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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, October 5, 2016 - Vol. 44 N° 108

Special consultations and public hearings on Bill 53, An Act to update the Act respecting collective agreement decrees mainly to facilitate its application and enhance the transparency and accountability of parity committees


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Dominique Vien

M. Sylvain Rochon

M. Marc Picard

Auditions

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Centrale des syndicats démocratiques (CSD) et Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Association patronale des coiffeuses et coiffeurs de l'Outaouais (APCO), Comité paritaire
des coiffeurs de l'Outaouais, Syndicat des employé-e-s coiffeuses et coiffeurs
de l'Outaouais (SECO)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Autres intervenants

M. Claude Cousineau, président

M. Robert Poëti, vice-président

M. Sébastien Schneeberger  

*          M. Serge Cadieux, FTQ

*          M. Jean-François Beaudry, idem

*          Mme Francine Lévesque, CSN

*          M. François Enault, idem

*          M. François Vaudreuil, CSD

*          M. Hugo Parisien, Comité paritaire des coiffeurs de l'Outaouais

*          M. Denis Brochu, idem

*          M. Stéphane Drouin, SECO

*          M. Yves Briand, APCO

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, bonjour à tous et à toutes. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 53, Loi actualisant la Loi sur les décrets de convention collective en vue principalement d'en faciliter l'application et de favoriser la transparence et l'imputabilité des comités paritaires.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lamontagne (Johnson) est remplacé par M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, nous débuterons cet avant-midi par des remarques préliminaires puis nous entendrons les organismes suivants : la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, et la Confédération des syndicats nationaux conjointement avec la Centrale des syndicats démocratiques.

Alors, pour les remarques préliminaires, la répartition du temps, c'est un total de 12 minutes. Pour Mme la ministre, ça sera six minutes; pour l'opposition officielle, 3 min 30 s et le deuxième groupe d'opposition, 2 min 30 s. Donc, nous débutons avec les remarques préliminaires de Mme la ministre.

Mme Dominique Vien

Mme Vien : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Bon matin à chacun et à chacune. On étudiera, au cours des prochains jours, le projet de loi n° 53, qui améliore la Loi sur les décrets de convention collective.

Actuellement, au Québec, la Loi sur les décrets de convention collective touche 75 000 salariés, 2 300 artisans et 8 700 employeurs. On compte 15 décrets en vigueur, notamment dans l'entretien d'édifices publics, dans les services automobiles et chez les agents de sécurité. Ces décrets sont administrés par des comités paritaires, qui sont formés de représentants syndicaux et patronaux.

Cette loi est plus âgée que n'importe qui d'entre nous ici aujourd'hui. En effet, elle est née en 1934, dans le sillage de la grande dépression. Le ministère du Travail a été créé, quant à lui, en 1931. La Loi sur les décrets de convention collective, c'est la première législation générale en matière de travail au Québec. Elle était là bien avant la Loi sur les normes du travail, qui ont vu le jour en 1979, et même bien avant le Code du travail, qui, lui, date de 1964. La loi n'a pas été révisée depuis 20 ans et le moment est venu de la revisiter.

Ce que nous proposons dans le projet de loi n° 53 est le fruit d'un large consensus à la suite de négociations... pardon, de consultations. Les ajustements proposés permettent notamment de simplifier le processus de modification d'un décret, d'améliorer la transparence, la gouvernance et la reddition de comptes des comités paritaires et de confier au Tribunal administratif du travail, communément appelé le TAT, le soin d'entendre les litiges portant sur les champs d'application d'un décret. De façon plus détaillée, un recours pourrait désormais être intenté au Tribunal administratif du travail à l'encontre d'un comité paritaire si celui-ci, dans l'exercice de ses fonctions, a agi de mauvaise foi, ou encore d'une manière arbitraire, ou discriminatoire ou s'il a fait preuve de négligence grave à l'endroit d'un salarié ou encore d'un employeur. Et je précise aussi que le projet de loi propose de confier au TAT plutôt qu'aux tribunaux civils les litiges portant sur l'application d'un décret. Nous voulons, de cette façon, que les procédures soient plus rapides et moins coûteuses.

Nous avons également prévu accroître la transparence des comités paritaires. Le projet de loi détermine quels sont les renseignements qui devraient être versés ou encore publiés dans le site Internet Web, donc, d'un comité. Il prévoit la publication de divers documents administratifs, tels que le rapport annuel, les états financiers vérifiés et les prévisions budgétaires, ce qui n'existerait pas à l'heure actuelle.

La ministre serait autorisée à définir des directives visant la saine gouvernance des comités, notamment de se doter de codes d'éthique et à nommer des observateurs chargés d'assister à leurs séances.

Le projet de loi propose aussi de confier à la ministre la responsabilité d'approuver, par arrêté ministériel — c'est nouveau — les modifications à un décret de convention collective. Ces changements visent à réduire les délais et les coûts de traitement des requêtes. C'est simplement... et, disons-le, de la simplification réglementaire. Je tiens à préciser que des modifications mineures doivent actuellement être approuvées par le Conseil des ministres, ce qui, à sa face même, passez-moi l'expression anglaise, vient alourdir beaucoup le processus.

De plus, le projet de loi propose aussi d'actualiser les amendes imposées en cas d'infraction à la Loi sur les décrets de convention collective. Certaines n'ont pas été augmentées depuis 30 ans.

Nous n'avons pas oublié le volet formation et de la main-d'oeuvre... de la main-d'oeuvre, pardon. Dans le projet de loi, il est prévu qu'un décret puisse contenir toute disposition pour rendre obligatoire l'obtention d'un certificat de qualification pour exercer un métier ou encore une profession. On fait référence ici à un programme établi en vertu de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Des dispositions sont aussi prévues pour permettre aux comités paritaires de poursuivre leurs activités de formation continue.

Voilà, M. le Président, ça résume, de façon succincte, bien entendu, les objectifs, l'objet du projet de loi n° 53, qui est connu, comme projet de loi, puisque tous les partenaires du milieu, évidemment, y ont été associés, d'une façon ou d'une autre, dans l'élaboration de ce projet de loi, soit par des consultations ou autres, notamment au comité consultatif sur la main-d'oeuvre. Alors, je suis prête maintenant, après les remarques de mes collègues, à entendre les commentaires de nos invités.

• (11 h 20) •

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, Mme la ministre du Travail, députée de Bellechasse. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Richelieu pour 3 min 30 s pour... de l'opposition officielle pour vos remarques préliminaires.

M. Sylvain Rochon

M. Rochon : Merci, M. le Président. Mme la ministre, collègues de la deuxième opposition, députés du parti ministériel, collaborateurs. Mes remarques seront brèves, M. le Président.

Nous sommes ici en mode écoute. Il y a en effet près de 20 ans — la ministre le rappelait — que le dernier exercice de révision de la Loi sur les décrets de convention collective se déroulait. Cette loi, elle est importante puisqu'elle détermine les conditions de travail et de la main-d'oeuvre de plusieurs secteurs d'activité généralement soumis à une forte concurrence. Je sais qu'il y a des apôtres de l'abolition de cette loi, mais, comme le faisait remarquer Michel Grant, qui est professeur à l'UQAM, elle pourrait signifier, cette abolition, une baisse des conditions de travail et de la main-d'oeuvre.

Le ministère a amorcé, en 2009, un processus de réflexion, hein, sur le rôle et la place de cette législation à l'intérieur du système de relations industrielles québécois, puis, en 2012, des travaux de révision de la loi. Un avis, d'ailleurs, a été demandé au comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, lequel a été remis au ministre en décembre 2014. Ils ont permis, ces travaux, de dégager plusieurs consensus entre les représentants patronaux et syndicaux du comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, dont notamment celui de la nécessité de moderniser la loi actuelle et de renforcer la gouvernance et la transparence des comités paritaires. Le 26 mai 2015, le ministre du Travail de l'époque a présenté ce projet de loi pour actualiser la Loi sur les décrets de convention collective, qui s'appuie sur le consensus du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre... qui s'appuie généralement, je dois nuancer, parce que, des groupes nous feront remarquer, au cours de nos consultations, d'autres articles dérogent un peu de ce consensus ou encore n'en sont pas nés.

Alors, c'est pour ça que je dis que nous serons en posture, là, vraiment d'écoute pour, de façon très constructive, voir comment il pourrait être possible d'améliorer le projet de loi que nous avons à examiner. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Richelieu, porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail. Alors, je passerais maintenant la parole à M. le député de Chutes-de-la-Chaudière pour 2 min 30 s... du deuxième groupe d'opposition.

M. Marc Picard

M. Picard : Merci, M. le Président. Bon matin à tous. Tout comme mon collègue, j'ai analysé le projet de loi. On a eu un briefing technique aussi, Mme la ministre. Merci pour le briefing technique, mais... en tout cas, nous avons été informés qu'il y a eu un travail de fait en sous-comité du... c'est le CCTM, là, le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Et puis moi, j'avais vraiment l'impression qu'il y avait un consensus puis hier j'ai commencé à lire les mémoires et je vois que le gouvernement a fait d'autres choix. Puis ça, c'est son rôle, le gouvernement, là. Et je comprends que, lors des auditions, il y a des gens qui vont nous dire que ça ne respecte pas le consensus, et aussi différents groupes vont argumenter pour avoir qu'est-ce qu'ils auraient aimé avoir dans le consensus qu'ils n'ont pas eu. Donc, en tout cas... mais ça me fait penser un peu, lorsqu'on a eu le même exercice avec le député de Louis-Hébert sur un projet de loi, là, il y a quelques mois.

Mais, comme d'habitude, moi, je suis là pour être constructif, essayer de trouver le meilleur système possible pour ces comités paritaires là. C'est vrai que ça fait 20 ans qu'on n'a pas touché à cette loi, mais je vais avoir aussi certaines questions sur les pouvoirs qui sont attribués à la ministre, là, puis...

Parce qu'hier on ne m'a pas convaincu. Tantôt, la ministre a repris le même argument sur le fait que ça soit plus rapide, le fait que ça ne passe pas au Conseil des ministres, là. La seule explication qu'on a eue hier, c'était durant la période estivale, là, parce qu'il va y avoir quand... même si ça ne passe pas au Conseil des ministres, il y a quand même, je dirais, une ronde de consultations qui sera faite de façon sélective par la ministre, là. Mais ça ne m'a pas convaincu. Mais, en tout cas, on verra, là. Dans le cours des choses, on évolue toujours. Donc, vous allez peut-être réussir à me convaincre.

Donc, M. le Président, je termine mes remarques préliminaires là-dessus. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

Auditions

Alors, nous allons maintenant commencer les auditions. Pour votre information, la durée de l'exposé est de 10 minutes, et puis la période d'échange avec les parlementaires est de 32 minutes, puis trois minutes pour la présidence. Alors, étant donné qu'il n'y a pas de député indépendant, le gouvernement aura 16 minutes, l'opposition officielle 9 min 30 s et le deuxième groupe d'opposition 6 min 30 s.

Alors, bonjour. Donc, présentez-vous, avec l'organisme, et puis vous avez 10 minutes de présentation.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Cadieux (Serge) : Merci, M. le Président. Je suis Serge Cadieux, secrétaire général de la FTQ. Je suis accompagné de Me Jean-François Beaudry, qui représentait la FTQ sur le sous-comité du CCTM, qui a produit un avis sur les modifications à être apportées à la Loi sur les décrets de convention collective en décembre 2014. Bien, dans un premier temps, j'aimerais souligner... Bien, j'aimerais aussi remercier les membres de la commission de nous inviter pour faire valoir le point de vue de la FTQ.

Vous savez, parce que vous nous voyez souvent, la FTQ est une centrale syndicale importante au Québec. Nous représentons 600 000 travailleurs et travailleuses dans l'ensemble des secteurs d'activité économique et dans toutes les régions québécoises. La FTQ représente un très grand nombre de personnes syndiquées qui sont assujetties au régime d'extension juridique des conventions collectives, aussi connu sous le nom de régime des décrets de convention collective. Pensons notamment aux secteurs suivants : les services automobiles, l'entretien d'édifices publics, les agents de sécurité, le camionnage, l'enlèvement des déchets solides, l'installation d'équipements pétroliers, les matériaux de construction, la menuiserie métallique, le verre. Ce régime revêt donc une importance particulière pour les membres que nous représentons, mais également pour le maintien de conditions de travail décentes pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses concernés.

Le projet de loi n° 53, présenté en mai 2015, découle de plusieurs démarches, dont... Vous l'avez mentionné en introduction. Dans un premier temps, le ministère du Travail a mené en 2012 des consultations pour mettre à jour la Loi sur les décrets de convention collective. Le rapport qui en a résulté a constitué la base des discussions pour les travaux d'un sous-comité du CCTM, et, je dois le mentionner, le CCTM a examiné les 46 recommandations qui émanaient du ministère du Travail. Donc, il n'y a rien qui a été escamoté, les travaux ont vraiment porté à partir des 46 recommandations qui ont été faites. Et le CCTM arrivait avec un avis unanime qu'il présentait au ministre en date du 14 décembre 2014. Donc, ce n'est pas rien. Les gens qui sont couverts par la loi, c'est... sur le régime des décrets de convention collective, c'est-à-dire les employeurs et les associations de travailleurs, les syndicats, tout le monde s'est entendu, donc il y a eu un consensus complet là-dessus. Bon.

D'une façon générale, évidemment, on salue le projet de loi n° 53 là où le gouvernement a transcrit, dans un projet de loi, le consensus des parties. Ça, c'est évident. C'est un petit peu comme si les parties négocient une convention collective, c'est la loi des parties, et que le gouvernement le transposait dans une loi. C'est juste normal, c'est les parties qui sont impliquées là-dedans.

• (11 h 30) •

Toutefois, nous estimons que des modifications sont nécessaires avant l'adoption de ce projet de loi. Plusieurs de ses dispositions vont clairement à l'encontre de la philosophie qui sous-tend le régime des décrets de convention collective. Dans certains cas, le ministère fait fi des consensus dégagés par les travaux du CCTM pour s'arroger de nouveaux pouvoirs qui visent entre autres à modifier le contenu des décrets et à s'immiscer dans la gestion des comités paritaires. Dans un contexte où les parties du CCTM ont travaillé ensemble pour établir des consensus, nous nous expliquons mal ces décisions, qui, selon nous, n'améliorent pas le fonctionnement du régime des décrets de convention collective.

Et ici, là, j'apporterais une clarification. On peut comprendre, quand le ministre demande un avis aux partenaires, aux gens qui sont visés par une loi en particulier — ça ne vise pas l'ensemble des citoyens, ça vise des salariés particuliers, des groupes particuliers — et qu'un consensus sur les modifications à être apportées... et que ce consensus-là n'intervient pas, exemple, dans les finances publiques, moi, je peux comprendre que, s'il y a un consensus qui demande au gouvernement d'injecter de l'argent pour créer un nouveau service à la population ou un nouveau service à la clientèle qui est couverte par la Loi sur les décrets de convention collective, là le ministre doit faire des arbitrages et qu'il y a une décision qu'il doit prendre. Mais, à partir du moment où les parties arrivent à un consensus, la FTQ s'explique mal que le ministre prenne plutôt l'avis du ministère du Travail, qui avait fait un travail de déblayage en premier, là, en 2012, mais que ce travail de déblayage là n'a pas abouti à un consensus entre les parties, surtout quand ça n'implique pas de l'argent de l'État, que ça vise uniquement les employés et les employeurs touchés par la Loi sur les décrets de convention collective.

Vous savez, au cours des dernières années et depuis 2008, j'ai siégé sur plusieurs sous-comités du CCTM à la demande d'avis des différents ministres du Travail qui se sont succédé. Et on constate de plus en plus que le ministère du Travail a pris la fâcheuse habitude de centraliser plus les décisions auprès du ministère plutôt que d'accueillir favorablement les compromis qui ont été trouvés entre les parties. Et, je le répète, là, je comprends que le pouvoir du ministre peut et doit être exercé dans le cas où les parties ne s'entendent pas. C'est sûr qu'il y a un arbitrage à faire et que le ministre doit trancher sur un bord, ou sur l'autre, ou dans le milieu, en fait au meilleur de sa connaissance, c'est normal, mais, à partir du moment où il y a un consensus qui n'amène pas des déboursés de la part des finances publiques, qui concerne vraiment... parce que les comités paritaires sont financés par les parties, là, on s'entend là-dessus, là, ce n'est pas le gouvernement qui met de l'argent là-dedans, alors donc, honnêtement, on trouve ça malheureux.

Et, je vous le dis, là, ça peut décourager les gens qui siègent, des partenaires, là, autant patronal, syndical... Ce discours-là, vous n'allez pas l'entendre uniquement de la partie syndicale, vous allez l'entendre aussi de la partie patronale, là, ça peut décourager les parties qui siègent. Ils ne sont payés pour siéger là-dessus, là, les parties, pour essayer de trouver des solutions, puis qu'on met ça de côté. Moi, je demande que le gouvernement... et je demande à la ministre d'examiner ça avec une grande attention, là, c'est l'occasion qu'on a aujourd'hui de le lui rappeler. Puis, vous allez le voir, dans notre lettre mémoire, il n'y a pas juste deux, trois endroits où il y a eu des consensus et où ça a été écarté; vous l'avez, dans le bas de la page 2, là, l'ensemble des articles de notre mémoire, l'ensemble des articles qui ont été écartés.

Donc, avec le projet de loi n° 53, le ministre du Travail s'arroge de nouveaux pouvoirs, ce qui est en opposition complète avec l'esprit de la Loi sur les décrets de convention collective. D'abord, le ministre obtient le pouvoir de réviser la pertinence du champ d'application de toute disposition d'un décret à la demande des parties. Cette situation n'est pas acceptable, selon nous. Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il mettre en place une telle mesure alors que le CCTM... qui est arrivé à un consensus voulant que le contenu des ententes susceptibles de faire l'objet d'une extension juridique ne soit pas révisé? Nous estimons que de tels pouvoirs viendraient mettre en péril la stabilité des rapports autant au sein des comités paritaires qu'entre ces derniers et les assujettis. De plus, nous craignons que cela ne compromette le maintien des décrets puisque l'opposition d'un seul intervenant pourrait mener à la révision de leur contenu. La FTQ demande donc que les contenus des décrets de convention collective ne puissent être révisés par la ministre.

Ensuite, le projet de loi permet au gouvernement d'adopter un règlement afin de définir les termes et expressions qui y sont utilisés ou préciser les définitions prévues au présent article. Une telle disposition, nous le craignons, pourrait permettre de réduire le nombre de personnes salariées et d'employeurs assujettis aux décrets de convention collective. Aussi, cela donne la possibilité de rouvrir le débat concernant l'inclusion des artisans à la loi alors que les parties ont clairement indiqué ne pas vouloir aller dans cette direction. Bien que les définitions actuelles ne soient pas parfaites, elles permettent néanmoins de garantir un certain équilibre. Donc, conformément à l'avis du CCTM, la FTQ demande qu'il soit permis au ministre de revoir ou d'actualiser les définitions.

Finalement, le projet de loi accorde des pouvoirs additionnels au ministre en ce qui a trait aux règlements élaborés par les comités paritaires pour leur fonctionnement. Le ministre peut établir des directives pour favoriser une saine gouvernance des comités paritaires. Il est également en mesure d'abroger ou de modifier tout règlement d'un comité paritaire et il devient responsable de leur approbation alors qu'il s'agissait précédemment d'une prérogative du gouvernement. Pourtant, l'octroi de tels pouvoirs au ministre n'a jamais fait l'objet d'un consensus au CCTM. Les parties s'étaient toutefois entendues pour qu'un règlement général soit adopté afin de fixer des balises pour les règlements des comités paritaires.

La FTQ estime que le futur règlement devrait être élaboré selon les recommandations du sous-comité du CCTM et en collaboration avec les parties prenantes.

Donc, c'est tout le temps que j'ai. On aura l'occasion d'échanger...

Le Président (M. Cousineau) : Avec les questions des parlementaires, vous pourrez poursuivre. Donc, je passe maintenant la parole à Mme la ministre pour les 16 prochaines minutes. Merci, M. Cadieux.

Mme Vien : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Cadieux, maître, merci d'être là ce matin. J'aimerais savoir exactement, M. Cadieux, pour quelle raison vous craignez tant que la ministre puisse apporter des modifications. Puis je tiens à préciser au passage également que ce n'est pas tous les changements, là, qui emprunteraient la voix de l'arrêté ministériel, je tiens à le rappeler, là, il y a certains domaines, il y a certains éléments qui pourraient être touchés, par exemple, qui continueraient à passer par la voie réglementaire, notamment toute la question de la révision, par exemple, des définitions. Qu'est-ce que qui vous chicote tant, M. Cadieux, à la FTQ, là-dessus?

M. Cadieux (Serge) : Ce n'est pas uniquement la FTQ, je vous dirais, parce que c'est la position commune, tant des associations d'employeurs que des associations syndicales. Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas tous les consensus qui ont été écartés qui visent le pouvoir ministériel, là, il y a différents éléments, mais... Parce que, vous savez, cette loi-là, c'est une loi qui vise les parties et il est normal, comme le processus existait actuellement, que, s'il y avait des modifications à être apportées... et c'est la preuve vivante, aujourd'hui, on est ici aujourd'hui pour voir des modifications à la loi sur les régimes des décrets de conventions collectives, qui n'a pas été revisitée depuis 20 ans. On ne s'oppose pas à ça. Mais on dit : Quand il y a une révision qui vient affecter les droits des parties, ça ne doit pas être pris par une seule personne. Ça doit suivre le processus normal d'un amendement législatif et ça doit être soumis au jeu et les parties doivent avoir l'opportunité de faire valoir leur point de vue là-dessus.

Mme Vien : M. Cadieux, sauf erreur, vous me corrigerez, que ce soit dans un sens ou dans l'autre, un arrêté ou évidemment un règlement, il y a toujours les consultations de 45 jours à la Gazette officielle, donc, une prépublication.

M. Cadieux (Serge) : Sur un règlement.

Mme Vien : Et un arrêté ministériel aussi. C'est ce qu'on me confirme ici.

M. Cadieux (Serge) : Oui, oui, oui.

Le Président (M. Poëti) : ... pour les fins de l'enregistrement, donc, M. Beaudry.

M. Beaudry (Jean-François) : Oui, bonjour. Je mentionnais qu'effectivement il y a une publication de 45 jours pour un arrêté.

Mme Vien : Donc, une possibilité pour les groupes, les gens intéressés à s'opposer, ou à apporter des commentaires, ou à nous faire part de leurs observations sur un enlignement ou un changement que voudrait apporter le ou la ministre.

• (11 h 40) •

M. Cadieux (Serge) : Oui, mais c'est très différent. Le processus est très différent, hein? Puis, quand il y a une modification au règlement, qu'on le met dans la Gazette officielle, on fait valoir notre point de vue par écrit, il n'y a pas de commission parlementaire, c'est un processus qui est différent d'un amendement législatif. On va en convenir, là, on va en convenir tous les deux.

Donc, nous, on pense que, de toute façon, ça a bien servi par le passé, il n'y a pas eu de dérapage à ce niveau-là. On n'aime pas l'attitude ou le chemin que le gouvernement semble de plus en plus prendre de donner le pouvoir à un ministre, puis je peux prendre l'exemple du projet de loi n° 10. Évidemment, on l'a décrié, on pense que ça ne devrait pas être le chemin qui doit être pris, alors, autant pour cette loi-là que pour plein d'autres lois.

Le Président (M. Poëti) : Mme la ministre.

Mme Vien : Vous avez soulevé qu'on a pris en considération davantage le point de vue du ministère du Travail sur certains éléments plutôt que l'avis ou le consensus qui est né des délibérations qui ont eu lieu dans le sous-comité du CCTM. Qu'est-ce qui vous fait penser ça? Et qu'est-ce qui vous dérange dans le fait qu'on puisse considérer l'avis du ministère du Travail? Je vais vous donner mon opinion très claire là-dessus : on semble mettre en opposition l'avis du ministère, les gens du ministère et les gens qui siègent au CCTM. Je voudrais juste bien comprendre votre pensée là-dessus.

M. Cadieux (Serge) : Ma pensée n'est pas compliquée, ma pensée n'est vraiment pas compliquée, Mme la ministre. Il y a des travaux qui ont été faits par le ministère, des travaux qui ont été faits entre 2009, 2012. Il y a eu des recommandations qui ont émané du ministère. Le gouvernement n'a pas cru bon, à cette époque, de reprendre ces recommandations-là et de les mettre au jeu pour un projet de loi, et je dirais que le gouvernement a eu la sagesse de demander aux partenaires ce qu'ils en pensaient, et parce que ça les touche eux, ça les touche eux, ça ne touche pas les autres citoyens du Québec. Ça touche les employeurs puis les travailleurs qui sont visés par la Loi sur les décrets de convention collective, donc le monde sur le terrain, le monde qui finance les comités paritaires, et ils ont dit : Parfait, regardez, on... Et ces gens-là ont fait un travail très sérieux, et ils ont examiné les 46 recommandations, et ils ont dit : Bien, là-dessus, on est d'accord. Il y en a qu'on est allés de l'avant, que les parties sont allées de l'avant avec la recommandation, mais il y en a d'autres qui ont dit : Bien, ce n'est pas vraiment adapté à notre situation, donc on recommande de quoi de différent.

Et, moi, ce qui me dérange, c'est qu'à partir du moment... et pas moi personnellement, ce qui dérange la FTQ, c'est qu'à partir du moment où on interpelle les joueurs de première ligne, les gens qui sont visés par les modifications, quand on sait que le ministère a fait un travail avant, mais que ça ne semble pas que le gouvernement est préoccupé... Est-ce que ça, c'est vraiment ce que les parties souhaitent? Et je salue cette décision-là, que vous avez demandé au CCTM d'examiner ça. Et le CCTM vous arrive, puis il dit : Bien, il y a un paquet d'éléments qui ont fait consensus. Celle-là, moi, j'aurais tendance, Mme la ministre, bien humblement, et en tout respect pour l'opinion contraire, à partir du moment où il n'y a pas de l'argent qui sort des coffres publics, les parties veulent ça, c'est eux qui travaillent. Mais pourquoi chercher la chicane quand les deux veulent ça? C'est un peu comme quand les deux parties négocient une convention collective puis qu'ils s'entendent, je vois mal quelqu'un de l'extérieur venir dire : Non, non, ça ne sera pas ça.

C'est la loi des parties. À partir du moment où, là, on demande... que les parties ne s'entendent pas, c'est votre rôle de trancher, je le respecte, et on vous demande souvent, dans plusieurs dossiers : Écoutez, on ne s'entendra pas, vous devez mettre de quoi au jeu, vous devez trancher. C'est votre rôle comme élus, je ne mets pas ça en doute. Mais, à partir du moment où on s'entend que ça ne coûte rien au gouvernement, pourquoi ne pas aller de l'avant? Je veux dire, on a de la difficulté à comprendre, ça ne fonctionne pas, ça, on ne peut pas fonctionner comme ça avec les partenaires.

Le Président (M. Poëti) : Mme la ministre.

Mme Vien : Alors, M. le Président, moi, je vais passer la parole aux collègues. Il doit certainement me rester un petit peu de temps si je voulais revenir à...

Le Président (M. Poëti) : Bien sûr, il reste 8 min 50 s. Donc, M. le député de Richelieu, la parole est à vous.

M. Rochon : Oui. Merci, M. le Président. Merci, M. Cadieux, d'avoir produit ce mémoire et d'être là pour le défendre et nous aider à faire une bonne réflexion utile à l'examen minutieux qui suivra, article par article, du projet de loi.

Alors, j'ai bien compris que la FTQ souhaite que l'adoption de ce projet de loi mène à la revalorisation du régime des décrets de conventions collectives. Vous écrivez : «Plusieurs secteurs d'activité économique pourraient bénéficier de ce formidable outil de protection sociale, en particulier dans le secteur des services où oeuvrent une proportion importante de femmes — vous faites bien de le signaler — et où la syndicalisation est souvent plus difficile. Dans un contexte où la hausse des inégalités sociales freine la croissance économique, menace la stabilité de l'économie, érode le tissu social, nous sommes persuadés — écrivez-vous — que le régime des décrets de convention collective peut jouer un rôle crucial dans une redistribution plus équitable de la richesse au Québec.»

Cette conclusion me rejoint, rejoint ce que défend ma formation politique, sensible au sort des travailleuses et des travailleurs.

Autre chose qui me rejoint dans votre mémoire, c'est cette observation que vous faites qu'au cours des dernières années il y a une inquiétante tendance à la centralisation de la part du gouvernement, tendance à privilégier les décisions qui viennent d'en haut, hein, et tous secteurs confondus. J'observe ça aussi. «Or — vous dites — cette approche ne peut s'appliquer au régime des décrets de convention collective, qui repose sur le paritarisme — c'est un beau mot — et la concertation.»

Vous avez des inquiétudes à l'égard des nouveaux pouvoirs dont s'arroge le ministre, notamment celui de «modifier le contenu des décrets et à s'immiscer — là je reprends, là, votre texte à vous, là — dans la gestion des comités paritaires». Puis vous dites : Ça n'a pas d'incidence financière sur le gouvernement. Il ne devrait pas s'en mêler. D'accord. Mais est-ce que cela n'a pas d'incidence, par ailleurs, sur les consommateurs, les citoyennes et les citoyens du Québec, ce que ces décrets établissent? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Cadieux (Serge) : Bien, vous savez, comme on l'explique un peu dans... premièrement, ça vient aussi réguler un peu la concurrence, hein, ça empêche la concurrence déloyale dans certains secteurs d'activité. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle, à l'origine, ça a été mis en place. Vous savez, on a un régime qui est entre la Loi sur les normes du travail et le Code du travail. Bon, c'est ce régime-là qui existe depuis les années 30 et qui vient réguler. Et, à partir du moment où on pense que, dans un secteur d'activité économique... parce qu'il peut y en avoir d'autres, décrets, aussi, ce n'est pas limité à ceux qui existent actuellement... et à partir du moment où une ou des parties demandent d'extensionner ça à d'autres secteurs, bien, on va devoir faire la démonstration que, socialement et économiquement, c'est correct, là, c'est rentable, qu'il y a un équilibre qui est respecté. Et c'est la même chose la journée où on veut en abolir un, on doit aussi faire cette démonstration-là. Ça ne doit pas être pris uniquement... ça ne doit pas être une décision ministérielle. C'est un régime, là, qu'on va mettre de côté.

Je prends l'exemple, dans l'Outaouais, là, pour le décret des coiffeurs de l'Outaouais, ces gens-là, écoutez, sont déçus, puis là, évidemment, vous parlez de femmes, il y a beaucoup de femmes, on s'entend-u, dans ce secteur-là. C'est catastrophique pour ces gens-là qu'il n'y ait plus de décret dans leur région, pour les travailleuses, les travailleurs qui travaillent dans des salons de coiffure dans l'Outaouais. Et évidemment, là, évidemment, c'est mis au jeu dans le projet de loi. Évidemment, on n'est pas d'accord avec ça, mais ça ne doit pas être une décision ministérielle.

M. Rochon : Puisque vous faites allusion au Décret sur les coiffeurs de la région de l'Outaouais, le motif pour lequel le projet de loi propose l'abrogation de ce décret, c'est celui qu'il est le seul qui doive son existence à une exception prévue dans la loi. On nous dit, au ministère, que, contrairement aux autres décrets — mon collègue de la deuxième opposition faisait référence tantôt à notre briefing technique d'hier, là — il ne repose pas, celui-là, sur une convention collective existante. Qu'est-ce que vous avez à répondre à l'égard de ce motif pour lequel l'abrogation dudit décret est proposée par le projet de loi?

M. Cadieux (Serge) : Je vais demander à Me Beaudry de vous répondre parce qu'il a siégé sur les travaux.

• (11 h 50) •

M. Beaudry (Jean-François) : En fait, sur cette question-là, il n'y a jamais eu de discussions en sous-comité sur l'abrogation du décret dans la coiffure. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, de toute façon, il existait d'autres formes de conditions de travail qui s'appliquaient à un ensemble de personnes, et, cette réalité-là, on la retrouvait dans le domaine de l'automobile. Et les conditions de travail qui étaient discutées n'originaient pas d'une convention collective négociée employeur-employés, mais bien d'une entente sur les conditions de travail qui était issue des discussions en comité paritaire. Et donc, à mon point de vue, cette exception-là dont vous faites mention ne s'applique pas parce que, de toute façon, il y avait déjà des pratiques dans le domaine qui permettaient, dans le fond, à un décret d'exister malgré le fait qu'il n'y avait pas de négociation directe entre employeur et employés dans le sens d'une convention collective initiale.

M. Rochon : Alors, je vous entends contester le fait qu'il s'agisse, dans les faits, d'une exception, là, ou qu'il s'agisse d'une exception dans les faits. Mais, même si c'était le cas, et que, cette exception, elle ait été prévue dans la loi, y aurait-il quelque chose de neuf sous le soleil pour, aujourd'hui, la faire disparaître?

M. Cadieux (Serge) : Pas à notre connaissance, il n'y a pas de quoi qui vient faire en sorte qu'aujourd'hui on va l'abolir, là.

M. Rochon : «[La] ministre obtient le pouvoir — nous en parlions, là — de réviser la pertinence du champ d'application et de toute disposition d'un décret à la demande des parties.» Vous écrivez, plus loin, après avoir fait cette remarque, votre crainte que «cela ne compromette le maintien des décrets puisque l'opposition d'un seul intervenant pourrait mener à la révision de leur contenu». Est-ce que je dois comprendre que, s'il s'agissait d'une opposition conjointe, d'une demande conjointe, vos vues seraient différentes?

M. Cadieux (Serge) : Les discussions au CCTM, Me Beaudry va répondre.

M. Beaudry (Jean-François) : Alors, sur cette question-là, effectivement, lorsqu'on a discuté, en sous-comité, de cette question-là, tous les intervenants ne souhaitaient pas qu'il y ait de révision des décrets par le ministre. Mais les discussions portaient strictement sur le fait qu'on ne souhaitait pas qu'il y ait de révision par le ministre en cours de décret. L'objectif fondamental était de s'assurer qu'il y ait stabilité dans les rapports et qu'on s'assure que cette stabilité demeure. Maintenant, lorsqu'est arrivé le projet de loi, on a intégré cette nouvelle disposition là, et nous, on l'a contestée, maintenant, parce qu'elle est formulée de façon de permettre à ce qu'une seule partie puisse intervenir et faire en sorte qu'un décret pourrait éventuellement être modifié.

Le Président (M. Poëti) : Merci, M. Aubry. Le temps étant terminé, je vais demander à la ministre si elle veut terminer son temps de parole immédiatement ou, par alternance, laisser le député de la CAQ s'exprimer.

Mme Vien : ...

M. Picard : Vous pouvez le dire fort, je suis gentil, là.

Mme Vien : Non, non. Par gentillesse, je vais vous laisser la parole.

M. Picard : Merci, Mme la ministre. Merci, M. Cadieux, et maître.

Dans le mémoire... bien, je comprends, comme je disais tout à l'heure, mais je comprends que, ce que vous nous dites, il y a eu un travail de fait au sous-comité, et là, dans le projet de loi, vous retrouvez certaines choses, mais le ministère, là, a amené d'autres sujets ou d'autres angles sur un document qui existait depuis déjà quelques années, qui avait été travaillé.

Dans votre mémoire, à la page 2, je voudrais avoir une précision, là, au deuxième alinéa, deuxième phrase, vous dites : «Dans certains cas, le ministère fait fi des consensus dégagés par les travaux du CCTM pour s'arroger de nouveaux pouvoirs qui visent, entre autres, à modifier le contenu des décrets et à s'immiscer dans la gestion des comités paritaires.» Qu'entendez-vous par «s'immiscer dans la gestion»? Là, ce n'est pas... Donc, j'aimerais avoir des précisions là-dessus.

Une voix : Me Beaudry.

M. Beaudry (Jean-François) : Oui. Mais, en fait... C'est ça, c'est que, d'une part, la façon dont... Les gens se sont posé la question. On était d'accord et tout le monde était d'accord pour qu'il y ait un règlement général qui s'applique aux comités paritaires et qui soit décrété par le gouvernement. Mais, lorsqu'on a revu le projet de loi, d'abord, c'était un pouvoir qui était donné au ministre, le ministre pouvait même modifier ou abroger un règlement des comités paritaires et il peut même aller plus loin que ça, il peut même émettre des directives aux comités paritaires de la façon de se comporter, et là ça va très loin. Alors, c'est non seulement le pouvoir réglementaire qui est donné au ministre, non seulement le pouvoir de modifier ces règlements ou de les abroger, mais en plus de pouvoir émettre des directives qui vont lier les comités paritaires, et, en ce sens-là, on considère que le ministère s'ingère dans les affaires, ou pourrait s'ingérer dans les affaires d'un comité paritaire.

M. Picard : À votre connaissance, est-ce qu'il y avait eu des discussions avec le ministère, disant... à un moment donné, disons qu'il y avait un problème dans les travaux d'un comité paritaire, puis dire : Bien là, si vous ne le réglez pas, on va diriger, on va vous donner des instructions?

M. Beaudry (Jean-François) : ...discussions en sous-comité et on a proposé au ministre et au ministère de faire en sorte qu'il y ait un observateur du ministère qui se présente aux assemblées et aux réunions du comité. Et lorsqu'il y a... avec des pouvoirs même assez grands, l'article 26 de la loi prévoit qu'une personne pourrait avoir des pouvoirs d'un commissaire d'enquête, en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Et donc cette personne-là, c'est un peu, dans le fond, une espèce de... sans être un tuteur, c'est quelqu'un du ministère qui vient surveiller ce qui se passe. Et nous, on considérait que c'était suffisant, il y avait consensus à cet égard-là de la part de toutes les parties autour de la table.

M. Picard : Au niveau... je vais attaquer l'angle de la transparence, parce que, dans le projet de loi, on parle de la transparence et de l'imputabilité. C'est quoi vos commentaires là-dessus, sur la transparence des comités paritaires, de la gestion, des fonds, tout ça, là?

M. Beaudry (Jean-François) : Bien, en fait, il a été constaté effectivement que, du côté des comités paritaires, on se retrouvait dans une situation d'une loi quand même qui date de plusieurs années, qui n'avait pas été révisée depuis 1996. Et, depuis ce temps-là, il y a eu toute une mouvance au niveau gouvernemental pour permettre justement une plus grande imputabilité, une plus grande transparence, des règles de gouvernance plus structurées, et, en ce sens-là, on était d'accord. Il y a des recommandations qui visent la transparence sur, par exemple, les états financiers, les budgets, qui sont les membres du comité paritaire, qui siège sur un comité paritaire, etc. Et donc il y a une ouverture, mais tout ça dans un contexte encadré d'une réglementation encadrée et pour permettre aux gens de savoir... et d'être mieux protégés et surtout de connaître comment fonctionne le comité paritaire et, s'il y a lieu, de pouvoir réagir.

M. Picard : Merci. Il reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Cousineau) : 2 min 9 s.

M. Picard : Deux minutes? Merci. Au niveau de la nomination des gens du comité paritaire actuellement, pouvez-vous expliquer comment ça se passe? Qui détermine que telle personne représente la partie patronale, telle personne représente le syndicat?

M. Beaudry (Jean-François) : Ce sont les parties qui désignent des représentants en nombre égal, et donc siègent sur les comités paritaires des individus qui sont identifiés par les parties.

M. Picard : Ici, dans ma question, est-ce que c'est les travailleurs qui déterminent les représentants, partie syndicale, que je vais mettre entre guillemets, et est-ce que c'est les employeurs... parce que...

M. Beaudry (Jean-François) : Très souvent, ce sont les associations de salariés qui désignent des représentants, et la même chose du côté des employeurs. Ce sont leurs associations qui déterminent leurs représentants.

M. Picard : O.K., c'est bon. Je vais revenir sur le comité paritaire de l'Outaouais, là. Hier, j'ai posé la question au briefing technique puis je n'ai pas eu de... C'est quoi votre feeling là-dessus, là, pourquoi on veut abolir le comité paritaire dans l'Outaouais? Là, on nous dit : Ça fait 20 ans, c'était une exception. Mais pourquoi qu'on ne l'a pas fait avant? Je ne suis pas capable de comprendre pourquoi.

• (12 heures) •

M. Cadieux (Serge) : M. Beaudry l'a dit, ça n'a pas été discuté dans les travaux du comité. Moi, je pense qu'il y a une partie qui l'a demandé, qui est la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Ça n'a pas été discuté lors des travaux, et il y a le dépôt du projet de loi, et on se rend compte que c'est là-dedans, et ça n'a jamais été discuté. Bon. Pourquoi aujourd'hui? Je pense que c'est une demande d'une partie puis qu'on y fait droit.

Le Président (M. Cousineau) : 15 secondes.

M. Picard : 15 secondes. Je vais vous remercier pour votre participation. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière. Mme la ministre, il vous reste 8 min 50 s.

Mme Vien : Oui, merci, M. le Président. Ma question s'adresse à vous, M. Cadieux. Est-ce que vous jugez que les comités paritaires doivent faire preuve de plus de transparence et améliorer leur gouvernance?

M. Cadieux (Serge) : Oui, comme Me Beaudry l'a dit, et c'est dans ce sens-là qu'on était d'accord pour les modifications qui sont apportées.

Mme Vien : À ce qu'on me laisse entendre, c'est que, par exemple, sur toute la question de la transparence, tout ce qui est prévisions budgétaires, rapports annuels, etc., ne figurerait pas, au moment où on se parle, dans la grande majorité des cas, dans les sites Internet, ce qui est maintenant rendu l'outil principal de transmission d'informations des comités paritaires.

Là où je veux en venir, c'est que qui devrait avoir l'autorité de leur dire ce qui devrait se retrouver normalement sur leurs outils de communication? Si ce n'est pas la ministre, ça devrait être qui, puisque, jusqu'à aujourd'hui, sauf erreur, ils ne se sont pas autorégulés? Je ne porte pas de jugement, M. Cadieux, j'essaie de comprendre. Qu'est-ce que vous avez à me répondre là-dessus?

M. Cadieux (Serge) : Bien, moi, ce que j'ai compris, c'est que les parties ont assaini, ont apporté des mesures pour assainir des bonnes règles de gouvernance et recommandent même que le ministère puisse envoyer un observateur. Il me semble qu'un observateur qui a un mandat de la ministre du Travail d'aller voir ce qu'il se passe, si ça ne marche pas, la première qui va le savoir, c'est la ministre du Travail, et elle pourra prendre les décisions en conséquence. Il me semble que ça, ça doit satisfaire un ministre, en disant : Bien, s'il y a des affaires qui retroussent, on a quelqu'un qui est là, qui est un observateur, qui... puis, évidemment, ça donne le message aussi aux membres du comité paritaire, bien, qu'ils doivent se comporter correctement.

Mme Vien : Ça va être ma dernière question, M. le Président. M. Cadieux, comment on peut augmenter l'imputabilité de ceux et celles qui siègent au comité paritaire? Parce qu'on parle beaucoup de gouvernance, on parle de transparence, on parle aussi d'imputabilité. Est-ce que c'est un concept qui devrait faire partie des changements apportés puis, si oui, comment on l'organise? Comment on fait atterrir ça?

M. Cadieux (Serge) : Ce n'est pas compliqué, Mme la ministre : par la réglementation, par de la réglementation, pas par des pouvoirs d'une seule partie. On encadre ça par des règlements, on le fait dans plusieurs autres organismes, on le fait à la CNESST, on le fait... On le fait pratiquement partout, là. On n'est pas en train de vous dire qu'on ne doit pas encadrer les bonnes pratiques, la bonne gouvernance. Mais ça, ça se fait par la loi ou par les règlements. C'est notre position.

Mme Vien : Bien, alors, si je comprends... puis je vous suis très bien dans tout ce que vous m'avez dit aujourd'hui. Là, je pense, où le bât blesse, c'est que vous n'êtes pas d'accord, peut-être pas sur le contenu, mais sur le véhicule qui est emprunté, c'est-à-dire que ce que vous souhaitez, c'est qu'on continue par la voie gouvernementale, donc Conseil des ministres, etc., et qu'on n'aille pas dans la voie de l'arrêté ministériel.

M. Cadieux (Serge) : Vous m'avez bien compris, Mme la ministre.

Mme Vien : Même si je vous assure que, dans les deux cas, il y a prépublication, il y a donc consultation, vous maintenez que vous n'êtes pas en accord. Parfait, merci.

M. Cadieux (Serge) : Même à ça, le chemin actuellement suivi est le bon chemin.

Mme Vien : Merci beaucoup, M. Cadieux. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, Mme la ministre, merci, M. Cadieux, merci, M. Beaudry pour votre participation à notre commission parlementaire.

Je suspends pour quelques instants et je demande aux gens du groupe suivant de bien vouloir s'approcher à la table, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 12 h 7)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, bonjour à tous et à toutes. Nous reprenons nos travaux. Alors, nous recevons maintenant les gens de la Confédération des syndicats nationaux et Centrale des syndicats démocratiques. Donc, celui ou celle qui va faire la présentation, vous vous présentez, et puis vous présentez les gens qui vous accompagnent, et, comme le groupe précédent, vous avez 10 minutes de présentation. Par la suite, nous passerons aux périodes d'échange. Alors, allez-y.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD) et
Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Lévesque (Francine) : Merci, M. le Président. Alors, c'est moi qui vais ouvrir la séance. Je suis Francine Lévesque, vice-présidente de la CSN. Je suis accompagnée, à ma droite, de François Vaudreuil, qui est président de la CSD, M. Guy Harvey, M. Normand Pépin et, à ma gauche, François Enault et Claude Bernier.

Donc, bien, merci de nous recevoir aujourd'hui pour faire le point avec vous sur nos réactions à votre projet de loi n° 53. Alors, évidemment, nos deux organisations ont décidé de joindre leurs voix ce matin parce qu'étant parties prenantes toutes les deux de décrets dans le secteur de l'industrie des services automobiles, or, on a donc conséquemment... et au CCTM et également sur le terrain, on partage une expérience commune qui nous permet aujourd'hui, d'une même voix, de vouloir souligner l'importance à nos yeux de maintenir la Loi sur les décrets de convention collective, mais également l'importance, évidemment, dans le contexte actuel, de l'actualiser pour la rendre plus apte à répondre aux besoins des travailleuses et des travailleurs sur le terrain, qu'ils soient syndiqués ou qu'ils ne le soient pas.

On pense que c'est important, cette loi-là, parce qu'elle permet très certainement de rehausser de façon importante les conditions salariales, mais les conditions de travail également des gens de ces milieux-là, et, bien, c'est quand même quelque chose qui est intéressant. Ça fait partie de nos missions sociales également de nous préoccuper non seulement du sort des membres que nous représentons, mais également des gens qui sont peut-être parmi les moins capables de se représenter, là, parce qu'ils ne sont pas membres d'une organisation syndicale.

• (12 h 10) •

Donc, pour nous, l'importance également d'actualiser cette loi-là repose sur l'importance de maintenir, je dirais, ce qui a caractérisé cette loi-là depuis 1934, date à laquelle elle a été adoptée, suite à la grande dépression. C'était, dans le fond, pour permettre que, dans le milieu, sur le terrain, les secteurs industriels qui sont concernés puissent continuer de se développer, mais pas simplement sur la base qu'on va niveler par le bas les conditions de travail des gens qui oeuvrent dans ces milieux-là, mais ça va se baser, tout ça, sur, je dirais, une concertation qui va permettre de rehausser, pour tout le monde, les meilleures conditions de travail, les meilleurs... dans le fond, ce qui aurait été capable d'être conclu aux meilleurs qui puisse s'appliquer partout, de telle sorte que la concurrence se fasse sur des bases, je dirais, peut-être plus saines pour tout le monde dans l'industrie, pas simplement les patrons, mais également l'ensemble des travailleurs.

Donc, c'est ce qu'on pense qu'il est important de préserver dans la loi et c'est ce qui nous a animés dans l'ensemble des travaux auxquels on a participé au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et auxquels, dans le fond, on a continué de travailler dans la réalisation et dans la rédaction de notre mémoire ici ce matin.

Or, on va y aller très rapidement évidemment sur les éléments sur lesquels on pense qu'il y a encore matière à bonifier des choses dans le projet de loi parce qu'il y a beaucoup des choses qu'on a faites dans nos travaux qui ont été retenues par la ministre. Mais on pense qu'il y a peut-être des points sur lesquels on veut insister auprès de vous pour continuer encore, ce matin, de vous convaincre qu'il faut travailler encore plus à assurer le maintien de ce qui a caractérisé le milieu de travail visé par les décrets de convention collective, c'est-à-dire le partenariat, la concertation, et évidemment un processus qui est basé sur les meilleures pratiques en termes de relations de travail plutôt que sur une judiciarisation des choses, des travaux.

Or, c'est l'esprit qui nous a animés et, dès à présent, je vais céder la parole à François, qui va y aller peut-être, lui, de façon plus précise sur les éléments des recommandations qu'on vous a présentées.

M. Vaudreuil (François) : Merci, Francine. M. le Président, Mme la ministre...

Le Président (M. Cousineau) : ...c'est?

M. Vaudreuil (François) : Pardon? Vaudreuil, président de la CSD.

Le Président (M. Cousineau) : Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François) : Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de l'invitation qui nous a été faite. Notre présence ici, à la commission parlementaire, ce matin, est fort importante pour nous parce qu'on considère que la Loi des décrets de convention collective joue un rôle très important dans tout le droit de l'emploi, le droit du travail. On veut saluer, féliciter évidemment les consensus que vous avez reconduits dans le projet de loi, les consensus qui ont été établis au CCTM. Il y a certains éléments, certains irritants qui, selon nous, ne devraient pas apparaître au projet de loi, et c'est ces éléments-là dont je voudrais vous faire part immédiatement.

Le premier élément, on vous demande que soit retiré du projet de loi le pouvoir du gouvernement de définir les termes et les expressions ou de préciser les définitions, qu'il respecte la recommandation des parties au CCTM afin de ne pas revoir les définitions comme stipulé au CCTM; que soit retiré aussi du projet de loi ou du moins, plutôt, là, que soit clarifié le texte qui permet aux parties d'apporter des modifications au décret en tout temps. En fait, ce qu'on voudrait essentiellement, dans ce texte-là, c'est qu'il soit clarifié pour qu'on comprenne qu'il n'y ait pas d'interprétation, mais qu'on comprenne que ce soit fait de façon conjointe entre les employeurs et les représentants syndicaux.

Or, on vous demande aussi que vous renonciez à donner au ministre la possibilité de réviser toute disposition à un décret; que soit retiré du projet de loi l'article obligeant le ministre à consulter tout autre ministre qui lui paraît concerné ou du moins qu'il précise que ladite consultation ne doit pas faire obstacle à la volonté des parties de modifier le décret; que soit réécrit l'article 19 afin que ce soient les parties au CCTM qui élaborent les directives visant une saine gouvernance, et ce, sous la gouvernance du CCTM, qui est le lieu de concertation approprié; et enfin, le dernier élément, que soit revu et réécrit l'article 24 du projet de loi afin que des indications plus claires balisent la portée de l'arrêté ministériel autorisant le ministre à déterminer un processus de révision et que vous teniez compte du consensus des parties au CCTM à l'effet de nommer une personne représentant le ministère dont les fonctions et devoirs seraient de recevoir, d'enquêter, de traiter et de faire rapport au ministre relativement à toute plainte plutôt que de judiciariser par l'exercice d'un recours devant le TAT. Or, voilà.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Il reste trois minutes. Sinon, on va passer à la période de questions. Alors donc, Mme la ministre, pour une période de 16 minutes.

Mme Vien : Merci beaucoup. Bienvenue à vous tous, merci de vous être déplacés ce matin. Je pose tout de suite ma question d'entrée de jeu : Qu'est-ce qui vous inquiète dans le fait qu'on puisse vouloir revoir certaines définitions, redéfinir certains termes? Au ministère, par exemple, on me laissait entendre que certaines définitions, d'une région à une autre, pouvaient poser problème; notamment, si ma mémoire est bonne, c'est la définition d'«artisan». Qu'est-ce qui vous dérange? Est-ce que ce soit, donc, la ministre qui procède ou qu'on touche aux définitions? Qu'est-ce qui vous chicote là-dedans?

Le Président (M. Cousineau) : Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Francine) : Écoutez, ce n'est pas le fait de revoir certaines définitions qui nous turlupine, c'est plutôt la manière dont on va s'assurer qu'on prend en compte les opinions et qu'on fait ensemble... on chemine ensemble, qu'on fasse des travaux de façon conjointe. Vous savez, l'idée du paritarisme qui est à la base même de cette loi-là, c'est ça qui nous interpelle le plus. On veut absolument s'assurer que... Puis on sait que, des fois, le diable est dans les détails, hein? On veut absolument s'assurer que, si on a à actualiser des définitions, bien, on fasse ensemble ces travaux-là au niveau des comités paritaires, que les différentes composantes, les deux parties, tant patronale que syndicale, on fasse ce travail-là et qu'on convienne ensemble... C'est la meilleure manière, c'est celle qu'on connaît qui nous amène aux résultats les plus probants, à l'effet que ce sera clair à ce moment-là de quelle manière on doit interpréter les définitions en question. Or, dans le fond, c'est de s'assurer d'un processus, et c'est pour ça qu'on trouve qu'à partir du moment où on fait ces travaux-là ensemble dans les lieux appropriés paritaires, bien, on se questionne évidemment sur le fait que la ministre ou le ministre puisse arriver d'autorité puis décréter, d'une certaine façon, des définitions et des interprétations.

Mme Vien : En fait, ce qui vous inquiète, c'est qu'on se lève un bon matin, on décide qu'on apporte un changement ou on ajoute une définition, on apporte un changement — je ne sais pas quel cas de figure il peut exister, là — et qu'on ne prenne pas la peine de vous consulter, qu'on ne prenne pas la peine de s'asseoir avec vous et qu'unilatéralement on procède. C'est ça qui vous inquiète?

Mme Lévesque (Francine) : Absolument.

Mme Vien : Qu'est-ce qui vous inquiète aussi dans le fait, François... M. Vaudreuil, pardon, qu'on puisse vouloir aller consulter d'autres... Moi, quand j'ai lu votre mémoire, ça m'a un peu surprise, ça. Vous savez, quand on adopte des... on va au Conseil des ministres, on est obligés de faire certaines vérifications auprès des jeunes, auprès de certains groupes, à savoir : Est-ce que notre règlement, le changement que l'on veut apporter dans quelque domaine que ce soit... quels sont les impacts qui pourraient exister pour, donc, des groupes ou etc., et on va avoir la prudence, je dirais même des fois la sagesse aussi, d'aller vérifier auprès d'autres collègues ministres : Est-ce que ce que moi, je m'apprête à faire va créer un préjudice pour des clientèles dans un autre ministère? Peut-être que j'ai mal compris ce que vous souleviez dans votre mémoire. Si vous pouviez davantage m'éclairer puis préciser votre pensée là-dessus, j'apprécierais.

• (12 h 20) •

M. Vaudreuil (François) : Belle question. Je vais essayer d'y répondre le plus succinctement possible. Cette question-là s'adresse à ce que j'appellerais l'économie des rapports collectifs au Québec, le modèle qu'on a développé. Alors, le modèle qu'on a développé au cours des dernières décennies au niveau des rapports collectifs de travail repose sur, entre autres, un des piliers, c'est sur la négociation des parties, c'est-à-dire les représentants patronaux et les représentants syndicaux, et ce cadre-là se fait d'une façon libre et en favorisant le plus grand processus démocratique. Donc, ça, c'est le fonctionnement de nos rapports collectifs au Québec et une tendance actuellement, et on va prendre l'exemple qu'on vient de vivre, là, ou pas qu'on vient de vivre, mais qu'on vit actuellement au niveau du secteur des municipalités où on sort complètement de l'expertise de la dynamique ou on sort complètement de l'économie des rapports collectifs des relations du travail qu'on a faites au Québec, et on transpose ça, on donne au ministère, au ministre des Affaires municipales des pouvoirs qui ne sont pas de sa compétence. Quand je dis qu'ils ne sont pas de sa compétence, ils n'ont pas la compétence. C'est au ministère du Travail que cette compétence-là a lieu. Alors, donc, ça, c'est des glissements. Et, quand les parties contractantes à un décret de convention collective décident du contenu, c'est la négociation des parties. Ça leur appartient à eux. Et le gouvernement...

Une voix : ...

M. Vaudreuil (François) : ... — non, excusez — et le gouvernement n'a pas, donc, à s'immiscer, le gouvernement ne l'a jamais fait. Le seul endroit où il le faisait, c'était dans l'industrie de la construction. Et, avec la réforme qu'il y a eu au milieu des années 90 quand on a créé le nouveau régime de négociation où on a mis fin aux décrets, on a dit, à ce moment-là : Ça va être la libre négociation comme partout ailleurs.

Les autres ministères n'ont pas à intervenir dans le volet des relations du travail, ça, ça appartient au ministère du Travail, c'est comme ça depuis plus d'une cinquantaine d'années et puis c'est un modèle qui fonctionne bien. Alors, de changer cette dynamique, de changer cette économie, d'avoir des glissements qui nous permettent de déroger au modèle qu'on a construit, c'est une erreur dans laquelle il ne faut pas tomber.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la ministre.

Mme Vien : Je vous ai bien compris. Transparence, gouvernance, ça vous dit quoi par rapport à la situation actuelle, puis comment on pourrait se propulser plus loin dans un tel cas?

M. Vaudreuil (François) : Bon, c'est excessivement important, puis je pense que les travaux au niveau du CCTM à cet égard-là sont concluants, les gens ont dit : Oui, il faut y travailler, puis on le fera au niveau du CCTM, ce qu'on vous propose. On le fait dans tous les organismes, que ce soit... Dans tous les organismes, on le fait actuellement, alors je ne verrais pas pourquoi que les comités paritaires seraient soustraits. D'ailleurs, les comités paritaires ne s'objectent pas à ça. On pense que, dans un souci d'harmonisation, en raison de l'expertise qu'on a de l'existence des comités paritaires qui ont administré des décrets de conventions collectives... on pense qu'au CCTM on pourrait faire un travail fort intéressant là-dessus.

Mme Vien : Merci. M. Vaudreuil, merci.

Le Président (M. Cousineau) : Ça va, Mme la ministre? Alors, je passerais maintenant la parole à M. le député de Richelieu, de l'opposition officielle.

M. Rochon : Merci, M. le Président. Alors, MM. Vaudreuil, Enault, Pépin, Harvey, Bernier, Mme Lévesque, merci d'être là.

Une voix : ...

M. Rochon : Ça va? Pardon? J'ai eu une distraction, là. C'est un collègue qui semblait indiquer qu'il y avait probablement un vote actuellement. Mais ce n'est pas le cas, M. le Président? Nous continuons? D'accord. Alors, nos excuses.

M. Vaudreuil, d'abord, un clin d'oeil à vos derniers propos... Ah! il y a un vote.

Le Président (M. Cousineau) : Il semble que oui. Nous allons aller voter.

Donc, je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 12 h 42)

Le Président (M. Cousineau) : Nous en étions à la période d'échange, et puis il vous reste 8 min 59 s, M. le député de Richelieu.

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Oui, c'est vrai. M. le député de Richelieu, il vous reste 8 min 59 s.

M. Rochon : Alors, merci, M. le Président. Alors, j'allais faire un clin d'oeil, M. Vaudreuil, aux quelques mots que vous avez dits au sujet du projet de loi n° 110. Je voulais vous dire que je me reconnais dans votre discours désapprobateur sur ce projet de loi qui chasse le domaine des relations de travail dans les municipalités, de la supervision, de l'accompagnement du ministère du Travail pour plutôt les mettre sous la supervision du ministère des Affaires municipales, puis c'est une bonne idée de refaire cette observation devant la gardienne du Code du travail, la ministre du Travail.

Mais revenons à ce qui nous occupe, le projet de loi n° 53. Non seulement avez-vous cosigné, CSD et CSN, un mémoire commun, mais nous avons entendu avant vous la FTQ nous communiquer des positions assez similaires aux vôtres. Alors, la Loi sur les décrets de convention collective a permis et permet toujours aux travailleuses et aux travailleurs québécois, à des milliers d'entre eux, syndiqués ou non, de profiter de meilleures conditions de travail. Depuis son adoption, la concurrence entre les employeurs ne se fait plus au détriment des salariés visés par les décrets.

Vous concluez, comme la FTQ avant vous, que force est de constater que l'actualisation par ailleurs de cette loi-là devenait nécessaire, nécessaire aux yeux de l'ensemble des participants à la consultation menée par le ministère auprès du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et ce, malgré le souhait d'abolir les décrets formulés par certaines organisations patronales. Nous en recevrons une plus tard qui, écrivez-vous, a tout de même participé de façon positive à l'exercice. Bon, plusieurs consensus repris dans le projet de loi... cependant, tous les consensus ne s'y retrouvent pas, et j'entends bien que c'est là le problème. Et l'autre problème, c'est que plusieurs des modifications introduites n'ont jamais été abordées dans des consultations ou vont tout simplement à l'encontre des parties consultées.

Je souhaite parcourir certaines de vos recommandations. L'article 2 du projet de loi prévoit l'ajout d'un nouvel article qui stipule que les parties à la convention peuvent demander en tout temps que soient apportées des modifications au décret. La Fédération des travailleurs du Québec nous a fait remarquer ça aussi. Mais vous, de façon très, très bien précise, noir sur blanc, vous exprimez qu'il faudrait à tout le moins, pour éviter tout imbroglio, préciser que ce sont les parties qui peuvent demander conjointement des modifications au décret. Alors, faute de retirer cet article, si au moins il y avait la notion de conjoint...

M. Vaudreuil (François) : Ce serait parfait. Ce serait parfait.

M. Rochon : Ce serait parfait?

M. Vaudreuil (François) : Oui, oui. L'idée, c'est que c'est la loi des parties, et puis ce qu'on veut s'assurer, dans la loi, c'est que ce soient «les parties» et non «une des parties peut demander».

M. Rochon : Vous allez voir que je ne voudrai pas prolonger indûment l'échange avec vous parce que votre mémoire a le mérite d'être très clair, et je vous félicite pour cette clarté.

L'article 4 introduit une pratique qui n'a jamais été discutée au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre : l'obligation pour le ministre du Travail de «consulter tout autre ministre qui lui paraît concerné si une modification au champ d'application du décret a pour effet d'en étendre la nature des travaux assujettis ou le territoire d'application». Cela, cette mesure, paraît sage, hein? À première vue, difficile de s'élever contre ça, hein? Ça paraît même responsable, sauf que ce que vous nous faites remarquer, et c'est une remarque qu'il nous faut considérer, c'est que ça pourrait constituer un frein à une modification souhaitée conjointement par les parties. Ralentir cette modification ou même la compromettre, j'aimerais vous entendre plus avant là-dessus.

M. Vaudreuil (François) : Merci. Écoutez, c'est comme je vous ai dit tantôt, c'est la loi des parties. Moi, ça va faire 20 ans que je suis à la présidence de la CSD, j'en ai vu quelques-unes. Puis, tu sais, je me rappelle très bien d'être venu ici, à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, puis on nous disait, par exemple, que, dans l'industrie du vêtement, il y avait, à l'époque, quatre décrets de convention collective et qu'avec la disparition des décrets de convention collective on créerait 8 000 nouveaux emplois. Alors, voyez-vous, des balivernes comme ça, j'en ai entendu qui provenaient de d'autres ministères, des études, des analyses qui avaient été faites au niveau économique.

Et ce que j'ai répondu tantôt à Mme la ministre, c'est que l'univers des rapports collectifs au Québec, de la façon dont on a construit ça, ça appartient aux parties, et les parties ne se font pas harakiri, au contraire, au contraire. Et on développe un écosystème où on assure... où, en tout cas, on favorise le plus le développement de travail décent puis où la compétition ne se fait pas entre les employeurs au détriment des salariés — ce n'est pas rien, cette disposition-là — et que, si les parties décident de modifier le champ d'application ou décident de modifier le décret, ça leur appartient à eux, ça n'appartient pas au ministre, ça n'appartient pas au ministre. Alors, c'est dans toute la conception, c'est toute la dynamique de la libre négociation et du décret qui devient la loi des parties. Alors, c'est ça, le raisonnement de base, c'est ça, la logique dans laquelle on oeuvre et c'est de cette façon-là qu'on parvient à améliorer les conditions de vie des gens qu'on représente.

L'autre commentaire général, je devrais vous faire tantôt, quand vous parliez d'une association patronale qui visait l'abolition des décrets, la seule chose que je vous dirais là-dessus, c'est que les entreprises ne vivent pas sur une île déserte. Ils vivent en société, il y a des règles, il y a des lois et puis il faut travailler dans ce cadre-là, parce qu'il y a une organisation patronale, entre autres, qui favorise à tout prix l'abolition des décrets, puis, à les entendre parler, c'est comme s'ils vivaient sur une île déserte. Or, la vie puis la société, ce n'est pas ça, là. C'est juste un commentaire général que je voulais faire là-dessus. Francine, as-tu...

• (12 h 50) •

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Francine) : Si je peux me permettre, peut-être un petit ajout. Je dirais, on a une maxime, des fois, qu'on se dit entre nous, à savoir que le mieux, c'est l'ennemi du bien. Et ce qu'on craint, particulièrement, avec cette idée que ce soit inscrit dans la loi, que la ministre doit consulter tous les ministres qui peuvent se sentir concernés, c'est qu'à toutes fins pratiques on se retrouve complètement paralysés qu'on ne puisse pas apporter quelque changement parce qu'on se retrouve dans une situation où on doit faire plaisir à tout le monde et à sa mère en même temps.

Or, nous, on se dit : Faisons confiance aux parties, la ministre du Travail est là pour s'assurer... de toute façon, elle fait partie de son Conseil des ministres, donc elle a des occasions de pouvoir échanger avec les gens du gouvernement qui peuvent avoir des intérêts à lui faire valoir. Ce n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi expressément une disposition de cet ordre-là. Faisons confiance aux parties sur ce volet-là et donnons-nous une chance d'être capables d'assurer qu'on puisse vraiment actualiser les choses.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme Lévesque. Alors, ça termine ce bloc. Je vais passer maintenant au député de Chutes-de-la-Chaudière pour les 6 min 30 s suivantes.

M. Picard : Merci, M. le Président. Question bien simple : Est-ce qu'on peut connaître l'identité des gens qui siègent sur un comité paritaire?

Des voix : Bien oui. Oui.

M. Picard : Parce que je vous pose la question, parce que, lors de notre briefing technique, j'ai posé la question : J'aimerais avoir la composition des différents comités paritaires. Le ministère du Travail n'a pas cette information-là. Je trouve ça bizarre comme transparence.

M. Vaudreuil (François) : Je ne peux pas vous répondre au nom du ministère, là, mais il n'y a pas de problème.

M. Picard : Mais, chez vous, on peut l'avoir pour les différents comités.

M. Vaudreuil (François) : On va vous donner le nom des gens qui siègent sur les comités paritaires. Ce n'est pas un trouble, ça. Oui, oui.

Une voix : Bien, c'est plus que ça, là...

Le Président (M. Cousineau) : Attention pour... Ne parlez pas en même temps. Poursuivez, M. le député.

M. Picard : O.K., merci. Donc, je comprends que votre ligne générale, je dirais, sur le projet de loi, c'est que la ministre s'attribue peut-être trop de pouvoirs, trop de pouvoirs, puis là elle va aller consulter les autres ministres. Sauf que je comprends que... on nous a expliqué que, actuellement, c'est par le Conseil des ministres. Donc, ils sont consultés actuellement, quand même, lorsque ça passe au Conseil des ministres. Mais, concernant la transparence, l'imputabilité, est-ce que vous seriez en faveur d'une genre de loi-cadre qui vient donner les balises, là, puis que... Ce n'est pas la ministre qui va dire : Telle chose, je veux l'avoir, là... une loi-cadre qui dit : Regardez, nous, on a besoin de telle information entre a et d, là. Je vous lance l'idée, là.

J'essayais de voir, parce que je comprends le but recherché par la ministre, je comprends que les gens du sous-comité n'avaient pas fait ces recommandations-là, donc, j'aimerais vous entendre là-dessus. C'est une suggestion, là, pour essayer de dénouer l'impasse, si je peux dire.

Le Président (M. Cousineau) : M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François) : Écoutez, l'idée là-dessus est toute simple, là. Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a quelques années, je pense que c'est autour de 2012, le ministère du Travail, les fonctionnaires du ministère du Travail avaient préparé un document de réflexion sur l'avenir de la Loi des décrets de convention collective. Alors, il y a passé différents ministres, et Sam Hamad, lorsqu'il a occupé pour la dernière fois le ministère du Travail, comme ministre du Travail, nous a demandé, au CCTM... et là il faut bien savoir, là, qu'au CCTM vous avez les présidences des quatre centrales syndicales, vous avez les présidences du Conseil du patronat, de la Fédération des chambres de commerce, de la FCEI, des manufacturiers exportateurs du Québec... il nous a demandé de faire une analyse sur la Loi des décrets de convention collective. On s'y est appliqués et on s'y est appliqués de façon très sérieuse. Il y a eu des travaux. Et il y a un consensus qui a été défini par les associations patronales et par les centrales syndicales pour dire : Voici ce qu'on devrait changer dans la loi pour l'actualiser, la moderniser.

Or, il y a des éléments additionnels qui ont été ajoutés, qui accordent des pouvoirs et qui ne sont pas de la volonté des associations patronales et des associations syndicales, parce qu'on a tous étudié ces éléments-là, mais qui étaient des éléments qui émanaient du document de 2012 qui avait été préparé par la fonction publique. Mais, ce que je peux vous dire, le consensus au CCTM, il est clair. Et ce qu'on demande, c'est de reproduire ce consensus des partenaires sociaux. Concernant l'éthique, la transparence, l'équité, la meilleure gouvernance, en somme, nous y sommes. Il n'y a aucun problème là-dessus. Le seul truc qu'on dit, c'est : Passons par le CCTM pour avoir un certain niveau d'harmonisation pour s'assurer qu'on est capables de le faire.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Picard : ...suggestion d'une loi-cadre justement pour uniformiser, là, parce qu'il y a plusieurs comités paritaires, vous parlez des membres du comité, du sous-comité. C'est quoi votre feeling actuellement? Vous parlez des membres, là, vous avez vu le projet de loi, il y avait un consensus, puis là il n'est pas respecté... certains sujets... donc, j'aimerais avoir le feeling, là, des membres du sous-comité.

Le Président (M. Cousineau) : M. Enault.

Une voix : C'est M. Enault.

Le Président (M. Cousineau) : M. Enault.

M. Enault (François) : ...avoir siégé au sous-comité avec mon collègue Normand, et, bon, vous avez vu M. Beaudry tantôt qui représentait aussi la partie syndicale. Le feeling, c'est parce que j'ai un certain malaise, c'est parce qu'il ne faudrait pas non plus jouer le CCTM contre le ministère, là. Je pense que le CCTM est un outil que le ministère utilise pour consulter des parties, hein? Je pense qu'il y a eu un consensus et c'est clair que ce consensus-là... Puis, comme je vous dis, là, il y avait la chambre de commerce en face de nous, la FCEI et le Conseil du patronat, là, donc... et les trois grandes centrales du privé. Donc, je pense qu'on faisait le tour là-dessus. Donc...

M. Picard : Attendez un peu... demander de préciser... C'est parce que je l'ai fait. J'ai participé à l'analyse d'un projet de loi avec le député de Louis-Hébert. Ils n'avaient pas tous pris les recommandations, mais on ne sentait pas ce qu'on sent dans vos mémoires actuellement, là. C'est que, oui, les gens, ils n'avaient pas tout pris, mais les gens venaient puis ils essayaient d'avoir un peu plus. Mais là il se dégage quelque chose, je dirais, de malsain, entre guillemets, là.

M. Enault (François) : Notre crainte, c'est que certains éléments, compte tenu du rapport que François disait tantôt de 2012, le consensus était quand même... a mis beaucoup d'éléments du rapport qu'on a mis de côté qui étaient issus du ministère. Et le consensus a donné un autre document qui se retrouve beaucoup dans le projet de loi, mais il y a certains éléments qui ne se retrouvent pas qui nous rendent un peu nerveux, là.

Mais, sur la gouvernance, on en est, là. On en est. On a fait venir plein de gens puis on en est qu'il faut s'assurer d'avoir une gouvernance semblable pour l'ensemble des comités paritaires.

Puis je sais que ça finit, mais l'autre élément qui nous questionne beaucoup, c'est toute la judiciarisation qui pourrait arriver par l'utilisation des 47.2. Donc, je pense qu'on a déjà assez de trouble présentement avec les 47.2, d'en rajouter... parce que le dernier consensus qui a eu lieu, c'est quand même la personne nommée par le ministère pour faire enquête. Et moi, je pense qu'on doit y aller et, si ça ne fonctionne pas, on se reverra par la suite.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Enault. Alors, pour les deux minutes restantes, là, parce qu'on termine à 13 heures, je vais laisser la parole à Mme la ministre.

Mme Vien : Bien, moi, je suis un peu étonnée d'entendre ce que j'entends un peu ce matin, parce que les conversations qu'on a pu avoir depuis que moi, je suis arrivée au ministère à bâtons rompus dans les rencontres qu'on a, des fois informelles, des fois formelles... Les parties à qui on a parlé, et la partie syndicale en est également, tout le monde avait tellement hâte qu'on procède puis qu'on appelle le projet de loi puis... on était assez contents de ce qu'il y avait là-dedans, puis là, ce matin, ça semble quasiment qu'il faut déchirer ça, là. Et moi...

M. Vaudreuil (François) : Non, non, ce n'est pas ça qu'on dit.

Mme Vien : Non, mais je vais finir, si ça ne vous dérange pas. Ce n'est pas le message que, nous, on nous envoyait, là, ce n'est vraiment pas le message qu'on nous envoyait. Il reste deux minutes. Je ne sais pas si vous voulez me répondre à ça, là, mais...

Le Président (M. Cousineau) : Il reste 1 min 15 s.

Mme Vien : Parce que c'est le député de Chutes-de-la-Chaudière... Si c'est la lecture que vous en faites, moi, je trouve ça triste. Si ce n'est pas ça, dites-le, parce que, moi, ce n'est pas le message que j'ai reçu depuis que je suis arrivée au ministère.

Une voix : ...

M. Vaudreuil (François) : Rapidement, rapidement, les consensus qui ont été développés, Mme la ministre, au CCTM, qu'on les retrouve. On applaudit. On applaudit ces différents changements-là. Mais ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a des irritants dans le projet de loi qu'il faut modifier. C'est de ceux-là qu'on a discuté. La balance, c'est parfait, là. On ne vous dit pas que tout ce que vous avez reproduit qui fait partie du consensus au CCTM, ce n'est pas bon. Ce n'est pas ça qu'on vous dit, là. On dit : Il y a des éléments là-dedans qui ne devraient pas apparaître au projet de loi et ils sont au nombre d'un, deux, trois, quatre, cinq, six... Il y en a sept, huit, à peu près, sur l'ensemble du projet de loi.

Mme Vien : Merci, M. Vaudreuil. Combien de temps? 30 secondes.

Le Président (M. Cousineau) : Vous avez 28 secondes.

Mme Vien : 28 secondes. Vite, vite, vite. En termes d'imputabilité, M. Vaudreuil, est-ce qu'il serait pensable qu'on organise, une fois par année, une assemblée générale annuelle, par exemple, où on pourrait s'adresser aux employés qui sont impactés par le décret, où le comité paritaire rencontrerait ces employés-là, une espèce de reddition de comptes avec les assujettis? C'est-u quelque chose de pensable, ça?

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Alors, écoutez... Bon. Alors, à ce moment-ci, je dois suspendre jusqu'à 15 heures, en rappelant aux parlementaires que vous ne pouvez pas laisser de choses sur les tables puisqu'il y a un caucus ce midi ici.

Donc, je suspends jusqu'à 15 heures dans la même salle. Merci.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! Votre attention. Donc, nous étions en suspension depuis 13 heures. Alors, nous allons reprendre nos travaux.

Nous recevons, cet après-midi, donc, à 15 heures, pour une période quand même de 2 h 15 min, nous recevons l'association patronale des coiffeurs de l'Outaouais, le Comité paritaire des coiffeurs de l'Outaouais, le syndicat des employé-e-s coiffeurs de l'Outaouais. D'accord?

Alors, avant de vous donner la parole puis que vous puissiez vous présenter chacun d'entre vous pour les fins d'enregistrement, je vais vous donner le temps sur... pour 2 h 15 min, là, on va permettre un exposé de 30 minutes aux gens qui sont en arrière plutôt que 10 minutes comme on l'a fait avec les groupes précédents. Donc, un exposé de 30 minutes. Et puis, après ça, il y aura une période d'échange avec les parlementaires de 1 h 40 min. Puis la présidence, bien, on se conserve un cinq minutes pour le travail que nous avons à faire. Et puis j'aimerais qu'on fasse une distribution de cette façon-là, Mme la ministre. Puis, voyez-vous, le gouvernement a 50 minutes, mais on va faire trois blocs, 15, 15, 20. D'accord, Mme la...

Mme Vien : Oui, oui. Je suis d'accord.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord, 15, 15, 20. Pour l'opposition officielle, vous avez 30 minutes, on fera trois blocs, 10, 10, 10, d'accord, donc, par rotation. Et le deuxième groupe d'opposition, vous avez 20 minutes, ce sera six, sept, sept. Ça vous va comme ça?

M. Picard : C'est bien. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Parfait. Donc, on vous laisse aller, messieurs, en arrière, et puis pour votre 30 minutes. Et puis le premier qui va parler, présentez les gens qui vous accompagnent pour les fins d'enregistrement. Puis on vous laisse aller pour vos présentations, 30 minutes.

Association patronale des coiffeuses et coiffeurs de l'Outaouais (APCO),
Comité paritaire des coiffeurs de l'Outaouais, Syndicat des
employé-e-s coiffeuses et coiffeurs de l'Outaouais (SECO)

M. Parisien (Hugo) : Alors, mesdames, messieurs, bonjour. Premièrement, merci de nous accueillir enfin pour l'écoute sur l'avis de notre décret à l'intérieur du territoire de l'Outaouais.

Je vais présenter l'ensemble de l'équipe. On favorise une approche raisonnée, c'est donc pour ça qu'on est en équipe avec l'association patronale des coiffeurs de l'Outaouais, de même qu'avec le syndicat. Et, parmi nous, nous avons le vice-président de l'association patronale des coiffeurs de l'Outaouais, M. Yves Briand. Nous avons également le président du syndicat des employés-e-s coiffeurs de l'Outaouais, M. Stéphane Drouin. Vous avez, à notre droite, il est évidemment enseignant en droit à l'Université du Québec en Outaouais, enseignant à la Faculté de droit, bref, la partie civile à l'Université d'Ottawa, enseignant au Barreau pour la formation professionnelle et évidemment membre du Barreau, mais, surtout depuis 36 ans, procureur du Comité paritaire des coiffeurs de l'Outaouais, M. Denis Brochu. Et, de mon côté, mon nom est Hugo Parisien. Je suis nouvellement directeur général du Comité paritaire des coiffeurs de l'Outaouais. Par contre, je tiens à ce que vous sachiez que j'y suis depuis maintenant 15 ans. C'est cette année qu'on m'a nommé directeur général. J'étais responsable de l'application du décret de convention collective. Alors, voilà pour les présentations.

Écoutez, pour ce qui est des articles 1 à 37 du projet de modification de la loi, donc le projet de loi n° 53, pour les trois parties qui sont devant vous aujourd'hui, nous, on se colle, si vous me permettez l'expression, aux recommandations qui seront formulées par tant l'association des directeurs généraux que l'Association des comités paritaires du Québec, ça, ça va pouvoir clore cette partie-là. Pourquoi on se colle? Parce que ça a été fait d'une façon tout à fait démocratique, on a consulté les membres. On a été appelés et on a participé à l'ensemble de ces éléments-là au courant de la dernière année avec eux, et ça s'est bien fait. Donc, vous comprendrez que, nous, ce qui nous touche énormément, c'est les articles 38 à 40, particulièrement l'article n° 39, et nous vous en parlerons aujourd'hui.

Premièrement, je vais quand même dresser le portrait de la coiffure en Outaouais. La masse salariale, 7,2 millions; le chiffre d'affaires, 37,8 millions; visites et inspection du Comité paritaire des coiffeurs de l'Outaouais, 708; le nombre de poursuites, 44; nombre — très important — réglé hors cour, 34. Donc, pour la dernière année, c'est 76 % de règlements hors cour. Les infractions totales, au courant de l'année, c'est 210. Avec ces chiffres-là, on comprend que, souvent, ça se règle en arrière-scène ou avec les derniers avis qui sont acheminés dans le respect du décret sur les coiffeurs de l'Outaouais. Le nombre d'employeurs en Outaouais est fixé à 29. Le nombre d'employeurs artisans est fixé à 112. Le nombre d'artisans est fixé à 389. Le nombre de salons au total, 415. Pourquoi je vous dis ça? C'est parce qu'il y a une notion qui est bien importante à comprendre, c'est que les entrepreneurs seuls en salon, donc qui sont seuls au salon ou qui travaillent seuls à la maison, représentent 66 % des coiffeurs... des salons de coiffure en Outaouais, désolé, donc des salons.

Et j'aimerais faire un point sur la transparence et la diligence du comité. Je n'ai pas besoin de vous mentionner que je crois qu'on est nommés, avec nos confrères ici, à l'association des directeurs généraux, je les remercie de leur présence également... On est cités en exemple au point de vue de la transparence, de notre imputabilité, et je vous invite à aller visiter le site Web à cet effet-là.

Le décret sur les coiffeurs de l'Outaouais, pour sa part, contient des heures d'admission de clients en salon, clientèle et heures d'ouverture, des prix minimaux, salaires et commissions, des jours fériés. Je veux que vous sachiez que ça se fait avec l'aide de nos coiffeurs qui siègent. C'est eux qui prennent partie prenante et qui vivent leur décret. Pourquoi est-ce qu'il y a des heures d'admission de client en salon? S'il y a 66 % des salons puis c'est des gens seuls qui y travaillent, on n'a pas les outils pour en arriver à faire des compétitions avec des superchaînes américaines qui offrent des coupes à 3 $ et qui offrent d'autres éléments à ces niveaux-là, donc des heures d'ouverture assez fulgurantes. On avait créé une exception à l'époque sur ces conditions-là.

• (15 h 10) •

Le décret est actualisé. Quand on voit des choses dans les journaux qui mentionnent que, bon, bien, il est là depuis 1934... Écoutez, depuis 1934, à nombreuses reprises, on a procédé à la modification du décret, sans contredit, je peux vous le mentionner d'emblée.

Les parties contractantes, c'est une approche raisonnée. On a parlé de prix minimaux tout à l'heure. Vous allez comprendre pourquoi est-ce qu'il y a des prix minimaux. On n'est pas juste obligés d'en mettre sur la bière au Québec. Les prix minimaux, c'est bien important de constater que, quand on augmente un prix minimal sur une profession qui est majoritairement payée à commission, on augmente le revenu de part et d'autre. Peut-être des bons outils éventuellement pour essayer de traiter, peut-être, d'une façon convenable les coiffeurs sur l'ensemble du territoire québécois... La notion d'artisan est prépondérante dans l'analyse de la situation. On a l'impression que les coiffeurs sont un nombre... incontestablement dans les superchaînes, ce qui n'est pas le cas, on va le voir tout à l'heure. Les parties contractantes vont feront état des choses. Mais je veux que je vous sachiez qu'avec les données que vous avez sûrement consultées dans le mémoire les salaires sont plus élevés en Outaouais, plus élevés que la moyenne provinciale, et je peux vous indiquer également qu'on aide à faire élever la moyenne provinciale, qui se veut un salaire sous le seuil de la pauvreté. En Outaouais, on est fiers d'être au-dessus du seuil de la pauvreté.

L'Association des comités paritaires du Québec, évidemment, je suis persuadé, ils vous le diront, y siégeant... je veux simplement vous dire qu'ils sont contre l'abrogation. C'est la première fois en l'histoire qu'on passe via un projet de loi qui modifie la transparence, l'imputabilité pour abroger un décret. C'est la première fois. Pour eux, c'est un préjudice important puis ce n'est pas basé sur les besoins des assujettis. À ce sujet-là, je vais leur laisser parler parce que c'est important de savoir que c'est aux coiffeurs de l'Outaouais à décider s'ils maintiennent ou non leur décret, et l'ensemble des pourparlers qu'on aura aujourd'hui avec vous vont revenir à ça, mais est-ce qu'on peut laisser aux coiffeurs de l'Outaouais la décision de, oui ou non, vivre un décret?

Sur cette note, je vous présente à l'instant même le président du syndicat des employé-e-s coiffeurs de l'Outaouais, M. Stéphane Drouin, pour faire l'état des choses.

M. Drouin (Stéphane) : Bonjour, tout le monde. Un premier mot pour vous remercier de prendre le temps de nous écouter. En étant président du syndicat depuis maintenant 16 ans, j'ai aussi, et je tiens à le dire, siégé pendant 12 ans au CSMO, au Comité sectoriel de la main-d'oeuvre et des soins personnels du Québec. Alors, j'ai siégé à toutes les tables, à tous les projets de loi de normes de travail au niveau de la coiffure, alors ça me fait plaisir d'être ici pour venir débattre mes membres. Je représente quand même 33 % des employés de l'Outaouais, mais, en même temps, je représente les 800 aussi. On est ici pour se débattre.

C'est une loi qui nous tient à coeur, qui fonctionne. On a décidé, en l'espace de quatre minutes, de nous l'enlever sous notre nez, pour se faire appeler par un journaliste, qui était le seul demeuré ici, à la Chambre, pour nous appeler 15 minutes après la conférence de presse pour nous aviser que notre décret était pour être abrogé. Je ne suis pas d'accord avec ça parce que, dans la première loi qui a été écrite, on venait consulter les membres, demander... Il n'y a personne du syndicat, il n'y a personne du côté patronal qui a souhaité abroger ce décret-là. Oui, je sais que souvent ça dérange parce qu'on est la seule région qui l'a conservé depuis l'abolition en 1985. Mais c'est très important, parce que, nous, ça réglemente nos heures de travail, ça réglemente le salaire des employés, nos congés fériés, où les normes du travail ne répondent pas à nos besoins.

En ayant siégé aussi ailleurs partout au Québec, je me rends compte, et c'est flagrant... la différence de la masse salariale, les conditions de travail ne sont pas les mêmes. Là, on tombe à du sept jours-semaine, 12 heures par jour. On a quand même un manque de main-d'oeuvre qualifiée. On est en train de régler ça avec le mandat de la norme professionnelle.

Mais, Dieu merci, conservez, s'il vous plaît, le décret en Outaouais, ça fonctionne bien. Les membres répondent, on aide les poursuites, il y a des règlements rapides. Hugo fait un travail extraordinaire. Moi, je suis ici pour défendre ces droits-là parce que j'y crois. Regarde, ça fait 16 ans que je suis là puis je veux le conserver. C'est essentiel à la survie, déjà qu'on est le seul métier qui est en D.E.P., qui est, en moyenne, à travers le Québec, sous le seuil de pauvreté. Quand l'électricien ou le plombier peut faire 60 $ de l'heure, puis là, nous, on va nous enlever le décret, puis on va faire des compétitions à 5 $, 10 $ la coupe de cheveux, puis on va rechambarder ces 400 salons là, puis que, là, à un moment donné, le salaire, il sera plus sans contrôle, puis là les employeurs ne pourront même plus répondre, de un, non plus... Parce qu'on travaille souvent ensemble. Nous, on est tous conjoints, on est un secteur qui fonctionne bien. On n'est pas en mésentente ni patronale et syndicale. Quand tous les choix se font ou qu'il y a ces changements au niveau du décret pour les prix minimaux, les heures d'ouverture, les jours fériés... qu'on a d'ailleurs déposés en 2012, qu'on n'a jamais eu de réponse, puis après ça on a décidé de nous abroger...

Alors, ça nous amène ici pour venir défendre nos droits. C'est essentiel, je crois, tout ça. On a quand même 96 % des coiffeurs au Québec qui veulent plus de réglementation parce qu'il y a eu le... depuis 1985, en ayant siégé sur toutes ces tables-là à travers le Québec dans la profession. Nous, on a la chance d'avoir des règlements, et ça fonctionne, ça fait qu'un milieu sain, la compétition est saine, les gens ont un mode de vie beaucoup plus équilibré, beaucoup moins stressant. Et on remarque qu'ailleurs, dans le sondage CSMO, en 2009, quand on a fait une consultation pour établir la norme de travail en coiffure, on avait 96 % des gens qui voulaient plus de règlements et un autre 96 % qui voulait le retour des comités paritaires. Parce que les gens... quand moi, je me permettais d'aller siéger ailleurs, c'est sûr qu'au début on ne m'aimait pas tout le temps, mais, une fois que j'expliquais c'était quoi, vraiment, le mandat d'un comité paritaire, quand c'était bien fait, puis que tout le monde était en pertinence ensemble, ils se sont rendu compte qu'est-ce qu'il leur manquait depuis les derniers 30 ans.

Alors, c'est pour ça qu'on est ici, pour pouvoir le conserver dans l'espérance de garder notre qualité de travail puis d'avoir une qualité de vie. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Drouin. Alors, on passe la parole à qui, maintenant? Il vous reste quand même 19 minutes.

M. Parisien (Hugo) : Oui, sans problème. Écoutez, je vais simplement faire quelques points. Je veux mentionner, au point de vue de l'historique de la situation... c'est-à-dire qu'en 2012 l'ensemble des parties contractantes ont fait une consultation à valider quels seront les nouveaux éléments à aborder dans le prochain décret. Parce que, comme je vous le disais tout à l'heure d'emblée et d'entrée de jeu, le décret est modifié et est actualisé. Le fameux 96 % qu'on a pris, là, c'est des coiffeurs qui ne veulent pas travailler le dimanche. C'est le résultat qu'on a au point de vue du mémoire qui vous a été déposé. Donc, on dépose ce mémoire-là. Initialement, le mémoire servait à modifier le décret pour répondre aux besoins que les parties contractantes avaient dûment négociés dans le respect de votre Loi sur les décrets de convention collective. Donc, on a procédé à la négociation du décret, on a déposé des demandes pour actualiser le décret et on a tout fait ce qu'il fallait, et la réponse à ça, plutôt que de regarder la situation, c'est qu'on a reçu une lettre qui dit : On vous abroge.

C'est un peu particulier. L'annonce s'est faite en collaboration avec la FCEI, et, pour en avoir parlé longuement avec M. Drouin, la question demeure : Mais où était la partie syndicale pour une loi dont l'essence même est le paritarisme? On annonce, avec la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, on y reviendra tout à l'heure, M. le procureur aura des éléments à soulever à ça... mais, vu qu'on annonce tout ça, bien, dans le respect de la Loi sur les décrets de convention collective, ça aurait été plaisant d'avoir un syndicat. Vous n'en avez pas trouvé, parce qu'il n'y a pas de syndicat qui va être pour l'abrogation d'une convention collective. Et vous le savez très bien. Et 15 h 53, ici, l'annonce qu'on fait la conférence de presse, 15 h 57, on annonce l'abrogation du décret. Ça, c'est au mois de mai 2015. Et ensuite le journaliste qui nous a appelé nous dit d'emblée : Écoutez, on vous laisse le temps de vous préparer, j'étais le seul à l'intérieur de la pièce, et tous les autres journalistes avaient quitté la journée. J'ai cru comprendre que les journées finissent tôt parce qu'à 3 heures le café ferme. Je le sais, on l'a vécu ici. Donc, la situation actuellement, c'est : On l'a annoncé un peu en catimini, sans partie syndicale alors qu'on parle de paritarisme. C'est quand même intéressant.

Mais, sur cette note, je vous présente maintenant une autre personne qui est aussi importante, qui constitue la moitié du décret, c'est-à-dire l'association patronale des coiffeurs de l'Outaouais, qui est délégué par l'assemblée générale annuelle. Voici le vice-président, M. Yves Briand.

Le Président (M. Cousineau) : M. Briand.

• (15 h 20) •

M. Briand (Yves) : Alors, bonjour, messieurs, dames. Je suis très honoré et très fier d'être ici, premièrement. Ça me tient bien à coeur parce que la profession que j'exerce depuis 42 ans maintenant m'a permis de voyager à travers le monde puis de devenir une personne très influente au niveau de la coiffure. Je suis très heureux aussi de remercier le gouvernement d'avoir créé un D.E.P. pour les coiffeurs parce que c'est important qu'on nous reconnaisse à travers le monde. Malheureusement, dû, en 1985, à la déréglementation, nos cartes de compétence ont été ignorées et ce qu'il y a eu après, tous les jeunes nouveaux coiffeurs, coiffeuses n'avaient aucune idée de ce qui se passait, là. C'est grâce à l'information que le comité paritaire, le comité au niveau, là, des professionnels et employeurs... et des employés leur donnaient comme information qu'on a pu les amener à aller chercher leur Sceau rouge et compagnie.

Pourquoi je dis aussi tout ça, c'est que malheureusement, à travers les années, je trouve que notre profession a été dénigrée, en 1985 surtout, quand on a perdu... Mme Marois disait qu'on brimait l'accès sur le marché du travail à toutes les personnes qui pouvaient exercer le métier de coiffeur mais qui n'avaient pas été bons à l'école. Ça nous a donné une claque puis on a dit : Bien, on veut autre chose. Là c'est là que les D.E.P. ont commencé à entrer, puis je remercie beaucoup.

En 31 ans comme employeur, la différence entre avoir un comité paritaire ou un syndicat d'employés et d'employeurs a fait que moi, j'ai maintenu et je maintiens encore des employés chez moi depuis 28, 29... 10 ans, 15 ans. Il n'y a pas de turnover, comme on dit, en bon français, par chez nous, comme ça se fait partout. Nos salariés sont entre 3 000 $ et 7 000 $ de plus par année, dû à notre décret. C'est sûr que ce n'est pas tous les employeurs qui sont contents parce qu'on doit suivre des normes. On est en haut des normes du travail. On doit appliquer tous les salaires, tout ce qu'ils font, mais ça garde une unité et une conformité dans tout ça.

Moi, pourquoi je suis ici, c'est pour répondre à vos questions, bien entendu, et vous dire que j'y tiens profondément. Et je représente quand même 30 % de tous les employeurs de la région, mais 40 % de la masse salariale, parce que, chez moi, j'ai un salon de coiffure qui a 12 coiffeurs, mais 23 employés au total, incluant l'esthétique, massothérapie.

Je suis ici à votre disposition pour répondre à vos questions. Je suis vraiment désolé que ça se soit produit comme ça. Par contre, on est là pour régler les choses puis aller de l'avant. C'est avec une bonne foi qu'on va régler ça ensemble. Merci beaucoup.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Briand. M. Parisien.

M. Parisien (Hugo) : Simplement, avant de vous introduire Me Brochu, je veux simplement mentionner que, bref, quand l'annonce s'est faite sur le FCEI — c'est important de faire le point sur le FCEI — avant même qu'on parle d'abrogation, avant même qu'on parle de modifications de notre décret, quand on a fait la consultation, nous avions acheminé une lettre au gouvernement du Québec où, lors d'une rencontre des 14 coiffeurs qui siégeaient... on avait rencontré des gens de la FCEI qui, dans leur salon... c'est-à-dire qui dit «on» s'exclut... ces gens-là avaient rencontré des gens de la FCEI, l'ensemble des administrateurs de nos deux parties contractantes ont eu la visite de la FCEI dans le salon pour recueillir du membership, et c'est la lettre qui en fait état.

Pourquoi je vous dis ça? C'est parce que, dans cette lettre-là, on stipule et on mentionne, après que ces 14 coiffeurs là ont eu la visite de ce représentant de la FCEI là, on mentionne que celui-ci mentionne que, si on paie la cotisation, on n'aura pas de poursuite au comité paritaire, et, si on ne la paie pas, on aura des poursuites au comité paritaire. Aujourd'hui, il ne travaille plus pour la FCEI, très bonne décision de leur part, mais nous, on en a fait mention.

Après ça, on a envoyé... aucune réponse à la demande de modification du décret. La seule chose qu'on a vue, c'est la FCEI qui annonce, avec M. Hamad, l'abrogation du décret. On s'est posé quelques questions. Vous conviendrez que c'est un peu difficile à comprendre parce que, pour eux, la question majeure qui se pose, là, c'est que la coiffure, là, c'est une profession féminine, on ne se le cachera pas, et eux, quand on voit des électriciens qui ont des ordres qualifiés par le gouvernement, qui ont des... vous allez chez le mécanicien, vous avez des listes de tarifs qu'on ne peut pas excéder parce que... C'est le même niveau d'études. Pourquoi eux doivent gagner sous le seuil de la pauvreté? Parce que la FCEI, qui représente souvent les grandes chaînes... Parce que ce n'est pas sous le seuil de la pauvreté qu'on se paie une cotisation à 400 $, on va se l'indiquer, là. Mais la FCEI, qui représente souvent les grandes chaînes, c'est 7,9 % des coiffeurs en Outaouais. Et je peux vous garantir que le téléphone ne dérougit pas, parce que ceux et celles qui sont à l'intérieur des salons de coiffure en Outaouais se posent la question : Mais qu'advient-il de notre situation? Donc, je veux que vous le sachiez.

Moi, je vous invite... si on prend et on accorde une si grande attention aux membres de la FCEI... En coiffure — je ne sais pas si c'est comme ça pour le reste du Québec — il y a beaucoup plus de nos membres. Vous comprendrez que j'ai des personnes autour de moi qui, oui, gagnent plus que le seuil de la pauvreté peut-être puis qui croient en leur profession, mais, dans ce cadre-là, même eux ne paient pas la FCEI. Ils n'y croient pas. Donc, je vous inviterais à peut-être mettre un grain de sel quand vous allez assister aux éléments de la FCEI. La dernière étude qu'ils nous ont acheminée, ils avaient consulté deux salons en Outaouais. Notre consultation fait état de près de 230, 240 salons. Vous l'avez vu.

Sur cette note, la partie légale avec notre procureur, Me Denis Brochu.

Le Président (M. Cousineau) : Me Brochu.

M. Brochu (Denis) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, j'avoue ne pas être trop, trop familier avec la raison d'être et le fonctionnement de la commission. Je suis plus familier avec les salles de cour, dites palais de justice, et salles de classe. Néanmoins, à partir de l'information que j'ai pu recueillir, j'ai comme réalisé que vous êtes essentiellement réunis pour vous permettre de mieux exercer pleinement votre rôle de législateur, d'une part, mais j'ajoute, et ça me paraît extrêmement important, parce que ce sera surtout le but de mon propos, également un rôle de contrôleur de l'action gouvernementale. Alors, mes propos vont surtout porter sur l'action gouvernementale, sur la démarche du gouvernement. Puis je vais, dans un premier temps au moins, vous sensibiliser à la réalité suivante vécue par les personnes que je représente.

Depuis à peu près 2012, ces gens-là piétinent, cherchent par tous les moyens à faire avancer leur décret, cherchent à améliorer leur décret. La dernière demande de modification était dans cette perspective-là, parce qu'ils constatent sur le terrain que ce sont des choses qui peuvent bonifier la situation des coiffeurs et des coiffeuses, et, franchement parlant, l'action gouvernementale qui a été menée depuis 2012 en est une où on est beaucoup sur notre appétit parce qu'il ne se passe rien. Alors, ça a pris à peu près trois ans, parce qu'on est aujourd'hui le 5 octobre, pour se faire dire, et on le sait depuis le mois de mai 2015, qu'on a finalement à l'esprit cette idée-là d'abroger le décret.

Avouez que ce n'est pas très, très efficace quand le ministre de l'époque était saisi d'une demande de modification depuis fort longtemps et qu'il n'a jamais vraiment donné suite à la demande de modification.

Maintenant, je vais vous indiquer certaines anomalies, à mon avis, dans la démarche gouvernementale qui font que l'esprit de la Loi sur les décrets de convention collective, à mon avis, n'est manifestement pas respecté. Parce qu'il y a tout un esprit derrière cette loi-là, qui est de nature un peu particulière.

Mais, dans un premier temps, vous allez me permettre de vous ramener en 1996, époque à laquelle le comité paritaire et moi-même — je suis un témoin privilégié — nous nous adressions à la commission parlementaire qui était chargée d'étudier le projet de loi n° 75, qui concernait justement la Loi sur les décrets de convention collective. Et le projet de loi comportait, entre autres, ce qui était grandement souhaité par les parties que je représentais, une dérogation au paragraphe 4° de l'article 9.9 — je ne vous cache pas qu'on parle des prix minimaux — et une au deuxième alinéa de l'article 10 de la loi qui concerne, bien entendu, l'exigence des associations accréditées.

Ces dérogations-là ont été acceptées et elles ont été traduites dans la loi de 1996 à l'article 39 de la loi. Donc, il y avait une dérogation particulière pour la réalité de l'Outaouais, concernant bien entendu son statut de comité paritaire et de responsable de l'application d'un décret, et cette loi-là a été acceptée par l'Assemblée nationale.

Depuis, comme M. Parisien vous l'a mentionné, et d'autres vous l'ont également souligné, les parties ont fait évoluer leur décret. Ce n'est pas resté lettre morte : tout ce qui a été demandé au gouvernement de l'époque, tout ce que le gouvernement de l'époque avait accepté, je le répète, avait pour but de faire avancer les conditions de travail, le bien-être des coiffeurs et des coiffeuses puis avoir un salaire relativement décent. Or, cet objectif-là a toujours été maintenu. Et il est révélé, si vous prenez connaissance de la demande de modification, la dernière, il est révélé par des demandes qui ont été formulées, qui correspondent exactement à ce genre de réalité là qu'on veut voir installée dans la province... pas dans la province, pardon, mais dans la région de l'Outaouais.

Or, conséquence oblige, parce qu'il faut être conséquent parfois, je vous invite à constater que le projet de loi n° 53 propose justement d'abroger l'article de la loi qui a été adoptée en 1996. Donc, si on abroge ceci... et je me suis mis à réfléchir puis à penser à haute voix, je me suis dit : Je ne sais pas pourquoi on abroge le décret quand ce décret-là a absolument besoin de ces dérogations-là. Parce que, soyons honnêtes, en soi, ceci suffit à signer l'arrêt de mort du décret. Là, je ne comprends pas pourquoi on a un autre article où on sent le besoin de dire : En passant, j'abroge le décret des coiffeurs de la région de l'Outaouais... vraiment incompréhensible comme façon de voir les choses. Je vous le souligne, par ailleurs, et ça, c'est le projet de loi qui le révèle, présumant, bien entendu, comme je le souhaite et comme je le pense, que vous l'avez consulté et parcouru.

On est aujourd'hui le 5 octobre. On est devant vous. On vous remercie de nous fournir l'occasion — je me joins aux autres — de nous entendre, surtout de nous écouter. Mais je vous invite à réfléchir puis à réfléchir sérieusement. On est donc aujourd'hui le 5 octobre. Le processus dans lequel les parties contractantes sont engagées depuis un certain temps déjà et dont vous faites maintenant partie, au fond, tire son origine d'une demande de modification qui a été adressée au ministre par les parties contractantes.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Brochu (Denis) : Pardon?

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Brochu (Denis) : Merci, M. le Président. Malgré l'absence d'opposition à ce sujet-là, on ne peut pas dire que le ministre s'est prononcé sur cette demande de modification, puis il n'a fourni aucun motif à cet effet-là. La seule réponse qui a été communiquée, abstraction faite de ce qui nous préoccupe concernant la modification, c'est de dire : Nous vous proposons d'abroger le décret et nous souhaitons vous entendre à ce sujet-là, avoir vos réactions. Pas un iota de motif concernant la demande de modification que les parties contractantes avaient choisi, bien entendu, de présenter au ministère.

Alors, plutôt que de donner suite à la demande de modification, le ministre a demandé aux parties contractantes de réagir, ce que les parties contractantes ont fait. Par la suite, sans fournir de motif — parce qu'il n'y a jamais de motif comme tel — le ministre, sous le couvert d'un projet de loi... Je ne sais pas si vous avez consulté le titre de ce projet de loi là, franchement, pour le moins très élaboré, mais on comprend que l'idée, c'est de favoriser la transparence, l'imputabilité des comités paritaires puis, finalement, faciliter l'application.

Je vous ferai remarquer, par ailleurs, qu'il y a l'article 40 qui dit : Bien, nous cherchons, bien entendu, à faire accepter par l'Assemblée nationale — donc obtenir l'aval de l'Assemblée nationale — l'abrogation du Décret des coiffeurs de la région de l'Outaouais. Et, dans le fond, aucune demande formelle n'a jamais été présentée dans ce sens-là par les parties contractantes, ni l'une d'entre elles, ni le comité paritaire, ni même des personnes qui sont assujetties au décret. Alors, depuis quand est-ce qu'on en arrive à un résultat semblable quand il n'y a aucune demande à cet effet-là? À moins qu'il y ait eu d'autres considérations...

À l'occasion de la conférence de presse, je vous ai entendu... M. le Président, le temps court... À l'occasion de la conférence de presse tenue le 26 mai 2015, le ministre a fait grand état de la nécessité de moderniser la loi, et là il avait d'amples motifs. Mais, quand il s'est agi de parler de l'abrogation du décret des coiffeurs de l'Outaouais, il n'y en avait pas, de motif. Il y avait simplement une déclaration qui nous fait constater pourquoi on en arrive à ce résultat-là, et c'est tiré essentiellement de la conférence de presse, où il nous dit : «Il reste un élément, ce que... [...]le dernier décret pour les coiffeurs dans la région de l'Outaouais — je souligne «le dernier décret», comme si c'était monstrueux — [...]nous allons mettre fin à ce décret-là pour les coiffeurs dans la région de l'Outaouais. Donc, il n'y a plus des prix fixés, ou des conventions, ou d'un décret, c'est éliminé.» Et là il nous le donne, le motif : «Ça va être le libre marché dans la région de l'Outaouais.» Bien, si le critère, c'est le libre marché dans la région de l'Outaouais, pourquoi est-ce que ça ne serait pas le libre marché dans toutes les régions du Québec?

Il était accompagné de Mme Hébert, de la FCEI, qui a abondé dans le sens présenté par le ministre Hassad de l'époque à la conférence de presse. Si vous lisez attentivement la conférence de presse et si vous retenez surtout ce que Mme Hébert y dit... Poussons le raisonnement jusqu'au bout. Ça veut dire fondamentalement que, si on suit le raisonnement de Mme Hébert et de la FCEI jusqu'au bout, tout ce qu'on a à faire, c'est abolir tous les décrets. J'aimerais ça qu'on puisse dire aux gens du Saguenay—Lac-Saint-Jean, le royaume où les gens... des concessionnaires d'automobiles, qu'ils devraient être comme la région de l'Outaouais, où il n'y en a pas, de décret, pour cette activité-là. Moi, je pense qu'ils y tiennent, à leur décret. Nous, on y tient exactement de la même façon.

Ceci étant, je termine, M. le Président. Merci de votre bonté. Je vous souligne, assez paradoxalement — et c'est notre interprétation de la loi — l'article 8 confie au ministre, bien entendu, le pouvoir de recommander au gouvernement d'abroger un décret. Et je comprends que c'est sans même s'adresser à l'Assemblée nationale, là. Ça pourrait se faire à travers le gouvernement. On ne voit pas, dans ce texte-là, cette idée-là qu'il va donner des motifs. On voit dans le texte qu'il doit consulter. C'est assez paradoxal que l'article 8, dans le projet de loi, on propose de le modifier où, justement — ce n'est pas par enchantement — il y a des exigences très strictes où on dit au ministre : Tu vas fournir les motifs. Non seulement tu vas donner l'occasion aux parties de se faire entendre, mais tu vas fournir les motifs.

Alors, je trouverais ça bizarre qu'on puisse dire aux gens du comité paritaire et les parties contractantes : Vous n'étiez pas à la bonne époque, vous étiez juste un peu avant. Si vous aviez attendu l'adoption du projet de loi, on vous aurait donné les motifs, mais là on ne vous les donne pas. À mon avis, implicitement, l'article 8 oblige le ministre à donner des motifs, et il n'en a pas donné, autre que de nous parler du libre marché, et ça, à mon humble avis, ça ne tient pas la route. Je vous remercie, M. le Président, mesdames, messieurs.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, Me Brochu. Donc, nous allons passer à la période d'échange avec les parlementaires. Évidemment, nous allons débuter avec Mme la ministre pour un premier bloc de 15 minutes. Mme la ministre.

Mme Vien : Alors, Me Brochu, M. Drouin, M. Parisien, M. Briand, merci de vous être déplacés aujourd'hui. Merci surtout de cette passion qui vous anime, c'est franchement intéressant, c'est même rafraîchissant, merci de nous partager ça cet après-midi.

Moi, je vais mettre les choses bien au clair tout de suite, là, je suis une ministre qui reprend ce projet de loi, donc je suis en relais, depuis huit mois maintenant que je suis au ministère du Travail. Je peux vous assurer que je vous ai écoutés bien, bien, bien attentivement et j'ai aussi lu votre mémoire, puis que je ne suis vraiment pas insensible à votre situation. Cependant, on va poser des questions puis on va essayer d'y voir un petit peu plus clair.

Rappelez-moi donc, en 1996, à votre souvenir, qu'est-ce qui a fait en sorte... parce que vous n'êtes pas... votre entente — je vais le dire dans mes mots, hein, je ne suis pas des spécialistes comme les gens du ministère, je vais parler dans mes mots — votre entente, là, qui régit le travail de vos coiffeurs ne repose pas sur une convention collective, comme les décrets actuellement que nous avons au Québec, les 14 autres décrets actuellement. Donc, voilà une exception. Dans d'autres décrets, on ne vient pas fixer les prix minimums, comme d'ailleurs le stipule l'article 9.1 de la Loi sur les décrets de convention collective. Ça, c'est la mécanique, c'est ce qui vous caractérise.

À votre souvenir, quelle a été la raison ou les raisons qui ont fait en sorte que vous bénéficiez d'une exception pour avoir survécu dans le temps, compte tenu du fait que vous n'êtes pas notamment calqués sur une convention collective et que vous n'avez pas non plus d'association accréditée syndicale à l'intérieur de votre comité paritaire? Je ne sais pas... Est-ce que je suis claire? Oui?

M. Brochu (Denis) : Vous avez raison, Mme la ministre. Il n'y a pas d'association accréditée... ce qui est justifié à l'époque, et même encore aujourd'hui, on va élaborer là-dessus, cette idée-là de pouvoir bénéficier d'une dérogation tend sur le phénomène d'être une association accréditée. On les appelait, à l'époque, des associations de bonne foi, on va se rappeler un peu le contexte de l'époque. Et l'autre...

Mme Vien : Pouvez-vous vous approcher de votre micro, on va mieux vous entendre. Merci.

M. Brochu (Denis) : Ce serait préférable. Et l'autre dérogation, les prix minimums, ce qui va, bien entendu, en principe, à l'encontre de l'article 9.1 de la loi actuelle, on comprend ça. Mais il faut comprendre que, si ça a évolué dans ce sens-là — puis je laisserai M. Parisien compléter, s'il le faut — c'est parce qu'il y avait des particularités qui faisaient en sorte que, pour l'Outaouais, c'était la chose qui paraissait à faire pour assurer des conditions de travail qui soient acceptables et qu'on puisse les faire progresser, les conditions de travail.

Mme Vien : On va avoir une discussion, vous puis moi, les gens vont nous suivre, ils sont habitués. Est-ce que la pression ontarienne, par exemple, le fait que vous soyez près de l'Ontario...

M. Brochu (Denis) : C'est un facteur.

Mme Vien : O.K. C'est un facteur, donc ça exerçait une pression.

M. Brochu (Denis) : Ça exerce une pression.

M. Parisien (Hugo) : C'est plus normé aussi en Ontario.

M. Brochu (Denis) : Beaucoup plus normé en Ontario, ce qui fait que la proximité de la frontière, on sait, sans en faire une grande histoire, que les gens de l'Outaouais peuvent facilement magasiner en Ontario, se procurer des biens de consommation en Ontario et autres, puis des services. On est habitués à cette réalité-là. Mais il faut se replacer dans le contexte non seulement de l'époque, mais ce contexte-là n'a pas changé, on est encore aux prises avec les mêmes difficultés. Ça fait que, si on a obtenu la dérogation, c'est parce qu'on a senti le besoin de reconnaître que, pour les fins de ce qu'on voulait accomplir dans ce secteur d'activité là... qui est relativement fragile, entendons-nous, là, il faut quand même s'assurer qu'on puisse contrôler un certain nombre de choses puis que les gens puissent vivre décemment, dans le fond, pas de leur métier, parce que je pense que c'est beaucoup plus la nature d'une personne qui est artisane... C'est ça que c'est, un coiffeur puis une coiffeuse, ce n'est pas un mécanicien, il ne change pas des pneus, hein, il traite avec des personnes, parfois même agit comme psychologue. Vous en savez peut-être quelque chose, Mme la ministre. On va chez la coiffeuse...

• (15 h 40) •

Mme Vien : ...

M. Brochu (Denis) : Non, mais, à une certaine époque, seul son coiffeur le sait, ça fonctionnait, puis ça se dit encore. Ça fait que cette réalité-là est encore présente puis elle justifiait cette démarche-là que nous avions faite à l'époque en commission parlementaire. Ça ne s'est pas fait en catimini. C'est en commission parlementaire, nous avons dit : Voici la réalité de l'Outaouais.

Et puis je pense que vous n'avez pas le choix parce que ça fait partie des critères que la loi sur les décrets identifie... quand vous consultez l'article 6... et moi, je suis d'avis que le ministre, avant de proposer l'abrogation, devait s'inspirer des critères de l'article 6... ma prétention étant la suivante : si les critères de l'article 6 doivent être utilisés pour extensionner une convention, puis je vous fais abstraction de la convention dans notre cas, bien, de la même façon, à l'inverse, ce qui est le gros bon sens, je pense, il va devoir s'inspirer des mêmes critères pour proposer l'abrogation. Ce serait invraisemblable de penser autrement. Il y a des éléments de justice naturelle qui font que... Moi, je veux bien donner les pouvoirs au ministre, mais il va falloir qu'il les exerce judicieusement. Il ne peut pas les exercer n'importe comment, ce n'est pas vrai, ce n'est pas le système du Québec et ce n'est pas ce que les tribunaux reconnaissent. Mais il y avait un contexte particulier qui existe encore.

M. Parisien, si vous voulez compléter.

M. Parisien (Hugo) : Oui, si je peux juste ajouter, c'est parce que la notion artisanale, quand qu'on disait que 66 % des gens travaillent seuls, une femme enceinte ou une femme qui a choisi d'être à la maison, donc, peu importe, pour exercer son métier de coiffeuse ou pour sa durée enceinte, va se retrouver à la maison, peu importe la situation dans laquelle... On se retrouve avec 66 % des salons qui sont dans cette situation-là. Bref, on ne peut pas former une unité d'accréditation, ce serait nouveau au Québec, vous en conviendrez, avec une seule personne qui est tant l'employeur que l'employé. Ce qui est important pour eux, c'est les prix minimaux. Je vais être honnête avec vous, de voir une grande chaîne dire : Vous achetez 50 $ à l'intérieur du marché et vous vous retrouvez avec une coupe gratuite, c'est bien rare qu'on gagne à l'épicerie une dent arrachée gratuitement. Donc, la notion de professionnalisme, eux autres, est basée là-dessus.

D'un autre côté, la commission... C'est parce que la notion artisanale... Le prix minimal devrait être partout au Québec, selon moi, parce qu'on est là puis on forme des gens au niveau d'un diplôme d'études professionnelles. C'est des artisans qui travaillent seuls, et on se retrouve dans une situation où est-ce que, bon, O.K., on a choisi d'aller dans une grande chaîne et on met les coupes à 3 $, mais une coupe à 3 $ avec une commission dessus, on sentait qu'on n'ira pas loin.

Donc, pour le décret sur les coiffeurs de l'Outaouais, oui, les normes de salaire sont importantes, les commissions sont importantes, mais les prix et les heures, c'est essentiel, c'est ce qui permet aux gens qui ont choisi cette profession-là, pour soit travailler à la maison, soit travailler dans un salon seul, soit louer une chaise seul et entrer aux heures qu'ils le désirent, d'avoir les moyens de ne pas avoir à compétitionner avec les autres organisations gigantesques.

Mme Vien : M. Parisien, en Ontario, Me Brochu disait : Ah! c'est pas mal réglementé aussi, c'est très normé. Est-ce qu'ils ont, eux, des normes sur les prix et sur les heures d'ouverture?

M. Parisien (Hugo) : C'est différent. C'est qu'en Ontario on est plus en mode d'un ordre des coiffeurs, c'est-à-dire qu'on pense, la qualification est nécessaire en Ontario, c'est-à-dire qu'on reconnaît qu'un coiffeur est une personne professionnelle, et, à ce sujet-là, tous les moeurs changent en Ontario, c'est-à-dire qu'on n'a pas nos cartes, on ne peut pas exercer la profession. Ici, oui, le gouvernement du Québec va reconnaître la profession en offrant, comme le disait Yves tout à l'heure, un D.E.P., mais il n'y a pas personne qui valide, c'est-à-dire qu'on ne peut pas refuser quelqu'un qui n'a pas de D.E.P. à faire de la coiffure au Québec. Il y a beaucoup plus de problématiques au point de vue des soins de la peau puis de la tête au Québec qu'ailleurs en Ontario.

Mais, si on revient au décret, c'est plus au point de vue de... on a l'obligation d'avoir une carte de compétence, et je le sais très bien parce qu'à l'intérieur du bureau, la frontière étant très courte, vous en conviendrez, bien, souvent, je dois remettre les cartes de compétence. On dépoussière nos ateliers de 1984, là, avant, et on sort les radiographies de poumons puis tout ce qui en était pour aller chercher sa compétence et on remet la carte au coiffeur, parce qu'en Ontario ils ont l'obligation d'avoir cette carte-là, et non seulement ils ont l'obligation d'avoir cette carte-là, c'est qu'à partir de 1984 tout coiffeur qui veut transférer en Ontario doit, logiquement, soit trouver un mécanisme d'accompagnement ou avoir cette carte-là. Mais, si tu es venu au monde après 1984, tu ne l'as pas.

Mme Vien : Mais ils n'agissent pas sur les heures d'ouverture ou des prix minima, là, en Ontario.

M. Parisien (Hugo) : Non, ils n'agissent pas à ce sujet-là.

Mme Vien : O.K. C'est beau. Est-ce que les grandes chaînes, les Wal-Mart de ce monde, Escompte-Coiffe — je ne sais pas si c'est... il y en a par chez vous puis que si vous considérez ça comme des grandes chaînes ou, en tout cas, des chaînes — ces gens-là, je présume, ces organismes-là sont sous décret chez vous.

M. Parisien (Hugo) : Effectivement, oui.

Mme Vien : O.K.

M. Briand (Yves) : ...pas ça. Si vous me permettez d'en parler...

Mme Vien : Non, c'est ça.

M. Briand (Yves) : Quand j'ai commencé à travailler, en 1977, j'ai été employé par la chaîne Glemby International. J'ai été assistant-gérant chez Sears, dans le salon de coiffure. C'est sûr qu'eux ont dû s'adapter au Québec, parce qu'ils arrivaient des États-Unis et du reste du Canada et on avait le comité paritaire, et, dans le temps, on avait aussi, comme on disait, l'accréditation avec nos cartes de compétence. Chaque coiffeur, avec sa carte de classe A, pouvait travailler avec un apprenti, alors que, s'il n'y avait pas de classe A dans le salon de coiffure, aucun apprenti ne pouvait entrer. Ils ont dû s'adapter et ils ont trouvé l'idée quand même géniale, parce que ça leur permettait d'offrir une qualité que... ailleurs, les coiffeurs et les coiffeuses partaient, entraient, partaient, entraient.

Je sais que, de ce monde, les grandes chaînes comme Wal-Mart, Magicuts, et tout ça, eux, ce qu'ils veulent, c'est qu'ils ne veulent pas de clientèle régulière. Ils veulent des coiffeurs et des coiffeuses qui vont être là pour six mois, on change, on recommence. Le but, c'est d'offrir un service et non une qualité de service. Parce que je recueille des coiffeurs qui ont travaillé là et qui s'en viennent chez nous faire application et, une fois qu'ils sont rendus là, ils s'aperçoivent qu'ils ont été lésés dans leurs salaires et tout ça. Moi, ils sont tous inscrits au comité paritaire à titre d'employés, ils vont voir Stéphane, et tout ça, et le comité paritaire se charge de leur faire la chasse aux sorcières, si on peut dire, à ces grandes chaînes-là pour leur remettre les sous qu'on leur doit.

Moi qui ai engagé pendant 31 ans et qui continue d'engager 92 % de femmes dans les salons de coiffure, je trouve ça atroce qu'on paie les gens avec si peu de salaire. C'est sûr que ça m'a pris plus d'années à faire mes sous, parce que le comité paritaire régit. J'ai des employés qui sont rendus à cinq et six semaines de vacances payées, ce qu'on ne voit jamais nulle part ailleurs dans la coiffure. Alors, moi, c'est pourquoi ça, j'y tiens beaucoup. Ça m'a permis, à travers les années, de m'éduquer et d'éduquer; parce que je suis aussi entraîneur professionnel pour les coiffeurs, je donne de la formation partout et j'y tiens énormément.

Je ne sais pas quoi dire pour vous convaincre de le garder, mais je sais qu'en ayant siégé autant sur le comité employés que le comité employeurs on a eu que des bonnes choses qui en sont sorties puis je veux le maintenir à ce niveau-là.

Le Président (M. Cousineau) : Trois minutes, Mme la ministre.

Mme Vien : Vous êtes un employeur?

M. Briand (Yves) : Oui.

Mme Vien : Si j'ai bien lu, c'est 10 000 $ de plus dans les poches des coiffeurs de l'Outaouais par rapport au reste du Québec.

M. Briand (Yves) : Entre 3 000 $ et 7 000 $, oui.

Mme Vien : Entre 3 000 $ et 7 000 $?

M. Briand (Yves) : Oui, de plus.

Mme Vien : Vous leur payez du quatre, du cinq, six, sept semaines de vacances.

M. Briand (Yves) : Oui.

Mme Vien : De votre point de vue, qu'est-ce qui est si bon pour vous dans ce décret?

M. Briand (Yves) : Bien, voyez-vous, moi, quand j'emploie des gens, je les forme à travers les années et ça coûte quand même beaucoup d'argent pour les former. Mais j'ai le rendement qui revient par la suite, c'est-à-dire que, si je fais venir un formateur ou si c'est moi qui le donne, ça coûte 3 000 $ pour la journée. Mes employés, s'ils quittent deux mois après...

Mme Vien : Mais est-ce que c'est le décret qui vous permet de faire ça?

M. Briand (Yves) : Le décret me...

Mme Vien : Qu'est-ce que le décret vous apporte?

M. Briand (Yves) : Le décret me permet de leur offrir cette possibilité-là, d'avoir deux semaines, trois semaines, quatre semaines, cinq semaines de payées et d'avoir une commission de 50 % sur le travail qu'ils font, alors que le reste du Québec, maximum, 40 %.

M. Parisien (Hugo) : Si je peux apporter une correction, les semaines de vacances, c'est à sa discrétion. La commission, évidemment, fait partie du décret et est calculée de part et d'autre, une partie pour l'employeur, une partie pour l'artisan qui a travaillé à créer la coiffure chez la personne qui a demandé le service.

Mme Vien : Donc, de toute évidence, si je comprends bien, M. Briand, c'est qu'il y a autant de bénéfices pour vous, l'employeur, que pour l'employé, hein?

M. Drouin (Stéphane) : Totalement d'accord. Si je peux me permettre...

M. Briand (Yves) : Effectivement.

M. Drouin (Stéphane) : Des employés bien payés puis des employés heureux, ça reste des employés fidèles. Des gens sous-payés, maltraités, dans des conditions malsaines créent qu'il y a toujours une rotation. En ayant travaillé dans le milieu, quand même, 18 ans, puis en ayant rencontré des gens de partout dans la province, c'est toujours la problématique. Des employés sous-payés puis des gens pas heureux, là, ça fait juste sacrer leur camp. Alors, quand tu as des gens bien payés puis que les gens gagnent bien leur vie, qui ont des vacances, qui ont un mode de vie sain, ça reste des employés fidèles et ça ne reste pas des employés de six mois. Ça fait du six, 15, 20, 25 ans, comme on va voir dans d'autres métiers, qu'on va demeurer dans le même travail pendant une grosse partie de notre vie.

• (15 h 50) •

Mme Vien : Merci beaucoup.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la ministre, si vous permettez, on va passer à l'autre bloc puis on reviendra à vous un petit peu plus tard.

Mme Vien : Non, mais ça va. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Oui? Ça va? Alors, M. le député de Richelieu de l'opposition officielle pour 10 minutes.

M. Rochon : D'accord. Merci, M. le Président. MM. Drouin, Briand, Parisien et Brochu, bienvenue en commission. Je ne m'attendais pas à ce que vous vous présentiez ici avec un large sourire aux lèvres, je m'attendais à vous retrouver à peu près dans les dispositions que vous présentez, dans la disposition d'esprit, là, avec laquelle nous vous accueillons.

Écoutez, ce n'est pas rien, ce projet de loi là heurte de plein fouet votre profession, le décret qui vous gouverne, parce qu'en effet, à l'article 39, on y lit : «Le Décret sur les coiffeurs de la région de l'Outaouais ainsi que tous les règlements qui en découlent sont abrogés.» Alors, pas étonnant que vous soyez aujourd'hui devant nous portant cette frustration, si ce n'est pas cette colère, parce que votre frustration a été amplifiée, si j'ai bien compris — et j'espère avoir mal compris — parce que vous avez initialement appris par un média ce que le gouvernement projetait de faire.

Le 5 janvier 2015, vous écriviez au prédécesseur de la ministre actuelle ceci : «Les parties contractantes au décret sur les coiffeurs de l'Outaouais tiennent à souligner leur étonnement de la dernière lettre du ministère du Travail concernant la survie de notre décret. Comme la Loi sur les décrets de convention collective le mentionne : une abrogation d'un décret est possible lorsque l'une des deux parties contractantes au décret ou le comité paritaire responsable de son application désire y mettre un terme. À ce sujet, ni l'association patronale, ni le syndicat des employés, ni le comité paritaire ne vous a déjà fait part d'un tel désir», écrivez-vous au ministre d'alors.

«Le ministère du Travail n'a pas fait la démonstration qu'il existe une volonté claire d'abrogation du décret et il n'a pas soumis aux parties les motifs sur lesquels repose [cette] décision. De leur côté, les parties ont soumis, avec leur requête en modification, une consultation qui exprime clairement la volonté de conserver ce décret.»

À la lumière de ces dires, votre volonté d'abrogation repose uniquement sur des opposants qui se sont exprimés en utilisant des mécanismes autres que ceux prévus par la loi. Vous observez qu'ils ont donc, à votre point de vue — et là je ne me fais pas juge de ce qui s'est produit — contourné finalement les règles et, par le biais d'autres avenues, ont réussi à convaincre le ministre qu'il faille cesser de voir apparaître au projet de loi modifiant la loi initiale l'exception de ce décret pour les coiffeurs de l'Outaouais. C'est bien votre lecture des faits. C'est ça? Je ne me trompe pas?

On a expliqué plus tôt, c'est mon collègue de la deuxième opposition qui l'a fait, que nous avons pu jouir d'un briefing technique sur le projet de loi, et ma compréhension — et je pense que la partageait mon collègue — était à l'effet que le projet de loi proposait l'abrogation du décret particulièrement parce qu'il devait son existence à cette exception prévue dans la loi, parce que son existence était un peu anachronique, finalement. Il ne reposait pas, comme les autres décrets, sur une convention collective existante et rendait obligatoire des prix minimaux pour les services rendus au public. Alors, on nous a expliqué qu'il ne restait, au Québec, que votre seul décret dans le secteur de la coiffure, celui de la région de l'Outaouais, que tous les autres avaient été abolis dans les années 1980.

Pourquoi, donc, avec ce portrait qu'on nous a tracé... et je vous pose la question non pour m'objecter à l'existence de l'exception, là, qu'on se comprenne bien, je ne veux pas augmenter votre indisposition... je vous pose cette question pour vous permettre de faire valoir encore pourquoi il faudrait maintenir cette exception pour la région de l'Outaouais. Vous en avez parlé un peu tantôt, là. Vous nous avez dit que l'Outaouais était en soi une région distincte, comme le Québec est, pour paraphraser un ancien premier ministre, une société distincte. Mais, au-delà de ça, j'aimerais vous entendre plus avant, là.

M. Drouin (Stéphane) : ...de répondre à cette question. En étant dans le milieu, je le vis à tous les jours. Oui, on est à part. Oui, on a décidé de conserver quelque chose. Et je vais vous faire l'inverse : Pourquoi nous l'enlever quand nous, on gère nos choses? On ne dérange personne ailleurs au Québec. Les gens rentrent faire leurs rapports annuels, ça leur prend 15 minutes, ils connaissent Hugo, tout est clean, toutes les parties sont en bonne entente. Pourquoi, demain matin, on nous l'enlève? On ne dérange personne, on gagne mieux notre vie, on a une meilleure qualité de vie, on est le secteur qui est le seul qui gagne ce salaire-là minimum. Et, quand on dit «minimum», c'est parce qu'on peut faire bien plus, parce qu'on est un domaine qui est à commission. Alors, plus tu coiffes, plus t'en fais, plus tu en as dans ta poche. Ce qui est important à maintenir, c'est quand même le salaire minimum... à la base, demeure beaucoup plus élevé qu'ailleurs.

Alors, je vous rends la retour : Pourquoi qu'une telle journée dans l'année, à 13 h 57, on prend une décision de nous l'enlever sous le nez quand aucune partie contractante n'a souhaité l'abrogation du décret? Il n'y a jamais eu de pétition, il n'y a jamais eu de mouvement, on n'a jamais dérangé personne, on remplit nos rapports depuis l'existence. Alors, c'est à vous de peut-être être conscient qu'on a un mécanisme qui fonctionne, on a quelque chose qu'on apprécie, qu'on ne veut pas perdre.

M. Rochon : D'accord.

M. Parisien (Hugo) : Et, si je peux renchérir, c'est évident que la réalité de l'Ontario... je n'ai pas besoin de vous le mentionner, vous le vivez au Québec, c'est-à-dire que les professionnels qui sont sous ordre... je n'ai pas les études, vous comprendrez qu'on est un comité paritaire qui a un budget annuel d'environ 100 000 $, là... Si on pouvait porter les études ou apporter des lobbyistes, on le ferait; la situation n'est pas là. Mais, au point de vue des ordres, quand on fixe les gens avec des professions, des ordres... et, si vous regardez les salaires moyens des électriciens, c'est beaucoup plus élevé... Je reviens aux électriciens, aux mécaniciens. Pourquoi je dis ça? C'est parce que, si on traverse la rivière, ils sont placés en ordres, c'est structuré. On se rend compte : Non, il n'y a pas de prix, mais on fixe les prix ensemble, comme les électriciens, comme les médecins au Québec. Il y a des normes qui sont soit gouvernementales, soit décidées en équipe, soit... qui sont là. Et nous, on fait face à cette rivière-là. C'est important de le savoir, parce que c'est pour ça qu'en 1996, entre autres, on avait maintenu le décret.

Et la notion artisanale est très importante. C'est-à-dire que, oui, on aimerait peut-être bien ça, étendre une convention collective existante, mais, dans la situation actuelle, bien, on n'en a pas de besoin. Ce sont eux la portée de la voix, ce sont eux qui décident. En augmentant les prix minimaux, bien, ils touchent directement au salaire de monsieur, donc... désolé, au revenu annuel de monsieur et au salaire de monsieur. Donc, c'est le plus beau des mondes, c'est une réalité qui est particulière.

Le Président (M. Cousineau) : 1 min 30 s.

M. Rochon : Oh! que c'est peu. En passant, ne croyez pas avoir à me convaincre des bienfaits sur les conditions des travailleuses, on va dire ça, travailleuses, majoritairement, et travailleurs du secteur. D'ailleurs, c'est très, c'est très sympathique, presque émouvant d'entendre un employeur nous dire qu'il est content de pouvoir offrir de telles conditions de travail à ses salariés, hein? Bon, ce qu'il ne pourrait peut-être pas faire s'il n'y avait pas ce décret, qui produirait une concurrence bien différente. Mais il y a eu jadis d'autres comités paritaires dans le domaine précis de la coiffure ailleurs au Québec, n'est-ce pas?

Une voix : Oui.

• (16 heures) •

M. Rochon : Je me souviens que, chez moi, dans Richelieu, ça existait, il y a sans doute bien longtemps. Mais pourquoi ceux-là ont-ils été abolis, au nom de quels motifs? Ce serait intéressant de vous entendre là-dessus si vous connaissez la réponse, si vous avez examiné cette question-là.

M. Parisien (Hugo) : Peut-être que vous pouvez constater la passion des coiffeurs qui sont avec nous. La passion était la même quand que c'est arrivé en 1984. Je n'y étais pas, je ne vous le cacherai pas. J'avais, quoi, trois, quatre ans à l'époque. Je n'avais pas la tête pour me faire une tête. Par contre, avec l'historique de l'ancien directeur général, qui travaille encore pour nous, qui est consultant, et qui est là depuis 36 ans, lui, il avait une réalité qui était réellement importante à figurer à l'intérieur de tout ça. Je veux...

Le Président (M. Cousineau) : ...vous pourrez continuer un petit peu plus tard sur cette lancée avec le député de Richelieu, mais moi, je me dois... Je gère le temps aussi.

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Je me dois de passer la parole à M. le député de Chutes-de-la-Chaudière pour six minutes.

M. Picard : Vous allez pouvoir poursuivre, parce que j'allais sur ce sujet-là. Expliquez-moi pourquoi, dans les autres régions du Québec, ça a été aboli... puis je ne connais pas le niveau des prix, là, tantôt, on va revenir sur les prix... mais expliquez-moi pourquoi, dans les autres régions, il n'y en a plus, de décret. Puis je dis ça, là, ce n'est pas parce que je suis contre vous, là. Je veux juste bien comprendre. Parce que le but ici, nous, là... le gouvernement a déposé un projet de loi. Il y a une commission parlementaire pour qu'on saisisse bien le but recherché. Donc, on veut vous entendre puis on se fait une idée par après.

M. Parisien (Hugo) : C'est fort apprécié. Tout ce que je veux mentionner face à ça, c'est que Me Brochu y était à ce moment-là. Vous y étiez, si je ne m'abuse, en 1984?

M. Brochu (Denis) : J'y étais, mais ça demeure vague. Je pourrais vous répondre, par ailleurs, pour l'avoir vécu à l'égard de d'autres réalités. À l'origine, il faut qu'il y ait une volonté des personnes. S'il n'y a pas de volonté des personnes, ce n'est pas un truc qui va fonctionner. Les coiffeurs et les coiffeuses, sauf les quelques opposants dont on nous parle — sans avoir vraiment les chiffres, parce qu'on ne les a jamais eus — on n'entend pas ces gens-là nous dire qu'elles sont très insatisfaites de ne pas avoir à travailler le dimanche. On ne les entend pas dire ça. On les entend au contraire dire : On aimerait bien que ceci évolue dans ce sens-là parce que ça va bonifier notre situation.

Je vous donne un autre exemple. Si la volonté n'existe pas dans les autres régions du Québec, avouez qu'on n'y peut pas grand-chose. Ça n'empêche pas les gens du Québec — vous en parlerez à M. Parisien — les gens d'ailleurs au Québec d'appeler M. Parisien, dire : Bien, comment est-ce que vous avez fait pour? Et demandez-lui, il va vous le dire. Et ça, c'est d'actualité.

Maintenant, entre leur dire «voici ce que vous devriez faire» et poser des gestes dans ce sens-là, bien, c'est à eux de se prendre en main. C'est peut-être ça, la réponse. C'est un peu comme vous dire : Comment se fait-il que, dans la région de l'Outaouais, les concessionnaires automobiles, il n'y en a pas, de décret? Bien, parce qu'il n'y a pas, à l'origine, une volonté. Je pense que c'est aussi simple que ça. Mais cette volonté-là, il faut la cultiver. Il faut avoir les moyens de la cultiver.

M. Parisien (Hugo) : ...la réalité qu'on a soulevée tout à l'heure à l'égard de l'Ontario, c'est un des principes majeurs à cette modification-là. Je voulais vous le... au maintien, donc, du décret sur les coiffeurs de l'Outaouais à l'époque. Ça, je peux vous le dire.

M. Picard : O.K. Mais... Vous voulez parler? Non?

M. Briand (Yves) : Après que vous aurez fini.

M. Picard : O.K., c'est beau. Au niveau des décrets pour les coiffeurs, il y en avait sur tout le territoire du Québec? Oui?

M. Brochu (Denis) : Je vais présumer que oui. Il y en avait un bon nombre.

Une voix : Oui, il y en avait partout.

M. Picard : Mais... Oui, allez-y.

M. Briand (Yves) : Pour avoir été dans le domaine de la coiffure depuis 1977, je me souviens très bien, en 1984, quand Montréal et Québec ont décidé d'abolir le comité paritaire, le remue-ménage que ça a fait, et tout ça. C'était une clique, si on peut dire, de gros employeurs du centre-ville de Montréal et du centre-ville de Québec qui étaient tannés de se faire diriger par les employés, parce qu'il y avait effectivement le comité des employés et des employeurs. Puis eux, ils voulaient gérer ça à leur façon, mais ils n'ont pas donné l'information qu'il fallait. Ils disaient juste simplement à ce moment-là : Nous allons créer quelque chose de nouveau qui va vous amener dans un statut meilleur. Mais il y a une loi qui dit que, lorsqu'on annule un comité paritaire, on ne peut pas le réinstaurer.

Moi, depuis 1985, ce que j'entends de Montréal et Québec quand je donne de la formation : Nous aimerions que vous étendiez vos tentacules jusque chez nous. Nous voulons réavoir un comité paritaire et un syndicat d'employés et d'employeurs. C'est ce que j'entends tout le temps, tout le temps. Je le sais que nous, on a travaillé fort à travers les années pour essayer d'étendre notre territoire, mais on n'a pas les sous et les moyens nécessaires pour faire des campagnes publicitaires pour aller chercher le reste du Québec. Il y aura toujours une partie qui ne voudra pas, mais, quand il y a 75 % de la population des femmes qui disent : Oui, je veux des conditions de travail meilleures, je veux être en haut des normes du travail, mais ils ne peuvent pas l'obtenir, ils ne savent pas où aller, ils ne savent pas quoi faire, moi, ça me saigne beaucoup en dedans.

Le Président (M. Cousineau) : 1 min 40 s, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard : Merci. Si j'ai bien saisi tout à l'heure, si, dans le projet de loi, on propose d'abolir le comité, c'est parce qu'il y a un problème au niveau de la reconnaissance des travailleurs comme association accréditée. C'est-u ça ou je suis dans le champ?

M. Parisien (Hugo) : Bien, effectivement, c'est parce qu'il n'y a pas d'unité syndicale en Outaouais. Logiquement... Mais c'est une belle façon novatrice, selon moi, de faire en sorte de vivre un décret. C'est-à-dire que toute personne peut assister à l'assemblée générale de l'une ou de l'autre des parties. Toute personne peut... Bien, toute personne, en autant que ce soit un coiffeur, sur le territoire de l'Outaouais, assujetti, vous comprendrez. Toutes ces personnes-là peuvent... Et c'est par les coiffeurs, pour les coiffeurs. Et c'est eux qui décident de leur prix, de leurs conditions, de leur situation.

Et ce n'est pas pour rien que, quand la dernière étude de votre... bien, pas de votre, là, mais du comité sectoriel de la main-d'oeuvre, qui pose la question à l'ensemble du Québec : Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer l'industrie de la coiffure?, réponse numéro un : remettre les comités paritaires. Je n'ai pas besoin de vous dire que ce n'est pas en Outaouais qu'on a fait augmenter la moyenne de cette réponse-là. La réponse numéro trois... Excusez, j'ai fait deux. Trois : réglementer la tarification. C'est ce qu'on fait. Réponse numéro cinq : contrôler le travail au noir. On ne fait que ça, enregistrer les salons. C'est un soutien au... On répond à des éléments qui sont clairs pour l'ensemble du Québec. Et, malgré le fait qu'on l'a déjà en Outaouais et que les gens ne répondront pas ça, c'est malgré tout la première réponse qui sort d'un diagnostic de la coiffure sur le territoire québécois. On l'a chez nous. On aimerait ça le maintenir.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, ça termine le temps que vous aviez pour ce... Je reviens avec Mme la ministre pour les 15 prochaines minutes.

Mme Vien : M. Parisien, nous avons reçu, dans le cadre du dépôt du projet de loi, je pense, c'est bien ça, des... C'était par voie électronique, les contre, les pour, là? Oui?

Une voix : Les commentaires, oui, tout à fait.

Mme Vien : Il y a quand même des gens qui se sont dit en désaccord avec le maintien du décret de la coiffure, des coiffeurs chez vous. Tantôt, vous nous disiez : Tout le monde est d'accord, et tout ça, puis on a quand même des copies de journaux de chez vous où, entre autres, il y a une dame, là, qui fait des sorties publiques sur cette question-là. D'ailleurs, je ne sais pas si c'est la même dame à laquelle vous faites allusion dans votre mémoire. Il y a quand même des gens qui, donc, s'opposent, qui souhaiteraient l'abolition du décret.

M. Parisien (Hugo) : Effectivement, vous avez tout à fait raison. Je veux que vous sachiez une chose. Un comité paritaire, là, on n'est pas là pour se faire aimer. Les associations, tant mieux, peuvent avoir des partis pris politiques. Nous, nous appliquons un décret de convention collective. C'est bien rare — puis je suis persuadé que vous le comprenez, Mme la ministre — que j'envoie une montre en or. C'est plutôt un huissier qui se présente avec un constat d'infraction pour ne pas avoir payé, pour ne pas avoir respecté les prix minimaux, pour ne pas avoir respecté les heures d'admission des clients en salon. Et surtout, je tiens à vous mentionner que ces gens-là peuvent participer aux mécanismes. Les parties contractantes peuvent les écouter lors des assemblées générales annuelles. Il n'y a pas de problème. Lors du renouvellement, on peut vous envoyer des lettres disant : Bien, on aimerait ça s'opposer à la... Il y a des mécanismes. Ça, c'est le premier élément.

Deuxième élément. Nous, on vous donne un exemple, le ministère du Travail nous a demandé d'analyser une pétition qui avait été faite en ligne. Vous conviendrez qu'il y avait des noms assez spéciaux sur la pétition. C'est-à-dire que je ne pensais pas que c'était pour causer autant d'émoi, mais George W. Bush avait signé la pétition. C'est simplement, pourquoi je vous le dis, c'est parce qu'on se posait des questions sur la nature et la valeur de cette pétition-là. Quand on a vu ça, on s'est posé des questions, mais, quand on a vu arriver Michael Jackson, alors qu'il était décédé, bien on s'est posé encore plus de questions. On savait que M. Bush ne l'avait pas signée.

Ce que je veux vous dire face à ça, c'est que n'importe qui peut signer ces pétitions-là. Et, une fois qu'on a fait le ménage de ces documents-là, il faut vérifier si les gens qui répondent à ces envois-là... Est-ce que c'est des coiffeurs? Est-ce que c'est des assujettis au décret sur les coiffeurs de l'Outaouais? Ou est-ce que c'est la maman de la découpe de journal que vous avez entre les mains? C'est différent. Donc, il faut vraiment que ce soit un coiffeur qui est assujetti au décret. Et, une fois qu'on avait fait, exemple, le ménage de cette pétition-là, qu'on avait retiré la famille de la dame qui se retrouve probablement dans le journal, qu'on avait retiré certains éléments, bien, on constatait qu'il y avait 24 personnes qui avaient signé cette pétition-là sur 800 coiffeurs. Et on avait remis le tout, à la demande du bureau du ministère du Travail, à M. Audet pour lui faire état de qui était coiffeur, qui était assujetti, et tous ces éléments-là.

Donc, évidemment, si j'envoie un constat d'infraction qui est autorisé par le contentieux du comité paritaire, qu'il est approuvé et qu'on est contre le fait de fermer le dimanche, exemple, et qu'on fait partie du 4 % qui veut ouvrir le dimanche, qu'on ouvre le dimanche, bien, je pense qu'on est en état de vouloir aller se plaindre soit au ministère du Travail soit à d'autres entités, mais ça ne représente pas la majorité, devoir que les deux parties contractantes gardent toujours sur les épaules.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Cousineau) : Mme la ministre.

Mme Vien : Est-ce que je vous ai bien compris, tantôt, dans votre exposé, vous disiez : Lors de nos assemblées générales annuelles?

M. Parisien (Hugo) : Bien, c'est lors de leurs assemblées générales annuelles. Ça, il faut comprendre, il faut s'entendre.

Mme Vien : O.K. Alors donc, le comité paritaire, ce n'est pas chez vous, là.

M. Parisien (Hugo) : Attention. Le comité paritaire est formé de personnes en toute parité. Eux sont constitués en assemblée générale annuelle. Eux aussi, donc, élus démocratiquement, et c'est les gens qui sont là qui, d'une façon égale, vont nommer des personnes qui siègent au comité paritaire. Donc, ça demeure des coiffeurs dûment élus par leurs assemblées générales annuelles qui constituent le comité paritaire, mais le comité paritaire n'a pas d'assemblée générale annuelle.

Mme Vien : Bien. C'est ce que je redoutais, parce que c'est comme ça partout, dans tous les comités paritaires puis...

M. Parisien (Hugo) : Oui, oui, effectivement. Non, non, on ne fait pas différent.

Mme Vien : ...moi, je cherche une façon d'augmenter l'imputabilité, parce que c'est ce dont aussi, par le titre et... Et j'ai de la difficulté, très sincèrement, à voir, dans le projet de loi, à quoi s'accroche cette imputabilité-là. Puis moi, je suis imputable, le député de Richelieu est imputable, le député de Chutes-Chaudière est imputable, vous aussi, vous devez être imputable, M. le sous-ministre. L'imputabilité, c'est important.

Et je posais la question ce matin : Est-ce qu'effectivement il y aurait une formule à développer pour faire en sorte qu'on puisse informer les assujettis, chez vous, les coiffeurs, aussi les employeurs de ce qui se passe dans votre comité paritaire, quelles sont les prévisions budgétaires pour la prochaine année, etc.? Déjà, de les mettre sur un site Internet, c'est ce que nous, on voudrait, mais, en plus d'être avec les gens puis de l'expliquer... On me disait ce matin : Ça va être un peu compliqué, parce que c'est des syndicats aussi qui inviteraient leurs syndiqués, puis, des fois, ça se compte en plusieurs centaines de personnes. On n'en est pas là. Mais il faudrait trouver une formule pour parler d'imputabilité pour arriver justement à développer quelque chose. En tout cas, vous avez parlé, lors de l'assemblée générale annuelle, je dirais : Bien, voilà un décret où ils en tiennent, une assemblée générale. Mais ce n'est pas ça, là.

En tout cas, si vous avez des idées sur cette question-là, vous nous les acheminerez.

M. Parisien (Hugo) : Si je peux vous mentionner, par contre, quelques éléments... On a été les premiers à mettre en ligne le budget annuel, ça fait des années qu'il est en ligne, si vous allez visiter le www.cpcoiffure.ca. Évidemment, il y a des éléments qu'on s'unit à l'association des directeurs généraux pour faire faire les recommandations. Vous comprendrez pourquoi. Si je vous donne un exemple, c'est que les personnes qui sont en poursuite et que... n'ont pas été nommées coupables devraient être nommées à l'intérieur de la loi, on a des questions. Mais, tant qu'ils ne sont pas plaidés coupables ou qu'ils n'ont pas été nommés coupables via le système juridique, on ne peut pas...

Il y a quelques éléments comme ça. Ce qu'il faut savoir, c'est que là on parle de... actuellement, assister aux rencontres, on parle de code de déontologie, de code d'éthique, d'éléments... Nous, on a un document qui permet de déposer des plaintes en ligne de façon confidentielle ou de façon nommée. Tous les éléments sont déjà en place, c'est-à-dire que souvent il faut se poser la question : Quelle est la meilleure façon? Et je ne sais pas si c'est au gouvernement à traiter de ça, mais c'est peut-être de mandater les comités paritaires à trouver la meilleure façon pour rejoindre leurs assujettis. Il y a des façons... Vous comprendrez qu'il y a des niveaux d'étude qui font en sorte qu'on est tout le temps en mode lecture, on lit les journaux. Et il y a des diplômes d'études professionnelles que peut-être, des fois, comme eux, sont passionnés, travaillent jour, nuit, soir, fin de semaine. En coiffure, c'est probablement la réalité si on veut réussir. Donc, ces gens-là, il faut trouver une façon de les rejoindre.

Et ce qualificatif-là, quand vous avez parlé du site Internet, on ne réinventionne pas ces... Bref, on... J'avais rien que le bouton à quatre trous... mais c'est correct, on ne touche pas à la situation. Le seul but, c'est de faire en sorte que les gens aient l'information. La question : Est-ce qu'ils l'ont en Outaouais? Ça, je peux vous confirmer que oui. Est-ce que c'est un audit comptable, donc vérifié par un comptable? C'est la première dépense qui est affectée au budget. Est-ce qu'ils ont le nombre d'inspections? La réponse est oui. Est-ce qu'on a un code de déontologie? La réponse est oui. Est-ce que je remets via Internet les plaintes qui entrent? Elles entrent automatiquement dans le bureau des présidents. Donc, si jamais il y a une plainte à mon égard aux inspecteurs, aux procureurs, ça entre directement chez eux. Donc, il y a des mécanismes à mettre en place parce qu'on n'est pas la vérité absolue.

Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que, d'un point de vue juridique, le comité paritaire dépose souvent des poursuites au pénal tout simplement, et, rendus là, dans cette partie-là, la partie légale et du contentieux, ce qu'il faut savoir, c'est que c'est au juge à traiter de cette question-là. Souvent, on va avoir beaucoup de malaise à avoir reçu un huissier ou à avoir reçu un constat d'infraction. Je peux comprendre le malaise et le côté choqué. Mais, quand on fait en sorte que l'ensemble de la majorité suit ce décret-là, on a une obligation de l'appliquer, et, après ça, bien, malheureusement... ou heureusement, tant mieux, ces gens-là peuvent dénoncer des éléments. Mais je vais être honnête puis je n'irai pas plus loin que ça, parce que je ne suis pas ici pour nommer des noms, mais, quand on a poursuivi quelqu'un qui n'a même pas donné le salaire minimum imposé par la Loi sur les normes et le salaire du décret, bien, je vous dirais que je dors quand même la nuit de voir qu'on figure à la première page du journal pour nous chicaner un peu. Je dors quand même la nuit.

Mme Vien : Bien, moi, ça fait le tour, M. le Président.

Le Président (M. Poëti) : Bien, écoutez, c'est très bien.

Mme Vien : Je vous remercie, parce que je n'aurai peut-être pas le temps de parole pour, mais je tiens à vous remercier. Très franchement, j'ai beaucoup apprécié vous rencontrer, j'ai beaucoup apprécié vous entendre, j'en ai appris plus, puis c'est l'idée, c'est l'objectif d'une rencontre comme celle-ci. On dépose un projet de loi. C'est une pièce législative qui a été déposée par un prédécesseur. On peut lire des choses, mais avoir les gens en face de nous, avoir ce pouls-là, c'est intéressant de pouvoir compter dessus. Merci beaucoup de vous être déplacés aujourd'hui.

Des voix : Merci à vous.

Mme Vien : Et, encore une fois, je vous réitère toute ma sensibilité. Alors, on va entendre les autres groupes, on va prendre le temps de bien réfléchir à tout ça pour faire atterrir une pièce législative la plus intelligente possible.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Poëti) : Peut-être juste à titre d'information pour le suivi du temps parce qu'on est réglementés dans le temps, mais vous pensez qu'à l'occasion tout se finit à 3 heures à Québec, c'est faux.

Je veux vous dire que, Mme la ministre, vous avez quand même, après le temps de l'opposition, donc la première opposition, encore un 10 minutes, la deuxième opposition, un sept minutes. Si vous en aviez besoin, Mme la ministre, vous auriez une autre période de temps qui pourrait vous être allouée si vous le décidiez. Alors, sans plus tarder, je vais permettre au député de Richelieu, pour une période de 10 minutes, de pouvoir soit s'exprimer ou poser des questions.

• (16 h 20) •

M. Rochon : Merci, M. le Président. J'ai jeté un coup d'oeil au site Internet de la Commission de l'économie et du travail où les citoyennes et les citoyens peuvent laisser des commentaires, n'est-ce pas, sur les projets de loi en examen. C'est la ministre, là, qui m'a donné cette envie en référant à des commentaires qui ne sont pas tous favorables au maintien du décret. Je suis allé voir pour que nous laissions quand même une juste idée, là, à propos, là, du pourcentage de commentaires favorables et défavorables. Je n'ai pas fait une étude, là, statistique, là, poussée, mais, je crois qu'elle en conviendra, on y retrouve davantage de commentaires positifs que négatifs. Vous en convenez, hein? Je voulais le signaler, là. Mais effectivement, effectivement, il y a des coiffeuses et coiffeurs qui commentent en se plaignant de devoir être régis par des règles en ce qui a trait aux heures d'ouverture. Alors, certes, on en voit, on en voit, de ça.

Dans votre mémoire, on cite des propos du Syndicat des employés coiffeurs de l'Outaouais qui apparaissent sur le portail des associations, et ça a été transmis en 2010, dans le journal des parties contractantes, à tous les salons de l'Outaouais. Alors, je reprends la citation : «Souvent, nous devons voir ce qui se passe ailleurs au Québec pour comprendre ce que vaut notre décret. C'est en se promenant à Montréal vers 21 heures le dimanche de la fête des Mères, tout en observant une coiffeuse en train de travailler qu'on se rappelle à quel point notre décret est important.

«C'est en voyant, à Québec, une promotion d'une compagnie américaine nouvellement implantée qui fixe la coupe de cheveux à un prix dérisoire pour le prochain mois qu'on comprend la valeur de notre décret. Devons-nous accepter qu'un artisan qui travaille à deux pas de cette compagnie depuis plus de 20 ans annonce faillite à la fin de ce mois?» Et ce sont des cas qui se sont vus. Je me souviens, là, de quelque chose de cette nature dans l'actualité. «Les gens qui ont choisi de travailler légalement à la maison pour prendre soin de leur famille ont droit, eux aussi, à une vie décente.»

Je cite ça parce que je trouve que c'est un excellent résumé du plaidoyer que vous nous faites, avec beaucoup de passion, c'est le mot de la ministre et je le constate moi aussi, la passion qui vous anime et cette certitude que le décret sert bien les intérêts des coiffeurs et coiffeuses de l'Outaouais. Tout à l'heure, vous exprimiez que le comité paritaire n'a, par ailleurs, pas... ou a, par ailleurs, souvent une tâche ingrate, hein, celle de rappeler à l'ordre, et que nous ne devons pas nous surprendre de son degré relatif de popularité. J'ai bien compris?

Une voix : C'est ça.

M. Rochon : Qui fait appliquer une loi, des lois — notre président a été policier — ne se construit pas nécessairement un taux de popularité enviable. Il devient beaucoup plus populaire lorsqu'il est député ou président de commission.

Mais je blague, mais je comprends le sérieux de ce que vous disiez tout à l'heure et je conclus que, pour ce motif, nous devons être prudents quand viennent à nos oreilles des commentaires peu élogieux sur les comités paritaires. Bon, tâche ingrate, ce qui ne veut pas dire que parfois ils ne peuvent pas commettre d'impairs, d'erreurs, et ainsi de suite. Je sais que le projet de loi, là, dont on veut exclure votre décret souhaite justement qu'un suivi attentif de leurs opérations soit assuré, là, hein, et qu'ils exécutent leurs activités avec plus de transparence, et il y a toutes sortes de modalités, là, prévues au projet de loi.

Écoutez, moi, je n'allongerai pas davantage, là, la période pour laquelle on me permet de m'exprimer, mais je vais vous laisser les derniers instants qui sont consacrés à mon intervention pour une dernière chose que vous auriez à dire pour nous convaincre qu'il faut que l'exception qui existe à la loi que ce projet de loi veut amender subsiste dans la nouvelle loi. Je vais à 53.

M. Parisien (Hugo) : C'est important de mentionner... On est actuellement ici aujourd'hui, ça fait un an et cinq mois qu'on a fait l'annonce de la nouvelle. On aurait pu se retrouver dans une situation catastrophique, plus de paiement de cotisations. On est payés à même les coiffeurs, là, ce n'est pas le gouvernement qui nous paie. Il n'y a aucun changement d'employés, les ressources sont là, les budgets sont là, donc les cotisations sont payées par les coiffeurs, et, dans ce cadre-là, c'est une volonté assez exceptionnelle quand on sait le salaire moyen d'un coiffeur.

Deuxième chose que je tiens à vous mettre à l'esprit, et je ne serai pas là juste pour prêcher pour notre paroisse, c'est bien important de le noter, vous avez environ 24 000 coiffeurs au Québec, on l'a mentionné tantôt, ce sont vos psychologues, les gens qui vous accueillent. Bref, prenez-en soin, de vos coiffeurs. Ce n'est pas sous le seuil de la pauvreté qu'ils sont bien traités, c'est au-delà de ça. Et je peux vous dire que des politiciens qui prennent soin de leurs coiffeurs, bien, 24 000 coiffeurs, ça parle au Québec, comme ça ne se peut pas. Vous le savez, donc c'est simplement l'esprit politique de la chose.

Moi, je vous dirais... je vous lance la balle, sachant qu'ils sont au même niveau d'étude que tous les professionnels qu'on a parlé aujourd'hui. Bien, je vous dirais, donnez-leur un petit élan, ils vont vous remettre ça en double, en triple, en quadruple parce que c'est en double, en triple et en quadruple que ça parle dans les salons. Voilà. Y aurait-u d'autres...

M. Briand (Yves) : Bien, moi, si je peux rajouter, je ne sais pas combien de temps, je vais faire ça très concis...

Le Président (M. Poëti) : ...

M. Briand (Yves) : Ah! parfait. En 1996, j'ai été audité par le gouvernement, pas parce que je ne payais pas mes impôts, parce que je donnais trop des gros montants de salaire. Il y a quelqu'un qui est venu chez nous du gouvernement du Québec, il m'a dit : Pendant 52 semaines, tu vas me remettre tes rapports de paie et tes rapports d'entrée d'argent parce que tu paies trop tes employés. J'ai dit : Sur quoi vous vous basez? Ils m'ont dit : Le reste du Québec n'a pas des salaires comme chez vous. Là, ils ont demandé mes prix de base, ils ont tout fait ça. Puis, pendant un an, à tous les jeudis matins, je recevais un téléphone pour donner : Ce coiffeur-là a entré 1 000 $, lui a entré 2 000 $, lui a entré 3 000 $, lui a entré 4 000 $, voici son salaire. Ça a duré pendant un an.

Alors, moi, je me dis que, si on s'inquiétait du haut salaire que je donnais puis j'étais réglementé, je me demande ce que le Québec perd pour les endroits où ça ne l'est pas. Merci.

Le Président (M. Poëti) : Merci, monsieur. Alors, M. le député de la deuxième opposition...

M. Picard : Merci.

Le Président (M. Poëti) : ...sept minutes.

M. Picard : C'est beau. Merci, M. le Président. Je vais être bref moi aussi. Peut-être une petite question. Tantôt, vous avez parlé de coupe à 3 $, là, ça existe, ça, des coupes à 3 $? Et, si oui, je voudrais savoir où — pas parce que je veux y aller...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Picard : Non, mais, plus sérieusement, est-ce que vous avez le comparatif des prix que les gens paient chez vous par rapport à, je vais dire, la région de Québec, la région de Montréal, juste pour que je saisisse bien, là, s'il y a un impact? Parce qu'il n'y a pas peut-être même pas d'impact du tout, parce que j'ai compris tantôt que le système de commission, vous, vous en donnez plus, les autres donnent 10 % de moins. En tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Parisien (Hugo) : Deux éléments, ce qu'il faut savoir, c'est qu'au point de vue du prix minimum, souvent, lors d'ouverture... je n'ai pas les données exactes à travers le Québec, mais on sait qu'on peut recevoir des appels d'ailleurs, puis ça entre souvent parce que, pour eux, s'ils ont un problème de prix, les anciennes moeurs font en sorte que les appels sont retournés chez nous. Ils cherchent le comité paritaire de la coiffure. Et, quand on retrouve des promotions d'ouverture, je parlais tout à l'heure des grandes chaînes, donc il y a différents éléments qui font en sorte qu'on se retrouve avec... ça ne durera pas six ans, on s'entend, mais, pour une période de deux semaines, une période d'ouverture : Achetez tel produit, obtenez une coupe à 5 $. Bref, ce n'est pas des outils pour faire en sorte qu'on se retrouve dans une belle situation.

Il y a plusieurs derniers avis, à même le Comité paritaire des coiffeurs de l'Outaouais, qui sont acheminés pour mettre un frein à des promotions. Et, dans ce cadre-là, oui, ça se peut qu'on se retrouve avec des coupes à 3 $ parce que ça va être marqué : À l'achat d'un traitement capillaire, obtenez une coupe à 3 $. Oui, il y a autre chose, il y a un autre paiement en arrière, mais la coupe à 3 $, elle existe.

Par contre, puisque ce sont des professionnels, c'est bien rare qu'on va entendre — je reviens aux autres professions professionnelles — un mécanicien mentionner qu'on va changer vos pneus à double, triple et quadruple rabais ou un électricien qui dit : Je vais vous installer huit branchements. Et la preuve que c'est une profession qui mérite d'avoir la notion de professionnalisme, je vous inviterais, ce soir, petit devoir : Coupez les cheveux de votre conjoint, votre conjointe. Vous allez les appeler demain matin, vous allez les chercher, ils peuvent vous donner leur numéro de téléphone, vous allez voir que ce sont des professionnels.

M. Picard : Merci.

M. Parisien (Hugo) : Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Poëti) : Elle va être déçue, c'est elle qui me les faits.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Poëti) : Alors, merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Brochu, M. Drouin et M. Parisien... Mme la ministre, les gens de la première et deuxième opposition, on vous remercie de cette présence. Nous allons suspendre la séance pour permettre à la prochaine intervenante de pouvoir s'approcher de la table.

On suspend quelques instants. Merci à tous.

(Suspension de la séance à 16 h 30)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Cousineau) : Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons Mme Hébert de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Vous allez voir qu'on va vous libérer avant, parce qu'on est quand même en avant de... on a de l'avance sur notre horaire, Mme Hébert. Alors, on vous laisse pour votre exposé, si je me souviens bien, c'est 10 minutes, exposé de 10 minutes. Par la suite, nous allons passer à une période d'échanges.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine) : Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je peux passer la soirée avec vous, ça ne me dérangera pas, surtout qu'on est avec un excellent projet de loi.

Alors, M. le Président, distingués membres de la commission, Mme la ministre, comme vous le savez, la FCEI, on regroupe 109 000 chefs de PME à l'échelle canadienne. Nos membres sont dans toutes les provinces, dans tous les secteurs d'activité, et je vous dirais qu'on en compte plusieurs centaines, voire quelques milliers qui sont assujettis à l'un des 15 décrets de convention collective toujours existants et chapeautés par la LDCC au Québec.

On a pris connaissance avec, donc, beaucoup d'intérêt du projet de loi n° 53. Je vous dirais que, depuis 10 ans, on a mené plusieurs sondages, on a fait des représentations à n'en plus finir, des recherches, des études de cas, on a reçu des centaines et des centaines d'appels de nos membres qui sont assujettis à un décret, on a transmis 1 500 lettres signées individuellement par des entrepreneurs récemment encore demandant aux ministres du Travail qui se sont succédé d'abolir cette loi-là ou à tout le moins de la dépoussiérer. Alors, vous comprendrez qu'on salue chaleureusement le dépôt de ce projet de loi, dont plusieurs dispositions se veulent le reflet, d'ailleurs, d'un consensus patronal-syndical qui a été atteint au terme de travaux menés, là, par le Comité consultatif sur le travail et la main-d'oeuvre.

Alors, c'est un excellent projet de loi, comme je l'ai dit. Bien qu'on souscrive aux éléments de consensus qui sont reflétés dans ce projet de loi là, je pense qu'on souhaite, M. le Président, présenter, dans notre mémoire, là, quelques éléments de réflexion additionnels pour le législateur pour rendre le projet de loi encore plus excellent qu'il ne l'est.

Alors, je vous dirais que, la LDCC, on considère que c'est une loi qui est périmée, c'est une loi qui est inéquitable et c'est une loi qui est très lourde de conséquences dans le paysage des affaires au Québec. Il faut rappeler que c'est une loi qui a été adoptée en 1934 dans un contexte socioéconomique complètement différent de celui qui prévaut aujourd'hui. Cette loi fut conçue à l'origine pour corriger certains déséquilibres qui existaient dans la gestion des relations du travail au Québec, on s'en souviendra. Or, depuis ce temps-là, M. le Président, le filet de protection social des travailleurs québécois et le régime de négociation collective se sont grandement déployés, et ce, de telle sorte que les conditions qui avaient mené à l'adoption de la LDCC aujourd'hui sont complètement disparues.

À l'heure où le Québec est le plus ouvert que jamais sur le commerce extérieur et où notre économie a besoin de tous les leviers possible pour continuer à croître, la LDCC, loi unique en Amérique du Nord, représente une incongruité notoire dans le paysage législatif québécois. En plus de ne pas répondre aux nouvelles réalités du monde du travail, elle défavorise les petites et moyennes entreprises dans les régions et dans les secteurs où il y a des décrets.

• (16 h 40) •

Aussi ironique que cela puisse paraître, M. le Président, je vous dirais que, 80 ans plus tard, ce sont les propriétaires de petites entreprises qui nous affirment être victimes de compétition déloyale due à la Loi sur les décrets de convention collective, chose que cette loi-là, à l'origine, visait à corriger. Ils estiment que le marché est brisé à cause de cette loi parce qu'elle favorise les plus gros joueurs dans les localités où les décrets sont présents au détriment des plus petits joueurs. Il faut rappeler que, dans plusieurs comités paritaires, ce sont souvent les plus gros joueurs qui participent aux négociations et qui se retrouvent à imposer des conditions aux plus petits joueurs sans que ces derniers n'aient un mot à dire ou que leurs réalités ne soient prises en compte.

En revenant à l'essence même de ce que sont les comités paritaires, on peut aussi facilement comprendre que cette loi crée un terrain fertile à des distorsions dans les marchés, à des traitements inéquitables et à des conflits d'intérêts, ne fût-ce qu'en apparence. En effet, les comités paritaires, faut le rappeler, là, sont composés de représentants patronaux et syndicaux qui négocient les décrets auxquels ils sont aussi partie prenante. Ces entreprises-là qui siègent sur les comités paritaires négocient, donc, des conditions qui vont être imposées à d'autres entreprises qui ne siègent pas aux comités paritaires, mais avec lesquelles elles sont en concurrence directe dans leurs marchés. Qui plus est, ces mêmes comités paritaires sont aussi ceux qui sont chargés de surveiller l'application des décrets. Autrement dit, ils sont à la fois juge et partie.

Alors, M. le Président, chaque mois, comme je vous l'ai dit tantôt, on reçoit de nombreux appels de membres qui décrient les décrets de convention collective, qui ne comprennent pas comment ça se fait que le gouvernement maintient ce régime-là qui les assujettit à des conditions sans qu'ils n'aient un seul mot à dire, sans qu'ils ne soient jamais consultés, sans qu'on ne leur ait jamais demandé : Est-ce que vous tenez au maintien du décret dans votre industrie et dans votre région? Personne n'a jamais sollicité... il n'y a pas d'assemblée générale des comités paritaires, les assujettis aux décrets de convention collective ne sont jamais consultés par personne et ils se font imposer des conditions d'affaires, des conditions qui sont décrétées, qui sont décidées par des joueurs qui siègent sur des comités paritaires et qui ne sont pas représentatifs de l'ensemble des employeurs qui sont couverts par le décret.

Alors, nous, ce qu'on pense... Il y a beaucoup de choses dans le projet de loi, M. le Président, qui viennent apporter, là, plus d'imputabilité, plus de transparence, puis assainir la gouvernance des comités paritaires, puis on salue ça. Mais je pense que, ce qu'il faudrait faire, d'une part, c'est qu'il faudrait que l'application de la loi, incluant les vérifications, les enquêtes, soit sous l'égide d'un organisme impartial et indépendant comme la Commission des normes, de l'équité salariale et de la santé et sécurité du travail, la CNESST. C'est d'ailleurs une des recommandations fondamentales qu'on émet dans le projet de loi.

Un mot maintenant sur la pertinence du maintien des décrets. Nous étions très heureux de voir que le projet de loi prévoit l'abolition de celui sur les coiffeurs de l'Outaouais, ça en fera un de moins. On recommande aussi qu'une révision... puis je vous dirais que je ne peux pas concevoir qu'au Québec, en 2016, on ait encore besoin d'un décret pour régir les conditions de travail des coiffeurs dans l'Outaouais. Il n'y en a pas nulle part ailleurs au Québec. Des décrets sur les coiffeurs, il y en avait dans d'autres régions du Québec, et ils ont été abolis. Je ne vois pas pourquoi est-ce qu'on maintiendrait celui de l'Outaouais.

On recommande donc, M. le Président, aussi, qu'une révision de la pertinence de l'ensemble des décrets soit effectuée. Je pense que ce serait le temps. Et on recommande que cette révision-là soit faite de façon démocratique et non par ceux qui sont juge et partie, c'est-à-dire les comités paritaires.

Donc, d'ailleurs, on recommande qu'un alinéa soit ajouté à l'article 6 du projet de loi pour y inscrire qu'aux cinq ans le ministère du Travail administre un scrutin secret par la poste auprès de tous les assujettis aux décrets sur la pertinence, leur volonté de maintenir ou non le décret. Là, on pourrait vraiment dire que la partie, au décret, patronale, si elle est effectivement en faveur, hein, du maintien du décret ou si elle est en défaveur du maintien du décret.

Alors, M. le Président, je pense qu'il est aussi utile de rappeler que cette loi est incohérente avec les objectifs gouvernementaux en matière d'allégement réglementaire et administratif. En tant que coprésidente du comité sur l'allégement réglementaire avec la vice-première ministre, Mme Thériault, je vous dirais que c'est clair que la LDCC vient ajouter une complexité réglementaire et administrative qui pèse lourd sur les entreprises assujetties, qui, pour la plupart, ne disposent pas d'un service de ressources humaines ou de comptabilité pour gérer toutes les exigences qui sont imposées par les comités paritaires.

Quant au fardeau fiscal, il faut se rappeler aussi que la LDCC impose une taxe de plus sur la masse salariale sur nos PME. Or, on était déjà les champions de ces taxes-là au Québec, il me semble qu'on aurait pu se passer de celle-ci et qu'on devrait s'en passer, mais bon, on va vivre avec au moins un dépoussiérage de cette loi-là.

C'est pourquoi, M. le Président, on souhaiterait aussi rappeler l'un des principes de réglementation intelligente qui prône une modulation des obligations en fonction de la taille des entreprises. Et on souhaiterait soumettre à la considération de la commission de dire que, à tout le moins, on pourrait appliquer ce principe-là dans la LDCC comme on l'applique dans d'autres lois, par exemple la Loi sur l'équité salariale, qui dit que les entreprises de 10 employés et moins ne sont pas assujetties, la Loi sur les RVER, qui dit que les entreprises de cinq employés et moins ne sont pas assujetties. Donc, on pourrait appliquer le même principe dans cette loi-là et on soumet à la considération des membres de la commission de bien vouloir adopter un amendement au projet de loi qui prévoirait que les petites entreprises, là, de moins de 20 employés sont exclues de l'application des décrets.

Alors, je vous dirais que... on vous a soumis aussi, dans notre mémoire, une piste pour faciliter la vie des entreprises, à savoir que... vous savez que les entreprises doivent payer les cotisations qu'elles prélèvent sur la masse salariale aux comités paritaires et elles doivent faire en même temps, aussi, mensuellement, des rapports de DAS, de déductions à la source, à Revenu Québec. Nous, ce qu'on suggère, c'est que le projet de loi prévoie que les cotisations qui sont prélevées dans le cadre des décrets soient versées à même les DAS comme toutes les autres cotisations, incluant celles sur la CSST depuis quelques années. Alors, je pense que ça serait, à tout le moins, au moins, une amélioration, là, au chapitre de la paperasserie qu'engendre ce projet de loi là.

Au niveau de la gouvernance, transparence et imputabilité des comités paritaires, M. le Président, je pense que l'amélioration de la gouvernance est au coeur de ce projet de loi là. On en est fort satisfaits. Cette question a d'ailleurs été largement abordée lors des travaux du CCTM et plusieurs ont fait l'objet d'un consensus. On salue les articles qui donnent de nouvelles obligations au comité paritaire en matière de transparence et de reddition de comptes. On salue aussi ceux qui obligent les comités paritaires à informer les employeurs et les travailleurs, via leur site Internet, notamment, et on propose d'ailleurs de renforcer cette obligation-là en obligeant les comités paritaires à informer les assujettis directement en cas de changements au décret ou de propositions de modification.

Je voudrais vous parler aussi de l'article 22 du projet de loi, qui ajoute le nouvel article 22.3, qui va obliger les comités paritaires à diffuser plusieurs informations, ce qui fera grand bien parce que les comités paritaires ne sont pas réputés nécessairement, là, pour la plus grande transparence qui soit. Alors, on est très contents de ces articles-là. Et on vous suggère aussi d'ailleurs d'obliger les comités paritaires à non seulement afficher les ordres du jour des rencontres qu'ils tiennent, parce que, l'ordre du jour, vous savez, c'est très succinct, mais aussi à afficher les procès-verbaux, pourquoi pas, sur le site Internet, des réunions, là, qui sont tenues.

On suggère aussi, afin de toujours améliorer la gouvernance des comités paritaires, qu'ils soient soumis à la surveillance, qu'ils soient ajoutés dans les mandats du Protecteur du citoyen ainsi que dans celui du Vérificateur général du Québec. Ce sont des organismes qui prélèvent, qui prennent de l'argent sur le salaire de travailleurs, qui prennent de l'argent de la part d'employeurs sur leur masse salariale et qui administrent ça, qui sont des organismes aussi qui sont chargés d'administrer une loi, donc on devrait les assujettir à la surveillance du Vérificateur général du Québec et du Protecteur du citoyen.

Je vous dirais qu'on a remarqué aussi que le projet de loi n° 53, dans l'article 4, prévoit que les modifications au décret ne passeront plus par un décret gouvernemental, mais par arrêté ministériel...

Le Président (M. Cousineau) : ...en conclusion.

Mme Hébert (Martine) : Bon. Oui. Alors, pour une fois qu'on est d'accord avec la FTQ, s'il vous plaît, amendez cet article-là, là, pour ne pas qu'il y ait, je vous dirais, là, de dérogation à la loi sur les règlements et que les modifications doivent continuer d'être apportées par décret.

Bref, M. le Président, un excellent projet de loi, un projet de loi qui est perfectible, évidemment, et on souhaite vivement que les membres de la commission souscriront à l'ensemble des recommandations que nous avons soumises dans le mémoire déposé à cet effet.

Le Président (M. Cousineau) : Bien. Merci, Mme Hébert. Alors, je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre pour les 16 prochaines minutes.

Mme Vien : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Hébert. Merci d'être là cet après-midi. C'est très apprécié. Enfin, ce projet de loi a été appelé, hein, pour étude avec, donc, des consultations; par la suite, s'en suivront les processus reliés à tout l'environnement législatif.

Je commence tout de suite. L'organisme indépendant chargé, donc, de vérifier les comités paritaires, etc., vous le voyez... Vous nous parliez de CNESST, et peut-être que j'ai mal compris. Comment vous le voyez? Qu'est-ce qu'il fait exactement? Qu'est-ce qu'il surveille?

• (16 h 50) •

Mme Hébert (Martine) : Ce qu'on dit, c'est que les comités paritaires, là, sont juge et partie, c'est-à-dire, ils sont chargés de négocier les dispositions, mais, en même temps, ils sont chargés d'appliquer, de faire appliquer les décrets. Puis c'est eux autres qui reçoivent l'argent, hein, qui est perçu. Donc, ce sont des comités. Ils ne sont pas impartiaux, là. Ils sont juge et partie dans l'application des décrets.

Ce qu'on dit, c'est que l'application de la loi et l'application des décrets, donc l'inspection, les vérifications... tu sais, on a entendu beaucoup de choses, là, sur les inspecteurs, justement, et, justement, des agissements qui ne sont pas toujours des pratiques, je vous dirais, très convenables. Donc, tout ça est fait par des organisations qui sont les comités paritaires qui sont juge et partie. Nous, ce qu'on dit, c'est : Tout ce qui a trait à l'inspection, la vérification, amenez ça à la CNESST plutôt, où il y a des inspecteurs qui sont habitués de faire des vérifications dans les entreprises qui ont des codes de déontologie et des codes d'éthique à suivre, qui sont imputables aussi au sein de ces organismes-là, et amenons plutôt tout qu'est-ce qui est vérification et inspection à la CNESST plutôt que de laisser ça sur les comités paritaires qui sont juge et partie, donc ils ne peuvent pas être impartiaux lorsqu'ils font l'inspection et la vérification, ils sont juge et partie.

Mme Vien : Mme Hébert, c'est que la CNESST est aussi elle-même paritaire. Est-ce que ça va causer un problème?

Mme Hébert (Martine) : La CNESST est paritaire, mais je vous dirais qu'elle est chargée d'administrer beaucoup de lois du travail, non seulement en matière de santé et sécurité, en matière d'équité salariale, en matière de normes du travail. Et la parité qui existe au sein de la CNESST, c'est une parité qui englobe l'ensemble des représentants des... en fait, la vaste majorité des représentants des employeurs québécois et de même pour les travailleurs. Ce n'est pas un petit groupe d'employeurs dans une région puis dans un secteur donné qui contrôle toute l'affaire, là. On se comprend.

Mme Vien : Mme Hébert, vous nous parliez tout à l'heure que, si je vous ai bien compris... Est-ce que vous souhaiteriez qu'une partie des entreprises soit comme retranchée de l'application du décret? Est-ce que je vous ai bien suivie? Donc, de petites entreprises?

Mme Hébert (Martine) : Oui, tout à fait. Je vous le soumettrais à votre considération, Mme la ministre, de même qu'à celle des membres de la commission qu'il y a plusieurs lois au Québec en matière de loi du travail. Je vous soumets celle sur l'équité salariale. Je pense à celle sur les RVER aussi. Donc, il y a plusieurs lois au Québec qui modulent les obligations des entreprises en fonction de la taille. On appelle ça d'ailleurs... C'est un des principes de réglementation intelligente. Et c'est un des principes, d'ailleurs, Mme la ministre, que votre gouvernement vient d'adopter dans son nouveau plan d'allègement réglementaire, où il s'engage à appliquer ce principe-là dans les réglementations qu'il vote.

Alors, je vous dirais, je soumettrais, donc, c'est pour ça qu'on dit : Pourquoi est-ce qu'on n'appliquerait pas ce même principe là?, surtout que l'administration du décret ou toute la paperasse qui va avec le comité paritaire, les obligations qui sont imposées par le comité paritaire, comme le reste, pèse beaucoup plus lourd sur les plus petites entreprises. Alors, si on dit : Bien moi, je vous dis : Allons-y avec les principes de réglementation intelligente, si vous voulez maintenir l'ensemble des décrets tels quels, bien, à ce moment-là, au moins, excluez les plus petites entreprises de l'application des décrets.

Mme Vien : Mais les décrets existent justement pour ces petites entreprises là qui n'ont peut-être pas les reins assez solides, qui n'ont pas assez de personnel, qui jamais ne se syndiqueront. C'était pour leur donner justement une espèce de régime de conditions de travail, parce qu'elles sont petites.

Mme Hébert (Martine) : Non. Bien, je vais vous dire, Mme la ministre, là, que moi, je n'ai pas entendu un seul de mes membres demander le maintien du décret. J'ai encore... en m'en venant, là, j'étais dans ma voiture, j'ai encore parlé avec trois de mes membres, qui sont dans différents secteurs qui sont couverts par un décret puis qui m'ont dit : Ça n'a pas de bon sens, c'est un groupe d'individus qui décide pour moi, pour mon entreprise puis pour l'ensemble des autres entreprises dans mon secteur d'activité, ce que je dois faire, comment je dois payer. Ils n'en veulent pas, de cette loi-là. Ils n'en veulent pas. Les PME du Québec n'en veulent plus, de cette loi-là. Ils n'en veulent pas parce que, je vous l'ai dit tantôt, malheureusement, c'est une loi où vous avez les plus gros joueurs qui sont assis au comité paritaire et qui fixent les conditions, qu'ils vont imposer à ceux avec qui ils sont en compétition directe sur le terrain.

Mme Vien : Mme Hébert... Juste une petite seconde. Je prends une note.

Mme Hébert (Martine) : Vous savez, il y a beaucoup, Mme la ministre, d'entreprises au Québec qui ne sont pas assujetties à un décret et qui n'ont aucun problème à fixer les conditions de travail de leurs employés, là. Je veux dire, ce n'est pas parce qu'on a un décret que tout d'un coup c'est merveilleux. Au contraire, moi, ce que je vous dis, ce qu'on me rapporte et nous à la FCEI... On n'est pas juge et partie, là. Je veux dire, les comités paritaires, on ne siège pas là-dessus. On ne reçoit pas une cent de ça. Je veux dire, moi, je ne travaille pas pour un comité paritaire, puis ce que nos membres nous disent, c'est : On n'en veut pas.

Mme Vien : Quand vous dites qu'il y a des entreprises qui devraient être retranchées de l'application de la LDCC, c'est les entreprises de combien d'employés et moins?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, nous, ce qu'on vous a suggéré, c'est 20 employés et moins.

Mme Vien : Et moins?

Mme Hébert (Martine) : Oui. Tout à fait.

Mme Vien : Bien là, c'est parce que c'est 95 %... 92 %, est-ce que c'est ça, M. le sous-ministre, là, vous me donnez... 95 %, ici, des entreprises, donc, qui seraient visées. Autrement dit, aussi bien dire qu'il y a plus de décret.

Mme Hébert (Martine) : Sinon, Mme la ministre, là, moi, je vous le dis, moi, je demande à ce qu'on demande aux entreprises qui sont assujetties à un décret, là, qu'on vérifie de façon démocratique est-ce qu'elles souhaitent avoir un décret, oui ou non. Et vous allez voir que vous allez avoir probablement 95 % qui vont vous dire justement : on n'en veut pas, du décret. Alors, que les entreprises qui en veulent, du décret, bien, se l'appliquent entre elles puis qu'elles excluent, dans le fond... ou qu'on permette à celles qui ne veulent pas être assujetties au décret justement de pouvoir exercer leurs affaires de façon libre et concurrentielle.

Mme Vien : Mme Hébert, je pose la question depuis ce matin parce que je me questionne beaucoup. Bon, je comprends que la transparence, la gouvernance, vous êtes sûrement d'accord avec ça si j'ai bien compris votre propos puis dans les lectures que j'ai faites. Sur l'imputabilité, il n'y a rien actuellement de ce qu'on peut imaginer qui existe dans les décrets, c'est-à-dire que, tu sais, une assemblée générale annuelle comme on voit chez nos organismes communautaires ou même... institutions financières tiennent des assemblées annuelles. Qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place pour assurer l'imputabilité des personnes et/ou des membres du comité paritaire ou du comité paritaire lui-même? Qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place? Est-ce que vous avez songé à ça à la FCEI?

Mme Hébert (Martine) : Oui, tout à fait. S'il y a un des membres à qui j'ai parlé en m'en venant, justement tantôt dans mon auto, qui nous écoute en ce moment, il va être bien content de votre suggestion parce que c'était une des suggestions qu'il me faisait, de dire : Moi, là, je ne suis jamais consulté. Il dit : Ils m'arrivent avec un décret, là, puis supposément, là, qu'ils nous représentent, puis tout ça. Puis il dit : On n'est jamais consultés. On ne s'est jamais fait demander : Êtes-vous d'accord ou non? Est-ce que vous le voulez, le décret? Est-ce que vous ne le voulez pas? Est-ce que ces conditions-là... Alors, il dit : Je n'ai jamais été invité dans une assemblée générale. Je n'ai jamais eu de mot à dire. Je n'ai jamais parlé avec ces gens-là à part de : Il faut que vous donniez vos cotisations puis il faut que vous payiez. Alors, je pense, Mme la ministre, que l'assemblée générale que vous proposez serait une grande avancée par rapport à la situation actuelle.

Cependant, il faut bien se rappeler que, si c'est une assemblée générale où le vote est à main levée puis que tu as des taupins en arrière qui te checkent puis que le comité paritaire va t'écoeurer parce que tu as voté contre ou tu as voté contre une proposition, pendant les années qui vont suivre, bien, on n'est pas dans un exercice, je vous dirais, où c'est parfait. O.K.? C'est mieux que la situation actuelle. Moi, ce que je vous dis, c'est : Ce qui est préférable, c'est encore un scrutin, un scrutin secret administré par la poste, par le ministère du Travail, à l'ensemble des assujettis au décret. Je pense que c'est le meilleur mécanisme pour assurer l'exercice le plus démocratique possible. Mais je vous dis qu'à défaut de ça, au moins, l'assemblée générale, ça serait mieux que rien.

Mme Vien : Je vais vous parler des coiffeurs de l'Outaouais. Avez-vous des membres dans ce coin-là?

Mme Hébert (Martine) : J'en ai, j'en ai plusieurs. J'ai parlé avec deux de mes membres, d'ailleurs, en m'en venant, qui sont des coiffeurs de l'Outaouais.

Mme Vien : Selon les représentants du comité paritaire qui étaient là juste avant vous, je ne sais pas si vous avez pu leur glisser un mot, de leur lecture à eux, il n'y a pas grand monde en Outaouais qui souhaite l'abrogation du décret des coiffeurs en Outaouais.

Mme Hébert (Martine) : Moi, j'ai une lecture complètement différente, Mme la ministre, puis moi, je ne suis pas comité paritaire, là. Moi, je ne suis pas juge et partie de ça, là, puis les représentants qu'on a sur le terrain, les membres que nous avons dans l'Outaouais qui sont assujettis au décret, là, il n'y a personne qui en veut. Et j'ai demandé tantôt, là, parce qu'ils se connaissent entre eux autres, puis je vous le dis, là, j'ai demandé : Est-ce que vous, de ce que vous connaissez de vos compétiteurs, là, ils en veulent-tu, du décret? Ils m'ont dit tous les deux : Martine, je ne connais pas personne qui en veut de ce décret-là à part ceux que ça sert qui sont au comité paritaire.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la ministre.

Mme Vien : Une dernière question. Sur l'arrêté ministériel, ça chicotait des centrales syndicales ce matin. De toute évidence, de ce que j'ai compris de mes lectures et de ce que vous ai entendu dire tantôt, vous n'êtes pas d'accord avec ça. Vous dites : C'est encore le gouvernement qui devrait décider. À partir du moment où je vous dis : Un arrêté ministériel ou un règlement qui est présenté par la ministre au Conseil des ministres, ce qui vient alourdir beaucoup, pour changer un tiret comme on a déjà dû faire... Il faut donc toute la procédure qui nous amène jusqu'au Conseil des ministres. Là, tu sais, c'est par chance que le ridicule ne tue pas, là, à un moment donné, parce que ce n'est pas drôle. On sait ce que ça prend comme temps, comme énergie, comme étapes, comme processus pour amener un mémoire au Conseil des ministres, parce que tout règlement est accompagné d'un mémoire. Et donc ça passe à travers toute la filière administrative, chez les sous-ministériels, tous les gens posent un oeil là-dessus puis émettent des commentaires. Si je vous dis : À partir du moment où il y a, donc, ce processus-là de... de consultation, pardon, avec — les journées sont longues, là, on commence à chercher nos mots à cette heure-ci — de consultation à la Gazette officielle, voilà, que ce soit par décret... par arrêté ministériel ou règlement, ça ne vous rassure pas un peu?

• (17 heures) •

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, je ne suis pas juriste, là, puis je ne connais pas les dédales. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'au CCTM, il y a eu consensus pour dire qu'on ne voulait pas de dérogation à la Loi sur les règlements, et je vous dirais que, ce qui est important, c'est d'avoir la possibilité de consulter. Ce qui est intéressant dans le processus actuel, c'est qu'il y a... bien, en tout cas, à moins que je ne me trompe, là, mais il y a tout un processus où on peut aussi émettre des commentaires, etc. C'est transparent. Donc, c'est ce qu'on préférait, on préférait que ce soit maintenu tel que c'est à l'heure actuelle, surtout qu'on connaît la propension des comités paritaires à vouloir toujours en rajouter, puis en rajouter, puis à justifier, hein? Je vous signalerai qu'il y a beaucoup... la tendance est souvent à vouloir rajouter des choses.

Prenez l'exemple, par exemple, du comité d'entretien ménager dans Montréal, qui avait introduit une espèce de certificat de conformité supposément pour faciliter l'application du décret; on sait très bien que c'était pour limiter l'entrée de nouveaux joueurs dans le marché, hein, de mettre des barrières à l'entrée. Heureusement, ils ont été déboutés en cour, parce que la loi prévoyait justement, là, des mécanismes assez serrés d'encadrement de ce genre de pouvoir.

Alors, je vous dirais que, moi, comme je vous dis, le consensus du CCTM, il était très clair à l'effet qu'on ne souhaitait pas que ce soit par arrêté ministériel.

Mme Vien : Merci beaucoup, Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la ministre. Alors, je passerais maintenant la parole au représentant de l'opposition officielle, le député de Richelieu, pour 9 min 30 s.

M. Rochon : Oui, merci, M. le Président. Merci, Mme Hébert, de votre présentation, qui a le mérite d'être claire, c'est le moins qu'on puisse dire, claire, et là n'y voyez pas, là, un reproche que je vous adresse, j'allais ajouter : claire et sans beaucoup de nuances. En tout cas, votre discours est campé et ne laisse pas de place au gris, c'est noir ou c'est blanc.

Le gouvernement, s'il voulait vous satisfaire entièrement, il n'amenderait pas la Loi sur les décrets de convention collective, il la ferait complètement disparaître. Il n'y aurait plus, au Québec, de décret de convention collective. Vous haïssez ça. Vous haïssez ça.

Et, quand je dis «vous», j'aimerais... puis ce n'est pas un «vous» personnel, là, c'est vous, votre association, et j'aimerais mieux comprendre qui vous représentez. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, elle a des membres sur l'entièreté du territoire canadien. Combien de membres? Des entreprises de toutes dimensions ou à dimensions variables? Pouvez-vous m'instruire là-dessus un peu?

Mme Hébert (Martine) : Ça fait 45 ans qu'on existe, à la FCEI, hein? On est l'organisme qui représente les PME à l'échelle canadienne, y compris au Québec. On a 109 000 membres au Canada. On en a à peu près 24 000 au Québec, et, de ce nombre-là, au Québec, nous en avons plusieurs centaines qui sont assujettis, voire, je l'ai dit tantôt, même quelques... on est dans le plus que le millier de membres qui sont assujettis à un décret de convention collective à l'heure actuelle, et ça fait... Et, quand vous dites, là : J'haïs les décrets, un instant, là, moi, je suis porte-parole. Moi, ce que je vous dis, c'est ce que mes membres, ce que les chefs de petites entreprises du Québec me disent, que je représente, me disent, c'est que c'est une loi qui mine leur compétitivité, c'est une loi qui prête à la compétition déloyale, c'est une loi qui prête aussi flanc à toutes sortes de pratiques qu'on peut juger parfois pas nécessairement souhaitables par les comités paritaires et c'est une loi qui leur empêche de faire des affaires.

Puis je vais vous donner juste un exemple. On parlait des coiffeurs de l'Outaouais tantôt. Je parlais justement avec une de mes membres, là, qui est en Outaouais, puis elle, cette membre-là, elle a un salon de coiffure en Outaouais puis elle a aussi d'autres services qu'elle offre, comme spa, etc. Bien, à cause du décret, là, l'expansion de son entreprise puis les services qu'elle peut offrir à sa clientèle au spa sont limités parce que, là, elle ne peut pas faire ci puis elle ne peut pas faire ça, etc. Donc, c'est une loi... et ce n'est pas une question de haïr, mais c'est une loi qui, oui, de par ses dispositions, empêche nos petites entreprises de pouvoir prendre de l'expansion et de pouvoir continuer de croître et de créer des emplois, effectivement.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui, j'ai compris, et cette nuance, je l'avais faite, Mme Hébert. Quand j'ai dit «vous», tantôt, j'ai caricaturé, évidemment, là, quand j'ai dit : Vous haïssez ça, les décrets, «vous» étant la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui représentez ceux que vous venez de nous dire représentés.

Qu'est-ce qui rend les entreprises, qui doivent se gouverner en vertu d'un décret, moins compétitives? Est-ce que ce sont les conditions que ces entreprises doivent offrir à leurs travailleuses et travailleurs qui seraient, ces conditions, si les entreprises le pouvaient, bien moindres que ce qu'elles sont en raison de ce décret?

Le Président (M. Cousineau) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, il y a plusieurs choses, parce que les décrets peuvent imposer plusieurs conditions aux entreprises. Il y a, évidemment, tout ce qui est la paperasserie, qu'on appelle, hein, l'espèce de rapport mensuel. Et, quand, dans une entreprise, vous avez des travailleurs qui sont assujettis au décret, vous en avez qui ne sont pas assujettis, il faut que vous teniez des registres, il faut que vous montriez ça aussi à l'inspecteur quand il vient, etc. Et il y a toute une série aussi de choses qui dictent, par exemple, les heures d'ouverture, par exemple, la formation, les normes, en termes de compagnonnage, etc., donc qui enlèvent de la flexibilité à l'entreprise pour pouvoir opérer comme elle souhaite opérer. Et, rappelez-vous, il y en a eu des cas qui ont été médiatisés, là, d'entreprises même qui ont fermé des services, parce que le comité paritaire disait : Bien, si tu fais de la signalisation de chantier routier, tu vas être obligé d'être assujetti au décret aussi, avec ton service de ça, etc.

Donc, oui, ça enlève de la flexibilité aux petites entreprises et ça alourdit le fardeau réglementaire qui pèse sur elles, parce qu'elles n'ont pas de département de ressources humaines pour administrer tout ce que les décrets leur imposent.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Rimouski... de Richelieu.

M. Rochon : Il se trompe toujours, il me dit toujours Rimouski, mais je trouve ça flatteur, parce que j'aime beaucoup mon collègue de Rimouski.

Une voix : ...

M. Rochon : La région est très belle aussi, celle de Richelieu également.

Vous êtes consciente, Mme Hébert, que ces décrets, ils procurent aussi, aux travailleuses et travailleurs des entreprises qui doivent se gouverner en fonction d'eux, des conditions de travail dont sont heureux de pouvoir jouir ces travailleuses et travailleurs. Parce que, si je vais au bout de votre logique, je pourrais conclure que, de la même façon que vos membres voient d'un bien mauvais oeil ces décrets, je présume qu'ils ne doivent pas voir d'un oeil plus favorable les syndicats, les conventions collectives qu'ils sont obligés de signer. Ça aussi, hein, ça les force à négocier, avec leurs employés, des conditions salariales plus favorables.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais...

M. Rochon : Parce que, tout à l'heure, je vous ai entendu dire, et ça m'a frappé, votre surprise d'être, pour une fois, d'accord avec la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ, puis, quand vous avez nommé FTQ, ce n'est pas clair que vous aviez un autocollant de la FTQ sur le pare-brise de votre automobile.

Mme Hébert (Martine) : Probablement qu'ils n'ont pas une étiquette de la FCEI eux autres non plus sur la leur.

M. Rochon : Non, et je pourrais sans doute comprendre pourquoi, là.

Mme Hébert (Martine) : Mais bon, je les aime bien. Soit dit en passant, justement, on travaille ensemble au CCTM et ça se passe très bien.

Alors, je vous dirais qu'au niveau des conditions de travail les études qu'on a faites, justement, démontrent que nos membres vont souvent rémunérer leurs employés même au-dessus du décret. Le problème n'est pas là, le problème est dans le la flexibilité. Le problème est que, si le décret t'impose une augmentation salariale de tes employés de 4 %, bien peut-être que toi, tu aurais peut-être décidé... ces employés-là, x, y, z, de les augmenter de 5 %, puis d'autres, de 2 %. Mais là tu ne peux plus, parce que ton décret vient de t'imposer des choses qui t'enlèvent ta flexibilité comme employeur de pouvoir gérer tes employés et tes salaires dans ton entreprise de la façon que tu voudrais et de façon plus équitable.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député, 1 min 40 s.

M. Rochon : Mme Hébert, est-ce que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a fait, à l'époque où le prédécesseur de la ministre actuelle avait les fonctions de ministre du Travail, des représentations auprès de lui alors qu'il travaillait à l'ébauche de son projet de loi, pour qu'en effet ce projet de loi renferme un article prévoyant la disparition, l'abrogation du décret des coiffeurs de l'Outaouais?

Mme Hébert (Martine) : On a fait de représentations pour l'abrogation de tous les décrets. Alors, c'est sûr que, je vous dirais, dans ce sens-là, ma réponse est oui. C'est comme...

M. Rochon : Oui, mais pas spécifiquement celui-là, vous n'avez pas de souvenir, mais enfin...

• (17 h 10) •

Mme Hébert (Martine) : Bien, je vous dirais que c'est quand même une incongruité. Pourquoi est-ce qu'on a enlevé tous les décrets de tous les coiffeurs partout ailleurs au Québec puis qu'on a maintenu celui-là? Pouvez-vous m'expliquer ça? Il y a longtemps, là. Et que, pourtant, le milieu de la coiffure, au Québec, là, se porte quand même relativement bien, hein? Il y a des coiffeurs. Puis j'ai entendu tantôt parler de coupes de cheveux à 3 $. J'aimerais ça avoir l'adresse, là, parce que je n'en ai jamais vu, là, personnellement.

M. Rochon : Cet argument sur l'existence — anachronique, selon vous, là — du décret pour les coiffeurs de l'Outaouais, vous l'avez tenu auprès du député de Louis-Hébert?

Mme Hébert (Martine) : M. le député, on l'a tenu pour l'ensemble des décrets. Alors, c'est évident que nous avons demandé l'abolition de l'ensemble des décrets, et ça inclut... Il y en a 15, là, tu sais. Il était inclus dans les 15, dans la liste.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Ça termine le temps que nous avions pour ce bloc. Je vais passer maintenant à la deuxième opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs, pour 6 min 30 s.

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Peut-être qu'en Outaouais, proche d'Ottawa, on s'arrache les cheveux, on n'a pas besoin de coiffeur. J'aimerais ça peut-être que vous nous citez des exemples pour mieux comprendre. Vous nommez, justement, au niveau de votre mémoire, «un sérieux dépoussiérage de cette loi périmée, qui ouvre la porte à [une] concurrence déloyale [...] inéquitable et qui mine la compétitivité [de] la croissance des PME y étant assujetties». Pouvez-vous me donner un genre d'exemple qui est en lien avec ça? Je veux dire, un fait, là, qui peut être très courant?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, allons-y par logique, là. Les comités paritaires, c'est des entreprises qui sont là puis qui négocient les conditions de travail, les conditions qui vont être imposées à leurs compétiteurs directs dans le marché. En tout cas, il me semble que déjà, en partant, on devrait voir quelque chose là. Je ne dis pas que ça se fait, mais je dis que ça ouvre la porte, en tout cas, à des conflits d'intérêts, à tout le moins, M. le député, en apparence. Je pense qu'on peut convenir, là, le gros bon sens nous amène vers ça. Et d'ailleurs nos membres se plaignent, de dire : Bien, écoutez, souvent, ce sont les plus gros joueurs qui sont couverts par les décrets qui vont être aux comités paritaires et qui vont décider des conditions qui vont être imposées aux plus petits joueurs. Et ça, oui, ça crée une distorsion dans notre système, et c'est pour ça qu'on dit qu'on ne devrait pas en avoir, des décrets.

Maintenant, je veux revenir sur le fait que ce projet de loi là, il y a d'excellentes mesures là-dedans, puis il faut l'adopter. À défaut d'abolir les décrets, là, il est impératif qu'on adopte ce projet de loi là avec les modifications, évidemment, là, préférablement, qu'on propose. Mais c'est un excellent projet de loi, là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Schneeberger : Oui, M. le Président. Vous aimeriez que les décrets des conventions collectives soient éliminés. Ça veut dire que, vous, ce serait l'élimination complète. Et puis, d'après vous, quels seraient les impacts positifs et aussi négatifs?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, nous, ce qu'on voit, ce que nos membres nous disent, c'est que les impacts seraient davantage positifs. D'ailleurs, je vous invite... On a réalisé des études — on pourra les envoyer à la commission, ça nous fera plaisir — des études de cas ou encore des sondages auprès de nos membres qui sont assujettis à des décrets. Et vous allez voir qu'en vaste majorité ce qu'ils disent, c'est que ça mine leur capacité, ça mine la flexibilité de l'entreprise, ça mine leur capacité à faire croître leur entreprise, à créer davantage d'emplois et à prendre de l'essor. Donc, c'est clair.

Alors, oui, c'est sûr qu'on préférerait l'abolition des décrets. Ce qu'on comprend, c'est que ce n'est pas là le chemin qu'a voulu emprunter le gouvernement. Le gouvernement a préféré présenter un projet de loi qui permettait de dépoussiérer cette loi-là, puis on est très contents parce qu'on est déjà beaucoup mieux qu'on ne l'était avant le projet de loi n° 53.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Schneeberger : Vous souhaitez une meilleure gouvernance au niveau de la transparence, imputabilité des comités paritaires. Et puis là-dedans vous proposez justement... L'article 22, vous aimeriez que la loi exige que les comités affichent leurs procès-verbaux sur les sites Internet. Je veux dire, c'est-u demandé par plusieurs, ça, ces...

Mme Hébert (Martine) : Bien, en tout cas, nous, on vous le demande. Puis, comme je le dis, nous, on représente des centaines d'entreprises qui sont assujetties à un décret. Puis on fait cette demande-là, on vous la soumet. Parce qu'un ordre du jour, comme le projet de loi le prévoit... Vous conviendrez comme moi qu'un ordre du jour ça ne dit pas grand-chose, hein? Je veux dire, c'est très laconique, là. C'est une petite phrase avec... Ça dit : Bon, bien, voici, on va traiter de ça, de ça, de ça. Mais ça ne dit pas ce qui a été décidé, ça ne dit pas quelle est la décision qui a été prise. Est-ce qu'il y a des résolutions qui ont été adoptées, etc.? Donc, oui, on voudrait que les procès-verbaux soient affichés.

Vous savez, il faut bien rappeler, hein, les comités paritaires, ce sont ces comités qui perçoivent des cotisations sur les salaires des travailleurs et sur les masses salariales des employeurs, 1 %, donc c'est de l'argent. Moi, je dis : À l'heure où nous sommes, au Québec, avec tout ce que nous avons connu dans les années passées, je pense qu'on est tous d'accord pour dire que les principes de saine gouvernance doivent s'appliquer le plus possible et d'autant plus à des organismes qui perçoivent de l'argent sur le chèque de paie des travailleurs.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Oui. Vous marquez plus loin que vous recevez, chaque mois, de nombreux appels de monde qui se disent victimes d'intimidation, de menaces, excès de zèle, comportements jugés abusifs de la part d'inspecteurs des comités paritaires. Ce n'est pas le fun d'entendre ça.

Mme Hébert (Martine) : Non.

M. Schneeberger : Pour quelles raisons? C'est quoi? C'est quoi? Avez-vous des exemples typiques à nous soumettre ou...

Mme Hébert (Martine) : J'ai 496 exemples concrets ici que je ne peux pas vous remettre parce que c'est confidentiel. Mais j'en ai 496 avec moi, là, c'est tous des exemples d'appels de membres qu'on a reçus sur le comité paritaire.

Je vais vous donner juste un exemple, là. Un de nos membres dit : Bon, confirmation d'une inspection chez l'employeur. Alors là, vous allez m'envoyer, d'ici deux semaines, les registres de paie des années ta, ta, ta, à ta, ta, ta, les feuilles de temps des années, etc., le calcul de la banque de maladie des salariés, le journal de caisse, déboursés, l'état de banque, les chèques encaissés, le journal des achats des trois derniers mois, le bulletin de paie ou copie de la semaine précédente, les copies de relevés d'emploi, etc., la liste de tout... le nom et les coordonnées de tous vos clients, tous vos clients. Et là le comité paritaire, ce qu'il fait après, là, c'est qu'il écrit à tous les clients de cette entreprise-là pour demander aux clients : Donnez-moi tous les contrats que vous avez signés avec cette entreprise-là, copie des chèques, etc. Là, le client appelle l'entreprise, puis il dit : As-tu des problèmes avec le gouvernement? Coudon, qu'est-ce qu'il se passe? Ils me demandent d'envoyer copie de tous les chèques que je t'ai faits, etc. Donc, c'est ça, c'est ça, la réalité sur le terrain, là. C'est ça qu'il se passe. Et ça, on fait ça, bien, évidemment, pourquoi? On fait ça, bien, pour supposément sous le volet de l'application du décret.

Mais c'est sûr que nos membres considèrent que c'est l'excès de zèle puis que ça n'a pas lieu d'être, là. Aïe! Aller chez les clients pour semer le doute en plus que l'entreprise... avez-vous fait quelque chose de mal? Je vous dirais, ça n'a pas de sens.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Hébert, je vous remercie pour votre participation. C'est tout le temps que nous avions.

Alors, la commission ajourne ses travaux à demain, le 6 octobre, après les affaires courantes, vers à peu près 11 h 30. Bonne journée à tous et à toutes. Merci, Mme Hébert.

(Fin de la séance à 17 h 18)

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