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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, October 1, 1986 - Vol. 29 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons poursuivre la consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts. Je souhaite la bienvenue à MM. les ministres, à messieurs les membres de l'Assemblée et aussi à tous les gens qui assistent depuis le début à nos travaux.

J'inviterais la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt à se présenter. Mais, avant, j'aimerais que le secrétaire nous fasse part des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a plusieurs remplacements pour cette séance. D'abord, Mme Bélanger (Mégantic-Compton) est remplacée par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); M. Filion (Taillon) est remplacé par M. Perron (Duplessis); M. Fortin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Bradet (Charlevoix); M. Gobé (Lafontaine) est remplacé par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Middlemiss (Pontiac); M. Lefebvre (Frontenac) est remplacé par M. Paradis (Matapédia); M. Maltais (Saguenay) est remplacé par M. Thérien (Rousseau); M. Paré (Shefford) est remplacé par M. Jolivet (Lavioiette); M. Parent (Bertrand) est remplacé uniquement pour la matinée par M. Desbiens (Dubuc); M. Philibert (Trois-Rivières) est remplacé par Mme Bleau (Groulx).

Le Président (M. Baril): M. Perron.

M. Perron: M. le Président, pour la forme. Hier soir, dès le début de la commission parlementaire, j'ai oublié de mentionner un remplacement. Parce qu'il est intervenu en commission, est-ce qu'on pourrait rétroactivement y placer M. Desbiens qui remplaçait M. Parent (Bertrand) en soirée hier?

Le Président (M. Baril): Est-ce qu'on a le consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Baril): Consentement.

M. Perron: Merci.

Le Président (M. Baril): J'invite la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt à se présenter à la table. Nous vous souhaitons la bienvenue. Je tiens à vous rappeler que, selon une entente au sujet de votre temps, vous disposez d'une heure trente, sauf que vous aurez trente minutes pour votre exposé.

J'aimerais souligner, en tant que président de la commission ce matin, que nous sommes chagrinés du fait que nous ayons eu vos documents seulement ce matin. Si on vous semble un peu moins préparés à vous poser des questions concernant votre document, c'est malheureux, mais c'est que l'équipe ministérielle et l'Opposition n'ont pas eu le temps de lire votre document. Espérons que nous ferons le mieux possible avec ce que vous nous direz-Fédération des travailleurs du papier et de la forêt

M. Cantin (Georges): Merci, M. le Président. Je voudrais m'identifier et identifier mes collègues qui sont avec moi. À ma gauche, la vice-présidente de la CSN, Mme Céline Lamontagne qui, cet après-midi, présentera le mémoire de la CSN comme tel. Vous allez remarquer, parmi les dossiers que vous avez eus ce matin, que l'on aurait voulu que le mémoire de la CSN soit présenté avant le nôtre. Étant donné qu'il n'y a pas eu d'entente de ce côté, on va procéder comme la commission nous le demande. Le mémoire de la CSN, cet après-midi, va présenter vraiment l'ensemble de la politique forestière. Nous, en tant que membres de la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt, nous nous occupons des travailleurs et de leurs conditions de travail. Cela s'intègre au mémoire de la CSN. Étant donné que les rôles ont été inversés, on va procéder de cette façon.

Je vous présente ma camarade, Céline Lamontagne, qui est la vice-présidente de la CSN; à mon extrême gauche, le camarade Yvon Lechasseur, vice-président du secteur forestier, forestier lui-même depuis trente ans et, en même temps, en chômage depuis 1982; la camarade Thérèse Montpas, coordonnatrice de la fédération; le camarade Daniel Malenfant, employé de la fédération et de la CSN; et aussi Denis Lambert, qui a contribué à la rédaction du mémoire, employé de la fédération.

M. le Président, nous allons essayer de

respecter ce que vous nous avez dit ce matin, trente minutes. Vous comprendrez que cela fait longtemps que les travailleurs attendent pour parler. Ils ne sont pas entendus tellement souvent dans cette société. Depuis 1937, c'est la troisième fois que l'on parade. On espère que vous allez nous écouter. Vous nous questionnerez, si vous avez du temps, mais on veut que vous nous écoutiez. C'est cela que l'on vient vous dire ce matin et c'est très important pour les travailleurs du papier et de la forêt.

Le Président (M. Baril): Vous avez trente minutes.

M. Cantin: Merci, cela pourra peut-être en prendre trente-cinq, je vous le dis d'avance.

M. le Président, membres de la commission, nous hésitons à vous remercier d'avoir invité la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt à venir exprimer son point de vue sur le soi-disant nouveau régime forestier que le gouvernement s'apprête à décréter. Nous disons bien "décréter" puisque, au moment du processus de consultation sur la révision de la gestion forestière, le public n'a pu s'exprimer et faire valoir son point de vue de façon convenable. Les quelques groupes qui y sont parvenus. malgré tout, c'est ici, en commission parlementaire, mais tout a probablement déjà été décidé dans les officines des ministres qui ont été chargés de ce dossier depuis cinq ou six ans, en compagnie des industriels.

Vous savez, on ne lance pas comme ça des remerciements trop gratuitement, surtout quand on a l'impression qu'on nous a toujours considérés persona non grata dans cette triste histoire de similiconsultations. Les quelques rares séances de travail où nous avons réussi à imposer notre présence, c'est-à-dire deux rencontres au Château Bonne-Entente, à Québec, en juin et en août derniers, nous ont permis de constater quelles étaient les véritables préoccupations du gouvernement et surtout quels intérêts prévalaient dans l'élaboration du régime forestier. Tout ce qu'on a pu faire dans ces rencontres, c'est effectivement constater que l'essentiel et même le détail du régime forestier, les compagnies et le gouvernement les avaient déjà élaborés entre eux.

Et ce n'est pas nouveau. Les industriels, eux, ont toujours eu une place privilégiée en participant directement et de façon suivie aux travaux préparatoires à cette réforme timide de la gestion forestière. Le régime qui nous est proposé en témoigne amplement quand on se met à y recenser les avantages financiers et politiques dont ils bénéficieront. Pas étonnant, d'ailleurs, qu'on les appelle les bénéficiaires de l'avant-projet de loi. Mais tous les autres, nous, on les considère comme des victimes.

On a accepté l'invitation de venir vous rencontrer non pas pour échanger sur le régime forestier, mais bien pour que vous nous écoutiez attentivement, surtout vous, M. le ministre, ainsi que les sous-ministres qui vous accompagnent et, je dirais, les anciens qui sont dans la place aussi. Nous avons l'impression et même la quasi-certitude que vous vous foutez des problèmes des travailleuses et des travailleurs qui peinent quotidiennement en forêt. À preuve, aucun article dans l'avant-projet avant la fin de l'année qui ne s'adresse aux aspects sociaux des problèmes forestiers québécois. Qui plus est, M. Côté, vous ajoutez l'affront à l'insulte en refusant carrément de vous intéresser aux problèmes de vie et de travail de la main-d'oeuvre forestière.

Pour vous rafraîchir la mémoire, voici un bref extrait de l'allocution que vous avez prononcée lors du congrès annuel de l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage, le 6 mai dernier. "J'ai affirmé qu'il n'était pas nécessaire d'effectuer une vaste enquête coûteuse puisque le problème est connu et, par ailleurs, fort limité quant au nombre de travailleurs affectés".

On ne sait pas trop, M. Côté, si vous avez fait là preuve d'ignorance ou de mauvaise volonté quand des études et des commissions sérieuses ont émis un avis contraire en constatant l'ampleur des problèmes de l'organisation du travail en forêt.

La commission consultative sur la réforme du Code du travail, présidée par le juge René Beaudry, recommandait à peine quelques mois avant votre allocution: "Compte tenu des nombreuses demandes faites à la commission consultative sur la réforme du Code du travail et du rapport d'étape du Groupe de travail sur l'exploitation forestière, que le ministre du Travail ouvre, dans les plus brefs délais possible, une enquête sur l'ensemble des activités en forêt. Cette enquête devrait cerner tous les sujets susceptibles d'influencer les droits et les conditions de travail de la main-d'oeuvre forestière, et certainement l'influence de la planification et de la production sur les besoins et les conditions de travail des ressources humaines, les effets de la mécanisation sur la santé, la sécurité et la rémunération du travail forestier, la qualité et la quantité de formation des ouvriers, la pratique de la sous-traitance et les répercussions sur les conditions de travail et sur le droit d'association, la qualité de la vie en forêt, les effets des divers modes de rémunération sur les revenus nets des travailleurs en forêt, les coûts de production, la productivité, les effets sur l'accréditation et sur son droit de suite lors de la rétrocession d'une concession

ou d'un changement de territoire de coupe pour des raisons incontrôlables."

Le juge Beaudry est reconnu comme une sommité. J'espère qu'il a une certaine crédibilité dans le Québec.

Et que dire de cet extrait de l'étude intitulée "Le secteur forestier, recherche et développement", datant de 1983, à laquelle participaient des représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources: "La main-d'oeuvre forestière, cette inconnue? L'industrie forestière souffre d'une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée en forêt, qui semble s'expliquer par une dévalorisation des tâches afférentes à la coupe des bois, l'éloignement des aires de coupe des villages et des petites villes, le caractère saisonnier des coupes, l'exode rural, la structure sociale des camps forestiers et finalement l'organisation des opérations dans son ensemble. Ces camps éloignés existeront-ils dans l'avenir? Si oui, quelles structures sociales répondant aux aspirations des travailleurs devrait-on y instaurer pour attirer la main-d'oeuvre qui sera de plus en plus spécialisée vu l'intensification de la mécanisation et de la robotisation? I! y a un manque évident de connaissances sur la dynamique de la main-d'oeuvre forestière au Québec, tant au niveau de la réalisation des travaux sylvicoles qu'au niveau de l'exploitation des bois. La stabilisation et la formation de la main-d'oeuvre forestière ne passent-elles pas par une intégration à un programme approprié d'activités dans les forêts des zones habitées et industrielles?"

Si le ministre Côté n'a pu mettre la main sur ce document, nous nous ferons un plaisir de lui en fournir une copie en main propre. D'autre part, notre mémoire pourra parfaire ses connaissances, puisqu'on décrit en long et en large, les conditions de vie et de travail prévalant en forêt.

Quant aux entrepreneurs que le ministre Côté qualifiait de "batcheux" le 6 mai dernier, ils sont plus nombreux qu'il ne le prétend. S'ils sont si peu, comme il le soutenait, alors qu'il nous les nomme! On pourra ainsi voir si on a les mêmes critères pour la classification des entrepreneurs qui manquent carrément de respect envers leurs employés.

Comme peuvent le constater les membres de cette commission, nous sommes surtout venus vous parler de ce qui a été oublié ou laissé de côté par le ministre dans l'avant-projet de loi sur les forêts: la dimension humaine. La forte* dégradation de la ressource forestière, décriée par plusieurs des intervenants qui se sont succédé ici, n'a d'égal que les conditions de vie et de travail dégradées des travailleuses et des travailleurs qui tentent de gagner décemment leur vie dans les secteurs de la récolte de bois et du reboisement.

L'exploitation forestière. Autant les compagnies, avec la complicité des gouvernements, n'ont jamais eu de considération pour notre patrimoine forestier collectif en le dilapidant de façon éhontée, autant elles ont manqué de considération pour les travailleurs forestiers. Nous affirmons même qu'une grande part de l'activité économique du Québec repose sur l'exploitation abusive et nettement irrespectueuse des ouvriers forestiers et de la ressource forestière.

Les travailleurs et leurs organisations syndicales sont des témoins privilégiés du gaspillage forestier. Les travailleurs ont une connaissance pratique de la destruction des forêts, des méthodes sauvages de coupe, de l'enfouissement de bois et du non-respect des règlements d'exploitation. Finalement, ce sont les travailleurs qui sont traités par les compagnies, leurs ingénieurs et autres savants spécialistes de la même façon que ces derniers traitent la forêt: une ressource naturelle que l'on exploite jusqu'à épuisement, à une différence près qu'elle ne coûte pas cher à remplacer.

Il faudrait commencer à considérer les conditions de travail à forfait épuisantes imposées aux ouvriers forestiers comme des entraves aux droits de la personne. Une étude de l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail du Québec affirmait que: "le secteur des exploitations forestières détenait, en 1981, le taux de fréquence des accidents et des maladies professionnelles le plus élevé, soit 33,9 %, ainsi que le plus haut taux de mortalité: 85 décès pour 10 000 travailleurs. Le taux de fréquence des accidents, toutes régions confondues, se chiffre à 37 accidents par 100 travailleurs occupés." Cela commence à être du monde.

Etre payé à l'arbre abattu sans aucun salaire de base, sans jamais être sûr de son revenu, cela a des impacts sur la façon de travailler. Pour s'assurer d'un salaire décent, le travailleur doit se surmener, se dépasser, aller le plus vite possible. N'y a-t-il pas un lien évident entre le nombre d'accidents...

Le Président (M. Baril): M. Cantin? Une voix: Oui.

M. Cantin: Non, mais je ne voudrais pas parler au mur. Je ne me suis pas déplacé pour rien. C'est depuis 1971 que je me bats; je suis à la veille de m'en aller dans mes terres, parce que je commence à vieillir comme n'importe qui d'entre vous. Je voudrais avoir quelque résultat avant de mourir, si possible.

Le Président (M. Baril): On va vous écouter, M. Cantin.

M. Cantin: Merci beaucoup. Pour s'assurer d'un salaire décent, le travailleur doit se surmener, se dépasser, aller le plus

vite possible. N'y a-t-il pas un lien évident entre le nombre d'accidents en forêt et le mode de rémunération?

Tellement de facteurs incontrôlables influent sur le revenu des travailleurs à forfait: la température, la topographie du terrain, la qualité des arbres, les mouches, et j'en passel Vous tous ici présents, même s'il pleut à verse, recevez votre plein salaire. Le travailleur forestier, lui, cela peut influencer son chèque de paie à la baisse. (10 h 30)

À ceux qui affirment ou pensent que les travailleurs forestiers désirent conserver leur rémunération au rendement, nous répondons tout simplement que c'est faux. Ils donnent cette réponse parce qu'ils n'ont pas le choix; ils le savent et ne voient pas l'heure de s'en sortir. Certains diront que, lorsqu'un travailleur est rémunéré au rendement, il est libre: libre de son horaire, libre de son rythme, etc. Nous répondons qu'il a la liberté de l'esclave à qui on permet d'organiser son travail comme il le veut à la condition qu'il fasse tout ce que le maître lui demande et à ses conditions.

Le travail à forfait doit être aboli parce qu'il cause des préjudices graves à des milliers de travailleurs, M. le ministre. Vous leur manquez carrément de respect en affirmant, comme vous l'avez fait "que la sécurité individuelle relevait de chacun des travailleurs et que, dans la plupart des cas, les accidents qui surviennent en forêt résultent d'une imprudence personnelle" et encore plus en réitérant par la même occasion que, pour vous, le travail à forfait est: "une formule essentielle permettant de maintenir le niveau d'emploi en forêt".

Qu'entendez-vous par là? Voulez-vous dire qu'en maintenant une formule où les salaires sont incertains et bas, cela permet d'exploiter plus de monde?

La propriété des machines. Les compagnies de pâtes et papiers - c'est un fait reconnu - règnent en rois et maîtres dans le secteur forestier au Québec. Ces grandes entreprises dictent leur loi à tous: aux entreprises de sciage en leur versant un prix dérisoire pour leurs copeaux. Une étude réalisée par Lavalin démontre que l'industrie des pâtes et papiers, qui contrôle près de 75 % de la demande de matière ligneuse au Québec, ne verse en moyenne que 70,25 $ pour une tonne de copeaux. Le coût de production moyen d'une tonne de copeaux serait d'environ 102,88 $.

Les copeaux représentent environ le tiers de la production des usines de sciage, leur assurant 30 % de leurs revenus en moyenne. L'industrie des pâtes et papiers, en contrôlant fortement la demande globale de matière ligneuse et en s'approvisionnant à plus de 50 % en copeaux, fixe le prix à sa guise; sans compter que 30 % des scieries sont contrôlées par des compagnies papetières et que ces dernières contrôlent plus de 48 % de l'offre totale de matière ligneuse.

L'exploitation des scieurs par les papetières a inévitablement des conséquences similaires sur les travailleurs des scieries qui font les frais des pertes de leurs employeurs. Les petits propriétaires de boisés privés, dont la production répond à peu près au quart des besoins annuels en bois de l'industrie papetière, négocient difficilement des prix couvrant à peine leurs frais d'exploitation. Compte tenu du contrôle exercé par les papetières sur la fixation, en complicité avec le gouvernement, du prix de la matière ligneuse, la somme perçue par un producteur de la forêt privée pour un mètre cube apparent vendu pour la pâte a à peine augmenté d'un demi-cent entre 1970 et 1985. Comment espérer vivre décemment de la production du bois dans ces conditions?

Les travailleurs du secteur de l'exploitation forestière, en plus d'être rémunérés à forfait avec toutes les incidences que cela comporte, se sont vu transférer massivement la propriété de la machinerie depuis une quinzaine d'années. Les compagnies forestières se sont ainsi déchargées de la responsabilité d'une technologie d'exploitation coûteuse qui doit opérer sur des territoires de plus en plus éloignés et accidentés, donc des frais d'entretien onéreux.

Pourquoi traite-t-on les travailleurs forestiers différemment des travailleurs des usines à papier? Pourtant, je travaille pour la compagnie Domtar à Donnacona, je suis opérateur d'une machine et je n'ai jamais eu à débourser aucun sou pour le camion que je fais fonctionner chez Domtar. Les travailleurs forestiers de Domtar à Quévillon ont été obligés d'acheter une machine de 250 000 $ pour vivre de la même façon que moi. Pour quelle raison ne sont-ils pas traités de la même façon que moi, ouvrier de Domtar?

Une étude de l'INRS-Urbanisation datant de décembre dernier fixe la valeur du parc d'équipements d'exploitation forestière -abatteuses, débusqueuses et ébrancheuses -en forêt publique à près de 1 600 000 000 $. Nous serions prêts à parier que ce sont les travailleurs qui supportent au moins 70 % de la valeur de cet outillage, soit environ 1 000 000 $.

En plus du coût d'achat, un travailleur propriétaire d'une machine doit supporter les coûts d'entretien, d'inventaire de pièces de rechange, de carburant, de transport et de main-d'oeuvre pour les réparations du véhicule nécessaire au transport de ses équipiers de travail, d'assurances diverses, de dévaluation de la machine, etc.

Plusieurs doivent s'improviser comptables et mécaniciens en plus de leurs

longues heures de travail à la récolte du bols, occupations secondaires pour lesquelles ils ne reçoivent aucune rémunération, mais qui ont permis aux compagnies de couper des emplois.

Si la propriété de la machinerie avait été le moindrement lucrative, vous pouvez être assurés que les compagnies n'en auraient pas transféré la possession aussi massivement aux travailleurs!

Le bois ne vaut pas grand-chose maintenu à un prix ridiculement bas pour et par l'industrie papetière et le gouvernement. Comment espérer qu'on assure aux travailleurs des conditions de travail et salariales décentes quand ils récoltent quelque chose qui n'a pas de valeur?

Des conditions de vie toujours de plus en plus difficiles. Par-dessus le marché, nos travailleurs se font littéralement voler leurs camps et leurs cuisines. Plusieurs compagnies, au cours des dernières années, ont décidé de fermer certains de leurs camps forestiers n'assurant plus le gîte et le couvert aux travailleurs, faisant d'eux des travailleurs itinérants. C'est le cas de la compagnie Donohue à Clermont, de la compagnie Scierie des Outardes sur la Côte-Nord. C'est aussi le cas des compagnies Québec North Shore de la Côte-Nord et Domtar à Lebel-sur-Quévillon qui ont décidé de fermer leurs camps et cuisines les fins de semaine, forçant les travailleurs habitant loin du camp soit à voyager chaque fin de semaine, soit à habiter à l'hôtel ou ailleurs. Cela coûte de plus en plus cher aux travailleurs pour se maintenir à l'ouvrage, surtout que la forêt n'arrête pas de reculer.

Le reboisement. La situation est loin d'être plus rose pour les travailleurs et les travailleuses du reboisement. Les contrats et sous-contrats de reboisement en forêt publique sont pour la plupart octroyés au plus bas soumissionnaire. Comme la lutte pour l'obtention des contrats est féroce, la loi de la jungle résineuse impose le travail à forfait comme mode privilégié d'organisation du travail.

C'est donc la main-d'oeuvre qui écope encore une fois dans un système où l'on dépense le moins possible pour la ressource. Imaginez le nombre de plants qu'il faut mettre en terre pour payer son épicerie à la fin de la semaine quand les entrepreneurs versent en moyenne 0,06 $ à 0,07 $ du plant! De plus, les heures de chargement et de déchargement des plants ne sont pas rémunérées aux travailleuses et aux travailleurs.

Mais ce faible revenu n'est pas entièrement garanti, loin de là. Plusieurs déductions sont faites du chèque de paie des reboiseurs. Par exemple, les entrepreneurs récupèrent sur la paie des employés des pénalités qui leur sont imposées par le MER pour diverses infractions. C'est ce qu'ils nous disent.

Nommons-en quelques-unes: manque d'eau dans les contenants, 50 $; plants échappés, 1 $ chacun; compactage du plant avec la pelle ou autres outils utilisés par le reboiseur, 5 $ du plant. La liste s'allonge. L'équipement de base requis pour effectuer le travail, les reboiseurs doivent le louer ou l'acheter. Cela comprend une pelle, un sac pour transporter les plants, un support à godets, un pic, une mante de pluie, des bottes, un chapeau de sécurité et des gants.

Comme ces travailleurs ne sont pas logés, il faut ajouter des dépenses comme l'achat d'une tente ou la location de chambres, les frais de transport, un sac de couchage, bref, des équipements complets de camping sauvage!

Comme conditions de vie, c'est loin d'être le paradis. Pas de facilité d'hygiène fournie par les employeurs. L'eau potable n'est pas toujours disponible. Les travailleurs doivent pourtant débourser de 10 $ à 15 $ par jour pour la nourriture et les "facilités" de camp qui n'existent pas, il faut bien se comprendre. Certains sont même devenus végétariens par obligation - et c'est sérieux - puisqu'ils ne peuvent conserver de la viande par manque d'équipement de conservation alimentaire!

Par-dessus tout, une personne qui en aurait plein son casque et quitterait son emploi avant l'échéance fixée au contrat s'expose à une pénalité de 20 % de son salaire! Il n'y a pas grand députés qui, quand ils démissionnent, paient 20 % de leur salaire en quittant. Si c'est ça, les emplois que nous offre le gouvernement avec son régime forestier, les plants ne sont pas sortis de la terre et les travailleurs ne sont pas sortis du bois non plus!

Un régime forestier élaboré en vase clos. Il y a un dernier point sur lequel nous tenons à vous entretenir. C'est la façon dont les gouvernements ont procédé à cette révision de la gestion forestière: en vase clos. Quand on dit les gouvernements, ce sont tous les gouvernements qui se sont succédé. Je vous l'ai dit: Depuis 1971, je patauge dans les corridors ici et j'en ai vu, des affaires. Vous ne montrerez pas à un vieux singe comment faire des grimaces.

Malgré ce beau discours sur la concertation, la consultation, la collaboration, les deux gouvernements ont élaboré ce soi-disant nouveau régime forestier à l'abri des oreilles indiscrètes de ceux à qui on entend faire payer une note de plusieurs milliards de dollars: les Québécoises et les Québécois collectivement propriétaires de la forêt.

Au cours des deux seules réunions privées auxquelles une de nos représentantes a pu participer nous avons mis la main sur des documents qui sont pour le moins accablants pour le gestionnaire de notre patrimoine collectif. Le ton et la nature des discussions qui se sont déroulée à huis clos

entre, principalement, les industriels et le gouvernement tranchent radicalement sur les propos tenus auprès des autres groupes d'utilisateurs et d'intéressés, ainsi qu'auprès de la population.

Un coup l'enrobage pseudo-écologiste ou environnemental retiré, les vrais enjeux et objectifs de la réforme forestière deviennent évidents, de même que la forme des mesures que l'on entend appliquer.

Voici quelques exemples tirés des procès-verbaux des séances de travail d'un groupe de consultation sur la politique forestière, tel qu'on l'indique sur ces documents, tenues le 20 mai et le 20 juin derniers. Le ministre a décrété un moratoire sur la création de nouveaux parcs. Les engagements de matière ligneuse envers les utilisateurs seront secrets.

Ici, j'ouvre une parenthèse pour poser une question avant qu'il m'en soit posé. On a eu une rencontre avec les représentants de la compagnie Kruger, M. le ministre, vous vous le rappelez, et on n'a pas eu de réponse à notre demande de ce côté-là. On a fait une concertation avec la compagnie Kruger. Les syndicats sont "mal à main" de temps en temps, mais, de temps en temps, ils sont aussi à l'écoute des compagnies. Vous savez que la compagnie Kruger est en difficulté d'approvisionnement de bois puisqu'elle est obligée d'aller chercher son bois à 850 kilomètres de son usine à Bromptonville, tandis que la moyenne sur le territoire québécois est de 250 kilomètres. On a fait une demande au printemps et on n'a pas eu de réponse à ce sujet.

Les engagements de bois envers les actuels concessionnaires ont été évalués par le MER selon une méthode dont il est difficile de préciser l'exactitude. Le MER ne tient pas compte dans ses simulations d'une différence entre bois résineux aptes au sciage ou à la pâte, car il considère que l'industrie ne la prend pas en considération en pratique. Et on nous parle d'une utilisation optimale quand on fait une pareille planification pêle-mêle!

Le MER travaille actuellement à l'établissement d'une politique d'utilisation des produits chimiques au Québec. À quelles fins? Ne devrait-on pas tendre à recourir à l'utilisation des produits biologiques? Concernant l'entretien des plantations, la loi de l'environnement entre actuellement en conflit avec l'avant-projet de loi sur les forêts, notamment en ce qui a trait à l'utilisation des phytocides, pesticides, etc. D'ici à six mois, le Conseil des ministres pourrait être appelé à se prononcer sur la question de l'usage des produits chimiques.

Sur des terrains à grande fertilité, l'entretien devient une activité indispensable, car la compétition de la végétation est plus forte. Si aucune politique rationnelle d'utilisation des produits chimiques homo- logués n'est adoptée, le programme de régénération de la forêt est remis en cause.

Le MER étudie la possibilité d'émettre un contrat d'aménagement complémentaire pour assurer l'approvisionnement d'usines en cas de manquements des sources normales d'approvisionnement. Le besoin de l'usine justifiera-t-il encore une fois la surexploitation? Les producteurs privés vont devoir adapter leur production aux marchés existants. Ils devront produire moins de bois à pâte car les usines de pâtes et papiers en consomment moins et préfèrent les copeaux. Les producteurs privés devront donc produire des bois de sciage ou des copeaux.

La planification des chemins du réseau de voirie forestière provincial sera faite par le MER. L'exécution des travaux de construction et d'entretien, par l'utilisateur. Un droit d'usage pourra être imposé aux autres utilisateurs pour aider à défrayer en partie les coûts de construction et d'entretien. La mise en application du "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier" implique pour l'industrie une facture annuelle totale de 18 900 000 $.

De l'avis même des comités ministériels, environ 75 % de cette facture sont attribuables à des activités reliées à la protection des ressources autres que la matière ligneuse. M. Gilbert Paillé demande à l'industrie de lui suggérer les moyens à envisager afin de refiler cette facture aux autres utilisateurs de la forêt. Je pense que, sur ma paie, il en part assez de ce temps-ci.

Mais n'est-ce pas la récolte de matière ligneuse qui rend nécessaire l'application de ces modalités d'intervention? Pourquoi les faire payer par les autres utilisateurs? Pour les zones où le droit de coupe sera négatif, le MER envisage une valeur nominale du droit de coupe. Dans ces zones, le coût de remise en production serait supérieur à la valeur marchande des bois. Doit-on alors procéder aux travaux? (10 h 45)

Le MER devrait plutôt se poser la question contraire: Va-t-on exploiter les zones où les coûts de remise en production seraient trop élevés afin de préserver l'environnement? Il est à craindre que la "zone pâte", au nord du 50e parallèle, soit exploitée sur une base de "liquidation": on coupe tout à blanc et on se sauve!

Selon certaines personnes, non nommées dans le document, les coûts de remise en production des sites exploités sont sous-évalués. Selon M. Paillé, la valeur des coûts de remise en production varie de 0,35 $ à 9,94 $ le mètre cube au Québec. Le MER n'a pas les données pour les forêts feuillues. Seront-elles laissées pour compte ou exploitées sur une base de liquidation?

D'autre part, une note de service circulant au Service canadien des forêts, dont nous avons obtenu copie, indique que le

calcul de la possibilité avec reboisement établi par le MER est contesté par certains ingénieurs forestiers. Mais M. Paillé, dit-on dans ce document, "a fortement insisté pour que ce point ne soit pas soulevé lors des audiences de la commission parlementaire, prétendant que ce point devrait faire l'objet de discussions entre forestiers lors de réunions techniques plutôt que de faire l'objet d'un débat public". Le calcul de la possibilité n'est donc pas un critère objectif universel, mais un calcul arbitraire modifiable selon des intentions données. Aurait-on des choses à cacher à la population, propriétaire de la forêt?

Ce même document mentionne que l'on se fait désormais plutôt discret sur les mesures d'aide financière à l'industrie "à cause de l'enquête actuelle des États-Unis en vue de l'imposition de droits compensatoires".

Cette liste exhaustive d'éléments susceptibles de controverse démontre à maints égards que la ressource forestière n'est pas plus considérée par le MER et l'industrie, sauf pour le bois, que la main-d'oeuvre forestière. Comment peut-on attendre de ceux qui n'ont même pas à coeur d'assurer le gîte, le couvert et le mieux-vivre aux travailleuses et aux travailleurs qu'ils préservent le gîte et le couvert d'une faune et d'une flore variées? Comment s'attendre qu'ils s'intéressent au développement d'une utilisation polyvalente ou à un respect écologique de la forêt? Ce n'est certes pas le "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier" rendu public récemment qui changera quelque chose.

C'est pourquoi nous profitons de cette tribune pour demander que soient réglementées, et ce de façon très stricte, des modalités revues et adaptées d'intervention en milieu forestier. Un guide d'intervention qui serait préparé par des spécialistes de diverses disciplines, indépendants du MER, servirait de document de référence pour préparer une réglementation adéquate. Dans le passé, même s'il y avait des règlements, ils n'ont jamais été respectés, et on voit où on en est aujourd'hui. Si les règlements peu nombreux qui avaient été adoptés à l'époque avaient été respectés, on ne serait peut-être pas ici aujourd'hui, en commission parlementaire.

Le guide gouvernemental est trop incomplet, inadéquat et carrément insuffisant pour assurer une modification des interventions de récoltes de bois pratiquées actuellement et reconnues coûteuses et néfastes pour l'environnement: coupes à blanc sur de grandes superficies, machinerie lourde dévastatrice, etc. À preuve, cet extrait du guide gouvernemental démontrant un laxisme évident: "L'application des modalités d'intervention forestière, pourra être essentiellement assurée par le ministre de l'Énergie et des Ressources en s'appuyant sur la réglementation existante et par le truchement des permis de coupe concédés "pourra", n'oubliez pas cela, ce n'est pas écrit "devra", mais "pourra" - À cet égard, les circonstances très spéciales (lesquelles?) liées, entre autres, aux conditions du milieu peuvent amener les gestionnaires à autoriser un resserrement ou un assouplissement de ces modalités par une prescription au permis de coupe."

La réglementation actuelle nous a menés dans un cul-de-sac. Bien entendu, tout sera négocié à l'amiable et en privé. Ne demeure-t-on pas là dans la plus totale incertitude?

Des besoins supplémentaires en bois d'une usine pourraient-ils amener l'assouplissement des modalités? Il faut soustraire l'environnement de règles trop arbitraires de gestion qui ont, par le passé, été insuffisantes pour éviter sa constante dégradation.

Une réglementation formelle et appliquée rigidement par un groupe multipartite indépendant est nécessaire si on souhaite que cesse l'appauvrissement de notre patrimoine.

Le Parti libéral, en février 1985, dans un document intitulé "Pour une politique écologique de la forêt" préconisait, à moins que cela n'ait été qu'un exercice de récupération politique: "la formation d'un groupe de travail indépendant (tel que préconisé par le BAPE) et devant relever du Conseil exécutif. Le mandat confié aux membres de ce groupe de travail consisterait à produire la documentation pertinente à l'ensemble du dossier relatif à la forêt et également à préparer les paramètres d'une gestion douce de la forêt." Un discours d'Opposition non engageant à l'époque. Le Parti libéral, par la voix de Mme Lise Bacon et de M. Pierre Fortier, allait jusqu'à affirmer qu'il semblait "réaliste de croire que le ministre québécois de l'Énergie et des Ressources ne possède pas tous les moyens et les connaissances pour solutionner les multiples problèmes reliés au monde de la forêt". Pourquoi ne pas profiter du pouvoir pour insuffler de véritables changements au mode de gestion de la forêt? Peut-être le pouvoir raccourcit-il la mémoirel

Loin d'assurer l'utilisation polyvalente et le respect écologique de l'ensemble du territoire forestier, le plan gouvernemental d'affectation du territoire et de mise sous contrat avec l'industrie forestière d'une grande partie du Québec constitue une privatisation à peine voilée de notre forêt. Les compagnies forestières privées se voient assurées d'une priorité d'utilisation et cela, à perpétuité, des ressources de ces territoires. Une véritable polyvalence reconnaîtrait la multiplicité des fonctions écologiques de la forêt et des usages qui peuvent en être faits

sur l'ensemble du territoire forestier et non seulement sur quelques parcelles. Le plan d'affectation malléable et proindustriel que propose le gouvernement est une soumission aux intérêts de l'industrie léguant notre patrimoine à une poignée de compagnies qui le modèleront à leur avantage et selon leurs besoins spécifiques.

Les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers ne doivent pas voir le jour tels qu'ils sont conçus actuellement. L'État doit prendre ses responsabilités et confier la gestion et l'aménagement de la forêt à une société publique qui en assurera la pérennité dans le respect écologique et l'utilisation poiyvalente intégrée de l'ensemble du territoire.

En guise de conclusion, nous tenons à vous souligner que les éléments que nous soulevons ici ne constituent qu'un avant-mémoire, puisque vous proposez un avant-projet de loi. Lorsque le ministre délégué aux Forêts disposera d'un projet de loi en bonne et due forme, nous exigerons que soit tenue une commission parlementaire itinérante et publique afin que tous les propriétaires du patrimoine collectif qu'est la forêt aient la possibilité d'exprimer leurs attentes et leurs aspirations. Les consultations privées et les travaux en catimini ont assez duré. Si le ministre délégué aux Forêts a l'audace de nous tenir collectivement responsables, au côté des gouvernements et de l'industrie, de l'état lamentable de nos forêts, qu'il ait au moins le courage d'en discuter publiquement avec toute la population.

Nous sommes assez surpris depuis la tenue de ces audiences du peu de couverture qu'on a vue dans les journaux. On ne sait pas si les journalistes sont désintéressés, on ne sait pas si c'est un manque de volonté politique afin de lancer cela plus à l'avant. Pas plus tard qu'hier, à la télévision, on disait que le bois était l'une des richesses les plus importantes au Québec et même la plus importante. On couvre dans le moment la commission parlementaire de l'éducation à Radio-Québec et celle qui concerne la richesse la plus importante au Québec - vous comprendrez que, si on la perd, et on est en train de la perdre... elle n'est même pas couverte par Radio-Québec. Cela nous fatigue un peu. On trouve cela un peu... Ou bien vous voulez continuer en catimini. On aurait voulu que la population soit plus informée sur ce qu'il y a de plus important au Québec, la richesse collective qui nous appartient, la forêt, dont on n'entend pratiquement pas parler, sauf dans le Soleil et le Journal de Québec. Mais, dans les grands journaux de Montréal, on n'en entend pratiquement pas parler, et la majorité de la population est à Montréal, qu'on le veuille ou non. Cela nous surprend énormément.

Il y a une certaine agressivité, bien sûr, dans ce qu'on a présenté, mais vous comprendrez que les travailleurs forestiers, depuis 1937, parlent de leurs problèmes. M. le ministre, si vous avez lu 1er' livre que je vous ai vendu, que vous avez acheté... Oui, oui, vous l'avez payé, à rabais, mais vous l'avez payé. Je vous ai fait un spécial.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'ai négocié.

M. Cantin: Vous avez négocié. Si vous l'avez lu, vous vous êtes aperçu que les travailleurs, depuis 1937 et, avant cela, depuis 1907, se sont battus pour garder leur patrimoine et les meilleures conditions de travail. Il est spécifié dans le livre qu'en 1921 les travailleurs du papier demandaient au gouvernement une réglementation sur la pollution de l'air et de l'eau; 1921, ça fait longtemps, M. le ministre et messieurs les représentants du gouvernement. Ce n'est pas d'aujourd'hui et on fait juste commencer à la mettre en application. Je ne voudrais pas mourir avant d'avoir vu un peu de résultats. C'est juste ça que je demande au gouvernement.

Si vous avez des questions, allez-y, on va vous écouter. J'ai des camarades pour répondre à toutes les questions.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup de votre mémoire, M. Cantin. À moins que vous n'ayez d'autres commentaires, je vais laisser la parole à M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. Cantin et à chacun et chacune des membres de votre équipe. Évidemment, vous m'aviez prévenu de votre agressivité avant de faire votre discours. Cela ne m'a pas causé de surprise du tout.

J'aimerais vous parler de la machinerie pour quelques minutes et du "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier". Je vous ai dit, lors d'une rencontre privée, que je n'avais jamais recommandé et que je ne recommanderais jamais à un ouvrier forestier de se porter acquéreur de la machinerie. Vous souvenez-vous de cela?

M. Cantin: Je n'ai pas bien entendu. Excusez-moi, vous auriez dû me rappeler à l'ordre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est parce que vous n'écoutiez pas, comme moi, tout à l'heure.

M. Cantin: C'est ce que je vous dis, M. le ministre. Vous auriez dû me rappeler à l'ordre comme je l'ai fait avec vous. D'accord?

M. Côté: (Rivière-du-Loup): Cela viendra, ne vous en faites pas.

M. Cantin: D'accord. Allez-y!

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais vous entretenir un peu de machinerie pour, ensuite, avoir votre opinion. Je vous ai dit, lors d'une rencontre privée, que je n'avais jamais, comme forestier, recommandé et exigé qu'un ouvrier forestier se porte acquéreur d'une machine. Est-ce vrai? Comment se fait-il que les ouvriers se portent quand même acquéreurs d'une machinerie? Vous dites qu'ils sont forcés, mais si vous leur conseillez de ne pas le faire, comment se fait-il qu'ils ne vous écoutent pas?

Mme Montpas (Thérèse): Si vous me le permettez, je vais répondre à cette question, M. le ministre. Il faudrait voir comment les choses sont arrivées, d'abord. On a préparé quelque chose pour votre compréhension. Je suis un peu surprise que vous ne sachiez pas ce qui se passe. Vous dites toujours que vous êtes dans le secteur depuis 30 ans. Alors, je ne comprends pas. Il y a un document qui s'appelle "Les conditions de travail et de vie des travailleurs forestiers du Québec affectés à la récolte de bois". À la page 12, on explique l'histoire de la propriété des machines. Pour le bénéfice de la commission, je vais faire un exposé qui résume le chapitre. Cela a commencé en 1970. À l'époque, des compagnies avaient ce qu'on appelait de la petite machinerie. Pour diminuer des frais, évidemment - mais cela, elles ne l'ont pas dit aux travailleurs à l'époque - elles ont offert aux travailleurs d'acheter les machines. Les machines avaient l'air, évidemment, beaucoup plus efficaces que la seule scie ou les bras des travailleurs ou le cheval. Les compagnies ont donc commencé à vendre la machinerie à des taux tellement bas que c'était alléchant pour les travailleurs. Effectivement, les premières années, les travailleurs ont fait un peu d'argent avec cela.

Sauf qu'il y avait d'autres sortes de machines qui s'en venaient. Les travailleurs ne le savaient pas, mais les compagnies le savaient. Au fur et à mesure des années, les premières machines achetées étaient plus ou moins intéressantes pour la production des compagnies. À ce moment-là, les travailleurs ont dû acheter des machines beaucoup plus onéreuses. Pourquoi les compagnies ont-elles vendu cela aux travailleurs? Cela s'explique très bien. Parce qu'elles ont vu là l'occasion de faire des économies importantes. Â l'époque, je vais donner l'exemple de la compagnie CIP en Mauricie, il y avait un inventaire de pièces de 1 000 000 $ dans le bois. Quand les compagnies ont vendu la machinerie aux travailleurs, elles se sont débarrassées de l'inventaire. Aujourd'hui, les travailleurs traînent cet inventaire dans leur "pick-up". Elles se sont débarrassées de la main-d'oeuvre: les mécaniciens, parce qu'étant moins propriétaires de machines elles avaient besoin de moins de mécaniciens. Parce qu'il faut savoir que, dans le bois, les propriétaires de machine et leurs coéquipiers, quand la journée de treize heures est finie, si la machine a eu des avaries dans la journée, ils doivent la réparer la nuit pour qu'elle soit prête le lendemain. (11 heures)

Les économies - si on peut appeler cela des économies - sont allées plus loin, en plus. Aujourd'hui, il y a des compagnies que vous connaissez très bien, Quebec North Shore, d'autres compagnies qui, pour l'utilisation du garage qui est déjà dans le bois quand les gars veulent réparer l'hiver leur machine à l'abri, vont charger un taux horaire pour l'utilisation du garage. Si le gars n'est pas assez expert en mécanique, à ce moment-là, il va prendre le mécanicien de la compagnie. On va lui charger 27 $ ou 30 $ l'heure pour réparer la machine. Vous irez voir, pour éviter cela aujourd'hui, les gars s'installent des garages en polythène. Quand vous avez de la soudure à faire ou autre chose du genre, c'est très dangereux.

Pourquoi les travailleurs n'obéissent-ils pas? C'est assez simple. C'est parce que, aujourd'hui, les compagnies exigent, par exemple, différents types de machines si les travailleurs veulent garder un emploi. Et vous savez très bien, M. Côté, que de l'ancienneté, en forêt, il n'y en a pas. Les compagnies ont toujours encouragé ce système: quelqu'un qui arrivait avec son équipement amenait des gars qu'il aimait voir travailler pour lui. On n'a jamais été capable de faire appliquer des clauses d'ancienneté qui protègent les travailleurs abatteurs entre autres et même les propriétaires de machines dans le bois.

Alors, ce que les compagnies ont fait, surtout avec la crise en 1981 et ce qui a suivi, elles disaient: Si tu veux garder ta "job", cela nous prend tel type d'abatteuse. C'est comme cela que cela se passe. Les travailleurs n'ont pas le choix. Ils le savent. Ils ne nous écoutent pas. Mais, M. Côté, vous étiez à la Scierie des Outardes quand il y a eu une grève en 1980: 2500 travailleurs forestiers pour combattre quoi? La propriété des machines et le travail à forfait. Rappelez-vous que ce qu'on tentait de négocier à ce moment c'étaient des prix pour les machines.

Je vais vous parler des contrats de location de machinerie que les compagnies passent avec les travailleurs. Et vous le savez que c'est cela, entre autres à la Scierie des Outardes. M. Aubert Tremblay qui est dans la salle, ici, était directeur du personnel dans le temps. Vous avez manoeuvré pour que la lutte des travailleurs soit un échec et vous savez ce qui est arrivé après. J'aime bien ce genre de questions

quand vous connaissez toutes les réponses.

Des contrats de machines, on va vous en parler. Allez à la page un peu plus loin. Je vai3 vous parler des contrats de la CIP. Je vais vous faire une petite lecture de certains contrats qui sont passés par la compagnie CIP avec ces propriétaires de machines - à la page 25 du document - des contrats tout à fait illégaux. Le document s'appelle: "Les conditions de vie et de travail des ouvriers affectés à la récolte du bois".

M. Cantin: Vous allez le trouver dans la chemise jaune, page 25.

Mme Montpas: Alors, je vous suggère le troisième paragraphe: "Le locateur assumera l'entière responsabilité et s'engage à protéger et dédommager la compagnie contre toute réclamation ou perte provenant de blessures corporelles ou autres dommages aux biens personnels causés au locateur, à ses employés, s'il en a, ou à des tiers par l'exécution du présent contrat. "La compagnie ne sera pas tenue responsable par le locateur - elle est forte, écoutez-la bien - des conditions de chemins ou de terrains ou des accidents résultant de ceux-ci et le locateur ne fera aucune réclamation contre la compagnie à ce compte. Le locateur devra se conformer, le cas échéant, aux règlements de la Loi sur les accidents du travail en vigueur dans la province de Québec, où se déroulent les opérations."

Vous savez, M. Côté, qu'il y a des compagnies qui enlèvent actuellement des primes et différentes obligations qui relèvent des employeurs sur le revenu des machines. Ce que, à titre d'employeurs comme concessionnaires forestiers, ils doivent payer, ils prennent cela sur le revenu des machines. Cela mériterait une bonne enquête.

Je termine. "Le locateur convient d'accepter aux fins de paiement le fichier des heures de service que tient la compagnie de même que la quantité ou le volume de travail qui a été établi par la compagnie. Il s'engage en outre à ne pas présenter de réclamations pour retard ou perte de temps. "Dans les cas où la compagnie aurait fourni au locateur des carburants, des lubrifiants ou des appareils, le locateur s'engage à accepter les rapports de coûts et de volume de la compagnie et à rembourser à celle-ci, sur demande, la somme qui y est indiquée. Des versements en acompte des sommes dues seront faits de temps à autre et ce, à la discrétion de la compagnie."

C'est là le genre de contrat qui est passé par CIP. Si la commission est intéressée, on a des contrats que la compagnie Kruger a passé avec ses travailleurs, la compagnie Barette et Saucier.

Ce qu'on veut vous dire aussi, c'est qu'une des conséquences sur les travailleurs de la propriété des machines, vous allez voir à la lecture du dossier que des travailleurs... On a vu le parc d'équipement. Les machines valent, pour une débusqueuse actuellement, en 1985, entre 125 000 $ et 250 000 $ pour une abatteuse ou une ébrancheuse. Ces travailleurs ont ce coût d'achat, l'intérêt, l'entretien et tout ce qu'il peut y avoir avec cela. Vous comprendrez que 250 000 $ - il y a peut-être des hommes d'affaires dans la salle - c'est souvent plus que ce qu'il faut pour lancer une PME, tellement populaire par les temps qui courent.

Ce qui arrive, c'est qu'avec le temps la PME du travailleur forestier ne prend pas de valeur; même s'il a produit des arbres, sa machine ne prend pas de valeur. Elle se dégrade elle aussi. Au bout de dix ans, au bout de huit ans, s'il a la chance de pouvoir travailler encore avec la même machine, s'il n'y a pas eu trop de problèmes, ou encore si la compagnie veut l'accepter avec ce genre de machine, il est obligé d'en acheter une autre. Vous avez trois sortes d'exemples qui sont donnés un peu plus loin ou un peu plus avant dans le document qui sont des contrats d'achat de machines. L'exemple qu'on cite est celui d'un travailleur qui achète une machine de la compagnie Traders, par exemple. On constate que dans un certain cas il a à peu près 6000 $ pour sa machine quand il la vend pour en acheter une plus grosse. Il est obligé de recapitaliser 47 000 $. Dans certains cas, c'est 80 000 $. Les mensualités sont de 5000" $, 6000 $, 12 000 $.

Quand le système est organisé comme cela... Depuis 1981, les saisons de coupe ont diminué. Vous savez qu'il y a une demande en bois rond qui est moins forte. Il y a eu la crise. Les travailleurs avaient les mêmes machines et moins de temps pour travailler. Il y a des compagnies qui ont embauché plus de monde sur une plus courte saison pour éviter des frais de gardiennage, de camp et ce qu'on pourrait appeler les frais fixes ou les frais de service. Les travailleurs poussent leurs machines davantage et beaucoup ont fait des faillites. Évidemment, c'est pour cela qu'on réclame une enquête. Les travailleurs sont pris à la gorge. Ils ont essayé en 1980 de s'en sortir et ils n'ont pas pu le faire. Moi, je pense qu'il faut lire attentivement cette situation.

Les machines sont payées à forfait. On n'a jamais pu négocier des taux pour les machines parce que les compagnies disaient: Les machines? Ce n'est pas syndiqué, une machine ne vote pas! Sauf que nous on considère qu'une machine c'est un outil de travail, au même titre que la scie mécanique du travailleur qui abat du bois et pour lequel on a négocié des pourcentages de compensation pour son utilisation de scie. Pour un mécanicien en forêt qui a un coffre d'outils qui peut valoir de 1500 $ à 2000 $,

on négocie des assurances, le remplacement de l'outillage quand il est perdu ou brisé par l'usure. Quand on arrive aux machineries forestières, on ne peut rien faire. La proposition qu'on faisait à l'époque c'était de se baser sur les taux payés par le gouvernement quand il louait de la machinerie de cette sorte. Le problème de la propriété des machines, cela se résume, si ceci est un résumé, à ce que je viens de vous dire. Des scandales, on pourrait en sortir à la tonne dans ce secteur.

Si quelqu'un voulait regarder les contrats comme il faut... D'ailleurs, on avait fait étudier les contrats - les contrats de Kruger, entre autres, Barette et Saucier - de vente de machines d'autres compagnies par des spécialistes en droit et on nous disait, c'est rapporté dans le document, qu'il s'agissait de contrats soumis à la Loi sur la protection du consommateur, et les contrats étaient tout à fait illégaux. Je vais arrêter ici. J'aimerais vous parler des ouvriers de la plantation pour lesquels on a aussi un document important.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Madame, vous parlez de contrats illégaux, mais je vous dirai que la grève de la Scierie des Outardes Enr. que vous nous avez faite en 1980-1981 était aussi illégale.

Mme Montpas: Une grève c'est toujours légitime. Un contrat illégal, cela ne l'est jamais, M. le ministre.

M, Côté (Rivière-du-Loup): C'est devenu légal avec le temps. Il reste que je suis parfaitement conscient que, si les compagnies offrent aux ouvriers d'acheter de ta machinerie, c'est par économie. Je suis parfaitement conscient de cela. Je me demande pourquoi les ouvriers le font, pourquoi ne vous écoutent-ils pas? C'était ma question.

Mme Montpas: Cela se comprend très bien. J'ai expliqué tout cela. Ils n'ont pas le choix, ils veulent travailler.

M. Côté (Rivière-du-Loup): S'ils étaient solidaires, les compagnies ne les forceraient pas. Oui, M. Cantin.

Une voix: II y a des travailleurs en arrière.

M. Cantin: Demandez-vous donc pourquoi ceux qui vont ramasser des tomates en Ontario y vont. C'est parce qu'ils ont besoin. Ceux qui ramassent des raisins dans la Californie ou dans ces coins, avec des conditions énormes, c'est parce qu'ils ont besoin. Ne vous demandez pas pourquoi ils font cela. C'est parce qu'ils ont besoin. Ils ont besoin de travailler, il faut qu'ils travaillent. Même si vous pensez que le monde aime vivre de l'aide sociale, c'est tout le contraire. Parce que quelqu'un qui va à l'aide sociale sait qu'il vient de perdre son entité humaine. À partir de ce moment-là, il n'est pas intéressé à cela, il veut travailler, mais il travaille à des conditions telles qu'il est obligé de le faire. Ce n'est que cela. Ce n'est pas pour le "fun" que ces gens vont à l'aide sociale; il y vont par obligation, pas pour autre chose. Les jobs, cela ne court pas les rues en ce moment.

Ceux qui peuvent se sortir de la forêt pour aller travailler dans une usine, dans les usines à papier... Vous n'avez qu'à regarder mon monde, vous allez vous apercevoir qu'on commence à avoir de l'ancienneté. Cela dégringole, ce sont 125 jobs, à l'usine, chez nous, à Donnacona, que nous avons perdus. Les vieux sont en dedans et les jeunes attendent pour entrer. Les gens n'ont pas d'ouvrage, alors ils prennent ce qu'ils peuvent prendre. Les gars de la forêt, ils s'arrachent avec ce qu'ils peuvent. C'est seulement pour cela.

Pour être solidaires, ils sont solidaires. S'ils avaient l'avantage d'avoir la solidarité... Mais ils ne sont pas capables de le faire dans le moment.

Mme Montpas: Je vais vous donner un autre exemple de ce qui se passe, M. Côté. La compagnie Consol, à Basse-Matawin - je pense qu'il y a des gens qui doivent le savoir ici... C'est seulement pour dire que les travailleurs sont toujours coincés, même quand ils essaient de faire quelque chose dans le respect des lois. En 1983 ou 1984, ils ont fermé les camps. Les travailleurs, quand ils ont été rappelés au travail, coupaient du bois exactement au même endroit que l'année précédente, mais la compagnie avait décidé de se débarrasser de ses camps, de la cuisine, etc., par économie encore, et de donner cela à un mouvement scout pour 1 $. Cela lui faisait une belle jambe, mais les travailleurs se sont retrouvés, du jour au lendemain, obligés de voyager soir et matin -il y en a qui faisaient jusqu'à 200 kilomètres par jour - et d'assumer le coût de ce transport. Ceux qui n'ont pas voulu voyager soir et matin ont décidé de loger dans des autobus ou de loger dans une roulotte qu'ils avaient achetée, sans eau courante, sans eau potable, sans salle de toilette, sans douche, sans salle de séchage et de lavage pour leur linge et, évidemment, sans tout le reste que l'on trouve normalement dans le camp organisé que la compagnie Consol avait là.

L'année suivante, tes travailleurs se sont plaints à la CSST. La compagnie Consol leur a installé un lavabo. Vous avez dû voir le dossier dans la revue de la CSST de janvier et février 1986; c'était écrit: La compagnie Consol, Basse-Matawin. Tout le monde connaît la Consol, elle s'insurge

facilement. À ce moment-là - vous voyez -il y avait un tuyau dans la terre pour l'eau qui s'égoutte et il y avait quatre poteaux avec une toile de polythène et les travailleurs allaient se laver le corps là, les deux pieds dans la boue, évidemment. Ce n'était pas chaud non plus, à l'automne, vous comprendrez cela.

L'année suivante, parce que la CSST est venue et qu'elle a fait des recommandations... Les travailleurs ont fait revenir la CSST. Savez-vous ce qui s'est passé cette année? Cette année, la compagnie Consol, le 1er mai, lors d'une réunion, leur a dit: On n'a pas aimé la photo qui est parue dans la revue de la CSST, on vous enlève le lavabo.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Mme Montpas: La compagnie Consol, cette année, par obligation par la CSST... Je vous donnerai le dossier si cela vous intéresse et les lettres; Mme Jérôme Forget a été avisée de cela aussi. On lui a dit: II faut que vous mettiez quelque chose pour sécher le linge des gars. Quand on arrive de la forêt et qu'on a travaillé toute la journée, on est mouillé, il a plu ou il a neigé. Alors, ils ont mis une espèce de cabane qu'ils ont peinturée du mieux qu'ils pouvaient, ils ont installé des cordes à l'intérieur et ils y ont mis une truie. Savez-vous ce qu'ils ont dit aux gars? Si vous voulez chauffer la truie, allez vous couper du bois de chauffage. Les abatteurs, à la fin de leur journée de travail, vont couper le bois de chauffage pour chauffer la truie qui sèche le linge. Cela, c'est la compagnie Consol.

M. Côté, je suis obligée de vous le demander: Est-elle sur la liste de vos "batcheux", la compagnie Consol de Basse-Matawin? Si vous voulez en savoir plus, il y a derrière nous le président de ce syndicat à Basse-Matawin. S'il y en a qui veulent aller lui parler, il va vous expliquer l'histoire de leur lavabo et de leur salle de toilette.

Ils s'approvisionnaient en eau potable. À un moment donné, ils ont fait une expertise; l'eau n'était pas bonne. La compagnie a dit: Allez vous approvisionner en eau potable au camping plus loin. Qu'est-ce que la compagnie a économisé? Elle a économisé le personnel de cuisine, les gardiens, évidemment, le chauffage et tout ce que vous voulez, mais les travailleurs, vous savez qu'aujourd'hui, ils n'ont plus de repas chauds. Alors, ils mangent des cannes de bines et, quand ils reviennent le soir, ils sont obligés de faire leur souper. Ils ont treize heures de travail dans le corps, ils sont fatigués, épuisés. Ceux qui connaissent cela un peu savent dans quelles conditions les travailleurs reviennent. (11 h 15)

Pourtant, j'ai retrouvé, dans une petite brochure écrite par M. Vernon Price qui a travaillé dans des camps, dans l'Outaouais, dans les années trente, une photo où on voyait des travailleurs assis sur un billot, dans le bois. Il y avait deux chevaux - un "team" comme on l'appelait - qui avaient apporté la nourriture chaude de la cuisine et les travailleurs lui expliquaient qu'ils mangeaient des bines - des choses comme cela - de la soupe et des desserts. C'était chaud, et c'était en 1930. Aujourd'hui, les travailleurs n'ont plus de repas chauds dans le bois, c'est fini celai Tout ce qu'on avait négocié dans les clauses des conventions collectives comme horaires de travail, comme repas - les cuisines satellites où les travailleurs pouvaient aller. le midi manger des repas chauds - tout ce qu'on avait négocié de conditions de vie un peu humaines et de conditions d'hygiène, ce n'est plus respecté dans les conventions à cause de la crise, à cause des camps qui ont fermé et à cause de la courte saison et des économies que les compagnies de papier et de sciage, évidemment, réalisent sur le dos des travailleurs de cette façon. Peut-on accepter au Québec qu'il y ait une main-d'oeuvre qui soit traitée comme cela? On n'est pas seuls à dire qu'on ne sait pas vraiment ce qui se passe dans le bois. Nous on le sait parce qu'on a le contact avec les travailleurs et le comité de recherche et de développement le dit aussi. C'est pour cela qu'on veut une enquête publique.

Je vais vous parler tout de suite, si vous permettez, des travailleurs de la plantation. C'est encore pire que les travailleurs forestiers. On vous a préparé ce dossier. Je vous demande de le lire attentivement. Vous avez une liste. Il était dans la chemise; je l'ai enlevé de la chemise. Je ne me souviens pas de la couleur.

Des voix: Rouge.

Mme Montpas: C'est la chemise rouge. Toute la réglementation à laquelle devraient être soumis ces gens, comme les compagnies de papier d'ailleurs, la CSST, le peu de réglementation qui existe, la CSST, la Commission des normes du travail, le ministère de l'Environnement, n'est pas respecté par ces gens, c'est-à-dire les sous-traitant à qui vous donnez des contrats. La rapporteuse qui a dit les choses qu'il ne fallait pas dire, qu'on n'avait pas le droit de dire et qu'il fallait cacher, c'est moi. Quand j'ai entendu M. Defrasne, un des fonctionnaires, dire à la demande du vice-président de la compagnie CIP: Écoutez, de la réglementation il y en a en Ontario et au Nouveau-Brunswick, ici au Québec, on ne voudrait pas se retrouver avec une réglementation sévère; le gouvernement du Québec serait d'avant-garde s'il ne régie-

mentait pas avec le manuel de l'aménagement forestier. J'ai trouvé cela magnifique. Mais M. Defrasne répond: Nous avons promis au comité Scowen qu'il y aurait le moins de réglementation possible. On n'avait pas encore été entendus mais en tout cas la promesse a été faite. Comprenez un peu notre agressivité. Là, je me suis demandé: Est-ce que cela veut dire que les règlements de la CSST, de la Commission des normes du travail, du ministère de l'Environnement qui ne sont pas respectés actuellement vont en plus de cela disparaître?

Vous avez eu une certaine description tantôt de tout ce que les travailleurs de la plantation sont obligés d'acheter pour travailler. Ce sont d'autres sortes de travailleurs qui paient pour travailler. Ils ont toutes sortes de problèmes qu'on décrit très bien ici. Ils sont payés à forfait. La moyenne que vous accordez ou qu'un sous-traitant peut payer avec les contrats que vous accordez, c'est 0,06 $ à 0,07 $ le plant. Au taux où vous accordez les contrats, il ne peut pas s'organiser pour respecter les normes de la CSST, semble-t-il. Vous avez dans votre contrat de plantation que vous faites signer à des exécutants, comme vous les appelez, 20 pénalités. On en a nommé quelques-unes. Ces 20 pénalités sont facturées à l'exécutant. Savez-vous ce que fait l'exécutant? Il se retourne vers les travailleurs et il prend leur paye et il divise les pénalités entre les travailleurs; 0,06 $ à 0,07 $ le plant, cela paie mal une épicerie en fin de semaine quand on est obligé de payer des pénalités imposées par le MER. Plus que cela, et peut-être que vous ne le savez pas, M. le ministre ou M. Ciaccia, le déchargement des plants se fait à n'importe quelle heure sur le site de plantation. Il peut être 14 heures de l'après-midi, 11 heures du matin, les travailleurs sont partis au loin sur leur bloc de plantation, et il faut qu'ils reviennent au pas de course, et vous savez pourquoi? Parce que si cela prend plus de deux heures pour décharger la van qui est obligée de se déplacer d'un bloc à l'autre bien souvent, vous chargez 45 $ l'heure de pénalité. Les travailleurs qui sont obligés et qui arrêtent la plantation pour aller décharger les vans ne sont pas payés pendant ce temps.

Une voix: Pas un sou.

Mme Montpas: On a ri tantôt quand on a dit qu'ils sont devenus végétariens par obligation. II y a un sous-traitant qui a fait signer des contrats à des travailleurs où le contrat disait qu'ils acceptaient la nourriture végétarienne. Pourquoi? Parce qu'il ne voulait pas acheter ce qui fallait pour conserver la nourriture. L'alimentation est terrible. Ce n'est pas que cela ne se peut pas, M. Ciaccia, c'est la vérité. On a visité douze plantations de coopérative cet été. On a six heures de bobines de vidéo. D'ailleurs, M. Paillé que j'ai vu tantôt dans la salle le sait. Quand on est allé à CIP, pour les plantations de CIP, il était là sur place.

Une voix: II est dans le vidéo.

Mme Montpas: On a un vidéo où les travailleurs s'expriment et on démontre comment cela se passe, tout ce qu'ils sont obligés d'acheter et que j'ai dit tantôt, les règlements qui ne sont pas observés et tous les problèmes qu'ils ont en plus dans le travail. Il y a des problèmes ergonomiques, des problèmes de tendinite, des problèmes à la cage thoracique qui, après deux, trois ou quatre ans, vous créent une impression de paralysie parce que ce qu'ils transportent sur leur dos est très pesant à la longue. Ce sont des maladies qui ne sont pas reconnues par les médecins; les médecins pensent que c'est parce que les gens sont paresseux.

Vous dire la situation de ces gens-là... On a soutenu au Québec la lutte des travailleurs, vous vous souvenez, ceux qu'on appelait les raisins de la colère, les Mexicanos, qui étaient dans les plantations du sud de la Californie, les plantations de laitue. Je suis sûr qu'il y en a qui ont appuyé cela ici. Si on vous disait que les travailleurs de la plantation sont dans des situations pires que cela.

Le Président (M. Baril): Madame...

Mme Montpas: Ils n'ont pas de place pour sécher leur linge eux non plus; peut-être pas pires, mais aussi pires.

Le Président (M. Baril): Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît...

Mme Montpas: Oui.

Le Président (M. Baril): ...parce qu'il reste seulement deux minutes au temps du ministre? On ira ensuite à M. le député de Duplessis.

Mme Montpas: Je vais seulement ajouter qu'on pense que les contrats que vous faites signer sont responsables en grande partie de la situation des travailleurs, bien que certains entrepreneurs soient plus ou moins, je dirais, recommandables. De plus, l'efficacité du travail à cause de cela n'est pas bonne. Les résultats des plantations peuvent être mis en cause et on ne peut pas compter qu'on va avoir de la qualité et hypothéquer la possibilité de la forêt pour plusieurs années avec une situation semblable. Je vous engage à lire attentivement le dossier; on ne s'est pas promené dans le bois pour rien et le vidéo dure 35 minutes; pour ceux qui sont intéressés, on

peut vous le passer après l'entrevue.

Le Président (M. Baril): Merci. Nous allons...

M. Jolivet: M. le Président, avant que mon collègue ne prenne la parole, il est évident que nous sommes d'accord pour prolonger le temps et permettre au ministre de tutelle, le ministre de l'Énergie et des Ressources, de prendre la parole.

Le Président (M. Baril): S'il y a consentement, on est d'accord. Nous allons donner la parole à M. Perron, du comté de Duplessis, et, selon le principe d'alternance, nous reviendrons.

M. Perron: Merci, M. le Président. Après avoir écouté votre exposé du début et avoir écouté M. Cantin et la dame qui est à votre droite, je pense qu'on ne peut faire autrement que de prendre ce genre d'agressivité, si je peux m'exprimer ainsi, que vous avez face aux conditions de travail des travailleurs et des travailleuses de la forêt et des plantations. Je voudrais tout de même profiter de l'occasion, si vous me permettez, pour souhaiter la bienvenue à M. Cantin ainsi qu'à son groupe et vous remercier du mémoire très direct de votre part qui a été présenté aujourd'hui, mémoire qui soulève non pas plusieurs aspects, mais beaucoup d'aspects des problèmes que vous vivez au niveau forestier.

De ce côté-là, quant à moi, personnellement, comme ancien syndicaliste, je peux vous exprimer le fait que les syndicats ont toujours eu énormément d'importance non seulement dans mon esprit, mais aussi dans mes actions, peu importe le syndicat. C'est la première occasion que j'ai aujourd'hui, comme critique en matière forestière, d'intervenir à ce niveau auprès d'un syndicat organisé comme vous l'êtes. Je voudrais vous souligner que, lors de mon allocution au début de cette commission, j'ai mentionné que, d'abord, les organismes qui étaient entendus devant cette commission n'avaient pas assez de temps pour qu'on puisse poser les questions qui s'imposaient et pour que ces questions aient des réponses convenables de la part des intervenants et des intervenantes. J'ai mentionné aussi que l'avant-projet de loi ne dit pas un mot de l'impact du nouveau régime forestier sur les relations du travail et la formation des travailleurs et travailleuses de la forêt parce que l'abolition des concessions forestières et la création de l'industrie de la sylviculture vont avoir des impacts sur l'organisation du travail en forêt. Cela vous touche de près, les hommes et les femmes. À la fin de cette partie de mon allocution, j'ai mentionné ceci: À cette fin, un groupe de travail interministériel a été mandaté en 1985 et il est éminemment souhaitable que ses recommandations soient connues avant l'adoption définitive de la loi et, s'il y a lieu, que les amendements législatifs soient effectués dans le même mouvement à l'intérieur du Code du travail.

Je voudrais, en passant, avant de procéder à quatre ou cinq questions, parce que mon collègue de Laviolette veut aussi intervenir, vous dire que c'est la première fois que je reçois de tels documents de la part de travailleurs forestiers.

Vous pouvez être assurés d'une chose, c'est que je ne remettrai pas ces documents à des personnes pour qu'elles puissent me faire des recommandations, mais je vais me charger, dans les prochains jours, de lire moi-même les deux documents se rapportant aux travailleurs et travailleuses forestiers, ainsi que dans le domaine des plantations. Nous allons sûrement nous en reparler.

J'ai aussi la forte intention de faire en sorte que le gouvernement accepte que cette commission parlementaire de l'économie et du travail puisse siéger avec un mandat d'initiative pour entendre toutes les parties concernées, c'est-à-dire les syndicats impliqués en forêt et dans les plantations. Ce que je vais demander, ce sera spécifiquement ceci: Qu'un mandat d'initiative de la commission de l'économie et du travail soit donné au plus vite - quand je dis "au plus vite", ce n'est pas dans la semaine des quatre jeudis, parce que cela n'existe pas, tout le monde le sait - sur les conditions de travail et de vie des travailleurs et travailleuses forestiers et sur les conditions des travailleurs et travailleuses du reboisement.

Vous pouvez être assurés que je vais faire tout ce qui est nécessaire pour obtenir que le leader du gouvernement accepte ce mandat d'initiative. Je m'en fais un devoir devant vous, parce que je pense que la santé des travailleurs et des travailleuses a trop d'importance dans notre société pour passer à côté de toutes les questions que vous soulevez dans votre mémoire et dans les annexes.

J'aimerais, si vous permettez, relever deux points seulement de votre mémoire pour faire un commentaire. D'abord, à la page 2, vous mentionnez "persona non grata". Vous avez l'impression d'être considérés comme ça. Quant à moi, quant à l'Opposition, je peux vous assurer que c'est peut-être par déformation parce que je suis un ancien syndicaliste, mais vous n'avez jamais été, ni les gens de la CSN, ni les gens de la FTQ, considérés par le député de Duplessis, Denis Perron, ancien travailleur à Hydro-Québec, comme "persona non grata".

C'est la raison fondamentale pour laquelle j'ai toujours accepté et même recommandé que les commissions parlementaires qui siègent puissent obtenir la

présence des syndicats, peu impartent lesquels. D'autre part - c'est un commentaire que je veux faire et je ne peux pas passer à côté - à la page 10 vous mentionnez "que la sécurité individuelle relevait de chacun des travailleurs et que, dans la plupart des cas, les accidents qui surviennent en forêt résultent d'une imprudence personnelle". Je sais que c'est l'affirmation de quelqu'un qui est probablemenmt ici dans cette salle. Mais, quant à cette affirmation, je peux vous assurer que je ne suis aucunement d'accord, parce que quand on regarde l'ensemble des aspects et des problèmes vécus par les travailleurs et les travailleuses, peu importent les secteurs et, en particulier, dans le secteur forestier, il n'y a pas seulement l'individu, la personne humaine, qui peut faire des erreurs, mais il y a aussi la question du territoire qui peut faire en sorte de causer des accidents. Il y a aussi la machinerie qui, très souvent, n'est pas réparée comme elle le devrait et qui cause des accidents. Il y a aussi la température qui peut apporter d'énormes problèmes aux travailleurs forestiers et, bien sûr - ce que j'ai mentionné tout à l'heure - il y a le domaine de la formation, et j'en passe. J'en passe, je pense que tout le monde le sait. J'en oublie et j'en ai laissé de côté, parce que je dois procéder à quelques questions à l'endroit du syndicat que vous représentez.

D'abord, je voudrais vous poser une question. Lorsque vous parlez d'un travailleur propriétaire d'une machine... On sait que c'est de plus en plus en vogue; c'était très en vogue entre 1970 et 1978. Des changements se sont effectués, c'est-à-dire que les compagnies se sont acharnées à vendre de la machinerie à des travailleurs syndiqués ou non pour faire en sorte de se débarrasser de certains problèmes que vous avez soulevés dans votre mémoire. Je voudrais savoir ceci. Quelle est la proportion actuelle, en pourcentage, de travailleurs forestiers qui sont propriétaires de machine, ceux qui sont syndiqués et ceux qui ne le sont pas? C'est sûr qu'en cours de route vous avez perdu des effectifs syndicaux à cause de personnes qui devenaient propriétaires de machine. Dans votre syndicat, quel est le pourcentage de travailleurs propriétaires d'une machine qui sont syndiqués par rapport à l'autre facteur? (11 h 30)

Mme Montpas: Toutes nos unités couvrent les propriétaires de machine. Partout où on est présent, les propriétaires de machine sont couverts. Ce sont des syndiqués au même titre que l'abatteur.

M. Perron: Par obligation.

Mme Montpas: Par choix. Ils ont décidé de se syndiquer.

M. Perron: Par choix, d'accord.

Mme Montpas: Ils sont inclus dans l'unité parce qu'il y a une disposition du code qui dit que tous ceux qui travaillent à l'abattage, à la récolte, etc., pour un concessionnaire forestier sont couverts par le certificat d'accréditation.

M. Perron: Cela veut dire que cela ne couvre pas l'ensemble du Québec, mais seulement le territoire où vous êtes accrédité.

Mme Montpas: Tous les syndicats, parce qu'il y a d'autres syndicats que la CSN qui représentent les forestiers, couvrent tous les propriétaires de machine. Mais, là où il n'y a pas de syndicat, ils ne sont pas couverts, évidemment, alors que partout où il y a des syndicats les propriétaires de machines sont couverts. Je dois vous dire qu'il y a eu des tentatives des compagnies. H.C. Leduc, par exemple, a conseillé et a aidé des travailleurs à s'organiser en incorporant leurs machines, pensant par là pouvoir les soustraire au certificat d'accréditation. Il y a eu une décision du Tribunal du travail qui établissait que ce n'est pas parce qu'on a une machine incorporée en compagnie qu'on est soustrait au certificat d'accréditation. Il y a eu des essais en ce sens.

M. Perron: Merci. Si vous permettez, M. Cantin ou madame, il y a un comité interministériel qui a été formé en 1985 pour étudier précisément ta question des travailleurs et travailleuses forestiers quant aux retombées du livre blanc qui avait été déposé le 11 juin 1985. Je voudrais vous poser une question: Est-ce que ' ce comité vous a approché en tant qu'entité syndicale pour avoir votre opinion sur les retombées d'un futur régime forestier? Aucunement?

Mme Montpas: II n'y a pas eu de contact officiel nous demandant des avis ou des choses semblables. On savait que le fameux comité patronal-syndical-gouvernemental avait avorté et avait été remplacé par une espèce de comité interministériel. On sait que ces gens sont censés travailler, mais on n'a pas eu de contact officiel.

M. Cantin: Mais il y a déjà eu un comité de la main-d'oeuvre forestière, sous le gouvernement libéral, en plus. Je vous rappellerai que c'est M. Bérubé qui l'a fait disparaître, à l'époque où il a été ministre des Terres et Forêts. J'aime bien clarifier Ies affaires.

Sous le gouvernement libéral, il y avait un comité ministériel qui fonctionnait et on réglait des problèmes. Quand M. Bérubé a été nommé ministre des Terres et Forêts, dans sa grande logique, il a fait sauter ce comité. Aujourd'hui, c'est autre chose.

M. Perron: Là-dessus...

Mme Montpas: M. Perron, si vous permettez, pour dire la vérité aussi, il y a quelque chose qui me revient. J'ai reçu un appel téléphonique d'un fonctionnaire, M. Lord, qui, la semaine dernière ou il y a quinze jours, nous convoquait à une réunion sur la formation des travailleurs. On a été convoqués à seulement trois ou quatre jours d'avis. Nos horaires ne nous permettaient pas d'y assister. Je ne sais pas, par contre, si cela relevait du groupe d'étude dont vous parliez.

M. Perron: Merci de l'information, madame. Maintenant, un commentaire sur ce que vient de dire M. Cantin, quant à la disparition du comité dont vous venez de parler. D'abord, je voudrais vous dire que je ne suis pas nécessairement d'accord avec mon ancien collègue. J'ai toujours été direct avec lui comme avec d'autres, même si je faisais partie de l'ancien gouvernement. C'est peut-être une mauvaise chose que cela ait été fait dans ce sens parce qu'on a perdu alors un outil qui, selon moi, aurait été important dans une journée comme celle d'aujourd'hui et comme celles qu'on vient de passer et que l'on passera.

N'allez pas penser que nous sommes d'accord avec l'avant-projet de loi déposé par le ministre. J'ai l'impression qu'il va falloir qu'il fasse ses devoirs pour inclure certains aspects quant aux modifications, par exemple, dans le cas du Code du travail. J'aimerais bien, là-dessus, si c'est possible pour vous en tant qu'entité syndicale, dans les plus brefs délais possible - je sais que c'est peut-être vous demander beaucoup -que vous essayiez de faire parvenir certaines recommandations aux membres de la commission, pour que les députés ministériels et les députés de l'Opposition soient informés sur la question des travailleurs et travailleuses forestiers, syndiqués ou non, pour qu'on puisse voir la possibilité d'inclure cela dans un prochain projet de loi. Il en va autant de l'avenir des travailleurs et travailleuses forestiers que du reste.

Je voudrais vous poser une question. À la page 19, vous mentionnez: "Voici quelques exemples tirés de procès-verbaux de séances de travail d'un "groupe de consultation sur la politique forestière", tel qu'on l'indique sur ces documents, tenues les 20 mai et 20 juin derniers." Avez-vous fait partie de ce groupe de travail?

Mme Montpas: Je vais vous expliquer comment c'est arrivé. On n'était pas partie au groupe de travail. Vous verrez la liste des membres du groupe de travail; on n'apparaît pas sur la liste. Ce qui est arrivé, c'est qu'un des participants à la première réunion, m'a-t-on raconté, a demandé comment il se faisait que les représentants des travailleurs n'étaient pas là. Le responsable du comité -je pense que c'était M. Paillé, mais je ne fais que rapporter ce que l'on m'a dit - a dit: On va réparer l'oubli la prochaine fois. Mais nous ne recevions toujours pas l'invitation. Alors, à l'occasion d'une rencontre, je ne sais pas trop à quel événement, j'ai vu M. Paillé et lui ai demandé: II paraît que vous devez réparer un oubli. Est-ce que... est-ce que... et est-ce que... J'ai dû m'y prendre à deux fois. Alors, au nom de la fédération, j'ai assisté à la deuxième et à la troisième réunion. Je dois dire que nous sommes la seule organisation de travailleurs qui a été acceptée. Je ne sais pas pourquoi, mais comme organisation on s'est retrouvé là et c'est pour cela que l'on a pu apprendre ce qui se passait, quel était l'état des débats révélés, parce que l'on n'a pas le droit d'accepter qu'un patrimoine collectif soit traité à huis-clos comme cela.

La première réunion avait lieu le 20 mai.

M. Perron: C'est celle à laquelle vous avez assisté.

Mme Montpas: Non, j'ai assisté aux réunions du mois d'août et du mois de juin; mais le 20 mai nous rencontrions M. Côté pour deux autres questions, une fois le matin et une fois l'après-midi. Mais on n'avait pas été invités.

M. Perron: Cette rencontre que vous avez eue le 20 mai se rapportait probablement à la question Kruger.

Une voix: Non, cela n'a pas été soulevé.

M. Perron: Cela n'a pas été soulevé. Je vais toucher la question Kruger. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, M. Cantin, on se doit d'être d'accord avec vous, lorsque vous mentionnez, par exemple, que les coupes de Kruger sont situées à quelque 850 kilomètres et, pour des travailleurs forestiers, cela n'est pas un cadeau. D'autre part, la compagnie elle-même a des difficultés financières. On devra tenir compte des permis de coupe pour allouer des bois plus près du site de la compagnie. D'ailleurs, c'est la raison fondamentale pour laquelle nous sommes parfaitement d'accord que l'on mette l'accent, dans le domaine de la reforestation, sur des arrérages, du "backlog", qui sont énormes pour rapprocher des usines les futures coupes dans 30 ou 40 ans pour que cela puisse profiter à tout le monde. D'autre part, on est parfaitement d'accord avec le fait que l'on doive procéder à ce que l'on appelle la forêt proche des usines, autant la terre publique que la terre privée.

La question que je veux vous poser est

la suivante: Est-ce que dans la demande faite par Kruger, qui est d'ailleurs appuyée, si j'ai bien compris, par le syndicat que vous représentez, Kruger qui fonctionne à Brompton et à Trais-Rivières, il y a un territoire délimité qui a été demandé ou si c'est seulement une demande sans mentionner de territoire?

M. Cantin: Peut-être que la compagnie Kruger a elle-même demandé un territoire donné, mais, lors de la rencontre avec M. Ciaccia, c'était pour rapprocher le plus possible Kruger. Alors il faut dire que M. Ciaccia nous a dit qu'il regarderait cela très sérieusement, puis il n'était pas en désaccord avec nous le matin qu'on l'a rencontré, il faut le dire, sauf qu'on a des relations avec Kruger, même si vous pe.nsez que les syndicats et les compagnies se "maganent". On sait que Kruger a toujours été en difficulté, pas en difficulté économique parce qu'elle fait de l'argent comme n'importe quelle compagnie. Elle en fait peut-être un peu moins, puis elle voudrait en faire autant que les autres. C'est une de ces questions, mais je veux dire que l'entente que l'on avait avec Kruger, c'est qu'elle fait dans le moment des changements technologiques à son usine de Bromptonville et elle fera disparaître ce que l'on appelle la chambre à bois. S'il y a au moins une quarantaine d'employés qui en sortent et s'ils peuvent se rapprocher de leur territoire, ils vont continuer à faire leurs propres copeaux à l'intérieur de l'usine. On conserve l'emploi à l'intérieur de cette usine. C'est important.

Tout le monde le dit et le gouvernement aussi: II faut conserver les emplois et il faut créer des emplois. On s'est embarqué avec eux et on a dit: Eh, on embarque là-dedans. On vous trouve de notre goût. On les aimait. C'est à partir de ce moment-là que l'on a eu une rencontre avec M. Ciaccia, sauf qu'ils n'ont pas eu de réponse, puisqu'ils nous ont demandé de consulter pour voir s'ils pouvaient avoir des réponses là-dessus. C'est le syndicat local -je ne parle pas de la compagnie - qui nous a demandé cela. Il nous a téléphoné et nous a dit: Vous êtes en commission, demandez donc cela en même temps. C'est pour cela qu'on la réitère. Les gens sont inquiets à Bromptonville à cause des changements technologiques qui se font dans le moment.

M. Perron: Merci des informations et des réponses, M. Cantin. Maintenant, je voudrais faire un commentaire. J'aurai d'autres questions à vous poser éventuellement. À la page 28 de votre mémoire, vous mentionnez: "que soit tenue une commission parlementaire itinérante et publique". Compte tenu de l'importance d'un futur régime forestier, avec de la législation et une réglementation énorme tel que c'est proposé actuellement, en plus de tous les pouvoirs ministériels - au nombre de 58 - qui font partie de l'avant-projet de loi, nous considérons, nous de l'Opposition, qu'il est important de se rendre à votre demande, une commission parlementaire itinérante et publique, pour faire en sorte qu'avant l'adoption du projet de loi qui sera déposé à l'Assemblée nationale on puisse obtenir l'ensemble des recommandations, l'ensemble des évaluations faites dans le domaine régional, dans le domaine syndical et dans tous les autres domaines connexes, environnementaux ou autres pour la simple raison que, lorsque le projet de loi sera adopté, il faudra vivre avec. Ce projet de loi doit être un objet capital pour l'avenir de notre forêt collective du Québec et de toutes les personnes qui y travaillent ou qui y travailleront.

M. Cantin: M. Perron, est-ce que je pourrais vous répondre là-dessus? Nous, on voudrait que la commission recommande au gouvernement que le projet de loi ne soit pas adopté avant 1990. Il faudrait absolument qu'à cette commission on prenne le temps de bien faire des choix pour l'avenir. C'est important qu'on fasse les choix pour l'avenir parce qu'il y va de l'avenir du Québec.

Pour ceux qui ont encore des questions et qui doutent qu'on soit dans une rupture de stock, je vous dirai, M. le ministre, MM. les représentants gouvernementaux, qu'on a une usine qui est fermée à l'heure actuelle: Presse Falardeau dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Elle a été construite il y a deux ans et elle n'a jamais fonctionné, une usine flambant neuve de la compagnie Price qui vient de fermer pour rupture de stock.

On nous a donné le choix, nous, comme syndicat, entre deux usines: Kénogami qui va fonctionner pendant quinze ans ou Presse Falardeau qui pourrait fonctionner, en même temps, pendant dix ans. La compagnie a dit: Si on ne ferme pas Presse Falardeau définitivement, la scierie, c'est quinze ans à Kénogami. Vous avez le choix: quinze ou trente ans. Trente ans, on a le temps de renouveler la forêt. C'est là où on en est rendu. C'est beaucoup plus important que vous pensez. Je pense qu'on devrait faire une enquête beaucoup plus approfondie et itinérante partout dans la province pour aller voir tout le monde. Il y a des gens qui voudraient se prononcer mais ils n'ont pas l'avantage qu'on a eu et les capacités financières non plus de venir vous parler ici.

Quant à nous, les travailleurs paient des cotisations et on a l'avantage de venir vous parler ici. Il y a beaucoup de gens, de petites organisations, dans les régions, qui ne peuvent pas dire ce qu'elles ont envie de dire parce qu'elles n'ont pas les moyens de le faire. C'est très important et on espère que vous allez y penser très sérieusement

avant d'adopter ce projet de loi. D'abord, cela fait depuis le commencement de la colonie qu'on est mal géré; qu'on le soit pendant quelques années de plus, cela ne dérangera pas grand-chose.

M. Perron: Vous me permettrez quand même, M. Cantin, à la suite de ce que vous avez mentionné concernant 1990, d'avoir certaines restrictions. Et je vais vous dire pourquoi. D'abord, c'est que toutes les études qui ont été faites actuellement au niveau de la forêt démontrent qu'on est en perte de vitesse, qu'il y a des ruptures de stock qui vont apparaître dans les prochaines années dans certaines régions du Québec: l'Abitibî-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie ainsi que le Saguenay-Lac-Saint-Jean en particulier. Je pense qu'il faut mettre en place un régime forestier correct et dans les plus brefs délais, pas nécesairement en 1990, mais qu'on le fasse pour 1987, après avoir fait le tour du Québec, comme vous le mentionnez. Je suis parfaitement d'accord. (11 h 45)

D'autre part, j'aimerais soulever un deuxième point à ce sujet relativement à ce que vous avez demandé pour 1990; j'ai toujours été très favorable à l'abolition des concessions forestières. Tout le monde sait que, lorsqu'on parle de concessions forestières - et je vais vous citer un exemple précis, sans nommer la compagnie, mais je vais nommer ma région - il y a un endroit sur la Côte-Nord où il y a des possibilités, par le biais de concessions, de 755 000 mètres cubes. Mais le prélèvement au cours des cinq dernières années est en moyenne de 471 000 mètres cubes.

Je ne vois pas pourquoi on devrait laisser la différence, actuellement; cela empêche d'autres institutions de bénéficier de notre bois qui est à maturité. Je suis clair là-dessus. Quant à 1990, à mon avis c'est non. Mais, par contre, il va falloir faire le tour du Québec et on prendra te temps qu'il faut pour le faire. J'endosse entièrement votre demande de commission parlementaire itinérante.

M. Cantin: M. le député, 1990 est négociable. Vous êtes un syndicaliste, vous comprenez ce qu'on veut dire. On parle de 1990, mais c'est négociable.

M. Perron: D'accord, M. Cantin. Tantôt lorsque vous mentionniez que vous n'étiez pas toujours d'accord avec la compagnie, encore là, en tant qu'ancien syndicaliste, je peux vous dire que je sais ce que c'est un rapport de forces. Il faut que cela existe dans notre société, entre le syndicat et les compagnies, c'est normal, cela fait partie du jeu de la démocratie.

Le Président (M. Baril): Est-ce que vous avez d'autres commentaires, M. Cantin?

M. Cantin: Non.

Le Président (M. Baril): D'accord. Comme il y a eu consentement tout à l'heure qu'on dépasserait le temps, on va donner la parole à M. Ciaccia, le ministre de l'Énergie et des Ressources. J'aimerais qu'on se limite à quatre ou cinq minutes pour votre question et pour la réponse, pour qu'on puisse accorder le même temps.

Il faut se rappeler que nous avons aussi à entendre le mémoire de l'Union des municipalités régionales de comté.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être bref. Je comprends, M. Cantin, et je sympathise sincèrement avec les objectifs de votre mémoire. On espère tous améliorer les conditions de travail et les conditions de vie de tous les Québécois. Je ne pense pas que les conditions de travail soient une question partisane. C'est quelque chose qu'il faut constater et qu'il faut essayer d'améliorer.

C'est vrai que, dans tous les systèmes, il y a des abus. Cela ne justifie pas les abus, mais ils existent. J'aimerais que les discussions ou les améliorations puissent se faire dans une atmosphère sans confrontation, mais je comprends que, si les abus sont tels que vous et madame les avez décrits, il soit parfois difficile de ne pas élever le ton de voix.

Vous m'avez parlé d'un manque d'intérêt dans les journaux. Je pense que vous comprenez, la commission parlementaire est publique, tout le monde y est invité. Je déplore moi aussi qu'on ait pas donné plus d'information, car, si les gens des grandes villes comprenaient vraiment les problèmes, cela faciliterait les solutions.

Quand je vous ai rencontré avec les représentants de la compagnie Kruger, vous étiez, et vous l'êtes encore, sincèrement intéressé à aider à résoudre les problèmes de la compagnie qui affectaient aussi les travailleurs. Ils affectaient la compagnie, mais, directement ou indirectement, ils affectaient les travailleurs. À ce moment-là, j'ai écouté les représentations que Kruger avait faites et je me suis informé; c'est vrai que la compagnie doit se rendre un peu loin pour aller chercher son bois et que, s'il lui en manque, ce sont les travailleurs de Bromptonville qui en souffriront. Le lieu où elle aurait souhaité avoir des concessions est situé dans les Cantons de l'Est et c'est dans un secteur privé. On ne peut pas les lui donner dans cette section. Je puis vous assurer qu'on continue de discuter avec Kruger pour essayer de trouver des solutions. On est conscient des problèmes. On n'a pas cessé nos rencontres avec eux et nous

cherchons, par tous les moyens possibles, à lui venir en aide, car on reconnaît que, lorsqu'on aide la compagnie Kruger, ce n'est pas seulement Kruger qu'on aide, c'est aussi les travailleurs qui en dépendent.

C'est un avant-projet de loi que nous avons déposé. Cela veut dire que ce n'est même pas le projet de loi. Cela veut dire qu'il y aura des changements. C'est pour cela que nous avons invité beaucoup d'intervenants pour nous faire des représentations. Des articles seront modifiés et des articles seront ajoutés à la suite des représentations qui ont été faites, incluant les représentations que vous nous faites aujourd'hui.

Puisqu'on est limité dans le temps, j'ai seulement une question. On vous pose des questions, mais on en pose aussi à l'industrie. On se fait faire des représentations par l'industrie. Il faut qu'elle soit compétitive sur le marché international et elle a toutes sortes de contraintes. À la page 11, lorsque vous parlez du prix des copeaux vous dites que leur coût de production est d'environ 102 $ et qu'ils se vendent 70 $ ou 75 $. On a posé la même question à l'industrie parce que cela ne semble pas être vraiment raisonnable. À mon point de vue, si cela coûte 102 $, pourquoi les vendre 75 $? Il y a une perte. Il faut que quelqu'un subisse cette perte. Cela tombe sur les travailleurs parce que c'est eux qui ont le moins d'argent. Je me fais répondre: Écoutez, c'est le marché libre. Alors, je vous demande: Qu'est-ce qu'on peut faire comme gouvernement? Je ne parle pas d'imposer des prix parce que je ne pense pas qu'on puisse le faire. Mais quelles mesures peut-on prendre pour nous assurer qu'il n'y ait pas cette différence dans les prix et que vraiment il y ait un prix équitable qui puisse bénéficier à tout le monde?

M. Malenfant (Daniel): Je vous poserai une question: N'est-ce pas vous qui fixez le prix de la matière ligneuse au Québec actuellement?

M. Ciaccia: Pardon?

M. Malenfant: C'est vous qui fixez le prix de la matière ligneuse par les droits de coupe?

M. Ciaccia: On fixe les droits de coupe, mais je ne pense pas qu'on fixe les prix des matières qui sont vendues.

M. Malenfant: II faudrait que vous relisiez le texte attentivement. On ne peut pas parler de marché libre quand il y a un "offreur" qui détient 90 % de la ressource. C'est un peu délicat de parler de marché libre dans ces conditions-là. Ce sont les papetières qui contrôlent une grande part de la demande.

M. Ciaccia: Que suggérez-vous qu'on fasse comme gouvernement pour nous assurer qu'il y ait des prix plus équitables?

M. Cantin: Je vous dirai que vous allez trouver la réponse dans le mémoire de la CSN de cet après-midi.

M. Ciaccia: On va écouter attentivement.

M. Cantin: Vous allez l'avoir dans le mémoire de la CSN. On ne peut pas empiéter dessus. Si on avait pu le passer tout de suite ce matin, vous auriez eu votre réponse ce matin. Mais vous allez avoir votre réponse cet après-midi. Ce que vous allez retrouver dans le mémoire de la CSN, cela a déjà été soumis en 1972 devant la même commission parlementaire, dans la même salle. Cela a été soumis en 1977 devant la même commission parlementaire, dans la même salle et on vous le redit encore une fois en 1986. C'est amélioré. C'est sûr que cela a évolué. On va vous redire cela et on espère qu'avec l'évolution du temps cela sera intégré quelque part.

M. Ciaccia: Merci. Une voix: Un instant!

Le Président (M. Baril): Alors, pour l'alternance, vous avez neuf minutes à votre disposition.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président (M. Baril): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Pour ne pas être accusé d'être sans péché, je vais donc m'accuser et demander pardon dès le départ. Effectivement - et ce n'est pas une farce que je veux faire, même si cela peut amener des sourires - il y a des choses, pour l'ensemble des travailleurs forestiers, qui ont été dites, redites et qui continuent à être redites. Chose certaine, sur ce dossier de l'ensemble des travailleurs en milieu forestier, il y a beaucoup de points que les gens qui ont des responsabilités, à certaines occasions, n'ont peut-être pas saisis, mais que vous avez mis sur vidéo. Je vous dis, au départ, que je serais intéressé à le voir comme j'avais dit que j'étais intéressé à aller faire un tour en forêt pour aller voir ce qui se passait parce que les rapports qu'on avait oralement de l'ensemble des dossiers indiquaient effectivement qu'il y avait des choses pas correctes.

Deuxièmement, il y avait aussi des personnes qu'on rencontrait dans nos comtés, au sujet de l'achat de machinerie, qui nous

disaient aussi la même chose. J'ai posé une question à la Fédération des travailleurs forestiers du Québec qui m'a dit qu'effectivement il y avait peut-être eu certaines choses qui avaient été faites à la suite de ce conseil qui était prévu par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais que ce n'était pas disponible parce que ce n'était pas terminé. J'aimerais savoir si,, en plus des documents que vous avez fournis, vous avez un rapport du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui démontre le problème qui existait concernant l'achat de machinerie par des employés, forcés un peu par les compagnies forestières. Sûrement qu'il n'y en avait pas pour les autres travailleurs au niveau du reboisement parce que c'était au départ, à ce moment-là.

Mme Montpas: Excusez-moi, cela remonterait à quand?

M. Jolivet: À 1977, 1978, 1979.

Mme Montpas: À la suite du conseil de la main-d'oeuvre?

M. Jolivet: Oui. Il n'y en a pas eu?

Une voix: Cela a été repris par la commission Beaudry.

M. Jolivet: Non, dans la deuxième partie, je parlerai de la commission Beaudry.

Une voix: D'accord.

M. Jolivet: Dans ce contexte, il est évident qu'il a fallu arriver à une conclusion, qui a été le rapport Beaudry déposé dernièrement. Je suis d'accord avec vous qu'il faudra se rendre à la recommandation que vous faites aux pages 4 et 5 de votre mémoire concernant la commission Beaudry. Il y aurait une autre formule. Mon collègue proposait un mandat d'initiative - ce serait peut-être aussi bon - avec la possibilité d'aller dans le milieu. C'est une des propositions. À partir de cela, entre la préparation du livre blanc et l'adoption de la loi, il y a donc un délai où on doit tenir compte de ce que vous dites à ce moment-ci.

Mais je ne serais peut-être pas d'accord-avec vous pour dire que la loi devrait être adoptée en 1990. Rien n'empêche le projet de loi d'être adopté, peut-être pas cet automne, mais au printemps, pour permettre au ministre de bien digérer l'ensemble des recommandations qui lui sont faites depuis un bout de temps. Il faut s'assurer que cette nouvelle loi pourra entrer en vigueur. Cela permettrait, entre-temps, de faire ce que vous demandez. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi là-dessus.

M. Cantin: Comme je l'ai dit à M. Perron tout à l'heure, 1990, c'est négociable. Mais, en attendant, il peut y avoir des mesures transitoires. Il peut y avoir des arrêtés ministériels de réglementation. On n'empêche pas cela, mais on voudrait que ce soit le plus sérieusement possible. Nous ne sommes pas en désaccord avec ce que M. Perron a appelé tout à l'heure...

M. Jolivet: Un mandat d'initiative.

M. Cantin: Nous ne sommes pas en désaccord avec cela. Je vous dirai en même temps que si vous voulez aller en forêt, nous pouvons vous inviter. Nous avons invité la commission Beaudry, nous avons organisé quelque chose, mais les travailleurs ont eu tellement peur de la compagnie Consol qu'on a été obligé de renoncer. Le commissaire, M. Beaudry, était prêt à y aller. On faisait tout cela en cachette. Il y a des gens qui ne veulent pas perdre leur emploi, et on en est rendu la. S'il y a des gens qui ne nous croient pas, vous pouvez rencontrer des gens en cachette et vous verrez ce qui se passe. C'est sérieux.

M. Jolivet: J'y suis déjà allé, j'y suis allé dernièrement, mais il y a une décision de la population qui. a fait que mes actions ont peut-être changé de place pour le moment, mais mes préoccupations demeurent les mêmes. Je peux vous dire que mon collègue est allé voir des gens durant l'été, il a pris une partie de ses vacances pour le faire.

Vous avez répondu à ma question, mais j'aimerais que vous insistiez là-dessus. Vous parlez des petits exploitants, des entrepreneurs qui ont des contrats en vertu des soumissions. Vous avez parlé aussi des coopératives. Êtes-vous en train de me dire que ce n'est pas mieux avec les coopératives qu'avec les exploitants?

Mme Montpas: Vous avez, dans le document, deux exemples à la suite de visites qu'on a faites chez des coopérateurs. Par exemple, une coopérative qui exige des frais de gardiennage pour les effets personnels des travailleurs. C'est un petit exemple. Vous retrouverez dans le document les coopératives, les grandes compagnies et les petits entrepreneurs.

M. Jolivet: Étant donné le temps qui a été limité à la suite d'une décision prise de l'autre côté, je vous poserai une dernière question en ce qui a trait à l'utilisation de l'ensemble des usagers de la forêt. C'est une question qui préoccupe mon collègue d'Ungava et, compte tenu de l'alternance, étant donné qu'il ne reste plus de temps de l'autre côté, si mon collègue d'Ungava voulait la poser, je serais prêt à lui laisser

la parole pour le faire. Cela concerne les utilisateurs de la forêt.

Le Président (M. Baril): Est-ce qu'il y a consentement? Oui.

M. Claveau: M. le Président, il me fait toujours plaisir de parler du problème. Quand on parle du problème des utilisateurs de la forêt, on parle de financement, de qui doit payer pour toute cette question du reboisement. Or, étant moi-même d'un milieu très près du secteur forestier et sachant que, dans mon milieu, une grande partie des activités de loisir des travailleurs forestiers est reliée à la forêt, à la chasse et à la pêche, etc., j'aimerais savoir ce que vous pensez des propos du ministre lorsqu'il dit que tous les utilisateurs de la forêt devront payer. Encore là, on ne sait pas qui, moi, je ne le sais pas, parce que, de mon salon, tout ce que je vois, c'est la forêt; je ne sais pas si c'est une utilisation de la forêt. (12 heures)

Mme Montpas: Si vous permettez, personnellement, je considère proprement scandaleux qu'on décide de refiler la facture à des gens qui ne sont pas là pour en discuter. En parlant des autres utilisateurs, on visait, à mon avis, les chasseurs et les pêcheurs; on prétend que c'est à cause d'eux qu'on aménage les zones de conservation. C'est aussi, dans les parcs et réserves, s'il y a des loisirs, si vous y allez avec votre famille, si vous allez camper, etc. Je pense que c'est tout ce monde qui va payer. Il y a un semblant de réforme qui a l'air commencée avec M. Picotte qui a le goût de remettre ces choses-là à sous-contrat. Mais il faut remarquer ceci: dans l'étude socio-économique de 1980 du MLCP, il est établi que seulement en tarification de permis de chasse et pêche au Québec, les chasseurs ont payé 20 000 000 $ au Trésor québécois pour une utilisation d'à peu près 5 % du territoire forestier. Les compagnies, en 1985, pour une utilisation de 92 % du territoire, ont versé 22 000 000 $ endroits de coupe. Il me semble qu'il y a là une sorte de déséquilibre et qu'on devrait laisser tranquilles ceux qui ont le goût d'aller dans le bois faire autre chose que d'y couper du bois.

M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. Je demande, pour le mot de la fin, au député de Duplessis de faire les remerciements d'usage.

M. Perron: M. le Président... Oui?

M. Malenfant: On aurait juste un petit point à ajouter en terminant. On espère que, s'il se fait des études sur les conditions de travail et de vie en forêt, tout le monde ne partira pas avec le préjugé favorable aux compagnies qu'a exprimé M. Côté devant l'AMBSQ. Je le cite: "Je suis par ailleurs convaincu que chacun de vous - il s'adresse aux industriels - fait tous les efforts pour assurer les meilleures conditions de travail et que les cas contraires qui sont rapportés constituent des exceptions." Il faut vous rendre sur le terrain pour voir que, justement, ce ne sont pas des exceptions.

M. Perron: M. le président Cantin, mesdames et messieurs qui l'accompagnez, je pense que ce matin a été une occasion trop courte, mais quand même intéressante de vous rencontrer. Au risque de me répéter, c'est au nom de l'Opposition que je dois vous remercier et c'est avec plaisir que je ie fais, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, je peux vous dire que les trois engagements que j'ai pris, je vais, dans la mesure où j'aurai des réponses de l'autre côté, continuer à me battre dans ce sens. D'abord, je vais lire moi-même les deux mémoires concernant le travail forestier quant aux conditions de travail. Je vais lire aussi l'annexe au mémoire que vous avez déposée se rapportant à l'autre secteur d'activité qui concerne le reboisement, les pépinières, etc. Je vais faire le maximum pour obtenir du gouvernement le mandat d'initiative couvrant ces deux secteurs importants concernant les conditions de travail et une commission parlementaire itinérante face au projet de loi qui sera déposé éventuellement par le gouvernement. Encore une fois, je vous remercie. Cela nous a donné l'occasion ce matin, en ce qui me concerne et en ce qui concerne les membres de l'Opposition, de comprendre une fois pour toutes qu'il faut qu'on fasse des choses intéressantes et pas seulement en parler; il faut qu'on agisse.

M. Cantin: En terminant, on espère que le gouvernement n'amoindrira pas non plus la réglementation à la CSST, parce que les premiers qui vont être touchés là-dedans, ce sont les travailleurs les moins protégés au point de vue santé et sécurité. Vous le savez, on l'a dit, les statistiques sont là. On espère que le gouvernement ne déréglementera pas. Vous êtes dans une vague de déréglementation, mais attention! Regardez ce qui se passe aux États-Unis. On a déréglementé dans des États il y a 18 ans et on est en train de faire des règlements plus forts qu'il y a 18 ans. N'embarquez donc pas dans ce "bag", s'il vous plaît! Une autre chose qu'on espère, c'est qu'on n'ait pas besoin du jouer du coude pour participer à des comités à l'intérieur du gouvernement. On espère que vous allez inviter tous les utilisateurs de la forêt; il y en a beaucoup au Québec. Vous êtes en train de vouloir

leur refiler la facture. Est-ce qu'il y a possibilité de savoir comment cela va se payer?

Une autre chose qu'on voudrait vous conseiller: étant donné que, moi, je travaille chez Domtar, j'étais heureux que ma compagnie appartienne au gouvernement. Je vous parle en tant qu'ouvrier et représentant d'ouvriers: Ne touchez donc pas à ça. De la compétition, il n'y en aura plus parce que ce sera Consol qui l'achètera ou bien Cascades, ils sont tous dans un club privé. Â partir de ce moment-là, de la compétition il n'y en aura plus. Tandis que là le gouvernement avait une conscience collective là-dessus et en plus c'était payant pour la collectivité. Dans un grand discours fait hier vous annoncez que vous allez vous débarrasser de la compagnie Donohue et de Domtar qui sont rentables pour la collectivité, et vous allez prendre des canards boiteux à même notre argent.

Tâchez donc de rester dans une des richesses les plus importantes du Québec, qui nous représente comme Québécois, qui a toujours été notre force au Québec. C'est une des entreprises où on finit notre produit plutôt que de le faire faire aux États-Unis. Ici, on vend notre produit fini. C'est une des seules entreprises au Québec. On vous demande de ne pas faire ça. Les travailleurs de Domtar et de Donohue sont heureux et fiers de travailler pour une institution qui appartient au gouvernement et non pas à l'entreprise privée. C'est le message que j'ai à vous passer.

Le Président (M. Baril): Pour le mot de la fin j'aimerais demander au ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: M. Cantin, je vous remercie ainsi que vos collègues pour la présentation que vous nous avez faite ce matin pour nous souligner le problème qui existe et le porter à notre attention. On peut vous assurer que nous allons chercher des solutions, que nous prendrons bonne note des commentaires que vous avez faits.

Quant à la réglementation, on se fait accuser que, dans le projet de loi actuel, il y a trop de réglementation. Je peux vous assurer que nous serons très prudents - non seulement sur la réglementation mais sur la déréglementation aussi - dans les décisions que nous prendrons. Ce n'est pas une question idéologique de déréglementer pour le plaisir de déréglementer. Nous cherchons des solutions: nous cherchons à alléger certains fardeaux, mais nous reconnaissons aussi que dans certains endroits il doit y avoir des règles du jeu pour protéger tout le monde. Dans ces cas-là ce n'est pas notre intention de nous dégager de notre responsabilité.

Vous avez mentionné tantôt, à la suite d'une question que je vous avais posée sur les prix, à savoir ce que le gouvernement pouvait faire... Vous m'avez dit que cet après-midi la CSN me donnerait la réponse. Malheureusement, personnellement je ne peux assister à la séance de cet après-midi parce que je dois absolument assister au Conseil des ministres. Cependant, je peux vous assurer que je vais non seulement prendre note du document qui sera déposé par la CSN mais je me rendrai même disponible pour que, si des représentants de la CSN veulent me rencontrer, ils puissent me faire de vive voix, à moi et à mon collègue s'ils le veulent, les représentations que je ne pourrai pas écouter cet après-midi. Vous pouvez être assuré de ma collaboration. Ce n'est pas par manque de respect que je ne serai pas ici cet après-midi, mais parce que je suis absolument obligé de m'absenter. Encore une fois, je vous remercie de votre présentation et des points que vous avez portés à notre attention.

Le Président (M. Baril): M. Cantin et votre groupe, je vous remercie beaucoup pour votre mémoire qui était très intéressant.

J'invite l'Union des municipalités régionales de comté à prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, M. le président. Je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais que vous me fassiez la présentation des personnes qui sont avec vous, s'il vous plaît!

Union des municipalités régionales de comté du Québec

M. Nicolet (Roger): M. le Président, c'est avec plaisir que je présente à ma gauche M. Alonzo Lemay. M. Lemay est maire de Saint-Marc-du-Lac-Long et préfet de la MRC de Témiscouata. À ma droite, Me Gaétane Martel, qui est directrice du service de recherche à l'UMRCQ.

Le Président (M. Baril): M. le président, je dois vous dire que voua avez 18 minutes pour votre présentation. Ensuite, par alternance, nous avons chacun 36 minutes de chaque côté.

M. Nicolet: M. le ministre, madame, messieurs les membres de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs, l'UMRCQ vous remercie d'avoir bien voulu l'accueillir ce matin pour permettre au porte-parole du monde municipal de présenter au gouvernement du Québec les réflexions que nous inspire l'étude de l'avant-projet de loi sur les forêts, premier élément d'un train de mesures législatives et réglementaires sur l'ensemble des terres du domaine public.

La problématique de la réorientation de l'administration des terres publiques est d'envergure et il n'est pas surprenant que le

gouvernement ait choisi de l'aborder par étapes en fonction des priorités que lui dictent ses fonctions de gestionnaire.

Vous comprendrez toutefois que pour les municipalités qui considèrent qu'il s'agit là d'une question d'importance capitale pour leur développement autant social qu'économique cette approche séquentielle soulève interrogations et appréhensions. Une vision plus globale des objectifs que poursuit le gouvernement, présentée de façon claire pour ne pas dire limpide, éviterait les malentendus que risque de créer la parcimonie de l'information officielle. Nous en avons été réduits à procéder par extrapolation à partir de documents qui ne représentent que des hypothèses de travail de diverses instances gouvernementales. Une telle méthode présente des risques et nous sommes les premiers à le reconnaître.

Nous vous prions donc de faire preuve d'indulgence quand, au cours de cette présentation, nous déborderons du projet de loi qui fait l'objet de la présente commission parlementaire. II nous apparaît néanmoins essentiel de souligner les réserves que suscitent certains articles du projet de loi et d'en exposer les motifs avec toute l'insistance que nous dicte notre souci de vous inciter â y apporter les modifications et clarifications qui s'imposent.

Pour bien souligner l'intérêt que portent municipalités et MRC à la teneur du projet dont vous avez assumé l'étude, nous nous permettons dans un premier temps de vous exposer le cheminement suivi par les UMRCQ dès que le gouvernement du Québec a entrepris, il y a plus d'un an de cela, une première campagne d'information du public sur une nouvelle politique forestière.

Un comité a été formé sous la présidence de M. Lemay, composé d'élus et de personnes-ressources. Le comité a orienté son travail en fonction de la problématique qu'abordait l'énoncé de politiques forestières. Il a choisi de faire préciser aux membres de l'union leur perception des enjeux par le biais d'un questionnaire qui a été transmis aux MRC du Québec. La compilation des résultats a fait l'objet d'un mémoire qui vous a été remis et que je demanderais à M. Lemay de vous présenter. M. Lemay.

M. Lemay (Alonzo): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les commissaires. Â la suite de la démarche expliquée par M. Nicolet, il me fait plaisir de vous présenter un résumé du mémoire que vous avez déjà reçu. L'affectation des terres publiques et des terres privées. À partir du questionnaire-sondage transmis aux 95 MRC du Québec et à partir des rencontres avec les principaux intervenants oeuvrant dans le secteur forestier au Québec, le comité de travail sur la forêt a pu constater que l'ensemble des MRC du Québec a une posi- tion claire en ce qui a trait à l'affectation des terres publiques et des terres privées du Québec. Dans les deux cas, plus de 75 % de ces dernières veulent être étroitement associées à l'aménagement et à la planification de l'exploitation forestière particulièrement en ce qui a trait aux milieux naturels sensibles, aux activités récréo-touristiques, à la coupe à blanc, à la planification et aux traitements sylvicoles. (12 h 15)

Cet intérêt pour l'aménagement et la planification des territoires forestiers publics et privés découle de la volonté des MRC d'assurer pleinement les mandats qui leur ont été confiés par la loi 125 en plus de vouloir participer aux décisions qui affectent l'aménagement de leurs territoires respectifs.

La politique forestière de rendement soutenu. Dans le contexte de la politique forestière de rendement soutenu proposée par le gouvernement du Québec, le comité de travail sur la forêt a constaté l'intérêt manifeste des MRC en ce qui a trait à la régionalisation et à la décentralisation de la gestion forestière. Considérant que l'éloignernent des ingénieurs forestiers des parterres de coupe pose de sérieux problèmes d'efficacité et de rentabilité, les MRC insistent aussi pour que la compilation des données techniques relatives aux inventaires forestiers tiennent compte des limites territoriales des MRC. Considérant que cette information est essentielle à une planification efficace à une saine administration du territoire, 87 % des membres donnent leur accord à ce sujet.

Pour ce qui est des moyens proposés pour une politique forestière de rendement soutenu efficace, bon nombre de MRC donnent leur accord de principe, mais sans pour autant pouvoir discerner lesquels pourraient être garants d'une utilisation optimale de la ressource. Une combinaison des moyens proposés, ajustée à une stratégie de développement forestier plus rationnelle, permettrait d'éviter une rupture des stocks. Parmi les mesures à préconiser, il faut mettre l'accent sur la diminution graduelle des prélèvements forestiers, l'arrêt subit des coupes de surplus, la création d'incitatifs en zone pâte, l'allocation de la matière ligneuse et l'allocation des droits de coupe. Dans le même ordre d'idées, les MRC suggèrent quelques stratégies d'intervention pouvant éviter une probable rupture des stocks. Autant en forêt publique qu'en forêt privée, on propose une augmentation des activités de sylviculture et de plantation, incluant les feuillus.

Doublée d'une surveillance accrue de ces traitements, l'accélération des programmes de pulvérisation d'insecticides et de phytoeides et l'implication des deux paliers de gouvernement en ce qui a trait au problème de pollution causé par les pluies

acides sont considérées comme prioritaires par les MRC si l'on veut protéger la forêt et assurer sa pérennité. Finalement, on considère capital que le gouvernement du Québec mette sur pied une stratégie de développement forestier qui puisse être fonctionnelle et efficace autant au niveau de l'exploitation et de la ressource que du développement industriel. Le gouvernement a la responsabilité morale de gérer ce qu'on appelle maintenant "l'après-tordeuse" et axer la coupe forestière en fonction des potentiels réels et disponibles. Au-delà des considérations politiques, le gouvernement doit maintenant envisager à court terme une réduction systématique des droits de coupe avec toute l'implication qui en découle. Merci.

M. Nicolet: Nous entendons, dans les derniers volets de cette présentation, insister davantage sur les impacts de la loi proposée sur les pouvoirs des MRC en matière d'aménagement du territoire. Pour compléter notre analyse, nous faisons référence dans le cadre de cet exposé aux intentions annoncées par le gouvernement dans le document "Les activités et les pouvoirs du gouvernement et des MRC en matière d'aménagement du territoire" déposé à la table Québec-municipalités, le 27 juin 1986, de même qu'au "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier" rendu public récemment.

Dans un premier temps, I'UMRCQ déplore que la consultation sur l'avant-projet de loi sur les forêts se fasse avant le dépôt du projet de loi sur les terres du domaine public. En effet, les politiques de gestion de la forêt élaborées dans la loi sur la forêt reposent sur l'identification de zones de production forestière exclusive ou mixte. Or, cette identification de zones de production forestière exclusive ou mixte se fera en vertu de la loi sur les terres du domaine public comme l'indiquent les articles 8 et 11 de la Loi sur les terres et forêts.

À la lecture du projet de loi sur la forêt, on constate qu'il n'y a que peu de dispositions qui établissent une relation directe avec les pouvoirs des MRC en matière d'aménagement.

L'UMRCQ reconnaît bien volontiers la compétence du ministère de l'Énergie et des Ressources pour mettre en valeur des ressources sur les terres publiques. Cependant, elle désire que, dans ce processus de mise en valeur de celles-ci, des pouvoirs reconnus aux MRC en matière d'aménagement ne soient pas escamotés. Dans ce contexte, il nous semble essentiel de soulever quelques problèmes qui nous sont apparus dans ce projet de loi. L'article 8 fait référence au plan d'affectation approuvé en vertu de l'article 11 de la loi sur les terres du domaine public et plus particulièrement aux parties des terres affectées à la production de matières ligneuses. Mais quelles sont ces parties?

Lorsqu'en l'absence dudit projet de loi l'on consulte le "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier", on constate qu'il est prévu qu'une zone de production forestière est permise, mais subordonnée aux exigences de conservation. Cette zone regroupe les refuges fauniques, les sites fauniques, les sites récréatifs, les sites d'utilités publiques et les sites agricoles. Il existe évidemment des zones où la production forestière est prioritaire: les zones forestières et fauniques, les zones forestières et récréatives et les zones forestières de production.

En outre, à l'article 27 du projet de loi, il est question d'une aire qui cesse d'être affectée à la production du bois. L'UMRCQ aimerait s'assurer que les MRC auront leur mot à dire dans l'identification des terres publiques qui seront affectées à la production du bois, dans la délimitation des diverses zones précitées et dans les modifications qui pourront y être apportées. Sans cela, comment s'assurer que les zones de production sont compatibles avec les objectifs du schéma d'aménagement et les affectations du territoire qui y sont définies?

Aucune référence au droit de regard des MRC à ce chapitre n'est faite dans la Loi sur les forêts. On nous répondra qu'il faut attendre le projet de loi sur les terres du domaine public pour répondre à cette question. En attendant, l'UMRCQ est inquiète car elle constate que, dans le document déposé à la table Québec-municipalités, il n'y a aucune référence spécifique à un processus de consultation des MRC quant à l'affectation des terres publiques.

Rappelons que les MRC sont intéressées au plus haut point par ces affectations, que ce soit dans le cadre de l'importance économique de la production forestière pour la région ou encore dans la perspective de l'influence de la délimitation des zones forestières sur des projets d'utilisation de la forêt à des fins de loisirs ou plus largement à des fins de promotion touristique.

L'avant-projet de loi sur les forêt3 contient d'autres éléments où le désir d'harmonisation des politiques gouvernementales avec les préoccupations des MRC semble absent. Nous parlons, entre autres, des chemins forestiers et des établissements de transformation du bois; ainsi, aux articles 11 et suivants il est question de construction de chemins publics.

Donc, il semble que tout chemin sur les terres publiques est un chemin forestier. Or, à l'article 12 on prévoit l'autorisation du ministre pour la construction d'un tel chemin. Est-ce à dire que la MRC n'a aucun mot à dire sur l'établissement des chemins forestiers? Pourtant, l'article 149 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit

que, lorsque le gouvernement, ses ministères ou mandataires désirent intervenir, entre autres, par la réalisation de travaux sur le territoire d'une municipalité régionale de comté où est en vigueur un schéma d'aménagement, le ministre doit adresser un avis de son intention à la MRC, cet avis déclenchant le mécanisme de consultation défini aux articles suivants.

S'il s'agit de construction de chemin par un tiers, les exigences imposées seront-elles limitées aux conditions déterminées par le ministre pour accorder l'autorisation ou bien le schéma d'aménagement de la MRC ou les règlements applicables aux TNO devront-ils être pris en considération? Rien n'est prévu à ce sujet dans l'avant-projet de loi sur les forêts.

Si on se fie au document de la table Québec-municipalités, il semble que l'intention du gouvernement soit de soustraire au contrôle des MRC les chemins forestiers, à l'exception de la planification du réseau routier forestier principal. Or, rien de cela ne semble prévu dans l'avant-projet de loi sur les forêts. L'article 103 réfère bien à des chemins forestiers classifies principaux et l'article 88 prévoit que le gouvernement établit, par règlement, la classification des chemins forestiers. Mais rien ne prévoit une quelconque consultation des MRC. Cela est d'autant plus troublant vu le pouvoir du ministre d'interdire l'accès à un chemin forestier.

Un autre article semble faire fi des pouvoirs des MRC. Il s'agit de l'article 81 où, pour la construction d'un établissement de transformation du bois, on prévoit une autorisation du ministre aux conditions qu'il détermine et un permis du ministre pour l'exploitation de l'établissement. Est-ce que l'autorisation du ministre est une exigence imposée à l'exclusion de toute autre qui pourrait venir du schéma ou des règlements de la MRC? L'avant-projet de loi est muet à ce sujet.

L'UMRCQ est sensibilisée à l'urgence de mettre en place une nouvelle politique sur la forêt, mais elle se refuse à compromettre les acquis des MRC en matière d'aménagement du territoire pour réaliser cet objectif. Il semble fondamental que le gouvernement fasse connaître de façon officielle son projet de loi sur les terres du domaine public de même que, le cas échéant, les modifications qu'il a l'intention d'apporter à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour faciliter la mise en place de sa politique d'affectation des terres publiques.

Compte tenu de ces incertitudes ainsi que de l'opposition du monde municipal à toute réforme de la loi 125 et bien que l'objet de la présente consultation en commission parlementaire soit limité à l'avant-projet de loi sur les forêts, l'UMRCQ juge qu'elle se doit d'exprimer publiquement sa réaction préliminaire aux propositions contenues dans le document intitulé "Les activités et les pouvoirs du gouvernement et des MRC en matière d'aménagement du territoire". À notre avis, le vrai débat se trouve à ce niveau. L'UMRCQ désire manifester d'ores et déjà son désaccord avec certaines prémisses qui y sont exprimées: Que toute intervention gouvernementale dans le cadre de la gestion des ressources est soutraite au contrôle de la MRC; que des modifications dans l'affectation de certaines terres ne soient pas assujetties à une modification du schéma à l'initiative de la MRC ou à l'initiative du gouvernement, mais qu'elle fasse plutôt l'objet d'avis d'intervention; que certaines interventions ne soient pas sujettes à l'application des articles 149 et suivants de la loi de l'aménagement puisque les travaux sont réalisés par des tiers; que la procédure prévue aux articles 149 et suivants ne soient pas utilisée pour la multitude de travaux réalisés par le gouvernement, ses ministères et mandataires qui ont peu d'incidence sur le schéma d'aménagement ou sur les dispositions du règlement de contrôle intérimaire; que les projets de création de territoires ayant un statut particulier fassent l'objet d'un avis d'intervention, mais que la réalisation des équipements dans ce territoire, une fois ces territoires créés, ne soit pas assujettie à un avis d'intervention. Il ne s'agit pas là d'une liste exhaustive, mais plutôt d'une indication générale de notre réaction face à l'ensemble du document.

En conclusion, nous voulons réitérer la volonté des municipalités régionales de comté du Québec d'exercer pleinement les pouvoirs qui leur ont été dévolus par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. D'une part, nous exigeons que tous les ministères respectent les dispositions de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et ne tentent pas par divers moyens de se soustraire aux dispositions de l'article 149 de ladite loi. D'autre part, nous demandons au ministre délégué aux Forêts, M. Albert Côté, de tenir compte du rôle joué par les municipalités régionales de comté en matière d'aménagement lors de l'adoption de son projet de loi. Finalement, nous invitons également le ministre à déposer le plus rapidement possible son projet sur les terres du domaine public. Merci de votre attention.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le président. La parole est maintenant au ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour, M. le président, Mme Martel et M. Lemay. Nous nous sommes rencontrés une première fois lors de votre dépôt en commission parlementaire. Je vous ai posé quelques questions que je répéterai encore ici, s'il vous plaît!

Évidemment, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme vous confère des pouvoirs et il est de notre intention de nous harmoniser, mais en même temps de répondre aux responsabilités qui me sont confiées comme ministre. Comme vous le dites, on transmet souvent des avis suivant les articles 16 et 11 et, de temps en temps, suivant l'article 149. Quand vous dites que vous voulez être associés étroitement à l'aménagement et à la planification de l'exploitation forestière, le mot "associés" peut prendre beaucoup d'extension ou d'ampleur. Dans votre esprit, quelle est la définition qu'on devrait accoler à ce mot dans votre texte?

Le Président (M. Cusano): M. le président.

M. Nicolet: M. le ministre, je crois que j'ai eu l'occasion de vous le mentionner lors de notre dernière rencontre, la distinction à établir entre la fonction de gestionnaire et celle de planificateur est délicate. Je suis bien prêt à vous concéder qu'il s'agit de part et d'autre d'approfondir la réflexion. J'ose espérer que nous trouverons conjointement un modus vivendi, si je peux m'exprimer ainsi, entre les responsabilités qui, en tant que gestionnaire, vous incombent naturellement, et nous serions bien malvenus de les remettre en question, mais, d'autre part, il faut reconnaître que, pour le monde municipal, la fonction aménagement est devenue d'importance critique puisque, pour une première fois, le milieu, par le truchement de ses élus de première instance, est en position de faire valoir son point de vue quant à l'orientation même qu'elle veut donner à son cadre de vie et à son milieu. C'est dans cette optique, je crois, qu'il faut comprendre notre souci de nous associer au ministère tout simplement au niveau du dialogue et des échanges de manière à faire valoir des perceptions qui sont probablement plus locales et moins impliquées dans une vision plus globale de la gestion, nous le reconnaissons bien volontiers. (12 h 30)

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Nicolet, vous voulez dire: Nous voulons faire valoir notre point de vue, comme associé. Mais un associé cela va parfois plus loin que cela. Il peut participer à une décision, il peut bloquer une décision, il peut prendre des décisions aussi.

M. Nicolet: M. le ministre, il y a des associés minoritaires, il y a des associés majoritaires. Je pense bien que nous n'avons pas de fausses prétentions quant à notre rôle en ce qui concerne le gouvernement. Je crois que la loi 125 est ainsi structurée que vous conservez en tout temps le pouvoir ultime d'arrêter les décisions que vous jugez importantes dans votre perspective de l'intérêt national. Par contre, et c'est simplement là-dessus que nous voulons insister, nous considérons qu'une vision imprégnée d'une connaissance intime du milieu peut parfois infléchir intelligemment un train de mesures ou de politiques qui sont conçues et articulées de façon centralisée. C'est là-dessus, je crois, que la MRC peut être la plaque tournante, le véhicule ou la courroie de transmission, si vous voulez, qui vous transmet cette vision de la population qui vit dans ce milieu et où le ministère aurait avantage, je crois, à puiser plus abondamment que ce n'était le cas par le passé.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Le ministre, qui est aussi député, et les fonctionnaires aussi vivent dans le milieu, M. Nicolet. Mais vous indiquez ici, parce qu'on parle de gestion et d'aménagement... Dans les avis qui vous ont été transmis on fait la distinction entre les deux; la distinction n'est pas facile à faire. Mais dans les intentions de certaines MRC... Je peux vous en lire quelques extraits si vous voulez, à titre d'exemples. Voici un extrait de l'annexe: "Pour les peupliers et bouleaux, sauf le bouleau jaune et les cèdres, le diamètre minimum est de six pouces, mesuré à douze pouces au-dessus du sol. Pour les pins et les épinettes, le diamètre est de douze pouces. Pour toutes les autres essences, !e diamètre est de quatre pouces. Les contrevenants pourront être sujets à 5000 $ d'amende ou à trois mois d'emprisonnement et pourraient être obligés à reboiser". Mais là on tombe carrément dans la gestion, quand on vous dit des choses semblables.

M. Nicolet: Je m'excuse M. le ministre, de quel document faites-vous lecture?

M. Côté (Rîvière-du-Loup): Je parle d'un projet de règlement d'une MRC. Je peux vous parler d'une autre MRC qui dit à peu près des choses semblables.

M. Nicolet: Si je comprends bien, vous faites allusion à un document, à un projet de règlement qui serait inclus sous forme de document complémentaire à un schéma d'une MRC particulière.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Nicolet: Je suis malheureusement en désavantage par rapport à vous, ne connaissant pas le contexte qui peut avoir incité ladite MRC à faire de telles propositions. Je puis simplement vous dire que, de façon générale, lorsque les MRC se sont attaquées au problème de la coupe à blanc, ou de certains types de coupe, c'était en réponse ou en considération de certains impératifs qu'elles jugeaient prioritaires.

J'ose espérer que le ministère que vous représentez, s'il a l'occasion de s'asseoir avec les élus en question, pourra peut-être mieux saisir la portée ou la volonté sous-jacente ou ce qui a pu précipiter cette prise de position dans ce cas spécifique. Si vous me donnez la référence exacte, on ira aux sources et on vous fournira l'information.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On dit, dans une autre MRC, M. Nicolet: "Toute personne se doit d'obtenir un certificat d'autorisation avant de procéder à l'abattage des arbres. Les coupes à blanc, qu'elles soient pratiquées d'une façon uniforme, totale ou par bandes ou par trouées", etc. On dit encore là: "Le pourcentage des tiges récoltées ne devra pas excéder 50 % du nombre de tiges originales, et les tiges de 30 pouces", etc. C'est l'intention générale. J'ai l'impression que le ministère n'a plus d'affaire là du tout. On n'a qu'à laisser administrer et gérer les MRC et cela va aller.

M. Nicolet: Sur cela, je crois que, de façon très précise et très catégorique, je peux vous rassurer. Notre intention n'est pas de nous ingérer dans la gestion des terres publiques. Je pense que cela est une politique de l'Union des municipalités régionales de comté et il n'y a aucune réserve quant à cette affirmation.

M. Lemay: Pour ajouter un élément nécessaire, M. Côté, je pense qu'avant même la création du comité de l'UMRCQ il y avait plusieurs MRC qui avaient inscrit davantage des choses semblables dans leur schéma d'aménagement. Avec les rencontres qu'on a faites avec nos membres qui sont les MRC, on a eu quand même une sensibilisation à cet égard. Quand on a fait notre questionnaire, il y avait 44 % des MRC qui étaient au début intéressées à la gestion. On a analysé tout le contexte de la gestion et l'implication et, par la suite, on a réalisé qu'il y avait des choses impossibles et qu'on ne voulait pas prendre la place du ministère.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Lemay, je parle de définir clairement ce qu'on entend par associé impliqué. Si, être associé, c'est imposer une amende de 5000 $ et trois mois d'emprisonnement pour avoir manqué aux directives de la MRC, vous êtes directement impliqués dans la gestion, et vous parlez de coupe par bandes et de directives de coupe et de contrôle des permis autant sur les terrains privés que sur les terrains publics. Dans certains endroits, les exigences des MRC, qui évidemment ne sont pas reconnues par le gouvernement, vont jusqu'à faire de l'expropriation sans compensation.

M. Lemay: Je sais que le mot "associé" n'est pas facile à définir; on en a parlé à plusieurs occasions, tout comme le fait de la gestion, de la planification et de l'aménagement aussi. En ce qui a trait à l'associé, nous avons une démarche aussi à faire en ce qui concerne l'UMRCQ. Cette démarche va se faire dans les prochains jours, puisque nous commençons un congrès demain, je vous en ai parlé la semaine dernière; samedi, nous parlerons de la forêt avec tous nos membres. Â la suite de cette rencontre, je crois que nous serons passablement harmonisés sur ce qu'on vous présente aujourd'hui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Disons qu'on parle d'affectation du territoire. Pour toutes les MRC qui avaient leur territoire forestier ou des territoires non organisés dans leur limite, nous avons préparé avec l'aide du ministère de l'Environnement et du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche des cartes d'affectation du territoire, c'est connu cela. On demande aux MRC d'en tenir compte dans leur schéma d'aménagement.

Une voix: Exactement.

M. Nicolet: M. le ministre, ces cartes sont parvenues au courant de l'été, si mon information est bonne. C'est sûr qu'il a pu y avoir des divergences de vues quant à la portée ou l'intention même de ces cartes. J'ose espérer que le fait que le ministère ait déposé une carte ne signifie pas que le milieu ne puisse pas demander des clarifications et, le cas échéant, suggérer des modifications. J'ose espérer également que c'est dans cet esprit que les échanges de vues ont eu lieu entre le ministère et les représentants municipaux.

M. Côté (Rivière-du-Loup); Vous mentionnez, dans le mémoire, le fait de faire connaître l'affectation du territoire. Sur cela, vous avez obtenu la collaboration du ministère et celle de l'Environnement et du MLCP pour faire connaître l'affectation des territoires proposés, comme vous le dites. Ce n'est pas définitif. C'est tout comme le guide d'intervention en forêt. On tient compte des autres fonctions de la forêt, et cela permet à chacun des ministres impliqués de réaliser ses responsabilités.

M. Nicolet: M. le ministre, je m'excuse de revenir sur cela, mais ce qui est peut-être fondamentalement différent entre votre perception de la réalité et la nôtre, c'est que nous considérons que le milieu peut avoir un apport à faire dans la définition finale du partage et de l'assignation des terres. Tout ce qu'on demande finalement au gouvernement, c'est de créer des mécanismes par lesquels cette vision du local peut se communiquer et peut être ventilée face aux visions et aux orientations que le gouverne-

ment peut vouloir établir.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Vous avez certainement entendu des remarques et des recommandations qui nous été faites au cours de la semaine dernière et de cette semaine concernant les interventions des MRC en forêt publique. Plusieurs souhaitent n'avoir qu'un interlocuteur, soit le ministère de l'Énergie et des Ressources, en forêt publique.

Évidemment, ça n'empêche pas le ministère de collaborer et de discuter avec les MRC, comme vous le proposez. Mais on ne peut pas demander aux intervenants d'aller demander quatre, cinq ou six permis avant de pouvoir intervenir. Ce n'est pas votre intention non plus, n'est-ce pas?

M. Nicolet: Non. Là-dessus, je voudrais aussi être très clair. Nous ne prétendons pas émettre de permis. Nous ne prétendons intervenir d'aucune espèce de façon vis-à-vis de votre clientèle. C'est une relation entre vous et les utilisateurs dans laquelle nous n'avons aucune place. Je pense que là-dessus c'est très clair.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, pour l'instant, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Duplessis. Je crois qu'il fera quelques remarques préliminaires avant de passer la parole au député de Laviolette.

M. Perron: M. le Président, je voudrais d'abord remercier M. Nicolet de s'être présenté devant cette commission parlementaire avec ses collègues. Bien sûr que j'entends intervenir au cours de cette commission, concernant le mémoire que vous avez présenté en particulier, sur différents sujets. Vous me permettrez, pour le moment, de passer la parole à mon collègue de Laviolette qui a un engagement - il ne pourra pas demeurer jusqu'à la fin de la commission - mais qui voudrait tout de même intervenir sur la question des MRC par rapport au futur régime forestier, ou en tout cas à l'avant-projet de loi que nous avons ici actuellement.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je pense que vous êtes à même de bien connaître ma pensée, l'ayant exprimée il y a déjà près d'un an et pendant presque un an. Effectivement, les nuances qui ont été apportées, à la toute fin de la discussion avec le ministre délégué aux Forêts, indiquent la difficulté d'associer, tout en voulant de part et d'autre être associé à un territoire pour des fonctions différentes...

Il est évident que si le ministre continue dans la même veine de dire que la gestion des ressources à l'intérieur du territoire est la responsabilité du ministère de l'Énergie et des Ressources et de son ministre délégué aux Forêts, peu importent les modalités, quant à d'autres possibilités à venir, quant aux terres et quant à la partie récréative, comme interlocuteurs auprès des municipalités régionales de comté, une chose est certaine, c'est que la gestion de la ressource doit dépendre d'un seul et unique responsable. Qu'il y ait maintenant à partir de ça association avec tous les autres qui doivent intervenir, que ce soient les ministères ou les municipalités régionales de comté, soit, mais dans des conditions qui le leur permettent.

Je dois dire que je suis très sensibilisé à ce problème ayant eu de nombreuses discussions avec la municipalité régionale de comté du Haut-Saint-Maurice et les représentants de différents ministères à différents sujets, en particulier, pour des coupes dans le secteur du grand lac Wayagamack, sur le versant du lac.

Il y a une question que je me pose cependant. Quand vous faites mention à la page 21 de votre document initial - je ne parle pas du résumé, parce que je veux aller à vos recommandations du document initial -que le gouvernement du Québec donne son accord à une politique de régionalisation et de décentralisation de la gestion forestière, qu'est-ce que vous sous-entendez ou qu'est-ce que vous entendez? Est-ce que ça veut dire que le ministère décentralisera à partir des bureaux qu'il a dans le territoire du Québec ou si ce sont les municipalités régionales de comté que vous voulez dire en termes de régionalisation et de décentralisation? C'est quoi?

M. Lemay: On veut dire par cette phrase que c'est le ministère qui devrait déléguer beaucoup plus de pouvoirs à ses bureaux régionaux.

M. Jolivet: Donc, c'est dans le sens d'une possibilité que des décisions locales, régionales soient prises?

M. Lemay: Oui. (12 h 45)

M. Jolivet: C'est pour ça qu'à la deuxième recommandation que vous faites à la même page, la recommandation 4, on dit: "Que le gouvernement du Québec autorise la délimitation des limites territoriales des MRC sur les cartes d'inventaire des unités de gestion". Souventefois, les MRC disent: Nous avons des territoires qui sont délimités en vertu de la loi 125 et on voudrait que les unités de gestion du ministère soient collées

à ces territoires. Est-ce bien ce que vous voulez dire? Avec les difficultés que comporte la question des versants, il ne sera pas possible de le faire dans certains cas. Qu'est-ce que vous entendez par cette recommandation?

M. Lemay: Dans cette question, vous voulez dire qu'on demande au ministère d'avoir une unité de gestion par MRC?

M, Jolivet: Oui, c'est ce que je veux savoir.

M. Lemay: Non, ce n'est pas ce qu'on veut.

M. Jolivet: D'accord. Qu'est-ce que vous voulez avoir?

M. Lemay: Je pense que cela rejoint l'histoire des cartes d'inventaire au chapitre des possibilités pour savoir si chacune des MRC peut contrôler la matière ligneuse qui en sort à chaque année et pour voir aussi la productivité. Actuellement, je pense qu'on ne peut avoir les cartes par MRC au chapitre des parterres de coupe qui sont alloués à chaque année. Il nous est très difficile actuellement de savoir si une MRC est perdante ou gagnante ou si elle se tient à peu près au même niveau qu'un rendement soutenu. C'est en rapport avec le rendement soutenu qu'on voudrait avoir ces cartes de délimitation des territoires.

Si on examine une unité de gestion comme la mienne, je pense qu'on aurait globalement la matière soutirée après un an. Mais, si je le demande pour ma MRC, ce serait quand même difficile de l'avoir. Mais c'est ce qu'on veut avoir nous autres.

M. Jolivet: Disons, au départ, qu'il y a un problème. Effectivement, dans certains cas, il est possible d'ajuster l'ensemble des unités de gestion aux limites territoriales des MRC. Mais, dans plusieurs autres cas, cela ne sera pas possible. Ce que vous demandez au ministère finalement, c'est de tenir un inventaire qui est difficile à faire et qui est basé sur autres choses que sur les limites territoriales qu'il a lui-même.

M. Lemay: Mais, quand même, on ne demande pas d'ajuster les unités de gestion.

M. Jolivet: Mais c'est parce que l'inventaire, lui, est basé sur les unités de gestion. Il n'est pas basé sur l'inventaire des municipalités régionales de comté. Donc, ce que vous demandez, c'est un travail énorme. Je veux simplement savoir si c'est bien ce que vous demandez.

M. Lemay: C'est bien ce qu'on demande. Vous dites un travail énorme. Je ne sais pas, mais, d'après les informations qu'on a eues d'autres personnes, cela semblait possible. C'est pourquoi, dans le document, en tout cas, il sera possiblement...

M. Jolivet: En tout cas, le ministre pourra répliquer, selon les droits qu'il a.

M. Lemay: C'est cela.

M. Jolivet: L'autre question qui surgit, quand vous demandez d'avoir, sur votre territoire de MRC, une image du rendement soutenu, est-ce que vous sous-entendez qu'en même temps vous voulez, même si vous ne le dites pas comme tel dans le texte - mais c'est ce que j'ai senti dans tout le Québec -une mainmise sur les allées et venues des bois dans la forêt? Je vous donne un exemple, celui de La Tuque, en Haute-Mauricie, région qui fait partie de mon comté. J'étais le ministre responsable à l'époque et je suis encore le député de cette région et je tiens le même langage qu'à l'époque. Je dis, quant à mai, que si demain matin vous nous demandez de limiter le bois qui est chez vous pour qu'il reste chez vous, pour vos industries, vous êtes mieux de fermer la ville de La Tuque au complet parce que 85 % des résidus de sciaqe viennent d'Abitibi-Ouest, de l'Abitibi-Témiscamingue.

Dans ce contexte, si on réagissait de la même façon que vous réagissez là-bas, il faudrait demander une deuxième machine à Amos et fermer La Tuque. Or, le rôle du ministre responsable est de s'arranger en même temps que de recevoir des pressions. C'est normal, cela fait partie de la "game" de pressions qui se font chez l'ensemble des intervenants. Mais, d'un autre côté, il a une responsabilité encore plus grande, c'est celle de ne pas, selon l'expression, déshabiller Paul pour habiller Pierre. Il doit donc s'assurer que des secteurs qui existent actuellement ne soient pas fermés parce que des pressions sont faites et que des gens ferment des routes pour garder le bois chez eux. Si on se fie là-dessus, il y a des usines qui fermeraient dans certains secteurs pour ouvrir ailleurs. Mais ce n'est pas ce que vous demandez, même si on sent parfois des pressions dans ce sens.

M. Lemay: Il est certain qu'on a eu des pressions en ce sens. Il est certain aussi qu'il s'en est fait beaucoup et qu'il s'en fait peut-être encore. En tout cas, c'est ce qu'on va voir à l'exercice de samedi. Mais ce n'est pas du tout ce qu'on veut. On sait pertinemment qu'il est impossible de faire cela. Comme vous le disiez tantôt, c'est d'en déshabiller un pour habiller l'autre et c'est impossible. Ce n'est pas du tout ce qu'on veut.

M. Jolivet: Comme groupe, je vous incite à continuer dans la même veine, c'est-à-dire de faire en sorte que vos membres, qui sont les municipalités régionales de comté, comprennent bien qu'il y a un geste à poser qui s'appelle la gestion sous la responsabilité du ministre et l'autre geste à poser est, celui-là, conjoint - c'est inscrit tel quel - sur les capacités de l'aménagement du territoire. Parce que la deuxième question qui va surgir, c'est: Est-ce que vous me donnez du terrain pour faire une réserve écologique parce que j'ai découvert des arbres qui sont tellement beaux qu'il faudrait les protéger, alors que, peut-être, au point de vue écologique, cela n'est pas ce qu'il faut protéger? Donc, l'aménagement c'est une chose et la gestion c'est autre chose. J'ai donc bien compris?

M. Lemay: Oui. Aussi, samedi, par l'exercice que l'on va faire avec tous nos membres, on pourra clarifier ces questions que vous venez de soulever, parce que jusqu'à maintenant notre démarche a été un questionnaire envoyé à chacune de nos MRC et on a eu un élément de réponse, mais on n'a pas eu tellement d'échanges, à part le questionnaire aux MRC, sauf que l'on a fait parvenir aussi les résultats. Samedi, cela sera réellement un exercice dans le même sens.

M. Jolivet: J'ai une autre question qui se situe à la page 22. La proposition 7: "Que le gouvernement du Québec mette plus d'emphase sur la protection des forêts", je suis d'accord avec cela. Quand on aura aussi des plantations, l'acte ultime que l'on doit poser en forêt et qui est le plus dispendieux des actes à poser... C'est évident que, si on place en forêt des petits plants, il faut s'assurer qu'ils survivent. On est tous d'accord avec cela. "Qu'il accentue ses programmes de pulvérisation." Je dois vous dire que cette année on a essayé de me faire accroire que, parce que l'on a fait simplement 50 000 hectares, c'est parce qu'il y avait une régression de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette alors que l'année passée c'étaient 700 000 hectares. II ne faut pas charrier. C'est parce qu'il y a des compressions budgétaires et qu'il y a quelqu'un qui a eu des ordres de diminuer. Il a décidé avec son équipe de travail, parce que le ministre le lui a demandé, de faire moins de pulvérisation. Mais il reste que la régression n'est certainement pas de 700 000 à 50 000 hectares. C'est certain.

Deuxièmement, vous dites: "qu'il accentue ses programmes de pulvérisation". Iriez-vous jusqu'à proposer que le ministère utilise pour la protection des forêts, malgré la pression... Là, je vais vous poser une question bien émotive: Est-ce que le ministère devrait utiliser autre chose que le

BT? Là, j'arrive aux phytocides, malgré l'autre partie, ce que vous dites ensuite: "et qu'il intervienne quant à la pollution causée par les pluies acides." La question posée, c'est: Est-ce que l'on doit intervenir dans la question des pluies acides? Est-ce que l'on doit intervenir aussi dans l'utilisation des produits chimiques et biologiques pour la protection de la forêt, aussi bien de celle en croissance parce qu'elle vient d'être plantée ou qu'elle est aménagée en conséquence ou pour celle déjà attaquée?

M. Lemay: Dans la pulvérisation, les nouvelles formules éprouvées dans les dernières années ont apporté beaucoup de commentaires et d'audiences en ce qui concerne les DSC, tout ce que l'on connaît et ce que l'on a connu dans l'Est du Québec, J'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs de ces audiences. Cela reflète la pensée de la question qui a été posée à nos MRC et il ne faudrait quand même pas utiliser les formules les plus dangereuses. Il y a actuellement des formules biologiques qui ont été sensiblement acceptées par tout le monde. On devrait utiliser ces formules biologiques.

Pour ce qui est des pluies acides, je suis quand même assez loin de la région des Bois-Francs voisine des Américains. Ils ont, eux, beaucoup d'interventions concernant les pluies acides actuellement. On a aussi dit dans un premier temps: On a des arbres qui sont debout et qui progressent continuellement. On parle beaucoup d'aménagement et de plantation, mais il va aussi falloir trouver un moyen pour protéger ceux qui sont debout, qui sont presque à maturité et que l'on est en train de perdre. Je parle de la région des Bois-Francs, voisine des lignes américaines. C'est l'intervention que l'on a eue sur les pluies acides. On ne retrouvait pas grand-chose sur les pluies acides.

M. Jolivet: Le problème des pluies acides, on pourra y revenir quand même parce qu'il y a des équipes qui y travaillent. Cela n'est peut-être pas suffisant, mais c'est selon les moyens que l'on connaît actuellement. Y a-t-il un lien de cause à effet des pluies acides sur le périssement des érables? C'est une question qu'il faut se poser. L'autre question qu'il faut aussi se poser, c'est: Est-ce que les pluies acides n'ont pas la responsabilité d'accentuer l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, dans la mesure où ce sont des stress additionnels? Prenez n'importe quel être humain. Souvent, il travaille comme un forcené, il lâche et le lendemain matin il a la grippe et la fièvre et il ne sait pas pourquoi. C'est justement parce qu'il a lâché trop vite. Finalement, au moment où vous pensiez être en pleine forme, il y a un virus qui vous attaque plus rapidement parce que vous avez moins de

résistance.

Ces questions font partie de l'ensemble du décor, mais je reviens à l'autre partie de l'utilisation des BT. Vous savez que c'est la méthode la plus dispendieuse. La protection de la forêt est aussi importante pour vous que pour les jobs que cela crée et pour les industries qui produisent le travail. Dans votre esprit, faudrait-il aller jusqu'à... Le danger, cette année, c'est de permettre des choses si on continue dans cette voie. Est-ce que cela va permettre, comme on l'a fait à l'île du Cap-Breton, à la tordeuse de tout manger et ne rien laisser?

En Nouvelle-Écosse, il y a eu un problème. Les gens étaient contre les produits chimiques. On ne les a pas utilisés, mais on n'a pas de forêt non plus; donc, on n'a pas de jobs en plus. Est-ce qu'on doit la laisser dépérir parce que c'est un phénomène naturel, "act of God", ou si on doit la protéger? Comment la protéger? Avec les moyens les plus dispendieux ou avec des moyens qui, parce qu'ils sont émotifs, sont considérés comme étant malheureusement non utilisables actuellement, mais qui pourraient l'être?

M. Lemay: Je dois vous dire que nous ne nous sommes pas arrêtés tellement au prix, quand on dit dispendieux. Nous, les MRC, on ne connaît pas tellement le prix que cela coûte actuellement pour arroser une forêt avec un insecticide ou autre chose. Par contre, on s'est dit que l'on devrait prendre les moyens les plus sécuritaires en ce qui concerne la santé des gens, que l'on devait arroser, mais avec les moyens les plus sécuritaires. On ne s'est pas arrêté à une formule dispendieuse ou non dispendieuse. On ne la connaît pas d'ailleurs.

M. Jolivet: En tout cas, je dois vous dire qu'effectivement le BT est plus dispendieux que l'utilisation des phytocides et il n'est pas sûr que l'un et l'autre ne causent pas les mêmes problèmes et qu'ils ne soient pas ceux que l'on pense. Actuellement, on a l'impression, parce que l'on veut utiliser des phytocides, que l'on empêche à cause des pressions publiques... Peut-être qu'un débat devrait s'engager là-dessus. Je ne suis pas un spécialiste, mais je me suis fait conseiller par des spécialistes, cependant. Il y a une chose qui est certaine, c'est que, sur ce plan, il y a certainement des discussions qui devraient être amorcées sur la protection que l'on devrait accorder à l'ensemble des plantations à venir et des plantations actuelles. Sinon, à quoi cela sert-il comme gouvernement, comme société, comme industriels, de mettre de l'argent là, si l'on sait que demain matin cela peut risquer de mourir rapidement? Ce serait, en tant qu'administrateur, jeter de l'argent à l'eau et cela pourrait avoir des conséquences néfastes pour l'ensemble de la société.

Toujours à la page 21, vous dites: "Que le gouvernement du Québec augmente et accentue les programmes de sylviculture et de plantation." Vous êtes au courant qu'il y a un dossier qui comporte en particulier la plantation de 300 000 000 d'arbres d'ici 1988 et qui est toujours en marche. Quand on en arrive aux programmes de sylviculture, le ministère dit: Nous allons, dans le contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier, obliger les industriels dont le territoire sera délimité - non exclusif, comme on l'a bien dit - à faire des travaux pour assurer, comme vous le dites, la pérennité de la forêt, donc à rendement soutenu. Le ministre dit: Je ne veux pas vous obliger à des règlements disant: Vous devez avoir telle et telle action à poser. Il dit: Vous avez un objectif et, pour y parvenir, prenez les moyens qui, pour vous, sont les meilleurs et les plus rentables du point de vue des investissements - donc, travaux sylvicoles et ensemble des moyens de récolte - de telle sorte qu'au bout de la course on en arrive à s'assurer qu'il y ait pérennité. Le ministère dit: Je me garde le pouvoir d'examiner tous les ans, sur une période de cinq ans pour le contrat de vingt-cinq ans qui est prévu, si les objectifs sont atteints ou non. S'ils ne sont pas atteints, on va vous y obliger selon des formules et, s'ils sont atteints, pour ce qui est de la croissance, il y a d'autres formules qui prévoient qui doit le garder ou comment on doit le garder. Quand vous dites des programmes de sylviculture, est-ce que vous dites que c'est la responsabilité du ministère ou la responsabilité des utilisateurs de la forêt de s'assurer qu'il y ait de plus en plus de travaux sylvicoles?

M. Lemay: Je dois vous dire qu'on ne s'est pas penché sur la question de savoir si c'était la responsabilité du ministère ou la responsabilité des utilisateurs. Dans un premier temps, je pense que c'est toujours la responsabilité du ministère, peu importe celui qui est le maître d'oeuvre. Si le ministère décide de donner des contrats à ses utilisateurs et que ceux-ci sont jugés à la performance de leurs travaux, je pense que cela peut aussi se faire. Pour ce qui est des MRC, on n'a pas poussé l'exercice assez loin pour... J'ai écouté les gens hier, j'ai assisté à la séance d'hier et j'ai remarqué ce que tous les intervenants ont dit sur ce sujet. J'ai remarqué que nous n'avions pas poussé notre exercice jusque-là.

M. Jolivet: C'est normal.

M. Lemay: Je pense que ce n'était pas dans notre idée, non plus, de le faire. (13 heures)

M. Jolivet: Je vais terminer, car je

veux laisser à mon collègue le soin de poser d'autres questions par la suite. Quand j'ai dit et je pense que c'est de commune renommée - que tout arbre coupé doit être remplacé, je n'ai jamais dit que tout arbre coupé devrait être replanté. Je pense que c'est important, car c'est la partie la plus dispendieuse.

Tous les moyens de sylviculture permettant de remettre la forêt en production sont donc appropriés et je vous dis: Continuez dans ce sens. Une chose est certaine, je dis: Plantation si nécessaire, mais pas nécessairement plantation. Je vous remercie.

M. Lemay: Je pense qu'on est d'accord avec cela.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Laviolette. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Nicolet, vous faites allusion, dans votre présentation, au projet de loi sur les terres. Nous avons l'intention de déposer ce projet de loi à l'automne et de procéder à des consultations publiques après le dépôt du projet de loi, de la même façon que nous le faisons ici. La seule différence est que ce ne sera pas un avant-projet de loi, mais un projet de loi et que les consultations auront lieu avant l'étude de deuxième lecture article par article. Vous aurez l'occasion de faire vos représentations concernant le projet de loi sur les terres avant son adoption.

En ce qui concerne le rôle des MRC, je puis comprendre votre souhait que le gouvernement ne prenne pas ses décisions unilatéralement, sans discussion et sans implication du milieu. Quel rôle souhaiteriez-vous voir jouer par les MRC dans l'aménagement et la planificiation des territoires forestiers publics et privés: un rôle consultatif ou un rôle décisionnel?

Le Président (M. Cusano): M. le président.

M. Nicolet: M. le ministre, tout d'abord, si je puis revenir à votre première intervention, je vous remercie de la clarification quant à l'échéancier que vous entendez suivre. J'ose espérer que nous aurons l'occasion d'échanger informellement sur ce projet de loi avant qu'il atteigne le stage du dépôt à l'Assemblée nationale et des auditions en commission parlementaire, car je crois qu'il existe - et cela m'amènera à votre deuxième point - un malaise profond entre votre ministère et les instances municipales sur toute cette question du chevauchement des rôles des deux parties.

La fonction aménagement, quant à nous, dans un premier temps, ne distingue pas entre une terre publique et une terre privée. Nous nous devons de regarder le territoire dans sa totalité. Nous devons, en tant qu'administrateurs municipaux, orienter les assignations en fonction du meilleur usage tel que nous le percevons. Cela ne veut pas dire que vous serez d'accord avec nous, mais, dans un premier temps, un schéma bien conçu et bien pensé doit regarder la totalité des territoires et non pas refléter ou s'efforcer de tenir compte d'un découpage artificiel qui ne tient compte, finalement, que de la nuance entre public ou privé. C'est un continuum, une totalité qui ne peut pas être regardée à la pièce.

Cela étant dit, c'est sûr que nous ne pouvons pas - et ce serait une illusion de prétendre que nous voulons intervenir de façon plus directe dans la gestion des terres publiques dont vous êtes le propriétaire -prétendre le faire sur une terre privée. Je pense bien que, ultimement, le pouvoir de zoner - car l'aménagement conduit à l'exercice du pouvoir de zoner - est essentiel à la nature même de la fonction municipale. Nous ne voulons pas nous ingérer de façon décisionnelle, sauf indirectement par le truchement de ces pouvoirs qui sont traditionnellement des pouvoirs municipaux.

M. Ciaccia: Est-ce que je dois comprendre, d'après votre réponse, que vous voyez les MRC jouer un rôle consultatif et non pas décisionnel?

M. Nicolet: Vous êtes un propriétaire particulier en ce sens que, par les mécanismes de la loi 125, vous pouvez faire imposer' à la MRC votre volonté, quelle qu'elle soit. Mais j'ose espérer, contrairement à un propriétaire privé, que cet exercice ne se fera qu'après une ventilation de part et d'autre et un effort sincère de compréhension des objectifs poursuivis.

M. Ciaccia: Alors, si je peux comprendre, vous ou votre collègue avez mentionné la création de mécanismes pour communiquer au gouvernement la vision locale. Alors, si ces mécanismes sont créés et s'il y a une discussion, une consultation, le pouvoir décisionnel...

M. Nicolet: II est le vôtre.

M. Ciaccia: ...va appartenir au ministère de l'Énergie et des Ressources.

M. Nicolet: On ne le contestera jamais. Vous êtes le gouvernement et nous sommes vos créatures.

M. Ciaccia: On ne peut pas manger nos petits.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Ciaccia: À la page 17 de votre mémoire, vous dites: "Au-delà des considérations politiques, le gouvernement doit maintenant envisager à court terme une réduction systématique des droits de coupe avec toutes les implications qui en découlent."

Est-ce que cela veut dire que vous préconisez des fermetures d'usines comme une des conséquences?

M. Lemay: Je pense qu'on sait actuellement qu'il se coupe quand même un peu plus de bois que, normalement, il s'en génère. C'est la peur des MRC actuellement d'être obligées de fermer des usines. Ce n'est pas, non plus, à notre avantage. Je vis, d'ailleurs, dans une région bien affectée par cela actuellement. J'ai eu l'occasion de parler de mes inquiétudes avec M. le ministre Côté. Je lui en ai fait part, il y a très peu de temps, en ce qui concerne la région du Bas-Saint-Laurent et du Témiscouata. On ne veut sûrement pas fermer des usines. Au lieu d'en fermer, je ne sais pas si on ne devrait pas regarder pour fermer peut-être un "shift" à des endroits. Ce n'est pas ce qu'on souhaite. Mais si on est obligé d'en venir à cela, c'est qu'au cours des dernières années on a coupé énormément de bois en forêt publique, et c'était normal à cause de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Mais, on en a coupé aussi énormément en forêt privée pour les mêmes raisons. Actuellement, on ne peut plus compter tellement, non plus, sur la forêt privée, parce que les propriétaires de forêt privée, en temps normal, ce sont des gens qui coupent un peu de bois chaque année pour des besoins bien spécifiques. L'an passé et depuis quatre ou cinq ans, ils ont coupé beaucoup plus de bois à cause de la tordeuse. Je pense que, si cela peut arrêter un peu ou si cela semble vouloir diminuer, ces gens vont vouloir diminuer leur coupe pendant quelques années. La forêt privée ne pourra pas pallier du tout au manque à gagner pour les usines de sciage. La forêt publique, étant déjà assez bien entreprise pour l'alimentation des usines, chez nous en tout cas, on se dit: Probablement qu'une réduction des droits de coupe...

Chez nous, ce qu'on a vécu, c'est qu'on a actuellement une augmentation des droits de coupe à cause de la tordeuse. Je ne sais pas comment cela se passe ailleurs, mais je parle de mon coin. On n'a pas de coupes régulières. Je sais que cela se passe comme cela en Abitibi et dans d'autres endroits, parce que ce raisonnement n'est pas venu seulement chez nous. C'est venu d'un peu partout. C'est clair qu'on ne veut pas de fermetures d'usines, mais je ne sais pas si vous-mêmes, un bon matin, vous ne penserez pas qu'on va être obligés d'en fermer. Je vous pose la question, parce que vous pouvez répondre à cette question beaucoup mieux que nous. Mais, actuellement, on ne peut pas couper du bois plus qu'on n'en a en production chaque année et ne pas finir par en manquer. Je pense qu'on finira par en manquer. Dans une région comme la nôtre ou comme, l'Abitibi, de 80 % à 85 % des gens vivent de la forêt. Une région qui en vit à 50 % a peut-être moins de problèmes que nous, mais nous, au Témiscouata, 85 % de notre revenu provient de la forêt. Je pense qu'il faut y penser encore un peu plus que les autres.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. te député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur la première question du ministre délégué aux Forêts. À la page 20 de votre mémoire, dans la première recommandation, vous dites: "Que le gouvernement du Québec associe les MRC...". A mon sens, quand on parle d'associer, normalement, on parle de partager un pouvoir décisionnel. On ne s'associe pas avec quelqu'un dans le but de le consulter. Les associés, généralement, partaqent le pouvoir décisionnel. Quand vous dites cela, j'ai plutôt l'impression que vous voulez avoir un pouvoir décisionnel sur l'affectation des forêts.

D'autant plus qu'en page 6, vous revenez sur le fait que, dans plusieurs MRC, il y a "des sites d'intérêts fauniques et récréatifs qui méritent d'être protégés, etc.," ce qui n'est pas, non plus, complètement indépendant ou complètement dissocié du plan d'affectation ou d'aménagement que vous devez faire en tant que MRC. C'est mon interprétation, dans un premier temps.

Face à cela, on sait qu'il y a toutes sortes de démarches qui se font présentement. Il y a des propositions de mise en place d'organismes de consultation ou de mécanismes de consultation continue qui ont été faites de votre part. Le ministre des Affaires municipales rétorque en proposant, à toutes fins utiles, une modification de la loi 125 qui pourrait peut-être, à la limite, permettre un nouveau mode de fonctionnement quant à cette consultation.

J'aimerais que vous nous donniez brièvement votre compréhension ou votre état d'esprit face aux différends interministériels dont vous nous avez fait part tout à l'heure, à savoir qui, entre le ministère des Affaires municipales et le ministère de l'Énergie et des Ressources, détiendra le pouvoir décisionnel quand on aménagera ou zonera les territoires des MRC. Je suppose que vous devez avoir une opinion un peu plus précise là-dessus que ce que vous venez de nous exprimer tout à l'heure.

M. Nicolet: Dans un premier temps, vous faites allusion à une affirmation contenue à la page 20. J'ai eu l'occasion de répondre à M. le ministre tout à l'heure que, essentiellement, quant à nous, les mécanismes de la loi sont ce qu'ils sont et il serait prétentieux, quant à nous, de vouloir les modifier.

Par contre - c'est là-dessus que j'aimerais insister - même si ces mécanismes sont unilatéraux quant à leur aboutissement, ils ont un avantage qui me semble important, c'est de permettre à des populations de s'impliquer de façon beaucoup plus directe dans des processus qui, jusqu'à l'adoption de la loi 125, étaient conclus en vase clos. C'est là-dessus que nous voulons insister, même si les mécanismes sont lourds. Finalement, toute une série de gouvernements ont produit cette Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, puisque c'est l'aboutissement d'interventions de différents gouvernements pendant vingt ans. Cela a permis une approche beaucoup plus humaine et beaucoup plus directe de participation de la population à des fonctions de gestion de l'État. C'est dans cette perspective que nous jugeons qu'il serait malencontreux de faire fi de cet acquis d'une génération de gouvernements qui se sont succédé. Ce n'est pas que nous voulions nous impliquer dans une fonction qui, finalement, relève du gouvernement en tant que propriétaire terrien. (13 h 15)

Ceci m'amène à aborder la deuxième question que vous soulevez, à savoir une vision des choses peut-être divergente qui pourrait exister entre certains ministères. Voua devez avoir de l'information que je n'ai pas. Quant à nous, les avis nous parviennent signés par le ministre des Affaires municipales. On nous dit que c'est par le biais d'un mécanisme, le COMPADR, que le gouvernement a créé pour permettre, justement, aux échanges interministériels de se faire. J'ose espérer que la position gouvernementale, quand elle nous est communiquée, représente effectivement une synthèse des points de vue des différents ministères impliqués.

M. Claveau: Une autre question dans la même ligne de pensée. Ayant moi-même été maire d'une petite municipalité dont une bonne partie des activités économiques dépend de la forêt, je suis très au fait de la pensée municipale en ce qui concerne la volonté que je qualifierais de légitime d'avoir . plus de capacité ou de possibilités d'intervention dans la gestion de la ressource forestière et l'aménagement des sites. Face à cette préoccupation et au contexte dans lequel vous avez à évoluer dans ce rapport de forces entre le ministère de l'Énergie et des Ressources et le ministère des Affaires municipales, n'avez-vous pas peur que la guillotine ne s'abatte sur vos revendications ou sur ce que vous croyez être juste en ce qui concerne votre pouvoir de participation? Il y a toujours une possibilité que le ministre dise: Écoutez, c'est bien beau, toutes vos affaires, mais, à partir de demain matin, cela va être comme cela.

M. Perron: Ils attendent avec impatience le discours du ministre.

M. Nicolet: C'est sûr que...

Une voix: Non, non; ce n'est pas notre genre.

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: C'est une hypothèse.

M. Nicolet: M. le député, vous soulevez un scénario qui est, évidemment, la hantise de tout contribuable québécois. Mais je crois qu'à l'heure actuelle le monde municipal s'est responsabilisé, si je peux employer cette expression. Ce que le monde municipal avance - et nous essayons de vous l'exprimer aujourd'hui - ce sont quand même des positions qui sont modérées, légitimes et qui correspondent à des acquis de toute une collectivité qu'une guillotine, en 1986, trouverait plus difficile à trancher de façon brutale et soudaine, parce que retourner en arrière, c'est difficile.

M. Claveau: On en a des cas récents dans la privatisation.

Le Président (M. Cusano): Est-ce que vous avez terminé, M. le député?

M. Claveau: On me fait signe que je devrais avoir terminé.

Le Président (M. Cusano): Ce n'est pas moi qui vous fais ce signe, M. le député.

Une voix: C'est la guillotine qui tombe sur lui.

Le Président (M. Cusano): C'est une guillotine imposée.

M. Perron: C'est le critique. Le critique a des questions à poser.

Le Président (M. Cusano): Bon. Je cède la parole au député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président. J'aimerais revenir aux pouvoirs municipaux. Vous demandez d'être consultés et d'être associés à l'aménagement du territoire forestier. Est-ce que c'est une demande de droit, de privilège ou de

pouvoir? Je fais la dinstinction, parce qu'on est aussi à évaluer, comme vous le savez très bien, aussi bien au niveau de l'UMRCQ que de l'UMQ, de quelle façon on pourrait aménager les pouvoirs des municipalités par rapport aux villes. Si c'était un pouvoir... Parce qu'on sait que les revendications des municipalités, c'est aussi de dire au gouvernement: On ne veut pas d'autre pouvoir s'il n'y a pas d'argent d'accolé. Ma question, vous l'avez vue venir: Si vous avez le pouvoir d'être associé et de participer à l'aménagement du territoire forestier et à son affectation, est-ce que vous demandez aussi de l'argent pour le faire?

M. Nicolet: M. le député, la problématique que nous abordons aujourd'hui, je crois que c'est une problématique de fait, de situation légale telle que créée par l'adoption de la loi 125. Ce que nous prétendons faire aujourd'hui, c'est plutôt sensibiliser les parties impliquées à la situation de fait qui découle d'un texte législatif qui a été dûment adopté par l'Assemblée nationale. Quant à nous, il n'est pas question ici ce matin de revendiquer de nouveaux pouvoirs ou de nouvelles compétences. Nous voulons simplement faire comprendre la nature, le niveau de nos préoccupations pour nous assurer que toutes les parties impliquées continueront vraiment à jouer selon les règles que nous considérons être en vigueur depuis 1979.

Étant donné que tout cela fait partie d'un ensemble de responsabilités qui ont été conférées au monde municipal par la loi en question, je voudrais ne pas déborder dans le chapitre du financement des MRC, mais il n'est pas question de nouvelles sommes pour exercer une compétence qui est nôtre depuis cinq ans environ.

M. Paradis (Matapédia): Ceci veut dire, finalement, que vous continueriez dans cette même ligne de pensée de jouer un rôle de contrôle ou de coordination de l'intervention gouvernementale sur un territoire qu'on appelle une MRC?

M. Nicolet: Essentiellement, si vous prêtez au mot "coordination" la notion d'asseoir autour d'une même table divers intervenants qui parfois ont de la difficulté à se concerter, oui. Je pense qu'il faudrait se limiter à cette volonté d'harmonisation des interventions. Si c'est cela que vous voulez dire par "coordination", j'accepte volontiers votre prémisse.

M. Paradis (Matapédia): Cela veut dire aussi que ce n'est pas un nouveau pouvoir que vous demandez, c'est un pouvoir qui vous est déjà conféré par la loi 125 et qu'en conséquence vous ne demandez pas de l'argent pour pouvoir être associé au processus d'affectation du territoire forestier. M. Nicolet: C'est exact. M. Paradis (Matapédia): Merci.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Matapédia.

Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, est-ce que vous avez une question?

Mme Dionne: Oui, M. le Président. Ce serait peut-être pour compléter un peu la question du député de Matapédia sur le sens de certains mots que vous avez cités tout à l'heure, M. Lemay. On parle de régionalisation de la gestion de la forêt et on a aussi parlé des ingénieurs forestiers sur le terrain. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu cela. Est-ce que vous pensez que le ministère doit être plus sur le terrain?

M. Lemay: Oui. On voudrait quand même attacher plus d'importance à la décentralisation. Je pense que cela s'est senti chez nous depuis un bon bout de temps et que cela se sent ailleurs aussi parce que, dans les rencontres qu'on a eues avec d'autres utilisateurs de la forêt - il faut dire que nous avons rencontré des organismes qui sont passés ici devant vous, qui sont des utilisateurs de la forêt - ils ont semblé aller dans le même sens que nous autres quant à rapprocher le centre de décision de la ressource. Je pense que cela est tout à fait normal.

Remarquez qu'on a, quand même, en régions des ingénieurs forestiers, mais je ne sais pas où se situe la portée de leurs interventions et de leurs décisions via le ministère, ici à Québec. Si on donne plus d'importance aux gens du milieu, par contre, on sait que les ingénieurs n'ont pas trop l'occasion ni le temps non plus... Je ne connais pas leur emploi du temps dans une journée, on ne les voit pas tellement souvent et on aimerait, surtout dans une région comme le Témiscouata où on est... J'insiste sur cette région-là parce qu'on vient de perdre un bureau, en plus, au niveau de l'Énergie et des Ressources. Cela ne relève pas d'ici, mais c'est important de dire qu'on voudrait avoir des personnes-ressources compétentes dans notre région. C'est quand même général au niveau de l'interrogation que vous posez parce que cela a semblé être, pour plusieurs, des interventions normales.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Lemay. Merci, Mme la députée. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, nous savons qu'hier - je

ne vous demande pas de commenter, je pense que ce sera peut-être fait en. fin de semaine; je m'adresse surtout au gouvernement - en commission parlementaire le ministre des Affaires municipales a refusé d'indiquer la position gouvernementale se rapportant au financement des MRC après le 31 décembre 1986. Je peux vous dire que, quant à nous, de l'Opposition, nous trouvons cette façon de procéder vraiment déplorable et je crois qu'il faut lever tous les doutes face à l'avenir des MRC, parce qu'il s'agit aussi d'un financement des MRC.

M. le Président, vous avez mentionné tout à l'heure, à moins que je ne me trompe, que vous n'étiez pas intéressés à vous ingérer à l'intérieur de l'émission des permis de coupe, si j'ai bien compris; pas exactement dans ces mots, mais à peu près de cette façon. Je suis heureux de constater cela. Quant à notre position concernant les détenteurs de permis de coupe forestière, c'est clair que le prélèvement de la matière ligneuse doit s'effectuer à l'intérieur d'un cadre normatif établi par le gouvernement lui-même en vue d'assurer la conservation des autres ressources du milieu. Pour nous, la définition de ce cadre normatif relève entièrement du gouvernement en raison des responsabilités qu'il exerce en matière de gestion des ressources sur les terres publiques. C'est cette responsabilité que l'Opposition endosse, en passant, et entièrement. Les détenteurs de permis de coupe sont, toutefois, liés par la réglementation des MRC pour les activités autres que la coupe de bois. Comme ces activités sont généralement essentielles à l'exercice du droit de coupe lui-même concernant, par exemple, les chemins forestiers, les camps, etc., la réglementation des MRC, pour nous, ne doit pas être contraignante au point de remettre en question l'exercice de ce droit gouvernemental que j'ai mentionné tout à l'heure. Je pense que Ià-dessus on peut s'accorder.

Si je mentionne cette question, c'est surtout parce que, malgré ce que vous avez mentionné, il y a tout de même certaines MRC, je crois, en Abltibi-Témiscamingue, qui voudraient obtenir ce droit d'émettre des permis de coupe. Là-dessus, on a énormément de restrictions, je peux vous l'assurer.

D'autre part, j'aurais quelques questions. Je vais procéder plutôt aux questions directement; j'aurais d'autres commentaires à faire, mais je vais procéder aux questions. Lorsque, à la page 3 de votre mémoire, vous faites allusion, en parlant de la forêt publique, au fait que vos membres veulent être associés aux interventions qui régissent l'aménagement et la planification du territoire public, j'en conviens. Maintenant, est-ce que vous pourriez expliquer les différences que vous faites entre les trois types d'interventions qui sont mentionnées, c'est-à-dire l'aménagement et la planification forestière, l'affectation de l'exploitation forestière et la gestion de la ressource forestière? En fait, ce qu'on voudrait, c'est votre interprétation des différences entre ces trois secteurs.

Le Président (M. Cusano): M. Lemay.

M. Lemay: On en a déjà parlé, je pense, avec M. Côté. C'est très difficile de dissocier les trois choses. Quand on pense aux ingénieurs forestiers, ce que j'ai appris en cours de route en présentant ce mémoire, c'est que beaucoup d'ingénieurs forestiers ne veulent pas dissocier cela. Un bon gestionnaire est quand même un bon aménagiste, un bon planificateur et tout. D'accord, mais on n'est peut-être pas tous de bons gestionnaires. En tout cas, il y a des points d'interrogation face à cela, quand même.

Pour nous, c'est sûr, comme vous le disiez tantôt, qu'il y a peut-être quelques MRC qui veulent émettre des permis de coupe, mais dans l'ensemble, en tout cas, ce n'est pas majoritaire et, dans notre cas, c'est la majorité toujours qui prévaut. Alors, je pense que de ce côté on s'accorde. Pour ce qui est de la gestion, on ne veut pas du tout toucher à cela.

Quand on parle d'affectation des territoires, ce sont les cartes d'affectation des milieux naturels. Vous avez dit affectation des activités ou des...

M. Perron: L'affectation de l'exploitation forestière.

M. Lemay: Ah, l'affectation de l'exploitation forestière! Bon! C'est parce qu'on voudrait quand même savoir où se situent chaque année les permis qui sont donnés aux utilisateurs de la forêt. On ne voudrait pas le savoir après que ces permis sont donnés. On sait que le ministère fait au cours des mois de janvier, février les plans d'affectation pour l'année qui vient. On voudrait quand même être consultés, discuter avec le ministère des plans d'affectation, des parterres de coupe qui sont alloués pour l'année qui vient. C'est là une chose. (13 h 30)

Au niveau de l'aménagement et de la planification de la forêt, c'est à peu près l'ensemble de l'aménagement et de la planification de la forêt. Je ne sais pas si cela répond un peu à votre question.

M. Perron: Oui. Disons que cela clarifie votre position en rapport avec cela.

M. Lemay: D'accord.

M. Perron: Maintenant, M. le président, vous en tant que MRC qui pratiquez ce qu'on appelle communément la concertation,

puisque des MRC sont formées de représentants de chacune des municipalités du territoire concerné, je voudrais vous demander quelle est votre opinion sur la création d'un conseil consultatif de la recherche, ainsi que sur la création d'un conseil permanent de la forêt. Ce dernier pourrait avoir des entités régionales ou des entités nationales ou les deux?

M. Nicolet: Malheureusement, je n'en sais que trop peu sur la proposition à laquelle vous faites allusion d'un tel conseil, mais dans la mesure où c'est un organisme consultatif, je serais certainement en faveur d'encourager la concertation des intervenants. Là-dessus, si c'est une réaction de principe que vous me demandez, elle est certainement favorable. Par contre, quant aux modalités, j'aimerais avoir l'occasion d'approfondir votre question pour pouvoir y répondre de façon plus intelligente.

M. Perron: C'est que, lorsqu'on parle, par exemple, du conseil permanent de la forêt - juste à titre d'information, après cela je vais vous poser une autre question - cet organisme serait formé de plusieurs instances qui sont impliquées dans le domaine forestier. Donc, il aurait une représentativité nationale avec possiblement une représentativité régionale. Cet organisme n'aurait que des pouvoirs de recommandation face au gouvernement et au domaine forestier. La question que je voudrais vous poser est la suivante: Est-il possible, en tant que représentants des MRC, que votre organisme puisse aller de l'avant et, justement, envoyer quelque chose de concret à chacun des membres de la commission parlementaire sur la création de ce conseil consultatif?

M. Nicolet: M. le député, certainement. Si, après cette audition, vous pouviez nous donner l'information à savoir où on peut avoir un résumé de la nature de la proposition, cela nous fera certainement plaisir de le faire circuler parmi nos membres pour obtenir leurs réactions. J'aimerais avoir un document de référence qu'on puisse consulter.

M. Perron: C'est dans le livre blanc du 11 juin 1985, que vous avez sûrement, le livre blanc sur la politique forestière. Une autre question.

Le Président (M. Cusano): II vous reste 45 secondes, M. le député.

M. Perron: Oui. C'est court. Vous parlez de rupture de stocks et vous parlez, à la page 13, de "l'allocation des droits de coupe en escomptant ou en empruntant sur les potentiels forestiers futurs". Là-dessus nous sommes parfaitement d'accord. C'est ce qu'on a appelé la forêt électronique.

La question que je voudrais vous poser, c'est par rapport à l'émission de nouveaux droits de coupe. On sait que la Loi sur le ministère des Terres et Forêts permet au ministre délégué aux Forêts et à son ministre de tutelle d'accorder des garanties d'approvisionnement sur la forêt publique. La question est la suivante: Au moment où d'ici à quelques mois s'appliquera la nouvelle règle du jeu, ne croyez-vous pas que les deux ministres devraient être prudents d'ici là et renoncer entièrement à donner des garanties d'approvisionnement additionnelles sur la forêt publique?

Le Président (M. Cusano): M. Lemay.

M. Lemay: II faut quand même toute la documentation à ce niveau pour être un bon juge de cette question. Je pense que cela a été discuté hier ici et cela a été la volonté de plusieurs intervenants: vu que la politique forestière va sortir d'ici quelques mois, il serait peut-être maladroit actuellement d'attribuer des permis de coupe additionnels parce qu'on sait que la forêt est déjà surexploitée.

Le Président (M, Cusano): Une très courte question.

M. Perron: Une très courte question. À la page 14, vous parlez de l'augmentation des activités de sylviculture et de plantation. La question que je voudrais vous poser - ce sera la dernière parce que je n'ai plus de temps à ma disposition - est la suivante. On sait que certaines MRC veulent s'impliquer directement dans la réglementation des techniques sylvicoles. Ma question est la suivante: Est-ce que les MRC disposent actuellement des compétences professionnelles pour intervenir au niveau de la réglementation de ce secteur?

M. Nicolet: Les MRC qui ont voulu s'impliquer dans la définition des techniques d'exploitation sylvicole l'ont fait - et je dois parler spécifiquement de l'expérience que nous avons vécue nous-mêmes dans notre MRC - de façon très ponctuelle en fonction d'objectifs beaucoup plus globaux. Dans notre cas particulier, c'était pour le développement de l'industrie touristique et de villégiature. Cela a été fait après consultation et avec l'aide technique de professionnels en matière de gestion forestière.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le président. La parole est maintenant au ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Je voudrais signaler au député de

Duplessis que les interventions sylvicoles dans la forêt ne sont pas des activités électroniques, comme il le prétend.

M. Perron: Ce n'est pas ce que j'ai mentionné.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Hier soir, j'ai écouté avec beaucoup...

M. Perron: II mélange les choux et les carottes.

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaîtî La parole est au ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup); ...le Dr André Lafond qui est venu nous exposer ce qu'on pouvait faire en forêt. Il nous a signalé, avec beaucoup d'éloquence, qu'on pouvait escompter le double de la possibilité que nous avons actuellement. Ce n'est pas exagéré quand on vise un rendement de 1,23 mètre cube à l'hectare. Les 100 000 000 d'arbres qu'on a plantés cette année et d'autres qui ont été plantés depuis 1920, cela fait 65 ans qu'on le fait, ce ne sont pas des arbres électroniques non plus. Il faut en tenir compte dans nos calculs.

Maintenant, en ce qui concerne les unités de gestion et les limites territoriales des MRC, c'est évidemment, comme le signalait le député de Laviolette, un très gros travail au ministère. C'est coûteux de le faire. Quand on peut vous accommoder, on le fait et je pense qu'on l'a fait dans le cas de Labelle. Cela a été fait dernièrement.

Je voudrais également vous parler des chemins. Vous signalez dans votre mémoire d'aujourd'hui: II semble que tout chemin sur une terre publique est un chemin forestier. Est-ce le cas? À l'article 12, on prévoit l'autorisation du ministre pour la construction d'un tel chemin. Est-ce à dire que la MRC n'a aucun mot à dire sur l'établissement des chemins forestiers? Pourtant, l'article 149 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit que, lorsque le gouvernement, ses ministères ou mandataires désirent intervenir, entre autres... Vous dites: Quand ce sont des tiers qui le font, on n'a pas affaire à en discuter avec les MRC. C'est ce que vous mentionnez?

Le Président (M. Cusano): M. le président.

M. Nicolet: Effectivement, c'est ce qu'on a cru comprendre à la lecture du texte.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Lorsque le ministère construit un chemin principal, il le fait.

M. Nicolet: Quant à nous, notre...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Les autres chemins forestiers dont il est question, cela va avec le permis d'intervention ou cela va avec le permis de coupe. Et le ministère n'intervient pas, excepté pour les grands chemins, c'est-à-dire les chemins principaux. Ces chemins principaux, quand le ministère intervient, relèvent de l'article 149 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

M. Nicolet: M. le ministre, si je peux intervenir brièvement, je crois que la question s'est soulevée dans des cas bien précis. J'ai souvenir d'un cas, celui de la MRC de La Côte-de-Gaspé, en bordure de la rivière York. Il y a eu une cause célèbre qui remonte maintenant à près de dix mois. Effectivement, il y a eu là construction de chemins sur des terres publiques. Ici, mon information n'est pas à jour. Je ne sais pas s'il s'agissait d'une intervention exécutée par le ministère lui-même ou par quelqu'un qui bénéficiait d'un droit de coupe. Il n'en demeure pas moins que cette intervention s'est faite sans consultation de la MRC de La Côte-de-Gaspé. Cette intervention s'est faite en dépit de toutes les normes de protection de l'environnement et au détriment de frayères à saumons si importantes pour toute la vie économique de la région.

C'est ce genre de cas bien précis que nous aimerions cerner, tâcher de les démonter avant que cela devienne une prolifération dans le territoire. En d'autres termes, ce que nous vous disons, c'est qu'en impliquant plus directement les municipalités qui sont responsables de faire respecter ces normes de protection environnementale pour l'ensemble de leur territoire il y aurait peut-être moyen d'éviter des situations comme celle-là.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. Nicolet. Lorsqu'on parle, à la page 12 de votre mémoire, de la zone pâte, on parle des difficultés d'accès et d'éloignement, d'accord, mais vous nous suggérez "d'axer les efforts sur des programmes d'aménagement forestier efficaces et davantage dans les zones forestières situées à proximité des entreprises de sciage". Vous éliminez pratiquement les zones pâte en disant: "Les difficultés d'accès et d'éloignement des territoires de coupe amèneraient des coûts supplémentaires à la collectivité et ne devraient combler qu'en partie le problème de la rupture de stocks." Vous nous incitez à ne pas aller dans la zone pâte?

M. Lemay: On ne vous incite pas, mais on dit quand même que cela devrait être le dernier recours en cas de rupture de stocks. Il semble que cela devrait être beaucoup plus recommandable si on dit: "À proximité des usines, on doit mettre beaucoup plus

l'emphase sur la sylviculture et le reboisement et, en zone pâte on y va s'il y a rupture de stocks. On ne vous dit pas de ne pas y aller, par exemple.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous suggérez, M. Lemay, un incitatif financier, parce que c'est seulement l'argent qui va faire que les gens vont peut-être pouvoir y aller?

M. Lemay: Un incitatif financier dans les deux cas. C'est pour cela qu'on voua recommande plus d'incitatifs financiers à proximité des usines. Mais si, par contre, on est obligé d'aller en zone pâte, on sait que c'est un incitatif financier qui est très considérable.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui. Considérez-vous que les efforts qu'on fait sur la forêt privée sont suffisants parce que ce sont les terrains qui sont près des usines et des infrastructures existantes?

M. Lemay: Parlez-vous d'efforts sur la forêt privée?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Lemay: À ce sujet, on a eu quelques commentaires. En ce qui concerne les efforts que vous faites, je pense que c'est très louable. Par contre, si dans notre région on compare un peu les efforts du ministère avec ceux du Plan de l'Est, il semble que ceux du Plan de l'Est ont plus d'accommodations - et j'imagine que c'est monétaire - en ce qui concerne les incitatifs, pour ce qui est des producteurs privés.

Le Président (M. Cusano): II vous reste une minute, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Une minute. C'est sûr. Le Plan de l'Est est plus généreux pour certains travaux, ce qui fait que vous l'aimez davantage. On donne plus cher pour certains travaux, mais on tente de s'harmoniser parce que la main gauche ne sait pas ce que la main droite fait. Ce sont les gouvernements fédéral et provincial qui paient dans les deux cas.

M. Lemay: Oui. Je vous dis actuellement que votre plan est très louable aussi et vous devez peut-être l'augmenter un petit peu.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui.

M. Lemay: D'abord il est plus nouveau et moins connu un peu. Chez nous c'est un déblocage.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis pour les remarques d'usage.

M. Perron: M. le président Nicolet, ainsi que votre groupe, au nom de l'Opposition, je vous remercie beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Vous pouvez être assurés qu'il y a plusieurs éléments qui vont être retenus par l'Opposition en rapport avec le futur projet de loi qui sera présenté par le ministre délégué aux Forêts. Bien sûr qu'on s'attend à ce sujet à avoir beaucoup de boulot pour faire en sorte que le gouvernement comprenne certaines recommandations que nous lui ferons. Merci à vous, encore une fois, M. le président ainsi qu'aux deux collègues qui vous accompagnent.

Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup M. le député de Duplessis. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le président, M. Lemay, Mme Martel, merci de votre présence ici ce matin. C'est toujours agréable de discuter de ces questions. J'espère bien et je n'en doute aucunement que nous certainement par préciser notre vocabulaire et nos termes pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté dans nos relations entre les MRC et les ministères. Je vous remercie de votre présentation, de votre présence et de votre dévouement à la cause forestière.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie de votre présence. Les travaux de la commission de l'économie et du travail sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi lorsque nous entendrons l'Association des mesureurs de bois licenciés du Québec.

(Suspension de la séance à 13 h 45)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend sa consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts.

Je voudrais demander le consentement unanime pour que le député de Dubuc remplace, pour cet après-midi, le député de Roberval.

M. Cusano: Consentement.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député de Viau et merci également de votre collaboration pour cet avant-midi.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): D'après les commentaires que j'ai eus, la commission était entre bonnes mains ce matin.

M. Cusano: Merci.

Mémoires déposés

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre, il y a encore de la place dans l'Opposition si le député de Viau veut changer d'idée.

Par ailleurs, je voudrais avoir le consentement aussi pour... En fait, je pense que je n'en ai pas besoin. J'ai simplement à indiquer qu'il y a un mémoire qui nous a été soumis par Les Placages de l'Outaouais, Multigrade Inc. et divers organismes, Produits forestiers Maniwaki, Industrie manufacturière Mégantic Inc., la compagnie Commonwealth Plywood Ltée. Ce sont des entreprises de déroulage de feuillus durs au Québec qui ne peuvent pas être entendues, mais qui déposent leurs mémoires. Comme les autres mémoires déposés de la même façon, ce sera consigné au secrétariat de la commission et ce dépôt est au procès verbal. Cela va?

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association des mesureurs de bois licenciés du Québec. Je crois que le président est M. Marc Parent, si mes informations sont exactes. Messieurs, veuillez vous approcher à la table, s'il vous plaît. Je demanderais à M. Parent de présenter la personne qui l'accompagne. Je vous indique que la durée de présentation de votre mémoire a été déterminée à douze minutes comme vous l'a sans doute indiqué le secrétaire de la commission. Par la suite, les échanges de propos dureront vingt-quatre minutes par formation politique, avec les députés ministériels et ceux de l'Opposition. Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, je vous inviterais à commencer votre présentation.

Un instant: M. le député de...

M. Perron: M. le Président, pour corriger une erreur de parcours que nous aurons sûrement vers 18 heures, l'Opposition accepte tout de suite de dépasser 18 heures si c'est nécessaire.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Merci, M. le député de Duplessis.

M. Cusano: À la suite des discussions que nous avons eues cet avant-midi sur ce sujet-là, on est d'accord pour dépasser 18 heures, mais il ne faudrait pas dépasser 18 h 30.

M. Perron: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Que les uns et les autres s'organisent pour que tel soit le déroulement des travaux de cet après-midi. M. Parent.

Association des mesureurs de bois licenciés du Québec

M. Parent (Marc): M. le Président, M. le ministre Albert Côté, membres de cette commission, cela nous fait plaisir d'accepter votre invitation et on vous remercie en même temps de nous permettre de présenter notre exposé et de faire nos revendications. Je vous présente, à ma droite, M. Gaétan Bérubé, secrétaire-gérant de l'association qui va vous lire notre mémoire. M. Bérubé.

M. Bérubé (Gaétan): Merci, Marc. L'Association des mesureurs de bois licenciés du Québec est heureuse de profiter de l'occasion qui lui est offerte pour présenter son opinion à cette commission de l'économie et du travail, dans le cadre de cette consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les forêts.

Dans cette quête d'opinions, à l'association des mesureurs, nous reconnaissons l'harmonie entre le but et le processus, qu'une parfaite compréhension de la situation de nos forêts au Québec doit être recherchée.

Notre opinion sera donc essentiellement d'essayer modestement de faire valoir les intérêts nobles et altruistes de l'importance du mesureur de bois spécialisé et autonome pour correspondre aux besoins de la réalité d'aujourd'hui. En somme, bien sûr, les motifs qui sont derrière nos applications sont extrêmement importants parce qu'ils déterminent réellement ce que sera le résultat final.

Le sens et l'importance des besoins clairement identifiés commandent d'une façon sûre de connaître les quantités de bois qui sont coupées dans les différentes forêts. Aussi, dans son propre intérêt, l'association des mesureurs n'est pas indifférente à l'égard de ces besoins dont nous analysons objectivement et évaluons les conséquences et/ou les implications présentes et futures. Dans un but constructif, tout en visant au progrès selon les besoins, l'association des mesureurs, son objectif majeur est de se situer comme entièrement responsable dans l'exercice de ses activités professionnelles parce que nous savons que, pour restaurer le milieu, il faut une volonté, mais une volonté basée sur des principes.

Parmi les besoins qui nous sensibilisent le plus et qui sont évidemment très importants pour que les quantités coupées dans les différentes forêts du Québec en soient contrôlées de façon efficace, il y a l'approche de plus en plus imminente des ruptures de stock; l'importance de s'assurer, autant dans les forêts publiques que dans les forêts privées, que les plans de coupe soient

respectés et de déterminer avec précision les quantités de bois sur les terres publiques, pour établir le montant des droits de coupe et autres redevances à payer à l'État; l'importance accrue des transactions impliquant les bois provenant de la forêt privée; le mesurage des bois coupés qui est reconnu comme étant le meilleur moyen de contrôle et de gestion et le mesurage, qui est également un moyen efficace pour contrôler la qualité de l'aménagement forestier.

Pour plusieurs régions du Québec, le secteur forestier représente justement l'élément important qui permet à des populations de vivre, de s'épanouir et de se développer. Le mesurage des quantités a donc un impact direct sur le chèque de paie.

Enfin, et ce n'est pas le moindre des besoins, il y a l'obligation, pour le gouvernement du Québec, d'investir davantage dans le domaine des forêts pour assurer la prospérité et l'avenir des Québécois.

Sans ambages, cela nous permet d'affirmer que les bénéficiaires de nos forêts sont justifiés de s'inquiéter de la compétence et de l'intégrité des gens qui déterminent les quantités de bois coupé dans les différentes forêts.

La Loi sur les mesureurs de bois a été promulguée pour la première fois au Québec en 1890. Elle instituait un bureau des examinateurs des mesureurs de bois qui avait comme objectif d'assurer le gouvernement des quantités coupées. À cette époque, 99 % des forêts étaient du domaine public et l'intensité de ces forêts était telle qu'un épuisement des stocks n'était même pas pensable. Il faut dire aussi que le principe directeur de cette époque était: dominant, dominé. Depuis 1979 que l'association des mesureurs faisait valoir la nécessité de modifier cette loi dont la dernière révision remontait à 1941. Depuis le 1er septembre 1985, nous avons devant nous une loi sur les mesureurs de bois modifiée dont les modifications sont bien en deçà de ce que l'association des mesureurs escomptait. Dans cette nouvelle loi, le bureau des examinateurs qui existait en 1890 demeure, à l'exception que, parmi le personnel qui composera ce bureau, un représentant de l'association en fera partie.

Pour ce qui est des transactions de bois provenant des terrains privés, la seule protection qu'offre cette nouvelle loi, c'est que le ministère peut alors offrir d'effectuer un service pour vérifier si le mesureur a accompli son travail conformément aux clauses de mesurage mentionnées au contrat liant les parties et ce, à la suite d'une plainte. En terrain privé, avec cette nouvelle loi, tout ce que le mesureur peut maintenant faire dans l'exercice de ses fonctions, c'est qu'elle l'autorise à entrer et passer sur une terre privée et, sur demande, le mesureur doit produire sa carte d'identité attestant de sa qualité de mesureur de bois. Nous croyons que cette loi ne peut résulter en une croyance générale pour entourer le pouvoir d'une loi vers qui elle est dirigée.

Aujourd'hui, le mesureur de bois est un spécialiste. Sa formation relève du ministère de l'Éducation. Détenteur d'un diplôme, il se spécialise de plus en plus, avec l'évolution des nouvelles techniques et des nouvelles méthodes de mesurage. Il .ne fait pas que lire une règle mesurant le diamètre d'une bille, il s'attarde à la peser, il s'occupe des mesurages par échantillonnage, de l'évaluation des quantités de bois au moyen de la photographie, au moyen de la télévision en circuit fermé et de toute autre méthode d'évaluation. Le mesureur est l'un des seuls qui peut appliquer avec responsabilité les techniques d'évaluation précise de l'échantillonnage. Le mesurage est donc actuellement une spécialisation comme celle des ingénieurs forestiers et celle des techniciens forestiers.

Il faut être réaliste. L'association des mesureurs est d'avis et croit que le problème du mesurage du bois au Québec se situe tout simplement au niveau de l'entendement des paliers de responsabilité. Ces niveaux de responsabilité sont, premièrement, l'établissement des normes et des techniques de mesurage, responsabilité qui incombe directement au gouvernement; deuxièmement, l'application fonctionnelle qui s'explique par elle-même et qui a la responsabilité de ceux qui font effectuer du mesurage de bois coupé; troisièmement, ce troisième niveau de responsabilité est le contrôle de la compétence des mesureurs de bois. Cette responsabilité devrait incomber à l'Association des mesureurs de bois licenciés . du Québec parce que c'est l'organisme naturel des mesureurs de bois.

En conclusion, ceux qui mesurent les quantités de bois qui sortent de nos forêts sont et seront dorénavant de plus en plus importants. L'association des mesureurs est, et nos législateurs devraient le reconnaître, la forme la plus pure pour diriger et contrôler la compétence et l'intégrité des mesureurs de bois du Québec dont la qualité des services serait nécessairement augmentée, parce que, premièrement, dans l'émission de permis ou dans le cas de la révocation de permis, le mesureur serait jugé par ses pairs; deuxièmement, le mesureur qui serait titulaire d'un permis délivré par l'Association des mesureurs de bois, son droit d'exercice s'étendrait à l'ensemble du secteur et non seulement au secteur public; troisièmement, l'association assurerait la compétence de ses membres et la vérifierait en cas de défaillance; quatrièmement, dans ce cadre, le mesureur serait beaucoup plus responsable de ses actes. Il sentirait dans l'exercice de ses fonctions un appui réel et

le public en général ainsi que les bénéficiaires des forêts seraient assurés d'un contrôle impartial et uniforme dans la détermination des quantités de bois. À la suite de ce travail, nous croyons qu'il a les renseignements nécessaires pour prendre des décisions éclairées.

Cette semaine, nous avons, à la suite de notre travail, préparé un addendum qui vous a été distribué tout à l'heure. On va en produire la lecture. On y trouve: 1 Tarification. Dans le cas où le gouvernement maintiendrait sa position de conserver les redevances payables sur le volume alloué plutôt que sur le volume récolté, que les mêmes standards pour le mesurage soient appliqués pour la gestion des stocks. 2° Préoccupation légitime concernant la profession du mesureur. Regrouper l'acte de mesurage de bois au Québec sous l'autorité de l'association, afin de a) permettre au gouvernement de se départir de la tâche d'examinateur pour l'émission des licences de mesurage; b) permettre à l'association d'agir à titre de gardien des normes établies pour le mesurage, cette dernière devant veiller au maintien des standards de qualité dans l'application des normes de mesurage par l'émission de permis de mesurage aux personnes compétentes.

Tout en effectuant une vérification de l'aire; la vérification ne remplacerait pas les vérifications du mesurage par le gouvernement mais servirait plutôt à maintenir les standards auprès du mesureur. Cette mesure, en plus d'alléger la tâche du gouvernement dans l'émission et le contrôle des permis de mesureur, assurerait la protection des intérêts du public pour les transactions privées en assurant que le mesurage serait effectué suivant des standards uniformes; les cas de litige seraient réglés par l'association sans l'intervention du gouvernement.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bonjour M. Parent et bonjour M. Bérubé. Je suis très heureux de vous revoir. Tout dernièrement, je vous ai manifesté mon admiration pour le travail que vous avez exécuté.

Au cours de ma carrière, j'ai été heureusement associé au travail des mesureurs pendant de nombreuses années. J'ai été en mesure de connaître la tâche souvent ingrate que vous exécutez. Ce qui m'a le plus impressionné chez vous et chez la plupart de vos membres, c'est l'honnêteté et l'impartialité avec lesquelles votre travail a été exécuté. C'était principalement dans l'intérêt de l'ouvrier forestier et pour protéger son salaire, de façon équitable et de faire en sorte que le gouvernement perçoive ses redevances sur une base juste.

Je vous remercie de votre mémoire. Je connais l'importance, pour les raisons que je viens de mentionner, du rôle du mesureur de bois au Québec, étant donné l'ampleur des terrains publics et je me demande si on ne devrait pas étendre vos responsabilités au mesurage des bois privés, comme vous le mentionnez dans votre rapport.

Vous mentionnez également qu'il est très important, à la veille de l'installation d'un nouveau régime forestier, que le mesureur ait un statut reconnu de toutes parts. Je voudrais vous poser une question. Vous dites, dans votre mémoire, que la formation du mesureur relève du ministère de l'Éducation. Est-ce que vous obtenez votre permis du ministère de l'Éducation ou si, comme c'est indiqué à la dernière page de votre mémoire, . c'est le ministère de l'Énergie et des Ressources qui vous le délivre?

M. Bérubé: Présentement, le ministère de l'Éducation forme les mesureurs. Si vous avez souvenance, M. le ministre, les mesureurs étaient formés, au début, par le ministère des Terres et Forêts à Berthier et puis, après, à Duchesnay sous le ministère des Terres et Forêts. Cela a été transféré, je crois, au ministère de l'Éducation dans les années 1960. Comme c'est transféré, nous croyons qu'il serait normal que la compétence soit reconnue par l'Association des mesureurs, tel qu'on le mentionne dans notre mémoire.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais dans d'autres organismes, dans d'autres métiers, le ministère de l'Éducation décerne directement un certificat de compétence, est-ce que cela ne vous conviendrait pas?

M. Bérubé: II faut quand même que la compétence et l'intégrité...

M. Côté (Rivière-du-Loup): L'intégrité, c'est un autre point.

M. Bérubé: ...soient reconnues. On reconnaît au ministère de l'Éducation l'autorité d'émettre un certificat.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, le mesureur peut être reconnu par le ministère de l'Éducation mais, par la suite, il peut être tenu de faire partie de votre association, comme cela arrive dans d'autres professions. Parce qu'en fait, la compétence, c'est le ministère de l'Éducation, de par son cours, de par son intervention, qui donne la formation et qui reconnaît la compétence des mesureurs.

Quand on arrive à l'intégrité, à mon avis, c'est beaucoup plus le rôle de l'association des mesureurs de surveiller et de contrôler ses membres sur cet aspect. Je ne sais pas si cela...

M. Bérubé: Je comprends votre intervention. Il est difficile d'y répandre pour la raison que les relations qu'on a eues avec le ministère de l'Éducation remontent déjà à trois ans. La seule rencontre qu'on a eue avec lui a été plutôt vague. On nous a dit qu'il était capable de donner une bonne formation aux mesureurs. Mais la seule chose que nous croyons, c'est que l'association devrait peut-être voir au contenu des cours, afin qu'ils répondent réellement aux besoins du gouvernement et de l'industrie, que le mesureur soit réellement formé pour répondre aux besoins d'aujourd'hui. Quand on parle d'échantillonnage, il est extrêmement important que le mesureur ait cette formation.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Que les représentants de votre association discutent avec les gens du ministère de l'Éducation du contenu des cours pour mieux répondre aux besoins que vous connaissez peut-être mieux qu'eux, d'accord. Sauf qu'une fois que le cours est donné et que les examens sont passés, je pense que le mesureur qui a réussi ses examens est compétent, mais il reste à savoir s'il doit joindre les rangs de votre association pour pratiquer sa profession, comme cela arrive dans d'autres professions.

M. Bérubé: Exactement. L'acte a besoin d'être vérifié.

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Je vous ai dit, quand on s'est rencontré privément, qu'au cours de ma carrière, on avait jugé à propos de mesurer nous-mêmes les produits que nous vendions. En forêt, il arrive très souvent que c'est l'acheteur qui mesure les produits qu'il achète. De votre côté, est-ce qu'il serait plus avantageux et plus équitable pour les deux parties, acheteur et vendeur, que le mesureur soit quelqu'un de neutre et qu'il serve d'équilibre, disons, dans la transaction? Comme cela arrive dans une épicerie, par exemple, quand on va acheter quelque chose et qu'une balance nous dit qu'on en a acheté pour une livre et demie ou pour 550 grammes. C'est neutre.

Mais ce qui se passe actuellement dans l'industrie forestière, c'est pratiquement toujours, sauf exception, l'acheteur qui mesure et qui paie, suivant sa mesure, le produit qu'il a acheté, c'est-à-dire des copeaux, du bois rond, etc. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus, M. Bérubé ou M. Parent.

M. Bérubé: Si le mesureur est vérifié par un organisme responsable, nous ne voyons pas pour quelle raison le mesureur ne serait pas intègre, comme un ingénieur forestier, comme un médecin, etc. Qu'il soit payé par l'un ou l'autre, il doit agir complètement libre d'influence.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ah! Celui qui paie, vous savez, a toujours de l'influence. Parce qu'on dit souvent à des employés: Regarde d'où vient ton chèque de paie.

M. Bérubé: Oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je peux vous donner des exemples quand on disait à des mesureurs qui faisaient des tests sur des copeaux: Vous " faites des tests pour mesurer l'écorce. Le type, tout en étant intègre, était influencé dans son subconscient et il surveillait le déchargement de copeaux. Quand il voyait passer une écorce, il la prenait. Ce qui fait que cela pénalisait évidemment le vendeur. Mais l'acheteur était correct, lui, parce qu'il avait dit de faire un test d'écorce. Cela rne préoccupe un peu au point de vue de l'équité par rapport au vendeur et à l'acheteur, parce que c'est à peu près le seul domaine où c'est l'acheteur qui mesure le produit qu'il achète. Est-ce que cela ne vous préoccupe pas, vous?

M. Bérubé: Oui, il est certain qu'on est préoccupé par cela, mais on croit à l'intégrité professionnelle. C'est ce en quoi on croit exactement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui. D'accord. Pour l'instant, cela me va, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. M. le député de Duplessis.

(15 h 30)

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition à M. Marc Parent et à M. Gaétan Bérubé. J'ai senti au mémoire que vous avez présenté devant les membres de la commission que vous n'étiez pas d'accord avec la loi de 1985. C'est assez clair. D'autre part, puisque nous sommes actuellement à une commission parlementaire pour entendre des mémoires se rapportant à l'avant-projet de loi sur les forêts qui a été déposé par le ministre délégué aux Forêts en juin dernier, je me pose la question à savoir si vous êtes devant la bonne commission parlementaire, malgré que je ne vous en tienne pas grief pour la raison suivante. En tant que mesureurs, vous êtes quotidiennement reliés au domaine forestier et à certains intervenants forestiers, que ce soit les papetières, ou le ministère de l'Énergie et des Ressources ou autres.

J'ai d'abord une question à vous poser et j'en aurai une autre par la suite. Mon collègue de Laviolette va intervenir en rapport avec votre mémoire. Combien de membres votre association a-t-elle actuellement?

M. Bérubé: En tant qu'association, présentement nous avons 462 membres.

M. Perron: Est-ce que cela représente l'ensemble des mesureurs de bois du Québec?

M. Bérubé: Non, cela ne représente pas l'ensemble des mesureurs de bois du Québec, pour la simple et unique raison que les mesureurs de bois réclament depuis cinquante ans te statut particulier de s'administrer eux-mêmes. Les mesureurs de bois ne comprennent pas.

M. Perron: Comme corporation?

M. Bérubé: Comme corporation. C'est la raison pour laquelle le "membership" diminue.

M. Perron: Combien y a-t-il de mesureurs de bois au Québec actuellement?

M. Bérubé: Au Québec, au-dessus de 4000 actuellement détiennent leur licence puis entre 1000 et 1500 pratiquent. Il y a des mesureurs qui détiennent les licences et il y a les pratiquants.

M. Perron: Dans votre mémoire vous mentionnez que depuis la nouvelle lai vous obtenez des mandats du ministère de l'Énergie et des Ressources d'une certaine façon. Est-ce exact?

M. Bérubé: Je ne comprends pas votre question.

M. Perron: Pour aller mesurer.

M. Bérubé: Je ne comprends pas votre question,

M. Parent (Marc): La question n'est pas précise.

M. Perron: Je vais y revenir, je l'ai vu dans votre projet. Je vais trouver l'endroit exact et je reviendrai sur cela. M. le Président, j'ai terminé pour le moment, mais je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va» M. le ministre, y a-t-il d'autres questions de ce côté-ci? M. le ministre?

M, Côté (Rivière-du-Loup): Oui, oui. Excusez-moi.

Le Président (M. Charbonneau): Vous avez le droit.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, en parlant de la loi de 1985 vous dites que: pour ce qui est des transactions des bois provenant des terrains privés, la seule protection qu'offre cette nouvelle loi, le ministère peut alors offrir d'effectuer un service pour vérifier si le mesureur a accompli son travail conformément aux clauses de mesurage mentionnées au contrat liant les parties et ce, qu'à la suite d'une plainte. Quand vous dites: "mentionnées au contrat", cela n'est pas suivant les normes de mesurage reconnu ou édicté par le ministère?

M. Bérubé: Non.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela peut être un contrat sous seing privé. Est-ce cela?

M. Bérubé: C'est cela, exactement. Si vous voulez avoir notre position exacte sur un terrain privé, on peut vous la donner.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, s'il vous plaît, c'est ce que je veux avoir.

M. Bérubé: Alors, tous les bois vendus à des fins industrielles devraient être mesurés par un mesureur licencié. Pour la protection du public, les bois provenant des terrains privés devraient être mesurés suivant les mêmes normes techniques que les bois exploités sur les terres de la couronne, à cette exception près que le contrat de vente entre les parties déterminera quels bois sont achetés ou ne sont pas achetés, comme les essences, les diamètres maximums et minimums, les longueurs maximums et minimums, les défauts de forme, etc.

Il est bien entendu que l'on ne peut forcer un utilisateur à acheter des billes qui ne lui conviennent pas. Le contrat de vente déterminera donc quelles billes sont achetées et quelles billes ne le sont pas. Le mesureur respectera ce contrat. Pour Ies billes achetées, elles seraient mesurées suivant les mêmes normes que les billes provenant des terres publiques.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais vous dites que ce sont les normes du contrat et dans votre recommandation vous voulez que ce soient les normes édictées par le ministère.

M. Bérubé: Non, lorsqu'un acheteur achète du bois, il est restreint selon le produit qu'il usine. Il y a des sortes d'essences qu'il achète et d'autres qu'il n'achète pas. Il y a des diamètres maximum et minimum, des longueurs maximum et minimum et des défauts de forme. Par exemple, on pense au merisier. Le merisier est acheté pour faire du déroulage; le reste du merisier n'est presque pas employé, à notre connaissance, alors c'est une perte de bois.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Un organisme est venu nous dire ici qu'on ne faisait presque plus de vérifications sur les terres publiques. Avez-vous une opinion sur cette affirmation? Vous avez certainement des vérificateurs qui vérifient vos membres de temps à autre et certains de vos membres qui travaillent comme vérificateurs. Est-ce qu'on devrait maintenir cette pratique passée de vérification, pour la protection, comme je l'ai dit tout à l'heure, des ouvriers et pour celle des redevances au gouvernement?

M. Bérubé: Oui, M. le ministre. Le gouvernement devrait maintenir la vérification de ses bois. L'association vérifierait l'acte du mesureur. Comment le vérifierait-elle? Par un échantillonnage et par une analyse de l'échantillonnage.

M. Côté (Rivière-du-Loup): À quel niveau pensez-vous qu'on devrait vérifier les bois coupés sur les terrains publics?

M. Bérubé: Nous avons l'impression que, présentement, le gouvernement a un bon système de vérification. Justement, lors de notre dernier congrès, on en a eu un exposé par un représentant de votre ministère. Nous croyons que, au Québec, le bois est vérifié et très bien vérifié.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'est pas ce qu'on nous a dit cette semaine.

M. Bérubé: Enfin, on a des... Oui, d'accord, mais quand même il faut regarder, du côté professionnel, ce qui se passe. Vous disiez tout à l'heure que l'association avait des vérificateurs pour vérifier nos gens. Non, l'association n'a pas encore de vérificateur pour vérifier ses gens. Elle ne peut pas vérifier l'acte actuellement, car son statut ne le lui permet pas.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On me dit qu'au ministère, on vérifie de 2 % à 4 % des bois coupés sur les terrains publics. Est-ce que ce chiffre vous semble acceptable?

M. Bérubé: Si l'échantillonnage est bien suivi et bien pris, à notre avis, oui, c'est acceptable.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Le syndicat des travailleurs nous a affirmé, cette semaine, que les vérifications n'étaient pas assez fréquentes et qu'on ne protégeait pas l'ouvrier de façon adéquate 3ur les terrains publics. Il existe un règlement qui dit que les bois doivent rester sur le parterre des coupes pendant 48 heures, je pense Il semble que ce règlement ne soit pas suivi. À votre connaissance, est-ce que cela se produit de temps à autre?

M. Bérubé: Franchement, on ne peut pas répondre à cette question, car ce n'est pas dans notre domaine. Comme on vous l'a expliqué, actuellement, ce n'est pas l'association des mesureurs qui contrôle la compétence et l'intégrité de ses mesureurs, mais plutôt un bureau d'examinateurs qui est sous votre responsabilité, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous souhaiteriez que tous les mesureurs, pour pratiquer leur profession, fassent partie de votre association, comme cela se produit dans le cas des ingénieurs forestiers ou dans d'autres professions?

M. Bérubé: Certainement que cela serait souhaitable.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Pourquoi le législateur ne vous l'a-t-il pas donné? Lui avez-vous demandé?

M. Bérubé: Bien certain qu'on l'a demandé. Cela fait dix ans qu'on lui demande. M. le député de Laviolette pourrait peut-être vous répondre là-dessus, s'il a lu les dossiers depuis dix ans.

Une voix: Posez-lui la question.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Pour l'instant, M. le Président, cela me va.

Le Président (M. Charbonneau): M, le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, j'ai fait un lapsus tout à l'heure, ce n'était pas un mandat. J'aurais une question. À la page 3 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, vous écrivez: "Pour ce qui est des transactions des bois provenant des terrains privés, la seule protection qu'offre cette nouvelle loi, le ministère peut alors offrir d'effectuer un service pour vérifier si le mesureur a accompli son travail conformément aux clauses de mesurage mentionnées au contrat liant les parties et ce, qu'à la suite d'une plainte". Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire exactement par cette partie du paragraphe, pour la bonne compréhension de votre position se rapportant à cela?

M. Bérubé: Un propriétaire d'un terrain privé de l'autre bois vend son bois et ce propriétaire est insatisfait de la mesure qu'il obtient. À ce moment-là, il peut demander au gouvernement une vérification sur son bois. C'est cela qui est la plainte.

M. Perron: D'accord. Cela donne l'explication que je voulais avoir. Merci; mon collègue de Laviolette va maintenant intervenir. M. le Président, est-ce que mon

collègue de Laviolette peut intervenir? Le Président (M. Charbonneau): Qui.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Pour les députés libéraux de l'autre côté, je pourrais peut-être répondre, à la question sur la corporation professionnelle posée par l'organisme qui est devant nous aujourd'hui, que la question désormais ne s'adresse plus à moi, mais au ministre responsable. C'est un peu surprenant qu'il ne soit pas au courant des demandes répétées au moment où il vient à la commission parlementaire. Il aurait dû savoir qu'effectivement depuis nombre d'années vous n'êtes pas des "lâcheux", vous demandez une corporation professionnelle.

Une voix: ...

M. Jolivet: C'est son rôle, c'est lui qui est ici comme ministre aujourd'hui tout comme moi quand je suis arrivé. On m'a posé l'ensemble du problème, je l'ai examiné, j'ai pris des décisions et ces décisions sont contenues dans une loi de 1985. Que vous me disiez aujourd'hui que vous n'êtes pas satisfaits de cette position, j'en conviens, vous l'aviez dit, lors des mémoires qui ont précédé, à mes collègues avant moi et à moi-même, nous disant que vous en vouliez plus. Cependant, il y a des décisions qui doivent se prendre. Si les gens d'en face veulent décider par l'intermédiaire du ministre responsable, si le ministre de l'Éducation et responsable du Code des professions veut donner, à la suite d'une recommandation faite par le ministre délégué aux Forêts cette capacité, c'est à eux de prendre la décision. La seule chose, c'est que vous allez devoir vérifier pourquoi vous le donnez et quelles sont les conditions dans lesquelles vous le donnez, dans la mesure de ce qui s'est passé dans l'histoire et dans la mesure où des décisions ont été prises. Il y a des décisions qui ont été négatives jusqu'à maintenant. Je n'ai pas à expliquer ici aujourd'hui pourquoi on les a prises. On l'a discuté lors de la commission parlementaire, article par article. M. Fortier, député d'Outremont était en face de moi et posait des questions et cette loi de 1985 a été adoptée à la majorité et même à l'unanimité sur certains points. Il est évident que la loi de 1985 apportait beaucoup de modifications sur des tracasseries administratives, sur des normes réglementaires ou sur des pouvoirs discrétionnaires du ministre. Mais il y en a une qui ne vous a pas satisfaits parce que, quand on regarde l'ensemble, je pense que vous n'êtes pas en désaccord avec ce qui a été donné, mais que vous en vouliez plus.

Vous dites aujourd'hui que vous êtes en désaccord avec la loi. C'est que vous n'avez pas obtenu tout ce que vous vouliez. On peut le comprendre, on peut aussi être en désaccord. Une question que j'aimerais poser concerne ce qui se situe à la page 5 de votre mémoire, au paragraphe 4 . Cela m'inquiète un peu quand vous la posez ainsi. Ou j'ai mal compris ou j'ai bien compris. Alors, comme je veux me le faire expliquer je ne donnerai pas mon opinion, mais je vais le lire pour simplement vous poser une question: "Dans ce cadre, le mesureur serait beaucoup plus responsable de ses actes. Il sentirait dans l'exercice de ses fonctions un support réel et pour le public en général ainsi que pour les bénéficiaires des forêts qui seraient assurés d'un contrôle impartial et uniforme dans la détermination des quantités de bois." Comme vous êtes une association qui, même si vous n'avez pas tous les pouvoirs de forcer les gens à accéder à votre association parce que vous n'êtes pas une corporation professionnelle... Est-ce qu'il faut se dire que, compte tenu de cela, il y aurait donc de mauvaises mesures prises en forêt? Si c'est cela et que vous êtes une association qui dit avoir une certaine responsabilité, je m'inquiéterais. Si ce n'est pas cela, j'aimerais avoir des renseignements supplémentaires sur ce que vous affirmez là.

M. Bérubé: Ce que l'on croit, c'est que l'association des mesureurs est la forme la plus pure pour contrôler la compétence et l'intégrité des mesureurs et s'il y a de la fraude qui s'est produite, probablement que les autres organismes ont dû venir vous le dire ici en commission.

M. Jolivet: Je vous pose la question comme association, je m'inquiéterais si je n'avais pas la réponse cet après-midi. Le ministère a des responsabilités. Il y a des compagnies qui ont des responsabilités et il y a des contrats dans le privé. Ce dont vous faites mention, c'est que vous voulez avoir aussi l'ensemble du mesurage dans le territoire public et dans le territoire privé. Même si c'est sous forme de contrat privé parce qu'une personne peut dire - et je vais reprendre mes exemples de l'époque: - Ma vieille tante pourrait être responsable du mesurage parce que dans mon contrat privé j'ai prévu une forme de mesurage qui n'est pas celle reconnue par la Loi sur les terres et forêts. Si c'est cela, si j'ai un contrat privé et qu'elle a mesuré selon ce que je lui ai demandé, je n'ai pas à m'inquiéter. Mais si vous me dites: II faudrait que tout le monde suive les normes prévues par la Loi sur les terres et forêts et que vous n'êtes pas capable de me dire aujourd'hui... Si vraiment là où cela s'applique votre association n'a pas les yeux 'assez ouverts pour nous dire cet après-midi qu'effectivement il y a eu des abus, je serais inquiet. Je vous la pose bien directement. Je n'ai jamais eu de cachette et je la pose comme je la

pense. (15 h 45)

M. Bérubé: Je vous répondrais peut-être par... Quelle est l'importance du mesurage pour les intervenants autres que l'État? C'est à peu près votre question?

M. Jolivet: Tous les mesurages, même ceux de l'État.

M. Bérubé: Tous les mesurages? Premièrement pour les bois provenant des forêts privées, le mesurage est la base de la facturation et du paiement. Deuxièmement, beaucoup d'ouvriers forestiers sont payés en fonction de la quantité de bois produite. Donc, le mesurage a un impact direct sur leur chèque de paie. Troisièmement, les, entrepreneurs sont à peu près tous payés en fonction des quantités de bois produites ou transportées. Quatrièmement, les ventes de bois entre producteurs primaires et utilisateurs finaux ou entre industries différentes sont facturées d'après les quantités de bois livrées. Ce commerce est particulièrement important dans le cas des copeaux vendus par l'industrie du sciage et l'industrie des pâtes et papiers.

La précision du mesurage a donc un impact économique important au Québec. On prévoit que cette année, au Québec, il va se transiger environ 5 000 000 de tonnes de copeaux.

M. Jolivet: Si vous me parlez spécifiquement d'une compagnie... Je prendrai des exemples typiques sans dire qu'elles ont fait des erreurs, seulement pour bien camper le sujet. Dans ma région, la Scierie Crête a des copeaux à vendre à la Consolidated Bathurst de Grand-Mère. Qui, actuellement, fait le mesure de la tonne métrique?

M. Bérubé: C'est un laboratoire qu'ils ont dans l'usine, un laboratoire...

M. Jolivet: Est-ce que c'est le vendeur ou l'acheteur? Je sais bien qu'à la Consol, lorsque arrive le camion, on le pèse et on détermine le poids du camion selon certaines normes et, après avoir fait des expertises sur la qualité du bois d'après l'humidité, on détermine le poids que contient le camion. Qui fait cette expertise, l'acheteur ou le vendeur?

M. Bérubé: C'est l'acheteur.

M. Jolivet: Bon. Si c'est l'acheteur, c'est à la suite d'un contrat intervenu entre les deux. Est-ce que l'État doit intervenir dans la mesure où on demande de plus en plus, et de l'autre côté en plus une déréglementation? Est-ce que l'État doit intervenir dans un contrat privé? Si oui, peut-être avez-vous raison, à ce moment-là, de demander votre incorporation. Sinon, pourquoi aller s'Interposer dans un contrat privé? C'est de ma vieille tante de tout à l'heure dont je parle.

M. Bérubé: Oui. Pour le bois provenant de la forêt privée, quelle est l'étendue de la juridiction que vous réclamez? C'est à peu près votre question. Tous les bois vendus à des fins industrielles devraient être mesurés par un mesureur licencié. Pour la protection publique, les bois provenant des terrains privés doivent être mesurés suivant les mêmes normes techniques que les bois exploités sur les terres de la couronne, à cette exception près que le contrat de vente entre les parties déterminera quels bois sont achetés ou ne sont pas achetés. Il est bien entendu qu'on ne peut pas forcer un utilisateur à acheter des billes qui ne lui conviennent pas, je l'ai dit tout à l'heure. Le contrat de vente déterminera donc les quantités.

Ce qu'on veut dire, c'est que si un acheteur et un vendeur ont signé un contrat et ne veulent pas de mesureur, ils n'en veulent pas, c'est tout. Ce n'est pas cela qu'on veut.

M. Jolivet: Je prends un autre exemple. Si un cultivateur, par l'intermédiaire de son syndicat producteur de bois, a tant de billots à vendre et que la compagnie Crête est acheteuse de ces billots, un mesurage est fait. Actuellement, par qui sera-t-il fait? Sera-t-il fait par le regroupement forestier ou par Crête qui achète les billots?

M. Bérubé: Selon l'entente des deux parties prenantes.

M. Jolivet: Ce que j'essaie de vous faire dire... Là-dessus, je n'ai jamais réussi à obtenir la réponse, et je ne l'aurai peut-être pas encore. On dit: Nous voudrions que l'État intervienne. Nous, comme association, voudrions regrouper tous les mesureurs de bois, à quelque niveau que ce soit, privé ou public, pour protéger, dites-vous, les besoins de la société. Sauf qu'il y a un contrat privé. Ce que vous dites, en fait, c'est: Si le gouvernement nous donnait, comme corporation, tous les pouvoirs de poser ces gestes, il devrait adopter une loi; qu'il intervienne par réglementation pour s'interposer dans un contrat privé. Est-ce que c'est ce que vous demandez? Je veux bien comprendre. J'ai peut-être mal compris, j'ai compris que c'est ce que vous vouliez.

M. Bérubé: Je vous référerais peut-être aux lettres de la Fédération des producteurs de bois qui, lorsqu'elle réclame des mesureurs, demande un mesureur licencié. C'est la façon dont on interprète la position de l'association. Lorsqu'un mesureur est

demandé, il accomplit son acte qui peut être vérifié par l'association pour voir sa compétence et son intégrité.

M. Jolivet: Je pense que personne n'est en désaccord avec vous. Quand vous dites que, si quelqu'un engage un mesureur licencié il faut que cette personne soit régie en vertu des lois et règlements prévus par la Loi sur les terres et forêts. Personne ne va vous contredire sur le fait que, si on engage une personne, il faut qu'elle soit évaluée pour éviter ce que vous dites au quatrième paragraphe de la page 5. La question, c'est si, moi, je suis un particulier et que j'engage un mesureur, qui peut-être une personne même de votre association, est-ce que je dois, en vertu dé ce que vous proposez, évaluer cette personne en vertu du contrat privé que j'ai signé ou si je dois le faire en vertu de la Loi sur les terres et forêts? Qu'est-ce que vous demandez?

M. Bérubé: Ce qu'on demande... Le premier devoir du mesureur serait de s'informer du contrat et de prendre connaissance du contrat. Ce serait son premier devoir.

M. Jolivet: J'essaie de revoir votre demande. Si vous demandez qu'une corporation soit constituée, c'est parce que vous trouvez qu'il y a des choses qui sont peut-être mal faites par des gens qui ne font pas partie de votre association et qui portent peut-êre le nom de mesureurs de bois, mais qui ne sont pas licenciés. C'est une question. En contrepartie, j'ai parlé du privé, je vais aller dans le secteur public. Il y a des travailleurs forestiers - le ministre en a fait mention tout à l'heure - qui sont venus nous dire que le gouvernement se faisait voler dans le mesurage. C'est l'expression qu'ils ont employée. Ils ont même dit de mon collègue Duhaime, à l'époque, qu'il aurait dit une phrase, qui ne me surprend pas de sa part, d'une façon ou d'une autre, parce que c'est la façon directe qu'il avait de répondre: Cela coûte moins cher de faire tel geste plutôt que de faire tel autre. Des fois, cela coûte plus cher de surveiller que de laisser aller les choses, sachant que ce n'est pas tout le monde qui fait cela. Indépendamment de cela, ce que vous nous dites, c'est que, si c'est sur un terrain public, ce serait automatiquement, en vertu de la Loi sur les terres et forêts, une personne licenciée qui le ferait et membre de votre association ou de la future corporation que vous demandez. Est-ce que c'est cela que j'ai compris?

M. Bérubé; Oui. Ce qu'on dit, c'est de permettre à l'association d'agir à titre de gardien des normes établies pour le mesurage.

M. Jolivet: Et vous croyez que cela aurait un lien de cause à effet, le fait qu'on soit membre d'une corporation, alors qu'actuellement on n'est pas membre automatiquement d'une corporation, mais on peut être membre, si on le désire, d'une association. Vous croyez que le fait d'être en corporation résulterait en votre quatrième alinéa, à la page 5. C'est ce que je comprends?

M. Bérubé: Exactement.

M. Jolivet: Je vous remercie.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): J'aimerais, dans le même ordre d'idées, parler de l'état... On parle de forêts, on parle de réserve faunique, on parle d'industries, mais on parle peu des travailleurs de la forêt. Ce qui m'a surpris depuis mon entrée en politique, c'est de voir les plaintes que les travailleurs forestiers nous amènent. Évidemment, ces plaintes s'adressaient à votre association ou, du moins, à des mesureurs. Les gars nous disent que l'état misérable dans lequel ils se retrouvent... Vous disiez tout à l'heure, et j'en suis, que vous jouiez un rôle important sur le plan financier dans le domaine des forêts, parce que c'est vous qui mesurez le bois, ce qui correspond évidemment au chèque de paie des travailleurs forestiers. J'aimerais que vous commentiez certaines accusations assez graves qui disaient que vous seriez, selon les contrats qu'il y a entre les acheteurs et les vendeurs, complices, ni plus ni moins, pour essayer de soutirer de l'argent aux travailleurs forestiers, qu'il y a des travailleurs forestiers qui se présentent en forêt et qui demandent un remesurage de leur bois et, souventefois, ont gain de cause quand ils sont avec le mesureur pour mesurer le bois. Comment expliquez-vous cela?

M. Bérubé: Vous parlez toujours en terrain privé?

M. Paradis (Matapédia): Privé ou public, les deux.

M. Bérubé: Un mesureur qui fait partie d'une corporation devient professionnel. Son intégrité professionnel entre en ligne de compte. Si une plainte est acheminée vers l'association, le devoir de celle-ci serait d'aller vérifier si c'est réellement fondé ou non.

M. Paradis (Matapédia): À mon humble avis, si on suit votre raisonnement, il faudrait que les gars soient continuellement chez vous pour porter plainte.

M. Bérubé: On en a quelques-unes qui sont entrées à l'association. On les transfère au bureau des examinateurs tout simplement.

M. Paradis (Matapédia): Oui, mais cela prend combien de temps? Le gars doit vivre. S'il y a du travail pour huit ou dix semaines, il doit vivre durant l'hiver. Il n'a pas le temps de se promener chez vous pour porter plainte. Il doit avoir son chèque de paie. Il doit accepter que le tas de bois a tant de mètres et donne-moi mon chèque. Je vous parle d'un comté comme le mien, celui de Matapédia.

M. Bérubé: Oui.

M. Paradis (Matapédia): Vos bureaux ne sont pas à Mont-Joli, ni à Amqui, que je sache.

M. Bérubé: Si vous nous parlez de votre comté, les fédérations des producteurs de bois ont des vérificateurs. Le ministère de l'Énergie et des Ressources a des vérificateurs.

M. Paradis (Matapédia): Vous semblez demander...

M. Bérubé: On ne demande pas de vérifier le bois de la province de Québec...

M. Paradis (Matapédia): Non, non, je ne demande pas...

M. Bérubé: ...on demande de contrôler l'acte du mesureur. C'est complètement différent.

M. Paradis (Matapédia): Mon intervention n'est pas à savoir si vous voulez demander une vérification ou pas, c'est pour savoir si vous demandez d'être incorporés, d'être une corporation strictement indépendante qui n'a aucun lien avec l'acheteur, le vendeur, ni avec les travailleurs forestiers pour contrôler dorénavant correctement vos mesureurs. J'en suis fortement parce que je pense qu'il y a un ménage sérieux à faire là. C'est beau de parler de la forêt, mais il faut regarder aussi les travailleurs forestiers qui en vivent. Qu'on pense aux scieries, aux industries de pâtes et papiers, c'est important qu'ils fassent de l'argent, qu'ils investissent et qu'ils développent la forêt, mais il faut aussi protéger nos travailleurs forestiers qui en vivent directement.

Pour clarifier peut-être l'histoire des plaintes, combien en avez-vous eu?

M. Bérubé: Cette année on en a eu deux.

M. Paradis (Matapédia): J'en ai eu plus que .vous.

M. Bérubé: Probablement, je suis d'accord avec vous. Comme on vous expliquait tout à l'heure, l'association des mesureurs n'a pas de statut.

M. Paradis (Matapédia): Moi, j'ai ça par semaine à peu près.

M. Bérubé: Oui, d'accord.

M. Paradis (Matapédia): Si vous êtes incorporés, évidemment vous allez discipliner vos membres.

M. Bérubé: Certain qu'on les disciplinerait. On aurait un vérificateur qui vérifierait l'acte du mesureur.

M. Paradis (Matapédia): Ce n'est pas à cette commission-ci et ce n'est pas au ministre délégué aux Forêts de justifier votre incorporation. J'imagine que vous vous êtes adressés à l'Office des professions du Québec.

M. Bérubé: Oui, on s'est adressé à l'Office des professions du Québec. On peut vous dire là-dessus qu'on a été un peu surpris de voir l'avis de l'Office des professions du Québec. On croit que son mandat concerne les professions libérales. Nous n'exerçons pas un profession mais un métier. Le mesureur n'est pas un professionnel.

M. Paradis (Matapédia): À cet égard, on vous refuse votre incorporation.

M. Bérubé: C'est normal qu'on nous refuse parce que le mandat de l'office ne reconnaît que les professions libérales, et l'office a raison. On s'est toujours demandé comment il se fait que l'office s'est permis d'émettre un avis. Il aurait simplement dû nous dire: Vous faites partie des métiers professionnels, vous ne ferez pas partie d'une profession libérale.

M. Paradis (Matapédia): Compte tenu de cet avis, qu'est-ce que vous prétendez faire pour pouvoir avoir un certain contrôle sur les mesureurs? Que ce soit inclus dans la loi que c'est obligé de passer par chez vous?

M. Bérubé: On a un projet de loi privé actuellement, le projet de loi 150.

M. Jolivet: Qu'il demande l'appui du ministre délégué aux Forêts.

M. Paradis (Matapédia): Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Dans le métier de mesureur de bois que vous pratiquez, est-ce que vous pourriez nous donner les modes de rémunération que vous avez pour les membres de votre association?

M. Bérubé: II n'y a pas de rémunération dans l'association. Les membres ne sont pas rémunérés.

M. Perron: Ce que je veux dire c'est que, sur le terrain, lorsqu'un de vos membres s'en va sur le terrain, de quelle façon est-il rémunéré et selon quel mode? (16 heures)

M. Bérubé: Aucun de nos membres n'est encore allé sur le terrain pour vérifier l'acte d'un mesureur.

M. Perron: Je ne parle pas du conseil d'administration.

M. Bérubé: Ni du conseil d'administration non plus?

M. Perron: Non, non. D'accord.

M. Bérubé: On n'a pas de vérificateur.

M. Perron: On va essayer de se comprendre. Lorsqu'un mesureur s'en va mesurer, comment est-il rémunéré? C'est cela que je veux dire. Par qui?

M. Bérubé: II est rémunéré par qui il est engagé. S'il est engagé par l'employeur, il est rémunéré par l'employeur et s'il est engagé par l'État, il est rémunéré par l'État. Tout simplement par l'employeur.

M. Perron: Selon des barèmes déjà établis?

M. Bérubé: Nous n'avons pas de barème pour les mesureurs de bois.

M. Perron: C'est du cas par cas?

M. Bérubé: Non. Non plus. On ne rentre pas là-dedans. Ce sont des conditions de travail de syndicats. Nous, c'est pour la compétence et l'intégrité. On ne veut rentrer dans aucun autre problème.

M. Perron: D'accord. Tenant compte de ce qui s'est dit en commission parlementaire par rapport à certains mesureurs, savez-vous s'il y a des mesureurs non licenciés qui auraient la compétence de le faire mais qui n'auraient pas de permis pour le faire? Est-ce que vous êtes informés s'il y a des mesureurs au Québec qui font le travail que vous en tant que licenciés êtes supposés faire, mais comme non licenciés?

M. Bérubé: Sur les terrains privés certainement qu'on est informé. Cela se produit régulièrement.

M. Perron: Cela représente combien de mesureurs à peu près au Québec?

M. Bérubé: On n'a pas de chiffres exacts là-dessus. Comme on vous le disait, il y a environ 4200 ou 4300 mesureurs qui détiennent un permis délivré par le ministère de l'Énergie et des Ressources et environ de 1000 à 1500 mesureurs pratiquants selon le besoin puis il y en a 462 qui font partie de notre association.

M. Perron: Donc, il est tout à fait possible - ce fut soulevé en commission parlementaire par deux ou trois représentants d'organismes - que le problème soulevé par ces organismes et ces représentants provienne justement de ces personnes, pas nécessairement des membres licenciés.

M. Bérubé: C'est possible.

M. Perron: Je crois que les non licenciés font du mesurage seulement dans te secteur privé, n'est-ce pas?

M. Bérubé: Exactement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Votre vieille tante.

M. Perron: Pardon?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Votre vieille tante.

M. Perron: Ah! Ma vieille tante. En ce qui a trait à ce mémoire, M. le Président, nous avons terminé de notre côté.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. Est-ce que c'est terminé aussi de ce côté ou si vous avez d'autres questions?

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aurais une petite question. À la page 5 de votre mémoire, vous dites au troisième paragraphe: "L'association assurerait la compétence de ses membres et la vérifierait en cas de défaillance." J'aurais préféré que vous écriviez: et la vérifierait de temps en temps. Parce que c'est seulement quand cela va mal que vous vérifiez.

M. Bérubé: Non. C'est une correction qu'on a apportée dans notre addenda que tout en effectuant une vérification de l'acte l'association organiserait un système de vérification de l'acte, pour vérifier continuellement ses mesureurs.

M. Côté (Rivière-du-Loup): De temps en temps.

M. Bérubé: De temps en temps. Même, à cet effet, on croyait que la question nous serait posée, on s'est préparé un budget fictif.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ah! Oui. Mais vous dites que quand vous trouvez un membre qui s'égare un peu vous le référez au bureau des examinateurs?

M. Bérubé: Exactement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Pour quelle raison le référez-vous là?

M. Bérubé: Parce qu'on n'a pas le pouvoir.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est la loi qui vous dit que c'est le bureau des examinateurs qui délivre les permis.

M. Bérubé: Qui délivre les permis et c'est le bureau des examinateurs qui contrôle la compétence et l'intégrité des mesureurs.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Avec la recommandation de lui enlever son permis?

M. Bérubé: Oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais tout de même, il peut continuer à mesurer s'il le veut.

M. Bérubé: Sur les terrains privés seulement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Sur les terrains privés. D'accord. Je vous remercie.

Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, je demanderais à M. le député de Duplessis de remercier nos invités.

M. Perron: M. le Président, je voudrais vous remercier pour les réponses que vous avez données. Maintenant, je peux vous assurer d'une chose, c'est qu'avec la façon dont vous avez travaillé au cours des dix dernières années pour obtenir l'incorporation et avec l'entêtement que vous avez pour le futur, j'ai la forte impression qu'un jour ou l'autre vous allez arriver à bon port. Je ne dis pas que je ne vous le souhaite pas mais tout ce que j'espère c'est que les problèmes que vous rencontrez en cours de route soient réglés dans les plus brefs délais. Je peux vous assurer que de mon côté, même si cela me surprend un peu de voir les mesureurs de l'Association des mesureurs de bois aujourd'hui, je vais tout de même prendre la peine de regarder attentivement votre dossier au complet pour voir ce qu'on pourrait faire, nous, en tant que membres de l'Opposition, incluant bien sûr mon collègue de Laviolette pour essayer de vous aider à régler les problèmes que vous vivez actuellement. Merci, M. le Président, ainsi qu'à votre collègue.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. Parent, M. Bérubé, je vous remercie de votre participation à cet échange. Aussi, je veux remercier votre association pour la préparation de ce mémoire qui fait état un peu de vos préoccupations comme association, et surtout cela. Soyez assurés que, comme je vous l'ai dit au tout début, je suis très sympathique à votre cause. Si on peut faire en sorte que les droits des ouvriers, leurs salaires et les redevances gouvernementales soient protégés et que l'intégrité et la compétence de vos membres soient en soi une protection, soyez assurés de mon appui. Je vous remercie encore de votre participation et soyez assurés de ma collaboration.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. Messieurs, merci, bon retour et bonne chance.

M. Bérubé: Merci, MM. les membres de l'Opposition.

M. Parent (Marc): On vous remercie de votre collaboration et on compte beaucoup sur l'appui que vous pouvez nous donner. Je vous remercie de nous avoir entendus.

Mémoire déposé

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, j'aimerais déposer un mémoire qui m'a été transmis ce matin. Il concerne la compagnie Kruger Inc., qui voudrait déposer un mémoire à cette commission.

Une voix: Peut-on l'entendre?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non. Comme nous l'avons annoncé, nous acceptons les mémoires et nous nous sommes engagés à les étudier et à les examiner séparément, sans les entendre.

Le Président (M. Charbonneau): J'accepte ce dépôt de mémoire. On en fera mention au procès-verbal de la commission et le document pourra être consulté au secrétariat de la commission.

J'invite maintenant la Confédération des syndicats nationaux à prendre place. En particulier, je crois que le porte-parole sera M. Georges Cantin, président de la Fédération des travailleurs du papier et de la

forêt, si mes informations sont exactes, à moins que...

Confédération des syndicats nationaux

Mme Lamontagne (Céline): Ce matin, c'était M, Georges Cantin. Cet après-midi, c'est Céline Lamontagne, vice-présidente de la CSN.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien, madame.

Mme Lamontagne: M. Georges Cantin sera avec nous quand même.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Alors, madame, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappellerai ce que le secrétaire de la commission vous a sans doute indiqué. Vous avez douze minutes pour la présentation de votre mémoire, ce qui n'est pas tellement long. Donc, il va falloir être concis. Il y aura une période d'échange de vues de 24 minutes par formation politique. Cela va?

Mme Lamontagne: Oui. Je vais tenter de respecter les limites de temps.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Allez-y, madame.

Mme Lamontagne: Je vous présente M. Daniel Malenfant conseiller à la CSN et qui a travaillé à la recherche pour le mémoire; Mme Thérèse Montpas, conseillère à la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt; M. Georges Cantin, président de la FTPF et M. André L'Heureux, aussi conseiller syndical à la CSN et qui a aussi travaillé à la recherche pour le mémoire.

Ce matin, on a remis un ensemble de documents qui comprenaient des documents et de la fédération et de la CSN. Vous avez dans ce document un résumé du mémoire parce qu'on ne fera pas la lecture du volumineux mémoire qu'on vous a déposé. Je vais tenter, dans le temps qui nous est alloué, de faire la lecture du résumé du mémoire. Est-ce que cela va aller?

Le Président (M. Charbonneau): Cela va.

Mme Lamontagne: Ce matin, on s'est particulièrement attaché à démontrer les conditions désastreuses dans lesquelles sont les travailleurs de la forêt et aussi les travailleurs de la plantation. Mais aussi, comme centrale syndicale, on a une autre préoccupation. On est aussi très préoccupé par l'avenir de notre patrimoine forestier et de l'ensemble de la forêt au Québec. Je pense que la nécessité d'une nouvelle politique forestière ne fait aucun doute. D'ailleurs, le piètre état de la forêt est reconnu par l'ensemble des groupes qui sont intervenus au cours des dernières années dans le débat forestier. Le gouvernement, les regroupements de travailleurs, les écologistes, les ingénieurs forestiers et même les industries s'entendent pour constater la gravité de la situation.

Il s'agit, cependant, du seul élément où il semble exister un consensus sur la question forestière parce qu'en effet de profondes divergences surgissent quand vient le temps de discuter de la nature du problème forestier, de ses conséquences sociales et écologiques de même que sur les orientations à prendre pour assurer la pérennité de la forêt.

Un regard rapide sur l'histoire de la forêt québécoise permet de voir à quel point nous avons collectivement été dépossédés d'un bien collectif, d'une richesse naturelle sur laquelle on doit pouvoir s'appuyer si on veut s'assurer de garanties certaines pour l'avenir du Québec.

Des régions entières ont vu le jour à cause du potentiel économique de la forêt. C'est le coeur de notre économie, près de 250 000 emplois directs ou indirects en dépendent. Mais, malheureusement, historiquement le puissant cartel des industries des pâtes et papiers a toujours dominé directement les lois et les décisions gouvernementales dans ce secteur.

Le ministère de l'Énergie et des Ressources, pour sa part, a surtout été un outil, un conseiller et un exécutant soumis et docile des grandes sociétés qui ont exploité nos forêts. Si collectivement nous sommes propriétaires du patrimoine forestier, nous devons cependant constater que les gouvernements que nous avons élus pour administrer ce patrimoine n'ont jamais joué le rôle de gestionnaire qui aurait été essentiel.

Il y a à peine plus de 50 ans, de larges secteurs de la forêt québécoise étaient composés de pins blancs géants de trois à six pieds de diamètre et qui s'élevaient à une hauteur de 150 pieds. Là, on décrit un peu quelle était la forêt à ce moment-là et ce qu'on constate. En l'espace d'une soixantaine d'années, ces forêts de pins géants ont été détruites et vers l'année 1920 la forêt du sud de la vallée de la rivière Saint-Maurice, par exemple, était devenue une forêt dominée par les bois durs.

Par la suite, les épinettes et les autres sortes d'arbres propices à la fabrication de pâtes et de papiers furent à leur tour abattus et ce de façon tellement peu respectueuse du bien collectif par les locataires de la forêt que sont les grandes compagnies que la quantité de bois et la valeur en produit forestier de ces bois n'étaient plus alors évaluées qu'au cinquième de ce qu'elles étaient auparavant.

À cette période déjà, en 1920, on notait le gaspillage énorme de bois dans l'ensemble des chantiers non seulement au Québec, mais aussi ailleurs au Canada. On abattait sans discernement tout ce qui gênait. Pour certaines essences, le volume de bois gaspillé était de trois fois supérieur au volume de bois utilisé. Ce gaspillage s'est poursuivi et on peut qualifier la cause principale, c'est la coupe à blanc. Les compagnies ont de cette façon écrémé la forêt et causé des dégâts inestimables à notre patrimoine, dégâts d'ordre économique et dégâts d'ordre écologique, qui ont également des répercussions sociales.

On doit attribuer une grande partie des problèmes d'aujourd'hui à ces dégâts: problèmes de régénération de la forêt, épidémies dévastatrices. À ces grandes compagnies forestières, nos gouvernements successifs ont donné carte blanche en forêt tout en fermant les yeux sur leurs agissements. Si bien qu'aujourd'hui non seulement le bilan de santé de la forêt québécoise est négatif, son état est critique. Ce bilan, nous le tirons de documents qui sont disponibles au ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec.

Si on fait un peu le portrait très rapidement de certaines régions du Québec, on constate que dans la forêt nordique marginale il y a de sérieux problèmes de régénération après la coupe à blanc. Voilà que certains intervenants voudraient carrément liquider ce qui reste de bois propice à la fabrication de pâtes à papiers dans ces secteurs sans songer aux désastres écologiques à venir.

En Abitibi, au Lac-Saint-Jean, en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, on note une forte surexploitation des bois propres au sciage, dans certains cas, jusqu'à deux fois la possibilité. Dans la Beauce et dans l'Estrie, la forêt est dans son ensemble fortement dégradée. Dans le centre du Québec, la régénération est trop dense en sapins, d'où des peuplements mûrs de faible diamètre moyen. (16 h 15)

On rencontre aussi dans la plaine du Saint-Laurent des problèmes de reboisement des terres en friche. Les forêts de la Beauce, du Centre du Québec, de la Gatineau, du Témiscamingue, des régions de Lanaudière, de Québec et des Laurentides, de l'Abitibi, du Bas-Saint-Laurent et du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont infestées et, dans certains cas, ravagées par la tordeuse du bourgeon de l'épinette. Pendant qu'on surexploite certaines régions, dans une région comme la Côte-Nord, la récolte de bois est nettement inférieure à la possibilité, car on n'exploite pas selon une logique d'État soucieuse du bien-être de l'ensemble des citoyens, mais 3elon la logique des grandes compagnies, logique basée sur la réalisation de profits immédiats et sans cesse croissants.

Une exception importante dans l'histoire: de mémoire d'homme, un seul ministre a osé fustiger sur la place publique l'attitude des grandes compagnies papetières et forestières. En 1972, Kevin Drummond mentionnait, et nous le soulignons: "Ce n'est pas dans le statu quo que réside l'avenir d'une politique forestière visant d'abord à servir le bien public plutôt que l'intérêt d'un groupe privilégié". Mais le gouvernement de l'époque a cédé aux pressions des géants de l'industrie papetière et le projet de société de gestion forestière mis de l'avant devait disparaître, et ce n'est pas une coïncidence, un remaniement ministériel peu de temps plus tard devait amener le ministre Drummond à d'autres fonctions.

Les grandes compagnies se sont servies à même notre patrimoine forestier sans tenir compte des intérêts de la collectivité. Petit à petit, elles se sont arrogé des droits, des pouvoirs et les gouvernements qui se sont succédé ont fermé les yeux. Elles sont devenues un État dans l'État. Dans les faits, les gouvernements ont concédé cette immense richesse naturelle qu'est la forêt à des locataires qui l'ont littéralement saccagée, qui l'ont épuisée sans égard aux exigences écologiques de cette ressource renouvelable. En 1962, il a fallu une élection générale pour nationaliser 75 % de nos installations hydroélectriques, mais il n'est pas nécessaire de nationaliser la forêt, elle nous appartient déjà à plus de 85 %, plus précisément à 89 %. Ce sont les pouvoirs accordés aux locataires de la forêt, les grandes compagnies papetières, qui sont tels que nous avons plutôt l'impression qu'ils en sont les propriétaires avec la complaisance et la complicité des gouvernements. Ils ont pratiqué des coupes à blanc - on ne le dira jamais assez - sur d'immenses superficies, favorisé la monoculture, utilisé des méthodes de coupe et une machinerie qui brise et écorche mortellement les jeunes plants, désorganise les sols, favorise les épidémies et mêmes les incendies. Comment pouvons-nous espérer que ceux qui ont spolié aussi massivement et impunément notre patrimoine collectif apprennent tout à coup à respecter la forêt et les milliers de familles qui en dépendent? Nous revenons ici sur la qualité des emplois en forêt: de la même façon qu'ils ont laissé dépérir la forêt, ils ont laissé volontairement se dégrader une grande partie des emplois générés par l'activité forestière.

Nous ne reviendrons pas sur le passé. Tous les Québécois et toutes les Québécoises connaissent fort bien les conditions dans lesquelles nos ancêtres, pas si lointains, d'il y a à peine une ou deux générations se retrouvaient lorsqu'ils montaient dans les chantiers forestiers. Ce qu'ils connaissent moins bien, ce sont les conditions actuelles

qui ont été mises en place par les compagnies. En effet, elles se sont non seulement arrogé la gestion des ressources forestières, mais également la gestion de l'ensemble des ressources humaines qui oeuvrent en forêt. C'est ainsi qu'à partir des pouvoirs que les différents gouvernements leur ont consentis, elles ont bâti un système d'approvisionnement des usines de pâtes et papiers qui repose essentiellement sur la concurrence entre les différents fournisseurs, leurs propres chantiers forestiers et les producteurs indépendants etc., ces derniers pour l'approvisionnement en copeaux qui entrent de plus en plus dans la fabrication de la pâte et du papier qu'elles paient, en certains cas, un prix plus bas que la valeur réelle.

Là, on pourrait passer. On reparle des conditions des travailleurs de la forêt et on accuse les compagnies d'avoir instauré, avec la complicité silencieuse du gouvernement, une organisation du travail qui viole certains principes d'ordre moral et qui condamne des milliers d'individus à un système qui, collectivement, les appauvrit à tous les degrés, que ce soit au degré moral, familial et, évidemment, des conditions de vie et de travail. La majorité de ces travailleurs provient des régions les plus défavorisées du Québec. La gestion de la forêt devrait normalement tenir compte de certaines données économiques régionales. En laissant le contrôle de forêts aux grandes compagnies, l'État québécois a fermé les yeux sur des pratiques qui l'empêcheront, tant que ces pratiques existeront, d'avoir une véritable politique économique pour les régions défavorisées puisque c'est surtout de ces régions que proviennent les travailleurs forestiers.

Le Président (M. Charbonneau): Mme Lamontagne, votre temps est terminé. Est-ce qu'il vous en reste encore pour longtemps?

Mme Lamontagne: Pour terminer, on peut peut-être sauter immédiatement aux recommandations?

Le Président (M. Charbonneau): Combien vous faudrait-il de temps pour livrer les recommandations?

Mme Lamontagne: Elles sont assez longues, c'est à partir de la page 19.

Le Président (M. Charbonneau): Si j'ai le consentement des membres de la commission, cela ne me dérange pas.

M. Perron: Consentement. Tout le monde sait pourquoi.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va. On va prendre le temps un peu partout quoii Allez-y, mais je voudrais que vous soyez consciente que, dans la mesure où vous prendrez tout le temps, il en restera moins pour que les gens puissent discuter avec vous et poser des questions ou obtenir des éclaircissements.

M. Jolivet: Sachez que ce n'est pas nous qui avons déterminé le temps pour vous entendre; c'est en face. C'est vrai pareil; ne chiâlez pas, c'est vrai. C'est le seul moment pour parler quand on nous agace.

M. Cannon: C'est une décision du comité.

Une voix: Non, non.

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordrel

Mme Lamontagne: Très rapidement.

M. Cannon: J'ai une question, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Un instant! Les problèmes de famille avant, si vous voulez.

Mme Lamontagne: D'accord.

M. Cannon: J'aimerais simplement, M. le Président, rétablir les faits. Vous savez que c'est une décision du comité...

Des voix: Non.

M. Cannon: ...que d'aljouer le temps. Je pense que nous avons pris unanimement cette décision.

M. Jolivet: Vous n'étiez pas présent.

M. Cannon: Vous n'étiez pas présent, monsieur.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de La Peltrie, je m'excuse, mais ce n'est pas une décision du comité directeur, c'est une décision de la commission prise à la majorité des voix.

Une voix: C'est ça. C'est une décision de la commission, c'est bien.

Le Président (M. Charbonneau): À la majorité des voix.

Une voix: À la majorité.

Le Président (M. Charbonneau): Mme

Lamontagne, consciente des problèmes de famille que nous avons et des contraintes de temps, je vous demanderais d'accélérer si possible.

Mme Lamontagne: Avant de passer directement aux recommandations, je veux seulement dire ce que contiennent les pages qui ne seront pas lues. La question posée est: Qui paiera pour les dégâts actuels dans la forêt? Il y a aussi une partie sur les droits de coupe où l'on constate le bas coût des droits de coupe et, ensuite, les problèmes d'approvisionnement présents et aussi futurs. On a des interrogations sur cela. On fait quelques commentaires sur l'avant-projet de loi.

Les recommandations sont à la page 19, je vais les lire; je vais essayer d'avoir un débit rapide. La première recommandation: En conséquence, nous exigeons que soit mise sur pied une société publique de gestion et d'aménagement de la forêt responsable de la gestion, de la planification et de la réalisation de l'aménagement forestier ainsi que la mise en marché des ressources ligneuses. Toutes les responsabilités actuelles du ministère de l'Énergie et des Ressources en ce qui a trait à la gestion de la forêt publique seront confiées à cette société de même que le devoir d'assurer la planification et la réalisation de tous les travaux de récolte de bois, de reboisement, de voirie, de protection et de sylviculture en général.

La société serait également chargée de la mise en marché de tous les bois de la forêt publique et de la forêt privée; elle aurait comme premier mandat de voir à l'établissement d'une valeur du bois reflétant l'ensemble des coûts qu'entraîne une exploitation respectueuse de la plurifonctionnalité de la forêt en aménagement sain et écologique des revenus et des conditions de travail équitables pour les gens qui y oeuvrent ainsi qu'une rente profitable pour la collectivité à qui appartient la ressource.

Le prix du bois. Un taux qu'on tendrait à uniformiser permettrait de donner un sérieux coup de pouce au développement régional en entraînant une décentralisation de la structure industrielle. L'uniformisation des prix du bois favoriserait également le développement social et économique de la forêt privée pour qu'elle demeure productive et non pas uniquement son exploitation pour un profit immédiat. Des mesures pourraient alors être prises pour abolir le travail au noir qui est aussi répandu en forêt privée. Il n'est pas exclu que cette régie intervienne directement dans la transformation de façon à assurer la décentralisation de la production pour aider au développement régional de même que la diversification de la structure industrielle.

Je vais aller tout de suite à la deuxième recommandation. On considère qu'une hausse réelle, substantielle, des droits de coupe doit être décrétée, afin que cessent au plus tôt le pillage et les abus qui ont cours jusqu'à présent.

Pour réaliser ces mandats de gestion et d'aménagement de la forêt publique, la société devrait être assurée d'un financement suffisant et constant. Donc, nous recommandons que soit créé un fonds du patrimoine forestier. Nous avons des précisions sur ce fonds.

Si je vais à la page 24, on demande aussi qu'une enquête publique, indépendante, sur l'évaluation de l'état de la forêt et l'élaboration d'alternatives de gestion et d'utilisation de la ressource forestière doit être instituée immédiatement.

Le MER a failli à la tâche, en laissant de concert avec l'industrie, se dégrader notre patrimoine, mais surtout en planifiant la continuité de ce scandale où la ressource, les travailleurs et les travailleuses, de même qu'une grande partie de la population sont de plus en plus exploités et perdants.

Alors, nous croyons que les Québécois et les Québécoises ont droit de savoir la vérité sur l'ensemble des questions relatives à la forêt. Nous demandons aussi cinquièmement - avant que soit entreprise sur une grande échelle l'exploitation de la zone dite "pâte", que soit réalisée une étude d'impact environnementale par des groupes de spécialistes indépendants.

Il y a tout lieu de croire que la récolte de bois prévue avec les méthodes et types de coupe priviligié actuellement par l'industrie forestière risquent fort de causer des dommages irréparables à ces écosystèmes sensibles.

Ensuite - sixièmement - nous demandons que soit créé un institut national de la recherche forestière. Nous développons quel va être le rôle de l'institut.

Septièmement, nous disons qu'en collaboration avec la Société de gestion et d'aménagement, l'institut favoriserait le développement de technologie, d'exploitation et de transformation de la matière ligneuse aidant ainsi à la fabrication au Québec de l'outillage requis.

Ensuite - huitièmement - nous demandons que le gouvernement fasse une campagne dans toutes les municipalités, afin de récupérer et de recycler papier et carton usagés.

Neuvièmement - c'est non la moindre des recommandations - nous nous opposons, comme nous l'avons mentionné ce matin, à la privatisation des actifs d'entreprises de transformation de matière ligneuse sous contrôle total ou partiel de sociétés ou d'organismes publics.

Comme vous savez, nous faisons allusion à la vente des actions de la SGF, de Domtar et de Donohue.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, Mme Lamontagne. Je vais demander à M. le ministre...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président et Mme Lamontagne. Vous arrivez avec plusieurs recommandations. Comme vous l'avez dit ce matin, vous voulez être entendue et non écoutée. Je suis bien d'accord avec ça. Je vous ai écoutée respectueusement ce matin et, évidemment, je n'ai posé qu'une question et cela a pris tout mon temps de parole.

Vous arrivez avec des recommandations qui sont, pour le moins, innovatrices, ce qui me surprend. J'aimerais les lire, mais je n'ai pas la science infuse pour dire que je prends le paquet et je le... Sauf que quand vous parlez d'une société publique de gestion et d'aménagement qui aurait les responsabilités de la forêt totale, à aller jusqu'à la mise en marché, est-ce que vous avez réalisé que nous exportons la majeure partie de nos produits forestiers? À quel coût allons-nous rester concurrentiels sur la base que vous proposez, de façon à continuer à préserver les emplois et notre compétition sur les marchés internationaux?

Cela se résume à ça, en réalité, n'est-ce pas?

M. L'Heureux (André): Vous demandez?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Avez-vous évalué l'impact d'une telle société publique de gestion et d'aménagement sur tout ce qui concerne la forêt, la mise en marché et tout ça avec les conditions que vous posez concernant, mettons, l'exploitation de la forêt, l'aménagement, les conditions de travail, le respect écologique, le respect environnemental...

Vous avez tout évalué ça. Vous savez fort bien, que ce soit dans le papier ou dans le bois de sciage, que nous exportons une très grande partie de notre production, que nous sommes une société exportatrice et que nous ne consommons pas tous nos produits au Québec.

Si nous nous refermons sur nous-mêmes et que nous ne sommes pas compétitifs, autrement dit, qu'est-ce que nous allons faire avec tous nos emplois et avec notre forêt? (16 h 30)

M. L'Heureux: Si vous permettez, ce que je ne comprends pas, au début, c'est ce que laisse sous-entendre votre question, à savoir que si on instituait une société d'aménagement et de gestion forestière publique, cela pourrait signifier que cette société ne serait pas suffisamment efficace pour concurrencer les autres entreprises. Votre question me surprend à plusieurs titres. Par exemple, il me semble que la compagnie Donohue et Rexfor, lorsque vous en avez été le président, et d'autres entreprises qui sont sous le contrôle public, ont démontré jusqu'à maintenant leur efficacité et leur rentabilité.

Ceci dit, je pense, M. le ministre, qu'il faut voir la raison profonde pour laquelle on propose une société d'aménagement publique pour la gestion et l'aménagement de la forêt. À la lecture du mémoire de base...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Vous impliquez les forêts privées également, n'est-ce pas? Vous incluez tout?

M. L'Heureux: Non. Les forêts privées vont demeurer sauf que la société, évidemment, va s'occuper aussi de la mise en marché et des conditions d'exploitation des forêts privées.

Mais pourquoi en sommes-nous arrivés là? Ce n'est pas pour des raisons idéologiques, comme on dirait ou parce qu'on veut une société publique à tout prix. Si on prend connaissance - comme on espère que vous allez le faire - du mémoire de base, on parle, par exemple - on l'a énuméré un peu tantôt - des observations de grands spécialistes, non pas des syndicalistes comme nous - c'est peut-être un préjugé - mais des doyens de facultés d'universités, de Toronto, de l'Université Laval, d'un peu partout. À diverses époques, ils ont lancé des cris d'alarme importants quant à la façon dont on exploitait, on aménageait et on regénérait la forêt.

Or, on en arrive là et on l'a démontré. M. Lussier, en 1983 - c'est le portrait qu'on a tracé tantôt - a démontré, comme vous-même dans plusieurs déclarations et plusieurs autres spécialistes qui le reconnaissent, qu'on est dans un cul-de-sac, dans une situation de crise grave. On reconnaît cela pour la première fois depuis plusieurs années.

En voyant la façon dont la forêt a été exploitée au Québec, on se dit - je pense que c'est bien clair - qu'on ne peut pas compter sur les moyens utilisés depuis des générations par les divers ministères ou par les gouvernements successifs et qu'il faut un changement radical dans la façon d'exploiter ce patrimoine collectif qui est aussi - sinon davantage - important que notre réseau hydroélectrique, par exemple.

On a aussi passé par-dessus votre projet, faute de temps. Mais c'est très explicite dans le mémoire. L'avant-projet de loi qui est devant nous - lequel sera modifié de façon importante, on l'espère - est une politique à court terme, encore une fois, pour permettre aux entreprises de continuer d'aller chercher du bois en comptant sur les succès fort hypothétiques, d'après l'Ordre des ingénieurs et d'après plusieurs spécialistes, de la politique de reboisement actuelle qui est axée sur une sorte de formule magique, sur une sorte de panacée, les 300 000 000 de plants, comme si c'était cela qui allait régler le problème.

Or, vous le savez plus que moi, je pense, le problème, sur le plan technique, est beaucoup plus complexe que cela. Ce sont toutes les méthodes d'exploitation de la forêt

qui doivent être modifiées radicalement. Nous estimons donc qu'il nous faut à tout prix, collectivement, compte tenu de l'importance de cette richesse forestière, s'y attaquer vraiment de façon rentable socialement, économiquement, écologiquement, pour les Québécois. Orr pense qu'elle pourrait être efficace, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais vous, M. L'Heureux, vous faites référence à Donohue et à Domtar. Mais la participation de l'État dans Donohue et Domtar n'a pas tellement changé leur façon ou leur habitude d'exploiter la forêt et de se rentabliser. Si vous êtes capable de m'expliquer la différence qu'il y a entre Donohue et Price, vous êtes pas mal bon.

M. L'Heureux: Non, mais votre question initiale portait sur la rentabilité...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais vous ne m'avez pas répondu. Vous avez fait référence à Donohue.

M. Malenfant (Daniel): Je pourrais peut-être donner un élément de réponse, parce que votre question, je ne la comprends pas. Elle est posée tout de travers, selon moi. On n'a jamais parlé de contrôler toute la vente des produits et de se refermer sur soi-même. Je ne vois pas où vous pêchez cela. Je regarde à la page 20 de notre liste de recommandations, on parle d'une société chargée de la mise en marché de tous les bois de la forêt publique et de la forêt privée. Il ne s'agit pas de la mise en marché des produits finis au plan mondial. Je ne comprends pas du tout la tournure de votre question. Si vous pouviez la clarifier...

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est parce que vous savez, M. Malenfant, que l'on exporte la majorité de nos produits.

M. Malenfant: Bien oui. Une voix: On vacontinuer.

M. Malenfant: Cela n'empêche rien, on va continuer d'exporter la majorité de nos produits, M. Côté.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mais, avec toutes les obligations que vous donnez à cette société, allez-vous rester rentables et être encore capables d'exporter?

M. Malenfant: Mais le choix que l'on fait est-il de saccager littéralement la forêt pour pouvoir continuer à exporter? J'arrive difficilement à comprendre votre position. Vous pourriez peut-être m'éclairer. Dans l'analyse que l'on a faite, an en arrive à des constats que la forêt en 150 ans a subi une mutation écologique quasi irréversible. On retrouve dans les textes de M. Paillé, entre autres, des indications sur la dimension des arbres exploités actuellement. Cela m'inquiète grandement. Jusqu'où va-t-on aller dans cette logique-là? On parle d'aller exploiter la zone des pâtes sur une base de liquidation. On songe même à ne pas réaménager, parce que cela serait trop coûteux, on a lu cela dans certains textes. On se demande jusqu'où cela va aller puis on récolte cela immédiatement, on gonfle la possibilité de la forêt en faisant des pratiques comme cela pour récolter plus intensivement aujourd'hui et pour maintenir notre capacité d'exportation et notre part de marché mondial. Mais jusqu'où va-t-on dans une pareille logique. Est-ce qu'il n'y a pas un équilibre à rechercher? C'est la question que je vous pose.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Est-ce que vous parlez d'un rendement hypothétique sur les travaux que le ministère projette de faire? Hier soir vous avez également parlé de forestiers renommés, dont un que vous avez mentionné, le Dr André Lafond, était ici et nous disait qu'il n'y avait pas tellement de problème et de difficulté à doubler la possibilité annuelle des forêts du Québec.

M. Malenfant: On n'a pas nommé M. Lafond, je m'excuse.

M. Côté (Rïvîère-du-Loup): Vous ne le connaissez pas?

M. Malenfant: On n'a pas nommé M. Lafond. On le connaît, mais on ne l'a pas nommé.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Un nommé Lussier?

M. Malenfant: On a nommé M. Lussier.

M. Côté (Riviôre-du-Loup): M, Lussier est moins compétent que l'autre.

M. Malenfant: Pardon?

M. Côté (Rivière-du-Loup): II est moins compétent que l'autre, mais il l'est pareil.

Mme Montpas: Si vous me le permettez, ce que l'on a su, parce que vous avez dû constater ce matin qu'il y en a qui ne peuvent pas parler, mais qui nous informent, c'est que des possibilités d'augmenter la possibilité de la forêt, vous en avez dans votre ordinateur. Vous en avez une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit. On s'est même laissé dire qu'à un moment donné l'ordinateur ne pouvait plus en faire.

C'est le choix que l'on fait et la façon dont on va le faire. Ce que vous proposez,

c'est un nouveau régime forestier; cela n'est pas une politique forestière. Il faudrait apprendre à parler aux gens et leur dire de quoi on parle exactement. Dans ce nouveau régime forestier, te seul élément que vous apportez pour régler le problème du déficit forestier auquel on assiste actuellement, c'est de reboiser le Québec: Allons-y, sans, évidemment, prendre en plus...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Pardon, madame.

Mme Montpas: Un instant! ...l'engagement de suivre ce que vous allez faire d'année en année parce que cela va être soumis au budget de l'Assemblée nationale d'année en année.

Ce que l'on dit, c'est que l'on peut faire différemment sans mettre en danger l'avenir des entreprises, comme vous le dîtes, parce que l'avenir des entreprises dans le sciage et tout cela... Je lisais un texte de 1930 d'une association forestière canadienne qui disait qu'avec le bois de sciage, c'était donc dommage, on était mal pris en 1930. Mais la question est de savoir ce que l'on va faire avec notre forêt, comment on va l'exploiter actuellement. Ce que l'on remet en cause, c'est que ce que l'on va faire aujourd'hui va nous amener dans 20 ans dans une situation pire que celle que l'on connaît actuellement. Alors, notre problématique, qui est très bien décrite dans le mémoire, n'est pas du tout celle que vous avancez.

Les prescriptions sylvieoles que vous avez publiées dans le manuel d'aménagement, c'est de la poudre aux yeux. En fait, que va-t-on faire dans les zones de production forestière? Le manuel n'en parle pas. J'ai personnellement demandé ceci à un de vos directeurs: Est-ce que les coupes à blanc vont encore être un choix sur de grandes superficies? Il m'a répondu: Oui, madame. C'est ce que l'on dénonce et le reboisement, à notre avis, "enrésiner" le Québec, cela n'est pas ce qui va régler la question économique de moyen terme et de long terme du Québec. C'est tout notre avenir qui est à l'enjeu, puis ce que l'on dit, c'est que les choix que vous faites aujourd'hui, c'est notre demain. C'est demain que l'on va en connaître les conséquences. Je vais terminer ici. On s'est dit: Peut-on regarder dans la documentation scientifique s'il n'y a pas quelqu'un qui aurait écrit quelque chose qui appuierait toutes vos prétentions: Des coupes à blanc, l'enrésinement, la monoculture, la ligniculture, et tout ce que vous vaudrez? On n'a rien trouvé de cela. Quand vous regarderez notre mémoire, vous verrez à la partie "Historique" que ceux qui ont parlé dans la littérature ont jeté les mêmes cris d'alarme que ceux qu'on jette actuellement. Nous ne sommes pas les seuls à les jeter, il y en a d'autres qui les jettent. Il y en a qui ne peuvent pas les jeter. Ils en parlent dans les corridors, mais ils ne peuvent pas le faire officiellement. Dites-nous à quel endroit vous trouvez, dans l'histoire, dans la littérature, des encouragements aux prescriptions que vous avez et où cela a mené. Tous ceux qu'on peut reconnaître comme experts dans le passé vous ont jeté des cris d'alarme. Relisez cela et vous le constaterez.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je reconnais, chère madame, que la forêt est dans un état pitoyable, lamentable. C'est pourquoi on propose un changement, on propose d'intervenir. Évidemment, vous faites état des 300 000 000 de plants. C'est seulement un chiffre. Si on n'a pas les moyens de le faire, de préparer le terrain et de l'entretenir... C'est la méthode la plus coûteuse d'intervention en forêt. Il y a des méthodes qui sont moins coûteuses et qu'on favorise grandement. Allez voir nos méthodes et notre contribution à la forêt privée. On participe à d'autres méthodes d'intervention en forêt que le reboisement; c'est la dernière solution, sauf qu'on peut escompter un peu sur le potentiel de la forêt si elle est bien traitée, chose qu'on n'a pas faîte dans le passé, je le reconnais.

Mme Montpas: Où sont les prescriptions sylvicoles? Qu'est-ce qu'on va faire différemment?

M. Côté (Rivière-du-Loup): On dit à maints endroits que, même la méthode d'exploitation, c'est le départ de l'aménagement. Il faudra qu'on fasse attention à la régénération naturelle; c'est une des suggestions qu'on fait. Pour faire cela, il faudra certainement qu'on change la méthode d'exploitation à plusieurs endroits.

Mme Montpas: C'est là qu'est le problème, M. le ministre. Vous faites une suggestion pour aller vers la régénération naturelle. C'est une suggestion, vous ne l'imposez pas. Nous, nous disons que c'est ce qu'il faut faire, ce sera aussi rentable et on aura autant de bois que par le reboisement, sinon plus.

Une voix: Et il y aura plus d'emplois.

M. Côté (Rivière-du-Loup): On n'imposera pas les moyens, mais on exigera des résultats à très court terme.

Mme Montpas: Vous dites dans votre loi que vous vérifierez tous les cinq ans la réussite des plantations.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est-à-dire qu'il y aura une évaluation tous les cinq ans. Cela ne veut pas dire qu'on ne suivra pas

l'évolution des travaux. Nous recommandons fortement d'autres méthodes que le reboisement. 300 000 000, c'est un ballon qu'on a lancé. C'est une évaluation qui a été lancée comme ça et cela a été forcé un peu. Depuis que je suis là, j'ai parlé d'intervenir beaucoup dans le feuillu parce qu'on l'avait mis de côté, on l'avait oublié.

M. Malenfant: Mais quelle est la...

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est un ballon qui vient de Comterm, vous le savez fort bien.

M. Malenfant: Quel est le pourcentage de non-régénération de la forêt québécoise, M. le ministre, avec les méthodes de coupe actuelles?

M. Côté (Rivière-du-Loup): De non-régénération adéquate, c'est 45 % de la forêt que se régénère très mal. C'est cela?

M. Malenfant: D'accord. Et sur quel pourcentage du territoire pourront se continuer les coupes à blanc sur de grandes superficies en gardant des petits zoos pour les orignaux, par exemple?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je n'ai pas compris la question.

M. Malenfant: Sur quel pourcentage du territoire vont pouvoir se poursuivre les coupes à blanc sur de grandes superficies? Je suis allé en forêt et j'ai trouvé un peu dramatique ce que j'ai vu entre Lebel-sur-Quévillon et Matagami, par exemple. Vous savez, en hiver, on pourrait partir en motoneige et faire cette distance assez aisément, il ne reste plus grand-chose.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela ressemble à de grands champs. En hiver, c'est tout blanc. Oui.

Mme Montpas: Sur le reboisement, on s'est laissé dire que, même si vous faites des vérifications au bout de cinq ans et que vous constatez qu'il y a 85 % de réussite des plantations, il y a des plantations regarnies tous les ans; après cinq ans, vous constaterez qu'il y a une bonne réussite, mais, finalement, c'est le regarnissage qu'on aura effectué pendant quatre ans. On nous a dit aussi que, plus tard, au bout de quinze ans, par exemple, c'est la croissance des arbres qui est remise en question; Ies arbres ne croissent plus à ce moment-là, ou si peu. Cela reste à de petits diamètres. Il y a. des expériences là-dessus. Ce sont des choix de court terme. Vous dites: On a lancé cela, on ne le sait pas. Ce qu'on pense, c'est qu'on ne sait pas, au Québec, ou on ne veut pas savoir.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Si vous usez ce qui a été émis par le ministère, il est bien dit qu'on favorise la régénération naturelle 'et qu'on suggère fortement de changer les méthodes de coupe.

M. Malenfant: Vous allez continuer à payer les plants, les travaux d'aménagement en les déduisant de la valeur marchande du bois sur pied. Vous allez continuer à tout payer. Comment pensez-vous qu'un industriel sera intéressé à changer sa méthode de coupe pour une méthode qui va lui coûter de l'argent si on continue à faire comme ça et que tout lui est fourni gratuitement? (16 h 45)

M. Côté (Rivière-du-Loup): D'accord. Vous dites en page 22: "Entretemps, une hausse réelle substantielle des droits de coupe doit être décrétée afin que cessent au plus tôt le pillage et les abus qui ont eu cours jusqu'à aujourd'hui." De quelle façon l'augmentation des droits de coupe fera-t-elle cesser les abus et le pillage dont vous faites mention?

M. Malenfant: On l'attendait, celle-là. M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien oui.

M. Malenfant: Elle nous a été posée ce matin par M. le ministre de l'Énergie. C'était sur la valeur du bois. Ce qu'on critique un peu, c'est votre perception. Je vais l'imager par une photo qui est parue dans un bulletin, Le Papetier, de l'Association des industries forestières québécoises. La photo est très explicite. On a une bûche qui entre dans un moulin à viande et ce sont des dollars qui sortent. Vous réduisez la forêt exclusivement à ça, M. le ministre.

Ce qui a de la valeur, c'est la transformation. La ressource, vous ne lui accordez aucune valeur et cela se reflète par les droits de coupe qui sont exigés. Vrai ou faux?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Écoutez! Je ne réduis pas la valeur au strict point de vue de la production en matière ligneuse. Car si on a déposé un guide d'intervention en forêt, on tient compte un peu des autres fonctions de la forêt, un peu beaucoup.

M. Malenfant: On va prendre ça d'abord. Le pourcentage du territoire qui sera réservé à la production forestière prioritaire, quel est-il? Mettez-moi un chiffre là-dessus. Je ne sais pas si ces messieurs de l'Opposition sont au courant? Sûrement, parce qu'ils l'ont travaillé eux-mêmes.

M. Côté (Rivière-du-Loup): 89 %...

M. Malenfant: Mais au total les zones

où on pourra exploiter?

M. Côté (Rivière-du-Loup): 89 %.

M. Malenfant: Non, les zones où on pourra exploiter de la matière ligneuse. Au total, ce n'est pas 89 %, il s'agit de quel pourcentage, M. le ministre?

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est 89 %...

M. Malenfant: C'est 95 % ou 96 %, d'après mes calculs.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, non.

M. Malenfant: Si on met des chiffres à chaque zone identifiée ici on arrive à un total où la production forestière sera permise ou prioritaire de 95 % approximativement. Est-ce que je me trompe?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Cela dépend de la façon dont vous voulez le compter.

M. Malenfant: On n'a pas la Loi sur les terres du domaine public en main, nous autres. On y fait allusion dans l'avant-projet de loi. On aurait bien aimé l'avoir en main parce que cela change pas mal de choses, M. le ministre. Quand on voit les proportions de territoire qui seront consacrées à la production forestière prioritaire, les zones forestières de production, c'est assez alarmant. Je peux vous donner des chiffres. D'après des tableaux qui viennent de votre ministère, à la page 63 du mémoire, vous avez un tableau qu'on a fait. En pourcentage, la zone de conservation où la production forestière sera permise est de 4,8 %; la zone où la production forestière sera exclue est de 1,9 % et la zone où la production forestière sera prioritaire est de 93,2 %. Dans ces 93,2 %, la zone forestière et faunique c'est 1,4 %, la zone forestière et récréative c'est 3,1 %. Est-ce que je me trompe?

M. Côté (Rivière-du-Loup): II faudrait que je reprenne les tableaux pour les recompter, mais à mon avis c'était 89 %.

M. Malenfant: C'est un tableau que vous avez dressé à votre ministère.

Sur la valeur de la matière ligneuse, M. Paillé a toujours été assez explicite là-dessus et surtout dans un discours qu'il a lu à Mexico en 1985 dans un congrès forestier mondial auquel j'assistais: "La matière ligneuse est un levier". .Est-ce que je me trompe? Vous reconnaissez que c'est un levier dont on se sert pour faire la promotion du développement économique.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, cela a été offert comme levier.

M. Malenfant: D'accord.

M. Côté (Rïvière-du-Loup): En maintes occasions.

M. Malenfant: La valeur qui est donnée, c'est en fonction d'encourager le développement industriel et non une valeur qui reflète les vrais coûts de récolte, de reproduction, de dommages environnementaux qui sont causés - et on peut en mettre - lors de l'exploitation. Est-ce que j'ai raison?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Continuez, je vous écoute.

M. Malenfant: Est-ce que j'ai raison?

M. Côté (Rivière-du-Loup): Répétez-moi cela.

M. Malenfant: Page 41 du mémoire. On va lire un peu: "La matière ligneuse n'a pas de valeur en tant que telle." On va tenter de lui en donner une. C'est peut-être pour déjouer les Américains. J'ai lu les journaux encore aujourd'hui et on dit qu'il y a des choses qui se négocient. On va augmenter les droits de coupe pour faire taire les pressions américaines pour les droits compensateurs qui vont être imposés sur le sciage. Nous, on soupçonne que la formule que vous offrez ne change pas grand-chose à la valeur marchande du bois sur pied, parce qu'on ne redonnera pas réellement de valeur à la forêt. La valeur marchande qu'on va lui donner va être retirée pour compenser pour les frais d'aménagement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est un peu cela qu'on fait.

M. Malenfant: C'est vrai, c'est cela que vous faites.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est ce qu'on a l'intention de faire.

M. Malenfant: Donc, vous lui donnez une valeur et vous lui retirez une valeur. Qui doit assumer cette valeur? On dit que le bois doit payer pour l'aménagement. Je me suis promené en forêt et il n'y a jamais une épinette qui m'a tendu un cinq.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Jusqu'à maintenant...

Le Président (M. Cusano): M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, c'est correct, j'écoute.

M. Malenfant: Cet argent, nous doutons fort qu'il va venir de la poche des contribuables. Les industries dans cet avant-projet de loi ont un paquet d'avantages qui font qu'elles vont encore disposer de la matière ligneuse pour trois fois rien. La technique de coupe, la question de M. Ciaccia ce matin... Pas la technique de coupe, la méthode de calcul pour établir la valeur marchande du bois sur pied va être établie à l'aide de la méthode comparative.

Je vais citer des textes du ministère de l'Énergie et des Ressources: "Pour appliquer cette méthode, il est possible d'utiliser différentes techniques dont le choix dépend principalement de la façon dont le bois est vendu - enchères, soumissions, négociations -des caractéristiques du marché et des informations disponibles. La technique choisie par le MER est celle de la parité. Cette technique dite de preuve directe du marché vise essentiellement à prédire le prix de vente le plus probable d'un immeuble, bois sur pied, en le comparant à d'autres du même type récemment vendus. De plus, lorsque les données comparables sont suffisantes, cette technique se révèle la preuve par excellence de la valeur marchande, car rien n'est plus important dans le domaine de l'évaluation que l'étude des transactions qui se font sur le marché. L'utilisation de cette technique nécessite la cueillette, l'analyse et la comparaison de données sur les immeubles essentiellement semblables à celui qu'on évalue."

Ce sont toujours des textes du ministère de l'Énergie et des Ressources: "En raison de l'immensité du Québec et de la diversité des conditions d'exploitation et de marché qu'on y retrouve, les redevances seront établies par essences ou groupes d'essences en fonction d'une stratificatiion du territoire en zones tenant compte principalement de l'homogénéité des conditions d'exploitation."

Sur un marché libre, l'établissement de la valeur marchande du bois sur pied par le recours à une telle méthode, cela pourrait se concevoir mais, au Québec, cela n'est pas le cas. Un marché libre au Québec, je ne pense pas que cela existe, de vente de bois à l'industrie. "Environ 80 % des approvisionnements des usines de transformation en matière ligneuse proviennent d'un même vendeur, le gouvernement. Or, il appert que le râle dévolu à la ressource, celui de levier économique majeur pour le Québec - "cela vient du dernier fascicule expliquant le nouveau régime forestier - a toujours eu un impact déterminant sur les droits exigés aux utilisateurs de bois chez nos principaux - il manquerait une phrase ici - ...droits exigés aux utilisateurs de bois chez nous. La matière ligneuse au Québec est depuis longtemps un instrument entre les mains de l'État pour la promotion de l'activité économique. Les gouvernements perçoivent d'ailleurs, dans le contexte qui prévaut actuellement, beaucoup plus de ressources financières par des impôts et taxes sur le travail et les produits, bref sur toute l'activité de production découlant de la récolte et de la transformation de la matière ligneuse que sur ... de la matière ligneuse elle-même..."

Le Président (M. Cusano): Je m'excuse, monsieur. Je voudrais vous informer que le temps alloué au côté ministériel est malheureusement écoulé et que je dois passer la parole au député de Duplessis.

M. Malenfant: Pour résumer brièvement...

Le Président (M. Cusano): En conclusion, s'il vous plaît!

M. Malenfant: Oui, en conclusion. Je démontre là-dedans le rôle dévolu à la ressource par des citations du texte que M. Paillé a lu à Mexico. Il dit carrément que c'est l'État qui fixe le prix de la matière ligneuse au Québec, dans ce texte.

Je vais lire seulement cet extrait et cela va conclure: "Lorsqu'un propriétaire possède la majeure partie des ressources forestières d'un pays, il est indéniable qu'il a une influence sur le prix de la matière ligneuse et, par le fait même, sur le développement industriel. Si l'allocation des ressources est réalisée à l'enchère, c'est la loi de l'offre et de la demande qui détermine le prix du bois." C'est ce qu'on nous dit qui est fait - pas à l'enchère - mais nous disons que c'est l'offre et la demande, le marché qui va établir le prix du bois. Par contre, dans le but de mieux satisfaire à ces objectifs économiques et sociaux, l'État peut décider de fixer le prix du bois. La tarification devient ainsi un outil incitatif puissant. Qu'on ne dise pas que le bois va refléter la valeur de ces fonctions écologiques qu'on ne peut pas estimer en termes financiers, etc. La tarification constitue donc un outil puissant pour orienter le développement économique, surtout lorsque, comme au Québec, le secteur forestier est une composante majeure de l'économie.

Le Président (M. Cusano): Merci, monsieur.

M. Malenfant: II n'y a pas de libre marché. Le prix est fixé.

Le Président (M. Cusano): Merci.

Une voix: Ce n'est pas nous qui le disons.

Le Président (M. Cusano): Un instant! Je vais permettre un bref commentaire de la part du ministre et ensuite...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Suivant mon entendement qui n'est peut-être pas le vôtre, l'industrie va payer les travaux de sa poche dans la nouvelle tarification. Il restera au gouvernement à peu près les montants actuels ou peut-être un peu plus. Ce seront des investissements que l'industrie va faire de sa poche.

M. Malenfant: Je vous demanderais de lire attentivement la démonstration là-dedans. Ce n'est pas du tout ce que sous-tend votre avant-projet de loi.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est mon entendement.

Le Président (M. Cusano): D'accord. Merci, M. le ministre. M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, je tiens d'abord à remercier Mme Lamontagne et ses collègues d'être venus devant cette commission parlementaire. Nul doute que de notre cûté on trouve certaines recommandations que vous faites drôlement intéressantes; des recommandations qui sont une façon nouvelle de voir les choses. J'aimerais aborder certaines d'entre elles.

D'abord, lorsque, à la page 19, vous parlez de la création d'une société publique, je présume que vous faites allusion à une société d'État. On sait très bien quelle est l'attitude du gouvernement actuel au sujet des sociétés d'État parce qu'on est en train d'en perdre une qui s'appelle la SGF. On a appris cela hier et je peux vous assurer que ce n'est pas l'intention de ce gouvernement de créer des sociétés d'État. Cependant, je ne dis ni oui ni non à votre position concernant la création d'une telle société. Je vais vous expliquer pourquoi.

M. le Président, en vertu de l'article 39 de notre règlement, lorsqu'un député a la parole, est-ce qu'on pourrait demander aux ministériels - je ne dirai pas ce que je pense, je vais le dire d'une autre façon -de laisser celui qui a la parole parler, s'il vous plaît!

Le Président (M. Cusano): M. le député de Duplessis, vous avez la parole.

M. Perron: J'aimerais bien qu'on les rappelle à l'ordre de temps en temps, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): ...quand le besoin se fera sentir.

M. Perron: Je reviens sur la question que j'ai soulevée se rapportant à la société d'Étal que j'ai mentionnée. Je ne dis ni oui ni non à votre hypothèse parce que je la trouve d'abord intéressante à regarder et de très près. Mais je trouve, dans la définition que vous en faites assez brièvement d'ailleurs, qu'il y a des responsabilités énormes qui seraient dirigées vers cette société d'État et je pense que cela prendrait énormément de personnes pour en arriver à régler l'ensemble de toutes les suggestions que vous faites.

Vous parlez de la gestion, de l'aménagement, de la planification; vous revenez à la question de la gestion de la forêt publique, la planification, la réalisation de tous les travaux de la récolte du bois, de reboisement, de voirie, de protection, de sylviculture en général et même de prix du bois. Dans l'ensemble, je trouve intéressant tout ce que vous soulevez parce que c'est là exactement que sont les problèmes.

La question que je voulais vous poser en rapport avec cette société est la suivante: Selon vous, de quelle structure serait tirée la composition de cette société? C'est-à-dire de quelle structure présente au Québec actuellement, syndicale, industrielle, etc, seraient tirés les membres de cette société? Parce que c'est complexe.

Mme Montpas: Ce que nous souhaiterions, c'est que la société soit représentative de l'utilisation polyvalente de la forêt. C'est d'ailleurs indiqué au mémoire.

Une voix: Aux pages 21 et 22. Une voix: Au dernier paragraphe.

M. Perron: D'accord. Vous comprendrez qu'on n'a pas eu le temps de lire tout le mémoire.

Mme Montpas: C'est cela. Alors, on voudrait que ce soit représentatif de l'utilisation polyvalente, c'est-à-dire qu'on n'y retrouve pas seulement, comme c'était suggéré au conseil permanent de la forêt, des industriels, des producteurs et propriétaires de boisés privés mais qu'on retrouve là les autres utilisateurs, c'est-à-dire les chasseurs et les pêcheurs. Il y a des associations au Québec qui sont formées pour cela: les groupes environnementaux, les travailleurs évidemment et les industriels et l'État qui aurait ses représentants aussi. Mais, vous savez, ces fonctions sont réunies. Elles sont toutes actuellement assumées par l'État. La voirie forestière est financée par l'État; le prix du bois, on l'a vu tout à l'heure par les extraits, c'est l'État qui le fixe. Il y a des problèmes actuellement - on en a parlé un petit peu, on l'a abordé ce matin - dans la répartition des allocations. On a vu dans un document que le ministère

ne voyait pas l'intérêt de modifier les endroits d'allocations. Il y a des aberrations qui existent. Alors, cela serait planifié. (17 heures)

Ce sont des fonctions qui sont assumées par le maire ou d'autres ministères mais on pense qu'elles sont mal assumées. Et comme le lobby puissant des compagnies domine les décisions, à ce moment, on pense qu'avec une société semblable qui respecte l'utilisation polyvalente on serait mieux servis.

M. Perron: Merci de votre réponse. Elle a débordé quelque peu la question. Oui, Mme Lamontagne.

Mme Lamontagne: Premièrement, c'est juste pour préciser que ce n'est pas la première fois qu'on fait une telle recommandation. C'est sûr que, dans le contexte actuel, cela peut paraître à contre-courant quand on parle de réglementer, de privatiser, etc., mais on pense que c'est essentiel. D'autre part, on pourrait dire aussi que si on avait, au niveau gouvernemental, au niveau politique, pris en main la politique forestière, peut-être que ce ne serait pas nécessaire, cette société d'État. Ce qu'an constate - et c'est toute l'histoire de la forêt - c'est qu'on a laissé aller la forêt aux compagnies. On pense qu'il faut, à ce stade-ci, une société qui soit indépendante et composée comme Mme Montpas le disait. C'est sûr que, dans le contexte actuel, il va falloir y tenir beaucoup et ne pas lâcher parce que c'est un peu à contre-courant, mais c'est nécessaire, si on pense à l'état dans lequel est la forêt.

M. Perron: Merci, Mme Lamontagne. Vous avez dit tout à l'heure que les gouvernements n'ont pas vraiment fait des choses extraordinaires se rapportant au domaine forestier. Cela, je le concède très bien, mais j'ajoute: Peu importent les gouvernements qui se sont succédé, la raison fondamentale de ce qui existe aujourd'hui, c'est qu'on a effectivement commencé à s'en occuper à peu près en 1983. Cela est revenu en 1984, en 1985 avec le livre blanc et aujourd'hui avec l'avant-projet de loi.

Mais je voudrais revenir sur un autre aspect à la page 22 de votre mémoire. Et je sais que vous ne reliez pas... Malgré cela, je peux avoir une divergence d'opinions avec vous. Vous avez mentionné tout à l'heure la question des droits compensatoires de 27 % qui seraient imposés par l'industrie américaine. On a demandé au gouvernement américain de se prononcer là-dessus. Je crois que, dans le cas des droits de coupe, s'il y a une hausse des droits de coupe, cela pourrait être relié à cela et cela pourrait même amener certains industriels américains à changer d'opinion là-dessus. Vous mentionnez exactement ceci: "Entre-temps, une hausse réelle substantielle des droits de coupe doit être décrétée afin que cessent au plus tôt le pillage et les abus qui ont eu cours jusqu'à aujourd'hui."

En principe, je suis d'accord avec vous sur cette question de la hausse des droits de coupe. Quant à savoir combien du mètre cube et de quelle façon on va procéder, c'est à voir, parce que je ne connais vraiment pas, sur le fond, les intentions du gouvernement. Je voudrais faire allusion ici à l'article 37 de l'avant-projet de loi qui dit au deuxième paragraphe: "Si, au moment de la révision quinquennale du contrat, le ministre est d'avis qu'un rendement plus grand sera obtenu, il alloue au bénéficiaire un volume additionnel correspondant à la majoration escomptée. Ce volume supplémentaire n'est pas compris dans le volume alloué pour l'établissement des droits payables par le bénéficiaire en vertu de l'article A." On fait allusion à l'article 4. Cela veut dire qu'il y aurait pratiquement, dans ces cas, l'abolition des droits de coupe ou à peu près. Nous, on dit oui à un incitatif, mais on dit non à zéro parce qu'il faut absolument, selon nous, que les droits de coupe soient augmentés pour permettre d'en retirer des bénéfices financiers, pour permettre, justement, de mettre l'accent sur la régénération naturelle dont vous avez parlé, en faisant des aménagements, et permettre aussi, dans plusieurs cas, la reforestation à partir de nos centres de production de plants.

La question que je vous pose, c'est la suivante: D'abord, est-ce que vous êtes d'accord avec cet article 37? Deuxièmement, lorsque vous parlez de "hausse réelle substantielle", pourriez-vous nous dire un peu ce que vous entendez par "substantielle"? Il ne faudrait pas, non plus, que cela soit tellement haut que cela mette en péril certaines institutions comme l'industrie du sciage que nous avons et même d'autres domaines.

M. Malenfant: Je dirais que je suis contre l'article 37. On a analysé cela, nous autres. Cela s'ajoute au reste. Déjà, on entend surexploiter encore la forêt publique. C'est laissé à la discrétion du ministre en plus. Ce ne sont pas des choses qu'on va pouvoir savoir publiquement et aisément. Comment va-t-on pouvoir contrôler ces transactions entre les compagnies? On a l'exemple de l'histoire et l'état de la forêt est là pour nous le prouver. On a un exemple concret. Il va falloir qu'il soit fort en tabarouette, le ministre qui va décider dans cinq ans qu'il va priver une compagnie d'approvisionnement parce qu'elle n'a pas réalisé ses travaux, par exemple.

Je ne sais si vous êtes d'accord avec moi, mais l'état de la forêt le démontre.

Chaque fois qu'il y a des problèmes d'approvisionnement ou des complications, plutôt que d'appliquer des règlements et d'être sévère, on refait un régime forestier. C'est encore la même chose que l'on fait aujourd'hui. On ne peut pas prendre l'article 37 strictement comme cela sans comprendre un peu la critique globale que l'on fait. Vous comprendrez cela, M, Perron. Je trouve qu'au lieu de laisser la forêt s'enrichir on va permettre aux compagnies de s'enrichir encore un peu plus avec une mesure comme celle-là.

M. Perron: En fait, c'est retirer d'une main et donner de l'autre.

M. Malenfant: Vous en retirez un peu et vous en donnez plus, d'après moi.

M. Perron: C'est cela. Maintenant, est-ce qu'on pourrait avoir votre opinion puisque vous connaissez - en tout cas, je vais vous l'expliquer - la nôtre? Dans le livre blanc, il était mentionné...

M. Malenfant: Sur les droits de coupe?

M. Perron: Oui, sur les permis, d'accord.

M. L'Heureux: Sur les droits de coupe.

M. Perron: Sur les droits de coupe, oui, l'augmentation substantielle.

M. L'Heureux: ...on n'a pas de chiffres à vous proposer aujourd'hui. Cependant, entre ce que l'on a constaté, 1,20 $, en 1982-1983, en moyenne, pour les scieries comme pour les pâtes et papiers, et 1,22 $, en 1983-1984, pour des totaux d'environ 23 000 000 $ - en tout cas, cela varie; peut-être davantage en 1985, compte tenu de l'estimation du MER pour la coupe prévue -c'est ridicule. C'est la preuve, et c'est une des démonstrations que l'on fait, que le bois, au Québec, n'a jamais eu de valeur aux yeux des gouvernements et des compagnies. D'ailleurs, quand on connaît toute l'importance qu'a cette industrie, qui a une valeur totale d'au-delà de 8 000 000 000 $, avec une matière première qui rapporte comme rente collective, à peine 20 000 000 $, c'est assez ridicule. Le lobby américain sur le bois de sciage, sur les droits de coupe, nous a permis de découvrir bien des choses. Les forêts ne se comparent pas. Il ne faudrait pas comparer l'Ouest américain, c'est sûr, la taille des arbres, le climat et tout, ou le sud. Si on regarde le Maine, par exemple... Aux États-Unis, je pense qu'il y a un marché un peu plus libre. Il faudrait peut-être aussi, objectivement, analyser les conditions qui sont rattachées au prix de vente. Cependant, on constate qu'en 1984, par exemple, en vertu de la US International Trade Commission, par mille pieds de planche, le prix, au Maine - on ne peut pas le comparer à certaines régions du Québec, mais à une bonne partie du Québec - était de 44,28 $, en dollars US, et, au Québec, en dollars US, il, était de 11,96 $, officiellement. On ne parle pas de3 déductions qui s'appliquent dans la pratique, on ne parle pas de ce que des ingénieurs forestiers nous ont raconté. On aimerait bien cela qu'on soit plus indépendant, au ministère. Les coupes qui se font où il y a la tordeuse, il y a des crédits pour cela. Si le terrain est escarpé, il n'y a pas de redevances. Des ingénieurs nous ont dit qu'il peut arriver que des contrats soient déchirés après la coupe et écrits à nouveau en fonction de la coupe.

Quant au montant, quel est-il? Quelle est la marge? Les principes, je pense qu'on les énonce dans le mémoire. Il faut tenir compte de tous les coûts à court et à long terme pour régénérer cette immense richesse collective. Il faut donner une valeur réelle au bois. Je pense, M. le Président, que l'on oublie l'importance de cette immense richesse; on l'a peut-être sous-estimée collectivement, nous tous, qui que nous soyons. Quand on dit que c'est une richesse qui s'étend sur un territoire grand comme la Suède et la Norvège! Aux États-Unis, Le National Center for Future Resources a voulu chiffrer la valeur de la forêt publique américaine. Il l'a estimée à plusieurs dizaines de milliards de dollars. Présentement, on sait qu'il y a toutes sortes de contraintes, de limites à vouloir faire cela - on tente de chiffrer la valeur de la forêt québécoise et de tout ce qui pourrait en découler comme rentabilité. Au départ, le prix du bois n'a pas d'allure. Il faut donc l'augmenter sensiblement.

M. Perron: Je vous remercie de votre réponse. Maintenant, j'ai plusieurs questions à vous poser.

Mme Montpas: Oui, je me dépêche. Je veux juste vous dire que l'augmentation des droits de coupe, Cela pourrait être ce qu'on pourrait décider de refuser de verser aux Américains quand ils auront fixé le taux des droits compensatoires. Pourquoi verser aux Américains de l'argent quand on pourrait le garder au Québec en élevant les droits de coupe? Maintenant, est-ce que ce sera 10 $ ou 20 $? II me semble qu'on devrait être assez intelligents pour choisir de le verser chez nous. Cela nous fera un revenu dans le fonds forestier pour entretenir nos forêts...

M. Perron: On parle de 10 $ actuellement.

Mme Montpas: ...ou peut-être nos

plantations, plutôt que de donner cela aux Américains.

M. Malenfant: J'ai fait un calcul rapide, M. Perron, à partir des chiffres que voua avanciez, soit 10 $ le mètre cube. Est-ce que c'est le bois transformé?

M. Perron: Le?

M. Malenfant: Le bois transformé, exporté à 10 $ le mètre cube, sur lequel ils veulent imposer un droit de 27 %? Combien cela prend-il de bois pour produire...

M. Perron: Les 27 % équivalent à environ 10 $ d'augmentation du mètre cube.

M. Malenfant: Calculez le bois qui est exploité au Québec. Donnez-lui seulement cette valeur, 10 $ le mètre cube, tabarouette, on commence à avoir un peu d'argent dans notre fonds forestier.

M. Perron: Un peu de revenus, un peu pas mal.

M. Malenfant: Ajoutez à cela l'argent que ça prend pour avoir des méthodes de coupe qui respectent l'environnement et tout cela. Là» on se trouve à toujours rejeter en dehors du cycle de production les coûts environnementaux et ces choses-là. Mais qu'on commence à les compter et à les appliquer au bois, parce que ce sont des prix qui découlent d'une exploitation abusive et destructrice, vous allez voir qu'on va avoir de l'argent pour exploiter écologiquement notre forêt.

M. Perron: Dans un autre ordre d'idées, le livre blanc disait: La priorité d'achat par les papetières devra aller, dans la mesure du possible, d'abord, aux usines de sciage pour les copeaux et, parallèlement à cela, aux boisés privés pour enlever la pression qu'il y a actuellement sur nos forêts publiques. Je pense qu'on n'a pas besoin de faire de portrait de cela. Tout le monde a le dessin comme il faut depuis plusieurs mois et, surtout, depuis les derniers jours. Quelle est votre opinion en tant qu'organisation syndicale en rapport avec cette position du livre blanc par rapport à ce qui est fait aujourd'hui? J'ai constaté et nous, de notre côté, avons constaté que les priorités allaient toujours selon le libre marché.

M. Malenfant: II n'y en aura pas, la priorité à la forêt privée est abandonnée dans l'avant-projet de loi. Ce n'est pas une question qui touche essentiellement de près la CSN, l'augmentation. Réviser à la hausse la valeur du bois, établir une valeur réelle du bois en fonction de tout ce qu'on vous a énuméré, cela donnerait une saprée belle indépendance aux propriétaires de la forêt privée qui sont obligés de dépendre de subventions gouvernementales pour l'aménagement parce que le bois ne génère pas l'argent nécessaire pour refaire leurs forêts, pour entretenir leurs forêts. Cela nous touche du fait qu'il y a du travail au noir qui est obligé d'exister en forêt privée parce que le bois n'a pas de valeur. On n'est pas capable de rentabiliser cette production. Les conditions de travail sont un peu dures à cause de cela. C'est dans ce sens-là que ça peut nous toucher. C'est évident que, pour les propriétaires de forêts privées, une hausse des droits de coupe comme on l'entend, qui donnerait une véritable valeur au bois, pas un prix comme il est actuellement où on n'arrive pas à cornpétionner... Compétionner l'État pour la vente des bois, c'est tout un contrat. La Fédération des producteurs de bois est passée ici et elle a été assez explicite là-dessus.

M. Perron: Oui, d'accord. Maintenant, je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous. Vous disiez tout à l'heure que c'était une propriété collective. Je pense qu'autant...

M. Malenfant: La forêt publique.

M. Perron: ...la CSN que tout le monde devraient regarder tous les aspects, y compris la question des copeaux, y compris la question..,

M. Malenfant: Oui, la forêt publique. M. Perron: ...de la forêt privée aussi...

M. Malenfant: De la forêt privée. On regarde la forêt privée...

M. Perron: ...pour protéger la forêt publique.

M. Malenfant: ...parce qu'on a des travailleurs qui sont obligés de travailler en forêt privée aussi. (17 h 15)

M. Perron: D'accord. Ouf! Une autre question: Les industriels du sciage sont venus devant la commission parlementaire et nous ont dit que, lorsqu'il y a des coupes de bois, on devrait faire en sorte que les bois qui sont utiles au sciage soient dirigés vers toutes les usines de sciage au lieu de voir le bois en billes ou encore en longueurs d'arbre se diriger vers les papetières pour en faire des copeaux ou autre chose. Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion?

M. Malenfant: Les droits de coupe pour les scieurs sont inférieurs aux droits de coupe imposés aux papetières. Vous pouvez faire le dessin vous-même. Pour les

propriétaires de la forêt privée, s'ils doivent se diriger vers la production de copeaux, assumer encore une phase supplémentaire de transformation pour alimenter l'industrie papetière, qui ne manque pas d'argent, loin de là, c'est leur faire assumer une phase supplémentaire qui leur en coûtera, alors qu'ils n'arrivent même pas à obtenir un prix valable qui couvre les frais d'exploitation.

M. Perron: Je vais passer la parole à mon collègue de Laviolette, à mon collègue de...

Le Président (M. Cusano): M. le député de Duplessis. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais peut-être sortir un peu du dossier global tel qu'on l'a abordé depuis le début, quoique c'est très intéressant, pour aller vers une recommandation plus spécifique que vous faites quand vous parlez des modifications des techniques de coupe; c'est la cinquième ou sixième recommandation que vous avez dans votre liste. "Les changements nécessaires aux méthodes de coupe" et tout cela. Il y a un problème concret qui m'apparaît. Je rencontre souvent les gens qui travaillent en forêt. J'ai généralement de bonnes relations avec eux. Cela va bien, on se parle beaucoup des problèmes forestiers et généralement, quand on parle des techniques de coupe et des méthodes qui sont appliquées actuellement ou qui leur sont imposées par les compagnies, je peux vous dire que ces gens ne sont pas plus enthousiastes qu'il ne faut. Comme vous le savez, ils doivent faire face à des problèmes financiers qui sont énormes. Il faut qu'ils utilisent leurs machines au maximum. On parle des gens qui ont de gros investissements sur des bûcheuses, des "skiddeuses", des ébrancheuses et tout cela. Quand on leur demande, finalement, de réduire, à toutes fins utiles, leur rythme de production pour modifier ou pour faire attention à certaines techniques de coupe, la réponse est souvent un peu violente. Je ne sais pas si vous avez la même impression. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas d'accord, mais c'est parce qu'ils ont à faire face à des problèmes bien réels, bien précis, qui sont de rentabiliser dans un minimum de temps - parce que le temps de coupe en forêt a tendance à diminuer d'une année à l'autre - leur investissement. Pour ce faire, il faut que leur machinerie produise au maximum et ils n'ont pas le temps de faire le tour des quatre-temps et du thé des bois, il faut que cela marche. Je ne sais pas de quelle façon vous abordez ce problème avec vos gens.

Mme Montpas: Si vous le permettez, je peux répondre à cela. Si j'étais à la place des ingénieurs forestiers concernés, je n'hésiterais pas à être violente, non plus. Je n'aurais pas de misère naturellement, non plus. Je pensais ce matin qu'on avait été bien compris quand on a expliqué toute l'organisation du travail en forêt. Les travailleurs sont d'accord avec les coupes différentes, les coupes par bande, les coupes en damier, à faire attention aux plantations. Ils sont conscients - il y en a encore des travailleurs forestiers en arrière - de l'impact de la grosse machinerie et sur les arbres et sur les petits plants et sur les sols, sur le compactage des sols.

La seule chose qu'il faut faire, à notre avis, pour eux autres, c'est abolir le travail à forfait. Je vais juste vous donner un petit exemple, REXFOR. REXFOR à qui on veut confier seulement les canards boiteux. Dans les Appalaches, durant une année, je pense que c'est 1979, REXFOR avait fait de la plantation et les travailleurs là-bas avaient refusé de faire cela à forfait. Il y avait eu une entente avec la compagnie pour faire la plantation à l'heure. Il y a eu un taux de réussite, quand cela a été vérifié dans les années subséquentes, de plus de 90 %. Ailleurs, où cela s'est fait à forfait, les taux de succès étaient plus bas. Tant et aussi longtemps que le système d'organisation du travail va être celui qu'on connaît, c'est évident que les travailleurs vont rager.

De plus, une chose qu'on n'a pas dite ce matin, c'est que les tables de bois en longueur, c'est à peu près comme une vérité divine. Essayez d'aller négocier, de modifier la table de bois en longueur, les tables forfaitaires qu'on retrouve dans une convention avec une compagnie, vous avez besoin de vous lever de bonne heure. Ce sont des calculs très compliqués, très complexes, c'est presque intouchable.

Ce qui se passe chez les forestiers actuellement, c'est que le diamètre moyen des arbres a diminué, tout le monde le reconnaît. Mais les tables de bois datent de plusieurs années, dix ans ou quinze ans. La table était faite pour être plus payante pour le diamètre moyen dans un parterre de coupe. Dans les années qui ont suivi, on a toujours donné des augmentations au pourcentage. Je pourrais vous dire qu'à l'époque, un six pouces était vendu à peu près 0,07 $, 0,10 $, 0,08 $ l'arbre ou quelque chose comme ça. Vous comprendrez que 2 % d'augmentation sur 0,08 $, ça ne fait pas beaucoup. Quand, en plus, votre diamètre moyen diminue et que vous n'êtes pas capable de rétablir l'équilibre de votre table en fonction de cela, les gars disent que, depuis 1976, ils font moins d'argent. Cela, c'est un des facteurs.

La seule solution pour les travailleurs -et ils vont bien travailler, ils vont faire attention parce qu'ils sont intéressés à la forêt - c'est d'abolir le travail à forfait. Quand les compagnies disent: J'espère que M.

Côté va réviser ses positions là-dessus, elles disent: On aura moins de productivité, il faudrait aller voir en Suède ce qui s'est passé. Je ne pense pas que vous connaissiez bien les travailleurs forestiers. Un travailleur forestier habitué à travailler dans le bois, tout à coup, du jour au lendemain, ne va pas s'asseoir sur la souche pour, tranquillement pas vite, attendre que les mouches le mangent ou mangent ses sandwichs. Ils ont une habitude de travail, ils travaillent rapidement.

La seule chose, c'est qu'on économisera peut-être sur le plan des coûts de la santé et de la sécurité, et là, les employeurs vont moins se plaindre que la CSST coûte cher. Je pense que c'est cela qu'il faut régler. II ne faut pas voir le problème comme si les travailleurs étaient responsables parce que, en soi, ils ont des machines, non. Il faut dire qu'ils sont pris dans une situation qu'on leur impose et, si on modifie cette situation, la qualité de leur travail va s'améliorer parce que c'est une qualité dont ils ne sont pas responsables actuellement et cela vaut aussi pour les ouvriers de la plantation.

Le Président (M. Cusano): Merci, madame. M. le député, je voudrais vous dire que le temps est écoulé, mais puisque, tout à l'heure, j'ai permis au ministre de dépasser son temps de quelques minutes, je vais céder la parole au député de Laviolette pour quelques minutes.

M. Jolivet: Je serai bref, compte tenu du temps limité qui nous a été imposé pour vous rencontrer.

Une voix: Ne recommencez pas!

M. Jolivet; Oui, c'est vrai.

À la page 22, deuxième recommandation, on parle d'une hausse réelle substantielle des droits de coupe. Je dois simplement vous dire que des rumeurs circulent parmi les associations du milieu, à savoir que Mme Pat Carney, au fédéral, et probablement M. Ciaccia, au Québec, parce que c'est lui le ministre de tutelle, augmenteraient sensiblement, soit de 5 $ le mètre cube, le coût à l'exportation pour régler le problème de "stumpage" américain. Quand vous parlez d'une hausse substantielle réelle, est-ce que c'est dans cette hypothèse que vous parlez ou si c'est autre chose?

M. Malenfant: C'est autre chose. Cela comprend plus qu'un montant pour faire taire les industriels américains. Cela comprend un montant pour respecter notre forêt, celle qu'il nous reste, celle qui existe et préparer la forêt de demain en fonction de critères écologiques plus respectueux, ne pas attendre les créateurs d'emplois. Cet article m'a un peu surpris parce que nous, les syndicats, sommes censés être au courant, nous sommes censés avoir été consultés.

M. Jolivet: J'ai su cela tout dernièrement.

M. Malenfant: On n'en a pas entendu parler, M. le député.

M. Jolivet: Je l'ai entendu dernièrement.

Une deuxième chose, pour terminer sur ce sujet. Comme vous êtes, au départ, avec la société que j'ai appelée SOGAFOR, Société de gestion et d'aménagement de la forêt, et que vous êtes à contre-courant des pensées modernes de Gobeil et compagnie -je m'excuse, du président du Conseil du trésor et compagnie - est-ce que ce ne serait pas la même chose avec votre proposition no 6 concernant l'institut national de recherche forestière, alors qu'on parle de faire sauter les instituts de recherche? Deuxièmement, est-ce que vous n'auriez pas oublié une compagnie, à votre proposition no 9, qui s'appelle REXFOR, quand vous dites de ne pas toucher à la privatisation des actifs d'entreprises de transformation de la matière ligneuse? Avez-vous oublié REXFOR ou si c'est volontaire?

Mme Montpas: On l'a oubliée, ce n'est pas volontaire.

M. Malenfant: Pour répondre à votre question sur la pensée moderne de M. Gobeil et compagnie, vous lirez les extraits d'un livre qui est paru en 1944 sous la direction d'Esdras Minville. Vous allez voir qu'il ne trouvait pas cela trop moderne, même à l'époque. Il trouvait cela déjà démodé, des thèses comme cela.

Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. Brièvement, M. le député de Duplessis, vos remarques de la fin.

M. Perron: Merci, M. le Président. Comme je le mentionnais ce matin - je pense qu'il faut le répéter, on ne le répétera jamais assez - les mémoires qui nous ont été présentés, on devra en tenir compte sous plusieurs aspects lorsque le projet de loi sera définitif de la part du gouvernement. Mais, avant de l'endosser, j'ai hâte de le voir; j'aime autant vous le dire tout de suite. Je réitère ce que j'ai dit ce matin quant à la lecture que je ferai des annexes que vous nous avez soumises ce matin, ainsi que de celles que vous nous avez soumises cet après-midi. Je le ferai moi-même personnellement et vous pouvez être assuré que je vais faire mes devoirs le plus correctement possible.

Deuxièmement, quant au mandat d'initiative sur les conditions de travail et de

vie des travailleurs forestiers, ainsi que sur les conditions des travailleurs et travailleuses du reboisement, vous pouvez être assurés que je vais talonner le gouvernement pour qu'on obtienne cela.

Troisièmement, je réitère qu'il faut absolument; pour avoir un projet de loi potable, que nous ayons une commission parlementaire itinérante pour que toutes les parties puissent se faire entendre et ce, dans l'ensemble du Québec, avant d'arriver à une décision finale de la part du gouvernement. En terminant, je vous remercie, encore une fois, pour ce matin et aussi pour cet après-midi. Je crois qu'il était vraiment essentiel qu'on vous entende quant aux recommandations que vous aviez à faire sur le projet de loi et sur l'avenir de notre forêt collective du Québec. Merci à tous et à toutes.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Duplessis. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. Quant à moi, j'aurais aimé avoir le temps de parcourir vos documents afin d'avoir une discussion plus précise et plus adéquate sur les problèmes que vous soulevez. Je suis convaincu que nous aurons la chance de le faire très prochainement. Merci.

Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup.

Mme Lamontagne: M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Oui, madame.

Mme Lamontagne: ...on répète ce qu'on a dit ce matin, on souhaite que, s'il y a un projet de loi, il y ait une consultation beaucoup plus large et régionale; deuxièmement, compte tenu que la plupart de nos documents sont arrivés aujourd'hui, nous sommes disponibles, sur l'ensemble des dossiers qu'on a présentés, pour donner plus d'explications à d'autres rencontres.

Le Président (M. Cusano): Merci, madame. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie et je demanderais à la Fédération des travailleurs du Québec de prendre place à la table.

M. Cantin: S'il y en a qui veulent venir se promener avec moi en forêt prochainement, je vous invite.

M. Perron: Je le ferai.

Le Président (M. Cusano): À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais demander aux membres de la Fédération des travailleurs du Québec de s'identifier pour les fins du Journal des débats.

(17 h 30)

FTQ

M. Daoust (Fernand): M. le Président, mon nom est Fernand Daoust. Je suis le secrétaire général de la FTQ. M'accompagnent à cette table M. Yvon Martel, du Syndicat canadien des travailleurs du papier, Jean Martin, du même syndicat; Louis-Marie Cloutier, de la Fraternité nationale des charpentiers-menuisiers, forestiers et travailleurs d'usines, ainsi qu'Yvon Royer, du Syndicat des métallos.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Daoust. J'aimerais vous rappeler que vous avez douze minutes pour faire l'exposé de votre mémoire. Ensuite, les deux partis se partageront les 48 minutes, soit 24 minutes de chaque côté de cette table.

M. Daoust: Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Je vais peut-être dépasser quelque peu les douze minutes, mais je vais essayer de...

Le Président (M. Cusano): Je serai tolérant.

M. Daoust: Merci beaucoup. Vous venez tout juste d'avoir le mémoire de la FTQ. Je ne le lirai pas en entier, je vais choisir les extraits qui nous semblent les plus pertinents. Je suis assuré que vous aurez le temps de lire le reste.

La présentation de la FTQ, je ne la fais pas, sauf pour vous rappeler qu'elle représente au-delà de 400 000 travailleurs et travailleuses syndiqués ici au Québec. Plusieurs milliers de nos membres travaillent dans l'industrie forestière de première transformation: scieries, déroulage, placage et les pâtes et papiers. Trois de nos syndicats sont plus directement impliqués: le Syndicat canadien des travailleurs du papier, 30 000 travailleurs et travailleuses dont 8000 oeuvrant dans la forêt; la Fraternité nationale des charpentiers-menuisiers, forestiers et travailleurs d'usines, 15 000 membres au Québec, dont 3500 actifs dans la première transformation et, enfin, le Syndicat des métallos qui regroupe près de 1000 syndiqués dans ces secteurs.

Notre intérêt, il est fort évident. Pour nous, pour nos membres et la population du Québec, la forêt alimente le plus important secteur industriel de l'économie du Québec. Cela constitue un emploi sur cinq dans les secteurs primaire et secondaire de l'économie québécoise et 20 % de sa valeur ajoutée. Chaque emploi, on le sait, entraîne deux autres emplois créés indirectement dans le transport, la construction, la machinerie et

les services. En 1984, 75 000 emplois au Québec dépendaient directement de la foresterie, du bois et du papier, et 150 000 autres y étaient reliés; 2 000 000 000 $ en salaires, des livraisons pour une valeur de 8 500 000 000 $. En outre, la distribution géographique des activités de ces secteurs fait de l'activité reliée aux produits de la forêt l'épine dorsale de l'économie de la plupart des régions du Québec.

Hors de tout doute, comme nous le mentionnons dans notre document, nous dépendons largement de la forêt. Toute négligence entretenue à son égard créera non seulement du chômage, mais également des coûts afférents à une telle situation, coûts que nous devrons supporter collectivement.

Les constatations sont loin d'être rassurantes. Quoi qu'il soit responsable de la régénérescence des forêts depuis 1972, le MER reconnaît encore en 1986 l'apparente faillite de ses interventions lorsqu'il affirme que la zone pâte est actuellement inaccessible, que le renouvellement naturel de la forêt est insuffisant, que les superficies coupées ne se régénèrent adéquatement que dans une proportion de 45 %, que, faute d'aménagement approprié, le potentiel de production du territoire forestier reste largement sous-utilisé. Il est évident pour la FTQ que la base de la prospérité des économies régionales et de la croissance stable de l'embauche et des revenus relève en grande partie d'une bonne gestion de la forêt. Malheureusement, cela a toujours fait défaut et les gouvernements successifs en sont les principaux responsables par leur manque de fermeté.

Les performances de la gestion forestière et les stratégies de régénérescence de la forêt du gouvernement nous laissent fort inquiets. Nous avons quelques données que vous pourrez lire. Sur le plan pratique, la FTQ compte de nombreux agents et ressources expérimentés de la forêt et compte être un interlocuteur actif dans la formulation des politiques et, aussi, dans l'évaluation des programmes qui doivent nous garantir un renouvellement adéquat et une exploitation contrôlée de nos ressources forestières.

Nous souhaitons vous donner quelques exemples de l'urgence de s'impliquer. Kruger Inc., de Trois-Rivières. En 1976, Kruger a obtenu une concession forestière dans la région de Chibougamau, en Abitibi. En 1973, Kruger a acheté l'usine Domtar de Trois-Rivières qui avait été laissée à l'abandon et, jusqu'à maintenant, l'employeur a investi des sommes considérables. La distance qui sépare l'usine de Trois-Rivières de cette concession est de 645 kilomètres. Aucun utilisateur de bois au Québec n'effectue un transport de bois sur une aussi grande distance.

Nous sommes préoccupés par le fait que Kruger pourrait ralentir considérablement ses investissements à cette usine si le handicap économique que constitue l'éloignement de sa concession n'est pas corrigé. Kruger doit avoir la possibilité d'alimenter rationnellement son usine en matière ligneuse.

En 1985, Kruger a acquis une autre usine en voie de fermeture à Terre-neuve. Depuis cette acquisition, Kruger a investi là plusieurs millions de dollars. Le gouvernement terre-neuvien a décidé de privilégier cet employeur en lui octroyant un territoire de coupe imposant et en lui offrant des garanties d'approvisionnement sur une période de 99 ans et ce, dans la cour arrière de l'usine. En outre, cette division de Kruger produit son énergie électrique à même sa propre centrale, ce qui lui permet de réduire considérablement ses coûts de fabrication du papier. Cette situation nous inquiète pour l'avenir des installations de Kruger à Trois-Rivières.

Nos 1600 membres de l'usine de Trois-Rivières, surnommée la capitale mondiale du papier, sont aussi inquiets des positions que prendra le gouvernement concernant l'application de la nouvelle Loi sur les forêts. Ces mêmes travailleurs ont été victimes d'une fermeture lorsque l'usine était la propriété de Domtar. Ils sont à nouveau inquiets de leur avenir.

Il faut que les nouvelles règles d'allocation puissent assurer la distribution des territoires boisés afin que des usines comme celle de Kruger puissent rivaliser avec les autres producteurs de papier de la région de la Mauricie, à ce moment-ci largement favorisés par la proximité de leurs concessions. Kruger est un exemple qui démontre l'urgence de réformer en profondeur les principes d'allocation de la ressource favorisant un maximum d'efficacité économique. C'est la survie des usines et des emplois qui est en cause.

Maintenant, il s'agit de la scierie Bellerive et de l'usine de déroulage scierie Bellerive Ka'n'enda à Mont-Laurier. Le cas suivant peut fournir une belle illustration des situations qui peuvent être créées par les pratiques actuelles de gestion de la ressource forestière.

Au moment même où le gouvernement propose un nouveau régime forestier dont l'un des objectifs serait d'assurer un approvisionnement suffisant aux établissements existants de transformation du bois, la FTQ désire attirer l'attention des membres de cette commission sur la situation aberrante qui se vit présentement à Mont-Laurier. Depuis le 25 juillet dernier, l'usine de déroulage-placage et la scierie Bellerive Ka'n'enda à Mont-Laurier, qui appartiennent à la société d'État REXFOR, sont fermées. Environ 150 travailleurs membres de la FTQ se retrouvent sur le pavé sans connaître ce qui les attend. Sans compter que quelque 80

autres avaient été mis à pied l'an dernier.

Le problème de Bellerive n'est pas un problème de marché, mais un problème d'approvisionnement en bois de qualité pour le déroulage et le sciage. En théorie, Bellerive a droit a 12 860 mètres cubes de feuillus venant principalement des concessions MacLaren pour le déroulage et à 59 700 mètres cubes de bois pour le sciage. Selon nos informations, Bellerive n'a accès qu'à environ 7000 mètres cubes de bois de déroulage et se retrouve, de plus, avec une grande quantité de bois de piètre qualité pour le sciage.

Là où la situation devient non seulement aberrante, mais totalement inacceptable pour les travailleurs, ainsi que pour la population de Mont-Laurier, c'est lorsque les principaux compétiteurs de Bellerive Ka'n'enda viennent s'approvisionner dans les Hautes-Laurentides, autour de l'usine de Mont-Laurier. À titre d'exemple, un des principaux compétiteurs de Bellerive vient chercher 8000 mètres cubes de' feuillus pour déroulage dans la Haute-Gatineau et 4200 mètres cubes dans la Lièvre supérieure, sur une allocation de 19 500 mètres cubes au total.

Un autre cas confirme nos dires. Alors que l'usine Bellerive fermait ses portes en juillet, les industries manufacturières Mégantic, à Lac-Mégantic, rouvraient les leurs avec une allocation de 4000 mètres cubes provenant de chez MacLaren, de 2000 mètres cubes de la région Coulonge-et-Noire, et de 5000 mètres cubes pour le déroulage et le sciage provenant de Val-d'Or.

Une privatisation en douce? La FTQ se demande si le gouvernement québécois n'a pas décidé de sacrifier la seule usine de déroulage appartenant à l'État au profit de compétiteurs privés. Assistons-nous à une privatisation en douce faite sur le dos des travailleurs et de la population des Hautes-Laurentides?

Nous savons que les principaux compétiteurs de Bellerive lorgnent de ce côté; des approches auraient été faites pour l'acheter, mais leur principal intérêt serait de la fermer afin de mettre la main sur son approvisionnement.

Les travailleurs de Bellerive et la population de Mont-Laurier n'ont pas oublié la promesse faite par le ministre délégué aux Forêts lors de l'annonce récente de l'implantation de la nouvelle usine Panfibre, à Mont-Laurier. Le ministre déclarait alors: "D'une part, l'usine MDF répond à des besoins souvent exprimés par la population locale; d'autre part, cette usine permettra de consolider les opérations de l'usine Bellerive-Ka'n'enda." M. le ministre, nous vous demandons de prendre position rapidement dans ce dossier afin d'assurer un approvisionnement de qualité et en quantité suffisante à Bellerive Ka'n'Enda, ainsi que sa réouverture immédiate.

Nous croyons que le gouvernement doit se prononcer clairement pour un principe logique et simple, à savoir que les établissements de transformation devraient pouvoir s'alimenter aux ressources les plus rapprochées de leurs installations afin de rationaliser l'allocation des sources d'approvisionnement.

Notre position de base pour une politique forestière. La forêt fait partie intégrante de notre patrimoine collectif et constitue l'une de nos plus importantes ressources naturelles périssables. Cette ressource alimente un important secteur de l'activité économique et doit, à ce titre, être sous le plein contrôle des pouvoirs publics.

Nous n'avons jamais accepté et nous n'accepterons jamais que cette ressource soit remise aux simples forces du marché privé; ce serait nous faire reculer dans le temps et mettre en péril une industrie tout entière. C'est parce que cette ressource est périssable et que son renouvellement doit être planifié sur une langue période que l'État seul doit assumer cette responsabilité.

L'État doit gérer la demande présente concernant diverses essences en fonction des possibilités à long terme et se donner les moyens de régulariser la demande sur les ressources. Il doit donc jouer un rôle clé dans le marché de l'approvisionnement en matière forestière et dans la coupe de celle-ci.

L'actuel gouvernement, avec son obsession en faveur du secteur privé, ne doit donc pas abdiquer ses responsabilités et oublier l'inefficacité et les lacunes inhérentes aux politiques actuelles qui compromettent l'avenir de la forêt québécoise. L'expérience démontre avec éloquence que l'exploitation efficace de la forêt ne peut reposer entre Ies mains du seul secteur privé si on désire qu'elle se fasse en harmonie avec les besoins de l'industrie.

Notre réaction à l'avant-projet de loi. Les principes. On retrouve dans l'avant-projet de loi des éléments positifs qui sont avancés depuis longtemps par la FTQ et ses affiliés: gestion de la forêt fondée sur un inventaire décennal, révocation des concessions forestières, rôle multifonctionnel de la forêt, protection de l'écologie forestière, aménagement et remise en production de la forêt. Cependant, l'histoire de la forêt montre que les principes et même les lois n'ont pas toujours pu protéger les ressources forestières du Québec. Les réserves de grands pins blancs créées en 1883 furent abolies quelques années plus tard et les récoltes massives qui suivirent firent disparaître l'espèce à toutes fins utiles. Plus tard, le merisier et les feuillus connurent une surexploitation.

En 1972, on a dû changer les règles du

jeu. On va manifester la volonté de révoquer les concessions forestières. Les objectifs de l'époque furent: rationaliser la gestion des forêts et la production de bois, la réallocation des aires de coupes, planifier la distribution du bois, réorienter et développer la recherche. Douze ans plus tard, les résultats sont exposés dans la problématique d'ensemble.

Le Président (M. Cusano): M. Daoust, j'aimerais vous souligner qu'il vous reste deux minutes. Je serai tolérant, mais au maximum il vous reste cinq minutes.

M. Daoust: Bon. Alors, je vais passer peut-être immédiatement aux propositions de la FTQ qu'on retrouve à la page 17.

Pour la FTQ, la politique forestière doit pouvoir poursuivre deux objectifs fondamentaux: sauver la forêt immédiatement - protéger l'avenir - et créer des emplois. Sur le plan des objectifs, la FTQ rejoint le ministre responsable lorsqu'il déclare: "Il faut qu'un nouveau régime forestier maintienne et stimule la création d'emplois en forêt. Il faut développer une nouvelle industrie pour traiter la forêt."

Cette nouvelle industrie, c'est aussi, pour la FTQ, la sylviculture. Elle est la réponse aux problèmes de la forêt et au problème d'emploi de la région, à la condition, comme le disait le ministre, qu'elle doive fournir du travail permanent.

La FTQ propose deux moyens. Pour que la remise en production du patrimoine forestier se réalise il faut remplir deux conditions. D'abord, protéger la forêt contre les pressions politiques qui s'exercent sur les gouvernements, principalement de la part des papetières. À cet égard, nous proposons qu'un poste de protecteur de la forêt soit créé qui serait responsable non au gouvernement, mais à l'Assemblée nationale, qui pourrait mieux arbitrer les conflits en étant plus autonome. La plus grande autonomie dont il disposera lui permettra de mieux défendre les intérêts à long terme de la forêt. Au plan canadien, déjà une commission a innové dans le sens de cette recommandation en Nouvelle-Écosse. (17 h 45)

Cependant, pour donner au protecteur des moyens pratiques de réaliser son mandat, nous proposons, deuxièmement, la création d'une société d'État de la sylviculture, ce qui permettrait de séparer la responsabilité de couper les arbres de celle de les faire repousser. La mission serait d'assurer le renouvellement de la ressource à prix compétitif et de réaliser le potentiel de création d'emplois que cette industrie représente surtout dans les régions. Selon nous, cette société mettra fin au conflit d'intérêts entre couper des arbres et les replanter, ce qui a été en partie à l'origine de l'échec des politiques précédentes. La forêt est publique et sa gestion doit être publique.

Il me reste à peine une page ou deux, cela va aller rapidement.

Le Président (M. Cusano): Allez-y, M. Daoust.

M. Daoust: Oui. Les deux principaux acteurs du milieu forestier auront dorénavant un seul intérêt majeur, couper ou planter des arbres. Nous mentionnons le nom de groupes ou de compagnies qui sont intéressés. De l'autre côté, on retrouvera la société d'État, ainsi que des forêts privées qui seront responsables d'assurer le développement de la ressource à prix compétitifs. L'activité conjuguée des deux groupes devra assurer la survie et le progrès économique de 114 municipalités, de laquelle dépendent directement - non pas des municipalités, mais de l'activité - 225 000 emplois directs et indirects.

Deuxièmement, à partir de cette division des responsabilités, nous pourrions envisager quelques règles de fonctionnement pour ce qui est du financement de cette société qui pourrait vendre les résultats de ses travaux sous forme de droits de coupe, selon ses prix de revient. Les établissements de transformation pourront acheter ces droits en fonction de leurs besoins à court et à moyen terme et ce système mettra fin aux concessions. Ce principe permet d'instaurer une plus grande efficacité économique et représentera un pas vers le rétablissement d'une certaine forme d'efficacité dans l'attribution des ressources forestières.

Troisièmement, les plantations se feront dans la recherche d'un équilibre entre les besoins potentiels des différents secteurs de transformation et en fonction des besoins de l'utilisation.

À court terme, comme les forêts de résineux sont constituées à 58 % de peuplements mûrs, des travaux d'aménagement auront des impacts positifs, car ils permettront d'y augmenter la récolte immédiatement.

À long terme, cette société fera l'équilibre entre la récolte telle que pratiquée par les utilisateurs et l'aménagement dont la responsabilité incomberait au gouvernement. Les frais de bureaucratie publics et privés seront réduits. Il y aura réduction des frais entraînés par les procédures actuelles pour l'obtention d'allocations. Une rationalisation des allocations se fera sur la base des coûts de transport. Enfin, cette société serait responsable d'assurer la vocation multifonctionnelle de la forêt.

Je passe aux conclusions. Le financement, on pourra en reparler. La forêt, ressource collective. L'expérience montre que l'exploitation de la forêt requiert un contrôle

public et un organisme responsable de son application devant l'État afin d'assurer l'aménagement de la forêt et une allocation rationnelle de la ressource. Nous ne croyons pas que la forêt puisse continuer à être soumise aux aléas des pressions politiques. L'avant-projet de loi ne va pas dans ce sens, tant en ce qui concerne la notion du contrôle que celle d'une bonne gestion éventuelle de la forêt. Sans une solution adéquate à ces deux problèmes, l'exploitation rationnelle et le développement de la qualité de la forêt ne seront jamais assurés.

Compte tenu de l'urgence de la situation, cet avant-projet de loi ne peut être considéré comme un outil valable pour faire face aux tâches requises pour le redressement de la situation dans la forêt. Le but de la politique gouvernementale doit être de rétablir le contrôle public sur le patrimoine forestier et de fournir la garantie à l'industrie que la ressource forestière sera disponible à un prix compétitif. Cet avant-projet de loi ne nous offre pas les garanties suffisantes que les producteurs vont faire les travaux qui s'imposent. C'est à l'État de s'assurer de la remise en production de la forêt.

En ce sens, nous nous opposons catégoriquement à la poursuite des pourparlers de vente des actifs de REXFOR avant que ne soit déterminée la nouvelle politique forestière qui devrait mieux définir le rôle de l'État dans ce secteur névralgique. Il est tout à fait prématuré de nous priver des faibles instruments collectifs, comme REXFOR, que nous possédons dans ce secteur, ce qui renforcerait la position des papetières qui n'ont jamais pu garantir à long terme la viabilité de la ressource forestière.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Daoust. Avant de céder la parole au ministre, je tiens à vous remercier de votre collaboration pour la présentation du mémoire. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, M. le Président. M. Daoust, soyez le bienvenu, ainsi que votre équipe, à cette commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur les forêts. Évidemment, vous nous présentez un mémoire intéressant que l'on a passé rapidement. Nous n'avons pas eu le temps d'y réfléchir tellement, mais, tout de même, on va essayer de se parler et de discuter de certaines de vos propositions.

Quand vous parlez de Kruger à Trois-Rivières, je ne suis pas au courant. Lorsqu'en 1973, Kruger a acheté l'usine désaffectée ou abandonnée par Domtar, cette compagnie était absolument au courant des garanties d'approvisionnement qu'elle pouvait obtenir. Est-ce que c'est le cas, M. Daoust?

Le Président (M. Cusano): M. Daoust.

M. Daoust: Peut-être que je pourrais faire appel à M. Jean Martin ou à...

Une voix: Oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Elle était absolument au courant. Kruger a investi et elle n'a pas été trompée sur la question des approvisionnements.

M. Martel (Yvon): Oui, sauf que plus tard, au cours des années, ce producteur a perdu une partie de ses approvisionnements, de ses concessions en Abitibi. On a offert, comme solution alternative, de les refouler quelque 250 kilomètres plus loin, ce qui est leur source actuelle, soit à 645 kilomètres.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Un autre syndicat est venu nous parler du problème de Kruger à Brompton. Les gens de Kruger, avec l'autre syndicat, sont venus nous rencontrer pour nous demander de leur accorder des concessions forestières - c'est le terme qu'on a employé - plus près de l'usine alors qu'on sait que dans les Cantons de l'Est, ce n'est pas facile de trouver des secteurs publics disponibles, parce que c'est majoritairement un secteur privé. Évidemment, on ne peut pas donner ce qu'on n'a pas. Dans le temps, c'était peut-être convenu et Kruger a investi en sachant fort bien qu'il n'y avait pas de concessions forestières ou de garanties d'approvisionnement disponibles près de Trois-Rivières. Remarquez bien que je réalise que la compagnie Kruger a investi énormément au Québec depuis qu'elle a acheté en tout premier l'usine de Brompton. Ses investissements sont remarquables, mais encore une fois, quand je pense au secteur des Cantons de l'Est ou du Saint-Maurice, on ne peut pas accorder ce qu'on n'a pas.

Ce que vous souhaitez dans votre mémoire, c'est que, lors de la révision des allocations, on tienne compte de la proximité des usines, c'est cela?

M. Martin (Jean): Exactement, M. le ministre. Quant à nous, dans la région immédiate de la Mauricie où est située l'usine de Kruger, s'il y avait une politique plus rationnelle de redistribution de la forêt, à ce moment-là, cela n'aurait que des effets bénéfiques pour le centre du Québec. Par exemple, tout le monde est au courant dans cette région-là qu'on a un investissement potentiel d'environ 500 000 000 $ pour la construction d'une machine à papier; les fondations, la machinerie et les investissements potentiels sont là. La seule raison pour laquelle cette machine à papier n'est pas en construction actuellement et éventuellement en service, c'est qu'on n'a

pas d'approvisionnement en bois. Sauf qu'actuellement on s'expose à ce que cette machine s'en aille carrément chez nos voisins de l'Est, dans la province de Terre-Neuve, parce que là, on a du bois dans la cour de l'usine, comme on le dit dans le mémoire.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Actuellement, nous avons des demandes au ministère pour au-delà de 5 000 000 de mètres cubes de bois, alors qu'on en a déjà alloué 31 000 000 de mètres cubes et que la possibilité reconnue en résineux, sapin, épinette et pin gris est de 18 000 000 de mètres cubes de bois. Vous voyez le problème. C'est pour vous dire... J'ai l'habitude de dire à ceux qui demandent des augmentations ou qui veulent avoir davantage de bois: Si la forêt peut le fournir, je n'ai pas de problème. C'est aussi le cas de Kruger, si la forêt peut le fournir. Mais lorsqu'on fera une révision des territoires devant être attribués à des établissements, c'est sûr que, si on peut l'accommoder, on va faire tout notre possible pour trouver quelque chose. Soyez assurés de cela. C'est notre intention d'essayer de rapprocher la forêt des usines, s'il y a un moyen.

Dans le cas de Bellerive Ka'n'Enda, je vous dirai que, quand REXFOR a acheté cette compagnie, c'est avec l'intention d'avoir une présence dans le déroulage, dans le "veneer". REXFOR aussi était au courant, par le Dr Lachapelle, des garanties d'approvisionnement qu'il y avait là. Elles sont encore là, sauf que, dans le territoire ou dans le secteur d'approvisionnement qui lui est réservé, elle ne trouve pas le bois de qualité qu'elle espérait trouver. Encore là, cela ne fait pas pousser les arbres, un investissement dans une usine. Si elle était là, nous serions bien heureux, nous aussi.

Si j'ai endossé la venue de MDF à Mont-Laurier, c'est justement parce que j'espère qu'avec cette usine de panneaux qui va utiliser du bois impropre au déroulage et au sciage on va pouvoir parcourir plus de terrain en forêt et peut-être l'aménager de façon plus adéquate. Cela donnera peut-être la chance à Bellerive Ka'n'Enda de trouver le volume nécessaire pour se rentabiliser un peu. Je dois vous dire que REXFOR, depuis qu'elle a acheté Bellerive Ka'n'Enda, a perdu, en moyenne, 1 500 000 $ par année. REXFOR ne pouvait pas continuer dans cette même foulée, mais son intention est d'ouvrir Bellerive Ka'n'Enda aussitôt que l'usine MDF sera en opération, ou un peu avant. C'est pourquoi j'ai soutenu la venue de MDF à Mont-Laurier, même s'il y avait des choses à régler en sus du décret du 27 novembre 1985, à savoir qu'il y avait un problème d'infrastructure, de subvention "in sight" qui n'était pas prévu. C'était un problème de 2 500 000 $ et on a dit: Tu régleras ce problème à même ton budget. Est-ce que cela vous satisfait? C'est un peu ce que j'ai dit à Mont-Laurier quand j'y suis allé.

M. Cloutier (Louis-Marie): Ce que l'on souligne, M. le ministre, à la page 8, c'est la situation aberrante que l'on retrouve dans ce cas particulier. D'accord, REXFOR a pris cela, sachant ce qu'elle avait comme droits de coupe. Dans les droits de coupe qui lui sont alloués, elle en a seulement 7000 mètres cubes. On sait que, pour REXFOR, ce n'est pas un problème de rentabilité, c'est un problème d'approvisionnement. Comme je le disais tantôt, ce que l'on trouve aberrant, c'est que l'on vient chercher le bois dans cette région particulière, dans la cour de cette usine, pour s'en aller à 300 et à 400 kilomètres de là. C'est cette politique qui fait que l'usine de Mont-Laurier est fermée. Ce n'est pas un problème de rentabilité.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Oui, mais les approvisionnements destinés à Gatineau...

M. Cloutier: Oui.

M. Côté (Rivière-du-Loup): ...étaient déjà là lorsque C1P gérait l'usine de Gatineau. Cela a été transféré au nouveau propriétaire, j'imagine.

M. Cloutier: Oui, ils étaient là, excepté que l'usine fonctionnait.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Ce n'était pas du nouveau, cela.

M. Cloutier: Mais, depuis juillet dernier, l'usine est fermée. Il y a là une situation nouvelle.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bellerive Ka'n'Enda fonctionnait, oui.

M. Cloutier: C'est cela, le placage aussi, tout fonctionnait. Mais là, c'est fermé. Il y a 225 travailleurs qui sont en chômage. Ces personnes se disent qu'il est complètement illogique de voir les "vans" de bois passer en avant sur le boulevard à Mont-Laurier et s'en aller à 400 kilomètres de là.

M. Côté (Rivîère-du-Loup): Oui, mais REXFOR a reçu les mêmes approvisionnements que du temps du Dr Lachapelle, à Bellerive Ka'n'Enda. L'usine de Gatineau, qui appartenait à CIP dans le temps, qui est devenue Les Placages de l'Outaouais, avait les mêmes approvisionnements qu'aujourd'hui, non?

M. Cloutier: Ce qu'elle avait comme approvisionnement il y a trois ans, il y a quatre ans, il y a cinq ans, je ne le sais pas. Les politiques changent. Il y a des droits de coupe. Bellerive Ka'n'Enda, au moment où

l'on se parle, a un droit d'approvisionnement de 12 000 mètres cubes. Si elle avait 12 000 mètres cubes effectivement, ce serait bon, cela fonctionnerait et les gens travailleraient, mais elle n'a pas cela. Dans le territoire qu'on lui a alloué, elle ne peut pas récupérer 12 000 mètres cubes de bois.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est le même territoire que du temps du Dr Lachapelle.

M. Cloutier: Écoutez, il faudrait que j'entre dans les problèmes politiques...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Bien non.

M. Cloutier: ...qui peuvent exister dans le coin et je ne voudrais pas jouer là-dedans.

M. Côté (Rïvière-du-Loup): Cela n'améliore pas la qualité des arbres quand il y a changement de propriétaire, vous savez.

M. Cloutier: Dépendant des territoires que l'on donne.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est le même territoire. On aurait peut-être dû l'examiner attentivement avant.

M. Cloutier: Ce que l'on veut soulever ici, M. le ministre...

M. Côté (Rivière-du-Loup): II y a du bois qui va à l'extérieur, c'est sûr. (18 heures)

M. Cloutier: ...c'est qu'il y a une nouvelle politique forestière qui vient. On veut soulever des faits aberrants qui font que l'on va chercher du bois dans la cour d'une usine fermée qui appartient au gouvernement ou à REXFOR, pour l'amener à 400 kilomètres de là. Cela, c'est aberrant, c'est illogique. Cela me fait penser quand, il y a sept ou huit ans, on descendait le poisson de Montréal pour le vendre en Gaspésie, l'hiver.

M. Côté (Rivière-du-Loup): C'est comme du bois de MacLaren qui va à Mégantic. Il y a un an, on a dit à Mégantic Manufacturing; Si vous ouvrez votre usine dans un tel délai, vos approvisionnements sont toujours là. Cet été, elle a décidé d'ouvrir. C'est un engagement qui était pris depuis un an à savoir que Mégantic s'approvisionnait chez MacLaren avant et elle s'approvisionne encore là parce qu'elle a ouvert ses portes. Elle a répondu à une des conditions du ministère.

M. Cloutier: Mais le gouvernement a toléré.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je ne trouve pas ça diable, non plus; je ne vous dis pas que c'est correct, mais je vous l'explique.

M. Cloutier: Le gouvernement a toléré que son usine ferme et qu'on en ouvre une autre, même si des engagements avaient...

M. Côté (Rivière-du-Loup): Non, elle n'en a pas ouvert d'autre, sauf que, si on avait voulu que ça aille ailleurs, cela n'aurait pas été plus logique. On a dit non, c'est la condition qui a été posée il y a plus d'un an, ou deux ans. C'est pourquoi, l'été dernier, Mégantic a décidé d'ouvrir son usine pour se conformer à la condition que le ministère lui avait posée. Sinon, elle aurait perdu son approvisionnement, et là on aurait pu le distribuer parce qu'il l'avait déjà été.

M. Cloutier: Sur ce point, personnellement, je prends ce que vous dites. Mais une chose est claire, c'est que, les travailleurs impliqués et les personnes résidant dans la région, je ne suis pas sûr qu'ils vont tolérer cette situation éternellement.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je sais bien.

M. Cloutier: À un moment donné, quand la population en a assez, elle réagit, et je pense qu'elle va réagir.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je comprends votre point de vue mais je vous donne les explications qu'on m'a données lorsque je suis arrivé au ministère, remarquez bien.

M. Cloutier: Les choses aberrantes, je pense que vous avez les moyens de les régler ou de les corriger.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je voudrais revenir, M. Daoust, sur vos recommandations concernant la proposition de la FTQ, soit les deux moyens que vous proposez. Évidemment, on n'a pas eu le temps de réfléchir sur ces deux moyens, mais je le ferai certainement, soyez-en assuré. Vous proposez un poste de protecteur de la forêt de façon à le soustraire aux pressions politiques. Est-ce que ce poste de protecteur de la forêt est étanche à ce point qu'il ne subit aucune pression politique ni de la part de l'industrie, ni de la part des syndicats?

M. Daoust: Je pense que le pouvoir des papetières et de l'industrie est autrement plus lourd que celui des syndicats dans ce domaine. Somme toute, il s'agit de trouver un moyen de soustraire le ministre à l'influence des papetières ou à d'autres influences, si vous voulez, influences de nature politique, le soustraire de ces poids pour confier la responsabilité à quelqu'un qui sera dégagé de toutes ces contingences dans

lesquelles on vit quand on est un homme politique, et même un gouvernement. Quel que soit le nom qu'on lui donne, protecteur de la forêt ou gestionnaire de la forêt, nous souhaitons que quelqu'un soit muni et nanti des pouvoirs indispensables pour éviter qu'il y ait dilapidation des biens publics.

Nous avons pensé à cette formule qui n'a rien d'original puisque, déjà, une commission d'enquête fait sien ce type de recommandation comme étant à peu près le seul moyen qui empêcherait les intérêts de toutes sortes de peser de tout leur poids sur les décideurs politiques, quelqu'un qui soit responsable à l'Assemblée nationale, mais dégagé de toutes ces pressions et qui puisse arbitrer adéquatement les conflits. Je pense qu'on peut donner toutes sortes d'exemples. Les ministres sont des députés qui viennent de telle ou telle circonscription électorale. La forêt est partout au Québec. À moins qu'on soit un député d'une région fortement urbanisée, quand on est un député, on est sensible aux pressions de toutes sortes qui viennent du milieu.

Cela peut être la population, ce n'est pas anormal, cela peut être les syndicats, c'est dans l'ordre normal des choses quand ils représentent les travailleurs et les travailleuses de telle ou telle usine, et ça peut être les compagnies, et ce n'est pas anormal non plus. Mais il ne faut pas non plus sombrer dans les pressions des papetières qui sont immenses, on le sait tous, et faire en sorte que les hommes politiques et même le ministre, qui est un des décideurs dans ce domaine, et le Conseil des ministres soient obligés à certains moments de se plier aux diktats de ceux qui ont les pouvoirs économiques et qui ont les moyens de les exercer sur le plan politique. C'est pour cela qu'on parle d'un protecteur de la forêt. On ne décrit pas son rôle de façon précise, mais on estime qu'il serait muni d'une plus grande autonomie, ce qui lui permettrait de défendre, comme on le dit dans notre mémoire, les intérêts à long terme de ceux qui se préoccupent de ce problème.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Je trouve cela intéressant, M. Daoust, parce que j'ai vécu et j'ai vu des pressions exercées sur des ministres. Comme vous le dites, c'est vrai, c'est un fait. Je me demandais s'il n'y avait pas un moyen de le soustraire à ces pressions et lui donner l'appui même de l'Assemblée nationale, étant donné qu'on parle d'un patrimoine collectif, du patrimoine forestier. Je trouve cela intéressant. Je ne vous dis pas que... Je me suis informé depuis quelques mois. On m'a dit que cela sera lourd, que cela sera difficile. Je trouve cela intéressant, parce qu'on parle du bien de tout le monde et il faut que tout le monde en ait connaissance.

M. Daoust: Oui. Cela permettrait une plus grande transparence dans les décisions qui sont prises et qui devraient être justifiées inévitablement. Ce protecteur de la forêt, ou quel que soit le nom qu'on lui donnerait éventuellement, encore une fois, serait responsable à l'Assemblée nationale des gestes qu'il pose et devrait justifier ses décisions, mettre en place un tas de mécanismes pour permettre à la population, aux différents groupes, quels qu'ils soient, de s'exprimer. Ses décisions seraient donc dégagées, encore une fois, de toute influence politique dans le sens qu'on l'a exprimé dans notre mémoire et que j'ai mentionné un peu plus tôt. C'est un mécanisme, c'est une structure, c'est une institution à mettre sur pied mais qui permettrait, à notre sens, d'arriver aux fins que, collectivement, on souhaite tous.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Quand vous parlez de la création d'une société d'État de la sylviculture, est-ce que cela ne pourrait pas être le rôle de REXFOR plutôt qu'un rôle d'investisseur, comme on en a fait depuis quelques années?

M. Daoust: Vous savez que nous ne souhaitons pas que le rôle de REXFOR soit amoindri, que cette société d'État soit vidée de son mandat et vouée à une disparition en douce. Nos positions sont connues là-dessus. Quand on parle d'une société qui s'occuperait de la sylviculture, en principe, il ne peut pas y avoir d'objections à ce que ce soit REXFOR, mais il faudrait bien dégager les mandats pour ne pas qu'il y ait de contradictions ou de conflits d'intérêts entre certains des rôles assumés par REXFOR et le rôle qu'on voudrait voir assumer par une société d'État de ce type. Somme toute, on veut faire une distinction très nette entre la forêt qui doit continuer potentiellement à fournir les produits aux utilisateurs et les utilisateurs de cette dernière. On trouve qu'il y a là une espèce de conflit d'intérêts quand les grands utilisateurs sont en même temps responsables de l'avenir de la forêt. II y a toutes sortes d'exemples qu'on peut donner qui justifient notre position là-dessus et qui nous convainquent qu'il faut absolument que ces deux fonctions soient nettement distinguées. La forêt, propriété collective des Québécois, doit être gérée de façon très rationnelle et de façon qu'elle puisse fournir les produits à ceux qui l'utilisent. Mais on voit carrément une contradiction - je pense qu'on le souligne dans notre mémoire - dans le rôle actuel des utilisateurs qui sont en même temps responsables de l'avenir de la forêt et cela nous semble une situation inacceptable.

M. Côté (Rivière-du-Loup): J'aimerais prolonger, mais on m'avise que mon temps

est écoulé. Je ne vois pas de contradiction dans le fait que l'État demeure responsable, étant donné qu'il est propriétaire, et qu'il fasse exécuter les travaux d'aménagement en forêt, peu importe par qui, pour autant qu'il s'assure des résultats et que les objectifs soient atteints. Là-dessus, j'ai terminé.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je tiens à saluer personnellement M. Daoust que je connais depuis de nombreuses années. Et, au nom des membres de l'Opposition qui siègent à cette commission parlementaire, je voudrais aussi ie saluer ainsi que ses collègues qui l'accompagnent.

M. le Président, je trouve très intéressants les deux sujets qui ont été apportés par la FTQ. Bien sûr que, mises à part les deux recommandations qui ont été faîtes, vous me permettrez sûrement, M. Daoust, de poser des question en à côté de votre mémoire, à la suite de ce que nous avons entendu de certains organismes, sans pour autant vous imposer l'obligation de répondre si vous n'avez pas étudié la question.

D'abord, la chose qu'on a entendue à peu près de tout le monde ici - je pense que personne n'a dit le contraire - c'est que la forêt fait partie intégrante de notre patrimoine collectif en tant que Québécois et Québécoises et constitue l'une de nos plus importantes ressources naturelles, périssable mais renouvelable si on s'en occupe. J'admets d'emblée aussi qu'au cours des décennies les gouvernements qui se sont succédé, peu importe lesquels, n'ont peut-être pas apporté l'attention qu'ils auraient dû apporter à ce patrimoine forestier et collectif dont vous parlez.

Lorsque vous parlez d'une politique forestière, vous connaissez sûrement nos positions sur l'avant-projet de loi qui a été déposé. Je ne vous demanderai pas aujourd'hui de prendre position sur chacun des 113 articles de cet avant-projet de loi. Cependant, quelques articles soulèvent des points drôlement importants pour la collectivité du Québec.

Ma première question: Etes-vous d'accord avec l'abolition des concessions forestières telles qu'elles existent actuellement pour permettre une réallocation des bois, en rapport avec la moyenne des cinq dernières années? Je voudrais que vous parliez surtout des cinq dernières années. Êtes-vous pour cette position quant à la moyenne des cinq dernières années?

M. Daoust: À l'égard de la première partie de votre question, notre position est très claire, nous sommes pour l'abolition des concessions forestières. Cela est très précis. C'est pour cela que nous revenons inévitablement à cette proposition d'un organisme quelconque - on l'appellera comme on voudra qui puisse être doté de toute l'indépendance voulue pour disposer des demandes qui lui sont faites, tenant compte du bien commun.

La deuxième partie de votre question est un peu plus technique pour moi, je ne sais pas si d'autres peuvent la commenter. Est-ce qu'on devrait se baser sur ce qui a été fait depuis les cinq dernières années? Cela devient un peu plus complexe, mais si on revient à notre position de départ, dès qu'on aura un organisme, une institution, une personne dont le mandat, le rôle et la légitimité seraient consignés dans des textes de loi, cet organisme pourrait disposer des demandes qui lui sont faites en tenant compte, évidemment, des précédents et d'un tas de réalités extrêmement complexes qui ne lui échapperaient pas, étant donné que sans aucun doute cette personne ou cet organisme aurait à sa disposition tous les faits, toutes les statistiques, toutes Les données qui lui permettraient de prendre des décisions.

Je ne sais pas si d'autres veulent commenter le problème des cinq dernières années?

M. Martel: Je pense que cette deuxième question est le pendant direct de la première question. Si on doit abolir les concessions forestières tel qu'on les connaît dans le moment, oui, on est aussi d'accord pour que cela soit fait selon le vécu des cinq dernières années et révisé par la suite périodiquement, selon ce que la FTQ et ses syndicats affiliés proposent et qui serait sous la gouverne dudit protecteur de la forêt. (18 h 15)

M. Perron: D'accord. Merci de votre réponse. Je pense qu'elle est assez claire concernant les cinq dernières années.

M. Daoust, vous avez parlé... Avant de revenir à la société que vous mentionnez, je voudrais vous demander votre opinion en tant qu'entité syndicale sur la création d'un conseil permanent de la forêt qui regrouperait l'ensemble des instances forestières, incluant les syndicats, et qui procéderait à recommander au gouvernement, toujours dans le cadre du livre blanc, les façons d'agir dans tel ou tel dossier, que ce soit l'approvisionnement, que ce soit dans le domaine des coupes, des permis de coupe, ou autres.

M. Daoust: Oui. Vous connaissez notre position à l'égard de nombreux conseils et comités que les gouvernements précédents ont mis sur pied.

M. Perron: C'est pour cela que je vous pose la question.

M. Daoust: Et qui ont permis aux citoyens et aux groupes, à ceux qui étaient directement visés par tel ou tel type de législation ou telle ou telle réglementation, de faire valoir leur point de vue. Je ne ferai pas I'enumeration de tous ces organismes. Nos positions sont connues. Nous souhaitons le maintien de la plupart des organismes qui ont été mis sur pied au Québec depuis de nombreuses années puisqu'ils permettent véritablement que le débat public puisse s'engager et qu'ils évitent des formes de lobbying privés qui sont néfastes, dans bien des cas, puisqu'ils se font de façon clandestine dans certains cas et, dans d'autres cas, de façon plus ou moins correcte. Que les groupes, quels qu'ils soient, puissent autour d'une même table exprimer leur point de vue ponctuellement sur des projets qui font l'objet de réflexions gouvernementales, puissent dégager des orientations qui sont les leurs, puissent procéder à des consensus quand c'est possible, voilà un type de recommandation que nous appuyons fortement, que nous avons vécu et que nous vivons encore au Québec et qui donne des résultats.

Alors, qu'on trouve un lieu quelque part qui permettrait à tous ceux qui sont intéressés par l'avenir de la forêt au Québec de pouvoir s'exprimer, examiner la situation, émettre des avis et tout ce qui en découle et procéder à des échanges de vues entre eux, cela ne peut être que sain sur le plan de la vie démocratique dans notre société. S'il y avait un comité quelconque, un conseil quelconque ou un lieu quelconque qui permettrait aux intéressés de s'exprimer, cela ne ferait que renforcer, à notre sens, la nécessité qu'en un autre lieu il y ait un arbitrage qui puisse se faire et des décisions qui puissent se prendre, dégagées des contingences politiques qui sont celles de n'importe quel gouvernement, avec des balises évidemment. On ne peut pas entrer dans tous les détails, mais ce type d'organisme ou d'homme ou de personne qu'on a appelé dans notre mémoire le protecteur de la forêt, que ce dernier puisse s'appuyer sur un comité, un conseil de nature consultative ne ferait qu'ajouter, à notre sens, à des prises de décision qui seraient fort valables.

M. Perron: Merci, M. Daoust. Maintenant, je voudrais passer directement à la page 17 de votre mémoire concernant le protecteur de la forêt. C'est sûr que les deux points que vous recommandez sont extrêmement reliés, d'après ce que j'ai pu voir, avec ce que vous mentionnez en haut de la page, premièrement, sauver la forêt immédiatement et la protéger pour l'avenir afin d'assurer une ressource à prix compétitif et, deuxièmement, créer des emplois. Je pense que tout cela est interrelié.

Je vous avoue honnêtement que ce que vous soulevez, ce que vous avez comme approche en rapport avec la création d'un poste de protecteur de la forêt, c'est tout à fait nouveau. C'est la première fois qu'on en parle depuis deux semaines au cours de cette commission parlementaire. Cela fait dix ans que je suis en politique et c'est la première fois que j'en entends parler et je trouve cela très intéressant. Quant à vous dire aujourd'hui si je vous répondrais oui ou non à la création de ce poste, je pense qu'il faudrait avoir des informations additionnelles quant à ses pouvoirs réels, quant aux mandats qu'il pourrait recevoir, quant à un ensemble de choses à cause de la complexité de tout le système forestier que nous avons au Québec actuellement et de tout ce que nous devrons avoir à l'avenir pour protéger, aménager, etc.

La question que je vous pose en rapport avec ce poste de protecteur de la forêt est celle-ci: Est-ce que vous pourriez nous expliquer en gros quels pourraient être ses pouvoirs face à l'appareil politique que nous représentons? Bien sûr que je comprends très bien ce que vous avez dit en rapport avec les pressions qui très souvent sont énormes autant envers les députés qu'envers les ministres, selon le cas que nous avons devant nous; les pressions sont fortes et elles viennent d'à peu près toutes les directions. Quels seraient les pouvoirs réels pour satisfaire aux objectifs que vous visez en rapport avec la création de ce poste? C'est assez...

M. Daoust: Vous avez raison, M. le député, de rappeler et de souligner les pressions énormes qui sont faites sur l'ensemble de la députation et particulièrement les députés les plus touchés par les décisions dans le domaine forestier. On l'indique dans notre mémoire. Il y a 57 compagnies papetières en cause. Il y a 645 scieries commerciales, 114 municipalités, 75 000 travailleurs, 225 000 emplois directs et indirects qui en découlent. On voit que c'est l'ensemble du Québec qui bouge quand on touche à la forêt.

Le mandat qu'on pourrait imaginer rapidement, ce serait de permettre à cette personne, qui serait appuyée par une équipe de gens qui connaissent toutes les complexités du secteur et une équipe inévitablement multidisciplinaire qui aurait accès à toutes les données et qui doterait le Québec d'un lieu qui permettrait aux intervenants de toutes sortes d'appuyer leurs revendications et de les structurer avec beaucoup plus de rigueur que c'est fait à ce moment-ci... Ses mandats, ou son mandat, seraient d'arbitrer les conflits, de disposer

des décisions qui doivent être prises, d'entendre les parties, les revendications de toutes sortes, les demandes qui lui seraient soumises inévitablement et de disposer, de décider, autrement dit, de façon formelle au moment où des demandes lui seraient soumises. Je ne veux pas aller dans tous les détails. On peut imaginer d'autres types d'institutions semblables qui existent sans aucun doute dans d'autres pays et peut-être ici même au Canada et au Québec.

De temps à autre, on nous a souligné le rôle du Vérificateur général. Je ne veux pas faire d'analogie, c'est extrêmement complexe, mais il y a des gens qui occupent des postes dans notre société, des fonctions gouvernementales et qui sont dégagés de l'influence quotidienne des hommes politiques, que ce soit le président de la Banque du Canada ou le Directeur général des élections. II y a des gens à certains endroits qui relèvent ou de l'Assemblée nationale ou du Parlement du Canada et qui jouissent d'une très grande liberté de manoeuvre, d'une très grande autonomie. On permet à ceux qui détiennent ces postes de prendre des décisions qui ne sont pas colorées par les contingences politiques qui existent dans toutes les sociétés et qui permettent une incroyable transparence.

Si on juxtapose au protecteur de la forêt la création d'un conseil "aviseur" consultatif où se retrouveraient toutes les parties et si on ajoute à tout cela, évidemment, la présence du ministre, du Conseil des ministres et des députés qui ont un rôle à jouer, sans aucun doute, on pourrait voir un type de protecteur du citoyen qui pourrait accomplir des tâches, encore une fois, sans qu'il ne soit influencé par des intérêts inavouables, dans certains cas, mais qui s'expriment malgré tout.

Le Président (M. Cusano): M. Daoust, le temps du côté ministériel étant écoulé, je cède la parole au député de Laviolette.

M. Jolivet: Malgré tout?

Le Président (M. Cusano): Non, le côté ministériel.

M. Jolivet: D'accord. Merci, j'ai eu peur. Merci, M. le Président. J'ai deux commentaires à faire. Il ne nous reste pas beaucoup de temps. Je suis un peu surpris de voir l'attitude de M. le ministre qui semble dire qu'il regarde avec beaucoup d'attention la question du protecteur de la forêt alors qu'il a complètement ignoré le conseil permanent de la forêt qui avait un rôle à jouer qui était un rôle de régulateur, justement.

On doit aussi tenir compte d'une chose. Quand le conseil permanent de la forêt a été proposé, c'était dans un but précis qui était reconnu par le. fait que la politique forestière va déterminer les territoires à venir. On se pose la question suivante. Est-ce que ce sera sur 18 000 000 de mètres cubes, sur les 26 000 000 de mètres cubes prévus ou les 21 000 000 de mètres cubes coupés actuellement? Peu importe. Une chose est certaine, c'est qu'il y aura un partage du territoire. Reconstruit régionalement, ce conseil permanent de la forêt avait pour but de régler les problèmes régionaux. Je suis un peu surpris de voir qu'il semble accorder une attention particulière au protecteur de la forêt. Cela peut être facile, comme vous êtes !e dernier intervenant de l'ensemble de ceux qui ont présenté un mémoire, de nous dire une chose semblable. C'est intéressant de nous le dire, mais je ne suis pas sûr qu'il y aura une réalité à la fin, vu qu'il a refusé le conseil permanent de la forêt.

La raison pour laquelle j'arrive à cela, c'est parce que je voulais parler de Kruger. Je suis très intéressé, aujourd'hui, de voir que la compagnie Kruger a réussi à convaincre deux syndicats de l'appuyer en commission parlementaire, ceux qui travaillent à Brompton et ceux qui travaillent à Trois-Rivières. Cela me surprend, mais je les comprends parce que le seul moyen qu'il reste actuellement, dans le cas du partage, c'est de s'assurer que les travailleurs soient derrière elle pour Taire les pressions qui s'imposent. Quand vous parlez de pressions sur le ministre, vous en faites actuellement aujourd'hui. Je ne sais pas si on devrait avoir un protecteur pour l'empêcher de quelque geste malencontreux. Une chose est certaine, c'est que le nombre de mètres cubes qui sera alloué à cette compagnie dépend de sa localisation. J'en suis conscient: 32 voyages par jour, 24 camions qui font en double l'aller retour de La Tuque, Chibougamau, Trois-Rivières, les gens les connaissent sur la route. Chibougamau-Chapais, excusez-moi, M. le député d'Ungava.

Ce que je veux dire, c'est qu'effectivement il va y avoir un partage nouveau du territoire. Je ne viendrai pas dire aujourd'hui que, comme CIP a ouvert un nouveau territoire sur la rive ouest de La Tuque, peut-être que ce serait un des plans que pourrait avoir, au camp Jean-Pierre ou ailleurs, la compagnie Kruger; ce sera dans les négociations qui doivent se faire. Une chose est certaine si on veut avoir un moyen de répartir cela équitablement, un des moyens qui existent, c'est le conseil permanent de la forêt. Je vous dis cela parce que, effectivement, Kruger est en difficulté quant à son approvisionnement, mais, comme le disait M. le ministre, il faut dire que, dans l'historique où elle était placé, elle savait où elle allait, sauf le problème de révocation de concessions forestières que l'on connaît. Certainement, Kruger fait ses pressions en disant qu'elle en

difficulté pour l'approvisionnement, mais -peut-être que le député d'Ungava pourra en témoigner; il n'a peut-être pas le temps de le faire - il n'y a pas eu beaucoup de coupes dans le coin de Chibougamau-Chapais. Elle est allée s'assurer d'un approvisionnement, dans bien des cas, dans le secteur privé ou avec des ententes avec d'autres et même par bateau. Ce n'est pas seulement par camion et par train qu'elle s'approvisionne, c'est même par bateau.

Dans ce contexte, il est évident qu'il va falloir que l'on s'assoie pour regarder attentivement le portrait régional. Je vais terminer en vous disant que je trouve malheureux que le ministre semble vouloir dire: Oui, d'accord, c'est une bonne idée, on regardera cela, mais c'est difficile d'ajuster le protecteur de la forêt alors que, du revers de la main, il a enlevé le conseil permanent de la forêt qui avait pour but de régler ces problèmes et de discuter, avec tous les gens qui auront des allocations, du partage nouveau des bois. C'est plutôt un commentaire.

Le Président (M. Cusano): Merci. Est-ce que vous avez un commentaire à faire, M. Daoust? Il vous reste une minute. Il n'y a pas de commentaire, alors je cède la parole au député de Duplessis. (18 h 30)

M. Perron: J'ai une question à soulever. À la page 18 de votre mémoire, vous écrivez: Cependant, pour donner au protecteur des moyens pratiques de réaliser son mandat, nous proposons la création d'une société d'État de la sylviculture. Pourriez-vous me dire quelles seraient les relations entre la société en question et le protecteur de la forêt puisque vous avez mentionné cette première phrase au début? On voit une relation entre la recommandation 1 et la recommandation 2.

M. Daoust: Oui, dans la deuxième recommandation, qui est aussi fondamentale pour noua - on le mentionne dans le mémoire - c'est de séparer la responsabilité de couper les arbres de celle de les faire repousser. Nous estimons que c'est fondamental qu'il y ait vraiment une démarcation très nette entre ces deux rôles fondamentaux. D'un côté, on les utilise et, de l'autre, on s'occupe de les faire repousser. Lorsque ce sont les mêmes personnes, l'histoire le prouve depuis toujours au Québec, on estime qu'il y a des difficultés quasiment insurmontables qui peuvent éventuellement mettre en péril la forêt du Québec. Alors, une société d'État de la sylviculture dotée de ces pouvoirs et de ce rôle, avec tout ce que cela peut impliquer d'explicitations, permettrait au Québec de reprendre véritablement la mainmise sur sa forêt qui est publique au point de vue propriété, mais privée assez souvent dans son exploitation. Alors, ces deux rôles étant définis, d'un côté, on s'occupe 'de la forêt pour faire repousser les arbres et, de l'autre, on cède telle ou telle partie de la forêt à ses utilisateurs. Cela donnerait au protecteur de la forêt une vue d'ensemble et un partage des tâches qui nous sortiraient peut-être du fouillis dans lequel on s'est tous plongés depuis de nombreuses années.

Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup. M. le député de Duplessis, vos remarques de fin d'intervention.

M. Perron: M. le Président, avant de remercier les représentants de la FTQ, je voudrais souligner certains engagements que j'ai pris en tant que critique de l'Opposition en matière forestière, et en particulier aujourd'hui. Il est sûr que dans les prochains jours je vais écrire au président de la commission de l'économie et du travail afin que les membres de cette commission se réunissent en séance de travail pour regarder de très près les possibilités pour un mandat d'initiative de la commission de l'économie et du travail afin d'entendre des personnes et des groupes sur les conditions de travail et de vie des travailleurs forestiers ainsi que sur les conditions des travailleurs et des travailleuses dans le domaine du reboisement. Cela est un premier engagement. Le deuxième engagement, c'est de faire en sorte que - il va falloir qu'on fasse toutes les pressions qui s'imposent auprès du leader du gouvernement et auprès des ministériels -siège une commission parlementaire itinérante lorsque le projet de loi définitif du gouvernement sur la forêt collective du Québec sera déposé à l'Assemblée nationale dans le but précis d'entendre ce qu'ont à dire les gens des régions. Tout le monde sait qu'on a entendu très peu de commentaires des gens des régions à cette commission parlementaire, et pour cause. Je tiens fortement à vous souligner que quant à nous il y a un profond désaccord entre l'Opposition et le gouvernement sur le temps qui a été alloué pour entendre des mémoires, lors de cette commission, parce que, justement, cette commission avait pour but d'entendre ce qu'avaient à dire les gens et les organismes concernant une propriété collective qui s'appelle notre forêt québécoise.

M. le Président, je voudrais terminer en vous demandant...

Le Président (M. Cusano): M. le député, j'aimerais seulement...

M. Perron: Oui, je termine, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Un instant, je vous ai demandé de faire vos remarques. Une fois qu'on aura remercié les gens qui sont ici, vous aurez l'occasion de faire un discours de fin de travaux.

M. Perron: M. le Président, je m'excuse. Après ce qu'on a vécu à cette commission parlementaire, je n'ai pas l'intention de revenir par la suite. J'aurais plutôt aimé poser des questions aux représentants et représentantes qui se sont présentés devant nous plutôt que de faire des commentaires à la fin. Les commentaires que je viens de faire, ils demeurent, je les maintiens.

M. le Président, je termine en remerciant M. Daoust lui-même, qui a pris la peine de se déplacer pour venir ici-aujourd'hui en tant que représentant de la FTQ, ainsi que les personnes qui l'accompagnent et, enfin, tous les représentants et toutes les représentantes des organismes qui se sont présentés devant nous au cours de ces six journées que nous avons eues pour entendre ce qu'ils et ce qu'elles avaient à dire. Merci à vous, M. Daoust, et à votre équipe. On se souhaite, je crois, mutuellement bonne chance pour atteindre les fins que nous nous sommes proposées envers la protection de notre forêt québécoise et sa meilleure utilisation. Merci.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Duplessis. M. le ministre, votre remerciement, s'il vous plaît.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, MM. les membres de la FTQ, j'aimerais revenir... On voit peut-être d'une façon différente, mais à mon avis, actuellement et dans le passé, la récolte et l'aménagement ont été exécutés séparément; et vous nous dites que le contraire s'est produit. Je crois que ces deux activités sont intimement liées pour autant que l'État propriétaire fixe les objectifs sylvicoles à atteindre et qu'il s'assure de leur réalisation. J'aimerais que vous réfléchissiez sur cela, parce que je crois que c'est de même que cela s'est passé au Québec depuis de nombreuses années. C'est là ma perception. Je suis peut-être dans l'erreur, mais c'est ma perception. L'État s'engageait à faire l'aménagement, et la récolte était faite par d'autres. C'était séparé dans le passé, et on voulait encore le séparer. Cela n'a pas donné de résultats heureux.

De toute façon, je tiens à vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Vous notez dans ce mémoire des commentaires et des recommandations fort intéressants qui nous font réfléchir. Soyez assurés que si c'est possible on se reverra pour en discuter de façon à pouvoir l'insérer dans le projet de loi qu'on a l'Intention de déposer prochainement. Je vous remercie de votre intérêt à la cause forestière et à la cause de vos membres. L'activité forestière dépend d'une foule de travailleurs, comme vous l'avez signalé dans votre mémoire, mais c'est aussi une intervention qui va tenir compte des autres activités en forêt, soit la récréation et l'environnement. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Cusano): Merci beaucoup, M. le ministre. À mon tour, j'aimerais vous remercier, M. Daoust, pour votre collaboration ainsi que vos collègues qui vous accompagnent de la Fédération des travailleurs du Québec. À ce moment, j'aimerais demander s'il y a des remarques finales de la part de l'Opposition.

M. Perron: M. le Président, juste une remarque, puisque j'en ai faites tout au cours de cette commission sur d'autres sujets. Je voudrais remercier, bien sûr, mes collègues de l'Opposition, qui, au cours de ces six jours de commission parlementaire, m'ont appuyé et pour la bonne connaissance de leur dossier, contrairement à l'ensemble des ministériels que nous avons en face de nous.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Duplessis. M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, tout au long des dernières semaines, nous avons eu l'occasion d'entendre des commentaires et des suggestions autour de l'avant-projet de loi sur les forêts. Au cours de ces présentations, j'ai eu l'occasion, avec mes collègues du parti gouvernemental et de l'Opposition évidemment, d'échanger des idées et des opinions avec des intervenants publics intéressés de près à ce que nous avons l'intention de faire au chapitre de la réforme de la gestion forestière du Québec.

Qu'il me soit d'abord permis de remercier et de féliciter chacun des intervenants pour la qualité et la diversité des interventions faites devant cette commission. Le but de l'exercice consistait à recueillir le plus large éventail possible d'opinions externes permettant de valider ou de bonifier l'avant-projet de loi sur les forêts. En somme, l'objectif de cette commission visait à obtenir, de la part des différents intervenants impliqués dans le secteur forestier, les commentaires, les propositions et les avis me permettant de parvenir à la proposition d'une définition du meilleur régime forestier possible pour le Québec.

Dans cette optique, mes collègues de la commission ont eu à démontrer une ouverture d'esprit exceptionnelle et je les en remercie. Les membres de cette commission et les intervenants ont favorisé l'émergence

de nombreuses suggestions qui nous permettront d'arriver à la meilleure définition possible des nouvelles règles de gestion des forêts. Il s'agit là, en effet, de notre principal souci. Les travaux de cette commission parlementaire démontrent clairement la volonté gouvernementale d'écouter ses partenaires et de répondre à leurs inquiétudes. L'avant-projet de loi et cette commission parlementaire démontrent également la volonté de mon ministère d'assumer l'avenir en tenant compte des capacités des différents intervenants à gérer les contraintes issues du passé. Je pourrais épiloguer longuement sur ces contraintes du passé mais, en soumettant une proposition pour l'établissement d'un nouveau régime forestier, je tire des leçons de ce passé, bien sûr, et j'invite tout le monde à se tourner résolument vers l'avenir.

En déposant l'avant-projet de loi sur les forêts, en juin dernier, je savais qu'il était perfectible. C'est la principale raison pour laquelle j'ai opté pour la formule de l'avant-projet de loi et les résultats des travaux de cette commission parlementaire justifient le bien-fondé de ma décision. Parce que nous devons reconnaître que, dans l'ensemble, la très grande majorité des groupes consultés a exprimé son appui en ce qui concerne les principes sous-jacents à l'avant-proje.t de loi sur les forêts.

M. le Président, faut-il mentionner ou rappeler ici le nombre impressionnant des intervenants impliqués dans le se'cteur forestier qui ont manifesté leur appui au principe mis de l'avant dans la proposition gouvernementale? Est-il utile ou nécessaire, en fait, de dresser la liste de tous ces organismes qui, au cours des travaux de cette commission, ont témoigné de leur accord sur les principes fondamentaux contenus dans cet avant-projet de loi et sur l'urgence d'intervenir et de changer nos habitudes? Qu'il me suffise de mentionner, entre autres, l'appui de l'Association des techniciens forestiers du Québec, du Comité consultatif sur l'environnement de la Baie James, de l'Université Laval, de l'Association forestière du Québec, de la Chambre de commerce du Québec, de l'Université du Québec, de l'Union québécoise pour la conservation de la nature, de la Fédération des associations pour la protection de l'environnement des lacs, de la Fédération québécoise de la faune, du Centre de recherche en foresterie de Sainte-Foy, du Grand Conseil des Cris, de la Conférence des coopératives forestières du Québec, de l'Association des biologistes du Québec, de l'Association des pourvoyeurs du Québec, de la Fédération des sociétés de conservation du Québec, de l'Union des municipalités régionales de comté, de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, de l'Association des intervenants des Hautes-

Laurentides, de l'Ordre des ingénieurs forestiers - dont je fais partie - de la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt, de l'Association des industries forestières du Québec, de l'Association nationale de l'industrie du bois de sciage, du Fonds de recherches et de développement forestier, de l'Ordre des technologues, du Barreau du Québec, de l'Association des banquiers, de l'Association des scieries de la Rouge, de l'Association des mesureurs de bois. Tous ces organismes voués à la cause forestière ont donné leur appui au principe du projet de loi, mais il ne s'agit pas d'un appui inconditionnel ou aveugle. Au contraire, ils sont d'accord quant au principe et la plupart de ces organismes ont aussi exprimé des divergences de vues quant aux moyens que nous suggérons pour atteindre les objectifs recherchés par le gouvernement et par nos amis de l'Opposition que je dois remercier pour leur collaboration et pour leur rapport généralement constructif au cours des deux dernières semaines.

M. le Président, il faut reconnaître qu'un projet de loi d'une telle ampleur et qui se répercute par des impacts aussi considérables que diversifiés sur l'économie générale du Québec ne peut faire l'unanimité. En ce sens, certains groupes ont exprimé leurs divergences en regard non pas des principes mais davantage sur les moyens retenus jusqu'à présent par le gouvernement pour réaliser et mettre en place le nouveau régime forestier. Il faut souligner que ces divergences s'expriment surtout par le truchement de questions et d'inquiétudes qui apparaissent dans plusieurs mémoires, mais ces divergences ne constituent pas une opposition formelle ni au principe ni à la forme du projet soumis. (18 h 45)

II est, par ailleurs, évident que nous tenterons de répondre à ces inquiétudes dont celle qui semble la plus répandue et qui concerne l'utilisation optimale des forêts du Québec. À cet égard, le "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier", auquel nous ferons référence de manière plus explicite dans la loi, constitue un instrument de première importance permettant d'assurer cette optimisation. Le "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier" est en effet le fruit d'une concertation sans précédent de mon ministère avec celui du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ainsi que celui de l'Environnement,

La Loi sur le fonds forestier se préoccupe de la matière ligneuse pour l'essentiel, ce qui correspond à la responsabilité qui m'est dévolue en tant que ministre délégué aux Forêts, mais elle s'inscrit également dans une vaste mosaïque gouvernementale impliquant divers ministères dont le MLCP, l'Environnement, les Affaires municipales concernant l'utilisation et la

gestion du territoire.

Il en va de même des inquiétudes soulevées par plusieurs intervenants en ce qui concerne la mise en valeur des forêts feuillues et mélangées. Elles seront prises en compte par le ministère, en particulier dans le cadre de la confection du manuel d'aménagement à laquelle pourraient participer les différents intervenants impliqués et ceux que j'ai sollicités au cours des travaux de cette commission. Il en va ainsi pour d'autres aspects spécifiques reliés à l'implantation du régime.

Cette commission parlementaire a surtout été l'occasion pour la majorité des groupes impliqués de nous faire part de leurs commentaires et de leurs propositions. Je tiens à assurer tous les intervenants que nous tiendrons compte de leurs remarques constructives et qu'elles pourront se traduire de façon explicite dans la future loi. Bien que l'analyse de toutes les propositions formulées au cours des travaux de cette commission ne soit pas complétée, je me permettrai d'en relever certaines qui m'apparaissaient pertinentes. Le souci de clarification, le balisage des pouvoirs réglementaires et discrétionnaires, l'intégration dans la future loi du plus grand nombre possible de règles d'intervention sont autant d'éléments pertinents soulevés par plusieurs groupes et dont j'entends tenir compte de façon spécifique lors de la rédaction de la version finale du projet de loi.

D'autre part, les objectifs d'aménagement et les obligations des utilisateurs seront davantage précisés dans la loi. Le respect du rendement soutenu par l'application des techniques des sciences forestières reconnues sera aussi plus explicitement suggéré et étendu à toutes les essences et tous les territoires forestiers.

Il est également de mon intention de clarifier et de préciser l'importance des différentes sources d'approvisionnement dans le calcul des volumes qui seront garantis par contrat à chaque usine. D'un autre côté, le désir d'une majorité d'intervenants de retrouver dans la loi les préoccupations de plusieurs organismes et du gouvernement en matière de recherche forestière sera pris en considération. Je peux vous assurer qu'il est dans mes intentions de. recommander la création d'un organisme permettant d'assurer la coordination des efforts de recherche forestière au Québec.

Je m'engage également à sensibiliser mes collègues ministres au chapitre de leurs responsabilités respectives, que ce soit concernant la santé et la sécurité, le Code du travail, la formation de la main-d'oeuvre forestière ou encore la façon de réaliser les travaux sur le terrain. Quant aux garanties de suppléance, je n'ai pas l'intention de favoriser outre mesure ce genre d'engagement, mais je n'ai pas non plus l'intention d'inclure des interdictions à cet effet dans la loi.

Sur la question du maître d'oeuvre dans les territoires où plusieurs utilisateurs se chevaucheront, je n'ai pas l'intention, pour l'instant du moins, d'aller plus loin que ce que prévoit l'article 31 de l'avant-projet de loi. Je me réserve à cet effet la possibilité d'utiliser REXFOR en dernier recours.

Pour ce qui est des représentations formulées au sujet de la consultation libre de documents, je dois rappeler à ceux qui s'intéressent à cette question que nous agissons déjà, aux forêts, sur la base de consultations, par exemple, dans la confection du manuel d'aménagement, le partage des coûts, le "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier", etc. Il me serait difficile de donner libre cours à la consultation des documents qui émanent des entreprises privées. Mais, dans l'ensemble, je tiens à rassurer tout le monde que je reconnais le principe et respecte toutes et chacune des dispositions de la loi sur l'accès à l'information.

Il faut reconnaître, en outre, que nous faisons des efforts à ce sujet, si on considère que le "Guide des modalités d'intervention en milieu forestier" et le plan d'affectation sont d'ores et déjà du domaine public.

Concernant le droit du premier refus revendiqué par les exploitants qui se sentent dépossédés de droits fondamentaux par la rétrocession des concessions forestières, je peux les rassurer, en rappelant que le contrat d'approvisionnement et d'aménagement remplacera équitablement et même avantageusement la tenure actuelle et qu'en toute logique nous ne ferons pas exprès pour établir des distances coûteuses entre les usines et les nouveaux territoires d'approvisionnement.

Nous sommes cependant satisfaits que des exploitants de la matière ligneuse soient d'accord sur les objectifs visés de rendement forestier. Actuellement, nous comptons sur une possibilité de 0,87 mètre cube l'hectare et, avec le plan d'aménagement que nous suggérons et que l'industrie accepte, nous visons un objectif de 1,23 mètre cube l'hectare pour les essences résineuses, soit: sapin, épinette et pin gris. Je pense, M. le Président, qu'il s'agit là d'un objectif souhaitable, réaliste et conservateur, de l'avis des experts forestiers du ministère. Je remercie d'avance les entreprises d'y adhérer.

Au cours de nos travaux en commission parlementaire, plusieurs intervenants ont soulevé la question de la possibilité réelle de nos forêts par rapport aux allocations. Nous suggérons, quant à nous, que le volume total alloué dans le nouveau régime forestier le sera en fonction d'une partie de la capacité de produire de nos forêts avec aménagement

et non pas seulement en fonction de la capacité actuelle. L'Opposition a fait des gorges chaudes à ce sujet en parlant de la forêt électronique.

Je veux préciser que le calcul de ce que nos amis appellent la forêt électronique est basé sur des réalités, par exemple, sur des plantations québécoises de 45 ans d'âge qui rapportent actuellement 4 mètres cubes l'hectare dans les Cantons de l'Est. Ce calcul fait aussi référence à d'autres pays, notamment la Finlande, où l'on peut compter sur une moyenne de 2,50 mètres cubes l'hectare ou en Suède, où l'on compte généralement une variante de 2 à 3 mètres cubes l'hectare, après aménagement. Ce sont là des réalités tangibles. Dans cette optique, l'objectif d'un rendement de 1,23 mètre cube l'hectare pour le Québec est fort conservateur et n'a rien d'irréel.

M. le Président, je ne veux pas m'éterniser parce qu'il est déjà tard. Mais qu'il me soit permis cependant d'insister sur le thème positif, parce qu'à certains égards je dois avouer que j'ai été déçu par certaines réponses ou même par l'absence de réponse à nos questions, notamment en ce qui a trait à la contribution financière des autres utilisateurs et à la notion de qualité de bois de sciage par rapport au bois à pâte. Nous ferons appel à notre imagination et à notre expérience pour améliorer nos interventions. Quant au pouvoir réglementaire, on en a reproché l'ampleur, mais on ne m'a pas suggéré beaucoup de solutions pour faire face aux réalités quotidiennes forestières.

Dans l'ensemble, en concluant, permettez-moi, M. le Président, d'affirmer que les travaux de cette commission étaient essentiels. Les intervenants ont tous manifesté beaucoup de compétence, et la qualité des mémoires ne fait aucun doute. Tous, sauf exception, ont reconnu l'urgence de l'implantation d'un nouveau régime forestier. Nous ferons en sorte que la nouvelle loi sur les forêts soit la plus juste et la plus utile pour nous permettre d'assurer, pour nous et pour les générations à venir, la pérennité de ce patrimoine providentiel. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. La commission de l'économie et du travail, ayant accompli le mandat qui lui a été confié par l'Assemblée, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 54)

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