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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, October 13, 1987 - Vol. 29 N° 78

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel


Journal des débats

 

(Onze heures une minute)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la commission de l'économie et du travail qui est réunie pour procéder à une consultation générale en ce qui a trait à l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Théorêt): Je vous rappelle l'ardre du jour et je vous demanderais, si vous en avez déjà pris connaissance, de bien vouloir consentir à l'adopter tel quel, puisque cet ordre du jour a été établi le 29 septembre 1987 par les représentants du critique officiel et du ministre. Cela va? Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Théorêt): Aujourd'hui, après les remarques préliminaires, nous entendrons, à 11 h 45, l'Association des consommateurs industriels de gaz. Nous suspendrons les travaux à 12 h 45 jusqu'à 14 heures, alors que nous reprendrons avec les représentants de Noranda; à 15 heures, nous recevrons l'Association des industries forestières du Québec ltée; à 16 heures, Gazifère inc.; à 17 heures, l'Association des consommateurs du Québec. À 18 heures, il y aura suspension jusqu'à 20 heures, alors que nous reprendrons avec M. Lucien Mouton et, à 21 heures, nous entendrons les représentants du Centre d'analyse des politiques énergétiques.

M. le ministre, je vous cède donc la parole pour les remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M, le Président. MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, la recherche de l'intérêt public et du bien commun constitue à la fois la raison d'être et la fonction la plus difficile de tout gouvernement. Par ses interventions, l'État doit viser la mise en place d'un environnement favorable à la créativité, à l'entrepreneurship, aux investissements et à la croissance. Plus spécifiquement, les interventions de l'État dans les affaires économiques doivent être limitées de telle sorte que les forces du marché puissent jouer librement, dans la mesure du possible.

Dans cette perspective, une révision du râle et du fonctionnement de la Régie de l'électricité et du gaz m'apparaissait nécessaire. Cette révision devait être menée également dans le cadre de la récente déréglementation des prix et des marchés du gaz naturel au Canada et du net resserrement de la concurrence qui prévaut au Québec depuis quelque temps entre les distributeurs d'énergie. Dans cette optique, j'ai présenté à l'Assemblée nationale, le 18 juin, un avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel. Cet avant-projet de loi prévoit une modification des fonctions et pouvoirs de l'actuelle Régie de l'électricité et du gaz en matière de distribution de gaz naturel au Québec et retranche de la juridiction de la régie les activités des producteurs privés d'électricité et de vapeur.

Une commission parlementaire sur cet avant-projet de loi s'imposait. Elle nous permettra d'entendre les points de vue de toutes les parties impliquées par les modifications législatives proposées. L'avant-projet de loi dont vous avez pris connaissance peut certainement être amélioré. Il constitue cependant un cadre permettant d'aborder les principales questions relatives à la réglementation des activités des distributeurs de gaz naturel et de vapeur. Cette discussion devra nous permettre de comprendre les points de vue essentiels de chacun des intervenants.

Nous sommes maintenant réunis pour discuter du mandat et de la place que le gouvernement donnera dorénavant à l'un des tribunaux administratifs du Québec. Les tribunaux administratifs occupent une place considérable dans les mécanismes de réglementation dont disposent les gouvernements. L'ensemble de leurs jurisprudences définit en grande partie le sens exact des lois et en détermine leur application pratique. Partout en Amérique du Nord les services publics à capital privé jouissant d'un monopole sont surveillés ou contrôlés par un organisme régulateur qui examine autant leurs dépenses que leurs revenus. Ces régies déterminent ou approuvent également les grilles tarifaires

des compagnies réglementées. La présence de tribunaux administratifs permet également que soient entendus tous les intéressés et que les décisions soient prises en tenant compte de l'intérêt public.

Toutefois, j'aimerais préciser que l'avant-projet de loi ne discute pas à dessein de la réforme des tribunaux administratifs au Québec. L'ensemble de ces questions a été amplement traité dans le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs soumis récemment au ministre de la Justice et le gouvernement verra è y donner suite en temps et lieu.

Ce qu'il est important de comprendre pour les fins de la discussion lors de cette commission parlementaire, c'est la volonté du gouvernement de maintenir les mécanismes requis pour que la déréglementation du prix du gaz naturel et l'assouplissement de la réglementation des distributeurs se prolongent au-delà de la réforme des tribunaux administratifs.

C'est pourquoi je souhaiterais que nos discussions sur cet avant-projet de loi s'inscrivent dans le cadre de ces préoccupations du gouvernement en matière de réglementation du gaz.

En modifiant la Loi sur la Régie de l'électricité et du gaz, nous voulons satisfaire à quatre objectifs. En premier lieu je souhaite que soit donnée plus d'autonomie aux distributeurs de gaz naturel afin de leur permettre de réagir rapidement aux forces du marché et de développer leurs activités avec le minimum d'interventions extérieures» À cet effet je désire que soit instituée une Régie du gaz dont le rôle sera principalement un rôle de surveillance et non un rôle de contrôle détaillé des activités des distributeurs de gaz naturel.

Plus spécifiquement, j'aimerais que les distributeurs de gaz naturel bénéficient d'une plus grande marge de manoeuvre. Ne pourrait-on pas envisager, par exemple, qu'ils n'aient pas à faire approuver a priori par l'organisme de réglementation le détail de leurs dépenses? Dans la même perspective, il me semble que c'est le distributeur de gaz naturel qui est le mieux placé pour définir sa stratégie commerciale et notamment la grille tarifaire qui est la plus apte à lui assurer un développement rapide et une stabilité de revenus.

En deuxième lieu, je veux garantir aux consommateurs une protection équitable face aux compagnies auxquelles le gouvernement a confié un monopole de distribution de gaz naturel. Chaque mois, 147 000 chefs de famille, propriétaires ou locataires, du Québec reçoivent une facture de gaz et je veux faire en sorte qu'ils soient satisfaits des services qu'ils obtiennent en contrepartie de leurs déboursés.

En outre, plus de 25 000 commerces et près de 2000 abonnés industriels ont investi pour être alimentés en gaz naturel en espérant que le gaz naturel demeure une source d'énergie fiable et avantageuse.

En conséquence, la régie du gaz doit, à mon avis, avoir tous les pouvoirs juridiques et le mandat de veiller aux intérêts des consommateurs. À cet effet, je demeure convaincu que c'est la régie qui, en dernier ressort, doit approuver la grille tarifaire d'un distributeur. À mon avis, c'est également l'organisme de réglementation qui doit énoncer les principes directeurs de la tarification.

J'estime aussi que la régie est le tribunal le plus compétent pour trancher les litiges éventuels entre les distributeurs et les consommateurs ou lorsque les parties intéressées sont animées par des intérêts divergents.

Toujours dans l'optique de garantir aux consommateurs une protection équitable face aux distributeurs, je crois également que les consommateurs doivent avoir la possibilité de récupérer tous les trop-perçus qu'un distributeur aurait accumulés à la suite d'une conjoncture favorable. Cette mesure empêchera qu'un distributeur tire profit d'un rendement plus élevé sur ses investissements que celui autorisé par la régie.

En troisième lieu, les changements que je propose dans l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel visent à alléger, assouplir et mettre à jour la réglementation du gaz au Québec. Le gouvernement du Québec est convaincu qu'il est encore possible de faire confiance au mécanisme de la concurrence là où elle existe. En conséquence, il nous apparaît désirable de limiter autant que possible le recours aux tribunaux administratifs pour conclure des affaires. Producteurs, distributeurs, courtiers et consommateurs doivent pouvoir négocier librement les approvisionnements de gaz naturel. À mon avis, la nécessité de négocier entre elles des ententes amènera les parties à mieux traiter les questions de sécurité d'approvisionnement à long terme à des prix avantageux. Cette dynamique assurera la compétitivité et la croissance, de la part du gaz naturel, sur les marchés internes. Je crois qu'il faut vraiment alléger la réglementation gouvernementale. Ainsi, je propose de réglementer les activités des entreprises privées qui produisent de l'électricité car elles ne bénéficient pas d'une situation de monopole accordée par l'État. Dans l'avenir, ces entreprises ne pourront cependant demander des taux plus élevés que ceux d'Hydro-Québec pour un même service.

En ce qui concerne les producteurs de vapeur, je sais que la situation est plus particulière et je suis ouvert aux représentations que pourraient faire des intervenants sur la nécessité de continuer à réglementer ce type de commerce. Si une réglementation de ce secteur est nécessaire, 13 octobre 1987

Commission permansnte

je me demande si on doit surveiller ces activités selon les mêmes méthodes qui régiront la distribution du gaz au Québec. Enfin, il faut mettre à jour la réglementation du gaz au Québec. Dans cette perspective, j'estime, par exemple, qu'il n'est plus nécessaire que la régie réglemente les opérations financières des distributeurs gaziers parce que la Commission des valeurs mobilières et les forces du marché jouent pleinement ce rôle.

Mon quatrième objectif en ce qui concerne cette révision de la Loi sur la Régie de l'électricité et du gaz est d'améliorer le fonctionnement et la performance de l'organisme de réglementation. La loi actuelle est plutôt muette sur ces questions. Le fonctionnement de la régie a souvent été mis en cause par les distributeurs gaziers et par certains consommateurs, notamment les consommateurs industriels. Dans l'ensemble, toutefois, j'estime que la majorité des décisions de la régie ont été favorables à l'industrie du gaz tout en préservant les droits des consommateurs. Cependant, il faut, à mon avis, encadrer l'exercice des droits devant ce tribunal administratif en obligeant la régie à prévoir, par des ordonnances procédurales, le déroulement des causes tarifaires. Il faudra également que la nouvelle régie continue à rendre ses ordonnances rapidement. Pour améliorer le fonctionnement, il faut aussi, par exemple, que la loi autorise la régie à rendre des ordonnances partielles ou provisoires. J'estime également qu'aucun régisseur ne devrait avoir de voix prépondérante.

J'aimerais maintenant aborder un article spécifique de l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel: l'article 63, par lequel je propose que le gouvernement puisse, par décret, énoncer les orientations générales selon lesquelles les tarifs de gaz naturel devront être élaborés et approuvés, n'est pas passé inaperçu. Je suis très ouvert à vos commentaires sur cette question. Mon point de vue actuel est le suivant. Le gouvernement ayant accordé un monopole de distribution à une entreprise, il doit demeurer responsable devant les consommateurs captifs et pouvoir définir au besoin ce qu'est l'intérêt public devant prévaloir dans la définition des tarifs. Vous remarquerez que la formulation de l'article 63 laisse, à mon avis, pleine autonomie à la régie et que c'est elle qui rendra les décisions finales en cette matière. De plus, l'article 63 ne concerne que les tarifs et non le rendement du distributeur. Le gouvernement n'entend d'aucune façon intervenir dans les décisions de la régie. Les consommateurs de gaz du Québec déboursent près de 1 000 000 000 $ chaque année. Je veux m'assurer par cet article 63 que le gouvernement ait le pouvoir de communiquer officiellement à la régie son point de vue sur la tarification du gaz naturel au Québec. D'une manière plus générale, je considère le gaz naturel comme un facteur de développement économique et industriel. Je désire fermement qu'il n'en coûte pas plus cher au Québec qu'ailleurs pour desservir un client et je crois que, pour y arriver, il vaudra mieux utiliser nos réseaux de distribution en place. La possibilité d'effectuer des achats directs et de négocier librement le prix de ta marchandise, avec ou sans l'aide de courtiers, devrait permettre d'envisager l'établissement au Québec de nouvelles entreprises d'utilisation et de transformation du gaz naturel. (11 h 15)

Des projets sont actuellement à l'étude pour la fabrication d'additifs, de carburant, d'engrais, de même que dans la métallurgie et les industries du verre et de la chimie. Les tribunaux administratifs ayant juridiction sur les compagnies de services publics ont cependant un rôle essentiel à jouer. Ils doivent s'assurer que les négociations entre les producteurs, distributeurs, courtiers et gros consommateurs ne se fassent pas au détriment des autres consommateurs et plus particulièrement de ceux qui sont dans un marché captif. Il revient aussi à la régie de faire en sorte qu'un juste équilibre soit établi dans le coût des services et des tarifs, et cela, pour chacune des classes de consommateurs.

Cette notion d'équilibre est sous-jacente à la révision de la Loi sur la Régie du gaz naturel. En ce qui a trait à la distribution du gaz naturel, le rôle d'une régie dans la protection des intérêts des consommateurs est très important. Il doit cependant être conjugué avec une préoccupation réelle de développement économique. Cette double fonction explique l'intérêt du gouvernement et l'attention que je porterai à vos avis et commentaires. Je suis ici et la commission est ici pour entendre vos points de vue et améliorer l'avant-projet de loi que nous avons déposé à l'Assemblée nationale à la mi-juin. J'espère, par la suite, pouvoir procéder rapidement à l'adoption d'une loi créant une nouvelle Régie du gaz naturel. Merci, M. te Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Roberval et critique officiel.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. J'ai parfois de la difficulté à comprendre la logique qui anime et qui sous-tend, à tout le moins, les actions du ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec. M. le Président, vous aurez compris que l'avant-projet de loi qui nous est présenté ici est un brouillon

dont le ministre entend se servir, je l'espère, du moins, pour préparer un véritable projet de loi qui permettrait d'encadrer de façon définitive, correcte et efficace toute la distribution du gaz naturel au Québec. La décision du ministre est difficilement compréhensible ou comprenable, si je peux utiliser le terme, dans le sens suivant. Son gouvernement parle d'une désimplication gouvernementale dans les champs économiques, d'une part. Un certain rapport Gobeil, voilà peu de temps, recommandait tout simplement l'abolition ou la disparition de la Régie de l'électricité et du gaz et les actions gouvernementales, entre autres au ministère de l'Agriculture, qu'on a pu observer jusqu'à présent, nous permettent de constater que le gouvernement manifestait une intention de simplifier tout le domaine des régies, de regrouper des fonctions et de rendre plus efficace, ainsi, la machine gouvernementale. Or, il appert que le ministre, en ne touchant dans son avant-projet de loi que le secteur du gaz naturel, en abolissant l'ancienne régie, laisse des pans de mur complet, sans juridiction proprement dite, et l'on peut croire, l'on peut imaginer qu'il devra poser des gestes d'ordre législatif, un peu plus tard, pour encadrer également les autres secteurs qui étaient touchés par la Régie de l'électricité et du gaz, notamment, le champ de l'électricité et celui de la vapeur.

M. le Président, c'est une logique difficile à comprendre, parce que cette régie-là deviendra, possiblement, une des deux ou trois autres régies qui se regrouperont ensemble et qui devraient faire office, jouer le rôle que jouait l'ancienne régie, avec des modifications sur lesquelles nous convenons qu'il soit bon d'apporter dans le rôle de l'ancienne régie. M. le Président, c'est véritablement un brouillon dans le sens suivant. La régie telle que proposée dans l'avant-projet de loi... D'abord, on parle de trois régisseurs. C'est un nombre de régisseurs qui nous apparaît insuffisant. Quand on regarde ce qui se passe ailleurs et quand on essaie de se servir de l'expérience passée il nous apparaît qu'il ne s'agit pas là d'une régie très substantielle quant au nombre de régisseurs qui y travaillent.

Également, l'avant-projet de loi nous laisse comprendre que le mandat des régisseurs commence au même moment et se termine au même moment. M. le Président, en aucun temps, en aucun endroit dans le projet de loi, à moins que le ministre ne nous donne des avis contraires, il ne nous est indiqué que les mandats des régisseurs se termineront de façon différente, à des époques différentes pour permettre une continuité, compte tenu du fait que cette fonction est extrêmement délicate, demande une spécialisation certaine et demandera un certain temps de rodage avant que ces gens puissent très efficacement gérer leurs dossiets.

Également, M. le Président, il n'y a absolument rien dans l'avant-projet de loi qui puisse nous indiquer de quelle manière ou à partir de quel procédé le ministre entend remplacer les régisseurs parce qu'il faut bien comprendre que ces trois personnes seront le coeur, en quelque sorte, du projet de loi. Ce seront elles qui seront pour les consommateurs du Québec, pour les distributeurs de gaz, pour tous les intervenants dans ce domaine, qui seront, en quelque sorte les grands décideurs, ceux qui verront à faire respecter les orientations gouvernementales, ceux qui verront à protéger les petits consommateurs, à protéger également les consommateurs plus importants et les distributeurs aussi.

Bref, ils ont un rôle absolument essentiel, leur mandat est très court, d'une part; deuxièmement, on ne sait pas pourquoi le ministre semble vouloir les faire terminer leurs mandats en même temps, on ne sait pas comment il veut les remplacer? c'est le vague le plus total sous cet aspect.

Également, dans le projet de loi, on ne fera pas l'étude article par article parce que ce n'est pas l'objet de notre travail ici, on va écouter les gens qui vont nous donner un son de cloche, une perception du devoir du ministre et, dans plusieurs cas, on ne peut pas dire que quelqu'un, à ce moment-ci, soit enthousiasmé de ce premier jet, M. le ministre. Cependant, il y a aussi des articles dans le projet de loi dans lesquels il y a des contradictions qui nous apparaissent flagrantes. Les articles 45 et 63 dont le ministre a parlé également nous semblent aller en totale opposition. Également, l'article 65 - et plusieurs intervenants vont le souligner très certainement - permet une ingérence gouvernementale absolument non balisée, d'aucune façon, ce qui est inquiétant quand on connaît le style d'administration qui a été donné à ce ministère depuis quelque temps et confirmé par le ministre, savoir qu'on y va un peu au jour le jour. On prend des décisions quand il y a des problèmes qui se présentent et ces décisions-là, dans le temps, ne seront pas nécessairement toutes prises dans le même sens, dans la même direction. Il y a un problème de cohérence qui se présente dans la direction de ce ministère et ce problème de cohérence risque d'être accentué à la lecture de l'article 63 de l'avant-projet de loi où le ministre, tout à fait par hasard, décide que le gouvernement pourrait décider de prendre, en quelque sorte, des décisions à la place de la régie, de les imposer au bon gré de sa volonté ou des courants politiques, on ne sait trop.

Bref, les balises se font rares. Est-ce que le ministre veut réglementer le prix du gaz ou le secteur de la distribution ou les

deux? Ce n'est pas évident dans son avant-projet de loi et c'est le vague le plus total sous ces aspects.

Également, le ministre dans son avant-projet de lot parle de tarification, mais encore là quels seront les éléments qui permettront d'établir une tarification qui soit juste et équitable? C'est le silence complet là-dessus. En d'autres termes, il est important, M. le Président, que le ministre aille à rencontre de la philosophie de son gouvernement, cela on le conçoit, et intervienne dans un secteur comme celui du gaz naturel pour protéger tous les intervenants, y compris et surtout les consommateurs du Québec qui pourraient se trouver à la merci de certaines personnes ou de certaines entreprises dans le secteur du gaz puisqu'il n'y a pas une concurrence extrêmement vive sur le plan de la distribution, on en conviendra.

Le ministre doit intervenir, doit protéger le consommateur, d'abord et avant tout, mais la façon dont il veut le faire n'est pas claire. J'ai l'impression qu'il a commencé à jeter sur papier un certain nombre d'idées. D'aucunes méritent qu'on s'y intéresse, qu'on s'y arrête; d'aucunes, par contre, soulèvent les questions les plus pessimistes. J'ose croire que le ministre ira plus loin qu'il ne l'a fait lorsqu'on a entendu des invités nous parler du prix de l'essence en région périphérique. Des recommandations intéressantes avaient été faites. Nous avions souscrit à un certain nombre de ces recommandations et nous en avions fait au ministre. Malheureusement, il ne les a pas suivies; en tout cas, il en a mis de côté un certain nombre qu'il aurait dû suivre, et il a fait ses devoirs à moitié.

J'espère que, cette fois, M. le ministre - c'est ce que je souhaite au début des travaux de cette commission - vous aurez le respect envers nos invités et l'honnêteté intellectuelle d'écouter, de discuter avec eux et de tenir compte de leurs recommandations pour que le brouillon que vous nous soumettez aujourd'hui devienne un devoir mieux fait, un devoir complet, un devoir qui permet, qui donne des garanties à tous les intervenants dans le secteur du gaz, que ce soit sur le plan de la consommation ou de la distribution, du gros consommateur ou du petit consommateur, que tout le monde y trouve son compte, qu'on sache exactement quelle est la politique du ministère de l'Énergie et des Ressources pour ce secteur et, enfin, qu'on soit en mesure de dire et de se prononcer clairement à savoir si, oui ou non, on est d'accord avec ce que le gouvernement nous propose. Non pas quelque chose de très vague, de très général, de contradictoire à certaines occasions, mais bien un projet de loi qui s'inscrive dans une série de projets de loi, je suppose, qui devront concerner tout le secteur autrefois touché par la régie.

Voilà, M. le Président, pour les remarques préliminaires. Nous écouterons avec plaisir, avec attention, avec beaucoup de sérieux tous les intervenants qui se présenteront devant cette commission. Nous avons fait, là où c'était possible, lorsqu'on avait les mémoires à temps, nos devoirs de façon très complète et nous avons des questions à poser à ces gens. Mais nous souhaitons - c'est le voeu qu'on formule, je le formule une deuxième fois - que le ministre ait un comportement différent de celui de la dernière commission parlementaire où nous nous sommes rencontrés. J'aimerais qu'il écoute, qu'il tienne compte des avis et qu'il fasse son travail au complet, cette fois-là. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. Est-ce qu'il y a d'autres interventions dans le cadre des remarques préliminaires?

J'invite maintenant l'Association des consommateurs industriels de gaz à bien vouloir prendre place à l'avant. Messieurs, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. Je vous demanderais, dans un premier temps, de bien vouloir présenter vos collègues et je vous rappelle que le temps mis à notre disposition est d'une heure, que vous avez un maximum de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire ou de vos interventions et que, par la suite, le temps sera réparti également entre les deux formations politiques.

Je cède la parole à...

Auditions

Association des consommateurs industriels de gaz

M. Bourque (Jacques-Yves): Jacques Bourque, vice-président de l'Association des consommateurs industriels de gaz. J'ai, à mes côtés, Me Georges Audet, procureur, et Me Jacques Shore, procureur. L'Association des consommateurs industriels de gaz représente 32 industries au Québec qui représentent la grande majorité des grands utilisateurs de gaz au Canada, principalement au Manitoba, en Ontario et au Québec. Je laisserai la parole à notre procureur, Me Georges Audet, qui nous représente depuis une dizaine d'années à la Régie de l'électricité et du gaz du Québec. (11 h 30)

M. Audet (Georges): Merci. Comme vous l'avez souligné, M. le ministre, M. le Président, l'avant-projet s'inscrit dans un contexte où il y a des changements très importants qui se produisent actuellement au Canada sur le marché du gaz naturel et plus particulièrement dans le contexte de la

déréglementation du prix de la marchandise. Comme vous l'avez indiqué, M. le ministre, comme les circonstances changent, cela démontre un peu le besoin d'avoir une loi qui s'adapte aux changements de circonstances et qui sera applicable peu importe ce qui arrivera dans l'avenir.

Avec la déréglementation des prix, on réalise beaucoup plus aujourd'hui les deux fonctions très distinctes qu'exerçait le distributeur de gaz jusqu'à aujourd'hui ou jusqu'à il y a quelque temps. D'une part, le distributeur est un vendeur ou un fournisseur de marchandise et, jusqu'au changement de politique quant à la déréglementation des prix, il exerçait cette fonction pour tous les consommateurs de gaz, que ce soit des grandes industries ou autres. C'est lui qui achetait le gaz naturel et le revendait aux usagers. Une deuxième fonction du distributeur, celle qui est effectivement sujette à la réglementation, c'est celle du transport et de la livraison de la marchandise gaz naturel.

Dans le contexte présent, avec la vocation qui a été déterminée par le gouvernement fédéral et les provinces productrices et à laquelle le Québec a souscrit, c'est-à-dire celle de déréglementer la marchandise, on a clairement indiqué que dorénavant les acheteurs ou les consommateurs de gaz naturel pourront avoir un accès direct aux producteurs et ils pourront acheter leur gaz naturel au meilleur prix possible selon le marché disponible. Mais pour mettre cette déréglementation des prix en place, il faut réaliser qu'on doit passer par deux monopoles bien importants. D'une part, il y a TransCanada qui a le tuyau, si on veut l'appeler comme cela, à partir de l'Alberta jusqu'à Montréal et qui, elle, transporte le gaz naturel jusqu'aux portes de la ville pour Gaz Métropolitain ou pour le distributeur dans l'Outaouais qui est Gazifère, de Hull et, de là, le distributeur prend cette marchandise-là et la transporte jusqu'au consommateur.

Là aussi - et c'est le but de la loi principalement - on fait face à un monopole parfait, c'est-à-dire un seul propriétaire de l'outillage et des appareils pour distribuer ou transporter le gaz naturel, la marchandise, qui, elle, maintenant est déréglementée, jusqu'au consommateur. Dans ce contexte, il faut comprendre que, comme il s'agit d'un monopole parfait, les parties ne sont pas égales vis-à-vis de l'organisme de réglementation. On ne fait pas face ici à une situation où on a, d'une part, deux consommateurs ou deux individus, ou une compagnie et un consommateur, devant un tribunal normal, où ils sont traités également. Mais on a plutôt un monopole parfait qui a le contrôle total du transport et de la distribution de la marchandise et un consommateur qui, lui, veut avoir accès à cette marchandise-là dans l'Ouest au meilleur prix possible. On peut réaliser que si la personne qui contrôle le tuyau et la distribution a l'entière liberté placée entre ses mains, c'est bien évident qu'elle prendra les mesures nécessaires pour protéger le monopole qu'elle possédait jadis, qui était celui de l'achat et de la revente du gaz naturel.

C'est pour cela que je pense qu'avec la déréglementation des prix on en vient à constater à quel point les deux fonctions sont non seulement distinctes, mais à quel point le monopole de transport et de distribution peut donner des pouvoirs indus entre les mains du distributeur.

Tout cela pour dire, finalement, que le but de la loi doit être de tenter de rechercher, comme M. le ministre l'a indiqué au début, un équilibre entre la protection du distributeur, d'une part, et des consommateurs, d'autre part. Là où on diffère peut-être un peu d'opinion, M. le ministre, c'est que, pour maintenir cet équilibre, étant donné qu'on ne fait pas face à deux parties égales qui se présentent devant un tribunal mais, d'une part, à un monopole et, d'autre part, à un consommateur qui, lui, généralement possède très peu d'informations sur le système et sur les données financières, etc.? il faut, je pense, donner à la régie un pouvoir d'intervention plus qu'un pouvoir d'approbation de tarifs. Si on donne à la régie uniquement le pouvoir d'approbation de tarifs, dans une certaine mesure, c'est transporter le problème et peut-être en créer un autre dans le sens suivant: si la régie n'est pas d'accord avec les tarifs présentés ou la grille tarifaire, elle ne les approuvera pas et elle dira chaque fois aux distributeurs: Présentez-m'en un autre que je vais approuver.

Finalement, que fait-on lorsqu'on donne uniquement le pouvoir d'approbation? On alourdit peut-être le processus parce que, si la régie veut exercer sa juridiction, elle dira: moi, je n'approuve pas ce que vou9 me présentez. On reviendra une deuxième fois avec une grille que la régie aura recommandée et peut-être qu'elle ne l'approuvera pas encore une fois. Finalement, quand on dit que la régie a uniquement ie pouvoir d'approuver des tarifs, elle a aussi je présume, le pouvoir de refuser. Et, si elle a le pouvoir de refuser, on est aussi bien de lui donner le pouvoir de fixer les taux. Je ne pense pas que ceci vienne violer le principe d'autonomie du distributeur que vous avez mentionné comme l'un des quatre objectifs, c'est-à-dire que le distributeur établisse ses stratégies commerciales. Je ne pense pas que ceci vienne violer le droit du distributeur d'établir ses stratégies commerciales.

Un autre exemple. Dans la loi - et je trouve que c'est excellent parce que c'est ce

qui se fait ailleurs - on dit que la régie pourra engager des experts pour venir témoigner, etc. en matière de tarification. Si on engage des experts pour venir témoigner, si la régie présente des témoins, mais qu'elle n'a pas le pouvoir de donner des ordres ou des commandes aux distributeurs, je ne vois pas pourquoi on lui donne l'incitation de faire venir des témoins et de présenter des experts si on ne lui donne pas le pouvoir de fixer des tarifs.

C'est peut-être un peu plus de la sémantique qu'autre chose, mais je pense qu'on ne peut pas faire de la réglementation à moitié. Dans le fond, l'organisme de réglementation est là pour prendre des mesures vis-à-vis d'un monopole parfait, des mesures que la concurrence prendrait si elle existait. L'organisme de réglementation doit donc être capable de faire des choix, à un moment donné, de prendre des décisions sur des éléments importants, sans nécessairement s'ingérer dans la commercialisation du gaz" naturel.

Je ne sais pas si je fais passer clairement mon idée, mais je pense que, lorsqu'on dit à la régie: Vous ne pouvez que surveiller et approuver, elle pourra refuser d'approuver tant qu'elle le voudra si elle exerce sa juridiction et, finalement, on alourdira le processus.

Quand on regarde, pour la tarification plus spécifiquement, quelles sont les tâches principales de la régie, vous avez les articles 4 et 5 qui sont d'une importance vitale. D'abord, l'article 4 dit - c'est la première étape - qu'on doit accorder un rendement au distributeur sur la juste valeur de ses investissements dans l'entreprise. On dit, par la suite, que cette juste valeur "est calculée sur la base du coût d'origine, soustraction faite de la dépréciation." Par le passé, la régie a déjà exercé des jugements à savoir si elle admettait ou n'admettait pas des investissements dans la base de tarification.

Je pense qu'il est primordial, pour ne pas dire vital, que l'article de loi indique clairement que les investissements dans l'entreprise, ce sont les investissements qui sont utiles et utilisés pour desservir les consommateurs. Il faut indiquer, d'abord, dans le projet de loi la nature des investissements, parce qu'à mon avis ce devrait être plutôt les actifs tangibles. D'autre part, il faut clairement indiquer qu'on doit accorder un rendement uniquement sur les investissements qui ont été prudemment faits, qui sont utiles et utilisés pour desservir la clientèle; sinon, la réglementation ne veut plus rien dire. S'il faut absolument donner un rendement sur tous et chacun des actifs ou des investissements effectués par le distributeur, cela veut dire qu'on peut faire à peu près tous les abus que l'on désire faire et recevoir automatiquement une récompense, un rendement.

Comme je le disais il y a un instant, la réglementation, c'est, dans un sens, un palliatif à la concurrence. Qu'est-ce qui arrive dans un monde de concurrence, si on fait un investissement qui est stupide? Le concurrent, lui, n'a pas fait cet investissement et il va continuer à exiger des prix en fonction de son coût qui était moins élevé et, en conséquence, on devra effacer certains actifs.

La régie, qui doit être là pour préserver, justement, l'intérêt du distributeur et celui des consommateurs, doit être en mesure de poser un jugement sur la qualité des investissements et sur la quantité des investissements, s'ils sont utiles et utilisés pour les fins de tarification. Il en est de même pour les dépenses, quoique l'article 4 sur les dépenses est plus spécifique en ce sens qu'il dit que "le rendement raisonnable doit être suffisant pour que le distributeur puisse rencontrer les dépenses nécessaires." Là, évidemment, la régie peut exercer un choix sur la qualité et la quantité des dépenses parce qu'on parle de dépenses nécessaires. Mais, dans les investissements, on n'en fait pas état. On ne fait pas état des investissements qui sont utiles et utilisés par le distributeur pour les fins de donner le service.

Quelques autres points sur la réglementation. On dit, à l'article 47, qu'on doit absolument tenir compte du prix des énergies concurrentes pour fixer les tarifs. Je pense ici qu'il y a probablement une anomalie qui s'est glissée parce que le but de la réglementation, c'est de réglementer le transport et la distribution du gaz naturel dans le réseau. Si le prix de la marchandise est déréglementé, en soi, il va se trouver basé sur l'offre et la demande. Voici ce que je crains, dans une situation comme celle-là: le jour où le prix des énergies concurrentes augmenterait substantiellement, est-ce que cela veut dire automatiquement que le distributeur pourra augmenter son coût de distribution, qui est effectivement le service qu'il rend, lui, de prendre du gaz naturel à un point A et l'amener à un point B? Je pense que cela donne ouverture à des abus.

L'article 51, M. le ministre, vous en avez fait état. Je n'ai, d'ailleurs, pas beaucoup traité de cet article dans notre mémoire parce que je savais qu'il y avait des discussions actuellement relativement à la réorganisation de certains principes de droit administratif. Mais il est bien évident qu'en ce qui concerne la loi présente, au moins on aimerait avoir un droit d'appel sur des questions de droit et de compétence.

En ce qui concerne la composition de la régie comme organisme, vous l'avez déjà indiqué, M. le ministre, effectivement cela prend une régie qui, d'une part, est compétente. La tarification, c'est un sujet complexe, mais nécessaire dans le cadre d'un

monopole comme celui de la distribution. Cela demande que Ton remette cette activité entre les mains d'une régie qui s'y connaît. (11 h 45)

À ce sujet, nous recommandons qu'il y ait au moins cinq membres à la régie et pas seulement trois. Vous avez fait état du vote prépondérant. Évidemment, à notre avis, cela prend un quorum d'un minimum de trois personnes et, comme je l'ai indiqué dans notre mémoire, la loi est silencieuse sur ce qui constitue le quorum. On dit, d'une part, que la régie est constituée de trois membres et, quand on parle d'audiences devant la régie, on parle de la régie. Alors, est-ce que cela veut dire qu'automatiquement cela devrait être trois? Si c'est cela, tant mieux, mais la loi, malheureusement, est peut-être un peu ambiguë à ce sujet. C'est pour cela que nous avons posé le problème.

Le deuxième élément quant à la régie, à notre avis, c'est qu'elle doit être indépendante du pouvoir politique. L'article 63, je ne sais pas trop comment le lire: J'en ai fait état dans notre mémoire. Si le but de l'article est de lier la régie par les orientations gouvernementales, nous croyons que cela pourrait être une source d'abus. Si les décisions finales relèvent du gouvernement, à ce moment-là, on va aller plaider nos causes dans le bureau du ministre et on ne les plaidera pas à la régie. Je présume qu'on veut que la régie soit indépendante du pouvoir politique, qu'elle puisse prendre des décisions en fonction des principes de réglementation tarifaire et non pas en fonction des désirs des politiciens, au jour le jour» Ceci ne veut pas dire, quand même, que la régie ne pourrait pas donner certaines directives.

Ici, j'aimerais peut-être faire un bref aparté. Je parle de directives sur la façon de tenir des audiences. Comme vous le savez, depuis novembre 1985, il y a une politique de déréglementation du prix de la marchandise, du gaz naturel. Chez nos voisins d'Ontario, le gouvernement a donné mandat immédiatement à la régie de tenir des audiences génériques sur l'ensemble de la problématique. Il a dit à la régie: La décision politique a été prise, mettez en place les mécanismes nécessaires pour que cette déréglementation se fasse, c'est-à-dire pour inciter les distributeurs - évidemment, ils ne voulaient pas laisser aller leur monopole de vente de gaz - à ouvrir leur tuyau et à donner le libre accès à leur système de distribution pour ceux qui veulent acheter leur gaz d'autres sources que du distributeur. Ils ont tenu des enquêtes génériques à cet effet. Le processus continue encore, mais ils sont beaucoup - je dois le souligner - en avant de nous en ce qui concerne la déréglementation des prix.

Au Québec, quand ceci s'est produit, on a été obligé de se battre, nous, même pour demander à la régie de nous entendre sur ce sujet parce que le distributeur insistait afin de faire entendre ses causes de tarification. C'est à force de discussions qu'on a pu demander à la régie de nous entendre sur le sujet. Aujourd'hui, on a des tarifs qui sont très inadéquats en ce qui concerne les achats directs de gaz naturel des producteurs de l'Ouest. À ce chapitre, je pense que...

Une voix: Inadéquats?

M. Audet (Georges): Oui, effectivement, nos tarifs de livraison sont tout à fait inadéquats.

Un dernier sujet complémentaire sur la régies après cela, je vais laisser M. Bourque vous glisser quelques mots. Si la régie doit être compétente et indépendante, il faut aussi lui donner les budgets pour lui permettre de réglementer. Surtout dans le contexte de la déréglementation des prix, c'est extrêmement complexe, le mécanisme qui doit être mis en place pour assurer que cette déréglementation du prix de la marchandise se fasse. En Ontario, ils ont une trentaine de personnes, comme "staff", pour assister les membres de la régie. Je pense qu'il y a huit membres de la régie nommés. Evidemment, ils font un peu plus que s'occuper seulement du gaz naturel, j'en conviens; mais, quand même, la déréglementation des prix, c'est un processus qui est complexe actuellement. Comme je vous le dis, tout récemment, il est venu des gens de l'Ouest devant la régie et ils l'ont signalé. Ils ont dit: Écoutez, c'est un processus qui est long, qui est complexe et vous ne semblez pas avoir les outils pour le faire.

Le Président (M. Théorêt): Me Audet, je...

M. Audet (Georges): Oui.

Le Président (M. Théorêt): ...m'excuse de vous interrompre, mais vous avez mentionné que vous vouliez passer la parole à...

M. Audet (Georges): Oui, c'est cela.

Le Président (M. Théorêt): ...un de vos collègues. Vous avez déjà pris les vingt minutes qui vous étaient allouées. Je ne sais pas si vous voulez continuer encore pour longtemps, vous personnellement.

M. Audet (Georges): Moi, j'allais terminer sur cela.

Le Président (M. Théorêt): On me demande également de vous rappeler, Me Audet, ainsi que les autres invités, que la

tradition parlementaire veut que vous vous adressiez au président et non pas directement à M. Ciaccia ou à M. Gauthier ou à un autre parlementaire.

M. Audet (Georges): Cela va.

Le Président (M. Théorêt): Me Bourque, est-ce que vous en avez pour longtemps?

M. Bourque: Non, je n'en ai pas pour longtemps. Comme grand utilisateur de gaz, ce sont seulement les commentaires des grands utilisateurs que je veux apporter.

Le Président (M. Théorêt): Pourriez-vous seulement nous indiquer approximativement...

M. Bourque: Cela ne sera pas plus de trois minutes.

Le Président (M. Théorêt): D'accord. Alors, je vous cède la parole.

M. Bourque: Merci, M. le Président. La seule chose que je veux dire, c'est que les grands consommateurs, versus ce qui se passe en Ontario, nous n'avons pas les mêmes genres de contrats. Nous avons difficilement accès au pipeline, c'est-à-dire à la distribution du gaz dans la province de Québec parce que les tarifs sont très instables. On veut amener des investissements industriels. Signer des contrats à long terme, cela va être très difficile parce que les tarifs de distribution changent constamment. Tous Ies ans, on change la grille de tarification. Comment voulez-vous qu'on signe des contrats à long terme? Nous concurrençons d'une façon internationale. Nos produits vont sur le marché international et nous avons de la difficulté à justifier ou à stabiliser nos investissements parce que l'on ne sait pas; lorsqu'on met une signature sur un contrat, c'est un chèque en blanc. On signe un volume, on signe une durée et la régie peut changer toute la valeur monétaire à l'intérieur de nos contrats pour la durée en question. Justement un exemple: le tarif interruptible. En Ontario, du tarif interruptible, il y en a, il y a une grille tarifaire. Ici, au Québec, vu que c'est un monopole, qu'il y a seulement un distributeur, le distributeur nous oblige sous peine de ne pas signer de contrat. On garantit un volume annuel. Il n'y a pas de problème là. On peut le faire. On regarde nos consommations, etc. Aussi, on doit en tout temps prendre du gaz durant la durée du contrat, même si ce n'est pas rentable. Or, ceci ne se passe pas en Ontario.

Rapidement, juste pour vous donner un peu le rendement de différentes classes de consommateurs, le rendement sur le résidentiel, la dernière cause de tarification, est de 5,5 %, tandis que l'industrie contribue à 56 %. La dernière déréglementation du prix du gaz, du prix de la marchandise, a amené une baisse du prix du gaz dans tout le Canada, à l'exception du Québec au niveau résidentiel. La diminution du prix a été basée entièrement sur le coût de service, plus une légère augmentation. Il va falloir que les investissements, s'ils n'ont pas été faits d'une façon rentable ou ne sont pas utilisés à pleine capacité, soient dépréciés comme nous, dans l'industrie privée, nous le faisons. Si on a fait des mauvais investissements dans les années antérieures, on les fait disparaître des livres. À Gaz Métropolitain, tout investissement génère un retour sur l'investissement; ils font même des profits sur des erreurs. II va falloir qu'il y ait un juste milieu. C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie, M. Bourque. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci beaucoup. Premièrement, je veux vous féliciter pour l'excellent travail que votre association fait depuis plusieurs années au bénéfice de ses membres. Les industries grandes consommatrices de gaz naturel constituent le noyau à partir duquel toute expansion d'un réseau de distribution doit être conçue. Je suis satisfait de voir que plusieurs de vos membres sont maintenant desservis et consomment de plus en plus de gaz naturel.

Je voudrais juste rectifier peut-être quelques notions qui ont pu découler des commentaires du député de Roberval, le critique de l'Opposition. Premièrement, ce n'est pas un brouillon de projet de loi. C'est un avant-projet de loi qui permet la consultation préliminaire, de la même façon que nous avions fait le régime forestier. C'est une technique législative qui nous permet d'aller en consultation écouter les représentations du milieu et, si nécessaire, faire des amendements si nous trouvons que les commentaires que vous et ceux du milieu ont faits méritent que l'avant-projet de loi soit modifié.

Il n'est pas question, non plus, de revenir avec un autre projet de loi pour une régie de l'électricité ou pour une régie de ta vapeur. Ce n'est pas cela du tout. On élimine l'électricité à moins que des intervenants - et je pense que personne n'argumentera en ce sens - ne viennent nous dire qu'ils veulent absolument remettre la question de l'électricité. On tient pour acquis que, dans l'avenir, la régie n'aura pas de fonction dans le domaine de l'électricité, mais strictement dans le domaine du gaz. Il nous reste, cependant, à déterminer si on va remplacer ou remettre le rôle de la régie sur la vapeur; pour cela, on va écouter les

intervenants et on prendra une décision en conséquence, selon les arguments qu'on porte à notre attention.

Vous semblez vouloir donner plus de pouvoir d'intervention à la régie et vous citez certains exemples. Vous dites que, si elle a seulement un pouvoir d'approbation, il va falloir revenir. Le but de tout l'exercice, c'est de réduire la réglementation. La raison pour laquelle nous avons choisi cette formule, c'est, premièrement, parce que c'est cette formule qui s'applique à la régie en Ontario. Vous avez cité à plusieurs reprises des éléments qui vous semblaient favorables en Ontario au que vous sembliez appuyer. Cela en est un que nous avons pris de la régie de l'Ontario. Nous croyons qu'en adoptant cette approche on peut alléger la réglementation et toujours en donnant à la régie un certain pouvoir parce qu'il faut qu'elle approuve; si elle dit non, je crois bien que Gaz Métropolitain va s'assurer ou va faire son possible pour que ce soit acceptable. De la même façon, par exemple, quand Hydro-Québec vient devant la commission parlementaire, si elle le sait d'avance, elle cherchera autant que possible , à avoir une présentation qui soit acceptable. Quand cela ne l'est pas, comme la dernière fois au mois de mars, on l'a renvoyée en disant: Écoutez, revenez avec d'autres tarifs. Ne croyez-vous pas que, dans ce sens-là, ce serait une façon d'alléger la réglementation et de rendre un peu plus facile la façon dont la régie peut fonctionner? Je vais faire juste quelques autres commentaires et, ensuite, je vous inviterai à faire vos propres commentaires.

En ce qui concerne la composition de la régie, vous dites qu'en Ontario il y a cinq membres et pas seulement trois, et vous apportez certains exemples de l'Ontario en termes de fonctionnement, en termes de personnel. Il est de notre intention d'avoir une régie qui peut fonctionner et qui va avoir les ressources nécessaires, mais, au Québec, il y a un distributeur et, en Ontario, il y a trois distributeurs majeurs. Au Québec, le gaz naturel a 15 % du bilan énergétique; en Ontario, je pense que c'est environ 36 %. Alors, les activités, en termes de travail et de ressource, sont nécessairement plus grandes en Ontario parce que ce secteur est beaucoup plus actif qu'il ne l'est au Québec.

Mais, à la suite de vos commentaires sur le quorum, on pourrait peut-être rendre plus clair dans le projet de le loi le nombre de régisseurs nécessaires pour le quorum. On a déjà mentionné qu'il n'y avait pas de droit prépondérant. S'il faut une clarification pour être sûr qu'on est clair sur le fonctionnement, on va pouvoir l'inclure dans le projet de loi.

Vous mentionnez que vous êtes contre l'article 63. Vous dites que, si c'est le pouvoir politique, vous allez venir devant le ministre. Dieu m'en sauve! Je ne veux pas que vous veniez devant le ministre, que ce soit moi ou un autre. Nous voulons que ce soit la régie qui prenne les décisions. (12 heures)

Mais l'exemple que vous m'avez donné de l'Ontario me semble justifier plutôt le principe de l'article 63. Vous dites: Le gouvernement a donné des directives à la régie, il lui a dit: Vous allez avoir des auditions. On veut s'assurer qu'il y ait une plus grande ouverture, on veut ouvrir les tuyaux, pour utiliser votre expression. La régie a répondu aux directives du gouvernement. Si je n'avais pas l'article 63, comment, dans une situation semblable, le gouvernement du Québec ou moi-même pourrions-nous dire à la régie: Faites ceci, ayez des auditions publiques, allez dans cette direction? C'est l'exemple que vous m'avez donné en parlant de l'Ontario.

Il me semble que l'exemple que vous m'avez donné est plutôt pour justifier le principe de l'article 63. Je ne parle pas nécessairement de tout le libellé, tel qu'il est présentement rédigé. C'est plutôt pour permettre ce genre de recours. Il n'est pas de notre intention de nous ingérer et de dire quoi faire à la régie.

Je m'interromps pour le moment et je vais attendre vos commentaires.

Le Président (M. Théorêt): Me Audet.

M. Audet (Georges): D'abord, je vais répondre à une question. Premièrement, sur la simplification de la tarification, je comprends très bien que le but recherché, c'est de simplifier le processus. Mais je pense que cela n'a rien à voir avec la fixation des tarifs. Je pense que c'est un point qu'il est fort important qu'on comprenne. Si on veut simplifier la réglementation, on doit dire que ce sont les gens qui font la tarification qui peuvent mettre en place le système, avec le degré de détails qu'ils veulent bien lui apporter. Je m'excuse de dire cela devant certains membres de la régie, mais si la réglementation est complexe aujourd'hui, c'est, à bien des égards, parce qu'on a mis en place un système qui est fort complexe. Mais cela n'a rien à voir avec la fixation des tarifs comme tels et des pouvoirs que l'on doit donner à la régie.

Soit dit en passant, en Ontario, à l'article 19 de la loi, on dit bien: "Approving and fixing reasonable rates." On parle bien d'approuver et de fixer des taux dans la loi ontarienne. Je ne vois pas comment on peut donner le pouvoir d'approbation sans donner le pouvoir de les fixer. Parce que si on donne seulement le pouvoir d'approbation, ce qu'on fait, finalement, c'est alourdir le système réglementaire. Parce que si la régie n'est pas d'accord, elle ne l'approuvera pas. Elle va dire aux distributeurs: Revenez

devant moi avec quelque chose que j'approuverai. Finalement, elle va indirectement fixer la grille tarifaire. Elle va directement fixer les tarifs.

Quant à la simplification de la tarification, je peux vous assurer, M. le Président, pour suivre les règles parlementaires, qu'on peut mettre en place un système fort simple, qui n'est pas complexe, mais qui n'enlève pas l'essentiel de ce qui est recherché par la tarification, soit de maintenir un équilibre entre, d'une part, le monopole et l'intérêt de l'actionnaire, et le consommateur, d'autre part. Pour maintenir cet équilibre, comme les parties ne sont pas égales, il faut donner un certain pouvoir d'intervention à une régie.

Quant à l'autre question que vous avez posée relativement à l'article 63, comme je vous l'ai signalé, je suis un peu ambivalent à cet égard. Quand on a parlé du gouvernement de l'Ontario, j'ai dit plus particulièrement que les gouvernements ont le pouvoir de fixer les orientations. La preuve, c'est qu'ils l'ont fait. Quand le gouvernement fédéral et les provinces productrices se sont assis ensemble et ont dit: Dorénavant, le prix sera déréglementé, ils ont donné automatiquement l'erre d'aller. La province de Québec a souscrit à cela. Ils ont dit: Oui, effectivement, on est d'accord. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'automatiquement, il faut changer tout le processus à l'intérieur du système, y compris le système de distribution. Déjà, l'orientation étant donnée là, cela n'a pas laissé le choix à quiconque d'entrer dans le processus.

Cependant, je disais qu'il serait peut-être bon que le gouvernement puisse donner des directives à la régie pour tenir des audiences. Il pourrait dire à la régie: Veuillez tenir des audiences sur ce sujet, c'est important, et mettez le système en place le plus vite possible. Alors, ce n'est pas nécessairement une orientation. C'est plutôt une directive dans le sens de tenir des audiences et d'entendre des causes.

Toutefois, que le gouvernement puisse donner des orientations générales, je pense que personne ne s'opposerait à cela. Le problème qu'on voyait avec l'article 63, ce sont uniquement les cas où la régie était liée par certaines orientations qui ne seraient pas des orientations globales. Â ce moment-là, cela rendrait la réglementation inutile. C'est l'aspect qui est dangereux.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: On va regarder l'article un peu plus. Avec l'exemple que vous me donnez, quand vous dites que le gouvernement de l'Ontario a donné des directives en disant: Tenez des audiences et mettez le système en place, je me demande si on n'a pas un équivalent de l'article 63 quant à la façon dont on pourrait faire cela, parce que juste donner des orientations générales, il n'y a rien qui obligerait la régie à suivre ces orientations. Certainement, il n'y a rien dans la loi actuelle qui nous permettrait de donner des directives pour mettre certains systèmes en place.

M. Audet (Georges): Je comprends la problématique. Il s'agit de trouver le juste milieu.

M. Ciaccia: Ce que vous dites, c'est peut-être que vous n'êtes pas trop en faveur du libellé de l'article 63, mais certains principes qui sont inclus dans l'article 63 semblent...

M. Audet (Georges): Le problème qu'on a avec l'article 63, c'est: est-ce que la régie devra toujours suivre les orientations données? Cela veut dire quoi, le mot "orientations"? Cela va jusqu'où? Si, à un moment donné, il y a un gouvernement en place qui dit: Dorénavant, tout le monde paie le même prix pour la distribution; peu importent les principes réglementaires, cela finit là, on abolit tout ce qui existe, est-ce que la régie sera liée par cela?

M. Ciaccia: Si un gouvernement voulait faire cela, il pourrait le faire par un projet de loi. Il n'a pas besoin d'aller à la régie. Il y a différentes façons de le faire. En tout cas, on va examiner cet article. Je voudrais revenir à l'article 5 où vous m'avez mentionné les investissements. On mentionne, dans l'article 5, la "juste valeur" et on ne va pas dans les détails.

Vous avez mentionné qu'il faut que ce soit utile, utilisable et prudemment fait. Mais, est-ce que ce n'est pas la jurisprudence actuelle? Est-ce que les investissements ne doivent pas être justes, utilisés, utilisables et prudemment faits? Est-ce que ce n'est pas la jurisprudence actuelle? Je ne parle pas de la façon dont c'est interprété. Mais est-ce que ce ne sont pas les principes dans la jurisprudence?

M. Audet (Georges): Ce sont les principes réglementaires, effectivement, oui.

Mais, actuellement, cela ne se passe pas comme ça, en tout cas.

M. Ciaccia: Si cela ne se passe pas comme cela et que c'est dans la réglementation, quelle garantie a-t-on que cela va se passer comme cela, même si on le met dans le projet de loi?

M. Audet (Georges): Là, cela va être clair.

M. Ciaccia: C'est une définition; c'est

la façon dont la régie va définir utilisés, utilisables et prudemment faits. Mais cela, ni vous ni moi ne pouvons le définir.

M. Audet (Georges): Non, effectivement, c'est sûr. Je ne demandais pas qu'on le définisse. Mais je demandais qu'au moins on le dise pour que ce soit clair que ce ne soit pas n'importe quel investissement. En d'autres termes, cela m'apparaît évident, de la façon dont l'article 5 est rédigé que cela peut être interprété comme n'importe quel investissement. On dit: "La juste valeur des investissements dans une entreprise est calculée sur la base du coût d'origine, soustraction faite de la dépréciation". Donc, n'importe quel investissement.

On dit dans l'article plus haut qu'on donne un rendement sur les investissements. On dit: Un investissement, c'est quoi? On dit: C'est calculé sur le coût d'origine, soustraction faite de la dépréciation. On ne dit pas: Oui, mais il faut que ce soit... C'est cela, le but de la réglementation, de s'assurer qu'on donne un rendement sur les investissements qui sont prudemment requis dans l'intérêt public et qui sont faits, qui sont utiles et utilisés pour les fins du service rendu.

M. Ciaccia: Alors, vous suggérez que cette réglementation qui existe maintenant, on le dise clairement dans la loi?

M. Audet (Georges): Absolument, ah oui! À mon avis, c'est vital.

M. Ciaccia: Bon, je peux regarder cela.

M. Audet (Georges): C'est absolument vital qu'on l'indique et cela ne cause pas de préjudice à qui que ce soit. Au contraire, cela reflète ce que. devrait être l'essence de la réglementation et c'est fort important, à mon avis.

M. Bourque: Juste pour vous donner un exemple d'un investissement, lorsqu'il y a eu le pipeline pour aller à Joliette, il a été présenté à la régie d'une façon rapide, avec un retour sur l'investissement en disant: Pour desservir la ville de Joliette, on va prendre deux grands clients, deux grands consommateurs de gaz. Ces deux clients-là étaient au charbon. Or, la ligne a été construite avec un pourcentage de rendement et il ne s'est jamais réalisé parce que les deux entreprises ne se sont pas branchées sur le gaz. Mais l'investissement complet est toujours dans les livres et ils ont toujours un rendement, mais la ligne n'est pas utilisée. Donc, il n'y a pas une vérification, après les faits de ce qui est dit; si le rendement n'est pas justifié, il doit y avoir une dépréciation accélérée sur cette ligne. C'est ce qu'on souligne.

M. Ciaccia: Mais là vous allez plutôt dans l'opération de la régie que dans les grands principes, parce que cela pourrait arriver même si on a l'article 5, s'il n'y a pas de suivi et si la décision est; oui, cela a été prudemment acquis et c'était utilisable., Ce genre de chose pourrait se répéter. C'est une question d'interprétation, mais je prends bonne note du fait que vous préféreriez inclure dans l'article 5 ces principes qui sont .maintenant dans la réglementation.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Roberval et critique officiel de l'Opposition.

M. Gauthier: Oui. Messieurs de l'Association des consommateurs industriels de gaz, je voudrais, tout d'abord, vous remercier pour la très haute qualité du mémoire que vous avez présenté. Manifestement, vous savez de quoi vous parlez et vous avez fait de façon très pratique une critique du projet de loi qui se veut positive, on en convient. À cet égard, nous avons lu avec intérêt le contenu de votre mémoire.

Quelques questions peut-être d'éclaircissement concernant des paroles que vous avez prononcées. Tout à l'heure, vous avez fait état de lourdeurs administratives, tout en vous excusant, évidemment, auprès de l'ancienne régie ou des membres de l'ancienne régie. J'aimerais vous entendre davantage sur cet aspect-là et surtout sur l'aspect suivant: est-ce que l'avant-projet de loi semble vous donner des garanties que les plus grands problèmes de fonctionnement que vous avez rencontrés antérieurement avec l'ancienne régie risquent d'être réglés définitivement? Si oui, j'aimerais bien que vous nous les identifiez. Sinon, quelles sont les améliorations que nous pourrions apporter ou suggérer au ministre, qui seraient susceptibles de rencontrer davantage vos préoccupations?

M. Audet (Georges): Les améliorations, effectivement, on les a indiquées dans notre mémoire. Sur la lourdeur administrative, d'abord, la tarification, c'est complexe au point de départ. Donc, il y a une certaine lourdeur qui se rattache à cela. Après, cela devient une question de style et du degré avec lequel an veut le faire. Lourdeurs administratives, cela m'embête un peu, je vais le dire bien franchement; les gens devant qui je plaide sont en arrière de moi. Alors, je ne veux pas me retrouver...

Avec le projet de loi comme tel, c'est ce qu'on a voulu faire dans une certaine mesure et, à mon avis, on manque complètement le bateau. Je le dis positivement; je ne veux pas dire cela négativement parce que je

pense que le projet de loi, comme on l'a indiqué dans notre mémoire, on l'appuie et il va dans la bonne direction.

Ce n'est pas en disant que la régie va seulement approuver des tarifs que l'on va rendre le système moins lourd. Ce n'est pas vrai. À mon avis, on va le rendre probablement plus lourd, parce qu'on va compliquer l'approche, si on veut. Si la régie n'est pas d'accord, comme je le dis, on reviendra, on reviendra et on reviendra. Cela va compliquer les choses. (12 h 15)

Où c'est lourd - et il n'y a rien, dans le fond, que l'on puisse faire avec un projet de loi pour changer cela - c'est dans l'approche de tarification qui peut être adoptée par un banc versus un autre banc, à une régie. On peut installer un système de tarification qui comporte un paquet de facteurs qui deviennent fort complexes, difficiles à suivre et qui deviennent lourds, alors qu'on peut le faire parfois avec une approche beaucoup plus simple, beaucoup plus directe, beaucoup plus à la base. Ça, c'est une question de style et je ne pense pas qu'un projet de loi puisse faire quoi que ce soit à ce niveau-là. Cela n'a rien à voir avec les principes de la réglementation; c'est une question d'approche.

C'est pour cela que j'ai beaucoup de difficulté à répondre à votre question. Je n'essaie pas de l'éviter; j'essaie simplement de dire que c'est bien difficile dans un projet de loi de venir tenter de régler une situation comme celle-là. On réglemente ou on ne réglemente pas. Si l'on veut réglementer un monopole, il faut donner les outils nécessaires à la régie pour qu'elle puisse intervenir et maintenir ce juste équilibre entre la protection de l'actionnaire, d'une part, et la protection du consommateur, d'autre part.

C'est tout ce qu'un projet de loi peut faire dans un contexte comme celui-là. C'est pour cela qu'il faut s'adresser aux grands principes plutôt qu'à la mécanique de tarification, comme telle.

M. Gauthier: À la page 13 de votre mémoire, vous dites: "La régie devrait avoir l'autorité de permettre à un consommateur de se raccorder directement au réseau de transmission dans l'éventualité où elle estime que ce soit dans l'intérêt public". Or, les arguments de Gaz Métro sont qu'une telle autorisation serait de nature à amener automatiquement des augmentations de prix pour les autres consommateurs. Comment réagissez-vous à cet argument?

M. Audet (Georges): II faut prévoir que leur argument, ça va être être de dire que c'est un empiétement sur leur droit exclusif de distribution et, dans une certaine mesure, c'est vrai. Mais, en contrepartie, je pense que ce qu'on appelle le "bypass" ou la déviation - d'abord, on ne sait pas si c'est une juridiction provinciale ou fédérale, mais assumons que c'est possiblement une juridiction provinciale - c'est peut-être le test ultime du coût du service. Je m'explique: en matière de tarification, on devrait normalement tenter de s'assurer que chacun paie en fonction de ce que cela coûte au distributeur pour rendre le service qui est de prendre le gaz et de l'amener au brûleur d'un consommateur. L'argument qui est servi par ceux qui prônent la déviation ou le "bypass", c'est de dire: Bien, écoutez, si le distributeur est capable de me desservir, moi, au prix que cela coûte, s'il me fait payer le prix que cela coûte pour me desservir, en principe, je ne devrais pas avoir intérêt à aller mettre mon propre tuyau sur le tuyau de TransCanada et à me desservir moi-même.

Alors, dans une certaine mesure, le test qu'on applique, c'est le test du coût du service. Ce qui s'est passé en Ontario, on le sait. Il y a Cyanamid qui a fait cette approche-là et je pense que l'Office national de l'énergie a été d'accord à ce qu'elle puisse se brancher directement sur le réseau TransCanada. Le problème n'est pas réglé, actuellement, c'est encore devant les tribunaux. Il y a eu des discussions, par la suite, entre le distributeur et la compagnie, où le distributeur a offert de desservir la compagnie pour un prix à peu près équivalent au prix que cela coûterait à la compagnie pour placer son propre tuyau dans la terre et aller se brancher sur TransCanada.

Alors, il y a cet aspect-là, mais il faut aussi prendre en considération l'intérêt public. C'est pour cela qu'on l'a dit dans notre mémoire: II ne faut pas penser uniquement à l'intérêt d'un usager, en particulier, mais penser aussi à l'intérêt de l'ensemble. C'est bien évident que, si quelqu'un peut se brancher directement sur le réseau, cela peut venir alourdir les coûts pour les autres. C'est sûr.

M. Gauthier: À la page 7 de votre mémoire, je vous cite, encore là: "Finalement, les consommateurs de gaz naturel paient environ 4 000 000 $ en redevances (via les distributeurs) pour défrayer le coût des opérations de la régie qui opère sur un budget d'environ 1 500 000 $. Nous estimons que ces redevances sont plus que suffisantes pour assurer le maintien de cinq régisseurs en permanence à la régie." Effectivement, on convient que 4 000 000 $ de redevances pour un coût de 1 500 000 $, ça laisse une certaine marge de manoeuvre. C'est le moins qu'on puisse dire.

J'aimerais savoir si votre association s'oppose au principe de contribuer aux coûts de la réglementation. Est-ce qu'elle s'y oppose formellement? Finalement, dans quelle

mesure croyez-vous qu'il vous appartienne de contribuer aux coûts de cette réglementation?

M. Audet (Georges): Je suis content que vous souleviez le problème parce que c'était un des éléments dont je n'avais pas eu le temps de discuter tantôt., Pour répondre plus directement à votre question et, après ça, je vais retourner un peu en arrière; comme c'est là, on s'y opposé. Je sais que nos voisins de l'Ontario ne paient pas, dans leurs tarifs, un prix, une redevance pour faire fonctionner la régie. Cependant, je pense que les distributeurs - pas les intervenants, il faut être bien précis là-dessus - ont quelque chose à payer. Je n'en suis pas certain. Ici, le système ne m'apparaît pas déraisonnable, dans le sens que si on veut prendre une portion du tarif pour faire de la réglementation, soit, mais qu'on n'en prenne pas plus. C'était ça, finalement, qu'on disait. Qu'on prenne suffisamment d'argent pour faire fonctionner la régie, mais que ça ne soit pas un pouvoir de taxation indirecte où on fait payer 4 000 000 $ de redevances aux consommateurs et, en contrepartie, ça coûte 1 500 000 $ pour faire fonctionner la régie.

Alors, ce qu'on proposait, c'est: Écoutez, si vous le faites selon ce système-là, prenez ce qui est suffisant pour la régie, assurez-vous de donner à la régie, par exemple, un budget adéquat pour qu'elle puisse fonctionner. Assurez-vous que la régie puisse faire venir des témoinsc Vous savez, une vérification, comme je le disais, c'est complexe et ce qui arrive dans le processus actuel, c'est que le distributeur fait venir ses propres témoins de New York, peu importe, en matière de tarification; ce sont des gens qui sont dispendieux. Finalement, ça, c'est replacé dans le coût du service d'une entreprise. Donc, les consommateurs payent pour les témoins de l'entreprise de distribution et, en contrepartie, la régie n'a pas de budget pour, elle, faire venir des témoins, dans le même domaine, qui pourraient peut-être apporter un son de cloche différent et qui pourraient éclairer la régie. Je pense que c'est vital qu'on puisse permettre à la nouvelle régie de fonctionner dans un contexte similaire à ce qui se fait ailleurs. Ils ont un procureur qui est actif. Ils font venir des témoins experts qui présentent un point de vue qui est possiblement différent de celui du distributeur ou ces témoins-là viennent représenter l'ensemble des consommateurs. Mais ça, ça prend de l'argent et ce que que je signalais dans notre mémoire, c'est que, bon, vous l'avez, l'argent. On le paie déjà. Utilisez-le à bon usage. Voilà.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Sinon, je vais vous demander, puisqu'il nous reste quelque cinq minutes, de conclure. M. le député de Roberval, en conclusion.

M. Gauthier: Je voudrais, tout simplement, remercier les gens de l'association, encore une fois, de la qualité de leur travail, du temps qu'ils ont pris pour venir témoigner à cette commission. Je veux les assurer que nous tiendrons compte de façon très fidèle des remarques qu'ils ont bien voulu nous transmettre dans leur mémoire et que nous tenterons de faire en sorte que le ministre produise le meilleur projet de loi possible. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Moi aussi, je voudrais remercier l'association pour son mémoire et ses commentaires. Juste pour clarifier la question des coûts, c'est vrai qu'il y a 4 000 000 $ qui sont perçus. Mais la régie perçoit 2 500 000 $ et te coût à la régie est de 1 500 000 $. Les autres 1 500 000 $ sont perçus par le ministère du Travail pour le volet sécurité. Alors, il resterait à la régie, entre le montant qu'elle perçoit et les coûts, une différence d'à peu près 1 000 000 $.

En ce qui concerne votre recommandation de fixer les prix comme en Ontario, "the power to approve and fix", on m'informe que c'est vrai qu'en Ontario on les fixe temporairement, mais on demande aux intervenants de revenir devant la régie pour l'approbation finale. Si cela rend le fonctionnement de la régie plus clair, on peut examiner la possibilité d'inclure "fixer".

Quand vous avez mentionné que vous vous opposiez à ce que elle "doit tenir compte de la concurrence" soit l'un des éléments décisionnels de la régie, l'une des objections était que cela pouvait augmenter le prix du gaz naturel, peut-être arbitrairement. Il faut lire cela avec l'autre aspect où on dit que le distributeur ne peut excéder un certain rendement et qu'on a le pouvoir de lui demander de le retourner si cela excède. Je pense que cela peut établir un certain équilibre. De toute façon, nous allons examiner attentivement les recommandations que vous nous avez faites. Comme vous, nous voulons que le projet de loi soit clair et simple, qu'il permette un bon fonctionnement de la régie, et de ceux qui vont venir devant la régie et qu'elle ait les ressources nécessaires pour accomplir son travail.

Merci encore une fois.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Messieurs, les membres de la commission de l'économie et du travail vous remercient de votre présence et vous

souhaitent un bon voyage de retour.

Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Théorêt): La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux afin de procéder à la consultation générale en ce qui a trait à l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel. J'aimerais faire part aux membres de la commission que, à la suite d'une entente entre les deux partis, il y a un changement à l'horaire pour les séances d'aujourd'hui et de demain. Ce soir, nous devions terminer nos travaux à 22 heures et nous les terminerons à 23 heures puisque nous entendrons SOQUIP de 22 heures jusqu'à 23 heures. Demain matin, nous reprenons nos travaux à 9 heures mais nous les suspendrons de 10 heures à 11 heures, selon l'entente qui est intervenue de part et d'autre, pour reprendre à 11 heures. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Concernant SOQUIP, le ministre sait qu'on est d'accord. Maintenant, serait-elle disponible un peu plus tôt, si on gagnait un peu de temps...

Le Président (M. Théorêt): On m'avise qu'elle sera ici au moins une heure avant...

M. Gauthier: Ah, d'accord.

Le Président (M. Théorêt): ...donc, il est encore possible qu'on termine à 22 heures, 22 h 15 ou 22 h 30.

M. Gauthier: C'est pour prévoir cette possibilité. Il serait plutôt fâcheux d'attendre une heure pour rien.

Le Président (M. Théorêt): On nous a confirmé qu'elle serait ici au moins une heure d'avance.

M. Gauthier: D'accord. Cela va. M. Maltais: M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Oui, monsieur.

M. Maltais: On va avoir une heure de libre demain matin. On siège de 9 heures à 10 heures et on arrête de 10 heures à 11 heures.

Le Président (M. Théorêt): Je vois que les représentants de Noranda ont pris place. J'aimerais que vous vous présentiez dans un premier temps. Vous m'avez avisé, M. Tourigny, que M. Smith ne fera la présentation qu'en anglais.

Filiales de Noranda

M. Tourigny (Pierre): Effectivement, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Je vous fais part que certains députés et membres de la commission ne comprennent pas l'anglais et, de ce fait, ils vont travailler avec le texte français du mémoire que vous avez déposé. Les questions vous seront posées en français, pour ceux qui veulent le faire en français.

M. Tourigny: Certainement, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): S'il vous plaît, voulez-vous faire la présentation et commencer votre exposé?

M. Tourigny: II me fait plaisir... Je suis Pierre Tourigny, du bureau Langlois, Trudeau, Tourigny, de Montréal. Nos clients sont ici représentés aujourd'hui par M. Dean Smith, vice-président de Brenda Marketing, et par M. Pierre Gravel, gérant général au Québec de la même compagnie. M. Smith commencera par l'exposé.

Le Président (M. Théorêt): So, Mr.

Smith, I would like to remind you that you will have 20 minutes maximum to do your exposure and then the remaining time will be split between the two Parties.

M. Smith (Dean): Thank you very much. I appreciate the opportunity and I will try to be brief. What I thought I might do is to give you a very brief background as to what we perceive the regulatory arrangements of the Régie, the regulatory Board, if you will, should be, and a brief summary of our concerns with the present legislation as we understand it.

In October 1985, there was an agreement between the producing provinces and the Federal Government, Agreement on Natural Gas Markets and Prices, which set in motion the wheels of deregulation. Although Québec is not a signatory to this agreement, we understand, from Western Canada, that the Québec Parliament was advised of the contents of that agreement and certainly there is no question that Québec would be a major benefactor of the deregulatory process for natural gas.

The key components of that deregulation process, if you will, will enable a competitive environment for natural gas to occur here in Québec. Firstly, the buyers and the sellers must have full and complete access to each other. They must be able to

negotiate price, volume, etc.

Secondly, it is our belief that an open transportation system must be available such that buyers and sellers can give access the commodity of natural gas to each other.

Thirdly, and perhaps it is not of lesser importance, it is the fact that Government would in fact not interfere in the pricing provisions and volume of those sales.

Brenda Marketing and Noranda which we are representing as well today - Ï should perhaps give you some background here -Brenda Marketing, Brenda Mines, Oil and Gas is an affiliate of Noranda. Noranda itself represents many of the manufacturing institutions here in the province of Québec. I believe it is the third largest employer here with some 8000 and plus people on its payroll,.

It is terribly important that Noranda obviously then keep its costs at the absolute minimum. It includes the cost of production as well as the cost of energy. Noranda is a major user of energy here in Québec and, of course, it has to compete with Ontario manufacturers; it has to compete in the international market place. With free-trade potentially around the corner, costs become even much more of greater concern to Noranda.

Presently, it is our understanding that the gas cost in Québec, that is not the commodity cost of the actual gas, but the transportation function of gas, is anywhere from 20 % to 25 % higher here than it is in other areas of the country, specifically Ontario,,

Noranda, as well as Brenda, believes that a strong and decisive board with the appropriate resources will ensure an acceptable level of service, an acceptable level of transportation and, to a lesser extent, an acceptable level of rate of return for any monopoly which controls the transportation of any commodity, that being natural gas here in the province of Québec.

Brenda is an affiliate of Noranda, as I mentioned earlier, who is a producer of natural gas and a marketer of natural gas, indeed one of the major marketers on a direct sale basis of natural gas in the Eastern Canada. Brenda, presently, supplies in excess of 30 industrial plants in Québec and in Ontario; we are producing and directly selling just less than 100 000 000 cubic feet of natural gas per day. Of those 30 plus plants, we have only 6 sales in the province of Québec. We are - it is my understanding - the largest direct seller in Québec.

Brenda is a strong believer in the regulatory boards, that is to say the "régies", the Energy Boards, etc., having appropriate staffs and the appropriate jurisdiction to implement deregulation and the development, thereafter, of the appropriate environment for a monopoly regulation which provides the best possible service to Québecers.

A strong "régie"? we submit, would be composed of experts, which is absolutely essential if Québec wishes to enjoy the benefits of deregulation. When I say a group of experts, I am referring to people who have had substantial amount of experience in the regulation of monopolies and understanding how those monopolies work, how the distribution function works, etc Financial resources which are required by these boards or "régies", if you will, have to be allocated through technical, financial, economics and the use of perhaps outside expertise to develop an overall format which will provide a greater degree of deregulation, hopefully in the future, here in Québec.

The summary of concerns. We, first of all, submit that certain definitional problems should be eliminated, which may disallow producers or brokers, if you will, from operating in Québec; that is to say: plant gate sales must be made available to end-users; a distributor should be required to provide service to end-users and to brokers, and providing the distributor and the Régie the discretion to curtail service due to impairing profitability and efficiency is completely unacceptable as far as we are concerned.

The Régie should review, in a public forum, all complaints by a distributor indicating such impairment, and those concerns must be substantial in nature before any service under a regulated toll would be changed or, in facts, curtailed.

Another component is the Régie should have under its jurisduction what we call Competitive Marketing Programs or CMPs. They should, like all other matters which are reflected in the tolls, be reviewable by the Régie to ensure that the same are being distributed by the distributors in a non discriminatory fashion. We submit that these discounts or pools of funds, as you will, should be provided on a common stream basis, so that all Québecers can enjoy equally, without discrimination, the benefits of these big discount pools. (14 h 15)

During this time of deregulation, we submit that there should be an increase of the responsibilities and, in fact, of the jurisdictions of the Régie. In order to meet the demands upcoming in the deregulatory process, such as unbounding of rates and things of that nature, determination of rate of return, engineering functions, the financial and technical services side, the expansion of any existing or potentially new facilities, etc., it is imperative that the Régie had the manpower firstly; secondly, the financial resources in which to make expert, I quote expert, decisions. These decisions would provide the greatest benefit to the public of

Québec. The Régie should be expanded to at least five members with a quorum of three members sitting in anyone particular hearing, each member to have one vote. The Régie or, in fact, experts will discipline themselves such as they are experts and as such they should be charged with the responsibility of providing decisions on all aspects of regulatory affairs, here, in Québec. We are prepared to it. For example, Brenda and Noranda will be prepared to pay an additional cost of service if required to finance this type of expansion to the Régie. To do that, you have a number of different methods; one of which, of course, is the cost of service component. It is just an incremental cost to transport the commodity through the sytem of the distributor.

Additionally, we have submitted the producers and brokers, if you will, who actually own the gas to the plant gate, that is to say from the well head down to the plant gate in Québec, be given a legal status by definition or otherwise. For end-users, one to buy gas like any other commodity, and therefore the provisions should be made for marketers to be defined with a legal status, if you will, within the legislation and a requirement, therefore, for service by the distributor for these marketers. It has become abundantly clear, as we have been involved in gas marketing over the past couple of years, that end-users want to buy the commodity of gas at your plant gate; they are not interested in becoming experts in a transporting function. Indeed, it is a very complex function. They will like to buy and sell their commodity at plant gate like they do in any other commodity. We have submitted the decisions made by the Régie should however be subject to an appeal mechanism; that is to say, specifically points of law, which my colleague, Mr. Tourigny, will address in a few moments; they should be adressed to a different level, if you will. Additionally, we have submitted to the Government guidelines which are reasonable and which can be expected, should be, in fact, in place. However, those guidelines should be published, they should be reviewed in a public forum where all the constituents, if you will, of the affected industry have the opportunity to advise, to present their positions in a forum, such as this one we have here today, I think, is appropriate.

In summary, we would submit that is very important that this bill reflects a new market place for energy in Québec. A legal status for producers and brokers must be provided. The overall responsibility for all toll matters including systems of rebates such as CMPs should be provided to the Régie. The expansion of the Régie staff, we think it is critical and the board members being increased to the level af five must be done to allow experts to review the distribution and the developpment of a competitive environment, here in the province of Québec.

Next, we will have Mr. Tourigny, review the actual specific bill considerations that we submit for your consideration.

Le Président (M. Théorêt): Thank you, Mr. Smith. We will understand that some of the questions will be addressed to some of your colleagues in French as some of the members do express themselves in French instead of English.

Il vous reste neuf minutes, monsieur, pour compléter l'exposé.

M. Tourigny: Parmi les recommandations qui ont trait à la rédaction législative, la première, je crois, qu'il nous faut mentionner est celle du problème que M. Smith a mentionné, de la définition même de l'entreprise de gaz que l'on retrouve à plusieurs articles. Évidemment, d'abord à l'article 2 et ensuite aux articles 9, 10 et 17. Il nous faut ouvrir le marché du Québec et pour qu'un marché existe vraiment il faut que le plus grand nombre possible de vendeurs rencontrent le plus grand nombre possible d'acheteurs. Il est très important que la personne, nommément le distributeur, qui détient présentement un monopole physique sur l'acheminement du gaz dans la province de Québec se voie enlever d'une certaine façon la fonction vente ou, à tout le moins, que la fonction vente soit bien divisée et qu'elle soit complètement séparée de la fonction d'acheminement ou de distribution. La définition de distributeur a bien voulu faire ressortir cette différence. On voit que le distributeur est mentionné comme étant une personne qui a un droit exclusif d'exploiter un réseau de distribution. Cependant, lorsqu'on va au réseau de distribution, on voit que c'est l'ensemble des conduits, outillages destinés à la fourniture, au transport et à la livraison du gaz naturel.

De la même façon, si on recherche plus loin aux articles 9 et 10, l'article 9 prohibe à qui que ce soit qui n'est pas détenteur d'un droit exclusif d'exploiter un réseau de distribution. Souvenons-nous qu'un réseau de distribution comprend le mot "fournir". L'article 10 traite à peu près de la même chose. Ensuite, à l'article 17, on dit que "le droit exclusif d'exploiter un réseau de distribution confère à son titulaire - c'est-à-dire le distributeur - sur le territoire où II porte, le droit de fournir, transporter et livrer, à l'exclusion de toute autre personne..."

Le premier problème est évidemment le mot "fournir". Le mot "fournir" est très large dans son acception et peut être interprété comme couvrant également la vente. À notre avis, si l'on veut que les acheteurs et les vendeurs puissent se

rencontrer, il faudrait que d'autres personnes puissent fournir le gaz dans le sens de le vendre, de rendre le produit du gaz disponible à quiconque au Québec veut en faire l'achat autrement qu'en passant par le monopole autorisé.

En corollaire, il est évident que si on veut ouvrir le marché il faut donc que d'autres personnes que le distributeur exclusif puissent venir faire des ventes, avoir une force de vente, pressentir les gens et signer des contrats de vente de gaz. On sait qu'éventuellement... Même présentement, il existe, tant sur le pipeline ou le gazoduc de TransCanada que dans la province de Québec, des taux qui prévoient la livraison pure et simple du produit de gaz naturel. En conséquence, il faudrait donner aux courtiers comme Brenda, par exemple, le pouvoir de venir faire des ventes dans la province de Québec. C'est à cette fin que nous avons recommandé, et vous le trouvez à la page 11 de notre mémoire, une série d'amendements ou d'ajouts à l'avant-projet de loi tel que préparé.

J'attire également l'attention des membres de la commission parlementaire sur l'annexe 1 de notre mémoire où on voit, du côté gauche, les dispositions de l'avant-projet telles qu'elles existent présentement et, du côté droit, les amendements que nous voudrions voir adopter dans ce projet de loi.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Tourigny. Je cède maintenant la parole au ministre. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier les représentants de la compagnie Noranda ou Brenda Marketing pour leur mémoire et les recommandations qu'ils portent à notre attention. Je voudrais vous poser quelques questions. Premièrement, sur les amendements que vous avez suggérés. Dans votre mémoire, on suggère le retranchement du mot "supply", ou "fournir", à l'article 17...

M. Tourigny: Oui, fournir...

M. Ciaccia: Cette section vise particulièrement les droits et obligations du distributeur. Il prévoit que le droit exclusif d'exploiter a certaines conséquences.

M. Tourigny: Oui.

M. Ciaccia: Ne croyez-vous pas que le distributeur doive assumer un rôle dans la vente du gaz, notamment en vue de satisfaire les besoins d'une clientèle captive, tels les marchés résidentiel, commercial et institutionnel? Si vous enlevez le mot "fournir" de l'article 17, je pense qu'il y aura une sérieuse lacune.

M. Tourigny: Je crois que le problème, quant à nous, provient de l'association du mot "fournir" aux mots "droit exclusif" qui arrivent au tout début de l'article 17. Je crois qu'effectivement il est important que le distributeur puisse, lui aussi, garder le droit de vendre du gaz. Cependant, tel que l'article est rédigé présentement, notre crainte, c'est que l'association se fasse entre le droit de fournir et le droit exclusif d'exploiter un réseau de distribution, lequel réseau de distribution est lui-même défini comme étant les appareils nécessaires à fournir le gaz.

On se retrouve un peu dans la position où nous sommes présentement, où la loi prévoit ceci à l'article 1 dans la définition d"'entreprise de gaz", et je cite - c'est l'article 1, paragraphe b; "lorsque ce mot désigne une entreprise de gaz: une entreprise de vente, d'emmagasinage, de transport ou de distribution de gaz dans le Québec."

Vous avez parfaitement raison, M. le ministre et ce n'est pas notre intention de priver le distributeur ou de lui enlever complètement toute fonction de vente. Cependant, nous soulignons le danger de lui donner un droit exclusif sur le territoire où porte ce droit exclusif, le droit de fournir... Je crois qu'il l'a, en fait, comme n'importe qui.

M. Ciaccia: Mais vos craintes qu'un courtier... Je présume que ce sont vos craintes qu'il ne puisse effectuer des ventes sur le marché québécois. Est-ce que cette crainte ne disparaîtrait pas si, au lieu d'amender l'article 17, on amendait l'article 2, la définition de "réseau de distribution", en éliminant le mot "fournir" dans l'article 2? Autrement dit...

M. Tourigny: Évidemment, c'est une de nos suggestions, d'ailleurs, M. le ministre. Je pense qu'en amendant la définition de "réseau de distribution", on élimine certainement une partie du problème. Néanmoins, je ne suis pas convaincu personnellement, je n'ai pas la conviction morale qu'une cour n'en viendrait pas à cette conclusion à cause de l'article 17 qui confère le droit exclusif, justement.

M. Ciaccia: Vous voudriez enlever le mot "fournir" dans l'article 17 et le remplacer par "vendre"? Vous ne voulez pas...

M. Tourigny: Non, enlever justement le mot "fournir".

M. Ciaccia: Complètement et ne pas le remplacer par quoi que ce soit.

M. Tourigny: Complètement.

M. Ciaccia: On va examiner cela, mais

je pense qu'il y aurait une lacune. Mais, en tout cas, on va examiner cela.

M. Tourigny: On pourrait l'ajouter dans un article ailleurs. Mais, encore une fois, ce qui nous fait peur, M. le ministre, c'est l'association du droit exclusif et du mot "fournir".

M. Ciaccia: Vous suggérez un amendement à l'article 22, au deuxième paragraphe, afin d'y inclure - je lis le texte anglais: "or broker requesting it". En français, vous avez dit: à la demande du courtier?

M. Tourigny: Oui.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous souhaitez en tant que courtier avoir accès à un service de transport sur le réseau de distribution, lequel n'est actuellement disponible qu'aux consommateurs. Pourriez-vous expliciter les avantages que les consommateurs québécois retireraient par un élargissement de l'accès au service de transport sur le réseau de distribution pour les courtiers?

M. Tourigny: Avec votre permission, M. le ministre, je crois que M. Smith serait beaucoup plus éloquent que moi dans ce domaine. Je vais lui traduire la question, si vous me le permettez, afin qu'il y réponde.

M. Ciaccia: What would the advantages be for the Québec consumer if we would enlarge the access to the transport gas to the brokers?

M. Smith: First of all, if we step back and look at a simplified administrative function, the marketer would have the opportunity to provide all of the transportation service on the inner provincial as well as the producing province transportation systems. Then, once you enter the province of consumption, it would hold the transportation system there. So, ultimately, the end-user would only be required to, administratively, execute one agreement; the marketer, if you will, would have the responsability of meeting all the terms and conditions of all other agreements. (14 h 30)

Secondly, there are inherent benefits, within the distribution system, where a marketer can group together a number of end-users. That is simply referred to as complementary load balancing where you use different end-users accommodate each other loads. The other obvious benefit, of course, is that there would be a reduction or a potential for a reduction in the transportation cost to that end-user the grouping mechanism, that is to say, by putting several consumers together, they would have a greater buying power in the province of gas origin because of their volumetric level.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, la conclusion est que cela pourrait réduire le coût au consommateur.

M. Tourigny: Effectivement.

M. Ciaccia: It would effectively reduce the cost to the consumer.

M. Smith: Yes.

M. Ciaccia: That is the bottom-line of your explanation.

M. Smith: As well as we hope to increase the level of service.

M. Ciaccia: Lorsqu'une demande est présentée par le distributeur en vertu de l'article 22, croyez-vous que la décision de la régie devrait être prise en fonction de l'intérêt public? Et est-ce que, par définition, l'intérêt public déborde les seules et uniques conséquences financières que pourrait subir un distributeur en vertu de l'obligation qui lui est faite à l'article 22? Si je vois votre proposition d'amendement à l'article 22, vous faites référence à "undue financial hardship".

M. Smith: There is no question, the Régie, in determining the activities of the distributor, clearly makes decisions that are in the public interest. The impairment or undue financial hardship, I would suggest to you, are something that can be equated to the public interest, that is to say that, if the distributor suffers undue financial hardship, then clearly the benefit to the public has been reduced. Conversely, if the benefit to the public is increased and along with it come some financial setbacks, if you will, for the distributor, then the public interest, I would suggest, would take precedence.

M. Ciaccia: À la page 11 de votre mémoire, vous dites: "In our view, the distributor, as a monopoly, should be required to justify that its purchases are in the public interest before being made part of the rate base". Est-ce que vous suggérez que, pour tout investissement, le distributeur doit justifier que ses achats sont dans l'intérêt public avant qu'ils ne fassent partie de la base pour fixer les tarifs? Est-ce que vous suggérez que tout investissement fait par le distributeur soit préalablement autorisé dans le cadre d'une audience publique?

M. Tourigny: Votre question est?

M. Ciaccia: Ma question: Est-ce que vous suggérez que tout investissement fait par le distributeur soit préalablement autorisé dans le cadre d'une audience publique? In other words, must all investments made by the distributor be authorized, prior to the investment being made, in a public hearing or after a public hearing?

M. Smith: Well, our recommendation clearly is that, at any investments made with respect to expansion of facilities, anything that would have an effect on the toll or on the toll methodology within the distribution sytem clearly should be reviewed by certainly the affected parties, if you will, the public.

M. Ciaccia: It would be when? Prior to the investment being made or can it be reviewed afterwards?

M. Smith: Our recommendation is that it be done on a proactive basis, that it be done prior to any such investment being made.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a certains investissements ou un seuil ou un montant ou un investissement qui pourraient être autorisés par la régie sans qu'une audience soit nécessaire? Auriez-vous quelques commentaires à ce sujet?

M. Smith: Well, certainly that is an alternative method that would provide some flexibility to the distributor and, I guess, the quantity or level is something that the legislation and perhaps the Régie, in a relatively open forum, would come to some conclusion on. I have not given any consideration to any sort of level of expenditure.

M. Ciaccia: That could be a formula, quantitate levels and afterwards it will be a public hearing prior to the expenditure.

M. Smith: That is probably a reasonably convenient formula to provide the distributor with some level of flexibility.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Roberval et critique officiel de l'Opposition. M. le député.

M. Gauthier: Oui, M. le Président. Malheureusement, le texte français du mémoire nous a été déposé à 11 h 15 seulement ce matin. Par manque de ressources, cela a empêché l'Opposition de pouvoir jouer son rôle et d'accorder toute l'importance et tout l'intérêt qu'elle aurait dû accorder à ce mémoire qui, bien sûr, a un contenu assez appréciable. Compte tenu de la nécessité qu'on a de bien maîtriser la langue de Shakespeare pour comprendre toutes les subtilités techniques qu'il y a dans ce type de mémoire, je dois vous dire qu'il ne nous a pas été possible de faire le travail qu'on aurait dû faire. Cependant, je poserai mes questions en français, évidemment, et je m'attends à une réponse en français.

À la page 7 de votre mémoire, j'ai compris avec difficulté, pour la lecture que j'ai pu en faire, votre opposition concernant les programmes de commercialisation sur les marchés concurrentiels. D'abord, a priori vous écartez ce genre de programme. Il ne devrait pas y avoir - je comprends que c'est votre position - de ce type de programme susceptible, je pense, c'est l'interprétation que j'en fais, vous me corrigerez si ce n'est pas exact, de faire en sorte que les petits consommateurs payent en quelque sorte pour des programmes susceptibles d'intéresser des gros consommateurs. Un peu plus loin vous dites: "Si ces programmes sont tolérés -c'est le deuxième paragraphe de cet élément dans la version française - ils doivent à tout le moins être soumis à la régie." Moi, j'aimerais savoir en quoi la régie pourrait porter des jugements sur ces programmes ou comment, du fait que ces programmes soient soumis à la régie, cela crée moins de problèmes pour ce que vous énonciez plus haut.

M. Tourigny: Je crois que la réponse à cela est la suivantes Les CMP en ce qu'ils ont d'occulte, c'est un mot peut-être trop fort pour l'idée que je veux exprimer, peuvent mettre certains consommateurs dans une position ou peuvent placer les gens qui ont le monopole de ta distribution dans une position où, parce que finalement personne ne regarde jamais le quantum de ces réductions, on peut faire une concurrence déloyale. Laissez-moi vous expliquer. Par exemple, supposons qu'un groupe de producteurs décident de mettre un montant quelconque, un pourcentage établissons-le à 40 % du prix officiel du gaz qui, dans la province de Québec, est de 2,48 $ à peu près... Si on met 1 $, par exemple, sur 2,48 $ dans un fonds, il s'agit non pas d'une distribution égale à tous les consommateurs québécois mais bien dans un fonds que quelqu'un, et le plus souvent c'est le distributeur lui-même... La personne qui a le monopole peut aller verser, autrement dit concentrer ce fonds-là sur la tête de quelques personnes. On sait qu'on veut un marché ouvert; or, le marché ouvert a une limite réelle qui est le prix du gaz à la frontière de l'Alberta. Aucun vendeur de gaz ne pourrait normalement être capable de vendre du gaz au Québec à un prix inférieur des prix à la frontière de l'Alberta, plus les frais de transport qui, eux, sont fixes et

établis par des régies ou des offices nationaux de l'énergie, etc. Si on continue par un système occulte, en fait un système sans vérification, il se peut que, systématiquement, quelqu'un ou enfin les gens qui y ont intérêt concentrent, pour prendre le marché, ces fonds qui sont généralement assez élevés. En en faisant bénéficier quelques-uns, ils se trouveraient, ces gens, ces consommateurs qui sont le plus souvent de grands consommateurs industriels, à déjouer toute concurrence puisqu'ils peuvent concentrer leurs fonds sur la tête de quelques personnes. Quel est l'effet de cela à long terme? À notre avis, l'effet à long terme est tout simplement de repousser toute concurrence réelle et, éventuellement, très peu de gens iront acheter du gaz directement parce qu'ils auront bénéficié de ces concentrations d'escompte, si vous voulez.

Ce que nous disons, c'est que, si le Parlement ou l'Assemblée nationale décide qu'il faut les garder, on doit les soumettre à la régie et celle-ci sera en mesure - parce qu'elle connaît les taux tant ici dans la province de Québec que ceux de TransCanada PipeLines, etc., elle connaît également les prix minimums à la frontière de l'Alberta -à tout le moins de savoir si on est en train de bloquer toute la concurrence, et il ne faut pas déjouer la concurrence libre. Je crois que c'est la principale préoccupation et non pas la seule. Donc, la régie pourrait s'assurer, par ce système, qu'elle est en train de promouvoir un marché et non pas, à moyen ou à long terme, de l'éliminer ou d'empêcher toute concurrence.

M. Gauthier: Merci, il y a un autre aspect que j'aimerais soulever et qui a attiré mon attention dans cette lecture rapide, c'est la question des tribunaux d'appel. Vous faites un lien dans votre mémoire, en tout cas vous semblez faire un lien entre le nombre peu élevé de régisseurs à l'éventuelle régie et le fait que cela deviendra encore plus important d'être en mesure de faire appel. Je vous pose une question assez précise là-dessus. Je comprends le lien que vous pouvez faire - mais une éventuelle possibilité de faire appel à la régie même, comme cela existe quelquefois dans certaines régies gouvernementales ou certaines commissions, par un mécanisme inclus dans le fonctionnement de la régie, cela vous semblerait-il une protection acceptable?

M. Tourigny: Je dois avouer que je vois un peu mal comment une régie qui a un nombre limité de régisseurs pourrait, en somme, défaire ou rendre une décision contraire au raisonnement sur lequel elle s'est appuyée.

M. Gauthier: Pour vous donner plus d'explications sur ma question, dans le domaine des jugements rendus, appelons cela comme cela, pour la protection des terres agricoles, par exemple, on sait que la commission a un mécanisme à l'interne qui est celui de faire réévaluer un cas par des personnes différentes et dans un autre contexte. C'est un mécanisme qui semble donner satisfaction. Je me demandais, mutatis mutandis, les choses pouvant être ajustées en conséquence, si cela pouvait être suffisant. C'est dans ce sens-là que...

M. Tourigny: Honnêtement, nous ne croyons pas, non. Nous préférerions voir une cour de justice régler ces problèmes de droit.

M. Gauthier: D'accord. Vous parlez d'une cour de justice, mais il y a une préoccupation qu'on me soulève et que j'ai: Est-ce que les cours de justice, malgré tout le respect que je leur dois, possèdent, à votre avis, compte tenu du caractère très spécialisé des décisions rendues, les éléments ou l'expertise nécessaires pour rendre un jugement éclairé là-dedans? C'est quand même un domaine extrêmement technique et j'ai une inquiétude à ce niveau.

M. Tourigny: Je porte à votre attention M. le député, qu'effectivement il ne s'agit d'appels que pour des questions de droit. Quelles seraient les questions de droit à ce moment-là? L'interprétation législative, d'une part, pour laquelle, les cours sont très bien équipées, je crois. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un droit d'appel à chaque fois que quelqu'un n'est pas content du taux pour telle quantité, à tel endroit. Non, certainement pas. D'ailleurs, cela reste dans les amendements que nous avons soumis. Il ne s'agit que d'un appel pour des questions, évidemment, de juridictions... Remarquez que, de toute façon, on pourrait dire que cela existe mais c'est toujours mieux, à notre avis, quand on a un système prévu dans la loi, plutôt que de faire confiance aux fameux brefs d'évocation qui sont aléatoires et qui sont de moins en moins efficaces, moins qu'ils ont déjà été.

Sur des questions de droit et sur une question de juridiction de la régie, je crois que les cours sont particulièrement bien équipées pour répondre à cette demande.

M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le ministre?

M. Ciaccia: Non, merci.

Le Président (M. Théorêt): Avant la

conclusion? Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part des membres de la commission?

M. Ciaccia: Une remarque, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: À l'article 63, si je vous comprends bien, vous avez parlé du droit du gouvernement de donner des orientations générales. Si je vous comprends bien, vous mentionnez dans votre mémoire que si ce pouvoir doit exister il devrait, à tout le moins, être tempéré par l'obligation de publication des règlements et directives proposés et de consultation auprès de l'industrie et des autres intéressés, y compris la régie.

M. Smith: The rational behind, why we would like to examine those types of guidelines, it is simply because we perceive that all of the constituents, if you will, within the industry should have an opportunity to supply the parliamentary committee with the opportunity to see what our views are. That is as producers, as shippers and as end-users. Each constituent party is obviously going to have its own vested interest but, hopefully, when taken in total, the most appropriate set of guidelines will come forth. Clearly, the Régie has to act according to a set of guidelines and it is going to act in terms of its toll-making methodology subject to a public forum, wherein everybody does have the opportunity to intervene as interested parties and present their position on the matter that...

It would seem to us that it would be appropriate that, if the committee was about to set guidelines, it too would like to use a forum, like this one, to sollicite the opinions of all of the different players in the industry.

M. Ciaccia: Je trouve que c'est une recommandation positive et que cela met des balises et des restrictions pour un gouvernement qui doit et qui voudrait agir dans les orientations et que ces orientations soient conformes au consensus du milieu.

M. Tourigny: Oui et aux conditions du marché. Exactement. Tel que vu par les gens qui sont impliqués.

M. Ciaccia: It is a positive recommendation.

M. Tourigny: Exactement.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval, vos conclusions.

M. Gauthier: Oui, M. le Président. Je voudrais simplement remercier nos invités pour la présentation qu'ils nous ont faite et leur exprimer à nouveau le voeu que, peut-être dans l'avenir, les traductions françaises nous parviennent un peu plus tôt afin qu'on puisse faire notre travail d'Opposition comme il se doit, étant donné qu'on n'a pas, dans ce Parlement, les services de traduction qui ont cours à Ottawa, Vous comprendrez qu'il faut être extrêmement familiers avec la langue anglaise pour être capable d'en faire une interprétation juste et raisonnable. J'exprime ce voeu en terminant. Je vous remercie donc de votre présentation et des explications que vous avez bien consenti à nous donner.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux vous remercier pour votre mémoire. En ce qui concerne le droit d'appel, je voudrais seulement attirer votre attention sur l'article 54. Il y a effectivement un droit d'appel sur une question de compétence de la régie et non sur tous les autres éléments de droit dont vous avez parlé. Ils sont spécifiquement exclus.

M. Tourigny: Je réitère ce que je disais tout à l'heure. Actuellement, les recours extraordinaires et, en particulier, l'évocation, ma perception c'est que c'est en train d'être battu en brèche. Je comprends que c'est explicitement donné. C'est ce que nous... On n'est pas contre cela du tout mais on croit qu'on devrait aller aussi aux questions de droit.

M. Ciaccia: Alors, je veux vous remercier pour votre mémoire. Nous allons certainement en tenir compte et étudier les recommandations que vous avez apportées à notre attention.

Le Président (M. Théorêt): Mr. Smith, I know that you are a long way from home, so we thank you for being here.

M. Tourigny et M. Gravel, merci, et nous vous souhaitons bon voyage de retour.

Nous supendons les travaux pour trois minutes, pour une pause-santé.

(Suspension de la séance à 14 h 51)

(Reprise à 14 h 57)

Association des industries forestières du Québec

Le Président (M. Théorêt): La commission de l'économie et du travail

reprend ses travaux et nous recevons les représentants de l'Association des industries forestières du Québec. J'imagine, M. Dufresne, que vous allez nous présenter votre collègue... M. Duchesne ou M. Dufresne?

Une Voix: Duchesne.

Le Président (M. Théorêt): Ah bon! Alors, messieurs, voulez-vous, s'il vous plaît, vous présenter, en vous rappelant que vous avez un maximum de 20 minutes pour faire votre présentation?

M. Duchesne (André): Mon nom est André Duchesne, je suis président et directeur-général de l'Association des industries forestières du Québec. En principe, j'ai avec moi, cet après-midi -quand il va arriver, il va s'asseoir là - M. Guy Dufresne, le premier vice-président, groupe pâtes et papiers Amérique du Nord de la compagnie Consolidated Bathurst inc., et qui est déjà rendu. J'ai M. Raoul Buser, vice-président, technologie et développement, Domtar.

M. le Président, l'Association des industries forestières, vous le savez, est un peu une habituée de cette commission, mais vous me permettrez quand même d'en parler pendant quelques instants. Depuis 1924 que l'AIFQ représente le secteur papetier au Québec, elle regroupe aujourd'hui 29 entreprises forestières qui représentent la presque totalité de la capacité de production en pâtes et papiers et le quart de la capacité de production en sciage. Vous savez que ce sont des activités qui consomment de grandes quantités d'énergie que la récolte et la transformation de la matière ligneuse. Dans son ensemble, l'industrie forestière québécoise a utilisé, en 1986, environ 124 000 térajoules d'énergie, dont 70 % d'électricité. Le gaz naturel, lui, n'est que notre troisième source d'énergie pour l'instant, mais sa consommation croît rapidement. En effet, en 1980, le gaz naturel ne constituait que 3 % de l'énergie totale achetée par l'industrie forestière; il compte aujourd'hui pour 11,5 %. Dans la même période, la consommation totale de gaz naturel a augmenté au Québec d'environ 70 %, alors qu'elle a quadruplé dans les usines de pâtes et papiers seulement. Ce n'est donc pas surprenant que ce soit cette industrie qui ait présenté le plus fort taux d'augmentation de la consommation depuis 1980. En 1986, c'était 14 170 térajoules ou 375 000 000 de mètres cubes que notre industrie a consommés, ce qui correspond à 7,5 % de toute la consommation québécoise. Incidemment, il y a le programme d'énergie excédentaire d'Hydro-Québec qui est censé prendre fin en novembre 1988. Si tel était le cas, - et cela fera l'objet d'autres représentations, M. le ministre - il faudrait prévoir un impact significatif sur la consommation de gaz naturel par l'industrie papetière. L'industrie devrait alors remplacer l'électricité du programme d'énergie excédentaire, qui représente plus de 9 000 000 de mégawattheures par an, et le gaz naturel pourrait, selon nos prévisions, absorber environ la moitié de ce marché.

Vous voyez donc l'intérêt des membres de l'AlFQ pour l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel. Le prix du gaz naturel et de son transport constitue toujours pour nous un élément important à considérer lors de la planification budgétaire d'un projet de construction d'usine ou d'expansion. Cette importance est encore accrue par la conjoncture actuelle qui suscite plusieurs projets de conversion à la nouvelle forme d'énergie. On pense donc que l'industrie papetière pourrait doubler sa consommation de gaz naturel d'ici à quelques années.

L'industrie forestière québécoise, de son côté, ne jouit d'aucune façon d'un marché protégé. Son principal produit, le papier journal, est vendu dans un marché international hautement concurrentiel où l'offre et la demande et non les coûts de production sont les facteurs qui fixent les prix. Cela prévaut pour toute la production de pâtes et papiers et la production de sciage au Québec. Les expéditions atteignaient une valeur d'environ 6 000 000 000 $ en 1986, soit 10 % de la valeur totale des expéditions manufacturières. Il y a un peu plus de 10 % de cette valeur qui est le coût de l'énergie utilisée par l'industrie.

Nos ventes sur le marché des exportations atteignent, dans le secteur des pâtes et papiers, au-delà de 4 500 000 000 $ et représentent 23 % de toutes les exportations québécoises. Si 1986 et 1987 sont, sans contredit, de bonnes années, elles ne doivent pas faire oublier que le taux de rendement du secteur papetier, à long terme, n'atteint même pas 10 %, ce qui est plusieurs points de pourcentage inférieurs à nos concurrents américains.

En contrepartie, il semble bien que les entreprises qui oeuvrent dans le secteur du gaz naturel jouissent d'un taux de rendement garanti de 10 % à 15 % et que cela n'a pas trop de relation avec les conditions du marché ou la qualité de leur gestion. Or, nous croyons que la nouvelle Régie du gaz naturel doit être en mesure de protéger non seulement le petit consommateur, mais aussi les consommateurs industriels contre l'exercice de ce pouvoir monopolistique de la part des fournisseurs de gaz naturel. Il importe de souligner, à notre avis, que l'actuelle Régie de l'électricité et du gaz n'a pas tout à fait réussi à faire cela. On a vécu des hausses de prix exorbitantes, des tarifs rétroactifs, souvent complexes au point d'être incompréhensibles.

Alors, les membres de l'AIFQ estiment donc particulièrement important - cela constitue nos recommandations, M. le Président - que la régie dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour régir de façon juste et équitable la tarification du gaz naturel. De plus, la régie doit avoir une vision plus globale qui tienne compte de la conjoncture économique où opèrent les industries québécoises, ainsi que de leur compétitivité.

Enfin, la régie doit s'assurer que les taux soient bien adaptés aux besoins de chaque catégorie d'usagers et que les industries concernées aient toujours la possibilité, selon une procédure simple et efficace, de lui faire connaître leurs points de vue, particulièrement en matière de tarification. Dans tous les cas, les tarifs d'une année devraient être connus dès l'automne précédent pour permettre une planification budgétaire par l'entreprise consommatrice et, dans la même veine, une prévision à moyen terme de la variation des tarifs serait d'un grand intérêt pour l'analyse de la rentabilité des projets d'investissement.

Au-delà de ces recommandations, les membres de l'AIFQ ont cru utile de faire quelques commentaires sur certains des articles de l'avant-projet de loi. Concernant les articles 4 et 48 qui parlent du rendement des entreprises distributrices, nous croyons que la loi devrait se référer expressément à la qualité des investissements et de la gestion d'un distributeur comme critère à considérer lors d'une demande d'approbation de tarifs à la régie. L'AIFQ est consciente qu'une telle évaluation... Mais cela ne se fait pas sans difficulté. Par contre, une référence expresse à ces critères ouvre la porte aux intervenants qui voudraient formuler des commentaires utiles à ce sujet, particulièrement en matière de révocation d'octrois exclusifs ou, encore, lors de la détermination d'un rendement raisonnable dans le cadre d'une conjoncture économique particulière.

Au sujet de l'article 8 qui traite de tarifs, il nous semble difficile d'interpréter cet article, en particulier quand on tente de le concilier avec l'article 23. Ce dernier article semble autoriser la négociation d'un prix inférieur à celui approuvé par la régie, alors que l'article 8, plus général, semble interdire toute variation, même à la baisse et même après entente entre le fournisseur et le consommateur.

L'article 10, au sujet des droits exclusifs. Il nous semble que les conditions d'octroi d'un droit exclusif devraient être précisées, sait par règlement, soit par la régie, mais en tenant compte de l'intérêt public et en s'assurant que tout le monde connaît la nature de ces conditions pour éviter toute ingérence politique en la matière.

L'article 15, sur la révocation des droits exclusifs. Vous vous souviendrez, M. le Président, que l'AIFQ s'est toujours opposée farouchement à la révocation de droits privés vous en avez encore entendu parler récemment - en particulier quand il s'agit de révocation faite de façon subreptice, comme dans le cas, par exemple, des schémas d'aménagement des municipalités régionales de comté.

Dans le cadre bien particulier d'un service public en situation de monopole et contrôlé par une régie, l'AIFQ doit se déclarer d'accord avec le principe de révocation de l'octroi d'un droit exclusif, lorsque l'intérêt public le justifie, mais cela ne devra pas se faire n'importe comment. La loi doit préciser le mécanisme d'une telle révocation. Elle doit prévoir que toute personne, en démontrant le bien-fondé d'une demande, puisse demander à la régie la tenue d'une audience pour la révocation de l'octroi du droit exclusif. Dans sa forme actuelle, l'article 15 n'accorde pas ces droits-là au consommateur et n'indique même pas comment procéder pour que la régie se prononce sur ce sujet-là.

Il y a quelques articles, M. le Président, qui traitent du fonctionnement de la régie et qui nous apparaissent incomplets. L'article 36, par exemple, traite des pouvoirs du vice-président, alors que nous ne savons pas exactement quels sont les pouvoirs du président. Cela nous apparaît une lacune à combler.

Les articles 31 à 43, dans leur ensemble, parlent de la constitution, mais nulle part nous n'avons pu constater la définition du quorum, comment le quorum s'appliquait, de quelle façon on procédait pour prendre des décisions. En fait, c'est toute la procédure de prise de décision par la régie qui est inconnue pour l'instant et, spécifiquement, aux articles 45 et 46, il semble qu'il n'y ait aucun processus de prévu pour porter à la connaissance du consommateur les règles de preuve et de procédure qui pourraient être édictées, pas plus que les principes généraux qui servent à l'élaboration d'un tarif. Je pense que ce serait utile que ce soit connu.

L'article 47, qui traite de concurrence, nous semble un peu difficile lui aussi. Selon le chapitre II, le rendement de l'entreprise distributrice est le critère de base dans l'acceptation d'un tarif par la régie. L'introduction d'une comparaison avec les autres sources d'énergie pour fixer ces mêmes tarifs, il me semble, vient brouiller les cartes. Ce dernier critère nous apparaît difficilement conciliable avec un critère de rendement si le prix des autres sources d'énergie, par exemple, montait assez rapidement. Il pourrait en résulter un rendement bien plus élevé que celui qui était prévu pour le fournisseur.

Concernant l'article 49, le trop-perçu n'est même pas remboursé automatiquement.

II nous semble qu'il y a un petit peu d'ajustement à faire à ce niveau-là.

Quant aux articles 51 et 54 qui traitent des décisions de la régie, il nous semble qu'on doit prévoir un appel formel, comme il vient d'être discuté par les précédents intervenants, sur la question des points de droit dans ces décisions-là. En particulier si le nombre de régisseurs est limité à trois, il nous semble qu'il serait utile et nécessaire de porter ce nombre à cinq de façon à avoir une meilleure expertise disponible et à ne pas répéter nécessairement les mêmes décisions; nous aurions la possibilité, à ce moment-là, d'avoir des régisseurs provenant de professions différentes qui compléteraient la compétence de la régie.

Pour l'article 55, l'approbation de tarifs, nous comprenons que la régie n'est pas tenue de convoquer une audience et nous croyons qu'elle devrait en convoquer une dès le moment où une demande de tarif lui est soumise.

Il y a quelques autres points, M. le Président, qui ne sont pas véritablement couverts dans l'avant-projet de loi. On a discuté tantôt du terme "fourniture" ou "fournir". L'article 22 semble distinguer entre fournir et vendre, ou permet la distinction, à tout le moins. Il nous apparaît important que le terme "fourniture" soit à tout le moins défini, de telle sorte qu'il permette l'achat à la source par les gros consommateurs; la dizaine d'articles où ce terme apparaît devront probablement être ajustés en conséquence.

La question de raccord direct. La loi devrait prévoir expressément la possibilité pour un consommateur de se raccorder directement à un réseau de transport à ses propres fins lorsque, évidemment, cela ne va pas à rencontre de l'intérêt public.

L'autre point, c'est la consommation d'un volume inférieur au volume minimal sous contrat. On ne voit pas pourquoi un consommateur qui a utilisé durant la période d'un contrat un volume de gaz inférieur au volume contracté devrait être tenu de verser une indemnité au distributeur, même lorsque ce dernier n'a pas réellement subi de dommages. Il devrait y avoir une procédure qui démontre qu'il y a eu dommages et pertes financières de la part du distributeur avant d'imposer une amende, ni plus ni moins, à l'utilisateur.

En conclusion, M. le Président, nous espérons que ces quelques commentaires contribueront à mettre en place une régie du gaz naturel qui soit capable de remplir son rôle de protection du consommateur pour l'ensemble des consommateurs de gaz naturel au Québec, les gros comme les petits. Nous répondrons avec plaisir à toutes vos questions, si nous en sommes capables.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M.

Duchesne. Tout en souhaitant la bienvenue à M. Dufresne, je cède la parole au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Merci, M. Duchesne, pour votre mémoire. Je suis heureux que votre association ait présenté un mémoire à cette commission. Comme vous le mentionnez, ce n'est pas la première fois que vous venez devant nous pour différents sujets et certainement que nous apprécions les commentaires que vous nous apportez.

L'expansion du gaz naturel à l'Est de Montréal s'est faite en bonne partie pour donner accès à une nouvelle forme d'énergie avantageuse pour nos industries, grandes consommatrices d'énergie, et l'industrie papetière a bien répondu à l'occasion qui lui a été offerte de diversifier ses approvisionnements. Comme vous l'avez mentionné, vous êtes particulièrement intéressés à cette commission car la consommation de gaz naturel par vos membres est susceptible d'augmenter assez rapidement après la fin du programme d'énergie excédentaire d'Hydro-Québec dont nous allons sûrement discuter plus longuement, et j'espère que vous allez continuer à nous faire des représentations à ce sujet. Je peux vous dire d'avance que nous sommes entièrement ouverts à de telles discussions. Cependant, les choses étant telles, le programme doit se terminer à la fin de 1988 et ça peut augmenter la part de gaz naturel que votre industrie va absorber.

J'aurais quelques questions à vous poser afin de me permettre de mieux comprendre votre mémoire. Premièrement, au point 3.13, à la page 12 de votre mémoire, vous nous demandez d'inclure expressément dans la loi "la possibilité pour un consommateur de se raccorder directement à un réseau de transport - "by-pass" - pour ses propres fins, lorsqu'il est dans l'intérêt public de permettre un tel raccordement". Je voudrais savoir de vous s'il est d'intérêt public de faire une telle chose, si l'on présume que les grilles tarifaires approuvées par la régie sont justes et raisonnables et ont été accordées après un examen de l'intérêt public. (15 h 15)

M. Buser (Raoul): M. le Président, M. le ministre, je crois que dans ce cas précis certains consommateurs de notre industrie pourraient se raccorder directement et ne devraient pas subir de coûts de distribution... Ces raccordements sont relativement courts, très courts en distance et très peu dispendieux. Les membres doivent en payer la totalité, qui est quand même élevée comparée à des concurrents de l'Ontario, presque trois fois plus élevée. C'est un cas particulier et il ne faut pas oublier que, même si les coûts des producteurs ont

baissé, les coûts du distributeur augmentent. La distribution, qui était à l'époque d'environ 15 % à 20 % du coût, est maintenant rendue à 25 % du coût. Cela permettrait à certains consommateurs de réduire leurs coûts. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Ciaccia: Oui. Vous y répondez. Comme vous le savez, la cause en Ontario est devant les tribunaux. On va examiner cela, mais ce serait peut-être plus sage d'attendre la décision de la Cour suprême pour voir qui a juridiction pour donner un tel pouvoir.

Ce matin, un groupe, l'Association des consommateurs industriels de gaz, je crois, est venu devant nous et nous a fait des représentations en ce qui concerne les pouvoirs de la régie, non seulement d'approuver les tarifs, mais de les fixer. Il m'avait presque convaincu qu'on devrait donner ce pouvoir à la régie. Vous venez maintenant me dire - et cela soulève d'autres questions, d'autres inquiétudes - que la régie doit protéger aussi les grands consommateurs et que cela n'a pas toujours été fait dans le passé. Vous mentionnez que les tarifs sont souvent très compliqués et difficiles d'application - je ne sais pas exactement quel mot vous avez utilisé. Cela veut-il dire que votre association préfère que la régie n'ait que le pouvoir d'approbation et pas le pouvoir de fixer tes tarifs?

M. Duchesne: Ce qui se produit à l'heure actuelle, M. le ministre, l'exemple qu'on a vécu, c'est qu'on a généralement un établissement de tarif qui arrive en fin d'année, alors qu'on consomme le gaz depuis le début de l'année. Je ne sais pas si c'est relié directement au fait qu'elle a le pouvoir ou non, mais c'est ce qui se produit dans les faits. On a aussi une complexité dans ces tarifs, ce qui fait qu'il y a un très petit nombre de spécialistes qui sont en mesure de les analyser et de prévoir comment va fonctionner une consommation de gaz, suivant les particularités données, car vous savez qu'on a des variantes. La consommation de gaz, ce n'est pas un débit constant. C'est un peu comme n'importe quelle autre énergie. On consomme avec des pointes et des arrêts, ce qui fait que l'analyse de ces variations, pour comparer l'alternative de sources d'énergie, est à peu près impossible à l'heure actuelle.

Le Président (M. Théorêt): M. Dufresne.

M. Dufresne (Guy): Si je peux ajouter un commentaire, nous n'en sommes pas aux moyens d'arriver au tarif, mais bien au résultat, car il faut être concurrentiels sur les marchés et c'est ce qui importe le plus à l'industrie d'avoir des tarifs qui nous permettent... L'énergie au Québec, comparativement, dans notre industrie, au coût des arbres et de la main-d'oeuvre, c'est le seul facteur, ou à peu près, où on a un avantage par rapport aux Américains, qui sont nos concurrents directs. Il est très important pour notre industrie, qui est grande consommatrice d'énergie, que le résultat final, dans le gaz comme dans les autres secteurs d'énergie, nous permette de garder cet avantage concurrentiel. Si on l'élimine, à long terme, on met l'industrie en jeu.

M. Ciaccia: Mais, pour contrer la critique qu'on vient d'entendre que les tarifs sont compliqués, est-ce que vous favorisez plutôt le pouvoir de la régie d'approuver les tarifs? Autrement dit, Gaz Métropolitain ou le distributeur va fixer, va faire sa grille tarifaire et va aller la faire approuver devant la régie, plutôt que de dire que, comme l'Association des consommateurs industriels de gaz le suggérait, la régie ait le pouvoir de fixer elle-même les tarifs.

M. Dufresne: Celui qui approuve, normalement, jusqu'à un certain point met quand même des balises, qu'on le veuille ou non. À ce niveau, est-ce que c'est lui qui doit prendre l'initiative? Je ne suis pas en mesure de vous le dire dans ce cas précis, mais celui qui approuve, normalement, a un pouvoir de décision.

M. Duchesne: Ce qui nous apparaît important, M. le ministre, finalement, c'est que le distributeur et la régie ne soient pas constamment en train de se renvoyer la balle pour savoir quelle structure de tarifs on va avoir et comment on va l'approuver. Il faut qu'il y ait un responsable. Que le mécanisme précis soit l'un ou l'autre, je ne pense pas qu'on ait d'objection d'une façon ou d'une autre, pourvu que cela donne, comme te dit M. Dufresne, des résultats connus, interprétables, et suffisamment tôt pour qu'on puisse planifier en conséquence.

M. Buser: Si vous permettez, je peux vous donner l'exemple que vous avez mentionné de l'énergie excédentaire d'Hydro. Pour le moment, c'est impossible de décider si on va convertir au gaz ou au mazout parce qu'on ne connaît pas les taux. On ne connaît même pas encore les taux de 1987 et l'année est quasiment finie. Il faut aussi réaliser que les taux de distribution en 1983-1984 étaient de l'ordre de 0,30 $ le gigajoule et que c'est rendu à 0,80 $. Cela vous donne une idée des changements. Alors, s'il faut planifier, s'il faut faire des investissements, ce n'est pas seulement pour convertir, ce sont d'autres entreprises qui font des investissements. Décider pour le gaz, c'est extrêmement difficile parce qu'on

ne sait pas sur quel bord il faut...

M. Ciaccia: La question de délai, de savoir suffisamment...

M. Buser: Exactement.

M. Ciaccia: ...d'avance, c'est très important pour votre industrie.

M. Buser: Exactement.

M. Ciaccia: II y a un point que je ne comprends pas dans votre mémoire et peut-être pouvez-vous m'éclairer. D'un côté, vous nous dites, à la page 4, sous le titre "La concurrence", que l'industrie forestière canadienne ne jouit pas de marchés protégés et doit vendre son produit dans un marché international hautement concurrentiel. Vous ajoutez à la page 5 que la nouvelle régie doit avoir une vision plus globale - je présume, que l'ancienne - qui tienne compte de la conjoncture économique et de la compétitivité des industries. So far so good.

D'un autre côté, vous vous opposez, à la page 10 de votre mémoire, à la section 3.8, à ce que la régie ait le devoir de tenir compte de la concurrence des autres formes d'énergie lorsqu'elle décide d'une demande d'approbation de tarif. Alors, pourriez-vous me dire pourquoi la régie dans ses décisions doit tenir compte de votre compétitivité et non pas de celle du distributeur? Il me semble que les distributeurs de gaz doivent aussi affronter la concurrence d'Hydro-Québec et des pétrolières.

M. Buser: Essentiellement, on pense que le distributeur a quasiment la garantie de son investissement et, aussi, du rendement. Dans notre industrie, il n'y a rien qui est garanti. Quand on fait un investissement, il faut se battre pour aller chercher les ventes et tout. Il ne devrait pas y avoir ce genre de règle qu'un rendement est garanti. Ce qu'on veut dire, c'est qu'avec la conjoncture, cela dépend. Il y a des années où 10 %, ce n'est pas possible dans notre industrie. On a vécu deux ou trois années de suite au-dessous de 10 %. On a l'impression que la régie cherche toujours à être au-dessus de 10%. C'est cela qu'on veut dire par cela dépend de la conjoncture économique.

M. Ciaccia: Je crois que c'est un autre problème, la question du rendement. Vous pouvez remettre en cause le taux de rendement mais, présumant qu'il y a un taux de rendement qui ne doit pas excéder le taux qui a été fixé par la régie, la question de prendre en considération la concurrence peut affecter les différents secteurs dans des conditions particulières. Moi, je présume que tout cela est fonction du taux de rendement. On a même inclus une clause dans te projet de loi disant que, si on a excédé le taux de rendement, le distributeur doit rembourser le consommateur. Alors, je présume que, oui la régie va tenir compte de la concurrence, mais toujours en fonction du taux de rendement qui est une règle générale au-dessus de toutes les décisions de la régie.

M. Duchesne: II reste, M. le ministre, que le taux de rendement du distributeur ne semble pas relié directement, comme le taux de rendement d'une papetière ou d'une autre industrie, à la conjoncture économique et que les remboursements dont vous parlez qui pourraient venir corriger le point que nous soulignons, cela n'a pas l'air d'être automatique, d'après l'article 49. Si on pense que c'est d'intérêt public, éventuellement, il y aura des remboursements.

M. Ciaccia: C'est plus qu'éventuellement, mais peut-être qu'on peut examiner cela. Venons un instant à la question des délais. À la page 6, vous affirmez que, dans tous les cas, les tarifs d'une année devraient être connus dès l'automne précédent afin de permettre une planification budgétaire par l'entreprise consommatrice. Est-ce que vous nous suggérez ici d'inclure dans la loi un mécanisme d'approbation automatique des tarifs soumis par un distributeur lorsque la régie n'a pas encore approuvé à l'automne la grille tarifaire soumise? Qu'est-ce que vous pourriez nous suggérer à ce propos?

M. Dufresne: M. le ministre, je crois que, dans toute planification d'industrie, le plus possible on peut connaître certains éléments pour nous permettre de prendre une meilleure décision et d'être plus concurrentiels... Je pense que c'est dans cet objectif qu'on a regardé cela, plutôt que d'avoir un mécanisme bien précis. Si je peux en citer une autre, Hydro-Québec a fait ce genre de planification un peu plus longue, ce qui a permis à l'industrie de regarder quelques années en avant, même si le taux ou le tarif n'était pas précis ou était dans une certaine fourchette. Cela permet de mieux se préparer à entrer en concurrence à long terme même si on n'a pas définitivement établi les taux plusieurs années d'avance.

M. Ciaccia: Cela va pour le moment.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Oui. Merci, M. le Président. Messieurs, j'ai un certain nombre de questions à vous poser. Commençons donc par une qui me préoccupe au plus haut point.

J'ai l'impression de voir une contradiction dans votre mémoire, et c'est peut-être le fait d'une mauvaise

compréhension, alors, je compte sur vous pour me donner des éclaircissements.

Vous dites, à la page 6 - je vous le cite pour que l'on se comprenne bien: "la régie doit s'assurer que les taux soient bien adaptés au besoin de chaque grande catégorie d'usagers et que les industries concernées aient toujours la possibilité, selon une procédure simple et efficace, de lui faire connaître leur point de vue, particulièrement en matière de tarification". Alors, on comprend que vous souhaitez que la tarification s'applique par catégorie, soit plutôt similaire pour des industries du même genre, c'est ce que je comprends. (15 h 30)

D'autre part, tout à l'heure, vous pariiez de la possibilité pour ceux qui étaient à proximité de se raccorder eux-mêmes aux principaux pipelines et d'éviter des frais de distribution onéreux. Est-ce qu'il n'y a pas là une espèce de contradiction dans le sens que, pour une catégorie donnée, vous souhaitez un prix semblable et, d'autre part, vous dites: S'il y en a un, par hasard, qui se trouve un peu plus proche qu'un autre, on souhaiterait qu'il en bénéficie et qu'il ait un coût différent bonifié? N'est-ce pas là contradictoire? Souhaitez-vous un prix planifié, décidé et unique, ou est-ce que vous souhaitez que chacun puisse profiter des avantages qui sont les siens dans la situation géographique ou autre dans laquelle il se trouve?

M. Dufresne: M. Gauthier, je pense que vous êtes dans cette fameuse confusion du terme "fournir". Nous sommes d'avis qu'il y a lieu de distinguer entre l'achat du produit gaz naturel et du service transport de gaz naturel, et si vous reconsidérez votre question en faisant cette distinction, je pense que vous allez voir notre point de vue. Pour ce qui est du tranport comme tel, ce que nous avons vécu jusqu'à maintenant, ce sont, comme vous le disait M. Buser tantôt, des augmentations assez substantielles du coût du transport à partir de la frontière du Québec jusqu'à la sortie de l'Ontario où les augmentations ont été beaucoup moins grandes ces dernières années, alors même qu'il est possible, par ailleurs, de négocier à la tête de puits, ou presque, avec des associations de producteurs dans l'Ouest des contrats de fourniture du produit gaz lui-même qui, à ce moment-là, est livré à la frontière du Québec dans le pipeline avec les autres, mais l'achat du gaz est un contrat indépendant de l'achat' du service livraison, si vous voulez. On pense utile d'avoir la possibilité de se brancher directement dans certains cas où on est tellement près justement de cette ligne de transport principale qu'il y a quelques centaines de mètres à faire, à toutes fins pratiques, et on évite tout l'aléatoire du réseau de distribution québécois. On est branché à la tête du puits. Pour ce qui est des catégories d'usagers qu'on a mentionnées, ce n'est pas nécessairement une catégorie pâtes et papiers, mais bien une catégorie qui tienne compte des variantes de consommation, des cas de puissances interruptibles, par exemple, comme dans le secteur de l'électricité où ce n'est pas par type d'entreprises, mais bien par grands types industriels par niveau de consommation ou par fréquence des interruptions, des choses semblables où le fournisseur et l'utilisateur peuvent convenir de procédures qui sont économiques pour les deux.

M. Gauthier: Tout à l'heure, les gens qui sont passés devant nous - vous étiez dans la salle, à ce moment-là, probablement -nous ont parié des programmes de commercialisation sur les marchés concurrentiels. Est-ce que l'industrie que vous représentez bénéficie de ces programmes?

M. Dufresne: M. Gauthier, à ce moment-ci, au Québec, je ne connais pas de papetière qui s'approvisionne directement de cette façon à cause justement des problèmes de jonction avec le réseau de distribution québécois, le distributeur au Québec.

M. Buser: II faut bien se comprendre, c'est directement...

M. Gauthier: Directement.

M. Buser: Oui. ...qu'ils vont faire des achats. Il y en a qui essaient, mais ils n'ont pas encore réussi.

M. Gauthier: Est-ce que vous pourriez m'expliquer... Vous portez un jugement quand même assez sévère, à la page 5 de votre mémoire; vous soulignez le fait que l'actuelle régie n'a pas su protéger les consommateurs industriels. J'aimerais connaître votre point de vue. Est-ce que ce manque de protection qui a entraîné des hausses... Vous parlez de hausses, de prix exorbitants, de tarifs rétroactifs, etc. Bref, la situation est bien noire. Est-ce que, à votre avis, c'est dû au fait que la régie ne possédait pas les outils qu'il fallait pour protéger davantage les clients industriels ou est-ce dû à une attitude générale de la régie qui était plutôt non complaisante, disons, à l'endroit des grands clients industriels? À quoi attribuez-vous ce problème très grave que vous nous soumettez?

M. Dufresne: Peut-être que je pourrais répondre encore par la même question que j'ai mentionnée au ministre tantôt. Nous autres, ce n'est pas savoir qui dans le système, mais c'est le résultat qu'on regarde.

Naturellement, celle qui a le pouvoir là-dedans, c'est la régie, du point de vue du contrôle. Maintenant, où cela se trouve dans le système n'a pas d'intérêt, disons. Non pas que cela n'ait pas d'intérêt, mais c'est d'intérêt moindre. On est orienté vers les résultats.

M. Gauthier: C'est qu'on a un petit problème ici, monsieur, et c'est le suivant: on est obligé de travailler avec le ministre pour préparer un projet de loi qui encadre une nouvelle régie. On veut la faire la mieux possible, cette régie. On veut qu'elle réponde aux besoins des gens qui nous font le plaisir de venir nous présenter un mémoire. Or, vous êtes de ceux-là. Il aurait été intéressant... Remarquez bien, je ne veux pas forcer de réponse de votre part, je ne veux pas non plus que vous vous posiez en arbitre dans toute cette situation, mais il aurait été intéressant de savoir si vous souhaitez, vu l'expérience que vous avez, qui n'est pas négligeable, une régie beaucoup plus musclée et que les législateurs fassent en sorte de donner ce muscle à la nouvelle régie qui est parrainée par le ministre ou si vous pensez simplement qu'il faille agir à un autre niveau que celui de muscler la régie, c'est-à-dire de lui donner des pouvoirs plus grands. On aurait aimé savoir - du côté de l'Opposition, en tout cas; ma question reste toujours sur la table si jamais vous avez le goût d'y répondre - quelle sorte de régie vous voulez avoir et, pour cela, je pense qu'une question du genre de celle que je vous ai posée était appropriée. Quand on peut identifier le problème... Je comprends que ce qui vous intéresse, c'est le résultat. Nous aussi, on veut avoir un bon résultat, sauf qu'on aimerait se donner et vous donner aussi le meilleur outil possible. C'est dans cet esprit qu'on vous pose la question, et non pas faire le procès de gens qui ont probablement fait leur possible à ce moment. On se demandait si la régie avait tous les outils utiles pour faire ce travail.

M. Duchesne: Si on fait un parallèle avec le secteur de l'électricité, M. Gauthier, où, finalement, les structures de tarifs sont proposées généralement par Hydro-Québec et approuvées par la suite par la régie, et à part le fait qu'évidemment il faut se parler, ce qui me paraît normal, on a généralement réussi à avoir des structures de tarifs qui étaient appropriées aux besoins de l'industrie. On peut supposer qu'une copie de ce genre de mécanisme dans le secteur du gaz donnerait des résultats semblables, mais ce n'est pas une position irrémédiable de notre part, c'est une remarque d'une expérience vécue dans un secteur parallèle.

M. Gauthier: D'accord. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M Ciaccia: Justement, sur le dernier point, je vous ai posé la question avant, à savoir si vous favorisiez le droit pour la régie d'approuver ou de fixer, et l'exemple que vous venez de nous donner, c'est le processus d'Hydro-Québec. Dans le processus d'Hydro-Québec, c'est l'approbation parce que le Conseil des ministres ne peut pas fixer. La seule chose qu'on peut faire, c'est que, si on n'approuve pas les tarifs, la grille tarifaire d'Hydro, on la renvoie. Naturellement, on se parle et on suggère ce qui serait acceptable pour nous, mais c'est Hydro qui a 'la responsabilité de revenir. Nous n'avons pas l'autorité de fixer. Est-ce que c'est ce genre de processus que vous favorisez pour la régie?

M. Duchesne: M. le ministre, ce processus fonctionne relativement bien. Je ne pense pas que vous devez le mettre de côté. Tout ce qu'on vous dit cet après-midi, c'est qu'on n'a pas de position ferme sur ce sujet, pourvu que vous nous donniez ce qu'on vous demande, finalement, une certaine capacité de prévoir quels seront les tarifs, de les appliquer à nos industries, ce que le système donne sur le plan de l'électricité à ce moment-ci. Ce n'est pas nécessairement la seule façon dont cela peut se faire.

M. Ciaccia: Est-ce que j'ai le temps pour une dernière question, M. le Président?

Le Président (M. Théorêt): Oui, M. le ministre, vous avez le temps pour une dernière question.

M. Ciaccia: On pourrait discuter un peu plus là-dessus, mais je pense que le temps va nous manquer. Vous ne parlez pas, dans votre mémoire, de la question de l'achat commun de gaz par plusieurs consommateurs, par l'intermédiaire d'un courtier. Pensez-vous que la loi devrait permettre que des courtiers agissent à titre d'intermédiaires entre producteurs et consommateurs, et que ces courtiers puissent faire affaires avec le distributeur, le tout sous le contrôle de la régie?

M. Buser: II faut absolument qu'on ait des mécanismes qui permettent de réduire le coût le plus possible. Une fois que tous les problèmes de réglementation - pas au Québec, hors du Québec - seront bien connus et que la loi sera bien connue pour le transport des provinces productrices jusqu'ici, ce sera un véhicule très intéressant qui nous permettra de réduire le coût de cette source d'énergie, et c'est cela qui nous aidera à rester concurrentiels le plus possible. Ce sont des voies à explorer et, si ces possibilités

sont là, cela nous aidera à réduire le coût.

M. Dufresne: Est-ce que je pourrais ajouter, M. ie ministre, pour vous donner un exemple concret, que notre compagnie a des puits de gaz dans l'Ouest et, s'il y avait possibilité de les utiliser directement dans nos usines, ici, dans l'Est, ce serait un bon exemple de réduction du coût qui rendrait une industrie de plus en plus concurrentielle?

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval, pour la conclusion.

M. Gauthier: Je veux simplement remercier, très brièvement - d'ailleurs, ils sont habitués à ces usages puisque ce sont des familiers des commissions parlementaires - les gens de l'Association des industries forestières du Québec du mémoire de qualité qu'ils nous ont présenté, comme c'est leur habitude d'ailleurs. Nous ferons tout notre possible pour tenir compte des remarques très judicieuses qu'ils nous ont soumises. Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier les représentants de l'Association des industries forestières du Québec pour la qualité de leur mémoire et pour les recommandations qu'ils nous font. Nous allons certainement les prendre en considération. II y en a qui sont plus discutables, à notre point de vue, mais nous garderons le dialogue avec vous. Par exemple, quand vous demandez un droit d'appel et que vous faites des recommandations au sujet du taux de rendement, qu'on doit prendre en considération la qualité des investissements et la qualité de gestion, si vous reliez cela à un droit d'appel, je dois vous dire qu'on n'est pas sorti du bois. On se trouvera plus souvent devant les tribunaux que devant la régie parce que cela ouvre la porte...

Le but d'une régie, c'est d'être efficace, de répondre aux besoins de l'industrie, des consommateurs, et de vous donner les réponses pour ne pas que cela traîne devant les tribunaux ad vitam aeternam. Vous parlez de certitude et de planification. La meilleure façon d'enlever la certitude dans tout ce que vous faites, c'est d'aller devant les tribunaux. Je vous dis cela parce que j'ai pratiqué le droit et ce n'est pas la façon de rendre les choses les plus certaines dans une industrie ou dans un secteur comme le vôtre. Cependant, nous allons prendre note et étudier avec intérêt les recommandations que vous nous faites. Il y en a plusieurs qui, certainement, se retrouveront dans le projet de loi que nous proposerons pour adoption finale à l'Assemblée nationale. Merci. (17 h 45)

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, les membres de la commission vous remercient et vous souhaitent un bon voyage de retour.

J'inviterais maintenant les représentants de Gazifère inc. à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît;

Le Président (M. Lefebvre): Messieurs de la compagnie Gazifère inc., je vous souhaite la bienvenue à la commission de l'économie et du travail. Dans un premier temps je vous demanderais de bien vouloir vous identifier, s'il vous plaît»

Gazifère inc.

M. Pharand (Michel): Merci, M. le Président. Je me présente. Mon nom est Michel Pharand. Je suis le conseiller juridique de Gazifère inc. M'accompagnent, à l'extrême droite, M. Michel Levac, directeur général adjoint de Gazifère et, à ma droiteimmédiate, M. Keith Walker qui est vice-président des affaires réglementaires de la compagnie Consumers'Gaz qui est la maison mère de Gazifère inc.

Le Président (M. Lefebvre): M. Pharand, si vous êtes le porte-parole de la compagnie, je vous demanderais de faire votre exposé. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour faire l'exposé en question.

M. Pharand: Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord corriger un lapsus du ministre de ce matin quand il a dit qu'il n'y avait qu'un seul distributeur au Québec. Nous sommes le deuxième distributeur. Il y en a un gros et un plus petit. Nous sommes le plus petit distributeur qui exerce au Québec.

Règle générale, nous sommes d'accord avec le but recherché par le ministre sur la réforme visée par cet avant-projet de loi, mais nous croyons cependant qu'il y a des propositions que nous devons soumettre pour l'améliorer.

En premier lieu, l'expression "fourniture" que nous retrouvons à l'article 1 et un peu partout dans l'avant-projet de loi, soit sous les termes "fourniture" ou "fournir", nous semble ambigüe et trop vague et devrait être précisée. Ce terme nous amène à confusion. D'ailleurs, cela a été souligné par d'autres ce matin et cet après-midi. Il y a confusion entre le mot "vendre" ou l'expression "vendre" et "ie pouvoir de vendre" et la distribution comme telle.

À l'article 3 nous croyons que l'expression "un tarif" devrait être remplacée par le pluriel, c'est-à-dire "ces tarifs". Quand le distributeur propose les tarifs à la régie, il doit les proposer dans l'ensemble et, à ce

moment-là, la régie doit les approuver dans l'ensemble, compte tenu de tout le contexte tarifaire et réglementaire. Comme cela se fait, d'ailleurs, présentement.

À l'article 5 nous croyons qu'une précision devrait être également apportée pour modifier le "coût d'origine" pour prévoir qu'il ne s'agit pas uniquement du coût historique des investissements, mais bien pour que, dans le cas d'une requête en tarification basée sur l'année projetée, la régie puisse prendre en considération le coût projeté de l'investissement.

La remarque suivante concerne le mot "consentie" que nous retrouvons à la quatrième ligne de l'article 6. Nous croyons qu'il y a là une erreur de frappe ou de français et que cela devrait être corrigé pour se lire au pluriel afin de qualifier et le rabais sur les coûts d'acquisition et les autres conditions avantageuses d'approvisionnement.

Enfin, nous croyons qu'il devrait y avoir un article dans ce chapitre qui pourrait prévoir que les tarifs pourront être basés soit sur une année témoin historique, soit sur une année témoin projetée, au choix du distributeur.

En ce qui regarde le chapitre III du projet de loi, nous trouvons un élément nouveau à l'article 10. Dorénavant, le projet de loi prévoit que le gouvernement, aux conditions qu'il détermine, pourra octroyer un droit exclusif d'exploiter un réseau de distribution. Cet élément est de droit nouveau et nous rend un peu perplexes sur les raisons de mettre dans le projet de loi cette nouvelle condition. Plus particulièrement dans le cas où il s'agit du renouvellement de l'octroi de ce droit, nous croyons que le gouvernement ne devrait pas avoir le droit de poser des conditions. Nous suggérons que l'article 14 du projet de loi soit modifié en conséquence.

 l'article 26, nous proposons que, pour des fins de concordance avec l'article 17 de l'avant-projet de loi, l'expression "droit exclusif de distribution" soit remplacée par l'expression "droit exclusif d'exploiter un réseau de distribution".

Comme l'ont fait valoir d'autres intervenants antérieurement, le projet de loi ne prévoit rien pour le quorum de la régie. Nous proposons, comme le prévoit la loi actuelle et comme le prévoit également la loi ontarienne, un quorum de deux membres, mais sans droit de vote prépondérant pour aucun des membres.

L'article 40 attire également notre attention. Nous avons trouvé un peu surprenant que ce soit le président qui doive attester les écrits ou les documents faisant partie des archives de la commission. Nous croyons que, comme le prévoit la loi actuelle, il devrait être de la compétence du secrétaire de certifier les écrits et les documents qui font partie des archives de la régie. Cependant, en l'absence du secrétaire, nous croyons que le président devrait avoir le pouvoir de désigner un employé de la régie pour le remplacer.

Il y a une autre chose que nous ne retrouvons pas dans le projet de loi et qui, nous croyons, devrait y être insérée. Au premier alinéa de l'article 4l, nous sommes d'avis que les décisions de la régie, sur les questions de fait, devraient être basées uniquement sur la preuve faite lors des audiences. Nous savons que la régie a une expérience... D'ailleurs, c'est pour cela qu'on nomme des gens de compétence à la régie. Il faudrait absolument que les éléments soient insérés dans la preuve, soit à la demande de la régie... D'ailleurs, le projet de loi prévoit que la régie pourra dorénavant faire entendre des témoins. À ce moment-là, tous les intervenants auront l'occasion de bien s'assurer que leur point de vue a été inséré dans la preuve. Nous croyons que la loi devrait le prévoir.

À l'article 41, deuxième alinéa, nous croyons qu'on devrait préciser que les copies de documents qui peuvent être transmises au ministre sont uniquement celles des documents produits lors des audiences dans le cadre d'une affaire, à l'exception des documents produits sous le sceau de la confidence.

Je m'explique. Les distributeurs font compétition avec Hydro-Québec. Dans certains cas, il est à l'avantage des distributeurs de déposer des documents qui devraient rester à la régie et ne pas venir aux yeux d'Hydro-Québec avant que les décisions de la régie soient publicisées. Dans cette optique, nous croyons que les documents produits à la régie sous le sceau de la confidence devraient demeurer à la régie.

Quant à la section II qui traite des fonctions et pouvoirs de la régie, nous croyons qu'un article devrait être ajouté dans le projet de loi pour prévoir que la régie doit rendre une décision dans les quatre mois qui suivent le dépôt d'une requête. À l'article 44.1 le mot "tarif devrait être au pluriel ainsi qu'aux articles 47, 48 et 49.

L'article 49 parle entre autres de l'établissement du mécanisme de remboursement de trop-perçus. Nous croyons qu'à ce moment-là le projet de loi devrait parler également et prévoir la série d'autres mesures afin de rendre le mécanisme de remboursement de trop-perçus équitable pour toutes les parties. Entre autres, je pense au compte stabilisateur pour les variations dans le niveau du gaz perdu, le compte stabilisateur pour la température et il y en a d'autres, ce n'est pas exhaustif.

En ce qui a trait au droit d'appel nous partageons l'opinion des autres intervenants jusqu'à maintenant et nous croyons que les

décisions de la régie devraient être sans appel, sauf pour les questions de droit ou de compétence. Et, sur cette question, nous croyons qu'un appel devrait être permis devant la Cour supérieure. C'est la situation en Ontario et je vous réfère à l'article 32 de la loi ontarienne. Nous vous référons également aux recommandations faites au ministre de la Justice par le groupe de travail sur les tribunaux administratifs.

À l'article 54 nous sommes d'avis que l'exclusion de l'article 33 du Code de procédure civile qui est prévue devrait être enlevée car nous croyons que cet article constitue une garantie fondamentale et que ce recours ne devrait pas être écarté.

À l'article 56.3, nous sommes d'avis que la méthodologie de la location du coût de service doit être, est du ressort et de la responsabilité du distributeur et doit le demeurer, et en conséquence nous recommandons que ce sous-paragraphe soit retranché.

Et enfin, M. le Président, nous croyons qu'à l'article 60, aux alinéas 2 et 3, il devrait y être précisé que les documents et renseignements obtenus en vertu de ces dispositions ne font pas partie d'une preuve que la régie peut considérer selon l'article 41 du projet dans une cause.

Nous vous remercions de l'attention que vous nous avez portée, M. le Président et tous les membres de la commission, et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lefebvre): Alors, je vais reconnaître maintenant, M. Pharand, si vous me permettez, M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie de votre présentation. Je prends note que vous êtes en accord avec le but recherché par cet avant-projet de loi et effectivement je m'excuse du lapsus de ce matin. J'ai mentionné qu'il y avait un distributeur; effectivement, vous êtes un distributeur au Québec de gaz naturel. Je voudrais cependant vous poser quelques questions qui me permettront de mieux connaître votre point de vue.

Je me demande d'abord si vous considérez que la Régie du gaz naturel devrait avoir un rôle actif à jouer au niveau de la sécurité des approvisionnements d'un distributeur.

M. Pharand: Est-ce que je pourrais vous demander, M. le Président, de préciser votre question?

M. Ciaccia: Comme vous le savez... Par exemple, l'ONE, jusqu'à très dernièrement pouvait imposer aux distributeurs, aux producteurs, certains surplus qui garantissaient l'approvisionnement aux consom- mateurs. Depuis la déréglementation, l'ONE n'exerce plus ce rôle. On nous dit que ça va être une surveillance, un monitoring. Est-ce qu'au niveau de notre régie on devrait s'assurer que les approvisionnements - soit pour un secteur ou plusieurs secteurs... La sécurité d'approvisionnement, est-ce que ça doit être une des préoccupations de la régie telle qu'elle l'était pour l'ONE avant la déréglementation? (16 heures)

M. Pharand: Je pense que je vais demander à M. Walker de répondre à cette question.

M. Walker (Keith A.): The problem comes about because there are some customers who can practically get their gas from alternate sources and directly participate in the competitive market, and there are some smaller customers who have no practical access to the competitive market, at least not now and not for the foreseeable future» And for all intents and purposes, the distributor has a virtual monopoly on the sales. For those people who are more or less captive to the distributor, I think the traditional regulation has to survive the coming of the new pricing era. The same concerns that we always had over security of supply, over securing that security of an adequate supply of gas, they will always exist.

M. Ciaccia: When you say "captive", are you referring to residential or are you referring also possibly to other uses?

M. Walker: Basically, to residential; and small commercial could include some small industrial. I do not like the word "captive", but I cannot think of a better one. I prefer the expression "those who do not have a practical access to competitive, to alternate sources".

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous êtes en faveur d'un certain rôle actif pour la régie au point de vue de la sécurité des approvisionnements dans des secteurs où il y a une clientèle captive, majoritairement dans le secteur résidentiel et du petit commercial. Is that pretty well...

M. Walker: I think its responsibility is in the public interest that one must make sure that the monopoly whether it be a legal one or a virtual one that it not be abused and that has to be regulated in the sense that no abuse would take place. For those customers who have no warehouse to go for their gas, I think they need the same traditional protection by way of regulation that they have always had.

M. Ciaccia: Merci. Est-ce que la régie

doit s'assurer que vos contrats d'approvisionnement, notamment ceux auprès d'une compagnie mère, sont les meilleurs possible pour desservir votre clientèle résidentielle et industrielle?

M. Walker: I think the Board will always have an interest in the supply contracts and want to ensure themselves that they are adequate whether or not they have to go through an approval process. I am not sure that is necessary. There will be a price to pay for a longer-term security of supply. In other words, gas bought on a short-term basis will be less expensive because there will be more opportunity for competition to exist. So that if one wants to ensure a security of supply over a long term for certain customers, he can expect to pay a higher price for that. There will always be a conflict...

M. Ciaccia: I think perhaps my question was misunderstood or I did not pose it right. I am not talking about security of supply on long term and examining those contracts. I think we went throught that at the previous question. What I want to know is: Obviously, if a company buys at arm's length from Alberta, then there is not a role to play by the régie because it is a contract that they purchase from Alberta, obviously negotiated under the best possible terms. But, what about does the régie have a duty to examine non arm's length contracts between a disributor in Quebec and its supplier?

M. Pharand: M. le Président, je pense que je peux peut-être répondre à la question.

Nous avons toujours considéré que présentement la régie a le pouvoir de regarder le contrat d'approvisionnement de Gazifère et entre autres de dire, par exemple: Vous avez pris une mauvaise décision, Gazifère, en signant un tel prix d'achat alors que vous auriez dû le signer au prix de "Y". En conséquence, dans vos tarifs on va vous autoriser à aller chercher "Y" seulement et non pas le prix de "X" qui est au contrat.

M. Ciaccia: Vous dites que ce pouvoir existe...

M. Pharand: Je pense qu'il existe présentement.

M. Ciaccia: ...et il doit continuer à exister dans la nouvelle loi.

M. Pharand: Toujours sous le signe de la décision prudente que le distributeur doit exercer.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, votre mémoire veut viser vos suggestions de changements sur les articles 1, 2, 3, 17, 22 de l'avant-projet de loi. Vous ne demandez plus maintenant que le distributeur soit le seul vendeur de gaz naturel sur son territoire.

M. Pharand: Non. Je dois dire que, lorsque ce mémoire a été préparé dans sa version originale, j'ai fait ce que j'ai appelé une hérésie et je suis allé trop loin. En conséquence, voici...

M. Ciaccia: D'accord. Alors, maintenant, dans le mémoire révisé vous ne demandez plus qu'il soit le seul vendeur du gaz naturel.

M. Pharand: Non.

M. Ciaccia: Pourriez-vous nous dire pourquoi?

M. Pharand: Ce n'était pas la position de Gazifère non plus.

M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi vous prenez cette position? Quelles sont les raisons qui vous motivent à adopter cette position?

M. Pharand: Je pense que c'est dans l'optique de déréglementation. Nous devons faire face à la situation qui en résulte. Peut-être que M. Walker pourrait expliquer pourquoi.

M. Levac (Michel): Gazifère ne s'oppose pas à ce qu'il y ait plusieurs acheteurs ou vendeurs du produit du gaz naturel dans la région où il distribue le gaz naturel. Il n'a aucune objection à cela. Gazifère est d'avis qu'on ne fait pas du profit sur la vente du produit, mais sur la distribution du gaz naturel. On n'a aucun problème du fait qu'il y ait plus d'un vendeur ou plus d'un acheteur.

M. Ciaccia: Merci. À la page 3 de votre mémoire, vous suggérez qu'en cas de renouvellement de l'octroi d'un droit exclusif d'exploiter un réseau le gouvernement ne devrait pas avoir le droit de poser des conditions. Je crois que vous discutez cela à l'article...

M. Pharand: Les articles 10 et 14.

M. Ciaccia: Les articles 10 et 14, oui. Je dois vous avouer que j'ai de la difficulté à comprendre cette demande. Ne croyez-vous pas que l'intérêt public exige que le gouvernement puisse poser des conditions lorsqu'il accorde un monopole à une entreprise? Est-ce que vous suggérez qu'on doit accorder le monopole et ne pas mettre de conditions?

M. Pharand: Voici, M. le Président. Dans la loi actuelle, le gouvernement n'a pas ce pouvoir. Je dois vous avouer que, comme conseiller juridique, quand j'ai lu cette disposition je me suis posé des questions. Je ne sais pas pourquoi le ministre a choisi de changer son optique. Cela me crée des craintes. Je me dis; Quand un distributeur a investi pendant 30 ans des sommes dans le sol en tuyauterie, etc., et que la régie constate qu'il fait un bon travail et qu'il recommande au gouvernement de renouveler le droit exclusif, j'aimerais... Quant à moi, je pense que le gouvernement ne devrait pas imposer de conditions additionnelles, sans connaître l'optique dans laquelle vous l'avez mis là et compte tenu également que, dans dix ans, dans quinze ans, les personnes qui ont pensé ce projet de loi ne seront plus là. À ce moment, on pourra donner toutes sortes d'interprétations à cet article. C'est la raison pour laquelle j'ai dit cela dans le mémoire. Ce sont des préoccupations que j'ai.

M. Ciaccia: Vous ne pourriez pas envisager que possiblement certaines conditions peuvent changer, qu'il ait pu y avoir certains changements nécessaires, qu'on impose, je ne présume pas, je ne dis pas que ce doit être des conditions tellement onéreuses qu'elles ne peuvent pas être remplies, mais c'est possible qu'après un certain nombre d'années pour renouveler un contrat, si certaines choses n'ont pas été faites, le gouvernement puisse dire: Écoutez, je vais renouveler le monopole que vous avez, mais vous devez respecter certaines conditions pour accomplir le mandat de distribution dans l'intérêt des consommateurs.

M. Pharand: C'est que, avant que le gouvernement...

M. Ciaccia: Autrement, le seul choix, c'est qu'on va octroyer le droit exclusif pour un certain nombre d'années. Cela peut être 30 ans. Pas plus que 30 ans. On peut le donner pour moins. À la fin de cela, on ne le renouvellera pas. Ce ne serait pas plus justifiable. Ce ne serait pas plus acceptable. Je pense que ce serait bien plus acceptable de dire: On va le renouveler. Si certaines conditions n'ont pas été remplies, on peut au moins les imposer.

M. Pharand: Vu le fait que la régie a un droit de regard sur toute la question, je vous dis que, quant à moi, je ne vois pas la nécessité d'insérer cette clause.

M. Ciaccia: Très bien. J'aimerais connaître votre opinion sur un autre point précis. Croyez-vous qu'un distributeur devrait avoir droit à un rendement sur des dépenses qu'il a effectuées dans le cadre d'un programme de commercialisation? Should the distributor have the right to...

M. Pharand: Je présume que vous parlez de subvention dans le cadre d'investissements.

M. Ciaccia: Non, je ne parle pas de subventions, je parle de distributeurs. The distributor is entitled on a certain rate of return on his investment»

M. Pharand: Investissements.

M. Ciaccia: Should the distributor have the right to claim a rate of return on a program that he may have instituted, a marketing program?

M. Walker: I think if marketing expenses, whether they be day-to-day expenses or for a long-term program, that are used to further distribution of natural gas are reasonably recovered in rates, whether they be in operating expenses for one year or over the course of several years for which there is benefit. The theoretical enlargment or the theoretical benefit would be from the economies of scale which come about by enlarging the system presumably in the long run lowering cost and for that reason any expense encurred to enlarge the system or distribute more gas is a reasonable expense that can be recovered or should be recovered in rates.

M. Ciaccia: À la page 4 de votre mémoire, vous dites que la loi devrait prévoir que les décisions de la régie devraient être basées sur preuves faites lors des audiences. N'est-ce pas ce qui se passe normalement? Pourquoi spécifier cela dans la loi? (16 h 15)

M. Pharand: M. le Président, c'est précisément, d'une part, parce que la loi ontarienne le prévoit. Deuxièmement, c'est que, pour déterminer et pour que les intervenants puissent avoir l'occasion d'être entendus sur tous les aspects de la cause, il est important que ces aspects soient consignés dans les débats et non pas fondés simplement sur l'expérience des membres de la régie, mais plutôt que ce soit discuté en audiences. Comme, d'une part, dans votre projet de loi, vous prévoyez que la régie pourra faire entendre des témoins, pourra mettre la preuve, nous voulons que toute cette preuve soit dans le dossier et éviter que la preuve soit faite hors du dossier.

Par exemple, les experts qui seront engagés par la régie, nous voulons simplement nous assurer que leur témoignage aura été consigné dans le procès-verbal et non simplement dans les discussions qui auront lieu entre le personnel et ses experts.

M. Ciaccia: À ce moment-là, s'il nous manque des éléments de preuve, est-ce que c'est la régie elle-même qui doit les obtenir, les ajouter ou si vous dites que la décision doit être rendue strictement sur la preuve qui est devant la régie?

M. Pharand: Comme, d'une part, le projet de loi prévoit que la régie peut mettre la preuve, elle pourra le faire. D'autre part, si la régie ne le faisait pas, à ce moment-là, je pense que ce serait un élément de droit sur lequel il y aurait un appel, selon notre prétention.

M. Ciaccia: Quand vous mentionnez, à l'article 41, quand on parle de documents, que seulement ceux qui sont déposés à la régie doivent être acceptés ou rendus publics, doivent faire partie du dossier, avec l'expérience que nous avons eue concernant l'Office national de l'énergie, alors qu'après l'audition on a envoyé les documents à la régie - ce que je considère aller à l'encontre de la procédure régulière - je crois que je suis totalement d'accord avec vous que seulement les documents qui sont déposés devant la régie pendant une audition doivent faire partie du dossier. Et cela ne devrait pas être permis pour un intervenant, que ce soit le distributeur ou un consommateur, après les auditions, de pouvoir envoyer des documents à la régie.

M. Pharand: Remarquez qu'il pourrait peut-être y avoir ce processus qui permet, d'une part, de produire des pièces après les audiences, quitte à en informer tous les autres participants, et si les autres participants voient matière à réouverture, qu'il y ait réouverture. Mais le processus peut être facilité, il ne devrait pas y avoir automatiquement empêchement de produire les documents après l'audience, avant les délibérations.

M. Ciaccia: Merci; on m'informe que mon temps de parole est écoulé. Je vous remercie.

Le Président {M. Théorêt): Merci, M. Pharand. Le temps du ministre étant maintenant écoulé, je vais reconnaître le critique de l'Opposition, M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. C'est surtout une question d'éclaircissement que j'ai à vous poser. À la page 2 de votre mémoire, concernant l'article 5... Pour ceux qui veulent comprendre, on y dit: "La juste valeur des investissements dans une entreprise est calculée sur la base du coût d'origine, soustraction faite de ta dépréciation." Cela, c'est pour déterminer un prix juste et raisonnable pour les consommateurs et on parle d'un rendement qui doit être jugé acceptable, normal, mais pas excessif.

Dans le commentaire que vous faites à la page 2 de votre mémoire, vous utilisez la notion d'année témoin projetée. Je vous cite, pour qu'on se comprenne bien: "Nous croyons qu'une précision devrait être apportée concernant le "coût d'origine". Il nous semble opportun de préciser qu'il ne s'agit pas uniquement du coût historique des investissements, mais que dans le cas d'une requête en tarification basée sur une année témoin projetée, la régie pourra prendre en considération le coût projeté de l'investissement." Une année témoin, vous excuserez mon ignorance, j'ai toujours pensé que c'était une année dont on se servait pour fins de comparaison, qui, par définition, était passée. C'est quoi la notion d'année témoin projetée?

M. Pharand: L'année témoin projetée, M. le Président, c'est quand le distributeur demande à la régie de déterminer ses tarifs pour l'année 1988, par exemple...

M. Gauthier: L'année qui vient.

M. Pharand: ...l'année qui vient, basés sur la projection de budgets qu'elle fait. Elle dit: L'année prochaine, je vais prendre telle quantité de gaz; je vais avoir tant de dépenses et je vais avoir besoin de X tarifs pour faire face à mes dépenses et réaliser mon profit raisonnable.

M. Gauthier: C'est ce dont ii est question dans cette suggestion.

M. Pharand: C'est ce dont il est question.

M. Gauthier: À ce moment-là, je vous pose la question suivante: Si, l'année suivante, les prévisions d'investissements, les prévisions de ventes ne s'avèrent pas exactes, et que la régie aurait accordé une augmentation plus substantielle qu'elle aurait dû le faire, comment prévoyez-vous la façon dont la régie devrait tenir compte de ces erreurs? Est-ce que vous suggérez que, dans l'après-coup, il y ait une redistribution aux consommateurs ou une soustraction?

M. Pharand: Présentement, s'il y a de mauvaises prévisions et que le distributeur fait plus d'argent qu'il ne prévoyait en faire dans ses estimations, cet argent se trouve à être versé dans le compte de trop-perçus -vous avez l'article 49, je pense - et, à ce moment-là, c'est redistribué aux consommateurs.

M. Gauthier: La suggestion que vous nous faites, l'avant-projet de loi proposerait que l'ajustement de tarifs se fasse à partir

de l'année qui vient de s'écouler et vous voudriez, au contraire, que cela se fasse...

M. Pharand: Non, Nous voulons dire que, uniquement pour les investissements... Si, par exemple, on prévoit faire un investissement au mois de janvier 1988, on aimerait que la régie en tienne compte dans l'approbation des tarifs...

M. Gauthier: Antérieurement.

M. Pharand: ...parce que cette dépense va se faire en 1988 et il y aura onze ou douze mois pour lesquels on devrait avoir des revenus. C'est uniquement là-dessus qu'on...

M. Gauthier: D'accord. Dans le même sens, à l'article 6 du projet de loi, on dit: "Dans un tarif les taux et autres conditions applicables à un consommateur ou une catégorie de consommateurs doivent refléter tout rabais sur les coûts d'acquisition ou toute condition avantageuse d'approvisionnement consentie au distributeur en considération de la consommation de ce consommateur ou de cette catégorie de consommateurs." C'est ce que dit l'avant-projet de loi. Vous ajoutez le commentaire suivant; Un article devrait être ajouté audit projet de loi pour prévoir que les tarifs pourront être basés soit sur une année témoin historique, soit sur une année témoin projetée, au choix du distributeur. L'avant-projet de loi prévoit que le consommateur devrait profiter d'une baisse de coûts d'approvisionnement pour vous autres, qui serait due à un de ces comportement, c'est-à-dire que, s'il achète en grande quantité, vous avez de meilleurs prix et vous devez le refiler au consommateur. On est d'accord avec cela, mais je comprends mal le fait que vous ameniez à ce moment-ci la notion de tarif basé sur l'année témoin historique ou sur l'année témoin projetée, au choix du distributeur. Dans le fond, vous voulez trouver le meilleur parti possible, que ce sait dans le passé ou dans l'avenir.

M. Pharand: Non. Nous demandons tout simplement de concrétiser le statu quo. Présentement, la régie va utiliser soit l'année témoin historique, soit l'année témoin projetée pour déterminer les tarifs. Nous demandons tout simplement, étant donné que la loi était silencieuse, que le projet de loi est silencieux, de clarifier le statu quo et de dire que le distributeur pourra demander, quand il va faire sa demande pour ses tarifs, soit d'utiliser l'année témoin historique, c'est-à-dire l'année passée, ou l'année témoin projetée, c'est-à-dire le budget de l'année prochaine soumis à la régie.

M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Pour le mot de la fin?

Le Président (M. Théorêt): Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part des parlementaires? M. le député de Roberval, en conclusion.

M. Gauthier: Très brièvement. Je veux remercier, comme on l'a fait pour les intervenants précédents, les représentants de Gazifère inc. pour le mémoire qu'ils nous ont présenté et les assurer de notre volonté ferme de tenir compte des préoccupations qu'ils nous ont soumises dans le travail que nous aurons à faire, la collaboration que nous aurons à apporter au ministre pour mettre en place ce projet de loi. Je vous remercie beaucoup au nom de ma formation politique.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier les représentants de Gazifère. I want to thank Mr. Walker for the recommendations that he has made with respect to our Régie de l'électricité et du gaz.

M. le Président, j'applaudis et je note qu'il semble y avoir un grand intérêt dans les travaux de notre commission. L'auditoire a semblé augmenter sensiblement aux derniers moments. Je vais vous inviter à demeurer avec nous jusqu'à ce que nos travaux soient terminés. Je crois que cela va stimuler les membres de la commission. Je note l'intérêt qu'on prend pour un projet de loi économique, comme celui qui est devant nous, pour aider le consommateur et le développement économique.

Aux représentants de Gazifère, je dis que nous prenons bonne note des recommandations qu'ils nous ont faites. Nous allons les étudier et sûrement que le projet de loi qui sera déposé en première lecture contiendra certaines des recommandations que plusieurs intervenants ont portées à notre attention. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, les membres de la commission vous remercient et vous souhaitent un bon retour chez vous. J'inviterais maintenant les représentants de l'Association des consommateurs du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Est-ce que Mme Solange Guillot-Lemelin est dans la salle ou un représentant de l'association? Sinon, je vais suspendre les travaux pour quelques minutes. Je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Théorêt): La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Nous souhaitons la bienvenue à Mme Solange Guillot-Lemelin, présidente de l'Association des consommateurs du Québec.

Association des consommateurs du Québec

Mme Lemelin, je vous rappelle simplement que vous avez un maximum de 20 minutes pour faire votre présentation et qu'après coup le parti ministériel et l'Opposition échangeront avec vous.

Je vous cède la parole.

Mme Guillot-Lemelin (Solange): M. le Président, M. le ministre, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui au nom de l'Association des consommateurs du Québec pour vous faire part de nos commentaires sur l'avant-projet de loi sur la régie du gaz. L'Association des consommateurs du Québec a eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises sur les questions d'énergie, en particulier sur les hausses de tarifs d'Hydro-Québec. En 1981, on était présents à la commission parlementaire pour s'opposer à la transformation de la structure d'Hydro-Québec. Nous sommes notamment intéressés à la réglementation et à l'encadrement des entreprises productrices ou distributrices d'énergie.

L'association aurait souhaité un véritable débat sur l'énergie. Comme il est mentionné dans le mémoire, l'occasion qui nous est offerte par l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel ne permet qu'une discussion partielle de nos choix politiques concernant l'énergie. On veut créer une régie, mais pour nous ce n'est pas vraiment un débat sur toute la question de l'énergie.

En matière d'énergie, comme dans les autres secteurs de la consommation, l'ACQ favorise la libre concurrence afin de répondre aux besoins des consommateurs. Pour y arriver, il faut garantir aux consommateurs le choix et la diversité des sources d'énergie, une meilleure distribution du service et un meilleur rendement à meilleur prix. C'est sûr que le coût est important, mais on est conscients qu'il faut tenir compte des habitudes sociales et culturelles des consommateurs. C'est donc par une concurrence accrue que le consommateur sera le mieux servi, au meilleur coût.

Comme l'énergie est un secteur monopolistique, on accentue davantage cet aspect en créant une nouvelle régie se limitant au gaz naturel. En 1977, lors d'audiences publiques, avec le ministre de l'Énergie du Québec à ce moment-là, l'ACQ recommandait que soient regroupées sous une seule régie les différentes formes d'énergie pour qu'on ait au moins une concurrence entre chacun des secteurs sous une même régie. Cet avant-projet de loi va donc dans le sens contraire de ce que l'on demandait et nous nous interrogeons à propos de cette orientation qui implique des coûts sociaux et une efficacité administrative réduite. On entend par là qu'on croit qu'avec cette façon de procéder on multiplie l'administration, on double toute la façon de procéder, on répète l'encadrement. Il y a donc beaucoup de coûts sociaux reliés à cela, quand on sait que dans certaines régies il y a environ 38 % des frais qui vont seulement à l'administration.

L'ACQ tient à ce que l'avant-projet de loi soit le reflet des intentions annoncées, notamment en ce qui a trait à la protection équitable des consommateurs face aux distributeurs. De nombreux aspects de cet avant-projet de loi semblent à première vue protéger les consommateurs. Cependant, nous croyons nécessaire de préciser le processus permettant aux consommateurs d'avoir une véritable reconnaissance de ses intérêts. Les consommateurs attendent d'un tribunal administratif comme celui sur le gaz naturel des informations pertinentes, une meilleure gestion, de l'efficacité et de meilleurs prix.

Nous sommes conscients que ce mémoire dépasse le cadre et l'objet de l'avant-projet de loi, mais il permet de préciser l'orientation de la prise de position de l'Association des consommateurs du Québec.

En ce qui concerne l'accessibilité des consommateurs, une préoccupation favorisant l'accessibilité du consommateur à la régie semble se dégager de ce document, à l'article 28. Elle se concrétise par l'accès aux services et à l'arbitrage. Le consommateur peut demander à la régie de convoquer une audience pour les demandes d'approbation de tarif surtout et pour les cas de trop-perçu.

Par contre, la régie ne se prononçant que sur des preuves, c'est aux consommateurs à qui incombera le fardeau de la preuve. Est-ce qu'ils auront recours aux groupes de soutien, notamment, si ceux-ci ont accès au financement de l'expertise? On demande aussi que le terme "consommateurs et leurs représentants" soient définis à l'article 2.

L'expertise et les ressources doivent être assurées à toutes les parties en cause. Pour préparer un mémoire, les consommateurs doivent disposer d'un délai raisonnable pour permettre une défense adéquate en ce qui a trait à l'augmentation des prix, par exemple.

Protection des consommateurs. L'information demeure la meilleure protection des consommateurs. De toutes les préoccupations de ce genre de régie, la fixation du prix du service s'avère de

première importance pour les consommateurs. Afin de garantir aux consommateurs une protection accrue à ce propos, le législateur a proposé une formule de ristourne sur le trop-perçu du distributeur, bien que celle-ci ne soit pas automatique, à l'article 49. Mais, étant donné la décision de la Cour supérieure relative au refus de remboursement de Bell Canada aux consommateurs dernièrement, ce jugement récent risque de faire jurisprudence et de rendre inapplicable cet article. Oe toute façon, noua croyons que cela va à l'encontre de toutes les lois économiques. On demanderait que ce ne soit pas un remboursement d'argent, mais plutôt une baisse de tarif accordée aux consommateurs à ce moment. Aussi, les consommateurs devraient-ils être pleinement informés sur le mécanisme qui fixe les tarifs selon les types de clientèle et les transferts de factures inhérents de façon à mesurer le trop-perçu des distributeurs.

D'autre part, plusieurs mesures protègent les consommateurs: l'intégrité des régisseurs, le respect des ententes fixées sur les prix et sur le taux de rendement. Cependant, les protections concernant, notamment, fe travail des enquêteurs, le travail d'enquête des régisseurs, risquent d'être mitigées par des pénalités qu'on croit ridicules, qui devraient être augmentées.

Le gouvernement peut aussi intervenir directement par décret dans le mandat de la régie. Nous nous interrogeons vraiment sur l'autonomie du mandataire à ce moment. Les critères et les motifs d'une telle intervention devraient être précisés. On s'interroge en particulier sur les modalités, pourquoi le gouvernement va intervenir et surtout comment. Le pouvoir du gouvernement sur la régies est-ce qu'il peut annoncer par décret les orientations générales, est-ce qu'il peut faire le travail de la régie, est-ce qu'il peut intervenir n'importe quand? Ce sont des questions à préciser.

J'aimerais terminer en ce qui regarde les notes explicatives de l'avant-projet de loi, tout de suite après la page titre. On dit, au paragraphe 3: "Cet organisme appelé "Régie du gaz naturel" sera dorénavant composé de trois membres. Il aura principalement pour fonction d'approuver les tarifs proposés par un distributeur de gaz naturel". Vous comprendrez pourquoi on demanderait aussi d'ajouter, d'approuver ou de refuser les tarifs proposés par un distributeur.

Cela résume ce qu'on a fait comme travail sur cet avant-projet de loi. Je suis prête à répondre.

Le Président (M. Théorêt): Merci, Mme la Présidente. Je vais maintenant céder la parole au ministre.

M. Ciaccia: Merci. Je veux remercier l'Association des consommateurs du Québec, je remercie Mme Solange Guillot-Lemelin pour sa présentation. Je pense qu'on se rejoint sur plusieurs points. Je remarque, par exemple, qu'en matière d'énergie, comme dans les autres secteurs de consommation, l'Association des consommateurs du Québec favorise la libre concurrence afin de répondre aux besoins des consommateurs,, Vous dites que c'est par une concurrence accrue que le consommateur sera le mieux servi et au meilleur coût.

La première question que je me pose a trait à votre participation aux audiences de la régie au cours des dernières années. J'aimerais savoir si vous avez déjà présence votre point de vue devant la régie. J'aimerais également que vous me présentiez les contraintes auxquelles vous faites face et vos intentions en ce qui concerne la représentation des consommateurs de gaz naturel devant la future régie.

Mme Guillot-Lemelin: Concernant les contraintes pour lesquelles on ne s'est pas présentés devant la régie... De toute façon, l'Association des consommateurs a ses propres priorités. Ce n'est pas que des sujets comme ceux-là ne nous préoccupent pas si jamais on n'est pas intervenus. On a beaucoup de contraintes au point de vue des ressources, humaines et financières, qui font qu'on ne peut être présent à toutes ces régies.

Quelle était votre dernière question sur le gaz?

M. Ciaccia: Bien, je voulais savoir vos intentions en ce qui concerne la représentation des consommateurs devant la future régie. Peut-être pourrais-je enchaîner avec l'article 57. L'avant-projet de loi prévoit dans l'article 57 que la régie pourra maintenant accorder des frais aux parties dont elle juge la participation utile à ses délibérations. J'aimerais que vous me disiez comment vous comptez utiliser la possibilité qui vous serait ainsi offerte de participer aux audiences de la Régie du gaz naturel. J'aimerais savoir si vous seriez en faveur que le procureur de la régie ait pour mandat spécifique de veiller à faire valoir le point de vue des consommateurs non représentés devant la régie.

Mme Guillot-Lemelin: Oui, bien sûr, on aimerait que le procureur puisse faire cela. Quand on parle d'expertise dans cet article-là, nous, on aimerait offrir notre expertise au consommateur pour l'aider justement à évaluer, par exemple, face à une augmentation de tarif, surtout lui faire prendre conscience de ses droits, pour ne pas qu'il se sente démuni si, financièrement, il n'est pas capabale d'être représenté. Par contre, s'il sait qu'il y a des personnes qui

peuvent être là pour l'aider à faire face au problème qu'il peut rencontrer, nous, bien sûr, qu'on pourrait agir à titre d'expertise dans ce sens-là.

M. Ciaccia: Est-ce que vous auriez des suggestions précises ou des commentaires à faire au sujet de l'article 57 qui prévoit que la régie adjuge à sa discrétion sur les dépenses relatives aux affaires de son ressort et à l'exécution de ses décisions et qu'elle peut accorder des frais, y compris les frais d'experts, aux parties dont elle juge la participation utile à ses délibérations?

Mme Guillot-Lemelin: Si jamais elle pouvait attribuer un certain montant aux personnes qui seraient là pour aider le consommateur, nous, on serait, bien sûr, d'accord pour participer dans ce sens-là.

M. Ciaccia: Mais en ce qui concerne le remboursement du trop-perçu, vous dites dans votre mémoire à la page 3 que dans le cas de Bell Canada, la Cour supérieure aurait rendu un jugement qui, selon vous, risque de faire jurisprudence et rendre inapplicable l'article 49 de l'avant-projet de loi. C'est l'article dans notre avant-projet qui prévoit le remboursement du trop-perçu au consommateur. Ne pensez-vous pas que c'est justement parce que le CRTC n'avait pas dans sa loi le pouvoir de décider du remboursement du trop-perçu qu'il y a eu une telle décision et ne pensez-vous pas qu'il faut alors que la loi de la régie comprenne explicitement un article lui donnant le pouvoir de rembourser le trop-perçu?

Mme Guillot-Lemelin: Effectivement, si on lui donne le pouvoir de le faire et si elle peut l'appliquer, tant mieux, sauf que l'on se posait des questions concernant ce qui est mentionné là, sur ce qui vient de se passer dans le cas de Bell. En plus, comme j'ai ajouté tout à l'heure, ce ne serait pas de rembourser le trop-perçu, mais plutôt de faire profiter le consommateur par une baisse de tarif. On a mentionné cela vraiment à titre de prévention pour ne pas que cela se reproduise, mais si c'est effectivement le pouvoir qu'on donnerait à la régie, alors tant mieux.

M. Ciaccia: C'est pour cette raison que nous l'avons inclus spécifiquement dans la loi, pour donner ce pouvoir à la régie, parce que dans la loi du CRTC je ne pense pas qu'il y avait ce pouvoir spécifique et c'est pour cela que Bell Canada est allée devant les tribunaux. C'est dans notre juridiction de le faire et je crois qu'en le spécifiant dans la loi, cela va accorder à la régie le pouvoir de rembourser le trop-perçu.

Mme Guillot-Lemelin: Heureusement, et nous espérons que cela va s'appliquer.

M. Ciaccia: En ce qui concerne l'approvisionnement en gaz naturel des consommateurs du secteur résidentiel, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la possibilité que ces clients puissent se regrouper, unir leur force et faire affaire avec des courtiers plutôt qu'avec Gaz Métropolitain ou Gazifère pour acheter leur gaz naturel. Est-ce que vous voyez cela comme une possibilité, est-ce que vous voyez cela comme avantageux ou est-ce qu'il y a trop d'inconvénients à utiliser cette approche?

Mme Guillot-Lemelin: C'est à espérer que ne se passe pas dans le domaine de l'énergie ce qui se passe dans le domaine des assurances, le fait que des courtiers soient mal renseignés, ne donnent pas l'information nécessaire au consommateur, qu'on ne leur fasse pas connaître les meilleurs prix, les meilleurs taux où se procurer leurs assurances. Alors, si on peut transposer cela dans le domaine de l'énergie, il faudrait que le consommateur en retire vraiment des avantages très concrets en termes d'information surtout et de taux avantageux. (17 heures)

M. Ciaccia: Tout au long de votre mémoire, vous dites que l'information est la meilleure protection des consommateurs. Croyez-vous que la Régie du gaz naturel doit avoir un tel mandat, le mandat d'informer? Comment peut-elle remplir ce rôle et est-ce que vous pourriez nous donner une idée des informations qui doivent être systématiquement rendues accessibles aux consommateurs?

Mme Guillot-Lemelin: La première observation qui me vient à l'esprit, c'est surtout concernant le mécanisme de fixation des prix, de toute la tarification concernant le gaz pour le consommateur. Souvent, c'est quelque chose qui n'est pas évident pour le consommateur, on ne sait pas comment ça se produit. Dont, pour ces raisons-là, il n'aura pas tendance à aller plus loin et. à obtenir ce qui lui est dû. Alors, je pense qu'en termes d'information, sur tout ce qui concerne la tarification, il faut que la régie fasse le plus de travail possible.

M. Ciaccia: L'information, le rôle d'informer le public sur la façon dont les prix sont fixés...

Mme Guillot-Lemelin: Oui.

M. Ciaccia: ...pour que le consommateur puisse savoir...

Mme Guillot-Lemelin: ...puisse recourir...

M. Ciaccia: ...quel est le processus. Mme Guillot-Lemelin: Exactement.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a d'autres informations qui seraient utiles?

Mme Guillot-Lemelin: II y aurait aussi l'information concernant toute ia disponibilité, comment se procurer cette énergie, quelles sont les façons pour le consommateur d'avoir une meilleure disponibilité concernant cette ressource.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Oui, Mme la présidente. Il me fait plaisir de vous saluer au nom de ma formation politique. J'aimerais savoir, Mme la présidente... Vous savez, dans le domaine de la consommation, on sait la difficulté -vous le savez mieux que nous autres, d'ailleurs - de regrouper tous les consommateurs pour leur permettre de se donner cette force, qui est la leur en réalité, et la canaliser dans les lois du marché, et qu'ils obtiennent le meilleur prix pour un produit, comme on est en droit de s'y attendre normalement. Est-ce que vous croyez, Mme la présidente, plutôt que de prendre ia formule des courtiers suggérée tout à l'heure dans la question du ministre, est-ce que vous croyez qu'un rôle de surveillance des approvisionnements confié à la régie, dans le sens que la régie aurait le pouvoir, au nom des consommateurs, de surveiller si tel ou tel distributeur s'approvisionne au meilleur prix possible ou si ses achats sont faits, disons, un peu à la légère dans certains cas, puisqu'il justifie ses prix à la régie par le coût de sa matière première, un rendement sur son capital investi, les coûts d'entretien, etc. - donc, il est possible que ce prix fixé soit assez élevé, ne soit pas nécessairement le meilleur prix pour le consommateur - est-ce que vous croyez qu'on devrait nommément identifier le devoir à la régie de surveiller le prix, la qualité des approvisionnements qui sont destinés, bien sûr, aux consommateurs? Est-ce que vous croyez que ça pourrait être une façon de rendre justice aux consommateurs?

Mme Guillot-Lemelin: En fait, si la régie faisait ça, avait tous les moyens... Elle a probablement plus de ressources que les courtiers pour le faire. De toute façon, s'il n'y a pas d'intermédiaire, l'information a des chances de se rendre plus directement aux consommateurs. Dans ce sens-là, ça pourrait être plus avantageux, mais j'avoue que, lors de la rédaction du mémoire, on ne s'est pas attardé à cette notion de courtiers qui viendraient interférer. Sauf que de la façon que vous le mentionnez, s'il n'y a pas d'intermédiaire, l'information a des chances de se rendre plus directement.

M. Gauthier: Est-ce que - je me pose la question - dans le domaine du prix de l'électricité? par exemple... Il y a une formule qui veut qu'en commission parlementaire, cette commission-ci demande à Hydro-Québec publiquement des justifications de hausses de tarifs. Est-ce que cette formule, qui est très publique et qui vise à diffuser la meilleure information possible aux consommateurs, est-ce que vous croyez qu'une formule comme celle-là est adéquate et répond aux besoins des gens que vous représentez?

Mme Guillot-Lemelin: Vous dites que c'est public, sauf que ce n'est pas M. Tout-le-Monde qui va venir ici présenter son point de vue là-dessus. C'est sûr que c'est une bonne chose. C'est un pas quand même assez considérable. Je pense qu'à l'intérieur même de ces compagnies, s'il y avait des comités où les gens étaient entendus pour faire connaître leur point de vue sur le fonctionnement même de ces organismes, ce serait opportun.

M. Gauthier: Ma question avait un but, évidemment, et j'arrive à ma véritable question. Comme exercice d'information publique sur le coût d'un produit, je vous avoue qu'on a fait, en ce qui concerne le prix de l'électricité, un effort sans précédent, du côté du gouvernement, au moment où nous formions le gouvernement, comme maintenant, dans l'Opposition, pour essayer de rendre publiques ces données et vous me dites - c'est un peu ce qu'on craint, malheureusement - que ce n'est peut-être pas suffisant... que ce n'est peut-être pas une garantie pour le consommateur. Comment, en appliquant au gaz ces principes, comment une régie pourrait-elle, une régie qui est moins publique en quelque sorte que le Parlement, qu'une commission parlementaire, par quel moyen pourrait-elle rendre service aux consommateurs? Vous avez parlé de la nécessité d'obtenir de l'information. Qu'est-ce que la régie devrait faire pour que cette information se rende encore mieux que par une commission parlementaire sur l'étude des tarifs de l'électricité, par exemple? Faudrait-il que cela aille jusqu'à - ce qui est quasi impensable - une information individualisée? Quel mécanisme avez-vous en tête présentement, auquel vous pensez qui pourrait nous amener à donner cette information le mieux possible?

Mme Guillot-Lemelin: Nous qui représentons les consommateurs pour protéger

leurs intérêts, je pense que ce serait une bonne chose que de nous consulter et de nous faire part, justement, de cette augmentation. De plus en plus d'entreprises nous consultent sur différents sujets sur lesquels ils veulent se prononcer. Alors, comme il est mentionné dans le mémoire, cela nous donnerait le temps de l'évaluer au nom des consommateurs. Pour présenter un mémoire, on pensait à trois mois, mais qu'on nous donne au moins la période nécessaire pour pouvoir, nous, l'évaluer au nom des consommateurs et voir tout le mécanisme à être mis en place, de sorte que nous puissions nous prononcer, à savoir si oui ou non cela est nécessaire. On est bien conscient qu'il faut quand même suivre le taux d'inflation. À un moment donné, il faut arriver avec certaines augmentations de tarifs. Il faut que ce soit raisonnable, il faut que ce soit bien expliqué et il faut que ce soit bien compris de tout le monde.

M. Gauthier: Vous dites dans votre mémoire que l'Association des consommateurs devrait avoir accès facilement à l'expertise de la régie, si j'ai bien compris le sens de votre intervention. Est-ce que vous pourriez préciser davantage? Puisque vous intervenez vous-mêmes souvent et régulièrement dans des dossiers de cet ordre, quel type d'aide devrait-on apporter à votre association pour lui permettre de jouer, face à la régie, pleinement son rôle d'intervenant éclairé, capable d'argumenter? Cela va jusqu'où ce type d'aide dont vous avez besoin?

Mme Guillot-Lemelin: Cela va jusqu'à, premièrement, nous considérer comme - avec les ressources nécessaires - experts auprès des consommateurs pour pouvoir les conseiller et qu'on nous donne les ressources, surtout financières, pour qu'on puisse travailler pendant une période x sur un sujet précis, afin de vraiment avoir tout en main ce qui est nécessaire pour évaluer la situation et vraiment guider le consommateur dans sa future démarche.

M. Gauthier: Au début de votre mémoire, sauf erreur, vous mentionnez le fait que vous êtes en désaccord avec la parcellisation du travail de la régie, c'est-à-dire qu'elle ne s'occupera dorénavant que de la distribution du gaz - en tout cas, dans ce qu'on a dans l'avant-projet de loi. Si je comprends bien, vous souhaitiez, comme les orientations semblaient vouloir se prendre dès les années 1978 et 1979, qu'il y ait un regroupement, que la régie se voit accorder un pouvoir accru, accentué, en ce qui concerne les autres formes. On parlait de la vapeur. On va avoir l'occasion d'en parler tantôt, parce que cela touche aussi les consommateurs par le biais de commerçants, d'hommes d'affaires qui ont à subir un tarif quelconque et qui sont captifs d'une certaine manière. On parle de l'électricité. Je sais que le ministre a tendance à dire que les tarifs fixés par Hydro-Québec font école, mais il y a quand même plus que cela. Quelle est l'étendue du rôle que vous souhaiteriez voir à la régie? D'abord, au départ, la Régie de l'électricité et du gaz touchait à ces trois secteurs. Voyez-vous son rôle davantage étendu? Auriez-vous souhaité une régie qui continue à garder le même champ de juridiction, mais dont la facture lui permette de poser des gestes de façon plus musclée? J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, sur votre vision, non pas par rapport à l'avant-projet de loi qui est très limitatif, mais par rapport au rôle que devrait véritablement jouer au Québec une régie du type de celle dont on parle.

Mme Guillot-Lemelin: Nous, on disait que ce n'était qu'une partie de tout le débat qui est en train de se faire à Ottawa présentement, surtout sur la meilleure utilisation des ressources énergétiques. C'est pour cela qu'on se disait que ce n'était qu'une façon d'aller voir, dans le cas du gaz, comment on utilise toutes les ressources énergétiques plutôt que de le voir dans l'ensemble de toutes les ressources. C'est sûr qu'on voit surtout le rôle de la régie comme un rôle de surveillance, qu'elle est là pour faire appliquer les choses des compagnies détentrices de toute l'énergie. On a d'ailleurs mentionné que cela allait à l'encontre de la concurrence que de vouloir donner au secteur du gaz sa propre façon de procéder et que cela empêchait la concurrence à l'intérieur de tous les secteurs.

Vous avez aussi parlé de pouvoir accru. Je pense que de donner un pouvoir à un secteur en particulier vient encore empêcher le consommateur de profiter de la concurrence. C'est vraiment en rapport avec cela qu'on s'est prononcés.

M. Gauthier: Quant au mécanisme de nomination des régisseurs, je m'étonne que vous n'ayez pas exprimé le souhait dans votre mémoire que l'Association des consommateurs du Québec puisse être considérée à titre consultatif dans le choix des régisseurs ou même qu'elle participe à la nomination d'un des régisseurs. Est-ce parce que vous ne l'avez pas envisagé sous cet angle ou est-ce implicite quand vous affirmez que le gouvernement devrait reconnaître l'Association des consommateurs du Québec comme un expert au départ?

Mme Guillot-Lemelin: Oui. C'est dans ce sens. C'est sûr qu'on ne l'a pas mentionné, comme vous le voyez. On est peut-être conscients de la réalité d'une proposition comme celle-là, sauf que le fait de nous considérer comme des experts pour

conseiller le consommateur face à un problème, ce serait pour nous déjà intéressant.

M. Gauthier: Je reviens à ma question, de façon un peu plus précise. Est-ce que la nomination, le fait d'accepter ou d'accréditer un régisseur, un membre observateur, suggéré par l'Association des consommateurs du Québec, s'il y a lieu, vous semblerait une façon de faire en sorte que la régie non seulement fournisse toujours et en tout temps l'aide requise aux associations, mais aussi soit véritablement garante des droits et privilèges des consommateurs? Est-ce que cela ne pourrait pas être une formule intéressante à laquelle le ministre devrait s'intéresser?

Mme Guillot-Lemelin: Pourquoi pas? Je pense que, si le ministre était intéressé à aller jusque-là, bien sûr que c'est exactement ce qu'on voudrait faire.

M. Gauthier: Cela permettrait, possiblement...

Mme Guillot-Lemeiin: D'être plus entendus aussi.

M. Gauthier: Cela permettrait, possiblement, de garantir des choses et je ne vois pas quel mal il y aurait à cela.

Mme Guillot-Lemelin: Non,, On est d'accord avec vous.

M. Gauthier: Je vous remercie. Pour l'instant, ça va.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Un des aspects que je note et que je trouve un peu préoccupant est le manque de présence de l'Association des consommateurs du Québec devant la régie. Je ne crois pas que de vous consulter sur la nomination d'un régisseur puisse vraiment répondre aux problèmes des consommateurs. Une fois qu'on vous a consultés et que la décision est prise, il reste toutes les décisions sur les tarifs, et c'est là l'important. Ce n'est pas nécessairement une consultation sur le régisseur. (17 h 15)

L'autre formule suggérée par le critique de l'Opposition, le député de Roberval, est d'avoir un membre présent à la régie. Si on accorde un membre présent, attitré, à temps plein, pour le consommateur, bien, on va se le faire demander pour les autres secteurs. À la fin, nous n'aurons pas vraiment accompli grand-chose. Je pense que le vrai problème, la vraie réponse, c'est une participation de l'association quand il y a des demandes d'augmentation de tarif. Je remarque qu'en Ontario, l'Association des consommateurs est beaucoup plus présente quand il y a des auditions pour augmenter et c'est cet aspect-là que je trouve préoccupant, parce que le secteur industriel a des associations et il a les ressources. Ils savent présenter leur point de vue. ILs ont les ressources pour apporter à l'attention de la régie, voici ce qui nous préoccupe.» Le secteur commercial, l'association qui est venue devant nous auparavant, les produits forestiers, font tous des représentations à la régie.

C'est vrai qu'il y aurait moins de maux de tête pour un gouvernement si vous n'étiez pas là. Mais je me demande ce qui pourrait être fait, parce que je crois que ce serait important d'avoir une présence, pas en permanence, pas attitrée, parce que là cela devient... Vous n'avez pas besoin d'un autre fonctionnaire qui va parler au nom des consommateurs à temps plein devant une régie, ce n'est pas cela qui va faire vraiment jouer son rôle à votre association. Mais comment votre association peut-elle participer aux auditions et faire des représentations du point de vue du consommateur devant la régie?

Mme Guillot-Lemelin: Vous voulez dire surtout dès qu'il y a une augmentation de prix, par exemple?

M. Ciaccia: Oui, oui, s'il y a une augmentation de prix...

Mme Guiilot-Lemelin: Bien, à ce moment-là...

M. Ciaccia: La régie doit décider dans le secteur industriel, car il y a toutes sortes d'éléments, ce n'est pas le même prix pour tout le monde. Alors, quand ça vient pour le consommateur résidentiel, qui le représente devant la régie? Je sais que la régie doit prendre en considération... Ce n'est pas un reproche que je vous fais et ce n'est pas un reproche que je fais à la régie non plus, mais cette présence, je pense qu'il y a là une lacune.

Mme Guillot-Lemelin: Écoutez, je suis bien contente de savoir que l'Association des consommateurs du Canada était présente en Ontario lors de certaines audiences, mais peut-être que si les audiences ont eu lieu, je ne sais pas, moi, à Toronto et qu'il y avait des gens de cette région-là qui étaient présents, il y a de fortes chances que, physiquement parlant... Je sais qu'il y a eu des audiences publiques au sujet de Bell, mais l'association ne pouvait pas se rendre à Hull. Comprenez-vous, nous sommes limités jusqu'à ce point-là pour être même présents dans certains...

M. Ciaccia: Mais la régie ne siège pas dans des endroits... C'est à Montréal ou à Québec qu'elle va siéger. C'est dans les centres...

Mme Guillot-Lemelin: Non, mais vous parlez de celles qui ont eu lieu en Ontario, ce n'était pas au Québec. Oui, effectivement, je ne disais pas cela non plus pour excuser notre absence à ces endroits-là. C'était juste pour vous montrer que si nous ne sommes pas là à certains moments, c'est qu'on n'a pas eu les ressources nécessaires pour travailler sur le dossier et même pour être présents, sauf que je retiens ce que vous dites. Effectivement, cela peut être sûrement profitable pour les consommateurs si nous pouvons être le plus présent, le plus souvent, à plusieurs endroits.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien la raison - je pense que vous l'avez déjà dit - c'est le manque de ressources...

Mme Guillot-Lemelin: C'est ça.

M. Ciaccia: ...que vous n'avez pas, parce que cela prend...

Mme Guillot-Lemelin: ...pour participer à toutes...

M. Ciaccia: Ça prend du personnel, ça entraîne des dépenses, ça prend de l'argent pour préparer des dossiers afin d'aller devant la régie.

Mme Guillot-Lemelin: C'est ça. Sauf que, dès que ce sera possible pour nous de le faire, c'est sûr qu'on le fera et avec attention.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval, pour la conclusion?

M. Gauthier: Oui, je voudrais remercier Mme la présidente de l'Association des consommateurs du Québec, d'abord, d'avoir présenté un mémoire. On sait que les ressources - vous nous l'avez dit - ne sont pas abondantes et le temps que vous mettez pour préparer ces choses-là, évidemment, vous devez probablement le grignoter ailleurs. Alors, on apprécie d'autant plus votre réflexion et votre présence en commission parlementaire dans ce cadre-là. Soyez assurée que nous prenons bonne note des recommandations que vous nous avez faites et des éclaircissements que vous avez apportés à nos questions. Nous ferons en sorte de surveiller le ministre afin qu'il en tienne compte.

Mme Guillot-Lemelin: Merci.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, Mme la présidente. J'espère, premièrement, qu'on vous a rassurée sur certains aspects, spécialement sur l'article 49, la perception du trop-perçu. La raison pour laquelle on a mis cet article-là, c'est justement parce qu'il y avait une clause et que cette clause-là n'était pas dans la loi du CRTC. Quand on parle d'une régie sur d'autres formes d'énergie, c'est difficile d'avoir le principe de la libre concurrence et d'avoir une régie pour toutes sortes de formes d'énergie. La raison pour laquelle on l'a dans le gaz naturel c'est parce que c'est un monopole actuellement pour les consommateurs. Alors, il y a une régie.

Je voudrais encourager l'association à être plus présente aux auditions de la régie pour donner le point de vue du consommateur. Si j'en juge par votre mémoire, je suis persuadé que vous n'auriez pas seulement comme rôle ou comme position juste d'aller devant la régie et de dire que c'est trop cher. Je pense que vous allez apporter des arguments et des points de vue, comme vous l'avez fait aujourd'hui, qui méritent d'être discutés et qui portent à réflexion. Alors, nous allons certainement coopérer avec vous s'il y a des mesures à prendre pour assurer, pour encourager votre présence et, en ce qui concerne les recommandations, certainement que nous allons les prendre en considération. Merci.

Mme Guillot-Lemelin: D'accord. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Mme la présidente, les membres de la commission vous remercient et vous souhaitent un bon retour. Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 22)

(Reprise à 20 h 1)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux afin de procéder à la consultation générale en ce qui a trait à l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel. J'invite maintenant - vous avez déjà pris place - M. Lucien Mouton.

M. Mouton (Lucien): Bonsoir, monsieur.

Le Président (M. Théorêt): Je vous rappelle que vous avez un maximum de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Après coup, de part et d'autre, on

discutera avec vous. Je vous cède donc la parole, M. Mouton.

M. Lucien Mouton

M. Mouton: Bonsoir, messieurs. Après tout ce que vous avez entendu ce matin, je vais essayer d'être concis, quoique ceux qui me connaissent savent que j'ai de la misère à l'être. Alors, au tout début, je ne voudrais pas entrer dans les problèmes de concordance des articles et des lois, ni dans la question de la fourniture. On vous a amplement parlé ce matin de la question de la fourniture du gaz et des difficultés d'interpréter certains de vos articles, tels que 1, 7, 17 et 22, etc.

J'aimerais, cependant, vous souligner un problème que personne n'a abordé. J'aimerais bien qu'on me dise quelle différence existe entre le transport et la livraison, car j'ai vu dans les articles 1, 2, 3, 17, 18, 19, 23, 47, 62, etc., qu'on parlait de transport et de livraison. Or, on ne définit pas ces termes. Je crois qu'il est nécessaire dans certains cas, dans une loi, de définir les termes pour empêcher les gens de les interpréter. Je vous en soulignerai quelques-uns un peu plus tard. Mais si je n'ai pas été capable de l'interpréter, j'ai demandé à des gens de le faire pour moi et je n'ai pas encore eu d'opinion. Je n'ai même eu personne qui était capable de me faire la différence entre le transport et la livraison. Si le transport et la livraison veulent dire la même chose, il y a un terme de trop. J'aimerais donc qu'on fasse attention à définir les mots "transport" et "livraison".

Ensuite, un des termes que vous avez probablement constatés et que j'essaie de vous faire enlever par un article est le mot "investissement" pour le remplacer par les mots "base de tarification". Pourquoi? Je reviens à ceci: Quand je regarde un organisme quel qu'il soit, je dis: L'organisme a besoin normalement de quatre choses. Une compagnie, c'est une charte. La régie, c'est une loi et des règlements. Si vous voulez mettre des choses dans une loi pour être bien précis, faites-le. C'est assez dur de changer une loi. C'est la raison pour laquelle certaines choses sont inscrites peut-être dans des règlements, les règlements étant plus faciles à changer. Quand on parie des procédures, parfois c'est plus facile de les mettre dans les règlements que de les mettre dans une loi.

La deuxième chose qu'on vous a soulignée ce matin - et je peux vous en parler - c'est le budget de la régie. Quand je parle du budget de la régie, il y a des salaires, mais il y a d'autres dépenses. On regardera les salaires, c'est-à-dire le personnel, un peu plus tard, mais on parle des autres dépenses. Vous avez constaté dans mon mémoire que je fais souvent mention de l'absence de personnes qui viennent du milieu de la protection du consommateur. Je dis que, si des personnes, ce matin, vous ont demandé de donner de l'argent pour avoir des experts, c'est que, justement, la régie n'a peut-être pas, pour le moment, le budget pour le faire. Il s'agira de regarder la question du budget de la régie et de dire: Est-ce qu'on peut lui donner les moyens financiers de bien faire son boulot?

On parle de procédures. C'est bien entendu qu'il y a des procédures qu'on inscrit dans une loi parce qu'on semble dire qu'il faut absolument les avoir là. On parlait, par exemple, d'avis public, etc. Il y en a d'autres qui peuvent être simplement dans un règlement, par exemple, le quorum si vous ne voulez pas l'avoir là. Mai3 certains insistent pour que ce soit dans la loi parce que c'est tellement essentiel.

Je reviens au dernier point qui est le personnel. Si vous n'avez pas le personnel adéquat, c'est bien entendu que la régie, même si elle voulait faire son boulot, ne pourrait pas le faire parce qu'elle manque de personnel. C'est malheureux, mais je suis obligé de dire que la Régie de l'électricité et du gaz, depuis un certain temps, n'a pas eu le personnel suffisant pour accomplir le travail que la loi lui dictait de faire, parce que, dans la loi, on parle d'un travail de surveillance et de contrôle et non pas simplement de prendre des données et de les accepter. Si on veut faire de la surveillance et du contrôle, il faut avoir le personnel pour faire le boulot. Je reviendrai sur cela un peu plus tard.

Ayant tous ces éléments, budget, personnel, procédures, loi, même si tout cela est parfait, il faut bien remarquer qu'on a affaire à des hommes et ces derniers sont imparfaits. C'est pour cela que, dans mon mémoire, je vous souligne certaines choses importantes, telles que - quelqu'un l'a dit ce matin - le vote prépondérant du président. À mon avis, il ne devrait pas y avoir de vote prépondérant dans une régie; il devrait y avoir des votes qui, à la majorité, décideraient d'une chose, quelle qu'elle soit. C'est pour cela que j'ai considéré qu'un quorum de chiffre impair, un minimum de trois régisseurs, deviendrait, justement, quelque chose qui serait acceptable, de telle façon que, contrairement à ce que Gazifère vous a dit ce matin, je ne verrais pas un banc de deux personnes où vous auriez un régisseur contre un autre et vous auriez à recommencer tout le travail parce qu'il faudrait recommencer devant un autre banc. Donc, quorum d'au moins trois et de chiffre impair. Le nombre de régisseurs, j'ai dit au moins trois. Donc, le gouvernement peut dire, quatre, cinq, six, comme il le voudra, selon les besoins.

Si on veut compléter par le choix de ce qu'on appelle des temporaires, je vous ai souligné que c'est à regarder. Je vous ai dit

que vous ne pouvez pas trouver à tous les coins de rue des gens qui sont des experts dans la matière. Quand on sait que ça prend un an à un an et demi pour former un régisseur, bien, vous pouvez vous imaginer quelqu'un qui travaille comme temporaire. C'est triste à dire - et j'ose l'affirmer -mais souvent le "staff" en connaît plus long que les régisseurs. Si on n'est pas capable de travailler en commun, régisseurs et "staff", on a le problème où les régisseurs entre eux devront décider. Le fait de nommer quatre nouveaux régisseurs, par exemple, d'un coup sec ferait que vous n'auriez pas la continuité de régie en régie ou de "board" en "board". Alors, je voulais souligner cette chose qu'on appelle la continuité de la philosophie qui existe dans les régies canadiennes et américaines. Quand même vous auriez le meilleur outil, cette philosophie dépend des hommes. Et si vous avez en conflit des hommes, bien, ça n'avancera pas plus le règlement du problème, même si vous avez le meilleur outil au monde qui s'appelle la loi.

Le président - on vous l'a dit ce matin - c'est dur de savoir exactement ce qu'il a comme prérogative dans la loi. Sous l'ancien régime - que je suis obligé de dire que j'ai vécu - on disait que c'était selon la fonction publique. J'aimerais qu'on indique un peu plus dans une loi quelles sont les fonctions du président. Et Je vous souligne en passant, encore une fois, que c'est dangereux de trop donner de pouvoirs au président. Je vous souligne un cas particulier: qu'est-ce qui arrive si vous avez quatre, cinq ou six régisseurs et que, par exemple, vous avez une série de régisseurs qui ont une certaine priorité de vues ou de façons de travailler et que vous avez le président, d'un autre côté, qui ne voit pas cela du même oeil? S'il est responsable du budget, de l'engagement du personnel et du bon fonctionnement, quel que soit le président qui sera là, il aura tendance à faire passer ses idées. Il ne faut pas blâmer un homme. Il faut regarder, justement, le poste et ne pas s'engager dans un carcan où un homme pourra avoir l'autorité sur plusieurs autres.

Dans mon projet, je ne vous ai pas dit quelque chose, mais peut-être que vous allez ouvrir les yeux sur la suggestion suivante: Pourquoi le gouvernement doit-il nommer le président? Aux États-Unis, j'ai déjà vu une régie où ce sont les régisseurs qui nomment le président. Donc, si le président ne fait pas l'affaire du groupe, l'année suivante, à la réunion annuelle, il vient reprendre le poste de régisseur, tout simplement. Donc, il y a une continuité entre la philosophie de tous les régisseurs d'année en année du fait que vous avez un groupe qui travaille ensemble, plutôt qu'un homme qui décide seul. Je vous souligne en passant que c'est bien important.

L'autonomie, on en a parlé ce matin.

C'est pour cela que, dans certains articles je vous dis: Faites attention à votre article 63. Si, tel que le dit M. le ministre, c'est seulement pour donner des grandes lignes, j'en suis. Mais il s'agit de faire attention à la manière dont on passe le message. Par exemple, si on donne l'ordre de faire une enquête publique, cela va. Mais, si on venait, dans l'article 63, dire: On fixe le taux de rendement, il ne resterait pas grand-chose à faire à la régie, parce que quelqu'un du gouvernement aurait établi une façon de fixer le taux de rendement. Donc, ça peut être bon que le gouvernement donne des grandes lignes, mais il faudra faire attention aussi à ne pas aller trop loin.

Ce matin, j'ai entendu parler d'investissements, de dépenses et de trop-perçu. Je ne voulais pas entrer dans le détail, mais je pense que je suis obligé de le faire. Les gens ne comprennent peut-être pas ce qu'on veut dire par trop-perçu. Si je dis dans la loi que le trop perçu devrait être remboursé, cela veut dire que c'est un excédent de quelque chose que je rembourse. C'est l'excédent de quoi? La régie a un boulot à faire et, si on veut le faire rapidement, quelqu'un suggère: On va mettre les tarifs en vigueur aussi vite que possible. Certaines lois aux États-Unis disent: 90 jours après que la requête est déposée, quitte à prendre tout le temps qu'on voudra pour compléter. Cependant, si vous êtes dans une année témoin projetée, comme on le disait ce matin, il faut se mettre dans l'esprit du travail à faire par quelqu'un. Vous acceptez, disons, les chiffres du requérant. Vous n'avez pas le temps, supposément, durant la cause -parce que vous voulez faire cela vite - de savoir si la base de tarification ou les investissements dont on parlait sont raisonnables ou non et si les dépenses sont raisonnables ou non.

Si on ne fait pas ce travail, qu'on arrive à la fin de l'année et qu'on dit: L'excédent du rendement je le remets à quelqu'un, si j'étais une compagnie, quelle qu'elle soit sans la nommer, j'aurais avantage, vers le onzième mois de l'année, à dépenser le plus possible pour ne pas avoir de rendement, de trop-perçu. Si on ne regarde pas l'effet du réel versus le projeté, c'est pratiquement du "cost plus" qu'on fait à la compagnie. Tout ce qu'elle va investir, tout ce qu'elle veut faire comme dépense, on va l'accepter, on va lui donner le rendement et, après, on ne va regarder que l'effet superficiel du trop-perçu.

Si vous acceptez une année témoin projetée, parce que c'est plus facile et plus vite de faire des études, vous devriez normalement faire ce qu'on faisait avant l'année témoin historique, c'est-à-dire revenir vers l'actuel, regarder les comparaisons entre l'actuel et le projeté et expliquer les différences entre les deux. Cela ne veut pas

dire qu'on rejette du revers de la main la question des différences, mais cela force la régie à poser un jugement sur la raison pour laquelle les dépenses sont plus élevées ou non, ou les investissements excessifs ou non.

La question de l'investissement. Je vous ai suggéré que la base de tarification, qui est un terme employé couramment dans l'industrie, devrait être employée au lieu d'investissement. Parce que, l'investissement n'étant pas défini, on a toutes les sauces possibles. Prenez quatre ou cinq personnes et vous aurez quatre ou cinq définitions. La base de tarification, c'est reconnu et je vous dis dans mon texte que ce sont les actifs qui sont la propriété du distributeur qui devraient faire partie de cette base. En plus des actifs que vous définissez dans l'article, vous devriez lui donner des frais de premier établissement, ce que vous ne faites pas, dont vous le privez actuellement. (20 h 15)

Actuellement, on a la dépréciation. Or, le mot "dépréciation" veut dire usure pour beaucoup de personnes tandis que amortissement accumulé, qui est peut-être comptable, selon la méthodologie actuellement autorisée par la régie, définit l'encadrement dans lequel on travaille. En plus, je vous ai suggéré un fonds de roulement, celui approuvé par la régie. Ce n'est pas inscrit dans la loi. Cela priverait encore le distributeur d'un certain montant auquel il a droit.

Vous voyez que, si vous ne donnez pas des définitions très précises et que vous laissez les hommes interpréter les mots qui sont là, vous aurez un abus dans le sens que vous pouvez être quatre ou cinq personnes autour d'une table et celui qui aura le vote prépondérant l'acceptera comme il voudra. Je vous donne un exemple. Bien que je sois un comptable agréé, il y a environ une dizaine d'années avec le vice-président qui est un comptable agréé et un autre membre de mon "staff" qui est un comptable agréé, on l'a fait exprès, on s'est mis autour de la table et on a dit: Qu'est-ce que signifie le mot "actif"? On est arrivé avec trois définitions; on le savait et on est arrivé pile. Tous les trois avaient raison, selon l'interprétation qu'ils faisaient au départ. Donc, il faut faire bien attention.

Autorisation préalable. Quelqu'un a parlé ce matin d'autorisation préalable pour un distributeur de faire certaines choses. Vous constaterez que j'ai fait disparaître les autorisations préalables pour les extensions de réseau. Je peux être d'accord actuellement que c'est peut-être aller trop loin. On pourrait peut-être dire: Les conduites principales d'un certain diamètre et d'une certaine longueur pourraient être soumises à la juridiction de la régie. Mais, si on veut alléger, il faut essayer de ne pas revenir comme avant et dire: Il faut avoir des autorisations préalables pour tout ce que te distributeur va faire. Mais rendez-le responsable de ce qu'il va faire. S'il fait une extension de réseau et qu'il n'est pas capable de prouver la rentabilité de son réseau après trois ou quatre ans d'activité, la régie aura un jugement à porter. Est-ce que cela a été prudent de faire cela? Si on ne pose pas cette question de prudence, si on ne se pose pas cette question-là, c'est du "cost plus"» Vous dites au requérants Dépense tant que tu voudras; on va te donner 12 % de plus.

Je vous ai dit qu'il y a des dépenses selon que l'entreprise est réglementée ou non. Si vous ne jugez pas, d'abord, si c'est réglementé ou non, cela ne sert à rien d'avoir une régie? vous mettez tout cela dans le même paquet et vous laissez aller tout cela. Après, vous acceptez ce qui est régi. Vous devez voua demander ce qui est admissible. Cela ne veut pas dire nécessairement que ce qu'un distributeur dépense est acceptable. Je vais vous donner un exemple qui est irréel. Supposons que Gaz Métropolitain dépenserait 1 000 000 $ pour la Place des Arts ou qu'elle paierait des chars allégoriques pour une parade, est-ce que le consommateur doit payer cela? Il s'agit de regarder ce qui est admissible et non pas, parce que le requérant ou le distributeur l'a fait, lui donner automatiquement, encore une fois, 10 % de plus. C'est pour cela que je dis qu'il faut faire bien attention. Si vous voulez faire de la réglementation, il faut que les instruments soient bons, mais il faut que les hommes en place soient aussi capables de travailler dans le sens de la réglementation et non pas simplement d'encenser parce que quelqu'un veut bien que le requérant prospère.

Je vais assez vite malgré que j'ai pratiquement dépassé mon temps, parce que je pourrais être ici pendant deux heures, si vous le vouliez.

Quant aux tarifs, il est bien entendu...

Le Président (M. Théorêt): Je vous fais remarquer, M. Mouton, que ce n'est pas deux heures, mais trois minutes qu'il vous reste.

M. Mouton: Lorsqu'on parle de tarifs, on dit: Est-ce qu'ils devraient être approuvés, être soumis, etc? Il y en a qui disent qu'ils devraient être soumis et approuvés tout de suite, sujet à révision. Quand on écoute ceux qui sont passés ici et qui disent autre chose devant la régie, la grosse différence, c'est qu'ils ne parlent pas d'approbation; ils parlent d'imposition. Il y a une différence entre approuver, fixer et imposer. Il y en a qui se plaignent d'une imposition, mais ils n'osent pas vous le dire en pleine face. Je vous le dis, moi, qu'il y en a qui se plaignent que la régie impose des tarifs, alors que ce n'est pas à elle de le faire. La régie peut, comme on l'a

suggéré, donner de grandes lignes pour dire: La tarification, on la voit dans ce sens-là. Si vous êtes d'accord, on va vous donner des grandes lignes, des orientations. Mais, entre donner des orientations et imposer certaines choses...

Le distributeur dit: Je connais mon marché. S'il se fait imposer des tarifs, il dit: Mon marché ne peut pas recevoir les tarifs que j'ai. Je ne suis pas capable d'administrer ces tarifs-là. Donc, il faut faire attention entre ce que la régie a le droit de faire et ce qu'elle devrait faire.

On parle aussi dans l'avant-projet de loi des relations entre certaines personnes pour le prix du gaz. De la manière dont je l'ai compris, c'est simplement entre la compagnie mère et la filiale, entre quelque chose qu'on dit parent. J'aimerais vous souligner aussi qu'il y a des transactions entre compagnies affiliées. Si la régie ne regarde pas, par exemple le prix de Metro Gaz Marketing, qui est une filiale de Noverco, cela veut dire, au pis-aller, que c'est la compagnie mère qui ferait tout l'argent sur la vente de gaz et que la compagnie qui est devant nous ne pourrait pas en faire. Il s'agit donc de regarder les relations entre toutes les compagnies qui sont affiliées, comme certains l'ont dit, "at arm's length".

La régie devrait avoir le droit de surveillance sur toutes les activités qui, de près ou de loin, relèvent de son boulot. Je pense que je suis mieux d'attendre vos questions sur les articles. J'aimerais mieux ne pas en traiter. Vous avez peut-être lu les différentes pages. Si vous avez des questions sur les articles, cela me fera plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie, M. Mouton.

Je cède maintenant la parole au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Mouton, je tiens, d'abord, à vous remercier d'avoir pris l'initiative de présenter à cette commission un mémoire qui donne un point de vue qui permet de mieux voir comment fonctionne une régie. J'apprécie vos suggestions pour améliorer la performance de la régie.

J'aurais quelques questions à vous poser. Commençons par les derniers points que vous avez soumis. Vous parliez de tarification, de surveillance. Croyez-vous que le rôle de la régie puisse en être un de surveillance des abus seulement et non de contrôle détaillé des opérations d'un distributeur? Quand vous parlez de tarifs - je pourrais donner les grandes lignes - à moins que je n'aie mal compris, est-ce que cela veut dire que la régie ne doit pas fixer les tarifs, mais peut seulement soit les approuver ou donner des orientations sur les tarifs?

M. Mouton: Si vous dites que la régie est là pour surveiller le monopole et qu'une de ses fonctions, c'est, disons, pour le moment, d'implanter des tarifs, je crois qu'elle devrait être capable de les approuver et aussi de les fixer. Quand je dis fixer, j'ai bien dit ne pas les imposer. Dans mon idée, fixer, cela veut dire que le distributeur présente sa cédule de tarifs sur laquelle la régie peut avoir des différences d'opinions.

M. Ciaccia: Un instant. Je veux comprendre. Elle peut les fixer sans les imposer.

M. Mouton: Pour moi, imposer veut dire: Les voici, vous n'avez pas un mot à dire là-dedans. Cela, c'est imposer. Les fixer, cela veut dires Je vous ai écouté, vous m'avez présenté des tarifs et, sur certaines clauses ou sur certaines choses, je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord et je les modifie. La seule chose que je dis, c'est que, si on les modifie, on devrait au moins laisser à celui qui les a imposés la chance de réfuter ce qu'on pourrait imposer.

Si je suis en délibéré, par exemple, et que je demande de l'information à quelqu'un, si je la reçois, je n'ai rien contre cela. Cependant, si j'ai une décision à rendre à partir de l'information reçue et que c'est assez important, je crois qu'on devrait retourner et redemander, justement, ce que chacun en pense.

Par exemple, il y a quelques années, Gaz Métropolitain a été en maudit du fait que le "staff" de la régie passait des opinions écrites à la régie, dans le sens que, vu que les régisseurs travaillaient en collégialité avec le "staff", lors des discussions, le "staff" pouvait passer certaines idées. Gaz Métropolitain disait: Bien oui, mais puisque je n'ai pas l'opinion de M. Mouton dans le dossier, comment puis-je la réfuter? Bien, je dis la même chose à la régie. Si la régie n'est pas d'accord avec les tarifs implantés, elle peut présenter sa façon de penser, un "set" de tarifs si elle le veut, mais se retourner pour dire: Qu'est-ce que vous en pensez? C'est cela, la différence entre les fixer et les imposer. Les fixer, cela veut dire: Je vous ai écoutés, je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord avec ce que vous recommandez et je vais les changer en partie.

M. Ciaccia: On pourrait discuter encore plus de cet aspect, mais, comme vous le savez, on est un peu limité; alors, je vais essayer d'aller sur d'autres sujets.

Vous avez parlé du pouvoir de directive qu'un gouvernement pourrait utiliser à l'occasion. Vous avez dit: II peut donner des grandes lignes, mais vous avez donné comme

exemple qu'il ne doit pas fixer le taux de rendement. Comment voyez-vous le pouvoir de directive qu'un gouvernement pourrait utiliser?

M. Mouton: Si le gouvernement, par exemple, veut dans sa politique aider le consommateur résidentiel, il pourrait dire dans une directive: Bien, les tarifs, messieurs de la régie, vous allez les implanter sous la forme "cost base", c'est-à-dire que vous allez faire une étude du coût des services et vous allez agir de telle façon que l'interfinancement, vous allez le faire disparaître. Cela pourrait être, comme je vous le dis, une orientation que le gouvernement donnerait. La régie serait devant un carcan parce que vous auriez une directive qui aurait été émise. Serait-elle obligée de suivre la directive, oui ou non? Si vous dites oui, je me dis: Oui, mais que ferait la régie? Il me semble qu'une de ses prérogatives, c'est, justement, d'étudier ces tarifs et peut-être de dire: J'accepte ou je n'accepte pas, jusqu'à tel point, le taux d'interfinancement.

C'est pour cela que je vous dis qu'il y a certaines choses qui sont d'ordre très générai, les grandes lignes? favoriser, par exemple, la pénétration. Il y a bien des choses que vous pourriez faire, mais je dis que c'est difficile de mettre le point exactement là où vous le voudriez et de dire: Cela, c'est contre l'autonomie de la régie et cela, oui, ça devrait aller.

Chaque cas particulier devrait être, d'après moi, regardé attentivement. Si vous vous ingérez trop sous forme de directives, je suis obligé de vous dires Vous n'en avez pas besoin, d'une régie. Vous n'avez qu'à prendre le ministère, à émettre une directive et à appliquer ce que vous voulez faire. Les régisseurs, mettez-les à la porte. Vous allez épargner cet argent-là. C'est pour cela qu'il faut faire attention jusqu'où vous allez dans vos directives. Des généralités, j'en suis, mais n'allez pas trop loin.

M. Ciaccia: Orientations générales, mais pas spécifiques.

M. Mouton: Pas spécifique, mais, dans les cas particuliers, il faudrait y voir.

M. Ciaccia: À la page 25 de votre mémoire, vous suggérez, après une analyse qui fait l'historique récent des représentations des consommateurs devant la régie, que la régie soit maintenant assistée d'un procureur dont le rôle explicite selon la loi sera de s'assurer que la preuve présentée devant la régie est complète. Ce procureur s'appuierait sur le personnel de la régie. Je pense que c'est une proposition intéressante. J'aimerais que vous me dégagiez mieux les conséquences pratiques d'une telle proposition.

M. Mouton: Bon. Depuis un certain temps, on me dit que le personnel de la régie travaille pour la régie. Lors d'une cause, nous sommes les bras droits, ni plus ni moins, de la régie. Moi, je ne le vois pas comme cela. C'est peut-être pour cela que j'ai des différences d'opinions très marquées avec certaines personnes. J'ai toujours prétendu, tel que je l'ai vécu avec les autres régisseurs dans le temps, que le personnel de la régie devrait être indépendant de la régie. Comme il n'y en a pas qui représentent les petits consommateurs et les consommateurs commerciaux, cela veut dire que tout ce qu'on a devant la régie, c'est IGUA qui parle pour les consommateurs industriels. Donc, vous n'avez qu'un son de cloche. L'autre son de cloche étant inexistant, si on parle de preuve, c'est la seule preuve que vous avez. (20 h 30)

Donc, d'après moi, il manque l'autre question, la preuve des autres qui sont absents. Le personnel, d'après moi, devrait prendre la place des absents. Je ne veux pas dire être antirequérants ou anti-Gaz Métropolitain et Gazifère, mais travailler de telle façon que toutes les données soient devant la régie afin que celle-ci puisse prendre une décision éclairée.

Donc, si j'ai un avocat et un "staff" indépendants de la régie au point de vue de leurs fonctions lors de l'audition d'une cause, cela veut dire que je pourrai demander à mon avocat de poser des questions très pertinentes, même pour essayer de détruire l'argumentation de Gaz Métropolitain sur un point particulier de façon à démontrer à la régie que ce qu'elle demande n'est pas acceptable ou encore la façon dont elle a présenté telle ou telle chose. Si je ne le fais pas, il n'y a personne qui va le souligner. Je dis donc, dans ma proposition: Si le gouvernement voulait me donner le "staff" nécessaire, donc les budgets, on devrait participer de deux façons: une partie du "staff" qui aiderait la régie à faire son boulot et l'autre partie du "staff" qui ferait l'intervention des absents. Là, vous auriez, au moins, toutes les données possibles et une régie avec un "staff" suffisant pour l'aider.

M. Ciaccia: Là, cela fait une couple de fois que vous mentionnez que le gouvernement devrait vous donner le "staff" nécessaire. N'est-il pas exact que vous avez trois postes qui n'ont pas été comblés à la régie: un poste pour un avocat, un pour un analyste... Cela fait plus que deux ans que les postes sont vacants et là vous demandez même d'en transférer. Je veux bien prendre le fardeau de ce qui me tombe sur les épaules mais, quand vous me dites que vous n'avez pas de personnel et que je sais qu'il y a trois postes qui n'ont pas été comblés durant deux ans, je me pose la question suivante: Qu'est-ce que vous voulez que je

fasse?

M. Mouton: À moins que je ne me trompe, actuellement, on a un avocat qui remplit la fonction; il n'est peut-être pas à temps plein, mais actuellement il y en a un. Il y a un poste qui est libre, d'après ce qu'on me dit; un autre, peut-être, se libérera bientôt, mais cela n'empêche pas que ce ne sont pas les deux seuls postes dont on a besoin.

M. Ciaccia: II y en a deux qui sont libres et il y en a un troisième que vous voulez transférer à un autre ministère parce que vous n'en avez pas besoin.

M. Mouton: Je ne dis pas qu'on n'en a pas besoin.

M. Ciaccia: C'est cela, la demande qui m'est parvenue comme ministre. J'ai une formule à remplir et je ne l'ai pas signée parce que j'ai dit: Un instant! On me demande du personnel et on m'envoie une demande pour transférer le poste avec le budget. Vous savez que les ministères ne sont pas trop heureux de voir ces choses arriver. Alors, je me pose une question. Écoutez, c'est un peu l'inverse de ce qu'on me dit dans d'autres instances.

M. Mouton: Bon! Alors, la question est la suivante: Qui veut ce personnel-là, encore une fois? Je suis obligé de vous dire: Si j'ai du personnel, actuellement, est-ce que j'ai le personnel qui veut faire le travail que la régie veut faire? Si j'ai un groupe de régisseurs qui veulent aller d'un bord et que l'autre régisseur veut aller de l'autre bord, c'est bien entendu que, les priorités étant différentes, l'engagement du personnel sera différent. Si le directeur des services financiers, en l'occurrence moi-même, est à couteaux tirés avec le président, c'est bien entendu qu'il va faire tout son boulot pour ne pas engager quelqu'un qui pense que ce n'est pas le gars qui devrait être là, je suis obligé de le dire.

Alors, si je sais que la plupart des régisseurs veulent avoir quelqu'un qui s'en va du côté de la vérification et que le président, avec les priorités qu'il a le droit d'avoir en tant que président, me dit: Je veux engager un économiste, si je prends pour la majorité et je me dis qu'on devrait aller en vérification et qu'on n'en fait pas, je me dis dans mon for intérieur: La future régie et les futurs régisseurs vont-ils vouloir aller dans cette direction? Si j'engage quelqu'un dans ce sens-là et que je suis obligé de le mettre sur la tablette dans trois mois parce que les nouveaux régisseurs ne veulent pas aller dans cette priorité, c'est cela, le problème. Donc, je n'ai pas engagé, même si le président m'a poussé dans le dos, un individu pour aller du côté économique, parce que je ne suis pas certain que c'est la fonction qui, d'après moi, est la plus importante; c'est une question d'opinion.

Je ne blâme pas la personne, pas plus que je ne dis: Si lui a pris la décision, tant pis pour moi si je ne lui ai pas obéi, j'en prendrai la responsabilité. C'est mon patron, peut-être; bien, moi, je dis non parce que j'ai toujours prétendu que mon patron, ce n'est pas le président de la régie, mais c'est l'ensemble des régisseurs. C'est pour cela que, des fois, j'ai des difficultés. L'ensemble des régisseurs, d'après moi, est mon patron et je ne me battrai jamais pour un homme ou pour des hommes; je me bats pour l'ensemble que j'appelle la régie. Mon patron, c'est la régie. C'est un organisme et non pas des hommes.

M. Ciaccia: Vous faites une bonne cause pour l'article 63 et pour le pouvoir du gouvernement de donner des directives.

M. Mouton: Peut-être. M. Ciaccia: Merci. M. Mouton: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval et critique officiel de l'Opposition.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Merci, M. Mouton, d'avoir fait tout ce travail qui est assez volumineux. On doit dire que les mémoires déposés avec les annexes, c'est quelque chose de substantiel et de fort intéressant puisqu'ils présentent une vision de quelqu'un qui, finalement, connaît mieux que nous tous le fonctionnement d'une régie comme celle-là.

Il y a une question qui me préoccupe, M. Mouton, et j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Certaines personnes qui sont venues comparaître ici ont parlé d'un mécanisme d'appel des décisions de la régie. Vous avez assisté à nos délibérations depuis ce matin. Vous avez entendu, donc, ce qui s'est dit à ce propos, les différentes possibilités qui pouvaient s'offrir. La plupart des gens réclament la possibilité d'une intervention d'ordre judiciaire, de pouvoir faire appel à un tribunal quand certaines décisions ne conviennent pas, principalement sur les aspects juridiques, on nous l'a précisé. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus, M. Mouton.

M. Mouton: J'ai été tout surpris, par exemple, en lisant le mémoire de Gaz Métropolitain qui viendra demain, de voir qu'on recommande que, même si ce sont des questions de droit, ce soit la régie qui puisse interpréter sa loi. J'ai toujours entendu, de

la part de tous les avocats qui sont passés à la régie, que les questions de droit devraient être examinées par un tribunal indépendant. Donc, je suis pour que, justement, sur des questions de droit, de fond, ce soit un tribunal indépendant qui puisse interpréter la loi. Donc, si on fait des erreurs de loi en faisant une ordonnance, ça devrait être un tiers qui devrait, justement, dire qu'on a eu tort ou raison.

Cependant, les questions de fait, les questions strictement de "dollars and cents", quand on fait des calculs, je pense que c'est raisonnable que la régie puisse, de son propre chef, les corriger. Mais commencer à faire des appels simplement parce que quelqu'un, comme on le disait, n'est pas d'accord sur le taux de rendement que la régie a donné ou sur le calcul de la base de tarification ou du coût du service, bien, ça, ça veut dire que, indépendamment de ce qu'on disait ce matin en parlant d'assouplissement, vous allez vous engager dans une série d'appels et d'appels et d'appels comme il en existe dans d'autres endroits. Donc, des appels de fond, oui; des appels de fait, non. Je suis pour que la régie, sur des questions de dollars et de calculs, ait la juridiction finale.

M. Gauthier: Merci. Quant au nombre de régisseurs, de façon générale nos recherches nous indiquent que, là où il y a un organisme qui peut se comparer, le nombre de régisseurs est beaucoup plus important que trois. Vous avez parlé beaucoup de questions de personnel et de ressources. J'ai compris qu'il s'agissait de ressources techniques, d'une équipe pour appuyer les régisseurs. Vous avez semblé, de façon très, très globale, ne pas attacher d'importance plus qu'il n'en fallait au fait qu'il y ait trois ou cinq ou sept régisseurs, parce que vous parliez de chiffres impairs. Quel est votre point de vue sur le nombre de régisseurs?

M. Mouton: Bien, si vous n'avez qu'une cause ou deux, c'est bien entendu que quelqu'un va vous dire: Trois régisseurs, c'est suffisant. Mais le problème, c'est que, si vous avez une cause sur l'année témoin projetée, je prétends que vous avez une deuxième cause qui suit qui est tôt ou tard une cause de révision de ce que vous avez fait. Donc, quand on était sur l'année témoin historique, on n'avait qu'une cause et je prétend qu'en année témoin projetée on a deux causes. Cela multiplie par deux le travail qu'on devrait faire.

Si vous avez d'autres choses que des causes de tarification, bien, vous avez d'autres causes. Par exemple, devant la régie actuellement, dans la phase 2, quand on parle de tarification, on est rendu qu'on va parler d'ajustement de méthode et qu'on va parler aussi des courtiers. Cela veut dire que, si on a une cause de tarifs et qu'on a mis les trois régisseurs sur cette cause, automatiquement toute autre cause est mise de côté parce qu'on n'a pas assez de régisseurs pour l'autre cause. Si une cause de Gaz Métro, par exemple, prenait neuf mois et que Gazifère vient nous demander une cause et que cela prend encore trois mois, cela fait l'année. Si, entre-temps, on a d'autres causes de nature générique ou de nature comptable - de temps en temps, on a des petites "causettes" - cela veut dire que vous n'avez pas assez de régisseurs pour entendre toutes ces causes.

Je viens de téléphoner à l'Ontario Energy Board. L'Ontario Energy Board, pour vous, avait un budget de 4 300 000 $ l'année passée et de 5 000 000 $ cette année. Ils ont huit régisseurs; un "staff", à part le régisseur, de 42, dont 6 qui font ce qu'on appelle de la vérification indirecte - des "in-house audits" - et non pas de la vérification extérieure. En Alberta, ils ont un budget de 2 700 000 $. Ils ont 7 régisseurs, ils ont 12 personnes, au point de vue technique, qui font la révision de 6 causes réelles par année.

Le problème est ceci: si vous dites que toutes ces causes, quelles qu'elles soient, doivent être entendues par des régisseurs, cela veut dire que, si vous avez trop de causes, vous n'avez pas suffisamment de régisseurs pour les entendre. Votre rôle va cumuler, cumuler et cumuler. Cela veut dire qu'automatiquement vous devriez vous demander? Est-ce qu'il y a du travail qui peut être fait hors cause, donc préalablement à des causes, par le "staff" qui, lui, pourra présenter un rapport sur lequel les régisseurs pourront se baser, plutôt que de recommencer?

Je vous souligne, en passant, une chose que je n'ai pas dite; c'est le temps qu'on passe actuellement en régie, en audiences. Avant cela, il n'y avait pratiquement pas de causes, il n'y avait pratiquement pas d'audiences. J'ai des statistiques qu'il me fera plaisir de vous soumettre. Quand on voyait une journée, trois jours, quatre jours d'audiences, c'était normal. Pourquoi? Parce qu'avant de commencer une audience on était préparé au point de vue "staff". Donc, on gagnait du temps, dans le sens que les régisseurs n'avaient pas à siéger pendant 45 jours. En plus, les avocats et tous les intervenants n'avaient pas à siéger; le "staff" faisait le boulot préalable. Si vous n'avez pas cela, automatiquement, quand vous avez une étude où vous êtes moins bien préparé, vous avez des causes qui durent 30 jours, 40 jours, 50 jours. Si vous avez trop d'audiences, vous n'avez pas le temps de siéger pour les autres causes.

Je dis que cela dépend du nombre de causes. Le gouvernement propose d'avoir des temporaires. Cela dépend du genre de

temporaires que vous allez choisir. Je pensais que, sans avoir des temporaires, si on avait peut-être cinq à sept régisseurs, cela aurait un certain bon sens. C'est-à-dire que vous auriez plusieurs bancs qui. pourraient siéger. Avec des bancs de trois, cela veut dire que vous auriez deux causes possibles.

M. Gauthier; Une chose qui me préoccupe, M. Mouton, c'est le fait que l'ancienne Régie de l'électricité et du gaz, qui traitait également des questions de fourniture de vapeur, est maintenant ou sera bientôt complètement dissoute et sera remplacée par cette Régie du gaz. Il y avait d'autres domaines d'activité qui étaient traités par l'ancienne régie. Je m'inquiète. Le ministre nous a dit ce matin: L'électricité, il n'y a pas de problème, les données générales d'Hydro-Québec nous permettent de fixer les tarifs. Tout le monde va s'ajuster. Dans l'avant-projet de loi, il y a quelques articles qui prévoient cela. Les gens vont s'ajuster sur les tarifs d'Hydro-Québec. Mais, la question de la fourniture de la vapeur comme source d'énergie dans le domaine du chauffage, il ne semble pas que le ministre sache vraiment ce qu'il va faire avec. J'aimerais savoir, vous qui avez une longue expérience du fonctionnement de l'ancienne régie, si vous avez des préoccupations de ce genre. (20 h 45)

M. Mouton: Je suis obligé de patiner. Ce que vous dites est très politique. Je vais vous dire qu'en électricité c'est vrai que, si vous avez un article qui dit que le distributeur d'électricité ne peut pas la vendre à des tarifs plus hauts que ceux d'Hydro-Québec, la question, c'est: Est-ce qu'il ne pourrait pas la vendre meilleur marché qu'Hydro-Québec? On a eu des causes, il y a quelques années, où les tarifs étaient moindres que ceux d'Hydro-Québec. Si vous enlevez l'électricité de la Régie de l'électricité et du gaz, je ne suis pas tout à fait convaincu que le consommateur sera bien protégé. Je dirai: Oui, il n'y aura pas plus qu'Hydro-Québec, mais je vous demande: Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir moins qu'Hydro-Québec?

C'est à regarder. Ce n'est pas à moi de juger de la pertinence d'éliminer certaines fonctions de la Régie de l'électricité et du gaz. Moi, je voulais regarder plutôt le gaz naturel. Si je regarde la vapeur, bien entendu - on va vous en parler encore demain - c'est la protection de ceux qui sont les plus captifs possible parce que, quand on parle de vapeur, cela ne veut pas dire un réseau très étendu. Ceux qui sont à la vapeur, avant qu'ils se convertissent à une autre forme d'énergie, ce sera plutôt coûteux, d'après ce que j'ai entendu.

Donc, c'est une question que le gouvernement doit bien se poser en disant: Si la Régie de l'électricité et du gaz ne l'a pas, est-ce que quelqu'un d'autre devrait l'avoir pour protéger les consommateurs?

M. Gauthier: Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Roberval, en conclusion.

M. Gauthier: M. le Président, je devrai prendre l'habitude de conclure, après ma dernière question; cela vous évitera de faire toujours le même appel à nos collègues. Je veux simplement remercier, au nom de ma formation politique, M. Mouton pour cet excellent travail. Nous considérerons, bien sûr, dans le travail que nous aurons à faire, les données qu'il a bien daigné porter à notre attention.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Je voudrais remercier, à mon tour, M. Mouton pour son mémoire, ses remarques et ses recommandations. II y en a plusieurs qui font déjà partie de l'avant-projet de loi, la question qu'il n'y ait pas de vote prépondérant.

En ce qui concerne le personnel ou le manque de personnel, je pense avoir soulevé certains éléments qui ont été portés à mon attention. Mais, quand vous donnez les chiffres: Ontario Energy Board, 4 000 000 $, Alberta, 2 700 000 $, Québec, 1 500 000 $, je vous ferai remarquer que c'est presque proportionnel à l'utilisation du gaz naturel dans chaque juridiction. En Ontario, c'est 36 %.

M. Mouton: La réponse, c'est: Est-ce cela parce que le volume est aussi gros? Est-ce qu'il y a une relation directe?

M. Ciaccia: II y a une relation parce que, plus il y a d'activités, plus il y aura de demandes devant la régie; il y a plus de distributeurs. Je vais vous donner une statistique bien simple. Quand vous dites qu'on pourrait siéger avec plus de bancs et plus de juges, l'année dernière, la régie a siégé au total 80 jours. Sur 250 jours ouvrables, vous avez siégé 80 jours. Vous ne pouvez pas venir vous plaindre que vous n'avez pas assez de personnel. Si vous aviez siégé 250 jours, là, vous pourriez venir vous plaindre: On n'a pas assez de personnel, si on avait plus de régisseurs, on pourrait siéger. Quand vous siégez un tiers du temps, Il me semble que c'est un reflet. Je ne vous blâme pas de ne pas avoir siégé assez longtemps; les demandes ne sont pas là. Quand on a 15 % de notre bilan énergétique

par le gaz naturel et quand il y en a 36 % en Ontario, je crois que le "work load", c'est normal qu'il y aura moins de travail, moins de demandes au Québec qu'il n'y en aura dans les autres juridictions, parce qu'il y a plus d'activités. Au fur et à mesure que la proportion va augmenter au Québec, cela va sûrement se refléter dans les budgets et dans le personnel.

Quand vous mentionnez que le projet de loi ne protégera peut-être pas les utilisateurs d'électricité qui pourraient payer moins, je pense que la politique de chaque gouvernement, pas seulement du gouvernement présent, depuis la nationalisation de l'électricité, c'était un tarif pour le même service partout au Québec dans l'électricité. 11 n'est pas question de dire que quelqu'un qui est plus près de la Baie James va payer moins cher et que quelqu'un aux Îles-de-la-Madeleine, où cela coûte dix fois le prix, va payer dix fois le prix parce que c'est le coût. Les politiques... C'est pour cela qu'Hydro-Québec a été nationalisée, pour donner un prix égal à tout le monde.

Ce sont les quelques remarques que je voulais porter à votre attention. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les recommandations que vous avez faites et nous allons les étudier. Le but d'une commission parlementaire, spécialement dans le cas d'un avant-projet de loi, c'est précisément d'avoir l'opinion de tous les intervenants. Nous allons examiner cela et voir les suggestions qu'on peut inclure dans la version finale de notre projet de loi.

M. Mouton: Excusez-moi d'insister, mais...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre.

M. Mouton: ...où avez-vous pris vos chiffres quant au nombre de jours d'audience? Je les ai devant moi. On a siégé, durant l'année financière 1986, 123 jours. Je peux vous donner toutes les requêtes et le nombre de jours sur les requêtes.

M. Ciaccia: Ce sont les chiffres que mon ministère m'a donnés. Je vais les vérifier. Même 123, c'est la moitié de 250. Vous aviez 127 autres jours où vous pouvez siéger.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. Mouton, les membres de la commission vous remercient et vous souhaitent un bon retour.

M. Mouton: Merci et bonsoir.

Centre d'analyse des politiques énergétiques

Le Président (M. Théorêt): J'appelle maintenant les représentants du Centre d'analyse des politiques énergétiques, représenté par Mme Hélène Connor-Lajambe, directrice générale.

Mme Hélène Connor-Lajambe, vous connaissez les règles du jeu. Vous avez un maximum de 20 minutes pour présenter votre exposé et, ensuite, on échangera avec vous, de part et d'autre. Je vous cède donc immédiatement la parole.

Mme Connor-Lajambe (Hélène): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, le Centre d'analyse des politiques énergétiques, également appelé le CAPE, se réjouit de voir le gouvernement québécois tenir des audiences publiques dans le domaine de l'énergie et l'en félicite. Nous sommes heureux également que cela fournisse à notre centre tout nouvellement créé l'occasion de commencer à remplir son rôle de service.

Le CAPE est un organisme indépendant dont la présence vise à favoriser la tenue d'un débat, d'un discours énergétique informé et objectif sur l'évolution énergétique du pays. Le CAPE se situe à la confluence des apports universitaires, de l'activité de l'industrie, ainsi que des préoccupations des usagers et des décideurs, publics et privés. C'est dans ces divers milieux que. le CAPE recrute ses collaborateurs. Les activités du CAPE veulent multiplier les rencontres et les échanges entre les divers participants du secteur énergétique dans une atmosphère de coopération au service du bien commun. Les personnes qui désireraient avoir une description de notre centre sont les bienvenues. J'en ai apporté quelques-unes ici.

Pour la préparation du mémoire que nous présentons aujourd'hui à la commission de l'économie et du travail, notre centre avait organisé une table ronde sur le sujet le 20 août dernier. Les participants venaient des divers milieux de la distribution gazière, de la réglementation, ainsi que de la consommation. Ces divers experts ont pu bénéficier d'un exposé de MM. Saint-Cyr et Kimpton, du ministère de l'Énergie et des Ressources, sur les objectifs du ministère lors de la rédaction de cet avant-projet de loi. Les vues exprimées dans notre mémoire ne sont pourtant pas la fidèle synthèse de cette table ronde; elles représentent uniquement les vues du centre.

Depuis l'embargo pétrolier de 1973, la mise en place de nombreuses mesures destinées à modifier le poids respectif des diverses sources d'énergie composant le bilan énergétique d'un pays a contribué à donner à l'énergie un poids considérable au sein de la vie économique. Pour gérer ces transformations, les gouvernements ont souvent créé de nouvelles agences spécialisées.

Au Québec, ce rôle a été essentielle-

ment laissé aux producteurs sans apporter de véritable modification au mandat des organismes existants. C'est pourquoi certains des buts définis dans le livre blanc sur l'énergie de 1978 ont été atteints et d'autres négligés; jusqu'à présent tout au moins. Avec l'avant-projet de loi sur la Régie du gaz naturel, nous sommes portés à nous demander tout d'abord si, par cette refonte, le législateur amorce la mise au point d'outils pouvant assurer la maîtrise de l'énergie dans l'intérêt public.

Nous avons donc tout d'abord analysé le bien-fondé de cette démarche pour regarder ensuite quelles améliorations les modifications proposées pourront éventuellement apporter à la situation présente des divers intéressés.

Commençons par l'aspect institutionnel: Une nouvelle régie. Les changements que l'on veut apporter au secteur québécois du gaz naturel se situent dans un contexte de déréglementation généralement reconnu comme souhaitable. Cependant, comme au Québec le gaz naturel est distribué de façon exclusive par un distributeur, la société gazifère à Hull et Gaz Métropolitain dans le reste du Québec, il est indispensable de garder une réglementation.

Le ministère a jugé souhaitable de confier l'application de cette réglementation à une régie exclusivement consacrée au gaz naturel plutôt que de l'inscrire dans le mandat de la Régie des services publics. Ceci laisse donc à penser que le gouvernement, premièrement, n'a pas l'intention de créer dans l'immédiat une régie de l'énergie comme il en existe une en Ontario, par exemple, et que, deuxièmement, il va subséquemment créer une régie de l'électricité pour reprendre le reste du mandat assumé par l'ancienne régie et non repris par la nouvelle, c'est-à-dire l'électricité et la production de vapeur, et assurer le contrôle d'un monopole dont le pouvoir est bien plus conséquent que celui des distributeurs gaziers.

Cependant, il nous semble que la création d'une unique régie de l'énergie plutôt que de deux organismes régissant pratiquement chacun une société offrirait une meilleure garantie d'efficacité économique et procédurale. Parmi les raisons à évoquer, mentionnons simplement que, premièrement, les ressources pourraient être mises en commun et les coûts partagés au bénéfice ultime des consommateurs et des contribuables; deuxièmement, des procédures standardisées et simples pourraient faciliter Ies interventions et accélérer le traitement des cas; troisièmement, le mandat de cette agence pourrait s'élargir à toutes les sources d'énergie et à l'élaboration de mesures d'urgence pour faire face à une pénurie possible et tenir compte des risques technologiques que présentent certaines industries énergétiques.

Voyons maintenant quel serait l'impact de la nouvelle loi. L'avant-projet de loi tel que proposé ne déréglemente pas le secteur du gaz naturel. Il peut cependant être perçu comme allégeant les contraintes mises à l'autonomie du distributeur dans la mesure où il affaiblit l'importance du rôle direct que pourra jouer la régie en la soumettant davantage aux impératifs politiques du moment - voir le chapitre V.

Selon le ministère de ' l'Énergie et des Ressources, les changements proposés visaient essentiellement à assouplir le processus en confiant à la régie un mandat de surveillance plutôt que de contrôle. Cette refonte, premièrement, donnerait plus d'autonomie au distributeur; deuxièmement, améliorerait la performance de la régie et, troisièmement, assurerait la protection du consommateur.

Nous allons reprendre ces trois points un par un pour voir si les propositions du législateur sont conformes au but visé. Tout d'abord, la situation du distributeur. La régie ne pourrait s'ingérer dans la stratégie commerciale ni préparer la grille tarifaire du distributeur. Néanmoins, dans la mesure où, premièrement, elle doit approuver les tarifs établis selon des principes qu'elle a préalablement définis et où, deuxièmement, elle doit décider subséquemment si la performance de la compagnie lui a fait excéder le taux de rendement permis et justifie un remboursement, il semble que sur les tarifs le degré de contrôle de la régie reste similaire.

Deux nouvelles dispositions semblent constituer par contre un renforcement de la réglementation du secteur gazier au Québec. Tout d'abord, la régie sera appelée à approuver tout transfert d'actions qui rendrait une autre société majoritaire parmi l'ensemble des détenteurs collectifs du monopole - article 26.

Deuxièmement, l'article 24 oblige fournisseur et distributeur ayant des liens de propriété l'un envers l'autre à soumettre les contrats d'approvisionnement à l'approbation de la régie. Comme les critères devant présider à la décision de la régie ne sont pas précisés, ces deux mesures pourraient constituer une ingérence indue dans des décisions privées si elles ne sont pas invoquées raisonnablement.

En conclusion, il est difficile de voir ce que le distributeur va gagner en autonomie avec la nouvelle Régie du gaz naturel telle que décrite. Certaines des mesures annoncées pourraient en effet aller à l'inverse de ce que pourrait être une déréglementation et ne garantissent pas forcément que l'usager sera mieux servi à moindre coût et avec toute la sécurité possible. (21 heures)

Dans un deuxième temps, voyons maintenant comment cela va modifier et

améliorer la performance de la régie. Si les changements allègent si peu que ce soit le contrôle exercé sur les distributeurs, on le verra à l'usage, mais c'est immédiatement qu'ils vont affecter, par contre, le rôle de la régie.

Premièrement, la diminution du nombre de juges de quatre à trois et celle de la durée de leur mandat, à l'article 32, risque d'en diminuer également l'efficacité. Des dossiers aussi complexes exigent une grande compétence et une vaste expérience qui s'acquièrent très lentement., Il serait souhaitable d'en tenir compte et de conserver éventuellement les présentes dispositions, surtout si l'on compte raccourcir les délais de décision.

Deuxièmement, même si les juges continuent à contribuer à bâtir la preuve de la façon la plus équilibrée possible, l'avant-projet de loi ne spécifie pas comment la régie pourra s'assurer que toute la preuve pertinente a bien été présentée.

Troisièmement, pour les attributions de franchise, la régie n'émet que des recommandations que le gouvernement peut ignorer - article 13 - apparemment sans avoir à justifier une décision s'éloignant de l'avis de la régie. Cela ne devrait pas se produire normalement puisque théoriquement la régie est l'outil privilégié du gouvernement dans ce rôle.

Quatrièmement, l'article 52 prévoit trois motifs de révision des décisions ou ordonnances de la régie. Nous suggérons d'élargir le pouvoir de révision de la régie dans l'intérêt public en en ajoutant un quatrième: lorsqu'un nouvel événement le justifie, de façon à donner une certaine souplesse à la régie.

Enfin, dans un troisième temps, voyons si la protection des usagers va être améliorée. La restriction de l'importance du rôle des juges et, par voie de conséquence, de la régie risque de se faire au détriment des consommateurs dont les intérêts étaient, jusqu'à présent, pris en main par la régie elle-même.

En effet, l'expertise est rare et coûteuse, hors de la portée des petits usagers. Or, le marché domestique du gaz a connu une expansion phénoménale ces dernières années et Gaz Métropolitain à elle seule compte maintenant quelque 160 000 abonnés dans cette catégorie. Pour se présenter devant la régie, cette compagnie doit engager des frais importants que ne peuvent envisager les groupes de consommateurs. Que prévoit le projet de loi spécifiquement pour la protection des usagers?

Premièrement, la régie peut accorder des frais, y compris des frais d'experts, aux parties dont elle juge la participation utile à ses délibérations, tel que le mentionne l'article 57. Cette mesure est un net progrès puisqu'elle n'était pas prévue précédemment. Néanmoins, elle reste à la discrétion de la régie et la formulation semble indiquer qu'une demande devra lui en être faite. La réponse viendra-t-elle suffisamment vite pour permettre à de nouveaux intervenants de s'insérer dans des procédures quasi judiciaires, longues et complexes, alors que le délai entre l'audience et sa publication est de 30 jours - article 12 - et que les groupes éventuellement intéressés sont déjà impliqués dans d'autres dossiers complètement différents? Qui paiera ultimement ces interventions; le ministère? la régie? le demandeur de permis? Pour être crédible, cette mesure demande à être étayée de dispositions concrètes et précises.

Deuxièmement, la régie surveillera les hausses de tarifs et s'assurera que le trop-perçu est remboursé, présume-t-on, par des diminutions ultérieures de tarifs.

Troisièmement, le caractère relativement vague du rédigé de la loi pourrait jouer contre le groupe des usagers dépourvus d'organisme de vigilance puisque l'on ne sait ni comment la régie évaluera que la preuve présentée est équilibrée ni qui défendra l'intérêt public en présence éventuellement -article 63 - d'un décret gouvernemental prêtant à controverse.

Quatrièmement, le principe d'interfinancement qui fait partager à toutes les catégories d'usagers le coût d'investissement dans l'infrastructure qui représente ce sur quoi le distributeur a un monopole est généralement reconnu. Il reconnaît implicitement le pouvoir inégal de négociation dont disposent les différents usagers et la nécessité de protéger ceux du secteur domestique. Cet avant-projet de loi remet en question le principe d'interfinancement de deux façons: tout d'abord, en obligeant le distributeur à transporter pour des tiers, à l'article 22, et, deuxièmement, en acceptant des tarifs qui tiennent compte, et je cite: "du coût de service par grandes catégories d'usagers", article 47.

La première mesure, qui est mesure de déréglementation, va permettre aux gros usagers qui forment le marché stable, important et régulier du distributeur de signer directement des accords d'approvisionnement à des prix plus intéressants, ce que ne peuvent faire les petits clients qui individuellement n'ont aucune influence sur les prix. Les distributeurs risquent, en perdant leurs plus gros clients acheteurs, de perdre aussi de leur pouvoir de marchandage, de voir leur courbe de demande se saisonnaliser davantage et leur facteur de charge diminuer. Face à cette spirale de l'impossible, le distributeur doit alors hausser ses tarifs pour faire face à ses charges. Davantage de ses clients se tournent alors vers une autre source d'approvisionnement énergétique, ce qui

diminue encore les revenus et l'oblige à demander d'autres hausses de tarifs. La régie étant en quelque sorte gardienne de la rentabilité du monopole du gaz - article 22 -pourra éventuellement revenir sur sa décision de l'obliger à transporter pour des tiers, mais tout le secteur énergétique québécois pourrait avoir été secoué par cette velléité de libéralisation sans bénéfice pour personne.

Sans vouloir remettre en question l'intérêt que pourrait présenter une déréglementation, il semble dangereux de vouloir permettre certaines catégories de négociation qui ne sont pas accessibles à tous les usagers, au moins dans le contexte actuel. Il semble donc qu'il serait souhaitable de s'en tenir au respect du principe d'interfinancement et de ses corollaires.

Cinquièmement, certaines des activités liées à la distribution du gaz peuvent affecter la qualité de l'environnement. Nous souhaitons donc voir l'article 18, par exemple, comporter une disposition assurant que les développements gaziers, quels qu'ils soient, se fassent en intégrant la composante environnementale dès le stade de la décision pour respecter au maximum l'intégrité des systèmes écologiques affectés par les travaux. Pour assurer le respect de cette mesure, il serait bon également que les amendes soient plus élevées que celles prévues au chapitre VI pour les infractions à la Loi sur la Régie du gaz naturel.

Il nous semble que ces quelques améliorations sont souhaitables pour s'assurer que la Loi sur la Régie du gaz naturel offre de véritables garanties pour la protection des intérêts des usagers, en particulier ceux des usagers du secteur commercial de petite envergure et du secteur domestique.

En conclusion, nous pensons que la création de la nouvelle Régie du gaz naturel, telle que présentée dans cet avant-projet de loi, est une demi-mesure. Le ministère va peut-être bientôt pouvoir donner des indications sur ce que sera la prochaine étape de la réorganisation visant à assurer la maîtrise de l'énergie au Québec. Nous pourrons alors mieux évaluer à sa juste valeur l'avant-projet de loi présenté.

Toute réforme institutionnelle se fait en réponse à des circonstances changeantes. La réforme de la régie s'imposait depuis un certain temps, tout comme celle du reste du secteur énergétique à la suite de l'embargo pétrolier de 1973, La plupart des pays ont pris des mesures importantes pour s'assurer de contrôler ce secteur vital de la vie économique et sociale. Le Québec a adhéré à un certain nombre de programmes qui ont réussi à diminuer la part du pétrole dans le bilan énergétique de 70 % qu'elle était en 1976 à environ 40 % en 1986. Les gains ont été effectués par l'électricité et le gaz naturel qui, respectivement, ont augmenté de 80 % et de 200 % leur participation percentuelle dans le bilan énergétique du Québec. Il est donc approprié de vérifier que les institutions qui contrôlent ces monopoles puissent agir efficacement dans l'intérêt public.

Nous n'avons donc qu'une grande recommandation. Elle est d'ordre général. Le Centre d'analyse des politiques énergétiques considère qu'il serait judicieux de consolider le contrôle des grands responsables de l'approvisionnement énergétique au sein d'une agence unique et soutient que la création d'un tel organisme devrait se faire après que le gouvernement ait procédé à une vaste consultation publique et énoncé sa politique énergétique. Nous espérons que les commentaires et suggestions de notre centre pourront contribuer à aider le législateur dans sa tâche. Merci, messieurs.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie, madame. Je vais céder la parole immédiatement au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Je veux remercier Mme Lajambe pour son mémoire, pour les recommandations qu'elle nous fait.

Dans votre mémoire, vous concluez - je vais commencer par la conclusion et après cela on reviendra...

Mme Connor-Lajambe: Oui.

M. Ciaccia: ...aux recommandations plus spécifiques que vous avez faites antérieurement - vous concluez, en page 11, que la création d'une nouvelle régie est une demi-mesure. Vous recommandez, à la page 12, de consolider le contrôle des responsables de l'approvisionnement énergétique. J'ai de la difficulté à voir - peut-être pourriez-vous me l'expliquer - comment cette recommandation d'augmenter les contrôles s'inscrit dans le cadre de la déréglementation du gaz naturel au Canada.

Mme Connor-Lajambe: Disons que je ne prétends pas que la déréglementation du gaz naturel est indispensable. Je pense que, tant qu'on a un monopole, on doit le contrôler. J'aimerais également revenir sur le terme de demi-mesure. Je ne voudrais pas que ce soit pris comme un terme péjoratif, loin de là. J'ai eu l'occasion de parler aux personnes responsables, à ceux qui ont participé à la rédaction de la loi. Je sais qu'ils l'ont fait avec le plus grand soin. Donc, cela ne reflète pas la qualité de la loi, mais simplement une certaine déception de voir que la politique énergétique qu'on annonce depuis longtemps n'est pas encore vraiment annoncée et que l'on prend des dispositions qui pourraient éventuellement aller à l'encontre de ce que le gouvernement

pourrait décider de faire dans le cadre d'un véritable train de mesures qu'on pourrait appeler une politique énergétique.

M. Ciaccia: Quand on parle de déréglementation, on parle d'allégement de la réglementation au Québec, mais la déréglementation du gaz naturel,, ce n'est pas nous qui avons un contrôle sur cela, c'est le gouvernement fédéral qui, lui, a choisi de procéder à la déréglementation. C'est quelque chose avec lequel nous devons vivre et avec lequel nous devons composer. En conséquence, nous devons rédiger les lois qui affectent la distribution du gaz naturel en tenant compte de cette déréglementation qui a été faite par le gouvernement fédéral.

Mme Connor-Lajambe: Oui, je comprends.

M. Ciaccia: Mais est-ce que la régie devrait exercer, d'après vous, un contrôle détaillé des activités des distributeurs?

Mme Connor-Lajambe: Jusqu'à un certain point, oui, mais elle doit faire cela avec une grande dose d'autonomie. Je pense que le projet de loi l'établit assez bien. Par contre, il y a quelques petites atteintes sur lesquelles on se pose des questions, comme le chapitre V en particulier.

M. Ciaccia: À la page 6, vous dites que certaines mesures annoncées pourraient, en effet, aller è l'inverse de ce que pourrait être une déréglementation. Est-ce que vous pouvez nous dire quelles sont ces mesures et leurs conséquences, et que suggérez-vous?

Mme Connor-Lajambe: C'est à nouveau le chapitre V qui pourrait permettre au gouvernement d'intervenir à n'importe quel moment dans les démarches de la régie.

M. Ciaccia: Alors, vous suggérez qu'on amende... Le chapitre V, c'est l'article 63 où on peut énoncer les orientations générales.

Mme Connor-Lajambe: Cela ne nous semble pas vraiment nécessaire dans la mesure où c'est déjà le gouvernement qui adopte la loi et qui a consulté auparavant.

M. Ciaccia: En page 9 de votre mémoire, vous présentez le point de vue suivant, vous dites: en obligeant le distributeur à transporter du gaz pour des tiers, les distributeurs feront face à une spirale de l'impossible. Est-ce que vous pourriez nous expliquer votre point de vue? Vous semblez dire que les distributeurs vont perdre des revenus et, en conséquence, qu'il va falloir qu'ils augmentent leurs tarifs. Ne pensez-vous pas que les distributeurs vont continuer d'être rémunérés pour les services qu'ils rendent en transportant le gaz pour des tiers?

Mme Connor-Lajambe: Oui, absolument, puisqu'il semble acquis que les deux vont être séparés, le transport et la distribution. Par contre, ce qui peut être au désavantage du distributeur, c'est s'il perd de gros clients qui lui permettent d'avoir une courbe de demandes assez égale tout au long de l'année, donc, qui rentabilisent les investissements au maximum. Si ces gros intervenants, ces gros acheteurs ont accès à une déviation, peut-être que les revenus provenant de l'achat du gaz seront perdus pour le distributeur affectant ainsi ses revenus indûment. (21 h 15)

M. Ciaccia: Alors, vous voudriez exclure totalement le droit des tiers, les courtiers, admettons, de faire des ventes. Si je comprends bien, c'est ça?

Mme Connor-Lajambe: Nous nous posons la question, oui. Si Gaz Métropolitain ou Gazifère de Hull perdent de gros clients, ça risque d'affecter leur balance, leurs liquidités.,

M. Ciaccia: Parce qu'il y a deux éléments: il y a les tiers, les courtiers, et il y a aussi l'autre aspect quand certains - il y a une cause devant la Cour suprême, je crois, maintenant - quand quelqu'un veut se brancher, s'alimenter à partir du pipeline existant. Alors, ce sont deux situations différentes. Sur l'une, on ne propose rien dans te projet de loi parce qu'on n'en traite pas, mais, sur l'autre, les courtiers ne sont pas exclus. Alors, si je comprends votre point de vue, vous seriez contre la possibilité que des courtiers puissent obtenir les contrats d'approvisionnement même si, d'après les courtiers, d'après certains intervenants, ceci aurait comme effet de réduire le prix pour les consommateurs.

Mme Connor-Lajambe: Si c'est transmis aux consommateurs, d'accord. Il faudra que la régie ou l'organisme qui contrôle la distribution puisse s'en assurer. Dans chacun de ces cas, je pense qu'il faudra que ce soit étudié cas par cas. Je ne pense pas qu'il y ait tellement de gens qui veuillent bénéficier de la déviation. Mais, d'une façon générale, dans la mesure où il y a un seul distributeur de gaz et qu'il a un monopole, je pense que son droit exclusif devrait être respecté.

M. Ciaccia: Même s'il y en a qui faisaient la preuve que la mesure d'avoir des tiers ou des courtiers pourrait réduire... Je comprends que, si cette mesure avait pour effet d'augmenter les prix, il faudrait être très très prudent.

Mme Connor-Lajambe: C'est là...

M. Ciaccia: Si la démonstration pouvait être faite que cela aurait comme effet de réduire les prix pour les consommateurs, est-ce que vous auriez la même réticence?

Mme Connor-Lajambe: Non, je pense que vous avez très bien compris les craintes que nous avons. Par contre, si on peut prouver à la régie, qui serait l'organisme, de façon satisfaisante que les usagers y gagneraient, je pense qu'il ne faut pas être rigide au point de s'y opposer. Mais c'est du cas par cas.

M. Ciaccia: Très. bien. En ce qui concerne la protection des usagers, vous nous dites, en page 3 de votre mémoire, que l'accord des frais de représentation par la régie n'est pas une mesure crédible tant qu'elle n'est pas étayée de dispositions concrètes et précises. Je crois que c'est un nouvel élément que nous voulons apporter justement pour essayer de combler une lacune, d'aider à certaines représentations qui ne sont pas faites maintenant. Mais est-ce que vous auriez des suggestions à nous faire sur la façon de rendre cet aspect de la loi plus crédible?

Mme Connor-Lajambe: Je pense qu'il serait bon que la loi précise d'abord des délais qui permettraient aux intervenants possibles de se décider. Pour avoir été personnellement plutôt du côté de groupes qui essayaient d'intervenir devant des commissions, devant l'Office national de l'énergie, etc., les grands obstacles rencontrés sont tout d'abord les délais qui sont permis pour la présentation ou la préparation de mémoires et, deuxièmement, ce sont les facilités logistiques et financières de préparer des mémoires qui soient de qualité suffisante pour retenir l'intérêt des commissions ou de l'Office national de l'énergie. On a besoin d'experts qui ne sont pas disponibles. Notamment, dans l'organisation de la table ronde qu'on a eue le 20 août, j'ai remarqué à quel point il y avait peu d'experts dans ces domaines qui ne soient pas déjà encadrés par une société distributrice ou qui ne soient pas déjà à la régie. En dehors de ces milieux-là, on a beaucoup de difficulté à trouver des gens qui sachent un petit peu ce qui se passe dans le domaine énergétique. Donc, il faut susciter la formation d'experts qui soient disponibles pour les groupes qui veulent intervenir dans le cadre de ces audiences.

M. Ciaccia: La question d'avoir des représentations... Par exemple, des groupes de consommateurs sont venus devant cette commission nous dire qu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires. Quand vous dites, à la page 7 de votre mémoire, que l'avant-projet de loi ne spécifie pas comment la régie pourra s'assurer que toute la preuve pertinente a été présentée, premièrement, on présume, mais peut-être qu'on présume trop que la régie doit s'assurer que toute la preuve pertinente soit présentée. Encore ici, est-ce que vous avez des suggestions à faire à ce propos, à savoir comment la régie pourra s'assurer que toute la preuve soit présentée?

Mme Connor-Lajambe: À l'intérieur de la régie même, je crois qu'il y a une volonté de s'assurer que cela est fait. Je crois que c'est très rassurant. Par contre, ce n'est peut-être pas uniquement la responsabilité de la régie de s'assurer de cela. Si on a été capable, pour les gros consommateurs de gaz de créer un lobby, si je peux dire, un groupe qui protège leurs intérêts, je pense qu'il ne serait pas exclu de voir parallèlement aux associations de consommateurs existantes, un groupe qui s'occupe des intérêts des usagers du secteur énergétique. Cela ne se limiterait d'ailleurs pas au gaz naturel, au pétrole ou à l'électricité. Il y aura vraiment, je crois, un besoin considérable de susciter une expertise dans l'intérêt public général. Ce n'est pas nécessairement à l'intérieur des organismes officiels qu'elle devrait être suscitée.

M. Ciaccia: Peut-être avez-vous raison de dire que ce n'est pas seulement la responsabilité de la régie, mais de prendre des mesures...

Mme Connor-Lajambe: C'est un petit peu la raison de la création de notre centre, d'essayer de susciter de l'intérêt parmi des universitaires ou des jeunes pour qu'ils s'orientent vers les secteurs énergétiques. L'énergie n'est plus ce qu'elle était il y a vingt ans où elle constituait un coût infime des coûts de production. C'est devenu vraiment un coût important dans tout processus de fabrication. De la même façon, cela pèse beaucoup sur les budgets familiaux. On en est toujours au même point où on était il y a vingt ans. Donc, il y a un besoin à l'heure actuelle de faire naître une expertise dans ce domaine d'organismes qui ne soient peut-être pas conventionnnels, mais qui peuvent être à créer.

M. Ciaccia: Vous avez raison, parce qu'au Canada et aux États-Unis, per capita, on utilise deux fois plus d'énergie que dans tous les autres pays occidentaux. Alors, le coût de l'énergie devient de plus en plus important. C'est pour cela qu'il est important de nous assurer que les représentations soient faites devant la régie, comme vous le mentionnez, pour que tous les faits soient présentés, ainsi que toutes les informations pertinentes, permettant à la

régie d'arriver à une décision équitable pour tous les usagers. Merci.

Mme Connor-Lajambe: Certainement.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval et critique de l'Opposition.

M. Gauthier: Merci, M. le Président, Je serais bien malvenu de dire que le ministre posait des questions impertinentes, puisqu'il a posé, et dans l'ordre à part cela, trois des quatre questions que je me proposais de présenter à notre invitée. Elles sont là en plus, M. le ministre. C'est donc dire que nos sujets de préoccupation peuvent se ressembler d'une certaine manière. Cependant, il y a une question qui demande une explication, qui n'a pas été posée par le ministre. C'est la suivante, et je vous la pose: Vous êtes - et en ce sens on se rejoint - en faveur de la création d'une régie unique, qui aurait un rôle beaucoup plus large que ne veut donner le ministre à cette régie qui s'occupe strictement du gaz. Est-ce que, concrètement, de façon précise, vous pouvez nous énumérer - je ne sais pas si votre étude est allée suffisamment loin pour cela - les avantages qu'en retireraient le consommateur, entre autres, les distributeurs, d'autre part, et possiblement le gouvernement, en troisième lieu? On est d'accord avec l'idée générale, on suppose que cela pourrait être avantageux pour un certain nombre de raisons, mais avez-vous poussé l'étude plus loin?

Mme Connor-Lajambe: Je pense qu'on n'a pas besoin d'étudier la question. Si on compare le Québec à d'autres provinces, d'autres pays, il est évident qu'on a besoin d'une meilleure maîtrise, je dirais, du secteur énergétique. Avec cet avant-projet de loi, on va contrôler essentiellement deux compagnies. Gaz Métropolitain représente moins de 200 000 usagers. On n'a aucune indication sur la façon dont on va contrôler le monopole qui a la mission d'alimenter de 6 000 000 à 7 000 000 d'usagers de l'électricité. Même chose dans le domaine du pétrole. C'est un domaine assez mal connu au Québec, puisque, dès qu'on prononce le mot énergie, tout le monde pense électricité. Par contre, le pétrole constitue encore 40 % de notre alimentation énergétique. Cela va de soi que ces choses devraient être dans une régie de l'énergie.

Finalement, ce qui serait le plus grand intérêt d'une agence unique, c'est de voir ce qui s'est passé en France avec l'AFME, l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie, où on a inclus également un secteur extrêmement actif et dynamique pour la création d'industries autour des énergies renouvelables. Beaucoup d'entreprises ont reçu un grand "boost" qui leur a permis de pénétrer des marchés, qui leur a donné des ressources pour la recherche et le développement qu'elles n'avaient pas avant et, surtout, qui les a fait connaître dans leur pays d'origine. Il y a eu tout un tas de projets de démonstration qui ont vraiment mis les énergies renouvelables sur la carte. Ce sont des choses comme cela qu'on aimerait voir annoncées dans la politique énergétique du ministre prochainement.

M. Gauthier: Tout à l'heure, dans la réponse que vous donniez au ministre, j'ai cru comprendre que vous disiez, concernant l'autonomie de l'éventuelle régie, qu'il y avait quelques accrocs à un fonctionnement autonome de la régie. Je ne sais pas si je vous cite bien, mais c'était à peu près dans ce sens. Il y avait des choses qui laissaient croire que la régie n'était peut-être pas aussi autonome qu'elle devrait l'être. D'abord, je dois vous dire que, personnellement, je trouve qu'il y a de gros accrocs à l'autonomie de la régie. Est-ce que vous avez, dans vos études, dans vos travaux, analysé ou comparé le degré d'autonomie d'organismes similaires, par exemple, en Ontario, la situation de la régie ontarienne sous l'aspect de l'autonomie face au gouvernement ou face aux décisions qui peuvent lui être imposées?

Mme Connor-Lajambe: Non. Je sais que la régie de l'Ontario a un contrôle sur les tarifs également dans le cas de l'électricité. Par contre, je dois vous' dire humblement que je ne suis pas une experte de la réglementation du gaz naturel et je n'ai pas la compétence des gens qui m'ont précédée dans le domaine du gaz naturel. Donc, je n'ai pas étudié plus spécifiquement ce domaine.

M. Gauthier: D'accord, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. Comme vous l'avez si bien mentionné tantôt, si vous voulez bien conclure avec vos remarques finales.

M. Gauthier: Je voudrais simplement, au nom de ma formation politique, remercier Mme Lajambe, dont on connaît l'habitude de présenter des analyses fouillées sur différents secteurs concernant le grand secteur de l'énergie au Québec. Comme d'habitude, son mémoire présentait une analyse fort intéressante et les points qui pouvaient demeurer obscurs ont fait que, pour la première fois depuis ce matin, mes questions et celles du ministre se rejoignaient. Ce n'est pas par manque d'intérêt, je veux bien que vous le croyiez, c'est strictement par coïncidence que la chose s'est présentée

ainsi. Soyez assurée que la qualité de votre mémoire nous a frappés au moment où nous en avons fait une étude préliminaire, et la qualité de la présentation de ce soir aura complété les questions qui pouvaient demeurer. Nous vous remercions infiniment et nous espérons avoir l'occasion de vous revoir à d'autres commissions parlementaires ou lors d'autres situations où les questions de l'énergie au Québec seront débattues. Je vous remercie. (21 h 30)

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux vous remercier, Mme Connor-Lajambe, du Centre d'analyse des politiques énergétiques, pour le mémoire que vous venez de présenter. Je voudrais simplement porter un fait à votre attention. À la page 3 de votre mémoire, vous mentionnez que le gouvernement a jugé souhaitable de confier l'application de cette réglementation à une régie exclusivement consacrée au gaz naturel plutôt que de l'inscrire dans le mandat de la Régie des services publics. Vous tirez certaines conclusions. Je dois vous dire que nous n'avons pas exclu le fait et la possibilité que le mandat de la régie puisse être assumé par la Régie des services publics. Ce que nous avons voulu faire, c'est de nous assurer que la loi qui affecte la régie du gaz soit modifiée pour apporter certaines améliorations, mais cela ne présuppose pas les changements ou la réforme que le gouvernement pourrait faire à la question des tribunaux administratifs.

Cependant, quand vous en venez à la conclusion que le gouvernement n'a pas l'intention de créer dans l'immédiat une régie de l'énergie, vous avez raison. Mais, quand vous dites qu'on va subséquemment créer une régie de l'électricité pour reprendre le reste du mandat, je peux vous dire que ce n'est pas notre intention. On a voulu spécifiquement exclure l'électricité pour des raisons que nous avons mentionnées.

En ce qui concerne les accrocs à l'autonomie de la régie, la régie ontarienne la loi, dans une certaine mesure, peut être interprétée comme allant plus loin que notre avant-projet de loi parce qu'en Ontario, le gouvernement peut demander des audiences sur un sujet précis. Je pense que c'est plus directif ou plus direct que l'article 63.

Cependant, nous notons avec intérêt les recommandations que vous avez portées à notre attention. On peut vous assurer qu'on va les étudier. Il y en a plusieurs que nous trouvons très intéressantes et qui peuvent se retrouver dans la version finale de notre loi.

Mme Connor-Lajambe: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Merci, madame, et bon retour chez vous.

J'invite maintenant les représentants de SOQUIP à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît!

Messieurs, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. Je sais que vous connaissez les règles du jeu pour votre présentation. Je vous demande donc immédiatement de présenter vos collègues et je vous céderai immédiatement la parole pour votre exposé.

SOQUIP

M. Pouliot (Richard): Merci, M. le Président. Je suis Richard Pouliot, le président-directeur général de SOQUIP. Je voudrais vous présenter, à ma droite, M. Jean Guérin, vice-président au développement de SOQUIP, et, à ma gauche, Me Pierre S. Boivin, directeur des affaires juridiques et du domaine minier de SOQUIP.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission de l'économie et du travail. Comme vous le savez, le domaine de l'énergie, tout comme c'est le cas dans d'autres secteurs de l'économie, vit à l'heure actuelle une période de déréglementation. Législateurs, fournisseurs et consommateurs doivent donc s'adapter à une plus grande libéralisation des marchés. Au Québec et au Canada le sujet de la déréglementation du gaz naturel en est un d'actualité et surtout de grand intérêt pour les consommateurs, distributeurs et autres principaux intervenants du secteur gazier. C'est dans ce contexte que SOQUIP a voulu situer son mémoire en replaçant l'avant-projet de loi proposé par le gouvernement dans l'ensemble du contexte général de la situation du gaz naturel au Canada. SOQUIP voit la réorganisation proposée des fonctions et des pouvoirs de l'organisme de réglementation gazier au Québec comme s'inscrivant dans le contexte d'un échange plus libre entre fournisseurs et consommateurs de gaz.

Notre présence devant cette commission témoigne de notre intérêt pour le sujet et vise surtout à offrir notre contribution au législateur dans son objectif d'instituer une Régie du gaz naturel dont les fonctions et pouvoirs seront les mieux adaptés à la situation actuelle du marché tout en tenant compte des besoins à court et à long terme des distributeurs et des consommateurs de gaz naturel au Québec.

SOQUIP désire remercier le ministre de l'Énergie et des Ressources d'avoir permis que l'avant-projet de loi qu'il a présenté le 18 juin dernier à l'Assemblée nationale fasse cette semaine l'objet d'audiences publiques. Nous voulons également remercier les membres de la commission de l'économie et

du travail de nous accorder cette occasion de présenter notre point de vue sur cet avant-projet de loi.

L'intérêt de SOQUIP dans ce sujet découle principalement du fait de notre participation active dans le domaine du gaz naturel au Québec et également au Canada. En tant que producteur au Québec ainsi que dans l'Ouest canadien et en tant qu'actionnaire de la distribution gazière au Québec, nous croyons pouvoir offrir une vision d'ensemble sur les questions qui préoccupent le plus l'industrie gazièrec De plus, notre statut de société d'État nous confère une responsabilité envers l'ensemble des consommateurs québécois.

C'est dans cet esprit d'une vision globale des intérêts de chacun que nous avons analysé les principales modifications de l'avant-projet de loi laissant à d'autres intervenants qui représentent l'un ou l'autre des secteurs touchés par cet avant-projet le soin de commenter sur des points particuliers et plus techniques qui les affectent.

Permettez-moi tout d'abord de résumer très brièvement les principales activités de SOQUIP dans le domaine pétrolier et gazier. Au cours des dernières années ces activités nous ont permis d'acquérir une expérience variée dans le secteur des hydrocarbures. Après avoir concentré l'essentiel de ses activités à l'exploration des bassins sédimentaires du Québec durant la période de 1969 à 1980, SOQUIP a vu son mandat s'élargir et se diversifier depuis 1981. Les gouvernements successifs du Québec confiaient à SOQUIP la responsabilité de voir que les objectifs de sa politique énergétique en matière de gaz naturel soient atteints» C'est à ce moment que SOQUIP est entrée dans le secteur de la distribution gazière en devenant actionnaire de Gaz Métropolitain et de Gaz Intercité. Ces deux distributeurs, comme on le sait, ont par la suite été regroupés, faisant de Gaz Métropolitain l'une des plus grandes entreprises dans le domaine de l'énergie non seulement au Québec, mais également au Canada.

SOQUIP est également active dans la distribution gazière par le biais de sa division du gaz porté. Cette méthode de livraison de gaz par camions-remorque permet à des consommateurs industriels situés à l'extérieur du réseau de distribution de Gaz Métropolitain d'utiliser une source d'énergie qui leur serait autrement inaccessible.

Notre société a su développer au cours des dernières années une présence stratégique en Alberta, le centre canadien de l'industrie pétrolière et gazière. Cette présence s'articule autour de deux volets principaux, l'exploration et la production, de même que l'approvisionnement des marchés du Québec.

Nos activités d'exploration et de production dans l'Ouest canadien sont depuis 1984 sous la responsabilité de SOQUIP-Alberta, une filiale à part entière de SOQUIP. Cette présence active comme producteur en Alberta, ajoutée au permis que SOQUIP a obtenu du gouvernement de cette province, nous permet aujourd'hui d'approvisionner Gaz Métropolitain pour une partie de ses besoins en gaz naturel. Cette présence québécoise au niveau de l'exploration, de la production, de l'approvisionnement et de la distribution du gaz naturel ne pourra qu'ajouter des connaissances et des avantages aux intervenants du Québec au moment où nous progresserons dans la voie de la déréglementation.

En effet, dans un contexte de libéralisation des échanges entre producteurs, vendeurs et consommateurs, une province consommatrice comme le Québec et ses acheteurs d'énergie ont tout avantage à renforcer leurs connaissances afin d'être en position de bénéficier à long terme d'approvisionnements sûrs et à prix concurrentiels.

Les consommateurs d'énergie au Québec peuvent maintenant compter pour la grande majorité sur un choix entre les trois principales formes d'énergie. Le pétrole a été pendant de nombreuses années l'énergie préférée, sinon unique, des Québécois. Les crises pétrolières des années soixante-dix et notre dépendance grandissante sur le pétrole importé ont toutefois incité plusieurs consommateurs à se tourner vers d'autres énergies ou tout au moins à améliorer leur flexibilité d'approvisionnement.

La grande richesse hydroélectrique du Québec a permis que l'électricité occupe une place plus grande dans la satisfaction de vos besoins énergétiques. Le niveau de sécurité de nos approvisionnements s'est accru par cette plus grande utilisation de cette ressource québécoise.

Le gaz naturel, une énergie domestique abondante, efficace et économique était jusqu'à tout récemment disponible tant au Québec que dans les régions de Montréal, Hull et une partie de l'Abitibi. C'est pour cette raison qu'en 1981 cette forme d'énergie n'occupait que 8 % de notre bilan énergétique alors qu'en Ontario, où elle avait contribué à la forte industrialisation de cette province, elle satisfaisait à la même période environ 30 % des besoins de cette province.

Aujourd'hui, les efforts conjugués de Gaz métropolitain, de Gaz Intercité Québec et de SOQUIP, appuyés par des politiques et des programmes des gouvernements provinciaux et fédéral, font que le gaz naturel occupe près de 16 % du bilan énergétique du Québec. Les consommateurs du Québec ont été les grands bénéficiaires de cette concurrence accrue entre les principaux fournisseurs d'énergie. Notre économie a aussi grandement profité des

milliards de dollars qui ont été investis dans l'expansion des marchés entre 1981 et 1987, période durant laquelle les grands projets d'investissements étaient peu nombreux.

Le Québec dispose maintenant, et pour les années à venir, d'une infrastructure gazière grandement améliorée alors que la majorité des grands utilisateurs d'énergie ont accès au gaz naturel. La sécurité des approvisionnements a ainsi été fortement renforcée. La diversité des sources d'énergie a été améliorée, permettant notamment à nos industries de réduire leur facture énergétique et surtout d'être plus concurrentielles sur les marchés de l'exportation.

SOQUIP tient à profiter de l'occasion qui lui est fournie pour souligner à ce titre le rôle de la régie dans l'atteinte de ces résultats. Au cours de cette période de développement, la régie a su appuyer les efforts de tous par des décisions justes et même innovatrices. Sans son appui, les efforts et les investissements considérables dirigés vers l'accroissement des ventes de gaz naturel au Québec n'auraient certes pas été aussi profitables.

Le Québec bénéficie donc maintenant d'installations gazières modernes et efficaces. Il lui faut maintenant s'assurer du maintien de cet avantage, voire même l'accentuer au cours des prochaines années. Pour cela, il s'avère nécessaire d'optimiser l'utilisation du réseau gazier afin qu'il profite le plus possible et au meilleur coût aux consommateurs qu'il dessert.

De même, l'industrie de la distribution du gaz naturel au Québec doit être de plus en plus efficace, compétitive et rentable. C'est là la meilleure façon de bien positionner le Québec, ses distributeurs et ses consommateurs dans le contexte canadien de la déréglementation de l'industrie gazière.

Notre mémoire rappelle les grands principes de cette déréglementation du secteur gazier depuis la promulgation de l'entente sur les marchés et les prix du gaz naturel convenue entre les gouvernements du Canada, de l'Alberta, de la Colombie britannique et de la Saskatchewan le 31 octobre 1985. En résumé, ces gouvernements convenaient alors de la nécessité d'un régime de tarification plus souple et axé sur les conditions du marché par rapport à un système de prix administré résultant en fait de négociations parfois très pénibles entre niveaux de gouvernements.

L'entente comportait à cette fin des mesures visant à permettre ce libre marché pour les acheteurs et les vendeurs de gaz naturel tout en maintenant toutefois le caractère réglementé du transport et de la distribution du gaz. Cette entente recommandait entre autres un examen du rôle et des activités des sociétés pépinières interprovinciales et internationales de façon à faciliter la transition vers le régime tarifaire recherché. Une commission d'examen, d'ailleurs, a été formée à cette fin. Elle définissait dans son rapport certaines recommandations pour que les conditions nécessaires à la libéralisation du régime de tarification du gaz naturel soient en place. (21 h 45)

Notons parmi ces conditions requises, premièrement, l'accès sans discrimination aux marchés, aux sources d'approvisionnement, aux pipelines et à l'informatisation. Deuxièmement, la séparation entre les activités de transport et les activités de commercialisation des transporteurs par pipeline. Troisièmement, la déréglementation du prix du gaz naturel facturé aux grands consommateurs industriels désirant contracter leur propre approvisionnement. Quatrièmement, la séparation des services de distribution et de vente des distributeurs gaziers et, enfin, l'introduction d'un système de transport par contrat.

La déréglementation des marchés du gaz naturel permet une négociation plus libre entre acheteurs et vendeurs. De plus, les fournisseurs ou acheteurs de gaz peuvent avoir un accès au service de TransCanada Pipelines. Cette libéralisation des approvisionnements permet donc aux principaux consommateurs de négocier et de s'approvisionner directement auprès des producteurs. En cette période d'offre abondante et de vive concurrence entre producteurs, plusieurs grands consommateurs industriels se sont déjà prévalus des opportunités de cette déréglementation des approvisionnements, réalisant des économies en achetant directement des producteurs.

SOQUIP souligne toutefois dans son mémoire la question de la sécurité des approvisionnements à long terme. Alors que les grands consommateurs peuvent aujourd'hui réaliser à court terme des économies importantes, toute modification significative de la situation actuelle de surplus de l'offre pourrait remettre en cause les avantages actuels au niveau des prix. Face à cette situation potentielle, il incombe à la régie le difficile rôle de concilier les intérêts des consommateurs entre les avantages de prix à court terme, les ventes directes, et la sécurité de l'approvisionnement à plus long terme.

En d'autres termes, il faut maintenir les éléments d'un système à long terme au moins pour les utilisateurs captifs. SOQUIP est d'avis que l'avant-projet de loi comporte d'intéressantes modifications qui vont dans le sens de la libéralisation des marchés comme en fait foi à titre d'exemple l'introduction de la notion de vente directe à l'article 22. De même, le projet tient compte des intérêts des consommateurs qui, selon l'article 28, pourront demander à la régie

d'arbitrer tout litige les opposant à un distributeur. De façon générale, SOQUIP est heureuse de constater que l'avant-projet de loi tente d'adapter la réglementation du gaz naturel au Québec aux nouvelles conditions d'approvisionnement orientées vers la libéralisation des marchés.

Notre mémoire renferme toutefois quelques recommandations dans le but de rendre les fonctions et pouvoirs du futur organisme de réglementation encore mieux adaptés aux besoins de l'ensemble des intervenants de l'industrie gazière et de sa clientèle. Ces recommandations concernent principalement l'importance, premièrement, que la régie accorde une flexibilité accrue au distributeur dans sa tarification, notamment, au niveau des programmes commerciaux; deuxièmement, une intervention minimum de la part de la régie dans les ententes conclues avec les fournisseurs, même ceux liés aux distributeurs, qui tiendra compte également des notions de concurrence et de confidentialité; troisièmement, la réglementation de l'emmagasinage souterrain de gaz naturel; quatrièmement, l'importance de maintenir l'intégrité du système de distribution et d'éviter les déviations au système; cinquièmement, la question du traitement des trop-perçus par le distributeur; sixièmement, enfin, la prudence requise dans l'énoncé par le gouvernement des orientations générales de la tarification gazière.

Cela dit, M. le Président, je termine cette présentation. Tous les éléments que je viens d'invoquer sont déjà dans le mémoire. Je tiens encore une fois à remercier les membres de la commission de nous avoir permis d'exposer notre point de vue. Mes collègues et moi, évidemment, sommes à votre disposition pour toutes questions que vous aurez à poser sur le sujet.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie, M. le président. Je cède la parole, maintenant, au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Je voudrais remercier M. Pouliot et l'équipe de SOQUIP, premièrement, d'avoir accepté de présenter leur mémoire ce soir plutôt que demain; cela nous accommode et je vous remercie de vous être pliés à notre demande. Je sais que vous travaillez à plusieurs projets qui sont assez importants. J'apprécie le fait que vous ayez pu accepter de venir ce soir plutôt que demain. Deuxièmement, je sais que vous avez un certain intérêt et un intérêt certain dans ce domaine avec tous les projets que vous étudiez.

Cependant, je voudrais éclaircir avec vous certains points que vous avez soulevés dans votre mémoire. En premier lieu, vous demandez, en page 7, que la régie allège ses contrôles dans le but d'accélérer son processus décisionnel. Vous dites: "La société souhaiterait néanmoins que la régie allège encore davantage ses contrôles..." Est-ce que vous pourriez nous donner quelques suggestions, quelques exemples qui pourraient aller dans ce sens, dans cette direction?

M. Pouliot: M. le ministre, si vous n'avez pas d'objection, je vais demander à M. Guérin...

M. Ciaccia: Pas du tout.

M. Pouliot: ...de répondre à votre question.

M. Ciaccia: Pas du tout.

Le Président (M. Théorêt): M. Guérin.

M. Guérin (Jean): Alors, deux suggestions, peut-être, M. le ministre. Au chapitre des tarifs, comme Gaz Métro le suggère dans son mémoire, la régie pourrait, par exemple, accepter de mettre en vigueur les tarifs dès le moment où ceux-ci sont déposés; disons que cette période pourrait être le 1er octobre, cette date de mise en vigueur. À ce moment-là, par la suite, la régie pourrait prendre tout le temps voulu pour étudier à fond les questions de tarifs, de coûts de service et de base de tarification. Ceci permettrait d'accélérer grandement le processus.

Au chapitre des programmes de commercialisation, comme on le mentionne à plusieurs reprises dans notre mémoire, la situation concurrentielle au Québec et au Canada en général est très vive. Souvent, le distributeur doit réagir avec beaucoup de rapidité, en mettant de l'avant des programmes de commercialisation, des programmes de marketing qui, par la suite, doivent être approuvés par la régie. Une manière d'accélérer serait peut-être que la régie fasse connaître d'avance les critères permettant de traiter dans le coût de service ces différents programmes de commercialisation. Souvent, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le distributeur doit mettre de l'avant ces programmes de commercialisation et ne connaît qu'un an après le traitement tarifaire qui va être accordé à ce genre de programme: soit qu'il aille dans la base de tarification, soit qu'il soit tout simplement admis comme dépense.

M. Ciaccia: Selon votre première suggestion voulant que les tarifs viennent en vigueur automatiquement - et ceci d'après vous donnerait l'opportunité à la régie d'étudier cela - est-ce qu'il n'y aurait pas un danger à ce moment-là de créer une pression sur la régie pour accepter les tarifs qui ont été proposés, de rendre un peu plus difficile

la modification des tarifs et de rendre encore un peu plus lourd, pour le consommateur... Parce que, si le tarif vient en vigueur automatiquement, s'il y a un changement, il va falloir avoir des procédures pour redonner le trop-perçu aux consomateurs. Est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres moyens? Parce qu'on pourrait se faire critiquer aussi de la part des consommateurs. Il peut dire: Écoutez, seulement parce que le distributeur demande l'augmentation, vous l'accordez. Vous ne nous avez même pas accordé l'opportunité à la régie et à nous de faire des représentations. Est-ce qu'il n'y aurait pas ce danger-là?

M. Guérin: Possiblement, M. le ministre* Mais, comme vous le savez, la régie a introduit toutes sortes de comptes de nivellement et de stabilisation tarifaire qui font en sorte qu'elle pourrait tranquillement, à sa guise, étudier la justesse du tarif approuvé, disons le 1er octobre. Et si par hasard le tarif s'avère trop élevé ou trop bas, via les comptes de nivellement elle pourra automatiquement, dans les hausses de tarif subséquentes, donner les ajustements qu'il faut faire. Il y a des procédures...

M. Ciaccia: C'est toujours difficile...

M. Guérin: ...automatiques d'autocorrection.

M. Ciaccia: C'est toujours difficile de convaincre le consommateur en disant que c'est vrai que le tarif était trop haut, mais qu'on augmentera moins le prochain tarif. Vous savez, c'est difficile de le convaincre de ça. Lui, il voit ce qu'il reçoit, ce qu'il a dans ses mains. Il pourrait interpréter ça comme une excuse et ne pas voir vraiment le bénéfice de la décision de la régie. Mais, puisque vous avez soulevé la question du nivellement, des comptes de nivellement, plus tard à la page 13 de votre mémoire vous soulignez que la régie a adopté une réglementation innovatrice. Souhaiteriez-vous que la loi prévoie de sauvegarder ces principes en vigueur, particulièrement ceux que vous avez mentionnés, le recours de l'année témoin projetée, les comptes de nivellement? Est-ce que vous voudriez voir ça dans la loi ou si vous seriez satisfait que ça soit maintenu dans la réglementation?

M. Guérin: Je pense que ça serait bon si c'était maintenu dans la réglementation sans être nécessairement intégré à la loi.

M. Ciaccia: Concernant les ententes d'approvisionnement passées entre fournisseurs et distributeurs ayant des liens entre eux, vous demandez, en page 9 de votre mémoire, que la régie n'intervienne que si elle observe une inéquité préjudiciable à la communauté des usagers. Est-ce que vous pourriez expliciter ce que vous entendez par cela?

M. Pouliot: J'imagine, M. le ministre, que ce qu'on veut dire dans l'avant-projet de loi, c'est que, lorsqu'il y a, je dirais, une relation très étroite entre un fournisseur et un distributeur de gaz, pour des raisons d'équité, la régie pourrait, en vertu de ce projet de loi, avoir le droit de rouvrir, en fait, Ies contrats et d'examiner ces contrats. Il est évident que la situation dans laquelle quelqu'un pourrait se plaindre de ces relations tiendrait au fait que les prix du gaz naturel prévus dans ces contrats seraient plus élevés que les prix du gaz normalement prévus dans le marché. Si bien que ce que l'on dit dans notre mémoire, c'est que, dans ces cas-là, si vraiment la régie observe une inéquité préjudiciable à la communauté des usagers, il n'y aurait pas d'objection à ce que la régie intervienne. Ce que nous demanderions cependant, parce que SOQUIP elle-même se trouverait visée par cet article de loi, c'est de protéger, en fait, la confidentialité des données qui sont parties à ces ententes d'approvisionnement, pour des raisons de concurrence, essentiellement, entre les fournisseurs et les producteurs de gaz naturel.

M. Ciaccia: Je peux comprendre la question de la confidentialité, c'est assez important, mais, concernant le "préjudiciable à la communauté des usagers", est-ce qu'on pourrait avoir une situation où cela serait préjudiciable, d'après la régie, non nécessairement à la communauté des usagers, mais à certains usagers particuliers qui seraient visés? Est-ce que cette situation pourrait se produire qu'un contrat d'approvisionnement entre une société dans laquelle SOQUIP et Noverco ont des intérêts serait fait à un niveau que la régie jugerait un peu plus élevé que le marché et que cela pourrait affecter seulement certains usagers?

M. Pouliot: La plupart des contrats qui sont prévus avec le distributeur sont des contrats d'approvisionnement dans lesquels le gaz est destiné à l'ensemble des usagers. C'est très difficile d'identifier où la molécule de carbone s'en va. La question que vous soulevez, c'est un type de contrat dans lequel ce gaz serait spécifiquement destiné à un utilisateur précis. Cela prendrait d'abord un utilisateur qui soit un gros consommateur de gaz. Dans le cas présent, cela ferait sans doute l'objet de vente directe, de "buy and sell" ou d'une formule, en fait, permettant à un fournisseur de gaz, qui pourrait être SOQUIP, Noverco ou quelqu'un d'autre, une association de producteurs, de livrer à un consommateur industriel du gaz à un prix qui sera nécessairement négocié librement entre

les deux et ne sera probablement pas visé par la régie comme telle.

Les seuls cas, à ma connaissance, où cet article pourrait s'appliquer, c'est vraiment dans un cas où - remarquez bien que je n'ai pas regardé tous les cas en question - il s'agirait de viser une communauté d'usagers, non seulement un seul usager. Dans ce cas, la seule circonstance où on pourrait s'en plaindre, comme je le disais tantôt, c'est une circonstance dans laquelle un contrat de fourniture de gaz serait fixé à un prix plus élevé que le marché. Là, je comprendrais qu'il y ait un préjudice. S'il est moins élevé, je ne vois pas où est le préjudice. Je me dis: Cela doit être parce que c'est plus élevé. La régie, voulant protéger le consommateur et en toute équité pour lui, va regarder ce contrat et va attirer V attention, sans aucun doute, du distributeur sur l'inéquité qui est crée par ce contrat d'approvisionnement. Là, je ne vois pas vraiment de problème, mais, encore une fois, pourvu que la confidentialité des données soit conservée dans ces contrats. (22 heures)

M. Ciaccia: Si c'est normal de dire qu'on doit regarder la communauté des usagers, on n'a pas besoin de le dire si c'est cela qui arrive. Si ce n'est pas un cas particulier, ce serait normalement un ensemble d'usagers.

M. Pouliot: Enfin, c'est la seule circonstance que je verrais.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné la question de la sécurité des approvisionnements. Croyez-vous que la régie doit jouer un rôle actif pour garantir la sécurité des approvisionnements des consommateurs de gaz au Québec? Vous avez mentionné quelques exemples. Est-ce que vous pourriez préciser ce sujet?

M. Pouliot: Des exemples d'approvisionnement de gaz au Québec?

M. Ciaccia: Oui.

M. Pouliot: Vous savez que SOQUIP, par l'intermédiaire de SOQUIP-Alberta, sa filiale à part entière en Alberta, et en concertation avec au-delà d'une trentaine de producteurs albertains, a obtenu du gouvernement de l'Alberta trois licences d'exportation de gaz naturel de l'Alberta depuis cinq ans, pour les cinq dernières années, pour livrer au Québec un volume qui représente à peu près 12 % du total des approvisionnements de Gaz Métropolitain. Dans ce contexte, l'ensemble des producteurs ont des permis et des contrats pour vendre à peu près 21 BCF de gaz au Québec sur 170 environ que nous consommons au total au cours de la présente année.

M. Ciaccia: J'ai peut-être mal posé ma question. Est-ce que la régie doit jouer un rôle actif pour garantir la sécurité des approvisionnements des consommateurs?

M. Pouliot: Là où la régie, M. le ministre, peut jouer un rôle, c'est dans la façon avec laquelle... Enfin, il y a plusieurs façons avec lesquelles elle peut jouer. La première, évidemment, c'est dans la méthode de sa réglementation elle-même. Quel traitement la régie fera-t-elle des ventes directes? Quel traitement la régie fera-t-elle des ventes groupées, des questions touchant les déviations du système, un ensemble de questions sur lesquelles, en réalité, la régie a une juridiction et qui vont déterminer les conditions dans lesquelles l'approvisionnement gazier va se faire? Si nous devons, comme je le disais dans mon exposé liminaire, maintenir l'essence, les éléments d'un système d'approvisionnement gazier à long terme, les ventes directes, oui, c'est bien; il n'y a aucun doute? nous sommes favorables à cela. Cela permet de libéraliser le marché, de déréglementer le marché à ce niveau, mais ce n'est pas tout le monde qui peut jouer dans ce marché-là. Il y a des utilisateurs captifs de gaz naturel au Québec. Sur les quelque 175 000 abonnés au gaz, on peut calculer qu'au-delà de 90 % d'entre eux sont des utilisateurs captifs de gaz. Dans la plupart des cas, ces gens ont besoin d'avoir un système d'approvisionnement régulier et à long terme. Ils ne peuvent pas entrer dans le marché des ventes directes. La régie, de ce point de vue, doit assurer que ce système soit maintenu. Si, éventuellement, on permettait à trop de gens de se. distraire de l'ensemble du système de distribution à long terme, il y a l'ensemble des autres usagers qui vont devoir en assumer les coûts. Je crois que la régie a un rôle, comme nous le disons dans notre mémoire, qui est difficile, mais un rôle d'équilibre entre les préoccupations à court terme concernant les ventes directes et la préoccupation d'assurer un système de livraison à long terme au Québec pour protéger les utilisateurs captifs de gaz naturel et qui vont le demeurer.

M. Ciaccia: Pour protéger les clients captifs, est-ce que la régie peut exiger du distributeur qu'il ait lui aussi des contrats à long terme?

M. Pouliot: La régie peut certainement exiger que le distributeur démontre, je dirais, qu'il possède les approvisionnements gaziers nécessaires ou les contrats de gaz, ainsi que les contrats de transport qui vont assurer la livraison de ce gaz et la sécurité des approvisionnements des consommateurs gaziers au Québec.

M. Ciaccia: C'est toute l'argumentation

de l'Alberta. Avant la déréglementation. les tests de surplus, tout le reste, l'Alberta s'opposait à ce que ce soient les producteurs qui financent les consommateurs à l'autre bout, qui devaient maintenir des réserves assez élevées et les consommateurs n'étaient pas obligés de signer des contrats à long terme. Ce serait par l'entremise d'une régie qu'on pourrait quasiment renverser le processus et obliger les consommateurs ou les distributeurs à avoir ces contrats à long terme?

M. Pouliot: M. le ministre, il est évident que la régie ne peut pas régler tous ces problèmes-là. Il faut que ce soit tout le long de la chaîne d'approvisionnement que cette question soit résolue. Comme vous le savez, c'est un problème qui est actuellement objet de débats parfois acrimonieux de la part des gouvernements, des producteurs, des distributeurs à travers le pays et du transporteur TCPL. Il n'y a aucun doute que mon point de vue sur ce sujet, surtout pour protéger les intérêts du Québec qui est à l'autre bout de la ligne dans le transport... Si nous avions une autre source d'approvisionnement - je ne dis pas que cela ne viendra pas un jour - que celle que nous avons, je tiendrais peut-être un autre langage, mais tant et aussi longtemps que nous serons en bout de ligne, il sera absolument essentiel, pour protéger les intérêts des consommateurs et des utilisateurs captifs qui ont investi dans le gaz naturel des sommes considérables, d'assurer qu'on ait un approvisionnement à long terme. Cela va de la politique de l'Alberta, de celle des producteurs, des transporteurs jusqu'à celle de la distribution au Québec.

Cela dit, tout en disant cela je suis bien d'accord avec la déréglementation et la libéralisation, mais il faut se rendre compte que les structures de consommation des grands consommateurs industriels et celles du consommateur résidentiel, du petit commercial et même du petit industriel ne sont pas du tout les mêmes.

M. Ciaccia: Seulement une autre question, M. le Président. Est-ce que cela veut dire que l'on doit limiter le rôle des courtiers afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement à long terme? Finalement, est-ce que la sécurité d'approvisionnement à long terme ne devient pas une question de prix et de coûts additionnels aux consommateurs du Québec? La régie ne peut pas obliger l'Alberta à avoir des réserves, il faudra que ce soient les distributeurs qui signent ces contrats.

M. Pouliot: II n'y a aucun doute qu'il y a un prix à payer pour la sécurité d'approvisionnement. C'est vrai dans toutes les formes d'énergie, que ce soit l'électricité, le pétrole ou le gaz naturel. Cela dit, je suis également d'accord avec vous, ce n'est pas juste la régie qui peut faire cela. Il faut qu'il y ait également la part du distributeur et aussi d'un certain nombre de courtiers en gaz dont SOQUIP, incidemment, qui joue et doit jouer un rôle à ce niveau-là.

Quant au rôle pour les courtiers, permettez-moi une petite remarque. Je demanderai peut-être à M. Guérin de commenter là-dessus. Non, cela ne fait pas disparaître le rôle des courtiers. Au contraire il y a de plus en plus, par la libéralisation, un dégagement de volume de gaz important, il y a de plus en plus de gens qui font du courtage de gaz au Canada. D'ailleurs, si vous regardez la structure de consommation au Québec en termes de volumes, près de 70 % de nos volumes de gaz sont vendus dans le secteur industriel. Il y a donc pas mal de place pour du courtage de gaz. Ce que je dis cependant, c'est que sur ces 70 % il y a peut-être un petit nombre de volumes qui nécessitent des assurances qu'à long terme les approvisionnements soient présents, mais à côté de cela il y a 30 % de volumes qui nécessitent des approvisionnements à plus long terme et pour lesquels il est nécessaire d'assurer la sécurité d'approvisionnement.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre.

M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci. En page 6 de votre mémoire, au dernier paragraphe, il est écrit: "Dans ce contexte, SOQUIP croit souhaitable que la régie accorde une flexibilité accrue au distributeur au niveau de sa tarification en vue notamment de lui permettre de mettre en oeuvre des programmes requis pour le maintien de sa compétitivité et le développement de sa part de marché." Quand vous parlez de flexibilité accrue, on pense aux consommateurs. Dans quelle mesure une flexibilité accrue peut-elle se traduire? Jusqu'où la régie devrait-elle laisser libre cours aux initiatives des distributeurs, des vendeurs et où devrait-elle mettre des balises pour s'assurer que les consommateurs ne font pas les frais d'une guerre qui pourrait coûter pas mal cher, entre autres, entre les gens qui s'occupent de gaz et ceux qui ont aussi des programmes dans le domaine de l'électricité ou d'autres formes d'énergie? J'imagine que vous comprenez que notre préoccupation est aussi du côté des consommateurs. J'aimerais que vous expliquiez davantage cette flexibilité accrue non définie.

M. Pouliot: M. le Président, c'est à

cause des consommateurs que nous avons indiqué ce que vous trouvez dans notre mémoire en page 6. Actuellement, nous avons investi au Québec près de 2 000 000 000 $ dans un système de distribution. Ce système est à peu près utilisé à la moitié de sa capacité.

La préoccupation que nous avons et sur laquelle nous avons insisté dans notre mémoire, c'est que nous devons optimiser l'utilisation de ce réseau gazier maintenant qu'il est en terre. Si nous voulons réduire le coût aux consommateurs, il faut qu'on réduise le coût de service de distribution du gaz. La seule façon que je connaisse de réduire le coût de service de distribution du gaz, c'est d'augmenter le volume de gaz qui coule dans ces tuyaux. La seule façon d'augmenter les volumes de gaz qui coule dans ces tuyaux, c'est de donner aux distributeurs la flexibilité pour vendre plus de gaz dans le marché.

Mon argumentation porte essentiellement sur la nécessité, pour protéger le consommateur à moyen et à long terme, de lui permettre de diminuer le coût unitaire du gaz. Le coût de service au Québec est élevé. Le coût de service au Québec pour le gaz est plus élevé qu'en Ontario. La raison fondamentale de cela tient au fait que nous avons des équipements récents. Nous avons investi beaucoup d'argent dans un réseau qui n'est pas encore amorti. Si nous voulons assurer que le coût de service, et que ce soit pour tout le monde... Je pense au consommateur résidentiel tout autant qu'à notre industrie en disant cela. Si nous voulons assurer que le Québec demeure compétitif dans ce domaine, il faut assurer maintenant l'utilisation maximale de ces investissements.

C'est pour cela, M. le député, que la flexibilité accrue... Je suis bien conscient en même temps, tout en disant cela, qu'il y a une question d'équilibre. Je fais confiance à la régie parce que la régie a quand même une histoire, il y a quand même des principes et des méthodes de réglementation qui sont adoptés au Québec comme partout ailleurs en Amérique du Nord et qui permettent d'établir ce juste équilibre.

Comme nous l'avons dit, la régie a innové dans plusieurs domaines. Il y a aussi des innovations à introduire pour assurer l'optimisation de l'utilisation du réseau gazier au Québec.

M. Gauthier: Puisqu'on en est sur la régie comme telle, cela va m'amener à une question que je voulais vous poser un peu plus tard, mais que je vais poser immédiatement. À la page 13 de votre mémoire, vous faites état effectivement que la Régie de l'électricité et du gaz a été une des plus avant-gardistes en Amérique du Nord, qu'elle a adopté des principes et des méthodes de réglementation hautement innovateurs, dont le recours à l'année témoin projetée, l'introduction de différents comptes de nivellement, etc. Bref, vous décrivez de façon fort élogieuse, il faut bien en convenir, le rôle de la régie. Êtes-vous capable de me dire de façon sommaire et rapide en quoi la régie proposée dans l'avant-projet de loi maintenant risque-t-elle d'être encore meilleure que celle que vous louangez fortement à la page 13 de votre mémoire et qui est appelée à disparaître? Sous quels aspects, plutôt, devrait-elle être meilleure?

M. Pouliot: M. le Président, d'abord, le fait d'avoir une régie qui serait consacrée strictement au gaz naturel, à mon sens c'est un développement heureux.

Deuxièmement, je crois qu'en termes d'organisation, si j'avais une remarque à faire là-dessus, ce serait probablement la suivante: Ne faisons pas trop de comparaisons avec les autres provinces et surtout pas avec l'Ontario. L'Ontario possède au moins trois distributeurs de la taille de Gaz Métropolitain et l'Office de l'énergie de l'Ontario au surplus, comme vous le savez, a un rôle de surveillance et de recommandation en ce qui concerne la tarification d'Ontario Hydro.

Par conséquent, je ne veux pas faire de comparaisons comme celle-là. Cependant, concernant le projet de loi, en termes d'organisation, je suis persuadé que les problèmes de la régie peuvent être résolus par ce projet de loi et que les problèmes qui ont été soulevés, dont certains que j'ai entendus, sont peut-être des problèmes qui ne se situent pas au niveau de la régie comme telle, mais au niveau du "staff", c'est-à-dire de l'organisation inférieure de la régie. Nous l'avons précisément constaté dans le passé et c'est vrai encore dans le présent, nous avons une régie mal équipée du point de vue de l'organisation de soutien. (22 h 15)

Quant au reste, M. le Président, il y a toute une série de recommandations, enfin, de modifications à la loi apportées dans cet avant-projet de loi qui, à mon sens, vont faciliter de beaucoup les choses. Le simple fait, par exemple, d'introduire la notion des ventes directes; il y a déjà une très grande flexibilité octroyée à la régie en ce qui concerne la tarification du distributeur. On lui donne, en fait, la flexibilité de réduire le nombre de classes tarifaires. Il y a des choses où les régisseurs, à mon sens, dans ce projet de loi peuvent très bien se tailler et tailler pour le Québec une régie moderne et qui soit à l'avant-garde de tout ce qu'on voit ailleurs.

Comme je le disais tantôt, surtout faisons attention, à mon sens, de faire des comparaisons avec d'autres régies ailleurs et

tout au moins regardons les projets de loi. Je ne suis pas sûr qu'ils sont mieux équipés que notre Régie du gaz naturel ne le serait en vertu de cet avant-projet de loi.

M. Gauthier: Vous avez mentionné que c'est extrêmement important que cette régie n'ait d'intérêt que le gaz. Tout à l'heure, une intervenante nous disait exactement le contraire et souhaitait une régie de l'énergie. Aujourd'hui, on a eu des personnes qui sont venues ici et selon les situations, selon les humeurs, je ne sais trop, on nous dit tantôt que c'est heureux que la régie ne s'occupe que du gaz, et tantôt que c'est malheureux qu'elle ne s'occupe que du gaz. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi selon vous c'est un événement heureux qu'elle ne s'occupe que du gaz.

M. Pouliot: M. le député, la chose suivante: Qu'avons-nous réglementé au Québec dans le domaine de l'énergie? Réglementer l'industrie pétrolière? Â mon sens, il y a des limites à ce qu'on peut faire dans ce domaine, vu la concurrence existante. Je ne suis pas sûr qu'une régie peut faire mieux que les règles dures de la concurrence dans ce domaine. Laissons aller la concurrence.

Dans le cas d'Hydro-Québec, l'Assemblée nationale dans la Loi sur HydroQuébec a prévu, en fait, un système en vertu duquel c'est le gouvernement qui adopte la tarification d'Hydro-Québec. Le gouvernement est le seul actionnaire dans Hydro-Québec. Je vois mal comment une régie va finir par faire un travail meilleur que celui que le gouvernement va faire dans ce domaine. Reste la question du gaz naturel. Que fait-on avec cela? Vous pourriez imaginer que le gouvernement adopte la tarification ou encore le système de réglementation qui est proposé dans le projet de loi. En Amérique du Nord, c'est ce système-là qui prévaut parce que vous avez affaire généralement à des entreprises privées détenant des monopoles qui sont consentis par l'État, mais en fait des entreprises privées dont les actions sont détenues en Bourse par des milliers d'investisseurs et il est normal dans ces conditions qu'il y ait, en fait, un organisme qui établisse des règles, des critères d'établissement de rendement et de tarification. C'est dans ce sens que je disais: II est heureux que ce soit ainsi. Quant à savoir si la Régie du gaz naturel doit exister comme telle, plutôt que d'être regroupée, parce que j'ai aussi entendu l'argumentation, je vous avouerai très franchement que pour moi c'est une question très pratique. C'est au gouvernement de décider si la régie doit être maintenue comme telle ou regroupée parce que tout à l'heure M. le ministre disait que sur ce sujet la décision n'est pas prise.

Moi, je dirais très franchement que, sur ce plan, c'est une question strictement administrative. Quel est le prix que le gouvernement est prêt à payer pour avoir une régie seule avec deux clients, Gaz Métropolitain et Gazifère de Hull, plutôt que d'avoir quelque chose d'autre?

M. Gauthier: D'accord. Vous avez mentionné ceci aussi dans votre mémoire, et vous en avez parlé tout à l'heure dans la discussion avec le ministre; je n'ai pas saisi, à ce moment j'étais occupé à feuilleter. Vous avez dit qu'il y avait un prix à payer, bien sûr, pour assurer la sécurité des approvisionnements et que l'avantage du consommateur, ce n'était peut-être pas juste d'avoir - j'ai compris cela comme cela, vous me corrigerez si ce n'est pas exact - un tarif un peu plus bas maintenant, mais qu'il fallait mettre cela en parallèle avec une sécurité d'approvisionnement. Cette sécurité d'approvisionnement que vous voulez assurer au consommateur, elle est en vertu, j'imagine, de la politique énergétique du gouvernement. Je sais que vous le mentionnez dans le document. Vous faites allusion à cette politique énergétique.

J'aimerais savoir, concernant le gaz actuellement, concernant le marché qui vous préoccupe, que dit la politique gouvernementale dans le domaine du gaz. Vous demande-t-elle d'accentuer la pénétration du gaz? Vous demande t-elle d'augmenter la part de marché à 30 %, à 25 %? Que dit cette politique?

M. Pouliot: M. le Président, il y a plusieurs questions dans cette question. On va au moins essayer de répondre à une des deux. Premièrement, en ce qui concerne ma remarque de tout à l'heure, je ne faisais pas référence aux consommateurs et au prix que le consommateur devrait nécessairement payer pour assurer un approvisionnement, mais au rôle que des courtiers et des distributeurs devaient jouer dans ce domaine. Il n'est pas interdit de penser que des actionnaires dans une entreprise de distribution soient d'accord pour que l'entreprise de distribution investisse dans l'approvisionnement quand ça ne serait que pour assurer une certaine flexibilité dans ses approvisionnements. Parce que les distributeurs peuvent, évidemment, aujourd'hui maintenir un système d'approvisionnement à très long terme avec le transporteur puisque TCPL jusqu'à tout récemment assumait la quasi-totalité des approvisionnements gaziers à l'exception de ceux que SOQUIP et une autre entreprise de l'Alberta fournissaient. Mais le distributeur a le choix, soit de rester là-dedans, soit de jouer des ventes directes ou même des ventes qu'on appelle "spot", c'est-à-dire à très court terme, ou encore éventuellement d'investir dans l'approvisionnement gazier.

Quant au consommateur, c'est une idée intéressante - je n'avais pas pensé è celle-là là, c'est une question également d'appréciation, à mon sens, par la régie: Jusqu'à quel point la régie peut permettre au distributeur - parce que ça passerait par le distributeur - d'investir, en d'autres termes, d'utiliser un peu plus de sa tarification pour se donner une flexibilité pour investir dans des approvisionnements à plus long terme qui, en retour, stabiliseraient; si vous voulez, non seulement les volumes, mais les prix de la consommation dans le temps. C'est une idée, en tout cas, que j'imagine que la régie va regarder.

Sur votre deuxième question, écoutez, la politique du gouvernement, je pense que je suis très mai placé pour vous dire quelle est la politique du gouvernement en ce qui concerne le gaz. Je peux vous dire cependant que les objectifs que SOQUIP s'est fixés en matière d'établissement et de développement du gaz naturel au Québec, de développement, de son implication dans l'approvisionnement sont, disons, des orientations qui ont été faites de concert avec l'approbation de son actionnaire. Sur un plan plus général je pense que ça serait au ministre de l'Énergie de commenter votre question.

M. Gauthier: Non, d'accord. Ce que je voulais savoir, c'est que si les consignes gouvernementales étaient d'améliorer l'approvisionnement, la qualité de l'approvisionnement, la sécurité de l'approvisionnement, si la politique du gouvernement était dans ce sens-là... Vous me répondez en disant: Oui, on agit dans ce sens-là et c'est avec l'approbation de notre actionnaire. Je comprends que vous me confirmez là que c'est l'orientation dans laquelle le gouvernement veut que vous fonctionniez. C'est ça que je voulais savoir. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. Il vous reste deux minutes pour des questions et après on passera à la conclusion.

M. Ciaccia: Je n'ai pas de question spécifique.

Le Président (M. Théorêt): À moins que le député de Roberval...

M. Ciaccia: Je voulais juste faire un autre commentaire à la suite des propos du député de Roberval et de M. Pouliot de SOQUIP. En ce qui concerne la politique du gouvernement je pense que SOQUIP vous a répondu sur la question de l'approvisionnement. Il y a beaucoup d'efforts et des projets spécifiques en ce qui concerne - en amont, pour s'assurer que le Québec a un approvisionnement adéquat pour l'avenir - la part du gaz naturel. Je ne pense pas qu'on puisse fixer des chiffres arbitraires, mais on peut avoir une loi ou des objectifs et des politiques qui permettent à Gaz Métropolitain, SOQUIP, dans un libre marché, d'aller chercher et d'offrir des services qui sont compétitifs et concurrentiels et d'aller chercher autant que possible leur part du marché et plus, s'ils peuvent le faire. Et quand c'est compétitif et concurrentiel ça va être pour le bénéfice du consommateur et si c'est Gaz Métropolitain et SOQUIP qui peuvent le faire, c'est le consommateur qui va en bénéficier. Si c'est une autre source d'énergie qui va le faire, c'est encore pour aider le consommateur.

M. Pouliot a soulevé un élément de la question de la régie quand on fait les comparaisons entre le Québec et l'Ontario. Un élément que j'avais oublié même de mentionner, c'est exactement ça, le rôle de la régie de l'Ontario dans tout le domaine de l'électricité. Alors, ça prend du personnel pour faire ça en plus du fait que ces gens vendent beaucoup plus de gaz naturel, ça prend du personnel. Mais je dirais ceci, que c'est seulement un pouvoir de recommandation que la régie de l'Ontario a en ce qui concerne l'électricité. Et, dans le cas du Québec, le pouvoir du Conseil des ministres, c'est un pouvoir décisionnel. Si on prend la situation qui nous est arrivée au mois de mars dernier, si on avait le système de l'Ontario, la seule chose que la régie aurait pu dire, c'est faire une recommandation à Hydro-Québec de ne pas augmenter le petit consommateur plus que le gros consommateur. Hydro-Québec aurait pu, comme Hydro-Ontario le fait souvent, accepter ou ne pas accepter cette recommandation de la régie. Tandis que, dans notre cas, on a pris la décision de ne pas approuver les tarifs demandés par HydroQuébec et de lui demander de nous revenir avec d'autres tarifs. Je suis persuadé que le système que nous avons au Québec travaille plus en faveur du consommateur que les systèmes qui existent ailleurs, que cela soit pour l'électricité - et on va sûrement avoir l'occasion d'y revenir au commencement de la session la semaine prochaine -que cela soit dans le prix du pétrole avec le BIIP et la loi qui nous permet d'intervenir si nécessaire et cela va être avec la nouvelle loi sur la régie du gaz.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: M. le Président, je trouve intéressants les propos du ministre. Cela fait deux ans que je lui réclame de connaître ses orientations et les orientations du gouvernement dans le domaine énergétique. Il finit par élaborer sa politique au fur et à mesure qu'il écoute les intervenants, c'est bien.

C'est rassurant.

M. Ciaccia: C'est pour cela qu'on a une commission parlementaire, pour écouter.

M. Gauthier: Plus le ministre écoute, M. le Président, et plus on risque d'avoir quelque chose qui ressemble à une politique de l'énergie au Québec. Je m'en réjouis et j'espère qu'il va écouter encore beaucoup, parce que ce n'est pas très complet. Je voudrais simplement profiter de l'occasion pour remercier les derniers intervenants qui nous ont présenté leur point de vue, un point de vue éclairé. Il y aurait eu énormément de questions à leur poser. Du fait qu'il s'agisse d'une société d'État, c'est évidemment une position délicate, mais leur travail les met au coeur des préoccupations qui sont les nôtres, qui sont celles de cette commission depuis le début de nos travaux. En ce sens, M. Pouliot et son équipe, je vous remercie au nom de l'Opposition. J'en profite également, puisque je crois que la journée se termine là-dessus, pour remercier de façon globale tous ceux et celles qui, aujourd'hui, sont intervenus à cette commission. Nous poursuivrons nos travaux dans le même esprit que nous l'avons fait aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier SOQUIP. Je peux assurer le député de Roberval: Oui, j'écoute les intervenants, mais ce n'est pas une opération grandes oreilles. Je les écoute, j'écoute les suggestions qu'ils nous font. Je veux vous remercier pour votre présentation et vous pouvez être assurés que nous allons étudier les suggestions que vous nous faites. Il y en a plusieurs qui sont très intéressantes. Il y en a qui peuvent avoir des conséquences assez intéressantes et importantes pour l'industrie et pour le consommateur. Comme je l'ai dit à d'autres intervenants, nous espérons que plusieurs de ces recommandations se retrouveront dans la version finale du projet de loi que nous allons déposer à l'Assemblée nationale. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Messieurs, les membres de la commission vous remercient. J'avise immédiatement les membres de la commission que les travaux reprennent exceptionnellement demain matin à 9 heures. Les travaux sont donc ajournés jusqu'à demain matin, 9 heures.

(Fin de la séance à 22 h 30)

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