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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend, ce matin, sa
consultation générale en ce qui a trait à la
libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et les
États-Unis. Je vous fais part de l'ordre du jour pour aujourd'hui.
Nous recevrons, d'abord, M. Rodrigue Tremblay, économiste
à l'Université de Montréal et président de la North
American Economic and Finance Association; par la suite, la
Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée,
ainsi que l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Au retour, cet
après-midi, nous rencontrerons l'Association des mines de métaux
du Québec, puis le Syndicat des producteurs de bois du
Bas-Saint-Laurent, suivi du Comité des jeunes du Parti
québécois; en soirée, nous accueillerons l'Association
professionnelle des meuniers du Québec et le Parti communiste du
Québec.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a quatre
remplacements. M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine) est remplacé par
M. Hamel (Sherbrooke), M. Fortin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par
M. Doyon (Louis-Hébert), M. Rivard (Rosemont) est remplacé par M.
Lemieux (Vanier) et M. Théorêt (Vimont) est remplacé par M.
Lemire (Saint-Maurice).
Le Président (M. Charbonneau): Ces remplacements
étant faits, je voudrais maintenant accueillir M. Tremblay, un
ex-collègue de l'Assemblée nationale dont sa présence ici
doit lui rappeler quelques souvenirs. J'espère que quelques-uns parmi
ces souvenirs sont agréables.
M. Tremblay, bienvenue à la commission. Je vous rappelle un peu
les règles du jeu qu'on s'est données pour cette consultation
générale. On a approximativement une heure, dont une vingtaine de
minutes pour une présentation, cela peut déborder un peu si c'est
nécessaire. Par la suite, le reste du temps est consacré aux
membres de la commission pour un échange avec vous sur des questions qui
auront été soulevées sans doute ou suscitées par
votre présentation.
Sans plus tarder, je vous cède la parole.
M. Rodrigue Tremblay
M. Tremblay (Rodrigue): Merci, M. le Président. M. le
ministre, MM. les membres de la commission, je voudrais, tout d'abord,
remercier la commission et le ministre de m'avoir invité à venir
témoigner devant vous, ce matin, sur un sujet qui m'est
extrêmement cher, étant donné que j'ai étudié
cette question depuis de nombreuses années. Je voudrais aussi
féliciter le gouvernement de tenir ces audiences publiques, même
si les négociations sont encore en cours et que cela représente
certains risques lorsqu'on est en négociation. Mais, comme vous l'avez
déjà indiqué, il y a un travail éducationnel
nécessaire dans une démocratie et je pense que le gouvernement
doit être félicité de discuter ouvertement de ces
choses.
Sur la question du libre-échange, ma position est marquée
du sceau de la prudence, du réalisme, mais aussi de l'optimisme. Comme
cette question est tellement complexe, j'ai pensé organiser mes
réflexions et mes commentaires autour de certains grands thèmes;
il y a deux thèmes principaux que je veux vous communiquer avec d'autres
observations qui viendront, soit à l'occasion de la présentation,
soit à l'occasion des questions et de la discussion.
Le premier thème a trait aux types d'ententes commerciales
optimales qu'un petit pays comme le Canada devrait négocier avec un
grand pays comme les États-Unis.
L'autre thème, qui vous concerne encore peut-être
davantage, c'est le rôle et la position que le gouvernement du
Québec devrait adopter face à ces négociations et face
à une telle entente avec toutes les ramifications qui en
découleraient.
J'en viens aux types d'ententes. Ici, ce qui est important, c'est de
distinguer entre les prises de position de négociations que l'on entend
de part et d'autre, venant des ministres fédéraux, des
sénateurs américains ou des négociateurs, et des objectifs
vraiment poursuivis. Ici, il y a peut-être un danger que la population
prenne trop sérieusement au mot certaines déclarations.
L'objectif optimal du Canada, c'est de créer une zone de
libre-échange, c'est-à-dire une zone où les produits et
les services puissent
circuler librement sans discrimination par les réglementations et
par les lois - on appelle cela le traitement national - avec certains codes de
conduite et certaines règles de conduite, et d'obtenir,
parallèlement à cela, un statut particulier pour régler de
façon bilatérale les différends qui -peuvent survenir.
Donc, on n'a jamais parlé, je pense, depuis de nombreuses
années que les choses se discutent, de former, comme en Europe, un
marché commun ou une union douanière ou une union
économique, lesquels, pour bien fonctionner, ont besoin d'être
chapeautés par un organisme politique. L'objectif est plus limité
même si certaines personnes, y compris M. Simon Reisman, le
négociateur canadien, déclare qu'il nous faut une entente
très vaste. Il faut tout de même que cette entente respecte les
limites des risques dans lesquelles se trouve le Canada. C'est plutôt une
entente, comme je la vois, qui se situerait entre l'entente de la CEE en
Europe, la Communauté économique européenne, et la zone
européenne de libre-échange qui est rattachée au
marché commun européen par un traité de
libre-échange, mais qui ne fait pas partie du traité de Rome -
ces pays sont au nombre de six, les quatre pays Scandinaves plus la Suisse et
l'Autriche.
Le danger d'aller plus loin, c'est qu'il nous faut avoir des
institutions politiques communes. C'est toujours là le grand risque,
lorsqu'on fait une entente avec un pays plus grand que le nôtre, soit que
les avantages sont économiques mais les risques sont politiques.
Historiquement, ce fut toujours sur la pierre d'achoppement politique que les
négociations ou même les ententes ont échoué entre
le Canada et les États-Unis. II y a eu un pacte de
réciprocité commerciale entre le Canada et les États-Unis.
Il y a eu un pacte de réciprocité commerciale entre 1854 et 1866
qui a été très profitable au Canada. Évidemment, il
y avait la guerre de Sécession aux États-Unis de sorte que le
Canada a vendu beaucoup de bois, beaucoup de denrées et de
commodités à ce moment-là. Mais le traité a
été abrogé par les États-Unis en
représailles contre l'appui que la Grande-Bretagne avait accordé
aux sécessionnistes du Sud.
Donc, on voit qu'il y a eu une expérience dans l'histoire du
Canada où le côté politique était important.
Lorsque, en 1911, le Canada a refusé de parapher l'entente qui avait
été négociée avec le président Taft, c'est
parce que M. Borden avait défait M. Laurier lors des élections de
septembre 1911 et que le thème de l'élection était le
libre-échange, les conservateurs disant qu'il ne fallait pas
échanger ou trafiquer avec les Yankees. Peut-être que nous aurons,
M. le Président, une prochaine élection dans quelques mois ou
dans une année qui portera sur le même thème que celui de
1911.
Je rappelle que lorsque M. Mackenzie King avait refusé, en 1948,
d'aller plus loin dans les négociations qui avaient été
entreprises avec M. Truman, c'était à cause de la crainte
politique que le Canada entretenait face aux États-Unis qui,
étant une superpuissance politique, pouvait porter ombrage à un
pays relativement plus petit comme le Canada. De sorte que lorsque l'on parle
d'un mécanisme d'arbitrage obligatoire ou légal entre le Canada
et les États-Unis dans une zone de libre-échange, il faut faire
bien attention à ce que l'on entend par "arbitrage" et ce qu'on entend
par "obligatoire". Je pense que le gouvernement canadien a pris une position de
négociation mais que l'objectif n'est pas d'obtenir un mécanisme
légal qui exigerait une intégration politique beaucoup plus
poussée avec les États-Unis. Le mot "obligatoire" signifie,
à mon avis, que tout différend commercial entre le Canada et les
États-Unis doit être obligatoirement soumis à une
commission de conciliation ou une commission de surveillance bilatérale
avant que des politiques unilatérales, discrétionnaires puissent
être embranchées, mises de l'avant.
Si on considère cette demande canadienne - et je pense qu'il y a
de fortes chances de l'obtenir - d'avoir un mécanisme de conciliation,
un mécanisme de surveillance, un mécanisme dilatoire pour
éviter que les États-Unis puissent appliquer leur loi commerciale
à notre détriment, je pense que nous aurions quelque chose de
très acceptable compte tenu de nos craintes politiques. Donc, il n'est
pas nécessaire d'avoir d'institutions politiques composées, comme
en Europe, d'un conseil des ministres. En Europe, comme vous le savez, il y a
même un Parlement européen.
Ma première conclusion, c'est donc de faire attention pour nous,
du Canada, de devenir l'Hawai du Nord et d'entrer avec les États-Unis
dans une sorte d'union économique qui serait chapeautée par des
institutions politiques. Je pense que cela est trop dangereux. Il vaut mieux se
limiter à une zone de libre-échange, du moins, pour les 20 ou 25
prochaines années. Si, par après, on voulait aller plus loin, il
serait toujours possible d'y aller.
Mais quand on parle d'institution, il serait nécessaire d'avoir
un secrétariat permanent nord-américain de l'entente
associé à une commission bilatérale de conciliation et de
surveillance appliquant les règles qui auraient été
négociées et jugeant avec un poids moral - on parie de pays
souverains, donc, même la Cour internationale de justice ne peut pas
imposer ses jugements si les parties ne sont pas consentantes - pour
éviter que les lobbies économiques au Canada comme aux
États-Unis puissent forcer les pays à prendre des
positions unilatérales qui, elles, évidemment, mettent en
péril la continuation d'une entente fondée sur la bonne foi.
Le deuxième grand thème que je veux souligner et soulever
avec vous et qui peut peut-être choquer certains d'entre vous,
peut-être au premier titre le ministre du Commerce extérieur,
c'est que moins les gouvernements provinciaux seront impliqués
formellement dans l'entente, mieux ce sera pour eux.
Je m'explique. Il est évident que pour les premiers ministres et
les ministres du commerce des provinces, c'est très intéressant
d'être impliqué dans ces négociations et cela n'est pas
mauvais. Cela amène prestige, satisfaction, information, coordination,
etc. Par contre, il y aura des principes qui vont être
entérinés par l'entente et qui peuvent empêcher le
gouvernement fédéral d'entreprendre dans l'avenir des politiques
qu'un gouvernement provincial pourrait vouloir entreprendre.
Comme les États américains - même si la loi
américaine va les lier s'il s'agit d'un traité - ne seront pas
nécessairement impliqués dans l'entente, du moins, dans tous ses
points, il serait préférable que les gouvernements provinciaux
gardent une marge de manoeuvre concernant certains principes qui vont
Être énoncés.
La position canadienne a été un peu affaiblie, dès
le départ, face aux États-Unis dans le sens qu'on a laissé
tomber des politiques qui auraient pu être négociées avec
contrepartie. On les a laissé tomber sans contrepartie. Il y a eu la
politique de l'énergie qui a été abandonnée sans
contrepartie. On a changé l'Agence de tamisage des investissements
étrangers en limitant pratiquement uniquement son intervention pour les
prises de contrôle de 5 000 000 $ et plus. On a aussi ouvert les
marchés financiers, surtout de l'Ontario, sans trop de contrepartie
américaine.
Donc, la position de négociation du Canada n'est pas partie sur
un très bon pied et il est dangereux que les principes qui seront dans
l'entente, surtout en ce qui concerne les subventions industrielles, placent
l'ensemble du Canada dans une position de vulnérabilité.
Aux États-Unis, les subventions industrielles se font
indirectement plutôt que directement. Le budget du Pentagone, le budget
de programmes comme la Strategic Defense Initiative, Star War, sont des budgets
qui stimulent le développement industriel dans les industries de haute
pointe. On a moins d'occasions au Canada d'avoir de ces politiques
industrielles détournées ou indirectes. Si le gouvernement
fédéral doit se retirer de la grande stratégie
industrielle -quand je dis "doit se retirer", c'est un peu
généreux de ma part puisque mon bon ami Robert de Cotret disait
hier dans le journal qu'à Ottawa, il n'y avait plus de politique
industrielle depuis quelques années, de toute façon - il y aura
sans doute un morcellement additionnel; il faut s'attendre à cela.
Donc, pour le Québec et pour les autres provinces - mais surtout
pour le Québec - il y a un besoin de conserver le maximum de marge de
manoeuvre sur le plan économique. C'est évident qu'en termes
d'harmonisation des réglementations, si on a le traitement national sur
le plan commercial, il faudra qu'il y ait harmonisation des politiques d'achat
et pour ce que la Société des alcools devra faire quant aux vins
californiens et new-yorkais. C'est évident que les provinces seront
impliquées. Mais avant de passer une grande résolution à
l'Assemblée nationale entérinant tout ce qui est dans l'accord,
je réfléchirais deux fois. On peut entériner les parties
qui impliquent les gouvernements provinciaux directement, mais entériner
les principes généraux, cela pourrait être dangereux.
C'est la raison pour laquelle un organisme comme la SDI, à mon
avis, devrait prendre une importance grandissante lors d'une entente de
libre-échange avec les États-Unis. Il y aura un besoin de
réorganisation industrielle, un besoin de modernisation industrielle,
des fusions d'entreprises et des promotions d'exportation, surtout pour les
PME, que le gouvernement provincial sera plus en mesure de mettre de l'avant
que fe gouvernement fédéral. Le gouvernement provincial devra
jouer un rôle industriel, à mon avis, plus important dans le cadre
d'une telle entente qu'il ne le joue présentement. Ce sera la même
chose du côté de la fiscalité, elle deviendra très
importante. La question des sociétés mixtes deviendra importante
et je dirais même le domaine de l'éducation au Québec devra
être repensé en fonction de l'objectif de cette stratégie
industrielle d'ouverture sur les marchés qui va nécessairement
découler de la signature d'une telle entente. il faudrait
peut-être conclure là-dessus, M. le Président. Je
m'interroge sur le temps, je ne sais pas au juste le temps qu'il nous
reste.
Le Président (M. Charbonneau): Vous avez encore au moins
cinq minutes, M. Tremblay.
M. Tremblay (Rodrigue): En cinq minutes, on peut donc confesser
beaucoup de choses.
Le Président (M. Charbonneau): C'est cela. Vous vous
rappellerez que c'était parfois la période limite pour un
mini-débat à l'Assemblée.
M. Tremblay (Rodrigue): On en faisait plusieurs, mais des
petits.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, voilà!
M. Tremblay (Rodrigue): La troisième observation que je
veux faire se rattache à ce que je viens de dire. Sans surestimer cette
entente parce que c'est une entente qui aura des résultats non pas
immédiatement - d'ailleurs, elle n'entrera pas en vigueur avant janvier
1989 mais elle aura des impacts sur le prochain quart de siècle - ce
sera quand même une entente qui bouleversera considérablement
l'image industrielle du Canada.
On a créé certains parallélismes entre l'entente du
lac Meech et une entente de libre-échange et, jusqu'à un certain
point, c'est justifié. C'est vraiment une opération qui
décentralisera le développement industriel au Canada et aussi les
politiques industrielles au Canada. C'est ni plus ni moins qu'un changement
d'une stratégie industrielle que le Canada a adoptée il y a 113
ans, en 1874, quand John A. Macdonald avait adopté la "National Policy",
la politique nationale d'industrialisation après qu'on ait
échoué dans une tentative de négocier avec les
Américains, après la formation du Canada en 1867, un
traité de réciprocité ou de libre-échange avec les
Américains.
Cette politique, je vous le rappelle rapidement, reposait sur trois
piliers. C'était une politique qui exigeait qu'on crée un
marché captif au Canada, un petit marché à
l'époque, pour les industries. C'était un marché qui
exigeait qu'on développe les moyens de transport, donc les chemins de
fer. Le Canada comprend 500 000 kilomètres par 200 ou 300
kilomètres de large. Comme on n'avait pas la technologie et les
capitaux, il fallait avoir une politique de porte ouverte aux investissements
étrangers.
Une stratégie continentale d'industrialisation renverse cette
stratégie industrielle. On permet une déconcentration
industrielle: la Colombie britannique commerçant davantage avec la
Californie et l'Oregon, les Maritimes davantage avec les États de la
Nouvelle-Angleterre, le Québec davantage avec le Midwest et avec
l'État de New York, etc. Donc, on déconcentre
géographi-quement le développement industriel. L'Ontario cesse
d'être le seul pôle industriel parce que présentement, dans
le Canada, l'Ontario se trouve être un peu au creux de la soucoupe. Ils
vendent à l'Ouest, ils vendent à l'Est et tout se concentre
naturellement en Ontario. Mais dans un contexte nord-américain, la
décentralisation est plus naturelle; comme c'est le cas aux
États-Unis. Vous avez des pôles de croissance à New York,
à Détroit, à Dallas, à San Francisco. Le
développement industriel aux États-Unis est beaucoup plus
déconcentré qu'au Canada et c'est ce à quoi il faut
s'attendre dans 20, 25 ou 30 ans si le
Canada signe une entente de libre-échange avec les
États-Unis.
Le contrôle étranger devrait aussi diminuer graduellement
dans le sens que les entreprises canadiennes, les PME, devraient grossir dans
un contexte où leurs racines peuvent s'établir sur l'ensemble du
continent. Donc, le contrôle étranger devrait être quelque
peu diminué.
En deux mots, nous aurons une stratégie industrielle au lieu de
substituer aux importations une stratégie qui va promouvoir les
exportations, une stratégie agressive plutôt qu'une
stratégie défensive comme celle que nous avons eue jusqu'à
maintenant. Il ne faut pas minimiser les choses en disant que cette entente ne
changera pas grand-chose. Elle va changer beaucoup de choses. Cela fait 113 ans
que l'on poursuit une stratégie et on est en train d'élaborer une
stratégie pour le XXIe siècle qui sera orientée vers les
exportations.
J'ai quelques remarques additionnelles qui sont plutôt
ponctuelles. Le gouvernement fédéral vient de
décentraliser l'ancien MEER, l'ancien ministère de l'Expansion
économique régionale. Il a créé un office de
développement régional dans l'Ouest et un office de
développement régional dans l'Est. Évidemment, il y a des
raisons politiques pour l'avoir fait mais il y a peut-être aussi des
raisons de décentralisation des subventions au développement
régional.
Dans une perspective d'une zone de libre-échange
nord-américaine, il serait très important que le gouvernement du
Québec fasse des pressions sur le gouvernement fédéral,
soit dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale ou par les
mécanismes déjà existants, pour qu'il y ait un office de
développement régional conjoint pour le Québec. Il y a un
danger que le gouvernement du Québec doive assumer uniquement avec ses
propres impôts l'effort de développement régional si le
fédéral devait se retirer officiellement de ce secteur.
Je n'attendrais pas trop longtemps, si j'étais M. Bourassa et M.
MacDonald, avant de contacter le fédéral et d'obtenir pour le
Québec - ou au moins pour certaines régions du Québec -
les fonds qui sont en partie consacrés au développement de
l'Ouest et au développement des Maritimes. (10 h 30)
Sur la question des prises de contrôle, j'ai mentionné que
l'agence de tamisage fédérale a été beaucoup
amoindrie dans ses interventions. Pendant la période d'ajustement qui va
durer de 10, 15 ou peut-être 20 ans selon les secteurs, comme nos
industries et nos entreprises sont plus petites que les entreprises
américaines en général - l'Alcan est aussi grosse que
l'ALCOA - dans certains secteurs manufacturiers et dans certains secteurs des
services, il serait naïf pour le Canada d'abolir toute surveillance sur
les
prises de contrôle d'entreprises canadiennes par les entreprises
étrangères, y compris les entreprises américaines. Dans
une période d'ajustement, certaines entreprises peuvent adopter un
comportement stratégique d'évincer un concurrent éventuel,
en prenant son contrôle afin de conserver ou de raffermir un
marché. Alors, la réalité économique, M. le
Président, ce n'est pas à moi à vous le rappeler, n'est
pas parfaite. Et le Canada peut être vulnérable dans certains
secteurs pendant cette période d'ajustement.
La question des travailleurs déplacés -je suis certain que
plusieurs intervenants ont soulevé des craintes à ce sujet - ne
m'apparaît pas suffisamment bien traitée. Lorsqu'on a
créé le pacte de l'automobile en 1965, il s'agissait d'une
industrie surtout localisée en Ontario. L'usine de
Sainte-Thérèse, General Motors, était au début de
sa production. Le gouvernement fédéral a mis sur pied un
programme qui s'appelait le programme d'avantages transitoires - en anglais, on
l'appelait TAB Transitional Assistance Benefits - qui a
bénéficié à 3000 travailleurs qui ont dû
être recyclés ou réorientés d'une entreprise
à l'autre à la suite du pacte.
Comme l'entente de libre-échange devrait bénéficier
à l'ensemble de la population canadienne au cours d'une période
suffisamment longue, il serait normal que les travailleurs qui vont être
impliqués - et on ne parle pas de grands chiffres; on pourra en discuter
tout à l'heure - par un besoin de modernisation de leurs usines, par un
besoin de fusion de leurs entreprises, etc., soient dédommagés
soit par des programmes d'entraînement, de recyclage ou un
dédommagement pécuniaire. Je sais que les fonctionnaires
fédéraux ne sont pas tellement entichés de cette
idée à cause de la complexité de l'opération,
étant donné qu'on parle ici d'une entente très grande.
Mais quand même, sur le plan économique, il y a justification pour
compensation. Et le gouvernement du Québec devrait peut-être faire
des représentations à cet égard, étant donné
qu'une bonne partie de l'ajustement va se faire dans certains secteurs en
Ontario et au Québec.
Il y a aussi la question de la valeur du dollar canadien. Nous
bénéficions au Canada, présentement, d'une période
très intéressante pour ce qui est de la
compétitivité étant donné que notre dollar s'est
déprécié depuis une dizaines d'années. Et il s'est
déprécié en termes réels, c'est-à-dire que
la monnaie est tombée beaucoup plus rapidement que les salaires ont
augmenté. Quand la monnaie se déprécie, il y a une hausse
des prix, mais les salaires ont augmenté moins rapidement. Cela est
dû en grande partie au fait que le prix du pétrole et des
matières premières s'est effondré avec la récession
de 1981. Mais il faut songer que dans l'avenir, il est possible que le dollar
canadien revienne très fort et il y aura danger que la
compétitivité de certains secteurs industriels canadiens soit
diminuée. De sorte que la banque du Canada va avoir un rôle
important à jouer afin d'éviter que ie dollar canadien subisse
des fluctuations trop violentes et mette en péril, pendant quelques
années, la position concurrentielle de certaines industries.
Donc, je vais terminer sur les questions d'optimisme qui me guident
face... Enfin, un optimisme réaliste, comme je le mentionnais. Il y a
plusieurs espoirs dans toute cette opération. Un premier espoir, c'est
de dépolitiser ou du moins de civiliser les relations commerciales entre
le Canada et les États-Unis. Ce sont les deux partenaires commerciaux
les plus importants au monde et, tel que cela fonctionne présentement,
par gestes unilatéraux, contraires au GATT d'ailleurs, cela n'est pas
sain pour le bien-être de la population canadienne au premier titre, mais
aussi de la population américaine.
En ce qui concerne le développement du Canada, il n'est pas sain
non plus que l'Ontario soit le seul pôle industriel du Canada. Il est
tout à fait légitime que l'Ouest canadien puisse se
développer et s'industrialiser, les Maritimes aussi et, au premier
titre, le Québec qui a besoin d'avoir une base industrielle très
forte pour supporter sa population et un niveau de vie élevé.
En ce qui concerne les ressources naturelles, la discrimination que nos
produits reçoivent aux États-Unis en n'étant pas
taxés lorsqu'ils ne sont pas transformés, mais taxés
lorsqu'ils sont transformés, n'est pas acceptable. Le Canada ne peut pas
être un réservoir de matières premières et de
ressources énergétiques pour les États-Unis. 11 nous faut
pouvoir exporter de la valeur ajoutée, de la main-d'oeuvre et non pas
simplement exporter des ressources, même si ce sont des ressources aussi
intéressantes, me dirait M. Ciaccia, que l'électricité.
Nous voulons exporter des emplois et de la valeur ajoutée.
Le Canada devrait être capable aussi d'entrer dans la course
technologique qui est déjà lancée mais qui va
s'intensifier dans les prochaines années. Il est évident que pour
être dans la course technologique pour les nouveaux produits et les
nouvelles industries qui vont être développés dans
l'avenir, les entreprises canadiennes ont besoin d'avoir un environnement
économique qui soit semblable à l'environnement qu'ont les
entreprises européennes dans ce grand marché de 325 000 000 en
Europe, l'environnement japonais aussi, qui est un environnement particulier et
l'environnement des entreprises américaines. Donc, il y a un espoir que
nos entreprises soient traitées et placées sur le même pied
que nos concurrents.
Évidemment, je reviens, pour terminer,
à ce que disait Jacques Chirac, le premier ministre
français, il y a quelques semaines; il disait qu'au Québec, les
entreprises françaises trouvaient une tête de pont sur
l'Amérique du Nord. Je pense qu'au Québec, nous avons une
position stratégique: le fait d'être Européens de culture
et Américains de technologie, le fait d'être bien situés
géographiquement. Nous devrions jouer cette carte de tête de pont
et profiter de cette position stratégique pour moderniser notre
économie et augmenter le niveau de vie et l'emploi de nos citoyens. Je
pense qu'il s'agit de la voie du XXle siècle. On est un peu en retard,
je crois, parce qu'on ne l'a pas fait auparavant. Nous avons une occasion
rêvée. Il serait tragique de répéter les erreurs, du
moins les échecs de 1911 et de 1948, en 1987. Je suis optimiste, je
crois que les gouvernements provinciaux et le gouvernement
fédéral avec le gouvernement américain vont parvenir
à cette entente historique. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Tremblay, de
cette présentation. Immédiatement, je vais céder la parole
au ministre du Commerce extérieur. M, le ministre.
M. MacDonald: M. Tremblay, je vous remercie très
sincèrement d'avoir accepté notre invitation. Je vous remercie
doublement de la présentation que vous nous avez faite.
Vous avez couvert plusieurs choses, certaines sur lesquelles j'aimerais
revenir. J'aimerais tout de même, en premier lieu, peut-être vous
rassurer. C'est une chose sur laquelle on m'a attaqué, dans certains
cas, parce que l'on a souligné que je le faisais auprès des
témoins. Je reprends, par exemple, le point que vous avez
mentionné quand vous avez utilisé le mot "danger". Vous avez
aussi dit qu'en période de réadaptation, de transition, il y
aurait des montants importants à y consacrer, tant vis-à-vis de
la modernisation des entreprises que du recyclage de la main-d'oeuvre sous
différentes formes. Vous avez dit qu'il fallait surveiller les
mécanismes de prises de contrôle. Sur ce dernier point, vous
pouvez constater comme moi que les Canadiens, depuis un certain nombre
d'années, sont beaucoup plus actifs sur les prises de contrôle et
les investissements américains. Je crois que quelqu'un parlait de cinq
pour un au rythme actuel des investissements canadiens faits aux
États-Unis par rapport aux investissements américains faits au
Canada. Au-delà de ces chiffres, je vous rassure sur ceci: d'une part,
fait partie très importante de nos négociations continuelles avec
le gouvernement fédéral tout ce que vous avez mis sous le
chapitre transition et, d'autre part, fait partie de nos préoccupations
tant sur le plan peut-être plus étroit de la province que dans une
perspective canadienne la question des prises de contrôle. Je ne
reviendrai pas sur tous vos sujets.
Vous avez abordé la question des mécanismes de
règlement. J'aime cette explication que vous avez donnée d'une
commission de surveillance ou d'un mécanisme de conciliation, etc.
Effectivement, tout n'est pas blanc et tout n'est pas noir et quelque part il
faut se retrouver -pour citer vos mots que j'ai utilisés à
plusieurs reprises - et trouver le moyen de "civiliser" nos relations
commerciales avec notre principal partenaire.
J'aimerais profiter de votre présence et de votre connaissance du
dossier et surtout de votre formation économique pour regarder ce que
sera la situation américaine au cours des cinq ou dix prochaines
années. Je ne voudrais pas que vous vous arrêtiez à ces
normes de cinq ou de dix ans. De quelle façon vont se comporter les
secteurs industriels et commerciaux américains? De quelle façon
va se comporter la gouvernement américain vis-à-vis de cette
réalité, le déficit de la balance commerciale, mais comme
je l'ai mentionné souvent, pire encore le fait qu'ils sont rendus
débiteurs et doivent compter sur l'intervention massive à l'heure
actuelle des Japonais pour financer leurs bons du trésor chaque semaine?
D'après vous et la connaissance que vous avez de cette économie
américaine et de ces réalités qui sont à la base
même, entre autres raisons, du protectionnisme tel qu'on le
connaît, on en a pour combien de temps? De quelle façon voyez-vous
les Américains réagir quant aux mesures actuelles qu'ils ont
prises? Je comprends que je vous demande de regarder dans une boule de cristal
mais il y a tout de même dans le modèle certains paramètres
que vous pourriez préciser. La question nécessairement s'associe
à cette recherche que je fais. Le protectionnisme américain, j'ai
souvent dit que j'avais l'impression que cela allait "s'empironner avant de
s'emmieuter". Cela va durer combien de temps?
M. Tremblay (Rodrigue): Merci, M. le ministre. Vous avez
soulevé des points extrêmement intéressants et très
importants. Avant de répondre à votre dernier point de jouer au
devin etc., j'aimerais dire quelques mots sur la question des prises de
contrôle. Vous avez fait allusion au fait que, depuis quelques
années, les Campeau, les Conrad Black, les Reichman etc.,
achètent beaucoup aux États-Unis. C'est dans un rapport de cinq
contre un. C'est une manifestation de deux choses. En période de
récession ou de ralentissement économique international, le
Canada est un endroit moins intéressant où investir, puisque le
domaine des ressources
naturelles et surtout du pétrole devient moins
intéressant. D'autre part, le fait que le Canada ne soit pas dans une
zone commerciale plus grande donne moins d'occasions d'expansion. Il y a aussi
le fait que le dollar américain s'étant
déprécié depuis quelques années, il y a eu un
attrait pour les investissements étrangers, japonais, allemands et
anglais, mais aussi canadiens. Donc, ce que vous dites renforce l'idée
qu'il est bon de garder nos capitaux ici pour créer des emplois
plutôt que de les expatrier aux États-Unis. Par contre, en termes
de stock, il faut placer les choses dans leur perspective, les
Américains ont quant même encore trois fois plus de capitaux
directs au Canada que nous n'en avons aux États-Unis. Donc, nous sommes
encore déficitaires en termes d'intérêts et de dividendes
que nous devons verser aux étrangers dont une bonne partie vont aux
États-Unis.
En ce qui concerne l'évolution des États-Unis, il faut
constater ici une certaine asymétrie entre les positions canadiennes et
les positions américaines selon la conjoncture internationale. Quand
tout va bien sur le plan économique international, les États-Unis
sont libre-échangistes, ce sont des promoteurs de Kennedy Round, de
Tokyo Round, ils sont multilatérailstes, etc. Par contre, quand tout va
bien, le Canada n'est pas tellement intéressé à sacrifier
une partie de sa souveraineté politique en entrant dans une entente
commerciale avec les États-Unis pour garantir l'accès au
marché américain. C'est ce qui explique que, dans les
années soixante-dix, quand tout allait bien pour nous, le prix des
matières premières montaient, notre dollar était fort, M.
Michael Sharp, qui était le ministre de l'Industrie au gouvernement
fédéral, parlait de la troisième option,
c'est-à-dire qu'il fallait multilatéraliser nos échanges
et on ne parlait pas tellement aux Américains, sauf à
l'intérieur du GATT.
Quand cela va mai comme cela allait mal en 1874, en 1910, quand cela
n'allait pas très bien après la guerre en 1947-1948, le Canada
recherche pour ses entreprises une position préférentielle. Nous
avions cette position préférentielle - remarquez bien -avec le
Commonwealth et le marché britannique avant que la Grande-Bretagne
n'entre dans le marché commun en 1972. Donc, quand cela va mai, le
Canada est beaucoup plus disposé à faire une entente avec les
Américains, mais quand cela va mal sur le plan international, le
chômage est plus élevé aux États-Unis, la
concurrence étrangère est plus forte et les Américains
sont protectionnistes et c'est la période dans laquelle nous vivons
présentement. C'est pour cela que si cette entente est paraphée,
ce sera un coup de maître parce qu'il faut dire qu'il y a beaucoup de
pression du côté des démocrates aux États-Unis pour
capitaliser sur le ralentissement dans plusieurs secteurs industriels
américains qui ont été frappés par la
récession internationale et par la surenchère du dollar
américain, tout le secteur de l'agriculture est en pleine
récession aux États-Unis, le secteur des mines est en pleine
récession - il faut dire par contre que, depuis les mois de juillet et
août, les prix montent assez rapidement - le secteur du pétrole
aussi. Donc, tous ces secteurs sont en déclin et les Américains
sont protectionnistes. Donc, cette raison est conjoncturelle et devrait passer
une fois ce cycle de désinflation que nous sommes en train de terminer.
(10 h 45)
D'autre part, la concurrence internationale pour les industries de haute
technologie - on le voit avec Airbus dans le domaine de l'avionnerie face
à Boeing, on le voit pour les contrats, militaires au Japon pour la
construction de leurs avions militaires - c'est beaucoup
intensifiée.
Il y a maintenant beaucoup de concurrents aguerris dans ces domaines
industriels. Il y a une concurrence féroce qui se joue entre les
entreprises européennes, les entreprises américaines et
canadiennes, parce que nous sommés très intégrés
pour les pièces - nous avons Spar, par exemple, à
Sainte-Anne-de-Bellevue qui produit des pièces pour les satellites - et
les entreprises japonaises et, jusqu'à un certain point, taiwanaises et
coréennes.
Cette concurrence, à mon avis, va durer jusqu'à la fin du
siècle et va s'intensifier, de sorte que le Canada est un peu entre
l'écorce et l'arbre. La concurrence américaine avec l'Europe et
le Japon va demeurer importante et les relations commerciales vont être
plus tendues, même après cet ajustement conjoncturel auquel j'ai
fait allusion tout à l'heure parce que la concurrence est une
réalité et chaque grand bloc économique va essayer de
conserver le haut du pavé.
Cela renforce davantage la nécessité pour le Canada
d'avoir un accès au marché américain pour que, dans ce
domaine stratégique des industries de haute technologie, nous ne soyons
pas laissés pour compte. On a le bénéfice d'avoir un
président présentement aux États-Unis - je ne veux pas
défendre le président Reagan parce que, sous bien des aspects, il
est très critiquable - qui, au moins, en matières commerciale, a
une ouverture d'esprit.
Après les prochaines élections américaines, qui
sait si la même ouverture va exister. Donc, nous avons une occasion
historique. Un homme d'affaires de la Nouvelle-Zélande qui a une zone de
libre-échange avec l'Australie le disait, hier. Je lisais cela dans le
journal ce matin: Vous, les Canadiens, saisissez l'occasion. Il ne s'agit pas
de négocier n'importe quoi, mais je
pense que nous avons une occasion historique et si elle est
manquée, il y aura beaucoup d'effets négatifs que nous pourrons
discuter plus amplement.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. M. Tremblay,
cela nous fait plaisir de vous accueillir à la tribune des experts
à 10 heures le matin. Votre expériences votre expertise peut
apporter et a déjà apporté ce matin beaucoup de
lumière.
Vous avez mentionné beaucoup de choses qui méritent
d'être soulignées. D'abord, vous dites oui avec une très
grande prudence et je pense que, là-dessus, on est d'accord. Vous nous
dites par la suite que le débat doit être
dépolitisé. Je suis bien d'accord, sauf que j'ai un peu
l'impression que c'est mal parti. Je pense que vous en conviendrez. D'abord, le
premier ministre canadien s'est placé en position de demandeur et, par
la suite, le fait que les premiers ministres des provinces ne soient pas
nécessairement tous sur la même longueur d'onde et qu'il n'y ait
pas eu vraiment de négociations pour essayer de rapatrier ce que vous
avez appelé "certaines enveloppes" pour qu'on puisse travailler
après une entente de libre-échange...
Cela me préoccupe beaucoup, parce que j'ai un peu l'impression
que le débat est déjà politisé, malheureusement, et
trop politisé. Du côté des États-Unis, le
président Reagan a une très grande volonté d'en venir
à une entente, mais certains experts et certains organismes sont venus
nous dire que là-bas, aux États-Unis, les agents
économiques, les principaux intervenants qui seront touchés par
cela, n'ont pas nécessairement le même désir d'en venir
à une entente. L'opinion que j'apporte - vous pourrez la commenter par
la suite - c'est de dire oui à la dépolitisation du débat,
cela faisait partie des prémisses que nous avions mises sur la table, de
notre côté, mais je pense qu'il est malheureusement
déjà très politisé.
Deuxièmement, vous soulignez l'importance tout à fait
justifiée, face à la structure industrielle du Québec, du
rôle qu'aura à jouer le gouvernement, et vous avez parlé de
façon très précise du rôle qu'aura à jouer la
SDI, la Société de développement industriel du
Québec, un rôle grandissant que je croîs être
très important puisque, comme vous l'avez bien mentionné, les
entreprises, les PME auront besoin d'outils par la suite. Dès 1984, dans
Le Devoir du 10 avril 1984, vous apportiez beaucoup d'éclaircissements -
je suppose que cela fait toujours partie de vos recommandations, mais
j'aimerais en porter deux ou trois à l'attention de la commission - sur
les fameux programmes de soutien auxquels vous accordiez de l'importance.
J'aimerais savoir si cela fait toujours partie de ce que vous avez
appelé le rôle grandissant que pourrait jouer, entre autres, la
Société de développement industriel.
Dans un premier temps, vous dites que le gouvernement
fédéral et les gouvernements provinciaux devront s'assurer que la
fiscalité des sociétés, la réglementation et la
législation du travail ne défavorisent pas les entreprises.
Deuxièmement, que des règles spéciales d'amortissement
accéléré pour ces investissements pourraient prendre forme
d'assistance fiscale? je trouve cela intéressant. Troisièmement,
le domaine de la coopération gouvernementale et celui du marketing.
Plusieurs entreprises dans les domaines du textile et du meuble sont venues
nous dire hier qu'elles auront besoin d'un coup de pouce de ce
côté-là durant la période de transition.
Quatrièmement, vous mentionnez que les consommateurs canadiens
profiteront de cette consolidation du marché, et vous dites qu'il est
vraisemblable que les programmes de relocalisation de même que de
subventions des salaires soient nécessaires pour que certaines
industries, certaines villes puissent survivre.
J'aimerais que vous nous disiez, M. Tremblay, ce matin, concernant le
rôle grandissant de la SDI ou de tout autre organisme qui pourrait jouer
ce rôle de coffre à outils dont les entreprises auront besoin, si
les points que j'ai soulevés, ceux que vous apportiez en 1984, sont
toujours les mêmes? Si oui, est-ce que la stratégie...
Actuellement, on n'a pas de politique industrielle, on n'a pas de
stratégie de développement industriel. Cette nouvelle
stratégie de développement industriel qui pourrait
s'établir au Québec, dans quel sens devrait-elle aller? C'est
vraiment important, de nouvelles règles du jeu s'imposent et je pense
qu'il devrait y avoir une politique de développement industriel au
Québec. Quel serait, dans tout cela, le rôle de la
Société de développement industriel?
M. Tremblay (Rodrigue): Je vous remercie beaucoup, M. Parent, de
vos observations et de vos questions, elles sont très pertinentes et
très fondamentales. Concernant la dépolitisation du débat,
il faut bien s'entendre, je crois qu'il est tout à fait normal qu'il y
ait des positions idéologiques et même stratégiques au
Canada et aussi aux États-Unis de la part des sénateurs et des
"congressmen" américains concernant une chose aussi importante. Je n'en
ai pas du tout sur le fait que des partis politiques, des politiciens ou des
groupes d'intérêts prennent des positions, c'est tout à
fait normal et c'est sain, dans une démocratie, pour animer le
débat.
Je faisais surtout allusion à la dépolitisation à
long terme, comme on l'a
fait un peu en Europe - on a fait beaucoup en Europe - afin que les
relations commerciales ne deviennent pas des ballons politiques dont on se sert
tous les deux ans, à cause des élections de la Chambre des
représentants aux États-Unis, ou tous les quatre ans, ici au
Canada, alors que les entreprises se trouvent pénalisées par un
changement brusque de leur environnement économique* Les hommes
d'affaires aiment bien planifier leurs investissements 20 et 30 ans à
l'avance. On ne peut pas investir 20 à 30 ans d'avance si
l'environnement, le marché peut être brusquement coupé par
un projet de loi discriminatoire, par des droits compensatoires ou
l'application unilatérale d'une mesure antidumping qui n'est pas
justifiée par les faits. Donc, c'est cet élément qui me
paraît stratégique pour le Canada de dépolitiser nos
relations commerciales afin qu'elles soient plus stables et que cela soit
soumis à une conciliation bilatérale plutôt
qu'unilatérale. Dans le fond, c'est d'appliquer les principes du GATT
qui, malheureusement, tend à s'effriter depuis quelques années.
Au moins, sauver les meubles en Amérique du Nord même si au niveau
international, le GATT a beaucoup moins d'influence qu'il en avait dans le
passé.
En ce qui concerne le rôle du gouvernement du Québec que
vous soulevez et que je trouve extrêmement fondamental pour l'avenir, il
est évident que les PME bénéficieront beaucoup d'un
élargissement des marchés pour les raisons suivantes: Les tarifs
qui existent à la frontière et même les obstacles non
tarifaires peuvent être contournés par les grandes multinationales
en plaçant des usines un peu partout de part et d'autre de la
frontière. Donc, les grandes entreprises réussissent à
s'accommoder de ces obstacles parce qu'elles ont un marché très
grand, un produit qui se vend beaucoup et elles investissent de part et d'autre
de la frontière de sorte qu'elles neutralisent en quelque sorte la
barrière.
Une petite entreprise est vraiment handicapée par cette
paperasserie et par cette taxe qui la désavantage. L'entreprise ne peut
pas toujours établir des usines de l'autre côté de la
frontière ou avoir un réseau d'après vente de chaque
côté de la frontière, etc., de sorte qu'enlever ces taxes -
parce que c'est de ce dont on parle -cachées ou pas, à la
frontière, bénéficiera beaucoup aux petites et moyennes
entreprises. Par contre, les petites et moyennes entreprises ont moins de
spécialistes, moins d'apprentissage dans ces relations qui demeurent
quand même internationales même si les États-Unis sont le
pays voisin avec des règles qui ressemblent à celles que nous
avons et il y a nécessité d'un apprentissage à exporter.
Avoir confiance; on le fait déjà beaucoup au
Québec et je pense que les gouvernements au Québec, depuis
quelques années, ont beaucoup aidé les entreprises en plus du
dynamisme naturel que nous constatons dans le domaine industriel au
Québec. Il y aura cependant nécessité de ne pas manquer le
bateau quand le marché s'ouvrira. Je me rappelle toujours ce que me
disait Jean Labonté, l'ancien président de la SOI: Parfois, il
faut prendre la main d'un petit industriel pour lui montrer que ce n'est pas si
sorcier que cela exporter. Une fois que l'apprentissage est fait, la croissance
se fait d'elle-même et les exportations se font d'elles-mêmes.
Donc, sur ce plan-là, la SDl peut jouer un rôle important.
En ce qui concerne la stratégie industrielle, j'ai
mentionné qu'il y aura, par définition, je pense, une certaine
fragmentation ou un morcellement de la stratégie industrielle
pancanadienne. C'est déjà commencé avec des organismes
régionaux que le fédéral est en train de créer.
Cela me fait peur un peu au niveau fédéral. Je pense qu'il
devrait y avoir, même au niveau fédéral, une
stratégie industrielle parce que le commerce et l'industrie sont un peu
les deux gants de la même paire pour atteindre un même objectif de
créer les emplois rémunérateurs, etc.
Au niveau du Québec, c'est encore plus vrai, parce que nos
intérêts sont plus faciles à identifier. Il faudra faire
peut-être un peu ce que font les Japonais avec un petit MITI, un petit
ministère qui, au lieu de saupoudrer dans toutes les directions, choisit
des domaines dans lesquels nous voulons obtenir une place importante. Pas
nécessairement évincer tout le monde de ces domaines, on est trop
petit, mais, au moins, développer des créneaux où on a des
chances de croître de façon cumulative. Cela exige une
coordination de la politique commerciale, de la politique industrielle et aussi
d'autres politiques réglementaires et même touchant aux relations
de travail comme vous l'avez mentionné.
Donc, ma recommandation à vous, au ministre et au gouvernement,
serait que le gouvernement du Québec songe maintenant à se doter
de ce point de stratégie afin d'être à l'avant-garde des
changements qui se produiront et des occasions qui se présenteront en
collaboration avec le monde du travail et avec le monde des affaires. (11
heures)
Donc, il ne faut pas être trop passif, à mon avis, Ce!a ne
veut pas dire être interventionniste et empêcher les hommes
d'affaires de faire ce qu'ils font naturellement: rechercher un profit partout
où ils pensent le trouver, mais c'est de leur montrer les
possibilités et de les appuyer par des programmes assortis ou
adaptés.
Par contre, comme je l'ai mentionné, l'entente va rendre
certaines subventions
illégales. Il va y avoir une liste de subventions dans un livre
rouge qui vont être surveillées. Il va falloir être habile
et faire comme le font les Américains, indirectement, jusqu'à un
certain point. Il ne s'agit pas de contourner un accord. Prenez les politiques
d'achats, je pense qu'au Québec on a été un peu naïf
de consigner dans des réglementations connues ce que faisaient les
autres gouvernements provinciaux de façon informelle avec le même
résultat. Les Américains le font avec le ministère de la
Défense aux États-Unis avec toutes sortes de programmes. Il ne
faudrait pas nous désarmer de façon naïve sur le plan
industriel alors que vous pouvez être bien certains que les
Américains ne désarmeront pas sur le plan industriel. Les
Américains savent que le développement industriel, surtout dans
la haute technologie, est absolument essentiel pour l'avenir. Ils vont
certainement pousser très fort dans cette direction dans les prochaines
années.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. MacDonald: M. Tremblay, je suis sûr que vous savez que
je partage totalement et entièrement votre opinion sur la question du
développement des hautes technologies et de tout l'ensemble industriel
nécessaire entourant cela. Je le disais encore cette semaine, le Canada
et le Québec ne font pas assez. Il y a énormément à
faire et il faut le faire assez rapidement.
En revenant sur cette fameuse contrainte de temps, on m'a avisé
qu'il me restait dix minutes, questions et réponses, vous et moi. Mon
collègue, M. Ciaccia, aurait une question à vous poser et j'en
aurais deux petites après lui. Pour le moment, je cède la parole
au ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Je remercie mon collègue. M. le
Président...
Le Président (M. Charbonneau): Simplement pour s'entendre,
il faut que les réponses qui sont comptabilisées dans le temps
puissent permettre la discussion. Je pense qu'on pourra toujours ajouter
quelques instants, comme on l'a déjà fait, mais on n'a pas deux
heures devant nous. Alors, allons-y.
M. MacDonald: Mieux vaut prévenir que guérir.
Le Président (M. Charbonneau): Voilà:
M. Ciaccia: Je serai très bref. M. Tremblay, vous avez
parlé de l'importance du développement régional et des
mesures que le gouvernement fédéral prenait pour
décentraliser le développement régional. Vous avez aussi
indiqué qu'on devrait faire des pressions auprès du gouvernement
fédéral pour un office de développement régional
conjoint entre le Québec et le gouvernement fédéral.
Est-ce que vous pourriez expliquer un peu ce concept?
M. Tremblay (Rodrigue): Certainement, M. Ciaccia. Les subventions
fédérales pour une industrie en particulier vont être sans
doute proscrites dans le cadre d'une entente de libre-échange. Par
contre, les subventions au développement régional vont sans doute
encore être permises. Je donne l'exemple de l'Europe. En Europe, on est
allé beaucoup plus loin. On est pratiquement près d'une union
économique. On souhaite même, dans certains pays, une union
politique.
On a un fonds de développement régional avec
possibilité de bonifier le rendement financier d'un investissement dans
un projet donné. Je sais que vous avez été très
intimement lié à un projet dans ma ville natale, Matane, en
Gaspésie et je connais les réticences de l'ancien MEER
reliées à ce projet. Mais on concevrait qu'un fonds de
développement régional de cette nature, administré
conjointement par le gouvernement du Québec et par le gouvernement
fédéral, puisse fonctionner tout en étant respectueux des
règles globales antisubventions directes contenues dans l'accord.
C'est pour cela que je disais que le gouvernement provincial doit garder
cette responsabilité de promouvoir le développement
régional à l'intérieur du Québec mais aussi que le
Québec, comme région industrielle, doit maintenir un statut
industriel dans l'ensemble du Canada. Le gouvernement du Québec doit
être prudent et prendre des engagements comme quoi il pourrait diminuer
son intérêt pour ce genre de politique. Nous vivons dans des pays
civilisés et il n'est pas bon d'avoir des concentrations industrielles
qui vident les régions de leur population avec les coûts sociaux
que cela représente, etc. On a compris cela en Europe et on l'a compris
au Canada aussi. Je pense que c'est bien admis et je suis certain que le
gouvernement fédéral et les négociateurs canadiens
n'abdiqueront pas dans une entente de libre-échange cette
responsabilité dans le domaine du développement
régional.
M. Ciaccia: Je vous remercie. Spécialement en vue du
projet que vous-même avez mentionné, l'aspect conjoint
gouvernement fédéral et Québec me rend un peu sceptique vu
la performance dans le passé de certains projets que le Québec
favorisait. Je vous remercie pour vos commentaires.
M. Tremblay (Rodrigue): La politique rend sceptique, M.
Ciaccia.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): Merci, M. le Président. M.
Tremblay, il y a plusieurs aspects qu'on voudrait avoir la chance de traiter
avec vous mais évidemment, le temps nous en empêche. Il y a deux
choses que je retiens à ce stade-ci et même si elles ne sont pas
nécessairement reliées, je vais vous lancer les deux questions en
espérant pouvoir obtenir des commentaires de votre part sur les deux
aspects.
Le premier aspect, c'est l'aspect politique que vous avez très
légèrement abordé tout à l'heure et sur lequel
personne ne nous a donné, à ce stade-ci,
d'éclaircissement. Il s'agit du pouvoir du gouvernement
fédéral, à ce moment-ci, pour entreprendre une
négociation, d'utiliser son droit constitutionnel à organiser le
commerce international et à négocier avec les Américains,
mais à négocier en s'arrogeant -sans qu'il n'en soit question sur
la place publique - des pouvoirs qui peuvent appartenir aux entités
canadiennes que sont les provinces. C'est bien intéressant, un
fonctionnement comme celui-là, mais plusieurs personnes se demandent
après coup, après le fait et après que l'entente soit
signée - si d'aventure on en signe une - Est-ce que l'ordre et le
partage délicat des pouvoirs entre le fédéral et les
gouvernements provinciaux pourront demeurer les . mêmes dans le contexte
d'une entente de libre-échange avec les États-Unis au s'il ne
faudra pas prévoir une récupération de pouvoir à
jamais au niveau fédéral? Ça, c'est ma première
question. Je ne sais pas si vous avez étudié tout cet aspect mais
j'apprécierais vos commentaires.
La deuxième, c'est que vous avez parlé des prises de
contrôle et c'est un aspect qui nous préoccupe au plus haut point.
Il y a effectivement un danger dans une entente de libre-échange qu'au
départ, la réorganisation industrielle se fasse à partir
de prises de contrôle de grosses entreprises américaines pour
lesquelles ce serait peut-être plus possible de faire des mouvements
intéressants que les petites entreprises canadiennes ou
québécoises. Vous avez parlé de la nécessité
de surveiller cet aspect des choses. J'aimerais savoir si vous avez
songé à un mécanisme quelconque, à une forme
d'arbitrage ou d'évaluation de ces situations et comment cela pourrait
fonctionner? Comment cela devrait-il être inclus ou quel mouvement
législatif ou autre devrait être fait au Canada pour mettre en
place une structure de surveillance qui soit efficace et qui nous évite
des problèmes importants?
M. Tremblay (Rodrigue): Oui, M. le député.
Très rapidement, parce que le président nous a avertis qu'il ne
nous restait pas tellement de temps. Votre préoccupation, c'est un peu
la mienne aussi concernant la jurisprudence qui est en train de
s'établir à la suite de la nouvelle constitution canadienne de
1982 et concernant le pouvoir fédéral à appliquer des
traités à l'intérieur du Canada une fois que ces
traités ont été adoptés. Et contrairement aux
États-Unis, c'est un peu flou au Canada. Je ne suis pas un expert
constitutionnel, mais aux États-Unis les traités lient les
citoyens américains, y compris les États. Au Canada, l'article 92
de l'ancien Acte de l'Amérique du Nord britannique définit des
champs de juridiction uniques aux provinces, exclusifs, et l'article 91 donne
au gouvernement fédéral d'autres champs de sorte que je pense que
le gouvernement fédéral ne peut pas forcer les gouvernements
provinciaux à suivre des directives qu'il aurait imbriquées dans
un traité international. C'est mon impression mais il faut être
prudent à ce niveau-là. C'est pour cela que je pense qu'il est
tout à fait nécessaire que les gouvernements provinciaux
acceptent les points de l'entente qui les touchent directement. Lorsqu'il y
aura un changement de réglementations, un changement de lois qui sont
des lois provinciales, il va être nécessaire que les gouvernements
provinciaux acceptent par définition puisqu'ils ont un veto de facto,
comme on l'a déjà dit. Ce contre quoi j'en avais dans mes
remarques préliminaires, c'est que les Législatures provinciales
adoptent l'ensemble de l'entente et la fassent leur. Je pense que ce doit
être l'entente du gouvernement fédéral canadien avec le
gouvernement fédéral américain et qu'on doit laisser ces
deux instances gouvernementales appliquer l'entente. Donc, les provinces
doivent être prudentes à ce sujet.
En ce qui concerne la prise de contrôle, il va y avoir une clause
concernant le traitement national dans cette entente. Pour les nouveaux
investissements - c'est un point sur lequel les États-Unis sont
demandeurs - le risque est beaucoup moins grand. Le risque est beaucoup plus
grand lorsqu'on parle de prise de contrôle d'entreprises existantes,
surtout lorsqu'il s'agit de petites entreprises en pleine croissance, en train
de décoller. À ce moment-là, je pense que le
fédéral ne devrait pas réduire davantage la
responsabilité de l'Agence fédérale de tamisage des
investissements étrangers mais peut-être la resserrer pendant la
période de transition, quitte, lorsqu'on sera aguerri, à
l'enlever. Peut-être que le gouvernement du Québec devrait aussi
avoir un rôle plus grand à jouer dans ce domaine, comme on en
avait... Lorsque j'étais ministre de l'Industrie, on a
transféré au fédéral le soin d'approuver les
dossiers, peut-être pas les petits dossiers.
Mais quand cela dépasse 5 000 000 $, je pense que le gouvernement
du Québec devrait avoir son mot à dire et demander au
gouvernement fédéral, pendant la période de transition,
d'être impliqué, sans créer de nouveaux organismes ou de
nouvelles lois, je pense qu'on les a déjà.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. MacDonald: M. Tremblay, il nous reste, comme vous le disiez,
quelques minutes. II y a des collègues qui auraient aimé vous
poser des questions et j'aimerais aborder avec vous, peut-être à
un autre moment, toute la question des services, la question des entreprises
dites traditionnelles ou secteurs mous. Il ne me reste, en fait, qu'une seule
question. Alors, je vais la poser de la façon suivante: Vous avez
été ministre de l'Industrie et du Commerce. Vous avez
été consultant auprès d'entreprises. Vous avez le pouls et
vous êtes obligé, dans votre fonction, de l'avoir sur ce qui se
passe dans le secteur de la fabrication et dans de multiples secteurs du
Québec.
Il y a, comme on a pu le voir, des gens qui sont contre, certains avec
des balises, d'autres totalement, entièrement et complètement
contre toute négociation et nécessairement contre toute entente
de libéralisation des échanges avec les États-Unis. La
coalition qui s'est présentée devant nous était
essentiellement composée de membres représentants des
employés syndiqués de la province.
Est-ce que vous pourriez me donner votre interprétation des
raisons de cette opposition catégorique de la part de cette coalition?
Est-ce qu'il y a quelque chose qui est mal expliqué ou qui est trop
facilement apparent? Quelle est votre impression sur ce sujet?
M. Tremblay (Rodrigue): M. le ministre, vous voulez m'amener sur
un terrain glissant.
M. MacDonald: Vous êtes habitué.
M. Tremblay (Rodrigue): Ma position, comme celle d'un grand
nombre d'entre vous, c'est qu'on ne peut pas jouer à l'autruche et dire
que les États-Unis ne sont pas nos voisins. Les États-Unis sont
là et je pense que c'est à la fois une menace sur le plan
politique, dans un sens, mais ce n'est pas une menace comme on pourrait en
avoir provenant d'autres pays, mais c'est aussi une grande occasion
économique et industrielle et on doit en profiter.
Maintenant, dans un débat, comme le mentionnait M. Parent, il y a
des positions idéologiques et stratégiques qui sont prises. C'est
normal. Je dois vous dire qu'il y a bien des sénateurs qui font des
déclarations présentement aux États-Unis pour renforcer la
position de négociation de M. Murphy. Je crois que M. Peterson, le
premier ministre de l'Ontario, a fait des déclarations qui
étaient intelligentes afin de renforcer la position de nos
négociateurs. Je crois que vous-même avez pris des positions en
posant des conditions afin de renforcer notre position de négociation.
C'est tout à fait dans l'ordre.
Mais on peut aller plus loin et dire qu'idéologiquement, on ne
veut rien faire avec les États-Unis parce que c'est un pays capitaliste
qui croit à la liberté d'entreprise et au fonctionnement des
marchés, etc., et que nous, nous sommes peut-être des socialistes
ou des communistes qui aimons bien tout planifier avec un gouvernement central
très fort, etc. Cela est une position idéologique; pour autant
qu'elle est présentée sous cette forme, il n'y a pas d'objection.
On peut la discuter et la discuter à son mérite.
Il y a aussi des positions stratégiques qu'on va prendre
lorsqu'on veut avoir, par exemple, des programmes de recyclage et de
compensations financières. Je pense que les chefs syndicaux sont tout
à fait bien intentionnés dans leur demande, soit qu'on ne
sacrifie pas certains travailleurs en nombre limité pour le
bien-être du grand nombre. Je pense que le grand nombre va
bénéficier de l'entente: les consommateurs vont en
bénéficier, les travailleurs vont en bénéficier et
les jeunes vont en bénéficier. Mais il ne faudrait pas qu'on
piétine en cours de transition des travailleurs rendus à 50 ou
à 60 ans et qu'on les mette à la retraite avec une pension
limitée, etc. Ce sont des préoccupations tout à fait
légitimes. Je n'ai absolument rien contre les chefs syndicaux qui
exigent qu'an respecte les droits des individus. Toute l'opération,
c'est d'élever le niveau de vie des gens et de revaloriser les
travailleurs. Car finalement, pour qui fonctionne une économie si ce
n'est pour les travailleurs?
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci. D'ailleurs, sur ce point, vous
disiez récemment qu'aucune étude empirique ne conclut à
une baisse possible du niveau de vie canadien avec la consolidation des
marchés nord-américains. Alors, je trouve cela intéressant
parce que cela fait partie de la préoccupation d'à peu
près tout le monde. Est-ce que cela va changer? Est-ce que cela va
améliorer ou si cela va baisser notre niveau de vie?
En terminant, M. Tremblay, j'ai deux questions à poser sur deux
domaines qui me tracassent beaucoup et particulièrement avec les
consultations que nous avons eues depuis
une semaine. Il s'agit du domaine de l'agriculture et du domaine du
textile. Dans une entrevue que vous accordiez à Finance le 25
mars 1985, de façon générale vous déclariez que le
libre-échange permettrait une augmentation de 48,2 % de la production
manufacturière au Québec. C'est le contexte général
à partir des scénarios et des simulations que vous avez faits.
J'aimerais que vous puissiez nous dire un peu si cette augmentation
prévisible de 18 % selon vos scénarios tient toujours. Dans le
cas particulier de l'industrie du vêtement et de l'industrie du textile,
vous dites que pour un certain nombre d'industries, il existerait une
possibilité de doubler leur dimension actuelle. C'est le cas de
l'équipement de transport, du textile et des produits de papier.
L'industrie du vêtement - et je vous cite - pourrait s'accroître
des deux tiers. Cela me fait poser beaucoup de questions. Quant au secteur
agricole, vous disiez: C'est un autre secteur qui est menacé par le
protectionnisme américain. Et ici, on en a parlé largement.
Cependant, vous dites un peu plus loin: II pourrait s'accroître de 60 %
dans l'hypothèse de concurrence imparfaite ou parfaite. Or, vous
dîtes que cela pourrait s'accroître de 50 % à 60 %. Le
libre-échange signifierait simplement l'accès garanti au
marché américain dans ces secteurs. Alors, sur la question
agricole, on connaît les préoccupations que les gens de l'UPA nous
ont amenées, on connaît la position du gouvernement et la
nôtre. On a beaucoup de préoccupations même à inclure
la question de l'agriculture. Vous, vous semblez, de ce côté du
moins, beaucoup moins préoccupé. J'aimerais que vous puissiez
commenter les questions du textile et aussi les questions de l'agriculture.
M. Tremblay (Rodrigue): M. Parent, vous ouvrez toute une porte
à la toute fin de notre conversation qui exigerait peut-être
encore trois quarts d'heure de discussion. Rapidement, je dirais simplement
ceci: lorsqu'on enlève des taxes - c'est de cela dont on parle - de part
et d'autre, on ne peut pas faire autrement qu'encourager l'activité
économique. S'il y avait des taxes entre Québec et
Montréal et qu'on enlevait ces taxes, cela encouragerait
l'activité au Québec. S'il y avait des taxes entre le
Québec et l'Ontario et qu'on enlevait ces taxes, cela encouragerait
l'activité dans les deux provinces. Maintenant, on fait la même
chose entre le Canada et les États-Unis. Il n'y a rien de sorcier.
Depuis l'après-guerre, on l'a fait à sept occasions dans le cadre
du GATT. On avait des tarifs de 30 % à 40 % après la guerre,
maintenant on est rendu à des tarifs de moins de 10 % et qui vont en
décroissant. Donc, en termes d'effets économiques positifs, je
pense que c'est absolument indiscutable. Par contre, vous soulevez le point du
domaine de l'agriculture et jusqu'à un certain point le domaine du
textile. Dans le domaine de l'agriculture, il y a un aspect industriel et il y
a un aspect social. Nous avons toutes sortes de programmes en agriculture qui
sont de nature sociale, qui visent à stabiliser les revenus par la
stabilisation des prix et qui visent à contrôler la production,
etc., etc. C'est pour cela que dans bien des régions, quand on a
créé des zones de libre-échange, on a exclu l'agriculture.
Dans la zone de libre-échange en Europe, on l'a exclue. Dans le
marché commun, étant donné que c'est un marché
commun européen plus intégré, on a une politique agricole
commune, mais qui reçoit des tiraillements parce que c'est tellement
complexe.
Dans le cas qui nous préoccupe, la relation entre le Canada et
les États-Unis, il serait sage que ce secteur soit traité
à part parce que, aux États-Unis, ils ont toutes sortes de
subventions dans le domaine de l'agriculture. Les sénateurs dont les
États produisent des arachides ont des subventions, ceux qui produisent
du tabac, ceux qui produisent du coton et ceux qui produisent du sucre ont des
subventions; ceux qui produisent toutes sortes de denrées comme
celles-là ont des subventions. C'est un domaine extrêmement
complexe. C'est un marécage qu'on n'est pas prêt, quand on a
toutes sortes d'autres problèmes plus faciles à résoudre,
à régler dans les prochaines années. C'était ma
recommandation.
En ce qui concerne le domaine du textile, je suis beaucoup plus
optimiste. Il y a des sous-secteurs du textile qui sont peut-être moins
concurrentiels que d'autres, mais la position du textile en
général est assez bonne face au marché
nord-américain. Il est plutôt menacé par des importations
en provenance du Brésil, de Taiwan, de Singapour. Mais face aux
Américains, nous sommes assez bien placés concernant le
vêtement, Montréal a une vocation de leader dans le vêtement
haut de gamme en Amérique du Nord et dans le monde. Donc,
Montréal en particulier et d'autres villes du Québec sont
très bien placées de sorte que ce secteur... Ce n'est pas la
même chose pour la bonneterie, par exemple, et d'autres petits secteurs
qui ont moins de technologie et de design dans leurs produits, mais pour le
textile et le vêtement, je pense que le secteur est bien
placé.
Le Président (M. Charbonneau): Sur cette réponse,
M. Tremblay, il ne me reste, au nom des membres de la commission, qu'à
vous remercier d'avoir participé à notre consultation
générale. Je crois que je me fais le porte-parole de tout le
monde pour dire qu'on a tous apprécié la discussion que nous
avons eue avec vous. Je crois que cela a aussi permis aux gens qui suivent
les
travaux de la commission, notamment à la
télévision, d'améliorer leurs connaissances ou leur
intérêt à l'égard de ce dossier. Je vous remercie et
j'espère qu'on aura d'autres occasions de vous revoir à la
commission de l'économie et du travail.
M. Tremblay (Rodrigue): Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Bon retour.
Nous allons recevoir maintenant la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée, mais auparavant, nous
ferons une pause de quelques instants. Au retour, la députée de
Mégantic-Compton présidera les travaux pour un certain temps.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 23)
(Reprise à 11 h 31)
La Présidente (Mme Bélanger): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux.
Nous avons le plaisir d'accueillir la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée. Les membres de la
commission vous souhaitent la bienvenue. Permettez-moi de vous rappeler les
règles du jeu. Vous avez une heure pour votre audition, répartie
comme suit: 20 minutes pour faire votre exposé, 20 minutes de
discussions avec le côté ministériel et 20 minutes de
discussion avec l'Opposition. Vous voudriez bien, pour les fins du Journal
des débats, vous présenter» Vous avez la parole.
Société d'électrolyse et de
chimie Alcan Ltée
M. Sénécal-Tremblay (François): Mme la
Présidente, mon nom est François Sénécal-Tremblay.
Je suis président de la Société d'électrolyse et de
chimie Alcan, une des grandes filiales d'Alcan qui oeuvre tant au Québec
que dans le reste du Canada.
Il me fait plaisir d'être devant vous ce matin pour exposer les
positions de notre entreprise sur la grande question du libre-échange.
Pour ce faire, je suis accompagné de Jacques Fortin, directeur des
affaires gouvernementales pour le Québec et de Gilles Proulx, chef
économiste, expansion commerciale. Ces derniers m'assisteront dans ma
présentation et dans les réponses aux questions qu'elle pourrait
soulever.
Permettez-moi d'abord de préciser qu'Alcan est heureuse de
répondre à l'invitation du gouvernement du Québec de
présenter ses vues sur la libéralisation des échanges
entre le Canada et les États-Unis. Le libre-échange avec les
Américains est devenu un enjeu fondamental pour l'avenir de plusieurs
régions de ce pays dont la santé économique dépend
de la mise en valeur des ressources naturelles et de l'accès aux
marchés extérieurs.
Le libre-échange est aussi une question vitale pour l'industrie
canadienne de l'aluminium. Au Québec, l'aluminium vient au
troisième rang des produits d'exportation avec une valeur prévue
de près de 2 000 000 000 $ canadiens en 1987. Si vous regardez le
premier graphique, vous pouvez voir comment et avec quelle rapidité
depuis 1982 les exportations québécoises ont augmenté,
passant de 500 000 000 $ en 1932 è tout près de 2 000 000 000 $
en 1986. C'est la raison pour laquelle Alcan croit important de se prononcer
devant les membres de cette commission.
Premier producteur d'aluminium au monde, Alcan a son siège social
à Montréal. Entreprise intégrée, elle est
impliquée dans toutes les étapes de la production depuis
l'extraction de la bauxite jusqu'à la vente d'une gamme de produits
finis.
En 1986, la société a réalisé un chiffre
d'affaires de plus de 6 000 000 $ américains, soit l'équivalent
d'à peu près 8 000 000 $ canadiens, dont environ 33 %
étaient constitués de ventes à des tiers aux
États-Unis.
La participation d'Alcan à l'économie
québécoise est fort importante. Ses usines et bureaux emploient
près de 10 000 personnes au Québec, dont la moitié est
affectée aux activités d'électrolyse et de coulage.
Près de 4000 personnes se retrouvent d'abord dans les activités
de la chimie, celles de l'énergie, du transport, des services et du
siège social de la Société d'électrolyse et de
chimie à Montréal. Quant aux activités de transformation,
elles emploient 700 personnes et, finalement, 500 personnes sont
affectées au service de recherche et au siège social
international, toujours à Montréal.
Pour chacun de ces emplois directs, on compte deux emplois indirects. Au
total, la valeur annuelle des salaires, des immobilisations et dépenses
d'Alcan au Québec approche 1 000 000 000 $.
Depuis ses origines, Alcan voit le Québec comme une excellente
terre d'accueil pour ses activités, parce qu'il offre des ressources
hydroélectriques à bon prix. L'industrie de l'aluminium est une
grande consommatrice d'énergie, comme vous le savez. Pour demeurer
concurrentielle, elle a besoin d'oeuvrer sur des territoires offrant les
sources d'énergie les moins coûteuses. Or, le Québec est
l'une des quatre régions du monde où c'est le plus avantageux de
produire de l'aluminium, les autres étant le Brésil, le Venezuela
et l'Australie.
À cause du potentiel hydroélectrique du Québec,
Aican a choisi de s'établir à Shawinigan où, en 1901, elle
coulait les premiers lingots d'aluminium canadiens.
Aujourd'hui, l'usine de Shawinigan produit près de 85 000 tonnes
de métal par année. L'établissement d'Alcan au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, durant les années vingt, tient au même
contexte. Dans cette région, Alcan produit de l'alumine, à partir
de bauxite importé, dans son usine Vaudreuil située à
Jonquière. Elle produit son aluminium primaire, métal en lingot,
dans différentes usines de la province dont à Jonquière,
La Baie, Aima, Shawinigan et Beauharnois. Elle exploite aussi une usine
à Kitimat, en Colombie britannique. Mais les trois quarts de la
capacité canadienne de production d'aluminium primaire d'Alcan, soit 800
000 tonnes sur environ 1 100 000 tonnes, sont concentrés au
Québec.
Rappelons qu'à l'aube des années quatre-vingt,
l'augmentation sensible des coûts énergétiques a
entraîné d'importants ajustements dans l'industrie. Cette
conjoncture énergétique mondiale a, par exemple,
été responsable de la disparition presque complète de
l'industrie d'aluminium primaire au Japon. Aux États-Unis, la production
d'aluminium a été réduite du tiers depuis le début
de la décennie, passant de 4 600 000 tonnes, à 3 200 000 tonnes
présentement.
Les ressources hydroélectriques abondantes et économiques
et l'existence d'un complexe industriel intégré ont permis
à Alcan de renforcer sa position concurrentielle durant la crise
énergétique et de maintenir un haut niveau de production
malgré la récession. C'est ainsi que les installations d'Alcan
ont fonctionné à près de 90 % de leur capacité de
production, alors que le reste de l'industrie de l'aluminium a
fonctionné à des taux beaucoup plus faibles.
La conjoncture énergétique a tourné à
l'avantage de l'industrie canadienne de fabrication de métal primaire.
Depuis le début des années quatre-vingt, le Canada a vu sa part
du marché des pays non socialistes passer de 7,6 % à 11,3 %.
L'augmentation a été concentrée au Québec. Notre
province a augmenté sa capacité de production de plus de 500 000
tonnes, soit de 50 %, au cours des dix dernières années.
Cette croissance de l'industrie au Québec s'explique, entre
autres, par l'utilisation de l'énergie hydroélectrique, une
ressource renouvelable et abondante, durant la crise énergétique
mondiale. Sa position concurrentielle s'est aussi améliorée
grâce à la baisse réelle de la valeur du dollar canadien.
Toutefois, la raison principale de cette croissance demeure la décision
du gouvernement du Québec et d'Hydro-Québec d'utiliser
l'hydroélectricité comme levier de développement
économique en offrant des tarifs avantageux aux utilisateurs
d'énergie.
Ces conditions favorables ont incité de grands producteurs
à investir dans de nouvelles installations. Alcan a construit une
nouvelle aluminerie à Grande-Baie, à ta fine pointe de la
technologie, de 170 000 tonnes de capacité annuelle. Reynolds a agrandi
son usine de Baie-Comeau, ajoutant environ 113 000 tonnes. Comme vous le savez
tous, le groupe composé de Pechiney, Reynolds, Alumax et de la
Société générale de financement a construit une
nouvelle aluminerie à Bécancour, 230 000 tonnes de
capacité. D'autres producteurs étudient périodiquement la
possibilité de construire des installations au Québec.
J'aimerais maintenant faire une analyse très rapide du
marché et, en particulier, du marché américain de
l'aluminium. Le marché est international. En effet, Alcan ne vend au
Canada qu'environ 20 % de sa production canadienne; le reste de sa production
est exporté aux États-Unis, 50 % du total, et ailleurs dans le
monde pour 30 %. On verra dans quelques instants que la production
québécoise est encore davantage orientée vers le
marché américain.
L'industrie canadienne de l'aluminium primaire a progressé
presque essentiellement grâce aux marchés étrangers
où elle vend pratiquement toute sa production. Son expansion
dépend donc, dans une large mesure, des politiques commerciales de ses
pays clients actuels et potentiels, de même que de celles du Canada. Pour
Alcan, qui vend près des deux tiers de sa production
québécoise aux États-Unis, l'accès au marché
américain est une question vitale.
Si vous jetez un coup d'oeil sur l'illustration no 2, vous voyez que, de
la production totale québécoise, 65 % s'en va vers les
États-Unis alors que 25 %, grossièrement, reste au Canada et que
11 % se dirige vers le reste du monde. Nous sommes très lourdement
orientés vers l'exportation aux Etats-Unis.
Sans ses exportations aux États-Unis, l'Alcan serait fort
différente car la taille du marché canadien ne justifie pas des
installations comme celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Plus de 6000 personnes y
sont employées et on y produit plus de 5 % de la production mondiale
d'aluminium primaire. Le Canada tout entier ne consomme, sous toutes ses
formes, que 500 000 tonnes d'aluminium par année. La production d'Alcan
au Québec s'élève à 800 000 tonnes auxquelles
s'ajoutent les 270 000 tonnes produites à Kitimat et destinées en
quasi-totalité au marché asiatique.
Les États-Unis sont à la fois le plus grand producteur et
le plus grand consommateur d'aluminium. C'est donc le marché le plus
convoité au monde. Alcan a donc dû travailler ferme pour s'y
implanter. Elle l'a fait de deux manières, soit en grugeant des parts de
marché par un excellent réseau de distribution de ses lingots
produits au Québec, soit par l'acquisition pure et simple
d'installations de production
et de transformation situées sur le territoire
américain.
Comme on peut le voir sur l'illustration 3, en 1986, les importations
canadiennes sur le marché américain de l'aluminium comptaient
pour 15 % d'un total d'importations s'établissant à 22 %. Les
importations canadiennes comptaient donc, cette année-là, pour 68
% des importations totales de lingots d'aluminium aux États-Unis et
Alcan faisait les deux tiers des importations en provenance du Canada.
Voyons maintenant quelques caractéristiques importantes du
commerce de l'aluminium. Depuis le 1er janvier dernier, l'aluminium en lingot,
qui est le principal produit d'exportation d'Alcan, est libre de tout droit
à l'entrée aux États-Unis et au Canada. L'abolition des
droits à l'entrée pour le métal en lingot constituait la
dernière étape d'une élimination progressive consentie
lors des derniers accords du GATT et commencée en 1980 par le Tokyo
Round. Le libre-échange existe donc bel et bien pour l'aluminium en
lingot. Le commerce canado-américain des matières
premières comme l'alumine est aussi libre de tout droit à
l'entrée.
Pour ce qui concerne les produits transformés, des droits
à l'entrée américains subsistent. Le Canada impose aussi
des droits à l'entrée qui sont un peu plus élevés.
Ces protections ont cependant été réduites
substantiellement à la suite des accords du Tokyo Round. Les droits
à l'entrée au Canada varient entre 2,1 % et 10,2 % selon la
classe de produits, alors que, du côté américain, les
droits se situent entre 2,6 % et 5,7 %.
Malgré cette élimination des barrières tarifaires
pour le commerce de l'aluminium en lingot, une menace demeure: celle de voir
l'industrie américaine de l'aluminium obtenir de nouvelles. protections
contre les importations d'aluminium, actions entreprises en vertu des lois
commerciales américaines, soit l'imposition de droits compensateurs, de
droits antidumping, de mesures de sauvegarde ou d'autres mesures du genre.
L'enjeu majeur pour nous a donc trait à la montée du
protectionnisme américain. Des produits d'autres secteurs de
l'économie canadienne, la potasse, le bardeau, le bois d'oeuvre,
l'acier, ont récemment été menacés ou
touchés par des actions en ce sens. L'aluminium n'est pas à
l'abri d'une telle procédure. (11 h 45)
Que faut-il faire? Quelles sont nos meilleures protections?
D'après nous, la signature d'un accord de libre-échange entre les
États-Unis et le Canada réduirait sensiblement l'incertitude.
L'industrie canadienne de l'aluminium a besoin d'un accès garanti au
marché américain. Le libre-échange réduirait
substantiellement les risques d'impacts négatifs sur la production de
métal primaire au Canada.
L'accès garanti au marché américain est d'autant
plus nécessaire car, en plus de la concurrence des producteurs
américains, Alcan fait de plus en plus face à la concurrence de
jeunes producteurs dans l'industrie de l'aluminium. Ces nouveaux venus qui sont
l'Australie, le Brésil et le Venezuela, bénéficient de
deux avantages importants sur leur territoire respectifs d'abord, ils utilisent
une énergie abondante et économique, comme nous le faisons;
ensuite, ils ont accès à des gisements de bauxite sur leur propre
territoire, ce que nous n'avons pas. Forts de ces deux avantages, ces nouveaux
producteurs se révèlent des concurrents de plus en plus
vigoureux.
En dix ans, la part de la production mondiale d'aluminium détenue
par ce qu'on appelle les îlots d'énergie, comprenant notamment le
Canada, le Brésil, le Venezuela et l'Australie, est passée de 20
% à 40 %. Cette part a donc doublé. Cela est d'autant plus
remarquable et menaçant à la fois que le marché de
l'aluminium est un marché mature depuis 1973. En d'autres mots, ce
marché est en croissance lente. On assiste maintenant à un
déplacement de parts de marché à la suite surtout de
l'apparition des jeunes producteurs.
Sur les illustrations 4 et 5, vous pouvez voir facilement les
changements notables qui se sont produits entre 1980 et 1987. Les colonnes en
bleu indiquent le niveau de production des différents pays en 1980,
tandis que le sommet de la colonne en rouge indique la croissance qui s'est
faite entre 1980 et 1987. II est clair que la croissance au Canada est assez
importante, 43 %. Au Québec, cela a atteint presque 60 % avec
l'arrivée de Bécancour, avec la nouvelle usine de Grande-Baie.
L'Australie a augmenté sa production de près de 250 % et c'est la
même chose au Brésil. L'augmentation semble beaucoup plus faible
au Venezuela, mais ce qu'il faut comprendre, c'est qu'avant 1980, au Venezuela,
la production d'aluminium était à peu près nulle. Tout
s'est produit entre, disons, 1978 et 1980 et entre 1980 et 1987. D'une part,
c'est la situation pour les pays qui, eux, ont réussi à augmenter
leur production de façon considérable.
Voyons l'impact que cela a eu ailleurs. Ici, les deux premières
colonnes de l'illustration vous donnent le total combiné d'accroissement
au Canada, en Australie, au Brésil et au Venezuela. Faisant pendant
à cela, vous avez la diminution de production très importante des
États-Unis, qui a baissé de 30 %, et du Japon, où
effectivement la production de l'aluminium primaire a presque totalement
disparu, ayant diminué de 97 % par rapport au niveau de 1980.
Alors, il y a un changement important
qu'on retrouve aussi ailleurs. Par exemple, vous retrouvez un
phénomène semblable en Europe au bénéfice des
jeunes producteurs et du Canada, qu'on ne peut pas appeler exactement un jeune
producteur tout en se rappelant que le pays demeure quand même
très jeune.
Pour conclure, je vous réitère trois points importants qui
justifient notre prise de position. Premièrement, Alcan estime que la
signature d'un accord serait favorable et protégerait ses
opérations canadiennes et québécoises contre un
protectionnisme américain de plus en plus menaçant. Le
libre-échange, c'est l'assurance contre les accidents de parcours dans
les relations commerciales entre nos deux pays.
Deuxièmement, pour assurer une transition harmonieuse et sans
douleur entre la situation actuelle et celle du libre-échange, les
gouvernements canadien et américain devraient s'entendre sur une
élimination progressive, au cours des dix prochaines années, par
exemple, des droits et autres barrières à l'importation. Par
ailleurs, ils devraient s'entendre aussi sur les institutions et les
mécanismes de l'accord qui assureront, sur une base bilatérale,
l'exemption face aux mesures protectionnistes que chacun des deux signataires
pourrait vouloir prendre.
Troisièmement, les négociations avec les États-Unis
demeurent une priorité importante à l'heure actuelle. Plusieurs
régions dépendent, pour leur avenir économique, de la mise
en valeur de leurs ressources naturelles. C'est le cas, entre autres, du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Pour ces régions, la conclusion d'une entente
de libre-échange est primordiale.
Ce matin, Mme la Présidente, j'ai tenté de vous
démontrer que l'établissement de l'industrie de l'aluminium au
Québec et son développement ont reposé sur deux conditions
essentielles: d'abord, un approvisionnement accessible et continu en
énergie; ensuite, comme le marché intérieur est
limité, un accès facile aux marchés extérieurs. Je
vous signale, sur ce plan, que l'industrie de l'aluminium a plusieurs points en
commun avec de nombreuses industries canadiennes.
Je vous ai informé que, dans son ensemble, l'industrie canadienne
accueille favorablement l'initiative des gouvernements canadien et
américain de négocier un accord de libre-échange. Cette
situation prévaut, parce que nous pensons qu'une telle entente
apporterait plus de sécurité dans les relations commerciales,
augmenterait les échanges commerciaux, assurerait une meilleure
efficacité à l'industrie et serait bénéfique aux
consommateurs des deux côtés de la frontière.
Je terminerai, Mme la Présidente, en répétant que
la société Alcan croit au libre-échange. Elle y croit
parce qu'elle peut miser sur une bonne gestion des ressources naturelles au
Québec et sur l'excellence de son personnel pour son
développement international. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci Monsieur, pour
votre exposé. Je cède maintenant la parole au ministre du
Commerce extérieur. M. le ministre.
M. MacDonald: Mme la Présidente, Messieurs. En fait, je
vais me permettre de dire que l'Alcan nous a habitués,
généralement, en faisant bien les choses et je crois que vous ne
vous êtes pas démentis ce matin. Vous avez démontré
un intérêt tout au long de la progression de ce dossier. Je tiens
particulièrement à vous souligner, M. le président, que
nous avons remarqué la présence de M. Fortin, votre
collègue, qui a assisté à la majorité sinon la
presque totalité des auditions, ici, et cela ne fait que souligner cet
intérêt. Vous rappelant que nous avons 20 minutes de questions, de
part et d'autre, c'est-à-dire l'Opposition et le gouvernement, et que
mon collègue, M. Ciaccia, voudrait également vous poser un cerain
nombre de questions, je vais m'en permettre une première, en
espérant que je pourrai revenir, à la fin, avec d'autres.
Dans votre conclusion, vous dites, premièrement: "Alcan estime
donc que la signature d'un accord serait favorable et protégerait ses
opérations canadiennes et québécoises contre un
protectionnisme américain de plus en plus menaçant." Je regarde
les chiffres que vous nous avez donnés, le Canada, à l'heure
actuelle exporte de l'aluminium jusqu'à concurrence de 15 % de la
consommation américaine et, pour le Québec,
particulièrement, l'Alcan nous parle d'un chiffre qui serait environ les
deux tiers de sa production nationale et qui ressemble à quelque chose
comme 10 % de l'ensemble des exportations canadiennes vers les
États-Unis. C'est une très grosse part de marché et, en y
allant directement, est-ce que c'est une part de marché qui a
commencé à inquiéter certains producteurs
américains? Quand vous parlez de protectionnisme, avez-vous des
indications quelconques que, advenant qu'il n'y ait pas entente de
libéralisation des échanges, cela pourrait se traduire par une
action quelconque de la partie américaine?
M. Sénécal-Tremblay: M. le ministre, non, nous
n'avons pas d'indication précise. L'industrie américaine de
l'aluminium n'a pas pris position de façon formelle et certainement pas
de façon négative. Je crois qu'elle reconnaît que, pour les
années à venir, elle va dépendre des importations de
métal de l'étranger. Par contre, elle s'inquiète de
certaines activités des jeunes producteurs, accusant le Venezuela de
dumping sur ses
marchés et ainsi de suite. Et, ce qui nous inquiète
beaucoup, en l'absence d'un accord de libre-échange, c'est que, par
l'action plus ou moins réfléchie de certains nouveaux-nés
dans l'industrie de l'aluminium, la réaction de l'industrie
américaine soit de se protéger contre l'ensemble des
exportateurs, dans son territoire. Elle peut difficilement se payer le luxe d'y
aller avec un fusil de précision. Habituellement, ce qu'on fait, c'est
qu'on étudie l'ensemble du dossier. À ce moment-là, les
conséquences pour nous pourraient être négatives. C'est
dans cet esprit de vouloir protéger ce que nous avons déjà
et de pouvoir capitaliser sur ce que cela pourrait nous apporter que nous
jugeons que, pour nous, le libre-échange est d'une importance
capitale.
M. MacDonald: Comme vous le savez, c'est dans cet esprit que la
province de Québec s'est associée au Canada pour aborder cette
négociation, c'est-à-dire cette protection de nos marchés,
cette vulnérabilité.
Je passe la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. M.
Sénécal-Tremblay, c'est avec le plus grand intérêt
que nous avons entendu le témoignage de la compagnie Alcan. Ce
témoignage est pertinent à plusieurs points de vue, je voudrais
vous en souligner deux. D'une part, il brosse de façon claire la
position de notre industrie de l'aluminium, l'importance d'un accord sur le
libre-échange pour votre secteur qui, je crois, est évidente.
D'autre part, il est le reflet de ta situation de la plupart des entreprises
qui exploitent ou qui transforment les ressources naturelles au
Québec.
Vous me permettrez de faire quelques remarques sur le mémoire que
vous avez présenté. J'aurai quelques brèves questions.
Premièrement, je voudrais souligner l'importance des ressources
naturelles pour le Québec. L'exploitation et la première
transformation des ressources minières, forestières, hydrauliques
et énergétiques ont ajouté directement une valeur de 10
300 000 000 $ à l'économie québécoise. Cela
représente 12 % de la production totale et plus de 191 000 emplois.
Cette production marque, par sa présence, les économies des
régions périphériques, comme vous l'avez souligné.
En effet, les ressources naturelles produisent plus de 40 % des emplois directs
dans l'activité primaire et manufacturière à
l'extérieur de la région de Montréal. Pour quatre
régions du Québec, la proportion passe au-delà de 50 %:
sur la Côte-Nord, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en
Abttibi-Témiscamingue et dans l'Outaouais. Tout comme pour l'Alcan, les
autres entreprises qui transforment les ressources naturelles sont de grandes
consommatrices d'énergie. En 1985, pour chaque dollar en valeur
ajoutée, ces industries dépensaient 0,21 $ pour l'énergie.
Ailleurs, dans les industries manufacturières, il se dépense 0,04
$,
Le fait que le Québec puisse produire à prix avantageux
l'électricité donne un double avantage à nos entreprises.
En effet, leurs coûts de production en sont réduits d'autant. De
plus, elles n'ont pas à craindre d'interruption dans leur
approvisionnement.
M. Sénécal-Tremblay, vous parliez d'autres pays qui sont
en concurrence avec votre industrie. La question de la fiabilité avait
déjà été soulevée, même dans un
article du Globe & Mail d'hier qui démontrait que même
si ces pays, en termes d'hydroélectricité, peuvent concurrencer
le Québec, il y a l'aspect de la fiabilité que nous avons et que
d'autres pays, comme le Brésil, ne semblent pas avoir. Comme le
mentionnait si bien le US General Accounting Office, en avril 1986,
l'hydroélectricité offre une structure de coûts avantageuse
par rapport au pétrole, au charbon ou à l'atome en raison de
l'absence de coûts pour le combustible et en raison des coûts de
construction inférieurs. Dans ce contexte, il est tout à fait
normal que les entreprises qui se sont implantées au Québec
puissent profiter de l'avantage comparatif de notre
hydroélectricité. Un accord de libre-échange ne pourra
remettre en cause un tel avantage pour le Québec.
D'autre part, comme les ressources hydrauliques sont abondantes sur
notre territoire, nous avons la possibilité d'en exporter aux
États-Unis. Cela contrebalance, dans une certaine mesure, nos
importations obligatoires de pétrole. Le marché américain,
comme vous l'avez souligné, est d'une grande importance pour tous les
secteurs de l'économie associés à l'exploitation et
à la transformation des ressources naturelles. M.
Sénécal-Tremblay nous mentionnait que les deux tiers de sa
production de métal primaire sont exportés aux États-Unis;
près de la moitié des produits de papier sont aussi
exportés vers les États-Unis. De plus, 25 % de nos
expéditions de fer, au moins 20 % de notre cuivre et 18 % de notre
amiante partent vers les marchés américains. Nous pouvons ajouter
à ce bilan l'exportation vers les États-Unis de 52 % de zinc et
de 38 % de notre ciment. Presque toute notre production d'or y est
exportée. Enfin, j'aimerais ajouter qu'actuellement, 8 % de la
production québécoise d'électricité est
exportée vers ce marché. En conséquence, on ne peut que
constater que le marché américain est vital; il justifie la
taille actuelle de plusieurs de nos industries et permet à un
très grand nombre de nos citoyens d'y travailler.
(12 heures)
Vous nous avez démontré l'aspect important et vital, pour
votre industrie, du marché américain. Le contexte commercial
actuel des échanges canado-américains des produits de
l'énergie en est un pratiquement de libre-échange. À
l'heure actuelle, le Canada n'impose pas de tarifs douaniers à
l'importation de produits énergétiques quant aux barrières
dites non tarifaires telles que les réglementations spécifiques,
pour les contrôles ou les permis à l'importation de produits
énergétiques, le Canada ne s'en prévaut pas non plus. En
général, les produits énergétiques entrent en
franchise de droit aux États-Unis. L'électricité et le gaz
naturel sont exempts de tarif. Par contre, les États-Unis appliquent des
tarifs douaniers aux importations de pétrole brut et aux importations de
certains produits pétroliers dont l'essence et le carburéacteur.
Les taxes américaines à l'importation sont des mesures
protectionnistes favorables aux raffineurs américains. De plus, nous ne
pouvons nier l'existence active du lobby du charbon aux États-Unis qui
vise a limiter nos exportations d'électricité. Pourtant nos prix
sont concurrentiels et sont, avant tout, le résultat de nos faibles
coûts de production et non de subventions. Le protectionnisme
américain est une réalité présente et
inquiétante pour tous nos secteurs.
Enfin, je tiens à rappeler que nous avons affirmé, tout au
long des négociations, l'importance de maintenir notre soutien aux
économies régionales. M. Sénécal-Tremblay, vous
avez aussi souligné cette importance pour certaines régions
particulières.
En terminant, je voudrais remercier l'Alcan de nous avoir exposé
de façon claire et concise l'importance de la signature d'un accord de
libre-échange pour son entreprise. Je ne peux qu'appuyer sa position
puisqu'elle correspond au besoin d'accès au marché qui
caractérise l'ensemble des industries et des ressources naturelles.
M, Sénécal-Tremblay, comme vous pouvez le constater, nous
nous entendons bien sur la nécessité de contrer la montée
du protectionnisme américain. Vous mentionnez précisément,
dans la conclusion au paragraphe 26, à la page 11 de votre
mémoire, l'importance d'une entente pour les régions des
ressources naturelles. Vous dites: "C'est le cas, entre autres, du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Pour ces régions, la conclusion d'une entente
de libre-échange est primordiale." Brièvement, est-ce que vous
pourriez nous dire les conséquences possibles, si on ne conclut pas une
entente sur le libre-échange, pour une région
périphérique comme celle du Lac-Saint-Jean ou d'autres qui
dépendent du développement des ressources naturelles?
M. Sénécal-Tremblay: Voici, on touche
évidemment au domaine hypothétique. Ce qu'on suppose, M. le
ministre, c'est que, dans certaines situations de cycles économiques,
où l'industrie américaine et le Congrès américain
prennent des mesures pour maintenir un niveau d'emplois plus
élevé chez eux, cela pourrait se faire autrement. Une
réduction qui ne serait pas énorme des importations de
l'aluminium aux États-Unis, si on la compare à la dimension du
marché américain ou de la consommation annuelle
américaine, pourrait avoir, chez nous, un impact de l'ordre de 25 % ou
30 % même de notre production québécoise ou canadienne.
À ce moment, il y aurait des mises à pied qui se mesureraient non
pas en centaines d'employés mais en milliers d'employés.
C'est l'une de ces situations hypothétiques que nous avons
connue, par exemple, à certains moments, dans les derniers 35 ans. Il y
a eu des cycles économiques où nous nous sommes retrouvés
avant d'avoir établi notre infrastructure de réseaux de
distribution, qui ont rendu ce genre de repli beaucoup plus difficile, dans le
monde et aussi aux États-Unis. Je pense aux cycles économiques de
1957-1959 où on s'est retrouvés avec une baisse dans la
production saguenéenne laquelle baisse, je pense, si ma mémoire
est bonne, était à peu près de 22 % ou 23 %. Donc, nous
nous sommes retrouvés avec des fermetures d'usine assez
considérables. C'était d'ailleurs un peu à la suite
d'événements comme ceux-là que l'action à l'Alcan
s'est accélérée pour assurer un marché captif tant
aux États-Unis qu'en Europe et, il y a eu une évolution vers une
prépondérance du marché américain en ce qui
concerne la production québécoise. Est-ce que cela répond
un peu à votre question?
M. Ciaccia: Oui, merci. Vous nous dites que cela peut
représenter des milliers d'emplois et que ce chômage ou ce manque
d'emplois se ferait ressentir dans les régions qui dépendent du
développement de cette ressource et où le remplacement de ces
emplois serait très difficile parce que plus de 50 % des emplois
dépendent du développement des ressources naturelles.
À la suite de la signature d'un accord sur le
libre-échange, entrevoyez-vous des possibilités de
développer davantage au Québec la production de produits
d'aluminium transformés?
M. Sénécal-Tremblay: Dans un avenir
immédiat, disons à court terme, c'est peu probable, mais la
logique des choses est telle que, dans les créneaux où quelque
entrepreneur que ce soit, que ce soit l'Alcan, Reynolds ou que ce soit en
dehors du marché de l'aluminium, mais dans les créneaux où
quelqu'un a un avantage soit technologique,
soit, effectivement, de qualité, il est évident que le
libre accès à un marché de 10 ou 20 fois supérieur
à celui auquel, il accède dans le moment ne peut
qu'accélérer son expansion ou ne peut qu'accélérer
l'augmentation de sa capacité de production de même que l'emploi
qui s'ensuit.
Je pense, par exemple, à une usine comme celle du Saguenay qui
prend le métal chaud à partir de nos usines et qui le transforme
en tôle mincef cette tôle est distribuée sur le
marché canadien et une partie de cette production s'en va sur le
marché américain. L'un des problèmes associés
à l'augmentation de la capacité de cette usine, ce sont les
tarifs qui sur les tôles minces qui n'existent pas sur les lingots. II
est évident que, dans un contexte de libre-échange, nous
pourrions, avec beaucoup plus de facilité, augmenter la
capacité... Ce serait plutôt d'augmenter la production de cette
usine et, éventuellement, en augmenter la capacité. C'est un peu
le contexte dans lequel je vois les choses, mais il est évident que ce
serait un processus progressif, mais dans lequel on peut voir beaucoup de
choses intéressantes, je pense.
M. Ciaccia: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, Mme la Présidente. M.
Sénécal-Tremblay, M. Proulx, M. Fortin, merci d'être
là. Votre présentation illustrée de graphiques montre bien
l'importance et aussi la clarté pour la société Alcan de
l'envergure que prendrait le libre-échange. Vous mentionnez que depuis
janvier dernier, dans le domaine de l'aluminium en lingots, vous vivez
déjà ce libre-échange; par contre, en ce qui regarde les
produits transformés, là on parle de barrières
tarifaires.
On a beaucoup de préoccupations de ce côté-ci parce
que, d'un côté, Mme Pat Carney a déclaré en
septembre 1986 que l'électricité ne ferait- pas partie du
libre-échange et, d'un autre côté, toujours en septembre
1986, M. Peter Murphy, le négociateur américain, lui, a promis de
parler d'électricité. L'électricité étant
certes le coeur du problème, puisqu'elle est la source qui vous permet
d'améliorer cette alimentation au niveau de votre ressource naturelle.
On sait aussi que le produit fabriqué à même la ressource
naturelle, lorsqu'il se vend à prix moindre qu'aux États-Unis,
elle risque de se retrouver dans une situation où il y aurait une mesure
compensatoire, des droits compensatoires. On l'a vécu dans d'autres
domaines, an n'a qu'à penser au bois d'oeuvre et à des domaines
similaires. Est-ce que vous avez - ce sera ma seule question, j'en aurais
d'autres, mais je voudrais absolument que mon collègue, le
député de Roberval et critique en matière
énergétique puisse poser plusieurs questions; il est très
soucieux de ce dossier - au moment où on se parle, septembre 1987,
à quelques jours de la conclusion d'une entente, quelques échos,
soit directement d'Ottawa ou directement de Québec, face à cette
situation? Comment sera interprétée l'électricité
comme ressource naturelle? Quels sont les dangers que l'on court de voir
interpréter l'électricité comme une mesure jugée
déloyale ou une subvention détournée de la part du
gouvernement du Québec?
Est-ce que vous avez des indices à cet effet? Parce que vous avez
certainement entretenu des relations et un bon lobbying de ce
côté-là. J'aimerais savoir si, aujourd'hui, vous avez plus
d'indices sur la tournure que cela va prendre. On aura beau évoquer un
tribunal ou quelque formule que ce soit pour qu'on tranche ces questions, mais
il reste que ce seraient là des questions vraiment épineuses qui
viendraient toucher de beaucoup, certes, votre entreprise.
M. Sénécai-Tremblay: À cet égard, je
pense que dans les derniers jours, pour des raisons structurelles, M. Proulx
serait plus susceptible d'avoir eu des indices de la part d'Ottawa.
M. Proulx (Gilles): On n'a aucun indice. On ne connaît pas
la nature de ces discussions, si elles ont lieu et quelle est leur
portée.
M. Parent (Bertrand): Si je comprends bien, vous aussi, vous
êtes dans la noirceur.
M. Sénécal-Tremblay: Oui, et un peu inquiets
à ce chapitre. Bien que l'électricité soit un
élément très important dans la fabrication de l'aluminium,
il faut se rappeler aussi que les matières premières
importées de l'étranger comptent pour près de 40 % du
coût de l'aluminium qui est fabriqué.
Donc, ce n'est pas à un seul bloc que l'on s'adresse. Je pense
qu'il faut faire attention de ne pas mettre plus d'importance là-dessus
que sur certains des autres éléments qui sont très
importants.
M. Parent (Bertrand): Vous parlez de la bauxite
particulièrement?
M. Sénécal-Tremblay: Voilà.
M. Parent (Bertrand): Je laisserai à mon
collègue...
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): Merci, Mme la
Présidente. MM. Sénécal-Tremblay, Proulx et Fortin,
dans le mémoire que vous nous présentez ce matin, j'ai
l'impression j'aimerais que vous me corrigiez si je me trompe et mon
collègue l'a soulevé qu'effectivement, ce que vous dites,
c'est-à-dire un appui très large au libre-échange - je
pense que cela se comprend très bien dans ce que vous expliquez - j'ai
aussi l'impression qu'il y a une chose qui n'est pas dite et c'est cette
question des tarifs hydroélectriques.
Je vais reprendre la question de mon collègue de façon un
peu différente. Évidemment, comme nous tous, vous n'avez pas eu
d'indication en ce sens que cela pourrait être un élément
pouvant justifier les Américains de mettre en place des droits
compensateurs, le fait que les tarifs d'électricité sont
différents ici. Est-ce que, pour l'Alcan, c'est une
préoccupation? Il me semble que c'est la préoccupation que je
sens dans votre mémoire, mais qui n'est pas explicite. Est-ce que je
fais erreur dans cette interprétation?
M. Sénécal-Tremblay: Jusqu'à un certain
point, M. le député. Je pense que ce qui nous préoccupe
davantage, ce sont des réactions intempestives soit de l'industrie de
l'aluminium devant des concurrences provenant autant du Canada que d'ailleurs
ou du Congrès américain pour des raisons politiques touchant
l'ensemble de l'industrie de l'aluminium. (12 h 15)
Je pense que c'est notre préoccupation principale. En ce qui
concerne la préoccupation spécifique des coûts
énergétiques au Canada comparativement à ce que les
producteurs américains ont à payer, je crois que nous pouvons
faire la démonstration qu'il est tout à fait normal que les
coûts de production d'électricité au Québec -
où les rivières, la surabondance de l'énergie
hydro-électrique, la nature des infrastructures qui, dans notre cas, ont
déjà un certain âge, donc, ont été
dépréciées très largement, même si dans les
dix années qui s'en viennent, nous aurons à investir environ 150
000 000 $ pour les remettre parfaitement à point - arrivent à un
degré nettement inférieur à celui qui prévaut aux
États-Unis. L'inquiétude serait une mauvaise
interprétation de la part du Congrès américain, par
exemple, qui verrait là une situation de subventions gouvernementales,
alors que nous, ce n'est certainement pas notre avis. On peut attaquer
différents volets de ce dossier, mais je ne pense pas que ce soit ici
qu'on doive le faire. Si on analyse les différents
éléments de coût de production en ce qui concerne Alcan, si
on analyse les différents éléments de coût de
production en ce qui concerne la production d'Hydro-
Québec, il y a des éléments inhérents au
Québec qui expliquent les différences considérables que la
Pacific Mid-West rencontre ou que Bonneville Authority rencontre et qui fait
que la production d'énergie à partir du nucléaire ou de
l'huile aux États-Unis se retrouve dans une économique totalement
différente.
M. Gauthier (Roberval): M. Sénécal-Tremblay, dans
la même veine, il est évident que l'électricité qui
est produite par Alcan elle-même ne peut être
interprétée par quiconque - je ne le pense pas - comme
étant une forme de subvention. Est-ce que je fais erreur quand j'affirme
la chose suivante, soit que pour l'essentiel, Alcan produit toute son
électricité et n'en achète pas, sinon des quantités
marginales dans certaines situations, comme actuellement, quand le niveau du
lac Saint-Jean est un peu trop bas parce qu'on n'a pas eu suffisamment de pluie
cet été? C'est le point de vue de ceux qui font
l'électricité, mais enfin!
M. Sénécal-Tremblay: Cela vous a fait un bel
été, par exemple.
M. Gauthier (Roberval): Cela nous a fait un très bel
été. Est-ce que c'est exact qu'Alcan n'achète à peu
près pas d'électricité, finalement, donc que cela ne peut
pas être pris en considération par nos voisins
américains?
M. Sénécal-Tremblay: Effectivement, en
période normale, notre production au Québec est suffisante pour
toute notre production d'aluminium, laissant un léger excédent,
par entente avec Hydro-Québec, dont on dispose. La situation courante ne
correspond pas à ce critère, mais c'est la première fois
depuis mon affectation chez Alcan.
M. Gauthier (Roberval): D'ailleurs, c'est le premier bel
été depuis bien des années au Lac-Saint-Jean.
Mes autres questions s'adresseront plutôt au ministre, mais
concernent Alcan et d'autres entreprises. On a soulevé aujourd'hui, Mme
la Présidente, peut-être accidentellement, le problème que
les Américains considèrent nos faibles tarifs
d'électricité comme une forme de subvention
déguisée. Il y a d'autres entreprises qui ne sont pas dans la
même situation qu'Alcan, qui ne sont pas productrices
d'électricité et qui profitent effectivement de tarifs
d'électricité réduits, dans le domaine de l'aluminium,
entre autres, mais dans d'autres types d'entreprise.
Ma question s'adressera au ministre. J'aimerais savoir si le ministre a
abordé cette question, sachant que des négociations dont il n'est
pas au courant se déroulaient au niveau canadien-américain sur le
libre-
échange? Est-ce que le ministre a quand même abordé,
avec ses homologues fédéraux, Masse et Carney, la question de
l'électricité québécoise?
M. Ciaccia: Mme la Présidente, la position que prend le
Québec est peu démontrée. L'électricité
n'est pas subventionnée. HydroQuébec se comporte à
plusieurs égards comme une entreprise qui serait comparable à une
société américaine dans le domaine de l'énergie.
C'est clair qu'il y a des montées de protectionnisme parce que le lobby
du charbon veut vendre son produit et il fait des pressions. C'est pour cela
que le libre-échange est important. Mais la réalité, c'est
que cela coûte moins cher de faire de l'électricité avec
nos rivières qu'avec le charbon ou l'énergie nucléaire.
C'est cela, la base des échanges commerciaux et du libre-échange.
On peut fabriquer ou manufacturer un produit sans subvention, moins cher qu'un
autre pays peut le faire.
Si New-York ou la Nouvelle-Angleterre avait la rivière La Grande
dans leur Etat, on ne pourrait pas exporter l'électricité parce
qu'ils pourraient produire l'électricité à meilleur prix.
C'est la réalité. On n'a pas d'oranges au Québec, et eux
n'ont pas la rivière La Grande en Nouvelle-Angleterre. C'est cela, la
situation. Nous avons l'appui de la Nouvelle-Angleterre, des gouverneurs, des
consommateurs, des dirigeants des sociétés d'énergie pour
maintenir cette situation de libre-échange de ne pas taxer
l'électricité. C'est la position. Jusqu'à maintenant, en
dehors de ce lobby du charbon, c'est la position qui...
M. Gauthier (Roberval): Je comprends maintenant davantage la
réponse du ministre. Je pense qu'il y a eu un problème de
communication entre nous deux...
La Présidente (Mme Bélanger): Si vous voulez
m'excuser, disons que le débat ne doit pas se faire entre parlementaires
mais avec nos invités. Je pense qu'il y a eu entente au
début...
M. Gauthier (Roberval): Mme la Présidente, je ne veux pas
soulever un débat qui soit négatif pour nos invités mais
il n'y a pas de règle parlementaire, je m'excuse, qui empêche...
Au contraire, les règles parlementaires permettent et favorisent les
échanges avec nos invités, évidemment, et aussi, par voie
de conséquence, quand des problèmes sont soulevés par nos
invités, les échanges peuvent se faire entre parlementaires.
C'est l'usage dans cette enceinte de procéder ainsi. Je veux simplement
vous rassurer, je n'ai pas l'intention d'ouvrir un grand débat à
ce sujet-là devant nos invités. Je voudrais simplement poser une
dernière question au ministre et je suis certain que vous la
tolérerez, que vous ferez preuve d'ouverture à mon endroit, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Robervai, si le ministre consent, on va le permettre
mais je pense que ce n'est pas...
M. Gauthier (Roberval): Mais voyons!
La Présidente (Mme Bélanger): ...le genre de
débat à tenir quand on reçoit des invités.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, est-ce que vous
consentez à répondre à une autre question du
député de Roberval?
M. Gauthier (Robervai): Même s'il ne consent pas.
M. Ciaccia: Je consens si nos intervenants consentent aussi parce
que ce sont nos invités. S'ils n'ont pas d'objection, je n'ai pas
d'objection à répondre au député.
La Présidente (Mme Bélanger): Vos réponses
comptent sur le temps de l'Opposition, M. le ministre.
M. Gauthier (Roberval): Mme la Présidente, vous avez une
façon plutôt spéciale d'interpréter les
règles, mais enfin, disons que le ministre sait très bien que
j'ai le privilège de lui poser cette question. Ce n'est pas un mauvais
tour que je veux jouer au ministre et cela concerne nos invités et ceux
qui sont venus avant et qui sont-concernés par ce qui risque
d'être un problème.
Je le sais bien, le ministre n'a pas à m'expliquer que
l'électricité du Québec n'est pas subventionnée. Je
ne le sais peut-être pas autant que lui, mais je sais un peu comment cela
se produit, combien cela coûte et à quel prix cela se vend aussi.
Dans le but de rassurer nos invités et d'autres entreprises qui peuvent
être concernées par un problème qu'on a soulevé
aujourd'hui, concernées davantage que l'AIcan ne l'est -parlons de
Pechiney par exemple - est-ce que le ministre s'est assuré, avec ses
homologues fédéraux, qu'au coeur de la négociation, il
puisse y avoir une prévision faite à savoir que les tarifs de
l'électricité québécoise ne puissent pas être
interprétés, à tort, j'en conviens, mais tout de
même, comme une forme de subvention à l'entreprise
québécoise? Comme vous le voyez, la question concerne l'ensemble
des entreprises du Québec mais aussi, par voie de conséquence,
même si c'est à un autre palier, nos invités qui sont ici
aujourd'hui. On veut savoir si vous vous êtes occupé de la
question du tarif hydroélectrique pour les
entreprises du Québec dans le cadre du libre-échange. Ce
n'est pas compliqué.
M. Ciaccia: Mme la Présidente, je peux assurer le
député de Roberval qu'on s'en est occupé, qu'on s'en
occupe et qu'on continuera de s'en occuper. Je pourrais peut-être
céder la parole à mon collègue du Commerce
extérieur pour donner au député de Roberval un peu plus de
lumière sur ce sujet.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre du
Commerce extérieur.
M. MacDonald: Comme vous en avez sûrement pris
connaissance, M. le député de Roberval, il y a un groupe
protectionniste du Mid-West américain qui a soulevé,
peut-être avec un peu plus de passion, si je peux employer le terme, la
question des importations américaines de l'énergie canadienne
sous toutes ses formes. Il est évident que lorsque vous avez un lobby
comme celui des charbonniers qui voient diminuer leur part de marché et
qui se voient attaqués même de l'intérieur sur des
questions concernant l'environnement, cela suscite un certain
intérêt.
Or, que cela s'appelle potasse, bois de sciage, aluminium ou quoi que ce
soit qui occupe une part le moindrement importante dans le marché
américain et qui suscite l'intérêt d'un lobby quelconque
qui y verrait son profit à voir un droit compensatoire s'imposer, que ce
soit n'importe quel sujet et particulièrement ceux qui touchent le
Québec, vous pouvez être assuré qu'on s'en occupe à
partir de ma responsabilité et celle que j'ai en collaboration avec mes
collègues ministres qui ont plus de responsabilités
spécifiques. Ce sont des sujets qui font l'objet de nos discussions avec
les autorités fédérales et, permettez-moi de rajouter, les
autres provinces qui également s'en inquiètent.
M. Gauthier (Roberval}: Mon collègue a également
d'autres questions.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Mme la Présidente, je ne veux pas
avoir l'impression de jeter une douche d'eau froide ni au ministre ni à
cette commission, on m'apprend qu'il y a peut-être cinq minutes on
annonçait aux nouvelles que toutes les négociations seraient
rompues. Je ne peux pas donner suite à cela, mais, apparemment, cela
vient d'être annoncé en primeur.
De toute façon, je pense qu'on se doit d'espérer que cela
va se continuer. Dans le cadre de votre présentation, vous faites
allusion à la production d'aluminium américaine qui a
été réduite du tiers, d'environ 33 % depuis le
début de la décennie, donc qui est passée de 4 600 000
tonnes à 3 200 000. Selon vous, quelle est la cause de cette diminution
de la production américaine? Est-ce principalement à cause de la
meilleure compétitivité de votre groupe et des
sociétés canadiennes, québécoises? Est-ce à
cause de problèmes d'approvisionnement? C'est ce que j'essaie de cerner
et de comprendre. Est-ce que cette décroissance de la production
américaine va continuer à s'accentuer? D'après vous,
quelle est la cause exacte, depuis le début de la décennie, de
cette baisse de la productivité américaine dans le domaine de
l'aluminium?
M. Sénécal-Tremblay: La raison principale qui
explique cette baisse chez les Américains a été
l'augmentation du coût d'énergie, du coût de
l'électricité, principalement dans l'Ouest des États-Unis
où on avait attiré, il y a déjà plusieurs
années, durant la période où le pétrole
était bon marché, des industries avec effectivement l'espoir
de... D'abord, toute la kyrielle d'infrastructures industrielles et d'impacts
sur les communautés dans lesquelles ces alumineries
s'installaient...
Avec les crises du pétrole successives, la dernière, une
augmentation du coût de l'électricité s'imposait et la
situation économique de la majorité de ces États avait
changé, c'est-à-dire que ces États étaient devenus
un peu moins dépendants de la présence de ces grandes
alumineries. Il y avait aussi les problèmes environnementaux que
certaines de ces alumineries suscitaient. On s'est senti en 1980 beaucoup plus
intransigeant vis-à-vis de ces grands centres de production et on a
augmenté le coût de l'électricité.
Cela a coincide avec une période de stagnation dans l'industrie
et l'arrivée sur le marché de nouvelles sources de production peu
coûteuses ou moins coûteuses, si on veut, le Venezuela, le
Brésil et ainsi de suite, dans certains cas même des centres comme
Grande-Baie. L'effet a été de rendre totalement non rentables
certaines de ces usines qui ont dû fermer leurs portes. Il y a eu je ne
sais pas combien d'usines, mais je pense que c'est environ une vingtaine de
différentes grosseurs qui ont fermé leurs portes aux
États-Unis, les unes pour de bon, c'est-à-dire qu'elles ne
reverront jamais le jour, les autres attendant peut-être une situation
qui leur permettrait de rouvrir leurs portes dans un contexte où soit le
prix de l'aluminium le permettrait ou dans un contexte où elles seraient
arrivées à faire des réaménagements avec les
fournisseurs d'électricité.
Quand les Américains s'inquiètent du coût faible de
l'électricité au Québec et qu'ils tentent d'y voir une
forme cachée de
subvention, il faudrait qu'ils se rappellent que certains des trucs
qu'ils font pour ressusciter de vieilles usines moribondes sentent beaucoup
plus les subventions que ce qui se passe chez nous.
La Présidente (Mme Bélanger): Votre temps est
écoulé, M. le député de Bertrand. Je cède la
parole au ministre du Commerce extérieur.
M. MacDonald: Ma dernière question, M.
Sénécal-Tremblay, toucherait les relations que vous avez avec vos
employés, avec l'ensemble de l'Alcan. Vous nous avez dit que vous aviez
10 000 employés et je crois comprendre qu'il y en aurait environ 8 800
qui appartiendraient à une unité syndicale quelconque. Quelle est
la principale centrale qui représente vos employés?
M. Sénécal-Tremblay: Au Québec, la
principale centrale est la FSSA, la Fédération des syndicats du
secteur de l'aluminium...
M. MacDonald: ...qui appartient à une centrale...
M. Sénécal-Tremblay: Non, indépendante.
M. MacDonald: Non. Parfait.
M. Sénécal-Tremblay: Très fière de
son indépendance d'ailleurs.
M. MacOonald: D'accord.
M. Sénécal-Tremblay: Dans l'Ouest,
évidemment la principale centrale est CASAW qui est aussi une centrale
indépendante. Nous avons ces deux-là, plus des affiliations avec
d'autres; à Shawinigan, par exemple c'est la CSN.
M. MacDonald: Sachant très bien que vous n'êtes pas
le porte-parole de vos syndicats, je peux tout de même vous poser la
question suivante. Vous avez discuté de cette négociation, des
effets d'une réussite ou d'un échec; quelle est l'ambiance?
Quelle est l'attitude de vos regroupements d'employés face à
l'une ou l'autre de ces éventualités?
M. Sénécal-Tremblay: Je ne peux pas
prétendre que, dans les dernières semaines où l'attention
s'est portée de plus en plus sur les négociations du
libre-échange, nous nous sommes assis avec les représentants
syndicaux. Effectivement, dans le moment, nous sommes en négociation, ce
qui pousse l'intérêt peut-être sur un autre sujet. Mais il
est sûr que dans les contacts que nous avons eus au cours de la
dernière année, une des choses que je peux dire, sans parler pour
eux, c'est qu'ils sont extrêmement au fait que la majeure partie de notre
production au Québec s'en va vers des marchés étrangers,
vers le marché américain, mais vers des marchés
étrangers généralement. Les officiers syndicaux sont
conscients de l'impact que pourrait avoir une attitude plus protectionniste de
la part des Américains. Nous tenons bien au courant et bien
informés nos employés des enjeux, de nos principaux
marchés, des problèmes que nous rencontrons sur ces
marchés-là. Chez nous, tout le monde sait à quel point
nous dépendons des exportations d'abord et, pour le Québec, du
marché américain en deuxième lieu. Et leur prêtant
certainement le même sens commun que je peux prétendre, je suis
sûr qu'ils voient la situation à peu près de la même
façon.
M. MacDonald: Je vous remercie, M. le président, et vos
collègues. L'annonce qu'on vient de faire mérite
nécessairement d'être vérifiée et
contre-vérifiée. Je crois que vous avez fait ressortir, entre
autres, très bien que les effets néfastes, le côté
négatif de l'absence d'une entente méritent d'être
étudiés attentivement et d'être considérés
comme la réussite d'une entente. Quels que soient ces effets ou ces
conséquences, votre présence ici a été très
utile et il sera utile de recevoir les invités qui vont vous suivre.
Merci.
M. Sénécal-Tremblay: Merci, M. le ministre.
Une voix: Oui.
M. Parent (Bertrand): Si vous me permettez, je voudrais, au nom
de ma formation politique, remercier M. Sénécal-Tremblay, de
même que MM. Proulx et Fortin qui l'accompagnent pour cette excellente
présentation et vous dire en terminant que le slogan que vous avez, la
devise que vous avez de viser l'excellence, signifie bien que vous êtes
sur la bonne voie. Continuez à prendre des marchés sur les
Américains. Merci.
M. Sénécal-Tremblay: Merci, monsieur.
La Présidente (Mme Bélanger): Messieurs, les
membres de la commission vous remercient de votre participation à nos
travaux et vous souhaitent un bon retour.
J'appelle maintenant l'Association des manufacturiers de bois de sciage.
Si vous voulez bien prendre place.
(Suspension de la séance 12 h 35)
(Reprise à 12 h 38)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît!
Nous recevons maintenant l'Association des manufacturiers de bois de
sciage. Messieurs, les membres de la commission de l'économie et du
travail vous souhaitent la bienvenue. Permettez-moi de vous rappeler les
règles du jeu. Vous avez une heure pour votre audition qui sera
répartie comme suit: vingt minutes pour votre exposé qui sera
suivi d'un échange de vingt minutes avec les membres du
côté ministériel et de vingt minutes avec les membres de
l'Opposition. Sans plus tarder, je vous cède la parole. Pour le
Journal des débats, je demanderais aux membres de la
délégation de s'identifier, s'il vous plaît.
M. Tremblay (André): Mme la Présidente, MM. les
membres de la commission, l'association est représentée, ce
matin, par M, Gilbert Tardif, vice-président, M. Guildo Deschênes,
à ma droite, président ex officio de l'association, M. Richard
Lacasse, directeur général et moi-même, André
Tremblay, président de l'association.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous pouvez
commencer votre exposé.
Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec
M. Tremblay (André): L'Association des manufacturiers de
bois de sciage du Québec désire tout d'abord remercier la
commission de lui permettre d'exprimer son point de vue seur la
libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et les
États-Unis.
Frappée d'une taxe sur ses exportations aux États-Unis,
l'industrie du sciage voit présentement une situation unique au pays et
c'est de cette situation que nous voulons vous entretenir aujourd'hui.
Il n'est donc pas de notre intention de présenter notre point de
vue sur l'ensemble du dossier de la libéralisation des échanges
avec les États-Unis. Nous traiterons brièvement cependant du
projet de loi omnibus que le Sénat américain envisage d'adopter
au cours des prochaines semaines.
Sauf en 1961, alors que nos exportations furent frappées
temporairement d'une taxe d'environ 5 %, nos produits ont toujours
bénéficié d'une entrée libre aux
États-Unis.
Notre bois d'oeuvre y était généralement le
bienvenu, sauf en certains États où il était banni des
constructions financées à même les deniers publics. Assez
curieusement, l'État du Connecticut menait la guerre aux bois canadiens
et, rares étaient les scieurs québécois pouvant vendre
dans cet État.
Depuis le début du siècle, les
Américains ont toujours vu le Canada comme un pays riche en
ressources naturelles et c'est par milliards de dollars qu'ils y ont investi
dans la fabrication du papier journal, du bois d'oeuvre et du
contreplaqué. Ce faisant, nos voisins du Sud y voyaient là une
excellente façon de protéger leurs ressources forestières
car, de temps à autre, des forestiers avertis et même des
politiciens brandissaient le spectre de la surexploitation de leurs
forêts. Au cours des années soixante-dix, le gouvernement
américain a même fait parvenir une note diplomatique au
gouvernement canadien l'invitant à promettre aux Américains
qu'ils pourraient compter sur les bois canadiens pour combler leurs
besoins.
Au cours des années cinquante et soixante, le Canada a
régulièrement augmenté sa part du marché
américain, à tel point qu'en 1970 il franchissait le cap du 20
%.
On pourrait qualifier la décennie suivante comme la
période de vaches grasses de l'industrie canadienne du sciage. En
facilitant l'accès à d'immenses forêts parvenues à
maturité, les gouvernements des provinces permirent à notre
industrie de doubler sa production entre 1970 et 1980.
Du même coup, les exportations aux États-Unis
grimpèrent d'une façon dramatique pour atteindre en 1981 environ
28 % du marché américain. C'est alors que commencèrent nos
problèmes.
Une quarantaine de petites usines de sciage de la côte ouest des
États-Unis allèrent se plaindre à Washington de la
concurrence déloyale des scieurs de la Colombie britannique et les
accusèrent d'être la cause de leurs déboires financiers.
Ils prétendaient que les généreuses subventions
gouvernementales et les faibles taux de droits de coupe de cette province
expliquaient leur succès sur les marchés américains.
La vérité était tout autre: la construction chutait
aux États-Unis, les prix étaient à la baisse et le
coût de leurs matières premières atteignait un niveau
exorbitant. Néanmoins, l'administration américaine et la
Commission du commerce international firent enquête dans toute
l'industrie canadienne et, en mars 1983, elles conclurent que les subventions
en question équivalaient à moins de 0,5 % du prix de vente et
elles déboutèrent ainsi l'industrie américaine.
En 1986, l'industrie canadienne fut encore l'objet d'une autre attaque
des Américains après que notre part du marché des
États-Unis eut atteint, en 1985, près de 33 %. Vous connaissez
tous la suite de cette histoire qui se termina par une taxe de 15 %
négociée entre les deux gouvernements sur nos exportations de
bois d'oeuvre. Nous avons toujours cru en la jutesse de notre argumentation et
en l'honnêteté des
enquêteurs américains, mais le gouvernement canadien
soutenait que le contexte politique aux États-Unis nous était
défavorable et qu'il fallait éviter à l'industrie un droit
compensatoire désastreux. À noter que la taxe de 15 %
imposée le 30 décembre 1986 équivaut à une taxe
d'environ 20 % aujourd'hui lorsque l'on considère la variation du taux
de change. La différence entre le dollar canadien et américain
est une question vitale non seulement pour notre industrie mais pour tous les
secteurs exportateurs, de sorte que les négociations en cours à
Ottawa devraient viser à conserver un écart significatif.
Mme la Présidente, si nous avons tenu à faire cette courte
rétrospective de l'évolution de notre commerce avec les
Américains c'est pour vous en démontrer la fragilité
grandissante. Le contexte des échanges commerciaux avec les
États-Unis n'est plus ce qu'il était et il ne semble pas vouloir
s'améliorer en notre faveur pour des raisons maintes fois
analysées et expliquées au cours des dernières
années.
La situation que notre industrie vit présentement risque de se
répéter dans d'autres secteurs, à très court terme,
s'il n'y a pas une volonté politique très ferme dans les deux
pays de mettre fin à une escalade protectionniste naissante.
Nos lobbyistes à Washington nous tiennent
régulièrement informés sur le dépôt et le
cheminement de tous les projets de loi à caractère
protectionniste au Congrès et au Sénat américains. De
plus, leur tâche consiste à influencer en notre faveur leur
évolution, soit au niveau du comité des finances du Sénat,
sait au niveau des politiciens et des groupes de pression antiprotectionnistes.
Malheureusement, notre secteur industriel est le seul au Canada à
effectuer un tel lobby et il nous arrive même d'éveiller
l'attention des fonctionnaires canadiens à Washington sur des projets de
loi apparemment inoffensifs.
Notre industrie s'inquiète plus spécialement du projet de
loi HR-3 présentement devant le Congrès et dont le projet
compagnon sera étudié par le Sénat dans les prochaines
semaines. Le projet HR-3 vise notamment le bois d'oeuvre. En effet, selon le
libellé actuel, un produit fabriqué à partir d'une
ressource naturelle de juridiction gouvernementale peut être l'objet d'un
droit compensatoire s'il est prouvé que le prix de ladite ressource dans
les pays d'origine est inférieur au prix de la ressource aux
États-Unis. Cela vise non seulement le bois d'oeuvre, mais tous les
produits forestiers, les minerais, les métaux, la potasse, etc. Le texte
final proposé au Sénat par le Comité des finances est tel
qu'il sera beaucoup plus facile qu'auparavant de prouver qu'un produit
importé aux États-Unis est subventionné.
Mme la Présidente, cela se passe au
Sénat au moment même pu le mandat des négociateurs
tire à sa fin. L'AMBSQ recommande fortement aux gouvernements du
Québec et du Canada d'utiliser tous les moyens possibles pour influencer
le Sénat américain ou tout au moins pour faire soustraire
à cette future législation protectionniste américaine les
exportations québécoises basées sur les ressources comme
le bois d'oeuvre.
Nous désirons maintenant vous expliquer notre point de vue sur le
traitement de la taxe de 15 % imposée par le gouvernement du Canada.
Disons tout d'abord qu'en accord avec l'industrie des principales provinces,
l'AMBSQ recommande que l'actuelle taxe de 15 % demeure une taxe
fédérale, mais que les bénéfices soient
transférés aux provinces. Selon nous, la taxe doit demeurer
visible si on veut la renégocier à la baisse en proportion de
l'augmentation des droits de coupe dans les différentes provinces ou
même l'éliminer complètement. Autrement, si la taxe devient
du domaine provincial, elle prendra des formes qui éveilleront
peut-être l'attention des Américains avec le bris
unilatéral toujours possible de l'entente s'ils perdent confiance dans
les administrations canadienne et provinciale.
Depuis plus de huit mois, le gouvernement du Canada n'a pu s'entendre
avec les provinces pour leur transférer la responsabilité de
percevoir cette taxe à l'exportation. L'impasse semble totale et il est
fort probable qu'on ne puisse trouver un mécanisme qui satisfasse toutes
les parties.
Le gouvernement du Québec prétend qu'en transférant
au ministre de l'Énergie et des Ressources le pouvoir de gérer la
taxe de 15 %, il pourra exiger d'Ottawa l'application des règles de
péréquation et ainsi récupérer une somme
évaluée entre 75 000 000 $ et 100 000 000 $. L'AMBSQ se montre
sceptique sur les chances de succès de cette opération
lorsqu'elle constate qu'au cours des 20 dernières années, Ottawa
a plutôt manipulé les règles de péréquation
à son profit. D'ailleurs, à cet égard, la porte est
présentement close puisque le projet de loi C-37 stipule clairement que
les revenus de la taxe ne sont pas "péréquatables".
Nous disons, Mme la Présidente, qu'Ottawa devrait continuer
à percevoir la taxe et qu'il devrait en transférer les revenus
aux provinces. Parmi ces dernières, on sait que le Québec a
déjà haussé substantiellement les taux des droits de coupe
et que d'autres provinces s'apprêtent à l'imiter, notamment la
Colombie britannique. Lorsque les provinces auront ainsi ajusté leur
taux de façon à refléter la juste valeur économique
des bois sur pied, elles pourront alors convaincre Ottawa qu'il est temps de
renégocier avec Washington une diminution de la taxe. D'ici là,
il est important que le décret 623-87 continue de s'appliquer de
façon à éviter à l'industrie une double
imposition, soit l'accroissement des droits de coupe et la taxe de 15 %,
En terminant, nous désirons remercier les membres de la
commission d'avoir accepté de nous entendre expliquer quelques facettes
de notre commerce avec les États-Unis. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Tremblay.
M. le ministre du Commerce extérieur.
M. MacDonald: Bonjour, messieurs. Merci d'être revenus
devant nous compte tenu de cette déposition que vous avez
déjà faite devant le comité Warren et dont j'avais
reçu rapport et commentaires de mes collègues.
Ce matin, si vous me permettez de noter, vous vous adressez tout
particulièrement à ce qui est, en partie, de l'histoire,
c'est-à-dire cette imposition de 15 % qui, finalement, finit comme une
taxe et non pas comme un droit compensatoire perçu aux
États-Unis. Vous n'avez pas abordé - je me permettrais de le
faire avec vous, si vous voulez - la macroperspective d'une entente de
libéralisation des échanges pour ce qui touche l'ensemble de
votre industrie, mais j'aimerais peut-être l'étendre
également à l'ensemble de la foresterie.
Je pense qu'on peut dire que vous y avez goûté. Je pense
que je peux dire - je vois M. Lacasse à qui je parlais au
téléphone durant le cours des négociations, etc., -qu'on y
a goûté ensemble. Peut-être que les gens de la province de
Québec, et sur le plan de ce que peut être le protectionnisme
américain, avez la plus grande sensibilité.
À notre avis, ce n'est pas terminé et, à votre
avis, cela ne l'est pas non plus. Vous parlez du projet HR-3. Vous connaissez
l'ambiance du milieu. Vous avez sûrement entendu parler des menaces plus
ou moins proférées officiellement ou officieusement pour ce qui a
trait à d'autres produits de la foresterie canadienne distinés
aux États-Unis.
Bien que vous nous faites la suggestion de ce que je pourrais appeler
une approche très sectorielle, bien précise et axée sur 15
%, j'aimerais vous entendre un peu plus longuement sur l'aval d'une entente ou
de l'absence d'une entente avec les États-Unis, particulièrement
touchant tout cet aspect des richesses naturelles qu'ils considèrent,
eux -si appartenance à l'État, pour eux, égale subventions
- attaquable?
Je passerai ensuite - nous avons discuté ensemble des questions
de temps - la parole à mon collèque, M. Ciaccia, et je crois
qu'il y a également le député de Saguenay qui aurait un
certain nombre de questions à vous poser.
Ma première question est - le plus brièvement possible -
une entente, pas d'entente, cela veut dire quoi pour vous? Qu'est-ce que vous
voyez en avant?
M. Tremblay (André): On peut penser à donner une
partie de réponse. Si on parle d'une entente, évidemment, pour
nous, cela veut dire l'abolition du tarif actuel de 15 %, donc, de revenir
à la situation qu'on connaissait avant le mois de janvier 1987.
Évidemment, nous avons des inquiétudes sérieuses
sur la possibilité de voir cette entente abolie dans le processus de
négociations sur le libre-échange. Nous avons certaines
informations qui sont en ce sens que le gouvernement américain se serait
compromis avec l'industrie américaine, à savoir que l'entente
actuelle imposant 15 % était un droit acquis et serait reconduite. Telle
quelle dans un traité de libre-échange, ce qui nous permettrait
de ne rien gagner par rapport à la situation que nous vivons.
Là-dessus, je dois vous dire que nous avons des inquiétudes
sérieuses. Je ne sais pas si M. Lacasse veut compléter sur un
aperçu plus macro.
M, Lacasse (Richard): Si nous conservons cette taxe de 15 %, M.
le ministre, j'ai des inquiétudes sérieuses sur l'avenir de
l'industrie du sciage au Québec et cela pourra entraîner des
difficultés dans tout le domaine forestier. Il y a des journaux qui ont
fait état, il y a quelque temps, que la taxe à l'exportation
n'avait pas tellement nui à l'industrie du sciage. Je dois dire que nous
avons été chanceux, depuis le 8 janvier 1987, date à
laquelle nous avons commencé à payer la taxe, les forces du
marché ont fait que les prix se sont accrus substantiellement. Mais on
note une baisse depuis quelques semaines.
Si on regarde un tant soit peu l'évolution des prix au cours des
dix dernières années, on s'aperçoit que c'est cyclique.
Pourquoi est-ce cyclique? C'est parce que les taux d'intérêt sont
cycliques et l'industrie de la construction aussi. Malgré que nous ayons
réussi à traverser cette période de huit ou neuf mois, je
suis inquiet pour les années qui suivront, l'année prochaine et
l'année suivante, parce qu'on va inévitablement connaître
une baisse des prix, une baisse de la construction, une baisse de la
rénovation. À ce moment-ià, on aura un surplus d'offre. Il
y a toujours un ajustement, un surplus d'offre, et quand il y a un surplus
d'offre, les prix baissent sur le marché. Je pense que si on conserve
cette taxe, ce sera énormément difficile pour notre
industrie.
Ce qu'on souhaite, c'est l'élimination pure et simple de la taxe
et s'asseoir, par la suite, avec le ministre de l'Énergie et des
Ressources pour discuter de la valeur économique des bois sur pied. On
sépare ces deux dossiers complètement; la taxe, c'est une chose,
et les droits de coupe, autre
chose. On a tendance actuellement, au gouvernement, à
mélanger les deux et nous aimerions, à ce moment-là, si
nous étions libérés de cette taxe, pouvoir discuter
honnêtement avec le ministre Ciaccia et son ministre
délégué aux Forêts, M. Côté, de la
juste valeur des bois sur pied.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. MacDonald: Vous vous êtes centrés directement sur
la taxe de 15 %, en espérant qu'elle disparaisse. Ma question,
c'était: Pour votre industrie en général, abstraction
faite des 15 % pour le moment, s'il n'y a pas d'entente, c'est quoi; s'il y a
une entente, c'est quoi?
M. Deschênes (Guildo): Notre industrie est pour le
libre-échange, c'est sûr, mais à certaines conditions. Si,
par exemple, l'article 301 demeure et qu'on a cette guillotine au-dessus de la
tête, cela ne change rien, avec le protectionnisme américain qu'on
connaît aujourd'hui. Dans un libre-échange, on veut revenir comme
on était avant la taxe de 15 %.
Une voix: Cela va aller à l'Opposition.
La Présidente (Mme Bélanger): À l'Opposition
avant? M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci beaucoup, Mme la Présidente.
MM. Tremblay, Lacasse, Deschênes et Tardif, il me fait plaisir de vous
accueillir. Vous êtes parmi les gens qui ont goûté
déjà à des mesures de représailles, si on peut
dire, et je pense que vous êtes bien placés aujourd'hui pour
savoir ce que veut dire le protectionnisme américain. Toutefois,
concernant cette fameuse mesure de 15 % sur te bois d'oeuvre, j'aimerais
savoir, dans un premier temps, à la suite de déclarations que le
ministre du Commerce extérieur et responsable de ce dossier faisait le 8
janvier dernier, qu'est-ce que cela signifie pour vous et si cela a toujours
plein sens? Lorsque j'avais pris connaissance de ces déclarations,
j'étais un petit peu surpris et je me demandais jusque dans quelle
mesure cela pouvait être vrai.
Le ministre MacDonald avait déclaré, à ce
moment-là, à la suite d'une rencontre qu'il avait eue avec Mme
Pat Carney à Montréal, que ce sont les consommateurs
américains qui se sont fait avoir. Il a souligné que l'entente
qui prévoit une hausse de 15 % sur le prix du bois d'oeuvre canadien
exporté aux États-Unis conduira à une augmentation moyenne
de 1000 $ sur le prix des maisons unifamiliales aux États-Unis.
En définitive, le ministre disait, en fin de compte, que ce ne
sont pas les consommateurs d'ici mais les consommateurs américains qui
paieront. Cette interprétation que je faisais de la réaction du
ministre, j'aimerais savoir si vous la faites aussi c'est-à-dire
qu'à toutes fins utiles, il n'y avait pas vraiment de
pénalité et, s'il y avait pénalité, elle se
trouverait de l'autre côté de la frontière.
Premièrement, j'aimerais connaître votre réaction
par rapport à cela et ce que c'est dans les faits pour qu'on soit bien
éclairés. Deuxièmement, un comité avait
été mis sur pied - Ottawa et les provinces - en date du 13 ou 14
janvier dernier, qui devait décider - on est déjà neuf
mois plus tard -justement de la redistribution du produit de la taxe entre les
provinces puisque, d'une part, Mme Carney disait elle-même que cet argent
devait appartenir aux provinces et devait être redistribué, entre
autres, dans des programmes de reboisement. Vous demandez, aujourd'hui, en
septembre 1987, qu'on puisse en avoir un transfert dans les provinces. Est-ce
que cela veut dire, d'une part, que neuf mois après la formation, la
mise sur pied de ce comité en janvier dernier, on est toujours dans une
situation dont on ne connaît pas l'issue, puisque vous êtes encore
en demande?
J'aimerais d'abord avoir des éclaircissements sur ces deux
points-là.
M. Tremblay (André): Pour répondre à votre
première question, M. le député, je crois qu'il est bon de
souligner que le mécanisme de la fixation des prix du bois d'oeuvre est
indépendant de la volonté des producteurs. C'est l'offre et la
demande qui font que le prix fluctue. Le bois canadien occupe à peu
près 28 % du marché américain alors qu'il en a
déjà occupé 33 %. Vous comprenez qu'on ne peut pas fixer
notre prix et que l'on doit suivre le prix en fonction de la demande
américaine.
On a fait un petit calcul pour essayer de résumer quel est
l'impact actuel de la taxe. Je demanderais à M. Lacasse d'essayer de
nous donner quelques chiffres, bien que ce soit assez difficilement cernable,
compte tenu de ce qu'on a exposé tout à l'heure. On sait qu'aux
États-Unis, il y a eu une année importante de mise en chantier,
une année record de rénovation et qu'au Canada, on a connu une
activité dans la construction comme on n'en avait pas connu depuis de
nombreuses années, ce qui a permis à l'industrie du bois d'oeuvre
d'avoir quand même une année, en 1987, où la demande
était bonne. M. Lacasse.
M. Lacasse: Oui. Si on compare les prix, par exemple, le prix du
deux-par-quatre sec livré à Boston, au mois de décembre
1986, au moment où la taxe a été négociée,
si on regarde le même prix aujourd'hui, on regarde un prix à
Boston au moment où on n'avait pas de taxe et on regarde ce prix au
moment où il a fallu payer une taxe, la différence dans
nos poches, c'est 8 % de moins. Si vous prenez d'autres exemples, vous pouvez
aller jusqu'à 15 % de moins, c'est-à-dire, à ce
moment-là, que l'industrie absorbe la taxe. On peut prendre d'autres
exemples où il n'y aura pas de différence entre l'an passé
et cette année. Il y a une chose qu'il faut dire, nous ne fixons pas les
prix du marché, nous les subissons. Ce sont les forces du marché
qui établissent les prix. C'est la même chose au Canada, nous
absorbons toujours une partie importante de la taxe. On divise la taxe entre le
producteur canadien et le consommateur américain. (13 heures)
M. Parent (Bertrand): L'effet net, c'est 8 % pour vous.
M. Tremblay (André): En moyenne, pour le deux-par-quatre
qui est un article étalon dans notre industrie.
M. Parent (Bertrand): C'est au tour du ministre.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Premièrement,
je voudrais souligner qu'on est parfaitement d'accord avec vous pour dire que
le climat de protectionnisme américain constitue une menace non
seulement pour votre industrie, mais pour beaucoup d'autres. Votre
mémoire représente l'exemple même de ce à quoi on
veut arriver avec les négociations. Le but, c'est d'éviter les
impositions unilatérales. C'est ce qu'on a eu dans le passé. Avec
une entente de libre-échange, il devrait y avoir un mécanisme
pour entendre les différends, les divergences d'opinions, la position de
chaque partie. Cela pourrait éviter exactement ce qu'il vous est
arrivé avec la taxe de 15 %.
En ce qui concerne votre représentation sur le décret
623-87, qui permet un rabattement du droit de coupe, vous demandez que cela
continue. Je pense que le principe est acquis. Il se peut que les
modalités changent, selon ce qui arrive avec la façon dont la
taxe est perçue. Vous mentionnez que vous voulez que ce soit le
gouvernement fédéral qui continue à percevoir la taxe et
que, d'après la loi C-37, il ne peut y avoir péréquation.
Vous allez comprendre que si c'était le gouvernement du Québec
qui recevait les produits de la taxe, cela pourrait représenter de 75
000 000 $ à 100 000 000 $. Nous examinons cela et peut-être,
à ce moment-là, que cela n'entre pas dans la
péréquation maintenant parce que c'est le gouvernement
fédéral qui la perçoit, qui l'impose, mais si
c'était nous, il est possible que cela entre dans la
péréquation.
La question que je voudrais vous poser est la suivante: Originairement,
je pense qu'en février 1987, dans votre mémoire soumis devant le
comité législatif sur la loi C-37, vous avez appuyé la
proposition fédérale visant à faire percevoir la taxe par
le gouvernement du Québec. Aujourd'hui, vous soumettez que la taxe
devrait continuer à être imposée par le gouvernement
fédéral. Est-ce que votre position est strictement une position
de visibilité, si vous avez d'autres raisons pour que ce soit le
fédéral qui continue à imposer et à percevoir la
taxe?
M, Tremblay (André): M. le ministre, je pense
qu'effectivement, au fur et à mesure qu'on voit avancer les
négociations sur le libre-échange, il est devenu de plus en plus
important, pour nous, d'être en mesure de visualiser où en est
cette taxe. Si on veut pouvoir en discuter à une table de
négociations, il nous semble qu'il est plus facile de l'identifier
lorsqu'elle demeure une taxe fédérale perçue par le
fédéral. Alors que si elle devient perçue par les
provinces à travers différents mécanismes, vous
comprendrez avec nous qu'avec les années, il est beaucoup plus difficile
d'identifier où en est rendue la taxe de 15 %. La crainte que les
Américains veuillent conserver ce 15 % dans l'entente sur le
libre-échange fait en sorte que si on veut pouvoir en discuter, il faut
qu'elle soit identifiable. Si elle constitue un droit acquis pour l'industrie
américaine, il nous semble que, pour que ce droit acquis puisse
être mis sur la table de la négociation, elle doit être
perçue par le fédéral. Ce sont les raisons qui nous
amènent à modifier la position qu'on avait exposée devant
le conseil canadien des ministres.
M. Ciaccia: Peut-être qu'on pourrait en discuter plus
longuement et vous démontrer les avantages, pour le gouvernement du
Québec, si au lieu du gouvernement fédéral qui
perçoit cette taxe de 75 000 000 $ à 100 000 000 $, disons,
c'était le gouvernement du Québec, avec toutes les protections
additionnelles que vous mentionnez. Mais si la taxe était reçue
par le Québec, pour que ce soit une taxe ou une redevance, cela pourrait
être calculé dans la péréquation. Il y aurait
beaucoup d'avantages pour nous de percevoir la taxe plutôt que de laisser
le gouvernement fédéral le faire, avec les difficultés qui
existent en termes d'entente entre les provinces. On pourrait continuer nos
discussions sur ce sujet. Je vous remercie.
M. Tremblay (André): M. Tardif.
M. Tardif (Gilbert): Je pense, M. le ministre, que la prise de
position de l'AMBSQ vise... Et on se place toujours dans l'hypothèse
où cette taxe doit être abolie,
peut-être, dans le cadre du libre-échange. Si on veut
qu'elle soit bien discutée, on croit qu'il faut qu'elle soit bien
identifiée et qu'on sache où elle est. C'est dans cette
perspective-là, finalement, que notre prise de position est faite.
M. Ciaccia: Écoutez, on vous appuie pour ce qui est de
l'abolition de la taxe pour les fins de discussions du libre-échange, on
n'a pas de difficulté; on voit le problème de la même
façon que vous, parce que cela impose une surcharge à votre
industrie qu'il serait bon que vous n'ayez pas. Alors, dans ce sens-là,
on appuie les démarches pour abolir la taxe. Entre-temps, si elle
continue ou si elle existe, plutôt que d'être perçue par le
fédéral, peut-être qu'il y aurait d'autres moyens de le
faire tout en satisfaisant l'industrie et les avantages que nous y voyons.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): Mme la Présidente, pour vous
montrer comment le ministre et moi, à l'occasion, sommes sur la
même longueur d'onde, il vient de poser exactement la question que
j'avais en tête. Alors, mon collègue va poursuivre, si vous
permettez, ses questions.
M. Ciaccia: Les grands esprits pensent de la même
façon.
M. Gauthier (Roland): Se rencontrent à l'occasion. Ha! Ha!
Ha!
M. Ciaccia: C'est cela.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Alors, si cela ne vous dérange pas,
nous, nous allons poser des questions.
Je reviens sur. la question du comité qui avait été
mis sur pied, à la suite de cette taxe sur le bois d'oeuvre. Quant
à la proposition avancée par Mme Carney du fédéral,
est-ce que vous endossez cette attitude, cette vision de voir selon laquelle
l'argent pourrait non seulement revenir aux provinces, mais aller dans des
formules le reboisement et aider les travailleurs qui perdent leur emploi?
Est-ce que cela a été examiné, analysé par votre
association, j'imagine?
M. Tremblay (André): Évidemment, notre position a
toujours été que le produit de la taxe de 15 % devrait être
utilisé exclusivement pour aider le secteur forestier. On a
déjà soumis différents mémoires où on disait
qu'une partie de la taxe pourrait être utilisée pour le
reboisement, on a soumis une liste d'exemples où on pourrait investir de
l'argent - on parlait de la recherche, de la protection des incendies - on a
donné une série d'exemples qui font en sorte qu'on pourrait,
à notre sens, utiliser la totalité du produit de la taxe afin
d'aider l'industrie du sciage qui, évidemment, doit payer cette
taxe-là.
M. Parent (Bertrand): Est-ce que vous avez pu calculer l'impact
qu'a eu, sur les emplois, cette fameuse imposition de 15 %? Parce que vous nous
avez mentionné tantôt que cela a eu effectivement un impact direct
et, bien sûr, des impacts indirects difficiles à cerner et
à calculer. J'aimerais savoir, dans un premier temps, si vous avez des
chiffres, ou un ordre de grandeur, sur cet impact-là, ce qu'il a eu en
ce qui concerne les emplois parce qu'il y a eu des entreprises très
vulnérables face à cela. De plus, j'aimerais savoir quant
à cette autre dimension qui vous préoccupe beaucoup qui est celle
du taux de change, sur lequel nous n'avons aucun contrôle, mais qui,
comme pour d'autres entreprises mais dans votre domaine
particulièrement, vous rend très vulnérable,
jusqu'à quel point votre compétitivité demeure
vulnérable par rapport à ce fameux taux de change? S'il variait
de 3 %, 5 %, 10 %, vous deviendriez à ce moment-là beaucoup moins
compétitifs face aux règles du jeu actuellement.
M. Tremblay (André): Sur le premier volet de votre
question, en termes d'emplois, on vit l'imposition de la taxe depuis le mois de
janvier 1987. On a exposé, tout à l'heure, des conditions
économiques qui sont favorables à l'industrie du sciage et qui
font que, dans une industrie cyclique comme la nôtre, on peut
considérer qu'on est dans le haut de la vague du cycle
présentement, compte tenu des mises en chantier et des
rénovations. Il nous est donc difficile - vous savez, nous n'avons pas
de chiffres précis -et on ne pense pas, à l'association du moins,
notre expérience ne nous permet pas de le dire, qu'il y a eu des pertes
d'emplois actuellement rattachées à l'imposition de la taxe. Sauf
que, compte tenu des chiffres que M. Lacasse vous a donnés, on sait que,
dans des années normales, cette taxe-là va venir manger les
marges bénéficiaires déjà très
réduites des industriels du sciage. On ne parle pas des années
1986-1987, mais, dans des années normales, il est évident que la
taxe va entraîner des difficultés très sérieuses
à plusieurs industriels du sciage.
Maintenant, sur le deuxième aspect, le taux de change, je
laisserai peut-être M. Lacasse répondre.
M. Lacasse: Nous avons maintenu et même accru notre part de
marché aux États-
Unis. Si nous l'avons fait, c'est dû en partie au taux de change.
Je pense qu'il y a d'autres secteurs industriels qui ont dit la même
chose à cette tribune, dans le cadre de cette commission. Entre le mois
de décembre 1986, par exemple, et aujourd'hui, cette semaine, la
différence de taux de change a varié contre nous. Le dollar apris de la force et est passé de 0,72 $ à 0,76 $ ce qui fait
une augmentation de 4.8 %. Alors, naturellement, cela vient miner nos profits.
C'est la raison pour laquelle on demande qu'on tente de maintenir, par la
négociation entre les deux pays, un certain écart.
M. Parent (Bertrand): Je vous remercie.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député du Saguenay.
M. Maltais Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux de
pouvoir m'entretenir avec l'Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec. D'autant plus, faut-il souligner l'importance de cette industrie
en régions périphériques puisqu'elle est productrice de 20
000 à 25 000 emplois et que la majorité de ses opérations
est en régions au Québec.
L'an passé, lorsque le gouvernement américain a
imposé, par la force, une surtaxe de 15 %, dans l'ensemble des
médias et dans l'ensemble, il y avait une espèce de rumeur qui
circulait parmi les gens d'affaires selon laquelle, finalement, ce
n'était pas si pire que cela, que, pour le bois de sciage, il y avait
les marchés européens, il y avait de grands marchés
à l'extérieur, à l'intérieur du Canada, en Europe
et au Moyen-Orient et que, finalement, cette taxe-là passerait presque
inaperçue dans vos états financiers. Moi, j'aimerais qu'on
établisse ensemble où sont vos marchés de la
totalité de votre production. Vous vendez à qui et pour quel
pourcentage?
M. Tremblay (André): M. Lacasse peut peut-être nous
donner les chiffres les plus précis possible. Evidemment, pour
l'année 1987, il y a une partie spéculative, puisque
l'année n'est pas terminée, mais on a, pour 1986...
M. Lacasse: Enfin, même pour 1987, il y a des estimations,
Mme la Présidente, qui ont été faites. Nous croyons que
les exportations aux États-Unis seront d'environ 70 % de notre
production totale. Il y en aura environ 25 % qui sera consommé ici au
Canada, au Québec et en Ontario surtout, et environ 5 %, exporté
outre-mer. Et le 5 % outre-mer, je dois mentionner que c'est le double de ce
que nous avons exporté l'an dernier.
M. Maltais: On ne peut pas dire que le marché
européen est une grande ouverture pour vous et qu'il pourrait vous
épargner la taxe de 15 %. Si vous pouviez transférer 70 % au
marché européen et 5 % au marché américain, cela
vous ferait moins mal.
En partant de ce principe-là, on sait que, cette année,
les prix du bois ont été bons à cause du boom de la
construction qu'on n'a pas vu au Québec ou au Canada depuis une dizaine
d'années. Cela a permis un peu d'augmenter. Advenant qu'il n'y ait pas
d'entente sur le libre-échange, vous demeurez avec la taxe de 15 % et
une baisse du prix du marché. Est-ce que l'on peut prévoir
aujourd'hui que, dans cinq ans, la construction va demeurer au même
rythme et que vous allez pouvoir écouler beaucoup de votre production
ici? Quel est l'avenir de l'industrie du bois de sciage? S'il n'y a pas
d'entente, que vous demeurez avec la taxe de 15 %, en présumant que ce
ne sera pas toujours d'aussi bonnes années dans la construction,
qu'est-ce qu'il peut arriver pour vous?
M. Lacasse: Toujours dans l'optique, naturellement, où la
taxe demeure et qu'il n'y a pas d'entente et puis...
M. Maltais: Cela fait deux semaines qu'on parle
d'hypothèses. Mais vous l'avez vécu, j'aime en parler avec vous.
Vous êtes les seuls qui soyez passés à la caisse, les
autres passent hypothétiquement à la caisse, ou y passeront.
M. Lacasse: Comme je l'ai expliqué antérieurement,
nous vivons des cycles et nous ne sommes pas ceux qui dictent l'allure de ces
cycles. Ce sont plutôt les forces du marché. Si on se fie au
passé, on a connu des cycles à la hausse et des cycles à
la baisse. Juste pour vous donner un exemple, en 1987 - et c'était
à peu près la même chose en 1986 - la production de bois
d'oeuvre du Québec était de l'ordre de 4 300 000 000 de pieds de
planche. Il n'y a pas si longtemps, en 1982, notre production était
seulement de 2 600 000 000. On a presque doublé notre production.
Pourquoi? Parce qu'en 1982, c'était la crise des taux
d'intérêt: 20 % à 22 %. Nous sommes
énormément dépendants des taux d'intérêt et
par conséquent de l'activité de la construction à la
hausse ou à la baisse.
Si la taxe demeure, il y a une chose certaine, elle sera là et
nous serons toujours obligés de payer - que ce soit à Ottawa ou
à Québec, oublions cela pour le moment -d'envoyer un
chèque de 15 % de notre prix de vente à Ottawa ou à
Québec. Les Américains, eux, n'auront pas à faire ce
chèque. Les prix que l'on connaîtra à ce moment-là
leur permettront de faire des profits très substantiels comme ils en
font
présentement. Cela leur permettra de rajeunir leur
équipement de production et de moderniser leurs usines. Cela pourra
même tenter des gens qui avaient fermé des usines de les rouvrir,
comme c'est une situation qu'on connaît cette année en 1987. On
estime qu'il y a 600 usines aux États-Unis qui étaient
fermées et qui ont rouvert leurs portes; ou on les a
rénovées. On connaît aussi des constructions nouvelles aux
États-Unis, C'est ce qui nous guette. À ce moment-là, nous
aurons moins d'argent pour renouveler nos équipements et nous
deviendrons moins productifs. Les gouvernements nous offriront des subventions
à gauche et à droite, si elles sont toujours permises par le
libre-échange. S'il n'y en a pas, cela sera la catastrophe. S'il y a des
subventions, on se fera encore attaquer par les Américains en vertu de
l'article 301 de ta loi américaine sur le commerce. Ce sera un cercle
vicieux. Nous serons moins compétitifs, nous ne pourrons pas avoir
d'octrois pour nous moderniser et on laissera les forêts
inexploitées. Les gens dans les régions seront en chômage
et on utilisera la forêt pour la chasse, pour la pêche et pour la
protection de l'atmosphère.
La Présidente (Mme Bélanger): C'est terminé,
M. le député. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, Mme la Présidente.
J'aimerais, avec le peu de temps qu'il me reste, aborder un domaine qui me
préoccupe face à l'avenir. Avec ou sans libre-échange - et
surtout s'il y a libre-échange - c'est la préoccupation que j'ai
quant à cette matière première dans laquelle nous devons
peut-être investir davantage, soit la repousse. J'ai pris connaissance de
l'éditorial de François Roberge dans le journal Finance le 12
janvier dernier. Il disait, pour bien résumer la situation - et je vais
vous le citer - en parlant des Américains: Ils oublient que les
producteurs canadiens de bois d'oeuvre, au Québec en particulier, paient
bon marché les droits de coupe mais que la forêt à laquelle
ils ont ainsi accès est relativement chétive, que les arbres sont
de plus en plus clairsemés et petits et que, pour les couper, il faut
construire et pratiquer des routes de bois longues, très coûteuses
et ainsi difficiles à utiliser. Il donne quelques exemples assez
frappants. Par exemple, en Abitibi, il faut 35 ans pour amener une belle
épinette à maturité et à Matagami, il faut 50 ans.
Et il continue comme cela. Tandis que vers le Sud des États-Unis, les
sylviculteurs obtiennent des repousses complètes sur des périodes
de sept ans pour les feuillus et de quinze pour les résineux. Je
constate, sans être expert dans le domaine, que notre technologie, notre
recherche et développement ne semblent pas être au même
diapason que celles des Américains, et cela m'inquiète beaucoup.
J'aimerais savoir, de votre part, quelle pression on doit mettre sur le
gouvernement pour qu'on puisse avoir justement la préoccupation de
bâtir la forêt de demain avec toutes les mesures pour
accélérer soit la repousse en sylviculture ou prendre tous les
autres moyens de façon qu'on ne se ramasse pas dans une situation
où on conserve notre marché et où on a des
problèmes d'approvisionnement, éventuellement, sur une
période de plusieurs années. C'est là-dessus que je
voudrais vous entendre, sur toute cette importance en ce qui concerne...
M. Tremblay (André): M, Tardif.
M. Tardif: Vous savez sans nul doute, M. le député,
qu'il y a une nouvelle loi, la la loi 150, qui institue un nouveau
régime forestier au Québec. Cette loi a comme objectif de
ramener, en fin de compte, l'exploitation de nos forêts sur une base de
rendement soutenu et également de favoriser et d'implanter des mesures
d'aménagement plus intensif de la forêt. Mais tout de même,
il ne faudrait pas crier au miracle. Parce qu'il y a une nouvelle loi, cela ne
fera pas croître les arbres plus rapidement. Il faut apporter tous les
soins voulus et les efforts pour favoriser cet aménagement intensif.
Lorsque M. le journaliste citait des périodes de croissance de 35 ans
pour faire pousser une belle épinette blanche, monsieur avait
présumé d'une technologie à venir et non celle qui existe
présentement. Pour qu'une épinette au Québec... Si on se
place dans une région disons même assez favorable, il faut au
moins 50 ans et peut-être au-delà de 60 ans pour avoir une
épinette de taille voulue pour le sciage. Lorsqu'il parle de 35 ans, il
est un peu trop optimiste, sinon mal renseigné.
Actuellement, non seulement on s'inquiète à juste titre -
il faut améliorer notre aménagement et diminuer peut-être
les rotations - mais il faut savoir qu'on vit dans un climat nordique rigoureux
et que les sols sont relativement pauvres et minces. On ne peut pas faire
croître seulement par le développement de la technologie, en
faisant avancer la croissance de façon extrêmement marquée.
Il y aura toujours des périodes de croissance assez longues. Et c'est
pour cela que c'est plus coûteux de faire croître des forêts
et de les exploiter au Québec que cela peut l'être dans le Sud des
États-Unis.
Par contre, ce sont des produits qui ont peut-être une plus grande
valeur, qui sont fortement recherchés par les Américains
eux-mêmes pour la construction. C'est un fait que si on peut exporter
notre épinette et notre sapin aux États-Unis à des prix
à peu près égaux ou sinon plus élevés qu'aux
États-
Unis, c'est que le menuisier américain préfère
notre bois au pin du Sud. Et cela est un des facteurs importants qu'il faut
considérer. Les papetiers également préfèrent
jusqu'à un certain point nos essences à celles des
États-Unis. Alors, c'est un avantage.
Donc, si on combine la taxe de 15 % et les exigences d'avoir une
amélioration à nos méthodes de gestion et des
aménagements plus intensifs, l'industrie du sciage au Québec
s'inquiète face à ces deux exigences qui s'imposent à
elle. Et malgré leur forte "resilience", on sait que les scieries
manifestent même pendant les périodes de bas cycles, difficiles,
une grande résistance pour survivre à des conditions difficiles.
Elles l'ont fait en 1982 mais si on ajoute aux cycles normaux en plus une taxe
de 15 %, vous pouvez vous attendre à des pertes d'emplois et à
des fermetures d'usine.
M. Parent (Bertrand): En terminant - il me reste un peu de temps,
Mme la Présidente - la nouvelle taxe de janvier 1987 a touché
particulièrement quatre provinces: le Québec, l'Ontario,
l'Alberta et la Colombie britannique. Est-ce que le Québec, dans cette
situation que vous avez déplorée et qu'on trouve tous
déplorable, se trouve quand même sur une base comparative
égale par rapport aux trois autres provinces pénalisées
avec le 15 % ou s'il y a plus de pénalités - si je peux
m'exprimer ainsi - de la part des entreprises de bois de sciage du
Québec par rapport aux autres provinces canadiennes?
M. Tremblay (André): M. le député, nous
sommes heureux que vous souleviez ce point. Effectivement, c'est un point sur
lequel l'AMBSQ a fait plusieurs revendications. Si on compare la situation
avant la taxe avec la situation après la taxe, on se trouve
défavorisé sous deux aspects.
Premièrement, la taxe, c'est une taxe ad valorem, donc sur la
valeur du bois pris à l'usine. Et on sait que les producteurs de la
Colombie britannique ont un coût à l'usine moins
élevé que les producteurs québécois. Cela veut dire
que déjà là, il y a un avantage d'environ 8 $ à 10
$.
Deuxièmement, il y a depuis de nombreuses années mais
particulièrement cette année des subventions au transport
ferroviaire qui nous défavorisent par rapport au prix payé
antérieurement d'environ encore 15 $. C'est dire qu'en gros, quant
à la situation que nous vivions avant l'imposition de la taxe au mois de
janvier 1987 par rapport aux producteurs de l'Ouest, nous sommes dans une
situation défavorable d'environ 25 $ à 26 $ sur le coût de
production. On a donc perdu un avantage relatif très important.
M. Parent (Bertrand): Est-ce que ce déséquilibre,
ces revendications-là ont été portées à
l'attention du gouvernement du Québec?
M. Tremblay (André): Oui. Effectivement, on a produit des
mémoires au gouvernement du Québec et au gouvernement
fédéral, et particulièrement au gouvernement
fédérai pour ce qui est des tarifs ferroviaires, bien
sûr.
M. Parent (Bertrand): Alors, il me reste, de mon
côté, à vous remercier pour cette excellente
présentation, en espérant que vos revendications et vos
préoccupations seront entendues en haut lieu de la part du gouvernement.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre du
Commerce extérieur, pour le mot de la fin.
M. MacDonald: Je l'ai mentionné et M. Maltais l'a
mentionné: vous autres, vous y avez goûté. Ensemble, on est
très sensible à ce que peuvent représenter les menaces
futures. Soyez assurés que nous allons être vigilants avec vous.
Je vous remercie de votre présentation.
M. Tremblay (André): Mme la Présidente et
messieurs les membres de la commission, nous vous remercions.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Les membres de
la commission vous remercient pour votre participation et vous souhaitent un
bon retour.
La commission de l'économie et du travail suspend ses travaux
jusqu'à 15 hOO.
(Suspension de la séance à 13 h 27)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il
vous plaît! Nous reprenons cet après-midi la consultation
générale sur la libéralisation des échanges
commerciaux entre le Canada et les États-Unis.
Nous recevons en premier lieu l'Association des mines de métaux
du Québec. Je prierais le représentant de bien vouloir prendre
place à la table des invités. M. le député de
Bertrand, vous vouliez intervenir?
M. Parent (Bertrand): Oui. Avant de débuter, avec votre
permission, M. le Président...
Le Président (M. Charbonneau): Oui.
M. Parent (Bertrand): ...et celle de M. le ministre, à la
suite de ce que l'on a
entendu aux nouvelles de midi quinze à CKCV, ce que l'on a
porté à votre attention, à savoir qu'il y aurait
peut-être eu interruption des négociations, tout ce que je
voudrais dire, puisque c'est moi qui en ai fait mention, c'est qu'on
espère, d'une part, que cela va reprendre afin que tout le travail fait
au cours des 18 derniers mois n'aboutisse pas dans une situation qui pourrait
être un échec et d'autre part, je pense que la commission
parlementaire - le ministre sera d'accord avec moi - qu'on tient ici doit se
continuer quoi qu'il arrive parce que l'exercice qu'on fait est fort valable.
Je tenais à faire cette mise au point.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. De toute
façon, on a un mandat de l'Assemblée nationale. Je crois qu'on va
finir d'exécuter ce mandat, d'autant plus qu'on a des invités qui
ont pris le temps de préparer des mémoires et qui nous les ont
soumis. Si jamais, par hasard, selon un concours de circonstances, les
négociations qui se déroulent à un autre palier
achoppaient ou étaient interrompues, je pense néanmoins que
l'exercice qu'on fait ici peut être utile, sinon pour le présent
peut-être pour l'avenir.
M. Roberge, je crois, qui est le représentant de l'Association
des mines de métaux du Québec, bienvenue. Je ne sais pas si vous
connaissez les règles du jeu, mais je vous les répète
brièvement pour faciliter les choses. D'abord, on a au total une heure,
une première tranche d'une vingtaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire et, par la suite, la discussion va
s'engager entre vous et les membres de la commission. Sans plus tarder, je vous
laisse la parole.
Association des mines de métaux du
Québec Inc.
M. Roberge (Jean): Merci, M. le Président. D'abord, je
tiens à remercier les membres de la commission parlementaire de donner
l'occasion à tous ceux que cela intéresse de venir discuter et
donner leur point de vue sur la question du libre-échange.
Si je suis seul ici, ce n'est pas parce que nos membres ou l'association
se désintéressent. Au contraire, ils sont très
intéressés au libre-échange. C'est parce que concurremment
à vos travaux, des activités très importantes pour
l'association et ses membres se tiennent à Rouyn. Il s'agit des jours de
sécurité où on traite de prévention et de
sécurité dans les mines. C'est la vingt-troisième
édition, les collaborateurs, les directeurs de mines, les
contremaîtres et les superviseurs se rencontrent actuellement. Alors, je
représente l'association tout de même.
Permettez-moi tout d'abord de vous décrire brièvement ce
qu'est l'Association des mines de métaux du Québec que je
représente.
L'association regroupe la presque totalité des mines productrices
de métaux au Québec. En 1986, la valeur de la production
minérale était de 2 278 000 000 $ en termes de production et 1
150 000 000 $ en minéraux métalliques. Les retombées
économiques de l'industrie minérale peuvent s'évaluer
comme suit; 20 000 emplois environ et des dépenses de près de 1
400 000 000 $ en investissements, en salaires, en immobilisations, en frais
d'exploration, etc.
Pour l'Association des mines de métaux du Québec Inc., la
question de savoir si nous sommes en faveur ou non du libre-échange
équivaut è se demander si le statu quo nous convient ou si nous
désirons plutôt obtenir des ouvertures plus grandes sur des
marchés actuellement existants.
Pour y répondre, nous croyons qu'il faut examiner la situation
économique au niveau mondial et tenter de voir où on se
place.
Le tableau que je peux vous brosser est sommaire, mais à mon
avis, réaliste.
En effet, dans le monde, de plus en plus de pays s'industrialisent et
prennent des marchés avec des prix très concurrentiels. Dans le
domaine des mines particulièrement, des pays ont nationalisé des
entreprises minières et sont devenus des concurrents importants. Ce qui
a occasionné, par exemple, la fermeture de certaines entreprises
minières aux États-Unis et même au Canada.
Le Canada - et le Québec en particulier - a donc des
compétiteurs sérieux. À cette concurrence s'ajoutent trois
autres facteurs: le bas niveau des prix dans les métaux; la vigueur
relative du dollar canadien par rapport aux monnaies étrangères
et des coûts de production très inférieurs aux nôtres
dans d'autres pays producteurs.
Un autre élément impartant dont il faut tenir compte, ce
sont les produits de remplacement qui font également une chaude lutte
aux métaux usuels.
La possibilité de garder nos marchés actuels dans le
même état diminue donc et nous avons besoin de plus de
marchés et aussi de certaines garanties d'accès à des
marchés actuellement existants ou à développer.
Il est évident pour l'Association des mines de métaux du
Québec Inc., que la possibilité d'avoir de plus grandes
ouvertures sur les marchés...
Le Président (M. Charbonneau): M.
Roberge, pouvez-vous vous rapprocher un peu du micro, s'il vous
plaît?
M. Roberge: Bien sûr.
Le Président (M. Charbonneau): On vous
entend mal. On me disait que peut-être si vous vous
déplaciez... Avec un autre micro, cela simplifierait, je pense, les
choses. Vous êtes toujours en ligne directe.
M. Roberge: D'accord, merci. Je suis bien d'accord pour qu'il y
ait une meilleure communication.
Le Président (M. Charbonneau): Oui.
M. Roberge: Nous croyons donc que les discussions en vue d'un
libre-échange sont toutes naturelles avec les États-Unis. En
effet, ces deux pays, le Canada et les États-Unis, sont des voisins
ayant des échanges commerciaux très importants et même
très cordiaux. De plus, une première entente avec les
États-Unis pourrait permettre de tenter l'expérience pour le
Canada avec d'autres pays dans les années futures.
Je voudrais dresser un bref tableau des statistiques sur les
exportations canadiennes vers les États-Unis. Globalement, par rapport
au produit national brut canadien, 30 % de notre production sont
exportés vers les États-Unis, ce qui représente environ 3
000 000 d'emplois dans tous les domaines. 70 % des exportations canadiennes
vont vers les États-Unis alors que 10 % seulement vont au Royaume-Uni et
20 % dans d'autres pays comme le Japon, l'Allemagne, etc.
Pour la situation du minerai, nous sommes également de grands
exportateurs. Par rapport à toute la production réalisée
au Québec, 80 % sont exportés et encore là 53 % vers les
États-Unis, 14 % vers l'Europe, 14 % supplémentaires vers le
Japon et le solde de 20 % vers d'autres pays.
L'exportation de notre minerai étant si importante, on
réalise que le seul marché canadien est relativement petit et que
de nouveaux marchés ou une garantie d'accès à des
marchés seraient vraiment souhaitables.
Deux sortes de barrières sont discutées au cours de ces
échanges sur le libre-échange: les barrières tarifaires et
les barrières non tarifaires. Pour ce qui est des barrières
tarifaires, l'industrie minière se trouve presque en situation de
libre-échange. En effet, les tarifs sont de 0 % à 2 % dans une
grande proportion tandis que les métaux ouvrés ou sous forme
d'alliage ont des tarifs douaniers de 5 % à 9 % en
général.
Les importations canadiennes de minéraux sont transigées
dans 90 % des cas sans tarif tandis que 3 % des minéraux seulement ont
des tarifs de plus de 5 %.
Les importations américaines de minéraux canadiens sont
transigées à 85 % sans tarif et 1,4 % des minéraux sont
affectés d'un tarif d'environ 5 %. C'est ce qui nous fait dire que dans
le domaine des minéraux, nous sommes presque en situation de
libre-échange. Il n'en est pas de même dans le cas des
barrières non tarifaires comme le "Buy America Act", le "Surface
Transportation Act" et diverses lois antidumping, car celles-ci sont de nature
à couper des marchés qui, autrement, seraient disponibles.
L'association croit que le libre-échange en vue de faire
disparaître les barrières tarifaires et non tarifaires serait
souhaitable, compte tenu du contexte économique mondial et de la
nécessité de s'assurer des marchés.
De plus, une telle entente de libre-échange pourrait avoir comme
conséquence une augmentation de la transformation des minéraux
concentrés en produits finis puisque les droits et tarifs sont plus
élevés pour les minéraux transformés. Je peux vous
donner un exemple. Dans le cas du cuivre, le minerai se vend un certain prix et
pour que ce cuivre soit vendable sous forme de tuyaux ou de barres de cuivre,
la plus-value ajoutée à ce minerai équivaut à 0,04
$. Une taxe ou un tarif de 0,01 $ la livre équivaut donc à 0,01 $
sur 0,04 $. Alors, cela représente une tarification de 25 %.
Par contre, 0,01 $ sur une livre, cela ne représente
peut-être pas grand-chose comme image, mais quand on sait que la
plus-value entre minerai et produit fini est une plus-value de 0,04 $
seulement, de là l'importance que la tarification douanière ne
s'applique pas.
Cependant, il est bien sûr que, à court terme, il peut y
avoir certains risques. Mais les possibilités que cela peut
représenter sont, à long terme, intéressantes. Le statu
quo, à notre avis, serait nuisible pour les économies des deux
pays. Dans le libre-échange, nous croyons également qu'il faudra
surveiller l'application de la notion de la nation la plus avantagée,
qui fait en sorte qu'un pays participant au GATT demanderait les mêmes
avantages accordés au Canada, par exemple.
Cependant, le libre-échange, tel que proposé,
faciliterait, pour l'économie canadienne, l'accès aux
marchés américains. Cela devra cependant se faire avec prudence.
Une période de transition sera nécessaire au cours de laquelle il
y aurait réduction des barrières tarifaires et non tarifaires et
même, peut-être, selon certains secteurs.
De plus, il y aurait certainement possibilité d'identifier un
critère de perturbation, de façon à prévenir tout
problème particulier. Les échanges économiques entre les
pays répondent à l'offre et à la demande. Ils
réagissent comme des vases communicants. Aussi, le libre-échange
appellera certainement une restructuration des économies et une
meilleure rationalisation des activités.
Mais il faudra penser à améliorer la mobilité des
emplois et probablement qu'un recyclage de la main-d'oeuvre ou des industries
sera nécessaire. L'industrie minière est déjà sur
le marché mondial et la
discussion sur le libre-échange représente des
possibilités d'amélioration. Nous sommes donc en faveur, mais des
discussions et analyses en profondeur devront avoir lieu, de même qu'un
mode d'arbitrage indépendant et efficace en cas de divergences.
L'économie québécoise, à notre point de vue,
est prête et apte à conquérir de nouveaux marchés.
Elle doit prendre cette occasion pour continuer à
bénéficier de notre statut de "fair trader" et ne pas en venir
à être considérée comme tout autre fournisseur.
Merci.
Le Président (M. Charbonneau); Merci, M. Roberge. Je vais
maintenant céder la parole au ministre du Commerce extérieur.
M. MacDonald: Bon après-midi. Merci, malgré les
occupations nombreuses de votre association que vous nous avez décrites
d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer, aujourd'hui. Je constate,
à la lecture de votre mémoire, que vous rejoignez essentiellement
la position du gouvernement du Québec et que vous avez d'ailleurs
déjà exposé cette position devant le comité
consultatif Warren, le 26 février 1987. D'ailleurs, je n'y vois pas,
à moins que j'ai mal perçu, de changements.
Nous constatons, en effet, que ce n'est pas seulement dans le domaine
des mines, des mines de métaux, mais dans plusieurs domaines, où
les tarifs sont quelque chose qu'on nous dit être capables de
gérer. Quelqu'un, hier, s'est présenté devant nous et a
dit - et c'était une personne, on va l'appeler maintenant par le nom
qu'on nous indiquait, venant d'un secteur traditionnel, le secteur des textiles
- que l'équation nette du différentiel tarifaire était de
12 %. Et réduisant ou arrondissant ceci à 10 %, ce
président de société nous a dit: 1 % par année
pendant 10 ans, je crois que, de concert avec nos employés, on est
capables de faire face à ça et, effectivement, c'est
peut-être un incitatif à se moderniser davantage. Mais les
barrières non tarifaires, il ne les a pas mentionnées
spécifiquement à ce moment-là. Mais, pour lui comme pour
votre industrie, si des barrières non tarifaires sont appliquées
de façon plus ou moins subtile, là vous pouvez avoir des
empêchements majeurs à un libre commerce entre Ies
frontières.
Je pense que je serais intéressé à ce que nous
puissions vous adresser un certain nombre de questions techniques et, pour ce
faire, j'aimerais passer la parole à mon collègue M. Ciaccia et
je crois que M. Baril, qui est de la région des mines, comme vous le
savez bien, de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, aurait également
quelques questions à poser plus tard. Alors, je passe
immédiatement la parole à mon collègue, M. Ciaccia.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Je tiens tout d'abord à remercier
l'Association des mines de métaux du Québec pour son
témoignage devant cette commission» Personne n'ignore l'importance
de notre industrie minière, par exemple, pour la balance commerciale du
Québec et pour l'emploi dans nos régions. L'industrie
minière québécoise emploie au-delà de 20 Q00
personnes, soit 16 000 dans le secteur de l'extraction et le reste dans la
transformation primaire des minéraux. Comme vous l'avez signalé,
à peu près la moitié de notre production est
exportée. Cependant, vous démontrez, avec raison, une
inquiétude envers la montée du protectionnisme américain.
On sait que la production des métaux aux États-Unis se fait
à des coûts moyens et mêmes élevés à
l'échelle internationale et c'est d'ailleurs pour cela que les
Américains ont mené des enquêtes très approfondies
sur le cuivre et l'acier. Il me semble que, d'après votre mémoire
et mes discussions avec votre association, c'est important de rappeler que
l'industrie québécoise est généralement
concurrentielle par rapport aux producteurs américains. Ainsi,
l'Association des mines et métaux est favorable à un accord de
libre-échange qui viendrait éliminer toute menace d'imposition de
barrière commerciale de la part des États-Unis.
Ce matin, on a fait référence à la transformation
des produits primaires au Québec. Est-ce que, avec le
libre-échange, cela peut vous aider? Est-ce que vous voyez plus de
possibilités dans le secteur de la transformation si on pouvait arriver
à une entente sur le libre-échange?
M. Roberge: Oui. Une entente de libre-échange voudrait
dire que des produits manufacturés et transformés, comme dans les
minéraux, n'auraient pas de barrières tarifaires, et les
barrières non tarifaires tomberaient également. Donc, la
"compétitivité" que l'on a actuellement, qui nous permet de
garder certains marchés, serait d'autant plus grande. Cela favoriserait
également des investissements américains au Canada et au
Québec pour utiliser nos ressources. Ce serait créateur d'emplois
si de nouveaux investissements faisaient en sorte que, au Québec et au
Canada, des investissements pour extraire, transformer... Par exemple, dans
l'Outaouais, on m'a dit qu'on a une bonne valeur en graphite. Peut-être
que les États-Unis ou des capitaux canadiens seraient plus enclins
à exploiter le graphite qui se trouve dans l'Outaouais. Dans les autres
métaux, les minéraux également, il y aurait plus
d'avantages.
Notre plus grand avantage, ce n'est pas seulement d'éliminer des
menaces, c'est que,
dans le contexte mondial des minéraux, il y a de nouveaux et de
bons producteurs, comme au Brésil, en Afrique et au Chili. La
qualité de leurs produits peut s'équivaloir, mais le
Québec et le Canada ont pu demeurer concurrentiels et conserver ces
marchés. L'Europe aussi produit de l'acier, du fer. Une fois que tous
ces marchés domestiques auront été comblés, ils
vont certainement chercher à exporter chez d'autres consommateurs, comme
les États-Unis, et, si le Québec et le Canada peuvent se placer
en situation préférentielle dans le cadre d'un
libre-échange, évidemment, j'ai l'impression qu'on aurait la
préférence plutôt que des tiers fournisseurs.
L'Australie a conclu un contrat de cinq ans avec la Chine pour
l'approvisionner en minéraux de fer. Une fois les cinq ans
terminés, peut-être que l'Australie sera intéressée
à aller vendre aux États-Unis, mais peut-être que, avec une
entente de libre-échange, on aura pris une place qu'ils ne pourront pas
nous ravir. Ce sont des occasions de cette sorte dont il faut profiter.
Plutôt que d'être considéré comme un tiers
fournisseur assimilable à tout autre tiers fournisseur dans le monde, il
est préférable de prendre l'attitude ou se mettre en situation
d'être un fournisseur traité dans le cadre d'un
libre-échange. C'est beaucoup plus favorable.
M. Ciaccia: Merci. Quant à l'annonce selon laquelle les
négociations sont suspendues, espérons qu'elles reprendront le
plus tôt possible. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. M. Jean
Roberge, bonjour. Merci d'être là. Votre mémoire nous fait
part de l'importance du domaine minier et des métaux au Québec.
Quand vous nous mentionnez que, déjà 53 % de votre production de
minerai sont exportés aux États-Unis, quel pourcentage
êtes-vous capable d'aller chercher, en termes de
pénétration accrue, dans le cadre d'un libre-échange?
Croyez-vous qu'il y aurait une augmentation sensible puisque les
barrières tarifaires ne sont pas vraiment un obstacle, étant de
l'ordre de 2 % ou 3 %? Qu'est-ce qui permettrait, tout d'un coup, par suite
d'une entente de libre-échange, une pénétration accrue de
l'exportation canadienne et québécoise sur les marchés
américains particulièrement? (15 h 30)
M. Roberge: Tout d'abord, il faut nuancer. Le 53 % des
exportations de minerai vers les États-Unis sont des exportations de
minerai à être transformé là-bas. Pour ces minerais,
il faut tenir compte du fait qu'il y a une concurrence mondiale et qu'il y a
d'autres pays qui peuvent vendre aussi aux États-Unis. Je ne crois pas
que les 53 % qui sont transigés à 85 % sans tarifs douaniers
puissent augmenter. Cependant, ce qui pourrait augmenter, ce sont les produits
transformés au Québec et au Canada. C'est-à-dire que le
cuivre en fil, en tuyau, et le zinc ou le fer transformé ont une
meilleure pénétration avec l'abaissement des tarifs. Eux, ont des
tarifs variant entre 5 % et 9 %. L'exportation de ces produits pourrait
augmenter. Ensuite, des investisseurs américains
intéressés à nos ressources seraient peut-être aussi
intéressés à venir investir au Canada et au Québec,
pour développer de nouveaux gisements, ou même développer
de nouvelles usines de transformation. Tout le monde sait actuellement que
Norsk Hydro est intéressée à venir au Québec -
j'espère que ce sera pour bientôt - cela va certainement hausser
le niveau des exportations. Ensuite, l'Australie s'intéresse aussi
à nos minéraux. On a lu, dans des journaux
spécialisés, que l'Australie pense à investir beaucoup au
Canada et au Québec aussi, j'imagine. Cette pénétration
fera en sorte que les produits manufacturés ou transformés
auraient un meilleur accès au marché américain. De plus,
des pays tiers qui n'ont pas un accès aussi facile que nous aux
États-Unis pourraient peut-être trouver avantage à venir
s'installer ici et vendre leurs produits aux Américains et aussi
à d'autres pays. Évidemment, vendre sur le marché
américain n'est pas la panacée, mais c'est le sujet de la
discussion.
M. Parent (Bertrand): Si vous me le permettez, je poserai une
question additionnelle à cet égard. Quand vous dites que les
Américains seraient intéressés à investir davantage
dans des usines de transformation puisqu'il y aurait le minerai au
Québec, est-ce que vous croyez qu'on a actuellement, ici, les capitaux
de risque - dans certains cas, il s'agit d'aller vers l'extraction ou
même la transformation des produits qui peuvent parfois demander de la
technologie ou autre ou si les Américains pourraient être
davantage intéressés, à cause du produit fini, à
implanter ici une usine de transformation? Est-ce une question de capitaux qui
ne seraient pas disponibles ici ou simplement une question de produits finis
qui attireraient les Américains?
M. Roberge: Ce serait plutôt pour fins de produits finis.
Pour produire au Québec et au Canada des produits finis avec des
minéraux proches et aussi à partir desquels il est facile de
transporter sur d'autres marchés, qu'ils soient européens ou
africains. Peut-être que les Américains ont aussi des montants en
investissements à consacrer quelque part et qu'ils ne veulent pas le
faire
aux États-Unis et qu'ils le feraient ici, si cela vaut la peine.
Probablement que cela vaut la peine, compte tenu de la valeur relative du
dollar canadien. Je croirais que c'est principalement pour fins de la
production de produits finis.
M. Parent (Bertrand): Cela va pour l'instant.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va?
M. le ministre: Le député de...
M. MacDonald: Je crois que c'est le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue...
Le Président (M. Charbonneau):
...Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui voulait intervenir auparavant.
M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Baril: Merci, M. le Président. Je vous remercie
d'être ici aujourd'hui, M. Roberge. Naturellement, je suis
intéressé au dossier des mines compte tenu du contexte dans
lequel nous vivons en Abitibi-Témiscamingue, aujourd'hui, où on
enregistre des records d'emplois. Comme vous le savez, on est parti d'un indice
de chômage de 23 % et on est rendu à moins de 7 % et cela est
dû principalement à nos mines dans les régions de
l'Abitibi-Témiscamingue. On sait aussi, aujourd'hui, que beaucoup de
gens investissent dans les mines parce que la tendance internationale est que
le prix semble s'améliorer pour les métaux. On dit que le cuivre
est à 0,80 $ US et que, au printemps prochain, il devrait être
à 0,90 $; même chose pour le nickel, qui devrait être
à 2,45 $. En page 5 de votre mémoire vous mentionnez qu'il
faudrait surveiller l'application de la nation la plus favorisée. En
fait, vous semblez vous inquiéter de ce que les garanties d'accès
au marché américain consenties au Canada soient étendues
à d'autres pays. Pourriez-vous nous expliquer un petit peu la teneur de
ce que vous voulez dire dans ce paragraphe?
M. Roberge: À ma connaissance, dans l'entente du GATT qui
porte sur les tarifs, il y a une clause disant que, si un pays se favorise par
rapport aux autres, cette clause de faveur faite à un deuxième
pays devrait aussi être appliquée aux autres pays. C'est ce qu'on
appelle la clause de la nation la plus favorisée. Par contre, les
négociations sur le GATT sont actuellement en cours. Alors,
peut-être que cette clause-là sera mise en perspective. Il peut y
avoir des avantages ou des traitements de faveur entre deux nations signataires
de l'entente si c'est dans une zone particulière plutôt que "at
large". Alors, peut-être que la clause ne s'appliquerait pas. Ce que je
voulais soulever, c'est le fait d'y penser à cette clause-là, de
façon que l'ouverture qu'on fait ou que les Américains nous font
avec le libre-échange ne soit pas, non plus, offerte à tout le
monde, tout de suite comme ça parce que les bénéfices ou
avantages qu'on pourrait en retirer seraient aussi retirés par tout le
monde au même moment. Alors, il faudrait que cela soit nous, en premier,
si c'est valable pour d'autres pays aussi, mais, protéger cet avantage
qu'on aurait.
M. Baril: Vous dites aussi, M. Roberge, que, si le statu quo
demeurait, ce serait nuisible pour les deux pays. Est-ce que vous pourriez
préciser votre pensée un peu lorsque vous dites que ce serait
nuisible pour les deux pays, présentement?
M. Roberge: Oui, c'est que les discussions sur le
libre-échange visent à favoriser de meilleurs échanges
entre les deux pays, tandis que le statu quo, ce serait la situation actuelle,
mais c'est une situation qui évolue, tout de même. Ce n'est pas
une situation gelée, aujourd'hui, et qui va continuer comme cela. Sur
cela - c'est un peu la réflexion que je me suis faite - si Mme Vachon,
de Sainte-Marie, en 1950, s'était demandé; Est-ce que je vais
aller vendre mes gâteaux à Québec ou à
Montréal ou si je vais rester au statu quo? Peut-être que les
petits gâteaux Stuart auraient pris le marché avant ceux de Mme
Vachon. C'est un peu la même question qu'on a à se poser. Est-ce
qu'on va en ville vendre nos produits et démontrer qu'an est capables ou
si on reste chez nous pendant que d'autres pays producteurs de minerai se
développent et que des produits sont manufacturés en remplacement
de métaux de base. L'Europe se demande actuellement: Est-ce qu'on va
diminuer de 30 000 000 de tonnes notre production d'acier, d'ici à trois
ans et mettre 80 000 personnes en chômage ou non? Alors, il y a des
capacités de production qui sont là quelque part et que, si on ne
s'occupe pas de protéger ou de se garantir des marchés, d'autres
vont être disposés à le faire.
M. Baril: Je comprends bien aussi que vous avez mentionné
que, si on parvenait à une entente sur le libre-échange avec les
Américains, nous aurions des facilités à avoir des
investissements pour, justement, ne pas introduire seulement du
concentré de minerai aux États-Unis, mais bel et bien pour avoir
la possibilité de produire des produits finis ici. C'est cela?
M. Roberge: Oui, parce qu'un investissement américain pour
transformer une tonne de minerai de cuivre, de zinc, de plomb ou d'argent va
coûter un certain prix
aux États-Unis. Avec le libre-échange, peut-être que
cela va coûter moins compte tenu que notre main-d'oeuvre aura un meilleur
indice de production ou que le climat sera préférable, ou c'est
plus près des marchés pour eux, ou il y aura un site disponible,
de l'électricité disponible, une main-d'oeuvre qualifiée
en place. Alors, le choix pour eux, ce ne sera pas de choisir entre deux pays
avec des barrières tarifaires ou non tarifaires. Le choix sera de dire:
Avec mes 100Q $ d'investissement et vos 1250 $ au Canada et puis la production,
cela a l'air de bien aller, la situation économique et politique va
bien. Ce sera peut-être plus intéressant pour un investisseur de
venir produire ses lingots de zinc ou ses barres de cuivre ici, plutôt
qu'aux États-Unis. Dans d'autres cas, peut-être que la
réflexion va être différente, mais, entre les deux
situations ou entre les deux possibilités, je préfère
celle qui va nous faire faire un pas en avant, plutôt que celle qui nous
laissera sur notre appétit pendant qu'on regardera passer le train.
M. Baril: Merci, j'aurais d'autres questions, mais je vais
laisser la chance à M. le ministre de continuer.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, M. Roberge, vous mentionnez que le
Canada et le Québec en particulier, ont des concurrents sérieux
et, à cette compétition-là, s'ajoutent trois facteurs,
dont le bas niveau du prix des métaux, la vigueur relative du dollar
canadien et les coûts de production très inférieurs aux
nôtres dans d'autres pays producteurs. Qu'est-ce qui ferait en sorte que
votre productivité et votre coût de revient pourraient être
améliorés? Quels seraient les principaux éléments
que le gouvernement du Québec, entre autres, dans le cadre de ce
libre-échange, pourrait vous apporter? Quels outils additionnels, afin
de vous permettre d'être en situation de plus grande force sur ce
marché et améliorer votre production, pourrait-il vous
apporter?
M. Roberge: Améliorer notre productivité, c'est...
L'industrie minière, dans certains cas, fait vraiment des miracles. Par
exemple, le Brésil prend son minerai de fer à la pelle en surface
avec une température plus agréable que dans les terres du Nord ou
sur la Côte-Nord où notre minerai de fer est pris. La
concentration du minerai de fer au Brésil est autour de 66 %. Ce qui
fait que ces gens n'ont pas à le concentrer davantage. Il est prêt
à être vendu, c'est un produit vendable tel quel. Des entreprises
du Québec, pour faire la même chose, prennent du minerai, des fois
dans un sol gelé et des fols dans un sol souterrain à un niveau
peut-être de 8 %, de 10 % ou de 12 %. Elles doivent remonter la
concentration en boulettes jusqu'à 66 % pour que le produit soit
vendable et, tout de même, on demeure concurrentiel. Il y a eu des
périodes difficiles et plus difficiles. Mais les producteurs demeurent
concurrentiels dans d'autres minéraux. Ce qui fait que nous pouvons
demeurer concurrentiels, c'est la capacité de production ou la
qualité de la production ou le coût de production; ce qui fait
qu'en termes de coûts dans les emplois ou dans les investissements, c'est
relativement stable avec le prix du dollar qui est inférieur à
celui des États-Unis. Nos produits pourraient se vendre sur les
marchés américains même si le produit du marché
américain était plus bas.
Il y a d'autres éléments comme le transport qui est un
facteur très important. Dans le domaine du transport, il y a
principalement le train et la voie maritime, deux éléments
utilisés sur une grande échelle pour le transport des minerais et
des concentrés. Une hausse dans le domaine du transport par train ou par
navire pourrait signifier la perte de marché. Dans un autre débat
concernant la tarification des services maritimes c'est justement ce point
qu'on soulève. Des fois, dans certains minéraux, ce n'est pas le
produit ou le prix du produit qui fait la différence, mais ce sont les
à-côtés: le prix du transport, le prix de
l'électricité, le prix de la main-d'oeuvre, la quantité et
la qualité. Ce sont ces éléments qui font que notre
produit est vendable. Un produit se vendant, par exemple, 9 $ ou 10 $ la tonne
aux États-Unis se vend au Canada 15 $ la tonne, par contre, le prix de
transport nous avantage dans certains cas, le transport par train, par camion
ou par navire. Ce sont ces facteurs accessoires sur lesquels il faut
travailler. Le coût de production comprend -je parlais de
l'élément de transport -l'électricité, la
main-d'oeuvre et toutes les mesures sociales. Là, je ne veux pas
embarquer dans les débats du coût de la CSST ou les autres
coûts indirects. C'est un ensemble de facteurs qui font qu'on est
concurrentiels ou qu'on ne l'est pas.
M. Parent (Bertrand): Si je comprends bien, la qualité des
richesses naturelles y fait pour beaucoup. Si on prend l'exemple qu'on vit
depuis la dernière année en ce qui a trait au prix des
métaux, le prix de l'or montant quelque peu, les mines ou les richesses
naturelles souterraines en Abitibi deviennent beaucoup plus
intéressantes. Par exemple, qu'est-ce qui ferait en sorte que dans le
domaine de l'or précisément, le Québec pourrait devenir
beaucoup plus actif sur le plan de la recherche et de l'extraction par rapport
aux États-Unis? Le prix des métaux montant pour tout le monde,
selon
les métaux, j'imagine qu'il y a des domaines plus attrayants;
quant à la question de la main-d'oeuvre, vous me dites que
déjà on fait ce qu'on pourrait appeler des miracles souvent parce
qu'on n'a pas une aussi bonne concentration. L'exemple de l'or que j'ai en
tête, il me semble qu'il y a un intérêt marqué de ce
côté. J'imagine que l'intérêt qu'on a ici se
manifeste certainement ailleurs où il y a des gisements à travers
le monde,
M. Roberge: Oui, d'autres pays ont de l'or également. Pour
s'assurer une sécurité et une pérennité de
l'industrie minière, il faudrait encourager la recherche et le
développement et encourager les investissements. Évidemment, pour
maintenir une industrie minière au Québec... L'industrie de
l'amiante existe depuis 100 ans déjà. Quant aux autres
métaux, c'est environ 50 ans. D'ailleurs, l'association fêtait son
cinquantième anniversaire l'année dernière. Pour continuer
et s'assurer de 50 autres années, il faut trouver des gisements et de
nouveaux usages de nos. métaux ou de nouveaux champs
d'intérêt, (15 h 45)
II y a des métaux qui ne sont pas encore suffisamment
recherchés ou exploités mais qui vont le devenir avec le temps.
Je pense par exemple, à l'yttrium, au vanadium ou au platine qui
prennent de la vogue. Il faut rechercher ces métaux et
métalloïdes, il faut savoir où ils se trouvent, dans quelle
condition ils se trouvent, combien cela va coûter pour les extraire, pour
les exploiter. Le volet des actions accréditives justement et la
réforme fiscale, on va en faire grand état parce que les
réserves connues avec le tonnage, la concentration etc., selon le
marché actuel... Un représentant du ministère nous disait
qu'on a des gisements ou des minéraux pour quinze ans peut-être,
mais après cela, qu'est-ce qu'on fait? C'est tout de suite qu'il faut
s'assurer d'avoir de nouveaux gisements, d'avoir de nouveaux minéraux et
de nouveaux métaux et de nouveaux usages pour eux. Si on ne s'en occupe
pas, évidemment d'ici un certain nombre d'années, les
possibilités vont diminuer.
Ce qui est important dans le domaine de l'économie tant nationale
qu'internationale ou pour les entreprises, c'est la sécurité des
approvisionnements, la qualité et tout cela. Si on peut garantir par nos
recherches, par notre exploration et notre prospection que nous avons des
gisements, des minéraux ou des métaux valables, utilisables et de
qualité pour plus de quinze ans, pour vingt ou cinquante ans, cela nous
met sur le marché d'une façon plus sûre, plus
sécuritaire.
M. Parent (Bertrand): Pour favoriser cette recherche et ce
développement - je suis content de vous l'entendre dire parce que c'est
d'une importance capitale - croyez-vous que les mesures, les avantages fiscaux
actuels sont la bonne formule? Est-ce qu'on devrait l'accélérer?
Et est-ce qu'on devrait en avoir d'autres pour faire en sorte que les gens
puissent y trouver un avantage et qu'on puisse mettre l'accent beaucoup plus
qu'on ne le met actuellement dans la recherche et le développement?
C'est vrai dans tous les domaines, mais dans ce domaine, c'est encore plus vrai
parce que si l'investissement ne se fait pas aujourd'hui dans la recherche et
le développement, ce n'est pas dans dix ans qu'on aura les
répercussions.
M. Roberge: Oui, vous avez tout à fait raison. Les
avantages fiscaux que l'on donne sur la recherche et le développement
seront probablement très avantageux parce qu'il nous faut trouver de
nouvelles techniques de minage les moins coûteuses. Avec le genre de
minerai que l'on trouve au Québec, surtout du type filonien, dans le
secteur de l'or, par exemple, il faut avoir des équipements et une
technique de minage qui soit la moins coûteuse possible, qui apporte le
plus de sécurité aussi. Dans le cas des actions
accréditives, la diminution que voudrait faire M. Wilson de l'avantage
que peut représenter cet abri fiscal, pour nous part, nous croyons que
c'est une erreur parce que, dans une région donnée, par exemple,
vous dites aux citoyens: Si vous investissez pour développer votre
économie... La preuve est que cela crée des emplois - M. Baril le
mentionnait -et que le niveau du chômage a baissé. Au lieu de
faire travailler le potentiel économique et financier dans un secteur,
le gouvernement veut le prendre, le mettre dans ses coffres et s'en servir
à d'autres fins. Nous croyons que c'est une erreur parce que, si le
même capital, prenons 350 000 000 $, dans une année qui n'est pas
utilisé dans l'industrie minière pour trouver des gisements est
utilisé à d'autres fins que le gouvernement trouve raisonnables,
ces 350 000 000 $ vont servir une seule fois, tandis que, si les 350 000 000 $
sont utilisés pour rechercher, explorer et trouver des gisements, cela
va faire travailler des Canadiens, des Québécois. Ces Canadiens
et Québécois vont en faire travailler d'autres et, au lieu de
faire une ponction une fois de 350 000 000 $, par exemple, la ponction va se
faire plusieurs fois à plusieurs étapes. Le 1 $ va servir
plusieurs fois, tandis que le gouvernement voudrait diminuer l'"avantage" - on
le dit entre guillemets - cet encouragement à l'investissement chez
nous, à s'assurer une pérennité dans le domaine des
minéraux. C'est comme si on disait, pour les REA: On a assez
développé de PME, on va arrêter et on va les laisser voguer
à leur triste sort. Ce ne serait peut-être pas une bonne mesure.
On croit que le capital investi
et actif devrait continuer à l'être plutôt que de
retourner dans les coffres du gouvernement fédéral ou du
gouvernement provincial et de servir une seule fois à d'autres fins et
qui seraient, en particulier, de donner des allocations de chômage ou des
prestations d'aide sociale.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci. Vu qu'à votre avis le statu quo serait
nuisible - vous avez expliqué pourquoi à la suite de la question
de mon collègue - pourriez-vous préciser ce que vous entendez par
les risques à court terme et les risques et opportunités a long
terme du libre-échange?
M. Roberge: Le risque du statu quo, comme je le mentionnais, ce
n'est pas un statu quo qui fige dans le béton une situation qui existe,
c'est un statu quo qui va en évoluant. Les économies et les
entreprises, qu'elles soient manufacturières ou de transformation,
à l'échelle du monde, se sont attardées depuis la
dernière guerre mondiale à satisfaire un marché
domestique.
Certaines économies ont pu aller également en exportation.
La preuve en est faite. Plusieurs autres pays sont prêts à faire
de l'exportation. La Corée ou Taiwan ou divers autres pays sont
prêts à en faire en faisant parfais même du dumping. Ce
genre de situation fait en sorte que les Américains, que
l'économie américaine croient qu'on devrait imposer aux
fournisseurs une barrière qui s'appelle des lois anti-dumping, des
barrières tarifaires ou non tarifaires.
Avec le Canada et le Québec, ils sont d'accord pour avoir un
libre-échange. Il me semble que c'est un avantage qui pourra faire en
sorte qu'à moyen et à long terme, nos économies pourront
davantage se développer. C'est une possibilité d'avoir des
marchés plus importants avec les États-Unis, la
possibilité d'avoir des investissements des États-Unis ou de
tiers pays pour investir au Québec, au Canada, parce que, par la suite,
les produits sortant des usines pourront aller se vendre sans tarif aux
États-Unis.
Bien sûr, il y a des craintes - on en lit dans les journaux - que
le marché américain inonde le marché
québécois ou canadien de certains produits. Si des entreprises
américaines viennent inonder un marché de 6 000 000 d'habitants,
il y a des entreprises québécoises et canadiennes - elles en ont
fait la preuve, dans certains cas - qui sont capables d'accaparer des
marchés de quelques millions d'habitants aux États-Unis ou
ailleurs.
Il me semble que c'est dans les deux sens que ce raisonnement vaut. On
serait sur le même pied pour travailler à l'économie
commune et les autres pays verraient un avantage à venir investir au
Canada.
M. Ciaccia: Est-ce que vous me dites qu'à court terme, il
peut avoir un envahissement, un danger d'avoir des...
M. Roberge: À court terme, probablement qu'il y aura plus
de tentatives de la part d'entreprises ou de manufactures américaines
qui viendraient tenter d'accaparer un marché. Mais ce n'est pas certain
qu'elles vont l'acquérir tel quel. Évidemment, il y a des cas
où cela va se produire. Si le consommateur veut acheter Mlle Barbie
plutôt que la poupée faite au Canada ou au Québec, on ne
pourra rien faire.
Mais ce sont des situations qui vont se présenter, une des
situations que le gouvernement devrait peut-être prévoir par des
programmes de recyclage d'emplois ou d'industries.
M. Ciaccia: Vous parlez d'autres secteurs. Mais dans le
secteur...
M. Roberge: Des mines?
M. Ciaccia: ...des mines, est-ce qu'il y a le même...
M. Roberge: Non, je ne crois pas, non, pas dans les mines de
métaux. Je ne crois pas qu'il y ait d'envahissement.
M. Ciaccia: Dans le secteur des forêts, comme vous le
savez, les Américains ont imposé une taxe à cause de notre
façon d'octroyer les droits de coupe. Vous avez senti un même
mouvement dans les droits miniers. Est-ce que la même chose pourrait
arriver avec les droits miniers?
M. Roberge: Je ne crois pas que cela arrive quoiqu'on ait
l'exemple de la Saskatchewan pour la potasse. Mais je ne crois pas que cela
arrive, parce que nos produits... Dans quelques produits, il y a une
compétition avec les Américains, mais la plupart de nos produits
n'ont pas le même genre de compétition. Le minerai de fer, les
États-Unis, généralement, l'achètent ailleurs. Les
marchés que nous avons dans le zinc et le cuivre ne sont pas des
marchés qu'ils veulent nécessairement accaparer... La situation
américaine, de même qu'européenne, n'est pas la même,
en ce sens que pour avoir le même coût de production, ils devraient
réinvestir et restructurer leurs industries qui sont plus
âgées que les nôtres.
La restructuration, cela coûte des millions et des millions si ce
n'est pas des milliards. Plutôt que d'investir pour restructurer, ce qui
prend parfois quelques années, ils vont trouver certainement plus
avantageux de venir investir ici et de le
faire ou d'acheter tout simplement, carrément, nos produits qui
sont déjà là, disponibles. Je ne crois qu'il y ait le
même genre de réaction à l'égard de nos
produits.
M. Ciaccia: Je vous remercie.
Le Président (M. Charbonneau)?: M. le député
de Bertrand, il vous reste encore quelques instants.
M. Parent (Bertrand): M. le Président, menai. En voyant
vos statistiques concernant les exportations, M. Roberge, 14 % de notre minerai
qui s'en vont au Japon, cela me rappelle de bons souvenirs. Lorsque j'avais mon
entreprise, j'étais obligé d'acheter ma matière
première, qui était du fil de fer, au Japon à partir du
minerai qui venait du Québec, ce qui est totalement un non-sens. Mais
pour avoir la qualité de fil de fer pour fabriquer des vis à
"gyprock", comme on les appelle communément, on a été
obligé de s'approvisionner au Japon.
Quant à vous, en tant que représentant de l'Association
des mines de métaux du Québec - on parlait de produits de
transformation tantôt - qu'est-ce qui devrait être fait? Où
l'accent devrait-il être mis afin que ce minerai-là... Je prends
le Japon parce que c'est un exemple. On pourrait prendre l'Europe ou on
pourrait prendre ces 50 % ou 53 % qui s'en vont aux États-Unis.
Qu'est-ce qui devrait être fait pour que ces usines de transformation
soient établies ici au Québec? Peut-être qu'on aurait un
peu moins d'exportations mais on aurait une main-d'oeuvre qui serait accrue.
Pour vous, est-ce qu'il y a des mesures qui devraient être prises
justement pour encourager davantage et stimuler cet investissement ici dans les
usines de transformation?
M. Roberge: L'abaissement ou l'enlèvement des
barrières tarifaires et non tarifaires dont on parle serait
déjà un facteur très important pour faire en sorte que
cette production se fasse ici et se vende aux États-Unis plutôt
que de se vendre via le Japon. Évidemment, ça fait l'objet de
longs débats, le fait que notre minerai s'en aille ailleurs pour nous
revenir sous une forme ou sous une autre. C'est dommage que notre industrie
soit demeurée comme ça longtemps. Mais un des facteurs serait
justement cette possibilité, dans le libre-échange de ne pas
avoir de barrières tarifaires et non tarifaires. Cela serait un facteur
très important.
M. Parent (Bertrand): Est-ce qu'il me reste du temps, M. le
Président? Oui.
Vous mentionnez à la page 6, à la toute fin de votre
mémoire: "II faudra penser à améliorer la mobilité
des emplois et probablement qu'un recyclage de la main- d'oeuvre et des
entreprises sera nécessaire", et tout ça dans le cadre du
libre-échange que vous favorisez. De quel genre d'outils avez-vous
besoin? C'est-à-dire que la main-d'oeuvre que vous avez actuellement est
une main-d'oeuvre, j'imagine, qui évolue ou qui change selon la
technologie qu'il y a dans ce domaine-là. Mais de quel genre d'outils
auriez-vous besoin et auxquels il faut penser déjà en fonction du
recyclage de la main-d'oeuvre que vous mentionnez ici? À quoi
faites-vous allusion? Vous avez des choses particulières auxquelles vous
référez à propos de la main-d'oeuvre. On a un
problème là. J'imagine que comme dans les autres domaines, vous
avez aussi des problèmes d'approvisionnement de main-d'oeuvre même
si le taux de chômage est élevé. Alors, ça c'est
très préoccupant Qu'est-ce que vous suggérez, vous, pour
améliorer cela?
M. Roberge: Dans le domaine des mines, pour demeurer
compétitif, le coût de production est très important. Pour
abaisser un coût de production, il peut s'avérer opportun
d'utiliser de nouvelles techniques de forage ou des techniques d'extraction.
Mais il faut avoir le personnel qualifié pour cela aussi.
L'équipement en question peut coûter assez cher, mais si on le met
en marche, peut-être que ça va être plus productif et
meilleur. Mais cependant, il faut avoir l'expertise ou le personnel
qualifié pour faire fonctionner ces équipements-là. Alors,
l'aide pour la mobilité de l'emploi, évidemment ce sont des cours
ou ce sont des facilités de financer des périodes où un
employé va aller prendre un cours, se perfectionner dans le domaine. Il
faut penser aussi à l'échange de "know-how" dans le domaine de ta
technique d'extraction minière. Je vous mentionne en passant que le 24
novembre va se tenir à Vancouver la première conférence
internationale sur l'extraction et l'exploitation des minerais d'or. Cela m'a
sauté aux yeux quand j'ai vu "la première". Dans le domaine des
minéraux, c'est un peu comme dans d'autres domaines, mais ça se
voit particulièrement là, on en est encore à nos
débuts, je dirais. Tout est à développer, tant la
technique de minage que les techniques de contrôle du terrain. Alors, il
faudrait faciliter l'échange technologique entre les différents
pays. La recherche et le développement dans ce domaine-là sont
importantes. L'association participe à beaucoup de recherche pour,
justement, utiliser la robotique dans les mines. Alors là, il va falloir
avoir du personnel. Cela va nous permettre peut-être de diminuer les
coûts de production et, par conséquent, de demeurer
compétitifs.
Alors il y a un vaste champ de possibilités comme ça
à développer.
M. Parent (Bertrand): Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Alors...
Une voix: Je voudrais remercier M. Roberge.
Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais, au nom des
membres de la commission, M. Roberge, vous remercier d'avoir participé
à cet exercice de consultation sur les négociations sur le
libre-échange. Je pense que les membres de la commission ont
apprécié votre présence et les informations ainsi que les
opinions que vous leur avez communiquées. J'espère que nous
aurons l'occasion de vous revoir pour une autre consultation. D'ici là,
il ne me reste qu'à vous remercier et à vous souhaiter un bon
retour.
M. Roberge: Bienvenue. (16 heures)
Le Président (M. Charbonneau): J'invite maintenant les
représentants du Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent
à prendre place à la table des invités.
Messieurs, bonjour et bienvenue à la commission de
l'économie et du travail. Je vous indique brièvement les
règles du jeu. On a une heure pour la discussion avec vous: d'abord une
vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et,
par la suite, nous procéderons à la discussion avec les membres
de la commission. Je crois que c'est M. Jean-Maurice Lechasseur,
président, qui dirige la délégation. Je vous demanderais,
M. Lechasseur, de présenter les personnes qui vous accompagnent, pour le
Journal desdébats et, par la suite, de commencer votre
exposé.
Syndicat des producteurs de bois du
Bas-Saint-Laurent
M. Lechasseur (Jean-Maurice): Merci, M. le Président. Je
voudrais d'abord vous remercier ainsi que les membres de la commission de nous
recevoir aujourd'hui pour un dossier aussi important que celui du
libre-échange. Bien sûr, ayant été
présenté, je me dois de vous présenter mon
vice-président, M. Maurice Cyr, de la Matapédia; à mes
côtés, deux collègues de la ville de Matane, MM. Maurice
Gauthier et Claude Canuel et à l'extrémité, Serge Lavoie,
du Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent.
M. le Président, la région du Bas-Saint-Laurent compte 10
000 producteurs de bois sur un territoire qui s'étend de la
vallée de la Matapédia à celle du Témiscouata, et
sur le littoral, de Cacouna aux Capucins. Le rôle du syndicat des
producteurs de bois est bien sûr de s'occuper principalement de la mise
en marché. Évidemment, on doit à l'occasion chercher des
moyens pour augmenter cette mise en marché. Vous comprendrez que la
forêt, chez nous, est une ressource très importante et on doit
axer et intensifier les pressions à ce niveau.
La raison qui nous amène ici aujourd'hui, c'est la crainte que
l'on a face au libre-échange. Nous avons à coeur le
développement régional, comme organisme, comme producteurs, et
nous avons voulu associer à notre démarche des
représentants de la ville de Matane; c'est ce que je vous disais tout
à l'heure.
Vous trouverez au cours des prochaines lignes les faits qui justifient
notre opposition à la signature d'une entente de libre-échange
commercial avec les États-Unis tant et aussi longtemps que nous n'aurons
pas obtenu l'assurance que les programmes gouvernementaux nécessaires
pour combattre les disparités régionales et relancer
l'économie des régions en décroissance sur le plan
économique seront protégés par le projet d'entente sur le
libre-échange.
Vous me permettrez, M. le Président, de ne pas lire tout le
contenu du mémoire, nous ne lirons que de brefs passages. Bien entendu,
on a un taux de chômage très élevé chez nous, et on
ne voudrait pas manquer l'occasion, une fois de plus, de vous le dire. Les taux
de chômage qu'on observe dans cette région dépassent
régulièrement le double de ceux observés au pays et le
revenu disponible per capita atteint à peine 65 % du revenu national
moyen. Plusieurs facteurs d'ordre historique, économique et social
expliquent cette situation. Qu'il suffise de mentionner la raréfaction
grandissante des ressources de base qui constituent l'épine dorsale de
l'économie de la région, la dispersion de la population et
l'immigration des jeunes entre autres. Tel que mentionné, le revenu
disponible per capita représentait, en 1983, 65,5 % du revenu moyen
canadien. Fait important, 15 % de ce revenu disponible per capita provenait
directement des paiements de transfert gouvernementaux puisque le gouvernement
fédéral a versé, en 1983, 263 000 000 $ en prestations de
chômage, et le gouvernement du Québec, 96 000 000 $ en prestations
d'aide sociale.
Au cours de la même année, le ministère de l'Emploi
et Immigration a injecté 39 000 000 $ dans le cadre de ses programmes
d'emplois saisonniers, ce qui représente au total 398 000 000 $, soit
près de 400 000 000 $ dépensés par les deux gouvernements
en une seule année dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie sans
créer réellement d'activités économiques. Quand une
région doit compter sur des paiements de transfert de l'ordre de 15 % de
son revenu disponible per capita pour atteindre 65 % du revenu moyen canadien,
il est évident que nous sommes en présence d'une région
qui ne pourra pas être privée de programmes de
développement régional au moment où elle aura à
vivre une concurrence
plus forte après une entente de libre-échange.
Comme citoyens d'une des régions les plus démunies sur le
plan économique au Canada, nous constatons qu'à toutes fins
utiles, il y a trois grandes catégories de régions au Canada. Il
s'agit des régions autonomes sur le plan économique, de celles en
perte légère d'autonomie et des régions
complètement dépendantes. C'est dans celles-ci que le
Bas-Saint-Laurent se retrouve.
M. le Président, les statistiques économiques sur la
forêt sont très éloquentes. De façon
générale, elles sont le double de la moyenne
québécoise,,
Dans le Bas-Saint-Laurent, nous ne sommes pas gâtés. Chez
nous, nous n'avons pas d'usines qui transforment le résineux. Nous
n'avons pas d'usines, dans le territoire du Bas-Saint-Laurent, parce que F.F.
Soucy, c'est quand même è l'extrémité, c'est dans le
territoire de La Pocatière. Je voulais le noter et je dois vous dire
que, uniquement pour supporter les inventaires de bois que l'on doit envoyer
à l'extérieur de notre territoire, à la Consol, par
exemple, ou à la Reed à Québec, il en coûte aux
producteurs de bois de chez nous, annuellement, 1 500 000 $ à 2 000 000
$ par année. C'est seulement pour supporter des inventaires
annuellement, maintenir des effectifs à la cour de Matane, etc. Donc, on
pense que, demain matin si on avait une usine chez nous, on pourrait rapatrier
ces montants et cela serait très important.
Le projet d'entente sur le libre-échange ne doit pas compromettre
la papeterie de Matane qui, telle que présentée par la compagnie
Dohonue, prévoit la fabrication de 210 000 tonnes métriques de
papier super-calandré, soit un type de papier que le Canada et les
États-Unis importent majoritairement des pays Scandinaves, donc un
produit où notre balance commerciale avec les pays étrangers est
déficitaire présentement.
Le marché du papier super-calandré est en pleine
croissance depuis quelques années et l'absence d'une décision
rapide sur le projet de Matane offrirait la possibilité aux pays
techniquement avancés dans ce procédé d'augmenter leur
part de marché et de prendre la partie du marché qui pourrait
être occupée par une compagnie canadienne.
Sur le plan du développement régional ou de l'effet
d'entraînement, c'est le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie où
l'impact sera le plus fort car il amène la création de 313
emplois en usine, 560 emplois reliés au travail en forêt et du
domaine du transport du bois et la consolidation de 1200 emplois dans les
scieries publiques de la Gaspésie et de la Matépédia, sans
compter la consolidation des emplois dans les scieries privées de la
Mitis et du Témiscouata.
Pour l'industrie du sciage et les producteurs de bois, la venue d'une
nouvelle usine consommatrice de copeaux au Bas-Saint-Laurent-Gaspésie
contribuera à rétablir un juste prix pour les copeaux en
équilibrant le jeu de l'offre et de la demande, ce qui contribuera d'une
part à donner aux producteurs de la région un revenu au-dessus du
seuil de la pauvreté tout en éliminant le dumping pratiqué
par les producteurs des autres régions du Québec, au
Nouveau-Brunswick et à l'étranger pour écouler leur
surplus de copeaux.
Le rétablissement d'un juste prix pour les copeaux devrait, par
ailleurs, satisfaire les Américains qui se plaignent d'une concurrence
déloyale des Canadiens souvent causée par la différence de
la valeur de nos deux devises, mais aussi par la possibilité pour les
manufacturiers d'obtenir la matière première à un prix
inférieur à son coût de production.
Le projet de la papeterie régionale de Matane ne devrait pas non
plus indisposer les Américains car le projet ne nécessite pas de
subvention pour la compagnie, mais fait appel uniquement aux programmes de
lutte aux disparités régionales comme le programme Entreprise
Atlantique et le programme canadien de développement de l'Est du
Québec. Les programmes d'aide au développement régional
sont d'ailleurs considérés par le GATT comme des programmes
n'entravant pas la libre concurrence.
En conclusion, le Syndicat des producteurs de bois du
Bas-Saint-Laurent,, au nom de ses 10 000 membres et avec l'appui du
regroupement pour l'implantation de la papeterie régionale de Matane,
demande formellement et respectueusement à la commission de recommander
au gouvernement du Québec et au premier ministre, M. Robert Bourassa, de
ne pas accorder au premier ministre M. Brian Mulroney leur appui pour un accord
de libre-échange commercial avec les États-Unis tant et aussi
longtemps qu'ils n'auront pas l'assurance et la certitude que l'entente
proposée ne met pas en danger, d'aucune manière que ce soit, le
projet de la papeterie régionale de Matane ainsi que les programmes de
développement régional nécessaires pour permettre au
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie de se rapprocher graduellement de la moyenne
nationale sur le plan économique.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, monsieur.
Je demanderai maintenant au ministre du Commerce extérieur de
prendre la parole.
M. MacDonald: Je vous remercie de votre représentation,
messieurs. Je couperai au plus court et je vous rappellerai les conditions de
l'appui du Québec à un accord de libre-échange dont vous
pouvez avoir des
exemplaires. Je m'assurerai que vous les aurez.
La condition no 3 disait: Le maintien de sa marge de manoeuvre - celle
du Québec - nécessaire pour atteindre les objectifs de
modernisation et de développement de son économie dans toutes les
régions. La question du développement régional est une
préoccupation qui a également été formulée
par le gouvernement canadien. Cela a fait partie des discussions lorsque le
gouvernement du Québec a décidé d'apporter son appui
à préparer ensemble une négociation face à la
menace protectionniste que vous connaissez très bien et dont vous avez
eu les effets dans votre région également. Je vous dirai, en
gardant certaines nuances - parce que je comprends très bien ce qui vous
anime et je comprends très bien le problème particulier et la
frustration que vous pouvez avoir connue à propos du projet de Matane
particulièrement - que si je me réfère à votre page
1 où vous dites que vous vous opposerez à la signature d'une
entente de libre-échange tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas
obtenu l'assurance que les programmes gouvernementaux, etc., etc., l'esprit qui
vous anime est exactement celui du gouvernement lorsqu'on a insisté pour
que la capacité d'intervenir en matière de développement
régional demeure une priorité gouvernementale et ne soit pas
sacrifiée dans les négociations.
Vous comprendrez très bien que je ne peux pas, à cette
étape-ci des négociations... Un communiqué de presse a
été justement émis par le gouvernement du Canada cet
après-midi et il disait entre autres: Les négociations sont
présentement dans une impasse parce que les États-Unis n'ont pas
bougé sur la question la plus importante de toutes, c'est-à-dire
celle de créer un moyen de régler de façon satisfaisante
les différends entre les deux pays. On ajoute: Ils ont en outre fait des
propositions touchant le développement régional et l'aide
culturelle que le gouvernement canadien ne peut accepter.
Je crois que je suis obligé de m'en tenir à ce bulletin
mais si on ne peut accepter cette proposition, vous comprendrez très
bien jusqu'à quel point les parties présentes tiennent à
se garder cette prérogative qu'on considère essentielle dans la
gestion de l'économie canadienne. il y a des éléments plus
particuliers qui touchent tout ce domaine que vous représentez, la
production du bois et la foresterie et, à ce titre, si vous me le
permettez, M. le Président, j'aimerais céder la parole à
mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Ce n'est pas la
première fois qu'on se rencontre, messieurs les représentants du
projet de Matane et de la région de Matane. Ce n'est pas la
première fois non plus sur ce sujet particulier qui est le vôtre
et le nôtre aussi, le projet de Matane. Permettez-moi d'abord de vous
remercier de vous être présentés devant cette commission.
Votre témoignage démontre de façon très claire
l'importance de l'appui gouvernemental pour une région. La région
que vous représentez est, comme vous le dites si bien, parmi les plus
défavorisées. Pourtant, vous avez une richesse que vous pouvez
exploiter, la forêt. Le projet de la papeterie de Matane a justement
été mis de l'avant afin que vous puissiez en profiter. (16 h
15)
Dans le cadre des négociations actuelles sur le
libre-échange, le gouvernement du Québec a appuyé et
appuie toujours le projet de papeterie à Matane. Je souscris aux propos
de mon collègue, le ministre du Commerce extérieur. Nous sommes
consistants avec nous-mêmes. Une des conditions de notre adhésion
à un accord de libre-échange est le maintien de notre
capacité de soutenir les économies régionales. Nous avons
ici un cas bien concret qui confirme que nous voulons mener de front le dossier
du libre-échange et le développement régional. Tout en
négociant ou en participant aux négociations du
libre-échange, nous avons aussi parallèlement mené les
négociations et les discussions pour le projet de Matane. Je puis vous
assurer que toutes les étapes requises pour l'approbation de ce projet
ont été complétées au gouvernement du
Québec. En effet, nous avons toutes les approbations nécessaires
du Conseil des ministres. REXFOR sera présente et les approvisionnements
en bois sont garantis. Nous avons signé des ententes avec Donohue et
Québécor. La réalisation du projet repose maintenant sur
les épaules du gouvernement fédéral. Or, ce gouvernement
reporte après la date d'une signature éventuelle d'un accord
entre les deux négociateurs l'annonce de sa décision. Qu'est-ce
que cela veut dire? Est-ce que l'appui aux régions sera encore remis en
cause par un accord de libre-échange? D'après nous, cela ne
devrait pas l'être.
Vous représentez, messieurs les représentants de Matane,
une des régions les moins nanties au Canada. Je crois que le
gouvernement canadien est devant un cas concret d'appui vital à une
région. Pour moi, seule une réponse favorable à votre
projet et ce, avant même le 4 octobre, sera la preuve de
l'intérêt du gouvernement fédéral pour les
régions en difficulté. Va-t-il ou non approuver votre projet?
J'attends la réponse
aussi impatiemment que vous. Je ne vois aucune raison pour qu'il dise
non.
Votre présence devant cette commission offre l'occasion de
discuter de développement régional. Comme il s'agit d'un point
soulevé à plusieurs reprises au cours de ces discussions sur le
libre-échange, j'aimerais que nous en parlions un peu plus longuement.
Vous venez d'une région où beaucoup d'efforts ont
été faits, non seulement durant les deux dernières
années où nous avons été élus comme
gouvernement, mais je crois que cela fait plusieurs années - et
même avant cela - que vous parlez d'une papeterie à Matane et que
vous venez toujours sur le bord d'avoir une signature. Maintenant, on est
arrivé, je pourrais dire, à la dernière heure. Nous avons
tous les intervenants possibles. Nous avons un "développeur" du
Québec, Donohue et Québécor. Nous avons l'approbation du
gouvernement du Québec. Nous avons la participation de REXFOR. Tout est
en place pour que cela puisse se réaliser. J'aimerais que vous nous
parliez davantage du choix entre chercher à diversifier votre
économie ou miser sur vos avantages, c'est-à-dire la forêt,
car on parle de développement régional et on dit que le
libre-échange ne doit pas compromettre, d'après nous, le
développement régional.
M. Gauthier (Maurice): Je vous remercie, M. le Président.
M. le ministre, je pense qu'il est important pour nous de travailler à
l'intérieur de cela parce que comme vous l'avez si bien signalé,
cela fait 30 ans... Nous fêtons notre trentième anniversaire de
travail sur cette fameuse papeterie. Je pense que jamais, en 30 ans, on est
arrivé aussi près. Vous l'avez très bien signalé
aussi; tous les morceaux du puzzle sont en place. Il s'agit d'avoir une
décision. Concernant cette décision, j'espère que vous
nous permettez de craindre encore malgré ce que vous nous dites, parce
que après 30 ans, nous avons raison de craindre. Hier soir, les 5500
à 6000 personnes de la région qui étaient
assemblées ont justement démontré encore leur grand
vouloir de voir arriver dans cette belle et grande région une papeterie
régionale, donc un projet moteur qui pourrait nous aider. Pourquoi
tablons-nous là-dessus? C'est très simple. C'est que cela fait
des années que les gouvernements dépensent des sommes d'argent
ici et là. Nous avons peut-être l'occasion, une fois pour toutes,
d'amener un élément, de boucler la boucle. Nous avons, dans nos
régions, des tas de choses. On a la matière première, on
en a parlé tout à l'heure, mais comme l'a dit le
président, nous sommes fatigués de voir sortir cette
matière première sans qu'il y ait finition, c'est-à-dire
transformation secondaire. Il est grand temps... C'est à nous cette
matière-là et ce sont des centaines de milliers de tonnes qui
sortent de la région pour aller justement en faire vivre d'autres.
Durant ce temps-là, comme l'a si bien dit encore là M.
Lechasseur, nos gens ont de la difficulté, nos gens tirent un petit peu
de profit tant bien que mal, à perte même.
Une voix: Et nos jeunes s'en vont.
M. Gauthier (Maurice); En plus de cela, on a un exode. Cela fait
plusieurs fois que je le répète et je pense qu'il n'est jamais
mauvais de le dire, nos gens sortent de la région, nos gens n'ont pas la
capacité de travailler chez eux et cela devient extrêmement
difficile pour une région de se développer à ce
rythme-là.
L'arrivée d'un projet moteur comme celui-là, d'un
mégaprojet, permettrait à toute une région de reprendre
vie et cela, nous le désirons grandement. Chez nous, ce ne sont pas des
paresseux, on l'a dit souvent. Nous avons probablement une des meilleures
mains-d'oeuvre qui existent au Québec et j'ai maintes fois dit
qu'actuellement, on passait peut-être pour une région
d'élevages on préparait des gens pour travailler ailleurs. On est
fatigué de cela, on est fier et on veut aussi vivre chez nous. Un projet
comme cela va nous permettre justement de nous aider à nous prendre en
main. Et quand je dis "prendre en main", il faudrait signaler encore là
- et les gens qui sont ici dans la salle le savent très bien - tout ce
que la région a fait pour tenter de se remettre en place.
Nous avons eu le traversier-rail qui a été
préparé par des gens de chez nous, qui a été
financé par des gens de chez nous qui, par après, ont
travaillé avec le CN pour fonctionner. Nous avons eu Le3 Entreprises
Matabois ltée qui a été le départ de REXFOR et
toujours là, ce sont des capitaux de gens qui avaient quand même
des difficultés mais qui ont mis la main dans leurs poches pour se
donner des chances.
Le gouvernement du Québec, le vôtre, a versé, il y a
quelques années, 31 000 000 $ pour installer des scieries qui ne
demandent pas mieux actuellement que de vivre, mais elles ont des
difficultés. C'est important qu'un projet comme celui-là permette
à ces scieries de reprendre vie et de demeurer dans la région.
Quand on a parlé tout à l'heure d'une consolidation de 1200
emplois, cela fait partie de cela. Il y a les scieries privées aussi qui
sont en place et ces scieries privées ont besoin aussi d'une
consolidation. Avant cela, elles vivaient avec les produits que leur amenait
l'exportation de leur bois à l'extérieur. Avec l'arrivée
de la taxe de 15 %, elles ont perdu justement leurs profits. Une seule scierie:
C'est-à-dire qu'un des amis du coin nous a signalé que pour lui
seul, c'est une perte 1 500 000 $. L'importance, elle est là. C'est pour
consolider et c'est pour cela qu'on veut d'abord voir l'implantation d'une
papetière
comme celle-là.
M. Ciaccia: Merci beaucoup, M. le maire.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Je vais laisser mon collègue...
M. Gauthier (Roberval): J'avais indiqué mon intention de
prendre la parole.
Le Président (M. Charbonneau}: Ah bon! Je pensais que vous
étiez en deuxième ligne.
M. Parent (Bertrand): Le premier frappeur.
Le Président (M. Charbonneau): Alors je vais maintenant
reconnaître comme premier frappeur de l'Opposition le
député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): M. le Président, tout le monde
aura compris que c'est grâce à la grande compréhension de
mon collègue de Bertrand et je l'en remercie.
Messieurs de Matane, il me fait plaisir au nom de l'Opposition de vous
accueillir ici aujourd'hui. Je dois dire que votre mémoire a
été scruté, travaillé et analysé par
l'ensemble de notre équipe et par les gens de nos services. Nous l'avons
trouvé fort intéressant. Je voudrais d'entrée de jeu vous
indiquer que s'il y a un dossier sur lequel, je pense, nous sommes convaincus
et nous pensons que le gouvernement est convaincu, c'est bien le dossier de la
papeterie de Matane. Cela fait plusieurs années et vous aurez battu,
à cet égard, je dois vous le dire, la lutte mémorable qui
s'est tenue au Lac-Saint-Jean où pendant dix-sept ans on a attendu une
usine de pâtes à Saint-Félicien, pour vous rappeler des
faits que vous connaissez peut-être. À cet égard, je peux
vous dire que je sympathise particulièrement avec les gens de la
région, qui sont passés à plusieurs occasions très
près d'une réalisation mais pour qui cela s'est toujours
soldé par un échec. Je comprends donc votre méfiance, je
la partage et soyez sûrs que nous appuierons et nous serons
derrière le ministre pour toutes les actions visant à faire en
sorte que cela se règle chez vous.
Voilà, au moins, un domaine où l'unanimité du
Parlement est derrière les gens, les Matanois. Il me fait plaisir
également de vous indiquer que la plupart des préoccupations que
vous émettez dans votre mémoire, nous les partageons; entre
autres, cette recommandation qui vous fait dire au gouvernement: "...tant et
aussi longtemps -je me permets de citer votre mémoire - que nous
n'aurons pas l'assurance que les programmes gouvernementaux nécessaires
pour combattre les disparités régionales et relancer
l'économie des régions en décroissance sur le plan
économique seront protégés par le projet d'entente sur le
libre échange.".
Laissez-moi vous dire qu'effectivement, je crois que vous avez
entièrement raison de mettre cet énoncé dans votre texte
et plus encore, je me demande si les gens de Matane ne devraient pas, un peu
comme on le fait et comme je le fais maintenant, revendiquer davantage: que le
gouvernement nous montre que les programmes de développement
régional existent vraiment, quels sont-ils et que ces programmes sont en
développement.
Je dois vous dire que je m'inquiète, quand je vois
l'évolution du budget du Développement régional pour le
Québec, je m'inquiète un peu de cette chose-là et je pense
que Vous avez raison de rappeler au ministre cette responsabilité qu'il
se fera certainement un plaisir de prendre avec son collègue du
Développement régional.
Cependant, il y a une chose sur laquelle je me permets de vous indiquer
certaines réticences, et en même temps cela va servir probablement
au gouvernement, c'est quand le gouvernement fédéral nous parle
de développement régional. Je sais que le ministre du Commerce
extérieur a assisté tout à l'heure à des
conversations qui ont eu lieu avec le gouvernement fédéral et
dans lesquelles conversations on se dit tout prêt à
protéger les politiques de développement régional.
Là où je m'inquiète cependant et je voudrais savoir
si vous avez cette inquiétude également, c'est sur le fait qu'au
gouvernement fédéral, quand on parle de développement
régional on parle, en général, de développement de
la région des Maritimes, de la région du Québec, de la
région de l'Ontario et de la région de l'Ouest canadien.
J'aimerais savoir si vous avez eu des informations ou si, de
façon intuitive, vous partagez cette inquiétude qui est la
mienne. Je crains que le gouvernement fédéral ne tienne pas le
même langage que le gouvernement du Québec quand on parle de
développement régional.
M. Gauthier (Maurice): Alors, en fait ce qui se produit, c'est
que nous savons que les deux gouvernements ont des politiques de
développement régional. Nous n'avons pas la certitude justement
que ces deux gouvernements ont la même vision, mais ce que nous savons,
cependant, c'est que le gouvernement fédérai, d'une part, a quand
même certaines politiques. À l'intérieur du budget Wilson,
il a été prévu des sommes d'argent et des crédits
d'impôts qui sont attachés au projet Entreprise Atlantique, qui
comprend une partie de la Gaspésie-Bas-Saint-Laurent.
C'est sûr que c'est intéressant. Ce qu'on n'est pas
capables, nous, c'est de faire le joint entre les deux, mais on est quand
même convaincus que tous les deux ont un certain intérêt
à ce que les régions se développent. Mais nous doutons un
peu, présentement, de l'effort qui pourrait, peut-être, être
fait à ce chapitre et c'est pourquoi nous demandons, dans le
mémoire qui a été présenté par le Syndicat
des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent, que l'accord sur la papeterie
régionale de Matane soit fait avant que cette fameuse entente soit
signée. Parce que même si on nous assure, d'une part, que le
gouvernement fédéral n'est pas prêt à sacrifier, sur
l'autel du libre-échange, le développement régional, nous
avons quand même la crainte que la papeterie de Matane pourrait
être l'agneau immolé. (16 h 30)
M. Gauthier (Roberval): Vous parlez à la page 2, toujours
un peu dans le même sens, d'études économiques
réalisées dans le cadre des négociations et vous parlez de
régions perdantes et de régions gagnantes. Est-ce que vous faites
référence - parce que je comprends mal - à des
études qui auraient été faites dans votre région
par l'OPDQ ou par, je ne sais pas, un organisme gouvernemental quelconque?
Avez-vous eu entre les mains des études démontrant que votre
région pourrait être perdante ou avez-vous eu accès
à l'ensemble des études qui ont été faites
jusqu'à présent? Bref, avec quel outillage, avez-vous
travaillé pour affirmer que la majorité des études parle
de régions perdantes? Et là, je sens que...
M. Gauthier (Maurice): On est les perdants.
M. Gauthier (Roberval): Vous comprenez que vous êtes les
perdants. Est-ce que ces études-là vous ont été
accessibles? J'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus.
M. Canuel (Claude): Alors, M. le député, ce qu'on a
voulu surtout mentionner, c'est que l'ensemble des études... Je vous le
dis tout de suite, la plupart des membres de la délégation, ici,
ne sont pas des spécialistes du libre-échange, on est
plutôt versé dans le quotidien des mesures de développement
régional. Ce qu'on a voulu surtout indiquer, c'est plutôt le fait
qu'à chaque fois qu'on parlait du libre-échange, on entendait
très bien les secteurs économiques, que ce soit l'automobile,
l'industrie, les secteurs mous, qu'on appelle, se défendre très
bien. Et, on a eu l'impression en régions que, dans tout le débat
sur le libre-échange, on s'était beaucoup plus penché sur
les secteurs économiques perdants ou gagnants, et je me
réfère à la revue Actualité ou la revue Commerce.
Toutes les revues qui ont parlé du libre-échange parlaient
toujours, au Québec, de secteurs gagnants ou secteurs perdants. Mais, il
nous a semblé qu'il n'y avait pas beaucoup d'études qui avaient
été faites pour décider des régions gagnantes ou
perdantes.
Quand on parie d'une région comme la nôtre, on parle,
à toutes fins utiles, d'une région monoindustrielle, parce que
plus de 75 % du territoire est occupé par la forêt et le reste,
c'est de l'eau, cela veut dire: poisson, forêt. La diversification, qu'on
vous mentionnait tout à l'heure, est extrêmement difficile
à faire. On a, de plus, sur le plan du leadership économique et
sur le plan démographique, un trou dans la population -si vous me passez
l'expression - les 20-40 ans, cela n'existe plus chez-nous. Alors, on a ou des
gens à l'école, ou des gens âgés, des gens qui ont
fait l'activité dans les dernières décennies et à
qui on demande encore de la faire. C'est pour cela qu'on attache de
l'importance au fait que les mesures spéciales de développement
régional... Mais, entendons-nous par développement
régional. Nous, ce qu'on vise le plus, ce sont des mesures qui cherchent
à combattre les disparités entre les régions.
Notre région est continuellement à l'écart,
complètement à l'autre bout, si vous voulez, du tableau. À
chaque fois que la moyenne nationale se corrige au pays, sur le plan global,
notre région est continuellement à l'extrémité,
elle ne suit pas cette remontée-là, des fois, de la moyenne
nationale. On est convaincus, et c'est pour cela que le syndicat le mentionnait
dans son document, qu'à toutes fins utiles, il y a maintenant trois
sortes de régions; les régions qui sont peut-être capables,
par leur propre force économique, de vivre le libre-échange; les
régions qui sont en perte légère d'autonomie, mais qui ont
suffisamment de leadership à l'intérieur pour s'ajuster et qui
auraient peut-être besoin de petites mesures d'assistance, et les
régions qu'on considère complètement dépendantes,
qui n'entrent jamais dans les programmes normaux et qui ne sont pas capables,
n'ont plus suffisamment de leadership pour suivre la vitesse
internationale.
Je vous rappellerai qu'il y a une autre observation dans le document,
à titre de preuve de cela, c'est la crise économique de 1982. On
a été les premiers à voir venir la crise dans la
région. C'est dans notre région que les entreprises ont
commencé à faire faillite les premières, dès que
les taux d'intérêt ont commencé à monter et,
même s'il y a reprise au pays, on ne la sent pas dans notre
région. D'où, toute l'importance de maintenir des mesures au
moins, qui nous apparaissent comme minimales à l'heure actuelle, comme
celle du crédit d'impôt à l'investissement. Quant à
celle qui a été annoncée concernant l'Entreprise
Atlantique,
je partage un peu vos inquiétudes, dans le sens qu'Ottawa voit la
région atlantique tellement grande, est-ce que réellement ce
programme-là va bien moduler dans toutes les parties les plus
dépendantes de cette grande région de l'Atlantique? Moi, je ne
sais pas. On parle de Matane et du projet de la papeterie, mais, je ne vois pas
comment à Gros-Morne et en bas de Sainte-Anne-des-Monts, en allant
jusqu'à Rivière-au-Renard, ils puissent s'en sortir uniquement
avec un programme comme cela. Alors, cela nous apparaît être des
mesures minimales, il devrait s'en inventer d'autres si des régions
comme la nôtre doivent vivre le libre-échange. Mais, au moins,
pour l'instant, ce qui est notre préoccupation première, c'est
celle de sauver, avec ces mesures-là... Parce que le promoteur, à
l'heure actuelle, n'a pas demandé de subvention directe et c'est
important, je pense, que la commision le sache. Le promoteur ne demande pas et
personne ne demande des subventions directes pour toujours supporter
l'industrie, mais des subventions, des crédits d'impôt à
l'investissement tels que le gouvernement l'a confirmé. Son programme
Entreprise Atlantique et les mesures, les programmes existants du
fédéral sur le développement régional permettent,
dès demain matin, si on a une décision, de confirmer le dossier
de la papeterie régionale. Mais, pour l'ensemble des autres secteurs, il
faudrait quand même garder des mesure spéciales. La papeterie
régionale règle un mosus de bon cas dans le coeur de la grande
région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, mais il faudrait quand
même des mesures pour lutter contre les disparités ou des
programmes adaptés à la réalité de ces
régions-là, que votre gouvernement et que le gouvernement
fédéral aient toujours la possibilité, après une
entente de libre-échange, de pouvoir maintenir ou d'adapter, ou d'en
produire des nouvelles.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la
députée de Matane.
Mme Hovington: Merci, M. le Président. D'abord, je dois
vous souhaiter la bienvenue à la commission sur le libre-échange
et vous remercier, le Syndicat des producteurs de bois du Bas- Saint-Laurent,
d'avoir bien voulu présenter ce mémoire. Laissez-moi vous dire,
M. le Président, que je suis heureuse d'avoir l'occasion de traiter
brièvement de la situation de l'industrie forestière en marge de
la libéralisation des échanges entre le Canada et les
États-Unis.
Étant députée de Matane, vous comprendrez mon
implication en ce qui concerne le développement régional. Et en
tant que députée de Matane, justement, hier soir, M. le
Président, j'ai assisté et j'ai participé aussi à
une manifestation d'appui au projet de la papeterie de Matane. Il y avait de 5
000 à 6 000 personnes au moins de réunies et non pas seulement de
la ville de Matane, et vous étiez témoin, hier soir, il y en
avait d'Amqui, de Mont-Joli, de Sainte-Anne-des-Monts, de Marsoui, en fait, il
y en avait de toute la grande région de Matane. Et ces gens-là,
c'étaient des hommes, des femmes, des jeunes étudiants qui
criaient de nouveau leur volonté pour trouver du travail. Ils criaient
aussi leur droit à avoir du travail chez eux. Ils ne veulent plus avoir
à faire face à un taux de chômage d'au-delà de 23 %.
Cette population-là veut garder les jeunes dans la région. Et je
rappellerai ici que, dans mon comté, j'ai des villages où la
moyenne d'âge, M. le Président, est de 55 ans. Alors, c'est la
preuve qu'il y a un exode vraiment des jeunes à l'extérieur de la
région. Et le projet de papeterie de Matane illustre bien l'obligation
pour les gouvernements de promouvoir le développement régional et
créer des emplois non pas temporaires, mais des emplois enfin
permanents.
Et j'en profite ici pour rappeler certains chiffres qui sont
révélateurs. Vous les avez dans votre mémoire, je crois,
mais vous ne les avez pas donnés aux membres de la commission. En 1983,
dans la région Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, le
fédéral a versé en prestations de chômage, 263 000
000 $ dans un an, en 1983. A cela s'ajoutent les prestations d'aide sociale de
96 100 000 $; tout cela dans la même année, en 1983. En plus de
ces 263 000 000 $ de chômage, de ces 96 000 000 $ de prestations d'aide
sociale, le ministère de l'Emploi et de l'Immigration a injecté
39 100 000 $ par le biais de programmes d'emplois temporaires. Ce qui nous fait
un chiffre de 398 200 000 $, M. le Président, soit tout près de
400 000 000 $, dans un an, que cela coûte aux gouvernements pour
maintenir ou faire travailler artificiellement une population. Tout près
de 400 000 000 $ en un an, c'est presque le projet de la papeterie de Matane
qui s'élève à 420 000 000$. Cela coûte 400 000 000 $
aux deux gouvernements dans un an.
La région de Matane est, après Terre-Neuve, ia plus
défavorisée au Canada et, dans ce contexte, l'impact de la
papeterie régionale de Matane sur l'économie et le
développement régional nous paraît évident. Pour la
région de Matane, il s'agit d'un investissement, comme je le disais, de
420 000 000 $, la création d'emplois en usine de 350 000 000 $, 350 000
000 $ je dis bien, 1200 emplois dans les usines et dans les forêts. Dans
les usines de sciage où les emplois seraient en difficulté si le
projet de la papeterie de Matane ne voyait pas le jour. Alors, cela
consoliderait en même temps ces 1200 emplois dans les usines de sciage.
Et sans compter presque 10 000
personnes qui jouiraient des retombées économiques de ces
3Q0 emplois créés en usine. Que ce soient les stations-services,
les quincailleries, enfin, tous les commerces qui touchent une région
comme la grande région de Matane.
Les gouvernements ne doivent donc pas abdiquer devant leurs engagements
et leurs responsabilités. Mais le gouvernement du Québec a tenu
parole et toutes les autorisations sont obtenues. Les garanties
d'approvisionnement, on les a. Tout est passé devant le Conseil des
ministres. Le gouvernement du Québec a mené et continue de mener
de front les dossiers du libre-échange et du développement
régional. Si réellement le gouvernement fédéral
mène de front les dossiers du développement régional et du
libre-échange, si réellement le développement
économique et le libre-échange vont de pair, alors le projet de
papeterie de Matane doit en faire la preuve et le gouvernement
fédéral doit y donner sa réponse immédiatement. Moi
aussi, j'attends la réponse, comme toute la population de la grande
région de Matane qui attend la réponse du fédéral.
Il faut que ce soit cet automne, très vite.
Permettez-moi de vous poser une question, M. Lechasseur ou M. Cyr,
concernant les copeaux. On parle d'approvisionnement, combien êtes-vous
obligés de vendre de copeaux à l'extérieur de la
région? Vous avez des surplus de copeaux, vous en vendez à
Trois-Rivières, à New-Chandler, peut-être même en
Europe?
M. Lechasseur: C'est assez difficile de répondre à
cela parce que le syndicat fait la mise en marché, mais du bois rond. On
sait qu'il y a beaucoup de copeaux qui sortent de la région parce que
les usines utilisatrices sont toutes à l'extérieur du territoire
du Bas-Saint-Laurent. Je ne peux pas dire quel est le nombre exact de tonnes
qui sortent du territoire, sauf qu'on sait fort bien que cela aiderait nos
industriels du bois de sciage, qui sont souvent dans le marasme, et aussi les
producteurs si on avait des usines qui consommaient davantage chez nous.
M. Gauthier (Maurice): Sur le plan des scieries privées,
il y a 298 000 tonnes métriques anhydres de copeaux de bois qui sortent
de la région; ce sont des scieries privées qui sont dans la
région, donc les 25 scieries privées. Concernant REXFOR, il y a
81 000 tonnes métriques anhydres de copeaux qui sortent de la
région. C'est incroyable.
Mme Hovington: À quel prix?
M. Gauthier (Maurice): Une tonne métrique anhydre de bois
coûte, pour la produire, 102 $. Ils réussissent à la vendre
entre 90 $ et 100 $ et ils sont obligés d'absorber le transport, ce qui
veut dire qu'il leur reste entre les mains environ 70 $. Ce qui est encore plus
grave, quand on parle de REXFOR. L'an dernier, on a exporté je ne sais
pas combien de milliers de tonnes à l'extérieur de la
région par bateau, c'est-à-dire du côté de
l'Angleterre et de la France, le copeau se vendait à ce moment-là
environ 40 $ la tonne métrique anhydre.
Le Président (M. Charbonneau): Une dernière
brève question, Mme la députée.
Mme Hovington: Oui, brièvement, M. le Président,
merci. Vous comprendrez mon intérêt pour le dossier.
Le Président (M. Charbonneau): Oui, je comprends votre
intérêt, mais je voudrais qu'on s'en tienne au sujet de la
commission, qui est le libre-échange, parce qu'autrement, on pourrait
facilement déborder et faire une commission sur le dossier de la
papeterie, ce qui serait peut-être dans les prérogatives de la
commission, mais non pas dans le mandat actuel.
Mme Hovington: Est-ce que la papeterie régionale de Matane
améliorerait cet état de fait vis-à-vis des producteurs de
bois, des copeaux, du coût et des profits que cela pourrait amener?
M. Gauthier (Maurice): Absolument. Ce dont ces gens ont besoin,
on l'a signalé tout à l'heure. Actuellement, ils ont un salaire
qui leur permet à peine de vivre et quand ils continuent à
produire du bois, c'est uniquement pour pouvoir s'assurer de
bénéficier de i'assurance-chômage, d'accumuler des timbres
d'assurance-chômage pour construire. En fait, M. le Président,
mesdames et messieurs de la commission, depuis que nous travaillons sur ce
fameux dossier de la papeterie régionale, nous avons dû attendre
après la réforme fiscale du ministre Wilson, nous avons dû
attendre aussi les crédits d'impôt à l'investissement pour
notre région, attendre qu'ils soient maintenus, nous avons dû, par
la suite, attendre que le gouvernement fédéral annonce un
programme Entreprise Atlantique. Il s'agit de deux programmes
fédéraux qui ont été annoncés, il y a moins
d'un an, par le gouvernement fédéral, comme outils
spéciaux de développement pour les régions
dépendantes sur le plan économique, comme il a été
signalé tout à l'heure.
Ce que nous vous demandons aujourd'hui, au nom de tous les gens de cette
belle et grande région, c'est de nous assurer - j'ai encore peur
là-dessus, et ce que vous nous avez dit tout à l'heure ne nous
rassure pas outre mesure - que ces mesures spéciales pour combattre les
disparités régionales au pays ne seront pas annulées,
diminuées ou sacrifiées pour
permettre la signature de l'entente sur le libre-échange.
(16 h 45)
Les deux mesures dont je viens de vous parler, et c'est bien peu pour
combattre les disparités régionales, peuvent à elles
seules permettre la réalisation du projet de papeterie régionale
de Matane, qui, soit dit en passant, à cause de la structure presque
monoindustrielle de la région, apparaît comme la véritable
clef de voûte de la relance économique du coeur de la
région du Bas-Saint-Laurent~Gaspésie et principalement de son
milieu rural. Il ne faut jamais oublier cela. Vous admettrez, et vous l'avez
dit tout à l'heure, Mme la députée, que ce ne sont pas 39
000 000 $ dépensés par Emploi et Immigration Canada, en 1983-84
pour la création artificielle d'emplois, ce ne sont pas non plus les 263
000 000 $ qui ont été versés en assurance-chômage,
ni les 96 100 000 $ qui ont été versés en prestations
d'aide sociale, toujours en 1983, qui vont relancer l'économie d'un pays
et d'une région, en particulier, la nôtre -permettez-moi de
terminer là-dessus surtout pas dans une région où il y a
beaucoup plus de boubous macoutes que de commissaires industriels.
Mme Hovington: Dites-moi, est-ce qu'il y a une compagnie
papetière...
Le Président (M. Charbonneau): C'est fini. Vous avez
déjà...
Mme Hovington: La dernière.
Le Président (M. Charbonneau): La dernière.
Mme Hovington: Merci, M. le Président. Est-ce que le bas
prix des copeaux profite maintenant à une compagnie en particulier dans
notre région?
M. Gauthier (Maurice): Dans notre région, on sait
très bien que la Consohdated-Bathurst est dans la Baie des Chaleurs et
qu'elle n'est pas intéressée de voir arriver l'implantation d'une
papeterie qui va faire en sorte que les prix d'approvisionnement en copeaux
seront difficiles. Mais ces prix en approvisionnement en copeaux vont permettre
à peut-être 200 ou 300 autres personnes de cette belle
région de la Baie des Chaleurs de travailler comme travailleurs
forestiers.
Mme Hovington: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, Monsieur, et Mme la
députée. J'ai l'impression que le ministre est content. C'est un
peu la réponse qu'il voulait entendre, si j'ai bien compris ses
mimiques. M. le député de Bertrand.
M. Ciaccia: Vous voulez entendre la vérité, M. le
Président?
Mme Hovington: On l'a eue.
Le Président (M. Charbonneau): Oui. Si une bonne
réponse, c'est la vérité.
M. Ciaccia: Je pense que...
M. Gauthier (Maurice): C'est un bon témoignage, y compris
précédemment.
Une voix: Revenons au libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand. Je pense que ce sera le dernier intervenant.
M. Parent (Bertrand): II me reste du temps.
Le Président (M. Charbonneau): Oui.
M. Parent (Bertrand): Si Mme la députée de Matane
a besoin de poser des questions, elle n'a qu'à venir s'asseoir de ce
côté-ci, il nous reste encore un peu de temps.
Mme Hovington: Non, je me contenterai de ma place.
M. Parent (Bertrand): Je comprends très bien les
préoccupations que vous avez, et qui ont été
exprimées tout au cours de votre mémoire, face à cette
entente de libre-échange possible et ce fameux projet de papeterie de
Matane. D'abord, et je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, mais je pense
que le ministre sera d'accord, c'est un peu incroyable, un petit peu
inconcevable et voire inacceptable que le gouvernment du Québec,
l'Opposition, tout le monde ici au Québec s'entende, que tout le monde
ait fait le travail qu'il y avait à faire et qu'on se trouve impuissant
devant une décision qui appartient à Ottawa. Le ministre du
Commerce extérieur a vécu aussi un autre dossier où on
s'entend, auquel j'ai essayé de participer positivement, même si
on était de l'autre côté, celui de l'Opposition, c'est
l'implantation de l'agence spatiale à Montréal, et
encore-là, on vit exactement la même situation. On est dans une
situation où on ne peut rien faire sinon se mettre à genoux et
prier.
Pour ce qui est du rôle que devront jouer les
sociétés d'Etat, je pense à REXFOR, je pense à la
Société de développement industriel, qui, en
période de crise, a aidé plusieurs des PME de la région
dans votre domaine. J'étais de l'autre côté de la table au
conseil d'administration de la SDI, à ce moment-là, lorsque les
différents dossiers arrivaient. Face au libre-échange,
premièrement, est-ce que vous croyez que ce travail qui est fait
par les sociétés d'État et je me réfère
à deux en particulier, à REXFOR et SDI, doit continuer de se
faire, doit s'accentuer pour être capables d'être toujours plus
concurrentiels, être capables d'investir? Deuxièmement, est-ce
que, dans le cadre de votre travail que vous aviez à faire et votre
appui pour le développement régional, vous avez eu de la part de
l'OPDQ une aide quelconque? J'imagine que vous avez frappé è la
porte et que cet organisme, qui est l'office de développement
régional au Québec, a un rôle important à jouer. On
sait de source sûre qu'il existe à l'OPDQ non seulement des
études qui ont été faites au cours de la dernière
année, mais tout un travail qui aurait pu, pourrait vous être
utile ou vous a été utile. Comme deuxième volet,
j'aimerais savoir si vous avez quelque collaboration de l'OPDQ ou si vous
entendez frapper à sa porte si ce n'est déjà fait?
M. Gauthier (Maurice): Ce qui est important de vous
répondre là-dessus, c'est que pour nous, toutes les études
sont terminées. On ne veut plus rien savoir d'études. Nous nous
sommes rendus à Ottawa, la semaine dernière, pour dire au
ministre de Cotret et aux autres que c'était terminé, qu'on ne
voulait plus rien savoir. Le gouvernement du Québec a fait sa part. Il a
confirmé les approvisionnements, il a fait des négociations, il a
trouvé un promoteur qui a dit oui et qui a fait, lui aussi, toutes les
études voulues. Pour nous, il ne reste que la décision. C'est
tout ce qu'on peut répondre là-dessus, c'est la décision
qu'on veut.
M. Parent (Bertrand): D'accord. Concernant les
sociétés d'État et le rôle qu'elles auraient
à jouer dans le cadre du libre-échange.
M. Canuel: M. le député, il semble qu'il n'y a pas
de règle absolue. Je pense que vous admettiez des deux
côtés de la table, tout à l'heure, que vous souhaitiez
garder le maximum d'outils pour intervenir. Je pense que ce n'est pas à
nous de vous dire: Oui, le bon outil, c'est une société
d'État ou ce n'en est pas une. On peut quand même admettre, dans
certaines circonstances, la nécessité d'avoir des
sociétés d'État comme outils spéciaux pour
intervenir et dans ce sens-là lorsqu'est arrivée la crise
économique de 1982 où les scieries privées fermaient l'une
derrière l'autre, qu'on ait eu l'outil d'une société
d'État pour les reprendre, est-ce un outil qui doit demeurer à
temps plein et de façon continue? Je pense qu'on souhaite tous que cela
serve un peu de levier pour donner un coup de main, mais après, quand on
revient dans des circonstances normales, comme on souhaite y arriver
après la papeterie de Matane, que le moteur de notre économie
demeure l'entreprise privée. Je pense bien qu'on ne doit quand
même pas se couper, avec le libre-échange, de toute la gamme des
outils dont on aura besoin pour assurer notre développement de
façon autonome et surtout la survie et le développement des
régions qui en ont le plus besoin.
M. Parent (Bertrand): En terminant, puisque les dernières
minutes s'écoulent de notre côté aussi, j'endosse ce que
mon collègue, le député de Roberval, a mentionné
tantôt et je dis aussi au ministre qu'il aura toute notre collaboration
dans ce dossier dans le but de permettre d'arriver à des fins positives.
S'il faut aller vers les mesures qu'on a prises dans le cas de l'agence
spatiale, le ministre sait ce qu'on pourrait faire à ce
moment-là. Merci beaucoup.
Le Président (M. Charbonneau): Sur cette dernière
intervention je voudrais vous remercier, messieurs, d'avoir participé
à cette consultation générale et de vous être
déplacés. Je veux vous souhaiter bonne chance dans votre
région en espérant que la prochaine fois que vous reviendrez, ce
sera peut-être pour nous dire comment fonctionne la papeterie.
M. Gauthier (Maurice): Cela nous fera plaisir.
Le Président (M. Charbonneau): Bon retour et à la
prochaine.
M. Lechasseur: M. le Président, on vous remercie, de
même que l'ensemble de ceux de la commission qui nous ont
écoutés. On se rend compte que vous êtes au courant de ce
qui se passe dans le Bas-Saint-Laurent.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. Bon retour.
J'inviterais maintenant le Comité des jeunes du Parti
québécois à prendre place à la table des
invités.
Mme Courville et M. Lougnarath, je vous rappelle les règles du
jeu de la commission. On a une heure pour la rencontre avec vous: d'abord, une
vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et,
par la suite, le reste du temps est réparti de part et d'autre pour des
échanges avec vous. Mme Courville, je vous demanderais de
présenter votre collègue pour une meilleure compréhension
du président et pour les fins du Journal des débats. Par la
suite, je vous demanderais d'engager immédiatement votre
exposé.
Mme Courville (Isabelle): Merci, M. le Président. Je vous
présente donc le responsable du dossier au Comité national des
jeunes du Parti québécois. C'est M.
Vilaysoun Lougnarath.
Le Président (M. Charbonneau): On s'excuse, M. Lougnarath.
M. Lougnarath (Vilaysoun): Vous êtes tout
pardonné.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, allez-y.
Comité national des jeunes du Parti
québécois
Mme Courville: Aujourd'hui, le Comité national des jeunes
du Parti québécois souscrit au principe d'une
libéralisation des échanges commerciaux entre le Québec et
les États-Unis. Essentiellement, trois critères ont permis
d'établir notre position. Comme plusieurs, nous sommes conscients que le
Canada n'a pas accès à un marché de 1Q0 000 000
d'habitants et qu'à long terme, cette situation représente
effectivement une condition non saine à l'économie
québécoise.
Deuxièmement, le comité est d'avis qu'on ne doit pas
prendre à la légère les menaces de protectionnisme que les
États-Unis laissent planer sur notre économie. Finalement, la
libéralisation des échanges canado-américains s'inscrirait
très bien dans la foulée des efforts déployés sous
l'égide du GATT afin de démanteler tous les obstacles tarifaires
et non tarifaires qui entravent le commerce international. Dans ce sens, un
environnement qui serait caractérisé par une fluidité
croissante des échanges commerciaux est un paramètre avec lequel,
tôt ou tard, il faudra composer.
L'intérêt pour le Québec et pour le Canada d'une
libéralisation de leurs échanges avec les États-Unis
réside, bien sûr, dans cet accès garanti à un
marché aussi spacieux que nos principaux concurrents économiques.
Le fait de décupler l'étendue de notre marché interne
aurait un impact positif sur la compétitivité de l'industrie
québécoise et canadienne puisque celle-ci serait à
même de réaliser des économies d'échelle fort
significatives à condition, bien sûr, de prévoir - nous en
reparlerons - des mécanismes de transition qui permettraient aux
compagnies québécoises de s'adapter à ce nouveau contexte
économique.
Le libre-échange pourrait aussi nous permettre d'entrevoir au
Québec l'émergence d'une psychologie de la gestion et de la
fabrication marquée par plus d'audace et d'agressivité. Dans
cette optique, l'incidence serait bénéfique, non seulement en
regard du marché américain, mais aussi eu égard aux
positions occupées par les entreprises québécoises et
canadiennes sur l'ensemble du marché international.
La politique commerciale américaine est
caractérisée, depuis quelques années, par le
protectionnisme. On en parle beaucoup. Les phénomènes que l'on
aperçoit actuellement ne sont probablement que la pointe de l'iceberg si
un accord n'intervient pas. Nous avons eu à goûter à la
médecine du protectionnisme américain. On se rappelle sans
euphorie l'épisode récent sur le bois d'oeuvre canadien. On se
rappellera aussi, lorsque Bombardier a enlevé le contrat du métro
de New York, que son concurrent américain s'est empressé de
contester la légalité de l'aide gouvernementale canadienne au
financement des exportations. On peut aussi mentionner, comme exemple, les
récentes protestations élevées par les usines
américaines de papier contre les subventions de modernisation obtenues
par l'usine québécoise Domtar. Tout cela n'est évidemment
que la pointe de l'iceberg. Il faut cesser cette façon de
fonctionner.
Si les recours légaux intentés par l'entreprise
américaine sont parfois justifiés, ils se ramènent souvent
à des manoeuvres de harcèlement ayant pour but de ralentir la
pénétration des entreprises étrangères, manoeuvres
dont la légitimité apparaît a tout le moins discutable.
Pour les entreprises exportatrices québécoises et canadiennes,
cette sorte de guérilla mine considérablement la stabilité
de l'accès aux marchés américains et les empêche de
développer des stratégies efficaces à long terme. Donc,
une libéralisation du commerce entre les États-Unis et le Canada
apparaît ici comme un élément de réponse à ce
problème.
Le souci des États-Unis de libéraliser le commerce
international s'est déjà traduit par la conclusion, en 1947, de
l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le
GATT. Les conférences tarifaires qui ont suivi ont permis de mettre
progressivement au rancart des tarifs douaniers. Ainsi, en 1987, les tarifs
mondiaux ne représentent plus que 3,8 % de la valeur des produits
importés. Ainsi donc, comme je viens de le démontrer
brièvement et comme plusieurs experts l'ont fait avant moi à
cette table, le libre-échange s'inscrit donc dans une
libéralisation internationale et mondiale de l'économie.
L'adhésion de notre comité des jeunes au principe de la
libéralisation des échanges commerciaux ne signifie cependant pas
que nous cautionnerons inconditionnellement n'importe quel traité de
libre-échange.
Nous appelons le traité que nous favorisons un
libre-échange à la québécoise dont plusieurs
facettes vous seront expliquées aujourd'hui (17 heures)
Une de ces facettes comporte la mise en oeuvre, par le gouvernement
québécois, de politiques qui visent à négocier en
douceur le virage du libre-échange et aussi à répartir
équitablement entre les différentes couches de la
société québécoise, les bénéfices
d'une
telle entreprise.
C'est en effet une des responsabilités premières, de tout
gouvernement, d'aménager un environnement susceptible de favoriser
l'activité économique et la création de la richesse, mais
c'est un des axiomes au coeur de l'engagement politique des membres de notre
comité que cette facette du rôle de l'état, se couple
légalement des obligations fondamentales eu égard à la
distribution de cette richesse.
À notre avis, une politique de distribution de la richesse passe,
aujourd'hui, par une politique intégrée de plein emploi. L'action
socio-économique que l'État québécois entend mener,
lors de la phase transitoire de l'établissement d'une zone de
libre-échange, devrait donc accorder autant d'importance, sinon plus,
à la distribution de la richesse qu'au soutien de la croissance
économique, et tout cela devra s'articuler autour d'une politique de
plein emploi. De fait, noua sommes animés de la ferme conviction que la
gestion socio-économique du libre-échange et une politique de
plein emploi sont les faces d'une même médaille et que nous devons
considérer ces deux aspects dans une même perspective.
Une attention particulière devrait être portée
à des programmes de formation et de recyclage des travailleurs des
secteurs industriels qui risquent de moins bien porter la concurrence
américaine. D'autre part, il devrait être pris avantage de la
politique fiscale pour s'assurer d'un juste partage des bénéfices
du libre-échange.
Toutes ces mesures et d'autres, que le gouvernement du Québec
exigera du gouvernement fédéral et des instances
américaines qui négocient, permettra donc d'appeler ce
traité du libre-échange, un traité à la
québécoise et non un traité à la canadienne.
Le gouvernement du Québec devra donc exiger que, à
l'instar des autres traités en vigueur, un accord de
libre-échange prévoie des mécanismes de transition et un
abaissement progressif des barrières tarifaires et non tarifaires de
façon à permettre aux entreprises plus vulnérables de
s'ajuster au nouvel environnement économique.
Ces mécanismes de transition ont beaucoup été
traités ici et celui sur lequel nous voudrions le plus discourir - cet
aspect du libre-échange à la québécoise, toujours
sur lequel nous voudrions le plus nous pencher -est l'impact du
libre-échange sur l'architecture fédérale canadienne et
sur nos institutions politiques.
Je cède la parole à M. Lougnarath.
M. Lougnarath: Merci, Isabelle. Le Comité national des
jeunes du Parti québécois se prononce en faveur du
libre-échange, mais pas à n'importe quel type de
libre-échange, un libre-échange à la
québécoise.
Qu'est-ce qu'un libre-échange à la
québécoise? Pour nous, un libre-échange à la
québécoise, c'est d'abord un libre-échange où le
Québec est une force agissante. C'est un libre-échange où
le Québec participe è titre d'interlocuteur
privilégié. Somme toute, c'est l'aménagement d'un
environnement où les Québécois et
Québécoises pourront affirmer leur souveraineté
économique. Dans cet ordre d'idées, la séquence
d'argumentation que nous aimerions proposer, maintenant, se profile comme suit.
D'abord, nous pensons que le gouvernement du Québec doit être
conscient qu'il y a danger que certains intérêts utilisent le
libre-échange pour centraliser davantage le fédéralisme
canadien et marginaliser les États provinciaux en tant que
décideurs économiques.
Nous nous opposons évidemment à ce biais, mais nous
pensons qu'il est possible de contrecarrer ce détournement du
libre-échange en réalisant ce que nous appelons le
libre-échange à la québécoise. Ce
libre-échange à la québécoise s'articule autour de
deux actionss d'abord, l'occupation du champ par l'État du Québec
en matière de politique industrielle, et deuxièmement, une
participation aux structures.
Abordons donc, si vous le voulez bien, le premier maillon de notre
argumentation, la tentation centralisatrice. C'est à la page 17 du
mémoire que nous vous avons soumis. Nous vous ferons d'abord remarquer
que la volonté d'utiliser ou d'employer le libre-échange pour
centraliser le fédéralisme canadien a déjà
été exprimée. Je fais ici allusion au rapport de la
commission Macdonald, portant sur l'union économique et les perspectives
d'avenir. Pour la commission Macdonald, l'amplification du rôle de
l'État fédéral et la réalisation d'une zone de
libre-échange vont de pair. Il est concevable, à long terme,
qu'un accord de libre-échange réduise le pouvoir des provinces
par rapport à celui du gouvernement fédéral, clame
à la page 401 du tome 1 le rapport de ladite commission. Donc,
volonté politique de centraliser davantage le fédéralisme
canadien à laquelle viennent se greffer des moyens ju ridiques de
réaliser cette centralisation.
Le partage des pouvoirs économiques au Canada est fondé
essentiellement sur une distinction entre économie interne et
économie externe. Les matières inhérentes à
l'économie interne relèvent du pouvoir provincial; par exemple,
la production des ressources naturelles ou encore la mise en marché
locale des produits alors que les domaines tributaires de l'économie
externe, c'est-à-dire les tarifs douaniers, le commerce interprovincial,
ressortent au pouvoir fédéral.
Or cette distinction apparaît, aujourd'hui, quelque peu
dépassée puisque, comme le fait remarquer le professeur Bernier,
de l'Université Laval, et je cite:
Toute initiative sur le plan interne est susceptible d'avoir des
répercussions sur le plan externe et que, inversement, toute
intervention sur le plan extérieur peut avoir un impact sur le plan
interne. Le plus remarquable exemple de la désuétude de cette
règle économie interne-économie externe est sans doute les
récents déboires d'Hydro-Québec devant l'Office national
de l'énergie relativement aux exportations d'énergie
électrique en Nouvelle-Angleterre. On a ici ce que d'aucuns estiment le
fer de lance d'une stratégie de relance ou d'une stratégie
industrielle québécoise qui devient soumise au pouvoir
décisionnel du gouvernement fédéral du fait que le produit
-l'électricité - est destiné à des marchés
d'exportation. On se rend donc compte, ici, des imbroglios politiques de
même que des inconvénients pratiques qu'occasionne cette
distinction.
L'inadéquation de cette distinction économie
interne-économie externe risque de s'amplifier avec la
réalisation d'un accord de libre-échange, puisque cet accord a
pour effet d'internationaliser davantage l'économie interne.
Face à cette situation, les tribunaux pourraient tenter de
délaisser cette dichotomie économie interne-économie
externe et de favoriser une grille d'analyse qui, pour des raisons d'ordre
fonctionnel, favoriserait, de façon marquée, le pouvoir
fédéral. Donc, force politique, force juridique et la cerise sur
le sundae, si vous me le permettez, c'est une pression centralisatrice de
nature économique. Dans le contexte d'une zone de libre-échange,
de plus en plus de décisions importantes et d'orientations seront
tracées dans le cadre d'institutions bilatérales
Canada-États-Unis. Or si, de notre côté, le seul joueur est
l'État fédéral et si on se fie à ce qui s'est
passé sur le plan des négociations, force est de constater que le
seul joueur qui occupe le terrain, c'est l'État fédéral.
Avant de suspendre les négociations, par exemple, cet après-midi,
je pense qu'on n'a pas consulté le gouvernement du Québec ou le
gouvernement de l'Ontario. On a annoncé, après coup, la
décision de suspendre les négociations.
Ce genre de situation où l'État fédéral est
le principal joueur risque de rehausser cette crédibilité en tant
que décideur économique et de diminuer d'autant celle des
provinces. Si le seul joueur à aller au bâton, c'est l'État
fédéral, il est normal que ce soit à lui qu'on envoie les
signaux.
Maintenant, nous ne croyons pas que cette poussée centralisatrice
soit irréversible ou irrésistible. Au contraire, nous pensons
qu'ii est possible de l'endiguer, de la contrecarrer par ce que nous appelons
le libre-échange à la québécoise. La réponse
à la tentation centralisatrice, pour nous, c'est le libre-échange
à la québécoise, c'est-à-dire un projet qui
s'articule autour de deux grands axes. D'abord, l'occupation du champ en
matière de politique industrielle.
Nous sommes d'avis que c'est l'État québécois qui
doit être le maître d'oeuvre de la politique industrielle au
Québec, qui doit, surtout, être le maître d'oeuvre ou le
chef d'orchestre qu'il faudra mettre en oeuvre pour permettre au Québec
de négocier en douceur le virage du libre-échange. Il ne faut pas
se le cacher - et cela a été répété à
plusieurs occasions -l'avènement du libre-échange transformera
substantiellement l'économie québécoise, la structure
industrielle québécoise. Nous pensons donc que le
libre-échange commande le déploiement d'un éventail de
politiques, allant de la formation professionnelle au développement
régional en passant par les relations de travail, la capitalisation des
entreprises, la productivité des entreprises.
Or il nous semble que c'est à ces chapitres que la
primauté de l'action de l'État québécois doit
s'affirmer. La qualité, l'envergure des actes posés par le
gouvernement du Québec vont se porter garantes de l'ordre de grandeur du
rôle qu'il jouera à l'avenir sur le terrain économique,
à notre avis.
Deuxième élément de ce libre-échange
à la québécoise, l'implication du Québec dans
l'entreprise, d'abord, par une participation à la phase des
négociations. Il nous apparaît crucial - et là-dessus, je
ne pense pas qu'on risque de provoquer de grosses vagues -qu'un accord de
libre-échange ne soit pas signé, ne soit pas ratifié par
le Canada sans l'accord des provinces. Dans ce sens, il nous apparaît
plus qu'opportun de faire suite à l'engagement que prenait le premier
ministre du Canada en novembre 1986 - et je vais citer ici un extrait du Devoir
du 30 novembre 1986 - qui consistait "à définir au cours des
prochains mois des mécanismes pour permettre aux provinces de ratifier
un éventuel traité". On attend toujours et c'est à
souhaiter qu'à un moment donné le chat sorte du sac.
Deuxième sous-élément de cette participation du
Québec à l'entreprise du libre-échange: une participation
aux structures de gestion du libre-échange. Nous pensons que le
Québec devrait être impliqué dans les structures
chapeautant une zone de libre-échange, que ce soit en réservant
à ses représentants certains postes ou en l'associant aux
nominations. Nous sommes aussi d'opinion, en ce qui a trait aux
différends portant spécifiquement sur les actes du gouvernement
du Québec, que ce soit à l'intérieur d'un corridor reliant
directement Québec et les instances américaines concernées
et que ce soit à l'instance de ce corridor que les mécanismes de
règlement des différends de même que les mécanismes
de conciliation soient aménagés.
Par exemple, ce sont à des instances bilatérales
Québec-États-Unis ou à la limite trilatérales
Québec-Ottawa-États-Unis, qu'on devrait confier la
responsabilité de régler les différends relativement
à un programme de subvention du Québec ou à une mesure, un
programme de soutien ou de politique fiscale québécoise.
Troisièmement, nous pensons que le gouvernement du Québec
devrait exiger que l'accord de libre-échange prévoie un droit de
retrait pour le Québec. Ce serait là disposer d'une police
d'assurance qui permette à notre peuple d'envisager l'avenir avec
beaucoup plus de sérénité, sous les cieux du
libre-échange.
Mme Courville: Ainsi donc, nous avons tenté de
démontrer que le gouvernement fédéral possède
certainement la volonté politique, les moyens juridiques et subira des
pressions économiques des autres provinces pour centraliser davantage -
si on ne fait pas attention - les pouvoirs économiques du gouvernement
à Ottawa. Le libre-échange ne doit donc pas être l'occasion
des années 2000 pour le gouvernement fédérai de
s'insérer dans les champs de juridiction provinciale. Le gouvernement du
Québec doit donc être extrêmement vigilant et contrecarrer
cette poussée centralisatrice, ce libre-échange à la
canadiennes pour mettre de l'avant un libre-échange plutôt
à la québécoise, un projet collectif qui mettra l'avenir
du Québec sur une bonne voie.
Nous vous remercions.
Le Président (M. Charbonneau):
Madame, monsieur, je vous remercie dé cette présentation.
Je crois que le ministre du Commerce extérieur aurait quelques questions
ou commentaires. M. le ministre.
M. MacDonald: Mon premier commentaire, ce sont des
félicitations. Je vous ferais remarquer, en reprenant vos paroles
à la page 10, où vous dites: "II lui convient d'arrêter sa
position à la lumière des modestes connaissances qu'il a acquises
du dossier", que des adultes qui sont passés nous voir auraient eu
grandement à gagner à vous rencontrer auparavant afin pour
d'apprendre à structurer une présentation. Il est évident
que nous ne réconcilierons pas nos positions sur le plan
constitutionnel. Il est évident qu'à l'intérieur de votre
présentation, à l'occasion, ce choix que vous avez fait et que je
respecte, transpire. Il n'est absolument pas question, pour moi, d'embarquer
dans un débat qui aurait une connotation partisane. On s'est
exempté de tout cela depuis le début de cette commission
parlementaire et on va rester ainsi. Très sincèrement, vous avez
une excellente présentation. Je ta trouve d'autant plus importante que
vous êtes des représentants de ceux pour qui cette
négociation se fait. S'il y a entente, au terme des périodes de
transition, mon honorable collègue, M. Ciaccia, et moi-même serons
à la retraite. C'est pour vous, effectivement, qu'aura été
préparé ce climat, cette économie canadienne et
québécoise et je trouve que vous avez réellement bien fait
vos devoirs. (17 h 15)
Je dois, par contre, mentionner certaines choses. D'abord je suis
d'accord avec la majorité des choses que vous dites, c'est-à-dire
cette position qui a été la nôtre, à savoir que nous
sommes d'accord avec une négociation qui a pour fins la
libéralisation de3 échanges mais non pas à n'importe
quelle condition. Vous avez d'ailleurs fait la liste, à toutes fins
utiles, non exhaustive, mais de la majorité des points importants qu'on
a posés comme conditions à une adhésion du Québec
à l'équipe de négociation.
Deuxièmement, je dois dire qu'il est important pour vous de
comprendre peut-être un peu mieux le mécanisme qui nous a
amenés à décider de notre participation, à savoir
qu'il n'était absolument pas question, pour le Québec, de rester
passif, de ne pas être présent à l'élaboration du
mandat au suivi de la négociation, à l'accord des parties, nous
réservant toujours le droit d'accepter ou de refuser l'ensemble. Il
n'est absolument pas question non plus de céder à ce que vous
avez identifié comme étant une réalité de toute
confédération ou fédération, c'est-à-dire
à cette poussée ou ce tirage centralisateur de ce qui est
normalement le gouvernement ou l'entité qui chapeaute. Et on n'a pas
passé à travers les décennies qu'on a connues au
Québec - et je pense qu'on peut vous l'assurer, qu'on soit de votre
choix constitutionnel ou non - pour, dans ces circonstances-ci, laisser aller
ce qu'on a difficilement gagné comme autonomie provinciale.
Il est important que vous compreniez aussi le mécanisme en cours.
Vous avez dit, par exemple, aujourd'hui, que le gouvernement
fédéral a suspendu les négociations et qu'il n'a pas
consulté les provinces. Le négociateur a, avec l'approbation des
provinces, la latitude de faire ce qu'il a fait aujourd'hui. C'est le
négociateur qui a suspendu la négociation et qui a
décidé d'aller faire rapport au premier ministre du Canada.
Dès réception de cette décision et des explications, nous
avons été informés ici, au Québec, par un message
de la part du premier ministre du Canada au premier ministre du Québec.
C'est une forme tout à fait normale mais qui rejoint vos
préoccupations de vouloir que ce ne soit pas une négociation - je
comprends votre point de vue - que je dirais strictement et purement canadienne
ou, je devrais dire plutôt, fédérale, d'Ottawa. C'est une
négociation où
les provinces, et non seulement le Québec, y prennent une part
très active.
Je comprends également votre curiosité à vouloir en
savoir davantage sur ce qui se passe. Mais je sais - il est évident par
le sérieux que vous avez consacré à votre
présentation et la façon dont vous l'avez articulée - que
vous comprenez qu'on ne peut pas en cours d'une négociation aussi
sérieuse, aussi importante, mettre sur la table la totalité de ce
qui peut être des enjeux de négociation. Parce que, dans les
enjeux de négociation, il y a non seulement cette relation
Canada-États-Unis, il y a également cette relation du
fédéral avec les provinces et il faut penser plus loin que cela
parce que, comme vous l'avez compris sûrement, cette négociation
bilatérale n'est qu'un précurseur de la négociation
multilatérale qui est en cours et qui, elle aussi, va revêtir
énormément d'importance pour l'avenir économique du Canada
et du Québec.
Venons-en maintenant à une question. Je vous ai dit ceci. Je
crois sincèrement, et c'est évident, que la résultante de
ce qui se négociera sera administrée par des gens comme vous. On
a parlé de périodes de transition, justement, pour
préparer le Québec, ses entreprises de services ou de biens,
à pouvoir entrer dans la concurrence. En parlant de périodes ou
de mesures de transition, est-ce que vous voudriez commenter ce sujet et nous
faire des suggestions?
Mme Courville: Merci, M. MacDonald, pour vos commentaires si
positifs. De notre point de vue, on pense qu'on est devant des mesures de
transition depuis le premier jour où on a parlé de ce dossier du
libre-échange. C'est-à-dire que, dès maintenant, demain et
après-demain, on est toujours en période de transition et il
serait important pour le gouvernement du Québec de faire savoir à
l'interne, aux entreprises concernées et aux groupes concernés,
ce qu'il entend faire comme politique industrielle intégrée. Ce
qu'on veut dire par là, c'est que cette phase de transition va
certainement s'accélérer quand les termes de l'accord vont
être connus. Mais on pense que, n'ayant pas les restrictions du
libre-échange dans les pattes - si on peut utiliser cette expression
-actuellement, ce serait certainement possible pour le gouvernement du
Québec de commencer dès maintenant - c'est très
impérieux dans certains secteurs - à structurer nos industries et
certains de nos secteurs économiques afin de faire face à une
compétition mondiale.
Que le libre-échange échoue ou qu'il n'échoue pas,
dans notre perspective, cela n'a pas d'importance. On a tenté de
démontrer que le commerce s'internationalisait, de toute façon.
Alors, si le commerce s'internationalise, le Québec devra se
préparer à cela maintenant ou plus tard. Ce n'est pas la date du
début d'octobre qui est importante, c'est plutôt l'ensemble de
l'avenir du Québec qui est important dans le sens où chacun des
secteurs sera plus structuré, où les travailleurs auront
peut-être compris qu'il faut se recycler, si on abandonne vraiment leur
secteur, ou qu'ils auront compris qu'ils doivent peut-être accepter
l'introduction de la robotisation et de l'automatisation. Cela peut aller
jusque-là, dans certains secteurs, pour diminuer nos coûts. Alors,
quand les travailleurs de ces secteurs auront entrepris le processus de
modernisation, le processus d'internationalisation de leurs entreprises,
peut-être qu'il y aura moins d'opposition au libre-échange parce
qu'ils seront concernés, ils seront partie prenante de ce dossier.
C'est pourquoi on a intitulé notre mémoire: Le
libre-échange, un projet collectif, parce que tout en comprenant que les
négociations doivent rester, d'une certaine façon, sous le
couvert du secret pour ne pas y nuire - ce que nous comprenons très bien
- le libre-échange doit quand même être un projet collectif.
Un projet collectif doit impliquer les partenaires et ces partenaires qui sont
actuellement opposés gagneraient beaucoup peut-être à
être informés de ce que le gouvernement entendrait faire dans leur
secteur respectif.
M. MacDonald: C'est rafraîchissant de vous entendre livrer
ce genre de leçon. Je vais simplement conclure et passer la parole
à mon collègue, le député de Bertrand, en vous
disant qu'à toutes les organisations, soient-elles pour, soient-elles
contre, représentants patronaux ou représentants ouvriers, qui
sont allés devant le comité Warren et, à toutes fins
utiles, sont venus devant nous, nous leur avons posé une question
semblable. Je peux vous dire que ma conviction profonde est la suivantes Ce
n'est pas au gouvernement, aux hommes politiques ou aux fonctionnaires à
pondre de leur imagination un programme quelconque. C'est pourquoi, nous avons
demandé aux gens de l'industrie du meuble, pour prendre cet exemple, ce
qu'ils considéraient être à la fois période de
transition et méthode de transition. Nous avons eu des réponses.
Nous en avons eu privément et publiquement. Nous avons eu des
réponses qui étaient constructives et valables. Nous avons eu
également, peut-être pas pour tout le monde, mais pour la plupart,
dans des cas, d'une façon magistrale par le président de la
Société d'électrolyse et de chimie Alcan, la confirmation
que c'est une chose qui se faisait entre les partenaires, c'est-à-dire
les employés et les patrons, et que personne ne pouvait travailler en
catimini dans ce projet.
Le Président (M. Charbonneau): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Mme
Courville, M. Lougnarath, soyez les bienvenus à cette tribune.
Effectivement, c'est rafraîchissant de vous entendre, d'autant plus que
votre présence ici procède de votre propre initiative, de votre
propre chef. Je suis content que ce soit les jeunes de cette formation
politique que je représente, parce que je pense que c'est très
prometteur de voir de quelle façon vous êtes capables d'articuler
un mémoire, non seulement de l'articuler, mais d'en discuter et d'avoir
une ouverture d'esprit. Je dois dire que c'est parmi les bons mémoires
qu'on a reçus, comme l'a mentionné le ministre.
Ce n'est pas facile de saisir l'ensemble de la problématique et
vous l'avez très bien fait. Le ministre mentionnait qu'il ne pouvait pas
être d'accord avec tout ce qui était inclus dans votre
mémoire. Je suis étonné de voir qu'il n'a pas encore
adhéré tout à fait à nos idées. Par contre,
ce que vous craignez, à toutes fins utiles - là-dessus, je pense
que le ministre doit au moins comprendre le fond - c'est essentiellement que la
centralisation des pouvoirs à Ottawa, dans le cadre du
libre-échange, soit une excellente occasion pour Ottawa de s'accaparer
de certains champs d'activités. Non seulement cela fait partie de vos
préoccupations qui sont tout à fait légitimes, cela fait
partie des préoccupations du gouvernement, sauf que quant aux moyens, je
pense qu'on n'a pas la même vision, c'est-à-dire vous et nous avec
le gouvernement, quant à la façon.
J'aimerais que vous puissiez nous donner quelques exemples concrets qui
pourraient amener le gouvernement fédéral à vouloir
prendre plus de terrain, à avoir une meilleure emprise. Tout cela,
souvent, pourrait se faire de façon que l'on s'en rende plus ou moins
compte. Tantôt, on discutait, juste avant votre présentation, avec
le Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent et on était
devant une situation où il y a des décisions à prendre,
avec le dossier de la fameuse papeterie de Matane que tout le monde
espère obtenir, mais des décisions où on ne peut pas faire
grand-chose d'autre que de faire nos devoirs et, quand on les a faits, on n'est
pas sûr d'avoir encore le projet et de décider, sur son propre
territoire, de ce que l'on veut avoir.
Les champs particulièrement de la main-d'oeuvre, de la formation,
du recyclage, de la formation professionnelle sont certes des champs
d'activités où on n'a pas toute la marge de manoeuvre et
où on risque d'en perdre encore plus. Alors, j'aimerais que vous
puissiez me donner, dans un premier temps, face à cette centralisation
des pouvoirs à Ottawa, quels moyens vous envisagez et aussi, j'aimerais
que vous donniez quelques exemples.
M. Lougnarath : D'abord, pour ce qui est de la centralisation ou
de la menace qu'on utilise le libre-échange pour centraliser davantage
le fédéralisme, il faut dire que cela dépend
fondamentalement de la volonté politique de ceux qui tirent les cordes
à Ottawa.
Disons qu'avec M. Mulroney et la doctrine de la réconciliation
nationale, on peut penser peut-être qu'on a des assurances, quoiqu'il n'y
a rien de vraiment sûr. Mais si, par exemple, c'étaient les
libéraux de Jean Chrétien qui prenaient le pouvoir à
Ottawa, ce n'est pas sûr qu'on n'essaie pas d'utiliser le
libre-échange pour centraliser davantage le
fédéralisme.
Donc, c'est d'abord une question de volonté politique. D'autres
exemples de centralisation, mais d'abord, il faut être conscient du fait
que, jusqu'ici, les négociations ont été l'apanage presque
exclusif du gouvernement fédéral... On consultait surtout les
provinces après coup. L'élaboration des mandats relevait
essentiellement, je pense, de l'État fédéral.
Troisième élément ou troisième illustration
d'une volonté de centraliser ou d'une expression de centralisation, le
rapport de la Commission Macdonald qui demeure sans doute
l'énoncé d'intentions, pour ce qui est du fédéral,
le plus complet. À la page 18 du mémoire, on a reproduit une
citation du rapport de la Commission Macdonald où, carrément, on
considère que l'amplification du rôle de l'État
fédéral et la réalisation du libre-échange vont de
pair pour que le fédéralisme canadien, tel qu'on le
perçoit surtout dans "l'établishment" canadien anglais,
fonctionne efficacement.
Il y a peut-être aussi une raison plus théorique, je pense,
à ces velléités centralisatrices. Le
fédéralisme canadien, fondamentalement, est une structure
politique qui vient chapeauter un projet économique, à savoir la
constitution d'une entité économique distincte qui se
définit par rapport et par opposition à l'espace
économique américain. Or, avec le libre-échange, cette
raison d'être économique du fédéralisme canadien
tombe, s'estompe. Or, à notre avis, il y a lieu d'appréhender que
le nationalisme canadien anglais qui, dans sa perspective, se justifie
probablement fort bien - mais dans une perspective qui n'est pas la
nôtre, Québécois francophones ou Québécois -
cherche à se protéger, cherche à pallier les insuffisances
ou les carences de son infrastructure économique par des remèdes
d'ordre politique qui prendraient la forme d'une centralisation accrue du
fédéralisme et ce, sans nécessaire considération
pour la dualité linguistique et la spécificité du
Québec.
(17 h 30)
Sur le plan juridique, je ferai état de deux décisions de
la Cour suprême, mais j'en fais état en toute
déférence, d'abord, l'arrêt CIGOL contre le gouvernement de
la Saskatchewan, une décision qui a été rendue au cours
des années soixante-dix. Étaient mis en cause dans cette affaire,
une surtaxe et un impôt minier sur les revenus associés à
la production de gaz naturel et de pétrole. Il s'agit d'une
activité, la production, qui fait partie inhérente, de prime
abord, de ce qu'on a appelé tantôt l'économie interne,
malgré ceia et parce que le pétrole et le gaz naturel en question
étaient destinés au marché d'exportation, la Cour
suprême statua qu'il s'agissait d'une forme de réglementation du
commerce interprovincial, international, ce qui est un domaine de
compétence fédérale exclusive et décida que ces
taxes étaient ultra vires.
Dans le même ordre d'idée et appliquant le même
raisonnement, la décision Central Canada Potash contre le gouvernement
de la Saskatchewan. Ce qui faisait l'objet de l'examen des tribunaux,
c'était un programme de contingentement sur ia potasse. La potasse
étant destinée quasi essentiellement à l'exportation, ia
cour statua qu'il s'agissait effectivement ici d'un programme
inconstitutionnel.
Finalement, on fait état, dans le mémoire, de la question
des clauses protégeant les industries naissantes. Il s'agit de clauses
qui existent, par exemple, dans le traité entre Israël et les
États-Unis et qui cherchent à protéger les nouvelles
industries, les nouvelles technologies, comme par exemple, la biotechnologie,
pour permettre de créer une industrie nationale, pour protéger ou
permettre leur incubation. Or, il s'agit de nouvelles industries. Donc,
souvent, la question qui se pose, c'est qui va réglementer, qui va faire
les lois relativement à ces industries? Nous pensons que le gouvernement
fédéral pourrait, je dis bien, s'il avait des intentions
machiavéliques, ce qui n'est pas nécessairement le cas, mais ce
qui pourrait l'être, utiliser un tel traité ou une telle clause
pour s'accaparer le champ. Je dois vous dire qu'il existe un
précédent, je fais allusion à l'affaire Johannesson contre
West St-Paul Municipality, une décision de la Cour suprême rendue
en 1952 où on s'est autorisé de la convention de Chicago sur
l'aviation civile, et c'était sous la plume du Juge Rinfret, pour
soutenir et étayer l'arqument indiquant que l'aéronautique
était une matière de dimension nationale et, par
conséquent, que c'était une juridiction qui relevait de
l'état fédéral. Donc, je ne sais pas si j'ai
répondu à votre question, mais il s'agit ici de plusieurs
éléments ou exemples, ou expressions de centralisation*
Pour en venir au deuxième volet de votre question: comment
réagir à cela? Je serai très bref. Simplement, je referai
état des deux grands piliers de ce qu'on estime être un
libre-échange à la québécoise, occupation du champ
en matière de politique industrielle. Écoutez, on n'est pas des
spécialistes, moi, je ne suis qu'un étudiant, je ne peux vraiment
pas donner la leçon à quiconque, mais disons que je peux
peut-être remémorer la comparution de M. Parizeau qui a fait
état, si je m'en fie à l'article du Devoir du 17 septembre
dernier, d'une série de mesures, d'éléments de politique
industrielle qui permettraient au Québec de développer une
stratégie industrirelle cohérente afin d'aider nos industries
à pénétrer le marché américain, ce qui est
le premier élément, à mon avis, d'une stratégie
relativement au libre-échange et, le deuxième
élément, c'est une question de répartition des
bénéfices de l'entreprise.
On dit que le libre-échange va résulter en un taux de
croissance plus élevé pour le Québec. C'est très
bien, mais il faut aussi veiller à ce que les bénéfices
soient répartis. Parce que, vous savez, dans les années
soixante-dix, il y avait des pays, comme le Brésil ou le Mexique, qui
connaissaient des taux de croissance faramineux. Ce n'est pas évident
que la richesse ou que les bénéfices ou les fruits de cette
croissance étaient partagés. Moi, je n'aimerais pas que le
Québec devienne un nouveau Brésil ou un nouveau Mexique.
M. Parent (Bertrand): Vous avez très bien répondu
à ma question. Vous en avez même donné plus que je n'en
demandais. Comme vous le dites, même si vous êtes un simple
étudiant, je peux vous dire qu'il y en a plusieurs qui auraient
certainement avantage à retourner aux études. Je pourrais dire au
ministre que la relève est prête. Il peut maintenant prendre sa
retraite.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Charbonneau): Le député de
Frontenac voulait s'essayer. M. le député.
M. Lefebvre: Je prends note de la remarque du
député de Bertrand à savoir que vous êtes prêt
à prendre la relève du ministre MacDonald. Je comprends donc que
vous en venez à la conclusion que vous deviendriez un bon ministre
libéral.
M. Parent (Bertrand): Comme d'habitude, il n'a pas compris.
M. Lefebvre: Mme Courville, M. Lougnarath, vous pointez du doigt
dans votre mémoire - je ne reprendrai pas les compliments qu'on vous a
faits, effectivement, c'est très bien fait et je me rallie à tout
ce qui a été dit jusqu'à maintenant -
des secteurs très particuliers. À la page 15, vous nous
parlez abondamment de la protection de la langue, de la culture et de ce qui
est névralgique: les communications. Vous soulignez également,
aux pages 26 et suivantes, qu'il y a lieu de protéger notre
souveraineté économique.
Vous connaissez sûrement, j'en suis convaincu, la teneur des
conditions qui ont été mises sur la table par le Québec
pour qu'on donne un accord à un traité éventuel de
libre-échange avec les États-Unis. Je pose la question à
tous les deux, quant aux conditions qu'on retrouve dans un document qui a
été remis à tous les participants de la commission - je
pense évidemment aux députés - où on dit, au
paragraphe 2 du document en question, qu'on exige le respect intégral de
ses lois, de ses programmes - je pense évidemment à la province
de Québec -et politiques dans les domaines de la politique sociale, des
communications, de la langue et de la culture. En partant de ce qui a
été donné comme explication de cet énoncé de
principe par les différents ministres du gouvernement du Québec
qui ont participé aux travaux de la commission jusqu'à
maintenant, est-ce que cette condition ne couvre pas les commentaires que vous
faites, aux pages 15 et suivantes de votre mémoire, qui traitent
spécifiquement de la langue, de la culture et des communications? C'est
ma première question.
Ma deuxième question ou mon deuxième commentaire a trait
au même document auquel j'ai fait référence mais à
son paragraphe 3 où on dit que le Québec appuiera un
traité de libre-échange pour autant qu'il y aura un maintien de
sa marge de manoeuvre nécessaire pour atteindre les objectifs de
modernisation et de développement de son économie dans toutes les
régions du Québec. Est-ce que cette condition additionnelle ne
répand pas aux remarques, commentaires et mises en garde que vous
faites, à partir des pages 25 et suivantes du document que vous nous
avez remis, où vous parlez particulièrement de la
souveraineté économique du Québec et, entre autres,
à la page 27, où vous dites textuellement que votre
"adhésion au principe d'une libéralisation des échanges
Canada-américains se double donc d'une volonté d'assurer la
prépondérance de l'État québécois au regard
des orientations économiques et de la politique industrielle ou,
à tout le moins, le maintien des acquis"?
C'est la question que je vous pose sur ces deux secteurs
d'activité très particuliers: la langue, la culture, les
communications et l'activité économique. Est-ce que vous
êtes rassurés lorsque vous comprenez que, effectivement, ces
conditions, c'est-à-dire ce qui apparaît dans votre mémoire
relativement à ces points ont fait l'objet de conditions très
précises, de conditions sine qua non de l'appui du Québec au
Canada dans la mise en place d'un traité de libre-échange avec
les Américains?
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Frontenac.
Mme Courville: Deux réponses à votre question.
Évidemment, dans notre mémoire on a fait mention de plusieurs
secteurs qu'on devrait protéger tout en se disant non-experts dans le
domaine mais en reprenant des avis d'experts, pour ce qui est des
sociétés d'État, de l'aide gouvernementale, de tous ces
programmes qui aident, entre autres, l'emploi pour les jeunes, ce genre de
programmes qui sont souvent des subventions à l'entreprise.
Tous ces programmes doivent être protégés. Nous ne
sommes pas les premiers intervenants. De ce point de vue là, les
conditions qui ont été mises dans les documents que je n'ai pas
vus sont probablement très correctes.
Quant aux secteurs économiques complets à exclure du
traité, je pense que beaucoup d'agriculteurs sont venus devant vous et
ont discuté de ces problèmes. Ce n'est pas à nous ici de
discuter de l'exclusion de tels secteurs, bien qu'on pense qu'une étude
importante sectorielle des problèmes économiques dus au
libre-échange devrait être faite par chacun de ces lecteurs. Ce
n'est pas à nous de donner ces réponses»
Mais on peut donner une réponse» Est-ce qu'on est
rassuré par les conditions que vous mettez quant à
l'adhésion du Québec à cet accord de libre-échange?
Je vous répondrai ceci; On sera rassuré quand on aura
l'impression - et ce n'est peut-être qu'une impression - que le
gouvernement du Québec est de plain-pied dans l'aire du
libre-échange. C'est très simple. Pour que le gouvernement du
Québec semble et soit de plain-pied dans l'aire du libre-échange,
il faudra qu'il pose des actions concrètes pour aider les entreprises et
les travailleurs de certains secteurs à prendre ce virage technologique.
Je ne sais pas quel virage chacun des secteurs doit prendre, mais il faut
prendre les virages qui s'imposent pour faire face au libre-échange.
Oui, c'est sûr que c'est important de mettre des conditions par
écrit et de les fournir au gouvernement fédéral. C'est
extrêmement important, c'est le rôle du gouvernement. Quand le
gouvernement du Québec aura établi des mesures et des politiques
importantes dans les différents secteurs qui seront touchés -
cela fait longtemps qu'on sait quels secteurs au Québec vont être
touchés par le libre-échange et qu'on aurait pu prendre des
actions - quand ces actions seront prises, on se sentira rassuré. Je
suis sûre que beaucoup
de travailleurs se sentiront rassurés. Ils se diront: Le
gouvernement du Québec ne va pas nous laisser tous crever sur l'autel du
libre-échange, comme on l'entend dire. Je reprends les paroles de
syndicalistes connus ou de travailleurs connus. Oui, nous sommes
rassurés par les conditions que vous mettez, pour autant qu'il y ait des
actions qui suivront.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Frontenac, vous voulez vous essayer à nouveau? Allez-y.
M. Lefebvre: Mme Courville, cela pourrait peut-être vous
rassurer si j'ajoutais à tout ce que j'ai dit tout à l'heure,
soit que le Québec a soumis une autre condition à son accord de
signature de traité de libre-échange avec le gouvernement
américain, à savoir qu'on exige qu'il y ait des périodes
de transition et de mise sur pied de programmes d'assistance pour les
entreprises et pour les travailleurs dans les secteurs moins concurrentiels.
Cette condition étant également une exigence du Québec
à un accord avec le Canada au traité en question, est-ce que cela
répond en partie, à tout le moins, à ce vous venez de
faire comme commentaire?
M. Lougnarath: Voyez-vous, M. le député, ce qui
nous inquiète le plus, ce n'est pas que le gouvernement du Québec
ait imposé des conditions. Il est vrai que les conditions que vous avez
posées recoupent en grande partie celles dont nous avons fait
état dans notre mémoire. Ce qui nous inquiète le plus,
c'est qu'on ne tienne pas compte de ces conditions à Ottawa quand
viendra le temps de signer un accord de libre-échange. Imaginez-vous que
demain, on arrive à un accord de libre-échange, mais il
s'avère qu'une de nos conditions n'a pas été
respectée, pensez-vous que le gouvernement fédéral -
après quoi? deux ans, trois ans de négociations - va dire: Non,
écoutez, on va repenser à cela, il y a une province qui est
récalcitrante, alors que cela va être devant le Congrès
américain et que le Congrès américain a le choix de dire
oui ou non? Je pense que c'est plus ou moins réaliste. Il faut se mettre
dans le contexte pour ne pas se faire avoir comme en 1982 où on pensait
avoir un droit de veto et on s'est retrouvé avec rien sous les pieds
à un moment donné.
Le deuxième élément... Les mots me font
défaut, je voulais dire quelque chose mais... Pourriez-vous me rappeler
votre question?
M. Lefebvre: Alors, j'ai fait un commentaire à Mme
Courville qui signalait les inquiétudes relativement, si j'ai bien
compris...
M. Lougnarath: Oui, d'accord. Cela me revient.
M. Lefebvre: ...à la période de transition.
M. Lougnarath: Cela me revient. Vous dites qu'on pose des
conditions...
M. Lefebvre: Oui.
M. Lougnarath: ...au gouvernement fédéral
relativement à l'assistance des entreprises.
M. Lefebvre: C'est ça.
M. Lougnarath: Mais voyons dor.cl Pourquoi est-ce qu'on a besoin
de poser des conditions pour l'assistance des entreprises au gouvernement
fédéral? C'est en plein dans le champ de nos juridictions. C'est
en plein le champ de nos compétences. On n'a pas à demander
à Ottawa d'assister nos entreprises. On peut déjà mettre
sur pied à l'intérieur de nos compétences un programme
cohérent, une politique intégrée pour venir en aide aux
entreprises, pour venir en aide aux secteurs qui risquent de payer pour le
libre-échange et surtout de venir en aide aux travailleurs pour faire en
sorte... Et c'est là le principe que l'on fait ressortir dans notre
mémoire. On s'en tient à de grands énoncés de
principe, on n'est pas spécialiste. Oui au libre-échange parce
que ça va être bon pour la croissance économique du
Québec. On va créer de la richesse, mais attentionl, il faut
aussi distribuer la richesse, créer mais aussi distribuer la richesse.
(17 h 45)
M. Lefebvre: On est d'accord avec vous là-dessus,
monsieur.
M. Lougnarath: Excellent.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, sur cette entente,
M. le député de Roberval.
Une voix: Je reviendrai sur ça.
M. Gauthier (Roberval): Oui, merci, M. le Président. C'est
avec beaucoup de plaisir et de fierté que je participe aujourd'hui
à cette présentation. Je l'avoue bien sincèrement.
Il y a un élément... J'ai une question et un commentaire
à faire. La question, d'abord, porte sur la paqe 15 de votre
mémoire où je me permets de diverger quelque peu d'opinion avec
vous. Et j'exprime mon inquiétude. Vous indiquez, à la toute fin
de la page 15, que son droit d'intervention pour des fins de protection
linguistique - on parle du droit du Québec - soit expressément
stipulé dans un éventuel traité. Je me permets de porter
à votre attention la réflexion suivante. Il n'y a pas, à
mon avis,
d'inquiétude sur le fait que le Québec est tout à
fait légitimé et possède tous les pouvoirs. Et je reprends
en cela un peu les arguments que vous venez de donner en réponse
à la question qui vous était posée. Il me semble qu'il
appartient de plein droit actuellement au Québec et qu'on n'a pas
à remettre cette chose en question même si la façon de le
remettre en question, c'est de stipuler qu'on a le droit, le plein de droit de
légiférer. Je me serais attendu, parce que je suis
préoccupé tout comme vous - et on nous l'a fait remarquer
d'ailleurs en commission -au problème qui se pose quand on parle
d'intégration économique plus grande avec une entité comme
celle dont il est question, c'est-à-dire les États-Unis... Une
intégration économique plus grande va certainement amener une
pression supplémentaire quant à la langue de travail entre
autres, pour ne citer que cet exemple-là, et aussi quant à la
langue d'affichage parce que cela en découle. On peut penser que les
rapports avec les États-Unis, les rapports avec nos voisins du Sud en
tant que représentants d'entreprises qui feront peut-être plus
d'affaires au Québec que dans le passé - on le souhaite d'une
certaine façon - que la venue de ces gens-là fasse davantage
pression sur le gouvernement pour qu'il décide d'afficher sur nos routes
de façon bilingue et tout ça. Or, je me serais attendu, au lieu
de recommander - c'est là en même temps ma question et la remarque
qui exprime mon désaccord - d'indiquer dans le traité qu'on ait
pleine et entière compétence pour légiférer, que
vous puissiez faire des recommandations précises au gouvernement dans le
sens de renforcer la loi 101, dans le sens de baliser davantage et de la
nécessité de baliser davantage et quant à la
nécessité de baliser davantage compte tenu de la plus grande
pression qui sera exercée. Avez-vous le goût de m'expliquer ce
choix que vous avez fait ou si vous ne vous êtes pas posé la
question sous l'angle sous lequel je vous la pose actuellement?
Mme Courville: Vous amenez là tout un aspect du
libre-échange qui n'est pas traité dans notre mémoire.
C'est sûr qu'on étudie beaucoup et que, dans cette commission,
plusieurs intervenants ont dû étudier avec vous l'aspect
économique de la libéralisation des échanges avec les
États-Unis, mais il y a tout cet aspect social auquel vous avez
entrouvert la porte à l'instant, c'est-à-dire tout cet aspect de
notre langue et de notre culture si particulier au Québec.
Je répondrai très brièvement à votre
question. Je crois qu'autant tout à l'heure nous revendiquions le besoin
que le gouvernement du Québec donne un vrai coup de main à ces
entreprises, à ces travailleurs pour que, tous ensemble, nous soyons
plus forts face aux États-Unis quand viendra le temps du
libre-échange, autant, dans le domaine social, le Québec devra se
renforcer et, entre autres, promouvoir la loi 101, l'améliorer
même en tant que langue de travail où elle est
particulièrement faible, continuer à en faire la promotion, ce
qui serait un instrument pour assurer la stabilité linguistique du
Québec dans une entreprise de libre-échange avec les
États-Unis.
Avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus?
M. Lougnarath: Oui. Votre remarque était tout à
fait judicieuse et pertinente. Je dois reconnaître que l'aspect
contrainte ou induction pour plus d'anglais au Québec que pourrait
amener le libre-échange nous avait quelque peu échappé.
Nous considérions la question de la langue d'une façon plus
technique en ce sens qu'on avait peur - bien que je ne croie pas que ce soit
une appréhension à tout casser - qu'à un moment
donné des producteurs américains arrivent en disant:
Écoutez, l'étiquetage en français seulement, pour nous qui
ne parlons pas français, ce n'est pas loyal; c'est une barrière
non tarifaire qui nous empêche de pénétrer votre
marché. Qu'est-ce que c'est que cela?
C'est le genre d'appréhension qu'on avait et on disait que la
meilleure façon de régler cela, dès le départ,
c'est de prendre une police d'assurance, d'y inscrire une clause qui
reconnaît de façon non équivoque le droit pour
l'État québécois de légiférer en
matière linguistique, un peu comme dans le traité
Israël-États-Unis où on a inclus une clause relative
à la viande "kosher". C'est un peu le même type d'idée et
je ne pense pas que ce genre de clause soulève des débats et des
batailles dans les autobus. C'est simplement une garantie
supplémentaire.
M. Gauthier (Roberval): J'ai un petit commentaire, en
terminant.
Le Président (M. Charbonneau): Un petit commentaire
rapide, oui, d'accord.
M. Gauthier (Roberval): Je veux simplement exprimer ma
fierté - je l'ai fait tout à l'heure - quant à la
qualité du mémoire. Je sais que le ministre me permettra
d'être un tantinet partisan, l'ayant lui-même fait. Je suis
particulièrement impressionné aussi par la densité de ce
mémoire qui touche l'ensemble du problème. Comme on vous le
disait tout à l'heure, plusieurs gens et plusieurs groupes auraient
peut-être eu avantage à s'inspirer de cette façon de faire
qui a été la vôtre. Je voudrais vous remercier et vous dire
que cela me fait particulièrement plaisir, puisqu'il fut un temps pas si
lointain où les jeunes libéraux étaient de tous les
débats et que les jeunes péquistes étaient bien
silencieux. Ce temps,
c'était avant le moment où ils se préparaient
à prendre le pouvoir et nous, l'Opposition, et je m'aperçois
maintenant que les jeunes péquistes sont de tous les débats et
que les jeunes libéraux sont bien silencieux. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Peut-être est-ce la
rançon du pouvoir? De toute façon, je vais laisser une autre
intervention au ministre.
M. MacDonald: Je ne fais pas de politique ici, alors je
n'embarquerai pas dans ce domaine.
Des voix: Ha! Ha!
M. MacDonald: J'aimerais, par contre... J'ai dû m'absenter
quelques secondes et je n'ai attrapé que la fin de la réponse de
monsieur concernant les programmes de transition. Je crois que vous avez
soulevé le point que vous voudriez que le Québec garde une
indépendance dans l'administration de ses programmes. Moi, c'est
peut-être ma formation de personne d'affaires ou de banquier mais...
C'est le gouvernement fédéral qui a amorcé cette
négociation. C'est lui qui nous a entraînés dans cette
négociation. Lorsqu'on parle de programmes de recyclage, de programmes
de formation de main-d'oeuvre - d'ailleurs, le gouvernement
fédéral est déjà présent en ce qui concerne
les programmes de formation de main-d'oeuvre - de mesures pour s'adapter sur le
plan de la productivité, moi, comme Québécois, je paie
0.25 $ dans la piastre pour des taxes qui sont perçues et c'est mon
intention de voir qu'étant à l'initiative de ce projet, qu'on
s'assure qu'il paie la facture qui est la sienne, si facture il y a à
payer.
Vous avez soulevé la question de l'inclusion d'une clause. Il y a
deux thèses, comme vous le savez probablement. Votre connaissance de la
jurisprudence m'a fortement impressionné. Sur le plan légal, il y
a la thèse aussi qui dit que si vous n'incluez pas dans un contrat une
clause où nommément vous avez fait allusion à un sujet, ce
sujet n'est pas sujet à débat, à jugement, à
considération ou à discussion par un tribunal ou par un organisme
habilité à passer des jugements ou des observations. À
cette étape, pour nous, le français, ce n'est pas
négociable. La réalité québécoise, la
spécificité québécoise sur ce plan, c'est une
société distincte, comme mon collègue me le mentionne, et
ce n'est pas négociable.
Finalement, j'aimerais revenir à cette jurisprudence que vous
avez citée à propos de la Saskatchewan et également
à l'allusion que vous faites au rapport Macdonald. Ce rapport, comme
vous le savez très bien, est basé sur l'ambiance, sur le climat
canadien du début des années quatre-vingt. Il a
été, à toutes fins utiles, rédigé dans sa
forme à la fin de 1984, etc., Beaucoup de choses ont changé
depuis ce temps, y compris, si vous voulez, le lac Meech et l'ouverture du
fédéral sur cette nouvelle réalité. Finalement,
lorsque vous citiez votre jurisprudence sur la Saskatchewan, vous aviez raison,
mais c'était avant 1982. En 1982, il y a eu changement à la
constitution canadienne et depuis ce temps, comme vous le savez très
bien, les provinces peuvent agir en matière d'exportation, de taxation
et en matière énergétique.
Mais je termine en vous disant encore une fois que - et je me joins
à mes collègues - je trouve votre mémoire, votre document,
probablement un des meilleurs nui nous ont été soumis. Je vais
certainement en relire des parties. J'aimerais penser que, s'il y a
succès aux négociations et si, comme on en avait parlé
ici, il y avait une nouvelle commission parlementaire pour regarder le projet
tel qu'il aurait été entendu, vous nous ferez le plaisir
d'être présents et de venir nous faire part de vos commentaires
à ce moment-là. Merci beaucoup madame, merci monsieur.
Le Président (M. Charbonneau): Avant de céder la
parole au député de Bertrand qui voudrait aussi ajouter un
commentaire final, j'aurais juste une question à vous poser de mon
côté. Vous avez, comme d'autres groupes qui sont venus ici,
abordé la question du plein emploi comme objectif sociopolitique et
socio-économique à atteindre et comme une des conditions du
succès d'une entente éventuelle de libre-échange,
finalement. J'aimerais qu'on se comprenne. J'ai posé la question
à d'autres groupes à un moment donné. J'aimerais pouvoir
éventuellement comparer votre réponse avec celles qu'on a
déjà eues. Dans votre esprit, quel est l'objectif du plein
emploi? Tout le monde est pour la vertu. Tout le monde nous dit: On est
d'accord pour plus d'emplois. Le gouvernement libéral et le ministre
lui-même nous a dit à un moment donné durant la commission:
Nous pensons qu'il faut que le libre-échange se traduise par plus
d'emplois. Est-ce qu'il y a une différence, à votre avis, entre
les objectifs économiques de croissance qui s'orientent vers l'emploi et
une dynamique de plein emploi ou une stratégie et un objectif de plein
emploi? Quelle est la nuance que vous faites, vous qui utilisez comme nous -
d'ailleurs, nous sommes de la même formation politique - l'expression de
"plein emploi"?
Mme Courville: Voici un autre large débat qui s'ouvre
à l'instant.
Le Président (M. Charbonneau): On n'a pas beaucoup de
temps, malheureusement.
Mme Courville: Je vais essayer de me
faire brève. C'est sûr que lorsqu'on parle de plein emploi,
il y a certains livres comme l'Utopie du plein emploi, par exemple, pour citer
celui de Mme Beilemare et Mme Simon Poulin. Ce qui est décrit dans ce
livre, c'est que le plein emploi total, 0 % de chômage, cela va
être une utopie. Et je pense qu'on s'entend là-dessus. C'est
quelque chose qui doit être mis de l'avant comme principe
général, mais ce n'est pas une réalité qu'on va
vivre un jour.
Si vous me permettez de revenir sur le libre-échange, dans ce
cadre-là, le lien qu'on fait avec le plein emploi, c'est que si un
gouvernement a une stratégie de plein emploi, un objectif de plein
emploi, tous les projets qui lui sont soumis et, entre autres, ce grand projet
du libre-échange, doivent être, à notre point de vue,
étudiés dans cette optique. C'est-à-dire que ce n'est pas
demain matin, ce n'est pas en faisant aujourd'hui une stratégie globale
de penseurs au gouvernement du Québec qu'on va appliquer le plein emploi
à l'ensemble des secteurs économiques. Je pense que c'est, pour
le gouvernement du Québec du moins, à chacun des grands projets
comme celui-là dont il a la charge et la responsabilité de bien
mener à terme, de faire en sorte, en ayant une perspective d'un emploi
supérieur, d'un plein emploi, d'ajuster par exemple que ce soit les
lois, les lois et les règlements ou tout le processus légal
à ce nouveau projet-là et en même temps sa perspective de
plein emploi. Nous, quand on dit que le plein emploi et le libre-échange
sont sur la même face de la médaille, ils ne sont pas sur une face
ou l'autre. Cela veut dire qu'on peut aller dans les deux directions en
même temps. Cela veut dire que ce n'est pas vrai qu'on va aller dans le
libre-échange sans s'occuper de plein emploi mais ce n'est pas vrai
qu'on va aller dans le plein emploi non plus sans s'occuper de
libre-échange. Alors, on relie ce genre de dossier-là et c'est
seulement, d'après nous, une stratégie qui va viser à
intégrer ces projets-là et une optique de plein emploi qui
mènera à des solutions intéressantes.
Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie. M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Qui, en conclusion et rapidement. Le
ministre comprendra que je lui avais demandé de ne pas faire de
politique à cette commission, mais que je ne lui en demandais pas autant
qu'il en a fait. Je le remercie quand même pour sa
sincérité. Je pense que c'est correct d'agir comme ça et
que ça s'est bien passé à cette commission.
Quant à vous, je vous dis que vous avez raison de demander,
d'exiger cette clause, cette police d'assurance de la présence du
Québec à cette table de négociation, à cette table
de pourparler, à ce tribunal, en fait ce que vous nous avez traduit
comme étant cette police d'assurance. Et le ministre lui-même qui
a débuté sa carrière dans l'assurance - il nous l'a
avoué hier - comprendra que ce type d'assurance est nécessaire si
on veut survivre au Québe. Et je vous dirai que pour nous, de ce
côté-ci de la table et au Parti québécois, notre
meilleure assurance pour l'avenir, c'est vous autres. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, il ne me reste, au
nom des membres de la commission, qu'à vous remercier moi aussi d'avoir
participé à cette consultation. Certains de mes collègues,
en fait le ministre et le député de Bertrand, ont dit que de vous
entendre était rafraîchissant. En ce qui me concerne, c'est
surtout rassurant et je me permettrai de dire que la relève est
là pour nous et qu'elle est là aussi pour toute la
société québécoise. Dans la mesure où,
finalement, les jeunes s'impliquent comme vous le faites dans l'action
politique, c'est la vie politique du Québec en général qui
est valorisée. Et je crois que si j'ai un conseil à vous donner,
dans votre curriculum vitae, gardez donc une cassette de votre
présentation aujourd'hui. Cela pourra toujours servir. Vous faites une
bonne cassette. Merci et j'espère que nous aurons l'occasion de nous
revoir.
Les travaux sont ajournés à ce soir 20 heures, alors que
nous entendrons l'Association professionnelle des meuniers du Québec et
le Parti communiste du Québec.
(Suspension de la séance à 18 h 1) (Reprise à 20 h
6)
La Présidente (Mme Bélanger): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux.
Ce soir, nous recevons l'Association professionnelle des meuniers du
Québec. Messieurs, Mesdames, les membres de la commission de
l'économie et du travail vous souhaitent la bienvenue.
Permettez-moi de vous rappeler les règles du jeu. Vous avez une
heure pour votre audition, qui sera répartie comme suit: 20 minutes pour
votre exposé, qui sera suivi d'un échange de 20 minutes avec les
membres du côté ministériel et 20 minutes avec les membres
de l'Opposition.
Sans plus tarder, je vous cède la parole et, pour les fins du
Journal des débats, je demande au porte-parole de l'association de se
présenter, s'il vous plaît.
Association professionnelle des meuniers du
Québec
M. Pilon (André): Avant tout, on tient
à vous remercier de nous donner la possibilité de venir
vous exposer notre point de vue, Sont présents pour l'Association des
meuniers, le président, M. Montpetit; la vice-présidente, Mme
Laurence Couture, et moi-même, André Pilon, directeur
général de l'association.
Il serait peut-être bon de vous mentionner ce qu'est l'Association
professionnelle des meuniers du Québec. Avant tout, nous
représentons les meuniers indépendants. Même si nos
relations sont excellentes avec le mouvement coopératif, nous ne les
représentons pas. Par contre, sur le volume total des aliments pour
animaux fabriqués au Québec, les meuniers indépendants
représentent environ 65 % du volume global du Québec. Les
meuniers du Québec sont également, pour la grande
majorité, impliqués eux-mêmes dans les élevages, je
dirais, industriels, commerciaux, dans certains cas, pour environ 35 % - et
c'est un minimum - de tous les élevages qui se font au
Québec.
Maintenant que nous avons essayé de vous indiquer qui nous
sommes, qui nous représentons, et les centaines de millions de dollars
d'investis par les gens d'affaires que nous représentons, nous demandons
à notre président, M. Montpetit, qui lui-même, il va sans
dire, est meunier, de vous faire lecture du mémoire qu'on a à
vous présenter ce soir.
La Présidente (Mme Bélanger): M.
Montpetit.
M. Montpetit (Jean-Claude): Alors que nous pouvons
reconnaître le bien-fondé d'une ouverture de discussions sur le
libre-échange, afin de tenter d'amoindrir le risque du protectionnisme
américain sur certaines productions telles le porc, la pomme de terre,
le bois de sciage et le papier, nous devons également être
conscients des effets négatifs sur d'autres productions. Nous nous
devons donc d'évaluer également le contexte géographique,
climatique, et économique et social au Québec. Avant tout,
permettez-nous d'illustrer l'importance du secteur que nous représentons
dans l'industrie de l'agroalimentaire.
En 1986, il y avait, au Québec seulement, 3200 emplois directs
reliés à la production agricole et 58 000 reliés
directement à l'agro-alimentaire, soit des usines de transformation et
autres, pour un total de 142 200 emplois. D'ailleurs, l'industrie porcine,
à elle seule, compte 40 000 emplois. En 1986, pour la production
agricole seulement, les statistiques disponibles démontrent une hausse
des emplois de 8,2 % en regard de l'année 1984. Je fais
référence à l'industrie alimentaire de 1986, selon
Performances économiques et nouveaux défis, publié par le
MAPAQ en février 1987.
Il va sans dire que nos préoccupations premières
s'adressent aux productions animales contingentées, soit le poulet, le
dindon, les oeufs et le lait. Quant au porc, nous jouissons
présentement, si on peut dire, d'un certain libre-échange avec
les États-Unis. De fait, la qualité exceptionnelle du porc
canadien est mondialement reconnue.
Il ne faut pas cependant oublier que si nous travaillons, aujourd'hui,
à l'intérieur d'offices de commercialisation pour les principales
productions animales, sauf le porc, c'est qu'il y avait un besoin et que les
gouvernements, tant provinciaux que fédéral ont
décidé de s'impliquer pour assurer une régularité
des approvisionnements et cela à des prix équilibrés.
Rappelons-nous que, avanc la mise en place des plans conjoints, le Canada
vivait en dents de scie quant aux approvisionnements et aux prix. En même
temps que nous devons reconnaître que nous connaissons des coûts de
production supérieurs à ceux de nos voisins du Sud, il nous faut
également reconnaître que nous devons obtenir, comme tout pays qui
veut éviter des périodes de rationnement et de coûts
très élevés pour les denrées, une certaine
autosuffisance dans les approvisionnements des denrées et à des
coûts plutôt stables. On sait pertinemment bien que, si les
frontières étaient ouvertes, les États-Unis pourraient
faire mourir toutes les productions contingentées au Canada. Bien
sûr que certains intervenants favorisent le libre-échange mais,
encore là, nous devons en comprendre les raisons. Pensons simplement aux
chaînes d'alimentation qui pourraient s'approvisionner à des prix
sensiblement plus bas. Des coûts récents fournis par certains
abattoirs impliqués dans l'élevage nous laissent entrevoir
l'ampleur de la catastrophe. Présentement, on pourrait acheter du poulet
éviscéré en provenance des États-Unis pour 0,50 $
la livre. Si on ajuste ces prix au facteur de change qui est d'environ 1,33 ,
le prix payé serait alors de 0,66 $ la livre. Le coût avant profit
aux abattoirs avicoles du Québec se situe à au-delà de
0,90 $ la livre pour le même poulet éviscéré.
Évidemment, la situation est la même pour le dindon. Quant
aux oeufs, le différentiel pour environ dix mois sur douze se situe
entre 0,15 $ et 0,20 $ la douzaine, basé toujours sur un taux de change
de 1,33 . On peut également entrevoir la majoration du
différentiel si le dollar canadien venait à se rapprocher de la
devise américaine. C'est donc dire que les intermédiaires y
voient déjà un avantage marqué en fournissant, plus
souvent qu'autrement, de la viande et des oeufs à des prix aux
consommateurs semblables à ce qu'ils paient présentement, mais
surtout avec des profits plus élevés pour eux-mêmes. De
fait, il faut être conscient de notre situation
géographique et de nos coûts de production, incluant la
main-d'oeuvre.
Rappelons-nous ce qui est advenu, à titre d'exemple, dans
l'aviculture dans les États du Maine, du Vermont, du New Hampshire et de
la Nouvelle-Angleterre. Ces régions du nord-ouest des États-Unis
présentent certaines similitudes. Le coût des élevages est
plus élevé à cause des constructions. Également,
les coûts d'exploitation, comme le chauffage, la main-d'oeuvre, le
transport des grains, sont aussi plus élevés.
Pourtant, ils étaient à proximité des plus grands
marchés de consommation, soit l'État de New York. Malgré
tout cela, il ne reste pratiquement plus d'aviculture dans ces États,
car elle s'est déplacée dans une région où le
climat et les coûts sont plus avantageux. Dans ce contexte, comment, nous
qui sommes encore plus au nord, pensons-nous pouvoir demeurer concurrentiels et
pouvoir survivre?
Les quotas. Oans un contexte de libre-échange et après
l'énoncé précédent, qu'arrivera-t-il de la valeur
des quotas? Pensons seulement au niveau d'endettement des producteurs et
à leurs créanciers qui, dans bien des cas, ont attribué
une certaine valeur aux quotas pour ensuite les prendre en garantie. On
pourrait donc s'attendre à de nombreuses faillites, il ne faut pas non
plus oublier que le libre-échange n'existe pas à
l'intérieur des provinces canadiennes.
Les coûts pour le consommateur. Comme on le sait, certains offices
de commercialisation sont en place depuis près de 20 ans, et ceci, pour
le bénéfice des consommateurs. De fait, si on examine l'indice
des prix à la consommation depuis l'année 1981 jusqu'en mars
1987, on peut voir dans le tableau que, pour l'ensemble des industries, en 1986
par rapport à 1981, qui était à 100, on est
présentement, en 1986, à 132,4 et, en 1987, à 135,8. Dans
l'alimentation, c'est 134 contre 137. Si on prend les productions
contingentées, comme le poulet, on se rend compte que les taux sont
inférieurs aux taux de l'industrie en général et de
l'alimentation, les oeufs, de beaucoup inférieur, le dindon,
légèrement supérieur. Le porc est supérieur, mais
ce n'est pas une production contingentée. Ces chiffres proviennent
d'Agriculture Canada dans la Revue du marché noir alimentaire, juin
1987.
Il est donc évident que les offices de commercialisation ont
atteint des objectifs, soit l'amélioration de la productivité, la
croissance économique, des bases solides pour les segments connexes, une
excellente source d'investissement, des prix équitables pour le
consommateur et, en plus, aucun financement gouvernemental. Le présent
système de commercialisation en est un de contrôle des prix, des
besoins du marché et des importations. Éliminer un des trois
contrôles rendrait le système inefficace, inopérant et
serait sûrement un pas en arrière pour le Canada.
Les effets du libre-échange. Les effets seraient négatifs
pour l'industrie agricole canadienne, pour les consommateurs et pour toute
l'économie du pays. Nous connaîtrions une augmentation
significative des importations en provenance des États-Unis due à
des coûts de structure plus bas en raison soit des coûts
d'intérêt et des salaires moins élevés.
Conséquemment, les productions animales canadiennes diminueraient
considérablement et, par la suite, les prix aux consommateurs
fluctueraient régulièrement à cause du manque de
système de production aux États-Unis. Cette situation
déclencherait à nouveau une poussée vers
l'intégration verticale et horizontale, ce qui est contraire à la
législation et aux engagements des provinces.
Les effets négatifs consisteraient en une réduction des
emplois dans les fermes, les couvoirs, les abattoirs, etc., réduction
des emplois dans les meuneries; donc, moins de salaires, réduction du
surplus commercial du Canada et réduction des investissements.
De plus, il n'y a aucune assurance que les consommateurs canadiens
connaîtraient de meilleurs prix et, de façon cyclique, on pourrait
connaître une rareté dans certains produits.
Les productions contingentées. À chaque année, le
gouvernement fédéral et les provinces votent plusieurs millions
de dollars pour soutenir l'agriculture. Or, il est extrêmement important
de reconnaître que les productions contingentées ne grugent
aucunement ces budgets de par leur rentabilité. Il va sans dire de plus
que les producteurs impliqués dans les productions contingentées
sont de bons contribuables et qu'ils contribuent à réduire les
déficits tant des gouvernements fédéral que
provinciaux.
De fait, il serait sûrement souhaitable de voir, dans les
années à venir, une proportion toujours grandissante des budgets
agricoles des gouvernements, orientés vers le développement et la
recherche plutôt que vers des programmes de subvention.
Quant à l'étude qui a été faite aux
États-Unis concernant le libre-échange avec le Canada, même
si nos voisins ont été prudents dans leur rapport par suite de
l'analyse sur le libre-échange avec le Canada, voici leurs conclusions
relativement au libre-échange en agriculture.
On a la version française sur la page suivante. Même en
l'absence de tarifs et de non-tarifs douaniers, les échanges seraient
affectés de façon significative par des facteurs autres que
l'efficacité relative des secteurs agricoles. Le présent taux de
change offrirait un avantage temporaire au Canada dans leurs exportations de
certaines
commodités qui sont présentement contrôlées.
D'un autre côté, le potentiel gigantesque du marché
d'exportation des États-Unis se tient prêt à engloutir ce
plus petit marché canadien, si le Canada lève ses
barrières tarifaires.
Pour ajouter à ces commentaires, n'oublions pas que les
États-Unis occupaient la première place avec 53 % de toutes les
exportations de céréales dans le monde. Or on sait que ces
marchés d'exportation diminuent d'année en année à
cause des objectifs d'autosuffisance des pays acheteurs jusqu'à
maintenant. Qu'arrivera-t-il à ces céréales non vendues
sinon de les transformer en viande à des coûts défiant
toute concurrence. En connaissance de la situation critique de l'agriculture
aux États-Unis, est-il réaliste de croire que, dans les accords
de libre-échange, l'agriculture pourra être exclue?
Conclusion. En raison des centaines de millions de dollars investis
comme industriels transformateurs, éleveurs et fournisseurs de produits
et services, vos décisions auront pour nous un impact important et notre
survie en dépend. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Montpetit,
pour votre exposé. Je cède maintenant la parole au ministre du
Commerce extérieur.
M. MacDonald: M. le président, madame et monsieur, je
pense que je pourrais qualifier votre intervention en disant que, à
toutes fins utiles, elle est très proche sinon identique à celle
du gouvernement du Québec et que les préoccupations et les
réserves que vous nous signalez sont également les
nôtres.
Nous avons toujours dit, dès le départ, que l'agriculture
devait recevoir un traitement spécial. Ce traitement spécial est
très vaste. Il a été dit, ici, pendant presque toute une
journée durant laquelle les intervenants du milieu se sont
présentés, qu'il n'était pas question de remettre en cause
les programmes de stabilisation ni les offices de commercialisation, qu'il
n'était pas question, à toutes fins utiles, de menacer la
particularité du caractère saisonnier rattaché aux
produits horticoles et que quelqu'arrangement ou ouverture qui pourrait se
faire au chapitre des tarifs, s'il y avait une telle ouverture, on devrait
prendre bien note de cette question qui préoccupe les horticulteurs.
Il a aussi été dit, par contre, qu'il y avait des
éléments relatifs aux règlements techniques et aux
questions de standardisation d'irritants comme l'étiquetage,
l'emballage, le choix de format et l'unité de mesure, qui peuvent faire
partie de la négociation sous le couvert dit "agriculture". Quant
à la question des subventions directes à l'exportation, tout le
monde est d'accord que cela n'a ni queue ni tête et que cela coûte
une fortune au pays qui s'y engage éperdument, particulièrement
les États-Unis et la Communauté européenne. Nous aussi, on
souffre directement de cette rivalité qui coûte des montants que
notre trésorerie ne pourrait généralement se permettre.
Mais, tout de même, on a cette vocation canadienne et
québécoise de ne pas laisser en perdition certains secteurs ou
certains segments de notre agriculture.
Je vois, par contre, en vous une ouverture d'esprit que je n'ai pas
remarquée chez d'autres intervenants du domaine de l'agriculture. En
effet, l'UPA s'est présentée à nous et a tenu une position
qui était catégoriquement contre la négociation et
nécessairement contre ce qui serait le succès d'une
négociation, c'est-à-dire une entente quelconque. Vous, vous
semblez avoir cette ouverture d'esprit, vous réalisez qu'il y a des
domaines - et vous en nommez un certain nombre - où, effectivement, il y
a avantage pour le Canada de bien garantir, de protéger cet accès
au marché, de se munir, de se prémunir contre ce protectionnisme
américain. Mais tout de même, vous êtes des gens du milieu.
Voici la question que j'aimerais vous poser: Pourriez-vous essayer de nous
éclairer un peu. plus, étant vous-même du milieu, sur cette
objection catégorique, qui est celle de l'UPA, à toute forme
quelconque de négociation ou d'entente?
M. Montpetit: II est sûr qu'on ne peut pas s'opposer d'une
façon catégorique parce que quand même, dans le porc, on a
besoin du marché américain, et surtout le Québec parmi les
provinces canadiennes. Il y a pratiquement 50 % de la production porcine du
Québec qui est exportée vers les États-Unis.
M. MacDonald: Environ 60 % maintenant, d'après ce qu'on
m'a dit. Oui?
M. Montpetit: C'est quand même... En ce qui nous concerne,
la majorité de nos membres sont impliqués dans cette production
de sorte qu'on serait dans une très mauvaise position si demain matin ce
marché nous échappait. Et cela pourrait coûter beaucoup de
dollars à l'industrie agricole. La production porcine est la
deuxième industrie après l'industrie laitière, comme
source de revenus au Québec. C'est pourquoi on considère quand
même qu'il est important de discuter et on ne peut pas fermer
complètement les frontières, parce que cela risque de nous
coûter cher.
M. MacDonald: Oui, vous mentionnez la question de
l'élevage de porc en particulier, Étes-vous bien au fait de cette
menace non pas d'appel au droit compensatoire mais
plutôt de mesure législative qui est en attente pour
être déposée au Congrès à propos d'une
surcharge, un moyen de contrer ces importations canadiennes?
M. Montpetit: Oui.
M. MacDonald: Advenant... Si vous me le permettez, M. le
député de Bertrand, je poursuivrais ce créneau pour
quelques secondes. S'il n'y avait pas d'entente le 5 octobre, quelle serait
votre évaluation de la situation? Comment voyez-vous cette
évolution? Est-ce que vous y voyez un très grand danger pour les
éleveurs de porc et conséquemment pour les producteurs de
moulée?
M. Montpetit: Sûrement qu'il y a un danger, parce que tout
droit compensatoire qui serait imposé devrait être absorbé
par les producteurs de porc. L'industrie porcine, depuis disons un peu plus
d'un an, assurait une bonne rentabilité mais c'est quand même une
industrie qui est cyclique et qui connaît des temps difficiles. Si on
traversait une période difficile pour ce qui est des prix et qu'en plus
il y avait un droit compensatoire d'imposé, ça serait doublement
douloureux pour cette industrie-là. C'est une industrie qui risquerait
de nous échapper. C'est un volume qu'on risquerait de perdre. Ce sont
plusieurs millions de dollars que cela peut représenter.
M. MacDonald: Oui, M. Pilon.
M. Pilon: Pour ajouter peut-être à ce que M.
Montpetit dit, évidemment que si on reste à l'intérieur de
notre boîte, dans l'éventualité où ça se
produirait, toujours dans le domaine agricole, il reste quand même que
les importations de volailles américaines, ça serait à ce
moment-là en fait un recours, si on peut dire, que le Canada imposerait
de son côté. Il réagirait de la même façon, si
vous vouiez, à la position des Américains dans l'agriculture.
Évidemment que la balance ne serait pas égale. Mais encore une
fois, ce serait à notre tour de réagir de façon à
essayer peut-être d'équilibrer les choses. Pour eux, les
Américains, la quantité de poulets, les dindons, qui entrent ici,
c'est quand même assez important. Cela ne se compare pas du tout, comme
M. Montpetit le disait, au porc. Mais il resterait à chacune des
différentes productions agricoles d'essayer de voir à quel
endroit on pourrait, nous aussi, réagir ou imposer des mesures
protectionnistes.
M. MacDonald: Je vais passer la parole à mon
collègue, le député de Bertrand. Mais mon collègue
le député de Frontenac voudrait peut-être revenir et
connaître un peu vos impressions sur l'éventualité d'un
statu quo, l'éventualité où il n'y aurait pas d'entente.
Là, on s'est arrêté sur la question de l'élevage
porcin, mais j'aimerais peut-être parler d'une façon plus
étendue des domaines pour lesquels vous êtes fournisseurs. Je vais
passer la parole au député. (20 h 30)
La Présidente (Mme Bélanger)? Merci, M. le ministre. M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Mme la Présidente, merci. Alors,
messieurs, merci beaucoup d'être là. Je pense que le son de cloche
que vous venez de nous donner est fort important puisqu'il se situe très
bien dans toute la panoplie des intervenants. Et on voudrait avoir le maximum
d'éclairage par rapport à vos préoccupations.
L'exemple que vous donnez dans votre mémoire, à la page 3
particulièrement, est assez révélateur d'une situation
peut-être de non-sens. Vous dites que l'aviculture dans les États
du Maine et du Vermont, enfin, dans les États de la Nouvelle-Angleterre,
toute cette région offre une certaine similitude par rapport à
nous et dans le fond, le marché de New York, l'État de New York,
leur a échappé. Et vous posez comme question: Dans ce contexte,
comment pouvons-nous, nous qui sommes plus au Nord, être capables de
survivre? Ceci m'amène à vous poser une question. Je connais un
peu ce marché, j'ai visité quelques entreprises dans le domaine
de l'abattage de poulets, par exemple, et ce sont, j'imagine, des clients
à vous en tant que meuniers. Est-ce que la question de la
disponibilité des stocks et la question de la proximité du
marché ne font pas en sorte que cela constitue une force pour les
entreprises québécoises d'abord sur leur marché, ce qui
est un avantage pour nous? Je m'explique. Actuellement, si le client en bout de
ligne désire s'approvisionner en poulets, disons que les chaînes
de restaurants que l'on connaît très bien désirent
s'approvisionner en poulets, donc de produits finis, elles désirent de
façon régulière avoir de la marchandise fraîche,
"just in time", un peu à la méthode japonaise. Donc, elles ne
veulent pas faire d'entreposage, et de leur côté, ceux qui sont
dans ce domaine particulier... Et j'imagine que c'est la même chose
même s'il y a la congélation. Mais pour ce qui est de ces viandes,
de ces poulets, on voudrait avoir de la marchandise fraîche. Donc, la
proximité du marché et la disponibilité font en sorte que
la concurrence américaine - vous pourrez me le confirmer -serait mal
placée pour venir s'introduire ici à cause de ces facteurs et
aussi à cause des facteurs de transport, parce que j'ai l'impression que
les coûts de transport deviennent énormes à ce
moment-là.
Lorsque l'on doit être capable de fournir sur une base
régulière tel nombre de livres, de têtes ou de
pièces par jour ou par
semaine, j'imagine que cela deviendrait difficile à cause de ce
type de produit. J'aimerais que vous me donniez votre point de vue qui est
exactement l'expérience du marché par rapport à cette
concurrence. J'ai un peu l'impression qu'on est déjà
protégé par rapport à ce type de marché, par
rapport à l'incursion américaine.
M. Montpetit: Dans notre texte, à la page 3, on fait
référence à cela et on mentionne entre autres
l'État du Maine qui est très près du marché de New
York et qui l'a quand même perdu en ce qui concerne les productions
avicoles. Et on présume que ce sera la même chose pour le
Québec.
Les centres de production se déplaceraient vers les endroits
où se produisent les grains parce que cela coûte moins cher de
transporter le produit fini que de transporter les matières
premières pour les transformer sur place. Regardons ce qui s'est
produit. Quand vous mentionnez le Nord des États-Unis, les producteurs
étaient près des marchés, des consommateurs, mais ils ont
quand même perdu ces marchés, la production s'est quand même
déplacée.
M. Pilon: J'aimerais ajouter un mot à ce que M, Montpetit
a dit. À la page 2, on dit que présentement nous pourrions
recevoir ici, au Québec, du poulet américain à 0,50 $ la
livre, éviscéré, comparativement à du poulet
québécois, si on peut dire, à 0,95 $ la livre. Vous voyez
quand même la différence entre 0,65 $ et 0,95 $. Comme le
président le disait, transporter un produit fini comparativement
à du grain, c'est certainement plus économique. Si on parlait de
porc canadien qui viendrait des Prairies, cela prendrait un char de porc pour
quatre wagons de grain pour les faire ici au Québec. C'est juste pour
vous donner un parallèle.
Avant que le Québec soit aussi autosuffisant dans la production
avicole... À titre d'exemple, on a des abattoirs et avant que les plans
conjoints existent, évidemment, il y avait une rareté de poulet
ici au Québec. On avait quand même en place des usines de
transformation qui avaient un manque à gagner et qui manquaient de
produit. À ce moment-là, il rentrait énormément de
poulet, des "vans" complètes de poulets vivants des États-Unis et
qui étaient abattus aussi loin qu'à La Malbaie dans Charlevoix.
Je ne sais pas si on a répandu à votre question.
M. Parent (Bertrand): Je comprends que vous me dites que la
différence de prix que les Américains peuvent entrer ici leur
donne un avantage. Ce que je vois, c'est que - et on parle strictement du
domaine avicole - ce type de produit, de façon générale,
est requis auprès des clients. Je pense à de grandes
rôtisseries, je pense à des clients qui veulent avoir le produit
le plus frais possible. Dans ce type de marché, comment les
Américains pourront-ils être compétitifs? Au même
titre, nous aurions de la difficulté à aller conquérir ces
marchés. C'est bien sûr qu'il y a un avantage marqué du
côté américain à cause du volume qu'ils peuvent
abattre, à cause probablement du type d'entreprise qu'ils ont, de
l'expertise et de la mécanisation que ces gens ont. On ne peut pas faire
rivaliser nos PME québécoises avec eux. Mais là où
nous pouvons rivaliser, c'est probablement à cause de notre
proximité.
M. Pilon: Ce n'est plus vraiment un handicap avec la
rapidité du transport aujourd'hui. On parlait tantôt de
fraîcheur de produit; les rôtisseries ou les restaurants "à
chaîne" pourraient avoir un poulet aussi frais aussi bien en provenance
même des États du Sud des États-Unis, dans le Midwest
américain, que d'ici. Imaginez-vous qu'on peut le faire avec des
volailles vivantes, elles peuvent partir de l'État de New York ou
même de plus bas pour venir se faire abattre au Québec. On le
faisait dans le passé. C'est pour dire qu'on va garantir un poulet
frais, de qualité, peu importe qu'il parte de l'Etat de la
Géorgie ou ailleurs, cela n'a pas d'importance. Ce n'est plus un
facteur.
M. Montpetit: Ce qui pourrait rester, cela serait bien marginal.
Le gros du volume, ce n'est pas un problème de le faire transporter. Les
distances pour le gros du volume ne sont pas importantes. Pour de petites
quantités, peut-être que la distance pourrait compter, mais cela
serait un volume qui serait très marginal. Le gros de la consommation
pourrait...
M. Parent (Bertrand): Donc on devient très
vulnérable, même dans ce domaine.
M. Montpetit: Oui.
M. Parent (Bertrand): Merci.
M. Montpetit: Actuellement, il ne faut pas oublier que même
pour ce dont on parlait tantôt, la production porcine et le marché
qu'on a pris aux États-Unis depuis huit ans, il ne faut pas oublier que
c'est surtout à cause du taux de change. Ce ne sont pas les
négociations ou le libre-échange, qu'il y ait négociation
ou pas, si le taux de change devenait au pair demain matin, je ne crois pas
qu'on resterait longtemps en compétition pour la production porcine et
qu'on pourrait garder notre marché bien longtemps.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Frontenac.
M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. M. Pilon, M.
Montpetit, à des questions ou des remarques qui vous ont
été faites tout à l'heure par M. le ministre et
également par des collègues de l'Opposition, vous avez,
jusqu'à un certain point, situé le débat en soulignant les
conséquences d'un statu quo. On sait que les mesures protectionnistes
américaines, au cours des dernières années, ont
été de plus en plus agressives et si le Canada n'en venait pas
à une entente avec nos voisins du Sud, les Américains, on a des
raisons de croire qu'il y aurait des mesures protectionnistes encore plus
radicales et plus nombreuses. Des intervenants nous ont dit à ce jour
qu'une entente sur le libre-échange, même imparfaite, serait plus
rassurante que la situation actuelle. Est-ce que, dans votre secteur
précis, le commerce des meuniers, dans vos opérations avec nos
voisins américains, vous considérez qu'une entente, même
imparfaite, comme je viens de le souligner, est plus rassurante, plus
souhaitable que ce qui se passe présentement? Est-ce qu'on peut
évaluer ce qui pourrait arriver au cours des prochaines années?
J'aimerais, entre autres, que vous précisiez ce point si c'est possible.
Qu'est-ce que vous prévoyez que les Américains nous enverrons
dans les pattes au cours des prochaines années comme mesures
protectionnistes dans votre secteur d'activité et dans d'autres, si vous
êtes en mesure de la préciser?
M. Montpetit: Dans notre secteur, ils ne peuvent nous toucher
avec des mesures protectionnistes que pour le porc. Comme on le disait,
même en dehors des ententes protectionnistes qui pourraient nous toucher,
il y a le taux de change. Si l'argent venait au pair, même sans aucune
mesure protectionniste, ce marché serait vulnérable.
Lorsqu'on parle d'une entente imparfaite, cela dépend toujours de
ce que l'on entend par "imparfaite". Si cela épargne l'agriculture comme
on le mentionnait tantôt et si cela épargne les productions
contingentées, on peut dire d'accord, on n'a pas d'objection.
M. Lefebvre: Autrement dit, est-ce que vous considérez que
c'est mieux d'essayer de discuter ouvertement du problème, de tenter
d'arriver à une entente avec les Américains même si tout le
monde est conscient que dans différents secteurs entre autres ce n'est
pas facile? Est-ce que vous considérez que c'est mieux d'aborder le
problème de front que de vivre ce qu'on vit présentement,
évidemment en tenant compte de ce qui peut arriver au cours des
prochaines années?
M. Pilon: II est bien certain qu'on aurait avantage à
s'asseoir avec eux, à discuter et à évaluer la situation.
Mais comme notre président vient de vous le dire, le seul endroit
où on risque d'être touché dans notre industrie, c'est dans
l'industrie porcine. Même là, encore une fois, je le
répète, c'est que le taux de change peut faire en sorte qu'on va
perdre ce marché.
Par contre, il est bien certain que s'il y avait un libre-échange
dans toutes les productions contingentées, nous serions très
affectés. J'ai eu l'occasion d'être ici la semaine dernière
avec un autre groupe d'intervenants et on posait à un moment
donné la question - il y en a peut-être qui n'étaient pas
présents: Quelle serait la période de transition dans le cas de
libre-échange? Je dois vous dire qu'en ce qui ncus concerne, dans les
productions contingentées, ce ne sera pas une période de
transition. Cela va être une période de mutation. C'est certain
qu'on ne pourra pas rivaliser avec eux en raison de leurs coûts: leur
coût de main-d'oeuvre, leur coût d'installation, leur coût
d'exploitation et, en plus de cela, l'ampleur de leur activité.
Je reste dans le secteur agricole. Regardons ici les usines de
transformation pour volailles. Quand on dit qu'une usine va transformer 200 000
ou 250 000 poulets par semaine, elle se classe parmi les plus importantes alors
que là-bas des usines de 1 000 000, 1 500 000 ou 2 000 000 par semaine,
je ne dis pas que cela est très courant mais c'est quand même
quelque chose d'assez fréquent. On peut tout de suite réaliser
les coûts de production.
Conséquemment, dans le domaine des productions
contingentées, nous disparaîtrons de la même façon
que tous les producteurs en aviculture des États de la
Nouvelle-Angleterre sont disparus, par un mouvement qui s'est fait dans le
Midwest américain.
Par contre, nos représailles peuvent se situer dans
l'éventualité où on dit: Bien écoutez, on se fait
lancer des pierres, il faut bien en lancer nous aussi.
M. Lefebvre: II faut riposter.
M. Pilon: Nous savons évidemment que le seul marché
que nous sommes exposés à perdre, c'est celui du porc. Remarquez
que nous l'avons contesté parce qu'on s'est dit: On jette de l'huile sur
le feu. On a déjà mis des barrières tarifaires au
fédéral en novembre dernier sur le mais américain. Il fut
un temps où il entrait près de 1 500 000 tonnes de grain
américain au Canada. Même si, par notre autosuffisance, on
était rendu à en prendre moins d'eux, on jouait quand même
avec des importations dans les céréales de 300 000 à 400
000 tonnes par année. On a imposé une barrière tarifaire,
une douane sur le ma¸is américain. Je peux vous dire que notre
association est allée à Ottawa à deux reprises, au
Tribunal canadien des importations, en février dernier et en
juillet, pour faire lever cette douane parce qu'on savait que cela
créerait un mauvais climat avec les Américains et que, dans
l'ensemble, on ne serait pas gagnant.
Ce sont quand même des représailles. Si on dit: Bien,
écoutez, on tranche la question: il n'y a pas de libre-échange
dans le domaine agricole, alors nous imposons des restrictions. Alors, ce sera
à nous, au Canada, à en imposer.
M. Montpetit: On parle de libre-échange dans
l'agriculture, comme on l'a mentionné dans notre texte, même
à l'intérieur du Canada. On parle du libre-échange avec
les États-Unis mais on n'a pas réussi à négocier
à l'intérieur du Canada un libre-échange. Même
à l'intérieur de la province, il y a des frontières.
Prenez l'industrie laitière; en Abitibi, certaines régions ont
voulu se protéger pour ne pas perdre leur production agricole parce
qu'à un moment donné, les quotas se déplaçaient
à l'intérieur de la province. On a eu d'autres exemples dans des
régions du Bas-du-Fleuve, dans le Lac-Saint-Jean pour d'autres
productions avicoles aussi où les contingentements sont restreints
à des régions. On n'a pas le libre-échange à
l'intérieur de la province. Il reste que pour ce qui est de
l'agriculture, je considère que c'est un monde un peu à part dans
le sens qu'il y aura toujours une question de volonté politique. Si on
veut* maintenir l'agriculture et si on considère que c'est important au
point de vue économique comme apport dans une province, le gouvernement,
quel qu'il soit, devra prendre des mesures pour la protéger. À
l'intérieur des régions, on a dû prendre des mesures. On a
eu à le vivre. (20 h 45)
M. Lefebvre: Une très courte dernière question.
J'imagine que la réponse peut être aussi courte. Quel est environ
le pourcentage du volume d'affaires que l'Association professionnelle des
meuniers fait aux États-Unis par rapport à l'ensemble de ses
activités?
M. Montpetit: Ce que l'association fait aux
États-Unis?
M. Lefebvre: Oui.
M. Montpetit: Les exportations de porc?
M. Lefebvre: Les meuniers en générai, si vous
voulez.
M. Montpetit: C'est beaucoup par l'exportation du porc.
M. Lefebvre: Oui.
M. Montpetit: C'est 50 % à peu près de la
production.
M. Lefebvre: C'est 50 % aux États-Unis.
M. Montpetit: On disait tantôt que c'était 60 % de
la production porcine qui est exportée aux États-Unis.
M. Lefebvre: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député. M. le député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): Merci, Mme la Présidente. M.
Montpetit, M. Pilon, madame. Votre mémoire ne m'étonne pas, en ce
sens qu'il va dans la même direction que les mémoires de gens qui
sont dans le domaine agricole ou para-agricole, dans l'industrie de la
transformation. Il étonne peut-être par une chose, c'est qu'on
sent une certaine ouverture par rapport à des positions beaucoup plus
draconniennes qui ont été prises par des gens du monde agricole
qui vous ont précédés. Cependant, nous ne voyons pas
là la possibilité de vous passer une petite vite, comme on
pourrait dire. On voit simplement là la marque de personnes qui ont le
goût de discuter un problème qui risque de se poser dans les
prochaines semaines.
J'ai quelques questions à votre endroit et ce sont surtout des
questions d'information. Je suis certain que vous allez être en mesure de
m'apporter l'éclairage nécessaire. Ma première question,
dont je connais peut-être la réponse, mais j'ai le goût de
vous la faire dire, s'inspire de la page 5 de votre mémoire, quand on
parle des effets du libre-échange. Il y a une petite phrase qui m'a un
peu frappé. J'ai l'impression qu'elle est incomplète. Dans le
dernier paragraphe, deuxième phrase: "Nous connaîtrions une
augmentation significative des importations en provenance des États-Unis
due à des coûts de structures plus bas en raison des bas
coûts d'intérêt et des salaires moins élevés."
J'ai comme l'impression que votre phrase n'est pas complète. J'ai de la
difficulté à comprendre, d'autant plus qu'on a déjà
eu l'occasion de discuter avec des intervenants agricoles. Il ne me semble pas
que les coûts d'intérêt et les salaires moins
élevés soient les facteurs les plus déterminants dans
cette différence de coûts. J'aimerais que vous m'expliquiez.
M. Montpetit: Lorsqu'on parle de salaires, c'est surtout
l'économie d'échelle dans le sens que les entreprises aux
États-Unis sont beaucoup plus importantes en volume...
M. Gauthier (Roberval): D'accord.
M. Montpetit: ...et que ce n'est pas nécessairement le
salaire horaire, ce sont les
frais de main-d'oeuvre rattachés à cause des
économies d'échelle, dans un premier temps. Ensuite, c'est
sûr qu'il faudrait ajouter les autres frais, que ce soit
l'électricité ou le chauffage.
M. Gauthier (Roberval): D'accord. Cela va. C'est que pour les
mots "salaires moins élevés", j'avais pris
l'interprétation stricte du terme salaire et je trouvais cela un peu
bizarre.
M. Montpetit: Le salaire, c'est dans le sens d'économie
d'échelle.
M. Gauthier (Roberval): On se comprend bien.
J'ai une autre question d'éclaircissement. Un peu plus loin, vous
parlez de la possibilité... C'est immédiatement après
cela; "Conséquemment, les productions animales canadiennes diminueraient
considérablement et par la suite les prix aux consommateurs
fluctueraient régulièrement à cause du manque de
système de production aux États-Unis." J'aimerais que vous
m'expliquiez cela. Depuis quelques jours, on nous fait savoir que la production
agricole américaine est tellement élevée que les petits
surplus de production ou les oeufs que l'on casse dans le transport - je pense
que vous étiez là quand on a parlé de cela - bref, une
production à la marge serait suffisante pour nourrir tout le Canada. Or,
vous nous présentez cela différemment en disant; II pourrait y
avoir un manque de production aux États-Unis et cela pourrait amener des
problèmes de prix. J'aimerais que vous clarifiiez cela, s'il vous
plaît.
M. Montpetit: Oui. On sait à quel point, aux
États-Unis, la production est quand même intégrée.
Qu'on prenne la production d'oeufs, entre autres, elle est
contrôlée par à peine une dizaine de producteurs. Si,
à un moment donné, le marché leur appartenait, ils
pourraient créer une rareté pour faire monter les prix. On serait
quand même à la merci d'un système de géants qui
pourraient prendre éventuellement le contrôle d'une production par
l'élimination de la compétition. Par la suite, ils pourraient en
venir à créer des raretés dans le but de faire monter les
prix.
M. Gauthier (Roberval): D'accord. Là, c'est une
hypothèse que vous faites en disant qu'une rareté pourrait
être créée de façon volontaire.
M. Montpetit: Comme on fait exactement, on parle de dents de scie
dans une production qui n'est pas contingentée. Dans le domaine du porc,
présentement, si on prend le cycle depuis vingt ans, on peut voir les
cycles de production où on a eu des hausses et des baisses de prix de
sorte qu'après une période de deux ou trois ans, la production
diminue à un point où on crée une rareté et on
finit par faire remonter les prix par la compétition en éliminant
des producteurs.
M. Gauthier (Roberval): D'accord. À toutes fins utiles, un
peu plus loin dans votre mémoire, vous parlez des effets négatifs
du libre-échange en réduction des emplois, réduction des
salaires etc., ce que je comprends de cela, dites-moi si mon
interprétation est exagérée, de ce qu'on a entendu avant
vous et vous me semblez modeste quand vous parlez de réduction,
finalement qe qu'on a compris, c'est que ce serait une disparition d'un secteur
comme le vôtre. Je ne sais pas si j'exagère les choses. La
compréhension que j'ai de ce qu'on nous avait dit est qu'il ne
s'agissait pas finalement de réduction, il s'agissait de disparition,
à toutes fins utiles. Est-ce exact?
M. Montpetit: C'est réaliste. André Pilon en a fait
mention tantôt. On ne peut pas parler d'une période d'adaptation,
c'est une période de disparition à un moment donné parce
que c'est sûr qu'on ne pourra pas être concurrentiels à
court ou à moyen terme.
M. Gauthier (Roberval): Peut-être une question...
La Présidente (Mme Bélanger): Deux minutes.
M. Gauthier (Roberval): II me reste deux minutes, alors j'ai le
temps de vous poser ma question et le temps de réponse sera pris
à la bonne volonté du ministre. Il y a une chose que j'ai
trouvée extrêmement intéressante dans votre mémoire.
C'est la première fois, en tout cas, à ma connaissance, qu'on la
suggère. Au bas de la page 6, vous dites, je vous cite: "De fait, il
serait sûrement souhaitable de voir, dans les années à
venir, une proportion toujours grandissante des budgets agricoles des
gouvernements orientées vers le développement et la recherche
plutôt que vers des programmes de subvention." Je vous avoue que cela me
frappe et je trouve cela original et rafraîchissant comme suggestion.
J'aimerais que vous me l'expliquiez, parce qu'il y a d'autres groupes avant
vous qui m'ont expliqué à peu près le contraire.
M. Montpetit: Quand on parle de développement et
recherche. On parle seulement des productions agricoles alors, si on regarde
les marchés qui se sont développés depuis les sept ou huit
dernières années à la suite de recherches, de
nouvelles
mises en marché, d'améliorations, qu'on pense à la
production porcine, aux améliorations qui pourraient être faites
pour faire connaître davantage ce produit-là aux consommateurs,
améliorer différentes formes de présentation, qu'on pense
dans le domaine du lait à toutes les formes de yogourt, aux
différentes découvertes de marché à la suite de
recherches, etc., c'est dans ce sens-là qu'on parle de recherche, dans
le sens que des investissements pourraient faire augmenter la consommation et
pourraient améliorer l'industrie agricole en général dans
la province.
M. Gauthier (Roberval): Est-ce que vous me permettez une toute
petite question additionnelle?
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le
député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): Malgré qu'on ait fait preuve de
tolérance jusqu'à présent. Je comprends bien votre
réponse M. Montpetit mais, cela m'apparaît... Bon d'accord! En ce
qui concerne les principes, on ne peut pas être contre la vertu et la
tarte aux pommes, a-t-on l'habitude de dire mais, je n'ai pas l'impression...
Je ne sais pas si vous croyez que les intervenants autres que vous, du monde
agricole, cautionnent aussi facilement cet énoncé. Je comprends
bien que la recherche dans le domaine des produits de transformation, que la
publicité dans le domaine de la consommation pourraient donner un coup
de pouce à l'agriculture mais, vous allez plus loin que cela: qu'une
proportion toujours grandissante des budgets soit orientée vers le
développement plutôt que vers les subventions. En tout cas, cela
m'apparaît très révolutionnaire. Je ne sais pas si vous
avez d'autre chose à ajouter là-dessus, je trouve cela
intéressant par ailleurs, mais un peu loin de ce que j'ai entendu
jusqu'à présent.
M. Pilon: Évidemment, on parle de recherche et de
développement de produit, de nouvelle mise en marché mais, on
parle également, nous, d'une nouvelle lignée, de nouvelles races,
d'amélioration des élevages, que ce soit par la
génétique ou par les facilités de bâtiments. La
même recherche, on l'applique également... Vous allez dire que
l'industrie privée s'en charge, mais en ce qui concerne la fabrication
des aliments, il faut penser que ce ne sont pas toutes les usines aujourd'hui
et même encore moins demain, du moins on l'espère, qui seront en
mesure de donner la même qualité de produit qui va donner le
même rendement, la même qualité d'un produit fini à
des coûts semblables. Quand on parle de recherche, en fait, c'est dans le
mot efficacité.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Roberval. M. le député de
Vanier.
M. Lemieux: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. le
président ou M. le directeur général, vous semblez croire
que, dans le cadre de votre mémoire, le libre-échange pourrait
avoir certains effets négatifs sur l'agriculture. Vous dites qu'il est
loin d'être certain que le consommateur pourra bénéficier
de meilleurs prix et que le libre-échange aura un impact important sur
tout le secteur de l'agriculture; vous semblez vous interroger vivement sur ce
fait et vous nous demandez s'il est réaliste de croire que l'agriculture
pourrait être exclue de l'accord.
Dans ce cadre, advenant un traité de libre-échange, pour
protéger votre secteur d'activité à vous, quelle mesure
vous semble la plus essentielle et non négociable? Première
question. A contrario - en sens contraire - si ce traité n'existe pas,
pouvez-vous nous dire, advenant le cas que ce traité ne soit pas
signé, quel est l'élément que vous jugez, actuellement, le
moins acceptable? Quel élément vous fait actuellement le plus mal
dans votre secteur d'activité? Je veux bien vulgariser le sens de ma
question. Comprenez-vous bien le sens de ma question? Cela vous va?
M. Pilon: Je me demande justement si j'ai bien compris le sens de
votre question. Je vais essayer d'y répondre de la façon dont je
l'ai comprise. Avec le libre-échange, je pense qu'on sait ce qui nous
attend.
M. Lemieux: Explicitez, s'il vous plaît.
M. Pilon: Nous ne pourrons certainement pas être
concurrentiels, et les faits sont là. Si on regarde du côté
du consommateur, on vous donne cet exemple frappant qui peut porter les gens
à s'interroger. Si, aujourd'hui, le poulet est à 0,95 $ la livre,
alors que pour les usines, il n'y a aucune marge, c'est leur prix
coûtant, et si on peut amener du poulet ici à 0,65 $ après
avoir payé t'échange d'argent, si on nous le livre ici à
0,65 $, il faut en déduire que la marge de profit est prise. Alors, on
ne parle plus de 0,30 $ la livre, mais de 0,40 $ ou 0,45 $ la livre.
M. Montpetit vous disait tantôt que, dans
l'éventualité d'un accord de libre-échange, de fausses
raretés seraient créées, à un moment donné.
C'est indiscutable. Avant qu'on ait notre autosuffisance au Québec, au
Canada, nous avons vécu de fausses raretés, de façon
cyclique, c'est-à-dire que les entreposages augmentaient aux
États-Unis pendant qu'on nous laissait croire, durant la période
des fêtes par exemple -prenons le dindon qu'on consomme presque seulement
à ce temps de l'année - qu'il y
avait une rareté de dindon et on payait le dindon à gros
prix, et non pas parce qu'il était rare.
Les productions animales au Canada représentent environ 10 % des
productions américaines. Qu'il y ait, à un moment donné,
une épidémie quelconque ou qu'il y ait des quarantaines dans des
bâtiments, on peut, à ce moment-là, réaliser quels
seront les premiers à subir le manque de produits. C'est sûr que
les Américains vont commencer par s'alimenter. Cela revient au
même principe, du moins, je le pense, qu'un pays doive avoir, dans
l'alimentation et à n'importe quel prix, un bon degré
d'autosuffisance.
M. Lemieux: Pour reprendre la deuxième partie de la
question, dans le cadre actuel, quelles mesures vous favoriseraient le mieux,
si on avait à en prendre une, sans que ce soit nécessairement le
statu quo?
M. Pilon: Notre président vous a dit tantôt que,
dans l'éventualité d'un libre-échange total, ce serait
sûrement une question de temps pour qu'il ne se fasse plus
d'élevage ici. Je ne sais pas ce qu'on pourrait négocier pour
l'agriculture, mais je pense qu'on est exposé sur tous les plans. Si on
parle de "bargaining power" avec eux, ce serait peut-être de les laisser
entrer du maïs ou d'autres céréales. Mais je pense bien
qu'à ce moment-là, une autre fédération à
l'intérieur de l'UPA dirait: Arrêtez un peu. Nous, cela nous
dérange; vous autres, cela vous avantage, mais, nous, cela nous
dérange.
M. Lemieux: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Notre temps est écoulé. M.
Montpetit, M. Pilon et Mme Couture, merci d'être venus. Je terminerai par
un langage que vous connaissez bien: II va falloir prendre nos
précautions si on ne veut pas être le dindon de la farce. (21
heures)
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Parent (Bertrand): Je vous remercie.
M. MacDonald: Des lettres.
M. Lefebvre: Je trouve cela original.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: Et nous restâmes médusés.
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît!
Une voix: Ce n'est pas à tout le monde...
La Présidente (Mme Bélanger): M. te ministre du
Commerce extérieur, pour le mot de la fin.
M. MacDonald: Eh bien, je ne suis pas poète, mais je peux
mettre autant de sincérité que mon collègue pour vous
remercier de votre présentation.. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme Couture,
M. Pilon et M. Montpetit, les membres de la commission vous remercient pour
votre participation et vous souhaitent un bon retour.
Une voix: Merci bien.
La Présidente (Mme Bélanger): Maintenant, je prie
le Parti communiste du Québec de bien vouloir prendre place.
Les membres de la commission de l'économie et du travail vous
souhaitent la bienvenue. Permettez-moi de vous rappeler les règles du
jeu. Vous avez une heure pour votre audition qui sera répartie comme
suit: 20 minutes pour votre exposé qui sera suivi d'un échange de
20 minutes avec les membres du côté ministériel et 20
minutes avec les membres de l'Opposition. Sans plus tarder, Mme Roy, je vous
cède la parole.
Parti communiste du Québec
Mme Roy (Marianne): Merci. Bonsoir tout le monde.
Premièrement, j'aimerais seulement dire que, comme vous, cet
après-midi, nous avons tous appris que les négociations sur le
libre-échange ont été suspendues. Le Parti communiste
aimerait profiter de cette occasion pour vraiment féliciter la
population québécoise et canadienne, dans son ensemble, d'avoir
réussi à exercer assez de pressions pour sauvegarder le pacte de
l'automobile, les programmes sociaux et l'indépendance canadienne. Je
pense que c'est une bonne indication de ce qu'on peut réussir à
faire quand les intérêts de l'ensemble de la population sont en
danger.
Le libre-échange entre les États-Unis et le Canada
comporte de graves dangers pour la population du Québec dans les
domaines économique, politique, social et culturel. Il y aurait une
restructuration majeure dont les conséquences négatives seront
subies par les travailleurs et les travailleuses.
Le capital, extrêmement mobile, se déplacera rapidement
à la recherche d'un profit maximal sans tenir compte des coûts
sociaux. Les mécanismes d'un marché libre pourront forcer
l'alignement, non seulement des politiques économiques, mais aussi des
politiques sociales canadiennes sur le modèle états-unien.
Des mesures de protection aussi bien que de promotion des
activités et des produits culturels québécois sont
essentielles. Or, elles pourront être interdites ou limitées dans
le cadre d'un accord sur le libre-échange.
Les États-Unis s'efforcent d'éliminer leur grand
déficit. Il est illusoire de penser que les États-Unis
accepteraient un accord qui puisse impliquer une amélioration de la
balance commerciale canadienne. Leur objectif est plutôt d'exporter plus
au Canada et d'en importer moins.
Sur le plan économique, les États-Unis cherchent à
élargir encore plus leur base pour faire face à des assauts
commerciaux et économiques d'autres pays, tels que le Japon, la
Communauté économique européenne, les pays socialistes et
le tiers monde.
L'objectif principal des États-Unis est sans doute politique et
stratégique. Ils veulent s'assurer que l'économie canadienne et
l'économie québécoise seront tellement dépendantes
de celle des États-Unis qu'aucun geste indépendant en politique
étrangère ne serait possible à l'avenir.
Le Parti communiste du Québec est convaincu que les
négociations sur le libre-échange bilatéral entre les
États-Unis et le Canada comportent de graves dangers pour la population
canadienne et particulièrement pour celle du Québec, non
seulement, comme je l'ai dit, dans le domaine économique mais encore
plus dans les domaines politique, social et culturel.
Plusieurs études ont relevé le fait que certaines
industries importantes pour l'économie québécoise seront
frappées sévèrement: vêtement, textile, chaussure,
alimentation, etc. parmi d'autres.
L'élimination des barrières douanières et d'autres
obstacles permettra aux multinationales états-uniennes de profiter des
économies d'échelle ainsi que de leur puissance pour
étendre leur domination commerciale et économique sur
l'économie canadienne. La rationalisation à leur façon
amènera des fermetures d'usine et des mises à pied massives dans
notre économie. Si certaines entreprises québécoises
pouvaient profiter d'une plus grande ouverture au marché
états-unien - ce qui n'a pas encore été
démontré il y aurait une restructuration majeure dont les
conséquences négatives seront subies par les travailleuses et les
travailleurs. Le capital, extrêmement mobile - comme je pense que les
personnes qui sont intervenues avant moi l'ont bien démontré avec
des exemples très concrets -se déplacera rapidement à la
recherche d'un profit maximal sans tenir compte, on le répète,
des coûts sociaux.
Cependant les effets de cette restructuration seront beaucoup plus
profonds, dû à la pression économique de la concurrence
sauvage sur les coûts de production: dans le domaine des relations
industrielles, la pression des bas salaires, surtout ceux versés au Sud
des États-Unis, le Code du travail, les droits syndicaux, le taux de
syndicalisation qui est plus bas aussi aux États-Unis. Face aux
impôts, les entreprises insisteront pour une harmonisation sur la base de
la réforme fiscale états-unienne; baisse d'impôt pour les
particuliers à revenu élevé et pour les
sociétés, élimination d'autres coûts reliés
à la sécurité-santé au travail, au financement du
régime d'assurance-santé, etc.
Même si on insiste pour que les politiques sociales canadiennes ne
soient pas sujettes à la négociation les mécanismes d'un
marché libre pourront forcer l'alignement, non seulement des politiques
économiques, mais aussi des politiques sociales canadiennes sur le
modèle états-unien.
Un autre volet de cette pression sera l'insistance des entreprises et du
gouvernement des États-Unis pour que soient éliminées
toutes les politiques canadiennes qu'ils considéreront déloyales:
les subventions et d'autres formes d'aide au développement
régional, certaines dispositions de la Loi sur
l'assurance-chômage, telles les prestations payées aux
travailleurs et travailleuses saisonniers, par exemple, les pêcheurs.
En général, l'harmonisation découlant
inévitablement de l'élimination de protections douanières
aura des effets en profondeur sur la vie canadienne, allant de pair avec la
déréglementation et la privatisation d'entreprises et de
services. Le Canada et le Québec ont toujours fait appel à
l'État -historiquement, ceci depuis déjà le XIXe et le XXe
siècle, y compris pour le développement économique - au
gouvernement et à des services collectifs pour promouvoir leur
bien-être beaucoup plus que ce n'est le cas aux États-Unis.
L'alignement sur le modèle états-unien signifiera la fin de cette
spécificité canadienne et, à l'intérieur du Canada,
de la spécificité québécoise. De plus, ce
modèle comporte des déficiences notoires en ce qui concerne ia
protection de la population desservie.
Il est difficile d'exagérer les dangers que le
libre-échange représente pour la culture
québécoise. L'influence de la culture états-unienne sur la
culture au Canada est déjà trop forte. Les activités des
industries culturelles sont particulièrement sujettes à des
économies d'échelle et ce, dans beaucoup de domaines: films,
livres, programmes de télévision, journaux. Les coûts de
production du produit original sont considérables, mais les coûts
de reproduction et de distribution sont beaucoup moindres ce qui permet aux
produits états-uniens d'envahir, et dans certains domaines, de dominer
le marché canadien et même québécois. Des mesures de
protection aussi bien que de promotion des
activités et des produits culturels québécois sont
essentielles. Or, elles pourront être interdites ou limitées dans
le cadre d'un accord sur le libre-échange. Le contrôle des
média au Québec est déjà très
centralisé dans le secteur privé. Il le deviendra de plus en plus
et risque d'être dominé par les USA avec toutes les
conséquences culturelles et idéologiques qui en
découleront.
En somme, il y a des différences fondamentales de philosophie
sociale entre les Etats-Unis et le Canada et encore plus avec le Québec.
Il ne faut pas laisser entrer ce modèle par une porte grande ouverte.
D'ailleurs, elle est déjà entrouverte. Ce qu'il faut, c'est la
fermer.
Il faut souligner que ce dont il est question ici n'est pas le
libre-échange auquel certains économistes attribuent des
qualités mirobolantes, à partir du fonctionnement d'un
marché où tous les participants multiples agissent librement., Il
s'agit plutôt d'une tentative d'établir une union commerciale
entre deux pays seulement, à l'exclusion des autres. Or, beaucoup
d'arguments qui pourraient, non sans question en tout cas, justifier la
réduction ou l'élimination de barrières dans le domaine du
commerce international, par exemple, dans le cas du GATT ou de la
conférence des Nations-Unies pour le commerce et le
développement, perdent de leur crédibilité dans le cas
d'un accord bilatéral. Cela peut bien déformer encore plus les
courants des échanges internationaux. Il y a beaucoup de
différences entre la danse d'un corps de ballet international et celle
d'un pas de deux. Surtout quand un des deux est un éléphant et
l'autre un castor.
En négociation, il faut bien cerner les objectifs de l'autre
partie. Or, quels sont les objectifs des États-Unis à travers
toutes les contradictions des différents groupes d'intérêt
là-bas?
En se limitant, premièrement, aux questions commerciales, les
États-Unis s'efforcent d'éliminer leur grand déficit, y
inclus le déficit commercial de plusieurs milliards de dollars avec le
Canada. Il est donc illusoire de penser que les États-Unis accepteraient
un accord qui puisse impliquer une amélioration de la balance
commerciale canadienne. Leur objectif est d'exporter plus au Canada et d'en
importer moins. Or, le Canada perd tellement par rapport aux États-Unis
à d'autres titres, surtout la sortie de profits et de dividendes
où on a 61 000 000 000 $ de déficit et les paiements pour les
services plus de 2 000 000 000 $ de déficit sur les brevets
pharmaceutiques, les assurances, le transport, etc., que notre balance de
paiement est défavorable. La situation avec le libre-échange
serait encore pire.
Au niveau économique, les États-Unis cherchent à
élargir encore plus leur base pour faire face à des assauts
commerciaux et économiques d'autres pays: le Japon, le CEE, les pays
socialistes, le tiers monde. En s'associant plus étroitement aux
États-Unis, le Canada s'accrocherait à une étoile en
déclin, car l'économie états-unienne pèse de moins
en moins lourd dans le monde et le dollar US est extrêmement fragile.
Mais l'objectif principal des États-Unis est sans doute politique
et stratégique. En plus de renforcer sa position économique en
avalant le satellite canadien, ils veulent s'assurer que l'économie
canadienne et l'économie québécoise soient tellement
dépendantes de celle des États-Unis qu'aucun geste important en
politique étrangère ne serait possible à l'avenir.
L'Institut nord-sud a d'ailleurs bien signalé ce danger.
Les États-Unis veulent être assurés de pouvoir
disposer de nos matières premières, de notre espace et de notre
situation géographique. Il est évident aussi que cette domination
économique, stratégique et militaire sera renforcée par le
poids énorme du budget militaire des États-Unis.
Quelques alternatives au libre-échange que notre parti propose:
Mettre fin à la dépendance économique du Canada à
l'égard des États-Unis en diversifiant nos échanges
commerciaux avec les pays socialistes, le CEE, les pays en voie de
développement, le Japon, etc.;
Renforcer l'indépendance canadienne en nationalisant les filiales
des multinationales états-uniennes au pays et en les plaçant sous
contrôle démocratique;
Protéger et promouvoir les activités culturelles
québécoises et canadiennes. Augmenter les budgets de
Radio-Québec, de Radio-Canada, de l'Office national du film et aussi de
l'aide financière aux arts;
Freiner la centralisation des médias privés dans les mains
d'une poignée d'individus;
Protéger nos industries valables et viables, mais qui sont
présentement soumises à une concurrence déloyale, à
cause de bas salaires ou de taux d'exploitation faramineux;
Restreindre les investissements états-uniens et la fuite des
profits qui saignent notre économie.
Le libre-échange entre le Canada et les États-Unis est un
programme des multinationales états-uniennes les plus puissantes, y
compris le complexe militaro industriel. Il ne peut qu'être nuisible aux
intérêts des travailleuses et des travailleurs et de la population
québécoise en général. Ce qu'il nous faut
plutôt, c'est une politique de développement économique
indépendante. Merci.
La Président (Mme Bélanger): M. le ministre du
Commerce extérieur.
M. MacDonald: Merci, Mme Roy. Je me
dois d'abord de souligner le respect que j'ai pour la position que vous
exposez et que vous avez voulu exposer. Vous en avez le droit et je respecte
cela. Mais je dois dire personnellement et au nom du gouvernement que je
représente que je considère que votre position est à la
fois biaisée parce qu'elle exagère considérablement les
dangers que vous vouiez mettre en relief ou la façon dont vous percevez
les dangers d'un accord éventuel de libéralisation des
échanges. Vous faites totalement et entièrement fi des
réserves, des conditions, des sine qua non que nous avons posés
en tant que gouvernement responsable pour participer à cette
négociation. Votre exposé est également éminemment
politique et défend une philosophie qui est la vôtre, mais qui
n'est pas la nôtre. Cette appréciation de nos partenaires ou d'un
de nos partenaires commerciaux et de cette relation que nous avons avec les
États-Unis, philosophie encore, dis-je, n'est pas la nôtre. Mais,
vous et moi avons le privilège de vivre en démocratie, et ce
genre de gouvernement est aux antipodes, effectivement, du mode de gestion de
gouvernement communiste au pouvoir. Dans notre démocratie, vous aviez le
droit et vous avez pris le privilège de vous exprimer et, comme vous
avez pu voir, avec mes collègues, nous avons entendu ce que vous aviez
à dire. Je suis content qu'on puisse encore le faire au Canada et je
présume que vous partagez mon opinion. Je n'ai pas de questions à
vous poser.
La Président (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre.
M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, merci, Mme la Présidente. Mme
Roy, merci d'être là et d'apporter un point de vue
différent quelque peu de ce qu'on a entendu à ce jour. Je dois
d'abord dire qu'il y a plusieurs points de votre analyse qui sont exacts et, si
on poussait à la limite le libre-échange, sans barrières,
sans précautions, il y aurait effectivement une assimilation totale.
Sauf que ce n'est pas ce que nous vivons et je ne pense pas, du moins je
l'espère, que c'est ce qu'on va vivre.. Vos préoccupations sont
basées sur des prémisses qui font en sorte que vous voyez
l'ultime but des Américains. Je vous dis, là-dessus qu'on peut
voir les choses quelque peu différemment. En début de page 2,
vous dites: "En somme, il y a des différences fondamentales de
philosophie sociale entre les États-Unis et le Canada et bien sûr
encore plus avec le Québec. Il ne faut pas laisser entrer ce
modèle par une porte grande ouverte qui est déjà
entrouverte; ce qu'il faut, c'est la fermer". Mon seul commentaire - et si vous
voulez apporter des commentaires, je l'apprécierais - c'est vrai qu'il
faut être conscient qu'on vit en Amérique du Nord, qu'on vit dans
un contexte nord-américain et que, déjà, plus de 80 %, 82
% des échanges qui se font actuellement entre le Canada et les
États-Unis sont déjà en situation de libre-échange.
Il ne s'agit pas de proposer une nouvelle démarche commerciale avec un
nouveau pays, on y est déjà. Quand vous nous dites - là,
je ne suis pas d'accord - à la première page de votre
mémoire qu'il n'y a pas d'entreprises qui ont pu se démarquer ou
qui ont pu vraiment franchir et réussir du côté
américain, je vous dirais que, oui, il y a des entreprises canadiennes
et même des entreprises québécoises qui ont réussi
à aller... On a eu des exemples hier, et aujourd'hui - dans l'industrie
du meuble, pour ne prendre qu'un exemple - d'entreprises
québécoises qui réussissent à exporter quelque
chose comme 75 % à 80 % de leur production québécoise.
Effectivement, ce marché est à la portée de certaines
entreprises pour autant que les outils soient là. Cela fait partie de
nos grandes préoccupations.
Je termine en vous disant que, quant aux danqers du côté de
la culture et de l'assimilation dont vous parlez, pour ma part, je vous dis que
je suis conscient que cela nous guette. Je pense qu'on en est tous conscients.
Mais le jour où le gouvernement, tant québécois que
canadien, ne défendra pas cela avec acharnement, je pense qu'un mauvais
sort lui est réservé quant à l'avenir.
Cependant, je ne peux pas partager la conclusion à laquelle vous
arrivez, et selon laquelle il faut vraiment se refermer, se retirer. J'essaie
de voir de quelle façon, en 1987 ou en 1988, on pourrait vraiment se
retirer complètement du marché américain qui est, à
toutes fins utiles, ce marché nord-sud peut-être plus normal
parfois, que le marché est-ouest.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député. Mme Roy.
Mme Roy: Oui. Premièrement, je ne vais pas regarder de
nouveau le document. Notre conclusion n'est pas du tout de se refermer ou de se
retirer. C'est peut-être mal exprimé.
Comme vous l'avez dit, déjà notre économie est
dépendante à plus de 80 % des États-Unis. Ce que nous
croyons - et je pense que plusieurs sont d'accord avec nous aussi - c'est que
cet état de fait a déjà causé
énormément des problèmes au Canada et au Québec. Ce
qu'il faut plutôt faire, c'est de diversifier beaucoup plus, ne plus
dépendre à 80 % de l'économie des États-Unis, mais
plutôt de diversifier davantage notre économie, notre commerce
avec tous les autres pays du monde. Ce n'est pas du tout pour se refermer ou se
retirer du commerce international.
Cependant, on croit qu'il faut
absolument développer notre propre économie beaucoup plus
qu'elle ne l'est présentement. On sait qu'on vit un processus de
désindustrialisation tant au Québec qu'au Canada dans plusieurs
entreprises et dans plusieurs domaines.
Par rapport aux différences qui existent quand on parle de
différences entre certaines philosophies de vie aux États-Unis
par rapport au Canada et au Québec, je pense que toutes les
Québécoises et tous les Québécois et tous les
Canadiens les ressentent. On ne se sent pas comme des gens des
États-Unis, États-Uniens, pour utiliser ce terme. On a
gagné certaines choses depuis des dizaines d'années, comme
l'assurance-maladie. On sait que quand les gens tombent malades et sont
obligés d'aller à l'hôpital, aux États-Unis, toutes
leurs épargnes y passent. Ce n'est pas le cas au Canada.
Quant à l'assurance-chômage, on a une bien meilleure
couverture au Canada. Tout cela, c'est grâce à des raisons
historiques qui ont fait que, entre autres, le mouvement syndical au Canada a
été plus fort pendant des dizaines d'années et, avec
l'appui d'autres organisations et d'autres mouvements populaires, on a
réussi à gagner ce genre de programmes sociaux qu'ils n'ont pas
aux États-Unis et les gens souffrent terriblement aux États-Unis
de ne pas les avoir. Plusieurs d'entre vous voyagent aux États-Unis de
temps à autres et vous avez pu y voir la pauvreté.
Donc, c'est ce genre de différences qu'il faut protéger.
Je suis sûre que, comme vous, on aimerait que cela aille mieux pour le
peuple américain aussi. Mais, en ce qui nous concerne
présentement, il nous faut essayer de préserver ce que l'on a et
l'améliorer encore plus. À notre avis, il faut développer
l'économie québécoise et canadienne, avoir beaucoup plus
d'échanges avec toutes sortes d'autres pays, mais ne pas être
dépendant comme on l'est maintenant pour que cela affecte même la
politique étrangère du pays.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): En conclusion, Mme Roy, je vous remercie
d'être venue donner votre point de vue et je vous dis: Oui, il y a une
différence, heureusement, et vive la différence!
La Présidente (Mme Bélanger): Mme
Roy, les membres de la commission vous remercient pour votre
participation et vous souhaitent un bon retour.
Mme Roy: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): La commission de
l'économie et du travail ajourne ses travaux à 10 heures demain
matin.
(Fin de la séance à 21 h 26)