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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, September 22, 2020 - Vol. 45 N° 62

Special consultations and public hearings on Bill 51, An Act mainly to improve the flexibility of the parental insurance plan in order to promote family-work balance


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Table des matières

Auditions (suite)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail (CIAFT) et Coalition pour la
conciliation famille-travail-études

Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ)

Réseau pour un Québec Famille

Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP)

M. Jean-François Chicoine et Mme Johanne Lemieux

Autres intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

M. Jean Boulet

M. Monsef Derraji

M. Alexandre Leduc

Mme Véronique Hivon

*          Mme Sonia Éthier, CSQ

*          Mme Mélanie Michaud, idem

*          Mme Ruth Rose, Coalition pour la conciliation famille-travail-études

*          Mme Kimmyanne Brown, CIAFT

*          Mme Marielle Tardif, FPAQ

*          M. Yannick Munger, idem

*          Mme Amélie Landry, Réseau pour un Québec Famille

*          Mme Marie Rhéaume, idem

*          M. Raymond Villeneuve, RVP

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par Mme Hivon (Joliette).

La Présidente (Mme IsaBelle) : Mme la secrétaire, y a-t-il des droits de vote par procuration?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Bélanger (Orford) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de Mme Jeannotte (Labelle), ainsi que M. Derraji (Nelligan), qui dispose également d'un droit de vote par procuration au nom de M. Leitão (Robert-Baldwin).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, ce matin, nous entendrons les groupes suivants par visioconférence : la Centrale des syndicats du Québec ainsi que le conseil d'intervention pour l'accès des familles au travail, conjointement avec la Coalition pour la conciliation famille-travail-études.

Nous souhaitons maintenant la bienvenue, effectivement, à la Centrale des syndicats du Québec, avec Mme Éthier et Mme Michaud. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Mais, avant de commencer, je vous inviterais à vous présenter. Alors, à vous la parole.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Éthier (Sonia) : Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre et tous les membres de la commission. Bien, c'est un plaisir, enfin, pour nous, de présenter notre mémoire concernant les modifications apportées au Régime québécois d'assurance parentale. Et aujourd'hui je suis accompagnée de Mme Mélanie Michaud, conseillère à la sécurité sociale à la CSQ, et les spécialistes de la question du RQAP et des droits parentaux à la centrale, et puis on va répondre ensemble aux questions. Et, comme vous le savez, je suis Sonia Éthier, la présidente de la Centrale des syndicats du Québec.

Un petit rappel, on représente 200 000 membres, dont 75 % sont des femmes et 30 % des jeunes de moins de 35 ans, donc un intérêt marqué pour toute la question du RQAP. Et depuis toujours on accompagne nos membres pour faire valoir leurs droits en matière de droits parentaux, et on connaît de façon assez pointue leurs besoins, et on pense que le projet de loi n° 51... (panne de son) ...vous le savez, que le RQAP, ça a été mis en place après une longue lutte menée par les organisations syndicales, les groupes de femmes et les partenaires sociaux. Et on se rappelle, vous l'avez dit, Mme la Présidente, le but du RQAP, c'est vraiment de soutenir financièrement les nouveaux parents et de concentrer plus de temps dans les premiers mois de la naissance des enfants.

Donc, 15 ans après l'entrée en vigueur du régime, je pense que ça a été un bon mouvement du gouvernement de faire le bilan et de prendre les bonnes décisions pour améliorer le régime. Mais il faut quand même reconnaître que ce régime actuel a quand même rempli ses promesses : pas de délai de carence, un taux de remplacement du revenu quand même appréciable. Et un revenu annuel de 2 000 $ suffit pour obtenir des prestations, c'est quand même important et c'est de beaucoup supérieur au régime d'assurance-emploi, même avec ses améliorations.

Et on le sait, on l'a vu dans le mémoire présenté au Conseil des ministres par le ministre du Travail, le taux de participation en 2014 a atteint 87 %. Puis, si on s'attarde à la proportion des prestataires qui ont utilisé l'ensemble des prestations, c'est quand même de 81 %, et ça démontre l'importance et la nécessité des congés parentaux au Québec.

Puis on va se le dire, le Québec a fait beaucoup de chemin depuis quelques années, en quelques années, mais il en reste beaucoup à faire pour déconstruire les mythes, changer la culture puis favoriser la présence des parents auprès de leur enfant.

• (10 h 10) •

Mais on le sait, qu'il y a quand même certains groupes qui ont utilisé le prétexte de la pandémie pour freiner les améliorations au régime, et c'est un discours qu'on entend quand même depuis un bout. Mais ça, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas sensibles à la situation économique de certaines entreprises, mais on invite quand même le ministre du Travail à aller de l'avant maintenant pour remplir les objectifs du projet de loi, c'est d'améliorer la flexibilité du régime et la conciliation famille-travail. Donc, la CSQ salue vraiment l'arrivée du projet de loi.

Et on constate qu'on a mis de l'avant des bonifications pour les prestations parentales d'adoption en fonction des situations particulières vécues par les familles. Mais, comme vous le savez, on aura des remarques et des bonifications à apporter sur certains aspects.

Et on a produit un mémoire, puis, à cet effet, j'ai une information quand même importante à vous indiquer. Notre mémoire a été élaboré en fonction du projet de loi qui avait été déposé en novembre 2019, puis c'est pourquoi, bien, on était inquiets de la création des sous-catégories de prestataires. Mais les amendements qui ont été apportés en mars ont réglé cette question-là.

Donc, si on va sur le fond, vous avez pris connaissance du mémoire, on est vraiment d'accord avec l'adoption des articles 5 et 15 du projet de loi, qui est d'ajouter cinq semaines supplémentaires lors de la naissance et de l'adoption multiples, à l'image de plusieurs autres pays, et ça, ça répond à un besoin.

Ensuite, concernant l'article 6, qui prévoit, dans le projet de loi n° 51 amendé, là, les cinq semaines pour chacun des parents, 32 semaines partageables et 13 semaines pour l'accueil et le soutien, bien, on salue cette modification parce que, là, vraiment, ça porte le congé à 55 semaines par rapport au projet de loi initial, ce qui est très bien, et ça confirme l'importance d'ajouter du temps aux nouveaux parents et d'assurer une présence constante auprès de l'enfant adopté. Donc, la reconnaissance, là, de la nécessité de semaines réservées pour chacun des parents, c'est essentiel.

Mais, pour nous, il y a une modification qui nous apparaît importante à la... que vous retrouvez à la recommandation 2 de notre mémoire, qui est à l'effet d'octroyer 10 semaines de prestations exclusives à chacun des parents adoptifs.

Donc, en ce qui concerne l'incitatif au partage des prestations, nous avons des réserves là-dessus parce que, on va se le dire, là, cette contrainte oblige la mère à renoncer à 10 semaines de prestations pour que le couple obtienne quatre semaines supplémentaires puis, on va se le dire, quatre semaines à 55 %.

Et, vous le savez, il y a plusieurs éléments qui influencent la répartition des semaines de prestations parentales, comme par exemple le salaire, l'allaitement, et je pense qu'on va un peu trop loin, là, dans la décision du couple sur ce sujet-là. Et, bien, comme on le prétend, c'est que c'est plus important d'ajouter cinq semaines de paternité, parce qu'on sait, présentement, on l'a vu dans les données du ministère, que les congés de paternité sont utilisés à 80 %, alors que les prestations partageables le sont à 35 %.

Donc, pour nous, si on bonifie à 10 semaines le congé de paternité, ça répond davantage à l'objectif qu'on veut se donner, initial, là, du RQAP, qui est la présence auprès de l'enfant. Donc, notre recommandation 3 va dans ce sens-là, puis je pense que vous avez pu constater que ça porte à 60 semaines. Le projet de loi prévoit 59, on n'est quand même pas très loin.

Ensuite, pour la prolongation de la période de prestations, actuellement, vous le savez, là, les prestations de maternité doivent être prises dans les 18 semaines de l'accouchement. Donc, les propositions 3 et 26 portent à 20 semaines, mais, pour la CSQ, il faudrait étirer ça jusqu'à 25 semaines, comme le projet de loi n° 174 l'avait prévu.

Donc, ça arrive qu'il y a des personnes salariées qui reçoivent un montant, par exemple, pour leurs vacances ou d'autres avantages monétaires, et les prestations peuvent être suspendues, mais l'espace n'est pas suffisant, et ça entraîne des pertes monétaires, puis ce n'est pas ça qu'on veut avec le régime. Donc, c'est l'objet de notre recommandation 4.

En ce qui concerne l'allongement de la période de prestations, là, de 52 à 78 semaines, bien, on est d'accord avec le fait que ça amène plus de flexibilité, mais on a une petite crainte, par contre, que la prestataire subisse une certaine pression, là, pour revenir au travail, notamment dans les périodes de pointe. Alors, pour nous, il faut se concentrer... il faut garder le focus sur les besoins des parents. Et, en ce sens-là, on bifferait, dans l'article 29, «si l'employeur y consent», parce que, comme je le disais, il faut que cet article-là soit vraiment au bénéfice des parents.

Pour l'adoption hors Québec, le fait de pouvoir débuter les prestations cinq semaines avant, bien, je pense que c'est un bon mouvement et c'est ce que vous retrouvez à la recommandation 6. Pour l'augmentation des exemptions, bien, ça, c'est vraiment une bonne chose parce que ça pourra garantir le même niveau de revenus, et les gens vont pouvoir faire un retour progressif. Puis je pourrais vous donner un exemple : il reste 10 semaines à 55 %, et à ce moment-là je pourrais revenir au travail deux jours-semaine et avoir... ne pas être pénalisée. Donc, c'est important, puis, on le sait, ça pourrait répondre aux besoins de l'employeur et ça permet un retour tout en douceur. Donc, on a aussi...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Mme Éthier...

Mme Éthier (Sonia) : Oui?

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...il ne vous reste que 20 secondes. En conclusion.

Mme Éthier (Sonia) : D'accord. Bien, écoutez, je pense que vous avez vu, on a d'autres recommandations, mais on s'est concentrés sur l'essentiel. Et, bien, on est prêtes à écouter vos questions puis échanger avec vous, et je vous remercie beaucoup pour votre écoute.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, Mme Éthier.

Alors, nous allons maintenant commencer la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 minutes.

M. Boulet : Alors, de nouveau, bonjour, Sonia puis Mme Michaud, content de vous avoir entendues. Félicitations, Sonia, pour la qualité de la présentation ainsi que du mémoire, avec ses recommandations! Et on se connaît, et, encore une fois, je réalise votre profonde sensibilité pour ce régime-là. Il est effectivement apprécié et il joue un rôle fondamental dans le soutien financer des parents qui accueillent un nouvel enfant, et les preuves sont faites. Puis je pense que ça fait aussi partie de notre fierté, parce que ce régime-là fait partie de notre filet social, au Québec.

Aussi heureux de constater, Sonia, tenant compte de la représentativité de la CSQ, notamment auprès des femmes et des jeunes, et ce qui inclut aussi les jeunes papas, que vous appuyez, bien sûr, les objectifs et ce qui est visé par les bonifications de la Loi sur l'assurance parentale, malgré le contexte pandémique, qui, par ailleurs, exacerbe, hein, des problématiques, puis ça répond à des besoins qui sont parfois beaucoup plus importants, tenant compte de la situation pandémique actuelle.

Quelques questions, Sonia, puis c'est juste dans une perspective d'éclairer certaines de vos recommandations, puis peut-être que parfois je n'ai pas bien compris, puis, Sonia, tu ou vous pourrez préciser. Mais, bon, on comprend bien que les amendements, en ce qui concerne les parents adoptants... Il y a création de 5-5, donc des prestations exclusives aux parents a et b, il y a le 32 semaines partageable et il y a le 13 semaines de prestation d'accueil et de soutien, ce qui nous mène à 55, ce qui fait l'égalité parfaite, là, qu'on soit au régime de base ou au régime particulier.

Mais j'ai entendu, après ça, que vous mentionniez qu'il pourrait y avoir 10 semaines de prestations exclusives pour les parents adoptants. Est-ce que j'ai bien compris? 10 semaines à chacun des parents adoptants? Sonia, ce bout-là, je ne suis pas certain de bien l'avoir compris.

Mme Michaud (Mélanie) : Oui. En fait, c'est pour ça qu'on a laissé dans notre mémoire notre section sur les congés d'adoption, parce que, pour nous, ce qui est important, c'est que les nouveaux parents, peu importe qu'ils soient adoptants ou un parent biologique, aient accès à 10 semaines exclusives, donc 10 semaines où lui seul peut prendre... lui ou elle-même peuvent prendre, là, des prestations. Donc, c'est pour ça qu'on l'a laissé, parce que ça va en lien avec notre demande au niveau du congé de paternité. Lui aussi, on veut qu'il soit augmenté à 10 semaines pour que chaque parent au Québec, peu importe le type de parent, ait accès à 10 semaines exclusives. Il n'est pas obligé de les prendre au complet, mais il a quand même accès à ces 10 semaines là.

• (10 h 20) •

M. Boulet : O.K. Mais ce qui est important, Léanie, c'est qu'il y ait l'égalité entre les parents adoptants puis les parents biologiques, ce qu'on atteint avec les amendements qui ont été inclus dans le projet de loi n° 51?

Mme Éthier (Sonia) : Tout à fait, c'est un... Comme je le disais, c'est vraiment très bien, là, l'amendement qui a été apporté qui fait en sorte qu'on se retrouve avec le même nombre de semaines, que ce soit pour les parents adoptants ou biologiques.

M. Boulet : Deuxième questionnement que j'ai, Sonia, c'est sur le quatre semaines additionnel que les parents pourraient obtenir dans la mesure où ils partagent chacun au moins 10 semaines de prestations partageables. On comprend que l'objectif, c'est d'inciter les pères à s'investir un peu plus dans la sphère familiale. Souvent, les pères... puis vous avez fait état des statistiques qui étaient dans le mémoire que j'ai présenté au Conseil des ministres, les pères, ils prennent leurs cinq semaines maintenant, mais ils partagent peu. Ça augmente, mais c'est encore un pourcentage qui est trop bas. Et on me dit souvent que, quand ils partagent, ils le font seuls... ils le font avec la conjointe, pas nécessairement seuls. Donc, les membres du conseil, quand ils ont analysé, puis c'est des personnes qui représentent plusieurs segments de la société québécoise, les jeunes entrepreneurs, les travailleurs autonomes, les travailleuses aussi, ont dit : Il faut trouver une façon d'encourager les pères, et c'est par la voie de la discussion qu'on va le faire, par la voie du dialogue.

J'entends puis je lis dans votre mémoire que... puis je t'entendais, Sonia, tu disais : C'est comme si la mère renonçait à 10 semaines pour en obtenir quatre. Moi, j'ai l'impression que ça... c'est un type de raisonnement... puis, Sonia, je respecte, là, cet énoncé-là, mais ça peut contribuer à cristalliser davantage la perception que les prestations parentales partageables appartiennent prioritairement à la mère. Puis les études le démontrent, que les pères qui sont désireux, qui souhaitent utiliser des prestations parentales partageables ont généralement l'impression qu'ils en privent la mère. Donc, ils ne veulent pas y aller, puis ça, c'est... Bien, en tout cas, les études que j'ai consultées puis la littérature que j'ai eu le privilège de lire aboutissent toutes à cette conclusion-là, il y a beaucoup de jeunes pères qui se disent : Si j'en prends, elle va en perdre. Mais ce n'est pas ça qu'on veut, c'est qu'ils s'investissent tous les deux.

Puis, excusez-moi, Sonia, de redire encore que, quand je suis allé la présentation sommaire du p.l. n° 51 à Trois-Rivières dans un CPE, il n'y pas une ou deux mères, mais probablement quatre ou cinq jeunes mères, puis il y en a qui étaient avec des enfants, qui étaient tellement heureuses de cet incitatif-là, me témoignant toutes de l'importance que les jeunes pères, les jeunes papas soient là, présents et qu'ils passent du temps de qualité puis du temps seul aussi avec l'enfant. Ça fait qu'elles voyaient ça comme une avancée considérable, là, dans notre RQAP.

Ça fait que peut-être que je n'ai pas bien compris, mais je ne veux certainement pas que ce soit perçu comme étant : On enlève à la mère. Non, au contraire, les deux dialoguent, les deux conviennent. Si on en prend chacun minimalement 10, on a un incitatif, on en a un, quatre semaines, qui peut bénéficier à la mère comme au père ou aux deux, dépendamment de la décision qui sera prise par les parents a et b.

Ça fait que ça, c'était un commentaire. Mais j'aimerais, Sonia ou Léanie, là, vous entendre là-dessus, sur cet élément-là.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, c'est tout l'aspect du conditionnel. Je comprends l'objectif, là, l'objectif étant de faire en sorte que le père, le deuxième parent, là, soit présent auprès de l'enfant, on le comprend. Maintenant, tout le caractère conditionnel de prendre chacun 10 semaines, peut-être que, si on exigeait... puis je pense qu'il y a d'autres intervenants qui vous l'ont soumis à la réflexion, que ça pourrait être un nombre de semaines qui serait moindre pour obtenir le quatre semaines supplémentaire, ça serait peut-être quelque chose d'envisageable.

Puis, pour nous, il y a d'autres... Tu sais, quand on disait qu'on rencontre... Vous avez rencontré des intervenantes, M. le ministre, puis je vous crois, là, quand elles ont dit que c'était, pour elles, très important, puis que ça va faire en sorte que le père va être plus présent, puis ça va permettre à la mère de retourner travailler. Ça, ce n'est pas... on ne le conteste pas. Mais c'est vraiment... il y a des considérations dans les familles, par exemple le salaire. Puis, on ne se le cachera pas, souvent, c'est le père, hein, qui a un revenu qui est plus élevé, ça arrive dans beaucoup de familles. Ça, ça peut être une considération où ils ne partageront pas 10 semaines parce que, monétairement, ils ne pourront pas y arriver ou ça va être plus difficile. Puis il y a toute la question aussi de l'allaitement, qui peut être un facteur qui empêche le père de prendre 10 semaines puis la mère... tu sais, qu'ils partagent les 10 semaines.

Ça fait que, pour nous, là, c'est un... je dirais, c'est une réserve qu'on met sur cette question-là. On comprend très bien, là, l'objectif que vous apportez, en disant : Si vous partagez 10 semaines chacun, il y aura quatre semaines supplémentaires. Mais on a des réserves d'abord sur le nombre de semaines, qui est quand même très important, puis deuxièmement sur les considérations dans chacune des familles. Tu sais, on en discutait puis on trouvait que ça... Autrement dit, on entre dans la maisonnée, là, on va un petit peu faire de la pression sur les parents, le couple, pour... Donc, c'était ça, notre réserve, là.

M. Boulet : Je comprends, Sonia. On s'entend véritablement bien sur l'objectif. Quant aux moyens, il y a différents scénarios, bien sûr, qu'on a analysés, hein? Il y en a qui peuvent argumenter que ça aurait pu être plus que 10 semaines et plus de semaines nouvelles partageables, d'autres disent moins, comme tu le soulignes, Sonia. On va faire, bien sûr, avec les partis d'opposition, un examen article par article du projet de loi. Moi, je n'ai pas de fermeture à ça. Mais je pense que cet article-là nous permet de faire une avancée extraordinaire pour inciter les pères à s'investir un peu plus. Et il y a un volet, aussi, pédagogique là-dedans, parce que ça permet aussi de dire au jeune père ou au papa : Si tu t'investis un peu plus dans le partageable, bien, tu vas profiter... tu vas bénéficier d'un incitatif.

Puis c'est dans le même état d'esprit, Sonia, quand vous dites... bien là, tu mentionnes : Ça peut être un peu moins que 10-10 pour accéder au quatre. De donner un autre cinq semaines de paternité, moi, je pense que ça cristallise encore la perception, comme je mentionnais un peu plus tôt, que les pères, ils vont tout le prendre. Si tu montais le congé de paternité à six, sept, ils vont prendre leur congé, mais ça n'aura pas nécessairement la même valeur incitative de partager avec la maman. Ça fait que moi, je le perçois de la même manière puis je sais qu'un parti d'opposition... puis il y en a qui vont argumenter : Augmentons le congé de paternité. Mais il faut juste être prudent. À quelque part, il faut trouver un équilibre puis il faut tracer la voie.

Et j'aimerais ça, maintenant, Sonia, que tu me parles un peu plus... Bon, on augmente les périodes d'étalement de 18 à 20 semaines pour le congé de maternité, de 52 à 78 semaines, évidemment, dans le projet de loi n° 51, pour les prestations parentales d'adoption. D'abord, le 20, vous recommandez que ça passe à 25 semaines. Est-ce qu'il y a un exemple qui... Parce que, de 18 à 25 semaines, en termes de pourcentage, en termes de temps, c'est quand même un pas que je considère extrêmement important. Ça serait quoi, l'exemple classique que tu pourrais utiliser pour me démontrer que 18 à 20, ce n'est pas suffisant?

Mme Éthier (Sonia) : C'est bon. Mélanie va avoir un exemple à vous donner.

Mme Michaud (Mélanie) : Parfait. Donc, juste pour revenir à la base, en fait, le RQAP offre des prestations...

M'entendez-vous bien? Parce que j'ai vraiment un retour.

M. Boulet : ...

Mme Éthier (Sonia) : Ils t'entendent bien.

• (10 h 30) •

Mme Michaud (Mélanie) : O.K. Donc, une période de prestations auprès du RQAP qui fait en sorte vous avez droit à 18 semaines quand vous prenez le régime de base, ça, c'est des indemnités. Il y a toute la conception du congé, qui est le contenant dans lequel on va mettre les prestations. Ce qu'on sait, qui n'est pas très publicisé, c'est qu'en fait on peut suspendre les prestations de maternité pour recevoir un revenu. Et l'exemple qu'on a souvent, c'est des personnes qui ont des montants qui sont payés... entre autres nos enseignants qui ont des congés de maladie qui sont payés le 30 juin ou des personnes qui doivent recevoir une paie de vacances à un moment fixe au moment de l'année, qu'on ne veut pas qu'elles soient pénalisées pour qu'elles subissent l'exemption qui est d'un dollar pour un dollar. Donc, en prolongeant cette période-là, ça permet à une mère de suspendre ses prestations de maternité, de recevoir ce revenu-là, qui peut être étalé sur deux, trois, quatre semaines, et ne pas perdre ses prestations de RQAP par la suite, comme c'est le cas actuellement.

Donc, actuellement, avec le 18 semaines, bien, si on débute le congé à la naissance de l'enfant, on va déborder, si on doit suspendre des prestations. Donc, en l'amenant à 25, ce n'est pas tout le monde qui va utiliser cette fenêtre d'opportunité là, mais on s'assure que, si une personne a un versement de quatre semaines de vacances, par exemple, elle pourra suspendre ses prestations et les reporter dans le temps. Donc, c'est vraiment pour nous donner une marge de manoeuvre pour certaines des femmes qui ont des prestations de maternité.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Je vais souligner qu'il reste une minute à l'échange.

M. Boulet : Une minute? Mon Dieu! Deux commentaires. 52 à 78 semaines — c'est Mélanie, hein, pas Léonie, hein? — mais, Sonia, si l'employeur y consent, bien sûr, il faut qu'il y ait une forme de consentement. Il faut éviter les espèces de fragmentations uniquement en tenant compte de la... bien sûr, la volonté, mais il faut qu'il y ait une forme de contrôle. Puis je ne veux pas que ce soit vu comme une pression pour revenir travailler dans les périodes de pointe, comme tu mentionnais, Sonia, c'est plus pour permettre à la personne un bénéfice additionnel. Au lieu d'être encarcanée, entre guillemets, dans une période de 52 semaines, elle peut bénéficier d'un étalement qui est supérieur, qui peut aller jusqu'à 78 semaines pour répondre à des besoins de son travail aussi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.

M. Boulet : Merci pour les commentaires sur l'augmentation de l'exemption. Merci beaucoup, Sonia, Mélanie, et bonne chance à la CSQ.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, nous continuons l'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci pour votre rapport, merci pour la présentation. C'est très riche en information, donc, je vous salue pour la qualité de votre mémoire.

Ma première question — ça va être vraiment une série de questions, plus — c'est par rapport à assurer l'implication des pères au sein de la cellule familiale. J'ai vu votre recommandation que... J'ai entendu votre réponse à M. le ministre, tout à l'heure, que, pour vous, renoncer à 10 semaines pour avoir un quatre semaines de bonus, ce n'est pas la solution idéale. Avant de me répondre par rapport à cette question, j'aimerais bien vous poser une question directe : Comment, vous, de votre côté, vous voyez l'implication des pères au sein de la cellule familiale?

Mme Éthier (Sonia) : Bien, écoutez, bien, je pense que l'implication des pères... puis c'est... pour moi-même avoir... être une mère, qui a eu des enfants, et dont ma fille a des enfants, je sais très bien que l'implication du père... puis on le sait, là, la recherche... puis on n'a même pas besoin de la recherche, là, au fond, pour savoir que c'est primordial, l'implication des pères auprès des enfants, et ça... tout à fait pour le... et on dit «le père», mais on devrait dire «les deux parents», et c'est très, très important pour le développement de l'enfant. Ça, on s'entend là-dessus, là.

Et je pense que le RQAP, dans sa forme actuelle... mais, dans le désir et le fondement du projet de loi actuel, c'est de faire en sorte que le deuxième parent s'implique davantage pour le bien de la famille et de l'enfant. Alors, pour nous, là, ça, c'est... Tu sais, on est dans le monde de l'éducation. On sait jusqu'à quel point... Moi-même, qui a été une enseignante et qui a vu parfois des enfants souffrir, entre guillemets, là, de l'absence d'un des deux parents, je pense que c'est la base, hein?

Mais maintenant c'est des réserves qu'on met par rapport à la... cette contrainte, qui est quand même exigeante, là, de partager 10 semaines chacun pour obtenir quatre semaines supplémentaires, parce que, comme je l'expliquais tout à l'heure, il y a des choses qui se... On veut favoriser la discussion dans la maisonnée, ce qui se fait déjà, mais il y a des considérations, par exemple, du conjoint qui... si son salaire est plus élevé, bien, c'est certain qu'il va avoir tendance à retourner au travail plus rapidement, donc. Et c'est sûr qu'on a une petite sensibilité pour le fait que le... cette obligation de partager, c'est-à-dire de prendre 10 semaines chacun, que la mère en perde 10, là, tu sais, c'est... je ne vous le cache pas, là, c'est un peu... ça nous titille un peu, là.

Mais, comme je le disais à M. le ministre, ça pourrait être moins... une exigence moindre que 10 semaines, et puis que les familles puissent bénéficier d'un quatre semaines supplémentaire, peut-être que ça atteindra l'objectif. Nous autres, on se dit que les congés de paternité, actuellement, sont utilisés davantage, on l'a vu dans le mémoire que M. le ministre a présenté, donc on pense que cette voie-là serait plus gagnante.

M. Derraji : Au fait, vous avez répondu à ma question. Donc, on s'entend sur le principe de l'implication. Vous êtes convaincues sur ce principe-là.

Maintenant, on va parler des moyens, parce que ça m'intéresse vraiment d'aller au fond de votre pensée, parce qu'il me semble que vous avez, si j'ose dire, un début de réponse pour nous sortir de cette impasse que vous voyez qu'il y a 10 semaines partageables et qu'il y a quelqu'un qui va perdre pour avoir quatre semaines.

Bon, ma prochaine question, c'est que, pour vous, le moyen ou les moyens... le moyen qu'on a sur la table aujourd'hui, il n'y a pas, si j'ose dire, une équité. Vous voulez éviter qu'il n'y ait pas d'équité et qu'au bout de la ligne, la personne qui a le plus gros salaire, elle sera plus tentée à revenir au travail. Vous avez émis une hypothèse que probablement c'est la mère qui va perdre pour... qui va renoncer à une partie de son congé partageable pour, au bout de la ligne, gagner quatre semaines. La question... Vous, c'est les 10 semaines qui vous empêchent de dire : Je suis d'accord avec cette décision. Si ce n'est pas 10 semaines, c'est quoi, votre proposition?

Mme Éthier (Sonia) : Bien, je pense qu'il y a peut-être deux réponses, deux voies.

M. Derraji : ...les deux. Allez-y avec les deux. Si vous avez une troisième, ajoutez-là.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, je pense que la... il y a une chose que je disais à M. le ministre tout à l'heure, si c'était moins que 10 semaines chacun et qu'on puisse avoir le quatre semaines supplémentaires, il me semble que ça permettrait probablement aux familles d'utiliser le quatre semaines supplémentaires pour les considérations qu'on disait tout à l'heure puis que... vous venez de le mentionner, la question du salaire, qui gagne le plus, là, et la question aussi... l'allaitement et, bon, et toutes sortes de considérations qui appartiennent à la famille et au couple. Donc, ça pourrait être ça, moins de 10 semaines.

Puis nous autres, on pense — puis peut-être qu'on se trompe, là, on met cette piste-là au jeu parce les statistiques le confirment — que les pères utilisent à 80 % le congé de paternité et utilisent à 35 % les prestations partageables. Alors, ça, pour nous, statistiquement parlant, présentement, c'est moins parlant, des prestations partageables. Et, pour favoriser la présence du deuxième parent, du père plus... et puis probablement qu'après ça on verrait tout ça entrer dans la culture, hein, des familles, mais...

M. Derraji : Donc, si j'ai bien compris, si j'ai bien compris entre les lignes, et je vous laisse parler avec... nous partager la deuxième proposition, c'est que vous voulez que nous, on aille un peu graduellement avant d'aller dire : Écoutez, on renonce à 10 et on vous donne quatre semaines de bonus. Vous voulez que cette culture s'installe dans le temps et avoir un objectif de partager 10 semaines pour gagner quatre au lieu d'aller dès maintenant. Donc, est-ce que vous voulez qu'on ramène ça graduellement, voir un peu les effets sur les familles? Et est-ce que, statistiquement, ça va être quelque chose qui sera utilisé idéalement par les pères, et on va voir réellement l'investissement des pères au sein de la cellule familiale? Est-ce que j'ai bien résumé votre proposition?

• (10 h 40) •

Mme Éthier (Sonia) : Je pense que c'est... ça serait une voie qui serait porteuse.

M. Derraji : Donc, si, pour vous, ça serait une voie porteuse, est-ce qu'on peut dire que — je réfléchis avec vous à haute voix — au lieu de partager... d'avoir quatre semaines de bonus, deux semaines de bonus, mais on ne touche pas au partageable? Est-ce que ça serait, pour vous, une bonne solution ou un début de compromis, par exemple? Je m'aventure avec vous parce que je veux aller vraiment chercher le fond de votre pensée.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste deux minutes à l'échange.

Mme Michaud (Mélanie) : En fait, ce qu'il faut comprendre de notre mémoire...

La Présidente (Mme IsaBelle) : J'en profite, là... Oui.

Mme Michaud (Mélanie) : ...c'est qu'on privilégie cinq semaines de plus pour le père. Ça, c'est notre... c'est là-dessus qu'on se base. Ça fait qu'on considère...

Ce n'est pas bon, hein? Attends. La télé comme ça, est-ce que vous m'entendez?

Des voix : ...

M. Derraji : Non, non, pas ici. C'est chez eux, je pense, chez eux. Il y a deux micros ouverts.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, oui. C'est ça, c'est là-bas.

Mme Michaud (Mélanie) : M'entendez-vous, comme ça?

M. Derraji : Et je n'entends pas. Même la première fois, je n'ai rien entendu.

Une voix : ...

M. Derraji : Oui.

Une voix : On a un problème de son.

M. Derraji : Il faut fermer un des deux micros, parce que... il me semble que vous êtes dans la même salle, il me semble, hein?

Mme Michaud (Mélanie) : O.K. Là, est-ce que vous m'entendez?

M. Derraji : Ah oui, ça, c'est bon.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Bon, merci.

M. Derraji : Oui, c'est bon. Parfait. Bon...

Mme Michaud (Mélanie) : Je suis vraiment désolée. Je vais essayer de me rattraper. Donc, en fait, ce qu'il faut comprendre, c'est que, nous, la voie qu'on privilégie, c'est le cinq semaines de paternité de plus pour différentes raisons. Comme Mme Éthier l'a dit, oui, il y a l'allaitement, il y a le salaire, il y a également, aussi, la culture au niveau des entreprises, où les entreprises vont dire : O.K., on a cinq semaines pour le père, après ça il revient travailler. Ça, c'est dur aussi, de combattre ce tabou-là, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'entreprises... Il y a certaines entreprises qui vont dire : Ah! bien, prends ton cinq semaines, reviens, alors que, nous, ce qu'on veut privilégier, c'est la place du père auprès de l'enfant.

      Actuellement, la Loi sur les normes du travail permet au père aussi de prendre 52 semaines de congé sans solde après son cinq semaines, mais très peu vont l'utiliser, entre autres à cause de cette pression-là. Et la voie qu'on privilégie, c'est de dire : Bien, augmentons le congé de paternité à 10 semaines pour permettre au deuxième parent, à l'autre parent, à tous les parents d'avoir au moins un certain nombre de semaines. Donc, il faut tenir compte de ça aussi.

Là, vous nous dites : Si on enlève le conditionnel de 10 semaines, avez-vous une ouverture? C'est sûr que, tout cet élément-là, on veut le regarder aussi. On trouve que c'est une belle piste de solution, ce n'est pas celle qu'on privilégie, mais on trouve que le 10 semaines, la condition du 10 semaines est très, très, très restrictive. Et c'est ça qui vient un peu nous irriter dans le projet de loi. Si on mettait moins de semaines... Je sais qu'il y a d'autres groupes qui ont déjà proposé, dès qu'il y a partage, on ajoute quatre semaines, automatiquement... pourrait être une solution envisageable. Je n'irai pas le quantifier, mais actuellement, le 10 semaines, on trouve que c'est très restrictif.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. 10 secondes.

M. Derraji : Même avec le...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, je vous les ajoute, là.

M. Derraji : J'aurais aimé vous entendre sur les projets pilotes, si vous avez une idée. Le projet de loi l'ajoute, donc, je ne sais pas si vous avez, brièvement, une idée de projet pilote. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Mais c'est tout le temps qu'on dispose. Bonne question, mais tout le temps... on n'a plus le temps. Alors, merci, M. le député de Nelligan.

Nous allons maintenant avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 40 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Merci pour la présentation, très apprécié. Je suis content d'entendre vos arguments par rapport au congé partageable. C'est un des dossiers, là, un des aspects du projet de loi que je voulais qu'on approfondisse. Je connais M. le ministre, c'est un homme... un négociateur, un homme de compromis. Je suis certain qu'il a déjà une idée ou deux qu'il va nous soumettre à l'étude détaillée.

Cela dit, vu qu'on est dans le coeur du sujet, on a... Vous avez abordé une des raisons, là, qui pourraient expliquer que les femmes utilisent plus le congé parental, le partageable, il y a l'allaitement, mais il y a la question de l'écart de salaire. Ça fait que, là, tu sais... la question aussi de la culture, que ce n'est pas tous les hommes qui sont à l'aise de le prendre ou qui osent aller demander un long congé à leurs patrons, ça, c'est quelque chose qui se change, mais il y a objectivement un problème aussi de différence de salaire dans la société québécoise, là. Je pense que c'est encore quelque chose comme 87 % de moins de... bien, pas de moins, mais les femmes gagnent 0,87 $ par rapport au 1 $ gagné par l'homme. Est-ce que, ça aussi, ce n'est pas une donnée objective qui pourrait expliquer, en partie, en tout cas, que les femmes prennent plus le congé partageable?

Mme Éthier (Sonia) : Veux-tu y aller? Ou, non, je peux y aller. Bien, sans le quantifier exactement comme vous le faites, bien, ça fait partie des arguments que nous mettons de l'avant, une espèce de mise en garde pour dire que c'est possible que la condition ne fonctionne pas, parce qu'on le sait, que, majoritairement, les hommes ont un salaire plus élevé. Et, quand on a des enfants, bien, on est souvent... on vient de s'acheter une maison, on a... et ça compte pour beaucoup.

Même si le régime, et on le disait tout à l'heure, c'est appréciable, là, c'est un bon régime, il y a des bonnes bonifications que le ministre met de l'avant, mais c'est vraiment une réserve qu'on met, puis on craint que cette mesure-là, qui veut forcer, qui veut inciter les pères à être plus présents, ne fonctionne pas puis qu'un projet de loi, bien, on... quand on va adopter le projet de loi, ce n'est pas demain qu'on va le revoir, donc il faut être bien sûr que la mesure, elle soit bonne.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Il reste 20 secondes.

M. Leduc : Merci. J'aurais... Je suis content que vous souligniez ces arguments-là, je les partage entièrement. Puis j'aurais aimé ça vous entendre sur la question de «l'employeur y consent», vous êtes une des organisations qui le soulève. Peut-être, on en parlera une autre fois. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le troisième groupe d'opposition, avec la députée de Joliette. Vous disposez également de 2 min 40 s.

Mme Hivon : Oui, bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Je sais que vous ne chômez pas par les temps qui courent, donc on apprécie que vous puissiez être parmi nous aussi aujourd'hui.

Écoutez, moi, je voulais vous entendre sur votre proposition pour les congés pour les parents adoptants, de mettre 10-10. Donc, vous... Je comprends que vous arrivez avec cette idée de cohérence pour le congé de paternité. Donc, vous dites : Il faudrait faire passer ça de cinq à 10, même chose pour la mère qui devrait minimalement en avoir 10. Mais ces semaines-là, est-ce que vous les ajoutez à celles qui sont déjà prévues dans le projet de loi, quand vous mettez, en gros, plus cinq, plus cinq de prestations exclusives, ou vous les retirez du congé partageable?

Mme Éthier (Sonia) : Mélanie va répondre.

Mme Michaud (Mélanie) : Bien, en fait, c'est que nous, on a laissé notre proposition avant les amendements du 12 mars, donc, à l'effet... on mettait 10 semaines par parent, comme c'était le cas dans le projet de loi pour les parents adoptant à l'international. Donc, on trouvait que l'idée était bonne. On voulait qu'il y ait 10 semaines pour chacun des parents. À l'époque, bien, les semaines d'accueil et de soutien n'étaient pas encore dans l'air du temps, donc on n'en a pas tenu compte. Donc, on avait 10 semaines pour chaque parent pour un total de 20 semaines. À cela on ajoutait 32 semaines pour arriver à un total de 52. C'est ce qu'on présente dans le mémoire.

Il faut savoir qu'actuellement c'est 37 semaines que les parents adoptants ont, donc on trouvait que c'était vraiment une bonification importante, mais c'était vraiment mettre 10 semaines chacun puis ensuite des semaines partageables.

Mme Hivon : O.K. Parfait. Puis un tout autre sujet que vous n'avez pas abordé, mais... Je me souviens que, dans les échanges, c'est une question qu'on avait déjà entendu soulever par votre centrale, c'est la question d'avoir de la flexibilité dans les premières années d'un enfant. Et donc une suggestion que certains ont déjà faite, c'est l'idée d'avoir des jours, que le congé ne soit pas juste en semaines, mais que, par exemple, il puisse y avoir jusqu'à 20 jours qui puissent, au choix des parents, aucune obligation, mais être utilisables dans, par exemple, les quatre premières années de l'enfant ou les cinq premières, tant qu'il ne rentre pas à l'école. Est-ce que c'est quelque chose que vous envisagez?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste... secondes.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, nous, ce qu'on se dit, c'est que, dans la Loi des normes, il y a la question des 10 jours d'obligations familiales, mais il n'y en a seulement que deux, jours rémunérés, payés. Alors, pour la question des jours, on pourrait passer par cette voie-là. Pour le reste, je pense que c'est préférable d'y aller en semaines.

Vous savez, là, dans les centres éducatifs à la petite enfance, que ça soit en CPE ou en milieu familial, ce n'est pas simple, là, de garder sa place et... Vous comprenez ce que je veux dire, là? On ne peut pas faire des «in-and-out» comme ça, là, et nous, on... Et puis, pour le régime, pour l'application, je pense que c'est plus simple d'y aller en termes de semaines, mais utiliser la Loi des normes pour les jours.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, merci. Merci, Mme Éthier. Mme Michaud, on s'excuse, on vous a... on a perdu le visuel, mais on vous a très bien entendu. Alors, écoutez, je vous remercie, Mmes Éthier et Michaud, pour votre contribution.

Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps de donner la chance au deuxième groupe de s'installer. Merci encore.

(Suspension de la séance à 10 h 50)

(Reprise à 10 h 56)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, nous accueillons maintenant le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, avec Mme Brown, ainsi que la Coalition pour la conciliation famille-travail-études, avec Mme Rose. Avant de commencer votre exposé de 20 minutes, je vais vous demander, à chacune, de bien vous présenter, et ensuite vous pourrez commencer votre exposé. Alors, nous allons y aller avec Mme Rose en premier.

Nous n'entendons pas Mme Rose. Est-ce que vous avez bien allumé votre micro?

Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail (CIAFT)
et Coalition pour la conciliation famille-travail-études

Mme Rose (Ruth) : Bonjour. Je suis professeure associée des sciences économiques à l'Université du Québec à Montréal, et c'est moi qui ai rédigé le mémoire. Je travaille depuis très longtemps avec des groupes de femmes et le CIAFT en particulier et j'ai siégé pendant 10 ans sur le Conseil de gestion de l'assurance parentale.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous allons maintenant demander à Mme Brown de se présenter, et ensuite vous commencerez votre exposé. Je ne sais pas si vous avez pris une entente entre les deux, là, mais allez-y, Mme Brown.

Mme Brown (Kimmyanne) : Bonjour. Je me présente, Kimmyanne Brown. Je suis coordonnatrice en droit du travail et au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT. Et le CIAFT, en fait, est une organisation nationale dont les actions sont réalisées dans le but d'améliorer les conditions socioéconomiques des femmes et également d'assurer la prise en compte des réalités et des besoins des femmes en matière d'emploi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, vous pouvez commencer l'exposé.

Mme Brown (Kimmyanne) : Excellent. Merci.

Mme Rose (Ruth) : Juste comme introduction, je voulais dire que nous sommes très heureuses du Régime québécois d'assurance parentale et nous sommes très contentes aussi qu'il y a maintenant une opportunité de commenter des améliorations, parce que c'est la première fois depuis que le régime a démarré en 2005, et nous approuvons le plus gros du projet de loi, mais nous avons des commentaires sur plusieurs éléments. Je laisse la parole à...

• (11 heures) •

Mme Brown (Kimmyanne) : Bonjour, Mme la Présidente. Cher ministre, chers députés, aujourd'hui on vous présente un mémoire qui a été marrainé par la Coalition pour la conciliation famille-travail-études et qui a été également cosigné par 26 groupes, dont le CIAFT. Donc, ça, c'est pour la précision.

Également, pour ce qui est de la Coalition pour la conciliation famille-travail-études, c'est une coalition qui est composée d'organisations et de groupes qui portent un projet commun pour que les Québécoises et les Québécois fassent des gains significatifs en matière de conciliation famille-travail-études. Donc, je vais commencer, de mon côté, à vous présenter les premières recommandations de notre mémoire, et ensuite Mme Ruth Rose va prendre la parole.

Donc, premièrement, c'est sûr que nous accueillons avec enthousiasme l'ajout de 18 semaines de prestations à 70 % du revenu hebdomadaire moyen pour les parents adoptants. Comme nous le disons dans notre recommandation 6, nous pensons que les enfants adoptés ont besoin de ce temps d'accueil pour bien s'adapter à leur nouvelle famille et leur nouvelle vie.

Enfin, notre recommandation 1 concerne la période de paiement des prestations de maternité. Nous considérons que la bonification à 20 semaines qui est suggérée dans le projet de loi est une amélioration, mais que ce n'est pas suffisant. Par exemple, il y a des femmes qui accouchent prématurément durant des vacances qu'elles ont prises et elles vont perdre des prestations en conséquence. Les femmes qui, elles, prennent leurs vacances à la fin de leur congé parental ont droit à l'ensemble de leurs semaines de prestations. Donc, notre recommandation pour que la période se termine au plus tard 25 semaines après la semaine de l'accouchement permettrait, finalement, d'établir l'équité entre toutes les femmes.

Ensuite, notre recommandation 2 accueille positivement la prolongation à 78 semaines de la période à l'intérieur de laquelle les prestations de paternité, parentale ou d'adoption peuvent être payées. Toutefois, à notre avis, une période de 104 semaines donnerait davantage de flexibilité aux parents, mais aussi aux employeurs. Nous demandons aussi une modification réglementaire qui donnerait davantage de droits aux parents pour fractionner leurs congés parentaux, même sans le consentement de l'employeur si nécessaire.

Ensuite, pour ce qui est de notre recommandation 3, on demande que les 10 jours de congé pour obligation familiale prévus à la Loi sur les normes du travail soient rémunérés. Le projet de loi a pour objectif la flexibilité et la conciliation famille-travail, et cette mesure est fondamentale et nécessaire pour répondre à ces deux objectifs.

Ensuite, notre recommandation 7. Dans cette recommandation, nous demandons aussi de permettre aux futurs parents adoptants de pouvoir bénéficier de ces 10 jours prévus à la Loi sur les normes pour qu'ils puissent effectuer des démarches en vue de l'adoption d'un enfant.

Ensuite, pour ce qui est de notre recommandation 4, elle concerne l'ajout de cinq semaines de prestations exclusives pour chacun des parents dans les cas d'une grossesse multiple ou de l'adoption de plus d'un enfant au même moment. Nous sommes tout à fait favorables à cette mesure et trouvons que c'est une belle façon positive d'encourager l'implication des pères et des autres parents aussi auprès de leurs enfants.

Notre recommandation 5, quant à elle, concerne l'ajout de semaines additionnelles de prestations qui sont prévues aux articles 5 et 30 du projet de loi. Nous constatons, en fait, que cette mesure se fait au détriment des droits des femmes. Pour obtenir ces quatre semaines de prestations supplémentaires, là, qui sont suggérées, chacun des parents doit avoir reçu au moins 10 semaines de prestations parentales partageables. Pour le deuxième parent, ça implique, en fait, d'avoir pris au moins 15 semaines de prestations. En somme, la mère doit nécessairement renoncer à 10 semaines de prestations parentales pour obtenir ces quatre semaines. On est tout à fait favorables à l'implication des pères pour permettre une meilleure conciliation famille-travail-études, toutefois la suggestion actuelle du gouvernement met des contraintes, là, sur le droit des parents de partager les semaines existantes et porte tout à fait atteinte aux droits des femmes. L'ajout de semaines de prestations de paternité ou des semaines partagées à parts égales permettrait d'éviter cette atteinte aux droits des femmes.

Finalement, notre recommandation 8 concerne une revendication qui est portée depuis 2000 par plusieurs groupes de femmes et des organismes. L'article 17 de la Loi sur l'assurance parentale prévoit que, si un des parents décède, les semaines de prestations de maternité ou de paternité, pardon, du parent décédé qui sont non utilisées peuvent être prises par l'autre parent. Le projet de loi suggère aussi, là, actuellement, que le parent survivant puisse aussi prendre les semaines de prestations parentales ou d'adoption exclusives qui ne sont pas utilisées. Nous recommandons que les semaines de prestations exclusives puissent être utilisées par un parent seul ou qu'elles soient attribuées à une autre personne admissible au régime qui doit s'occuper régulièrement de l'enfant.

Le fait que des mères divorcées, séparées ou célibataires n'aient pas les mêmes droits que les mères veuves constitue une réelle discrimination. Ce sont les mères monoparentales qui ont le plus de besoin du soutien de la société durant la période périnatale. Cette mesure va nettement améliorer le sort des enfants qui grandissent dans une famille avec un seul parent et qui sont le plus souvent, pardon, exposés à la pauvreté.

Je vais céder la parole à ma collègue Mme Ruth Rose pour la suite de la présentation.

Mme Rose (Ruth) : Alors, bonjour. On constate aussi que le projet de loi prévoit que la période de prestations serait étendue de deux semaines, prolongée de deux semaines dans le cas du décès de l'enfant. Alors, nous avons compris toutefois que, si un des parents n'est pas en cours de prestations, à ce moment-là, il n'aurait pas droit à ces deux semaines de prestations. Alors, nous demandons que tous les parents, en autant qu'il y a encore des semaines dans leur banque de prestations, puissent donc bénéficier de deux semaines de prestations dans le cas de décès d'un enfant. C'est vraiment... (panne de son) ... le décès pendant la première année de l'enfant. Ils ont besoin de cette période de deuil.

Ensuite, on parle de la majoration de revenus pour les parents à faibles revenus. Alors, effectivement, c'est un règlement qui est basé sur celui de l'assurance-emploi, puis les paramètres sont vieux de 25 ans, alors nous sommes très contentes que le gouvernement prévoie le réviser. Il y a plusieurs problèmes, pour nous. Le problème le plus sérieux, c'est le fait qu'on regarde le revenu il y a un an en arrière, ou un an et demi en arrière et... alors que le problème, c'est... ou bien le revenu juste avant la naissance, ou bien le revenu du fait qu'avec le congé parental, le revenu de la famille est baissé. Alors, nous espérons que, quand vous allez faire ce règlement-là, que vous allez trouver une façon de regarder le revenu courant — vous avez déjà, avec le relevé d'emploi, le revenu de l'année précédente — et qu'aussi que vous révisiez le taux de récupération lorsqu'il y a d'autres revenus dans la famille. Alors... Et aussi le montant de la majoration et les seuils ont besoin d'être révisés après 25 ans.

Nous demandons aussi que le revenu hebdomadaire moyen sur lequel la prestation est basée soit basé sur les 16 semaines... les 16 meilleures semaines de gains au cours de la période de référence. Ça, c'est notre recommandation 11. Alors, on constate déjà que l'assurance-emploi utilise une formule des meilleures semaines, et le problème avec utiliser les 16 semaines continues, c'est qu'en particulier les étudiants, mais beaucoup d'autre monde aussi, les gens qui travaillent, par exemple, dans la session de Noël, ont des revenus irréguliers pendant la semaine... pendant l'année et que, si on ne prend pas les meilleures semaines, on écoperait beaucoup d'iniquités selon la façon que la personne a travaillé pendant l'année. Alors, nous visons de l'équité aussi dans cette recommandation.

(11 h 10)

Dans notre recommandation 12 aussi, nous trouvons très intéressant que le gouvernement va de l'avant, et même avec des règles meilleures que l'assurance-emploi, pour ne plus réduire les prestations parentales d'adoption et de paternité lorsqu'il y a des gains concurrents. Mais on ne comprend pas du tout pourquoi la même règle ne s'applique pas aux prestations de maternité. C'est une discrimination nette à l'égard des femmes parce que c'est elles qui portent les enfants, c'est déjà elles qui supportent le plus gros fardeau financier, et psychologique, et émotif pour avoir donné naissance à un enfant, et on ne comprend pas pourquoi on n'applique pas cette règle-là pour les prestations de la maternité.

Dans notre mémoire, nous avons énuméré cinq raisons pour lesquelles on devrait ne plus déduire les revenus concurrents des prestations de maternité. Nous ajouterons que, lorsque vous ajoutez... vous donnez parité aux parents adoptifs, vous les mettez dans une situation où il n'y a pas de déduction de revenus concurrents du tout pour les 55 semaines, alors que vous les maintenez pendant les 18 semaines de maternité, alors vous créez une nouvelle iniquité à cet égard-là.

Notre recommandation 13, on est très contents que vous allez expérimenter des projets pilotes, donc nous approuvons cet amendement-là.

Finalement, nous arrivons à d'autres questions pour des études futures. En particulier, nous demandons depuis très longtemps qu'on examine la possibilité de créer... utiliser le mot «universelles», c'est plutôt des prestations de base, c'est-à-dire un plancher pour tous les parents. On constate que la plateforme libérale des dernières élections au niveau fédéral a promis un tel régime, alors nous pensons que c'est le temps que le Conseil de gestion se penche sur la question puis fasse des études systématiques sur qu'est-ce qui se passe dans d'autres pays qui ont de tels régimes, comment ils sont financés, parce qu'il y a plusieurs modes pour le financer, et que vous alliez de l'avant avec un projet de recherche, des consultations et une étude systématique de cette question-là. C'est une demande que nous faisons depuis 20 ans, et on est très déçus qu'il n'y ait même pas eu une étude sérieuse de la question.

Notre recommandation 15 vise surtout les étudiants étrangers, mais aussi toutes les personnes qui sont au Québec qui n'ont pas encore un statut de résident reçu. Ça toucherait, par exemple, toutes les personnes qui sont en demande d'asile, actuellement, dont on sait que plusieurs ont travaillé dans le système de santé pendant la pandémie, donc sont dévouées à la nouvelle société, qui cherchent vraiment à intégrer à la société. Et, parce qu'elles travaillent, elles cotisent un régime d'assurance parentale, nous pensons qu'ils devraient être admissibles au régime s'ils travaillent et s'ils cotisent.

Notre recommandation 6, elle, c'est à l'effet que... Actuellement, on a le programme de maternité sans danger, qui est le seul qui existe avec rémunération au Canada, mais il y a des situations où une femme doit cesser de travailler parce qu'elle a eu un accident, parce qu'elle est malade, mais aussi parce qu'elle a une grossesse difficile, et nous aimerions beaucoup que le gouvernement mette en place un régime d'indemnités de revenu pendant cette période-là. En d'autres mots, élargir les prestations de maternité dans ce cas-là. Actuellement, les mères peuvent être admissibles aux prestations d'assurance-emploi, de maladie, et c'est peut-être un rapatriement de ces prestations-là qui pourrait aider à financer un tel régime.

Notre recommandation 16, c'est... traite de la façon dont on calcule une réduction de revenus pour la personne qui a à la fois des gains d'entreprise et un salaire, et c'est une question technique que nous avons déjà discutée au CGAP, puis il y a plusieurs ajustements administratifs. Alors, nous étions un peu surprises que ce ne soit pas abordé dans le projet de loi. C'est technique est relativement simple à corriger.

Et finalement nous suggérons que le gouvernement du Québec étudie sérieusement la possibilité de rapatrier l'ensemble des prestations spéciales de l'assurance-emploi, en particulier les prestations pour le soin d'un enfant gravement malade ou un adulte gravement malade. Malgré la décision de la Cour suprême, nous considérons que ce sont des domaines de compétence provinciale et qu'il devrait y avoir des moyens d'accommoder un rapatriement dans le contexte de l'assurance-emploi.

Finalement, comme conclusion, nous aimerions remercier le ministre Boulet pour ses déclarations à l'effet que le régime... le Fonds d'assurance parentale est en très bonne santé. Il est encore en train de faire des surplus à toutes les années malgré les baisses de cotisations en 2019 et 2020, alors que vous avez déjà calculé qu'il serait capable d'absorber vos propositions sans difficulté. J'aimerais souligner que la... (panne de son)... des recommandations que nous faisons visent l'équité. Elles visent l'équité entre les femmes et les hommes, elles visent l'équité entre les mères monoparentales et les mères qui ont des conjoints, elles visent l'équité entre les personnes qui sont... résidents temporairement ou qui n'ont pas de résidence au Québec et les personnes qui sont des citoyens ou des résidents permanents du Québec. Donc, nous pensons aussi... ce n'est pas des propositions très coûteuses et nous pensons aussi que le Fonds d'assurance parentale est tout à fait capable d'absorber ces coûts-là. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Est-ce que c'est tout? Est-ce que Mme Brown a quelque chose à ajouter, ou c'est terminé aussi?

Mme Brown (Kimmyanne) : Ça va, merci. On a présenté l'entièreté de notre mémoire.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, je vous remercie, Mme Rose ainsi que Mme Brown, merci pour votre exposé.

Nous allons maintenant commencer la période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Rose et merci, Mme Brown, vos présentations étaient claires, très fouillées, très bien argumentées aussi. Les mémoires, aussi, dont nous avons pris connaissance étaient de très belle qualité. Il y a beaucoup de questions, hein, j'aurais aimé m'entretenir avec vous deux pendant plus longtemps. Je vais essayer d'y aller avec un certain nombre de commentaires.

Bien entendu, sur le 20 à 25 semaines, vous n'êtes pas les premières à nous le proposer, et j'aime particulièrement l'exemple, là, de l'accouchement prématuré, là, et... Tu sais, souvent, puis vous avez fini avec ce type de commentaire là, Mme Rose, on a l'égalité dans la loi, mais en tenant compte des situations parfois sociales ou économiques, il peut y avoir des iniquités, même si, dans la loi, on recherche la meilleure équité.

Le 78 semaines à 104 semaines, vous disiez, je pense que c'est Mme Brown, que ça pourrait conférer plus de flexibilité aux employeurs et qu'en plus ce soit... ça devrait être sans leur consentement. En quoi allonger ça de 78 à 104 semaines, Mme Brown, et de ne pas requérir le consentement de l'employeur lui conférerait plus de flexibilité?

Mme Brown (Kimmyanne) : Oui, bien, en fait, je vais céder la parole à Mme Rose pour la réponse à cette question.

M. Boulet : D'accord.

Mme Rose (Ruth) : Ça peut sembler une contradiction, mais le problème... Moi, j'ai vécu, en tant qu'employeur, plusieurs situations où ça faisait l'affaire de l'employeur et de la salariée de pouvoir revenir au travail pendant quelques semaines. J'imagine, avec les hommes, pendant la haute saison, c'est encore plus important. Alors, nous pensons qu'une période plus longue pourrait être... donner de la flexibilité aux deux parties.

Maintenant, le problème, c'est que la loi exige le consentement de l'employeur si un salarié veut fractionner son congé, et il y a plusieurs circonstances, par exemple, la femme est malade puis l'homme veut pouvoir s'occuper des enfants et de sa femme, et que l'employeur dit : Non, non, non. On comprend qu'on ne veut pas qu'il y ait un constant revient... aller et retour, mais on pense, par exemple, là, qu'on pourrait dire que les parents ont le droit de fractionner leur congé une fois pendant cette période et que, dans les autres cas, il faut qu'il y ait une entente. Alors, c'est à explorer. L'idée, c'est d'augmenter la flexibilité.

• (11 h 20) •

M. Boulet : O.K. Oui, je pense que l'objectif est le même pour tout le monde, la flexibilité, la façon de donner la flexibilité maximale tant à la personne qu'à l'entreprise. Ça, on pourra en discuter longtemps, bien sûr. Il y a des entreprises qui militent en faveur du maintien à 52 semaines, il y a des groupes qui sont extrêmement heureux qu'il y ait une augmentation à 78, il y en a qui vont plaider en faveur d'un 104 semaines, mais j'ai compris votre point, Mme Rose. Merci.

J'ai compris aussi, Mme Brown, la revendication que le 10 jours de l'article 79.6 de la Loi sur les normes du travail soit rémunéré, alors que, vous vous souvenez, le 12 juin 2018 avant notre arrivée au pouvoir, il y avait eu une vaste réforme de la Loi sur les normes du travail, et cette réforme-là était quand même issue d'un consensus social qui découlait d'un équilibre, de discussions entre les partenaires du marché du travail. Et c'était quand même un gain qui avait été considéré comme étant substantiel, là, qu'il y ait au moins deux jours découlant de la garde, de la santé ou l'éducation d'un enfant qui soient rémunérés. Mais il y a quand même la banque de 10 jours, et c'est sans négliger le fait qu'il y a beaucoup de travailleurs qui, en vertu de contrats individuels ou de conventions collectives de travail, ont, bien sûr, au-delà de ce que la Loi sur les normes du travail comprend, qui est une loi de normes minimales du travail. C'est vraiment la base de nos lois du travail au Québec. J'ai bien compris, cependant, le... parce que notre objectif, ce n'est pas d'amender la Loi sur les normes du travail, mais vous, cependant, demandez qu'il y ait un certain nombre de jours qui soient prévus pour compenser les démarches en vue de l'adoption, ça, je l'ai bien compris.

Je ne peux pas ne pas refaire la discussion sur l'incitatif, le quatre jours, le quatre semaines partageable additionnel. Je veux réitérer l'objectif que nous avons en tête, c'est d'inciter, d'encourager les pères à s'investir dans la sphère familiale. Ils prennent les congés de paternité, ils ne partagent pas ou peu. Il y a quand même une augmentation qu'on peut constater année après année, et donc c'est de venir dire au papa et à la maman : Entendez-vous. S'il y a un 10 jours minimal, là vous avez accès à un quatre jours additionnel. Ça fait que...

C'est parce que vous disiez, Mme Brown : C'est une contrainte ou une obligation pour la mère. Non, ce n'est pas une contrainte, non, ce n'est pas une obligation, c'est une volonté qui est exprimée dans la loi. Discutez-vous, entendez-vous d'abord et avant tout et, si vous vous entendez sur un partage d'un 10 semaines minimal de chaque côté, parent a et parent b, vous avez accès à un autre quatre semaines additionnel qui est partageable. Mais je ne veux pas que jamais... puis ça... Ce n'est pas les témoignages que j'ai eus sur le terrain, les jeunes parents m'ont tous dit : C'est magnifique, c'est une avancée extraordinaire dans notre régime, qui est déjà généreux. Mais d'avoir accès à ce quatre semaines additionnel là, toutes et tous le voyaient comme un bénéfice additionnel. Je ne veux que jamais ça puisse être interprété comme une atteinte à des droits des mères, là, comme vous le mentionnez, Mme Brown.

Ça, j'aimerais ça aussi vous entendre un peu là-dessus, vous disiez : Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir — ou c'est même une recommandation — la possibilité d'un transfert de semaines de prestations à un autre parent qui aide ou qui s'occupe de l'enfant? Juste vous rappeler que, même en cas de séparation, l'obligation parentale demeure. C'est sûr qu'en termes de gestion administrative, je ne sais pas comment ça pourrait se faire, là, mais que... puis peut-être que vous allez me donner des précisions additionnelles. Est-ce que le parent a pourrait revendiquer le transfert de semaines de prestations à une autre personne qui s'occupe de l'enfant? Et ça, c'est... Mme Brown, là, c'est dans vos derniers commentaires. J'aimerais vous entendre peut-être rapidement là-dessus.

Mme Brown (Kimmyanne) : Bien, effectivement, pour répondre rapidement, c'est que le parent seul puisse attribuer les semaines à une personne de son choix tant et aussi longtemps que cette personne-là reste admissible au régime. On comprend tout à fait que le deuxième parent demeure responsable de l'enfant et a des obligations parentales, mais, en 2020, il y a une transformation des familles, il y a des mères qui décident d'avoir des enfants seules, il y a des personnes non binaires également. Bref, on considère que la mère ou le parent seul pourrait choisir une personne de son choix pour transférer ces prestations-là plutôt qu'elles soient... qu'elles demeurent non utilisées.

M. Boulet : O.K., je comprends. Je ne sais pas combien il me reste de temps, mais je veux faire deux précisions. En cas de décès, Mme Rose, la mère continue, bien sûr, de recevoir ses prestations de maternité, et l'autre parent, même s'il n'est pas... s'il n'en recevait pas, il a droit aux deux semaines. Donc, même s'il n'est pas en cours de prestation — je pense que c'est le langage que vous utilisiez — oui, c'est possible pour l'autre parent qui ne reçoit pas, au moment du décès, de prestations... il a accès aux deux semaines. Donc, c'est comme si on mettait en place une présomption qui faisait en sorte que le décès est reporté de deux semaines.

L'autre élément qui est important pour moi, là, puis c'est... je pense que c'est une philosophie qui me préoccupe aussi, là, les revenus concurrents. Vous parliez d'iniquité pour la mère parce qu'elle n'a pas accès à l'exemption, la mère, pendant le congé de maternité. Il ne faut pas voir ça comme une iniquité, au contraire. Les prestations de maternité, elles ont une finalité qui est différente des autres prestations du RQAP, elles sont versées pour permettre à la mère, puis ça, vous le mentionniez, de se remettre des effets physiologiques de la grossesse et de l'accouchement. Donc, elles ont des conditions qui leur sont propres, et on respecte les orientations de l'Organisation internationale du travail en raisonnant de cette manière-là. Elles sont versées, ces prestations de maternité, sans que la présence de l'enfant soit requise, contrairement aux autres types de prestations. Elles peuvent même débuter jusqu'à 16 semaines avant la date prévue de l'accouchement. Donc, c'est... En permettant à la mère de bénéficier des exemptions pour revenus de travail, la littérature puis l'Organisation internationale du travail nous l'enseignent de cette manière-là, puis j'adhère à ça, ça pourrait être à risque de mettre une pression sur la mère pour maintenir une prestation de travail durant la période de maternité, ce qui serait, selon ce que la littérature nous enseigne, préjudiciable à la santé de la mère et de l'enfant. Ça fait que je veux juste un peu combattre... puis je respecte votre opinion, que ça peut engendrer une iniquité de ne pas permettre à la mère, durant le congé de maternité, de pouvoir bénéficier de l'exemption pour le revenu de travail que nous montons, hein? Vous savez, Mme Rose, c'était 25 % du montant de la prestation, maintenant ça peut être l'équivalent de la différence entre le revenu hebdomadaire et le montant de la prestation. Mais c'est normal, et c'est... Au contraire, si on donnait ce même accès-là à la mère pendant son congé de maternité, c'est vu comme pouvant potentiellement lui mettre une pression, alors qu'elle n'en a certainement pas besoin. Donc, c'était important pour moi de faire cette précision-là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste quatre minutes.

M. Boulet : Oui, tout à fait. Maintenant, donc, j'aimerais vous entendre un peu, Mme Brown, sur les... bon, le programme de maternité sans danger. Vous disiez : Bon, pas de prestations... Parce que c'est sûr qu'il peut y avoir un retrait préventif. Là, c'est des indemnités de remplacement de revenu versées par la CNESST. Ça peut être une grossesse compliquée, ou un accident, ou une maladie. Là, c'est les prestations de maladie du régime fédéral de l'assurance-emploi. Est-ce que c'est ça que vous demandez, qu'éventuellement ce soit rapatrié à Québec? J'aimerais ça avoir des précisions de votre part sur ce point-là.

Mme Rose (Ruth) : Si je peux répondre, l'idée, c'est que, oui, ça pourrait être ça. Je ne sais pas si c'est compliqué de dire seulement ceux qui sont... les prestations qui sont liées à une difficulté pendant la période de congé... de grossesse, mais on demande que toutes les prestations spéciales soient rapatriées aussi au Québec. Alors, ça, c'est un projet pour l'avenir.

J'aimerais juste revenir sur la question de la discrimination, parce qu'il y a beaucoup de cas où la mère reçoit des revenus qui ne demandent même pas qu'elle fasse un travail. C'est le cas de beaucoup de travailleuses autonomes, c'est le cas des conseillères municipales, qui ont une rémunération qui n'arrête pas pendant la période de congé. Et je trouve aussi bizarre que vous avez hésité longtemps à créer des prestations additionnelles d'adoption parce qu'il pouvait y avoir un effet discriminatoire du fait que les femmes reçoivent les prestations de maternité en raison de leurs relevailles, puis vous avez éliminé cette discrimination-là, vous en avez créé une autre parce que les mères adoptives ne subissent pas une réduction de leurs revenus en raison de leurs revenus concurrentiels. Alors, si vous relisez notre mémoire, on a éliminé six raisons, et je pense qu'il pourrait y avoir une contestation constitutionnelle si vous maintenez cet élément-là.

M. Boulet : C'est intéressant. Donc, ce que vous dites c'est que la mère adoptante, elle, ne subit pas de réduction du montant de sa prestation si elle a des revenus concurrents, comme par exemple une travailleuse autonome, vous le mentionnez, ou une conseillère municipale, alors que la mère n'a pas accès à ce même type d'exemption là. C'est ce que vous me dites?

• (11 h 30) •

Mme Rose (Ruth) : Voilà. C'est une des raisons. Et puis aussi, étant donné que les mères peuvent, justement, commencer leurs prestations de maternité jusqu'à 16 semaines avant la date prévue, ça, c'est une période où une... tu sais, travailler un jour ou deux, un peu à temps partiel ne serait vraiment pas nuisible à sa santé. Alors, il y a des raisons que, tu sais, c'est vraiment une discrimination parce que les femmes... c'est la femme qui porte l'enfant.

M. Boulet : Je vous avoue, Mme Brown, que ça mérite considération. Je vous ai bien compris. Maintenant, votre projet d'avenir, pour l'avenir, rapatriement, moi, je suis toujours un partisan des rapatriements, surtout tout ce qui touche les champs de compétence du Québec. Donc, ça aussi, ça mérite considération.

Merci beaucoup pour vos réflexions, Mme Brown, Mme Rose. C'était bien fouillé, et vous avez fait les bonnes réflexions, puis je pense que ça va contribuer à notre commission parlementaire de façon intéressante. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.

Nous poursuivons l'échange, maintenant, avec l'opposition officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de 10 min 40 s.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Et je vois l'ambition du ministre d'aller dans un autre rapatriement. Écoute, j'aimerais bien le voir en action. Merci, Mme Brown, pour les bonnes suggestions. Vous donnez de très bonnes idées à M. le ministre. Il a l'énergie pour aller rapatrier autre chose, donc bonne chance, M. le ministre.

Merci à vous deux, excellente présentation. Sérieusement, j'ai deux pages de notes. Beau travail, vous avez beaucoup synthétisé pas mal d'enjeux. Moi, j'aimerais bien vous entendre par rapport à deux points qui m'ont frappé. Mais vous n'êtes pas le premier groupe qui nous sensibilise par rapport au sentiment de l'iniquité, et je pense que, personnellement, ma motivation, et la motivation, je pense, de l'ensemble des collègues, c'est de ne pas tomber dans ce sentiment d'iniquité.

Donc, ma question est très simple. Vous avez soulevé des enjeux d'iniquité et même de discrimination. Selon vous — vous avez émis pas mal de... je dirais, d'hypothèses et même des propositions — comment on peut s'assurer de ne pas tomber dans l'iniquité et la discrimination avec ce projet de loi?

Mme Rose (Ruth) : D'abord, j'aimerais revenir sur cette question des mères monoparentales, qui est un des éléments d'iniquité, parce que nous demandons que, lorsque le père n'est pas présent... et là ce n'est pas une question où il y a une garde partagée, où il y a une séparation ou un divorce, puis le père est toujours présent. Dans ce cas-là, on garde les mêmes règles. C'est lorsqu'il n'y a pas de père présent que nous demandons que les mères monoparentales puissent bénéficier des prestations qui seraient allées au père. C'est surtout les prestations de paternité, mais les autres cas aussi où il y a des prestations exclusives. Et c'est dans ce cas-là seulement que nous demandons que la mère puisse attribuer ces prestations de paternité à une autre personne, par exemple, à sa propre mère, parce qu'elle pourrait avoir besoin de soutien, surtout si elle a déjà un autre enfant à la maison. Alors, ça, c'est... on trouve que ne pas faire ça, c'est une iniquité par rapport aux mères célibataires, divorcées, c'est pareil, où il n'y a pas de père par rapport aux mères veuves, qui, elles, ont droit aux prestations exclusives qui étaient réservées aux pères.

M. Derraji : Donc, pour vous, dans ce cas bien précis, pour éviter l'iniquité, vous suggérez le transfert de droits ou le transfert de prestations.

Mme Rose (Ruth) : Vers la mère.

M. Derraji : Vers la mère, oui, oui, j'ai bien compris. Oui, O.K.

Mme Rose (Ruth) : Mais la mère pourrait aussi les attribuer à quelqu'un pour la soutenir.

M. Derraji : Oui, dans son entourage pour l'accompagner, pour l'aider, justement, dans cette situation.

Mme Rose (Ruth) : Oui. Et l'autre élément d'iniquité le plus important, c'est celui des revenus concurrents dans les prestations de maternité. Parce qu'actuellement, avec le projet de loi, toutes les autres prestations pourraient bénéficier... les prestataires de toutes les autres prestations pourraient garder leurs revenus concurrents. Ça, c'est les deux éléments les plus importants.

M. Derraji : O.K., excellent. J'aimerais bien aussi vous entendre par rapport à accroître le nombre total de semaines de prestations. J'ai bien lu que vous n'appuyez pas la proposition qu'une mère doive renoncer à 10 semaines de prestations parentales afin que le couple garde quatre semaines de plus. Et vous mentionnez qu'il y a beaucoup de situations où le deuxième parent ne veut pas ou ne peut pas, tout simplement, prendre 15 semaines de prestations, alors que les mères pourraient utiliser des semaines additionnelles pour le mieux-être de l'enfant. Donc, les femmes, selon vous, continuent d'assumer la plus grande part des responsabilités domestiques et de soins aux enfants. Ce sont toujours elles qui portent les enfants, qui accouchent et qui allaitent. Ça, c'est des faits et c'est la réalité que vous mentionnez.

Vous êtes, je dirais, quand même dans une catégorie que... plusieurs groupes nous ont levé ce drapeau, que renoncer à 10 semaines partageables pour en prendre quatre, ça n'aide pas... je ne vais pas dire «injuste», mais ça n'aide pas l'implication des parents.

Ma question. Vous comprenez le sens même de cette proposition que le ministre amène sur la table. Première question : Comment atteindre l'objectif d'avoir plus d'implication des pères? Deux, connaissant cet objectif, comment on peut l'atteindre si, selon vous, 10 semaines partageables, renoncer pour avoir quatre, ce n'est pas la meilleure solution? Qu'est-ce que vous proposez aujourd'hui?

Mme Rose (Ruth) : Bien, d'abord, nous aimerions souligner que l'introduction de congés de paternité, au Québec, a créé une révolution dans les familles du Québec. Tu sais, les... moi, mon fils et tous ses amis, les jeunes pères, ils prennent soin de leurs enfants. On voit de plus en plus de pères qui promènent leurs enfants sur la rue, dans le carrosse, sur eux. Donc, il y a déjà eu un énorme progrès.

Deuxièmement, souligner aussi qu'au Québec, même si on juge que les pères ne prennent pas assez les semaines partageables, ils les prennent encore beaucoup plus que les pères du restant du Canada. Alors... Et le Conseil de gestion aussi a fait des enquêtes auprès des employeurs, et il y a de plus en plus d'acceptation des congés pour les pères dans les entreprises du Québec. Donc, nous avons déjà fait beaucoup de progrès.

Alors, le problème, c'est que, dans certains cas, notamment si la mère a plusieurs enfants ou si le père, pour des raisons professionnelles, ne peut pas quitter son emploi, on veut plus de flexibilité pour les parents. Alors, notre solution à ça serait que, si vous ajoutez des semaines, ou bien qu'ils soient réservés au père ou bien qu'ils soient... c'est une condition de partage. Alors, on pense qu'il faut aller plus lentement et qu'on devrait mettre les incitatifs plutôt que de dire : Bien, si la femme renonce, le couple peut avoir davantage, parce qu'il y a une raison pour laquelle... Si on veut le plus de flexibilité aux parents, c'est eux qui devraient décider comment partager les semaines. Déjà, réduire à cinq semaines partageables par les deux, ce serait une avancée.

M. Derraji : Oui. Donc, j'ai bien compris. Donc, pour vous, la proposition qui est sur la table de partager les 10... les semaines partageables, et que, si la mère renonce, bien, les quatre semaines, ce n'est pas la meilleure solution, ce que vous dites, c'est que... diminuer le nombre de semaines partageables de 10 à cinq et d'aller graduellement, aller graduellement, probablement, pas d'emblée quatre semaines. Est-ce que c'est bien ça, ce que vous voulez dire?

Mme Rose (Ruth) : Oui.

M. Derraji : J'ai entendu, Mme Brown, c'est ça?

Mme Rose (Ruth) : Bien, non, c'est Mme Rose. Oui.

M. Derraji : Ah! O.K., Mme Rose. O.K., excellent. Bien, j'ai une question pour Mme Brown. Vous avez parlé de la flexibilité pour le fractionnement des congés. Est-ce que vous pouvez juste élaborer un peu plus?

Mme Brown (Kimmyanne) : Oui. Pour le fractionnement des congés, je vais laisser Mme Rose répondre aussi à cette question.

M. Derraji : O.K.

Mme Rose (Ruth) : Je n'ai pas compris la...

M. Derraji : La flexibilité pour le fractionnement des congés. J'ai comme eu l'impression que vous avez parlé de ça lors de votre exposé. Je voulais juste savoir davantage qu'est-ce que vous voulez dire par rapport à la flexibilité pour le fractionnement des congés.

Mme Rose (Ruth) : C'est qu'on pense qu'il y aurait un moyen de dire que les parents auraient droit à fractionner une fois, c'est-à-dire séparer une fois leur congé, même si l'employeur ne donne pas son consentement et... Parce que, si l'objectif est la flexibilité, on pense que les parents devraient avoir certains droits à cet égard-là. Et on rappelle que les employeurs aussi aiment souvent que... de rappeler la personne au travail pendant sa période de congé, et donc on voudrait qu'il y ait un équilibre entre les droits.

M. Derraji : Excellent. Un dernier point, c'est par rapport au projet pilote, et j'ai vu toute une proposition par rapport au projet pilote, et vous parlez de pas mal de cas. Est-ce que vous étiez interpelées par des groupes, ou vous avez constaté cela sur le terrain, ou bien si vous avez des études à nous partager dans ce sens?

Mme Rose (Ruth) : Bien, c'est-à-dire, en particulier notre recommandation 15, où on parle de l'admissibilité des personnes domiciliées au Québec, parce que, dans la coalition sur... Coalition conciliation famille-travail-études, il y a des groupes d'étudiants, dont des étudiants étrangers, et puis, en général, ils n'ont aucun droit... (panne de son) ...cette période-là.

Sur la question des statuts de réfugié, c'est plutôt ce qu'on voit dans les journaux et le fait que les personnes, ici, qui sont en demande d'asile, qui peuvent être là pendant des années avant qu'on passe... on regarde leur cas, et qu'il est déjà question du travail qu'ils ont fait dans les institutions de santé pendant la pandémie.

M. Derraji : J'ai bien compris. Donc, votre suggestion, c'est inclure les demandeurs d'asile, les réfugiés, les étudiants étrangers qui cotisent, bien entendu, au régime, aux prestations.

Mme Rose (Ruth) : Voilà.

M. Derraji : O.K. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est parfait, c'est tout ce qu'on avait. Merci, député de Nelligan.

Nous allons maintenant avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 40 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Toujours impressionné par votre érudition, Mme Rose. C'est un mémoire vraiment très bien, très bien détaillé, très impressionnant. Je remarque d'ailleurs qu'il y a plusieurs organismes signataires, là. On approche, je pense, une vingtaine d'organismes qui approuvent le contenu et les recommandations de votre mémoire, c'est impressionnant. Ça démontre tout ce travail de préparation que vous avez fait.

Je suis content de constater aussi que vous êtes critiques de l'approche du ministre par rapport au partage forcé des semaines. Je suis avec vous sur ce sujet-là. Je pense qu'il y a d'autres avenues. Je pense qu'on partage l'objectif d'une meilleure présence du père, mais que ce n'est pas nécessairement le bon chemin. Je suis sûr qu'en étude détaillée on trouvera des compromis.

J'aimerais vous entendre sur les congés, la recommandation 3, que les congés payés de la... pour obligations familiales de la LNT, des normes du travail, soient payés parce que ce n'est pas le cas, actuellement, il y en a seulement deux, je pense, sur 10. Et nous, on propose, surtout en temps de pandémie, que ce soit le cas, qu'il y en ait 10 d'accessibles pour tout le monde. Vous, j'imagine que, quand vous avez rédigé le mémoire, vous n'aviez pas nécessairement en tête le contexte d'une pandémie, mais plutôt un contexte régulier, mais voulez-vous m'en parler davantage?

Mme Brown (Kimmyanne) : Oui, bien, effectivement, c'est sûr que cette mesure-là, en temps de pandémie, elle est absolument nécessaire. Je pense que c'est une recommandation minimale, là, sachant que des parents vont devoir prendre, nécessairement, des congés, que ce soit pour toutes sortes de choses, des rendez-vous médicaux ou l'isolement. Donc, cette mesure-là est tout à fait nécessaire en temps de pandémie. C'est sûr que, lors de la rédaction du mémoire au mois de mars, on n'était pas du tout dans ce contexte-là, effectivement.

Mais on considère que... Le ministre Boulet, tout à l'heure, parlait de normes minimales et qu'il y avait des conventions collectives, de toute façon, qui prévoyaient davantage. Mais il faut savoir que les femmes sont majoritaires dans le travail atypique, et il y a énormément de femmes pour qui la Loi sur les normes du travail, bien, c'est leur contrat de travail, c'est leur norme, et que deux jours rémunérés, ce n'est pas du tout suffisant. Bien qu'il y ait une banque, là, qui soit non rémunérée, bien, ça désavantage les femmes parce qu'on sait... on le mentionne dans notre mémoire à plusieurs reprises que ce sont les femmes qui sont principalement en charge de tout ce qui est rendez-vous médicaux, tout ça, toute la charge domestique, le fardeau du ménage, donc elles ont besoin de ces 10 jours là et elles ont besoin que ce soit rémunéré. Et cette mesure-là était tout à fait essentielle, c'est une revendication de longue date. Et, comme vous avez mentionné, c'est 26 groupes qui ont signé le mémoire, c'est unanime que ces 10 journées là doivent être rémunérées. Et cette mesure-là est tout à fait nécessaire aussi en temps de pandémie, donc, voilà.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste quelques secondes.

M. Leduc : Quelques secondes. Peut-être, Mme Rose, un aspect du mémoire que vous voudriez approfondir qu'on n'a pas eu le temps de traiter aujourd'hui.

Mme Rose (Ruth) : J'aimerais aussi insister sur le fait de... la possibilité pour les mères monoparentales où le père n'est pas présent, d'avoir le même nombre de semaines que les autres familles. C'est une demande, d'ailleurs, que nous avons mise de l'avant dans les années 90, au moment où on regardait la première loi. Alors, ce serait un bon projet pilote.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

Nous poursuivons avec le troisième groupe, avec la députée de Joliette. Vous disposez de 2 min 40 s.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Merci infiniment pour la qualité de vos présentations qui sont très éclairantes.

Je voulais poursuivre, là, sur la question du transfert des semaines pour les femmes qui sont les seuls parents de l'enfant. Donc, juste pour être claire, ce que vous dites, c'est que ça devrait être transféré à la mère, qui peut les utiliser elle-même, ou elle peut demander à une autre personne de s'en prévaloir, je veux juste être certaine que c'est les deux options, ou si vous dites : Elle peut les transférer à une autre personne, mais pas pour elle.

Mme Rose (Ruth) : Une mère ou l'autre, effectivement, elle peut les garder pour elle ou les transférer. Il faut dire que ce serait une règle qui s'appliquerait aussi aux parents adoptants où il y a un seul parent, donc ça pourrait être un père, si son conjoint meurt, ou... Si son conjoint meurt, en principe, il a déjà le droit, mais s'il y a une séparation puis... en tout cas, dans les cas où il y a un seul parent, que ce soit adoptant ou biologique.

Mme Hivon : Parfait. Puis je voulais bien comprendre qu'est-ce qui serait votre recommandation centrale pour la question des revenus concurrents, d'une part, et l'autre, pour les parents étudiants. Est-ce qu'il y a quelque chose, malgré le fait qu'ils ne contribuent pas formellement, qu'on pourrait faire rapidement pour améliorer la situation?

Mme Rose (Ruth) : Pour les étudiants, tu sais, on demande un régime universel, un régime de base pour tous les parents, ce qui inclurait les étudiantes et étudiants, mais on pense qu'on n'est pas encore prêts à aller de l'avant, et je pense que ça prend des études et des examens, parce qu'il y a différentes façons de financer ça. En Suède, par exemple, on considère... c'est une assurance. Mais surtout les étudiants, tu sais, ils n'ont pas travaillé dans l'année précédant la naissance, mais ils vont travailler toute la vie, ils vont faire leur contribution comme il faut au régime, mais ils n'ont pas pu bénéficier parce qu'ils ont eu leurs enfants trop tôt. Alors, ça, c'est... Donc, en Suède, les... c'est les assurances qui assument le coût. Dans d'autres pays, notamment les pays comme l'Autriche ou l'Allemagne, ce sont des assurances du père ou du conjoint qui peuvent couvrir la femme. On trouve que ça, c'est une question très... une dépendance qui n'est pas nécessaire. Et dans d'autres cas aussi, et surtout quand on parle d'un montant forfaitaire à la naissance, c'est le gouvernement qui finance.

Alors, il y a plusieurs éléments, et ça demande des études, mais ça fait longtemps, aussi, que les groupes de femmes demandent un régime qui a des prestations de base pour tout le monde. Et nous, on ne sait pas qu'est-ce qui est arrivé au fédéral, parce que c'était une des promesses électorales de Justin Trudeau. Il y a eu d'autres choses à l'occuper depuis ce temps-là, mais je pense que c'est le temps de mettre cette question-là sur la table.

Mme Hivon : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, Mme Brown, Mme Rose, pour vos interventions, votre contribution à la commission.

La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, après les affaires courantes, vers 15 h 30. Merci. Merci encore, Mme Brown et Mme Rose.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

(Reprise à 15 h 30)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je souligne que cette séance se déroule à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau, où nous sommes, et dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Le mandat de... La commission est réunie afin de poursuivre, justement, les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 51, loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation travail-famille.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la Fédération des parents adoptants du Québec, le Réseau pour un Québec Famille et le Regroupement pour la valorisation de la paternité.

Nous souhaitons, dans un premier temps, la bienvenue à la Fédération des parents adoptants du Québec avec Mme Tardif et M. Munger. Mme Tardif et M. Munger, vous nous entendez bien?

Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ)

Mme Tardif (Marielle) : Oui.

M. Munger (Yannick) : Oui.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Puisqu'ils se retrouvent dans l'autre salle. Alors, nous... Avant de commencer, hein, vous savez que vous avez un exposé de 10 minutes, et, avant de commencer, je vous inviterais à bien vous présenter.

M. Munger (Yannick) : Donc, bonjour. Mon nom est Yannick Munger, je suis trésorier et co-porte-parole de la Fédération des parents adoptants du Québec.

Mme Tardif (Marielle) : Marielle Tardif, je suis membre du conseil d'administration, à titre de secrétaire, de la Fédération des parents adoptants du Québec.

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...poursuivre, on vous entend très bien.

Mme Tardif (Marielle) : Bonjour, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission. La FPAQ est heureuse de participer à la commission d'étude sur le projet de loi n° 51 aujourd'hui. La réalité des familles adoptives, directement concernées par ce projet de loi, est au coeur d'une lutte que nous menons depuis trop longtemps déjà. Je souligne l'absence, mais la présence dans nos coeurs, de notre présidente, Mme Anne-Marie Morel, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui parce qu'elle est partie... elle part aujourd'hui ou demain pour les Philippines pour réaliser, justement, un projet d'adoption.

En effet, dès mars 2005, la FPAQ dénonce l'iniquité entre les congés d'adoption et les autres congés parentaux dans le RQAP. S'ensuivent, pendant près de 15 ans, de nombreuses représentations auprès des différents gouvernements élus. Des mémoires, des pétitions sont déposés à l'Assemblée nationale à diverses reprises, différentes publications sont diffusées, en vain. Les gouvernements et les ministres se succèdent, et la FPAQ martèle son message : les enfants adoptés sont les seuls enfants à ne pas avoir le privilège de pouvoir passer un an avec leurs parents lors de leur arrivée dans leur famille. Dans les faits, c'est toujours le cas à ce jour, et ce, pour la simple raison qu'ils sont adoptés.

Le 28 novembre 2019, une première version du projet de loi n° 51 ne permettant pas d'atteindre l'égalité a été déposée. Le 3 décembre 2019, l'Assemblée nationale a voté unanimement une motion déposée par la députée Véronique Hivon reconnaissant l'iniquité du Régime québécois d'assurance parentale envers les familles adoptantes. Ça a été un immense moment d'émotion pour nous et une reconnaissance de l'injustice et de la blessure subie par les familles adoptantes depuis le début du régime.

Le ministre Jean Boulet dépose ensuite une nouvelle mouture de son projet de loi le 12 mars 2020. Les amendements au projet de loi donnent la pleine égalité des congés parentaux aux familles adoptives versus les familles biologiques. De plus, la création de prestations d'accueil et de soutien relatives à une adoption dénote la compréhension du choc et des difficultés que vivent les enfants adoptés avant et après leur adoption et des défis des adoptants, tout en préservant le caractère important et unique de la grossesse, de l'accouchement et de la parentalité biologique.

Nous voulons également, aujourd'hui, dire une fois de plus que les besoins des familles adoptantes sont différents mais tout aussi importants que ceux des familles biologiques. L'enjeu de l'attachement entre l'enfant et ses parents est le plus important de tous ces besoins. Alors que la mère biologique commence l'attachement pendant la vie intra-utérine, en communiquant physiquement avec son foetus, il faut plus de temps aux parents adoptants pour développer ce lien avec leur enfant adopté. S'ajoute à cela un vécu préadoption de l'enfant, souvent peuplé de retards de développement, d'abus, de problèmes de santé, etc. L'accueil de cet enfant exige une disponibilité particulière des parents adoptants et surtout du temps.

Les enfants adoptés ont d'abord connu une rupture avec leurs parents biologiques. Ils ont ensuite vécu une ou plusieurs transitions dans différents milieux, familles d'accueil ou orphelinats. Ainsi, même si l'adoption est un acte d'amour de la part des parents, elle s'accompagne pour l'enfant de deuils et de pertes. La fréquentation hâtive d'un milieu de garde peut ébranler fortement l'enfant et sa famille, voire même être catastrophique dans la mesure où l'enfant peut interpréter cela comme un nouvel abandon.

Actuellement, plusieurs adoptants sont contraints d'assurer trop tôt cette délicate transition lorsque leur congé d'adoption prend fin, avec les conséquences subséquentes, ou alors ils prolongent à leurs frais leur congé pour éviter ce nouveau trauma à leur enfant, subissant ainsi un contrecoup financier important. Des démarches d'adoption de plus en plus longues et complexes, autant ici qu'à l'étranger, des propositions d'enfants de plus en plus âgés en moyenne et avec des besoins de plus en plus grands sont autant de défis pour les parents adoptants, pour lesquels le temps d'un congé plus long est la meilleure arme.

Avec l'allongement de la durée des prestations proposé dans le projet de loi n° 51, la FPAQ est aussi favorable à l'octroi de cinq semaines de prestations exclusives destinées à chacun des parents adoptants, qui reproduit le modèle proposé aux familles biologiques et encourage la coparentalité. Actuellement, la durée insuffisante du congé d'adoption à partager entre les parents oblige les couples adoptants à réduire le temps de présence simultanée des deux parents pour éviter de raccourcir le temps de congé total et de précipiter une entrée trop précoce en service de garde.

Il est aussi vrai de dire qu'un RQAP inéquitable envers les adoptants lèse les droits des enfants adoptés. Les enfants adoptés constituent un groupe de personnes vulnérables ayant des besoins particuliers dont le RQAP n'a jamais tenu compte jusqu'à maintenant. Le RQAP a la flexibilité suffisante pour octroyer des semaines supplémentaires aux adoptants. Un essai juridique intitulé Le Régime québécois d'assurance parentale : un système discriminatoire à l'endroit des enfants adoptés, publié par Me Carmen Lavallée, Daniel Proulx et Éric Poirier, le démontre d'ailleurs.

• (15 h 40) •

M. Munger (Yannick) : Au niveau financier, donner la pleine égalité des prestations aux adoptants versus les parents biologiques aurait engendré des coûts supplémentaires d'approximativement 5 millions de dollars en 2019 sur des prestations totales du RQAP d'environ 2 milliards, ce qui aurait représenté une augmentation de seulement 0,25 % des coûts totaux des prestations. Donc, accorder aux parents adoptants des prestations équivalentes à celles des parents biologiques a une incidence minime sur le financement du régime.

Qui plus est, le fait d'offrir aux adoptants des prestations parentales équivalentes à celles des familles biologiques jouit d'un fort appui populaire, renforcé au fil des ans par la sensibilisation aux enjeux de l'adoption dans les médias par les organismes et spécialistes en adoption. L'adhésion aux différentes démarches de représentation, des campagnes de lettres, des pétitions, etc., en témoignent, d'ailleurs. Le front commun des organismes d'adoption, le 1er décembre 2019, est d'ailleurs un indice de l'importance du consensus à ce sujet. Désormais, les personnes en désaccord avec une telle mesure sont très rares.

Dans le projet de loi actuel, les nouvelles modalités de la loi n° 51 doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2021. À cet égard, la FPAQ invite le gouvernement à devancer autant que possible cette date, particulièrement pour les adoptants. D'une part, puisque le présent régime a été reconnu inéquitable envers les adoptants et envers les enfants adoptés par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale le 3 décembre dernier, il est intolérable de laisser perdurer cette iniquité davantage. D'autre part, le gouvernement dispose de flexibilité dans la détermination de l'entrée en vigueur des différentes modalités de ce projet de loi. Pensons, par exemple, au projet de loi n° 40, entré en vigueur dès le vote en Chambre.

De plus, en ces temps de pandémie, plusieurs familles ayant reçu des jumelages, autant ici qu'à l'étranger, voient des délais pour la réunion avec leurs familles s'allonger. Des enfants sont même conscients, parce qu'étant plus vieux, que de nouveaux parents qui doivent venir les chercher ne viennent donc pas. Imaginez une seconde les conséquences d'une telle attente chez un enfant de quatre ans, par exemple, ou même de six ans. Imaginez le temps que cela prendra aux parents adoptants pour panser ces blessures à l'arrivée de l'enfant avec eux. Agir tôt, le plus tôt possible, en fait, une devise qui devrait, ici, guider le gouvernement dans ses choix.

Parmi les amendements déposés, le gouvernement propose que le ministre produise, au plus tard le 1er janvier 2026, un rapport sur la mise en oeuvre des dispositions accordant les prestations d'accueil et de soutien relatives à une adoption. La FPAQ remet en question le fait qu'une telle attention ne soit portée que sur la mise en oeuvre des dispositions concernant les familles adoptives, puisqu'il y a plusieurs autres nouvelles modalités dans le projet de loi n° 51. Un examen de l'ensemble des nouvelles dispositions apparaît d'autant plus sage.

La FPAQ invite également à la prudence dans l'interprétation des données issues de la parentalité adoptive. Par exemple, certains adoptants à l'international optent pour le régime particulier plus court mais offrant un revenu plus élevé pour accélérer le remboursement de leurs frais de déplacement, de voyage, etc., puis, dans les mois qui suivent, profitent de leur retour d'impôt pour adoption afin de soutenir financièrement le reste de leur congé parental sans solde. Au besoin, la FPAQ sera heureuse de soutenir l'analyse du Conseil de gestion de l'assurance parentale ou du ministre, ou de se rendre disponible aux parlementaires lors de l'examen de la commission.

En conclusion, la FPAQ soutient le projet de loi n° 51 amendé, puisqu'il offre globalement aux adoptants des congés parentaux de même durée que ceux octroyés aux familles biologiques, reconnaissant ainsi le caractère unique et la valeur de chaque famille québécoise, qu'il devient équitable envers les adoptants mais aussi envers les enfants adoptés, leur reconnaissant de cette manière la même valeur que les enfants biologiques, qu'il favorise aussi la coparentalité chez les adoptants, une avancée majeure pour les familles adoptantes et pour la société québécoise.

Cependant, la FPAQ demande que l'entrée en vigueur des prestations exclusives aux adoptants et des prestations d'accueil et de soutien se fasse aussi tôt que possible afin que le RQAP soit enfin équitable envers les adoptants et que cesse la discrimination de tout nouvel enfant adopté.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci, c'est tout le temps que nous disposons pour votre exposé.

Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Alors, nous commençons avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Mme Tardif, Marielle, M. Munger, merci, Yannick, de la qualité de votre présentation. On avait eu l'opportunité de se rencontrer à quelques reprises, quelques mois, même, avant le dépôt initial du projet de loi n° 51. Je vous prierais de saluer Anne-Marie — elle m'avait mentionné qu'elle ne pourrait pas être ici, là, elle est en démarche d'adoption aux Philippines — la remercier aussi de sa contribution. Et je ne peux pas passer sous silence, évidemment, l'implication et l'engagement de ma collègue de Joliette dans ce dossier, qui est crucial pour le milieu parental québécois, cette égalité tant recherchée, tant voulue par la société québécoise.

On a réalisé dès le départ à quel point il y avait un consensus social. Tu sais, il y avait des appréhensions de contestations judiciaires qui apparaissaient légitimes, selon un certain courant de jurisprudence, mais j'ai réalisé rapidement qu'on était passé à une autre étape au Québec et qu'il y avait... du moins, la compréhension que j'ai développée, c'est qu'il y avait une unanimité sociale pour aller dans cette direction-là.

Et donc je veux vous remercier, je veux vous dire à quel point, foncièrement, je suis heureux de cette issue. J'avais l'impression qu'on faisait — puis on le faisait, dans les faits — un grand pas dans la direction de réduire l'écart qui existait entre les familles biologiques et les familles adoptantes. Maintenant, on ne parle plus d'écart, mais on parle d'égalité parfaite, que nous référions au régime de base ou au régime particulier.

Je vais quand même, avant de vous poser quelques questions, faire certains commentaires, vous redonner... Marielle, vous en avez fait part, Yannick, vous pouvez le faire. Du point de vue du père, quelle est la réalité adoptante au Québec? Quelle est l'importance du facteur temps aussi, crucial pour les familles adoptantes? J'aimerais ça... Bien, Yannick, je vous pose la question.

M. Munger (Yannick) : Le temps, M. Boulet, c'est la clé dans l'adoption, c'est... il faut donner de l'amour, il faut donner de l'attention, mais le temps pour créer l'attachement, c'est crucial. Le temps, également, de coparentalité, c'est hyperimportant. Dans le cas de ma première adoption, je n'ai pas eu la chance de passer beaucoup de temps avec mon garçon parce que c'est ma conjointe qui avait pris la majeure partie du congé. J'avais passé quelques semaines au début, cinq semaines avec lui, mais il était très... il était comme une bouée de sauvetage sur ma conjointe. Je n'ai pas eu la chance de passer beaucoup de temps avec lui, et le congé fondait rapidement, rapidement. Donc, on a dû le placer en service de garde très, très tôt.

Dans le cas de notre deuxième adoption, j'ai passé... c'est moi qui ai pris le congé parental, j'ai passé six mois avec ma fille. Et, je le vois, l'implication du père, l'implication de la mère également, mais la coparentalité, c'est excessivement important pour les parents pour se permettre de s'attacher également à l'enfant, mais pour l'enfant, il en a de besoin, de s'attacher à cette nouvelle famille là. Donc, en ayant 18 semaines de plus, en ayant la parfaite égalité, ça va vraiment encourager les pères à en prendre plus.

Et votre option de donner davantage de temps, un quatre semaines additionnel, je trouve ça génial en tant que père. Si le père en prend 10, semaines, bien, au couple, je vais en redonner quatre, c'est le fun parce que ça va encourager les pères à s'impliquer davantage. Puis, dans mon cas personnel, je m'implique beaucoup, beaucoup de pères le font, mais je trouve que cette disposition-là à votre projet de loi va permettre une avancée majeure encore plus pour que les pères puissent s'impliquer dans leur famille, tant au niveau adoptif que les familles biologiques.

M. Boulet : Merci beaucoup, Yannick, aussi, du commentaire, qui nous laisse comprendre que vous avez bien assimilé l'importance de l'incitatif pour les pères, pour qu'il y ait un meilleur investissement, là, dans la sphère parentale. Est-ce qu'à cet égard-là... parce que je sais que vous êtes particulièrement bien documentés, est-ce que les pères adoptants, selon vous, prennent plus de temps en parental actuellement que les pères biologiques ou c'est à peu près la même réalité?

Parce que, souvent, ce qu'on constatait, les statistiques que j'avais du Conseil de gestion, c'est que les pères prennent massivement, à peu près 70 %, alors que c'est nettement plus élevé que dans le reste du Canada, où ça s'articule autour de 10 %, et peu dans le parental. Est-ce que vous avez une information ou une statistique qui nous permet de comprendre la réalité adoptante, Yannick ou Marielle?

M. Munger (Yannick) : Outre les statistiques du Conseil de gestion de l'assurance parentale... Je ne les ai pas, on pourrait peut-être les trouver. Je ne pourrais pas me commettre, là, sur cette statistique-là, malheureusement, mais mon feeling, c'est que les pères adoptants s'impliquent énormément. Mais, dès qu'on pogne le cinq semaines, souvent, malheureusement, puis c'est vrai dans le cas des familles biologiques, la mère prend la grosse portion du congé parental qui devrait être davantage partagé en deux.

M. Boulet : Totalement, totalement. J'aimerais vous entendre sur... Vous savez que, dans le projet de loi n° 51, nous augmentons de deux à cinq semaines pour les prestations qui peuvent être utilisées avant l'arrivée de l'enfant lors d'une adoption hors Québec. Est-ce que vous avez un commentaire sur cette bonification qui est dans le projet de loi n° 51, Marielle?

Mme Tardif (Marielle) : Oui, effectivement, c'est une bonification fort intéressante. Ça permet de préparer le voyage, qui n'est évidemment pas un voyage de vacances, hein, c'est un voyage qui demande beaucoup de démarches au préalable, parfois se rendre à une ambassade ou un consulat, organiser différentes paperasses avant le départ. Donc, ça nous demande du temps, ça nous demande des démarches. L'état d'esprit aussi puis le fait de partir pour le voyage d'adoption, comme je l'ai dit, c'est différent d'un voyage de vacances. Donc, ce temps-là est précieux et permet aussi de commencer le RQAP au moment du voyage, avant le retour à la maison. Donc, au niveau des congés sans solde, et tout ça, ça évite, en fait, de prendre des congés sans solde.

• (15 h 50) •

M. Boulet : D'accord. Vous faites référence aussi au rapport de mise en oeuvre des dispositions. Bon, on instaure, pour la première fois au Québec, la prestation d'accueil et de soutien de 13 semaines pour s'assurer que les parents adoptants bénéficient du temps qui est requis, qui est nécessaire. Et ça nous permet, bien sûr, d'atteindre l'égalité entre les parents adoptants puis les parents biologiques. Bon, c'est un peu ce qui nous guidait dans la rédaction du projet de loi, comme c'est une nouvelle prestation, cinq ans après l'entrée en vigueur, qu'on ait un rapport de mise en oeuvre pour comprendre comment ça s'est passé, comment la société a assimilé cette nouvelle réalité et comment ça a été aussi utilisé, notamment par les parents adoptants.

Vous nous invitez à la prudence dans l'interprétation des données issues de la parentalité adoptive et vous offrez votre soutien au Conseil de gestion ou aux parlementaires lors de l'examen de la commission. Moi, je trouve ça intéressant. Est-ce que... Je pense qu'il y a deux volets, là. Si je vous ai bien compris, vous aimeriez que ce rapport-là de mise en oeuvre ne concerne pas que la nouvelle prestation d'accueil et de soutien, d'une part, et, d'autre part, que vous puissiez accompagner notamment les parlementaires et le conseil de gestion dans la rédaction et la substance du rapport de mise en oeuvre. Est-ce que c'est bien ça?

M. Munger (Yannick) : Pour la... Votre...

Mme Tardif (Marielle) : Oui, vas-y.

M. Munger (Yannick) : Pour votre première portion, oui, vous avez bien compris. On aimerait que le rapport de mise en oeuvre ne focusse pas nécessairement juste sur les modalités de l'adoption de votre projet de loi, parce que votre projet de loi est beaucoup plus large. Donc, peut-être une mise en oeuvre sur votre projet de loi au complet, donc on voit ça d'un très bon oeil.

On voulait juste apporter un bémol sur... Des fois, on voit des statistiques, ah! les parents adoptants, bien, ils prennent le programme particulier, donc ça veut dire qu'ils prennent le plus court possible, puis après ça on pourrait... les chiffres pourraient laisser croire que les parents ne s'impliquent pas. Actuellement, ce n'est pas ça, c'est qu'il y a... on a des frais énormes à soutenir lorsqu'on fait une adoption, puis on les assume, puis pas de problème, sauf que la charge financière, quand on prend le programme court, on a des prestations plus élevées, ce qui nous permet de rembourser plus rapidement nos frais de voyage, nos frais d'adoption, etc., donc... Et après ça beaucoup de familles, actuellement, prennent des congés sans solde à leurs frais, puis ça, ça n'apparaît nulle part dans les chiffres.

Donc, quand on regarde des tableaux : Ah! les parents adoptants ne s'impliquent pas beaucoup, ils ne prennent pas le congé long, ils prennent le congé court, donc ils n'en ont pas de besoin. C'était dans cette optique-là, de faire attention dans l'analyse des données. Puis peut-être, oui, effectivement, on pourrait... pas nécessairement participer, ce n'est pas une obligation, mais consultez-nous, peut-être avoir un oeil externe, parce que nous, on est en contact avec les familles adoptives, on connaît leur réalité, on est capables d'avoir le pouls directement et on pourrait avoir un oeil externe, vous aider à comprendre certaines réalités, au besoin.

M. Boulet : Merci de le mentionner, hein, puis moi, je vais vous donner mon opinion. Oui, absolument, quand on fait des projets de loi qui concernent le filet social québécois, qui concernent l'assurance parentale, le soutien financier, et autres, à des parents, dans un contexte tellement important de la vie humaine, il faut s'assurer de consulter, il faut s'assurer de refléter le... on parlait tout à l'heure de consensus social. Et, pour avoir un consensus, il faut d'abord et avant tout consulter, écouter et tenir compte. Et il faut, je pense, avant que ce rapport de mise en oeuvre là soit écrit, élaboré, que vous fassiez partie des parties qui sont consultées.

Je tiens... J'ai deux autres questions. On a, vous avez vu, dans le projet de loi, la possibilité de mettre en place des projets pilotes. Évidemment, ça devra se faire selon les paramètres des articles habilitants, là, parce que ce n'est pas des projets pilotes que le Conseil de gestion pourra purement, à sa discrétion, décider de mettre en place. Mais, si vous aviez une idée de projet pilote... Les projets pilotes, moi, je vois ça aussi comme une façon de faire progresser la société, de démontrer, pas qu'au Canada, mais partout à l'échelle internationale... on est capables de se distinguer au plan social. Auriez-vous une suggestion ou une recommandation à faire d'un projet pilote? Puis n'hésitez pas à soumettre quelque idée que ce soit, là, on est... je vous pose la question, là, avec beaucoup de transparence.

M. Munger (Yannick) : Comme ça, là, à brûle-pourpoint, peut-être un observatoire des enfants adoptés. Actuellement, il n'y a pas beaucoup de recherches, il n'y a pas beaucoup de données tangibles sur l'adoption. Suivre une cohorte d'enfants adoptés dans le temps, qui ont été adoptés, que ça soit à la naissance au Québec ou que ça soit un enfant adopté qui a sept, huit ans, qui vient d'un autre pays étranger, il y a autant d'adoptés qu'il y a de... la situation est différente pour chaque enfant. De suivre des cohortes dans le temps pour voir l'impact de la présence des parents, l'impact d'une présence prolongée au niveau... sur l'anxiété, les troubles de performance, les troubles de langage, ça serait intéressant d'avoir beaucoup plus de recherches. Actuellement, les recherches manquent énormément de données. Quand tu n'as pas de données, c'est difficile d'établir des plans, et ça serait une idée, puis on pourrait bonifier, là.

Mme Tardif (Marielle) : Je voudrais ajouter qu'à ma connaissance il y a une étude semblable qui a été réalisée en Suède, qui est un pays où il y a de l'adoption internationale depuis longtemps, puis ils sont arrivés à des conclusions surprenantes sur le fait que les enfants adoptés, une fois adultes, sont plus vulnérables aux maladies mentales, ou à divers problèmes de fonctionnement, ou, en tout cas, doivent faire face à différentes problématiques. Donc, ça serait intéressant, puis de voir aussi, étant donné qu'on veut réévaluer le projet dans quelques années, de réévaluer, effectivement, l'impact que la prestation aura eu dans un sens positif contre ces effets-là.

M. Boulet : Absolument. Excellent point.

M. Munger (Yannick) : Peut-être juste une... Il y a quelque chose qui vient de me sortir... le trouble de l'attachement, c'est difficile. Le trouble de l'attachement, les enfants adoptés, il y en a qui n'ont aucune séquelle, il y en a qui vont s'attacher très, très bien à leur nouvelle famille, il y en a d'autres que c'est très, très difficile, ils ont... puis ce n'est pas juste quand ils sont jeunes, c'est un trouble qui persiste dans le temps, ça devient difficile de s'attacher à des personnes significatives. Avec ton conjoint, aussitôt que tu deviens émotif, tu vas peut-être briser des relations dans ta vie adulte beaucoup plus facilement parce que ça va être un mécanisme de protection. Donc, peut-être inclure cet effet-là qui serait intéressant à analyser.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 30 secondes, M. le ministre.

M. Boulet : Oui. Puis l'idée d'observatoire... O.K. Maintenant, j'ai pris note de votre volonté qu'on puisse favoriser l'entrée en vigueur des dispositions de notre projet de loi le plus rapidement possible, particulièrement pour les parents adoptants, je vous aurais fait parler sur est-ce que c'est justifié. Oui, certainement, c'est ma volonté qu'on aille de façon diligente, mais est-ce qu'il y aurait eu une opportunité sociale ou une pertinence sociale de le faire plus rapidement pour les parents adoptants?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Boulet : Voilà, j'ai... Merci beaucoup à vous deux, puis au plaisir de vous revoir bientôt.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons la période d'échange avec l'opposition officielle, avec le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présence. Excellent rapport, pas mal d'informations très détaillées, et, écoutez, je l'ai lu avec grand intérêt. Et il y a un point que j'aimerais bien avoir votre point de vue, c'est à la page 8 où vous parlez de syndrome de dépression postadoption. Et en fait ça m'a interpelé parce que c'est quelque chose que, je vous avoue, je ne l'ai pas vu avant, je l'ai su grâce à vous. Et en parlant, tout à l'heure, des projets pilotes, pouvez-vous juste élaborer plus sur ce phénomène? Est-ce qu'au sein de votre regroupement des membres vous ont interpelés? Si c'est oui, est-ce qu'il y avait des mesures ou des stratégies que vous avez mises en place ou des choses que vous avez essayé de commencer pour venir en aide à ces parents? Et aussi l'impact, parce que j'en suis sûr, qu'il y a un impact social par rapport à ça, donc si vous pouvez élaborer davantage sur ce point.

• (16 heures) •

Mme Tardif (Marielle) : Bien, le syndrome, je dirais, de dépression postadoption ou, en tout cas, les difficultés d'adaptation que vivent les parents adoptants, c'est vrai, sont peu documentées, mais il y a quand même des chercheurs qui ont travaillé sur la question, puis il y a des points forts qui ressortent de ces recherches-là, entre autres, voilà, des difficultés d'adaptation parce qu'on a un enfant avec qui on n'a pas eu... ce n'est pas comme dans une grossesse, où on a déjà un lien d'attachement durant la grossesse qui se construit, ça reste un étranger qui arrive. Nous, nous sommes des étrangers pour nos enfants aussi, à la base. Donc, cette adaptation-là, ce contact-là n'est pas toujours facile, il y a des deuils à faire, il y a des réalités qui sont difficiles à intégrer. Les enfants ont différents problèmes de sommeil, d'alimentation, c'est parfois très difficile à gérer. Les enfants arrivent plus vieux avec des problèmes qu'on n'a pas avec un bébé naissant. Et il y a souvent des sentiments de culpabilité, aussi, qui sont vécus par les parents parce que les parents adoptants... il faut comprendre que le processus est très long avant, puis des parents ont été évalués et même surévalués. On leur a dit qu'ils étaient compétents, on leur a dit qu'ils avaient le droit d'avoir un enfant, qu'ils allaient être des bons parents, et là, des fois, on se retrouve devant une situation avec un enfant puis on se sent démunis, on se sent non compétents, puis souvent on ressent de la culpabilité, puis on ne va pas aller demander de l'aider parce qu'on est censés être capables de se débrouiller. On se sent un peu comme des parents thérapeutes, des fois, plus thérapeutes que parents, selon les situations. Ça fait que ça fait tout partie de ces difficultés-là d'adaptation.

Nous, à la FPAQ, on a une ligne d'écoute, là, on écoute les parents puis on essaie de les diriger vers les meilleures ressources qu'on connaît, psychologues, et travailleurs sociaux, et tous les services qui existent. On trouve que les services postadoption sont peu suffisants et pas uniformes selon où on se trouve dans les différentes régions de la province. Souvent, ça dépend du centre de services jeunesse, ça dépend des ressources, ce n'est pas uniforme. Des fois, les parents qui sont région éloignée doivent venir à Québec ou à Montréal pour recevoir certains services. Donc, ça, ça serait quelque chose qu'on voudrait améliorer dans le futur.

M. Derraji : Merci, excellente réponse. Et vous avez vu le projet de loi, j'en suis sûr et certain, vous avez travaillé avec... vous avez vu les amendements, vous avez vu le changement que le projet de loi ramène. Là, il y a toujours des angles morts, et aujourd'hui vous avez devant vous un ministre qui est aussi à l'écoute avec la notion des projets pilotes.

Je ne veux pas revenir sur ce que vous avez déjà proposé, mais, dans la documentation que j'ai devant moi, je vois l'angle de syndrome de dépression postadoption comme probablement un des angles que j'ai vu sur la table. Pensez-vous que c'est quelque chose qu'on devrait suivre? Je ne veux pas commencer à faire la comparaison avec les parents biologiques, mais j'ai senti dans votre argumentaire que c'est un vrai problème, ça existe, vous l'avez documenté. Pensez-vous que, si on innove au niveau du régime, d'avoir un projet pilote qui va venir en soutien à ces parents... et je vais vous dire pourquoi, et corrigez-moi, les collègues, c'est la prof de l'Université de Sherbrooke qui nous a parlé de huit ans.

Une voix : ...

M. Derraji : Oui, c'est Mme Lavallée qui nous a parlé de huit ans, de lien qui se développe avec... — c'est Mme Lavallée, hein? — huit ans d'un lien qui se développe avec l'adoption. Donc, si on prend le cycle de vie, les premières années, ce n'est pas la même chose qu'avec une famille biologique. Donc, le besoin, c'est au-delà d'avoir une implication de la cellule familiale, du parent adoptant a et b. Les besoins seront toujours là parce que le défi, il est énorme. Est-ce que j'ai bien cerné la problématique?

Mme Tardif (Marielle) : Oui. L'attachement est quelque chose qui se construit de jour en jour puis c'est l'affaire d'une vie à faire. C'est vrai dans le cas des familles biologiques aussi. Les familles biologiques doivent construire un lien d'attachement aussi avec leurs enfants, mais les défis sont nettement différents avec les enfants adoptés. Et puis... J'ai perdu mon idée. Je voulais dire que...

M. Munger (Yannick) : C'est un défi d'une vie. Les enfants, à huit ans, c'est un certain niveau de défi. Quand tu réalises... Quand tu arrives à travers l'adolescence...Les enfants biologiques... sait déjà que l'adolescence est difficile, mais, quand tu es adopté aussi, tu réalises le fait que tu as été abandonné, que ta mère biologique n'a pas voulu de toi, elle a rejeté sa chair. C'est très difficile à vivre. Les enfants... beaucoup de tourments. Nous aussi, on se sent coupable, là-dedans : Est-ce qu'on a fait les bonnes choses? Est-ce que... Ce n'est pas évident de...

Mme Tardif (Marielle) : Je voudrais ajouter, là, c'est vrai qu'au niveau... à l'adolescence, c'est difficile. Je suis moi-même enseignante, avec des adolescents au secondaire, puis je n'ai pas fait une étude statistique, mais j'ai eu l'occasion de croiser des adolescents qui ont été adoptés. Puis, oui, la crise identitaire est double dans leur cas, c'est plus difficile, ça devient ardu à gérer, puis les ressources pour les adolescents sont encore moindres que les ressources pour les plus jeunes enfants.

Puis je voulais dire aussi qu'une... Je voulais revenir à votre idée, là, du syndrome de dépression. Une des choses qu'on observe chez les parents, c'est... Puis ça, on le vit... moi, je l'ai vécu, en tout cas, personnellement. Au moment où on a nos enfants, on réalise concrètement qu'on a perdu, qu'on n'aura jamais une partie de leur vie. Moi, ma fille, je n'aurai jamais ses premiers pas, je n'aurai jamais ses premiers mots. Ça, c'est... pour moi, en tout cas, puis, je pense, pour d'autres parents aussi, on a recueilli certains témoignages, c'est un choc quand on se rend compte de ça. Puis on voit les neveux, les nièces, puis là on sait que nos enfants nous attendent. Le temps passe, puis, quand on les a, on est tellement contents de les avoir, mais en même temps on réalise qu'on a manqué des choses. Puis ça, ça reste, c'est... ça laisse des traces, puis c'est important, puis ça a un impact sur nous, puis ça a un impact sur eux aussi.

M. Derraji : ...

M. Munger (Yannick) : Dans mon cas...

M. Derraji : Allez-y. Allez-y.

M. Munger (Yannick) : Dans mon cas, j'ai... pas que j'ai fait un syndrome post-partum, mais pas loin, tu sais, il y a eu des épisodes... On a un projet, c'est tout rose, tu sais, on va adopter un enfant, ça va bien aller. Dans mon cas, c'était plus moi qui étais l'instigateur du projet, puis j'avais dit à ma conjointe : Tu vas voir, ça va bien aller, je suis fait fort, tu sais, je vais être là, je vais t'épauler. Ça ne s'est pas passé comme ça. Mon gars, il ne voulait rien savoir de moi, tu sais. J'étais souvent en train de pleurer dans la douche en petite boule en disant : Pourquoi il ne m'aime pas? Tu sais, je fais tout pour lui, tu sais, j'essaie, mais il ne voulait rien savoir, tu sais, il était accroché à ma femme. Puis je voulais, puis, tu sais, plus tu veux, plus tu essaies, puis à moment donné, des fois, tu essaies trop. Ce n'est pas évident.

Ça fait que, des fois, le projet tout rose, il n'est pas tout rose puis c'est là que tu te sens un peu démuni. Puis, encore aujourd'hui, ce n'est pas facile, là. Puis, tu sais, mon enfant, là, il me dit souvent, là, qu'il me préférerait mort puis qu'il veut se suicider puis... Ce n'est pas facile. C'est des choses... Puis, il a neuf ans, ce n'est pas normal qu'un enfant dise ça. Ça fait que, tu sais, il y a des affaires que... puis, tu as beau en parler, mais, tu sais, il n'y a pas de ressources, ça fait que ce n'est pas toujours facile.

M. Derraji : Je vous entends. Merci, et je tiens à vous dire que vous êtes le meilleur porte-parole pour la cause que vous êtes en train de défendre. Merci de nous sensibiliser par rapport à votre réalité. Et je réitère ce que le ministre a dit à la fin, prenez le temps de penser, on a encore le temps d'étudier le projet de loi article par article, on a encore le temps devant nous, mais pensez à tout ce que vous avez mis dans votre excellent rapport et, si vous voyez des pistes, que ça soit via des projets pilotes ou des idées qui peuvent nous inspirer, n'hésitez pas à nous contacter. Vous avez nos coordonnées. Mais je tiens à vous remercier, encore une fois, pour votre présence et la qualité de votre mémoire. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 40 s.

M. Leduc : Mme la Présidente, considérant la grande connaissance sur le sujet de notre collègue de Joliette, j'aimerais lui céder mon temps de parole.

La Présidente (Mme IsaBelle) : La députée de Joliette accepte.

Mme Hivon : Oui, la députée de Joliette accepte, mais la députée de Joliette est très émue après le témoignage, donc elle va se ressaisir.

Bien, écoutez, c'est très gentil, merci au collègue de sa générosité.

Moi, d'abord, je veux vous remercier. J'aimerais ça pouvoir vous avoir à côté de moi, mais, bon, vous êtes dans la salle à côté. Je veux vous remercier parce que, vous savez, dans la vie, ce n'est pas tout le monde qui a la chance de changer les choses, pas juste pour eux, mais pour beaucoup de gens. Et, par votre mobilisation, par votre combat que vous menez depuis maintenant plus de 15 ans, par l'énergie que vous avez déployée malgré les difficultés, et les souffrances, et votre réalité quotidienne, qui est loin d'être simple avec les défis que vous nous avez esquissés, j'espère que vous réalisez à quel point vous avez été essentiels dans l'évolution de la pensée du ministre. Je pense qu'il vous l'a dit, mais il me l'a dit aussi. Et je pense que c'est rapide, on a rapidement vu à quel point, quand le ministre parle de la réalisation d'un consensus social, c'est parce que, comme mon collègue vient de le dire, vous êtes les meilleurs porte-parole. Et rapidement, quand vous avez pris la parole à la suite de la présentation du projet de loi en expliquant c'est quoi, la réalité de l'adoption, c'est quoi, la réalité d'un enfant adopté qui arrive parachuté avec des gens qu'il n'a jamais vus, qu'il n'a jamais entendus, qui souvent ne parlent pas la même langue que lui, autant pour les parents que les enfants, je pense que votre cri du coeur puis votre description des choses était tellement humaine, tellement vraie que ça a touché le coeur de tous les Québécois, et c'est ce qui fait que le gouvernement et le ministre ont eu une très belle écoute et ont évolué, je crois. Donc, je veux vous le dire parce que ce n'est pas tout le monde qui a cette chance-là puis je le sais que ça fait tellement longtemps que la fédération se bat. Donc, j'espère que vous savourez tout le chemin que vous permettez au Québec en général, et aux parents adoptants, et aux enfants adoptés en particulier, de réaliser aujourd'hui.

Puis aujourd'hui je suis contente de vous entendre. Je vais avoir des questions plus précises sur le régime, vraiment, là, d'adoption, mais je pense que c'est vraiment précieux de vous entendre. Vous auriez pu dire : Bien là, on a gagné l'essentiel de ce qu'on a demandé, est-ce qu'on va y aller? Moi, je trouve que c'est très important qu'on vous entende parce que... J'en parlais, on a eu une présentation de la CSN la semaine dernière où ils nous faisaient référence à certaines notions d'équité, et puis je disais que peut-être que, si on entendait plus parler d'adoption, on serait plus au fait de la nécessité de cette équité-là, de cette égalité de traitement là, parce qu'avec plus de 80 000 naissances par année puis quelques centaines d'adoptions, c'est sûr que les gens ont une bien meilleure connaissance de ce qu'est la réalité d'une naissance et d'une arrivée biologique versus celle d'une adoption. Puis aujourd'hui vous permettez, encore une fois, de démystifier ça, donc je veux vous en remercier.

Deux éléments. La question de l'entrée en vigueur, le ministre a terminé là-dessus. Vous n'avez pas eu le temps de répondre, c'est un classique dans notre univers. Des fois, on pose des questions, on n'a pas le temps d'entendre les réponses. Je suis sûre que les témoins trouvent ça complètement fou, mais c'est comme ça que ça marche. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus, quand vous avez parlé, là, rapidement, de l'importance de l'entrée en vigueur, je veux saisir ce que vous vouliez dire.

Et l'autre élément, c'est la question des semaines partageables. Ce matin, on a eu une proposition qui est venue dire qu'on devrait augmenter le nombre dédié de semaines, mettons 10 à la mère, 10 au père, au lieu du 5-5 exclusif aujourd'hui, donc 10-10. Je voulais voir comment vous réagissiez par rapport à ça.

• (16 h 10) •

Mme Tardif (Marielle) : ...répondre sur le premier point. Est-ce que tu veux répondre sur le deuxième? Ça va? Alors, concernant l'entrée en vigueur, je pense que ce serait important que ça soit fait le plus tôt possible, pour deux raisons. Premièrement, parce qu'il est reconnu maintenant officiellement que le régime fait preuve d'iniquité envers les familles adoptantes puis spécifiquement les enfants adoptés. Donc, je pense qu'il est urgent de corriger cette injustice-là.

Puis la deuxième raison, c'est que ça presse, ça presse. Les familles ont besoin de temps maintenant. Les projets en cours puis les projets à venir ont besoin de beaucoup de temps. On l'a dit dans notre présentation, encore plus en temps de pandémie, ici comme ailleurs, les projets d'adoption deviennent vraiment plus compliqués. C'est vraiment plus long, les délais, et les enfants vieillissent pendant ce temps-là, les besoins augmentent. Donc, quand ils vont arriver dans leur famille, ça va être encore plus important d'avoir le temps pour bien les accueillir.

M. Munger (Yannick) : J'ai une image : il y a environ 400 adoptions par année, on va dire, un enfant par jour se fait adopter. On a... l'Assemblée nationale a déclaré, a voté à l'unanimité, le 3 décembre dernier, ça fait presque... ça fait 10 mois, plus que 10 mois : C'est inéquitable, c'est injuste envers les enfants adoptés.

Depuis ce temps-là, il y a eu des projets, des amendements, etc. Malheureusement, la pandémie a fait reculer les choses, on ne peut rien y faire. Mais, pendant ce temps-là, le toit coule. Le toit coule, puis on a dit qu'on allait le réparer le 1er janvier. Le toit coule, il mouille dehors. On peut-tu faire une exception puis mettre la patch immédiatement pour permettre à ces enfants-là... Il y a un enfant par jour, d'ici Noël, là, qui va se faire adopter. Il y a une centaine d'enfants. Si on se tient au 1er janvier, il y a une centaine d'enfants encore qui n'auront pas le droit de bénéficier de ce 18 semaines de... C'est quatre mois de plus. Pourquoi ces 100 enfants là n'auraient pas le droit?

Donc, on demande au gouvernement de faire preuve de flexibilité. On l'a vu avec la pandémie, là, la machine gouvernementale s'est mise en télétravail, comme ça. Personne n'aurait jamais cru être capable, tout le monde l'a fait. Le marché du travail, le privé, le gouvernement l'a réussi. Mettre en branle un projet sur une disposition précise, on espère que le gouvernement va être sensible à notre proposition...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Munger (Yannick) : ...et on l'a vu dans le passé avec certains projets de loi, que c'était possible.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, c'est tout le temps que nous avions. Alors, merci, Mme Tardif et M. Munger, pour votre excellente contribution à la commission.

Nous allons suspendre les travaux quelques instants, le temps de donner la chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 15)

(Reprise à 16 h 26)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons... Ah! alors, nous poursuivons. Maintenant, nous recevons le groupe Réseau pour un Québec Famille, mais moi, je ne vois pas que...

Alors, bonjour. Nous continuons. Nous recevons le groupe Réseau pour un Québec Famille, avec Mme Rhéaume et Mme Landry. Alors, Mme Rhéaume, Mme Landry, vous êtes bien là? Parce qu'elles sont dans l'autre salle. Vous êtes là?

Réseau pour un Québec Famille

Mme Landry (Amélie) : Oui.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, avant... Vous savez que vous avez un exposé de 10 minutes, vous devez respecter le temps. Avant de commencer votre exposé, je vous demanderais de bien vous présenter, chacune. Merci.

Mme Rhéaume (Marie) : Marie Rhéaume, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille.

Alors, quelques mots sur le réseau, qui est un regroupement du secteur famille qui réunit 20 des principales organisations nationales soucieuses de la situation des familles québécoises et qui proviennent du milieu communautaire, municipal, éducation, santé et services sociaux, syndicats. Nos membres représentent plus de 4 000 organisations présentes dans toutes les régions du Québec. Et aujourd'hui je suis accompagnée d'Amélie Landry, qui est du Réseau des centres de ressources périnatales du Québec. Le réseau se veut un lieu privilégié d'échange et de concertation, et on tente de rehausser la cohésion de l'écosystème famille et resserrer les mailles du filet de protection que les organismes membres tissent autour des familles québécoises.

Pour nous, le Régime québécois d'assurance parentale, avec les services de garde éducatifs à l'enfance, c'est une des pierres d'assise de la politique familiale québécoise. Depuis son introduction en 2006, ce dispositif-là a eu un impact majeur sur la vie des familles québécoises. Il va avoir favorisé une certaine progression de l'équité quant au développement de la carrière des deux parents en permettant à des milliers de femmes de participer au marché du travail tout en fondant une famille et à des milliers d'hommes de s'engager davantage auprès de leur nouveau-né pour assurer un engagement pérenne de leur part. On sait que ça, c'était un des principaux objectifs, aussi un des objectifs importants, là, du régime.

Aujourd'hui, on pense que le régime peut consolider cet avancement-là en favorisant un meilleur partage des responsabilités familiales. Notez bien que je vais parler de responsabilités familiales et non pas de tâches. Pour moi, c'est deux choses bien différentes.

De façon générale, les modifications proposées dans le projet de loi constituent des propositions bien orientées, sans toutefois répondre précisément aux préoccupations des familles, pour faire face aux défis actuels. Il est désormais souhaitable que cette réforme-là rende maintenant possible une nouvelle avancée et vise l'avènement d'une coparentalité où la responsabilité est véritablement partagée entre les deux parents.

On pense aussi que c'est le bon moment de le faire parce que la pandémie a fait ressortir les difficultés, entre autres, et l'inégalité qui persiste entre les hommes et les femmes, a démontré que ça avait des conséquences plus lourdes pour certaines personnes, en particulier les femmes. Il s'agit là d'une illustration concrète qui témoigne de l'importance d'agir sur les conditions qui influencent le partage des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes. Ainsi, le contexte doit plutôt être vu comme un moment charnière où réfléchir aux effets tangibles des politiques publiques, comme le Régime québécois d'assurance parentale, sur un ensemble de normes sociales concernant notamment le travail, l'organisation de la vie familiale et l'égalité entre les hommes et les femmes.

• (16 h 30) •

Au niveau du changement des normes sociales, on sait que les normes sociales, ça tient à... la force des normes sociales tient à leur intégration dans un ensemble socioculturel et repose notamment sur des valeurs. Plus ces valeurs ont une importance dans la société, plus les normes qui en découlent ont de bonnes chances de s'imposer. Ainsi, les changements aux normes surviennent généralement lorsque ces valeurs évoluent ou se renouvellent.

Dans le cas du partage des responsabilités familiales ou de la charge mentale, la principale valeur en cause est celle de l'égalité entre les femmes et les hommes, dans l'angle des rapports intimes qu'ils établissent entre eux au sein d'une même unité familiale. Or, à l'échelle des comportements individuels, changer une norme nécessite surtout qu'on s'intéresse aux freins qui rendent le changement plus difficile.

Ainsi, en reconnaissant que l'un des objectifs principaux que doit sous-tendre la réforme du Régime québécois d'assurance parentale est de permettre un partage plus égalitaire des responsabilités familiales, il faut comprendre les dynamiques qui créent un débalancement en défaveur des mères, identifier les facteurs qui empêchent un partage plus équitable, s'assurer que les mesures mises en place dans le régime puissent avoir un effet réel sur ces dynamiques et ces facteurs.

La période du congé parental, particulièrement le premier, a un aspect déterminant sur la façon dont vont s'installer les habitudes qui conditionneront le partage des responsabilités entre les pères et les mères tout au long de leur parcours. On sait qu'actuellement les mères prennent la plus grande partie du congé. Les pères, eux, vont prendre en moyenne cinq semaines. On sait quand même qu'il y a 80 % des pères admissibles qui prennent les cinq semaines de congé, puis il y a une beaucoup plus faible proportion, soit moins de 30 %, qui partagent les semaines de congé parental avec la mère.

Le scénario typique, c'est toujours le même : les mères et les pères vont passer les... c'est souvent le même, les mères, les pères vont passer les cinq premières semaines qui suivent l'accouchement à prendre soin du nouveau-né. Ils s'adaptent à leur nouveau rôle de parent. Après, le père va retourner sur le marché du travail. C'est là que la vraie vie de famille débute, ce qui cause aussi un choc. La dynamique devient alors tout autre. La mère passe la plupart de son temps avec l'enfant et, par le fait même, va se retrouver, souvent, en charge de la maisonnée. Elle va développer intensivement ses habiletés parentales, son lien avec le bébé. Le père, qui est absent pendant de longues heures, risque de se sentir moins habile, moins compétent. L'écart entre la mère et le père se creuse rapidement, puis ce dernier va finir pas considérer sa conjointe comme le parent spécialiste et lui comme le parent secondaire. Comme, en plus, l'arrivée d'un premier enfant se situe généralement en début de carrière, l'écart entre les deux va se creuser, puis ça peut avoir un impact, là, sur l'écart salarial. Pour arriver à un partage plus équitable, il nous apparaît important de pouvoir agir sur les facteurs qui limitent ce partage, à savoir l'ouverture des milieux de travail, les impératifs économiques des ménages puis les besoins des parents.

En ce qui concerne dans... au niveau de l'ouverture des milieux de travail, on sait que les milieux ont des réserves au fait que les pères prennent plus que leurs cinq semaines. On sait que ça fait partie des difficultés qu'il y a à surmonter. Souvent, on va s'attendre à ce que ce soit la mère qui prenne la plus grande part du congé. S'il faut se féliciter de l'intention derrière la proposition d'ajout de quatre semaines de congé advenant que le père prenne au moins 10 semaines des 32, il faut reconnaître que cette mesure risque peu d'influencer la norme en vigueur. À notre avis, seul l'allongement du congé réservé au père est susceptible d'avoir un effet tangible et rapide sur cette norme.

Nous, on a lancé des travaux avec le sceau... un sceau de reconnaissance pour les meilleures pratiques pour tenter de faire avancer les choses, puis on sait que ça demande encore beaucoup de travail. Les impératifs économiques des ménages, bien, l'impact économique du congé parental est aussi déterminant dans le choix. On sait que le calcul se fait souvent rapidement, en favorisant que la mère prenne la plus longue partie du congé parce qu'il y a une moins grande perte de revenus au niveau du... de l'ensemble de la famille. Donc, on estime que ça, ça devrait être corrigé, puis ça pourrait être évité si les prestations du RQAP étaient basées sur le revenu familial plutôt que le revenu personnel du travailleur. Ça représente certainement un défi comptable, mais l'idée, selon nous, mérite d'être examinée.

Je passerais la parole à Amélie, maintenant, pour terminer.

Mme Landry (Amélie) : Nous allons explorer, maintenant, les besoins des parents. Pour mieux répondre aux besoins des parents, le régime doit leur permettre de bénéficier d'un congé au moment où les besoins sont les plus importants. Si les semaines autour de la naissance sont un moment crucial et de grande vulnérabilité qu'il y a de devenir parents, il convient de s'interroger sur les moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour inciter les couples à étirer ce partage au-delà des premières semaines. Sachant que 10 % à 20 % des femmes vivent de la dépression postnatale suivant les mois après la naissance et que 10 % des pères vivent aussi une dépression postnatale, les nouveaux parents ne vivent pas toutes les mêmes expériences et au même moment.

Il y a également la période qui entoure le retour au travail de la mère, vers... souvent, à un an, qui est une période critique où la famille vivra aussi une autre adaptation importante. Enfin, il y a la première année de fréquentation à la garderie, au cours de laquelle l'enfant construit son système immunitaire, qui forcera néanmoins ses parents à s'absenter du travail régulièrement. Selon les données de l'Institut de la statistique du Québec, pendant la première année de fréquentation de garderie d'un enfant, les mères s'absenteront du travail en moyenne 16 jours, et les pères, 11 jours. À supposer qu'ils prennent ces congés en alternance, cela ne représente pas moins de 27 jours d'absence liés aux maladies de l'enfant pendant une seule année. Nous saluons donc la proposition de permettre d'étaler la prise du congé parental sur 18 mois plutôt que sur 12 mois. À notre avis, il aurait été plus avantageux pour les familles de pouvoir bénéficier d'une banque de congés applicables à la deuxième année de vie de l'enfant sans amputer le congé de base.

Enfin, outre le congé, la première année de vie de l'enfant est une période pendant laquelle les parents apprennent leur rôle parental, développent leur habileté et leur confiance et solidifient leur lien d'attachement avec leur enfant. Il est largement démontré que les parents qui bénéficient d'accompagnement et de services pendant cette période vivent des transitions plus harmonieuses et expérimentent une plus grande satisfaction parentale. On parle ici, par exemple, de services de relevailles, d'ateliers pour développer leurs habiletés, de l'accompagnement, du soutien pour favoriser leur lien d'attachement envers leur enfant, ce qui est un facteur fort important dans le développement de nouveaux enfants, et ce, pour les parents biologiques ou non. Afin de bien répondre aux besoins des parents et d'atteindre les objectifs sociaux qu'il sous-tend, il serait intéressant d'ajouter au RQAP des mécanismes pour faciliter l'accès à de tels services.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. C'est donc tout pour votre exposé. Merci beaucoup.

Alors, nous commençons la période d'échange. Nous commençons avec le ministre. Vous disposez de 16 minutes.

• (16 h 40) •

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci au Réseau pour un Québec Famille, Marie, Amélie, belle présentation, des recommandations bien formulées, des aspects sociétaux qui sont intéressants, notamment quand on parle de l'évolution des valeurs et l'adaptation du cadre normatif.

Moi, j'ai l'impression qu'on vit quand même un moment important du casse-tête de la politique familiale au Québec. Je pense qu'il y a des normes qui peuvent contribuer à l'évolution de certaines valeurs sociales. Pour être plus clair, avoir un incitatif pour le père pour l'encourager à s'investir un peu plus dans la sphère familiale devrait normalement contribuer à la coparentalité et du moins avoir un effet positif, même si, à un moment donné, j'ai entendu une de vous deux dire qu'on n'était pas certains de l'impact que ça pouvait avoir. Mais la réalité actuelle n'est peut-être pas la plus souhaitable au plan social parce que les pères prennent le congé de paternité, mais ils ne prennent pas le congé parental. Puis, quand vous référez à une espèce de dichotomie, un parent qui devient spécialiste, généralement la mère, puis l'autre qui devient secondaire, généralement le père, on le vit souvent, puis il y a beaucoup de jeunes mères qui m'ont témoigné de cette réalité-là, là, où le père n'est pas là, ou, quand il est là, il le fait quand la mère est là, il ne veut pas s'occuper des tâches plus fondamentalement familiales.

Cependant, j'entends, puis vous n'êtes pas les seules à le dire, vous doutez un peu de l'impact de cet incitatif-là pour demander que le congé de paternité soit augmenté. Et ce que je disais ce matin, c'est qu'aller dans cette direction-là, je pense que ça pourrait contribuer à cristalliser davantage la perception que les prestations parentales partageables appartiennent prioritairement aux mères puis que lui a son congé de paternité qu'il prend de façon un peu parallèle. Parce qu'il y a beaucoup d'études qui démontrent que les pères désireux d'utiliser les prestations partageables, les partageables parentales, ont l'impression qu'ils en privent la mère, que ça se fait au détriment de la mère. Puis ce que je sens le besoin de réexprimer, c'est que l'approche qu'on a adoptée vise à susciter d'abord des discussions, un dialogue entre le parent a puis le parent b pour partager les prestations parentales et changer la perception à l'effet qu'elles appartiennent prioritairement à la mère. Puis je pense sincèrement qu'une incitation comme celle-là va légitimer davantage la prise de congé partageable par les pères, notamment ceux, puis vous en faisiez référence, qui sont dans des secteurs d'activité économique où il y a moins d'ouverture. Parce qu'un des facteurs que vous identifiez comme limitant le partage, c'est le milieu de travail. Puis je sais qu'il y a des secteurs d'activité économique qui sont plus réfractaires, on le sent. Il y a des pères qui m'ont dit : Moi, Jean, je ne sens pas d'ouverture. Et il y a encore des milieux, au Québec, où même le congé de paternité... Il y a des jeunes pères qui prennent des vacances au lieu de prendre le congé de paternité, puis il y en a... Maintenant, vous allez me dire, c'est beaucoup plus accepté dans les milieux de travail, le congé de paternité, mais là on monte une autre marche de l'escalier quand il faut faire l'effort de dire : Je vais partager, je vais prendre le congé partageable. Ça, on a encore du travail à faire au Québec. Ça fait que je pense que la mesure qui est dans le projet de loi n° 51 va nous aider à légitimer ou à donner un argument additionnel aux jeunes pères qui sont dans des secteurs plus réfractaires à la prise des congés partageables, et je pense que ça va avoir un effet — dernier point, puis après ça je vais vous laisser me commenter — mais un effet positif aussi pour les mères, parce qu'il y a des mères qui veulent revenir au travail, il y a des mères qui sont dans leur congé, puis ça... beaucoup, puis j'aimerais ça aussi vous entendre, qui souhaitent retourner au travail et, implicitement ou explicitement, souhaitent l'investissement du père dans la sphère familiale, là, ce que je répète souvent. Et donc l'incitatif va avoir cet effet secondaire là de dire aux mères : Vous pouvez plus facilement... Après avoir dialogué, après avoir convenu d'un partage minimal de 10 semaines chacun, on va bénéficier d'un encouragement additionnel, c'est-à-dire le quatre semaines partageable. Donc, les mères vont être beaucoup plus à l'aise de revenir au travail. Donc, je parle longtemps, mais j'aimerais vous entendre, là, sur mes commentaires.

Mme Rhéaume (Marie) : Je pense que l'idée de susciter les discussions est intéressante, parce qu'actuellement on sait que ce n'est pas tout à fait ça qui se passe. Les couples, tu sais, c'est comme si ça allait de soi, comme si c'était le congé de la mère, que ça allait de soi, puis que d'amputer des semaines, c'est vraiment nuire à la relation entre les deux. Toutefois, je pense que c'est quand même un gros changement à opérer. Quand on a mis les cinq semaines pour les pères seulement, on a vu que les pères ont commencé à prendre le congé, c'est même à 80 %, ce qui est une grande réussite. On sait que, dans le restant du Canada, ils sont à 20 %, à peu près, de pères qui prennent le congé. Donc, il y a vraiment une différence importante.

Selon nous, un des pas qu'il reste à franchir, c'est toute la question du partage de la responsabilité familiale. Quand je dis ça, ce n'est pas juste les tâches, ce n'est pas juste... c'est que chacun soit capable de faire sa partie du travail. Si on a comme un parent qui est le parent spécialiste, là, parce qu'il a pu développer ça, c'est probablement facile, après ça, de... tu sais, ça va de soi, de se reposer sur la personne. Puis là on a beaucoup entendu parler de la charge mentale, et ça se comprend, parce qu'on sait que le Québec est aussi l'endroit au monde où on a le plus haut taux d'activité des mères de jeunes enfants. Donc, c'est un peu normal qu'il y ait de la tension de ce côté-là, sauf que les habitudes qu'on prend au début, au premier congé parental, ces habitudes-là, c'est des habitudes qui vont être là pour la vie puis ça va être difficile à faire changer. Puis souvent, là, qu'est-ce qui va faire que ça change, c'est parce qu'il y a une séparation. Donc, à partir du moment où les gens sont en garde partagée, là, tout d'un coup... Tu sais, on a entendu beaucoup de femmes dire : Ouf! J'ai une semaine où je peux travailler à fond, où je peux faire toutes mes choses, puis c'est l'autre parent qui s'en occupe. Mais ces parents-là sont séparés, là, donc on ne pense pas que ce soit quelque chose à viser.

J'ai fait un test avec deux de mes employées qui ont des jeunes enfants puis qui se sont retrouvées en télétravail pendant... qui se sont retrouvées en télétravail pendant le confinement avec enfants à la maison, et je leur ai demandé : Est-ce que ça a changé quelque chose dans le fonctionnement de votre famille? Ils m'ont regardé avec un petit sourire en coin en disant : Bien, oui, un petit peu. C'est sûr qu'ils sont très actifs, mais il faut toujours que je dise quoi faire. Tu sais, j'ai une réunion qui se prolonge, je termine à 12 h 30, il n'y a rien sur la table, il n'y a rien qui a été amorcé. C'est des réflexes de cet ordre-là qu'il faut comme entraîner, puis ça, ça devrait pouvoir se faire.

Si les hommes avaient... si les pères avaient une partie du temps qui était passé de manière seule avec les enfants au lieu que les parents s'arrangent pour passer ce temps-là ensemble, parce que c'est vu comme du temps de vacances, on comprend, les nouveaux parents sont souvent essoufflés pour faire face à leur nouveau rôle, donc on peut comprendre que... Donc, c'est à ça, je pense, qu'il faut s'attaquer. On pense que la mesure est intéressante, mais là, pour le moment, ça ne touche seulement qu'une petite partie des parents puis c'est les plus progressistes.

Donc, est-ce que la mesure est... c'est ça qu'on se demande, est-ce que la mesure est suffisante? Est-ce que la mesure est suffisante pour faire un peu le changement de normes, comme ça a été le cas quand on a mis en place le congé réservé aux pères?

M. Boulet : C'est une bonne réponse, mais ça rejoint ce que je disais au départ, il faut que le cadre normatif contribue à l'avancement, à augmenter le nombre de ce que vous appelez, Marie, de familles progressistes. Il y en a ici, dans la salle et on en connaît tous. Il faut qu'il y en ait de plus en plus au Québec.

Je ne peux pas m'empêcher de parler du télétravail. Je ne sais pas s'il y a des statistiques, Marie ou Amélie. Tu sais, moi, on me dit : Il y a beaucoup de mères qui ont fait du télétravail à la maison puis il y a beaucoup de pères qui ont fait du télétravail à l'extérieur, ce qui a contribué au maintien de comportements qui sont un peu plus conservateurs. Mais je lisais une étude, aussi, qui disait que les mères qui font du télétravail sont celles qui ont fait le plus de temps supplémentaire non rémunéré, parce qu'elles s'occupent des tâches domestiques en plus des enfants, les tâches familiales, et elles bénéficient d'un horaire de travail flexible, mais elles étirent, elles étirent, ça fait qu'elles se... Puis l'horaire de travail est le même, qu'on soit en milieu syndiqué ou non, c'est l'horaire de travail usuel, mais elles débordent pour tout finir, ça fait qu'elles font du temps supplémentaire qui est non rémunéré. Aviez-vous un commentaire, Marie, Amélie? Je vous voyais hocher de la tête.

• (16 h 50) •

Mme Rhéaume (Marie) : En tout cas, ce qu'on entend, là, dans nos environnements... On est le 26 septembre, puis les gens se sentent comme si on était juste avant Noël. Donc, on peut penser qu'on va avoir un automne... on va avoir un automne difficile, puis c'est beaucoup les femmes qui expriment ça, qui ont eu la double tâche. On entend les mères dire : Ah! ça ne me tente pas de voir mes enfants revenir à la maison pendant qu'il faut que je continue de livrer, c'est extrêmement exigeant. J'ai même vu, dans... des familles où le père était dans le sous-sol pendant que la mère était en haut avec les enfants. Ce n'était pas partagé, là. Tu sais, c'est ça, quand on dit de... ce n'est pas juste le partage des tâches, c'est le partage de la responsabilité, ce n'est pas... on ne parle pas de la même chose. Donc, pour entraîner ce changement de paradigme pour amener les hommes sur la voie de l'autonomie parentale, bien je pense qu'il y a comme un petit effort supplémentaire à faire. Mais... C'est ça. Je ne sais pas, Amélie...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste trois minutes à l'échange.

M. Boulet : Oui. Qu'est-ce que vous pensez de... Tu sais, je voyais que, dans certains pays, on dit : Les deux parents ne peuvent pas prendre un certain nombre de semaines en même temps, justement, pour une meilleure responsabilisation puis pour une meilleure assumation des charges familiales. Est-ce qu'on est rendus à ce stade-là au Québec, selon vous?

Mme Rhéaume (Marie) : Oui, ça va être court. Je veux dire, c'est comme... C'est les femmes qui font les frais, actuellement, de la conciliation famille-travail. Elles font les frais puis elles font les frais de ça toute leur vie, parce que, comme on a dit, quand ce n'est pas partagé, quand l'autre n'est pas conscient... Les deux filles, qu'est-ce qu'ils m'ont dit, c'est : Ils sont un peu plus conscients de tout ce que ça représente, de gérer une maisonnée. Ça, ça a été appris pendant la pandémie, mais pas au point de développer les réflexes, là, qui font que tu es en retard pour dîner, bien, les enfants sont capables de dîner quand même, là. Donc, oui, il faut qu'on passe à l'étape supérieure pour ne pas que ça soit juste les femmes.

M. Boulet : Mais, Marie, je ne vous demande pas de me donner une réponse en fonction de ce que vous souhaitez, mais est-ce qu'au Québec... est-ce qu'il y aurait une forme de consensus social sur ce sujet-là, donc qu'un certain nombre de semaines doivent être prises par le père, par exemple?

Mme Rhéaume (Marie) : Veux-tu y aller?

Mme Landry (Amélie) : Je ferais du pouce, oui, sur votre question. En fait, bien, je travaille en périnatalité, je dirais que ça commence très tôt. Au-delà de partager des semaines, c'est d'engager le père dès la grossesse et dès la naissance de l'enfant. Quand on pense... les mères vont être les premières à aller aux rendez-vous médicaux parce qu'elles sont en congé de maternité, papa est retourné au travail, c'est elles qui vont faire les premiers vaccins, qui vont faire les premiers rendez-vous. Donc, ça devient un peu une routine où est-ce que c'est normal, maman va le faire.

Donc, je pense qu'il y a un partage de tâches obligatoires, ça permettrait peut-être aux pères de s'impliquer davantage. Mais, je vous dirais, ça commence le processus, dès le début, et c'est ça que, des fois, on tente d'oublier, puis on l'entend beaucoup, moi, dans mon milieu, où est-ce que, même dans les rendez-vous, cours prénataux, rendez-vous médicaux, ils s'adressent à la femme, à la femme, à la maman, les documents à la maman. Mais le papa, il devient un papa, ça fait qu'il faut y laisser sa place, il faut lui laisser prendre sa place, mais il faut changer plein de mesures incitatives dès le départ.

Ça fait que, oui, on pourrait augmenter des semaines, oui, on pourrait changer la modification de la loi pour favoriser plus de temps, mais c'est dès le départ, moi... il reste que c'est vraiment dès le départ, dès que le papa devient un parent et pas lorsque ça fait quelques semaines ou quelques mois.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'intervention. Alors, merci, M. le ministre. C'est tout ce que nous avions comme temps.

M. Boulet : ...merci à Amélie.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous allons avec le porte-parole de l'opposition officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de 10 min 40 s.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je vais aller dans le même sens où le ministre s'est arrêté, parce que je trouve que vous avez commencé et il a commencé un bon débat, et vous avez dit... j'ai noté le changement de norme, donc on parle de norme, moi, ça m'interpelle, tout ce qui est norme, d'une norme sociétale. Le ministre vous a posé la question : Est-ce que nous sommes rendus là où, probablement, on doit imposer — je mets entre guillemets, imposer — que le papa prend des congés séparés, le père de la mère? Est-ce que, selon vous, c'est une bonne mesure pour avoir une implication du père? Je vous ai entendue parler qu'on doit l'impliquer même avant. Je ne sais pas si ma femme est en train de voir la commission, pas sûr, elle est en télétravail, mais on a eu ces genres de discussions d'aller dans ces rendez-vous. Mais parfois ce n'est pas parce que je ne veux pas aller à ces rendez-vous, ça n'adonne pas que le temps m'aide. Mais j'aimerais bien vous entendre par rapport à cette question de normes parce que cette réponse va nous aider dans la suite des choses.

Mme Rhéaume (Marie) : Je pense qu'il y a 20 ans, là, ou au-dessus de 20 ans, quand le Régime québécois d'assurance parentale a été pensé, la question des cinq semaines réservées au père, c'était comme... c'était tout un débat : Est-ce que les gens sont prêts? Mais finalement les gens ont répondu... les gens ont répondu tout de suite parce qu'ils ont vu les avantages. C'était... en tout cas, je pense que tout le monde a été un peu surpris de voir à quel point c'est venu rapidement.

Mais, si... tu sais, je pense que, dans l'état actuel de la situation par rapport au télétravail... dans l'état actuel par rapport au télétravail, peut-être qu'ils ne le savent pas, que c'est un élément de réponse, parce que, s'ils le savaient, peut-être que... Les nouveaux parents, peut-être, ne savent pas que c'est un élément de réponse dans le meilleur fonctionnement pour la suite des choses. Mais, tu sais, nous, on sait que, finalement, plus les deux parents... mieux les deux parents sont engagés ensemble pour la famille, mieux ça fonctionne, mieux ça va puis c'est mieux pour le télétravail aussi.

M. Derraji : Justement là où je cherche une réponse de votre part, parce que probablement que les cinq semaines ont déjà contribué à avoir des impacts positifs, mais nous sommes ailleurs, nous sommes en 2020 et nous sommes en train de préparer une loi qui va nous guider pour les prochaines années.

La question qu'on a sur la table, présentement : Comment avoir plus d'implication du père? Vous avez votre point de vue de l'impliquer même avant, mais est-ce que l'idée de séparer les congés, selon vous, est une bonne option, que le père prend un congé séparé de la mère? Est-ce que ça va l'impliquer davantage? Si c'est oui, selon vous, c'est quoi, le nombre idéal de semaines où ce père doit passer du temps avec son fils ou sa fille pour pouvoir changer la norme et s'habituer à ce travail aussi?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, au moins trois semaines, là. Idéalement, peut-être cinq semaines.

M. Derraji : O.K. J'entends trois, quatre... entre trois et cinq semaines?

Mme Rhéaume (Marie) : Oui.

M. Derraji : Que pensez-vous du partageable, donc les 10 semaines partagées, et que la femme renonce à ces 10 semaines pour avoir quatre semaines de plus?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, je pense que, quand le parent est dans la situation, peut-être qu'il ne voit pas les avantages qu'il y a à tirer du fait que l'autre parent soit à la maison avec l'enfant, là. Tu sais, on peut dire : Ah oui! j'ai une perte. Mais cette perte-là, elle va être contrebalancée par un gain dans les années qui vont suivre à cause de l'implication accrue de l'autre parent, qui va mieux comprendre tout ce qu'il y a à faire pour soutenir le développement de la famille, là.

M. Derraji : Vous, vous voyez d'un bon oeil le fait que la maman renonce à ces 10 semaines partageables pour avoir quatre semaines d'implication du papa?

Mme Rhéaume (Marie) : Oui.

M. Derraji : O.K. Je vous ai entendue parler de la banque de congés pour la deuxième année. Est-ce que j'ai bien entendu?

Mme Rhéaume (Marie) : Oui.

M. Derraji : C'est ça? O.K. Bon. Pouvez-vous élaborer davantage, s'il vous plaît?

• (17 heures) •

Mme Rhéaume (Marie) : Actuellement, avec les statistiques de l'ISQ, ce qu'on comprend, c'est que, bon, quand les tout-petits entrent en service de garde — je suis certaine que je vais dire ça, puis tout le monde va comprendre — qu'on soit parent, qu'on soit grand-parent, on comprend que, quand les tout-petits font leur première année en service de garde, c'est le festival de la petite maladie, ça veut dire : otite, gastro, rhume, tout ce qui peut survenir. Mais ce n'est pas des maladies graves, mais c'est des maladies qui font que tu ne peux pas laisser l'enfant au service de garde. En moyenne, les pères vont s'absenter 11 jours pendant la première année puis les mères, 16 jours, encore une fois, parce que les femmes ont souvent un salaire moindre que le père. Bien, si on calcule bien, ça fait 27 jours. 27 jours, ça correspond à plus que cinq semaines répandues dans le temps. Mais je ne connais personne, moi, qui a 27 jours de congé pour maladie. Donc, les gens épuisent leur banque de vacances, sont épuisés, parce qu'on sait que les enfants en début de vie, ce n'est souvent pas des gros dormeurs. Donc, il y a de la fatigue qui s'accumule, puis on pense que ça pourrait être intéressant que le parent puisse avoir une espèce de banque, là, pour ces journées-là. En plus, ils sont souvent en début de carrière, ils n'ont pas des gros avantages sociaux, ils sont souvent serrés dans le budget parce qu'ils sortent du congé parental, donc toutes les conditions pour blêmir devant ton patron pour... quand tu annonces que tu es rendu à ta 14e journée parce que, la semaine passée, c'était une gastro, puis cette semaine, il a le nez qui coule. Donc, c'est un stress important pour les familles.

M. Derraji : Je trouve ça très intéressant, parce que vous soulevez une autre problématique que... jusqu'à maintenant, on ne l'a pas vue, aucun groupe ne nous a parlé de cela. Et donc, si j'ai bien compris, vous demandez d'avoir une banque partageable, j'imagine, pour la deuxième année, si j'ai bien compris.

Mme Rhéaume (Marie) : Oui.

M. Derraji : Selon vos statistiques, 16 jours pour les femmes, 11 jours pour les hommes, ça, c'est votre constat. Bon, maintenant, dans un monde idéal, le ministre, il est hypergénéreux, il vous donne 27 jours partageables aujourd'hui, il ouvre la porte avec les projets pilotes — moi, je vais imaginer que, déjà, il va accepter votre amendement — est-ce que vous n'avez pas une crainte que c'est seulement les femmes qui vont prendre ces congés?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, on a juste à les séparer à deux banques, deux banques, que chaque parent a, je ne sais pas, 12 jours puis... ou 10 jours, chaque parent a 10 jours à l'occasion de la deuxième année, que ce ne soit pas la femme qui a... la mère qui a 20 jours, mais que les deux parents... Bien, de toute façon, c'est ça qu'ils sont obligés de faire, ils sont déjà... C'est impossible... Je veux dire, une mère qui va prendre 27 jours de congé, ce n'est pas facile pour un employeur non plus, là.

M. Derraji : Oui, je vais résumer très rapidement : banque partageable entre la famille, donc le mari et la conjointe ou le conjoint, conjointe, et que ce soit spécifique en termes de jours, comme ça, en cas de besoin, cette banque sera utilisée. C'est bien ça?

Mme Rhéaume (Marie) : Oui.

M. Derraji : O.K.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste deux minutes à l'échange.

M. Derraji : Plusieurs groupes ont parlé de bonifier les semaines des pères, donc que ce soit... On parle toujours, bon, au niveau de la première année. Selon vous, à part les cinq semaines, c'est quoi, le nombre de semaines idéal pour voir que le père joue son rôle au niveau de la cellule familiale?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, un autre trois à cinq semaines. On va dire quatre semaines.

M. Derraji : Donc, quatre semaines de plus que les cinq semaines?

Mme Rhéaume (Marie) : Oui.

M. Derraji : O.K. Est-ce que vous êtes d'accord que ces quatre semaines... c'est des... quatre semaines de plus, donc on ne tient pas compte que c'est les 10 semaines partageables, donc, que la mère met à la disposition pour avoir les quatre semaines?

Mme Rhéaume (Marie) : Je ne peux pas vous répondre.

M. Derraji : O.K. Dans le projet de loi, il y a des projets pilotes, on en parle beaucoup depuis le début. Est-ce que vous avez vu une piste pour des projets pilotes que le projet de loi ne répond pas, présentement, à ces projets pilotes, et que vous avez une idée d'un projet pilote?

Mme Rhéaume (Marie) : Toi, Amélie?

M. Derraji : Bien, je vous donne un exemple, changement de normes. Parce que le défi que j'ai, présentement, c'est que, même si on met tout ça, même malgré la bonne volonté de l'ensemble des parlementaires, mais qu'on va tous être confrontés à une réalité : la réalité, c'est que ça va prendre du temps, et il y a d'autres groupes qui l'ont dit, ça va prendre du temps pour changer la mentalité qu'on a, présentement. Pensez-vous c'est quelque chose qu'on peut aller graduellement avec des semaines réservées uniquement pour le père pour l'impliquer davantage ou avec des incitatifs? Je ne sais pas.

La Présidente (Mme IsaBelle) : 30 secondes.

Mme Rhéaume (Marie) : Mais je pense que c'est certain que, quand on veut faire des changements de normes aussi importants, ça prend des incitatifs en contrepartie. Donc, je crois que... Mais en même temps c'est nécessaire, c'est nécessaire pour que les employeurs comprennent puis que pour les parents... que les parents comprennent. Ce n'est pas seulement que l'affaire des mères, c'est l'affaire des deux parents.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Derraji : Merci pour votre présence et pour vos recommandations. Bonne journée.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci au député de Nelligan. Nous poursuivons avec le porte-parole du deuxième groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

J'ai deux questions. Première question de clarification sur votre position par rapport à la proposition, là, de rajouter quatre semaines parentales advenant une division d'au moins 10 semaines chaque. J'avais cru comprendre, en ouverture, que vous étiez plutôt défavorables, vous avez dit que ça risquait peu d'influencer la norme en vigueur. Dans les discussions, par la suite, vous avez semblé... ouvert une porte. Je pensais que vous étiez en faveur davantage de rajouter des semaines de congé parental... paternel, pardon, ce qui, je pense aussi, est une meilleure façon de procéder. Comme les ressources sont limitées, bien sûr, le ministre ne peut pas faire les deux. Je pense qu'il y aurait davantage eu d'avantages aussi à mettre, donc, les semaines en paternité plutôt que l'autre formule. Voulez-vous clarifier votre position par rapport à ça?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, si on n'a pas le choix puis qu'on doit se tourner seulement vers les 10 semaines partagées qui donnent droit à quatre semaines, bien, je pense que c'est mieux que rien, mais ce serait préférable qu'on insiste, là, sur des semaines réservées au père puis qu'il puisse passer aussi ces semaines-là seul avec l'enfant, là, et non pas de la même manière que les semaines actuelles, là, qui sont souvent passées... Tu sais, on a vu des gens dire : Bien, on a eu cinq semaines, mais là on s'est promenés... bien là, ça se promène un peu moins, mais on s'est promenés, on a vu la belle-famille, on a fait un petit voyage. Ce n'est pas la vraie vie en famille, là, qui commence souvent quand un des deux se retrouve tout seul à la maison à faire face, là, à l'ensemble de ces éléments-là.

M. Leduc : Parfait, c'est très clair.

Mme Rhéaume (Marie) : Donc, je pense que c'est une amélioration, mais on pense qu'il faudrait aller plus loin.

M. Leduc : O.K. Merci. Puis je pense que vous vous inscrivez dans le consensus qui se construit de plus en plus sur ce sujet-là.

Dernière question rapide. Vous parliez d'une banque de congé familial dans la deuxième année. Il y a un groupe qui est passé plus tôt aujourd'hui qui faisait référence à une idée similaire, mais qui proposait plutôt de passer par les Normes du travail, de faire en sorte que les 10 congés familiaux, à la place d'en avoir seulement deux qui soient rémunérés, que ce soient les 10 qui soient rémunérés. Est-ce que c'est une avenue, aussi, qui vous semblerait adéquate?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, les 10 rémunérés, ce serait bon pour les autres années qui suivent, parce que, quand, par exemple, il y a un deuxième enfant qui s'ajoute, c'est qu'on repart aussi, là... Tu sais, je veux dire, le premier, il va avoir la gastro la première semaine, le deuxième va avoir... Tu sais, moi, je résume ça pour... les parents, là, pendant la petite enfance, sont toujours à une gastro du chaos, là, tu sais. Puis ils nous l'ont dit dans des «focus groups», ils vont épuiser leurs vacances puis, finalement, ils se retrouvent à ne même pas passer de temps en famille parce que le temps est épuisé dans tous ces petits événements là qui font que personne n'est vraiment en forme, là. Ça fait que, tu sais...

M. Leduc : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est tout ce que nous avons. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

Nous poursuivons avec la députée de Joliette, avec 2 min 40 s.

Mme Hivon : Oui. Bonjour. Merci beaucoup pour un regard qui est toujours éclairant et très ancré dans la vraie vie.

Donc, j'ai exactement les deux mêmes sujets que mon collègue qui vient de parler, d'Hochelaga-Maisonneuve. Un, les semaines réservées au père, donc, vous dites : Il faudrait augmenter, donc bonifier, le nombre de semaines réservées au père, mais en même temps vous nous dites : Il ne faudrait pas que ce soit de la coparentalité, en quelque sorte. Donc, comment on fait? Parce que la proposition du ministre, lui, c'est de créer un incitatif pour qu'il y ait des semaines prises en propre dans le partage du congé parental. Vous, vous semblez plus à l'aise avec l'idée d'augmenter le congé de paternité. Mais comment on fait, justement, pour que ce soit consécutif et non pas conjoint, en même temps?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, on donne les semaines si le parent prend les semaines seul, si... Puis, s'il ne les prend pas seul, bien, j'imagine que... Tu sais, c'est vraiment de... comme un autre bonus, là. Tu as un bonus, mais il faut que tu sois seul avec l'enfant pendant le temps... pendant ce moment-là.

• (17 h 10) •

Mme Hivon : L'autre élément, bien, je suis contente que vous en parliez, moi, c'est une idée à laquelle je crois puis dont j'ai entendu parler sur le terrain beaucoup, puis vos «focus groups» le ressortent, c'est cette idée d'avoir une banque de congés familiaux mobiles, en quelque sorte, qui se détaillent en journées et non pas juste en semaines, parce qu'une fois le congé pris ce n'est pas... la vie n'est pas rose tous les jours, et donc il y a beaucoup, beaucoup d'enjeux.

Là, je comprends que vous, vous voulez le réserver pour la deuxième année. Certains, dont moi, pensaient que peut-être qu'on pourrait donner une plus grande flexibilité dans les premières années de vie. Puis vous, en fait, ce que vous demandez, c'est d'ajouter ces journées-là ou vous demandez qu'il y ait une flexibilité pour qu'à partir des semaines, il puisse y avoir, par exemple, jusqu'à quatre semaines qui soient prises pour ça. Juste bien comprendre le détail de votre idée.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 30 secondes.

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, c'est comme, avoir un bébé, ça te donne une banque de congés que tu peux utiliser à partir du moment où tu retournes au travail, là. C'est...

Mme Hivon : Nécessairement via le RQAP, là, la formule et...

Mme Rhéaume (Marie) : Ah! je pense que... peu importe la formule, je pense que les parents seraient infiniment reconnaissants.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, Mme Rhéaume, merci, Mme Landry, pour votre contribution à l'avancement des travaux.

Nous suspendons la commission quelques instants pour donner la chance au troisième groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 11)

(Reprise à 17 h 17)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Nous souhaitons la bienvenue à M. Villeneuve, du Regroupement pour la valorisation de la paternité. Alors, M. Villeneuve, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et, avant de commencer, je vous inviterais à bien vous présenter.

Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP)

M. Villeneuve (Raymond) : Bonjour. Merci beaucoup. Merci de votre invitation. Donc, mon nom est Raymond Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la valorisation de la paternité, un regroupement de 250 organisations, individus qui viennent de toutes les régions du Québec, autant d'hommes que femmes. On est reconnus par le ministre de la Famille. On est financés par Centraide du Grand Montréal, le Secrétariat à la condition féminine, le ministère de la Santé et des Services sociaux, la fondation Chagnon. Et, dans le fond, tout le monde nous soutient parce que, un, ils pensent que c'est important, l'engagement paternel, c'est important pour le développement des enfants, mais ils croient aussi qu'une parentalité plus égalitaire, dans le fond, c'est bon pour tout le monde.

Alors donc, je commence. Donc, le projet de loi n° 51 nous semble, au Regroupement pour la valorisation de la paternité, donc, intéressant et pertinent à plus d'un égard. En bonifiant le Régime québécois d'assurance parentale, une des pièces maîtresses de la politique familiale québécoise, le projet de loi facilite la vie des jeunes familles et participe à la poursuite de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le RVP tient à saluer tout particulièrement les mesures suivantes : l'ajout de cinq semaines de congé de maternité et de paternité dans le cas de grossesses multiples, la mesure visant à accroître la flexibilité du RQAP en permettant la prise de congé sur une période de 78 semaines plutôt que 52 ainsi que la proposition dont le but est de rendre le congé pour les parents adoptants équivalent à celui des parents biologiques. L'effet conjugué de ces trois mesures sera certainement bénéfique pour les familles québécoises, puisque celles-ci constituent des réponses adaptées aux besoins des familles d'aujourd'hui.

• (17 h 20) •

L'article 10.2 du projet de loi, qui offre quatre semaines additionnelles de prestations partageables aux couples dont les deux parents prennent au moins 10 semaines de prestations parentales ou d'adoption, est aussi une mesure intéressante. Cette mesure ferait en sorte que plusieurs pères seraient présents plus longtemps auprès de leurs jeunes enfants, favorisant ainsi un plus grand engagement de leur part ainsi qu'un meilleur partage des responsabilités parentales. L'article 10.2 propose, en quelque sorte, un bonus aux couples qui partagent le congé parental. Cela incitera, selon toute vraisemblance, plusieurs couples à discuter davantage du partage de ce congé, à mieux répartir les responsabilités familiales en accroissant le nombre de semaines disponibles pour le couple, tout cela en évitant de donner l'impression que les semaines additionnelles sont enlevées à l'un ou à l'autre des parents. Pour toutes ces raisons, le RVP considère que la mesure proposée est valable, progressiste et bénéfique pour les pères, les mères et les enfants.

L'effet de cette mesure risque cependant d'être limité pour les raisons que je vais maintenant vous présenter.

Premièrement, seulement 26 % de l'ensemble des couples partagent le congé parental. Comme le bonus offre quatre semaines additionnelles lorsque les deux prennent au moins 10 semaines de congé parental, il serait fort étonnant qu'un nombre important de parents qui ne partagent pas le congé parental se prévalent de cette mesure. Déjà, cela exclut près du trois quarts des couples québécois.

Deuxièmement, parmi le 26 % des couples qui partagent le congé parental, il est raisonnable d'imaginer que ce ne sera pas 100 % de ces couples qui se prévaudront de cette mesure. Par exemple, lorsque le père prend seulement quelques semaines du congé parental, l'écart de semaines à combler pour atteindre l'objectif de 10 semaines pourrait être trop important pour que l'utilisation de la mesure soit envisagée. On sait aussi que les pères ont encore souvent des revenus plus élevés que les mères et que cela peut limiter le partage du congé parental entre les mères et les pères. On sait aussi que les milieux de travail, particulièrement les milieux à prédominance masculine, sont parfois moins ouverts à la prise du congé parental par les pères.

Mais soyons optimistes — je le suis toujours — et imaginons que 80 % des couples qui partagent le congé parental, soit 26 % des couples, se prévalent de cette mesure. Dans ce cas, ce serait seulement 20,8 % de l'ensemble des couples qui pourraient bénéficier de la proposition gouvernementale. Quelles que soient les hypothèses envisagées, il nous semble assez évident que la mesure proposée ne rejoindra qu'une minorité de couples et de pères.

Et de plus la mesure risque fort de rejoindre les couples et les pères qui partagent déjà le congé parental et qui ont les pratiques les plus égalitaires. Les couples qui ont des comportements plus traditionnels ne seront donc pas ou peu, selon toute vraisemblance, rejoints par cette mesure. Voilà donc sa plus grande limite.

Pourtant, au Québec, le désir d'une parentalité égalitaire, d'une coparentalité engagée de part et d'autre est de plus en plus présent. Des jeunes couples de la génération Y souhaitent vivre ensemble, de plus en plus, leur expérience de parents. Cela ressort nettement des sondages que nous avons menés au cours des dernières années. Les jeunes pères sont aussi de plus en plus impliqués dans le quotidien de leurs enfants et ils sont d'ailleurs, selon Mme Valérie Harvey, professeure en sociologie, les champions canadiens des soins aux enfants, presque à égalité avec les mères. Il reste, bien sûr, beaucoup de travail à faire, et ce, tout particulièrement pour mieux partager la charge mentale et les responsabilités familiales.

Les mesures proposées par le ministère du Travail sont donc de la plus haute importance, puisque, toujours selon Mme Harvey, le rôle des parents se fige souvent pendant les congés parentaux. Afin d'éviter une division traditionnelle des rôles, il est donc essentiel d'intervenir rapidement pour réduire l'écart entre le nombre de semaines de congé prises par les mères et les pères. En 2017, globalement, les pères prestataires du RQAP prenaient en moyenne neuf semaines de congé et les mères prestataires, 45 semaines. Cet écart est énorme.

Le RVP reconnaît que les mesures proposées par le ministère du Travail dans son projet de loi n° 51 vont dans la bonne direction sans nul doute, mais, selon nous, il faudrait être encore plus ambitieux pour mobiliser davantage la majorité des pères et rejoindre ainsi la majorité des couples. Il existe une mesure universelle qui rejoint plus de 80 % des pères prestataires du RQAP et plus de 70 % de l'ensemble des pères, c'est le congé de paternité. Le congé de paternité fait maintenant partie de la norme sociale au Québec, et ses effets sont indéniables pour rejoindre la majorité des pères et pour diminuer l'écart entre les semaines prises par l'ensemble des mères et des pères.

Le RVP recommande donc d'accroître de trois semaines le congé de paternité existant pour le porter à huit semaines. Cette mesure enverrait, de plus, un message très fort à la société québécoise et aux milieux de travail à l'effet que les pères sont des parents à part entière. Le RVP est conscient que le coût d'une telle mesure est important, possiblement plus de 30 millions par semaine de congé de paternité ajouté, et le coût de cette mesure est plus important que celui de la disposition proposée à l'article 10.2 du projet de loi n° 51. Rappelons-nous cependant qu'en 2006 le gouvernement du Québec a été visionnaire et n'a pas hésité à mettre en place un congé de paternité de cinq semaines dont on ne pourrait plus se passer maintenant.

Nous croyons que le temps est maintenant venu de faire un pas de plus. Le ministère du Travail propose un petit pas de plus pour les pères et les couples, c'est bien. Le RVP, lui, propose un grand pas de plus pour favoriser l'engagement accru des pères québécois. L'enjeu est de taille : assurer une présence plus grande des pères auprès de leurs jeunes enfants et réduire de manière significative l'écart entre l'ensemble des mères et des pères quant à la prise du congé parental.

En Espagne, il est prévu que le congé de paternité passe de cinq à huit semaines en 2021, en Finlande, il y a un projet encore plus ambitieux. Pourquoi le Québec ne pourrait-il pas se classer parmi les meilleurs au monde à cet égard? Les pères québécois sont les champions canadiens des soins aux enfants, ne serait-il pas encore préférable qu'ils se classent parmi les champions mondiaux à cet égard? Ce serait vraiment génial. Le ministère du Travail propose quatre semaines de plus de congé parental. Le RVP propose trois semaines de plus de congé de paternité.

Dans le cas où le contexte financier ne permettrait pas de répondre immédiatement à notre demande, ne pourrait-on pas être créatifs et imaginer quelque chose d'autre? Peut-être une formule hybride du genre deux semaines plus de congé parental, deux semaines de plus de congé de paternité. Deux plus deux égaleront toujours quatre, c'est bien connu. Cette stratégie aurait le grand avantage de rejoindre la majorité des pères et enverrait également un message sociétal fort. Elle éviterait aussi de limiter les effets de la mesure à certains profils de couple. On pourrait aussi imaginer d'autres formules composites si ça semble intéressant, mais l'idée, dans le fond, c'est qu'il faut s'assurer de rejoindre la majorité des pères et des familles, et le congé de paternité est vraiment la mesure universelle.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Villeneuve (Raymond) : En conclusion, il est important pour moi de rajouter que la mesure du RQAP est extrêmement importante pour favoriser l'engagement paternel, mais il y a plein d'autres mesures, avant et après le congé parental, qui sont importantes aussi et qui peuvent mobiliser le ministère de la Famille, le ministère de la Santé et des Services sociaux. Donc, de revoir nos politiques publiques et nos services à la famille et d'y intégrer les pères, c'est important également pour atteindre nos objectifs. Voilà.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Villeneuve, pour votre exposé.

Nous allons débuter la période d'échange avec le ministre. Vous disposez toujours de 16 minutes.

• (17 h 30) •

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Villeneuve. Vous parlez avec passion. Vous présentez bien vos arguments. Merci d'être là.

Peut-être certains commentaires. Bon, évidemment, l'incitatif, vous trouvez que c'est un pas dans la bonne direction. Vous avez cependant des doutes sur les retombées concrètes, mais les doutes que vous avez sur les retombées concrètes, vous les appuyez sur des statistiques qui démontrent que les pères sont peu engagés. Ça fait qu'on n'est pas actuellement dans un environnement de parentalité ou de coparentalité égalitaire au Québec, on s'entend là-dessus. Je pense que les statistiques sont toutes à l'effet que les pères prennent le congé de paternité et poussent un peu, pour certains, mais ne partagent pas.

C'est cette espèce de philosophie là, que ce qui est partageable appartient à la mère et ce qui est exclusif appartient au père, que moi, je pense, nous devons combattre pour contribuer à un avancement du paradigme social. Parce que les statistiques actuelles ne doivent pas nous convaincre de ne pas aller nécessairement dans cette direction-là. Ceci dit, vous reconnaissez quand même que c'est un pas dans la bonne direction, puis l'Organisation internationale du travail le mentionne, d'ailleurs.

Et je veux revenir, là... puis je veux vous donner encore l'opportunité de vous réexprimer là-dessus, c'est d'abord et avant tout un dialogue qu'on souhaite entre le père et la mère, parce que je pense qu'il y en a peu, de dialogues sur le partage des responsabilités familiales. Donc, d'inciter, ça encourage le dialogue concernant le partage de ce qui est partageable fondamentalement, puis changer la perception à l'effet que ça appartient à la mère, parce qu'il y en a beaucoup, de pères qui ont encore cette perception-là. Il faut combattre cette perception-là. La véritable égalité parentale, elle réside dans cette évolution-là des mentalités, selon moi, puis ça contribue à donner une certaine légitimité au fait que le congé... la prise d'un congé parental par les pères, c'est bénéfique.

Puis il y en a qui ont beaucoup plus de misère. Un des facteurs qui nuit à cette égalité-là, c'est notamment, un, les milieux de travail. Dans certains secteurs, il y a de la résistance, vous le savez. Puis on en parlait un peu tout à l'heure avec le groupe précédent, vous nous avez entendus, les jeunes pères hésitent, les employeurs sont réfractaires. Ça fait que de contribuer à l'évolution des mentalités aussi chez les employeurs pour leur permettre de réaliser qu'il n'y a pas que l'exclusif, mais il y a le partageable aussi qui appartient aux deux, je pense que ça peut aussi, ultimement, avoir un effet positif sur le retour au travail des mères, qui, elles... puis ça, c'est de l'égalité. Puis je comprends la mission de votre regroupement pour la valorisation de la paternité, mais vous le plaidez en référant constamment à la parentalité égalitaire, et ça implique aussi la possibilité pour la mère de pouvoir retourner au travail, puis vous... Alors, je sais, vous êtes d'accord avec moi, parce qu'il y en a beaucoup, de mères qui le souhaitent, pas que partager, mais faire en sorte que ce soit réel, que ce soit concret et que le père puisse participer pleinement au partage des responsabilités familiales.

Ça fait que moi, j'ai... ma grande appréhension, M. Villeneuve, c'est qu'emprunter l'avenue d'accroître le nombre de semaines de paternité, au-delà de l'incidence financière, là, parce qu'il faut certainement en mesurer l'impact puis s'assurer qu'on ne brise pas l'équilibre... la situation financière nous permet de continuer dans la direction des bonifications qui sont dans le p.l. n° 51, mais la pandémie nous a quand même... a quand même forcé le Conseil de gestion à négocier une marge de crédit auprès de Financement-Québec, évidemment qui n'a pas été utilisée, mais il y a quand même une fragilité additionnelle, là, du fonds.

Mais mon appréhension, c'est que l'avenue de l'augmentation du nombre de semaines de congé de paternité contribue à cristalliser davantage la perception que les prestations partageables appartiennent prioritairement aux mères. Puis les études démontrent — encore une fois, je réfère aux études — que les pères désireux d'utiliser des prestations parentales partageables, ils ont encore l'impression — c'est une impression qui est réelle, selon les études que j'ai regardées — qu'ils privent la mère, donc que ça se fait au détriment de la mère, et c'est ça qu'il faut combattre, je pense, pour accéder à une parentalité qui est... au-delà des termes, mais qui est pleinement égalitaire.

M. Villeneuve (Raymond) : Oui. Notre position est fondée sur le fait que ce qui change vraiment les choses, c'est le congé dédié aux parents, parce que c'est un message clair, sociétal qui rejoint... c'est une mesure universelle qui rejoint la majorité des parents.

Ce qui semble aussi, c'est que les parents qui partagent le congé parental, souvent ils ont certaines conditions sociodémographiques particulières. Ils vont souvent avoir des situations d'emploi comparables, ils vont souvent avoir une scolarité plus élevée, ils vont souvent être plus jeunes, donc ils ont certaines caractéristiques sociodémographiques, ce qui fait qu'en partant on échappe une grande partie des pères si on va seulement dans cette direction-là.

Et on regarde... je voyais récemment, en Suède, ils ont 15 semaines de congé de paternité, O.K.? Et je pense que, s'il y a un pays qui est égalitaire, qui est progressiste, c'est bien la Suède. Donc, s'ils font ça, c'est parce qu'ils pensent qu'il faut vraiment, pour changer les mentalités, dédier les congés spécifiquement au père.

Sur le congé parental, moi, j'ai beaucoup lu aussi les études du Conseil de gestion de l'assurance parentale, et ce qu'on voit, c'est que de plus en plus les couples échangent, les couples discutent, mais que le déterminant principal, la décision du partage du congé parental, c'est la décision de la mère. Donc, oui, ils peuvent échanger, mais ultimement, à cause de notre société, de nos conceptions qu'on porte tous, des conceptions des milieux de travail, ça demeure la décision de la mère. Donc, il arrive souvent qu'au niveau du congé parental, dans le fond, le père va le prendre, dans la mesure où il y a un consensus, où la situation financière le prévoit, et tout ça. Et je ne connais pas beaucoup de pères qui vont dire : Je prends le congé parental, c'est à moi, puis tu n'as rien à dire, ou : On sépare à tout prix 50-50, puis c'est comme ça. Ça fait qu'on est dans une situation où, si on veut vraiment qu'il y ait un changement, et les pays les plus progressistes le font, c'est qu'il y ait plus de congés de paternité pour envoyer un message fort au début.

Et l'autre élément aussi qu'il ne faut pas oublier, c'est que ce sont deux outils complémentaires. C'est pour ça qu'en blague je vous ai dit : On pourrait en mettre un des deux. C'est que, d'une part, la période de transition dans une famille où un enfant arrive, c'est aussi important de le vivre ensemble. Au Québec, on a des statistiques assez terribles de séparation dans les deux ans qui suivent la naissance d'un premier enfant. C'est un des plus gros chocs sur la famille, l'arrivée d'un enfant. Donc, il faut aussi que le couple devienne une famille et qu'il traverse ensemble cette période-là. Ça fait que, oui, il y a tous les autres aspects que vous avez mentionnés, mais il y a cette dimension-là.

Et après ça, vous en parliez dans la présentation précédente, le fait que le père se retrouve seul avec l'enfant, c'est sûr qu'au Regroupement pour la valorisation de la paternité, on est pour ça, que le père soit là, qu'il apprenne la relation avec son enfant, qu'il apprenne à s'en occuper, et tout ça. Mais, si on laisse ça, on pense, dans la mécanique habituelle, l'effet va nécessairement être limité à un certain profil sociodémographique de parents, et on ne pourra pas changer vraiment ce qu'on veut changer. C'est notre conviction.

M. Boulet : Tout à fait. C'est intéressant, comme discussion, puis j'ai beaucoup de respect pour votre point de vue. C'est vrai que les familles qui partagent plus, probablement elles ont des caractéristiques sociodémographiques particulières où, bon, des fois, on dit : C'est des familles ou des jeunes parents qui sont plus progressistes. Mais c'est vers cette pensée-là de ces jeunes parents progressistes là que nous devons tendre, mais en le faisant graduellement.

Puis il y a des pays extrêmement progressistes, comme l'Allemagne, qui a la même approche que nous, exactement la même approche que nous. Donc, il faut inciter les parents à développer l'esprit de partage, parce que de segmenter, de cristalliser les congés exclusifs, ça contribue, selon la littérature puis selon l'OIT, à séparer aussi les parents puis les mettre dans chacun leur canal puis faire en sorte que, même là, il y en a un qui va prendre plus, il y a un parent principal puis un parent secondaire.

Et, l'autre élément, moi, je pense qu'il faut y aller de façon progressive aussi, pas progressiste, mais aussi progressive, parce que je pense aux employeurs du Québec à qui... qui ont eu aussi à s'adapter graduellement au concept de congé de paternité. Puis c'étaient cinq semaines, mais il a été une période de temps où c'était deux semaines puis trois semaines. Là, de plus en plus, les jeunes pères prennent le cinq semaines.

Mais il y a ça aussi, cette capacité... il faut tenir compte de la capacité d'adaptation sociale. Puis, quand je réfère à l'adaptation sociale, je tiens compte autant des employeurs que des travailleurs et des travailleuses, que des parents, que les parents a et b, que les familles aussi. Ça fait que je pense que l'approche incitative...

Moi, j'apprécie beaucoup quand vous dites : On fait un pas dans la bonne direction. Puis je pense qu'au-delà de l'aspect progressiste il faut penser à l'aspect de progressivité puis à l'intégration graduelle de cette nouvelle culture familiale là ou cette nouvelle culture de parentalité égalitaire. Je pense qu'il faut y aller étape par étape.

Si vous aviez... M. Villeneuve, vous avez vu que, dans notre projet de loi... bon, je sais qu'évidemment les cinq semaines exclusives dans le cas des adoptions multiples ou des naissances multiples, vous êtes confortable, l'étalement à 78 semaines, l'égalité pour les parents adoptants. On pense aussi, dans ce projet de loi là, à ce que le Conseil de gestion puisse mettre en place des projets pilotes, évidemment toujours dans le respect de ce que le projet de loi devra prévoir, là, comme tenants et aboutissants du projet pilote. Puis les projets pilotes sont souvent des opportunités de nous faire progresser, aussi, socialement. Si vous aviez une idée d'un projet pilote, est-ce que vous pourriez la partager avec nous?

• (17 h 40) •

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, écoutez, il y a une cible qui est souvent identifiée dans à peu près toutes les études, tous les rapports, mais que les gens... on voit rarement des projets s'adresser à cette cible-là, c'est justement les milieux majoritairement masculins. On sait que, souvent, c'est des milieux qui sont plus réfractaires aux mesures de conciliation famille-travail. Alors, ce serait vraiment intéressant de creuser ces milieux-là, de réfléchir sur la culture de ces milieux-là et d'aller les mobiliser.

Mais on voit déjà que la société change, la société évolue. On se souvient, tout le monde, de la grève de la construction d'il y a deux ans, qui est un milieu très clairement majoritairement masculin, et les revendications portaient en grande partie sur les mesures de conciliation famille-travail. Si un père est en garde partagée, bien là, il peut y avoir des très gros enjeux dans des milieux qui ne sont pas adaptés. Alors, ce serait vraiment intéressant de dire que ces milieux-là... qu'on ait des actions spécifiques en tenant compte des mentalités particulières de ces milieux-là pour les mobiliser, et je pense que ce serait vraiment intéressant. Et particulièrement la jeune génération, je pense que les gens seraient prêts à avoir un dialogue, à condition qu'on crée une espèce de «safe space» où on pourrait parler de ces enjeux-là.

Parce qu'effectivement, dans certains milieux, ce n'est pas facile de parler de ça, et, vous l'avez mentionné un peu plus tôt, il y a des cultures organisationnelles qui empêchent ce dialogue-là. Si on avait des milieux qui pourraient explorer ces questions-là, je pense que ça serait extrêmement intéressant, et que les gens, ils réalisent, finalement, que c'est bon pour tout le monde. Si leurs employés sont plus productifs, sont plus efficaces, bien, ça va être bon pour les employeurs aussi. Mais il y a vraiment... les milieux à majorité ou à prédominance masculine, je pense que c'est une cible, vraiment, sur laquelle on peut travailler de façon très intéressante.

M. Boulet : Je vais terminer avec... Vous recommandiez... Bon, vous savez que le Conseil de gestion de l'assurance parentale participe également à la stratégie gouvernementale, là, sur l'égalité hommes-femmes. Vous souhaitiez qu'il réalise une capsule vidéo — il s'était engagé, d'ailleurs, à le faire — sur le partage des congés parentaux entre les conjoints. Je voulais vous confirmer que, normalement, elle sera disponible, cette capsule vidéo là, donc ce sera une façon de sensibiliser les familles du Québec ou les parents du Québec à l'importance du partage des congés parentaux, puis ça va se faire à l'occasion du 15e anniversaire du RQAP, donc, vous savez, qui remonte à 2006. En 2021, on va souligner le 15e anniversaire du RQAP, et la capsule vidéo ou la campagne de sensibilisation va s'amorcer de façon contemporaine à ce 15e anniversaire. Alors, c'était une information que je voulais vous donner parce que je l'avais lu dans votre rapport.

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, c'est sûr que toute la sensibilisation, c'est quelque chose qui est important également, là.

M. Boulet : Absolument, sensibilisation et pédagogie aussi en même temps.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Boulet : Merci beaucoup, M. Villeneuve, d'être présent, d'avoir partagé vos recommandations avec nous, et la qualité aussi de votre argumentation. Merci beaucoup, puis au plaisir de vous revoir.

M. Villeneuve (Raymond) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.

Nous poursuivons avec le groupe de l'opposition officielle, avec le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Villeneuve.

M. Villeneuve (Raymond) : Bonjour.

M. Derraji : Excellent rapport, merci beaucoup, c'est très clair.

M. Villeneuve (Raymond) : Merci.

M. Derraji : Vous ramenez d'autres aspects. Le premier aspect qui m'a interpelé, vous avez dit, et je pense que c'est la motivation de nous tous autour de la table, c'est atteindre l'objectif des mesures qu'on espère mettre en place, et le chiffre qui m'a le plus interpelé, le 26 %. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, vous avez dit que les trois quarts des couples, bien, sont exclus parce qu'ils n'utilisent pas le congé. Et, pour moi, aujourd'hui, là, c'est comme : Est-ce qu'aujourd'hui, avec le projet de loi, la mesure d'augmenter et d'avoir le bonus, des semaines bonus, on va atteindre l'objectif escompté? J'en suis sûr et certain, que le ministre est aussi quelqu'un de résultats. Pensez-vous qu'on prend le bon moyen pour atteindre des résultats?

M. Villeneuve (Raymond) : Moi, ce que je pense, c'est que ça va... ceux qui partagent déjà vont partager plus, mais ceux qui ne partagent pas ne partageront pas davantage. Donc, c'est vraiment ça, dans le sens... c'est qu'on va renforcer le comportement de ceux qui sont les plus progressistes.

M. Derraji : C'est tellement bien dit, là, on dirait que c'est de la musique à mes oreilles. Parce que, juste avant vous, il y a un groupe qui nous a sensibilisés par rapport aux normes, et moi, c'est tout un débat philosophique sur les normes. On peut les prendre de n'importe quel angle philosophique, le débat sur les normes, les normes sociétales, c'est très profond et ancré.

Sans aller trop dans la philosophie, vous, vous venez avec des faits. Ceux qui partagent vont partager, vont bénéficier des quatre semaines bonus, ceux qui ne partagent pas ne vont pas embarquer dans le partage. Et, de facto, ce que nous sommes en train de proposer aujourd'hui, est-ce qu'il sera valable ou pas? À mon avis, si je suis ce que vous êtes en train de nous dire, on ne va pas atteindre le résultat escompté.

M. Villeneuve (Raymond) : On va l'atteindre pour une partie des couples, mais, pour la majorité, on ne l'atteindra pas.

M. Derraji : Oui, les couples qui sont déjà capables... ou bien, à l'intérieur de la cellule familiale, il y a déjà ce genre de discussions, O.K., bon.

Là, maintenant, la deuxième question, bien, comment on peut pallier à ça?

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, on revient...

M. Derraji : Vous, vous ramenez l'idée, je dirais, des semaines, mais j'ai aimé un mot que le ministre a utilisé, mais d'autres groupes, ils disent : Écoutez, est-ce qu'on peut aller graduellement? Est-ce qu'on... Le ministre a utilisé, tout à l'heure, «progressivement». Est-ce qu'on peut... Parce que, le but, on doit l'atteindre, on veut l'atteindre, on veut augmenter... de ces groupes, je dirais, à lecture progressiste, que le père s'engage davantage. On a tous cette volonté, et le moyen, probablement, c'est là où on va... où j'aimerais bien avoir votre opinion.

M. Villeneuve (Raymond) : C'est que ce qui est important, puis, écoutez, ça fait 10 ans que je... 15 ans que je suis au regroupement, c'est qu'il faut nommer l'objectif, il faut faire des mesures pour soutenir l'objectif. Et là c'est clair pour moi que le seul... Ce qui est disponible pour nous, c'est vraiment le congé dédié au père. Est-ce qu'on doit le faire quand il est à la mère? Est-ce qu'on peut le faire quand le père est seul? Je pense que ces deux options sont envisageables, mais il faut vraiment qu'il y ait une cible très claire que ce soient les pères.

Et, comme je le dis, si on veut vraiment atteindre notre objectif de société, on doit aussi se poser la question de tous les messages contradictoires qu'on envoie sur la parentalité. Je vais vous dire quelque chose qui est tout à fait connu : saviez-vous que jusqu'au 22 août 2017, au ministère de la Santé et des Services sociaux, il y avait des mères et des parents, les mères étant des mères, et les parents étant, la plupart du temps, des mères également? Il n'y avait aucune mesure spécifique pour soutenir l'engagement des pères.

Depuis le plan d'action ministériel en santé et bien-être des hommes de 2017, il y a maintenant des mesures spécifiques. Il y a un programme de soutien aux parents vulnérables, dans lequel... le programme SIPPE, dans lequel, encore maintenant, un père ne peut pas inscrire son nom dans le formulaire. Alors là, la cohérence de toutes ces actions-là, tous ces messages-là qu'on envoie... On dit : On veut l'égalité, on veut l'égalité, mais souvent le père s'en va dans les institutions, et on lui dit vraiment qu'il y a un parent principal qui est la mère, et lui est le parent secondaire. La révolution, le changement qu'on souhaite vraiment va se faire quand l'ensemble de nos messages vont être concordants, et on a un levier extrêmement important dans l'assurance parentale, mais ce n'est pas le seul. Alors, je nous incite vraiment à élargir notre regard et regarder tous les autres leviers, parce que, sinon, ce qu'on fait d'une main, on peut le défaire de l'autre, et on n'est pas... très souvent, on n'est pas cohérents à ce niveau-là. Alors, ça, c'est vraiment important. Ce qui est avant, après, autour du congé parental est aussi important que le congé parental lui-même.

M. Derraji : Mais vous l'avez très bien dit, et, sérieusement, moi, le pourcentage m'interpelle d'emblée.

M. Villeneuve (Raymond) : Voilà.

M. Derraji : Moi, là, si je veux atteindre un résultat, un, je définis ma cible. Ma cible, ce n'est pas les 26. Les 26, moi, je pense, dès demain, ils vont applaudir le projet de loi n° 51. Ma problématique, c'est les trois quarts des couples qui n'utilisent pas ça. C'est eux qui devraient être notre cible aujourd'hui, et c'est pour cela que je vous interpelle. Bien, comment nous, en tant que parlementaires, on peut cibler ces gens? Et vous me dites : Écoute, député de Nelligan, là, si vous avez cet amendement, probablement, ces trois quarts qu'on ne cible pas en date d'aujourd'hui seraient beaucoup plus intéressés à utiliser, à embarquer dans la cellule familiale et jouer leur rôle en tant que pères.

M. Villeneuve (Raymond) : Oui, bien, écoutez, c'est exactement la logique qu'on a, il faut viser spécifiquement les pères. C'est ça, c'est clair. Et le moyen existe, il est là, c'est une mesure universelle qui fonctionne.

Écoutez, ce midi, j'étais en conversation avec des gens du restant du Canada et je leur parlais de notre congé de paternité qui est pris par 80 % des pères, eux autres, ils me disaient : Dans le restant du Canada, c'est 20 %. Donc, vous voyez, l'impact de la mesure, il est clair, il est net, il est précis. Ils disaient : Mon Dieu! Vous êtes chanceux, au Québec, vous avez cette mesure-là. L'idée, c'est le pas de plus. Ça prend une mesure dédiée aux pères. Je pense qu'elle est là. Il existe, le véhicule est là et il fonctionne.

• (17 h 50) •

M. Derraji : Je vous entends. Donc, la mesure dédiée, au lieu de cinq, huit. C'est ce que vous proposez, recommandation 1. Dans le projet de loi, ce que nous avons, c'est des semaines partageables. La mère met à la disposition ses semaines partageables, et ils ont un quatre semaines de bonus. Pour vous, c'est clair — je vais le dire doucement, je parle trop vite — c'est clair que cette mesure n'est pas dédiée et ne va pas encourager l'implication des pères.

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, c'est-à-dire qu'elle va encourager l'implication de certains pères, ceux qui sont déjà... Dans le fond, ceux qui partagent déjà vont partager plus. Donc...

M. Derraji : Oui, les 26 %.

M. Villeneuve (Raymond) : C'est ça, tout à fait. On revient toujours au chiffre que vous avez dit.

M. Derraji : Oui, mais, moi, dès le début, là, sérieux, vous m'avez convaincu de l'histoire du 26 %, parce que je l'avais dans ma tête, vous avez juste confirmé. Mon inquiétude, c'est qu'avec tout l'effort qu'on va faire on ne va pas parler au bon public, parce que celui qui est déjà vendu à l'idée, bien, il va la faire, il va la suivre. Ma crainte, on va faire un travail exceptionnel, mais, au bout de la ligne, au bout d'un an, de deux ans, de trois ans, on va se revoir, on va avoir les résultats du fonds... du comité, et ça ne va pas être les résultats escomptés qu'on va se donner aujourd'hui. Donc, moi, je suis avec vous dans cette lecture. Mais, pour atteindre les trois quarts, ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est uniquement les huit semaines dédiées.

M. Villeneuve (Raymond) : L'outil est là, il fonctionne, il est éprouvé. Il fonctionne dans d'autres pays du monde aussi. Je pense qu'on n'a pas nécessairement besoin de se compliquer la vie à cet égard-là.

M. Derraji : Oui. Une de vos propositions, numéro 4, «poursuivre la réflexion quant aux meilleures mesures susceptibles d'inciter les pères à prendre un congé plus long» — j'utilise souvent ça avec plusieurs groupes, les projets pilotes, c'est une porte ouverte que je saisis à chaque fois — avez-vous une idée à comment on peut plus impliquer les pères dans la cellule familiale?

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, écoutez, il y a plein de stratégies. Nous, au RVP, on a mis sur pied un programme qui s'appelle le PAPPa, Programme d'adaptation des pratiques aux réalités paternelles, et ce qu'on fait, c'est de l'accompagnement des organisations qui travaillent avec les familles, et on travaille avec plein de secteurs d'activité, les OCF, les haltes-garderies, les CPE, les municipalités, et tout ça, parce que, trop souvent, dans le fond, les services à la famille sont beaucoup des services mères-enfants où on est contents de recevoir les pères. Mais là, si on veut vraiment faire de la place à tout le monde, il faut réfléchir sur les pratiques. Et tous ces groupes-là que vous connaissez, donc, vraiment, ont des projets pilotes pour réfléchir sur leurs pratiques pour comment faire de la place aux pères. Et faire de la place aux pères, d'une part, c'est de faire de la place à un parent masculin, mais, d'autre part aussi, c'est plus compliqué que ça, c'est de réfléchir aussi en termes de coparentalité. Parce que, souvent, on a une logique d'intervention, de soutien mère-enfant, mais, si on pense en termes de coparentalité où il y a deux parents, c'est une nouvelle façon d'approcher ces enjeux-là, et je pense qu'il y a beaucoup de chemin à faire à ce niveau-là.

M. Derraji : L'autre recommandation qui me parle beaucoup, là, c'est «mesurer l'impact de la bonification du congé parental sur la durée du congé pris par les pères ainsi que le nombre de pères rejoints». Moi, je pense... je ne sais pas c'est quoi, la piste d'atterrissage du ministre avec son projet de loi, mais, si jamais... je ne présume rien, mais, si jamais on va avec ce que je sens depuis le début, ce que vous dites, c'est que ça nous prend... au moins pour la première année, voir l'impact de cette bonification, donc les quatre semaines que... le bonus pour le père. Est-ce que c'est... Est-ce que c'est ça?

M. Villeneuve (Raymond) : En lien avec les caractéristiques sociodémographiques des pères et des mères pour vraiment voir qui ça affecte de quelle façon. Et là, probablement avec quelques graphiques, on verrait l'impact réel, et qui sont touchés, et qui est mobilisé.

M. Derraji : Mais là est-ce que vous parlez de la mesure dans le projet de loi ou bien dans la mesure où vous, vous dites : Écoutez, moi, c'est d'allonger huit semaines, là?

M. Villeneuve (Raymond) : Ah! bien, toutes les mesures doivent être monitorées, mais particulièrement celle du bonus, pour vraiment voir qui elles mobilisent.

M. Derraji : Oui, et est-ce que, vraiment, a atteint le résultat? Donc, on ne dit pas qu'on a un bonus de quatre semaines, on le lance, mais, au bout de la ligne, personne ne l'utilise ou bien on reste toujours dans le même groupe que vous avez identifié, à 26 %.

M. Villeneuve (Raymond) : Oui, c'est notre crainte.

M. Derraji : O.K. Excellent.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Derraji : Merci beaucoup. Merci pour votre présence. Ça a été très clair. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci au député de Nelligan.

Nous poursuivons avec le porte-parole du deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 40 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, et bienvenue.

C'est vrai que la création du congé paternel, je pense, a créé une petite révolution au Québec. C'est drôle parce que, samedi matin, j'étais au parc avec ma petite — on est chanceux d'avoir plusieurs beaux parcs pour enfants dans Hochelaga-Maisonneuve — puis, à un moment donné, j'ai réalisé que de la douzaine de parents qui étaient présents, on était presque juste des pères, il y avait une mère qui était présente, puis j'ai dit : Oh! on dirait que ça n'arrive pas souvent que je réalise que, tout d'un coup, dans un endroit dédié aux enfants, il y a une majorité de pères. Je ne peux pas m'empêcher de croire que le RQAP, et plus précisément le congé paternel, n'y est pas pour quelque chose.

Tout ce que vous avez dit et tout ce que vous avez écrit est de la musique à mes oreilles. J'ai tenté de convaincre M. le ministre, depuis le début du projet de loi, de tout ça. Vous le mettez dans un beau mémoire avec des beaux graphiques. J'espère que ça pourra nous aider, dans l'étude détaillée, à continuer à créer le consensus, parce que, visiblement, depuis le début des audiences, peu de mémoires ont soutenu la proposition du ministre. La plupart des mémoires ont plutôt soutenu une proposition avec des variantes alentour de dire : Non, non, on bonifie le congé paternel, plutôt. Vous avez déjà donc bien évoqué tout ce volet-là.

Je vais donc poser une question sur l'aspect des congés. Vous avez été quelques organisations à soutenir l'idée qu'il fallait créer une banque de congés à partir, donc, du RQAP, d'autres disent à partir des normes du travail. Vous, vous semblez plutôt vous situer à partir du RQAP. Est-ce que vous avez évalué aussi l'option d'y aller par les normes du travail? Est-ce que c'était un choix l'un versus l'autre ou, dans le fond, tant qu'on réussisse à en mettre plus sur la table?

M. Villeneuve (Raymond) : ...pas un expert de cette question-là, mais il nous semblait que le besoin de congé allait bien au-delà de la période du RQAP, ça fait qu'on se disait que ce serait intéressant de penser à une solution comme ça. Mais, techniquement, je n'ai pas les compétences, là, pour comparer les deux avenues, désolé.

M. Leduc : Donc, restons sur votre proposition. À partir du RQAP, c'était à 10 jours, je pense, si je ne me trompe pas?

M. Villeneuve (Raymond) : 10 jours de plus, c'est ça.

M. Leduc : Vous arrivez à ce chiffre-là par une expérience, un sondage ou...

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, on regarde... en tout cas, ça nous semblerait vraiment un plancher, un minimum, là, quand on regarde les journées de maladie, et tout ça, là. Ça fait qu'on partait avec un plancher comme ça, là.

M. Leduc : O.K. Est-ce qu'il nous reste un peu de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : 40 secondes.

M. Leduc : 40 secondes. Peut-être en terminant, plusieurs groupes, en début d'audiences, ont proposé de reporter l'application de ce projet de loi à cause de la pandémie, à cause des difficultés économiques. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, écoutez, les familles ont été très éprouvées, hein, pendant le COVID, et tout ça. On a fait un sondage sur la coparentalité qui était superintéressant : d'une part, il y avait 40 % des familles qui nous disaient qu'ils avaient amélioré leurs pratiques de coparentalité et qui pensaient vraiment que leurs pratiques seraient changées durablement, mais il y avait aussi 25 % des familles qui se disaient en détresse psychologique, ce qui fait qu'on a les deux en même temps. Mais il y a une fenêtre d'opportunité pour faire bouger les choses. Et il y aura toujours une raison pour ne pas faire des réformes sociales. Je pense qu'il y a vraiment une belle opportunité de faire des belles choses, puis le Québec est vraiment un terreau fertile. Quand on sort du Québec, les gens sont envieux de ce qu'on fait ici. Alors, c'est chouette de continuer à être des modèles pour les gens qui nous entourent.

M. Leduc : Merci beaucoup.

M. Villeneuve (Raymond) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup pour votre présentation toujours très pertinente et énergique.

Comment on arrive... Donc, je comprends bien votre proposition qui est de se concentrer sur les semaines en exclusivité aux pères. Comment on arrive... parce que vous... à l'équilibre entre créer le cocon familial, donc créer cette synergie-là entre les deux parents et les enfants, mais aussi faire en sorte que le père s'implique seul?

Le groupe précédent favorisait l'idée de dire des semaines du congé de paternité seraient utilisables si le père les utilise seul et non pas conjointement avec sa conjointe. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que... Quel équilibre... Comment on trouve l'équilibre pour faire en sorte que le père reste à la maison aussi avec les enfants, pas juste en second violon?

M. Villeneuve (Raymond) : Écoutez, ce n'est pas une question simple parce que, pour une... Moi, ce que je vous dirais, là, la réponse la plus honnête, c'est que, pour une partie des pères, ça marcherait vraiment, et, pour une autre partie des pères, il y a des pères qui ne le prendraient pas parce qu'ils ne sont pas prêts. Les pères ne sont pas uniformes, les pères n'ont pas les mêmes pratiques. Il y a une partie des pères, on leur met un bébé dans les bras, ils sont super à l'aise, il n'y a pas de problème. Il y a une autre partie que, dans le 0-2 ans, ils ont beaucoup de difficultés. Ça, c'est documenté par la littérature. Souvent, les pères, ils ont de la difficulté avant que l'enfant parle et joue, et tout ça. Ça fait que d'avoir une solution universelle, ce n'est pas simple.

Mais c'est sûr que d'offrir la possibilité au père de passer trois semaines de plus seul avec son enfant, c'est intéressant. Mais moi, là, je pourrais mettre... je pourrais... je suis pas mal certain que ça ne serait pas tous les pères qui s'en prévaudraient. Ça fait que, encore là, on n'atteindrait seulement qu'une partie de l'objectif, donc auprès des pères les plus progressistes, encore là.

Mme Hivon : Vous voulez dire si on mettait trois semaines, mais qui peuvent être utilisées seulement si le père les prend seul.

M. Villeneuve (Raymond) : Oui. Oui, il y a une partie des pères qui ne sont pas rendus là. Moi, c'est vraiment... puis je suis quand même souvent sur le terrain, là, il y a une partie des pères qui ne seraient pas là. Il y a une partie des pères, peut-être la moitié, qui le prendraient, l'autre partie qui diraient : Ah! non, non, moi, je ne touche pas à ça, je ne suis pas encore là. Parce que tu ne sais pas... Tout le monde n'est pas encore à la même place sur le continuum.

Mme Hivon : Puis comment on fait pour... vous avez, de manière très pertinente, commencé en parlant un peu des normes sociales, et tout ça. Comment on fait, donc, pour les faire changer et évoluer, ces normes sociales là? Je comprends que c'est un peu l'idée du ministre avec son espèce de quatre semaines de plus si on partage. Vous, vous dites : Allons vers autre chose. Si c'était ça, notre objectif, comment on y arriverait?

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, écoutez, là, si j'allais... La réponse la plus simple, là, si je vais direct au point, le RVP, on a trois cibles : les politiques publiques, les services, les pères. Si on veut vraiment avoir le changement social qu'on souhaite, il faut agir sur les trois vecteurs, donc regarder les politiques publiques qui entourent la famille, regarder les services, puis après ça aller dans l'espace public. C'est comme ça que ça peut vraiment bouger. Il n'y a pas juste un seul levier qui peut tout régler. La société, c'est plus compliqué que ça.

Mme Hivon : Oui, un petit peu. Puis vous arrivez, vous, avec une proposition de jours aussi, donc on voit que c'est aussi présent dans les groupes qui défendent la famille, donc de jours, un peu, qui peuvent être pris. Et votre proposition, si je la comprends bien, c'est d'ajouter un 10 jours qui peut être utilisable. Et, dans la séquence-temps, ça serait dans quelle période de temps que ça puisse être utilisable?

 (18 heures)

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, c'est sûr qu'on pensait certainement dans l'année ou dans les deux années qui suivent, là, la prise du congé parental.

Mme Hivon : Qui suivent la naissance, la fin du congé.

M. Villeneuve (Raymond) : Parce que le besoin est là de façon évidente.

Mme Hivon : C'est clair, donc, parfait.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci. C'est tout le temps que nous disposons.

M. Villeneuve (Raymond) : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Villeneuve, pour votre contribution aux travaux de la commission.

M. Villeneuve (Raymond) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, à 19 h 30, et nous nous retrouvons dans les mêmes salles. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise à 19 h 32)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Attention, on va commencer. Alors, bonsoir, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je souligne que cette séance se déroulera à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau, où je me trouve et où nous sommes, et dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, où se trouve notre organisme que nous recevons ce soir.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation travail-famille.

Ce soir, nous entendons Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au CHU Sainte-Justine et professeur agrégé au Département de pédiatrie de l'Université de Montréal, conjointement avec Mme Johanne Lemieux, travailleuse sociale, psychothérapeute, conférencière et auteure.

Alors, nous avons avec nous à distance, ou enfin dans l'autre salle, M. Chicoine et Mme Lemieux. Je vous invite à commencer votre exposé de 10 minutes après vous avoir... après que vous vous soyez... vous ayez pris le temps de bien vous présenter. Alors, la parole est à vous.

M. Jean-François Chicoine et Mme Johanne Lemieux

Mme Lemieux (Johanne) : Alors, Johanne Lemieux, comme vous l'avez dit, travailleuse sociale et psychothérapeute au Bureau de consultation en adoption de Québec, auteure, conférencière, formatrice et collègue en adoption, complice en adoption depuis 20 ans avec mon collègue Jean-François Chicoine. Mais à nous deux, on a 60 ans d'expérience auprès des enfants adoptés et de leurs familles. On dit toujours, Jean-François et moi, qu'on n'est pas des spécialistes de l'adoption, on est des spécialistes de l'enfant adopté et de sa famille puis des personnes adoptées quand ils grandissent, bien entendu. Je laisse la parole à mon collègue.

M. Chicoine (Jean-François) : Le plus beau pont Montréal-Québec, bien, sans prétention, c'est Johanne et moi. Ça fait 20 ans qu'on collabore ensemble au niveau scientifique, au niveau des publications avec les parents en formation ici et en Europe.

Je suis professeur, Jean-François Chicoine, à l'Université de Montréal et puis pédiatre à la clinique d'adoption et de santé internationale du CHU Sainte-Justice, qui est ouverte depuis 1989, qui accueillait beaucoup dans les années 90, jusqu'à 800, 900 enfants adoptés à l'international par année, et qui, depuis 10, 20 ans, accueille de plus en plus d'enfants de l'adoption nationale.

Mme Lemieux (Johanne) : Voilà. Alors, je vais commencer la première partie de notre... hein, de notre présentation à deux. Alors, nous avons choisi de ne pas déposer un rapport, ou une lettre, ou quoi que ce soit, dans un premier temps, parce qu'on voulait vous expliquer ça live, hein, en personne et parce qu'on est tout à fait d'accord avec l'ensemble du projet de loi et surtout avec les amendements, hein, qui ont été, bon, vous le savez, comme négociés, bon, les quelques mois avant la COVID. Et on est d'accord avec les dispositions parce qu'on va vous expliquer que ça correspond très bien à nos connaissances scientifiques et empiriques que l'on a sur la normalité adoptive, c'est-à-dire qu'est-ce qui constitue ce qui est normal lorsqu'on est un enfant adopté, lorsqu'on est une famille adoptive et quand cette famille-là accueille un enfant.

Alors, pendant longtemps... Je m'ai fait un petit dessin de rien, mais, bon, peut-être que vous ne le verrez pas, mais, bon. Pendant longtemps, on m'a demandé, on demandait à Jean-François : Mais qu'est-ce qu'ils ont de si spécial, les enfants par adoption? C'est des êtres humains, bon, ils ont été abandonnés, mais, une fois qu'on les place dans une famille avec de l'amour et des bons soins, tout devrait bien aller. Alors, je vais citer le Dr Michel Lemay, hein, un collègue de Jean-François au CHU Sainte-Justine, le grand pédopsychiatre disait : «Penser que de soigner un enfant abandonné qui a des problèmes d'attachement, qui a des traumatismes avec de l'amour et des bons soins, c'est un peu comme essayer de soigner une crise du foie en gavant la personne avec du gâteau au chocolat. Il faut d'abord soigner la personne et un jour elle sera capable d'apprécier le gâteau au chocolat.»

Alors, pendant longtemps, on s'est dit : Un enfant qui est placé par adoption, comme par miracle, par charité parce que, mon Dieu! il n'avait rien, donc il doit être tellement reconnaissant d'avoir tout maintenant, une famille, bien, on se disait : Il devrait tout de suite devenir exactement comme un enfant biologique, peu importe son âge, peu importe son vécu. Alors, on mettait une pression énorme aux parents adoptants et aux enfants adoptés, peu importe leur âge, de devenir exactement comme un enfant par adoption, tant au niveau de sa santé mentale, physique, développementale, sociale.

Alors, il y en a qui ont essayé vraiment de se conformer à ça, au grand prix de ne pas être eux-mêmes — souvent, c'est plus tard que ça ressort — ou, n'étant pas capables d'entrer dans ce moule-là, bien, il y a plusieurs années, il y a une trentaine d'années, avant qu'on ait de meilleures connaissances en neurosciences, en développement, en traumatismes précoces et en comment le cerveau d'un enfant doit... quels sont les facteurs de protection qu'un enfant doit avoir, bien, on s'était dit : Cet enfant-là doit être pathologique, il doit être étrange, ça doit être génétique ou autre explication pas très scientifique.

Alors, ce que nous, Jean-François Chicoine et moi, des chercheurs de partout dans le monde et beaucoup de professionnels, on a compris, c'est que c'est ni un ni l'autre. C'est-à-dire qu'on ne demande pas... on ne devrait pas demander à un enfant d'être exactement comme un enfant biologique dans ses réactions, dans ses capacités ou de le mettre dans une catégorie plus pathologique. Il y a une normalité adoptive, et, cette normalité adoptive là, eh bien, on a été capables de beaucoup mieux pointer quels sont les facteurs de risque que l'enfant a vécus en préadoption, et c'est mon collègue Jean-François Chicoine tout à l'heure qui vous en parlera plus en détail, et quels sont les facteurs de protection. Parce que l'adoption, c'est un geste de protection de la jeunesse, hein? L'adoption, ce n'est pas de trouver un enfant pour une famille, c'est de trouver une famille pour un enfant, un enfant blessé, un enfant à haut risque de ne pas avoir reçu tout ce qu'il avait besoin pour se développer normalement. Donc, on doit donner les facteurs de protection, c'est-à-dire on doit donner tout ce... on doit donner toutes les occasions à une famille d'être présente, disponible, sensible pour accueillir cet enfant-là.

• (19 h 40) •

Mais ce qu'on aime beaucoup dans le projet de loi et les amendements, c'est que la nomenclature «congé d'accueil et de soutien» correspond exactement à ce qu'on connaît du processus d'apprivoisement, d'adaptation, d'attachement qu'un enfant doit faire quand il est déraciné d'un premier milieu. Donc, ce... Parce que, pendant cette période d'accueil là, le parent n'est pas encore parent. Un parent biologique, il prend soin de son bébé. Une maman qui vient d'accoucher est un peu en convalescence, hein, de son accouchement, et prend soin de son bébé, et est tuteur du développement de son bébé. Le bébé, sauf s'il a été malade, ou qu'il a des problèmes graves, ou qu'il a été prématuré, n'a pas de besoins spéciaux, donc tout de suite un parent va commencer à créer un lien d'attachement, va commencer à prendre soin du bébé.

Bien, les parents qui adoptent un enfant, qui accueillent un enfant par adoption, ils ne peuvent pas prendre soin du bébé, ils doivent le soigner avant qu'ils puissent en prendre soin. Un parent adoptant, une famille adoptive est d'abord et avant tout un tuteur de résilience de l'enfant. Ce sont des enfants qui ont passé au travers de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'épreuves. Ils sont résilients, mais à quel prix? Ça laisse des traces. Il faut que le parent, que la famille qui les accueille puisse offrir une grande disponibilité. Et au départ... je m'amuse souvent à dire qu'au départ... quand je donne de la formation en Europe ou au Québec et avec mon collègue Jean-François Chicoine, au départ, les parents adoptants ne sont pas des parents. Ce sont des infirmiers, des nutritionnistes, des techniciens en éducation spécialisée, et, dans certain cas, et je le dis avec beaucoup de bienveillance et de tendresse, de gardiens de zoo des enfants qui n'ont jamais vécu dans une famille, des enfants qui n'ont vécu que dans un orphelinat.

Donc, nous sommes très d'accord avec cette nomenclature-là, qui permet, pendant plusieurs mois, hein, quelques mois, plusieurs semaines qui donnent quelques mois, d'accueillir cet enfant-là, autant pour l'enfant que pour le parent, s'apprivoiser, s'adapter et surmonter une première partie des chocs post-traumatiques, des problèmes de santé et développementaux de l'enfant.

Et, dans un deuxième temps, là on a un congé d'adoption, un congé parental où, on l'espère, l'enfant s'est un peu apprivoisé, un peu adapté et sera disponible à créer un lien d'attachement. Parce que ce n'est pas automatique, un lien d'attachement. Et le lien d'attachement, je vais terminer là-dessus, on le sait maintenant, dans les études en neuropsychologie... et créer un lien d'attachement sécurisé avec son donneur de soins, son parent, et vice versa, qu'un donneur de soins et qu'un parent crée un lien d'attachement sécurisé avec un enfant, c'est... ça donne... ce sont des facteurs de protection pour tout le reste de la vie, la santé mentale, physique, émotive, sociale d'un être humain. Je te passe la parole pour parler des facteurs de risque.

M. Chicoine (Jean-François) : Merci, Johanne. Brièvement, je pourrai répondre à vos questions après, je vais vous dresser un peu un portrait des enfants qu'on reçoit par adoption à Sainte-Justine. Je vais vous parler avec raison, comme toujours, j'espère, mais aussi avec passion. C'est un privilège, comme pédiatre, de pouvoir à la fois agir d'une manière pragmatique pour les enfants et leurs familles, mais aussi, à chaque instant de ce travail-là, de pouvoir rétablir un droit à l'enfant, le droit d'être apaisé par des adultes et le droit d'avoir une famille.

Les enfants de l'adoption ont une forme de marginalité, puisqu'ils viennent d'une grossesse tout à fait particulière. Donc, les mamans abandonnantes ou qui vont devoir se séparer de l'enfant sont plus stressées, elles ont fumé, elles ont pris de la drogue ou elles ont bu. Alors, le syndrome d'alcoolisation foetale, soit au Québec ou à l'international, est une notion qu'il faut toujours retenir, en adoption. Les premiers temps de l'enfant se font dans la négligence, souvent, parfois, dans la maltraitance passive, active, selon la provenance des enfants, selon leur histoire de vie. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que l'enfant adopté, il a une trajectoire particulière qui est forgée à partir de liens d'attachement qui n'ont pas pu se faire, donc de liens d'apaisement. C'est donc un enfant stressé qui a excité son cortisol cérébral d'une manière tout à fait particulière et qui, surtout, est rompu aux ruptures. C'est un enfant qui a fait plusieurs familles d'accueil au Québec ou c'est un enfant qui a rencontré, par exemple, lorsqu'il vient de l'international, à peu près 20, 30, 40, 50 nourrices qui se sont occupées de lui avant d'arriver dans sa famille d'accueil. C'est des enfants, aussi, qui ont vécu et qui ont des infections chroniques plus que d'autres, l'hépatite B et notamment le VIH, maintenant, où on reçoit beaucoup d'enfants de l'international, de plus en plus d'enfants de l'international avec le VIH, des enfants qui ont passé à travers la malnutrition, le kwashiorkor, donc dont la croissance va devoir être accompagnée sur plusieurs mois. Au niveau développemental, et on les connaît bien, à Sainte-Justine, on les a suivis aussi...

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. Chicoine...

M. Chicoine (Jean-François) : ...en recherche avec l'Université du Québec à Sainte-Justine, c'est des enfants qui vont avoir des défis au niveau sensoriel, au niveau moteur, au niveau cognitif, au niveau langagier et beaucoup au niveau socioaffectif. Il faut se donner facilement, pour des enfants adoptés avant l'âge de 18 mois, au moins deux ans pour qu'ils arrivent à une normalité d'enfants pour tous ces stades du développement. Les traumatismes, ils peuvent être simples, ils peuvent être complexes. Beaucoup d'enfants vont donc avoir des résurgences de leur vie antérieure, et, pour les parents, c'est énormément de travail pour la mise en famille, pour l'adaptation puis pour l'adaptation scolaire. C'est des rencontres, c'est des rendez-vous, c'est de l'ergothérapie, de la physiothérapie, des chirurgies, lorsqu'il y a une fente labio-palatine, deux à quatre chirurgies. Donc, c'est aussi, pour moi et pour notre infirmière et notre équipe, notre travailleuse sociale, des requêtes d'enfant... de subventions pour enfant avec handicap, que ce soit au fédéral ou au provincial.

Il ne faut pas retenir de ça que tous les enfants adoptés sont des handicapés et sont des enfants hypothéqués pour toute leur vie, non. La majorité d'entre eux vont bien s'en sortir, mais il faut toujours consolider leurs parents et les aider à différents niveaux.

Les parents adoptants aussi, ils ont une différence. Ce sont des parents, en général, par rapport à une moyenne de parents, qui ont été évalués par des travailleurs sociaux ou des psychologues dans leur compétence... donc, ils ont une compétence, mais ils n'ont pas l'expérience parentale. Ils ont des trajectoires d'infertilité, des deuils antérieurs...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, il vous reste 20 secondes. En conclusion.

M. Chicoine (Jean-François) : ...et c'est donc des parents qu'il faut savoir reconnaître pour pouvoir les arrimer à la situation exceptionnelle de leur enfant sur des mois, parfois des années.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, on vous remercie, Dr Chicoine.

Nous allons commencer la période d'échange. M. le ministre, vous avez 14 minutes.

M. Boulet : Merci. D'abord, vous resaluer de nouveau, Dr Chicoine, Mme Lemieux. Vous êtes manifestement des personnes qui êtes spécialisées depuis tant d'années. Vous avez des connaissances qui sont particulièrement opportunes et pertinentes pour une commission parlementaire comme la nôtre, et je vous félicite pour la qualité et la clarté de votre présentation.

Je vais peut-être y aller sous forme un peu de discussion avec vous. Un, je veux vous remercier, quand vous dites que le projet de loi correspond à nos connaissances scientifiques et est le reflet, je pense, on l'a réalisé, là, suite au dépôt initial du projet de loi n° 51... le consensus social était très clair. Je pense que la société a parlé dans son ensemble, et on a écouté, on a agi. Évidemment, vous savez que c'est le genre de projet de loi qu'il faut travailler de manière transversale. Véronique Hivon a joué un rôle d'ambassadrice hors pair pour la Fédération des parents adoptants, que j'avais déjà rencontrée.

Dans le projet initial, on réduisait l'écart de façon significative entre les parents adoptants puis les parents biologiques, mais maintenant c'est débat du passé, puis la jurisprudence sur laquelle on s'appuyait n'est plus compatible, du moins, avec la réalité sociale québécoise et avec la sophistication, si je peux dire, de notre politique familiale dans son ensemble, dont le RQAP fait partie, régime, d'ailleurs, dont on est extrêmement fiers au Québec. Et on se compare souvent à des pays progressistes comme la Suède et l'Allemagne, et on se fie beaucoup aux opinions de l'Organisation internationale du travail et d'auteurs réputés comme Mme Lemieux et vous, bien sûr, Dr Chicoine.

J'aimerais que vous me guidiez un peu plus dans les critères qui me permettraient de bien comprendre ce qu'est la normalité, parce que j'ai tellement l'impression... Évidemment, c'est une courte discussion, là, on ne pourra pas aller dans tous les détails, mais, tu sais, je vous entends, puis l'enfant adopté, il est forcément hypothéqué, handicapé. Puis, pour moi, la notion de handicap, comme juriste, c'est ce qui n'est pas conforme à la norme. C'est comme ça qu'on l'interprète, tant le concept qui est dans la Charte des droits et libertés de la personne que dans les lois sociales et du travail du Québec. Et l'enfant biologique est forcément... Tu sais, j'avais l'impression, à un moment donné, que l'enfant biologique est la norme, puis l'enfant adopté est le handicap ou l'anormalité, puis je sais que c'est beaucoup plus nuancé que ça, mais je veux surtout, par ma question, vous donner l'opportunité de compléter un peu plus.

• (19 h 50) •

Mme Lemieux (Johanne) : Merci de votre question. Je vais me permettre de répondre. En fait, c'était un peu pour, justement, vous souligner un mythe qu'il y a eu trop longtemps dans l'esprit des gens qui... on ne peut pas tout connaître dans la vie... qu'un enfant biologique était la norme, et que, si un enfant par adoption ne rentrait pas dans cette norme-là, eh bien, il était nécessairement hors norme, justement. Alors, c'est pour décrier ça. Les enfants biologiques ne sont pas tous parfaits, puis d'ailleurs un enfant parfait, ce ne serait pas une très bonne chose, comme un parent parfait non plus.

Mais, si on est un... si le... Alors, la normalité adoptive — en fait, j'ai écrit un livre là-dessus, c'est mon dada — ça veut dire que ce sont des enfants qui ont les mêmes besoins, les mêmes talents que n'importe quel enfant, les mêmes phases développementales, mais que leur vie de préadoption leur ont donné des options supplémentaires, les options supplémentaires d'avoir été trahis, volontairement ou involontairement, par des adultes, qui font qu'ils ont de la difficulté à faire confiance aux adultes, à se rattacher à quelqu'un. Ce sont des enfants qui, comme mon collègue Jean-François Chicoine l'a souligné, ont des enjeux de santé mentale et physique, qu'on doit reconstruire quand ils arrivent. Donc, c'est une option supplémentaire.

Ils ont l'option supplémentaire formidable aussi d'avoir survécu à des épreuves que peut-être ni vous, ni moi, ni Jean-François, ni les gens dans la salle n'auraient pu surmonter. Mais survivre, être résilients... comme l'a dit mon collègue de la commission des 1 000 jours, en France, bon, une commission sur les 1 000 premiers jours de l'enfant où j'ai eu le grand honneur de siéger avec Boris Cyrulnik, ce n'est pas parce qu'on est résilient qu'on n'a pas des traces.

Alors, les options supplémentaires, ça fait que c'est des enfants qui ont un entretien un petit peu plus sophistiqué. Ils ne sont pas tous handicapés, mais ils ont une forme de sophistication qu'on doit connaître et qu'on doit comprendre, que ce soit nous-mêmes comme personnes adoptées, quand les enfants grandissent, les parents qui les accueillent, et, bien entendu, la société qui les accueille, et les professionnels qui les accueillent. Ces options supplémentaires là forment cette normalité-là, qui n'est pas quelque chose en moins, qui est quelque chose en plus, et qu'on doit célébrer, connaître, normaliser au lieu de les mettre dans la honte de ne pas être exactement comme un bébé biologique voulu, désiré, allaité, chouchouté, apaisé, complètement protégé de toutes les épreuves de la vie.

M. Chicoine (Jean-François) : C'est des enfants qui ont beaucoup de troubles de sommeil. C'est des enfants qui, au lieu de faire pipi au lit jusqu'à l'âge de quatre, six ans vont faire pipi au lit jusqu'à huit, neuf ans. C'est des enfants qui, au lieu de marcher entre 12 et 16 mois, vont marcher entre 12 et 24 mois, normalement. C'est des enfants... si je prends ma montre et si je la cache comme ça, bien, normalement, vers l'âge de neuf mois, si l'enfant a vu, bien, il va retirer mon masque pour regarder ma montre, mais, en adoption, c'est à peu près vers l'âge de 12, 13 mois. Donc, ils ont tous une forte fin de comète, ce qui nous permet, comme pédiatres puis comme soignants, de voir lesquels se détachent vraiment de cette normalité-là, lesquels vont avoir... en plus d'un retard développemental ou d'un manque d'amour et de confiance et de trop de stress, lesquels vont avoir aussi une pathologie médicale, en plus.

Donc, il y a des enfants qui ont... qui sont en retard dans la normalité adoptive, ce qui nous permet d'identifier les besoins spéciaux des enfants et éventuellement aussi d'avoir des services pour eux, parce que, très clairement, que ce soit un syndrome d'alcoolisation foetale ou une négligence par malnutrition ou par manque de soins adultes, si on intervient rapidement par des parents, par des ergothérapeutes, par des travailleurs sociaux, des psychologues, des psychoéducateurs, on va changer le destin de ces enfants-là. Et c'est extraordinaire, comme pédiatre, d'avoir le soignant qui est le parent dans son bureau. Alors, vous n'avez pas à attendre les services, ils sont là, débordants d'amour.

M. Boulet : Tout à fait.

Mme Lemieux (Johanne) : Puis j'ajouterai que le facteur de protection le plus grand, ce sont des parents bien évalués, bien supportés, mais qui ont du temps : le temps de ne pas exiger que l'enfant s'attache tout de suite à eux et vice versa, le temps d'être, comme je le disais, des tuteurs de résilience, le temps de les apprivoiser, parce qu'au début un enfant ne prendra pas... il est en choc d'être déraciné. Même si on le déracine d'un endroit qui est moins adéquat pour lui, il est quand même en choc. Alors, on ne peut pas exiger d'un enfant qui est en choc qu'il nous aime tout de suite, qu'il s'attache à nous, qu'il nous fasse confiance tout de suite. Alors, ce temps-là, ce congé d'accueil et de soutien, moi, ça me touche beaucoup parce que c'est un mot qui correspond tout à fait à la fois légalement, socialement, mais au niveau biopsychosocial et offre vraiment aux parents l'occasion que l'enfant se pose, se dépose.

Ces enfants-là, c'est des petits matelots qui ont vécu beaucoup, beaucoup, beaucoup de naufrages et qui ont... qui doivent éventuellement arriver sur un bateau où est-ce qu'ils vont reprendre confiance au capitaine. Mais, au départ, ils n'ont pas tellement confiance au capitaine, là. Ils vont essayer de ne pas avoir besoin des capitaines. Alors, vraiment, la nomenclature, comment la loi a été... le projet de loi a été arrangé ou programmé, je ne sais pas comment... moi, je ne suis pas juriste, là, ça correspond vraiment à ces deux étapes-là.

M. Boulet : Oui.

M. Chicoine (Jean-François) : Et on peut être un peu lyriques dans l'idée du soutien... Pardonnez-moi, M. le ministre.

M. Boulet : Bien non, allez, allez.

M. Chicoine (Jean-François) : Je vous mentirais si je vous disais que c'est la première fois que ça m'arrive. Mais, dans l'idée du soutien, il y a l'idée du portage, il y a l'idée de la disponibilité physique. Et l'attachement d'un enfant, il se fait par la disponibilité physique de ses parents, parce qu'on le regarde dans les yeux, parce qu'on le porte, parce qu'on le transporte, parce qu'on le prend en peau à peau. Et cette disponibilité-là, elle est essentielle pour que le parent s'accroche à l'enfant, ce qu'on appelle le lien, et pour que l'enfant s'accroche à son parent, ce qu'on appelle l'attachement.

M. Boulet : Merci à vous deux. En fait, c'était l'opportunité que je voulais vous offrir, de compléter vos propos, parce que vous étiez limités dans le temps. Vous vous exprimez avec tellement d'humanité, tellement d'empathie, et ça suscite chez moi énormément d'intérêt.

Il y a des questions parfois un peu plus... Mais, avant d'aller à une question qui est eu peu plus pratique, vous parliez de trajectoire variable pour les parents. J'ai bien compris, là, pour la normalité des enfants, là, c'est à tous égards, là, au plan verbal, au plan moteur, au plan neurologique, là, tu sais, l'enfant adopté va généralement marcher plus tard, il va attacher ses souliers plus tard, il va tout faire... La trajectoire, même si elle n'est pas linéaire, il y a un écart dans la rapidité d'évolution de l'enfant adopté quand on le compare à ce qui est normal pour un enfant biologique.

Mais vous avez parlé de trajectoire variable pour les parents adoptants. Pouvez-vous... Je vous donne une autre occasion d'élaborer un petit peu là-dessus.

Mme Lemieux (Johanne) : Pouvez-vous élaborer votre question parce que je...

M. Boulet : Tu sais, vous parliez, vous faisiez référence à une trajectoire qui pouvait être variable chez les parents adoptants.

Mme Lemieux (Johanne) : Oui, oui. En fait, c'est un peu pour reprendre ce que Jean-François a dit, il faut aussi... on a parlé beaucoup des besoins, des facteurs de risque que l'enfant a vécu, mais il faut aussi donner du temps aux parents de devenir parents. Et de devenir parent, même si tu as été évalué, même si tu as bien de l'amour à donner, ça prend du temps. C'est une valse qui est extrêmement complexe. Dans mon bureau, depuis 25 ans que j'ai le Bureau de consultation en adoption de Québec, j'ai reçu des parents qui avaient honte de ne pas avoir... de ne pas être tombés tout de suite en amour avec leur enfant et de se sentir coupables de ne pas avoir créé ce lien-là immédiatement. Alors, quand on parle de trajectoire du parent, il faut aussi normaliser le fait que c'est normal, madame.

Moi, j'avais déjà dit, lors d'un rapport-progrès, quand on va à la maison pour voir comment l'enfant va, s'adapte, j'ai dit : Vous savez, ça a l'air de très bien aller, mais imaginez comment ça va aller beaucoup mieux quand vous allez aimer votre enfant. La maman, elle me regarde, elle dit : Comment savez-vous que je ne l'aime pas encore? Bien, j'ai dit, c'est normal, que vous ne l'aimiez pas encore, ça va venir.

M. Boulet : Et j'ai vraiment bien compris, puis je pense que, tant chez l'enfant adopté que le parent adoptant, le remède, c'est le temps, la disponibilité.

Mme Lemieux (Johanne) : La proximité physique, la sensibilité, l'espèce de valse d'apprivoisement de l'espace qu'on doit coloniser doucement. Voilà.

M. Boulet : Il faut que je vous arrête parce que je veux absolument vous poser... puis moi aussi, je suis limité dans le temps. Est-ce que, pour vous... Puis j'ai apprécié beaucoup vos commentaires sur la prestation d'accueil et de soutien. Est-ce qu'il faut distinguer la prestation d'accueil et de soutien de la prestation parentale? Et comment il faut les analyser de façon distincte?

Mme Lemieux (Johanne) : Bien, moi, j'aime bien comment c'est fait comme... j'aime beaucoup comment c'est déjà fait. Voyez-vous, il y a plusieurs années, j'avais eu... un ministre luxembourgeois m'avait demandé mon avis sur une loi qui allait justement être, bon, votée, j'imagine, au Luxembourg, et il se posait cette question-là, justement. Quand on parle d'adoption, étant donné qu'au début... Lui, il était exactement... au Luxembourg, il était exactement dans les mêmes questionnements : Ce n'est pas un congé de maternité, mais c'est un congé d'accueil. Puis pourquoi ce congé d'accueil là serait un congé d'accueil? Et pourquoi le congé d'adoption serait après? Alors, contrairement à ce que Mme Carmen Lavallée a soumis, puis, vraiment, c'est... excellente présentation, moi, je pense que le congé de soutien et d'accueil devrait rester congé de soutien et d'accueil, puis le congé d'adoption parentale par la suite, parce que c'est vraiment après plusieurs semaines que le vrai sens de l'adoption commence.

M. Boulet : ...ce qu'on dit, oui.

Mme Lemieux (Johanne) : L'enfant va être plus disponible à se faire adopter émotivement et physiquement, et vice versa. Donc, ces deux nomenclatures-là correspondent vraiment à tout ce que nos recherches empiriques, scientifiques prouvent.

M. Boulet : Aïe! Mon Dieu!

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion, oui.

M. Boulet : Aïe! Merci beaucoup, beaucoup, Mme Lemieux, Dr Chicoine, éminemment apprécié, puis ça démontre l'incroyable pertinence de la création de ce congé-là. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.

Alors, nous poursuivons avec le porte-parole de l'opposition officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de 10 min 40 s.

• (20 heures) •

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je tiens juste à vous dire... malheureusement, on est dans deux salles séparées, mais je tiens à vous dire que je sentais, à certains moments, le ministre très engagé et je me suis dit : Est-ce qu'il va traverser de l'autre côté? Il était tellement enchanté de vous entendre et saluer vos propos. Mais je tiens à dire la même chose, vous étiez vraiment... vous avez vraiment préparé une bonne présentation, donc vous avez de très bons arguments.

J'ai noté pas mal de points, mais donc, par rapport au congé d'accueil et de soutien, les congés d'adoption, donc, pour vous, les deux, c'est important dans le processus de normalité adoptive, est-ce que j'ai bien résumé?

Mme Lemieux (Johanne) : Tout à fait. Oui, tout à fait. Absolument.

M. Derraji : O.K. Excellent. Corrigez-moi, vous êtes les experts. Un autre point qui m'a le plus interpelé, donner du temps aux parents de devenir parents, bon, et c'est là... moi, c'est cette question de temps qui m'interpelle. Et du moment que j'ai devant moi deux experts dans ce domaine, si je vous demande d'évaluer ce temps, il sera de combien?

Mme Lemieux (Johanne) : Ah! évaluer ce temps est de combien...

M. Derraji : Parce que vous... En fait, si j'ai bien compris, pour vous, le congé d'accueil, c'est bon, c'est très bon, même, le nombre de semaines, ça vous arrange.

Mme Lemieux (Johanne) : Tout à fait.

M. Derraji : Et de soutien, donc, pour... sur ce point, bien, écoutez, vous secondez un peu les propos qu'on trouve dans le projet de loi. Le congé d'adoption, donc vous êtes pour, avec la nomenclature et éventuellement avec le nombre de semaines.

Mais vous avez soulevé beaucoup de choses par rapport à la normalité adoptive. Un groupe avant vous, il a parlé de la question de normes. Des groupes, la semaine dernière, ont parlé d'un processus. Et du moment que vous êtes deux experts, donc vous faites beaucoup de recherches empiriques, chose qui est très bonne pour nous, parlementaires, voir ce que... vous nous facilitez la tâche. Il y a des groupes qui disent : Bien, écoute, pour que le père puisse jouer son rôle, ce n'est pas cinq semaines, c'est huit semaines parce qu'on veut l'impliquer davantage. M. le ministre ramène les semaines partageables et avoir un quatre semaines de plus pour pouvoir engager le père.

Bon, selon vous, nous avons ce débat sur la table, est-ce que vous pouvez nous orienter, même avec un intervalle de confiance, avec une marge d'erreur très élevée? Allez-y.

M. Chicoine (Jean-François) : La plupart des familles, adoptives ou non, se plaignent de manque de temps, et plusieurs, d'ailleurs, ont retrouvé du temps avec le confinement de la COVID en mars, avril, et ils ont souligné les aspects positifs de cette horrible pandémie. Quand on parle de temps en adoption, on parle de disponibilité physique et éventuellement de disponibilité cognitive quand les enfants sont un peu plus grands puis sont capables de se souvenir de leurs parents. On parle, en moyenne, donc, de cette première année après l'adoption, mais pour certains enfants avec des déficits et qui ont accumulé des traumatismes et tout, ça pourrait être 18 mois, et puis pour certains, ça pourrait être deux ans, trois ans, quatre ans. Si on regarde du côté de l'enfant, par exemple, on sait que, même s'il évolue bien à différents niveaux de son développement, s'il n'a pas de maladie chronique importante, on sait que son immaturité psychique va faire qu'il va falloir retarder, par exemple, sa scolarité. Donc, moi, je suis toujours en train de faire commencer les enfants à l'âge de sept ans, comme autrefois en Suède, leur première année, parce qu'ils vont avoir une difficulté à s'adapter à des milieux qu'ils pensent nouveaux et ils vont avoir parfois de la difficulté à être suffisamment permanents et à suffisamment retenir leur parent intérieur et leurs parents qu'ils ont quittés.

En adoption, la difficulté aussi, et c'est là que le rôle de l'agent séparateur, qui est l'autre parent, que ce soit une femme, un homme, un père, une mère, ou une autre mère, ou un autre père, et c'est ce qui est le plus difficile aussi lorsque les parents adoptent en célibataires, c'est que ça prend aussi, pour consolider l'attachement, une forme de séparation, une forme de détachement, et ce détachement-là, ça prend quelques semaines, quelques mois chez certains enfants. Et c'est sûr que l'autre parent, il est bien placé pour assumer cette fonction-là, et ça peut prendre quatre semaines, comme ça peut prendre des semaines et des mois.

Donc, je ne peux pas vous chiffrer ça, il y a trop d'enfants, il y a trop de trajectoires, il y a trop de provenances, mais il faut arriver avec quelque chose... une moyenne d'enfants au bâton, si je puis dire, pourraient se débrouiller avec ce qu'on souligne, mais...

Mme Lemieux (Johanne) : Notre... Excuse-moi, Jean-François, je peux, oui? Notre expérience, c'est qu'une année et quelques semaines, en général, une moyenne, hein, il y aura toujours des exceptions d'enfants qui vont s'apprivoiser, s'adapter et s'attacher plus rapidement et leurs parents aussi, pour toutes sortes de raisons, et il y en a... mais cette première année-là... Et j'étais... j'ai échangé avec des collègues européens récemment, bon, des collègues scandinaves aussi qui, eux, sont rendus à 18 semaines. Quand on se compare, on se console. Vous dites : Est-ce que c'est assez? Est-ce que c'est trop? Combien de temps ça prend à un parent de devenir parent, d'accoucher de lui-même d'un parent? Vous savez, c'est la même chose pour une maman qui accouche, hein? Je veux dire, l'instinct maternel, maintenant, on sait que c'est en partie hormonal, bien entendu, et d'avoir porté un enfant, mais on s'est aperçu que les papas qui prenaient soin très rapidement et seuls, sans que la maman soit nécessairement là, d'un nourrisson, leur cerveau changeait. Il y a une partie de leur cerveau qui devenait plus sensible aux microsignes de détresse, ou de besoin, ou de satisfaction d'un bébé.

Donc, est-ce qu'on devrait imposer — je ne sais pas trop si je comprends bien votre question, là — que les papas aient tant de congés? Bien, moi, j'en suis pour toute forme de parentalité, hein, que les papas prennent soin tout seuls de leur enfant, ce n'est jamais comme... ou le deuxième conjoint, ce n'est jamais comme de prendre soin d'un enfant à deux. Et il y a quelque chose dans la dyade, c'est-à-dire au niveau du regard, au niveau de... en anglais, on dit «atonement», accordage entre un parent et un enfant qui se passe dans une dyade qui ne se passe pas dans une triade. Donc, il faut du temps, il faut que chacun prenne du temps seul avec son enfant.

Et je vous dirais que la moyenne... Déjà, quand on va en Europe francophone, Jean-François et moi, on fait l'envie, le Québec... Vous savez, ici, on parle souvent des pays scandinaves comme... hein, bon, comme très en avance, avant-gardistes dans tous ces programmes-là, mais je vous dirais qu'en Europe francophone c'est le Québec qui est l'étalon de mesure, et les gens nous envient beaucoup. Je vais être encore plus fière de retourner en Europe, parce que, quand je leur parlais du congé parental, qui était, hein, le nombre de semaines qu'on connaît, mais que les parents adoptants en avaient un peu moins, bien, maintenant, avec la loi n° 51, je vais pouvoir avoir la fierté de leur dire que c'est équitable, maintenant, et que les enfants sont en convalescence par adoption comme une maman est en convalescence après son accouchement.

M. Derraji : On veut toujours être les meilleurs, et c'est pour cela que, heureusement, notre démocratie nous permet de s'améliorer, et, justement, avoir ce cadre d'échange nous permet tous de contribuer à améliorer le projet de loi.

Désolé si j'ai des questions techniques, parce que je pense que vous étiez, lors de votre présentation... même aux réponses à M. le ministre, c'était très clair, mais moi, j'ai besoin de vous pour pouvoir bonifier, si je peux, le projet de loi, mais aussi ramener des éléments qu'on n'a pas vus, probablement. Et, moi, la question d'aider les parents, donner du temps aux parents pour devenir parents, moi, je pense que c'est l'objectif de tout le monde pour que le père puisse jouer son rôle.

Et je reviens toujours à la question du temps, pourquoi? Pour deux éléments. Je reviens à la question par rapport aux parents adoptifs. Parfois, ça prend huit ans, ça a été dit par une universitaire de l'Université de Sherbrooke, si je ne me trompe pas, encore une fois. Et une notion que vous avez dite tout à l'heure, bon, un 12, 18 mois... Un autre groupe, tout à l'heure, parlait d'une banque partageable la deuxième année pour le père et pour la mère. Donc, est-ce que, selon vous, c'est quelque chose que... bon, disons, la première année, c'est réglé, le père avec la mère, mais est-ce qu'une deuxième année un congé partageable, pas au même moment, père, mère, peut contribuer à avoir ce temps de qualité avec les enfants?

Mme Lemieux (Johanne) : Bien, ce serait formidable si on pouvait ajouter cette possibilité-là de consolider l'attachement à la famille. Ça, c'est sûr que ce serait formidable. On serait...

M. Derraji : Ce que j'aime avec vous... Écoutez...

Mme Lemieux (Johanne) : On serait comme la Norvège, qui sont à 18 mois, là.

M. Chicoine (Jean-François) : La plupart des familles pourraient bénéficier d'un congé, en général, jusqu'à l'âge de 18 mois, c'est un.

Deuxièmement, pour se séparer d'un enfant, pour coopérer avec lui en dehors de nous, il faut que le parent aussi soit conforté dans les structures de garde auxquelles il va avoir droit. Donc, si le parent confie son enfant à un CPE, à une éducatrice qui est stable, qui est bien rémunérée — je pense que ce n'est pas le jour pour parler de ça — c'est sécurisant pour le parent, et c'est cette espèce de capacité de l'enfant à habiter en dehors de son parent qui va être bon, mais l'enfant va retenir son parent dans sa tête vers l'âge de 16, 18 mois.

Par ailleurs, il y a une troisième considération. Si l'enfant a un retard développemental important ou d'autres besoins en termes de psychoéducation, là, le CPE, d'une manière régulière, va pouvoir aussi être utile à l'enfant. Alors, moi, il m'arrive de recommander de mettre l'enfant, par exemple, dans un service de garde vers l'âge de 9, 12 mois ou parfois, quand les parents peuvent se le permettre, d'attendre à l'âge de 18 mois pour consolider certaines choses. Donc, il n'y a pas de trajectoire unique pour les enfants.

• (20 h 10) •

M. Derraji : Dr Chicoine, Mme Lemieux, merci beaucoup. Je vais suivre avec grand intérêt vos recherches, mais aussi vos conférences. Et continuez à promouvoir le Québec, parce que c'est vrai, nous avons un beau modèle, on va le bonifier davantage avec le projet de loi n° 51. Mais soyez fiers et des bons ambassadeurs de notre programme. Merci beaucoup.

Mme Lemieux (Johanne) : Des très bons ambassadeurs. Je vous le dis, vraiment, quand on se compare, on se console, puis c'est...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Chicoine (Jean-François) : Ce qui nous a beaucoup aidés au départ, c'est à la délégation du Québec à Paris qu'on a sorti l'essentiel de nos travaux en 2003, ce qui nous a permis de rayonner dans l'Europe francophone.

M. Derraji : Bravo! Et continuez à le faire. Merci.

M. Chicoine (Jean-François) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons... Merci au député de Nelligan.

Nous poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 40 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, monsieur, madame. Merci pour votre présentation. C'est un privilège, hein, comme parlementaires, de pouvoir rencontrer des experts puis de constater cette belle érudition, cette belle communication là. D'ailleurs, je n'ai pas tellement de questions à vous poser, j'ai juste envie de continuer à vous entendre, ça fait que je vais vous poser une question ouverte. Qu'est-ce qu'on pourrait faire d'autre, à part cette réforme du RQAP, pour faciliter la vie des parents adoptants au Québec?

Mme Lemieux (Johanne) : Bien, c'est déjà beaucoup, hein, l'équité, c'est déjà beaucoup. Et je crois que, déjà, de parler d'équité et d'expliquer... Vous savez, tout... en fait, il n'y a jamais... il n'y a rien qui n'arrive pour rien, hein, des fois il y a des merveilleux malheurs. Tout ce qui s'est passé avec les amendements, hein, bon, on a eu, hein, un petit peu de lobbying à faire... bon, lobbying... en tout cas, bon, et le fait que ça ait sorti dans les journaux, qu'on est... moi, d'autres, la Fédération des parents adoptants, toutes sortes de gens ont commencé à expliquer les besoins particuliers des enfants adoptés et qu'on ne voulait pas rien enlever aux mamans qui accouchaient, mais que, dans le cas de l'adoption, c'étaient les enfants qui avaient besoin d'une convalescence, alors que c'est les mamans qui ont besoin d'une convalescence quand elles accouchent, ça, déjà, ça a remué les gens, ça a transmis des informations, ça a défait des mythes, ça a remis les pendules à l'heure. Et déjà, ce projet de loi là, je trouve qu'il a déjà fait beaucoup de travail de fond, des choses qu'on essayait de diffuser, bon, à la majorité de la population depuis des années, et ça nous a donné l'occasion de le faire. Jean-François.

M. Chicoine (Jean-François) : Je vais être un peu Séraphin, la disponibilité des services, l'ergothérapie — oui, c'est comme Séraphin, je vais aller court — l'ergothérapie, l'orthophonie, la psychoéducation pour le développement et surtout l'accompagnement scolaire, c'est des enfants qui ont deux fois plus de TDAH que d'autres, plus de TSA, plus de troubles d'attachement, plus besoin de TES, d'orthopédagogues. Donc, l'accompagnement scolaire, je vous dirais, pour répondre très clairement à votre question, c'est ce dont on aurait le plus besoin.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

Mme Lemieux (Johanne) : Et aussi peut-être de mieux subventionner... subventionner ou rendre — bon, ça s'en vient — rendre obligatoires, c'est fortement encouragé, la formation préadoption et le suivi post-adoption, qui n'est pas disponible partout sur le territoire. Il y a un CLSC, là, un CIUSSS — bon, je ne sais plus trop comment les appeler — à Montréal, sur l'île de Montréal, qui offre de la pré et de la postadoption, mais, si on est en région, eh bien, il y a peu de services spécialisés.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

Nous poursuivons avec le troisième groupe d'opposition, avec la députée de Joliette. Vous disposez de 2 min 40 s.

Mme Hivon : Bonjour à vous deux. Alors, j'ai un gros 2 min 40 s. Moi aussi, je veux vous remercier, c'est vraiment un bonheur de pouvoir vous entendre ce soir. J'aurais vraiment beaucoup de choses, donc je vais vous soumettre quelques éléments, puis vous choisirez ce que vous trouvez le plus important à aborder.

Mon collègue l'a abordé tout à l'heure, mais paternité versus maternité, est-ce qu'on doit avoir une recherche différente d'équilibre pour les familles adoptantes dans la mesure où... vous me corrigerez, mais certains enfants peuvent être plus spontanément portés à s'attacher à la mère et rejeter le père, pour d'autres, c'est l'inverse, ils ont eu des nounous qui étaient des femmes, le lien d'attachement a été brisé, brisé avec la mère biologique, brisé avec les nounous, ils vont aller vers le père. Est-ce qu'il y a une recherche d'équilibre plus grande qui devrait être présente pour l'adoption?

L'autre élément, c'est... quelqu'un a dit que... bien, en fait, il y a eu présentation, là, d'un groupe qui remettait en cause, qui disait que, pour les parents biologiques, il pourrait y avoir un certain sentiment d'iniquité, notamment chez le père, parce qu'ici autant le congé parental, où on trouve le pendant, là, le congé d'accueil et de soutien, pouvait être partagé entre père et mère, ce qui n'est pas le cas pour un père biologique. J'aimerais ça que vous réagissiez à ça.

Et l'autre élément, c'était de dire que, des fois, les mères biologiques doivent se retirer à l'avance, retrait préventif, et donc elles perdent du temps avec leur enfant parce qu'il n'est pas né encore, et de dire : Bien là, les mères adoptantes, eux autres, elles l'ont dès le premier jour. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette idée-là de potentielle iniquité.

Mme Lemieux (Johanne) : Bien, écoutez, on va...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il ne reste... Attention, par exemple, il ne reste qu'une minute.

Mme Lemieux (Johanne) : Alors, on va essayer de se centrer sur l'intérêt supérieur de l'enfant, hein, c'est-à-dire que... qu'est-ce que... Alors, quand j'entends que des gens pensent encore que c'est inéquitable, on pense aux adultes, une maman, bon, à comparer à la mère biologique. Mais pensons aux besoins de l'enfant, que ce soit un bébé naissant ou que ça soit un enfant par adoption, mais j'argumenterais que les enfants par adoption, à comparer à un enfant naissant en bonne santé, bien entendu, ont plus de besoins et que ça s'argumenterait scientifiquement si jamais il y a des gens qui soulignaient cette injustice-là.

Pour ce qui est des pères, bien, moi, je crois qu'il faut encourager à la... Je ne pense pas qu'il y ait une spécificité, je pense que le fait d'avoir sensibilisé les parents adoptants aux enjeux que vous avez très, très bien résumés, Mme Hivon, fait que les parents vont s'impliquer plus naturellement... les papas vont s'impliquer plus naturellement de par ces connaissances-là que parfois les pères biologiques n'ont pas sur les enjeux d'attachement parce qu'on n'a pas nécessairement des cours sur l'attachement avant d'être père et d'être mère.

M. Chicoine (Jean-François) : Ce qui est peut-être de moins en moins vrai avec les jeunes papas.

Mme Lemieux (Johanne) : Oui, de moins en moins vrai avec les jeunes papas. Alors, je ne pense pas qu'il faudrait enchâsser d'obliger plus le papa ou plus la maman à prendre ce congé-là. Je pense qu'il faut encourager les papas à le prendre, comme n'importe quel enfant. Et, naturellement, ce qu'on voit dans notre pratique, les papas sont beaucoup plus... sont souvent plus impliqués parce qu'ils se... comment je vous dirais ça, donc, ce sont des enfants voulus, désirés, et qu'il y a une certaine, entre parenthèses, égalité. Le père ne se sent pas moins compétent parce qu'il n'a pas accouché ou moins compétent parce qu'il ne peut pas allaiter l'enfant. Alors, on voit souvent une belle solidarité dans les parents adoptants, qui, naturellement, vont s'impliquer. Donc, il faut leur laisser le choix, je pense. Je ne serais pas de l'avis d'imposer quoi que ce soit.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, on vous remercie. On vous remercie, sincèrement, hein, pour votre contribution à l'avancement des travaux.

Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'à mercredi 23 septembre, après les affaires courantes, vers 11 h 15, et nous pourrons poursuivre notre mandat. Merci à tous. Alors, on vous souhaite une bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 20 h 18)

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