To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Labour and the Economy

Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Thursday, January 21, 2021 - Vol. 45 N° 69

Special consultations and public hearings on Bill 59, An Act to modernize the occupational health and safety regime


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Collectif des organismes de défense des droits des personnes en situation de handicap

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction-International (CPQMCI)

Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ)

Syndicat québécois de la construction (SQC)

Réseau de la santé publique en santé au travail (RSPSAT)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Louis Patry et Mme Martine Baillargeon

Autres intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

M. Jean Boulet

M. Monsef Derraji

M. Alexandre Leduc

M. Sylvain Roy

M. Carlos J. Leitão

*          Mme Sonia Éthier, CSQ

*          Mme Mélanie Baril, idem

*          Mme Véronique Proulx, MEQ

*          Mme Marie-Ève Labranche, idem

*          M. Dominique Salgado, Collectif des organismes de défense
des droits des personnes en
situation de handicap

*          M. Michel Trépanier, CPQMCI

*          M. Pierre Hamel, AECQ

*          M. Luc Boily, idem

*          M. Charles-Olivier Picard, SQC

*          M. Steve Prescott, idem

*          M. Yv Bonnier Viger, RSPSAT

*          M. Geoffroy Denis, idem

*          M. Jacques Létourneau, CSN

*          M. Jean-François Lapointe, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission s'est réunie en visioconférence.

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

La commission est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de la sécurité du travail.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Jeannotte (Labelle) est remplacée par M. Allaire (Maskinongé) et Mme Richard (Duplessis), par M. Roy (Bonaventure).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Ce matin, nous entendrons par visioconférence les groupes suivants : la Centrale des syndicats du Québec, les Manufacturiers et exportateurs du Québec, le Collectif des organismes de défense des droits des personnes en situation de handicap et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Nous commençons avec le premier groupe et les représentantes de la Centrale des syndicats du Québec. Nous vous souhaitons bienvenue. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Avant de commencer, je vous invite à bien vous présenter.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Éthier (Sonia) : Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec. Je suis accompagnée de Mélanie Baril, qui est conseillère en santé et sécurité au travail à la centrale.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Donc, vous pouvez commencer votre exposé.

Mme Éthier (Sonia) : Parfait. Merci. Bien, Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, je vous remercie de nous entendre ce matin dans le cadre des consultations.

Écoutez, Mme la Présidente, moi, dans un premier temps, je veux saluer le courage du ministre du Travail, là, pour avoir fait cheminer ce projet de loi jusqu'en commission parlementaire, ce que les gouvernements précédents n'ont pas fait. Et je pense que le ministre, tout comme nous, à la centrale, croit au paritarisme, au dialogue social. Et, connaissant le ministre, justement, pour avoir cheminé à d'autres commissions parlementaires, et au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et à la CPMT, je pense que le ministre va être sensible à nos arguments et modifications qu'on veut apporter pour bonifier le projet de loi. Et je le rappelle, là, on est en début de processus.

Donc, vous savez, notre organisation représente 200 000 membres, dont 125 000 qui font partie du personnel de l'éducation. Et on a en nos rangs 75 % de femmes.

Donc, je vais vous dire qu'on va faire quand même un survol des principales bonifications, modifications qu'on voudrait apporter. On n'ira pas dans le sens chronologique du mémoire.

Alors, vous rappeler que, lors de son entrée en vigueur, la loi... la LSST visait à protéger les travailleuses et travailleurs du Québec, et je pense qu'il faut toujours poursuivre cet objectif-là. Et, à ce moment-là, les quatre mécanismes de prévention, ils devaient être déployés au cours des cinq années suivantes. Ça ne s'est jamais concrétisé. Et, pour nous, là, à la CSQ, on ne bénéficie pas de ces mécanismes-là, et on le rappelle, là, ça fait plus de 40 ans, et on pense que nos travailleuses, travailleurs devraient bénéficier des mêmes mécanismes que les groupes considérés à risque élevé.

Bien, les chiffres parlent, hein, il y a quand même... 58,3 % des accidents du travail dont les réclamations ont été acceptées ont lieu dans des établissements qui ne sont pas assujettis aux mécanismes de prévention. Donc, on accueille favorablement la volonté du gouvernement de les déployer, les mécanismes de prévention, à l'ensemble des activités, mais je pense que la méthode utilisée pour déterminer les niveaux de risque, ça aura des impacts négatifs, puis on va vous expliquer ça tout à l'heure.

Et vous rappeler aussi que l'ensemble des groupes de l'éducation, de l'enseignement supérieur et des hôpitaux généraux ont été classés à risque faible, avec cette méthode-là, mais, pourtant, dans la Planification pluriannuelle en prévention-inspection 2017‑2020, la CNESST avait priorisé les soins de santé en raison du nombre de lésions et des coûts. Ça fait que, donc, le socle sur lequel s'appuie la détermination des niveaux de risque, soit les débours, pour nous, ça a une limite importante. Ce sont les lésions déclarées acceptées qui sont considérées, alors que les recherches démontrent qu'un nombre important de lésions professionnelles ne sont pas déclarées. En éducation, en enseignement supérieur, bien, pour nous, c'est aberrant que les établissements qui offrent la formation professionnelle et technique soient classés à risque faible. Donc, la méthode utilisée désavantage les femmes, parce que les personnes qui travaillent dans nos secteurs sont à faible risque, donc sont en majorité des femmes.

Pour la santé psychologique du travailleur, bien, vous le savez, là, ça prend de plus en plus de place parmi les causes d'invalidité, puis le nombre d'absences de longue durée s'est accru. Donc, la CNESST reconnaît que cette problématique est de plus en plus présente dans nos milieux de travail et que la situation est préoccupante, que les soins de santé puis de services sociaux et de l'enseignement sont parmi les plus touchés. Donc, actuellement, là, il n'y a pas d'encadrement législatif qui permet aux acteurs du milieu de bénéficier de leviers pour éliminer et réduire à la source les risques psychosociaux.

Donc, dans la modernisation du régime, il est prévu à l'article 51 l'obligation de prendre des mesures de la protection du travailleur pour la violence physique, psychologique, violence conjugale, familiale, mais la notion de risques psychosociaux, pour nous, elle est plus large que ça. Et le projet de loi donne un rôle aux représentants de la prévention, qui pourraient faire des recommandations là-dessus, mais sans en être informés, de l'ensemble des risques psychosociaux. Et aussi il n'y a pas de modification qui est apportée pour faciliter les réclamations pour les lésions psychologiques. Et on apporte une nouvelle présomption, c'est bien, là, pour le stress post-traumatique, mais, présentement, il est reconnu par les tribunaux, ce n'est pas là, le problème. Et, pour bien informer les acteurs du milieu de leurs obligations, je pense qu'il faut ajouter une définition des risques psychosociaux puis un énoncé des principales composantes, puis, notamment, bien, la surcharge de travail.

Et aussi je pense que l'analyse, la prévention, ça doit être explicitement énoncé dans les obligations des employeurs, à l'article 51, puis prioriser expressément l'identification et l'analyse des risques psychosociaux qui peuvent affecter la santé des travailleurs dans le programme de prévention qui est prévu à l'article 59. Donc, aussi, bien, je pense qu'il faut faciliter, hein, l'accessibilité de la reconnaissance des lésions psychologiques, mais évidemment on préfère mettre beaucoup d'emphase sur la prévention.

Pour la réparation, bien, je pense qu'il y a un petit peu de problématiques, là, et c'est là que le bât blesse. Bien, je pense qu'on ajoute beaucoup de conditions, hein, pour pouvoir être reconnus, puis ça a l'effet, permettez-moi l'expression, de neutraliser l'effet principal de la présomption, qui est là pour faciliter et aller plus rapidement pour le travailleur pour faire une réclamation. Puis je vais vous donner un exemple, là, par exemple, le trouble stress post-traumatique, bien là, on ajoute, dans le projet de loi, l'«élément répétitif ou extrême». Présentement, ce n'est pas une condition pour que ce soit reconnu. Puis il y a aussi l'atteinte auditive, là, où on ajoute «preuve scientifique», etc.

Bien, pour l'annexe I, on salue le fait que l'annexe I soit remplacée par un règlement, parce que ça va faciliter la mise à jour des maladies professionnelles, mais il ne faut pas rendre ça plus difficile pour reconnaître la maladie professionnelle par des changements réglementaires. Il faut être prudent là-dedans.

Pour la réadaptation, on sait que la CNESST, qui aura le pouvoir décisionnel de soumettre ou non le plan au médecin traitant et... Pour nous, le médecin traitant, là, c'est un incontournable, il devrait toujours, toujours être le médecin qui détermine, parce que c'est lui qui connaît davantage le travailleur.

• (9 h 40) •

Et ce qui nous inquiète un petit peu aussi, c'est qu'on introduit la réparation avant la consolidation, et c'est parfois périlleux, ça, hein, avant que le travailleur soit consolidé, parce qu'un retour précipité au travail, ça peut faire en sorte qu'il y ait des rechutes. On nous invite à la prudence là-dessus. Puis, après la consolidation, bien, il y a, dans le projet de loi, la disparition de la réadaptation physique, qui sera remplacée par un règlement qui sera déterminé par la CNESST, puis on craint que ce programme-là limite davantage les éléments sur lesquels les travailleurs pourraient avoir besoin.

Donc, sur la question du paritarisme, à défaut, là, d'une entente entre l'employeur et les travailleurs, il ne faut pas laisser l'employeur décider seul, il faut que le comité mette une base, que le comité se réunisse une fois tous les trois mois, comme c'est prévu actuellement.

Et, concernant le représentant à la prévention, bien, considérant que c'est basé sur les niveaux de risque, bien, pour nous, là, c'est totalement insuffisant. Il y a beaucoup d'améliorations à apporter là-dessus parce que, je vais vous donner un exemple, là, si je suis capable... si je peux avoir 30 minutes pour faire de la prévention dans un centre de services scolaire, par exemple, ou dans un hôpital, c'est comme si je n'avais rien. Donc, nous, là, ça fait 40 ans qu'on attend, je vais vous le dire comme ça, en éducation, là, en santé aussi, et donc on pense que le minimum d'heures allouées, il faut que ça soit celui du règlement actuel.

Ensuite, pour les employeurs qui ont plusieurs représentants, plusieurs établissements...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion, Mme Éthier. En conclusion. Il reste 30 secondes.

Mme Éthier (Sonia) : Bon, alors, je voulais vous parler de violence conjugale, je voulais saluer ça, de même que le programme de maternité sans danger. Pour nous, c'est important que ça soit resté enchâssé dans la loi. Et, bien, il y a plusieurs recommandations, là, j'imagine que vous n'avez peut-être pas eu le temps, seulement de faire un survol, là, mais, voilà, on espère que vous allez avoir le temps de prendre connaissance de toutes les recommandations qu'on a faites puis qu'on puisse bonifier le projet de loi qui nous a été présenté. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, Mme Éthier. Nous allons donc commencer la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Bon matin, Sonia Éthier, Mélanie Baril, et, félicitations, bien sûr, à toutes les personnes qui ont contribué à la rédaction d'un mémoire qui est bien étoffé, avec des belles recommandations.

Puis, Sonia, tes propos reflètent une connaissance fine, là, du régime de santé et sécurité du travail, puis j'apprécie beaucoup les remarques sur le paritarisme et le dialogue social. Je pense qu'au Québec c'est un des éléments distinctifs qui est associé à nos partenaires du marché du travail. Donc, je souligne le ton, aussi, de la présentation, et moi, je trouve que c'est la meilleure façon de faire des discussions raisonnées et de donner des résultats qui sont positifs à des recommandations.

Évidemment, on est limités, Sonia, en termes de temps, mais je vais quand même faire quelques précisions, puis te poser quelques questions, là, ou Mélanie, là, mais, tu sais, je trouve particulièrement intéressante la... tu sais, quand, à la page 11 de votre mémoire, vous référez... Bon, actuellement, il y a six groupes. Il y a 58,3 % des lésions qui arrivent dans des groupes où il n'y a pas aucun mécanisme de prévention, puis on dit souvent : Il y a 25 % des travailleurs qui sont couverts par des mécanismes de prévention. L'objectif de la loi, bien sûr, c'est de s'assurer de faire plus de prévention et que les travailleurs et travailleuses soient plus couverts par des mécanismes, non seulement de prévention mais de participation des travailleurs. Mais vous dites, pour maintenir la stabilité des milieux de travail puis la paix industrielle, là où il y a eu des ententes — parce qu'il y a des ententes dans des milieux où il y a une obligation puis il y a des ententes dans des milieux de travail où il n'y avait pas d'obligation, en raison des lacunes des lois actuelles — que nous trouvions un mécanisme pour reconnaître l'existence de ces ententes-là, qu'on soit dans un milieu où il y a une obligation ou un milieu qui n'a pas d'obligation. Sonia, je vais t'écouter parler là-dessus, mais je trouve que c'est une recommandation qui est particulièrement intéressante.

Mme Éthier (Sonia) : Oui. Bien, évidemment, c'est ça, c'est qu'il y a des milieux, à l'intérieur, par exemple, des conventions collectives locales, là, parce que c'est des dispositions de conventions collectives locales, où il y a déjà des mécanismes qui sont prévus qui satisfont les parties, qui prévoient des libérations, des comités de santé et sécurité qui siègent régulièrement. Alors, pour nous, là, c'est de dire qu'il faut que ces dispositions-là, qui sont satisfaisantes, puissent continuer d'exister.

M. Boulet : Puis tout le temps en prenant pour acquis que ce qui est dans la loi, c'est un plancher. Sur le principe, là, Sonia, je suis d'accord.

Dans la recommandation 1, s'assurer que les quatre mécanismes... en fait, que les mécanismes de prévention s'appliquent à tous les secteurs, nous partageons le même objectif. À la page 16, sur les formations obligatoires, bon : «La CSQ accueille favorablement les dispositions du p.l. n° 59 [pour les] formations obligatoires, dont le contenu est déterminé par [le] règlement, pour les membres du comité de santé et [...] sécurité [et] les représentantes en santé et sécurité.» Je pense que la formation, elle est essentielle et incontournable. Et vous dites, un peu plus bas dans votre mémoire, que les formations pourraient être bonifiées, notamment quant à la compétence pour identifier les risques. Est-ce que tu pourrais donner un peu d'information complémentaire à cet élément, s'il te plaît?

Mme Éthier (Sonia) : Mélanie, est-ce que tu peux y aller là-dessus?

Mme Baril (Mélanie) : Oui, bien sûr. Bien, c'est parce qu'en fait, effectivement, afin de pouvoir faire un bon travail paritaire, c'est essentiel qu'il y ait une formation, puis on a vraiment trouvé que c'était une bonne idée de mettre ces formations-là dans la loi, mais on constate que ces formations ont un cadre très... je vous dirais, un cadre général, hein, donc qui s'applique à tous, qui nous permettra probablement d'exercer bien les fonctions, que chacun puisse connaître correctement le rôle de chaque partie, mais ce qu'on pense qui pourrait être ajouté, c'est qu'il y ait un volet sectoriel, parce que chaque secteur a ses préoccupations, a des risques particuliers. Et ça pourrait être intéressant qu'on puisse former aussi les gens sur la présence de ces risques-là, qui sont présents peut-être plus dans certains secteurs, pour qu'on puisse, dès le début, peut-être, identifier plus facilement les priorités puis comprendre comment fonctionnent ces risques-là, quels sont les dangers, et aider, finalement, les personnes qui doivent travailler, autant sur le comité de santé et sécurité que le représentant à la prévention qui sont dans les milieux, et d'être bien formé puis d'être capable d'être outillé. Et ces risques-là, bien, je veux dire, dans nos secteurs, ça pourrait être une formation en lien, entre autres, sur les risques psychosociaux, hein, ce n'est pas si simple que ça, comprendre les risques psychosociaux.

M. Boulet : Eh oui. Totalement, oui, puis...

Mme Baril (Mélanie) : Donc, ça pourrait être une façon d'aider les milieux, d'avoir des discussions constructives aussi puis qu'on puisse aller de l'avant, là, sur les risques.

M. Boulet : O.K. Parfait. Puis ça s'inscrit dans cette orientation-là, quand vous dites, à vos recommandations 12 et 14, que le projet de loi pourrait prévoir que les employeurs doivent être membres d'une association sectorielle paritaire. Évidemment, pour le bénéfice de tout le monde, ces associations-là ont notamment pour mandat de faire de la formation en milieu de travail.

Et vous demandez aussi, à une autre recommandation, de préciser que les employeurs se joignent à des associations sectorielles paritaires qui existent, et ça, ça m'apparaît totalement cohérent, Mélanie, avec le propos que tu viens de tenir.

À 16, puis, Sonia, ça a été soulevé par d'autres groupes, là : «que le gouvernement alloue les ressources nécessaires à la prévention puis l'inspectorat afin que la CNESST puisse réaliser pleinement sa mission», il y a un partenaire, hier, qui disait qu'il louait le travail de la CNESST depuis le début de la pandémie. Évidemment, il y a eu un surcroît de travail, et, si nécessaire, puis, je tiens... pour moi, c'est important de le préciser, si on a besoin de ressources additionnelles... on va certainement en avoir besoin puis on va s'assurer, au gouvernement du Québec, de donner ou de fournir à la CNESST les ressources qui ont les compétences et les qualifications pour répondre aux besoins de formation et de mise en application partout, parce qu'on veut qu'il y ait des mécanismes de prévention puis de participation, puis la CNESST joue un rôle là-dedans, là, puis vous le savez très bien.

Une voix : Absolument.

M. Boulet : Ça fait que, moi, je vais certainement vouloir qu'on donne suite à cette recommandation-là.

Une voix : Parfait.

• (9 h 50) •

M. Boulet : Il y a une autre... Le mémoire, il est particulièrement, Sonia, Mélanie, je le dis, intéressant, là, tu sais. Je vais à 18, là, la violence conjugale, je pense qu'on fait une avancée extrêmement intéressante. Sonia, j'aimerais t'entendre sur... bon, évidemment, tu parles de l'information puis de formation, mais je pense que vous référez, dans le mémoire, à un moment donné, à une politique qu'un employeur pourrait adopter en matière de violence. J'aimerais t'entendre compléter là-dessus.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, je pense que les dispositions qui ont été ajoutées dans la loi, on les salue, là, je n'ai pas eu le temps de m'y rendre tantôt dans mon propos, mais il faudrait ajouter une politique que l'employeur devrait mettre en place. Donc, ça, quand on met une politique dans un milieu de travail, avec des dispositions, bien, je pense qu'on s'assure, là, qu'on s'occupe réellement de la problématique. Et, en plus de ça, bien, je pense, qu'on ajoute aussi un élément que cette politique devrait tenir compte du droit au respect à la vie privée. Vous savez, la violence conjugale, c'est très sensible, et on dit aussi qu'on devrait prévoir là-dedans qu'il y ait des ressources, qu'on puisse référer à des ressources externes spécialisées pour garantir la vie privée de la personne qui en est... qui subit, qui la subit. Donc, ça serait bienvenu si c'était appliqué.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Votre micro, M. le ministre.

M. Boulet : Une précision, Sonia, sur le programme de maternité sans danger. À la recommandation 20, évidemment, la CSQ veut s'assurer que le médecin qui fait le suivi de grossesse ne perde pas son rôle, qu'il ne soit pas dilué. Ça, je vous rassure — d'ailleurs, ça a été souligné par une autre partie, hein, qui représente aussi des femmes — il y a un protocole national, mais ça va être un guide de référence des connaissances scientifiques, mais ça va être essentiellement pour assurer une meilleure équité partout au Québec. Parce que, là, on réalise que...

Mme Éthier (Sonia) : Oui, ça, on le partage.

M. Boulet : C'est ça. Dépendamment des régions puis des médecins, pour le même travail, tu as ou non un retrait préventif. Ça fait que je veux être assuré que le médecin qui fait le suivi de grossesse va conserver son rôle pour tenir compte des particularités personnelles de la femme qui est enceinte, pour, bien sûr, la protéger, ou l'enfant à naître.

Mme Éthier (Sonia) : Oui. Puis, pour nous, ça, c'est important. Puis je pense aussi que, dans notre mémoire, si vous permettez, M. le ministre, on indique que le retrait préventif, hein, c'est d'abord une réaffectation, hein? Puis les employeurs disent que ça coûte cher, mais ils ne font pas l'exercice de faire l'analyse de risques puis d'essayer de trouver une réaffectation dans un emploi où il n'y a pas de risque. Alors, ça aussi, là, je pense que c'est important.

M. Boulet : C'est superintéressant. Puis il y a comme une espèce de culture, au Québec, que le retrait préventif, ça veut dire que tu ne peux plus travailler, alors que ça doit être considéré comme l'équivalent d'une demande de faire autre chose.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, c'est ça. Puis c'est pour ça que l'analyse de risques est très importante. C'est la base.

M. Boulet : Oui, totalement. L'intégration ou la prise en considération des risques psychosociaux, Sonia, je pense qu'on fait une avancée. Et, dans le domaine, notamment, de la santé, quelle incidence tu penses que ça peut avoir?

Mme Éthier (Sonia) : Bien, on fait une avancée, mais je pense qu'on...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Votre micro, Mme Éthier.

Mme Éthier (Sonia) : Excusez-moi. Bien, je disais que c'est important, là, de le mentionner dans le projet de loi, la reconnaissance des risques psychosociaux, mais, quand j'ai regardé l'analyse d'impact, là, on ne parle pas de la charge de travail et du manque de soutien des collègues, etc., puis je pense qu'il faut en tenir compte, de ça, c'est important. Vous parlez du secteur de la santé, on peut parler du secteur de l'éducation. Depuis 10 mois, on en a la démonstration, jusqu'à quel point la surcharge de travail, c'est un facteur de risque important au niveau... un risque psychosocial. Donc, je pense qu'il faut tenir compte de l'ensemble des risques psychosociaux et que ça soit vraiment déterminé dans la loi comme telle, là.

M. Boulet : Puis, lors de l'étude détaillée, j'aurai l'occasion de préciser et de mieux définir les risques psychosociaux, mais, dans mon esprit, c'est au sens le plus précis possible. Et, quand on parle de charge de travail, de ratios, pour moi, ça en fait partie. C'est inhérent à la définition que doit avoir un risque psychosocial.

Juste en rafale, là, parce qu'il reste une minute, Sonia, les troubles de stress post-traumatique, c'est vrai, c'est reconnu par les tribunaux, mais, maintenant, avec la présomption, ça facilite le fardeau de preuve, ça va être plus aisé. Je vais revoir les conditions, là, qui donnent ouverture à la présomption, là, tu l'as très, très bien expliqué. Et 67 % des lésions qui invoquent une connotation psychologique découlent de troubles de stress post-traumatique, puis tu référais à des métiers spécifiques, là, policier, pompière, ambulancier. Ce qu'on a fait de différent de certaines autres provinces, c'est de ne pas les associer à des métiers particuliers, parce qu'on voulait que ce soit plus général, on ne voulait pas s'enfermer dans des compartiments de métiers déjà déterminés.

Au point réadaptation physique, on ne l'enlève pas. Le nombre d'heures de libération puis la fréquence des réunions des comités, moi, je vais m'assurer que ce soit adapté à la réalité spécifique des milieux de travail. Est-ce qu'il nous reste... Claire, on me disait qu'il me restait une minute, est-ce que c'est le cas ou...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous en reste deux, minutes, mais là on est rendus déjà à 1 min 45 s.

M. Boulet : O.K. Merci, Mme la Présidente. Donc, globalement, Sonia, Mélanie, merci encore de votre contribution, c'est super apprécié. Puis ne voyons pas la phase de consultation de la commission parlementaire comme de quoi de final, on va continuer de discuter, Sonia, on s'en est déjà parlé, parce que j'ai l'opportunité de discuter avec les leaders syndicaux, là, de façon assez régulière. Je vais être ouvert, comme je l'ai fait dans les autres projets de loi. Je sais qu'il y a matière à bonification. Il n'y a pas un projet de loi que j'ai vu depuis le début de ma carrière qui n'est pas perfectible, j'en suis conscient. On va travailler en équipe, les députés du parti gouvernemental, des partis d'opposition, mais ça implique aussi les acteurs externes, dont la CSQ est un membre pour lequel j'ai énormément d'estime. Merci beaucoup, Sonia puis Mélanie.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous allons poursuivre maintenant avec le député de Nelligan, qui dispose de 11 minutes. Mais, avant, je veux informer Mme Éthier qu'on me dit qu'ici on vous ferme le micro après que vous ayez parlé parce qu'il y a un bruit de fond. Alors, n'oubliez pas que, quand vous voulez parler, vous devez l'allumer, parce que, là, c'est ici qu'on vous le ferme. Je ne sais pas si vous me... vous avez... Oui? Parfait, vous avez bien compris. Merci.

Alors, la parole est au député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Mme Éthier, Mme Baril, merci beaucoup pour votre présence et pour la qualité de votre mémoire.

J'ai noté pas mal de recommandations et je saisis l'occasion de l'ouverture de M. le ministre... que c'est vrai, je le confirme, c'est un début d'une modernisation. Il ne faut pas la faire en reculant, ça a été dit par plusieurs groupes, et je note son ouverture à ce qu'on travaille ensemble pour bonifier, avoir un meilleur projet de loi.

Ma première question, j'aimerais bien savoir votre point de vue, ça a été partagé par d'autres groupes, et je vois en face de moi deux femmes avec un excellent background et surtout à la tête d'une centrale syndicale, et corrigez-moi si je me trompe, qu'il y a... Des groupes, à la première journée d'étude, nous ont mentionné que ce projet de loi n'a pas tenu la réalité des femmes, surtout au niveau des risques faibles. Il y a même des groupes qui nous ont suggéré deux types d'analyse, ADS et ADS+. Qu'est-ce que vous en pensez?

• (10 heures) •

Mme Éthier (Sonia) : Bien, écoutez, c'est sûr que, je l'ai dit d'entrée de jeu, là, le fait qu'on parte, pour l'identification du niveau de risque, par les débours et que les groupes à risque faible, on retrouve une majorité de femmes qui sont dans le secteur de l'éducation et de la santé, bien, c'est une correction, là, qu'on voudrait voir dans le projet de loi, et c'est pour ça que, nous, on dit que les mécanismes de prévention doivent s'appliquer à l'ensemble des secteurs. Ça fait partie d'une recommandation, pour nous, qui est importante, puis je pense qu'on va y arriver, là, il va y avoir des choses qui vont être pensées de la part du ministre. Et, bien, l'ADS, ADS+, là, je pense que le mémoire de l'Intersyndicale des femmes y fait référence, c'est important d'entrer ça dans notre culture.

M. Derraji : Absolument.

Mme Éthier (Sonia) : Mais là, pour nous, il faut entrer ça dans notre culture, mais il ne faut quand même pas retarder le processus de modernisation de la loi qu'on attend depuis très longtemps. Ça fait que, pour nous, là, prenons ça en compte, effectivement, mais entrons ça dans notre culture.

M. Derraji : Oui, mais, Mme Éthier, je veux juste saisir une chose très importante. Vous avez parlé de trois secteurs : vous avez parlé du secteur de la santé, du secteur de l'éducation, de l'enseignement supérieur. Vos membres, ils représentent quand même une bonne majorité, c'est des femmes, à moins... si je me trompe. J'ai trois groupes, mardi, unanimement, ils l'ont déclaré... et c'est pour cela que je sollicite aussi votre point de vue, je comprends ce que vous êtes en train de me dire, des regroupements de femmes critiquent le projet de loi n° 59 mais elles insistent beaucoup à ce que ce projet de loi aurait dû, surtout dans sa façon de faire et de classer le risque, avant d'arriver à ce constat, avoir cette analyse surtout. Et je vous réfère au Secrétariat de la condition féminine en 2007, ça a été très clair qu'une ADS ou ADS+ doit être faite surtout par rapport aux lésions professionnelles. Donc...

Parce que, vous l'avez mentionné dans votre recommandation 3, vous dites : «Que soit retirée du projet de loi n° 59 la classification de groupes d'activités selon des niveaux de risque et qu'il puisse prévoir les dispositions nécessaires afin que l'ensemble des secteurs d'activité ait accès aux mêmes droits.» Moi, je pense que c'est une très bonne recommandation, mais cela... encore une fois, je vous repose ma question : Est-ce que... si on a fait l'ADS ou l'ADS+ à ce projet de loi, je ne pense pas qu'aujourd'hui vous allez nous proposer la recommandation 3 parce que, de toute façon, cette classification du niveau de risque ne sera pas dans ce projet de loi.

Mme Éthier (Sonia) : ...

M. Derraji : On ne vous entend pas.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Votre micro. Votre micro.

M. Derraji : On ne vous entend pas.

Mme Éthier (Sonia) : Oui, oui. Là, je comprends. J'essaie d'arriver à la recommandation 3. Mais c'est sûr que, pour nous, là, le fait d'avoir parti sur cette façon, cette méthode selon les niveaux de risque, je le dis, là, puis je l'ai dit d'entrée de jeu, ça défavorise nos secteurs, l'éducation et la santé, l'enseignement supérieur, parce que ce qui a été utilisé, bien, ça fait en sorte que... nos groupes sont majoritairement des femmes et se retrouvent dans des niveaux de risque faible. Donc, pour nous, là, c'est pour ça qu'on dit : Appliquons les mécanismes, les quatre mécanismes de prévention, tel que c'est prévu actuellement. Et les niveaux de risque, là, pour nous, ce n'est pas une bonne méthode, on va dire ça comme ça.

M. Derraji : Oui. Bien, merci, Mme Éthier. Et, comme je vous ai dit, moi, je pars du principe que 75 % de vos membres sont des femmes. Et j'en suis sûr et certain, que vous êtes leur porte-voix. Et, si je vous pose la question, c'est parce que j'ai des sérieuses inquiétudes que les lunettes avec lesquelles on analyse le projet de loi, pour moi, le minimum doit être de l'ADS et de l'ADS+, tel que mentionné mardi. Ça, c'est mon premier point.

Deuxième point, revenons au paritarisme, il y a le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui a mis sur la table 45 recommandations. Le ministre a choisi d'utiliser 38 %, 18 sur 47, et il a laissé de côté 29 sur 47, 61 %. Vous avez entendu hier vos collègues d'autres syndicats qui sont allé jusqu'à dire que c'est une menace au paritarisme. Est-ce que je peux considérer que votre regroupement pense aussi que c'est une menace au paritarisme ou vous pensez que, quand même, on avance dans le paritarisme et qu'on atteint les résultats escomptés, même avec 18 recommandations sur 47?

Mme Éthier (Sonia) : Bien, écoutez, moi, je pense que j'ai salué, au départ, le courage du ministre de déposer le projet de loi. Effectivement, ce ne sont pas tous les éléments de consensus qui ont été retenus, mais il y en a plusieurs. Nous-mêmes, parfois, dans nos recommandations, on va plus loin que les consensus qui ont été établis. Mais moi, je pense qu'on est dans une première étape de la commission parlementaire. On est... Tous les groupes viennent faire des recommandations pour bonifier. Je pense qu'il y a certaines organisations qui sont plus critiques. Je pense qu'on va finir par trouver un terrain d'entente ensemble dans l'analyse. Puis vous allez jouer un rôle comme parti de l'opposition. Puis c'est bien important parce que les travailleuses et travailleurs du Québec, là, bien, la santé et sécurité, c'est la base. On dit souvent que c'est important d'avoir une économie du Québec forte. Bien, ça passe par l'ensemble des travailleuses et travailleurs, et ça passe par la prévention. Puis je pense que le ministre, il est sensible à ça, vous aussi. Puis je pense qu'on va être capables de cheminer ensemble pour arriver à une loi qui sera adoptée puis qu'on va tous être confortables avec...

M. Derraji : Mais vous avez raison, Mme Éthier, que nous sommes tous sensibles. Ça, je tiens à vous le mentionner. Et c'est pour cela que, pour moi, le paritarisme est quelque chose qui est extrêmement important au Québec. C'est comme ça qu'on va avancer.

Mme Éthier (Sonia) : Absolument.

M. Derraji : Et, si on veut, demain, avoir des milieux sécuritaires, c'est à la fois le rôle de l'employeur et du syndicat. On n'est pas là en train de...

Mme Éthier (Sonia) : Oui. Il faut être partie prenante.

M. Derraji : Exactement. Ce n'est pas le moment de dire que tel parti va gagner et l'autre va perdre. Au Québec, nous avons une façon avec laquelle on travaille, et je pense que c'est extrêmement important qu'on avance tous ensemble dans la même logique.

Partagez avec moi le sentiment de vos membres, surtout dans le réseau de la santé, quand ils ont vu, via votre organisation, qu'ils sont placés dans le risque n° 1, le risque faible. Sachant ce qu'on vit présentement avec la COVID, ça a été quoi, leur réaction?

Mme Éthier (Sonia) : Il y a eu une déception, hein, c'est sûr qu'il y a eu une déception par rapport à ce qui se vit. Depuis 10 mois, nos membres, c'est en santé puis en éducation aussi, là, qu'ils sont, hein, qu'ils sont au front, puis notamment plus particulièrement en santé. Mais ce qu'on leur a expliqué, à nos membres, à nos représentants syndicaux, c'est qu'on se présenterait en commission parlementaire en proposant des modifications puis qu'on est certains qu'on va avoir l'écoute pour... Puis le ministre nous l'a dit tout à l'heure, là. Il a entendu, notamment, la FIQ qui est passée, là, puis qui a parlé, hein, des ratios et... bon. Bien, je pense que c'est la logique, là, puis je pense qu'on est capables, tout le monde, de comprendre que, même si on...

M. Derraji : C'est très clair, Mme Éthier. On va mener la bataille par rapport au niveau du risque. Et je saisis l'occasion que le ministre a démontré de l'ouverture. Ne vous inquiétez pas, on va amender cette partie.

Revenons aux risques psychosociaux et le positionnement ambigu de la CNESST, ça a été soulevé. Est-ce que vous pouvez nous décrire de quelle façon les risques psychosociaux sont approchés dans vos milieux de travail sous la loi actuelle? Votre lecture, brièvement.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il ne reste que 40 secondes.

M. Derraji : Allez-y, Mme Éthier, oui.

Mme Éthier (Sonia) : Par rapport au projet de loi, bien, nous, c'est parce que ce qu'on veut, là, c'est vraiment une véritable... qu'on considère véritablement l'ensemble des risques psychosociaux, qu'on l'enchâsse dans la loi, véritablement, pour faire en sorte que ça fasse partie...

Tu sais, le monde du travail a changé beaucoup, hein? Je pense que le projet... la loi actuelle, la loi sur la réparation, la loi sur la prévention, bien, c'était beaucoup à partir des métiers de gars. On va se le dire comme ça, là. Mais le monde du travail, c'est ça, a évolué. Les conditions, les risques...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci, Mme Éthier. Nous devons poursuivre.

M. Derraji : Merci, merci à vous deux, et, s'il vous plaît, transmettre nos salutations à vos membres qui luttent dans le contexte actuel pour des milieux sécuritaires. Merci encore une fois.

• (10 h 10) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous donnons la parole maintenant au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Éthier et Mme Baril. Bienvenue. Toujours un plaisir de vous entendre.

En 2 min 45 s, il faut faire ça court. À la recommandation n° 20, vous vous inquiétez, donc, de la perte d'influence, en quelque sorte, du médecin traitant. Vous n'êtes pas les seuls à avoir souligné ça, mais j'aimerais ça, y aller peut-être un peu sur le fond. Pourquoi, d'après vous, le ministre va dans ce sens-là avec le médecin traitant? Il ne lui donne pas, peut-être, la place sacrée qu'on lui a toujours donnée dans le milieu de la santé et sécurité. C'est quoi, l'objectif du projet de loi avec ça?

Mme Éthier (Sonia) : Veux-tu répondre, Mélanie?

Mme Baril (Mélanie) : Bien, en fait, nous, ce qui est important, c'est que ce qu'on expliquait dans le projet de loi, c'est qu'on veut être certains, en fait, que l'opinion du médecin traitant continue d'être exercée, parce qu'actuellement, là, les certificats de retrait préventif sont octroyés par le médecin qui suit la travailleuse au niveau de sa grossesse, puis on ne veut pas que ça soit modifié.

Ce qu'on constate aussi, c'est que le terme de «médecin chargé de la santé au travail» n'a pas nécessairement été défini au niveau de la loi. Donc, pour nous, on reste un peu sensibles à savoir qui sera ce médecin, effectivement, dans la pratique, qui pourra émettre ces certificats-là. Puis on veut s'assurer que ça sera le médecin traitant. On ne veut surtout pas que ce médecin-là de la santé au travail, qu'on retrouve à plusieurs endroits dans le projet de loi, puisse constituer le médecin de l'employeur ou les médecins de compagnie.

M. Leduc : Ça serait un grand recul si c'était le cas.

Mme Baril (Mélanie) : Effectivement.

M. Leduc : Rapidement aussi, sur la recommandation n° 36, puis pour essayer de traduire, des fois, des termes très techniques, quand vous dites : Il faut «retirer toute possibilité d'affaiblir la présomption par voie réglementaire», qu'est-ce que ça veut dire pour les non-initiés, peut-être, qui nous écoutent?

Mme Éthier (Sonia) : Bien, je n'ai pas donné toutes les explications tout à l'heure, mais c'est parce que, si on ajoute des conditions, puis, par exemple — j'essaie de les retrouver, là — le stress post-traumatique, bien, si on ajoute des conditions de... par exemple — attendez un petit peu, j'essaie de les trouver puis je sais que ça va vite, là — bon, de la surdité professionnelle, si on ajoute des critères, c'est parce que, là, les travailleurs ne seront plus capables de se le faire reconnaître, et puis c'est la même chose pour les lésions musculosquelettiques. Alors, c'est bien beau, là, la présomption, mais, si on ajoute plusieurs conditions, on l'affaiblit, la présomption. Le travailleur ne sera plus capable, devant les tribunaux, ni même à sa face même, de faire reconnaître sa lésion.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Leduc : Puis, là aussi, un grand recul, donc. Merci beaucoup.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, on favorise...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous avez 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes Éthier et Baril. Écoutez, vous avez 53 recommandations. C'est à se demander s'il ne faudrait pas demander au ministre de retourner à la table à dessin parce que ça va demander beaucoup, beaucoup de travail. Et chacune de vos recommandations est pertinente, et vous l'expliquez très clairement dans votre mémoire.

Vous soulignez l'émergence phénoménale de problèmes de santé psychologique et vous avez débuté une explication par rapport aux transformations du monde du travail, qui semble devenir de plus en plus problématique et toxique pour un nombre considérable de travailleurs et de travailleuses.

Quels sont les principaux déterminants, selon vous, de l'émergence des problèmes de santé psychologique dans les milieux de travail actuellement? Et, dans vos recommandations, lesquelles pourraient être mises en avant ou priorisées pour essayer de régler la problématique, ou, à tout le moins, faire de la prévention? Parce que, le nerf de la guerre, c'est la prévention.

Mme Éthier (Sonia) : Veux-tu y aller, Mélanie?

Mme Baril (Mélanie) : Bon, c'est comme on l'a expliqué, en fait, là, dans notre mémoire, là, sur les risques psychosociaux, la première étape, je pense, il faut davantage mettre l'accent sur la prévention, donc commencer ne serait-ce qu'à nous expliquer c'est quoi, les risques psychosociaux, les énumérer dans la loi, parce qu'on ne veut justement pas que ça soit restreint uniquement sur la violence puis le harcèlement psychologique. On peut aller plus loin que ça parce que ce n'est pas que ça, les risques psychosociaux. C'est important que les personnes qui font la lecture de la Loi sur la santé et sécurité au travail puissent savoir correctement c'est quoi, ça, les risques psychosociaux, si on veut effectivement travailler sur ces risques-là.

Également, on devrait retrouver dans l'objet de la loi même, le nommer, que c'est autant les risques physiques que psychologiques qu'on aimerait viser par cette loi et le retrouver aussi dans les obligations de l'employeur à l'article 51. Il y a déjà un pas qui a été fait sur la violence. Vous pourriez introduire, à l'article 51, l'ensemble des risques psychosociaux. Et, dans nos mécanismes de prévention et de participation, ça sera important également qu'autant le représentant à la prévention que le comité de santé-sécurité aient ces fonctions-là, d'identifier les risques psychosociaux, l'ensemble des risques psychosociaux. Ce n'est pas évident de faire ce travail-là. L'INSPQ nous donne des instruments, il faut que, finalement, on puisse participer à ça pour y arriver.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, on vous remercie beaucoup.

M. Roy : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, Mme Éthier et Mme Baril, pour votre contribution à la commission.

Alors, nous suspendons quelques instants la commission pour planifier la venue du prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 16)

(Reprise à 10 h 20)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, nous souhaitons maintenant la bienvenue à Mme Proulx et Mme Labranche des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Alors, tel que convenu, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Avant de commencer, je vous invite à bien vous présenter.

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Mme Proulx (Véronique) : Excellent. Alors, bonjour à tous. Mon nom est Véronique Proulx. Je suis présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec. Je suis accompagnée de Mme Marie-Ève Labranche, qui est directrice aux affaires publiques et gouvernementales.

Mme Labranche (Marie-Ève) : Bonjour.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, vous pouvez immédiatement commencer.

Mme Proulx (Véronique) : Excellent. Alors, bonjour à tous. M. le ministre, chers membres de l'Assemblée nationale, il me fait plaisir de vous présenter nos recommandations dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 59 au nom des Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Alors, notre association représente 1 100 entreprises manufacturières à travers le Québec. Afin de rédiger notre mémoire, nous avons consulté plusieurs entreprises manufacturières et plus particulièrement des gestionnaires en santé et sécurité au travail, qui sont les réels experts sur le terrain, afin qu'ils puissent nous partager leurs préoccupations, ce qui fonctionne bien, ce qui fonctionne moins bien avec la loi actuelle, mais surtout de voir comment le projet de loi pourrait venir les aider à atteindre leurs objectifs. Alors, nous nous sommes également appuyés sur l'analyse publiée dans le rapport de Morneau Shepell ainsi que sur les deux avis du comité-conseil travail, main-d'oeuvre, le CCTM.

Alors, dans un premier temps, je tiens à vous dire que MEQ est d'accord et souscrit aux grands objectifs du projet de loi. Nous avons bien sûr quelques préoccupations que nous allons vous soulever aujourd'hui.

Alors, notre mémoire s'articule autour de quatre grands principes qui sont en lien avec les objectifs de nos membres. Le premier, une culture d'accompagnement à la CNESST plutôt qu'une culture de coercition, et ça, je vous dirais que ça va être sous-jacent à l'ensemble de nos recommandations.

Le deuxième, le projet de loi doit avoir un impact positif sur la pénurie de main-d'oeuvre. Alors, dans le secteur manufacturier, en date du 31 décembre, on est revenus à 96,9 % du taux d'emploi, c'est donc dire que la plupart des manufacturiers ont rappelé tous leurs travailleurs depuis le début de la pandémie. Alors, on a autant de difficulté, maintenant, à trouver des soudeurs, des techniciens en génie mécanique que des manutentionnaires ou des journaliers.

Diminution des coûts. Il n'y a rien qui justifie qu'un manufacturier québécois ait à payer plus cher pour le régime qu'un manufacturier ontarien. C'est un enjeu de compétitivité. Le gouvernement du Québec compare souvent notre niveau de productivité à celui de l'Ontario, comme quoi il faut être plus productif, il faut être plus compétitif. Je pense qu'on a une belle opportunité, aujourd'hui, pour s'assurer que le projet de loi y contribue.

Et finalement la réduction de la lourdeur administrative. Alors, la grande majorité des manufacturiers québécois sont des PME, donc des entreprises qui ont peu de ressources dédiées à la gestion administrative d'un tel régime. Alors, il faudrait s'assurer que le projet de loi, que la réforme proposée vienne réduire le fardeau pour les entreprises.

Alors, je me lance dans les recommandations. Je ne passerai pas au travers des 15, mais je vais quand même vous nommer celles que je vais souligner maintenant, et on pourra échanger sur les autres par la suite, si vous le souhaitez.

Alors, la recommandation n° 1, moderniser la vision de la CNESST en opérant un profond changement de culture au sein de l'organisation de manière à favoriser davantage l'accompagnement que la coercition. Pourquoi cette recommandation? Bien, l'exemple le plus récent que je peux vous donner, c'est celui de la pandémie. Alors, la CNESST a publié un guide pour le secteur manufacturier qui est très bien fait, qui est très complet, mais ce n'est pas nécessairement simple pour toutes les PME de s'y retrouver, de voir comment elles peuvent l'appliquer et de comprendre tout ce qui s'y retrouve. Elles ont besoin de se faire accompagner. Accompagner, ça vaut dire quoi? Ça veut dire qu'on souhaite que la CNESST puisse chercher des pistes d'amélioration avec les gestionnaires, de les conseiller dans la mise en place des recommandations. Alors, l'accompagnement sera vraiment nécessaire si on veut améliorer notre régime et augmenter la performance de nos manufacturiers.

La deuxième catégorie de recommandations, c'est celle qui touche la pénurie de main-d'oeuvre. Alors, le projet de loi doit permettre un retour rapide, le plus rapide possible des gens afin d'éviter une chronicité. Et pour ce faire, bien, il doit avoir une réelle démarche incitative pour faciliter ce retour au travail. Alors, en ce sens, on a deux recommandations, la recommandation n° 2, baser le régime de SST sur un principe de collaboration, un équilibre dans l'approche de gestion entre les employeurs et les employés, comme cela se fait en Ontario, et la recommandation n° 3, mettre en place un mécanisme pour faire entendre la voix des employeurs en lien avec l'assignation temporaire. Je pourrai y revenir plus tard, dans le cadre de nos échanges.

Nos recommandations à l'égard de la lourdeur administrative. Alors, la recommandation n° 4, qui est à la page 7 du mémoire, touche la prépondérance du médecin traitant. Alors, lors de notre consultation avec nos entreprises manufacturières, la prépondérance de l'opinion du médecin traitant a été nommée comme un important facteur qui alourdit les processus actuels. Alors, on le voit dans le rapport de Morneau Shepell, qu'on peut faire autrement. On peut se baser sur ce qui se fait dans d'autres provinces tout en atteignant les mêmes objectifs.

Recommandation n° 6, qui est à la page 8 du mémoire, qui touche... le droit de gestion, pardon, de l'employeur. Alors, avec cette modification-là, la CNESST pourrait outrepasser la convention collective qui est en place, quand il y en a une, et le droit de gestion de l'employeur. Et ce qui nous préoccupe, c'est comment on va mettre ça en oeuvre, comment on applique ça. Alors, on peut avoir une situation où on a plusieurs conventions collectives pour différents établissements. Comment est-ce que ça va fonctionner? Comment ça va se passer?

Également, j'aimerais ajouter que ce n'est pas que les employeurs, le secteur manufacturier, on est de mauvaise foi, mais, des fois, on a un environnement de travail qui ne fonctionne plus pour le travailleur. Alors, encore une fois, c'est vraiment dans l'applicabilité des changements qui sont proposés. Pour nous, il y a plusieurs questionnements et préoccupations.

Recommandation n° 8, qui est à la page 10, éviter de dédoubler les structures et ne prévoir qu'un comité de santé et sécurité au travail pour les entreprises de 20 employés et plus. Alors, on a échangé avec plusieurs entreprises qui ont en place ces deux structures présentement, et ce qu'ils nous disent clairement, c'est que, souvent, les rôles sont confus, ça génère des tensions entre les deux groupes, il y a beaucoup de confusion dans les responsabilités et dans le déploiement de ce qui est à faire. Alors, dans les faits, le changement qui est proposé va nous coûter plus cher, ça va être plus complexe à gérer, et, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, ce n'est pas conséquent de libérer davantage de travailleurs. Alors, pour nous, ce n'est pas une question de faire moins de prévention, mais vraiment de bien s'organiser sans dédoubler ce qui est en place. Alors, compte tenu de tout ça, pourquoi ne pas s'en tenir à une seule structure tout en atteignant le même objectif, comme ça se fait ailleurs dans les autres provinces?

Recommandation n° 9, à la page 11, clarifier les attentes des employeurs concernant les situations de violence conjugale. Alors, ça, c'est une question qui vient nous... qui nous préoccupe beaucoup. Dans un premier temps, si une victime de violence conjugale ne nomme pas à son employeur qu'elle est victime, c'est très difficile pour l'employeur de deviner et d'intervenir. C'est clair que, si ça vient à ses oreilles que le travailleur est victime de VC, de violence conjugale, puis que, potentiellement, il y a des employés qui sont victimes de violence aussi, bien, on souhaite qu'ils se comportent en bon citoyen, qu'ils fassent une plainte à la DPJ, mais il ne doit pas outrepasser ses droits puis il doit respecter l'intimité de la personne qui est là si elle ne le nomme pas.

À l'inverse, si une... je choisis le cas d'une femme qui est victime de violence conjugale, avise son employeur, bien là il y a beaucoup de choses qui peuvent mises en place. Et l'employeur peut d'ailleurs collaborer avec les ressources qui accompagnent la victime. On peut penser changer le numéro de cellulaire de la personne, s'assurer qu'il n'y ait pas d'accès au bureau, que l'accès au bureau soit sécurisé, de l'accompagner à sa voiture. Donc, ça, c'est des choses que l'on peut mettre en place. Mais, encore une fois, il va falloir baliser puis être très clair, dans le cas où la victime ne le demande pas, quelles seront les balises puis les responsabilités de l'employeur. Et il faut savoir qu'en moyenne une femme va prendre jusqu'à sept fois avant de décider de quitter un foyer ou un conjoint violent. Donc, c'est un long processus qui peut se mettre en place. Et d'ailleurs, sur cet aspect-là, on a consulté nos membres, mais on a également consulté une ressource d'hébergement spécialisée en victimes conjugales pour pouvoir vous faire ces recommandations.

Quatrième catégorie de recommandations à l'égard des coûts supplémentaires, alors c'est la recommandation n° 10 à la page 12 qui concerne la désimputation. Pour nous, c'est très clair qu'en enlevant les articles 326 à 329 ça va engendrer une discrimination des employés à l'embauche. Alors, les entreprises pourraient préférer ne pas embaucher ces travailleurs-là. Présentement, on comprend que, si on embauche un travailleur qui a une condition préexistante ou un handicap et que la situation s'aggrave, il pourra effectuer un partage des coûts avec la CNESST et le fonds général. Avec les changements proposés, les coûts seront imputés directement à l'entreprise. Alors, c'est clair que, d'une part, il risque d'y avoir de la discrimination. On va pénaliser les travailleurs mais également les employeurs qui choisissaient d'embaucher ces travailleurs-là.

Recommandation n° 11, à la page 13, inclure une obligation de considérer les facteurs contributifs externes au travail pour mieux encadrer la reconnaissance des maladies professionnelles. Nos membres sont très favorables à ça. La préoccupation, c'est qu'on ne tienne pas compte des facteurs externes au travail qui pourraient avoir un impact sur l'état de santé du travailleur. Alors, il faudrait apporter des précisions, notamment s'il s'agit de maladies de nature psychologique qui sont incluses.

Là, je ne sais pas ce qu'il me reste comme temps vu que je ne le vois pas. Je ne sais pas si...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, il vous reste une minute.

Mme Proulx (Véronique) : Alors, je vais conclure. Je vais conclure. Alors, en conclusion, MEQ souhaite un régime qui est souple et simple à administrer. Je pense qu'on a une opportunité de le revoir, de le repenser. Nos 15 recommandations s'articulent autour de nos quatre principes, qui sont vraiment primordiaux pour le secteur manufacturier : agir dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, s'assurer de ne pas alourdir le fardeau administratif des entreprises, s'assurer de limiter les coûts additionnels, s'assurer d'avoir un régime compétitif, et, finalement, vraiment amener un changement de culture au sein de la CNESST, une culture d'accompagnement, ce qui va être bénéfique pour nos travailleurs mais également pour tous nos employeurs.

Alors, sur ce, je vous remercie, puis, encore une fois, MEQ offre son entière collaboration au gouvernement dans les suites de l'étude du projet de loi et des règlements qui seront publiés. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Nous allons donc débuter la période d'échange, alors, avec M. le ministre en premier. Vous disposez de 16 min 30 s.

• (10 h 30) •

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Bon matin, Véronique, Marie-Ève. Content de vous revoir dans le contexte de cette commission parlementaire là. J'aimerais d'abord vous remercier pour votre engagement, pour votre contribution à l'étude de ce projet de loi qui est vraiment fondamental pour les acteurs, les partenaires du marché du travail au Québec. Et que vous souscriviez, au nom des Manufacturiers et exportateurs du Québec, aux objectifs de ce projet de loi là, je trouve ça extrêmement bénéfique.

Peut-être quelques précisions, Véronique, et quelques questions, là, ainsi que Marie-Ève. Oui, on modernise. Il faut s'assurer que la CNESST ait une vision d'accompagnement, puis c'est le rôle qu'on tente d'accomplir le plus rapidement ou le mieux possible pour soutenir les entreprises, mais je rajouterais à accompagnement des mandats d'information puis de formation, parce qu'il y a beaucoup de PME manufacturières au Québec qui vont avoir besoin de ça, et ça ne passera pas toujours par les associations sectorielles paritaires et les conseillers en ressources humaines, mais aussi par les intervenants de la CNESST, pour s'assurer que ça soit mis en application de façon harmonieuse et respectueuse des réalités particulières des entreprises manufacturières.

Véronique, tu m'as proposé de te donner l'opportunité de parler de la recommandation 3, l'assignation temporaire. Bon, on sait que l'assignation temporaire... quand une personne doit s'absenter en raison d'une lésion professionnelle, c'est une prérogative de l'employeur d'assigner un travail temporairement à la personne, évidemment en respectant des conditions qui sont prévues dans la Loi sur les accidents de travail. Il faut que ce soit bénéfique, il faut que ça soit favorable à la réadaptation du travailleur. Mais vous demandez de mettre en place un processus de contestation des décisions en lien avec l'assignation temporaire. J'aimerais vous écouter sur ce point.

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Alors, écoutez, sur ce point-là, en fait, là... puis je donne un exemple qu'un employeur nous a partagé, parfois, on va recevoir un papier du médecin qui dit, bien, le travailleur ne peut plus travailler de minuit à 8 heures. Et là on a ce papier-là puis on n'a pas plus d'information. Puis là on comprend que, maintenant, on va avoir plus d'information via les limitations fonctionnelles, mais ce qu'on demande, là, c'est d'avoir un canal de communication, d'être partie prenante pour s'assurer, encore une fois, que l'on puisse trouver le plus rapidement possible le bon poste, la bonne solution pour le travailleur.

Et vous savez, et vous le mentionnez souvent vous-même, vous parlez de l'importance du dialogue social, du consensus d'impliquer les parties prenantes, dans le fond, on demande d'être impliqués dans ce processus-là pour réussir à trouver une solution qui soit viable pour l'employeur et le travailleur.

M. Boulet : Est-ce que, Véronique, vous allez jusqu'à demander, par exemple, si le médecin du travailleur considère que l'assignation temporaire n'est pas bénéfique pour lui, que l'employeur ait la possibilité de contester cette décision-là ou ce refus-là du travailleur?

Mme Proulx (Véronique) : Je vais commencer puis je vais laisser Marie-Ève compléter, mais je pense que oui, ça nous prend un mécanisme pour être capable d'avoir, un, un échange, de la communication, puis, deux, s'il y a une mésentente, d'être capable d'aller plus loin. Marie-Ève?

Mme Labranche (Marie-Ève) : C'est exactement ça. Puis on ne veut pas alourdir non plus la judiciarisation des dossiers, ce n'est pas ça, l'intention, c'est vraiment d'avoir un moyen de faire entendre la voix des employeurs dans le processus.

M. Boulet : Parfait. Après ça, bon, vous parlez de la prépondérance du médecin traitant, que c'est un facteur alourdissant les processus. Puis, bon, vous référez, bien sûr, à Morneau Shepell, on en a parlé beaucoup au début de la semaine, il y avait des analyses comparatives de coûts, et nous devions conclure à ce que les retours au travail, plus ils sont faits promptement, plus ils diminuent les risques de chronicisation. Donc, que les mécanismes d'accès à la réadaptation avant la date de consolidation soient admis, ça, je pense que c'est une avancée qui est considérable, puis un meilleur encadrement de l'année pendant laquelle le travailleur cherche un emploi puis qu'il reçoit sa pleine indemnité, jusqu'au moment où il exerce un emploi ou qu'il refuse sans motif valable un emploi qui lui est offert, qui respecte, bien sûr, sa capacité résiduelle d'emploi. Mais votre titre, c'est : Prépondérance du médecin traitant, un facteur alourdissant le processus. Est-ce que vous... est-ce que, Véronique, tu peux nous donner un exemple qui est patent, qui illustre le fait que ce soit alourdissant?

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Je laisserais peut-être Marie-Ève compléter parce que c'est elle qui a beaucoup échangé avec nos membres.

Mme Labranche (Marie-Ève) : Oui. Dans le fond, il y a des gens qui nous disaient, dans le processus, justement, de... bien, si on prend juste l'assignation temporaire, on y faisait référence tout à l'heure, les allers-retours entre le médecin, là, de proposer une solution, le médecin revient... donc, tu sais, les allers-retours que ça prend, ça alourdit le processus, ça allonge le temps de retour de l'employé au travail. Il y a des gens aussi qui nous disaient que cette prépondérance-là peut se retrouver aussi dans... exemple, ils vont donner des traitements de physiothérapie, mais il n'y a pas de limite à ça, donc là ça fait 100 traitements de physiothérapie, par exemple, que la personne a, il n'y a pas de limite. À quel moment on arrête ça? Comment on peut s'assurer que, tu sais... Dans certaines provinces, il y a un stop qui est mis. Cette prépondérance-là n'existe pas dans le mécanisme de la SAAQ, de l'assurance-emploi, par exemple, ni dans ce qui se fait ailleurs, là. Vous faisiez référence à Morneau Shepell, il l'explique bien dans son rapport. Donc là, c'est ce questionnement-là qu'on a par rapport à la prépondérance, dans le fond, du médecin traitant.

M. Boulet : Bien compris. Merci, Marie-Ève. Pénurie de main-d'oeuvre, j'apprécie que vous souligniez cet élément-là parce que, quand on regarde les données statistiques de 2018, il y a eu au-delà de 100 000 lésions professionnelles. Si on transposait ça en personnes, en temps de travail, ça représente à peu près 36 000 travailleurs qui auraient travaillé à temps complet, n'eût été ces absences-là en raison de lésions professionnelles. Évidemment, on ne sera jamais capable de les éliminer, hein, ni les accidents de travail ni les maladies professionnelles, mais le but de la modernisation, c'est de réduire le taux, le nombre, et aider à répondre au défi collectif de pénurie de main-d'oeuvre que nous avons. Et, quand on parlait d'un retour plus prompt, réadaptation avant consolidation et meilleur encadrement de la période de recherche d'emploi en offrant les services publics d'emplois du MTESS pour aider la personne à réintégrer le marché du travail, c'est des objectifs qui sont évidemment visés.

Violence conjugale, vous dites, dans votre mémoire : Que veut dire concrètement «devrait raisonnablement savoir»? On a reçu une professeure de l'UQAM, puis, tu sais, c'est surtout... Il va y avoir énormément de formation à faire, puis on en est conscient, parce que la violence conjugale en milieu de travail, ça ne se détecte pas si simplement, tu sais. Mais il y a des symptômes qui sont plus faciles à identifier, là, comme les ecchymoses, l'anxiété, la détresse, l'absentéisme, les retards au travail, les réponses au téléphone répétitives, mais il y aura certainement de l'information puis de la formation à faire. Et je comprends que... votre point, les employeurs ne veulent pas se transformer en intervenants en violence conjugale. Il y a, par exemple, on soulignait le cas... ça se peut que la personne nie aussi sa problématique de violence conjugale, et jusqu'où irait la responsabilité de l'employeur dans des circonstances comme celles-là? Mais je pense que vous faites bien de le souligner.

Véronique, qu'est-ce que tu dirais s'il y avait des suggestions aux employeurs d'adopter des politiques en matière de violence conjugale, comme c'est le cas en matière de harcèlement psychologique et sexuel, pour les guider dans les façons... pas leur permettant de se transformer en intervenants, mais pour mieux les orienter? Qu'est-ce que tu en penses?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, dans la mesure où ça vient bien encadrer, baliser puis accompagner les employeurs, oui, on n'est pas... on est ouverts à ça, on y est favorables. Mais je veux juste revenir à la notion d'accompagnement, puis je vais faire le lien avec ce que vous avez dit tout à l'heure, que la CNESST peut faire davantage d'information puis de formation. Pour moi, l'accompagnement, c'est beaucoup... là, j'ai juste le terme en anglais, c'est du «one on one», c'est en individuel, c'est d'être capable... Parce que les gens reçoivent beaucoup d'information, O.K., de la CNESST, de plein d'autres ministères, alors les gens n'arrivent pas à s'y retrouver. Alors, si on veut arriver, par exemple, avec un guide par rapport à ça, bien, ça va prendre un moyen pour la CNESST de pouvoir, oui, informer, mais aussi être là pour répondre aux questions, de voir comment ça s'applique. Il va falloir aller un petit peu plus loin dans la transmission d'informations, dans la notion d'accompagnement, pour pouvoir aider, surtout les PME. La grande entreprise, c'est une chose, mais la PME, elle n'a pas beaucoup de ressources de dédiées à ça. Alors, il ne faut pas que ça soit juste un guide, une politique qui se retrouve, en quelque part, dans un tiroir, puis personne ne la connaît puis personne ne comprend comment l'interpréter.

• (10 h 40) •

M. Boulet : Écoute, Véronique, ce n'est certainement pas l'intention, bien, en tout cas, dans le projet de loi n° 59, de transformer l'employeur puis de lui mettre un habit d'intervenant. Tu sais, il y a les CALACS, il y a les maisons d'hébergement, il y a beaucoup de ressources externes qui prennent en charge, ça fait que, comme le professeur Cox nous disait, c'est que l'employeur agisse à titre de pivot pour bien orienter la personne. Puis, tu sais, ultimement, la personne qui est victime de violence conjugale n'a pas la même efficacité, n'a pas le même taux de productivité. Je pense que ça permet d'en retirer des avantages, que tout le monde soit gagnant, là, dans un processus comme celui-là.

Dernier point, Véronique, la notion de handicap, pour les partages de coûts, je veux écouter ce que vos membres ont pu dire sur... Bon, il y a eu des courants de jurisprudence, là, je n'embarquerai pas dans tous les détails techniques, là, mais on m'informait récemment que 5 % des coûts des entreprises qui sont au taux de l'unité faisaient l'objet d'une désimputation. Et moi, j'ai toujours eu... puis c'est compatible avec la perception que j'ai, c'est que les partages de coûts fondés sur la notion de handicap non défini, actuellement, bénéficiaient beaucoup aux grandes entreprises, qui font beaucoup de demandes de partage, qui sont désimputées. Ils sont déresponsabilisés, dans une certaine mesure — puis je pense que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve connaît bien cette réalité-là — puis les coûts sont assumés par le fonds général, donc par l'ensemble des employeurs, indépendamment de leurs régimes de financement, qu'ils soient au rétrospectif, au personnalisé, au taux de l'unité. Mais les PME québécoises ne sont pas... ne font pas beaucoup de demandes de partage de coûts, parce qu'il n'y a pas le même impact, parce qu'ils sont au taux de l'unité. Puis le fait que seulement 5 % des coûts assumés par les entreprises qui sont à ce régime-là soient désimputés, je me demande, Véronique, est-ce que... c'est quoi l'écho de vos membres sur cette... parce que, là, on vient définir la notion de handicap.

Mme Proulx (Véronique) : Oui. En fait, j'aurais envie de le prendre autrement, c'est-à-dire que, si on amène le changement qui est proposé, les grands employeurs — ce sont eux qui utilisent davantage ces articles-là — vont être beaucoup moins tentés d'embaucher des travailleurs qui arrivent avec certains handicaps. Il va y avoir une discrimination, qu'on le veuille ou non. Alors, ils vont nécessairement... Il va y avoir une discrimination. Ils vont moins embaucher ces travailleurs-là. Donc, ils ne seront pas... ils n'auront pas à payer cette facture-là directement, si vous le voulez, et ces travailleurs-là vont se retrouver sur le marché du travail ailleurs ou dans d'autres entreprises, mais je trouve qu'on vient pénaliser à la fois ces travailleurs-là et à la fois des entreprises.

Présentement, c'est quand même un système qui fonctionne, qui permet à ces gens-là de se trouver un emploi, puis là, bien, probablement des emplois bien payés aussi, parce que les grands employeurs offrent de bonnes conditions. Alors, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on veut le changer. J'ai l'impression qu'on va pénaliser les deux groupes en le faisant autrement. Je ne sais pas si...

M. Boulet : Véronique, c'est simplement parce qu'actuellement, selon l'état de la jurisprudence, dès qu'une condition est... même si elle est asymptomatique, à peu près n'importe quoi, une maladie ou une déviation par rapport à une norme médicale est reconnue comme étant un handicap. La notion de handicap n'étant pas définie, n'importe quoi ou à peu près justifie une désimputation. C'est la raison pour laquelle notre définition se colle sur celle de l'Office des personnes handicapées du Québec, dans la loi, sur l'exercice de leurs droits, et c'est sûr que c'est plus serré.

Puis il y avait un courant de jurisprudence qui était quand même assez fort à cet effet-là, qui est devenu, de plus en plus, un courant moins suivi, non majoritaire, mais c'est pour s'assurer que ce soit véritablement les personnes handicapées avant la survenance de la lésion professionnelle qui permettent à un employeur de faire une demande de partage de coûts et d'être désimputé. C'est de juste mettre un frein à la désimputation.

Puis je comprends le point. Est-ce que ça peut nuire à leur employabilité? Bien, tu sais, s'ils sont véritablement handicapés, les employeurs vont savoir en les embauchant que, s'ils ont des lésions professionnelles, ils vont faire des demandes de partage de coûts. Puis, comme la commission des droits nous dit, tu sais, tu ne peux pas faire des examens médicaux préembauche, là, avant d'avoir fait une offre d'emploi conditionnelle au préalable. Mais je comprends le point. Mais c'est ce que vos membres vous disaient : Laissez ça tel que c'est?

Mme Proulx (Véronique) : Exactement, oui.

M. Boulet : O.K. Ça va. Véronique...

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. le ministre, il reste deux minutes, alors... Allez-y.

M. Boulet : Oui. Alors, j'allais conclure. Merci beaucoup, Véronique, Marie-Ève, de votre travail de préparation, de votre contribution, de votre engagement. Je sais que les MEQ sont un des partenaires présents au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et Véronique est une partisane, bien sûr, du paritarisme que nous vivons au Québec.

Et, Véronique, sachez, encore une fois, je le répète, puis je vais toujours prendre soin de le répéter, c'est un projet de loi, je sais qu'il est perfectible, et on va travailler en équipe avec les collègues pour le bonifier, pour faire en sorte qu'il soit le plus respectueux des intérêts de tout le monde. Évidemment, des fois, les intérêts sont un peu polarisés, mais on va trouver des voies de passage, moi, j'en suis convaincu, pour faire plus de prévention, pour mieux indemniser puis s'assurer d'avoir des travailleurs et des familles en santé au Québec pour répondre aux besoins des entreprises et respecter les droits aussi des travailleurs et des travailleuses. On va sûrement... Véronique, d'ailleurs, on se parle aussi assez régulièrement, ça fait qu'on va se revoir bientôt. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Merci pour le bel échange. Nous continuons avec, maintenant, le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Mme la Présidente, comme toujours, M. le ministre, à la fin, quand il parle, il me lance des messages que j'aime beaucoup. J'ai hâte à voir ces voies de passage, j'ai vraiment hâte, mais pas en virtuel, M. le ministre, un face-à-face pour voir vos voies de passage.

Mme Proulx, Mme Labranche, merci. Excusez-nous, ça peut être... parfois, on a besoin de cet échange avec le ministre, parce que... Ça nous enlève quelques secondes, c'est vrai, mais on a besoin de ça, parce que c'est de longues journées que nous vivons.

Merci beaucoup pour votre rapport, 15 recommandations, deux qui m'ont beaucoup interpellé, c'est par rapport à la pénurie de main-d'oeuvre, merci de souligner ça. Un chiffre qui m'a extrêmement... un chiffre alarmant, pour moi, c'est le taux d'emploi. Vous avez mentionné, si ma mémoire, elle est bonne, 96 %, ça veut dire que... et ça, avant les projets de relance économique. Donc, c'est à suivre, et merci de nous le ramener sur la table. Six recommandations sur la lourdeur administrative, six à l'égard du coût. Bravo! Je pense que ça fait le tour de votre secteur, et surtout par rapport à ce projet de loi — Mme la Présidente, arrêtez-moi à la septième minute, pour ne pas me faire chicaner par mon collègue le député de Robert-Baldwin, parce qu'il a aussi d'autres questions.

J'ai deux questions, Mme Proulx. Premièrement, j'aimerais bien vous entendre sur un point qui m'a un peu... En fait, c'est votre première recommandation. Vous dites : Moderniser la vision de la CNESST, et vous basez votre argumentaire à la lumière de ce que nous avons vécu avec la COVID. Je pense que c'est un... vous êtes parmi les groupes, les rares groupes qui ont soulevé cette... d'une manière très claire, moderniser la vision de la CNESST. J'ai entendu beaucoup de critiques, et vous avez vu le projet de loi, ce projet de loi rajoute des éléments supplémentaires à la charge de la CNESST. Le ministre, aujourd'hui, à quelques reprises, il a insisté d'une manière indirecte que, si la CNESST a besoin de moyens, il va les mettre, et le ministère va les mettre sur la table. J'entends, j'en prends bonne note, mais, quand vous dites : Moderniser la vision de la CNESST, est-ce que vous pouvez être beaucoup plus explicite? Est-ce que ça veut dire qu'en date d'aujourd'hui, si on ne fait rien, on risque de rater la cible et, si on va de l'avant avec le projet de loi n° 59 et on ne modernise pas la CNESST, bien, on va frapper un mur?

Mme Proulx (Véronique) : Alors, merci pour la question. La réponse, c'est oui. Moi, je pense que... Quand je parle d'un changement de vision, je reviens à ce que je disais, ça prend vraiment un changement de culture profond. Présentement, ce que nos membres nous disent puis ce qu'ils vivent, c'est : Les inspecteurs de la CNESST sont vraiment en mode coercitif. Alors, on est n'est pas là pour échanger, on n'est pas là pour trouver des solutions, puis là ils débarquent dans notre usine, on veut s'assurer, là, qu'ils ne trouvent rien. On n'est pas en mode ouverture, on n'est pas en mode collaboration, puis ce n'est pas constructif.

Alors, si on veut changer cette approche-là, bien, ça passe par un changement de culture, ça passe par des gens qui ont une approche d'intervention — je vais utiliser le terme «intervention», je pense que c'est le bon — qui est différente. Puis l'exemple de la COVID, c'est un petit exemple, là. Je veux dire, le guide manufacturier, il y a des choses beaucoup plus complexes sur lesquelles la CNESST doit agir, mais, quand même, c'est un exemple très simpliste qui nous démontre qu'il y a un guide qui est publié, qui est envoyé en entreprise, puis les gens se font dire, bien, voici les mesures à mettre en place. Et là la grande entreprise, elle a cinq, six, 10 ressources dédiées à ça, mais la PME, là, elle a des ressources très, très limitées, vous le savez, alors c'est là où on a besoin de cette culture d'accompagnement là, et ça demande un changement de cap.

M. Derraji : Et vous avez raison, parce que, si on voit les milieux d'éclosion, présentement, je ne pense pas que le guide est la meilleure façon de voir. L'implication du secteur manufacturier... et je l'ai toujours dit, que le secteur manufacturier est un collaborateur avec le gouvernement, mais on ne doit pas être juste en mode coercitif, comme vous l'avez mentionné, mais plus collaborer.

J'espère que le ministre prend bonne note de ce que vous venez de dire, parce que je pense que c'est un drapeau rouge, M. le ministre, qui a été soulevé par le MEQ, que vous connaissez très bien et que vous respectez, j'en suis sûr et certain. Je pense, moi aussi, je lance le message aujourd'hui, ça nous prend un changement de culture et de vision à l'intérieur de la CNESST pour plus vous épauler dans vos démarches. Je pense qu'au niveau de la vision c'est très clair.

Un autre point, c'est impliquer l'employeur dans le processus d'assignation temporaire et d'accommodement raisonnable. Est-ce que vous pouvez éclairer un peu les membres de la commission. Qu'est-ce que vous voulez dire par «l'assignation temporaire», «l'accommodement raisonnable»? J'imagine que c'est pour trouver les solutions qui sont favorables?

• (10 h 50) •

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Je reviens à ce que je disais tout à l'heure, dans le fond, là, l'employeur, il faut qu'il soit partie prenante de la conversation, de la discussion. On est très forts, au Québec, sur le paritarisme, sur le consensus. Bien, ça doit s'appliquer là aussi. L'employeur, il faut qu'il soit là, il faut qu'il soit autour de la table, il faut qu'il puisse échanger pour trouver une solution qui soit viable. Si on le met à l'écart puis on ne l'implique pas du tout, il n'a aucun moyen de pouvoir contribuer à la mise en place d'une solution qui soit viable.

Puis, encore une fois, je rappelle, on est dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Ce qu'on veut, c'est ramener les gens le plus tôt puis dans des postes qui correspondent à leurs capacités puis à leurs limitations. Alors, impliquez-nous dans le processus.

M. Derraji : Oui. Qu'est-ce que vous pensez de la solution que le ministre a utilisée tout à l'heure en parlant des lésions? Je pense qu'il a énoncé un chiffre de 150 000, je ne sais pas, est-ce que vous avez entendu ça? Vous parlez de la pénurie, il ne vous a pas...

Mme Proulx (Véronique) : Ah! oui, oui, c'est le nombre de personnes, oui.

M. Derraji : 158 000, oui. Bien, pensez-vous que c'est une bonne solution?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, c'est-à-dire que, quand on voit le nombre de personnes, là, je n'ai plus le chiffre en tête, moi non plus, là, mais ça...

M. Derraji : Bien, le ministre peut répondre, Mme la Présidente, je pense, juste pour nous confirmer. 158 000 ? Juste pour le mettre sur la même...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Le micro.

M. Boulet : 36 000 travailleurs à temps complet, pour l'année 2018, s'il n'y avait eu aucune absence pour lésion professionnelle, imagine, alors que la pénurie de main-d'oeuvre, Monsef... cher collègue...

M. Derraji : Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave.

M. Boulet : ...était à peu près 120 000 postes vacants avant le début de la pandémie. Imagine l'impact que ça aurait pu avoir. Mais ça illustre l'importance de moderniser, en fait, l'urgence de le faire.

M. Derraji : Oui. Donc, Mme Proulx, est-ce que la solution que vous avez mentionnée, de vous impliquer dans les processus d'assignation... Est-ce que ce chiffre de 36 000, il risque plus de vous aider si on a une autre façon de voir l'accompagnement et le retour de l'employé au travail?

Mme Proulx (Véronique) : Bien sûr, bien sûr, 36 000, c'est énorme. C'est énorme. Et l'objectif, c'est d'en ramener le plus vite possible, alors je pense que ce qu'on met de l'avant va nous aider à les ramener plus rapidement puis à pallier à la pénurie, absolument.

M. Derraji : Oui. Merci, Mme Proulx. Merci, Mme Labranche, j'ai tellement de questions, mais mon collègue a aussi de très bonnes questions. Merci à vous deux.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors nous donnons la parole au député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, bonjour. Merci d'être là. Mon collègue, en effet, il est très généreux, mais je dois toujours me plaindre, là, il a posé la question que, moi, j'allais poser aussi, alors là on va se répéter. Non, non, c'est une blague, mais j'aimerais qu'on puisse parler un peu, Mme Proulx, de la question des coûts et de la nécessité de maintenir un secteur manufacturier compétitif, surtout en ce qui concerne nos voisins, nos voisins directs, les compétiteurs et partenaires, Ontario, États-Unis, etc.

Le secteur manufacturier, bien sûr, c'est un des piliers de l'économie québécoise, et, dans le secteur manufacturier, l'exportation est un des piliers du secteur manufacturier. Donc, les coûts de production et le contrôle des coûts jouent un rôle important. Bon, là, je pense que nous sommes tous d'accord avec ça. Maintenant, avec cette réforme, qui est nécessaire, des lois sur la santé et sécurité au travail, prévention des accidents, vous avez mentionné, dans votre mémoire, dans votre présentation, que ça peut mener à une augmentation des coûts pour les entreprises. Pourriez-vous, peut-être, nous éclairer un peu plus là-dessus?

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Alors, merci pour la question. Si je regarde, il y a plusieurs recommandations à l'égard des coûts, puis, effectivement, le régime coûte plus cher qu'ici, ça a un impact sur notre compétitivité. Alors, pour nous, c'est important que le projet de loi, bien au contraire, le rende plus compétitif.

Alors, le premier exemple que j'avais donné, c'est celui de la désimputation. Le fait de changer ces articles-là, ça va faire en sorte qu'on va ajouter des coûts additionnels significatifs à certaines entreprises. J'ai un grand employeur, puis c'est vrai que les grands employeurs seraient davantage concernés, qui nous mentionnait, puis c'est juste pour vous donner une idée d'ordre de grandeur, mais que ça pourrait représenter un coût additionnel de 1 million à 2 millions par année directement à cette entreprise-là. Alors, ça va de soi que, quand je parle de compétitivité, d'impact financier, c'est quand même significatif, alors que, présentement, c'est amorti sur un fonds général, tout le monde se partage ce coût-là, ce qui est correct aussi parce que c'est une clientèle très précise qui est touchée par cette mesure-là.

Dans les recommandations qu'on avait, également, qui ont peut-être un impact plus significatif sur le coût, toute la question de la surdité. Je ne l'ai pas abordée tout à l'heure, mais on voit qu'il y a vraiment une augmentation de coûts... une augmentation des réclamations au niveau de la surdité et qu'il y a une croissance des coûts significative. Alors, d'une part, on voit que les réclamations se font beaucoup chez les gens de 70 ans et plus. Assurons-nous, dans un premier temps, que les gens qui réclament, que ce soit vraiment en lien avec la surdité, ce soit en lien avec le milieu professionnel.

Et deuxièmement il y a un exemple très simpliste qu'on a donné, qui fait plein de sens, c'est de dire, en Ontario, il y a une négociation qui se fait avec les fabricants d'équipements, avec le gouvernement pour s'assurer d'avoir des prix qui... d'avoir un certain contrôle sur les prix. Alors, est-ce que c'est quelque chose que le gouvernement du Québec pourrait mettre en place? Je pense que oui, et ça aurait un impact, encore une fois, sur les coûts du régime.

Ensuite, Marie-Ève, est-ce que tu pourrais compléter un peu, dans les autres recommandations qui sont en place, peut-être, avec des choses plus spécifiques ou concrètes?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Brièvement, parce qu'il ne reste que 40 secondes.

Mme Labranche (Marie-Ève) : O.K. Je vais faire ça rapidement. Donc, dans la partie... la recommandation 15, par exemple, qui ajoute des sanctions administratives pécuniaires qui pourraient avoir un impact sur certains employeurs, donc, ça, ça vient aussi rejoindre notre questionnement sur le droit de gestion de l'employeur dans l'article 36 et 37, mais c'est un ajout supplémentaire.

M. Leitão : Très bien. Juste une dernière chose, très rapidement, plutôt un commentaire parce qu'on n'aura pas le temps pour la réponse. Les personnes handicapées, je pense qu'en période de pénurie de main-d'oeuvre... bien, en tout temps, mais en période de pénurie de main-d'oeuvre, je pense qu'on doit faire un effort, les employeurs doivent faire un effort supplémentaire pour aller chercher ces personnes-là qui peuvent travailler, qui veulent travailler. Donc, je pense qu'il y a là un bassin important de travailleurs potentiels qu'on doit aller chercher, dans tous les cas, mais notamment en ces jours-ci de pénurie de main-d'oeuvre. Voilà, c'est tout. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Proulx, Mme Labranche. Bienvenue. Je voudrais aller sur votre recommandation n° 4, sur la question de la prépondérance du médecin traitant. C'est un thème qui est très, très contesté, qui est très central dans ce projet de loi là, qui fait l'issu de beaucoup de débats... l'objet de beaucoup de débats, et puis je suis quand même inquiet que plusieurs associations patronales reviennent avec cette demande-là de limiter la prépondérance du médecin traitant.

D'une part, parce que je trouve qu'il y a quelque chose d'assez violent envers le travailleur, travailleuse qui a son médecin traitant qui est la personne qui le suit. C'est un peu, je trouve, aussi irrespectueux pour le médecin traitant, comme s'il n'était pas capable d'être la bonne personne pour identifier les bonnes choses à faire pour son patient. Puis finalement je suis particulièrement inquiet sur la question de la surjudiciarisation. On est les champions, au Québec, les tristes champions de la surjudiciarisation, en bonne partie parce que les employeurs, souvent, ne veulent pas avoir une cotisation qui va potentiellement augmenter à cause des cas qui se multiplient en amont parce qu'ils n'ont peut-être pas fait assez d'effort pour prévenir. Donc, quand on attaque la prépondérance du médecin traitant, n'y a-t-il pas un énorme danger d'enchérir et de rajouter à la surjudiciarisation qui est déjà en cours dans le milieu de la santé et sécurité?

Mme Proulx (Véronique) : Merci pour la question. Je vais tenter de répondre à chacun des points. D'une part, ce qu'on voit... parfois, ce n'est pas toujours le médecin de famille qui va rencontrer le patient. On va aller à la clinique d'urgence et, d'une fois à l'autre, le médecin... ça va être différents médecins qui vont voir le patient. Donc là, ça, c'est un premier point. Alors, quand on faisait référence, tu sais, au médecin, je pense qu'il faut soulever ce point-là.

Deuxièmement, l'idée, ce n'est pas que le médecin n'ait pas de rôle, c'est de mieux concentrer son rôle et de donner les étapes subséquentes à quelqu'un d'autre, qui peut être un agent de CNESST, comme ça se fait dans d'autres provinces, pour qu'il y ait un accompagnement, puis quelqu'un qui a plus de temps aussi. L'enjeu qu'on a avec les médecins traitants, c'est qu'ils n'ont pas toujours le temps à consacrer à toute la démarche, donc ça alourdit le processus. Ça fait que l'idée, ce n'est pas que le patient soit mal accompagné, c'est de le faire autrement pour arriver à un meilleur résultat, plus rapidement aussi. Je ne sais pas, Marie-Ève, si tu veux compléter là-dessus?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 30 secondes.

Mme Labranche (Marie-Ève) : Oui, puis ça ne néglige pas non plus rien en matière de prévention. Vous avez fait allusion à la prévention aussi. Ce n'est pas de négliger non plus tout l'aspect de prévention en amont, ça, c'est certain, mais c'est vraiment de plus pouvoir, justement, concentrer son rôle pour faciliter, en fait, le retour à l'emploi le plus rapidement possible, puis de mettre aussi un cadre de limites, comme on parlait tout à l'heure.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec, maintenant, le député de Bonaventure. Vous disposez également de 2 min 45 s.

• (11 heures) •

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes Proulx et Labranche. Hier, on a eu un groupe qui est venu nous présenter un mémoire, c'est une firme d'agents de prévention en sécurité. Et ce qu'il nous disait, c'était que la CNESST était assez permissive, c'était la philosophie de la tape dans le dos qui n'était absolument pas agressive. Et là, aujourd'hui, vous nous dites, à la recommandation 1, qu'il faut changer la culture de la CNESST parce qu'elle est trop coercitive, et vous voulez de l'accompagnement. Ça fait que, là, bien, je pense qu'on a deux positions complètement opposées, des gens sur le terrain qui nous disent qu'on a un nombre considérable d'accidents parce qu'il n'y a pas d'implicabilité des entrepreneurs et que les agents de la CNESST laissent passer des choses, et vous nous dites le contraire. Pouvez-vous essayer de m'expliquer la contradiction?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, puis c'est intéressant ce que vous dites. En fait, nous, quand on a échangé avec certains employeurs, quand ils ont des cas, tu sais, ils ont des échanges avec leurs avocats, des personnes externes, ils leur disent : Vous n'êtes pas chanceux, dans votre région, là, à la CNESST, là, les dossiers passent facilement, on peut facilement avoir accès à la CNESST lorsqu'on a une blessure quelconque. Alors, je pense qu'il y a une inadéquation dans la façon que les choses sont mises en place en fonction des régions et des conseillers qui sont en place. Puis ça, ce n'est pas... je veux dire, on voit ça dans d'autres types d'organisations, dans d'autres types de ministères, mais je pense qu'il y aurait lieu, je reviens à la culture, de standardiser, d'uniformiser puis de commencer par une culture d'accompagnement.

Puis c'est clair que, s'il y a des employeurs fautifs, bien, ça prend des mesures coercitives, ça, il n'y a pas d'enjeu là, au même titre que, s'il y a des employés qui ne collaborent pas, qui ne respectent pas les normes, qui ne respectent pas le processus de retour, ça prend des mesures là aussi. Mais moi, je commencerais par, un, une culture d'accompagnement puis, deux, de s'assurer qu'il y a une cohérence puis que les agents soient formés de la même façon pour intervenir adéquatement.

M. Roy : Donc, vous préconisez une amélioration des compétences, au niveau du personnel de la CNESST, pour avoir de la cohérence à l'ensemble du Québec. Sauf que vous... moi, en tout cas, de la manière que j'avais compris, c'était que, si quelqu'un est pris en défaut, bien, c'est la sanction tout de suite et non pas la tape dans le dos, puis la... Parce qu'encore une fois notre... les statistiques démontrent qu'on est une des provinces les plus dangereuses en termes d'accidents de travail. Et là vous me parlez d'accompagnement, et puis ce qu'on nous dit, c'est que l'approche coercitive, pas assez forte. Ça fait que, là, donc, je comprends votre message, vous demandez une professionnalisation plus poussée, de l'ensemble des agents, avec une approche cohérente.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, tout à fait.

M. Roy : C'est bon.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Bien, écoutez, merci. Merci, Mme Proulx, Mme Labranche, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, nous suspendons quelques instants pour mieux accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 02)

(Reprise à 11 h 10)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, maintenant, nous accueillons ou nous souhaitons la bienvenue à M. Salgado, qui représente le Collectif des organismes de défense des droits des personnes en situation de handicap. Alors, M. Salgado, je vous invite à vous présenter ainsi que votre titre avant de commencer votre exposé.

Collectif des organismes de défense des droits des
personnes en situation de handicap

M. Salgado (Dominique) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, membres de la commission, Mmes, MM. les députés, je suis Dominique Salgado, directeur général du Comité d'action des personnes vivant des situations de handicap et également membre du Collectif des organismes de défense de droits des personnes en situation de handicap.

Nous voulons exprimer aujourd'hui nos vives préoccupations et inquiétudes liées au projet de loi n° 59 proposant une modernisation du régime de santé et sécurité du travail totalement discriminatoire envers les personnes ayant des incapacités. C'est d'ailleurs la première fois que nous pouvons le faire. En tant que représentant et membre d'un collectif composé de plus d'une quinzaine d'organismes voués à la défense des droits des personnes vivant des situations de handicap, nous souhaitons indiquer que nous n'avons pas été consultés, avant le dépôt du projet de loi, sur la réflexion et les intentions du ministre.

Nos observations s'orientent sur certains principes de base d'une politique instaurée, au Québec, il y a maintenant plus de 31 ans. Ainsi, le 18 janvier 1990, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, se dotait d'une politique d'imputation. Un cadre juridique est ainsi défini par l'adoption de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette politique avait été créée, notamment, pour favoriser l'employabilité des personnes ayant des incapacités, tel que le stipule l'article 329 de la loi, et c'est important de le rappeler.

Chaque jour, nous apprenons les différents enjeux auxquels sont confrontées les personnes handicapées sur le marché du travail, et ce, même à compétence égale. Une personne vivant avec des limitations a moins de chances d'être convoquée en entrevue qu'une autre personne sans handicap. Imaginez maintenant dans le cas d'une lésion professionnelle lorsque vous êtes une personne handicapée. En fait, une grande inquiétude règne actuellement, car ce projet de loi pourrait créer un préjudice à l'embauche et au maintien en emploi d'une catégorie de travailleurs spécifiques, notamment les personnes handicapées.

En vertu de l'article 97, qui vient modifier l'article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, le projet de loi introduit de nouvelles notions à la définition «travailleur handicapé». On parlera désormais d'incapacité significative et persistante, d'obstacles ou d'activités courantes, sans toutefois préciser davantage leur signification. Les risques de ces changements sont énormes, puisque, dans le cas d'une lésion professionnelle, le problème ne sera plus orienté vers l'accident de travail, mais plutôt vers le handicap de l'employé. C'est comme si on voulait imposer le principe du pollueur-payeur à une personne vulnérable. C'est tout à fait discriminatoire et honteux. Ce qui veut dire que, dans un cas de lésion professionnelle, certaines dispositions du projet de loi limiteront très sérieusement la possibilité, pour les employeurs, d'obtenir un partage de coûts avec la CNESST. Et, à titre d'information, 20 % des travailleurs ont une incapacité au Québec.

Et que nous propose ce projet de loi comme solution? Un brassage de structure comportant des écueils majeurs susceptibles de venir miner l'équité du système. Rien, dans le projet de loi n° 59, ne traite des réels enjeux de façon à améliorer l'intégration ou encore le maintien en emploi des personnes ayant des incapacités, et vous nous voyez déçus. Nous avons beau lire, relire et analyser ledit projet de loi en détail, nous n'arrivons pas à répondre aux questions suivantes : À partir de quel diagnostic ou analyse le ministre propose-t-il des ajouts ou des modifications dans le but de favoriser les personnes ayant des incapacités? À quel enjeu ou besoin répond-il concrètement? En quoi les propositions sont-elles bénéfiques pour l'inclusion des personnes handicapées? Par ce projet de loi, le ministre éteint plutôt la voix d'estime, d'espoir des personnes handicapées en matière d'emploi. Ce projet de loi aura des impacts néfastes pour les personnes handicapées sur le marché du travail, mais le plus préoccupant, Mme la Présidente, dans le projet de loi n° 59, est bien sûr le recul sans précédent qu'il fait subir à la société québécoise.

C'est connu, au Québec, notre régime est conçu de façon à ce que plus un milieu de travail est risqué, plus les primes d'assurance payées par l'employeur sont élevées. L'employeur est donc responsable des coûts associés aux situations qu'il aurait pu prévenir. Pas surprenant de constater que le système de financement de la CNESST incite à exclure les personnes susceptibles de coûter cher, de coûter plus cher. Le marché privé des assurances encourage d'ailleurs les entreprises à éviter d'embaucher des personnes susceptibles de prendre des congés de maladie. Et, déjà, la Loi sur la santé et sécurité du travail motive une certaine discrimination à l'embauche. Conséquence, les employeurs justifient les questionnaires à l'embauche portant sur le handicap et les impacts fonctionnels... les limitations fonctionnelles en se référant aux articles 49 et 51.

En limitant la mutualisation des coûts pour ces situations hors de contrôle de l'employeur, le projet de loi n° 59 risque de nuire directement à l'embauche de personnes pouvant être plus susceptibles de subir un accident. Sans ce partage des coûts, qui, pensez-vous, prendra la chance d'embaucher un travailleur ayant encore des séquelles d'un accident ou encore un travailleur ayant une maladie pouvant laisser présager une convalescence beaucoup plus longue si un événement malheureux survenait? C'est pourtant pour favoriser l'employabilité de ces personnes que le gouvernement avait mis en place ces règles dans notre régime il y a plus de 31 ans.

Malheureusement, lorsque l'on parle d'intégration au marché du travail des personnes handicapées, on parle encore et toujours de marginalisation. Définir un être humain par son handicap, c'est oublier le coeur, le ventre et l'esprit qui représentent l'essentiel de chaque individu. Dans les faits, disons-le fermement, le ministre souhaite se débarrasser des personnes ayant des incapacités sur le marché du travail, qui sont devenues dérangeantes et probablement trop coûteuses pour l'État. Pourquoi modifier un régime qui fonctionne déjà très bien, avec plusieurs conditions gagnantes? Que reproche-t-il au modèle actuel? Pourtant, ce régime protège les personnes handicapées des entreprises depuis plus de trois décennies.

Chaque année, nous lançons un cri d'alarme aux employeurs afin de les sensibiliser à l'intégration et au maintien en emploi... ayant des incapacités. Nous le savons, plusieurs personnes handicapées sont en mesure d'occuper un emploi dans divers secteurs d'activité. Pourtant, il s'avère qu'elles demeurent nettement sous-représentées sur le marché de l'emploi, et ce, même dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Les études révèlent qu'un milieu de travail plus inclusif est bon pour les affaires. La recherche démontre aussi que les pratiques d'emplois accessibles aident les entreprises à réduire le roulement du personnel, à améliorer l'assiduité, à mobiliser les employés et à rehausser le moral à l'interne. Cela permet également d'obtenir de meilleurs résultats en matière de croissance des revenus. Des enquêtes indiquent aussi que les personnes handicapées rencontrent plus d'obstacles que les personnes sans incapacité lorsqu'elles veulent poursuivre leurs études ou encore intégrer le marché du travail.

Ainsi, nous considérons que le ministre devrait faire marche arrière pour revenir au statu quo qui prévalait et qui permettait à notre régime de jouer son rôle d'assurance en mutualisant les risques associés à ces conditions personnelles. Notre droit rend la discrimination basée sur le handicap rentable, et ce projet de loi, tel que présenté par le ministre, risque malheureusement d'aggraver la situation. Nous dénonçons donc l'aspect indéniablement discriminatoire envers l'embauche et le maintien des personnes handicapées au Québec. Le choix du ministre a pour effet de discriminer les personnes handicapées, en vertu des droits et libertés de la personne, et il viendra affaiblir les bases juridiques du nouveau modèle proposé.

En résumé, Mme la Présidente, ce projet de loi ne répond aucunement à nos souhaits et risque de donner plus de pouvoirs à l'État, sans en donner nécessairement aux personnes vulnérables et aux entreprises. Il installe un climat de méfiance parmi les principaux acteurs du marché du travail et dévalorise, du même coup, les personnes handicapées. Nous demandons donc aux parlementaires de surseoir à son adoption telle que présentée. Nous invitons le gouvernement à voir plus loin. Le modèle actuel peut-il s'améliorer? Assurément. D'ailleurs, nos commentaires se veulent constructifs.

Mme la Présidente, pour l'une des rares fois au Québec, nous avons l'occasion de défendre, aujourd'hui, les droits et les intérêts des personnes handicapées devant les membres de cette commission, et nous vous en remercions, mais décidément ce projet de loi va à l'encontre de ce que nous prônons, c'est-à-dire un régime juste, équitable et inclusif. Merci, Mme la Présidente.

• (11 h 20) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, pour ce touchant exposé. Nous allons débuter maintenant la période de questions avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Salgado, du don de votre présentation, de la qualité de votre mémoire, parce que je pense qu'on partage le même intérêt pour l'intégration puis le maintien en emploi des personnes en situation de handicap.

Je pense que ça me donne l'opportunité de dire qu'en ce qui concerne la notion de handicap que nous intégrons dans la loi il n'y en avait pas, de définition de handicap, avant. Donc, tu sais, les gens me demandent : C'est quoi, de la désimputation? Quand une lésion professionnelle, dans ton environnement de travail, est imputée, on appelle ça... tu reçois... tu as à assumer les coûts avec un facteur de chargement inhérent à la lésion professionnelle. Et, quand une personne avait ce qu'on appelle un handicap, avant la survenance de la lésion professionnelle, ça permet, par exemple, à l'employeur de dire : Moi, je demande un partage des coûts, je veux être désimputé de tous les coûts qui découlent du handicap qui préexistait à la survenance de la lésion professionnelle. Donc, par exemple, si une période normale de consolidation et de guérison est de quatre semaines, et que ça prend 40 semaines, et que l'employeur dit : Il y a 36 semaines de la période d'absence qui découlent du handicap préexistant, je veux être désimputé de tout ce qui découle du handicap préexistant.

La problématique, M. Salgado, c'est que, de ne pas définir la notion de handicap, ça fait en sorte que les grands employeurs se sont tous lancés dans des demandes de partage de coûts, et obtenant des désimputations, parce que la notion de handicap n'étant pas définie, elle est interprétée de façon extrêmement large. C'est la raison pour laquelle... puis on me le demande tout le temps : Définissez, définissez, précisez, précisez. Les lois au Québec, comme partout sur la planète, on a besoin d'avoir des paramètres assez clairs.

Or, ce que nous avons fait, M. Salgado, on a travaillé avec l'Office des personnes handicapées du Québec et on a mis la définition, exactement la même définition que celle apparaissant dans la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. Et on a reçu l'aval total de l'Office des personnes handicapées du Québec à cet égard-là. Donc, il ne faut pas mélanger les pommes et les poires, là, cette notion-là de handicap n'a pas une si grande incidence sur l'employabilité des personnes. Puis, si on me démontrait le lien de causalité entre la définition de la notion de handicap et l'employabilité des personnes en situation de handicap, je serais le premier à sursauter.

Je vous rappellerais d'ailleurs que, depuis notre arrivée au pouvoir, parce que, là, c'est un autre corridor que vous empruntez, on a embauché au-delà d'une trentaine d'agents d'intégration des personnes en situation de handicap. On travaille beaucoup avec le ROSEPH, que vous connaissez, le regroupement des organismes spécialisés dans l'embauche des personnes en situation de handicap. On a investi 238 millions dans une vaste stratégie nationale d'intégration et de maintien en emploi des personnes en situation de handicap. Et on est constamment à l'affût, bon, parce que ça ne relève pas que de moi, de mes collègues à la santé, de mon collègue aux services sociaux qui s'occupe particulièrement des personnes en situation de handicap.

Et enfin, au-delà de cette sensibilité-là qu'on a exprimée à travers ces politiques, je veux que vous sachiez qu'au-delà de la définition on a, dans le projet de loi n° 59, je ne sais pas si vous les avez analysées, intégré, pour la première fois dans l'histoire de la santé et sécurité du travail au Québec, l'obligation d'accommodement raisonnable. Vous savez, depuis l'année 2018, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Caron, vous connaissez sûrement les détails de cette décision-là, dit : L'obligation d'accommodement raisonnable d'une personne qui a un handicap au sens de la charte, ça s'applique aussi en matière de lésions professionnelles, alors qu'avant les tribunaux avaient des décisions qui étaient un peu variables, qui disaient : Bon, quand c'est une lésion professionnelle, puis il y a des limitations fonctionnelles, la personne a accès à de la réadaptation, puis c'est un accommodement législatif, alors que, maintenant, le projet de loi n° 59 vise à adapter nos lois à la réalité jurisprudentielle découlant de l'affaire Caron et d'intégrer l'obligation d'accommodement raisonnable, qui est assumée ultimement par l'employeur, mais la CNESST va jouer un rôle d'accompagnement puis un certain rôle décisionnel pour s'assurer qu'au moment de la réadaptation, avant la date de consolidation, l'employeur y soit assujetti.

Pour la première fois de l'histoire, M. Salgado, on parle de retour progressif, puis ça, c'est particulièrement novateur, mais, dans le projet de loi n° 59, on parle de retour progressif au travail. Puis ça peut être... quand on parle de handicap, bien, il y a des handicaps intellectuels et physiques. Puis il faut favoriser le retour et le maintien en emploi des personnes qui sont handicapées, qui avaient des situations de handicap avant la survenance de leurs lésions professionnelles et qui ont un accident de travail ou une maladie professionnelle, en permettant, à l'occasion, de faire un retour progressif au travail.

Je vous dirais que l'OPHQ nous mentionnait récemment, et je vous lis, M. Salgado : «De nombreuses dispositions proposées par le projet de loi n° 59 visent à élargir l'accès ou à préciser la couverture du régime d'indemnisation pour les [...] victimes d'accidents de travail. Les changements proposés présentent un fort potentiel pour favoriser l'intégration et le maintien en emploi des [personnes] travailleurs handicapés.» Alors, c'est l'opinion de l'OPHQ, et moi, je suis relativement fier.

Ceci dit, M. Salgado, on n'a pas la science infuse, hein, on n'a pas le monopole de toutes les vérités. Si, lors de l'étude détaillée article par article, il y a des choses qu'on peut améliorer pour favoriser l'employabilité... Puis tout ne relève pas du régime de santé et sécurité, parce qu'il y a beaucoup de vos commentaires qui réfèrent à l'application de lois qui relèvent du ministère de la Santé, de lois qui relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux, de lois qui relèvent de mon ministère ou de lois comme celle des normes du travail, le Code du travail du Québec. Et malheureusement, dans la loi santé-sécurité, la Loi sur les accidents du travail, on ne peut pas aller au-delà de l'objet qui est visé, de la mission non plus de la CNESST.

Mais je suis relativement fier de dire, puis vous êtes sûrement un partisan du devoir d'accommodement raisonnable, pour la première fois, c'est intégré dans nos lois et ça fait partie du régime. Et, je le répète, M. Salgado, si vous avez des idées, parce que vous parlez de honte puis vous utilisez parfois une sémantique qui me surprend, si vous avez des idées, des suggestions, des recommandations qui nous permettraient de faire évoluer le projet de loi n° 59, moi, je serai tout à fait ravi de recevoir vos commentaires écrits et de vous écouter sur l'intégration, le maintien en emploi des personnes handicapées, aussi de façon parallèle à la révision ainsi que la modernisation du régime de santé-sécurité du travail.

Sur ce, peut-être que... Est-ce que vous avez une... Vous avez lu, j'imagine, la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Caron. Est-ce que vous êtes en mesure de m'entretenir sur le parallèle du contenu de cette décision-là et ce qui est dans le projet de loi n° 59 et peut-être me faire une suggestion ou une recommandation pour améliorer ce qui est dans le projet de loi?

• (11 h 30) •

M. Salgado (Dominique) : Bien, d'abord, merci, M. le ministre, de répondre, finalement, à nos questionnements. Je ne commenterai pas l'affaire Caron, là, évidemment, c'est hors de mon champ de compétence.

J'aimerais revenir sur vos termes, quand vous parlez de ne pas mélanger les pommes et les poires, je reprends votre expression. Oui, vous avez consulté l'OPHQ, qui est l'Office des personnes handicapées du Québec, qui est, en fait, un véhicule gouvernemental, mais, malheureusement, vous avez oublié de consulter le communautaire, les organismes qui, comme le nôtre, sont là depuis 41 ans et auraient eu des choses intéressantes à vous dire à l'intérieur du projet de loi avant même d'en présenter un verbatim à l'Assemblée nationale. Ceci étant dit, nous faisons de la défense de droits, et l'OPHQ ne fait pas de défense de droits, l'OPHQ, évidemment, va dire à peu près le même langage que ce que vous allez énoncer.

Je veux revenir aussi à votre stratégie nationale. C'est intéressant d'apprendre que vous avez investi 238 millions de dollars, mais ce serait aussi intéressant de dire aux gens qu'Emploi-Québec a aussi un quota sur les chances d'emploi qui sont réservées aux personnes handicapées. Un quota de 230 chances d'emploi, imaginez. Vous connaissez le potentiel des employés. Au Québec, les personnes prestataires de solidarité sociale se chiffrent à 125 000 personnes. Ces personnes-là sont prêtes et aptes au marché du travail, et Emploi-Québec les limite à 230 chances.

Vous voyez, encore là, il y a une question d'ambiguïté dans la volonté même, le souhait politique que vous souhaitez faire et l'action concrète sur le terrain. Donc, vous voyez un peu aussi l'inquiétude, en fait, des gens chez nous. Les chances se... C'est déjà tellement compliqué, en fait, pour une personne handicapée d'obtenir un emploi, parce que, déjà, en entrevue, évidemment, il y a un accessoire que vous, vous ne pouvez pas cacher, ou d'autres, évidemment, qui est soit un fauteuil roulant, ou un déambulateur, ou quoi que ce soit, donc, et cet élément fait en sorte qu'évidemment, déjà, en partant, le regard ou encore l'intérêt de l'employeur démontre beaucoup seulement dans le silence envers la personne.

Nous, ce qu'on croit, évidemment, c'est que ce projet de loi là ne risque pas d'améliorer la situation. Lorsqu'une personne handicapée postule pour un emploi, au Québec, il faut savoir que la personne handicapée veut le signaler à l'employeur, qu'elle est une personne à mobilité réduite, exemple. Et, à côté de son nom, il y aurait un petit logo avec un fauteuil roulant. Déjà, l'employeur, aussitôt qu'il voit le fauteuil roulant, bien, c'est déjà trop compliqué pour lui, alors pourquoi le convoquer en entrevue?

Donc, nos craintes, c'est que ce projet de loi là nous amène dans un cercle vicieux. On dit souvent que le diable se cache dans les détails, et, malheureusement, je dois vous mentionner qu'il y a beaucoup d'éléments qui font en sorte que ça laisse trop de place à l'interprétation et à l'employeur de pouvoir décider à peu près ce qu'il veut faire avec un futur employé ou pas du tout.

M. Boulet : O.K. M. Salgado, j'aurais aimé avoir des recommandations spécifiques au projet de loi n° 59. Je vais prendre le temps de relire votre mémoire, mais sachez qu'on est en travail continuel avec le ROSEPH, là, qui fait partie du réseau communautaire, que vous connaissez bien, qui s'intéresse et qui a comme mission centrale l'intégration et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap. Et je pense qu'on a pris une longueur d'avance pour le nombre de contrats d'intégration au travail, que nous avons augmenté de façon considérable.

Et évidemment on travaille aussi beaucoup aussi avec la corporation qui s'occupe des entreprises adaptées. Et je suis allé aux Journées Québec à Paris, j'ai rencontré une ministre qui est responsable des personnes en situation de handicap, puis on comparait ce qui se faisait en France par rapport au Québec, puis, à bien des égards, tu sais, une entreprise adaptée, au Québec, c'est dès qu'il y a 60 % et plus des personnes qui sont en situation de handicap qui y travaillent, alors qu'en France c'est 80 %. Et même, en France, ils trouvaient qu'à bien des égards on avait un environnement qui était progressiste, en faveur des personnes en situation de handicap.

Évidemment, c'est une discussion qui est parallèle, là, je comprends, à l'étude que nous faisons du projet de loi n° 59. Ceci dit, je le répète, on a tenté d'être beaucoup plus précis, mais, si un de mes collègues, dans l'étude détaillée, puis je vous en assure, M. Salgado, est en mesure d'identifier un article qui nuit ou qui crée des effets discriminatoires, que ce soit direct ou indirect, à l'égard des personnes en situation de handicap, on va faire les modifications qui s'imposent, parce qu'on vit dans une société, puis vous m'avez probablement déjà entendu y référer, qui se veut la plus inclusive possible.

Puis, tu sais, à chaque fois qu'on parle de pénurie de main-d'oeuvre, on en a parlé avec le groupe qui vous a précédé, je réfère aux personnes en situation de handicap. Puis, au MTESS, là, je ne rentrerai pas dans les détails, là, mais, dans les investissements qui proviennent du Fonds de développement du marché du travail, on a probablement des montants qui sont deux fois supérieurs au nombre que constituent les personnes en situation de handicap. Puis même les personnes qui reçoivent des prestations de solidarité sociale, M. Salgado... puis j'aimerais ça éventuellement qu'on ait l'opportunité d'en discuter, comment mieux les intégrer et les maintenir en emploi, parce qu'il y a des personnes qui sont autistes, qui sont trisomiques ou qui ont d'autres types de handicaps qui travaillent. Même quand on parle de robotisation, j'ai vu des personnes en situation de handicap travailler à côté d'environnements de travail hyperautomatisés, avec des robots. C'est des personnes pour lesquelles la société québécoise, j'en suis convaincu, a énormément de considération. Ça fait que je pense qu'il faut être fiers plutôt que d'avoir honte de ce qu'on fait.

Puis, encore une fois, on n'est pas parfaits, on est perfectibles. Les personnes en situation de handicap, je suis un de ceux qui dit : On n'en fera jamais assez, puis, si on peut faire mieux et plus, on va le faire. Ceci dit, en matière de désimputation, en matière de devoir d'accommodements raisonnables, je pense qu'on a fait des pas considérables en avant. Puis, s'il y a des pas qui ne sont pas totalement en avant, on corrigera le tir.

Puis je profite de l'occasion pour vous remercier de votre présence, de votre contribution puis de votre engagement, qui m'apparaît totalement sincère, pour la cause des personnes en situation de handicap au Québec. Merci beaucoup, M. Salgado. Content de vous avoir rencontré, puis on aura certainement l'occasion d'en rediscuter à une autre occasion. Merci beaucoup.

M. Salgado (Dominique) : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. M. Salgado, merci de votre présence et, surtout, de venir éclairer les membres de la commission.

Vous étiez parmi les premières personnes à se manifester par rapport à l'enjeu et vous avez mentionné, au mois de décembre, que vous pensez que c'est une injustice envers les personnes handicapées. Vous avez dit que la CNESST pourrait exiger des précisions ou des examens supplémentaires. Actuellement, la commission ne demande rien en plus qu'un document appelé Avis de l'employeuret demande de remboursement. Ça, c'est au niveau du document ADR.

Vous avez même parlé d'un exemple sur l'impact de ces changements et vous avez mentionné que les travailleurs handicapés... vous avez donné l'exemple d'un membre de votre équipe atteint d'ostéogenèse imparfaite, appelée aussi maladie des os de verre, et, si l'employé venait à se fracturer un bras au travail, l'employeur devrait alors prouver à la commission, à la CNESST l'ensemble des notions incluses à l'article afin d'avoir accès au fonds d'indemnisation. On parle toujours de l'article 329. Vous avez dit aussi : C'est une injustice totale pour les personnes vivant avec des incapacités. À la lumière de ce que je viens de dire et à la lumière de ce que le ministre vient de vous partager, est-ce que vous êtes rassuré aujourd'hui?

M. Salgado (Dominique) : Bien, écoutez, je vois que le ministre nous ouvre la porte grande ouverte, et, oui, effectivement, on va la prendre. On aura des recommandations. Je l'invite fortement à lire minutieusement le mémoire, qui a été déposé il y a au-dessus de ça, 48 heures. Les inquiétudes demeurent toujours, effectivement, puis c'est ce qu'on entend de la part de nos membres.

En fait, lorsqu'on lit certaines propositions dans le projet de loi, certaines personnes me disent : Bien, est-ce qu'il faut... il faut quasiment s'excuser d'être une personne à mobilité réduite en entreprise. Est-ce qu'il va falloir justifier encore plus, je vous dirais, nos conditions face à une autre personne sans handicap? Et ça, tout de suite en partant, c'est une forme de discrimination, voyez-vous? Lorsqu'on parle de l'examen médical préemploi qui serait limité à ceux qui se font offrir officiellement un emploi, ça a même été approuvé par la Commission des droits de la personne, écoutez, on a un problème avec ça, là, parce que les employeurs ont le droit de poser, sur leur questionnaire d'embauche, cette question, qui est acceptée par la commission, la question qui est : Avez-vous des limitations fonctionnelles qui vous empêchent d'effectuer l'emploi postulé? Alors, les personnes en réadaptation avec limitations fonctionnelles doivent le mentionner lorsqu'elles postulent en emploi. Donc, pas besoin d'examen médical préemploi pour ne pas embaucher une personne avec un handicap, il suffit tout simplement d'avoir des yeux. Un accessoire, un fauteuil roulant, on ne peut pas le cacher, là, comprenez-vous? Et il y a des handicaps, comme la déficience intellectuelle, qui n'est pas visible à nos yeux.

Il serait important, aussi, de faire le parallèle entre une déficience physique et une déficience intellectuelle. Les gens confondent également, là. Donc, ça aussi... Alors, c'est beaucoup, beaucoup de détails, je me répète, lorsque je mentionnais à M. le ministre que le diable se cache dans les détails. Effectivement, obérer injustement aussi pourrait nous faire jaser longtemps sur le sujet. Donc, il y a plusieurs éléments où nous ne sommes pas à l'aise, tels que présentés dans ce projet de loi.

• (11 h 40) •

M. Derraji : Et je tiens juste à préciser quelque chose, que votre mémoire contient aussi pas mal de propositions. Surtout, vous parlez de la notion de l'employeur, obérer injustement... sera retirée des articles 326 et 328 de la LATMP, l'article de la loi LATMP, 327, l'article 329. Je peux aussi ajouter pas mal d'articles... en fait, de recommandations dans votre projet de loi, mais je vais me limiter à une citation et j'aimerais bien savoir votre point de vue. Ça vient du directeur des affaires publiques et gouvernementales du CPQ, qui disait : «Ces modifications ne permettront plus aux employeurs d'obtenir des partages de coûts selon le cadre actuel de la loi. Les termes ajoutés resserrent considérablement le cadre actuel, voire même rendent presque impossible une désimputation sur la base de cette disposition.» Ça, ça a été le Conseil du patronat du Québec, donc je ne pense pas que vous êtes seul dans ce combat. Avez-vous eu des contacts ou des discussions avec le représentant du patronat par rapport à leur point de vue au niveau de la définition que le projet de loi rajoute à l'article 329?

M. Salgado (Dominique) : Pas directement avec le Conseil du patronat, mais avec des experts-conseils en la matière. En fait, tout ça laisse place à l'interprétation. Juger une personne selon son handicap et non selon ses compétences, ça aussi, c'est discriminatoire. Donc, il y a beaucoup de zones grises à travers tout ça. Ce qu'on souhaite, plutôt, c'est qu'on réclame le statu quo pour les articles 326 à 329. On croit fermement qu'en gardant ces articles tels quels, bien, ça demeure une formule gagnante pour tout le monde. Donc, pourquoi modifier un système qui fonctionne très, très bien et qui réussit à favoriser l'embauche et le maintien en emploi des personnes déjà handicapées? Et il ne faut pas oublier, comme je le mentionnais en préambule, que tout ça a été créé dans le but, justement, de favoriser l'embauche des personnes ayant des incapacités, là.

M. Derraji : L'article, tel qu'il est présenté aujourd'hui, s'il n'y a pas d'amendement, est-ce que, selon vous, ça va être un recul par rapport à l'intégration des personnes handicapées au niveau du marché du travail?

M. Salgado (Dominique) : Ah! bien, il est clair que oui. S'il n'y a pas de modifications qui sont apportées, effectivement, ça va faire en sorte que ça va démotiver les personnes handicapées à postuler sur des emplois en sachant très bien qu'elles devront être confrontées. Déjà, elles sont confrontées au marché de l'emploi, imaginez s'il faut qu'une personne se justifie avant même de pouvoir passer une entrevue. C'est horrible, ce que ces personnes ont à vivre également aussi, là.

M. Derraji : Mais, M. Salgado, le ministre vient de vous dire, et on l'a bien entendu, que, s'il y a quelque chose qui démontre qu'il y a de la discrimination envers les personnes handicapées, qu'il est prêt, avec l'ensemble des membres de la commission, de l'étudier. Donc, à la lumière de ce que vous venez d'entendre de la bouche du ministre, à la lumière du contenu du projet de loi, c'est quoi, selon vous, la meilleure façon que les membres de cette commission... comment on peut répondre vraiment à vos préoccupations et aux préoccupations de vos membres?

M. Salgado (Dominique) : Bien, je comprends les bonnes intentions du ministre, je n'ai pas de doute là-dessus. Par contre, nous sommes en période de pandémie, actuellement, là, et on a tous été bousculés par, évidemment, l'étude de façon assez rapide dans ce projet de loi là. Évidemment, il y a des coquilles, en certains endroits, que probablement personne autour de la table ici n'ont vues, là. Et donc c'est un peu cet empressement-là aussi qui nous inquiète. On risque de gagner quoi de faire adopter ça le plus rapidement possible, là? Je veux dire, est-ce qu'on peut extensionner? Est-ce qu'on peut prendre le temps d'étudier les différents alinéas qui sont proposés? Donc...

M. Derraji : Mais...

M. Salgado (Dominique) : Puis je voudrais juste, M. Derraji, terminer là-dessus, en fait : depuis le début de cette pandémie, les personnes handicapées ont été oubliées totalement par le gouvernement. On a beaucoup parlé des personnes âgées, bravo!, mais il ne faut pas oublier aussi une classe importante de la société, qui sont les personnes handicapées.

M. Derraji : Oui. Je vous entends, M. Salgado, et je vais revenir au projet de loi n° 59. Combien il me reste de minutes, Mme la Présidente, parce que j'aimerais bien... Deux?

En fait, je comprends votre préoccupation par rapport à la lecture qu'on doit avoir de projet de loi, mais je tiens à vous rassurer qu'on va prendre le temps. Il n'y a personne qui va nous obliger à aller trop vite dans l'étude article par article. Je note très bien que le ministre nous ouvre la porte et qu'il est prêt. Nous avons l'habitude de ça, dans notre commission, d'étudier ça en collégialité. Donc, ne vous inquiétez pas qu'on va avoir l'oeil par rapport aux articles qui vous touchent et touchent vos membres.

Je pense que mon collègue de Robert-Baldwin, Mme la Présidente, a une question aussi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui. Alors, la parole est à vous.

M. Leitão : Très bien. Merci. Bonjour, M. Salgado. Bonjour.

M. Salgado (Dominique) : (S'exprime dans une langue étrangère)

M. Leitão : (S'exprime dans une langue étrangère) Écoutez, j'ai beaucoup apprécié votre présentation. Je ne suis pas avocat, donc j'ai trouvé que l'explication de M. le ministre était un petit peu trop... à mon goût, en tous les cas, beaucoup trop technique, bureaucratique, et, vraiment, moi, je n'ai pas compris. Je m'excuse, M. le ministre, je n'ai pas bien compris. Alors, j'aimerais juste clarifier rapidement avec vous, selon vous, la situation, aujourd'hui, avant l'adoption du projet de loi n° 59, c'est une situation avec laquelle les handicapés du Québec peuvent fonctionner, le régime fonctionne. Les changements qui sont proposés par le projet de loi, à votre avis, constituent un net recul, et ça va difficulter la vie aux personnes handicapées. Est-ce que je résume bien la situation?

M. Salgado (Dominique) : Absolument. Absolument, puis, surtout, comme je parlais à votre collègue, surtout, ce qui nous chicote, c'est les articles de 326 à 329, dans le projet de loi, là, qui viennent vraiment, là, ternir la situation. Et c'est déjà compliqué pour une personne handicapée de pouvoir décrocher un emploi sur le marché du travail, imaginez avec ce qu'on amène dans le projet de loi, là, ça risque de compliquer les choses, épouvantablement, là.

M. Leitão : Oh oui, moi, écoutez, je connais plusieurs personnes handicapées qui essaient de se trouver un travail et réussissent, des fois, et ce qui me dérange le plus, dans toute cette problématique, c'est cette notion de maladie, là. Une personne handicapée n'est pas malade, voyons donc! Un handicapé peut très bien contribuer et veut contribuer à la société.

M. Salgado (Dominique) : Tout à fait. C'est pour ça que j'expliquais tantôt aussi, souvent, malheureusement, les gens ne font pas la différence entre une déficience intellectuelle et une déficience physique. Ce n'est pas parce qu'une personne est à mobilité réduite, est en fauteuil roulant... ne comprendra pas ou ne saisira pas ce qu'on va lui amener. Je travaille... J'ai des gens autour de moi, là, qui sont en fauteuil roulant depuis des années puis qui ont des doctorats, puis des maîtrises, puis, sans aucun problème, là, ils fonctionnent, comme vous et moi, là. Donc, l'idée c'est l'inquiétude. On veut lancer un cri d'alarme parce qu'on est inquiets.

• (11 h 50) •

M. Leitão : Merci beaucoup. On a bien écouté. Merci.

M. Derraji : M. Salgado, votre cri d'alarme est entendu, et ne vous inquiétez pas, on va continuer à travailler ensemble. J'ai bien entendu l'ouverture du ministre, soyez rassuré, on va suivre ça de près.

M. Salgado (Dominique) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons maintenant avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Salgado. Merci pour votre présentation très ressentie. Quand vous... c'est intéressant, ce que vous disiez par rapport à l'OPHQ. J'avais l'impression que c'est comme si, dans le fond, pour présenter le projet de loi, on avait seulement consulté la CNESST puis on n'avait pas consulté les autres groupes, donc c'est un peu... Ce n'est pas ça qui est arrivé, je l'imagine, que M. le ministre a rencontré les organisations patronales, syndicales avant de déposer son projet de loi, mais, visiblement, pour le volet des personnes handicapées, ce n'est pas la même logique qui s'est appliquée.

M. Salgado (Dominique) : Voilà.

M. Leduc : J'aimerais vous entendre aussi sur l'aspect discriminatoire. C'est un mot que vous avez utilisé, qui est un mot lourd de sens. Est-ce qu'à votre avis... sans non plus se lancer dans des interprétations juridiques, mais est-ce qu'à votre avis, si c'est adopté tel quel, il y aurait des recours qui pourraient être utilisés, en vertu de la charte, pour... contre le gouvernement?

M. Salgado (Dominique) : Ah! absolument, absolument, c'est ce qui peut suivre par la suite. Si c'est adopté tel quel, oui, il y aura des poursuites, il y aura... parce qu'encore là tout se cache dans les détails, à certains niveaux.

Et, pour revenir à l'OPHQ, comme vous mentionnez, qui est un véhicule gouvernemental qui ne représente pas du tout les organismes... Parce que, oui, on a quelques entretiens annuels avec l'OPHQ, rien de plus. Alors, même, pourquoi l'OPHQ — je poserais la question à M. le ministre aussi — pourquoi l'OPHQ ne nous a pas non plus contactés, là? Donc, personne ne nous a contactés. On est un organisme comme d'autres, qui existe au Québec depuis 41 ans, nous faisons de la défense de droits depuis nos premiers jours. Puis amène un projet de loi aussi important au Québec, puis silence radio, on a de la difficulté avec ça, là.

M. Leduc : Je comprends. Puis vous aviez raison de dire aussi que, pendant la crise, ça n'a pas été facile. On s'est battus très fort pour augmenter le chèque emploi-service, notamment.

M. Salgado (Dominique) : Oui.

M. Leduc : Ça a été long. Il y a eu une motion, avant les fêtes, mais, en tout cas, bref, on continue cette bataille-là. Vous n'êtes pas seuls. Merci.

M. Salgado (Dominique) : On attend encore, oui. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Nous poursuivons maintenant avec le député de Bonaventure. Vous disposez également de 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Salgado.

M. Salgado (Dominique) : Bonjour.

M. Roy : Vous allez me permettre une petite réflexion, hein? Le projet de loi, c'est une forme de contrat social qui va définir les conditions d'existence de la population québécoise pour les 40 prochaines années dans un des secteurs du vivre-ensemble les plus importants, qu'on appelle le monde du travail. Puis, à l'intérieur de ça, bien, on retrouve des biais puis des préjugés qui sont en faveur de certains groupes mais qui vont en sanctionner d'autres. On a rencontré des groupes qui nous ont parlé du caractère sexiste du projet de loi.

Maintenant, vous nous amenez un enjeu, qui est celui de la discrimination basée sur, bon, un handicap, et puis ça transpire dans le projet de loi, vous nous l'avez démontré. Mais vous avez soulevé l'enjeu des quotas d'emplois, et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est un autre élément, là, qui pourrait nourrir la réflexion, là, sur les enjeux de discrimination.

M. Salgado (Dominique) : Bien, en fait, écoutez, le modèle actuel du quota qui prévaut actuellement chez Emploi-Québec dans l'intégration en emploi des personnes handicapées fait complètement abstraction, je vous dirais... j'oserais dire, même, de leur dignité, là, en limitant le nombre d'individus qui peuvent faire leur entrée sur le marché du travail. Alors, la dernière stratégie gouvernementale prévoit 130 postes en entreprises adaptées et 100 postes en entreprises régulières par année. Donc, le chiffre, c'est 230, c'est 230 chances d'emploi, alors que le programme de solidarité sociale compte plus de 125 000 prestataires au Québec, dont plusieurs, quasi la totalité, ont le potentiel pour travailler dans un environnement adapté. Alors, ça aussi, c'est un questionnement, là. Si on veut prolonger plus loin la stratégie nationale, c'est bien beau, d'annoncer 238 millions, mais il faut aussi être en mesure de dire : Oui, on sera capables d'en faire une action plutôt qu'un souhait politique.

M. Roy : On vous a entendus, et soyez certains que, lors de l'étude article par article, on va faire valoir vos droits. Merci beaucoup.

M. Salgado (Dominique) : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Salgado. C'est tout le temps que nous disposons. On vous remercie sincèrement pour votre contribution à la commission.

M. Salgado (Dominique) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous suspendons quelques instants pour donner l'opportunité au prochain groupe de s'installer. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 11 h 59)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, nous souhaitons la bienvenue au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Alors, messieurs, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Avant de le commencer, je vous invite à bien vous présenter, et ensuite vous pourrez vraiment faire votre exposé.

Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction-International (CPQMCI)

M. Trépanier (Michel) : Mme la Présidente, Mmes, MM. les parlementaires, M. le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, bonjour à tous. Je tiens d'abord à vous remercier pour le privilège que vous accordez à notre organisation afin de vous présenter nos propositions pour cette importante réforme des lois en santé et sécurité.

• (12 heures) •

Je me présente, Michel Trépanier, je suis un chaudronnier de métier et président du Conseil provincial, International, syndicat exclusif de la construction qui représente 45 000 membres au Québec, 500 000 membres au Canada et 4 millions en Amérique du Nord. Je vais également vous présenter mon collègue, Éric Nantel, qui est responsable de la santé et sécurité au Conseil provincial, International, et qui m'accompagne aujourd'hui.

Comme plusieurs intervenants l'ont déjà dit, il y a longtemps que nous attendions une révision des lois en santé et sécurité au travail, et nous sommes soulagés d'enfin d'avoir une discussion. Aujourd'hui, notre rôle est de vous parler d'une industrie particulière qui porte malheureusement le pire bilan en termes de décès au travail, l'industrie de la construction. En effet, alors que nous représentons près de 5 % de la population active au travail au Québec, nous avons... (panne de son) ...des décès... (panne de son) ...accidents de travail... (panne de son) ...maladies professionnelles chaque année. Ces tristes chiffres nous rappellent les risques importants que prennent, tous les jours, les femmes et les hommes qui composent notre industrie. C'est pour eux que nous sommes ici. Au-delà des constats que vous connaissez, il est important de vous amener des solutions qui, selon notre expérience, notre connaissance et celle des spécialistes et les collègues que nous avons consultés partout au Canada, amèneront des résultats concrets.

Je me permets un survol rapide des réalités des travailleurs à travers quelques informations qui parlent d'elles-mêmes : une industrie précaire avec une moyenne d'heures de 1 000 heures travaillées par année, des changements fréquents de chantier et d'employeur, d'un accès inégal à l'industrie en termes de préparation, puisque certains entrent par diplomation, mais d'autres sans expérience ni formation par l'ouverture de bassins, et finalement une loi qui nous régit de façon unique. À la lumière du bilan et de la réalité de l'industrie, une chose est claire, nous ne pouvons pas traiter la construction comme d'autres secteurs et nous devons adapter la législation en conséquence. D'ailleurs, à ce sujet, la législation, en 1979, avait l'intention de prendre des mesures particulières. Cependant, les articles sur la construction ne sont majoritairement pas entrés en vigueur. Nous espérons, dans l'application des paramètres de cette réforme, qu'elle sera imposée cette fois.

Cependant, concernant les solutions que nous proposons, j'aimerais vous en présenter quelques-unes de vive voix. Tout d'abord, l'instauration du rôle du représentant en santé et sécurité mobile en chantier est essentielle pour assurer la protection des travailleuses et des travailleurs et d'éviter que ceux qui font des revendications en santé et sécurité subissent des représailles. Les plus petits chantiers sont ceux où il se produit le plus de problèmes en santé et sécurité. Il est donc essentiel d'avoir une surveillance supplémentaire et indépendante des travailleurs. En effet, vu que cette industrie est en mouvement et que la majorité des employeurs ont cinq salariés et moins, nous ne comprenons pas la logique de limiter l'action des RSS aux chantiers de plus de 10 travailleurs. Pour ce qui est des chantiers de 100 travailleurs et plus, vous trouverez, dans notre mémoire, une liste des chantiers où il y a eu des représentants en santé et sécurité au travail qui ont eu des effets bénéfiques sur les résultats en santé et sécurité.

Aussi, le sujet des RSS nous permet de vous dire un mot sur la réalité des travailleurs. Comme vous le savez sûrement, les travailleuses et travailleurs de la construction n'ont aucune sécurité d'emploi. Il est donc presque impossible pour l'un d'entre eux de dénoncer ou de faire respecter ses droits sans en subir les conséquences. C'est pourquoi nous insistons autant sur l'indépendance des RSS et sur le rôle des syndicats dans leur choix. Afin de favoriser la qualité du travail du RSS, nous proposons l'optimisation des formations existantes à l'ASP Construction et une obligation en continu qui nous assurerait d'avoir des agents qui possèdent des compétences et des connaissances à jour.

Il y a aussi les mécanismes de prévention tels que le programme de prévention et le comité de chantier sur lesquels nous effectuons plusieurs propositions, notamment l'obligation de publier le programme de prévention publiquement. Au niveau du comité de chantier, nous tenons surtout à nous assurer qu'il y a... qu'il soit modifié afin d'acquérir un véritable pouvoir décisionnel et qu'il soit responsable de la diffusion d'information à tous les entrepreneurs afin de nous assurer qu'il n'y a pas d'entreprise à l'oeuvre qui plaide l'ignorance face aux règles de santé-sécurité.

Un autre enjeu que nous avons soulevé dans notre mémoire et qui nous préoccupe est l'application du programme Maternité sans danger dans l'industrie. En effet, à cause de la précarité du lien d'emploi, trop de femmes perdent leurs bénéfices et sont obligées d'utiliser leur chômage pendant leur grossesse, car le lien d'emploi est rompu pour diverses raisons. Nous considérons qu'à partir du moment où la femme enceinte dépose son dossier elle devrait être réputée au travail en tout temps. Aussi, nous désirons que vous portiez une attention particulière à l'appauvrissement des femmes durant cette période car, étant donné que les prestations sont basées sur les revenus des 12 derniers mois et que les femmes font en moyenne 750 heures par année, leurs revenus admissibles sont très bas. Nous espérons que vous trouverez une façon de régler cette situation.

La valorisation de la santé et sécurité est un autre dossier avec lequel nous avons fait plusieurs propositions qui nous tiennent très à coeur. Nous proposons notamment que, comme pour la certification de l'Autorité des marchés financiers, pour authentifier une entreprise exempte de faute à son dossier, le gouvernement établisse une certification santé-sécurité au travail attribuée par une instance neutre et qui sera obligatoire afin d'obtenir des contrats publics. Cette certification devrait se baser sur les meilleures pratiques et sur l'exemple albertain qui a récemment été... qui a implanté son utilisation de l'ISO 45001. Aussi, en termes de valorisation de la santé et sécurité, nous demandons au gouvernement que le coût de la santé et sécurité soit exclu de l'évaluation d'un soumissionnaire. Ces investissements devraient être évalués selon les meilleures pratiques et établis comme un investissement obligatoire en santé et sécurité. Le droit de refus fait également partie de nos représentations puisqu'il serait pertinent de mettre en place un droit de refus collectif pour l'ensemble des employés. Cela amènera une meilleure protection des dénonciateurs, qui seront moins facilement identifiés et moins propices à subir des représailles.

J'aimerais finir dans nos propositions avec celle sur l'amiante et sur la Loi des accidents de travail et maladies professionnelles. En effet, les maladies professionnelles nécessitent un rafraîchissement, mais, surtout, les travailleuses et travailleurs méritent d'avoir une meilleure reconnaissance des maladies telles que l'amiantose, la silicose et toutes celles qui sont issues de l'exposition aux produits nocifs. Je pourrais continuer encore longtemps de vous parler de nos propositions pour une meilleure application pour les amendes, surtout sur les grands chantiers, où les amendes sont tellement basses qu'il n'y a aucun effet dissuasif, ou du médecin traitant que nous espérons voir impliqué activement dans la réadaptation préconsolidation, mais je tenais surtout à vous réitérer que la construction a besoin de mesures uniques et adaptées.

D'ailleurs, à ce sujet, nous désirons vous dire que nous sommes préoccupés par la diminution importante du montant qui détermine la présence d'un coordonnateur en santé et sécurité en chantier, qui passe de 8 à 25 millions. Selon l'analyse d'impact réglementaire du projet de loi, ce sont près de 300 chantiers de moins qui auront une présence dédiée à la santé-sécurité. Nous ne croyons pas que le bilan actuel justifie cette diminution. Chaque année, des hommes et des femmes de notre industrie laissent leur vie en chantier. Ils ou elles décèdent en tentant de gagner leur vie. C'est impensable, inacceptable. Nous comptons sur vous pour prendre les décisions qui éviteront de continuer à avoir le pire bilan en santé et sécurité.

Avant de vous laisser, j'aimerais que nous prenions un moment de silence en hommage à tous les travailleurs et travailleuses décédés en chantier.

Je vous demande de penser à eux car tout ce que nous faisons, c'est pour éviter que la liste des victimes s'allonge. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Trépanier, pour votre exposé très intéressant. Nous allons donc commencer notre période d'échange avec le ministre, M. Boulet, et il dispose de 16 min 30 s.

• (12 h 10) •

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, Michel. Merci, Éric. Content de vous revoir. Merci aussi de la qualité de votre mémoire. Félicitations à ceux qui ont contribué, ceux et celles, bien sûr, qui ont contribué à sa rédaction. Puis le bilan, Michel, auquel tu réfères, bon, je le connais, on en a souvent parlé, le nombre de morts, tu sais, en 2018, 70 morts sur 226, au Québec, étaient dans le secteur de la construction. Et je te dirais qu'un des éléments déclencheurs de la réflexion que nous avons, au Québec, au sein des partenaires du marché du travail quant à la modernisation de la loi accidents et santé, ça relève de ce bilan-là, particulièrement dans le secteur de la construction.

Te rappeler une chose, Michel : tu sais, les articles 203 et suivants de la loi santé et sécurité qui visaient des mesures de prévention et de participation, notamment le comité de chantiers, ça n'a jamais été mis en vigueur. Cette loi-là a été adoptée en 1979, et c'est revendiqué par le monde de la construction depuis tellement d'années. Le secteur de la construction n'est même pas dans les groupes prioritaires 1 et 2, puis même le groupe prioritaire 3, où il y avait les comités, puis le représentant, la prévention, la construction n'était pas là. Donc, la construction, c'est évidemment un autre régime législatif, là, la loi R-20, comme tu le soulignais, mais c'est certainement un secteur, une plateforme importante de déclenchement de la nécessité et de l'urgence de moderniser nos lois.

On a le même objectif, puis moi, j'ai aussi, évidemment, énormément de respect pour le travail de ceux qui sont dans le secteur de la construction. Puis il ne faut pas qu'ils en décèdent, en fait. Chaque décès est préoccupant puis requiert une attention particulière du législateur. On ne pourra pas tout éviter, les blessures corporelles graves, les accidents ou les maladies, mais l'appel que tu fais à avoir des mesures adaptées et spécifiques au secteur de la construction, on l'entend, et tu l'exprimes de façon très claire et très limpide.

Maintenant, Michel, j'aimerais ça t'entendre parler, là, parce que souvent on me dit... tu sais, comme les représentants en santé et sécurité, bon, évidemment, le nombre d'heures varie en fonction du nombre, puis la nomination, mettons, en bas de 100 travailleurs sur un chantier, le représentant en santé et sécurité est nommé par les travailleurs, puis vous parlez qu'il devrait y avoir un représentant mobile qui se promène d'un petit chantier à un petit chantier parce qu'il y a peu de travailleurs, peu d'organisation, puis au moins s'assurer du respect des règles en matière de santé et sécurité. En même temps, je sais que vous avez des représentants syndicaux. Puis je lisais leur mandat, leurs responsabilités, ils s'occupent aussi de santé et sécurité, juste l'appréhension que certains peuvent avoir d'un dédoublement. J'aimerais ça, que tu nous donnes des précisions additionnelles sur ce caractère rotatif là, et comment il serait nommé, puis comment... Puis je comprends bien l'objectif, là, Michel. C'est vraiment d'obtenir des précisions additionnelles.

M. Trépanier (Michel) : Bien, présentement, ce qui nous préoccupe le plus, puis c'est la grosse différence entre l'industrie de la construction puis un milieu en établissement, nous, ce que nous vivons, on vit des situations précaires, on a une situation précaire versus l'emploi. On n'a aucune sécurité d'emploi. Nos travailleuses et nos travailleurs vont travailler de chantier à chantier, d'employeur à employeur dans le courant de l'année. Ils vont travailler, en moyenne, 1 000 heures par année. C'est extrêmement difficile. Puis je rejoins vos propos, hein, M. le ministre, puis je sais que ça vous tient à coeur, le paritarisme. Quand on parle de santé et sécurité, d'un côté, on a les représentants des entrepreneurs qui font de la santé et sécurité, mais, de l'autre côté, on se doit d'avoir des représentants. La problématique, puis c'est réel à notre industrie, vous pouvez le demander à tous les travailleurs, travailleuses, présentement, quand ils voient des enjeux sur la santé et sécurité, la première question — puis, je vous le promets, je suis convaincu que c'est ça — ils se questionnent que, s'ils soulèvent une question en santé et sécurité, est-ce que ça va mettre en péril leur travail? Est-ce qu'ils vont être congédiés à cause qu'ils ont soulevé des points en santé et sécurité? Ça fait qu'en... l'esprit de paritarisme puis de s'assurer de créer un climat confortable. Puis le but, ce n'est pas de retarder les travaux, c'est juste de s'assurer, de part et d'autre, tant l'employeur ou les travailleurs, quand on voit des situations qui peuvent être problématiques en santé et sécurité, que ça se fasse sereinement puis à l'abri des mesures disciplinaires ou des représailles.

Ça fait que l'initiative qu'on avait pensée, du côté des représentants en santé et sécurité, du côté mobile... C'est qu'on sait qu'il y a beaucoup de petits chantiers aussi que ça serait mal avisé. Puis je comprends l'intention de peut-être nommer un travailleur sur le chantier, mais imaginez un travailleur sur un groupe de 10 travailleurs, qu'il faut qu'il laisse sa main pour dire qu'il va être le représentant des travailleurs. Puis ça se peut qu'il se mette à risque puis qu'il se mette à dos l'entrepreneur pour qui il travaille. Dans d'autres milieux d'activité, vu qu'il y a une sécurité d'emploi, c'est possible, je crois, mais, dans notre milieu, c'est impossible.

L'intention, on y croit. C'est pour ça qu'on vous propose une initiative qui est indépendante. Le but, ce n'est pas de dédoubler, mais c'est surtout, pour atteindre l'objectif que je pense que vous voulez atteindre, c'est d'avoir une meilleure efficacité en santé et sécurité puis surtout en prévention. Si on sait que nos travailleurs sont capables d'exprimer des situations conflictuelles en santé et sécurité, on va être capables de prévenir, je suis convaincu, M. le ministre.

M. Boulet : Bien. Est-ce qu'il y a une distinction à faire? Tu sais, comme dans le projet de loi n° 59, on dit : Pour les chantiers de 100 et moins, le représentant en santé et sécurité est nommé par les travailleurs. Est-ce que tu vois une différence? Puis en haut de 100, bien, c'est l'ensemble des associations accréditées, là, qui sont présentes sur le chantier. Est-ce que tu vois une distinction à faire par... Un représentant nommé par les travailleurs, toi, tu sembles dire : Ça devrait être un représentant nommé par le syndicat ou les syndicats. Est-ce qu'il y a une distinction? Et pourquoi faire cette distinction-là? Parce que tu sais, Michel, qu'un des principes à la base de notre modernisation, c'est de permettre au milieu de travail de prendre en charge la santé et sécurité. J'aimerais t'écouter là-dessus, Michel.

M. Trépanier (Michel) : Je suis d'accord avec vous, M. le ministre. Puis, tu sais, je tiens à saluer les initiatives qui ont été mises dans le projet de loi par rapport à la formation obligatoire. Tantôt, on a parlé par rapport à la précarité d'emploi, ne pas mettre un travailleur dans une situation conflictuelle versus son employeur. Du côté des représentants en prévention, ce qui est primordial, du côté syndical, puis il faut prendre la charge, puis on est prêts à prendre cette part-là pour stabiliser notre industrie, c'est aussi la formation continue pour s'assurer de la qualité de la formation de nos représentants. C'est extrêmement dur de garder un suivi pour un travailleur qui se promène d'un chantier à l'autre, tandis que, par nous autres, je pense qu'on est capables, conjointement avec des organismes qui sont reconnus, d'établir un standard élevé pour que tous les travailleurs sachent, quand il y a un représentant en santé et sécurité, qu'ils ont un minimum de formation pour atteindre l'objectif qu'on veut se donner.

M. Boulet : ...puis de souligner le p.l. n° 59 quant à sa préoccupation pour la formation des travailleurs. À mon avis, quand on parle de prévention, la formation devient un incontournable.

Il y a un autre point que tu as soulevé, Michel, qui me préoccupe puis que je ne saisissais pas aussi bien que l'explication que tu as donnée pour le programme de maternité sans danger. Puis, tu sais, tenant compte de l'absence de sécurité d'emploi des travailleuses dans le secteur de la construction, une personne pourrait, par exemple, obtenir un retrait préventif, puis qui est l'équivalent, comme tu sais, d'une demande de réaffectation, mais, dans le milieu de la construction, ce n'est pas évident de réaffecter. Si son chantier finit quelques semaines après, elle ne bénéficie plus des indemnités versées par la CNESST pour remplacer son revenu. C'est ce que tu as expliqué, hein, Michel?

M. Trépanier (Michel) : Oui, exactement. Il y a deux volets qui nous préoccupent. Il y a ce volet-là, vous l'avez dit, M. le ministre, le lien d'emploi se brise aussitôt que le chantier se termine. Ça fait qu'on sait, souvent, la durée de vie d'un chantier peut être de deux semaines, trois semaines, deux mois, on est très malaisés dans cette situation-là. On a un gros problème par rapport à la rétention de nos travailleuses en chantier. Une travailleuse sur deux dans l'espace de cinq ans va quitter notre industrie. Ça fait qu'ici on trouve que c'est une certaine injustice. Je pense que c'est une question d'équité aussi.

Puis il y a l'autre côté qu'on avait parlé, M. le ministre, c'est par rapport le niveau d'heures. Les travailleuses, malheureusement, travaillent beaucoup moins d'heures comparativement aux hommes, ça fait que ça se reflète sur le revenu annuel qui est évalué pour la compensation quand ils sont en retrait préventif.

M. Boulet : ...il y a les prestations d'assurance-emploi... Ce n'est peut-être pas un débat qu'on peut faire, là, dans le cadre du projet de loi, là, parce que... Mais est-ce que c'est un sujet, parce que je sais que vous êtes en période de négociation, là, pour le renouvellement des conventions collectives dans le secteur de la construction, est-ce que c'est un sujet qui a déjà été discuté, ça, la rupture du lien d'emploi dès la conclusion d'un chantier puis l'impact, notamment, sur les travailleuses? Est-ce que ça a déjà été à une table de négo, Michel? Puis là c'est une demande d'information, là, vraiment...

M. Trépanier (Michel) : C'est un sujet très important pour les syndicats. Puis c'est un sujet qui est très important pour nous. Puis c'est un sujet d'actualité. Puis il faut trouver une solution, M. le ministre, parce que... surtout pour le lien d'emploi. Je pense qu'il y a beaucoup de nos travailleuses qui mériteraient d'avoir une certaine sécurité de ce côté-là.

M. Boulet : Oui, bien, je le comprends bien. Avez-vous déjà, par exemple, discuté d'un fonds spécial qui pourrait être constitué par les associations, je ne sais pas, patronales, syndicales, au bénéfice des personnes travailleuses qui vivent des situations particulières comme une maternité, où la continuité du travail peut l'exposer à un risque ou pour l'enfant à naître en raison de l'état de grossesse?

• (12 h 20) •

M. Trépanier (Michel) : Bien, nous, honnêtement, puis c'est une opinion personnelle, M. le ministre, là, présentement, il y a un programme qui est en place que, dans d'autres sphères d'activité en établissement, les travailleuses sont protégées tout le long de leur grossesse, dépendamment du niveau de risques. Nous, avec la réalité qu'on a dans notre industrie, c'est une problématique. Ça fait qu'on pense que les travailleuses auraient le droit à ce programme-là. On n'aurait pas besoin d'avoir un autre programme à part.

M. Boulet : O.K. Puis, Michel, en même temps, il ne faut pas penser que c'est spécifique à la construction, là. Quelqu'un, une travailleuse qui perd son emploi ou dont l'entreprise ferme, parce qu'il y en a beaucoup, là, particulièrement en raison de la pandémie, elle est victime des mêmes conséquences, là, pour le versement des indemnités de la CNESST.

J'aimerais ça, Michel, peut-être, dernier point, tu as fait référence à la création d'un droit nouveau. Évidemment, dans la loi santé et sécurité, il y a un droit de refus, mais qui est individuel, d'un travailleur qui est exposé à un risque pour sa santé et sécurité dans l'exécution de son travail, puis il y a toute une mécanique, là, permettant à un inspecteur de la CNESST de travailler avec le représentant syndical puis le représentant de l'employeur à déterminer s'il y a effectivement un danger. Est-ce que tu fais une analogie? Toi, tu dis, bon, c'est un droit de refus individuel, il faudrait avoir accès à un droit de refus collectif. Évidemment, ce n'est pas dans le cadre de notre discussion pour le p.l. n° 59, là, parce qu'on ne revoit pas... on s'intéresse à la santé et sécurité, mais là, ici, c'est un mécanisme de retrait du travail dans un contexte de danger. Comment tu vois ça, un droit de refus collectif?

M. Trépanier (Michel) : Bien, présentement, c'est suite à une problématique de l'industrie. Comme je vous dis, une des plus grosses problématiques reliées... par rapport à la précarité d'emploi, c'est la dénonciation des travailleurs. Le sentiment, là, est-ce qu'un travailleur se sent à l'aise de soulever un point en santé et sécurité, présentement, nos constatations, puis la réalité, puis je suis un travailleur, j'ai ça dans le sang, je l'ai vécu, non, ce n'est pas propice présentement. La réglementation puis le fonctionnement du droit de refus individuel, on ne croit pas qu'il est permissif pour soulever des points puis de sécuriser nos travailleurs. Ça fait qu'on a trouvé une alternative qu'on propose. Ce n'est peut-être pas la solution miracle, mais il faut trouver une façon de proposer de quoi que les travailleurs se sentent à l'aise. Puis le but, ce n'est pas d'arrêter des travaux, c'est juste d'être à l'aise pour dénoncer des situations qui peuvent amener des situations d'accident de travail ou de décès en chantier.

M. Boulet : ...faire l'objet d'un autre débat. En terminant, Michel, je ne peux pas te voir, même si c'est virtuellement, sans souligner la qualité de ton engagement. Tu sais, on vit une pandémie depuis presque un an, puis le secteur de la construction a été un modèle dans mon esprit. On a formé, dès le début de la pandémie, un comité tactique avec des acteurs patronaux, syndicaux, la Santé publique, l'INSPQ. Tu étais membre du comité tactique, on s'est souvent parlé de santé et sécurité, d'équipement de protection individuelle. Tu as toujours été à l'affût, tu as toujours été ouvert et intéressé par le respect. Puis, tu sais, tu m'as déjà dit : Il y a les règles, évidemment, découlant de la Santé publique, mais il ne faut jamais négliger les autres règles en matière de santé et sécurité pour éviter les blessures corporelles graves. Mais je pense que, le secteur de la construction, on a une perception, dans la population, qui est trop souvent négative, mais vous êtes diligents, vous êtes intéressés, puis le guide de normes sanitaires... bon, le comité tactique, Michel, vous vous êtes rencontrés combien de fois l'année passée?

M. Trépanier (Michel) : À plusieurs reprises. Mais je suis obligé d'être honnête, M. le ministre, notre industrie est vraiment malade, malgré que...

M. Boulet : Oui, oui.

M. Trépanier (Michel) : Mais on s'est rencontrés. Mais là on a besoin de votre aide, tous les parlementaires. Puis on a besoin de votre leadership, M. le ministre, parce que notre bulletin, là, qu'on a dans la construction, là, il y est marqué «échec» présentement, malgré que... de toutes les parties. M. le ministre, on a besoin d'un encadrement, on a besoin que vous nous donniez, vous nous permettiez d'avoir les outils pour donner un coup de main, un coup de barre pour le paritarisme. On a besoin de vous.

M. Boulet : Je sais très bien ce à quoi tu peux référer, là, parallèlement au p.l. n° 59. Je te comprends bien, Michel. Puis, ton dévouement... Je vais essayer de t'accorder la réciprocité puis t'assurer que le gouvernement, avec l'ensemble de mes collègues gouvernementaux et des partis de l'opposition, on va être au rendez-vous pour essayer d'améliorer votre coffre à outils.

Puis je suis tellement fier, Michel, puis je ne le dirai pas souvent, là, de donner suite à ce qui aurait dû être fait depuis à peu près une quarantaine d'années en matière de santé et sécurité. Puis il faut diminuer le nombre de décès, il faut améliorer le bilan. Puis, au lieu de voir un échec à votre bulletin, bien, essayons de s'orienter vers un C puis un B le plus rapidement possible. Puis ça, là, ça va prendre aussi les syndicats. Puis, l'Inter, vous êtes toujours au rendez-vous, vous êtes hyperreprésentatifs. Moi, je vous fais confiance. Puis, merci beaucoup, Michel, de tes bons mots, puis merci de vos représentations.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Boulet : Merci, Éric, aussi. Au revoir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons avec, cette fois-ci, le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Bonjour, M. Trépanier. Bonjour, M. Nantel. Merci pour votre présentation. J'avais des questions, mais là votre dernière conclusion, M. Trépanier... Puis je vous connais un peu, on s'est échangé, et je sais que vous parlez de votre coeur. Et j'ai noté quelques aspects que j'aimerais bien que vous clarifiiez. Industrie malade, vous avez des attentes par rapport au leadership du ministre, encadrement, vous avez demandé des outils et un coup de barre au paritarisme. Moi, je veux bien, vraiment, vous comprendre, et vous jouer cartes sur table : C'est quoi, vos attentes d'une manière très, très, très claire? J'ai l'impression que le ministre a très bien compris, mais je dois avouer en toute honnêteté, moi, je n'ai pas compris. Donc, pouvez-vous me clarifier, s'il vous plaît, ce que vous voulez dire?

M. Trépanier (Michel) : Merci, M. le député. Partons avec le principe que j'adhère dans la prise en charge de l'industrie puis du milieu, tant patronal que syndical, au niveau des travailleurs ou des employeurs, pour se prendre en main. Mais, pour être capables de le faire efficacement... Puis on a notre bulletin qui le démontre, depuis 40 ans, on a un échec. Puis présentement, ce qu'on demande au gouvernement, c'est de nous donner les outils par la législation, un encadrement qui est paritaire. On va en parler dans les articles, puis article par article, on va... Puis le but, c'est de ramener un équilibre, de créer un sentiment que, pour les travailleurs, qu'ils soient à l'aise de dénoncer des choses. Présentement, la législation n'est pas permissive, on cherche pour atténuer ça, pour créer un système un petit peu plus confortable.

L'autre chose qui nous préoccupe surtout, c'est l'application. Présentement, l'implication de la CNESST sur les chantiers — puis ça, on pense que c'est le gouvernement qui peut nous aider — on est trop permissifs, trop permissifs. Je peux vous donner des exemples tantôt, si vous voulez, là, mais, ça, on a besoin de la collaboration pour... Après ça, quand on va avoir tous les outils en main, on va être capables de se prendre en main.

M. Derraji : Mais, M. Trépanier, vous n'êtes pas le seul, là, le seul groupe qui tape sur la mission, ou la vision, ou l'implication de la CNESST. Ça commence à être un point de pas mal de groupes.

Revenons au projet de loi. Là, puis corrigez-moi si je me trompe, par rapport au coup de barre au paritarisme, est-ce qu'à votre première lecture de ce projet de loi vous voyez une menace au paritarisme?

M. Trépanier (Michel) : Bien, présentement, on ne vient pas régler la situation de dénonciation puis la protection du travailleur. Présentement, pour avoir un système qui est paritaire, il faut qu'il y ait un équilibre des forces. Puis, présentement, la voix des travailleurs n'est pas protégée avec le projet de loi. Je suis obligé de dire qu'il y a une amélioration parce qu'avant on n'avait absolument rien. Mais, présentement, on a l'opportunité de faire ça correctement. Ça fait que pourquoi ne pas le faire correctement puis vraiment avoir une représentation qui est paritaire?

M. Derraji : Je comprends ce que vous dites, donc, parce que le projet de loi, vous avez vu le nom, c'est «moderniser», donc, vous voulez vraiment que le nom du projet de loi s'applique au niveau de l'articulation de ses articles.

M. Trépanier (Michel) : Exactement. Puis on veut qu'il y ait une mise à jour d'actualité pour qu'on soit à jour en 2021.

M. Derraji : Très d'accord avec vous. Revenons à un cas. Le groupe avant vous, c'est le Collectif des organismes de défense des droits des personnes en situation de handicap, et j'ai cru comprendre que, probablement, c'est le seul groupe qui lève le drapeau par rapport à la situation de handicap. Mais, contrairement à ça, j'ai vu, dans votre rapport, la page 6, et la page 34 et 35, tout un argumentaire très, très élaboré par rapport à l'article 329. Bon, vous savez de quoi s'agit-il?

M. Trépanier (Michel) : Je pense que oui, par rapport... les maladies professionnelles?

• (12 h 30) •

M. Derraji : Bien, je parle du handicap et de la définition. Et vous faites... Une de vos conclusions — ce changement dans la loi n'est donc pas avantageux, surtout dans une période de pénurie de main-d'oeuvre — ça a été soulevé par d'autres personnes aussi. Vous parlez de l'impact par rapport aux personnes handicapées, l'imputation des coûts. Est-ce que, d'un point de vue de votre Association de la construction du Québec, la nouvelle notion de handicap, telle que définie dans ce projet de loi, elle crée une incohérence dans l'application des autres dispositions de la LATMP? Parce que, tout à l'heure, on a eu un point de vue d'un groupe, mais là, maintenant, vous faites aussi... — un autre groupe. Je veux, juste pour clarifier votre point de vue aux membres de la commission, votre point de vue par rapport à l'article 329, et après, on va revenir à la question de coûts aussi.

M. Trépanier (Michel) : Bien, juste pour essayer d'être efficace dans ma réponse, la grosse problématique qu'on a par rapport aux maladies professionnelles puis l'accessibilité, c'est le côté du médecin traitant. On part à la base. Présentement, le premier chien de garde qui vient sécuriser du côté... le diagnostic pour protéger nos travailleurs, c'est le médecin, puis, présentement, on a une préoccupation.

L'autre volet qu'on a par rapport... c'est la reconnaissance des maladies professionnelles. Avec le projet de loi, on a peur que, pour les travailleurs, ça vienne alourdir le process pour une reconnaissance de maladie professionnelle ou de handicap, mais c'est une réflexion qui...

M. Derraji : Mais je veux vous lire votre recommandation : «Si la nouvelle notion de handicap est maintenue, il faudrait revoir et resserrer les modalités d'application des critères reliés à l'admissibilité des réclamations et de l'octroi des séquelles, plus accès à la réadaptation en raison du handicap.» Ça, c'est votre recommandation, là.

M. Trépanier (Michel) : C'est quelle recommandation, M. le député?

M. Derraji : De la page 35.

M. Trépanier (Michel) : Je n'ai pas de page 35.

M. Derraji : O.K. Revenons à la SST — c'est parce que j'ai 11 minutes — revenons à la proposition que vous avez élaborée par rapport à soumissionner pour un contrat public. C'est en Alberta, puis vous avez parlé de l'ISO 45001. Est-ce que vous pouvez juste élaborer un peu par rapport à ça?

M. Trépanier (Michel) : Oui. C'est suite à des analyses, puis je vous donne un exemple. Il y a quelques années, avec la commission Charbonneau, au Québec, l'industrie, on avait une problématique, on avait un enjeu sur l'éthique. Comment qu'on a trouvé... quels moyens qu'on s'est donnés pour réparer notre problème d'éthique? On s'est donné les moyens par les marchés financiers. C'est qu'on vient authentifier, certifier que les entreprises sont éthiquement correctes.

Présentement, on peut se donner ce privilège-là, parce que, présentement, on a une problématique en santé-sécurité. Puis ce qu'on propose, comme en Alberta, c'est un niveau de certification. Puis ça, je pense que ça va rejoindre le ministre du Travail puis vous, M. le député. C'est qu'on vient élever la barre, on vient s'assurer qu'il y a un nouveau standard en santé-sécurité, qui est déjà implanté dans d'autres provinces, puis ça vient juste améliorer la santé-sécurité. Ça fait que ce qu'on propose, c'est un projet innovant, c'est de l'appliquer dans peut-être juste les chantiers de construction. C'est une nouvelle certification, c'est ISO 45001, puis ça a prouvé son efficacité dans l'Ouest canadien. Ça va... Ce que ça fait, comme principe, M. le député, c'est que les compagnies qui ont des hauts standards de santé-sécurité, bien, y voient un avantage, puis les compagnies, malheureusement, qui ne suivent pas les règles de santé-sécurité, bien, elles ne sont pas certifiées. Ça fait qu'il y a comme un jeu de récompenses pour ceux qui ont les meilleures pratiques, puis je pense qu'on devrait avoir ce type de standards là au Québec.

M. Derraji : Oui. Est-ce que vous avez des statistiques à nous partager par rapport à cette expérience en Alberta? Parce que, si ça a donné d'excellents résultats au niveau des chantiers de construction, si votre point de vue, c'est de passer de l'échec à C, ou à D, ou à A, ou à B, ça veut dire qu'il y a des bonnes pratiques, que l'Alberta, avec l'ensemble des partenaires, ont essayé de mettre ça en place, et ça a donné des résultats. Est-ce que vous avez des études à nous partager par rapport à ce...

M. Trépanier (Michel) : Ce qu'on va faire, M. le député, on va vous partager les documents qu'on peut avoir puis on va s'assurer de participer avec vous pour une plus longue élaboration du projet puis des études qui ont été faites.

M. Derraji : Oui. Et je reviens... Mme la Présidente, est-ce qu'il me reste du temps?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Deux minutes. Tout juste deux minutes.

M. Derraji : Oui, je veux juste revenir au contexte actuel — j'ai toujours posé cette question — par rapport à l'adaptation de certains secteurs au contexte de la COVID. Je sais que vous avez contribué, le ministre l'a mentionné, dans des groupes, mais moi, la question que j'aimerais vous poser, par rapport à l'agilité, l'agilité de la CNESST avec votre secteur, c'est quoi, votre constat, à la lumière de ce projet de loi où on inclut «notion du risque», où on inclut d'autres notions par rapport à la présence sur des chantiers, 20 employés, plus de 8 millions, 25 millions? Est-ce que, selon vous, selon vous, le Québec a les moyens d'être très agile, peu importe le contexte de pandémie ou une surchauffe du marché, je dirais, de la construction?

M. Trépanier (Michel) : Présentement, M. le député, la situation avec la CNESST... Trois situations. La CNESST, maintenant, elle appelle les donneurs d'ouvrage avant de se présenter en chantier, premier cas. Ça fait que la police appelle pour dire... avant de les visiter. Maintenant, dans la loi, les inspecteurs ont le pouvoir de donner des contraventions ou de fermer les chantiers. Maintenant, il y a une politique interne que, pour qu'un inspecteur puisse avoir ce droit-là, il doit avoir une préautorisation de son supérieur. Trois chantiers au Québec — puis ça, c'est un constat — 70 interventions de la CNESST, aucune fermeture de chantier. Des listes comme ça, là, de 50, 40, 30 interventions de la CNESST sans fermeture de chantier, c'est le constat, à l'heure actuelle, sur les chantiers de construction. Ça fait que, quand on parle que c'est permissif... Présentement, la perception de la CNESST puis des inspecteurs, pour les gens de l'industrie, excusez-le terme, c'est une vraie joke.

M. Derraji : Bien, écoutez...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il reste 30 secondes.

M. Derraji : M. Trépanier, c'est quand même énorme, ce que vous venez de dire, parce que, là, je commence à faire l'addition de plusieurs intervenants par rapport à la CNESST, ça commence à... je commence à avoir tout un portrait de plusieurs intervenants.

Je vous invite, M. Trépanier, à nous partager vos commentaires, parce que je suis très intéressé, surtout par rapport à ce qui se passe en Alberta et si on peut avoir le même modèle, surtout qu'il me semble que vous avez des éléments qui vont nous aider à éclairer les membres de la commission. Donc, M. Nantel, merci, M. Trépanier, merci pour votre présence, et n'hésitez pas à nous envoyer vos autres documents. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Trépanier, M. Nantel. Très intéressante présentation.

Étant un ancien syndicaliste, j'entends exactement les mêmes choses que ce que j'avais entendu sur le terrain à l'époque, là. L'idée d'appeler avant de visiter, c'est d'une absurdité sans nom, là. C'est un peu la même logique sur les briseurs de grève, d'ailleurs, briseurs de grève qui sont légaux, dans la construction, hein? C'est un autre problème, ça. On va essayer d'y remédier.

J'ai vraiment été intéressé par votre recommandation n° 15, puis vous avez eu une discussion tantôt avec le ministre, sur le droit de refus collectif. Je trouve ça superintéressant parce que c'est peut-être un des grands absents de la discussion en ce moment. C'est qu'on a l'impression, des fois, à entendre les discussions, qu'il y a des droits sur papier, puis c'est tout, comme si ces droits-là allaient être nécessairement appliqués par magie, alors qu'il faut des organisations sur le terrain, il faut des organismes, il faut des syndicats, il faut des gens qui se regroupent pour les faire appliquer, ces droits-là. Qu'ils existent, les droits, c'est une chose. Les faire appliquer, c'en est une autre, puis une organisation comme la vôtre, bien, le démontre.

Puis le droit de refus collectif, c'est intéressant, parce que ça... Vous mentionnez que c'est justement avec une compréhension du terrain où est-ce que, si c'est un individu qui fait cette réclamation-là, il se met en danger, d'où l'intérêt d'avoir la collectivité. C'est fascinant, ça.

M. Trépanier (Michel) : Exactement. Vous ne pouvez pas mieux résumer la situation. C'est notre grosse problématique. À part l'application, là, des règles de santé et sécurité, il y a le côté précaire des emplois des travailleurs. Puis ce n'est pas par manque de courage. Je me mets à leur place, ils ne savent pas s'ils vont travailler la semaine prochaine, ils ont des bouches à nourrir, ça fait que, quand il y a des situations comme ça qui arrivent, on ne peut pas se permettre qu'un travailleur ou une travailleuse se questionne : Est-ce que je devrais dénoncer une situation qui est conflictuelle en santé et sécurité ou je vais garder mon travail? On devrait, en tant que législateurs, en tant que société, trouver des mécanismes, des mécanismes pour sécuriser, comme des dénonciateurs qu'on a protégés dans le passé. Je pense qu'on a ces mesures-là. Le droit de rappel collectif, c'est un exemple.

M. Leduc : Bien, j'aimerais ça qu'on se reparle pour préparer peut-être la rédaction d'un amendement en ce sens-là.

S'il me reste un peu de temps, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme IsaBelle) : 45 secondes.

• (12 h 40) •

M. Leduc : 45 secondes. Pouvez-vous un peu nous parler du médecin traitant? C'est quelque chose qui est sous attaque dans le projet de loi. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?

M. Trépanier (Michel) : Oui. Présentement, je vous donne une situation, 85 % des employeurs ont cinq salariés et moins. Présentement, dans le projet de loi, on permettrait à ces employeurs-là, qu'on dit qu'ils font des paies dans leurs camions, d'évaluer l'évaluation médicale d'un travailleur pour évaluer s'ils sont aptes à faire certaines tâches ou pas. C'est inconcevable. Notre médecin traitant, pour les travailleurs et les travailleuses, c'est un chien de garde, c'est pour s'assurer que leur droit est respecté. Puis il y a le côté impartial aussi. Si on donne la possibilité à un employeur de décider du niveau médical d'un travailleur, où est-ce qu'on s'en va?

M. Leduc : Merci beaucoup. Très intéressant. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Bonaventure, qui dispose effectivement aussi de 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Trépanier et Nantel. Écoutez, donnant suite à mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, il y a beaucoup de conditions de la santé et de la sécurité qui sont sous attaque dans ce projet de loi là. Il y a beaucoup trop d'enjeux, là, puis j'ai deux minutes, je ne pourrai pas... mais vous soulevez beaucoup de choses intéressantes.

Je reviens sur la CNESST. Hier, on avait des gens, bon, des agents de prévention de SST qui nous disaient qu'il existait une forme de laxisme, de permissivité, une philosophie de la tape dans le dos entre la CNESST puis les employeurs. On a eu, ce matin, des gens des Manufacturiers et exportateurs du Québec qui nous disaient le contraire : Ah non, ils sont trop coercitifs, puis, etc. Et là vous nous en rajoutez une couche, vous nous dites, bon, on avertit les chantiers avant d'arriver, ça prend la permission du directeur, puis on négocie hors cour. On a-tu un problème de gouvernance à la CNESST? Puis là je vais aller un petit peu plus loin, là, est-ce qu'il n'y aurait pas une proximité entre le Conseil du patronat puis la CNESST?

M. Trépanier (Michel) : On a un problème. On a un problème de la mise en application des règles. Ça, là, c'est clair, clair, clair. Présentement, elles ne sont pas prises au sérieux en chantier. Si vous êtes capables, là, de vous assurer qu'on est capables de faire appliquer, ça enverrait un message à tous les entrepreneurs. Parce que, présentement, les entrepreneurs, ils se regardent entre eux autres, quand ça fait 25 fois qu'ils ont une rencontre de la CNESST, qu'ils n'ont même pas un ticket, qu'ils ont juste une tape sur le dos, ils disent : Pourquoi, moi, je ne ferais pas ça? Ça fait que ça crée un climat que la santé et sécurité n'est pas prise au sérieux.

M. Roy : Ces gens-là se parlent. Ils se parlent, ces gens-là, et ils disent, regardez... Bon, mais moi, je reviens, on a un problème de fond, là, vraiment, de culture de la CNESST qui ne fait pas sa job. Et là, bien, je regrette que nous n'ayons pas soumis la CNESST à des auditions, mais on va les avoir en...

M. Trépanier (Michel) : Notre...

M. Roy : Oui, allez-y.

M. Trépanier (Michel) : Notre industrie est malade. Elle est malade. Puis notre chien de garde, là, pour nous aider, là, pour faire appliquer, là, c'est la CNESST. Puis, présentement, oui, malheureusement, il y a un laxisme. Ce n'est pas le seul problème, mais corrigez ce point-là, là, quant qu'à l'application des règles, là, puis vous allez rassurer beaucoup de travailleurs, parce que les travailleurs sont tannés de dénoncer sans qu'il n'y ait de résultat.

M. Roy : Et des exemples de situations dangereuses, je pourrais vous en nommer, parce que mon frère travaille sur la construction et est membre de votre syndicat. Et je ne viendrai pas énumérer ça ici, c'est invivable, ce qu'ils vivent sur les chantiers, actuellement. Merci beaucoup, messieurs, et sachez qu'on va être là pour défendre les intérêts des travailleurs du Québec.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci, M. Trépanier, merci, M. Nantel, pour votre contribution à la commission, le mandat de la commission actuelle.

Écoutez, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

(Reprise à 14 heures)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour et bienvenue à la Commission de l'économie et du travail.

La commission est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail.

Cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants : L'Association des entrepreneurs en construction du Québec, le Syndicat québécois de la construction, le Réseau de la santé publique en santé au travail, la Confédération des syndicats nationaux et le Dr Louis Patry, spécialiste en médecine du travail au CHUM.

Alors, nous débutons immédiatement et nous souhaitons la bienvenue aux représentants de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes, et ensuite vous pourrez... ou, avant de commencer votre exposé, je vous inviterais à bien vous présenter. C'est bien. Alors, la parole est à vous.

Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ)

M. Hamel (Pierre) : Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, membres de la commission, merci de nous permettre de comparaître aujourd'hui devant vous. Je me présente, Pierre Hamel, je suis directeur des affaires juridiques et gouvernementales de l'Association de la construction du Québec, et je suis accompagné, cet après-midi, de M. Luc Boily, directeur, service de prévention en santé et sécurité du travail de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec.

Nous avons été délégués pour représenter l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, mais également pour représenter l'ACQ, l'Association de la construction du Québec, l'ACRGTQ, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, et l'APCHQ, l'Association des professionnels en construction et en habitation du Québec, trois associations qui oeuvrent quotidiennement tant en relations du travail qu'en santé et sécurité du travail et qui accompagnent tous les employeurs de tous les secteurs de l'industrie de la construction du Québec assujettis à la loi R-20 depuis maintenant 25 ans.

Les enjeux entourant certaines propositions du projet de loi pour l'ensemble de l'industrie de la construction sont à ce point importants pour nous que c'est d'une seule voix que nous nous adressons à vous aujourd'hui en présentant un mémoire commun. Ceci étant dit, ce n'est pas dans un contexte de confrontation, mais bien dans le but d'éclairer la commission sur l'ensemble des enjeux que les propositions au projet de loi soulèvent pour notre industrie, que nos recommandations sont formulées.

Nous sommes tous favorables à la modernisation du régime de la santé et sécurité du travail, une modernisation basée sur l'équité et l'équilibre des moyens, une modernisation qui permet aux entreprises de s'acquitter de leurs obligations sans irritants administratifs supplémentaires. Bref, une modernisation à laquelle adhéreront véritablement les dizaines de milliers de très petites entreprises en construction et les plus grandes qui, soulignons-le, ont fait un travail considérable afin d'améliorer le bilan de notre industrie en matière de santé et sécurité au travail.

Nous sommes d'ailleurs très conscients du bilan de santé et sécurité qui est attribué à notre industrie, et d'aucune manière nous ne souhaitons en minimiser ni l'importance ni la portée. Comme l'ensemble des parlementaires et la population en général, nous déplorons les décès reliés à l'amiante et à la silice, qui, de par leur nature, se déclarent parfois 20 ou 30 ans après le fait et qui vont alourdir notre bilan pour plusieurs années encore. Sur les 70 décès attribués à notre industrie en 2018, 59 découlent de ces maladies. Sur les 55 décès attribués à notre industrie en 2019, 43 découlent de ces maladies. Malgré les efforts déployés par un très grand nombre d'employeurs pour prévenir les accidents de travail, comme tout le monde, nous sommes saisis à chaque fois qu'un accident mortel frappe l'un de nos travailleurs. Sur les 70 décès attribués à notre industrie en 2018, 11 découlent d'accidents et, sur les 55 décès attribués à notre industrie en 2019, 12 découlent d'accidents. Mais le bilan de santé et sécurité de l'industrie de la construction, c'est également les milliers d'entreprises qui, depuis les cinq dernières années, n'ont aucun accident à leur dossier. C'est aussi des milliers d'entreprises qui forment leurs cadres et leurs employés à chaque année en prévention, c'est donc une industrie concernée et lucide qui se présente devant vous aujourd'hui.

D'entrée de jeu, soulignons que nos recommandations ne portent aucunement atteinte aux droits des travailleurs ni ne visent à priver ces derniers des prestations auxquelles ils ont droit. Elles visent principalement à maintenir les compromis sociaux déjà existants au sein de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et favoriser le maintien de l'équilibre sur les chantiers de construction.

En matière de réparation, nous unissons notre voix aux nombreux employeurs de tous les secteurs économiques du Québec pour demander le maintien de la notion d'obérer injustement et celui des mécanismes actuels de désimputation. Le retrait de la notion d'obérer injustement enlève à l'employeur la possibilité de faire retirer les coûts en relation avec un événement qui est en dehors des risques inhérents de ses activités, pour lesquelles il n'a aucun contrôle. Cette notion d'obération injuste parle d'elle-même et doit être maintenue. Également, pour les mêmes motifs d'équité, nous sommes en désaccord avec des ajouts de restrictions encore plus sévères qui, du coup, pénalisent des employeurs, encore une fois, qui souhaitent obtenir des partages de coûts, lorsque l'employeur est déjà porteur d'un handicap avant l'embauche, c'est-à-dire que son état était fragilisé avant la survenance de la lésion professionnelle. Il ne s'agit pas ici de refuser de prestations aux travailleurs, mais plutôt d'éviter qu'un seul employeur ne supporte l'entièreté des impacts financiers d'un accident ou d'une situation à l'égard de laquelle il était totalement impuissant et qu'il ne pouvait rien faire pour l'en prévenir. Il s'agit de répartir ces coûts à l'ensemble des employeurs.

Toujours en matière de réparation, soulignons également les mesures de réadaptation qui pourront être imposées par règlement par la CNESST. Selon nous, les mesures réglementaires devraient permettre une intervention plus rapide dans la prise en charge du travailleur, permettre à la CNESST de mettre en place le plan sans nécessiter d'autorisation de médecin et mettre en place des actions adaptées en fonction de l'évolution réelle du dossier.

En matière de prévention, l'industrie fait l'objet de mesures particulières qui n'ont pas été commentées par les autres représentants d'employeurs. Mentionnons d'abord que l'industrie appuie les mesures visant à faire passer le plancher requis pour la nomination d'un coordonnateur en santé-sécurité de 150 travailleurs à 100 travailleurs. Elle est également favorable à la mesure visant à faire passer de 25 à 20 travailleurs le plancher requis pour la mise en place d'un comité de chantier. Toutefois, l'industrie ne peut souscrire aux propositions entourant la nomination du représentant en santé et sécurité du travail, tel que proposé par le projet de loi.

En 2021, les employeurs adhèrent à la participation des travailleurs qui va bien au-delà de la présence de représentants en santé et sécurité du travail sur les chantiers, comme le prévoyaient les dispositions de 1979. Un très grand nombre de projets se déroulent sous l'autorité de nombreux intervenants qui interagissent en prévention : ingénieurs, gérants de projets, surintendants, contremaîtres, agents de sécurité, conseillers en prévention du maître d'oeuvre et des employeurs.

Or, le modèle promu par le projet de loi n° 59 confère un plein contrôle des RSS, par la structure syndicale, sur leur nomination, l'exercice des fonctions et leur horaire, sans que le maître d'oeuvre, premier responsable de la santé-sécurité sur les chantiers, ne puisse exercer une quelconque autorité sur le travailleur, mis à part d'en assumer les coûts. Une telle proposition ouvre la porte à ce que la prévention soit un sujet perpétuel de négociation sur les chantiers, servant de moyen de pression pour satisfaire les demandes autres que de santé-sécurité.

En ce qui a trait au coordonnateur en santé-sécurité, l'enjeu principal, pour nous, repose sur le nombre d'heures de formation. Actuellement, le programme de formation des agents de sécurité est de 720 heures, soit 240 heures de formation théorique et 480 heures de stage en chantier. Lors de la révision du programme, les parties prenantes ont convenu d'y intégrer, notamment, l'acquisition de compétences et d'habiletés accrues en gestion dans le but d'assurer que la formation corresponde davantage aux besoins des maîtres d'oeuvre et des employeurs. Dans un tel contexte, il nous apparaît inapproprié de requérir une formation d'une durée de 120 heures pour agir à titre de coordonnateur en santé-sécurité sans considérer l'apprentissage en stage.

En ce qui concerne les programmes de prévention applicables aux chantiers de construction, les délégations patronales, présentes sur les comités réglementaires de la CNESST, se sont toujours opposées à la notion de hiérarchisation des mesures de prévention. Comme le mentionnait le ministre, la loi stipule déjà qu'elle a pour objet l'élimination à la source des dangers et que les moyens et équipements de protection individuels ou collectifs fournis aux travailleurs, lorsque cela s'avère nécessaire, ne doivent diminuer en rien les efforts requis pour éliminer à la source les dangers. L'employeur étant responsable de son milieu de travail, il a le choix des moyens pour y arriver en fonction des ressources dont il dispose. La hiérarchisation des moyens, dans le cadre de chantiers de construction, devrait, selon nous, plutôt être intégrée dans les guides de prévention de la CNESST, avec des exemples concrets pour aider et supporter la prise en charge par le milieu de travail. Merci de votre attention.

• (14 h 10) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. Hamel, pour votre exposé, très bien. Nous allons débuter la période de questions avec M. le ministre, et vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, Pierre. Merci, Luc. D'abord, vous remercier de votre engagement, de votre contribution à notre commission parlementaire. Pierre, ça fait un certain temps qu'on s'est vus, on se souvient l'un de l'autre dans des vies antérieures.

Évidemment, le projet de loi n° 59, c'est une modernisation quand même assez profonde, vous l'avez souligné. Il y a quelques points que j'aimerais vérifier avec vous autres. Tu sais, je vais y aller tout de suite sur les mécanismes de participation des travailleurs. Le représentant santé et sécurité, ce que vous demandez, Pierre, c'est qu'il soit désigné uniquement par le maître d'oeuvre. On entend, notamment du côté syndical... L'Inter était avec nous ce matin. Puis je sais que c'est... ailleurs au Canada, il y a des provinces où c'est nommé aussi par le maître d'oeuvre. Ce que l'Inter nous mentionnait ce matin, c'est que nommé par le syndicat, ça favoriserait plus la dénonciation de situations problématiques en santé et sécurité. Ce serait quoi, vos commentaires sur cette différence de point de vue là?

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, la situation, pour le représentant en santé et sécurité au Québec, ça peut constituer un problème important. On vient de sortir de décennies de travail pour limiter, sinon interdire le placement syndical. Et, en ouvrant une porte de cette nature-là, les entrepreneurs savent parfaitement que des organisations, qui sont responsables de la négociation des conventions collectives et qui sont entièrement pour une industrie qui est entièrement syndiquée... Contrairement à ailleurs au Canada, on se retrouve dans une situation où il peut y avoir un conflit d'intérêts potentiel. On peut utiliser la santé-sécurité pour régler des problèmes de griefs, il y a toutes sortes de situations qui peuvent arriver et qui sont beaucoup plus malheureuses.

Nous autres, ce qu'on dit, c'est que, pour l'instant, les entrepreneurs, au niveau où sont demandés les RSS, on n'a pas besoin de cette intervention-là. Si, toutefois, le gouvernement insiste et souhaite l'avoir, c'est qu'on veut avoir un RSS qui fonctionne, qui fonctionne vraiment. Et, en ce sens, les syndicats ont bien dit que c'étaient des patrouilles volantes, que c'était difficile, qu'il y avait trop... Bref, tel que proposé par la loi, il ne fonctionnera pas. Si vous voulez aider les entrepreneurs, si vous voulez qu'ils soient plus performants... Parce qu'il faut se rappeler qu'à la fin de la journée c'est le maître d'oeuvre qui est responsable de l'exécution des travaux, de tout ce qui se passe en santé-sécurité sur les chantiers, et, peu importe le positionnement que va prendre un RSS, cette personne-là va prendre le téléphone, et il va appeler son syndicat, et c'est le syndicat qui va intervenir.

Et il faut faire une distinction ici entre la participation du travailleur et la participation du syndicat. Ça, c'est bien important. Pour nous, si vous voulez avoir un... vous exigez un RSS, on demande qu'il soit formé de façon appropriée, pas trois heures par jour, mais qu'il soit vraiment... de façon appropriée comme telle. Mais ce qu'on pense, essentiellement, c'est qu'actuellement en baissant le niveau, pour les coordonnateurs, de 150 à 100 travailleurs... et faire venir... et baisser le plancher des... voyons, des comités de chantier de 25 à 20, et là on en ratisse pas mal plus large qu'on en a déjà ratissé en termes de chantiers pour les occuper... pour les équiper, dis-je, en santé et sécurité de façon appropriée. À 20 travailleurs, là, tous les représentants... tous les employeurs sont représentés, les employés sont représentés, on a une représentation collective, et ça, c'est bien important.

La démarche, dans le fond, en prévention relève beaucoup plus de la collaboration que de la dénonciation. Et on pourrait aller encore plus parce que, si on reprend, de façon générale, ce qui s'est passé depuis 25 ans dans l'industrie de la construction, les moteurs, en termes, je dirais, de modernisation de la santé et sécurité, c'est les donneurs d'ouvrage. C'est eux autres, c'est les Rio Tinto, c'est les forestières, tous ceux qui exigent, les Shell, les pétrolières qui exigent des niveaux supérieurs et qui ont amené les entrepreneurs à aller là comme tel.

C'est bien sûr qu'on souhaiterait n'avoir plus d'accident, qu'on souhaiterait être... mais, pour faire ça, il faut développer une culture de prévention plus qu'une culture de dénonciation. Or, avec les représentations... Je n'ai pas écouté tout ce qui a été dit de la part des autres intervenants, mais c'est clair que si... Alors qu'on parle des RSS, bien là, on veut avoir un droit de refus mur-à-mur, on veut avoir des unités qui se promènent pour aider la CNESST, on va déjà au-delà de ce que veut le projet de loi. Je ne dirais pas que le jupon dépasse, mais ce qu'on comprend, c'est que, déjà là, on voit que l'intervention syndicale va être beaucoup plus que ce qu'on... qu'elle serait souhaitée. Et, dans ce sens-là, c'est ça qu'on veut éviter. On ne veut pas... On souhaite que chaque travailleur soit des préventionnistes, mais ce n'est pas dans un mode de dénonciation qu'il devra être fait, c'est dans un mode de collaboration.

M. Boulet : Collaboration et de responsabilisation, hein? Parce que, pensez, fréquemment, on fait le pendant entre les articles 49 et 51 de la loi, l'employeur a des responsabilités d'assurer des environnements de travail exempts de tout risque pour la santé et sécurité, intégrité des travailleurs, mais le travailleur a aussi des obligations de prendre les mesures appropriées pour se protéger puis s'assurer, par exemple, de porter les équipements de protection individuelle. Puis on le vit bien avec la pandémie, ça a mis en lumière l'importance de respecter les règles, là, en matière de santé publique, mais aussi les autres règles en matière de santé-sécurité.

Toujours dans les mécanismes de participation, Pierre, je voyais, dans votre mémoire, puis je tiens à souligner, là, la qualité de ce mémoire-là puis féliciter tous ceux et celles qui ont contribué à sa rédaction, vous proposiez qu'il y ait un comité de chantier uniquement après 90 jours plutôt que... tu sais, c'est le seuil de 20 jours, on passe de 50 à 20, mais c'est 20 travailleurs à un moment donné des travaux. Évidemment, on anticipe qu'il y ait une certaine planification et qu'un comité de chantier soit formé dès l'ouverture du chantier. Est-ce que, Pierre, tu peux me donner un peu plus d'explication? Pourquoi le 90 jours?

M. Hamel (Pierre) : Bien, essentiellement, le 90 jours relève un peu de l'expérience ailleurs au Canada, mais essentiellement c'est que la mise en place d'un chantier de 20 travailleurs peut se faire... On peut avoir 20 travailleurs deux jours de temps sur un chantier. Je ne sais pas si vous comprenez. Alors, s'il y a des chantiers d'importance qui demandent 20 travailleurs, il y a... on est d'accord, mais il faudrait que ça soit des chantiers qui ont une certaine durée pour mettre en place tout le processus de... voyons, de comités de chantier comme tels. Parce que c'est quand même une certaine lourdeur et c'est souvent des petits entrepreneurs. Alors donc, et comme l'a bien dit M. Simard, de SST, l'agent de sécurité, il y a un roulement extraordinaire de travailleurs sur le chantier comme tel. Alors, c'était un peu l'objectif comme tel. Je ne sais pas si Luc aurait...

M. Boulet : Non, je comprends. En fait, ce qui est mentionné, c'est que pas de comité de chantier, si c'est un chantier de courte durée puis qu'il y a peu d'expectatives qu'on aille au-delà du 20, c'est à peu près le raisonnement qui est tenu. Est-ce que c'est bien compris, Pierre?

M. Hamel (Pierre) : C'est bien compris.

• (14 h 20) •

M. Boulet : On prend bonne note. D'ailleurs, on va dans cette direction-là, changement de sujet, sur la réadaptation. C'est manifeste qu'un des buts recherchés par la modernisation, c'est d'assurer un retour le plus prompt possible au travail pour diminuer les coûts, pour diminuer les risques de chronicisation, et ça passe, notamment, par les mesures de réadaptation. Puis, bon, il y aura des mesures de réadaptation qu'on va encore mieux définir dans un règlement, mais on a manifestement l'intention de mettre l'accent sur la réadaptation. Mais je t'entendais dire : Il faudrait que le règlement permette la réadaptation. Là, on va à un accès au processus de réadaptation avant la consolidation de la lésion. Ce que tu mentionnais, c'est sans autorisation du médecin, est-ce que j'ai bien compris? Et, si c'est le cas, juste me donner quelques précisions là-dessus.

M. Hamel (Pierre) : Bon, alors, écoutez, sans dire que je suis le seul rédacteur du mémoire, vous allez comprendre, Mme la Présidente, là, que tout... Ce qu'on veut préciser là-dedans, c'est que la mise en place d'un plan de réadaptation avec l'entreprise ne doit pas être freinée par l'attente du médecin ou par les dispositions reliées au médecin. Le médecin traitant doit traiter le travailleur, le médecin traitant, c'est la personne de confiance du travailleur, mais la mise en place d'un plan de réadaptation, ce n'est peut-être pas la personne la plus appropriée pour le faire. Et, comme vous l'avez dit, plus rapidement on peut opérer et mettre en place ce plan-là, plus vite on va aider le travailleur à une réinsertion. C'est dans ce sens-là qu'on voulait aller.

M. Boulet : Donc, toi, tu te dis : Il ne faut pas attendre l'imprimatur du médecin traitant, du travailleur parce que ça risque de ralentir le processus de réadaptation. Entamons le processus...

M. Hamel (Pierre) : ...ou vous le freinez complètement, vous le freinez complètement.

M. Boulet : Exactement, j'ai bien compris. Les mesures de désimputation, bon, les partages de coûts, là, tu référais à la notion d'obérer injustement, on la connaît bien, je pense que la jurisprudence est bien établie. Là, tu référais aux accidents qui surviennent dans un contexte où... en dehors des risques inhérents des activités de l'employeur et à l'égard desquels il n'y a pas de contrôle. Puis l'autre, sur la notion de handicap, bon, on a vu l'évolution de deux courants sur cette notion-là de handicap. Et il y a un courant qui est maintenant dominant, le handicap est associé à une condition, même si elle est asymptomatique.

Ce qu'on réalise, ça, dans la pratique, c'est qu'il y a beaucoup de demandes de partage concentrées par un plus petit nombre d'employeurs. Puis, comme la notion de handicap est très large, même si c'est asymptomatique, dès qu'il y a une déviation quelconque par rapport à la norme ou dès que la période de consolidation est un peu plus longue que celle apparaissant au tableau des périodes normales de consolidation, il y a presque des partages, maintenant, qui sont obtenus... Puis, bon, on est désimputés, ça va au fonds général.

Qu'est-ce que tu penses de ceux qui soutiennent que ça facilite la déresponsabilisation des employeurs à l'égard des personnes qui ont des handicaps, même si c'est des conditions asymptomatiques et que beaucoup de plus petits et moyens entrepreneurs ou entreprises en font les frais? Parce que beaucoup sont à un taux... Puis là je sors peut-être du domaine de la construction, mais, Pierre, dis-moi donc, à l'égard des partages de coûts dans le domaine de la construction, comment ça... Est-ce qu'il y en a beaucoup? Comment... As-tu des statistiques là-dessus? Puis entretiens-moi sur la notion de handicap.

M. Hamel (Pierre) : Moi, de la manière qu'on voit que le... je dirais, l'image nous est dressée, le portrait nous est dressé, essentiellement, oui, il y a beaucoup de petits entrepreneurs. Ces entrepreneurs-là sont au taux de l'unité, alors ils n'ont aucun intérêt à faire de la désimputation, ça n'a aucune incidence financière sur leur taux de cotisation. Par contre, si on y va en termes de valeur de cotisation, on peut dire qu'il y a un tiers, c'est le taux d'unité, il y a un tiers que c'est le taux personnalisé et il y a un tiers sur rétrospectif, les très, très gros. Ceux qui sont au taux de l'unité, c'est beaucoup plus eux qui gèrent, justement, ces situations-là pour éviter d'avoir à payer des montants très importants sans qu'ils aient été en mesure d'empêcher l'accident ou de le prévoir. Pour nous... Et c'est ça, c'est vraiment là que le travail se fait, évidemment, au régime rétrospectif également, mais eux autres gèrent encore de plus près ces éléments-là.

Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, pour nous, on ne considère pas que ça fait payer les plus petits, on considère plutôt que c'est un compromis social qui fait en sorte qu'un entrepreneur va être en mesure d'embaucher un travailleur qui a une lésion préexistante, mais qu'il ne fera pas d'enquête, qu'il ne fera pas de... Parce que c'est quand même un travail très physique, je ne ferai pas d'enquête médicale pour engager qui que ce soit. Et, s'il y a une blessure, et qui est reliée en partie à sa condition préexistante, on va l'accepter dans le régime. On est prêts à l'accepter dans le régime à la condition que tous les employeurs assument ce coût-là et que ce ne soit pas celui qui a été, malheureusement... celui qui a embauché ce travailleur-là qui en assume les frais puis qui devienne moins compétitif à cause de ces situations-là. Parce qu'il y a des situations, dans les... il y a des situations qui font en sorte que ça peut coûter beaucoup d'argent à un seul employeur.

Alors, c'est dans ce sens-là, c'est dans ce sens-là qu'on dit que ça permet aux travailleurs de rentrer dans les conditions qu'ils ont, mais d'éviter que ça soit imputé à un seul, c'est ça qu'on veut conserver. Alors, ça nous permet de garder ce compromis social là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Je vous invite à conclure. Il reste 15 secondes.

M. Boulet : Mais, Pierre, reconnaissons, O.K., que ceux qui sont au régime rétrospectif ont le plus d'avantages. Pierre, merci beaucoup. Luc, bien apprécié. Merci de votre contribution, puis au plaisir de se reparler bientôt. On amorce l'étude du projet de loi puis on aura certainement d'autres occasions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Vous avez 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Hamel. Bonjour, M. Boily. Bienvenue à la commission et merci pour votre rapport. Première question : Pourquoi un rapport au nom de quatre organisations?

M. Hamel (Pierre) : Bien, écoutez, d'abord parce qu'on est quatre organisations qui sommes reliées et en relation de travail, qui travaillons en santé-sécurité, quatre organisations qui avions des vues communes sur les sujets traités, et une place pour... et une seule audience pour le faire. Alors, plutôt que de compliquer la vie à la commission, on a préféré de prendre le temps de s'asseoir ensemble, de regarder quels sont les éléments fondamentaux du projet de loi qui font consensus. Et on s'est aperçu rapidement qu'on avait passablement la même vision des problématiques qui visent notre industrie.

M. Derraji : Excellent. Bien, merci pour les clarifications. Première question, c'est par rapport au... vous avez parlé d'une culture de dénonciation versus une culture de collaboration. J'ai senti ou j'ai cru comprendre entre les lignes que vous avez une crainte par rapport à ce qui s'en vient. À la lumière de la lecture du projet de loi, vous soulevez qu'il faut faire attention, surtout avec tous les acquis au niveau de l'industrie de construction. J'imagine, vous avez entendu les autres groupes, surtout du côté syndical, leurs points par rapport à la sécurité, leurs inquiétudes par rapport à la sécurité sur les chantiers.

Votre propre lecture... et je comprends le point et les groupes que vous représentez. Comment on peut, en tant que parlementaires aujourd'hui, avoir un juste milieu où, justement, on ne va pas favoriser cette culture de dénonciation, mais plus avoir une culture de prévention où tout le monde, et surtout les travailleurs, vont être les gagnants au bout de la ligne?

• (14 h 30) •

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, c'est une question tellement pertinente, et tellement importante, et tellement difficile à répondre. Comme le disait le ministre, la pandémie nous démontre à quel point c'est difficile de demander aux gens de prendre soin de leur propre santé. C'est peut-être l'élément le plus saisissant de cette crise-là comme telle et c'est un petit peu à l'image de toutes les industries, incluant l'industrie de la construction. Alors... Et ce qu'on... Et on faisait une bonne réflexion là-dessus. On se disait, et c'est important en termes de prévention, d'avoir la collaboration de toutes et de tous. Je ne sais pas si, Luc, tu peux peut-être parler des éléments de collaboration auxquels on discutait.

M. Boily (Luc) : Oui, bien, en fin de compte... Puis c'est judicieux d'amener, dans ce débat-là des principes en prévention, l'implication des travailleurs. Les travailleurs, l'employeur ont à développer une collaboration en prévention. On parlait tantôt de hiérarchisation des moyens. C'est encore des choses qui sont des principes. Par contre, quand on arrive dans l'application, puis ça a été dit plusieurs fois, 85 % des entrepreneurs ont cinq salariés et moins, on ne parle pas de relations de travail, on parle de relations familiales.

Le représentant santé et sécurité, c'est un enjeu majeur. Puis je me permets d'insister, je sais que Pierre l'a mentionné tantôt, mais, en 2011, quand le législateur a interdit le placement syndical dans l'industrie de la construction — puis vous connaissez l'historique, sinon c'est documenté beaucoup — on se retrouve pratiquement dans la même situation, avec d'autres enjeux, qu'il y a toute une mécanique qui a été mise en place à la Commission de la construction pour gérer cet aspect. On change de forum, on s'en va à la CSST, sous des principes de prévention, de défense des droits des travailleurs, ce qui est légitime, là, puis je ne mets pas en doute du tout les intervenants syndicaux dans leur bonne volonté, mais c'est que, si la mécanique est créée, il y a vraiment des craintes que ça déborde à un moment donné, dans le temps, puis qu'on se ramasse avec des problématiques qu'on a déjà vécues.

M. Derraji : Merci, M. Boily, pour les clarifications. Je tiens juste à réitérer une chose, le nom du projet de loi, et ce n'est pas pour défendre qui que ce soit, c'est moderniser une loi. Et nous sommes tous d'accord, je pense, que le moment, il est venu pour qu'on modernise nos lois. Je ne pense pas que la volonté du législateur est... Vous me voyez, je suis de l'opposition, mais je ne pense pas que la volonté du législateur, c'est revenir... ou faire reculer une loi.

Ma crainte, à la lumière de ce que je viens d'entendre, c'est que vous nous dites aujourd'hui, aux membres de cette commission : Faites attention, parce qu'on risque de revivre des choses que nous avons déjà vécues dans le passé. Est-ce que c'est ça, le message que vous êtes en train de nous envoyer?

M. Boily (Luc) : Exactement.

M. Hamel (Pierre) : Non seulement ça, c'est que c'est très présent.

M. Derraji : Avez-vous des exemples?

M. Hamel (Pierre) : Les entrepreneurs considèrent que c'est un risque très présent.

M. Derraji : M. Hamel, avez-vous des exemples? Parce que ça, c'est vraiment... je ne vais pas utiliser le mot «alarmant», mais, quand même, c'est des drapeaux que vous soulevez maintenant. Mais, M. Hamel, pouvez-vous être beaucoup plus explicite avec des exemples?

M. Hamel (Pierre) : Bien, écoutez, des exemples... Tout simplement, ce que je pourrais dire, c'est que la situation en matière de placement syndical au Québec s'est développée depuis la commission Cliche, et après ça on a vécu la commission Gaspésia, quand même, qui est en 2005. On a eu des... Lorsque Mme Thériault, alors ministre du Travail, a adopté le projet de loi n° 33, il y a eu des grèves majeures qui ont causé des dommages majeurs aux entrepreneurs tout simplement parce qu'on voulait refuser ou on voulait... on veut interdire le placement syndical. Le placement syndical, c'est très important pour un syndicat, et c'est ce que permettait la loi R-20. Alors, à coups de débats, à coups de projets de loi, à coups de règlements, on est arrivé tranquillement à mettre le couvert sur la marmite. Mais n'ouvrez pas la marmite, et c'est ça qu'on dit. Et, si on le fait pour le RSS, trouvons des solutions plus appropriées ou permettons aux maîtres d'oeuvre, qui ne sont pas toujours les employeurs, les entrepreneurs, disons-le, à avoir des ressources ou à mettre en place des ressources sur lesquelles ils vont avoir un certain contrôle, parce qu'ils en sont responsables au bout de la journée. C'est ça qu'on dit.

M. Derraji : Oui. Comme exemple des ressources et ce que vous avez dit tout à l'heure au niveau de... je l'ai noté quelque part... mais genre de mesures que vous avez soulevées pour arriver à avoir cet équilibre?

M. Hamel (Pierre) : Bien, actuellement, et je le répète, essentiellement, ce qu'on dit, on dit : Le projet de loi, déjà, il amène l'arrivée de coordonnateurs à 100 employés et il met sur pied un comité à 20 salariés. C'est quand même appréciable en termes de modernisation et d'impact sur les chantiers. Il y a beaucoup plus de chantiers qui vont être considérés et qui vont être, je dirais... où il va y avoir des outils comme tels. Mais on ne peut pas aller jusqu'au RSS.

M. Derraji : Merci à vous deux, c'est très clair. Là, je veux vous ramener sur un autre enjeu, c'est l'article 329. Ce matin, nous avons eu un groupe, et que ça soit moi ou mon collègue le député de Robert-Baldwin, nous avons les mêmes inquiétudes. Je vais vous lire l'article en question et j'aimerais bien vous entendre : «Aux fins du premier alinéa, est déjà handicapé le travailleur ayant, avant sa lésion professionnelle, une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujet à rencontrer des obstacles dans l'accomplissement d'activités courantes.»

Ça, c'est ce que vous suggérez, hein? Ça, c'est ce que vous suggérez. Le 329, on parle du travailleur déjà handicapé, et vous avez tout un argumentaire sur trois ou quatre pages. J'aimerais bien vous entendre. Il ne me reste pas beaucoup de temps, je le calcule, mais, s'il vous plaît, essayez de raccourcir parce que ça va nous permettre de comprendre votre point de vue.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 1 min 45 s.

M. Hamel (Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Alors, ce qu'on souhaite, et je le répète, on souhaite le maintien actuel de la jurisprudence qui s'est développée au fil des ans, qui est une jurisprudence qui est quand même déjà très exigeante, afin de permettre ce partage de coûts là. Et, si on va là où le projet de loi nous demande, le fardeau de preuve est tellement important que c'est, pour nous, tout simplement enlever ce droit-là comme tel. Alors, ce qu'on a proposé, on dit : Ou bien vous adoptez tel... Ou bien vous enlevez ce qui est dans le projet de loi ou, si vous voulez mettre une définition, prenez celle qui a été développée par la jurisprudence au fil des ans et qui est maintenant... En tout cas, si elle n'est pas unanime, on m'a mentionné qu'elle était très largement suivie.

M. Derraji : Et vous donnez même un exemple. Vous parlez de la cotisation de l'employeur avec 90 % des coûts au fonds général, 10 % coûts imputés à l'employeur par un dossier à la CNESST. Au fait, à la lecture du 329, parfois on pense que c'est juste pour l'inclusion des personnes handicapées, mais il va au-delà de ça, sur la capacité réelle des employeurs à accepter des personnes handicapées et à assurer l'inclusion au niveau de gérer du marché de l'emploi. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Hamel (Pierre) : C'est exactement la notion de compromis social auquel on faisait référence tantôt.

M. Derraji : Donc, au-delà de ce groupe qui nous a alertés ce matin, c'est le groupe des travailleurs handicapés, vous aussi, vous prêchez dans le même sens qu'il faut faire attention avec cet article.

M. Hamel (Pierre) : Exactement.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bien. Merci. Alors...

M. Derraji : Merci, monsieur... Merci, M. Boily, merci, M. Hamel, pour le mémoire encore une fois. C'est tellement riche, mais, bon, 11 minutes, on ne peut pas faire beaucoup de choses. Merci à vous deux.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Hamel, M. Boily. Bienvenue. Il y a quand même... C'est tout un univers, la santé et sécurité. Et la santé et sécurité à l'intérieur de la construction, c'est un univers dans l'univers. On a eu la chance d'entendre des présentations très intéressantes aujourd'hui, la vôtre incluse, bien sûr. Il y a deux idées qui ont été mises de l'avant par des organisations syndicales, que je trouvais assez inspirantes, en tout cas, totalement nouvelles. La première, je ne me rappelle pas si on l'a évoquée tantôt, mais le droit de refus collectif. C'est l'Inter qui en a parlé ce matin, qui mettait de l'avant l'idée que le droit de refus qu'on connaît bien, bien sûr, là, qui est nécessairement exercé par un individu dans sa forme actuelle, mais qui peut mettre tout le poids politique et relationnel sur l'individu avec son patron d'exercer un droit de refus, ce n'est pas banal. C'est comme un salarié dans une entreprise qui exercerait une norme du travail avec son patron, parce qu'il faut avoir des reins solides, et là il dit : Si on mettait le droit de refus collectif, ça ferait en sorte que ce poids-là, qui est sur la charge des épaules d'un individu, d'un travailleur ou d'une travailleuse, serait mieux réparti. Est-ce que c'est un genre d'idée qui peut trouver écho à vos oreilles?

• (14 h 40) •

M. Hamel (Pierre) : Malheureusement... Écoutez, d'abord, c'est la première fois qu'on l'entendait, mais je vous dirais, et ça a été confirmé par M. Boily lors de nos discussions, des situations dangereuses, là, il y en a des centaines par jour qui sont dénoncées par tous les travailleurs, et ils travaillent ensemble. Les contremaîtres sont des syndiqués, ils travaillent avec d'autres personnes, ils dînent ensemble, ils parlent de la situation. Personne ne veut qu'on se blesse, là. C'est de même que ça se passe pour de vrai dans le vrai. Les situations dangereuses sont nombreuses. Le droit de refus, c'est ma perception à moi où est-ce qu'il y a un danger réel. Mais moi, là, je n'y vais pas. Puis il y en a d'autres qui vont dire : Non, moi, je suis très bien à l'aise, je veux faire ça comme tel. Le rendre collectif, c'est de déterminer si une cause peut toute paralyser un chantier. Ça, c'est la première vision que j'en ai, alors qu'on n'est pas dans une situation...

Puis je comprends qu'il y a peut-être certains travailleurs qui vivent ces situations-là. Remarquez qu'ils ont une panoplie de recours vraiment importante, là, si ça leur arrive comme tel, le droit de grief, etc., là, il y a plein, plein, plein de recours possibles pour les travailleurs comme tels, mais la notion au droit de refus comme telle, je trouve que c'est vraiment exagéré que de la rendre uniforme comme ça. Et d'autant plus que, si elle est considérée par le syndicat, il va remplacer la CNESST.

Comment ça se passe, un droit de refus? La personne dit : Moi, je ne veux pas y aller, et une autre personne dit... parce qu'il y a un enjeu réel. La CNESST va venir et va dire : Je m'excuse, il n'y en a pas, de danger. Oui, il y a un danger. C'est ça qui va arriver. Mais substituer le syndicat à la CNESST, ce n'est pas une bonne idée, là. Vous comprenez?

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien.

M. Leduc : Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci beaucoup. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous avez également 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Hamel et Boily. Écoutez, moi, je ne reviendrai pas sur votre mémoire, qui est intéressant, mais avec certains éléments avec lesquels je ne suis pas d'accord. Écoutez, certains groupes nous ont fait part d'un très triste bilan en termes de santé et de sécurité, bon, avec un nombre d'accidents puis de décès qui est épeurant, au Québec, sur les chantiers de construction. Est-ce que vous partagez la position de certains spécialistes en sécurité et santé et les syndicats par rapport à la raison d'un si haut taux d'accidents dans les chantiers du Québec?

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, sincèrement, là, le bilan, il est difficile dans une industrie très difficile, mais je ne partage pas... je ne dirais pas... Ce que je pourrais dire, tout simplement, c'est que l'engagement des entrepreneurs en santé et sécurité en 2021, il est présent et il est très présent. Ça, je peux dire ça comme tel. Et je ne sais pas si, Luc, tu pourrais ajouter un élément là-dessus.

M. Boily (Luc) : Bien oui. En fin de compte, c'est une photo, c'est sûr. La photo n'est pas belle. Mais je voudrais surtout passer un message, profiter de ce forum-là, parce que ce que vous apportez a été apporté plusieurs fois : la photo n'est pas belle, mais il ne faudrait pas que ça soit quelque chose qui démotive tous ceux dans l'industrie qui ont à coeur la santé et sécurité de leurs travailleurs, qui ont à coeur de mettre en place des mesures de prévention et de développer une culture de prévention. C'est grand, l'industrie, 25 000 entrepreneurs, près de 200 000 travailleurs. On va prendre ça puis on va jouer notre rôle d'association. On a des entrepreneurs qui assument un leadership, ils sont très nombreux. Qu'ils ne soient pas démotivés par cette image-là. On va la contextualiser, on va...

Puis on a besoin aussi d'information de la CSST pour cibler les actions où on doit agir. Puis c'est arrivé dans le passé, on a identifié des situations, ça s'appelait les «tolérance zéro», ou les priorités de la CSST, puis, quand l'industrie, les syndicats, les associations patronales, employeurs, travailleurs vont dans la même direction, je vous dis que les problématiques se règlent rapidement. Peut-être qu'à ce stade...

M. Roy : Donc, vous ne partagez pas la position des groupes qui disent qu'il y a des entrepreneurs qui manquent d'imputabilité puis qu'il y a du laxisme au niveau de la CNESST?

M. Boily (Luc) : Pas tout à fait, là. Puis, si on... Bon, en fin de compte, je veux être sûr d'avoir bien compris votre question.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il ne nous... Le délai est déjà passé, par exemple, là.

M. Hamel (Pierre) : Ah! excusez. Juste terminer et dire que ce n'est pas tous les employeurs qui sont comme ça, M. le député.

M. Roy : Il ne faut pas généraliser, vous avez raison. Merci beaucoup.

M. Hamel (Pierre) : Loin de là.

M. Roy : Merci beaucoup, messieurs.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, merci, M. Hamel, M. Boily, pour votre intervention et votre contribution à la commission.

Alors, nous suspendons quelques instants, le temps d'accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 45)

(Reprise à 14 h 54)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous reprenons les travaux. Nous accueillons, cette fois-ci, le Syndicat québécois de la construction. Alors, je vous invite, messieurs, de vous présenter et ensuite de commencer votre exposé de 10 minutes.

Syndicat québécois de la construction (SQC)

M. Picard (Charles-Olivier) : Bonjour. Charles-Olivier Picard, coordonnateur des relations de travail au Syndicat québécois de la construction.

M. Prescott (Steve) : Steve Prescott, coordonnateur en santé et sécurité du travail.

M. Picard (Charles-Olivier) : Donc... parfait. Nous représentons le Syndicat québécois de la construction, qui est reconnu comme association représentative en vertu de l'article 28 de la loi R-20, c'est-à-dire la loi qui régit les relations de travail dans l'industrie de la construction. Nous représentons exclusivement les travailleuses et travailleurs de l'industrie de la construction. Notre membership s'élève à 38 500 membres, approximativement. Les intérêts de ceux-ci seront représentés exclusivement dans l'analyse du projet de loi. Nous ne toucherons pas d'autres secteurs d'activité. Nous touchons uniquement que la construction aujourd'hui.

En matière de prévention, nous exposerons nos constats et recommandations principalement sur les aspects qui traitent le représentant en santé et sécurité et le coordonnateur santé et sécurité, et, en indemnisation, nous exposerons nos constats et recommandations sur deux sujets précis, c'est-à-dire la déjudiciarisation du parcours d'indemnisation et la prépondérance du médecin traitant. Également, en matière d'indemnisation, nous sommes solidaires et nous approuvons, là, les recommandations qui vous seront faites demain par l'Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades. À ce titre, nous espérons pouvoir apporter un éclairage pertinent et constructif. Je passe la parole à mon confrère.

M. Prescott (Steve) : Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, dans le fond, on a tous lu le rapport du Commissaire au développement durable, publié en 2019, qui faisait le constat, là, qu'au Québec on avait un grand besoin d'action en prévention pour réduire la hausse des lésions professionnelles des dernières années. Ce projet de loi va rendre en vigueur les mécanismes de prévention dans notre industrie, mais, dans les faits, très peu de travailleuses et travailleurs pourront s'en prévaloir. C'est important de se rappeler que seule une participation active et volontaire du milieu de travail va permettre de faire face au problème sérieusement. Aujourd'hui, l'État doit mettre à la disposition des milieux de travail les conditions nécessaires leur permettant de prendre eux-mêmes leur santé et sécurité en main.

Le projet de loi va créer des inégalités en santé et sécurité dans notre industrie. Les grands chantiers de plus de 100 travailleurs de la construction ou de plus de 25 millions auront droit à des mécanismes de prévention et participation meilleurs. Nul doute que la prévention prendra une place importante sur ces chantiers, mais, faut-il le souligner, ils ne représentent qu'une infime partie de notre industrie. Nous croyons que le projet de loi doit absolument, impérativement, accorder les conditions nécessaires aux petits chantiers visant l'atteinte d'une prise en charge par le milieu, et il ne faut pas oublier qu'eux aussi sont considérés à risque élevé.

Notre position en ce sens s'inspire d'une étude de l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, l'étude R-1109, à laquelle les chercheurs mentionnent qu'un dollar investi dans une entreprise appliquant peu de sécurité provoquera de meilleurs résultats en diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ce principe reflète bien la réalité et les besoins de notre industrie et a guidé nos recommandations. Nous allons cibler deux points majeurs dans la section Prévention.

Débutons par le représentant en santé et en sécurité, le RSS, un rôle que j'ai moi-même rempli pendant près de cinq ans sur deux chantiers de grande importance au Québec, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal et le chantier de l'échangeur Turcot. Je connais bien le rôle du RSS. Concernant le RSS visé par l'article 222 du projet de loi, c'est clair pour nous, il ne pourra pas remplir son rôle. Sans sécurité d'emploi, sans stabilité sur le chantier, il ne pourra pas revendiquer l'élimination des dangers sans être constamment en situation conflictuelle avec son employeur. Il va être impossible pour lui de rendre ses dossiers à terme. En fait, c'est comme si on envoie un soldat à la guerre sans fusil. Il m'apparaît plus qu'évident, selon mon expérience terrain... le travailleur qui va accepter de remplir cette fonction va être confronté à des profonds dilemmes quant à ses interventions liées à son rôle. Il faut se dire les vraies choses : il n'est pas adapté à notre industrie, il ne prendra pas vie. Nous sommes particulièrement inquiets, M. le ministre, que le projet de loi mise sur ce RSS pour diminuer les lésions professionnelles dans notre industrie.

Concernant le RSS visé par l'article 224 du projet de loi, nous croyons que la tranche de travailleurs présents au chantier déterminant sa présence devrait être revue à la baisse. Sur les grands chantiers, beaucoup de travailleurs, tout le monde a besoin d'y avoir accès. Donc, ça fait partie de nos recommandations.

• (15 heures) •

Nos recommandations, les voilà. Pour le RSS visé par l'article 222, la création d'une équipe de représentants en santé et en sécurité régionaux issus des associations syndicales. Leur nomination, le nombre d'effectifs sera calculé en fonction du nombre de chantiers à couvrir et selon le degré de représentativité régionale de chaque association syndicale sous la loi R-20. Pour le RSS sur les grands chantiers, l'article 224 du projet de loi, établir sa présence par tranches de 200 travailleurs suite au premier désigné.

Deuxième volet, la section 4.1 du projet de loi va créer le coordonnateur en santé et en sécurité. Vous avez déjà démontré, M. le ministre, une ouverture concernant deux de nos recommandations pour le coordonnateur, alors j'aborderai en argumentation seulement un seul point, qui est tout aussi important pour nous dans notre analyse. En fait, plus que le rôle du coordonnateur va être redéfini, nous croyons qu'il serait pertinent de lui donner un outil supplémentaire afin de favoriser une indépendance envers son employeur. C'est inacceptable qu'un employeur possède le pouvoir de refuser une mesure préventive prescrite par son expert en santé-sécurité et mette ainsi en danger la santé-sécurité des travailleuses et des travailleurs. Nous recommandons donc d'ajuster cette section, l'article 215.1.

Nous recommandons le statu quo à 8 millions de dollars comme l'une des exigences minimales requises pour la mise en place du coordonnateur. Ajouter, à l'article 215.2, une fonction supplémentaire, qui serait celle d'émettre un rapport mensuel à la commission, et également une mention au même article à l'égard de l'exclusivité à la sécurité concernant son rôle, et puis augmenter le nombre minimal d'heures de formation du coordonnateur, évidemment, comme vous l'avez mentionné plus tôt dans d'autres présentations.

Nous croyons que les changements proposés sont nécessaires afin qu'un paritarisme de collaboration s'installe à chaque milieu de travail dans notre industrie. Les travailleurs demandent et ont droit à leurs mécanismes de participation pour prendre en main leur propre santé et sécurité. Merci.

M. Picard (Charles-Olivier) : À mon tour.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, il vous reste deux minutes.

M. Picard (Charles-Olivier) : Alors, j'irai en deux minutes. Mme la Présidente, M. le ministre, distingués parlementaires, je vous parlerai, en indemnisation, principalement, là, de la déjudiciarisation du parcours d'indemnisation. Il est clair, à notre esprit, qu'il y a des efforts importants à faire pour rendre le processus plus simple et efficace.

La recommandation première sur cinq, c'est de ne conserver qu'un seul palier de contestation, c'est-à-dire le TAT, afin d'éviter des délais, là, longs et laborieux. Au passage, nous saluons quand même le fait que le délai pour soumettre une reconsidération de décision est rendu maintenant à six mois.   Aussi, nous proposons d'élargir la présomption applicable à l'article 28 afin de faciliter l'accès au régime d'indemnisation de l'accidenté du travail, exiger à la CNESST de traiter toutes les demandes d'indemnisation comme si elles étaient vraies et déposées de bonne foi par le travailleur. On croit que c'est plutôt à l'employeur d'avoir le fardeau de preuve de démontrer le contraire.

Nous devrions également octroyer des pouvoirs à la CNESST pour sévir contre un employeur qui soumet de faux documents ou, dans le cas d'une plainte ou une réclamation, qui voudrait simplement bafouer les droits du travailleur pour mettre sa cotisation à la baisse.

Également, nous voulons revoir le mécanisme de paiement des indemnités de remplacement de revenu afin que celles-ci soient payables au travailleur dès le premier jour et ainsi éviter des contestations judiciaires, payables au travailleur dès le premier jour par la CNESST, j'insiste. Également, nous proposons de conserver la formule actuelle de l'article 180 de la Loi sur les accidents du travail afin que le travailleur en assignation temporaire ne subisse pas de perte salariale.

Et, pour terminer, rapidement, comme plusieurs autres groupes l'ont fait, nous soulignons que le médecin traitant doit garder sa prépondérance, principalement dans un cas de retrait préventif. Nous ne croyons pas nécessairement qu'un protocole va s'appliquer à l'industrie de la construction. Les risques sont plusieurs, sont mixtes, et il n'y a pas un chantier qui est pareil comme... un à l'autre. Et, dans le même sens, en matière de retrait... de retour progressif et d'assignation temporaire, nous croyons qu'une des exigences à une bonne réadaptation est le lien de confiance entre le médecin traitant et son patient. En ce sens, il est impératif pour nous que le médecin traitant garde un rôle prédominant. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci. Nous allons commencer la période de questions avec le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Prescott, M. Picard. Content de vous rencontrer. J'ai eu l'occasion de discuter avec des représentants du SQC et je connais votre niveau de représentativité, votre engagement en matière de prévention et de respect des normes en matière de santé et sécurité du travail. Puis, en pandémie, on en a parlé un petit peu plus tôt, ça a été accentué, ça a requis des efforts additionnels. Puis je pense que, Steve, vous le mentionniez très bien, hein, ça prend une prise en charge par le milieu puis c'est une responsabilité conjointe, tant des entrepreneurs dans le secteur de la construction que des travailleurs pris dans leur ensemble.

Peut-être deux petites questions de votre... Puis, Steve, j'ai beaucoup d'estime pour le travail que vous avez fait, là, notamment au CHUM puis Turcot, là, c'étaient deux chantiers majeurs, là, et où vous avez agi comme représentant en santé et sécurité. Ça fait que vous connaissez sûrement très bien le tabac, hein? Ça fait que, quand vous dites... Puis j'apprécie, d'ailleurs, pour le coordonnateur, là, même s'il y a un passage de 150 à 100, que vous exprimiez du moins un accord, puis le comité de chantier, de 50 à 20, c'est le RSS, là. Puis vous faites souvent référence, puis vous n'êtes pas les premiers à le faire... mais j'aimerais avoir une explication de votre part, Steve, tenant compte de votre vécu, là, parce que vous l'avez fait, tu sais, si c'est un représentant des travailleurs, vous dites : Risque de conflit d'intérêts, donc ce qui serait idéal, c'est qu'il soit nommé par le syndicat. En quoi le fait qu'il soit nommé par l'association accréditée diminue le risque de conflit d'intérêts, tu sais, si, par exemple, il y a des relations de travail difficiles ou il y a un conflit de travail? Puis je n'ai pas d'opinion, là, si bien établie à cet égard-là, mais j'aimerais ça vous entendre. En quoi la nomination par le syndicat diminue le risque de conflit d'intérêts?

M. Prescott (Steve) : Merci, M. le ministre, pour la question. Dans le fond, l'aspect, là, ce qu'on veut amener par la nomination, désignation par l'association syndicale, c'est que le représentant aura une sécurité d'emploi, ce que le travailleur en chantier n'aura pas. Donc, contrairement au RSS, selon l'article 222, il peut insister, il peut pousser ses dossiers plus loin sans se retrouver sous la menace de perdre son emploi. Donc, c'est plutôt une garantie d'emploi comparativement à un conflit d'intérêts.

Je vous donne un exemple. Lorsqu'un RSS en chantier va constater une situation à risque, il va devoir intervenir auprès de son employeur. Et puis, si l'employeur décide qu'il ne met pas de l'avant la mesure pour rendre le chantier sécuritaire, eh bien, le RSS doit insister. Et, parfois, M. le ministre, il faut insister énormément. Et c'est là où est-ce que le RSS devient dérangeant, si on veut, au niveau des employeurs sur le terrain, et qu'il va très certainement se faire tasser, perdre son emploi. Tandis que, s'il est issu des associations syndicales, eh bien, il n'aura pas cette menace-là de perdre son emploi et il pourra définitivement remplir son rôle pleinement.

M. Boulet : ...cependant, en vertu de la loi, qu'il est protégé, là, quand il exerce les fonctions et responsabilités attribuées au représentant en santé et sécurité, il ne peut pas faire l'objet de représailles ou de sanctions. Mais j'aime bien l'approche aussi, je comprends. La notion de conflit d'intérêts, peut-être un peu moins, là, mais la garantie d'emploi, ce que vous dites, Steve, c'est que, s'il est nommé par les travailleurs puis le chantier finit, il y a rupture du lien d'emploi, alors que, si c'est un représentant syndical, il pourrait poursuivre. Est-ce que c'est ça, la garantie d'emploi?

M. Prescott (Steve) : Bien, vous comprenez bien. Dans le fond, il y a deux aspects, il y a la stabilité au chantier... Vous apportez, là, la notion que, lorsqu'un employeur termine son contrat, il change de chantier. Le RSS, s'il est avec cet employeur-là, va devoir quitter le chantier. Donc, au niveau de la stabilité, on n'a pas cette notion-là, mais c'est également plutôt au niveau de la perte de son emploi. Les travailleurs de notre industrie ont une moyenne de 1 000 heures travaillées par année et ils changent souvent d'employeur. C'est facile, pour un employeur, en arrivant à la fin d'un contrat, de mettre à pied ses travailleurs, et d'ailleurs il doit le faire, quand les contrats sont terminés puis il va vers un autre chantier, il doit mettre à pied ses travailleurs lorsqu'il n'y a plus d'emplois. Donc, notre crainte, et ce que je peux confirmer par mon expérience, ça va être celui qui va être dans les premiers mis à pied, le RSS, parce qu'il va être dérangeant aux yeux de son employeur.

• (15 h 10) •

M. Boulet : Vous avez probablement raison, puis je trouve que c'est une bonne opinion que vous me donnez, puis je trouve que c'est des informations hyperpertinentes.

Le deuxième point, Steve, bien, les chantiers, là, la valeur des chantiers, là, de 25 millions et plus, bien, vous le savez, là, en 1974, c'était 5 millions, en 1986, si je me souviens bien, c'était 8 millions. Puis ce qui a été fait, dans le projet de loi, c'est d'indexer le 5 millions à 25 millions, mais j'ai exprimé devant des intervenants antérieurs l'ouverture... en tout cas, j'ai une ouverture à ce qu'on baisse le 25 millions. On verra, là, jusqu'à quel niveau. Certains nous ont proposé 12 millions, d'autres, certains chiffres, là, mais on verra à ce que ce soit le plus compatible avec l'atteinte des objectifs, là, en matière de prévention puis que ça soit pragmatique aussi.

Charles-Olivier, judiciarisation, moi aussi, je suis un partisan de la déjudiciarisation, qu'on aille direct au TAT. La plupart des dossiers sont entérinés, les décisions de la CNESST sont entérinées par la Direction de la révision administrative. En même temps, tu comprends, Charles-Olivier, qu'il faut respecter la Loi sur la justice administrative, hein, puis les décisions de l'État. Il y a comme un principe de justice fondamental qu'il faut, pour le justiciable, avoir l'opportunité d'obtenir une révision. Ça, c'est un point.          Deuxièmement, c'est sûr qu'il y aurait un «backlog» immense, là, il y a... c'est par dizaines de milliers, les demandes de révision, là, je pense qu'il y en a 20 quelques mille par les travailleurs puis 40 quelques mille par les employeurs. Mais on est allés quand même... on a fait un bon bout de chemin, là, on permet d'opter, de choisir entre le tribunal administratif puis la révision administrative pour toutes les décisions en matière médicale et de financement, ce qui constitue quand même un bon nombre. Donc, c'est quand même un bon bout de chemin, là, en matière de déjudiciarisation.

Présomption de 28, Charles-Olivier, j'aimerais juste un peu mieux comprendre, parce qu'il y en a déjà, une présomption, à l'article 28 de la loi. Un, blessure, deux, sur les lieux de travail, trois, tu fais ton travail, il y a une présomption d'accident de travail, puis là le fardeau de la preuve est sur les épaules de l'employeur, qui doit briser le lien de causalité entre la blessure puis le travail. Qu'est-ce que vous demandez, précisément, Charles-Olivier, au-delà... Est-ce qu'il y aurait une présomption automatique ou... Juste me donner des précisions.

M. Picard (Charles-Olivier) : Oui, bien, exactement. Merci, M. le ministre, pour me donner la possibilité de préciser. Effectivement, ce qu'on souhaite, c'est la présomption automatique. C'est sûr que nous, on vous parle de l'industrie de la construction. Il y a des secteurs d'emploi qui seront peut-être moins touchés avec les exemples qu'on vous donne, mais, lorsqu'un dossier est à l'étude, c'est sûr que la présomption actuelle pour un accident simple, et bête, et soudain, où est-ce que tous les facteurs sont remplis, le dossier est déposé relativement rapidement. Et où est-ce qu'on a une collaboration de l'employeur pour valider les dires du travailleur, ça va relativement assez rapidement, mais, dans beaucoup de cas, malheureusement, les employeurs ne collaborent pas, le relevé d'incidents au chantier, ça n'existe à peu près pas. Il y a plusieurs critères qui sont malheureusement des obstacles.

Lorsque vient le temps de faire un dossier d'indemnisation et lorsque vient le temps d'apporter des précisions en acceptation du dossier en réclamations, bien, les dossiers sont refusés d'office, et on nous envoie directement vers la Direction de la révision administrative, alors que le dossier est déposé de bonne foi. Souvent, il faut même faire des articles 32 — j'y viens aussi, avec une recommandation qu'on a faite — parce qu'il y a des informations mensongères, erronées qui sont soumises par l'employeur. Souvent, les employeurs, dans l'industrie de la construction, voient la santé-sécurité comme un coût, autant au niveau de la prévention, comme mon collègue vous l'a dit, mais, effectivement, en indemnisation, c'est des difficultés qu'on a assez souvent, peut-être parce qu'on est dans une industrie où est-ce que le lien d'emploi peut se briser plus facilement aussi, là.

M. Boulet : O.K. J'ai bien compris, Charles-Olivier, mais c'est beaucoup une question d'application, là, ce n'est pas une remise en question de la présomption, mais faciliter l'admissibilité des lésions. Puis peut-être que, dans le secteur de la construction, que je ne connais pas tant que ça... mais il y a des particularités, tu sais, la précarité, la succession des employeurs, ça a probablement des incidences particulières.

L'IRR, bon, l'indemnité de remplacement de revenu, une de vos recommandations, et tu l'as dit tout à l'heure, Charles-Olivier, c'est que la CNESST paie tout de suite. Juste te dire que les 14 premiers jours, actuellement, sont payés par l'employeur, puis, à partir du 15e jour, par la CNESST. Puis, quand la CNESST embarque, à compter du 15e jour, c'est 90 % du revenu net retenu — tu es familier avec ça — mais, les 14 premiers jours, l'employeur paie le plein salaire puis, après ça, il fait un avis de l'employeur et demande de remboursement, puis il est imputé. Mais, si la CNESST paie le premier jour, elle va payer 90 % du revenu net retenu, et donc il risque d'y avoir une incidence financière pour le travailleur. Est-ce que vous aviez réalisé ça en proposant votre recommandation?

M. Picard (Charles-Olivier) : En fait, nous, ce qu'on souhaite effectivement, c'est que le travailleur n'ait pas de perte salariale ni de perte de traitement. La situation, dans l'industrie de la construction, cependant, est qu'il y a beaucoup d'employeurs qui disent : Bien, tes 14 premiers jours, bien, vous vous arrangerez directement, vous, les travailleurs, avec la commission, la CNESST. Puis c'est des contestations à l'article 32 qui sont répétitives. Ce que je peux vous dire, c'est qu'au syndicat il n'est pas rare qu'un dossier sur cinq ou un dossier sur six est accompagné d'un article 32, pour ces motifs-là. Donc, on est dans une situation où est-ce qu'il y a de l'éducation à faire au niveau de l'indemnisation. Et, souvent, on voit les mutuelles de prévention plutôt comme des mutuelles de contestation systématique au dossier — et je pense qu'il y a deux jours l'UPA disait à peu près le même commentaire, là.

M. Boulet : Je profite de l'occasion pour dire que je ne suis pas d'accord avec ces pratiques-là. Écoutez, ce que je comprends, c'est que l'entrepreneur ne paie pas. Il dit : Tu vas être payé par la CNESST, ça fait que le travailleur est contraint de faire une plainte en vertu de l'article 32 de la Loi sur les accidents de travail. Tu as... Ah! Je ne suis vraiment pas confortable, puis ce n'est pas respectueux de la loi, d'imposer ce fardeau-là aux travailleurs, puis je pense qu'il faut être sincère en le disant.

Ça fait que je comprends très bien le point. En même temps, la recommandation découle de pratiques qui sont illégales, qui ne sont pas respectueuses de la loi, tu comprends-tu? Si on respectait la loi comme ça doit être fait, il n'y aurait pas une recommandation de cette nature-là, parce que les travailleurs, ils ont leur plein salaire dans les 14 premiers jours, on s'entend?

M. Picard (Charles-Olivier) : On s'entend là-dessus. Et c'est d'ailleurs pourquoi aussi on a fait une recommandation pour permettre au pouvoir... permettre d'octroyer des pouvoirs à la CNESST pour sévir contre les employeurs qui font ce genre de pratiques là. Au-delà que de rendre une décision en médiation, en conciliation ou en décision pour dire au travailleur : Voici le dû que vous avez, les employeurs doivent également être punis en fonction de ces pratiques-là. C'est tout simplement un obstacle aux acquis de la classe ouvrière, là.

M. Boulet : On s'entend très bien, je suis d'accord, puis ça impose, bien sûr, Charles-Olivier, aux travailleurs de faire une plainte en vertu d'un autre article de la loi, puis ça judiciarise tout le processus.

PMSD, le programme de maternité sans danger, il faut comprendre que le protocole national vise à rendre ça plus équitable parce que, là, il y a beaucoup d'iniquités. Il y a des médecins, dans des villes différentes ou des régions différentes, qui, pour le même travail, peuvent émettre ou ne pas émettre, et donc on veut avoir un protocole national pour parler des conditions générales. Mais le médecin qui fait le suivi de la grossesse, Charles-Olivier, simplement pour vous rassurer, là, il va conserver son rôle, il va émettre le certificat puis il va tenir compte des particularités de la travailleuse enceinte.

Puis l'assignation temporaire, la prépondérance du médecin traitant, ce qu'on soumet dans le projet de loi, c'est qu'il y aura dorénavant un formulaire avec tout ce qui est requis, là, puis les trois conditions de l'article 179 de la Loi sur les accidents de travail, pour permettre à un employeur de faire une assignation temporaire, pour que le médecin continue à dire qu'il est d'accord, que c'est favorable puis qu'il peut le faire, puis, etc., puis déterminer les limitations, la nature du travail pour... Mais ce n'est pas l'intention, là, de diluer. Je pense que la prépondérance de l'opinion du médecin traitant demeure, à ce sujet-là, donc...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste une minute, monsieur. Une minute.

M. Boulet : Alors, pour conclure, merci beaucoup, Steve puis Charles-Olivier. Un, le mémoire est pertinent, deux, vos propos sont tout à fait justifiés, légitimes, puis j'apprécie beaucoup le ton pédagogique que vous empruntez. On est là pour travailler ensemble pour le bénéfice de la santé des travailleurs. Et, dans le domaine de la construction, il y a une acuité particulière, le bilan lésionnel est lourd, il faut travailler à s'améliorer, puis c'est en donnant toutes les possibilités tant aux employeurs qu'aux syndicats et aux travailleurs d'assumer leurs responsabilités, là, d'avoir des environnements de travail sécuritaires puis exempts de tout risque. Puis je pense qu'on s'est quand même développés durant la pandémie, il y a eu des hauts et des bas, il y a eu des écueils, mais, quand même...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.

• (15 h 20) •

M. Boulet : Merci beaucoup à vous deux. Au plaisir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Il possède... ou vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Et je vous informe que mon collègue le député de Robert-Baldwin va avoir aussi quelques questions, donc je vais essayer d'être juste dans le temps que je vais utiliser.

Messieurs, bonjour. Merci pour le rapport. Merci d'être là. J'imagine, et... Ce n'est pas la première fois qu'on entend un groupe de la construction, nous avons eu l'occasion aujourd'hui d'avoir quelques groupes, chacun défend sa position, ce qui est tout à fait juste et louable.

Je veux juste vous poser une première question d'introduction. J'ai entendu qu'on va, à l'étape actuelle du projet de loi, être soit en mode collaboration soit en mode dénonciation, et là vous savez de quoi je parle, au niveau du fameux représentant en santé et en sécurité. De votre point de vue, Syndicat québécois de la construction, je pense que votre motivation numéro un, c'est s'attaquer aux lésions et s'attaquer aux accidents sur nos chantiers. Est-ce que le projet de loi, tel que vous l'avez analysé en date d'aujourd'hui, selon vous, il modernise notre régime de santé et sécurité au travail?

M. Prescott (Steve) : Eh bien, merci, monsieur, je vais répondre à la question. À vrai dire, nous, non, on ne pense pas qu'on va atteindre les objectifs, visés par le projet de loi, de réduction des lésions professionnelles, en ce sens que les milieux de travail ont besoin de leurs mécanismes de participation pour atteindre cet objectif, et les outils qui sont donnés ne sont pas là. Je vous fais... je vais vous citer un extrait de l'analyse d'impact réglementaire qui a été publiée le 30 septembre 2019. Ce qu'on disait là-dedans, c'est que, je cite : «Le déploiement envisagé permettrait [...] la présence d'un RSS à temps partiel [et] à temps complet sur 11,7 % à 14,2 % des chantiers [...]. [Le] déploiement permettrait [...] la présence d'un comité de chantier sur 2,6 % à 2,9 % des chantiers...»

Si on prend ces chiffres-là à l'inverse, cela veut dire que plus de 97 % des chantiers n'auront pas de comité de chantier et plus de 86 % des chantiers n'auront pas de RSS, avec les outils qui sont fournis dans le projet de loi. Selon nous, on ne donne pas la chance, avec des chiffres aussi bas, de permettre aux travailleurs de dénoncer les situations dangereuses. Voilà.

M. Derraji : Bien, c'est une excellente réponse, mais là vous avez entendu le ministre, depuis tout à l'heure, et, dans l'énoncé de son projet de loi, il n'arrête pas de dire que ça fait 40 ans qu'on n'a pas touché à cela et que lui, il veut moderniser ce projet de loi. Ce que vous êtes en train de nous dire, aujourd'hui, c'est que vous ne voyez aucune modernisation, au contraire, il y a des chantiers qu'on ne touche même pas. Donc, est-ce que, vraiment, avec tout le travail que nous sommes en train d'accomplir et les groupes qu'on va rencontrer, le projet de loi, tel qu'il est aujourd'hui, on ne va pas atteindre les résultats escomptés, à savoir la diminution des accidents, au niveau de nos chantiers, et donc... et les lésions?

M. Prescott (Steve) : Bien, comme vous le dites, il y a une certaine... il accorde, là, sur les chantiers, là, de 25 millions et plus, là, le RSS à temps complet. C'est nouveau. C'est des choses qu'on demande, les associations syndicales, depuis plusieurs années. Ça, c'est nouveau. Toutefois, ils visent 0,5 % des chantiers. Donc, avec les statistiques accablantes qu'on a année après année, les records, les décès malheureux dans notre industrie, non, on ne va pas changer la tendance difficile dans notre industrie. C'est une industrie à risque, changeante, donc ce n'est pas avec un RSS, comme on le propose, là, à l'article 222 du projet de loi, qu'on va réussir à diminuer les lésions professionnelles.

M. Derraji : Oui. Et, en fait, ça fait du sens un peu avec la page 8, où vous dites que — et je partage ce point de vue — «...il reste étonnant de constater que le projet de loi propose une formation moins étoffée au RSS des plus petits chantiers. En effet, trois heures minimales de formation seront offertes au RSS des chantiers de moins de 25 millions de dollars ou de moins de 100 travailleurs, tandis que 40 heures minimales de formation seront offertes au RSS des chantiers de plus de 25 millions de dollars ou plus de 100 travailleurs.» Selon vous, pourquoi on a mis ça dans ce projet de loi? Est-ce qu'on vous a appelés ou consultés avant de dire que ça prend trois heures de formation ou ça prend 40 heures de formation pour avoir et assurer la sécurité sur les chantiers?

M. Prescott (Steve) : Nous, on n'a pas été consultés à cet effet-là. Mais, comme vous pouvez le voir dans notre recommandation, pour nous, c'est incomprenable. 40 heures, déjà, ce n'est pas beaucoup, mais pourquoi offrir trois heures à un RSS, 40 heures à un autre, quand ils feront face aux mêmes enjeux, aux mêmes difficultés, en utilisant les mêmes mécanismes de prévention? On ne le comprend pas.

M. Derraji : Oui. Donc, selon vous, que ça soit le nombre d'heures de formation, vous avez aussi parlé de l'indépendance du RSS, c'est des éléments clés si on veut atteindre les résultats? Et c'est sur quoi... est-ce que c'est sur ces deux points qu'on doit insister au niveau du volet prévention?

M. Prescott (Steve) : Le plus important, sans aucun doute, c'est l'indépendance du RSS de l'article 222 du projet de loi. Sans ça, il ne prendra pas vie dans nos chantiers. Et j'irai même plus loin, je crois que ce rôle-là ne sera pas enviable pour les travailleurs. Qui voudra d'un rôle où il devra dénoncer des situations à risque et dangereuses auprès de son employeur, lui qui détient un pouvoir financier sur lui? Je ne vois pas comment ça peut... on peut gagner avec un rôle comme ça, avec les outils qu'on lui donne. Ça ne fonctionnera pas.

M. Derraji : Merci, c'est clair pour moi. Merci, Mme la Présidente. Je pense que mon collègue a des questions aussi.

M. Prescott (Steve) : Merci.

M. Derraji : Merci à vous deux.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la parole est au député de Robert-Baldwin. Il vous reste quatre minutes.

• (15 h 30) •

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, messieurs, MM. Prescott et Picard, bonjour. Merci d'être là. Oui, nous avons déjà entendu plusieurs de vos collègues du mouvement syndical, aussi du mouvement patronal, dans la construction, et, vraiment, le portrait qu'on a de cette industrie est vraiment, je ne dirais pas irréconciliable, mais, disons très différent. Le portrait que vous et vos collègues nous dressez, c'est une industrie qui est fragile, fragile dans le sens... la façon dont elle opère, évidemment, c'est contrat par contrat, c'est chantier par chantier, et donc il y a toujours un peu d'incertitude, quelle va être la prochaine étape. Mais ma question est la suivante. La perception que j'ai, maintenant, c'est que cette industrie de la construction fonctionne presque à pleine capacité. Le volume d'affaires, malgré la pandémie, est très fort. Et le gouvernement, avec son projet de loi n° 66, par exemple, veut accélérer davantage les travaux d'infrastructure, surtout la construction d'écoles et de maisons des aînés, etc. Donc, on pourrait facilement présumer que l'activité va s'accélérer davantage, dans une industrie qui est déjà au bord de la pleine capacité. Avec tous les problèmes que vous avez décrits, en termes de sécurité, le bilan de santé de l'industrie, avec le nombre de décès qui est le plus élevé au Canada, alors comment est-ce que vous voyez ça? Pensez-vous que le projet de loi va améliorer les choses, ou, avec cette accélération des travaux de construction, le bilan va malheureusement s'alourdir? Je ne sais pas si vous comprenez un peu où je veux aller, là, mais êtes-vous préoccupés, à court terme, par l'évolution du milieu de travail, des relations de travail dans l'industrie de la construction?

M. Prescott (Steve) : Eh bien, je vais débuter la réponse. Charles, je vais te laisser la parole après.

M. Picard (Charles-Olivier) : Parfait.

M. Prescott (Steve) : Eh bien, puisque nous avons des statistiques accablantes dans notre industrie et qu'on donne à notre industrie si peu de moyens pour se prendre en charge, pour que les milieux puissent se prendre en charge, je pense qu'on va continuer avec le même genre de taux de fréquence d'accidents et de taux de gravité, qui sont si graves dans notre industrie. Je ne crois pas qu'on va changer la tendance, pas avec les outils qui nous sont offerts là. On doit aller vers un paritarisme de collaboration et, pour ça, bien, on doit donner les outils aux travailleurs, qui ne sont pas offerts. J'espère que je réponds à votre question. Charles, je te passe la parole.

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, dans un contexte où est-ce que les travaux sont mis de l'avant, effectivement, M. Leitão, vous mettez très bien le contexte du projet de loi n° 66, où est-ce qu'on accélère des projets, et tout ça, bien, il y a une pression aussi sur la livraison de ces projets-là, puis cette pression-là peut s'accentuer et s'imposer sur les épaules du travailleur. Donc, dans le contexte, je reviens à la prévention, où est-ce qu'on a des représentants à la prévention, en vertu des plus petits chantiers, qui ont une sécurité d'emploi très précaire, bien, notre suggestion de créer l'équipe volante, qui a été reprise d'ailleurs, là, par d'autres associations syndicales, prend tout son sens, étant donné qu'ils auront la sécurité d'emploi, ils pourront opérer sur tous les chantiers.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je vous remercie.

M. Leitão : C'est déjà tout, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Eh oui, eh oui.

M. Leitão : Ah! Ce n'était qu'un début. En tout cas, merci beaucoup, messieurs, merci, et il va falloir continuer à discuter de ces choses-là. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous continuons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Picard, Prescott, bienvenue, toujours un plaisir de rencontrer les collègues syndicaux. Il y a un picot dans votre résumé, là, qui va comme suit : «D'octroyer des pouvoirs à la CNESST pour sévir contre un employeur qui soumet de faux documents dans la [cadre] d'une plainte ou d'une réclamation afin de le dissuader et de bafouer les droits des travailleurs.» C'est quand même fou, ça. Est-ce que c'est fréquent?

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, ce que je peux vous dire, c'est que ce n'est pas anecdotique. Comme je soulignais à M. le ministre tantôt, dans plusieurs cas, l'employeur soit ne collabore pas ou soit ne soumet pas les bons documents. Ce qu'il faut savoir, c'est que, dans l'industrie de la construction, lorsqu'il y a un accident de travail, ou un retrait préventif, ou une autre situation, nous ne sommes pas avec un contrat de travail, tel qu'une convention collective sous l'égide du Code du travail, nous sommes dans une industrie où le travail se fait d'une séquence à l'autre. Donc, lorsque vient le temps, par exemple, d'interpréter combien de temps la durée de travail aurait dû être, bien, souvent, on essaie d'éluder certaines informations pour être sûr qu'on n'aura pas un impact, là, très gros sur les... pour que l'employeur n'ait pas un impact très gros sur ses prestations. Donc, c'est un des exemples.

M. Leduc : Je comprends, mais, entre «pas le bon document» et «un faux document», il y a quand même une nuance, là.

M. Picard (Charles-Olivier) : Ah! Oui, oui, il y a une nuance, puis, souvent, la nuance, là, je l'ai... nous l'avons vue souvent en matière de retrait préventif, parce que l'employeur, dans son retrait préventif, paie les trois premières semaines, s'en fait rembourser deux, il y en a quand même une à ses frais, donc, si, malheureusement, la travailleuse a annoncé qu'elle était enceinte avant même d'avoir son certificat de retrait préventif, il devient... nous sommes dans une précarité sur le maintien du lien d'emploi, et c'est souvent dans des situations comme celles-là que, malheureusement, on a vu ces situations-là. Les travailleuses de la construction, déjà, qui ne sont pas très nombreuses, sont très découragées à pouvoir entreprendre une carrière et assumer des responsabilités familiales, comme on s'attend pour renouveler la société québécoise puis la... Voilà.

M. Leduc : Votre micro, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...il vous reste 40 secondes, quand même.

M. Leduc : Merci. Droit de refus collectif. Vos collègues de l'Inter ont évoqué ça tantôt. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être intéressant?

M. Picard (Charles-Olivier) : Vas-y, Steve.

M. Prescott (Steve) : Bien, écoutez, évidemment, toute amélioration des droits des travailleurs, on est pour. Et c'est pour ça, nous, on met de l'avant le RSS régional issu des associations. Et, nous, la vision qu'on a, c'est que c'est lui qui va devenir le point tournant sur les chantiers, sur la majeure partie des chantiers, et lui serait l'outil à utiliser pour effectuer un droit de refus. On est pour, on est pour améliorer le droit de refus, l'élargir, oui.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous donnons maintenant la parole au député de Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Prescott et Picard. Écoutez, vous avez mentionné, tout à l'heure, qu'avec les outils actuels du p.l. n° 59 on ne verra pas une diminution du nombre d'accidents puis de décès, bref, on va assister à la même hécatombe. Certains intervenants nous ont même dit qu'on allait voir, peut-être, une augmentation du nombre d'accidents. Est-ce que vous partagez cette position?

M. Prescott (Steve) : Écoutez, je ne veux pas me lancer dans une analyse de chiffres, a augmenté ou est demeuré au même niveau, ce qui nous intéresse et ce qu'on dénonce, c'est que le projet de loi est mis en place pour diminuer les lésions professionnelles, diminuer les accidents de travail, maladies professionnelles. Ce qu'on est sûrs, c'est que ça, ça ne sera pas atteint. Est-ce qu'il y aura le même... Est-ce qu'on va demeurer au même niveau? Est-ce qu'on va augmenter? L'avenir nous le dira. Souhaitons qu'on s'améliore, mais, une chose est sûre, on ne va pas diminuer les lésions professionnelles.

M. Roy : C'est bon. Une autre question, mon temps est terriblement court. Vous parlez de déjudiciarisation. Moi, je suis un néophyte, ça fait quelques semaines que je suis sur le dossier, puis... Ça coûte quoi, une cause, O.K., en termes d'avocat, de temps, tout ça? Quelque chose qui est judiciarisé, un parcours d'indemnisation judiciarisé chez un individu, un exemple, là, ça coûte quoi? Qui fournit les avocats, qui les paie, etc.?

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, dans le cas du Syndicat québécois de la construction, nous fournissons les avocats, évidemment, à nos travailleurs, parce que c'est la police d'assurance qu'on a. Mais, malheureusement, un travailleur non syndiqué, soit qu'il se représente lui-même, soit qu'il confie ça... mais un dossier sur lequel il doit essuyer plusieurs refus peut grimper facilement dans les 5 000 $, 6 000 $, 7 000 $ en honoraires juridiques, ou, sinon, doit aller à forfait et se faire retenir une partie du forfait, advenant le cas qu'il gagne sa cause. Donc, c'est des obstacles assez importants, là, sur la reconnaissance de ses droits, là.

M. Roy : Donc, l'argent qui est mis à la judiciarisation, s'il était mis en prévention, on ferait un gain en efficacité pour tout le monde au Québec.

M. Picard (Charles-Olivier) : Bien, effectivement. Et, si on élimine des paliers de contestation, bien, au moins, on peut accélérer le processus, là.

M. Roy : C'est bon. Merci beaucoup, messieurs.

M. Picard (Charles-Olivier) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Merci, M. Prescott, M. Picard, merci pour votre contribution à la commission.

Alors, nous suspendons les travaux quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

(Reprise à 15 h 41)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue au Réseau de la santé publique en santé au travail. Alors, messieurs, je vous invite à vous présenter, et, ensuite, vous pourrez commencer votre exposé. Vous savez que vous disposez de 10 minutes. Merci.

Réseau de la santé publique en santé au travail (RSPSAT)

M. Bonnier Viger (Yv) : Merci. Alors, je m'appelle Yv Bonnier Viger, je suis médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive. Je suis directeur régional de santé publique pour la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine et j'accompagne la table de concertation en santé au travail, la table nationale.

M. Denis (Geoffroy) : Bonjour. Je m'appelle Geoffroy Denis, je suis aussi médecin spécialiste en santé publique, chef médical du secteur Santé au travail à la Direction de santé publique de Montréal, actuel médecin responsable et fort possiblement futur médecin chargé de santé au travail.

M. Bonnier Viger (Yv) : Alors, mesdames, messieurs, nous vous remercions d'avoir lu notre mémoire et d'avoir accepté d'en discuter brièvement avec nous aujourd'hui. Nous remercions également toutes les femmes et les hommes qui ont contribué à la réflexion, la conception et la rédaction de ce mémoire et à tous les partenaires qui nous ont influencés depuis que nous y travaillons. Nous remercions enfin les nombreuses personnes qui ont travaillé à l'élaboration du projet de loi et tous celles et ceux qui ont produit des mémoires pour améliorer cette oeuvre collective.

L'exercice auquel nous contribuons n'est pas une simple renégociation d'un contrat d'assurance, il s'agit d'améliorer ensemble l'une des pièces maîtresses du dispositif législatif québécois qui encadre notre capacité collective à prendre soin de notre santé et de notre bien-être, un déterminant essentiel à notre richesse et à notre croissance collectives. Il s'agit donc d'un véritable contrat social.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux et ses directrices et directeurs régionaux de santé publique sont responsables de la surveillance de l'état de santé de la population, de sa protection, de la prévention des maladies et des traumatismes, de la promotion d'une meilleure santé et du bien-être et de la mobilisation de tous les acteurs sociaux susceptibles de contribuer à ces objectifs. Ces responsabilités s'appliquent évidemment aussi au monde du travail.

Pour remplir leur mandat, les directrices et directeurs comptent sur un vaste réseau de partenaires. Au cours des 40 dernières années, ils ont collaboré avec les travailleuses et les travailleurs, les employeurs, la Commission de la santé et de la sécurité au travail, qu'on appelle maintenant la Commission des normes et de l'équité en santé et sécurité au travail, plusieurs autres ministères, etc. Au quotidien, les directrices et directeurs travaillent avec un réseau interdisciplinaire. Ce réseau est constitué de médecins du travail, de spécialistes en santé publique et médecine préventive, de spécialistes en médecine familiale, d'hygiénistes du travail, d'ergonomes, d'épidémiologistes, de statisticiens, d'infirmières, de biologistes, de toxicologues, de psychologues, d'agents de relations humaines, etc. Toutes ces personnes sont réparties dans nos 18 équipes régionales, mais aussi dans des équipes nationales à l'Institut national de santé publique et au ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce réseau rapproché s'appelle le Réseau de santé publique en santé au travail. Il oeuvre en étroite harmonie grâce aux rencontres fréquentes de la table nationale de concertation en santé au travail. Ce réseau compte actuellement plus de 700 personnes dédiées à la santé et la sécurité, qui accompagnent les milieux de travail au jour le jour.

D'entrée de jeu, nous saluons le dépôt du projet de loi n° 59, qui était fort attendu. Nous saluons, d'abord, l'élargissement de la couverture de la prévention à l'ensemble des secteurs d'activité et l'inclusion explicite des risques psychosociaux, dont la violence conjugale.

Pour préparer notre mémoire, nous avons parcouru le projet de loi article par article. Nous avons suggéré quelques modifications très détaillées que vous trouverez aux annexes III et IV du mémoire. Il nous a semblé que cette façon de faire faciliterait le travail des législateurs au moment de l'étude détaillée article par article du projet de loi.

Le mémoire lui-même se concentre sur la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Nous savions que plusieurs autres partenaires allaient traiter plus précisément de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Vous trouverez cependant quelques recommandations concernant cette dernière dans l'annexe IV. Par exemple, nous recommandons que la reconnaissance du mésothéliome de la plèvre comme maladie professionnelle soit irréfragable.

De l'ensemble de nos suggestions, nous avons retenu neuf recommandations qui nous semblaient centrales et que nous proposons à la discussion. Pour affronter la diversité des milieux de travail et la diversité des risques à la santé qu'on y trouve, il nous faut d'abord disposer d'un cadre de référence global, d'une vision de la prévention en milieu de travail. Ce sont les programmes de santé. C'est pourquoi nous recommandons d'abord que le ministère de la Santé et des Services sociaux collabore étroitement avec la Commission des normes, de l'équité, de la santé et sécurité au travail pour élaborer puis mettre à jour, en continu, les programmes de santé. De portée nationale, ces programmes identifieront, par secteur d'activité, les risques connus et les méthodes efficaces d'élimination ou de mitigation de ces risques. Chacun des milieux de travail responsables de mettre en place des programmes de prévention pour leurs installations devront s'en inspirer.

Le projet de loi est muet sur l'évaluation des programmes de prévention. Actuellement, les directeurs et directrices régionales de santé publique sont responsables d'assurer la mise en application des programmes de santé, de les évaluer et de désigner les personnes habilitées pour le faire, en plus de faire le portrait de santé des travailleurs de leur région. Si personne ne s'assure de l'adéquation des programmes de prévention à la réalité des risques en milieu de travail, on n'obtiendra pas les résultats escomptés, d'où les recommandations n° 3 et n° 4 qui donnent le pouvoir à la directrice ou au directeur de santé publique d'intervenir dans le milieu de travail pour s'assurer de la mise en oeuvre effective des programmes de prévention et exiger leur mise à jour, au besoin.

Si on veut vraiment s'assurer d'améliorer la santé et le bien-être des personnes et des entreprises, on ne peut improviser ni en faire l'objet de trocs ou de négociations. Il faut baser nos décisions et nos interventions sur la science, l'expérience et les pratiques probantes. C'est le message qui est transmis dans les recommandations n° 2 et n° 9. La recommandation n° 2 demande que l'on mette en place un mécanisme d'évaluation des risques basé sur les données scientifiques, épidémiologiques et de surveillance, qui sont fournies par le directeur de santé publique, et la recommandation n° 9 demande d'introduire un mécanisme pour mettre à jour, en continu, les normes de l'annexe I du Règlement sur la santé et la sécurité du travail en fonction des normes les plus restrictives adoptées par les organisations internationales reconnues. Mais il en découle aussi la recommandation n° 5, qui exige l'indépendance professionnelle des médecins chargés de santé du travail. Cette indépendance et la qualité de la formation initiale et continue de ces médecins ne peut être garantie qu'en exigeant qu'ils soient membres en règle du département clinique de santé publique de la région dans laquelle ils exercent.

Nous saluons le maintien du programme de maternité sans danger au sein du régime. Nous sommes d'accord que nous pouvons l'améliorer en développant et en implantant plus de guides de pratique à portée nationale. Comme le ministre l'a mentionné souvent dans ces audiences, la professionnelle qui suit la grossesse doit être celle qui signe le certificat après consultation de la direction régionale de santé publique. Alors, il suffirait de corriger, là, l'article 40.1 qui laisse plutôt croire que le certificat est délivré par le médecin chargé de la santé au travail.

Enfin, il nous semble essentiel que toute personne qui intervient en milieu de travail et qui note une déficience qui pourrait mettre en danger la santé et la sécurité des personnes qui y oeuvrent ait l'obligation de signaler cette déficience au comité de santé et de sécurité, à la CNESST ou à la direction régionale de santé publique.

En concluant, je désire rappeler l'importance capitale de cette réforme du régime de santé et sécurité du travail et du rôle essentiel qu'y joue la Santé publique. Par delà les rôles et responsabilités des différents acteurs impliqués, le mémoire vise à rappeler l'importance d'adopter une véritable perspective de santé publique en matière de santé du travail et l'importance de conserver une médecine du travail neutre, indépendante et centrée sur l'amélioration de la santé de toutes les personnes qui oeuvrent dans les milieux de travail. Je vous remercie beaucoup de votre écoute, et nous sommes évidemment à votre disposition.

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Alors, nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'abord, merci de votre présence, merci de contribuer à nos travaux. Félicitations à ceux qui ont contribué à la rédaction de votre mémoire, qui contient des recommandations, effectivement, pertinentes. Et je profite aussi de l'occasion pour souligner... Parce qu'évidemment j'ai eu l'opportunité de rencontrer certaines personnes, là, qui sont très connues du public, là, pendant la période de pandémie et encore aujourd'hui, et je vous félicite. Parce que vous êtes une immense équipe au Québec, avec énormément de ramifications, puis vous avez toujours travaillé dans un contexte épidémiologique qui était délicat, difficile, mais pour le bénéfice d'une population tout entière. Ça fait que je pense que nous devons tous vous rendre hommage.

Je vais peut-être y aller de façon un peu... en tenant compte de certaines recommandations, mais aussi pour obtenir des informations, puis je sais que vous avez eu des discussions antérieures, puis je veux qu'on poursuive le dialogue. Vous proposez, notamment, que le mécanisme d'évaluation des niveaux de risque soit basé, bon, sur des données scientifiques, épidémiologiques, fournies par la DSP. Est-ce que vous avez, actuellement, des données épidémiologiques qui pourraient être utilisées ou qui seraient disponibles pour aider à bien assurer la justesse des niveaux de risque dont on parle, pour assurer une meilleure prévention? Oui, je vous écoute, docteur.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien oui, tout à fait. Nous avons un système d'information en santé au travail qui s'appelle le SISAT et qui recueille toutes les informations de toutes les hygiénistes, et infirmières, et médecins qui se présentent dans tous les milieux de travail. Et tout ça peut faire... est l'objet d'analyses et de rapports et peut être aussi fouillé pour aller chercher, en profondeur, toutes les informations qu'on peut avoir pour appuyer, justement, quels sont les niveaux de risque réels. Non pas seulement comme il nous a semblé dans... pas seulement ce que le coût des indemnisations... mais vraiment toutes les occasions manquées, parfois, là, qui risquaient de se révéler une tragédie, qui n'a peut-être pas eu lieu, mais qui nous donne beaucoup de renseignements sur l'importance d'avoir prévenu un certain nombre de choses.

M. Boulet : C'est superintéressant, docteur, parce qu'il y a une potentielle voie de passage pour nous permettre de raffiner nos niveaux de risque. Est-ce que ça, ça pourrait être accessible pour tous les secteurs de l'économie et pour toutes les régions? Par exemple, est-ce que ça pourrait être raffiné au point de nous aider à confirmer les risques réels, là, dont on parle?

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, pour l'instant, nous avons travaillé principalement dans les secteurs prioritaires, comme vous le savez, depuis 40 ans. C'est d'ailleurs pour ça qu'on salue le fait qu'on puisse aller beaucoup plus loin que ça. Donc, l'essentiel de nos données va surtout nous permettre de voir pour ces secteurs prioritaires là, mais on a aussi des données pour d'autres secteurs sur lesquels on est intervenus à la demande, là, de temps en temps, mais c'est moins riche pour les autres secteurs que les secteurs prioritaires, bien sûr.

M. Boulet : D'accord. Et ces données-là, là, d'essence épidémiologique, elles pourraient permettre de hiérarchiser les niveaux de risque, un peu comme on... qui est proposé dans le projet de loi. Vous me confirmez que oui?

M. Bonnier Viger (Yv) : Tout à fait. Oui.

M. Boulet : O.K. Donc, c'est intéressant parce que c'est une façon d'enrichir la méthode de calcul ou la méthode d'évaluation des niveaux de risque par secteur d'activité. Merci de l'information, docteur.

L'autre affaire qui me préoccupe, là, puis, encore une fois, c'est plus pour clarifier, actuellement, à la Santé publique, on est responsables des programmes de santé spécifiques à chacun des établissements. Les données qui m'étaient fournies, c'est qu'il y avait à peu près 10 % des établissements... Puis là, évidemment, c'est un nombre limité des établissements qui sont protégés par les mécanismes de prévention dans le régime actuel, à peu près 25 %. Est-ce que c'est juste de dire qu'il y a à peu près 10 % des établissements qui ont un programme de santé spécifique à leur environnement?

M. Bonnier Viger (Yv) : Ça dépend du dénominateur. Dans un contexte où nous avions la responsabilité dans le secteur prioritaire, une étude qui a été faite à Montréal, par exemple, pour toutes les responsabilités qui relèvent du contrat avec la CNESST, c'est plutôt 90 % des entreprises qui sont couvertes. Alors, le fait qu'évidemment, comme vous le dites, il y a... 75 % des secteurs n'était pas couvert, bien, bien sûr, il n'y avait pas de suivi spécifique dans ces entreprises-là.

M. Denis (Geoffroy) : Dr Bonnier Viger, si vous voulez, je pourrais peut-être compléter aussi un peu. Donc, les établissements qu'on visite, on ne va pas nécessairement toujours faire des programmes de santé. Parfois, la prise en charge, elle est excellente aussi, ce qui est très important. Au-delà du papier que représente le programme de santé, c'est : Est-ce que la culture de santé et sécurité vit dans une entreprise qu'on va visiter? Est-ce que les risques sont bien adressés? Et ce qui est important, c'est de connaître les entreprises de son territoire. Donc, la statistique à laquelle fait référence Dr Bonnier Viger... À Montréal, on connaît 90 % de nos établissements, donc on les visite régulièrement, on leur offre le soutien au-delà des programmes de santé.

Il faut savoir aussi que, le domaine de la construction, parfois... Il faudrait voir comment vos chiffres sont calculés. Il y a un secteur qu'on a adressé un peu moins, et c'était avec la commission qui représente un grand nombre d'établissements, c'est celui du secteur de la construction, où on devrait probablement améliorer nos interventions, et qui représente un très, très grand nombre d'établissements où il n'y a pas de programme de santé. Donc, ça peut fausser les chiffres, là.

M. Boulet : Il y a des commentaires que vous avez faits, docteur, avec lesquels on ne peut faire autrement qu'être en total accord, se baser sur la science. Puis vous savez qu'il y a une annexe, actuellement, à la loi avec une liste de maladies professionnelles présumées. J'aimerais ça vous entendre sur... Évidemment, il y a des aspects techniques, là, qui font que ce sera dorénavant dans un règlement, mais la création d'un comité scientifique pour guider les parlementaires dans l'identification des maladies professionnelles, avec lesquelles on peut établir une présomption, tenant compte de la nature des fonctions, qu'est-ce que vous pensez d'un tel type de comité de scientifiques?

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, c'est certain qu'il faut débloquer un peu la paralysie qu'on a eue avec le progrès de l'inscription des maladies professionnelles dans cette annexe-là. Donc, l'idée d'avoir des comités scientifiques, qui regardent ça en continu et qui rajoutent continuellement des maladies, c'est essentiel. La science progresse continuellement. La science, par définition, c'est dynamique, donc je pense que c'était une bonne idée. Alors, je ne sais pas si, Geoffroy, tu avais d'autres choses à dire là-dessus?

M. Denis (Geoffroy) : Deux grands principes, je pense, qui sont très importants pour que ce comité-là, vraiment, vive la primauté donnée aux données scientifiques. Je pense que c'est très important, effectivement, d'avoir cette vision-là, rigueur, science, côté scientifique et aussi la transparence. Donc, les avis vont être publiés après un an... ce qu'on voit... les rapports... Et ça, par contre, ça serait intéressant qu'on ne s'enfarge pas dans loi sur l'accès à l'information et que ce soit vraiment rendus publics. Ça, c'est... je pense que le devoir de transparence est très important, on doit ça aux travailleurs, qu'ils comprennent bien pourquoi ou pas une maladie a été retenue.

M. Boulet : C'est une excellente remarque. Oui, d'ailleurs, c'est prévu dans le projet de loi n° 59, les avis et les recommandations du comité de scientifiques seront rendus publics. Et donc, c'est intéressant aussi, bon, là, je m'adresse aux deux docteurs, de préciser que ça va permettre d'avoir une liste qui est évolutive en tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques et médicales.

Est-ce que ce serait, selon vous, une bonne idée de donner rapidement un mandat à ce comité scientifique là d'avoir... de faire une analyse qui est spécifique aux maladies qui sont plus spécifiques à la santé mentale, bon, on parle des lésions de nature psychologique, et tout ce qui concerne la santé des femmes aussi?

• (16 heures) •

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, écoutez, vous suggérez la réponse. C'est évident, là, que les aspects psychiques des lésions n'ont pas été beaucoup mis en exergue au cours des dernières années et que c'est essentiel qu'il y ait un attrapage de ce côté-là. Et qu'on ait toujours une analyse différenciée selon le sexe, les sexes, et même d'autres caractéristiques, là, ce qu'ils appellent l'ADS+, là, je pense que c'est essentiel qu'on mette ça dans notre culture et qu'on s'en serve réellement.

M. Boulet : C'est vraiment une idée à laquelle j'adhère totalement, puis c'est vraiment l'intention que j'ai, là, d'aller de l'avant, là, avec des mandats de cette nature-là, des mandats spécifiques qui nous permettent de s'adapter à des nouvelles réalités de marché de travail. Puis j'apprécie que vous souligniez, là, la reconnaissance des risques psychosociaux, là, qui sont des risques émergents qui découlent de la tertiarisation de l'économie. Tu sais, quand les lois ont été adoptées, là, c'était des jobs de messieurs, alors qu'aujourd'hui c'est beaucoup dans le secteur tertiaire, notamment la santé, les services sociaux, l'éducation. Or, il faut tenir compte aussi de ce nouvel équilibre hommes-femmes que nous vivons dans les milieux de travail.

Peut-être, le dernier sujet, le programme de maternité sans danger, je pense que c'est important, tu sais, de réitérer que le protocole national, il sera fait par la Santé publique et il va identifier les conditions de façon à assurer une meilleure équité dans la délivrance des certificats visant le retrait préventif par les médecins. Moi, je trouve que c'est superintéressant. Ça va permettre un meilleur accès, surtout plus d'équité, parce que, là, actuellement, ce n'est pas à la va comme je te pousse, mais même les fédérations syndicales disent : Dépendamment de ta région, dépendamment du médecin, tu as ou non un retrait préventif pour le même travail, là. Je pense que, ça, ça va viser à uniformiser, mais tout en conservant le rôle du médecin qui va émettre le certificat, c'est celui qui va faire le suivi de la grossesse. En même temps, il n'y a rien qui empêchera de s'assurer que le certificat est compatible avec le protocole qui aura été préparé, là, par la Santé publique.

Puis, docteur, vous rappelez aussi que l'employeur, là, dans la préparation aussi du programme de santé... bon, évidemment, il faut tenir compte de la disponibilité des ressources, mais c'est superimportant de rappeler qu'il faut... il va pouvoir référer au médecin de la santé de votre direction pour s'assurer de la compatibilité et de l'identification de l'ensemble des risques du milieu de travail spécifique, là.

M. Bonnier Viger (Yv) : Oui, parce que la... bien, pour revenir sur la question de la maternité sans danger, comme vous le dites, il y a juste une petite confusion, peut-être, à l'article 40.1 qu'il faudrait corriger, là. Quand on dit que c'est le médecin chargé de la santé au travail qui peut signer le certificat, ça devrait être précisé que c'est vraiment la personne qui suit la grossesse. Ce n'est pas nécessairement le médecin, ça peut être la sage-femme.

Pour ce qui est de la question des programmes de prévention, il y a un risque que ça devienne juste un exercice bureaucratique si on ne va pas voir si ça s'applique réellement. Si on fait juste remplir des papiers, c'est clair que la prévention, ça ne marchera pas, puis on va être... on va avoir un recul important. Il faut appuyer nos... Il faut accompagner les milieux de travail.

M. Boulet : Information. Information, formation puis accompagnement. Puis la précision législative, là, sur le libellé, oui, je l'ai pris en note.

Bon, écoutez, je pense que mon temps est près d'expirer, je vois Mme la Présidente qui me fait des signes. Merci beaucoup, encore une fois. Une présence éminemment appréciée. Bravo pour votre travail, puis continuez. Puis on aura certainement l'opportunité de se reparler dans l'avenir. Merci et à bientôt. Au revoir.

M. Bonnier Viger (Yv) : Merci beaucoup.

M. Denis (Geoffroy) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour votre présence. Et aussi je tiens à vous envoyer les salutations de mes collègues pour l'immense travail que l'ensemble des directions de la santé publique sont en train de faire depuis quelques mois déjà, presque une année. Et, s'il y a quelque chose qu'il faut retenir, c'est pour une fois on va comprendre et faire comprendre au grand public le rôle des gens de la Santé publique, et des agents de la Santé publique, et des médecins de la Santé publique. J'ai eu l'immense plaisir d'étudier quelques années à l'École de la santé publique et même faire un doctorat en santé publique pour m'amuser, donc je tiens... je tiens à vous saluer, messieurs, pour votre énorme travail.

Écoutez, nous avons tous suivi un peu vos remarques par rapport au projet de loi. Je vais vous les partager en rafale et j'aimerais bien avoir une réponse de votre part par la suite. Vous avez pensé, de ce projet de loi, que... une privatisation du régime. Vous avez le sentiment que le projet de loi écarte les gens de la santé publique. Vous avez pensé que le projet de loi rend optionnel le recours aux services du médecin responsable désigné par la Direction de santé publique et vous mentionnez aussi que le projet de loi ouvre la voie au retour de la médecine d'entreprise en santé au travail. Est-ce qu'on peut dire que, malgré la pandémie, malgré tout ce qu'on voit et l'énorme travail des gens de la santé publique, vous êtes obligés, aujourd'hui, de venir en commission parlementaire expliquer, encore une fois, votre rôle, qui est extrêmement important?

M. Bonnier Viger (Yv) : Oui, effectivement, je pense qu'évidemment notre réflexion a commencé bien avant la COVID sur ce projet de loi là. Mais c'est clair que, s'il n'y avait pas aucune modification dans le projet de loi, on se retrouverait avec des problèmes très sérieux, qu'on a identifiés dans notre mémoire et que vous venez juste de reprendre.

La Santé publique est quand même une institution, dans notre société, qui joue un rôle important mais qui est un rôle relativement effacé parce qu'à chaque fois qu'on réussit, qu'on fait des bons coups, bien, les effets qu'on a prévenus, bien, n'apparaissent pas. Alors, c'est clair que c'est un peu un travail relativement ingrat.

Par contre, c'est un travail qui permet de mobiliser les gens, qui permet de les... qui leur donne le pouvoir d'agir sur leur santé, sur leur travail, sur leur environnement, et je pense que c'est un élément essentiel à la construction d'une société comme la nôtre. Je ne sais pas si, Geoffroy, tu avais un élément de plus à...

M. Denis (Geoffroy) : Bien, c'est le caractère facultatif, comme vous avez dit, M. Derraji, qui, effectivement, est problématique. Parce que les personnes qui vont appeler, qui vont m'appeler, et les équipes, bien, ce n'est probablement pas les moins bons élèves, on va dire ça. Donc, c'est déjà signe d'un milieu de travail qui se prend en charge, qui a probablement un comité de santé et sécurité assez fort et qui va vouloir se parfaire. C'est bien, mais il faut également être capable de rejoindre les entreprises qui ont besoin d'un peu plus d'aide, puis je pense, entre autres, aux petites et moyennes entreprises, qui, souvent, n'ont pas nécessairement les moyens, ne vont pas nécessairement penser à nous appeler non plus.

M. Derraji : Oui. Mais, vous savez, je partage vos préoccupations et, comme vous, hein, j'ai eu beaucoup... j'ai reçu beaucoup d'appels. Et on va se dire les vraies affaires, il y avait comme une onde de choc à la lecture, la première lecture de ce projet de loi dans plusieurs directions. Il faut dire les vraies affaires, s'il vous plaît. Venir dire aujourd'hui que ça va très bien à la première mouture de ce projet de loi, je ne pense pas. Donc, aidez-nous à vous aider, parce que, pour moi, j'y tiens beaucoup. Je crois au rôle de la Santé publique, et, aujourd'hui, je ne veux surtout pas qu'une commission parlementaire qui va étudier un projet de loi extrêmement important... qu'on va commencer à remettre en cause le rôle que vous jouez au sein de l'appareil. Peu importe, au niveau de la médecine, du travail, l'évaluation des risques, vous basez nos jugements sur la science. Et corrigez-moi si je me trompe, parce que, probablement, je vais m'emporter parce que c'est un domaine que j'apprécie beaucoup, mais corrigez-moi si ce que je viens de dire n'est pas vrai, s'il vous plaît.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, c'est tout à fait vrai.

M. Derraji : Bien, merci beaucoup. Vous secondez ce que je viens de dire. Je vais tenir à coeur... je vais avoir l'oeil de la Santé publique tout au long de l'analyse de ce projet de loi.

Je veux venir à un élément très important. Vous basez votre mémoire sur la science et sur l'INSPQ. J'ai deux éléments : la notion du risque que le ministre a évoquée, et, basant sur la science, l'INSPQ a émis un rapport en 2019 sur les pesticides où il y a un lien de causalité entre les pesticides et la maladie du Parkinson. Trouvez-vous que c'est normal qu'encore aujourd'hui nous sommes en train de discuter le lien de causalité entre les pesticides et la maladie du Parkinson, si on se base vraiment sur la science au Québec et sur les avis de l'INSPQ?

• (16 h 10) •

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, écoutez, c'est vraiment un point important. Jusqu'à quel point la science est importante dans nos décisions? Vous savez très bien, par exemple, que, concernant l'amiante, jusqu'à il y a quelques mois, nous étions à des seuils qui étaient 10 fois plus élevés que le reste de l'Amérique du Nord, 100 fois plus élevés que certains pays européens. Ça a été très, très long.

La leçon qu'on peut se donner, c'est qu'on finit par avoir des résultats, mais c'est très, très, très long. Et je pense que, si on a un souhait à faire, c'est que maintenant on s'assure que, dans le projet de loi modifié éventuellement, qu'on ait justement la capacité de s'approprier de la dynamique de la science qui évolue en continu et qu'on soit beaucoup plus rapides à ajuster nos normes, nos règles pour pourvoir protéger les gens.

M. Derraji : C'est très clair, monsieur. Je veux vous ramener à la notion du risque. J'ai lu votre recommandation n° 2 avec grand intérêt. Je vais la lire : «Introduire un mécanisme d'évaluation des niveaux de risque dans les milieux de travail basé sur les données scientifiques, épidémiologiques et de surveillance fournis par le directeur de santé publique conformément à l'article 127.» Excellent.

Est-ce que vous avez vu la classification du niveau de risque tel que proposé par groupe d'activité? Je vous donne juste un exemple. Au niveau des universités, c'est faible. Au niveau des hôpitaux, c'est faible. À la lumière ou bien à votre première lecture des risques, des niveaux de risque, parce que ça a été décrié par plusieurs groupes y compris les groupes qui sont en train de gérer la pandémie, qui nous disaient : Écoutez, comment on peut mettre un risque faible par rapport aux hôpitaux?, donc, pensez-vous que la lecture du législateur ou la personne qui a rédigé ce projet de loi a été en fonction des données scientifiques et épidémiologiques? Ou bien c'est quoi, votre interprétation à cette classification des niveaux de risque qui se retrouve dans les groupes d'activités?

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, écoutez, évidemment, non, là, que ce n'est pas... ça ne correspond pas aux risques que nous pouvons constater sur le terrain, mais la... probablement... en tout cas, notre hypothèse, c'est qu'on a calculé les risques sur les coûts d'indemnisation, principalement. Alors, c'est que... il y a donc... on sait qu'il y a une sous-déclaration, surtout dans certains secteurs, etc., donc, de là notre recommandation que l'on tienne compte et qu'on se base vraiment sur la réalité des risques.

M. Derraji : Bien, merci beaucoup. Parce que, quand M. le ministre vous a posé la question par rapport au niveau de risque — et j'espère que le ministre, il nous suit, il vous écoute — je ne veux surtout pas — et corrigez-moi si je me trompe, je parle avec des acteurs de la Santé publique qui basent leur analyse sur des études épidémiologiques — je ne veux surtout pas que le moteur ou la façon avec laquelle on va réfléchir les niveaux de risque soit en fonction du coût d'indemnisation. Je pense, et corrigez-moi, messieurs, docteurs, qu'on se trompe, qu'on se trompe de l'analyse du niveau de risque.

Et c'est de là que plusieurs groupes affectés par ce classement, ils nous disent : Attention, comment vous avez fait pour dire que les hôpitaux généraux et hôpitaux de soins chirurgicaux, le risque, il est faible? Si on applique les coûts d'indemnisation, probablement c'est la bonne raison, mais, si on applique la science ou bien les études épidémiologiques ou de surveillance que vous fournissez, ça va être quoi, le niveau, risque faible ou moyen, selon vous, si vous avez des données à nous partager?

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, écoutez, si vous prenez chacun... On peut reprendre l'analyse par chacun des secteurs, mais, évidemment, pour le secteur de la santé et des services sociaux, c'est évident que le risque est beaucoup plus élevé et qu'il ne correspond pas du tout à un risque faible, là, c'est clair. Mais, bon, c'est toute la question aussi, là... vous avez entendu... puis on est dans une société pluraliste où il y a beaucoup d'acteurs. Mais, si les gens partent de l'idée qu'on est dans un régime assurantiel puis que c'est ça qui est l'essentiel, ils ne vont pas être convaincus. Mais, si on considère qu'on est en train de construire une pièce législative importante de notre système de protection de la santé et d'amélioration du bien-être de la population en général, on ne peut pas se baser sur des coûts d'indemnisation, on doit se baser vraiment sur ce qui rend les gens malades ou ce qui les rend moins malades.

M. Denis (Geoffroy) : Parce qu'il ne faut pas oublier que, le fardeau, il y a quelqu'un qui va le payer. Donc, si ce n'est pas payé par la caisse d'assurance, ça va être payé par la société, à quelque part.

M. Derraji : Oh! que c'est très bien dit. Je vous remercie. Parce qu'au bout de la ligne il y a quelqu'un qui paie. Si ce n'est pas la société, bien, c'est une caisse d'assurance, et vous avez raison.

Et je vous remercie, messieurs, parce que probablement on vient d'avoir la première réponse juste, qui remet en cause, qui remet en cause en profondeur la classification, que nous avons devant nous, des niveaux de risque. Je pense que c'est très clair et je vous remercie pour la recommandation 2. Depuis le début, il y a beaucoup de groupes qui nous ont dit : Pourquoi mon secteur se retrouve dans un risque faible? Est-ce que vous êtes en train de voir ce qui se passe avec mon secteur d'activité? Et le message que vous envoyez à nos travailleurs et à nos travailleuses : Écoutez, votre secteur d'activité, il est juste faible, mais le raisonnement derrière, c'est le coût d'indemnisation et non pas la science, et non pas les données épidémiologiques. Merci beaucoup, messieurs.

Un autre point...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oups! C'est tout. C'est tout. Il ne vous reste que huit, sept, cinq...

M. Derraji : Oh mon Dieu! Bien, alors...

Des voix : ...

M. Derraji : Laissez-moi parler. La médecine du travail, la médecine du travail, vous pensez qu'il y a un recul par rapport à la médecine du travail?

La Présidente (Mme IsaBelle) : En quelques secondes.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, écoutez, on a besoin d'investir beaucoup en médecine du travail. On n'a pas formé assez de médecins en santé du travail. Je pense qu'il y a d'autres acteurs qui vont venir vous en parler. Mais on est d'accord avec ça.

M. Derraji : Messieurs, merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Derraji : Je tiens à vous remercier sincèrement. Et, s'il vous plaît, s'il vous plaît, transmettre nos salutations et continuez votre beau travail. Nous avons besoin de vous. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bonnier Viger et M. Denis. Heureux de vous revoir. Également, je rajoute ma voix de remerciement pour tout le travail que vous faites dans la santé publique, autant dans les différents CIUSSS que votre collègue à la direction nationale. C'est très apprécié pour nous. Dans nos bureaux de circonscription, on échange souvent avec vos bureaux, c'est très apprécié.

On a parlé abondamment de la question du programme maternité sans danger et du rôle du médecin traitant. Verbalement, le ministre tend à essayer de nous rassurer que, non, non, non, le protocole n'est pas trop restreignant. Est-ce que vous, vous êtes rassurés par ces paroles ou est-ce qu'il va falloir quand même faire des interventions en termes d'amendement?

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, écoutez, on a proposé un amendement très concret dans le mémoire à l'annexe 3. Vous pourrez le regarder puis le faire vôtre, évidemment, si vous considérez que c'est juste. L'idée, c'est vraiment de garder un équilibre, et ça prend des protocoles pour... puis on est d'accord avec ça, là, pour harmoniser, avoir des guides de pratiques qui sont nationaux, pour qu'il y ait une certaine équité partout, dans tout le Québec. Mais, en même temps, il faut toujours se rappeler qu'une grossesse, c'est différent d'une autre grossesse, même chez la même femme. Donc, la professionnelle qui accompagne la grossesse, qu'elle soit médecin, sage-femme ou infirmière spécialisée, doit garder le dernier mot sur ce qu'on doit faire pour protéger cette grossesse-là en particulier.

M. Denis (Geoffroy) : Et puis c'est pour ça aussi qu'on trouve important que la personne qui prend en charge la travailleuse enceinte réfère à l'équipe de santé publique pour voir précisément, M. Leduc, si le protocole s'applique bel et bien à la travailleuse qu'on a devant nous.

M. Leduc : Je comprends.

M. Denis (Geoffroy) : Donc, cette partie-là est importante aussi.

M. Leduc : Il me reste sûrement très peu de temps. Dans l'économie générale du projet de loi, quels seraient le ou les deux plus grands dangers que vous avez observés?

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, je pense qu'il serait dangereux d'évacuer la Santé publique comme acteur neutre et accompagnateur de tous les milieux de travail. Je pense qu'on perdrait énormément de tout ce qu'on a acquis depuis 1979, si on faisait ça.

M. Leduc : Vous êtes d'accord, M. Denis, j'imagine?

M. Denis (Geoffroy) : Oui, tout à fait.

M. Leduc : Mme la Présidente, il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme IsaBelle) : 25, 24...

M. Leduc : Oh! 25, quand même. Vous avez parlé des catégories de risque tantôt. On est tous en train de se demander : Est-ce que c'est réformable, ce qui a été mis devant nous, ou est-ce qu'il faut juste raser tout ça puis recommencer à zéro, là?

M. Bonnier Viger (Yv) : Bon, écoutez, je pense que refaire une analyse en fonction des risques réels, ce n'est pas un travail considérable, là. Ça demande un peu de temps, mais les données sont là, et on peut très bien le faire.

M. Leduc : Et on aura sûrement votre appui pour le faire, j'en suis certain.

M. Bonnier Viger (Yv) : Absolument.

M. Leduc : Merci infiniment. Bonne journée.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Roy : Toujours aussi généreuse, Mme la Présidente. Bonjour, M. Denis. M. Bonnier Viger, bonjour. En passant, merci pour le travail que vous faites pour la Gaspésie actuellement.

Bien, écoutez, je reviens un peu sur les lignes de mon collègue le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Mardi, on a interpelé le Conseil du patronat avec une affirmation qu'on a trouvé assez extraordinaire, et je les cite : «Nous devons éliminer les interventions de la Santé publique dans le milieu de travail. C'est à l'employeur que revient la responsabilité d'assurer la mise en application du programme de santé et à la CNESST de s'assurer de son application.» On a trouvé ça un peu fort en café, et je vous redonne l'occasion de nous expliquer en quoi ça pourrait être extrêmement dommageable et dangereux pour les travailleurs du Québec.

• (16 h 20) •

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, écoutez, c'est très bien de dire que la responsabilité de la santé au travail revient aux travailleurs et aux employeurs, donc au milieu de travail. C'est un peu la même chose pour tout le monde. On peut dire : La santé, c'est la responsabilité de chacune des personnes. Est-ce que, pour autant, on va éliminer le système de santé? Est-ce qu'on va éliminer le médecin? Est-ce qu'on va éliminer l'infirmière? C'est un petit peu ça qui, effectivement, est problématique dans la réflexion, de dire : Éliminons la Santé publique du monde du travail.

De toute façon, on ne peut pas l'éliminer. Moi, comme directeur de santé publique, je suis responsable de la santé et du bien-être de toute la population. Puis 40 % de la population est au travail, une grande partie du monde sont au travail, donc je vais être obligé de me retourner vers la Loi de santé publique pour faire ce que normalement la Loi sur la santé et sécurité du travail me permet de faire.

Donc, je pense que c'est juste une erreur d'appréciation que le Conseil du patronat fait quand il fait... il demande cette chose-là.

M. Roy : Donc, vous suggérez que le ministre ne retienne pas cette recommandation-là.

M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, c'est l'essence de notre mémoire, je pense.

M. Roy : Oui, je l'ai compris, je l'ai lu. Et vous avez soulevé aussi l'enjeu de la privatisation de la médecine en milieu de travail qui amènerait des conflits potentiels d'intérêts.

M. Bonnier Viger (Yv) : Oui. Là, je laisserais Geoffroy peut-être intervenir là-dessus, là.

M. Denis (Geoffroy) : Oui. Bien, en fait, on s'entend, les médecins du travail dans le privé, il y en a déjà, des firmes privées aussi. On ne suggère pas l'élimination de tout ce monde-là, là, on veut bien s'entendre, mais c'est important qu'il y ait une partie qui soit publique, qui soit neutre et indépendante qui doive demeurer, et pas seulement sur demande, pour pouvoir vérifier ces choses-là. Donc, ça, on tient à préciser que c'est important. On tient à préciser que c'est important qu'on conserve les interventions dans les milieux de travail, pas juste au niveau des programmes de santé. C'est important qu'on entre nos connaissances bien comme il faut dans le terrain. Pour moi, c'est absolument essentiel, comme médecin, d'aller voir les milieux de travail, et pas seulement ceux qui lèvent la main, pour être bien conscient des risques, qu'on puisse faire les mesures et qu'on... On va être bien meilleurs aussi pour faire les fameux programmes de santé qui vont encadrer tout ça si on peut être présents sur le terrain. Donc, ça, c'est très important de le mentionner.

Et finalement on est une force neutre, je pense, qui est appréciée aussi des milieux de travail, parce qu'on est vraiment en mesure d'accompagner les milieux de travail, et ça, c'est... qu'on vient compléter la commission dans ce rôle-là, puis on y croit beaucoup.

M. Roy : Merci infiniment, messieurs.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. Bonnier Viger et M. Denis, pour votre contribution à la commission.

Nous suspendons quelques instants pour mieux accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprise à 16 h 30)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Alors, messieurs, je vous invite à bien vous présenter avant de commencer votre exposé de 10 minutes.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Létourneau (Jacques) : Oui. Bonjour, Mme la Présidente, Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux, et je suis accompagné de Jean-François Lapointe, qui est le coordonnateur du service de défense de la santé-sécurité à la CSN.

Alors, peut-être, d'abord, vous dire que je n'ai pas mis ma cravate aujourd'hui, ne prenez pas ça personnel, c'est parce qu'on vient d'ajourner notre congrès et c'est la journée d'appui aux travailleuses et aux travailleurs du secteur public. Alors, à chaque jeudi, on demande aux gens de porter un chandail, là, aux couleurs d'appui des gens du réseau de la santé, des services sociaux et de l'éducation. Alors, les gens ont dit : On espère que le président va aller en commission parlementaire en portant fièrement les couleurs de la négociation du secteur public. Alors, je voulais quand même vous le mentionner puis faire un clin d'oeil, là, surtout dans un contexte de pandémie où les travailleurs puis les travailleuses dans le réseau de la santé et des services sociaux, là, connaissent quand même un certain nombre de problématiques, n'est-ce pas, au niveau de la santé-sécurité au travail. Il y a eu même, malheureusement, encore un décès cette semaine chez un préposé aux bénéficiaires.

Alors, sans plus tarder, d'abord, M. le ministre, messieurs dames les députés, c'est un plaisir pour la Confédération des syndicats nationaux, qui représente 300 000 membres au Québec, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Nous, ça fait plusieurs années qu'on réclame une modernisation des lois du travail, particulièrement au niveau de la santé et de la sécurité au travail, parce que le monde du travail, il évolue, il se transforme, il change, alors que les lois remontent quand même aux années 70, où le monde du travail était peut-être un peu différent de ce que nous connaissons aujourd'hui.

Alors, dans ce sens-là, nous, à la CSN, on a toujours souhaité une modernisation des lois en santé-sécurité et on est bien heureux de participer à cette commission parlementaire. Parce qu'on l'a mentionné à plusieurs reprises, vous allez voir, on a un certain nombre de critiques et de propositions pour le bonifier, pour renforcer, justement, la question des droits des travailleuses et des travailleurs, particulièrement sur le terrain de la prévention dans les milieux de travail, puis on le fait dans un esprit d'ouverture et de construction, pour qu'on soit capable, justement, de faire en sorte qu'il y ait moins de blessés au travail puis qu'il y ait moins d'accidentés du travail, parce qu'il y en a encore malheureusement beaucoup trop.

Dans notre mémoire, si vous le lisez, vous allez voir, on salue, là, l'ouverture sur les notions de violence conjugale, de travailleuses, travailleurs domestiques, le maintien du retrait préventif sous le chapeau, là, des lois en santé-sécurité au travail. Et c'est sûr que, pour les gens qui n'étaient pas couverts par des mécanismes de prévention, je pense aux travailleuses, aux travailleurs, notamment dans le réseau de la santé, des services sociaux, en éducation ou ailleurs, c'est clair que d'étendre les mécanismes de prévention à l'ensemble de la classe des travailleuses, des travailleurs au Québec, c'est, en soi, une bonne nouvelle.

Maintenant, c'est sûr que nous, quand on a abordé ces questions-là avec les militants et les militantes des syndicats... Il y a des travailleuses et des travailleurs, dans le secteur privé, qui sont extrêmement préoccupés. Puis je vais insister là-dessus parce que, pour nous, c'est une pièce maîtresse, c'est fondamental pour la suite des choses, il y a, encore aujourd'hui, à l'heure où on se parle, des groupes considérés groupes 1 et 2, où les mécanismes de prévention sont beaucoup plus importants, costauds que dans des secteurs où ça n'existe pas. Alors là, ce que les gens nous disent, c'est qu'on va assister... si jamais la loi était adoptée comme elle est déposée, on assisterait à une diminution importante, notamment, des libérations pour les gens qui font de la prévention, là, les responsables à la prévention dans les milieux de travail.

Et, dans le fond, nous, ce qu'on dit, c'est que ce qui est un peu triste... C'est comme si, parce qu'on l'applique à l'ensemble de la classe des travailleuses et des travailleurs, la notion de prévention, qu'on déshabille les secteurs où les mesures un peu plus costaudes pour prendre en charge la prévention dans les milieux de travail avaient donné des résultats. Donc, c'est le secteur de l'aluminium, c'est le secteur papier-forêt, l'industrie lourde, tout ça, bon, vous les connaissez, je pense qu'il y en a plusieurs qui vous en ont parlé cette semaine.

Alors, c'est clair que, pour nous, ces mécanismes-là ont fait leurs preuves, et nous, on pense que, plutôt que de déshabiller ces secteurs-là pour étendre à l'ensemble de la classe des travailleurs les mécanismes de prévention, il faudrait s'appuyer sur cette expérience historique là qui a donné des résultats pour la transposer à l'ensemble des secteurs d'activité, pour donner à peu près les mêmes moyens aux travailleuses puis aux travailleurs d'agir en amont au niveau de la prévention.

Bon, secteur de la construction, c'est un peu particulier. Nous, on représente des travailleurs, des travailleuses dans le secteur de la construction. Moi, je vous porte le message de ces gens-là, qui nous disent : C'est bien, là, qu'il y ait des ouvertures, parce qu'il y avait un chapitre, déjà, qui datait de 1979, qui n'était pas nécessairement appliqué. Là, on va l'appliquer, mais les gens craignent une diminution des heures de formation. Alors là, ils nous disent : On ne peut pas diminuer les heures de formation. Puis une augmentation des critères pour avoir des coordonnateurs qui vont s'assurer de la prévention dans les milieux de travail, alors ça, chez nous, la CSN-Construction dit, bon, c'est une bonne affaire, là, tu sais, qu'on se préoccupe vraiment du secteur de la construction, mais il faut qu'il y ait un petit peu plus de mordant, parce qu'honnêtement le secteur où il y a encore le plus d'accidents puis de gens qui meurent, malheureusement, au travail, qui laissent leur vie au travail, c'est dans le secteur de la construction.

La notion de multiétablissement, bon, j'ai parlé du réseau de la santé et des services sociaux, que je connais bien, parce que moi, j'ai été préposé aux bénéficiaires dans un hôpital sur la Rive-Sud de Montréal, je ne peux pas imaginer que, dans un centre intégré de santé et services sociaux, un employeur, de façon unilatérale, va imposer le multiétablissement. Parce que, d'abord, ce qui inspire le projet de loi, c'est le paritarisme, tu sais. J'entends le ministre qui nous dit, le paritarisme, c'est à la base de tout, mais là on va donner la possibilité... Prenez au Saguenay—Lac-Saint-Jean, là, de Dolbeau, là, à La Baie, vous avez déjà fait cette route-là, là, il y a des CLSC, il y a des CHSLD, il y a des hôpitaux, puis là, le comité de santé et sécurité va avoir la responsabilité de tout ce territoire-là. C'est impossible. Je vous le dis tout de suite, c'est impossible.

Moi, je proviens d'un gros hôpital, qui est l'Hôpital Charles-Le Moyne, sur la Rive-Sud de Montréal. D'abord, faire de la santé et sécurité puis de la prévention dans un hôpital, ce n'est pas la même affaire que dans un CHSLD, ce n'est pas la même affaire que dans un centre jeunesse. Donc, il faut trouver une manière de donner, par établissement... en tout cas, il faudrait voir comment on peut travailler les affaires, mais il faut donner un peu plus de moyens aux travailleuses puis aux travailleurs pour être plus efficaces sur le terrain de la prévention. Et, dans ce sens-là, si jamais on maintient le concept du multiétablissement, il faut qu'il y ait une reconnaissance du syndicat par rapport à cette démarche, parce que, là, ce qu'on comprend, c'est que le paritarisme n'existe pas.

Rapidement, là, parce que j'ai quelqu'un qui me fait signe qu'il me reste à peu près trois minutes, toujours en matière de prévention, tout le débat sur la catégorisation des risques, alors nous, on est plutôt du genre à penser qu'il ne devrait pas y en avoir. Je vous l'ai dit, tantôt, les mécanismes de prévention, on devrait les mettre en application mur à mur. Puis on fait remarquer, dans notre mémoire, puis il y a un tableau qui l'appuie, là, que, par hasard, les milieux qui sont considérés plus à risque faible ou modéré, c'est majoritairement là où les femmes travaillent. Bien, il y a quelque chose qui ne marche pas là, là, tu sais? Qu'en 2021, encore une fois, on considère que le travail des femmes dans leurs milieux respectifs est moins à risque que dans des milieux traditionnels, moi, j'ai un problème avec ça. Il faut avoir été éducateur, éducatrice dans un centre jeunesse, il faut être un ASSS, là, un préposé aux bénéficiaires dans le maintien à domicile puis travailler avec des patients lourds pour comprendre que ce n'est pas vrai, là, que ce n'est pas à risque, tu peux te blesser, malheureusement. Donc, il faut absolument qu'on revoie ça, cette catégorisation.

Santé psychologique, bon, il y a des avancées sur le post-traumatique, mais santé psychologique, on ne va pas assez loin. Moi, je suis quelqu'un qui a fait du syndicalisme international pendant des années, je suis allé dans les forums de l'OIT, de l'Organisation internationale du travail. Déjà, à la fin des années 1990, début 2000, on disait, la principale pathologie, problématique de santé au travail, au XXIe siècle, ça va être l'épuisement professionnel, les burn-out. Puis il n'y a rien là-dessus ou, en tout cas, il n'y a pas l'air à y avoir grand-chose, donc ça, il faut qu'on fasse absolument quelque chose. On est conscients que ce n'est pas simple à traiter, une lésion physique versus une lésion psychologique, mais on ne peut pas faire l'économie. Si on veut vraiment moderniser les lois du travail, on ne peut pas faire l'économie de cet aspect-là.

Peut-être vous dire, en conclusion, moi, j'ai écouté — malgré que j'étais en congrès, là, qui s'est terminé tantôt — moi, j'ai écouté pas mal, là, tu sais, les gens du patronat, mes collègues des autres organisations, tout ça. Puis je l'ai déjà dit au ministre, d'ailleurs, en toute transparence, si l'objectif, en bout de piste, c'est de réduire les coûts parce que les patrons disent que ça coûte trop cher... bon, moi, je pense que la santé-sécurité au travail, ça n'a pas de prix, mais, si l'objectif, c'est de réduire les coûts, bien, moi, je pense qu'il faut que ça se fasse via la prévention dans les milieux de travail, pas sur le dos des travailleurs puis des travailleuses sur le terrain de l'indemnisation. Moi, je ne pourrais pas accepter qu'on rende l'indemnisation beaucoup plus laborieuse et compliquée pour les travailleurs.

Puis je vais vous dire, puis je vais vraiment finir là-dessus, il y a quelque chose, moi, qui me préoccupe. Ce qui est couvert par l'indemnisation, ce que je comprends, c'est que ça va s'appliquer le lendemain que la loi va être adoptée, alors que la prévention, on en a pour un, deux, trois, quatre, cinq ans à la mettre en place. Alors là, je veux dire, si l'objectif, en bout de piste, c'est de réduire les coûts, je crains malheureusement que certains profitent des modifications en indemnisation pour serrer la vis. Voilà.

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. Létourneau. Nous commençons la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier, Jacques et Jean-François, pour votre participation à la commission parlementaire. Puis transmettez nos félicitations à tous ceux qui ont contribué à la rédaction de votre rapport. Je pense qu'il est bien fait, il y a de saines recommandations, puis j'apprécie, Jacques, de réitérer l'importance de l'esprit d'ouverture et de collaboration qui vous anime à la CSN.

Je pense qu'il y a une urgence de moderniser, je pense qu'on convient tous que la prévention doit être au coeur de cette modernisation. Et la prévention, ce n'est pas de réduire nécessairement les coûts, c'est d'abord d'avoir des travailleurs qui sont plus en santé, puis des familles, puis des entreprises, puis des travailleurs, puis des travailleuses qui bénéficient de ces mécanismes de prévention là. Je pense que ça, on est tous sur la même longueur d'onde.

Les heures de libération, peut-être juste quelques points rapides, là, Jacques, là, où j'aimerais avoir tes commentaires. Des fois, c'est moi qui vais peut-être en donner un peu plus, là, tu me connais bien. Les heures de libération, là, bon, on parle d'un règlement, bon, il y a un règlement sur les heures de libération. Ça, il y a des... Vous dites, évidemment, qu'il n'y en a pas assez, d'heures de libération, il ne faut pas sacrifier, il ne faut pas déshabiller, il ne faut pas, parce qu'on étend tous les mécanismes de prévention à tous les secteurs d'activités, que nous devons sacrifier sur le temps de libération. C'est ce que tu mentionnes, hein, Jacques?

M. Létourneau (Jacques) : Oui, notamment.

M. Boulet : Dans le secteur de la construction, là, j'ai eu l'occasion, je ne sais pas si tu m'as entendu, de le préciser avec d'autres groupes, là, la formation, les heures de formation, là, si on parle de 120, ça va être ajusté à 240. La formation, je sais, théorique, à Ahuntsic, elle était à 240, puis il y a un stage pratique. Je le dis tout de suite, là, le 240, il va être reconnu. Le stage, on est en train de s'assurer de sa faisabilité et, si c'est envisageable, on va l'ajouter. Ça fait que je veux simplement vous rassurer à cet égard-là.

Et puis, Jacques, j'ai oublié de te féliciter, tu as été réélu à la présidence de la CSN hier, au congrès, bravo! Bien content pour toi. Puis tu es un de ceux qui m'enseignent ce qu'est le dialogue social, ça fait que je suis heureux de pouvoir bénéficier de ta collaboration encore un certain temps.

Multiétablissement, je t'entends bien, Jacques, dans le... si on prend un CIUSSS, il faut en même temps dire qu'il faut que ce soient des activités de même nature. Puis, tu sais, les établissements n'ont pas nécessairement des activités de même nature, d'une part, puis ce n'est pas parce qu'il y aurait un mécanisme multiétablissement que nécessairement il y a des... Les accréditations syndicales, comme tu sais, c'est établissement par établissement, et, dans les conventions collectives, il y a des mécanismes convenus entre les parties, par établissement, là, au sens autant de la loi santé et sécurité que celle sur les services de santé et services sociaux, et de participation des travailleurs. Et il n'y a pas... je ne vois pas, demain matin, un CIUSSS ou un CISSS dire... Tu sais, ça se négocie, là, là où on... Puis, tu sais, c'est syndiqué, c'est syndiqué à peu près mur à mur, là, dans les CIUSSS et les CISSS, là.

M. Létourneau (Jacques) : Oui, bien, peut-être donner un exemple, puis, si Jean-François veut ajouter, là... mais je pense que la crise actuelle démontre quand même une chose, puis moi, je ne veux pas m'enfarger dans les débats de structure puis les conséquences de la réforme de M. Barrette en santé, là, avec l'hypercentralisation, mais c'est incroyable, quand même, que, dans les CHSLD, là... Mettons qu'on aurait eu un comité santé et sécurité sur la base d'un territoire où il y a, je ne le sais pas, moi, sept, huit, 10 CHSLD. Alors, si les responsables en santé et sécurité ne sont pas ancrés dans le milieu de travail, s'il n'y a pas une négociation qui se mène avec la direction des ressources humaines ou le département de santé de l'établissement sur, par exemple, l'utilisation des masques, la façon d'organiser le travail, on peut bien essayer d'organiser d'une région ici, en haut, là... Vous le savez, au ministère, le ministère donne des consignes, parfois, puis ça ne redescend pas sur le terrain. Bien, on vit exactement le même problème dans des entités administratives qui sont gigantesques. Donc, si on veut être efficace en prévention, il faut être collé sur le terrain puis il faut que ça se fasse en paritarisme, absolument. Si ça ne se fait pas en paritarisme, là, ça ne marchera pas.

Bien, moi aussi, je fais confiance, c'est-à-dire que les syndicats, les travailleuses, les travailleurs sont capables de s'organiser. Ce n'est pas le président de la CSN qui va aller organiser chaque CHSLD, puis, bon, ni le ministre de la Santé, mais il faut leur donner les moyens pour être efficaces. Parce que, si, historiquement, on a considéré que c'était faible, en termes de risque, à cause des coûts puis de ce que ça représente en santé et services sociaux, aujourd'hui, là, sérieusement, dans le contexte de la crise, on ne peut pas faire abstraction que, s'il y a bien une place où c'est l'enfer, au niveau de la prévention puis de la santé et sécurité, c'est bien dans le réseau de la santé et des services sociaux, là.

Ça fait que, moi, je ne voudrais pas que le multiétablissement imposé vienne centraliser les processus puis enlever tous les moyens au monde sur le terrain pour être efficace, d'un centre jeunesse, d'un CLSC ou d'un CHSLD.

M. Boulet : Santé psychologique, bon, aussi, je me tiens à jour avec les travaux de l'Organisation internationale du travail. Tu dis, on a fait un pas, mais on pourrait faire un autre pas en avant. Je veux juste rappeler, Jacques, que 67 % des réclamations pour lésion de nature psychologique découlent d'un trouble de stress post-traumatique, et de le reconnaître dans notre règlement potentiel sur les maladies professionnelles présumées, je pense qu'il faut reconnaître que c'est un grand pas en avant. On est d'accord là-dessus, Jacques?

M. Létourneau (Jacques) : Bien, je vais peut-être passer la parole à Jean-François.

M. Lapointe (Jean-François) : Oui, bien, en fait, c'est une belle avancée, mais, pour nous, c'est une avancée qui est insuffisante, dans le sens que, si on regarde l'Ontario ou la Colombie-Britannique, qui ont été capables d'y aller par genre d'emploi, les premiers intervenants, que ce soient les paramédics, les gardiens de prison, ils sont reconnus par présomption des chocs post-traumatiques, et là on y va par une définition classique qui était déjà reconnue par l'accident de travail. Alors, ça, ça nous semble un peu insuffisant. On pourrait aller plus loin, pour inclure le choc post-traumatique au niveau de la présomption des maladies.

Il faut aussi dire qu'au niveau psychologique la question du trouble d'adaptation et de la dépression majeure, qui sont occasionnés par l'organisation du travail qui est néfaste, et on le voit beaucoup, particulièrement dans le secteur de l'éducation et très particulièrement dans le secteur de la santé et des services sociaux, on aurait là un terreau fertile pour déjà modifier la présomption de maladie professionnelle.

Et ça, on peut faire le lien aussi sur le règlement sur les maladies professionnelles que vous désirez instaurer. Nous, on pense que ça serait peut-être mieux de le conserver en annexe à la loi, et ça n'empêche pas de le bonifier rapidement, parce qu'il y avait déjà une disposition à la loi. Et que la CSST ne l'ait pas utilisée, ça ne fait pas en sorte qu'elle ne pourrait pas l'utiliser, ça prend juste une volonté expresse de le faire. Et ça, bien, on peut, avec le comité scientifique que vous voulez mettre en oeuvre, ajouter à l'annexe. Pourquoi la transformer en règlement quand ce règlement-là va être restrictif? Restrictif, parce qu'on prend tous les protocoles de la CSST, là, les protocoles administratifs qui sont renversés par le tribunal administratif, habituellement, quand on y va en appel — là, vous le savez, vous êtes un praticien — et là on vient les inclure à la loi. Alors, ça va rendre la présomption de maladie professionnelle sur une norme hors de tout doute plutôt qu'une norme de prépondérance de preuve.

Ça fait que là, on voit là peut-être un glissement, quand on parle des maladies professionnelles, alors il faudrait peut-être faire attention sur cette question-là. En tout cas, nous, tu sais, on s'interroge sur cette mesure-là de le glisser en règlement.

• (16 h 50) •

M. Boulet : Deux points, Jean-François. Un, sur les troubles de stress post-traumatique, effectivement, j'ai vu, dans des juridictions où ils disaient : Il faut que ça soit associé à un travail, mettons, de policier, d'ambulancier, de gardien de prison, puis il y a d'autres juridictions où ils ont dit : On ne l'associera pas à des métiers spécifiques, on va laisser ça plus large. Et, tu sais, dans la littérature, on parlait de l'OIT, là, Jacques en faisait référence, je pense que c'est l'approche qui est la plus libérale, ceci dit entre guillemets, pour permettre qu'un trouble de stress post-traumatique ne soit pas limitatif à certains métiers et professions. Ça, c'est le premier point.

Deuxièmement, pour votre bénéfice, Jean-François puis Jacques, je l'ai dit à d'autres, le comité scientifique, là, dont on a parlé avec les intervenants précédents puis d'autres, va nous permettre d'être guidés par le niveau d'évolution des connaissances scientifiques et médicales et d'enrichir la liste des maladies professionnelles présumées, et ça... Moi, j'ai l'intention de donner le mandat rapidement à ce comité-là, dans la mesure où il est formé, d'analyser les maladies de type psychologique en se basant sur le DSM-5, en se basant aussi... un autre mandat qui va considérer la santé des femmes de façon plus spécifique.

Bon, on parlait de l'évolution des organisations de travail, la tertiarisation de l'économie, les secteurs de la santé. Jacques le disait, là, depuis 1979, 1985, il n'y a rien que les groupes 1 et 2. À l'époque, c'étaient des jobs à forte prépondérance masculine, puis les jobs à forte prépondérance féminine n'étaient visés par aucun mécanisme de prévention puis de participation. C'est un des volets fondamentaux dans notre projet de modernisation. Et il faut que le comité scientifique puisse nous guider rapidement sur les incidences particulières ou les risques particuliers que nous devons identifier, dont les risques émergents. Jacques soulignait, là, l'importance des risques psychosociaux, mais on a besoin d'être guidés, d'avoir des recommandations qui vont être mises sur la place publique.

Puis, en parlant des risques psychosociaux, Jacques, vous soulignez dans votre rapport : «Le projet de loi inclut l'analyse des risques psychosociaux au programme de prévention.» Ce avec quoi vous êtes d'accord. «Ce qui est une bonne chose en soi», que vous écrivez. «Toutefois, nous aurions aimé y retrouver également l'analyse de l'organisation du travail puisque celle-ci constitue un risque qui a un impact sur la santé psychologique des travailleurs.» J'aimerais ça, avoir des précisions sur l'organisation du travail, si c'est fardeau de tâche, ratio, etc. J'ai aussi cette compréhension-là de la notion de risques psychosociaux, mais est-ce que, Jacques, ça réfère spécifiquement à ça? Jacques ou Jean-François, là.

M. Létourneau (Jacques) : Bien, je pourrais faire 30 secondes, puis Jean-François fera l'autre minute. Mais, tu sais, les Français appellent ça la pénibilité du travail, là. C'est un beau grand terme, mais, en même temps, ça traduit...

M. Boulet : La quoi?

M. Létourneau (Jacques) : La pénibilité du travail, hein, donc...

M. Boulet : Oui, c'est bon.

M. Létourneau (Jacques) : Non, mais le fait qu'effectivement aujourd'hui l'aliénation au travail ne passe plus par la machine nécessairement, mais elle passe par un phénomène comme celui-là, santé psychologique, la disparition des temps sociaux, tiens, entre le travail et le non-travail, et toute la pression psychologique que ça peut entraîner sur les travailleuses et travailleurs. Moi, j'ai toujours été un partisan de l'organisation du travail, au sens où il faut casser — puis ça existe encore malheureusement trop dans plusieurs milieux de travail, notamment dans des ministères, alors que ça relève de l'État — des modèles très, très traditionnels d'organisation du travail, très hiérarchiques, où, dans le fond, le travailleur puis la travailleuse exécutent une fonction mais ne sont pas nécessairement mis à contribution sur la façon d'organiser les services.

 Et moi, je suis fondamentalement convaincu que, si on ouvrait un chantier là-dessus, tant dans le secteur privé que public, sur les questions d'organisation du travail, qu'on mettait davantage à contribution les travailleuses et les travailleurs dans la façon d'organiser le travail, que ça aurait un impact sur la santé et sécurité, pas juste physique, mais la santé psychologique des gens. Jean-François, peut-être? Ça va? O.K.

M. Boulet : Totalement d'accord avec tes propos, Jacques. Deux autres sujets. Dans votre mémoire, vous demandez de maintenir intégralement le rôle du Réseau de la santé publique en santé au travail. Puis il y avait un consensus au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, dont tu es un membre très actif et très apprécié, qui avait recommandé que les milieux de travail, tu sais, toujours dans la philosophie de l'appropriation par les milieux de travail de l'identification pour bien contrôler et éliminer les risques, d'abord, les identifier, après ça, les contrôler et les éliminer, le CCTM avait recommandé que les milieux de travail élaborent les programmes de santé, en s'adjoignant, bien sûr... en demandant le support du réseau de la santé publique. Il y a-tu une raison qui justifie clairement, Jacques, cet éloignement-là du consensus du CCTM, qui t'est généralement très cher, là?

M. Létourneau (Jacques) : Oui, bien, peut-être Jean-François?

M. Lapointe (Jean-François) : Bien, en fait, quand on...

(Interruption)

Une voix : ...Ah oui, mon micro, il ne faut pas...

M. Lapointe (Jean-François) : En fait, la problématique vient aussi que, quand on fait la lecture, à notre avis, du projet de loi, c'est qu'on revoit l'introduction des médecins de compagnie. Et c'est tout ce volet-là qui nous fait craindre, quand on regarde comment on va définir les programmes de prévention. Et on voit une forme d'opacité aussi, puis on le dit dans le mémoire, là, sur la question de l'information des contaminants, bien, c'est l'employeur qui va avoir l'information, tu sais, ce ne sera pas directement transmis au comité de santé et sécurité. Ça fait que c'est un peu cette dynamique-là. Puis, surtout, c'est que le réseau de santé au travail, là, santé publique au travail, bien, c'est des acteurs indépendants qui sont extrêmement crédibles pour notre milieu. Puis, quand on regarde ça, on se dit : C'est probablement les meilleurs rapports qu'on a pour trouver nos problèmes de santé au travail et bâtir des bons plans de qualité.

Et évidemment il y a un problème aussi au niveau du recrutement, là, ça, on va se le dire, au niveau des médecins en santé au travail, mais il faut développer la santé au travail, sinon, bien, je pense que ça va aller vers les médecins d'entreprise. Qui vont faire quoi? Qui vont aussi évaluer les travailleurs pour les contester dans le régime d'indemnisation, qui vont potentiellement être les experts qui vont être invités dans les comités de santé et sécurité. Alors, c'est là qu'on commence à trouver que ça...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il ne reste que 30 secondes.

M. Boulet : Merci, Jean-François. Mais il y avait quand même un consensus du CCTM, là, ce sur quoi on s'est basé dans notre projet de loi, là, mais je comprends le commentaire. J'aurais d'autres questions, sur le programme de maternité sans danger, et autres.

Jacques, Jean-François, merci beaucoup. C'est une rencontre qui fait partie d'une série de rencontres. Jacques, on se parle quand même de façon assez régulière, on va continuer de le faire. Puis, encore une fois, pour moi, c'est important de dire que vous êtes ici dans un esprit de collaboration et de construction. Je pense qu'on a un grand bénéfice, au Québec, se donner un nouveau régime de santé-sécurité. Merci, Jacques. Merci, Jean-François.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Létourneau. Bonjour, M. Lapointe. Merci beaucoup pour votre présence et la qualité de votre mémoire.

Je me disais, au début, c'est quoi le point en commun qu'on peut avoir, moi et vous? Je viens de le trouver. Moi aussi, j'étais préposé aux bénéficiaires. Donc, je suis allé dans un CHSLD, hein, j'étais sur le terrain et je peux partager vos inquiétudes par rapport au multiétablissement. Ça serait une erreur. Je vois mal comment et, dans une ancienne vie, avant d'aller travailler comme préposé aux bénéficiaires, j'étais en contact avec le secteur de la santé, notamment l'Hôpital Charles-Le Moyne, où j'ai collaboré avec la pharmacie, le pharmacien en chef, la médecine interne. Donc, vous avez raison quand vous avez évoqué le multiétablissement, c'est une erreur, je ne vois... je vois mal comment ça sera opérationnel sur le terrain.

Un autre point où je suis très d'accord avec vous : oui, pour des comités de sécurité, un représentant de santé-sécurité au travail, mais, si je remets les lunettes de la COVID, il faut que l'employeur donne les masques, donne les visières, donne le matériel de protection. Ce qui nous a manqué, quand j'étais sur le terrain, M. Létourneau, pendant quelques jours, et je partageais ça avec vos membres, membres de votre syndicat, c'est qu'ils me disaient : C'est l'absence du matériel de protection. Donc, les gens se passaient parfois des visières parce qu'il n'y avait pas assez de visières. Il y avait un manque terrible au niveau des masques. Je ne parlais même pas des masques de procédure, je ne parlais pas du N95, je parlais même... c'est les masques que vous connaissez très bien, largement utilisés.

Donc, oui, quand je vois une classification... Et j'ai aimé ce que vous avez dit dans la page 12, parce que, juste avant vous, il y avait le groupe de la santé publique, qui disait presque la même chose : «Sur le plan de la méthodologie, nous croyons que l'appellation "niveau de risque" est pour le moins trompeuse et peu scientifique.» Mais moi, à votre place, je vais même enlever le «peu», elle n'est pas du tout scientifique, la classification des risques, et ça été confirmé par le groupe avant vous, de santé publique, qui disait que la logique derrière, c'est plutôt, et vous l'avez mentionné, la culture d'indemnisation, hein, il faut se dire les vraies affaires. Est-ce qu'on se base sur l'indemnisation? Bien, on parle de l'indemnisation. Si on veut parler des risques, on fait fausse route, surtout que cette classification cible les femmes.

Ma première question, M. Létourneau, quand vos membres, ils ont vu, en pleine pandémie, que le gouvernement prépare un projet de loi, et il cible leur secteur d'activité, et il met le niveau de risque faible, comment ça a été, leur interprétation à cette classification?

• (17 heures) •

M. Létourneau (Jacques) : Bien, je pourrais vous dire, essentiellement, que... Parce qu'on pourrait faire une commission parlementaire uniquement sur le réseau de la santé et des services sociaux, surtout dans le contexte de la pandémie, puis on n'aurait peut-être pas assez de temps pour faire le tour des enjeux, mais c'est certain que ce qui s'est produit le printemps dernier, et je ne suis pas sûr que, cet automne, c'était nécessairement mieux, mais c'est une vraie honte, oui, bien sûr, pour les personnes bénéficiaires en hébergement, mais pour les travailleuses et les travailleurs, notamment dans les CHSLD. On a vu, là... Moi, je me rappelle d'un premier ministre, en pleine conférence de presse, qui réalise qu'il n'y a pas d'employeurs, qu'il n'y a pas de cadres dans les CHSLD, que l'organisation du travail est complètement centralisée dans un centre intégré de santé et que les gens sont laissés à eux-mêmes.

Alors, c'est sûr que... excusez l'expression, là, mais l'écoeurite des gens, dans le réseau de la santé et des services sociaux, jumelée avec les problèmes de santé et sécurité, les décès... Parce que les décès sont survenus, malheureusement, notamment chez des préposés aux bénéficiaires, avec des gens qui ont été très malades, qui réclament des N95 parce que c'est des masques de procédure qui sont plus sécuritaires que l'autre petit masque bleu que nous portons, puis qu'on fasse la sourde oreille à cette demande-là... C'est clair que les gens trouvent ça assez incroyable que d'entendre dire aujourd'hui que le faible... que c'est un faible risque de travailler dans ces établissements-là, là. Ça ne tient pas la route.

M. Derraji : Et, M. Létourneau, je vous respecte beaucoup parce que vous êtes un homme de terrain, et ce n'est pas pour vous flatter, parce que vous dites toujours les vraies affaires. Et j'adore que des gens qui représentent des organisations sérieuses nous ramènent sur la réalité, et ce que vous... Et moi, je veux vraiment passer les 11 minutes que j'ai sur le niveau de risque. Moi, je vois qu'on a un sérieux problème au niveau de la définition du risque. Vous avez dit, entre les lignes : On doit attendre 2022, 2023, 2024. Moi, j'ai des échos, mais vous pourrez plus élaborer pour le bénéfice de l'ensemble des membres. Pourquoi on attend tant de temps?

M. Létourneau (Jacques) : Non, je ne comprends pas...

(Interruption)

M. Létourneau (Jacques) : Là, Jean-François, ton micro est ouvert. Parce que je veux lui passer la parole, là. Mais, non, je ne comprends pas. Et moi, je vous le dis, là, si vous voulez, demain matin, vous mettre à l'ouvrage dans le réseau de la santé et des services sociaux, avec les syndicats, pour mettre en place des mesures, pas pour dans quatre ans, là, là, là, en ce moment, pour mettre en place des mécanismes puis des mesures pour mieux protéger les travailleurs, nous, on va dire : Présent. Mais il y a Jean-François qui voulait un peu... parce qu'il connaît bien le réseau de la santé aussi, là.

M. Lapointe (Jean-François) : Oui, c'est assez simple. La question du niveau de risque, là, on pourrait tout simplement ne pas avoir de niveau de risque et appliquer tout simplement la loi au grand complet. Ce serait ce qui est le plus simple. Puis ce qui était souhaité par notre organisation, c'est que l'ensemble des mécanismes soit appliqué à tous les secteurs d'activité économique. Alors, ça, c'est le plus simple. Évidemment, on fait la démonstration, dans le mémoire, comme plusieurs autres l'ont fait avant nous et probablement d'autres le feront après nous, qu'il y a une forme de discrimination qui s'insère pour les femmes, là, au niveau de la catégorisation du risque.

M. Derraji : Bien, M. Lapointe, moi, je vous seconde à 1 000 %. Je peux même en rajouter. Je trouve anormal qu'il n'y a pas un ADS, il n'y a pas d'ADS+, ça a été mentionné par des groupes de femmes mardi. Je suis aussi outré que vous, je ne me gêne pas à dire les vraies affaires. Et, M. Létourneau, vous l'avez très bien mentionné, si on veut, aujourd'hui, appliquer ce qui se passe au niveau de la pandémie sur ce projet de loi, c'est une honte. Parce que dire à nos professionnels de la santé que le niveau de risque est faible, quel message on envoie à nos troupes qui sont sur le terrain maintenant? Quel message on leur envoie? S'il vous plaît, corrigez-moi. Est-ce que c'est rassurant ce que vous entendez aujourd'hui, qu'il y a un niveau de risque au niveau de vos membres et qu'il est classé faible?

M. Lapointe (Jean-François) : Bien, peut-être vous répondre rapidement là-dessus, je pense que la présentation de notre président était assez éloquente là-dessus. Pourquoi commencer l'application des niveaux de risque à partir de 2023 et appliquer immédiatement les modifications législatives aux victimes de lésions? Lorsque le régime de prévention faillit, le régime de réparation doit être là pour les victimes. Et là c'est un peu l'inverse qu'on se prépare à faire, le régime de prévention va s'appliquer totalement en 2025, celui de réparation, des diminutions de la réparation, ça va être immédiatement, les victimes et leur famille vont payer plus. Alors, ça, c'est peut-être quelque chose qu'il faudrait que vous, les parlementaires, vous... Et évidemment le projet de loi est fait de bonne foi, mais ça, ça cause un problème pour les victimes de lésion.

M. Derraji : Je vous comprends et je me pose les mêmes questions que vous. Et, sérieux, je tiens à vous remercier, parce que j'invite mes collègues parlementaires, si jamais ils n'ont pas eu le temps de tout lire, mais, sérieux, la page 11, 12, 13 du mémoire de la CSN, c'est à lire et même à encadrer. Tout est là. Tout est là. Parfait. Et je tiens à féliciter les gens de votre groupe qui ont travaillé sur l'argumentaire très détaillé en bas de page. C'est des références, ce n'est pas de la matière grise, c'est des recherches scientifiques faites par des professionnels.

Vous avez évoqué un point extrêmement important, il n'y a aucune méthode de révision des niveaux de risque prévue au projet de loi :«Pourquoi aucun facteur probant de prévention n'est-il considéré dans l'établissement du niveau de risque? Un élément majeur doit être aussi mis en lumière, il n'y a aucune méthode de révision des niveaux de risque prévue [dans ce] projet de loi.» Avez-vous quelque chose... d'ajouter, dans... par rapport à cette partie ou à la clarifier?

M. Lapointe (Jean-François) : Bien, très rapidement, les secteurs prioritaires, actuellement, ils ont eu une bonne performance. Plusieurs se retrouvent à risque faible. Est-ce qu'on va voir, dans les prochaines années, le démantèlement de la santé et sécurité et de la prévention chez... dans ces secteurs-là? Et, si c'est le cas, et c'est notre appréhension, on aura une hausse du taux de lésions chez ces secteurs-là, qui avaient bien performé en santé et sécurité, et on n'a aucune méthode de révision pour les protéger à nouveau. Alors, ça, c'est un des problèmes qu'on y voit, surtout pour nos groupes prioritaires.

M. Derraji : M. Lapointe, M. Létourneau, je tiens à vous dire maintenant : Merci beaucoup. Et, M. Létourneau, gardez en tête que, dans une autre vie, si je n'étais pas député, probablement, je vais être membre, en tant que PAB, de votre organisation.

M. Létourneau (Jacques) : Ah! ça fait plaisir, ça fait plaisir.

M. Derraji : Merci beaucoup pour la qualité de votre mémoire, et on va continuer l'étude de ce projet de loi rendu à l'étape article par article. Donc, merci pour votre contribution.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons maintenant avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Létourneau, M. Lapointe. D'abord, félicitations pour votre réélection, M. Létourneau. Félicitations aussi pour la tenue d'un congrès syndical virtuel. Ce n'est pas banal, des centaines de délégués, j'imagine, alors toute une prouesse technique, j'imagine.

Sur le fond du projet de loi qui est devant nous, on a critiqué abondamment la question du niveau de risque, là, qui me semble être un échafaudage assez boiteux qui nous a été présenté. Est-ce que c'est un mauvais... C'est comme un mauvais rappel d'un mauvais souvenir des fusions dans le milieu de la santé. C'est-tu comme une deuxième vague, un deuxième coup de marteau avec les fameuses fusions?

M. Létourneau (Jacques) : Bien, c'est clair que l'approche qui est utilisée s'appuie sur la réalité actuelle sur le plan de l'organisation des services. Et, dans ce sens-là, si... Ça, c'est le bilan qu'on en a fait et qu'on fait toujours, surtout dans le contexte de la pandémie, que cette réforme-là a été un échec monumental. D'ailleurs, je ne comprends pas que le gouvernement actuel n'est pas en train de réfléchir à rebâtir le réseau de la santé et des services sociaux sur d'autres bases, pour redonner aux centres jeunesse, aux CHSLD toute leur autonomie en termes d'organisation de services.

Moi, je pense que, quand on nous présente un projet de loi comme celui-là, où on nous dit : Non seulement on va peut-être faire du multiétablissement imposé, puis qu'il va y avoir des niveaux de risque différents d'un établissement à l'autre, ça, malheureusement, ça n'envoie pas nécessairement un bon signal aux travailleuses puis aux travailleurs du réseau de la santé, là, qui sont pris en pleine pandémie. Donc, vous avez raison, là. Peut-être, Jean-François...

• (17 h 10) •

M. Lapointe (Jean-François) : Puis on peut peut-être parler... En parlant du réseau de la santé, ce qui est intéressant, c'est un des plus gros employeurs au Québec. Ça, il faut se le dire. Et c'est un des employeurs qui bénéficie largement de la judiciarisation, parce qu'il conteste énormément en plus. Alors, il va se retrouver beaucoup à risque faible, et c'est lui qui participe énormément à la judiciarisation, médicalisation des dossiers, ce qui fait en sorte qu'on fracasse presque 40 000 contestations, dans le Tribunal administratif du travail, cette année, en 2020. Alors, tu sais, il faut penser à ça aussi pour travailler sur la déjudiciarisation et sur le financement du régime. Et ça, il y a des efforts qui ont été faits, dans le projet de loi, et il faudra faire plus d'efforts sur le financement, parce que c'est la pierre angulaire, des contestations d'employeurs et la perte des droits des victimes, qui n'investissent pas, en plus, les employeurs, par la suite, en prévention dans les mécanismes.

M. Leduc : Vous avez bien dit 40 000 contestations?

M. Lapointe (Jean-François) : Bien, aux dernières nouvelles, on oscillait entre 30 000 et 40 000 contestations dans le Tribunal administratif du travail. Puis il faut se dire qu'en 1998, quand la Commission des lésions professionnelles a été créée, à ma mémoire, là, puis c'est un peu le flou, mais on était autour de 15 000. Alors, il y a une augmentation faramineuse des contestations, mais, quand on parle du BEM, bien là, on plafonne, là, on cartonne, on est dans les 10 000 contestations au BEM, contestations médicales.

M. Leduc : Alors, ce n'est pas un sujet qui va s'améliorer avec le projet de loi, ça risque de s'empirer, la judiciarisation.

M. Lapointe (Jean-François) : Tout à fait.

M. Leduc : Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous disposez vous aussi de 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Lapointe et Létourneau. Pour faire suite à mon collègue, est-ce que le chiffre de 200, 300 millions en coûts de contestations annuelles est un chiffre qui... On parle d'à peu près 5 000 $ par contestation, vous parlez de 20 000 contestations à 40 000 par année. On est-tu dans les bons chiffres?

M. Lapointe (Jean-François) : On est pas mal dans cette zone-là, là.

M. Roy : Donc, si cet argent-là était investi en prévention, on ferait des gains significatifs en matière de santé et de sécurité.

M. Létourneau, vous avez soulevé un enjeu tout à l'heure, j'ai posé la question à la fédération des infirmières du Québec avant-hier ou hier, je ne me souviens pas, sur l'émergence des problèmes de santé mentale associés au climat de plus en plus toxique du milieu de travail. Je sais que vous ne vouliez pas revenir sur la réforme Barrette, mais il n'en demeure pas moins que, moi, par exemple, chez nous, on m'a signalé de nombreux cas d'intimidation, de muselage, de sanctions chez les professionnels qui n'en pouvaient plus, burn-out. Donc, vous soutenez que ça prend un chantier pour repenser l'organisation du travail. J'aimerais vous entendre encore pour les secondes qui me restent là-dessus, là.

M. Létourneau (Jacques) : Oui, définitivement. Moi, je proviens, comme je l'ai dit tantôt, d'un syndicat du réseau de la santé et services sociaux, qui, dans les années 90, disait déjà : Il faut revoir le modèle d'organisation du travail dans le réseau. Parce que, déjà, à l'époque, il y avait des problématiques de ce genre. Alors, ce phénomène-là s'est amplifié avec l'alourdissement des tâches, parce que le réseau a été tellement chambardé par toutes les politiques d'austérité que...

C'est clair que l'autoritarisme des équipes de gestion, la façon dont est géré le travail, dans le réseau de la santé et des services sociaux, tout comme dans certains secteurs de l'éducation, ça fait en sorte que c'est un petit peu gênant, là, quand on sait que c'est l'État, quand même, là, qui a la responsabilité, notamment du ministère de la Santé et des Services sociaux, alors qu'il y a des employeurs, dans le secteur privé, notamment, qui ont mis de l'avant des modèles d'organisation du travail beaucoup plus modernes. C'est incroyable de dire ça, en 2021, là, que, dans le secteur privé, on a peut-être fait des avancées en matière d'organisation du travail, qu'on est passés à une autre philosophie d'organisation du travail que dans le réseau de la santé ou dans le secteur public, où on a un modèle extrêmement hiérarchisé.

Je vais vous dire, le ministre appelle au télétravail. J'ai fait des entrevues, la semaine passée, là-dessus. Ça m'appelait le lendemain, les gens, dans le réseau, ils ont dit : Bien, dans le réseau de la santé, ils nous forcent à rentrer travailler, puis c'est le ministère de la Santé puis le ministre que... Puis nous, on l'appuie, le ministre, là, dans cette idée-là du télétravail, mais on s'aperçoit, à côté, que, dans les...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion, en conclusion.

M. Létourneau (Jacques) : Bien, voilà, c'est ça que je voulais passer comme message. Je trouvais que ça se plaçait bien. Parce que moi, j'ai appuyé le ministre sur la question du télétravail, mais, quand mes membres viennent me dire : Bien oui, mais Jacques, ils ne l'appliquent même pas au ministère de la Santé, ils ont mis en place, tu sais, des...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Très bien.

M. Létourneau (Jacques) : Alors, voilà.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est tout le temps...

M. Roy : En conclusion, on m'a fait part, moi aussi, de ce genre de chose là. Merci beaucoup, messieurs.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. Létourneau, merci, M. Lapointe, pour votre intervention et votre contribution à la commission. C'est très apprécié.

Alors, nous suspendons, pour quelques instants, la commission, pour mieux accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 20)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous reprenons les travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Patry et à Mme Baillargeon, qui sont des spécialistes en médecine du travail au CHUM. Alors, nous cédons maintenant la parole à vous pour pouvoir présenter votre exposé.

M. Louis Patry et Mme Martine Baillargeon

M. Patry (Louis) : Alors, bonjour. M. le ministre, Mme la Présidente de la Commission de l'économie et du travail, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, je suis le Dr Louis Patry et je suis accompagné du Dre Martine Baillargeon. Nous sommes tous les deux médecins spécialistes en médecine du travail et ergonomes. Nous pratiquons la médecine du travail au Centre hospitalier de l'Université de Montréal. Je suis également directeur du programme de spécialité en médecine du travail à l'Université de Montréal, et Dre Baillargeon y est responsable de l'enseignement aux étudiants en médecine. Nous représentons un groupe de médecins spécialistes en médecine du travail, enseignants, cliniciens et médecins responsables. Dre Baillargeon prononcera l'allocution, et il nous fera plaisir, par la suite, de répondre à vos questions. Alors, je laisse la parole au Dre Baillargeon.

Mme Baillargeon (Martine) : Bonjour. Alors, nous tenons à vous remercier de nous donner l'occasion de présenter nos commentaires concernant le projet de loi n° 59 traitant de la modernisation du régime de santé et de sécurité du travail au Québec.

Tout d'abord, nous aimerions saluer la volonté du législateur d'élargir l'accès aux mesures de prévention à l'ensemble des secteurs d'activité et à des groupes de travailleurs auparavant non couverts, de renforcer le rôle du comité de santé et de sécurité dans les établissements, de reconnaître spécifiquement les risques psychosociaux et de considérer la création de comités scientifiques.

Néanmoins, nous avons certaines préoccupations concernant ce projet de loi. La santé des travailleurs est essentielle à la santé des entreprises et au maintien de nos services publics, particulièrement en cette période de pénurie de main-d'oeuvre. La protection de la santé des travailleurs doit donc demeurer l'objectif central de cette réforme.

Dans le cadre de cette allocution, nous avons dû faire des choix, étant donné le temps limité, alors nous vous partagerons certains enjeux et nos préoccupations en tant que médecins cliniciens et responsables d'enseignement en médecine du travail. D'entrée de jeu, il importe de rappeler que la plupart des maladies liées au travail, si elles sont identifiées précocement et des mesures de prévention mises en place, peuvent être prévenues ou, à tout le moins, leurs conséquences atténuées. Dans le cas contraire, l'évolution sera le plus souvent vers une maladie chronique et une désinsertion professionnelle. L'identification précoce des symptômes ou des signes d'une maladie servent non seulement à éviter une lésion professionnelle, mais permettent de reconnaître précocement des problématiques en émergence, conséquences d'un risque non encore identifié ou témoins d'un problème dans l'application des modalités préventives.

La réussite d'une approche orientée sur la prévention doit reposer sur une collaboration étroite entre les divers acteurs, ceux du milieu de travail, soit les travailleurs et l'employeur, les intervenants en santé au travail, soit les hygiénistes, techniciens en hygiène, ergonomes, infirmières et médecins, ainsi que sur la collaboration des professionnels de la santé agissant au niveau clinique. Ceci est également important lors de la réintégration du travailleur dans son milieu de travail. C'est d'ailleurs l'approche recommandée, à maintes reprises, par l'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation internationale du travail.

De plus, il est essentiel que ce type d'intervention s'appuie sur les connaissances scientifiques, les meilleures pratiques décrites dans la littérature, le respect des règles d'éthique et de confidentialité ainsi que sur les compétences d'intervenants bien formés et en mesure de conseiller en toute indépendance professionnelle.

Ceci nous amène à discuter du rôle dévolu aux médecins dans le régime québécois de santé et sécurité. En effet, ils occupent un rôle central, entre autres, dans l'identification des atteintes à la santé en lien avec le travail, le diagnostic et la prise en charge de lésions professionnelles, l'évaluation de l'aptitude médicale à faire un travail et dans le retour au travail. Ce sont les médecins traitants qui connaissent le mieux l'état de santé de leurs patients et qui sont les mieux placés pour évaluer, entre autres, si ce travailleur est en mesure de reprendre son travail et à quelles conditions.

Pour bien remplir ce rôle, ils doivent pouvoir compter sur des médecins spécialistes en médecine du travail pour les soutenir dans l'évaluation des cas complexes. Or, il existe peu de médecins spécialistes dans cette discipline en mesure d'assurer ce soutien clinique. Bien que la spécialité en médecine du travail soit reconnue au Québec depuis 2011, il n'y a toujours pas de postes qui ont été attribués à cette spécialité, au plan des effectifs médicaux, et ce, malgré des efforts soutenus et des représentations formelles auprès du ministère de la Santé en 2015 et 2019. Il est donc impossible de former une relève. La situation actuelle a atteint un niveau critique, et il sera bientôt difficile d'assurer l'enseignement aux résidents et aux étudiants en médecine.

Dans un autre ordre d'idée, pour les travailleurs qui, malheureusement, développent une maladie professionnelle, nous croyons que l'accès à l'indemnisation doit être facile. Or, certaines des propositions du projet de loi concernant la mise à jour de la liste des maladies professionnelles ne facilitent pas cet accès, entre autres en ajoutant des conditions qui restreignent son application. Lorsque la présomption ne s'applique pas, les travailleurs ont un fardeau de preuve très important pour voir leurs lésions reconnues. Cette situation retarde souvent l'admissibilité et, par conséquent, la prise en charge de la lésion professionnelle, la mise en place des mesures de prévention et occasionne un stress important chez les travailleurs. C'est également le cas pour les travailleurs atteints de lésions pulmonaires qui doivent être évalués par deux comités distincts et subir de nombreux tests.

De plus, la judiciarisation croissante du processus de réparation des lésions professionnelles est particulièrement préoccupante. Le recours de plus en plus fréquent aux mécanismes de contestation des avis médicaux a engendré un climat de méfiance et de confrontation contraire à la collaboration nécessaire pour une prise en charge adéquate des problèmes de santé et un retour prompt et sécuritaire au travail. Le Québec est la province canadienne qui compte, et de loin, le plus grand nombre de dossiers qui se règlent devant les tribunaux. Ceci a un effet important sur la santé mentale des travailleurs qui, déjà inquiets en ce qui a trait à leur état de santé, leur situation financière et leur peur de ne plus pouvoir exercer leur métier, se voient pris dans un processus de contestation souvent long et sur lequel ils n'ont aucun contrôle. Se surajoute alors à la lésion initiale une détresse psychologique. La voie est toute tracée pour une chronicisation et une désinsertion professionnelle.

Cette situation a aussi des conséquences négatives sur la pratique médicale, puisque certains médecins ont des réticences à prendre en charge un travailleur en raison, entre autres, de la lourdeur administrative du processus et des difficultés dans le suivi de leur patient.

En conclusion, pour protéger la santé des travailleurs et les réintégrer dans leur milieu de travail aussi rapidement que leur état de santé le permet, il est essentiel d'identifier précocement les atteintes à la santé, de s'assurer d'une collaboration de tous les intervenants, d'éviter les approches en silo, de faciliter l'accès des travailleurs à la réparation et d'inclure les médecins traitants dans le processus. De plus, ces médecins doivent pouvoir avoir accès à des services cliniques spécialisés en médecine du travail pour les soutenir.

Il est par ailleurs essentiel d'identifier les causes de la judiciarisation croissante des dossiers et de s'assurer de la formation et de l'indépendance professionnelle de tous les médecins qui interviennent auprès des travailleurs. À notre avis, imposer des délais plus courts pour le traitement des dossiers au Bureau d'évaluation médicale ne réglera pas la situation.

Sachant que la santé des travailleurs est une condition indispensable à la productivité et au développement économique, et face à des changements majeurs dans le monde du travail, que ce soit au niveau technologique, de l'organisation du travail, des changements démographiques et aux enjeux engendrés par les changements climatiques, il est particulièrement important que notre régime de santé et de sécurité au travail et que tous les intervenants qui interviennent dans ce domaine travaillent activement et en collaboration pour bien protéger la santé des travailleurs. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous commençons donc maintenant la période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Patry, et merci, Dre Baillargeon, de votre contribution aux travaux de la commission parlementaire pour un projet de loi qui est particulièrement important pour la santé des travailleurs et des travailleuses et pour le bénéfice, évidemment, des environnements de travail. Puis, Dre Baillargeon, je suis assez d'accord avec à peu près tout ce que vous mentionnez, notamment sur l'importance de diminuer les risques de chronicisation, puis ça passe par un retour prompt au travail.

Et il y a plusieurs mesures dans notre projet de loi qui vont faciliter un retour au travail diligent, en permettant, par exemple, l'accès à des mesures de réadaptation avant que la lésion soit consolidée avec atteinte permanente, un meilleur encadrement de l'année, qui est une période où le travailleur doit rechercher un emploi et période pendant laquelle il reçoit une indemnité de remplacement de revenus.

J'aimerais ça, peut-être, vous poser des questions un petit peu plus générales, Dre Baillargeon, juste que vous me disiez... Parce que vous avez fait référence, bien sûr, aux risques psychosociaux, là, puis on va en reparler tout à l'heure. Mais où vous me diriez qu'on est rendus en médecine du travail, au Québec, en ce qui concerne l'identification ou la nature des risques psychosociaux au travail?

• (17 h 30) •

M. Patry (Louis) : Je pense que je peux essayer de répondre effectivement à cette question. Concernant les risques psychosociaux, je pense qu'il faut effectivement intervenir pour être capable de détecter précocement une certaine manifestation relative aux atteintes qui affectent la santé mentale. Je pense qu'il faut effectivement avoir en place, dans les entreprises, certains critères, une certaine collaboration avec des personnes pour être capable de détecter précocement les manifestations affectant la santé mentale. Si on attend qu'une maladie soit manifeste, je pense qu'il est trop tard.

Alors, il y a énormément de signes qui sont présents, qui sont préliminaires à l'installation d'une pathologie, et je pense que c'est à ce niveau-là qu'il faut agir, parce que, sinon, il va être effectivement assez tard pour intervenir.

M. Boulet : D'accord.

Mme Baillargeon (Martine) : Si je peux rajouter quelque chose, en fait, on a de nombreux groupes de recherches au Québec. Nous avons la chance, au Québec, d'avoir des chercheurs d'une qualité internationale et... dont des chercheurs pour les risques psychosociaux. Je peux penser à plusieurs personnes qui ont développé une expertise particulière dans l'identification des risques et qui ont développé, également, des outils pour soutenir les milieux de travail. Alors, je pense que, si on se met, effectivement, tous ensemble à collaborer... c'est un enjeu important et pas facile, mais je pense qu'on peut y arriver.

M. Boulet : Merci, docteure. Bon, vous dites à un moment donné dans une de vos recommandations que le comité scientifique, là, qui va nous guider, là... parce qu'essentiellement notre volonté c'est d'être guidé par l'évolution des connaissances scientifiques et médicales dans l'identification des maladies professionnelles qui bénéficient d'une présomption, je vais reparler de la présomption, docteure, juste pour... parce que vous en avez parlé, mais ce comité scientifique là, vous dites qu'il devrait ne pas avoir de contrainte. À quoi vous référez plus particulièrement? Vous voulez qu'il ait les coudées totalement franches ou... Y a-tu une explication particulière à ce que vous mentionnez?

Mme Baillargeon (Martine) : En fait, je crois que c'était surtout pour mettre en lumière l'importance que les recommandations soient faites en toute indépendance professionnelle. Je pense que c'était davantage dans ce sens-là.

M. Boulet : D'accord.

Mme Baillargeon (Martine) : Et, dans ce sens-là, je pense qu'il serait important de considérer que les avis soient donnés directement au ministre du Travail pour éviter qu'il y ait toute forme de pression pour arriver à des conclusions qui sont autres que scientifiques.

M. Boulet : C'est un excellent point, Dre Baillargeon. Et évidemment, je suis d'accord, il faut que ce soit totalement indépendant, objectif et neutre. Puis on prévoit, dans le projet de loi, que c'est remis au ministre du Travail et que ça doit en plus être rendu public. Donc, ce n'est pas... ça ne sera pas mis sur des tablettes, ce sera rendu public. Et j'ai exprimé l'intention, Dr Patry, Dre Baillargeon, de donner des mandats, cependant, spécifiques à ce comité de scientifiques là, parce qu'on a parlé beaucoup de tertiarisation de l'économie, beaucoup de l'évolution des organisations de travail, de la place de plus en plus prépondérante des femmes dans les milieux de travail, donc voir rapidement s'il y a des maladies spécifiques de nature psychologique qui intéressent la santé des femmes, donc émettre des avis, se pencher sur la littérature internationale en semblables matières.

Puis un autre mandat qui concerne les maladies de nature plus psychologique, là, on parle des troubles d'adaptation, les dépressions, on les voit beaucoup, on a ajouté dans la liste, en l'actualisant, les troubles de stress post-traumatique, parce que la plupart des lésions de nature psychologique qui font l'objet de réclamations à la CNESST découlent de troubles de stress post-traumatique. Donc, ce comité de scientifiques là, pour moi, il va constituer une pierre angulaire dans la mise à jour de la liste des maladies professionnelles présumées.

La présomption, docteur, vous dites : C'est important parce que, si la présomption ne s'applique pas, le chemin est beaucoup plus difficile. Mais c'est sûr que, si c'est, par exemple... puis je prends souvent l'exemple assez simple, hein, une présomption, c'est, mettons, si c'est une lésion musculosquelettique, si c'est une bursite, une tendinite ou une ténosynovite, si c'est associé à un travail qui implique des gestes répétitifs sur une période de temps prolongée, si tu as la preuve des deux, il y a une présomption. Mais, même dans des cas où la présomption ne s'applique pas, le travailleur ou la travailleuse peut quand même faire une réclamation, mais il y a un fardeau de preuve, puis je pense que vous le soulignez très bien, il doit démontrer qu'il y a un lien de causalité entre son travail et le diagnostic posé par le médecin traitant. Si c'est un accident de travail puis si c'est une maladie professionnelle, bien, il doit faire la preuve que c'est caractéristique du travail ou relié aux risques particuliers de son travail. Ça fait que c'est sûr que ça impose... C'est pour ça qu'actuellement, là, l'annexe, Dre Baillargeon, il est là depuis 1985, puis il a évolué zéro, alors qu'il y a une actualisation qui est faite, puis on veut que cette liste-là soit évolutive et que ça se fasse rapidement puis de façon concomitante aux connaissances scientifiques et médicales.

Judiciarisation. Dre Baillargeon, là aussi, on est totalement d'accord. Puis je veux juste vous rappeler que, dans le projet de loi, on permet d'escamoter une des étapes pour diminuer la judiciarisation, donc, à une personne qui conteste, que ce soit un travailleur ou un employeur, de ne pas aller en révision administrative, mais d'aller directement au Tribunal administratif du travail, notamment quand c'est une question de nature médicale ou une question de financement. Donc, ce sera, à mon avis, une ouverture ou un pas en avant vers une beaucoup plus grande judiciarisation. Et j'oserais ajouter qu'il va falloir raffermir aussi nos mécanismes d'alternatives de résolution de disputes, là — je réfère à la conciliation, à la médiation — pour permettre aux partis de trouver des terrains d'entente avec les médecins en charge des travailleurs de façon à diminuer les délais, parce que les délais, vous le mentionnez bien, les délais chronicisent, les délais augmentent les risques de développer des maladies chroniques. Moi, ça m'apparaît aussi extrêmement important de le souligner.

Enfin, vous faites référence à la confiance accordée ou qui doit être accordée au médecin qui a charge du travailleur dans notre régime et vous proposez qu'il soit mieux soutenu dans l'évaluation des lésions professionnelles. Est-ce que je peux vous permettre de développer un peu à ce sujet-là, Drs Patry ou Baillargeon?

M. Patry (Louis) : Je vais effectivement développer quelques... apporter quelques précisions concernant toute la question de corridors de services. Vous savez, on a travaillé excessivement fort depuis plusieurs années à faire en sorte que les médecins soient soutenus au niveau du diagnostic. Vous savez comme moi que l'enseignement au niveau de la médecine du travail au niveau universitaire, il est déficient, d'une part...

M. Boulet : C'est vrai.

M. Patry (Louis) : ...et, d'autre part, les médecins ont peu accès à des... à ce que j'appelle... à des services cliniques pour les soutenir dans leur diagnostic et la prise en charge de travailleurs, et ceci amène parfois un certain désintéressement de la part de certains médecins à s'occuper et à prendre en charge des travailleurs. Cette situation-là est effectivement très préoccupante. Pour bien y parvenir, d'avoir un système qui soit opérationnel, il faut effectivement essayer d'avoir un réseau de cliniques en médecine du travail où les médecins pourraient s'y référer, et probablement pas uniquement juste les médecins, mais toute organisation qui aurait besoin d'avoir un support pour faire en sorte... pour avoir des précisions, ou des informations, ou encore sur les précisions de lien de causalité.

La difficulté qu'on rencontre souvent en médecine du travail n'a pas nécessairement à être une question de diagnostic, mais c'est une appréciation de causalité, et il faut s'assurer que tous les médecins qui émettent des avis aient les connaissances et les compétences nécessaires pour se prononcer sur la santé de quelqu'un et d'émettre une opinion sur le lien de causalité. Je pense qu'on a énormément à faire de ce côté pour faire en sorte qu'on puisse avoir un réseau adéquat pour soutenir les médecins dans l'évaluation. Je pense que ça contribuerait certainement à diminuer les coûts reliés à la prise en charge des lésions professionnelles.

• (17 h 40) •

M. Boulet : Ah! vous avez totalement raison. Puis ça me rappelle des cas où j'ai travaillé avant de faire de la politique. Quand on prépare des témoins experts qui sont des médecins, là, en santé et sécurité du travail, il y a un exercice pédagogique à faire pour que tout le monde soit à niveau pour les critères retenus en jurisprudence sur le principe du lien de causalité, là, entre un travail et un diagnostic. Puis parfois il y a des nuances qui requièrent beaucoup de transferts d'information. Je vous comprends très bien sur ce sujet-là, Dr Patry. Écoutez...

Mme Baillargeon (Martine) : Est-ce que je peux me permettre juste d'ajouter une petite chose? C'est qu'en Ontario il y a un réseau de cliniques, il y a sept cliniques, en fait, qui dépendent directement du ministère du Travail, sept réseaux de cliniques spécialisées en médecine du travail qui sont là justement pour fournir ce genre de service là. Alors, ici, au Québec, à l'heure actuelle, on est en retard de ce côté-là. Et nous, on pense que ça peut être une des clés du succès.

M. Boulet : Ah! bien, c'est intéressant, Dr Baillargeon. C'est une information que je ne connaissais pas, puis on pourra en rediscuter. J'aimerais ça, que vous m'alimentiez un peu sur le point que vous venez de soulever.

Merci beaucoup, en conclusion. Merci, Dr Patry, merci, Dr Baillargeon. Hyperapprécié. Puis je réalise qu'on a la même compréhension, là, sur le chemin à parcourir pour faire du Québec ce qu'on appelle parfois une société qui est avant-gardiste, là, qui comprend bien l'importance de la prévention en santé et sécurité et l'incidence d'une médecine du travail bien développée, là, pour répondre aux besoins de tous les environnements qui sont devenus de plus en plus sophistiqués. Merci beaucoup puis au plaisir de se reparler bientôt. Au revoir.

M. Patry (Louis) : Avec plaisir. Merci beaucoup.

Mme Baillargeon (Martine) : ...plaisir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, maintenant, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Dr Patry et Dr Baillargeon, merci beaucoup. Quel excellent rapport. Je tiens à vous remercier et j'invite aussi les membres de la commission à garder votre rapport très, très précieusement parce qu'on en aura besoin lors de l'étude article par article.

Je n'ai que 11 minutes. Je vais y aller en rafale parce que j'ai tellement, mais tellement de questions. Je vais commencer par une première d'ordre général. Sentez-vous qu'à la lumière de ce projet de loi la médecine du travail va jouer un rôle important ou vous sentez qu'encore une fois quelque chose qu'on ne comprend pas encore au Québec, c'est votre rôle?

M. Patry (Louis) : Je répondrais d'abord en partie à cette question-là. Je pense que le rôle du médecin du travail est plus ou moins bien compris et je pense, comme on le voit dans plusieurs lois, il joue un rôle central. On ne peut l'ignorer dans tout changement qu'on va apporter. À la fois pour l'évaluation des personnes et à la fois pour faciliter le retour au travail, c'est un élément excessivement important, et entre autres pour détecter précocement les manifestations à la santé chez certaines personnes avant même que les lésions soient manifestes. Et à ce moment-là on va pouvoir, effectivement, faire en sorte qu'on ait une meilleure interaction aussi avec les différents milieux de travail.

Mme Baillargeon (Martine) : Je pourrais peut-être ajouter un point quand même qui est important. C'est que, depuis 2011, en fait, on essaie d'avoir des postes au plan des effectifs médicaux pour être en mesure de former une relève. Alors, nous sommes de moins en moins nombreux comme spécialistes en médecine du travail, de plus en plus près de la retraite, et bientôt nous ne serons plus en mesure, justement, comme je l'ai dit, d'assurer ces fonctions. Donc, c'est urgent d'intervenir auprès du ministre de la Santé et de lui faire part, en fait, de l'importance des spécialistes en médecine du travail.

M. Derraji : Je tiens à vous rassurer que le suivi sera fait auprès de ma collègue parce que c'est très inquiétant, surtout perdre l'expertise que vous avez entre vos mains.

Je vais aller très rapidement aux points que j'ai soulevés. Premier point, la liste des maladies professionnelles. Vous avez soulevé, non conforme aux connaissances scientifiques actuelles, l'exemple du plomb, l'exemple du trouble musculosquelettique. Ça induit de la discrimination. Vous parlez du cancer chez les pompiers, une maladie devrait être liée à un risque et non à un métier. Parlez-moi du plomb, s'il vous plaît.

M. Patry (Louis) : Je peux commencer. En ce qui concerne le plomb, en fait, il y a une condition qui est émise, en fait, dans la liste des maladies professionnelles pour une question de 700 milligrammes par litre, qui est une valeur, effectivement, qui n'est plus appliquée, qui n'est plus applicable. Les conditions actuelles... c'est-à-dire que les connaissances actuelles scientifiques mettent des valeurs qui sont beaucoup plus basses, parce que, si on attend pour mettre des valeurs comme ça, c'est qu'on sait très bien que le plomb, l'exposition au plomb, peut donner des manifestations à la fois neurologiques, neurologiques périphériques et centrales. Je pense qu'il est excessivement important de pouvoir agir à des niveaux plus bas. Il faut faire ces distinctions d'une manifestation et un niveau de plomb dans le sang.

M. Derraji : Mais comment vous expliquez que les personnes qui ont rédigé le projet de loi se sont basées sur cette valeur? Est-ce qu'on vous a appelé? Est-ce qu'on vous a impliqué pour mettre à jour cette valeur?

M. Patry (Louis) : Je dois vous dire qu'en ce qui me concerne je n'ai pas été consulté et je ne sais pas qui a travaillé, en fait, à élaborer ces conditions à mettre dans la liste des maladies professionnelles.

M. Derraji : C'est toujours inquiétant. J'ai toujours été... Dans toute ma vie, on m'a dit de faire attention par rapport au plomb. Bien, là, ce que vous soulevez, c'est un énorme drapeau rouge. Parlez-moi de l'induit de la discrimination, très rapidement. Vous parlez du cancer chez les pompiers. On a eu l'exemple au début.

M. Patry (Louis) : Martine... Dre Baillargeon. Je vais laisser...

Mme Baillargeon (Martine) : Oui. En fait, on trouve qu'il y a une pente glissante, effectivement, vers de la discrimination lorsqu'on favorise certains groupes de travailleurs par rapport à d'autres. Et ce n'est pas pour enlever, en fait, ce que les pompiers ont si durement acquis au fil des années, mais il y a des groupes de travailleurs qui sont également exposés à des fumées cancérogènes, on peut penser aux soudeurs. Alors, la fumée de soudage, c'est un cancérogène, c'est un cancérogène du groupe 1 avéré par le Centre international de recherche sur le cancer, mais la fumée de soudage ne va pas nécessairement affecter uniquement les soudeurs, elle va affecter aussi d'autres travailleurs qui sont dans l'environnement de travail des soudeurs. Alors là, si on indique cancer du poumon aux soudeurs, à ce moment-là, on se trouve à exclure les autres qui sont dans leur environnement de travail, et là il faudrait qu'ils se défendent.

Et il y a d'autres... Et, bon, on parle du mélanome chez les pompiers, mais le mélanome, c'est très connu que c'est les rayons UV. Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de présomption chez les agriculteurs, les travailleurs de la construction, etc.? Alors, je pourrais donner plusieurs exemples.

M. Derraji : Oui, oui, on parle des pesticides au niveau des applicateurs, au niveau des agronomes, au niveau des agriculteurs et, encore une fois, on vient de dire qu'on se base sur la science.

Vous avez dit quelque chose que je veux vraiment décortiquer avec vous, aller en profondeur avec vous. Une maladie devrait être reliée à un risque et non un métier. Juste avant vous, nous avons eu un excellent échange avec d'autres groupes pour parler du risque. Ce qu'on constate, c'est que la personne qui a rédigé ou les gens qui ont rédigé... on pense à ce projet de loi, ils ont basé leur raisonnement sur l'indemnisation ou les constats et non pas le niveau de risque lié à des preuves scientifiques ou épidémiologiques. Est-ce que vous êtes du même avis que la classification, telle qu'elle est présentée dans le projet de loi aujourd'hui, ne va pas aider les travailleurs?

M. Patry (Louis) : Moi, je vais peut-être amorcer la réponse. En fait, en ce qui concerne l'évaluation des risques qu'on pourrait indemniser, je pense que les coûts, ils sont probablement un aspect à considérer. C'est un des aspects à considérer. Il faudrait évaluer aussi les différents secteurs d'activité et éventuellement évaluer aussi les autres risques qui sont présents. Se baser uniquement sur des coûts, en fait, on risque, par exemple, de passer à côté. On le voit très bien, lorsqu'on est avec le secteur de la santé, comme il a été mentionné, qui n'est pas dans un niveau de risque qui serait plus faible, selon les données, mais sauf qu'on vit bien... actuellement, on voit bien la réalité dans laquelle on se retrouve aujourd'hui avec les conditions de travail et les difficultés que les gens du secteur de la santé rencontrent avec la COVID.

M. Derraji : Oui. Vous parlez aussi de l'ingérence dans des champs d'activité médicale. Vous parlez aussi de l'indépendance du volet scientifique, l'indépendance professionnelle des intervenants et des organisations, et vous mentionnez qu'il faut s'assurer que tous les intervenants en santé au travail, les organisations, soient indépendants. Il y a le mot indépendance. Vous soulevez des... Avez-vous des craintes sur l'indépendance de l'opinion médicale ou de l'opinion, tout court, du médecin du travail, là?

M. Patry (Louis) : Je dois dire que, d'une certaine façon, oui. Dans d'autres organisations, on voit qu'effectivement les opinions du médecin dépendent... sont plus en lien avec le ministère du Travail. Et actuellement je pense que je suis inquiet par rapport, effectivement, aux opinions médicales. Je pense que Dre Baillargeon a probablement d'autres points à ajouter à cet effet.

Mme Baillargeon (Martine) : Je pense que c'est extrêmement important et je vous référerais à la position du Collège des médecins, qui a été... Vous avez reçu une lettre, et il y a une partie qui a été rendue publique...

M. Derraji : Publique, oui.

Mme Baillargeon (Martine) : ...qui concerne, justement, l'importance... Dans les codes d'éthique en santé au travail, au niveau international, c'est répété à de nombreuses reprises que tous les intervenants, pas uniquement les médecins, les hygiénistes qui font des analyses, les ergonomes, etc., qu'ils soient indépendants au niveau professionnel pour être capables de donner l'heure juste aux milieux de travail ou aux décideurs par rapport aux risques que leurs travailleurs courent.

M. Derraji : Oui. J'ai une autre question par rapport à un point qui me... en fait, qui me travaille depuis le début sur l'indépendance. Je vais parler de l'institut de recherche reconnu internationalement pour ses travaux en SST et le C.A. de la CNESST. Est-ce que, présentement, vous voyez des situations de conflits d'intérêts? Et, si vous les voyez, comment on peut y remédier?

• (17 h 50) •

M. Patry (Louis) : Vous savez, c'est une question intéressante à poser. Je ne pense pas que je sois en mesure... ou de dire qu'il y a réellement un conflit d'intérêts. Ce que je peux vous dire, c'est que l'IRSST est réellement bien reconnu au niveau international. Il faut qu'on puisse compter davantage sur cette organisation pour nous aider, aussi bien pour les aspects préventifs, pour l'identification de certaines pathologies professionnelles et la mise en place, soit, entre autres, soit la... concernant la réintégration au travail ou encore le suivi des personnes. Je pense que la question est posée, mais je peux difficilement y répondre, en fait, parce que je n'ai pas tous les éléments pour établir s'il y a une...

M. Derraji : Pas de problème. Pour les membres des comités des maladies professionnelles, comment vous voyez ce comité?

M. Patry (Louis) : Dre Baillargeon?

Mme Baillargeon (Martine) : Les membres, en fait, c'est ça, il faut garantir leur indépendance professionnelle et il faut que leurs recommandations puissent être appliquées. Donc, si c'est à l'intérieur, s'ils relèvent de la CNESST ou s'ils relèvent d'un autre organisme, il faut vraiment être très prudent et avoir des structures qui garantissent complètement l'indépendance professionnelle de tous les membres du comité. Je pense que c'est fondamental.

Juste pour votre question d'institut de recherche, en Ontario, il y a cinq instituts de recherche, si je me souviens bien, qui dépendent tous du ministre du Travail et non pas du WSIB.

M. Derraji : Donc, ils sont très bien séparés. Moi, j'en suis sûr et certain, que le ministre va apprécier cela, d'imiter l'Ontario par rapport à ce point. Je vais lui soumettre l'idée avec un amendement. Je pense que c'est mieux d'avoir une séparation, comme vous, entre la CNESST et les organismes de recherche. Et, si vous pouvez juste nous envoyer un peu l'exemple ontarien, ça va nous donner un peu de temps à préparer l'amendement et l'envoyer à l'avance. Je sais que le ministre aime ça, les amendements à l'avance. Ça va me faire un grand plaisir de lui rédiger ça.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il ne reste que 40 secondes.

M. Derraji : Oui. Écoutez, j'ai trois pages de questions. Je tiens juste à vous remercier, Dr Baillargeon et Dr Patry. C'est un excellent rapport. Merci de prendre le temps de le rédiger. Je sais que c'est du travail, du travail énorme. Et gardons le contact, parce que c'est une première étape, la consultation, et sûrement on va avoir besoin de votre éclairage, lorsqu'on va commencer l'étude article par article, parce que pas sûr qu'on a l'ensemble des compétences pour passer à travers, surtout certains détails, pour avoir un bon régime et le moderniser. Donc, encore une fois, je vous remercie pour votre présence.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. M. Party, Mme Baillargeon, merci beaucoup. Bienvenue. La question des enjeux psychosociaux, là, est revenue à quelques reprises dans les audiences. Il y a des groupes qui prennent des initiatives, par exemple, il y avait la FIQ, puis je pense que la CSQ le reprenait aussi. Je vous lis une de leurs recommandations : «Les fédérations recommandent d'ajouter les diagnostics de trouble de l'adaptation et de dépression à la liste des maladies présumées professionnelles.» Est-ce que c'est une bonne idée? Comment on fait pour aller de l'avant avec ça dans le cadre du projet de loi?

M. Patry (Louis) : Bon, c'est une question qui est tout à fait pertinente. À mon point de vue, moi, je pense qu'avant d'établir ou de retenir certaines pathologies à inclure dans une liste, je pense qu'il faut effectivement mettre... faire des actions pour essayer de mieux cibler les... d'avoir des critères qui vont nous permettre d'identifier plus précocement les manifestations d'atteinte à la santé mentale avant même qu'une pathologie s'installe. La question de reconnaître certaines pathologies est effectivement fort intéressante, mais, à mon point de vue aussi, il ne faut pas mettre toutes nos énergies sur la reconnaissance d'une pathologie mais effectivement sur la prévention, en pouvant détecter précocement les manifestations, en les identifiant et en ayant, si on veut, des organismes de support à ces personnes-là pour ne pas qu'elles se rendent jusqu'au bout. Et, ça, je pense que le système de modernisation doit permettre, en fait, une telle approche, qui serait davantage orientée sur la prévention que sur la reconnaissance de la pathologie.

M. Leduc : Mais l'une n'est pas contradictoire avec l'autre.

M. Patry (Louis) : Absolument pas.

M. Leduc : On peut à la fois faire beaucoup plus de prévention mais dire que c'est intéressant d'explorer.

Mme Baillargeon (Martine) : Mais il faut, à ce moment-là, regarder pour la mettre sur une liste où il y a application d'une présomption. Il faut regarder, en fonction d'un diagnostic, l'état des connaissances scientifiques par rapport à ça pour voir s'il y a effectivement possibilité, là, d'appliquer une présomption, si la preuve scientifique est suffisamment concordante pour être capable de voir qu'il y a application d'une...

M. Leduc : À votre connaissance, l'est-elle?

Mme Baillargeon (Martine) : Ce n'est pas un sujet que je traite particulièrement, mais je peux vous dire... Peut-être que juste le trouble de stress post-traumatique, c'est peut-être un peu court. Il y a certainement autre chose à rajouter.

M. Leduc : Parce que, dans le cas du parkinson, il y a eu des débats, hier ou avant-hier, sur la notion de consensus ou unanimité. Est-ce qu'il faut vraiment que tout le monde soit d'accord pour qu'on rajoute la mesure?

M. Patry (Louis) : Ce que je vais vous dire, la réponse est non. Je pense qu'effectivement... lorsqu'il y a un consensus, en fait, à mon point de vue, c'est qu'on a suffisamment de données dans la littérature pour mentionner qu'il y a un lien de causalité très probable entre une exposition et les manifestations à la santé chez certaines personnes, des groupes qui sont particulièrement touchés par l'utilisation des pesticides. À mon point de vue, il y a une question de reconnaissance sur ce lien de causalité là, et on doit l'apprécier. Mais, vous savez, des études épidémiologiques, il peut toujours y en avoir, des contradictoires...

M. Leduc : Bien sûr.

M. Patry (Louis) : ...mais il faut voir, effectivement, sur lequel on va retenir et de regarder l'ensemble des éléments pour se prononcer.

M. Leduc : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous avez encore 2 minutes 45 secondes.

M. Roy : J'admire votre générosité, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Baillargeon, M. Patry. Écoutez, une petite rétrospective, là. On a une forme d'ingérence de la CNESST dans le processus de consolidation qui peut apparaître, diminution des compétences des personnes responsables de la prévention sur les chantiers, refus de reconnaître la maladie de Parkinson, évaluation des risques de secteur à partir d'indicateurs plus que discutables, faible soutien au déploiement de la médecine de travail, comme vous le soulignez dans votre mémoire.

Écoutez, est-ce que vous pensez que ce projet de loi reflète réellement les connaissances scientifiques actuelles?

M. Patry (Louis) : C'est une bonne question. À tout le moins, en tout cas, il y a une volonté de reconnaître les connaissances... de tenir compte des connaissances scientifiques. Est-ce qu'elles sont actuellement toutes considérées? Il y a une amélioration qui est manifeste, et je pense que c'est dans ce sens-là qu'il faut aller. Et il faut effectivement que les gens, par exemple, soit des médecins du travail, dans la reconnaissance, si on veut, la documentation, tout ça, par exemple, que les médecins du travail soient impliqués, en fait, dans cette évaluation.

M. Roy : Et vous soulignez qu'il est minuit moins une, que le programme de postdoctorat en médecine du travail va peut-être disparaître sous peu, que l'expertise que vous possédez va disparaître jusqu'à la fin des temps. Donc, je pense que, dans un contexte de modernisation de la loi sur la santé et la sécurité et la prévention, il serait extrêmement important que le ministre du Travail passe le message au ministre de la Santé pour qu'il y ait une dynamique d'entreprise pour former des médecins du travail. C'est un enjeu extrêmement important pour l'ensemble de la société québécoise.

M. Patry (Louis) : J'en suis convaincu.

M. Roy : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci bien. C'est tout? Vous aviez encore une minute, M. Roy.

M. Roy : Ah! câline. Écoutez, vous êtes... Bien, excusez. Hé, écoutez...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous n'êtes pas obligé de la prendre, là. C'est correct.

M. Roy : Non, non. Laissez-moi aller. Vous avez soulevé aussi l'enjeu de la médecine d'entreprise. Si je me souviens bien, on a déjà discuté de ça. Pouvez-vous en parler un peu plus?

M. Patry (Louis) : Bien, la question, je pense, c'est... Ce qui est important, c'est d'avoir des médecins qui soient bien formés, aussi bien pour travailler en entreprise que pour travailler au niveau du réseau public ou travailler comme médecins cliniciens. Là, je pense que le critère est là. Il y a des pays, en fait, il y a des juridictions, je pense, par exemple, à la Finlande, où vous avez à la fois un réseau privé, vous avez aussi un réseau public. Mais, ceci étant dit, les gens qui veulent faire de la médecine du travail doivent avoir au moins une compétence, et avec un certificat dans le domaine. Alors, je pense qu'à ce moment-là, si on peut arriver à avoir des gens formés, aussi bien au niveau privé qu'au niveau public, on est certains qu'on va pouvoir contribuer de façon efficace à améliorer la santé, à protéger mieux la santé de nos travailleurs.

M. Roy : Donc, les critères définis dans le projet de loi pour embaucher un médecin ne sont pas suffisants, à votre avis. Je pense que c'est juste d'être membre... Je ne me souviens pas trop, mais il y a deux critères. Donc, la formation n'est pas là actuellement.

M. Patry (Louis) : Bien, la formation est essentielle. Il n'y a aucun pays que j'ai regardé... Même au Canada. Au Canada, vous avez des certificats qui sont émis, alors... pour que les gens puissent travailler dans ce domaine. Aux États-Unis aussi on a défini des compétences à la fois pour les médecins spécialistes et les médecins généralistes. Et d'autres pays, en fait, si on voit... comme j'ai mentionné, les pays scandinaves aussi ont des compétences définies pour chacun des niveaux d'intervention. C'est essentiel de jouer là-dessus. Il faut qu'effectivement que les gens qui décident de travailler dans le domaine de la médecine du travail démontrent des compétences pour le faire.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Roy : Merci beaucoup. Et tout le Québec écoute cette commission, va prendre note de ce que vous nous dites. Merci infiniment.

M. Patry (Louis) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. C'est bien parce que c'était intéressant, M. Patry et Mme Baillargeon, parce que député Roy a abusé, là, de sa minute, finalement. Il en a pris presque deux.

Alors, écoutez, merci, M. Patry et Mme Baillargeon. Vous avez vu, c'était facile, c'était très coopératif. Merci pour votre collaboration et votre contribution à l'avancement de ces travaux. Alors, je vous souhaite bonne soirée.

M. Patry (Louis) : Merci.

Mme Baillargeon (Martine) : Merci infiniment à vous.

M. Patry (Louis) : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'au vendredi 22 janvier 2021, à 8 h 40, où elle poursuivra son mandat. Alors, je vous souhaite un bon souper, une bonne soirée, et un bon dodo, et à demain matin. Merci.

(Fin de la séance à 18 heures)

Document(s) related to the sitting