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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît! Je déclare la séance ouverte et je vous
rappelle le mandat de la commission de l'économie et du travail, qui est
de procéder à une consultation générale afin
d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs des mesures
d'aide aux régions périphériques relativement à la
réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ le litre dans ces
régions. Ces mesures étaient prévues dans
l'énoncé budgétaire du ministre des Finances du 18
décembre 1985 et dans le discours sur le budget du 1er mai 1986.
Je vous rappelle également l'ordre du jour qui a
été adopté: de 10 heures à 10 h 20: remarques
préliminaires du ministre; de 10 h 20 à 10 h 40: remarques
préliminaires du critique de l'Opposition; de 10 h 40 à 11 h 40:
le premier intervenant, Club automobile du Québec; de 11 h 40 à
12 h 40: Produits Petro-Canada; de 12 h 40 à 15 heures: suspension des
travaux; reprise des travaux à 15 heures et, de 15 heures à 16
heures: Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue; de 16 heures à 17 heures: Texaco Canada
Inc. et de 17 heures à 18 heures: Fédération nationale des
consommateurs du Québec.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Cannon (La
Peltrie) est remplacé par M. Lemire (Saint-Maurice).
Le Président (M. Théorêt): Merci.
Est-ce que les invités du Club automobile du Québec sont
arrivés? Pas encore? J'aimerais maintenant céder la parole au
ministre pour les remarques préliminaires.
M. le ministre.
Remarques préliminaires M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci. M. le Président, membres de la
commission, examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs
des mesures d'aide aux régions périphériques relativement
à la réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ le litre dans
ces régions, tel est le mandat de la présente commission
parlementaire. Le défi est de taille et les événements qui
en sont à l'origine méritent un bref rappel.
En décembre 1985, le gouvernement du Québec accordait un
assouplissement fiscal aux consommateurs des régions dites
périphériques au moyen d'un abaissement de la taxe sur les
carburants. Le ministre des Finances avait alors décrété
l'abolition de la surtaxe sur les carburants dans les zones dites
périphériques du Bas-Saint-Laurent--Gaspésie, du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi-Témiscamingue et de la
Côte-Nord. Le 15 mai 1986, lors du discours sur le budget 1986-1987, le
comté de Rimouski était ajouté à la région
du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie.
Les activités de surveillance de l'évolution des prix de
mon ministère ont rapidement permis de constater que les consommateurs
de ces régions, particulièrement à partir de la fin de mai
1986, ne bénéficiaient pas pleinement de cet avantage fiscal et
que les pétrolières et, à un degré moindre, les
détaillants, tiraient profit de cette baisse de taxe.
L'automne dernier, au cours de l'hiver 1987 et, finalement, le 15 mai
1987, j'enjoignais les pétrolières de procéder
immédiatement au rajustement à la baisse des prix en
région de façon que les consommateurs puissent tirer plein
bénéfice de cette baisse de taxe.
Mes interventions répétées visaient à
convaincre les intervenants, pétrolières, grossistes,
indépendants et détaillants, de s'autodiscipliner et de rajuster
volontairement leurs prix à la baisse. Devant leur inaction, une
attitude plus ferme s'imposait pour redonner le plus rapidement possible le
plein effet à la baisse de taxe.
C'est donc dans ce contexte que, le 17 juin 1987, le gouvernement a
décrété, pour une période de 90 jours, des prix
maximaux dans toutes les régions périphériques sauf celle
du Nouveau-Québec. Le caractère particulier de
l'approvisionnement de cette région de même que les variations
prononcées des niveaux de prix rendaient, à toutes fins utiles,
impossible la détermiination de prix maximaux pour l'ensemble de cette
région. C'est pourquoi elle fut écartée des
décrets.
Ceci m'amène d'ailleurs à préciser que l'imposition
de décrets m'est apparue comme
le seul moyen d'intervention dont disposait le gouvernement, à ce
moment, pour atteindre les résultats recherchés. C'est en dernier
ressort que le gouvernement a retenu cette voie. Il s'agit d'une mesure
temporaire et, j'en conviens, incomplète.
En annonçant les décrets, j'ai tenu à
préciser que je m'attendais que les baisses de prix à la pompe
soient réparties équitablement entre les
pétrolières et les détaillants. J'ai également
ajouté que je suivrais la situation de près et que je
n'hésiterais pas à intervenir si nécessaire.
Quand certains détaillants, dans certaines régions, ont
porté à mon attention le fait que la répartition de la
baisse de prix ne se faisait pas de façon équitable entre les
pétrolières et les détaillants, j'ai fait les
représentations qui s'imposaient. Mon intervention pour les
détaillants auprès des pétrolières a d'ailleurs
permis un redressement rapide de la situation. Deux autres décrets ont
par la suite été adoptés, le 30 juin et le 29 juillet
respectivement. Ils visaient essentiellement à apporter certains
ajustements à la définition des territoires inclus dans le
décret initial.
Voilà un bref aperçu des événements qui
forment la toile de fond de cette commission. Nous sommes maintenant
réunis pour discuter du problème des prix dans les zones
périphériques et définir les meilleurs moyens d'assurer le
respect des objectifs des mesures d'aide à ces territoires.
Jusqu'à maintenant, le Québec s'est fié à la
libre concurrence pour la détermination de prix justes pour les
consommateurs. Par comparaison avec les nouveaux prix ayant cours dans les
principales villes canadiennes, je constate que la situation des prix hors
taxes, au Québec est comparable à celle de la moyenne canadienne.
De juillet 1986 à juin 1987, en effet, la moyenne des prix au
Québec, pour les trois types d'essence, s'est située au
même niveau que la moyenne pondérée des différentes
provinces canadiennes, seul l'Ontario accusant de meilleurs résultats
à ce chapitre. Cependant, je ne vois pas pourquoi les
Québécois ne devraient pas être aussi favorisés que
les Ontariens sur le plan de leurs achats d'essence.
Ce constat est cependant valable pour les principales villes du
Québec. Est-ce le cas pour les régions de moins grande
densité démographique? Est-ce que les forces du marché qui
prévalent dans les grands centres sont les mêmes que dans des
régions moins populeuses? Comme l'a démontré l'analyse de
mon ministère, cette question de la disparité régionale
des prix est une réalité qui n'a pas considérablement
évolué depuis une dizaine d'années. Il faut certainement
accepter le fait que certains éléments, tels les coûts de
transport et de stockage des produits, doivent inévitablement se
transmettre au prix à la pompe. Par contre, les efforts de
rationalisation du secteur de la distribution, amorcés depuis la fin des
années soixante-dix, semblent avoir apporté des résultats
plus avantageux dans les régions centrales que dans les zones
éloignées.
En effet, de 1977 à 1985, les volumes de ventes moyens par
établissement ont augmenté de façon significative dans les
grands centres alors que les détaillants des territoires
éloignés accusent, pour la plupart, un recul dans leurs
performances à ce chapitre. De façon générale, les
détaillants des zones périphériques, sauf peut-être
ceux du Lac-Saint-Jean, ont des volumes de ventes nettement inférieurs
à la moyenne observée à l'échelle provinciale. Il
faut donc s'attendre que les plus faibles volumes à la portée des
raffineurs et des détaillants les amènent à
prélever des marges de bénéfices proportionnellement plus
élevées que leurs vis-à-vis des régions centrales
pour pouvoir générer des profits intéressants. Il sera
intéressant de voir, durant cette commission, jusqu'à quel point
ces éléments contribuent à expliquer les prix plus
élevés en région.
Aussi, sera-t-il important de vérifier si la libre concurrence
est aussi avantageuse pour les consommateurs des régions excentriques
que pour ceux des centres plus populeux et d'identifier, le cas
échéant, les moyens à prendre pour stimuler cette
concurrence. Les décrets ne peuvent qu'apporter une solution temporaire
à un problème particulier. Ils permettent une intervention
à court terme seulement et ne constituent pas une solution permanente.
Le mécanisme des décrets n'offre pas les moyens
nécessaires pour obtenir tous les renseignements voulus, les
évaluer, arriver à une décision en fonction de tous les
éléments pertinents et relatifs à l'industrie et,
finalement, pour veiller à l'application de ces décisions.
La Nouvelle-Écosse est la seule province canadienne à
privilégier l'approche de contrôle des prix pour l'atteinte d'un
niveau de prix équitable pour les consommateurs. Tout
dernièrement, l'Île-du-Prince-Édouard a adopté une
réglementation en vue d'uniformiser les prix de gros dans l'ensemble de
son territoire. Une autre province de l'Est du pays, le Nouveau-Brunswick, a
étudié cette question des prix de l'essence et le rapport
déposé en décembre 1986 recommande que les prix soient
régis. La loi, à cet effet, n'est toutefois pas encore en
vigueur.
Ici, au Québec, la création d'une régie fait partie
des éléments de discussion. Elle n'est ni nécessairement
envisagée ni automatiquement exclue. Est-ce qu'une régie
favoriserait les consommateurs? Quels seraient les inconvénients? Est-ce
qu'une régie favoriserait les pétrolières ou les
détaillants, comme certains mémoires le
prétendent? Y a-t-il d'autres moyens pour protéger les
consommateurs? Quelles sont les conséquences de la formule "le
détail aux détaillants", telle que préconisée par
certains mémoires, pour les consommateurs?
Les travaux de cette commission doivent chercher à obtenir des
réponses à ces questions et à identifier des solutions qui
permettraient de s'assurer que les territoires éloignés du
Québec soient les moins pénalisés possible sur le plan de
leurs achats d'essence et puissent bénéficier de prix comparables
à ceux ayant cours dans les centres les plus populeux.
Je m'attends, cependant, que les intervenants jettent la lumière
sur les véritables raisons pour lesquelles les effets de l'abolition de
la surtaxe sur l'essence dans les régions périphériques se
sont progressivement dissipés à compter du mois de mai 1986,
alors que le prix du pétrole brut était à son plus
bas.
Il va sans dire que les solutions devront permettre, tant aux
détaillants qu'aux pétrolières et aux autres fournisseurs,
de réaliser des profits raisonnables en vue d'assurer leur
viabilité. Essayer de privilégier les consommateurs, sans tenir
compte de l'industrie est, à mon avis, une voie à éviter.
Il y va, d'ailleurs, de l'intérêt même des consommateurs,
une telle démarche risquant, en effet, de diminuer le degré de
concurrence déjà rendu fragile à la suite de
l'affaiblissement des infrastructures québécoises de raffinage au
cours des dernières années.
En terminant, je remercie les intervenants d'avoir répondu
à l'invitation de la commission et je souhaite que cette commission
permette à tous les intervenants de s'exprimer librement et que les
travaux amènent une solution qui assure le respect de l'objectif
gouvernemental d'aide aux consommateurs des régions
éloignées. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre, Je cède maintenant la parole au député de
Roberval et critique officiel.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Merci, M. le Président. D'entrée de
jeu, j'aimerais vous indiquer combien nous sommes en profond désaccord
avec le procédé utilisé par le ministre hier, par
l'entremise de la commission parlementaire, pour tout bouleverser à la
dernière minute en faisant fi de toutes les règles parlementaires
usuelles qui veulent que le gouvernement et l'Opposition - le critique officiel
- puissent se concerter pour établir un ordre de comparution en
commission parlementaire.
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, hier soir à
17 h 15, le ministre, par la majorité ministérielle en commission
parlementaire, nous imposait un ordre de comparution en commission
parlementaire différent de celui qui avait été
négocié précédemment. C'est un
procédé contre lequel je me suis élevé,
évidemment, avec vigueur et je tiens à indiquer que le
fonctionnement démocratique de nos institutions et du Parlement repose
essentiellement sur des ententes qui permettent à l'Opposition, quel que
soit le nombre de députés qui la constitue, de préparer
les commissions parlementaires, de préparer ses questions, de
préparer ses interventions de façon convenable. Or, quand,
à 17 h 15, la veille d'une commission parlementaire le ministre impose
un changement dans l'horaire des travaux, je vous avoue qu'on n'a pas vu cela
souvent, et je ne sais pas vraiment quand cela va arrêter. Hier, je
posais la question suivante à celui qui vous a
précédé sur le siège du président: Si,
d'aventure, le ministre décidait à 9 h 55 ce matin de changer
l'ordre de comparution en commission parlementaire, qu'adviendrait-il? Il
semblerait que nos règlements permettent une telle situation.
M. le Président, je me suis élevé contre cette
situation et je tenais ce matin à souligner que c'est un
procédé qui n'est pas habituel dans nos institutions. C'est un
procédé qui ne facilite pas, bien sûr, le travail de
l'Opposition; au contraire, il est de nature à compliquer l'existence de
tout le monde, en particulier du porte-parole officiel qui est obligé de
s'ajuster en fonction des désirs du ministre. Les désirs du
ministre, semble-t-il, peuvent avoir cours jusqu'à trois minutes avant
le début de la commission parlementaire. C'est inquiétant.
De toute façon, M. le Président, pour parler davantage sur
le fond du sujet, au-delà de la forme de la commission parlementaire, je
voudrais simplement dire que le ministre nous a démontré que
depuis le début, dans le dossier de l'essence, il fait fausse route. Il
nous a démontré qu'il est dans l'erreur la plus complète
depuis le tout début dans ce dossier car, aujourd'hui, nous voilà
réunis en commission parlementaire, laquelle, d'ailleurs, avait
été demandée par l'Opposition avant l'imposition d'un
décret, ce que le ministre n'a pas voulu nous accorder à
l'époque, en disant: Tout à coup les pétrolières ne
se présenteraient pas en commission parlementaire. Curieusement,
maintenant, elles se sont présentées, elles ont même
préparé des mémoires de qualité. La raison valait
ce qu'elle valait. (10 h 30)
Le ministre avait refusé cette commission parlementaire, lui qui
avait toujours laissé voir qu'il aborderait le problème avec les
compagnies pétrolières sous l'angle du dialogue, de la
discussion, des échanges ouverts. De ses nombreuses
conversations téléphoniques avec les
pétrolières, dont il n'est résulté que peu de
choses, le ministre est passé d'un extrême à l'autre en
imposant à tout le monde, par décret, le prix des produits
pétroliers dans les régions périphériques.
Ce qu'il importe de savoir, c'est ceci. Si on reprend toute la question
de la taxe ascenseur, qui se situait à 30 % et qui, évidemment,
comme son nom l'indique, devait monter et descendre en fonction des prix de
base des produits pétroliers, la taxe ascenseur a été
éliminée par ce gouvernement, mais à un niveau tel que son
caractère de taxe ascenseur, caractère qui permettait à la
taxe de monter et de descendre, a été éliminé au
moment où la taxe se situait aux environs - je dis bien aux environs,
parce qu'il est difficile d'avoir des chiffres précis compte tenu des
nombreuses variations qu'il y a dans ce domaine - de 38 %, 38,5 %.
M. le Président, le ministre des Finances du Québec,
aidé de son collègue de l'Énergie, abolit le
caractère ascenseur de cette taxe en la maintenant à un niveau
tel qu'encore aujourd'hui, dans la plupart des régions du Québec,
principalement les régions les plus peuplées, Montréal,
Québec, les grands centres... Il a fallu faire nos propres calculs, les
chiffres, semble-t-il, n'étant pas disponibles au ministère ou,
du moins, on n'a pas voulu nous les donner. Le niveau de la taxe qu'on est en
mesure d'observer se situait, en janvier 1986, en septembre 1986 et en mars
1987 - on a fait un certain nombre de simulations - à un chiffre aussi
important que 40 % et à un chiffre moyen qui se situe aux environs de 34
%, 35 % ou 36 %. Le geste posé par le gouvernement en abolissant le
caractère ascenseur de cette taxe au moment où l'ascenseur
était, disons-le, collé au plafond, avant même de faire les
ajustements qui s'imposaient, a eu pour effet de pénaliser. Il
pénalise toujours l'ensemble des citoyens du Québec et cela,
très fortement: 35 %, 36 %, 38 % et même 40 %, c'est
indécent!
Le ministre, qui, semble-t-il, voulait poser un geste magnanime envers
les régions périphériques, a décidé de
réduire la taxe pour ces régions. Mais voilà que le niveau
de la taxation, qui était si élevé au moment où on
a aboli le caractère ascenseur de la taxe, a fait en sorte que,
malheureusement, dans les régions, on n'a pas pleinement profité
non plus de ce qu'aurait pu être une baisse de taxe substantielle. Dans
certaines régions, malheureusement, la taxe se situe encore à 23
%, 24 %, selon les calculs qu'on peut faire et selon les mois qu'on prend. J'ai
utilisé pour ce faire les chiffres que le ministre m'avait fournis
à la suite d'une question inscrite au feuilleton, à
l'Assemblée nationale, et ce sont les calculs qu'on a pu faire.
M, te Président, le ministre oblige les citoyens du Québec
à payer leur essence plus cher à cause du niveau de taxe
inconsidérément élevé au moment où on se
parle parce que, sous le couvert d'une abolition de la taxe ascenseur, il a
gelé la taxe à un niveau très élevé.
Deuxièmement, le ministre, pour la première fois de
mémoire d'homme, est intervenu directement dans le marché de la
libre concurrence concernant le pétrole en région, concernant la
distribution de l'essence en région. Les pétrolières l'ont
indiqué et plusieurs intervenants l'ont indiqués Est-ce qu'il ne
s'agit pas là d'une intervention inquiétante? Est-ce qu'on peut
envisager pour l'avenir de maintenir des interventions gouvernementales
ponctuelles dans le prix ou dans le jeu de la libre concurrence qui doit
normalement se faire? Nous aurons très certainement, au cours de cette
commission parlementaire, l'occasion de vérifier si la solution retenue
par le ministre était la meilleure.
M, le Président, la baisse de taxe décrétée
en région, politiquement, à court terme, c'est une bonne chose.
C'est intéressant pour le ministre. Il passe pour quelqu'un qui a un
préjugé favorable, mais, à moyen terme - on s'en est
aperçu - c'est plutôt négatif. On sème le doute dans
les esprits et, chaque fois qu'une des composantes du prix de l'essence fait en
sorte qu'il y ait une fluctuation des prix, il est normal et naturel - neus
l'avons fait au nom des citoyens - que chacun s'interroge, à savoir:
Est-ce que les compagnies pétrolières sont en train de
récupérer une baisse de taxe qui devait être dirigée
aux citoyens ou s'il s'agit d'un facteur tout autre que te niveau de taxe qui
justifie un ajustement des prix?
Le ministre a voulu poser des gestes politiquement rentables à
court terme et, ce faisant, il a perturbé un marché
pétrolier dont l'équilibre fragile pourra être
démontré au cours de cette commission. Il a semé le doute
dans l'esprit d'à peu près tout le monde au Québec,
malgré les avertissements que nous lui avions faits que cette
façon de procéder pour retourner de l'argent aux citoyens des
régions qui sont, j'en conviens, pénalisés n'est
peut-être pas la meilleure façon de procéder. Nous avons
vécu une expérience négative il y a quelques
années, lorsque nous formions le gouvernement. Nous avions pris la peine
d'aviser le ministre du danger qui le guettait en posant des gestes comme ceux
qu'il posait. Le ministre nous répondait toujours qu'il n'y avait pas
d'inquiétude, qu'il n'y avait pas de problème. Il parlait aux
pétrolières; c'était l'homme du dialogue. Il consultait
les présidents d'entreprises pétrolières. Il s'entendait
avec eux. Tout le monde était heureux dans te meilleur des mondes, mais
je ne sais pas si les présidents des compagnies
pétrolières et
les représentants de ces compagnies sont très heureux des
gestes posés par le ministre qui, du tout au tout, a changé son
attitude.
M. le Président, le geste du ministre, en plus de
défavoriser les citoyens de tout le Québec, en plus de semer le
doute face au marché pétrolier, en plus d'intervenir dans la
libre concurrence, a placé les distributeurs indépendants dans
une situation extrêmement difficile. Les distributeurs
indépendants d'essence viendront nous expliquer comment leur marge de
profit a été grugée par la décision du ministre et
comment aussi, semble-t-il, en pleine application de décret, ils ont eu
à faire face a une hausse de coût de leur produit. Ils nous diront
aussi comment ce décret improvisé faisait en sorte de fixer le
prix à partir de la capitale régionale, sans tenir compte des
coûts importants de transport, par exemple, depuis la capitale
régionale jusqu'à à l'extrémité des
régions.
Ce décret a été tellement improvisé, M. le
Président, il a été appliqué tellement rapidement
et sans réflexion que le ministre a dû l'ouvrir. Il nous disait
tantôt: Lorsqu'on m'a signalé des anomalies, je suis intervenu et
j'ai réussi à replacer la situation. Ce n'est pas
compliqué, il ne se serait probablement plus vendu d'essence dans
certaines régions parce que la mesure qu'il avait mise en application
était inappropriée, mettait en péril la survie
d'indépendants qui, il faut bien le dire, dans le marché de la
libre concurrence, M. le ministre, jouent un rôle extrêmement
important compte tenu du fait que ce sont souvent les indépendants qui
démarrent et déclenchent des guerres de prix et qui font en sorte
qu'il y ait des ajustements. Il ne faut pas négliger cette
catégorie de gens.
Au moment où le ministre avait fait sa déclaration
ministérielle à l'Assemblée nationale, nous lui avions
rappelé qu'il ne faudrait pas que ce soient les détaillants
indépendants, les propriétaires de stations-service qui paient la
note. Le ministre était supposé avoir tout prévu. On verra
demain, quand les indépendants se présenteront devant la
commission parlementaire, si c'est vrai qu'il avait tout prévu ou si ce
ne sont pas ces gens qui ont fait les frais de l'outil utilisé par le
ministre qui était tout à fait inapproprié dans les
circonstances.
Dans sa hâte d'appliquer son décret, le ministre avait
oublié Chibougamau-Chapais. Semble-t-il que, dans le Grand-Nord
québécois, le pétrole arrive par bateau. À
Chibougamau-Chapais, le quai est plutôt loin. Le ministre a
été obligé de réaliser que le pétrole, pour
ces deux villes du comté d'Ungava, représenté par mon
collègue, M. Claveau, venait par camion-citerne. Le ministre s'est
aperçu qu'il avait oublié Chibougamau-Chapais. Un détail!
Une région importante du Québec. Un détail! Il avait
oublié cela. C'est de l'improvisation, M. le Président.
Enfin, à la limite, je dirais que si le ministre avait raison en
Chambre et disait vrai dans son décret, si c'est vrai que les
pétrolières ont encaissé la baisse de taxe qui
était due aux consommateurs, ce que nous essaierons de vérifier
au cours de cette commission parlementaire, au moins pourrions-nous dire que
nous l'avions prévenu de ce danger. Mais il ne semble pas que les
compagnies pétrolières et le ministre, malgré leurs
nombreux échanges de vues, au dire du ministre, se soient bien entendus
là-dessus parce qu'ils ont des points de vue tout à fait
opposés.
M. le Président, il faudra faire attention à une
prolongation du décret ou à l'établissement d'une
régie. Je pense que le ministre a exprimé des réticences
là-dessus en disant: Ce n'est pas absolument exclu, mais ce n'est pas
non plus la solution qu'on voudrait voir appliquer. II faut faire bien
attention parce que le même ministre - on se rencontre
régulièrement à la commission sur Hydro-Québec qui
a toujours lieu dans cette salle - a tendance à accorder des hausses de
tarif d'électricité à Hydro-Québec qui n'est pas la
plus petite des entreprises, qui est une entreprise dans le domaine
énergétique. Donc, à toutes fins utiles, il peut y avoir
une certaine comparaison qui ne soit pas trop odieuse. Le même ministre
accorde des augmentations de tarif à HydroQuébec sous
prétexte que le rendement sur le capital investi devrait se rapprocher -
et c'est l'argument d'Hydro-Québec - d'environ 13 %. On demandera aux
compagnies pétrolières si le rendement sur le capital investi
dans leur réseau de distribution s'approche de 13 %.
Il faudra faire attention parce que la journée où on aura
une régie qui déterminera le prix de l'essence, j'imagine qu'un
mécanisme comme celui d'une commission parlementaire qui étudie
les demandes de hausse de tarif d'Hydro-Québec pourra être
appliqué au marché pétrolier. Avec les orientations que
prend le ministre dans le domaine de l'hydroélectricité où
il consent des hausses de tarif pour augmenter le rendement
d'Hydro-Québec, il y a fort à parier que le même ministre
devra être sensible aux demandes des entreprises
pétrolières qui réclameront très justement, au lieu
d'un rendement de 3 % ou 4 % ou même 2 % sur le capital investi, un
rendement de 12 % ou 13 % comme Hydro-Québec. Si le ministre se rendait
à une demande comme celle des pétrolières, comme il le
fait avec Hydro-Québec, imaginez ce que cela aurait comme impact sur les
prix pour les consommateurs. Donc, il faut absolument être prudent et
j'invite le ministre à être extrêmement prudent.
Nous allons essayer, au cours de cette
commission parlementaire, de trouver la meilleure voie pour
résoudre le problème qui nous confronte aujourd'hui. Il n'en
reste pas moins - je termine là-dessus, M. le Président - que le
ministre a échoué sur toute la ligne. Il fait payer plus cher
l'essence à la plupart des Québécois, il fait payer
très cher l'essence aux gens des régions, malgré sa baisse
de taxe. Il perturbe le marché pétrolier, il mécontente
les pétrolières, il crée un climat d'incertitude dans ce
marché et, aujourd'hui, il finit par se rendre à la commission
parlementaire qui aurait dû précéder le décret parce
qu'on aurait pu discuter avec les pétrolières, les
indépendants, avant d'intervenir à deux pieds dans le
marché. Un peu comme un éléphant dans un magasin de
porcelaine, le ministre est venu tout bousculer. On aurait pu faire la
commission parlementaire avant. Il a procédé à l'envers,
M. le Président. Je vous remercie. (10 h 45)
Auditions
Le Président (M, Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. J'inviterais maintenant les
représentants du Club automobile du Québec à prendre place
à l'avant, s'il vous plaîti
Dans un premier temps, au nom des membres de la commission, je vous
souhaite la bienvenue. Je voudrais vous rappeler que vous avez une heure qui
est répartie comme suit: 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire et 40 minutes pour discuter avec chacune des formations
politiques, c'est-à-dire 20 minutes chacune. Je vous demanderais
également de bien vouloir nous présenter ceux qui vous
accompagnent.
Club automobile du Québec
M. Dufresne (Jean-Claude): M. le Président, je suis
Jean-Claude Dufresne, le vice-président exécutif du Club
automobile, CAA Québec. À ma gauche, mon adjointe aux affaires
publiques pour l'Ouest de la province, Mme Lyna Côté; à
droite, Mme Brenda Sanfaçon, adjointe aux affaires publiques pour l'Est
du Québec. Je vais demander à Mme Lyna Côté de vous
faire la lecture de notre mémoire.
Le Président (M. Théorêt): On vous
écoute.
Mme Côté (Lyna): Merci beaucoup. Le CAA
Québec, organisme sans but lucratif regroupant 383 000 membres au
Québec, est vivement intéressé à faire part
à cette commission de ses vues sur ce qui constitue l'objet de cette
consultation générale.
Il est bon de rappeler, tout d'abord, que l'essence est un produit
essentiel et que, malheureusement, les gouvernements ont tendance à le
traiter sur le même pied que l'alcool et les cigarettes. Il s'ensuit des
hausses continues de taxe que l'automobiliste et l'industrie du transport par
route doivent subir et qui ne servent qu'aux fins de répondre aux
besoins des usagers de la route et, en particulier, à la construction et
à l'entretien des routes.
Produit essentiel parce que, pour 50 % des travailleurs, l'automobile
constitue le seul moyen pour se rendre à leur travail; produit essentiel
aussi pour le transport sans cesse croissant d'une grande partie des biens de
consommation.
Toute hausse de taxe ou du prix de l'essence affecte plus tangiblement
encore les travailleurs à faible revenu qui sont les plus sujets
à utiliser leur voiture, des voitures plus âgées et
à consommation plus élevée de carburant. Le tourisme
aussi, qui constitue l'une de nos principales industries, en est forcement
affecté, 85 % des vacanciers utilisant ce mode de transport.
Une hausse de taxe ou du prix de l'essence entraîne des
conséquences économiques désavantageuses pour tous ceux
qui dépendent du transport et du tourisme. Ainsi, une étude
récente réalisée pour l'American Automobile Association
par la firme Wharton Econometric Forecasting Associates révèle
qu'à court terme "une augmentation de 0,10 $ du prix du gallon d'essence
réduirait le produit national brut américain de tout près
de 10 000 000 000 $, abaisserait la production automobile de l,3 % et ferait
perdre 80 000 emplois en 1988 et 180 000 d'ici à 1990."
Au Canada, où l'essence coûte, en moyenne, au moins 0,14 $
de plus le litre et encore plus au Québec, il existe de nombreuses
disparités entre les provinces. L'écart qui nous touche le plus
est celui qui existe entre l'Ontario et le Québec et, même si
certaines lois du marché peuvent peut-être expliquer en partie cet
écart, il est certain que les taxes provinciales en constituent le
principal élément.
Le problème qui nous confronte aujourd'hui remonte, en fait,
à l'institution de la taxe ascenseur par le gouvernement
précédent. Plus tard réduite, plus tard devenue fixe et
accompagnée de rajustements de prix par les pétrolières et
de plusieurs hausses de taxe fédérale, cette fameuse surtaxe a
créé des iniquités entre les régions, surtout chez
ceux qui sont appelés à parcourir de plus longues distances. Le
fait d'avoir dû décréter des mesures d'aide aux
régions périphériques nous apparaît en soi faire la
preuve que cette surtaxe est injustement trop élevée. Le choix
des régions peut être vu aussi comme discriminatoire et
arbitraire.
La création d'une régie, d'un organisme de surveillance,
de comités régionaux ou
d'autres formes de contrôle émanant du ministère de
l'Énergie et des Ressources se révélera peut-être
comme le seul moyen efficace de mettre de l'ordre dans une situation où
l'automobiliste se sent victime du système et impuissant à
intervenir. Ne le fait-on pas déjà pour
l'électricité, le téléphone, les produits laitiers
et autres?
L'on pourrait aussi étudier la possibilité de confier aux
bureaux régionaux de l'Office de la protection du consommateur la
surveillance des prix dans les régions touchées. Mais la seule
solution équitable nous apparaît être le retour à un
niveau de taxe plus conforme à celui des autres provinces et, en
particulier, à celui de l'Ontario.
D'autre part, l'expérience nous révèle que nous ne
pouvons compter sur le seul jeu de la concurrence entre les
pétrolières pour régulariser la situation, surtout
lorsqu'elles n'ont plus que trois raffineries où s'abreuver au
Québec. S'il existe une soi-disant libre concurrence dans le
marché présentement, certains indices nous portent à
penser qu'elle n'est pas dénuée d'une certaine dose
d'orchestration, pour ne pas dire de concertation.
De plus, les quelque 20 000 000 $ de rabais qui n'ont pas abouti dans
les poches des contribuables des régions périphériques
nous portent à conclure que le comportement des
pétrolières et de leurs détaillants est sujet à
caution et exige des mesures fermes de surveillance.
En conclusion, le Club automobile du Québec blâme les deux
niveaux de gouvernement pour leur façon d'estimer l'importance du
transport routier et son apport à la vie économique du pays. La
disponibilité de carburant à un prix raisonnable est un service
essentiel à la société et le taxer à outrance pour
renflouer les finances publiques constitue une politique à courte vue et
une injustice certaine pour, répétons-le, ceux qui n'ont que la
voiture pour se rendre à leur travail et ceux qui transportent d'une
ville à l'autre les biens de consommation dont nous avons tous
besoin.
Organisme ou mesures de contrôle, peut-être, mais avant tout
une taxation raisonnable non discriminatoire ni arbitraire qui place le
consommateur québécois au diapason, tout au moins, des provinces
avoisinantes.
Attendu que l'essence est un produit essentiel surtaxé, les taxes
qu'on en retire ne devraient servir qu'à la construction et à
l'entretien des routes et à assurer la sécurité des
usagers de ces dernières. Sont particulièrement
pénalisés les 50 % de travailleurs qui n'ont pas d'autre moyen
que l'automobile pour se rendre à leur travail et tous les transporteurs
routiers servant justement au transport de biens de consommation.
Les forts prix du carburant affectent également le tourisme et
les industries qui en dépendent. Le Québec est l'endroit en
Amérique où l'essence est la plus dispendieuse. Nous recommandons
donc un niveau de taxe concurrentiel avec le reste de l'Amérique.
La création d'un organisme ou de mesures de contrôle nous
apparaît comme une solution valable à condition que les moyens
retenus soient souples et n'impliquent pas une autre lourde bureaucratie.
Le comportement des pétrolières exige une surveillance et
des contrôles pour que les automobilistes et les transporteurs routiers
puissent jouir d'une véritable libre concurrence. Toute la question des
prix dans les régions périphériques mérite
d'être revue et corrigée.
Le Président (M. Théorêt): Merci, Mme
Côté. M. le ministre.
M. Ciaccia: Je veux remercier Mme Côté et le Club
automobile du Québec. L'organisation que vous représentez est
certainement un organisme qui est bien implanté dans le milieu
québécois. Vous avez près de 400 000 membres dans tout le
Québec; c'est un organisme respecté. C'est mon impression,
à tout le moins, que vos avis ont toujours été assez
pondérés et prudents.
Je voudrais expliquer pourquoi nous avons changé un peu l'ordre
des intervenants aujourd'hui. Le député de Roberval a
donné l'impression que nous avions chambardé complètement
l'ordre des intervenants. Ce qui s'est produit hier matin, c'est qu'un
intervenant nous a avisés qu'il ne pouvait se rendre aujourd'hui.
À la suite de l'avis que nous avons eu hier vers 11 heures, nous avons
été obligés de refaire l'ordre des intervenants. Nous
n'avons pas tout changé; la seule chose que nous ayons faite, c'est
inviter le Club automobile du Québec à comparaître en
premier ce matin et les intervenants qui, au départ, devaient
comparaître ce matin le feront cet après-midi, à 15 heures.
C'est le seul changement que nous ayons fait. Je veux rassurer ceux qui nous
écoutent, nous ne l'avons pas fait pour être arbitraires. Nous
n'avons pas changé tout l'ordre des intervenants. Nous avons fait le
changement parce qu'un des intervenants ne pouvait pas assister et l'autre
raison, c'est que je croyais que c'était important d'avoir le Club'
automobile du Québec comme premier intervenant. Vous représentez
quelque 400 000 membres partout au Québec et vous nous apportez des
recommandations qui sont assez globables, je pourrais dire; vous nous donnez
une variété.
Alors, cela nous permet, à la suite des informations qu'on peut
obtenir de vous, de peut-être utiliser ces informations pour poser des
questions aux autres intervenants. Mes
collègues et moi avons cru, hier, puisque l'occasion nous
était donnée de changer l'ordre - parce qu'un des intervenants ne
pouvait pas venir - que c'était une bonne idée d'avoir le Club
automobile du Québec comme premier intervenant et d'examiner toutes les
suggestions et les recommandations. Peut-être qu'à la suite de
cela, ça nous permettra d'apporter des éclaircissements et de
poser des questions aux autres*
Vous faites état de taxes, de surtaxes et de la taxe ascenseur.
Les larmes de crocodile du député de Robervai au sujet de la
surtaxe me surprennent, parce que c'est son gouvernement qui l'a
imposée, à 40 %. Alors, aujourd'hui il se porte défenseur
des consommateurs. Vous savez, cela, c'est la politique. Ne vous en faites pas.
On change de place et des fois - pas toujours - on change d'approche et de
principe.
Je note, par exemple, que le député de Robervai est contre
ou n'accueille pas l'idée d'une régie que vous préconisez.
Peut-être qu'on pourrait préciser cela un peu plus. Je prends note
du fait qu'il est contre une régie. Cependant, quelques-unes des raisons
qu'il nous donne ne semblent pas coller à la réalité.
Quand il dit que c'est le ministre de l'Énergie qui a
accordé une hausse à HydroQuébec, il omet de dire qu'on
n'a pas accordé la hausse qu'Hydro-Québec demandait. On a
réduit la hausse qu'elle demandait. Il omet de dire que le rendement
d'Hydro-Québec n'est pas de 13 %. C'est ce qu'elle vise dans
l'année à venir et c'était son rendement dans le
passé. Son rendement, aujourd'hui, n'est que d'à peu près
4 %.
Pour amener son rendement à 13 %, on aurait été
obligé de lui accorder une hausse d'à peu près 18 %. Mais
c'est la hausse que le gouvernement précédent avait
accordée à Hydro-Québec, 18 %, 16 % et 14 %. Alors, il ne
faut pas se plaindre aujourd'hui que nous réduisions la hausse à
4,6 %, qui est moins que celle qu'Hydro-Québec avait
demandée.
La raison pour laquelle je porte ces faits à votre attention,
c'est un peu pour répondre aux quelques remarques du
député de Robervai qui n'étaient pas tout à fait
exactes et aussi pour susciter quelques réactions de votre part sur
quelques questions que je vais vous poser tantôt.
En ce qui concerne les décrets, la décision de
décréter les prix n'a pas été prise à la
légère et je m'étonne du fait que le député
de Robervai s'oppose à ce que nous ayons voulu prendre une mesure pour
assurer que le consommateur bénéficie de la baisse de taxe. Eux,
ils ont augmenté la taxe et, quand ils ont réduit le prix de
l'essence, cela n'a rien apporté comme conséquence.
Les pétrolières ont augmenté les prix de 400 000
000 $ et le gouvernement précédent n'a pas agi. Nous, nous avons
jugé que ce n'était pas de cette façon que nous voulions
protéger les intérêts du consommateur. J'ai
communiqué avec les pétrolières, c'est vrai. J'ai fait mon
possible pour essayer d'arriver à une entente à l'amiable. Comme
je n'ai pas pu le faire, à ce moment-là, le gouvernement a
décidé de décréter et nous avons les chiffres
à l'appui. (11 heures)
Le montant des décrets reflète la baisse de la taxe? on
pourra le démontrer au cours de la commission. Dans votre
mémoire, vous mentionnez que vous émettez une sérieuse
réserve à l'égard de la bonne foi des
pétrolières dans l'exercice de la concurrence au Québec.
Vous semblez avoir moins de foi dans la concurrence au Québec que
l'honorable député de Robervai qui, lui, semble être
fixés la concurrence est là et on ne doit rien faire; les
décrets étaient une erreur monumentale et il aurait fallu laisser
se continuer la hausse des prix dans les régions
périphériques. Si on n'avait pas agi, au lieu d'avoir repris
0,025 $ le litre, nos chiffres indiquaient que la tendance était que les
pétrolières et les détaillants - les deux -étaient
pour reprendre tout le 0,045 $ et notre baisse de taxe aurait été
non pas pour le bénéfice du consommateur, mais pour celui des
grossistes, des détaillants et des pétrolières.
Vous émettez une sérieuse réserve à
l'égard de la bonne foi des pétrolières et de la
concurrence au Québec. Permettez-moi de citer un extrait de votre
mémoire. Â la page 3, vous dites; "S'il existe une soi-disant
libre concurrence dans le marché présentement, certains indices
nous portent à penser qu'elle n'est pas dénuée d'une
certaine dose d'orchestration, pour ne pas dire de concertation." Est-ce que
vous pourriez préciser les indices qui vous amènent à
porter un tel jugement?
M. Dufresne: M. le Président, disons que le premier est le
suivant. Vous vous rappellerez qu'il y a une couple d'années, aux
États-Unis, la compagnie Exxon a été condamnée
à une amende de 5 000 000 000 $ pour avoir surfacturé les
consommateurs pendant une période de cinq ans, je pense. Elle a dû
rembourser cette somme à des organismes qui s'occupaient de la
protection des consommateurs, si ma mémoire est fidèle.
L'autre indice est qu'à Québec, comme vous le savez, il y
a une raffinerie, plus
Irving qui vient des Maritimes. On me dit que tous les distributeurs
s'alimentent à la même raffinerie.
Un autre indice c'est que lorsqu'une pétrolière augmente
ou baisse le prix les autres suivent, et ce n'est pas long. C'est l'une
après l'autre. On fait de la promotion et du marketing. On
s'échange cela aussi de l'une à l'autre. S'il n'y a pas de
concertation, il y a un joli jeu d'équilibre naturel ou non qui
semble s'établir et qui fait que, finalement, l'automobiliste se trouve
toujours à être celui qui paie.
Encore ce matin, j'apprenais de notre bureau de Hull que le gallon
d'essence coûte 0,08 $ de moins à Hull qu'à Ottawa. Il y a
sûrement des choses qui ne tournent pas rond. Et le sort de
l'automobiliste québécois, comme on le dît dans notre
mémoire... C'est ici, au Québec, qu'on paie le plus cher, sauf
peut-être à Terre-Neuve, à certains moments, et à
l'Île-du-Prince-Édouard, à certains autres. Mais,
généralement, on est les champions en Amérique du Nord,
pour ce qui est du prix de l'essence. Sans en avoir la preuve par des indices
précis, il faut admettre que les méthodes d'action nous
apparaissent pour le moins douteuses.
M. Ciaccia: Vous évoquez, à la page 2 de votre
mémoire, différentes formes de contrôle des prix de
l'essence: régie des prix, organisme gouvernemental de surveillance,
comités régionaux, Office de la protection du consommateur.
Quelles formules vous paraissent les plus souhaitables dans les
circonstances?
M. Dufresne: Bien, on craint, un peu comme pour toute
régie, la bureaucratie qui pourrait en découler. C'est pour cela
qu'on a ajouté l'idée que l'Office de la protection du
consommateur, qui est déjà présent dans la plupart des
régions du Québec, pourrait peut-être être
l'organisme qui aurait le mandat de vérifier cela afin ne pas avoir
à créer une autre régie. En fait, comme vous le voyez, on
parle d'une régie ou d'un contrôle quelconque pour que les
pétrolières sentent au moins qu'il y a une sorte de main
invisible qui ne permet pas d'écart à l'encontre du
bien-être des automobilistes.
M. Ciaccia: Vous parlez de l'office mais est-ce que vous
préconisez d'autres organismes de contrôle qu'une régie?
Vous venez de mentionner la possiblité que ce soit l'Office de la
protection du consommateur. Est-ce que ce serait un contrôle que l'Office
de la protection du consommateur exercerait sur les détaillants et sur
les pétrolières? Est-ce que c'est cela que vous envisageriez
comme possibilité?
M. Dufresne: Oui. Écoutez, dans la forme, cela pourrait
peut-être prendre certaines variations. Mais j'imagine que les bureaux
régionaux pourraient faire une sorte d'enquête locale et faire
rapport au bureau central de l'office, de sorte que le gouvernement serait
informé s'il y avait réellement des abus dans certaines
régions. Cela nous apparaîtrait, tout au moins à
première vue, être la façon la plus simple. Il y a aussi
les plaintes des consommateurs qui pourraient être adressées
à ces bureaux pour dire que, dans tel comté ou dans telle
région, on paie plus cher qu'ailleurs.
M. Ciaccia: Vous mentionnez dans le résumé de votre
mémoire que toute la question des prix dans les régions
périphériques mérite d'être revue et
corrigée; est-ce que vous pourriez expliquer un peu? Qu'entendez-vous
par là?
M. Dufresne: C'est parce qu'au début on avait cru que
cette mesure avait pour conséquence de rendre plus concurrentiels les
détaillants qui étaient situés près des
frontières des autres provinces ou des États américains.
Lorsqu'on a vu que le Saguenay-Lac-Saint-Jean était là-dedans -
on a aussi mentionné tantôt deux autres villes qui sont
situées assez loin des océans - on s'est demandé ce qui
s'était passé. Le phénomène, probablement, c'est
que ce sont des distances plus éloignées des raffineries, dans
certains cas, et plus éloignées également des cours d'eau
qui amènent le pétrole. C'est pour cela qu'on dit que c'est
discriminatoire, dans le sens qu'une ville qui est peut-être à 25
milles de tel endroit ne jouit pas de la diminution alors que l'autre en jouit.
Pourquoi? Où est la ligne de démarcation qui rend la chose juste
pour tout le monde?
C'est la même chose pour les stations près des
frontières. Pourquoi, cinq milles plus près, n'ont-elles pas le
rabais alors que cinq milles plus loin, elles l'ont? Dans la sélection
du marché, il y a quelque chose d'arbitraire, forcément.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Peut-être que je
pourrais revenir...
Le Président (M. Théorêt): Après.
Merci, M. le ministre. Pour l'alternance, on reviendra avec M. le
député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député
de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
les gens qui ont préparé ce mémoire et qui ont pris la
peine de venir nous le présenter. J'aimerais savoir - c'est une question
d'organisation des travaux - à quel moment vous avez été
prévenus que vous deviez être en commission parlementaire ce
matin?
M. Dufresne: À 17 h 40, hier après-midi.
M. Gauthier: 17 h 40, hier après-midi. Je l'ai su quinze
minutes avant vous, merci.
M. Dufresne: Et j'étais à Val-David.
M. Gauthier: Je suis heureux de voir que vous avez au moins pu
l'apprendre.
M. Ciaccia: ...pour l'Opposition, on vous l'a dit avant.
Une voix: Vous êtes bien chanceux.
M. Gauthier: Tu es fier de toi.
À la page 2 du mémoire, M. le Président, j'aimerais
que nos invités m'expliquent... Il y a une phrase avec laquelle, a
priori, je ne suis pas d'accord. C'est le quatrième paragraphes "Le fait
d'avoir dû décréter des mesures d'aide aux régions
périphériques nous apparaît en soi faire la preuve que
cette surtaxe est injustement trop élevée." Les gens du Club
automobile du Québec peuvent-ils nous expliquer en quoi le fait qu'un
gouvernement décide d'abaisser une taxe pour une région ou pour
des régions bien précises constitue une preuve que la taxe est
trop élevée? Est-ce qu'il ne s'agit pas simplement d'un choix
politique, comme les gouvernements en font tous les jours? Tantôt, c'est
l'impôt; tantôt, ce sont les taxes. Il y a des jeux
différents de fiscalité qui se font par les différents
gouvernements. En quoi croyez-vous que cette baisse peut être une preuve
que la taxe est trop haute?
M. Dufresne: Si on sent le besoin de la baisser, c'est que des
gens ont trouvé qu'elle était trop élevée. Mais
elle est trop élevée pour tout le monde. Je pense que c'est la
même chose pour les impôts provinciaux et fédéraux.
Pourquoi est-ce qu'on ne baisse pas les impôts dans certaines
régions? Il me semble que toute taxe ou toute imposition qui est juste
et justifiée devrait l'être pour tout le monde, à moins
qu'il n'y ait des raisons vraiment valables pour défendre chaque cas.
Dans ce cas-là, il ne nous apparaît pas y avoir de raisons
suffisantes. Si c'est à cause des distances et du coût du
transport, je pense que les pétrolières devraient tenir compte
que Québec est une province immense et ne pas pénaliser les
citoyens en périphérie parce qu'on a une grande province. Je
trouve que le principe de diminuer les prix dans une région
donnée est, en soi, une preuve qu'il y a une surtaxe, que le montant est
trop élevé. Je peux me tromper, mais c'est ma logique et j'en
suis convaincu.
M. Gauthier: C'est sûr que les taxes sont toujours trop
élevées, à notre point de vue, quand on les paie, sauf que
ce n'est pas parce que... L'inverse serait aussi vrai. Si le fait de baisser le
niveau de taxe, par le gouvernement, est une preuve que c'est trop haut, il
pourrait arriver, quand un gouvernement l'augmente, que la logique inverse soit
vraie. C'est parce qu'il n'est pas assez haut. Je ne crois pas qu'il s'agisse
là, malgré tout le respect que je vous doive, d'une preuve.
J'ai de la difficulté à cerner votre point de vue. Vous
dites que le Québec est grand, qu'il y a des régions et que cela
amène des fluctuations de prix. À certaines occasions, j'ai
l'impression que vous avez le goût de dire: Oui, le gouvernement fait
bien d'établir des niveaux de taxation différents pour compenser
l'étendue du Québec et le fait que des citoyens soient
pénalisés. Et, à certaines autres occasions, dans votre
mémoire, c'est écrit que, d'une certaine manière, c'est
discriminatoire et qu'il ne devrait pas y avoir des niveaux de taxe
différents. Quelle est votre position de façon très
précise? Êtes-vous pour les disparités régionales au
niveau de la taxe ou si vous êtes contre à tout prix?
M. Dufresne: ...
M. Gauthier: Pardon? Excusez-moi. Votre micro ne fonctionne
pas.
M. Dufresne: Nous sommes contre les disparités quelles
qu'elles soient.
M. Gauthier: Vous êtes contre les disparités quelles
qu'elles soient.
M. Dufresne: Nous croyons que les automobilistes devraient avoir
le même sort où qu'ils habitent. Par exemple, s'ils avaient
à circuler sur une autoroute payante, je ne vois pas pourquoi le citoyen
de Chibougamau devrait payer moins cher ou plus cher parce qu'il vient de
Chibougamau ou de Gaspé.
M. Gauthier: Est-ce que je vous comprends bien, est-ce que je
vous traduis bien si je vous dis que la régie que vous proposez, ou une
forme de contrôle par l'Office de la protection du consommateur ou autre,
serait l'organisme qui... Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans
votre système. Vous savez que le Québec, et vous l'avez dit, est
grand. Il y a des coûts de transport et il y a des coûts de
distribution qui sont différents. C'est bien sûr qu'exploiter une
station-service dans une municipalité isolée de 2000 habitants,
ce n'est pas tout à fait le même rendement, parce que cela
coûte la même chose, qu'exploiter une station-service en plein
coeur de la ville de Montréal qui a un gros volume de ventes. II y a
évidemment des coûts différents. Puisque vous trouvez que
les gens dans les régions devraient, à votre avis, tous payer
à peu près la même chose pour ne pas qu'il y ait
d'iniquité, comment suggérez-vous que se fassent les ajustements?
Il faut que quelqu'un, quelque part, paie le coût supplémentaire
du transport, de la distribution de l'essence, etc. Qui va payer cela?
Où suggérez-vous qu'on l'assume? Vous êtes pour un niveau
de taxe qui soit le même partout. Vous êtes pour des prix
équivalents partout et vous admettez qu'il y
a des coûts bien différents d'une région à
l'autre. Où pourrait-on, selon vous, prendre cet argent?
M. Dufresne: Je pense que les pétrolières sont
gagnantes dans certaines régions et perdantes dans d'autres. On a dit
qu'en Ontario, à cause d'une plus grande concurrence, les prix
étaient plus bas. En supposant que cela soit vrai, l'avantage qu'il y a
en Ontario par rapport au Québec, je pense que dans l'ensemble du pays,
cela doit s'égaliser. Si on croit en un pays unifié avec une
certaine justice pour tout le monde, il faudra trouver une espèce
d'équilibre pour ne pas pénaliser certaines régions au
détriment de d'autres. Qu'il y ait plus de concurrence en Ontario, cela
ne me convainc pas nécessairement qu'on devrait payer en moyenne
toujours 0,07 $ à 0,08 $ de plus au Québec. Au Québec, on
abuse du fait que, précisément, il y a peut-être moins de
concurrence. Dans la région de Québec en particulier, il y a une
seule raffinerie, plus Irving, et tout le monde s'approvisionne là.
C'est une question de marketing des pétrolières. Je ne dis pas
que c'est une mauvaise façon d'agir, je dis qu'elle est injuste pour
certains usagers de la route.
M. Gauthier: Est-ce qu'au moment où vous avez
préparé votre mémoire vous avez été à
même de faire des vérifications de la situation - c'est en
Nouvelle-Écosse, je crois, qu'il y a une régie - en
Nouvelle-Écosse où il y a une régie de contrôle des
prix de l'essence? Est-ce que vous avez été à même
de vérifier les chiffres, le prix d'un litre d'essence en
Nouvelle-Écosse?
M. Dufresne: Nous avons écrit au ministère
concerné et nous n'avons pas encore eu de réponse. Cela semble
assez confus dans ce coin-là. (11 h 15)
M. Gauthier: Cette suggestion que vous faites ne repose pas sur
le fait que vous ayez observé une situation préférable
ailleurs. Si je comprends bien, la suggestion est plutôt faite sur une
base intuitive, dans ce sens que vous pensez que ce serait peut-être
mieux et que ce serait peut-être la solution abordée. Cela ne
repose pas sur des...
M. Dufresne: Nous en savons ce que vous en avez su par les
journaux vous-mêmes, justement parce qu'on n'a pas eu de réponse
des ministères concernés. Si j'ai bonne mémoire, le
ministre chargé de cet organisme avait exprimé la crainte que les
prix soient peut-être plus élevés si une régie
régissait justement ces produits-là. C'est possible qu'on en
vienne aux mêmes conclusions au Québec mais, au moins,
l'automobiliste ne serait pas devant une situation d'inconnu, ne sachant pas
qui va augmenter la taxe sur le prix une journée et, le lendemain, la
changer. Beaucoup de nos membres nous demandent ce qui se passe et ce qu'on
fait pour les protéger. On leur dit qu'on écrit des
communiqués, qu'on présente des mémoires comme
aujourd'hui, mais ce n'est pas une réponse très complète.
On ne sait pas s'il n'y aura pas, demain matin, une nouvelle taxe ascenseur ou
si les pétrolières ne décideront pas d'une autre guerre de
prix locale. Ces guerres de prix durant quelques jours, vous le savez,
s'éteignent ensuite et on recommence dans une autre région.
Premièrement, il y a une situation d'inconnu et on ne sait
vraiment pas quoi répondre à nos membres. C'est ce qu'on aimerait
savoir.
M. Gauthier: Quand vous parlez, dans votre mémoire, d'un
organisme de surveillance et que vous parlez de l'Office de la protection du
consommateur, on a l'impression que l'organisme de surveillance que vous
proposez a plus un pouvoir moral qu'un pouvoir d'intervention. À
certains moments, à lire votre texte, j'ai l'impression que vous
souhaiteriez une espèce d'organisme qui ferait les vérifications,
pourrait aviser le ministre ou les pétrolières à savoir
qu'on s'aperçoit qu'il y a du jeu dans le prix de l'essence qui nous
apparaft indû. Je ne crois pas voir, dans vos recommandations, une
recommandation à l'effet de mettre en place une régie avec de
vrais pouvoirs de fixation de prix, etc. Est-ce que je vous comprends bien
quand j'interprète cela de la façon suivante?
M. Dufresne: On n'exclut pas la régie en bonne et due
forme, mais on craint les mécanismes et la bureaucratie que cela
entraîne. Par contre, on dit bien que cela existe pour
l'électricité, le téléphone et les produits
laitiers. Si on suggère l'OPC, c'est un exemple parmi d'autres, mais
l'OPC, par exemple, fait des vérifications quand il a des plaintes
à propos de garagistes incompétents. Quand il y en a qui sont
accusés, cela paraît dans les journaux. Je pense qu'une telle
publicité pourrait être très efficace pour empêcher
que les pétrolières soient portées à abuser des
clients dans une région donnée. Ce serait une sorte d'organisme
moral, si vous voulez. On n'a pas étudié les mécanismes,
on vous laisse le soin de le faire. C'est une suggestion parmi d'autres, mais
il y a une sorte d'ange gardien qui surveillerait la situation et qui pourrait
dire à une région donnée, par exemple: Vous vous faites
exploiter parce que, dans l'autre région à côté, il
y a une guerre de prix et on demande moins cher. Au moins, le public
consommateur serait renseigné sur ce qui se passe, tant du
côté des gouvernements que des pétrolières.
M. Gauthier: Croyez-vous, M. Dufresne, qu'une commission
parlementaire comme celle qu'on vit présentement mais dans un autre
contexte, c'est-à-dire faite avant le mauvais coup du ministre et non
après pour réparer les pots cassés, où on
inviterait les intervenants comme on le fait présentement, sans pouvoir
direct mais avec un pouvoir moral évidemment, celui du Parlement,
pourrait être une suggestion intéressante? Par exemple, une fois
l'an une commission parlementaire pour entendre les intervenants, les
associations de consommateurs, pour discuter du niveau des prix du
pétrole, croyez-vous que ce pourrait être une solution
intéressante?
M. Dufresne: Je ne sais pas si une par an est nécessaire,
mais je suis sûr que, de celle-ci, devraient sortir des choses
intéressantes. Il est fort possible que les pétrolières
fassent la démonstration que leurs prix sont normaux - j'en doute, mais
c'est possible - comme les gouvernements nous diront aussi que leurs taxes sont
justifiées. Je pense que ce qui est important, c'est que le public sache
quelle est la position des gouvernements, la position des
pétrolières. Au moins, quand il va se plaindre, il va se plaindre
en meilleure connaissance de cause. À l'heure actuelle, quand vous lisez
les journaux, cela dure depuis des années; une déclaration, une
journée, contredit celle de la veille, un éditorialiste a une
autre opinion. Bref, on ne sait plus où donner de la tête
là-dedans. Peut-être qu'une commission ou un organisme
d'information du gouvernement pourrait mettre la situation à jour une
fois par année ou tous les six mois, je ne sais pas. Cela peut
être une suggestion.
M. Gauthier: Dans les recommandations que vous faites, vous avez
certains attendus, puis vous dites. "En conséquence, nous recommandons."
Première recommandation: "Nous recommandons un niveau de taxe
concurrentiel avec le reste de l'Amérique." J'ai comme un
problème à vous suivre là-dessus, parce qu'on sait qu'aux
États-Unis, la fiscalité étant ce qu'elle est, le niveau
de richesse du pays étant ce qu'il est, la population étant ce
qu'elle est, il y peu de choses comparables avec la situation canadienne et
québécoise, en particulier.
Comment voyez-vous cette recommandation? Le niveau de taxe concurrentiel
avec le reste de l'Amérique peut représenter un manque à
gagner, puisqu'il y a des choix gouvernementaux qui se font, de plusieurs
centaines de millions de dollars pour le gouvernement du Québec. Ne
trouvez-vous pas cette recommandation un tantinet extravagante?
M. Dufresne: C'est parce qu'elle affecte le tourisme. On n'est
pas capable de vous dire exactement jusqu'à quel point elle l'affecte.
Nous savons par des sondages passés, surtout dans le pire de la crise,
il y a quelques années, que des touristes ou des automobilistes
canadiens ont changé leurs projets de vacances à cause du prix de
l'essence, surtout à ce moment. Comme vous le savez, beaucoup de
touristes canadiens vont aux États-Unis. Je ne dis pas qu'ils vont aux
États-Unis parce que le prix de l'essence au Canada est plus cher, mais
ce n'est sûrement pas un facteur qui aide les choses. Il y a aussi que le
prix de l'essence augmente le prix des biens de consommation. Et ce n'est pas
un plaisir de vacancier, ce sont des choses qu'on mange, vous et moi, chaque
semaine»
Alors, sur le plan touristique, sur le plan de la consommation, la
disparité existe entre les deux pays, entre autres, parce que, d'abord,
je pense, les gouvernements canadien et québécois imposent
beaucoup plus de taxes que le gouvernement américain. D'ailleurs, on
cite des chiffres d'une étude américaine qui disent ce que cela
donnerait s'il y avait une hausse de taxe de 0,10 $ le gallon aux
États-Unis. On a également des chiffres pour une hausse de 0,30
$. Le résultat serait quasiment catastrophique parce que cela a toutes
sortes d'implications économiques: chômage, diminution des
emplois.
Aussi, ce sont seulement les automobilistes qui paient. Je pense que
c'est injuste, surtout pour ceux qui n'ont que la voiture comme moyen de
transport. Ce sont eux qui sont pénalisés. On n'est pas en Europe
ici, où les moyens de transport interurbain et de transport en commun
sont très développés. Ici, au Québec, à part
le métro de Montréal, les transports en commun, ce n'est pas
l'idéal. C'est toujours un peu l'automobiliste qui fait les frais. Il
paie probablement aussi sa part du coût du toit olympique. C'est pour
cela qu'on dit qu'on considère l'essence comme un besoin essentiel,
alors qu'on la traite plutôt comme la cigarette et les boissons, et on
trouve cela anormal.
M. Gauthier: Je vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, vous soulignez à
quelques reprises, dans votre mémoire, que l'essence est un produit
essentiel surtaxé. Je pense que c'est la base de l'une de vos
recommandations, une des conditions à laquelle vous vous attaquez.
Comment expliquer que le gouvernement, justement, ait baissé les taxes
dans les régions périphériques mais que les prix à
la pompe n'aient pas baissé dans la même proportion? Ils ont
baissé au début mais, après, ils ont remonté.
Alors, quand vous
venez me dire qu'il faut baisser les taxes, l'expérience qu'on
vient de vivre c'est qu'on les a baissées dans les régions
périphériques, mais que ce n'est pas le consommateur qui en a
bénéficié.
M. Dufresne: Je pense que cela souligne le besoin d'avoir des
mesures ou un organisme de contrôle quelconque pour que la libre
concurrence puisse jouer, mais tout le problème provient de la fameuse
taxe ascenseur qui a déclenché tout cela et qui fait qu'on ne
peut pas se comparer sur le plan des prix avec l'Ontario et les provinces
maritimes, par exemple...
M. Ciaccia: Dans l'une des réponses que vous aviez
données, vous parliez des renseignements au public. Croyez-vous que les
pétrolières informent bien le public?
M. Dufresne: Non, je pense que ce serait peut-être de
mauvaise guerre pour elles de le faire aussi. Elles sont en affaires pour faire
des profits, évidemment, et pour vendre des produits pétroliers.
Elles ont quand même certaines lois de la concurrence à suivre,
elles aussi. Je pense que si les gens connaissaient mieux leur marge de jeu on
réaliserait probablement qu'elles ne font pas des profits aussi
importants qu'on ne le pense. Je ne voudrais pas blâmer uniquement les
pétrolières parce qu'elles aussi ont des obligations et toutes
sortes de taxes à payer. Cela fait partie du réseau. Si le
consommateur savait exactement quelle est la répartition du coût
d'un litre d'essence entre les gouvernements et les producteurs, au moins, il
pourrait se faire un jugement sur la question.
M. Ciaccia: Croyez-vous que ce serait utile, pour le
consommateur, d'avoir ces informations et quelles conséquences ce
pourrait-il avoir pour lui?
M. Dufresne: À mon avis, ce pourrait être
très utile. D'abord, au plan politique, il pourrait déterminer si
son gouvernement le surtaxe et, aussi, s'il n'y a pas moyen de trouver, parmi
les pétrolières le meilleur prix - je sais que
généralement la même politique de prix est suivie - ou
peut-être encourager certains garagistes indépendants, s'il y en a
qui sont capables de s'approvisionner à des sources moins
coûteuses. Bref, cela pourrait susciter une action quelconque ou, du
moins, une réaction chez les automobilistes qui sont les victimes de
tout cela. Au moins ils seraient vraiment renseignés sur la situation et
sauraient qui paie quoi.
M. Ciaccia: Alors, vous seriez favorables à ce que plus
d'informations soient données...
M. Dufresne: Oui.
M. Ciaccia: ...que ce soit par les pétrolières ou
un autre organisme, plus d'informations sur les prix, sur l'industrie, sur les
taxes et sur tous les éléments qui composent pour que cela
puisse... Et vous pensez que ceci pourrait aider le consommateur.
M. Dufresne: Oui. D'ailleurs, nous-mêmes, quand nous
appelons à l'un de vos ministères pour savoir la composition du
prix du litre d'essence au Québec, c'est toute une histoire pour avoir
tous les détails et c'est très complexe. Il y a toutes sortes de
taxes qui entrent: les taxes fédérales, la taxe d'assise, la taxe
de vente, etc. Quand on regarde du côté des
pétrolières, c'est la même chose. Mais, tout au moins, si
l'information était donnée, ceux que cela intéresse
pourraient au moins...
M. Ciaccia: L'utiliser.
M. Dufresne: ...l'utiliser, c'est cela.
M. Ciaccia: On avait parlé tantôt de l'Office de la
protection du consommateur et que, peut-être, une des solutions pourrait
être l'implication de l'office. Si le rapport de l'Office de la
protection du consommateur révélait qu'il y avait des abus -
supposons qu'on prenne cette solution - et qu'il fasse une étude ou une
enquête où l'on révélerait que, dans un certain
endroit, il y aurait des abus, quelle action devrait être prise à
ce moment? Que pouvez-vous suggérer ou comment voyez-vous l'office
fonctionner? Je comprends, je ne veux pas aller dans tes détails, c'est
simplement en général.
M. Dufresne: Tout dépend du mandat qu'on lui donnerait.
J'imagine que l'OPC relève d'un ministère qui, lui, serait en
mesure de faire passer des décrets qui répondraient aux
circonstances. L'OPC c'est une suggestion parmi d'autres - serait, comme je le
disais tout à l'heure, une sorte d'organisme de contrôle ou d'ange
gardien qui représenterait le gouvernement un peu partout au
Québec et qui pourrait renseigner tant l'automobiliste que les instances
gouvernementales sur la manière dont la situation se passe. J'ai un
exemple ici: lorsqu'il y a eu une augmentation de la taxe de 0,01 $ le litre,
en janvier dernier, les pétrolières en ont légalement
profité pour augmenter le prix de 0,01 $ le litre de plus en même
temps. Alors, on dirait qu'il y a une collusion entre les deux et que c'est
à qui augmenterait le plus. Le résultat, c'est qu'on paie
toujours plus qu'ailleurs en Amérique du Nord, et c'est contre cela
qu'on en a. Pourquoi payer 0,07 $ ou 0,08 $ de plus à Montréal
qu'à Toronto?
(11 h 30)
M. Ciaccia: Vous croyez que si un office, comme vous le
mentionniez, agissait comme ange gardien et pouvait informer le public
immédiatement soit de la baisse du prix du brut, soit de l'augmentation
de la taxe ou soit des différents éléments qui composent
le prix, ce serait l'un des rôles que l'office pourrait avoir et qui
pourrait être utile pour le consommateur.,
M. Dufresne: En fait, en mettant de côté l'aspect
juridique de la chose, l'aspect de l'information, par des communiqués
aux médias, est peut-être ce qu'il y a de plus fort, parce que les
gens prennent connaissance de cela et cela a souvent un effet efficace. Quand
l'OPC, par exemple, condamne un commerce pour pratique illégale, il est
certain qu'il vient de porter atteinte à sa réputation et il y a
de grosses chances que le commerce en question doive fermer ses portes. Si
c'est bon pour des garagistes ou d'autres maisons qui font des actes
illégaux, je ne dis pas qu'il y a des actes illégaux dans la
question du prix du pétrole, mais, au moins, il pourrait faire office
d'informateur public de la situation et le consommateur pourrait juger
lui-même qui abuse et qui n'abuse pas.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le député de Roberval.
M. Gauthier: Oui, M. le Président. II y a une chose que je
voudrais me faire expliquer. À la page 2 de votre mémoire, au
troisième paragraphe, vous dites: "Le problème qui nous confronte
aujourd'hui remonte en fait à l'institution de la taxe ascenseur par le
gouvernement précédent." Un peu plus loin, vous dites: "Cette
fameuse surtaxe a créé des iniquités entre les
régions." Pouvez-vous m'expliquer cela, qu'une taxe, qu'elle soit
ascenseur ou non, de 20 % ou de 30 %, appliquée sur un produit puisse
créer des iniquités?
M. Dufresne: Au moment où elle était ascenseur,
c'était un pourcentage qui s'appliquait sur un prix qui était
plus élevé dans certaines régions.
M. Gauthier: La taxe ascenseur s'appliquait sur le prix du
produit au sortir de la raffinerie, sauf erreur. Je n'ai pas l'impression
que...
M. Ciaccia: Non, excusez-moi, je vais...
M. Gauthier: Peut-être que le ministre pourrait nous
donner...
M. Ciaccia: Oui. La taxe ascenseur
S'appliquait sur le prix à la pompe. Cela veut dire que si le
prix à la pompe.
M. Gauthier: D'accord. S'il variait d'une région à
l'autre, à ce moment-là...
M. Ciaccia: Oui, alors, cela veut dire que, dans une
région - je pense que monsieur a raison..,
M. Gauthier: D'accord.
M. Ciaccia: ...si elle variait et si vous ajoutiez 40 %, vous
pénalisiez une région plus qu'une autre.
M. Gauthier: Dans ce sens-là, d'accord. À cet
égard, si je comprends votre logique, la taxe de vente provinciale, par
exemple, crée des iniquités aussi entre les régions.
M. Dufresne: C'est une bonne question, sauf que la taxe
provinciale s'applique sur tous les produits.
M. Gauthier: Non, je comprends bien, mais...
M. Dufresne: Je pense que c'est un autre débat, la
taxe...
M. Gauthier: Non, mais je vous demande si vous êtes
d'accord que la taxe provinciale de vente de 9 % crée des
iniquités entre les régions.
M. Dufresne: Elle est la même partout. À
première vue... Je ne sais pas quoi vous répondre.
M. Gauthier: C'est parce que vous parlez d'une chose qui, dans le
fond, ne fait pas l'objet de la commission. L'objet de la commission, en
réalité, c'est qu'il y a eu un problème quand te ministre
a essayé de différencier le taux de taxe dans les régions
et qu'il l'a baissé de 10 % de plus qu'ailleurs, dans certaines
régions. Il a manqué son coup...
M. Ciaccia: Quand vous dites le ministre, vous voulez dire le
ministre des Finances, n'est-ce pas?
M. Gauthier: 11 a manqué son coup... M.
Ciaccia:Oui, c'est cela.
M. Gauthier: C'est bien évident, il a manqué son
coup, il a été obligé de faire un décret pour fixer
le prix des produits pétroliers pour trois mois et, là, le
décret est terminé et il faut savoir ce qu'on va faire dans
l'avenir; si son affaire est encore applicable ou s'il va revenir à un
taux de taxe moyen. Je ne sais pas quelle est la
solution qu'il va prendre.
Quant à vous, alors qu'on étudie ce problème du
décret gouvernemental et du fait que les pétrolières ont
peut-être - oui ou non, qui sait, on le saura peut-être à la
fin des deux jours - bouffé le produit de la taxe qui devait revenir aux
consommateurs, vous nous dites dans un mémoire: C'est la taxe ascenseur
du précédent gouvernement qui a créé des
iniquités dans les régions. J'avais l'impression que, du fait que
la taxe était au pourcentage, c'était 30 % partout, cela ne
créait pas d'iniquité. Vous me dites: Le fait que l'essence
coûte plus cher au Lac-Saint-Jean, 30 % du prix de l'essence au
Lac-Saint-Jean, cela fait un peu plus cher que 30 % du prix de l'essence
à Montréal; il y a une fraction de cent. C'est cela, votre
calcul.
Je vous pose comme question, pour fins de vérification: Donc,
vous admettez que la taxe de vente provinciale de 9 % fait exactement la
même chose que la taxe sur l'essence, parce qu'elle s'applique au prix
d'un produit vendu à Chibougamau ou vendu à Montréal. 9 %
sur un chandail qui vaut 12 $ à Montréal représente moins
que 9 % sur le même chandail qui se vend 13 $ à Chibougamau.
Alors, à ce moment-là, vous me dites: Pour la taxe de vente, non;
elle est partout pareille.
Je voudrais savoir quelle est la différence entre l'exemple que
je viens de vous donner sur la taxe de vente et le fait qu'il y avait une taxe
sur l'essence, ascenseur ou non. C'est un autre débat, mais vous semblez
vous acharner sur la taxe ascenseur. Je voudrais savoir en quoi, de
façon particulière, elle a créé des
iniquités, à moins qu'on n'admette que toutes les taxes du
gouvernement créent des iniquités.
M. Dufresne: À première vue, votre chandail
à Chibougamau, s'il coûte 15 $, vous pouvez toujours venir le
chercher à Québec à 12 $, mais vous allez dépenser
la différence en essence. Je n'ai pas étudié la taxe de
vente en profondeur. De toute façon, à 9 %, elle m'apparaît
également trop élevée.
M. Ciaccia: Si c'était une chemise au lieu d'un chandail,
cela coûte moins cher.
M. Gauthier: Ce n'est pas sur le taux, monsieur, que j'en ai.
C'est que vous dites que la taxe ascenseur a crée des iniquités.
Ou bien on admet que la taxe ascenseur a créé des
iniquités et que toutes les taxes du gouvernement - de 9 %, de 8 % ou de
ce qu'on voudra - créent des iniquités, à ce
moment-là, on parle de la même chose. Mais en quoi peut-on dire -
cela semble être ce que vous avez envie de dire - que la taxe ascenseur
créait des iniquités alors que les autres taxes n'en
créent pas? Au contraire, c'est la même chose, selon moi
J'aimerais que vous m'expliquiez cela.
M. Dufresne: Je ne suis pas ici pour examiner le budget. Je ne
suis pas le ministre des Finances. Mais je vous dis que la taxe ascenseur, qui
était une création fort habile à l'époque, nous a
mis dans une position de non-concurrence avec l'étranger. Après
cela, on a voulu la diminuer; après cela, on l'a rendue fixe et c'est
pour cela que je dis que la taxe ascenseur a été le
mécanisme qui a déclenché tous les problèmes qu'on
connaît au Québec et qui fait que cela coûte plus cher ici
qu'ailleurs.
M. Gauthier: Ce qui crée des iniquités entre les
régions, est-ce que ce n'est pas d'établir un taux de taxe
différent au Lac-Saint-Jean du taux de taxe de Québec ou de celui
de Montréal? Une taxe variable comme celle-là, est-ce que ce
n'est pas ce qui crée des iniquités entre les régions?
M. Dufresne: On le dit, d'ailleurs, dans le mémoire. On
trouve que c'est discriminatoire, à savoir quelle région en
profitera et quelle région n'en profitera pas et où est-ce qu'on
trace la ligne de démarcation? C'est pour cela qu'on propose que la taxe
soit abaissée mais qu'elle soit égale partout et que les
gouvernements et les pétrolières s'ajustent en
conséquence.
M. Gauthier: Est-ce qu'éliminer le caractère
ascenseur de la taxe vous a semblé une bonne chose?
M. Dufresne: Si le prix de l'essence baisse, cela va
peut-être être une bonne chose; on pourrait avoir un débat
là-dessus. Mais, comme je vous dis, le fait qu'elle était
ascenseur au moment où le prix de l'essence montait, cela créait
un écart encore plus grand entre le Québec et les autres
provinces. On pourrait avoir un autre débat sur la validité de la
taxe ascenseur par rapport à une taxe fixe, mais je pense que, dans le
contexte actuel, avoir une taxe fixe est peut-être la solution du
moment.
M. Gauthier: Même si on l'a gelée au plafond,
à peu près 38,5 %?
M. Dufresne: Je pense que le gel est assez...
M. Gauthier: Je sens que vous avez envie de me dire, dans le
fond... Vous regardez le ministre et vous avez l'air de dire: Mon Dieu, pauvre
ministre! Je ne veux pas vous faire de peine, mais ce que j'ai envie de dire,
c'est qu'à 38,5% , cela n'a pas d'allure. Je vais le dire pour vous et
je vous prête ces paroles. Peut-être que vous n'avez pas envie de
le dire. Peut-être que
vous ne voulez pas vous placer dans une mauvaise situation.
Mais ce que je veux vous faire comprendre par ces questions, c'est que
le caractère ascenseur d'une taxe ne crée pas -contrairement
à ce que vous dites là-dedans, à mon point de vue - des
iniquités régionales, pas plus, en tout cas, que le
caractère fixe d'une taxe. C'est que l'ascenseur ne monte pas plus vite
ou moins vite., Ce n'est pas un ascenceur qui monte deux fois le taux
d'inflation dans une région, une fois le taux d'inflation dans une autre
région et une demi-fois le faux d'inflation dans l'autre. C'est une taxe
qui s'ajuste, mais à partir de la même base, comme la taxe de
vente. Alors, cela ne crée pas des iniquités dans ce sens, et
c'est cela que je voulais vous faire remarquer, à cause de la
démogagie qui a été faite autour de la taxe ascenseur.
Imaginez! Le ministre fait une bonne annonce au peuple du Québec:
il élimine la taxe ascenseur et il gèle l'ascenseur à 38,5
%. C'est tout un cadeau, cela! Alors, la démagogie qui a
été faite autour du caractère ascenseur de la taxe qui a,
comme vous le dites si bien, un mauvais aspect de temps à autre... Quand
le prix monte, c'est très mauvais, c'est évident. Mais quand le
prix descend, c'est excellent. On pourrait faire le débat
là-dessus, mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.
Au fond, le caractère ascenseur de la taxe n'est pas ce qui cause
les problèmes qu'on connaît aujourd'hui. C'est en ce sens que je
diverge d'opinions avec vous. Pour le reste, disons que je retiens - je termine
mes questions là-dessus - quand même l'approche
intéressante que vous avez faite concernant l'Office de la protection du
consommateur qui pourrait avoir un rôle de surveillance dans les
régions, un rôle moral davantage qu'un rôle coercitif; je
comprends cela.
Je comprends également votre préoccupation qu'il y ait un
peu plus d'équité entre les régions; cela ressort de votre
mémoire et on est d'accord avec cela. Si le prix du pétrole ne
peut pas être parfaitement égal dans toutes les régions, on
voudrait vraiment qu'il puisse au moins y avoir une compensation autre dans les
régions où ce n'est pas possible. Pour ma part, j'ai
terminé mes questions. Je vous remercie de votre travail.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: M. le Président, dans un premier temps, le
député de Roberval, en ce qui concerne la taxe ascenseur, semble
avoir de la difficulté à comprendre. Essentiellement, la taxe
ascenseur ne crée pas des iniquités, elle maintient les
iniquités.
À partir du moment où il y a de l'injustice entre les
régions, il est bien évident que si la taxe monte de façon
égale partout l'iniquité demeure aux mêmes endroits; que la
taxe augmente de 20 % ou de 30 %, peu importe. Je pense qu'avec une taxe
ascenseur il est plus difficile de faire un réajustement à
certains endroits.
Maintenant, concernant votre mémoire, d'une part, vous dites que
vous êtes contre les disparités régionales, que vous
aimeriez qu'il y ait un prix uniforme au Québec D'autre part,
tantôt, dans vos commentaires, j'ai noté que avez mentionné
que, dans les régions ou les endroits où il n'y a pas de
transport en commun, où le seul moyen de transport est à peu
près l'automobile, il serait peut-être bon que le prix de
l'essence soit inférieur, qu'il soit moins élevé pour
favoriser ces gens qui ont l'automobile comme seul moyen de transport. Est-ce
que je vous comprends bien?
Pour terminer, si vous me le permettez... À ce moment-là,
c'était une des raisons pour lesquelles il y avait des disparités
régionales quant au prix. On sait que, dans certaines régions du
Québec, la mienne, par exemple, les Îles-de-la-Madeleine, le seul
moyen de transport ou presque, ce sont l'automobile, les taxis, etc. Pour
favoriser ces gens qui ne bénéficient pas des services d'un
transport en commun comme ceux de Montréal ou de Québec, entre
autres - où cela coûte beaucoup moins cher pour se
déplacer, pour parcourir 50 kilomètres que chez nous - un des
buts, quant à la disparité régionale de la taxe,
était justement d'atténuer l'impact de l'éloignement.
J'avais senti un peu de contradiction, mais peut-être que vous pourriez
préciser. Je vous ai peut-être mal interprété,
à ce moment-là.
M. Dufresne: Non. En fait, les disparités
régionales ont un caractère discriminatoire, mais peut-être
moins dans votre cas parce qu'il s'agit d'une île, comme vous le dites.
En fait, on veut un niveau de taxe raisonnable pour les automobilistes, en
tenant compte surtout du fait que 50 % d'entre eux n'ont que la voiture comme
moyen de transport et qu'ils doivent se servir de la voiture pour se rendre
à leur travail. Aussi, ce sont souvent ceux qui ont le moins de revenus
qui ont des voitures plus grosses, plus vieilles et consommant plus d'essence.
Alors, ils sont davantage pénalisés. On ne veut pas aller dans
les détails, et tout cela, mais le principe de la disparité
régionale nous apparaît a priori discriminatoire. Où est-ce
qu'on arrête les régions exactement? Pour ce qui est des
Îles-de-la-Madeleine, c'est peut-être plus clair parce que ce sont
des îles. Mais il y a d'autres régions au Québec pour
lesquelles je ne sais pas où est la ligne de démarcation.
Pourquoi ne pas se rendre jusqu'à Montréal ou
jusqu'à Québec? Pourquoi doit-on baisser la taxe dans les postes
qui sont près des frontières? Ce matin, je donnais l'exemple de
Hull où c'est 0,08 $ de moins qu'à Ottawa. Est-ce que ce n'est
pas là une preuve qu'il y a une disparité qui n'est pas logique
entre les provinces, sur le plan de la taxation?
M. Farrah: II y a peut-être un facteur à
considérer: l'aspect du volume des ventes.
Il est bien évident que le volume des ventes, dans les
régions urbaines comme Montréal ou Québec, est
sensiblement beaucoup plus important que dans les régions
périphériques comme la nôtre. À ce moment-là,
il y a une influence sur le prix, je pense bien.
(11 h 45)
M. Dufresne: Je pense que les pétrolières doivent
tenir compte qu'ils font affaire partout au Canada, et il existe une province,
le Québec, qui est très grande. Il faut qu'elles prennent leur
part de responsabilité.
Si vous me permettez, M. le Président, Mme Côté
avait une intervention à faire.
Mme Côté: J'aimerais revenir un peu à votre
exemple du fameux gilet à 12 $. Le consommateur a le choix; s'il trouve
que 12 $, c'est trop cher, il peut en acheter un à 10 $. Tandis que la
personne qui a besoin de son automobile n'a pas le choix, il faut qu'elle mette
de l'essence. C'est le seul produit qu'elle peut mettre dans son
véhicule, elle ne peut pas mettre de l'eau.
Le Président (M. Théorêt): M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Ciaccia: Mme Côté, vous avez entièrement
raison. Justement, je m'apprêtais à vous suggérer cet
exemple. Vous dites, dans votre mémoire, que l'essence est un produit
essentiel. Pour ne pas qu'il y ait de malentendu, la taxe ascenseur
imposée par le gouvernement précédent n'était pas
de 30 %, mais de 40 %. La taxe, si on la traduit en pourcentage, en
Gaspésie, est de 22 %. En Abitibi, elle est de 23 %; je parle de
l'équivalent de la taxe actuelle. Au Lac-Saint-Jean, elle est de 23 %.
C'est loin des 40 %. Je crois que vous avez attiré l'attention sur un
point assez important. Je comprends la réponse que vous venez de donner;
au pire, vous n'achetez pas de chandail, mais vous n'avez pas le choix de
prendre ou pas votre automobile pour vous rendre au travail. Le camionneur n'a
pas le choix; pour faire du transport, il ne peut pas substituer, tandis que,
dans tous les autres éléments, vous pouvez substituer.
Je comprends votre thèse, mais je comprends mal la thèse
de mon collègue, le député de Roberval. Il semble nous
reprocher d'avoir baissé les taxes. Il nous dit: On vous a avertis, vous
n'auriez pas dû baisser les taxes. Je comprends qu'avec eux il fallait
toujours augmenter les taxes. On a voulu les baisser parce qu'on
reconnaît l'importance de ce produit, spécialement dans les
régions périphériques. C'est pour cela que le ministre des
Finances a baissé les taxes dans ces régions. Je ne veux pas
aller au-delà du mandat de la commission, mais, puisque cela a
été soulevé, je dirai que, si on n'avait pas
hérité des déficits de 4 500 000 $, peut-être qu'on
aurait pu faire plus pour baisser les taxes. Nous avons fait ce que nous
pouvions faire. Quand on s'est aperçu que cette baisse de taxe n'allait
pas aux consommateurs, on ne s'est pas caché derrière
l'impuissance en disant: On ne peut rien faire. On a agi.
C'est vrai que c'était incomplet, les décrets sont
incomplets. Je l'avoue et je l'ai avoué dès le début. Mais
le consommateur en a bénéficié. Pour lui, ce
n'était pas incomplet. C'était peut-être incomplet pour
certains détaillants, pour certains grossistes, pour les
pétrolières, mais le consommateur, lui, a obtenu la
réduction de la taxe durant cette période, et on verra,
après le 17, ce qu'on fera.
Je veux vous remercier pour votre...
Le Président (M. Théorêt): Je veux revenir
sur une question.
M. Ciaccia: Ah! vous avez une question?
Le Président (M. Théorêt): Une très
courte question, vous aurez le mot de la fin tous les deux, après.
Il semble hors de tout doute - dans votre mémoire du moins - que
les pétrolières exercent un contrôle des prix. Il semble
aussi que c'est ce que pense une grande majorité de la population.
Est-ce que, dans vos études ou vos recherches, vous suggérez des
mécanismes pour essayer d'éviter que ces choses ne se
produisent?
M. Dufresne: On revient, je pense, au cas de l'OPC ou d'un
organisme comme celui-là qui pourrait exiger que les
pétrolières fassent le détail de leur façon de
calculer le prix de l'essence. Je ne sais pas jusqu'à quel point on peut
contrôler cela, mais je pense qu'elles devraient être responsables
devant l'État d'une certaine justification de leurs taux, surtout
lorsqu'il y a un écart aussi élevé entre les villes du
Québec et celles de l'Ontario. J'aimerais savoir pourquoi on paie 0,08 $
de moins à Toronto.
Le Président (M. Théorêt): Ah! il y a
sûrement des gens... Je leur demanderai. Je vous remercie. M. le
député de Roberval et critique officiel, pour le mot de la
fin.
M. Gauthier: J'ai à peu près terminé,
M. le Président, sinon pour rappeler au ministre, pour être
clair, puisqu'il a de la misère à comprendre ma théorie...
Je vais la lui expliquer encore une fois. Je veux dire au ministre qu'on n'a
jamais été contre le fait qu'il baisse les taxes. On était
contre le fait qu'il empêche la taxe de descendre comme elle devait
descendre. C'est contre cela qu'on était.
Il y a une question qu'on se pose et qu'on a toujours posée au
ministre; Est-ce que le moyen qu'il a pris pour redonner aux gens des
régions - mesure avec laquelle on est évidemment d'accord - une
partie, un avantage quant au prix de l'essence, une partie de leur argent en
les taxant moins, c'est le moyen qu'il fallait prendre? On l'avait
prévenu que ce moyen ne fonctionnerait pas, qu'il devrait
prévoir, au moment où il le faisait, un mécanisme
immédiat de contrôle de surveillance parce que le coup avait
déjà été fait au gouvernement. On l'a
prévenu de cela. C'est contre cela qu'on en a.
J'ai dit au ministre, à l'Assemblée nationale, au moins
cinq fois si ce n'est davantage: Vous allez vous faire jouer le tour. Il ne
voulait rien savoir. Aujourd'hui, il a admis, au moment de son décret,
qu'on avait raison et qu'il s'était fait jouer le tour. Nous autres, on
ajoute - on espérerait qu'il finisse par l'admettre - que tous les
citoyens en dehors des régions périphériques
concernées par le décret se sont aussi fait jouer le tour parce
qu'il les a taxés plus. II y a des limites à dire n'importe quoi.
Ce matin, le pourcentage de la taxe à Montréal est de 33,7 %.
C'est encore 3,7 % au-dessus de la taxe ascenseur. On pourrait donner plein de
chiffres au ministre, mais je ne m'étendrai pas. La vérité
a ses droits. On est contre le fait qu'il n'ait pas su faire appliquer la
mesure positive à l'endroit des régions et on est aussi contre le
fait qu'il ait gelé partout la taxe ascenseur au moment où elle
allait descendre ou lorsqu'elle devait descendre. J'espère que c'est
clair et qu'il comprend la théorie. S'il ne la comprend pas,
probablement que les gens, eux, l'auront comprise parce que ce sont eux qui
paient.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, le député de
Roberval est contre le vice et pour la vertu. Nous autres aussi. Je ne me
souviens pas des avertissements qu'il a donnés au ministre des Finances.
On a mis en place un comité de surveillance et, pour une période
de six mois, le consommateur, effectivement, a obtenu le bénéfice
de la taxe. Je ne pense pas qu'il puisse reprocher au gouvernement d'avoir
baissé la taxe. Quand on s'est aperçu que la taxe augmentait, on
a agi. Je ne sais pas de quoi il se plaint, aujourd'hui.
Le but de la commission, aujourd'hui, c'est: Maintenant, soyons un peu
positifs dans notre approche et trouvons les solutions pour nous assurer que la
baisse de la taxe qu'on a décrétée, que le ministre des
Finances a décrétée, pour le bénéfice des
consommateurs, aille aux consommateurs. Dans les trois derniers mois, la
totalité de la baisse de cette taxe a été au
bénéfice des consommateurs. Auparavant, pendant une
période donnée, une partie de la baisse ne leur a pas
bénéficié. C'est pour cette raison qu'il y a eu des
discussions avec les pétrolières. C'est pour cette raison qu'on a
fait nos enquêtes. Il fallait agir. Il fallait avoir l'information
nécessaire avant d'agir. On a agi.
Six mois après le budget du ministre des Finances, les
pétrolières, les détaillants, les grossistes ont
réduit les prix. Je pense qu'on n'a pas de reproche à se faire
à ce niveau-là et on est maintenant en mesure et on a le devoir
de chercher des solutions. C'est ce que nous faisons et c'est pour cela que je
veux remercier le Club automobile du Québec. Vous avez soulevé
des points très importants, la question de la taxe dans les
régions périphériques, les moyens à prendre. Vous
nous avez fait des recommandations que nous allons étudier. Vos
suggestions sont très valables, particulièrement celle portant
sur la question des informations qui doivent être données aux
consommateurs. Je pense que c'est important. J'ai bien noté ce point;
nous allons l'étudier et je crois, que cela pourrait être
très utile pour arriver à nos fins. Notre but, c'est de
protéger le consommateur et de nous assurer qu'il obtienne le
bénéfice de la baisse de la taxe. Je vous remercie beaucoup pour
votre patience et je vous remercie beaucoup pour votre mémoire.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Mesdames et
monsieur, les membres de la commission vous remercient.
M. Ciaccia: Excusez-moi.
Le Président (M. Théorêt): Pardon. Je pensais
que vous aviez terminé.
M. Ciaccia: II y avait autre chose. Le Club automobile du
Québec a parlé de la taxe ascenseur et le député de
Roberval nous a donné certains chiffres. Il n'était
peut-être pas présent à la commission quand j'ai
donné les chiffres suivants: le pourcentage, aujourd'hui, de
l'équivalent de la taxe ascenseur au Lac-Saint-Jean est de 23 %; en
Gaspésie, 22 %; en Abitibi, 23 %; c'est beaucoup moins que les 40 %
imposés par l'ancien gouvernement. Je vous remercie.
M. Gauthier: Je m'excuse. Question de privilège. Le
ministre a commencé à nommer les régions du Québec.
J'aimerais qu'il continue de nous donner ses chiffres.
M. Ciaccia: Le mandat de la commission concerne les
régions, alors on se concentre sur les régions.
Le Président (M. Théorêt): Je m'excuse, M. le
ministre et M. le député de Roberval. Le temps étant
terminé, je vous remercie, au nom des membres de la commission, de votre
présentation.
Je demande maintenant aux représentants de Petro-Canada de bien
vouloir prendre place, s'il vous plaît!
Messieurs, je vous rappelle que, dans un premier temps, vous avez une
heure à votre disposition, c'est-à-dire 20 minutes pour
présenter le mémoire et 40 minutes réparties entre les
deux formations pour discuter.
Voudriez-vous vous présenter aux membres de la commission qui
vous souhaitent la bienvenue, aujourd'hui?
Produits Petro-Canada
M. Beauregard (Gaston): Merci. M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs les députés, j'ai aujourd'hui
avec moi John Watt, directeur au rendement et à l'analyse de gestion,
à ma gauche, et Jerry Kayfasz, coordinateur à
l'établissement des prix.
Petro-Canada est heureuse de pouvoir présenter son point de vue
à la commission parlementaire de l'économie et du travail du
Québec. Avant de discuter de la réduction des taxes et des autres
mesures d'aide possibles dans les régions périphériques,
nous voudrions d'abord vous fournir certains renseignements sur les
récents résultats enregistrés dans le secteur du raffinage
et du marketing de l'industrie du pétrole, ainsi que sur les incidences
de la réglementation. Nous voudrions également apporter certaines
précisions sur la question plus générale de
l'établissement des prix des produits pétroliers. Ainsi, nous
devrions avoir une meilleure perspective pour aborder la situation dans les
régions périphériques.
Petro-Canada est l'un des principaux intervenants sur le marché
des produits pétroliers au Québec ainsi qu'un membre actif de la
collectivité québécoise.
La société offre à tous les marchés de la
province une grande variété de produits et de services de
première qualité, des carburants agricoles aux lubrifiants
industriels et au mazout domestique. De plus, Petro-Canada s'efforce de
répondre aux besoins des automobilistes québécois par
l'intermédiaire de quelque 750 postes de vente à l'échelle
de la province.
La société exploite une raffinerie à
Montréal, qui fabrique une gamme complète de produits, y
compris des produits pétrochimiques destinés au marché
canadien et aux marchés d'exportation. Cette raffinerie ainsi que
d'autres installations réparties dans la province fournissent des
emplois directs à près de 800 Québécois. Quant aux
détaillants et aux sociétés affiliées, ils assurent
quelque 5000 emplois supplémentaires.
Petro-Canada a vendu plus de 3 000 000 000 de litres de pétrole
raffiné au Québec, en 1986. Ces ventes représentent
presque 700 000 000 $ de revenus et une part d'environ 17 % du marché
québécois.
La société continue d'investir dans la province afin de
satisfaire aux nouvelles exigences des consommateurs et de se conformer aux
nouveaux règlements en matière d'environnement. À
Montréal, nous nous employons toujours à maximiser
l'efficacité de nos activités de raffinage et à nous
adapter à la situation du marché. Depuis 1983, les
dépenses en immobilisations à la raffinerie de Montréal
excèdent les 250 000 000 $. Nous avons également consacré
entre 40 000 000 $ et 50 000 000 $ aux installations de commercialisation et de
distribution dans la province, au cours des cinq dernières
années. (12 heures)
Le secteur canadien du raffinage et du marketing du pétrole, ou
secteur d'aval, a subi d'importantes modifications au cours des sept
dernières années par suite du brusque repli de la demande de
produits pétroliers.
La récession économique au début des années
quatre-vingt, l'utilisation d'autres ressources énergétiques et
les efforts d'économie d'énergie, comme l'amélioration de
l'isolation des maisons et la production de voitures consommant moins de
carburant, ont donné lieu à une chute d'environ 25 % de la
demande canadienne de produits pétroliers depuis 1980. Ce recul a
été encore plus accentué dans l'Est du Canada où,
de 1980 à 1986, les ventes de produits pétroliers ont
fléchi de 30 % dans les provinces de l'Atlantique et de 42 % au
Québec.
Cette contraction de la demande est en grande partie attribuable
à la baisse importante de la demande de mazout domestique, qui a
été remplacé par le gaz naturel et
l'électricité. Les répercussions ont été
encore plus fortes qu'en Ontario ou dans les provinces de l'Ouest, étant
donné qu'on y faisait déjà une plus grande utilisation du
gaz naturel dans l'industrie, le commerce et pour le chauffage des maisons.
Parallèlement à cette brusque diminution de ta
consommation, le marché a exigé davantage de carburants plus
légers pour le transport et moins de produits lourds par baril de
pétrole. En 1980, l'essence, le carburant diesel et les carburé
acteurs représentaient 60 % de la gamme totale des
produits fabriqués. En 1986, ces produits légers
constituaient 72 % de la production.
Ces variations de la demande ont imposé des ajustements dans les
activités de raffinage et de marketing. L'industrie tout entière
n'a eu d'autre choix que de réduire la surcapacité de raffinage
et de fermer certains postes de vente au détail, tout en continuant
d'investir fortement dans du nouveau matériel de traitement afin de
suivre les tendances du marché et de satisfaire aux exigences en
matière d'environnement. Malgré tous ces efforts, le secteur du
raffinage et du marketing fait toujours face à des taux d'utilisation
des raffineries non satisfaisants.
Entre 1979 et 1986, onze raffineries, soit 17 % de la capacité de
ce secteur, ont dû fermer leurs portes à cause d'une
surcapacité de raffinage au Canada. Au Québec, quatre raffineries
ont subi le même sort pendant cette période. Malgré cette
rationalisation des activités, le taux moyen d'utilisation des
raffineries au Canada est passé de 87 % à 80 %. Au Québec,
ce taux s'est maintenu â environ 81 %.
Ces changements ont eu d'énormes répercussions sur la
rentabilité du secteur d'aval. Selon les données publiées
par l'Agence de surveillance du secteur pétrolier, les entreprises de
raffinage et de marketing ont enregistré un rendement moyen du capital
investi de 3 % seulement, de 1982 à 1986, ce qui est nettement
inférieur aux taux de rendement obtenus dans le secteur de la
fabrication, les services publics réglementés du secteur
énergétique et la plupart des autres secteurs. Malgré une
certaine amélioration en 1986, les rendements demeurent bien en-dessous
des niveaux acceptables. Même si elle s'est relevée d'une
situation déficitaire en 1985, Petro-Canada n'a obtenu qu'un rendement
de 4 % sur ses activités d'aval en 1986. Le rendement enregistré
dans l'Est du pays a été inférieur à la moyenne
nationale de la société et cela, en raison d'un impôt
relatif à l'éducation de 10 000 000 $ perçu au
Québec.
Le consommateur canadien a bénéficié de cette
période de grands changements et ce, grâce à la vive
concurrence livrée sur le marché des produits pétroliers.
Il a eu la possibilité de choisir parmi une vaste gamme de produits et
de services de première qualité.
Malgré ces piètres résultats financiers, de
nombreux consommateurs croient toujours que les prix des produits sont
injustifiés. En fait, c'est la vive concurrence qui force les prix
à la baisse au profit des consommateurs. Des enquêtes
approfondies, comme celles menées par la Commission sur les pratiques
restrictives du commerce du Canada et le groupe de travail sur le prix des
carburants au Québec, ont réfuté les allégations
portant sur la demande de prix excessifs.
Le faible taux de rendement du secteur d'aval démontre clairement
que le consommateur a été avantagé par la concurrence
exercée sur le marché des produits pétroliers.
Les enquêtes précitées ont permis de tirer certaines
conclusions relativement â la réglementation, aux politiques et
aux programmes gouvernementaux ainsi qu'à leurs répercussions
dans l'industrie pétrolière. Le rapport final de la Commission
sur les pratiques restrictives du commerce, publié en juin 1986,
concluait ce qui suits "Les formes variées que revêt l'offre de
produits pétroliers de par le pays, tant chez les indédendants
que chez les entreprises intégrées, attestent la valeur de
laisser chacun libre de répondre aux besoins des consommateurs comme il
l'entend et de chercher toujours à attirer les clients en leur offrant
ce qu'ils veulent."
Par ailleurs, le rapport du groupe de travail sur le prix des carburants
au Québec, publié en avril 1985, concluait ce qui suit: "Le
groupe de travail ne croit pas qu'il soit approprié de mettre sur pied
un organisme de contrôle des prix de l'essence au Québec."
Comme facteurs à l'appui de cette conclusion, le groupe de
travail citait la faible rentabilité de l'industrie et les
difficultés inhérentes à la mise sur pied d'un organisme
de contrôle des prix.
Même si cette commission parlementaire a pour mandat
d'étudier la question de l'établissement du prix de l'essence
dans les régions périphériques ou éloignées
du Québec, Petro-Canada croit qu'il serait bon de revoir la question de
l'établissement des prix en général avant de discuter de
l'établissement des prix dans les régions
périphériques en particulier.
À la suite de la déréglementation du prix du
pétrole brut, qui est entrée en vigueur le 1er juin 1985, et de
la levée des restrictions sur les importations et sur les exportations,
le secteur du raffinage et du marketing au Canada a dû subir les effets
des variations du prix du pétrole brut sur les marchés
internationaux pour la première fois depuis 1973, ainsi que les effets
des importations de produits sur les prix au Canada.
Très peu de temps après, soit au début de
décembre 1985, les réserves excédentaires de
pétrole sur les marchés mondiaux ont provoqué
l'effrondrement du prix mondial du brut. L'industrie pétrolière
et gazière canadienne n'a pas été à l'abri de cette
conjoncture internationale et s'est vue obligée de s'adapter à
l'écroulement du prix du pétrole brut qui s'est produit entre le
mois de décembre 1985 et l'été 1986. Cette chute du prix
mondial du pétrole brut, au début de 1986, avait mis un espoir
chez certains consommateurs qui ont cru â une baisse semblable des prix
de détail de
l'essence et d'autres produits.
Bien que compréhensible, cet espoir n'était pas
réaliste puisqu'il était fondé sur l'hypothèse que
les prix de l'essence sont uniquement en fonction du prix du brut. En fait, les
prix sont déterminés par la concurrence sur le marché. Par
exemple, les premières réductions du prix de l'essence dans l'Est
du Canada, entre février et avril 1986, n'étaient que pure
réaction aux forces du marché. Ces réductions ont
été effectuées bien avant que l'industrie n'ait pu
profiter pleinement de la baisse du prix du pétrole brut, et les grandes
entreprises de raffinage et de marketing n'ont même pas pu rentrer dans
leurs frais.
À court terme, c'est le marché qui détermine les
prix des produits pétroliers. Le coût du pétrole brut n'est
que l'un des nombreux facteurs qui influent sur le prix de vente au
détail; en fait, il ne représente actuellement qu'environ 30 % du
prix de vente à l'îlot. Les frais de raffinage, de marketing et de
distribution, la marge du détaillant et des taxes fédérale
et provinciale sont tous des éléments du prix des produits
raffinés. Les taxes sont particulièrement déterminantes du
prix de vente à l'îlot. Au Québec, par exemple, les taxes
fédérale et provinciale perçues à l'îlot
représentent entre - je ne veux pas commencer une autre guerre ici - 35
% et 45 % du prix de l'essence ordinaire. J'ai entendu M. le ministre dire que,
dans les environs, c'est moins de 35 %.
Avant de comparer les prix d'une région à l'autre, il est
important de savoir que chaque marché présente ses
caractéristiques propres. La Commission sur les pratiques restrictives
du commerce conclut ce qui suit: "Les écarts de prix entre les
régions et entre les périodes sont dus en grande partie à
l'évolution de la situation concurrentielle qui a été
causée, en partie, par le nombre de raffineries, le nombre et les genres
de fournisseurs, le niveau de capacité de raffinage excédentaire
et la disponibilité des importations. Au point de vue provincial, les
différences dans la fiscalité ainsi que les autres interventions
gouvernementales influent aussi sur les prix."
Dans cette perspective, nous voudrions maintenant aborder la question
particulière de l'établissement des prix dans les régions
périphériques.
En décembre 1985, le gouvernement du Québec a
réduit la taxe sur l'essence de 0,045 $ le litre, en moyenne, dans des
régions périphériques désignées. Cette
réduction avait pour but d'aligner les prix dans ces régions sur
les prix demandés dans les grands centres comme Québec et
Montréal. En effet, les prix de l'essence et des autres marchandises
sont généralement plus élevés dans les
régions périphériques que dans les grands centres.
En réponse à cette réduction de la taxe,
Petro-Canada a baissé ses prix. Par la suite, presque toute
l'année 1986 a été marquée par une série de
baisses dictées par la concurrence et par la régression des prix
du pétrole brut. Les prix du brut ont fléchi jusqu'à
l'été 1986 et ont commencé à remonter en
août.
Étant donné le délai de 90 à 105 jours qui
devait s'écouler avant que les coûts du pétrole brut ne se
répercutent sur les prix des produits dans l'Est du Canada, on
s'attendait que les prix commencent à remonter en novembre, ce qui a
été le cas précisément. Ainsi, une analyse de
l'évolution du prix de l'essence au Québec entre les mois de
novembre 1985 et mai 1987 fait ressortir les points suivants: 1) Les forces du
marché et la baisse du prix du pétrole brut ont
entraîné une baisse du prix de l'essence entre les mois de
novembre 1985 et d'octobre 1986. 2) Les forces du marché et
l'augmentation du prix du pétrole brut ont occasionné une hausse
du prix de l'essence entre les mois d'octobre 1986 et de mai 1987. 3) Pendant
les 18 mois s'échelonnant entre novembre 1985 et mai 1987, il y a eu
onze rajustements des taxes fédérale et provinciale
perçues à l'îlot, soit quatre réductions et sept
augmentations, deux provinciales et cinq fédérales. 4) Si l'on ne
tient pas compte des variations de taxes, on constate qu'entre novembre 1985 et
octobre 1986 les prix ont diminué plus à Montréal que dans
les autres régions périphériques, à l'exception de
Gaspé. On s'aperçoit également que d'octobre 1986 à
mai 1987, période où les prix étaient à la hausse,
ces derniers ont augmenté de façon semblable dans toutes les
régions.
En définitive, la question du prix de l'essence dans les
régions périphériques ou éloignées peut se
résumer par une diminution des prix plus rapide à Montréal
que dans les autres régions. Cette conclusion témoigne de la plus
vive concurrence qui s'exerce à Montréal en raison de facteurs
tels que l'importance du marché, le nombre plus élevé de
concurrents et la plus grande facilité d'accès aux importations.
(12 h 15)
Cette analyse démontre le dynamisme du marché des produits
raffinés au Québec, où les prix sont
déterminés par la loi de l'offre et de la demande. Chaque
marché a ses caractéristiques propres. Aussi, on ne peut
s'attendre que deux marchés se comportent de la même façon,
à court ou à moyen terme.
Les consommateurs des régions périphériques ont pu
profiter entièrement de la réduction de la taxe provinciale sur
l'essence, mais la concurrence a voulu que les Montréalais
bénéficient d'une réduction
des prix relativement plus marquée. C'est pourquoi Petro-Canada
croit que la baisse des prix, ordonnée par le gouvernement en juin
dernier, était injustifiée et qu'elle devrait être
révoquée. Étant donné la vigueur du marché,
il ne semble pas approprié de tenter d'éliminer les
disparités entre les régions par le biais du régime
fiscal. Nous croyons que le gouvernement pourrait envisager des mesures
beaucoup plus efficaces afin d'aider les régions
périphériques,, ce que nous toucherons dans notre conclusion.
Nous voudrions maintenant aborder d'autres questions qui concernent les
prix des produits pétroliers.
Le Président (M. Théorêt): Je m'excuse, M.
Beauregard, pour vous rappeler qu'il vous reste à peu près une
minute. Est-ce que vous en avez pour longtemps dans votre nouvel
exposé?
M. Beauregard: J'en aurais encore pour quatre ou cinq minutes, je
crois.
Le Président (M. Théorêt): D'accord.
Consentement? Parfait, allez-y.
M. Beauregard: Nous voudrions maintenant aborder d'autres
questions qui concernent les prix des produits pétroliers. Nous
entendons parfois dire que les prix à Montréal sont de beaucoup
supérieurs à ceux des autres grands centres urbains du pays. Le
tableau, ici, illustre les prix observés dans quatre villes canadiennes,
le 31 juillet 1987.
Après déduction des taxes et de la marge des
détaillants, nous constatons, selon les données, que le prix net
à Montréal se rapproche beaucoup des prix observés dans
les autres grands centres. Après déduction des coûts
d'approvisionnement du pétrole brut, il ne reste plus que 0,11 $
à 0,12 $ le litre pour couvrir tous les frais de raffinage, de
marketing, de transport et de distribution de l'essence et pour obtenir un
rendement sur le capital investi. Depuis ce temps, il n'y a plus de changement
dans le prix net, même si le coût d'approvisionnement en
pétrole brut a augmenté, en moyenne, de 0,01 $ le litre. Alors,
au 3 septembre, il ne restait plus que 0,10 $ à 0,11 $ le litre pour
couvrir tous les frais et obtenir un rendement sur le capital investi.
Je veux passer maintenant à une autre gamme de produits qu'on
produit à la raffinerie. Il n'est pas réaliste de ne tenir compte
que de l'essence. Il faut également tenir compte du marché dans
son ensemble et des produits raffinés. L'essence correspond à
moins de 40 % de la gamme. Vous pouvez voir sur le prochain tableau qu'il y a
seulement 36,4 % de l'essence qui est produit dans notre raffinerie à
Montréal-Est.
Une comparaison des chiffres dans l'ensemble du Canada
révèle que Montréal se compare bien aux autres grands
centres urbains si l'on tient compte d'autres produits comme le carburant
diesel à usage industriel et le mazout domestique. Les prix du carburant
diesel à usage industriel sont très semblables dans l'ensemble du
pays, n'affichant qu'une différence de moins de 0,01 $ le litre. Par
ailleurs, c'est à Montréal que le prix du mazout domestique est
le plus compétitif.
Je vais passer maintenant à d'autres régions et aux prix
des produits pétroliers. Afin de mieux faire comprendre les
éléments des prix de l'essence à l'îlot, nous
donnons une ventilation du prix de l'essence ordinaire à
Montréal. Nous avons indiqué les prix observés au 31
décembre 1983 et au 31 juillet 1987. Les chiffres du 31 décembre
1983 sont tirés du mémoire présenté par
Petro-Canada au groupe de travail sur les prix des carburants au Québec,
en janvier 1985.
C'est un tableau qui montre les prix, en 1985 et 1986, dans d'autres
provinces. Il démontre que les prix au Québec étaient plus
concurrentiels que dans les autres provinces indiquées, en 1985 et
1986.
Voulez-vous passer à l'autre diapositive? Sur cette diapositive,
vous remarquerez qu'en décembre 1983 le prix à la pompe
était de 54,3 $, le 31 juillet à Montréal, c'était
à 54,2 $ et à peu près la même chose.
Les taxes fédérale et provinciale ont augmenté de
0,069 $ le litre. Le prix de l'huile brute a baissé de 0,07 $ le litre
et le profit, pour la raffinerie, est resté à peu près le
même.
En résumé, nous voudrions insister sur le fait que les
variations de prix des produits sont et seront toujours dictées par les
forces du marché. Le prix du pétrole brut n'est qu'un des
nombreux facteurs qui influent sur le prix de vente à l'îlot.
Outre les forces du marché, les frais de raffinage, de marketing et de
distribution, la marge du détaillant et les taxes fédérale
et provinciale sont autant de facteurs déterminants.
Petro-Canada croit que le consommateur québécois, dans les
grands centres comme dans les régions éloignées, a
bénéficié de la concurrence qui s'exerce sur le
marché des produits raffinés. C'est du moins ce dont
témoignent les rendements insatisfaisants enregistrés dans
l'industrie au cours des dernières années.
Petro-Canada considère également que l'industrie
pétrolière canadienne a bien réagi à la
déréglementation et que la politique de libre accès des
importations de pétrole brut et de produits raffinés au Canada a
permis de maintenir une forte concurrence sur le marché canadien du
pétrole brut et des produits raffinés. Les forces du
marché sont les meilleurs agents régulateurs sur les
marchés de l'énergie; si on laisse agir ces
forces librement, les ressources seront allouées efficacement, au
prix le moins élevé possible pour le consommateur.
Petro-Canada recommande respectueusement à cette commission de
rejeter, comme l'a déjà fait le groupe de travail
précédent, le recours à la réglementation pour
contenir les prix sur le marché québécois. Les mesures de
contrôle des prix dans les régions périphériques
devraient être supprimées.
Si le gouvernement croit qu'il est toujours nécessaire d'aider
les régions périphériques de la province, Petro-Canada
voudrait porter à son attention certaines mesures dignes
d'intérêt: 1. Le gouvernement pourrait accorder aux régions
périphériques davantage de subventions ou de financement pour
leurs programmes économiques. Le gouvernement ontarien a adopté
cette mesure pour résoudre le problème des prix plus
élevés dans le Nord de la province. 2. Le gouvernement pourrait
réduire les droits d'immatriculation des véhicules automobiles
dans les régions périphériques. Depuis quelque temps
déjà, le gouvernement ontarien perçoit des droits moindres
dans le Nord de la province. 3. Une autre mesure possible serait d'accorder une
réduction de la taxe aux résidents des régions
périphériques. Toutefois, plutôt que d'instituer un
système administratif lourd nécessitant la présentation de
reçus, la province pourrait tout simplement accorder aux
propriétaires de véhicules automobiles de ces régions une
réduction annuelle établie d'après leur consommation
moyenne d'essence.
Merci de votre attention et si vous avez des questions...
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Beauregard. Je cède la parole au ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Beauregard, je vous
remercie pour votre présentation. À la page 10 de votre
mémoire, vous affirmez que les consommateurs des régions
périphériques ont pu profiter entièrement de la
réduction de la taxe. J'aimerais que vous nous fassiez la
démonstration qui vous permet d'en arriver à une telle
affirmation.
M. Beauregard: Le fait est qu'à Montréal le prix a
baissé plus vite et plus bas que les régions
périphériques, excepté pour la Gaspésie, comme je
l'ai mentionné.
À ce moment-là, ce sont les pétrolières qui
ont mangé leur profit. Les prix sur le marché ont diminué,
alors que les coûts ont augmenté. Depuis les mois de
février et d'avril 1986 jusqu'au mois de juillet en plein
été.
M. Ciaccia: La raison pour laquelle je vous pose cette question,
c'est que les chiffres que nous avons au ministère démontrent
que, quand la taxe a baissé, pendant environ cinq ou six mois
après la baisse de la taxe, les prix dans les régions
périphériques ont reflété cette baisse, mais en mai
et juin ils ont légèrement commencé à augmenter
à nouveau. C'est pour ça que j'essaie de concilier votre
affirmation avec ce que nous avons constaté et avec les constatations
des autres pétrolières qui ne semblent pas être aussi
catégoriques que vous, à savoir que les consommateurs ont
bénéficié de la baisse de la taxe.
M. Beauregard: La taxe a baissé, oui, mais le
marché est resté libre. Il n'y a aucune loi qui disait que les
prix devaient être gelés à un certain niveau. Ce sont les
forces du marché.
M. Ciaccia: En restant libre, le marché a pu
augmenter.
M. Beauregard: Justement, cela s'est fait dans des cas
différents, dans des zones différentes.
M. Ciaccia: Est-ce que vous nous dites que les prix ont
monté dans les régions périphériques et qu'ils ont
baissé à Montréal?
M. Beauregard: Les prix sans taxe? M. Ciaccia: Oui, sans
taxe.
M. Beauregard: Les prix ont baissé plus à
Montréal que dans les régions périphériques; en
conséquence, avec les hausses de prix du brut aussi.
M. Ciaccia: Vous nous avez montré des chiffres. De
novembre 1985 à octobre 1986, les prix du brut ont chuté
d'environ 0,13 $ le litre d'après votre tableau, selon les
données du ministère fédéral de l'Énergie,
des Mines et des Ressources, probablement.
M. Beauregard: Oui, c'est ça.
M. Ciaccia: À Montréal, comme l'indiquent vos
données à la page 10, les prix de l'essence ont effectivement
été rajustés à la baisse de 0,1236 $ le litre.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: Comment expliquez-vous qu'en Abitibi, par exemple,
les baisses de prix durant la même période aient été
inférieures à 0.095 $ le litre? Autrement dit, le prix du brut a
baissé, je présume, partout au Québec. C'est le même
prix du brut?
M. Beauregard: Oui, justement.
M. Ciaccia: Comment expliquez-vous qu'à Montréal il
ait baissé de 0,13 $ alors que le brut chutait et qu'en Abitibi il n'ait
baissé que de 0.093 $?
M. Beauregard: C'est comme je l'ai expliqué, le prix du
brut n'est pas le seul facteur qui fasse le prix du marché. C'est le
marché qui fait le prix à la pompe.
M. Ciaccia: Si vous me dites que c'est le marché qui fait
le prix à la pompe, me dites-vous que la raison pour laquelle vous
n'avez baissé que de 0,093 $ en Abitibi, c'est que le marché
étant un peu captif, vous avez pu demander plus cher?
M. Beauregard: Premièrement, ce n'est pas moi qui l'ai
fait baisser...
M. Ciaccia: Non, non.
M. Beauregard: Le marché a baissé de 0,093 $
à cause des forces du marché, comme, en Gaspésie, il a
baissé de 0,146 $ le litre. C'était la force du marché qui
était plus large que le coût de l'huile brute.
M. Ciaccia: J'essaie de comprendre. Si les prix sont
déterminés par la concurrence, comme vous dites - vous le
soulignez à la page 7 de votre mémoire - un consommateur pourrait
facilement conclure que, lorsque les prix de l'essence sont plus
élevés dans sa région, son patelin, c'est parce que la
concurrence y est plus faible qu'ailleurs? Est-ce vrai?
M. Beauregard: Cela se peut; selon l'échelle où il
a commencé, oui.
M. Ciaccia: Alors, ce même consommateur, si c'est parce
qu'il y a moins de concurrence, pourrait donc, en quelque sorte, conclure que
c'est à cause des faiblesses des marchés régionaux que les
prix sont plus élevés. Oans ce cas, ne croyez-vous pas qu'en ce
sens les inquiétudes que certains regroupements de consommateurs ont
fait entendre et feront entendre devant cette commission sont en bonne partie
fondées? Vous nous dites que ce sont les forces du marché et, si
on s'aperçoit qu'à Montréal cela baisse de 0,13 $, alors
qu'en Abitibi cela baisse de 0,09 $, cela veut dire que la concurrence est
moins forte en Abitibi. (12 h 30)
M. Beauregard: C'est la concurrence, ce sont les autres forces du
marché, les coûts. Oui, il y a des coûts
différents.
M. Ciaccia: D'une certaine façon, vous, les
pétrolières ou les détaillants, vous avez un marché
qui est un peu plus captif dans ces endroits-là et cela vous porte
à réagir en demandant plus cher.
M. Beauregard: N'oubliez pas, novembre 1985, quand l'industrie,
en fait, n'a pas eu de miracle pour ses profita. En 1985, notre
société, par exemple, a perdu de l'argent. Ce n'est pas notre
mandat de rester déficitaires. Évidemment, on essaie d'avoir un
profit dans le marché, là où on peut, là où
la concurrence nous le laisse faire. Comme je l'ai expliqué dans le
mémoires, à Montréal, la concurrence est très
forte, il est très difficile de faire un profit à
Montréal.
M. Ciaccia: Vous parlez des forces du marché. Qui fixe les
prix à la pompe chez Petro-Canada?
M. Beauregard: Personne ne fixe les prix à la pompe.
M. Ciaccia: Même dans les ventes en consignation?
M. Beauregard: II y a un programme d'aide pour les agents, les
locataires qui sont obligés d'acheter leurs produits à un prix
plus bas que le prix affiché. Nous leur garantissons - chez nous, c'est
différent des autres sociétés - une marge de profit de
0,034 $ le litre.
M. Ciaccia: II y a des détaillants... M.
Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: ...qui voient leur essence être placée
en consignation. Est-ce que vous avez cela dans votre...
M. Beauregard: Pas en consignation. Non.
M. Ciaccia: Vous n'avez aucun... M. Beauregard: Non.
M. Ciaccia: Petro-Canada n'a pas de détaillants chez qui
la compagnie envoie le produit en consignation. Vous n'avez aucunement
de...
M. Beauregard: On a un système un peu différent des
autres peut-être. Tout le produit reste nôtre jusqu'à ce
qu'il passe à la pompe, et le détaillant paie quand il passe
à la pompe.
M. Ciaccia: Bien, ce n'est pas en consignation, ça?
M. Beauregard: Non, ce n'est pas en consignation.
M. Ciaccia: Autrement dit, quand vous livrez le produit, est-ce
que le détaillant vous paie quand vous le livrez?
M. Beauregard: Non. Il paie selon les ventes à la
pompe.
M. Ciaccia: Qui, mais ce n'est pas du "consignment",
ça?
M. Beauregard: "Consignment", c'est: il est en charge du produit
dans ses réservoirs.
M. Ciaccia: Qui est en charge du produit dans les
réservoirs?
M. Beauregard: C'est nous, lui paie seulement selon les chiffres
à la pompe.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il est libre, par exemple, de fixer le
prix, de baisser de 0,05 $ le litre à la pompe? Quand vous livrez
à ses réservoirs, vous conservez la propriété de
l'essence...
M. Beauregard: Comme je l'ai dit, cela dépend où
dans la province. Environ 73 % de nos détaillants, de nos locataires,
sont complètement responsables d'établir les prix à la
pompe comme ils le veulent. Il y en a à peu près 25 % à 28
% où c'est nous qui leur apportons une aide et le prix est
arrangé entre eux et nous. Il ne peut pas le vendre plus cher qu'un
certain prix.
M. Ciaccia: Quand vous livrez le produit au détaillant,
à qui appartient le produit?
M. Beauregard: À nous.
M. Ciaccia: Dans quel pourcentage des postes en est-il ainsi?
M. Beauregard: À peu près 75 %.
M. Ciaccia: Alors, pour 75 % de vos détaillants, vous leur
livrez le produit et vous demeurez propriétaires.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: Est-ce que le détaillant qui vend le produit
dont vous êtes propriétaires peut décider de baisser son
prix, de le vendre à n'importe quel prix?
M. Beauregard: Dans 75 % des cas, oui, il le peut.
M. Ciaccia: Autrement dit, vous livrez le produit, cela vous
appartient et il peut décider de le vendre 0,39 $ le litre.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia:Pourquoi ne le fait-il pas?
M. Beauregard: C'est parce que... Il y a entente...
M. Ciaccia: Me dites-vous qu'un .autre peut déterminer le
prix de votre produit?
M. Beauregard: Aussitôt qu'il y a une entente, à
savoir qu'il paie un certain prix quand cela sort de la pompe, s'il veut le
baisser...
M. Ciaccia: Alors, c'est vous qui fixez le prix quand cela sort
de la pompe.
M. Beauregard: On fixe le prix de gros. Comme tous les autres, il
achète au prix de gros, mais il ne paie que quand cela sort de la pompe.
S'il paie, disons 0,50 $ le litre et qu'il décide de le vendre 0,60 $,
0,55 $, 0,51 $ ou 0,45 $ le litre, il peut le faire, mais il est obligé
de nous payer 0,50 $ et il va perdre 0,05 $ le litre s'il le vend moins cher
que le prix de gros. Il ne paie que lorsque cela passe à la pompe.
M. Ciaccia: Vous me dites que vous fixez un certain prix. Ce
n'est pas entièrement le détaillant...
M. Beauregard: Le prix de gros est fixe. Il sait combien il va
payer, quand le produit va sortir de la pompe. Il peut demander n'importe quel
prix au-dessus ou au-dessous de ce prix-là. C'est son choix, mais il est
obligé de nous payer le prix de gros et il le sait à
l'avance.
M. Ciaccia: Quelle marge de profit le détaillant prend-il
normalement?
M. Beauregard: Cela dépend dans quelle région, de
la concurrence, etc.
M. Ciaccia: Prenons les régions...
M. Beauregard: On en a quelques-uns qui font de 0,04 $ à
0,05 $ le litre et d'autres 0,036 $, mais jamais plus bas que 0,034 $ chez
nous.
M. Ciaccia: Est-ce que vous nous dites qu'après le prix de
gros que vous fixez le détaillant peut fixer n'importe quel prix qu'il
veut?
M. Beauregard: Oui. Il connaît le prix de gros. S'il veut
perdre 0,03 $, 0,04 $ ou 0,05 $, il peut le faire.
M. Ciaccia: J'aurais aimé poursuivre sur cela, mais on
commence à manquer de temps. Vous avez mentionné que le taux des
raffineries au Québec est de 81 %.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: Les chiffres donnés par le ministère
canadien de l'Énergie, des Mines et des Ressources sont qu'au
Québec le taux
d'utilisation excède 90 %, c'est-à-dire qu'il est de 93
%.
M. Beauregard: Quand ces chiffres ont-ils été
donnés?
M. Ciaccia: Ce sont les plus récents chiffres de l'EMR
pour les raffineries du Québec. Si ces chiffres sont exacts, cela ne
veut-il pas dire que cela conduit è moins de compétition? Si le
taux d'utilisation est de 93 %, est-ce que cela a comme conséquence de
réduire la compétition?
M. Beauregard: Premièrement, je ne suis pas au courant de
ces chiffres-là,, Les chiffres que j'ai mentionnés viennent de
l'EMR aussi, je crois. Un instant! Je veux seulement vous dire que les
nôtres viennent de Statistique Canada et de l'Association
pétrolière du Canada. Ils concernent l'année 1986.
M. Ciaccia: Nous allons vérifier, parce que les chiffres
qu'on m'a fournis indiquaient 93 %.
M. Beauregard: Je peux vous dire qu'on a une des trois
raffineries au Québec et on n'est pas à 90 %.
M. Ciaccia: À quel pourcentage êtes-vous?
M. Beauregard: On est maintenant à peu près
à 82 % ou 83 % à ce moment-ci. Mais n'oubliez pas qu'avec la
déréglementation qu'on a maintenant depuis 1985 l'utilisation
d'une raffinerie, soit montréalaise, du Québec ou du Canada, n'a
aucun reflet sur le marché. Cela aide pour les coûts
naturellement, mais, dans les importations, des importateurs peuvent acheter
des produits parfois bien moins cher qu'on ne peut en raffiner.
M. Ciaccia: Je voudrais revenir un instant sur les prix.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: Vous envoyez le produit dont vous gardez la
propriété. C'est vendu par le détaillant. Alors, si le
prix à la pompe, par exemple, est de 0,547 $ et si le coût au
détaillant est de 0,511 $, cela veut dire qu'il va au détaillant
une commisison de 0,036 $ le litre, n'est-ce pas?
M. Beauregard: II peut gagner 0,036 $, oui. II paie les 0,511
$.
M. Ciaccia: D'accord. Peut-il baisser son prix et garder sa
commission de 0,036 $?
M. Beauregard: Non.
M. Ciaccia: Et s'il l'augmente, est-ce que sa commission est plus
haute ou s'il garde seulement 0,036 $?
M. Beauregard: Nous allons l'aider -c'est notre décision,
par contre - si on voit que sa marge va être inférieure à
0,034 $. C'est la marge qu'on trouve équitable.
Si le marché baisse de 0,547 $ à 0,543 $, par exemple,
c'est lui qui absorbe la différence, mais si tout le marché
baissait, par exemple, alors, si on décide qu'il a besoin d'une aide,
nous allons la lui donner jusqu'à 0,034 $.
M. Ciaccia: Mais il faut que tout le marché baisse.
M. Beauregard: Bien oui, justement.
M. Ciaccia: II ne peut pas prendre la décision
lui-même de réduire le prix.
M. Beauregard: S'il veut le faire lui-même et garder une
marge de 0,005 $ lui-même, il peut le faire. C'est son choix.
M. Ciaccia: S'il veut vous subventionner, il peut le faire.
M. Beauregard: Pardon?
M. Ciaccia: S'il veut vous subventionner, il peut le faire.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir
encore sur cette question des prix, j'aimerais savoir si j'ai bien compris.
Tout à l'heure, vous avez dit: Nos détaillants d'essence peuvent
fixer le prix. Nous leur donnons un prix de gros et eux peuvent fixer le prix
avec une marge de profit variable, et on n'a pas de contrôle
là-dessus. Cela peut être 0,05 $, 0,02 $, 0,015 $, sauf que vous
trouvez équitable et vous donnez comme ligne de conduite 0,036 $ ou
0,034 $, quelque chose comme cela. Mais, effectivement, vous n'avez pas de
contrôle là-dessus.
M. Beauregard: Je veux m'expliquer. J'ai dit que 75 % de nos
détaillants sont dans des régions où Us n'ont pas besoin
d'appui. Comme cela, ils paient un prix de gros et c'est eux qui fixent le prix
au détail. Cela peut varier de 0,03 $ à 0,06 $, comme on veut.
Mais il y a 25 % de nos détaillants qui sont dans des marchés
où les prix sont très faibles et ils ne peuvent pas assumer le
prix de gros. C'est nous qui décidons qui a besoin d'aide et nous le
faisons jusqu'à 0,034 $ le litre.
M. Gauthier: Combien de détaillants avez-vous au
Québec?
M. Beauregard: 750. M. Gauthier: Combien? M.
Beauregard: 750.
M. Gauthier: 750 points de vente. Comment pouvez-vous nous
affirmer très clairement que les consommateurs des régions
périphériques ont profité entièrement de la
réduction de la taxe provinciale avec 750 distributeurs qui fixent
eux-mêmes leur prix et qui peuvent décider demain matin
d'augmenter leur marge de profit de 0,05 $ plutôt que de la laisser
à 0,035 $? Comment pouvez-vous être aussi catégorique dans
votre affirmation? (12 h 45)
M. Beauregard: C'est parce que c'est un libre marché.
Parlez-vous de la taxe de 0,045 $ le litre qui a été
abaissée?
M. Gauthier: Oui.
M. Beauregard: Nous avions changé les prix de gros pour
ceux qui n'avaient pas besoin d'aide et les prix ont baissé.
Après cela, c'est le marché qui en a décidé, tous
les prix sont différents dans toutes les régions
périphériques.
M. Gauthier: En d'autres termes, vous n'en excluez pas la
possibilité. Ce que vous nous dites, c'est que la société
Petro-Canada a appliqué, au moment où la taxe a diminué,
sur son prix de gros - pour les 75 %, on s'entend - cette baisse de
façon générale.
M. Beauregard: Certainement.
M. Gauthier: Vous ne pouvez pas, cependant, nous assurer que vos
détaillants n'ont pas décidé, eux, au lieu de baisser de
0,045 $, de majorer leur marge de profit à ce moment.
M. Beauregard: Non. Ce n'est pas nous qui fixons le prix au
détail.
M. Gauthier: D'accord. Donc, la garantie que vous nous donnez,
que les consommateurs des régions périphériques ont
profité entièrement de la réduction de la taxe
provinciale, n'est pas tout à fait exacte. Elle est nuancée. En
ce qui concerne l'effort que Petro-Canada devait faire en ce qui a trait
à son prix de gros, ce serait vrai, c'est-à-dire l'affirmation
que Petro-Canada a baissé du prix de la taxe son prix de gros, c'est
vrai cela.
M. Beauregard: C'est vrai cela.
M. Gauthier: Mais pour le consommateur vous n'êtes pas
sûr du tout. Si je comprends bien, cela a pu varier
énormément. Moi, je peux être distributeur...
M. Beauregard: Cela dépendait des autres coûts, des
autres forces du marché.
M. Gauthier: D'accord. Alors, cela nuance passablement, quand
même,, la réponse.
M. Beauregard: D'accord.
M. Gauthier: J'aimerais savoir ce que représentent les
ventes d'essence dans les régions périphériques en
pourcentage - si vous l'avez très sommairement, je comprendrai - par
rapport à vos ventes d'essence dans l'ensemble du Québec, dans
les régions non touchées.
M. Beauregard: On a à peu près 17 % de nos postes
dans des régions périphériques et les ventes sont
d'environ 10 % à 12 %.
M. Gauthier: D'accord. Maintenant, il y a peut-être un
autre chiffre que vous êtes possiblement en mesure de me donner. Dans
toute l'activité de la compagnie Petro-Canada, la production et la vente
d'essence par rapport aux autres produits, cela représente quel
pourcentage?
M. Beauregard: L'essence dans notre raffinerie, c'est 36 %.
M. Gauthier: 36 %.
M. Beauregard: C'est donc semblable.
M. Gauthier: D'accord. Si je comprends bien, le problème
de l'essence dans les régions périphériques, pour vous,
c'est 10 % de 36 %, à peu près, des activités totales.
M. Beauregard: Les 36 %, c'est pour toute l'essence. On vend de
l'essence à d'autres clients: des clients industriels, des
détaillants, mais si vous parlez des...
M. Gauthier: Ce que j'aimerais avoir... Je m'excuse, je me suis
peut-être mal expliqué. L'essence...
M. Beauregard: Oui.
M. Gauthier: ...comme activité économique pour
Petro-Canada, par rapport à d'autres produits de raffinage, qu'est-ce
que cela représente? Est-ce que l'essence, c'est la moitié de vos
activités de raffinage et de vente ou est-ce 10 % ou 80 %?
M. Beauregard: C'est environ, comme je l'ai montré...
M. Gauthier: 36 %?
M. Beauregard: ...de 36 à 40 %.
M. Gauthier: Ah! D'accord. Donc, sur la quantité de vos
activités, celle à laquelle on s'intéresse aujourd'hui en
particulier, la vente de l'essence dans les régions
périphériques, vous me dites que c'est environ 10 % ou 12 % de
votre volume, les régions périphériques; selon ce que vous
m'avez dit, d'accord?
M. Beauregard: Des ventes au détail.
M. Gauthier: Oui. 10 % à 12 % de vos ventes d'essence qui,
elles, représentent environ le tiers de vos activités, soit 36 %.
C'est donc dire que le problème de l'essence dans les régions
périphériques, si je fais un calcul qui a de l'allure,
représenterait environ... En réalité, vous discutez ici,
aujourd'hui, d'environ 3 % à 3,5 % de vos activités.
M. Beauregard: Environ, oui.
M. Gauthier: Environ, donc, c'est très marginal pour
Petro-Canada. On ne peut quand même pas, quand on parle d'un
problème de rentabilité des équipements... Vous avez
parlé d'un rendement de 4 % sur le capital investi.
M. Beauregard: Au Canada, pas au Québec!
M. Gauthier: D'accord. Au Québec, vous n'avez pas 4 % de
rendement?
M. Beauregard: Non, c'est pour cela qu'on cherche chaque
cenne.
M. Gauthier: D'accord. Vous venez de me donner la réponse,
avant que je ne pose la question que j'allais vous poser. J'allais vous
demander comment il se fait que vous soyez tellement préoccupés
par cette très petite portion de vos activités.
M. Beauregard: Si on avait un rendement de 10 % à 15 % et
peut-être plus comme Hydro-Québec, ce serait une autre affaire,
mais ce n'est pas la même chose.
M. Gauthier: Elle n'est pas encore rendue là et on essaie
de la retenir même si le ministre veut l'amener là, parce que
c'est payant pour lui. C'est une façon de taxer les citoyens sans mettre
de taxe, par un droit sur l'électricité. Mais on n'ira pas
là-dessus, M. le Président. Je sais que vous avez bien d'autre
chose à nous dire que cela.
J'aimerais savoir, M. le Président -voua en avez parlé
tantôt, mais j'aimerais que ce soit confirmé - si Petro-Canada
fournit des chaînes d'indépendants.
M. Beauregard: Oui.
M. Gauthier: C'est exact. Pouvez-vous nous indiquer si le prix
auquel vous vendez à ces indépendants a subi la même cure
d'amaigrissement que le prix aux détaillants, c'est-à-dire si le
lendemain où la taxe a été baissée vous avez
diminué également la taxe de 4,5 % aux indépendants?
M. Beauregard: Ils achètent de nous, à
Québec. Ils achètent sans taxe.
M. Gauthier: D'accord.
M. Beauregard: C'est eux qui...
M. Gauthier: ...assument...
M. Beauregard: ...oui, la responsabilité.
M. Gauthier: D'accord. Ce que vous me dites là, M. le
Président - et cela va renseigner tout le monde, j'en suis sûr -
est-ce même pour les petits indépendants de deux ou trois
stations-service?
M. Beauregard: Non. Pour eux, ils achètent... S'ils
achètent à notre raffinerie, habituellement, c'est sans taxe.
D'accord? En excluant la taxe.
M. Gauthier: À ce moment-là, c'est à
eux...
M. Beauregard: C'est à eux le... Oui.
M. Gauthier: Avez-vous des indépendants qui
achètent de vous, qui font venir le camion de Petro-Canada, qui font
mettre du liquide dans les réservoirs et qui vous paient selon le
même principe que vos franchisés? Y en a-t-il de ceux-là?
Par exemple, un indépendant qui possède un garage à
Sept-Îles et qui dit de temps en temps à Petro-Canada de venir
remplir ses réservoirs à essence, cela existe-t-il?
M. Beauregard: Je ne pense pas. M. Gauthier: Ce serait
marginal?
M. Beauregard: Nous sommes ici pour faire affaire avec tous les
clients. Si, par exemple, il y a un client qui a un, deux ou trois postes, ou
comme il veut, on peut faire un arrangement avec lui. Naturellement, il y aura
une négociation pour les prix. Mais je ne crois pas qu'on ait des petits
comme cela. Ils font surtout des affaires avec les gros indépendants, je
crois.
M. Gauthier: Est-ce que, durant la période du
décret - cela fait deux mois et demi maintenant qu'il est en application
-vous avez fait des ajustements de vos prix, de votre prix de gros?
M. Beauregard: Oui, certainement.
M. Gauthier: Vous avez fait des ajustements qui étaient en
fonction non pas de la taxe, j'imagine, mais d'autres
éléments.
M. Beauregard: Ce sont surtout les coûts de l'huile brute
qui sont montés depuis ce temps.
M. Gauthier: Oui. J'imagine que vos partenaires, les gens qui
sont dans les stations-service, ont dû avoir comme un choc, parce qu'ils
étaient limités dans les régions
périphériques à un prix - disons 0,49 $ ou 0,52 $ -
à un plafond, qui ne pouvait pas être dépassé. Vous,
par-dessous, vous ajustiez le prix du produit en fonction d'autres
éléments qui n'ont rien à voir avec la taxe. Vous avez
dû avoir quelques situations pénibles dans ce contexte,
j'imagine.
M. Gauthier: Comme je l'ai expliqué avant, nos
détaillants - peut-être que ce n'est pas pareil pour toutes les
autres compagnies - étaient protégés avec une base de
0,034 $, même si le prix était plus bas que nos coûts.
M. Gauthier: Ce que je ne comprends pas, c'est ceci. Vous me
dites: Durant la période du décret on a fait varier notre prix de
gros. On le comprend et on ne discute pas cela. D'autre part, vous savez que
vos détaillants étaient pris avec un prix maximal. Vous avez
augmenté le prix de fournitures et lui n'a pas pu augmenter son prix.
Vous me dites: Ils ont toujours 0,034 $.
M. Beauregard: On avait toujours gardé la marge de 0,034 $
pour ceux qui avaient besoin de baisser à ce niveau-là. Quand la
date est arrivée pour le gel de prix, il y avait, par exemple, des
détaillants qui gagnaient peut-être 0,05 $ ou 0,06 $ le litre.
Eux, ils ont assumé la différence.
M. Gauthier: Ce sont eux qui ont assumé ta
différence.
M. Beauregard: Ce sont eux. Mais pour ceux qui étaient
à 0,036 $, par exemple, il y a eu un recul du prix qui les a fait
baisser à 0,01 $ ou peut-être complètement. Nous, nous
sommes entrés et nous avons garanti 0,034 $ le litre.
M. Gauthier: Vous faites des suggestions intéressantes
concernant le transfert d'argent aux contribuables des régions. Il y a
des choses qu'il va falloir regarder deux fois, je pense, entre autres, la
question du permis de conduire qui pourrait être moins cher ou encore la
création d'un fonds de développement régional, à
même cet argent, qui pourrait stimuler l'économie des
régions, tenant compte du fait que l'essence plus chère cause
évidemment un préjudice à la région. Je dois vous
dire que c'est assez intéressant comme suggestion.
Ce matin, d'autres intervenants sont venus réclamer une forme de
surveillance, pas aussi rigide peut-être qu'une régie
déterminant le prix, mais quelque chose de plus souple qui pourrait
tenir en respect, en quelque sorte, ceux qui auraient la mauvaise intention de
jouer un peu trop à la hausse sur les prix. Est-ce qu'une forme de
surveillance de cette manière, une commission parlementaire, par
exemple, un peu comme ce qu'on fait présentement, mais,
évidemment, sans la menace du décret sur la tête, vous
semblerait une forme de contrôle acceptable pour vous? Est-ce que cela
vous causerait tant de problèmes que cela?
M. Beauregard: Pas du tout. Je crois que, si tout le monde avait
tous les faits, les vrais faits... Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas les
bons chiffres ou qui ont de mauvaises informations. Nous sommes
complètement d'accord pour avoir une association. Mais j'espère
que les coûts ne seront pas trop forts. Il ne faudrait pas créer
un autre coût pour l'industrie. Je suis favorable à une
association ou à ce que le gouvernement puisse avoir un bureau où
les faits seraient exposés. Même s'il y avait des plaintes, nous
sommes toujours... On veut savoir exactement ce qui se passe, ce qui ne va pas
dans le marché ou avec nos détaillants. Je suis
entièrement pour cela, il n'y a aucun problème.
M. Gauthier: Une minute. Pour l'instant, M. le Président,
cela suffit. Mon collègue, tout à l'heure...
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. Mme la députée de Matane.
Mme Hovington: Merci, M. le Président. Étant
donné que j'ai seulement une minute pour poser ma question, je vais y
aller directement, sans préambule. À Matane, quand la compagnie
Petro-Canada a-t-elle décidé de partager les coûts,
c'est-à-dire de rajuster les prix après le décret du 16
juin?
M. Beauregard: Quand...
Mme Hovington: Quand avez-vous accepté, avec vos
détaillants de Matane, de rajuster les prix?
M. Beauregard: Immédiatement.
Mme Hovington: Immédiatement après le
décret?
M. Beauregard: Oui.
Mme Hovington: Parce que j'ai eu des représentations de la
part des détaillants de Petro-Canada à mon bureau de Matane,
dès le mois de juillet, disant que les pétrolières, dont
Petro-Canada, refusaient de partager la baisse des coûts à la
pompe.
M. Beauregard: Je ne suis pas au courant de ce qui se passait
à Matane. S'il y avait une marge de profit de 0,06 $ le litre, ce
n'était pas à nous de protéger cette...
Mme Hovington: Votre marge de profit de 0,036 $ ou de...
M. Beauregard: De 0,034 $.
Mme Hovington: ...0,034 $, est-ce qu'elle est établie pour
Montréal au même titre que les régions
périphériques?
M. Beauregard: Partout dans l'Est du Canada.
Mme Hovington: Vous ne tenez pas compte de l'éloignement
ou du peu de volume auquel les régions périphériques ont
à faire face dans ces 0,034 $.
M. Beauregard: 0,034 $, c'est notre base.
Mme Hovington: Et à quel pourcentage... Donc, si c'est
seulement 0,034 $, est-ce que vous rajustez vos prix à 50 % de votre
prix affiché, à ce moment-là, ou si c'est 30 % ou 40 %? Si
vous êtes obligés de rajuster votre prix de liste pour votre
détaillant, à quel pourcentage vous... (13 heures)
M. Beauregard: À 0,034 $, on paie 100 % de
l'ajustement.
Mme Hovington: Vous payez 100 %. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: M. le Président, j'aurais seulement une
question. Vous avez dit quelque chose qui m'a fait sursauter. Tout à
l'heure, lorsque le ministre vous a demandé de commenter le tableau de
la page 10 concernant les variations de prix par rapport aux régions -
d'ailleurs, je remarque que l'Abitibi-Témiscamingue est très
choyée, puisque quatre échantillons viennent
d'Abitibi-Témiscamingue, c'est presque 50 % - vous avez dit qu'il
était très difficile pour une compagnie comme la vôtre de
faire des bénéfices dans les grands centres comme
Montréal, à cause d'une très vive concurrence, mais vous
vous êtes empressé d'ajouter que vous étiez quand
même des compagnies qui étaient là pour faire des
bénéfices et que votre raison d'être était de faire
de l'argent, finalement. À la suite de cela et voyant la variation dans
les diminutions de coût de vente à l'îlot, selon le tableau
10, j'en suis presque réduit à me demander si ce ne sont pas les
régions périphériques qui subventionnent les grands
centres, à toutes fins utiles, en vous permettant de faire des profits
que vous ne pouvez réaliser dans les grands centres.
M. Beauregard: En novembre 1985, les prix ne sont pas tous partis
du même taux. Tous les prix étaient différents dans ce
temps-là. À part cela, dans les zones
périphériques, ce ne sont pas les coûts qui font les prix;
c'est une partie du "mix" qui fait les prix. C'est plus cher là-bas
à cause du transport, etc. À Montréal, c'est difficile
parce que les coûts d'immobilisation, par exemple, sont plus
élevés. Chaque région est différente.
M. Claveau: Alors, vous allez m'expliquer - M. le
Président, si vous me permettez une autre petite question comment il se
fait que c'est à Gaspé qu'on a enregistré, en 1985, la
plus forte baisse, supérieure de 0,023 $ le litre à celle de
Montréal.
M. Beauregard: C'est le marché qui a fait cela.
M. Claveau: Mais on est loin des grands centres, à
Gaspé.
M. Beauregard: Ce sont tous des dynamismes différents dans
chaque région. Je suppose que, dans ce cas, il y avait une concurrence
plus active ou des investissements de la part d'indépendants, je ne le
sais pas exactement, mais il y a eu une baisse plus grande qu'à
Montréal et, ailleurs, moins. Ce sont tous des cas
différents.
M. Claveau: Je vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Ungava. M. le ministre.
M. Ciaccia: Comment expliquez-vous alors, M. Beauregard, que,
quand il est question de baisse, il y a différents montants dans les
régions, mais, sur ce même tableau, quand il est question
d'augmentation, c'est pareil pour toutes les régions?
M. Beauregard: Non, ils ne sont pas
fous pareils.
M. Ciaccia: Votre tableau démontre... M. Beauregard:
Non, c'est entre...
M. Ciaccia: On va le lire ensemble, votre tableau.
M. Beauregard: ...0,037 $ et 0,049 $.
M. Ciaccia: Un instant! Vous avez des différences de 0,09
$, de 0,12 $, de 0,14 $.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: Mais, pour les augmentations, c'est 0,04 $, 0,045 $,
0,042 $, 0,049 $. Je ne vois pas une grosse différence.
M. Beauregard: 0,037 $.
M. Ciaccia: Je ne vois pas la même différence dans
les augmentations...
M. Beauregard: Vous avez sauté 0,037 $. C'est de 0,037 $
à 0,049 $.
M. Ciaccia: Oui. Un tiers de cent. De 0,037 $ à 0,04 $,
c'est un tiers de cent.
M. Beauregard: Bien, c'est le pourcentage. On regarde...
M. Ciaccia: Tandis que, dans les autres, c'est 0,03 $ et 0,04 $
le litre.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: II y a une grosse différence, là.
M. Beauregard: Oui, en pourcentage. Mais c'est le marché
qui fait le changement.
M. Ciaccia: Alors, le marché augmente...
M. Beauregard: Bien, oui.
M. Ciaccia: Quand il s'agit d'augmenter, le marché dit:
Tous ensemble, mais quand cela baisse...
M. Beauregard: Non. Ce n'est pas tous ensemble, M. le
ministre.
M. Ciaccia: Non?
M. Beauregard: Ce n'est tous ensemble.
M. Ciaccia: Une autre petite question. Vous avez mentionné
que vous avez aidé les détaillants en fixant leur profit à
0,034 $. Ceux qui demandaient 0,06 $ ont absorbé la
différence.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: Et ceux qui obtenaient moins, vous les avez
gardés à 0,034 $.
M. Beauregard: Oui.
M. Ciaccia: Alors, c'est une aide que vous apportez aux
détaillants. Avez-vous accordé la même aide aux
indépendants?
M. Beauregard: Aux indépendants? M. Ciaccia:
Oui.
M. Beauregard: Des indépendants qui achètent en
gros?
M. Ciaccia: Oui. M. Beauregard: Non.
M. Ciaccia: Simplement une autre question finale. Puisque...
M. Beauregard: Vous savez très bien, peut-être,
qu'ils font des marges assez importantes.
M. Ciaccia: Non. Je voulais seulement avoir l'explication parce
qu'on va entendre les indépendants. Puisqu'on on nous dit toujours que
Petro-Canada, c'est la compagnie des Canadiens, que cela nous appartient
à tous, ne croyez-vous pas qu'il y aurait une certaine obligation ou
leadership que Petro-Canada devrait démontrer pour prendre le "lead" et
pour donner l'exemple aux autres pétrolières, afin que, lorsque
les taxes baissent, Petro-Canada s'assure que cette baisse sera
reflétée dans le prix? Est-ce que vous croyez qu'il y a un
certain leadership que Petro-Canada, parce que c'est la compagnie des
Canadiens, devrait démontrer dans des situations semblables?
M. Beauregard: Chaque fois que la taxe a baissé, nous
avons baissé nos prix à minuit de cette
journée-là.
M. Ciaccia: Alors vous dites, si tel est le cas, que les
augmentations sont dues strictement aux détaillants et aux
indépendants.
M. Beauregard: Pardon?
M. Ciaccia: Les augmentations des prix ont été la
cause strictement des détaillants et des indépendants, non pas la
cause de Petro-Canada.
M. Beauregard: Dans des zones périphériques?
M. Ciaccia: Oui.
M. Beauregard: Bien, oui.
M. Ciaccia: D'accord.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Si vous me
permettez, avant de céder la parole pour la conclusion à
l'Opposition et au ministre, deux très courtes questions, M. le
vice-président. À la page 16 de votre mémoire, vous nous
donnez des comparaisons de marge de profits et de coûts; j'aurais
aimé, d'une part, que ce soit pour l'essence sans plomb, puisque
l'essence ordinaire représente à peine le tiers des ventes
totales.
Ma première question est la suivante. Est-ce que, sur les
produits sans plomb, la marge de profit pour la raffinerie et pour les
détaillants est la même que celle démontrée ici, que
les 0,036 $, dans le cas des détaillants?
Je vais vous poser tout de suite ma deuxième question. Vous avez
répété, à plusieurs reprises dans votre
intervention, que vous ne contrôliez pas les prix de détail
à la pompe, mais que c'était les détaillants qui avaient
le libre choix du prix de vente. Est-ce que vous pouvez m'affirmer aujourd'hui,
concrètement, que la station Petro-Canada, sur le boulevard Laurier,
dans Québec, par exemple, qui est entourée des stations Esso et
Texaco, pourrait vendre le litre d'essence 0,03 $ meilleur marché ou
0,03 $ plus cher?
M. Beauregard: Je crois qu'à Québec, c'est le cas,
oui.
Le Président (M. Théorêt): Vous
n'interviendriez pas pour dire: Pas de guerre de prix?
M. Beauregard: Bien, si la station décide de baisser les
prix de 0,03 $ et si tout le marché est à la baisse,
premièrement, si elle ne change pas ses prix, c'est impossible, personne
ne doit garder ses prix, je suppose, mais si c'était elle seule qui les
baissait, c'est elle qui mangerait la marge. Si elle veut les monter, elle va
prendre la marge d'extra, puis va la mettre dans ses poches.
N'oubliez pas que, dans nos affaires, souvent, on se fait demander:
Pourquoi Petro-Canada ne vend pas sa gazoline 0,01 $ moins cher que les autres
postes? C'est impossible? Nous, au Canada, on a une part du marché de 20
%, personne ne va nous laisser baisser nos prix de 0,01 $, autrement, notre
part de marché pourrait monter trop rapidement.
Le Président (M. Théorêt): Alors, ce que vous
nous dites aujourd'hui c'est que, lorsque l'essence augmente de 0,01 $ le
litre, toutes les pétrolières le font en même temps, mais
c'est strictement l'effet du hasard à chaque fois et non pas une
concertation.
M. Beauregard: C'est différent dans chaque marché.
C'est pour cela que presque toutes les pétrolières augmentent ou
baissent leurs prix en même temps.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Je
cède maintenant la parole au député de Roberval, critique
de l'Opposition, pour la conclusion.
M. Gauthier: Je retiens que vous n'êtes pas absolument
opposés à une forme de concertation souple qui permettrait de
discuter, à l'occasion, des questions de prix dans le domaine des
produits.»
M. Beauregard: On ne peut pas discuter des prix, autrement, on va
aller en prison tous ensemble. Mais on est toujours prêts à donner
les faits, qu'est-ce qui se passe; comme on l'a fait dans notre mémoire.
On les a presque tous les mois. On peut changer les chiffres.
M. Gauthier: Je retiens également une chose. L'imposition
du décret gouvernemental a été probablement quelque chose
de très dur pour la plupart des détaillants d'essence, les petits
détaillants, parce que les 0,034 $ que vous garantissez leur assurent,
dans les endroits où le volume le justifie, une marge de profit
intéressante. Mais, dans les différents mémoires qu'on
aura l'occasion d'étudier au cours de cette commission, il est
indiqué que, dans les régions périphériques, compte
tenu du faible volume, la marge de 0,034 $ n'est pas suffisante et que la
nécessité de prendre un profit plus élevé grandit
avec la baisse du volume. C'est inversement proportionnel.
Je comprends que le décret gouvernemental, dans les
régions périphériques, où le volume, par
définition, est moins élevé qu'en ville, aura fait en
sorte que les détaillants des régions périphériques
auront dû se contenter de la marge de 0,034 $ standard qui, normalement,
permet une rentabilité en ville mais qui, dans les régions
périphériques, n'assure pas nécessairement cette
rentabilité. Le décret a réduit à peu près
tous les petits détaillants, dans le fond, à une marge de profit
qui n'est pas jugée suffisante pour une rentabilité
intéressante dans les régions périphériques.
C'est ce que je comprends du témoignage que vous avez fait. C'est
éclairant pour la commission parlementaire, ce que vous nous avez
donné, et soyez assuré que je tiendrai compte de vos propos, et
de vos commentaires quand on aura à faire des suggestions au ministre.
Parce que,
écoutez, ce ne sont malheureusement que des suggestions. Il ne
nous écoute pas toujours. S'il nous avait écoutés,
d'ailleurs, on n'aurait pas le problème qu'on a actuellement. Mais
qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? On fait quand même notre travail
d'Opposition. On essaie de représenter les consommateurs, on essaie de
représenter aussi les gens du marché pétrolier et on
essaie de représenter les petits indépendants qui se sont fait
étouffer par le décret du ministre. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Ciaccia: Je veux remercier les représentants de
Petro-Canada pour leur mémoire. Vous avez apporté certains
éclaircissements qui vont nous être utiles, spécialement,
lorsque nous entendrons les prochains mémoires des autres
sociétés, les chiffres que vous nous avez donnés. Je
remarque cependant que dans les mesures que vous préconisez, par
exemple, l'aide au développement économique dans les
régions, vou3 donnez l'exemple de l'Ontario, ce qui présuppose un
rétablissement de la taxe car, en Ontario, ils ont donné cette
aide aux régions mais ils n'ont pas baissé les taxes. Alors, les
mesures que vous préconisez présupposent que la surtaxe doit
être réimposée et c'est quelque chose auquel nous devons
réfléchir.
Vous dites que vous n'avez pas augmenté les prix, que ce sont les
détaillants qui les ont augmentés - ce serait intéressant,
on n'a pas le temps de le voir - que, sûrement, les détaillants
dans les régions périphériques, même avant le
décret, obtenaient plus dans les faits que 0,034 $ le litre car,
autrement, avec les faibles volumes, cela aurait été difficile
pour eux de faire un profit raisonnable. Ce que je retiens, c'est que
Petro-Canada a choisi de ne pas partager la baisse parce que, dans certaines
régions, c'est vrai que les détaillants faisaient 0,07 $ au 0,08
$ le litre après l'augmentation, mais, à la suite de la baisse de
la taxe, ils faisaient peut-être 0,06 $ et vous avez toléré
cela. Peut-être qu'ils faisaient 0,058 $. Cela aurait été
plus équitable de votre part, spécialement, puisque vous
êtes Petro-Canada, une compagnie de tous les Canadiens, d'avoir
partagé cette marge un peu plus équitable-ment. Si, avant le
décret, le détaillant faisait 0,06 $ le litre et, après le
décret, il baissait à 0,034 $, cette différence, qui
représentait la baisse de la taxe au consommateur, je crois que cela
aurait été plus équitable de l'avoir partagée entre
les détaillants et les pétrolières.
Dans plusieurs cas, c'est ce qui est arrivé. On va voir les
compagnies qui viendront devant nous, cet après-midi et demain, qui,
après que je fus intervenu quand Ies détaillants m'ont fait part
de cette situation, ont partagé la baisse. Dans certains cas, elles ont
assumé 100 % de la baisse. Dans la moyenne, une compagnie, qui n'est pas
une compagnie canadienne, a assumé 50 %. Elles l'ont partagée
équitable-ment avec les détaillants et je déplore
sincèrement ie fait que vous ayez choisi, vous, en tant que
Petro-Canada, de ne pas partager cette baisse mais d'imposer vos normes de
0,034 $ et de dire aux détaillants et aux indépendants:
Arrangez-vous.
C'est malheureux. C'est tout cela que nous devons prendre en
considération dans les mesures que le gouvernement sera prêt
à envisager pour la période qui suivra l'expiration des
décrets.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Au nom des membres de la commission, messieurs, nous vous remercions
de votre présence ici. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour. Les
travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance 13 h 15)
(Reprise à 15 h 9)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux de
consultation générale en ce qui concerne les prix et la
réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ le litre.
J'inviterais maintenant les représentants du Conseil
régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue
à s'avancer.
Messieurs, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la
bienvenue. Si j'ai bien compris, vous êtes trois groupes. Donc, vous
aurez, dans la présentation de votre mémoire, trois
différentes interventions...
Une voix: Justement.
Le Président (M. Théorêt): ...dont une de dix
minutes et deux de cinq minutes.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie.
Vous savez que les 40 minutes seront réparties entre les deux formations
politiques.
Dans un premier temps, veuillez bien, M. Jolin, qui êtes le
président, présenter ceux qui vous accompagnent.
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue
M. Jolin (Marcel): M. le Président, membres de la
commissions, je tiens à vous présenter ceux qui m'accompagnent.
À ma gauche, M. Patrick Déoux, urbaniste-conseil, a
travaillé à l'élaboration du mémoire que nous vous
présentons aujourd'hui,. Également, à ma droite, M. Denis
Bureau, commissaire industriel de la Communauté de développement
économique de Matagami-Joutel, aura à vous parler des
particularités importantes pour le secteur nordique de la région,
c'est-à-dire à partir de Matagami via la Baie-James. Nous sommes
également accompagnés de deux représentants du Conseil
régional de concertation et de développement du
Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Chapais-Chibougamau. II s'agit de M. Arthur
Gobeil, président de l'organisme, ainsi que de M. Serge Chiasson,
directeur général du même organisme. Après notre
intervention, ils vous parleront également des problèmes dans
leur région.
En premier lieu, je désire vous remercier d'avoir si aimablement
accepté de nous rencontrer aujourd'hui. Originellement, nous devions
être accompagnés des représentants des CRD de la
Côte-Nord et de l'Est du Québec, mais la préparation de
leurs sommets socio-économiques respectifs les empêche
d'être parmi nous aujourd'hui. Je tiens cependant à vous signaler
qu'ils partagent la philosophie de notre mémoire présenté
aujourd'hui même.
Le prix de l'essence et les régions. Le 16 juin dernier, le
gouvernement du Québec adoptait un décret visant à fixer
les prix de l'essence dans les régions de la Côte-Nord, de l'Est
du Québec, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de
l'Abitibi-Témiscamingue. Ce décret était la réponse
gouvernementale à ia non-application par les compagnies
pétrolières de la baisse de 0,045 $ le litre pour ces mêmes
régions annoncée par le ministre des Finances, M. Gérard
D. Levesque, lors de son énoncé budgétaire de
décembre 1985.
Les règles du jeu établies en décembre 1985
semblent avoir été bouleversées. Avant l'application de la
réduction fiscale annoncée, le prix de l'essence en
Abitibi-Témiscamingue, par exemple, était de 0,03 $
supérieur au prix de l'essence à Montréal, soit 0,624
$...
Le Président (M. Théorêt): M. le
président, je m'excuse de vous interrompre mais il semble que des
membres n'aient pas copie de l'allocution que vous êtes en train de
présenter.
Une voix: Page 5 dans le mémoire.
Le Président (M. Théorêt): Dans le
mémoire 1M. C'est bien cela?
M. Jolin: Oui.
Le Président (M. Théorêt): Ah bon! Vous avez
commencé à la page 5.
M. Jolin: C'est-à-dire que je résume.
Le Président (M. Théorêt): D'accord, je vous
remercie. On essayait de vous suivre. Continuez!
M. Jolin: ...contre 0,596 $ pour l'ordinaire sans plomb.
Dès le début de 1986, le prix de l'essence à la pompe en
Abitibi-Témiscamingue et à Montréal était
très semblable, reflétant ainsi la prescription gouvernementale
établie.
Curieusement, le prix en Abitibi n'est pas de 0,015 $ de moins
qu'à Montréal. En mai 1987, soit toujours sous le nouveau
régime fiscal, l'écart entre le prix de l'essence en
Abitibi-Témiscamingue et à Montréal s'élevait
à 0,022 $ le litre, soit 0,582 $ dans notre région par rapport
à 0,56 $ dans la région de Montréal. Dans ia
réalité, la différence de prix est de 0,067 $ le litre,
soit 0,022 $ le litre et 0,045 $ le litre provenant de l'avantage fiscal.
De nos jours, il est inconcevable de penser que les compagnies
afficheraient ouvertement un prix de l'essence plus élevé de
0,067 $ le litre en région. L'avantage fiscal destiné à
l'origine aux consommateurs deviendrait dès lors une forme de subvention
aux compagnies pétrolières dans les régions
périphériques.
Quoi qu'il en soit, notre organisme a pour mission de favoriser le
développement socio-économique des régions et n'est donc
pas équipé pour disséquer et analyser les
stratégies corporatives des pétrolières. Il est, par
ailleurs, bien connu que les marges de profits et pertes sont souvent des
exercices comptables tout à fait dissociés de la
réalité et défiant l'interprétation du public.
Durant le très court laps de temps pour préparer ce
mémoire nous n'avons pu obtenir du ministère de l'Énergie
et des Ressources les données suffisantes pour discuter ce sujet.
La problématique des régions-ressources: L'approche de
notre organisme est pragmatique et s'appuie sur l'expérience du
quotidien. Elle repose sur des valeurs socio-économiques
traditionnellement mal comprises par les intervenants du Sud du Québec.
Ainsi, pour les habitants des régions tributaires de leurs ressources
naturelles, la problématique du prix de l'essence s'inscrit dans un
contexte beaucoup plus large que celui de la simple réduction de la taxe
provinciale sur le prix de l'essence.
Pour bien saisir ce contexte, un bref énoncé de la
problématique régionale de nos régions se
révèle important. Le peuplement des régions-ressources,
dont notre région, l'Abitibi-Témiscamingue, a été
conditionné
par l'éloignement des grandes zones urbanisées de la
vallée du Saint-Laurent, le caractère plus ou moins hostile du
milieu d'accueil et la distribution des richesses naturelles.
Conséquemment, la région-ressource est caractérisée
par de petites villes monoindustrielles ou peu industrialisées,
éparpillées au hasard des ressources minières et
forestières, et dont le sort est étroitement lié à
celui du gisement ou de la forêt auxquels elles doivent leur existence.
Certaines villes de taille plus importante bénéficient d'une
diversification plus grande de leur activité économique, mais
n'en sont pas moins tributaires des richesses naturelles qui les entourent,
Étant donné la localisation excentrique des
régions-ressources par rapport aux grands marchés nationaux et
internationaux, les matières premières qu'on y
prélève sont sauvent transformées ailleurs. D'autre part,
ces régions doivent s'approvisionner à l'extérieur. En un
mot, comme elles exportent leurs richesses naturelles à l'état
brut, ou presque, et importent pour satisfaire leurs besoins, ces
régions doivent se contenter d'une gamme réduite de secteurs,
tels le tourisme, le transport et la construction, pour ainsi assurer leur
croissance économique.
Ces quelques considérations décrivant le contexte dans
lequel évolue notre région font ressortir deux points importants.
En premier lieu, les grandes décisions socio-politiques sont prises dans
le Québec de base pour le Québec de base et, de ce fait,
négligent trop souvent le reste de la province en pensée et en
acte. Pourtant, contrairement à la perception populaire, les
activités véritablement génératrices d'emplois
à l'échelle provinciale sont souvent situées à
l'extérieur des grands centres urbains de Montréal et de
Québec qui, à toutes fins utiles, alimentent leur activité
économique à partir, entre autres, de l'exploitation des
richesses naturelles qui se fait à l'intérieur des terres, soit
dans les régions.
Pour illustrer ce commentaire, citons les quelque 900 emplois à
l'usine d'affinage de Noranda, qui procure environ 5000 emplois induits
à Pointe-aux-Trembles ainsi que les centaines d'emplois reliés
à l'exploitation du zinc dans tout le Québec qui aboutissent
à l'usine de Valleyfield, ou encore tous les emplois rattachés
aux industries du sciage et des pâtes et papiers de
l'Abitibi-Témiscamingue et des autres régions du Québec.
La notion de la métropole n'est-elle pas un mythe de ce point de vue?
Que deviendraient tous ces emplois induits dans ces activités
d'extraction minière ou d'exploitation forestière si elles
n'étaient pas là pour leur donner naissance? La vie
économique de la province prend son origine, en grande partie, dans les
régions éloignées où les matières
premières sont déjà exploitées.
En second lieu, nous aimerions signaler le fait que malgré que,
ces régions-ressources procurent des emplois et des commodités
pour les gens du Sud de la province, la population de ces mêmes
régions-ressources doit payer un prix plus élevé pour ses
services et ses biens de consommation. À titre d'exemple, les services
de santé coûtent cher aux citoyens de ces mêmes
régions. Lorsqu'un citoyen doit consulter un médecin
spécialiste, que ce soit à Montréal ou à
Québec, il doit défrayer lui-même les frais de transport et
d'hébergement, à moins d'être bénéficiaire de
l'aide sociale ou de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. On pourrait ajouter également les
frais d'études, lorsque nous envoyons nos enfants parfaire leurs
connaissances dans les grands centres.
Les biens de consommation coûtent plus cher dans ces
régions, notamment les biens essentiels. Il en coûte
également plus cher pour s'informer. Les journaux comme Le Devoir, La
Presse, Le Journal de Montréal coûtent 0,05 $ de plus en
Abitibi-Témiscamingue qu'à Montréal et à
Québec et, de plus, nous les recevons six heures plus tard que chez
vous.
Sur le plan industriel, les entreprises de la région se doivent
de concurrencer celles du Sud de la province afin de pouvoir se maintenir et
prospérer comme toute organisation normale, et j'ajouterais
également nos plus grands compétiteurs, la province voisine de la
nôtre, l'Ontario.
Les entreprises de l'Abitibi-Témiscamingue doivent cependant
tenir compte des coûts de production qui sont généralement
plus élevés que dans le Québec de base. Le coût de
la vie plus élevé nécessite des salaires plus importants.
Les intrants pour la fabrication des produits sont également plus chers
dans notre région qu'à Montréal ou à Québec.
Le prix de l'essence devient donc une problématique importante pour les
entreprises de la région et nous souhaitons que ce prix ne vienne pas
alourdir davantage les coûts de production déjà plus
élevés qu'au Sud du Québec; même, comme je vous le
disais tout à l'heure, vers l'Ontario.
Une politique énergétique régionale. L'une des
pierres angulaires du développement des régions passe par
l'établissement d'une politique énergétique
régionale bien adaptée à la problématique distincte
que nous venons de développer. Un point fondamental à
l'intérieur de cette politique sera de rendre plus équitable le
poids du coût de l'énergie en garantissant aux habitants de notre
région des prix abordables et justifiés de l'essence à la
pompe, de l'huile à chauffage et de la consommation de
l'électricité.
Nos arguments prennent racine dans le
quotidien. À l'échelle régionale,
l'éloignement des établissements humains des grands centres du
Sud du Québec et leur isolement relatif les uns des autres expliquent
l'utilisation intensive des véhicules automobiles. Dans de telles
conditions géographiques, les échanges commerciaux et
professionnels peuvent rarement prendre place sans avoir à parcourir des
distances importantes. D'ailleurs, hier, cela nous a pris quatre heures en
avion pour se rendre de Val-d'Or à ici et le député
Gendron était avec nous.
En l'absence presque totale d'un système de transport public
intrarégional, l'équilibre économique des ménages
de ces régions est très sensible au prix de l'essence. Bref, aux
coûts déjà importants d'achat de carburant dans des
conditions normales d'utilisation s'ajoutent, en région, des coûts
accrus d'entretien de véhicules et de dépréciation plus
rapide et cela, à cause des grandes distances et d'une utilisation
nécessairement plus fréquente.
Le prix de l'essence n'est qu'un élément de la
problématique énergétique des régions-ressources.
Nous sommes aussi de grands consommateurs d'électricité. Comme
beaucoup d'autres Québécois, nous avons converti nos maisons au
chauffage électrique à l'époque où cette formule ou
cette forme d'énergie était avantageuse par rapport à
l'huile. Dans une région comme la nôtre, les hivers sont longs et
rudes et toutes les possibilités d'économie sont bienvenues;
j'ajouterais que les hivers sont plus longs de six semaines qu'à
Québec ou à Montréal.
Le Président (M. Théorêt): Excusez-moi de
vous interrompre, monsieur, mais voulez-vous passer immédiatement
à vos recommandations, parce que votre temps est déjà
écoulé.
M. Jolin: C'est très bien. Parmi les recommandations que
nous vous soumettons dans le mémoire, nous aimerions insister davantage
sur l'importance d'une politique énergétique régionale.
Nous croyons que le gouvernement du Québec devrait présenter
à la population une telle politique. Cette politique
énergétique devrait s'adapter aux besoins des régions. Il
est important de se préoccuper de l'avenir énergétique des
régions et nous pensons qu'une politique énergétique
serait le moyen le plus efficace.
Nous désirons encourager le gouvernement du Québec
à avoir un souci permanent pour les régions du Québec.
Dans le mémoire, nous demandons le maintien de la réduction de
0,045 $ le litre et nous demandons également le maintien de
l'écart actuel. Les consommateurs des régions et les organismes
de développement régional appuient le gouvernement du
Québec et nous sommes prêts à vous soutenir dans ce
débat.
En ce qui concerne la suggestion d'une régie de contrôle du
prix de l'essence, nous laissons au gouvernement le choix du meilleur
mécanisme. Nous n'avons pas eu le temps de vérifier
l'expérience de la Nouvelle-Écosse. Nous croyons, cependant,
qu'un mécanisme doit être instauré, tenant compte des
particularités du Québec et, plus spécifiquement, des
régions nordiques. Merci.
Le Président (M Théorêt): Merci, M, le
président. Maintenant, est-ce le tour de M. Arthur Gobeii d'intervenir
ou...
M. Jolin: Je crois que ce serait M. Bureau pour la région
nordique et, par la suite, les représentants du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
Chapais et Chibougamau.
Le Président (M. Théorêt): Je m'excuse. On
avait dit trois représentants.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Théorêt): Et c'est le
deuxième, M. Bureau?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Théorêt): M. Bureau, on vous
écoute, vous avez cinq minutes.
M. Bureau (Denis): D'accord. Permettez-moi, en guise de
préambule, de vous dire que nous voulons présenter la situation
particulière de certaines villes nordiques de
l'Abitibi-Témiscamingue qui vivent une expérience
étroitement interreliée avec celle de la Baie-James. Donc,
j'entreprends sans plus tarder.
La région de Matagami-Joutel, située au nord du 49e
parallèle, constitue la porte d'entrée abitibienne du vaste
territoire de la Baie-James. De par sa situation géographique, mais
aussi de par son réseau de transport routier, Matagami-Joutel constitue
indéniablement le carrefour stratégique de distribution et de
communication entre le Québec et le Nouveau-Québec.
Au lendemain d'un développement longtemps dépendant des
mégaprojets, on fera place, à notre avis, à un
développement nordique plus diversifié qui prendra
dorénavant sa source, nous le crayons, dans les PME
québécoises créatrices et conscientes que, pour exploiter
le potentiel de ce vaste territoire, il faut s'en rapprocher. Car pour ces PME,
désireuses de relever le défi du Nord, les coûts de
transport demeurent un paramètre majeur à considérer dans
leurs décisions d'investissements.
Dans ce contexte, la communauté de développement
économique que nous représentons appuie la volonté des
autres
régions nordiques à voir s'instaurer une politique
énergétique régionale, consciente qu'elle ne saurait
toutefois être dissociée d'une politique de distribution nordique
globale.
En effet, face à une problématique de distribution
pétrolière caractérisée par une tendance à
la monopolisation, le présent rapport démontre comment une
politique de distribution nordique globale serait susceptible d'instaurer un
climat de libre concurrence.
Sans plus tarder, je vous présente la situation actuelle dans
notre territoire. Certaines compagnies pétrolières
possédant un plan de distribution au nord du 49e parallèle ont
soit diminué, soit interrompu leurs activités pour une
durée indéterminée. Pendant ce temps, à la suite
d'un processus d'appel d'offres, Petro-Canada s'est associée avec la
Société de développement autochtone de la Baie James pour
tenter de s'approprier une bonne part du marché. À cette
fin, SODAB utilise '-les dépôts et entrepôts de la
Société de développement de la Baie James, tel que convenu
dans un contrat signé avec cette société pour une
durée de cinq ans et, à ce contrat, il reste deux ans à
écouler.
La Société de développement de la Baie James a
manifesté auprès des intervenants sa volonté
d'élaborer avec ceux-ci une stratégie pour instaurer à
moyen terme une situation de plus libre concurrence sur le marché. Il y
a une problématique qu'il faut saisir, à savoir que la tendance
actuelle à la monopolisation cause une situation inflationniste dans le
Nord qui risque bien de s'étendre vers certaines villes du Sud du
territoire de la Baie-James, évidemment.
Cette tendance risque de se consolider à moyen terme, à
moins que d'autres compagnies pétrolières ne parviennent à
pénétrer ce marché. Ces difficultés de
pénétration du marché sont reliées aux contraintes
émanant d'une problématique globale de distribution nordique non
exclusive au pétrole.
Pour raccourcir, je vous dirais que cette spécificité
impose de toute évidence un rapprochement vers le Nord et un
regroupement d'entreprises pétrolières, et même
commerciales ou industrielles, en vue d'intégrer leurs besoins de
distribution. Ceci m'amène à une proposition concrète qui
se veut simplement à l'état de suggestion.
La stratégie que nous aimerions vous suggérer vise
à s'inscrire dans le cadre d'une politique énergétique
régionale. Elle pourrait se traduire par un programme d'incitatifs
supervisé par un ministère approprié afin de motiver des
sociétés comme Cri-Énergie à se
décentraliser vers le Nord.
Ces incitatifs se présenteraient sous diverses formes, tels des
avantages fiscaux de court terme ou un programme d'aide pour le
développement d'infrastructures de distribution nordique. De tels
programmes de développement devraient aussi s'élargir à
l'ensemble de la problématique de distribution nordique et ne pas se
restreindre qu'à la seule distribution pétrolière.
De la sorte, il n'est pas illusoire de penser que des
pétrolières pourraient s'associer à d'autres intervenants,
telles la Société d'énergie de la Baie James,
Hydro-Québec ou des entreprises locales, afin de développer des
infrastructures intégrées de distribution nordique. Les
intervenants admissibles au programme seraient évidemment
Cri-Énergie et les prétrolières, mais aussi toutes les
entreprises désireuses de se regrouper pour pénétrer le
marché nordique. Les lignes qui suivent vous présentent quelques
modalités. Pour conclure, j'aimerais vous dire que nous percevons
certains avantages. Une avenue de distribution intégrée sera
susceptible de développer concrètement le concept de centre de
distribution nordique et, asssurément, permettrait de diminuer les
coûts de distribution non seulement du pétrole, mais aussi d'un
ensemble d'autres produits.
Donc, en conclusion générale et finale, nous disons que
tous les intervenants intéressés par le développement
nordique, que ce soit le gouvernement, les pétrolières,
l'industrie du transport ou même les entreprises commerciales et
industrielles et les consommateurs, y gagneront de voir se définir une
politique de distribution nordique intégrée à une
politique énergétique régionale.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Bureau.
Le prochain intervenant est M. Gobeil?
M. Gobeil (Arthur): Oui, c'est bien cela.
Le Président (M. Théorêt): Nous vous
écoutons, M. Gobeil.
M. Gobeil (Arthur): M. le Président, M. le ministre,
madame et messieurs les députés, nous tenons en premier lieu
à remercier les membres de cette commission pour l'occasion qu'ils
offrent aux représentants du Conseil régional de concertation et
de développement du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Chibougamau-Chapais de
venir exprimer leur point de vue sur une question aussi vitale pour les
économies régionales que celle de la problématique de
l'accessibilité aux produits pétroliers à des coûts
raisonnables et équitables.
Nous ne pouvons passer sous silence le geste assurément positif
qu'a posé le gouvernement du Québec en imposant par
décrets le coût à la pompe pour l'essence et ceci, en
faveur des consommateurs des régions périphériques du
Québec. Cette mesure
populaire, nous la replaçons dans le contexte d'un signe tangible
du gouvernement du Québec qui cherche ainsi à favoriser le
développement régional en rétablissant un certain rapport
de forces entre les régions périphériques grandes
productrices d'énergie électrique et les régions à
forte consommation que représentent les grands centres de
Montréal et de Québec.
Vous nous permettrez de ne pas ajouter davantage
d'éléments à toute la notion du partage de la richesse
collective entre régions productrices et régions consommatrices.
Les dernières années ont donné lieu à beaucoup de
discussions et d'Interventions sur cette question hautement stratégique.
Notre région, comme beaucoup d'autres au Québec, a eu tout le
loisir de s'exprimer à maintes reprises sur cet aspect
problématique. Aussi profiterons-nous de notre présence devant
cette commission pour restreindre notre intervention à la seule question
de l'heure qui monopolise notre attention, soit les avantages consentis aux
régions concernées par les récents décrets
gouvernementaux sur le contrôle des coûts de l'essence à la
pompe. (15 h 30)
Nous avons exprimé, il y a quelques instants, notre satisfaction
en regard des objectifs que sous-tendent ces décrets et nous voulons
assurer le gouvernement de notre soutien le plus complet dans la voie que
celui-ci semble décidé à poursuivre. Cependant, nous
voulons bien faire sentir aux membres de cette commission notre
inquiétude légitime face au caractère temporaire qui
accompagne souvent les actions édictées par décret. Nous
tenons - et je crois qu'en m'exprimant ainsi je traduis assez bien les attentes
de nos confrères des autres régions - à ce que cette
mesure gouvernementale soit maintenue en permanence et adoptée par le
gouvernement du Québec comme principe directif devant le guider dans
l'élaboration d'une stratégie provinciale en matière
d'énergie.
Dans le mémoire collectif qui vient de vous être
présenté par le représentant du Conseil régional de
développement de l'Abitibi-Témiscamingue, nous
énumérons avec force détails tout l'impact que peuvent
représenter les produits pétroliers sur les économies
régionales. Cela est vrai aussi bien au Saguenay-Lac-Saint-Jean et de
Chi-bougamau-Chapais que dans le reste du Québec
périphérique. Aussi, nous n'entendons pas reprendre cette
argumentation que nous endossons d'emblée.
Par contre, nous voulons suggérer à la commission
d'étudier une orientation qui mérite, croyons-nous, d'être
prise en considération, car elle a l'avantage d'associer l'objectif
gouvernemental de soutien à l'économie des régions par le
biais de mesures incitatives et coercitives directes dans le domaine
énergétique, entre autres, aux volontés régionales
d'autodéveloppement.
Il est bien entendu que l'on ne peut nier l'impact positif de ces
mesures qui permettent aux consommateurs de nos régions de profiter
d'une réduction immédiate sur leurs achats d'essence. Par contre,
nous devons reconnaître qu'elles ont un impact peu prononcé sur le
développement régional. Ce n'est pas l'épargne
hebdomadaire de quelques dollars, de surcroît répartis parmi les
milliers d'utilisateurs quotidiens, qui suffit à favoriser une
activité économique soutenue en région.
Ce que nous proposons, c'est un véritable instrument de
développement régional qui, s'il était
apprécié à ce titre par le gouvernement du Québec,
deviendrait un puissant levier économique au service des populations
régionales et entre les mains de ces mêmes populations. Ainsi, ne
serait-il pas souhaitable de remplacer cette répartition universelle des
économies réalisées par un autre mode de perception et de
distribution. Ce que nous voulons exprimer devant cette commission, c'est que
le gouvernement du Québec, plutôt que de s'assurer que les
consommateurs bénéficient directement des. réductions
à la pompe, ne pourrait-il pas lui-même prélever
auprès des distributeurs régionaux de produits pétroliers
les avantages consentis par les décrets actuels et constituer un fonds
collectif en recueillant toutes les sommes qui, autrement, sont versées
directement aux consommateurs.
Ce fonds collectif, alimenté par l'ensemble des utilisateurs
régionaux de produits pétroliers, atteindrait rapidement une
ampleur importante quant aux entrées d'argent qu'il pourrait
enregistrer. Chacune des régions touchées par les décrets
contribuerait ainsi, selon son volume respectif de consommation, à
l'accroissement continu des réserves de ce fonds. Quant à la
répartition de l'avoir de ce fonds, il devrait en premier lieu
être accessible aux seules régions qui y ont contribué sur
une base collective et être partagé entre celles-ci selon le
même barème, soit selon leur contribution déterminée
en fonction des volumes de consommation propres à chacune des
régions concernées.
Ce fonds collectif de soutien au développement d'infrastructures
régionales deviendrait un instrument beaucoup plus performant que la
simple redevance aux particuliers. Fonds mis à la disposition des
régions contributrices à qui il reviendrait d'en
déterminer l'affectation en fonction des spécificités de
leurs axes prioritaires de développement.
De prime abord, cette mesure, qui priverait dans l'immédiat le
consommateur d'une réduction directe sur ses achats d'essence, peut
sembler peu populaire. Cependant, nous sommes convaincus que ce
même consommateur régional y trouverait davantage de
bénéfices à long terme, puisque l'ensemble de
l'économie de sa région s'en trouverait favorisé.
L'utilisateur quotidien de produits pétroliers deviendrait ainsi un
partenaire, pour ne pas dire un actionnaire du développement
régional.
Bien sûr, ce n'est pas dans le cadre de cette commission que nous
analyserons toute la teneur et l'ampleur de cette proposition. Ce que nous
attendons de cette commission, par contre, c'est qu'elle la retienne tout en
ayant l'assurance de notre entière disponibilité à aller
plus avant dans cette question.
Nous terminons, M. le Président, en vous rappelant simplement que
nous tenons à tout prix à ce que la mesure incluse dans le cadre
des décrets ministériels soit non seulement maintenue dans le
temps sur une base permanente, mais aussi que cette mesure ait le meilleur
impact possible sur l'économie des régions
périphériques du Québec. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean et de
Chibougamau-Chapais, à l'instar des autres régions du
Québec, est très sensible à l'intérêt que
porte le gouvernement aux questions énergétiques et ne demande
pas mieux que de travailler conjointement à l'élaboration d'un
mécanisme permanent le contrôle des prix des produits
pétroliers qui pourrait devenir le signe annonciateur d'une
véritable politique régionale de l'énergie du
Québec. Merci. Arthur Gobeil, président.
Le Président (M. Tnéorêt): Merci, M. Gobeil.
M. le ministre.
M. Ciaccia: Je veux remercier le Conseil régional de
développement économique de l'Abitibi-Témiscamingue pour
son mémoire et pour l'excellent travail d'animation et de
représentation des intérêts de sa région, notamment
au cours du sommet économique d'Amos le printemps dernier.
Vous avez soulevé plusieurs éléments. Dans la
situation actuelle, vous parlez d'une politique régionale
énergétique qui pourrait favoriser les régions
périphériques. Je dois vous signaler que l'abolition de la
surtaxe et le décret concernant les prix en région sont deux
gestes que le gouvernement a posés pour alléger le prix de
l'essence qui est plus élevé dans les régions
périphériques. Cela fait partie de la mise en application de nos
politiques énergétiques régionales dans ce sens parce que
cela visait les régions. Quand on s'est aperçu que nos mesures
n'avaient pas les effets qu'on avait escomptés, on a agi par l'entremise
des décrets.
Vous soulevez, M. Jolin, la question du prix de l'essence en Abitibi.
Selon les chiffres que j'ai et que vous pourrez vérifier, l'écart
entre le prix en Abitibi et le prix à Montréal, avant
décembre 1985, était de 0,03 $ le litre. Autrement dit, en
Abitibi, c'était 0,03 $ le litre de plus qu'à Montréal. En
janvier 1985, après l'abolition de la surtaxe par le ministre des
Finances, le prix a baissé; il y avait seulement 0,015 $ de moins le
litre et c'était en faveur de l'Abitibi. Autrement dit, c'était
0,015 $ le litre plus bas en Abitibi qu'à Montréal. À ce
moment-là, les prix ont commencé à augmenter et, en juin
1987, avec le décret que nous avons annoncé, la différence
entre le prix à Montréal et celui en Abitibi est de 0,017 $ le
litre. Il y a eu une baisse. Le décret a baissé, a réduit
le prix en Abitibi de 0,039 $ le litre.
On est habitué de parler en chiffres, en cents le litre, mais si
on traduit cela en prix du gallon, cela donne un tout autre portrait parce que
le décret a baissé le prix de l'essence en Abitibi de 0,177 $ le
gallon. On voit les écarts qui sont encore plus énormes et les
bénéfices pour les régions sont encore plus importants. La
différence entre le prix actuel à Montréal et celui en
Abitibi, en faveur de l'Abitibi, c'est moins 0,027 $ le litre,
c'est-à-dire 0,012 $ plus bas que l'effet de l'abolition de la taxe.
Comme vous le dites dans votre mémoire, je crois que c'est une
justification du décret au moment où il a été
adopté par le gouvernement pour que les régions puissent
bénéficier de la baisse de la taxe qui avait été
consentie par le ministre des Finances.
Dans votre mémoire, M. Jolin, vous parlez, en page 11,
d'évaluer des mécanismes visant à mieux protéger
les détaillants d'essence contre les pétrolières. Est-ce
que vous pouvez préciser cette suggestion? Comment pourrait-on
établir ces mécanismes?
M. Jolin: M. le ministre, on a fait une consultation parmi nos
détaillants d'essence dans la région. On leur a demandé
s'il leur restait plus de bénéfices à la suite de
l'augmentation et 95 % des détaillants d'essence nous ont dit que les
bénéfices n'étaient pas majorés et qu'ils avaient
même peut-être subi une perte de bénéfices. Lorsqu'on
augmente le prix du pétrole en Abitibi, on nous certifie - les
détaillants -que le bénéfice...
M. Ciaccia: ...va aux pétrolières.
M. Jolin: Cela va aux pétrolières, et même
aux détaillants de gros aussi dans notre région.
M. Ciaccia: Les grossistes aussi? Ce sont eux qui en
bénéficient plutôt que les détaillants.
M. Jolin: Oui. Je vais vous dire une chose. La Chambre de
commerce de Senneterre a fait un travail immense dans ce domaine, en plus du
CRDAT et également
d'une autre chambre de commerce de la région, et noua en sommes
venus à la conclusion que le bénéfice pour les
détaillants n'augmentait pas lorsque le prix de l'essence augmentait
à la pompe.
M. Ciaccia: Autrement dit, leur marge de profit n'augmentait pas
s'il y avait des fluctuations. A la hausse, c'était la
pétrolière ou le grossiste qui les obtenait.
M. Jolin: Oui.
M. Ciaccia: Dans votre mémoire, vous parlez... Avant qu'on
eut décrété la baisse, il y a eu une augmentation, mais
d'après vous, qui a pris l'augmentation? Les détaillants ou les
compagnies? D'après votre affirmation, l'information que vous avez,
c'est que ce sont les compagnies et non pas les détaillants?
M. Jolin: Oui, d'après les informations que l'on a. Et je
pourrais justifier cela. À titre de commissaire industriel, la
municipalité de mon secteur m'avait demandé qu'il y ait des
postes de détaillants qui restent ouverts la nuit. Alors, j'ai
consulté tous mes détaillants dans la même
municipalité et eux ont fait une lettre, l'ensemble des
détaillants, pour demander à la municipalité de ne pas
exiger d'eux d'ouvrir de minuit à sept heures le matin pour satisfaire
aux touristes, parce qu'ils disaient que pour ouvrir sept heures de plus au
salaire minimum, en plus des coûts d'électricité, il aurait
fallu que le même détaillant vende environ, si je me rappelle
bien, 1500 litres par nuit. Ils écrivaient aussi que le
bénéfice de cela était de 0,031 $ le litre, ce qui faisait
45 $, et que cela leur coûtait 48 $.
M. Ciaccia: Dans votre mémoire, vous parlez de hausse
inexpliquée du prix de l'essence en région. J'ai l'impression que
vous et les consommateurs en général manquez d'information pour
comprendre les nombreuses fluctuations des prix de l'essence. Croyez-vous que
c'est une situation qui pourrait être améliorée?
M. Jolin: Bien, je crois que oui. Il y aurait peut-être
lieu de le faire avec... Je ne sais pas quel genre de mécanisme il
faudrait établir, mais on a beaucoup de difficultés à
avoir de l'information sur cela. Et je laisserais peut-être la parole
à M. Patrick Déoux qui est notre consultant. Il a
déjà fait une thèse sur le domaine des...
M. Déoux (Patrick): En fait, ce n'est pas vraiment une
thèse qu'il y a derrière cela. Le CRD, dans sa vocation de voir
au développement régional, n'est pas entré dans le
détail des chiffres et des mécanismes exacts qui pourraient
permettre les avantages. C'est un peu pour cela que le mémoire
développe une approche assez globale. C'est un peu un plaidoyer pour une
politique énergétique globale à l'intérieur de
laquelle sont venus se greffer deux éléments ponctuels beaucoup
plus précis, celui de la Baie James et du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Nos confrères de Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais ont
donné une solution à cette question en suggérant que cet
argent soit rendu immédiatement à la région. En tant
qu'urbaniste, je crois que c'est une très bonne idée, excellente
pour ce qui est du développement régional et qu'elle pourrait
certainement s'appliquer. Il semble que ce soit déjà bien
perçu dans leur région.
Maintenant, je pense qu'il y aurait d'autres mécanismes, d'autres
solutions, d'autres approches. En Ontario, il y a des crédits
d'impôt qui existent; chaque année, il y a une centaine de dollars
qui sont remis à certaines régions, à certaines villes.
Nous n'avons pas eu l'occasion, dans le temps qui était disponible,
d'étudier le cas de la Nouvelle-Écosse. Mais on croît qu'il
y a une possibilité de voir à cela, de contrôler un peu et
de vérifier que les avantages puissent être appliqués et
conservés.
M. Ciaccia: Je vais revenir tantôt à la question du
fonds de développement régional. Je voudrais juste poser une
dernière question à M. Jolin.
Vous parliez d'une régie, mais vous semblez être un peu
flexible sur les moyens. Est-ce que vous pourriez donner un peu les
possibilités d'une telle régie? Quelle serait son rôle?
Quels seraient ses pouvoirs? Comment fonctionnerait-elle?
M. Jolin: On n'a pas vraiment eu la chance d'en discuter, M. le
ministre. Il est sûr et certain que lorsqu'on voit... Il y a d'autres
régies en place, soit pour les produits d'agriculture ou autres. C'est
sûr que c'est un chien de garde et le consommateur est beaucoup plus
protégé. Maintenant, quels sont les coûts d'une telle
régie, les modes d'application? Nous n'avons pas vraiment eu l'occasion
de nous pencher là-dessus. (15 h 45)
Une recommandation que j'oserais faire pour une région comme la
nôtre, c'est qu'il faudrait que le gouvernement du Québec autant
que possible se rapproche, avec ses coûts du carburant, de la
région voisine qui est la nôtre, l'Ontario. Seulement dans ma
région, il doit y avoir environ 250 camions qui transportent du bois,
surtout du bois de sciage. Je ne parle pas de bois brut. Mais parmi ces
camions, vous n'en voyez aucun faire le plein dans la province de
Québec. Ces camions ont des réservoirs d'environ 200 à 250
gallons et font tous le plein en
Ontario. Pourquoi? Parce que cela coûte 0,06 $, 0,07 $ ou 0,08 $
de moins. Ils ne vont pas loin de Chibougamau, s'en reviennent en Ontario pour
livrer le bois de sciage et passent par les États-Unis pour aller vers
la Floride et ils font tous le plein en Ontario. Alors, imaginez-vous les
pertes monétaires que le gouvernement du Québec subit et
également la perte d'emplois. Alors, le prix du pétrole en
Ontario est plus bas que le nôtre et tous ces camions font le plein de
carburant dans cette province. Et également, la plupart de ces
camionneurs sont des résidents du Québec.
M. Ciaccia: Merci, M. Joiin. M. Gobeil, vous aviez
prôné la possibilité d'un fonds de développement
régional. Est-ce que cela présuppose le rétablissement de
la surtaxe et que les montants de cette surtaxe pourraient être
utilisés pour le fonds auquel vous vous référez?
M. Jolin: Cela présuppose que, comme les régions
favorisées le sont directement, le consommateur est favorisé.
Alors, au lieu de favoriser un consommateur en particulier ou individuellement,
on crée un fonds pour le même montant.
M. Ciaccia: On a baissé la taxe, on l'a réduite de
0,045 $ le litre. Pour créer le fonds auquel vous faites
référence, est-ce que cela veut dire que le gouvernement doit
réimposer cette surtaxe?
M. Jolin: En fait, en prenant les crédits, on
l'enlève à l'individu pour créer un fonds.
M. Ciaccia: La raison pour laquelle je vous demande cela, c'est
parce qu'en Ontario on utilise cette formule dans certains endroits, mais on
n'a pas baissé la taxe. On a maintenu la taxe dans les régions
éloignées et, plutôt que de baisser la taxe, on a
utilisé certains montants et on a utilisé d'autres formules pour
remettre au consommateur. La question que je me posais était: Ceux qui
préconisent la création d'un fonds de développement
régional, est-ce qu'ils préconisent aussi qu'on réimpose
la surtaxe?
M. Jolin: Non.
M. Ciaccia: J'ai un dernier commentaire à formuler
à M. Bureau. La situation que vous portez à notre attention est
tout à fait particulière en termes de la distance
géographique et des populations peu nombreuses affectées mais
qui, quand même, ont droit à une certaine protection et à
certains services. Dans cette commission, je ne pense pas qu'on puisse aller au
fond du problème que vous soulevez. La suggestion que je pourrais vous
faire, c'est de rencontrer les gens de mon ministère, mon sous-ministre
associé, lequel se fera un plaisir de vous rencontrer. Il s'agit de M.
Jean-Claude Villiard. Si vous pouviez entrer en contact avec lui et voir
quelles mesures -vous faites des recommandations assez intéressantes -
pourraient être prises, certainement qu'il y aurait quelque chose
à faire à ce sujet. Si nous pouvions discuter avec vous d'une
façon plus détaillée des différentes mesures que
vous préconisez et voir ce qui pourrait être fait exactement...
D'accord.
M. le Président, pour le moment...
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le critique officiel.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
saluer et remercier les gens des régions périphériques
lesquels, manifestant leur dynamisme habituel, ont su être
présents au rendez-vous et nous faire des suggestions fort constructives
et intéressantes.
D'abord, je voudrais vous dire que mes collègues d'Abitibi-Ouest
et d'Ungava auront des questions particulières, tout à l'heure,
pour les régions qu'ils représentent à l'Assemblée
nationale. La question qui me préoccupe et que je voudrais poser est
plus d'ordre général. Quiconque a le goût d'y aller d'une
réponse, elle peut être posée à n'importe qui
d'entre vous.
On a parlé de fixation de prix. En région, on semble
favoriser largement l'établissement d'une espèce de régie,
d'un mécanisme de surveillance du prix de l'essence. Or, ce matin, on a
appris, du moins dans le cas des détaillants de Petro-Canada - je pense
bien que c'est la même chose pour les autres - que le coût des
décrets gouvernementaux était assumé par des petits
détaillants d'essence, propriétaires ou non de leur station,
selon les situations, ou des indépendants. On a appris aussi que, sur le
marché pétrolier, les prix sont intéressants - vous l'avez
souligné, vous en savez quelque chose - quand la concurrence est vive,
d'où l'écart des prix qu'on observe en ville et dans les
régions périphériques, souvent.
On a appris des choses ce matin. Si vous aviez été la,
vous auriez trouvé cela fort intéressant. On a appris que, dans
les régions périphériques, compte tenu du plus faible
volume, cela prenait une marge de profits plus grande; on a appris cela ce
matin aussi. On a appris également que le ministre, dans ses
décrets, faisait assumer le prix aux petits distributeurs
indépendants qui sont ceux qui, en réalité, maintiennent
la concurrence dans les régions. Ce faisant, on peut en déduire -
cela vous intéresse, c'est dans vos régions - qu'à moyen
terme, si les petits indépendants - appelons les choses par
leur nom - crèvent littéralement de faim, ils vont cesser
d'être des indépendants et des distributeurs d'essence. Par voie
de conséquence, cela va diminuer la concurrence et des régions
comme la vôtre seront encore plus è la merci des compagnies
pétrolières qui auront le champ tout à fait libre pour
imposer le prix qu'elles voudront prétextant que le libre marché,
c'est cela que ça donne. Cela donne de l'essence à 0,63 $ en
Abitibi, cette fois-là. Ce sera cela.
Donc, la formule de la fixation du prix, du décret
gouvernemental, est la prolongation dans le temps... C'est M. Arthur Gobeil, je
pense, qui disait que, malheureusement, ce sera temporaire et on aimerait que
ce soit permanent. Cela pourrait avoir comme effet de couper le cou des
indépendants et des petits distributeurs, de briser la concurrence et de
faire en sorte que le marché vous place dans une situation encore plus
pénible.
Compte tenu des choses qu'on a apprises ce matin et que vous venez
peut-être d'apprendre, seriez-vous encore aussi friands de recommander un
décret sur une base permanente pour fixer le prix de l'essence? Ma
question s'adresse à celui qui veut y répondre.
M. Gobeil (Arthur): D'abord, en réponse à M.
Gauthier, évidemment, nous n'avons mis aucun chiffre dans notre
mémoire pour toutes les raisons que vous avez décrites parce
qu'on a commencé effectivement à aller chercher de l'information
et c'était nettement insuffisant pour aborder ces volets.
Nous croyons que ies régions doivent avoir un mécanisme.
On ne connaît pas la technique du mécanisme, sauf qu'on dit que
les régions devraient avoir un mécanisme leur permettant d'avoir
un rabais quelconque pour que l'économie puisse se développer.
Maintenant, on ne s'est pas arrêté plus que cela à la
mécanique du mécanisme parce qu'on pense qu'il manque des
données pour qu'on puisse en arriver à un résultat
intéressant.
M. Gauthier: D'accord. Je vous remercie de votre réponse,
d'autant plus que j'avais cru... C'est parce que dans votre mémoire,
évidemment, vous trouviez l'initiative heureuse et j'avais l'impression,
quand vous parliez de permanence, qu'il s'agissait de la formule qui existe
actuellement. Si je comprends bien, c'est un peu plus nuancé que cela.
Vous parlez d'une forme de surveillance qui pourrait être
différente du...
M. Gobeil (Arthur): ...mais qui a un retour financier servant de
levier économique pour les régions.
M. Gauthier: En d'autres termes, vous refusez - et vous me direz
si je vous traduis mal - de laisser jouer le marché absolument librement
dans vos régions. Ce que vous souhaitez, c'est que... En tout cas, il y
a au moins certaines balises, sans faire de l'"interventionnite" aiguë
dans le libre marché, qui empêchent des collusions de grandes
entreprises qui font en sorte que le prix de l'essence grimpe
démesurément. C'est bien cela?
M. Gobeil (Arthur): Je pense que, pour ce qui est du
protectionnisme, quelle que soit la technique, si on veut protéger par
des prix ou quelque chose, sûrement que le marché s'ajuste
à ce moment-là et je suis d'accord avec vous que la population
n'est pas nécessairement favorisée.
M. Gauthier: Ma question s'adresse à l'un ou l'autre de
ceux qui veulent répondre. Si le gouvernement retenait la solution de
continuer comme il a commencé de fixer les prix, par décret, si
le gouvernement fixait les prix - je sais que d'aucuns sont un peu
séduits, a priori, par l'idée et je le comprends. Pour
l'immédiat, c'est une belle passe politique que le ministre a faite,
sauf qu'à moyen terme, cela va se retourner contre les régions.
En tout cas, on le verra plus tard. Si, d'aventure, le ministre continuait dans
la même voie qu'il a empruntée actuellement, sur quelle base
pourrait-on déterminer le prix de l'essence?
On a encore appris cela ce matin. Les gens de Petro-Canada nous ont dit
qu'au Québec, dans leurs installations, le rendement sur le capital
investi était inférieur à 4 %. J'ai l'impression que ce
sont tous des hommes d'affaires, des gens bien en vue. J'ai l'impression qu'il
n'y en a pas beaucoup parmi vous qui souhaitez investir votre argent à 2
% ou à 3 % de rendement ou quelque chose comme cela.
Sur quelle base, donc, le législateur devrait-il se fixer, sur
quelle base devrait-il s'appuyer pour fixer le prix de l'essence? Est-ce qu'en
ce qui concerne la rentabilité, cela ne vous apparaît pas
inquiétant que le gouvernement puisse commencer, et pour une
durée très longue... Limité dans le temps, cela n'a pas
tellement... Trois mois, ce n'est pas tragique, en soi, pour qui que ce soit.
Disons que ce n'est pas dramatique; ce n'est pas la fin du monde, mais à
long terme, puisque d'aucuns ont parlé de maintenir le mécanisme,
est-ce qu'il ne vous semble pas que la base sur laquelle on devrait s'appuyer,
c'est pas mai obscur, actuellement?
Ce matin, je citais l'exemple, pour vous éclairer un peu plus sur
la question, d'Hydra-Québec qui se présente en commission
parlementaire. C'est le même ministre et c'est le même critique.
Ils viennent nous rencontrer à chaque année. Malgré que
leur affaire aille bien, ils viennent nous dire que le rendement
sur le capital investi, tant qu'il ne sera pas à 13 %, ce n'est
pas un bon business et ils revendiquent des hausses de tarifs. Le ministre les
accorde, presque toutes encore cette année. On a réussi à
lui faire couper quelques pourcentages. Il leur accorde les hausses de
tarifs...
M. Ciaccia: ...18 %. C'est moi qui ai dit cela.
M. Gauthier: Bien oui, mais on ne parlera pas du financement des
barrages; c'est réglé; c'est fait. C'est réglé,
cela, on n'en parlera plus.
M. Ciaccia: Je ne parle pas de 18 %, c'est 4 %.
M. Gauthier: Si vous voulez qu'on en parle, on parlera de
l'inflation. On va parler de tous les paramètres, mais on ne
dérangera pas nos gens avec cela. Je vous l'expliquerai une bonne fois
à vous tout seul, parce qu'il avoue qu'il ne comprend pas.
Ce que je vous demande, c'est: Comment pourrait-on honnêtement
penser être capable de faire une fixation de prix raisonnable qui tienne
compte de tout ça et qui rende justice aux entreprises
pétrolières qui ont de l'argent investi là-dedans et qui
veulent bien avoir un minimum de rendement? Ce n'est pas une oeuvre de
charité. Est-ce que vous avez songé à cela?
M. Jolin: Écoutez un peu, M. le député, on
pourrait s'éterniser là-dessus. Il y a un mécanisme comme
à Bell Canada. On vient de voir qu'il y a des taux qui sont
légiférés et Bell Canada a fait beaucoup de profits et
elle vient d'être condamnée à en remettre aux utilisateurs.
Cela pourrait être une formule semblable. Ce que nous voudrions surtout
faire remarquer au gouvernement, c'est que le consommateur est toujours sujet,
envers les pétrolières ou autres, à des fluctuations de
prix. Pour vous donner un exemple, chez nous, à Senneterre, il y a une
population de 5000; à 40 milles de chez nous, à Val-d'Or, un
bassin de 30 000 de population. Il est sûr et certain que, bien des fois,
il arrive un indépendant à Val-d'Or pour implanter un nouveau
poste d'essence avec un rabais. Alors, toutes les autres compagnies et surtout
les grandes compagnies suivent le rabais, et donnent des verres, des cadeaux,
etc. Et, nous autres, à la chambre de commerce, au conseil de ville, de
même que nos consommateurs, nous nous demandons comment il se fait que le
prix de notre litre est plus cher qu'à Val-d'Or. On a une baisse
temporaire peut-être pour un mois, un mois et demi, puis cela augmente
encore. C'est aussi comme cela à Rouyn. Alors, il n'y a pas de politique
vraiment établie à long terme, tandis qu'à
Hydro-Québec ou Télébec, etc., c'est une politique
établie à long terme. Le consommateur sait quel montant il va
payer. (16 heures)
Je crois qu'il faudrait en venir à une politique semblable parce
qu'on ne peut pas non plus arriver et s'ingérer, comme on le disait dans
notre mémoire, pour aller voir combien cela coûte aux compagnies.
Il est sûr et certain que tout est relié au coût du
pétrole brut et cela fluctue. Également, avec l'acquisition des
installations qu'il y avait à Montréal-Est, on dit que ce sera
plus rentable de les fermer. On n'est pas assez comptable. Mais je crois que le
gouvernement a les outils nécessaires pour regarJer cela. Je crois que
le consommateur, dans l'ensemble, aura un prix fixe et saura combien il paie
vraiment, dans l'ensemble du Québec, pour le pétrole.
On aurait même pu dire que nos routes, en
Abitibi-Témiscamingue, sont plus cahoteuses, beaucoup plus que dans le
Sud. On aurait pu demander une réduction encore plus grande, mais on
n'en a pas parlé parce qu'on sait que le gouvernement les
améliorera peut-être. Alors, on n'a pas parlé de cela.
Également, il faut faire démarrer nos automobiles peut-être
quinze minutes plus tôt que les gens de Montréal pour aller au
travail, etc., parce qu'il fait plus froid. Je crois qu'il faut une politique
uniforme, dans l'ensemble. Il faut que le consommateur, dans l'ensemble du
Québec, sache combien il va payer.
M. Gobeil (Arthur): M. Gauthier, il me semble aussi que comparer
Hydro-Québec à l'ensemble des autres pétrolières,
c'est... D'abord, on parle des régions. Le barème, dans les
grandes régions, demeure de la libre compétition. Alors, cela
commence à nous faire au moins un point de comparaison. Il y a quand
même plusieurs pétrolières qui se font compétition
au Québec. Lorsqu'on fait une comparaison avec Hydro-Québec, il
me semble qu'on manque un peu... Il n'y a pas d'autres partenaires, il n'y a
pas d'autres fournisseurs qu'Hydro-Québec. On se perd en conjectures de
chiffres à prouver pour arriver à quatre, pour arriver à
dix. Je pense sincèrement que la comparaison serait plus facile à
faire - je ne dis pas qu'elle serait nécessairement facile, mais
sûrement beaucoup plus facile - avec les pétrolières
qu'avec Hydro-Québec. Je vais laisser, pour mes collègues...
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Baril: Je vous souhaite la bienvenue à cette
commission. Je suis très intéressé. Je pense que vous avez
présenté un très beau document. Il était assez
clair et assez précis. Aussi, il ne faudrait pas oublier que
j'étais dans l'avion avec vous hier soir; il n'y avait pas juste
M. Gendron.
M. Jolin: Excusez-moi, M. Baril.
M. Ciaccia: Ha! Ha! Ha! II était en arrière.
M. Baril: J'aimerais que vous précisiez... On est ici pour
écouter un peu tout le monde. Mais si, un jour, on changeait la
façon de rendre les gens des régions périphériques
un peu plus compétitifs avec le reste de la province... Vous avez
cité deux cas, deux autres exemples. Je pense que M. Gobeil a dit qu'on
pourrait peut-être avoir un fonds régional. On a parlé de
différentes méthodes, mais est-ce qu'il y a d'autres
méthodes que vous connaissez et que les législateurs pourraient
appliquer aux régions périphériques comme des baisses
d'autres choses, peut-être? Est-ce que vous pourriez préciser ce
point, vous ou n'importe qui?
M. Jolin: Peut-être M. Déoux.
M. Déoux: On a peut-être un peu plus d'information
là-dessus. Au moment où vous posez la question, est-ce qu'il y
aurait des choses à faire pour que le Nord ou les
régions-ressources soient plus attirantes?
M. Baril: Non, mais, je vous donnais l'exemple de l'Ontario
où l'immatriculation ne coûte que 10 $, en comparaison... C'est un
peu ce genre de choses. Est-ce que vous voyez autre chose que cette baisse de
carburant qui pourrait un jour...
M. Jolin: Cela pourrait être aussi la période
d'hiver. Je crois que dans le Nord de l'Ontario, pour les résidents, il
y a une période de cinq ou six minutes de chauffage de plus. Alors, on
leur accorde un crédit de 100 $, je crois. Cela serait une politique
pour favoriser les régions nordiques.
M. Déoux: II y a aussi des crédits d'impôt
alloués à certaines villes du Nord de l'Ontario. D'autres
mécanismes, aussi, sont importants comme, par exemple, la
présence d'un ministère du Nord, en Ontario, qui permet
peut-être de coordonner plus efficacement certaines choses. Si vous
voulez vraiment parler de choses à implanter, ce sont toutes des visions
qui peuvent être possibles. Mais les régions, non seulement
sont-elles sujettes au prix important du pétrole, mais aussi à
toute la question de l'électricité sans être
nécessairement une électricité moins chère, en
suivant le raisonnement qu'elles sont plus près des barrages
hydroélectriques. On sait que, dans ces raisonnements, on peut
s'enfarger assez rapidement. Mais, d'un autre côté, il y a
certainement des avantages qui pourraient être accordés à
ces régions et à l'introduction des énergies nouvelles,
aussi. Contrairement à ce qu'on pense, les énergies nouvelles
sont souvent délaissées parce que non importantes. Mais, quand on
parle de villes relativement petites, 2000, 3000, 4000, 5000 habitants et un
peu plus, l'introduction d'énergies nouvelles est un peu plus faisable
que lorsqu'on parle de grosses agglomérations.
Ce sont aussi des avenues qui n'ont jamais été
explorées et qui, pourtant, sont dans certains documents de recherche.
L'introduction du gaz est en train de se faire. Cela aussi, c'est un point qui
est demandé depuis longtemps parce que c'est une forme d'énergie
bien profitable. Beaucoup de projets pilotes peuvent être
réalisés. Il y a des exemples précis, comme des
coûts moins élevés du permis automobile. Des choses comme
celle-là, cela existe, mais elles ne sont pas tellement nombreuses. Cela
s'additionne de petite chose en petite chose.
M. Baril: La question, c'est d'être concurrentiel aussi
dans nos régions. Vous disiez tout à l'heure, M. Jolin - et c'est
vrai - qu'on a un gros commerce de transport; tout doit entrer et sortir par
transport. Est-ce que notre prix devrait être concurrentiel avec
l'Ontario ou avec Montréal?
M. Jolin: Avec l'Ontario et également avec
Montréal. Je vais vous expliquer pourquoi. Dans une région
ressource comme l'Abitibi-Témiscamingue, où on traite nos
richesses naturelles... Prenez le bois comme exemple. Nous payons la taxe sur
le carburant pour aller chercher la matière première brute,
très éloignée aujourd'hui dans l'industrie
forestière. En plus, vous voyez, on a des contraintes, des taxes, etc.
On fait une première transformation de ce bois, nous sommes
obligés de l'expédier à 99 % vers les États-Unis.
On paie encore une taxe sur le transport sur un produit fini. C'est pareil au
point de vue des résidus de bois avec lesquels on fait des
panneaux-particules ou de la transformation, du "veneer", etc. On va chercher
la matière brute, on paie une taxe excessive sur le carburant et on en
paie également une pour livrer notre marchandise.
M. Baril: Si je comprends bien votre mémoire, vous dites
qu'il devrait y avoir une forme ou une autre de contrôle sur le prix du
pétrole dans nos régions, et non pas laisser cela libre.
M. Jolin: C'est cela.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Brièvement, compte tenu des contraintes de
temps, je remercie le
CRD, encore une fois, d'avoir joué son râle d'intervenant
majeur dans les dossiers régionaux à incidence économique.
Je pense que le prix de l'essence est un dossier important. Donc, vous vous
deviez de vous exprimer.
Je veux seulement dire deux choses. On ne peut pas vous faire dire ce
qu'on veut. Même si le ministre de l'Énergie et des Ressources
mentionnait tantôt que, d'après les chiffres qu'il a, le prix de
l'essence au litre était inférieur en Abitibi à la suite
de l'imposition du décret, j'ai hâte de voir cela
concrètement. Ce n'est pas ce que dit votre mémoire et ce n'est
pas ce que dit la réalité, non plus. Je ne connais personne qui
ait dit, en Abitibi: Enfin, je paie l'essence moins cher chez nous qu'à
Montréal! J'ai hâte d'entendre cela.
On vous posait une question tantôt à savoir... Il y a
beaucoup d'information dans votre mémoire mais, fondamentalement, il
faut retenir une phrase, c'est que vous croyez, vous, à la
nécessité d'instaurer une politique que vous appelez "une
politique énergétique. régionale". C'est tellement vrai
que vous dites: Écoutez, selon les Sudistes, Hydro-Québec devrait
avoir une tarification différente mais, au fond, c'est pareil. On paie
la même chose pour le kilowatt d'électricité, donc, vous
dites: À tout le moins, on devrait payer la même chose, non pas
plus cher.
Cependant, il y a deux façons d'obtenir cela. Il y a des
compensations directement à la pompe, par un décret. Donc, on
intervient dans la libre concurrence - mais, là, il y a un
problème, et je vais vous poser une question précise - ou on fait
comme Petro-Canada recommandait dans son mémoire. Là, la question
sera précise, parce qu'on ne le sent pas vraiment dans votre
mémoire. Petro-Canada disait que le décret était inutile.
Petro-Canada croit que la baisse des prix ordonnée par le gouvernement
en juin dernier était injustifiée - mon opinion personnelle,
c'est que je pense qu'ils ont raison de dire cela, si ce sont eux qui ont
empoché les profits - et qu'elle devrait être
révoquée.
Au-delà de cela, à la page 2 de son sommaire, Petro-Canada
disait: Nous pensons qu'au lieu d'avoir des réglementations pour
contrôler le prix sur le marché québécois on devrait
avoir des mesures de contrôle des prix dans les régions
périphériques et que le gouvernement devrait compenser par des
solutions autres. Par exemple, il y a l'octroi par le gouvernement de
subventions de financement des programmes économiques, la
réduction des droits d'immatriculation. Je m'arrête là. La
question précise: Est-ce que vous pensez que c'est plus cette voie
qu'uniquement une réduction à la pompe? Votre mémoire
n'est pas très clair - je vais y revenir tantôt - même si
vous recommandez formellement: On appuie sans restriction le gouvernement du
Québec dans sa volonté d'accorder une réduction de 0,045 $
le litre pour nos régions. Je suis d'accord, mais je ne comprends pas
que vous disiez cela au gouvernement et que, dans le même mémoire,
vous disiez: On est encore supérieur au prix de Montréal.
Dernier commentaire toujours, pour que vous puissez répondre.
Est-ce que vous diriez la même chose à la page 11, si vous saviez
ce que Petro-Canada nous a dit ce matin? Êtes-vous au courant que, quand
nous payons 0,045 $ le litre de moins, tous les petits détaillants de ma
région... Ils ont fait la même chose avec M. Baril, je suis
sûr, et ils ont' fait la même chose au CRDAT. Tous m'ont
écrit et m'ont dit: C'est nous qui avons écopé
là-dedans; c'est nous qui mangeons notre chemise; ce sont les
indépendants et les petits détaillants. Quand quelqu'un
m'écrit, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, et me dit
qu'il a dû vendre 3000 litres d'essence avec un profit d'un
huitième de cent, il n'a pas besoin de me faire un long dessin; il ne
vivra pas longtemps. N'importe qui va comprendre que vendre de l'essence avec
un huitième de cent de profit pour 3000 litres, tu manges ta chemise. Le
problème, ce sont les petits détaillants qui, actuellement,
écopent.
Voici ma question précise à M. Jolin, président du
CRD. Vous dites: II faut flatter le gouvernement; il faut lui dire qu'il est
sur ' la bonne voie. Appuyer sans restriction, c'est assez fort. Est-ce que
vous diriez la même chose si vous étiez conscients que ce sont vos
petits détaillants qui vous ont écrit et qui ont dit que cela n'a
pas de bon sens, qu'ils l'absorbent, de même que les indépendants?
Est-ce que vous recommanderiez encore d'appuyer sans restriction le
gouvernement quant aux 0,048 $?
M. Jolin: M. Gendron, on maintient notre position de demander au
gouvernement de baisser de 0,045 $ le litre chez nous, dans notre
région, pour le consommateur. On sait que c'est le petit
détaillant qui absorbe la perte. Par contre, dans notre mémoire,
on vous dit que c'est une politique globale d'énergie qu'on voudrait. Ce
qui m'amène à vous dire cela, ce serait un prix uniforme parce
que si on n'a pas un prix uniforme... Par exemple, dans le domaine de
l'électricité, on dit qu'on est consentant de ne pas payer moins
cher que les autres parce que l'électricité passe à la
porte, chez nous. On est plus près de la baie James que du Sud. Par
contre, les gens vont nous dire: Écoutez, la majorité des
consommateurs se trouvent dans le Sud. On comprend que la majorité des
consommateurs se trouvent dans le Sud, mais on sait également que
l'essentiel du coût de la facture pour
l'entretien du réseau hydroélectrique se fait dans le Sud
également. On est d'accord, les gens du Nord, pour payer le même
taux d'électricité que les gens du Sud. Qu'on fasse la même
chose pour le pétrole. On est peut-être moins consommateurs que
l'ensemble des grands centres. On est peut-être plus
éloignés des raffineries, mais il devrait y avoir justice
également, comme dans le domaine de l'électricité. Je
crois que c'est une politique globale au point de vue
énergétique. Cela doit ressembler à HydroQuébec.
.
M. Gendron: J'ai une autre brève question, toujours pour
des raisons de temps. Dans votre mémoire, vous donnez des informations,
à savoir que vous êtes d'accord pour essayer d'établir et
de rédiger une politique énergétique régionale.
Au-delà de le dire, au-delà d'affirmer cela, ce qui est un voeu
intéressant - je pense que cela fait longtemps que c'est discuté
dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue d'avoir une politique
énergétique qui tienne compte, comme vous l'avez bien
exposé dans le mémoire, de nos particularités un peu plus
nordiques, un peu plus coûteuses sur le plan des déplacements,
etc. - seriez-vous en mesure de m'indiquer un ou deux éléments
que cette politique énergétique régionale contiendrait?
Au-delà de le dire et de la souhaiter, comment une politique
énergétique régionale se traduirait-elle
concrètement en Abitibi-Témiscamingue?
M. Bureau: En fait, vous parlez de particularités. Si je
peux me permettre, je considère qu'il y a des possibilités
d'établir une politique énergétique dans la mesure
où elle va tenir compte précisément des
particularités à l'intérieur même des
régions. La façon dont je la perçois, je vais tenter de la
décrire. Dans la mesure où on peut extrapoler des situations
spécifiques à l'ensemble de la région, je crois qu'il y a
des incitatifs que le gouvernement peut mettre en place pour que le
paramètre du prix pétrolier ne soit pas perçu seulement du
point de vue du consommateur, mais le soit dans une vision de
développement à long terme. C'est un peu cela, je crois, que le
conseil régional de développement tente de mettre en
évidence. Il faut, d'une part, regarder le point de vue du consommateur,
mais il faut aussi regarder le développement régional. Il y a
tout lieu de penser qu'il y a un ensemble d'incitatifs qu'on peut mettre en
place, que ce soient des programmes d'avantages fiscaux ou même des
programmes qui viseraient à susciter un développement.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Je
cède maintenant la parole au député d'Ungava qui a une
question à poser. (16 h 15)
M. Claveau: Je vous remercie, M. le Président. J'aurais
une question parce qu'il me semble, en tout cas, que tout n'est pas clair. En
fait, j'ai l'impression que tout le monde voudrait avoir une solution, mais
personne ne dit la même chose. Je m'explique. Après avoir entendu
les interventions, je retiens trois propositions complètement
différentes qui devront s'articuler d'une façon ou d'une autre si
on en vient à l'établissement d'une politique.
D'abord, la position déposée par M. Bureau, de Matagami,
nous parle de l'articulation d'une politique à partir d'un paquet de
problèmes vécus dans le milieu nordique, que je connais bien,
d'ailleurs, et dont je suis tout à fait d'accord avec l'analyse. On nous
parle de la possibilité de décentraliser, etc. Il y a des
éléments d'intervention immédiate qui apparaissent dans le
mémoire de M. Bureau.
D'un autre côté, dans le mémoire du CRDAT, il me
semble, en tout cas, à première vue, qu'on insiste passablement
sur la question de la réduction du prix de l'essence à la pompe
pour le consommateur immédiat. C'est-à-dire: j'achète de
l'essence, ça me coûte moins cher, j'empoche tout de suite la
différence et je m'en vais chez nous, je suis content. Par contre, dans
la présentation du CRCD du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on avait
plutôt une dimension institutionnelle en disant: Que le gouvernement nous
retransfère, d'une façon massive, des fonds qui vont servir au
développement régional. Cela pourra compenser pour une politique
énergétique ou, enfin, ça pourrait être un
élément de politique énergétique et ça
pourrait compenser pour un coût plus élevé de
l'énergie dans nos régions en utilisant ces sommes pour investir
dans le développement industriel, social, économique, culturel,
etc.
Je pense que tout cela s'articule, mais ces trois positions sont
complètement différentes et, à la limite, qu'est-ce que le
consommateur cherche, ou quel va être ce sur quoi le gouvernement va
avoir à prendre une décision? Est-ce que, par exemple, dans
chacune de nos régions du Québec, on serait prêt à
consulter d'une façon plus large le consommateur pour voir si ce qui
l'intéresse, c'est de mettre quelques sous dans ses poches à
chaque litre d'essence qu'il achète ou s'il est prêt à
payer le plein prix pour son essence, mais qu'il aimerait qu'il y ait des
institutions qui se développent en région pour assurer l'avenir
économique de la région? Enfin, il y a une dimension assez large
et j'aimerais savoir comment vous jouez dans tout cela pour en arriver à
prendre une position commune?
M. Jolin: Je vais me faire l'interprète des
représentants de l'Abitibi-Témiscamingue. Nos consommateurs ne
sont pas prêts à payer 0,03 $, 0,04 $, 0,05 $ plus cher le
litre que les gens du Sud vu qu'ils payent le même coût pour
l'assurance automobile, les plaques d'immatriculation et pour l'état des
routes, etc.
Je pourrais vous trouver une façon facile pour que tout le monde
paie pareil. Autrefois, quand on avait des coopératives
d'électricité dans la région, celle de La Sarre avait un
taux de consommation peut-être de 15% plus élevé que le
nôtre vu qu'on s'était endetté moins, nous autres, etc. Le
gouvernement a nationalisé l'électricité en 1962. Â
la Société des alcools, tout le monde paie son gin le même
prix dans la province de Québec. On n'ira pas jusqu'à demander
que cela soit nationalisé, mais je crois que des mécanismes
pourraient être regardés par les représentants
gouvernementaux pour que les compagnies de pétrole aient une politique
d'entente d'un prix dans l'ensemble du Québec.
Je crois que celui qui vit en Gaspésie devrait payer le
même coût pour son carburant sans plomb que celui qui vit en
Abitibi ou à Granby. Vous en trouvez des mécanismes lorsque vient
le temps d'imposer des taxes. Les taxes, c'est le même mécanisme
d'une région à l'autre; pour le coût des plaques
d'immatriculation, c'est pareil. Alors, on ne peut pas arriver... Il y a des
régies, on pourrait vous dire: Créez une régie. La
régie pour la mise en marché des produits agricoles, c'est bon
pour protéger le producteur, mais regardez le lait, à une place,
vous payez tant le litre, ça dépend de la compagnie qui
l'achète et qui vend le lait au litre; le pain, c'est encore pareil. La
compagnie Steinberg ou une autre peut arriver et faire sa publicité sur
le prix du pain pour attirer de la clientèle. Mais, dans tout cela,
c'est le consommateur qui est pris au piège.
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie,
M. le président. Étant donné l'heure avancée, je
vais maintenant demander au critique officiel et au ministre de bien vouloir
faire leurs conclusions.
M. le député de Roberval.
M. Gauthier: Très brièvement. Je veux simplement
remercier les gens d'être venus nous voir, de nous avoir fait des
suggestions fort intéressantes. Je pense que le ministre s'est
montré ouvert, entre autres, à la suggestion du
Saguenay-Lac-Saint-Jean concernant le fonds de développement
régional. C'est au moins de bon augure. En apportant des choses
nouvelles en commission, on cherche, dans le fond, la lumière; on
cherche à trouver le mécanisme le plus approprié. Votre
contribution aura été très certainement précieuse
à ce chapitre. Je vous remercie infiniment de vous être
déplacés de si loin: quatre heures d'avion avec le
député d'Abitibi, vous allez partager son problème. Je
pense que, vraiment, le fait que vous soyez là nous démontre
votre intérêt. On va essayer, comme représentants de
l'Opposition et représentants de vos régions, de faire en sorte
que vos recommandations soient écoutées par le ministre, qui aura
très certainement son mot de la fin pour vous dire qu'il va probablement
vous écouter. Je le souhaite. Merci beaucoupl
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, avant de remercier le conseil
régional de l'Abitibi-Témiscamingue, je voudrais juste
rétablir certains faits concernant les chiffres qui semblent surprendre
même le député d'Abitibi-Ouest. Peut-être que cela
sera une grande surprise pour le député d'Abitibi-Ouest, mais le
prix de l'essence à Montréal, d'après les études du
gouvernement fédéral et d'après les études de la
direction des hydrocarbures de mon ministère, au mois de juillet,
était de 0,545 $ le litre. En Abitibi, après le décret,
c'était 0,514 $. Alors, l'essence au litre coûtait 0,031 $ de
moins en Abitibi qu'à Montréal. C'est peut-être difficile,
pour vous, d'accepter, mais c'est la réalité. Au mois
d'août, le prix, à Montréal, était de 0,537 $ et, en
Abitibi-Témiscamingue, il était de 0,51 $. Alors, les
décrets ont eu un effet. Ils ont permis de réduire les prix.
Il y a un autre élément que je voudrais porter à
l'attention de la commission. On dit que les détaillants ont beaucoup
absorbé le coût du décret. Le député de
Roberval persiste à dire que les décrets du gouvernement
bénéficient aux pétrolières et que ce sont les
détaillants qui ont subi toutes les pertes. Même vous, M. Jolin,
d'après ce qu'on vous rapporte, vous avez affirmé que ce sont les
détaillants qui assument le fardeau. Je veux vous donner certains
chiffres juste pour l'information de tout le monde. Peut-être que cela
pourra nous aider à poser des questions, plus tard, à d'autres
intervenants.
En Abitibi, la marge des détaillants, avant décembre 1985,
était de 0,04 $ le litre. Au mois de juin 1986, après que la
surtaxe eut été abolie et que les prix eurent commencé
à grimper, la marge du détaillant a augmenté à
0,047 $. C'était au début des -augmentations. Avant les
décrets, la marge du détaillant a monté à 0,053 $
le litre. Vous voyez l'augmentation progressive. Les décrets sont en
effet venus au mois de juin 1987. Après les décrets, la marge du
détaillant est de 0,041 $, soit 0,001 $ de plus que leur marge avant
décembre 1985.
Écoutez, il faut faire un équilibre des choses parce qu'on
n'est pas des fous à temps plein, de ce côté-ci de ia
table, pour
dire: On va faire des décrets, on va tout faire payer par les
détaillants et on ne s'en occupera pas. On équilibre. Il y a un
certain équilibre, n'est-ce pas?
Alors, le point que je voulais souligner, c'est que les
pétrolières ont absorbé leur part dans certains cas, je ne
dis pas dans tous les cas. Ce n'est pas dans tous les cas que les
détaillants... En Abitibi, ils n'ont pas de marge de profit moindre,
après le décret, qu'ils n'en avaient en décembre 1985.
C'est vrai que la marge était plus élevée quand les prix
ont augmenté. D'accord? Alors, ce sont des chiffres que mon
ministère a vérifiés. C'est sujet à
vérification par tous ceux présents et l'Opposition pourra poser
des questions.
Je voulais juste rétablir cela pour la meilleure marche de nos
travaux pour qu'on puisse avoir toutes les informations nécessaires.
Je veux remercier le Conseil régional de développement de
i'Abitibi-Témiscamingue. Vous avez fait essentiellement plusieurs
recommandations. Il va falloir évaluer les différentes
suggestions parce que, d'un côté, vous prônez un peu une
régie, quoique vous en prôniez une qui soit un outil flexible de
protection pour le consommateur.
D'un autre côté, vous voulez aussi un fonds de
développement régionale. II va falloir examiner ces deux
éléments. Je crois que vous voulez aussi qu'il y ait plus
d'informations transmises au public sur les détaillants et sur les
pétrolières. Alors, nous allons prendre toutes ces
différentes suggestions en considération et les examiner. Nous
vous remercions beaucoup pour la présentation de votre mémoire et
pour vos suggestions.
Le Président (M. Théorêt): Messieurs, les
membres de la commission vous remercient et vous souhaitent un bon voyage de
retour.
M. Jolin: Merci, messieurs du gouvernement, ainsi que les membres
de l'Opposition de nous avoir si bien reçus. Merci!
Le Président (M. Théorêt): J'inviterais
maintenant les représentants de Texaco Canada à bien vouloir
prendre place à l'avant, s'il vous plaît.
M. le secrétaire, j'aimerais signaler deux omissions qui ont
été oubliées dans les remplacements. Dans un premier
temps, Mme Hovington (Matane) remplace M. Leclerc (Taschereau), tel qu'il a
été décidé hier en séance de travail, et M.
Lemieux (Vanier) remplace M. Fortin (Marquerite-Bourgeoys), et ce, pour les
deux jours.
Messieurs, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. Je
demanderais à celui qui dirige la délégation de bien
vouloir présenter les gens qui l'accom- pagnent, s'il vous plaît.
Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire et que les 40 autres minutes vont être
réservées aux formations politiques pour discuter avec vous.
Texaco Canada Inc.
M. Forman (Donad): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, membres de la commission parlementaire, permettez-moi de
me présenter. Mon nom est Donald Forman, de la division de
Québec. Je représente la compagnie Texaco Canada Inc. J'aimerais
vous présenter mes collègues. À ma droite, M. Doug
Mitchell, directeur de la gestion des prix à notre siège social
à Toronto, et, à mon extrême droite, M. Thomas Lavoie,
notre avocat et conseiller juridique.
Afin de s'en tenir au temps alloué, nous avons
résumé quelque peu les commentaires d'introduction de notre
mémoire.
Texaco Canada Inc. vous remercie de l'occasion qui lui est offerte,
aujourd'hui, d'exprimer ses vues sur l'objectif fort louable de venir en aide
aux résidents des régions périphériques. Toutefois,
Texaco Canada Inc. se soucie également de son rôle et de sa
présence dans l'ensemble des marchés du Québec, comme en
témoigne la fierté avec laquelle des milliers de
Québécois se sont associés à notre
société, au fil des années. Cette fierté, nous la
partageons de par notre longue association avec le Québec et ses
consommateurs, association qui se reflète de par le réseau
national que nous avons établi couvrant tous les marchés, tant
ruraux qu'urbains, et ce, dans tout le Québec.
Ce réseau comporte, à titre d'information, au-delà
de 18 dépôts approvisionnés par bateaux et
camions-citernes, quelque 2000 clients industriels et, bien sûr, un
réseau d'au-delà de 540 stations-service. Ses activités de
mise en marché procurent directement de l'emploi à 233
Québécois et entraînent des investissements
dépassant les 12 000 000 $ annuellement. Le maintien de nos affaires,
à lui seul, implique des dépenses de près de 60 000 000 $
par an, dont les retombées économiques se font ressentir dans
tous les secteurs connexes reliés à notre industrie. (16 h
30)
Depuis près de 50 ans que nous grandissons avec la
société québécoise et, à ce titre, nous
comprenons et appuyons entièrement les objectifs de développement
économique du gouvernement pour les régions
périphériques. À deux reprises le gouvernement du
Québec a réduit le niveau de la taxe sur l'essence, soit en
novembre 1983 et, plus récemment, en décembre 1985, mais le
marché de l'offre et de la demande étant en mouvement
perpétuel, à la hausse comme à la baisse, les
réductions de la taxe n'ont pas
été reflétées d'une façon constante
et uniforme dans le marché.
Ce n'est donc ni par collusion, conspiration ou toute autre forme de
comportement anticoncurrentiel de la part de cette industrie
pétrolière, mais plutôt par les forces du marché que
les prix de l'essence continuent de connaître une fluctuation
constante.
Dans les prochaines minutes, nous traiterons des sujets suivants: les
mécanismes du marché des produits pétroliers, l'effet
d'une réduction de la taxe dans ce marché et, enfin, les autres
mesures qui permettraient au gouvernement de réaliser plus efficacement
les objectifs de développement économique pour les régions
périphériques du Québec.
Les produits pétroliers sont vendus dans un marché
dynamique et concurrentiel et c'est le marché, et non pas les
sociétés pétrolières, qui détermine les prix
et ce, à tout moment. L'intégrité de notre système
de libre marché a été soulignée par la Commission
sur les pratiques restrictives du commerce qui, en réponse à un
rapport accusant les principales pétrolières de se livrer
à la collusion et de voler le consommateur, a présenté, en
juin 1986, une volumineuse analyse statuant sur le cas. La commission y a
refuté toutes les accusations de collusion et de comportement
anti-concurrentiel, expliquant les variations du prix des différents
produits pétroliers comme suit: "Les prix au détail - et je cite
-varient considérablement d'une région à l'autre du pays.
Certaines des différences peuvent être attribuables à
celles qui existent entre les coûts de vente au détail et les
frais de transport depuis les raffineries. Mais c'est surtout l'importance des
caractéristiques régionales et locales de la concurrence qui
marque la période la plus récente."
Le système de notre société
québécoise et canadienne est celui du libre marché qui est
régi par une saine concurrence et c'est justement cette concurrence
entre vendeurs qui crée autant de variations dans les prix. Ce qui est
vrai pour les denrées alimentaires ou tout autre bien de consommation
l'est également pour les produits pétroliers. Le
commerçant ne peut qu'espérer que le prix demandé
auprès de sa clientèle attirera et gardera le consommateur, tout
en lui permettant de couvrir ses frais et de fournir un rendement satisfaisant
du capital qu'il a investi dans son commerce.
Nul, dans notre société, ne peut se faire garantir un
profit dans notre système de libre marché, tout comme on ne peut
être assuré de recevoir nos coûts de production ou de
marketing. C'est justement cette incertitude qui stimule les compagnies
à être à la recherche d'un optimum d'efficacité.
La concurrence peut se manifester plus fortement dans certains
marchés de produits pétroliers et ce, pour différentes
raisons, notamment, la densité de la population, le nombre de
concurrents et j'en passe.
Je cite de nouveau la Commission sur les pratiques restrictives du
commerce: "Les formes variées que revêt l'offre de produits
pétroliers de par le pays, tant chez les indépendants que chez
les entreprises intégrées, attestent de la valeur de laisser
chacun libre de répondre aux besoins des consommateurs comme il l'entend
et de chercher toujours à attirer les clients en leur offrant ce qu'ils
veulent."
Depuis 1983, le gouvernement du Québec a réduit à
deux reprises la taxe sur les produits pétroliers en la ramenant d'abord
de 40 % à 30 % dans toute la province et, en 1985, de 30 % à 20 %
dans les régions périphériques. Dans ce deuxième
cas, l'intention du gouvernement était claires encourager le
développement économique et le tourisme dans chacune de ces
régions. Pour le ministre des Finances, M. Gérard D. Levesque,
cela voulait dire et je cite: "adopter des politiques qui favorisent les
investissements au Québec tout en aidant les entreprises à
devenir plus productives et concurrentielles."
Dans chacun des cas, la réduction a entraîné une
baisse immédiate du prix de l'essence à la pompe. Or, le
phénomène a été de courte durée, car les
prix sont revenus à un niveau antérieur, en dépit des
facteurs relatifs aux coûts tels que la taxe. Comme nous l'avons vu, dans
chacun des marchés, les prix sont régis par une multitude de
variables reliées à la concurrence locale plutôt
qu'à un seul élément.
Certains avanceraient que les pétrolières, agissant seules
ou de concert, ont délibérément relevé leurs prix
pour frustrer le consommateur québécois d'une partie de la
réduction de taxe. En fait, dans plus de 90 % des points de vente de
Texaco dans les zones périphériques, c'est le détaillant
et non la société qui fixe le prix de l'essence à la
pompe, en vue d'atteindre le chiffre de vente et le rendement souhaités,
tout en assurant la satisfaction du client.
Autant le marché de la concurrence dans les zones
périphériques était en flux constant, autant les
marchés urbains de Québec et de Montréal l'était
également et, de fait, ces derniers l'étaient davantage. Donc,
l'écart de taxe entre les zones périphériques et non
périphériques tendrait à disparaître sur les prix
à la pompe si les forces du marché étaient plus
vigoureuses et dynamiques dans les zones non périphériques comme
pour les grands marchés urbains de Québec et de Montréal.
C'est tout comme si nous essayions de tracer une relation linéaire
entre les mâts de deux vaisseaux en pleine mer
déchaînée.
Le gouvernement a tenté de réaliser les objectifs
fixés en réglementant le processus du libre marché dans le
but de redresser une disparité économique perçue.
Malheureusement, les efforts n'ont pas abouti parce que l'interférence
que la réglementation produit sur la concurrence crée
invariablement une distorsion du marché.
Le programme énergétique national a causé le
même problème au gouvernement fédéral» Ce
dernier a tenté de stimuler l'industrie de l'énergie à
l'échelle du pays, tout en protégeant le consommateur de
l'instabilité et du prix international du pétrole. À long
terme, ce ne fut pas un succès.
Par conséquent, Texaco invite le comité à
considérer des démarches plus appropriées aux
circonstances et, à cette fin, nous avions discuté de certaines
possibilités ainsi que de leurs avantages et de leurs
inconvénients.
Malgré les désavantages précédemment
évoqués, Texaco est consciente que la réglementation est
parfois envisagée comme moyen de réduire l'incertitude du
consommateur devant la fluctuation des prix dans un marché libre. Une
commission autonome est souvent désignée par le gouvernement pour
déterminer les prix, soit les prix coûtants majorés. Cela
veut dire que les prix sont fixés en additionnant tous les coûts
de fabrication, de distribution et de vente du produit, après quoi un
montant est rajouté pour tenir compte du rendement de l'investissement
et du bénéfice.
La réglementation peut avantager le consommateur en
évitant les prix excessifs lorsque ceux-ci sont attribuables à
une concurrence limitée, par exemple en situation de monopole. C'est
pourquoi les gouvernements tendent à réglementer les services
publics comme l'électricité, le téléphone ou la
distribution du gaz naturel.
Or, dans l'industrie pétrolière, chaque participant
rivalise pour accroître sa part du marché. L'un des facteurs
importants pour y parvenir, c'est le prix. La réglementation
élimine cet important facteur de commercialisation qu'est le prix et, en
même temps, suscite de multiples difficultés comme l'a
indiqué, en 1985, le groupe de travail sur les prix du carburant au
Québec, et je cite: "L'établissement d'une grille de prix par un
organisme public pose de sérieuses difficultés. D'une part, un
tel organisme ne peut accumuler autant d'information que le processus de
marché et ne peut non plus réagir aussi rapidement à des
changements dans les conditions qui y prévalent, par exemple, dans les
conditions d'approvisionnement ou de production. En effet, l'organisme public
suit en général une procédure de type judiciaire
destinée à garantir le respect de l'intérêt public,
ce qui est non seulement coûteux, mais peut être aussi très
long. Ces deux contraintes peuvent conduire, à certains moments,
à des écarts entre l'offre et la demande des produits sur
l'ensemble du marché ou sur des segments particuliers de celui-ci, ce
qui peut engendrer des inefficacités dans l'économie. Il peut
également en résulter des inéquités pour certains
consommateurs ou certains producteurs,. De plus, toute réglementation
comporte des coûts, tant directs qu'indirets, qui sont ultimement
transmis aux consommateurs ou aux contribuables."
Je continue la citation: "Un autre désavantage d'un organisme de
contrôle des prix découle de l'instrument utilisé pour
effectuer le contrôle» Si les hausses de prix sont accordées
à partir de l'évolution des coûts de production, les
producteurs sont moins incités à être efficaces puisqu'ils
peuvent transmettre leurs augmentations de coûts de production aux
consommateurs. Si le contrôle se fait sur le taux de rendement sur le
capital, il peut y avoir incitation pour les entreprises à
sur-capitaliser."
La Commission sur les pratiques restrictives du commerce admet que la
réglementation détourne du marché les nouveaux
intervenants, ce qui restreint la concurrence et elle fait observer qu'en
Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard on
avait constaté que "les fluctuations de la politique d'État ainsi
que la complexité et la discrétion bureaucratiques constituent en
elles-mêmes des barrières qui entravent particulièrement
les petits entrepreneurs".
Au cours des cinq dernières années, le rendement de
l'investissement enregistré par les pétrolières, pour ce
qui est des activités secondaires, n'a jamais été
supérieur à celui autorisé pour les entreprises
réglementées comme les services publics ou les compagnies de
téléphone. Dans des marchés hautement concurrentiels, le
taux de rendement est même négatif. Selon l'Agence de surveillance
du secteur pétrolier, pour la période de cinq ans se terminant en
1986, le rendement du capital utilisé par l'industrie
pétrolière se chiffrait à 5,2 % et à 3 % dans les
activités secondaires, soit le secteur relié à la vente
des produits. À titre de comparaison, au cours de la même
période, le rendement du capital utilisé était de 7,9 %
pour le secteur manufacturier et de 7,6 % pour les autres industries. Comme le
groupe de travail l'a souligné, toute démarche du gouvernement
visant à établir un système de prix fondé sur le
taux de récupération des coûts et sur le taux de rendement
tendrait vraisemblablement à augmenter et non à diminuer les prix
à la consommation.
D'autres niveaux de gouvernement ont résisté aux pressions
politiques et à celles provenant des consommateurs au sujet d'une telle
réglementation. Par exemple, après
avoir étudié l'écart des prix des produits
pétroliers dans le Nord et dans le Sud de la province, nos voisins de
l'Ontario se sont prononcés contre la réglementation en se basant
sur le fait que, là où celle-ci avait été
imposée, les prix présentaient une tendance à la
hausse.
En 1984, une étude du ministère de l'Énergie des
États-Unis portant le titre "Deregulated Gasoline Marketing Consequences
for Competition", a fait valoir qu'il n'y avait pas de solution de rechange au
processus de la concurrence quant aux avantages qu'il procure aux concurrents
et aux consommateurs.
Selon Texaco, rien ne prouve, à la différence des autres
produits de consommation, que le prix des produits pétroliers doive
être réglementé. Les prix des produits fixés dans un
marché ouvert et concurrentiel fluctuent d'après les conditions
locales.
Par définition, la réglementation contredit l'objectif
qu'a fixé le ministre des Finances, c'est-à-dire de favoriser un
climat d'investissement positif, tout en aidant les entreprises à
devenir plus productives et lucratives parce que les perspectives de revenus
contrôlés dissuadent les entreprises de pénétrer le
marché.
À l'évidence, il n'est pas dans l'intérêt de
l'Assemblée nationale d'envisager des mesures à court terme
pouvant entraîner des conséquences néfastes à plus
longue échéance pour le consommateur. En outre, la
réglementation peut restreindre les marges bénéficiaires
de l'entreprise au point de la forcer à quitter le marché, ce qui
réduit d'autant le choix de l'acheteur.
Si elle s'exerce sans entrave, une concurrence ouverte traduit
d'habitude l'état du marché en ce qui a trait aux prix et aux
services offerts. Avec le temps, elle est pour le consommateur la meilleure des
assurances qu'il a en matière de prix, puisque le libre marché ne
permet pas une fluctuation extrême, soit à la hausse, soit
à la baisse. En fait, le libre marché est, en lui-même, un
mécanisme autorégulateur.
Donc, compte tenu des désavantages réels d'essayer de
réglementer le processus normal d'un libre marché, quels sont les
moyens pour venir en aide aux résidents des régions
périphériques? En fait, plusieurs organismes se sont
penchés sur la question. Il en est résulté que la
majorité a écarté la réglementation, se penchant
plutôt sur des mécanismes d'aide directe. Nous allons vous en
citer trois.
En Ontario: Conformément à la recommandation du groupe de
travail sur les prix du carburant, le gouvernement ontarien applique les
mesures suivantes. En premier lieu, publication des moyennes comparatives des
prix de l'essence en gros et au détail, dans le Nord de l'Ontario, comme
solution de rechange à la réglementation. Cela est plus qu'une
simple diffusion d'information; grâce à la publication de ces
prix, le consommateur peut savoir combien fait le détaillant et quels
sont les meilleurs prix offerts. Cela amène aussi le détaillant
à demeurer concurrentiel car, lorsque le consommateur décide
d'opter pour les points de vente aux prix les plus bas, les autres stations
s'alignent rapidement.
En deuxième lieu - toujours en Ontario - pour compenser le prix
relativement plus élevé des produits pétroliers dans le
Nord de l'Ontario, la province y a redistribué certaines recettes
fiscales. Dans le dernier budget, 107 000 000 $ ont été
réinjectés dans le transport de cette région,
principalement dans le réseau routier. Certaines de ces sommes sont
consacrées aux voies de communication essentielles, en vue
d'améliorer le transport commercial et de favoriser le tourisme. (16 h
45)
Un peu plus à l'Ouest, c'est notre deuxième exemple, on se
déplace vers la Saskatchewan. A la recherche de nouvelles recettes -
comme nous tous, d'ailleurs - le gouvernement a remis en vigueur la taxe sur
l'essence abolie en 1982. Cependant, pour les résidents de la province,
0,07 $ le litre sont remis en fin d'année. La charge qu'entraîne
cette initiative est donc assumée par la grande entreprise, les
sociétés de camionnage interprovincial et les autres compagnies
de l'extérieur de la province. Bien qu'elle exige un personnel
administratif nombreux, cette mesure n'est pas interventionniste et elle
avantage directement le consommateur, surtout celui qui doit parcourir de
grandes distances.
En troisième lieu, il y a évidemment les mesures fiscales.
Par le biais de réductions ou de crédits d'impôt sur le
revenu ou de remises en fin d'année, sur la taxe de vente s'appliquant
à divers biens de consommation, il serait possible au gouvernement de
contrebalancer certains inconvénients économiques reliés
à l'éloignement.
En conclusion, Texaco Canada estime que le consommateur
québécois a été bien servi par un marché
concurrentiel des produits pétroliers et elle encourage le comité
à ne pas envisager de conduite pouvant, à long terme,
léser l'acheteur. Les diverses démarches du gouvernement du
Québec en vue de réduire artificiellement le prix des produits
pétroliers ont déjà démontré le
caractère imprévisible de quelques-uns des résultats
obtenus par l'intervention gouvernementale dans un libre marché.
Toutefois, diverses possibilités d'action plus efficaces peuvent
être envisagées. Certaines, déjà mises en vigueur
dans d'autres provinces, vont de campagnes
d'information publique et d'une stimulation de la concurrence
jusqu'à des encouragements fiscaux directs par le biais de l'impôt
sur le revenu. Non seulement ces formules ne suscitent-elles pas une distorsion
du marché, mais certaines, dont celles intéressant l'impôt
sur le revenu, laisseraient au gouvernement plus de latitude dans l'orientation
du développement économique, à l'avantage des
Québécois des régions périphériques.
C'est pourquoi Texaco espère que des solutions de cette nature
seront prises en considération. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci de votre
exposé, M. Forman. Je passe la parole à M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Je remercie M.
Forman de sa présentation pour la compagnie Texaco. Est-ce que Texaco a
soutenu ses détaillants?
M. Forman: Avant de répondre, M. Ciaccia, j'aimerais
demander que mon collègue, M. Mitchell, ait l'occasion d'intervenir pour
certaines réponses. Si vous êtes d'acccord, il interviendra dans
la langue de Shakespeare et mon collègue, Me Lavoie, un traducteur
chevronné, traduira pour l'ensemble de la commission.
M. Ciaccia: Je vais vous poser la question et, si un des autres
intervenants veut répondre, libre à vous, pas de
problème.
M. Forman: Votre question?
M. Ciaccia: Ma question est: Texaco a-t-elle soutenu ses
détaillants?
M. Mitchell (Douglas): The answer to that is: Yes, we do in some
markets.
M. Ciaccia: Si oui, qui fixe le prix? Le détaillant
doit-il vendre au prix fixé par Texaco?
M. Mitchell: The retailer sets his own price.
M. Ciaccia: Peut-être pouvez-vous traduire pour le
bénéfice...
M. Lavoie (Thomas): La réponse, c'est: Oui. D'abord,
Texaco a donné assistance à certains détaillants et,
deuxièmement, le détaillant établit le prix qu'il veut
afficher à sa pompe.
M. Ciaccia: Qui décide des prix dans les libre-service
appartenant à Texaco?
M. Mitchell: Basically, we market our gasoline in a number of
ways. One, we can lease a service station to a dealer who will buy his
petroleum products from us and set his price at the pump.
M. Ciaccia: Peut-être pourriez-vous traduire au fur et
à mesure pour le bénéfice de la commission?
M. Lavoie: D'accord. Il y a diverses façons de
procéder à notre société pour la vente de nos
produits., La première méthode, c'est la location d'une
station-service. Le locataire achète les produits de la
société et les revend.
M. Mitchell: The second method by which we market our gasoline is
by a self-serve and we use an agency method to market gasoline in that way. At
those locations, gasoline is sold on consignment. In those instances, Texaco
Canada is the retailer and Texaco Canada would set the pump price based on
market conditions.
M. Lavoie: La deuxième méthode, c'est la station
dite "self-serve". Le détaillant est un entrepreneur qui est un agent et
le produit y est en consignation. Donc, Texaco établit le prix â
la pompe.
M. Ciaccia: Quel pourcentage de votre volume serait en
consignation, ou de vos stations-service?
M. Forman: Actuellement, dans la province de Québec, 41 %
de notre chiffre d'affaires d'essence vient de la vente par l'entremise de nos
stations-service où le produit est en consignation.
M. Ciaccia: Cela veut dire que, dans ces 41 %, le prix est
fixé par Texaco.
M. Forman: II est déterminé par la compagnie qui
agit comme détaillant.
M. Ciaccia: Oui.
M. Forman: Dans les zones périphériques, il serait
bon de noter que seulement 10 % de nos débits d'essence sont sous forme
de consignation.
M. Ciaccia: Vous reconnaissez d'emblée dans votre
mémoire que les prix de l'essence sont revenus presque à leur
niveau antérieur en dépit de l'abolition de la taxe et vous
soulignez, et je cite, "qu'il est ironique de voir que ni le consommateur, ni
l'État, ni les pétrolières n'ont
bénéficié de façon appréciable de la
réduction de la taxe." C'est à la page 4. Pouvez-vous nous dire
où sont passés les 0,045 $ le litre qui ont été
libérés par la mesure fiscale?
M. Mitchell: What you have to consider,
in the answer to this question, is that a number of things took place at
the same time that the tax was reduced. Shortly thereafter, there was a
significant decline, as you are aware, in crude oil prices and the market
reacted. Competitive forces required that pump prices come down significantly
over the first part of 1986. In conjunction with that, there were a number of
tax changes. If I heard correctly this morning, I think that Petro-Canada
mentioned eleven. I am not sure about that number, but there were a significant
number of changes. I think what is...
M. Ciaccia: I am sorry to interrupt you, but perhaps, for the
benefit of the members of the committee, of the translation could go on a
little bit at a time, so we will not miss any of your explanations, so the
members will not miss the explanations.
M. Lavoie: Pour répondre à la question, il faut
considérer que plusieurs circonstances ont eu lieu après le
changement. Il y a eu d'abord une réduction du prix du brut. Il y a eu
aussi une réaction du marché à cette réduction du
brut. Au début de 1986, les prix ont été réduits,
mais il y a eu aussi au cours de l'année, comme l'aurait soulevé
Petro-Canada ce matin, plusieurs modifications des taux de ces taxes,
probablement onze changements.
M. Mitchell: In spite of the number of changes that took place,
the market will still set the pump price and tax is only one element that makes
up the pump price. The biggest factor is the competition within that particular
marketplace. So, when we say that the 0,045 $ or the tax kind of disappeared
or, you know, that noboby can account for it, that is quite true. We do not
know where it went. It disappeared somewhere in the marketplace as it
determined the price for gasoline.
M. Lavoie: II y a eu plusieurs changements, mais ce qui a
affecté le plus le prix, c'est le marché. La taxe n'est qu'un des
facteurs et on ne sait pas exactement où sont disparus ces 0,045 $, dans
le marché.
M. Ciaccia: II faudrait quasiment aller chercher Sherlock Holmes
pour voir où sont allés les 0,045 $. Vous ne dites pas que...
Mme Hovington: Ils ne sont sûrement pas en Gaspésie,
M. le ministre.
M. Ciaccia: Vous venez de mentionner qu'il y a eu des baisses
dans le brut. Vous avez parlé des baisses dans le brut et des
ajustements mineurs aux taxes fédérales. Normalement, il aurait
dû y avoir non pas des augmentations dans les régions
périphériques, mais des baisses, en plus de la baisse de la
taxe.
M. Mitchell: I believe, when the tax first was imposed at the
lower level, basically we charged our retailers the lower tax. In other words,
when we invoice our retailers, we invoice them for the price of gasoline, plus
the provincial tax. When the provincial tax was reduced, we charged them the
lower amount. So, initially, the lower tax was indeed passed on to the
consumer. Over time, the market will re-establish prices at levels that
competition will allow.
M. Lavoie: Au début, il y a eu un taux de taxe qui
était plus bas. La société, lorsqu'elle a facturé
ses détaillants, a pris le niveau de taxe le plus bas, mais, avec le
temps,, sur une certaine période, le marché va reprendre.
M. Ciaccia: Est-ce que vos coûts, dans ces
régions-là, durant cette période, ont augmenté?
Appréciablement?
M. Forman: Est-ce que vous entendez par cela les coûts du
brut? Du pétrole brut?
M. Ciaccia: Non, pas les coûts du brut, les
coûts...
M. Forman: ...de mise en marché?
M. Ciaccia: ...les coûts pour Texaco. Ce peut être le
transport, les coûts administratifs, les autres dépenses. Vos
dépenses?
M. Mitchell: I think that any marketer of gasoline is under a
certain stress with respect to its costs and I think that those costs are
changing all the time. I am not sure that I understood the full impact of your
question, but...
M. Lavoie: On n'a pas bien compris.
M. Ciaccia: What I wanted to know is about this fluctuation in
price. Did the costs, the expenses of Texaco increase appreciably during this
period to justify the increase in the marketplace, at the pump or was that
increase due to other factors?
Ce que je veux savoir, c'est si les coûts de Texaco ont
augmenté, ce qui expliquerait l'augmentation à la pompe ou si
l'augmentation à la pompe est due à d'autres facteurs?
M. Forman: Est-ce que vous vous référez à la
période de 1986-1987?
M. Ciaccia: Oui, à la période dont on parle.
Après les décrets, pas après les
décrets, excusez, mais après la baisse de ia taxe en
décembre 1985 et jusqu'au mois de juin 1987. quand on a fait les
décrets.
M. Forman: Dans l'ensemble, on peut dire que, pour les
coûts de distribution, de marketing et pour le produit, on n'est jamais
sûr de les récupérer sur le marché. Comme on l'a
mentionné - plusieurs intervenants l'ont déjà
mentionné ou le mentionneront sûrement - c'est le marché de
l'offre et de la demande, de la libre concurrence qui nous permet de
récupérer certains coûts qui peuvent être des
coûts attribuables à l'inflation ou à des coûts de
transport majorés. Mais en aucun cas un coût augmenté pour
faire des affaires n'est nécessairement garanti. Il n'est pas garanti
qu'on puisse le reprendre dans un marché.
M. Ciaccia: Mais, plus spécifiquement, est-ce que les
coûts en région ont augmenté durant cette période?
Je sais que...
M. Forman: Dans les régions périphériques,
les coûts n'ont pas augmenté d'une façon
particulièrement différente des autres régions.
M. Ciaccia: Merci. Je pense que je vais laisser à d'autres
les questions, parce que le temps avance. Je vous remercie pour le moment.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
critique officiel et député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Peut-être juste
une question, puisque finalement les raisons et les explications données
par Texaco sont sensiblement les mêmes que celles de Petro-Canada et que
sa position est sensiblement la même. Alors, vous comprendrez qu'on ne
reprenne pas tout le processus de l'interrogatoire. Mais j'aimerais avoir votre
avis sur la question suivante: Ce matin, j'ai demandé aux
représentants de Petro-Canada si, par rapport à
l'établissement d'un mécanisme de surveillance beaucoup plus
souple qu'un décret - on a donné l'exemple d'une commission
parlementaire annuelle où on pourrait discuter ensemble, se concerter
sur ces questions-là -ils étaient vraiment réfractaires
à cette idée-là. De façon peut-être un peu
surprenante les gens de Petro-Canada ont bien réagi et se sont dits
peut-être même sympathiques à l'idée - d'une certaine
façon, si ça leur était imposé, bien sûr. (17
heures)
L'idéal, pour eux, c'est qu'il n'y en ait pas du tout. Mais ils
se sont dits sympathiques à l'idée d'avoir un forum, un peu comme
cette commission, où l'on pourrait discuter de toutes ces questions de
concurrence, ou un mécanisme, un peu à l'exemple de ce qui est
assez original en Ontario, avec la publication des prix, une espèce de
mécanisme ayant un pouvoir moral sur le marché et permettant
d'éviter des abus. Est-ce que votre position face à un
mécanisme comme celui-là serait dans le même genre que
celle de Petro-Canada ou si vous êtes opposés à toute forme
de contrôle ou d'encadrement, quel qu'il soit?
M. Forman: Premièrement, je pense qu'il serait important
de dire que la société Texaco Canada a toujours été
ouverte pour profiter des occasions qui lui sont données de faire valoir
son point de vue, que ce soit lors des audiences du RTTC à Ottpwa
dernièrement ou de l'étude qui a eu lieu en 1985, ici, au
Québec. Alors, notre disponibilité pour discuter des
différents points de vue a toujours été et sera toujours
là.
Il est évident que toute forme de réglementation pour une
entreprise qui fonctionne dans un libre marché revêt un
caractère qui pourrait être vu comme quelque chose qui
empêche une entreprise de croître. On peut voir la
réglementation de différents points de vue, finalement. La
réglementation pour un gouvernement consiste en sa responsabilité
de prendre soin de ses concitoyens aussi bien que des entreprises qui
investissent dans son milieu. La réglementation concerne
également les entreprises qui, elles, pour leurs actionnaires, sont
à la recherche d'un taux de rendement élevé. Pour le
consommateur, la réglementation le concerne, parce qu'il cherche
à payer le moins cher possible. Alors, on se retrouve devant des points
de vue divergents; les entreprises d'un côté, le consommateur de
l'autre.
Le processus de libre marché tel qu'on le vit, quant à
nous, est le mécanisme autorégulateur qui fait que ces deux
points de vue se rencontrent quelque part. Dès qu'on installe un
système de réglementation mécanique fixe, lourd à
administrer, on débalance le système normal autorégulateur
de ia libre concurrence.
Je pense que c'est un des gros problèmes que nous voyons avec le
processus de la réglementation. Par contre, pour répondre
spécifiquement à votre question, le dialogue chez nous a toujours
été une chose à laquelle nous sommes prêts à
nous prêter en tout temps.
M. Gauthier: Oui. Tout à l'heure, le ministre nous a
donné - et je l'en remercie -des chiffres sur les profits au litre faits
par les détaillants d'essence de façon générale.
J'aimerais juste vérifier si ces chiffres peuvent correspondre à
la réalité des choses. On nous parlait de 0,04 $ le litre de
profit avant toute cette histoire, 0,041 $ maintenant. En gros, le ministre
nous disait que le profit moyen remarqué chez les
distributeurs d'essence est de 0,04 $ le litre. Ce matin, Petro-Canada
nous disait que chez ses vendeurs, c'était un profit de 0,034 $ qui
était la norme généralement atteinte. J'aimerais savoir
où cela se situe à peu près chez Texaco.
M. Mitchell: I think you fully understand the situation with
respect to Texaco's pricing and, to be of assistance to the commission, I
should describe in a way how we price our petroleum products. We begin with a
dealer tank wagon.
M. Lavoie: Pour bien expliquer cela aux membres de la commission,
nous croyons qu'il serait sage de vous expliquer le moyen selon lequel Texaco
procède. Nous commençons d'abord avec un prix affiché.
M. Mitchell: The dealer tank wagon is a benchmark price and it is
designed to cover the cost of the raw material, the cost of manufacture of that
raw material into petroleum products and the cost of distributing it and
marketing it to our retailers.
M. Lavoie: Alors, ce prix qu'on appelle prix affiché tient
compte du produit brut, de la transformation de ce produit, de sa distribution
et de la commercialisation du produit fini.
M. Mitchell: The retailer, when he buys his products from us at
dealer tank wagon, then determines how much he will mark up the product to sell
at the pump. So, he determines the pump price.
M. Lavoie: Donc, le détaillant, lorsqu'il achète le
produit de notre société au prix affiché, établit
lui-même ensuite à quel prix il vendra le produit à la
pompe.
M. Mitchell: In certain markets and at certain times, when prices
are soft or... There are certain price pockets or price wars that are going on.
It may become necessary from time to time for Texaco to support its retailers
in the form of a discount off DTW, dealer tank wagon.
M. Lavoie: Donc, il est possible qu'à certains moments,
lorsque les prix sont en quelque sorte mous ou s'il y a une guerre des prix, la
compagnie décide qu'elle doit accorder aux détaillants un
escompte sur le prix affiché.
M. Mitchell: In that case and in other cases, the margin that the
retailer makes is simply the difference between what he chooses to post at the
pump and the price at which he buys his product from Texaco.
M. Lavoie: Dans ces cas-là, la marge pour le
détaillant devient la différence entre le prix à la pompe
et le prix qu'il doit payer pour acheter, donc le prix affiché.
M. Mitchell: Texaco Canada has an internal scale by which it
determines the amount of discount it will offer off the tank wagon price and
that scale is based on the difference between what the market prices are and
what the dealer tank wagon price is. When that margin reaches just less than
0,04 $, the retailer will be offered assistance in the form of a discount off
the tank wagon.
M. Lavoie: Donc, la société a un barème
interne qu'elle utilise pour déterminer la différence entre le
prix du marché et ce prix affiché. Lorsque la marge pour les
détaillants va en dessous de 0,04 $ le litre, c'est à ce
moment-là que l'assistance entre en jeu.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Frontenac. , M. Lefebvre: M. Forman, vous avez
mentionné tout à l'heure que la libre concurrence et le libre
marché étaient la meilleure façon d'en arriver à un
prix qui va se fixer lui-même. C'est l'autorégulateur, comme vous
l'avez mentionné tout à l'heure, sauf que, les règles du
commerce et du marché étant ce qu'elles sont, toutes les
pétrolières sans exception visent à faire les profits les
plus élevés possible. Sauf erreur, je ne crois pas qu'il y ait
une seule pétrolière qui ne soit pas guidée par cet
objectif de faire les profits les plus élevés possible.
Dans un territoire donné, on vit toujours la même
expérience: finalement, toutes les pétrolières fixent leur
prix à la pompe à peu près au même niveau. Si
chacune des pétrolières vise à faire le plus de profits
possible et si chacune des pétrolières est dirigée dans sa
politique de fixation des prix par cet objectif, où le consommateur
peut-il trouver sa protection? Quel mécanisme peut protéger le
consommateur face à un intérêt finalement global de toutes
les pétrolières à fixer le prix au plus haut plafond
possible, parce que vous trouvez toutes, que ce soit Texaco, que ce soit
Petro-Canada, que ce soit Shell, en même temps votre profit à
fixer évidemment le prix le plus haut possible. Par hasard, c'est ce qui
se passe dans les faits. En une très courte période de 24 heures,
toutes les pétrolières ou à peu près arrivent au
même prix. Une bouge, l'autre bouge dans le même sens, à la
hausse ou à la baisse. Alors, lorsque vous dites que la libre
concurrence est un autorégulateur, souvent, cela l'est, mais à la
hausse. Où le consommateur peut-
il trouver sa protection face à une mécanique comme
celle-là?
M. Forman: Le mot clef de votre intervention, c'est
évidemment celui de la concurrence et de quelle façon le client
peut se voir protégé par le mécanisme qu'on dît
autorégulateur du libre marché. Par contre, vous le savez tous -
plusieurs d'entre vous êtes en affaires ici - le marketing, c'est une
bataille qui se livre sur plusieurs fronts à la fois. Le prix n'est
qu'un des facteurs de cette bataille. Il y a le service d'un commerce, la
facilité d'accès, le stationnement, la propreté, l'image,
les heures d'ouverture, le personnel compétent, la publicité, la
promotion et, bien sûr, le prix. Ce qui protège le consommateur,
c'est le fait que le consommateur soit libre de choisir à quel endroit
il va se procurer son bien.
On parle d'essence aujourd'hui, on pourrait aussi bien parler de meubles
ou d'un autre produit de consommation. Le prix est déterminant pour un
commerce en vue de s'accaparer une part du marché, mais ce n'est pas le
seul facteur» II y a énormément de services qui peuvent
être offerts par un commerce afin d'attirer le clients des lave-autos,
des dépanneurs, des aires de service, du personnel compétent.
Alors, ce sont tous des éléments qui offrent au consommateur le
choix de déterminer à quel commerce il va accorder sa
clientèle.
Le Président (M. Théorêt): Un instant, M.
Forman!
M. Forman: On voudrait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Théorêt): D'accord,
allez-y.
M. Mitchell: If I could add to that. There were two parts to the
question, one addressed the fact that perhaps there may not be competition as
the prices keep escalating. I think that if prices are reasonably firm and
continue to go up, what is inferred by that is that there are significant
margins to the retailers or to the marketers of those petroleum products.
M. Lavoie: On aimerait ajouter à ce qu'on vient de
mentionner. D'abord, à la première partie de la question, on
semble alléguer qu'il n'y a pas de concurrence si les prix montent et si
les prix s'affermissent. Comme on dit, c'est une indication qu'il y a une marge
significative pour le détaillant.
M. Mitchell: If margins are high, that of course encourages entry
into the business and by entry, I mean new competitors coming into the business
and setting up their shop. Usually, the existence of a new competitor in the
marketplace - usually - is associated with a lower price. That marketer will
try to gain market share fairly quickly and usually will lower the price to try
to get some competitive advantage.
M. Lavoie: Si les prix sont élevés, souvent, cela
attire d'autres personnes dans la concurrence et ce qui arrive, c'est que le
nouvel arrivé essaie souvent de baisser son prix pour s'attirer une
clientèle.
M. Mitchell: And as the price is lowered by that new entrant,
other competitors who have been on that marketplace . for some time will want
to protect what they already have and, therefore, would probably be encouraged
to lower the price and compete with that new entrant. In this way, free and
open competition really is a self-regulator to not allows prices to get too
high,
M. Lavoie: Donc, si le prix baisse ceux qui sont
déjà en place tenteront, pour conserver la clientèle
qu'ils ont déjà, de baisser leurs propres prix et c'est ce dont
on parle comme système autorégulateur.
M. Mitchell: The second part of your question was with respect to
all competitors in a marketplace perhaps unilaterally raising the price and it
seems as if it all happens at one time. Believe me, I can attest the fact that
there is no collusion to that effect, collusion infers that there is some
agreement among the competitors to increase the price and we spent a long five
years in Ottawa talking to the Restrictive Trade Practices Commission only to
have been found not in contravention of any combine laws with respect to our
collusion or any practices of that nature.
What is not illegal, however, is conscious parallelism and that means if
I am a competitor on a corner and I am in the same business as others on
another corner...
M. Lavoie: Pour ce qui est de la deuxième partie,
concernant l'allusion au fait que tous les participants puissent s'entendre,
donc, qu'il y ait possiblement eu collusion, nous voulons vous confirmer qu'il
n'y en a pas eu, et c'est après cinq ans de preuves devant un tribunal
fédéral que nous avons réussi à prouver qu'il n'y
en avait pas. Il y a cependant ce qu'on peut appeler du parallélisme
conscient. (17 h 15)
M. Mitchell: If I am a competitor on a corner and my neighbour
wishes to increase or reduce his price, I can see it fairly quickly and
therefore, I am going to react fairly quickly. That is why you may see from
time to time the same prices on a corner
but they may have changed in an hour or two hours.
M. Lavoie: Donc, pour reprendre le concept du parallélisme
conscient, si je suis détaillant sur un. coin de rue et que je constate
que mon voisin baisse son prix, je vais faire mon possible pour faire la
même chose pour tenter de conserver ma part du marché.
Le Président (M. Théorêt): Écoutez, je
vois que le député de Frontenac a encore une question à
poser mais il ne reste qu'une minute à ma formation. Je n'ai pas
objection pour autant qu'on ne prenne pas dix minutes pour y répondre,
par exemple, parce qu'on va prendre énormément de retard et
l'Opposition n'a pas terminé son interrogatoire. Alors,
brièvement, M. le député de Frontenac, s'il vous
plaît.
M. Lefebvre: C'est vous-même qui avez parié de
collusion ou d'absence de collusion. Au moment où vous faisiez votre
intervention, j'ai noté sur un bout de papier une entente tacite
plutôt qu'une entente explicite. Dans les faits, je pense que,
très rapidement, toutes les pétrolières s'entendent sur
les prix dans un territoire donné, dans un territoire précis.
Dès le moment où un pompiste baisse son prix, le voisin va faire
la même chose pour une raison très simple. C'est que vous vendez
toutes, les pétrolières, le même produit qui, dans les
faits, est l'équivalent. Que ce soit Texaco, Shell ou Petro-Canada,
c'est la même chose.
Alors, la compétence au niveau de la concurrence dans votre
secteur d'activité n'existe pas. On ne peut pas parler de
compétence, vous vendez le même produit. Que ce soit le pompiste A
ou le pompiste B, l'automobiliste va recevoir le même service,
finalement. Et lorsque vous pariez de propreté, quant à moi, il
ne s'agit là que d'un accessoire. Alors, finalement, même si on
est, comme vous l'avez expliqué, dans un marché de concurrence,
dans un marché libre, le consommateur se retrouve toujours à la
merci de l'ensemble des pétrolières - c'est à cette
conclusion-là que j'arrive - à cause des ententes très
rapides qui se font entre vous sans même vous parler. On appelle cela une
entente tacite. Je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Mitchell: We are all in the same business and we are competing
against each other. 1 consider Petro-Canada a very very strong competitor of
mine, and Imperial Oil, and Shell, and the rest of them. And I am going to do
the best I can on that corner. I am in the business to attract and to keep
customers and I am going to do everything I can to try to do that, regardless
of whether it is an independant on that corner or Shell or Petro-Canada. And if
I see them lower their price, I am going to do that to stay in business.
M. Lefebvre: Sauf que vous vendez tous de la gazoline et non pas
des services professionnels.
M. Lavoie: Donc, la réponse à la question
était que...
Une voix: Oui... très bien répondu.
M. Lavoie: ...nous sommes tous dans le même marché,
si on prend l'exemple des stations-service, et nous estimons que nous sommes en
compétition sérieuse avec d'autres sociétés telles
que Imperial ou Petro-Canada. Comme détaillants, nous ferons notre
possible pour essayer d'attirer notre part du marché.
Le Président (M. Théorêt): Alors, je vous
remercie. Je cède maintenant la parole à M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur
la notion de prix affiché à laquelle vous avez fait
référence tout à l'heure. Est-ce que vous pourriez
être plus explicite sur ce prix-là? Est-ce le même prix pour
tous les détaillants du Québec? Est-ce que le prix se
négocie région par région, ville par ville, marché
par marché? C'est quoi exactement, le prix affiché?
M. Mitchell: Yes, the dealer tank wagon price is different from
area to area. Basically, the differences are twofold: one, it accounts for
differences in transportation across those zones and secondly, it also has to
respond to other wholesale competitive prices in the area.
M. Lavoie: Donc, la réponse à votre question est
oui. Le prix affiché tel qu'on le mentionne varie de région en
région. La différence est basée sur deux facteurs. Le
premier, ce sont les coûts de transport qui peuvent varier d'une
région à l'autre et le second, c'est le besoin de faire face
à la compétition, selon ce qui est offert par des
compétiteurs dans la même région.
M. Claveau: D'accord. Au moment où vous négociez un
prix affiché sur la base duquel le détaillant va vous rembourser,
vous payer le produit qu'il va vendre au détail; est-ce que vous
considérez aussi la problématique particulière à
laquelle le détaillant a à faire face? Je prends un exemple. Tout
à l'heure, des gens de Matagami sont venus nous présenter les
problèmes particuliers vécus par la ville de Matagami. Dans la
mesure où un détaillant Texaco - d'ailleurs, il y en a un
à Matagami
- qui fait affaires à Matagami dans des conditions
particulières, dans des conditions climatiques difficiles, dans un
marché très restreint avec très peu d'expansion possible,
etc., là où les coûts de main-d'oeuvre, de location
d'édifices, de taxation - tout ce que vous pouvez mettre - tout est plus
élevé qu'ailleurs... Est-ce qu'au moment de fixer votre prix
affiché vous prenez aussi en considération le milieu particulier
dans lequel ce détaillant va avoir à fonctionner ou à
vendre votre produit?
M. Forman: Votre question se pose au niveau des conditions
climatiques ou des conditions régionales, des disparités
régionales qui pourraient occasionner des coûts de fonctionnement
plus élevés. Est-ce que les coûts de fonctionnement plus
élevés se reflètent dans le prix assumé par
l'exploitant? Est-ce votre question?
M. Claveau: Oui et non. Je vais la poser autrement. Vous avez des
critères que vous respectez en tant que compagnie. Vous avez des
critères, entre autres les coûts de transport et la concurrence,
dont vous vous servez pour fixer votre prix que vous appelez le prix
affiché. Bon! C'est ce qui vous concerne comme compagnie, comme
fournisseur de matières premières, comme grossiste d'un produit
donné, finalement. Mais, au moment de fixer le prix, n'y a-t-il pas
d'autres paramètres qui entrent aussi en ligne de compte ou qui
devraient entrer en ligne de compte, entre autres le milieu physique et
économique dans lequel a à travailler ou à fonctionner
votre détaillant? Ou si vous dites tout simplement au détaillant:
Arrange-toi avec tes problèmes. Nous, on fixe ce prix-là, on
rentre dans nos coûts de transport, on s'assure une concurrence, on
rentre dans nos coûts de production et, pour le reste, arrange-toi pour
faire de l'argent.
M. Forman: C'est un peu le concept du libre marché,
finalement, qu'on préconise et qu'on voulait présenter dans notre
mémoire. Il détermine la marge de profit dans une région
éloignée où les frais d'exploitation, comme vous l'avez si
bien dit, à Matagami, à Rouyn-Noranda ou à La Sarre,
peuvent être plus élevés pour différentes raisons:
main-d'oeuvre compétente plus difficile à trouver,
matériaux plus dispendieux, etc. Foncièrement, notre prix de
vente au détaillant est déterminé de la même
façon que pour les détaillants d'une région plus urbaine
telle que Québec ou Montréal. Il n'y a pas de
particularités économiques locales qui sont prises en
considération dans l'établissement d'un prix de vente.
M. Claveau: Est-ce que vous êtes en train de me dire, par
exemple, que lorsqu'un détaillant en région - j'en ai
rencontré plusieurs, c'est mon coin de pays - nous dit: Moi, je suis
obligé de vendre plus cher parce que j'ai des coûts de transport
plus élevés à assumer... Est-ce qu'il a raison de me dire
cela ou si c'est vraiment marginal par rapport au fait qu'il me vend plus
cher?
M. Forman: Les coûts de transport ou les coûts de
prix affiché? encore une fois, demeurent un prix de
référence que nous utilisons pour facturer nos clients. La
différence entre le prix affiché d'un détaillant dans le
Nord de la province et celui du détaillant semi-urbain est relativement
mineure. Je n'ai pas l'échelle des prix avec moi, mais cela peut varier
de 0,005 à 0,01 $ le litre de différence.
M. Claveau: Vous parlez du prix affiché?
M. Forman: Du prix affiché.
M. Claveau: D'accord. Le prix affiché peut varier à
peu près de 0,005 $.
M. Forman: 0,01 $, selon les différentes zones. On a
plusieurs zones au Québec
M. Claveau: D'accord. Comment cela se fait-il, à ce
moment-là - je suppose que cela devait être la même chose
auparavant - que les prix à la pompe peuvent varier
énormément? Est-ce que cela relève uniquement de la
politique ou de la loi du marché? Par exemple, à Chapais, on a
déjà payé l'essence 0,72 $ le litre alors qu'aujourd'hui,
il se tient entre 0,54 $ et 0,55 $. Est-ce que cela relevait du prix du
marché à ce moment-là aussi? Est-ce que cela relevait de
la loi du marché ou si les détaillants pouvaient en profiter au
maximum pour s'emplir les poches, ou si c'était vous qui vendiez plus
cher aux détaillants que vous ne le faites actuellement?
M. Forman: Les prix à la pompe, M. le
député, sont déterminés uniquement par les
détaillants dans leurs régions respectives et en aucun temps nous
ne déterminons pour eux le prix auquel ils vont vendre. Maintenant, on
sait que la concurrence s'établit par l'entremise, comme on le dit dans
notre mémoire, de la densité de la population, du nombre de
concurrents, et pour différentes raisons. Les prix peuvent varier d'une
région à une autre, mais c'est strictement dû à la
loi de l'offre et de la demande, au marché de la libre concurrence dans
le milieu dans lequel se trouve le détaillant.
D'ailleurs, nous avons attaché à notre mémoire,
pour l'information des membres de la commission, une analyse de prix des
denrées alimentaires dans les différentes régions
au Québec. Et on peut voir qu'il y a une différence de prix dans
les différentes zones. On a voulu soulever cela pour vous
démontrer qu'il y avait une variation dans d'autres domaines, et non
seulement dans l'essence.
M. Claveau: Je pense qu'on ne va pas encore assez loin dans le
problème. J'ai l'impression, lorsqu'on me dit: Écoutez, c'est la
loi du marché, que c'est comme si on posait une question à un
agent de la Sûreté du Québec qui disait: Écoutez,
c'est "top secret", je ne peux pas en parler. J'ai l'impression que c'est cela
parce que, dans le fond, comme le disait tout à l'heure un de mes
collègues, la loi du marché en ce qui concerne les produits
pétroliers, c'est: Quand ton réservoir est vide, tu vas à
la station la plus près pour le remplir. Peu importe le nom ou le
numéro, tu ne veux pas te faire remorquer. C'est à peu
près cela, la loi du marché, en réalité.
En région éloignée, quand vous avez, par exemple,
deux ou trois stations dans une petite ville à 150 kilomètres de
la ville la plus près, qu'elles s'appellent Petro-Canada, Esso ou
Texaco, je vous dirais bien que ça revient au même. Tous les
détaillants se connaissent, tout le monde se connaît. Ils marchent
ensemble et ils prennent leur bière ensemble dans le même
hôtel parce que, souvent, il n'y en a pas plus qu'un. Jusqu'à quel
point, vraiment, la sacro-sainte loi du marché peut-elle faire en sorte
que les prix varient ou ne varient pas, ou peut faire en sorte, par exemple,
que la marge du détaillant soit de 0,04 $ le litre ou de 0,15 $ le
litre, si, dans le fond, c'est un milieu très fermé, très
restreint où tout le monde se connaît et où c'est difficile
de savoir jusqu'à quel point on suit vraiment la loi du marché ou
si on n'établit pas tacitement des genres de petits cartels locaux qui
feront en sorte que tout le monde sera content?
J'aimerais pouvoir mieux comprendre le problème et votre
façon de réagir par rapport à cela.
M. Mitchell: I think what we have to remember here is that Texaco
Canada is a wholesaler of gasoline in most of the areas that you are talking
about. And we are selling our product to the retailer who is setting his own
price based on market circumstances within his market. We have no control over
what he does with his price.
M. Lavoie: II faut se rappeler que Texaco, dans les
régions périphériques dont vous parlez, est surtout un
vendeur en gros et que le ou les détaillants qui achètent fixent
le prix selon ce qu'ils estiment être le prix du marché.
M. Claveau: Je vais vous poser juste une question
théorique mais, en fait, je sais que c'est ainsi que cela se pratique en
réalité. À Matagami, le prix de l'essence équivaut
à peu près - je l'ai même exactement parce que j'ai fait le
plein là-bas il y a deux ou trois jours - aux prix qu'on a dans le
décret, c'est-à-dire à environ 0,56 $ ou 0,57 $ pour
l'essence ordinaire sans plomb. Il doit y avoir, si je ne me trompe pas, trois
compagnies présentes. (17 h 30)
Si on prend la route de la Baie-James, on n'a pas à aller bien
loin, il y a une ou deux stations-service sur la route de la Baie-James, mais
là, il y a un contrôle, il n'y a plus de concurrence. Quand on est
rendu à la hauteur de LG 4, on paie 0,84 $ ou 0,86 $ le litre d'essence.
Est-ce qu'on peut croire que le prix de l'essence augmente de 0,30 $ le litre
juste à faire à peu près 700 kilomètres de plus sur
la route? Cela signifie que cela devrait varier à peu près du
même montant entre Montréal et Rouyn, puisqu'il y a à peu
près la même distance. Il devrait aussi augmenter de 0,30 $ le
litre, si on se fie au prix du transport. Donc, du fait que la concurrence
diminue, on peut imaginer que c'est plus facile de pouvoir avoir des prix qui
pourraient devenir exorbitants dans certains cas. Dans ce sens-là, ne
croyez-vous pas que le gouvernement a vraiment raison de s'interroger sur la
pertinence d'un contrôle des niveaux des prix?
M. Forman: Autant les prix dans une région, comme vous le
soulignez pour la route entre Matagami et la Baie-James, peuvent être
très élevés, autant dans d'autres régions les prix
sont trop bas. C'est un peu ce qu'on a essayé de mentionner tantôt
durant notre intervention. Le processus de réglementation essaie
d'établir un taux de retour sur le capital uniforme dans tout le pays.
Ce faisant, il est évident que vous éliminez le dynamisme,
l'initiative, le progrès et le nombre de concurrents qui seraient
intéressés de pénétrer le marché parce que
le taux de retour est le même pour tout le monde. Votre commentaire est
tout à fait normal. Il y a peut-être des marges de profit dans
certaines régions éloignées qui peuvent sembler
élevées, mais si elles sont si élevées, il n'y a
aucun doute que d'autres concurrents vont en entendre parler, vont aller s'y
installer et voudront faire baisser le prix du marché pour s'accaparer
une part de la clientèle. Évidemment, le tout, c'est une
question, comme on dit en anglais, de "trade off". Quels sont les coûts
d'implantation d'un nouveau commerce? Est-ce que les revenus
espérés sont suffisants pour payer notre investissement? C'est un
peu cela, finalement, la loi de la concurrence et du libre marché.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Ungava.
Une dernière brève question, M. le député de
Vanter.
M. Lemieux: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier M. le député de Roberval qui me permet cette
brève question.
Vous comprendrez que je suis sceptique face à certains de vos
énoncés, à certaines de vos paroles. Je me mets - je vais
être un peu populo - dans la peau du consommateur qui, lui, a de la
misère à s'y retrouver dans tout cela. Bien honnêtement, il
faut quand même en discuter avec les consommateurs et vous comprendrez
qu'ils n'y comprennent rien. Ils croient qu'il y a une espèce de cartel
entre les différentes compagnies. D'autant plus qu'en Ontario, c'est
0,03 $ ou 0,04 $ le litre de moins, qu'on assiste chez nous à une
certaine réduction de la taxe sur les carburants et qu'on n'en voit pas
l'effet à la pompe. Je suis certain que vous êtes des gens
très compétents; peut-être, parmi vous, y a-t-il des
analystes financiers, des avocats; ce n'est peut-être pas là un
critère, mais je ne comprends pas quand vous venez nous dire qu'il y a
0,04 $ comme ça qui sont disparus on ne sait où, qui se sont
ventilés je ne sais pas de quelle façon. Permettez-moi
d'être sceptique surtout lorsqu'on a à s'adresser à une
compagnie comme la vôtre qui a des gens aussi compétents à
son service.
Comme je l'ai mentionné, le public ne comprend vraiment pas ce
qui se passe. Dans votre mémoire, à la page 10, vous mentionnez
un des moyens d'action. Vous parlez de campagne d'information publique.
J'aimerais savoir de Texaco, premièrement; Quel moyen comme tel
avez-vous pris pour une meilleure diffusion de l'information auprès du
public? La favorisez-vous vraiment, cette information? Si oui, êtes-vous
prêts à la produire, à nous la donner et aller à la
recherche de ces 0,04 $ qui sont disparus je ne sais où, par
l'intermédiaire de vos analystes financiers?
M. Mitchell: The mysterious 0,04 $! I think, to answer the
question and to be helpful to the commission, we have to go back to the
principle of the fact that prices at the pump are market driven. They are not
cost driven. Tax is only one element of the price, it is one other cost that
goes into the makeup of the price of gasoline.
M. Lavoie: Pour expliquer un peu la disparition
mystérieuse des 0,04 $, on croit qu'il faut retourner au fait que les
prix sont dirigés par le marché et non pas par la pompe, que la
taxe n'est qu'un des facteurs.
M. Mitchell: In the fact that the market sets the price, it will
set the price regardless of cost factors in the short run: regardless of tax,
regardless of crude oil prices, regardless of cost of transportation. It will
set the price, in the short run, according to the marketplace.
M. Lavoie: Donc, à court terme, il faut se rendre compte
que c'est le marché qui va contrôler... Dans un marché
compétitif, c'est le marché qui va contrôler le prix
à court terme et non pas uniquement un élément comme la
taxe ou les coûts.
M. Mitchell: One of the addities that you may be able to draw a
comparison to, is the price of furnace oil. In Quebec, it is indeed lower, much
lower than the price of furnace oil in Ontario, for instance, in spite of the
fact that there is a tax in Quebec on furnace oil and there is no tax on
furnace oil in Ontario. That is what I mean by the market setting the price for
a product, not cost, like tax.
M. Lavoie: Une comparaison que l'on pourrait faire est le prix du
mazout. Il est plus bas au Québec, même s'il y a une taxe, qu'il
ne l'est en Ontario.
M. Mitchell: There have been some circumstances when indeed the
Federal Government or the Provincial Government have increased the tax and in
same markets across various provinces, we have not been able to recoup at the
price at the pump or in the marketplace the actual increase in the tax. There
again, the market is setting the price, not the tax.
M. Lavoie: II y a eu des occasions où le gouvernement
fédéral a augmenté la taxe sur l'essence et les compagnies
n'ont pu récupérer cette taxe malgré le prix à la
pompe.
M. Lemieux: Vous avez fait état de campagnes d'information
publiques. Quelles mesures Texaco a-t-elle prises? Quelles mesures entend-elle
prendre?
M. Mitchell: I believe that we did distribute - I think that it
was in May of 1986 - a pamphlet on pricing. I do not have a copy in French but
I would be glad to leave that here for the benefit of the commission. We did
try to explain the components of what made up the pump price. I would be glad
to ieave that with the commission.
M. Lavoie: En mai 1986, notre société aurait
distribué un dépliant expliquant les différentes
composantes du prix. Nous avons une version anglaise que nous sommes
disposés à laisser à la commission aujourd'hui.
Le Président (M. Théorêt): Merci, messieurs.
Avant d'entendre la conclusion du député de Roberval et du
ministre, je porte juste à votre attention, M. Forman, pour les membres
de votre groupe, que les comparaisons de prix des produits du Québec,
à l'annexe 1, pour tous les produits d'alimentation qui sont là,
sont truffées d'erreurs. Cela ne correspond pas du tout à la
réalité. Et je vous soumets deux raisons. Sûrement que les
spéciaux n'ont pas été pris en considération et que
la comparaison n'a pas été faite dans la même chaîne
parce que c'est impossible qu'il y ait des différences de 3 $ sur un
produit, jusqu'à 3 $ de différence sur un produit. Et c'est comme
cela pour tous les produits. Je porte juste cela à votre attention et je
suis certain que vous voudrez bien faire les corrections.
M. le député de Roberval, pour la conclusion, et le
ministre.
M. Gauthier: Très rapidement, puisqu'on a
déjà dépassé nos trois quarts d'heure. Je voudrais
simplement remercier les représentants de la compagnie Texaco qui ont
bien voulu venir participer aux travaux de la commission. Je sais qu'un des
représentants est venu de loin pour nous apporter des informations et
nous apprécions cette collaboration que vous nous offrez.
Peut-être que nous aurons l'occasion de nous revoir si, d'aventure, un
certain mécanisme de contrôle ou à tout le moins de
surveillance parlementaire ou paraparlementaire était mis sur pied.
D'ici là, je peux vous assurer que nous allons collaborer avec le
gouvernement pour faire le meilleur choix possible pour préserver quand
même, dans une certaine mesure, la libre concurrence dans le domaine des
produits pétroliers. Mais aussi - et ça, il ne faut pas l'oublier
- il faut faire en sorte que les consommateurs puissent
bénéficier véritablement des baisses d'impôt ou de
taxe que le gouvernement veut bien leur consentir.
C'est surtout sous cet aspect que nous envisageons les travaux de la
commission. C'est dans cette perspective que nous allons faire des
recommandations au gouvernement, mais en tenant compte de l'ensemble du
problème et non pas d'une vision parcellaire de la situation parce que
les solutions faciles ne sont jamais où ne sont pas toujours, en tout
cas - les meilleures solutions dans des problèmes aussi complexes que
celui-là. Je vous remercie, au nom de ma formation politique, de votre
présence et de votre précieuse collaboration.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: Moi aussi je veux remercier les représentants
de Texaco. Je sais que le temps est écoulé mais peut-être
que dans vos remarques finales vous pourriez juste répondre
brièvement ou faire la lumière sur les propos tenus par M.
Galipeault qui a dit qu'un des buts visés par Texaco était un
taux de rendement idéal dans tout le pays. Doit-on déduire qu'il
y a interfinancement d'une région à l'autre, d'une province
à l'autre? Est-ce le but?
Finalement, je voudrais dire que c'est un fait que les compagnies
pétrolières ont la réputation, dans l'esprit de la
population, de fixer les prix. C'est là une image que tout le monde
semble avoir. Peut-être, pour aider à dissiper cette image - si
effectivement vous ne les fixez pas - que je pourrais vous suggérer de
changer le titre des fonctions de M. Mitchell qui se décrit comme suit:
directeur, fixation des prix. Merci.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Théorêt): Merci. Les membres
de la commission vous remercient de votre présence et vous souhaitent un
bon retour.
J'invite maintenant les représentants de la
Fédération nationale des consommateurs du Québec, s'il
vous plaît, à prendre place. Je présume que vous êtes
seul, M. Bolduc.
M. Bolduc (Marcel): Marcel Bolduc, porte-parole de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec.
Le Président (M. Théorêt): Alors, vous
connaissez les règles. Vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire. Je vous cède immédiatement la parole.
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec
M. Bolduc: Merci. La Fédération nationale des
associations de consommateurs du Québec, la FNACQ, tient à
féliciter le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. John
Ciaccia, pour deux motifs. Premièrement, il a décidé, au
nom du gouvernement, de limiter le prix de l'essence dans les régions de
la Gaspésie-Bas-Saint-Laurent, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de
l'Abitibi-Témiscamingue et de la Côte-Nord. Deuxièmement,
il a convoqué une commission parlementaire pour permettre aux groupes et
aux personnes intéressés de faire le point sur le prix de
l'essence dans les régions périphériques et la
nécessité ou non de créer une régie qui
contrôlerait les prix de l'essence.
La FNACQ est une fédération qui regroupe dix associations
de consommateurs, dont trois sont situées respectivement à
Baie-Comeau, Sept-Îles et Port-Cartier. Elle s'est occupée du
problème du prix de l'essence parce qu'il touche l'ensemble des
consommateurs et consommatrices, mais surtout parce qu'il grève
davantage le budget des consommateurs et consommatrices à faible revenu.
Dans les régions ou les villes où le transport en commun est
inexistant ou insuffisant, le transport par automobile est aussi essentiel aux
familles que le téléphone, l'électricité, le lait
ou le pain.
C'est pour cette raison que la FNACQ a rencontré, en 1984, le
comité conjoint Énergie-Finance mis sur pied par le ministre
Parizeau en représailles contre les compagnies pétrolières
qui avaient absorbé, en novembre 1983, une grande partie de la
réduction de la taxe ascenseur. Faibles reproches, certes, puisque la
réduction était supposée s'appliquer au
bénéfice de l'ensemble des consommateurs et consommatrices du
Québec. Mais nous ne pouvions pas laisser tomber une première
occasion qui s'offrait à nous, au nom des consommateurs et
consommatrices, de dire aux représentants du gouvernement deux choses.
Premièrement, qu'il devait intervenir dans le processus de fixation des
prix de l'essence et, deuxièmement, que cette intervention devait se
faire dans l'intérêt des consommateurs. (17 h 45)
Malheureusement, le comité conjoint Énergie-Finance n'a
pas retenu l'idée que le prix de l'essence devait être soumis aux
exigences de l'intérêt des consommateurs. Le comité a
justifié sa position en évoquant le fait, que nous n'avions pas
contesté alors, qu'en Nouvelle-Écosse, le système de
réglementation est désavantageux pour les consommateurs puisqu'on
y paie le litre 0,04 $ de plus qu'au Québec.
La FNACQ tient à redire aujourd'hui à la commission
parlementaire que nous ne voulons pas de la Régie de l'essence de la
Nouvelle-Écosse, parce qu'elle a été mise sur pied non pas
pour protéger les intérêts des consommateurs, mais d'abord
pour protéger ceux des détaillants d'essence.
Nous soumettons aux députés deux projets de régie
que nous avions soumis au comité conjoint et que nous résumons
dans les grandes lignes suivantes.
Premier projet: une régie qui fixe les prix. Il s'agit d'une
régie qui fixe les prix de l'essence au détail et à la
raffinerie. Les prix sont fixés après une analyse des coûts
du pétrole brut stocké, du raffinage, du transport et de la
distribution.
Cette analyse des coûts permettrait à la régie de
fixer un prix ou une fourchette de prix à toutes les étapes et
pour toutes les régions du Québec. Ces coûts devraient
être justifiés lors d'audiences publiques où les
organisations de consommateurs pourraient évaluer les coûts et
donner leur point de vue. Puisque le système de surveillance des prix
est déjà en place, les coûts pour réglementer les
prix du litre d'essence seraient infimes.
Deuxième projet: une régie qui discipline le
marché. La procédure serait assez différente de la
première. Chaque fois qu'une compagnie voudrait modifier ses prix, elle
devrait les déposer à la régie. Le Québec pourrait
être découpé en régions et chacune pourrait avoir
une liste de prix. Si, dans un délai de dix jours après la
demande? aucun groupe de consommateurs et aucun compétiteur n'ont
formulé d'objection, alors la compagnie appliquerait sa liste de prix.
Les autres pourraient suivre, évidemment. Le coût de cette
dernière formule est moins que rien.
Dans les deux cas, membres de la commission, la réglementation
des prix est économique, efficace et souple. Elle réduit au
strict nécessaire l'intervention gouvernementale. Elle oblige les
compagnies à tenir compte de l'intérêt des
consommateurs.
En 1984, nous avions spécifié au comité
Énergie-Finance que, dans les circonstances, nous
préférions la deuxième régie, une régie qui
discipline le marché. En 1987, c'est encore notre opinion.
En fait, nous sommes convaincus qu'un contrôle du prix de
l'essence exclusif à certaines régions va se faire, à
terme, sur le dos des consommateurs vivant dans les autres régions. Pour
90 jours, les compagnies peuvent tolérer la situation pour ne pas
exacerber les consommateurs. Mais, si le contrôle était
prolongé, les compagnies n'hésiteraient pas à financer les
pseudopertes par des réajustements de prix dans les régions
où le prix n'est pas réglementé.
Enfin, la FNACQ ne croit pas qu'il existe d'autres solutions permanentes
que la réglementation publique pour protéger les
intérêts des consommateurs partout au Québec. La raison est
simple. Le Québec est sous l'emprise d'un oligopole formé de
Shell, Ultramar et Petro-Canada. Ce sont les forces du marché,
combinées aux politiques énergétiques, qui ont produit le
résultat que l'on connaît. Un des prix à payer, c'est la
réduction importante de la concurrence. Nous croyons qu'il est illusoire
de revenir en arrière par des démantèlements ou de fuir
vers l'avant en favorisant la venue sur le marché d'un nouveau
larron.
Le nouveau problème apporté par l'oligopole amène
une solution nouvelle, soit celle de voir à ce que la fixation des prix
de l'essence tienne compte de l'intérêt des consommateurs.
Face aux oligopoles, les consommateurs ont besoin d'un ministre qui se
tienne debout. Nous l'avons enfin... pour la première fois depuis
plusieurs années. Maintenant, les consommateurs ont besoin d'un
héritage qui durera longtemps: une régie qui tiendra compte des
intérêts des consommateurs et des consommatrices. Merci de votre
attention.
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie,
M. Bolduc. M. le ministre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Merci, M. Bolduc. Je vais attendre que le
député de Roberval... Voulez-vous faire votre intervention
maintenant ou attendre que j'aie terminé?
M. Gauthier: M. le ministre, je voudrais simplement souligner que
votre "merci" devrait être accentué, compte tenu d'un compliment
inespéré venant d'un consommateur.
M. Ciaccia: Ah! j'ai remercié M. Bolduc! Je pense que M.
Bolduc est le porte-parole d'une association qui représente les
consommateurs. Lorsqu'on a décrété la baisse des prix du
pétrole dans les régions, les consommateurs se sont rendu compte
que le gouvernement, effectivement, prenait ses responsabilités et
voulait s'assurer que la baisse de la taxe profiterait aux consommateurs et non
pas aux autres intervenants. Je ne dirai pas seulement les
pétrolières, parce qu'il y a plusieurs intervenants. 11 y a les
pétrolières, les détaillants, les grossistes. Nous
voulions que ce soit le consommateur qui en profite. Lorsque le ministre des
Finances a décrété cette baisse de taxe, c'était
afin qu'elle profite aux régions périphériques, aux
consommateurs des régions périphériques. M. Bolduc a
seulement constaté que cette mesure avait effectivement eu cet effet. Je
le remercie pour cette constatation.
M. Gauthier: Voilà! Là, vous avez bien fait
cela.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Ciaccia: Merci. Je voudrais bien comprendre la recommandation
que vous faites. Premièrement, vous dites, dans votre
résumé, que votre fédération "croit qu'il existe
des formules souples, efficaces et économiques pour réglementer
le prix de l'essence du territoire du Québec." Vous faites
référence à quelques-unes. Vous ne voulez pas que ce soit
une régie comme celle de la Nouvelle-Écosse.
M. Bolduc: Non, effectivement.
M. Ciaccia: Pourriez-vous expliquer un peu plus cette
affirmation, cette recommandation, en ce qui concerne ces formules souples et
comment on devrait fonctionner?
M. Bolduc: Ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il faudra
absolument que la régie qui contrôlera les prix puisse tenir
compte, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, de tous les
aspects, tous les intervenants et toutes les régions du Québec.
C'est un peu ce qu'on veut dire. Cela ne veut pas dire que ce sera plus
compliqué pour autant de contrôler les prix, mais il va falloir
tenir compte de tous ces aspects.
M. Ciaccia: En mentionnant que vous ne voulez pas d'une
régie comme celle de la Nouvelle-Écosse, êtes-vous au
courant que la Nouvelle-Écosse a décrété seulement
une baisse durant toute son existence? La seule baisse qu'elle ait
décrétée fut en avril 1987. Elle était de 0,025 $
le litre. C'est la seule baisse qui ait été
décrétée par la régie. Dans tous les autres cas, il
n'y a jamais eu de baisse de prix sauf cette année, au mois d'avril.
Soit qu'elle ait maintenu le prix, soit qu'elle l'ait augmenté. Depuis
son existence, depuis qu'elle est en fonction, elle n'a jamais dit aux
pétrolières? Le prix que vous exigez est trop élevé
et vous devez le réduire.
M. Bolduc: À ma connaissance, que ce soit dans le domaine
du pétrole ou d'autres produits de consommation - prenons le lait
où il y a une régie - il n'est pas arrivé qu'à un
moment donné la régie, pour quelque raison que ce soit, se soit
penchée sur la possibilité de réduire les prix. Chaque
fois que la régie intervient, elle le fait à un moment où
les divers intervenants du marché demandent qu'elle intervienne et, le
plus souvent, lorsqu'une régie intervient, c'est lorsque les compagnies
ou les fournisseurs en font la demande, comme pour la question du prix du
lait.
Je ne m'attends pas qu'une régie décrète, demain
matin, des baisses fabuleuses du prix de l'essence, à moins que les
puits de pétrole ne se mettent à jaillir, que le prix baisse de
façon considérable et que les pétrolières ne nous
fassent aucun signe. À ce moment-là, j'imagine qu'une
régie pourrait réagir rapidement, mais je pense qu'il faut
être à l'affût du marché constamment à cause
du nombre d'intervenants présents dans le marché du
pétrole.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez des raisons spécifiques
pour ne pas vouloir une régie comme celle de la
Nouvelle-Écosse?
M. Bolduc: Parce qu'à notre avis celle de la
Nouvelle-Écosse n'a pas l'air d'avoir été efficace, elle a
semblé favoriser les détaillants d'essence plutôt que les
consommateurs.
M. Ciaccia: Dans ce que vous proposez, vous préconisez que
la régie intervienne lorsqu'il y aura objection de groupes de
consommateurs à une éventuelle modification de prix de la part
d'une compagnie. Autrement dit, la compagnie devrait demander une augmentation.
S'il n'y a pas d'objection,
l'augmentation sera acceptée, si des groupes de consommateurs
s'opposent? la régie pourrait trancher.
M. Bolduc: C'est un peu cela, il s'agit de définir les
rôles de chacun dans un processus comme celui-là. À partir
du moment où, en tout cas, les consommateurs acceptent de jouer leur
râle de consommateurs, ils ont des responsabilités qu'ils doivent
assumer aussi et je pense que c'est à ce moment-là qu'ils doivent
intervenir, lorsque les pétrolières veulent augmenter leur prix.
Aussi, si on surveille le marché et qu'on constate des baisses
considérables, par exemple, du brut, c'est encore une autre occasion
d'intervenir et c'est afin de permettre à l'ensemble des consommateurs
de pouvoir le faire au moment opportun.
M. Ciaccia: Cette partie-là, je ne l'ai pas tout à
fait comprise. Parce que j'allais vous demander: Si les consommateurs
interviennent quand une compagnie demande une augmentation...
M. Bolduc: Oui.
M. Ciaccia: ...comment la régie peut-elle agir si les prix
- vous parlez des prix du brut - baissent et comment la régie
pourrait-elle décider de baisser les prix? Parce qu'il n'y aurait pas de
demande, je ne vois pas une pétrolière faire une demande pour
réduire les prix.
M. Bolduc: Non, jamais. A l'inverse des
pétrolières, je pense que les consommateurs pourraient, eux,
faire des demandes à la régie pour que les prix soient
baissés.
Lorsqu'on surveille le marché - je pense que l'ensemble des
consommateurs surveille le marché ou, du moins, les associations de
consommateurs - et qu'on sent que le prix du pétrole brut baisse, on
redouble d'énergie pour essayer de faire agir les forces du
marché. L'exemple récent des dernières baisses du
pétrole brut ont fait que plusieurs associations de consommateurs ont
réuni leurs efforts pour, à tout le moins, essayer de
contrecarrer le marché en demandant aux gens de boycotter certaines
compagnies afin que les prix baissent. Et cela a fonctionné dans
certaines régions.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, votre régie agirait
seulement dans les cas où une pétrolière ou les
consommateurs feraient une demande pour faire augmenter ou baisser les
prix.
M. Bolduc: Oui. Je pense que son rôle devrait être
dans les deux sens, évidemment.
M. Ciaccia: Si le consommateur avait plus d'information -
parlons en général, mais surtout dans les régions
périphériques - sur les prix, sur les différentes
compagnies, sur les différentes pétrolières, est-ce que
vous croyez que cela pourrait l'aider dans ses choix? Est-ce que cela pourrait
être plutôt un facteur de la baisse des prix?
M. Bolduc: Oui. Évidemment, la diffusion d'information est
essentielle dans un processus comme celui-là. C'est d'ailleurs une des
recommandations qu'on avait faites, en 1984, au comité Parizeau, de
publier au moins les listes de prix par région pour faire en sorte que
le consommateur demeure constamment informé. Vous allez retrouver, dans
les recommandations du rapport de ce comité, la recommandation que le
consommateur reste constamment informé de la fluctuation des prix dans
les régions.
M. Ciaccia: Qu'est-ce qui est arrivé à votre
recommandation?
M. Bolduc: Elle n'a pas été suivie. D'ailleurs,
l'ensemble des recommandations qui avaient été mises de l'avant
par ce comité n'a pas eu de suites.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
M. Bolduc de nous avoir présenté son mémoire avec lequel,
je dois le dire, je suis passablement d'accord, principalement quant à
la dimension d'une régie qui discipline le marché. Cela
m'apparaît un concept fort intéressant. Tout en étant
d'accord avec l'essentiel du mémoire, disons que j'émettrai
certaines réserves quant au dernier paragraphe. Je pense que les
consommateurs éprouvent effectivement la nécessité de se
faire entendre ici. C'est normal, c'est même souhaitable.
Le but de la commission parlementaire - j'ai surtout des commentaires
à faire plus que des questions à poser, puisque c'est quand
même très clair - c'est effectivement de trouver un moyen qui
fasse en sorte, une fois pour toutes, que, lorsqu'un gouvernement
décidera de décréter une baisse de taxe quelconque sur les
produits pétroliers, celle-ci soit transférée aux
consommateurs et non pas récupérée par les compagnies
pétrolières ou par les détaillants d'essence. Nous avons
d'ailleurs à cette fin, à l'Assemblée nationale - je le
disais ce matin - talonné, en quelque sorte, le ministre, parce que nous
nous doutions que l'état actuel du marché et le mécanisme
qui le régit ne garantissaient en aucun temps un retour direct aux
contribuables de la baisse de la taxe dans les
régions périphériques.
Le but de la commission parlementaire est véritablement de
trouver ce mécanisme et de faire en sorte aussi - puisqu'elle a un but
davantage étendu, plus large encore -dans les régions
périphériques principalement, où le jeu de la libre
concurrence ne semble pas intervenir de façon efficace pour la
protection du consommateur, de trouver un moyen pour pallier le manque de
concurrence dans certains secteurs. À cet égard, nous examinons
avec prudence - certes, il faut le faire - différentes avenues qui
s'offrent au gouvernement pour que ce travail puisse se faire convenablement et
que les consommateurs en retirent plein profit. (18 heures)
II ne faut pas oublier non plus - je suis sûr que ce n'est pas
là votre intention parce que, à long terme, personne n'y
gagnerait -la notion de juste profit, en quelque sorte, pour tous les
détaillants, y compris les détaillants indépendants qui,
très souvent - il faut bien le dire - sont ceux qui favorisent les
guerres de prix ou qui servent, en quelque sorte, même s'ils ne sont pas
nécessairement très nombreux, de chiens de garde, dans les
régions, quant à une hausse de prix qui pourrait être
déraisonnable. Ce n'est peut-être pas efficace à 100 %,
mais il n'en reste pas moins que, si on les faisait diparaître par une
politique de prix qui ne tienne pas compte du problème particulier
qu'ils présentent - c'est arrivé lors du décret du
gouvernement, c'est-à-dire le décret que le ministre a
proposé au gouvernement et que ce dernier a adopté... Il faut
éviter cela, pour le bien des consommateurs et du marché en
général, à moins qu'on ne puisse prendre la
décision de fixer, de décréter les prix de tous les
produits pétroliers dans toutes les régions, et je ne crois pas
que ce soit là non plus votre intention.
Donc, pour qu'une régie de surveillance, de discipline du
marché puisse bien fonctionner, il faut aussi, bien sûr, que le
marché fonctionne bien. Il faut favoriser à tout prix cette
concurrence, cet exercice qui est, à la limite, la première
discipline du marché. C'est le premier élément qui
empêche les prix du marché de flamber.
Cela étant dit, on a également le problème suivant.
Je comprends que, dans les régions périphériques - nous
nous en sommes réjouis à ce moment-là - le fait qu'il y
ait eu une baisse de 10 % de la taxe sur les prix des produits
pétroliers soit intéressant. Nous nous sommes
inquiétés, dès le début également -
c'était peut-être un moins bon geste du ministre, je l'ai
soulevé ce matin, j'ignore si vous étiez présent, je me
permettrai de le rementionner - et nous nous sommes un peu indignés de
voir que sous une apparence de cadeau aux consommateurs, quand le ministre a
fait disparaître la taxe ascenseur, il l'a gelée à un plus
haut niveau, ce qui fait qu'encore aujourd'hui... Ce matin, le ministre faisait
une énumération du montant de la taxe dans les régions du
Québec, 22 % et 23 %, il a confirmé d'ailleurs que c'était
au-delà de 20 %...
M. Ciaccia: Vous parlez du ministre des Finances?
M. Gauthier: Je parle de vous.
M. Ciaccia: Ce n'est pas moi qui ai fixé la taxe, ce n'est
pas moi qui l'ai réduite. Je ne sais pas si vous savez comment cela
fonctionne. C'est pour l'information. Il ne faut pas, non plus, induire la
population en erreur. La taxe sur tes carburants a été
réduite par le ministre des Finances. Je n'ai rien eu à faire
dans cela.
M. Gauthier: Ah bon! Je croyais que, dans le gouvernement, quand
le ministre des Finances intervenait dans le domaine pétrolier, il vous
consultait. Je m'excuse.
M. Ciaccia: Non, non. C'est une décision
budgétaire...
M. Gauthier: Excusez!
M. Ciaccia: ...prise avec l'ensemble du Conseil des
ministres.
M. Gauthier: Je comprends.
M. Ciaccia: La décision, revient au ministre des
Finances.
M. Gauthier: M. le Président...
Le Président (M. Théorêt): Oui, M. le
député de Roberval.
M. Ciaccia: Je voulais juste clarifier ce point.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Roberval, si vous voulez continuer.
M. Gauthier: Je peux peut-être continuer mon intervention.
Le ministre aura tout le loisir - il reste du temps - de reprendre
l'argumentation. Je croyais simplement que le ministre des Finances et le
ministre de l'Énergie et des Ressources faisaient partie du même
gouvernement et que, lorsque celui-ci imposait ou augmentait une taxe, comme
cela a été le cas dans son budget de l'année dernier, il
consultait son collègue. Je m'excuse si ce n'est pas le cas.
M. Ciaccia: II y a consultation, mais les décisions et le
budget ont été annoncés par le ministre des Finances.
M. Gauthier: M. le Président...
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Roberval, si vous voulez continuer votre
exposé.
M. Gauthier: ...vous êtes obligé de faire diligence.
C'est sûr que cela est un moins bon coût pour l'ensemble des
consommateurs et c'est encore un moins bon coup que de voir qu'à
Montréal - et le ministre avait stoppé son
énumération ce matin - c'est 35 %, 37 % dans certaines
régions du taux de taxe, c'est un moins bon coup. C'est
évidemment un ministre qui se tient debout mais qui se tient debout,
pour dire aux consommateurs: Vous allez passer au "cash". Donc, c'est pour cela
que je mets des nuances sur certains compliments que vous avez adressés
au ministre.
Cependant, il faut admettre que la convocation de la commission
parlementaire que nous réclamons depuis, d'ailleurs, le tout
début, au moment où le ministre avait décidé de
baisser le prix en région, à l'Assemblée nationale... Je
ne sais pas si vous avez l'occasion de suivre les débats, mais la
première chose que l'Opposition a faite, c'est de dire au ministre: Les
consommateurs ne profiteront pas ou très peu longtemps de cette baisse
de taxe, M. le ministre. Il faudrait faire en sorte qu'il y ait un
mécanisme qui permette que les consommateurs aient cet argent que vous
leur destinez. Nous avons réclamé une commission parlementaire.
C'est venu tard parce que le ministre a attendu malheureusement, malgré
qu'on l'ait rappelé cinq ou six fois à l'ordre. C'est 20 000 000
$ de perdus pour les consommateurs des régions. Il ne peut pas plaider
l'innocence, il ne peut pas dire: Écoutez, on ne pouvait pas
prévoir que c'était comme cela. Cela s'était
déjà passé, malheureusement, et on savait qu'il y avait
des chances que cela se reproduise dans la situation présente.
Aujourd'hui, on est en commission parlementaire. Soit, on va
certainement trouver des mécanismes qui vont permettre que le
consommateur en tire avantage. J'en conviens. Nous allons travailler et
collaborer à ce qu'il en soit ainsi. Et votre rapport, votre
mémoire, est extrêmement intéressant. Mais si cette
commission parlementaire avait eu lieu au moment où on la
réclamait, il y aurait 20 000 000 $ de plus dans les poches des
consommateurs des régions périphériques du Québec,
il ne faut pas l'oublier non plus.
C'est donc dire que tout le processus enclenché actuellement nous
plaît énormément; on trouve que cela survient un peu tard
et on souhaite que la solution qui va sortir de nos travaux puisse être
dans le meilleur sens possible pour que les consommateurs en profitent.
Enfin, on a appris au moins une chose, cet après-midi. On a
appris qu'il faudrait que le gouvernement songe à intervenir au plan du
parallélisme conscient. Je vous avoue que c'est un concept en
économie que je n'avais pas encore eu l'occasion de connaître;
j'en ai fait la connaissance cet après-midi. On va étudier
sérieusement la question. Je pense que ce concept de parallélisme
conscient nous rend encore plus déterminés à trouver une
solution originale.
À cet égard, comme il ne s'agit pas nécessairement
d'une collusion, comme il ne s'agit pas nécessairement d'une entente
explicite entre les entreprises, mais plutôt, disons-le, du'
parallélisme conscient - le terme est plutôt intéressant et
fort imagé, vous en conviendrez - il faudra que le gouvernement trouve
une manière d'intervenir qui ne soit pas une régie avec des
pouvoirs coercitifs, une régie qui détermine les prix, un peu
comme s'il y avait collusion entre les compagnies pétrolières,
mais quelque chose de plus subtil, quelque chose qui, un peu comme le
parallélisme conscient, serait en quelque sorte la médication
appropriée, une espèce de régie avec un pouvoir moral. On
avait déjà abordé ce problème.
Quant à moi, je souhaite, tout d'abord, une commission
parlementaire, je trouve que c'est intéressant pour les parlementaires,
c'est public et les gens peuvent se présenter. Je préfère
davantage ce mécanisme qu'un mécanisme fonctionnarisé,
disons, qui est peut-être un peu le style de la régie que vous
proposez. Sauf que la notion de la discipline des prix, une régie de
discipline du marché et des prix est peut-être l'équivalent
du parallélisme conscient.
À cet égard, je vous promets que ce que vous nous apportez
comme solution, on va l'étudier avec beaucoup de sérieux parce
qu'il faut trouver le moyen de vous rendre justice, dans le fond, et vous
parlez au nom des consommateurs. Il faut trouver le moyen de vous rendre
justice. Il ne faut plus que ce qui s'est déjà passé...
Malheureusement, je le dis. C'est de l'ancien gouvernement, je ne m'en cache
point. Mais c'est aussi sous ce gouvernement que cela s'est produit, même
si c'est à un niveau moindre. Si l'expérience avait
été dramatique, on se serait posé des questions sur la
bonne volonté du ministre.
Il faut trouver le moyen pour éviter que ces choses-là ne
se reproduisent. Il faut que les consommateurs aient conscience qu'ils sont
traités justement dans ce marché et qu'ils ne sont pas pris en
otages. Il faut aussi qu'ils aient conscience que leur gouvernement et que
l'Opposition ont fait tout ce qu'ils avaient en leur pouvoir pour éviter
toute suspicion, toute inquiétude, tout déchirement à
l'intérieur de la société sur cette question. Il faut que
tout le monde soit conscient que leurs intérêts sont bien
gardés.
Alors, je note votre suggestion, encore une fois, et nous allons y
travailler très sérieusement. Si vous aviez, de façon
complémentaire, des informations quant au fonctionnement d'une
telle régie, vous pourriez nous les donner. Vous en avez un peu
parlé avec le ministre tout à l'heure, mais peut-être
avez-vous réfléchi davantage ou peut-être vos associations
de consommateurs réfléchiront-elles davantage dans les prochaines
semaines, à la lumière de cette commission. Si c'était le
cas, nous apprécierions beaucoup, pour notre part, qu'en faisant
parvenir vos recommandations au ministre vous les fassiez également
parvenir à l'Opposition, parce que votre solution est originale et
intéressante. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Bolduc, je ne sais
pas si je détecte un genre d'étonnement de votre part. Vous
êtes venu ici pour faire une présentation, mais plutôt que
de répondre à des questions vous écoutez ce que le
député de Roberval a à vous dire.
Je voudrais rappeler à la commission et au député
de Roberval que c'est vrai que ce dernier nous avait demandé de
convoquer une commission parlementaire. C'est vrai et j'ai refusé.
À quoi aurait servi une commission parlementaire si je n'avais pas de
décret? Voulez-vous me le dire? Maintenant, même après les
décrets, il y a des pétrolières qui viennent ici nous dire
qu'elles ne savent pas où sont allés les 0,045 $? Elles ne le
savent pas.
Il y a ceux qui disent: On n'a rien fait. Ils sont disparus. Pouvez-vous
vous imaginer, ce qui serait arrivé si le gouvernement n'avait pas pris
l'initiative d'émettre un décret? Quelle sorte de commission
parlementaire aurait-on eue? On nous fait des reproches en disant que les
consommateurs ont perdu 20 000 000 $, mais on oublie de dire qu'avec le
gouvernement précédent ils ont perdu 477 000 000 $ et ils n'ont
rien fait.
C'est vrai que, lorsqu'on a commencé à s'apercevoir qu'on
perdait, on a agi, on a arrêté l'hémorragie, on a pris nos
responsabilités. Je ne pense pas qu'on puisse nous reprocher d'avoir agi
après avoir eu toutes les informations, pas avant, parce que c'aurait
été irresponsable d'agir avant. Et je pourrais dire au
député de Roberval que, si le gouvernement avait
écouté les recommandations que votre association lui avait
faites, peut-être, peut-être qu'on ne serait pas dans la situation
dans laquelle nous sommes aujourd'hui. Peut-être que les consommateurs
auraient pu avoir l'information nécessaire, ils auraient pu juger et non
seulement, la perte n'aurait peut-être pas été de 477 000
000 $, mais il n'y aurait pas eu les autres 20 000 000 $ non plus.
M. le Président, je vais poser une autre question à M.
Bolduc. Quelle est votre position vis-à-vis de l'intervention de
l'Office de la protection du consommateur quant à l'information et
à la surveillance des prix comme l'a suggéré le Club
automobile du Québec, ce matin? Je ne sais pas si vous avez eu
l'occasion... Eux, ils suggèrent que l'Office de la protection du
consommateur ait un rôle à jouer dans la question des prix qui
serait de donner de l'information à la population, de faire une
surveillance des prix, dont le but serait de mieux informer la population, je
présume. C'aurait suivi les recommandations que votre association avait
déjà faites.
M. Bolduc: II faudrait d'abord vérifier les orientations
de l'Office de la protection du consommateur en matière d'information
auprès des consommateurs et dans quels champs d'activité il
intervient principalement. En tout cas, je ne suis pas tout à fait
convaincu que ce soit directement le rôle de l'Office de la protection du
consommateur, mais il doit se faire une information; il s'agira pour le
gouvernement de trouver qui va la faire et de s'assurer qu'elle soit faite.
Depuis qu'on parle de l'essence de façon courante,
c'est-à-dire depuis 1983-1984 et même un petit peu avant, depuis
que ça intéresse les consommateurs, si on avait eu cette
information-là, j'ai comme l'impression que, peut-être,
l'activité qu'on tient aujourd'hui se serait tenue avant parce que les
consommateurs auraient été mieux informés et cela aurait
justement permis de déclencher des mouvements qui auraient fait poser
des questions aux gens concernés.
Pour répondre à votre question quant à l'office, je
ne suis pas certain que ce soit son rôle; il s'agira de voir qui la fait,
cette information-là.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Roberval, pour vos questions ou en conclusion.
M. Gauthier: Cela va, M. le Président.
On remercie M. Bolduc. Quant à mes commentaires, ils ont
été faits tout à l'heure.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: Je veux remercier M. Bolduc pour les suggestions
qu'il nous a faites. Nous allons examiner attentivement les recommandations que
vous avez faites dans le mémoire et aussi celle que vous aviez faite
à l'ancien gouvernement et qui n'est pas incluse dans le mémoire,
à l'effet de publier la liste des prix pour donner plus d'information
aux consommateurs. Nous allons étudier cela très attentivement et
soyez assuré que nous allons faire notre passible
pour essayer de protéger le consommateur.
M. Bolduc: Merci beaucoup et on vous assure de notre
entière surveillance et collaboration.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Bolduc.
Les membres de la commission vous remercient et j'ajourne les travaux de la
commission jusqu'à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 16)