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(Quatorze heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail entreprend ses
consultations particulières sur le projet de loi 30, Loi constituant la
Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions
législatives.
Je vous rappelle, avant de commencer, l'ordre du jour. Je vais d'abord
demander au secrétaire de la commission de nous indiquer les
remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un seul
remplacement. M. Claveau (Ungava) est remplacé par Mme Blackburn
(Chicoutimi).
Le Président (M. Charbonneau): II y a eu quelques
modifications mineures à l'ordre du jour, ce qui explique d'ailleurs
qu'on commence à 14 h 30. On commencera d'abord, dans la demi-heure qui
suit, par les remarques préliminaires du ministre et du porte-parole de
l'Opposition en matière de travail. Par la suite, nous entendrons, vers
15 heures, la CSN et, après la CSN, l'Association des manufacturiers
canadiens, division de Québec. Ce soir, nous entendrons la
Fédération des travailleurs du Québec, suivie de la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et,
finalement, la CSD, la Centrale des syndicats démocratiques.
S'il n'y a pas de commentaires particuliers à ce moment-ci, je
vais dès maintenant... M. le député d'Abitibi-Ouest,
avez-vous des commentaires particuliers?
M. Gendron: Je ne sais pas si c'est à ce moment-ci que je
dois les faire puisque, dès les commentaires préliminaires, on va
respecter l'horaire prévu et on va entendre le premier groupe, les
porte-parole de la CSN.
Comme critique, je n'ai pas reçu l'information quant aux
véritables raisons pour lesquelles le Barreau s'est
désisté. Je voudrais juste savoir si le ministre est en mesure de
nous faire connaître les raisons pour lesquelles les gens du Barreau, qui
étaient prévus comme premiers interlocuteurs, ne seront pas
entendus. Je voudrais savoir si le ministre a reçu des informations que
je n'ai pas reçues et qui devraient être partagées par les
membres de la commission.
Le Président (M. Charbonneau): La présidence de la
commission n'a pas reçu d'information particulière autre que
l'avis de désistement, mais non de justification. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je peux peut-être vous
donner une explication. J'ai placé un coup de fil, la 'semaine
dernière, au bâtonnier. J'ai réussi à lui parler,
hier. Selon les indications que M. le bâtonnier m'a données, sous
toutes réserves, ils ont beaucoup de travail ces jours-ci. Au plan des
délais accordés, cela leur apparaissait un peu court pour y aller
à fond, mais ils avaient quand même mis sur pied un comité
de travail; toutefois, il semblait que la finalisation du document de travail
ne faisait pas l'unanimité. À ce moment-là, le
bâtonnier nous a indiqué que le Barreau suivrait de près
les travaux de la présente commission. J'ai invité ces qens
à me faire part de leurs commentaires, s'ils en avaient, au cours du
déroulement des travaux de façon moins officielle qu'en
témoignant devant cette commission.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Je vais demander
au ministre s'il désire commencer ses remarques
préliminaires.
Remarques préliminaires M. Pierre
Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, je
n'ai pas l'intention de prendre beaucoup de temps, au moment de l'ouverture de
ces travaux de la commission parlementaire de l'économie et du travail
afin que l'on puisse consacrer le maximum de temps à nos invités.
Je me limiterai donc à quelques brèves remarques ayant surtout
pour objet de situer la perspective dans laquelle, à mon point de vue,
nos travaux devront s'inscrire.
M. le Président, hier, l'Assemblée nationale du
Québec a adopté le principe du projet de loi 30, Loi constituant
la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions
législatives. À l'unanimité, les parlementaires
québécois ont accepté et adopté le principe de la
création d'une Commission des relations du travail.
Aujourd'hui, nous sommes réunis au sein de cette commission
parlementaire dans le but d'entendre les groupes et organismes
intéressés par cette question. Je considère cet exercice
démocratique comme absolument essentiel.
Il s'agit d'un moment hautement privilégié qui permet aux
législateurs que nous sommes de confronter les projets de loi aux
expériences pratiques de personnes et de groupes dont les membres ont
quotidiennement à vivre avec ces lois. C'est dans cette perspective que
nous abordons ces travaux. Nous comptons bien profiter de cette occasion pour
prendre bonne note des commentaires et des recommandations qui nous seront
transmis par nos invités. Nous profiterons également de ce moment
pour préciser certains objectifs poursuivis par le gouvernement et aussi
pour clarifier certaines dispositions du projet de loi qui peuvent, le cas
échéant, poser problème.
Finalement, M. le Président, nous sommes prêts à
examiner toutes les propositions d'ajustement qui pourront
éventuellement nous être soumises et à les
considérer dans la mesure où elles ne sont pas en contradiction
avec les objectifs que nous poursuivons ainsi qu'avec le principe du projet
législatif qui, rappelons-le, a été adopté, hier,
à l'unanimité par les parlementaires québécois.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Comme critique de l'Opposition en matière de
relations du travail, je ne pense pas que ce soit le moment
privilégié pour être très long. Sauf que,
personnellement, j'aurais souhaité que le ministre soit un peu plus
long. C'est quand même sa responsabilité comme ministre du
Travail. Au-delà du fait que ce projet de loi a été
effectivement discuté, quand même assez rapidement compte tenu du
contexte, et adopté en deuxième lecture, ce qu'on appelle le
principe du projet de loi, il n'en demeure pas moins que, lors de
l'intervention que j'ai tenté de faire - en tout cas, en ce qui me
concerne, j'ai essayé de faire une intervention assez fouillée en
utilisant tout mon temps - pendant une heure, j'ai indiqué de
façon très précise qu'on peut cependant être
d'accord sur le principe du projet de loi, mais que, dans ce projet de loi, il
y a des dispositions qui me paraissent passablement ambiguës, dans
certains cas et, dans d'autres cas, carrément inexplicables, selon les
informations dont on dispose. Il est sûr que c'est à la
lumière des informations des intervenants du monde des relations du
travail. Autrement dit, le domaine des relations du travail au Québec
est un sujet tellement majeur que, sans faire l'historique des relations du
travail des vingt dernières années, je pense qu'il n'y en a pas
beaucoup qui ne conviendront pas qu'on ne peut pas, du revers de la main,
passer d'un régime, celui qu'on a connu, même avec ses faiblesses,
à un autre régime où, dans les intentions, cela semble
beau et bon - je dis bien que cela semble beau et bon - mais où il faut
prendre un peu de réserve pour l'analyser plus concrètement.
Je dirais au ministre du Travail - et je pense qu'il va en convenir -
que, non seulement à la lumière des mémoires dont j'ai eu
le temps, pour quelques-uns, de prendre connaissance et, pour d'autres -
qu'est-ce que vous voulez? Je ne les ai pas. Alors, je n'en ai pas pris
connaissance et c'est la même chose pour vous... Mais, à la suite
de quelques lectures additionnelles, quand bien même ce ne serait que
relire à plusieurs reprises le projet de loi, on se rend compte qu'il y
a des faiblesses importantes.
Juste à titre d'exemple, il est sûr qu'à l'article
112, pour ce qui est du mandat de la Commission des relations du travail,
au-delà du principe, on aura des questions à poser, comme
Opposition. J'espère que les intervenants nous diront combien il est
important pour eux que le mandat de la nouvelle Commission des relations du
travail soit beaucoup plus balisé, beaucoup plus précisé
et qu'on sache exactement, comme législateur, ce qu'on lui remet entre
les mains. Il n'est pas tout de créer une nouvelle instance et de dire,
en gros: Ils arrangeront cela et ils regarderont cela. C'est un peu cela, le
problème, dans ce projet de loi. Il y a beaucoup d'articles où on
dit: La Commission des relations du travail pourra faire telle chose, pourra
avoir telle latitude. Il me semble qu'il y a un certain droit de gérance
qui peut être un peu trop grand comme possibilité d'exercer.
Il y a aussi l'aspect portant sur la composition de la commission sur
lequel j'ai des inquiétudes. J'espère que les groupes - je le
fais volontairement dans mes remarques préliminaires, c'est sûr
que tous les groupes ne sont pas ici - vont nous donner quelques
réponses à des questions aussi fondamentales. Sur la composition
de la commission, il y a des aspects qui me fatiguent. Des mandats d'au plus
cinq ans, c'est un peu nouveau. Quand on dit "d'au plus cinq ans", cela veut
dire qu'il va peut-être y en avoir dans un an, deux ans - oui, c'est
écrit ainsi, c'est "au plus cinq ans".
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est cela que...
M. Gendron: II me semble que, si on veut prévoir une
autonomie, non pas une dépendance, mais une certaine
indépendance, il faut consacrer un peu plus de formel à
ces délais. Il y aurait peut-être lieu d'envisager de fixer
le nombre de vice-présidents dans la loi. D'ailleurs, vous-même y
avez pensé, puisqu'il y a toujours un écart important entre vos
deux mémoires au Conseil des ministres; on aura l'occasion d'y revenir.
Un mémoire à été présenté au Conseil
des ministres, avec des décisions du Conseil du trésor qui vous
posait des conditions. À un moment donné, quelques mois
après, à la suite d'une vérification plus large, le
Conseil du trésor a laissé tomber certaines de ses exigences. Je
ne prétends pas que, dans une loi... Supposons que vous avez raison -
comme certains de vos collègues l'ont dit, en y allant
allègrement sans trop savoir de quoi ils parlaient et on aura,
d'ailleurs, l'occasion de le démontrer -et que c'est si majeur que cela,
il me semble qu'il y a certains pouvoirs qui doivent appartenir à
l'Assemblée nationale et non pas uniquement à l'exécutif.
Pour ce qui est des vice-présidents, il me semble qu'il y a une
différence fondamentale en disant: Le gouvernement peut nommer le nombre
de vice-présidents qu'il veut, les mandats qu'il veut et consacrer dans
la loi des principes définitifs, déterminés. Le projet de
loi ne prévoit pas de prescription pour les termes des mandats du
président et des vice-présidents. Il me semble qu'il faudrait en
prévoir un. On va revenir là-dessus.
II y a également certaines juridictions qui sont
complètement exclues. On n'a pas besoin de faire de longs dessins pour
comprendre que le Conseil du patronat, entre autres... Je dis bien: entre
autres. Il y a d'autres intervenants qui trouvent un peu curieux que le projet
de loi exclue, à la juridiction de la Commission des relations du
travail, certaines pratiques déloyales. Le ministre peut avoir des
motifs, mais il va falloir qu'il nous le dise. Il va falloir qu'il nous dise
ouvertement pourquoi, volontairement ou non, il a décidé
d'exclure carrément, de la juridiction de la nouvelle Commission des
relations du travail proposée, certaines dimensions importantes, entre
autres, toutes les dispositions anti-briseurs de grève, qui sont exclues
de par l'article 31, le refus d'employés en raison de l'exercice, etc.
Je ne veux pas être long. Je ne fais qu'énoncer les sujets sur
lesquels j'aimerais bien avoir de l'éclairage. On en a besoin.
Il y a également la référence des dossiers.
L'article 125 introduit l'article 38 et prévoit que le président
peut référer un dossier à un commissaire seul.
Là-dessus, il va falloir avoir vraiment de l'éclairage parce que,
quand un commissaire seul peut prendre des décisions concernant certains
éléments des relations du travail qui portent moins à
conséquence que des choses qui pourraient aller jusqu'à des
mesures à caractère pénal, congédiement ou autres,
il me semble que ce n'est pas de même nature. D'une façon, excusez
l'expression, tous azimuts, on a dit: II y aura possibilité que les
décisions soient finales et sans appel et éventuellement prises
par un commissaire seul.
C'est gros! J'aimerais qu'on questionne cela davantage. Rappelez-vous,
M. le ministre du Travail, que j'ai éqalement indiqué que je
trouvais curieux qu'il y a des bouts qui marchaient bien... En passant, sur
l'analyse - c'est juste un petit aparté très court -
j'étais heureux de constater dans un mémoire qu'on n'aura
malheureusement pas ici en commission, mais qui est un mémoire en annexe
à celui du Conseil du patronat qui s'appelle l'Association des
détaillants en alimentation, qui est un mémoire très
fouillé et articulé - on peut être pour ou contre, ce n'est
pas de cela que je discute - entre autres, il y avait quelque chose que je ne
détestais pas du tout, pour des gens qui sont souvent portés
à passer à la varlope tout ce qui aurait pu être fait dans
le passé en disant: Le jugement qui portait là-dessus, sur ce
qu'on appelle le régime des relations du travail qui existe... Ces gens
disaient: Cette efficacité de notre système actuel a
été réalisée au terme d'une longue évolution
entachée de certains affrontements et n'a pu être atteinte que
grâce aux sacrifices et efforts consentis par les employés,
syndicat et employeur. Si je dis cela, c'est seulement parce qu'ils portaient
un jugement selon lequel, lorsqu'on analyse notre régime de relations du
travail à fond, il n'est pas si déficient que cela à
plusieurs égards. Il va falloir y revenir. Ce n'est pas parce qu'on a eu
de la difficulté à conclure, avec les secteurs public et
parapublic, des conventions collectives dans un climat... Non, non, mais
écoutez. Il y a une différence à instaurer un nouveau
mécanisme de relations du travail comme État
québécois pour le privé et le public - on se comprend bien
- et les difficultés qui ont été particulièrement
vécues dans le secteur public des 20 dernières années. Je
pense qu'il n'y en a pas beaucoup qui ne sont pas d'accord que, dans les 20
dernières années, on a eu des problèmes sérieux,
majeurs. Cela a toujours mal fini, si vous me permettez l'expression,
excepté peut-être la dernière ronde qui a
coûté beaucoup plus cher que les autres, mais au moins le
résultat est positif. Cela a coûté 28 000 000 $. Cela a
été très long, mais au moins le résultat est
positif. Dans ce sens, on est heureux de la conclusion, indépendamment
des coûts.
Mais ce que je voulais illustrer, c'est un autre aspect sur lequel
j'aimerais que les intervenants nous donnent des éléments
importants, soit toute la question de l'accréditation par les agents de
relations du travail. Le régime actuel prévoit que les agents
d'accréditation peuvent s'acquitter de cette responsabilité
lorsqu'il n'y a pas de contestation de la représentativité de
l'unité
d'accréditation, Le ministre avait dit: Vous avez raison en
disant que, dans certains cas, cela marche bien. Dorénavant, ils ne
pourront plus en rester à leur niveau. Ils vont être
obligés automatiquement de porter le tout à un autre palier
supérieur.
Le projet de loi 30 abolit le Tribunal du travail. Je pense que, dans
I'"entièreté" des principes de la loi 30, on peut être
d'accord là-dessus. Autrement dit, c'est logique que le Tribunal du
travail soit aboli pour l'ensemble des principes qui sont sous-jacents au
projet de loi 30. C'est une conclusion logique. Mais cela a pour
conséquence de proposer le transfert de tout l'aspect pénal
à la Cour provinciale. Là, il va falloir avoir des garanties un
peu plus sérieuses qu'on en a parce que les juges des sessions ne sont
pas familiers avec le droit du travail. Une journée, ils peuvent traiter
d'une cause de congédiement et le lendemain ils pourront traiter d'une
cause de vol, de viol ou de voie de fait et il me semble que ce n'est pas tout
à fait de même nature.
Je pense que le ministre du Travail va en convenir. Dans ce sens, au
moins le Tribunal du travail avait formé une équipe de
spécialistes aguerris aux lois du travail et aux relations du travail et
c'est dangereux que ce transfert se fasse compte tenu que cela peut amener des
problèmes de non-uniformité en termes de jurisprudence et dans le
genre de décisions rendues. J'aimerais que les intervenants nous
indiquent leur point de vue là-dessus.
Je dis un mot sur l'appel. Je pense qu'il y aurait lieu de maintenir un
véritable droit d'appel au Tribunal du travail pour les décisions
de la Commission des relations du travail, au moins celles qui concernent les
droits des individus, avec ou sans permission d'appeller bien sûr. Ce
n'est pas de même nature, je le répète, d'avoir ce qu'on
appelle un droit d'appel pour un congédiement et d'avoir un droit
d'appel pour des pouvoirs de correction pour une faute mineure dans un
processus d'accréditation syndicale ou autre chose. En
conséquence, j'espère que nous aurons l'occasion d'avoir des
réponses plus claires là-dessus.
Il y a toute la question du vote secret sur la
représentativité; à moins qu'on ne sache pas lire, je vous
dis que la situation est pour le moins ambiguë dans le projet de loi. On
ne sait pas si le 35 % est tombé et on ne sait pas exactement si on
revient au 50 % automatiquement. J'aimerais que vous balisiez davantage toutes
ces dispositions pour qu'on soit très certain de bien comprendre la
portée de vos dispositions législatives concernant la
représentativité et le vote secret.
C'est sur ces éléments que je m'arrête, mais c'est
sur ces éléments que j'aimerais avoir des éclairages. On
va, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre du Travail, profiter au
maximum de la présence de groupes spécialisés, de groupes
qui ont une expertise dans le domaine des relations du travail, qui ont
vécu quotidiennement des problèmes, des difficultés de
relations du travail et en conséquence, j'espère qu'ils seront le
plus éclairants possible.
Notre objectif... À tout le moins, M. le ministre, si on a
donné notre accord sur le principe du projet de loi, il est loin
d'être certain qu'on va poursuivre dans la même voie. Cela
dépend de l'ouverture d'esprit que vous allez manifester pour apporter
des améliorations, donner des clarifications et s'assurer, à
certains égards, que cette loi n'a pas autant de marge arbitraire que
certains le prétendent. S'ils sont dans les patates, ce sera à
vous de nous confirmer qu'ils sont dans l'erreur en vous appuyant sur des
considérations qui permettront à ceux qui auraient une autre
opinion de faire l'analyse requise et en conséquence d'être mieux
éclairés pour les suites à être données
à ce projet de loi.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. À ce moment-ci, je vais
maintenant... Oui, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avant, j'aurais besoin d'une
minute ou une minute et demie simplement pour reprendre très
brièvement quelques-uns des arguments du député
d'Abitibi-Ouest, avec le consentement.
M. Gendron: Je n'ai pas d'objection si... Nos premiers
invités ne sont pas arrivés?
Le Président (M. Charbonneau): Ils sont arrivés,
mais on a encore quelques minutes de répit étant donné
qu'on est un peu en avance de cinq minutes.
M. Pierre Paradis (réplique)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je reprendrai strictement pour
remercier le député d'Abitibi-Ouest de ses remarques
d'introduction. Il a repris essentiellement -parce que j'ai bien dit qu'il y
avait accord unanime des membres de l'Assemblée nationale sur le
principe - les questions que l'Opposition avait posées, qu'il avait
lui-même posées au moment de son discours de deuxième
lecture et quelques questions additionnelles qui avaient été
posées hier au moment du discours de deuxième lecture par le
député de Joliette.
J'ai indiqué qu'il s'agissait, à notre avis, de questions
pertinentes et que les clarifications souhaitées se doivent d'être
apportées au cours de nos travaux. J'ose espérer que les
clarifications que nous apporterons feront en sorte que l'unanimité que
nous avons retrouvée chez les parlementaires au cours de l'adoption du
débat du
principe se retrouve également en ce qui concerne les
mécanismes.
Toutefois, quant au député d'Abitibi-Ouest, à la
suite de certaines de ses remarques, je peux peut-être lui citer les
paroles de l'ancien ministre du Travail, sous un gouvernement
précédent, celui qui m'a précédé -
maintenant, on peut l'appeler par son nom devant la commission parlementaire -
M. Raynald Fréchette, qui, le 21 janvier 1986, nous disait ce qui suit:
La recommandation la plus importante - et là il parlait du rapport de la
commission Beaudry - m'apparaît celle qui propose la création d'un
conseil des relations du travail pour remplacer tous les mécanismes
visant l'application du code. La constitution de ce conseil entraînerait
deux conséquences majeures, à savoir déjudiciariser le
système et raccourcir les délais. Je vous dirai que c'est dans
cette perspective que nous nous présentons devant cette commission
parlementaire. Merci, M. le Président.
Auditions
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre,
j'invite à ce moment-ci les représentants de la
Confédération des syndicats nationaux à prendre place. Je
rappelle à nos invités ainsi qu'aux membres de la commission que
le temps est divisé de la façon suivante: une heure et trente par
mémoire; une première demi-heure au maximum consacrée
à la présentation et, par la suite, trente minutes de chaque
côté pour la discussion et les échanges avec les
invités. S'il advenait que la présentation des points de vue
prenait moins de temps, le temps qui resterait, pour compenser les 30 minutes,
serait divisé et réparti en temps égal de chaque
côté de la table.
S'il n'y a pas de problème, je vais maintenant inviter le
président de la CSN, M. Larose, à commencer son exposé.
D'abord, je lui souhaite la bienvenue et je lui demande de nous
présenter la ou les personnes qui l'accompagnent. J'en vois une, mais il
y en a peut-être d'autres.
Confédération des syndicats
nationaux
M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. On se
présente ici à deux, mais vous allez avoir le peuple qui va
suivre dans quelques instants; ils sont en route et ils ont malheureusement des
documents avec eux. Je suis sûr qu'ils seront là dans quelques
minutes, alors je vous présenterai... Bien justement, en parlant...
Le Président (M. Charbonneau): Autrement dit, le peuple
est arrivé.
M. Larose: Voilà! Le peuple suit.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Larose: Je me disais que si j'avais réussi à me
rendre à Québec, cela me surprendrait qu'ils n'en fassent pas
autant.
Je vous présente, à ma gauche, M. Pierre Lamarche qui est
adjoint à l'exécutif, conseiller au président. Mme
Céline Lamontagne est vice-présidente à la
Confédération des syndicats nationaux et responsable du dossier.
Il y a aussi une couple d'avocats du contentieux dont le coordonnateur, M.
Maurice Sauvé, qui manipule les documents et M. Conrad Lagueux; il va
s'ajouter un autre vice-président, M. Roger Valois, pour le
débat.
Nous souhaiterions travailler avec deux documents, l'un qui est le
mémoire et qui se trouve à être la synthèse d'un
autre document que nous vous remettons et dont nous espérons que vos
adjoints et vous-même allez vous délecter, parce qu'il y a
là des propositions très précises pour faire de la
proposition qu'est la loi 30 une proposition acceptable pour le mouvement
syndical, et particulièrement pour la CSN.
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, M.
Larose, le mémoire est chaud.
M. Larose: Tout à fait. Disons qu'on n'est pas seul dans
l'actualité québécoise à "caller les shots", comme
on dit. Alors, on s'ajuste.
Le Président (M. Charbonneau): Moi, je n'ai fait allusion
à aucune "shot" encore.
M. Larose: Non, mais nous, on va y faire allusion par exemple. Le
plus simple et le plus court, c'est habituellement de lire le document. Quand
on le résume, on est trois fois plus long.
Le Président (M. Charbonneau): Vous avez de
l'expérience, la seule chose que je vous dis, M. Larose, c'est que vous
avez trente minutes pour tout faire.
M. Larose: Oui. Alors, c'est calculé en fonction de
cela.
Le Président (M. Charbonneau): Allez-y. (15 heures)
M. Larose: Même si la CSN accueille favorablement la
constitution d'une Commission des relations du travail, dont l'objectif
déclaré consiste à déjudiciariser les relations du
travail, nous émettons néanmoins un regret et nous manifestons
une certaine inquiétude. Ce projet de loi qui transforme radicalement
les structures et qui apporte plusieurs changements à la forme, sinon au
fond, de l'exercice du droit d'association n'est malheureusement pas le fruit
d'un
consensus entre syndicats et patronat.
Pire, le projet de loi n'a même pas été formellement
soumis en temps utile à la discussion du seul forum permanent où
sont réunis ministère du Travail, patronat et syndicats, soit le
CCTMO. Pire encore, au moment même où ce projet de loi est soumis
à l'Assemblée nationale, un deuxième projet de loi est
simultanément déposé. Or, ce deuxième projet de loi
vide de sa substance, de sa raison d'être et de sa
représentativité le CCTMO.
Dans notre histoire québécoise des relations
patronales-ouvrières, le CCTMO et son ancêtre, le Conseil
supérieur du travail, ont joué un rôle
prépondérant et il pourrait encore jouer un rôle
déterminant dans la mesure exacte où toutes les parties
constituantes - cela comprend donc le ministère du Travail - acceptent
d'y participer et d'y investir les efforts nécessaires.
Dans l'histoire commune que nous partageons avec les États-Unis
d'Amérique et le Canada, le CCTMO a été le lieu
privilégié des grands compromis historiques qui ont
façonné notre droit d'association, de négociation et de
grève propre à l'Amérique du Nord.
C'est sous l'impulsion du "New Deal" de Roosevelt, du Wagner Act et des
lois successives américaines, canadiennes et québécoises
qu'a finalement pris forme une tradition nord-américaine qui
reconnaît à l'employeur le droit d'intervenir sur la
définition de l'unité de négociation, mais qui, en
échange, crée à cet employeur l'obligation légale
de reconnaître un syndicat accrédité et de négocier
une convention collective.
Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse de vous
interrompre. Est-ce que les membres ont eu des documents provenant de votre
organisme?
M. Larose: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): On veut essayer de se
situer un peu. Vous nous avez dit que vous liriez, alors ils voudraient bien
vous suivre et, là, il sont un peu perdus.
M. Larose: J'ai oublié de vous préciser qu'il y
avait une introduction au mémoire. C'est celle que je vous lis.
Le Président (M. Charbonneau): Ah bon!
M. Larose: Je pensais qu'elle était disponible pour tout
le monde. Non? On vous la fera parvenir. J'achève ma petite lecture,
d'accord?
Le Président (M. Charbonneau): Non, ça va. C'est
seulement pour qu'on puisse se comprendre.
M. Larose: D'accord.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va, merci.
M. Larose: On dit aujourd'hui que réaliser une autre
réforme aussi profonde que les changements de structures qu'elle
commande, sans que ne soit préservée la collaboration et sans que
ne soit assuré le consentement du patronat, risque fort, au lieu de
permettre une réelle déjudiciarisation, d'accentuer et de
multiplier la résistance à l'exercice du droit d'association.
La CSN insiste très fortement sur deux aspects capitaux de la
réforme proposée: l'indépendance absolue dont doit
être investie la commission et la réunion de la totalité
des pouvoirs et recours auprès de la commission. Il y a deux "must". Il
faut assurer l'indépendance de cette commission et il faut qu'elle
réunisse en son sein tous les pouvoirs.
Nous proposons plusieurs modifications au projet de loi pour assurer
l'indépendance de la commission. Nous affirmons que, sans cette garantie
absolue d'indépendance, il vaudrait mieux retirer le projet de loi. Nous
nous souvenons de la commission précédente sous Duplessis
où l'exécutif intervenait régulièrement dans le
processus de l'exercice du droit d'association, de négociation et de
grève.
La CSN insiste aussi sur la nécessité de réunir
tous les recours auprès de la commission. Faire autrement, c'est encore
maintenir une judiciarisation du système. Or, cette judiciarisation est
plus importante que les chiffres apparents fournis par le ministère.
Le ministère "compute" la totalité des décisions en
rapport avec les décisions contestées et arrive à un
pourcentage voisin de 1 %. Or, cette méthode statistique comprend
plusieurs défauts. Les décisions des commisaires du travail sont
d'abord constestées par voie d'appels devant le Tribunal du travail.
C'est sur le nombre des décisions de ce tribunal qu'il conviendrait de
produire les statistiques.
Ensuite, ce ne sont pas toutes les décisions qui ont la
même signification. Ainsi, une décision relative à une
accréditation n'a pas la même valeur qu'une décision pour
déterminer si la secrétaire de l'assistant du sous-directeur du
personnel est comprise ou non dans l'unité de négociation.
Le ministère impute aux organisations syndicales les
contestations entreprises par des salariés. Or, c'est un fait connu que
les employeurs, empêchés par le code d'intervenir dans certaines
questions, utilisent des bureaux d'avocats crapuleux pour s'ingérer sous
prétexte de droits individuels de salariés dans l'exercice des
droits collectifs.
Mais plus encore, cette méthode ignore l'effet de
répercussion qu'une seule intervention en cour de justice
régulière peut avoir sur un grand nombre de décisions.
Ainsi, la cause de la CSRO, aujourd'hui devant la Cour suprême et
entreprise en 1979, est responsable du délai de dizaines d'autres causes
pendantes relatives à l'application de l'article 45 du code. Parmi ces
causes pendantes, celle du triste Manoir Richelieu que vous avez
créée comme situation et pour laquelle vous n'avez encore rien
fait. Mais un prix va devoir être payé pour cela.
La majorité des interventions des cours de justice
régulières est faite à l'occasion des limites au piquetage
que rechercheront les employeurs. Or, la commission, selon le projet, n'a pas
le pouvoir d'intervenir sur cet aspect important des relations
patronales-ouvrières. Les dispositions antibriseurs de grève
peuvent, sans pour autant modifier la substance du droit, être
confiées à la commission. Ainsi, sans amender le contenu de ces
dispositions, la mise en application, le respect et la sanction de ces
dispositions devraient faire partie de la juridiction de la commission. Je vous
dirai que je viens de résumer en introduction les principales
préoccupations de la Confédération des syndicats
nationaux.
Pour aborder directement le projet de loi 30, je vous
réfère au document que vous avez entre les mains, soit le
document sommaire daté du 9 juin.
Je rappelle que la création d'une Commission des relations du
travail était une des principales revendications de la CSN à la
commission Beaudry. Nous y proposions de mettre en place un organisme de type
administratif plutôt que judiciaire. Nous y disions que les instances
actuelles en droit du travail, de par leur nature et leur fonctionnement,
interviennent non pas pour trouver une solution aux problèmes
réels des relations du travail qui leur sont soumis mais pour
décider du droit des parties.
En parlant de la structure, nous disions: "Une Commission des relations
du travail ne sera jamais en soi une solution aux problèmes actuels si
elle ne possède pas les pouvoirs nécessaires pour tenir compte de
la réalité des relations du travail. Créer une nouvelle
structure qui n'aurait, encore une fois, que des pouvoirs limités et
dont le rôle serait de dire le droit des parties n'améliorerait
pas vraiment la situation. Il faut donner à cette Commission des
relations du travail des pouvoirs de médiation et de redressement lui
permettant de favoriser un véritable accès à la
syndicalisation, d'aider efficacement les parties à solutionner leurs
conflits et de mettre de l'avant des solutions qui s'inspirent, et dans la
lettre et dans l'esprit, de la législation du travail." C'est ce qu'on
disait à l'époque.
Bien qu'on soit toujours favorable à la création d'une
Commission des relations du travail et à l'abolition de la
multiplicité des instances en droit du travail, nous pensons que le
projet de loi 30 mérite d'être amendé sur plusieurs points,
amendements qui permettraient à la commission de mieux atteindre ses
objectifs et au Code du travail de mieux assurer sa principale finalité:
l'accès à la syndicalisation et à la négociation
collective.
Le mémoire que nous avons déposé ne propose pas des
modifications sur l'ensemble des faiblesses du Code du travail mais se limite
à l'objet de la réforme. Nous avons donc abordé les
principaux points suivants: d'abord, l'importance de bien définir
l'objet du code et de cadrer le rôle de la nouvelle commission en rapport
avec l'objet de ce code; deuxièmement, doter la commission de fonctions
et de pouvoirs à la fois souples et larges de manière qu'elle
puisse jouer efficacement son rôle; troisièmement, s'assurer que
les dispositions du code visant le règlement des conflits entre les
parties n'introduisent pas l'intervention de tiers, comme dans les services
publics et le secteur public; quatrièmement, éliminer du projet
les propositions qui visent à rendre inefficaces certaines dispositions
du Code du travail, telles les mesures antibriseurs de grève;
cinquièmement, maintenir au Tribunal du travail certaines
compétences, particulièrement en matière
pénale.
L'objet du code. Il nous paraît d'abord que le Code du travail
devrait prévoir, dès son premier article, l'objet de la loi,
à savoir favoriser l'exercice du droit d'association et le
règlement ordonné des conflits de travail.
La notion d'intérêt du public apparaissant dans le mandat
de la commission devrait être retirée parce qu'elle apporte un
élément étranger aux règlements ordonnés des
relations du travail qui doivent nécessairement se faire entre les
parties.
Enfin, il n'y a pas lieu de faire référence ici à
la bonne gestion des ressources humaines qui est une réalité qui
relève du champ de la négociation et de l'application de la
convention collective et sur lequel l'arbitre de griefs et non la commission a
juridiction.
La Commission des relations du travail: son indépendance et celle
de ses membres. D'abord, la nomination des membres. Le nouvel article 114 du
projet de loi prévoit à son second alinéa que la
nomination des membres de la commission est faite après consultation des
personnes et des organismes intéressés. Cette disposition n'offre
pas à notre point de vue toutes les garanties d'indépendance dont
doit jouir la nouvelle commission de manière à bien asseoir sa
crédibilité auprès des parties. Nous proposons que la
sélection des membres se fasse après
consultation et sur recommandation du CCTMO. Ce dernier doit
sélectionner en fonction de critères définis et connus de
toutes et de tous les candidats. C'est maintenant comme cela que l'on
procède au CCTMO.
Deuxièmement, le mandat des membres. L'article 115 du projet de
loi prévoit que le mandat des membres de la commission est d'au plus
cinq ans. Cette approche crée, croyons-nous, des problèmes quant
au recrutement des candidats valables et laisse une trop grande
discrétion au ministre. Pour répondre aux critères de
compétence et d'indépendance dont doit jouir la commission, les
mandats devraient être renouvelables, â moins qu'il n'y ait
recommandation de non-renouvellement par le CCTMO.
Le CCTMO comme tel. Nous proposons que le conseil consultatif qui a
déjà un rôle de consultation et de recommandation en
matière de relations du travail soit intégré au Code du
travail. De plus, cet organisme représentatif des parties syndicales et
patronales devrait voir son rôle précisé quant à son
pouvoir exclusif de recommandation pour la nomination des commissaires, des
vice-présidents et présidents ainsi que des arbitres de
griefs.
Quant à la nomination du président, des
vice-présidents et présidentes et des commissaires, nous
proposons que le président et les vice-présidents soient
nommés par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale
à partir des recommandations du CCTMO.
Cinquièmement, les commissaires à temps partiel. On pense
que les commissaires nommés à temps partiel ne sauraient fournir
les garanties d'indépendance et de compétence requises.
Un mot sur le rôle du président. L'ascendant du
président sur les commissaires tel que prévu à l'article
120 nous paraît tout à fait exorbitant. L'aspect de la
collégialité doit être comme une caractéristique
fondamentale de la nouvelle commission. Aussi est-il nécessaire de
préciser à l'article 120 que le président coordonne et
dirige le travail des commissaires en fonction des politiques et des
règlements de la commission.
Les comités de la commission. Nous sommes d'accord avec le
processus énoncé à l'article 125, à savoir qu'une
affaire relevant de la commission puisse être confiée à un
commissaire ou à un comité. Quant au processus
décisionnel, la loi doit prévoir qu'une décision d'un
comité est prise à la majorité des membres du
comité.
L'indépendance de la commission. Et cela, c'est très
important. On doit s'assurer que la loi constituant la commission ne subira pas
d'ingérence extérieure. L'article 131, tel que proposé,
laisse la possibilité au ministre du Travail de s'ingérer dans
les affaires relevant de la commission et met en question l'indépendance
de celle-ci. Compte tenu que la commission fournît un rapport
d'activité une fois par année à l'Assemblée
nationale, nous proposons de biffer l'article 131.
Le deuxième chapitre, c'est sur les fonctions et les pouvoirs de
la commission. Comme nous le rappelions dans notre mémoire
présenté à la commission Beaudry, la création d'un
organisme spécialisé en relations du travail a été
faite à partir d'un constat que les tribunaux ordinaires
n'étaient pas adaptés pour régler les problèmes des
conflits collectifs. L'approche du règlement des conflits du travail
devait être faite en fonction des rapports collectifs propres au milieu
de travail et non en fonction du droit commun et des règles de
fonctionnement des tribunaux civils. (15 h 15)
Aussi, comme nous l'affirmions, la nouvelle Commission des relations du
travail doit avoir les pouvoirs nécessaires pour décider de
l'ensemble des problèmes et des conflits qui surviennent dans la
réalité des relations du travail, sinon l'objectif de la
réforme est voué à l'échec.
Le pouvoir de faire ou de ne pas faire et de remédier. L'article
134 du projet de loi accorde à la nouvelle commission des pouvoirs de
faire ou de ne pas faire ainsi que des pouvoirs de remédier. Cependant,
cet article, tel que rédigé, pose différents
problèmes. Ce pouvoir est suffisamment souple et général
pour permettre à la commission de jouer efficacement son rôle.
Aussi, il nous apparaît que les deux premiers alinéas, à
savoir les ordonnances relatives à la grève et au lock-out, ce
qui est implicite dans le paragraphe introductif, ainsi que l'ordonnance de
faire connaître publiquement l'intention de se conformer à une
ordonnance, sont inutiles. Il faut d'ailleurs éviter que les tribunaux
supérieurs votent dans la rédaction du projet de loi une
énumération qui restreigne la portée
générale de l'article 134. Depuis trois semaines, je dirais que
c'est le phénomène du lac Meech. Je me trompe de commission, je
m'excuse.
L'absence de pouvoirs nécessaires à la commission. Nous
croyons que les pouvoirs donnés à la commission ne sont pas
suffisants pour satisfaire au minimum les objectifs poursuivis par la
réforme. Ainsi, il a été maintes fois souligné
l'importance d'avoir une seule instance décisionnelle pour
résoudre, dans un même processus, plusieurs problèmes de
relations du travail. Il est donc primordial de doter la commission des
pouvoirs nécessaires afin qu'elle ait prise sur l'ensemble d'un
problème et non seulement sur une partie de celui-ci.
L'indemnisation. Afin que la Commission des relations du travail ait une
juridiction complète et intégrée sur l'ensemble des
rapports collectifs du travail,
nous proposons que la commission ait le pouvoir d'accorder une
indemnité à une partie qui aurait subi un préjudice
à la suite d'une violation du Code du travail. Que ce soit pour la
négociation de mauvaise foi ou pour une grève illégale, la
commission constituera toujours le forum le plus approprié pour se
prononcer sur l'opportunité d'ordonner à une partie de
réparer le préjudice causé. Nous croyons qu'un organisme
composé de spécialistes en relations du travail est
évidemment beaucoup mieux placé pour évaluer le
comportement des parties en matière de rapports collectifs qu'un juge de
formation civiliste habitué d'entendre des litiges entre individus et
où l'utilisation du rapport de force est habituellement suspecte.
Le piquetage. Le ministre du Travail, dans le mémoire qu'il
soumettait au Conseil des ministres, reconnaissait l'importance de confier
à une seule instance l'ensemble des juridictions reliées aux
rapports collectifs du travail.
Nous avons donc été tout à fait surpris de
constater que le projet de loi était muet quant à la
nécessité de confier à la commission la juridiction sur le
piquetage. Il est primordial de ne pas balkaniser sa compétence en
laissant cette juridiction aux autres tribunaux.
La CSN réclame donc que la réglementation du piquetage
fasse partie intégrante de la juridiction de la commission, car le
piquetage doit s'évaluer en fonction des rapports collectifs entre les
parties et non en fonction des seuls principes du droit civil, lesquels ne
reconnaissent pas le droit moderne en matière de relations du
travail.
En conclusion, l'indemnisation et le piquetage constituent des pouvoirs
de nature différente de ceux d'une ordonnance de faire ou de ne pas
faire et on devrait spécifiquement le prévoir à l'article
134 du code.
Changement aux conditions de travail, arbitrage de première
convention collective et non-rappel au travail. On pense que les changements
aux conditions de travail devraient relever du champ de juridiction de la
commission. Il lui reviendrait alors de disposer elle-même de la plainte
s'il y a allégations ou contexte de pratiques déloyales. Elle
pourrait déférer à un arbitre de griefs s'il s'agit
uniquement de décider en regard d'interprétations par rapport
à des pratiques passées ou à la convention collective
expirée. Nous pensons qu'il doit en être de même de la
plainte relative au non-rappel illégal après une grève ou
un lock-out.
Dans le cadre de la négociation d'une première convention
collective, l'opportunité de déférer la
détermination des conditions de travail à l'arbitrage devrait
relever de la commission.
Le refus d'embauché. L'article 14.1 introduit de façon
très claire qu'un refus d'embauche ne peut pas donner lieu à une
plainte, même si ce refus était ouvertement motivé par les
activités syndicales antérieures du postulant.
La discrimination à l'emploi doit être proscrite par la loi
à tous les niveaux, que ce soit à l'embauche ou pendant l'emploi
d'une personne. Déjà, la Charte des droits et libertés de
la personne du Québec interdit plusieurs motifs de discrimination, tels
le refus d'employer quelqu'un à cause de ses convictions politiques ou
religieuses. Conséquemment, contrairement au projet de loi, la
commission devrait avoir juridiction sur de telles pratiques déloyales.
La CSN est d'avis qu'un tel recours parviendra à combler une grande
injustice développée par la jurisprudence des dernières
années. Il s'agit, en effet, de la thèse jurisprudentielle qui
veut que la fin d'un contrat à durée déterminée
soit une juste cause de congédiement, même s'il y a
démonstration de l'animus anti-syndical et qu'une autre personne
fût embauchée en lieu et place du congédié.
Les autres recours contre les mesures disciplinaires illégales.
À l'instar des recours en réintégration pour l'exercice
d'un droit prévu au Code du travail, à la Charte de la langue
française, à la Loi sur les normes du travail, à la Loi
électorale ainsi qu'à la Loi sur les jurés, la CSN croit
que les recours du même type et qui existent en vertu de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles devraient être
déférés à la juridiction de la Commission des
relations du travail.
Certains pouvoirs accordés à la commission dans les
services publics et secteurs publics. Les articles 135 et 136, tels que
proposés, donnent à la commission des pouvoirs d'intervention en
fonction de préjudice à un service auquel le public a droit et
prévoient la possibilité d'ordonner réparation au profit
des utilisateurs.
Cette approche ne nous semble pas conforme à l'esprit de la
réforme qui vise à privilégier le règlement des
problèmes par les parties elles-mêmes. Aussi, a-t-on reconnu qu'il
fallait mettre à la disposition des parties des outils susceptibles de
les aider à régler entre elles les conflits qui les opposent. On
a, par ailleurs, reconnu que la multiplicité des intervenants et des
recours constituaient des obstacles au règlement rapide des conflits du
travail et détournaient les parties de la recherche d'un
règlement.
Or, on comprend mal que, s'inspirant de cette philosophie, le ministre
propose, aux articles 135 et 136, que le conseil soit doté de pouvoirs,
non plus pour permettre aux parties de régler rapidement leurs
différents, mais en fonction de tiers et ce, par le biais de la notion
de service auquel le public a droit et par le biais d'un mode de
réparation
aux bénéfices des utilisateurs, notions qui sont
étrangères aux relations du travail et aux rapports collectifs de
travail. Bien plus, ces articles contribuent directement à fausser
l'équilibre entre les parties et la recherche ordonnée de leurs
solutions à leurs conflits. Notre expérience de ce type de
pouvoirs, dont est doté le Conseil des services essentiels, nous a
appris que ces pouvoirs sont utilisés à titre punitif contre le
syndicat et qu'il n'y a jamais eu aucun rapport entre la réparation
accordée et le préjudice prétendu subit.
Conséquemment, les articles 135 et 136 du projet de loi devraient
être biffés; l'article 134, avec les modifications
proposées, étant suffisant.
Pouvoir d'énoncer des politiques. L'article 137.3 prévoit
que la commission peut énoncer des politiques générales
d'application et qu'elle n'est pas liée par ces politiques dans ses
fonctions juridictionnelles. Parmi les buts recherchés par la
réforme, on voulait précisément s'assurer de la
cohérence, dans les décisions, et que ces décisions soient
finales. C'est sans doute dans cette optique que le gouvernement propose que la
commission ait le pouvoir d'élaborer des politiques
générales quant à l'application du Code du travail.
Cependant, la rédaction actuelle de cet article contient des
ambiguïtés fondamentales qui risqueront d'entraver l'esprit de la
réforme. En effet, quelle interprétation la commission et,
éventuellement, les tribunaux civils donneront-ils au deuxième
paragraphe de cet article à l'effet que la commission n'est pas
liée par ses politiques dans l'exercice de ses fonctions
juridictionnelles? Nous recommandons que la toi précise davantage le
pouvoir de la commission d'établir des politiques
d'interprétation et d'application du Code du travail. De plus, la loi
devrait obliger la commission à siéger en comité
lorsqu'elle élabore de telles politiques et ce, afin d'assurer le
maximum de réflexion sur les différents problèmes
d'interprétation et d'application qui seront soulevés par les
parties.
Il nous apparaît de la première importance que la
commission établisse de telles politiques et que les membres de la
commission les appliquent dans l'exercice de leurs fonctions. C'est là,
à notre point de vue, un élément essentiel à la
cohérence, d'autant plus qu'un seul membre de la commission pourra
disposer d'une affaire qui lui aura été confiée. Quant au
rôle d'information, il doit être retiré de cet article, afin
d'éviter que les tribunaux supérieurs ne soient tentés
d'interpréter le pouvoir d'établir des politiques comme
étant simplement un pouvoir d'information. Le pouvoir d'information
devra être élaboré davantage dans le cadre d'un article
distinct de cette section.
Sur les pouvoirs de révision. Dans l'optique de remettre en place
des mécanismes internes visant à développer et à
maintenir une cohérence dans les décisions de la commission, nous
proposons que les pouvoirs de révision et de révocation d'une
décision rendue par la commission soit confiés à un
comité de la commission composé conformément à
l'article 125. De plus, nous croyons que la discrétion de la commission
devrait être totale quant à l'opportunité de
réviser, de quelque manière que ce soit, ces décisions.
C'est pourquoi, nous recommandons de biffer la mention "pour cause", afin de ne
pas permettre aux tribunaux supérieurs la possibilité de
s'introduire dans l'élaboration des politiques de révision de la
commission.
Sur l'outrage au tribunal. Le nouvel article 137.10 reformule les moyens
d'exécution prévus à l'article 19.1 du code. La CSN se
déclare satisfaite qu'on maintienne cette procédure; cependant,
nous croyons que certains points devront être précisés afin
d'assurer l'atteinte des objectifs de la réforme. Ainsi, nous appuyons
le fait que le dépôt à la Cour supérieure ne soit
pas généralement l'oeuvre de la seule volonté des parties
et que la commission ait discrétion quant à l'opportunité
d'un tel dépôt dont les conséquences sont assez
importantes. Toutefois, nous recommandons de reformuler le texte, afin de
préciser davantage la discrétion de la commission. En
conséquence, et sauf en ce qui concerne le dépôt des
sentences arbitrales et le dépôt des ordonnances en vertu des
articles 14 et 15 du code, lesquels devraient être du ressort exclusif
des parties, nous suggérons de modifier le texte et d'accorder
clairement la discrétion à la commission en utilisant des
expressions semblables à celles utilisées au projet de l'article
137.6, qui sont basées sur l'équité, le comportement des
parties après l'émission de l'ordonnance, ce à quoi on
pourrait ajouter l'utilité pour l'amélioration des relations du
travail entre les parties.
Un troisième bloc sur les plaintes pénales et le tribunal.
La CSN s'oppose au transfert de la juridiction des plaintes pénales du
Tribunal du travail à la Cour des sessions de la paix. Voilà bien
un recul important par rapport à la situation existante où les
travailleurs et travailleuses, de même que leurs syndicats, pouvaient se
faire entendre en première instance par des spécialistes en
relations du travail. De plus, des plaintes pénales en droit du travail
doivent avoir un objectif de coercition et ne doivent pas constituer un moyen
pour permettre à une partie de punir l'autre. Ces moyens doivent
plutôt servir à assurer le respect de la loi. Il ne faut pas
permettre de les utiliser comme moyens de pression au service des
intérêts privés des parties. C'est pourquoi, la CSN
réclame que le recours aux plaintes pénales soit sujet à
une autorisation
préalable de la commission, dont la discrétion, à
cet effet, serait,basée sur des critères analogues à ceux
utilisés à l'article 137.6, de même que sur la base de
l'utilité pour l'amélioration des relations du travail entre les
parties.
Le Tribunal du travail. En plus de la juridiction pénale quant
à l'application du code, nous croyons que le tribunal devrait être
maintenu pour exercer les juridictions suivantes, l'aspect pénal des
lois suivantes: la Loi sur la santé et la sécurité du
travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
la Loi sur les normes du travail, toute réclamation civile logée
en vertu de la Loi sur les normes du travail et celles qu'il occupait
déjà quant aux lois diverses qui sont mentionnées dans les
dispositions transitoires du projet de loi 30, sauf en ce qui regarde la Loi
sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, pour laquelle
la nouvelle commission doit avoir la juridiction prévue dans ledit
projet de loi.
L'antiscab. C'est avec stupéfaction que la CSN constate le choix
politique posé par le gouvernement quant à l'application des
mesures antiscab. En effet, l'exception prévue au nouvel article 109 est
tout à fait inacceptable, illogique et incohérente avec
l'ensemble de la réforme entreprise. Comment expliquer ce
phénomène autrement que par la volonté du gouvernement de
s'assurer que la loi antiscab sera la moins efficace possible? C'est bien la
première fois qu'un Parlement déclarerait explicitement, dans une
de ses lois, qu'il se refuse à son application efficace. Cet amendement
est contraire à l'esprit et à la lettre de cette réforme,
puisqu'elle a pour effet de soustraire de la juridiction de la commission un
élément fondamental du code. La CSN appréhende d'autant
plus les résultats que le seul autre recours sera celui à
l'injonction de la Cour supérieure malgré le fait que le ministre
du Travail actuel ait décrié, le 8 janvier dernier, le
caractère inapproprié des requêtes en injonction et des
pénalités. (15 h 30)
Les dispositions antiscab représentent un des aspects du Code du
travail qui opposent les droits individuels aux droits collectifs des
travailleurs et des travailleuses en grève ou en lock-out, tout en
privilégiant ces derniers. Conséquemment, pour les mêmes
raisons qu'on ne songerait pas à référer à la Cour
supérieure et à la Cour des sessions de la paix l'étude au
mérite des requêtes en accréditation ou des requêtes
pour transmission des droits et obligations, la CSN s'oppose à cette
tentative d'écarter la loi antiscab de la juridiction de la Commission
des relations du travail. Conséquemment, de même que toute
contravention au Code du travail, le non-respect des dispositions antiscab
devrait pouvoir faire l'objet de l'exercice des pouvoirs d'ordonnance et de
redressement de la Commission des relations du travail. De plus,
l'enquêteur devrait être rattaché à la commission et
non au ministre du Travail et ce, dans le but d'assurer une cohérence et
une efficacité à son travail qui, pour le moment, demeure souvent
inutilisable. Conséquemment, la CSN réclame de biffer le projet
d'article 109.5.
Alors, c'est pour vous dire qu'on a visé à vous faire une
présentation qui soit la plus précise et la plus proche de
l'essentiel. On pense qu'il y a lieu d'une réforme, mais elle doit
absolument répondre à des objectifs précis dont on a
soulevé l'importance. On pense qu'on mange assez de misère comme
cela, pour faire reconnaître les droits fondamentaux des travailleurs, si
le législateur prend un peu de temps pour s'occuper de la
mécanique, il devrait s'organiser pour que ce soit profitable aux
travailleurs et aux travailleuses. Comme je l'ai déjà dit au
ministre du Travail, il n'est pas le ministre du capital, il est le ministre du
Travail. Cela s'adonne qu'on est des citoyens qui avons des droits et que la
législation devrait favoriser l'exercice de ces droits. C'est dans ce
sens qu'on a travaillé.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Larose. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Dans un premier temps, je
tiens à vous remercier, M. Larose, ainsi que vos collaborateurs pour
avoir pris le temps de fouiller à fond non seulement les
mémoires, mais également le texte du projet de loi. J'ai
indiqué, en deuxième lecture, qu'en ce qui concerne les
principes, à cette époque-là, la décision
gouvernementale était passablement arrêtée et je peux
ajouter, aujourd'hui, qu'en ce qui concerne les principes de la création
d'une Commmission des relations du travail, l'Assemblée nationale ayant
approuvé les principes unaniment, hier, la lumière verte semble
être accordée.
Maintenant, sur le plan des modalités et des modifications, j'ai
également indiqué que nous n'étions pas fixé dans
le ciment et que ces auditions nous serviraient, avec les gens qui vivent dans
le quotidien les problèmes des relations du travail, à bonifier,
à améliorer le projet de loi que nous avons devant nous.
Je tiens, premièrement, à vous remercier pour l'accueil
favorable que vous faîtes, sur le plan des principes, au projet de loi.
Vous indiquez qu'il ne semble pas y avoir un consensus total, syndical et
patronal. Comme vous, je constate que, malgré tout, même si le
consensus n'est pas complet, il fait son chemin d'année en année,
de mois en mois et, au moment où on se parle, de jour en jour et d'heure
en heure. Votre
première intervention dans le préambule non
distribué, si je peux utiliser l'expression, dont vous nous avez
parlé, traitait essentiellement ou principalement du Conseil consultatif
du travail et de la main-d'oeuvre, conseil consultatif qui, au cours des
dernières années, n'a pas vraiment été mis à
contribution par les gouvernements, si je peux utiliser l'expression au
pluriel. Conseil consultatif sur lequel nous avons, comme gouvernement,
déposé un projet de loi, à l'Assemblée nationale,
qui fera l'objet de discussions, probablement au cours de la présente
session, probablement au cours de la prochaine session, mais qui vise à
élargir et la composition, et le mandat du Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre. Je sais que les résistances seront
nombreuses chez les représentants organisés et des travailleurs,
et du patronat qui siègent présentement au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre. Je pense - et je suis ouvert à la
discussion - qu'on en est rendu au jour où ceux et celles qui ne sont
pas représentés et qui sont affectés sur le plan des
décisions qui sont prises quant à leur emploi et quant à
leur sécurité du revenu devraient également avoir voix au
chapitre.
Je suis un de ceux qui pensent qu'en ce qui concerne ce conseil, une
fois élargi, il devrait se prononcer sur des dossiers qui affectent dans
leur quotidien un nombre très important de travailleuses
québécoises et de travailleurs québécois qu'on
retrouve souvent au bas de l'échelle, il devrait donc se prononcer sur
le salaire minimum.
Je sais que la position officieuse du conseil consultatif actuel est de
dire: Laissez-nous, comme conseil d'administration, diriger le conseil et
créer des sous-comités où ces personnes-là
pourraient siéger, nous entérinerons ces décisions et nous
les communiquerons au gouvernement. Si cette solution est envisageable,
peut-être que la solution contraire est également envisageable:
plaçons tous les gens, au niveau du conseil d'administration, qui ont un
intérêt sur le plan de l'emploi et de la sécurité du
revenu. Formons des sous-comités pour les cas qui préoccupent
principalement les représentants des travailleuses et travailleurs
organisés de même que le patronat organisé et
peut-être pourrons-nous fonctionner.
Mais étant donné qu'il ne s'agît pas là de
l'objet de notre débat aujourd'hui, je le laisse en plan pour des
conversations et des échanges futurs.
Votre mémoire nous ayant été remis -et je ne vous
critique absolument pas pour ce qui est du dépôt comme tel - j'ai
pris des notes et je vais tenter par quelques questions d'obtenir un peu plus
d'éclaircissements sur certains points.
Je vous réfère à la page 7 de votre mémoire
lorsque vous traitez des fonctions et pouvoirs de la commission et du pouvoir
de faire ou de ne pas faire et de remédier de la commission. Au
paragraphe 2, vous nous indiquez: "Ce pouvoir est suffisamment souple et
général pour permettre à la commission de jouer
efficacement son rôle. Aussi, il nous apparaît que les deux
premiers alinéas, à savoir les ordonnances relatives à la
grève et au lock-out, ce qui est implicite dans le paragraphe
introductif ainsi que l'ordonnance de faire connaître publiquement
l'intention de se conformer à une ordonnance, sont inutiles. Il faut
d'ailleurs éviter que les tribunaux supérieurs voient dans la
rédaction du projet de loi une énumération qui restreigne
la portée générale de l'article 134." Et c'est là
que vous avez fait votre remarque concernant le lac Meech. Je sais que vous
êtes accompagné de conseillers juridiques, aujourd'hui. Est-ce que
c'est la prétention de la centrale que vous représentez que les
pouvoirs de faire ou de ne pas faire et de rémédier seraient plus
larges, si on biffait les alinéas auxquels vous faites
référence?
M. Larose: Je vais demander à M. Maurice Sauvé de
vous donner cette précision.
M. Sauvé (Maurice): Effectivement, on prétend que
dans le paragraphe introductif, les pouvoirs de faire ou de ne pas faire et
d'accomplir tout acte pour se conformer au code ou pour remédier sont
contenus dans le paragraphe introductif et qu'au fond, il s'agit d'une
répétition dans les paragraphes 1 et 2 qui pourrait laisser
croire que le paragraphe introductif n'est pas aussi général que
la lecture qu'on en fait.
Il y a, par ailleurs, certains pouvoirs qui sont d'un ordre plus
particulier et qui ne seraient pas inclus dans le paragraphe introductif de
l'article 134. On peut se permettre de le lire: "La Commission peut, en outre
des pouvoirs que lui confère le présent code, ordonner à
une personne, à un groupe de personnes, à une association ou
à un groupe d'associations de cesser de faire, de ne pas faire ou
d'accomplir un acte pour se conformer à ce code ou pour remédier
aux conséquences d'une contravention."
Évidemment, les termes "contravention" et autres
réfèrent à l'ensemble, à tout ce qu'on peut trouver
dans l'ensemble du code. Il y a certains pouvoirs spécifiques qu'on
mentionne comme n'étant pas couverts dans ce paragraphe introductif mais
qu'on demande de mentionner, comme le pouvoir d'indemnisation après
audition des parties sur les préjudices subits.
Il y a le pouvoir de réglementer le piquetage ou de
décider, au fond, du piquetage, parce qu'il ne s'agit pas juste de le
réglementer, il faut en décider dans son ensemble de façon
à ne pas se retrouver à
la Cour supérieure qui, actuellement, est le seul lieu où
on peut en discuter. Il y a le pouvoir relativement au changement des
conditions de travail, arbitrage de première convention et non-rappel au
travail où c'est, actuellement, selon des dispositions du code,
spécifié que c'est l'arbitre de griefs qui entendra la cause, par
exemple en matière de changement aux conditions de travail. C'est
l'arbitre de griefs qui a juridiction pour décider s'il s'agit ou non
d'un changement. Nous, ce que nous disons, c'est que si les changements
s'insèrent dans un contexte ou dans un temps où il apparaît
qu'il s'agit, de par l'animus antisyndical, de pratiques déloyales, il
serait beaucoup mieux que ce soit la commission qui en décide. Et s'il
s'agit uniquement de conditions de travail qui sont reliées à une
interprétation de convention, on dit: Là, la commission pourra
déférer à l'arbitrage de griefs. On dit la même
chose pour les pouvoirs de la commission en regard de l'imposition d'une
première convention. On sait qu'actuellement, c'est l'arbitre qui est
affecté à décider d'une première convention qui
doit d'abord décider après médiation s'il est temps ou
s'il y a lieu d'ordonner une première convention, et à ce
moment-là, on sait que la grève ou le lock-out doit se terminer.
Il en est de même pour un non-rappel au travail à la suite d'une
grève ou d'un lock-out. On dit que si c'est de la nature des pratiques
déloyales, cela devrait être la commission parce qu'elle se saisit
de l'ensemble du problème des relations du travail entre l'employeur et
le syndicat. Et on dit aussi que, par exemple, tout le champ des mesures
illégales, des mesures disciplinaires illégales devrait
être du ressort de la commission.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous allez enchaîner avec
votre réponse à la deuxième question que j'avais à
vous poser et qui relevait de la page 9 de votre mémoire. Cela traitait
spécifiquement du piquetage. Vous dites au ministre du Travail que
finalement, vous voulez tout ramener cela et que le piquetage est un
élément important et vous lui demandez: Pourquoi ne donnez-vous
pas la juridiction du piquetage à la commission comme telle?
Il faut être conscient que ce sur quoi nous sommes en train de
travailler au moment où nous parlons dans le cadre de cette loi, ce
n'est pas le fond comme tel du Code du travail mais surtout les structures du
Code du travail. Le piquetage n'étant pas réglementé par
le Code du travail au moment où l'on se parle, il faudrait modifier le
Code du travail pour inclure le piquetage, pour pouvoir donner la juridiction
du piquetage à ce moment-là à la commission. Est-ce que
mon énoncé est exact ou si j'erre?
M. Sauvé: Je ne le pense pas. Si vous permettez, il est
évident que dans la mesure où la commission doit avoir des
problèmes pour régler les conflits des rapports collectifs, il
lui faut des pouvoirs pour les régler. Si la moitié des pouvoirs
ne sont pas là et qu'ils sont à ta Cour supérieure,
qu'est-ce qu'elle va régler? Ce qu'on dit... Pardon?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La moitié des pouvoirs,
là...
M. Sauvé: Bien, une bonne partie. Écoutez, en
matière de conflit, on connaît les patrons pour se lancer dans des
grandes guérillas judiciaires et s'occuper beaucoup de piquetage,
d'outrage et les rapports collectifs sont négligés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des pouvoirs qui vont
être entre les mains de la commission, il y a des pouvoirs qui demeurent
- parce qu'il n'y a pas abolition du ministère du Travail comme tel -
entre les mains du ministère du Travail et il y a des pouvoirs qui
demeurent entre les mains du ministre du Travail comme tel. Il n'y a pas de
changement quant à l'endroit où les pouvoirs s'exécutent,
c'est-à-dire qu'il y a un équilibrage entre les trois.
Maintenant, pour pouvoir... Je ne dis pas que vous avez tort de le demander sur
le plan du piquetage, c'est peut-être même essentiel au bon
fonctionnement de la commission, dans ses rapports collectifs, qu'elle l'ait
cette juridiction. Ma question est: À ce moment-là, ne s'agit-il
pas d'un amendement que j'appelle de fond au Code du travail?
M. Larose: Peut-être, si la notion de piquetage n'est pas
définie dans le code, qu'elle peut l'être à la faveur de
cette réforme comme définition de pouvoir pour cette commission.
Enfin, techniquement, je ne sais pas comment l'on doit procéder mais je
vous rappelle que si vous ne visez pas avec cette réforme le
rapatriement de tous les pouvoirs à l'intérieur de cette
commission, oubliez votre réforme parce que c'est un piège
à cons que vous allez nous faire. Si on est "poigne", effectivement,
pour les matières de relations du travail, à
référer aux tribunaux supérieurs et qu'en même temps
vous nous pondez une réforme avec laquelle le patronat va tester
l'ensemble des nouvelles dispositions, je peux vous dire qu'on est parti pour
un "party" auquel on ne veut pas aller. (15 h 45)
En ce sens, je dirais l'originalité 'et l'utilité de la
réforme, c'est le fait de créer un mécanisme qui va
ramasser tous les pouvoirs. Si vous en oubliez un, c'est l'échappatoire
pour les évocations; c'est le bordel, c'est la chicane dans la cabane.
Là-dessus, il ne faut pas qu'on se trompe. Nous
vous l'avons dit en introduction, il y a deux "must", c'est le
rapatriement de tous les pouvoirs, le piquetage, l'antiscab, etc., et
l'indépendance de la commission. En dehors de cela, on pense que c'est
un piège à cons parce qu'au lieu d'avoir simplifié les
choses, les "boss" vont nous essayer aux deux places.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant aux évocations dont
vous parlez, n'êtes-vous quand même pas d'accord qu'en
réduisant le niveau ou les niveaux de harponnage des évocations -
si je peux utiliser l'expression -surtout dans le cas des
accréditations, qu'en faisant en sorte qu'il n'y ait qu'un niveau de
décision, on risque de réduire d'autant le niveau de harponnage
des évocations qui pouvaient se produire sur l'agent de
l'accréditation, sur le commissaire du travail, sur le Tribunal du
travail et, dans certains cas, la multiplication des procédures?
M. Larose: C'est un mécanisme qui est bon, qui est
administratif. On reconnaît son efficacité. Mais il faut aussi
savoir que dans des conflits ou dans les relations du travail, même quand
cela se pose sur le plan de l'accréditation, quand une des parties
-habituellement, c'est la partie patronale - ne veut pas reconnaître le
syndicat pour aucune considération et fait flèche de tout bois
pour embouteiller le syndicat potentiel dans le juridisme, nous pensons qu'il
faut que l'ensemble des pouvoirs soit effectivement intégré
à la commission.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant à un des pouvoirs de
la commission que vous évoquez aux pages 12 et 13 de votre
mémoire et que l'on retrouve à l'article 137.3 de la loi, qui
concerne le pouvoir de la commission d'énoncer ses politiques, à
la page 13, au quatrième paragraphe ou au troisième paragraphe
complet, vous dites: "II nous apparaît de la première importance
que la commission établisse de telles politiques et que les membres de
la commission les appliquent dans l'exercice de leurs fonctions." Le projet de
loi, à l'alinéa 2, stipule clairement que les politiques ne lient
pas la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Est-ce
que je comprends bien le message de votre centrale en disant que ces politiques
devraient, au contraire, lier la commission dans l'exercice de ses fonctions
juridictionnelles?
M. Larose: Oui. Est-ce que c'est cela qu'on dit? Je ne suis pas
avocat, alors, parfois, il faut que je vérifie l'interprétation.
C'est cela.
M. Sauvé: On dit que les politique, qui vont être
élaborées par la commission vont devoir guider la commission. La
commission a son indépendance, mais il est sûr qu'elle va se
donner des lignes. Elle va étudier chaque cas et, lorsqu'il y aura des
politiques à établir, elle va les établir, non pas le
président, mais la commission comme telle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous pose la question sur le
plan du fonctionnement pratique. Lorsque j'ai approché cet article, j'ai
peut-être pensé à l'exemple de l'impôt, au
ministère du Revenu qui énonce des politiques, qui fait
connaître ses politiques et qui n'est pas lié par les politiques
face à un contribuable. Les réponses que j'ai obtenues comme
ministre, c'est que, lier une commission ou un commissaire par un
énoncé de politiques, c'est l'empêcher de tenir compte de
circonstances particulières.
M. Sauvé: Là, on est purement sur des questions de
fait, M. le ministre. Si vous avez remarqué, on n'a pas d'amendement
pour dire qu'ils sont liés. On dit que la commission doit
élaborer des politiques et des règlements, qu'elle doit avoir le
pouvoir d'élaborer des politiques et des règlements, des
politiques administratives. Si vous lisez le mémoire au complet...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que je saisis. Vous ne
voulez pas que le deuxième alinéa soit rédiqé a
contrario. Vous cherchez simplement à faire en sorte que la commission
ne puisse pas ignorer ces politiques, qu'elle doive en tenir compte.
M. Sauvé: Tout à fait. Un peu plus loin dans le
mémoire, on parle du pouvoir de révision. Une des
possibilités de révision serait justement lorsqu'un commissaire
n'aurait pas suivi les politiques de la commission. Cela n'échappe pas
au fait que, sur le pouvoir de révision, il puisse y avoir une
révision large. Bien sûr, cela va se faire principalement parce
que, ou bien les politiques et les règlements n'ont pas
été suivis, ou bien il s'agit d'un cas bien particulier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Je vais peut-être
ouvrir à ce moment une discussion un peu plus douleureuse: la loi
antiscab. Cela dépend de quel côté on se place. C'est
à la page 16 de votre mémoire. Vous dites au milieu du premier
paragraphe: "Comment expliquer ce phénomène autrement que par la
volonté du gouvernement de s'assurer que la loi antiscab sera la moins
efficace possible." Vous concluez: "De plus, l'enquêteur devrait
être rattaché à la commission et non au ministre du Travail
et ce dans le but d'assurer une cohérence et une efficacité
à son travail qui, pour le moment, demeure souvent inutilisable." Moi,
je voudrais savoir si dans votre pratique
quotidienne au cours soit des derniers 18 mois ou peut-être plus
long, sur le plan historique, Faction ministérielle sans partisanerie
politique a fait qu'on n'ait pas pu donner une application à ces
dispositions de la loi?
M. Larose: Même si on pouvait se déclarer satisfait
de l'intervention du ministre du Travail actuel, vous n'avez pas un mandat
d'éternité, n'est-ce pas? Alors, les dispositions qu'on propose
sont des dispositions qui nous mettent à l'abri d'un éventuel
ministre qui lui pourrait se comporter de façon
préjudiciable.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pourquoi j'avais
élargi ma question incluant les prédécesseurs depuis
l'adoption de la loi antiscab. Je comprends les garanties qui sont
recherchées mais sans couleur politique ou sans personnalité,
depuis qu'elle est en application - je ne veux pas que vous le nommiez,
même s'il y avait un problème; on est en train de faire de la
législation pour l'avenir non pas pour le passé - est-ce que vous
avez déjà éprouvé quelques difficultés?
M. Larose: Quelques-unes. Conrad.
M. Lagueux (Conrad): En fait, indépendemment du ministre
et de quelque parti que ce soit, un des problèmes majeurs qu'on
rencontre, c'est que l'enquêteur qui vient examiner s'il y a
contravention ou pas n'a pas de pouvoir, d'une part. Souvent, ce sont des gens
d'ailleurs qui ont peu d'expérience de la situation. Alors, la
mécanique qu'on propose... Et les rapports qu'ils produisent sont
généralement non utilisables, comme on le souligne dans le
mémoire. Alors, il y a une faiblesse importante qui rend, à
toutes fins utiles, l'utilisation de l'enquête inutile à bien des
égards.
M. Lamarche (Pierre): L'autre aspect important aussi, ce sont les
remèdes...
Le Président (M. Théorêt): Voulez-vous, s'il
vous plaît, pour l'enregistrement des débats, vous identifier
quand vous prenez la parole?
M. Lamarche: Oui, Pierre Lamarche. L'autre aspect important aussi
de ces dispositions, ce sont les remèdes qui peuvent être
apportés à l'intérieur d'une commission qui a comme
mission de tenter de régler par conciliation, par médiation, donc
par discussions entre les parties les problèmes qui sont posés et
les problèmes réels - le piquetage - que cause la grève en
vue de pouvoir résoudre ces conflits de travail et qui, dans la mesure
où ils ne sont pas rapatriés à l'intérieur de cette
commission, sont décidés d'une façon judiciaire par un
autre juge en fonction d'autres considérations, ne peuvent pas servir
comme occasion pour tenter de résoudre le conflit non pas dans ces
manifestations mais dans son origine.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je vais vous dire que comme
ministre du Travail, je suis conscient qu'une des dispositions les plus
contestées par le patronat québécois dans l'actuel Code du
travail réside dans les dispositions antiscab comme telles. Je suis
également conscient que le degré d'efficacité du
fonctionnement d'une Commission des relations du travail va relever de
l'acceptation des parties syndicales et patronales ou du comportement qu'elles
auront face à l'installation de cette nouvelle structure et des pouvoirs
qu'elle comprend. Est-ce que vous pensez qu'en ajoutant les dispositions de la
loi antiscab dans les juridictions comme telles de la commission, on peut
améliorer les chances d'acceptation générale par les
communautés syndicale et patronale?
M. Larose: Je voudrais d'abord qu'on "contextue" un petit peu les
dispositions antiscab. Quand on veut se comprendre, on dit que ce sont des
dispositions qui sont faites pour les délinquants, et des
délinquants, il y en a de plus en plus. Je vous rappelle que les
conventions collectives se renouvellent - je pense que la moyenne
québécoise c'est 94 % des cas - sans aucun problème. Il
reste 6 %. On tranche: disons 3 % de grève et 3 % de lock-out. Dans ces
3 % d'un bord ou de l'autre, combien d'entrepreneurs prennent le risque
d'utiliser des scabs? C'est très marginal. Quand ils prennent ce
risque-là, c'est parce qu'ils ont des idées derrière la
tête et qu'ils veulent effectivement se soustraire aux règles
normales du rapport de force. Nous, on dit que lorsque le patronat gueule sur
la question antiscab, c'est le violon pour accorder l'orchestre, c'est pour
faire la démagogie. Très concrètement, il n'y a pas, je
dirais, de problème majeur avec l'antiscab; il y a des problèmes
pour ceux qui ont décidé effectivement de passer à
côté de l'économie générale des relations du
travail. L'introduire dans la réforme, la rapatrier, à notre
avis, il y a là respecter l'esprit d'origine de la création de
ces dispositions. Et je pense que vous disposez, M. le ministre, d'un certain
nombre d'études qui vous font la preuve que ces dispositions ont
peut-être été un stimulant pour la civilisation des
rapports dans les grèves et qu'un peu moins de patrons essaient de
passer à côté de l'économie. Et ce n'est pas
nécessairement mauvais, ni pour le camp syndical, ni pour le camp
patronal.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avant de passer à la
question de principe de l'indépendance comme telle de la commission,
j'aurais une dernière question portant sur la page 14 de votre
mémoire qui traite de l'outrage au tribunal et de la recommandation que
vous faites au bas de la page 14 qui dit: "...nous suggérons de modifier
le texte et d'accorder clairement la discrétion à la commission
en utilisant des expressions semblables à celles utilisées au
projet d'article 137.6 qui sont basées sur l'équité, le
comportement des parties après l'émission de l'ordonnance, ce
à quoi on pourrait ajouter l'utilité pour l'amélioration
des relations de travail entre les parties." Est-ce que vous voudriez, par une
telle suggestion, que l'on balise, par une liste définie et
exprimée, les cas où il pourrait y avoir homologation par la Cour
supérieure?
M. Larose: Maurice ou Conrad.
M. Lagueux: Ce qu'on veut éviter, c'est qu'avec la
formulation actuelle, l'interprétation soit donnée au peu qui
apparaît dans la loi comme étant une obligation pour la commission
de déposer une ordonnance. On veut que la discrétion
accordée à la commission soit clairement identifiée dans
la loi. C'est ce qu'on recherche. On a indiqué des motifs qui peuvent
guider la commission sur l'exercice de cette discrétion. On a donc
distingué entre deux types d'ordonnances: les ordonnances de retour au
travail en vertu des articles 14 et 15 où c'est à la demande des
parties, et le projet de toi ne faisait pas de telles distinctions, et les
ordonnances dans le cadre de retour au travail ou toute autre ordonnance que la
commission pourrait rendre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que le vocabulaire de
rédaction choisi au moment où nous nous parlons qui n'indique pas
que la commission "doit" mais que la commission "peut", ne laisse pas, à
votre avis, cette latitude?
M. Lagueux: À notre avis, cela ne laisse pas cette
latitude, d'autant plus que, dans une affaire qui concernait le secteur public,
le RETAQ en particulier, on a une décision de Mme Alice Desjardins, juge
à la Cour supérieure, qui soulève cette question
d'interprétation. D'où notre recommandation d'être plus
clairs quant à la discrétion accordée à la
commission.
M. Sauvé: ...contenu dans le mémoire principal, aux
pages 29 et 30; on cite le juge Desjardins et on explique cette
donnée.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne
l'indépendance des membres de la commission, vous parlez entre autres -
et j'y vais de mémoire sans vous citer au texte - de la nomination pour
au plus cinq ans qui, selon votre interprétation, peut affecter
l'indépendance du commissaire ou de la commission qui a à rendre
des décisions souvent dans des dossiers délicats à tout
point de vue.
Tout ce que je peux vous indiquer à ce sujet, c'est que nous
avons, au ministère du Travail, eu recours aux bons services - ou aux
mauvais services, cela dépend de la façon dont on
considère cela - du ministère de la Justice qui nous a
indiqué que c'est de la façon dont cela se passe dans l'ensemble
des commissions, qu'ils sont présentement au travail, qu'ils ont
confié un mandat à Yves Ouellette de l'Université de
Montréal dans le but de réviser l'ensemble des mandats
confiés à des personnes qui ont à rendre des
décisions de nature administrative, quasi judiciaire ou judiciaire, de
façon à leur donner le maximum d'indépendance et que ce
délai de cinq ans est actuellement sous révision. (16 heures)
L'engagement que nous avons pris au ministère du Travail, c'est
que la décision du ministère de la Justice, qui ira sans doute
dans le sens d'une prolongation des mandats d'accorder plus
d'indépendance, sera suivie par le ministère du Travail et les
ajustements législatifs seront faits à ce moment-là. Mais
pour l'instant, il nous apparaissait qu'on ne suivrait pas la ligne
gouvernementale, si je peux utiliser l'expression, si on allait à
l'avant de cette réforme au niveau du ministère du Travail sans
tenir compte du rapport de M. Ouellette. Ce sont les commentaires que je
voulais exprimer sur la durée du mandat. Maintenant, je ne vous demande
pas d'en être satisfait, je les place dans le contexte.
M. Larose: Est-ce que vous n'aurez pas des problèmes de
recrutement si vous voulez des personnes pour au plus cinq ans? En relations du
travail, je sais qu'il y a des gens qui sont assez cotés entre les deux
oreilles, qui peuvent nous arriver directement des écoles, mais disons
que c'est d'abord une expérience et une expertise, surtout dans le
manaqement de relations qui peuvent être conflictuelles. On pense que
cela prend habituellement une certaine pratique. Alors, si vous avez des gens
qui, je ne sais pas, moi, à 40 ou à 45 ans, qui vont venir
prendre un emploi d'au plus cinq ans, cela se peut bien qu'ils gardent plus
longtemps leur ancienne job.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous mettez le doigt sur un
véritable problème. Nous pensons avoir certains problèmes
de recrutement qui sont basés, oui, sur le critère de la longueur
du mandat, mais
également, oui, sur le niveau de rémunération que
nous pouvons offrir avec les politiques gouvernementales qui sont connues. Ce
n'est pas facile de recruter des éléments. C'est un peu comme la
durée de mandat des députés, si je voulais extrapoler, qui
est de quatre ans, cinq ans au maximum, et le taux de
rémunération... Les partis politiques ont également des
problèmes de recrutement, ce qui n'empêche pas certains individus,
d'un côté comme de l'autre, de se présenter. Mais on
tentera de corriger cela sur le plan de l'indépendance parce qu'il
m'apparaît également très important, comme ministre du
Travail, que les décisions rendues le soient sans intervention politique
de quelque nature qu'elle soit.
M. Larose: Je vous rappelle que notre proposition est que la
nomination de ces commissaires soit faite à partir d'une proposition
regroupée ou d'une banque possible faite par le CCTMO avec des
critères entendus entre les parties, connus de tout le monde, et qu'on
puisse les nommer au moins pour cinq ans et que le renouvellement ne soit pas
automatique, effectivement, qu'il puisse y avoir des refus, mais que tout cela
se fasse de façon encadrée, c'est-à-dire sur la base de
critères pour, précisément, ne pas être à la
remorque de décisions, de choix politiques.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président me fait
signe que mon temps est épuisé. Mais je prends 30 secondes pour
vous indiquer que nous avons des choix importants à faire à ce
niveau et que j'ai déjà eu l'occasion d'avoir, avec d'autres
chefs syndicaux et d'autres représentants patronaux - je les ai avec
vous au moment où nous nous parlons - ce type de discussion, à
savoir s'il était préférable que les commissaires soient
nommés je ne dirais pas de façon paritaire, quatre patronaux,
quatre syndicaux, etc., mais à la suite de consultations ou de
recommandations des parties concernées, parce que cela impose aux
commissaires, à ce moment-là, l'obligation de s'assurer l'appui
des deux parties avant de partir et cela pose, quant à son
indépendance, une autre question. C'est pourquoi nous avons
rédigé le texte de loi tel qu'il est quant au président et
de façon différente quant au vice-président, afin de ne
pas le faire dans le vide absolu, mais en maintenant ce critère
d'indépendance de la façon la plus objective possible. Notre
formule est peut-être améliorable, mais nous visons le même
objectif,
M. Larose: II faut absolument que ce soit clair entre nous que
ceux qui vont être nommés doivent être des gens qui ne sont
pas campés d'avance. Puis-je vous dire qu'il va y avoir des tours de
passe-passe pour en éviter la moitié? Si vous me parlez d'en
nommer quatre d'un bord et quatre de l'autre, je peux vous dire que cela va
être la guérilla de l'agenda ou de je ne sais pas quoi pour
éviter les quatre qui ne sont pas de notre bord. Là-dessus, il
faut absolument avoir une commission dont les commissaires sont, je dirais,
reconnus pour leur expertise et leur expérience et qui ont, je dirais,
la confiance des parties. Sinon...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La commission n'a pas la
confiance.
M. Larose: ...on va être dans le trouble.
Le Président (M. Charbonneau): Cette réponse
complète totalement la période de temps réservée au
ministre et à ses collègues. Je vais céder maintenant la
parole au député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Merci, M. le Président. Mes premiers mots
seront pour remercier M. Larose et ses collaborateurs et collaboratrices
d'avoir produit - et je pense qu'on aura l'occasion de le dire à
d'autres groupes également - dans des délais très courts
un mémoire d'excellente qualité qui, selon moi, reprend plusieurs
aspects que j'avais soulignés lors de mon discours en deuxième
lecture et que j'ai évoqués, au début de la commission, en
disant qu'il y avait des questions à poser à propos de certains
éléments qui étaient absents, en particulier que la CSN
insiste en disant que, pour eux, il y a, ce que vous appelez deux "must" - on y
reviendra tantôt: l'inclusion de l'antiscab et du piquetage. Je pense que
vous avez raison à 100 %. Vous avez insisté beaucoup sur le fait
qu'une Commission des relations du travail qui ne serait jamais en soi
complètement autonome et qui n'aurait pas l'"entièreté"
des pouvoirs en termes de relations du travail risque d'avance de marcher
faiblement et de poser des difficultés. Je pense que, là-dessus,
vous avez passablement raison, c'est un point qu'on partage. J'étais
heureux également que vous souligniez - je vais être court sur ces
quelques commentaires - que dans la définition - je n'ai pas l'article -
qu'ambitionne sur les pouvoirs de la commission. On est parti en peur. On
dit... Je suis heureux que vous soyez revenus sur la question de la bonne
gestion des ressources humaines. Vous dites: Ce n'est pas de vos affaires. Je
partage ce point de vue là, car là, on innoverait dans le domaine
des relations du travail en introduisant de nouvelles notions qui ne sont
sûrement pas spécifiques. Ce qui est drôle, c'est que,
même si, au début, vous mentionnez que c'est étonnant que
le ministre du Travail n'ait pas cru bon de prendre un peu plus de temps et que
le
patronat et, éventuellement, le monde syndical puisse regarder ce
projet de loi, puisque, sans avoir fait le tour des mémoires, au moins
sur ce dernier exemple que je viens de donner, d'exclure la
référence à la bonne gestion des ressources humaines, pour
le peu que j'ai vu, autant le syndical que le patronal, cela n'a pas de bon
sens. Cela fait juste une parenthèse, M. le ministre, qui atteste que,
si il y avait un peu moins de précipitation - je ne sais pas ce qui vous
pousse à aller si vite là-dedans, peut-être que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...
M. Gendron: Non, là je suis dans mon commentaire. Vous
aurez l'occasion de répondre à un moment donné. Il y a une
espèce de rythme inquiétant parce que, quand quelque chose est
bon...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'offre de répondre.
M. Gendron: ...et qu'on est convaincu que cela mérite
d'arriver, on prend le temps de regarder, on prend le temps d'entendre les
intervenants. Il va y avoir un problème. Nous allons être
obligés de travailler un peu en fou sur l'article par article, alors
qu'on aura vu ces gens-là aujourd'hui et demain et, tout de suite
après-demain, on procède. II me semble que c'est un petit peu
inconvenant pour des gens qui ont pris la peine de nous faire des
mémoires de fond. Il faudrait un peu de décalage, une couple de
jours à tout le moins.
Dès l'article 1, on a déjà des problèmes. Je
voulais vous dire que, sur ce que vous avez soulevé, l'objet du Code du
travail, à propos du mandat des membres de la commission, je suis
heureux que vous fassiez des suggestions très heureuses, en particulier
sur la nomination des président et vice-présidents. Je pense que
je l'ai mentionné, c'est un pouvoir qui devrait être dans les
mains de l'Assemblée nationale, au deux tiers. Ce sont des
modalités, mais c'est important de ne pas laisser cela uniquement dans
les mains de l'Exécutif si on veut que cette commission ait
éventuellement une autorité morale forte, une autorité
morale forte d'avance. J'étais encore particulièrement heureux
que vous fassiez une référence au Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre que le ministre va abolir, pour dire que cela pourrait
être cette instance qui ferait les suggestions. J'aurai une question
tantôt à vous poser qui est complètement en dehors de cela,
mais j'explique pourquoi que vais vous la poser quand même, et je vous
avertis d'avance, je le fais à tous les groupes qui vont venir, pour
avoir un point de vue sur une modification dans le projet de loi 41.
Commissaire à temps partiel, cela n'a pas de bon sens. Merci, on
a le même point de vue. Rôle du président, également
et comité de commission, vous avez touché ces points-là
d'une façon tout à fait correcte. Je voudrais revenir
également sur des éléments qui nous rejoignent, mais pour
lesquels il y aurait lieu d'éclairer davantage notre lanterne. Par
exemple - c'est ma première question, M. Larose - pour ce qui est du
pénal, tout le volet pénal, vous avez dit que cela devrait rester
à sa place, au Tribunal du travail. Là-dessus vous partagez notre
point de vue. Cependant, j'avais été un peu plus loin dans mes
commentaires. J'ai bien de la misère à comprendre que c'est
légitime d'envisager qu'il n'y aurait pas de droit d'appel au Tribunal
du travail pour des décisions de la Commission des relations du travail,
à tout le moins pour celles qui concernent les droits des individus. Je
ne parle pas de droits à caractère plus collectif, mais vous
savez que, dans les relations du travail, il y a une série de droits qui
ont un aspect plus individuel: congédiement, mesures de
réparation dans certains cas, etc. À moins que je ne me trompe,
mais on a eu vos mémoires en même temps que vous, c'est possible
qu'on n'ait pas tout cela frais à la mémoire, ma question
précise est: Est-ce que vous, de la CSN, vous pensez qu'il y aurait lieu
de maintenir un droit d'appel au Tribunal du travail, à tout le moins
pour les matières qui ont des références plus
individuelles qu'un droit collectif? Quel est votre point de vue
là-dessus?
M. Larose: Notre position, enfin celle qu'on exprime, c'est qu'on
ne veut pas se retrouver devant des juges qui ne connaissent pas cela. En ce
qui concerne les relations du travail, quand on est devant un juge qui a
seulement fait - je ne sais pas - du droit sur les assurances, est-ce que je
peux vous dire qu'il nous dit n'importe quoi? II ne sait pas ce que c'est, des
relations du travail. Fondamentalement, on est dans un régime de
conflits d'intérêts et non pas dans un régime de conflits
de droite. On va vouloir que tout s'arrête à l'intérieur
d'une commission qui aura ses propres mécanismes de recours et on a
appelé cela le Tribunal du travail. Alors, on veut que tout soit
englobé parce que l'expérience - je ne sais pas si elle est
séculaire, pas tout à fait - des décennies où on se
retrouve pour X raisons devant les autres cours, c'est de la folie furieuse. On
peut vous donner des exemples très récents.
M. Gendron: Mais si vous le permettez, M. Larose, je pense que
vous avez été très clair pour ce que j'appelle dans votre
mémoire le volet pénal dans le sens que vous dites: Amenez cela
à la Cour provinciale, cela va créer des problèmes. Vous
venez de l'exprimer on ne peut plus clairement: Ils ne connaissent pas cela. Je
ne vous blâme pas.
Je pense effectivement que, lorsque des gens ont jugé autre chose
toute leur vie, cela peut être difficile de connaître les relations
du travail. Je pense que ce bout était très clair dans votre
mémoire. C'est plus le fait qu'il n'y ait pas de droit d'appel. Je ne
parle de maintenir pour toutes les questions ce qu'on appelle le volet
pénal, conserver le Tribunal du travail. Je parle pour des
problèmes où ce sont des individus qui sont en cause et qui sont
dans un contexte de recevoir des jugements par la tête d'un juge seul ou
d'un commissaire seul. Ne croyez-vous pas cela abusif de ne pas autoriser un
droit d'appel? À ma connaissance, dans le mémoire, vous n'avez
pas indiqué votre point de vue là-dessus.
M. Larose: M. Conrad Lagueux.
M. Lagueux: Notre point de vue, c'est que la commission doit
avoir une juridiction sur l'ensemble et une juridiction finale. Les
congédiements que vous mentionnez à titre d'exemple,
congédiement pour activités syndicales, cela s'inscrit
également généralement dans un processus soit
d'accréditation ou encore à l'occasion de conflits et ainsi de
suite. On veut que la commission puisse aborder l'ensemble de ces
problèmes et examiner aussi la question du congédiement dans le
cadre de l'ensemble des relations du travail et que sa juridiction soit finale.
On ne pense pas qu'il y ait un problème majeur à ce qu'il n'y ait
pas de droit d'appel sur des questions de congédiement comme telles.
D'ailleurs, l'expérience vécue par le Tribunal du travail en
matière de congédiement comme sur d'autres questions nous
démontre, même sur les questions de droit, certaines
incohérences dans les orientations des juges au Tribunal du travail, que
ce soit, par exemple, sur les congés à durée
déterminée ou à l'occasion de certains conflits, certains
ont interprété la notion de protection par le code d'une
manière alors que d'autres l'interprétaient d'une autre
manière. On préfère avoir une commission qui a des
politiques, qui développe une cohérence dans ses interventions et
qui rend des décisions finales. (16 h 15)
M. Gendron: Merci. En ce qui me concerne, cela est très
clair.
Il y a un article du projet de loi - je pense que c'est l'article 13 -
qui abroge les articles 28 à 30 du Code du travail et ces articles
portent sur le vote secret de la représentativité syndicale.
L'article 28 prévoit notamment la tenue d'un vote secret lorsque entre
35 % et 50 % des salariés d'une unité d'accréditation sont
membres d'une association. Ce sont les dispositions prévues au Code du
travail. À partir du moment où l'article 13 abolit ces
dispositions, il n'y a plus de référence comme telle aux
dispositions qui entourent le vote secret. Le Conseil du patronat a
interprété - je ne porte pas de jugement - que l'abroqation de
l'article 28 voulait dire qu'un vote secret pourra être ordonné
peu importe le nombre de membres de l'association. Nous, on a continué
à apprécier les articles subséquents et à moins,
encore là, qu'on n'ait pas toute la compréhension voulue, on
pense que la situation est très ambiguë. Par contre, mon point de
vue et celui de l'Opposition, c'est qu'il faut protéger le plancher du
35 %. Comme ce volet n'a pas été touché dans votre
mémoire, et qu'il m'apparaît que c'est une disposition importante
du projet de loi, j'aimerais avoir le point de vue de la CSN sur la
compréhension et l'interprétation que vous, vous faites de la
disparition des articles 28 et 29 qui sont expressément
mentionnés par l'article 13 du projet de loi.
M. Sauvé: Autant que je puisse me souvenir, l'article 37
du code donnait la règle du 35 % et cela n'est pas abroqé,
à ce que je sache.
M. Gendron: L'article 28?
M. Sauvé: Je parle du code actuel. À l'article
37.1, on parle des votes au scrutin secret, cela demeure. Ce qui est
enlevé, c'est la mécanique disant qu'un agent, qui constate qu'on
s'entend sur l'unité et qu'on s'entend sur la liste, doit
décider, et il peut ordonner, s'il y a ces deux ententes-là, le
vote à 35 %. Mais le principe du vote à 35 %, dès qu'il y
a 35 % dans l'unité, existe à l'article 37 et, à ce que je
sache, cela n'a pas été touché.
M. Gendron: Et à partir du moment où l'on dit, dans
l'article 13 du projet de loi créant la Commission des relations du
travail, que les articles 28 à 30 de ce code sont abrogés - j'ai
également une copie du Code du travail, on ne lira pas cela ici - et,
dans l'article 28, il y avait des dispositions selon lesquelles: "si l'agent
d'accréditation constate qu'il y a accord entre l'employeur et
l'association sur l'unité de négociation et sur les personnes
qu'elle vise et qu'il y a entre 35 % et 50 % des salariés dans cette
unité qui sont membres de l'association de salariés, il
procède au scrutin pour s'assurer du caractère
représentatif", etc. Si cette disposition et l'article 28 au complet
sont disparus, vous, vous n'interprétez pas - et de toute façon,
vous êtes là et c'est pour cela que je vous pose la question -
que, par l'article 13, l'abrogation des articles 28 à 30 élimine
les dispositions concernant le plancher de 35 % pour
l'accréditation.
M. Sauvé: M. le député, l'article 37 n'est
pas aboli. Regardez le projet de loi en page 8, on nous fait passer de
l'article 36.1,
l'article 18 parle de l'article 36.1. L'article 19 parle de l'article
41. Or, allez au code actuel, l'article 37.1 du code actuel n'est pas aboli,
donc, à l'article 37, on l'a ce principe, on l'a comme pouvoir
général, où l'on dit: -évidemment il y a une clause
qui prévoit que, partout où l'on parle de commissaire, on va dire
"commission", à la fin une clause omnibus qui règle ce
problème - "Le commissaire du travail doit ordonner un vote au scrutin
secret chaque fois que l'association...
M. Gendron: Moi, de toute façon, je veux bien qu'on se
comprenne, et merci beaucoup si cela signifie tout simplement... La
démonstration que je voulais faire c'était simple, c'est que vous
avez une interprétation complètement différente du Conseil
du patronat, là-dessus, le Conseil du patronat prétendant que
l'abrogation de l'article avait comme conséquence qu'un vote secret
pourrait être ordonné peu importe le nombre de membres de
l'association et, à ce moment-là, selon ce que votre
collègue vient de mentionner, compte tenu que l'article 37 est toujours
maintenu au Code du travail actuel, vous n'avez pas du tout la même
interprétation et cela me rassure.
M. Larose: Cela va décevoir Ghislain, mais...
M. Gendron: Là, cela...
M. Larose: Disons qu'il n'aura pas été satisfait
dans son appétit, c'est tout.
M. Gendron: Cela va là-dessus. J'avais une autre question
sur ce qu'on appelle les dispositions des contraventions
appréhendées. Vous avez omis de parler de cela, à moins,
encore là, que je me trompe, vous avez parlé des articles 130 et
131. J'aimerais que vous me donniez votre point de vue sur l'article 132. Je
vais juste le situer dans son contexte. L'article 132 prévoit que la
commission peut entendre une plainte concernant une contravention
appréhendée. En tout cas, cela m'apparaît donner une
ouverture à énormément d'abus et à
énormément de stratégies. La question que je voudrais vous
poser est la suivante: Est-ce que vous ne croyez pas, puisque la Commission des
relations du travail aura le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires, que
cela pourrait être légitime de conserver cet article sur les
contraventions appréhendées pour ce qui est du maintien des
services essentiels, mais aussi sur l'ensemble des dispositions autres que les
services essentiels? Est-ce que vous ne croyez pas que c'est une disposition
qui devrait être retirée, compte tenu des difficultés que
cela pourrait causer pour toutes sortes de stratégies et des abus, dans
certains cas...
M. Sauvé: Dans le cadre où on veut des pouvoirs
larges pour la commission... On a parlé, tantôt, de piquetage.
S'il y a quelque chose d'appréhendé, s'il y a une situation
tendue, autant une partie que l'autre peut s'adresser à la commission
pour lui soumettre le problème. Actuellement, la première chose
que font les patrons quand il y a une grève appréhendée,
c'est se presser d'avoir un bureau d'avocats ou, en tout cas, d'en
réserver un, au cas où il arriverait quelque chose, pour
prévenir, pour préserver le droit de propriété,
etc. Cette mentalité existe présentement, sauf que les recours
sont dans un autre champ. À titre d'exemple, si on veut que le piquetage
soit rapatrié, si tout ce qui peut faire l'objet des ordonnances de
faire ou de ne pas faire est rapatrié à la commission, il faut
que, dans les ordonnances de faire ou de ne pas faire, il puisse y avoir
peut-être des choses appréhendées qui amènent les
parties à soumettre le problème à la commission. Et, comme
on dit que la commission devrait avoir tous les pouvoirs, il nous
apparaît logique - en tout cas, on n'a pas fait de commentaires
là-dessus - de ne pas s'offusquer. On s'offusque beaucoup plus...
Cela rejoint l'esprit du ministre qui a dit qu'il fallait régler
l'ensemble des problèmes. Par rapport au piquetage, il nous disait que
ce n'est que jeter de l'huile sur le feu que d'aller devant la Cour
supérieure, que cela ne règle rien. Il nous dit cela dans son
mémoire, au point 5.4, à la page 10, dans la partie accessible au
public. Cette philosophie est dans le texte qui faisait la présentation
et qui voulait élargir le champ de la commission pour qu'elle soit
d'abord un organisme ayant pour but de permettre aux parties de régler
leurs problèmes et, après cela, en deuxième lieu, de
décider si les parties ne réussissent pas à régler
par la médiation.
M. Larose: Je voudrais dire au ministre que la souplesse qu'on
souhaite voir dans les mandats de la commission ou dans sa capacité
d'intervention, on veut que ce soit une souplesse accessible aux parties
seulement. Un des graves défauts de la réforme, c'est de mettre
dans le trafic des relations du travail... On veut d'abord sortir ceux qui ne
connaissent pas cela, c'est-à-dire les juges, mais on ne voudrait pas
faire entrer d'autres gens qui ont bien d'autres recours à leur
disposition pour venir perturber le trafic là-dedans. Si le
comité des malades peut invoquer l'article 132 pour que la commission se
prononce sur n'importe quoi, on pense que les tiers, eux, n'ont qu'à
aller dans l'autre trafic. D'ailleurs, ils ont en masse de cours pour s'amuser.
Nous, nous n'en avons qu'une et on voudrait qu'elle soit occupée
massive-
ment à régler nos difficultés, quand on en a, ou
à nos droits, pour qu'ils soient reconnus. Dans ce sens, on en parlait
à l'article 112, iI y a aussi d'autres articles où on parle de...
L'article 136?
Une voix: 135 et 136.
M. Larose: On pense qu'il faut absolument réserver ce
mécanisme pour les parties qui ont des problèmes de relations du
travail. S'il y en a qui ont des problèmes pour se faire indemniser
à la suite des conséquences d'un conflit
généré par l'une des deux parties, ils s'adresseront aux
autres cours, elles sont faites pour cela. Je trouve qu'on est très
généreux dans la société québécoise,
on leur donne toutes sortes de cours, y compris celle-là. Il me semble
que ce n'est pas être discriminant de dire que les relations du travail
seront régies par un mécanisme qui ne régira que cela.
M. Gendron: Dans le projet de loi actuel, les agents
d'accréditation, après avoir vérifié la
représentativité d'unité d'accréditation, lorsqu'il
n'y avait pas de désaccord ni de contestation, avaient le pouvoir de
ratifier, si vous me permettez de m'exprimer ainsi. C'est un aspect que vous ne
touchez pas dans votre mémoire et, personnellement, puisque le ministre
avait convenu lui-même qu'il trouvait, dans ces cas-là, la formule
était bonne puisque - je dis bien quand il n'y a pas de contestation et
que tout est "clean", si vous me permettez l'expression - il avait
évoqué abondamment, dans son mémoire de
présentation au Conseil des ministres, la nécessité de
raccourcir les délais, de déjudiciariser, de rendre cela moins
compliqué ainsi de suite. Il me semble que, dans les cas où il
n'y a pas de complication, les agents d'accréditation avaient la
possibilité de statuer immédiatement sans se
référer à un palier autre que le leur. J'aimerais
connaître votre point de vue. Croyez-vous que cela ne devrait pas
continuer ainsi? C'est quoi autrement dit? Est-ce que vous partagez le point de
vue du ministre quant à l'accréditation sans problème,
lorsque tout est fonctionnel et correct? Êtes-vous d'accord avec la
réforme proposée ou serait-il préférable de
conserver le mécanisme qui existait antérieurement?
M. Larose: À partir du moment où la commission a
les pouvoirs d'édicter des politiques, je pense que la première
qu'elle va édicter va en être une qui va essayer d'atteindre le
même objectif dans les cas de non-contestation: que cela procède
de la façon que cela procède à l'heure actuelle. On compte
que la commission ne s'amusera pas à perturber ce qui est
déjà efficace. C'est comme ça qu'on avait lu la
réforme.
M. Gendron: Actuellement, les aqents d'accréditation
peuvent accréditer, toujours quand il n'y a pas de problème,
quand les vérifications sont faites, les agents d'accréditation
peuvent reconnaître légalement l'accréditation. Que je
sache, M. Larose, dans ce qui est proposé, cela ne sera plus possible,
même si vous me dites: Oui, mais la commission aura le pouvoir de prendre
des décisions pour refaire ce qui se fait actuellement. J'en doute selon
ce que j'ai lu dans le projet de loi, et c'est pour cela que je vous demande
votre point de vue.
M. Sauvé: Écoutez, M. le député, dans
la mesure où c'est la commission qui a le pouvoir, qu'un commissaire
soit affecté, mais que le travail soit fait... De toute façon,
les enquêteurs vont continuer à enquêter. Cela va exister.
Que le rapport soit fait immédiatement au commissaire après
l'enquête ou après que l'agent de relations du travail ait fait
son enquête, n'est qu'une question d'organisation interne, mais qui ne
prolonge pas les délais, d'autant plus qu'on sait très bien qu'en
matière d'accréditation, il devrait y avoir beaucoup moins
d'auditions, en tout cas selon les habitudes des commissions de relations du
travail. Toutes les pièces seront au dossier. Au lieu qu'elles soient
ramassées, on va demander aux parties de donner les pièces,
etc.
Cela ne retarde sûrement pas. Ce sera dans la dynamique interne de
la commission de s'organiser pour garder ce qui était efficace, mais ce
sont des commissaires qui devront signer, c'est clair.
M. Gendron: J'ai une autre question. Vous mentionnez l'article
137.10 dans votre mémoire - pas besoin d'y référer, je
suis convaincu que vous vous en rappelez très bien - et vous dites:
"Nous appuyons le fait que le dépôt à la Cour
supérieure ne soit pas généralement l'oeuvre de la seule
volonté des parties et que la commission ait discrétion quant
à l'opportunité." Je comprends bien, sauf que j'aurais
aimé que vous m'expliquiez un peu plus l'aspect; là, c'est la
commission qui va décider; c'est la commission seule qui peut
décider de déposer ou pas. Mais est-ce que ce ne serait pas pour
des motifs possiblement d'une jurisprudence plus équilibrée qu'on
pourrait également autoriser, à la demande de l'une ou l'autre?
Autrement dit, pourquoi vous opposez-vous? Je ne sais pas si vous le dites
formellement, mais ma question précise est: Est-ce que vous vous
opposeriez au fait que, à la demande de l'une ou l'autre des parties, il
y ait obligation de dépôt à la Cour supérieure? Si
oui, pourquoi?
M. Lagueux: Effectivement, on s'oppose à ce qu'elle ait
obligation, en particulier
dans le domaine où elle rend des ordonnances, pour la bonne
raison qu'il faut que l'obligation de déposer s'inscrive dans un
contexte. Par exemple, est-ce que le conflit est terminé? Est-ce que la
partie qui demande le dépôt a un comportement fautif etc.? Alors
que, dans un système où c'est un automatisme, une partie demande
le dépôt et utilise le dépôt de l'ordonnance comme un
élément punitif contre l'autre partie et inscrit cela dans
l'exercice d'un rapport de forces qui fausse en réalité
l'objectif visé. C'est dans ce sens qu'on demande entre autres que la
commission exerce effectivement une discrétion qui tienne compte de la
réalité qui s'est développée. (16 h 30)
M. Gendron: Quand vous demandez de reformuler le texte pour
baliser davantage la discrétion de la commission, c'est pour pallier
quoi? C'est pour éviter quoi?
M. Sauvé: C'est tout simplement que, actuellement, au
niveau des pratiques déloyales, les articles 14 et 15, les
congédiements, c'est le salarié qui doit faire son
dépôt. On dit: Cela relève exclusivement... Cela va
demeurer comme c'était, les articles 14 et 15. Au niveau des sentences
arbitrales, c'est entendu que c'est la partie qui va déposer... On le
dit en page 14: "...sauf pour ce qui concerne le dépôt des
sentences arbitrales et le dépôt des ordonnances en vertu des
articles 14 et 15 du code lesquels sont du ressort exclusif..." Pour les autres
matières, comme le disait M. Lagueux, tout ce qui regarde le champ des
ordonnances, ce qui est nouveau pour la commission, on ne veut pas
nécessairement qu'elle décide d'envoyer, de mettre de l'huile sur
le feu... On ne veut pas qu'elle permette, si on veut, qu'une partie puisse
jouer le jeu de demander que soit déposé et qu'elle obtienne le
dépôt, même si cela ne se justifie pas. Autrement dit, si
son comportement est fautif, pourquoi soumettrait-elle l'autre partie à
des amendes possibles allant jusqu'à 50 000 $, etc. et que l'autre
partie soit passible d'outrage si c'est elle-même qui est à
l'origine du problème?
Alors, on veut que la commission qui s'occupe de toutes les relations
puisse juger cela et ne pas permettre à une partie de saisir la Cour
supérieure qui devient un genre de matraque pour une partie ou
l'autre.
M. Gendron: D'après vous, est-ce que les pouvoirs de
réparation devraient être banalisés, notamment pour
régir les conflits possibles entre cette réparation et les
recours en dommage devant les tribunaux de droit commun? Quel est votre point
de vue là-dessus?
M. Sauvé: C'est tout ce qu'on a dit sur les tiers. On dit
que les tiers ont d'autres recours. On demande que cela soit biffé
à l'article 112, que les relations du travail ne soient pas eu
égard aux droits, que cela soit relatif aux droits et aux obligations
des parties. On demande d'enlever complètement, aux articles 135 et 136,
les questions de réparation ou d'indemnisation à la demande de
tiers. On dit que la commission va s'occuper de l'indemnisation pour les
préjudices causés aux parties. La philosophie est que si elle se
lance dans une évaluation de dommages ou de préjudices, elle va
changer son champ de compétence. Ce n'est pas cela, sa
compétence. Si c'est vrai qu'on y va en matière
spécialisée, qu'on veut des décideurs en matière
spécialisée, si des tiers ou le public pensent avoir des droits,
ils ont déjà des recours et ils les exercent, ne nous faisons pas
de bile. Ils les exercent actuellement. Et on ne voudrait pas que cela fausse
l'approche de la commission que de s'embarquer là-dedans.
M. Gendron: Merci. Il me reste une ou deux minutes. Je voudrais
juste vous dire qu'en ce qui concerne les dispositions antiscabs ou
antibriseurs de grève, le point de vue de l'Opposition est on ne peut
plus clair, je l'ai mentionné; je trouve inconvenant qu'il y ait
exclusion des dispositions antibriseurs de grève. Je pense que vous avez
été très clairs et je vous invite à continuer
à faire la démonstration que les dispositions actuelles ou ce qui
nous régit font qu'il n'y a pas véritablement de pouvoirs autres
qu'enquêter; ce qui a comme conséquence que les parties doivent
alors se tourner vers les tribunaux ordinaires en recours pénal ou en
recours d'injonction ou encore les deux et il n'y a sûrement pas
là matière à faciliter et à améliorer les
relations du travail. En conséquence, quand la CSN ou d'autres, M. le
ministre, vont vous indiquer qu'ils souhaiteraient qu'on ne puisse pas
envisager de faire une réforme... Je veux bien que cela soit une
structure et que votre justification... Et c'est la même chose pour le
piquetaqe. À un moment donné, vous avez dit qu'il faudrait
modifier tout le Code du travail. Ce n'est pas parce que cette disposition n'a
pas été précisée au Code du travail; le piquetage
est une réalité des dix, quinze ou vingt dernières
années. En conséquence, cette réalité doit
sûrement aujourd'hui être regardée comme une disposition
très simple. À un moment donné, vous pourriez indiquer que
la Commission des relations du travail a le pouvoir de réglementer le
piquetage et tout est dit, pas ici, mais tout est dit dans le sens qu'on
saurait à quel niveau cette responsabilité incombe. Je pense que
c'est surtout cela que vous avez signalé et je voulais vous dire qu'on
est complètement d'accord là-dessus.
Ce sont les remarques que je voulais faire. Je vous remercie beaucoup de
votre
participation.
Le Président (M. Charbonneau): M.
Larose, madame et messieurs, je vous remercie d'avoir participé
à cette consultation particulière.
M. Larose: Merci bien.
Le Président (M. Charbonneau): Et, sans doute, à la
prochaine. J'invite maintenant l'Association des manufacturiers canadiens
(division Québec). Je présume que c'est la division du
Québec et non pas la division de la ville de Québec.
Alors, on va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 44)
Le Président (M. Charbonneau): Nous recevons maintenant
l'Association des manufacturiers canadiens. Je crois que la
délégation est dirigée par Mme Louise Fecteau qui est
vice-présidente et directrice générale. Bienvenue, madame.
Je vous demanderais, avant de commencer, de présenter les personnes qui
vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez trente minutes pour
présenter votre point de vue et vos commentaires et, par la suite, il y
aura une discussion qui s'engagera avec les membres de la commission.
Association des manufacturiers canadiens (division
Québec)
Mme Fecteau (Louise): Oui, M. le Président, il y a
toujours un morceau qui manque à ma délégation mais il
semble qu'il arrive de ce pas. Alors, au fur et à mesure de la lecture
de mon mémoire, j'ose espérer qu'il sera là.
Le Président (M. Charbonneau): En attendant, nous allons
prendre les morceaux que vous nous servez.
Mme Fecteau: Oui. M. le Président, M. le ministre, M. le
député de l'Opposition responsable dans ce dossier, avant de
procéder à la lecture du document, j'aimerais vous
présenter mes collègues de travail. À ma droite, M. Yves
Legris, membre du conseil d'administration de la division du Québec de
l'Association des manufacturiers canadiens, il est aussi vice-président
des ressources humaines chez Noranda Inc. À ma gauche, ma
collègue Anne-Marie Thibodeau, présidente du comité des
relations du travail chez nous, et aussi conseiller et secrétaire chez
Ayerst Inc. Le futur candidat est M. Hubert Pitre. M. Pitre n'est ni membre de
l'association, il ne sièqe pas non plus à notre conseil
d'administration, mais il est responsable en gestion des ressources humaines et
il est aussi associé principal chez Laporte, Larouche et
Associés, un bureau de gestion de ressources humaines et de relations du
travail.
Tous mes collègues sont issus du milieu des relations du travail
et deux d'entre eux sont issus d'entreprises manufacturières. Ils sont
ici, aujourd'hui, non pas pour répondre à toutes les questions du
député de l'Opposition qui n'ont pas eu de réponse, parce
que nous aussi on a des questions à poser à M. le ministre
auxquelles on n'a pas de réponse. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas
travaillé, bien au contraire, je pense qu'on a fait l'effort voulu.
C'est aussi pour apporter une dimension pratique des choses, en ce sens que ces
personnes ont vécu dans le passé soit l'expérience d'une
requête en accréditation, soit l'expérience d'une
grève ou d'un lock-out mais aussi l'expérience du domaine de la
gestion des ressources humaines.
C'est donc sur cet air d'aller que nous présentons ce
mémoire ici aujourd'hui, tout en étant bien conscients qu'on ne
possède pas toutes les dimensions des ramifications qui se trouvent
contenues dans ce projet de loi. Et, comme M. le ministre le disait dans son
discours d'ouverture, une commission parlementaire c'est pour échanger
en vue d'apporter des éclairages mutuels et ceci s'inscrit très
bien dans un sain processus démocratique.
Vous m'excuserez également du fait que je n'ai pas pu
déposer le mémoire au préalable. Aucun de vous n'avez
reçu de mémoire, je l'ai présenté cet
après-midi à 14 heures, ceci pour une bonne et simple raison,
c'est que je l'ai terminé ce matin.
Je souhaite que vous soyez tous des auditifs puisque je n'ai pas
l'intention de résumer mon mémoire, il est déjà
résumé. L'Association des manufacturiers canadiens, division du
Québec, est heureuse de l'occasion qui lui est fournie d'exprimer son
opinion devant cette commission parlementaire sur le projet de loi 30
créant une Commission des relations du travail au Québec.
C'est au nom des entreprises manufacturières qu'elle
représente, qui souhaitent d'abord et avant tout pouvoir fonctionner
harmonieusement dans un environnement propice au maintien d'un climat sain, que
l'AMC commentera le projet de loi 30. La seule question qui importe est alors
de savoir si les dispositions contenues dans le projet de loi sont de nature
à aider effectivement au meilleur fonctionnement des entreprises
manufacturières pour faire en sorte, notamment, que leurs relations du
travail s'en trouvent améliorées.
Compte tenu cependant des courts
délais qui nous ont été accordés pour faire
l'étude de cet important projet de loi, l'AMC ne peut se livrer à
une étude exhaustive du texte, mais fera porter l'essentiel de ses
interventions sur les grandes questions que le projet de loi soulève
auprès de ses membres eu égard toujours à la
nécessité que ce projet de loi soit de nature à
améliorer le fonctionnement des entreprises au Québec.
Mon premier titre: Un appui au principe de vouloir simplifier le
système. Dans ce contexte, on comprendra que l'Association des
manufacturiers canadiens soit consciente du problème que pose la
complexité du système actuel et, de ce fait, appuie la
démarche de chercher à simplifier le système.
Des réserves sur le projet de loi. L'Association des
manufacturiers canadiens estime toutefois que le projet de loi constituant la
Commission des relations du travail va au-delà du prétendu
consensus de la commission Beaudry qui a trait à la
nécessité d'uniformiser les lois du travail. En effet, le projet
de loi tel que formulé présente un nombre important
d'éléments tant au niveau des principes généraux
qui ont présidé à son élaboration qu'au niveau de
son libellé ayant pour effet d'accroître plutôt que de
réduire le contrôle étatique sur les entreprises
établies au Québec. C'est donc sous ces deux aspects que I'AMC
entend aborder le sujet.
Des critiques quant aux éléments absents. On ne peut,
avant de s'attaquer au vif du sujet, passer sous silence le fait que si le
régime des relations du travail au Québec désavantage nos
entreprises par rapport à nos concurrents ailleurs, c'est principalement
en raison de deux aspects fondamentaux du Code du travail, soit les clauses
appelées "antibriseurs de grève" et, peut-être plus
important, les articles 45 et 46 touchant la sous-traitance.
Dans ce contexte, I'AMC comprend difficilement que l'on ne profite de
l'occasion présente pour débattre ces aspects importants du Code
du travail qui nuisent au bon fonctionnement des entreprises.
Notre système est-il à ce point inefficace? La
complexité du système, les délais qu'il met pour rendre
justice, le caractère inapproprié de certaines décisions,
voilà les éléments qui portent à croire et à
conclure que notre système est inefficace dans la solution des
problèmes entre employeurs et salariés dans un milieu de
travail.
Les arguments précités sont, à peu de choses
près, les mêmes que ceux évoqués, il y a 20 ans,
pour abolir la Commission des relations du travail de l'époque et mettre
en place le système actuel qui devait, disait-on, permettre
d'éliminer les délais indus, rattaper les retards,
déjudiciariser le système et, bien sûr, simplifier un
système où seuls les avocats arrivaient avec un peu de chance
à se retrouver.
Pourtant, après avoir instauré la nouvelle structure,
après l'avoir conservée pendant près de 20 ans, on se rend
compte que les mêmes problèmes continuent de ralentir le
système au point d'en menacer l'efficacité. Si bien qu'on se
retrouve encore une fois devant une volonté politique de changer les
structures.
L'AMC est donc portée à croire qu'il faudrait
peut-être chercher ailleurs que dans les structures la source des
problèmes qu'on voudrait corriger et, ce faisant, elle comprend
difficilement les raisons qui nous poussent à vouloir tout chambarder au
point, par exemple, de modifier les mesures actuelles pour faciliter
l'accès à la syndicalisation.
L'AMC veut seulement porter à l'attention des responsables
politiques charqés de l'établissement des règles du jeu en
matière de relations du travail que la vraie question n'en est
peut-être pas une de structure, encore moins de moyens de faciliter
l'accès à la syndicalisation, mais bien davantage d'ajustements
qui tardent à être faits pour mieux répondre aux attentes
d'une clientèle à laquelle on offre un service qui ne correspond
pas à ses besoins.
Ce faisant, I'AMC ainsi que plusieurs observateurs de la scène
québécoise des relations du travail croient que les
problèmes de retards et de délais dans les décisions qui
relèvent de la juridiction du ministère du Travail sont une
simple question de personnel insuffisant d'une part, et de multiplications des
mandats, d'autre part. Si bien que ces problèmes pourraient être
réglés comme d'ailleurs il a déjà été
suggéré de le faire, en affectant le personnel voulu au bureau du
Commissaire du travail et en les soulageant de nombreux mandats qui sont venus
s'ajouter au cours des ans et qui pourraient fort bien relever d'autres
instances.
Des commentaires sur le texte du projet de loi - il y a une erreur, ce
n'est pas un avant-projet, c'est le projet. Ceci dit, l'Association des
manufacturiers canadiens s'est livrée à une étude non
exhaustive du projet de loi et désire cependant formuler un certain
nombre de commentaires sur des éléments qui, selon elle,
dépassent la simple volonté de simplifier le système.
Mandat exorbitant de la Commission des relations du travail. Le nouvel
article 112 du Code du travail surprend I'AMC quant à son
libellé. "Il est institué un organisme appelé Commission
des relations du travail chargé d'administrer l'exercice du droit
d'association et de favoriser le règlement ordonné des conflits
de travail et le développement de saines relations du travail eu
égard à l'intérêt du public, aux droits et
obligations des parties et à la bonne gestion des ressources
humaines."
Deux interrogations nous viennent subitement à l'esprit: Sur
quels critères la commission va-t-elle se baser pour décider ce
que sont de saines relations du travail et sur quels critères la
commission va-t-elle se baser pour décider ce qui doit être une
bonne gestion des ressources humaines?
On sait que par définition même, une entreprise c'est un
monde en évolution où se crée et se développe une
dynamique particulière donnant lieu alors à diverses formes de
gestion des ressources humaines qui correspondent à la
réalité de chacune, à un moment donné. Lorsqu'on
s'intéresse en particulier au monde de la PME, cette observation n'en
prend que plus d'ampleur, selon la culture propre à chacune et le
modèle de relations qui s'est établi entre la diretion et les
employés. Il devient donc non seulement utopique mais même malsain
d'essayer d'imposer des modes de gestion des ressources humaines qui,
théoriquement, pourraient sembler convenir à l'ensemble des
entreprises. Va-t-on répéter ici le syndrome de la Commission de
la santé et de la sécurité du travail lorsqu'elle
décide de classifier des entreprises en catégories et cela en se
basant sur un schéma défini par des fonctionnaires qui tient peu
compte des distinctions ou cultures spécifiques pourtant importantes des
entreprises.
Il ne s'agit pas évidemment de nier à l'État la
responsabilité de veiller à l'application de ses lois et ce
où que ce soit, incluant les entreprises de toutes tailles. Toutefois,
l'intervention de l'État dans l'entreprise doit respecter des
paramètres bien précis, connus de tous et codifiés dans
des lois et règlements.
En conséquence, les lignes directrices de l'intervention de
l'État dans les entreprises, que ce soit en matière de relations
du travail et surtout dans la question de la gestion des ressources humaines,
ne sauraient être laissées au gré des politiques
émises par un organisme, surtout quand cet organisme semble
appelé à être encadré de façon plus large par
le législateur.
Il est donc assez inquiétant de constater que la CRT aurait le
pouvoir d'intervenir dans les entreprises, notamment pour favoriser le
règlement des conflits de travail en s'appuyant sur ce qu'elle jugera
être ou ne pas être une bonne gestion des ressources humaines.
Au-delà du fait que l'AMC considère que ce n'est pas le
rôle d'un organisme d'État que de décider de ce qu'est une
bonne gestion des ressources humaines, il y a lieu de devenir encore plus
songeur quand on constate le degré de réussite qui couronne les
efforts de l'État pour instaurer auprès de ses propres
employés une bonne gestion de ses ressources humaines. Nous sommes bien
forcés de constater que la plupart des entreprises se tirent
passablement bien d'affaire dans ce domaine sans l'aide de fonctionnaires pour
leur indiquer ce qu'est une bonne gestion des ressources humaines.
Un élargissement des compétences difficile à saisir
et qui requiert la prudence. Un autre sujet important pour l'Association des
manufacturiers canadiens dans ce projet de loi est la concentration ou
l'élargissement des compétences qui seront confiées
dorénavant à la future Commission des relations du travail.
Non seulement on lui confierait toute question relative à
l'application du code et son interprétation, mais aussi celle de veiller
à la détermination et au respect des services essentiels en cas
de grève suivant les règles actuellement prévues pour les
services publics et les secteurs public et parapublic, soit les fonctions
actuellement dévolues au Conseil des services essentiels. À cause
du caractère distinct des deux secteurs d'activité, soit d'une
part l'application du Code du travail et d'autre part la surveillance des
règles relatives aux services essentiels, nous croyons que cette double
responsabilité devrait être exercée à
l'intérieur de la future commission par des directions
différentes avec des intervenants différents.
La commission détiendrait aussi le pouvoir de connaître et
disposer à l'exclusion de tout autre tribunal d'une plainte
alléguant une contravention ou une contravention
appréhendée au Code du travail et de toute autre demande qui lui
serait faite conformément au code. On peut se demander ce qu'est une
contravention appréhendée. Un syndicat qui pense que
peut-être un employeur va contrevenir au code pourrait vraisemblablement
porter plainte, à laisser croire l'article 132 du projet de loi. La
commission, dans ce cas, suivant une enquête qu'un fonctionnaire
tiendrait suivant les articles 137.1 et 137.2, pourra-t-elle forcer l'employeur
à poser tel ou tel geste parce que selon l'article 112, l'employeur
n'applique, aux vues du fonctionnaire, une bonne gestion des ressources
humaines?
Enfin, suivant l'article 134 du projet de loi, la commission aurait
dorénavant un pouvoir équivalent au recours en injonction
auprès de la Cour supérieure, lorsque par exemple une entreprise
voudrait faire limiter le nombre de piqueteurs devant son établissement
en grève ou en lock-out.
C'est aussi à cette même commission que serait
confié le soin d'énoncer et diffuser des politiques
générales sur l'application des dispositions du Code du travail
qui seraient de son ressort, sans toutefois être liée par
celles-ci dans l'exercice de ses fonctions.
Suivant tous ces pouvoirs confiés à la future commission,
quels sont donc les moyens qui nous permettent d'être assurés
de
la neutralité des intervenants de la commission qui auront
à toucher à autant d'éléments à la fois?
Rien nous laisse présager encore dans le texte du projet de loi des
garanties en ce sens.
Suivant les pouvoirs considérables qui seraient accordés
aux intervenants gouvernementaux, si des moyens n'étaient pas mis en
place pour leur permettre d'exercer leurs fonctions aussi objectivement que
possible, des décisions inopportunes pourraient fort bien mettre en
péril l'existence même de certaines entreprises. Il faut dans ce
cas que le gouvernement nous garantisse des mécanismes qui pourront
apporter toute la sécurité voulue quant à la
probité, l'objectivité et la crédibilité des
intervenants.
Car, nonobstant le contenu du Code du travail et les pouvoirs de la
future commission, ce sont les personnes nommées qui affecteront le
climat des relations du travail au Québec. C'est pourquoi les personnes
qui auront à diriger les instances de cette commission devront, avant
tout, être sensibles aux préoccupations des parties et être
de très bons administrateurs. La crédibilité de la
commission dépendra de la compétence et de
l'intégrité du président, de ses vice-présidents de
même que tout le personnel quelle que soit leur provenance.
En termes clairs, il faudrait s'assurer d'un meilleur équilibre
au sein de la CRT que ce ne fut le cas dans le passé au sein du
ministère du Travail. En effet, il faut bien se rendre à
l'évidence, l'entreprise a eu trop souvent à souffrir de la
pensée monolithique des principaux intervenants, situation qui a trop
souvent contribué à empêcher un véritable
débat où l'entreprise se sente vraiment
représentée. Pourtant, s'il est un lieu qui devrait être un
forum propice au débat où sont justement
représentés tous les intérêts en cause, il nous
semble que c'est bien au ministère du Travail.
Le droit pour une partie d'être entendue remis en cause et
l'obligation de rendre une décision écrite et motivée
abolie. Parmi l'une des inquiétudes qui préoccupent l'Association
des manufacturiers canadiens, celle qui permettrait à la commission, si
elle était créée, de ne pas convoquer les parties en
audition n'est pas la moindre.
En plus d'enlever aux parties en cause le droit d'interjeter appel de
toute décision que rendra la commission, cette dernière ne serait
plus tenue, selon le projet de loi, de permettre aux parties de se faire
entendre. (17 heures)
Lors d'une décision relative à une unité de
négociation, la commission n'aurait plus aussi l'obligation de tenir une
enquête en présence de toute association en cause et de
l'employeur comme c'est le cas présentement suivant l'article 32 du Code
du travail.
La commission ne serait plus tenue également de rendre par
écrit et motiver toute décision qui termine une affaire comme
doit le faire aujourd'hui le commissaire du travail suivant l'article 51.
Ce processus, selon l'AMC, pose de sérieux problèmes en ce
qui a trait au respect des règles de justice naturelle. Les parties
doivent avoir l'opportunité de présenter leur cause, être
entendues et pouvoir analyser les motifs qui soutiennent une décision de
la commission. Comment autrement, même si les parties continueront dans
les faits d'avoir recours au bref d'évocation, pourront-elles le faire
si elles ne peuvent s'appuyer sur aucune assise de fait ou de droit? Comment
également pourrait-on imaginer créer une uniformité et
cohérence au niveau des décisions qu'aura à rendre la
commission si ces dernières n'ont pas à être
écrites, ni à être motivées? Allons-nous devoir s'en
remettre totalement au pouvoir général que possédera la
commission dans l'exercice du pouvoir de cette dernière d'énoncer
des politiques en matière de relations du travail? Si oui, voilà
une façon très nette pour un gouvernement d'accroître
plutôt que de réduire le contrôle étatique sur les
entreprises en matière de relations du travail. Voilà donc
également une très curieuse façon de rechercher un nouveau
mode de fonctionnement qui vise à privilégier le règlement
entre les parties plutôt que l'adjudication par un tiers. Comment la
commission entend-elle diffuser les politiques et orientations dans les
matières sur lesquelles elle aura à se pencher et à rendre
ses décisions?
Un dernier point. Un accès plus libre qui risque d'être
injuste. Tous sont d'accord pour permettre facilement l'accès à
la syndicalisation dans les entreprises là où un nombre
raisonnable d'employés ont posé un geste clair en ce sens.
Toutefois, qu'une infime minorité d'employés puisse donner
lieu à un dépôt de requête en accréditation et
que cette dernière soit alors automatiquement reçue risque, selon
nous, de donner ouverture à des abus de la part des syndicats qui
décideront d'occuper littéralement une entreprise bien choisie
jusqu'à l'obtention de l'accréditation. On se doute alors des
conséquences que pourraient entraîner pareille pratique sur les
activités de l'entreprise. Également, si l'on examine de plus
près l'article 28 du code, ce dernier offre actuellement la garantie,
suivant le dépôt d'une requête en accréditation,
qu'une vérification de la liste des employés sera
effectuée et permet dans ce cas de s'assurer de l'admissibilité
des personnes à être comprises dans l'unité de
salariés selon le statut des salariés visés avant de
procéder soit à l'accréditation sur-le-champ ou
procéder au scrutin.
Qu'en reste-t-il maintenant de ces garanties? N'est-il pas juste de
croire que
dorénavant des accréditations pourraient être
accordées automatiquement en présumant que le syndicat
requérant représente la majorité des employés
visés dans une unité alors que dans les faits, cette
requête ne représente pas une majorité d'employés
admissibles? N'est-ce pas là une situation injuste pour l'employeur dont
l'entreprise est laissée pour quelques instants au gré et bon
vouloir de fonctionnaires du gouvernement qui viendraient déterminer ce
que seront ses relations du travail pour les prochaines années à
venir?
En conclusion, l'AMC reconnaît la nécessité
d'apporter des correctifs pour améliorer le fonctionnement du
système qui encadre les relations du travail au Québec et
manifeste son accord avec la volonté de simplifier le système.
Toutefois, sous le couvert d'une simplification du système, c'est
à une véritable refonte du Code du travail que l'on s'adonne. Le
projet de loi 30 aurait pour effet de donner à la future Commission des
relations du travail des pouvoirs tels que les relations du travail dans les
entreprises pourraient, à toutes fins utiles, passer sous le
contrôle de fonctionnaires chargés de faire appliquer une loi dont
plusieurs des principaux paramètres se retrouveraient à
l'intérieur des politiques émises par la commission
elle-même. L'AMC s'inquiète de ce que pourraient être ces
politiques dont le contenu ne se trouve pas déposé en même
temps que le projet de loi. Toutefois, même si le projet de loi
révise en profondeur le Code du travail à plusieurs
égards, l'AMC regrette que le ministre du Travail n'ait pas
profité de l'occasion qui lui est fournie de rétablir
l'équilibre qui a été rompu avec l'introduction des
mesures dites antibriseurs de grèves et aussi clarifier
l'interprétation qu'il convient de donner aux dispositions visant la
sous-traitance. Puisque l'on a décidé de procéder à
une refonte majeure du Code du travail, l'AMC croit qu'il aurait dû,
à tout le moins, régler les deux principaux problèmes que
pose cette loi à nos entreprises en les forçant à
fonctionner dans un cadre législatif non concurrentiel.
Enfin, l'AMC regrette que la consultation qui entoure le
dépôt d'un projet de loi aussi important soit faite dans des
conditions telles que les principaux intéressés n'aient pas eu
vraiment le temps de procéder à une analyse complète et
détaillée du projet de loi.
Voilà, c'était le résumé du
résumé du mémoire. Est-ce que j'ai pris tout mon
temps?
Le Président (M. Charbonneau): Je ne crois pas,
madame.
Mme Fecteau: Si vous le permettez, M. le Président, avant
de procéder aux commentaires...
Le Président (M. Charbonneau): Vous avez pris 19
minutes.
Mme Fecteau: Dix-neuf. Est-ce que je pourrais passer la parole
à ma collègue de gauche?
Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais je vous signale,
par ailleurs, que nous souhaiterions terminer à 18 heures. Vous pourrez
éventuellement aller plus loin, avec le consentement. Il vous serait
aussi possible de limiter votre présentation pour permettre aux membres
de la commission d'engager la discussion avec vous.
Mme Fecteau: Oui, mais...
Le Président (M. Charbonneau): Allez-y.
Mme Fecteau: J'aimerais bien passer, si vous le permettez, la
parole à ma collègue de gauche qui va reprendre non pas des
exemples mais des points précis du projet de loi qui viennent finalement
compléter le contenu du mémoire.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va.
Mme Fecteau: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): De rien.
Mme Thibodeau (Anne-Marie): Les quelques points que nous voulons
soulever sont les points sur lesquels on a apporté peut-être plus
d'attention que d'autres, étant donné l'étendue des
changements qui semblent se refléter dans ce projet de loi. Entre
autres, un des premiers points que j'aimerais soulever c'est... j'appellerais
cela le morcèlement de l'article 28. Effectivement, on retrouve un petit
bout de l'article 28 à l'article 25.1 du projet de loi, on le retrouve
dans l'article 33. Ce qui nous a frappés, c'est l'absence de
mécanisme de vérification. On se doute très bien que ce
mécanisme va réapparaître soit en matière de
politiques ou soit au plan de la réglementation. La question qui nous
vient à l'esprit c'est: est-il nécessaire de maintenir ce
mécanisme? II est nécessaire et essentiel, à nos yeux, de
maintenir le mécanisme, pourquoi le retirer du projet de loi? Une loi
est beaucoup plus difficile à changer. Des politiques se chanqent
aisément, des réglementations se changent aisément, on le
voit. On les reçoit par pelletées, au bureau. Pourquoi nous
enlever cette protection? Parce que - ne vous faites pas d'illusion -par
exemple, si on prend la petite et la moyenne entreprise, la plupart de nos
entreprises ne sont pas équipées pour réagir
immédiatement au dépôt d'une requête en
accréditation. Lorsque l'agent allait dans ces
petites et moyennes entreprises, cet aqent s'occupait non seulement de
la vérification mais était souvent pour l'employeur une source
d'information sur les cas qu'il devait suivre. Vous enlevez à la petite
et à la moyenne entreprise un outil de travail pour la bonne gestion de
ses relations. C'est un point qu'on tenait à souligner, sous le joug de
l'article 28, la disparition de cette garantie dans la loi est très
dommageable à l'entreprise et à l'employeur.
L'autre aspect, c'est évidemment la nébulosité de
l'article 132 qui est soumis dans le projet de loi quant à savoir qui
porte la plainte. Cela devient - ne nous le cachons pas - un outil merveilleux
que de porter plainte et qu'une plainte n'en attende pas une autre. Est-ce
qu'il y a un problème?
Mme Fecteau: L'article 132.
Mme Thibodeau: C'est l'article 132 du projet de loi, la page 13:
"La commission connaît et dispose, à l'exclusion de tout autre
tribunal, d'une plainte alléguant une contravention"... C'est tellement
vague et général pour déterminer qui fait la plainte. Cela
peut aisément devenir un outil pour envoyer des enquêteurs de
façon répétitive dans les entreprises. Alors,
imaginez-vous quand vous avez un enquêteur qui vient dans une petite
entreprise et qui vient enquêter, pour répondre à ses
questions, vous devez être à sa disposition cela devient un
problème. Cette plainte devient un moyen de pression qui peut être
utilisé. Qui va faire les plaintes, dans quel cadre vont-elles
être faites? Est-ce qu'à un moment donné, il va y avoir une
limitation à ce nombre de plaintes? Quand on parle de faire des balises,
je pense qu'il serait important de baliser cet article un peu plus
clairement.
En ce qui concerne l'article 137, quand on parle de la commission qui
peut déclarer qu'une grève, un ralentissement ou un lockout
contrevient ou contreviendrait au présent code, il n'est pas clair dans
notre tête si cette déclaration se fait sur des bases factuelles,
à savoir qu'on a certaines prémisses à respecter avant de
pouvoir faire un lock-out. Est-ce que la commission va respecter les
prémisses de ce lock-out, ou bien si, arbitrairement, elle peut
déclarer que le lock-out contrevient au code? Il existe un certain
degré d'incertitude dans cet article qui nous cause un problème.
On ne serait pas en mesure de déterminer, dans la gestion du personnel
de notre entreprise, si notre lock-out contrevient au Code du travail.
À l'article 137.3, qu'on nous dise que la commission n'est pas
liée par ses politiques dans l'exercice de ses fonctions
juridictionnelles crée, pour nous, une grande inquiétude. Cela
crée un vide, en quelque sorte. Si vous n'êtes pas obligés
de suivre vos politiques, même si vous nous les soumettez et que nous en
prenons connaissance, on ne pourra jamais se fier à ces politiques dans
la gestion de notre entreprise au chapitre des relations du travail parce
qu'elles sont susceptibles de changer, et encore, vous n'êtes même
pas obligés de les suivre. Pour nous, c'est une incertitude qui rend la
gestion très difficile.
À l'article 137.6, lorsque vous dites: "malgré une
contravention au présent code, si elle le juge équitable, eu
égard au comportement des parties ou lorsque les faits donnant ouverture
à une demande ou à une plainte..." Je vous épargne du
reste. On peut comprendre jusqu'à un certain point que, dans le cadre
d'une - appelons cela -injonction, vous vouliez vous garder la
possibilité de la refuser. Mais quand on parle de comportement, d'un
refus basé sur le comportement des parties, on parle d'une
décision qui devient capricieuse, qui devient subjective. C'est
l'évaluation du comportement des parties. Un comportement pourrait, dans
l'ordre normal des choses, être jugé répréhensible,
mais parce qu'il est utilisé à maintes reprises dans le cadre des
relations du travail, est-ce que vous allez dire: Ce comportement devient
acceptable? Si vous êtes pour accorder à la commission des
pouvoirs d'injonction et d'ordonnance, je pense qu'il est important que vous
conserviez la rigueur de nos tribunaux en matière d'injonctions
accordées aux parties. Il faut que cela soit sérieux, que les
dommages soient irréparables. Les tribunaux sont quand même
très sévères. On aimerait bien voir la commission
être sévère. On aimerait bien voir nos droits
protégés, dans ce sens. Je pense que cela concerne quand
même les deux parties. Peu importe que ce soit l'employeur ou le
syndicat, il est important de garder une certaine rigueur. Nous sommes inquiets
du laxisme qui pourrait résulter d'une formulation aussi
générale.
Ce sont les commentaires que j'avais à apporter sur des articles
spécifiques du texte de loi parce que ce sont ceux qui nous sautaient
aux yeux. Maintenant, je m'en remets à vous quant aux questions.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Alors, M. le
ministre.
M. Gendron: Comme il reste 45 minutes, je serais prêt
à lui en donner 25 et, pour moi, 20 pour régler l'affaire. Si
vous prenez 25 minutes, je vais en prendre 20 sur les 45 pour terminer à
18 heures.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel est ce degré de
générosité qui vous anime?
M. Gendron: J'ai cru que vous étiez plus...
Le Président (M. Charbonneau): Ce sont des bonnes
relations du travail à la commission.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Gendron: D'une part, et aussi, j'ai cru que vous seriez plus
interpellé que je pourrais l'être. Comme c'est le ministre qui,
normalement, devrait être en mesure de répondre davantage à
ce pourquoi il a prévu telle et telle disposition, je vous donne les
cinq minutes.
Le Président (M. Charbonneau): Donc, si je comprends bien,
on n'aura pas besoin de conciliateur ou de médiateur. Cela va. Donc, M.
le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va s'entendre de gré
à gré.
Je remercie l'Association des manufacturiers canadiens (division
Québec) de son mémoire. Je dirai que, dans vos remarques
préliminaires, vous avez traité de la dimension pratique. Elle
est d'autant plus importante, lorsque vous en parlez, qu'à la page
d'introduction dont vous ne nous avez pas fait lecture, on retrouve la mention
que vous représentez plus de 75 % de la production manufacturière
globale du Québec, et, comme gouvernement, on est sensible à ce
que cela représente comme impact économique. (17 h 15)
Je vais peut-être soulever une question que vous n'avez pas
traitée dans votre mémoire et qui n'a pas encore
été abordée aujourd'hui. Au paragraphe 4 de cette
même note d'introduction, vous dites: L'Association des manufacturiers
canadiens, parce qu'elle est nationale, a également des
représentants d'un bout à l'autre du Canada, ce qui lui permet de
surveiller également toutes les activités des autres
gouvernements tant fédéral que provinciaux-Une des remarques qui
m'a souvent été adressée dans la vie privée, quand
j'étais député de l'Opposition et depuis que je suis
ministre du Travail, par les représentants des employeurs surtout, je
puis la résumer à peu près de la façon suivante:
Comme employeur, donnez-nous donc des mécanismes qui s'apparentent
à ce qui se fait ailleurs au Canada et laissez-nous fonctionner dans un
système de compétitivité. Vous vous rendrez compte que
nous sommes les meilleurs employeurs et que, dans ce cadre-là, la
productivité sera accrue. L'impression - et dites-moi si cette
impression est fausse -que nous avons comme gouvernement, en proposant la
création d'une Commission des relations du travail, c'est un peu de
s'harmonier avec ce qui se fait ailleurs dans l'ensemble des autres
juridictions canadiennes, y inclus la juridiction fédérale.
A-t-on manqué à ce point l'objectif
Mme Fecteau: Dois-je répondre maintenant?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, si vous voulez un
échange.
Mme Fecteau: Je préférerais vous laisser aller, M.
le ministre. Après cela, je pourrais répondre avec mes
collègues à vos interrogations.
Sur ce point, effectivement, des commissions des relations du travail
existent dans tout le Canada. C'est vrai que nous avons des
représentants avec lesquels nous avons discuté justement; mon
collègue de droite est issu d'une entreprise manufacturière,
Noranda, qui a des plans dans tout le Canada et il saura justement apporter
certaines précisions quant au parallèle qu'on peut faire avec les
commissions qui existent au Canada. Mais je ne peux laisser aller ce point sans
vous dire que, puisque vous voulez comparer et établir des comparaisons
avec les autres structures qui existent au Canada, il faudrait aussi parler de
mesures antibriseurs de grèves qui n'existent pas ailleurs,
éqalement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai noté dans votre
mémoire des mesures antibriseurs de grèves quant au fondement des
relations du travail ainsi que les questions de la sous-traitance aux articles
45 et 46. Ce dont on parle aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi qui nous
préoccupe, ce sont des structures. Est-ce que nous n'offrons pas aux
entrepreneurs des structures dans lesquelles ils vont se trouver un peu plus
à l'aise, s'ils viennent d'ailleurs, et qu'ils vont reconnaître
plus facilement?
Mme Fecteau: C'est évident. Je laisserai répondre
mon collègue de droite qui a justement à vivre avec ce genre de
commission de relations du travail d'un bout à l'autre du Canada.
M. Legris (Yves): Le seul point que j'aimerais mentionner... Vous
avez raison dans ce sens-là. Mon expérience se situe surtout en
Ontario, en Colombie britannique et aux États-Unis. Je ne connais pas
tellement les dispositions fédérales. Notre entreprise n'est pas
régie par ces lois.
Je puis vous dire, cependant, que l'établissement d'une
commission des relations du travail quelle qu'elle soit n'est pas, comment
dirais-je, un "end all". La preuve en est ce qui se passe actuellement en
Colombie britannique où on fait un pas en arrière. On se rend
compte que des problèmes n'ont pas été résolus par
la seule création d'une commission. Ces commissions existent en Ontario
depuis 1947 ou 1950, si
ma mémoire est bonne, et en Colombie britannique depuis le
début des années soixante, peut-être même avant.
Une chose est claire à l'intérieur de notre message. Ce
n'est certes pas parce que je suis souvent en accord avec M. Larose qui
était ici avant, mais, j'ai eu l'occasion de l'écouter, et il est
vrai que, fondamentalement, le fait que ces commissions affectent le milieu des
relations du travail d'une façon positive dépend des gens qui la
composent. À ce moment-là, si vous demandez présentement
à des intervenants du monde du travail de la Colombie britannique s'ils
sont satisfaits de la commission des relations du travail là-bas, ils
vont vous dire: Non. Si vous demandez à des gens de l'Ontario
présentement, à des employeurs, est-ce que vous êtes
satisfaits de la commissions, ils vont vous dire: Oui, mais c'est devenu trop
judiciarisé.
Tout ce dont on parle, toutes les raisons qui les sous-tendent font que
vraiment, oui - à part ce que Mme Fecteau a mentionné et de ce
qu'on mentionne, notamment les questions antiscab - en termes
généraux, avoir une commission des relations du travail qui
corresponde à nos besoins, ici, nous relierait à ce qui se passe
ailleurs. On n'a pas de misère avec cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Cela va. J'ai une
deuxième question qui porte sur la page 2 de votre mémoire. Cela
ne porte pas sur un appui de principe à vouloir simplifier le
système, mais plutôt sur vos réserves quant au projet de
loi. On parle, dans l'avant-dernière ligne, des effets qu'il y aurait
d'accroître plutôt que de réduire le contrôle
étatique sur les entreprises établies. J'aimerais comprendre
comment une simplification des procédures et de la structure
accroît le contrôle étatique.
Mme Thibodeau: Pour ce qui est de l'accroissement du
contrôle étatique, je pense qu'on a peut-être voulu dire
ingérence dans l'entreprise, en ce sens qu'à plusieurs reprises,
par exemple, même quand les parties s'entendent, la commission peut,
d'elle-même, décider de changer les ententes. Nous
considérons cette pratique comme une ingérence dans l'entreprise,
un contrôle étatique encore plus grand.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux peut-être vous
répondre là-dessus que l'objectif que l'on vise est l'entente
entre les parties plutôt que l'adjudication par un tiers. L'article
auquel vous faites référence et qui permettrait à la
commission d'intervenir, là même où il y a entente entre
les tiers, est un article sur lequel - je vous livre, peut-être, mon
état d'âme sur le sujet - on a longuement réfléchi.
C'est peut-être à cause de certaines pratiques passées
qu'on a décidé de l'inclure. Dans certains établissements,
on a retrouvé 27 ou 29 ententes sur des conventions collectives
différentes ce qui, sur le plan des relations du travail, même
s'il y avait entente pour différentes raisons, faisait en sorte que la
boîte devenait ingérable pour les nombreuses parties syndicales,
dans certains cas, et les parties patronales. On s'est dit que ce serait un
pouvoir qui pourrait être utilisé de façon exceptionnelle.
Mais, si on l'avait eu dans le passé, on aurait peut-être pu faire
en sorte d'éviter, à cause de certaines pressions qui ont pu
être exercées d'un côté comme de l'autre, que l'on en
arrive à des situations absurdes.
Mme Thibodeau: J'ai une question à vous poser. Est-ce que
vous allez gérer en faisant un principe d'une exception? Est-ce à
ce point répandu comme pratique que cela vous oblige à inclure un
pouvoir aussi étendu dans la léqislation? Un pouvoir comme cela
est inquiétant parce qu'on ne peut pas, une fois qu'il est inclus dans
la léqislation, contrôler la façon dont vous allez
l'utiliser. Il est là et il est généralement là
pour y rester.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur l'aspect du volume, vous avez
raison. Si vous vous attardez à l'aspect volume, il s'agirait de
gérer l'exception, si je peux utiliser l'expression, mais quant à
l'impact et aux conséquences, il est important, dans !e domaine des
relations du travail. Il peut même servir à créer ce qu'on
appelle des patterns. Il nous apparaît que ne pas profiter de l'occasion
pour prévoir qu'exceptionnellement... Je suis d'accord avec vous quand
vous dites qu'exceptionnellement, à un moment donné, lorsqu'il y
a des choses qui apparaissent à leur face même comme relevant de
l'absurdité, cela prend une intervention quelque part. Je vous
répète que la philosophie sous-tendant l'intervention
législative actuelle vise les ententes de gré à
gré, par à peu près tous les moyens possibles et
imaginables et l'adjudication lorsque c'est impossible d'en arriver à
une entente de qré à gré. Vous avez raison de le
souligner, il y a une possibilité d'intervention même dans le cas
d'une entente de gré à gré, mais dans des cas
exceptionnels et pour les raisons que je viens de vous exposer. On peut
être d'accord ou en désaccord avec ces raisons.
Mme Thibodeau: À ce moment-là, je vous inviterais
à inclure le caractère exceptionnel de l'intervention.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me recommandez de
baliser!
M. Pitre (Hubert): Vous allez même jusqu'à toucher
à la procédure de griefs à un moment donné et vous
donnez le droit à la
commission d'accélérer le processus. C'est beaucoup plus
que ce dont on vient de parler. Ce n'est pas une entente à part, et cela
ne fait pas partie de choses qui se sont écrites à la
va-comme-je-te-pousse. Une procédure de grief est une formule dont les
parties ont convenu pour régler leurs conflits et, personnellement, je
trouve que lorsque vous avez mis celle-là vous avez peut-être
généré cette espèce de doute dans notre esprit que
l'exception ne serait pas nécessairement votre mode de
fonctionnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux juste revenir à la
balise pour vous indiquer à quel point nous ne sommes pas
nécessairement, en principe, contre les balises là où on
peut baliser. Je vais vous référer à l'article 33 qui
stipule ce qui suit: "S'il y a accord entre l'employeur et l'association de
salariés sur l'unité de négociations et que la commission
constate le caractère représentatif de l'association de
salariés à l'égard de cette unité, la commission
l'accrédite sur-le-champ à moins qu'elle ne soit d'avis que
l'unité est manifestement inappropriée." Je peux peut-être
vous demander de nous suggérer un vocabulaire encore plus balisant, mais
nous avons déjà pris cette direction.
M. Pitre: Je vais me permettre de vous soumettre simplement un
problème pratique très précis. Une petite entreprise
familiale dans laquelle les membres de la famille travaillent. Le syndicat et
l'employeur peuvent facilement convenir que les membres de la famille ne
devraient pas faire partie de l'unité de négociation bien que le
travail qu'ils exécutent est généralement couvert par
l'unité. Un fonctionnaire qui viendrait se mêler de cela, sans
être de mauvaise foi, risque de faire une erreur d'évaluation, les
parties ayant peut-être décidé que c'était mieux
comme cela pour toutes sortes de raisons qu'ils ont évaluées.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me donnez l'exemple a
contrario de celui que je vous ai apporté tantôt. C'est de bonne
guerre de le faire. C'est pourquoi le pouvoir de prendre cette décision
repose entre les mains de ce que vous pouvez concevoir être ou appeler un
fonctionnaire, mais légalement, cette personne sera un commissaire qui
pourra décider. La nomination des commissaires requiert la
présence de certains éléments de jugement qui font en
sorte qu'il ne s'agit pas simplement d'une constatation. Il s'agit de porter un
jugement suite à une prise de connaissance de faits. Vous avez raison de
soulever que vous pouvez avoir une certaine inquiétude, mais s'il y
avait entente, est-ce qu'on tomberait dans un cas de "manifestement
inapproprié"? Je pense que mon exemple quant aux termes sur le plan de
"manifestement inapproprié" aurait davantage de chance de retenir
l'attention du commissaire. Si j'avais à choisir de plaider une des deux
causes, je choisirais la première que je vous ai indiquée.
Une voix: J'ai juste une question à vous poser.
C'est...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'insiste. Si l'Association des
manufacturiers canadiens peut nous proposer - je l'indique pour les autres
groupes également - dans le cas où on s'entend sur le principe et
l'objectif visé, une balise qui paraîtrait davantage
sécuritaire, mais qui ne renierait pas le principe ou l'orientation
prise par l'article de loi, nous demeurons ouvert. Il y aura des
journées de commission parlementaire pour l'étude, article par
article. Le projet peut encore être modifié.
Mme Thibodeau: À ce moment-là, il faudrait
peut-être songer que les articles prévoyant l'intervention de la
commission quant aux décisions prises entre les parties soient
révisés en incluant des mots de la nature de "manifestement" ou
"exceptionnellement" ou des termes correspondant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux revenir à l'article
112 parce que vous êtes le deuxième organisme qui comparaît
et qui attire notre attention sur toute la question du développement de
saines relations du travail et la bonne qestion des ressources humaines. De
voir que l'AMC et la CSN s'entendent pour recommander au gouvernement de biffer
de cet article les expressions que je viens de vous lire m'amène
à me poser des questions sur la compréhension que le gouvernement
souhaitait donner à cet article. Il y a une tendance, et c'est une des
raisons qui nous amène à proposer des modifications aux
structrures, qui veut que la confrontation soit la pierre d'assise dans nos
relations du travail structurées, et ce, dans une proportion importante
de cas. Le projet de loi vise et, je l'ai indiqué publiquement, à
changer cette approche de confrontation par une approche de concertation. Le
changement des structures - on le souhaite - amènera un changement des
mentalités. Cela ne l'exécute pas, cela ne le fait pas, mais on
souhaite que cela amène un changement des mentalités. Le ton de
votre mémoire - je vous le dis - va dans le sens qu'on souhaite au
gouvernement quant à ce changement.
Est-ce que vous ne pensez pas que, compte tenu des expresssions qu'on
utilise dans le projet de loi, on amène une nouvelle dimension à
laquelle on invite le patronat et le syndicat à s'associer, à
penser que les relations du travail touchent la gestion des
ressources humaines et que cela touche à la productivité
de l'entreprise, à un moment donné? Est-ce que cela n'est pas
plus sage de l'inclure que de l'exclure, finalement?
Mme Thibodeau: Comme vous pouvez le constater, de la façon
que vous avez rédigé votre article 112, vous mentionnez
déjà le développement de saines relations du travail, eu
égard à l'intérêt public, aux droits et aux
obligations des parties. On a toujours référé à la
gestion comme étant le droit de gérance de l'employeur. Je pense
que vous ne pouvez pas nous empêcher, comme employeurs, de nous sentir
directement visés par l'utilisation du terme "bonne gestion". Je pense
qu'il appartient quand même à l'employeur de gérer son
entreprise. Cela ne veut pas dire que cela ne doit pas se faire par de saines
relations du travail, les saines relations établies non pas dans un
climat de confrontation mais dans un climat de coopération. Je pense que
dans ce sens... C'est dans ce sens que les manufacturiers l'ont perçu.
On devrait retirer la notion de bonne gestion des ressources humaines à
l'article 112. (17 h 30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est le droit de
gérance comme tel de l'entreprise qui vous inquiète, je suis
prêt à regarder la terminologie utilisée. Mais encore une
fois, je vous rappellerai que la gestion des ressources humaines en ce qui nous
concerne, cela ne se fait pas en catimini dans le bureau du patron. La gestion
des ressources humaines se fait en collaboration avec les employés ou
leurs représentants.
M. Pitre: Mais c'est extrêmement plus large qu'une relation
du travail organisée. Une gestion de ressources humaines touche toutes
les facettes, du président de l'entreprise jusqu'en bas. À mon
sens, un code du travail n'a pas comme rôle de venir établir
comment cela doit se faire. À notre sens, et c'est ainsi que je l'ai
pris - peut-être que j'ai tort - une relation du travail est une relation
organisée, structurée, collective. Un code du travail touche
à cela. D'après nous, un code du travail ne doit pas toucher
à autre chose.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Si vous parlez du droit
de gérance, je suis le raisonnement, mais lorsqu'on parle de gestion des
ressources humaines, on n'a peut-être pas le bon vocabulaire. Encore
là, je fais des ouvertures.
Mme Fecteau: Je pense à l'exemple à notre page 9 du
mémoire... Bon, on en est à nous interroger, parce qu'on se dit:
Comment le fonctionnaire va-t-il l'appliquer dans les faits? C'est surtout cela
finalement qui nous gêne et qui crée l'insécurité,
d'une certaine façon. On sait très bien que la gestion d'une PME
et d'une grande entreprise, quant au mode ou à la gestion des ressources
humaines n'est sûrement pas comparable. Or, comment le fonctionnaire
va-t-il distinguer entre ce qu'est une bonne gestion des ressources humaines
dans une grande entreprise et ce qu'est une bonne gestion des ressources
humaines dans une PME? Je pense que c'est à ces questions, M. le
ministre, que vous devriez peut-être apporter des précisions.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi je me sens à l'aise
d'apporter... J'avais même mis entre parenthèses, lorsque vous en
avez fait la lecture, la phrase suivante que vous retrouvez à la paqe 9:
"La commission, dans ce cas, suivant une enquête qu'un fonctionnaire
tiendrait suivant les articles 137.1, 137.2, pourra-t-elle forcer l'employeur
à poser tel ou tel geste parce que selon l'article 112, l'employeur
n'applique, aux vues du fonctionnaire, une bonne gestion des ressources
humaines?" Je pense que s'il s'agit d'infractions, on procédera suivant
ce qui est prévu au cas d'une infraction. Quand il s'agira de convention
collective, on procédera suivant ce qui est prévu à la
convention collective. Maintenant, en incluant le critère de bonne
gestion des ressources humaines, est-ce que justement on ne balise pas vers une
orientation souhaitable pour l'entreprise?
M. Pitre: Oui, pour autant que toutes les écoles de
relations industrielles de la province se mettent d'accord sur ce qu'est une
bonne gestion en matière de relations industrielles, peut-être.
Mais je ne pense pas qu'actuellement... Vous savez que, dans ce domaine, il y a
autant d'écoles de pensée qu'il peut y avoir de professeurs ou
à peu près. À mon sens, cela ne balise rien, au contraire,
cela prête flanc à toutes sortes d'interprétations selon le
milieu dans lequel on vit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais je vais en revenir
à mes premiers propos, vous êtes là comme des praticiens
des relations du travail sur une base quotidienne. Est-ce que, sur une base
quotidienne - et vous avez suffisamment d'expérience - lorsque vous
entrez dans une entreprise à titre de consultants, vous ne portez pas un
jugement à l'effet, quel que soit le type d'entreprise, s'il y a de
bonnes ou saines relations du travail ou si c'est moins bon ou moins sain?
M. Pitre: Si on porte un jugement?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, vous.
M. Pitre: On ne porte pas un jugement,
on constate si les objectifs définis sont atteints, quelle que
soit la formule par laquelle ils sont atteints. Il se peut qu'à partir
d'un "textbook", cela soit de la mauvaise gestion. Cela se peut fort bien que
dans un contexte X, Y ou Z, pour toutes sortes de raisons, ce n'est pas la
communication la plus sophistiquée qui prévaut mais la
communication la plus simple et qu'elle donne les résultats attendus et
avec laquelle tout le monde est heureux. Vous disiez tantôt que ce que
vous avez retenu de certains commentaires qui vous ont été faits,
c'est: Laissez-nous donc fonctionner, vous allez voir que la
productivité c'est notre affaire. Bien, il y a des petites entreprises
qui nous prouvent cela tous les jours: Laissez-nous donc fonctionner, laissez
faire les théories de l'université et vous allez voir que la
productivité, c'est effectivement notre affaire. Je pense que dans
celle-là, ce qu'on vous dit: Vous vous mêlez de quelque chose
-c'est plutôt l'individu qui parle - où vous n'avez pas
d'affaire.
Mme Fecteau: Est-ce que c'est si gênant pour le
gouvernement d'enlever cette partie-là, puisqu'il me semble que, dans le
développement de saines relations du travail, vous retrouvez là
tous les pouvoirs pour lesquels vous avez l'interprétation?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme
Fecteau, je vous dirai que ce n'est absolument pas gênant pour le
gouvernement de le retirer. Mais nous voulons nous assurer auprès des
partenaires officieusement et officiellement que cette donnée de saine
gestion de nos ressources humaines fait désormais partie du paysage
québécois des relations du travail dans les cas qui sont
vécus dans le quotidien. Mais ce n'est pas gênant, ni de le
laisser, ni de le retirer.
Mme Fecteau: Mais les syndicats semblent aussi d'accord
là-dessus. Je pense que les autres associations patronales qui vont
passer par la suite vont être d'accord pour le retirer aussi. Il y a
consensus pour une fois.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai lu quelques mémoires
et peut-être que dans certains cas on souhaite aller plus vite et on sait
s'ajuster également. Je prends bonne note de vos commentaires.
Mme Fecteau: D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II me reste cinq minutes. Je vous
préviens tout de suite, je vais céder la parole à
quelqu'un de l'Opposition en vertu de la règle de l'alternance. Il m'en
reste trois. Je voudrais traiter avec vous de la question des 35 %, 50 % avant
qu'on se quitte.
Mme Fecteau: Oui.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de l'Abitibi et critique officiel.
M. Gendron: Je vous remercie. Je voudrais très rapidement
remercier les intervenants, soit l'Association des manufacturiers canadiens.
Très rapidement, un commentaire. Je pense qu'en effet vous avez beaucoup
de mérite dans les délais qui vous étaient impartis, je
pense que vous l'avez mentionné, des délais très courts
pour faire une analyse exhaustive de ce projet de loi. Je pense que vous avez
raison d'exprimer certaines réserves, certaines craintes, parce qu'il y
en a, et en particulier sur ce qu'on vient de discuter. Je vous invite, si vous
voulez avoir de l'argumentation plus étoffée, à mettre la
main sur le mémoire de l'Association des détaillants en
alimentation qui, pendant trois à quatre pages, est assez volubile et
démonstratif pour expliquer au ministre une disposition où on
indique que la commission pourrait aller jusqu'à porter des jugements
concernant la bonne gestion des ressources humaines. C'est sûrement un
contrat courant par rapport à l'évolution d'à peu
près tout ce qui s'est passé dans le reste du Canada et des
autres provinces puisque - rappelez-vous comment commence une bonne convention
collective - cela commence par la définition des termes. À partir
du moment où il n'y a pas de définition, à quoi fait-on
référence exactement? Ce n'est pas défini nulle part. Cela
n'a pas de bon sens d'avoir une notion comme celle-là qui est aussi
large - je pense que c'est M. Pitre qui le mentionnait tantôt - qu'il y a
d'écoles de pensée ou de professeurs. C'est un pouvoir qui
devient tellement arbitraire, qui devient "conséquentiel", pour une
partie ou l'autre. Je ne porte pas de jugement. Il dit: J'ai autant d'ouverture
à l'enlever qu'à le laisser. Je ne pense pas la même chose.
Je prétends que dans le domaine des relations du travail, il faut
vraiment parler des choses qu'on veut baliser, ce sur quoi on veut que les
règles du jeu soient connues, soient claires, soient définitives.
En ce qui nous concerne, à l'article 112, il y a au moins deux petits
bouts de phrase qui devront être enlevés. On n'a pas eu
l'occasion... et c'est normal de faire le tour des mémoires. Il y en a
qu'on n'a pas encore reçus. Pour ceux qu'on a eus, c'est unanime, je
n'ai vu personne d'accord pour laisser cela là. Cela ne veut donc pas
dire le laisser, cela veut dire l'enlever. Je voudrais juste poser quelques
questions sur votre mémoire. Comme je l'ai mentionné, vous avez
des réserves, vous avez des craintes, vous avez des
appréhensions, sauf que je n'ai pas compris clairement votre position.
Êtes-vous pour ou contre?
Mme Fecteau: Je vais vous dire ceci, si vous permettez. On est
venus ici, pas pour dire au ministre: On est contre votre projet de loi. Ce
n'est pas cela la philosophie de base qui a su nous réunir pour
écrire ce mémoire. On est venus ici pour dire au ministre: II y a
des choses, tout comme vous M. Gendron, sur lesquelles on n'a pas de
réponse, il y a des choses qui sont insécurisantes, il y a des
choses qui sont gênantes. Et on est venus ici pour entendre le
gouvernement sur ce qu'est exactement l'ampleur du projet de loi. Je n'ai pas,
moi non plus, toutes les réponses. Je ne suis pas contre le projet de
loi. On est bien conscient qu'il faut une simplification du système et
on vient ici pour justement soulever des éléments qui nous
inquiètent et recevoir les réponses pour ce faire. Est-ce que
cela répond bien à votre...?
M. Gendron: Oui, étant donné que c'est une question
de gradation, je ne sais pas jusqu'à combien... Si on avait plus de
temps pour échanger sur combien d'éléments précis
et votre collègue à côté, je m'excuse de ne pas me
rappeler son nom...
Mme Fecteau: Mme Thibodeau.
M. Gendron: ...Mme Thibodeau mentionnait, d'une façon
très précise, les articles 132, 137 et ainsi de suite. Je vais
revenir tantôt sur un article où, nous aussi, on avait les
mêmes appréhensions à partir d'un article tellement large
qu'on ne mentionne même pas que la plainte peut être de nature
écrite ou pas. Quelqu'un qui se lamente peut amener ses lamentations
à la Commission des relations du travail, indépendamment du
cadre, du contexte et dans quel moment c'est défini. Je vais revenir
là-dessus.
J'ai trois ou quatre questions. La première, je sais bien, le
ministre a été, on ne peut plus clair en disant que pour lui, les
dispositions antibriseurs de grève et toutes les questions de l'article
45 ou 46 sur la sous-traitance ne font pas partie du tout du projet de loi que
nous avons à discuter.
Moi, je veux bien, sauf que lorsque des personnes l'évoquent dans
un mémoire et que vous prétendez - je ne veux pas être
très long là - que par rapport à vos concurrents
-d'ailleurs, comme j'ai cru voir qu'il y a des personnes ici qui ont pas mal
d'expertise au niveau des autres provinces canadiennes - ce sont les deux
points majeurs au niveau des relations du travail du Québec, j'aurais
aimé juste vous entendre un peu plus longuement dans la perspective
où le ministre du Travail aurait fait le choix qui apporterait des
modifications sur la loi antiscab ou les dispositions antibriseurs de
grève.
Ce sont les principaux points sur lesquels vous croyez qu'il y a urgence
d'apporter des correctifs.
Mme Fecteau: D'abord, on a dit que nous n'étions pas
compétitifs au niveau de ces mesures, on ne l'a pas inventé de
toutes pièces. Je pense que le rapport Scowen le disait clairement,
qu'il n'avait pas fait une étude exhaustive de ce qu'étaient les
relations du travail au Québec, mais il en était venu à la
conclusion qu'il était sûr qu'il y avait, au moins, deux mesures
sur lesquelles on n'était pas compétitifs et c'étaient les
mesures antibriseurs de grève et les mesures en ce qui a trait à
la sous-traitance.
Alors, on sait que l'article 45, ce n'est pas ce qu'il y a de plus clair
actuellement et c'est devant les tribunaux et les entreprises ne savent pas
très bien à quel saint se vouer quand elles se voient aux prises
avec l'interprétation de l'article 45.
J'aimerais, peut-être, passer la parole à mes
collègues.
M. Gendron: S'il n'y a pas d'objection, moi, je n'ai pas
d'objection. Je vais vous dire, Mme Fecteau, et très sincèrement,
c'est un peu cela que je voulais entendre. Votre référence et
votre analyse pas plus tard que hier soir, on allait vivre avec ce même
gouvernement qui apportait une modification à la loi des transports qui
allait complètement à l'encontre d'une disposition du rapport
Scowen et nous sommes d'accord parce que le rapport Scowen, en tout cas, en ce
qui nous concerne, on ne le trouvait pas plus étoffé que cela sur
plusieurs recommandations qu'il faisait...
Une voix: Ah! Ah!
M. Gendron: ...et, oui, oui, très sérieusement et
c'est le même point de vue, je pourrais vous citer une série de
législations que le même gouvernement, qui a permis que le rapport
Scowen sorte, fasse que des dispositions du rapport Scowen étant
absolument non étoffées, non justifiées, il apporte des
dispositions contradictoires. Alors, moi, si vous me dites que globalement,
votre point de vue sur les antibriseurs de grève était à
partir de l'analyse Scowen, moi, en ce qui me concerne cela me satisfait. Mais,
cela ne me permet pas de croire qu'on peut porter le jugement aussi dur que
vous le portiez, à l'effet que, fondamentalement, dans les relations du
travail du Québec, il faudrait modifier les antibriseurs de
grèves et la sous-traitance et là il n'y a plus de
problème. Tout va bien.
Mme Fecteau: Non, non, non, ce n'est pas à partir du
rapport Scowen. Je vous dirai que si je ne l'ai pas cité, c'est parce
que je ne le cite plus. Le rapport Scowen n'a pas été mis en
application à aucun point de vue
alors, je suis tannée et je ne le cite plus dans mes
mémoires. Maintenant, il n'y a pas seulement M. Scowen qui l'a dit, je
pense que plusieurs analyses ont été faites; je me souviens
devant la commission Beaudry il n'y a pas une association patronale, en tout
cas, qui n'a pas évoqué ces dispositions à l'effet
qu'elles étaient complètement anticoncurrentielles. Donc, je
pense qu'on ne l'a pas inventée de toutes pièces et que cette
problématique existe au Québec fondamentalement et que, surtout,
ces mesures on ne les retrouve pas à travers le Canada, Ce faisant, je
pense qu'il y a un problème très grave: les personnes qui veulent
venir investir au Québec et qui voient des mesures comme
celles-là, vont peut-être changer d'idée et aller investir
en Ontario plutôt qu'au Québec.
Voilà une autre raison qui fait que ces mesures peuvent
être classées comme non concurrentielles et qui nuisent,
finalement, aux entreprises québécoises. (17 h 45)
M. Gendron: En ce qui me concerne, rapidement, cela va parce que
là le menuisier parlait de cela beaucoup plus sur un aspect fondamental
de la concurrence par rapport à d'autres provinces en disant que ces
dispositions n'existent pas ailleurs comme telles et, en conséquence,
vous suggériez qu'il y aurait lieu de modifier les dispositions
antibriseurs de grève pour éventuellement faire un ajustement qui
rendrait le Québec aussi concurrentiel que les autres provinces. C'est
sur ces aspects.
Mme Fecteau: C'est aussi à cause de l'article 45 qu'il n'a
pas trouvé de solution. On ne connaît pas encore
l'interprétation, donc je pense que ces mesures doivent être
clarifiées pour permettre d'exercer dans une structure qui sera la plus
certaine pour les entreprises.
M. Gendron: À un moment donné, dans votre
mémoire - je me le rappelle, indépendamment de la
référence au mémoire - il me semble que vous avez
indiqué à un endroit que cela vous fatiguait que la même
commission, toujours la Commission des relations du travail, ait à
gérer également tout le bloc des services essentiels - je ne me
souviens plus à quel endroit - vous dites que ce soient les mêmes
intervenants. Quant à moi, il m'apparaît que ces choses sont
intimement reliées dans le contexte des relations du travail. À
un moment donné, une instance qui a à se préoccuper de
certaines difficultés ou anomalies, peu importe ce qui existe dans le
domaine des relations du travail, doit aujourd'hui inclure, dans certains types
de services, la garantie d'offre de services essentiels et, en
conséquence, que les intervenants soient sensibilisés et
informés de l'ensemble des points de vue.
Cela me semble tout à fait normal et requis, et, dans votre
mémoire, cela vous apparaissait un peu curieux. Est-ce que vous pourriez
expliciter davantage?
Mme Fecteau: On dit qu'on n'est pas contre le fait que ce soit
à l'intérieur de la commission. Les seules garanties qu'on
voudrait avoir seraient que le ministre nous dise que les gens qui
administreront les services essentiels et l'interprétation du Code du
travail ne seront pas les mêmes. Pourquoi? Parce qu'on pense que les
règles du jeu ne sont pas pareilles. Déterminer ce qu'est un
service essentiel et déterminer un retour au travail dans le secteur
public parce qu'il y a urgence, ce n'est pas la même chose que
décider de l'interprétation du Code du travail entre deux
parties. C'est sur ce point-là finalement. Ce n'est pas qu'on est bien
d'accord avec le fait que ce sera une même commission, mais ce sont les
intervenants à l'intérieur. On veut être rassuré sur
le fait que ce ne seront pas les mêmes gens qui vont statuer
là-dessus.
M. Gendron: Est-ce que vous êtes actuellement satisfaite du
travail effectué par la Commission des services essentiels du
Québec et, en conséquence, envisagez-vous de transférer la
même équipe?
Mme Fecteau: Ce n'est pas qu'on soit insatisfait, mais on
s'aperçoit qu'il y a des problèmes. Il y a des problèmes
quelque part, parce que ses décisions sont souvent remises en cause.
Alors, il y a donc un problème là.
M. Pitre: Je peux dire qu'elle n'agit pas trop auprès des
membres que nous représentons ici. Son fonctionnement ne nous est pas
très connu, à part notre rôle de citoyen.
M. Gendron: D'accord. À la page 10 de votre
mémoire, Mme Fecteau, vous mentionnez que - et j'étais
très heureux de vous entendre sur toute l'importance de la
probité, l'objectivité et la crédibilité des
intervenants - vous avez des interrogations sur le mécanisme de
nomination. Vous avez également des inquiétudes concernant
l'absence de garanties, c'étaient vos propres mots, si je me
réfère bien au texte. Ma question est la suivante. Vous parliez
d'un éventuel mécanisme et vous disiez; iI faut, dans ce cas, que
le gouvernement nous donne des garanties que des mécanismes pourront
apporter toute la sécurité, ainsi de suite. Est-ce que vous
pensiez a un quelconque mécanisme? Est-ce que vous avez en tête
quelque chose d'assez précis à nous suggérer comme
mécanisme éventuel de nomination qui permettra au gouvernement
d'offrir une meilleure sécurité de probité, de
crédibilité et d'objectivité?
Mme Fecteau: Je vais vous dire que -je me souviens, on s'est
réuni et on a parlé de cela - offrir des garanties, offrir des
possibilités, je pense que cela devient assez délicat. On a
préféré laisser cela au gouvernement. On a
préféré demander au gouvernement de nous donner ces
garanties. Ce qui sous-tend finalement toute la philosophie de notre
mémoire et l'insécurité qui se dégage
vis-à-vis de ce projet de loi, c'est le fait... comment va-t-on nommer
ces gens-là qui seront en place. C'est tout cela qu'on ne connaît
pas et c'est tout cela qu'on ne sait pas, comment ces gens-là vont
appliquer ces nouvelles dispositions.
M. Gendron: Non, j'ai bien compris vos inquiétudes.
Mme Fecteau: Alors, je n'ai pas de mécanisme à vous
offrir, M. le député. Je dis juste au gouvernement de nous offrir
des garanties, à moins que ma collègue en ait.
Mme Thibodeau: M. le député, je pense que ce qu'on
essaie de faire passer comme message, c'est que le forum de la commission doit
devenir un forum où divers courants de pensée se rencontrent pour
discuter, pour stimuler. Ce doit être un forum stimulant pour la
discussion, pas un forum où la pensée est unique, où on
pense d'une telle façon et qui fait qu'à un moment donné
l'organisme stagne. C'est dans ce sens qu'on a posé la question. Un
organisme qui a une pensée monolithique ou une pensée unique est
un organisme qui stagne et qui, par conséquent, perd sa
crédibilité de part et d'autre. C'est dans ce sens qu'on l'a
abordée et c'est dans ce sens qu'on veut faire la recommandation. Nous
voulons nous assurer qu'il y aura bien deux courants de pensée pour se
rencontrer et pour discuter.
M. Legris: II y a un point que j'aimerais vous mentionner. Cela
fait douze ans que je m'occupe de relations du travail et de ressources
humaines et ce qui est fondamental c'est qu'un système, quel qu'il soit,
doit changer en même temps que les intervenants. Cela ne stagne pas. Les
gens changent, les mentalités changent et quiconque est là doit
être capable de trouver des solutions à certains problèmes,
des solutions qui vont peut-être même être innovatrices, qui
vont amener les parties à s'entendre à quelque niveau que ce
soit. Dans ce sens, si on parle de processus de sélection, il faudrait
simplement que les critères soient établis au préalable en
fonction d'avoir des gens qui ont un "background" qui va leur permettre de
manoeuvrer dans ces éléments-là, des gens qui ont une
méthode de pensée flexible et surtout des gens qui sont sensibles
à la position des parties et non pas de l'une ou l'autre partie, mais
des parties. À partir de certains critères, procéder
à une sélection qui est... Si vous voulez les meilleures
personnes, il est possible de les avoir, et vous aurez peut-être la
meilleure organisation.
M. Gendron: Merci. Pour des raisons de temps, je vais poser une
ou deux autres questions, si mon collègue de Bertrand veut prendre
quelques minutes. Je sais qu'il reste cinq minutes. À la page 14 de
votre mémoire, vous dites que: "Dorénavant, les
accréditations pourraient être accordées automatiquement,
en présumant que le syndicat requérant représente la
majorité des employés visés dans les unités, alors
que dans les faits, cette requête ne représente pas une
majorité d'employés." J'essaie de voir où vous avez vu
cela, où vous avez pris cela pour conclure de cette façon. Cela
m'apparaît assez court. À moins que j'aie mal lu le projet de loi,
je n'ai vu nulle part qu'on pouvait conclure rapidement que dorénavant
on pourrait accorder automatiquement la désaccréditation.
Mme Fecteau: C'est l'article 28 actuel qui est finalement repris
un peu partout dans le projet de loi. Il y a un petit bout qui n'est repris
nulle part et dont on pense qu'il va se retrouver, comme l'a dit ma
collègue, dans les politiques. C'est ce bout qui nous inquiète un
peu à savoir qui va faire le travail que fait actuellement l'agent
d'accréditation''
M. Gendron: Un instant! Est-ce que vous parlez de l'article 28 du
projet de loi qui abroge...?
Mme Fecteau: Non. Excusez-moi. Je parlais de l'article 28 du Code
du travail actuel.
M. Gendron: D'accord.
Mme Fecteau: Vous savez, on retrouve l'article 28 un peu partout
dans le projet de loi, si j'ai bien compris ma recherche. Il y a un petit bout
qu'on ne retrouve pas et c'est à l'article 28a. C'est tout le travail de
l'agent d'accréditation actuel. On ne sait pas à quel endroit
cette garantie va se retrouver. Est-ce que cela sera dans des politiques? Si
oui, on se demande pourquoi il faille transférer cette chose dans des
politiques. Je vais vous dire pourquoi. Cela offrait une garantie à
l'employeur. Le petit employeur ne sait pas. Il met sur la liste de ses
employés un employé qui travaille de façon
saisonnière ou un mois par année. Il ne sait pas que cela ne peut
pas ou ne doit pas être compris dans une unité. Alors, quand
l'agent d'accréditation fait son travail dans l'entreprise, cela permet
également à
l'employeur de s'apercevoir que des gens n'ont pas à être
compris dans une unité. Ce faisant, on dit: Pourquoi est-ce qu'on ne
retrouve pas ce petit bout d'article 28 ailleurs? C'est la question qu'on
posait à M. le ministre. On est un peu gêné, encore une
fois, que ce petit bout de chemin se retrouve dans des politiques. C'est plus
facile de changer les politiques. Comment va-t-on contrôler cela? Comment
va-t-on contrôler le travail du fonctionnaire qui va faire ce travail
demain matin alors que, là, on pouvait avoir l'assurance que cela se
faisait d'après l'article 28a.
M. Gendron: M. le ministre, est-ce que vous accepteriez de
répondre tout de suite là-dessus sans nous enlever les deux
minutes qui nous restent. Cela clarifierait cette affaire,
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la condition qu'on me
garde les trois miennes.
M. Gendron: Oui, on va vous les donner. On peut prolonger de
trois, quatre minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais ajouter
là-dessus que, même s'il y a entente, comme le soulignait le
député d'Abitibi-Ouest, la décision va être prise
par un commissaire. On a dit qu'on avait une préoccupation pour les PME,
les petites et moyennes entreprises, à cause de la structure
québécoise même. Il y aura un agent qui va se rendre sur
place, un fonctionnaire, qui n'aura pas le pouvoir de prendre la
décision d'accréditation et qui va devoir revenir au commissaire
comme tel, et là, le commissaire peut donner l'accréditation.
Mme Fecteau: Pourquoi ne le mettez-vous plus
là-dedans?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pardon?
Mme Fecteau: La question est la suivante. Pourquoi Pavez-vous
retiré de la loi? En fait, c'est cela, notre question. C'était
une garantie dans la loi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous réponds bien
simplement et bien honnêtement qu'auparavant, cet agent pouvait prendre
une décision, et cette décision, même s'il y avait entente,
était susceptible d'évocation. Ce n'est pas parce que quelqu'un
s'est entendu à midi, qu'à 1 heure de l'après-midi il ne
s'entend plus. On donnait une autre possibilité d'évocation en
faisant en sorte que l'agent aille sur place, travaille avec les parties, fasse
son rapport au commissaire, qu'il y ait une décision qui soit prise et
qu'il y ait un seul niveau d'évocation possible.
M. Gendron: Non, ce n'est pas cela.
Mme Fecteau: Ce n'est pas satisfaisant, votre réponse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la vérité.
M. Gendron: On y reviendra parce que cela n'a pas de bon sens par
rapport à la question posée.
Mme Fecteau: Nous, on pense à la PME surtout. Au
Québec, c'est la composition de nos entreprises, la PME. Parlons donc au
nom de ces gens. Ce n'est pas facile pour eux de vivre cela, probablement. Ils
ne sont pas munis de conseillers en ressources humaines ou en relations du
travail. Ce faisant, je pense que ce petit bout-là permettait à
la PME d'avoir une certaine garantie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si cela revient sur la
règle des 35 %... J'essaie de bien comprendre. J'ai dit que j'avais
trois minutes, je vais les prendre peut-être tout de suite pour
répondre à la question sur les 35 %. J'ai exigé toutes les
garanties à savoir que la situation de facto que l'on connaît
demeure. C'est-à-dire qu'il ne peut pas y avoir d'accréditation
si vous n'avez pas une majorité de travailleurs en faveur de
l'accréditation; cette règle perdure. En ce qui concerne la
règle des 35 %, elle perdure comme elle existait autrefois par le
maintien de l'article 37 au Code du travail.
Mme Fecteau: Oui, on est bien d'accord avec cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bon. On va finir par trouver le
problème.
Le Président (M. Théorêt): Mme Thibodeau.
Mme Thibodeau: Le problème que nous avons, c'est le fait
que l'agent, ou votre fonctionnaire, doit venir vérifier. Ce n'est plus
une vérification faite dans le cadre de la loi, mais dans le cadre de
politiques ou de réglementations. Ce que nous vous demandons, c'est de
le mettre dans la loi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y est. Mme Thibodeau:
Où? À quel endroit?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À l'article 137.1, entre
autres.
Mme Fecteau: C'est pour cela qu'on est venus ici, il y a des
choses qu'on ne comprenait pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Cela va. Je suis certain que
si on prend !e temps de tout lire ensemble...
M. Gendron: Pas si vîte! Attendez, vous allez voir!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que c'est parce que vous
dites non?
M. Gendron: Nous, on le connaît le ministre.
Mme Thibodeau: M. le ministre, est-ce que nous devons vous faire
une élaboration de la différence entre la terminologie de "peut"
et celle de "doit"?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Thibodeau: II y a une différence entre "peuvent" et
"doivent".
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Majeure, d'interprétation
par les tribunaux, oui.
Une voix: C'est "peuvent".
Mme Thibodeau: Oui, mais c'est "peuvent" qui est écrit
là. "La commission, un commissaire ainsi qu'un membre du personnel de la
commission désigné..." M. le Président, c'est écrit
"peuvent" et non pas "doivent", "...peuvent faire enquête sur toute
matière qui est du ressort de la commission."
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous aviez cela avec l'autre
article qui dit que la représentativité doit s'établir,
à ce moment-là, il faut qu'elle s'établisse à
partir de faits. Si vous conjuguez "peut" et "doit", il faut que les faits
soient là pour que "doivent" s'applique.
Mme Thibodeau: Je comprends ce qu'il veut dire.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Tel
qu'entendu, je vais donner la parole au député de Bertrand...
M. Gendron: Pour deux minutes.
Le Président (M. Théorêt): ...pour environ
deux minutes. M. le député. (18 heures)
M. Parent (Bertrand): II y a quinze minutes, je voulais
intervenir, pendant mes deux minutes, sur ce point en particulier. J'aimerais
quand même dire que les interrogations que vous posez dans votre
mémoire, à mon avis, sont tout à fait légitimes. Je
les trouve très bien posées. L'exemple que vous citez en ce qui
concerne l'article 28a, je pense, est un exemple parfait. Dans le cas de
l'article 112, j'aimerais rappeler au ministre - et c'est dans ce sens que vous
avez fait votre représentation - que, lorsque vous dites que la question
de la bonne gestion des ressources humaines, c'est quelque chose qui doit
disparaître et quelque chose qui est très large. Le ministre a
semblé dire tantôt: Écoutez, il y a peut-être moyen
de regarder cela, je ne tiens pas nécessairement, absolument à ce
qu'il soit là ou à ce qu'il ne soit pas là. Ce que
j'aimerais rappeler au ministre dans l'explication qui est donnée des
représentants des PME c'est lorsque l'on parle de relations du travail
c'est une chose mais lorsqu'on parle de gestion des ressources humaines c'est
beaucoup plus large. Et, dans les PME, je le reqrette, c'est souvent confondu.
Dans une petite entreprise de 15 ou 20 la gestion des ressources humaines c'est
toute une chose. Quand on tombe dans la moyenne et dans la grande entreprise
c'est autre chose. Et, tout cela pour dire que la loi va s'appliquer à
l'ensemble comme tel des entreprises.
Alors, quand l'Association des manufacturiers canadiens dit qu'elle est
préoccupée par toute cette dimension que vous mettez à 112
quant à la bonne gestion des ressources humaines, pour ma part, je pense
qu'elle a tout à fait raison et on ne peut pas retrouver ce
vocabulaire-là, au niveau de la bonne gestion des ressources humaines,
parce que là on ne s'en sortira pas.
Alors, je voulais faire cet éclaircissement dans le cadre de ce
qui est apporté et je voudrais m'assurer que le ministre prenne bien
cela en considération. Malheureusement, j'ai d'autres points mais, je
pense, M. le Président, que notre temps est déjà
écoulé.
Le Président (M. Théorêt): Alors, si vous
permettez, je vais, dans un premier temps, laisser la parole au critique
officiel pour le mot de la fin et, ensuite, au ministre, pour des remarques
finales.
M. Gendron: Ah! Bien le mot de la fin, les remarques finales,
merci beaucoup, M. le Président. Je pense qu'on doit, comme vous l'avez
très bien laissé voir, comprendre votre participation à
cette commission beaucoup plus dans une perspective d'ouvrir un nouveau
dialogue et ne pas rester assis sur les positions uniquement du projet de loi
comme si c'était la seule vérité. Vous avez
présenté votre affaire comme étant une volonté
d'amélioration et de bonification et surtout que le gouvernement puisse
calmer vos inquiétudes. Là, vous pensez qu'elles sont de bon aloi
d'avoir été exprimées. Moi, je vous remercie
énormément d'avoir participé à cette commission
parce que même si chacun peut prétendre qu'on a une certaine
expérience dans le domaine des relations du travail cela demeure un
domaine évolutif,
changeant, mouvant. On doit adapter cette nouvelle réalité
à la réalité québécoise des PME, pas
uniquement des PME, mais également de l'objectif visé par le
projet de loi qui est que les relations du travail soient mieux
balisées, mieux encadrées mais surtout plus faciles, plus vites,
plus compréhensibles, plus normales comme relations, plutôt que
toujours à chaque fois qu'il y a un litige que ce soit d'autres, des
tiers qui prennent des décisions à la place des parties.
Je pense que, fondamentalement, les meilleures relations du travail
c'est encore lorsque les parties réusissent à se parler et
à s'entendre et, si le projet de loi vise cela, je suis convaincu que
votre présence ici était dans ce sens-là. Merci.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous remercier
brièvement et vous dire, en terminant, qu'on n'a pas eu le temps de
répondre à toutes les questions que vous avez soulevées
dans votre mémoire. Mais, en conclusion, j'aimerais rappeler deux
points: la question de respect des règles de justice naturelle et la
question des décisions écrites et motivées. C'est une
question sur laquelle la réflexion que je mène évolue
d'heure en heure et de minute en minute. Sans vous donner de garantie formelle,
je vous remercie de votre contribution à notre débat.
Mme Fecteau: Merci M. le ministre, M. le député de
l'Opposition et M. le Président, je pense que ma dernière
expérience en commission parlementaire je ne l'avais pas trouvée
drôle parce que j'avais l'impression que le ministre était avec
son groupe de fonctionnaires et qu'ils étaient là pour nous
attaquer. Je dois vous dire qu'à cette séance-ci, cela a
été très agréable et surtout, je pense, très
fructueux pour les deux parties.
Le Président (M. Théorêt): Alors, mesdames et
messieurs, je vous remercie de votre présence et je vous souhaite une
bonne fin de soirée. Je suspends les travaux de la commission de
l'économie et du travail jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 4)
(Reprise à 20 h 11)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend
ses travaux pour la consultation particulière sur le projet de loi 30,
Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses
dispositions législatives. Je dois, à ce moment-ci,
déposer, au nom de l'Association des détaillants en alimentation
du Québec, M. le secrétaire, un mémoire qu'elle a fait
parvenir à la commission aujourd'hui même.
Le Secrétaire: Merci.
Le Président (M. Théorêt): M. le
président de la FTQ et vos associés, nous vous souhaitons la plus
cordiale des bienvenues. Je vous rappelle que vous avez 30 minutes pour faire
la présentation de votre mémoire et qu'après, les deux
partis auront quelque 50 minutes pour intervenir et échanger avec vous
sur le dossier. Si vous voulez bien, sachant très bien que les
personnages qui vous accompagnent sont fort connus, je vous demanderais quand
même, pour les fins du débat, de bien vouloir nous ies
présenter. M. Laberge.
Fédération des travailleurs du
Québec (FTQ)
M. Laberge (Louis): Oui, merci, M. le Président. Vu que
nous avons des élections à l'automne - cela arrive plus souvent
qu'ailleurs, chez nous - je vais vous présenter les gens qui nous
accompagnent. À ma gauche, il y a le secrétaire
général de la FTQ, M. Fernand Daoust - je pense qu'il est assez
bien connu - Jacques Toupin, vice-président de la FTQ et
président du local 500 de l'Union des employés de commerce; Jean
Lavallée, qui est président-directeur et trésorier de la
FIPOE et président de la FTQ-Construction; Claude Morrisseau,
vice-président de la FTQ et directeur du Syndicat canadien de la
fonction publique. A mon extrême droite, il y a Aimé Goyer,
vice-président de la FTQ et président du local 800 de l'Union des
employés de service et Gaston Nadeau, qui est notre conseiller
juridique, à la FTQ.
Cela s'est fait rapidement, on ne peut pas dire que le ministre s'est
traîné les pieds. D'ailleurs, on a eu l'occasion de le lui dire.
Nous avons été agréablement surpris de voir que le rapport
Beaudry n'a pas dormi sur les tablettes pendant des années et des
années et qu'au contraire, on nous arrivait avec un projet de loi qui,
du moins en principe, nous accordait ce que nous avions demandé à
la commission Beaudry. Alors, très brièvement, on va vous faire
grâce du mémoire présenté à la commission
Beaudry, on va vous faire part des recommandations que la commission Beaudry a
faites, assumant que vous êtes déjà au courant de tout
cela.
Nous allons vous dire ce que nous pensons du projet de loi tel quel et
ce qu'il faudrait pour le rendre en accord avec les idées
exprimées dans les notes explicatives du projet de loi. Parce que, telle
que la rédaction du projet de loi a été faite, ce projet
ne correspond pas, on est bien loin de
cela, à ce qui avait été dit dans les notes
explicatives. Nous allons demander au secrétaire général
de la FTQ d'oublier les ponctuations, etc. et de vous lire brièvement le
mémoire afin que nous puissions, quand même, avoir un bon
échange.
M. Daoust (Femand): Merci beaucoup, M. le Président. La
FTQ a accueilli avec satisfaction la décision du ministre du Travail
d'entreprendre la réforme du code. Est-il besoin de rappeler que cette
réforme est réclamée depuis plusieurs années par
à peu près tous les intervenants du milieu. Notre satisfaction
est cependant incomplète. Nous sommes déçus de constater
que le projet ne fait que mettre sur pied un nouvel organisme, la Commission
des relations du travail, tout en laissant intactes les dispositions de fond de
l'actuel code. Si cette démarche de création d'une commission
s'inscrit dans le sens des revendications que la FTQ avait fait valoir devant
la commission Beaudry, nombre d'autres de nos revendications relatives à
des aspects cruciaux des relations du travail ont été
ignorées.
La FTQ aurait souhaité, par exemple, que le projet de loi propose
des modifications a la notion de salarié pour y inclure les cadres
inférieurs et les entrepreneurs dépendants. Nous
déplorons, surtout, l'absence de dispositions sur l'accréditation
multipatronale, seul moyen efficace et réaliste d'assurer à des
milliers de travailleurs et travailleuses l'accès à la
syndicalisation.
Nous comprenons cependant que le projet de loi ne constitue qu'une
première étape de la réforme plus globale du Code du
Travail et de l'ensemble des lois du travail. C'est dans cette perspective que
la FTQ accorde son appui à la démarche entreprise par le
ministre. En effet, il ne faut pas considérer que la FTQ se satisfera du
seul changement proposé par le projet de loi. Nous espérons que
le ministre nous reviendra très prochainement avec la suite, car le
travail demeure inachevé. Ce projet n'a donc, comme seul objet, que
celui d'établir la Commission des relations du travail, abolissant, par
là, le triple palier que constituait l'agent d'accréditation, le
commissaire du travail et le Tribunal du travail. La démarche
était souhaitable et même nécessaire de l'avis quasi
unanime des intéressés. À l'instar des tendances qui se
développent en Amérique du Nord, l'application par un agent
décisionnel unique des dispositions touchant les rapports collectifs de
travail ne trouvera que des avantages. Cela favorisera bien sûr la
cohérence jurisprudentielle, mais c'est surtout à cause de
l'efficacité accrue et de la "déjudiciairisation", que peut
offrir ce genre d'organismes, que la FTQ a réclamé la
création d'une telle commission.
Cependant, ces objectifs risquent d'être compromis si la structure
et la juridiction de cette commission demeure telle que libellée dans le
projet de loi. Comment peut-on prétendre atteindre cette unicité,
cette centralisation décisionnelle si l'ensemble des dispositions du
code n'est pas sous le contrôle de la commission? Le projet, en effet,
refuse de confier à la commission l'application de dispositions
importantes du code, telles celles concernant les briseurs de grève,
l'imposition d'une première convention collective, les modifications
illégales des conditions de travail, le devoir de juste
représentation en matières autres que disciplinaires et le refus
d'embaucher pour cause d'activités syndicales. II y a là une
dispersion injustifiable des pouvoirs et nous y reviendrons.
Le projet de loi comporte d'autres faiblesses importantes et nous
espérons que les travaux de cette commission permettront d'en faire un
texte de loi acceptable. À cet égard, nous voulons examiner plus
en détail et avec vous les aspects suivants. 1° La constitution et
la formation de la commission: le mandat. Le texte de l'article 112 qu'on
propose d'adopter confie à la commission le mandat d'administrer
l'exercice du droit d'association. Il est déplorable qu'un droit
consacré par les chartes québécoises et canadiennes des
droits et libertés, soit le droit d'association et son corollaire, la
liberté syndicale, soit réduit à la simple administration
de la commission. De la même façon qu'elle doit promouvoir le
règlement ordonné des conflits du travail, la commission devrait,
à l'instar du CCRT, se voir conférer le mandat d'assurer et de
favoriser l'exercice du droit d'association et la pratique de libres
négociations collectives. Il ne s'agirait là que de la
consécration d'un principe ancré dans les traditions
démocratiques de ce pays. Le texte de l'article 112 du projet doit donc
être modifié en ce sens. Nous attirons votre attention sur le fait
que les notes explicatives qui accompagnent le projet de loi vont exactement
dans le sens que nous proposons.
M. Laberge: Si vous le permettez, M. le Président, deux
mots. Ce n'est pas de la sémantique, pour nous c'est d'une importance
capitale. Je pense que le ministre va reconnaître que le libellé
de l'article ne correspond pas aux expectatives que nous avaient
laissées les notes explicatives. Il n'est certainement pas conforme
à ce qu'on recherche, à la FTQ.
M. Daoust: La FTQ estime, d'autre part, que les termes
"intérêt du public" et "bonne gestion des ressources humaines"
devraient être retranchés du mandat et du texte de l'article 112.
La commission est un
organisme administratif, spécialisé en relations du
travail, dont la mission est de veiller à l'application du code. Il
serait inapproprié d'élargir son mandat à des
considérations qui ne relèvent pas de son expertise et
viendraient entraver ses fonctions de conciliation. La commission ne doit pas
devenir un gestionnaire d'entreprise. Cette fonction doit relever des parties
en présence.
Nomination des commissaires. La FTQ considère que la limite de
cinq ans du mandat des commissaires n'est pas souhaitable. Il est certain que
la qualité et la crédibilité de la commission
résideront avant tout en celles des hommes et des femmes qui y
siégeront et, en ce sens, la durée de leur terme peut
apparaître secondaire. Mais, dans un souci d'autonomie à l'endroit
du pouvoir politique - principe sur lequel nous reviendrons - et
également dans la perspective de faciliter le recrutement d'hommes et de
femmes ayant la compétence nécessaire pour accomplir ce
rôle, la condition d'un mandat maximum de cinq ans doit être
écartée. La FTQ propose que ce mandat soit d'un minimum de cinq
ans sans excéder dix ans. On retrouve des mandats potentiellement plus
longs dans les législations régissant les commissions de
relations du travail du Manitoba, de l'Ontario, de la Colombie britannique et
de la Saskatchewan ainsi que dans le Code canadien du travail. Au
Québec, les membres de la Commission des droits de la personne sont
également nommés pour un mandat n'excédant pas dix ans.
D'autre part, nous comprenons mal que le choix du président de la
commission ne fasse pas l'objet, lui aussi, de consultations auprès des
partenaires sociaux. À ce sujet, la FTQ estime que l'organisme
particulièrement habilité à conseiller le gouvernement en
cette matière demeure le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Le projet de loi devrait donc être modifié pour
prévoir que tous les membres de la commission seront nommés sur
recommandation du CCTMO.
L'autonomie de la commission. Il est essentiel que la commission, pour
accomplir de façon efficace et crédible son mandat, dispose du
maximum d'autonomie politique et administrative. Nous avons déjà
traité d'une de ces facettes de l'autonomie politique de la commission,
soit celle de la durée du mandat de ses membres. Dans la même
perspective, la possibilité pour le ministre de requérir un
renseignement ou un document de la commission nous paraît inconciliable
avec ce principe d'autonomie. La FTQ est évidemment parfaitement
d'accord avec le fait que la commission doive faire rapport de ses
activités, mais la disposition dont nous venons de parler pourrait nuire
aux fonctions de conciliation de la commission qui sont au coeur même de
son mandat. La FTQ demande donc le retrait de cette disposition.
L'autonomie de la commission réside également en la
possibilité, pour cette dernière, de procéder
elle-même à la nomination du personnel qui sera appelé
à l'assister dans ses fonctions. Le projet prévoit en effet que
la commission peut déléguer ses importants pouvoirs
d'enquête aux membres de son personnel. L'expérience vécue
par d'autres commissions de ce type et, en particulier, par le Conseil canadien
des relations du travail a démontré l'importance de cette
étape dans le processus des différends industriels. Les
enquêteurs sont souvent appelés à jouer un rôle de
médiation, rôle crucial à la déjudiciairisation du
règlement des conflits du travail. Ce personnel doit être
qualifié et sa sélection devrait relever exclusivement de la
commission qui possède le plus d'expertise à cette fin. Encore
une fois, il s'agit de l'option choisie par le législateur à
l'endroit de la Commission des droits de la personne dont les fonctionnaires
exercent également d'importants pouvoirs d'enquête et de
médiation.
La FTQ propose donc que l'article 118 du projet soit modifié de
façon à ce que le personnel de la commission soit
sélectionné par cette dernière. Il faudrait
également que le traitement et les autres conditions de travail de ce
personnel soient fixés par la commission, sujets, bien sûr,
à l'approbation du Conseil du trésor. Il nous apparaît
important que la commission jouisse de l'autonomie budgétaire la plus
large possible. Nous recommandons de plus que le personnel de bureau à
l'emploi du Bureau du commissaire général du travail et du
Conseil des services essentiels se voit offrir la possibilité, selon la
tradition prévalant dans la fonction publique, de joindre le nouvel
organisme, en conservant ses droits acquis, ou d'être affecté
à des postes équivalents dans la fonction publique.
D'autre part, est-il besoin de souliqner que le nombre de commissaires
est essentiel à l'efficacité de la commission? Le projet, en
remettant au gouvernement une discrétion absolue quant à la
détermination de ce nombre, met ainsi en péril cette
efficacité et, du même coup, l'autonomie de la commission qui
dépendrait du bon vouloir du gouvernement quant à l'obtention
d'un nombre suffisant de commissaires. Il y aurait donc lieu de modifier
l'article 114 pour prévoir que le gouvernement nommera le nombre de
commissaires que la commission jugera suffisant pour assurer la bonne
expédition de ses affaires.
Compétence et pouvoirs de la commission. Compétence
générale de la commission. Il est essentiel et vital que la
commission ait compétence sur l'ensemble de la matière
visée par le Code du travail. La caractéristique la plus
fondamentale d'un
organisme comme la commission est précisément de pouvoir
aborder les questions dans leur globalité et non d'une façon
cloisonnée, comme c'est le cas avec nos instances actuelles. À
cet égard, les rédacteurs du projets ont fait preuve d'une grande
timidité» Le nouvel article 132 du code comporte
l'élément dangereux de limiter et de subordonner la
compétence de la commission à l'existence d'une plainte ou d'une
demande et, par le fait même, aux seules questions pouvant faire l'objet
d'une plainte ou d'une demande formelle. En somme, il faut dissiper tout
malentendu à ce sujet et favoriser une approche globale au traitement de
toutes questions soumises à cette commission. Nous n'hésitons pas
à affirmer que la réforme sera sérieusement compromise si
la compétence de la commission ne s'étend pas à toutes les
matières visées par le code. Il ne faut donc pas hésiter
et la FTQ demande qu'on énonce clairement la compétence
générale de la commission sur l'ensemble du code à
l'exception évidemment de ce qui est spécifiquement confié
à d'autres personnes, organismes ou tribunaux.
À cet égard, nous avons déjà
déploré la dispersion des pouvoirs à diverses instances
décisionnelles qui subsistent encore dans le projet de loi alors que
l'objet même de la création de la commission était dans une
perspective d'efficacité accrue, de cohérence du droit, de
décloisonnement et de déjudi-ciairisation, le rassemblement de
ces pouvoirs en un agent unique. Le projet faillit, en effet, de façon
sérieuse à cette tâche, en omettant de rapatrier vers la
commission les compétences qui échappent, actuellement, au
commissaire et au tribunal.
Le refus d'embaucher en raison d'activités syndicales. Cette
pratique déloyale qui ne peut faire l'objet d'un recours autre que
pénal devant les instances actuelles du travail est à nouveau
exclue de la compétence de la commission par le projet. Il est
inconcevable qu'un tel geste mettant en péril le libre exercice du droit
d'association, échappe ainsi au pouvoir de redressement de la
commission. Cette pratique déloyale est, dans les législations du
travail des autres provinces ainsi que dans le code canadien, toujours
susceptible de faire l'objet d'un redressement par les différentes
commissions qui appliquent ces lois.
Il est illogique, dangereux, néfaste, dans le domaine collectif
de travail, que le refus d'embaucher fasse ainsi l'objet d'une discrimination
par rapport aux autres formes de représailles auxquelles donne lieu
l'exercice du droit d'association. D'une part, en demeurant du ressort des
tribunaux de droit commun, la compensation du salarié victime de cette
pratique déloyale est moins bien assurée, voire
écartée, à cause des procédures relativement
complexes qu'il lui faudra entreprendre devant ces tribunaux. De plus, dans la
meilleure des hypothèses, quand cette compensation sera payée, il
sera généralement trop tard pour corriger le préjudice
irréparable causé au syndicat comme tel. D'autre part,
l'efficacité et la cohérence des fonctions de la commission en
sont compromises puisqu'elles demeurent parcellaires. On risque,
également, une incohérence dans la jurisprudence touchant aux
pratiques déloyales puisque les instances décisionnelles sont
aussi dédoublées. Quand on connaît l'utilisation
grandissante que font les employeurs du contrat de travail à
durée déterminée pour faire perdre aux travailleurs la
protection du code, on ne peut qu'insister sur l'importance fondamentale de
confier à la commission la juridiction sur le refus d'embaucher ou de
réembaucher en raison d'activités syndicales.
Le devoir de représentation des syndicats. Pour les mêmes
motifs, la FTQ soumet qu'il y a lieu de modifier les articles 47.2 et suivants
du code de façon à ce que la commission ait compétence
exclusive sur tout manquement des syndicats à leur devoir de
représentation. La distinction actuelle, et que le projet de loi veut
perpétuer, entre le renvoi et les matières disciplinaires d'une
part et les autres aspects de ce devoir d'autre part, n'a aucune raison
d'être et risque d'entraver l'efficacité de ia commission sans
parler de l'éparpillement inutile des recours.
Les dispositions antibriseurs de grève. La FTQ s'oppose
vigoureusement à ce que l'application de ces dispositions, qui sont une
des pierres angulaires du droit québécois des rapports
collectifs, échappe à la commission comme l'indique le
projet.
Il est inconcevable que la commission, qui a, par ailleurs, juridiction
exclusive sur les qrèves, les lock-out, les services essentiels et la
négociation de bonne foi, voit cet aspect majeur des conflits
industriels lui échapper. Il s'agit là d'une déficience
qui pourra être fatale à son efficacité, surtout lorsqu'on
imagine l'enchevêtrement de procédures et les délais qui
s'ensuivront dans un secteur des rapports collectifs où, plus que tout
autre, le temps constitue un élément vital. Si on veut que la
commission soit efficace, il faut que toutes les questions touchant aux
conflits de travail lui soient confiées. Il y va même de sa
crédibilité. (20 h 30)
M. Laberge: Si vous permettez, M. le Président, deux mots
à ce sujet. Nous croyons que c'est d'une importance capitale, nous
l'avons déjà souligné au ministre et, tout
dernièrement, je pense qu'il y a deux jours, le conciliateur, dans le
"conflit" - entre guillemets - qui semble se pointer dans le domaine des
postes, dans son rapport, disait: Les annonces publiées par la
Société canadienne des Postes, demandant des gens
intéressés à devenir des employés de la
commission des postes, à temps partiel ou temporaires, pouvaient
générer un climat de violence.
M. le ministre, M. le Président, membres de cette commission
parlementaire, je pense ne pas avoir besoin de reculer très loin en
arrière pour vous rappeler le climat quelque peu cahoteux que nous avons
vécu au Québec, climat cahoteux qui est quand même devenu
un climat serein. Il y a quand même, aujourd'hui, sauf une ou deux
exceptions bien sûr, un climat très serein au Québec et ce
n'est pas la seule raison bien sûr. Il y a un tas de choses qui ont
amené cela. Mais une des raisons, c'est que, sur les lignes de
piquetage, les gens ne se sentent pas obligés de se battre pour leur
survie, pour leur gagne-pain, étant protégés par cette
clause. Cette clause, qui, soit dit en passant, manque d'efficacité
vis-à-vis de certains employeurs véreux qui n'hésitent
pas, à des coûts fantastiques, à engager des avocats qui
s'y connaissent en la matière, qui violent la loi impunément. On
a des rapports d'enquêtes par douzaine, par douzaine, d'enquêteurs
impartiaux, qui ont décelé des violations de cette partie du Code
du travail, mais, vu que cela doit aller devant les tribunaux, etc. et vu qu'il
n'y a que des peines pénales d'imposées, la décision nous
vient des mois et des mois après. À ce moment-là, il est
beaucoup trop tard pour faire quoi que ce soit. Le conflit est
réglé parce que le syndicat est tombé, il n'existe plus ou
parce qu'il y a eu finalement entente et que le syndicat est retourné.
À ce moment-là, imposer des pénalités à
l'employeur qui a violé le Code du travail une fois la convention
collective réglée et les gens retournés au travail, ne
vient que remuer les braises pour rallumer le feu. D'une façon comme
d'une autre, il est beaucoup trop tard pour faire quoi que ce soit. Pour nous,
c'est d'une importance capitale que la commission ait le pouvoir de
régler ce genre de choses en temps approprié.
M. Daoust: Le piquetage. Pour les motifs qui
précèdent, il est souhaitable que la commission rapatrie la
compétence de la Cour supérieure en matière de piquetage.
Il y aurait lieu d'inclure dans le projet des dispositions protégeant le
droit au piquetaqe (droit que la Cour suprême reconnaissait
récemment comme partie intégrante de la liberté
d'expression garantie par nos chartes) et confiant à la commission le
soin de régler les problèmes qui s'y rattachent. Nous
réitérons les représentations qui avaient
été soumises à la commission Beaudry, à savoir que
le piquetage soit permis auprès de tout établissement de
l'employeur ainsi qu'auprès de ceux des employeurs économiquement
alliés de l'employeur en grève ou en lockout.
Modification des conditions de travail et imposition de la
première convention collective. Ces matières relèvent de
la compétence d'un arbitre sous le cadre actuel et le demeure en vertu
du projet de loi. Dans le même souci de centraliser l'exercice des
pouvoirs de redressement en matière de pratiques déloyales, il
est logique de mettre l'arbitrage d'une première convention et celui de
différends résultant de modifications aux conditions de travail
sous l'égide de la commission. L'utilisation de ces mesures
résultant le plus souvent de comportements déloyaux de
l'employeur, il importe, en effet, de rapatrier ces compétences
particulières à la juridiction générale de la
commission en matière de pratiques déloyales. Encore une fois, il
s'agit là d'une juridiction qui est assumée par les autres
commissions de relations du travail canadiennes. Cependant, il y aurait lieu
d'accorder à la commission la discrétion, dans le cas de plaintes
mettant en jeu l'application ou l'interprétation d'une convention
collective, de référer l'affaire à l'arbitre des
griefs.
Rappel au travail après une grève. Pour les mêmes
motifs que ceux mentionnés ci-dessus, les problèmes relatifs au
rappel au travail d'un salarié qui a fait grève ou qui a
été l'objet d'un lock-out devraient être confiés
à la commission.
Les pouvoirs de la commission. La FTQ soumet que les pouvoirs de la
commission, tels que libellés dans le projet, sont incomplets,
dispersés et parfois ambigus.
Pouvoirs généraux. Le pouvoir de révision de la
commission est fondamental en raison du fait qu'elle constitue un tribunal de
dernière instance. Comme le projet de loi prévoit qu'un seul
membre pourra être appelé à décider pour la
commission, ce pouvoir de corriger une décision erronée voit son
importance s'accroître. D'autre part, un pouvoir de révision
adéquatement formulé permet également de corriger non plus
une décision erronée, mais une décision que
l'écoulement du temps a rendue impropre. L'expérience des autres
juridictions canadiennes démontrent que cette dernière
application du pouvoir, notamment en matière d'accréditation, a
été fructueuse. L'article 137.9 du Code du travail nous
apparaît cependant limitatif dans sa rédaction, notamment à
cause de l'utilisation des termes "pour cause". Il n'y a pas lieu de
restreindre ainsi l'exercice du pouvoir de révision de la commission et
nous suggérons l'utilisation d'un libellé semblable à
celui de l'article 119 du Code canadien du travail.
Dans la même perspective, la FTQ recommande fortement l'inclusion
d'une disposition générale qui habiliterait la commission
à exercer tous les pouvoirs pouvant être nécessaires
à la réalisation des objectifs du code. Un tel pouvoir peut, de
prime abord, sembler trop absolu, mais sa
portée sera implicitement restreinte par les pouvoirs de la
commission portant sur des questions spécifiques. C'est ainsi que les
tribunaux ont interprété des dispositions semblables dans
d'autres législations. Cette disposition générale serait,
par ailleurs, fort utile pour habiliter la commission à exercer les
pouvoirs accessoires aux pouvoirs spécifiques principaux qu'elle
exercera.
La FTQ est heureuse de constater que le ministre a retenu la
recommandation d'inviter la commission à énoncer les politiques
générales sur l'application des dispositions du code. Nous avons
toujours réclamé de connaître les règles du jeu;
nous serons alors en mesure d'agir en conséquence. Même dans les
cas où les politiques ne nous seraient pas favorables, nous aurons au
moins l'avantage d'avoir des décisions rapidement.
Nous demandons cependant que le deuxième alinéa de
l'article 137.3 soit retiré du projet de loi. La commission doit,
contrairement à ce qui est proposé, être liée par
les politiques qu'elle a énoncées. Si les politiques ne
conviennent plus, elles peuvent toujours être modifiées.
Pouvoirs spécifiques. La FTQ déplore que les pouvoirs de
la commission en matière de pratique déloyale de la part des
employeurs soit si sommairement élaborés alors que ceux qui ont
trait aux grèves et au maintien des services essentiels
bénéficient de plus d'attention. En matière de pratiques
déloyales, il serait opportun de spécifier certains redressements
disponibles à la commission sans pour autant restreindre la
généralité des pouvoirs contenus au futur article 134 du
code. Par exemple, il faudrait mentionner le pouvoir de la commission
d'ordonner à un employeur d'embaucher un salarié qu'il a
refusé d'employer en contravention du code, puisque cette situation
n'est pas couverte par l'article 15. Il faudrait également
spécifier que la commission possède le pouvoir
général d'ordonner le paiement d'une indemnité, à
sa discrétion, aux personnes victimes d'une contravention au code. Car,
autrement, le fait que ce pouvoir remédiateur ne soit
spécifiquement prévu qu'à l'article 15 du code pourrait
donner lieu à des ambiguïtés. Ainsi, la loi permettra qu'une
compensation soit allouée non seulement aux salariés victimes de
représailles en raison de leurs activités syndicales, mais
également à toute personne qui aura subi un dommage en raison du
comportement illégal d'une partie.
Le Président (M. Théorêt): M. Daoust, si vous
me permettez, je veux seulement vous rappeler que, sur le temps qui vous est
alloué, il reste une minute. Je vous laisse le choix de terminer le
mémoire. Mais si cela prend quelque dix minutes pour le faire, vous
comprendrez que ce sera à même le temps ou, s'il y a
consentement...
M. Laberge: Allez-vous nous promettre de lire le reste?
Le Président (M. Théorêt): Ha! Ha! Ha! Je
vous laisse ce choix. Je voulais seulement attirer votre attention, c'est
à vous de...
M. Laberge: Pour résumer, il s'agit, un peu dans la
même veine, de parler ensuite des services essentiels; nous sommes
d'accord. Si on est pour former une Commission des relations du travail, il
faut lui donner tous les pouvoirs. On sait que c'est gros et on sait que,
parfois, on pourra peut-être s'en repentir un peu. Mais, encore une fois,
on l'a dit dans des termes plus élégants dans le mémoire,
tant qu'à perdre une cause, mieux vaut la perdre rapidement que la
perdre après deux ans, comme dans le système actuel, ce qui n'a
pas de sens...
Nous avons voulu aussi parler du Tribunal du travail. Nous croyons que
le Tribunal du travail a joué un rôle très important. Nous
suggérons que le Tribunal du travail continue à jouer un
rôle, bien sûr, avec une mission quelque peu différente,
puisque tout ce qui a trait à l'accréditation, le droit d'appel
et tout cela, serait maintenant centralisé dans cette Commission des
relations du travail. Mais nous croyons que le Tribunal du travail vaudrait
beaucoup mieux pour tous les autres recours individuels, la loi 101, enfin tout
le reste. Il serait beaucoup mieux que cela aille devant un tribunal
spécialisé comme le Tribunal du travail que devant la Cour
provinciale, avec tout le respect qu'on a pour la Cour provinciale.
Quant au domaine de la construction, nous en avons déjà
fait part au ministre, des mémoires ont été
déposés à cet effet en 1984 dans lesquels nous demandions
que cela soit au moins référé au Tribunal du travail.
Alors, selon ce qui va se passer, c'est soit le Tribunal du travail ou la
Commission des relations du travail.
Cela résume assez bien notre position, je crois, M. le
Président. Avec les modifications que nous proposons, nous estimons que
le projet de loi 30 devrait donner des résultats heureux* Nous exprimons
le voeu que celles et ceux qui composeront la commission remplissent leur
rôle adéquatement.
En terminant, nous désirons remercier le ministre d'avoir pris
l'initiative de proposer la réforme que représente le projet de
loi 30. En fait, quand il nous l'a annoncée, nous étions assis;
autrement, nous serions tombés par terre. C'est pour dire que nous avons
été quelque peu surpris, oui. Mais c'est une surprise
agréable. Il y a des trous à boucher dans le projet de loi 30.
Encore une fois, si on veut suivre les notes
explicatives, avec lesquelles nous sommes entièrement d'accord,
et si on veut déjudiciariser, centraliser les pouvoirs, donner de
l'efficacité à cette commission, il faut boucher ces
trous-là tel que nous le préconisons dans le mémoire.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président Laberge. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je remercierais les
représentants de la Fédération des travailleurs du
Québec, et spécialement son président. On a peu de temps
pour discuter ce soir. Je replace un peu le projet de loi dans son contexte. Il
a subi, si je peux le qualifier ainsi, l'épreuve de la deuxième
lecture à l'Assemblée nationale.
Au chapitre des principes, les députés se sont unanimement
prononcés en faveur, des deux côtés de la Chambre, de
l'adoption des principes. Maintenant, l'Opposition nous a fait part de quelques
questions ou réserves concernant certains points particuliers. Nous
avons reçu des mémoires des parties patronales et syndicales qui
suscitent des questions. Et je vois dans ces audiences un moment
privilégié où les gens qui pratiquent les relations du
travail dans le quotidien peuvent nous permettre d'améliorer et de
bonifier le projet de loi que nous avons déposé.
Dans ce sens, j'aurais peut-être cinq ou six questions qui me
viennent à l'esprit à la suite de la lecture de votre
mémoire. Pour vous rassurer, je tiendrais à vous dire que le
débit de M. Daoust était quand même rapide, mais j'ai
complété la lecture du mémoire jusqu'à la fin tout
en l'écoutant attentivement.
Vous avez traité de l'indépendance des commissaires qui
semble une question importante pour tous les participants tant patronaux que
syndicaux. Vous revenez à la charge sur la question et vous nous dites
souhaiter que le traitement et la durée du mandat, une fois
fixés, ne devraient pas pouvoir être réduits par le
gouvernement de façon à assurer une certaine dépendance.
Vous souhaitez même que le mandat soit supérieur à cinq ans
en vous référant à des mandats donnés soit au
fédéral, soit dans d'autres juridictions. Voici ma question
précise: Vous nous suggérez que les mandats ne puissent
être raccourcis une fois qu'ils ont été donnés, mais
est-ce que le libellé de l'article 115 ne vous satisfait pas? L'article
115 dit que les commissaires sont nommés pour un terme
déterminé. D'accord, j'ai compris que "d'au plus cinq ans", ce
n'était pas satisfaisant quant à l'analyse de
l'indépendance, mais, pour un terme déterminé, est-ce que
cela ne lie pas le gouvernement à respecter le terme du mandat? (20 h
45)
M. Laberge: Pour nous, l'indépendance de la commission va
bien au-delà de la durée du mandat, comme vous le comprenez fort
bien. Nous disons que des mandats de cinq ans ou moins, c'est un peu court. II
va falloir aller chercher des gens - enfin, je l'espère - qui ont un peu
d'expérience dans le milieu et je sais que, du côté
syndical, si vous sortez quelqu'un de son milieu pour deux ou trois ans, vous
allez mettre la main sur quelqu'un qui se sent mal à l'aise dans son
milieu. Il n'y a personne de vraiment sérieux et efficace qui va
accepter un mandat de deux ou trois ans. Une fois que tu es sorti du mouvement
syndical, c'est très difficile à réintégrer. C'est
pour cela que j'en sors le moins souvent possible.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Laberge: L'autre possibilité, le mandat à vie,
évidemment, cela a eu des résultats plus ou moins heureux. Je ne
veux pas en parler plus longuement que cela. Un mandat déterminé,
oui, mais nous trouvons que cinq ans, c'est probablement un peu trop.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un peu trop court.
M. Laberge: Court.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous constatons que nous aurons
à faire face à deux difficultés quant au recrutement des
commissaires.
M. Laberge: Par rapport à cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La durée du mandat et la
rénumération qui est habituellement prévue font en sorte
que cela prend quasiment des vocations, si je peux utiliser l'expression, pour
accepter...
M. Laberge: Des missionnaires qui deviendraient des
commissaires.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de tels mandats. Maintenant, je
vous l'ai déjà indiqué et je vous le répète,
le ministère de la Justice est à travailler là-dessus, non
seulement en ce qui concerne la Commission des relations du travail qui sera
créée mais également les autres commissions et
régies de façon à s'assurer d'une plus grande
indépendance qui sert les fins de la société, à
court, à moyen et à long terme, quant aux décisions
qu'elles ont à rendre.
Ma deuxième question porte également sur le
fonctionnement. Vous dites, à un moment donné, dans des
mémoires que vous nous avez remis, qu'à défaut de
majorité,
lorsque le commissaire ne siégera pas seul, comme c'est
prévu qu'il peut le faire sur les questions plus importantes, la
commission peut décider de siéger en banc. La décision du
président du comité est prépondérante.
Actuellement, l'article 125, 2° dit: "Un comité est
présidé par le président ou par le commissaire que
désigne le président. En cas de partage, la décision du
président du comité prévaut." Ma question va être
simple. Le libellé devrait-il Être: "décision
prépondérante du président" ou "en cas
d'égalité des voix, le président vote."?
M. Laberge: Nous préférons une majorité, ce
qui est très démocratique, mais nous concevons qu'il pourrait
arriver des partages.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais en cas de partage...
M. Laberge: Je m'en suis servi une fois à la FTQ et cela
ne m'a pas porté fruit. Le monde croyait cela: un homme, un vote ou une
femme, un vote.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais est-ce que je dois retenir,
M. Laberqe, de votre intervention, qu'en cas d'égalité des voix,
le président vote? Ou est-ce que le président vote sur le premier
tour et qu'il a prépondérance si cela aboutit à
l'égalité?
M. Laberge: Enfin, si on a un banc de trois, il peut difficilemnt
y avoir égalité.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, maïs la commission peut
déterminer le nombre de joueurs sur le banc.
M. Laberge: Vous parlez des deux parties, enfin, une de gauche,
une de droite, sans faire référence à leur position,
à leur orientation politique mais bien à leur position sur le
banc?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un banc divisé. On a le
choix. On peut libeller en donnant un vote prépondérant au
président. Cela veut dire qu'il vote une fois et il vote une
deuxième fois si son vote arrive à...
M. Laberge: Je sais, M. le ministre, qu'il y en a qui
préconisent que le président prenne le temps voulu pour faire une
majorité mais malheureusement, ce genre de règle nous a
amenés dans des délais épouvantables. Alors, s'il y a
partage, que le président décide.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous mentionnez la question de
motiver les décisions de la commission dans les affaires litigieuses.
J'aimerais vous entendre un peu là-dessus parce que nous n'avons pas
créé l'obligation de motiver les décisions dans le projet
de loi comme tel. Mais nous ne sommes pas, et je l'indique, fermés
à inclure...
M. Laberge: Moi aussi, M. le ministre, j'aimerais nous entendre
là-dessus.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'un après l'autre.
M. Nadeau (Gaston): Effectivement, l'absence de dispositions dans
le projet de loi imposant une contrainte à la commission de motiver ses
décisions inquiète un certain nombre de personnes. Ce qu'on vous
a proposé, c'est une approche modeste, somme toute. On demande à
la commission de motiver quand il y a litige, d'abord. Pour ne pas s'enfarger
dans la paperasse, on sugqère implicitement dans le texte que vous avez
que cette motivation puisse se faire oralement si les parties sont
présentes. Quand on comparait devant un organisme ou quand on participe
à un exercice devant un organisme, c'est toujours stimulant sur le plan
humain de savoir pourquoi on se fait taper sur la tête ou pourquoi on
gagne. Alors, si la commission, dans une séance de conciliation, par
exemple, nous dit: Écoutez, les gars, si vous ne rentrez pas, on va vous
faire entrer avec une ordonnance; on aimerait savoir un peu pourquoi ils vont
nous faire entrer avec une ordonnance. Et j'imagine que nos confrères ou
nos amis du côté patronal aimeraient savoir aussi pourquoi la
commission leur dirait qu'elle ne nous fait pas entrer.
Alors, c'est un minimum qui n'est pas trop lourd mais qui permet
à tout le monde de savoir un peu où on s'en va.
M. Laberge: M. le Président, c'est pour cela que j'ai
demandé à notre conseiller juridique de vous l'expliquer dans ses
termes, pour continuer de déjudiciariser le système. En d'autres
mots, si on a fait quelque chose de pas correct et que la commission nous
déboute, il faut qu'on sache pourquoi pour ne pas commettre la
même erreur la fois suivante; c'est dans ce sens-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant à l'article 137.3,
vous soulevez un point sur lequel à peu près toutes les parties
sont revenues. "La commission peut énoncer des politiques
générales sur l'application des dispositions du présent
code qui sont de son ressort et, le cas échéant, elle les
diffuse."
Tel que libellé présentement, voici le deuxième
alinéa: "Ces politiques ne lient pas la commission dans l'exercice de
ses fonctions juridictionnelles." Et vous nous demandez, si j'interprète
bien votre mémoire,
que la commission soit liée par ses énoncés de
politique. Et là, je vais préciser ma question: Est-ce que vous
ne craignez pas que, dans une situation où les faits prennent une
importance déterminante, cette obligation pour la commission
d'être liée par un énoncé de politiques aboutisse
dans un certain déni de justice?
M. Laberge: Alors, cela vient rajouter à ce que nous
venons de dire, M. le ministre. La commission motivera son "département"
de ses politiques énoncées et, à ce moment, on saura
à l'avenir ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Ce qui est important, et
nous l'avons toujours dit: On veut connaître les règles du jeu.
Par exemple, est-ce que cela prend la carte originale ou si cela prend une
photocopie? Est-ce que cela prend 50% plus un ou si cela prend 58%?
Évidemment, on chialerait contre les 58%, mais on serait probablement
d'accord avec 48%. Mais ce qui est le plus impartant pour nous, c'est de
connaître les règles du jeu. Et on va respecter cela. Alors, dans
ce sens-là, quand la commission va se donner des politiques ou des
règlements, il est hautement souhaitable qu'elle les respecte. Et si
elle est obligée de se départir de cela pour une raison ou pour
une autre, qu'elle donne les motifs et on le saura.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ma question suivante va traiter du
domaine de la construction. Nous avons des revendications et de la partie
patronale et de la partie syndicale, également, de mieux connaître
les règles du jeu, de rendre des décisions plus rapides de
façon à s'assurer d'un fonctionnement plus rapide de l'appareil
en ce qui concerne le secteur de la construction.
Maintenant, les demandes que nous avons sur la table, ce n'est pas la
création d'une Commission de relations du travail, c'est une demande de
création d'un tribunal de la construction comme tel. Dans
l'éventualité - et la loi le permet, je l'indique, nous avons
effectué des vérifications - où une section ou un
département de la commission serait spécialisé dans le
domaine de la construction, est-ce que cela répondrait aux demandes que
vous avez exprimées dans le passé?
M. Laberge: Entièrement. Et c'est ce que nous demandons
depuis toujours. Bien sûr, vous pouvez décider de nommer quelqu'un
qui vient de la commission, par exemple, et qui s'entoure de personnes qui
connaissent cela et qui traitent de problèmes de construction. C'est ce
qu'on demandait -d'ailleurs, Jean Lavallée, le président de la
FTQ, peut nous en parler plus longuement -dans le mémoire que la
FTQ-Construction a déposé en 1984.
Une voix: ...
M. Laberge: Jean Lavallée, c'est le grand slimlà.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Lavallée (Jean): Justement en 1984, dans cette
même pièce, on avait présenté un mémoire et
les parties étaient unanimes à ce moment-là pour qu'on ait
un tribunal de la construction. Mais, par contre, on avait
spécifié aussi qu'on était d'accord avec le fait que ce
soit une division du Tribunal du travail.
Maintenant, M. le ministre, avec votre projet, vous abolissez le
Tribunal du travail si vous nous dites que, de par la composition de la
commission, en vertu de l'article 104, si je me rappelle bien, vous pourriez
adjoindre un vice-président qui, à ce moment-là, pourrait
traiter des sujets de la construction. Je prends votre parole là-dessus
et soyez assuré qu'on va regarder cela dans ce sens. J'ai même
fait certaines vérifications avec d'autres centrales qui sont d'accord
dans la mesure où on puisse être certains que ce sera une section
à l'intérieur de la commission qui pourra traiter des dossiers de
la construction pour éviter justement, comme ce qui est dans le projet,
que le commissaire disparaisse. On voudrait que cela soit clair à ce
moment-là qu'on pourra avoir cette partie pour la construction. Aussi,
avec toute la question du pénal, il ne faut pas qu'on se réveille
devant la Cour provinciale. Je sais que c'est en transit mais on a un certain
problème là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais parler maintenant de la
question du 50 % ou du 35 %. Jusqu'ici, nous avons reçu une association
patronale qui est venue devant nous mais nous avons eu l'occasion de lire les
mémoires d'autres associations patronales. La prétention de
certaines associations patronales est que l'abolition comme telle de l'article
28 de l'actuel Code du travail va faire en sorte qu'une demande
d'accréditation pourra être reçue dans les cas où il
y aura moins de 35 % de salariés de l'unité de négociation
qui en fait la demande et qu'avec 25 % de salariés qui voudraient
être accrédités dans une entreprise, on pourrait finalement
les accréditer. Quelle est votre interprétation de la loi telle
qu'elle est devant nous présentement?
M. Nadeau: J'ai eu l'avantage d'être présent cet
après-midi quand cette question a été soulevée en
présence de nos amis de la CSN et d'abord, j'étais abasourdi de
constater que le Conseil du patronat avait ce souci épouvantable de
souligner à cette commission que, s'il y avait seulement 25 % des
travailleurs qui voulaient un syndicat, on
pourrait ordonner un vote, comme si la tenue d'un scrutin secret...
M. Laberge: Non, on n'est pas abasourdi, ils savent qu'avec 25 %
des travailleurs qui veulent un syndicat, on est battu quand le vote arrive. La
réponse est non, on n'en veut pas.
M. Nadeau: L'amendement à l'article 28, effectivement,
illustre le fait qu'on vient de se débarrasser de différentes
instances décisionnelles. Dans le code actuel, étant donné
qu'on avait trois paliers, on a jugé bon à un moment donné
de dire que chaque palier pouvait ordonner un vote quand il y avait au moins 35
%. Maintenant qu'on abolit les trois paliers pour n'en former qu'un seul, les
légistes ont estimé qu'il n'était plus nécessaire
de répéter cela deux et trois fois, que l'on pouvait ordonner un
vote quand il y avait au moins 35 %. Ils l'ont laissé une fois dans le
code, à l'article 37. La commission pourra, je pense, effectivement,
ordonner un vote sur un dépôt comportant moins de 35 % dans des
cas de pratiques déloyales. Mais cela, vous savez, ce n'est pas une
révolution. L'ancienne...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme c'est le cas
présentement.
M. Nadeau: Ce n'est pas le cas présentement. Bien que si
on l'avait plaidé, on aurait peut-être pu... Bon.
M. Laberge: Dans le cas de pratiques déloyales.
M. Nadeau: Je veux vous faire remarquer, M. le ministre, que
l'ancienne Commission des relations ouvrières qu'on a eue au
Québec avant 1969 avait déjà effectivement ordonné
des votes dans ce qu'on appelait à l'époque des
dépôts minoritaires, dans des ca9 où il y avait des
pratiques déloyales de la part d'un employeur qui empêchait une
campagne d'organisation syndicale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez, je vais vous interrompre
parce que, moi, ce qu'on me dit, c'est que présentement, dans le cas de
pratiques déloyales, en bas de 35 %, le libellé actuel du code,
sans la nouvelle loi...
M. Laberge: Le commissaire peut ordonner un vote.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...permet dans des circonstances
exceptionnelles au commissaire de commander un vote.
M. Laberge: Absolument.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et cette situation est maintenue,
il n'y a rien de changé avec le nouveau projet de loi.
M. Nadeau: II n'y a rien de changé. (21 heures)
M. Laberge: M. le ministre, pour répondre à votre
question de façon courte, concise et très claire, nous estimons
qu'actuellement, cela va bien. Il n'y a pas énormément de cas
à 35 % et encore moins en bas de 35 %. On ne préconise pas de
changer cela.
M. Nadeau: II n'y a pas de changement.
M. Laberge: Si on n'est pas capable de faire signer les membres,
on ne va pas les représenter. On va représenter ceux qu'on est
capable de faire signer mais on tient à cela. Il faut tenir à
quelque chose.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On m'informe qu'il reste à
peine cinq minutes d'échange. En vertu des règles de
l'alternance, peut-être que l'Opposition pourrait vous adresser des
questions et je reviendrai pour les cinq minutes qui restent ou quelqu'un de ce
côté-ci.
Le Président (M. Théorêt): Alors, je vais
reconnaître le critique officiel et député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord dans
un premier temps remercier sincèrement le président de la
Fédération des travailleurs du Québec, M. Laberge, ainsi
que ses collaborateurs. Même si le délai qui vous était
imparti était très court, je pense que cela aurait
été un peu inconvenant de ne pas vous entendre comme centrale
syndicale, bien sûr, mais surtout comme organisme qui a, je pense, un
passé très actif dans les relations du travail, en particulier
par le souci que la centrale a toujours eu d'exprimer son point de vue sur les
grandes modifications ou les léqislations importantes qui ont
marqué les relations ouvrières ou les relations du travail du
Québec. Je pense que c'est important d'avoir votre point de vue.
Vous avez fondamentalement, M. le président, ainsi que les autres
collègues un mémoire qui, à plusieurs égards en
tout cas, rejoint la position que j'ai eu l'occasion d'exprimer lors du
débat en deuxième lecture, qu'on appelle communément le
débat sur l'adoption du principe. Il faut reconnaître cependant
qu'entre le principe et les modalités, le contenu, la chair autour du
poisson, parfois il y a des nuances importantes. J'étais heureux que
vous signaliez qu'on a beau relire et relire les notes explicatives et le
projet de loi, il y a des écarts assez considérables entre la
vertu
et les objectifs avouables, dans le bon sens, de
déjudiciarisation, de raccourcir les délais, de s'assurer que
dorénavant il y ait un peu plus de relations du travail qui se
règlent à des premiers niveaux avant d'arriver avec des
décisions ou des jugements. Il me semble que ces objectifs dans les
notes explicatives sont très bien traduits, sauf que dans le projet de
loi, à plusieurs articles, il y aura lieu de s'interroger sur des
dispositions et c'est ce qu'on va essayer de faire en ce qui nous concerne.
C'est pourquoi j'étais heureux de constater que, dans votre
mémoire, spécifiquement sur certains éléments
marquants, vous arriviez avec des recommandations qui sont les vôtres
mais qui permettront à l'étude article par article de porter un
jugement plus adéquat quant à l'application. De cela, je pense
qu'on doit vous remercier.
Je vais y aller tout de suite, messieurs, pour des raisons de temps,
avec quelques questions que j'aimerais vous poser. Aux pages 4 et 5, il est
heureux que vous ayez constaté, concernant la constitution et la
formation de la commission de même que les compétences et les
recours, qu'il y a des trous importants. Je suis d'autant plus heureux qu'on a
vu trois ou quatre mémoires et j'ai eu l'occasion de lire les autres...
Cela fait drôle, c'est-à-dire que c'est correct, ce n'est pas
drôle, c'est dans le bon sens que l'ensemble des intervenants
jusqu'à maintenant ont dit que dans le mandat ou les fonctions, à
l'article 112, il y a des éléments du libellé qui n'ont
rien mais rien à voir avec une problématique de relations du
travail. Je suis heureux de constater que la FTQ aussi prétend que finir
des phrases par un souci de bonne gestion des ressources humaines, c'est beau,
c'est "cute", mais cela n'a pas sa place dans un article de relations du
travail, parce que ce n'est pas véritablement la responsabilité
d'une Commission des relations du travail de porter des jugements sur la
gestion des ressources humaines. Il me semble que cela appartient bien plus
comme préoccupation aux deux parties, autant à la partie
syndicale qu'à la partie patronale, de se préoccuper...
Règle générale, je reconnais que c'est plus patronal, mais
ce type d'échanges sur une qualité de gestion des ressources
humaines doit être fait entre les parties et non par une Commission des
relations du travail.
Mes premières questions, M. le président, ou d'autres
membres de votre équipe vont porter sur la nomination des commissaires.
J'étais heureux effectivement que vous mentionniez que cela ne fait pas
tellement crédible en partant de dire que c'est un mandat maximum de
cinq ans, surtout que c'est écrit comme cela: maximum cinq ans. Il faut
quand même permettre à ces commissaires d'avoir une
crédibilité, une très grande notoriété, une
très grande indépendance, - et je pense que c'est le terme le
plus important, - et, en conséquence, un mandat trop court ne permet pas
de consacrer ces objectifs. Mais j'ai été surpris que vous ne
touchiez pas -peut-être que votre préoccupation était
ailleurs - la nomination même du président et des
vice-présidents. Vous avez parlé de la nomination des
commissaires, c'est votre droit, mais j'aurais aimé que vous donniez
votre point de vue sur la nomination du président et des
vice-présidents. Est-ce que vous croyez que cela doit être une
responsabilité laissée entre les mains de l'exécutif ou
toujours pour les mêmes objectifs de très grande
crédibilité, notoriété, et ainsi de suite, un peu
comme cela existe, je pense, à la Commission des droits de la personne
où cette nomination est faite par l'Assemblée nationale? Sans
mettre de proportion, aux deux tiers des voix, je voudrais vous demander si
vous croyez, vous autres, que cela permettrait de donner un niveau de
notoriété plus grand si le président et les
vice-présidents étaient ratifiés et nommés - je
reviendrais tantôt sur les suggestions de noms - si la nomination
était faite par l'Assemblée plutôt que par
l'Exécutif. Quel est votre avis là-dessus?
M. Laberge: Non, au contraire, M. le Président, si vous
relisez le dernier paragraphe de la page 6 et le premier de la page 7, au
contraire, on dit que c'est d'une importance capitale, les personnes qui vont
être nommées comme président et vice-présidents,
c'est cela qui va donner de la crédibilité à la
commission. C'est pour cela qu'on veut enlever de la commission tout ce qui ne
relève pas de la commission. La gestion des ressources humaines, il y a
d'autres organismes pour cela. Dans le cas des nominations, on dit:
Après consultation avec le CCTMO un peu comme se fait la liste des
arbitres de griefs actuellement.
M. Gendron: M. Laberge, vous ne m'avez pas compris. Il n'y a pas
de "au contraire". Cela...
M. Laberge: J'aimerais mieux les nommer moi-même mais on
n'a pas osé...
M. Gendron: Non, ce n'est pas cela. Je trouve qu'il y a une
différence entre le fait que vous soyez mis à partie dans la
consultation même - tantôt je vais revenir là-dessus, -
cela, c'est une chose. Mais je voulais seulement ... Le pouvoir de nomination,
regardez l'article, c'est écrit noir sur blanc. C'est marqué: la
commission est composée de commissaires nommés par le
gouvernement dont un président ou plusieurs vice-présidents. La
question que je vous posais, c'est: Ne croyez-vous pas que le président
et les vice-présidents devraient
être dans les mains du législatif dans la loi, plutôt
que l'Exécutif et c'est l'Assemblée nationale, à ce
moment-là, qui nommerait le président et les
vice-présidents, après un mécanisme dont on va parler dans
une seconde, mais c'est différent de ce que je vous pose comme
question.
M. Laberge: Ah bon, je comprends mieux votre question. Le
gouvernement, ce n'est pas nécessairement l'Assemblée
nationale.
M. Gendron: Non. Vous comprenez de quel bord je suis
là.
M. Laberge: Non, mais si cela se fait avec et après
consultation des parties, comme les nominations des juges au Tribunal du
travail ont été faites, comme les arbitres sont embarqués
sur la liste des arbitres de griefs, à ce moment-là, pour vous
dire bien honnêtement, nous n'avons pas trouvé sujet à
critique trop trop au cours des années sous différents
gouvernements parce qu'au CCTMO les parties sont représentées,
là ou ailleurs. Je pense que les parties impliquées - c'est elles
qui vont être les premières concernées avec la Commission
des relations du travail -doivent être consultées.
Consultées, évidemment cela ne veut pas dire: envoyez-nous sur un
bout de papier les noms de ceux que vous pensez qu'on devrait nommer et passer
à côté et en nommer d'autres. À ce moment-là,
on se fera entendre.
M. Gendron: Justement...
M. Laberge: Et au lieu d'avoir seulement ces bons militants et
ces bonnes militantes, on viendrait un peu plus nombreux pour se faire entendre
mieux.
Je pense que c'est très sérieux que les parties soient
impliquées dans le choix. C'est ce que vous voulez, c'est ce que nous
voulons.
M. Gendron: D'accord. Je sais que ce n'est pas l'objet du projet
de loi, mais vous êtes sans doute au courant que le ministre du Travail a
également déposé le projet de loi 41, Loi sur le Conseil
consultatif sur l'emploi et la sécurité du revenu, lequel projet
de loi fait disparaître le CCTMO, Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre. Je ne sais pas si vous êtes d'accord là-dessus,
mais...
M. Laberge: La chambre de commerce veut nous faire
disparaître depuis 50 ans.
M. Gendron: Non, mais écoutez bien, et je pense qu'elle
est importante. Dans ce projet de loi, indépendamment qu'il fasse sauter
le CCTMO pour créer un nouvel organisme, le ministre du Travail vise
à ce qu'il y ait également une instance consultative à son
nouveau conseil. Je ne veux pas discuter de cela ici, ce n'est pas le moment.
La question que je vous pose, parce que je trouve que c'est important: Ne
croyez-vous pas, vu que vous allez réclamer que les pouvoirs soient
unifiés à la Commission des relations du travail, que si jamais
il y avait une instance-conseil, sans la qualifier, sans la baptiser, au
ministère du Travail pour toutes les dispositions concernant les
relations du travail, s'il y a un endroit où il ne faut pas qu'elle
aille, c'est n'importe où ailleurs qu'ici? Je voulais savoir si vous
partagez cet avis que s'il y a une instance-conseil pour conseiller le ministre
concernant les relations du travail, cela ne doit pas être
mêlé à un organisme consultatif qui va s'occuper de
sécurité d'emploi, de sécurité du revenu, du
salaire minimum et ainsi de suite, mais que les questions relatives aux
relations du travail et aux conventions collectives devraient relever d'une
instance greffée à la Commission des relations du travail. Est-ce
votre avis?
M. Laberge: Pour répondre à votre question au sujet
d'un projet de loi qui parle de créer un organisme dont on n'est pas
supposé discuter ce soir, je tiens à vous dire qu'on est en
faveur d'un organisme oecuménique. Oui va être contre cela? Sauf
que cette question, c'est plus sérieux que cela et cela doit relever des
parties. Quand je dis "des parties", je parle des parties patronales, des
parties syndicales qui vont avoir à vivre avec la Commission des
relations du travail. Les groupes communautaires, avec tout le respect qu'on a
pour les groupes communautaires qui sont concernés par la
sécurité du revenu, l'emploi et tout cela, sont moins directement
concernés par au jour le jour de la nouvelle commission des relations du
travail, les mécanismes d'accréditation, de négociations.
Cela ne les touche moins. C'est pour cela que je dis; Ce doit être les
parties.
Pour le moment, le CCTMO est là. Les parties sont
représentées de façon paritaire au CCTMO, c'est un endroit
idéal.
M. Gendron: Sur l'autonomie de la commission, dans votre
mémoire, vous en avez parlé abondamment. Je ne veux pas
discuter... Je pense que vous nous faites des suggestions qui sont reqardables.
En tout cas, si j'étais au gouvernement, ou ministre du Travail, je les
regarderais, mais il m'apparaît qu'à un niveau vous y allez fort.
À la page 9 de votre mémoire, et là je voudrais avoir plus
d'explications - c'est un peu normal que la FTQ y aille fort - il y aurait donc
lieu de modifier l'article 114 pour prévoir que le gouvernement nomme le
nombre de commissaires que la commission jugera suffisant pour assurer la
bonne
expédition de ses affaires. C'est très clair ce que vous
avez dit là, cela se comprend très bien. Ne trouvez-vous pas que
ce serait peut-être plus légitime ou logique de penser qu'il y ait
une disposition qui obligerait le gouvernement à demander avis, à
la commission après un certain temps de fonctionnement, qu'elle
suggère au gouvernement un certain nombre de commissaires plutôt
que ce soit la commission qu'on crée qui elle-même décide
de son nombre de commissaires? Vous ne trouvez pas que cela peut être
abusif, que cela peut aller très loin?
M. Laberge: Non, vous avez parfaitement raison. Tout s'est fait
un peu à la vitesse. Quand on parle d'une autonomie pleine et
entière de la Commission des relations du travail, qu'elle devra avoir
un budget et qu'elle devra se doter du personnel voulu pour être
efficace, c'est ce qu'on veut dire.
M. Gendron: Mais ce n'est pas se nommer elle-même.
M. Laberge: Le gouvernement va nommer le président, les
vice-présidents, bien sûr, mais après cela, la commission
négociera son budget avec le gouvernement. C'était plutôt
dans ce sens-là.
M. Gendron: D'accord, cela peut être atténué
un peu et cela représente plus l'esprit de ce que vous vouliez
mentionner.
M. Laberge: Nuancez-la et vous nous enverrez cela, on va
l'accepter avec plaisir.
M. Gendron: Aux pages 12 et 13, j'ai été heureux de
constater, M. Laberge, parce qu'encore là, cela a été
repris par plusieurs intervenants... On peut difficilement envisager une
nouvelle commission des relations du travail où des dispositions aussi
importantes en matière de relations du travail, des dispositions
antibriseurs de grève, de même que toute la réglementation
concernant le piquetage lui soient soustraites. Si je le rappelle, ce n'est pas
par flatterie, c'est que le ministre a dit: Oui, mais écoutez, cela n'a
rien à voir avec une réforme importante du Code du travail. Plus
on le regarde, on se rend compte que ce n'est pas une réforme importante
du Code du travail, c'est une réforme qui va dans le sens d'une des
recommandations de la commission Beaudry de créer une instance
unifiée. En 1987, les dispositions antibriseurs de grève de
même qu'en particulier toute la question du piquetage, je pense qu'on
pourrait écrire juste un article dans le projet de loi que nous
étudions qui dirait tout simplement que les dispositions concernant la
réglementation qui doit être interprétée suite
à l'exercice du piquetage par des piqueteurs, cela serait suffisant,
mais je ne suis pas avocat, je ne suis pas un spécialiste. Je veux
savoir si vous pensez que cela serait suffisant d'avoir juste une disposition
dans la loi que nous étudions sur les relations du travail qui
indiquerait que, concernant le piquetage, c'est la Commission des relations du
travail qui a la responsabilité d'établir l'interprétation
de la réglementation concernant le piquetage. (21 h 15)
M. Laberge: Pour nous, c'est indispensable. Encore une fois, nous
sommes en faveur d'une Commission des relations du travail pourvu qu'elle ait
tous les pouvoirs, des pouvoirs absolus. Je sais que parfois, il y a du monde
chez nous qui vont s'en mordre les pouces. Mais pour la rendre efficace, il
faut qu'elle ait juridiction sur toutes les matières du code, les
mesures antibriseurs, le refus d'un employeur d'engager un travailleur ou une
travailleuse, le piquetage, la limitation, enfin tout. Il serait illogique
qu'un officier de syndicat qui aurait mis les mains sur une lettre que le
président a envoyée au président de la compagnie et que,
dans ses activités syndicales, il prenne la lettre pour la montrer aux
syndicats, se fasse maudire dehors et que cela aille devant la commission, et
que le cas d'une compagnie qui engagerait des professionnels pour lui prendre
sa job alors qu'il est en grève légale, cela n'aille pas devant
la commission. Cela nous semble tout à fait illogique.
M. Gendron: À la page 15, vous prétendez,
probablement avec raison, mais j'aimerais que vous m'expliquiez cela davantage,
qu'à l'article 137.9, "la commission peut, pour cause, réviser ou
révoquer une décision qu'elle a rendue." Je voulais seulement
savoir si cela n'était pas un terme consacré en droit du travail
que c'est pour cause qu'on révise alors que vous dites dans votre
mémoire: Non, il faudrait enlever cette dimension limitative et qu'elle
puisse réviser chaque fois que bon lui semblera. Je ne porte pas de
jugement. Je ne fais que vous demander. Je croyais que quand c'était
écrit "pour cause", c'était comme cela en relations du travail,
c'est qu'il y avait quelque chose de relié à un objectif bien
précis. Selon votre expérience à la FTQ comme centrale
syndicale, est-ce important pour vous, que cette limitation soit
retranchée?
M. Laberge: Pour nous, c'est important. Je pourrais vous
expliquer cela dans mes mots, mais je vais laisser la parole à notre
conseiller juridique. Je pense qu'il y a une nuance très importante
à faire. Pour cause, dans ce cas-ci, c'est limitatif.
M. Nadeau: C'est un élément clé de la
déjudiciarisation. La notion de cause suppose l'existence de
faits ou d'arguments de droit qui vont justifier une révision. Alors, on
tombe carrément dans les belles arguties juridiques alors qu'une
commission qui se veut essentiellement un organisme administratif ne
s'embarrassera pas de rechercher des phénomènes juridiques pour
justifier son intervention. Si on se rend compte qu'une décision n'est
pas bonne parce qu'elle répond mal aux besoins des relations du travail,
on pourra la réviser, qu'il existe ou non des motifs juridiques pour le
faire.
M. Laberge: C'est cela.
M. Nadeau: L'élément fondamental là-dedans,
c'est que si on veut vraiment déjudiciariser le système, il faut
se débarrasser de toutes ces notions ou du maximum de notions juridiques
dont le Code du travail est plein et qui font évidemment les
délices des gens de ma profession. On a énormément de
plaisir à examiner les belles questions de droit, mais les
problèmes pourrissent parfois à cause de cela.
M. Gendron: Même à les expliquer, on sent que vous
avez une certaine ferveur à bien nous faire comprendre la
différence.
M. Nadeau: Oui.
M. Laberge: Non, je vais essayer de vous donner un exemple en
expliquant cela dans mes mots.
M. Gendron: Cela va.
M. Laberge: La commission aura juridiction pour tout renvoi. Si
elle a juridiction sur tous les renvois, on n'est pas obligé de rajouter
"pour cause". Au contraire, quand on rajoute "pour cause", on vient de limiter
son droit d'intervention. Voilà! C'est clair.
M. Gendron: II me reste deux petites questions à poser
dans le temps qui m'est imparti. J'ai oublié tantôt de vous
demander votre avis sur les commissaires à temps partiel. Que
pensez-vous de cela?
M. Laberge: Ah mon doux Seigneurl Nous n'en avons même pas
parlé. Nous savons qu'à certains endroits, il existe des
commissaires à temps partiel venant des parties, mais au Québec,
avec la multiplicité des parties intervenantes, on a
décidé ne pas y toucher pour le moment, en tout cas. La
commission, une fois qu'elle sera en place, pourra décider d'avoir des
commissaires à temps partiel ad hoc pour certaines causes plus
particulières. Mais pour nous, ce n'est pas d'une importance
capitale.
M. Gendron: D'accord. À la page 16, vous recommandez que
le deuxième alinéa de l'article 137.3 soit retiré du
projet. Je suis complètement d'accord avec vous puisque, selon l'article
137.3, les politiques ne lieraient pas la commission dans l'exercice de ses
fonctions juridictionnelles. Vous êtes contre le fait que les politiques
ne lient pas la commission et cela m'apparaît logique. Mais le ministre
n'a parfois pas toute l'écoute qu'on souhaiterait. C'est rare, mais cela
lui arrive parfois. Alors, dans la perspective qu'il ne voudrait pas chanqer
cette disposition de son projet de loi, je voudrais savoir quelles
conséquences vous pensez que cela pourrait avoir de maintenir, dans son
second paragraphe, le fait que la commission... Je trouve cela curieux, ces
politiques ne lient pas la commission dans l'exercice de ses fonctions
juridictionnelles. Mais, je suis incapable d'évaluer les
conséquences que cela aurait si cela demeurait comme cela. Vous demandez
de l'enlever, donc vous l'avez évalué, si vous demandez de
l'enlever. S'il restait là...
M. Laberge: Une des raisons primordiales pour lesquelles on
préconise le changement de système, c'est que, justement,
à l'avenir, on devrait connaître les rèqles du jeu. Quand
la commission se dotera de politiques et de règlements, il est important
que la commission soit tenue par ces politiques et ces règlements. Cela
ne veut pas dire qu'à un moment donné elle ne pourra pas
réviser une décision en motivant pourquoi, dans ce cas
précis, elle passe à côté d'une politique qu'elle se
serait donnée. Mais il faut que la commission soit tenue par ces
politiques et ces règlements. Encore une fois, c'est pour établir
très clairement les règles du jeu.
M. Gendron: Une dernière question dans le temps qui m'est
imparti. À la page 20 -et vous admettrez qu'on n'a pas eu le temps de
couvrir trop trop la dernière partie; c'est pour cela que je pose une
question à ce sujet - vous dites: On doit déplorer qu'à
l'exception des plaintes portées en vertu de l'article 15 du code, le
projet est silencieux à l'endroit de la procédure et des
délais régissant l'exercice des recours devant la commission - et
je pense que vous avez raison, on n'a pas beaucoup d'indications sur le mode de
gestion ou d'information concernant l'exercice des recours. Vous dites: II y
aurait lieu de combler cette lacune. En deux phrases, si vous aviez l'occasion
de nous suggérer comment combler cette lacune, quelle suggestions
feriez-vous?
M. Nadeau: Un article qui pourrait se lire à peu
près comme suit: Toute personne intéressée qui estime
qu'une disposition du présent code n'a pas été
respectée peut
déposer plainte à la commission dans les 30 jours de la
survenance des événements.
M. Gendron: Est-ce un pouvoir additionnel?
M. Nadeau: Ce n'est pas un pouvoir additionnel. Je pense qu'il
s'agit peut-être plus là d'une ambiguïté
rédactionnelle à corriger pour éviter des chichis. Vous
savez, on se préoccupe autant des problèmes qu'on pourrait avoir
après, des attaques qu'il pourrait y avoir éventuellement contre
des décisions de la commission à cause des incertitudes, des
ambiguïtés ou des faiblesses rédactionnelles de la loi. On
est habitué de vivre avec des contestations juridiciaires et on cherche
à éviter cela autant que possible. Alors, il ne s'agit pas
nécessairement de dire que la loi est incomplète. La loi est
peut-être complète, mais on ne veut pas être obligé
d'aller jusqu'en Cour suprême pour se faire dire que la loi est
complète. On voudrait que ce soit clair en partant. Alors, s'il y avait
un petit article qui disait: Quand on se fait congédier ou quand c'est
une pratique déloyale, on peut déposer une plainte. Ce sera clair
et on aura un délai. On recommande que la commission puisse
étendre le délai, pour ne pas être enfargée, encore
là, dans la procédure. Il n'y aura pas de chicane.
M. Laberge: M. le Président, si vous me le permettez, en
deux mots, si la commission est pour avoir juridiction sur toutes les plaintes
venant du code, on dit qu'elle devrait avoir juridiction sur tout le code,
qu'il y ait plainte ou non.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre, il vous reste cinq minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, brièvement. Je pense
que je ne peux le laisser sous silence, en parlant de toute la question de
l'indépendance de la commission et des commissaires, le
député d'Abitibi-Ouest a fait allusion à des commissaires
qui pourraient possiblement être nommés à partir d'une
liste dressée par le CCTMO. Dans la conversation ou la discussion, il a
parlé d'un autre projet de loi qui est déposé devant
l'Assemblée nationale du Québec, mais dont les discussions n'ont
pas encore été entamées, la création d'un Conseil
consultatif sur l'emploi et la sécurité du revenu qui viserait
à remplacer l'actuel CCTMO.
J'ai été un peu surpris de ses propos cet
après-midi. Je le suis encore davantage qu'il les répète
ce soir. Lorsqu'on arrive comme ministre dans un ministère, on se fait
un peu raconter l'historique du ministère; c'est un peu plus facile,
c'est habituellement contenu et bien condensé, mais on se fait un peu
raconter l'historique des organismes aussi. Ce qu'on m'a dit lorsque j'ai
été assermenté comme ministre, en ce qui concerne le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, c'est que lorsqu'un de
mes prédécesseurs - et je pense qu'il s'agit de l'actuel chef de
l'Opposition - a reçu du conseil un avis ou une recommandation -c'est un
conseil consultatif - qui ne lui plaisait pas, il a arrêté de
consulter le conseil et le conseil a été placé sur le
neutre depuis ce temps-là et on ne lui a pas demandé de
consultation. Qu'on m'arrive ce soir en plein milieu de ce débat, qu'on
invoque un autre projet de loi et qu'on tente de dire qu'il faudrait faire
jouer un rôle au conseil, quand comme gouvernement on l'a
stationné, je suis un petit peu surpris et je vous le dis, je le
manifeste bien spontanément et ouvertement. Quant au fond dudit projet
de loi, il en sera question à la discussion des principes. On aura
l'occasion de s'en reparler, mais je tiens à indiquer clairement que
l'objectif qui est visé, c'est d'associer les autres partenaires de la
société qui ne sont pas représentés dans le cadre
d'une structure patronale ou syndicale, les associer à des questions qui
les intéressent vivement, des questions qui touchent, oui, la
sécurité du revenu, oui également l'emploi. J'ai
donné comme exemple cet après-midi la question du salaire minimum
qui touche plus de 125 000 Québécois et qui est une question
importante. Les membres actuels de CCTMO m'ont dit: II y a possibilité
de faire cela en gardant le conseil tel qu'il est, former un sous-comité
où on inclut ces gens-là. Il y a la possibilité inverse,
on peut former un sous-comité qui inclut les gens qui s'occupent de
relations du travail structuré et avoir un conseil d'administration
élargi. Tout cela est ouvert aux discussions. J'ai même entendu,
en lisant un procès-verbal quelque part, un représentant syndical
dire que de toute façon les parties syndicales et patronales
structurées vont continuer à se rencontrer quoi qu'il arrive, ils
ont pris cette habitude dans la société et c'est positif. Je ne
voudrais pas citer le nom de celui qui a dit cela.
Je veux en revenir à l'article 112 du projet de loi et à
une question qui a été relevée par tous les intervenants
au moment où on se parle dans cette commission et qui semble avoir
été rejetée - et je le dis bien humblement - par
l'ensemble des intervenants. C'est la question qui touche la bonne gestion des
ressources humaines. Cette expression que l'on retrouve à l'article 112
du projet de loi au niveau de la constitution et de l'organisation. La partie
patronale qui a comparu au moment où on se parle nous a dit: On a peur
que vous touchiez à notre droit de gérance et on pousse le bouton
de panique, comme on dit, si quelqu'un veut toucher à notre droit de
gérance. La partie syndicale nous dit, je vous cite votre texte
à
la page 5: "La commission ne doit pas devenir un gestionnaire
d'entreprise; cette fonction doit relever des parties en présence." Le
projet de loi est orienté de façon à donner encore plus de
responsabilité aux parties et à réserver le rôle
d'adjudication lorsqu'il devient absolument nécessaire après
avoir épuisé toute la conciliation, toute la médiation et
toutes les ressources possibles. Ma seule représentation, je vous
demanderai de repenser à cet élément. Je ne vous dis pas
que vous avez tort et je ne prétends pas avoir raison. Je vous dis que
le domaine des relations du travail est un domaine qui est en évolution.
Un fonds de solidarité des travailleurs du Québec, il y a 35 ans
il n'en aurait peut-être pas été question, mais quand il
est arrivé, il en était question et cela fonctionne. Vous avez
tenu un colloque dernièrement sur les ressources humaines, il n'aurait
peut-être pas été question de cela il y a quinze ans.
Est-ce qu'en demandant à la commission ou en lui imposant le mandat de
tenir compte de la bonne gestion des ressources humaines, on s'en va vers
l'arrière ou vers l'avant? J'ai indiqué que c'était une
disposition que le gouvernement n'avait pas mise dans le ciment. On est
prêt à la regarder de tous les côtés mais on invite
les parties à l'analyser sérieusement. Lorsqu'un commissaire ou
la commission rendra une décision, est-ce qu'elle ne doit pas tenir
compte de ce nouveau critère dans l'entreprise qui est la bonne gestion
des ressources humaines?
M. Laberge: Mon cher ministre, on ne dit pas que la commission ne
doit pas en tenir compte, sauf que la commission ne peut pas être juge et
partie. Comme c'est la commission qui aura à trancher de ces questions,
on trouve que de lui donner cette responsabilité l'embourberait
probablement beaucoup plus qu'autre chose. D'ailleurs, vous le savez, vous
n'avez pas laissé de côté le mot "administrer" à bon
escient. Vous savez que vos notes explicatives sont beaucoup plus
généreuses que le texte. Nous préférons vos notes
explicatives là-dessus.
Le Président (M. Théorêt): M. le ministre,
une dernière question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je prends note de votre
remarque. Vous dites cela et vous avez raison de le dire que la terminologie
des notes explicatives est différente. Mais entre ce que vous dites et
ce que le critique de l'Opposition a dit qu'il y avait une différence,
mer et monde entre les deux, je pense que les notes explicatives ne sont pas
là pour induire en erreur.
Je terminerai en vous disant que la phrase clé de votre
mémoire, en ce qui me concerne, se retrouve à la page 23. C'est
dommage que M. le secrétaire général n'ait pas eu le temps
de se rendre jusqu'à cette page.
M. Laberge: Lui, il avait le temps, mais c'est le
président qui n'avait pas le temps.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le temps imparti par la commission
ne lui a pas permis de se rendre à la page 23 et la phrase clé de
ce que nous sommes en train d'édifier est peut-être la suivante:
"Au-delà des structures et, parfois, malgré les structures, ce
sont les femmes et les hommes qui assurent le succès ou l'échec
d'une entreprise." Et c'est ce qui arrivera dans notre cas.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Si vous le permettez, je vais donner la parole au critique de
l'Opposition pour les remerciements d'usage. Vous reviendrez ensuite, ainsi que
le président de la FTQ.
M. Gendron: Un commentaire et un remerciement d'usage. Mon
commentaire sur le CCTMO est le suivant. J'ai été quand
même sept ans ministre et je n'ai jamais entendu parler qu'un ministre du
Travail avait reçu une plainte disant qu'il n'était même
pas au courant de ce qui se passait au CCTMO. Cela n'a jamais été
le cas, dans notre gouvernement, tandis que cela semble être le cas avec
vous, depuis un an et demi. Vous n'avez pas l'air du tout de savoir ce qui se
passe là et vous n'êtes pas intéressés à le
savoir. Alors, c'est normal de le supprimer. Je n'ai pas parlé du CCTMO
du tout. C'est important. Il s'agissait de leur demander si une instance qui
conseille le ministre en matière de relations du travail doit être
dans un "melting pot" qui s'occupe de n'importe quoi. C'est de cela que j'ai
voulu parler et ils m'ont dit: Non, on aimerait mieux que ce soit sa place.
Alors, j'étais content de leur réponse.
Merci beaucoup de votre participation à cette commission. Je
pense qu'effectivement, le mémoire que vous avez soumis, y compris la
dernière ligne ou la dernière phrase, dans son ensemble, va
sûrement aider l'Opposition et le ministre du Travail, également,
à essayer de bonifier et d'améliorer certains articles pour qu'il
y ait plus de concordance, à tout le moins, entre les notes explicatives
et le projet de loi.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la FTQ d'avoir pris le
temps
d'effectuer une analyse, article par article, du projet de loi, de
tenter d'en évaluer les conséquences, de tenter de
maîtriser l'avenir un peu, comme votre procureur l'a dit, d'éviter
des litiges inutiles, à l'avenir. Il est certain que, dans le domaine
des relations du travail, il demeurera toujours des points
d'interprétation qu'on demandera aux tribunaux d'élucider, etc.,
mais, plus on pourra en éliminer par nos travaux, plus on aura
contribué à l'assainissement du climat des relations du travail
et de la gestion des ressources humaines dans la société
québécoise.
M. Laberge: M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Comme vous y
êtes sûrement habitué, M. le président Laberge, je
vais vous laisser le dernier mot.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Laberge: Excusez-moi, M. le Président, c'était
dans le but d'économiser quinze secondes.
M. le Président, M. le ministre, membres de cette commission,
nous avons été vraiment heureux qu'on nous donne l'occasion...
Évidemment, on n'a pas eu un avis très long, mais le ministre et,
je pense, les membres de la commission savent fort bien que, dans ce domaine,
si on avait exigé un avis de deux, trois mois pour pouvoir vous
présenter nos vues, il y aurait quelque chose qui ne fonctionnerait pas
bien chez nous. Cela fait tellement longtemps qu'on en discute. Nous avons
été agréablement surpris de voir le ministre
déposer ce projet de loi qui, quoique incomplet, crée cette
Commission des relations du travail. Nous sommes convaincus que la Commission
des relations du travail, surtout avec les amendements qu'on préconise
et qui n'ont rien d'extraordinaire... C'est seulement pour créer une
Commission des relations du travail comme existent le Conseil canadien des
relations du travail, la Commission des relations du travail de l'Ontario
où cela fonctionne. Tout ce qu'on souhaite, c'est que cela fonctionne,
qu'on connaisse les règles du jeu et c'est pour cela qu'on dit que la
commission doit être liée par ses politiques et ses
règlements, que les gens doivent être indépendants,
c'est-à-dire que la commission, président et
vice-présidents, soit nommée par le gouvernement bien sûr,
mais après consultations des parties intéressées. Que ce
soit à ce bureau ou à un autre bureau, pour nous, cela n'a pas
tellement d'importance, mais le CCTMO existe encore au moment où on se
parle.
Quant à l'autre projet de loi, on aura l'occasion d'en discuter.
Tout comme vous, nous sommes en faveur de l'oecuménisme et nous aurons
l'occasion de vous le dire en temps opportun. Il est important que les parties
acceptent la nouvelle commission avec toute la crédibilité qu'une
telle commission peut avoir. Il ne faut pas oublier qu'elle sera appelée
à imposer parfois des sentences assez sévères et a donner
des coups durs. La crédibilité de la commission, à ce
moment-là, devient d'une importance capitale.
M. le Président, MM. les membres de la commission, nous
souhaitons ardemment que vous complétiez ce qui a été
déposé et qui, pour nous, constituera vraiment un pas dans la
bonne direction. Merci.
Le Président (M. Théorêt): M. le
président, MM. les membres de la commission, merci. Je vais suspendre
nos travaux pour une minute afin de permettre aux gens de la FTQ de se retirer
et je vais appeler les autres intervenants.
(Suspension de la séance à 21 h 35)
(Reprise à 21 h 41)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission du travail reprend ses travaux afin d'entendre la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui est
représentée, entre autres, par M. Lauzier. Je vous demanderais,
M. Lauzier, si vous voulez bien nous présenter ces deux charmantes
personnes qui vous accompagnent.
Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante
M. Lauzier (Pierre J.): M. le Président, il me fait
plaisir de présenter, à ma qauche, Mlle Suzanne Szukits,
économiste et responsable du service de recherche de la
fédération, à Montréal; à ma droite, Me
Danielle Grenier, du cabinet d'avocat Stikeman Elliott.
Le Président (M. Théorêt): Alors, je porte
à votre attention, M. Lauzier, que vous avez trente minutes pour faire
la présentation de votre mémoire, que vous pouvez partager ce
temps avec ceux qui vous accompagnent et, ensuite, il restera quelque 50
minutes aux deux formations politiques pour échanger des vues avec vous.
Je vous cède la parole.
M. Lauzier: Merci, M. le Président. La
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante
remercie les membres de la commission de l'économie et du travail ainsi
que le ministre du Travail pour l'occasion qui lui est donnée de
présenter un mémoire sur le projet de loi 30. L'importance que
nous conférons à ce projet est reflétée par le
travail, la recherche et les efforts déployés après
avoir reçu un préavis de dix jours. Les propos que la
Fédération tient dans son mémoire reflète ces
préoccupations et sa perception quant aux relations de travail
nécessaires afin que te Québec puisse relever les défis du
XXIe siècle.
La Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante a pris connaissance du projet de loi 30 constituant la
Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions
législatives.
Afin de mieux vous situer dans l'optique de la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante, permettez-moi de vous faire
part de quelques constatations sur notre organisme et ses effectifs au
Québec.
Organisme à but non lucratif et politiquement neutre,
fondé en 1971 afin de promouvoir les intérêts de la petite
et moyenne entreprise, il n'y a pas de limite à l'importance de
l'activité des entreprises membres de la fédération, mais
celles-ci doivent être de propriété indépendante,
non cotées en Bourse, ni être des filiales d'autres
sociétés. Plus de 77 300 entreprises indépendantes sont
membres de la fédération à travers le Canada, dont 16 000
au Québec.
En 1981, la fédération a créé une direction
des affaires provinciales au Québec. En juin 1986, une direction
générale-Québec a été instituée avec
des bureaux à Montréal et à Québec, ainsi qu'un
personnel judiciaire et de recherche, afin de représenter plus
efficacement ses entreprises membres auprès des gouvernements et agents
socio-économiques.
La mission de notre organisme est d'intervenir auprès des
gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux sur les facteurs
essentiellement externes qui ont un impact sur les petites et moyennes
entreprises. Cette mission est donc la promotion, la préservation du
système de libre entreprise soumis au jeu de la concurrence, le
renforcement de l'esprit d'initiative au Canada et, ainsi, permettre aux
propriétaires dirigeants d'entreprises indépendantes d'exercer
une influence plus grande sur le processus d'élaboration des lois qui
régissent les activités des sociétés commerciales
et de l'ensemble de la nation.
Les membres oeuvrent dans tous les secteurs de l'économie, leur
répartition dans chaque province reflétant la structure
économique provinciale. Au Québec, par exemple, 2 % de nos
membres proviennent des industries primaires, 15 % du secteur manufacturier; le
groupe le plus important -42 % - oeuvre dans les services de distribution, dont
l'élément qui croît le plus rapidement est le secteur des
services, qui comprend des professionnels autonomes ainsi que le transport;
quant au secteur de la construction, il représente 9 %.
La plus importante proportion de nos membres est constituée de
petites entreprises dont 43 % comptent quatre employés ou moins.
Toutefois, presque 5 % ont plus de 50 employés; la moyenne provinciale
est de 12,8 % employés. La FCEI représente donc directement 204
800 et 909 500 personnes employées par les petites et moyennes
entreprises au Québec.
Mme Szukits (Suzanne); La FCEI est unique au Canada. De tous les
organismes représentant les employeurs et plus précisément
les petites et moyennes entreprises, seules les entreprises membres de la FCEI
peuvent établir, par référendum et par consensus, les
politiques et les priorités de l'organisme.
Huit fois par année - à peu près toutes les six
semaines - un questionnaire est envoyé à tous les
propriétaires dirigeants des entreprises membres. Deux fois par
année, un questionnaire touchant de nombreux aspects de juridiction
provinciale est aussi envoyé à ces mêmes personnes. Les
questions traitent de sujets économiques, fiscaux et sociaux qui auront
un impact sur l'ensemble des petites et moyennes entreprises. En
présentant ces problèmes, ainsi que les arguments pour et contre
la proposition à être débattue, la fédération
offre à ses membres l'occasion de sensibiliser leurs
représentants élus à leur point de vue. Chaque
député fédéral est informé des positions des
gens d'affaires de son comté et cette pratique sera étendue aux
députés provinciaux incessamment.
Les résumés trimestriels des problèmes qui
préoccupent les entreprises membres servent à établir les
priorités du personnel législatif de la FCEI. Ces mises à
jour trimestrielles des opinions de nos membres permettent aussi un examen
approfondi de questions comme la réforme fiscale, le
libre-échange, l'indemnisation des travailleurs ou le climat des
relations du travail.
Un climat économique sain tel que le Québec vit
présentement offre des débouchés à la PME que bien
d'autres provinces envient. Les politiques les plus efficaces, d'après
la FCEI, sont celles qui favorisent les liens multidimensionnels privés
au niveau réqional, local. Elles incitent l'entrepreneur à
s'entendre avec des associations, des professions libérales, des
banques, des membres de sa famille, des amis, des concurrents, des clients et
des fournisseurs afin de réduire ses problèmes ayant trait au
financement, aux achats en grande quantité, au transfert de
technologies, aux relations du travail, à l'amélioration et
à l'acquisition des connaissances et du développement des
marchés.
La FCEI désire porter à votre attention certains points
qui, dans le cadre économique actuel, lui apparaissent d'un
intérêt primordial pour ses membres, les petites et les moyennes
entreprises.
Bien que la fédération soit en principe favorable à
une réorganisation structurelle du Code du travail, elle croit cependant
que le projet de loi 30 n'aurait que peu ou pas d'impact sur
l'amélioration des relations du travail sans qu'une nouvelle philosophie
globale guide les milieux gouvernementaux dans l'achèvement d'une
réforme totale du système actuel.
Nous n'entendons pas apporter de commentaires détaillés
sur tes divers aspects juridiques de la réforme structurelle
proposée puisque la fédération est d'avis qu'il ne peut y
avoir de véritable réforme si la mise en place de la structure
précède l'élaboration d'une philosophie de
réorganisation globale de l'ensemble de la législation. Cette
réorganisation requise est reflétée par la perception des
dirigeants et propriétaires des petites et moyennes entreprises qui
jugent le climat des relations du travail au Québec comme le pire
après celui du Manitoba. Nous croyons que des mesures doivent être
prises immédiatement pour corriger une situation qui, au fil des
années, n'a pas cessé de se détériorer et dont 45,6
% des entreprises membres de la fédération au Québec
perçoivent la législation comme favorable aux syndicats. Ce
pourcentage de 45,6 % dépasse d'emblée l'ensemble du pays qui est
de 39,2 %.
La mise sur pied d'une nouvelle Commission des relations du travail
pourra peut-être apporter certains correctifs aux déficiences
administratives du système actuel. Nous craignons cependant que le but
ultime recherché - la médiation plutôt que l'adjudication -
ne pourra être atteint sans une réforme fondamentale de la
législation axée sur le présent québécois et
non sur des modèles empruntés au Code canadien du travail et ou
au code ontarien.
La réorganisation des rapports collectifs aussi bien
qu'individuels du travail ne peut se faire dans l'abstrait, sans une prise de
conscience en profondeur des problèmes engendrés par le
système actuel et sans une volonté d'y remédier. Nous
aimerions que la nouvelle loi reconnaisse l'importance du rôle de la PME
dans l'évolution de la société
québécoise.
M. Lauzier: Les propriétaires et dirigeants des petites et
moyennes entreprises représentent actuellement 99,3 % des
propriétaires et dirigeants d'entreprises au Québec. Leurs
entreprises sont, sans contredit, depuis plusieurs années, la source
principale de création d'emplois. Leur impact sur notre
développement économique est plus que significatif, il est
fondamental. Le Canada tout entier reconnaît leur apport exceptionnel et
ce projet de loi, dans sa forme actuelle, ne le fait pas. Pourquoi?
Malgré le rôle majeur qu'elles jouent au sein de notre
économie, il est déplorable qu'aucune étude
gouvernementale n'ait encore été consacrée à
l'examen de leurs attentes et de leurs besoins et à l'impact de la
législation actuelle sur leur développement et leur croissance et
ce, plus particulièrement en matière de relations du travail. La
législation qui régit les rapports collectifs du travail est
maintenant dépassée. Elle a été pensée et
promulguée en 1944 afin de pallier les problèmes engendrés
par l'émergence de la grande entreprise. Bien que cette
législation ait connu une certaine évolution, les changements qui
y furent apportés reflètent la volonté du
législateur de trouver des solutions dans la mise en place d'un appareil
administratif et judiciaire adéquat et non dans une
réorganisation en profondeur qui tiendra compte de l'évolution de
l'économie québécoise.
Il est indéniable que dans la société actuelle, les
relations du travail priment sur toutes les autres relations humaines. Pour la
première fois en 400 ans d'histoire, les personnalités dominantes
de notre société ne sont pas issues du monde clérical,
juridique ou gouvernemental, mais ce sont des gens d'affaires innovateurs,
tournés vers le monde extérieur.
La grande entreprise tend à disparaître au profit des PME.
En fait, les entreprises ayant moins de 20 employés ont
créé plus de 177 000 nouveaux emplois nets au Québec
durant la période de 1978-1984 alors que les grandes entreprises ont
subi des pertes nettes de plus de 110 000 emplois.
La petite et moyenne entreprise est la réalité sociale
qui, à l'heure actuelle, a le plus grand impact sur la vie quotidienne
des citoyens. Elle n'est pas une création de l'État. Elle existe
et évolue en fonction des individus qui la créent et y consacrent
leur énergie. L'élément humain est la pierre angulaire de
la philosophie de gestion des propriétaires et dirigeants de petites et
moyennes entreprises. Elle est composée d'individus et ne subsiste que
par ces individus. Les relations qui existent entre ces individus sont d'une
importance primordiale. La santé mentale, physique et financière
de nos citoyens repose en majeure partie sur la relation du travail qu'ils
établissent et le milieu dans lequel ils exercent la fonction la plus
importante de leur vie. C'est pourquoi il est indispensable que le gouvemernent
analyse la situation avec un regard neuf tourné vers l'avenir et non en
essayant de rapiécer un passé révolu.
La législation actuelle ne joue aucun rôle positif et a, en
fait, un impact négatif sur la saine évolution des relations du
travail au sein de la petite et moyenne entreprise québécoise.
Elle est de plus inéquitable. Prenons à titre d'exemple la
procédure d'accréditation. Elle convient admirablement à
une grande entreprise qui dispose de structures lui permettant de faire face et
de
s'adapter à la syndicalisation. Cependant, l'accréditation
chez un employeur qui a de 10 à 15 employés peut s'avérer
destructrice. Elle provoque un choc émotif. Le propriétaire ou le
dirigeant ne dispose pas d'un service de personnel. II est personnellement
affecté par le rejet de ses employés et ne peut avoir recours au
service d'un avocat.
Le Code du travail ne lui permet pas de tenter de remédier
à la situation qu'il a laissée se détériorer dans
son entreprise. Il ne peut communiquer avec ses employés afin de tenter
d'apporter des changements à leurs conditions de travail sans risquer de
se retrouver devant les tribunaux. L'article 59 du Code du travail le lui
interdit expressément. Le Code du travail lui impose une loi du silence
inutile et inappropriée. Sa liberté d'expression est tout
à fait brimée.
Le caractère arbitraire des lois et règlements du travail
a été perçu comme une préoccupation majeure par
34,3 % des membres de la fédération au Québec
comparativement à 25,3 % pour le reste du pays.
Peut-on imaginer une loi du divorce qui interdirait à l'un des
époux de proposer des changements à son partenaire suite au
dépôt d'une requête en divorce à la cour? La
conciliation sera évidemment proposée aux époux avant
d'entrer dans l'arène et non après. Pourquoi le Code du travail
ne peut-il en faire autant? La médiation pourrait apporter des solutions
au problème de la PME si elle intervenait avant qu'il y ait adjudication
sur la requête en accréditation et non après.
Les petites et moyennes entreprises représentent le nouveau
marché de croissance pour les syndicats. Selon les plus récentes
statistiques du ministère du Travail, il est évident que les
syndicats s'y dirigent à toute vapeur et que la majorité de la
clientèle en relations du travail dans les bureaux de
spécialistes sont des petites et moyennes entreprises. Les statistiques
démontrent que 43,33 % des unités de négociations au
Québec se retrouvent dans des petites entreprises de moins de 20
employés, c'est-à-dire 13,3 % ou 987 unités de un à
cinq employés, 13,4 % ou 1015 unités de six à dix
employés et 16,6 % ou 1258 unités de onze à vingt
employés. 85 % des unités de négociations au Québec
se retrouvent dans des petites et moyennes entreprises ayant moins de 100
employés. 32,1 % des conventions collectives se retrouvent en
région, c'est-à-dire à l'extérieur de Québec
et du Montréal métropolitain. Ces statistiques datent de mai et
juin 1987 et proviennent du Fichier des conventions collectives, table CA18,
par taille. Elles prouvent sans équivoque que les propriétaires
dirigeants des PME ont remplacé la grande entreprise dans le contexte
économique québécois et que ces propriétaires
dirigeants doivent constamment conjuguer avec des règles qui n'ont pas
été conçues pour eux. Ils devront continuer à le
faire à moins que le projet de loi ne reflète la
réalité québécoise.
La loi exige que les propriétaires dirigeants s'adaptent, tout en
refusant de leur fournir des outils adéquats pour tenter à tout
le moins de corriger les déficiences qu'ils ont pu identifier dans leurs
entreprises, sans avoir eu le temps ou les connaissances nécessaires
pour les modifier. 32 % des propriétaires dirigeants des entreprises
membres de la fédération au Québec sont
préoccupés par la réglementation en matière de
relations du travail à laquelle ils sont assujettis, parce qu'elle ne
prend pas en considération leur capacité physique ou
financière de s'y conformer et, ceci, comparativement à 23,9 %
pour le Canada. Un écart substantiel qui reflète l'importance
d'une Commission des relations du travail conçue dans la
réalité québécoise de 1987 et cherchant à
anticiper les mouvements du milieu des affaires.
Nous apprécions l'effort gouvernemental de vouloir mettre
l'accent sur la médiation plutôt que sur l'adjudication. La
fédération constate que les correctifs apportés aux
structures administratives pourront chanqer sensiblement les attitudes
belligérantes actuelles sans cependant opérer un revers
significatif, si la philosophie qui sous-tend le Code du travail ne subit pas
de modifications parallèles. L'existence d'un seul organisme corrigera
les délais inutiles au plan administratif, sans toutefois empêcher
les parties de recourir aux tribunaux de droit commun pour faire valoir,
à plus grands frais, leurs droits. La majorité des règles
du jeu sont à repenser.
Bien sûr, la nouvelle structure administrative pourrait à
la rigueur conduire les protagonistes actuels dans une direction plus
créatrice visant la paix sociale et une justice économique pour
tous. Les acteurs pourront mieux jouer leur rôle, mais la pièce
demeurera, à toutes fins utiles, inchanqée. Le passé a
démontré que la négociation collective n'est pas le moyen
harmonieux de rechercher la paix sociale dans un contexte de
propriétaires dirigeants de petites et de moyennes entreprises. Il est
important que la législation en matière de relations du travail
reconnaisse les différences fondamentales entre la grande, la moyenne et
la petite entreprise et que les lois et règlements reflètent
enfin cette prise de conscience. (22 heures)
Le projet de loi 30, s'il est sanctionné dans son libellé
actuel, ne peut manquer d'accroître les tensions, puisque, assez
curieusement, loin de favoriser le dialoque, il le rend plus ardu et plus
improbable. L'accréditation devient quasi automatique. Le droit d'appel
est aboli. Une nouvelle
commission des relations du travail est instituée, mais nous
ignorons, pour le moment, sa composition. Tout le formalisme entourant la tenue
des auditions disparaît. La réforme est inquiétante. Dans
le meilleur intérêt des 16 000 entreprises membres de la
fédération au Québec et des 154 000 petites et moyennes
entreprises québécoises, permettez-nous certaines recommandations
qui, tout en tenant compte de la volonté gouvernementale de
procéder à l'adoption du projet de loi dans les plus brefs
délais, amélioreront la situation présente. Nous
recommandons une uniformisation des diverses lois en matière de
relations du travail, la création d'un service gouvernemental de
consultation pour les entrepreneurs et les travailleurs dont le rôle
primordial serait de conseiller les deux parties pour la solution de
problèmes ou conflits qui les opposent. Ce service de consultation
serait gratuit et son intervention aurait lieu en tout temps, qu'il y ait une
demande d'accréditation ou non. Nous recommandons aussi l'ajout d'un
préambule au Code du travail qui traduirait la volonté du
législateur de mettre l'accent sur le dialogue plutôt que sur la
confrontation, deuxièmement, réfléchirait également
l'évolution de notre société et la nécessité
de rechercher une solution aux problèmes vécus par l'entreprise
québécoise, troisièmement reconnaîtrait
l'émergence des petites et moyennes entreprises dans la
société québécoise. Nous recommandons une
décentralisation du système proposé par la création
de bureaux régionaux, enfin, les membres et le personnel de consultation
de la Commission des relations du travail devraient être issus de
différents milieux d'affaires, ils devraient posséder une
connaissance ainsi qu'une perception du milieu où opèrent les
propriétaires dirigeants des petites et moyennes entreprises et non pas
appartenir uniquement au milieu des relations du travail ou de la grande
entreprise.
La réforme projetée devrait également tenir compte
des aspects suivants. Les membres de la nouvelle Commission des relations du
travail devraient posséder une expérience et une
crédibilité à l'abri de tout soupçon. Leur
impartialité ne devrait jamais soulever de doute. Les femmes devraient y
jouer un rôle actif en tant que représentantes importantes du
milieu des affaires actuel et futur. La nouvelle commission doit être
perçue comme un outil de travail efficace et neutre. Les commissaires
devraient présenter une étude des
coûts-bénéfices ou coûts-conséquences de leur
décision. Ainsi, tous nous pourrions profiter de leurs études et
décisions. La commission doit dégager une nouvelle image et
imposer le respect. Elle doit créer un climat socio-économique
propice à l'investissement. Le climat des relations du travail est
perçu comme inéquitable et arbitraire par les PME
québécoises. Afin d'assurer la continuité du mandat et de
la mission de la commission, l'échelonnement du terme des membres de la
commission permettrait d'atteindre ce but.
En conclusion, la fédération est d'avis qu'une
réforme globale de la législation en matière de relations
du travail s'impose et qu'elle doit commencer dès maintenant. Le projet
de loi 30 est prématuré. Une remise en question globale est
nécessaire avant d'implanter les mécanismes qui verront à
la mise en application d'une loi désuète et inefficace.
Malheureusement, le Code du travail ne tient pas compte de l'évolution
de la société québécoise aux plans
économique, politique, social et juridique. La politique gouvernementale
en matière de relations du travail nous apparaît
dépassée. Il faut se retrousser les manches et penser à de
nouveaux mécanismes plutôt que de tourner en rond et d'implanter
des structures administratives qui ont déjà prouvé
qu'elles ne sauraient être efficaces sans outils appropriés. La
fédération reconnaît que les employés ont besoin de
mesures les protéqeant. Par contre, la façon dont ces mesures
sont mises en oeuvre devrait permettre la création de relations du
travail positives. Les relations du travail sont évolutives et non
figées dans le ciment. Le modèle d'après-guerre est depuis
longtemps dépassé. Les rôles d'adversaires
prônés par le processus actuel de convention collective ne
répond pas à l'esprit d'équipe qui doit être
développé entre les travailleurs et les propriétaires
dirigeants afin de faire face aux défis croissants qui confrontent nos
industries. Nous vivons au Québec une période passionnante et
pleine d'espoir et les propriétaires des petites et moyennes entreprises
sont les porteurs de ce message. Puisse le gouvernement du Québec, par
le biais du ministre du Travail, accepter de relever énergiquement le
défi en s'engageant, comme la FCEI, à réaliser notre but
ultime: l'établissement d'une société
québécoise stable et prospère, nantie d'un climat de
relations du travail réaliste, dans un Canada concurrentiel. Merci M. le
Président.
Le Président (M. Théorêt): M. Lauzier. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup, M. Lauzier, de
votre présentation ainsi que Mme Szukits. J'aurai des questions à
poser à Me Grenier également, quelques
éclaircissements.
En commençant, vous me permettrez d'insister sur le fait que
votre fédération a été créée afin de
promouvoir les intérêts de la petite et moyenne entreprise et
qu'elle représente au Canada, comme vous l'indiquez dans votre
mémoire, 77 300 entreprises
indépendantes dont 16 000 au Québec. Je note
également qu'une proportion impartante de vos membres est
constituée de petites entreprises, 43 % comptent quatre employés
et moins. Si on est en face d'un intervenant privilégié pour
traiter du dossier de la PME, nous avons bien l'intention d'en profiter et
même d'en abuser, si nécessaire.
Ma première question porte sur l'harmonisation de la structure
québécoise avec les structures des autres juridictions
provinciales au Canada et, même, de la structure de la juridiction
fédérale dans le domaine des relations du travail. Ne voyez-vous
pas là une amélioration à ce que l'on connaissait
avant?
M. Lauzier: II n'y a pas de doute que ce que vous proposez est
une amélioration à ce qu'il y avait précédemment,
en réduisant à un palier ce qui auparavant se faisait sur trois
paliers. Dans notre mémoire, nous disons que les prémisses, la
discussion ou le projet de loi, par lui-même, traite strictement de
changements administratifs. Ce que nous essayons de vous présenter,
c'est: N'y aurait-il pas un moyen, dans le projet de loi, tel qu'il est
libellé, comme nous vous le disons dans notre mémoire,
d'incorporer des façons d'accepter ou de dire que la PME joue maintenant
un rôle prépondérant dans l'économie
québécoise et qu'en vertu de ce nouveau rôle, qui n'ira
qu'en s'accentuant au cours des années, n'est-ce pas le moment unique
d'essayer d'y incorporer des procédures administratives qu'il ne sera
pas nécessaire d'ajouter ou de repenser dans les années qui
viendront? Nous vivons déjà présentement... Nous
reconnaissons tous l'émergence des PME, leur apport
socio-économique et nous vous faisons part de notre souci, de notre
préoccupation afin que les petites et moyennes entreprises puissent
être reconnues d'une certaine façon. On ne veut pas abuser. On
reconnaît qu'il y a, au ministère du Travail, une
compréhension des PME et on reconnaît que vous avez certaines
contraintes aussi. Mais on aimerait ressentir dans le projet de loi cette
compréhension des petites et moyennes entreprises.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant au droit d'association comme
tel qui est reconnu par les chartes canadienne et québécoise des
droits et libertés de la personne par le Code du travail, j'ai beaucoup
de difficulté à l'appliquer différemment, sur le plan de
la mécanique, à une petite, une moyenne ou une grande entreprise.
Il s'agit d'un droit d'association qui est reconnu comme tel. Maintenant, je
suis conscient, parce que, comme député, j'évolue dans un
comté où on retrouve - c'est peut-être le cas de la
majorité de mes collègues des deux côtés de la
table, c'est sans doute leur cas - beaucoup plus de petites que de grandes
entreprises. Et les difficultés que vous soulevez dans l'application du
régime actuel, difficultés que doit affronter le
propriétaire d'une petite entreprise face à une demande
d'accréditation, sont réelles. Présentement, il se demande
où il doit aller. Avec les trois niveaux de décision, etc., il
est complètement perdu. Ce que je tente de discuter avec vous, c'est le
fait que... Je ne dis pas que le processus d'accréditation sera d'une
simplicité déconcertante le lendemain de son adoption, mais ce
sera moins compliqué. Lorsqu'on fait face à un système qui
est moins compliqué, on est plus en mesure de faire valoir ses
prétentions ou ses droits. C'est ce qu'on tend de soutenir dans le
présent projet de loi.
Maintenant, en ce qui concerne l'inscription, dans un préambule,
d'une préoccupation typique au Québec et davantage
québécoise des PME comme telles, c'est une suggestion que je
retiens, parce qu'au moment où nous nous parlons, il y a un
comité sur la révision du fond, non pas de la structure, cette
fois-ci, mais du fond du Code du travail, qui est à l'oeuvre et j'estime
qu'il serait plus approprié d'indiquer cette préoccupation des
PME dans le fond plutôt que dans les structures, tout en étant
conscient qu'il faut ajuster les structures au maximum aux besoins de la petite
et moyenne entreprise québécoise.
J'aurais maintenant une question d'ordre juridique, voulant profiter
sans doute d'un avis gratuit, et je l'adresserai à Me Grenier. Certains
mémoires que nous avons reçus et certaines des parties que nous
avons entendues nous indiquent que la disparition ou l'abolition de l'article
28 de l'actuel Code du travail aura pour effet de changer les règles du
jeu quant à l'application de la proportion 35 %-50 % dans le cas
où un commissaire du travail pouvait ordonner un vote au scrutin secret,
quelle est l'interprétation que vous en faites?
Mme Grenier (Danielle): Je n'ai pas vu cela. Je n'ai pas vu que
cela changeait quoi que ce soit à la question, à savoir si, dans
ie cas où une association n'a que 35 % de ses membres que... Par contre,
je n'ai vu nulle part non plus, dans le projet de loi, qu'il y avait un test
applicable en ce qui concerne la représentativité d'un syndicat,
cela disparaît complètement ou à peu près. Je ne
sais pas - même si on en parle -quelle est la structure qu'il va falloir
emprunter pour contester, par exemple, le fait de la
représentativité d'un syndicat. Je ne l'ai pas vu dans votre
projet de loi. J'ai vu qu'il y avait bien des choses qui disparaissaient y
compris la façon d'apporter les choses devant cette Commission des
relations du travail. Tout ce qui concerne les auditions, tout ce qui concerne
la procédure
des auditions disparaît et on se demande, à la lecture,
comment va-t-on faire, à l'avenir, pour contester quoi que ce soit
devant la Commission des relations du travail? Je trouve qu'il y a des trous
absolument invraisemblables dans le projet de loi. Maintenant, je ne me suis
pas penchée sur cela article par article. Mais, en lisant le projet de
loi, cela m'a frappée et je me demandais tout le temps: Comment va-t-on
faire, à l'avenir, pour contester quoi que ce soit, y compris le
caractère représentatif d'une association syndicale, devant la
nouvelle Commission des relations du travail?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis content que vous nuanciez
vos propos en disant que vous n'avez pas fait l'analyse article par article, je
vous ai posé une question spécifique sur un article, vous m'avez
répondu clairement. Quant aux questions que vous soulevez et qui vous
inquiètent, je peux vous indiquer, et je pense que cela a
été souligné par le président de la CSN, cet
après-midi, qu'il y a des changements dans les pratiques usuelles qu'on
connaissait. Avec l'application de l'actuel Code du travail, un fonctionnaire
du ministère du Travail peut se rendre dans une entreprise, une PME,
décider s'il y a accord et, immédiatement, décerner une
accréditation. Ce ne sera plus possible si le projet de loi est
adopté dans sa forme actuelle, il devra retourner au commissaire qui
seul pourra décider, à partir de faits que le fonctionnaire aura
constatés, s'il y a lieu d'accréditer ou non. Vous aurez des
possibilités, comme représentants des employeurs, de faire des
représentations. On a eu des représentations des parties qui ont
insisté sur le respect des règles de justice naturelle, que les
décisions des commissaires soit, entre autres, motivées, etc. Ce
sont des amendements sur lesquels nous nous penchons très
sérieusement au moment où nous nous parlons, de façon
à nous assurer que les règles de justice naturelles soient bien
appliquées en ce qui concerne la commission, parce que nous sommes
conscients que, s'il devait y avoir, par la commission, violation des
règles de justice naturelle, le droit à l'évocation, bien
qu'il soit balisé par une clause privative dans le cas de délits
de justice ou de violation des règles de justice naturelle, continue
à exister et toutes les parties en sont conscientes. (22 h 15)
Mme Grenier: Oui et il est bien évident que, même si
vous n'incluez pas, dans votre projet de loi, des règles qui
garantissent aux citoyens le respect des règles de justice naturelle,
elles s'appliquent indépendamment du fait qu'elles se retrouvent ou non
dans une loi. Cependant, vous allez avoir des problèmes avec la charte.
C'est Je problème fondamental. C'est que, si ce n'est pas écrit
dans le projet de loi ou dans la loi, vous risquez, à ce
moment-là, d'avoir des contestations de la loi elle-même par
rapport à la charte. Parce que les règles de justice naturelle,
qu'une décision soit motivée ou non, existent toujours, que vous
l'écriviez ou que vous ne l'écriviez pas. Mais, si vous ne
l'écrivez pas, ce qui vous arrivera, c'est qu'à ce
moment-là, vous ouvrirez un nouveau débat de contestations au
chapitre des chartes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et vous avez...
Mme Grenier: II y a un grand danger dans votre projet de loi.
À l'heure actuelle, en voulant éliminer des paliers comme le
Tribunal du travail, par exemple, un droit d'appel, vous allez vous retrouver
avec des contestations qui retourneront devant les tribunaux de droit commun, y
compris devant la Cour supérieure.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous ne prétendons pas
éliminer toutes les contestations.
Mme Grenier: Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous avez assisté - je
pense que vous l'avez fait -à la présentation de la FTQ et
à l'échange que cette dernière a eu avec les membres de
cette commission, nous tentons d'en éliminer le plus possible. C'est
pourquoi nous avons demandé aux avocats du ministère de la
Justice de s'assurer de la conformité du texte législatif que
nous déposions avec la Charte canadienne des droits et libertés
et la Charte québécoise des droits et libertés de la
personne, bien conscients que même là où il y a apparence
de non-conformité, il y aura contestation. Mais, nous ne pouvons pas
éliminer toute contestation.
Mme Grenier: Non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, il s'agit - c'est
là-dessus que nous apprécions votre collaboration - d'en
éliminer le plus possible, en clarifiant là où il y a lieu
de clarifier, en motivant là où il y a lieu de motiver, pour
éviter ce genre de contestation.
J'aurais peut-être quelques questions précises à
adresser à M. Lauzier concernant le mémoire comme tel. À
la page "6 du mémoire, paragraphe 3, vous dites: "Bien que la
fédération soit, en principe, favorable à une
réorganisation structurelle du Code du travail, elle croit cependant que
le projet de loi 30 n'aura que peu ou pas d'impact sur l'amélioration
des relations du travail sans qu'une nouvelle philosophie globale quide les
milieux gouvernementaux dans l'achèvement
d'une réforme totale du système actuel." Je vous ai
indiqué qu'on avait déjà des comités qui
étaient au travail pour une réforme totale et globale, quant
à la codification et au contenu.
Maintenant, je vous indiquerai que tant qu'on n'obtiendra pas, de
certaines parties, un changement important de mentalité, on risque de ne
pas récolter les fruits escomptés. Ce qu'on tente de faire par le
projet de loi, c'est de changer la structure de confrontation en une structure
axée -vous le soulignez dans votre mémoire - un peu plus vers la
conciliation ou la médiation, en espérant que le changement de
décor ou de structure incitera les parties à modifier certains
comportements ou certaines attitudes. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit quand
même non pas d'une réussite absolue, mais d'un pas dans une
direction qui est souhaitable pour la PME québécoise?
M. Lauzier: M. le ministre, c'est un pas, mais il faut se garder
à l'esprit que vous avez deux intervenants: un qui, depuis de nombreuses
années, fonctionne suivant des règles tout à fait
différentes, dans un esprit différent. Le monde de la PME, qui,
présentement, commence à subir la syndicalisation et commence
à apprendre à vivre avec elle, est sûrement réceptif
à votre approche parce que, pour lui, c'est nouveau et s'adapter
à de nouvelles règles du jeu, cela va bien. Mais, pour l'autre
intervenant, à qui vous demandez de démontrer de la souplesse et
de la compréhension, c'est sûrement très difficile. Le
point qu'on se demande... Je vais vous dire une chose. J'ai des membres qui ont
des unités de négociation de trois employés. Par exemple,
le père est propriétaire; les deux fils et un gendre ont
formé une unité, ils sont trois. Je dois vous dire qu'ils
négocient, cela dure pendant des mois. L'union fournit un agent
négociateur, il y a un avocat sur place pour trois employés. Le
propriétaire, qui est seul, arrête de travailler, son entreprise
arrête de fonctionner et il doit négocier. Je crois qu'on a un
dilemme. Vous avez presque 1000 entreprises qui ont des unités de
négociation de moins de cinq employés. Est-ce normal que ces gens
soient obligés de suivre les règles de la grande entreprise?
Même pour les entreprises de cinq à dix employés, vous en
avez 1000, 1020. N'y aurait-il pas des mécanismes? Comment pourrait-on
assouplir la loi? On ne dit pas que les fonctionnaires ne font pas un bon
travail. Ils suivent la loi, ils l'administrent. On en convient. Mais qu'on
exige de ces jeunes entreprises de fonctionner comme si on présumait
qu'elles ont toutes un service du personnel. Les avocats me disent qu'ils font
une fortune avec ces gens-là. Lorsque la demande d'accréditation
arrive, le propriétaire a le front de dire à ses trois
employés: Vous n'auriez pas dû faire cela. Les avocats m'ont dit:
À chaque fois qu'ils parlent à un employé, cela nous vaut
une bonne cause. Alors, ils ramassent trois causes avec cela.
La petite entreprise a des problèmes. C'est pour cela, M. le
ministre, qu'on vous fait une suggestion précise. Ne pourriez-vous pas
avoir un système de consultation à l'intérieur du
ministère où, pour éviter des accréditations de
trois employés, l'employeur et les employés pourraient s'asseoir
avec un de vos experts pour essayer de résoudre les différends
d'opinions qui les opposent?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je prends bonne note de vos
propos. On m'indique qu'il ne me reste que quelques minutes en vertu des
règles d'alternance. Je demanderais maintenant à l'Opposition de
vous poser des questions si elle en a, quitte à revenir à la
fin.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Très rapidement, M. le Président. Je
remercie M. Lauzier d'avoir accepté l'invitation, que la commission lui
a faite, de nous donner son point de vue, ainsi que - vous avez fait une
remarque sexiste, mais je la partage dans les circonstances -les deux
charmantes personnes qui l'accompagnent.
Vous allez convenir avec moi, cependant, qu'il s'agit d'une ode
très glorieuse à la PME et probablement avec raison. Il y a
davantage de matériel là-dedans qui justifie de considérer
la PME différemment de la grande entreprise dans les discussions que
nous avons concernant les relations du travail et vous avez raison. Pour
quelqu'un qui vit dans une région, qui connaît le Québec et
les régions du Québec, vous avez raison de dire que la PME est
très importante. Elle est une base significative du développement
économique, mais je lui fait plus confiance que vous ne semblez le
faire. La PME a évolué, elle aussi. Elle est en 1987, elle aussi.
La PME, même petite, est moderne, vigoureuse et elle est adaptée
aux réalités du monde d'aujourd'hui.
Je vais poursuivre avec certaines considérations, toujours pour
mieux comprendre votre mémoire. Comme on l'a mentionné, il porte
davantage sur vos préoccupations et vient marteler le point que vous
êtes différents, donc, que le législateur devrait avoir une
attention et un regard différents pour vous - pas vous comme personne,
mais pour ce que vous représentez - à chaque fois qu'il agit dans
le domaine des relations du travail, parce que c'est tellement
différent, selon ce que vous dites.
Je salue avec joie votre intention de nous informer davantage. Vous
dites que les
députés fédéraux bénéficiaient
d'informations. Je suis heureux de voir à la page 5 de votre
mémoire que vous dites que "cette pratique sera étendue aux
députés provinciaux". Si c'est par manque d'information que je
vais dire des choses que vous ne partagez pas, tant mieux, si je peux
être mieux informé et, surtout, confronté à certains
chiffres que vous évoquez et certaines statistiques, parce qu'il y a des
choses qui me renversent, mais on va y revenir dans quelques secondes.
Permière question: Quand on porte un jugement sur un climat
économique qui va bien, parfois on entend cela, on dit de ces temps-ci
le climat économique est bon, croyez-vous qu'on peut l'attribuer
uniquement à des considérations économiques? N'arrive-t-il
pas qu'on dise cela parce qu'on pense en même temps que les relations du
travail, au sens général, ne sont pas si mal, puisque des bonnes
relations du travail facilitent un bon climat économique? J'aimerais
savoir si vous partagez ce point de vue. Quand on entend dire cela: Le climat
économique n'est pas pire, cela va bien ces temps-ci, croyez-vous que la
responsabilité de cette clémence du climat économique est
imputable, en partie, je ne parle pas de 50-50, aux bonnes relations du travail
et au milieu du travail?
M. Lauzier: Je dois vous dire que les relations du travail sont
une partie importante dans une économie et que des bonnes relations
aident. Il n'y a pas de doute qu'une économie saine même, comme on
a dit à M. Levesque que sa gestion des Finances était saine et
bien éclairée, aide certainement le climat économique au
Québec. Je dois vous dire que le point que l'on désire souligner,
c'est que pour le climat des relations du travail, lorsque nous sondons les
membres de la fédération, personne n'est forcé de
répondre. Les gens répondent, donnent des commentaires et nous
disent: Quant à nous, le climat des relations du travail pour nous ne
nous semble pas propice. Ça nous achale. Ça nous
préoccupe. Lorsqu'un certain pourcentage de membres nous en fait part,
c'est notre responsabilité d'en faire part au ministre à ce
moment.
On ne cherche pas à évaluer les raisons. On dit juste
qu'on a des membres qui se soucient et si le ministre désire poursuivre
la question, cela nous fera plaisir de la poursuivre auprès de nos
membres et d'essayer de l'éclairer. Je ne puis pas vous donner...
M. Gendron: Je ne veux pas être plus long là-dessus.
C'était juste pour vous souligner qu'à la page 6 de votre
mémoire, vous affirmez que le climat économique est bon. Vous
dites qu'"un climat économique sain que le Québec vit
présentement offre des débouchés extraordinaires à
la PME." Je ne conteste pas cela moi. Mais quand je tourne à la page 7
et que je lis que les entreprises jugent que "le climat des relations du
travail au Québec est le pire après celui du Manitoba", j'ai un
problème de justification parce qu'il m'apparaît que ça ne
va pas ensemble complètement. Autrement dit, j'essaie de
l'atténuer. Que des gens répondent cela quand on interroge la
PME, c'est possible qu'ils donnent ce genre de réponse. Mais, moi, je
voulais au moins vous signaler que je ne partage pas le jugement que vous
portez. Si le climat économique est sain et va bien, quant à moi,
selon les connaissances que j'ai - et j'ai quand même vécu un peu
dans ce monde, un peu pas mal même, et j'ai des contacts fréquents
avec ce monde - c'est parce qu'à plusieurs égards il y a eu des
relations du travail qui ont assaini le climat économique des
entreprises, le climat économique de certaines régions.
Je jasais, pas plus tard qu'hier, avec un chef d'une entreprise
privée, que je ne nommerai pas pour des raisons de
confidentialité, qui disait que ce sera la première fois qu'il
négociera une convention collective avant terme, trois mois avant
échéance, vous avez bien compris là, trois mois avant
échéance. Il était très emballé de voir
comment dans son milieu les relations du travail ont changé depuis les
trois, quatre dernières années. Avec les mêmes lois
"pourrîtes" qu'on a, avec les mêmes lois qui ne contribuent pas du
tout à améliorer les relations du travail, à un moment
donné vous portez des jugements assez sévères. Je
reviendrai à la page 10, vous dites: "La législation actuelle ne
joue aucun rôle positif et a, en fait, un impact négatif sur la
saine évolution des relations du travail au sein de la petite et moyenne
entreprise québécoise." Cela m'apparaît fort. Je voulais
bien amicalement vous le dire, à tout le moins, parce qu'ici, je pense
qu'on doit être franc comme vous l'avez été. Je respecte
votre opinion. Mais je veux vous indiquer que je ne la partage pas.
Cela m'apparaît un jugement très, très
sévère. Pour conclure là-dessus, quand vous
évoquiez que ça provoque une demande d'accréditation dans
la petite PME, ça provoque un choc émotif, j'ai entendu ça
quand j'ai commencé à faire du syndicalisme autour des
années soixante-six et je croyais cela. Mais en 1987, que le choc soit
aussi dramatique, quand vous mentionnez que ces gens ne pouvaient pas se payer
les services coûteux d'un avocat parce qu'ils étaient trop petits
et que, règle générale, la plupart des
propriétaires d'entreprises, même PME, et je ne les blâme
pas, ont régulièrement des relations avec des conseillers
juridiques à titre personnel. Pensez-vous qu'ils ne pourraient pas en
avoir avec des entreprises de trois, quatre employés?
Il me semble qu'à dix, ça mériterait, en tout cas,
pour des fins de crédibilité,
d'être un peu plus atténué. J'aurais une question
à vous poser en page 7, mais je voulais faire ces nuances. Quand vous
affirmez, en page 7 de votre mémoire, que vous aimeriez que la nouvelle
loi, entre autres - parce que vous parlez spécifiquement de la loi -
reconnaisse l'importance du rôle de la PME dans l'évolution de la
société québécoise, je n'ai rien contre ça
parce que c'est une philosophie d'orientation. Admettez-vous - et c'est
là que j'aimerais avoir votre point de vue - qu'il y a quelques minutes
on entendait la FTQ ou la CSN, ils auraient pu exiger la même chose du
législateur et dire: Ne croyez-vous pas qu'il devrait y avoir une
prémisse dans une loi sur les relations du travail confirmant et
reconnaissant l'importance du rôle de l'évolution syndicale dans
les relations du travail, l'évolution du syndicalisme
québécois?
En conséquence, c'est simplement pour vous expliquer qu'il me
semble que de telles dispositions qui sont plus l'objet de philosophie,
d'orientation sociale ou autre, c'est difficile d'envisager de faire ces types
de reconnaissance. La question que je vous pose c'est pourquoi
prétendez-vous qu'il y aurait lieu dans une loi sur les relations du
travail d'être capable d'inclure cette orientation? Sur quelle base
prétendez-vous qu'on peut faire ça? (22 h 30)
M. Lauzier: Si vous faites référence aux
statistiques dont on se sert où on indique que 85 % des conventions
collectives sont pour des petites et moyennes entreprises et que le
législateur et que l'administration présentent des lois sur les
relations du travail conçues pour des entreprises de 500
employés, 1000, 1500, 2000, 5000, nous croyons qu'il est temps de
reconnaître que la grande majorité des conventions collectives qui
sera gérée et administrée par cette nouvelle Commission
des relations du travail, que ce soit des petites ou moyennes entreprises,
c'est un monde différent. C'est un monde qui a des attentes
différentes, des problèmes différents. Quelqu'un me
suggérait ceci: est-ce qu'on devrait avoir deux commissions de relations
du travail, une pour les 100 et plus et une pour les 100 et moins?
J'ai ouï dire que, dans certaines provinces, on a même
pensé faire des exemptions à un moment donné et avoir des
règlements un peu plus souples. Cela s'est déjà
discuté. Tout ce que j'essaie de porter à l'attention de la
commission au nom de la fédération, c'est que de plus en plus les
conventions collectives auront un nombre restreint. Les
propriétaires-dirigeants de PME reconnaissent le droit aux
employés de se syndicaliser. Il n'y a aucune question à
ça. La fédération le reconnaît. C'est que si vous
aviez un commerce et que vous deviez faire face un lundi matin à une
demande d'accréditation. J'ai travaillé moi-même pour
d'autres associations, je dois vous dire que le lundi matin, à la
demande d'accréditation qui arrive sur le bureau du patron, le document
signé, un bon nombre de chefs d'entreprises, au cours des années,
m'appelaient et me disaient: Qu'est-ce que je fais? Est-ce que je ferme ma
botte? Je disais: Non, ça se négocie. À tel
ministère, il y a des conseillers.
Vous semblez surpris de la réaction de ces propriétaires
qui, honnêtement, ont si peu de temps pour la gestion des ressources
humaines, parce que tout ce qu'ils cherchent, c'est de trouver du financement
et survivre. Pour eux, la gestion des ressources humaines ce n'est pas un
problème. Soudainement, on les met devant un fait accompli. C'est pour
ça que dans notre mémoire on dit: S'il y a des différences
d'opinion, est-il nécessaire de syndicaliser les employés si, par
hasard, c'est juste un manque de communication pour certaines questions de
base? Est-ce qu'il devrait absolument y avoir une union pour que cette
entreprise continue à croître? Au ministère du Travail ne
pourrait-on pas avoir de l'aide, que ce soient des animateurs de travail, si on
veut on les appelle les animateurs sociaux comme pour les gens qui veulent
divorcer. Pourquoi n'aurait-on pas d'aide?
La petite entreprise, ce sont des humains, ce sont juste quelques gens,
quelques personnes. On traite de perception humaine. Alors que les grandes
entreprises sont des créatures de l'État. La petite entreprise,
c'est comme une union de quelques humains.
M. Gendron: Ça va là-dessus. Écoutez,
ça va dans le sens, pas au niveau des idées. Mais au niveau de
l'explication que la PME n'est pas pareille à la grande entreprise,
ça ne fait aucun doute. Sans me prendre pour un autre, je ne connais
sûrement pas ça autant que vous, pour le vrai, parce que vous
vivez dans ce monde là. Écoutez, j'ai 52 municipalités,
j'ai juste ça de la petite PME, mon comté c'est Abitibi-Ouest.
Vous connaissez ça l'Abitibi, Amos, La Sarre, on n'est pas dans les
grandes multinationales à 500, 2000, 3000. J'ai beaucoup de PME. Quant
à moi, je ne peux pas décrire les PME comme si les
propriétaires des PME étaient encore dans les années
trente. Ce monde a vécu des réalités sociales,
culturelles, qui font qu'ils ont une pensée qui a évolué.
Quand vous dites: Écoutez, il faudrait avoir des agents pour faciliter
les affaires et tout ça.
Une demande d'accréditation, quelqu'un qui reste surpris avec
ça, je ne nie pas cela. Mais je dis: Ça décèle
d'autres problèmes qu'il y avait dans la PME. Ce n'est pas le
problème des relations du travail quand ils paniquent devant une demande
d'accréditation. C'est qu'il y avait d'autres
malaises à l'intérieur de l'entreprise. Surtout, je donne
un exemple. C'est pour cela que j'ai de la difficulté à situer
votre mémoire. Vous affirmez à la page 11, entre autres, c'est un
exemple. Vous dites: "Les petites et moyennes entreprises représentent
le nouveau marché de croissance pour les syndicats." Je ne dis pas que
c'est vrai ou faux, mais permettez-moi de douter un peu puisque dans les cinq,
six dernières années les chiffres qu'on a sur la syndicalisation
indiquent qu'elle est en décroissance. Tous les chiffres que je peux
observer au Québec, le taux de syndicalisation est plus faible qu'il
l'était. Si c'était une banque de réserve si
alléchante, on devrait avoir des statistiques inversées. Le taux
de syndicalisation devrait croître globalement au Québec parce que
vous constituez la grande majorité de l'entreprise
québécoise, environ 80 %, la PME. Parce que la grande entreprise,
il n'y en a pas beaucoup. Ils sont nombreux en employés mais ils sont
peu nombreux en nombre tandis que la PME est multipliée dans toutes les
régions du Québec et elle est très forte en nombre.
II me semble que certains jugements sont très
sévères par rapport à la réalité
d'aujourd'hui. Je veux juste vous dire, parce que je ne veux pas être
très long, et dire au ministre du Travail: Écoutez, mon message
-c'est vous qui parlez, et si c'était sur votre message je suis d'accord
avec vous - on est différent, on n'est pas pareil, on devrait avoir des
considérations particulières concernant une loi du travail, mais
ne pas aller jusqu'à avoir un traitement différent sur des droits
fondamentaux comme le droit à l'accréditation. On ne peut pas
traiter un droit à l'accréditation différemment pour trois
contre 100, 2000, 4000. Si c'est un droit fondamental dans la
société d'aujourd'hui, il faut le traiter d'une façon
fondamentale et équitable. Et cela ne veut pas dire qu'on ne s'occupe
pas de vous autres, de vos préoccupations.
M. Lauzier: Des accréditations de 500 et de 1000, il n'y
en a plus. Des accréditations, ce sont de petites entreprises. Il n'y en
a plus de grosses. Il n'y a plus de grosses entreprises à syndiquer.
C'est fini. Les accréditations, ce sont les petites. Si c'est la
réalité... On parle de questions de syndicats, que le taux
diminue. Il y a asssez de grosses entreprises qui ont fermé leurs portes
ou qui sont en décroissance ou, encore, à tous les jours on
entend parler d'entreprises qui ferment, on n'est pas pour faire un
décompte des entreprises qui nous ont fait part de leurs intentions,
dans les derniers quinze jours.
Ce n'est pas en allant syndiquer cinq employés qu'on va changer
le taux. Ce que l'on dit c'est que c'est une nouvelle société
économique québécoise où les petites entreprises
forment la majorité des conventions collectives. Nous demandons au
gouvernement de reconnaître ou d'essayer, et cela ne se fera pas du jour
au lendemain, cela se fera par étape, mais qu'au moins les PME sentent
que le ministre du Travail et son équipe cherchent à leur donner
des outils pour accepter la syndicalisation, pour travailler avec les syndicats
lorsqu'il y aura demande d'accréditation mais que cela ne soit pas fait
en fonction d'empêcher leur croissance.
M. Gendron: D'accord. Pour des raisons de termes, je reviens. Il
me reste une question, un commentaire. Quand vous dites qu'il ne se fait plus
de syndicalisation dans les grandes entreprises, je voudrais juste vous dire
que, en tout cas, Pechiney, que je sache, n'existait pas. Quand cela va exister
et que cela va fonctionner, Hyundai, Bell Helicopter, l'Alcan à
Laterrière, et j'arrête là. Il me semble que c'est gros
comme jugement de dire c'est fini cela, la syndicalisation dans les grandes
entreprises. J'espère que le Québec va être ouvert dans des
notions d'internationalisme, de libre-échange et ainsi de suite pour que
de gros investisseurs puissent venir développer le Québec. Alors,
comme on n'est pas fermé à cela et qu'on n'est pas fermé
à la syndicalisation, il y a de grosses chances qu'il y ait
également de la syndicalisation importante. C'est votre point de
vue.
Dernière question. À la page 13, vous affirmez que "le
passé a démontré que la négociation collective
n'est pas le moyen harmonieux de rechercher la paix sociale dans un contexte de
propriétaires dirigeants de petites et moyennes entreprises". Je
comprends ce que vous dites mais je veux juste vous poser la question: sur quoi
vous basez-vous pour affirmer que la négociation collective n'est pas le
moyen harmonieux de rechercher... Parce que la paix sociale cela veut dire
relations du travail convenables et ainsi de suite, sentiment de fierté
de travailler, sentiment de donner sa part. Cela aussi existe dans une
évaluation de paix sociale.
Alors, si on enlève cela des négociations collectives pour
favoriser un climat de paix sociale, que préconisez-vous comme
mécanisme si ce n'est pas en négociation?
Mme Grenier: Écoutez, pendant des années au
Québec il est inutile de nier qu'on a eu des problèmes encore
plus que toutes les autres provinces, avec des grèves qui n'en
finissaient plus, n'est-ce pas?
M. Gendron: Dans le secteur public en particulier.
Mme Grenier: Bon. Dans le secteur public en particulier.
Maintenant, quand on
parle de reconnaissance du rôle des PME dans le projet de loi,
pourquoi ne pas tenir compte, par exemple, du fait qu'une petite entreprise qui
a cinq ou six ou sept employés peut avoir des difficultés
à un moment donné lorsqu'elle négocie une convention
collective dans sa capacité de payer ce que le syndicat lui demande.
Moi, j'ai assisté deux fois, cette année, à des cas qui
sont rendus en conciliation et quand on parle de médiation et de
conciliation, on a un système à l'heure actuelle, mais il ne
fonctionne pas. L'entrepreneur a dit à un moment donné: C'est
cela que vous voulez, je ferme mes portes et il les a fermées, ses
portes. D'accord? Alors, parce que le système actuel ne permet pas au
conciliateur de tenir compte de la capacité de payer de cet
entrepreneur, tout ce qu'il peut faire, son rôle à l'heure
actuelle, c'est de mettre une partie dans une salle, l'autre partie dans
l'autre salle et il se promène entre les deux et fume dans le corridor.
Ce n'est pas cela que j'appelle la conciliation et ce n'est pas cela qui va
améliorer les conditions du travail au Québec, ni la
négociation des conventions collectives.
Deuxièmement, actuellement, dans une petite entreprise, il y a un
problème qui s'appelle les vacances, les employés ont des
problèmes avec les vacances. Le syndicat arrive et dit: On va vous
régler cela, les problèmes avec les vacances. C'est le seul
problème qu'il y a dans l'entreprise. Prenons un exemple grossier,
peut-être que c'est exagéré, parce que c'est vrai que c'est
rare que les syndicats arrivent quand il n'y a pas de problème. Comment
se fait-il que l'entrepreneur ne soit pas capable, le lendemain matin, de
s'asseoir avec ses employés et de dire: D'accord, on a un
problème, on va le régler le problème, je vais vous en
donner une semaine de plus de vacances. Pourquoi la liberté
d'association comprend-elle nécessairement l'accréditation au
sens du Code du travail? Ce n'est pas cela, la liberté de s'associer.
Pourquoi les employés n'ont-ils pas le droit de changer d'idée
une fois qu'ils ont signé leur carte? Cela n'a aucun sens. Pourquoi la
conciliation doit-elle intervenir une fois que tout est embrouillé et
non pas essayer de concilier les parties avant que tout s'embrouille? C'est
cela qu'on vous demande dans notre mémoire. Il ne s'agit pas de
chambarder tout le Code du Travail, mais de faire en sorte de reconnaître
que, dans la petite entreprise, un syndicat peut causer des problèmes
majeurs alors que dans une entreprise de 500 personnes, cela peut au contraire
améliorer les conditions de travail d'avoir un seul intervenant
plutôt que 500.
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, madame.
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, brièvement, pour
reprendre la question de la conciliation et de la médiation avant que
tout s'embrouille pour tenter de "zéroter" le "tout s'embrouille"...
C'est peut-être vrai qu'actuellement, au niveau de
l'accréditation... Soit dit en passant, la grande majorité des
accréditations dans la PME se font de consentement, â la suite de
la visite du fonctionnaire; il fait cela sur place, c'est
accrédité, etc. Avec les mesures qu'on propose, les commissaires
ont des pouvoirs sur le plan de l'accréditation, de la conciliation et
de la médiation. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est propice
à amener les parties plus dans un cheminement de concertation que de
confrontation comme cela existe présentement?
Mme Grenier: Peut-être. C'est évident qu'à
l'heure actuelle... Vous me dites que, la plupart du temps, cela se fait sans
contestation pour une raison bien simple, c'est qu'ils n'ont pas les moyens de
contester. Ils appellent leur avocat et disent: Écoute, on a
signé des cartes, qu'est-ce qu'on fait? Tu n'as plus rien à
faire, tais-toi et attends. C'est cela la réponse qu'on leur donne.
Qu'est-ce que votre projet de loi va changer à cette attitude qui existe
présentement qui fait qu'une fois que le gars a signé cette
carte, c'est fini, tu n'as plus rien à dire. Surtout, ne fais rien,
parce qu'il y a une plainte pénale qui plane au-dessus de ta tête
si tu changes les conditions de travail dans ton entreprise. Cela ne change
rien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous nous demandez si sur le
plan du fond du Code du travail on change quelque chose dans le projet de loi
actuel, ma réponse est non, on ne change pas le fond du Code du travail
comme tel. Si vous me demandez si on simplifie les structures et si on les rend
plus accessibles pour la clientèle que vous représentez, la
petite et la moyenne entreprise, ma réponse est que j'ai la
prétention de piloter un projet de loi qui simplifie sur le plan de la
structure et qui modifie l'approche sur le plan de la structure. Maintenant,
est-ce que cela va fonctionner? Sur le plan de la simplification, je pense que
oui. Sur le plan de la modification des approches, j'ai besoin et je vous
l'indique très clairement, de la collaboration de toutes les parties
impliquées parce qu'il s'agit de changer les mentalités et je ne
pense pas que des changements de mentalité se légifèrent.
Moi, en tout cas, je n'oserais pas tenter de légiférer des
changements de mentalité.
Mme Grenier: Moi non plus.
Le Président (M. Théorêt): Merci.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pourrait peut-être
conclure en reprenant un bout de phrase qui, encore une fois, se retrouve
à la fin de votre mémoire qui dit beaucoup sur votre
participation à la société québécoise. Vous
parlez de votre but ultime comme étant "l'établissement d'une
société québécoise stable et prospère,
nantie d'un climat de relations du travail réaliste, dans un Canada
concurrentiel." Je vous dirai que ce sont des buts partagés par le
gouvernement actuel. (22 h 45)
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Le critique officiel pourra les...
M. Gendron: Oui. Je veux remercier M. Lauzier parce qu'au moins
il aura sûrement le mérite de marteler, comme je l'ai dit
tantôt, une idée qui mérite de l'être dans un
appareil qui est toujours trop gros et loin de la réalité
vécue par les gens. Vous avez prétendu que la PME, et vous aviez
raison, est tout à fait différente de la grande entreprise. Ce
n'est pas là qu'on a des problèmes, c'est que lorsque le
législateur a à prendre une décision concernant les
mécanismes nouveaux, bien sûr il faut les vérifier, les
tester. C'est pour cela qu'il y a des audiences, parce qu'il y a des choses
là-dedans qui sont encore trouées. Je l'ai mentionné. Les
objectifs pouvaient être valables, mais quand on a à regarder
l'application concrète article par article, il y a des choses que l'on
va corriger. Comme Opposition, des éclairages comme vous nous en avez
donnés sur certains aspects, cela peut nous aider à contribuer
à combler quelques écarts qui ne correspondent pas toujours entre
les objectifs d'un projet de loi, ou les principes versus l'application
concrète dans le vécu. Nous aussi ce qui nous intéresse
c'est que le vécu soit le plus viable possible. Par conséquent,
on va essayer de tenir compte de vos points de vue.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Avez-vous un commentaire à ajouter
avant que le ministre termine?
M. Lauzier: Aussi court que celui de M. Laberge. Si en 1944 on a
créé un code des relations du travail et qu'on a pris en ligne de
compte le fait que dans la société québécoise la
grande entreprise primait, pourquoi alors que l'on repasse et que l'on regarde
à nouveau le Code du travail et les relations du travail ne pas
reconnaître que la PME, dans quelques temps, primera? Merci, M. le
ministre.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que l'on constate, c'est que
dans quelques temps, sans doute, elle primera, parce qu'au moment où
nous nous parlons, elle prime au Québec. Nous vous remercions.
Le Président (M. Théorêt): Mesdames,
messieurs, merci. Nous allons suspendre pour quelques minutes, le temps que
notre autre invité s'installe à la table.
(Suspension de la séance à 22 h 47)
(Reprise à 23 h 3)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
J'invite les représentants de la Centrale des syndicats
démocratiques à bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît, à l'avant.
Je demande à ceux qui accompagnent le président de bien
vouloir nous distribuer copie de leur mémoire à tout le moins, si
vous en avez un avec vous. La commission n'a pas reçu votre
mémoire.
M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés...
Le Président (M. Théorêt): M. le
président de la CSD, avez-vous des copies du mémoire pour les
membres de la commission?
M. Hétu (Jean-Paul): Notre position sera tellement claire,
qu'il n'est pas nécessaire de l'écrire.
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie.
Je voulais le savoir pour les fins du registre. Je vous demanderais de bien
vouloir présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
M. Hétu (Jean-Paul): De ce côté, M. Claude
Gingras, le vice-président de la Centrale des syndicats
démocratiques, et le secrétaire-trésorier, M. Jeannot
Picard.
Le Président (M. Théorêt): Je vous
cède la parole, M. Hétu.
Centrale des syndicats démocratiques
M. Hétu (Jean-Paul): Nous n'avons pas de mémoire
écrit pour une raison simple, c'est que nous sommes profondément
déçus de la réforme proposée par le ministre du
Travail dans le projet de loi que nous devons étudier. Nous sommes
déçus parce que, fondamentalement, ce projet de loi ne permettra
pas aux travailleurs et aux travailleuses du Québec qui ne sont pas
encore syndiqués de prendre cette voie qui est indispensable,
aujourd'hui, si on veut
améliorer les conditions de travail.
Le projet de loi, quant à nous, ne permettra en aucune
façon que certains droits fondamentaux exprimés dans le Code du
travail actuel... Cela est insuffisant. Il aurait fallu qu'on puisse ajouter un
complément comme nous l'avons exprimé à d'autres reprises,
en particulier à la commission Beaudry. Ces droits fondamentaux ne sont
pas reconnus dans la proposition gouvernementale et cela nous
déçoit. Quant à nous, cela indique que le gouvernement
vise d'autres objectifs par sa réforme.
Évidemment, pour ce qui est de l'objectif général
défini dans le projet de loi, celui de tenter non pas de
déjudiciariser -j'en reparlerai dans quelques instants - mais
d'introduire une notion de médiation, nous y souscrivons parce que nous
constatons que, dans le contexte actuel du Code du travail qui est
judiciarisé au maximum, on découvre que même dans la
générosité de l'objectif qui est défini, la
proposition de cette Commission des relations du travail, on ne pourra pas
atteindre les objectifs majeurs qu'un Code du travail décent doit
réaliser.
Après étude et examen du projet de loi, je dois vous dire
que les réactions qu'il a soulevées chez nous n'étaient
pas agréables à entendre. Je n'ose pas les répéter
par respect pour la commission ici présente. On ne sait pas trop ce
qu'on veut exactement avec ce projet de loi. Une chose est claire: on veut
établir une Commission des relations du travail. Il est clair qu'on veut
remplacer la structure des commissaires et celle du Tribunal du travail. Pour
nous, ça c'est clair. Je pense qu'il n'y a pas d'ambiguïté
là. Cependant, où il y a ambiguïté, c'est qu'on
s'aperçoit qu'on transfère aux tribunaux pénaux, au
tribunal pénal, des responsabilités qu'il n'avait pas avant et
qui étaient assumées par le Tribunal du travail.
Le premier problème devant lequel on est placé, devant
lequel on se retrouve, c'est qu'on se demande si cela va déjudiciariser
le fonctionnement et l'application du Code du travail. Évidemment, on
plonge dans l'inconnu car on ne connaît pas ce système. Cependant,
on a une expérience dans l'application notamment des décrets; on
sait que cela prend du temps pour l'application de certains. Quand des
travailleurs ou des travailleuses sont lésés, on se
présente devant ces tribunaux et cela prend du temps. Alors, quand on
tente d'équilibrer le système actuel et cette nouvelle
formulation, on découvre qu'on est placé je ne dirais pas dans le
néant mais devant une balance qui dit la même chose: maintien de
la judiciarisation dans cette voie-là. Mais cela ne favorisera pas
l'accessibilité au syndicalisme pour les travailleurs et les
travailleuses qui en ont besoin. Il y a un tas de dispositions de base qui ne
permettent pas, qui empêchent les travailleurs et les travailleuses de se
syndiquer. Le ministre du Travail, dans le projet gouvernemental, n'en traite
pas. Dans le fond, c'est fondamentalement une réforme qui nous
apparaît de nature administrative. On déplace des personnes qui
sont au Tribunal du travail; on les envoie dans les tribunaux de nature
pénale, entre guillemets, et après on nomme une commission. On ne
sait pas quel pognon ils auront, ce qu'ils auront à gérer,
à moins que je n'aie mal lu le projet de loi. C'est fort possible.
Peut-être que le ministre nous a envoyé un projet de loi qui ne
contenait pas cette partie. On ne sait pas combien d'argent ils vont avoir. On
ne sait pas combien de personnes vont gérer de façon
concrète et pratique, par exemple, les accréditations et toutes
les fonctions que l'on veut consacrer et donner à cette commission.
Alors, on est placé devant un problème ou c'est un
deuxième ou un troisième problème, devrais-je dire.
Cette Commission des relations du travail, pour les plus anciens... J'ai
les cheveux blancs et le député de Labelle, M. Hétu, qui
est là, a les cheveux blancs, mais pas tout à fait comme les
miens. Je ne sais pas s'il se souvient qu'à l'époque, avant le
Code du travail, il y avait une commission des relations du travail. Dans le
fond, c'est un vieux schéma que le ministre du Travail nous apporte,
même si cela a été réclamé par d'autres
organisations syndicales. À cette époque, quand on a voulu des
changements -peut-être que M. Parent du comité consultatif ici
présent vous l'a dit, je ne le sais pas - on reprochait à cette
commission d'avoir des délais trop grands. Les études savantes
que je n'ai pas faites mais que d'autres ont faites indiquent ce
parallèle comme argument soulevé dans l'application du Code du
travail avec un autre régime. Mais pourquoi revient-on avec une formule
qui maintenait, établissait dans l'application du code des délais
trop longs?
Là, vraiment, c'est pour tous ces motifs qu'on est porté
à dire que la CSD est contre le projet qui nous est soumis. Mais il y a
d'autres raisons aussi et les autres raisons, je vais vous les expliquer.
Le gouvernement passé avait créé la commission
Beaudry. Je ne veux pas revenir sur des choses du passé, mais pendant
des semaines et des mois, les responsables syndicaux, dans notre organisation,
se sont assis pour réfléchir au Code du travail. Dans à
peu près toutes les régions - les plus éloignées,
évidemment, on n'y allait pas - on était présent.
Où la commission est passée, on a soumis des cas concrets, des
cas vécus, des problèmes réels de travailleurs et de
travailleuses qui se sont vus refuser des accréditations ou qui ont eu
toutes sortes de problèmes pour obtenir l'accréditation et
souventefois, on leur a refusé l'accréditation pour
différents motifs. On a donné des cas
concrets et pratiques et on s'aperçoit que dans le projet de loi
on ne répond pas à cette requête. Ensuite, on s'est assis
avec les représentants de la commission. On a convenu des choses avec
elle, bien sûr. Il y a eu des recommandations qui ont été
faites, par exemple d'unifier un certain nombre de conceptions et de
définitions dans une loi du travail. Le gouvernement ne répond
pas à cela actuellement. Dans le fond, pour nous, le gouvernement n'est
pas péquiste et il n'est pas libéral. Je comprends qu'il y en a
un des deux qui est meilleur. Il fut un temps où le gouvernement
péquiste était meilleur et aujourd'hui il semble, si on se fie
aux témoignages, que ce gouvernement est meilleur; i! a
été élu. Dans le fond, pour nous, le gouvernement, c'est
le même. Le gouvernement a établi une commission grâce
à laquelle on a fait une consultation élargie, et avec cette
consultation, les commissaires ont fait des recommandations. On en retient une:
la commission. Le reste, quant à la reconnaissance des droits
fondamentaux, on prétendait que cela était possible quant
à l'unification tout au moins du code. Mais on dit: Mais non, on ne
retrouve pas cela dans le projet de loi qui est là.
Évidemment, je ne discuterai pas de l'aspect politique, à
savoir que le gouvernement est élu pour réaliser tel ou tel
objectif, et en particulier la création du code. Je ne discuterai pas de
cet aspect politique mais vous vous placerez dans notre peau. Il y a un
gouvernement au Québec et il y a une Assemblée nationale. Bien
sûr, elle est contrôlée et elle a été
contrôlée par un parti différent, mais on se dit: Maudit,
il faut recommencer. Il y a quelqu'un à quelque part qui prétend
que la réflexion qu'on a faite, le débat démocratique
qu'on a fait, n'a pas de signification.
Or, devant cela, M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, on est obligé de vous dire à regret que la
Centrale des syndicats démocratiques s'oppose a ce projet de loi. On
trouve que la réforme proposée -et je termine sur cela - n'est
qu'administrative, tout en créant des débats judiciaires.
Là, je ne vous donne pas les opinions juridiques de nos avocats mais
leur expression est la suivante: Cela va être un nid à
procès. (23 h 15)
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
Président. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je termine de prendre des
notes. Dans un premier temps et de façon à bien situer nos
interlocuteurs que je remercie de leur présence, dans le contexte, hier,
l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité en
deuxième lecture le principe ou les principes du projet de loi. Ce qui
ne veut pas dire que l'Assemblée nationale a adopté les
modalités du projet de loi. D'ailleurs, l'Opposition a fait part de
certaines réserves et a posé certaines questions quant aux
modalités du projet de loi. Tout au long de votre exposé, j'ai
pris des notes et je vais tenter de reprendre les arguments que vous mettez de
l'avant, comme c'est votre droit de le faire.
Vous vous dites profondément déçus, je pense que
c'est peut-être le thème de fond qui sous-tend votre intervention
devant cette commission parlementaire. Vous dites que vous ne trouvez rien
d'ajout aux droits fondamentaux, finalement, dans le projet de loi. Je dois
vous dire que vous avez raison. Au moment où on se parle, dans le cadre
du projet de loi devant cette commission parlementaire, nous n'avons pas voulu
toucher au fond du projet de loi. Notre objectif était de toucher au
cadre qui était et qui est encore, puisqu'il existe encore, d'une
complexité telle que les gens moins bien équipés
juridiquement ne réussissaient pas à se retrouver, qu'on soit
d'un côté ou de l'autre de la clôture. En modifiant ce
cadre, nous avons voulu simplifier la structure et tenter de changer son
orientation. La conception du gouvernement quant au cadre actuel, quant
à l'accréditation surtout, c'est qu'il s'agit d'un cadre de
confrontation qui incite les parties à la confrontation. En simplifiant
le cadre et en l'orientant vers la concertation, en ajoutant des pouvoirs de
conciliation et de médiation, nous invitons l'ensemble des partenaires -
cela ne se légifère pas - socio-économiques, patronaux
comme syndicaux, à laisser de côté les gants de boxe dans
la mesure du possible et à s'asseoir à la table pour discuter. On
peut changer le cadre comme gouvernement, mais on ne peut pas changer les
mentalités. On se dit qu'en apercevant une table bien mise plutôt
qu'une arène de boxe, cela peut peut-être influencer
tranquillement les gens qui verront cela. Vous nous indiquez d'ailleurs, dans
les propos que vous avez tenus, que vous souscrivez à la notion ou
à l'orientation de médiation.
Vous avez parlé des réactions négatives de votre
entourage mais vous n'avez pas voulu les énumérer. Je vous dis:
Sentez-vous à l'aise.
M. Hétu (Jean-Paul): Je peux vous en donner.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est ici pour se parler
franchement. Ce n'est pas quand ce sera adopté que ce sera le temps de
le faire. Vous êtes ici parce que vous avez un vécu quotidien dans
l'application de ce que nous pensons légiférer pour le bien de la
population; dites-le nous. Vous insistez pour dire que c'est clair que c'est
une réforme de structure. Nous n'avons pas prétendu autre chose
au moment du discours de deuxième lecture. Je pense que c'est
là-dessus que j'ai ouvert mes propos en
deuxième lecture.
Vous avez parlé de l'ambiguïté, en ajoutant que le
pénal s'en allait devant les tribunaux de droit commun comme tels.
J'insiste pour dire que c'est simplement le pénal qui s'en va là
et pas d'autre chose et que la commission, comme telle, possède des
pouvoirs de redressement importants.
Vous parlez d'une réforme administrative et vous dites: Vous ne
nous dites pas si la commission aura les ressources financières
nécessaires, les ressources humaines, etc.
M. Hétu (Jean-Paul): On ne le sait pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai que le fait de
regrouper trois organismes, le Tribunal du travail, le Bureau des commissaires
du travail et le Conseil des services essentiels sur le plan administratif, sur
le plan financier et sur le plan des ressources humaines que cela
représente, il y a des économies d'échelles qui sont
réalisées. Si vous me demandez si ces économies retournent
dans le fonds consolidé du Trésor, je vais vous donner la
même réponse que j'ai donnée à mon collègue,
le président du Conseil du trésor: Non. Ce n'est pas une
réforme pour effectuer des économies ni en ressources humaines ni
en ressources financières. Nous croyons avoir besoin de l'ensemble des
ressources financières et humaines parce qu'on pense que, dans certains
cas, on en manque actuellement. On pense que le regroupement va faire en sorte
que cela va peut-être rééquilibrer une situation qui
était déficitaire. Si je peux répondre à certaines
de vos interrogations là-dessus, ce n'est pas une diminution en termes
de ressources, au contraire, c'est une rationalisation qui devrait apporter une
plus grande productivité.
Vous avez fait une comparaison avec la réforme de 1969 et vous
avez dit: On revient à une commission. Je vous dirai que la commission
d'avant 1969, non pas à partir du vécu que j'en ai eu, vous le
comprendrez, mais à partir de ce que j'ai pu retrouver dans les
documents au ministère du Travail, n'avait du rôle de commission
que le titre. Il ne s'agissait pas, si on la compare à ce qui se passe
dans les autres juridictions canadiennes tant provinciales que
fédérales, à cette époque, d'une commission des
relations du travail. Il est vrai que les objectifs que visaient les
modifications apportées alors par mon prédécesseur, non
pas immédiat, mais l'honorable Maurice Bellemarre, c'étaient
exactement les mêmes objectifs: soit de déjudiciariser, de
raccourcir les délais, etc.
M. Hétu (Jean-Paul): Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et cela a fonctionné au
début. Je pense que la phrase utilisée à l'époque
par M. Maurice Bellemarre était la suivante: Tout ce qui est
administratif sera entre les mains des fonctionnaires et tout ce qui est
judiciaire sera entre les mains des juges. Je paraphrase, mais c'est à
peu près ce qu'il avait dit.
Ce qu'on dit présentement, c'est que le système
créé qui a évolué à trois paliers a fait en
sorte que des procédures d'évocation ont pu être prises par
une partie ou l'autre, à partir de trois niveaux: à partir du
niveau de l'agent d'accréditation, à partir du niveau du
commissaire du travail et à partir du niveau du Tribunal du travail;
soit une possibilité d'évoquer trois fois. Il y avait une
possibilité également de cumuler les recours, ce qui nous a
menés, en 1987, à un système des relations du travail
très judiciarisé. Je suis certain que ce n'est pas l'objectif qui
était visé en 1969 lorsqu'on a effectué la dernière
réforme, mais c'est ce qu'on retrouve en 1987. Devant cette situation,
le gouvernement a décidé d'agir dans le but, oui, de
déjudiciariser. Nous prétendons que le commissaire ou la
commission étant le seul endroit où des décisions se
prendront, il n'y aura pas élimination totale des évocations. Il
y a toujours des gens qui vont s'essayer. Il n'y aura plus trois endroits
où "harponner" l'évocation. Cela devrait contribuer à
déjudiciariser de façon importante notre système de
relations du travail.
Vous terminez en nous parlant de la commission Beaudry. Vous dites que
le gouvernement change d'un bord et de l'autre mais que vous avez
contribué, votre centrale a contribué à ta commission
Beaudry. On ne retient rien et on recommence, finalement, ou on ne retient
qu'une infime partie des recommandations de la commission Beaudry. Je suis
prêt à considérer votre expertise ou votre
témoignage là-dessus mais les experts, entre guillemets, que j'ai
consultés et qui ont vécu la commission Beaudry... Entre autres,
le ministre de l'époque, je l'ai nommé au début des
travaux de la commission - il était là quand la commission
Beaudry a siégé - soit M. Raynald Fréchette, mon
prédécesseur, s'exprimait à peu près comme suit
quant aux recommandations de la commission Beaudry. Je vous le cite et vous
pourrez vérifier cela dans la Tribune, de Sherbrooke, le 21 janvier
1986:
La recommandation la plus importante me paraît celle qui propose
la création d'un Conseil des relations du travail pour remplacer tous
les mécanismes visant l'application du code. La constitution de ce
conseil entraînerait deux conséquences majeures, à savoir
déjudiciariser le système et raccourcir les délais, a
souligné l'ex-ministre du Travail.
Je vous dirai que non, nous ne touchons pas au fond. Vous avez raison.
Mais on avait l'impression - et dites-le nous si vous le
pensez encore - de toucher à une partie importante. On a
également l'impression que s'il fallait tout embrasser d'un même
coup -c'est long, l'évolution, dans le domaine des relations du travail
- on pourrait peut-être chavirer ou déborder sur le plan de
l'acceptation qui est requise des partenaires tant patronaux que syndicaux ou
que syndicaux et patronaux.
Vous dites que la réforme n'est qu'administrative et vous
concluez en disant que certains conseillers juridiques vous ont dit qu'il
s'agissait là d'un nid à procès. Je vous dirai que nous
avons entendu des témoignages et que nous avons même
interrogé des conseillers juridiques. Ce que l'on tente de faire au
moment où nous nous parlons, lorsqu'il y a accord sur le principe
-là, je ne sais même pas si on l'a de la part de la CSD mais il me
semble, au contraire, qu'on ne l'ait même pas sur le principe -c'est de
voir un peu plus loin à l'avenir et de bloquer les trous qui pourraient
prêter flanc à la contestation juridique. On est ici pour
travailler dans ce sens.
Ce que je vous dis, c'est que si vous avez des experts juridiques qui
sont prêts à contribuer dans ce sens, nous sommes prêts
à recevoir leurs commentaires et leur expertise, tout comme on a tenu ce
langage aux autres centrales syndicales et aux représentants patronaux
qui sont venus devant la commission ou qui sont appelés à venir.
Ce que nous visons essentiellement, c'est de simplifier, de
déjudiciariser, de raccourcir. Ce n'est peut-être pas parfait
comme objectif. Comme je l'ai déjà indiqué à
d'autres, je n'ai pas l'impression qu'on va au bout du chemin mais on
prétend quand même faire un pas dans la bonne direction. Si la CSD
nous dit que nous allons dans la mauvaise direction, on va y repenser.
C'était là l'essentiel de mes propos auxquels je vous
invite à répliquer.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
président de la CSD.
M. Hétu (Jean-Paul): Voyez-vous, M. le Président,
la CSD fête son 15e anniversaire cette année. Depuis que la CSD
existe, son corridor d'expansion n'est plus ce qu'on a connu après 1945,
soit le développement de la syndicalisation du côté des
grandes firmes multinationales que la FTQ, par ses unions américaines, a
raflées à cause de la proximité, des connaissances que les
Américains avaient entre eux, etc. Le territoire de la syndicalisation
est aussi plus restreint parce que dans la fonction publique et parapubiique,
vous en savez quelque chose, la syndicalisation a été faite pour
des motifs différents. Sans doute parce que la CSN était et est
une organisation, disons, typiquement québécoise. (23 h 30)
Depuis que nous existons, depuis quinze ans, notre corridor de la
syndicalisation rejoint, je dirais, un peu ce qu'on appelle le caractère
économique du Québec, la PME. C'est justement là que les
difficultés les plus grandes dans la syndicalisation se retrouvent. Ce
n'est pas dans des boîtes anonymes, ce n'est pas dans des boîtes
où il y a la personnalisation des tâches développée
à l'extrême, ce n'est pas dans des boîtes où il y a
une structure hiérarchique très prononcée, ce n'est pas
dans des boîtes de la fonction publique et du parapublic qui
revêtent d'autres caractéristiques, c'est dans des boîtes de
50, 100, 150 travailleurs au maximum où le patron est là
présent, où c'est le patron qui, généralement...
Peut-être était-il ouvrier ou un innovateur? Peut-être
avait-il des qualités particulières? II a développé
la boîte par son génie propre, il a rassemblé du monde et
ils ont fait démarrer la boîte. Alors, syndiquer dans ce contexte,
c'est différent.
Quand on parle des droits fondamentaux, je dirais que le Code du
travail, fondamentalement, est fait uniquement et exclusivement pour les
travailleurs et les travailleuses qui sont dans les grandes entreprises
où l'anonymat existe, enfin où se retrouvent les
caractéristiques dont je vous ai parlées. Cependant, cela
n'existe pas ou pratiquement pas - c'est là que la syndicalisation est
la plus difficile... Je vous dirai que l'ensemble du mouvement syndical et des
centrales syndicales ont mis de côté la syndicalisation de ce
qu'on appelait les petits salariés sans pouvoirs, qui vivent et
travaillent dans ces petites entreprises. C'est là que la
syndicalisation est plus difficile. C'est là que le Code du travail ne
reconnaît pas - cela n'a pas un maudit bon sens - les droits de base
à la syndicalisation. On a vu très souvent, dans l'espace d'une
fin de semaine, ceci arriver: on avait la majorité le vendredi soir; le
samedi et le dimanche, on se faisait casser la gueule, on perdait la
majorité dans la fin de semaine à cause des ramifications
familiales, à cause de ceci et de cela. Le lundi matin - c'est dommage
que l'on ne travaille pas le samedi et le dimanche au ministère du
Travail... Dans votre loi, même si vous avez un caractère
administratif... Enfin...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous arrêter...
M. Hétu (Jean-Paul): ...vous allez me parler des
boîtes, je ne veux pas discuter.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...parce que s'il y a un
ministère où cela travaille le samedi et le dimanche...
M. Hétu (Jean-Paul): Oui, oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est au ministère du
Travail....
Une voix: Vous ne recevez pas de requête en
accréditation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...au gouvernement.
M. Hétu (Jean-Paul): C'est cela qu'on veut dire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez, c'est parce qu'on
était...
M. Hétu (Jean-Paul): Ce n'est que ce petit
détail-là. C'est cela qui bloquerait, etc. Ils travaillent, c'est
sûr, parce que vous leur fournissez tellement peu de personnel pour
qu'ils le fassent. Enfin, c'est ce qu'on nous explique au niveau administratif,
mais cela avait commencé aussi dans le temps, à l'époque
du gouvernement péquiste. Là-dessus, c'est toujours le même
gouvernement avec des couleurs et peut-être des dynamismes
différents. Je vous aime bien quand même...
M. Gendron: J'aurai mon tour, M. Hétu, tantôt.
M. Hétu (Jean-Paul): Ah, je vous aime bien!
M. Gendron: Je sais cela.
M. Hétu (Jean-Paul): Mais, ce que je veux dire, c'est
qu'on ne reconnaît pas les droits de ces petits-là. Le code n'est
pas fait pour eux ou pratiquement pas. C'est notre maudit problème.
C'est notre difficulté. On ne donne pratiquement pas d'autorité
en dehors des décrets et vous vouiez les abolir pour un droit de
négocier pour ces petites entreprises. Dans le fond, vous dites à
la majorité des travailleurs du Québec, par votre projet de loi:
On ne veut pas que vous vous syndiquiez, restez en dehors, on va s'occuper de
vous autres autrement. Je regrette infiniment et c'est dans ce sens qu'on
réagit. On ne veut pas vous écoeurer. On vous dit tout simplement
que, par notre expertise, notre expérience pratique et concrète,
on a... Par exemple, vous avez foutu en l'air le comité paritaire, le
décret dans les garages. Là, on avait un taux de syndicalisation
élevé. Mais il faut qu'on trouve des formules. D'accord, parce
qu'il y avait une tradition de 50 ans de syndicaiisation dans le milieu, cela
n'a pas dérangé. Mais, dans les autres secteurs
économiques où les entreprises ont cette taille, on ne peut pas
ou bien difficilement développer la syndicaiisation. C'est ce qu'on veut
dire par les droits fondamentaux.
C'est pour cela que, pour nous, une réforme administrative...
Vous allez faire sauter les commissaires et tout cela; pour nous, cela ne
résout pas les problèmes de base. II faut qu'on reconnaisse des
droits qui sont adaptés à la syndicaiisation. C'est la vocation
du Québec, l'avenir du Québec est là-dedans, à
moins qu'on dise que ce n'est pas vrai, que je déraisonne, que la
réalité économique et sociale, ce n'est pas cela. Elle est
là et on est bloqué là.
Si j'étais malin, je dirais: Ma foi du bon Dieu, vous voulez
même qu'on disparaisse comme CSD. Mais, là-dessus, c'est une autre
affaire. On va s'occuper avec ça.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...chercher des ressources
humaines quelquefois chez vous qu'on veut que vous disparaissiez.
M. Hétu (Jean-Paul): Oui, je vous en veux, vous! Vous nous
dépeuplez en plus. Vous nous faites la job au niveau du code et,
après ça, il veut nous dépeupler. C'est un maudit gros
morceau. Excusez, monsieur.
Le Président (M. Théorêt): Je passe la parole
au critique officiel, le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. Hétu, ainsi que vos deux collaborateurs,
MM. le secrétaire et vice-président, je vais faire une
intervention moi aussi en deux temps. Comme le ministre a fait une intervention
à caractère davantage analytique qui vous a permis de revenir, je
vais commenter d'abord votre première réaction.
Je vais vous dire franchement les choses comme je les pense. Merci
d'être venus. Je pense que la Centrale des syndicats démocratiques
existe. C'est une centrale syndicale qui a une expertise différente des
autres, vu qu'elle évolue avec, bien sûr, des syndiqués et
ce, à ma connaissance, c'est de même souche, c'est de même
racine.
Effectivement, vous couvrez un secteur où, fondamentalement,
votre personnel est davantage relié à la petite et moyenne
entreprise et à des secteurs différents de la grande industrie ou
des secteurs public et parapublic. II me semble que c'est important d'avoir
votre son de cloche. Il a été on ne peut plus franc et
catégorique, avec vos tripes, comme on vous connaît.
Vous l'avez exprimé d'une façon on ne peut plus claire.
Vous avez exprimé clairement votre déception. Vous avez eu la
franchise de dire que, pour vous, en fait, ce qui vous intéresserait
dans un projet comme celui qu'on a à discuter, c'est d'être
capable d'y voir là des mécanismes concrets qui permettraient de
faciliter le droit à la syndicalisation des travailleurs et des
travailleuses, puisque vous avez ajouté à
deux ou trois reprises, avec raison, qu'il n'y avait aucun droit
nouveau.
Il n'y avait pas de droits nouveaux fondamentaux qui étaient
reconnus dans ce projet de loi et je pense que vous avez raison de dire
ça. Mais il faut comprendre, effectivement, c'est quoi que nous avons
à discuter dans le projet de loi créant la Commission des
relations du travail.
Je voudrais également nous situer, parce que vous allez dire:
Écoutez... Le ministre, avec raison, a exprimé que
l'Assemblée nationale avait adopté le principe de ce projet de
loi. Il a employé le mot "unanimement" et on n'a pas voté
formellement. Mais à partir du moment où les deux formations
politiques s'expriment d'accord et qu'on... Comme vous savez, on n'est pas plus
de deux formations politiques actuellement à l'Assemblée
nationale. Bien oui, on peut appeler ça un projet de loi adopté
à très grande majorité, puisqu'il n'y a pas eu
d'expressions négatives.
Mais il faut convenir que le principe d'un projet de loi et son contenu,
c'est quand même des choses qui sont différentes et c'est pourquoi
nous tenons des audiences. S'il n'y avait aucune différence, on ne
ferait pas cette consultation pour bonifier et tenir compte des points de vue
qui nous sont exprimés.
Je voudrais vous rappeler, M. Hétu - je suis convaincu que je
vais avoir votre attention à ce moment-ci - que je n'ai aucune fausse
gêne de dire: Oui, l'Opposition a donné son accord au principe de
ce projet de loi, parce que ce projet de loi... Souvent, le ministre n'est pas
en mesure de le confirmer; des fois, il pense que c'est gênant et tout
ça; il n'a pas inventé ça. C'était au
ministère du Travail. C'était quelque chose sur lequel nous
travaillions très activement. C'était une recommandation de la
commission Beaudry que nous avons créée comme parti politique,
commission à laquelle on voulait et on veut toujours accorder
énormément de considération, parce que s'il y a une
commission qui a été largement ouverte, représentative,
qui a mis du temps à faire le tour du Québec, de regarder toutes
les instances et je regardais tantôt...
J'ai juste fait un petit résumé des principales
recommandations contenues à la commission Beaudry et je vais être
d'accord avec vous rapidement qu'il n'y avait pas uniquement ce qu'on a sur la
table. Il n'y avait pas uniquement la création d'une commission des
relations du travail. Je sais que ça faisait partie de la commission
Beaudry, mais c'est une infime petite partie par rapport à
l'entièreté des recommandations, tout autant concernant les
mesures des rapports individuels de travail ou les rapports collectifs ou
d'autres éléments auxquels la commission Beaudry demandait de
souscrire.
Là-dessus, quand vous avez alerté le ministre, dans votre
première intervention, en disant: Oui, nous autres, on a regardé
ça et on est déçu. Moi aussi, j'ai le même point de
vue que lui, j'aimerais ça que... Habituellement, vous êtes ouvert
et franc. Il n'y aurait pas de gêne à dire d'une façon
très franche les réactions que vos commettants ont eues. On dit:
Écoutez, on ne peut pas en parler, parce que ce n'était pas beau
à entendre tellement c'était défavorable.
Il faudrait peut-être regarder ça juste quelques minutes
sur quelques points précis. Cela ne sera pas long. Je vais juste finir
mon affaire. Je pense qu'on est ici pour ça, pour les entendre. Tout
ça vous a amené en conclusion, M. Hétu, à dire:
Bien, écoutez, nous, on n'est pas capable de donner notre accord
là-dessus parce qu'on n'est pas convaincu que cela va
déjudiciariser et, là-dessus, je trouve que vous avez raison. Moi
non plus, bien honnêtement, je ne suis pas convaincu, même si je
lisais dans les notes explicatives que la déjudiciarisation, ce sera
beau quand ce sera complètement déjudiciarisé et que ce
sera fini; on aura un processus de relations du travail judiciarisé au
boutte. Je suis inquiet et, quand je relis attentivement - il nous arrive de
nous relire - le discours d'une heure que j'ai prononcé en
deuxième lecture, j'ai posé des questions précises...
À l'étude article par article, on aura des recommandations et des
modifications à faire pour maximiser cet effort de
déjudiciarisation parce que je vous rejoins là-dessus.
Même chose quant au processus davantage médiatif
plutôt qu'interventionniste et d'adjudication. Il me semble que c'est un
objectif beau, noble et grand, mais vous avez raison de dire que ce n'est qu'au
vécu de la Commission des relations du travail que nous pourrons porter
des jugements analytiques et dire: Oui, le ministre a pris les
précautions usuelles pour s'assurer qu'il y ait davantaqe de "conflits",
entre guillemets - et j'emploie cette expression volontairement - qui n'auront
pas toujours le cheminement traditionnel d'affrontements et finir en des
coûts onéreux avec toutes sortes de situations difficiles, mais
viser plutôt que les parties puissent rapidement se parler, jouer
davantage d'influence l'une par rapport à l'autre et que la
résultante soit bénéfique tant pour les travailleurs que
pour les entreprises. C'est cela les relations du travail.
C'était la première partie et je vais prendre deux minutes
pour la seconde. C'est ce qu'on a vu, nous, M. Hétu, et c'est ce que je
veux vous dire. J'ai vu là-dedans que, oui, on a le devoir, comme
société québécoise, d'essayer ce nouveau
mécanisme plus unifié, plus ramassé et plus simple avec
moins de paliers qui risque de développer une
expertise fonctionnelle qui, normalement, si le ministre est vigilant et
si le ministère du Travail est conscient que l'objectif est toujours de
raccourcir des délais, simplifier et rendre le processus
d'accréditation et d'autres processus d'administration des relations du
travail, où fondamentalement on va modifier les mentalités et
où on va réduire les interventions à caractère
judiciaire... Je vous le dis aujourd'hui, je n'ai pas la conviction que ce
projet de loi offre toutes les garanties souhaitées par le ministre en
termes de principe et d'objectifs, comme on le dit habituellement dans les
notes explicatives: Ce projet de loi-là, c'est pour faire telle affaire.
Je souscris entièrement au principe et aux objectifs.
J'ai la profonde inquiétude et, là, je cite mon discours:
II s'agit d'une réforme de structures. Il ne faut pas se le cacher.
Quand vous dites: C'est davantage une réforme administrative, il ne faut
pas être gêné de cela, c'est vrai. C'est cela. C'est une
réforme administrative et, effectivement, le ministre est correct de
temps en temps. Il a commencé son intervention en disant que ce projet
de loi suggère d'importants changements de structures et il martelait le
mot "structure" avec raison, c'est d'abord ça. Je disais: II ne s'agit
pas d'une réforme des règles de droit elles-mêmes du droit
du travail. J'ajoutais: Cette réforme constitue l'une des
recommandations majeures du rapport Beaudry, une recommandation importante, et
elle mérite d'être essayée. C'est dans ce sens que
s'explique la position de l'Opposition. (23 h 45)
Quant à votre seconde intervention à la suite de l'analyse
politique qu'a faite le ministre, je veux seulement faire deux commentaires.
Dans le fond, ce que vous nous avez servi, M. Hétu, c'est un second
plaidoyer consécutif à celui auquel on a eu droit - mais, en ce
qui me concerne, j'ai préféré le vôtre - dans lequel
vous dites: La PME et les petits, le petit monde, l'ouverture plus simple
à la syndicalisation, il me semble qu'elle ne devrait pas
nécessairement toujours passer par le même canal, par les
mêmes mécanismes d'un Code du travail ou d'une loi du travail qui
sont souvent mésadaptés et qui ne répondent pas
véritablement aux besoins de ces gens-là, toujours dans un souci
- et cela, vous avez eu le franchise de le dire - d'augmenter
numériquement, donc quantitativement, la performance du degré de
syndicalisation, en particulier pour ceux qui en auraient le plus besoin pour
améliorer leurs conditions de travail. Je pense qu'on n'a pas de
cachette à se faire, vous avez raison puisqu'on convenait pas plus tard
qu'il y a quelques minutes que tes statistiques attestent qu'il y a eu, en
pourcentage, dans les dernières années un recul de la
syndicalisation, donc cela doit être vrai. Sauf que je voudrais seulement
vous dire qu'il semble y avoir une banque disponible, selon M. Lauzier, de la
fédération des petites et moyennes entreprises du Québec,
une banque extraordinaire pour gonfler vos effectifs au niveau des PME. Il
disait que cela n'avait pas de bon sens comme c'était en progression et
il ne voyait pas l'avenir de la syndicalisation comme cela. Il disait, en vue
d'une banque potentielle que c'est vraiment au niveau de la PME.
Si vous avez cet objectif comme dirigeant syndical de vouloir permettre
qu'il y ait plus de Québécois et de Québécoises qui
puissent s'offrir des conditions de travail convenables via - une des formules
parce que ce n'est pas la seule - la syndicalisation, je pense que c'est un
objectif louable. Je n'ai pas de difficulté à vivre avec cela,
sauf qu'il faut mettre les choses à leur place. Là-dessus, je
dois rendre gré au ministre, il a été franc en disant:
J'ai l'impression que j'aurai encore du travail à faire comme ministre
du Travail et vous aviez raison de dire que le gouvernement, quel que soit le
parti politique, ne peut pas avoir fait un rapport Beaudry aussi important et
le laisser constamment sur les tablettes. C'est votre "job" et c'est la mienne
aussi de rappeler constamment au ministre du Travail que sa "job" n'est pas
terminée, comme ministre du Travail, il y a un tas de choses à
faire dans le domaine des relations du travail et, en conséquence, il y
a d'autres lois, réglementations, parce qu'on ne peut pas toujours
régler les mécanismes de relations du travail par voie
législative. C'est surtout pour ce message que je dois vous dire merci,
pour l'avoir répété et redit parce que je le partage. Sauf
que les nuances que je fais, ce n'est probablement pas via le projet de loi
qu'on a entre les mains qu'il y aura cette réflexion nécessaire
sur une réforme du droit du travail pour faciliter et faire une
révision des mécanismes du Code du travail et qui, là,
devraient, d'après moi, avoir une résonnance plus significative
pour les premiers ayant le plus besoin du Code du travail. Cela ne veut pas
dire que les grandes entreprises ou les grandes centrales n'ont pas besoin de
ces mécanismes, mais elles ont d'autres possibilités. En
conséquence, je pense que vous avez raison de dire à un
gouvernement, même à des gens de l'Opposition, qu'il faut avoir
cette sensibilité et cette ouverture pour faciliter des
mécanismes pour ceux qui, effectivement, sont peut-être les plus
démunis. Voilà les commentaires que je voulais faire.
Ce projet de loi, à partir du moment où vous dites: on est
contre, comment même si je vous questionne en disant si on faisait telle
et telle affaire... Je respecte votre point de vue. Le message que j'ai
entendu, c'est que la CSD est la première centrale
syndicale à dire: Nous ne sommes pas d'accord, on ne marche pas
là-dedans, c'est votre droit et je ie respecte. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
président de la CSD.
M. Hétu (Jean-Paul): Quand vous nous dites tous les deux,
et le ministre du Travail et vous comme représentant de l'Opposition,
que ce projet de loi va atténuer l'affrontement et développer la
concertation, j'ai l'impression qu'on ne parle pas de la même chose. J'ai
l'impression que vous êtes à un niveau de discussion des
problèmes et nous sommes à un autre niveau, on ne parle pas de la
même chose. Je ne vois pas comment, par un truc administratif, on va
empêcher l'affrontement. Le seul discours que je vous ai fait, il est
simple, pratique et je vais le ramener là, je vous dis que vous
rêvez en couleurs.
Quand vous dites que cela va diminuer l'affrontement sur le terrain,
quand on fait du porte à porte et qu'on veut convaincre les travailleurs
et qu'ils s'opposent, vous nous avez dit tous les deux que ce projet de loi
diminuerait l'affrontement, je regrette infiniment, l'affrontement commence
là, sur le terrain. C'est pour cela que je dis que vous rêvez en
couleurs. On ne parle pas de la même chose. Si vous dites qu'il y a
peut-être une possibilité de diminuer l'affrontement entre des
avocats patronaux et syndicaux, cela est correct. Mais quand on parle de
l'affrontement et de la concertation, je m'excuse. Comment - vous allez
m'expliquer cela - par exemple, en diminuant, en atténuant les
débats et des avocats patronaux et des avocats syndicaux va-t-on
développer la concertation? Expliquez-moi cela. Je dis que c'est un
rêve en couleurs, s'il n'y a pas de règles fondamentales qui
modifient l'esprit du Code du travail, à la fois au niveau de la
syndicalisation et au niveau de la négociation. Aiei
On vient d'avoir - c'est bien dommage, ça ne vient pas du
gouvernement provincial -une subvention du gouvernement fédéral -
je dois dire que le ministre du travail l'a acceptée - de 700 000 $ pour
développer... Je vais vous donner le thème du projet:
L'intervention syndicale pour établir la gestion participative, un
programme de trois ans et il y a dix entreprises qui ont signé un accord
là-dessus. Ah!
Si vous voulez me parler de la concertation, on va s'en parler. Cela
fait dix ans qu'on vit ça et il y en a d'autres qui nous ont
traités de jaunes, etc., parce qu'on faisait ça. Là, ils
tiennent des colloques là-dessus. Je regrette infiniment, vous ne me
conterez pas d'histoires ici. Là-dessus, on a une expertise
concrète, pratique et le Code du travail ne permet pas de faire ce genre
de concertation. Il ne permet pas ça.
Il permet de négocier une convention collective, mais il ne
permet pas d'établir la concertation entre les parties sur la
façon d'accroître la productivité. Il ne permet pas
ça. Je m'excuse, ce n'est pas vrai, ça. Montrez-moi ça
dans le code et montrez-moi ça dans les changements que vous avez faits
en introduisant la commission où on va établir des bases
fondamentales de la concertation. Ce n'est pas vrai.
Je vais terminer là-dessus. C'est assez, je ne suis pas
fâché du tout, ce n'est que parce que je m'enflamme un peu. Mais
sur le terrain, quand on va syndiquer du monde, ce n'est pas vrai que, par la
commission, on va diminuer l'affrontement, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai
qu'on va établir la concertation sur le terrain quand on fait du
recrutement. Ce n'est pas vrai, ça.
Deuxièmement, si vous me dites - là-dessus, je vous
rejoins; je ne discuterai pas longtemps - qu'il va y avoir moins de bagarres,
ça - là-dessus, on va être pratique aussi - entre les
avocats patronaux et syndicaux - je ne vous dirai même pas combien
ça nous coûte par année - si vous nous diminuez ça,
ça va nous en donner autant pour aller en syndiquer. Cependant, si on a
d'autres barrières parce qu'on ne peut pas atteindre l'objectif, on
n'est pas plus avancé.
Troisièmement, comment on va établir la concertation,
expliquez-moi ça. L'affrontement et la concertation, je reqrette, ce
n'est pas ça. Cependant, il y a des niveaux juridiques qui sont
modifiés. On n'a pas d'objection là-dessus et on le
reconnaît.
Quand je dis que notre monde chez nous est en maudit, c'est contre
ça. Ils disent: Ce n'est pas vrai que sur le terrain, il y a une
facilité plus grande. Ce n'est pas vrai. Cela n'existe pas. Bien oui,
mais quand tu parles du Code du travail... Quand on parlait des allongements de
délais, le fondement vient de là. Il ne part pas du moment
où je fais un débat au niveau du commissaire.
Il part à compter du moment où il y a une volonté
de syndicalisation et qu'on empêche la volonté de syndicalisation.
C'est là qu'est le problème. C'est là que les
délais commencent. C'est là qu'ils s'étirent; c'est
là qu'ils s'accroissent, etc.
J'ai l'impression qu'on se comprend, mais j'ai l'impression qu'on ne
parle pas de la même chose non plus. Je suis peut-être pas à
la bonne commission parlementaire. Mais, enfin, on se comprend bien.
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie.
Il reste quand même quelques minutes pour les remarques finales. Je
cède le droit de parole au critique officiel.
M. Gendron: Je voudrais simplement
dire, M. Hétu... Encore là, je le remercie de son
témoignage, sauf que je ne crois pas que j'ai prétendu ou que
l'Opposition a prétendu que ce projet de loi va faciliter,
atténuer et éliminer les affrontements. Les affrontements qui
existaient pour des motifs de fond sur le fait qu'il y a des orientations
parfois qui ne sont pas partagées de la même façon,
à la suite d'une demande d'accréditation syndicale ou d'une
syndicalisation accrue, j'ai pris la peine de dire que pour envisager une
syndicalisation accrue, premièrement, il faudrait que les centrales s'en
occupent.
Vous-même, vous avez dit: Écoutez, il n'y a que nous autres
qui nous en occupons. C'est vous-même qui parliez. Alors,
premièrement, il faudrait que ce soit une préoccupation des
centrales. Deuxièmement, j'ai toujours pensé quand j'ai
commencé à en faire qu'il faut comprendre que, effectivement, la
syndicalisation est un outil pour, règle générale,
bonifier ton environnement ou alors ton milieu de travail. Règle
générale, ça bonifie plus que l'inverse.
M. Hétu (Jean-Paul): ...promotion collective. Ce n'est pas
pareil.
M. Gendron: J'ai l'impression que quand on a la franchise, M.
Hétu, de vous dire... En ce qui me concerne - l'Opposition, c'est son
point de vue, parce qu'on l'a regardé et on l'a analysé - jamais
on n'a prétendu que ce projet de loi va éliminer les situations
conflictuelles réelles qui existent à certaines étapes
précises d'une démarche vers une syndicalisation. Je n'ai jamais
parlé de ça.
Tout ce que je dis, c'est que si la commission Beaudry a fait le tour du
Québec et qu'elle a reçu très majoritairement cette
orientation d'essayer - je suis obligé de parler comme ça,
puisqu'on ne l'a pas vécue une réunification - je ne veux pas
recommencer le débat que j'ai fait tantôt -je vous ai
indiqué que je crois qu'il y a lieu de l'essayer, oui, il y a lieu de
vérifier d'une façon un peu plus concrète, lors de
l'étude article par article, certains trous, certaines
échappatoires parce qu'il y a quand même des mémoires qui
nous ont donné des éclairages intéressants, vous y
compris.
En conséquence, je pense que ce projet de loi arrive à
terme, en tout cas dans l'évolution des relations du travail au
Québec, à la condition, et c'est ma conclusion, que le ministre
soit conscient que tout n'est pas terminé, au contraire. Il y a
énormément d'autres actions et gestes qui doivent être
posés dans le domaine des relations du travail.
Le Président (M. Théorêt): M. Hétu,
vous avez une minute pour apporter votre conclusion et je céderai la
parole au ministre ensuite.
M. Hétu (Jean-Paul): Je veux l'entendre. Mais je vais
faire ma conclusion tout de suite et vous allez pouvoir me répondre.
Je dis que le gouvernement, quand il a créé la commission
Beaudry, et si on la situe dans le temps d'aujourd'hui, je dis qu'on s'est fait
faire. On nous a menti carrément. Je ne peux pas dissocier deux
gouvernements là-dedans. Il nous a invités à une
réflexion collective pour mettre ensemble des expériences afin
d'amorcer une réflexion qu'on avait commencée avant et qu'on
continue. Je dis que le gouvernement, et je respecte l'Assemblée
nationale parce que c'est une unité, et aujourd'hui, on arrive... Ce
n'est pas vrai, ça. Je m'excuse mais on nous a raconté des
histoires. Je regrette et je ne le prends pas. Je ne le prends pas. Demain, je
suis en congrès et je vais faire mon ouverture là-dessus.
Christi! II y a toujours une maudite limite. Je ne le prends pas.
M. Gendron: Non, mais une seconde... Je suis convaincu, M.
Hétu...
M. Hétu (Jean-Paul): Cela a commencé avec vous et
on vit avec cela. Je m'excuse. Je vous parle franchement. Je ne vous raconte
pas d'histoires. Je ne veux pas faire de la politisation. On est ici entre gens
civilisés qui se parlent vraiment. Quand j'établis une
cohérence entre ce qu'on nous a dit à l'époque... Vous,
vous m'avez référé à ce ministre. Faites attention
quand vous tirez vos conclusions. Je trouve qu'elles ne sont pas bien bonnes.
Vous représentiez une volonté gouvernementale. Après,
l'autre gouvernement qui arrive ne donne pas la suite. Qu'est-ce qu'on fait? On
va dire: Regarde donc ça, c'était le gouvernement péquiste
et là, c'est un autre gouvernement. Ce sont deux pensées, deux
choses. Aie! Une minute!
Nous sommes toujours syndiqués, nous autres. Nous voulons
toujours développer la syndicalisation, sauf qu'on s'aperçoit
qu'on se fait faire d'un bout et de l'autre. C'est ma conclusion.
Le Président (M. Théorêt): Merci.
M. Hétu (Jean-Paul): Je suis peut-être carré,
mais je m'excuse. Je vous parle franchement.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président.
M. Hétu (Jean-Paul): Je pourrais bien être politique
et faire des... Comment disait Filion? Des...? Enfin, une affaire de
même. Il parlait comme un cow-boy de toute façon.
M. Gendron: Oui, Filion est avocat, moi, je ne le suis pas. Cela
n'a rien à voir.
M. Hétu, je vous dis que je n'ai aucun problème à
vivre avec quelqu'un qui est franc. C'est ma nature aussi, sauf que je veux
juste vous corriger sur une chose. La commission Beaudry, on l'a
instaurée, on l'a créée, on a cru à l'importance...
Juste une seconde. Oui, mais vous y parlerez à lui. On a cru à
l'importance que la pression...
Très sérieusement, M. Hétu, la pression
réelle - je suis convaincu que le ministre pourra en dire un mot
tantôt - qu'exercera toujours l'ensemble des éléments
contenus dans la commission Beaudry restera un plus pour la
société québécoise. On ne fait pas une telle
opération pour dire ensuite qu'on met cela sur les tablettes et qu'on ne
veut rien savoir, y compris pour le ministre actuel. Je comprends cela. J'ai
aussi été membre d'un gouvernement. La commission Beaudry, autant
elle était importante dans le temps pour faire le tour du Québec,
si l'ensemble de ses conclusions sont majeures, significatives et riches de
conséquences pour plusieurs courants de pensée, on ne change pas
cela dans une demi-heure, vous en conviendrez avec moi.
Tout ce que je veux dire, c'est que vous avez raison de continuer, comme
représentant syndical, d'exiger qu'il y ait plus
d'éléments de la commission Beaudry qui puissent donner suite
à des modifications dans le domaine où vous oeuvrez.
Là-dessus, vous avez un allié. C'est simplement ce que je voulais
dire. En ce qui me concerne, François Gendron, comme
député et comme critique en matière de relations du
travail, je ne peux pas dire: Moi, le rapport de la commission Beaudry, je ne
veux plus rien savoir de cela. C'est passé. On n'est plus là. Un
instantl C'est pas comme cela que ça marche. Ils ont fait le tour du
Québec. Il y a des gens qui ont parlé. Il y a des choses
là-dedans. Cela ne veut pas dire que j'embrasse tout ce qu'il y a
là-dedans. Mais c'est une commission majeure. C'est une commission qui a
une crédibilité. Je pense que le juge Beaudry, dans le domaine
des relations du travail, sait de quoi il parle. Il a une expertise et il
connaît cela. Les commissaires aussi. Je suis convaincu que le ministre
du Travail connaît également la valeur et la
crédibilité de ce rapport. Je ne veux pas le mettre aux poubelles
tout de suite, je veux seulement vous dire que je l'ai encore dans mes
préoccupations et cela me fait plaisir que vous ouvriez votre
congrès en disant - et c'est vos affaires - oui, il faut faire des
pressions additionnelles pour s'assurer que les suites du rapport
Beaudry...
M. Hétu (Jean-Paul): ...
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député, je cède maintenant la parole au ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. Je conclurai strictement en
vous remerciant de vous être présenté à la
commission, de nous avoir franchement fait part, comme l'a indiqué le
critique de l'Opposition, de vos prises de position. Je constate votre
déception à savoir que, à votre avis - et vous avez le
droit d'avoir cet avis - le gouvernement ne va pas assez rapidement dans les
modifications qu'il doit apporter. C'est un témoignage que je viens
d'avoir il n'y a pas tellement longtemps. J'ai eu un autre témoignage de
quelqu'un qui disait: Une chance que j'étais assis quand j'ai eu cette
nouvelle que le gouvernement bougeait dans la création, car je ne
l'aurais pas cru. On tente d'interpréter peut-être un petit peu
entre les deux et dire qu'on n'est peut-être pas assez vite dans certains
cas et trop vite dans d'autres.
Je marie votre témoignage avec celui de la
Fédération canadienne de l'entreprise indépendante,
M. Hétu (Jean-Paul): Pas moi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Qui nous a dit...
M. Hétu (Jean-Paul): ...ne mariez pas comme cela vous.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des mariages qui finissent
en divorce.
M. Hétu (Jean-Paul): Je ne veux pas avoir un divorce.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le sens qu'on nous a
livré, à sa base même, un message qui avait le même
fond. Vous n'avez pas, dans vos lois et dans vos structures de relations du
travail, la préoccupation PME, la préoccupation qui répond
finalement aux besoins tant des travailleurs que des employeurs qui oeuvrent
dans ce qu'il y a de plus important pour le développement
économique du Québec, ce qui crée le plus d'emplois, la
petite et la moyenne entreprise.
J'ai répondu: Sur le plan des structures, on a l'impression de
faire un pas en simplifiant. Les gens qui sont dans des plus petites
boîtes devraient se retrouver plus facilement. Sur le plan du fond du
droit, je vous dirai qu'au moment où on se parle, des comités,
à la suite du rapport Beaudry, travaillent à la codification de
nos lois du travail qui sont toutes éparpillées et dans
lesquelles il faut être un superspécîaliste pour se
retrouver. Ce n'est pas au lendemain que vous êtes assermenté
ministre du Travail que vous retrouvez tout cela sur votre bureau.
Deuxièmement, un autre comité
travaille sur le fond comme tel. Cela ne va pas assez vite à
votre goût. J'en prends note et j'insiste auprès des
comités pour qu'ils travaillent encore plus rapidement. Mais, au moment
où nous nous parlons, nous avons deux lois devant l'Assemblée
nationale: celle qui est devant cette commission parlementaire et une autre qui
traite de la création d'un Comité consultatif sur l'emploi et la
sécurité du revenu et qui va dans le sens d'une autre
recommandation du rapport Beaudry. Nous cheminons donc, pensons-nous, à
petits pas dans la bonne direction. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Messieurs, je vous remercie de votre présence et j'ajourne les
travaux de la commission sine die, en vous rappelant que les travaux
reprendront demain après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 0 h 3)