverge vraiment de vision,
j'oserais dire, ou de projection de celle que vous avancez. C'est que je
ne crois pas que d'offrir la possibilité va
nécessairement provoquer une utilisation systématique des personnes qui y
auraient droit.
M. Boulet :
Mais ce n'est pas ce que... Non, mais là peut-être qu'il est un peu tard.
Soyons attentifs, tous ensemble. À chaque fois qu'une personne ne sera pas
confortable... puis, tu sais, il y a beaucoup de phénomènes de négation
avec une mesure de réadaptation qui a été approuvée par son médecin, puis là je
me répète, là, et le conseiller en réadaptation, puis le processus est
entamé... il décide : Je fais une contestation, la mesure ne
s'applique plus, elle cesse d'avoir effet jusqu'à la décision finale. Tu décides,
toi... On te donne un pouvoir de décider d'arrêter. Puis je ne dis pas que ça
va être fait systématiquement, pas du tout, mais pas du tout, mais tous ceux
qui vont le faire, systématiquement, la décision va cesser d'avoir effet. C'est
ça que je veux dire. C'est ça qui est du mur-à-mur pour tous ceux qui décident
de contester une décision en matière de réadaptation.
Puis qu'est-ce que vous
feriez, quand vous dites : Il y a toujours des ambiguïtés, s'il y a plus
qu'une mesure de réadaptation ou s'il y a un volet de ta mesure de réadaptation
que tu veux continuer? Ce n'est pas ce que... Ça cesse... Ça crée des
problèmes, ça crée des opportunités d'interprétation puis d'application qui
sont multiples. Puis, je le répète, ce n'est pas la façon moderne de faire des
lois de dire systématiquement : Si tu fais ça, la décision cesse d'avoir
effet. Le principe du caractère exécutoire des décisions, c'est reconnu en
droit puis... sauf des cas particuliers qui sont identifiés dans notre loi. Je
dis juste : Oui, tu peux avoir un contexte dans un nombre limité de
dossiers, mais tu peux obtenir un sursis du Tribunal administratif. Puis là la
décision est compatible avec la spécificité de ton cas. Je ne dis pas autre
chose que ça.
M. Leduc : Ça peut prendre combien
de temps, obtenir un sursis?
M. Boulet : Bien, obtenir un
sursis... Si tu fais... Les sursis sont entendus, comme vous le savez,
d'urgence. Ils sont entendus rapidement, puis la requête pour obtenir un sursis
sera présentée... Tu sais, la personne demande un sursis, puis il va y avoir un
juge qui va entendre sa demande dans les meilleurs délais possible.
M. Leduc : Mais on parle de jours,
de semaines, de mois?
M. Boulet : Je ne peux pas... Il n'y
a pas personne du Tribunal administratif, mais je pourrai demander à la juge en
chef, là, c'est quoi, la moyenne des délais, là, mais c'est assez rapide, là.
C'est comme... Des fois, des demandes d'injonction interlocutoires, tu sais,
c'est dans les meilleurs délais possible, je dirais.
M. Leduc : Mais c'est parce que si,
tantôt, on disait que c'était long, est-ce que la solution d'aller chercher le
sursis est aussi longue que la contestation? On n'est pas plus avancés, là.
M. Boulet : Ce qu'on me reconfirme,
c'est que c'est nouveau, ça, le pouvoir d'ordonner un sursis, et ça va être
instruit d'urgence. Ça fait que c'est une affaire de jours, là. Ce n'est pas
une affaire... Tu sais, c'est comme une injonction interlocutoire provisoire.
Quand il y a urgence, c'est entendu.
M. Leduc : Puis il n'y avait aucune
autre forme de sursis pour d'autres aspects?
M. Boulet : Ce n'était pas prévu.
M. Leduc : De la LATMP ou de la SST
au TAT? Il n'y rien de...
M. Boulet : Le Tribunal
administratif du travail n'avait pas ce pouvoir-là clairement prévu dans la
loi.
M. Leduc : O.K. Un dernier point, peut-être,
pour ma part, M. le Président puis M. le ministre. Là, je comprends que vous n'avez... en tout cas, j'ai déduit que vous n'avez pas une crainte de voir une utilisation
systématique, de la part des salariés, de cette possibilité-là, là, que je
présente dans mon amendement. Mais justement, parce que vous n'avez pas cette crainte-là, vous vous inquiétez peut-être
au cas par cas de l'individu qui l'utiliserait, qui pourrait voir son cas se chroniciser. Puis cette
crainte-là, elle est légitime, mais, vu que vous n'avez pas une crainte systématique,
n'y a-t-il pas là une confiance qu'on pourrait faire reposer sur les épaules
des travailleurs, travailleuses pour qu'ils puissent, dans le fond, être les
juges de leurs propres intérêts?
M. Boulet : Mon Dieu! Je ne prête
pas d'intention à personne. C'est la conséquence de votre amendement qui est préoccupante, qui est un peu
bouleversante, de dire : À chaque fois qu'il va être en désaccord avec une
mesure de réadaptation, ou peu importe la motivation, et malgré l'approbation
de tout le personnel qui l'entoure, notamment de son médecin traitant, elle
cesse d'avoir effet pendant toute la période.
Je le répète, j'ai l'impression que je me répète
un peu, là, mais je n'ai pas de crainte puis je ne présume pas de la mauvaise foi de personne. Je présume de la
bonne foi de tous les travailleurs au Québec et de tous les employeurs.
Tout ce que je dis, c'est que le processus doit suivre son cours de manière
ordonnée. Puis une loi, ça doit être bâti pour s'adapter à des cas particuliers
et non l'inverse, utiliser des cas particuliers pour faire des généralisations.
Puis peut-être qu'il y a des personnes qui vous
disent : Mais là, M. le député, il y a eu des cas comme ça. C'est sûr. Il
y aura toujours des cas de 56...
Il y a eu des cas de travailleurs dont j'ai eu
connaissance que ça ne marchait pas, puis c'était... je ne connais pas toutes les circonstances, tous les faits, mais
on ne peut pas se servir de cas pour demander des règles générales, des règles qui ont des conséquences générales, qui ont
des répercussions qui sont systématiques pour tous ceux qui demandent ou
qui contestent, qui font une demande de révision ou qui font une contestation
au Tribunal administratif du travail. C'est la mesure de... La décision arrête
de s'appliquer, c'est inadapté à la réalité d'un travailleur, alors qu'une
demande de sursis, là, tu peux l'adapter à ta réalité. La mesure, elle peut être,
peut-être, en partie, obtenir un sursis pour une partie de la mesure de
réadaptation, puis l'autre partie, ça... mais, peu importe, ça s'applique au
cas par cas.
M. Leduc :
N'y a-t-il pas pourtant une règle générale, justement, dans la loi actuelle,
qui prévoit la suspension de l'application d'une assignation temporaire
lorsqu'elle est contestée?
M. Boulet :
Une assignation temporaire, c'est autre chose.
M. Leduc :
Oui.
M. Boulet :
Puis la suspension d'une décision, il faut que ce soit demandé. Tu sais, ce
n'est pas la même dynamique, là. Une assignation temporaire, vous savez... vous
pouvez peut-être nous expliquer dans quel contexte ça se fait, mais il y a
trois conditions qui sont prévues à l'article 179 de la loi, puis 180, la
forme de compensation. Puis c'est sûr qu'il y a suspension de l'assignation
temporaire quand elle est contestée. C'est à l'avantage des travailleurs. Si
vous voulez qu'on remette ça en question, je serais étonné, mais c'est parce
que ce n'est pas de même nature.
L'assignation
temporaire, bon, je vais reprendre, là, parce qu'on en a parlé, le travailleur
a un accident, puis il est absent de son travail, il reçoit des indemnités de remplacement
de revenu parce qu'il n'est pas capable de faire son travail. Puis là
l'employeur, il peut décider de lui assigner temporairement un travail, mais il
faut qu'il réponde à trois conditions. Puis vous le savez maintenant, on a adopté
des articles qui prévoient un formulaire préparé par la CNESST pour assurer que
l'assignation temporaire se fasse de manière ordonnée, mais le médecin doit
répondre à trois questions, notamment : Est-ce que c'est favorable? Est-ce
que c'est compatible avec son état de santé? Est-ce que c'est bénéfique pour sa
guérison? Bon, c'est à peu près les trois questions auxquelles il doit
répondre.
Puis c'est normal
qu'un travailleur puisse, dans une circonstance comme celle-là, dire : Je
ne peux pas, je conteste. Puis son médecin traitant est derrière lui, là. Ça
fait que ce n'est vraiment pas le même contexte, puis c'est à l'avantage des travailleurs,
contrairement à ce que vous nous soumettez, encore une fois, qui est
paramétrique : dès que tu contestes, plus de réadapt, alors que ce que
nous soumettons à 235, qui est l'article 9 de la Loi sur le Tribunal
administratif du travail, c'est qu'on confère au tribunal un pouvoir clair
d'ordonner un sursis en tenant compte des circonstances de l'espèce. Ça fait
que ce n'est pas... Je n'ai jamais dit que ça n'existait pas, des suspensions.
La règle, c'est le caractère exécutoire des décisions.
• (22 h 10) •
M.
Leduc : Je faisais aussi référence à cette existence-là, donc, d'une
suspension de l'application de l'assignation temporaire, parce que, bien
qu'elle existe, cette possibilité-là, elle n'est pas utilisée de manière
systématique. Ce n'est pas quelque chose de superfréquent.
M. Boulet :
Je ne sais pas, en pratique, là...
M. Leduc :
C'est l'écho du terrain que j'ai eu, moi, M. le ministre. Alors, c'était
peut-être pour vous rassurer cette
fois-ci — des
fois, c'est vous qui devez me rassurer, mais là j'essaie de, moi, vous
rassurer — que la
disposition que je vous propose dans l'amendement, elle devient une
possibilité, mais moi, je ne la vois pas devenir systématique ou systématisée.
J'ai bien compris que ce n'est pas ça que vous avez dit non plus.
M. Boulet :
Non, mais les...
M. Leduc :
Ça, c'est réglé. Ça, c'est réglé, mais je vous donne donc encore un argument
supplémentaire en vous disant : Celle qui est prévue, qu'il y a une
certaine comparaison — les
comparaisons ne sont jamais parfaites, on
l'a dit — dans
l'application de l'assignation temporaire, bien, elle n'a pas produit un effet,
une utilisation massive. Bien, tant mieux. Ça confirme la projection que
je fais, celle que vous semblez aussi faire sur le fait que ce n'est pas parce
qu'on ouvre une possibilité qu'elle est systématiquement utilisée.
Puis au final, moi,
je... écoutez, là-dessus, je conclurai, M. le Président, il faut faire
attention, M. le ministre, quand vous parlez
de l'intérêt des travailleurs. L'intérêt des travailleurs, vous utilisez quand
même souvent cet argument-là. Puis je
ne veux pas vous... Vous avez amplement le droit de l'utiliser, là, il n'y a
pas de doute là-dessus, mais, au final, on peut-tu s'entendre que le travailleur
est le mieux placé pour déterminer quel est l'intérêt du travailleur? On
peut-tu s'entendre sur le fait que ni moi, ni vous, ni personne ici n'a de
préséance pour déterminer quel est l'intérêt du travailleur? C'est la personne
qui utilise... qui est dans cette fonction-là, le travailleur ou la travailleuse...
M. Boulet :
...débattu ça, et le travailleur, il bénéficie des services de personnes
spécialisées, en matière médicale,
notamment, puis son médecin traitant, puis il a un rôle prépondérant. Mais, je
ne sais pas, au sens purement
académique... Est-ce que le travailleur est le mieux placé pour connaître ses intérêts?
Bien sûr, je ne débattrai jamais ça, et au sens théorique... Maintenant, il
faut voir comment, dans quelles circonstances. Est-ce qu'il est toujours le
mieux placé? Je connais des chirurgiens, je connais des orthopédistes puis...
des gens qui ont un cancer, puis ce n'est pas toujours les personnes qui sont
les mieux placées pour bien connaître leurs intérêts en matière de
réadaptation, de soins de santé, puis c'est comme ça en services sociaux.
Ça fait que je suis
d'accord avec le côté théorique de votre énoncé. Maintenant, il faut voir, dans
la vie concrète, ce que ça peut représenter. Mais, en principe, oui, je suis d'accord
avec vous, il est le mieux placé pour connaître son intérêt, comme tous les
partenaires, comme toutes les organisations, comme toutes les entreprises sont
les mieux placées pour connaître leurs intérêts.
M. Leduc :
Tout à fait, puis on les entend. Les entreprises sont venues nous présenter des
mémoires, les associations, même chose pour les associations de travailleurs,
qu'elles soient soit des associations de type syndical...
M. Boulet :
Oui, puis vous les rencontrez de façon épisodique.
M. Leduc : Exact.
M. Boulet : Vous me disiez... Là, on
parlait de la FCEI, puis vous avez des rencontres épisodiques, puis ce sont des
personnes que vous connaissez bien, puis...
M. Leduc : Tout à fait. Mais donc
c'est mon petit commentaire éditorial de fin de discussion sur cet amendement-là,
M. le ministre, juste faire, tu sais, une légère réflexion sur l'intérêt du travailleur,
à quel point on peut faire... on peut se donner le défi de faire attention de
ne pas... Puis, encore une fois, je ne vous accuse pas du tout de le faire,
mais je nous vois, nous, les législateurs, des fois, commencer à rédiger des
lois en disant : Bien là, ça, c'est dans l'intérêt du travailleur, ça,
c'est dans l'intérêt du travailleur. Peut-être qu'on peut avoir l'opinion de...
ou la projection de le faire, mais, au final, entendons-nous, le travailleur ou
la travailleuse, c'est la personne qui est la mieux placée pour déterminer son intérêt.
Puis, quand elles se regroupent dans des associations, dans des syndicats, dans
des groupes, elles portent une voix qui défend ces intérêts-là aussi. Même
chose pour les employeurs. Moi, je ne serais certainement pas une personne bien
placée pour commencer à dire : Ça, c'est dans l'intérêt des employeurs,
ça, c'est dans... pas l'intérêt de tous les employeurs.
Alors, c'est mon dernier commentaire, un peu
éditorial, M. le ministre. Je vous ai fait mes représentations. Vous n'avez pas
nécessairement accroché à ma comparaison avec la loi actuelle sur l'assignation
temporaire. Moi, je considère que cet article-là était délicat, à l'origine,
là. Je parle de l'article qui introduit une nouvelle disposition de retour au
travail avant consolidation, de recherche d'emploi obligatoire. Je ne suis pas
en mode panique par rapport à ces articles-là, mais je ne suis pas dans un mode
d'enthousiasme, certainement pas un mode d'enthousiasme. Je ne partage pas
votre enthousiasme par rapport à ça. Puis j'espère, j'espère que vous avez
raison puis que ça ne nous amènera pas dans des dérives ou que ça ne nous
amènera pas dans des abus et qu'il y aura quand même de la place pour que des
mots comme «collaboration» soient vraiment appliqués, que ça ne devienne pas un
mot creux, ou un mot-valise, ou un mot fourre-tout. J'espère que ça va se
réaliser dans les faits.
J'aurais aimé ça qu'il y ait une espèce de
clause de sauvegarde, en quelque sorte, qui permette d'avoir un garde-fou par
rapport à ce genre de nouvelle implication, dont on ne connaît pas le futur,
hein? On l'a dit tantôt, on ouvre un nouveau champ, on l'explore ensemble et...
On l'explore ensemble... on l'explore aujourd'hui, mais certainement ni moi ni
vous n'allons, dans les faits, au quotidien, l'explorer. Ça va être des gens de
chair et d'os qui vont se présenter avec ces nouvelles dispositions là. Ce
seront les gens qui travaillent à la CNESST qui vont l'appliquer, ce sont les
travailleurs... travailleurs qui vont essayer de trouver leur chemin là-dedans,
les gens qui les représentent aussi, les employeurs également. Donc, si on
avait pu trouver une espèce de façon de leur permettre de ne pas nécessairement
subir les conséquences immédiatement de quelque chose qui est un droit
nouveau...
Bien, écoutez, c'est peut-être un peu tard, mais
on aurait pu imaginer une clause crépusculaire, peut-être, sur ce genre
d'amendement là, qu'il soit effectif pendant un, deux, trois ans, puis qu'après
ça il saute, le temps qu'on ait eu le temps d'évaluer son approbation...
pardon, d'évaluer son effectivité. Mais je doute que ce genre de nouvel
amendement soit plus susceptible de vous convaincre que celui qui a été devant
vous dans les dernières minutes, alors je conclurai là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Polo) :
Commentaires? Alors, y a-t-il d'autres commentaires parmi les collègues? Non?
Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?
M. Leduc : Pour.
La Secrétaire : M. Boulet
(Trois-Rivières)?
M. Boulet : Contre.
La
Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant
le gouvernement, Mme Jeannotte (Labelle)?
Mme Jeannotte : Contre.
La Secrétaire : Pour les
membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?
M. Derraji : Abstention.
La Secrétaire : M. Roy
(Bonaventure)?
M. Roy : Pour.
Le Président (M. Polo) : Amendement
rejeté.
M. Leduc :
...une suspension pour une rédaction, M. le Président.
Le Président (M. Polo) : Avec
plaisir, M. le...
(Suspension de la séance à 22 h 18)
(Reprise à 22 h 29)
Le Président (M. Polo) : Merci.
On va reprendre les travaux. Il nous reste moins de deux minutes. M. le député
d'Hochelaga-Maisonneuve, je vous suggère de lire votre amendement. Par la
suite, on va ajourner les travaux jusqu'à demain matin, après les affaires
courantes.
M. Leduc : Pas de souci. Une
petite seconde pour ouvrir la bonne version électronique... et voilà.
Insérer, après l'article 112 du projet de
loi, le suivant : 110.2...
Oh! erreur. Ça serait 112.1 encore, c'est ça?
Alors : 112.1. L'article 362 de cette
loi est modifié par l'insertion, après «110», de «, d'une décision qui annule
le montant d'une indemnité de remplacement de revenu accordée par la
commission».
Le Président (M. Polo) : Merci.
J'imagine que vous allez nous envoyer la version corrigée?
M. Leduc : ...
Le Président (M. Polo) :
Parfait. Excellent.
Écoutez,
compte tenu du temps, je suggère qu'on ajourne nos travaux jusqu'à après les
affaires courantes, demain matin,
vendredi 4 juin, si je ne me trompe pas. Voilà. Merci beaucoup. Merci,
chers collègues. Bonne soirée. Au revoir.
(Fin de la séance à 22 h 30)