(Neuf heures trente-trois minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de
l'économie et du travail ouverte. La commission est réunie virtuellement afin
de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Roy
(Bonaventure).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires puis nous
entendrons, par visioconférence, les groupes suivants : le Conseil du
patronat du Québec, le Conseil du statut de la femme et l'Union des producteurs
agricoles.
Remarques préliminaires
J'invite maintenant M. le ministre du
Travail, l'Emploi et de la Solidarité sociale à faire ses remarques
préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes. J'invite
également tous ceux qui ne parlent pas de bien fermer votre micro. Merci.
Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Jean
Boulet
M. Boulet : Merci, Mme la Présidente.
J'aimerais d'abord saluer mes collègues du parti gouvernemental, mes collègues
des partis d'opposition, profiter aussi de l'occasion pour remercier de leur
collaboration des personnes qui sont très près de moi dans cette commission
parlementaire : Anne Racine, qui est ma sous-ministre adjointe;
Antoine Houde, qui est directeur des politiques; Carole Bergeron, qui
est directrice générale à la V.-P. prévention, CNESST; François Lamoureux,
qui est président du conseil consultatif travail et main-d'oeuvre; et
Fanny Cantin, qui est la directrice adjointe de mon cabinet.
Écoutez, je pense que c'est un rendez-vous
important qui est attendu depuis des années, la modernisation du régime de
santé et sécurité du travail au Québec. Évidemment, il y a deux lois qui sont
concernées : une, santé et sécurité du travail, qui concerne les moyens de
prévention à mettre en place dans les environnements de travail, et une deuxième loi sur les accidents de travail et
les maladies professionnelles, qui concerne la réparation ou ce qu'on
appelle plus communément l'indemnisation des travailleurs qui ont des accidents
de travail ou des maladies professionnelles.
Au Québec, on a besoin d'avoir un régime qui est
moins coûteux. On a besoin d'avoir un régime qui permet à nos travailleurs
d'être plus en santé. On vit un phénomène de pénurie de main-d'oeuvre depuis
des années. C'est essentiel qu'on se donne un régime qui correspond à la
modernité dans laquelle baigne le Québec.
Vous savez qu'en 1979 et 1985, quand ces deux
lois-là ont été adoptées, nous étions reconnus comme étant progressistes, au Québec.
Maintenant, on a pris énormément de retard. C'est extrêmement crucial de se mettre
à jour, de se comparer et de ne pas craindre de mettre à jour nos mécanismes de
prévention et s'assurer que notre régime d'indemnisation soit le plus
accessible possible.
Évidemment, quand on parle d'une modernisation
de la nature de celle que nous amorçons, il y a des intérêts variés. C'est la
raison pour laquelle il va falloir compter beaucoup sur le dialogue social, sur
la collaboration des travailleurs, des employeurs, des parties syndicales. On
amorce une consultation, ce matin, qui va nous permettre d'entendre des points
de vue extrêmement variés. Soyons tous soucieux et sensibles à ces points de
vue là. On est ici pour écouter, pour collaborer, pour bonifier le projet de
loi et s'assurer qu'il répond bien à nos impératifs, tant du côté des
employeurs que du côté des travailleurs.
Il y a, au
coeur de cette modernisation-là, bien sûr, le volet prévention, l'accessibilité
au régime d'indemnisation, le soutien apporté aux travailleurs. Pour
moi, c'est extrêmement fondamental qu'on diminue le plus possible les risques
de chronicisation des lésions professionnelles. Il faut s'assurer d'un retour
prompt de nos employés dans leur milieu de travail. C'est bénéfique pour eux,
pour leur famille, pour leur santé, pour les employeurs. Il faut le faire de
manière respectueuse des droits et des obligations de chacun.
Il y a à peu près 4 millions de
travailleurs qui sont concernés par cette modernisation. On a l'intention de s'assurer
que les mécanismes de prévention et de participation permettent à 94 % des
travailleurs québécois d'être protégés, alors que c'est 25 % actuellement.
On va s'entretenir de violence conjugale, de stagiaires, des travailleuses
domestiques, de prise en charge des risques psychosociaux. N'oublions jamais
que la santé et sécurité, ça appartient au milieu de travail, puis ce ne sera
pas imposé ni par nous ni par des lois.
Souvent, je fais le parallèle avec d'autres lois
qui établissent des standards minimums. Ces lois-là sont un plancher,
n'empêchent pas les parties d'aller au-delà de ça, mais il y a des obligations
qui sont, selon nous, des incontournables pour nous
permettre de faire de la prévention de façon correcte, de façon respectueuse,
avec la diminution de la fréquence et de la gravité des lésions
professionnelles. Parce qu'à la fin de la journée, ce qu'on vise, c'est que le
taux de lésions professionnelles diminue, qu'il y ait moins de lésions
professionnelles, que ça coûte moins cher et qu'on ait les mécanismes les plus
modernes pour s'assurer d'avoir des environnements de travail qui soient sains
et sécuritaires.
Enfin, dernier commentaire, discutons de manière
raisonnée, et on va, tous ensemble, atteindre notre objectif de donner au
Québec un régime qui est moderne et qui est respectueux de ce qu'on est
capables de faire au Québec en santé et sécurité. Merci, tout le monde, et
bonne commission.
• (9 h 40) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Nous invitons maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Nelligan à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes.
M. Monsef Derraji
M. Derraji : Mme la Présidente, M.
le ministre et collègues de l'Assemblée nationale, bonjour. Ces jours de
consultations particulières que nous entamons sont attendus depuis très, très
longtemps, tant par les travailleurs que par
les employeurs, la communauté médicale et les divers organismes oeuvrant en
prévention et au soutien des Québécois. Moderniser le régime de santé et sécurité au travail s'est avéré
l'ascension d'un Everest que l'on espère réussir cette fois pour le bien
des Québécois d'aujourd'hui mais surtout pour ceux de demain. Léguerons-nous de
meilleures mesures de prévention? Hériteront-ils d'une autre carte bancaire
sans crédit? Voilà quelques-unes de mes préoccupations.
À mes préoccupations s'ajoutent celles des plus
de 20 groupes qui nous ont partagé leurs inquiétudes dès le dépôt du
projet de loi le 27 octobre dernier. C'est la première fois depuis que je
suis député qu'autant de groupes se manifestent avec un tel empressement avant
la consultation. Je les remercie vivement de leur engagement envers l'amélioration
du régime, d'avoir pris le temps de nous contacter.
Le projet de loi n° 59 est une brique, il
est complexe. Il aura des effets bénéfiques et peut-être aussi des effets
néfastes sur l'ensemble de la société québécoise pour des décennies à venir. Il
est donc de notre devoir de lui accorder le temps, la rigueur et l'écoute
requis. Je tiens à remercier le ministre d'avoir répondu favorablement à ma
demande et d'avoir ajouté une demi-journée additionnelle qui nous permettra
d'entendre cinq autres groupes.
Maintenant que nous y sommes, j'aimerais
partager quelques commentaires préliminaires sur les quatre thèmes présentés
lors du briefing technique le 13 janvier dernier.
Nous saluons l'élargissement des mesures de
prévention à la quasi-totalité des milieux de travail québécois. Nous
partageons toutefois leurs préoccupations quant à la méthodologie utilisée pour
assigner des niveaux de risque au milieu de travail sur la base de demandes
d'indemnisation à la CNESST et non sur les risques réels et latents associés à
ces emplois. Par exemple, selon cette classification, les hôpitaux généraux
sont classés à faible risque, quand on sait que la surcharge du travail
amplifiée par la pandémie est endémique. On aurait apprécié que cet important
projet de loi ait été revu et relu à la lumière des sept premiers mois de la
pandémie qui aient précédé son dépôt. La pandémie nous a appris qu'il y a des
risques qui ne peuvent pas être éliminés, mais le projet de loi ne tient pas
compte de cette réalité.
Concernant l'accès au régime d'indemnisation,
nous comprenons l'économie qui pourra se faire en limitant l'accès à l'indemnisation, mais l'exposition...
l'explosion des coûts ne semble pas découler exclusivement du nombre de
demandes d'indemnités. Les délais de traitement, le manque de collaboration
pour adapter les postes de travail, accommoder
et réintégrer le travailleur, le vieillissement de la population
sont quelques facteurs contributifs que l'on doit considérer, tout comme nous devons considérer les
risques que nous reconnaissons, tel celui des pesticides sur la santé et
la sécurité des travailleurs agricoles, mais qu'on ne veut pas reconnaître à
titre de maladie professionnelle. Alors, on peut se demander quel est le coût
réel de l'autonomie alimentaire dont nous rêvons. Retenons que le Québec ne
reconnaît pas toutes les maladies professionnelles reconnues par l'Organisation
internationale du travail et l'OMS.
Quant au soutien apporté aux travailleurs ayant
subi une lésion professionnelle et à leur employeur, on constate le rôle accru
de la CNESST et des CIUSSS via leur personnel désigné d'intervenants en santé
au travail et le retrait de l'expertise des médecins du réseau de la santé
publique en santé au travail. On espère qu'un tel changement, si maintenu, sera
accompagné de critères de qualification et de compétences scientifiques. Il
s'agit, après tout, de la santé de nos travailleurs.
Enfin, sur les autres modalités du régime, nous
espérons comprendre pourquoi, après des années de réunions du comité consultatif,
il y a uniquement 18 sur 47 recommandations contenues dans l'avis de 2017.
Encore une fois, c'est la santé et la sécurité des Québécois, et la responsabilité,
et les moyens de nos entrepreneurs dont il est question aujourd'hui. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, député de Nelligan. Nous invitons maintenant le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses
remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.
M. Alexandre Leduc
M. Leduc : Une minute, Mme la
Présidente, c'est rapide. Sur la forme, d'abord, évidemment qu'on aurait préféré des audiences plus longues, hein? La
réforme des normes du travail, il y a quelques années, avait eu six
journées d'audiences; nous n'en aurons que trois et
demie. La dernière, là, il y a la... les oppositions l'auront arrachée in
extremis. Bon, c'est fait, maintenant.
Je m'attends à
ce que M. le ministre poursuive sa bonne habitude de nous communiquer d'avance
ses amendements, parce que, là, ça ne sera pas facile, étudier tous ces
articles, et aussi qu'il nous annonce s'il veut étudier en blocs ou de manière
numérique les amendements et les articles que nous aurons à travailler dans les
prochaines semaines.
Sur le fond, maintenant, Mme la Présidente, je
vais me concentrer, moi, de mon côté, sur l'aspect prévention, dans les
premières séances d'aujourd'hui, surtout sur la question du programme maternité
sans danger, qui est trop souvent remis en question — ça,
ça m'inquiète beaucoup — et
aussi sur les catégories de risque qui sont introduites par M. le ministre. On
avait des attentes très élevées sur le projet de loi, on voulait que ça couvre
tout le monde, mais là, en introduisant des catégories de risque avec plus ou
moins d'accès à de la prévention, ça me semble une patente à gosse un peu mal
ficelée qui pénalise certains secteurs qui avaient fait des gains, dans le
passé, et qui risque de discriminer les femmes par rapport aux enjeux de santé
et sécurité. Alors, je vais être très attentif à ça, Mme la Présidente. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le député. Nous poursuivons cette fois-ci... et nous donnons la
parole au troisième groupe d'opposition et avec le député de Bonaventure. Vous
disposez, vous aussi, d'une minute.
M. Sylvain Roy
M. Roy (Bonaventure) : Un gros
60 secondes. Merci, Mme la Présidente. Écoutez, ça me rappelle un peu la commission
sur les pesticides, on va assister à une polarisation des débats, et c'est déjà
débuté dans les médias, où on voit des acteurs qui préconisent une
déréglementation à se manifester et, d'un autre côté, on voit que certains
groupes sont stupéfaits et ont démontré une inquiétude très importante par
rapport à une détérioration significative de la protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs au Québec, et travailleuses.
Donc, j'ai confiance au ministre pour arriver à
une posture d'équilibre et d'écouter tout le monde, comme il l'a dit dans son
introduction, dialogue et collaboration. Donc, je vous prends au pied de la
lettre, M. le ministre. Donc, nous allons avoir des échanges cordiaux, mais on
va se dire les choses comme elles sont. Bons travaux à tous.
Auditions
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
beaucoup pour vos remarques préliminaires. Nous allons débuter maintenant les
auditions.
Je souhaite donc la bienvenue aux représentants
du Conseil du patronat du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc d'abord à vous
présenter et ensuite à présenter ou à commencer votre exposé.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Blackburn (Karl) : Alors, merci
beaucoup. Je me présente, Karl Blackburn, je suis le président et chef de
direction du Conseil du patronat du Québec.
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Et Yves-Thomas Dorval, je suis président exécutif du conseil d'administration
du Conseil du patronat du Québec. Merci.
M. Blackburn (Karl) : Alors, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, depuis le nombre d'années que nous
soumettons et que nous souhaitons mettre enfin à jour le régime québécois de
santé et sécurité du travail, notre présence aujourd'hui peut difficilement
être plus appréciée. Nous travaillons depuis plusieurs années à proposer des
voies d'amélioration, et j'espère que, cette fin d'année, la modernisation
pourra avoir lieu.
J'aimerais d'abord saluer votre travail, M. le
ministre, pour cette réforme tant attendue. La modernisation du régime est
devenue essentielle, notamment parce que le monde du travail a changé mais également
parce qu'avec le temps cette loi a été interprétée si largement que ce régime a
dévié de sa mission première pour devenir un régime à vocation sociale dont les
coûts demeurent entièrement assumés par les employeurs. Mentionnons, par
exemple, les conditions suivantes qui font partie du régime d'indemnisation,
alors qu'elles n'ont aucun lien avec le travail : maladies intercurrentes,
programme de maternité sans danger, élargissement des travailleurs visés pour
des catégories d'emploi non représentées par un employeur déterminé.
D'entrée de jeu, le CPQ confirme qu'il appuie
les objectifs que vous poursuivez dans ce projet de loi, que je pourrais
résumer en ces mots : un régime moins coûteux, plus efficace et une
main-d'oeuvre en santé, l'amélioration du soutien aux travailleurs et
employeurs, la prévention comme culture de travail, un retour au travail prompt
et durable pour éviter la chronicité, et un régime flexible et évolutif.
Afin de bien remettre en perspective les
fondements du régime de santé et sécurité, il importe de rappeler que ce
régime, qui est assumé à 100 % par les employeurs du Québec, est avant
tout un régime d'assurance qui repose principalement sur l'indemnisation du
travailleur, sans égard à la faute. Évidemment, la prévention y joue aussi un
rôle déterminant, mais j'y reviendrai plus tard.
Afin de maximiser cet
exercice de réflexion qui doit faire de notre régime de santé et sécurité un
modèle enviable et compétitif avec celui des autres provinces, certains
ajustements sont proposés dans notre mémoire. Ces recommandations visent
surtout à prendre en compte l'évolution des milieux de travail pour s'assurer
d'une gestion responsable du régime de santé et sécurité, avec, comme toile de
fond, la volonté de se donner les moyens d'atteindre une juste indemnisation
des travailleurs de manière efficiente et équitable. Mais aussi il faut mettre
en place les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité
des travailleurs.
• (9 h 50) •
De plus, la
gestion des... réclamations — pardon — et du régime s'inscrit souvent en marge des
objectifs premiers du régime, sous plusieurs aspects. Parmi les exemples
les plus frappants, on retrouve le programme de recherche d'emploi de
52 semaines pour ceux qui sont contraints de changer de travail, alors
qu'ailleurs au pays on prévoit une période de soutien allant de 12 à
16 semaines. Un autre exemple de dérive est sa générosité, qui est telle
que certains travailleurs à temps partiel, contractuels ou saisonniers, lors de
lésion professionnelle, recevront une indemnisation plus élevée que le salaire
gagné au travail, ce qui ne fait aucun sens.
Nous réitérons que la modernisation du régime de
la santé et sécurité doit prendre en compte les principes inhérents à un régime
d'assurance en santé et sécurité du travail, dont les suivants : un régime
qui ne pénalise pas les employeurs ni les travailleurs pour des situations non
reliées au travail, telles que les conditions personnelles, ou si c'est un
tiers qui est responsable, ou parce que le délai du traitement est indu; un
régime avec une tarification adéquate, suivant un principe de classification
par secteurs d'activité économique, incitative, avec un régime basé sur
l'expérience, et compétitive en comparaison des autres provinces; une
indemnisation juste et adéquate, par exemple, un remplacement de revenu
reflétant la moyenne des salaires du travailleur lors de l'événement — pour
les dossiers de longue durée et pour certaines situations, la notion de
remplacement de revenu devrait être remplacée par une notion de perte de
capacité de gain; enfin, une indemnisation sans aucune possibilité
d'enrichissement, afin de favoriser la prévention et un retour à l'emploi. Ces
principes sont à la base même du régime de santé et de sécurité du travail, qui
est avant tout un régime d'assurance qui se doit d'être efficace, responsable
et équitable.
J'aimerais rappeler les conclusions du rapport
indépendant de Morneau Shepell, publié la semaine dernière et qui démontre que
notre régime est clairement le plus généreux au pays concernant la durée et le
montant des indemnisations, alors qu'il est également le moins compétitif,
notamment quant au délai de traitement des dossiers et de retour au travail. On
y démontre, chiffres à l'appui, que notre régime coûte beaucoup plus cher aux
employeurs du Québec, comparativement à ceux des autres provinces, et, sous
plusieurs aspects, le Québec est bon dernier quant aux coûts de la réparation
et le nombre de dossiers non réglés. Il faut corriger le tir et rapidement. Il
doit également être un régime punitif qui comporte des conséquences en cas de
non-collaboration d'une partie ou d'une autre dans le cadre du processus de
retour au travail. Il s'agit ici de la trame de fond de nos réflexions.
Vous proposez
des mesures qui visent à ramener rapidement les travailleurs dans le milieu du
travail afin d'éviter, entre autres, la chronicité. Nous ne pouvons que
saluer cette approche. À cet effet, nous insistons sur l'importance de voir à ce que l'ensemble des dispositions
proposées forment un atout cohérent et que l'employeur puisse jouer un
rôle central pour assurer la sécurité des lieux de travail et contribuer ainsi
à un retour optimal dans le milieu du travail.
En matière de prévention, nous croyons que votre
approche devrait toujours chercher à favoriser la pleine collaboration autant
de l'employeur que de l'employé. Nous réitérons que la prise en charge par
le milieu de travail est un des principes fondamentaux du régime de santé et de
sécurité du travail au Québec.
À cet effet, pour les entreprises de plus de
20 travailleurs, vous limitez leur marge de manoeuvre quant au choix du
mécanisme de prévention qui implique la participation des travailleurs. Or,
leur prise en charge est le moyen... le
meilleur moyen d'assurer le filet de protection le plus adapté à leur réalité.
Si jamais il devait ne pas y avoir d'entente entre l'employeur et les
travailleurs, plutôt que d'imposer les règles, nous pensons que des modalités
devraient être indiquées dans des guides de la CNESST et non fixées mur à mur
dans une réglementation lourde.
Par ailleurs, l'idée d'exiger l'élaboration d'un
programme de prévention complet pour un petit employeur de moins de
20 employés ne tient absolument pas compte de sa réalité.
De plus, à notre avis, toute imposition du
mécanisme de prévention devrait se limiter aux employeurs se retrouvant sous un
certain seuil de performance et non obligatoirement à tous les employeurs
oeuvrant dans un secteur jugé à risque. Actuellement, un employeur très
performant, ayant peu d'accidents et aucun accident grave sera soumis au même
mécanisme de prévention qu'un employeur ayant un mauvais dossier. C'est cette
notion de performance de l'employeur qui devrait déterminer si un employeur
doit ou non être soumis à des mécanismes de participation et non à la notion du
niveau de risque par secteurs d'activité.
Tout en matière de prévention... toujours en
matière de prévention — pardon — nous
croyons qu'il serait pertinent d'ajouter
d'autres obligations aux travailleurs afin de confirmer le rôle qu'ont ces
derniers dans la prévention des
accidents de travail et des maladies professionnelles. Le but d'une telle recommandation
n'est pas de déresponsabiliser les employeurs, au contraire, mais
surtout de renforcer le rôle des travailleurs comme partie prenante à la prise
en charge de la prévention dans les activités quotidiennes des employeurs.
Le régime de réadaptation des travailleurs ayant
subi une lésion professionnelle doit également être revu en profondeur. Le
régime actuel ne favorise pas le prompt retour au travail des travailleurs, ce
qui contribue significativement aux importants coûts que doivent supporter les
employeurs. Le rôle du médecin traitant, l'assignation temporaire et
l'encadrement du retour au travail sont des thèmes au coeur même de la
réadaptation. Des modifications législatives sont souhaitables, en lien avec
ces derniers sujets énumérés.
Par exemple, ailleurs au pays, on compte sur
plusieurs professionnels de la santé afin de voir aux différentes étapes de réadaptation et de retour au travail. Le
Québec est la seule à tout remettre dans les mains d'un seul médecin. Alors que cette situation entraîne des délais qui peuvent
s'avérer néfastes pour le travailleur, le projet de loi prévoit ajouter de
nouvelles responsabilités administratives au rôle du médecin traitant dans la
gestion de leurs lésions professionnelles de son patient. Cette situation sera
un frein à la réadaptation et au retour au travail.
Aussi, le projet de loi prévoit que le rôle de
l'employeur, dans la mise en oeuvre de ces mesures, se limite uniquement à
offrir sa collaboration selon les besoins identifiés par la CNESST. Puisque le
processus...
La Présidente (Mme IsaBelle) : M.
Blackburn...
M. Blackburn (Karl) : Oui?
La Présidente (Mme IsaBelle) : M.
Blackburn, il vous reste 10 secondes.
M. Blackburn (Karl) : J'achève dans
quelques secondes. Puisque le processus de réadaptation implique fréquemment,
pour les travailleurs, un retour en emploi, l'employeur est la partie la mieux
placée pour évaluer, adapter et collaborer... la réussite du plan au retour du
travail actif du salarié indépendant. Bien humblement, nous sommes d'avis que
la cinquantaine de recommandations que nous vous soumettons correspondent aux
ajustements nécessaires qui doivent se retrouver dans le p.l. n° 59
pour enfin procéder à la modernisation du régime et ainsi rejoindre la volonté gouvernementale
de procéder à la modernisation du régime de santé et sécurité, qui, avec le
temps, est devenu désuet, inefficace, inéquitable et coûteux. M. le ministre,
vous pouvez compter sur notre plus complète collaboration pour y parvenir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de
16 min et 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la Présidente.
Dans un premier temps, j'aimerais saluer M. Blackburn et vous remercier d'avoir
préparé ce mémoire. Autant le ton que l'approche qui transparaît de ce
mémoire-là démontrent la volonté du Conseil du patronat
d'avoir un régime, au Québec, qui est inclusif, qui est moderne, qui est
compétitif. Puis d'ailleurs
on en faisait grandement état, du rapport de Morneau Shepell, on pourra y
revenir un petit peu plus tard.
Mais j'aimerais aussi saluer Yves-Thomas Dorval,
qui vous accompagne. Yves-Thomas, j'ai eu le grand bonheur de collaborer avec
lui pendant des années. Il vous précédait au Conseil du patronat,
mais il était aussi membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre,
donc il a été présent lors, notamment, de la production du rapport qui a été
soumis en 2017, l'autre qui a été soumis en 2019. Et constamment, quand on
parle de paritarisme au Québec puis de l'importance du dialogue social,
Yves-Thomas a été au coeur de nos discussions. Il a, je le disais récemment,
une connaissance fine du régime de santé et sécurité et des principaux
paramètres que vous avez vus dans le projet de loi n° 59.
Donc, merci encore une fois.
Vous référez souvent à la compétitivité, eu
égard notamment à l'assignation temporaire. Allons-y par sujets. J'aimerais ça
vous entendre sur l'assignation temporaire, qu'est-ce que vous pensez et qu'est-ce
qui pourrait être fait pour accroître la compétitivité de notre régime. Parce
qu'évidemment l'assignation temporaire, c'est une prérogative de l'employeur,
ça permet un retour un peu plus rapide au travail, avant, bien sûr, la
consolidation, parce que ça peut être fait dès le début de l'absence pour
lésions professionnelles. Est-ce que, selon vous, il y a... ce mécanisme-là
vous apparaît essentiel pour éviter, un, la chronicisation et diminuer les coûts
du régime?
• (10 heures) •
M.
Blackburn (Karl) : Si je peux me permettre, M. le ministre, et bien
évidemment je vais demander à M. Dorval de pouvoir compléter, mais je
veux quand même réitérer l'importance, auprès des membres de la commission, du
travail qui a été fait par le Conseil du patronat du Québec depuis les derniers
mois.
À partir du moment où vous avez déposé le projet
de loi, nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos membres, avec
les associations sectorielles pour arriver à vous présenter et à vous proposer
des mesures qui correspondent, selon nous, encore une fois, bien humblement,
aux ajustements que doive comporter le projet de loi, pour le rendre, je
dirais, le plus efficace, et ainsi faire une modernisation.
Et, comme vous l'avez mentionné, d'entrée de
jeu, dans votre allocution tout à l'heure, nous avons le privilège, ce matin, de pouvoir compter sur l'expérience
et l'expertise de M. Dorval, qui, depuis les nombreuses dernières années, a été au coeur du monde du travail. Et,
dans ce sens-là, je l'inviterais, bien évidemment, à compléter la
réponse.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, merci pour vos bons mots. Bon, on va... je vais laisser ça de
côté, pour le moment, pour aller rapidement à votre question. Écoutez,
l'assignation temporaire, tout comme les autres éléments de retour au travail,
c'est un élément essentiel pour permettre aux travailleurs de reconnecter avec
le marché du travail ou de ne pas perdre contact avec le marché du travail.
Donc, ça, c'est très important.
Au Québec, on est la seule
législation en Amérique du Nord à avoir confié, entre autres, un rôle d'avis
prépondérant du médecin pour certains aspects... pour plusieurs aspects,
plusieurs articles de loi. Ça, ça veut dire qu'un spécialiste comme le médecin,
qui est très bon pour diagnostiquer, est très bon pour aider l'employeur... le
travailleur — pardon — à recouvrer la santé, et à se réadapter, puis l'accompagner. Il devient
une personne clé, alors que, dans les faits, il ne connaît pas nécessairement
le milieu de travail dans lequel opère le travailleur. Donc, un des éléments
qui est intéressant dans le projet de loi, on arrive aussi avec l'obligation de
remplir des formulaires où on va parler des questions de capacités
fonctionnelles du travailleur.
Parce
qu'actuellement le régime fait en sorte qu'on joue au ping-pong. Alors, si le
travailleur est retiré du marché du travail puis que l'employeur veut lui
offrir une assignation, il faut que le médecin, ultimement, rende une décision,
puis, en plus de ça, elle est exécutoire. Donc, ça fait en sorte qu'on joue au
ping-pong, alors que, le médecin, ce n'est pas sa spécialité, lui, d'administrer
un régime. Lui, sa spécialité, c'est la médecine, c'est les soins ou les
sciences de la vie, ce n'est pas l'organisation du travail. Donc, le projet de
loi amène quelque chose d'intéressant, mais le rôle est encore trop
prépondérant, à ce niveau-là. Mais ça, c'est un élément important quand on
parle d'assignation temporaire.
M. le ministre, tantôt, on faisait
le lien, entre autres, là, avec le programme maternité sans danger, hein?
Maternité sans danger, ça ne veut pas dire que la personne est complètement
retirée du milieu du travail. On peut lui assigner des tâches qui vont lui
permettre de continuer à contribuer, sans nécessairement être exposée, par
exemple, à des contaminants ou à des éléments dynamiques... qui fait en sorte
que ça peut mettre à risque la personne qui est enceinte, ou l'enfant qui va naître, ou, lorsque la personne allaite,
l'enfant qui est allaité. Alors, dans ces considérations-là, il n'y a pas de problème. Sauf qu'on regarde dans les statistiques, or, l'assignation
temporaire n'est pas beaucoup utilisée.
Puis, juste
en passant, M. le ministre, c'est important à savoir, hein, que 70 % des
travailleuses qui bénéficient du programme maternité sans danger, au Québec,
sont dans le secteur public. Puis le secteur public, en passant, ne contribue que 25 % des coûts du système.
Alors, c'est les entreprises privées qui financent le système public. Et, s'il
y a de l'assignation temporaire à faire, je pense que l'État, en partant,
devrait lui-même regarder...
Et on regarde dans le cas de la COVID, on n'a
jamais vu autant de demandes de maternité sans danger, actuellement, ou de
retraits préventifs qu'à cause de la COVID. Et c'est normal, c'est normal, mais
il y a tellement de besoins dans le système pour réaffecter ces gens-là dans
des tâches, par exemple, d'enquête, de vérification, de traçabilité, etc.,
mais, ça, là-dessus, les efforts ne sont pas nécessairement là.
Mais, encore une fois, le bât qui blesse, c'est
surtout l'incapacité de l'employeur d'avoir le fin mot de la capacité de
pouvoir proposer une assignation temporaire sans être obligé de jouer au
ping-pong avec un avis du médecin traitant, qui devient exécutoire.
M. Boulet : Et j'aimerais ça
maintenant vous entendre un peu sur le processus de réadaptation. Quand on
parle de diminution de coûts, ça implique nécessairement un retour prompt au
travail, le plus rapidement possible. Et il y a ce qu'on appelle des
conseillers en réadaptation qui travaillent à la CNESST. La réadaptation, dans
le régime actuel, n'est accessible que lorsque la lésion professionnelle est
consolidée, bon, avec atteinte et limitations. Maintenant, on prévoit, dans le
projet de loi, que l'adaptation puisse être accessible à quelqu'un avant sa
période de consolidation, et j'aimerais entendre, sommairement, votre opinion
sur ce point-là.
M. Blackburn (Karl) : J'aimerais, si
vous me le permettez, M. le ministre, revenir, essentiellement, sur le rapport qui a été rendu la semaine dernière,
indépendant, de Morneau Shepell, qui, encore une fois, fait la
démonstration que le régime du Québec, comparativement aux autres régimes à
travers le Canada, en termes de réadaptation, prend beaucoup plus de temps en
ce qui a trait de permettre au travailleur de revenir sur le marché du travail,
ce qui, en soi, est non productif et non souhaitable pour le travailleur.
Alors, je pense qu'il faut garder ces éléments-là en tête.
Et, pour rassurer le député de Bonaventure, on
n'arrive pas avec des idées de polarisation, mais au contraire. Et notre
volonté, au Conseil du patronat du Québec, c'est de trouver des façons pour
moderniser le régime et rejoindre ainsi les
objectifs que vous poursuivez. Et, encore une fois, bien humblement, la
cinquantaine de propositions que nous vous faisons reflètent ce qui se
passe sur le terrain et ce qui devrait être considéré, dans le projet de loi,
pour le rendre ainsi et le moderniser.
Mais, pour l'exemple beaucoup plus précis que
vous posez, je demanderais, encore une fois, à M. Dorval, peut-être, d'y aller
avec un exemple concret de ce que ça veut dire.
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Bien, en fait, Mme la Présidente, ce qui est intéressant, et on appuie
l'idée que le gouvernement a, toute la littérature scientifique, hein, toute la
science démontre que plus rapidement on réintègre un travailleur qui a une
lésion... Mais de manière sécuritaire, là, c'est très important qu'on
n'interprète pas le propos de dire : On réintègre rapidement, alors que la
lésion pourrait s'aggraver, par exemple ou que, si c'est une question de soins
psychologiques, par exemple, la personne, on la réintègre trop rapidement sur
le marché du travail. La question n'est pas là, la question est de garder un
lien avec le travail, et on félicite le ministre d'arriver avec des volontés,
des orientations qui vont dans ce sens-là.
Encore une fois, c'est toujours dans les moyens
où est-ce qu'à un moment donné on confie à des gens de la CNESST, parfois...
Puis là je vais parler pas nécessairement de la réadaptation, mais je vais
parler, par exemple, du retour en emploi quand il s'agit d'un emploi
convenable. Bien là, on confie, dans le projet de loi, des responsabilités à un
fonctionnaire d'une organisation que je respecte beaucoup, écoutez, je siège au
conseil d'administration puis j'ai la capacité d'apprécier tout l'effort qui a
été fait par les gens à l'interne... Mais c'est l'employeur qui peut
réorganiser le travail, par exemple, pour fournir un emploi convenable, ce
n'est pas un fonctionnaire, que ce soit dans un ministère ou dans une
commission, qui peut savoir comment. Et la gestion, là, le droit de gestion,
là, c'est quelque chose de fondamental, dans notre système, qui est reconnu par
les lois. Et là, dans le projet de loi, on va un peu trop loin. De faire en
sorte que l'employeur, le travailleur fasse partie...
N'oublions pas ça, le travailleur doit faire
partie de la solution. Et, encore là, on voit beaucoup d'obligations sur
l'employeur, beaucoup de responsabilités que la CNESST se donne, mais on ne
voit pas de mesures qui obligent le
travailleur à participer à ces efforts-là, alors que, dans les autres
provinces, on a ça. Alors, ces éléments extrêmement importants,
on vous appuie totalement, M. le ministre, là-dessus. Il faut juste, hein,
ajuster un petit peu soit le verbatim soit, aussi, qui est responsable de quoi
et quand on a des droits. C'est important, au Québec, les droits. Les
responsabilités vont avec, y compris pour l'employeur, y compris pour le
travailleur.
M. Boulet : Très, très bien compris,
hein? Évidemment, il y a aussi... ce qui m'a un peu fasciné, c'est de lire,
dans le rapport Morneau Shepell, que, pour l'indemnité et pour l'année de
recherche d'emploi, là, quand on réfère à l'emploi convenable, là, quand la
personne ne peut réintégrer ni son emploi ni un emploi équivalent, c'est qu'au Québec il y a réintégration dans un emploi à peu
près dans le dernier mois de l'année de recherche d'emploi, alors que,
dans les autres provinces, il y a un retour en emploi beaucoup plus rapide, ce
qui, évidemment, diminue encore les risques de chronicisation des lésions
professionnelles. Je trouve que c'est un rapport qui est extrêmement intéressant.
Un petit point qui est... je ne suis pas
certain. Puis, quand vous référiez à ça, pour les lésions professionnelles qui
engendrent une absence de plus longue durée, vous parlez d'une modification
d'un passage du remplacement de revenus à une perte de capacité de gains.
J'aimerais juste ça que vous me donniez une précision sommaire sur ce point-là,
parce que j'aurais une autre question par la suite aussi.
• (10 h 10) •
M. Blackburn (Karl) : D'abord, M. le
ministre, c'est davantage relié aux travailleurs saisonniers ou aux
travailleurs temporaires, par exemple, qui, suite, malheureusement, à une
blessure ou une incapacité de poursuivre... En fonction des paramètres, actuellement,
le critère de la perte de revenus d'emploi, c'est elle qui va préconiser, donc
le travailleur sera reconnu comme étant un travailleur à plein temps, ce qui,
dans les circonstances, n'est pas tout à fait souhaitable.
Et pour arriver à permettre de faire une
distinction, il faut le voir en deux temps : à plus court terme,
justement, pour reconnaître le salaire perdu, mais à plus long terme, si jamais
l'incapacité du travailleur s'avérait être plus
longue, où, vraiment, là, il faudrait le voir sous une perte de
capacité de générer des revenus à long terme. Et c'est vraiment une
distinction qui est importante à faire à l'intérieur du projet de loi.
M. Boulet : Clair. Merci de la
réponse. Enfin, pour la prise en charge par le milieu, évidemment, c'est un
principe qui apparaît constamment dans le projet de loi. Je vous ai entendu
dire, M. Blackburn, qu'en cas de défaut d'entente entre les parties... Parce
qu'on comprend bien qu'un projet de loi ou une loi c'est un minimum. On peut
aller au-delà de ça pour la fréquence, par exemple, des comités de santé, de
sécurité, qui est un mécanisme de participation des travailleurs. Les partis
peuvent convenir, peuvent négocier, peuvent s'entendre. À défaut d'entente,
vous référiez à... bon, est-ce qu'on réfère à un règlement? Est-ce qu'on réfère
à la CNESST? J'aimerais ça, juste, que vous me précisiez qu'est-ce qu'on
fait. Qu'est-ce que vous souhaiteriez qui soit fait par les partis, l'employeur
et les travailleurs, dans les cas où il n'y a pas d'entente, par exemple, sur
les mécanismes de participation des travailleurs?
M. Blackburn (Karl) : Bien, comme M.
Dorval l'a mentionné puis, je pense, comme vous l'avez réitéré également dans
votre présentation, M. le ministre, c'est une responsabilité de tous, et des
travailleurs et des employeurs, d'arriver à mettre en place les mécanismes qui
vont assurer cette sécurité dans le monde du travail.
Nous, ce qu'on a présenté tout à l'heure, dans
notre présentation, mais ce qui est davantage détaillé dans le mémoire, c'est
au niveau... s'il n'y a pas d'entente. Au lieu d'arriver avec une imposition,
par exemple, de la CNESST, qui ne connaît pas nécessairement... sans vouloir
enlever à la capacité puis à la connaissance des travailleurs de la CNESST,
mais qui ne connaît pas nécessairement la réalité sur le terrain en fonction de
certaines entreprises, ce qu'on souhaite, d'abord et avant tout, ce serait
d'avoir un guide qui viendrait, à ce moment-là, outiller et les employeurs et
les travailleurs pour l'élaboration de mesures de prévention. Et, à ce titre,
on pense qu'un guide qui viendrait guider les actions serait préférable qu'une...
d'une application mur-à-mur, peu importe le secteur d'activité reconnu par les
employeurs et par les employés également.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Écoutez, je peux peut-être rajouter un élément. Vous savez,
dans les autres provinces, la plupart du
temps, quand on a des mécanismes de représentation,
le milieu de travail va décider ou c'est défini à l'avance, c'est un
comité de santé et sécurité ou un représentant en santé et sécurité, un
représentant des travailleurs.
Au Québec, on a la ceinture, les bretelles,
etc., parce qu'on oblige les deux mécanismes. Le milieu de travail, il est bon pour être capable de définir ça. Et je
suis certain, Mme la Présidente, qu'un procureur ou un ministre qui a
regardé des conflits de travail sait que la
pire chose... Il faut que la décision vienne du milieu de travail, entre les
deux parties, travailleurs, employeur. La minute où c'est imposé, ça
crée un climat de relations de travail extrêmement négatif.
Vous savez,
quand on arrive avec des règlements avec un minimum, là, le minimum est très
généreux, au Québec, dans à peu près
tout. Ça fait en sorte que le début de la négociation, c'est toujours pour en
avoir davantage. Il y a un problème
de ce côté-là, puis c'est pour ça qu'on le définit. Il faut faire attention au règlement
qui impose des minimums, d'une part.
D'autre part, la démonstration est que, quand le milieu de travail arrive à des
décisions, puis il faut le forcer, parfois,
à prendre des décisions, bien, on arrive à des résultats beaucoup plus
intéressants, beaucoup plus participatifs.
M.
Boulet : Mon temps est expiré. J'aimerais ça simplement vous
remercier, Karl, Yves-Thomas. Évidemment, j'aimerais ça, saluer toutes
les personnes du Conseil du patronat qui ont contribué à
la rédaction du mémoire. Et au plaisir de vous rencontrer bientôt. Mais soyez
certains d'une chose, on va continuer de collaborer avec les partis
d'opposition, on va bonifier ce projet de loi là puis on va s'assurer que les
milieux de travail aient l'outil législatif qui leur permet d'atteindre leurs
objectifs. Merci, Karl, merci, Yves-Thomas. À bientôt.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci pour le bel échange. Alors, nous cédons maintenant
la parole au député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes. Essayez, s'il
vous plaît, de bien respecter votre temps. Merci.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Messieurs, merci beaucoup pour votre rapport. Je seconde tout ce
qui a été dit sur vous deux, sur le Conseil du patronat.
J'ai 11 minutes, droit au but.
Le ministre ouvre la porte à la bonification de
son projet de loi, je note très bien ça. Ma première question à vous deux. Le Conseil du patronat dénonce l'augmentation des coûts du régime, la
facilité d'y avoir accès, le rôle prépondérant du médecin traitant et le fait que,
dans le cas du programme Pour une maternité sans danger, les coûts soient supportés par l'ensemble des employeurs. Donc, on parle... 70 %
des réclamations proviennent du secteur public. Avez-vous une proposition dans
ce sens, sachant que les employeurs contribuent, mais 70 % de ce régime
est utilisé par le secteur public?
M. Blackburn (Karl) : Bien, si je
peux commencer un élément de réponse, M. le député, et par la suite
M. Dorval pourra certainement en ajouter. Si on prend, par exemple, le
programme de maternité sans danger, c'est un programme qui est unique en
Amérique du Nord, qui est sous la responsabilité des employeurs du Québec,
alors que ce programme devrait être davantage un programme social, donc, qui
devrait être pris en charge, entre autres, par l'assurance-emploi. C'est une
des propositions que nous faisons pour éviter que l'entièreté de ce programme,
qui représente plus de 215 ou 219 millions par année, ne soit à la simple
responsabilité des employeurs, parce que, n'oubliez pas, le programme de santé
et sécurité est 100 % assumé par les employeurs.
L'autre élément que vous avez mentionné, M. le
député, fait référence à certaines comparaisons. Je pense, encore une fois, que le rapport de Morneau
Shepell, qui a été rendu public la semaine dernière, un rapport
indépendant, est venu vraiment démontrer de façon éloquente la différence
importante qui existe sur certains des points que vous avez mentionnés, en
termes de coûts, en termes d'efficacité, en termes de productivité, sur des
différences importantes du coût du régime du Québec versus celui de d'autres
provinces comparables. Et, dans ce sens-là, le gouvernement, l'opposition et les membres de l'Assemblée
nationale doivent s'inspirer de ces comparaisons pour moderniser le
régime.
Et j'inviterais M. Dorval à continuer, là,
je dirais, des éléments de réponse plus précis à la question que vous avez
posée.
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Bien, pour les questions de coûts, Mme la Présidente, la principale raison...
D'abord, notre régime admet plus facilement des lésions qu'ailleurs, donc
l'admissibilité est beaucoup plus large qu'ailleurs, quand on se compare avec
d'autres provinces. L'intervention du médecin traitant fait en sorte aussi que
le temps de... le processus, voire même des contestations judiciaires, etc.,
prennent beaucoup plus d'espace.
Vous savez, c'est le seul endroit en Amérique du
Nord où le régime, ce n'est pas l'adjudicateur, c'est-à-dire ce n'est pas
l'agent d'indemnisation qui prend la décision, là, soit de retour au travail ou
autres, là, c'est souvent influencé par l'avis prépondérant du médecin
traitant. Partout ailleurs, c'est l'ensemble des intervenants qui doivent
décider. Puis, à la fin, le responsable, que ce soit la Société d'assurance
automobile, que ce soit dans une compagnie d'assurance, que ce soit dans les
autres commissions santé et sécurité au travail à travers le Canada... C'est
toujours l'administrateur du régime qui prend la décision finale...
M. Derraji : C'est très clair.
Désolé, parce que je n'ai que 11 minutes et j'ai plein de questions, je
veux profiter de votre présence. Donc, juste
pour conclure cette partie, vous voulez que les 219 millions que coûte ce
programme, que ce n'est plus CNESST, mais
c'est plus l'assurance-emploi qui prend en charge ce volet. Est-ce que j'ai
bien compris?
M.
Dorval (Yves-Thomas) : Bien,
maternité sans danger, là, il faut comprendre qu'il n'y a pas de
discussion, il faut que les personnes enceintes soient protégées contre des
substances, des éléments du travail qui pourraient affecter la mère ou l'enfant
à naître, ça, il n'y a pas de discussion là-dessus. Le problème qu'on a :
dans les autres provinces, ils sont couverts, puis les femmes sont couvertes,
hein, quand l'avis est qu'il faut que la personne soit retirée du travail et
tombe sur l'assurance-emploi, financée à 60 % par les employeurs,
40 % par les travailleurs. Elles sont couvertes ailleurs, sauf que ce
n'est pas un programme régi par le régime d'assurance de santé et sécurité au
travail payé à 100 % par les employeurs.
M. Derraji : C'est excellent. Pour
moi, c'est très clair, et j'espère que les collègues aussi... M. le ministre a
bien noté votre réponse. Je vais revenir aux mécanismes de prévention. Vous
proposez que les mécanismes de prévention soient déterminés en fonction de la
performance de l'employeur et non des risques. Ma question est très
simple : Pouvez-vous nous donner des exemples sur lesquels vous basez
cette proposition? J'ai entendu ou j'ai cru comprendre, vous ne voulez pas du
mur-à-mur, mais concrètement ça veut dire quoi, sur le milieu de travail,
sachant que vous siégez sur le conseil d'administration de la CNESST? Donc, vous
avez vu pas mal de cas de figure, de récalcitrants, si on peut dire. Ce serait
quoi, votre proposition concrète?
• (10 h 20) •
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Si vous me permettez, M. Blackburn, je vais répondre. Le fait est que le
régime, à ce moment-ci, au niveau de la prévention, est axé sur des secteurs.
Et vous-même, hein, il y en a parmi les membres de la commission parlementaire
qui ont énoncé que certains secteurs devraient être couverts, d'autres ne le
sont pas, etc., ou par rapport, vous avez dit, aux risques. Il y a un élément
de risque qui est important, là, en prévention, il n'y a pas de doute
là-dessus, les programmes de prévention doivent tenir compte de ça. Cependant, lorsqu'on arrive à déterminer des mécanismes de prévention,
il y a beaucoup d'employeurs qui font très bien les choses à leur manière avec leurs travailleurs, avec le milieu de
travail, ils n'ont pas besoin nécessairement... les employeurs ou les
milieux de travail où il y a peu d'accidents, surtout peu d'accidents graves,
parce qu'ils s'occupent bien.
Alors là, ce qu'on vient dire, c'est qu'on vient
imposer, par réglementation, des mécanismes. Ça, c'est des objectifs de moyens
et non pas des objectifs de résultat. Toutes les compagnies d'assurance, hein,
sont basées, en général, les moyens et les cotisations, sur l'expérience.
Alors, si vous avez une mauvaise expérience, bien, on va vous dire : Il
faut que vous mettiez en place tel, tel, tel moyen ou il faut que vous mettiez
en place tel, tel élément, puis ça va vous coûter plus cher. Ici, on dit :
Non, non, que tu fasses une bonne job ou non, le milieu de travail, là, c'est
les deux, hein, c'est les travailleurs puis les employeurs. Je ne suis pas en
train de dire : Juste les employeurs, là. Travailleurs, employeurs. Si tu
fais une bonne job, pourquoi quelqu'un d'autre viendrait dire : Non, non,
ce n'est pas comme ça qu'il faut que tu le fasses, c'est différemment? Là, ce
qu'on dit : C'est beaucoup plus intéressant d'axer les décisions, les
catégories, les gens où on applique ces moyens-là non pas sur des critères
mur-à-mur, mais davantage sur l'expérience de chaque employeur.
M. Blackburn (Karl) : Si je pouvais
me permettre, M. le député, d'ajouter un exemple, vous savez, par secteurs...
Je peux vous donner un exemple concret d'une entreprise forestière qui avait
tellement à coeur la santé et sécurité de ses travailleurs qu'elle n'a pas
hésité, à un moment donné, de fermer la production et d'arrêter la production
dans l'usine parce qu'il y avait eu plusieurs petits incidents dans les mois
précédents, et les statistiques jouaient contre l'employeur et les
travailleurs. Parce que plusieurs petits incidents veut dire probablement un
manque de vigilance, probablement un manque de sécurité. Alors, l'entreprise a
pris une décision extrêmement importante de dire :
Nous allons arrêter la production, nous allons revoir, avec les travailleurs,
avec chacun d'eux, individuellement, les règles et les mesures de sécurité auxquelles ils sont souscrits, pour
eux mais pour leurs collègues, et par la suite, lorsque chacun d'eux aura fait, je dirais, l'analyse et
l'évaluation, on reprendra la production. L'usine n'a pas fait de vente,
donc a perdu des profits, les travailleurs n'ont pas été rémunérés. Et, à une
réponse à un journaliste... qui a été posée à l'effet que, si j'avais été le
mari, ou le président de syndicat, ou la fille du président de syndicat, je
serais en furie contre l'entreprise, et la
réponse de l'entreprise était : Au contraire, si j'étais le père, le frère
ou le mari du travailleur, je serais fier que mon employeur ait
tellement à coeur sa santé et sécurité qu'il est prêt à perdre des ventes pour
maximiser la responsabilité de sa sécurité.
Et, dans ce sens-là, c'est une responsabilité de tous, et des travailleurs, et
des employeurs.
M. Derraji : Bien, merci, M.
Blackburn. Vous parlez du domaine que vous connaissez très bien, le domaine
forestier, donc je vous remercie pour cet exemple qui illustre très bien la
problématique que je viens de soulever.
Une autre question. Vous préconisez le retrait
des médecins du réseau de la santé publique en santé au travail. Donc, est-ce
qu'une telle recommandation sert bien les nouveaux employeurs qui seront soumis
au régime de santé et sécurité au travail qui possède l'expertise? Et
proposez-vous le retour du médecin de l'employeur?
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Mme la Présidente, en fait, on ne propose pas le retrait du médecin, là, ou du
spécialiste en santé au travail. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut le mettre dans
l'endroit propice où il peut contribuer le plus, c'est-à-dire de regarder, par
exemple, au niveau scientifique, quels sont les éléments qui peuvent être des
contaminants, les agresseurs, etc. Donc, il a un rôle.
Quand on a parlé au tout début, au niveau de la
prévention, on a dit : C'est important d'associer toutes les parties
prenantes, hein, c'est ça que M. Blackburn a dit tout à l'heure. Les parties
prenantes, ça inclut la santé au travail, ce n'est pas exclu. Sauf qu'on
revient toujours au principe de la décision, ultimement, c'est l'employeur qui
doit réorganiser son travail, c'est l'employeur qui doit mettre en place les
mesures, et le travailleur doit contribuer à ça, et les avis de santé au
travail sont très importants.
Mais je veux juste confier quelque chose, aussi,
sur la capacité du réseau. Vous savez, je siège au conseil d'administration de
la CNESST. Ça fait au moins cinq ans, hein, que le réseau de santé au travail
ne peut même pas dépenser la subvention qui lui est octroyée, parce qu'il n'y a
pas assez de ressources, à l'interne, pour couvrir tous les éléments qu'ils doivent couvrir. Donc, il faut faire appel à toutes
les parties prenantes, à toutes les spécialités, y compris santé au
travail, qui ont une expérience et une expertise extraordinaires mais pas... ça
ne doit pas être prépondérant.
M. Derraji : Mais donc, maintenant, avec
ce que vous venez de dire, le projet de loi n° 59 accorde des pouvoirs
accrus à la CNESST. Vous, vous siégez au niveau de la CNESST, pensez-vous qu'on
rajoute énormément de choses sur la table de la CNESST?
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Oui. Si vous prenez l'analyse d'impact qui a été faite, on sous-estime de
beaucoup, beaucoup. On augmente tous les coûts, hein... c'est-à-dire on réduit
tous les coûts. Par exemple, on va calculer
les coûts sur trois ans puis on augmente tous les bénéfices sur 10 ans,
sans compter que la majorité des lésions, etc., vont être... vont
arriver de toute façon, parce qu'elles n'ont pas trait à des mécanismes de
prévention.
Mais ce que vous dites est très important, c'est
qu'on a les moyens pour aider, pour mettre en place les ressources nécessaires.
L'idée, c'est de faire... s'assurer que l'employeur ne perde pas sa place, que
le travailleur ait aussi ses responsabilités et que l'ensemble des parties
prenantes, des spécialités puissent concourir, puis qu'à la fin c'est l'administrateur
du régime qui doit prendre la décision au niveau de l'admissibilité ou de
l'indemnisation, etc.
M. Derraji : M. Dorval...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, merci.
M. Derraji : Je vais juste
remercier, Mme la Présidente, M. Dorval, M. Blackburn. Merci beaucoup
pour la qualité des documents que vous avez envoyés. Soyez rassurés par rapport
à notre grand intérêt, qu'on va essayer de faire tout ce qu'on peut pour
préserver ce régime. Merci, encore une fois, pour la présence.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons maintenant avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s. Alors,
est-ce que le député d'Hochelaga-Maisonneuve
est avec nous?
M. Leduc : Oui. Bonjour, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour.
M. Leduc : Bonjour, M. Blackburn. Bonjour, M. Dorval. Deux...
peut-être un commentaire puis une question. Premièrement, sur le programme
maternité sans danger, là, je suis toujours un peu étonné du retour de cette
cabale-là, là. Il me semblait que c'était dossier réglé. On oublie tout le
temps de dire que, si quelqu'un se retrouve en maternité, en retrait préventif, là, c'est parce qu'il n'a pas été
capable d'avoir élimination du danger à la source, qui est dans votre cour, et d'une assignation d'une tâche
temporaire, qui est aussi dans votre cour. C'est suite à ces deux échecs-là
de votre part que quelqu'un se ramasse en retrait préventif. Puis vous dites
qu'il y a 70 % des retraits qui se font dans le secteur public. Bien, il
ne faut peut-être pas oublier aussi que, dans le secteur public, c'est
80 % des salariés qui sont syndiqués, alors que, dans le secteur privé, on
est plus dans le 15 %, 20 %. Peut-être que ça serait une explication,
hein? Les gens connaissent mieux leurs droits et appliquent plus leurs droits
lorsqu'ils sont syndiqués. C'était mon commentaire.
Ma question est plus sur l'aspect... votre
recommandation numéro b... la lettre b, plutôt. Vous demandez, dans le fond, à
ce que les corps d'emploi, les secteurs d'emploi qui ont une bonne performance,
ça soit dédouané de certaines obligations en matière de prévention. Mais je
trouve ça étonnant parce que la notion même de prévention, c'est de s'assurer
qu'il n'y ait aucun danger. Et, si ça va... Parce que la logique est bizarre.
Est-ce qu'il va falloir attendre que ça aille mal avant de faire la prévention?
Si ça va bien dans un secteur, parce qu'ils appliquent la prévention, bien, il
faut continuer à appliquer la prévention, il ne faut pas baisser les niveaux de
prévention. Donc, n'attendons pas que ça aille mal pour faire de la prévention,
gardons-la pour tout le monde. Après ça, faut-il avoir des niveaux de risque ou
des niveaux d'application de tout un chacun? C'est une bonne question. Mais je
trouve que c'est une drôle de logique.
M. Blackburn (Karl) : Bien, si je
peux me permettre rapidement, d'abord, vous laissez entendre que le programme
de maternité sans danger, c'est quelque chose auquel nous, on n'accorde pas
d'importance. C'est faux. Ce qu'on dit, simplement, c'est que ce programme-là
est davantage un programme social, donc devrait être absorbé par des programmes
sociaux et non par des programmes de santé et sécurité qui eux sont financés à
100 % par les employeurs du Québec.
Et l'autre élément, ce qu'on mentionne par
rapport à l'aspect que vous soulevez sur l'aspect de santé et sécurité, il faut
reconnaître que certaines entreprises, certains employeurs sont très
performants dans leurs secteurs d'activité. Alors, il faudrait s'inspirer de
ces éléments-là de performance au lieu d'arriver avec, je dirais, des
applications mur-à-mur sur certaines mesures, qui ne viendraient pas
reconnaître cette capacité ou cette qualité de performance. Et je pourrais
peut-être demander à M. Dorval de compléter la réponse.
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Bien, merci. Écoutez, d'abord, pour la notion de prévention, en fait, lorsqu'on
a moins d'accidents et moins d'accidents graves, c'est parce qu'on a en place
des mécanismes ou des moyens de prévention. Là, on parle de mécanisme légiféré,
réglementé, avec des obligations, par exemple, de représentativité, etc. Nous,
ce qu'on dit, là, ce n'est pas qu'il ne doit pas y avoir des moyens de prévention...
Puis, en passant, là, c'est faux de dire qu'il n'y a que quelque chose comme
25 % seulement, de... je ne me souviens plus du chiffre exact, là, de gens
qui sont couverts...
La Présidente (Mme IsaBelle) : M.
Dorval, vous savez que votre temps est écoulé, hein?
M.
Dorval (Yves-Thomas) : Ah! Je m'excuse.
Juste pour vous dire que tous les employeurs, hors groupes prioritaires qui
sont en mutuel, ont des obligations de prévention, c'est juste que les moyens sont
différents.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, c'est tout le temps que nous avons, merci pour l'échange. Nous
poursuivons maintenant avec le député de Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45
s. Alors, respectez le temps, s'il vous plaît. Merci.
• (10 h 30) •
M. Roy
(Bonaventure) :
Vous êtes trop généreuse, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Blackburn et Dorval.
Ce n'est pas la première fois que nous avons des discussions, on a déjà croisé
le fer. D'entrée de jeu, élément d'information, aussi, au Québec, on est les
champions en termes de contestation juridique. Donc, éventuellement, il va falloir évaluer les coûts que ça apporte, aussi, aux
entreprises, qui... pour qui certains acteurs, c'est une industrie extrêmement
florissante.
Bon, dans votre
mémoire, vous faites valoir le mythe de l'autorégulation, hein? Vous préconisez
une déréglementation en faisant valoir l'instauration d'un guide de bonnes
pratiques. Donc, c'est votre travail, vous le faites au Conseil
du patronat, vous faites votre job. Vous voulez disqualifier et
disloquer la fonction régulatrice de la Santé publique. Tout à l'heure, vous
avez dit que vous ne vouliez pas ça, mais, si je vais dans votre mémoire, vous
dites : «Nous devons éliminer les interventions de la Santé publique dans
le milieu de travail.» C'est clair.
Moi, je vais vous
amener sur un article qu'il y a eu dans le... une entrevue, ce matin, à
Radio-Canada, où la Santé publique a des inquiétudes par rapport aux conflits
d'intérêts potentiels des médecins qui seraient engagés par les entreprises qui
auraient le mandat... Parce qu'on élimine la Santé publique, donc des gens
indépendants, on embauche des médecins qui ont le mandat de prescrire les
programmes de prévention, mais ils peuvent aussi avoir le mandat de contester
les demandes d'indemnisation. Est-ce que vous ne craignez pas de voir des
conflits d'intérêts potentiels de médecins à l'intérieur des entreprises? Et,
si oui, est-ce que ça ne prendrait pas des garde-fous?
M.
Dorval (Yves-Thomas) : Si M. Blackburn le permet...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Réponse...
M. Blackburn
(Karl) : Je laisse mon temps à M. Dorval.
M.
Dorval (Yves-Thomas) : Écoutez, la
question du médecin traitant, là, c'est que, si c'était la solution miracle, on
le verrait au Québec. Puis c'est la seule province qui a ça. Le médecin
traitant a des responsabilités. Quand on dit dans notre mémoire qu'il faut
enlever les interventions en milieu de travail, on ne dit pas que la
contribution de la santé au travail ne doit pas être là en termes
d'information, en termes de prédire, de prescrire des éléments de santé
publique, des éléments de santé globale. Ce qu'on dit, c'est que l'intervention
de quelqu'un dans le milieu de travail, ça relève du milieu de travail et non
pas de gens qui sont à l'extérieur.
Vous avez parlé de
conflit d'intérêts, c'est le plus bel exemple pourquoi on a un problème au
Québec. Vous avez parlé de surcontestations et de litiges, c'est exactement
pour ça. Vous savez, quand on pose la question aux associations de médecins,
quand on pose la question au médecin traitant, c'est quoi, son enjeu principal
en médecine du travail, c'est de protéger sa relation de confiance
client-prescripteur. C'est ça, son premier... un de ses éléments importants.
Vous parlez de conflit d'intérêts. Bien, à ce moment-là, le conflit d'intérêts
est aussi vrai entre le médecin traitant puis son employé versus un régime de
santé et sécurité au travail. Là, on vient dire...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Attention, M. Dorval. Le temps est écoulé, alors,
merci. Alors, je remercie M. Blackbrun et M. Dorval pour votre contribution à
la commission.
Nous suspendons
quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 33)
(Reprise à 10 h 39)
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, bonjour. Je souhaite la bienvenue aux représentantes
du Conseil du statut de la femme. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échanges. Toutefois, je vous invite à vous présenter avant de commencer votre
exposé.
Conseil du statut de la femme
(CSF)
Mme
Cordeau (Louise) : Bon matin. Bonjour à tous les membres de la
commission. Louise Cordeau. Je suis présidente du Conseil du statut de la
femme et je suis accompagnée de Mélanie Julien, qui est la directrice de
l'analyse et de la recherche par intérim au conseil.
• (10 h 40) •
Alors, aujourd'hui,
le conseil intervient sur le projet de loi n° 59 visant à moderniser le
régime de santé et de sécurité du travail. Il salue l'intention du gouvernement
de concrétiser cette tâche colossale, considérant les changements significatifs
dans le monde du travail et de l'ensemble de notre société. Vous l'aurez
deviné, le conseil souhaite que les modifications législatives introduites avec
le projet de loi n° 59 tiennent pleinement compte des réalités des femmes,
et ces réalités ne sont pas forcément les mêmes que celles les hommes. Cette
affirmation peut sembler banale, mais gardons-la à l'esprit. Ces différences
sont d'ailleurs rapportées dans le Plan d'action en santé et bien-être des
femmes que le ministère de la Santé et des Services sociaux a rendu public. De
nombreux spécialistes du Québec et d'ailleurs l'affirment, on ne peut réfléchir
à la santé en général et à la santé et à la sécurité du travail en particulier
sans considérer les différences biologiques et sociales entre les femmes et les
hommes. C'est sur la base de ce constat que
le conseil a examiné le projet de loi
n° 59. Ce dernier contient des
dispositions législatives significatives dans l'intérêt des
travailleuses. Des pistes d'amélioration demeurent cependant nécessaires.
Je m'attarderai à cinq sujets. Le premier
concerne le personnel domestique, on le sait, majoritairement composé de femmes
et qui sont souvent issues de l'immigration. Donc, le projet de loi n° 59
prévoit l'élargissement de
la couverture de la loi au personnel domestique. Cette intention rejoint
d'ailleurs des recommandations antérieures du conseil et fait écho à la
nécessité de mieux reconnaître ces emplois souvent sous-estimés et
sous-évalués. Le projet de loi impose toutefois les limites d'admissibilité en
fonction du nombre d'employeurs et du nombre d'heures travaillées. Ces critères
excluent de facto des personnes qui travaillent à temps partiel ou qui ont
plusieurs employeurs. Nous pensons, par exemple, aux personnes qui permettent
le maintien à domicile des personnes aînées, malades ou en situation de
handicap.
Le conseil recommande donc de retirer ces
critères limitatifs. De plus, le conseil recommande que les employeurs des
travailleuses et des travailleurs domestiques ne soient pas dispensés de tenir
un registre des accidents considérant qu'il s'agit d'un moyen reconnu pour
améliorer la prévention des risques.
Notre deuxième sujet traite de la reconnaissance
des maladies professionnelles propres aux femmes. Le projet de loi prévoit
différents moyens pour déterminer les maladies professionnelles. Pour atteindre
leurs objectifs, ces différents mécanismes doivent considérer les différences
entre les femmes et les hommes. Reconnues par les spécialistes, elles
s'expliquent notamment par le fait que... et je vais vous donner quelques
exemples qui semblent évidents, peut-être : certains emplois sont occupés
par une large majorité de femmes — on pense évidemment à la santé et à
l'enseignement; les femmes qui occupent un emploi à prédominance masculine
doivent parfois composer avec un équipement encore inadapté à leur morphologie — on
pense, par exemple, aux pompières, leurs gants et les bottes de travail.
Certaines recherches, de plus, ont démontré que les femmes et les hommes
réagissent différemment à des situations de stress au travail ou à l'exposition
à des contaminants chimiques. Et finalement, plusieurs recherches sur les
risques de maladies et de lésions professionnelles et sur la santé en général
portent davantage sur des sujets ou des secteurs d'emploi occupés
majoritairement par des hommes.
Prenons un exemple concret. Le projet de loi ne
reconnaît toujours pas le cancer du sein comme une maladie professionnelle des
pompières, alors qu'il est reconnu ailleurs au Canada. Mais le cancer des
poumons, du larynx, de la peau et de la
prostate y est nommément désigné. Il est donc impératif que les maladies et les
lésions professionnelles propres aux femmes soient reconnues. Pour ce
faire, il faut recourir à une analyse différenciée selon les sexes, dans le processus
menant à l'identification des maladies et des lésions professionnelles. Il
s'agit d'une avenue riche de bénéfices,
comme le fait valoir le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les
hommes, en France, et je les cite : «La prise en compte des interactions entre sexe et genre dans le domaine de
la santé a des retombées majeures en termes de connaissances scientifiques, de prise en charge médicale, de traitement,
de prévention et [de réduction] des coûts de santé.»
Le Conseil recommande donc que cette ligne
directrice soit énoncée dans le projet de loi, notamment eu égard au mandat du
comité scientifique et dans les obligations des comités des maladies
professionnelles, et, de plus, que soit revue la liste des maladies
professionnelles.
Notre troisième sujet concerne les mécanismes de
prévention et de participation dans les secteurs à prédominance féminine. Le
Conseil salue la volonté du gouvernement d'étendre les mécanismes de prévention
et de participation à l'ensemble des secteurs d'activité économique. Il
constate, cependant, que le moyen d'évaluation qui a été privilégié ne permet
pas de refléter les risques qui affectent les travailleuses de certains
secteurs à prédominance féminine. Comment peut-on justifier que des hôpitaux,
des établissements de soins de santé à domicile et des écoles soient associés à
un faible niveau de risque? Nous savons que c'est dans ces domaines que
s'observent les plus hauts taux de lésions attribuables à la violence physique.
Selon la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du
travail, en 2018, près de 80 % des lésions acceptées attribuables à la
violence physique surviennent dans les milieux de la santé et de
l'enseignement.
Le conseil recommande donc de revoir les niveaux
de risque associés aux différents secteurs d'activité.
Notre quatrième sujet traite de l'évaluation des
risques pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent. Sur la base
d'analyses produites ces dernières années, le conseil s'attarde à trois
principaux enjeux. D'abord, les conditions d'admissibilité au programme. Le
conseil se préoccupe de la situation des femmes qui sont exclues du programme
Pour une maternité sans danger. Il est certes heureux de constater que le
projet de loi permet aux stagiaires d'y avoir désormais accès. Les
travailleuses domestiques, les travailleuses autonomes dont l'entreprise n'est
pas constituée en personne morale, notamment dans le milieu agricole ou
entrepreneurial, en sont toutefois toujours exclues. Nous pensons qu'une réflexion en marge des travaux de
cette commission devrait être effectuée afin d'élargir le programme à
ces travailleuses.
Le second enjeu concerne l'équité dans
l'évaluation des risques. Le conseil est soucieux que l'établissement de
protocoles, prévu au projet de loi, donne lieu à une équité dans l'évaluation
des risques, tout en conservant la possibilité pour la professionnelle ou le
professionnel chargé du suivi de grossesse de formuler les recommandations qui
tiennent compte de l'état de santé de la travailleuse et des conditions
spécifiques à l'exercice de son emploi. Par ailleurs, l'établissement de
protocoles ne peut être conçu comme un exercice figé dans le temps, étant donné
le développement des connaissances sur les risques afférant au marché du
travail.
C'est pourquoi le conseil recommande d'ajouter
la mise à jour des protocoles aux responsabilités du directeur national de
santé publique.
Le troisième
enjeu est le soutien aux employeurs afin qu'ils mettent en place des mesures
permettant d'éviter les risques, tout
en maintenant les travailleuses en emploi. Plus de 40 % des travailleuses
enceintes ou qui allaitent sont retirées de leurs emplois sans être
réaffectées. Cette réaffectation pose forcément des défis dans certains milieux
de travail.
Le conseil recommande donc d'ajouter au contenu
des programmes de prévention l'identification des dangers pour les
travailleuses enceintes ou qui allaitent.
Et finalement notre dernier sujet traite de la
protection des travailleuses victimes de violence conjugale. Parmi les
obligations prescrites à l'ensemble des employeurs pour protéger la sécurité et
l'intégrité physique du travailleur, le projet de loi
ajoute celle de prendre des mesures pour assurer la protection du travailleur
exposé, sur les lieux de travail, à une situation de violence physique ou
psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale. Il rend ainsi
explicite la responsabilité de l'employeur en matière de protection des
travailleuses et des travailleurs sur les lieux de travail. Cette responsabilité
s'ajoute, aux yeux du conseil, à celle d'offrir un soutien aux employées
victimes de violence, même lorsque celle-ci ne se manifeste pas sur les lieux
de travail. Cette disposition, que nous saluons, affirme l'importance de lutter
collectivement contre la violence, incluant la violence conjugale, dont les
femmes sont majoritairement victimes.
Le conseil est cependant préoccupé par les
mesures que les employeurs devront prendre afin d'assurer cette protection sur
les lieux de travail. Ils devront être soutenus pour reconnaître les signes de
la violence conjugale, encourager les signalements et protéger adéquatement les
victimes. Ce soutien est d'autant plus nécessaire que les manifestations de la
violence conjugale en milieu de travail prennent des formes variées. De plus,
le télétravail vient renforcer le contrôle exercé sur les victimes et amplifier
les risques de violence, tout en limitant la capacité d'action des employeurs.
L'expertise en la matière existe. Les maisons d'hébergement, les centres de
femmes, les centres d'aide aux victimes criminelles savent comment intervenir
et accompagner les victimes.
Dans cette perspective, le conseil recommande
d'ajouter au contenu des programmes de prévention les mesures à suivre dans
l'éventualité où une travailleuse ou un travailleur est victime de violence
conjugale, incluant...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Mme
Cordeau, en conclusion. Vous avez déjà dépassé votre temps.
Mme Cordeau (Louise) :
Donc, nous souhaitons que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et
de la sécurité du travail fournisse des
outils pour guider les employeurs. Donc, vous aurez compris que des
ajustements doivent être apportés au projet de loi qui modernise le régime de
santé et de sécurité du travail, afin qu'il considère pleinement les réalités
des femmes dans le marché du travail et que notre société bénéficie de
l'engagement de l'État québécois envers l'égalité entre les femmes et les
hommes. Merci beaucoup de votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
pour votre exposé. Alors, nous allons suspendre quelques instants avant de
commencer la période d'échange.
Alors, nous suspendons quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 50)
(Reprise à 11 heures)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous recommençons. Comme nous avons eu un petit pépin, je demanderais si
nous avons le consentement pour prolonger la séance de ce matin à quelques
minutes plus tard. Alors, j'y vais en ordre. Je dois avoir votre autorisation,
votre consentement. M. le ministre?
M. Boulet : Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Le
député de Mégantic... Député de Mégantic, le micro.
M. Jacques : Consentement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Député de Nelligan?
M. Derraji : Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Député
d'Hochelaga-Maisonneuve?
M. Leduc : Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Député
de Bonaventure?
M. Roy (Bonaventure) : Consentement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Excellent. Alors, quand nous avons quitté, Mme Cordeau venait de terminer son
exposé. Alors, nous commençons la période d'échange avec M. le ministre. La
parole est à vous, vous disposez de 16 min 30 s. Je vous invite
à bien respecter le temps du 16 min 30 s. Merci.
M.
Boulet : Merci, Mme la Présidente. Dans
un premier temps, j'aimerais
remercier et féliciter Mme Cordeau, Mme Julien puis toute l'équipe qui a
collaboré à la rédaction du mémoire du Conseil du statut de la femme, et vous
dire à quel point la réalité féminine en milieu de travail fait partie, bien
sûr, non seulement de nos réflexions... Mais vous avez souligné, dans les cinq
sujets... vous avez fait référence, notamment, aux travailleuses domestiques
qui n'étaient pas couvertes, qui ne sont pas couvertes
dans le régime actuel. Vous avez parlé du cancer, je vais y revenir un peu plus
loin. Vous avez parlé des stagiaires. Les stagiaires n'étaient pas couverts,
notamment les stagiaires d'observation, qui seraient dorénavant, bien sûr, avec
l'adoption potentielle de ce projet de loi là, couverts. Et, la violence
conjugale, je vais y revenir.
Mais, dans un premier point, parlons des travailleuses
domestiques, parce que c'est une nette prépondérance féminine, beaucoup de ces
personnes-là sont totalement vulnérables, sont originaires aussi, de façon
majoritaire, des Philippines, notamment.
Vous dites : Il ne devrait pas y avoir de limite. Comme vous savez, on a
fait beaucoup d'examens comparatifs avec les autres régimes applicables
aux travailleuses domestiques, au Canada et ailleurs, et ça requiert un certain encadrement, en termes de nombre
d'employeurs et de nombre d'heures, pour s'assurer qu'il y ait une
certaine continuité dans les environnements
de travail. Quand vous dites : Il ne devrait pas y avoir de critère
limitatif, Mme Cordeau, est-ce que vous dites, notamment : Il ne
devrait pas y avoir aucun nombre d'heures ou aucun nombre de semaines, aucune
régularité de travail de la part des travailleuses domestiques? Ça, c'est le
premier volet de ma question.
Puis deuxièmement qu'est-ce qu'on ferait, par
exemple, de quelqu'un qui vient simplement tondre la pelouse ou quelqu'un qui
vient simplement, de façon sporadique, garder les enfants? Puis il y en a
beaucoup, de travailleuses domestiques, mais qui le font de façon régulière,
qui sont des personnes à temps plein, là, ou à peu près à temps plein, mais il y en a qui pourraient ne le faire
que sporadiquement. Qu'est-ce que vous me répondez à cette question-là?
Mme Cordeau (Louise) :
Est-ce qu'on m'entend, c'est bon?
M. Boulet : Oui.
Mme Cordeau (Louise) :
Alors, vous avez raison, M. le ministre, c'est un grand enjeu et c'est un
niveau de difficulté qui est fort important. Mais je vais vous donner un
exemple, dont on parle dans le mémoire mais qu'on n'a pas pris la peine de
parler trop longtemps dans la présentation : les travailleuses domestiques
ou les travailleuses qui profitent du programme chèque emploi-service, qui
assurent des services auprès des personnes malades ou handicapées, qui sont
rémunérées aussi au niveau gouvernemental et qui sont couvertes, s'il arrive
des accidents ou des lésions professionnelles.
Ces personnes-là, souvent, continuent à
travailler pour le même employeur, donc la personne handicapée ou malade, parce
que les services ne sont pas suffisants. On veut faciliter, par exemple, le
maintien à domicile des personnes dans notre société, ça veut dire que d'autres
personnes doivent aller les aider. Et ces personnes-là, durant le temps de
travail où elles sont reconnues pour le programme chèque emploi-service, sont
protégées, et, si elles travaillent un nombre d'heures additionnelles, elles ne
sont pas protégées s'il arrive un accident sur les lieux de travail. Puis, si
je continue ma réflexion, c'est que leur indemnité sera calculée sur ce que ces
personnes reçoivent eu égard au programme chèque emploi-service et non pas au total
d'heures travaillées. Ça, c'est un exemple qui pourrait peut-être être plus
facile à encadrer.
Je suis d'accord avec vous qu'il y a beaucoup de
cas de figure où, finalement, les travailleuses domestiques, qui sont
majoritairement des femmes, travailleurs et travailleuses domestiques, ont un
employeur pour lequel c'est difficile... L'employeur ne cotise pas, là, on le
sait que c'est un régime, c'est un régime contributoire aussi. Mais il reste
que le travail domestique, tel qu'il est défini dans la loi, actuellement, à
temps plein, parce que c'est de ça dont on parle, il y a plusieurs personnes
qui effectuent du travail domestique qui ne peuvent pas en bénéficier, là.
M. Boulet : Oui, je comprends. Mais
vous comprenez, en même temps, Mme Cordeau, un, je le répète, là, on a fait une
avancée considérable, parce qu'il n'y avait pas de couverture avant, puis,
deux, ça nous apparaissait fondamental de prévoir que ces personnes-là devaient
travailler un minimum d'heures par semaine et un certain nombre d'heures
consécutives, un certain nombre de semaines consécutives pour s'assurer, là, de
bien protéger les personnes qui font un travail domestique, là, de façon un peu
plus régulière.
Deuxième sujet, cancer du sein pour les
pompières. C'est extrêmement intéressant, parce que je pense qu'il faut se
redonner l'opportunité de dire qu'actuellement les maladies professionnelles
présumées sont dans une annexe. Maintenant... Puis une annexe, bien évidemment,
ça fait partie intégrante de la loi puis ça se modifie beaucoup plus
difficilement, alors que, maintenant, ce sera un règlement. Et il y a un comité
de scientifiques, donc des experts qui vont émettre des avis. Là, on a rajouté
neuf cancers, notamment pour les pompiers et les pompières.
Le cancer du sein, à titre d'information, si le
comité de scientifiques, basé sur l'évolution des connaissances scientifiques et médicales à l'échelle
internationale, fait une recommandation que ce cancer-là du sein, il est
reconnu comme étant lié au travail de
pompière, bien sûr, ce sera une recommandation, un, qui sera rendue publique et
éventuellement suivie, là, par le ministre.
Mais je tenais à vous rassurer qu'on n'a pas négligé les neuf cancers qui ont
été rajoutés. Bien, ça tenait compte de l'unanimité qui s'était dégagée,
là, à l'échelle internationale. Puis je sais que ça peut exister dans certains
pays, mais c'est certainement quelque chose qui est évolutif et que nous allons
éventuellement considérer.
Mme Cordeau, les stagiaires, bon,
évidemment, vous avez parlé d'un protocole. J'aimerais ça que vous me reparliez
du PMSD, notamment en ce qui concerne le protocole qui va être un guide de
référence, qui va faire état des connaissances scientifiques. Vous demandiez si
ce guide-là allait être coulé dans le béton. Est-ce que c'est l'objet de votre
intervention?
Mme Cordeau (Louise) :
C'est-à-dire qu'il y a plusieurs facteurs, et un des éléments, c'est de
dire : Des protocoles vont être élaborés par le directeur de la santé
publique. Il nous semble important que ces protocoles-là soient
mis à jour. Je pense que ça peut avoir l'air assez simple, mais pour ne pas
considérer que c'est un format qui est là, qui est bon, qui existe pour tout le
temps.
Et, si vous me permettez, je demanderais à
Mme Julien de compléter. Elle a travaillé cet aspect-là de façon plus
approfondie. Alors, si vous le permettez, elle pourrait vous donner plus
d'explication.
M. Boulet : Bien sûr.
Mme Julien (Mélanie) : Oui, merci.
Alors, pour venir compléter la réponse de Mme Cordeau, j'ajouterai qu'en
ce qui concerne les protocoles ce qui nous importe, en fait, c'est qu'on sait,
en vertu de l'ensemble des analyses qui ont été effectuées sur la question,
qu'il y avait quand même un certain nombre de disparités dans l'évaluation des
risques pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent. C'est un constat qui
est mis en relief dans différentes études. Et ce que nous, on souhaite, c'est
que l'élaboration des protocoles permette, justement, une plus grande équité
dans l'évaluation des risques.
En même temps, ce que l'on souhaite, c'est que
ces protocoles-là n'en arrivent pas à une standardisation et qu'on ne puisse
plus considérer les cas de santé propres à chacune des femmes ou les conditions
de travail propres à chacune des femmes. Parce que, souvent, c'est aussi un
cumul de risques qui fait en sorte que la travailleuse enceinte ou qui allaite
peut difficilement continuer dans l'exercice de son emploi, tel qu'il est, de
façon régulière. Alors, ce que nous, on souhaite, c'est que... oui, l'établissement
de protocoles, mais tout en laissant une certaine marge de manoeuvre à la
professionnelle ou au professionnel qui est en charge du suivi de la grossesse
de la femme, pour évaluer les conditions qui sont propres à cette femme-là.
• (11 h 10) •
M.
Boulet : Oui, Mélanie, c'est un excellent point. Les protocoles, oui,
ils vont être... il n'y a rien d'enraciné, puis le directeur national de
la santé publique va considérer l'évolution pour assurer une équité, là, dans
ce que vous appelez... dans l'évaluation des risques. Ça, pour moi, ça
m'apparaît extrêmement fondamental.
Puis, deux, ce n'est pas parce qu'il y aura un
protocole national que ça va enlever une marge de manoeuvre, mais ça va être un outil de référence qui va nous
dire où nous en sommes rendus dans les connaissances scientifiques, les
environnements de travail typiques qui constituent un danger pour la femme
enceinte ou pour son enfant, l'enfant à naître,
en raison de son état de grossesse. Je pense, Mélanie et Louise, vous le
soulignez bien, je pense que le but, c'est vraiment qu'il y ait une meilleure équité et un accès qui soit tout à fait
équitable, là, peu importe où on se situe au Québec.
Je vais profiter de votre présence pour... Bon,
la violence conjugale, c'est un concept qui... Bon, on avait... j'avais eu
l'opportunité de discuter avec des spécialistes en matière de violence conjugale.
Ce qu'on dit, bon, évidemment, je pense
qu'il faut reconnaître que ce concept-là est reconnu, l'impact de la violence
conjugale en milieu de travail... et où on dit : Si l'employeur
doit ou est raisonnablement en mesure de savoir qu'une personne qui travaille
pour lui est victime de violence conjugale... J'aimerais ça bénéficier de votre
expertise, Mélanie, Louise, pour partager les cas, les exemples de personnes.
Bon, une femme qui est dans son environnement de travail, c'est quoi, les
signes, les symptômes qui permettent à un employeur d'être alerté et
d'intervenir?
Mme Cordeau (Louise) :
Je pense que les symptômes sont nombreux, ils peuvent être aussi différents que
ce que vivent les femmes. Mais je pense que le fait, par exemple, qu'il y ait
de l'absentéisme au travail, qu'il y ait des
pertes de concentration, qu'il y ait quelqu'un qui se referme sur elle-même, évidemment, les
coups, c'est plus apparent, mais il y
a toute la violence psychologique aussi. On parle de violence conjugale, donc
violence conjugale, on... (Panne de son) ...de la violence psychologique
aussi, et c'est pourquoi, dans le mémoire, on parle d'outiller les employeurs.
Et, si, M. le ministre, je peux faire une
référence, lorsque, dans les entreprises, on a commencé à parler de harcèlement
psychologique ou de harcèlement sexuel sur les lieux de travail, c'était
difficile pour les employeurs d'intervenir lorsque quelqu'un arrivait puis
disait : Je suis victime de harcèlement psychologique, par exemple. Et, on
a vu, au fil du temps, les employeurs se sont dotés de politiques
d'intervention pour qu'à la fois les travailleurs, les employeurs sachent
comment intervenir.
Et, intervenir en matière de violence conjugale,
on le disait, il y a des spécialistes qui savent très bien comment outiller les
employeurs. Et on voyait... puis on ne l'a pas intégré dans le mémoire, mais
les CAVAC, entre autres, ont un guide en matière de violence conjugale qui
pourrait inspirer plusieurs employeurs. Parce que, la difficulté, les
manifestations de violence sont nombreuses, puis l'attitude des victimes est
différente, les unes des autres, et le fait, aussi, d'être capable d'en parler,
ça aussi, ça constitue un enjeu majeur.
Alors, si, majoritairement, les femmes savent
que, dans leur milieu de travail, il existe des dispositions, des dispositifs...
Puis là on pourrait en parler, de nombreuses actions que l'employeur pourrait
prendre pour protéger la victime sur les lieux de travail. Mais, au-delà de ça,
tu sais, on peut parler d'accommodements, on peut parler de sécurisation des
lieux, on peut en nommer plusieurs, hypothèses. Mais ce qu'il faut retenir,
c'est : dans la mesure où cette disposition-là est tellement importante et
fondamentale, il ne faut pas croire, parce qu'on le dit dans la loi, parce qu'on
l'énonce : On va régler le problème, puis bon.
Et je me mets à la place de l'employeur qui a
maintenant cette responsabilité-là, cette obligation-là, et c'est pour ça que
nous, on propose que dans... qu'à travers les programmes de prévention on puisse
se doter d'outils d'intervention qui ne seraient pas, comment je vous... qui ne
seraient pas uniques dans chacun des milieux de travail, qui seraient
spécifiques à chacun des milieux de travail, c'est-à-dire qu'on n'a pas un seul
outil d'intervention ou de prévention, mais qu'on puisse savoir, à la fois les travailleurs,
les travailleuses, les employeurs, les comités santé et sécurité, les
syndicats, si on parle de violence conjugale à l'intérieur de notre entreprise,
qu'est-ce qu'on fait, comment on accompagne, comment on
outille. Et, à partir du moment où la loi va prévoir cette disposition-là, et
on la souhaite vivement, je pense qu'il faut donner des outils aux employeurs
pour intervenir.
La Présidente (Mme IsaBelle) : M. le
ministre, il ne reste que 1 min 20 s à l'échange.
M. Boulet : D'accord. Merci, Mme la
Présidente. Je vais en profiter pour remercier énormément le Conseil du statut
de la femme, encore une fois, pour la qualité de vos commentaires, de vos représentations.
Puis, je le répète, il faut que ça soit maintenu dans nos discussions, quand on
va faire l'étude détaillée article par article, de toujours avoir en tête
l'incidence des environnements de travail ou des mécanismes qu'on va mettre en
place sur la réalité. Mais je pense que les travailleuses domestiques, les
stagiaires, la violence conjugale, et autres, là, les cancers ou les maladies
professionnelles présumées... je pense qu'on a fait des pas considérables en
avant.
Et, juste un dernier point, Mme Cordeau, quand
il y a d'autres maladies professionnelles présumées qui sont plus spécifiques à
la réalité féminine, il faudra certainement avoir l'opportunité d'échanger et
de faire progresser aussi les travaux de ce comité de scientifiques là qui
pourrait éventuellement être formé.
Ça fait qu'encore une fois je vous salue,
content de vous avoir revues, même si c'est de manière virtuelle, Mélanie,
Louise, puis au plaisir de vous rencontrer bientôt. Bye-bye.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec
le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Je vous invite à m'arrêter à la huitième minute parce que mon
collègue Carlos va continuer avec une autre question.
Mesdames, bonjour. Excellent rapport, rien à
dire. J'aimerais bien juste faire un rappel, surtout à l'ensemble de nos
collègues, et je compte sur la partie gouvernementale, avec la présence de
femmes à l'intérieur de notre commission, et rappeler un principe qui est très,
très cher au gouvernement du Québec. Et je vais le lire et je vais vous
demander votre point de vue : «Le gouvernement du Québec s'est d'ailleurs
engagé à implanter dans ses pratiques pour poursuivre sa marche vers l'égalité
entre les femmes et les hommes — [en] 2007. Dans le Plan d'action en
matière d'analyse différenciée selon les sexes 2011-2015, le gouvernement
prévoyait précisément de "mettre en oeuvre des mesures pour prévenir les
lésions professionnelles chez les travailleuses et favoriser la gestion de la
santé et [de] la sécurité dans les milieux de travail qui les
accueillent."»
La première question. Vous avez soulevé un point
extrêmement important, c'est la différence entre les pompiers et les pompières. Malgré les études démontrant le lien de cause
à effet, je peux dire qu'il y a... Est-ce qu'on peut dire qu'il y a un
effet de causalité par rapport au cancer du sein chez les pompières? Est-ce
qu'aujourd'hui vous êtes déçues quand vous entendez que, par rapport au cancer
du sein pour les pompières, on va envoyer ça chez le comité des maladies professionnelles,
tandis que, pour les hommes pompiers, on reconnaît leurs maladies
professionnelles?
Mme Cordeau (Louise) : Écoutez, je pense que ce qui est important, c'est de retenir que le
cancer du sein doit être reconnu comme un cancer qui affecte directement les
pompières. Il est évident que cette reconnaissance-là s'est faite ailleurs au
Canada. Donc, nous, ce qu'on souhaite, c'est que le cancer du sein soit reconnu
comme une maladie professionnelle des pompières. Maintenant, nous savons qu'à
travers la loi il y aura des mécanismes qui vont permettre de le reconnaître,
et c'est ce qu'on souhaite ardemment.
M. Derraji : Parlons
des mécanismes, Mme Cordeau, le comité. Vous avez vu la composition des
articles, j'en suis sûr et certain. Avez-vous un échéancier par rapport à la
mise en application? Et ce serait quoi, votre réponse aux pompières qui vont
vous demander, aujourd'hui, pourquoi le cancer du sein pour les pompières n'est
pas encore pris en considération, malgré la quantité des études?
Mme Cordeau (Louise) : Bien, je vous dirais que, dans la mesure où ce cancer est reconnu au
Canada, on souhaiterait que ce soit fait le plus rapidement possible.
M. Derraji : Donc, le
plus tôt possible, ça veut dire que vous voulez que, lors de l'étude article
par article, on pense à ce qu'il y ait un regard particulier à la lumière de ce
cancer. Est-ce que j'ai bien compris, Mme Cordeau?
Mme Cordeau (Louise) : Vous avez bien lu notre mémoire.
• (11 h 20) •
M. Derraji : Oui, et
c'est très clair. Parlons d'une autre situation, Mme Cordeau. Les
Québécoises représentent 50 % de la population et 57 % de la
population active. On estime à plus de 2,4 millions de femmes au travail.
Pourtant, dans un régime qui a pour mandat de protéger la santé et la sécurité
de tous, leurs spécificités ne sont pas tenues en compte. Est-ce que vous
pensez que ce projet de loi a vraiment appliqué les règles de l'ADS?
Mme Cordeau (Louise) : Les règles de l'ADS, on pourrait en parler longtemps. Les règles de
l'ADS, c'est tant... c'est dans tous les secteurs. On pourrait se demander,
dans toutes les modifications législatives, comment on a appliqué l'ADS. Alors,
je pense que l'ADS, et nous l'avons dit, ce processus d'analyse là est
essentiel à travers l'ensemble des réalités des travailleuses, et on doit le
prendre en compte à travers toutes les législations.
M. Derraji :
Et, en votre nom... et j'invite aussi les autres collègues présents autour de
la table de garder ce principe lorsqu'on va commencer l'étude article par
article. Une autre question : À votre avis, si le programme Pour une
maternité sans danger était couvert par l'assurance-emploi, au lieu d'une
indemnité du revenu, est-ce que les femmes enceintes et qui allaitent auraient
les mêmes droits et privilèges?
Mme Cordeau (Louise) : Malheureusement, je ne peux pas vous répondre. On ne s'est pas
attardées sur le financement du programme, mais sur son application pour les travailleuses
enceintes et qui allaitent.
M. Derraji : O.K. Parlons maintenant
du financement du régime. Quel est le meilleur moyen de faire en sorte que des
employeurs particuliers participent au financement du régime? Je ne sais pas si
vous avez abordé cette question lors de votre analyse.
Mme Cordeau (Louise) :
Bien, tantôt, on en parlait un peu qu'il y a certaines femmes, par exemple, qui
sont des travailleuses autonomes, des travailleuses dans le milieu agricole,
qui sont propriétaires d'entreprises agricoles, qui ne sont pas assujetties ou
couvertes. Donc, ce qu'on a mentionné, c'est qu'on invitait peut-être, à
l'extérieur du forum de cette commission-là, à une réflexion sur la meilleure façon
de faire en sorte que ces femmes-là qui contribuent à l'essor économique du Québec
puissent aussi être couvertes en matière de santé et sécurité au travail.
M. Derraji : O.K. Mme la Présidente,
combien il me reste de minutes?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste quand même 5 min 30 s.
M. Derraji : O.K. Je vais céder la
parole à mon collègue Carlos, il va commencer le volet... un autre volet, et je
vais revenir par la suite.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, le député de Robert-Baldwin, vous êtes là?
M. Leitão : Je suis là. Très bien.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes Cordeau et Julien, merci d'être là et
merci d'avoir préparé ce mémoire. Moi, je voulais aborder un sujet que je
trouve qui est très important, qui est celui du personnel domestique. Bon, je
diviserais ça en deux parties : une partie, disons-le, technique, bon, de critères limitatifs d'indemnisation, très bien, on en discutera longuement pendant
l'étude détaillée, mais je veux aborder un autre aspect dont, souvent,
on ne parle pas, mais que c'est une réalité, ça existe, c'est-à-dire
l'exploitation et l'abus.
Donc, beaucoup de ces femmes, parce que ce sont
des femmes, sont victimes de cela. C'est une réalité ici, dans mon comté, comme
ailleurs au Québec, donc ça existe. Alors, selon vous, quel est le rôle de la
CNESST dans la prévention de la violence et
de l'abus faits aux travailleurs domestiques... je ne vois pas ici de critère d'indemnisation, on en discutera
après, mais tout simplement dans la prévention et même l'inspection de ces
lieux de travail là?
Mme Cordeau (Louise) :
Écoutez, ce n'est pas un aspect qu'on a regardé directement, dans le cadre du projet
de loi. Mais mon premier... ma première réaction est de vous dire : C'est
la communication. Parce que ces travailleuses,
et on l'a dit tantôt, d'entrée de jeu, souvent issues de l'immigration,
connaissent très, très, très peu leurs droits. Parfois, elles ne
parlent pas ni français ni l'anglais. Et comment arriver, dans ces milieux de
travail, à leur faire connaître leurs droits et la façon dont on traite les
travailleuses et les travailleurs au Québec? C'est un enjeu majeur. Et ça se
passe dans les résidences privées.
Il y a
plusieurs obstacles, mais moi, je
pense que... Puis je n'ai pas
réfléchi longtemps, mais comment on outille les femmes immigrantes, lorsqu'elles arrivent au Québec, par exemple, et qu'elles seraient en emploi comme travailleuses domestiques? Comment on leur fait connaître
quelles sont les réalités du Québec? Je n'ai pas de connaissance personnelle, peut-être qu'on le fait, peut-être que
ça existe, et je ne le sais pas, mais, pour moi, c'est une des voies de
prévention.
M.
Leitão : Très bien, merci. Oui, en effet, mais pensez-vous que, dans
le cadre du projet de loi, la CNESST a les ressources, ressources
humaines appropriées, pour adresser ces questions-là? Moi, j'ai l'impression
que non, mais c'est mon impression. Est-ce que vous êtes du même avis ou est-ce
qu'on devrait leur procurer des ressources additionnelles pour qu'ils puissent
vraiment jouer ce rôle-là?
Mme
Cordeau (Louise) : Écoutez,
je connais bien l'organisme que je dirige, il est difficile pour moi de
porter un jugement sur un organisme pour
lequel je n'ai pas de connaissance personnelle de la gestion. Mais il est
évident qu'il y a un rôle de prévention, qu'il y a un rôle d'information
puis qu'il y a un rôle aussi d'action qui doit exister au sein de la CNESST.
M. Leitão : Oui. Et je mentionne
cette question parce que, connaissant un peu — ici, je regarde M. le ministre — ...connaissant un peu la machine
gouvernementale, il y a un peu la tendance de dire : Bon, écoute, ça, ce
n'est pas moi, c'est le ministère de
l'Immigration; non, ce n'est pas moi, c'est un autre ministère, c'est un autre
département. Je pense qu'ici il y a une
belle occasion pour qu'un organisme gouvernemental public comme la CNESST
prenne un rôle de leadership dans ce
domaine-là qui est très important.
Vraiment, il ne faut pas se cacher, là, ça existe, ça existe, ces
questions de violence et de harcèlement. Vas-y, collègue.
M.
Derraji : Et, dans le même sens, mon cher collègue Carlos...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il ne reste qu'une minute. Alors, attention, une minute.
M. Derraji :
Oui. Dans le même sens, vous soulevez les situations de précarité vécues par
ces nombreuses travailleuses domestiques et vous proposez que l'employeur
particulier tienne un registre des accidents. Et c'est là ma question, dans le
même sens que mon collègue : Est-ce à l'employeur ou à la CNESST que
reviendrait cette obligation? Et comment s'assurer que cet effet dissuasif entraîne
une meilleure prévention? En fait, la situation, elle est très complexe :
la machine gouvernementale, les travailleuses domestiques qui viennent
d'arriver au Québec, l'enjeu de la langue. Comment vous voyez des solutions,
d'une manière très concrète, Mme Cordeau?
Mme
Cordeau (Louise) : En fait, le registre des
accidents existe dans les entreprises, les entreprises sont tenues de maintenir
à jour un registre des accidents qui permet une meilleure prévention. Parce
que, nécessairement, lorsqu'on a un registre de nos accidents, on peut
évaluer : est-ce que c'est un événement isolé, est-ce que c'est répétitif,
est-ce que ça se produit avec les mêmes personnes, est-ce que c'est dans les
mêmes quarts de travail? Bon, il y a
plusieurs exemples qui sont possibles. Et, le registre des accidents, la façon
dont le projet de loi est actuellement formulé, les employeurs de
travailleuses et de travailleurs domestiques ne sont pas tenus de garder à jour
un registre des accidents, mais c'est un des outils qui peut aider à la
prévention en milieu de travail.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci pour le bel échange.
Nous devons poursuivre. Alors, nous poursuivons avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Cordeau, Mme Julien, bienvenue. Je vais
prendre le peu de temps qui m'est imparti pour parler des catégories de
risques. Je l'ai fait dans mon mot d'ouverture. C'est quelque chose que je
trouve bien regrettable, j'espérais, comme dans votre mémoire, que l'ensemble
des salariés soient entièrement couverts, l'ensemble des salariés, évidemment
les hommes comme les femmes. Vous critiquez, vous semblez critiquer, en tout
cas, cette catégorisation des risques, pour toutes sortes de raisons, notamment
les phénomènes de sous-déclaration des types de maladies qui ne sont pas
nécessairement tout le temps bien étudiées ou bien comprises. J'aimerais juste
aller un peu plus loin. Donc, vous nous proposez quoi? Est-ce que vous proposez
qu'on revienne à l'ensemble des mécanismes de prévention pour toutes les
catégories?
Mme
Cordeau (Louise) : Si vous permettez, je vais
demander à Mme Julien de compléter.
• (11 h 30) •
Mme Julien
(Mélanie) : Bien sûr. En fait, ce qu'on recommande, c'est de revoir la
catégorisation des risques. Effectivement que, dans le projet de loi, il y a un
niveau de risque qui est attribué à chacun des plus de 300 secteurs
d'activité, et c'est à partir de ces niveaux de risque là que vont être
établies les obligations des employeurs à l'égard des mécanismes de prévention
et de participation.
Et, nous, ce qu'on
remarque, c'est que... en fait, on questionne les niveaux de risque qui sont
associés aux différents secteurs d'activité. Notamment, ceux associés aux
secteurs à prédominance féminine, comme les hôpitaux, les écoles, les services
de soins de santé à domicile, sont associés à un niveau de risque faible, et,
nous, ce que l'on... en fait, on questionne cette catégorisation-là, puisqu'on
sait que ces secteurs-là sont à risque. Mme Cordeau le soulignait lors de son
allocution, il y a des risques de lésions attribuables à la violence physique.
Ce sont dans ces secteurs-là où se trouve le plus grand nombre de lésions qui sont
rapportées. Alors, on questionne cette association de niveau de risque faible,
et ce que l'on souhaite, c'est que cette évaluation-là soit revue pour mieux
tenir compte des risques qui affectent les secteurs à prédominance féminine.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : 30 secondes.
M. Leduc :
Pouvez-vous rapidement nous expliquer le phénomène de sous-déclaration?
Mme Julien
(Mélanie) : En fait...
Mme
Cordeau (Louise) : ...
Mme Julien
(Mélanie) : Pardon. Allez-y, Louise.
Mme
Cordeau (Louise) : Il y a plusieurs éléments : par
exemple, la peur de perdre son emploi; l'espoir de guérir aussi, en se
disant : Ce n'est pas si grave, probablement que je vais guérir; le fait
aussi d'être jugé par des collègues; le fait de ne pas trop savoir comment
remplir des déclarations. Il y a plusieurs éléments qui font en sorte que les
femmes déclarent moins les accidents que les hommes.
M. Leduc :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de
Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Roy (Bonaventure) :
Merci, Mme la Présidente. Écoutez, quand tu passes le dernier, souvent, les
enjeux sont exploités, mais je vais revenir sur l'enjeu de mon collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve sur les stratégies retenues pour définir le niveau de
risque des secteurs.
Écoutez, j'ai un tableau en avant de moi qui est
très parlant et qui nous semble induire une forme de discrimination sexiste
dans les emplois à dominance féminine dans le projet de loi, là, avec les
critères actuels pour définir les niveaux de risque. Puis le tableau va être
présenté cet après-midi par un autre groupe, mais je vais me permettre de le
citer. On parle d'un niveau faible de 72 %... 73 % pour les femmes et
de 53 % pour les hommes, niveau élevé, 6,7 % chez les femmes,
21 % chez les hommes. Quand je regarde les statistiques d'absentéisme du
domaine de la santé, c'est phénoménal, on parle, de la fin octobre à la fin
novembre, là, de 3 millions d'heures d'absentéisme, et, malgré tout, on
continue de dire que le réseau de la santé est à faible risque.
Moi, je reviens sur l'enjeu : Si on
continue avec une méthode d'analyse à partir des débours, est-ce qu'on ne
craint pas d'induire une discrimination sexiste dans l'évaluation des risques
des secteurs de travail?
Mme Cordeau (Louise) : Actuellement, on constate, effectivement, puis c'est ce qu'on
démontre dans notre mémoire, que le secteur
de la santé et de l'éducation sont nettement sous-estimés, sous-évalués par
rapport aux risques.
Peut-être... Vous parliez des débours. On parle
des débours dans les 10 dernières années. Le marché du travail s'est
transformé, le secteur tertiaire a augmenté. On sait aussi que, toutes les
réclamations en matière de violence conjugale, de violence psychologique, de
harcèlement, il y a 10 ans, on en parlait beaucoup moins. Lorsqu'on voit
les chiffres, les réclamations, actuellement, dans les cinq dernières années,
c'est énorme. Qu'est-ce qu'elles étaient dans les cinq années précédentes? Je
ne connais pas les chiffres.
On sait aussi qu'un des facteurs qui a exacerbé
tout ça... on pense, entre autres, à la pandémie, où le secteur de la santé et de l'enseignement sont les secteurs
qui sont les plus vulnérables et les plus touchés. Alors, c'est clair
que, dans le calcul, à travers les débours des 10 dernières années, ces
éléments-là n'ont pas pu être pris en compte. Alors, il y a lieu de
s'interroger sérieusement sur la classification de ces niveaux de risque là.
Et on sait
que de la classification va dépendre leur application en termes d'années. Donc,
plus la classification est faible, plus l'application sera lointaine
dans le temps, alors, ça aussi, il faut le prendre en considération. Mais
définitivement le secteur de la santé est majeur.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Cordeau, merci, Mme Julien, pour votre contribution...
M. Roy : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...oui, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Nous suspendons quelques instants, le temps
d'accueillir le nouveau groupe. Alors, merci.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 11 h 39)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons les travaux. Nous souhaitons la bienvenue aux
représentants de L'Union des producteurs... agricoles — pardon.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes et je vous inviterais,
avant de commencer votre exposé, de bien vous présenter.
L'Union des producteurs agricoles (UPA)
M. Caron (Martin) : Tout d'abord,
bonjour à tout le monde. Je me présente, Martin Caron, je suis producteur
laitier et céréalier à Louiseville, en Mauricie, et vice-président de l'UPA
provinciale.
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. Denis.
M. Roy (Denis) : Bonjour. Denis Roy. Je suis trésorier et directeur
finances et main-d'oeuvre agricole à L'Union des producteurs agricoles.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, vous pouvez commencer votre exposé.
M. Caron (Martin) : Merci bien.
Bien, nous remercions les membres de la commission pour nous permettre de
présenter au niveau du projet de loi relativement à la loi n° 59.
D'entrée de jeu, permettez-moi de souligner que tous les producteurs agricoles
sont préoccupés par la santé et la sécurité au travail. Tous savent que les
dangers sont omniprésents dans nos fermes. C'est pourquoi l'UPA accorde de
l'importance.
À titre d'exemple, bien, l'UPA travaille en
partenariat avec la CNESST, a mis sur pied un service de santé et sécurité du
travail, a créé une mutuelle de prévention, propose des webinaires sur la
prévention puis a développé un projet de Prévention agricole + pour mieux
s'informer sur leurs obligations et améliorer la prévention dans leurs fermes.
Et aussi on a mis en place une table de concertation sur la santé et sécurité
et mieux-être en agriculture, à laquelle nous avons
convié tous les principaux intervenants du milieu. Donc, la santé et la
sécurité du travail, c'est important pour l'UPA puis c'est important pour nos
entreprises, pour nos producteurs, pour nos travailleurs et pour nos familles
et nos communautés. Le projet de modernisation du régime de la santé de travail
interpelle notre organisation de nos membres. Cependant, l'applicabilité des
mécanismes de prévention et de participation proposés semble problématique à
plusieurs égards.
Parlons tout d'abord de la réalité des
entreprises agricoles. La majorité des entreprises agricoles du Québec sont des
petites entreprises familiales où vie professionnelle et vie privée cohabitent.
Selon le recensement de 2016, 10 744 des 28 919 fermes
employaient 55 866 salariés, dont 34 % à temps plein, 12 %
à temps partiel et 54 % de façon saisonnière ou temporaire. Dit autrement,
37 % des fermes du Québec cotisent à la CNESST, et on a en moyenne trois
employés réguliers à leur emploi. On comprend donc que très peu d'entreprises
agricoles disposent des ressources internes spécialisées en prévention. La nature
du travail agricole nécessite peu d'employés réguliers à l'année. Pour la
quasi-totalité des fermes, les propriétaires sont donc les premiers
travailleurs. Un fort contingent de travailleurs occasionnels temporaires à
certaines périodes de l'année est toutefois requis.
Autre particularité de l'agriculture, nous
travaillons avec du vivant. Nous sommes soumis aux aléas de la météo et nous
contrôlons difficilement le calendrier de production. La production agricole
est fortement encadrée. La gestion des divers programmes en place est très
lourde à porter pour les producteurs. Toute exigence additionnelle va empirer cette situation. Le caractère particulier
de la production agricole nécessite qu'on aborde autrement
l'organisation de la prévention.
On parle de modernisation proposée : le
secteur agricole ne se retrouve pas. Bien que l'UPA appuie fortement les
initiatives de prévention à la ferme, les mesures proposées dans le projet de
loi semblent inapplicables chez presque tous les employeurs agricoles du Québec.
Qu'on parle de programme de prévention, de plan de prévention, de représentant à la santé et sécurité, de comité en santé
et sécurité au travail, c'est difficilement envisageable en agriculture.
En plus d'imposer des contraintes
additionnelles, le projet de loi alourdit de façon substantielle le fardeau des
entreprises agricoles, et on sait, naturellement, au niveau du coût, que ça
coûte plus cher s'assurer, au niveau du Québec, comparativement aux autres
provinces. Le processus d'élaboration et la mise en place de programmes de
prévention est complexe et nécessite une expertise dont ne disposent pas les
producteurs. L'UPA ne peut appuyer les dispositions actuelles sur le projet de
loi, sachant que les producteurs ne seront pas en mesure d'y donner suite.
Nous demandons plutôt des mesures ciblées. On
parle de mécanismes inadaptés pour les employeurs agricoles. Prévoir un
travailleur agissant comme représentant en santé et sécurité au travail dans
chacune des fermes n'est pas réaliste. Cette difficulté se retrouverait
amplifiée si la mise en place d'un comité de santé et sécurité était requise
pour toutes les fermes qui emploient 20 travailleurs et plus. Les
15 000 travailleurs étrangers temporaires limitent également le
bassin de candidats en mesure de parler à la fois français et espagnol, ce qui
forcerait le recours au personnel clé des entreprises, ce qui aurait un effet
contre-productif.
Le nouveau règlement sur les maladies
professionnelles, qui omet les maladies liées aux pesticides alors que cet aspect
a été largement documenté ces dernières années, faisant même l'objet de
modifications réglementaires ailleurs dans le monde, le projet de loi n'en
parle pas.
Le projet de loi présente quelques mesures de
soutien qui sont toutefois nettement insuffisantes. Environ
1 000 employeurs agricoles, soit 10 %, sont membres d'une
mutuelle de prévention, ce qui leur permet d'obtenir des services de soutien et
des programmes de prévention, laissant près de 10 000 employeurs qui
ne bénéficient d'aucun soutien de la sorte, sans parler des
18 000 fermes qui ne sont pas visées par la CNESST.
Pour nous, le soutien offert doit favoriser
l'amélioration de la prévention pour l'ensemble des 29 000 fermes du Québec.
Il faut s'assurer que la santé et la sécurité de toutes les personnes qui
travaillent et qui vivent sur les fermes... La santé et sécurité en agriculture
dépassent le cadre de travail. Elle doit réfléchir... et soutenue dans une
perspective plus large.
Cinq demandes de l'UPA. Nous sommes convaincus
que le secteur agricole nécessite d'aborder autrement l'organisation de la
prévention. C'est dans ce contexte que nous formulons nos demandes.
D'abord, reconnaître le caractère particulier du
secteur agricole, qui est composé de petites entreprises qui ont peu d'employés
réguliers à leur emploi. La production ne peut pas être interrompue. Nous
pouvons difficilement arrêter la nature.
Revoir les niveaux de risque proposés et
attribués, car ils ne concordent pas avec la réalité de la majorité des
entreprises agricoles. 90 % des entreprises agricoles n'ont pas
d'accident. L'application des niveaux de risque dans une approche mur à mur représente aussi une charge trop importante en
lien avec les mécanismes de prévention qui y sont associés.
L'UPA demande que soient modifiés
l'article 146 et 148 du projet de loi afin que les entreprises agricoles
soient exemptées de soumettre systématiquement des programmes de préventions et
des plans d'action. À la place, nous proposons que ces plans d'action soient
demandés aux employeurs qui rapportent des accidents. En agissant ainsi, on obtiendrait, collectivement, plus
rapidement les améliorations en prévention et, logiquement, une
diminution des lésions professionnelles.
Nous demandons aussi la mise en place d'un fonds
consacré à l'élaboration des fiches de bonnes pratiques en matière de
prévention.
La loi devrait permettre à des groupes
d'employeurs embauchant des travailleurs qui effectuent des activités de même
nature d'élaborer ensemble un seul programme de prévention. Pour ce faire, nous
demandons d'appuyer financièrement la mise en oeuvre sectorielle, volontaire
des mécanismes de prévention et la participation proposés. Cette formule a déjà fait ses preuves dans le
milieu agricole, où divers services ont été développés, tant par l'UPA
que ses affiliés, pour soutenir des
entreprises agricoles, pour atteindre les cibles des différentes normes
réglementaires auxquels qu'elles sont soumises.
Concernant le projet de règlement sur les
maladies professionnelles, nous demandons de réviser la liste des maladies
reconnues pour y ajouter celles associées à l'exposition des pesticides. Par
ailleurs, en lien avec le recours aux pesticides, un fonds spécial devrait être
créé afin d'indemniser toutes les personnes travaillant dans les fermes du
Québec, y compris les entreprises qui ne cotisent pas à la CNESST.
Enfin, la particularité du secteur agricole, où
seulement 37 % des fermes sont inscrites à la CNESST, nécessite qu'on y
accorde des ressources d'aide et de prévention. Nous demandons la mise en place
et le financement d'un comité spécial, gouvernement du Québec et UPA, dont la
mission serait similaire à celle des associations sectorielles paritaires en
prévention. Les différents ministères et organismes concernés par la santé et
la sécurité en milieu agricole devraient y collaborer.
L'UPA est
d'avis que la particularité du monde agricole justifie amplement ses demandes.
Toutes les personnes qui interviennent ou vivent dans les fermes du
Québec doivent être protégées. Il est nécessaire d'élargir la vision de la
santé et de la sécurité dans les fermes, où milieu du travail et milieu de vie
se confondent. Il faut y faire face sous tous les angles en y associant des
acteurs clés d'influence et de changement. Merci bien.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, M. Caron, pour votre exposé. Nous allons commencer la
période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de
16 min 30 s.
• (11 h 50) •
M. Boulet : Merci, Martin, merci,
Denis Roy, pour, encore une fois, votre présence virtuelle, la qualité de votre
mémoire puis votre intérêt pour les producteurs agricoles québécois. Martin, on
est en plus de la même région, ça fait que content de se revoir.
Ça me préoccupe beaucoup, bien sûr, la réalité
du monde agricole québécois, puis, encore une fois, il y a des dispositions qui
sont intéressantes dans le projet de loi n° 59, mais j'aimerais ça, vous,
peut-être, partager quelques informations, des réponses qui m'ont été données à
des questions que j'ai soumises à la CNESST.
De 2010 à
2018, la CNESST a accepté 218 cas de maladies professionnelles pour le
secteur agricole, puis il y a seulement six de ces cas-là qui ont pour
agent causal un produit chimique, puis les pesticides ne sont pas directement
spécifiés. Puis c'est sûr que, dans la classification dans le secteur de
l'agriculture, puis Martin, c'est une donnée que vous avez fournie, il y a
environ 11 800 établissements, puis le projet de loi les met en
fonction des niveaux de risque. Puis 68 % des établissements sont à risque
élevé. C'est surtout l'élevage, là, de porc, de bovin, volaille, mouton puis
autres types d'élevages. Il y a évidemment des activités de soutien aux
cultures agricoles puis il y a 34 % qui sont dans un niveau d'un risque
moyen, culture de légumes, de fruits en serres et autres cultures agricoles.
Première question, Martin. Tu sais, je comprends
qu'il y a 37 % qui cotisent, il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup qui ne cotisent pas, puis vous
dites : Les mécanismes de prévention — si je vous comprends bien — devraient
être facultatifs, alors que les niveaux de
risque sont élevés ou moyens. Comment
vous voyez ça de faire en sorte que les mécanismes de prévention ne soient pas obligatoires? J'aimerais juste
que vous me donniez quelques précisions là-dessus.
M. Caron (Martin) : Bien, M. le
ministre, bien, merci de la question. Puis peut-être préciser, de ce côté-là,
c'est pour ça qu'on demande d'avoir un comité puis qu'on puisse travailler sur
le côté sectoriel, c'est vraiment d'amener quelque chose d'obligatoire. Et on a
déjà commencé à travailler soit avec les éleveurs de porcs, ou les producteurs
laitiers, ou les producteurs de grains, entre autres, par rapport à différents
risques. Et sachant que les personnes, les producteurs n'ont pas les gens au
niveau de... avec la compétence sur le terrain et sont demandés pour d'autres
obligations, on se dit : Il faut être capables d'établir, du côté
sectoriel, des... travailler avec nos groupes et présenter des plans d'action
qui pourraient être cheminés et que les gens pourraient travailler, entre
autres.
Mais c'est de là... pour ça qu'on se
disait : Avec le projet de loi, d'obliger tout de suite puis d'avoir ça
là, les gens n'auront pas les compétences directement. Et ce n'est pas ça qu'on
veut amener, ce volet-là. Il faut vraiment prendre le secteur agricole vraiment
différent, là, là-dedans.
M. Boulet : Puis, Martin, aussi, à
titre d'information, oui, dans le projet de loi n° 59,
on va permettre au secteur agricole de former ce qu'on appelle une association
sectorielle paritaire. Il y en a dans plusieurs secteurs d'activité, au Québec,
ce qu'on appelle des ASP, et le mandat de ces associations sectorielles
paritaires, c'est notamment d'encadrer, de
faire de la formation, d'aider à mettre en place, notamment, des mécanismes de
prévention. Mais ça, je pense que ça peut être un grand bénéfice. Puis je vous
le donne à titre d'information parce que ça va découler, encore une fois, de
l'application d'un des articles qui apparaît dans le projet de loi n° 59.
Je vous ai entendu, Martin, parler de mesures
ciblées. Est-ce qu'il y a de quoi... Comment vous définissez ça, des mesures
ciblées? Est-ce que ça fait référence à ce qui est sectoriel, ici?
M. Caron (Martin) : Oui, exactement,
puis je pourrais laisser peut-être Denis intervenir là-dessus. Mais pour
revenir, M. le ministre, à l'ASP, il faut réaliser quelque chose. Dans l'ASP,
bien, on a juste 37 % qui cotisent à la CNESST, et nous, on veut s'assurer
de la sécurité. C'est pour ça qu'on demande un fonds, qu'on se dit qu'il faut
vraiment avoir un comité, avec le gouvernement, et de s'assurer d'investir ce
montant-là. Parce que vous comprenez que, moi, en tant que producteur puis en tant
que représentant, je veux protéger l'ensemble des producteurs.
Mais, Denis, je ne sais pas si tu veux répondre
au niveau du côté ciblé?
M. Boulet :
C'est un bon point parce que, moi aussi, ça me préoccupe qu'il y ait peu...
évidemment, c'est beaucoup des petits, des petites entreprises familiales, mais
qu'il y en ait peu qui soient inscrits au régime de protection à la CNESST, là,
en vertu de la LATMP, là, notamment. Il va falloir trouver, certainement avec
l'UPA, des stratégies de promotion, des bénéfices découlant de l'inscription au
régime de la CNESST. Oui, Denis?
M. Roy (Denis) : Bien, vous touchez
un point extrêmement important, puis Martin a mis la table, là, c'est 37 %
des entreprises qui doivent cotiser à la CNESST. Le fardeau, le fardeau
administratif pour les producteurs agricoles est déjà très grand pour les
normes de salubrité, les normes environnementales, etc., et, s'ils ne... Donc,
c'est de la main-d'oeuvre familiale, et ils n'ont pas à s'inscrire comme
employeurs parce que, ça, là, dès qu'une entreprise s'inscrit comme employeur,
là — ça,
on l'a déjà faite, l'analyse — le fardeau administratif d'être employeur
versus être non-employeur avec de la main-d'oeuvre familiale, c'est le jour et
la nuit en termes de fardeau. Ça fait que c'est ce qui explique... On aurait
beau faire la promotion de s'inscrire à la CNESST, se déclarer comme employeur,
mais il y a tellement de fardeaux administratifs qui sont reliés à ça qu'au
niveau économique c'est pratiquement impensable.
Nous, on est des apôtres de la prévention, on
est hautement préoccupés par les accidents, puis là, ce que vous avez dans les
statistiques, là, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Des fois, la CNESST va
répertorier quatre ou cinq décès dans le milieu agricole, alors que, régulièrement,
notre revue de presse va dénombrer 15 à 17 décès par année. Ça fait que,
ça, c'est le message qu'on donne au gouvernement, on est contents d'être en
commission parlementaire pour vraiment dire : Il faut faire un partenariat
spécial pour le secteur de l'agriculture. Bon, oui, les ASP, on en a ouvert, on
a d'excellentes relations, on a un comité de liaison spécifique UPA-CNESST sur
la prévention et on apprécie hautement notre collaboration avec la CNESST.
Mais, comme le signalait M. Caron, on ne peut pas mettre le fardeau du
financement d'un ASP sur 37 % des producteurs. Et notre action veut se
faire plus large, ça fait qu'il faut dépasser... Nous, on veut faire tomber ces
frontières-là.
Et, sur la prévention, quand on dit de... C'est
très bien que le projet de loi table sur la prévention, il faut en faire. C'est
pour ça que l'UPA, on a mis en place une mutuelle de prévention. On ne veut pas
discuter de réparations, on ne vient pas vous faire une bataille sur les
indemnités, etc. Nous, on veut faire de la prévention, on veut éliminer les
accidents à la source. Et, quand on... Martin disait : C'est important, la
prévention, les entreprises puis la sécurité sur nos fermes, nos entreprises,
nos familles. Puis une ferme que son propriétaire meurt dans un accident, bien,
ça fait qu'une entreprise qui ferme carrément ses portes, qui a un impact
directement dans nos petites communautés rurales... Donc, on veut vraiment
faire de la prévention.
Et on n'exempte pas non plus tout le monde des
plans de prévention. Vous avez signalé, c'est comme en agriculture, plus que la
bête, le troupeau... plus que la bête est grosse, plus la cotisation est
grosse, parce que c'est certain que de se faire tasser par une grosse vache, ce
n'est pas pareil comme se faire tasser par un petit mouton. Ça fait que vous
voyez vraiment l'exemple au niveau de la cotisation, ça se reflète aussi. Mais il
y a des accidents dans seulement... des déclarations dans seulement 10 %
des cas.
Ça fait que c'est pour ça qu'on vous dit :
Regardez, on va avoir beaucoup plus d'impact sur le taux de cotisation si on
demande un complément de prévention, un plan d'action sur ceux qui réclament.
Ça, ça fait partie... je pense que c'est notre recommandation 3. Donc,
regardez, tu as une réclamation, il y a un accident chez vous, on veut avoir un
plan d'action. On ne t'impose pas, nécessairement, le plan de prévention, même
si tu es un producteur de lait, tu es un secteur à risque. Si toi, tu n'as pas
eu d'accident puis tu n'en as pas chez vous, bien, on ne te mettra pas ce
fardeau-là sur les épaules. Parce qu'un plan de prévention, on est ouverts, on
veut le faire de façon sectorielle. Les éleveurs de porcs ont déjà consacré beaucoup
de temps pour préparer des fiches de prévention. On veut travailler avec nos
groupes spécialisés. Les producteurs de lait, on voudrait faire un plan de
prévention générique pour les producteurs de lait, que ce soit déployé sur le
terrain, dans toutes les entreprises, parce que les producteurs, là, ils n'ont
pas le temps, ils n'ont pas l'expertise, ils n'ont pas les moyens de se payer
un expert qui va développer un plan sur mesure pour eux.
Ça fait qu'on veut développer un partenariat
absolument avec le gouvernement pour que ce ne soit pas juste le producteur de
lait qui cotise à la CNESST, on veut aller livrer partout. On vous fait un
genre de cri du coeur, là. On veut avoir des gens du MAPAQ alentour de la table
puis on veut avoir les gens du ministère de l'Emploi, du Travail, on veut avoir
le ministre de la Santé. On veut vraiment avoir des milieux de travail plus
sécuritaires pour toutes les familles agricoles et tous les travailleurs
agricoles du Québec.
• (12 heures) •
M. Boulet : Denis, on est vraiment,
si je peux dire, sur la même longueur d'onde. Puis je pense que, le projet de
loi n° 59, dans la mesure où un de ses piliers fondamentaux, c'est
d'améliorer la prévention dans les milieux de travail au Québec, il faut que ça
vous concerne.
Puis je suis éminemment sensible à ce que vous
dites puis je ne peux que vous féliciter d'avoir mis en place la Mutuelle de
prévention. Puis éventuellement, avec une association sectorielle paritaire
puis le lien que vous avez avec la CNESST, on va certainement en parler avec
nos amis du MAPAQ et voir à trouver des façons de faire qui visent à accroître
le niveau d'inscriptions, faire plus d'éducation, puis s'assurer d'une
meilleure indemnisation puis de beaucoup plus de prévention. Puis je trouve,
Denis, que l'idée, là, tu sais... Des fois, je me dis, tu sais, quand on parle
des protocoles nationaux, ça fait peur, mais, des fois, d'avoir un guide de
référence de prévention pour le domaine agricole, ça peut être un immense
bénéfice. Je trouve que c'est une excellente idée.
Je veux juste revenir sur deux sujets.
Parkinson. Denis puis Martin, je veux simplement vous mentionner qu'il y a eu
un rapport de l'Institut de recherche Robert-Sauvé, qui est l'IRSST, là, au
mois de juillet 2020, puis les revues de la littérature
sur le lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson ne sont pas
unanimes. Mais éventuellement le comité de scientifiques qui va revoir, de
façon épisodique, la liste des maladies professionnelles présumées, dans la mesure où... (Panne de son) ...de
la littérature. Ça pourra faire partie des maladies qui sont ajoutées
dans la liste, et le faire connaître, éventuellement, pour s'assurer que les
personnes qui ont... développent la maladie de Parkinson à cause de
l'utilisation des pesticides soient correctement protégées par les indemnités
de la CNESST.
Dernier point, Martin et Denis, je ne sais pas
qui peut me le mentionner, on parle beaucoup des travailleurs étrangers
temporaires dans le domaine agricole. C'est des travailleurs, souvent, qui sont
vulnérables, puis ils sont protégés par notre régime d'indemnisation. Il faut
le dire, là, je me fais souvent poser la question : Est-ce qu'ils sont couverts? Oui, ils sont couverts. Vous m'avez
parlé, là, de la barrière linguistique. Est-ce que, du côté de l'UPA, il y
a des pratiques qui sont promotionnées pour
permettre aux TET, aux travailleurs étrangers temporaires, d'aller... de
surmonter ces barrières-là et d'avoir accès aux droits qui sont prévus dans nos
lois en matière de santé, sécurité puis d'indemnisation? Est-ce qu'il y a de
quoi de particulier ou de quoi qu'on pourrait peut-être penser?
M. Caron (Martin) : Je vais... Si tu
veux y aller, Denis.
M. Roy (Denis) : Oui. Bien, M. le
ministre, sur l'ajout des maladies professionnelles liées à l'utilisation des
pesticides, il n'y a pas beaucoup de déclarations, pas beaucoup de
réclamations, mais le fait que les maladies liées à l'utilisation des
pesticides ne soient pas sur la liste, ça ajoute un fardeau aux travailleurs ou
à la personne qui voudrait prétendre à une réclamation. Il y a un fardeau
énorme, parce qu'il n'y a pas, comme, le bénéfice du doute, c'est inscrit...
Par exemple, si l'amiantose n'était pas inscrite sur la liste, le travailleur
devrait faire un... Il y a un fardeau de la preuve supplémentaire par rapport à
un autre travailleur. Et il y a une sous-déclaration, parce qu'il y a seulement
37 % des entreprises qui sont inscrites. Donc, c'est certain que nous,
notre demande se fait... on voudrait que tous les travailleurs, qu'ils soient
inscrits ou non à la CNESST, puissent avoir accès à une indemnité s'ils ont un
préjudice lié à l'utilisation des pesticides. Ça, c'est pour le point sur les
pesticides.
Les travailleurs étrangers temporaires. Je vais
profiter du plateau d'argent que vous m'offrez, puis aussi à titre de ministre
du Travail. Ce qu'on demande depuis longtemps... L'UPA, là, on a mis en place
une table de concertation sur les travailleurs étrangers temporaires en
agriculture, on est un leader au Canada. Et le gouvernement du Québec devrait
mettre en place un numéro 1 800,
rapidement, qui va recevoir toutes les préoccupations des travailleurs
étrangers temporaires. Heureusement que la commission des normes a fusionné
avec la CNESST, parce que, là, on peut peut-être
avoir juste un numéro, mais encore. Vous allez recevoir, je pense, les gens de
la Commission des droits de la personne, ça, c'est un autre type de
préoccupation qui interpelle aussi les travailleurs étrangers temporaires.
Donc, il faudrait vraiment, ça fait longtemps qu'on le demande, le gouvernement
du Québec devrait prendre le leadership, offrir un numéro 1 800 en espagnol,
disponible jusqu'au moins 22 heures pendant la période intensive, pour
faire un service de première ligne.
Il faut que les travailleurs... On leur a montré
leurs droits, on a fait des affiches, l'année passée, parce que la période de
32 heures de repos consécutif n'était pas nécessairement appliquée. Et la
liberté de circulation aussi, en cas de COVID-19, là, on a des enjeux
importants avec les travailleurs étrangers temporaires. On a un excellent
partenariat avec les représentants des travailleurs. Et nous, là, on veut que,
les employeurs agricoles, là, on soit les meilleurs employeurs possibles pour
ces travailleurs-là. Il faut que ce soit une expérience positive, pour eux et
leur famille, de venir travailler au Québec. Donc, le gouvernement du Québec,
vous devriez mettre en place une ligne unique, un service de première ligne
pour ces travailleurs-là pour les orienter sur les...
La Présidente (Mme IsaBelle) : ...
M. Roy (Denis) : ...pour réclamer
comme il faut leurs droits et en lien au... de travail.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. Roy. Il reste 15 secondes, M. le ministre, rapidement.
M. Boulet : Oui, Denis, oui, puis
les outils de la CNESST sont multilingues, là, il y a la possibilité d'avoir
accès à de l'information en espagnol, là, ou dans d'autres langues, là, en
tenant compte des besoins des TET. Merci beaucoup, excellente présentation,
Martin, Denis. Bravo! Puis on aura certainement l'occasion de se reparler. Et
je pense qu'on partage tous le même objectif d'accroître la prévention dans le
domaine agricole. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez
toujours de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci, messieurs, pour l'excellent rapport que j'ai devant moi. Vous
m'avez confirmé, encore une fois, la pertinence de vous écouter, vous entendre
aujourd'hui. Et, à la lumière de votre présentation mais surtout les réponses
que vous avez ramenées, là, je comprends pourquoi vous êtes désolés de ne pas
avoir été consultés en amont, avant la rédaction de ce projet de loi. C'est
bien noté dans votre mémoire.
Écoutez, ma première question, c'est par rapport
aux mutuelles. Vous nous mentionnez qu'en termes de prévention en santé et
sécurité au travail plusieurs employeurs agricoles sont membres d'une mutuelle
de prévention. Le p.l. n° 59 ne mentionne pas
ces mutuelles comme des options viables pour des secteurs particuliers. Donc,
ma question : Recommanderiez-vous au gouvernement d'introduire les
mutuelles de prévention comme une mesure de prévention
adéquate et opportune dans les secteurs qui, comme l'agriculture, sont
saisonniers ou ont un manque à la fois de main-d'oeuvre ou une main-d'oeuvre étrangère? Si tel est le cas, demanderiez-vous quand même
que le secteur agricole ne soit pas
soumis aux mesures de prévention telles que proposées par le ministre
dans son projet de loi
n° 59?
M. Caron (Martin) : Très bonne question.
Denis, si tu veux commencer, puis je compléterai.
M. Roy
(Denis) : Parfait. Alors,
les mutuelles de prévention, c'est vraiment quelque chose de très
intéressant. Cependant, je vais émettre une
certaine réserve, parce que, dans le jargon, on parle... il y a des mutuelles
de prévention, mais il y a d'autres
mutuelles qui sont... on les appelle des mutuelles de contestation. Alors,
elles contestent la réclamation, contestent l'affectation des montants.
Et donc il faut choisir son partenariat. Ce n'est peut-être pas chaque mutuelle...
toutes les mutuelles que je pourrais donner le même bulletin, si vous me
permettez l'expression. Ça pourrait, mais ça... Même si, en disant : Bon,
si vous êtes dans une mutuelle, on vous exempte du temps de prévention, pour
moi, ce n'est pas... on n'accepterait pas cette proposition-là, si j'ai bien
saisi votre... On revient sur : Vous avez eu un accident, on veut avoir un
plan d'action. Parce que, quand il y a un accident du travail, il y a une
communication qui se fait entre la CNESST et l'employeur. Et alors, là, ça
pourrait être à eux, ces employeurs-là... On veut avoir un plan d'action en
lien pour éviter que ce genre d'accident là se reproduise dans votre
entreprise. Ça, c'est ce qu'on préconise. Et, les programmes de prévention,
bien, à ce moment-là, oui, on le souhaite, mais on n'est pas rendus à
l'accepter, de l'imposer partout, parce que ce n'est pas réaliste dans la
formule actuellement sur la table.
M. Caron (Martin) : Si je peux
compléter très rapidement, c'est que la mutuelle, c'est un des outils qu'on a
ouverts face à nos producteurs. Et il faut être capables de segmenter aussi nos
marchés et nos clients aussi. Ça fait que, donc, c'est un produit qu'on
soutient, qu'on a offert, parce que c'est un beau produit, en même temps, mais
je pense qu'on n'est pas rendus à dire qu'on met une obligation là-dessus.
M. Derraji : J'ai compris.
M. Caron
(Martin) : Mais il faut
réaliser, par contre, que la mutuelle
nous amène à développer une expertise quand même très intéressante.
• (12 h 10) •
M. Derraji : Oui. C'est très clair.
Et malheureusement je n'ai pas beaucoup de temps et j'ai plusieurs questions.
Mais là j'essaie juste de vous suivre, parce que je lis votre rapport, vous
dites : «La portée du projet de loi est vaste. Nous nous sommes surtout
concentrés sur les nouvelles obligations de prévention qui, comme mentionné,
sont difficilement applicables à notre secteur.» Donc, vous dites,
aujourd'hui : Les mesures présentées par le ministre dans son projet de
loi sont difficilement applicables. J'ai essayé de vous ouvrir une porte pour
les mutuelles, comme mentionné, vous m'avez très bien répondu. Donc, c'est à
oublier, je vais l'enlever de ma table de dessin. Mais est-ce qu'on doit
comprendre que tout ce qui a été proposé aujourd'hui dans ce projet de loi ne
vous concerne pas par rapport à la prévention telle que présentée aujourd'hui?
M. Caron (Martin) : Bien, aujourd'hui,
dans les demandes qu'on a faites... Puis je pense que la demande que j'ai
ramenée au ministre, notre première demande, c'est de travailler au niveau des
échanges sectoriels et de travailler sur un consensus sectoriel. C'est là notre
proposition, entre autres, là, qu'on soit capables de travailler ça sectoriéral
et qu'on donne des outils à nos producteurs directement concernés dans les
champs, qui n'ont peut-être pas le temps, pas l'expertise... mais qu'on va être
capables d'aller chercher cette expertise-là avec les secteurs. Et là on a
parlé de différents secteurs, que ce soit au niveau du végétal, maraîcher, tout
ça. Il faut outiller nos gens, et on est habitués de travailler comme ça, côté
agricole, vraiment en lien avec nos affiliés, là, et ça, ça a une portée, là.
M. Derraji : O.K., excellent, c'est
très clair. Vous notez aussi un oubli majeur dans la liste des maladies professionnelles. Et comme vous aussi, je suis un
peu surpris, parce que la littérature scientifique et les méta-analyses
sont là. D'ailleurs, vos collègues du Parkinson Québec... D'ailleurs, je vous
invite à lire ce rapport, c'est un excellent rapport qui relate les faits
scientifiques, surtout une très bonne méta-analyse, donc, soit les maladies via
l'exposition des pesticides. Donc, est-ce que vous êtes déçus?
M. Caron (Martin) : Moi, je vous
dirai, quant à ce côté-là, la première des choses, on a eu une rencontre avec
Parkinson Québec et on a différentes rencontres au niveau des communications.
C'est sûr, je vous dirais, qu'on est déçus, parce que j'ai parlé à des
producteurs, des producteurs, présentement, qui sont atteints de Parkinson et
qui voient qu'est-ce qui se passe, je donne l'exemple en France, entre autres,
là, où est-ce que c'est reconnu. Et là on se dit : Bon, bien, on tombe
avec un comité scientifique. Moi, je suis bien d'accord à ce qu'on y va avec
les aspects scientifiques, mais là le temps presse là-dessus, et nos gens,
vraiment, demandent. Et, sur les communications que j'ai eues avec les
producteurs qui sont atteints de ces maladies-là présentement, ils ne sont face
à rien, là, ils n'ont pas d'aide, présentement. Ça fait que c'est un cri du
coeur qu'on a, là.
M. Derraji : Mais je tiens... Je
l'entends, et je partage votre cri de coeur avec les membres de la commission
et surtout le ministre, et je tiens à vous dire que moi aussi, je suis déçu de
ne pas voir ça dans le projet de loi. Si l'ajout des maladies liées à l'exposition
des pesticides n'est pas fait au cours de l'étude article par article... Parce qu'on va tout faire pour essayer, hein, de convaincre le
ministre et l'ensemble des membres de l'ajouter. Donc, on va tout faire, on
vous promet ça. Dans quel délai espérez-vous que ce risque... que tout admettre
soit inclus? Donc, c'est quoi, le délai raisonnable, selon vous?
M. Caron (Martin) : Bien, un délai
raisonnable, moi, c'est le plus rapidement possible. Je comprends qu'il y a peut-être des étapes, mais il reste que nos
gens, nos producteurs qui sont atteints, qui ne sont face à rien,
présentement, là, il faut être capables de les soutenir, là.
Et c'est sûr que les discussions qu'on a eues
avec différentes organisations... est là, là, est importante. Mais, d'autant plus, je rajouterais quelque chose, c'est
que, présentement, là... puis juste vous faire le constat, présentement,
on a des programmes pour la santé et bien-être des animaux. On a ça,
présentement, des programmes où est-ce que les producteurs pourraient aller
chercher du financement. Quand on parle des EPI, les protections, au niveau des
équipements de protection individuelle, bien là, on n'a pas de programme. Donc,
pour la santé et bien-être au niveau de nos producteurs, productrices, on n'a
rien. C'est pour ça qu'on disait qu'on voulait interpeller les autres
ministères aussi, entre autres le ministère de l'Agriculture, entre autres,
pour regarder ces aspects-là et donner des outils à leurs producteurs en
protection, pas juste quand il arrive une problématique, mais en protection.
M. Derraji : Vous avez raison, M.
Caron. Un autre volet que j'ai vu dans votre rapport, vous mentionnez un fonds
spécial pour les indemnisés, donc pour les personnes travaillant dans les
fermes, incluant les entreprises qui ne cotisent pas à la CNESST. Donc, est-ce
que vous proposez que ce ne soient que les entreprises agricoles, peu importe
leur taille, qui le financent?
M. Caron (Martin) : Denis, je vais
te laisser aller.
M. Roy (Denis) : Bien, je pense que
la demande... Regardez, pour l'instant, on ne s'avancera pas sur le
financement. On comprend qu'une ASP pourrait être financée en partie par des
employeurs via les mécanismes réguliers de cotisation. Mais, sur les autres
entreprises, on a des attentes par rapport au gouvernement pour le financement
de la partie complémentaire.
M. Derraji : Avez-vous un exemple
concret, un ordre de grandeur?
M. Roy (Denis) : Non, on n'est pas...
Regardez, on est ici pour ouvrir le dialogue, pour mettre un comité spécial,
pour faire reconnaître notre secteur, ses particularités, compte tenu qu'il y a
tout près de 63 % des entreprises qui
ne sont pas couvertes par la CNESST. On veut vraiment... on est heureux de vous
rencontrer pour que le dialogue se fasse
rapidement et de façon constructive pour la santé de tous les gens qui
travaillent et qui sont sur les fermes du Québec.
M. Derraji : Nous aussi, nous sommes
très heureux de vous rencontrer. Mme la Présidente, est-ce qu'il me reste
quelques minutes?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui,
c'est ça, j'allais vous dire : Il vous reste 1 min 50 s.
M.
Derraji : Excellent. Bien, je vais aller droit au but. Vous
mentionnez, dans le paragraphe 3, Les demandes de l'UPA,
qu'il y a une information erronée : «Selon l'UPA, les codes SCIAN 1111
[jusqu'à] 1153 se sont vus attribuer des niveaux de risques erronés, et ceux-ci
devraient être révisés. La majorité des entreprises agricoles — [donc]
une estimation conservatrice montre qu'il s'agit de 90 % des entreprises
agricoles — n'ont
pas de réclamations pour des lésions professionnelles.» Est-ce que vous pouvez
élaborer rapidement, s'il vous plaît?
M. Roy
(Denis) : Oui. Alors, très rapidement,
c'est que, c'est ça, la cotisation est très élevée. C'est vrai que, quand il y a
des accidents, il y a des coûts, mais il n'y en a pas beaucoup,
d'accidents. Ça fait que pourquoi mettre une étiquette élevée de risque à tout le secteur, quand il y a
moins que 10 % des entreprises? Ça fait que c'est pour ça que nous, dans
notre évaluation, on n'aurait pas dû se voir attribuer la cote de risque élevé,
compte tenu du faible nombre d'accidents.
M. Derraji : Donc, entre autres,
vous devez... une exemption et que le secteur agricole, d'y soustraire, donc
qu'on vous enlève de ce niveau de risque. Est-ce que c'est une demande claire
de votre part?
M. Roy (Denis) : Oui, on veut être
ajustés, on ne veut pas être reconnus dans le risque élevé puis avoir les mesures de risque élevé pour ces entreprises-là.
Et on veut qu'on exige des mécanismes de prévention qui soient adaptés, comme on le demande. Au lieu d'un programme
de prévention à tous les producteurs laitiers, bien, que ce sera à ceux qu'il y a des accidents qui auront des plans
d'action spécifiques à déposer pour éviter que ça se reproduise à
nouveau.
M. Derraji : Merci, messieurs. Et
notre porte, elle est grande ouverte, continuons nos échanges pour améliorer le
projet de loi, surtout pour nos agriculteurs. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour le bel échange. Nous continuons, nous poursuivons avec le
député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci de votre présentation.
J'aimerais continuer un peu sur la discussion que mon collègue a commencée avec
vous sur le niveau de risque, discussion qu'on avait aussi, un peu plus tôt ce
matin, avec le Conseil du patronat. Puis toute la logique
de la prévention est en question ici, puis je comprends que c'est des défis qui
sont importants pour votre secteur. Mais, en même temps, est-ce que la logique
de dire : On n'a pas beaucoup de cas, donc on devrait baisser la garde, en
quelques sorte, on devrait baisser l'exigence
de sécurité d'un cran ou deux, n'est pas contradictoire avec le principe même
de précaution, de prévention, qui fait probablement que vous avez
peut-être, donc, des résultats intéressants dans la plupart des établissements?
N'y a-t-il pas une certaine contradiction là?
M. Caron (Martin) : Si je peux me
permettre, je vous dirais que non, parce que, la première des choses, qu'est-ce
qu'on dit, c'est que, la prévention, on y tient puis on est là. Puis juste les
exemples qu'on vous a donnés de qu'est-ce qu'on travaille... Mais, si on applique
une mesure puis qu'on dit : Il y a une obligation, mais que les
producteurs, productrices ne l'utilisent pas, on va avoir le sentiment, tu
sais, là, de ne pas être cohérents par rapport à ça, parce que les gens ne
l'utiliseront pas. Et c'est pour ça aujourd'hui qu'on est vraiment contents d'assister
à cet échange-là pour vous dire : Ce n'est pas une façon de faire, ce
n'est pas en passant avec ces obligations-là, c'est pour trouver une autre
façon de faire pour s'assurer que nos producteurs, productrices vont
l'appliquer dans les champs.
Et je reviens encore sur les propositions qu'on
travaille sur le côté sectoriel, on va faire beaucoup plus rapidement de chemin
et beaucoup plus rapidement de chemin au niveau de la prévention, entre autres,
parce que l'idée, c'est d'arriver avant qu'il y ait des lésions ou des
accidents, entre autres, là.
M. Roy
(Denis) : Puis je
rajouterais, là, regardez, il y a quand même une disparité dans les
sous-secteurs au niveau de l'indice
des risques, et c'est de la question de : importance de la réclamation
versus la fréquence de réclamation. Donc, c'est une combinaison des deux. Et, pour nous, là, vraiment
pas... ne pas baisser la garder, on veut vraiment monter la garde sur toutes les entreprises, mais on ne veut pas
nécessairement le faire dans les mécanismes qui sont mis sur la table
actuellement.
On veut vraiment le faire avec nos fédérations
affiliées : les producteurs maraîchers du Québec, les producteurs de porc,
les producteurs de bovins, toutes les productions. On veut vraiment se faire
des plans de prévention puis on veut être supportés, là. Il y aura... Il faudra
avoir... il faut mettre les sous pour être capables de développer des produits
qui ont de l'allure puis il va falloir aussi avoir des gens qui sont des
conseillers en prévention, qui vont aller visiter les fermes pour dire :
Bon, bien regardez, là, chez vous, on fait un genre d'audit, là, puis là il
faut améliorer telle affaire, telle, affaire, telle affaire. Par exemple, on a
encore des facteurs...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, merci, M. Roy.
M. Roy (Denis) : Merci beaucoup.
M. Caron (Martin) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
c'est tout le temps que nous disposions avec M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Nous y allons maintenant... nous laissons la parole au député de Bonaventure.
• (12 h 20) •
M. Roy (Bonaventure) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Roy (Bonaventure) :
Toujours généreuse, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Roy et Caron. Écoutez,
moi, je me souviens en commission parlementaire où le ministre de l'Agriculture
nous avait dit, puis je l'avais interpellé là-dessus, qu'il allait intervenir
auprès de son collègue le ministre du Travail pour faire valoir les enjeux liés
à l'utilisation des pesticides. On pourrait même vous sortir l'extrait vidéo et
audio. Et là ce qu'on peut voir, c'est que la maladie de Parkinson n'est pas
dans la liste.
Je reviens sur cet enjeu-là. J'ai siégé sur la
commission des pesticides. Pourtant, en Suède et en France, on reconnaît la
maladie. Donc, la littérature scientifique là-bas est claire, il y a un lien.
Pourtant, ici, oups! on n'est pas encore capables d'arriver à voir des liens puis
à soutenir les agriculteurs, qu'on a rencontrés lors des auditions, et surtout
aussi des agronomes. Donc, ça touche pas mal de monde. Est-ce que... Bon, c'est
sûr que, là, c'est un constat, donc, il faut poursuivre le combat. Je pense que
les gens de l'opposition, avec moi, là, sont d'accord.
Donc, on a parlé de ça, je vais aller sur un
autre enjeu. On veut sortir la direction de la santé publique de la prévention
dans le domaine... bon, dans le monde du travail, actuellement, et on veut
permettre aux entreprises d'engager des médecins privés qui peuvent... Bon, est-ce
que... Là, j'essaie de faire le lien avec le domaine agricole, mais ça voudrait
dire aussi, si on va dans ce... vers ces orientations-là, ça voudrait dire que
les entreprises qui voudraient... Je sais que vous élaborez des plans de
prévention. Est-ce que ça voudrait dire aussi que ça serait des coûts
supplémentaires pour les agriculteurs qui voudraient faire affaire avec un
médecin? On parle des grandes entreprises agricoles, peut-être des porcheries. Est-ce
que vous êtes pour ou contre cette exclusion de la direction de la santé
publique dans la planification de la santé et de la sécurité des travailleurs
au Québec?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
reste 50 secondes.
M. Caron (Martin) :
Bon, bien, regardez, bien, merci de la question. Denis, je vais te laisser y
aller parce qu'il reste 50 secondes.
M. Roy (Denis) : Oui. Alors,
regardez, on a toujours un penchant pour la Santé publique, ils font un
excellent travail. Cependant, je veux peut-être nuancer les dernières
recommandations qu'ils ont faites qui touchent la COVID-19 pour les travailleurs étrangers temporaires. C'est
complètement inapplicable. On leur a passé le message, donc, mais ça
nous fait toujours plaisir, on a élaboré des beaux partenariats avec la santé
au travail, la Santé publique et on n'est pas rendus à les sortir du dossier.
M. Roy (Bonaventure) : Vous
avez passé le message. Merci.
M. Caron (Martin) : Oui. Et l'INSPQ
fait partie de notre table qu'on a présentement, qu'on a mise en place sur la
santé et sécurité, là.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
bien, c'est tout. C'est tout le temps que l'on disposait. Je vous remercie
beaucoup, M. Caron, M. Roy, pour votre contribution à la présente
commission.
Compte tenu de l'heure, la commission suspend
ses travaux jusqu'à 14 heures. Alors, encore une fois, merci,
M. Caron, merci, M. Roy.
(Suspension de la séance à 12 h 23)
(Reprise à 14 heures)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bienvenue. Bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. La commission
est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et
les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi
modifiant... ou modernisant, plutôt, le régime de santé et de sécurité au
travail.
Cet
après-midi, nous entendrons cinq groupes : d'abord, l'Union étudiante du
Québec, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail,
Parkinson Québec, l'Alliance du personnel professionnel et technique de la
santé et des services sociaux et Mme Rachel Cox.
Alors, nous commençons, nous débutons en
souhaitant la bienvenue aux représentants de l'Union étudiante du Québec.
Bonjour. Je vous souligne que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, et après nous pourrons commencer les échanges virtuels. Pour commencer,
je vous invite d'abord à vous présenter, chacun et chacune, et ensuite vous
pourrez tout de suite débuter votre exposé.
Union étudiante du Québec (UEQ)
Mme Marcil (Jade) : Merci beaucoup. Donc, bonjour à toutes et à tous.
Je suis Jade Marcil, présidente de l'Union étudiante du Québec pour le
mandat 2020‑2021. Je vais laisser mon collègue se présenter.
M. Blaney
(William) : Bonjour. Je
m'appelle William Blaney. Je suis coordonnateur aux affaires
sociopolitiques à l'Union étudiante du Québec.
Mme Marcil
(Jade) : Donc, d'abord, nous sommes vraiment très heureux
et heureuse d'être présents aujourd'hui devant vous pour vous présenter
l'objet de notre mémoire remis dans le cadre de l'étude du projet de loi
n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au
travail. D'abord, nous allons présenter la mission de l'UEQ et ensuite
nous allons aborder quelques aspects de cette réforme qui nous sont très
importants.
Donc, l'Union étudiante du Québec représente
91 000 universitaires à travers la province. L'UEQ travaille à
améliorer la condition étudiante sous toutes ses formes, et ce, depuis 2016.
Nous travaillons en étroite collaboration avec
des associations étudiantes membres et les associations étudiantes non membres
afin de développer des recherches sur la condition étudiante qui peuvent
porter tant sur le soutien académique et les services offerts dans les milieux
universitaires que sur l'amélioration de la condition étudiante plus largement,
comme les conditions financières, les conditions de logement ou même les
conditions de travail en milieu de stage, et ce, depuis notre création.
Aujourd'hui, nous sommes présent et présente
pour parler, justement, des conditions d'encadrement légal des stagiaires en milieu de travail qui sont non
rémunérés, puisque les stagiaires qui sont rémunérés par leur milieu de
stage font déjà partie intégrante de la
catégorie des travailleurs dans les
différentes lois qui régissent les conditions de travail.
Donc, il existe plusieurs problématiques quant à
l'encadrement des stagiaires qui sont non rémunérés. Afin d'y remédier, l'Union
étudiante du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec a mis en
place une campagne, à l'hiver 2019, qui visait justement l'amélioration
des conditions de stage. Dans cette campagne, il y a eu création de trois
chantiers afin d'améliorer les conditions des stagiaires. Le premier, sur
l'amélioration des conditions financières
des stagiaires, a mené à la création du programme de bourses à la persévérance
et à la réussite des stagiaires, qui
compense financièrement certains stages du milieu de l'éducation, de la santé
et des services sociaux. Le deuxième chantier
correspondait à l'amélioration de l'encadrement académique des stagiaires. Et,
en automne 2020, tout récemment, le ministère de l'Enseignement
supérieur a dévoilé un guide d'accompagnement aux établissements d'enseignement
pour développer des conventions de stage qui
permettraient de déterminer les critères de réussite et de déroulement d'un
stage. Enfin, le dernier chantier a été relayé au ministre Jean Boulet
puisqu'il s'agissait de l'encadrement légal du statut du stagiaire.
Le présent projet de loi présenté par le ministre
permettra donc de combler une partie des demandes relatives à l'encadrement légal des stagiaires d'observation
dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles et dans la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Donc,
tout d'abord, nous allons nous attarder aux modifications proposées à la Loi
sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
La modification proposée par la note de
rédaction n° 4, bien qu'en apparence, peut-être,
mineure, est d'une importance capitale pour l'UEQ. Par l'ajout, à l'article 10,
des mots «d'observation et de travail», on permet aux stagiaires qui sont
présents dans les milieux de travail mais à titre, tout simplement,
d'observateurs d'être aussi protégés en cas
d'accident ou de maladie liés au milieu de travail. Cela reconnaît qu'en étant
dans le milieu de travail, même à titre d'observateur, pour la majeure
partie du temps, la personne stagiaire est sujette à des accidents, simplement
par sa présence.
Les stagiaires d'observation, malgré le nom qui leur
est accordé, participent parfois, aussi, activement aux tâches et au travail,
soit par un soutien à leur maître de stage ou la manipulation de matériel dans
le milieu de stage. Donc, un stage d'observation permet donc de faire des
tâches actives et pourrait mettre à risque, aussi, une personne stagiaire.
Donc, cette modification viendrait permettre de protéger équitablement tous les
stagiaires, peu importe le type de stage, par le paiement d'une cotisation par
l'établissement. Présentement, les établissements déboursent une cotisation
pour protéger les stagiaires qui sont non rémunérés et qui font un stage de
travail, mais il n'est même pas permis de payer une cotisation pour protéger un
stagiaire en observation. Donc, nous sommes vraiment très heureux de voir cette
modification s'inclure dans le projet de loi
Je vais maintenant passer la parole à mon
collègue pour aborder les modifications sur la loi sur la santé et la sécurité
qui concernent les stagiaires.
M. Blaney
(William) : Merci, Jade. Donc, pour ce
qui est de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, on va parler, ici, beaucoup
plus de précision, puisque les stagiaires, là, les personnes stagiaires étaient
déjà protégées par la loi, mais, dans le projet de loi, on vient le préciser et
l'écrire plus clairement.
Donc, tout d'abord, on l'écrit plus clairement
lorsqu'on définit les travailleurs et les travailleuses au début du projet de
loi. Puis, encore une fois, là, plus loin, là, dans le projet de loi, lorsqu'on
définit spécifiquement les travailleurs et les travailleuses du milieu de la
construction, on vient, encore une fois, préciser que les stagiaires sont
protégés. Donc, même si c'est uniquement une précision, on trouvait ça très
important de mentionner, aujourd'hui, l'importance de cette précision-là pour
venir sécuriser les stagiaires dans les milieux de stage. Donc, on croit que
c'est très, très, très important de venir préciser ici aujourd'hui.
Et également, dans une optique de protéger les
étudiants et les étudiantes qui sont en milieu de stage, on est également en
faveur d'une loi sur la santé et la sécurité au travail ainsi que d'une loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles qui soient les plus
compréhensives possible, les plus englobantes des conditions des travailleurs
et des travailleuses pour s'assurer, là, que les stagiaires qui sont en milieu
de travail soient protégés puis évoluent dans un environnement sécuritaire.
Évidemment, on croit que... Lors de la
commission, là, vous allez recevoir plusieurs autres organisations avec lesquelles on collabore, notamment les
organisations syndicales, qui vont justement vous parler peut-être plus
des lacunes, des choses à améliorer dans ces
lois-là. Donc, on souhaitait juste mentionner également, aujourd'hui, là,
qu'on était en faveur d'une loi qui soit englobante et qui protège autant les
travailleurs et les travailleuses que les stagiaires.
Je vais laisser, là, maintenant, Jade continuer,
là, pour parler peut-être aussi d'un point qu'on a oublié, là, dans la
protection des stagiaires à ce niveau-là.
• (14 h 10) •
Mme Marcil (Jade) : Merci, William. Oui, donc, en fait, je veux
également profiter de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous
sensibiliser à d'autres flous légaux qui sont présents pour les stagiaires au
Québec et qui peuvent avoir un effet important sur leurs conditions de
réussite.
Donc, les modifications présentées par ce projet
de loi nous rappellent que les stagiaires non rémunérés sont à risque dans
certains milieux d'emploi et qu'il est important d'encadrer leurs conditions de
travail, ce qui est fait par les deux modifications qui sont présentées. Mais
présentement, par l'absence de la reconnaissance de leur statut dans d'autres
lois, comme la Loi sur les normes du travail, les stagiaires qui sont sujets à
vivre des abus dans leur milieu de stage et avec des situations pouvant mettre
à risque leur réussite, puisqu'ils ne sont pas rémunérés... n'est donc toujours
pas considéré comme un travailleur à part entière. Bref, la personne stagiaire
n'est présentement pas sujette à la Loi sur les normes du travail.
Lorsqu'on parle des normes auxquelles ils ne
sont pas admissibles, par exemple, on peut simplement penser à l'assurance
d'obtenir des congés fériés, mais on peut aussi penser à l'assurance d'obtenir
une reconnaissance d'un congé maladie ou d'un congé pour des raisons de décès
ou don d'organes. On peut également penser aux congés prolongés. Bien que ces situations
durant lesquelles les stagiaires usent de congés prolongés ne sont pas la
norme, ne sont pas très nombreuses, il est important de ne pas pénaliser la
réussite d'une personne stagiaire, par exemple, parce qu'elle serait enceinte
lors de son stage et qu'elle devrait prendre un congé plus prolongé, alors qu'il
s'agit là de droits fondamentaux pour les travailleurs et les travailleuses au
Québec.
Ainsi, il faut adapter nos règles à la réalité
des stagiaires, une réglementation législative pour encadrer ces pratiques, et
obliger les milieux de stage et les établissements d'enseignement à respecter
les droits fondamentaux que les stagiaires possèdent
aussi lorsqu'ils agissent à titre de travailleurs dans un stage. Cette
préoccupation a été présentée à plusieurs reprises au ministre Jean Boulet, qui
se dit vraiment sensible aux réalités des stagiaires, et nous croyons qu'il est
encore essentiel que ces modifications voient le jour au plus vite.
Donc, merci beaucoup de nous avoir écoutés. Ce
fut un plaisir de participer à cette consultation. On est très heureux et
heureuse d'avoir pu défendre les droits des stagiaires devant vous aujourd'hui.
Votre écoute est essentielle pour nous permettre de porter la voix des
stagiaires au Québec.
Bref, le projet de loi vient retirer des
iniquités qui existaient déjà, vient créer des précisions qui étaient
nécessaires à la reconnaissance des stagiaires, et ça peut avoir un apport
vraiment important pour la communauté étudiante. Enfin, il est essentiel de
préciser que ces ajouts permettraient aux stagiaires d'avoir accès à des
protections et à des droits qui ne doivent, en aucun cas, être réduits par
d'autres modifications qui pourraient éventuellement être apportées aux lois
sur le travail.
Donc, nous sommes vraiment disponibles pour prendre des questions lors de la présente
présentation, mais aussi vous pouvez
contacter l'UEQ à tout moment pour des précisions ou des compléments
d'information. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
pour votre exposé très intéressant. Nous allons donc commencer la période
d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais saluer Jade et William, que j'ai
eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises, et, deux, vous féliciter non
seulement pour votre engagement pour la cause étudiante au Québec, mais pour
votre volonté de préparer un mémoire et de venir le présenter en commission parlementaire. C'est une première pour vous deux,
je sais que ça doit occasionner un certain stress, ça l'est pour nous
tous, mais vous avez vraiment bien fait ça, tous les deux, là, Jade et William.
C'est important, d'ailleurs, vous connaissez ma
préoccupation pour assurer... là, ici, on parle de santé, sécurité des stagiaires, on parlera... je vais y
aller en... tu sais, parce que vous avez fait comme un pitch en deux
volets, là, parce que vous n'avez pas
abandonné l'idée de conférer un statut légal complet aux stagiaires. Mais
simplement vous rappeler que le
ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a évalué qu'il y avait
195 000 personnes — 66 000 hommes,
128 000 femmes — qui
ont été inscrites à un stage, en 2017-2018, puis là je réfère aux trois
réseaux : la formation professionnelle,
le réseau collégial, technique, là, surtout, et universitaire. Puis là-dedans
il y avait notamment les stagiaires d'observation,
Jade, tu l'as bien décrit, il y en a 10 388. Ça fait que je pense que, tu
sais, que... Puis, en 2019, là, la CNESST a couvert quand même un certain nombre de stagiaires, mais ça n'a jamais
été clair. Puis c'était clair que les stagiaires d'observation n'étaient pas visés, notamment, par la Loi sur les
accidents de travail et maladies professionnelles.
J'aimerais, Jade, t'entendre. Tu me dis,
notamment, puis je pense c'est pour le bénéfice de nous tous... Est-ce que tu
peux nous donner une couple d'exemples quand tu dis : Les stagiaires
d'observation, ils participent aux tâches et au travail? Partage donc avec nous
l'expérience ou des cas pratiques de ça.
Mme Marcil (Jade) : Oui. Donc, merci, M. Boulet. Effectivement,
par mon expérience personnelle, je peux en parler. J'ai fait un baccalauréat en
enseignement au secondaire, puis c'est un baccalauréat qui contient quatre
stages obligatoires, dont le premier qui est un stage d'observation durant
lequel l'étudiant ou l'étudiante stagiaire observe le professeur en classe mais
est aussi sujet, parfois, selon ce que va en penser son enseignant superviseur,
à présenter quelques périodes d'enseignement, et donc se tient dans le milieu
de travail, là, durant toute la période du stage, et peut aussi participer à
des tâches actives de cette manière-là.
On peut penser aussi, là, à tout autre milieu de
stage où, pour essayer une manipulation, un stagiaire utiliserait un certain
type de machinerie ou même participerait, là, en laboratoire, ou quoi que ce
soit. Donc, c'est vraiment, là, selon la curiosité du stagiaire. Parfois, il
peut avoir accès à plus de tâches, parfois moins, mais ça va aussi avec la
latitude que peut donner le milieu de stage et la personne qui est superviseure
dans le milieu de stage. Donc, ce n'est vraiment pas parce qu'une
personne était en statut d'observation qu'elle n'a aucune chance de faire des
tâches actives. C'est pour ça que c'était vraiment très essentiel, là,
justement, de le préciser comme il a été précisé dans notre mémoire.
M. Boulet : Puis, en faisant des
tâches actives, Jade, tu es toujours exposée à un événement imprévu et soudain
qui survient par le fait de ton stage ou à l'occasion de ton stage... et
provoquer une absence qui requiert une réclamation à la CNESST pour être
compensée.
Jade... En fait, William, maintenant. William,
tu parlais de santé et sécurité du travail. J'aimerais ça que tu nous parles un
peu plus de... Tu sais, il y a énormément de jeunes dans le secteur de la
restauration puis de l'hébergement, puis ça, c'était, dans le régime actuel,
dans le groupe prioritaire n° 5, assujetti à aucun mécanisme de prévention
et de participation des travailleurs. Il y a un nombre prépondérant de femmes
mais aussi de jeunes qui sont affectés par la pandémie, il y a beaucoup de
chômage.
Comment... J'aimerais ça que tu me donnes aussi
la compréhension. Tu sais, tu disais : Il faut que ce soit compréhensif,
là, dans le sens de global. En quoi ça va protéger d'avoir plus de prévention
puis de participation des travailleurs? Là, dans le secteur restauration puis
hébergement, ça va généralement dans le risque moyen ou le risque faible, et, dépendamment du nombre de
travailleurs, il va y avoir un impact. Quelle est l'analyse que tu fais de ça,
William?
M. Blaney (William) : Bien,
c'est certain que la clé, c'est évidemment, justement, la prévention. Puis plus
on est en mesure de prévenir puis d'encadrer, que ce soit, là... Parce que vous
semblez aussi parler, évidemment, là, de travailleurs,
d'emplois étudiants ou de stagiaires. Si on est en mesure d'encadrer le plus
possible leur expérience en milieu de travail, bien, c'est certain qu'on va
prévenir, là, les accidents de travail, ce qui est ce qu'on veut, idéalement.
Donc, évidemment, la prévention doit être à la base, puis d'encadrer ces
personnes-là dès qu'elles entrent dans le milieu de travail, de leur expliquer
un peu comment ça fonctionne pour éviter des conséquences plus graves, là,
évidemment, c'est une excellente idée, en effet.
M. Boulet : Jade, tu en
profites pour parler d'un autre sujet qui a fait l'objet de certaines de nos
rencontres, la reconnaissance du statut, notamment, des stagiaires
d'observation. Dans la Loi sur les normes du travail, tu réfères à des abus
potentiels, probablement que tu penses au harcèlement psychologique ou de
nature sexuelle. Est-ce que tu peux nous parler de cas puis de l'importance de
la protection de ces stagiaires-là en vertu des lois du travail du Québec,
comme tu les appelles?
Mme Marcil (Jade) : Oui, merci, M. Boulet. Effectivement,
juste par le statut de stagiaire, une personne peut être plus sujette à des
abus de la part de soit la personne superviseure, là, dans son milieu de stage,
ou d'autres superviseurs plus élevés, là, dans le milieu de stage, puisque
l'étudiant qui est en milieu de stage joue sa réussite et donc serait beaucoup
plus sujet à laisser passer certains comportements ou à ne pas dénoncer
certains comportements dans le but de pouvoir réussir son stage, malgré qu'il
puisse s'agir d'abus.
On peut penser simplement à demander à une
personne stagiaire, toujours, d'arriver beaucoup plus tôt, c'est quelque chose
plus en lien avec l'horaire, mais d'arriver beaucoup plus tôt pour faire des
tâches qui ne sont pas nécessairement en lien avec l'apprentissage, mais
d'utiliser la personne stagiaire pour un soutien administratif, alors que le
stage n'est pas... ne vise pas du tout ces objectifs-là. On peut penser aussi à
demander à des personnes stagiaires de rentrer, alors que c'est des journées
fériées, pour effectuer des tâches parce que, de toute façon, rien n'encadre
réellement les obligations qu'ont les milieux de travail envers ces
stagiaires-là.
Donc, c'est des exemples qui sont très de base,
sur les horaires, mais, quand on parle, par exemple, de harcèlement, être une personne stagiaire dans un milieu de stage qui a
été difficile à acquérir... Parce
que, dans certains milieux, il
y a beaucoup de compétitivité pour obtenir un milieu de stage qui va offrir
soit une bonne référence, ou même qui va pouvoir mener à d'autres nouvelles
expériences de stage, ou même à un emploi, par la suite, dans le même milieu.
Donc, lorsqu'il y a beaucoup de compétitivité entre les stagiaires, lorsqu'il y
a des abus dans ce milieu de stage là, la personne stagiaire serait beaucoup
moins encline à le dénoncer de peur de perdre sa position privilégiée ou même,
là, d'être barrée de certains autres milieux de stage, si on veut.
Donc, la personne stagiaire est déjà plus
précaire juste par son statut d'étudiant qui joue sa réussite mais aussi son
avenir professionnel, et donc d'encadrer leur statut permettrait vraiment de
limiter des abus qui existent déjà et qui sont malheureusement présents dans
notre milieu.
• (14 h 20) •
M. Boulet : Merci. Par ailleurs,
j'aimerais que tu nous dises quelques mots sur ce qu'on a amorcé ensemble, là,
le chantier de consultation avec les corporations professionnelles. Puis, pour
le bénéfice de tout le monde, bien sûr, on est intéressés à conférer exactement
le même statut, les mêmes droits, les mêmes obligations, bien sûr, aux
stagiaires que les autres travailleurs dans le même environnement. En même
temps, on ne veut pas mettre en péril leur possibilité de diplomation, parce
qu'il y a des stagiaires, par ailleurs, à l'égard desquels les corporations
professionnelles exigent une présence assidue pour permettre une évaluation
complète de la personne. Il faut qu'elle fasse tant d'heures, il faut qu'elle
fasse tant de jours. Ça fait que le stagiaire qui est absent risque d'avoir une
problématique, là, au niveau de son accessibilité au diplôme.
Bon, les consultations sont terminées, le
travail n'est pas terminé. Jade et William, on va s'en reparler. D'ailleurs, c'est
un chantier qui est parallèle. Mais, Jade, je veux quand même t'entendre, parce
qu'on n'a pas l'opportunité souvent de se rencontrer, donc, sur ton
appréciation ou tes constats de ces consultations-là.
Mme Marcil
(Jade) : Oui, parfait. Donc, pour les informations pour tous, donc, au cours de l'automne dernier, le ministère du
Travail a mis en place des consultations avec tous les acteurs et actrices du
milieu de l'enseignement supérieur qui interviennent dans la gestion d'un
stage. Donc ont été consultés les ordres professionnels, mais aussi les établissements.
Lors de ces consultations, c'était vraiment pour mesurer la possibilité de
mettre en place une législation pour les stagiaires pour réguler, justement,
leur statut.
Lors de ces consultations, on a bien vu qu'il y
avait un travail important d'arrimage entre certains milieux qui devrait être
effectué soit envers les attentes qu'ont un ordre professionnel pour un stage,
certains délais durant lesquels les stagiaires doivent absolument compléter les
heures, et aussi de quelle manière est-ce qu'il était possible d'arrimer le
travail académique du côté des établissements, puisque les établissements ont
des sessions académiques, les stages doivent se faire sur une durée x aussi.
Donc, malgré
ces difficultés d'arrimage, qui seront effectivement nécessaires à la mise en
place de protections plus globales pour les stagiaires, on croit que,
peut-être, la mise en place, quand même, d'une réglementation qui permettrait une protection minimale pourrait
permettre, justement, là, l'amélioration des politiques soit
institutionnelles ou des ordres professionnels dans le temps afin d'assurer un
arrimage de ces pratiques-là. Ça a été des rencontres qui ont été extrêmement
instructives afin de comprendre vraiment bien, là, les réglementations des
différents ordres et le fonctionnement des établissements.
On a aussi remarqué que plusieurs établissements
étaient très autonomes mais donnaient quand même des accommodements. Par
contre, chaque établissement donne des accommodements différents. Et donc une
personne stagiaire, d'un établissement à un autre, ne
pourra peut-être pas avoir accès aux mêmes accommodements, et ça, c'est une
problématique qu'une législation pourrait, par exemple, là, uniformiser à
travers les établissements.
Donc, je crois qu'on est toujours dans la
problématique de l'arrimage dans ce qui existait avant pour s'assurer que tout
le monde ait les bonnes protections. Puis ça va nous faire extrêmement plaisir
de continuer à travailler sur ce projet-là parce qu'on pense encore que c'est
nécessaire, là. Le plus tôt possible sera le mieux, disons.
M. Boulet : Écoutez, juste un mot
pour terminer. Encore une fois, merci beaucoup, Jade et William, pour votre
contribution. Puis je pense que mes collègues du parti gouvernemental et des
partis d'opposition vont se réjouir que, pour une première fois dans notre régime
de santé et sécurité du travail, on aille dans la direction d'une égale
protection à l'égard des accidents de travail, maladies professionnelles pour
tous les stagiaires, notamment les stagiaires qui font de l'observation. Merci
beaucoup à vous deux, puis au plaisir de vous revoir bientôt. Bye-bye.
Une voix : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec le
député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes. Député de Nelligan.
M. Derraji : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous deux pour le rapport et la qualité des informations.
Moi, je ne vois pas, en face de moi, des personnes qui sont à leur première
consultation. Je tiens à seconder le ministre, vous avez bien fait ça. Bravo
pour votre présence. La coordination entre... dans ce nouveau mode virtuel, on
essaie tous de s'adapter, donc d'intervenir les deux.
Il y a quelque chose qui m'a interpellé par
rapport à... je ne sais pas comment qualifier ça, mais une pression pour
réussir son stage — je
pense, Jade, vous avez mentionné ça — et que, parfois, les gens
acceptent certaines choses, je pense, au niveau des stagiaires. J'imagine que
votre organisation a un son de cloche. Avez-vous des statistiques à nous
partager ou bien des secteurs d'activités? Parce qu'aujourd'hui, dans ce projet
de loi, le ministre ramenait des éléments de prévention, donc on veut
travailler plus sur la prévention avec un niveau de risque.
Mais, à la question du ministre, tout à l'heure,
vous avez mentionné que, pour certains stagiaires, il y a la pression de réussir son stage, et ça, nous sommes
tous d'accord, parfois, c'est des choses que vous voyez. Mais avez-vous
des statistiques à nous partager? Avez-vous des drapeaux rouges à nous partager
par rapport à des secteurs d'activités où
vous pensez qu'il faut faire attention, il faut être plus vigilants pour que,
justement... qu'une société comme la nôtre, québécoise, que des
agissements pareils ne seront plus tolérés?
Mme Marcil (Jade) : Merci beaucoup pour la question. Il est en ce
moment très difficile d'établir exactement dans quel domaine est-ce que ça a
été le plus problématique. L'Union étudiante du Québec travaille présentement
avec la chaire de recherche pour combattre les violences à caractère sexuel à
l'UQAM, par exemple, dans un projet de recherche sur les violences à caractère
sexuel dans les milieux de stage, afin de déterminer, justement, s'il y a des
milieux qui sont plus problématiques que d'autres.
Par contre, on peut penser que les milieux dans
lesquels les étudiants stagiaires doivent eux-mêmes aller à la recherche de
leur milieu de stage, évidemment, ça crée plus de compétition. Donc, dans
certains établissements scolaires, les étudiants doivent aller chercher
eux-mêmes leurs milieux, alors que d'autres... centres de services scolaires,
pardon, les étudiants sont placés automatiquement. Donc, ça va vraiment
dépendre, là, de la compétitivité à aller chercher un stage.
On pourrait croire que, par exemple, dans des
domaines comme le droit, où on joue beaucoup plus sur l'avenir professionnel
lorsqu'on veut avoir une bonne référence d'un maître de stage, il pourrait y
avoir ce genre de comportement. Par contre, on n'est pas capables de le
dénoncer en ce moment, et c'est pourquoi, là, c'est important pour nous de
commencer le travail sur les violences à caractère sexuel dans les milieux de
stage avec la chaire de recherche. Et c'est sûr que c'est le genre de donnée
qui nous intéresse extrêmement pour bien prévenir.
M. Derraji : Oui. Mais déjà, votre
point de départ, votre hypothèse pour vérifier ça avec la chaire de recherche,
c'est que ce que vous soulevez, quand on est à la recherche de ce stage, il y a
comme une mainmise sur le stagiaire, vu les conditions de la recherche de son
stage et, de facto, il y a ces milieux problématiques qui exercent une pression
sur ces stagiaires. Et donc, si j'ai bien compris votre hypothèse, c'est que
vous nous dites, aujourd'hui, aux législateurs, de faire attention à certains
secteurs pour que, justement...
Oui, c'est très bien de protéger et d'inclure
les étudiants stagiaires non rémunérés dans le projet de loi, mais est-ce que
vous nous suggérez, aujourd'hui, d'avoir un autre regard d'une manière
préventive pour ces secteurs où nous sommes
convaincus, aujourd'hui... je vais enlever «convaincus», où nous avons
des doutes? La preuve, vous avez lancé,
avec une chaire de recherche, une recherche, justement, qui va soit
confirmer ou annuler l'hypothèse du départ.
Mais faisons
un raisonnement par récurrence. Du moment que vous soulevez cette hypothèse,
est-ce qu'aujourd'hui, avec votre
présence au sein de cette commission, vous nous dites : Écoutez, il y a
des milieux de stage où ce n'est pas la même chose que dans d'autres milieux,
où parfois l'étudiant stagiaire risque de subir une pression supplémentaire?
Mme Marcil
(Jade) : Oui. Merci. Donc, effectivement, selon la nature
du travail, il y a plusieurs milieux dans lesquels la personne stagiaire est presque automatiquement rémunérée. On
peut penser au domaine de l'administration, où les
stagiaires sont en majorité rémunérés. Mais c'est vraiment dans la
problématique où les stagiaires ne le sont pas. C'est majoritairement des
stages qui sont en milieu communautaire public.
Mais c'est ça, le volet de compétitivité vers la
quête d'un stage et de la bonne référence. Ça, ça pourrait vraiment mettre en
doute, là, mettre en jeu, en fait, la sécurité de la personne stagiaire qui,
dans le but d'obtenir une bonne référence, une réussite... ou même de ne pas
devoir prolonger son parcours, parce que, souvent, l'enjeu de la diplomation est
aussi important, là. On ne peut pas se retirer d'un milieu de stage puisqu'il
va falloir reprendre le stage au complet dans un milieu différent. Parfois, ça
va retarder la diplomation de près d'un an, selon les différentes institutions
d'enseignement, là, ou le programme dans lequel on est inscrit. Donc, ça peut
avoir des conséquences importantes qui empêcheraient un peu... qui mettraient
des bâtons dans les roues, en fait, de la personne stagiaire qui voudrait
dénoncer un comportement inacceptable.
Donc, c'est sûr qu'en régularisant un peu le
statut des stagiaires par les deux lois qui sont modifiées par le projet de loi
mais aussi par les normes du travail on pourrait assurer une protection
minimale, au moins, des abus qui pourraient être faits aux stagiaires et donc
soutenir, là, les personnes stagiaires dans leurs problématiques.
• (14 h 30) •
M. Derraji : Oui. Jade, merci
beaucoup. Je pense que vous avez mis le doigt sur une réelle problématique et,
j'en suis sûr et certain... et je vois mes collègues des autres formations
bouger la tête, et je pense qu'on va avoir pas mal d'échanges avec M. le
ministre par rapport à ça parce que... Surtout, si on veut régler cette
problématique, ça nous prend, en fait, de l'audace.
Je vais profiter de l'occasion que j'ai, en face
de moi, des jeunes. Écoutez, on parle d'une modernisation d'un régime où il y a
beaucoup d'intervenants. J'en suis sûr et certain que vous avez suivi un peu
l'actualité, que ce soit patronal, ou syndical, ou communautaire, tout le monde
a des préoccupations, et c'est normal. Ça fait longtemps qu'on n'a pas touché à
ces deux lois.
Là, maintenant, j'ai en face de moi deux jeunes,
O.K. La question, elle est très, très importante pour les jeunes. Comment vous,
vous voyez l'avenir de gérer... de la situation de l'emploi chez les jeunes?
Pensons, par exemple, le «gig work», qui est au fait que les nouvelles
générations ne restent pas chez un même employeur cinq ou 12 ans. Donc là,
maintenant, c'est fini, tu rentres chez l'employeur, tu termines ta vie chez le
même employeur, mais probablement une série d'expériences du travail,
d'expositions aux risques, et autres. C'est quoi, votre lecture, à la lumière
de ce nouveau projet de loi?
M. Blaney (William) : C'est certain
que le milieu du travail change beaucoup puis évidemment que les lois du
travail doivent faire de même, donc évidemment que les lois doivent être
compréhensives de ces milieux-là qui changent, de ces jeunes-là qui travaillent
quelque temps dans un endroit puis changent, donc les encadrer dès que ces
personnes-là arrivent dans le milieu de travail. Et aussi prendre en compte,
évidemment, les nouvelles réalités du travail, donc tout ce qui est par rapport
au télétravail, par exemple, qui est quelque chose de nouveau, donc, qui existait déjà, mais dans lequel on a été propulsés
durant la pandémie. Donc, prendre en compte aussi toutes ces nouvelles
réalités là, évidemment, du travail pour s'assurer que, lorsque les jeunes
comme nous entrons sur le marché du travail, bien, les lois du travail soient
compréhensives puis nous permettent de bien être protégés, malgré le fait que
le travail qu'on occupe ne ressemble peut-être pas nécessairement à ceux que
des gens ont déjà occupés par le passé.
M. Derraji : Merci à vous deux. Là, maintenant,
je vais passer la parole à un autre jeune qui croit beaucoup à l'avenir du
travail des jeunes, c'est mon cher collègue Carlos, qui va sûrement, sûrement
avoir d'autres questions très pertinentes par rapport à l'avenir des jeunes. La
parole est à toi, Carlos.
M. Leitão : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste deux minutes, M. le député.
M. Leitão : Alors, il faut que je
fasse vite. Écoutez, on pourrait discuter longuement, mais, puisqu'il me reste
deux minutes seulement, ma question se limite vraiment à l'encadrement des
stages, maintenant, dans les règles de la sécurité et de la santé au travail, les
enjeux que vous avez soulevés et qui sont très importants.
Moi, la question que j'ai : Est-ce que...
Le premier intervenant dans cette problématique, est-ce qu'il devrait être le
ministère du Travail, donc la CNESST, ou ce serait plutôt la responsabilité des
institutions d'enseignement, des universités, par exemple? Quand il y a un
problème entre un stagiaire et son superviseur ou l'employeur, quel devrait
être, disons, le premier répondant, si je peux utiliser un tel terme? Est-ce
que c'est vraiment le ministère du Travail ou est-ce que ce serait plutôt
l'université de s'occuper de régler cette question?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous
avez 55 secondes pour répondre.
Mme Marcil (Jade) : Oui. Bien, merci pour la
question. Il est important, là, de déterminer que, dans les universités, elles
sont chacune indépendantes et donc peuvent agir indépendamment, là, sur la
gestion d'une problématique d'un stage. Et donc, là, on croit que... d'une réforme
un petit peu plus globale entourant les stagiaires partout au Québec de la même
manière viendrait régler, justement, dans le cas où il y a certaines lacunes
dans certains milieux. Il est essentiel de dire aussi que les stagiaires sont
parfois protégés dans le milieu de stage par les politiques institutionnelles
des établissements. On peut penser, par exemple, à la politique pour prévenir
les violences à caractère sexuel en milieu d'enseignement
supérieur. Par contre, il y a encore des flous par rapport à l'application de
cette politique-là. C'est plus optionnel, quasiment, qu'obligatoire. Donc,
c'est pour ça, nous, qu'on va vraiment plus vers un ensemble. On viendrait,
justement, diminuer toutes les disparités de traitement qui existent.
M. Leitão :
Très bien. Bravo! Merci. Je pense que ça complète, non, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Oui, oui, oui.
M. Leitão :
Il n'y a pas un deux minutes magique quelque part d'autre, non?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Deux minutes, c'est un peu long. Essayez de transmettre
votre question à votre collègue. Alors, merci pour le bel échange. Nous
poursuivons avec le porte-parole d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez
2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Blaney, Mme Marcil. D'abord, c'est
toujours agréable de rencontrer des camarades du mouvement étudiant. C'est là
que j'ai fait mes premières implications politiques. Puis je veux vous
féliciter, parce que, dans le mouvement étudiant, on a toujours eu, évidemment,
la défense des droits des étudiants d'un point de vue des bourses, d'un point
de vue des frais de scolarité, c'est le pain et le beurre de ce mouvement-là,
mais je trouve que le mouvement a beaucoup innové, dans les dernières années, avec
cette campagne sur le stage, puis j'aurais aimé ça avoir cette bonne idée-là
quand j'étais moi-même dans ce milieu-là.
Tout ça pour vous
dire que je pense que beaucoup de choses ont été dites sur le fond. Maintenant,
peut-être sur la forme, j'aimerais peut-être vous entendre sur l'appréciation
globale de la campagne. Est-ce que ça va assez vite à votre goût? Parce que ça
fait quand même deux, trois ans qu'on roule là-dessus. Le gouvernement était
dans l'opposition et réclamait déjà ça. Ça fait deux ans qu'ils sont là, on est
à mi-mandat, on a déjà passé à travers des réformes, dans les deux dernières
années, où on rouvrait les normes du travail. Ça aurait pu être appuyé à ce
moment-là. C'est quoi, mettons, votre appréciation de ce qui reste comme temps
à ce gouvernement-là pour rendre... pour livrer la performance, là, sur la
réforme?
Mme Marcil (Jade) : Merci beaucoup, M.
Leduc. Donc, évidemment, là, le grand élément déclencheur s'est vraiment fait à
l'hiver 2019 puis avec la conclusion, en juin 2019, là, avec les trois
grands chantiers qui ont été mis de l'avant. De notre côté, pour le troisième
chantier sur l'encadrement légal, évidemment, pour nous, la grande limite, là,
c'est avant l'année préélectorale. Ça serait essentiel, là, de faire des modifications
législatives pour assurer aux stagiaires une protection.
C'est un projet qui
est en branle avec le ministre depuis juin 2019, lors d'une première rencontre
qu'on a eue ensemble, lui et moi. Et je vais terminer mon mandat au mois
d'avril prochain, et ça serait extrêmement positif de pouvoir avoir ces
modifications le plus tôt possible, parce qu'il y a encore des stagiaires qui
vivent des abus au jour le jour. Et, avec la situation de la pandémie en ce
moment, les milieux de stage se font de plus en plus rares, les milieux de
stage adéquats se font de plus en plus rares, et il est important de s'assurer
que nos stagiaires, pendant la pandémie et après la pandémie, puissent être
protégés de manière adéquate. Ça serait essentiel.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Il reste 25 secondes.
M.
Leduc : Peut-être pour
dire : M. Boulet, vous avez maintenant votre date, date limite, pour
déposer le projet de loi. C'est
avril, avril prochain. On va être là pour vous le rappeler. Merci beaucoup à Mme
Marcil, M. Blaney, merci.
Mme Marcil (Jade) : Merci, M. Leduc.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de
Bonaventure. Vous avez, vous aussi, 2 min 45 s.
M.
Roy (Bonaventure) :
Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer d'être court. Bonjour, Mme Marcil, M.
Blaney. Je pense que le ministre a très bien entendu vos demandes, et puis on
espère qu'il va répondre et on va vous appuyer là-dedans. Moi, j'ai juste une
question, là, par rapport à votre compréhension du projet de loi global et en
ce qui a trait, je dirais, aux futurs travailleurs que vous représentez, à
quelque part.
C'est sûr que, dans
vos enjeux actuels, vous avez bien défendu vos affaires, le ministre a très
bien entendu. Maintenant, par rapport aux futurs travailleurs, à vous qui allez
être sur le marché du travail, est-ce que vous avez des commentaires, ou
réflexions, ou craintes par rapport au projet de loi actuel?
• (14 h 40) •
M. Blaney
(William) : Donc, c'est certain que la raison pour laquelle on
souhaitait venir ici aujourd'hui vous parler, c'était parce qu'on voulait
parler des stagiaires, des conditions des stagiaires. Puis évidemment on a une
pensée pour les étudiantes et les étudiants puis les travailleurs et les travailleuses.
Toutefois, on croit qu'il y a des organisations qui seraient justement
peut-être plus à même de cibler les lacunes du projet de loi en tant que
telles, donc, par exemple, les organisations syndicales qui travaillent
beaucoup sur ce dossier-là.
Donc, on aimerait quand même réitérer qu'on
souhaite que la loi soit compréhensive puis soit la plus englobante possible des conditions de travail, des
problématiques que peuvent vivre les travailleurs et les travailleuses et donc, du même coup, les
étudiantes et les étudiants stagiaires. Mais, comme je l'ai déjà mentionné, il
y a des organisations, par exemple, les organisations syndicales, qui
seraient plus à même de cibler les lacunes dans le projet de loi.
M. Roy
(Bonaventure) : Avec le
temps qui me reste, réflexion, on a soulevé un enjeu, tout à l'heure, d'une
forme de discrimination sexiste dans la protection des travailleurs, au Québec,
en fonction du niveau de dangerosité ou, en tout cas, des secteurs. Et, tout à
l'heure, j'aurais aimé vous poser la question sur les stagiaires non rémunérés,
mais il paraîtrait que ça va se régler, les stages d'observation. Est-ce que
c'est en majorité des hommes ou des femmes qui sont dans des stages non
rémunérés?
Mme Marcil (Jade) : Merci de la question, M. Roy. C'est en majorité
des femmes qui se retrouvent dans des milieux d'emploi qui sont non rémunérés.
On peut penser, justement, aux domaines de l'éducation, de la santé et des
services sociaux. Donc, voilà.
M. Roy (Bonaventure) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, c'est tout pour notre période d'échange. Alors, Mme Marcil, M.
Blaney, je vous félicite pour votre excellente prestation et votre contribution
aux travaux de la commission. Vraiment, bravo! Félicitations.
Nous suspendons les travaux quelques instants,
le temps de donner à l'autre groupe... pour se préparer. Merci et à plus tard.
(Suspension de la séance à 14 h 41)
(Reprise à 14 h 47)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentantes du Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, et avant de commencer la période
d'échange avec les députés et le ministre. Et, dans un premier temps, je vous
invite à vous présenter et ensuite à commencer immédiatement votre
présentation.
Conseil d'intervention pour l'accès des
femmes au travail (CIAFT)
Mme Brown (Kimmyanne) : Donc,
bonjour. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, chers députés. Je me
présente, Kimmyanne Brown, du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail, le CIAFT. Je suis accompagnée aujourd'hui de Karen Messing, qui est
professeure émérite en ergonomie à l'Université du Québec à Montréal.
Je vous présente aujourd'hui le mémoire du CIAFT qui a été signé par 19 organismes,
chercheurs et professeurs.
Pour débuter, le constat est unanime, le régime
de santé et de sécurité du travail au Québec méritait une réforme afin d'être
actualisé aux réalités du marché du travail. Effectivement, depuis sa mise en
place dans les années 80, malgré l'intégration importante des femmes dans
de nombreux secteurs d'emploi, la très grande majorité d'entre elles n'était
pas couverte par les mécanismes de prévention qui sont prévus par la LSST.
Elles rencontrent également des obstacles importants afin de reconnaître et de
faire indemniser leurs problèmes de santé qui découlent du travail. Le régime
québécois de santé et de sécurité du travail mérite ainsi une modernisation
afin d'être en adéquation avec les réalités vécues par toutes les femmes au
travail au Québec.
On accueille donc positivement la volonté du
ministre de procéder à une réforme et saluons la préoccupation qu'il a énoncée
envers la santé des femmes au travail, notamment en proposant d'inclure à
l'obligation de l'employeur la prévention de la violence conjugale et
familiale, physique et psychologique, qui se manifeste sur les lieux de
travail. Toutefois, nous notons que certaines de ces avancées doivent être
précisées ou modifiées, selon le cas, pour prendre en compte la situation des
femmes ainsi que maintenir et promouvoir leurs droits.
Enfin, nous considérons même que certaines
modifications constituent un net recul pour les droits des femmes au travail.
Nous croyons fermement qu'un régime de santé et de sécurité du travail qui
prend en compte la situation des femmes au travail est une condition
essentielle pour permettre à ces dernières d'atteindre une pleine autonomie
économique et d'améliorer leur condition socioéconomique. C'est ce qui guidera
notre présentation d'aujourd'hui. Malheureusement, dans le temps qui nous est
imparti, il va être impossible de résumer les 22 recommandations du
mémoire, je vais donc me concentrer sur les principales.
Premièrement, les recommandations nos 1, 18 et 19
de notre mémoire concernent l'intégration d'une analyse différenciée selon les
sexes et intersectionnelle, ADS+. Pourquoi une ADS+ est-elle si importante? Notamment
car il est établi que les risques, dans un milieu de travail, produisent des
effets différenciés entre les femmes et les hommes. De plus, le marché du
travail québécois est encore fortement marqué par la ségrégation
professionnelle. Les femmes se concentrent encore dans un nombre restreint de
professions, ont des statuts d'emploi plus précaires que les hommes,
travaillent davantage à temps partiel, ont des revenus d'emploi inférieurs aux
hommes et sont plus à risque de connaître des épisodes de pauvreté. Les femmes
sont aussi davantage la cible de violences au travail que les hommes,
particulièrement du harcèlement psychologique. Enfin, les femmes doivent
souvent subordonner leur santé et leur sécurité à leur
vie familiale, leur insertion professionnelle et la nécessité de gagner un
revenu décent. Lorsqu'on rajoute des facteurs comme le handicap, le statut
d'immigration ou l'origine ethnique, ces impacts peuvent être décuplés.
• (14 h 50) •
On
note que le gouvernement du Québec a une obligation générale d'analyse différenciée
selon le sexe — ADS — mais
que, malgré les efforts qui ont été faits en ce sens depuis quelques années,
ils n'ont pas suffi à pallier les
conséquences importantes de la discrimination systémique vécue par toutes les
femmes en matière d'emploi. Il faut que les spécificités de la santé des
femmes et surtout leur insertion dans les milieux de travail soient prises en
considération dans l'élaboration des mesures législatives.
Les angles morts
générés par le projet de loi témoignent de la nécessité de l'implantation d'une
ADS+. On a observé l'ampleur des conséquences que peut avoir le fait de ne pas
intégrer une ADS+ lorsqu'est venu le temps d'analyser la classification
suggérée par le projet de loi selon une estimation du niveau de risque.
D'abord, le critère qui est utilisé pour classer les codes SCIAN 4 selon
le niveau de risque comporte des effets discriminatoires sur les femmes. Les
femmes sont beaucoup plus nombreuses à souffrir de troubles musculosquelettiques et à être exposées à plusieurs
contraintes psychologiques, comme le harcèlement et les exigences
émotionnelles.
Il a été solidement
démontré que ces problèmes liés au travail sont fortement sous-déclarés auprès
de la CNESST. Puisque le calcul utilisé est strictement fondé sur les coûts des
lésions professionnelles indemnisées, le fait est frappant, c'est 72 % des
femmes qui se retrouvent classées dans le niveau de risque faible,
comparativement à 53 % des hommes. Avec la loi actuelle, c'est 84 %
de la main-d'oeuvre féminine, qui oeuvrait dans les groupes prioritaires
quatre, cinq, six, qui était non priorisée. Donc, on ne peut pas prétendre à
une réelle modernisation du régime quand un si petit pas est fait pour inclure
les femmes dans les mécanismes de prévention.
Ensuite, on accueille
positivement le fait que les dispositions liées aux droits de la travailleuse
enceinte ou qui allaite au retrait préventif aient été maintenues par la LSST.
Toutefois, on croit que les modifications qui sont apportées à ce droit doivent
être pilotées avec une grande prudence. Depuis 1980, en plus de protéger la
santé de la population, ces dispositions sont devenues des outils efficaces en
matière de droit des femmes au travail, en permettant le maintien en emploi de
nombreuses travailleuses mais aussi l'amélioration de leurs conditions
socioéconomiques. Il s'agit purement et simplement d'un exercice démocratique
permettant l'émancipation des femmes sur le marché du travail.
C'est pourquoi nos
recommandations nos 9, 10, 11 et 12 visent
essentiellement le maintien de l'autonomie du médecin traitant et
l'indépendance du nouveau médecin chargé de la santé au travail. Également, on
préconise la mise en place d'un comité interdisciplinaire afin de développer
des guides de référence. En gros, ce qui a guidé nos réflexions, la priorité
doit absolument être donnée à l'évaluation de la situation de chaque
travailleuse dans le cadre de son interaction avec son poste de travail et avec
toutes les conditions qui en découlent. On craint vraiment qu'avec
l'introduction des protocoles, sous la justification de l'équité entre les
travailleuses, ça introduise, en fait, des limites importantes d'accès aux
droits.
De plus, on note, là,
que l'articulation de ce droit, depuis 1980, a permis l'énumération de risques
et des dangers liés non à la travailleuse elle-même, mais au milieu de travail.
Le nombre important de réclamations en ce sens démontre en effet l'ampleur des
risques qui peuvent exister dans le milieu de travail. Donc, le fait de prévenir
les risques pour la grossesse, ça a un effet bénéfique pour la prévention de
manière générale. Donc, il nous apparaît essentiel que ces risques soient
intégrés dans les divers mécanismes de prévention prévus par la LSST, en
particulier aux programmes de prévention. C'est en ce sens que nos
recommandations nos 5 et 6 ont été
formulées.
Ensuite, on constate
que le projet de loi modifie les dispositions qui sont liées à l'exclusion de
la LATP des travailleuses domestiques. On tient à préciser, en fait, que les
travailleuses domestiques comprennent de nombreuses catégories de
travailleuses, notamment les travailleuses du programme chèque emploi-service.
Ces types d'emplois sont majoritairement féminins, qui ont été, encore
aujourd'hui le sont aussi, dévalorisé et sous-évalués. Malheureusement, les
modifications suggérées dans le projet de loi continuent de perpétuer la
discrimination envers les femmes. Le critère
du nombre d'heures afin d'accéder à la protection de la loi rajoute un effet
préjudiciable. Aucune autre catégorie
de travailleuses ou de travailleurs ne reçoit une telle restriction. De
nombreuses travailleuses domestiques continueront de se blesser au
travail et de ne recevoir aucune protection adéquate. Notre recommandation n° 13 suggère donc de retirer les exclusions et critères
prévus afin de faire cesser la discrimination envers ces travailleuses.
Pour conclure, nous
soulignons donc que certaines avancées suggérées dans le projet de loi
témoignent réellement d'une volonté
d'assurer une véritable protection des femmes au travail. Toutefois, on est
forcées de constater que cette volonté ne s'est pas encore transposée
dans toutes les propositions faites par le projet de loi. Pourtant, la pandémie de COVID-19 a démontré le besoin de
reconnaître la valeur du travail féminin et surtout le fait que les
femmes sont exposées à des risques majeurs et qui ont été longtemps
sous-estimés. Au front depuis le début de l'année 2020, de nombreuses
travailleuses doivent faire face à des milieux de travail non sécuritaires,
conjuguer famille, travail, proche aidance et études et continuer, malgré tout,
de récolter un maigre salaire. Pour que la modernisation souhaitée en soit
véritablement une, la loi doit répondre aux besoins criants des femmes en
matière de prévention et de protection de toutes les femmes au travail.
Humblement, nous
croyons que les 22 recommandations formulées dans notre mémoire et
appuyées par 19 signataires permettraient d'assurer cette cohérence
nécessaire à une modernisation réelle prenant en compte la réalité des femmes
au travail, en évitant de perpétuer les effets pernicieux de la discrimination
systémique en emploi que vivent les femmes depuis beaucoup trop longtemps.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous
poursuivons donc avec le début de la période d'échange avec M. le ministre.
Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. Merci au conseil pour la préparation, la présentation
de ce mémoire, qui est particulièrement crédible puis bien soumis, là,
Kimmyanne, là. J'ai bien compris, d'abord, que la modernisation, elle s'impose.
C'est des lois qui datent de 1979, 1985. Je pense que vous reconnaissez qu'il y
a des avancées majeures aussi en ce qui concerne la prévention concernant les
secteurs où il y a une prépondérance de femmes.
La violence conjugale, les travailleuses domestiques, on pourra y revenir, mais
juste se rappeler, Kimmyanne, que, dans la santé, les services sociaux
puis l'éducation, c'était dans des groupes où il n'y avait aucun mécanisme de
prévention puis aucun mécanisme de participation des travailleurs, et je vous
vois hocher de la tête, et donc on va véritablement dans une autre direction.
Je sais que le bât
semble blesser, là, tu sais, on dit : Les secteurs où c'est à risque
faible, c'est à prépondérance féminine. Je vais certainement... Tu sais, dans
le domaine de la santé, par exemple, ce n'est pas vrai de... on met... ce n'est
pas tout dans la même boîte, là. Tu sais, les établissements psychiatriques,
les résidences pour personnes aînées, dans les services ambulatoires, il y a
des risques moyens puis il y a des risques élevés. Dans le secteur de la santé,
il n'y a pas qu'une question d'argent, il y a une question, oui, de masse
salariale, il y a une question de déboursés.
Puis, dans le secteur de la santé, il n'y a pas que des personnes qui sont plus
à risque, hein, il y a des gestionnaires, il y a des personnes qui font
du travail de bureau, mais il va falloir s'assurer que la pondération soit
légitime, tienne compte de ce que vous appelez les analyses différenciées selon
le sexe et que ça reflète bien cette réalité-là. Puis moi, je suis
hypersensible.
Puis éventuellement,
en commission parlementaire, j'ai l'intention, pour le bénéfice de tous mes collègues
gouvernementaux et des partis d'opposition, d'avoir une personne qui est formée
en actuariat pour bien expliquer comment c'est fait. Et ce n'est pas une
patente, là, comme certains se plaisent à dire, ça a été établi de manière
extrêmement rigoureuse. Ceci dit, bon, j'ai pratiqué le droit, puis, des fois,
même si on s'appuie sur des critères objectifs, ça peut avoir des effets
discriminatoires indirects ou indésirés, puis on fera les corrections qui
s'imposent, là, Kimmyanne, en tenant compte de cette réalité-là.
Le PMSD, je vais
poser des questions, là, Kimmyanne, en quoi vous avez senti que
l'autonomie du médecin traitant pouvait être affectée?
• (15 heures) •
Mme Brown
(Kimmyanne) : Oui. Bien, je vais répondre à ça. Merci, M. Boulet.
En fait, on a ce sentiment-là parce qu'avant c'était le médecin... bien — avant — dans
la mouture actuelle de la loi, c'était le médecin traitant qui allait un peu
main dans la main avec la travailleuse pour évaluer la travailleuse dans sa
condition, avec son poste de travail et toutes les conditions qui en découlent.
De ce qu'on
interprète, en fait, du projet de loi, et c'est certain qu'il y a une
opérationnalisation qui va venir avec ça, tu sais, c'est juste des mots qu'on
voit, donc on n'a aucune idée de comment ça va se transmettre sur le terrain,
mais, de ce qu'on ressent, c'est qu'on enlève cette autonomie-là au bénéfice de
protocoles — dont
on n'a pas encore la définition, d'ailleurs, là, ils ne sont pas explicitement
définis dans le projet de loi — et c'est le médecin chargé de la santé au
travail qui prend le relais lorsque les dangers ne sont pas identifiés dans les
protocoles. Donc, c'est quand même un concept très nouveau qui va changer
nécessairement les cultures qui sont implantées puis les façons de faire, et ce qu'on craint, c'est que le
médecin traitant, finalement, doit absolument se fier sur des protocoles
avec des règles strictes et qu'il ne peut plus avoir la discrétion d'évaluer la
travailleuse et le poste.
On
sait que 31 % des réclamations sont liées à des agresseurs dits
ergonomiques — je
n'aime pas ce terme-là, mais c'est le terme qui nous est imposé — et on
sait qu'en matière d'ergonomie c'est très difficile d'avoir des règles strictes,
il faut vraiment évaluer le poste, puis le milieu de travail, puis la condition
de la femme. Et c'est pour ça que le programme fonctionne, d'ailleurs, et qu'il
fonctionne très bien, et que les travailleuses peuvent faire des réclamations
en ce sens. Donc, voilà.
M. Boulet :
...je pense que ça me donne l'occasion de préciser, actuellement, il y a
beaucoup d'iniquités dans l'émission puis
l'octroi de ce qu'on appelle les certificats visant le retrait préventif en
vertu du PMSD, dépendamment des régions, dépendamment des médecins
traitants. Pour un même travail fait à Gaspé, tu peux bénéficier d'un retrait préventif, alors que tu n'en bénéficies pas si tu
es à Sherbrooke, dépendamment de la région, dépendamment du médecin.
Or, ce qu'on vise à
faire par les protocoles, c'est d'avoir un guide de références qui tient compte
des connaissances scientifiques. Puis, Kimmyanne, tu as soulevé un excellent
point, là, tu sais, ce n'est pas de quoi qui va imposer au médecin ou qui va
diluer l'autonomie des médecins qui vont émettre les certificats. Au contraire,
le protocole vise à améliorer l'accès et à le rendre plus équitable en
discutant de l'environnement de travail, des conditions générales de travail
qui justifient l'émission d'un certificat qui, ultimement, est l'équivalent
d'une demande de réaffectation, et le
médecin va tenir compte de la réalité personnelle, puis tu en faisais part, de
cette réalité personnelle là. Le
médecin va toujours continuer de jouer son rôle entier, et c'est véritablement l'objectif
qui est visé.
Puis
tu as soulevé un bon point, Kimmyanne, là, d'avoir, pour établir ces
protocoles-là, une espèce de... ce que tu appelles un comité interdisciplinaire. Absolument, on va être sensibles
à ce que ces protocoles-là soient bâtis en tenant compte de la variété des disciplines des personnes
qui vont avoir à en établir les paramètres. C'est une excellente idée.
Kimmyanne, j'aimerais
ça t'entendre sur, tu sais, les mécanismes de participation des travailleurs.
Il y en a deux, les comités de santé et
sécurité puis les représentants en santé et sécurité. Comment tu... est-ce que
tu proposerais que leur mandat
d'évaluer les risques, dans l'exécution de ce mandat-là, ils fassent une
analyse différentiée selon les sexes? Et, si oui, comment ils pourraient le
faire?
Mme
Brown (Kimmyanne) : C'est une excellente question, à laquelle
j'aimerais beaucoup avoir la réponse dans le temps qui nous est imparti. Je
pense que, d'abord, le gouvernement devrait se pencher à faire des ADS sur les
propres mesures avant de les assujettir aux mécanismes puis aux mandats des
comités. Somme toute, je suis d'accord. Je n'ai aucune idée de comment ça peut
s'opérationnaliser, là, en toute honnêteté. L'ADS+, c'est un outil qu'on doit
s'approprier. Je pense que le gouvernement du Québec a l'obligation générale
d'ADS.
M. Boulet :
Exact.
Mme Brown
(Kimmyanne) : Ça n'a pas été fait sur le projet de loi. Dans le plan
d'action de la CNESST 2011‑2015, il y avait des recommandations quant à la
mise en oeuvre de cet ADS pour ce qui est des lésions professionnelles, et tout
ça. Ça n'a pas été exécuté. Donc, je pense que, tout d'abord, là, il faut faire
ces analyses-là sur les différentes provisions de la loi puis sur le projet de
loi et de voir un peu, par la suite, comment ça va... s'opérationnaliser — pardon — dans
le cadre du mandat, des mécanismes de prévention qui sont prévus par la
loi.
M. Boulet :
O.K. Merci. Bonne réponse. On aura certainement à en rediscuter. Ça m'apparaît extrêmement
important de donner un suivi à ça, à cette idée-là.
Les travailleuses
domestiques... je dis «travailleuses», là, parce que c'est fortement, à majorité,
des femmes, surtout originaires des Philippines. Bon, puis c'est une première,
là, qu'on reconnaîtrait leur couverture par le régime de santé et sécurité au Québec.
Mais tu dis : On ne va pas assez loin parce qu'on impose un nombre
d'heures, tu sais, mettons, 24 heures par semaine pendant sept semaines
consécutives, pour éviter les personnes qui font ça de façon purement
sporadique ou qui se promènent d'un employeur à l'autre.
Comment tu
gérerais... J'ai deux éléments, là-dedans. Dire que ceux qui ne rencontrent pas
ce critère-là, qui sont, par ailleurs, des travailleurs autonomes et peuvent toujours
s'inscrire à la CNESST puis bénéficier du régime d'indemnisation, je pense que
c'est important de le mentionner. Mais comment tu gérerais le cas de ceux qui
vont passer la tondeuse ou de ceux qui vont garder une fois ici, une fois là,
de manière très épisodique? C'est la raison pour
laquelle, tous les comparatifs que j'ai faits, ailleurs au Canada puis ailleurs...
un peu à l'échelle internationale, il y
a tout le temps des critères minimum,
là, pour assurer une certaine régularité puis assurer un certain contrôle des
risques et de l'environnement de travail. Mais vous dites, vous, au
conseil : Non, il ne devra pas y avoir de critères d'heures. Quand même,
vous permettriez que des personnes qui travaillent de façon purement épisodique
soient couvertes?
Mme Brown (Kimmyanne) :
Bien, effectivement, j'entends, là, ce constat, en fait, que des personnes qui
effectuent ce type de travail de manière épisodique, ça serait un fardeau très
incroyable à imposer aux particuliers, là, de les indemniser, puis je suis tout
à fait d'accord avec ça. Mais, par contre, si on analyse l'impact que ça a...
Pour moi, le critère du nombre d'heures,
oui, ça permet d'encadrer ce travail sporadique là, mais ça a des impacts
importants sur plein d'autres catégories de travailleuses qui sont, elles, très
vulnérables, souvent, là.
Vous parliez des
travailleuses philippines, mais on prend cet exemple-là parce que, c'est ça
que... quand on pense aux travailleuses domestiques, c'est ce à quoi ça nous
fait penser. Mais il ne faut pas oublier les travailleuses du programme chèque
emploi-service qui, bon, sont exclues du régime. Mais il y a un règlement, là,
qui a été mis en place, sur la mise en oeuvre de l'entente relative, et tout
ça, qui permet qu'elles puissent être indemnisées pour des accidents de
travail, et tout cela. Malgré cela, en fait, on constate qu'elles concluent
souvent des contrats de gré à gré avec le particulier pour des heures
supplémentaires en dehors de ce programme-là.
Donc, si, par
exemple, la travailleuse fait 30 heures dans chèque emploi-service puis
10 heures en dehors, bien, dans les 10 heures qu'elle fait, le
critère s'applique. Je ne sais pas si vous me suivez, c'est extrêmement
technique, mais, puisque vous imposez, en fait, un critère du nombre d'heures
pour ces heures-là faites dans le cadre du contrat de gré à gré, bien, ça les
exclut, alors qu'elles participent, travaillent à temps plein, tu sais, elles
sont des travailleuses, là. Donc, c'est pour ça qu'on trouve, en fait, que le
critère du nombre d'heures permet d'encadrer ce travail sporadique là mais a
des impacts immenses sur plein d'autres personnes. Donc, il faut trouver une
autre alternative, nécessairement, et c'est ce qu'on propose, là, dans notre
mémoire.
M. Boulet :
On va porter une attention particulière. Et je vais conclure en vous remerciant
toutes les deux, Karen aussi, puis évidemment toutes les personnes qui ont
collaboré à la rédaction de votre mémoire. Encore une fois, vous travaillez de
manière extrêmement rigoureuse, et je suis vraiment content de vous avoir
entendues. Puis certainement qu'on aura l'opportunité de rediscuter de notre
projet de modernisation, qui est, selon nous, et selon ce que j'ai compris de
vos propos, extrêmement ambitieux, mais on ne doit jamais perdre de vue
l'importance de la santé des femmes aussi en milieu de travail, là. C'est un
projet qui se veut le plus global possible. Et moi, j'aime le réitérer, là, on
a fait des avancées importantes et on est ici pour écouter puis améliorer le
projet de loi de façon à ce qu'il soit... à ce qu'on bâtisse le meilleur régime
possible. Merci, Kimmyanne, merci, Karen, et à bientôt.
• (15 h 10) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous
poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji :
Merci, mesdames, pour cet excellent rapport et cette excellente présentation.
Je vais aller directement à l'ADS. Vous êtes le deuxième groupe qui nous
mentionne cet aspect aujourd'hui.
Pour le bénéfice de
l'ensemble des membres, je vais lire c'est quoi, l'ADS : «L'ADS est un
processus d'analyse favorisant l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les
hommes par l'entremise des orientations et des actions des instances
décisionnelles de la société[...].
«Elle a pour objet de discerner de façon
préventive les effets distincts sur les femmes et les hommes que pourra avoir
l'adoption d'un projet à l'intention des citoyennes et des citoyens, et ce, sur
la base des réalités et des besoins différenciés des femmes et des hommes.»
Ça, c'est le Secrétariat à la condition
féminine, 2007. Le gouvernement du Québec, d'ailleurs, s'est engagé à implanter, dans ses pratiques pour poursuivre sa
marche vers l'égalité entre les femmes et les hommes, gouvernement du Québec, en 2007... Dans le Plan d'action en
matière d'analyse différenciée selon les sexes 2011‑2015,
le gouvernement prévoyait précisément de mettre en oeuvre des mesures
pour prévenir les lésions professionnelles chez les travailleuses et favoriser
la gestion de la santé et de la sécurité dans les milieux de travail qui les
accueillent. Donc, petite introduction par rapport à l'ADS.
Vous soulevez, très à propos, que toute
proposition ou disposition légale ou réglementaire devrait avoir précédé d'une
ADS — message
très bien reçu — confiée
au gouvernement et à l'INSPQ et que ses résultats soient rendus publics. Dans
ce cas, serions-nous mieux de recommencer le projet de loi afin que le nouveau
régime soit réaliste, efficace et juste?
Mme Brown (Kimmyanne) : C'est une
bonne question. Je pense que de mettre à la poubelle la rédaction de
300 articles serait peut-être trop reculer en arrière. Je crois. Je pense
qu'il y a des bonnes idées.
Nécessairement, pour conclure, c'est sûr qu'il y
a l'ADS et l'ADS+, là, c'est deux outils différents. J'ai quand même la
croyance sincère qu'une ADS+ est plus adéquate parce qu'elle permet d'éviter
des angles morts, notamment par rapport au statut d'immigration, l'origine
ethnique, le fait qu'on est non syndiqué ou syndiqué. Donc, pour moi, de conduire
une telle analyse sur le projet de loi actuel pourrait avoir des impacts
bénéfiques, notamment par rapport à la notion du niveau de risque, hein, on en
parlait précédemment. Le fait d'utiliser les débours, donc les lésions professionnelles
indemnisées, ça, c'est une mesure, en fait, qui a des effets discriminatoires.
Si on avait fait une ADS+ ou une ADS, peu importe, on aurait pu voir, en fait,
les effets disproportionnés.
Donc, oui, il faut que ce soit fait sur les
provisions. Est-ce que ça signifie de tout jeter à la poubelle et de
recommencer? Je ne voudrais pas être à la place du ministre, en ce moment, puis
de tout recommencer, là, mais je pense que ce serait une bonne idée, déjà, de
conduire l'analyse sur ce qui a déjà été fait.
M. Derraji : J'espère que vous avez
compris le sens de ma question, c'est justement insister sur l'ADS+ et l'ADS.
Je sais que le ministre ne va pas jeter à la poubelle le projet de loi
n° 59, mais plus d'avoir un autre regard et une analyse qui prend en
considération l'ADS+ et l'ADS.
Restons dans la logique ADS+. Vous êtes le
premier groupe entendu aujourd'hui qui nous rappelle un autre groupe de
travailleuses oubliées de la réforme, soit les travailleuses et travailleurs
des agences de placement. La pandémie nous a appris à quel point ces agences de
placement sont actives dans plusieurs secteurs économiques et qu'elles
emploient souvent des personnes immigrantes. Vous avez mentionné que l'ADS+,
notamment, va nous aider à aller chercher la
population fragilisée, immigrantes, femmes, etc. Nous vous remercions des deux
recommandations qui visent justement à mandater la CNESST à prioriser les
inspections dans ces milieux.
Au-delà de la
proposition, concrètement et en fonction de votre lecture du terrain, c'est
quoi, les recommandations que vous suggérez aux membres de la commission
par rapport aux agences de placement?, toujours avec la lecture ADS+, donc
restons toujours dans la même lecture, surtout que vous avez pas mal mobilisé
cette lecture.
Mme Brown (Kimmyanne) : Merci. Donc,
effectivement, bien, pour une lecture ADS+, les femmes ne sont pas majoritaires
à travailler dans les agences de placement, mais il faut savoir que, dans
certains secteurs d'emploi visés par les agences de placement, les femmes sont
majoritaires. On sait d'ores et déjà que ce sont des personnes extrêmement
vulnérables, souvent issues de l'immigration, qui cumulent plusieurs emplois à
temps partiel. Et, avec la COVID-19, en fait, il nous a été révélé, là,
énormément de situations problématiques liées à comment s'administrent ces
agences de placement là.
Notre projet de loi suggère deux
recommandations. Je dirais que ça prendrait un chantier de réflexion, au
Québec, par rapport à la santé et sécurité du travail, et les relations
tripartites, et les agences de placement. C'est sûr que, dans le cadre de notre
mémoire, on n'a pas pu démarrer ce chantier-là, mais je pense qu'il y a déjà
quelque chose de très intéressant qui a été fait dans le cadre du Règlement sur
les agences de placement et la réforme de la Loi sur les normes du travail,
récemment. On a comme admis, là, que ce phénomène-là emportait des préoccupations
superimportantes en matière de droit du travail. Je crois honnêtement que ça
doit être poursuivi dans le cadre de ce projet de loi là.
Malheureusement, on n'a rien retrouvé, là, dans
le projet de loi n° 59, qui donne d'autres obligations
aux agences ou qui permet de prévenir les risques pour les travailleurs et travailleuses
d'agences de placement. Donc, je pense qu'un chantier de réflexion... Il y a
énormément d'expertes, au Québec, là, qui sont super qualifiées, qui
connaissent bien la situation. Il y a des modèles qui sont super ambitieux,
comme en Australie, qui ne s'appuient plus sur les catégories traditionnelles
et de travailleur et d'employeur, donc on peut s'inspirer de modèles qui
fonctionnent super bien. Et voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Votre
micro, monsieur...
M.
Derraji : Oh! C'est la
première fois que ça m'arrive. Désolé. Vous suggérez, dans votre recommandation 4,
que la loi permette la création de groupes de représentants en santé et
sécurité, RSS, itinérants, qui viennent en aide aux PME. Quelle forme, quelle
composition pourraient avoir ces groupes de RSS itinérants et pourquoi vous
soulevez cette inquiétude ou cette proposition?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui, en
fait, bien, notre recommandation, ça va en ce sens-là, du fait qu'il a été
maintes fois démontré que la main-d'oeuvre est beaucoup plus mobile qu'auparavant.
Les réalités du milieu du travail ont changé. Donc, cette recommandation-là va
en ce sens-là pour les petits établissements. Donc, ce serait un dispositif
innovant. Cependant, je n'ai pas les réponses au niveau de comment ça va
s'opérationnaliser sur le terrain, mais je pense qu'il y a quelque chose à
réfléchir par rapport à ça.
M. Derraji : Oui, excellent. En
lisant, toujours, votre mémoire, on comprend que, si une analyse différentiée
par le sexe avait été faite, le projet de loi ne modifierait pas l'article 53 — or, je
parle de la LATMP — soit
celui qui permet à une travailleuse ou travailleur âgé de plus de 55 ans,
victime de maladie professionnelle, de toucher une indemnité en remplacement du
revenu — je
parle du IRR — parce
que les effets sont disproportionnés. Dans les faits, comment cette modification
impactera-t-elle les travailleuses âgées de plus de 55 ans?
Mme Brown (Kimmyanne) : Bien, en
fait, c'est très simple. Si je prends un exemple dans la nouvelle mouture de l'article 53,
c'est comme si on soumet ces travailleuses-là à la détermination d'un emploi
convenable par la CNESST. Les travailleuses aînées, on sait qu'elles peuvent
subir une double discrimination, en raison de leur âge mais aussi du fait
qu'elles sont femmes. Donc, le fait de se retrouver un emploi à cet âge-là peut
être extrêmement difficile. Donc, de retirer
cette présomption-là peut avoir des effets disproportionnés sur les femmes. On
parle que les travailleuses aînées sont plus nombreuses que les hommes à
occuper des emplois de faible qualité, également. Donc, tout ça a un impact aussi sur l'indemnité de remplacement de revenu, là,
le calcul de leurs revenus actuels. Donc, voilà.
M. Derraji : Vous présentez aussi
votre recommandation visant à vous assurer que les services de santé de la
travailleuse enceinte ou qui allaite soient chapeautés par les médecins du
Réseau de santé publique en santé au travail. Est-ce que vous pouvez nous
exposer vos craintes par rapport au retrait des médecins du Réseau de santé
publique en santé au travail tel que proposé dans le projet de loi?
Mme Brown (Kimmyanne) : Oui. Bien,
en fait, il s'agit d'un grand recul, je crois, qui a été décrié par maintes
organisations, là, je ne suis pas la seule à le nommer. Dans le cadre du
programme Pour une maternité sans danger, c'est un médecin chargé de la santé
au travail, qui, d'ailleurs, n'est pas défini par le projet de loi, donc c'est
notre crainte, en fait, objective, que ce soit un médecin de l'employeur ou un
médecin qui serait issu des mutuelles de prévention. C'est très important et
fondamental de maintenir l'indépendance de ce médecin-là et c'est la raison
pour laquelle on a émis une recommandation, là, en ce sens dans notre mémoire.
M. Derraji : Donc, pour vous,
l'indépendance, c'est sine qua non, on ne doit même pas toucher à cela, si j'ai
bien compris?
Mme Brown (Kimmyanne) : Exactement.
En fait, notre recommandation 9 vise à maintenir l'existence du médecin
responsable, des services essentiels de l'établissement. Et, en fait, on
prévoit quand même que, si ce nouvel acteur-là est introduit, qu'il faut
explicitement énoncer son rattachement au réseau, là, dont vous mentionnez, et
qu'on définisse des exigences, là, en matière de formation spécialisée en santé
au travail, en matière d'indépendance professionnelle. Donc, voilà.
M. Derraji : Dans la recommandation 17,
vous avez proposé qu'il y ait un meilleur accès à la représentation légale des
travailleurs non syndiqués. Si on prend le MTESS, la CNESST, le ministère de la
Justice, avec la collaboration des barreaux... pouvaient créer ce type de
soutien. Comment voyez-vous son déploiement à l'échelle du Québec? Comment,
vraiment, le rendre beaucoup plus concret? Et quels secteurs, les secteurs les
plus criants?
• (15 h 20) •
Mme Brown
(Kimmyanne) : Bien, en fait,
pour... en général, dans les milieux non syndiqués, on sait qu'il y a
moins... ils n'ont pas de représentation à l'interne. Donc, je ne ferais pas de
discrimination sur mon secteur. Pour moi, c'est tout le milieu non syndiqué qui
doit recevoir une représentation adéquate. Parce qu'on sait que, quand on
travaille dans un milieu syndiqué, bien, on a accès à une convention collective
qui a souvent l'opportunité d'aller au-delà de ce qui est prévu et, quand on a
un problème, on se présente devant notre syndicat puis c'est plus facile que
dans le milieu non syndiqué.
Donc, c'est pour ça qu'on demande, en fait, au
gouvernement qu'il y ait un examen des moyens qui pourraient être mis en oeuvre
pour les soutenir dans les processus de réclamation pour les ordres
professionnels. On sait que les femmes sont moins tentées de faire des réclamations,
là, pour plein de raisons qui sont, notamment, liées à la discrimination
systémique. Donc, c'est pour ça qu'on veut vraiment qu'elles soient épaulées et
qu'il y ait des mécanismes qui peuvent reconnaître leurs risques. Parce que les
risques, en fait, auxquels sont exposées les femmes sont sous-estimés, sont
invisibles depuis trop longtemps et les médecins contribuent souvent aussi un
peu à ce système-là. Donc, voilà.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
M. Derraji :
Mesdames, je tiens à vous remercier, vraiment, là, vous avez éclairé les
membres de la commission. Et merci pour l'ADS+ et cette nouvelle lecture.
Merci.
Mme Brown
(Kimmyanne) : Merci.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, merci. Nous allons maintenant avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Brown, bonjour, Mme Messing. D'abord,
saluer Mme Messing, là. Notamment, j'avais
adoré votre livre Les souffrances invisibles, que vous avez publié il y
a déjà quelques années. Je ne sais pas si on peut en faire peut-être
parvenir une copie au ministre, une petite lecture de chevet qui pourrait
certainement l'intéresser, ça, j'en suis certain.
J'ai
vraiment beaucoup aimé votre mémoire, solidement rédigé. J'ai été
particulièrement frappé par le tableau, je ne sais plus si c'est la
page 16 ou 17, là, sur la distribution des... vous ne voyez pas
grand-chose à l'écran, mais sur la distribution des hommes et des femmes selon
les secteurs du code SCIAN. 72,9 % des femmes se retrouvent dans le
secteur faible. C'est hallucinant, ça, c'est hallucinant. Comment on se
retrouve à cette situation-là?
Puis M. le ministre,
tantôt, m'a mal cité quand je parlais de ces critères, il m'a dit que c'était
une patente, mais j'ai bel et bien dit «une patente à gosses». Je ne trouve pas
qu'on atterrit à quelque chose de très pertinent avec ces critères-là de
risque, ils ne me semblent pas reposer sur grand-chose. Quelles seraient les
alternatives que vous pourriez nous suggérer pour aller de l'avant avec une
meilleure protection de l'ensemble des femmes en matière de santé et sécurité?
Mme Brown
(Kimmyanne) : Je vais laisser Mme Messing répondre à cette question.
Mme Messing
(Karen) : Bon, merci pour la question et merci pour les beaux
compliments. Vous m'entendez bien? Parce que je ne me vois pas à l'écran, c'est
un peu désarçonnant. Ce que nous pensons, parce que nous avons fait une analyse
serrée de quels sont les secteurs où sont les femmes et comment elles sont
traitées... Et ce qu'on proposerait, parce qu'on pense que ça vient d'un genre
de cercle vicieux où les indemnisations passées déterminent la priorité pour le
futur, donc, s'il y a des oublis passés, ça veut dire qu'il y a... c'est
concrétisé dans le système proposé par le projet de loi, et donc ce qu'on
voudrait ajouter à ces considérations-là de débours pendant les 10 ans
précédant ce moment-ci, c'est d'inclure aussi les résultats des enquêtes qui
sont faites périodiquement par le gouvernement. Le gouvernement paie pour
différentes enquêtes en santé au travail, en santé des populations, c'est très,
très respectable, comme type de données, et, dans ces enquêtes-là, ce qui
ressort très clairement, c'est que les secteurs qui n'ont pas été priorisés
pour les prétentions, par le passé, c'est exactement ces secteurs-là où il y a
des gros problèmes de troubles musculosquelettiques, des problèmes aussi de
stresseurs psychologiques. Donc, si on ajoutait des résultats de ces
enquêtes-là, je pense que ça irait en faveur d'une meilleure représentation des
femmes dans les secteurs où on a les programmes de prévention.
M. Leduc :
Merci beaucoup. Oh! Mme la Présidente, votre micro.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Ah! Alors, oui, parfait. Merci. Alors, c'est tout le temps
que vous aviez. Nous poursuivons maintenant avec le député de Bonaventure. Vous
avez toujours 2 min 45 s.
M. Roy
(Bonaventure) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Brown et
Mme Messing. Je reste un peu sur le même enjeu que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.
Le tableau, je l'ai cité ce matin, hein, parce que, là, ça me semblait
démontrer une forme de sexisme systémique dans l'évaluation des niveaux de
risque. Je vais prendre ça à l'envers, O.K? Si le tableau est un indicateur des
débours de la CNESST, ça veut dire que les femmes ont eu moins accès à de
l'indemnisation puis de la compensation. Et là, bien, on sait que le projet de
loi, ce n'est pas dit, ce n'est pas écrit dedans, mais on vise à faire des
économies, parce qu'on a des lobbys qui nous disent que c'est la CNESST, au
Québec, c'est une bibitte qui coûte extrêmement cher et que ça implique des
sommes colossales, etc. Donc, dans un contexte où on voit que ce sont les
femmes qui reçoivent le moins de compensations et qu'on veut faire des
économies, je pense que, là, on a lieu de craindre que la situation se
détériore. Et, si vous aviez un message à passer, dans les 30 secondes, au
ministre, ça serait quoi? Vous l'avez déjà fait, là, mais je vous donne la
parole.
Mme Brown
(Kimmyanne) : Dans 30 secondes? Bien, en fait, par rapport à ce
niveau de risque là, effectivement, je pense que le chiffre de 72,9 % est
très frappant, il faut le garder en tête, et je pense que ça prouve, là,
nécessairement, que le fait de prendre les lésions professionnelles
indemnisées, c'est comme de créer un cercle vicieux qui contribue à discriminer
les femmes. Et on sait que la prévention, en fait, c'est le coeur de la loi,
c'est le coeur de notre système, au Québec, puis ce niveau de risque là a des
impacts majeurs. C'est ce qui va permettre d'accéder à ces mécanismes-là. Donc,
il ne faut pas prendre ça sur un coin de table. Je pense qu'il faut se
rasseoir, il va falloir regarder, en fait, ce qu'on peut faire de mieux pour
éviter de discriminer les femmes de ce mécanisme-là.
M. Roy (Bonaventure) :
Dans un contexte où on a 200 000 accidentés, au Québec, du travail,
par année, contre 40 000 à la Société de l'assurance automobile, donc, on
a un enjeu de prévention qui est fondamental. Voilà. Merci beaucoup.
Mme Brown (Kimmyanne) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, Mme Brown. Merci, Mme Messing. C'est tout le temps que nous
avons. Merci sincèrement pour votre contribution très importante pour la
commission.
Alors, nous suspendons les travaux quelques
instants pour donner la chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 27)
(Reprise à 15 h 38)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentants de
Parkinson Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
faire votre exposé. Ensuite, nous allons débuter la période d'échange avec le
ministre et les députés.
Avant de commencer votre exposé, je vous
inviterais à bien vous présenter. Alors, la parole est à vous.
Parkinson Québec
M. Rigal (Romain) : Bonjour, Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Romain Rigal.
Je suis directeur des programmes et services chez Parkinson Québec. Je suis
pharmacien de formation et j'ai bâti l'ensemble de ma carrière dans
l'évaluation de la sécurité des médicaments et des actes médicaux. Je suis également vice-président de Victimes des
pesticides, une coalition d'associations de patients inquiets de la
recrudescence des cas d'intoxication chronique aux pesticides dans leurs
communautés respectives. Cette coalition regroupe Myélome Canada, la Société de
la leucémie et du lymphome du Canada, Autisme Montréal, Action cancer du sein
du Québec, Safe Food Matters et Parkinson Québec. Ensemble, nous nous sommes
donnés pour mission d'améliorer la protection et l'indemnisation des personnes
exposées aux pesticides.
Je suis également accompagné du Dr Pierre Auger,
médecin spécialiste en médecine du travail au CIUSSS de la Capitale-Nationale.
C'est un honneur pour nous de pouvoir contribuer
à la modernisation de ce projet de loi, et je tiens donc à vous remercier de
votre invitation.
Depuis quelques années, l'impact des pesticides
sur la santé humaine suscite un vif intérêt dans la population générale et chez
leurs principaux utilisateurs, les agriculteurs. Ces produits, destinés à
renforcer notre productivité agricole et notre sécurité alimentaire, sont
devenus un enjeu de santé et de sécurité pour leurs usagers aux milieux
professionnels. Aujourd'hui, près de 55 000 personnes travaillent
dans le milieu agricole et plus de 32 000 possèdent des permis ou des
certificats d'utilisation des pesticides. Le revenu de ces personnes est
intimement lié à leur exposition professionnelle aux pesticides, dont la
toxicité pour la santé humaine est de plus en plus évidente.
D'ailleurs, depuis plusieurs décennies, le
Québec joue un rôle de leader dans l'évaluation de l'impact des pesticides sur
le développement des maladies neurodégénératives. Deux chercheurs québécois ont
particulièrement ouvert cette avenue de recherches dans les années 80. Le
Dr André Barbeau a été le premier à constater une plus haute prévalence de
la maladie de Parkinson en Montérégie, où l'utilisation des pesticides était
plus importante, et le Dr Rémi Quirion, aujourd'hui scientifique en chef
du Québec, avec qui j'ai eu la chance de m'entretenir, qui, lui, a également
été un pionnier de la démonstration de cette association.
J'aimerais maintenant inviter le Dr Auger à
vous donner un aperçu de la preuve de cette causalité.
• (15 h 40) •
M. Auger (Pierre) : Bon, alors, je
me présente, oui, rapidement. Je suis médecin spécialiste en médecine du
travail depuis 1989. Antérieurement, j'étais hémato-oncologue, parce que la
spécialité en médecine du travail n'existait
pas au Québec. Elle a existé éventuellement plus tard. La seule chose que... je
travaille en direction de santé publique
de la Capitale-Nationale, mais aujourd'hui je suis... c'est mon opinion propre,
là, je ne représente pas la direction de
santé publique de la Capitale-Nationale parce que le sujet n'a pas été discuté
ici. Alors, c'est juste une mise au point.
Alors, depuis
plus de 30 ans, certains pesticides sont utilisés pour créer
artificiellement la maladie de Parkinson chez les animaux de laboratoire
pour tester les nouveaux médicaments pour traiter la maladie. Une fois exposés
aux pesticides, ces animaux présentent des
dérèglements biologiques et des symptômes identiques à ceux des malades.
Cette preuve expérimentale constitue un des
piliers de justification du lien de causalité entre pesticides et maladie de
Parkinson.
Depuis les
années 90, plus d'une centaine d'études ont documenté l'association entre l'exposition professionnelle aux pesticides et le développement
de la maladie de Parkinson. Les résultats de ces études ont été agrégés par huit méta-analyses qui, toutes, concluent à une augmentation du risque de développer la maladie de 70 %. Cela veut dire qu'en moyenne l'exposition aux pesticides
en milieu professionnel double quasiment le risque de développer la maladie.
Récemment, le
Dr Guidotti, expert international en épidémiologie, en toxicologie et santé au
travail, a produit et transmis à la CNESST un important rapport sur les
maladies professionnelles des pompiers, tous les cancers chez les pompiers. J'aimerais
citer deux extraits. Je cite : « Un degré de risque de cette importance
constitue un lien d'association très élevé»,
et il poursuit : «Avec un risque de cette magnitude, il est plus probable
qu'improbable que la pathologie du travailleur
soit reliée à son emploi. Ceci constitue le fondement de la justification de la
présomption.» Fin de la citation.
Alors, il est clair, aujourd'hui, dans la
littérature scientifique — ça,
on pourra répondre à vos questions plus tard — que les pesticides sont des
déclencheurs de la maladie de Parkinson, des lymphomes non hodgkiniens, des
myélomes et des cancers de la prostate chez des personnes qui présentent une
susceptibilité génétique particulière. On vous expliquera ça plus tard, si vous
êtes intéressés.
M. Rigal (Romain) : Je vous
remercie, Dr Auger. Le poids de la preuve toxicologique et épidémiologique qui
est présentement disponible est relayé par de nombreux instituts de santé à l'international
mais également par des rapports d'institutions québécoises, notamment
l'Institut national de santé publique du Québec. Pourtant, les réclamations des
travailleurs à la CNESST de cas de maladie de Parkinson suite à l'exposition
aux pesticides sont refusées au motif qu'il ne s'agit pas d'un accident du
travail ou d'une lésion professionnelle au sens de la loi.
M. Jean Boulet a déclaré vouloir positionner le Québec
comme leader mondial en matière de santé et sécurité au travail grâce à la
modernisation tant attendue de cette loi. Vous avez déjà démontré votre
capacité d'action en inscrivant certaines maladies oncologiques des pompiers
dans ce projet. Ainsi, vous avez comblé notre retard par rapport à l'ensemble
des provinces canadiennes et aux États-Unis. Le législateur peut remédier immédiatement
à cette injustice de traitement envers les agriculteurs en inscrivant la
maladie de Parkinson provoquée par les pesticides comme maladie
professionnelle, dans l'annexe B...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Attention, attention. Est-ce que nous l'avons perdu?
M. Rigal (Romain) : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui,
il est de retour.
M. Rigal (Romain) : Ah! Bienvenue.
Je reprends donc. Grâce à vous, Mmes et MM. les députés, le Québec a une
opportunité unique de rejoindre les chefs de file mondiaux en matière de
reconnaissance du risque professionnel associé à l'exposition aux pesticides,
comme la France et la Suède.
En parallèle de l'inscription de la maladie de
Parkinson à l'annexe B du règlement, le comité scientifique proposé dans le
projet de loi apparaît comme une innovation dans le processus de révision de la
liste des maladies professionnelles. Ce
comité représente une avancée sociale s'il contribue à l'accroissement de la
couverture des travailleurs.
Nous nous questionnons cependant sur la
pertinence du travail de ce comité sur la recherche de seuils maximums d'exposition afin de déterminer l'admissibilité
des travailleurs à l'indemnisation. En effet, la jurisprudence
québécoise, basée sur le principe de susceptibilité individuelle, établit
qu'une norme réglementaire de travail n'est pas l'indication d'un seuil qui
permet de déterminer si un travailleur est atteint ou non d'une maladie
professionnelle. Nous souhaitons également nous assurer que, lors des processus
d'évaluation de ce comité, celui-ci utilisera des données issues de recherches
académiques indépendantes, que la liste des sources utilisées soit rendue
publique et que ce comité soit protégé de l'influence indue des lobbyistes.
Si nous insistons sur la transparence des
sources utilisées, c'est que vous-même, M. le ministre, avez été induit en
erreur par un rapport fantaisiste produit par l'IRSST en juillet 2020. Dans ce
document, l'auteur rapporte, je cite : «Quelques revues de littérature sur
le lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson parmi les travailleurs
agricoles rapportent une augmentation significative du risque de développer la
maladie de Parkinson, mais d'autres n'en rapportent pas[...]. [...]Les
connaissances évoluent dans le temps...» Fin de la citation. Il se trouve que
l'ensemble des sources concernant le parkinson qui sont citées par ce rapport
sont en contradiction directe avec la conclusion de l'auteur. La dernière
méta-analyse, également citée par l'auteur de l'IRSST, va même jusqu'à conclure
à une stabilisation de l'estimation du risque autour de 70 %. Cet exemple
de manquement à l'éthique scientifique et d'induction en erreur de nos
dirigeants politiques soutient l'option d'argument sur la politique
d'indemnisation menée par la France et la Suède et recommandée par l'INSPQ. Par
conséquent, nous vous réitérons notre demande d'inscrire la maladie de
Parkinson par voie législative à la liste des maladies professionnelles.
Le gouvernement peut également porter plus loin
encore sa solidarité envers celles et ceux qui, parfois au détriment de leur
santé, nous nourrissent et entretiennent notre terre. En effet, plus des deux
tiers des exploitations agricoles ne sont pas inscrits à la CNESST. Leur inscription obligatoire à taux préférentiels
permettrait d'assurer la couverture future des agriculteurs.
D'autre part, le gouvernement devrait, à
l'instar de la France, développer un fonds d'indemnisation pour l'ensemble des
personnes aujourd'hui victimes des pesticides mais qui n'ont pas cotisé à un
régime de protection, faute d'information sur la dangerosité de ces produits.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion, M. Rigal. Il vous resterait 20 secondes.
• (15 h 50) •
M. Rigal (Romain) : Finalement, nous
saluons l'élargissement de l'application des mécanismes de prévention. Cependant,
nous aimerions vous demander de prévoir des dispositions particulières
d'application de la loi pour les exploitations agricoles dont la taille est
modeste et le calendrier de production dicté par la nature.
J'aimerais, Mme la Présidente, Mmes et MM. les
députés, vous remercier pour votre qualité d'écoute.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Nous allons
débuter la période d'échanges avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min
30 s.
M. Boulet :
Oui. Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier, Parkinson Québec, pour
votre contribution, pour la rédaction de votre mémoire qui est de grande
qualité. Et déjà, de reconnaître qu'on fait une avancée en élargissant
l'application des mécanismes de prévention, moi, je reçois ça comme un
commentaire positif. Puis j'ai la même préoccupation que vous, là, les deux
tiers des petites exploitations agricoles qui ne sont pas enregistrées à la
CNESST. Puis on a eu l'opportunité d'en discuter avec des représentants de
l'Union des producteurs agricoles un peu plus tôt, de comment on peut améliorer
la prévention, comment on peut inciter. Puis évidemment ça nous a amenés à
parler des mutuelles de prévention puis des associations sectorielles
paritaires.
J'aimerais vous
donner l'information suivante. Ce que la CNESST me rapportait, c'est que, de
2010 à 2018, elle a accepté 218 cas de maladies professionnelles pour le
secteur agricole, et seulement six de ces cas-là ont pour agent causal un
produit chimique, et les pesticides ne sont pas directement spécifiés dans ces
dossiers-là. Donc, en même temps, on reconnaît que, bien sûr, la maladie de
Parkinson, il y a une littérature médicale et scientifique qui se développe,
mais il y a eu un rapport, puis, Dr Auger, vous avez dû en prendre
connaissance, de l'IRSST, là, l'institut Robert-Sauvé, qui a été publié le 7 juillet 2020,
et il concluait que les revues de littérature sur le lien entre les pesticides
et la maladie de Parkinson ne sont pas unanimes. Bon, il y a des revues de
littérature, évidemment, qui confirment le
lien causal, mais c'est de qualité, là, un petit peu asymétrique. Puis on est
tout à fait conscients qu'il y a des données scientifiques puis que
c'est reconnu en France.
Ceci dit, ce que nous
proposons dans le projet de loi n° 59, c'est, un, d'actualiser la liste
des maladies professionnelles présumées... Puis, je répète, là, ce n'est pas
parce que ce n'est pas dans la liste que tu ne peux pas faire une réclamation,
et ce n'est pas parce que ce n'est pas dans la liste que tu ne peux pas faire
la preuve que c'est une maladie professionnelle. La présomption ne fait
qu'alléger le fardeau de preuve de la personne qui réclame en établissant une
présomption ou un lien de causalité.
On a plutôt adopté
l'approche de créer un comité de scientifiques qui va être composé d'experts
qui vont nous guider. Parce que nous, on est des parlementaires, puis la
maladie de Parkinson... Moi, Dr Auger, je vous écoute puis je vous trouve
extrêmement pertinent. C'est sûr qu'il y a des questions que j'aimerais avoir
un peu de réponses raffinées. Peut-être que je vous en parlerai un peu tout à
l'heure.
Mais, Dr Auger, moi,
je vais certainement demander que vous soyez entendu par le comité de
scientifiques, dès l'adoption, dès la création de ce comité de scientifiques
là. Il faut qu'une personne comme vous soyez entendue. Il faut que Parkinson
Québec soit notre partenaire, parce qu'on a une ouverture à ce que ça soit
ajouté dans la liste des maladies professionnelles présumées. Bon, on crée
aussi des comités de maladies professionnelles oncologiques, là, mais, pour les
maladies professionnelles présumées, vous serez là, Parkinson Québec sera
certainement là.
Puis là je vais y
aller... C'est un peu scientifique ou médical, là, mais je n'étais pas sûr
d'avoir bien compris quand vous disiez que ça prenait comme une condition
génétique particulière ou une précondition génétique particulière. Juste vous
entendre, là, parce que ça m'intéresse quand je vous écoute parler, là, Dr
Auger.
M. Auger
(Pierre) : Bon, écoutez, d'abord, juste avant de vous répondre à cette
question-là, je voudrais juste attirer l'attention que l'Institut national de
santé publique du Québec, là, l'INSPQ, a produit un mémoire, en 2019, qui
supporte l'évaluation des risques des pesticides à la maladie de Parkinson et
autres maladies.
Un autre mémoire qui
a été présenté en 2012, de l'INSERM... L'INSERM, c'est l'institut national de
santé et de l'environnement, c'est un institut français, ils ont produit un
rapport collectif, c'est-à-dire que ce n'est pas juste un ou deux auteurs qui
ont produit ce rapport-là, c'est un ensemble de scientifiques qui, en général,
ne travaillent pas pour l'INSERM, et ils ont vérifié les conflits d'intérêts
possibles de ces gens-là, et c'est vraiment un rapport collectif. Bon, le
rapport collectif, je l'ai ici, là, le résumé. Bien, pour eux autres...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : M. Auger, je vous inviterais à parler un peu plus dans le
micro. On n'a pas compris votre dernière phrase.
M. Auger
(Pierre) : Bien, ici, j'ai le résumé, un peu, là, de leurs résultats
de leur recherche, et puis, pour eux autres, la présomption est forte de
relation entre les pesticides et ces maladies-là : lymphome non
Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome multiple, maladie de Parkinson et
leucémie chez les femmes qui sont enceintes et qui sont exposées aux
pesticides.
L'Institut national
de santé publique, dont le principal auteur de ce rapport-là, c'est M. Onil
Samuel, qui est notre expert en pesticides — moi, je l'ai toujours connu
comme expert en pesticides, c'est notre expert en pesticides au Québec — bien, ils reprennent les mêmes conclusions
que l'INSERM. Alors, pour moi, là, la présomption est très forte.
Tu sais, je comprends
que l'IRSST... c'est vrai qu'il y a des études négatives, mais vous allez le
comprendre un peu pourquoi. Une des raisons, justement, c'est que... des études
ont démontré que ces gens-là, souvent, ont des anomalies... bien, en fait, pas vraiment des anomalies, mais, disons,
des variances dans différents gènes qui produisent des enzymes pour détruire les pesticides, pour les éliminer,
pour diminuer aussi ce qu'on appel les radicaux libres que ces
pesticides peuvent produire. Et il y a deux études, entre autres, qui
démontrent... encore là, je ne peux pas vous lister toutes les variantes
génétiques qu'il y a, mais il y a deux études qui démontrent que, quand tu as
ces gens-là avec ces variantes génétiques là et tu compares ces gens-là avec
des mêmes variantes mais exposés aux pesticides, ceux qui n'ont pas de
variantes... ceux qui ne sont pas exposés aux pesticides, ils n'ont pas plus de
maladie de Parkinson que les autres, mais, s'ils sont exposés aux pesticides,
bien là ils ont plus de maladie de Parkinson que les autres.
Alors, ce qui va arriver,
vous allez avoir bien des études négatives, là, surtout quand vous prenez
beaucoup de monde dans des études épidémiologiques. Plus ils ont du monde, plus
ils sont contents. Bien là, si vous avez beaucoup de monde, vous allez diluer à
l'intérieur de ça les gens qui ont des anomalies qui les rendent plus
susceptibles de souffrir de la maladie de Parkinson. Ce phénomène-là, on
n'appelle pas ça un phénomène génétique, ce
n'est pas des anomalies au niveau de l'ADN, là, au niveau du noyau. On appelle
ça des phénomènes épigénétiques. C'est quand des gens qui ont des gènes qui ne sont
pas exposés, puis ici, dans le cas, à des pesticides, bien, ils vont
être comme tout le monde, ils n'auront pas plus de problèmes que les autres.
Sauf que, là, s'ils sont exposés à ça, bien là, ça vient jouer sur l'ADN, sur
la sortie, là, de ce qu'un gène peut faire puis jouer là-dessus, puis là la
maladie peut apparaître. Comprenez-vous?
Alors, quand on parle de génétique, c'est ça, en
fait, c'est de l'épigénétique. C'est un nouveau concept qui commence.
Maintenant, ça fait à peu près une dizaine d'années qu'on parle d'épigénétisme.
Entre autres, l'INSERM... bien, je ne sais
pas si l'INSERM en parle, mais, dans l'institut... le rapport de l'institut,
ils en parlent, l'Institut national de santé publique. Alors, il y a
plusieurs... Je ne parle pas de toutes les études, là, où on a trouvé des anomalies chez les enfants, etc., là, je veux dire...
Je veux dire, ce n'est pas reposant, les pesticides, là, pas reposant,
là.
• (16 heures) •
M.
Boulet : J'aurais trois
points, Dr Auger. Un, bon, l'IRSST, c'est l'été dernier... et confirmait que la
littérature n'est pas unanime. Ça, c'est mon premier point.
Deuxième point, et je vous cite, vous comprenez
qu'il y a des études, vous dites : Je comprends qu'il y a des études
négatives. Donc, c'est une illustration qu'il n'y a pas unanimité scientifique
et médicale.
Troisième commentaire, quand je vous écoute,
pour moi, c'est une démonstration claire. Moi, je n'ai pas les connaissances,
puis on est des parlementaires, puis on n'est pas en mesure, dans une
commission parlementaire, de déterminer s'il y a un lien de causalité qui est
évident et le rajouter dans une liste de maladies professionnelles présumées.
C'est la raison pour laquelle il faut s'assurer d'avoir un comité de
scientifiques qui vont nous guider.
Puis j'entendais M. Rigal dire :
Est-ce que les sources peuvent être rendues publiques? Absolument. Les sources,
les avis, les recommandations de ce comité de scientifiques là seront
totalement connus de la population et nous inspireront dans notre volonté
d'améliorer puis de moderniser notre liste pour adhérer à la littérature
scientifique. Puis je sais que c'est reconnu en France, mais il faut dire que
ce n'est pas reconnu dans beaucoup de pays, là. Puis je ne ferai pas la liste
des pays où ce n'est pas reconnu. Ce qui n'empêche pas, Dr Auger, de vous
permettre, éventuellement... et que nous soyons associés à Parkinson Québec, et
s'assurer que vous soyez pleinement entendus et pour d'autres types de maladies
professionnelles, par ailleurs. Ça, ça m'apparaît extrêmement évident et ça
n'empêche pas, d'ici là... Parce qu'on pourrait, hypothétiquement, penser que,
dans un an, un an et demi, ça soit une maladie professionnelle présumée.
Puis je ne suis pas capable, je n'ai pas de
boule de cristal, mais, d'ici là, il n'y a rien qui empêche... Puis moi, je
n'ai pas, de la CNESST, de chiffres ou de statistiques qui me démontrent que
quelqu'un a été victime d'un préjudice. Parce que, si quelqu'un a utilisé des
pesticides puis qu'il a la maladie de Parkinson, bien, il obtient un rapport du
Dr Pierre Auger, puis la CNESST va reconnaître le lien causal, sans égard à la
présomption, et la réclamation va être acceptée, puis la personne va bénéficier
des indemnités de remplacement de revenu.
Je reviens peut-être à M. Rigal. Quand vous
mentionnez deux tiers des entreprises agricoles qui ne sont pas inscrites à la
CNESST, avez-vous des idées ou des suggestions à nous faire pour, peut-être,
que la CNESST ou que d'autres partenaires du domaine agricole puissent
s'investir et que nous nous assurions que les mécanismes de prévention, parce
que c'est au coeur de notre projet de loi n° 59, puissent être pleinement
appliqués dans ce secteur qui est tellement crucial pour l'économie du Québec?
M. Rigal (Romain) : Très bien, je
vous remercie de votre question, c'est tout à fait pertinent. Je sais que vous
en avez discuté ce matin. J'aimerais cependant, peut-être, élargir un petit peu
le débat, qui ne s'applique pas uniquement aux agriculteurs, puisque les
applicateurs de pesticides, les ingénieurs agronomes, qui sont tous des
salariés, donc des travailleurs au sens de la loi, sont également des personnes
exposées, peuvent également être exposés aux pesticides. Donc, ces gens tombent
déjà sous le régime de protection de la CNESST, et ce sont des gens qui, aujourd'hui,
soumettent leurs rapports à la CNESST et qui ne sont pas reçus, ces rapports
sont refusés. Donc, on ne parle pas uniquement des agriculteurs, le monde des
pesticides, en fait, est beaucoup plus large.
Malheureusement, je n'ai pas de recommandation
particulière à vous faire. Je pense que, ce matin, vous avez eu une discussion
extrêmement constructive avec M. Caron, et les mutuelles qu'il mène m'apparaît
une très bonne idée, effectivement.
M. Boulet : Oui, je vous ai bien
entendu. Puis, peut-être, puis il faudrait fouiller, est-ce qu'il y a eu des
cas où le lien de causalité n'a pas été reconnu? Évidemment, chaque cas est un
cas d'espèce, ça demeure à documenter, puis c'est certain que l'évolution des
connaissances scientifiques va nous permettre de marcher sur un terrain
beaucoup plus stable, là, en matière d'impact des pesticides dans le domaine
agricole. Mais, M. Rigal, à quoi vous attribuez... Bon, vous avez parlé d'un
fonds d'indemnisation, là. En fait, peut-être nous dire quelques mots sur le fonds
d'indemnisation auquel vous référez, parce que l'UPAnous en a parlé aussi.
M. Rigal (Romain) : Dans un premier
temps, il est important que notre gouvernement — et, quand je parle de notre gouvernement, c'est les gens qui nous
gouvernent, pas le gouvernement de la CAQ — aujourd'hui, reconnaisse qu'il y a eu une erreur. Aujourd'hui, l'agence qui
autorise l'utilisation des pesticides au Canada, l'ARLA, reconnaît la sécurité des pesticides sur des données uniquement fournies
par l'industrie. Or, ces données, on ne peut pas se baser sur ces données pour
évaluer l'impact à long terme, sur la santé, des pesticides. Ça,
malheureusement, on s'en rend compte bien plus tard. Le gouvernement du Québec,
ensuite, autorise la vente de ces pesticides. Les agriculteurs québécois font
confiance au gouvernement du Québec, utilisent ces pesticides et,
malheureusement, développent des maladies comme la maladie de Parkinson, des
myélomes, des lymphomes non hodgkiniens.
Ainsi, nous, ce qu'on pense, une fois que le
gouvernement aura reconnu le lien de causalité ou, du moins, reconnu tout
simplement l'évidence scientifique, les travailleurs qui seront couverts,
effectivement, seront indemnisés via la CNESST, mais tous ceux qui ne sont pas
couverts, c'est-à-dire qui aujourd'hui ont passé leur vie à travailler, à
produire pour le Québec, produire pour notre alimentation, produire pour notre
économie, eux n'auront jamais cotisé à la CNESST parce qu'ils n'auront jamais
été mis au courant de la dangerosité de ces produits, donc, en fait, c'est de
créer un fonds d'indemnisation. C'est pour indemniser ces personnes qui n'ont
pas cotisé et c'est pour... mais ils n'ont pas cotisé parce qu'ils n'étaient
pas au courant du risque.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, c'est tout le temps que nous avons.
M. Boulet : Très bien. Oui, puis
c'est un autre débat, c'est une fenêtre que vous ouvrez, là, puis qui pourra
faire l'objet de discussion avec nos collègues, là, du MAPAQ, là. Mais merci
beaucoup de votre présence à vous deux. Bien appréciée, la collaboration de
Parkinson Québec, puis souhaitons que ça se poursuive dans les mois et les
années à venir. Merci beaucoup, M. Rigal, Dr Auger. Merci.
M. Auger (Pierre) : Merci à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de
11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous deux pour l'excellent rapport. Moi, je pense que vous avez quand même pas mal de preuves, si on veut
utiliser le langage scientifique, qui démontrent la causalité. Donc, il
n'y a pas uniquement la France qui a reconnu la maladie, mais l'INSPQ, en 2019.
Il y a le lien de causalité.
Dans votre page 22, vous parlez de huit
méta-analyses. Pour le bénéfice des collègues, j'ai navigué presque toute ma
vie dans les méta-analyses, mais je vais vous donner quelques minutes de mon
temps pour expliquer c'est quoi, une
méta-analyse. Prenez quelques minutes pour expliquer c'est quoi, une
méta-analyse. Parce que, contrairement au ministre, je ne suis pas
d'accord qu'on n'a pas la capacité intellectuelle de juger, aujourd'hui, que
c'est une erreur, ne pas inclure cela dans les maladies professionnelles et,
deux, mettre ça sur le dos d'un comité scientifique qui va se réunir un peu plus
tard et décider, un jour, de l'ajouter ou pas.
Donc, je vais vous laisser expliquer c'est quoi,
une méta-analyse. Je vais vous laisser expliquer, mais brièvement, s'il vous
plaît, la page 22, quand on parle d'un risque relatif de 1,7 montré dans
plusieurs méta-analyses, est-ce que vous pouvez y aller, M. Rigal?
M. Rigal (Romain) : Bien sûr. Donc,
les études épidémiologiques sont des études qui évaluent le risque de
développer une maladie quand on est exposé, oui ou non, à des facteurs
environnementaux. La qualité de ces études varie, elle varie en fonction de
leur rigueur scientifique : est-ce qu'on a bien évalué le risque, est-ce
qu'on a bien évalué l'exposition, est-ce que la taille de l'étude était
importante ou pas.
Comme le ministre le soulignait, il existe des
études qui montrent l'association, et des études qui montrent des associations très fortes, et des études qui
montrent des associations beaucoup plus faibles, voire pas
d'association. Devant cette différence, finalement, il est important, pour
qu'on puisse prendre des décisions politiques éclairées et que la science
puisse avancer, que les résultats de ces analyses soient agrégés, c'est-à-dire
on poole toutes les études dans une seule méta-analyse. Ainsi, on est capables
de comparer le poids respectif... Vous m'entendez toujours?
M. Derraji : Oui, oui.
M. Rigal (Romain) : On est capables
de comparer le poids respectif des études positives et négatives et d'avoir, en un seul chiffre, le résultat de centaines d'études. Ces méta-analyses, il y en a
eu huit, jusqu'à aujourd'hui, et toutes
les méta-analyses, qui influaient progressivement toutes les études qui
sortaient, sont sorties positives, et la dernière des méta-analyses, qui n'inclut que les études les
plus rigoureusement scientifiques, donne exactement le même résultat.
M. Derraji : Ça veut dire 1,7. Ça
veut dire le risque...
• (16 h 10) •
M. Rigal (Romain) : 1,7.
M. Derraji : Ça veut que dire qu'en
effet la preuve que la prévalence est supérieure, dans cette population, avec
un risque relatif supérieur de 1,7... Est-que ce j'ai bien compris?
M. Rigal (Romain) : Exactement. La
prévalence dans la population des exploitants agricoles est nettement
supérieure à la population normale.
M. Derraji :
Excellent. Vous avez très bien répondu à ma question. Et, pour moi, en tant que
membre de cette commission, si j'additionne l'INSPQ 2019, si j'additionne
l'INSERM, mentionné par votre collègue, si j'additionne le fait que la France a
reconnu la maladie, je peux, d'emblée, dire que je ne peux pas attendre l'avis
du comité scientifique. Je peux dire
aujourd'hui qu'après le travail effectué l'année dernière dans l'ancienne
commission, vous êtes intervenus, que le lien de causalité est bien réel.
Ce matin, M. Rigal, les gens de l'UPA se sont
dits déçus de ne pas voir, en fait, cette reconnaissance de la maladie de
Parkinson parmi les maladies professionnelles. Est-ce que vous partagez leur
même point de vue? Aujourd'hui, vous êtes
venus nous démontrer, encore une fois, que vous devez, devant une autre
commission parlementaire pour l'étude d'un projet de loi, démontrer le
lien de causalité entre les pesticides et la maladie de Parkinson.
M. Rigal (Romain) : Vous me demandez
si je suis déçu, ce n'est pas moi qui serais déçu, c'est l'ensemble de la
communauté des agriculteurs à qui on a fait la promesse d'inclure la maladie de
Parkinson comme maladie professionnelle, l'année dernière, par la bouche du
docteur... du ministre Lamontagne... et de voir ce gouvernement ne pas mettre
en application ses promesses.
M. Derraji : Bien, je le lis entre
les lignes et je peux, moi, je peux le dire parce que je suis député — vous,
vous, je comprends, vous respectez les
lignes de votre organisation, tout à votre honneur — moi,
aujourd'hui, la conclusion que le gouvernement de la CAQ abandonne les
agronomes du Québec et abandonne les agriculteurs. Parce que le débat a été
déjà fait. Je vois, mon collègue, Sylvain Roy, qui était là, moi, j'en suis sûr
et certain... va avoir aussi des bonnes questions pour vous parce que lui,
contrairement à moi, il était là, dans cette commission, et, j'en suis sûr et
certain, il va partager la même chose que moi.
Mais, au-delà des preuves scientifiques, moi, je
pense que vous avez des bonnes preuves. Je les ai lues et je suis capable de
lire les méta-analyses, ce n'est pas vrai que je ne suis pas capable de lire
les méta-analyses. C'est quoi, votre conseil aux membres de cette commission
qui doutent encore? Parce que j'aurais besoin de leur aide pour voter pour
notre amendement qu'on va ajouter lors de l'étude article par article.
M. Rigal (Romain) : Tout d'abord,
j'ai beaucoup de respect pour votre commission, beaucoup de respect également
pour M. le ministre qui a décidé de faire avancer cette loi, c'est très... je
suis vraiment content. Notre proposition, c'est effectivement que vous incluiez
la liste des maladies... la maladie de Parkinson à la liste des maladies
professionnelles par manière législative, de la même manière que vous l'avez
fait pour les pompiers, pompiers pour lesquels le risque de développer des
cancers est plus faible que de développer la maladie de Parkinson en étant
développé... en étant exposé aux pesticides. Je vous poserai donc la question.
Ce n'est pas à moi aujourd'hui de justifier
pourquoi la maladie de Parkinson n'est pas incluse dans la liste des maladies
professionnelles, alors qu'il y a tant d'évidences. Vous vous poserez la
question, il me semble que c'est à vous aujourd'hui et au gouvernement de
m'expliquer pourquoi elle ne l'est pas.
M. Derraji : Mais moi, j'ai une
partie de la réponse et je vais me permettre. Vous avez dit, tout à l'heure,
qu'il y avait un avis de l'IRSST. Vous avez dit que, et corrigez-moi si je me
trompe... induit en erreur. Donc, l'avis, probablement au niveau de la
rédaction du projet de loi... Vous avez dit que le ministre a soulevé, tout à
l'heure, l'étude du IRSST, alors qu'on a un
avis de l'INSPQ qui dit le contraire. Donc, maintenant, est-ce que vous pensez
que le ministre, dans la rédaction du projet
de loi, s'est basé uniquement sur l'avis du IRSST, et il a oublié l'avis de
l'INSPQ?
M. Rigal
(Romain) : Comme je vous
l'ai dit, malheureusement, l'avis de l'INSPQ est parfaitement
fantaisiste et n'a aucune rigueur scientifique. Malheureusement, j'ai
effectivement l'impression que le ministre, dans sa bonne volonté de faire
avancer ce projet de loi, n'a tenu compte que de cet avis. Je ne peux que
considérer que c'est un oubli de l'ensemble de la littérature, et des
recommandations de l'INSPQ, et de ce qui se passe à l'international. Et, une
fois de plus, comme le ministre souhaite projeter une image de leader mondial
en matière de progrès en santé et sécurité au travail, je ne peux pas imaginer
autrement.
M. Derraji : Mme la Présidente,
combien de minutes il me reste?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Deux
minutes.
M. Derraji : O.K. Excellent. Bien,
écoutez, M. Rigal et M. Auger, je pense que les éléments que vous ramenez à
notre commission sont... je vois une pertinence extrême. Et je vous invite à
envoyer aux membres de la commission l'avis de l'INSPQ. Je vous invite aussi,
M. Auger, vous avez mentionné l'INSERM... je vous invite à envoyer cet avis aux
membres de la commission. Je vous invite aussi à nous envoyer l'avis du
scientifique en chef. Ça commence à être beaucoup d'intervenants qui pensent
tous de la même façon, on ne va pas dire que ces gens... qu'ils ont un avis
biaisé. Donc, je pense que la littérature, aujourd'hui, en tant que membre de
cette commission, penche plus vers la reconnaissance de la maladie
qu'autrement.
Donc, je vous remercie, et soyez rassurés — et transférez,
au fait, nos salutations à vos membres et aux gens que... vous parlez au nom
des agronomes, ou des agriculteurs, ou applicateurs de pesticides — qu'on
va mener ce combat à l'intérieur de la
commission pour la reconnaissance de cette maladie comme les autres maladies
professionnelles. Merci à vous deux.
Une voix :
Merci à vous.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons l'échange avec le
député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
M. Rigal, M. Auger, bonjour. D'abord, pour dire que pendant la pause, entre les
deux groupes, j'ai reçu de la visite à mon bureau. Il y a des représentants des
Métallos qui sont venus me porter une petite affiche, je ne sais pas si on la
voit bien. Alors, ça dit : La santé et sécurité à rabais, ça met tout
le monde en danger. Alors, c'est bien, la mobilisation citoyenne, ça fait
fructifier les débats.
Question pour M. Auger : est-ce que vous
seriez susceptible, vous, de participer au comité scientifique que M. le
ministre prévoit dans son projet de loi?
M. Auger (Pierre) : Bien,
éventuellement, mais mettons que... regardez-moi mon visage, là, puis regardez
mes cheveux, mettons que je suis un peu pas loin de la retraite, là. Mais ça
m'intéresserait beaucoup de participer à ça, mais je ne suis pas sûr que je
vais être capable.
M. Leduc : Est-ce qu'on a raison de
penser que l'éventuel comité qui va être formé va arriver à une conclusion
qu'il faut rajouter la maladie de Parkinson? Est-ce que c'est à peu près
impossible que ce soit autre chose que cette conclusion-là qui arrive, au
comité scientifique?
M. Auger (Pierre) : Moi, à partir de
la littérature qu'on a là, moi, c'est clair, parce que l'INSERM, quand ils se
prononcent là-dessus, là, ils disent que le lien est... (Panne de son).
M. Leduc : Il faut bien parler dans
le micro, M. Auger, sinon on ne vous entend pas.
M. Auger (Pierre) : Bien, ils
disent, dans ce tableau-là, que la présomption est forte. Puis ils ont révisé
toute une série d'études, là, sur toutes les autres pathologies et ils en
arrivent à des conclusions plus... disons : Tu sais, là, on n'est pas
sûrs, puis c'est parce que... Tandis que, celle-là, là, pour eux autres, la
présomption est très forte, là, tu sais? Un peu dans le même langage que le Dr
Guidotti là, tu sais, pour eux autres, la présomption est forte, là. Puis là,
bien, effectivement, il y a toujours...
Tu sais, moi, je peux juste vous parler
rapidement de mon expérience. Quand j'ai commencé ma carrière, j'ai rencontré
des travailleurs qui étaient exposés aux solvants, des peintres qui
développaient une encéphalopathie, là, O.K., des problèmes de mémoire, de
concentration, de fatigue, etc. Puis le seul pays qui le reconnaissait, c'était
la Suède, comme là, d'ailleurs, aujourd'hui aussi, la Suède reconnaît la
maladie de Parkinson et les pesticides. Et puis, au début, je veux dire, ça a été une bataille, là, ça a pris 10,
15 ans avant que... Finalement, aujourd'hui, c'est reconnu, là. Là, c'est reconnu à la
CNESST, mais, à l'époque, ça ne l'était pas, là, tu sais? Puis on a beau
écrire : Pierre Auger, spécialiste en médecine du travail, il faut
répondre : Non, ce n'est pas inscrit dans la loi, pas inscrit dans la loi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, je vous remercie. C'est tout le temps que nous avons. Merci. Nous
poursuivons avec le député de Bonaventure, vous avez 2 min 45 s.
• (16 h 20) •
M. Roy (Bonaventure) : C'est
trop court. Bonjour, M. Rigal et M. Auger. Écoutez, la commission sur les
pesticides, là, ce que vous dites, c'était tout un comité scientifique, on en a
vu, des études puis des mémoires qu'ils sont venus nous présenter là-dedans...
l'utilisation des pesticides pour l'environnement puis la santé humaine, je ne
reviendrai pas sur tout ça, là. Et c'est sûr qu'on a été en Europe, puis où on
nous a dit que le Canada faisait partie des cheerleaders de la promotion des
pesticides. Ça fait que ça vous donne un peu l'interprétation qu'ils ont de nos
pratiques. Fin de la parenthèse. Moi, là, très clair.
Quelle différence qui existe entre les énoncés
scientifiques qui ont reconnu le cancer chez les pompiers et les énoncés scientifiques qui démontrent un lien de
causalité entre l'utilisation des pesticides puis les différentes
maladies que vous avez citées?
M. Rigal (Romain) : Aucun. Le Dr
Guidotti utilise les mêmes outils, des études épidémiologiques, des études de
toxicologie, pour établir ce lien de causalité. Une fois que ce lien de
causalité est établi, c'est ainsi qu'on peut établir la présomption. Ce qui est
intéressant, c'est de regarder ensuite la magnitude, c'est-à-dire la force de
l'association qui existe entre le développement de maladies et l'exposition à
l'amiante, par exemple, dans le cas des pompiers,
et les pesticides chez les agriculteurs. Il se trouve que cette force
d'association est très forte chez les agriculteurs exposés aux
pesticides.
M. Roy (Bonaventure) : Donc,
l'énoncé scientifique est valide. On retourne... Même si le ministre, en tout
respect, nous a dit qu'il n'était pas scientifique, on est près d'une décision
politique, dans ce cas-là.
M. Rigal (Romain) : Je vous dirais,
je pense qu'avec tout le respect que je lui dois notre premier ministre n'est
pas un scientifique. Il écoute, tous les jours, dans cette situation, les
conseils du Dr Arruda, c'est le principe de notre démocratie aujourd'hui.
M. Roy (Bonaventure) :
Absolument.
M. Rigal (Romain) : Nous vous
faisons confiance en tant qu'élus, vous faites confiance aux scientifiques. Si,
aujourd'hui, nos institutions scientifiques produisent de la mauvaise qualité
ou que vous n'avez pas confiance dans ces institutions, comment nos élus
peuvent avoir confiance en vous? C'est une chaîne de confiance.
M. Roy (Bonaventure) :
Message reçu. Merci beaucoup, M. Rigal et M. Auger. Est-ce qu'il me
restait du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Non.
Trois secondes, c'est tout.
M. Roy (Bonaventure) : À
bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui.
Alors, je vous remercie, M. Rigal, M. Auger, pour votre contribution
vraiment touchante, hein, aux travaux de la commission actuelle. Merci
beaucoup.
Nous
suspendons les travaux quelques instants pour donner la chance au prochain
groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 23)
(Reprise à 16 h 27)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, je vous souhaite effectivement la bienvenue, aux
représentantes de l'Alliance du personnel
professionnel et technique de la santé et des services sociaux. Je vous
rappelle, mesdames, que vous avez 10 minutes pour votre
présentation et, avant de commencer votre exposé, vous pouvez vous présenter,
vous nommer.
Mme Poirier (Andrée) : Alors, Andrée
Poirier, présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique du
réseau de la santé et des services sociaux, l'APTS.
Mme Schmidt (Chantal) : Chantal
Schmidt, à la coordination de la santé et sécurité au travail, à l'APTS.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, vous pouvez commencer votre exposé. Merci.
Mme Poirier (Andrée) : Mme la
Présidente, Mmes et MM. les parlementaires, bonjour. L'Alliance du personnel
professionnel et technique de la santé et des services sociaux, l'APTS,
représente 60 000 personnes, professionnelles et techniciennes, des
femmes, à 86 %, qui pratiquent exclusivement dans la grande majorité des
établissements du réseau public québécois de la santé et des services sociaux,
au sein de missions variées : centres hospitaliers, CLSC, CHSLD,
laboratoires, centres jeunesse et centres de réadaptation, pour n'en nommer que
quelques-unes. Ces hommes et ces femmes
occupent une centaine de titres d'emploi différents dans les services
diagnostics, les services psychosociaux, la nutrition, la réadaptation, la
prévention et le soutien clinique. Cette diversité se retrouve aussi en ce qui
concerne les conditions de travail de nos membres et les risques présents dans
leur milieu. Notre organisation syndicale est très préoccupée par la situation
des femmes au travail et par toute condition affectant leur santé et leur
sécurité.
C'est en portant la voix de cet effectif,
majoritairement féminin et dont les milieux de travail sont très diversifiés,
que nous nous adressons aujourd'hui aux membres de la Commission de l'économie
et du travail pour livrer un message clair sur le projet de loi n° 59.
Sans un véritable accès aux mécanismes de prévention et sans des conditions
favorisant la participation des travailleurs et des travailleuses à l'effort de
la prévention, nous ne pourrons pas atteindre l'objectif de la Loi de la santé
et sécurité du travail, soit l'élimination des dangers à la source. Le projet
de loi risque également de réduire considérablement les droits des victimes de
lésions professionnelles en modifiant de façon importante la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles.
• (16 h 30) •
Les quelques avancées permises ne compensent
malheureusement pas les importants reculs qu'apporte cette réforme. L'APTS
dénonce l'un des éléments les plus pernicieux du projet de loi, à savoir que
les personnes non syndiquées n'auront pas accès à une véritable application de
mécanismes de prévention, en plus de voir leurs droits affaiblis par cette réforme.
En ce qui concerne les modifications à la LSST,
l'APTS accueille favorablement l'application des mécanismes de prévention à
l'ensemble des secteurs de travail du Québec. Nous avons en effet revendiqué,
au cours des dernières années, que tous les secteurs d'activité de travail
bénéficient de l'application des mécanismes de prévention prévus par la Loi sur
la santé et sécurité du travail.
Si le projet de loi
n° 59, dans sa version actuelle, permet des avancées à cet égard,
l'application de ces mécanismes de prévention est toutefois compromise par la
réglementation qui l'accompagne. Le programme de prévention, le temps de
libération dédié à la personne représentante en santé et sécurité seront en
effet déterminés en fonction du risque faible, moyen ou élevé. Or, en fonction
de la cotation retenue, les milieux de travail pour nos membres
sont évalués, pour la plupart, à faible risque. Le niveau d'absentéisme
croissant dans le réseau de la santé et des services sociaux, associé à des
problèmes de santé mentale ou à la présence de troubles musculosquelettiques,
démontre plutôt la présence de risques considérables dans ces milieux de
travail. Pour les personnes salariées considérées à faible risque, les
dispositions actuelles du projet de loi n° 59 équivalent à échanger quatre
trente-sous pour une piastre en matière de prévention. Et, si la COVID-19 a bien
démontré une chose, c'est que le niveau de risque est loin d'être faible dans
le réseau de la santé et des services sociaux.
En tant
qu'organisation féministe, l'APTS recommande le maintien dans son intégralité
du Programme de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite.
Nous sommes très sceptiques quant à la pertinence de mettre en place des
protocoles universels pour définir les dangers qui la menacent au détriment du
pouvoir de recommandation de son médecin traitant et de la prise en compte des
facteurs individuels.
Nous saluons l'ajout
d'une obligation explicite, pour l'employeur, de mettre en place des mesures de
prévention en matière de violence physique ou psychologique, incluant la
violence conjugale ou familiale.
Ajoutons que l'APTS
désapprouve les changements apportés qui confèrent à l'employeur un plus grand
contrôle en prévention. Lui confier le pouvoir exclusif d'élaborer le programme
de prévention et de choisir le médecin constitue une atteinte au paritarisme,
qui est un principe fondamental de cette loi. La possibilité de concevoir des
plans de prévention multiétablissements s'avère également problématique pour
notre réseau. Pensons, par exemple, à la réforme Optilab qui amène le personnel
des laboratoires à être sous la responsabilité d'un autre établissement que celui où il travaille. Nos
membres en Abitibi sont, par exemple, à l'emploi du CUSM. L'approbation des plans de prévention
par des représentants des personnes salariées est, pour nous, une condition
essentielle pour que les réalités de chaque établissement soient prises en
compte.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Attendez un instant, je vais demander à la députée de
Labelle de fermer son micro, s'il vous plaît.
Mme
Jeannotte : Oups! Excusez-moi.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci.
Mme Poirier
(Andrée) : Le projet de loi n° 59 modifie
aussi de façon importante la Loi sur les accidents de travail et les maladies
professionnelles. Nous déplorons qu'on ouvre la porte à l'octroi de pouvoirs injustifiés
à la CNESST en ce qui a trait aux maladies professionnelles, à la réadaptation
et à l'assistance médicale, sous le couvert d'une modernisation de la loi. Ces
pouvoirs accrus s'accompagnent d'un affaiblissement de la prépondérance de
l'opinion du médecin traitant. Or, on l'observe particulièrement par l'ajout de
la nouvelle section Réadaptation avant consolidation et par les nouveaux pouvoirs permettant aux
membres du Bureau d'évaluation médicale d'établir lui-même les atteintes
permanentes et limitations fonctionnelles lorsqu'il décide de la date de
consolidation.
Ces modifications
constituent des reculs importants pour les droits des salariés et trahissent
les objectifs de la loi. Elles nous incitent à croire que l'exercice vise plutôt
à rationaliser les coûts, au détriment du respect de l'esprit de la LATMP. Nous
insistons sur le fait que la loi doit permettre une indemnisation effective des
victimes de lésions professionnelles. Pour cela, la procédure d'évaluation
médicale ne doit pas permettre que le membre du Bureau d'évaluation médicale
usurpe le rôle du médecin traitant.
Afin de constituer
une véritable modernisation, le projet de loi n° 59
doit privilégier l'adaptation de la liste des maladies professionnelles à l'évolution
du monde du travail. La liste doit être conservée dans la loi, tout en
favorisant l'application de la présomption à des problèmes de santé qui
affectent les salariés, comme les troubles musculosquelettiques et les troubles
mentaux. Il faut aussi revoir les conditions particulières pour la reconnaissance
de certaines maladies, qui sont beaucoup trop limitatives.
Le projet de loi n° 59 doit également tenir compte des obligations et responsabilités
du syndicat afin d'intégrer correctement la relation tripartite lors du processus
d'accommodement visant à déterminer l'emploi convenable pour permettre la
réadaptation professionnelle des salariés.
Si
le ministre désire mettre un frein aux dépenses grandissantes
liées au régime de réparation de la LATMP, nous estimons que la meilleure façon de le faire, c'est d'axer la réforme sur
l'amélioration du régime de prévention et d'obliger les employeurs à régler à la source les situations
provoquant des accidents du travail et des maladies professionnelles.
En conclusion, nous
croyons que la modernisation d'une loi consiste à la mettre à jour en
profondeur. Dans le cas du régime de santé et sécurité du travail, ce
renouvellement est attendu depuis 40 ans. Vous comprendrez que nos
attentes face au projet de loi n° 59 sont élevées. Le gouvernement du
Québec ne doit pas rater cette occasion d'améliorer les mesures assurant la
santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs du réseau de la
santé et des services sociaux. Un projet de loi bonifié, apte à satisfaire les
attentes des organisations qui les représentent aurait un effet plus que
bienvenu à l'heure actuelle : agir sur ce qui est évitable, préciser dans
la loi la prévention comme levier qui inspire et mobilise pour que les
travailleuses et les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux
puissent oeuvrer dans des milieux sains et sécuritaires.
Nous espérons que nos
recommandations seront reçues positivement et qu'elles permettront de
moderniser réellement le régime de santé et de sécurité du travail, comme nous
le réclamons depuis de nombreuses années. Merci de nous avoir entendues. Nous
sommes maintenant prêtes à répondre à vos questions.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci pour
votre exposé. Nous allons effectivement débuter la période d'échange avec M. le
ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet :
Merci, Mme Poirier. Merci, Mme Schmidt. Évidemment, on connaît bien
l'APTS, on connaît l'étendue des personnes que vous représentez, le nombre, et
la qualité aussi du travail qui est effectué par les membres de l'APTS. Moi,
j'attribue énormément de crédibilité à votre mémoire puis je réalise que, bien
sûr, cette modernisation-là était attendue. Et on partage les mêmes objectifs. Je
pense qu'on s'entend, dans la communauté à la fois des employeurs, des
syndicats et des travailleurs, au Québec, sur la nécessité d'agir le plus
rapidement pour moderniser puis accroître la façon dont on fait la prévention
dans les milieux de travail.
Il y a des énoncés, cependant, que je voyais
dans votre rapport, puis peut-être qu'on ne fait pas toujours la même lecture
de la loi, là, puis peut-être que c'est une question d'interprétation, puis on
aura certainement l'opportunité, en étude détaillée article par article, la
capacité, avec nos collègues des partis de l'opposition puis du parti
gouvernemental, d'éclaircir, le cas échéant, mais, quand vous mentionnez, par
exemple, que les non-syndiqués sont exclus de la prévention, à mon avis, ce
n'est pas fondé sur le régime actuel puis ce n'est pas fondé, encore moins, sur le projet de loi n° 59. Les
travailleurs non syndiqués sont traités de la même façon. C'est un régime
minimal, comme un peu... on peut faire un parallèle avec la Loi sur les normes
du travail. Évidemment, en milieu syndiqué, ce que vous faites, notamment...
bien sûr, il y a bien au-delà de ce qui est prévu dans la Loi sur la santé et
sécurité ou la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles,
mais la prévention, c'est ce qui va nous guider jusqu'à la fin du processus de
la commission parlementaire.
Les niveaux de risque, bon, faible, moyen,
élevé, je veux que ce soit clair, il faut quand même un peu nuancer, là, parce que, dans le secteur de la
santé et des services sociaux, il y a des établissements psychiatriques, il y
a des résidences pour personnes aînées puis il y a des services ambulanciers où
les risques sont moyens, élevés. Évidemment,
les risques sont établis en tenant compte d'un certain nombre de critères
objectifs, comme la masse salariale, les
déboursés, la nature, la fréquence, la gravité des lésions professionnelles
dans l'écoulement du temps. Évidemment, l'épidémiologie vient peut-être
apporter des nuances additionnelles. Puis je suis de ceux qui croient que, même
si on utilise des critères objectifs, parfois, ça peut avoir des incidences
discriminatoires non voulues ou indirectes.
Mais, Mme Poirier, je vous poserais une question
précise, là. Dans la détermination des niveaux de risque, est-ce qu'il y a une
suggestion que vous pouvez nous faire ou un critère additionnel qui pourrait
être considéré pour nous donner des niveaux de risque qui sont un meilleur
reflet de ce qui se passe dans les milieux de travail?
• (16 h 40) •
Mme Poirier (Andrée) : Je vais
laisser ma collègue répondre, mais d'emblée je vous dirais qu'il y a un flou
dans le projet de loi que vous proposez, notamment lorsqu'on parle d'un
établissement avec plusieurs... tu sais, un centre... Vous parliez d'un CHSLD,
O.K., c'est un établissement, donc, qui aurait un niveau de risque moyen ou
élevé, dans un CHSLD. Mais qu'en est-il d'un centre hospitalier, où on a
plusieurs, on a différents niveaux de risque à même... d'un centre hospitalier?
Qu'en est-il du plan de prévention? On a beaucoup de questionnements par
rapport à ça. Et je laisserais Chantal préciser davantage pour clarifier la question
que vous nous posez.
Mme Schmidt (Chantal) : M. le
ministre, l'exercice qu'on a fait quand on a vu la réglementation qui est en
lien avec les différents mécanismes est très révélateur. Bien qu'en principe on
est à la même place que vous sur la nécessité d'appliquer les mécanismes et
qu'on accueille favorablement l'idée que le programme de prévention s'applique
aux établissements où il y a au moins 20 travailleurs, il n'en demeure pas
moins que la réglementation que vous ajoutez à la loi atténue toute la
réalisation des mécanismes.
Sur la question plus spécifique que vous
soulevez, de la cotation qui émane des codes SCIAN, on a examiné au meilleur de
notre connaissance, parce que ce n'est pas très clair, cette codification-là.
Au meilleur de notre connaissance, on a identifié 12 secteurs où sont nos
membres. Vous l'avez dit d'entrée de jeu, on a des personnes salariées qui
travaillent... plusieurs types d'emploi qui travaillent dans plusieurs installations
distinctes. Sur la codification, il y a 12 secteurs qui concernent nos
membres, et six d'entre eux sont cotés «faible». On a grandement réagi quand on
a vu la cotation «faible», particulièrement pour ce qui est indiqué au niveau
des hôpitaux généraux et hôpitaux de soins chirurgicaux.
Dans les discussions qu'on a eues à l'APTS, M.
le ministre, on s'est vite questionnés sur le fait qu'il est très difficile
pour nous d'adhérer à ce que vous nous proposez dans votre cotation, pour une
raison fondamentale, c'est que la plupart des motifs qui amènent nos membres à
s'absenter du travail parce qu'ils sont dans des situations d'incapacité en
raison du travail... n'ont pas recours nécessairement à la Loi sur les
accidents du travail pour être indemnisés. Nos membres, très souvent, opteront
pour l'assurance salaire. Nos membres, confrontés à une surcharge de travail
qui dure et perdure dans le temps, qui use et rend malade, auront recours à
l'assurance salaire. Votre cotation s'adresse à des données qui nous signalent
que, sur la masse salariale, on regarde les données qui sont relatives aux
coûts de la CNESST. Alors, pour nous, votre cotation, fondamentalement, ne
tient pas compte des motifs d'absentéisme des salariés du réseau de la santé. Ça,
c'est des éléments importants.
Dans l'application — restons avec la
cotation «faible» — notre
questionnement nous amenait aussi à atténuer les bienfaits du projet de loi, parce
que... L'autre élément qu'on trouvait important de vous dire, c'est que, nous, il
n'y a rien de simple, le réseau de la santé... Un centre hospitalier, vous
pouvez avoir un étage coté «faible», un autre coté «moyen». Effectivement, il
peut y avoir un étage de soins psychiatriques, un autre étage qui va être les
laboratoires, qui sont cotés «faible». Alors, il y a des difficultés tout à
fait particulières. Et même si vous me répondez que vous proposez un plan de
prévention multiétablissements, il va y avoir des modifications tout à fait
particulières à faire pour le réseau de la santé.
Autre élément fondamental, M. le ministre, nous,
là, à l'APTS, on adhère à l'article 2 de la loi. Cet article 2 là, il dit quoi? Il dit le but de la loi, l'objet
de la loi, qui est l'élimination du danger à la source. Mais il ajoute
quelque chose de
déterminant pour nous, il ajoute qu'on ne pourra pas faire ça si on n'établit
pas des mécanismes de participation. Pour
établir des mécanismes de participation, il faut une véritable implication, il
faut une véritable... il faut de véritables instances où le paritarisme
va être au rendez-vous, où les gens qui sont aux prises avec des problèmes de
santé au travail auront l'occasion, donc, de les adresser.
Les cotations «faible», dans le projet de loi,
semblent reléguées, là. On semble dire... Ce que nous, on en comprend, particulièrement par rapport à
l'article 33... excusez, 3 de la réglementation, c'est que les établissements
qui, c'est ça, sont cotés «faible» n'auront
pas accès aux mécanismes, là, de prévention. Et, dans l'analyse article par
article, on pourra le regarder, mais on peut
dès aujourd'hui vous dire que le principal message qu'on vous livre, c'est qu'au-delà
des avancées que vous nous présentez par le biais de la réglementation ça
atténue grandement notre satisfaction par rapport aux avancées.
M. Boulet : ...Schmidt, en même
temps, soyons concret, quand vous référez aux mécanismes de prévention et de
participation des travailleurs, les hôpitaux, ils ont tous en haut de
20 salariés, au Québec, il n'y en a pas dans le niveau faible. Puis, dans
les 12 sous-secteurs, il y en a six qui sont dans les niveaux de risque
moyen ou élevé. Et, dans les hôpitaux, en
haut de 20, ils sont soumis aux mécanismes de prévention et de participation
des travailleurs, puis, en bas de 20, quand c'est en milieu syndiqué, si
c'est requis, il y en aura, des comités de santé et des représentants en santé
et sécurité. Il y en a dans des environnements syndiqués, mais il n'y en a pas,
d'environnement non syndiqué, dans le milieu hospitalier, ou à peu près pas.
Ce qui est intéressant, puis moi, je vous
écoute, là, parce que je veux m'assurer de bien comprendre... Dans la détermination
des niveaux de risque, c'est sûr qu'on pourrait fragmenter. Parce que, tout à
l'heure, je disais la fréquence, la gravité des lésions, les déboursés, il y a
la masse salariale. C'est sûr qu'on pourrait diviser un centre hospitalier par
étages ou on pourrait dire... Parce que, dans la masse salariale, Mme Schmidt,
vous le savez, il y a beaucoup d'employés de gestion, des gens qui travaillent
dans le bureau, et le niveau de risque n'est pas le même que ceux qui
dispensent des soins. Est-ce qu'il faudrait à la limite, ultimement,
fragmenter? Bon, il y a des raisons pratiques. Ce qui est important, c'est de
s'assurer que les mécanismes de participation — il y en a deux, les comités
de santé et sécurité puis les représentants en santé et sécurité — participent,
et c'est prévu.
Puis je voyais, dans votre mémoire, une autre
donnée ou une autre information qui ne m'apparaissait pas compatible avec le
p.l. n° 59. Ils sont impliqués dans
l'élaboration du programme de prévention, puis, dans l'article 2, le contrôle,
l'identification et l'élimination des risques à la source, c'est prévu, bien
sûr, puis on parle maintenant des risques psychosociaux.
Donc, il y a certainement du travail, puis on
pourra se rencontrer de nouveau, là, mais il y a peut-être un fossé, un petit
peu d'incompréhension sur certains sujets, je vous entends, à certains égards,
mais aussi sur le PMSD.
Quand vous disiez, Andrée : Le médecin va
perdre de vue les éléments individuels, c'est faux. Au contraire, on veut que
le protocole national parle des environnements de travail. Et les médecins
demeurent en contrôle de la détermination de l'aspect personnel de la femme qui
est enceinte puis d'identifier, bien sûr, les dangers spécifiques pour elle ou
pour l'enfant à naître en raison de son état de grossesse. Non, au contraire,
on veut véritablement favoriser l'accès et une meilleure équité, là, au
programme de maternité sans danger, partout au Québec, peu importe où on soit, indépendamment de ce qu'un médecin à
Gaspé ou un médecin à Val-d'Or peut mentionner. Mais il ne faut pas
perdre de vue que c'est le médecin qui va émettre le certificat visant le
retrait préventif, qui va demeurer maître de sa détermination mais, évidemment, en se basant sur un protocole qui est un
guide de référence des connaissances scientifiques.
• (16 h 50) •
Un autre élément, Andrée, je pense que vous
faisiez état... l'employeur a un grand contrôle pour choisir le médecin. Ça
aussi, là, ça mériterait peut-être d'aller un peu plus loin.
Les pouvoirs
injustifiés de la CNESST. Bon, vous référiez, notamment, à la liste des
maladies professionnelles présumées puis à la réadaptation. La liste des
maladies professionnelles présumées, ce n'est pas la CNESST qui va l'actualiser
puis qui va faire des avis et recommandations, c'est un comité d'experts. Puis
ce ne sera plus une annexe qui fait partie intégrante de la loi, mais un
règlement qui va pouvoir permettre une adaptation de la liste des maladies
professionnelles présumées de façon beaucoup plus diligente et s'appuyer sur le
niveau des... les connaissances scientifiques internationales.
Et peu importe ce qu'on peut prétendre, là, je
n'ai jamais dit qu'on n'avait pas la capacité intellectuelle, mais on n'est pas des scientifiques, et ces experts-là
vont nous guider, ils vont nous faire des recommandations qui vont être rendues publiques et qui
vont permettre au gouvernement d'adapter la liste des maladies professionnelles
présumées.
La réadaptation... puis je vais vous poser une
question, Andrée ou Chantal, là-dessus, là, si vous pouvez me répondre, la
réadaptation, elle n'est, selon le régime actuel, accessible — bon,
vous savez qu'il y a des conseillers en réadaptation qui travaillent à la
CNESST — qu'au
moment de la consolidation avec atteinte. Là, pour favoriser un retour au
travail plus rapide, on permettrait aux personnes, avant leur consolidation,
d'être encadrées par un conseiller en réadaptation puis éviter les risques
additionnels de chronicisation des lésions professionnelles.
À cet égard-là, j'aimerais ça vous entendre un
peu plus profondément, Andrée ou Chantal, là, sur qu'est-ce que vous pensez du
retour plus prompt au travail des personnes victimes de lésions
professionnelles?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
reste 1 min 35 secondes.
Mme Schmidt (Chantal) : Nous, ce sur
quoi on veut réagir, M. le ministre, par rapport à la réadaptation avant
la consolidation et le retour au travail prompt, c'est que la mécanique que
vous mettez en place, elle est sans droit de contestation pour la victime. C'est une
mesure qui entrave l'opinion du médecin traitant, et il ne sera consulté
que si l'intervenant à la CNESST le juge
opportun. Alors, de notre point de vue, c'est biaisé, dans la mesure où,
particulièrement en période de consolidation, les traitements sont nécessaires,
le suivi du médecin traitant est nécessaire. Et ça porte flanc, donc, au
principe de la prépondérance du médecin traitant.
Les mesures de réadaptation avant consolidation
sont aussi quelque chose d'un peu obscur pour nous. Ce n'est pas défini, dans
le projet de loi, alors on a de la misère à adhérer. Pourquoi on a de la
misère? Pour toutes les raisons que je viens de vous nommer et parce que ça
porte flanc à l'opinion du médecin traitant. On n'adhère pas à cette partie-là.
M. Boulet : Merci beaucoup, hein, à...
J'aimerais ça que vous remerciiez, évidemment, toute l'équipe de l'APTS qui a
contribué à la rédaction du mémoire. C'est un vaste chantier. Puis merci d'y
contribuer, Andrée et Chantal, et au plaisir de vous revoir bientôt. Merci.
Mme Poirier (Andrée) : Merci,
M. le ministre, et on demeure disponibles pour échanger plus longuement,
justement, peut-être pour clarifier nos perceptions et l'interprétation de
votre projet de loi et de notre mémoire, pour pouvoir faire un arrimage plus
complet, satisfaisant et à la hauteur de nos membres de l'APTS.
M. Boulet : On n'oubliera pas ça,
Andrée. Merci.
Mme Poirier (Andrée) : Merci
beaucoup, M. le ministre.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Vous
disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Et vous allez me
permettre, Mme la Présidente, de les remercier en conséquence, comme M. le
ministre l'a fait, maintenant, à la fin, parce que, moi aussi, je considère que
c'est un excellent rapport. Ce n'est pas la première fois que je rencontre
l'APTS. Ils nous ont habitués d'avoir un excellent argumentaire.
La première fois où j'ai eu l'occasion
d'échanger avec vous, ça a été lors du RQAP et ça a été ma première question,
très simple : Comment ça va et comment ils vont, vos membres? Et cette
fois-ci, ça va être : Pensez-vous que le projet de loi n° 59 a été
rédigé, ou lu, ou revu à la lumière de la COVID? Est-ce qu'on vit dans la
pandémie? Surtout en lien avec le niveau du risque que vous venez de soulever.
Mme Poirier (Andrée) : Merci de
poser à nouveau la question.
Pour nous, c'est clair qu'il y a quelques avancées, on l'a
dit d'emblée, mais, pour nous, les mécanismes actuels ou la réglementation qui
entourent toutes les avancées nous laissent mi-figue, mi-raisin. On trouve que
ça ne rejoint pas la réalité, effectivement, de nos membres. On l'a dit
d'emblée, on trouve que, pour nous, nos secteurs d'activités... Que les
mécanismes s'appliquent à tous les secteurs, on en est très, très heureux, mais
que la majorité de nos secteurs se situent encore à «faible» et que ça soit
reporté à, quoi, 2025, qu'on disait, avant qu'on puisse l'appliquer pour les
secteurs à risque faible... Alors, c'est clair, avec ce qu'on vit actuellement
dans la société... Actuellement, est-ce que cette modernisation-là passe par la
réalité COVID? Je vous dirais qu'il y a encore beaucoup d'analyses et de
démarches à faire pour l'ajuster à ce que nous vivons actuellement.
Et aussi, on l'a dit d'emblée, vous connaissez
l'APTS, on représente plus de 86 % de femmes, et il y a aussi un regard à
porter sur l'évaluation, justement, des risques qui ont... Les risques faibles
se retrouvent surtout dans les catégories d'emplois de femmes, et ça aussi, ça
serait intéressant qu'on jette un regard et qu'on fasse une analyse, une
analyse complète de la réalité non seulement du réseau de la santé, mais des
femmes, des secteurs d'activité à prédominance féminine. Et on le voit, les
secteurs d'activité à prédominance masculine ont de plus hauts scores au niveau
des facteurs de risque. Et je ne dis pas que ça ne les prend pas, mais on a...
pour moderniser cette loi-là, il devrait y avoir une analyse beaucoup plus
complète de cette réalité-là.
M. Derraji : Je suis très d'accord
avec vous et je veux vous dire que vous êtes probablement le troisième groupe
qui ramène cet enjeu. Et je vais me permettre d'aller en profondeur avec vous.
Il y a le Conseil du statut de la femme, aujourd'hui, qui a parlé de l'ADS,
hein? Vous savez c'est quoi, l'ADS?
Mme Poirier (Andrée) : Oui.
M. Derraji : Il y a le Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Eux, ils n'ont pas parlé
uniquement de l'ADS, ils ont parlé de l'ADS+. Vous êtes de l'APTS, avec une
majorité de professionnels, je dirais, qui sont affectés par le contexte
actuel. Et, entre les lignes, ce que j'ai bien compris, et corrigez-moi si je
me trompe, je ne vais pas parler en votre nom, ce projet de loi ne reflète pas
la réalité et le niveau du risque des femmes qui travaillent sur le marché du
travail présentement. Est-ce que j'ai bien compris votre conclusion, mesdames?
Mme Poirier
(Andrée) : Tout à fait, et je souhaite vous dire que l'APTS, avec six
autres organisations qui regroupent près de 350 000 travailleuses
syndiquées à l'Intersyndicale des femmes, on demande, justement, et on fait une recommandation conjointe que le gouvernement
produise une analyse différenciée selon les sexes et intersectionnelle — ADS+, comme vous l'avez mentionné dans votre
questionnement — des
modifications apportées au système de santé et sécurité au travail, afin
de mesurer leurs impacts sur l'accès de toutes les femmes aux protections
légales. Alors, c'est une demande conjointe qu'on fait.
Effectivement, il y a
urgence de revoir la modernisation de cette loi-là à la lumière de cette
analyse-là et à la lumière aussi du vécu que nous avons de l'expérience d'une
pandémie au Québec. Alors, je pense qu'il y a des travaux aussi à réfléchir
encore, à nouveau, avec le bilan qu'on fait de la COVID actuellement.
M. Derraji :
C'est très clair. Vraiment, c'est très clair. Et je vous remercie de nous
ramener, au fait, cette logique. Parce que le nom de la loi le dit très bien, «loi modernisant le régime», donc on veut moderniser un régime. Et je suis d'accord avec M. le ministre quand il
dit qu'il veut moderniser le régime, mais est-ce que cette modernisation
d'un régime de santé et de sécurité du travail ne doit pas prendre aussi une
modernisation au niveau de la lecture, et surtout l'impact, si j'ai bien compris,
l'impact du niveau du risque, et surtout que les femmes maintenant constituent
une très bonne majorité de travailleurs... la majorité de travailleurs sur le
marché du travail?
Mme
Poirier (Andrée) : Tout à fait.
•
(17 heures) •
M.
Derraji : Donc, merci, par rapport à ce point. Vous avez aussi soulevé
un point qui m'a interpellé, c'est par rapport à la CNESST. Vous avez dit...
vous recommandez que des effectifs additionnels soient accordés à la CNESST. Je
vous l'accorde, parce que moi aussi, je vois que, la CNESST, avec ce projet de
loi, il va y avoir beaucoup, beaucoup de
choses sur la table à dessin
de cet organisme, donc, vous avez dit, pour qu'elle assume de façon
proactive son rôle d'inspection, prévention — donc là, maintenant, je vais vraiment
revenir sur l'aspect inspection et prévention — et qu'elle rende publics ses
avis de correction.
Éclairez-nous :
Comment vous vous êtes rendues à cette conclusion? Est-ce que vous avez vécu
des situations où vous dites,
aujourd'hui : Attention, là, j'arrive à une commission parlementaire qui
va ouvrir le débat sur la CNESST, je dois leur dire : Faites
attention par rapport aux pouvoirs accordés à la CNESST? Point 1.
Point 2, vous insistez sur l'inspection et la prévention. Alors, mesdames,
éclairez-nous.
Mme Schmidt
(Chantal) : Oui, je vais y aller. En fait, je ne sais pas si je vais
être aussi enthousiaste que vous dans ma réponse, je le souhaite, mais...
M. Derraji :
Soyez-le, soyez-le à votre manière, madame. Soyez-le à votre manière.
Mme Schmidt
(Chantal) : Tout à fait. Alors, permettez-moi de vous dire que cette
recommandation-là, elle est basée sur un
constat très, très, très pratique. Pour qu'il y ait des avancements dans les
milieux quant à l'application de mesures préventives ou pour corriger
des situations qui sont anormales et qui sont irrespectueuses ou pas conformes
à la réglementation en matière de santé et sécurité, il est fréquent qu'on
utilise... qu'on ait recours aux inspecteurs. Qui plus est, au cours des
dernières années, l'APTS, mais bon nombre d'autres organisations syndicales, on
a rencontré la CNESST. On leur a dit qu'en raison des enjeux et de la crise qui
sévit dans le réseau de la santé il faut avoir une inspection proactive, au
sens où on ne veut pas seulement des avis pour corriger des irrégularités, on
veut une CNESST en prévention qui fait une
job en reddition de comptes. On veut une CNESST qui va aller dans les
milieux de travail et qui va s'assurer que l'employeur applique des mesures de
prévention, se dote de plans d'action en milieu de travail. Pour faire ça,
c'est clair que, dans la mesure où les mécanismes de prévention s'appliquent
plus largement dans la population active, au Québec, qu'il va falloir une
augmentation des effectifs au niveau de la prévention.
Mme Poirier
(Andrée) : Par rapport... Je rajouterais aussi, et je le disais en
conclusion de ma présentation tantôt, l'inspection préventive, elle permet
d'agir sur ce qui est évitable. Donc, c'est important, c'est extrêmement
important. L'inspection préventive le dit, ça va prévenir, prévenir ce qui
pourrait et ce qui peut être évité, et c'est important d'ajouter des effectifs
à ce niveau.
M.
Derraji : Mesdames, j'ai
toujours l'habitude avec M. le ministre d'annoncer mes couleurs et... Attendez,
il y a un problème technique. Il me dit : Redémarrer l'ordinateur. Donc,
je vais juste fermer une fenêtre — désolé — pour ne pas vous perdre. Et
je tiens juste à annoncer quelque chose, très important, parce que ce point que
vous soulevez, mesdames, est très important par rapport à l'inspection mais
surtout, surtout, surtout la prévention. Parce que, si on veut des milieux sécuritaires, il faut aussi que
la CNESST joue son rôle. Il doit jouer son rôle d'une manière importante
parce qu'au bout de la ligne, c'est... la première personne qui va bénéficier
de ce travail, c'est la CNESST.
Continuons dans,
toujours, le même angle de la CNESST. Vous recommandez que le gouvernement ne
donne pas plus de pouvoirs réglementaires à la CNESST, et que la liste des maladies
professionnelles demeure dans la loi, la LATMP, et qu'elle soit mise à jour à
chaque cinq ans. Donc, recommandez-vous de transposer la nouvelle liste avec
ces conditions d'admissibilité dans la loi ou garder en mettant à jour la liste
actuelle?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il vous reste une minute pour répondre à la question.
Mme Schmidt (Chantal) : On veut une liste de maladies du travail dans la
loi, donc, l'abolition de l'annexe I. Actuellement, ce qu'on
regrette avec cette annexe-là, c'est que, de 1985 à maintenant, elle n'a pas
été mise à jour. Si elle avait été mise à jour, on aurait eu peut-être des
recommandations différentes à vous soumettre.
Maintenant, la nouvelle
annexe impose des conditions pour faire établir... bénéficier d'une présomption
pour faire établir le lien causal entre les critères imposés dans l'annexe et
la maladie qu'on a. Donc, l'application de la présomption,
celle prévue à l'article 29, dépend de diagnostics, de critères et
d'autres conditions, et ça, ça va être déterminé
par la CNESST, par règlement, et elle pourra changer les conditions. Et donc,
dans l'état actuel des choses, pour nous, ça va avoir des répercussions parce que, notamment sur la question des
troubles musculosquelettiques, ce qu'on y ajoute va probablement
constituer un frein important pour la reconnaissance de lésions
professionnelles chez nos membres.
On est dans un contexte où on veut moderniser.
Alors, comme... on se serait attendus de l'action législative actuelle qu'elle
tienne davantage compte de maladies qui sont déjà reconnues des organismes
comme l'OIT. On se serait attendus de reconnaissance de maladies
professionnelles, avec des conditions d'application qui sont tellement
exigeantes à rencontrer, donc, que bon nombre de personnes qui en souffrent ne
pourront pas y avoir accès, et, ça, c'est désolant, c'est désolant.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, c'est tout le moment que nous avons. Je vous remercie.
M. Derraji : Je vous remercie,
mesdames. Et surtout, sur ce dernier point, s'il vous plaît, si vous avez de
l'information, essayez de nous partager ces informations et avec les membres de
la commission comme complément d'information. Merci beaucoup à vous deux.
Une voix : Merci à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous
avez 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, Mme Poirier, Mme Schmidt. Toujours content de vous voir. Je
veux continuer la discussion sur les catégories, qui, moi, m'ont semblé pas
particulièrement bien attachées, bien ficelées. Puis vous avez rajouté des
couches de critique, à ces catégories-là, en début d'exposé puis surtout dans
votre entretien avec le ministre. Rendus où on en est, bientôt, on va être
convoqués en étude détaillée, il va falloir travailler, là, sur la mécanique,
est-ce que, considérant l'échafaudage chambranlant de ces catégories-là...
rendus où est-ce qu'on en est, est-ce que c'est encore récupérable ou on est
mieux de tout retirer ça et de recommencer une autre façon ou de carrément ne
pas avoir de catégories de risque et de seulement avoir la discrimination du
plus ou moins 20 employés?
Mme Schmidt (Chantal) : Nous, on
demande le retrait de cette catégorisation-là. Notre expérience, là... nous, on
offre des services à nos membres en santé et sécurité au travail. C'est porteur
d'enseignement. Puis ce qu'on sait, là, c'est que, dans le réseau de la santé,
nos membres savent c'est où que ça craque, nos membres, ils savent c'est où
qu'il faut intervenir, nos membres, ils savent que, dans certains milieux de
travail, il faut se mobiliser puis déployer des mesures préventives pour
contrer la violence. Nos membres savent qu'on a besoin de prioriser les mesures
préventives puis de travailler sur la question de la surcharge de travail et
les risques psychosociaux.
Alors, la priorisation, pourquoi ne
viendrait-elle pas de ceux qui sont concernés par les problèmes de santé au
travail? C'est ça qu'on met en lumière. Et donc on oppose à cette partie-là, à
ce règlement-là le principe que, dans la mesure où on a des instances
paritaires, les membres qui y sont, et qui sont formés là-dessus, puis qui ont
l'expérience du milieu devraient eux-mêmes prioriser les risques. On n'a pas
besoin d'un règlement pour ça. C'est essentiellement le message qu'on vous
livre.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Il reste 40 secondes.
M. Leduc : Ah! bien là, je vais en
profiter. Est-ce que j'ai raison de penser que, dans l'analyse qui a été faite,
du ministre, il a voulu faire une espèce de donnant, donnant en disant :
Je vais essayer de donner un peu plus en prévention, même si ça peut être des
demi-mesures à cause des catégories de risque, mais je vais retirer un peu en
indemnisation pour peut-être plus satisfaire le patronat? Est-ce que c'est le
genre d'échange auquel on a assisté avec le projet de loi?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
15 secondes.
Mme Poirier (Andrée) : Je pense que,
d'entrée de jeu, on est tous à la même place pour le principe de base d'ajouter
de la prévention. Là où on ne s'entend pas et où le bât blesse, c'est quelle
portée on va donner à la prévention, quel mécanisme qu'on va mettre de l'avant
et comment on va adapter la prévention dans le réseau de la santé et des
services sociaux pour les membres professionnels et techniques. On le sait, ils
ont besoin de pouvoir travailler dans un milieu sain et sécuritaire pour offrir
des services à la population. Alors, c'est clair que c'est dans la mécanique
qu'il faudra avoir d'autres discussions. Merci.
• (17 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
beaucoup.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
nous laissons maintenant la parole au député de Bonaventure. 2 min 45 s.
M. Roy (Bonaventure) : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mmes Poirier et Schmidt. Bien, écoutez, il y a
beaucoup de choses, là. Je pense qu'on a un travail colossal de persuasion à
faire auprès du ministre pour essayer de rectifier des choses.
Vous soulignez fortement qu'il faut augmenter
les effectifs au niveau de la prévention. Une statistique : au Québec, on
a à peu près 200 000 accidentés du travail par année, puis les
chiffres sont en augmentation, depuis cinq ans, par rapport à la SAAQ, qui
a 40 000 accidentés. Donc, on a beaucoup de travail en prévention à
faire. Dans un contexte où on veut essayer de tasser le directeur de la santé
publique ou la Santé publique dans la prévention, je pense que ça, c'est un
enjeu extrêmement important.
Il y a aussi le fait que, bon, on a une forme de
discrimination sexuée dans l'évaluation des conditions de travail et du niveau
de risque, c'est un autre enjeu que mes collègues ont parlé. Sauf que
j'aimerais vous entendre parler du plan multiétablissement. Je sais que vous
pourriez intervenir sur le directeur de la santé publique, mais ça, c'est...
Écoutez, moi, je regarde le CISSS de la Gaspésie, là, pouvez-vous me dire
qu'est-ce que ça représente, concrètement, en termes de comité qui serait
implanté et des dangers que cela peut laisser planer?
Mme Schmidt (Chantal) : Bien, nous,
là, quand on a subi — je
dis «subi» — la
restructuration en CI puis en CIUSSS, les comités de santé et sécurité qui sont
issus, actuellement, de nos conventions collectives ont dû revivre, renaître.
Alors, la santé et la sécurité, la prévention, on la fait en grand village
parce que... Mais on peut avoir 12 000, 15 000 salariés par CI.
L'expérience des CI dénote qu'à tout vouloir regrouper, hein, on perd la
proximité rendue nécessaire quand on fait de la prévention au travail.
Nous, ce qu'on veut mettre en lumière avec vous
sur ce qui est de l'aspect multiétablissement, c'est que le multiétablissement,
il est une solution qui peut, pour l'employeur, constituer une économie, de
libérer moins de monde, etc., mais qui va faire les frais d'une action
préventive efficace parce qu'on va toujours choisir des solutions macroscopiques,
on n'identifiera pas par établissements.
Les problèmes... Et ça, ça va avoir un impact,
le même impact qu'on vit actuellement. On a de la misère à travailler en
prévention, dans nos milieux de travail, parce qu'on a des grosses structures,
tout le monde a toutes sortes d'intérêts. Et il y a beaucoup de raisons qui
expliquent que plus on grossit, plus on s'éloigne des intérêts, donc, et des
mesures précises qui vont modifier les situations à l'origine du problème avec
la prévention. Il y a cet...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, on s'excuse, le temps alloué est terminé.
M. Roy (Bonaventure) : Merci
beaucoup, mesdames.
Une voix : Je vous en prie. Merci à
vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, Mme Poirier ainsi que Mme Schmidt, pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Nous allons suspendre quelques instants pour
accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 20)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Bonjour, Mme Cox, Mme Rachel Cox. Je vous souhaite la
bienvenue. Je vous invite à commencer votre exposé... mais, avant, de bien
prendre le temps de vous présenter, et ensuite vous pourrez poursuivre avec
votre exposé.
Mme Rachel Cox
Mme Cox (Rachel) : D'accord. Merci,
Mme la Présidente. Mon nom est Rachel Cox. Je suis professeure au département
des Sciences juridiques de l'UQAM. Alors, bonsoir, M. le ministre. Bonsoir, les
membres de la commission. Merci de votre invitation.
Consciente que vous avez eu une longue journée,
dont j'ai partagé un peu avec vous, je vous remercie de votre écoute ce soir.
Je suis ici pour présenter à titre de chercheure principale dans un projet de
recherche en partenariat mené par les services aux collectivités de l'UQAM sur
les obligations des milieux de travail en matière de violence conjugale, donc,
sur une dimension spécifique du projet de loi n° 59.
Si d'autres
aspects du projet de loi n° 59 peuvent faire l'objet de divergences, à mon
sens, la question de la violence conjugale
en est une qui appelle à une approche transpartisane. Je salue, à ce sujet,
l'important travail fait par le comité transpartisan
sur l'accompagnement des victimes d'agressions à caractère sexuel et des
victimes de violence conjugale. Le
rapport de leur comité d'experts salue d'ailleurs la modification proposée par
le projet de loi n° 59 en matière de violence conjugale. Donc, je vous invite à considérer cette disposition comme étant le prolongement d'une démarche transpartisane en matière de violence conjugale pour mieux coordonner, mieux articuler nos politiques publiques
en la matière.
Alors, la violence conjugale. Enfin, de la prévention, du soutien en droit du travail. Par exemple,
les deux jours de congé rémunérés prévus par la Loi sur les normes du
travail, c'est important. Mais on est rendus à un stade où il faut véritablement
prévenir la violence conjugale, et donc cela inclut le fait de s'assurer qu'une
victime de violence conjugale est en sécurité alors qu'elle est au travail ou
aux alentours. Donc, de s'assurer qu'elle puisse conserver son emploi, si elle
en a un, faire en sorte que la travailleuse n'ait pas à choisir entre son
travail et sa santé et sa sécurité, c'est l'essence même de notre régime de
prévention.
Je vais donc
expliquer brièvement pourquoi cette obligation proposée pour l'employeur en
matière de violence conjugale est importante et ensuite inviter le ministre à
faire un pas de plus pour assurer que le progrès proposé dans la loi se
traduise par des progrès sur le terrain pour les femmes victimes de violence
conjugale.
D'abord, la mesure
proposée, l'obligation de protection pour l'employeur, en matière de violence
conjugale, est une mesure qui est déjà en vigueur dans plusieurs provinces
canadiennes et, depuis le début de l'année, en droit fédéral. En Ontario et en Alberta, c'est la mort d'une femme
assassinée sur les lieux de travail qui a mené à l'adoption de la législation,
et ce, suite au constat des coroners que les décès en question étaient à la
fois prévisibles et évitables. Donc, je félicite le ministre de vouloir agir en
prévention avant que de tels meurtres se produisent sur les lieux de travail au
Québec.
En même temps, ces
deux exemples tristes et troublants, surtout, illustrent pourquoi c'est important
pour l'employeur d'avoir des responsabilités en matière de violence conjugale. Pourquoi?
Parce que, lorsqu'une femme est au travail, c'est facile, pour l'auteur des
violences, de la localiser. Elle peut peut-être se réfugier dans une maison d'hébergement
mais, tôt ou tard, elle retournera à son lieu de travail, et c'est là qu'elle
est vulnérable et qu'elle peut être retrouvée. Donc, si la violence conjugale
suit une femme jusqu'à son travail et l'employeur est en mesure de contrôler le
risque pour elle, il doit le faire. C'est ça, le sens de la modification
proposée.
Maintenant, un pas de
plus, oui, pourquoi? Parce qu'il faut dépasser le stade des déclarations
symboliques et faire en sorte que des choses changent dans les milieux de
travail, dans chaque milieu de travail. Et c'est pour ça que nous recommandons
une obligation, pour les employeurs, d'adopter une politique de prévention en
matière de violence conjugale, le but étant
d'outiller les milieux de travail pour qu'ils entament une véritable discussion
sur la violence conjugale, que tous
les acteurs dans les milieux de travail soient sensibilisés, qu'on assure que
les conditions sont propices à un
signalement et, en cas de signalement, que la réponse du milieu de travail, de
l'employeur soit appropriée et efficace.
Les milieux de
travail ont un rôle précis à jouer, un rôle de sentinelle, un rôle de soutien
et un rôle de référencement vers les
ressources externes, comme les CAVAC, les maisons d'hébergement et les centres
de femmes. Est-ce que c'est compliqué, avoir une politique de prévention
en matière de violence conjugale? Est-ce que c'est lourd? Je ne crois pas. Les partenaires à mon projet de recherche ont
d'ailleurs déjà produit une trousse d'information qui est déjà
disponible en ligne à ce sujet.
Maintenant, pourquoi
il faut avoir une politique modèle en matière de prévention de la violence
conjugale? Parce qu'il y a deux éléments qui sont incontournables dans
n'importe quelle politique de prévention. Premièrement, la reconnaissance du
droit au respect de la vie privée d'une travailleuse victime de violence
conjugale. Dernièrement, il a été question
que l'employeur puisse contraindre un signalement ou exiger une déclaration
quant à son statut vis-à-vis la violence conjugale. J'aimerais que le
ministre nous rassure à ce sujet car une telle possibilité pour l'employeur
n'est pas du tout appropriée, selon moi.
Donc, premier élément, droit au respect de la vie privée et garantie de la
confidentialité d'un signalement, le cas échéant, que les personnes qui doivent
le savoir, pour protéger la travailleuse, soient les seules à savoir qu'elle a
fait une telle déclaration.
Deuxième élément
incontournable, la référence à des ressources externes spécialisées en matière
de violence conjugale. Ces ressources ont un rôle à jouer en dehors de tout
signalement, dont de sensibilisation dans le milieu de travail, s'assurer que
le milieu de travail est capable de jouer son rôle de pivot vers les ressources
externes, informer les acteurs, dans les milieux de travail, des signes à
reconnaître pour savoir si une collègue est victime de violence conjugale,
certes, mais aussi informer sur la complexité de la violence conjugale,
pourquoi il peut être si difficile pour quelqu'un de mettre fin à une relation abusive,
donc comment adopter une attitude ouverte, respectueuse du rythme de la
personne victime.
Et, en cas de
signalement, évidemment, il y a un rôle crucial pour les ressources externes.
Selon la littérature scientifique, lorsqu'il y a intrusion de la violence
conjugale au travail, c'est un signe d'escalade de la violence, un signe
parfois de danger imminent, et donc il faut s'assurer qu'une évaluation du
risque pour la travailleuse est faite par les personnes appropriées, des
personnes bien formées à ce sujet. Et on parle donc, encore une fois, des
CAVAC, des maisons d'hébergement, de centres de femmes, que, s'il n'y a
personne là, dans un centre de femmes, formé pour le faire, ils vont pouvoir quand
même référer vers d'autres ressources.
Donc, une fois
l'évaluation du risque faite, un plan de sécurité individuel, et c'est là que
l'employeur peut collaborer, doit collaborer à la mise en oeuvre de tel plan de
sécurité et jouer son rôle de soutien.
Maintenant, s'il y a
des mesures spécifiques à prendre en mesure de violence conjugale, il faut
aussi une certaine intégration au régime
général de prévention. Exemple, si des parties, dans les milieux de travail,
vont évaluer les risques de violence,
bien, qu'on tienne compte en même temps des risques de violence conjugale. Ça
peut impliquer quoi? Ça peut
impliquer, par exemple, une politique de... un plan de contrôle des
allées et venues sur les lieux de travail, ça peut être utile pour
prévenir le risque de plusieurs types de violences : quels sont les accès,
quelles portes se barrent, etc.
Deuxièmement, si une personne flâne dans le milieu de travail, ça peut poser un
risque de violence de toutes sortes de
nature, mais y compris en violence conjugale. Donc, une avenue à regarder,
c'est d'avoir une politique qui interdit aux membres adultes de la famille de flâner sur les lieux de travail, donc
permettre à l'employeur de demander au conjoint qui attend toujours à la
sortie de ne plus faire ça, et ce, avant même que la travailleuse affectée soit
en mesure... ou désire faire un signalement.
Donc, dans les milieux de
travail non syndiqués, les petites et moyennes entreprises, on souhaiterait que
la CNESST fasse preuve de leadership dans la production de politiques modèles
qui intègrent ces deux éléments incontournables. Dans les milieux de travail
syndiqués où, encore, la démarche en matière de santé et sécurité du travail
est plus structurée, une telle politique doit être élaborée avec la collaboration
des travailleuses, des travailleurs et de leurs syndicats...
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion. Il vous reste 30 secondes.
Mme Cox (Rachel) : En conclusion. Un
excellent premier pas pour s'assurer qu'on dépasse les déclarations symboliques
et provoque de réels changements dans les milieux de travail, nous invitons le ministre
à reconnaître l'obligation pour les
employeurs d'adopter une politique de prévention de la violence conjugale.
Merci de votre écoute.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour votre exposé. Nous commençons donc la période
d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de
16 min 30 s.
• (17 h 30) •
M. Boulet : ...la Présidente. Merci,
Mme Cox. Je pense qu'on s'était rencontrés à un congrès, même, des
conseillers en ressources humaines agréés, puis vous m'aviez fait part de votre
préoccupation. Puis évidemment j'ai déjà lu des articles que vous avez écrits
sur la violence conjugale, et moi, ça m'a toujours interpellé, parce que, comme
vous savez, j'étais un praticien, avant de faire de la politique, en relations
de travail, et je comprends très bien la réalité que vous exprimez.
Et merci de souligner que c'est un excellent
premier pas. Je sais qu'on était en retard, puis la violence conjugale est peut-être
un des symptômes qui démontre à quel point on était en retard dans notre régime
de santé et sécurité du travail, au Québec... et donc de le confirmer dans la
loi et de s'assurer que l'employeur intervienne, ait une obligation
d'intervenir, quand il sait ou il est raisonnablement en mesure de savoir qu'un
ou une travailleuse est victime de violence conjugale.
Maintenant, j'aimerais ça un peu parler de
l'obligation d'adopter la politique de prévention en matière de violence
conjugale. Je pense que c'est le pas additionnel que vous nous demandez de
faire. Un, bien sûr, moi, je m'appuie souvent sur l'article 51 de la loi
santé et sécurité, sur le Code civil du Québec, sur la Charte des droits et
libertés de la personne. Ces trois lois-là prévoient une obligation pour un
employeur d'assurer un environnement de travail qui est sain, qui est
sécuritaire, qui est harmonieux et qui est exempt de tout risque pour la santé
et sécurité, intégrité physique ou psychologique des travailleurs.
J'aimerais juste... parce qu'évidemment vous
cherchez aussi puis vous faites des comparatifs avec le reste du Canada. Est-ce
que vous avez quelques informations à partager avec nous sur l'expérience, dans
le reste du Canada, sur une quelconque obligation des employeurs d'adopter des
politiques en matière de prévention, en matière de violence conjugale, bien
sûr?
Mme Cox (Rachel) : Oui. C'est sûr
que, dans d'autres juridictions où une telle obligation est reconnue, il
existe, bien sûr, des outils qui sont produits par l'équivalent de la CNESST en
la matière, des guides, des directives pour les employeurs. En Ontario, une
telle obligation a été votée dans la loi, mais le projet de loi n'a jamais reçu
la sanction royale. Pourtant, il y a eu un vote unanime à ce sujet-là. C'est en
Ontario qu'il y a la plus longue expérience, avec une obligation reconnue
depuis 2009, je crois. En Colombie-Britannique, il y a une série de
guides, de manuels, de directives.
Mais il faut aussi se garder d'importer le
modèle d'ailleurs, parce que, par exemple, la force probante d'un règlement ou
de directives de l'équivalent de la CNESST va être différente ici, au Québec.
Donc, plusieurs façons pour mettre en oeuvre une telle obligation. Et je vous
remercie de votre intérêt pour la mise en oeuvre de la chose. Ça peut être à la
fois l'adoption d'une politique modèle, par la CNESST, sous forme de directive,
sous forme de guide pour inciter les employeurs à respecter leur obligation de
faire preuve d'une diligence raisonnable, soit une obligation qui traverse la
LSST. Ça peut aussi être par voie réglementaire, et donc de diriger des
employeurs de façon encore plus ferme vers l'adoption d'une telle politique.
Il y a, tout comme en matière de harcèlement
psychologique, un versant très positif pour l'employeur, parce qu'en lui
donnant les outils pour bien mettre en oeuvre et en spécifiant comment le
faire, eh bien, on le guide vers le respect de son obligation de diligence
raisonnable, donc vers le respect de la LSST. Mais, dans les autres provinces,
parfois, l'obligation de l'employeur se trouve même dans un règlement, plutôt
que dans la loi, donc des modèles qui ne s'agencent... qui ne s'importent pas
directement d'ici. En droit fédéral, il y a déjà une obligation pour
l'employeur de procéder à une évaluation des risques de violence, dont le
risque de violence de tiers, dont les conjoints et les ex-conjoints violents,
par exemple. Donc, c'est en droit fédéral qu'il y a l'obligation la plus
explicite dans un règlement.
M.
Boulet : Quand ça... Juste
pour me rassurer, là, puis rassurer, par exemple, la communauté des
employeurs au Québec qui pourraient avoir
une certaine appréhension sur la façon d'appliquer de telles politiques de
prévention en matière de violence
conjugale, est-ce qu'on a un vécu ontarien, comment les employeurs respectent
le niveau ou le pourcentage des employeurs qui ont adopté de telles
politiques? Est-ce qu'il y a de quoi qui pourrait nous inspirer à cet égard-là?
Mme Cox
(Rachel) : Moi, j'ai fait une recherche jurisprudentielle puis, à ce
jour, je n'ai pas trouvé d'employeur qui a été trouvé comme étant condamné, par
exemple, à l'infraction pénale, ou je n'en sais trop. Ce que j'ai
jusque là, ce sont des récits de comment ce n'est pas tous les jours que
l'employeur va recevoir un signalement, hein? On est à l'étape d'une prise de
conscience globale et, en cas de signalement, qu'est-ce qui peut arriver. Je
sais qu'en Ontario une difficulté qu'on m'a rapportée, c'est le fait que
parfois les ressources externes n'avaient pas été bien identifiées, n'avaient
pas été bien formées. Mes partenaires de recherche me rassurent que les CAVAC,
les maisons d'hébergement, les intervenantes sont équipées pour faire
l'évaluation du risque.
Et je vous rappelle
que le milieu de travail ne doit pas régler tous les problèmes, mais simplement
jouer le rôle de pivot vers les ressources externes et ensuite offrir des
mesures d'accommodements raisonnables pour s'assurer que la travailleuse est en
sécurité au travail. Donc, on ne parle pas ici d'une politique de
40 pages, on parle ici de faire ce que plusieurs grands employeurs et
petits, parfois, aussi, font déjà, c'est-à-dire, faire preuve de diligence,
protéger la travailleuse victime de violence conjugale.
M. Boulet :
...puis, Mme Cox, j'ai une conviction intime que lutter contre les incidences
de la violence conjugale dans les lieux de travail, c'est un grand bénéfice
pour la société québécoise. Et c'est à l'avantage aussi des employeurs d'avoir
des travailleurs, travailleuses en santé qui sont exempts de ce phénomène-là,
qui s'est même accentué, là, durant la pandémie, là, ce que plusieurs auteurs
confirment.
Je
vais sauter sur l'occasion pour vous rassurer, là. Parce que vous me
disiez : Des fois, il y a des problématiques de respect de la vie privée. Au Québec, vous le
savez, on a une loi sur le respect du droit à la vie privée qui
s'applique dans le secteur privé puis on a
une Loi sur l'accès aussi qui s'applique dans le secteur public, qui protège
les renseignements personnels ou ce qu'on appelle les renseignements
nominatifs, dans la loi qui s'applique dans le secteur public. Puis ça, il va
falloir s'assurer... si on prend l'exemple d'entreprises x dans le secteur
privé, au Québec, il faut certainement s'assurer que ces lois-là sont
scrupuleusement respectées.
Puis je pense que,
dans toute politique, même... Puis vous avez raison, ce n'est pas des
politiques de 52 pages, là, il y a des politiques en matière de
harcèlement psychologique qui ont quelques pages, et on confirme d'ailleurs
l'importance de la protection des renseignements personnels dans ces
politiques-là.
J'aime bien
l'approche que vous soulevez, que l'employeur serve de pivot, parce qu'effectivement
on a un réseau partenarial, au Québec, qui est extrêmement développé, là, vous
référez notamment aux CAVAC puis aux maisons d'hébergement. On n'a pas tout le
temps les ressources... on n'a pas les ressources internes spécialisées, mais
les ressources spécialisées existent à l'externe, et c'est extrêmement
important de le souligner, donc.
Puis vous dites une
autre suggestion, puis j'exprime mon accord avec la suggestion que vous faites,
que la CNESST contribue à l'élaboration de politiques modèles, avec la
collaboration des milieux de travail. Moi, je pense qu'il faut aller dans cette
direction-là, Mme Cox. C'est une excellente suggestion.
Et on m'informait, tout
à l'heure, qu'il y avait une formation, d'ailleurs, intitulée Violence et
agression en milieu de travail, qui est offerte aux inspecteurs depuis
2018, et cette formation-là, elle pourrait être adaptée, avec la collaboration
des milieux de travail... et de développer une formation spécifique qui tient
compte des nouvelles obligations en matière de violence conjugale. Et on
pourrait s'en inspirer, certainement, pour contribuer à endiguer le mieux
possible les répercussions, là, négatives de la violence conjugale en milieu de
travail.
J'aimerais ça que
vous... puis là je le dis pour le bénéfice de tous les membres, là. Quand vous
dites «les signes à reconnaître» puis vous dites, à un moment donné, «les
risques de violence conjugale», peut-être que ça réfère au même élément, mais
parlez-nous des signes qui peuvent contribuer à aider un employeur à
intervenir. Puis, quand vous parlez de
risques — évidemment, on intègre les risques psychosociaux dans notre projet de loi n° 59 — est-ce
qu'il y a des milieux de travail qui sont plus à risque que d'autres? Je vous
laisse aller.
• (17 h 40) •
Mme Cox
(Rachel) : D'accord. Au plan des signes à reconnaître, et, là encore,
je ne fais que reproduire le travail de mes partenaires qui font mon éducation
en ce sujet, on va... Et c'est d'ailleurs le résultat d'une étude
pancanadienne. La manifestation la plus fréquente, sur les lieux de travail,
c'est des appels et des textos incessants de la part du conjoint qui exerce un
contrôle coercitif. Ensuite, on a le fait que le conjoint va passer souvent au
bureau, attendre la victime dans le stationnement, etc. La femme victime de violence
conjugale ou toute personne victime de violence conjugale va souvent arriver en
retard. Pourquoi, justement?
Le travail étant la
clé de l'autonomie financière, d'ailleurs, l'ailleurs de la personne victime,
c'est là que le contrôle du conjoint va s'exercer, en faisant en sorte qu'elle
ne puisse pas dormir, qu'elle ne puisse pas se rendre au travail, etc. Donc,
retards fréquents, absences fréquentes. Souvent, une femme va s'isoler du reste
de son équipe, se replier sur elle-même, va devoir décliner systématiquement
les invitations à des occasions sociales au travail, être anxieuse, aux aguets,
avoir un rendement diminué, être toujours sur ses gardes. Ce genre de signes
là, au-delà des manifestations de blessures physiques, sont les signes
avant-coureurs.
Je sais que, moi,
dans les formations, on m'a raconté... une femme qui arrive avec une blessure
au travail et reçoit, par exemple, un énorme bouquet de fleurs de son conjoint,
sans qu'il y ait d'occasion particulière. Donc, le cycle de tenter de se
racheter après l'épisode de violence se manifeste ainsi. Souvent, ce sont les
collègues qui vont remarquer. Une femme victime de violence conjugale va
souvent s'isoler de sa famille et de ses amis, mais elle continue à aller au
travail. Donc, les collègues sont dans une position privilégiée pour remarquer
que quelqu'un est victime de violence conjugale, d'où l'importance du rôle des
collègues, du rôle du syndicat, s'il y en a un, parce que c'est eux qui vont
souvent recevoir un signalement en premier. D'où l'importance d'une prise en
charge paritaire dans les milieux de travail, où il y a collaboration, il y a
énumération de qu'est-ce qui peut être fait, une compréhension commune du rôle
du milieu de travail. Et c'est là aussi qu'on va voir un changement plus
diffus, où l'acceptabilité sociale du contrôle coercitif exercé dans une
relation intime diminue.
Est-ce que j'ai répondu à votre question?
M. Boulet :
Oui, sur le premier volet. Sur le deuxième volet, Mme Cox, est-ce qu'il y a des
environnements de travail qu'on est capable de dire : Le niveau de risque
est plus élevé? Parce que, bon, vous savez, on parle beaucoup de prévention,
participation des travailleurs, puis, dans le programme de prévention, on doit
identifier les risques pour bien les contrôler et bien les éliminer. Quand on
parle de risques psychosociaux, est-ce qu'il y a des signes précurseurs ou des
environnements de travail qui sont plus propices à ça? Qu'est-ce que vous me...
Oui?
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
deux minutes, Mme Cox. Il ne reste que deux minutes.
Mme Cox (Rachel) : Donc, à ma
connaissance, non. Le facteur de risque, c'est d'être femme, et donc le risque
existe dans tous les milieux de travail. Là où il va y avoir concentration de
femmes, c'est là qu'il va y avoir plus de risques qu'il y ait des femmes
victimes de violence conjugale, d'où l'importance d'avoir des mesures
préventives dans les secteurs où sont concentrées les femmes, comme la santé,
comme l'enseignement. Je vais donc conclure là-dessus, dans le respect de Mme
la Présidente.
M. Boulet : Écoutez, merci beaucoup,
Mme Cox. J'ai énormément d'estime pour le travail que vous faites. Et mes
collègues, je pense que, d'aucun... tout le monde va reconnaître à l'unanimité
l'importance de lutter contre le phénomène de violence conjugale et ses incidences
en milieu de travail. Et, le p.l. n° 59, je pense que
c'est une autre opportunité qui nous permet de passer le message, de s'assurer
que ce soit bien appliqué et qu'il y ait beaucoup, non seulement d'information,
mais de formation dans les milieux de travail pour enrayer ce phénomène-là du
mieux qu'on peut. Et vous aurez contribué, non seulement à notre réflexion en
amont, mais, maintenant, en commission parlementaire. Merci beaucoup, puis au
plaisir de se reparler. Puis, s'il y a quoi que ce soit, on aura certainement
l'occasion de rediscuter du projet de loi. Merci beaucoup, Mme Cox. Au plaisir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous
disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Et sur les belles paroles utilisées par M. le ministre, je tiens,
moi aussi, à vous dire merci pour votre contribution. C'est très, très
apprécié.
Et je tiens aussi à souligner quelque chose qui
m'a extrêmement touché, c'est lors du dépôt du projet de loi, le communiqué de
presse de l'Université du Québec à Montréal, les victimes de violence conjugale
et le projet de loi modernisant le régime, une équipe de recherche partenariale
de l'UQAM mobilisée pour la protection en milieu de travail. Je tiens à le
dire, parce qu'on ne peut pas, on ne peut pas, en tant qu'élus, avancer sans le
travail de recherche fait par des professeurs et des chercheurs. Surtout que le
ministre ouvre la porte à une modernisation, donc soyons audacieux et soyons
aussi... ayons en tête cette particularité du Québec de voir les choses
autrement. Oui, on est bons par rapport à certains points, mais, si on peut
être meilleurs, bien, pourquoi pas? Alors, Pre Cox, merci beaucoup pour les recommandations.
Et je vais me permettre de vous poser quelques questions.
C'est plus dans le sens de nous aider à mieux répondre d'une manière 360 à
la problématique que vous soulevez.
La première. Vous nous présentez une
recommandation qui est très importante, c'est soit celle d'outiller les
employés, donc, par les formations, les travailleurs, par la sensibilisation,
l'introduction d'une procédure de signalement et surtout la mise en place d'une
politique d'orientation. Vous avez eu cet échange, à un certain moment, avec M.
le ministre. Mais, concrètement, les employeurs nous disent et nous partagent
souvent qu'ils veulent faire partie de la solution, ils veulent aussi aider.
Mais il y a d'autres groupes qui nous ont partagé quelque chose par rapport à l'aspect...
la lourdeur administrative. Ils ne veulent pas que ce soit très lourd pour eux.
Donc, connaissant les ressources externes qui
existent, si une telle recommandation est intégrée dans ce projet de loi,
avez-vous une idée sur le comment, le contenu, les organismes partenaires qu'on
peut proposer à M. le ministre de travailler en collaboration avec la CNESST?
Et aussi, question de temps : À quel moment, vous, vous voyez ça, le tout
opérationnel?
Mme Cox (Rachel) : D'accord. Merci
pour ces questions fort pertinentes. En termes de mise en oeuvre, c'est sûr
que, pour les employeurs, la particularité du risque de la violence conjugale,
c'est que la violence conjugale provient d'un phénomène de société et se situe à
l'extérieur du milieu de travail. Donc, quand je dis «le rôle de pivot», c'est justement
que l'employeur s'associe, identifie quelles sont les ressources externes dans
sa région. Et pourquoi? Pour trouver les solutions pertinentes, qui vont varier
d'une région à l'autre.
Vous avez souligné l'apport de mes groupes
partenaires qui se situent sur la Côte-Nord du Québec, où la prévalence de violence
conjugale est beaucoup plus élevée qu'ailleurs et où les possibilités de fuir
sont aussi limitées, à moins qu'on veuille complètement déménager dans une
autre région. Donc, qui seraient les partenaires? Eh bien, ce seraient les
CAVAC, les maisons d'hébergement, les centres de femmes, soit les composantes
de mon équipe de recherche. Donc, chaque partenaire a apporté des
connaissances, un savoir-faire, une expertise particulière. Les centres de
femmes, entre autres, reçoivent des femmes qui se... qui fuient ailleurs que
dans une maison d'hébergement. Ce n'est pas
tout le monde qui va chez une CAVAC, etc. Donc, je pense que nous avons, au Québec,
un réseau qui est drôlement bien équipé, qui
aurait besoin peut-être d'un financement additionnel pour bien remplir ce
rôle.
L'idée, comme
je disais, c'est que c'est relativement simple, pour l'employeur, faire une
déclaration, manifester sa volonté
d'agir, condamner la violence conjugale et faire preuve d'ouverture pour gérer
les cas quand ils se présentent. Puis l'action en
amont, donc, pour créer un contexte propice aux signalements puis aussi pour
sensibiliser tout le monde sur la question, c'est de faire faire des
formations, exactement, par exemple, comme ça a été le cas pour la compagnie
IOC, à Sept-Îles, faire venir des intervenantes dans un centre de femmes, une
maison d'hébergement pour en parler au personnel. Le travail, donc, est fait par
les personnes expertes en la matière.
En termes d'opérationnalisation, bien, c'est
rapidement que le tout pourrait être déployé. Le ministre me réconforte en me
disant : Il y a déjà une session de formation, ça pourrait être intégré.
Pour évaluer le risque en matière de violence conjugale, il y a déjà des
questionnaires qui sont dédiés. Je connais... plusieurs inspecteurs de la
CNESST vont aimer ça, c'est très rigoureux, c'est très structuré, et le
résultat est basé sur des données probantes, donc une obligation pas difficile
à déployer.
• (17 h 50) •
M. Derraji : Merci beaucoup. Et je
sais que mon collègue Carlos va poser une autre question. Je veux juste revenir
sur le programme de prévention. Une de vos recommandations... vous avez mis
l'emphase beaucoup sur la nécessité que l'employeur adopte, avec la
collaboration du personnel, une politique de prévention de la violence
conjugale au travail. Donc, ça, c'est une de vos... je dirais, vous avez mis
l'emphase pas mal sur ce point. Est-ce que vous recommandez que cette politique
de prévention soit incluse dans le projet de loi, dans le volet Programmes de
prévention? Est-ce que c'est quelque chose que... selon vous, ce serait un point
de départ avec les employeurs?
Mme Cox (Rachel) : Nous n'avons pas,
comme équipe, émis une recommandation spécifique à cette fin. Pourquoi? Parce
que nous privilégions une démarche paritaire, donc une démarche de prévention
qui serait de façon conjointe. En santé et sécurité du travail, l'approche
«top-down» ne fonctionne pas bien. Ce qui marche, c'est la véritable prise en
charge, le dialogue avec les personnes concernées, les travailleuses et les
travailleurs, et ça légitime le résultat final, puis ça garantit que ce serait
mis en oeuvre.
Donc, c'est clair que, nous, notre souhait,
c'est que, là où il y a des structures permettant de le faire, dont au premier
titre un syndicat, que ça soit une démarche paritaire, donc, ce qui est en plan
un peu, maintenant. Parce que le programme de prévention, selon ce que j'en
comprends, c'est l'employeur qui l'élabore dans ce qui est proposé dans le projet
de loi. Donc, attendons de voir, mais, dans la mesure où il y a un programme de
prévention, où il y une prise en compte du risque de violence, c'est là qu'il
ne faut pas marginaliser la violence conjugale. Il faut, bien sûr, que ce
risque-là soit inclus comme un risque professionnel parmi les autres risques.
M. Derraji : Donc, ce que vous
voulez, c'est insérer la politique de prévention de la violence conjugale au
travail, donc, sous l'angle de prévention, si j'ai bien compris?
Mme Poirier (Andrée) : Sous l'angle
de la prévention générale, oui, dans toutes les mesures préventives.
M. Derraji : O.K. Excellent. Mme la
Présidente, je pense que mon collègue, Carlos, a des questions aussi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, nous donnons la parole au député de Robert-Baldwin. Il vous
reste 3 min 30 s.
M. Leitão : Merci, Mme la Présidente,
et je remarque que mon collègue est extrêmement généreux avec le temps qu'il me
laisse. On est à la fin de la journée. Mme Cox, bonjour, merci beaucoup
d'être là et merci beaucoup de nous amener ces enjeux qui sont extrêmement
importants.
Je commencerais en disant que cette question,
l'enjeu de la violence conjugale, évidemment, ne connaît pas de... ne se limite
pas à certains secteurs ni à certaines sphères d'activité. C'est généralisé, et
surtout, aussi, ça affecte toutes les classes sociales. C'est peut-être un
mythe que c'est seulement certains groupes qui sont plus susceptibles. Non,
non, non, ça affecte tout le monde.
Ma question s'adresse... J'aimerais avoir un peu
votre réflexion sur les entreprises plus petites ou les organismes plus petits.
Une grande entreprise, une grande compagnie d'assurance avec des procédures de ressources
humaines sophistiquées, etc., ils peuvent mettre en place toute une série de
mécanismes de prévention et de soutien à l'employé pour le protéger. Mais
comment est-ce qu'on fait ça dans une petite entreprise, un restaurant, par
exemple, où il y a quatre ou cinq
employés, et une des employées, justement, vit un problème... une problématique extrêmement
difficile de violence conjugale? Comment est-ce qu'on fait, concrètement, pour
aider ces petits organismes, surtout, à bien protéger l'employée?
Mme Cox (Rachel) : Oui. Merci pour
votre question. C'est d'ailleurs... Dans la première élaboration de cas réels
faite par les partenaires, il y avait plusieurs petites entreprises, effectivement,
et c'est là que je pense que la CNESST doit avoir un rôle à produire une politique
modèle, quitte à ce qu'il y ait des sections qui seraient plus appropriées, par
exemple, pour un commerce, où le public entre de toute façon. Je pense que la
CNESST pourrait mettre à la disposition des petits employeurs une liste de
ressources dans chaque région, qui permettrait déjà d'avoir vers qui référer,
et qu'il pourrait y avoir production d'outils. Le regroupement des maisons d'hébergement
produit déjà des fichiers 8½ X 11 qui expliquent en quoi la violence
conjugale consiste et comment la combattre.
Donc, moi, j'ai... d'une série d'outils simples
mais efficaces qui permettent à l'entreprise de remplir : O.K., mon point
de référence, c'est telle place ou telle autre place, et donc de savoir :
En cas de signalement, bien, je m'informe de telle façon. Donc, ce n'est pas
nécessairement lourd du tout pour l'entreprise, comparé, comme je disais, à d'autres
risques, c'est tout à fait possible et faisable. Et les employeurs de toutes
tailles ont déjà des pratiques exemplaires : c'est la
diligence raisonnable, le souci pour autrui, la possibilité de contribuer à la
lutte contre la violence conjugale. Les petits employeurs l'ont, comme les
grands.
M. Leitão : Très bien. Et, oui, tout
à fait, je pense que la CNESST pourrait et devrait jouer un rôle... avoir un
rôle de leadership pour mieux outiller ces petites entreprises-là.
Une dernière question, dernier enjeu. La violence
conjugale affecte tout le monde, toutes les classes sociales, mais il y a aussi
un aspect très particulier pour les personnes immigrantes, surtout les
personnes immigrantes arrivées depuis relativement peu de temps. Là, il y a un
double enjeu. Non seulement, bon, il y a un manque de connaissance des
ressources existantes, mais il y a souvent la barrière de la langue, aussi.
Comment est-ce que vous voyez une façon de mieux aider ces personnes-là?
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
30 secondes, Mme Cox.
Mme Cox (Rachel) : Bien, c'est justement
le milieu de travail comme facteur d'intégration absolument clé pour les femmes immigrantes, surtout nouvellement
arrivées au Canada, le support, le
soutien des collègues, l'information sur les droits. Je pense que vous
touchez là un bénéfice potentiel énorme où le milieu de travail peut être
justement sur des formations et de soutien sur ces questions-là, et de façon
appropriée, aux femmes dans toute leur diversité.
M. Leitão : Très bien. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez
2 min 45 s.
M.
Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme Cox. J'avais beaucoup
apprécié votre clarté il y a quelques années,
quand j'ai suivi votre cours en santé et sécurité. Je l'apprécie tout autant ce
soir. D'ailleurs, salutations à toute l'équipe
du Service aux collectivités de l'UQAM, qui a travaillé très fort, pour
connaître bien ce service-là, sur ce projet-là.
Deux questions en rafale, Mme Cox. La première,
c'est que je veux juste être certain d'avoir bien compris ce que vous disiez un
peu plus tôt. Dans le fond, en ce moment, au-delà du projet de loi, il y a déjà
une certaine responsabilité des employeurs en matière de violence conjugale?
Deuxième question : Dans votre mémoire, vous faites référence à l'importance de ramasser des données sur le moyen,
long terme et de prévoir une révision quinquennale; est-ce que vous
pourriez nous en parler davantage?
Mme Cox (Rachel) : Oui. Merci. Donc,
il serait possible dès aujourd'hui, pour la CNESST, d'intervenir sur ces
questions-là en vertu de l'obligation générale de l'employeur. Ce sont les
vestiges d'un régime discriminatoire à l'égard des femmes, qui écarteraient le
risque de violence conjugale et qui agiraient contre le vol à main armée, d'une
part. Et, d'autre part, la question de la révision quinquennale de la loi, oui,
le Québec innove, j'espère, va innover dans sa mise en oeuvre structurée et
efficace, et donc, dans ce souci-là, dans un souci d'amélioration constante de
nos politiques, de nos politiques innovatrices, on souhaiterait une révision
après cinq ans et puis quand tous les acteurs, l'INSPQ, la CNESST, le réseau
des maisons d'hébergement, etc... pour s'assurer qu'on intervienne de la bonne
façon puis qu'on continue d'améliorer nos politiques
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Excellent. Il reste une minute. Votre micro.
M. Leduc : Ça serait quelque chose
qu'on pourrait faire en rajoutant un article ou un amendement, donc, dans les mesures
transitoires, j'imagine, qui préciserait que la CNESST doit déposer un mémoire
ou un suivi dans un nombre x de temps. C'est bien ça?
• (18 heures) •
Mme Cox (Rachel) : Ce serait bien
ça. Puis c'est une bonne façon de faire pour continuer à améliorer nos
interventions, s'assurer d'une mise en oeuvre réelle. La mise en oeuvre réelle,
c'est là, l'enjeu, présentement, en termes de violence conjugale et les milieux
de travail.
M. Leduc : Bon, bien, on va préparer
un amendement, dans ce cas-là. Merci, Mme Cox.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
pour l'échange. Nous continuons ou nous poursuivons avec le député de Bonaventure.
2 min 45 s.
M. Roy
(Bonaventure) :
Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Cox. Note historique, j'ai
travaillé, moi aussi, au Service aux
collectivités comme chercheur, dans les années 90, sur le profil des
professionnels de la santé.
Question. Avec l'augmentation du télétravail, on
soustrait un nombre considérable de gens de la protection potentielle du milieu de travail issue de
l'article dans le projet de loi, puis c'est une tendance qui est en
progression, O.K.? Par contre, ces
gens-là travaillent pareil, ça fait que, quelles sortes de mécanismes qu'on
peut déployer pour leur donner une certaine protection en corollaire
avec l'article de loi et pour permettre à ces gens-là, là, de ne pas être
oubliés?
Mme Cox (Rachel) :
D'accord. Je commence à être inquiète. Est-ce que ça veut dire que je vais
devenir députée aussi, moi, vu mon implication au Service aux collectivités?
Sur la question du télétravail, oui, il faut
adapter l'obligation de l'employeur au contexte, et c'est la même chose pour
toutes les obligations de l'employeur, que ce soit la chaise ergonomique ou la
violence conjugale. Le principe, c'est que, là où l'employeur est en mesure de
contrôler le risque, il doit le faire et dans la mesure où il peut le faire.
Donc, en télétravail, c'est se fier que, oui, la politique contre la violence
conjugale, s'il y en a une, continue de s'appliquer, diffuser régulièrement; en
cas de signalement, évaluer le risque, aussi, parce qu'un jour on va se
déconfiner; établir qu'une personne qui vit une situation difficile à la maison
peut avoir... peut bénéficier d'un retour prioritaire sur les lieux de travail;
aménager ou réduire ses heures de travail, lui permettre de consulter des
ressources sur le temps de travail. Souvent, en contexte de confinement, c'est
la consultation de quiconque à l'extérieur de la maison qui devient compliquée.
Donc, une obligation d'autant plus importante,
vu l'augmentation des cas de violence conjugale et de la sévérité, l'exposition
des enfants à cette violence, une obligation pour l'employeur, un rôle à jouer
qui est toujours de sentinelle, de référence et de soutien. Voilà.
M. Roy
(Bonaventure) :
Merci beaucoup. Bravo pour votre travail. C'est un enjeu extrêmement important.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui.
Merci, Mme Cox, pour votre précieuse collaboration à la commission.
Alors, écoutez, la commission ajourne ses
travaux jusqu'au mercredi 20 janvier 2021, à 9 h 30,
où nous poursuivrons notre mandat. Merci et bonne fin de journée à tous et à
toutes.
(Fin de la séance à 18 h 03)