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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Friday, October 7, 1983 - Vol. 27 N° 150

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de l'énergie et des ressources entreprend à nouveau ses travaux pour l'étude des effets de la politique énergétique sur le développement économique.

Les membres de la commission sont: MM. Tremblay (Chambly), Ciaccia (Mont-Royal), Duhaime (Saint-Maurice), Fortier (Outremont), Beaumier (Nicolet), Kehoe (Chapleau), Lavigne (Beauharnois), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Middlemiss (Pontiac), Desbiens (Dubuc), Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Baril (Rouyn-Noranda-Té-miscamingue), Desbiens (Dubuc), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Leduc (Saint-Laurent), Mathieu (Beauce-Sud), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly), Vallières (Richmond).

Une voix: ...

M. Duhaime: Consentement.

Le Président (M. Paré): Nous allons donc enlever parmi les intervenants M. Tremblay (Chambly), qui est membre de la commission.

Je voudrais rappeler que le rapporteur de la commission est M. Rodrigue (Vimont).

Nous allons entendre aujourd'hui les groupes dans l'ordre suivant: Gaz Inter-Cité Québec Inc.; Gulf Canada Ltée; Ultramar Canada Inc.; Petro-Canada et, le dernier groupe pour aujourd'hui, Manuplast.

J'inviterais maintenant les représentants de Gaz Inter-Cité Québec Inc. à prendre place en avant, s'il vous plaît.

Bonjour, messieurs. Bienvenue à la commission. J'inviterais maintenant le porte-parole à s'identifier et à identifier les personnes qui l'accompagnent.

Auditions Gaz Inter-Cité Québec Inc.

M. Barbeau (Gilles): M. le Président, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, MM. les députés, permettez-moi de me présenter, je suis Gilles Barbeau, président et chef de la direction de Gaz Inter-Cité Québec. À ma gauche, M. Conrad Johnson, vice-président du marketing, et, à ma droite, M. Robert Jean, directeur des ventes industrielles.

Depuis la publication du livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie en 1978, la société québécoise a réalisé des progrès remarquables sur la voie de la réduction de sa dépendance énergétique envers le pétrole étranger.

La politique québécoise de l'énergie énoncée en 1978 avait pour but de prémunir la société québécoise contre un déséquilibre pétrolier possible entre 1985 et 1990. Ce déséquilibre pétrolier est toujours possible malgré le succès actuel des politiques de remplacement du pétrole comme en font foi les actualités en provenance du golfe Persique.

Le mémoire présenté à la commission en mars 1983 par Gaz Inter-Cité reflète toujours la situation énergétique et économique telle que perçue par notre compagnie, sauf pour de mineures modifications. Celles-ci ont trait à un raffermissement des prix sur le marché du mazout lourd, ce qui est favorable à la pénétration du gaz, et à une agressivité marquée de la part d'Hydro-Québec dans les marchés d'expansion du gaz naturel.

Sur le premier point, soit le raffermissement des prix sur le marché du mazout lourd, Gaz Inter-Cité Québec est toujours d'avis que l'importation subventionnée du mazout lourd dans l'Est canadien est contraire aux objectifs nationaux de remplacement du pétrole. Cependant, il est à noter que la restructuration du secteur pétrolier, tant au niveau québécois qu'au niveau mondial, affecte principalement la production de mazout lourd, cette production non rentable pour le raffineur ayant été considérablement réduite. Cette situation assure, dans le contexte actuel de surplus des formes d'énergie, le remplacement du pétrole dans le secteur industriel par les formes d'énergie les plus sécuritaires sur le plan de l'approvisionnement, dont le gaz naturel et l'électricité.

En ce qui concerne le gaz naturel, la pénétration des secteurs à grand débit se révèle relativement intéressante à ce jour. Si l'on parle des diverses régions desservies actuellement ou à desservir dans les années

à venir par Gaz Inter-Cité, on peut dire que, dans la Mauricie, 109% des contrats prévus pour 1983 sont signés présentement.

À titre d'exemple je mentionne des clients comme la compagnie Kruger à Trois-Rivières, la CIP à La Tuque, la CIL à Bécancour et Agropur à Louiseville; je dois dire également que, au moment où on se parle, la ligne desservant Bécancour a été mise à gaz cette semaine et cette ligne faisait partie du projet de construction des embranchements dont Gaz Inter-Cité a eu la responsabilité à la fin de 1982.

Quant à l'agglomération de Québec, 103% des objectifs de vente pour la première année ont été atteints et déjà l'Université Laval a le gaz naturel et l'utilise d'ailleurs, l'ouverture officielle de sa bouilloire a eu lieu cette semaine - et la base militaire de Valcartier est également en train de consommer ses premiers volumes de gaz naturel.

Quant à la région de l'Estrie, on prévoit atteindre 90% des objectifs de vente d'ici à la fin de 1983. Les embranchements desservant cette région, soit une ligne reliant Sabrevois à Sherbrooke, seront complétés selon les échanciers et selon les coûts d'ici à la fin d'octobre 1983.

Si l'on parle du Saguenay, qui est la région qui sera desservie par Gaz Inter-Cité en 1984, où l'embranchement sera construit par Gaz Inter-Cité également, on peut vous dire, ce matin, que déjà nous avons reçu une lettre de l'Alcan qui confirme, de façon non équivoque et ferme, son intention de convertir une bonne partie de ses approvisionnements déjà à compter de fin 1984, date à laquelle le gaz naturel sera disponible dans cette région. Cette nouvelle de l'Alcan nous est parvenue ce matin à la suite des négociations entreprises avec elle depuis déjà deux mois. Toutefois...

M. Duhaime: Est-ce qu'on peut savoir combien de BCF à Alcan?

M. Barbeau: Pardon?

M. Duhaime: Alcan, c'est combien de BCF?

M. Barbeau: Pour la consommation totale de l'Alcan on parle d'à peu près 10 BCF, mais pour les premières années, cela va se faire quand même sur une base progressive. Les coûts de conversion sont très élevés. Physiquement, on ne peut pas tout convertir. On peut dire que dès l'année 1985, nous aurons environ 50% de notre volume de converti au gaz naturel, ce qui représentera environ cinq BCF.

M. Duhaime: Cinq à six BCF.

M. Barbeau: Toutefois, la présence de surplus d'électricité vendus sur base excédentaire pourrait réduire considérablement les investissements de Gaz Inter-Cité Québec et surtout sa rapidité de croissance. Par exemple, la région de Québec comme telle ne se suffirait pas à elle-même si l'on devait desservir tous les résidentiels de la région et tous les commerciaux. Donc, dans nos prévisions de vente, il a toujours été prévu que la région de la Mauricie, qui avait une base industrielle beaucoup plus grande, aiderait à supporter la région de Québec. Quant à l'Estrie, c'est une région qui se supporte par elle-même. À l'intérieur même des régions, maintenant - je peux donner un exemple sans nécessairement vouloir négocier avec qui que ce soit ici - si par exemple la compagnie Reed à Québec, dans la partie est de Québec, ne signait pas d'entente avec Gaz Inter-Cité et convertissait son équipement à l'électricité, cela voudrait dire qu'il faudrait peu de temps à Gaz Inter-Cité pour développer son réseau dans la région de Québec.

Cela ne veut pas dire que Gaz Inter-Cité ne sera pas rentable. Déjà nous avons une base qui nous permet de prévoir une rentabilité intéressante pour la compagnie. Dès 1984, des revenus seront suffisants pour nous permettre de faire un bénéfice qui ne sera pas nécessairement au niveau du taux de rendement que nous accorde la Régie de l'électricité et du gaz, mais en 1985, il est prévu que nous atteindrons ce taux de rendement. Les ventes à ce jour nous laissent croire que la situation sera telle que prévue. Par contre, je veux quand même soulever le point que si Hydro-Québec prenait trop de nos gros clients, la compagnie pourrait être rentable, mais nous devrions, à ce moment, réduire certains de nos investissements.

Sur le plan énergétique, le gaz naturel et l'électricité sont évidemment complémentaires, pour diverses raisons. Premièrement, ni l'une ni l'autre de ces formes d'énergie ne peut se substituer totalement au pétrole consommé au Québec. Mais les deux peuvent contribuer à assurer la sécurité énergétique du Québec. En second lieu, dans plusieurs applications, le gaz naturel permettra un traitement plus poussé au Québec des matériaux produits au Québec grâce à l'abondance d'électricité: à titre d'exemple, une plus grande production de produits finis à partir de lingots d'aluminium. Enfin, la diversification des sources d'énergie procure une plus grande sécurité d'approvisionnement et permet d'exporter l'électricité à un prix représentant le double du prix vendant sur les marchés du Québec, d'où un troc énergétique très rentable pour le Québec.

L'utilisation rationnelle de l'énergie et les avantages que peut en retirer le Québec sont à portée de la main. Il s'agit de déterminer les secteurs du marché les plus

propices au développement de chacune des deux sources d'énergie sur la base des coûts de l'approvisionnement, de la courbe de la demande des usagers et du meilleur service pouvant leur être offert. Sur ces points, Gaz Inter-Cité est d'avis que le gaz naturel présente un attrait particulier pour les institutions québécoises, celles-ci ayant une forte demande en chauffage en raison du meilleur coût du gaz naturel par rapport à l'électricité dans les installations requises pour répondre aux demandes de pointe des hivers québécois.

Toujours sur le plan comparatif, Gaz Inter-Cité Québec doit souligner la différence qui existe entre les différents concurrents sur le marché de l'énergie en ce qui concerne l'examen de la rentabilité de l'un ou l'autre. Ainsi, dans le cas d'un distributeur de gaz, la rentabilité de tout projet d'extension du réseau est vérifiée, approuvée et autorisée par la Régie de l'électricité et du gaz ainsi que tous les programmes impliquant une mise de fonds de l'entreprise. Dans le cas de la concurrence, une telle vérification de la rentabilité de tout programme proposé n'est pas effectuée selon les mêmes critères et il est possible de préparer des programmes en ne tenant pas compte de l'effet de ceux-ci sur la structure des coûts. Sur ce point, Gaz Inter-Cité se pose de sérieuses questions sur la valeur réelle de certains programmes mis de l'avant par la concurrence sur le marché actuel. GICQ soumet à la commission permanente de l'énergie et des ressources que la contribution du gaz naturel à la sécurité énergétique du Québec est certaine et que le Québec retirera des dividendes intéressants du développement du réseau gazier en termes de création de richesses, de création d'emplois, de renforcement de sa structure industrielle et de son savoir-faire sur le plan technologique sans mentionner les revenus perçus par les différents paliers gouvernementaux. En fait, en 1983, Gaz Inter-Cité croit être la firme qui a créé le plus d'emplois au Québec dans le plus grand nombre de spécialités. Ainsi, durant cette année, Gaz Inter-Cité a créé plus de 2000 emplois aux niveaux suivants: l'ingénierie, en ce qui a trait à la préparation des projets de construction tant de distribution que de transmission; les entrepreneurs en construction qui ont procédé à la mise en place des différentes structures de gazoduc, des installations d'appareils à gaz naturel, sans compter évidemment les 200 employés qui se sont ajoutés à la compagnie depuis ses débuts, il y a à peine deux ans.

L'arrivée du gaz naturel dans de nouveaux marchés au Québec, en plus de contribuer à une plus grande sécurité d'approvisionnement en énergie, contribue au développement économique régional du Québec en apportant des revenus et emplois additionnels tout en améliorant la compétitivité des industries se trouvant sur ces marchés et l'attrait de ces régions pour l'implantation de nouvelles industries. Les dépenses reliées aux investissements requis pour la mise en place d'un réseau gazier et la conversion des systèmes de consommation de mazout sont considérables. Pour le seul développement des marchés de Gaz Inter-Cité Québec, des montants s'élevant à 465 000 000 $ seront versés pour la construction des embranchements greffés au tronçon principal de Trans-Québec et Maritimes et devant permettre l'apport du gaz jusqu'au point de livraison à Gaz Inter-Cité Québec. Déjà, près de 125 000 000 $ ont été investis en 1983 pour la construction des embranchements reliant les régions de l'Estrie et de la Mauricie, incluant Bécancour. Ces montants versés par le gouvernement fédéral ne sont disponibles que pour une période limitée se terminant en 1985. À partir des postes de livraison, Gaz Inter-Cité prend en charge la distribution du gaz naturel et doit investir près de 700 000 000 $ pour la mise en place de ses réseaux de distribution dans diverses municipalités du Québec pour la période de 1983 à 1987. Environ 70% des dépenses relatives à la construction des réseaux gaziers demeurent au Québec sous la forme de salaire versé à une main-d'oeuvre bien rémunérée par les entrepreneurs locaux participant au projet.

En plus des dépenses d'investissement, le développement du réseau gazier sur le territoire de Gaz Inter-Cité entraîne des dépenses d'exploitation s'élevant à près de 200 000 000 $ pour la période de 1983 à 1987 et qui seront maintenues au niveau de 50 000 000 $ en 1983 et par la suite résultant dans la création de 380 emplois permanents chez Gaz Inter-Cité. L'ensemble des dépenses reliées au développement de Gaz Inter-Cité entraîneront des effets économiques pour la période 1983-1987 de plus de 1 000 000 000 $ et la création de plus de 17 000 hommes-années en termes d'emplois. Un aspect intéressant relié à la mise en place des infrastructures de distribution de gaz est la distribution géographique presque uniforme des investissements et des emplois sur le territoire devant être desservi. Cet aspect est d'autant plus intéressant que le développement du gaz naturel s'effectue au coeur des régions populeuses du Québec et ce, pendant les années de disette d'investissements. La répartition géographique des investissements reliés au développement du projet de Gaz Inter-Cité est la suivante: dans l'Estrie, 23%; en Mauricie, 25%; Québec métro, 35%; le Saguenay, 17%.

Dans une période trouble sur le plan économique, l'utilisation de fonds fédéraux et de ressources locales disponibles pour la

réalisation du projet de développement des réseaux gaziers permettent de renforcer la sécurité énergétique des Québécois tout en les assurant de bénéfices sociaux nettement positifs.

D'autre part, le fondement même d'une assise forte sur le plan industriel dépend de la compétivité des firmes vivant sur le territoire visé et des perspectives de viabilité économique dans le cas d'une nouvelle implantation. Le gaz naturel améliore la compétivité des firmes québécoises et contribue à l'occasion à permettre l'implantation de nouvelles firmes industrielles.

Les avantages du gaz naturel sont bénéfiques à plusieurs industries déjà en place au Québec et permettraient au Québec de présenter un meilleur profil aux hommes d'affaires recherchant une localisation pour une nouvelle entreprise. Les avantages du gaz naturel sont évidents quand on considère que des firmes utilisant du gaz naturel sous forme liquide ou sous forme comprimée lorsqu'il n'est pas disponible par réseau menacent même de fermer leurs portes si on leur coupe cet approvisionnement, comme c'est le cas de l'entreprise Philips à Trois-Rivières, dans un exemple tout récent. Cette firme, qui utilisait auparavant du gaz liquéfié vendu par Gaz Métropolitain, a vu son contrat se terminer et a menacé tout bonnement de fermer ses portes et de mettre à pied la totalité de ses employés si le gaz naturel ne lui était pas disponible. Gaz Inter-Cité, dès cette année, a entrepris de construire une ligne additionnelle à ses réseaux prévus dans la Mauricie pour desservir cette firme de la Mauricie.

De plus, l'expansion du gaz naturel dans les nouveaux marchés au Québec est un stimulant au développement de l'expertise québécoise dans le domaine du gaz naturel. Ainsi, de jeunes ingénieurs qui se retrouvent avec peu de débouchés au niveau de l'emploi, dans la situation économique actuelle, ont des opportunités auprès d'ingénieurs-conseils qui développent maintenant une expertise en vue de la construction d'un réseau de distribution de gaz naturel ou de la conversion d'appareils consommateurs de mazout au gaz naturel.

Sur le plan technologique, le développement des nouveaux marchés du gaz est un stimulant au développement d'appareils à haute efficacité de troisième génération pour la consommation de gaz naturel. De plus - ceci n'est qu'un exemple -le développement d'une machine à souder plus perfectionnée que celles qui existent présentement sur le marché se poursuit actuellement à l'Université Laval et emploie un bon nombre de chercheurs.

Également, il faudrait noter que la nouvelle technique utilisée pour la traverse du fleuve Saint-Laurent à la hauteur de

Bécancour, soit l'utilisation de la méthode appelée forage directionnel, a permis l'utilisation d'une telle méthode pour la première fois au Canada et il est prévu que cette méthode, même si elle est importée des États-Unis, sera utilisée dans tout le Canada au cours des années à venir et également au Québec lors de la construction des nouveaux embranchements.

En conclusion, l'élément dominant de la politique énergétique du Québec consiste à assurer l'avenir. Le développement des réseaux gaziers permettra au Québec de bénéficier d'une marge sécuritaire plus grande dans son approvisionnement énergétique en raison d'une diversification accrue de ses sources d'approvisionnement et de l'abondance du gaz naturel en sol canadien. De plus, l'attrait le plus facilement palpable du développement du réseau gazier au Québec dans l'immédiat est la création d'emplois et de richesses équitablement répartis entre les régions populeuses du Québec. Cette création de richesses se poursuit ensuite par la contribution du gaz naturel à une base industrielle diversifiée et plus compétitive.

Essentiellement, la pénétration du gaz naturel dans le territoire de Gaz Inter-Cité Québec permettra le remplacement d'environ 33 000 barils par jour de pétrole importé au Québec en 1987, alors que les investissements de GICQ produiront des effets économiques importants.

En plus d'une sécurité énergétique accrue, les entreprises et les ménages du Québec retirent, dès les premières négociations avec Gaz Inter-Cité, les avantages d'une concurrence accrue dans le domaine de l'énergie, ce qui assure une compétitivité accrue des entreprises du Québec et un coût de vie moins élevé pour les ménages.

M. le Président, messieurs, c'est la fin de notre exposé préliminaire et nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M. Barbeau, pour votre présentation. Voici maintenant la période des questions. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Barbeau, pour votre mémoire et la présentation que vous en avez faite. J'aurais bien sûr quelques questions à vous poser.

Vous avez donné tantôt l'état de votre clientèle dans les différentes régions où Gaz Inter-Cité poursuit son expansion, mais, avant d'en venir à chacune des régions, voulez-vous nous rappeler quel est l'objectif global que vise Gaz Inter-Cité dans son expansion en termes de BCF?

M. Barbeau: D'ici à cinq ans, nous prévoyons vendre environ 80 BCF par année. Alors, graduellement, l'expansion va nous permettre d'atteindre ce niveau et les prévisions jusqu'à maintenant semblent vouloir se réaliser.

M. Duhaime: Sur une base cumulative, avec ce que vous nous avez donné tantôt, à quel volume de vente êtes-vous par rapport à vote objectif de 1980? (10 h 45)

M. Barbeau: Au cours de la première année, je crois que l'on vendra environ trois ou quatre BCF. La raison pour ceci est que la plupart des nouvelles régions ne seront raccordées qu'à compter de novembre 1983. Les clients que j'ai mentionnés, comme CIL à Bécancour, n'ont pas encore commencé à consommer et le feront très bientôt. Sur une base annuelle, évidemment, les deux BCF pourraient représenter déjà quelque chose comme une dizaine de BCF pour une année complète. Graduellement, l'an prochain, on sera probablement autour d'une vingtaine de BCF jusqu'à ce qu'on atteigne le niveau de 80 BCF au cours de l'année 1987 ou 1988.

M. Duhaime: Je ne sais pas si vous avez le calcul disponible avec vous ce matin, mais, si on additionne ce que vous vendez déjà, plus les contrats qui sont signés et dont les livraisons se feront lorsque le gaz sera disponible sur le lieu physique, vous êtes actuellement à quelle hauteur? Êtes-vous à 15 BCF ou 20 BCF? Combien?

M. Barbeau: Une dizaine de BCF environ.

M. Duhaime: Une dizaine en excluant ce que vous nous annonciez comme étant une bonne nouvelle, l'Alcan. C'est cela?

M. Barbeau: Oui, sur une base immédiate. Il reste quand même qu'il faut penser, encore une fois, que l'Alcan va graduellement convertir son équipement. Si vous me demandez, en additionnant tout ce que l'on a présentement de prévu au contrat, ce que cela représente, en supposant que tous ces volumes seront raccordés, c'est sûrement plus de dix BCF, mais j'imagine qu'il y a certainement une vingtaine de BCF déjà contractés, en tenant compte de certaines autres négociations qui sont tout près d'aboutir.

M. Duhaime: Vous nous avez donné des pourcentages pour la Mauricie, Québec métro, l'Estrie et le Saguenay. Vous nous avez parlé de l'Alcan. L'Alcan représenterait 50% de votre objectif de marché en soi.

M. Barbeau: Pour cette région, globalement, incluant les résidences, etc., oui, l'Alcan représenterait 50% de nos ventes dans la région du Saguenay.

M. Duhaime: J'ai noté ce que vous nous avez dit tantôt - je voudrais seulement vérifier mes chiffres, parce qu'il y a des gens qui disent que cela va mal dans le gaz, que c'est très dangereux et que le gaz naturel ne réussira pas à pénétrer - à savoir que 109% de vos objectifs de vente ont été réalisés en Mauricie.

M. Barbeau: Pour cette année... M. Duhaime: Pour cette année?

M. Barbeau: Oui, nous avions prévu vendre un certain volume. Quand je parle de volumes, je parle de contrats. Les volumes contractés dans la Mauricie représentent 109% de nos objectifs pour l'année.

M. Duhaime: Québec métro, 103%? M. Barbeau: C'est cela, exactement.

M. Duhaime: Et j'ai noté 90% pour l'Estrie.

M. Barbeau: C'est cela.

M. Duhaime: Et on ajoute 50% pour le Saguenay en touchant du bois pour que l'Alcan signe un contrat.

M. Barbeau: Oui. Je voudrais seulement faire une petite correction.

M. Duhaime: Oui.

M. Barbeau: Quand je dis 50%, c'est le volume potentiel que l'Alcan représente au Saguenay pour nous. Avec ce qu'on va signer prochainement, on parlera donc d'environ 25% des volumes globaux de la région du Saguenay. On s'entend bien avec l'Alcan pour que, dès que la première phase sera entreprise, on commence à discuter de la deuxième phase qui concernera la conversion des volumes restants.

M. Duhaime: Bon! Ces scénarios de progression dans vos objectifs de marché rejoignent-ils également les objectifs de rentabilité de Gaz Inter-Cité à l'heure où on se parle?

M. Barbeau: Oui, monsieur.

M. Duhaime: Voulez-vous nous expliquer maintenant de quelle façon ce mécanisme fonctionne? Je mets de côté le financement des conduites latérales comme telles, mais comment le mécanisme financier de subventions se concrétise-t-il durant les années d'expansion du réseau?

M. Barbeau: Vous parlez de mécanismes de subventions. Quelles subventions?

M. Duhaime: Les subventions fédérales. M. Barbeau: Ah oui!

M. Duhaime: Pendant la phase qui a été identifiée comme étant la phase d'expansion du réseau, je crois qu'il reste trois ans. C'est trois ans incluant cette année?

M. Barbeau: Oui, c'est trois ans incluant cette année, exactement.

M. Duhaime: Bon! Comment cela fonctionne-t-il? En cents et en piastres, cela veut dire quoi?

M. Barbeau: Bon! Au départ, nous avons signé une entente de principe avec le gouvernement fédéral en vertu de laquelle on met à notre disposition 465 000 000 $ pour construire des embranchements divisés en trois phases. La première phase inclut la ligne reliant Sabrevois à Sherbrooke, la ligne reliant Trois-Rivières à Shawinigan-Grand-Mère et celle reliant Trois-Rivières à Bécancour. C'est la portion que nous sommes à construire cette année, pour laquelle un montant de l'ordre de 125 000 000 $ a été mis à notre disposition. Je peux vous dire déjà que nous allons être en bas de ce montant. Chez Gaz Inter-Cité, on ne veut pas s'en vanter, mais on est fier d'avoir réussi à construire ces embranchements à des coûts plus bas que ceux qui étaient prévus, en dépit des problèmes que nous avons eus cet été avec la main-d'oeuvre, notamment au niveau des soudeurs. En dépit des retards occasionnés, nous serons quand même à temps et le gaz sera disponible dans l'Estrie dès novembre cette année. C'est la première phase.

Maintenant, nous sommes en pourparlers avec le gouvernement du Canada pour signer l'entente pour la deuxième phase parce que dans l'entente originale de principe, il est bien mentionné que nous devions, chaque année, signer une entente spécifique pour chacune des trois phases. Nous allons entreprendre les négociations - nous avons déjà commencé à en parler d'ailleurs avec le gouvernement du Canada, pour obtenir le montant qui nous sera disponible pour construire l'embranchement au Saguenay. Certaines conditions préalables étaient que nous devions montrer qu'il y avait des ventes intéressantes dans la région avant qu'un montant d'environ 200 000 000 $ soit investi. La nouvelle de l'entente avec Alcan présentement et d'autres qui sont tout près d'être signées nous laissent présager que le gouvernement du Canada n'aura vraiment pas d'autre solution que de nous donner 200 000 000 $ pour construire la ligne pour aller au Saguenay. C'est la deuxième phase.

La. troisième phase concerne la construction d'embranchements reliant Granby à Drummondville, en passant par Saint-Hyacinthe, et reliant Sherbrooke à Asbestos. Cela devrait être construit en 1985. Ce sont les embranchements prévus au projet d'entente entre Gaz Inter-Cité et le gouvernement du Canada. Maintenant, si nous continuons à construire les lignes de la façon que nous l'avons fait et si nous sommes assez chanceux pour obtenir des prix raisonnables de la part des entrepreneurs, si la main-d'oeuvre du Québec continue à collaborer comme elle l'a fait au cours de l'été dernier, à part le mois de juillet, je pense que nous aurons des fonds disponibles d'environ 465 000 000 $, qui nous permettront de construire d'autres embranchements. À titre d'exemple, on aimerait bien, nous, desservir la portion ouest du Lac-Saint-Jean qui a été mise de côté pour le moment parce qu'on n'avait pas suffisamment de fonds au départ quand nous avons signé l'entente. On ne prévoyait pas avoir assez de fonds. Il faut comprendre que Gaz Inter-Cité a quand même pris un risque dans cette histoire parce que les coûts excédant les montants qui nous étaient payés devaient être absorbés par la compagnie.

Par contre, les montants que nous avons mis de côté dans la première phase s'en vont dans un fonds qui va servir justement à prévoir les excédents qu'on pourrait avoir dans les autres phases. Donc, la région ouest du Lac-Saint-Jean est une région que l'on aimerait bien desservir. Il y a la rive sud de l'agglomération de Québec qui nous demande le gaz depuis des années. On aimerait bien traverser le Saint-Laurent à la hauteur de Québec pour aller servir la région de Charny jusqu'à Lévis, Lauzon. Il y a les régions de Thetford-Mines, Victoriaville qu'on aimerait bien desservir. Tout cela va être regardé. On a déjà commencé, mais on va quand même voir, à un moment donné, les montants disponibles de façon qu'on puisse davantage prolonger nos embranchements pour aller rejoindre le plus de régions possible.

M. Duhaime: Maintenant, vous avez parlé de forage directionnel en dessous du lit du Saint-Laurent à la hauteur de Trois-Rivières et Bécancour. Ce serait le même procédé, j'imagine, qui serait retenu pour relier la rive sud à Québec.

M. Barbeau: Oui, c'est ce qu'on est en train de regarder présentement. La seule différence, c'est qu'ici il y a un peu de roc près de Québec. La méthode étant la même, cela demande une tête de forage différente parce que le procédé de forage directionnel c'est - je peux le dire ainsi - une "bibitte"

bien spéciale. C'est une méthode qui est quand même très spectaculaire. Pousser un tuyau sur une longueur de 5100 pieds sous le sol - c'est un mille de long - le diriger à partir d'un centre de contrôle sur la rive, le faire changer de direction au fur et à mesure que vous vous en allez, pour être sûr que vous allez suivre le contour du fond de la rivière, moi je trouve cela assez spectaculaire. C'est la méthode qu'on pourrait envisager pour la traverse Québec-rive sud.

M. Duhaime: Quel a été le coût à Trois-Rivières-Bécancour pour traverser le Saint-Laurent?

M. Barbeau: Le coût a été d'environ 4 000 000 $.

M. Duhaime: Pour Québec, cela pourrait coûter combien?

M. Barbeau: Cela comprend seulement la traverse. Pour la traverse ici, à Québec, les premières estimations qui ont été faites par la compagnie Trans-Québec étaient de 12 000 000 $. Cela a monté à 50 000 000 $. Nous, si on s'attachait au pont, on parlerait d'environ 7 000 000 $. Maintenant, s'attacher au pont, cela ne fait pas tellement notre affaire parce qu'à ce moment on est obligé de maintenir une pression moins élevée dans le tuyau, tandis que si on va dans le fond du fleuve, on peut avoir une pression à peu près trois fois plus élevée, ce qui nous permet d'avoir un tuyau plus petit ou au moins, pour la même grosseur, passer à peu près trois fois plus de gaz. Nos estimations démontrent que cela pourrait coûter, avec cette méthode, environ 15 000 000 $. C'est ce qu'on pense.

M. Duhaime: 15 000 000 $.

M. Barbeau: Oui. Il faut penser également, avant de décider d'une traverse, à ce qui va arriver dans les Maritimes. Nous voudrions bien jumeler ce projet à une ligne éventuelle qui s'en irait vers les Maritimes. Ce serait, je pense, plus prudent d'avoir une grosseur raisonnable de tuyau qui permettrait éventuellement d'alimenter quelqu'un d'autre. Donc, on voudrait que quelqu'un, que le fédéral paie évidemment. On est déjà en négociation avec lui à ce sujet.

M. Duhaime: Maintenant, vous avez donné des chiffres d'investissements, des chiffres de création d'emplois qui sont impressionnants. Je ne sais pas si vous tenez ce calcul à jour, mais quel est le contenu québécois dans les investissements gaziers actuellement? Je parle essentiellement pour Gaz Inter-Cité.

M. Barbeau: Dans les coûts d'installation de réseaux de distribution de gaz, il y en a environ 70% pour la main-d'oeuvre. Actuellement, la main-d'oeuvre est en presque totalité québécoise. Il y a certainement des entrepreneurs de l'extérieur qui ont participé au projet, mais les conditions exigées par Gaz Inter-Cité, c'est qu'ils devaient favoriser l'embauche de la main-d'oeuvre locale. D'ailleurs - je pense que cela se fait pour la première fois au Québec - Gaz Inter-Cité a conclu une entente avec l'Office de la construction du Québec pour s'assurer que toute demande de personnel se fasse directement par l'Office de la construction du Québec au lieu de se faire par le biais des syndicats, comme cela se faisait auparavant. Cette année, tous les travailleurs sur les réseaux ont été envoyés par l'Office de la construction du Québec aux entrepreneurs qui en faisaient la demande et ce pour une raison bien simple. C'est qu'on voulait favoriser la participation régionale des gens. Je peux vous dire que, dans la région de Sherbrooke, les gens du local 825 qui se tournaient les pouces depuis plusieurs années parce qu'il n'y avait pas de travail ont été presque exclusivement utilisés pour la construction non seulement des réseaux de distribution dans les villes, mais également du tronçon principal du gazoduc. Nous avons donné des cours de formation à des soudeurs. D'ailleurs, cela nous a rendu un très grand service parce que, lorsqu'il y a eu des problèmes concernant les soudeurs du local 144, les soudeurs du local 825 travaillaient quand même dans la région de Sherbrooke, ce qui a certainement aidé à mettre de la pression sur d'autres travailleurs qui regardaient aller cela et qui se disaient: Peut-être qu'éventuellement ils aimeraient aussi travailler. Cela a été, je pense, un point important pour la bonne marche des travaux. Donc, 70% des travaux c'est de la main-d'oeuvre, et je pense que 95% de ces 70% c'est de la main-d'oeuvre québécoise régionale.

Pour le reste, 30%, on parle de matériaux. Évidemment, des tuyaux d'acier il ne s'en fait pas au Québec, et on est bien obligés de les acheter en Ontario; c'est ce qu'on a fait. On a également eu la chance d'acheter des tuyaux qui avaient été achetés par d'autres compagnies. Par exemple, TQM, Trans-Québec et Maritimes, était prise avec ces tuyaux et on les a achetés pour s'en servir.

Il y a aussi les valves, les régulateurs de pression qui ne se font pas au Québec. Alors, on a dû aller à l'extérieur. Par contre, tout ce qu'on achète en tuyaux de plastique qui vont composer éventuellement quelque 80% de nos réseaux de distribution provient du Québec. Ils sont achetés de la compagnie Manuplast, dans la région d'Alma.

Je pense que, dans la construction des

réseaux de distribution, on atteindra un niveau de 80% ou 85% de contenu québécois dans l'ensemble du projet.

M. Duhaime: Merci. Un dernier sujet -je l'amène en dernier, pas parce que c'est le moins important; j'aurais pu commencer par celui-là - c'est la concurrence. Avant de parler d'Hydro-Québec, le discours favori de mon collègue d'Outremont - je suis convaincu qu'il va vous en parler - je vais vous parler du mazout lourd importé. Si on faisait l'hypothèse que le gouvernement fédéral décide aujourd'hui de discontinuer son programme de délivrance de permis d'importation du mazout lourd et met fin également au programme de subventions pour ce mazout lourd importé, quelle serait la répercussion directe et immédiate sur Gaz Inter-Cité?

M. Barbeau: C'est sûr que l'importation du mazout lourd nous crée toujours un peu de problèmes, plus dans le passé que maintenant. Les prix s'étant raffermis, on a quand même une marge de manoeuvre plus intéressante qu'auparavant lorsqu'on discute avec un industriel à grand débit. On a fait de nombreuses représentations devant l'Office de l'énergie, à Ottawa, pour effectivement arrêter cette importation de pétrole lourd ou, du moins, arrêter de subventionner une telle importation. Ce que cela ferait, dans le fond, c'est que s'il n'y avait plus d'importations subventionnées, nous croyons qu'il y aurait un mouvement accentué des produits pétroliers du Québec vers les Maritimes, ce qui permettrait de laisser un peu plus de place pour le gaz naturel actuellement. C'est sûrement un élément important à considérer qui n'est pas majeur, au moment où on se parle, mais qui est là et qui nous pend toujours au-dessus de la tête. On ne sait jamais ce qui va arriver avec les prix mondiaux du mazout. À ce moment-là, il y a toujours la possibilité que quelqu'un trouve un fond de bateau quelque part à un prix des plus avantageux, qu'il apporte cela ici et qu'il nous fasse concurrence. Mais cela a un impact sur nos ventes, oui. (11 heures)

M. Duhaime: Est-ce que vous seriez en mesure de le chiffrer en faisant l'équivalence? Il faut faire les conversions, bien sûr, mais cela pourrait représenter quoi, en termes... Je comprends que si le mazout lourd n'entre pas ici il se fait un déplacement des produits raffinés; cela laisse de la place au gaz, mais dans quelle proportion? Êtes-vous en mesure de l'évaluer? Est-ce que cela représente trois BCF, quatre BCF, cinq ou dix BCF?

M. Barbeau: Vous parlez de ce que le mazout lourd importé pourrait nous enlever, ou si cela nous retarde?

M. Duhaime: En fait, si le mazout lourd importé disparaissait du marché du Québec...

M. Barbeau: Oui, oui.

M. Duhaime: ...cela ferait une place pour quelqu'un, c'est évident.

M. Barbeau: Oui, sûrement.

M. Duhaime: À ce moment-là, dans ce champ-là, quelle est la place que Gaz Inter-Cité irait chercher? Est-ce que cela a été chiffré?

M. Barbeau: Je pense que c'est quand même assez difficile à chiffrer. Il faut regarder les mouvements de pétrole entre les différentes provinces pour le marché de l'Est.

M. Duhaime: Oui, je pense que votre collègue, à droite, a le goût de risquer une réponse.

M. Barbeau: Oui, s'il a des chiffres, moi, je suis bien prêt à vous les donner.

M. Jean (Robert): D'accord. La majeure partie de l'importation de mazout lourd se fait nécessairement dans les provinces maritimes. Si ce marché était ouvert aux producteurs du Québec, les raffineries pourraient, au besoin, en produire pour l'y envoyer. On parlait de la restructuration du secteur pétrolier - pas avec nous, mais avec SOQUIP. C'est un marché qui serait ouvert aux raffineries du Québec. Présentement, on a beaucoup de craqueurs catalytiques et toutes sortes d'arrangements qui font qu'il y a moins de mazout lourd. Cela, c'est à l'avantage du gaz, mais il serait produit à un bon prix. Si c'était payant de le faire, ils le feraient.

Les prix sur le marché mondial se sont aussi raffermis avec la reprise économique, ce qui est intéressant. Cependant, la subvention sur l'importation de mazout lourd se situait à 6,87 $ le baril au mois d'août et cela, par rapport à des barils qui se vendent environ 32 $; c'est quand même important. Même s'il y a un taxe de 3,76 $ pour payer ce programme-là, il reste encore 3 $ net de subvention, ce qui représente une subvention de 10% du prix. Quand on parle de l'importation de mazout lourd, disons dans les provinces de l'Atlantique - ici, je les ai en mètres cubes liquides - le total de produits pétroliers représente 1766 mètres cubes en 1982 et l'importation de mazout lourd représente 401 000 mètres cubes. 25% de la consommation pétrolière était importée sous forme de mazout lourd, en 1982, dans

les Maritimes. Ce sont quand même des chiffres importants. Pour les raffineurs du Québec, c'est une occasion manquée et pour la concurrence, cela nous cause des problèmes. Cela en a causé surtout l'an passé. Cette année, c'est moins grave, mais c'est quand même quelque chose de latent, comme le disait M. Barbeau.

M. Duhaime: Maintenant, parlons d'Hydro-Québec. Je ne sais pas si les gens de votre compagnie étaient ici lorsque Hydro-Québec est venue, au début de la semaine, présenter son mémoire. Il y a, à Hydro-Québec, trois programmes actuellement; un dans la biénergie, l'autre pour les chaudières industrielles et un nouveau programme de rabais pour inciter à l'investissement. D'après ce que j'ai compris des propos de M. Coulombe et de M. Bourbeau, il semble qu'Hydro-Québec propose de nouveaux programmes dans le secteur biénergique, par exemple, pour aller vers le marché commercial, institutionnel, multifami-lial, etc. Je comprends que vous êtes en concurrence. Cela me paraît assez farouche puisque, dès ce matin, vous nous mentionnez même des noms d'entreprises et vous dites: Celle-là, nous souhaitons la garder ou nous souhaitons l'avoir. Votre point de vue là-dessus, est-ce que je me risquerais à dire que ce que vous souhaitez, c'est qu'Hydro-Québec cesse son offensive sur le marché? Je voudrais avoir votre réaction là-dessus.

M. Barbeau: Voici. Il y a différentes façons de faire des offensives sur un marché. En général, on admet très bien que la concurrence existe. On se bat constamment contre le pétrole, on se bat également contre Hydro-Québec. Maintenant, on ne peut pas non plus s'entendre avec Hydro-Québec et dire on fera cela comme ceci. On a chacun notre marché et il faut se débattre à l'intérieur de ce marché. Par contre, je pense qu'il y a des programmes à HydroQuébec qui ne sont certainement pas à l'avantage des consommateurs québécois. Si je les reprends à partir du secteur résidentiel où on offre un programme de biénergie, on rend un très mauvais service au consommateur parce qu'on lui dit: Aujourd'hui on va te payer une conversion qui ne te coûtera pas bien cher et qui va te permettre de prendre une partie des volumes d'électricité combinée avec ton pétrole et là tu vas épargner de l'argent. Mais ce qu'on ne dit pas au consommateur, c'est que si le consommateur acceptait d'aller vers le gaz naturel il épargnerait 15% de plus sur sa facture de gaz naturel.

Ce programme d'Hydro-Québec, entre autres, est un programme qui rend un mauvais service au consommateur québécois. En toute honnêteté, je pense qu'il ne devrait même pas exister au moins dans les régions où le gaz naturel est présent. Il est évident que s'il y a un client sur la Côte-Nord et qu'on ne prévoit pas desservir, on va entre les deux lui offrir quelque chose qui va lui permettre d'épargner de l'argent. Mais quand le gaz naturel est disponible dans un marché, je crois qu'on a un produit qui est pas mal plus avantageux à offrir et qu'on devrait limiter la présence d'Hydro-Québec dans ce marché. Cela s'applique également au secteur commercial.

En ce qui concerne le secteur industriel, c'est là évidemment qu'Hydro-Québec peut nous faire le plus mal. J'ajoute seulement une petite note concernant le secteur résidentiel. On parle toujours ici des secteurs à grand débit parce que les secteurs à grand débit nous permettent de rentabiliser notre entreprise le plus rapidement possible. Par contre, il ne faudrait pas laisser de côté les secteurs résidentiel et commercial parce que ces secteurs nous permettent une stabilité à long terme que le secteur industriel ne peut pas nous donner. La mixture idéale d'un distributeur de gaz, selon nous, est de l'ordre de 20% de vente dans le secteur résidentiel, 20% dans le secteur commercial et 60% dans le secteur industriel. Lorsque des conflits ouvriers ou des problèmes de production affectent des consommateurs industriels, au moins les secteurs résidentiel et commercial nous permettent de maintenir une base intéressante de revenus.

Ceci étant dit, je reviens aux grands débits. On parle des ventes excédentaires d'électricité dans ce domaine. Je trouve très malheureux que, parce qu'on a des surplus pendant trois à quatre ans qui pourraient peut-être s'échelonner sur un plus long délai mais les pronostics d'Hydro-Québec changent à mesure qu'on les entend parler... Si on parle d'une période de quatre ans et qu'on offre aujourd'hui à un industriel un volume intéressant d'électricité, à un prix avantageux, je me pose la question suivante: Qu'arrivera-t-il à cet industriel dans quatre ans, alors que les excédents n'existeront plus, existeront moins et que la disponibilité d'électricité, même si elle est encore là... À quel prix va-t-on lui vendre le produit? Il serait malheureux qu'un consommateur industriel fasse face à une situation en 1988, par exemple, où les seuls choix qu'il aura seront la possibilité de ne plus avoir de l'électricité donc d'aller chercher des volumes de mazout à un prix auquel tout le monde sera très content de lui vendre ou bien avoir de l'électricité à un prix qui sera plus élevé que le prix de l'électricité excédentaire d'aujourd'hui, cela est sûr et certain. Alors, si le gaz naturel n'est pas présent dans la région à ce moment-là, l'industriel n'a pas d'autres choix que de payer plus cher pour son énergie et ce sera malheureux.

D'ailleurs, c'est une vieille rengaine que j'ai toujours mais il faut se rappeler que si l'Ontario s'est développée plus rapidement que le Québec en ce qui concerne l'implantation des industries, c'est en grande partie parce que dès 1960 le gaz naturel était disponible dans à peu près toutes les régions de l'Ontario. Si vous regardez le pipeline de TransCanada PipeLines il n'était pas question de poser des embranchements, il s'en allait tout de travers, il rejoignait toutes les régions de l'Ontario en passant par North Bay et en redescendant à Toronto. À ce moment, ces régions ont eu une base industrielle plus intéressante. Alors que je travaillais à Gaz Métropolitain dans les années soixante-dix et même avant cela - je reviens à ces années - je me souviens très bien que le directeur du parc industriel de Bécancour nous appelait constamment pour nous demander quand aura-t-on du gaz à Bécancour, parce qu'il perdait des industries d'une façon régulière.

Les industries posent certaines questions avant de s'implanter dans une région. Premièrement: est-ce qu'il y a un port en eau profonde? Est-ce qu'il y a un système de transport autre que celui-là? Est-ce que le gaz naturel est présent? C'est malheureux que des régions comme Bécancour aient été retardées dans leur développement à cause de l'absence du gaz naturel. Il serait doublement malheureux maintenant que, le gaz naturel étant en voie de s'étendre partout au Québec, on manque le bateau encore une fois et qu'on se retrouve dans cinq ans et qu'on dise: Qu'est-ce qu'on fait? On perd des industries maintenant, parce qu'il n'y a pas de gaz. Il sera peut-être trop tard à ce moment.

Malheureusement, le problème qui va arriver entre-temps, c'est que des régions ne seront pas desservies ou seront desservies moins rapidement. Donc, des consommateurs qui ont la chance aujourd'hui d'obtenir une subvention pour la conversion de leur équipement ne pourront pas en bénéficier parce qu'il n'y a pas de gaz et, dans cinq ans, il n'y aura probablement plus de subvention pour cela; donc, les gens seront forcés de rester au mazout ou de choisir la biénergie qui est un palliatif, mais ce n'est certainement pas le système idéal. Un système à deux têtes dans une maison, ce n'est pas un système qui va bien fonctionner de toute façon et il y aura toujours des problèmes avec cela, alors qu'aujourd'hui, on pourrait offrir un système net: un système dans la maison et une économie d'énergie dès le départ.

On parle de ce qui arrive dans une région si le gaz n'est pas présent. À Portneuf, il y avait un client industriel. On était en négociation avec lui. Il a signé avec Hydro-Québec le printemps dernier. On a perdu le client; on ne va pas à Portneuf cette année. Alors les investissements qu'on faisait à Portneuf sont annulés et les investissements qu'on devait faire dans les années à venir à Portneuf, on ne sait pas si on les fera. S'il n'y a pas d'autre client, on n'ira pas. Mais je peux vous dire que le prix que ce client a eu pour l'énergie excédentaire était très bon, on ne pouvait pas le battre. Mais j'ai bien hâte de voir ce qui va se passer dans quatre ans, lorsque ce type va renouveler son contrat.

M. Duhaime: La question que vous posez est en quelque sorte l'analyse qu'un industriel dit faire. J'imagine que ce sont de bons arguments de vente que les gens qui s'occupent du marketing de Gaz Inter-Cité doivent mettre sur la table lorsqu'ils font la sollicitation auprès de la clientèle en posant la question: qu'est-ce qui vous arrivera dans quatre ou cinq ans? Mais la décision de faire le choix de la forme d'énergie, est-ce qu'elle ne revient pas, si je suis votre raisonnement, à cet industriel qui fait l'évaluation de ces risques et qui, j'imagine, fait son propre scénario sur le prix? J'ai l'impression qu'un peu tout le monde a son petit scénario aujourd'hui sur l'évolution des prix et des énergies concurrentielles. Est-ce que le choix ne doit pas être laissé à ce consommateur industriel, même si cela peut sembler alléchant pour lui d'opter pour un programme chez Hydro-Québec et que vos gens vous disent: Faites attention! dans quatre ou cinq ans, Hydro-Québec peut décider de vous enclencher sur une échelle de prix beaucoup plus élevée et vous tomberez le bec à l'eau? Mais fondamentalement, selon votre point de vue, est-ce que le choix ne doit pas être laissé au consommateur qu'il soit industriel ou résidentiel?

M. Barbeau: C'est évident que le choix est laissé au consommateur. Par contre, M. Duhaime, il y a deux choses que j'aimerais ajouter. Dans une situation économique difficile comme celle qu'on a vécue au cours des deux dernières années, les gens, en majorité, se foutaient passablement du long terme. Quand vous parliez à un client, vous lui disiez: d'ici à quelques années, cela va te coûter plus cher. Le gars disait: Cela ne m'intéresse pas. Cette année, je perds de l'argent et c'est maintenant l'occasion de me faire payer au complet une belle bouilloire neuve et tout le kit. J'ai un prix intéressant pour les prochaines années. C'est tout ce qui m'intéresse. Dans quatre ans, on verra cela. C'est un point sur lequel le client n'est pas trop à l'aise. D'ailleurs, le client industriel, à part certains gros clients comme CIP, qui ont des gens à temps plein qui s'occupent de suivre l'évolution des prix mondiaux au niveau du mazout... La plupart des gens ne connaissent pas vraiment ce qui va arriver dans les années à venir. Ils sont un peu mal

à l'aise dans cela. Ils n'ont pas l'expertise; ils sont obligés de se fier à ce qu'on leur dit. Le gars nous regarde, nous écoute et il nous aime bien; il se dit: c'est peut-être bien fin de ce que tu me dis; Hydro-Québec dit autre chose. Alors, il ne sait plus quoi faire. Il regarde et dit: Je suis sûr de cela, je le prends cette année.

Le deuxième volet: ce que nous fait la présence d'énergie excédentaire sur les marchés. Cela nous enlève une marge de profit sur nos ventes. Vous me direz que c'est bon pour l'entreprise; c'est évident que c'est bon pour l'entreprise, non pas la nôtre, mais pour celui qui signe avec nous. Vous avez un client industriel avec lequel nous négocions. Alors que les prix du mazout augmentent, on a quand même une marge intéressante qu'on peut aller chercher en offrant un bon "deal" à l'usager. Mais dès qu'on négocie avec lui et qu'on est en train de s'entendre sur un prix donné, HydroQuébec arrive et passe en-dessous de nous. Alors pour garder le client, eh bien, on veut négocier et on essaie d'aller le plus bas possible. Finalement, il se peut qu'on réussisse à faire signer le client, mais on a perdu une marge intéressante qui va nous empêcher, pas d'être rentables, mais qui va nous empêcher d'accroître notre production aussi rapidement que prévu. C'est ce que cela nous crée également comme problème. (11 h 15)

M. Duhaime: Si on suit votre raisonnement jusqu'au bout, cela veut dire que vous êtes obligés d'amenuiser vos marges de profit. L'entreprise qui signe avec vous y gagne l'équivalent de ce que vous gardez. Ce n'est pas nous qui avons inventé cela. De plus, du point de vue de l'entreprise, le montant d'argent qui a été économisé en négociant serré avec Gaz Inter-Cité Inc., j'imagine qu'il se répercute aussi dans le prix du produit fini de cette entreprise.

M. Barbeau: II pourra, oui.

M. Duhaime: Donc, c'est le grand public qui en bénéficie en fin de compte.

M. Barbeau: Oui. Si vous prenez cette direction, je suis bien d'accord avec vous.

M. Duhaime: C'est celle que je préfère.

M. Barbeau: Oui, mais je vais vous en donner une autre. Tout cela, c'est beau, le produit fini va peut-être coûter un peu moins cher. Par contre, si le fait que l'on n'a pas pu avoir une marge plus intéressante nous empêche d'accroître nos réseaux, il y a un paquet de consommateurs qui ne pourront pas bénéficier des 800 $ donnés par le gouvernement fédéral pour convertir leur système, des 800 $ donnés par Gaz Inter-Cité Inc. et également de l'économie immédiate d'énergie. Il s'agit de balancer les deux pour savoir lequel est le plus avantageux.

M. Duhaime: J'ai bien l'impression qu'en tout état de cause, c'est toujours une décision qui se prend davantage sur les inconvénients à venir que sur n'importe quoi d'autre. J'ai une dernière question. En Mauricie, par exemple, vous nous avez donné le chiffre global, vous êtes à 109% de vos objectifs de pénétration, mais comment cela se répartit-il dans les secteurs résidentiel, commercial et institutionnel?

M. Barbeau: En Mauricie, je dirai qu'environ 80% de nos ventes seront dans le secteur industriel.

M. Duhaime: Dans le secteur industriel.

M. Barbeau: Oui, pour les premières années. Graduellement, au fur et à mesure que nous augmenterons les ventes dans les secteurs résidentiel et commercial, les 80% vont probablement tomber autour de 75% et 70% parce qu'il y a des régions quand même où la répartition n'est pas la même. Quand je vous mentionnais tout à l'heure que l'on parle de 60% dans le secteur industriel et 20% chacun dans les deux autres secteurs, c'est global dans notre territoire. La région de la Mauricie a un pourcentage industriel plus élevé. La région du Saguenay a un pourcentage plus élevé. Par exemple, si on regarde dans cinq ans pour le secteur industriel, on parlera de 65% dans le Saguenay alors que dans l'Estrie, on parlera d'à peu près 55% et à Québec, de 30%. En tout, cela donne environ 60%.

M. Duhaime: J'ai une dernière question. J'aurais dû la poser tantôt. Quand vous êtes obligé d'amenuiser votre marge de profit à cause de la concurrence, est-ce que je peux conclure que si Hydro-Québec n'était pas dans vos pattes sur votre marché, l'amenuisement ne se ferait pas?

M. Barbeau: Elle se ferait moins, assurément.

M. Duhaime: Elle se ferait moins, donc le prix serait plus haut.

M. Barbeau: Un peu plus haut.

M. Duhaime: Très bien, je vous remercie.

Le Président (M. Paré): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Barbeau, en premier, je dois vous féliciter. Je vous ai suivi tout l'été dans vos négociations avec les syndicats et vous venez faire état de vos succès dans la

construction des conduites latérales. Je dois vous dire qu'en tant qu'ex-directeur de projets, vous avez toute mon admiration parce que c'est un défi important. Pour l'avenir industriel du Québec, d'avoir su gagner la paix dans ce secteur comme vous l'avez fait, c'est une plume à votre chapeau que l'on doit souligner.

M. Barbeau: Merci.

M. Fortier: J'étais présent à la commission parlementaire, il y a un an et demi, je crois, lorsqu'il y avait des problèmes dans la construction du gazoduc et alors que le gouvernement avait pris une décision qui ne nous avantageait pas. Vous avez su renverser la vapeur. Cela mérite d'être souligné.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous poser une question préalable pour qu'on puisse connaître la façon dont vous négociez vos achats de gaz, qui a une importance sur la rentabilité et la façon dont vous abordez votre marketing. Si je comprends bien, vous achetez votre gaz par l'entremise de Trans Québec & Maritimes, c'est-à-dire la compagnie de transport de gaz. Vous l'achetez au pipeline même. Dois-je comprendre que vos achats, qui sont calculés sur une base annuelle ou même sur une base quotidienne - vous me corrigerez... Autrement dit, vous vous engagez à des achats spécifiques pour une région donnée. Prenons comme exemple la région de Trois-Rivières. Votre achat se fait a l'endroit où vous vous raccordez au pipeline de Trans Québec & Maritimes. En ce qui concerne Québec, vos achats sont ponctuels lorsque vous vous raccordez à Québec. Autrement dit, est-ce que je dois comprendre que les engagements que vous prenez - j'aimerais que vous me disiez si c'est sur une base annuelle ou quotidienne - sont ponctuels pour chacune des régions? Est-ce que ce genre d'achats doit être pris en considération lorsque vous déterminez la rentabilité de vos différents sous-réseaux?

M. Barbeau: Pour répondre à votre question, premièrement, les achats de gaz ont été faits pour la région de Trois-Rivières et Québec en des points bien particuliers. Il y a le point de livraison de la Mauricie qui sert à desservir l'ensemble de cette région et éventuellement le Saguenay si on veut l'inclure. Il y a la région de Québec où nous avons également acheté nos volumes. Ces volumes ont été achetés de TransCanada PipeLines à la frontière de l'Alberta et sont transportés par TransCanada PipeLines jusqu'à Montréal et par Trans Québec & Maritimes jusqu'à nos différents points de livraison. Trans Québec &. Maritimes n'a pas de volumes de gaz comme tels. Elle n'est qu'un transporteur.

M. Fortier: C'est TransCanada.

M. Barbeau: Maintenant, pour la région de l'Estrie, nous avons acheté nos volumes de gaz directement d'un consortium formé de SOQUIP et Inter-City Gas, qui sont les deux plus gros actionnaires de Gaz Inter-Cité ayant chacun 49% des actions de la compagnie et étant tous les deux impliqués dans l'exploration en Alberta. Les volumes de l'Estrie nous sont livrés à la frontière de l'Alberta par SOQUIP et ICG et de là...

M. Fortier: SOQUIP et qui?

M. Barbeau: ICG, soit Inter-City Gas Corporation.

M. Fortier: Inter-City Gas à Winnipeg, oui.

M. Barbeau: Qui est également actionnaire de Gaz Inter-Cité. Ces volumes nous sont par la suite transportés par TransCanada PipeLines pour livraison à notre point de Sabrevois pour servir la ligne de Sherbrooke.

Il y a une petite chose. On achète le gaz sur une base de contrats volume quotidien. Le contrat est de quinze ans. Nous devons toujours penser à deux choses. Il ne faut pas en acheter trop pour être pris avec et en acheter assez pour être capable de fournir les industries au fur et à mesure qu'elles se développent. Dans une situation comme la nôtre, c'est peut-être un peu plus difficile à prévoir parce qu'on commence. On ne savait pas la réaction des marchés au moment où on achèterait. Nous avons quand même des volumes qui sont achetés d'une façon prudente. Les ententes entre le gouvernement fédéral, TransCanada PipeLines et nous nous permettent de ne payer que pour le volume de gaz que l'on prend pour une période de trois ans. Donc, le volume acheté qui a été livré dans la Mauricie en 1982 nous sert pendant trois ans sans qu'on ait de problèmes à payer pour du gaz non acheté, non consommé ou non vendu. Dans trois ans, on devra, lorsque le taux de développement sera terminé, payer plein tarif.

On prévoit déjà en 1984 devoir ajouter à ces volumes. Avec la signature de CIP à La Tuque, l'Alcan au Saguenay on sait que ce volume ne sera pas suffisant. Donc, on va même augmenter nos volumes avant la fin des trois ans. On ne devrait pas avoir de problèmes de volumes non vendus.

Pour la région de Québec, ce qu'on voit venir dans le moment nous permet de croire que les volumes seront également suffisants et pas trop élevés pour fournir la région. Si jamais on avait un problème, on a une clause qui nous permet un détournement de volumes entre deux régions données. Autrement dit, le pipeline étant le même qui amène le gaz

de Trois-Rivières à Québec on pourrait prendre plus de gaz censé être livré à Québec pour utilisation dans la Mauricie, ce qui nous donne un avantage supplémentaire et nous permet de n'entrevoir aucun problème de paiement de gaz non utilisé dans les années 1986-1987 et subséquentes.

M. Fortier: Si je comprends bien, l'aide que vous recevez du gouvernement fédéral, d'une part, c'est pour la construction des conduits latéraux; on parle de 500 000 000 $, c'est bien cela?

M. Barbeau: C'est 465 000 000 $.

M. Fortier: D'autre part, il y a ce moratoire sur les achats contractuels de gaz que vous n'avez pas à payer, c'est-à-dire le moratoire sur vos obligations en ce qui concerne les achats quotidiens de gaz pendant les trois ans de pénétration du gaz. Cette aide du gouvernement fédéral peut représenter combien?

M. Barbeau: Cela va chercher dans les millions. Cette année, justement parce que la Mauricie ne s'est pas développée aussi rapidement que prévu au début, nous n'avons pas consommé tous les volumes prévus. Je n'ai pas les chiffres en main mais on parle de millions au cours des années à venir. Il ne faudrait pas oublier que lorsqu'on parle de trois ans, c'est trois ans à chaque contrat qu'on signe. Les trois ans pour Québec commencent au mois de novembre cette année et pour l'Estrie ils vont également commencer au mois de novembre. Si on signe un nouveau contrat pour le Saguenay l'an prochain, cela sera à partir de 1984.

M. Fortier: II reste que ce programme sera encore disponible en 1989 et en 1990. C'est dans l'immédiat seulement. Vous n'êtes pas certain que cela va exister plus loin...

M. Barbeau: Oui, selon...

M. Fortier: Je crois que la politique nationale de l'énergie s'arrête en 1987. D'une façon générale on peut donc dire que ces programmes existeront jusqu'en 1987.

M. Barbeau: On n'aura plus de problème après cela, de toute façon.

M. Fortier: Tout à l'heure vous avez dit que compte tenu des problèmes auxquels vous avez fait allusion - on parlait de Portneuf, on parlait des régions où quelques clients industriels faisaient la différence... je sais que c'est la même chose pour Gaz Métropolitain qui devait aller à Saint-Jérôme et qui n'ira pas parce que Hydro-Québec s'est emparé d'une compagnie, ce qui fait que la rentabilité de la construction de la conduite latérale ne se justifiait plus - du fait qu'il y aurait baisse des investissements - je ne parle pas des conduites latérales - de Gaz Inter-Cité spécifiquement, il y a un certain nombre de clients que vous n'irez pas chercher.

J'essaie d'évaluer la situation. D'un côté, vous dites au ministre qu'il n'y a pas trop de problèmes et d'un autre côté vous dites que vous serez obligés de baisser vos investissements, qu'il y a des régions qui ne seront pas desservies, que l'aide sur laquelle vous comptiez n'existera pas. Je me rends compte que le moratoire sur les achats quotidiens n'existera plus dans trois ans. Si on met ces éléments-là ensemble, cela veut dire que dans trois ans, à partir de 1987, Gaz Inter-Cité sera obligée de payer des pénalités en cas de... en anglais on dit "take or pay". Cela s'ajoutera à vos coûts d'exploitation. Est-ce qu'on peut tenir pour acquis que, compte tenu de cette faiblesse dans la pénétration durant les trois prochaines années, du fait que dans trois ans le moratoire n'existera plus ou que l'aide fédérale n'existera plus, votre rentabilité étant moindre maintenant, elle s'aggraverait considérablement dans trois ans?

M. Barbeau: Je vais essayer de clarifier cela. Je sais que c'est confus quand on parle de cela; c'est une situation qui est dynamique, qui change tous les jours. Il y a cependant une chose que je voudrais rectifier. Quand vous dites que dans trois ans on pourrait payer des "take or pay" sur le gaz, je vous dis que je n'en paierai pas parce que les volumes qui sont déjà signés et ceux qui vont l'être nous permettent de nous assurer qu'on n'aura pas à payer de "take or pay" sur ces volumes puisqu'ils seront déjà sous contrat, à moins d'un renversement de situation épouvantable où on perdrait des clients, mais cela va dans quatre ou cinq ans. Cela peut nous arriver comme à tout le monde. C'est à nous à faire notre travail pour nous assurer qu'on les garde.

De ce côté-là, il n'y a donc pas tellement de problèmes. Ce que je veux surtout soulever, c'est que la compagnie sera rentable en 1985 sur la base de ce qu'on voit présentement. Par contre, si nous ne faisons pas signer tous les clients que nous prévoyons, si nous devons trop réduire notre marge de profit sur nos ventes, cela réduira notre croissance. On aura une plus faible croissance dans le secteur résidentiel, dans le secteur commercial ou dans des régions où on ne pourrait peut-être pas aller. Cela n'est pas dramatique, mais c'est quand même important pour la compagnie. Je pense que je pourrais vous donner un exemple. On devait investir cette année entre 40 000 000 $ et 60 000 000 $ de plus dans la région de Québec. On ne l'a pas fait parce que les ventes dans la Mauricie

n'avaient pas généré les revenus qu'on attendait.

M. Fortier: Quand on parle d'investissements, on parle de distribution.

M. Barbeau: De distribution, toujours. La Mauricie ne supportait pas Québec et, dans nos prévisions à long terme, la Mauricie devait supporter Québec au niveau de la rentabilité parce que Québec a une base résidentielle très grande et une base industrielle très petite. Étant donné qu'on n'a pas raccordé les clients dans la Mauricie plus rapidement, on a dû ralentir les investissements dans la région de Québec. Dès que les ventes se stabiliseront dans la Mauricie et qu'on aura obtenu des clients aux taux qu'on veut, on pourra continuer à s'étendre à un rythme plus accéléré dans diverses régions. C'est là que le jeu se fait; c'est une question pour nous de déterminer: on peut maintenir une rentabilité d'entreprise à un niveau X et, pour faire cela, cela nous prend des revenus Y. (11 h 30)

M. Fortier: Oui, mais là j'ai de la misère à vous suivre, parce que je sais que vos prix sont déterminés, dans une certaine mesure, par la Régie du gaz et de l'électricité. La question que j'aimerais vous poser, lorsque vous dites que la région de Québec, qui est moins rentable, va être compensée par la région de Trois-Rivières, c'est si, de fait, lorsque vous vous présentez devant la régie vous pouvez faire ce genre de calcul? Car je sais que la régie ne vous permettrait pas de dire: On perd de l'argent avec l'industriel, on va charger plus au domestique ou vice versa. Donc la régie a des règles très sévères avec lesquelles vous devez fonctionner. À ce moment, pouvez-vous justifier un rendement moindre dans la région de Québec en disant: nous allons compenser avec Trois-Rivières? Étant donné les ententes contractuelles que vous avez définies tout à l'heure et qui sont sur une base de régions, est-ce que la régie tient compte de cela lorsque vous déterminez votre rentabilité?

M. Barbeau: La régie regarde l'entreprise sur une base globale, après avoir examiné chacune des régions. Mais ce qui importe pour les actionnaires et ce qui importe pour la régie c'est de voir si effectivement Gaz Inter-Cité va être rentable selon les prévisions faites, d'une façon globale. Quand on parle d'un rendement de 16,5% sur l'avoir des actionnaires, cela n'a pas d'importance de savoir si on a un rendement de 22% dans la région de Trois-Rivières et si on a un rendement de 12% dans la région de Québec; l'important c'est de donner le service au plus grand nombre possible de consommateurs tout en maintenant l'entreprise rentable.

Quand vous parlez des règles sévères de la régie, nous avons quand même des tarifs avec des niveaux à l'intérieur desquels on peut négocier avec les industriels. Alors nous avons quand même une marge de négociation vis-à-vis des industriels et la régie nous le permet évidemment.

Quand vous dites que Trois-Rivières supporte Québec, il faut quand même faire attention. Ici, c'est plus évident pour Gaz Inter-Cité parce que nous sommes une compagnie répartie à l'intérieur d'un très grand territoire, mais vous prenez n'importe quel distributeur de gaz, il y a des secteurs moins rentables que d'autres, il y a des villes moins rentables que d'autres. Vous avez cela dans la région de Montréal et vous l'aurez toujours dans la région de Montréal, vous l'aurez toujours chez tous les distributeurs. Nous, nous sommes très étendus à l'intérieur d'un très vaste territoire et nous parlons de la région de la Mauricie versus la région de Québec, mais, dans le fond, on met tout cela ensemble une bonne journée et on dit: Nos industriels nous rapportent tant, nos résidentiels et nos commerciaux nous rapportent tant et globalement on a une rentabilité qui est intéressante ou pas.

M. Fortier: Vous parlez d'une marge de manoeuvre dans le domaine industriel. Enfin, j'imagine que la régie détermine des prix minimaux. Votre marge est sûrement moins grande que celle d'Hydro-Québec qui, elle, peut offrir des prix de dumping présentement. J'imagine que c'est là le problème. Hydro-Québec a un tarif officiel comme vous en avez un, mais, en plus de cela, Hydro-Québec a un autre choix, c'est qu'elle peut offrir des prix de dumping.

M. Barbeau: C'est sûr que nous n'avons pas la flexibilité des pétroliers et d'Hydro-Québec. C'est plus facile de changer un tarif d'Hydro-Québec que de changer un tarif de Gaz Inter-Cité. Aller à la régie pour changer un tarif représente quand même des audiences qui durent pendant des semaines et des semaines. À ce moment, je peux vous dire que la régie n'y va pas à peu près. Si vous me pardonnez l'expression, on se fait vraiment "déculotter" quand on va là. On doit fournir toutes les informations imaginables et inimaginables et la régie veut être certaine que ce que l'entreprise fait, elle le fait en vue de bien servir les consommateurs du territoire qu'elle a. Je dois vous dire que la régie c'est la deuxième étape, l'étape précédente c'est qu'on a un conseil d'administration chez nous... Quand je mentionnais tout à l'heure qu'Inter City Gas a 49% et ces gens, tout comme SOQUIP qui est au conseil, veulent s'assurer que Gaz Inter-Cité agit de façon prudente et rapporte

les dividendes qui ont été prévus. Nous sommes quand même à l'intérieur de critères très rigides et c'est pour cela que je mentionnais que la présence d'Hydro-Québec peut nous faire baisser; c'est là que cela peut nous faire mal, parce que cela change nos programmes. Il faut ralentir dans certains cas, il faut éliminer tel autre projet et nous sommes toujours un peu entre deux chaises à cause de cela. Nous nous en tirons quand même pas mal actuellement, mais cela pourrait être mieux autrement.

M. Fortier: Je dois vous féliciter, malgré les contraintes que vous avez, d'avoir réussi tant que cela car vous disiez que, lorsque vous voulez proposer une nouvelle tarification, vous devez aller devant la régie. Vous parliez de plusieurs mois, je ne sais pas si c'est quatre, cinq ou six mois, d'après l'expérience.

M. Barbeau: Jusqu'à maintenant, nous avons été chanceux, cela a été de deux ou trois semaines. Nous ne sommes pas gros encore, mais tout à l'heure je peux vous dire que ce sera trois ou quatre mois.

M. Fortier: Mais enfin! À partir du moment où il y a des auditions...

M. Barbeau: Oui.

M. Fortier: ...les gens se présentent et tout cela. Quand vous dites deux ou trois semaines, cela me semble... À partir du moment où il y a des avis dans les journaux...

M. Barbeau: Ah non! C'est plus long que cela.

M. Fortier: ...jusqu'au moment où la décision est prise...

M. Barbeau: Ah oui!

M. Fortier: ...on parle de plusieurs mois.

M. Barbeau: Vous avez entièrement raison, M. Fortier. Si on compte le temps de parution des avis publics, le temps que cela prend ensuite pour entendre la cause et considérant aussi l'intervention de l'extérieur qui a son mot à dire - nos clients industriels peuvent venir devant la régie, les groupements de consommateurs peuvent le faire également - si on compte cela, c'est un processus quand même plus long que trois semaines.

M. Fortier: Je sais qu'avec HydroQuébec c'est beaucoup plus rapide. Je vais vous donner un exemple. Vers le 15 juin, on a entendu Hydro-Québec, lors des discussions au sujet de la loi 4 et Hydro-Québec nous a dit: Très prochainement, nous allons présenter au ministre les nouveaux programmes pour le secteur industriel. On est parti en vacances et, quinze jours plus tard, je reçois un exemplaire d'Hydro Presse, et c'était déjà approuvé. Bien entendu, s'ils peuvent prendre quinze jours, vous pouvez prendre six ou sept mois. On n'est pas du tout dans le même genre de dynamique, mais là, c'est deux poids, deux mesures. Pour un ministre qui veut absolument votre succès, je me demande parfois ce qu'il fait pour vous aider, parce qu'il prend bien des décisions.

On parlait tout à l'heure des programmes de biénergie et autres et vous avez dit qu'ils n'auraient jamais du exister. Il aurait fallu dire qu'ils n'auraient jamais dû être approuvés dans votre langage, parce que c'est le ministre qui les approuve. C'est lui qui les recommande au Conseil des ministres et cela, il ne l'a pas dit. S'il y avait eu des auditions... Je sais que, dans votre cas, des associations de consommateurs industriels se présentent devant la régie pour défendre leur point de vue. Dans le cas d'Hydro-Québec, cela n'existe pas et, là, le ministre nous dit: Je suis en faveur du gaz. Or, il prend des décisions qui semblent vous affecter drôlement. C'est ce genre de dynamique que j'ai dénoncé dans le passé et cela me semble un peu farfelu.

En ce qui concerne la pénétration du gaz, je suis heureux de vos succès. Je regardais ici certains des documents que vous avez soumis à la régie. Malheureusement, c'est en milliers de mètres cubes. Quelle est la conversion des milliers de mètres cubes aux BCF?

M. Barbeau: Vous multipliez par 35 et vous divisez par 18, selon...

M. Fortier: Divisé par 35 et multiplié par 18?

M. Barbeau: Multipliez par 35 les mètres cubes. Cela vous donne l'équivalent en pieds cubes. Là, il y a le jeu des zéros, par exemple.

M. Fortier: Oui. Multiplié par 100 et divisé par 3. Oui, d'accord. Ici, je vois que vous disiez qu'au mois d'octobre - on est rendu au mois d'octobre - vous vendriez... Votre objectif était... Mais cela, c'est pour les clients. Oui, volumes et revenus en millions, à peu près 10 900 000 mètres cubes. En êtes-vous là dans le moment? C'est ce que vous dites. C'étaient vos objectifs.

M. Barbeau: Oui, on doit être près de cela.

M. Fortier: Vous êtes près de cela.

C'est durant le mois de janvier. C'était votre mois le plus important. Oui, c'est 51 500 000 000 mètres cubes. 51 000 000 000, comment cela fait-il en BCF?

M. Jean: Oui. 51 000 000 000, cela fait environ 2 BCF. 51 000 000 000?

M. Fortier: 51 500 milliers de mètres cubes.

M. Jean: D'accord. Cela fait... Vous avez 28 mètres cubes par millier de pieds cubes. Cela fait environ 2 BCF, ce que vous dites là.

M. Fortier: Deux BCF? Deux BCF au mois de janvier?

M. Barbeau: Vous parlez d'un mois donné?

M. Fortier: Oui, c'est pour un mois donné.

M. Barbeau: Ah oui! D'accord. Je parle sur une base annuelle.

M. Fortier: Ah oui; Sur une base annuelle, vous parliez de juillet. Votre année financière va de juillet à juin? C'est bien cela?

M. Barbeau: Non, c'est-à-dire que ce n'est pas notre année financière. La régie nous a demandé de...

M. Fortier: De présenter cela sur cette base.

M. Barbeau: ...présenter cela sur une base d'année-témoin de juillet à juin.

M. Fortier: C'est un total prévu de 315 823.

M. Barbeau: Oui, une dizaine de BCF. M. Fortier: Une dizaine de BCF?

M. Barbeau: Oui, c'est cela. C'est pas mal ce qu'on va...

M. Fortier: C'est l'objectif dont vous parliez tout à l'heure.

M. Barbeau: Oui.

M. Fortier: Si je comprends bien, en dépit des contraintes qu'Hydro-Québec vous impose, entre autres, dans la région de Trois-Rivières, vous dites que vous avez atteint vos objectifs.

M. Barbeau: Oui. On a évidemment perdu des plumes quand même. On n'a pas eu tout ce qu'on voulait.

M. Fortier: C'est-à-dire que vos objectifs étaient assez sûrs et que vous auriez fait mieux si Hydro-Québec ne faisait pas cette campagne pour aller chercher des clients industriels.

M. Barbeau: Oui. Il y a des clients qui auraient eu une plus grande consommation, c'est-à-dire qu'il y a des volumes qui sont perdus maintenant. Je pense à CIP, qui a signé une partie de sa demande en électricité. Donc, il nous en reste moins qu'on prévoyait avoir il y a deux ans, par exemple. C'est dans ce sens que cela nous affecte. Les volumes sont moins grands, dans certains cas, à cause de la présence d'Hydro-Québec.

M. Fortier: En ce qui concerne le financement de vos activités, il avait été question entre les branches que vous offririez des actions au public. Je voyais un jugement rendu par la Régie de l'électricité et du gaz, et elle constatait que les emprunts à court terme contractés par la requérante, 19 675 000 $ représentaient environ 70% des actifs qu'elle démontre dans son dossier R-4 et que cette situation va à l'encontre des prescriptions de l'article 43 de la Loi sur la Régie de l'électricité et du gaz. Moi, quand j'ai lu cela, cela m'a un peu frappé. J'ai dit: Quel est le problème? Il s'agit d'une compagnie contrôlée par le gouvernement à 51% qui va à l'encontre de l'article 43 de la Loi sur la Régie de l'électricité et du gaz. Quel était le problème à ce moment-là? Quel est votre problème de financement? Autrement dit: Qu'est-ce qui fait que vous ne pouvez pas respecter cet article de la loi en ce qui concerne le financement à court terme ou à long terme et quelle est votre position dans le moment en ce qui concerne le financement de la compagnie?

M. Barbeau: On a respecté, par la suite, la demande de la régie. C'est une question de rapport dette-équité à ce moment et, depuis, les actionnaires ont mis des montants dans la compagnie, qui étaient d'ailleurs prévus, au cours de l'année 1983. Il y a un autre montant qui va être ajouté en décembre et qui va donner un ratio d'environ 28%, 30% de la part des actionnaires, 70% dette. L'intention de Gaz Inter-Cité c'est évidemment d'aller dans le public et, si l'année 1984 se déroule comme c'est prévu -je ne peux pas évidemment annoncer ces choses ici - on pense sérieusement à émettre des actions sur le marché en 1984.

M. Fortier: Votre année financière est comprise entre quelle période?

M. Barbeau: De janvier à décembre.

M. Fortier: De janvier à décembre. Je dois admettre, quant à moi, que je suis un peu mal à l'aise. Je pense que c'est la seule compagnie qui est venue devant la commission parlementaire qui ne publie pas ses états financiers. Il me semblerait qu'une société qui bénéficie d'un monopole public dans une région du Québec devrait publier ses états financiers. Je dois vous avouer qu'en tant que parlementaire, je me sens un peu mal à l'aise, en tant que représentant du public, d'avoir à porter un jugement sur un sujet aussi important, la pénétration du gaz au Québec, alors qu'on doit aller chercher des informations. Je m'aperçois que l'information ici, que vous avez publiée à la demande de la régie, ne correspond pas à votre année financière; donc, on ne peut pas comparer les deux à proprement parler. Je dois vous avouer que je n'ai pas la même information que celle que le ministre peut avoir parce que lui, en tant qu'actionnaire de SOQUIP, a accès à ce genre d'information et que le public, à mon avis, devrait l'avoir.

C'est pour cela que j'aimerais vous demander: Est-ce que vous avez l'intention de changer votre politique là-dessus? Comment se fait-il, étant donné que vous bénéficiez d'un monopole public, que vous ne publiiez pas vos états financiers? Cela me semble un peu absurde, même si vous n'êtes pas une société publique, dans le sens qu'il y a des actions dans le public. Bénéficiant d'un monopole public, il me semblerait que vous devriez publier vos états financiers.

M. Barbeau: Ce sont des choses, M. Fortier, qu'on regarde présentement. Dans le fond, on n'a pas d'objection à publier les résultats de l'entreprise. Sauf que je dois vous dire que, pour la première année, soit l'année 1982, il n'y avait pas tellement de choses à publier. On venait de commencer. On avait eu nos premières livraisons de gaz à l'automne, au mois de novembre 1982, en fait, à la fin de novembre 1982 pour la région de Trois-Rivières. Comme année, cela ne disait pas grand chose à personne, je pense. Maintenant, je suis bien conscient qu'au fur et à mesure qu'on progresse et que les revenus de ventes augmentent, que les dépenses aussi augmentent et qu'il y a toutes sortes de choses qui se passent dans la compagnie... C'est une situation qu'on examine présentement et qu'on va certainement corriger pour , les prochaines années, en tout cas.

M. Fortier: Quand est-ce que vous allez faire votre demande pour les augmentations de tarifs pour l'an prochain? Est-ce que cela est déjà devant la régie?

M. Barbeau: Non. On n'en a pas. On va décider au mois de mars ou au mois d'avril prochain si on doit avoir une augmentation, mais il n'est pas dit qu'on en aura une.

M. Fortier: Je vois, par le pro forma que vous avez présenté devant la régie, que vous pensiez avoir des ventes de gaz de 65 000 000 $ pour un coût du gaz de 50 000 000 $, ce qui aurait donné un bénéfice aux actionnaires de quelque 5 400 000 $, quasiment 6 000 000 $ pour un rendement de 16,5%. Vous dites que vous allez atteindre vos objectifs de vente, c'est bien cela que j'ai compris, mais que votre rentabilité serait beaucoup moindre.

M. Barbeau: Je n'ai jamais dit cela.

M. Fortier: Vous avez dit que cela serait moins.

M. Barbeau: Je n'ai pas dit beaucoup moins.

M. Fortier: N'ayant pas vos états financiers... Encore là, j'ai les états financiers de Gaz Métropolitain, j'ai les états financiers de SOQUIP, mais je n'ai pas vos états financiers. Si vous voulez me les donner, je vais arrêter de faire des hypothèses et, à ce moment, on va se comprendre. Mais je ne les ai pas.

M. Barbeau: Non, j'ai dit que cela pourrait être moindre.

M. Fortier: J'aimerais bien savoir parce que le ministre me dit: Ne vous inquiétez pas. Mais moi, représentant le public, j'ai raison de m'inquiéter, compte tenu de la politique du gouvernement qui semble hybride. À ce moment, c'est la raison pour laquelle on ne voudrait pas qu'on s'engage dans une orientation pour se retrouver, quand on sera au pouvoir, avec des problèmes que le ministre aura créés. (11 h 45)

M. Duhaime: Les compagnies vont être rentables longtemps. Elles ont du temps devant elles.

M. Barbeau: Je ne veux pas mêler, à savoir...

M. Fortier: Non, je sais que vous n'êtes pas en politique, vous.

M. Barbeau: ...qui sera au pouvoir. Cela ne me dérange pas de toute façon, l'un ou l'autre. Je parle en tant que dirigeant de Gaz Inter-Cité.

Si cela peut vous aider à évaluer un peu mieux l'entreprise, il ne faut pas oublier... Je l'ai mentionné tout à l'heure, brièvement. Si vous avez des craintes au niveau du gouvernement, à savoir s'il peut

laisser aller une compagnie dans une situation qui, éventuellement, pourrait vous créer des problèmes ou pourrait créer des problèmes à d'autres, je peux vous dire que la présence, encore une fois, de la compagnie Inter-City Gas, à 49%... Quand on dit qu'il y a 20 000 000 $ d'équité dans la compagnie actuellement, il y en a 9 800 000 $ d'investis par Inter-City Gas de Winnipeg. Inter-City, avant de mettre des millions de dollars dans la compagnie, veut s'assurer qu'elle va obtenir un rendement raisonnable, parce qu'il reste quand même que 9 000 000 $, cela commence à être de l'argent, et elle va en réinvestir, l'an prochain, probablement autant. Ces gens s'assurent que Gaz Inter-Cité est une compagnie rentable qui voit, dans les prochaines années, un rendement satisfaisant de leurs investissements. Il faut être bien sûr que, de ce côté-là, lorsqu'on se présente au conseil d'administration avec des projets pour les prochaines années, Inter-Cité veut y voir très à fond et SOQUIP également. Je veux simplement vous dire que les gens qui investissent de l'argent de leurs poches dans la compagnie sont là pour y voir et s'assurent aussi que la compagnie va être rentable.

Quand j'ai dit "moins rentable", c'est tout simplement que c'est rentable peut-être moins vite ou un peu... C'est relatif. Si on a moins de marge, si les revenus sont moins élevés, on va peut-être être obligé de ralentir nos investissements. On va regarder ce qu'il faut faire pour assurer la rentabilité de l'entreprise, parce qu'avec les chiffres qu'on prévoit présentement, en 1985, on serait plus que rentable. Le fonds de trop-perçus que la régie a accepté chez Gaz Inter-Cité et qui permet de mettre dans un fonds l'excédent de revenus, ce qui est en sus du taux autorisé, en vue de compenser pour des augmentations futures, cela existe et on prévoyait, en 1985, investir de l'argent dans ce fonds. Ce qui pourrait arriver, c'est qu'on en investirait moins ou qu'on sera plus près de la rentabilité approuvée par la régie. Mais on parle de petite variante dans le moment. À moins, encore une fois, qu'il n'arrive quelque chose de dramatique que je ne peux pas prévoir.

M. Fortier: Je prends votre parole en ce qui concerne Inter-City Gas. Je sais fort bien que c'est une compagnie de l'Ouest qui cherche à rentabiliser ses investissements. L'inquiétude que quelqu'un pourrait avoir - il n'en est pas question - sachant l'investissement ou la politique du gouvernement provincial dans ce domaine, c'est que la société fasse faillite. Mais on peut penser que, si c'est moins rentable, dans un avenir prochain, vous vouliez maintenir votre rentabilité. Si votre clientèle était plus basse que celle que vous aviez visée, les consommateurs de gaz existants devraient payer plus. À ce moment-là, on va se retrouver, au Québec, si on ne peut pas rentabiliser nos investissements, en pensant en termes de fusion éventuelle de deux compagnies de gaz. Mais même si on ne va pas dans cette direction, augmenter le prix du gaz vendu à un point qu'on ne soit plus concurrentiel par rapport à l'Ontario... Quand on parle de rentabilité, il y a toujours moyen de rentabiliser une compagnie publique comme celle-là en imposant des tarifs plus élevés. On a eu des représentations de sociétés industrielles qui s'inquiètent du prix de l'électricité. On en a eu d'autres qui nous ont parlé du prix du gaz.

Une inquiétude qu'on doit avoir a trait au développement économique du Québec. C'est beau de dire: Oui, c'est bon d'avoir du gaz au Québec, mais il faudrait bien qu'au prix qu'il sera vendu à l'avenir, que ce soit au Lac-Saint-Jean, dans la Mauricie, à Trois-Rivières ou ailleurs, ce soit un prix concurrentiel par rapport à celui de l'Ontario. Comme vous le savez, si on regarde les investissements dans le domaine manufacturier en particulier - je ne veux pas vous amener dans la politique - il y a eu une baisse des investissements dans ce domaine depuis un certain nombre d'années. Il est sûr qu'on est en concurrence avec le Nord-Est des États-Unis et avec les autres provinces canadiennes. Sans entrer dans toutes les raisons qui peuvent expliquer cela, en ce qui concerne l'énergie en particulier, il est certain que notre politique énergétique en ce qui concerne le développement économique non seulement doit viser la pénétration du gaz, mais doit viser à ce que le prix du gaz, à l'avenir, soit concurrentiel par rapport à celui de l'Ontario et à celui du Nord-Est des États-Unis. C'est une inquiétude que ceux qui s'intéressent au débat peuvent avoir. C'est la raison pour laquelle vous tentez de me rassurer par vos paroles, mais je dois vous dire que, présentement, je suis rassuré parce que vous me dites que vous avez atteint vos objectifs de marketing. Mais n'ayant pas vos états financiers entre les mains, je ne peux pas porter un jugement absolu. Mais je m'inquiète quand même pour l'avenir.

Cela m'amène à poser la question suivante. Quel est le prix du gaz dans le Nord-Est des États-Unis par rapport à celui du Québec?

M. Barbeau: Dans le Nord-Est des États-Unis?

M. Fortier: Oui.

M. Barbeau: II est plus cher qu'ici, je ne sais pas de combien. Mais ces gens paient plus cher que nous actuellement.

M. Fortier: Même en dépit de la déréglementation...

M. Barbeau: Absolument.

M. Fortier: ...qui existe aux États-Unis?

M. Barbeau: Ah oui; Absolument. Il n'y a pas de doute là-dessus. Je ne sais pas par quelle marge, mais ils paient plus cher.

M. Fortier: Dans le Nord-Est des États-Unis?

M. Barbeau: Oui, monsieur.

M. Fortier: Alors, écoutez, je vais simplement exprimer un voeu. C'est que, si possible, l'Opposition puisse avoir accès à vos états financiers, ou que le public ait accès à vos états financiers, ce qui nous permettrait de juger de la situation d'une façon plus approfondie, d'une façon plus rigoureuse. Mais n'ayant pas cette information, je dois vous avouer qu'on doit évaluer la situation avec le peu d'information que nous avons présentement et que nos inquiétudes, ce sont des inquiétudes d'avenir. Vous nous avez rassurés pour le présent et je crois qu'on doit vous féliciter en tant que président de la compagnie des succès que vous avez eus, en dépit des décisions du ministre qui, justement, ne vous aident pas dans certaines régions. Mais quand même, l'inquiétude demeure pour l'avenir et je crois que c'est une situation qu'on devrait suivre de très près. Je vous remercie.

M. Barbeau: Je prends note de vos commentaires, M. Fortier.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Merci, M. le Président. M. Barbeau, bien sûr, vous êtes un dirigeant d'une entreprise reliée au secteur public et je comprends que, quant au choix des dirigeants politiques, vous avez sans doute vos idées personnelles là-dessus, mais ce n'est pas l'endroit pour les étaler. Cependant, vous ne serez pas surpris que, quant à moi, j'aie des opinions à exprimer à ce sujet. Je pense que, si on accuse autant de retard dans la pénétration du gaz au Québec, il y a des causes à cela. En fait, malgré ce que peut en dire le député d'Outremont, il a quand même fallu attendre la venue du gouvernement du Parti québécois en 1976 pour qu'enfin, un gouvernement du Québec se dote d'une politique énergétique...

M. Duhaime: Ce n'est pas moi qui le dis.

M. Rodrigue: ...et qu'il prenne les "mesures pour que le gaz pénètre au Québec de façon que, sur le plan de la concurrence, nos industries soient placées sur un pied plus favorable qu'elles ne l'étaient auparavant vis-à-vis des entreprises de l'Ontario en particulier, où le gaz a eu un effet structurant important pour l'industrie. Ceci étant dit, nous sommes maintenant en 1983 et, même si d'autres gouvernements antérieurs n'ont pas pris leurs responsabilités, il nous faut, nous, poursuivre la démarche qui a été entreprise dès 1976 à l'époque du ministre Guy Joron et faire en sorte que le gaz pénètre le plus rapidement possible et dans le plus de régions possible au Québec pour que, effectivement, les industriels et les résidents québécois puissent profiter des avantages concurrentiels que cela offre.

Personnellement, chez moi, à Laval, j'attends le gaz. Je n'ai pas bifurqué vers le système biénergie, même si je suis un Hydro-Québécois. Cependant, je voudrais quand même vous amener à préciser certaines remarques que vous avez faites tout à l'heure concernant le système biénergie. Il me semble qu'il y a là un problème quant à la rapidité de la pénétration du gaz. Bien sûr, Gaz Métropolitain - j'imagine que c'est votre stratégie également - a comme stratégie d'approvisionner les gros consommateurs que sont les industriels et, par la suite, elle va développer ses réseaux de distribution pour finir par atteindre les consommateurs domestiques. Mais, d'ici à ce que cela se fasse... Je me suis informé auprès de Gaz Métropolitain et je suis situé en bordure du parc industriel de Laval; donc, cela ne devrait pas prendre tellement de temps pour que le réseau de distribution m'atteigne et pourtant, c'est dans cinq ans seulement que je vais avoir le gaz chez moi.

M. Duhaime: C'est Gaz Métro, cela.

M. Rodrigue: Gaz Métro. Alors, chez vous, à Gaz Inter-Cité, j'imagine que vous avez suivi une stratégie semblable, c'est-à-dire que vous voulez d'abord approvisionner les plus gros consommateurs, ce qui est de nature à rentabiliser rapidement vos opérations. Cela tombe sous le sens. Mais, est-ce que le système biénergie, en ce qui concerne, en tout cas, le secteur domestique, ne vient pas justement faire le pont entre le moment où les prix du pétrole grimpent d'une façon très rapide - c'était le cas au cours des dernières années, mais cela s'est stabilisé - entre le moment où les prix du pétrole sont très élevés et où il faut trouver d'autres sources d'énergie et, finalement, l'arrivée du gaz naturel qui, dans les secteurs résidentiels, va sûrement prendre beaucoup plus de temps que dans les zones industrielles? Dans vos territoires, êtes-vous en mesure de fournir le marché domestique actuellement ou à court terme? Quels

seraient les délais de pénétration sur ce marché en ce qui concerne le réseau Gaz Inter-Cité? Il me semble que c'est un facteur important à évaluer lorsqu'on parle du système biénergie d'Hydro-Québec.

Les questions sont: Est-ce que vous êtes en mesure de fournir le marché domestique? Quels seraient vos délais de pénétration sur ce marché? J'ai d'autres questions, mais je vais vous laisser répondre au fur et à mesure.

M. Barbeau: Évidemment, on y va par étapes. Trois-Rivières est un bon exemple, je pense. La première année de présence de Gaz Inter-Cité, nous avons installé les conduites dans un tiers de la ville à peu près. Nous avons averti les gens que pendant cette première année, nous desservirions tel secteur, la deuxième année, tel autre secteur et, la troisième année, tel autre secteur, de façon que, dans une période de trois ans, la presque totalité de la région de Trois-Rivières, où il y a beaucoup de consommation de pétrole, soit desservie par le gaz naturel. Tout cela se faisait en même temps que l'on raccordait les clients industriels. Louiseville, par exemple, qui est une plus petite ville, a été desservie à 100% la première année. Nous avons déjà une saturation de près de 30% sur ces marchés.

M. Rodrigue: Prenons l'exemple de Louiseville, où vous êtes rendus dans le secteur domestique. Comment se présente la concurrence entre le gaz naturel et le système biénergie d'Hydro-Québec? Est-ce qu'à Louiseville vous avez constaté que plusieurs utilisateurs du pétrole se sont transformés au système biénergie ou bien si, au contraire, vous avez pu pénétrer ce marché d'une façon intensive parce que vous étiez présents? J'essaie d'évaluer l'importance du facteur présence immédiate du gaz naturel.

M. Johnson (C.F.): Nous vérifions le marché continuellement à tous les trois mois avec des relevés. Nous constatons que la pénétration de ce programme de biénergie peut aller chercher environ 10% du potentiel disponible à convertir.

M. Rodrigue: Le gaz?

M. Johnson (C.F.): Le solde est disponible pour le gaz naturel. On peut dire que cela se répartit de cette façon.

M. Rodrigue: Si je comprends bien, le fait d'être présents avec le gaz naturel, à toutes fins utiles, vous a permis d'occuper le marché. Ne peut-on pas, à ce moment, expliquer la popularité du système biénergie dans les autres régions par le fait que le gaz naturel n'est pas rendu?

M. Johnson (C.F.): Nous parlons ici des territoires dans lesquels nous sommes. La popularité du programme biénergie peut être tout autre dans les régions où nous ne serons pas.

M. Rodrigue: Pour ce qui est maintenant du pétrole lourd, il y a eu la fermeture de raffineries importantes au Québec au cours de la dernière année. Par contre, il y a eu des investissements par Petro-Canada et Ultramar pour revaloriser et raffiner davantage les produits dans leurs raffineries. Le fait que des raffineries soient fermées et que les autres aient pris des mesures pour raffiner davantage le pétrole lourd, de quelle façon cela peut-il influencer la concurrence que vous livrent les huiles lourdes dans le secteur industriel?

M. Jean (Robert): Les raffineries ont gagné beaucoup de flexibilité avec cela. Elles chercheront à rentabiliser leurs opérations et vont - produire du mazout lourd lorsque ce sera payant de le faire, donc, lorsque le mazout lourd sera beaucoup plus près du prix du pétrole brut. Présentement, avec les politiques qui favorisent le coût du gaz naturel et sa pénétration, cela ne devrait pas nous poser de problèmes pour une bonne période de temps. (12 heures)

Par contre, quand on parle de la subvention - je crois qu'il faut revenir là-dessus - le pétrole qui est importé - c'est toujours latent, cette question - s'il y a un changement, disons une très grave récession économique qu'on ne peut pas prévoir, et qu'il y a toujours des surplus de mazout lourd qui arrivent, la subvention ferait encore qu'on importerait davantage de mazout lourd. Les raffineries du Québec, il faudrait toujours qu'elles aient cette possibilité de diriger les bateaux qui amènent le mazout lourd vers les Maritimes qui, elles, importent toujours du mazout lourd, même dans la situation actuelle. Ce n'est peut-être pas un problème, mais nous l'entrevoyons. Je pense que la clientèle est d'accord avec cela, c'est-à-dire que le gaz naturel sera concurrentiel au mazout lourd dans les prochaines années. L'inquiétude au niveau du choix du combustible de rechange, c'est à savoir si on prend un prix qui est indexé, mais avec un plafond quand on parle du prix de l'électricité à l'excédentaire, même si dans le temps on en viendra à des contrats de débit stable qui sont beaucoup plus cher, ou si on prend le gaz naturel qui présente des avantages différents. Alors, au niveau de l'évaluation, c'est un autre volet, c'est difficile. On doit dire que la flexibilité, les formules internes développées par Hydro-Québec pour plafonner ses prix... Même si le prix du mazout lourd monte - quand on dit qu'elle a des prix de 10% en bas du mazout

lourd, ce n'est pas toujours vrai - il ne monte pas autant. C'est là qu'on a des problèmes. En ce qui concerne le mazout lourd même, il n'y a plus de problème, je dirais, pour une bonne période de temps.

M. Rodrigue: Est-ce qu'il est relativement facile de transformer les chaudières au mazout lourd pour le chauffage au gaz? Est-ce que les coûts sont élevés?

M. Jean: C'est beaucoup moins cher qu'à l'électricité, mais effectivement HydroQuébec donne des subventions très fortes. Dans le fond, on peut être très concurrentiel. Le client a l'impression qu'on lui donne une Cadillac, mais elle fait la même chose. On lui dit: Cela coûte 1 000 000 $ alors que votre conversion au gaz naturel coûterait 200 000 $. Le gars dit: J'ai un cadeau de 1 000 000 $, mais, comme l'appareil fait la même chose, il a la même valeur d'usage. Cela coûte 1 000 000 $ pour faire la même chose qu'on pourrait faire avec 200 000 $, mais le client aime cela voir qu'il reçoit 1 000 000 $. C'est un peu de l'argent gaspillé de cette façon.

M. Rodrigue: Et la transformation des chaudières à l'électricité en chaudières au gaz, ce serait évidemment beaucoup plus compliqué, j'imagine, et assez difficile.

M. Jean: Non, ce sont des chaudières qui sont en parallèle; elles sont à côté. Ce ne sont pas du tout les mêmes chaudières.

M. Rodrigue: Alors il n'y a pas moyen de les transformer?

Pour ce qui est des édifices du gouvernement, est-ce que vous êtes en pourparlers avec le gouvernement là-dessus actuellement? Est-ce qu'il y a des études qui sont faites pour la transformation des systèmes des édifices gouvernementaux en systèmes au gaz?

M. Barbeau: Nous avons eu plusieurs rencontres avec différents ministères pour établir des politiques d'ensemble à ce niveau. Mais ce qui en ressort, finalement, c'est que nous, dans nos marchés, nous nous attaquons directement à chacune des institutions qui est localisée le long de nos réseaux. Cela se fait un peu sur une base individuelle, même si j'ai eu des discussions à un niveau plus général à ce sujet. Par contre, on peut dire qu'à Québec, par exemple, on a perdu tous les hôpitaux le printemps passé. Il y a 20 hôpitaux qui se sont convertis à l'électricité. Dans la région de Sherbrooke, nous sommes en train de convertir les hôpitaux au gaz naturel. Dans la région de Trois-Rivières, nous avons perdu les hôpitaux, mais nous avons les cégeps et l'université. C'est vraiment au mérite dans chaque secteur.

M. Rodrigue: Finalement, la concurrence joue à plein, je comprends bien. Ce sont les utilisateurs qui en profitent. Merci, M. Bourbeau.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Duhaime: J'aurais encore quelques questions, mais comme mon collègue de gauche, comme vous le savez, est un homme très tourmenté et très inquiet, j'ai fait un petit calcul tantôt. Je voudrais y référer parce qu'on a l'habitude de vérifier tous les calculs que je fais. Dans le Plan de développement d'Hydro-Québec 1983-1985, Horizon 1992, au tableau 25 de la page 84, on parle du rendement sur l'avoir propre. Vous nous avez dit, M. Barbeau, que, quant à Gaz Inter-Cité, ce que vous voulez maintenir, c'est 16,5% à l'actionnaire. De mémoire, je crois que Gaz Métro, avec les derniers prix autorisés par la régie et le gouvernement, est à la hauteur de 18%...

M. Barbeau: Je voudrais seulement corriger. Ils sont à 16%, si je ne me trompe pas.

M. Duhaime: Ils sont à 16%. Ah! Je m'excuse.

M. Barbeau: Nous avons eu également 18,5% au début, mais, avec les changements de taux du coût de l'argent, nous sommes à 16,5% et Gaz Métro est à 16%, si je ne m'abuse.

M. Duhaime: Alors, il est entendu - et je vois bien venir le député d'Outremont avec une charge de foin - que je ne suis pas l'actionnaire d'Hydro-Québec, c'est l'ensemble de la population qui l'est. Je suis le ministre de tutelle. Cela a l'air un peu curieux de parler de cela dans ces mots, mais c'est un fait que les Québécois détiennent 100% du capital-actions d'Hydro-Québec, qui est de l'ordre de quelques milliards aujourd'hui, je crois que c'est 4 500 000 000 $ ou 5 000 000 000 $, et que, par SOQUIP et la Caisse de dépôt, dans des structures juridiques différentes, bien sûr, les Québécois ont le contrôle effectif de Gaz Inter-Cité.

On serait peut-être enclin à penser que, puisqu'on a 100% des intérêts dans une et moins dans l'autre, on ne jouera pas fair-play. Alors, au tableau 25 de la page 84, si on fait la moyenne de 1975 à 1983 - on est au plan de l'équipement d'Hydro-Québec, l'an dernier - les chiffres pour 1982 étant une estimation à cette époque et les chiffres pour 1983 également, sur la période de 1975 à 1983, dans les chiffres que nous fournit Hydro-Québec, avec les variantes de 14,8% à

22% à 12%, etc., j'ai fait le calcul et j'ai vérifié mon addition trois fois, cela donne 16,7% de rendement sur l'avoir propre à Hydro-Québec de 1975 à 1983 inclusivement. Alors, si vous pensez que ce n'est pas fair-play, le point 2, je vous le laisse, car je sais que, pour les années 1984 et 1985, par exemple, le rendement sur l'avoir propre à Hydro-Québec va aller en diminuant pour des raisons comptables assez simples. Il y a des coûts d'avant-projets qui vont devoir être capitalisés. Il y a également pour à peu près 7 000 000 000 $, ce que nous disait M. Coulombe au début de la semaine, qui vont passer de la comptabilité dite de construction au réseau de distribution lui-même. Alors, ceci étant dit, on va tenter, tout en restant bien sûr très inquiets et tourmentés, de maintenir un équilibre.

Je voudrais simplement dire d'une façon un peu plus sérieuse - parce que, lorsque l'Opposition me blâme d'être rapide et efficace, je vous avoue que cela m'amuse un peu - je voudrais revenir sur les 465 000 000 $. Dans le passé, je n'ai pas le chiffre en mémoire, mais au kilomètre de longueur construit sur les conduits latéraux, je dois dire que Gaz Inter-Cité Inc. a fait un travail absolument formidable en termes d'échéancier et de prix également parce que, même pour le profane, il est bien évident qu'ici au Québec, nous avons appliqué à nos salariés sur la construction des conduites latérales le décret de la construction du Québec et non pas le Canada Pipelines Agreement qui donne une différence à la hausse d'à peu près 30% à 35% sur la masse salariale. Alors, si la masse salariale est de l'ordre de 70% du total des investissements, en faisant un calcul rapide, même si on n'a pas à le chiffrer dans l'immédiat, mais pour les fins de l'argumentation, je me risquerais à dire que vous construisez pour pas mal moins cher que Trans Québec et Maritimes qui était la filiale de TransCanada PipeLines.

Il y a deux ans, ce qui avait été prévu originairement, le gouvernement fédéral devait faire... Il appelle cela une subvention, moi j'appelle cela un investissement fiscal. C'était 37 000 000 $ de prévus. Alors, je vous prends à témoin, M. Barbeau, que nous avons été obligés, avec 465 000 000 $, même en appliquant le décret de la construction, d'abandonner des conduites latérales comme celles qui iraient vers le côté ouest du Lac-Saint-Jean, par exemple, ou encore dans la région de Victoriaville. On a ramené les 750 000 000 $ prévus à 500 000 000 $. Ce matin, vous parlez de 465 000 000 $: avez-vous soustrait le montant de 35 000 000 $ qui était alloué à TQM?

M. Barbeau: La situation est peut-être un peu confuse. Dans les 500 000 000 $, il y avait 15 000 000 $ qui étaient pour TQM, pour la construction des petits embranchements de 1982, c'est-à-dire le raccordement de sa ligne au poste de livraison de Trois-Rivières, par exemple, et au poste de livraison de Joliette pour Gaz Métro. Il y a un montant de 15 000 000 $ qui était pour ces embranchements de 1982.

M. Duhaime: Donc, on est à 485 000 000 $.

M. Barbeau: On est rendu à 485 000 000 $. Pour le reste, il y a 20 000 000 $ pour les coûts d'entretien que le gouvernement fédéral nous paie pour cinq ans sur chacun des embranchements si on réussit à les faire en bas du prix estimé ou du coût de référence établi entre Gaz Inter-Cité Inc. et le gouvernement fédéral. Effectivement, il reste 465 000 000 $ pour la construction.

M. Duhaime: Bon. Donc, on en a moins aujourd'hui par rapport à ce qui était prévu dans le passé, en tenant compte, bien sûr, que vous construisez à bien meilleur coût. D'après les informations que vous me donnez ce matin, je suis très rassuré sur l'état des soudures. Il me semblerait que les Québécois soient capables, une fois entraînés, de bien souder à des prix raisonnables.

Maintenant, sur la question du prix du gaz, on dit souvent que le gouvernement fédéral subventionne pour un montant de 465 000 000 $. Je soupçonne qu'il doit y avoir un retour sur l'investissement ou un retour sur la subvention. Les chiffres que j'ai ici sont les suivants: à la tête du puits, 3,08 $, 0,39 $ les 1000 pieds cubes à Nova, un ajustement à l'exportation de 0,64 $ en moins, ce qui fait 2,83 $. Est-ce qu'on s'entend là-dessus au départ?

M. Barbeau: Oui.

M. Duhaime: Un coût de transport de 1 $ les 1000 pieds cubes, une taxe fédérale de 0,31 $. ce qui fait que, dans la zone est, le prix du gaz est de 4,14 $.

M. Barbeau: Combien?

M. Duhaime: 4,14 $. Soit 2,83 $...

M. Barbeau: C'est plus près de 4,10 $, mais disons qu'on ne s'obstinera pas pour 0,04 $.

M. Duhaime: Bon, on ne s'obstinera pas pour 0,04 $. Si on prend 3,08 $, qui est le prix à la tête du puits, si on ne prête pas une grande attention à ces 3,08 $, les concitoyens qui ne sont pas au courant du dossier du matin jusqu'au soir sont enclins à croire que ces 3,08 $ vont au producteur. Selon les chiffres que j'ai ici, dans ces

3,08 $, il y a un coût d'opération de 0,49 $, une taxe fédérale de 0,30 $, une redevance à la province de l'Alberta de 0,50 $, un impôt fédéral sur le revenu de 0,70 $, un impôt provincial - pas ici, il n'y a pas de taxe sur le gaz au Québec - à la province productrice de 0,22 $, une surtaxe fédérale pour un an de 0,03 $. Si j'additionne seulement la partie des taxes qui vont au fédéral, soit 0,31 $ plus 0,30 $ plus 0,70 $ plus 0,03 $, j'obtiens un total de 1,34 $. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Barbeau: Disons que le total des impôts et des taxes, c'est cela.

M. Duhaime: Bon, j'additionne cela et le tout me donne 1,34 $ sur 4,14 $ ou 4,10 $. Si on fait un calcul rapide, c'est de l'ordre de 30%. Vous nous disiez tantôt que l'objectif de Gaz Inter-Cité était d'aller rejoindre 80 BCF; autrement dit, 80 000 000 000 de pieds cubes. Si, pour chaque 1000 pieds cubes en dollars d'aujourd'hui, dans la structure fiscale actuelle, le gouvernement fédéral va chercher autour de 1,30 $ les 1000 pieds, cela donne autour de 100 000 000 $ de revenus par année. En multipliant 1,34 $ par 80 000 000, cela fait 107 200 000 $. On va laisser tomber les 7 200 000 $, pour faire 100 000 000 $. Je dois vous dire que je serais prêt à investir tout de suite demain matin, 465 000 000 $ si, dans trois ans, cela me rapporte 100 000 000 $ par année. C'est pour cela que je n'appelle pas cela une subvention, j'appelle cela un investissement fiscal.

Je pense qu'il est important de se le rappeler parce qu'il y a beaucoup d'intervenants qui sont venus devant cette commission et qui ont dit que le prix du gaz était trop élevé au Canada, pas seulement au Québec mais au Canada. De façon assez paradoxale, on disait que le prix du pétrole au Canada était trop bas. Cela fait une curieuse de réglementation où, sur un marché nord-américain dit capitaliste, en libre concurrence de l'offre par rapport au marché, la réglementation fédérale fait en sorte que le prix du pétrole qui, normalement, devrait être à un cours plus élevé est maintenu artificiellement bas. Tous les experts qui sont venus ici et qu'on a entendus jusqu'à présent indiquent que la déréglementation ou le rabattement des taxes fédérales sur le gaz naturel - c'est évident -amènerait une diminution du prix. Donc, je rejoins ce que vous avez dit tantôt. Il est évident que, si le prix baisse, Gaz Inter-Cité, qui a maintenant un objectif de 16,5% de retour à son actionnaire, pourrait faire davantage bénéficier ses consommateurs et ses clients potentiels d'un meilleur prix, donc, augmenter son marché, atteindre ses objectifs de marketing beaucoup plus rapidement.

(12 h 15)

Ce qui m'inquiète dans vos propos de tantôt, M. Barbeau - pas dans le sens que cela m'empêchera de dormir et que cela me tourmentera, ce n'est pas cela - c'est que je comprends que vous travaillez de la façon suivante: au fur et à mesure que vous déroulez vos tuyaux, que ce soit la conduite latérale ou les réseaux de distribution dans les municipalités, vous voulez trouver une rentabilité au fur et à mesure et ensuite vous déplacez cette rentabilité parce que vous allez chercher votre financement pour être capable de faire votre expansion. Je pense que je traduis bien le sens de vos propos en disant: Si on avait pénétré la Mauricie plus intensément, on aurait pu dégager davantage de liquidités pour être en mesure de faire des investissements à Québec, après emprunt. Je comprends cela parfaitement, mais ce que je voudrais vous demander - je pense que vous êtes un expert dans ce domaine - c'est ceci: S'il y a une déréglementation au plan fédéral du prix du gaz, à l'échelle canadienne, qu'est-ce qui arrive sur votre propre marché? Est-ce que le prix montera suivant l'offre et la demande ou si la tendance va être très nettement et de façon éclatante à la baisse? Je ne parle pas de la fiscalité, je réglerai cela avec mon collègue, M. Chrétien, quand je le rencontrerai. On va parler simplement de la question de la structure de prix, indépendamment de la taxation.

M. Barbeau: D'ailleurs, il y a beaucoup de pressions qui se font présentement pour que l'Alberta accepte, en collaboration avec le gouvernement fédéral, j'imagine, de baisser le prix du gaz naturel pour les ventes au secteur industriel pour accélérer la pénétration des nouveaux marchés. Je m'attends que, d'ici quelques mois, il y ait des décisions de prises à ce sujet-là.

C'est sûr que, lorsqu'on parle de déréglementation du gaz, je suis personnellement en faveur d'une déréglementation du prix du gaz naturel pour la période actuelle. C'est bon, une déréglementation, lorsque l'offre dépasse la demande. Ce n'est pas nouveau, cela nous permet d'avoir de meilleurs prix, d'avoir des avantages pour nos consommateurs et d'accélérer l'expansion.

Par contre, s'il y avait une déréglementation, il faudrait s'assurer qu'il y a des paliers minimal et maximal, de façon que, si la situation changeait brusquement, on ne soit pas obligé de faire face à une surenchère et de payer le gaz plus cher qu'on ne le paierait autrement. Je pense que la déréglementation serait bonne dans le moment, pour autant que ce soit limité et qu'il y ait des niveaux bien établis à l'intérieur desquels les prix devraient se maintenir.

M. Duhaime: J'essaie d'exporter, par le biais des travaux de notre commission, le modèle fiscal que nous avons retenu pour ce qui est du gaz. Les gaziers nous ont demandé pendant très longtemps, pendant au moins deux ans, d'abolir la taxe de vente qui était de 8% ou de 9%, de façon à vous aider sur le marché. Je tiens à le dire parce que le député d'Outremont dit souvent que je travaille contre vous, même si on a de gros intérêts ensemble dans votre entreprise. On a aboli la taxe de 9%. Si on prend la taxe sur les revenus aux pétroliers et aux gaziers, la taxe fédérale, qui est de 0,30 $ les 1000 pieds cubes, cela représente 11% sur la base des 3,08 $ à la tête du puits. Si on enlevait cette taxe de 11%, je tiendrais pour acquis que vous allez la reporter carrément à la baisse dans vos offres à vos clients. Est-ce que cela n'est pas la meilleure façon d'accélérer la pénétration?

M. Barbeau: Oui, et c'est ce qui se fait graduellement. Cette taxe qui est à 0,30 $ maintenant était à 0,70 $ il n'y a pas tellement longtemps. Le gouvernement fédéral a accepté, en vertu de l'entente qu'il avait avec l'Alberta, de compenser les augmentations prévues à la frontière par une réduction équivalente de la taxe payable sur le gaz naturel et sur les liquides du gaz naturel. Effectivement, il en a fait une partie; il reste encore 0,31 $ et j'ai l'impression qu'au 1er février, où il devrait y avoir une augmentation du prix du gaz, ce qui en reste va sauter; il n'en restera plus épais après.

M. Duhaime: On s'entend pour dire qu'à 16,5% de retour à l'actionnaire, c'est un rendement qui est intéressant.

M. Barbeau: Oui, très intéressant.

M. Duhaime: Je vous ai donné la moyenne pour Hydro-Québec qui est à 16,7% sur une période de huit ou neuf ans. Si on prend les 465 000 000 $ investis - j'appelle cela un investissement financier parce que cela rapporte de l'argent - et si on appliquait sur cette somme le retour à l'actionnaire selon les mêmes scénarios -parce qu'on est dans le même marché - à 16.5%, les taxes fédérales baisseraient sur un méchant temps. Au lieu de rapporter 100 000 000 $ par année, si on rapporte 16,5% sur l'investissement financier, cela baisserait de beaucoup. Cela voudrait dire, enlever cette taxe de 11%, probablement enlever la surtaxe fédérale de 0,03 $, cela ferait 0,33 $ de moins les 1000 pieds cubes. Il est bien évident que le gouvernement fédéral a dû se rendre compte que cela n'avait pas d'allure que de maintenir une taxe à 0,70 $. C'est pourquoi il l'a baissée, j'imagine. Mais est-ce que la clé n'est pas de ce côté? J'essaie de convaincre le gouvernement fédéral que cette taxe n'a aucun bon sens, que le retour sur l'investissement financier est trop élevé. Si nos chiffres sont bons, ce n'est pas difficile à compter, 80 BCF à 1,34 $ font 100 000 000 $ par année; mais c'est dans trois ans qu'on va commencer à payer cela finalement et c'est le consommateur qui le paiera.

M. Barbeau: Je ne suis certainement pas un expert en fiscalité gouvernementale. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il faudrait peut-être ajouter - aux fins de clarifier la situation - au montant de 465 000 000 $ d'autres montants qui sont quand même payés par le gouvernement fédéral. On pense au programme d'expansion des réseaux de distribution où il nous aide à payer pour certains réseaux. Il faut ajouter à cela les 800 $ qu'il paie par logement pour la conversion des appareils, il paie 800 $ à chaque endroit. Il faudrait aussi ajouter à cela les montants qu'il paie pour le gaz que l'on prend et pour lequel on ne paie pas présentement. Cela ne double pas les 465 000 000 $, j'imagine, mais en tout cas cela change les chiffres. À partir de là, je pense qu'il peut y avoir de bonnes discussions. En tout cas, une chose avec laquelle je suis entièrement d'accord, c'est qu'il est certain qu'une décision devra être prise bientôt au niveau fédéral-provincial -en parlant de l'Alberta, entre autres - de façon qu'il y ait un prix incitatif pour aider à accélérer la pénétration des marchés industriels dans l'Est du Québec, incluant Montréal.

M. Duhaime: J'ai comme l'impression que vous seriez beaucoup mieux armé pour rencontrer Hydro-Québec sur votre terrain, si vous étiez capable de dire à vos consommateurs: Les taxes fédérales de 0,30 $ et de 0,03 $ viennent de tomber, nous sommes prêts à vous donner un rabais de 14% ou de 15%. Je pense qu'on s'entend là-dessus.

M. Barbeau: Oui, c'est sûr.

M. Duhaime: Quant à moi, M. Barbeau et ceux qui vous accompagnent, il me reste à vous remercier. Je pense que notre échange nous a permis d'éclaircir bien des aspects et j'espère qu'on a rassuré le député d'Outremont.

M. Barbeau: Je vous remercie.

M. Fortier: Oui, si on pouvait avoir les états financiers dès cette semaine, cela nous rassurerait un peu plus. Peut-être le ministre sera-t-il d'accord pour nous les donner.

M. Barbeau: Je vais en discuter au

prochain...

M. Duhaime: M. le Président, SOQUIP et la Caisse de dépôt vont consulter leurs coactionnaires, j'imagine; mais cela fera toujours partie des malheurs de l'Opposition, ce genre de scénario et, avant de changer de côté sur le parquet de l'Assemblée nationale, vous avez encore beaucoup de travail à faire, et je vous souhaite bonne chance.

M. Fortier: On va continuer. Quant à vous, continuez comme cela, cela va très bien.

Le Président (M. Paré): MM. Barbeau, Johnson et Jean, nous vous remercions de votre présentation.

J'inviterais maintenant les représentants de Gulf Canada Ltée à prendre place à l'avant.

Bonjour, bienvenue à la commission. J'inviterais maintenant le porte-parole à se présenter et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Gulf Canada Ltée

M. Blais (Louis): M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, je m'appelle Louis Blais et j'occupe le poste de directeur du service des affaires gouvernementales de la compagnie Gulf Canada. Pour l'occasion, je suis accompagné de M. Larry Murphy, économiste en chef et directeur du service de planification et des politiques générales de Gulf Canada, ainsi que de M. Roger Codère, directeur du service de coordination de la commercialisation des produits de Gulf Canada.

Nous apprécions sincèrement le fait de pouvoir nous exprimer aujourd'hui devant la commission pour faire suite à notre mémoire de mars dernier.

Gulf Canada est présente au Québec depuis 1909 alors que, sous la raison sociale de British American Oil, elle faisait l'acquisition d'une agence de vente industrielle de mazout et de graisse à essieu directement du wagon-citerne aux magasins et à d'autres clients à partir de son entrepôt d'Outremont. En 1931, Gulf fut l'une des premières compagnies pétrolières importantes à construire une raffinerie à Montréal-Est. Cette orientation a permis à la région de Montréal de devenir le principal centre de raffinage pétrolier au Canada et l'un des principaux centres de traitement pétrolier en Amérique du Nord. La compagnie des produits Gulf Canada Ltée, une division de Gulf Canada, chargée de la commercialisation et du raffinage, assure actuellement la distribution d'une gamme complète de produits pétroliers et d'accessoires à notre clientèle québécoise, ceci par l'intermédiaire de notre réseau de distribution comprenant approximativement 600 établissements qui regroupent les détaillants, les distributeurs, les agents, les terminaux, les dépôts de stockage en vrac, etc. Le nombre total d'employés travaillant présentement pour Gulf au Québec est d'environ 1200, ce qui constitue, avec les employés de nos 600 établissements et leurs familles, un apport important à l'économie de la province.

Il y a environ six mois que notre mémoire a été soumis à la commission. Bien que certains des chiffres figurant dans les tableaux puissent avoir légèrement changé, nous ne considérons pas qu'il soit nécessaire de modifier nos prévisions ou nos conclusions puisque toute variation est relativement mineure et n'a aucune incidence à long terme.

Aujourd'hui, je n'ai certainement pas l'intention de lire notre mémoire, mais je vais cependant chercher à en faire ressortir les principaux points et plus particulièrement les conclusions quant à leur effet sur l'avenir du développement économique du Québec.

Fondamentalement, comme vous l'aurez constaté, notre étude démontre que l'industrie pétrolière continuera de jouer un rôle important dans le bilan énergétique de la province jusqu'à l'an 2000, quoique à un rythme réduit, en raison du remplacement des produits pétroliers par d'autres ressources énergétiques. Actuellement, le pétrole répond à 42% de la demande énergétique totale du Québec. D'ici à l'an 2000, on prévoit qu'il ne comblera que 25% des besoins. Ceci constitue, sans aucun doute, une diminution importante au Québec, soit 17%, si on établit une comparaison avec le Canada qui ne subira qu'une baisse de 9% à l'échelle nationale. Selon nous, la demande en produits raffinés au Québec diminuera en moyenne de 3% par année au cours des années quatre-vingt en raison du programme de conversion du gouvernement fédéral, des habitudes de conservation, des conditions économiques et des prix plus élevés. La demande en produits pétroliers a baissé plus rapidement au Québec que dans les autres parties du Canada et cette situation se poursuivra en raison de la disponibilité croissante des ressources énergétiques de substitution, telles que le gaz naturel et l'énergie électrique, ainsi qu'en raison des efforts déployés par les gouvernements fédéral et provincial favorisant l'utilisation accrue de ces ressources. La demande en produits raffinés a diminué de 25% entre 1975 et 1982 et baissera encore de 12% d'ici à 1990, avant de se stabiliser pour la dernière décennie du siècle. La diminution de la demande sera particulièrement manifeste dans le cas des produits plus facilement substituables comme le mazout lourd et le mazout domestique. (12 h 30)

Ces changements importants de la demande ont entraîné une série d'annonces

de fermetures et de baisses de production à la raffinerie. Ce phénomène n'est pas unique au Québec ou au Canada. D'après les données recueillies, plus de 80 raffineries ont cessé leurs activités dans le monde occidental en 1982, dont 47 aux États-Unis. Les mesures prises par l'industrie pour résoudre le problème de la sous-utilisation de ses capacités de production répondent à deux critères bien précis, soit l'utilisation rentable des raffineries et les prévisions quant au niveau d'utilisation future de la production. Cette situation est toutefois conforme aux prévisions telles qu'énoncées dans votre document de travail.

Les perspectives d'avenir telles que nous les concevons suggèrent que la quantité de brut que nous aurons à raffiner se compare à la capacité d'utilisation des raffineries au Québec. Il pourrait cependant exister certains déséquilibres quant aux produits. Ces déséquilibres continueraient d'être traités de la même façon que par le passé, c'est-à-dire par des transferts, des échanges et des importations de produits entre régions, ce qui permettrait aux compagnies de retenir l'option la plus économique et par le fait même d'avantager les consommateurs de la province de Québec. De façon générale, les perspectives dans l'industrie du pétrole au Québec se veulent axées sur la rationalisation et la consolidation en réaction à des rajustements continus des tendances de consommation d'énergie, ce qui sous-entend un apport réduit du pétrole.

En conséquence, nous devrions entrevoir une industrie de taille réduite plus efficace et répondant mieux aux besoins des années quatre-vingt-dix. Ces rajustements nous font réaliser facilement que le secteur pétrolier n'apportera vraisemblablement aucune contribution significative aux augmentations de production à l'échelon provincial, malgré le fait que le rôle qu'il doit jouer est sans aucun doute essentiel. Nous pouvons vous assurer que la capacité de raffinage excédentaire dans l'Est du pays et au Québec, en particulier, a causé de vives inquiétudes chez Gulf. Gulf, au lieu de fermer une de ses raffineries dans l'Est du Canada, a décidé de réduire sa capacité de raffinage tant à la raffinerie de Montréal qu'à celle de Clarkson, près de Toronto, d'une quantité combinée de 34 000 barils par jour et a décidé, en même temps, de fermer sa raffinerie de Kamloops, en Colombie britannique, ayant une capacité de 9500 barils par jour.

Gulf avait déjà, en 1980, fermé sa raffinerie de Point Tupper en Nouvelle-Écosse qui avait une capacité d'environ 80 000 barils par jour. Depuis le communiqué que nous avons émis en novembre dernier, des rumeurs, des allusions circulent périodiquement à savoir que notre raffinerie serait la quatrième à fermer ses portes à Montréal-Est. Chaque fois, ces rumeurs ont été niées de façon catégorique par les dirigeants de la compagnie. Nous avons le plaisir de vous informer ici aujourd'hui que notre décision de poursuivre les activités à la raffinerie de Montréal-Est tient toujours et que la compagnie Gulf Canada est présentement à discuter de projets de dépenses en immobilisations pour Montréal-Est. Les études entreprises concernent le rayon d'action et la capacité de notre reformeur actuel. En résumé, nous croyons qu'il est évident que le Québec, qui a déjà plus que toute autre province compté sur le pétrole en tant que source d'énergie principale, se dirige vers une situation qui s'apparente à celle des autres régions du Canada. Cette tendance explique en grande partie pourquoi l'impact du changement se fait ressentir de façon plus marquée au Québec.

D'autres différences que nous ne pouvons passer sous silence sont les taxes provinciales sur les routes au Québec et les taxes spéciales imputées aux raffineurs qui ont une incidence sur le prix que paie le consommateur, ce qui l'incite à économiser encore davantage l'énergie.

Passons maintenant à quelques remarques concernant les produits pétrochimiques. L'année 1982 a été une des années les plus sombres de l'histoire de l'industrie pétrochimique et l'avenir semble plus encourageant. Les perspectives d'avenir en ce qui a trait à l'éthylène ont changé de façon marquée et la demande de ses dérivés a considérablement décliné. En raison de la faible demande, il ne fait aucun doute qu'une rationalisation de l'industrie semble inévitable en fonction de l'efficacité et des coûts des charges d'alimentation.

La production d'éthylène, le principal produit de la pétrochimie au Québec, se fait à partir de fractions de pétrole brut, de naphta et de gazole comme charges d'alimentation. En raison des taxes fédérales et du mécanisme d'établissement des prix prévu dans la politique énergétique nationale, l'industrie a dû faire face à des augmentations de l'ordre de 85% des coûts des charges d'alimentation au cours des deux dernières années et demie. Il en résulte que l'avantage dont jouissait l'industrie canadienne au chapitre des charges d'alimentation s'est vite estompé dans un contexte où les prix et la demande des produits pétrochimiques étaient à la baisse.

Les prévisions en matière de prix indiquent que le coût des charges d'alimentation atteindra entre 90% et 95% des prix en vigueur à l'échelle mondiale en 1990. Il est peu probable que l'industrie soit en mesure de conserver sa part du marché sans une forme quelconque de subsides permanents.

Nous espérons que cette version condensée qui se veut aussi une interprétation du document que nous avons soumis vous sera utile. Maintenant, M. le Président, nous sommes disposés à répondre aux questions.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M. Blais. Vous avez maintenant la parole, M. le ministre.

M. Duhaime: M. Blais, je dois vous remercier pour l'effort de condensation que vous avez fait ce matin en résumant votre mémoire. Je dois dire que c'est un des excellents mémoires que nous avons reçus parmi les quelque 70 ou 72. Votre présence ici ce matin était attendue. Vous nous apportez d'heureuses nouvelles en nous confirmant la très ferme intention de Gulf Canada de maintenir sa raffinerie de Montréal en activité. Il y en a qui vous ont précédés à cette table, puisque j'ai un texte publié dans Energy ANALECTS, du 30 septembre 1983: "Energy strategies collide in Québec." Si vous me le permettez, je vais vous lire quatre lignes.

On dit que "Gulf Canada will appear before the standing committee on October 7. At that meeting - c'est aujourd'hui - Gulf is expected to reiterate the firmness of its intent to continue refining at Montreal with its recently reduced capacity of 9 500 cubic meters per day. It is also expected to confirm this by announcing a new reformer project at Montreal, to increase alkylate - je ne sais pas si j'ai la bonne prononciation -and aromatic yields, though it will probably be only about one-third the size of the original 83 000 000 reformer project announced, then postponed, in 1981."

Quand vous nous avez dit, tout à l'heure, que ce projet d'unité de reformage est en discussion, j'imagine, au niveau du conseil d'administration, quelles sont les chances ou quelles sont les "odds" pour que Gulf Canada aille de l'avant avec la mise en chantier de cette unité de reformage à Montréal?

M. Blais (Louis): Je crois que les chances sont certainement excellentes, M. le ministre, sinon on ne l'aurait pas annoncé ici ce matin. D'ailleurs, on avait l'espérance que ce qu'on appelle un AFE, "authority for expenditure", aurait été présenté au conseil d'administration, que nous aurions eu l'approbation et que nous aurions pu annoncer non seulement le fait, mais aussi le montant. C'est quelque chose qu'on ne voudrait certainement pas déclarer ici ce matin, mais je crois que les chances sont excellentes pour qu'on procède à l'installation ou à la revalorisation de ce reformage.

M. Duhaime: Ma question est la suivante. Est-ce que cette décision à venir... Espérons qu'elle sera bonne; cela me fait toujours plaisir d'entendre qu'au Québec le secteur pétrolier se modernise. Est-ce que cette décision est liée en quelque sorte à Pétromont? Ou si ce sont deux décisions qui sont complètement indépendantes l'une de l'autre?

M. Blais (Louis): Non, la décision de continuer au Québec n'était pas influencée du tout par... Certainement, pas particulièrement à cause de Pétromont. D'ailleurs, Pétromont est en train de s'alimenter ailleurs que chez Gulf, à ce moment-ci. Alors, l'impact sur Gulf est négligeable. Donc, Pétromont n'a pas influencé le fait que Gulf a décidé de rester, ou de garder ouverte sa raffinerie à Montréal-Est.

M. Duhaime: Probablement parce que... Je me fie un peu à ce qu'on nous dit là-dessus. Vous nous dites que Pétromont s'alimente sur un marché autre. Donc, l'unité de reformage à Montréal que Gulf envisage n'a strictement rien à voir avec les problèmes de Pétromont sur le prix de ses "feed-stock", par exemple, et son avenir comme tel. Ce sont deux décisions qui sont complètement distantes et l'avenir d'un projet n'influence pas l'autre, si je vous comprends bien.

M. Blais (Louis): C'est cela, exactement.

M. Duhaime: Maintenant, avec la capacité de raffinage qui se réduit... Vous l'avez donnée en 1000 barils, moi je l'ai en mètres cubes: je crois que c'est 9500...

M. Blais (Louis): Vous vous référez à quoi, M. le ministre?

M. Duhaime: Je parle de la capacité de raffinage. Je l'ai ici. Vous aviez 11 400 mètres cubes; c'est ramené à 9500 mètres cubes, qui est la capacité de votre usine de Montréal. Vous avez mentionné tantôt... En barils, cela donne quoi, la réduction?

M. Blais (Louis): On avait réduit de 74 000 barils à 60 000 barils par jour.

M. Duhaime: Oui, il y a peut-être une erreur...

M. Blais (Louis): 60 000 barils par jour, c'est à peu près 9500 mètres cubes par jour.

M. Duhaime: Ah bon. Moi, j'avais les chiffres du début de 1982. On a le même ordre de grandeur de chiffres. Au début de 1982, la capacité de raffinage de Gulf Canada, Montréal-Est, était de 66 000 barils

et, à la fin de 1983, de 54 500. Est-ce que c'est à peu près dans le même ordre?

M. Blais (Louis): Je ne sais pas où vous avez pris ces chiffres-là.

M. Duhaime: Ce sont des chiffres que le ministère retrouve à gauche et à droite. Mais, je pense que, quand on parle du début de 1982, on n'est pas sur la capacité de raffinage totale; c'était la capacité utilisée en 1982, je crois.

M. Blais (Louis): Cela se peut.

M. Duhaime: Oui. Mais, en barils, à l'heure actuelle, la capacité de la raffinerie de Montréal-Est, chez vous, c'est combien? Vous traitez combien de barils par jour?

M. Blais (Louis): C'est 60 000 barils par jour.

M. Duhaime: C'est 60 000 barils par jour? Bon.

M. Blais (Louis): C'est 9500 mètres cubes.

M. Duhaime: Et, ce que vous nous dites ce matin, c'est que cette capacité de raffinage à 60 000 barils par jour va être maintenue. Je pense que personne ne va prendre un engagement pour les trente prochaines années, mais...

M. Blais (Louis): J'espère que non...

M. Duhaime: ...aussi loin qu'on puisse voir en fonction du marché, vous nous dites que c'est 60 000 barils par jour et qu'une décision est à venir sur l'unité de reformage. Maintenant, concernant la part de marché de Gulf Canada au Québec, quelle est la relation entre vos ventes en produits raffinés au Québec et la capacité de raffinage? J'imagine que vous vendez au Québec tout ce que vous produisez...

M. Blais (Louis): II y a une différence entre les deux, oui.

M. Duhaime: ...mais est-ce que cela se marie ou si Gulf a des ententes de façonnage avec d'autres raffineries? Comment cela fonctionne-t-il, sans nous dévoiler, bien sûr, les secrets de votre entreprise sur vos contrats de façonnage? Mais y a-t-il un équilibre entre la capacité de raffinage à votre raffinerie de Montréal-Est et vos ventes en produits raffinés au Québec? (12 h 45)

M. Blais (Louis): Sans dévoiler de chiffres, parce que c'est prioritaire, on peut dire qu'on est à peu près en équilibre, en ce moment, entre la capacité de raffinage et nos ventes dans la province de Québec.

M. Duhaime: II me reste à vous remercier bien chaleureusement, M. Blais, en espérant que votre conseil d'administration acceptera ce qu'on appelle un CT, c'est-à-dire une autorisation à investir. Nous, c'est le Conseil du trésor qui joue ce rôle. Nous espérons que votre entreprise pourra connaître à Montréal une injection de capitaux frais pour se moderniser et se maintenir sur le marché des produits raffinés au Québec.

Nous vous remercions.

Le Président (M. Paré): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, pour revenir à l'offre et à la demande au Québec, vous avez fait une analyse globale pour le Canada et pour le Québec dans votre document. Je ne sais pas si on a porté à votre attention certains chiffres que SOQUIP a mis de l'avant ici, lorsque ses représentants sont venus en commission parlementaire. Ces chiffres étaient que, dans un avenir prochain, à partir de 1984, il y aurait un déficit entre l'offre et la demande, si l'on prend le Québec isolément. Autrement dit, la demande serait plus grande que l'offre. Les chiffres démontraient que c'était de l'ordre de 44 000 barils par jour, je crois, et ceci allait en diminuant jusqu'en 1990. Ils concluaient que, dès l'an prochain, nous serions un importateur net de pétrole raffiné.

Je ne sais pas si SOQUIP avait fait l'hypothèse que votre raffinerie serait fermée; je ne me souviens pas exactement de ce qu'elle avait dit, mais elle avait fait allusion à la possibilité qu'il y ait une raffinerie de fermée. Avez-vous regardé ces chiffres? Avec les fermetures qui ont été annoncées - on parle d'Esso qui a fermé temporairement ou, du moins, qui pourrait repartir ses installations s'il y avait une reprise, quoique la reprise soit peut-être un peu aléatoire - et avec les autres fermetures qui se sont faites, si Gulf maintient ses opérations, est-ce que la consommation du Québec, en général, ira à peu près de pair avec la production totale de produits raffinés au Québec? Autrement dit, est-ce qu'on a un marché équilibré au Québec, si Gulf maintient ses opérations?

M. Blais (Louis): M. le député, on n'a pas étudié la présentation d'Hydro-Québec en profondeur ou les commentaires de SOQUIP. Au premier coup d'oeil, on s'est aperçu que SOQUIP était pas mal plus optimiste au point de vue de la demande que nous ne le sommes. Voilà déjà une erreur qui pourra se produire sur ce sujet.

Si je pouvais vous référer à la page 53

de notre mémoire qui donne un peu la situation de l'équilibre, c'est-à-dire la capacité des raffineries du Québec et les charges utiles en brut et le pourcentage d'utilisation. D'ailleurs, en 1982, on s'aperçoit - nous avons les graphiques au bas de la page - que le pourcentage d'utilisation était de 69%. Nous disons qu'en 1985, on serait en équilibre très serré. Est-ce que c'est approcher la chose de trop près? Je devrais vous indiquer que, dans les quantités qui sont là, on inclut une certaine quantité de mazout lourd qui était exporté. Disons que, si on enlevait cette partie exportée complètement en 1985, nous aurions une utilisation d'à peu près 93% ou 94%. D'ailleurs, depuis que nous avons soumis notre document, on a reçu les chiffres actuels pour 1982 et là, on s'est aperçu que, même à ce moment, les prévisions que nous avions faites pour 1982 étaient un peu optimistes, soit d'à peu près 2% ou 3%. L'année 1982 a été notre base de départ pour faire nos prévisions. Si on part sur une base un peu plus basse et si on continue au même rythme, on pourrait dire que cela enlèverait encore environ 2% ou 3% dans la prévision d'utilisation, ce qui nous amènerait à environ 94%. C'est proche, mais cela fait une marge. Nous croyons qu'il n'y aurait pas de problème. Maintenant, je crois que la différence avec SOQUIP vient du fait qu'elle était beaucoup plus optimiste dans sa demande. Maintenant qu'on a vu les données pour 1982, on s'aperçoit que nous étions un peu optimistes quand même, même si on était beaucoup plus bas qu'elle. Je crois qu'il ne devrait pas y avoir de problème.

M. Fortier: Autrement dit, vous maintenez à peu près les chiffres de la page 53 qui indiquent un équilibre aux environs de 1985 et une sous-utilisation pour les années subséquentes, jusqu'en l'an 2000.

M. Blais (Louis): D'ailleurs, il faut remarquer que c'est le consommateur québécois...

M. Fortier: ...qui détermine...

M. Blais (Louis): ...qui va en bénéficier effectivement parce qu'il y a des échelles d'économie dans la capacité d'utilisation. Plus on augmente la capacité d'utilisation, plus on vend à meilleur prix notre produit.

M. Fortier: Les gens qui se sont présentés avant vous, ceux d'Inter-Cité, ont abordé la question du mazout lourd qui touche plutôt les Maritimes. J'imagine que cela doit toucher aussi certains endroits en Gaspésie ou sur la Côte-Nord; autrement dit, des points isolés où on peut facilement importer du mazout lourd par bateau, j'imagine. Ils faisaient certains commentaires sur l'effet néfaste, sur la pénétration du gaz, de l'importation du mazout lourd. Compte tenu de la position des raffineries montréalaises et de la vôtre, en particulier, j'imagine que vous avez surtout des surplus de mazout lourd. Autrement dit, est-ce que votre firme est importatrice de mazout lourd ou est-ce qu'elle peut le faire dans certains endroits, pour des raisons économiques?

M. Blais (Louis): Certainement. On peut faire des échanges au point de vue du mazout lourd. Mais disons que la question du mazout lourd a beaucoup attiré l'attention au point de vue de la pénétration du gaz naturel. D'ailleurs, j'ai beaucoup de difficulté à être sympathique à la pénétration du gaz naturel quand le prix est déjà à 65% du prix de la matière brute du pétrole et, ensuite, le réseau de distribution est subventionné jusqu'à un certain point aussi, en prenant toujours en considération les remarques du ministre.

Mais je crois que le problème du mazout lourd est plutôt réglé. Je pourrais peut-être encore me référer à notre page 50, je crois. Le tableau qui est là décrit un peu le bilan de l'offre et de la demande du mazout lourd au Québec. Maintenant, disons que, quand toutes les raffineries étaient en production, il y avait des productions excédentaires de mazout lourd. Premièrement, il y a plusieurs raffineries qui vont fermer, il y en a déjà deux et une troisième fermera prochainement. Il y en a d'autres qui sont en bonne voie d'amélioration au point de vue de l'équipement, soit Ultramar avec un système de craquage qui s'installe, à Petro-Canada aussi où on fait installer le système Canmet pour réduire la quantité de bunker qui sera disponible. En vertu de cela, je croirais... Nous avions même remarqué qu'il y aurait peut-être une pénurie à partir de 1992. Ceci revient plutôt à la question des apports de brut, les "CRUDE SLATE LIGHTENING", il y a une tendance récemment d'aller vers le brut plus léger.

La raison particulière, c'est qu'en 1992, nous attendons l'huile de l'Hybernia qui est un pétrole assez léger. Disons que cela pourrait influencer les apports de brut des raffineries. Même s'il y avait une pénurie, ce serait aussi dans le désir du gouvernement. Cela peut se régler très facilement parce qu'on pourra peut-être même changer les apports de brut. Dans l'Ouest du pays, il y a des améliorations qui sont apportées à Syncrude pour augmenter la production. Il y a eu deux annonces de Cold Lake encore hier. Maintenant, ce produit est déjà revalorisé. C'est un produit qui est très léger. Il n'y a pas de résidu dans ces bruts; ils vont venir vers l'Est aussi. C'est une autre chose qui va rendre les apports de brut plus léger. On pourrait améliorer la situation

s'il y avait des pénuries par l'importation du mazout lourd ou en ajoutant du brut plus lourd dans les apports.

M. Fortier: Ce que vous dites, au fond, c'est que c'est assez difficile de décider par décret dans une situation comme celle-là. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles il peut y avoir du mazout lourd. Quand vous faites votre craquage, vous produisez une certaine quantité de mazout lourd selon la qualité du pétrole que vous traitez...

M. Blais (Louis): Oui, certainement.

M. Fortier: II s'agit d'un sous-produit avec lequel on doit vivre, où on peut avoir des surplus et des pénuries et qui a une certaine utilisation chez certains industriels par ailleurs.

M. Blais (Louis): II y a une chose dont on est absolument sûr aujourd'hui, c'est que la quantité de "bunker" ou mazout lourd baissera à cause de la fermeture des raffineries et de l'amélioration apportée à quelques raffineries dans la province de Québec.

M. Fortier: J'aimerais vous amener, parce que je sais que vous en parlez dans votre mémoire, sur la position internationale, l'évolution des prix et de la demande, etc. Je crois que vous dites à un endroit - je ne me souviens pas de la page exacte - que les prix seront appelés à varier beaucoup. Des experts sont venus nous dire ici qu'on devrait, malgré des moments peut-être où il y aurait des variations de prix assez prononcées, croire que les prix ne varieront pas tellement et qu'en termes d'approvisionnement, durant les dix ou quinze prochaines années, il ne devrait pas y avoir de problème d'approvisionnement pour le Québec, même s'il fallait importer la totalité du pétrole dont nous aurons besoin au Québec. Quelle est la position de votre compagnie face à un approvisionnement international? Dans l'optique que l'Ouest canadien ne serait plus capable de nous approvisionner, donc qu'il faudrait s'approvisionner sur les marchés mondiaux, les membres de la commission doivent-ils s'inquiéter de cette situation ou croyez-vous que, comme d'autres experts, durant les dix ou quinze prochaines années, du moins durant les dix prochaines années, la situation sera plutôt stable? Quel est le point de vue de votre société là-dessus?

M. Blais (Louis): D'après les prévisions que l'on fait, nous croyons certainement que les prix resteront stables d'ici la fin des années quatre-vingt. À ce moment-là, il y aurait une légère augmentation dans les prix à mesure que la demande s'accroîtra. Nous croyons que la demande s'accroîtra très lentement. Cette augmentation proviendra aussi un peu du tiers monde, voyant qu'il y a encore beaucoup de conservation; la conservation est assez implantée à ce moment-ci. Mais les pays en croissance du tiers monde vont encore utiliser du pétrole. C'est probablement de là que viendraient les augmentations dans la demande. De plus, cette demande sera comblée assez souvent par l'entremise de l'OPEP qui contrôle encore une grande quantité de pétrole.

À l'intérieur de l'OPEP, il y des pays que nous appelons des importateurs de biens et services. D'ailleurs, ils sont forcés de produire afin de couvrir leurs dépenses effectivement, tandis qu'il y en a d'autres qui y sont moins poussés, comme l'Arabie Saoudite. Les réserves de capitaux sont telles qu'ils ne sont pas réellement forcés de produire, mais ils sont capables d'absorber la baisse de la demande, ce qu'ils ont fait récemment.

M. Fortier: Si M. Murphy veut intervenir en anglais, il est libre de le faire. (13 heures)

M. Blais (Louis): Ce que je voulais expliquer effectivement, c'est qu'il y a certains pays qui sont forcés de produire. Jusqu'à ce qu'ils reviennent à 75% de leur capacité de production, les pays comme l'Arabie Saoudite devront enfin recommencer à produire eux-mêmes. Peut-être que M. Murphy pourra vous expliquer un peu les prix, car c'est un expert en ce domaine.

M. Murphy (L.J.): In our latest forecast for international prices, as Mr. Blais has mentioned, we use as a basis an analysis of the internal, operations of OPEC and specifically the position of the high "absorber" as opposed to the... And, in our opinion, the stability of the international prices will come out of the realization by the Saudi, that in fact their revenues would be adversely affected by price changes and positively affected by volume changes over the next couple of years, so that, the Saudi will use their position as being the swing producer to stabilize prices as you get into the second half of the 1980's and you get the capacity utilization of the high "absorber" countries up to a position where it satisfies their economic development needs. And the capacity utilization rate for the Saudi as well will have increased by then. Then you have the circumstances under which you can envisage increases in prices in normal and real terms.

So, according to our latest forecast, we have the international price stable until 1985, maybe a dollar increase, that is about it, then, after 1985 to 1990, an average annual increase to 1990 of 3,5%, moderating in the 1990's. Now you could very well have

some more instability then. And in fact that has been the history that you get a sudden increase in prices and that is followed by a decline in real prices for some period of time, and another increase in prices and so on. We do not try to anticipate that sort of cycle, we simply average that over the second half of the 1980's.

Now, in comparison with the price forecast that we used for these projections, we have lowered our more recent price forecast; not so much in the early years but rather after 1985 our expectation was essentially the same at that time for the short term. But the expectation now is that the rate of increase in our prices in the longer term would be more moderate than we have built into the forecast.

M. Fortier: In making this forecast, I presume you are making one very basic assumption. For example, Saudi Arabia, I was to say corporately, would remain with the same government and there would be no war there. In other words, you are making one basic assumption that there will be no changes from a political point of view in Saudi Arabia.

M. Murphy: It is absolutely right. Any major political change would be in the direction of instability and higher prices, I would think.

M. Fortier: In the event the worst would happen in Saudi Arabia, for example, it means that it is going to be chaotic for a while regarding supplies and regarding prices. What impact would this have on Québec? We are not a big consumer in the total world, we are not Japan, we are not the United States. We import; although it may be significant, we are just a small little parcel of the total thing. Should we be preoccupied with this possibility? In other words, should we... You do not make any recommandation in your submission.

One question I would have finally: Should we plan for the worst, should we modify, or should we continue with the basic policy we have now, which is to try to eliminate the use of oil as much as we can and facilitate the penetration of gas? In other words, shoud we carry on with the basic policy in case the worst would happen like in 1973? What is your recommandation?

M. Murphy: I would think that there should be an element of energy policy and, in fact, there should be an element of national energy policy as well. It seems as though, under the circumstances of the current international oil market, there is not much concern in Canada about self sufficiency at all. The concern now is rather with prices and revenue sharing and things of that sort. In fact, history is showing us that that part of the world that constitutes the principal producer of international oil has a history of major political instability; it is entirely likely we are going to see that again. Now, the concern initially in the early 1970's was not so much from the point of price, although that was significant, but the fact you simply could not have access to that international oil because of the embargo that was introduced early in 1974. That, I would think, is unlike to be the case with any further disruption. It is more like it would have a price impact rather than not having access but you never know about those things. That part of the productive capacity in the Middle East could be destroyed by a major war and a rationing could take place, maybe a difficulty in access to that oil also. I would think that an element of an energy policy should always have some consideration of this important element of being exposed to supplies from obviously unpredictable unstable parts of the world.

M. Fortier: Although we are pretty small in the total game. Une dernière question que j'aurais, parce que vous n'avez pas de recommandation dans votre mémoire. Vous avez donné vos prévisions sur la consommation ou sur la demande québécoise et canadienne, mais québécoise en particulier. Votre conseil d'administration semble décidé à continuer l'exploitation à Montréal-Est. Comme vous le savez, beaucoup de pressions sont faites face à cette restructuration du secteur pétrolier. Il y a des fermetures, des pertes d'emplois, il y a des ajustements très importants qui se feront au niveau des stations-service en particulier. C'est un ajustement pénible, je dois l'avouer, pour plusieurs personnes impliquées dans le secteur pétrolier; je pense aux ouvriers, aux propriétaires ou locataires de stations-service.

Il y en a quelques-uns qui sont venus ici pour demander à l'État québécois d'intervenir de deux façons: d'une part, au niveau de la distribution du pétrole et d'autre part, par l'achat d'une raffinerie. Face à la situation que vous venez de décrire, quelle est la position de votre société quant à des demandes comme celles-là, d'une part, une espèce de nationalisation du système de stations-service et, d'autre part, la nationalisation ou l'achat d'une raffinerie de pétrole?

M. Blais (Louis): Premièrement, avec le genre de rationalisation qui a eu lieu dans les raffineries, on pourrait s'attendre au même phénomène à l'intérieur des postes de service. En vertu de la baisse de la demande, nous nous trouvons probablement avec un excédent de postes de service. Non

seulement ce phénomène existe dans la province de Québec, mais cela a aussi existé dans tout le pays. Gulf est en train, depuis plusieurs années, de rationaliser ses postes de service. Je n'ai pas les chiffres précis avec moi, mais on a certainement réduit de 50% le nombre qu'on avait il y a dix ans dans le pays. Cette rationalisation continue dans la province; nous sommes à examiner le réseau de distribution.

La rationalisation ne voudra pas uniquement dire que nous réclamons la fermeture des postes de service; parfois c'est un regroupement de postes de service, c'est-à-dire en en fermant deux ou trois et en en ouvrant une grosse quelque part, comme vous l'avez vu dernièrement. Pour savoir quel poste, ce n'est pas simplement une décision prise par Gulf; cela dépend vraiment de la rentabilité, non seulement pour Gulf, mais aussi pour l'exploitant de ce poste de service. C'est une opération délicate faite avec une certaine justice et de façon humaine.

La question de la rationalisation est étudiée par toutes les compagnies pétrolières; elles sont à examiner, au fur et à mesure, leurs opérations. Cela revient toujours à améliorer la rentabilité des opérations. À propos de la raffinerie, c'était...

M. Fortier: Je demandais si, face à ce problème, vous croyiez que l'intervention de l'État était justifiée dans la situation que vous venez de décrire.

M. Blais (Louis): Non, je ne crois pas. Si on parle de l'intervention de l'État, c'est l'État qui est intervenu pour le lancement des programmes qui nous mettent dans la position où nous sommes aujourd'hui, soit des programmes de substitution, des programmes de conservation, etc. Disons que cela a forcé la réduction de notre part. Ce qui arrive aujourd'hui est attribuable jusqu'à un certain point à des politiques gouvernementales.

M. Fortier: Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Duhaime: Cela va être très bref, parce qu'à mesure que l'heure avance, nos estomacs descendent.

Je voudrais seulement revenir sur la dernière question du député d'Outremont, parce que, en toute justice pour les gens de la compagnie Gulf, je dois leur dire que le Parti libéral du Québec a déjà pris position dans ce dossier en disant très clairement: Nous ne voulons pas que le gouvernement du Québec, par le biais d'une société d'État, s'implique dans le raffinage et la distribution. Je pense que je vous résume assez bien?

M. Fortier: Non, non. Je pense que ce qu'on a dit... On a dit exactement cela, mais on a dit... Non, non, je pense que, si vous voulez que..

M. Duhaime: C'est ce que j'avais compris.

M. Fortier: Comme vous exprimez vos propres politiques, j'aimerais bien exposer les nôtres moi-même. On a dit que les deux niveaux de gouvernement avaient créé la situation actuelle et qu'on ne croyait pas, étant donné que la situation actuelle avait été créée par les politiques des gouvernements québécois et canadien, que l'État doive intervenir. Et, là-dessus, je rejoins certainement la politique de Gulf. Il peut y avoir d'autres façons d'amenuiser les implications que cela peut avoir pour les Québécois qui sont aux prises avec ce genre de problème, mais certainement pas par la nationalisation d'une raffinerie. Là-dessus, vous avez raison.

M. Blais (Louis): Vous pouvez peut-être ralentir un peu sur les programmes pour nous donner une chance de respirer un peu.

M. Duhaime: Vous savez, M. Blais, on reste toujours entre amis ici autour de cette table, sauf que nous avons des options bien différentes. Je parle surtout de mes collègues à ma gauche. Ce qu'ils nous lancent comme étant presque une interdiction religieuse, c'est même interdit de le regarder... Moi, j'ai eu l'occasion de dire: Notre gouvernement n'a pas encore fait son lit là-dedans; on est en train d'étudier d'abord et il y a des prévisions de marché qui varient, etc. Ce que je comprends du Parti libéral du Québec, c'est que l'intervention de Petro-Canada, avec une taxe à la pompe pour payer l'achat de Pétrofina et de l'autre entreprise dont elle a fait l'achat, cela va, c'est parfait, c'est très bien. Mais lorsque, de notre côté, on veut juste regarder pour essayer de maintenir une capacité de raffinage au Québec et assurer pour Montréal un avenir dans la pétrochimie, là les oiseaux s'en retournent.

M. Fortier: Cela fait deux ans que vous regardez. Il commence à être temps que vous preniez vos décisions.

M. Duhaime: Bon. Alors, je voudrais, plus sérieusement, M. Blais, vous confirmer qu'effectivement vos prévisions sont plus basses que celles de SOQUIP. J'ai eu l'occasion de faire faire une compilation des différentes prévisions qui ont été avancées pour SOQUIP, Shell, Esso, Ultramar, Gulf, Suncor, Petro-Canada. Pour cette dernière, c'est marqué ND, cela veut dire non déterminé; alors, j'imagine que, pour Petro-

Canada c'est non déterminé ou non disponible, et on va peut-être l'avoir aujourd'hui. Sur la ligne, par exemple, de 1985, parce que je pense que toutes les pétrolières ont leur équipe de futurologues ou de "forecast" pour essayer d'être le plus exact possible, pour l'horizon de 1985, sur le total des ventes de produits raffinés, essence moteur, diesel, mazout léger, mazout lourd: Gulf, d'après votre mémoire, 327 000 barils; Suncor, 272 000; Ultramar, 345 000; Esso, 277 000; Shell, 274 000; SOQUIP, 353 000 barils. À mon ministère, à la Direction générale de l'analyse, nous sommes à 331 000 barils par jour; vous êtes à 327 000. On ne se chicanera pas pour 4000 barils. Si on va maintenant sur la ligne de 1990, vous prévoyez 311 000 barils par jour; Ultramar, 309 000; Esso, 232 000; Shell, 245 000; SOQUIP, 325 000; la Direction générale de l'analyse, à mon ministère, 281 000 $. Il y a toujours les incertitudes sur les marchés; il y a toujours la question des prix; il y a la situation politique, dans les pays du Moyen-Orient principalement. Sur la ligne de 1985, vous rejoignez nos chiffres à 4000 barils par jour près; 327 000, par rapport à 331 000. Je crois que ce qui fait la différence dans la prévision faite chez SOQUIP, c'est que, sur la ligne de départ, on avait sous-estimé la capacité de raffinage d'Ultramar parce qu'on a des chiffres de... (13 h 15)

M. Blais (Louis): Ils sont à 353 000?

M. Duhaime: Pardon?

M. Blais (Louis): En 1985, SOQUIP était à 353 000?

M. Duhaime: 353 000, oui. Il y avait une différence de 40 000 barils par jour de capacité de traitement à Ultramar qui manquait dans la comptabilisation faite chez SOQUIP. Je crois que cela dépend toujours du moment de la référence; si on se réfère à janvier 1982 ou juin 1982 sur les capacités réelles en production, c'est peut-être là qu'est la différence. Je vous avoue honnêtement qu'au-delà de 1985, il y a beaucoup plus de points d'interrogation sur les lignes qu'il n'y a de certitudes. Le marché se déplace, c'est bien évident.

J'ai terminé. Je vous remercie, M. Blais, de même que les collègues qui vous accompagnent.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, MM. Blais, Codère et Murphy. Étant donné qu'il est 13 h 15, je rappelle qu'on entendra cet après-midi, dans l'ordre, Ultramar Canada Inc., Petro-Canada et Manuplast. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 17)

(Reprise de la séance à 15 h 11)

Le Président (M. Gagnon): Lors de la suspension de nos travaux, nous étions sur le point d'inviter le groupe Ultramar Canada Inc., représenté par M. Berry, M. Roy et M. Archambault.

Vous êtes M. Berry? Je vous inviterais à présenter les gens qui vous accompagnent.

Ultramar Canada Inc.

M. Berry (William J.): Je vais les présenter tantôt.

Le Président (M. Gagnon): Oui, cela va.

M. Berry: M. le Président, M. Duhaime, M. Fortier et distingués membres de la commission parlementaire, mon nom est William J. Berry, directeur des affaires gouvernementales chez Ultramar Canada Inc. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Reynald Archambault, directeur de la raffinerie et, à ma droite, de M. André Roy, président de la division de Québec de notre compagnie. Nous n'avons pas l'intention de résumer le contenu de notre mémoire à la commission permanente en date du 15 mars 1983 mais, comme nous nous attendons que le ministère de l'Énergie et des Ressources et d'autres aient préparé un certain nombre de questions ayant trait à notre mémoire, il nous serait agréable en tout temps, durant notre présence ici, d'y répondre. Il se pourrait qu'aucun d'entre nous ne soit en mesure de vous donner une réponse complète, auquel cas nous sollicitons le privilège de répondre à la commission par écrit à une date ultérieure.

Notre exposé devant la commission aujourd'hui a pour but de mettre en relief plusieurs questions d'intérêt particulier autant que général et est, en partie, motivé par des témoignages qui ont été présentés devant cette commission durant ses assises. Il y a la question de l'autosuffisance ou, en d'autres termes, la capacité des raffineries du Québec de fabriquer la quantité de produits pétroliers nécessaire en ce moment et dans l'avenir pour le marché du Québec. Il n'y aura pas, contrairement à ce qui a été avancé, un déficit dans la capacité de raffinage par rapport à la demande de produits. N'ayant pas de déficit, il n'y aura pas nécessité de répondre aux revendications répétées en ce sens que le gouvernement du Québec devrait acquérir et exploiter une des raffineries fermées.

M. Reynald Archambault, directeur de notre raffinerie, traitera de ce sujet. M. Roy parlera du rapport étroit qui existe entre la nouvelle technologie de raffinage et les nouvelles pratiques de commercialisation, se référant particulièrement à la situation de concurrence qui existe par tradition entre les

postes d'essence avec service complet et les postes d'essence à libre service, qu'ils soient ou non pleinement automatisés.

Depuis les assises de l'Office national de l'énergie au sujet de l'octroi de permis sur les importations et les exportations de mazout lourd, le printemps dernier, à l'occasion desquelles cet office n'a pu établir le bien-fondé de changer les règlements de ce commerce, des témoins sont par la suite venus témoigner devant cette commission et ont fait des remarques au sujet du mazout lourd qui démontrent une faible connaissance des forces dynamiques de ce commerce. J'aurai des commentaires à faire à ce sujet.

Je suis heureux de noter qu'à la fin de septembre dernier, le cabinet fédéral a approuvé l'achat, par Ultramar, de la pétrolière Spur et de ses 150 postes de ravitaillement en essence au Québec et dans l'Est de l'Ontario. Le gouvernement du Québec a donné son appui à cette transaction. Il a reconnu les effets négatifs qu'aurait pu entraîner sur les coûts d'exploitation de la raffinerie d'Ultramar à Saint-Romuald un échec de son projet d'acquisition à cause des politiques énergétiques et du tamisage au niveau fédéral. Cette dernière acquisition devrait permettre d'augmenter l'utilisation du craqueur catalytique de quelque 55% à tout près de 65% de sa capacité. Comme la décision d'Ultramar d'investir pour améliorer à un coût de 240 000 000 $ sa raffinerie visait un niveau d'utilisation de 75%, il est évident qu'Ultramar doit pénétrer encore plus profondément le marché des carburants. Ce développement pourrait se situer, quant à nous, dans le cadre d'une politique globale caractérisée par la déréglementation de l'industrie pétrolière et d'une plus grande confiance dans les forces du marché.

Une bonne partie de notre mémoire du 15 mars a porté sur la bataille que se livrent le mazout lourd et le gaz naturel pour le marché industriel. Au risque de m'étendre sur des concepts que des membres de cette commission connaissent déjà, je voudrais brièvement expliquer ce qu'est le mazout lourd.

La grande majorité des pétroles bruts donnent du mazout lourd. Seules font exceptions quelques faibles quantités de brut et de condensé exceptionnellement légers. Le mazout lourd est un résidu inévitable du processus de raffinage. Les raffineries doivent se débarrasser de ce produit faute de place pour le stocker et surtout à cause du coût élevé de son chauffage pour le garder dans un état liquide. Sinon, on pourrait être obligé de fermer les portes. Quelles que soient les barrières que soulèvent les gouvernements pour en limiter la production et l'utilisation, l'industrie doit s'en départir. Au besoin, elles pourraient même en baisser le prix jusqu'à zéro. Évidemment, ceci n'est qu'une façon de parler. Il est fort possible que les raffineries préféreraient en effet suspendre leurs activités plutôt que de l'écouler gratuitement.

Si les raffineries en arrivaient à fermer à cause des excédents de mazout lourd restés en inventaire, il pourrait en résulter des importations d'essence, de carburant diesel, de carburant d'aviation, de carburéacteur, de mazout léger et même lourd pour des industries ne pouvant recourir au gaz naturel ainsi que pour les transports maritimes. Une telle direction ne serait certainement pas dans l'intérêt du public. Elle irait encore moins dans le sens de l'objectif souvent fixé d'autosuffisance pour le Québec.

Pour la petite histoire, on pourrait rappeler qu'il fut un temps où l'essence elle-même n'était qu'un sous-produit de la production de kérosène et comme elle n'avait pas de valeur, on la brûlait. Il a été dit qu'une nouvelle réduction des limites de teneur en soufre du mazout lourd ferait augmenter le prix de vente de ce produit au point de l'empêcher d'être concurrentiel avec le gaz naturel. Nous croyons que ce n'est pas le cas. Son prix continuerait de se situer dans les limites qui en permettraient la vente, quel que soit le coût de production. De plus, tant et aussi longtemps que la vente des produits légers permet un bénéfice qui compense les pertes sur les produits lourds, du moins pour faire l'achat du brut, faire les frais de raffinage et de commercialisation et assurer un bon rendement aux investisseurs, les raffineries resteront en marche.

Le rendement financier au baril est fonction de la composition des prix sur la gamme complète des produits. En abaissant le prix du mazout lourd, on provoque une augmentation des prix du carburant pour le transport routier. Mais dans une période de ralentissement de la demande comme celle que nous traversons où le marché accepterait difficilement une hausse du coût des carburants, il serait, économiquement parlant, moins préjudiciable pour les raffineurs de fermer simplement leurs usines. C'est très exactement la raison pour laquelle Ultramar a fermé sa raffinerie de Holyrood à Terre-Neuve. La faible demande et les prix trop bas pour son mazout lourd ne pouvaient pas être compensés par la conjoncture des prix et la demande des carburants dans l'immédiat, ni même dans un avenir prévisible et la raffinerie était trop petite pour justifier toute revalorisation.

Autre possibilité: la modernisation. C'est ce qu'Ultramar a fait à Saint-Romuald. Toutefois, cette option n'est possible que pour les sociétés exploitant des raffineries importantes et ayant de grands marchés. Par ailleurs, les propositions de fixer un prix de plancher pour le mazout lourd qui ne serait

pas inférieur à un certain pourcentage du prix du brut ne tiendraient pas compte des forces du marché ni des réalités de ce secteur industriel. Le mazout lourd qui ne pourrait pas être vendu au Canada devrait être transformé ou exploité et peut-être à des coûts et à des prix qui détruiraient la rentabilité du raffinage. Selon Ultramar Canada, il ne se produira pas d'excédent de mazout lourd sur le marché du Québec pendant la décennie en cours. C'est précisément en se fondant sur cette hypothèse qu'Ultramar Canada a décidé de ne pas participer au projet CARMONT.

Prenant en considération les projets de revalorisation qui ont été complétés ou qui sont couramment en construction, Ultramar prévoit que la production de mazout lourd au Québec en 1983 sera de 3 1QD 000 mètres cubes. Cependant, la disponibilité sera plus grande vu que la production sera grossie par quelques importations et les arrivages de l'Ontario ainsi que les réductions des inventaires.

Ultramar prévoit qu'en 1983 la demande de mazout lourd au Québec sera tout près de 4 000 000 de mètres cubes, ce qui coïncide à peu près aux prévisions qu'ont fait d'autres intervenants devant cette commission. Nous nous attendons donc que la production - ne pas confondre avec la disponibilité - tombera légèrement aux environs de 2 700 000 mètres cubes d'ici à 1990. Au milieu de cette décennie, nous, comme d'autres, prévoyons que le marché du mazout lourd au Québec se stabilisera aux environs de quelque 3 500 000 mètres cubes par année.

Cependant, nous ne croyons pas que l'information sera complète si nous regardions seulement le marché du Québec en isolant celui-ci des marchés contigus de l'Ontario et des provinces maritimes. Des quantités de mazout lourd continueront de passer de l'Ontario au Québec, du Québec aux maritimes, car ces dernières demeureront déficitaires pour le restant de cette décennie. Ce déficit, dans les maritimes, atteindra un maximum de quelque 1 600 000 mètres cubes en 1985 et déclinera par la suite jusqu'aux environs de 900 000 mètres cubes avant la fin de cette décennie. Le Québec et les provinces maritimes forment un marché intègre. Ces provinces verront un déficit de mazout lourd de quelque 2 700 000 mètres cubes en 1983. Il y aura par la suite un lent déclin atteignant quelque 565 000 mètres cubes vers 1990. Des efforts pour empêcher les mouvements de mazout lourd entre ces provinces ou des importations vers ces provinces pourraient en effet priver plusieurs industries de leur seul combustible industriel et provoquer une augmentation des coûts de fabrication. Reconnaissant les forces dynamiques de ces marchés, l'Office national de l'énergie a pris, plus tôt cette année, la décision d'éviter les réglementations pouvant créer de l'interférence additionnelle.

Les sociétés de gaz naturel et le gouvernement du Québec restent favorables, je crois, au projet CARMONT. Les sociétés pétrolières, non. Le projet CARMONT est techniquement réalisable mais pas économiquement. La construction d'une unité de revalorisation centrale sur le site d'une raffinerie abandonnée ne permettrait pas de rentabiliser le projet comme il a été suggéré devant cette commission. Les seuls éléments récupérables seraient le terrain, quelques réservoirs de stockage et peut-être un peu de tuyauterie.

Étant donné qu'un excédent de mazout lourd sur le marché du Québec est peu probable, il ne serait pas sain pour les gouvernements d'instaurer de nouvelles restrictions à la production ou à la vente. Notre société reconnaît que les pouvoirs publics peuvent légiférer dans le sens de leur préférence industrielle, mais une intervention basée sur une compréhension imparfaite du marché risque d'entraîner davantage de fermetures de raffineries ainsi que des importations de produits légers et même de mazout lourd de pays où les autorités n'interviennent pas dans le fonctionnement du marché.

On commence à voir certaines des conséquences du soutien accordé par l'État aux énergies qu'il favorise en un temps de croissance économique lente et de surplus généralisé de ces énergies. Il y a entre autres les fermetures de raffineries même si, bien sûr, on ne peut pas les attribuer uniquement à l'État. Une autre conséquence est la croissance rapide de la consommation de gaz naturel considérée d'ordinaire comme un mode économique d'énergie alors qu'en réalité il ne s'agit que d'une substitution énergétique. Il faut veiller à ne pas répéter certaines erreurs récentes des États-Unis. En maintenant à un bas niveau les prix du gaz naturel américain, on a retardé la production et accéléré sa demande. Les producteurs d'électricité aux États-Unis, qui ont cru à de l'information qui s'est révélée fausse, ont décidé de se reconvertir massivement au gaz, mais se sont vus ensuite empêchés de le faire par un gouvernement fédéral obligé, croyait-il, d'intervenir une seconde fois afin de corriger les problèmes résultant de sa première intervention sur les prix.

L'électricité, au Québec, a privé le mazout lourd de parties importantes de son marché et continuera de le faire. Dans la mesure où l'État se sentira obligé de favoriser l'utilisation de l'électricité, il se sentira peut-être obligé ensuite d'intervenir pour soutenir les victimes de l'électricité, soit peut-être le raffinage du pétrole, ou le gaz naturel, ou les deux.

La morale à tirer de tout cela, c'est que les gouvernements ne peuvent s'attendre, avec réalisme, à atteindre à la fois tous

leurs objectifs en matière d'énergie en procédant à coups d'interventions. L'au-tosuffisance d'une part et une forte industrie pétrochimique fondée sur le pétrole peuvent-elles coexister au Québec avec le gaz naturel et l'électricité soutenus par l'État et en forte croissance dans un marché à faible croissance? Les gouvernements ne feraient-ils pas mieux de compter plutôt sur l'action impartiale du marché de l'énergie pour ce qui est de prendre de telles décisions et de déterminer lesquelles des énergies doivent avoir l'avantage?

Divers intervenants auprès de cette commission ont suggéré la déréglementation du prix du gaz naturel. Ultramar Canada soutient fermement cette recommandation pour les prix à la sortie du puits à condition que toutes les formes de réglementation sur le gaz naturel, le pétrole, les produits pétroliers, l'électricité soient supprimées. Cela supposerait l'élimination progressive, par exemple, des subventions au remplacement du pétrole ce qui reviendrait à reconnaître que cette formule ne va pas nécessairement dans le sens de l'intérêt économique des consommateurs.

La déréglementation de l'ensemble du secteur doit devenir un objectif et devrait porter notamment sur: premièrement, la suppression du contrôle du prix du brut à la tête du puits pour permettre aux prix de s'ajuster au niveau mondial au même titre que ceux du gaz naturel; deuxièmement, la suppression des programmes de compensation à l'importation du pétrole; troisièmement, la suppression des permis d'importation et d'exportation sur tous les produits pétroliers raffinés. Cela veut dire la libre exportation et la libre importation sans permis; quatrièmement, la suppression des droits d'exportation sur le brut et les produits raffinés et finalement l'élimination graduelle de toutes les subventions à la conversion et à la substitution du pétrole.

Avant de laisser la parole à mes collègues M. Archambault et M. Roy, j'aimerais faire une observation sur une remarque que M. Duhaime a faite ce matin. Il a noté qu'un des problèmes de la politique énergétique au Canada était que le prix du pétrole était trop bas. C'est vrai à la sortie du puits. Les raffineurs doivent payer pour leurs besoins en pétrole brut canadien un prix qui a atteint au mois d'août 94,7 $ du prix de l'équivalent du pétrole brut importé. La différence entre le prix à la sortie du puits et celui à la raffinerie représente les charges additionnelles pour faire l'acquisition de Petro-Canada et le "Canadian Ownership Special Charge" ainsi que le "Petroleum Compensation Charge". Je passe maintenant la parole à M. Archambault, qui va détailler les aspects du raffinage. Immédiatement après, M. Roy vous parlera du rapport entre le raffinage et le marketing.

Le Président (M. Gagnon): M. Archambault. Si vous me le permettez, je vous demanderais d'approcher un peu votre micro. (15 h 30)

M. Archambault (Raynald): Messieurs les membres de la commission, M. le ministre, M. Fortier, la raffinerie de Québec d'Ultramar fut construite en 1970 et 1971. Au départ, elle était une raffinerie simple, surtout orientée vers la production de mazout no 6. Dans l'esprit d'Ultramar, la raffinerie de Québec devait approvisionner en produits légers son marché de l'Est du Canada et la production de mazout à bas soufre, tout particulièrement, devait être exportée sur la côte est des États-Unis. Dans un tel contexte de marché, il était envisagé d'exploiter la raffinerie à des niveaux très élevés. Comme l'on sait, la situation a changé très rapidement dès 1973 et ce n'est que pour de courtes périodes que la raffinerie a utilisé à pleine capacité.

Je veux dire un mot sur cette étape de conception de la raffinerie originale et les débuts. Comme dans tout projet d'envergure dans le domaine du raffinage, il a fallu d'abord fixer des conditions d'utilisation de base devant servir à fixer les données de conception. Dans le cas de notre raffinerie, deux bruts typiques furent choisis. Ils représentaient alors ce que nous considérions comme deux extrêmes acceptables. Comme brut lourd, le Tia Juana inédium d'une densité API de 24,7° fut choisi. Du côté des bruts légers, le brut adopté fut le Bréga lybien d'une densité API de 40,2°. La capacité de traitement nominale qui est en fait la capacité de conception et en même temps la capacité minimale garantie par le concepteur pour le brut Tia Juana, était de 108 000 barils par jour. Dans le cas du brut Bréga, la capacité correspondante est de 95 000 barils par jour. C'est probablement à partir de ces valeurs que la capacité de raffinage d'Ultramar à Saint-Romuald a été fixée à 103 000 barils par jour dans le tableau 7 du rapport de SOQUIP, daté de septembre 1983.

Les bruts ci-haut mentionnés ont été traités au début de la raffinerie soit séparément, soit combinés selon les besoins et les contraintes opérationnelles du moment. Dès le début, des marges d'essais ont démontré que la capacité réelle de traitement pour l'un ou l'autre de ces bruts était bien en deçà de la capacité nominale.

Lorsque les conditions du marché et les besoins de production l'ont permis, la capacité réelle existante fut utilisée. Dans le cas des bruts lourds, les caractéristiques physiques de la partie inférieure de la colonne à distiller atmosphérique sont celles qui prévalent. Dans le cas des bruts légers,

comme Bréga, la quantité d'absorption des composants légers de la tête de la colonne et des équipements connexes est l'élément dominant au point de vue contrainte et restriction du traitement.

Dans un cas comme dans l'autre, il est toujours possible, lorsqu'il y a un goulot d'étranglement et lorsque les besoins de capacité existent, de faire des modifications afin de fonctionner à des niveaux d'alimentation plus élevés. La raffinerie Ultramar de Québec a traité différent bruts à des niveaux aussi élevés que 130 000 barils par jour pendant des périodes relativement longues, c'est-à-dire quelques mois, lorsque les conditions du marché ont permis de créer une demande telle qu'Ultramar a dû utiliser sa raffinerie presque à capacité pour satisfaire ses besoins. Il est bien entendu que, pour fonctionner à de tels niveaux, un ensemble de bruts des plus appropriés est nécessaire.

Il faut des bruts qui permettent une alimentation de densité moyenne. Cependant notre raffinerie est capable, typiquement, de traiter régulièrement des bruts assez lourds et une alimentation de densité API de 27° est très acceptable. Au milieu de la dernière décennie, des marches d'essais ont permis de démontrer qu'il était possible de pousser la capacité de raffinage de la raffinerie à des niveaux aussi élevés que 140 000 barils par jour. Mais, pour pouvoir fonctionner à des niveaux aussi élevés, des modifications permanentes seraient nécessaires; finalement quelques millions de dollars d'investissement suffiraient à le faire.

Des études techniques ont été faites à ce moment et ont démontré que des investissements, somme toute relativement mineurs, permettaient d'atteindre les niveaux précités. Il est bon de noter ici que, pour accroître l'efficacité et la productivité de ses installations de raffinage à Saint-Romuald, Ultramar a quand même fait, au cours des années, des modifications qui ont permis de progresser. Par exemple, nous avons augmenté la désulfuration, nous avons agrandi l'unité de reformage catalytique et les capacités de chargement aussi ont été agrandies.

Je voudrais aussi souligner que, en plus de traiter du brut à des niveaux beaucoup plus élevés que ce qui avait été initialement prévu lors de la conception, la raffinerie de Québec a aussi traité un grand nombre de bruts fort disparates en qualité et ayant des caractéristiques très diverses. Par exemple, qu'il suffise de mentionner des bruts très lourds dont le Laguna vénézuélien et, à l'autre extrême, le Condensat algérien qui, lui, ne contient pas de résidus lourds. Naturellement, le traitement de ces bruts n'a été possible que par prémélange et conditionnement de ces bruts à l'avance.

Parlons maintenant de la nouvelle raffinerie Ultramar. Afin de satisfaire des besoins de marché fort changeants, Ultramar a décidé, il y a quelques années, d'apporter à ses installations de Saint-Romuald les modifications voulues pour répondre à l'évolution de la demande et satisfaire les besoins diversifiés en produits pétroliers de toutes sortes. Le programme d'investissement que nous venons de terminer nous donne de nouvelles unités qui viennent d'être mises en marche et comportent, en particulier, un craqueur catalytique offrant énormément de possibilités à Ultramar. Il permet de transformer des produits lourds, qui, normalement, seraient vendus comme du mazout no 6, en produits légers comme l'essence, le diesel et le mazout léger no 2 servant de combustible domestique. Contrairement à ce qui a été rapporté ailleurs, notre projet de modernisation permet de réduire la production de mazout lourd, mais en aucune façon il ne réduit la capacité globale de traitement des bruts. Ce que les additions d'unités nous apportent, c'est une flexibilité accrue qui, en aucune façon ne réduit la capacité des unités existantes à produire ce qu'elles produisaient auparavant. En conséquence, le tableau 8 du cahier des données de référence sur le secteur pétrolier déposé par SOQUIP, daté de septembre 1983, doit être amendé.

Enfin, l'offre totale prévue de produits pétroliers dans ce cahier doit être augmentée de quelque 50 000 barils par jour pour 1985, pour devenir 362 800 barils par jour. Si on compare cette offre corrigée à la demande totale, on constate que le déficit de 40 200 barils devient un surplus de 9800 barils par jour. Le déséquilibre entre l'offre et la demande disparaît, à toutes fins utiles.

Ultramar est prête, avec ses installations, à satisfaire les demandes qui continueront d'exister au niveau des produits plus lourds, tout en satisfaisant les nouveaux besoins qui se développent. En conséquence, comme notre capacité de raffinage du brut reste ce qu'elle était, nous croyons être en position de répondre aux besoins existants de produits pétroliers raffinés. De plus, une augmentation de notre niveau de production permettrait de mieux rentabiliser nos installations et d'être en mesure de continuer à les adapter aux besoins changeants. Une bonne rentabilité est nécessaire pour assurer un développement normal, puisque l'on sait que la structure de raffinage doit être modifiée constamment pour l'adapter à la structure des produits qui, elle-même, change d'une façon continuelle.

Par son projet de modernisation, Ultramar s'est donné une raffinerie souple, flexible, de grande capacité, et elle fait des efforts constants afin de la rentabiliser et ainsi en assurer la viabilité et stabiliser les emplois qu'elle représente. Pour ce faire, Ultramar s'est engagée dans des contrats de

façonnage et tente d'en développer d'autres. De plus, Ultramar envisage d'utiliser au maximum les possibilités qu'offre l'acquisition de Pittston sur la côte est des États-Unis. Les avantages de cette acquisition pourront devenir réels en autant que les gouvernements n'empêcheront d'aucune façon l'exportation de produits provenant du traitement de brut au Canada pour les compagnies étrangères. Il est important que le ministère de l'Énergie et des Ressources contribue à maintenir l'activité de raffinage d'Ultramar au plus haut niveau possible en encourageant des activités de façonnage pour les sociétés pétrolières de la côte est des États-Unis. Il serait souhaitable que le ministère intervienne auprès des organismes impliqués du gouvernement fédéral pour appuyer les projets d'Ultramar. Advenant un haut niveau d'utilisation de ces installations, Ultramar envisage déjà d'autres additions. L'acquisition de Spur fait aussi partie des projets qui permettent à Ultramar de rendre plus profitables ses exploitations à Saint-Romuald et de garantir ainsi la sécurité des approvisionnements en produits pétroliers dans la province de Québec, grâce à la viabilité de sa raffinerie.

Enfin, très rapidement, permettez-moi de faire un bref commentaire sur les normes de soufre du mazout lourd. Dans son mémoire du 15 mars, Ultramar confirmait son intention de se conformer le plus rapidement possible à la norme de 2,5% de soufre maximum. Maintenant que les craqueurs fonctionnent et que nous connaissons les bruts disponibles, nous pouvons affirmer que nous pourrons déjà garantir un niveau de 2,75% de soufre maximum. D'ici à quelques semaines, nous comptons présenter au ministère de l'Environnement un plan d'action permettant d'atteindre relativement rapidement le niveau de 2,5% de soufre sans mettre en danger l'approvisionnement régulier en mazout no 2 dans notre région. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Archambault. M. Roy.

M. Roy (André): M. le ministre, membres de la commission, Ultramar est le dernier arrivant dans le monde du raffinage et du "marketing" du pétrole au Québec, surtout avec un défi de taille. Notre compagnie, qui exploite au pays depuis le début des années cinquante et raffine du pétrole depuis le début des années soixante-dix au Québec, se retrouve au plan "marketing" avec un retard considérable sur des concurrents établis ici depuis les années vingt et trente. Il n'en reste pas moins que le geste posé par Ultramar en implantant son craqueur catalytique à la raffinerie de Saint-Romuald doit maintenant se traduire par une nouvelle approche dans son "marketing".

Notre part du marché au Québec, environ 6,5%, a déjà été améliorée et portée légèrement au-dessus de 10% avec l'acquisition de Spur, mais même là, ces chiffres ne sauraient justifier l'investissement de taille que peut nécessiter la construction du craqueur catalytique.

Il nous incombe donc d'améliorer substantiellement et dans des délais plutôt courts cette part du marché pour la rendre plus compatible à la taille de nos investissements et de nos efforts. Déjà, nous avons en place de nouveaux postes de vente et de distribution qui, en eux, rivalisent de nouveauté avec la technologie en place à la raffinerie. Témoin de cette évolution, l'ouverture récente de la première station-service pipeline à Saint-David, station entièrement automatisée, où il est possible, au moyen d'une carte à bande magnétique de se procurer de l'essence 24 heures par jour et d'obtenir du même coup le bénéfice du compte rendu de la performance kilométrage-litre sur son état de compte de fin de mois. Ultramar se propose d'étendre ce réseau dans toute la province dans un avenir immédiat. De plus, Ultramar exploite depuis près d'un an un réseau de postes de ravitaillement à cartes électroniques qui permet aux camionneurs de s'approvisionner en huile diesel et en essence en tout temps et dans des conditions physiques très propices, tout en jouissant du même avantage de comptabilité et kilométrage-litre.

Il s'agit là de deux innovations mises en place par Ultramar, avant toute compétition, ce qui dénote bien notre intention de faire plus et mieux pour le consommateur québécois. Bien sûr, notre réseau de stations-service au Québec, même s'il est d'histoire plutôt récente, a besoin d'être considérablement amélioré. Dans un marché en décroissance, il ne s'agit pas là d'une mince tâche puisque, d'une part il faut éviter la prolifération du nombre de points de vente, le Québec étant déjà bien servi en nombre, et que d'autre part la nécessité absolue d'accroître nos ventes est entière et constante. Nous devons donc améliorer et moderniser ce réseau. Il est bien évident que l'objectif recherché va devoir s'accomplir par la voie d'acquisition de points de vente déjà en place.

Là encore, la tâche n'est pas facile considérant l'intervention d'organismes comme l'Office de tamisage des investissements étrangers, la résistance apportée par certains groupes à l'avènement des stations libre-service ou autres approches innovatrices. Ultramar a mis à la disposition du Québec un budget en dépenses d'immobilisation reliées à l'amélioration de son volume de ventes de l'ordre de 16 100 000 $ et 16 900 000 $ en 1983 et 1984 respectivement, investissements d'ordre majeur en ce temps d'activité économique

plutôt calme. Ces investissements ont fourni, depuis deux ans, de nombreux emplois directement ou indirectement reliés à leur réalisation et il en sera ainsi pour deux ou trois ans encore à ce rythme accéléré. Il va sans dire que ce programme de relance et d'amélioration de la part du marché qu'Ultramar a mis en place ne cadre pas nécessairement avec les taux de décroissance de consommation de produits pétroliers prévus pour les années quatre-vingt. (15 h 45)

Conséquemment, nous aurons besoin de tout l'appui possible, d'abord, d'une clientèle qu'on devra, par nos efforts, rendre de plus en plus fidèle, ensuite, des organismes gouvernementaux et publics avec lesquels nous voulons coopérer dans la plus grande mesure, mais aussi de qui nous attendons toute l'assistance commensurable aux risques qu'Ultramar a pris durant ces années d'incertitude économique.

Notre équipe de soutien recherche constamment les méthodes de présentation et les nouvelles technologies disponibles pour améliorer la qualité des services à la clientèle. Nous voulons ainsi conquérir la part du marché nécessaire à rentabiliser le plus audacieux geste de confiance en l'économie québécoise posé depuis plusieurs années. Cette déclaration n'est pas de nous, mais bien du ministre québécois de l'Énergie et des Ressources, lors de la récente inauguration de notre craqueur catalytique. J'espère bien que le ministre me pardonnera d'avoir ramené... J'espère qu'il ne m'en voudra pas trop. Merci, messieurs.

Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Duhaime: Vous n'avez pas de reproche à vous faire, M. Roy. Je serais prêt à répéter la même phrase aujourd'hui.

M. Fortier: II faut avoir confiance...

M. Duhaime: J'allais dire quelque chose, M. Fortier, mais je ne le dirai pas.

M. Fortier: D'accord.

M. Duhaime: D'abord, je suis très heureux que vous ayez apporté - je crois que c'est M. Archambault qui l'a fait l'explication qui va sans aucun doute permettre à tout le monde de faire les corrections sur les capacités de production d'Ultramar, avec les différents bruts et les différents indices. Il est évident que cela se répercute au niveau de la capacité globale. Je pense que c'est bon de le rappeler dans un contexte économique difficile où, lorsque l'investissement de presque 250 000 000 $ a été décidé, les taux d'intérêt étaient sans aucun doute aux plus hauts niveaux.

Je pense que vous avez raison de dire que votre entreprise, malgré les hauts niveaux d'intérêt qui, soit dit en passant, sont directement reliés au taux d'escompte de la Banque du Canada - au moins, là-dessus, l'Opposition libérale ne pourra pas dire que cela dépend du ministre de l'Énergie et des Ressources... Mais je voudrais profiter de l'occasion pour souligner qu'Ultramar possède une raffinerie qui ne fait pas partie de l'agglomération de Montréal, mais c'est la seule qui existe dans la région de Québec. Elle a décidé de maintenir sa présence au Québec, de moderniser et d'investir, puis d'avoir aujourd'hui à sa disposition un craqueur catalytique moderne avec une technologie enviable.

Ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est que vous devrez maintenant vous battre sur le marché. Ceux qui vous suivront à cette table, cet après-midi, sont juste derrière vous. Il y a Petro-Canada qui se bat aussi sur le même marché et il y a tous les autres, bien sûr, qui ont des postes de distribution. Tout le monde sait - si mon souvenir est bon - qu'il y a au Québec, je crois, 7300 points de vente, si je ne m'abuse. Avec moins de population que l'Ontario. Nous avons 2000 points de vente de plus. Alors, comme les gladiateurs disaient autrefois, qui morituri te salutant. Il va se passer quelque chose sur ce marché-là, c'est évident.

Vous avez, dans votre mémoire, chiffré un scénario relativement optimiste. Je ne pourrais pas me référer à la page exacte de votre mémoire, mais vous avez chiffré, par exemple, le marché des ventes prévues des produits raffinés toutes catégories, pour l'année 1982, à 365 000 barils-jour. Votre projection pour 1985 est de 345 000 barils-jour, pour 1990, de 309 000 barils-jour. Vous avez à peu près sur les mêmes scénarios que Gulf ce matin qui était à 311 000 barils-jour pour l'année 1990. C'est donc dire que tout le monde s'entend aujourd'hui dans le secteur pétrolier pour dire que, finalement, les objectifs de la politique énergétique du Québec vont être atteints parce qu'il y aura moins de pétrole importé. Je pars du principe que si le marché va en se rétrécissant - je parle des ventes globales -les pétrolières devront se faire concurrence entre elles à l'intérieur d'un marché qui diminue.

Je voudrais approfondir un peu votre scénario de croissance économique, ou enfin vos chiffres, vos projections sur 1985, 1990. Je n'en vois pas pour 1995 de toute façon, mais votre évaluation du comportement du marché québécois sur les dix prochaines années, comment évaluez-vous cela? On est à peu près... Je vous ferai remarquer que les chiffres de la Direction générale de l'analyse au ministère sont plus conservateurs, si je puis dire, que les vôtres à l'horizon de 1990. Je sais de quelle façon les gens font les

analyses au ministère sur les projections de marché. J'aimerais connaître le vôtre, votre scénario d'analyse.

M. Berry: M. le ministre, ces prévisions ont été basées sur la présomption que les objectifs énergétiques seraient substantiellement atteints, mais ils n'étaient pas aussi ambitieux que ce que vous envisagez actuellement. Mais, substantiellement, nous sommes sur la même route et nous arriverons au même point final.

M. Duhaime: Bon. Maintenant, il y a toujours une grande inconnue sur le marché des produits raffinés: quel est le prix du brut? J'imagine que, autant chez Ultramar que dans toutes les pétrolières, que dans tous les ministères de l'Énergie des pays occidentaux, on essaie de mettre les meilleurs cerveaux au travail pour tâcher de deviner l'avenir. Quel est votre scénario sur le comportement du prix international sur les dix prochaines années? Je pense qu'au-delà de 1990, selon ce qui va arriver avec la famille royale en Arabie Saoudite, je vous avoue que je ne suis pas en mesure de répondre à la question et que je n'ai pas encore rencontré quelqu'un qui pouvait me donner une réponse. Mais, indépendamment de ce que j'appellerais les hasards politiques, ou les accidents de parcours, ou la fermeture du golfe Persique - M. Bourassa parle de cela de ce temps-ci, alors on peut en parler un peu - quel est votre scénario dans l'évolution des prix?

M. Berry: Toutes les grandes pétrolières embauchent les mêmes économistes. C'est naturel que nos prévisions soient essentiellement les mêmes que celles des autres grandes compagnies. Ce sont des prévisions qui sont partagées avec les grandes pétrolières des États-Unis et de l'Europe. Il n'y pas une grande différence d'opinion sur l'évolution des prix mondiaux. C'est la stabilité plutôt, en moyenne, avec des chocs de temps à autre.

M. Duhaime: Maintenant, vous nous indiquez que vous aviez 6,5% du marché avec les autorisations qui ont fini par aboutir pour vous permettre de faire votre transaction avec SPUR.

M. Berry: C'est 6,5% du marché pour les carburants.

M. Duhaime: Pour les carburants?

M. Berry: Oui.

M. Duhaime: Bon.

M. Berry: Actuellement.

M. Duhaime: Maintenant, votre part du marché global, c'est quoi?

M. Berry: C'est de 12% ou 13%. M. Duhaime: C'est de 12% ou 13%?

M. Berry: Au total, pour tous les produits raffinés, avant SPUR.

M. Duhaime: Avant SPUR?

M. Berry: Avant l'acquisition de SPUR.

M. Duhaime: Maintenant, avec les investissements qui ont été faits à Ultramar, dans l'hypothèse où vous faites tourner votre raffinerie à pleine capacité, vous avez des produits raffinés pour beaucoup plus que votre part de marché, j'imagine?

M. Berry: M. le Président, au moment où nous avons évalué la décision de procéder à la revalorisation, le marché était en croissance. Nous avons prévu que même si nous gardions notre part du marché qui existait à ce moment, nous pourrions rendre rentable l'unité de craquage catalytique. Maintenant, avec la décroissance dans le marché, il faut augmenter notre part du marché pour garder le niveau de rentabilité que nous avons prévu au moment de la prise de décision.

M. Duhaime: Pour être capable d'utiliser votre capacité de production installée à Saint-Romuald sur une base rentable en tenant compte que votre part de marché est à 6,5% carburant, 12% ou 13% globalement, est-ce que je ne peux pas déduire immédiatement que cela vous contraint presque à signer des contrats de façonnage pour vos concurrents à la pompe? Sans me donner les noms, les quantités et les corporations, sur le plan du principe, est-ce que des contrats de façonnage ont été signés?

M. Berry: J'aimerais mieux que l'un de mes collègues réponde à cette question, M. le ministre.

M. Archambault: Oui, il y a eu des contrats de façonnage dont je ne peux dévoiler les détails ici. Mais je voudrais appuyer surtout sur un des grands espoirs qu'on a justement pour permettre d'augmenter la capacité d'utilisation. J'y ai fait référence rapidement, c'est Pittston, que le groupe International Ultramar a acheté sur la côte est et qui est un revendeur de mazout léger et de mazout lourd. Ces gens sont dans le marché de l'essence. On est même en train de se préparer à essayer de développer des réseaux de vente d'essence sur la côte est. Pittston vend au-delà de

100 000 barils par jour. C'est une compagnie qui achète ses produits un peu partout sur le marché européen, dans les Caraïbes; c'est un peu ce genre de marché flottant. Il est certain que la direction d'Ultramar veut finalement que ce volume revienne vers Québec autant que possible, pour qu'on puisse, en attendant que des besoins locaux permettent d'utiliser la raffinerie elle-même par des programmes d'échanges de toutes sortes et des contrats de façonnage qui pourraient se développer... En attendant, on compte bien sur Pittston. Et là, on a un peu de problèmes. C'est pourquoi je faisais référence à l'espoir que le ministère, le cas échéant, pourrait aider à nous les faire supporter au moins moralement. Il y a des discussions à l'Office national de l'énergie à l'heure actuelle pour essayer de s'entendre sur des méthodes et un modus Vivendi pour faire fonctionner ce système de façonnage pour Pittston. Naturellement, l'Office national de l'énerqie n'est pas très condescendant et impose des règles très sévères, ce qui rend très difficile la mise en place d'un tel système. Mais on espère bien que ce dossier va débloquer et que cela va nous permettre facilement d'augmenter la capacité du craqueur de 10 000 à 15 000 barils par jour et même plus. Comme je vous disais, les 100 000 barils éventuellement, on ne pourrait pas les fournir tous à partir de Québec, mais si on pouvait seulement aller chercher un peu de ce volume pour faire travailler la raffinerie à Québec, c'est déjà beaucoup. Ce sont les moyens immédiats qu'on essaie de développer.

M. Duhaime: Est-ce que ce n'est pas un virage important que prend Ultramar comme décision de se tailler une place sur le marché au Québec? Jusqu'à il y a trois ou quatre ans, est-ce qu'Ultramar n'avait pas comme mission d'importer et ensuite réexporter plutôt que de vraiment faire un effort de pénétration sur le marché du Québec même? Est-ce que c'est un virage? Est-ce qu'il y a un changement de stratégie? Je me doute un peu de la réponse, mais j'aimerais l'entendre.

M. Berry: Nous avons traité de cette question dans le mémoire du 15 mars.

M. Duhaime: Oui

M. Berry: Mais c'est évident que la raffinerie de Saint-Romuald a été construite avec une orientation exportatrice. Avec le choc pétrolier de 1973, nous avons été obligés d'adopter une tout autre stratégie de desservir plutôt le marché de la région de Québec en exportant de temps à autre, selon les besoins, quand les occasions arrivent, les surplus, les excédents. (16 heures)

M. Duhaime: Je voudrais que vous nous parliez... Vous nous avez parlé de CARMONT, j'imagine que si M. Lalonde vous a entendu ou quand il va nous lire, il sera très déçu. Il avait annoncé le projet de plus de 1 000 000 000 $ de CARMONT au printemps de 1980. C'est cela? Le référendum a eu lieu en 1980? Si j'écoute attentivement vos propos aujourd'hui, pour vous, CARMONT est un "dead duck"; il n'y aura pas de marché, si je comprends bien.

M. Berry: Dès le début.

M. Duhaime: On va informer M. Lalonde de cela.

M. Fortier: Je n'étais pas en politique à ce moment-là.

M. Duhaime: Quant à moi, je vous remercie. J'aurai peut-être d'autres questions tantôt.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, la première question que j'aimerais poser à M. Berry, c'est: Qui est Ultramar? Je crois que vous dites dans votre mémoire que vous êtes une filiale de Golden Eagle Exploration. Est-ce que vous êtes une filiale de la société qui fait de l'exploration ou si, comme toutes les compagnies de pétrole, il y a une filiale qui est dans le domaine de l'exploration et l'autre dans le domaine de la raffinerie, produits pétroliers? Si je comprends bien, vous êtes des filiales. J'aimerais savoir quelle est la structure hiérarchique.

M. Berry: La structure? Bon. Le groupe Ultramar International s'appelle Ultramar PLC, Public Limited Company, de Londres. Ultramar PLC est propriétaire de plusieurs filiales partout dans le monde...

M. Fortier: ...dans le domaine du pétrole?

M. Berry: ...dans le domaine du pétrole et du gaz naturel, de la construction et du transport maritime, mais essentiellement le pétrole. Au Canada, la filiale s'appelle Canadian Ultramar Limited qui, à son tour, est propriétaire de Golden Eagle Oil and Gas dans l'Ouest du Canada et de Ultramar Canada Inc. dans l'Est qui s'occupe du raffinage et du marketing. C'est cela la structure en bref.

M. Fortier: Quels sont les actionnaires de la société britannique? Est-ce que c'est une société publique? Est-ce que les actions sont dans le public? Est-ce que l'État britannique, United Kingdom, a des actions

dans la société? Le gouvernement britannique a-t-il des actions dans Ultramar?

M. Berry: On peut acheter les actions dans les Bourses de New York, Montréal, Toronto et Londres. Il n'y a pas d'actionnaire qui possède plus de 6% des actions. J'espère que cela répond à votre question.

M. Fortier: Autrement dit, c'est une société publique qui possède un très grand nombre d'actionnaires, surtout britanniques.

M. Berry: Oui, oui, mais les pays de résidence sont différents. J'imagine qu'un grand nombre sont au Canada et aux États-Unis.

M. Fortier: D'accord.

M. Berry: Nous avons l'intention, une fois que la rentabilité sera restaurée, de créer une compagnie canadienne et de vendre une majorité des actions aux Canadiens.

M. Fortier: Vous êtes établis aussi aux États-Unis. En gros, quelle est l'importance d'Ultramar aux États-Unis? Est-ce surtout dans l'Est des États-Unis ou...?

M. Berry: Le bureau principal est dans l'Est des États-Unis, mais nous avons deux petites raffineries en Californie. Nous venons d'acquérir la compagnie Pittston. Lors de nos opérations mondiales, c'est au Canada que nous avons investi près de la moitié de nos immobilisations, par rapport à la compagnie fraternelle des États-Unis, nous sommes beaucoup plus grandement ici que là-bas.

M. Fortier: Je vous remercie de ces précisions parce que je voulais situer l'importance de la compagnie canadienne dans l'ensemble des actifs de la société britannique. Je vous remercie également pour l'information que vous nous avez donnée aujourd'hui en ce qui concerne la capacité de raffinage d'Ultramar. Je crois que le point que vous avez fait était très important. Quand le président de SOQUIP est venu, il a fait deux déclarations qui ont fait les manchettes. J'ai ici la Presse du vendredi, 9 septembre: "La raffinerie Gulf de Montréal pourrait fermer ses portes." Et la deuxième déclaration mentionnait qu'il y aurait un déficit pétrolier considérable. Je dois vous avouer que j'ai de la difficulté à comprendre comment une société d'État qui a une crédibilité et qui est à deux pas d'Ultramar n'a pas cru bon d'aller vous consulter sur place pour connaître exactement la capacité de raffinage. Elle a donné une information qui n'était pas valable et a induit le public en erreur. J'ose espérer que le président de SOQUIP va faire les corrections nécessaires parce que cela me semble un peu inimaginable qu'une société aussi sérieuse ait fait une erreur de 25% dans ses prévisions de capacité et ait fait des commentaires qui étaient nettement incorrects.

M. Berry: Si cela n'était qu'une erreur statistique, nous n'aurions pas craint les retombées des politiques qui pourraient être formulées d'après cette erreur. C'est pour cela que nous nous sommes penchés sur cette question.

M. Fortier: Non, vous avez bien fait de le faire. Je m'inquiète parce que c'est la même société qui nous a dit que de mois en mois elle faisait des études sur la nécessité du gouvernement de s'impliquer dans ce secteur. Si ce sont les mêmes gens qui font des prévisions et des analyses pour le ministre, je commence à m'inquiéter sur la qualité de l'information que le ministre va avoir pour prendre des décisions et présenter ses recommandations au cabinet. Si j'étais dans ses bottines - et je ne le suis pas - je serais très inquiet. J'ose espérer que le président de SOQUIP va faire le nécessaire pour corriger la mauvaise impression qu'il a créée lorsqu'il a passé devant la commission parlementaire.

M. Duhaime: Me permettez-vous d'ouvrir une petite parenthèse? On va se réconcilier très vite là-dessus. J'ai donné des chiffres ce matin. Ce que le député vient de dire, je ne fais pas miens tous ses propos, mais cela prouve la grande autonomie des sociétés d'État, celles dont je suis responsable en tout cas. Hydro-Québec fait ses scénarios de prévisions, SOQUIP fait les siens, SOQUEM fait les siens, REXFOR fait les siens et le ministère fait les siens. C'est important de bien situer le débat dans ce contexte-là. Je n'ai pas la prétention de faire la leçon aux experts dans le domaine du pétrole, que ce soit chez Ultramar ou chez SOQUIP, les chiffres j'en ai 100 pieds par-dessus la tête, mais je peux vous confirmer que nous avons notre propre...

M. Fortier: On n'engagera pas un débat là-dessus. Je me souviens assez bien que le président de SOQUIP - et on pourra relire le journal des Débats - nous avait dit qu'il avait consulté le ministère lorsqu'il avait établi ses prévisions. Il me semble que le président de SOQUIP a fait les manchettes quand il est passé ici, mais malheureusement les manchettes étaient mauvaises. Pour une fois, j'essaie de corriger la mauvaise impression qui se crée à partir des actions des sociétés d'État qui sont contrôlées par le ministre. Je voulais l'aider mais je vois que j'ai un peu de difficulté.

M. Duhaime: Si vous voulez commencer à m'aider, cela...

Une voix: C'est là que cela devient inquiétant.

M. Duhaime: Je l'apprécie beaucoup.

M. Fortier: Je crois que les recommandations que vous faites qui sont très importantes c'est lorsque vous parlez de déréglementation. On en a beaucoup parlé ici. Vous dites: Nous ne sommes pas contre la déréglementation du gaz; cependant, si cela se faisait, il faudrait faire un ensemble de déréglementation. Dans le fond, ce que vous dites, c'est que, si on va dans cette direction, il...

M. Berry: C'est la même position que nous avons adoptée devant l'Office national de l'énergie le printemps dernier.

M. Fortier: Compte tenu des approvisionnements mondiaux dans l'avenir -ce matin Gulf nous disait oui, on peut être confiant - s'il arrivait des circonstances extraordinaires, on pourrait peut-être s'inquiéter à un moment donné. L'hypothèse qui sous-tend cette dernière recommandation qui est de dire: Si vous voulez déréglementer, il faudrait tout déréglementer, est que vous êtes optimiste en ce qui concerne l'approvisionnement en pétrole pour Québec et pour l'Est du Canada. Autrement dit, vous êtes plutôt optimiste et vous ne voyez pas beaucoup de difficultés d'approvisionnement indépendamment des cataclysmes qui pourraient arriver dans le monde.

M. Berry: Indépendamment des cataclysmes, il n'y aura pas de problèmes, mais même avec les cataclysmes il y a une entente entre tous les pays industrialisés du monde pour partager la disponibilité en brut, même si cela devient rare. Bien sûr, entretemps, il faut faire le nécessaire pour assurer, dans la mesure du possible, notre sécurité d'approvisionnement mais, le cas échéant, il y aura quand même la disponibilité par l'entremise de cette entente internationale. Alors nous ne sommes pas seuls. C'est ce que je veux dire.

M. Fortier: Quand vous dites que nous ne sommes pas seuls, voulez-vous dire que, même s'il y avait un cataclysme à un moment donné, l'entente internationale ferait que... J'imagine aussi que pour des périodes limitées, il serait possible d'aller chercher un peu plus de pétrole dans l'Ouest canadien, même si la capacité à longueur d'année serait très réduite dans quelques années d'ici. Ce que vous nous dites, c'est que, en tant que Québécois, on ne devrait pas trop s'inquiéter du danger de manquer d'approvisionnement en pétrole. Est-ce que j'interprète bien votre idée?

M. Berry: En tant que Québécois, on est privilégiés par rapport à cette entente internationale, parce que c'est une entente avec le Canada qui n'importe qu'à peu près 25% de ses besoins en brut. Le Québec importe la grande majorité ou la moitié. Le Québec est relativement favorisé dans le cadre de cette entente internationale. Vous comprenez pourquoi.

M. Fortier: Oui, vous dites que, faisant partie du Canada, faisant partie de cette entente internationale et compte tenu du fait qu'on n'importe que 25% de nos besoins, même s'il y avait un cataclysme, vous nous dites que ce ne serait pas un gros problème.

M. Berry: Je ne veux pas me mêler de la politique, mais c'est le fait.

M. Fortier: Non, ma question porte surtout sur la confiance qu'on doit avoir d'être approvisionnés s'il y avait un cataclysme. Je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire. Si je comprends bien votre réponse, vous dites que même dans le cas où il y aurait un cataclysme, compte tenu de la position canadienne en général et de la possibilité qu'on a d'importer pour de courtes périodes de temps du pétrole de l'Ouest et du fait que les volumes d'importation ne sont pas si considérables dans l'ensemble mondial, notre position ne serait pas si malheureuse.

M. Berry: C'est cela.

M. Fortier: Je ne sais pas à quelle page dans votre mémoire, mais vous insistez beaucoup sur la nécessité d'avoir des stations-service ou d'avoir un réseau de distribution de stations-service pour assurer la rentabilité de votre raffinerie.

M. Berry: M. Roy.

M. Fortier: Vous savez qu'il y a des gens qui sont venus ici nous dire: Écoutez, les stations-service ne devraient pas appartenir aux multinationales. Les stations-service devraient être regroupées dans un ensemble de propriétaires indépendants dans lequel l'État aurait des actions. J'aimerais que vous nous disiez quelle est l'importance pour l'une ou l'autre des sociétés pétrolières justement d'avoir un réseau de distribution.

Le Président (M. Gagnon): M. Roy. Si vous voulez approcher votre micro, s'il vous plaît.

M. Roy: Oui. Je me garde bien de parler au nom de toute l'industrie. Je vais parler au nom de la compagnie où j'oeuvre.

M. Fortier: D'accord.

M. Roy: D'abord, chez nous, le réseau en place est majoritairement et de loin dans les mains d'indépendants et de locataires. Bien sûr, on recherche un équilibre qui nous permettrait d'avoir nos propres stations. Jamais, du moins dans un avenir immédiat, on ne pourrait compter s'emparer de la part du marché qu'on recherche en ajoutant et en ajoutant. On a fait la preuve tout à l'heure. Il y a 2000 stations de plus qu'en Ontario et un marché sensiblement plus maigre. Donc, acheter, construire et ajouter au réseau n'est pas la solution; rationaliser, oui. Cela va se faire de façon mixte. On ne peut pas avoir toutes les stations en propriété propre. Il y a d'excellents distributeurs qui sont propriétaires de leur commerce et avec qui il est possible - c'est même une chose de tous les jours - de vivre.

M. Fortier: Même si ces distributeurs sont propriétaires ou locataires, ils font partie de votre réseau.

M. Roy: Oui.

M. Fortier: Ma question est la suivante: II est important, d'après ce que vous dites, qu'Ultramar en tant qu'Ultramar - cela s'applique pour les autres pétrolières - ait son propre réseau de distribution. Vous devez faire la mise en marché...

M. Roy: On aimerait améliorer l'équilibre.

M. Fortier: Vous ne pourriez pas exister seulement en ayant une raffinerie.

M. Roy: Cela prend plus qu'une raffinerie pour améliorer notre part du marché. C'est le début. On aimerait, bien sûr, avoir un équilibre sain entre les stations qui sont propriété de la compagnie et celles dont on aura toujours besoin qui sont la propriété de revendeurs avec qui on transige. Ce n'est pas pour un avenir immédiat qu'il y aura une correction qui va aller nettement du côté des compagnies, du moins chez nous. Je me garde bien de parler au nom des autres. (16 h 15)

M. Fortier: Vous indiquiez tout à l'heure qu'une façon de rentabiliser votre raffinerie serait d'exporter sur la côte est des États-Unis et que l'Office national de l'énergie semblait plutôt réticent à approuver une telle démarche. Vous demandiez au ministère de vous donner son appui moral pour convaincre l'ONE que ce serait une bonne chose. Quelles sont les raisons pour lesquelles l'office semblait réticent à approuver une telle démarche?

M. Berry: L'ONE est réticent à nous accorder la flexibilité que nous voulons avoir pour maximiser l'utilisation de cette unité de craquage. Il veut contrôler étroitement le rendement des produits de chaque importation de brut en vertu d'une entente de façonnage, de manière que les frais d'administration, les coûts d'isolation de nos produits, pour nous à Québec, et les produits destinés à l'exportation soient complètement séparés. Les coûts de capital, de fonctionnement et d'administration sont trop élevés sans la flexibilité que nous avons demandée. En principe, l'ONE n'a pas d'objection, mais à condition que les exportations soient dirigées selon lui, et non selon nous.

M. Fortier: II veut garder un contrôle administratif sur les importations et les exportations et connaître les frais généraux relatifs aux différentes opérations reliées à ces importations et à ces exportations.

M. Berry: Son désir de contrôler cette affaire est basé sur sa présomption qu'un raffineur canadien n'est pas nécessairement toujours prêt à favoriser ses clients réguliers chez lui et qu'il risquerait, si on lui en donnait l'occasion, de se comporter comme un opportuniste, mais ce n'est pas vrai. Nous avons mis du temps à acquérir la confiance de notre clientèle locale et nous ne ferions jamais une exportation qui endommagerait ces relations.

M. Fortier: Si on considère ce problème de notre point de vue du Québec, voyant que le marché va aller en se rétrécissant et constatant que, dans le passé, le Québec produisait ou raffinait plus de pétrole que ses propres besoins, étant dans le passé un exportateur, il y a un danger que cette marge de manoeuvre disparaisse et elle disparaît très rapidement. Pour ma part, je ne verrais que des avantages à appuyer une démarche du ministre ou du gouvernement du Québec comme celle que vous lui demandez de faire. Autrement dit, je crois que ce serait dans l'intérêt du Québec; on n'y aurait que des avantages. L'intérêt du Québec nous demanderait d'appuyer votre démarche. Dans ce sens, pour ma part, sans en avoir fait une analyse très en profondeur, je ne verrais que des avantages à appuyer le fait que vous puissiez exporter sur la côte est des États-Unis.

M. Berry: La réglementation de TONE, depuis la crise de 1973, n'a pas créé l'environnement dans lequel les raffineries québécoises auraient pu facilement agir comme exportateurs de produits, en important d'abord les bruts pour les ententes de façonnage. Mais, pour nous, cela devient une possibilité avec l'acquisition de la compagnie Pittston, parce que c'est une compagnie avec qui nous pouvons transiger

plus facilement et à long terme.

M. Fortier: Je pense que je vais m'associer aux félicitations du ministre par rapport à la confiance que vous avez en l'avenir du Québec. Là-dessus, au moins, on s'entend. Je vous remercie pour la présentation que vous avez faite et j'ose espérer que votre vigueur dans votre marketing vous permettra de réussir et d'ajouter des investissements à vos installations au Québec même. Je vous remercie.

M. Berry: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Outremont. M. le ministre.

M. Duhaime: Deux brèves questions. Je pense que cela mérite d'être souligné. Si nos amis libéraux commencent à manifester des signes de confiance dans l'économie du Québec, cela va être encourageant pour tout le monde.

Je voudrais vous poser une question concernant ces deux nouvelles technologies, parce que j'ai eu l'occasion de passer à... C'est à Saint-David, je crois, qui n'est pas loin de votre raffinerie où il y a ce nouveau poste d'essence qui doit faire l'envie de Petro-Canada. On va leur demander tantôt ce qu'ils ont comme scénario. J'ai trouvé cela assez extraordinaire. Cela fonctionne avec une carte ou une bande magnétique, mais est-ce que la technologie va vous permettre, par exemple, avec des institutions financières, d'aller plus loin qu'avec la carte, qu'on fasse notre plein d'essence et qu'au lieu de recevoir un compte, que ce soit débité sur notre compte de banque tout de suite. Il y a quelqu'un qui m'a parlé de cela récemment. Est-ce dans le domaine du prévisible à court terme?

M. Roy: C'est un peu prématuré de vous donner... C'est surtout vendre des tactiques déjà élaborées et mises en place, mais la réponse est oui.

M. Duhaime: La réponse est oui, n'est-ce pas? Bravo! Je n'aime pas recevoir des comptes. Cela va faire une chose de réglée. Et l'autre technologie que vous...

M. Roy: Une seconde, M. le ministre, s'il vous plaît! Je m'excuse.

M. Duhaime: Oui.

M. Roy: Pour peu que l'autre partie collabore. On est à travailler sur des ententes actuellement.

M. Duhaime: Oui, j'imagine que cela prend des accords avec les institutions financières.

M. Roy: C'est là qu'on en est actuellement.

M. Duhaime: Mais j'ai une vague idée du côté où vous devez regarder d'abord, étant à Lévis; il y a un siège social qui n'est pas loin.

Pour ce qui est des postes de ravitaillement que vous avez mentionnés, je voudrais peut-être avoir un peu plus de détails sur leur fonctionnement qui est - je ne sais pas si on peut appeler cela ainsi -une nouvelle technologie où vos camions peuvent s'approvisionner 24 heures sur 24. Comment cela fonctionne-t-il, concrètement?

M. Roy: On choisit un site où on construit un poste qui est tout à fait automatique. Actuellement, c'est une carte poinçonnée, un système électronique, mais là encore, cela va être amélioré dans quelques semaines, j'espère. Cela permet à un propriétaire de flotte ou à un camionneur qui a seulement son camion de pouvoir faire le plein à toute heure du jour ou de la nuit, le dimanche comme la semaine. Le simple usage de sa carte lui donne accès à une pompe, la pompe désignée. Tous les éléments de sécurité sont mis en place. Par exemple, chaque camion a sa carte et elle tient compte de la capacité du réservoir. Donc...

M. Duhaime: C'est le même système à bande magnétique, sauf...

M. Roy: Exactement.

M. Duhaime: ...qu'au lieu de s'appliquer à une vente au détail, cela s'applique à une vente au gros.

M. Roy: À quelques détails près. Celui à bande magnétique est un peu plus avancé.

M. Duhaime: Bon! Une dernière question concernant les programmes d'exploration. Je sais qu'Ultramar a le contrôle ou a des intérêts majoritaires ou à 100% - je ne sais trop - dans Western Star. Est-ce une de vos filiales, Western Star?

M. Berry: Non, monsieur, pas à ma connaissance, à moins que nous l'ayons acheté hier.

M. Duhaime: Je serais heureux de vous annoncer que vous avez des actifs que vous ignorez. J'en serais même surpris.

M. Berry: Eh bien, merci!

M. Duhaime: Bon! Ce ne serait pas Western Star, mais n'avez-vous pas une compagnie qui fait de l'exploration? Ce n'est

pas Ultramar Exploration ou Ultramar Resource?

M. Berry: Golden Eagle Oil and Gas...

M. Duhaime: Ah bon!

M. Berry: ...à Calgary depuis 1952.

M. Duhaime: Avez-vous conduit des recherches en exploration dans l'Est canadien?

M. Berry: Oui. Nous avons conclu une entente avec SOQUIP pour participer à un programme de forage dans le golfe.

M. Duhaime: Dans le golfe? Ah bon! Avec...

M. Berry: C'est Golden Eagle Oil and Gas qui agit pour nous, parce que nous n'avons pas à Ultramar Canada Inc., l'expertise dans ce domaine.

M. Duhaime: Je m'excuse. Western Star est un autre partenaire de SOQUIP sur un autre projet. Si je vous posais une question simple: y a-t-il des chances pour qu'un jour au Québec, soit dans le golfe, soit aux Îles-de-la-Madeleine, à Anticosti, en Gaspésie ou sur la Côte-Nord, si possible, dans le comté de Saint-Maurice, on en arrive un jour à localiser du pétrole ou un gisement gazier? Quelle est votre évaluation? Si vous consentez à aller en "partnership" et à faire des investissements, je comprends qu'il y a une taxe incitatrice là-dessus. C'est le juste retour de vos impôts, comme on dit au ministère des Finances, mais comme homme d'affaires et comme spécialiste de ces questions, si vous aviez à donner votre sentiment, nos chances sont nulles ou nos chances sont bonnes?

M. Berry: Si vous continuez d'une façon permanente le dégrèvement spécial sur la taxe...

M. Duhaime: Sur les raffineries.

M. Berry: ...spéciale de l'éducation, nous considérerons un programme de forage dans le granit de la Mauricie.

M. Duhaime: Je pense que cela répond à ma question.

Je voudrais vous assurer de mon plus entier support dans les démarches devant être entreprises auprès du gouvernement fédéral et auprès du ministère de l'Énergie et des Mines, avec une seule réserve cependant: vous savez que lorsque le Québec fait des démarches à Ottawa, ordinairement les résultats sont foudroyants. Vous n'avez qu'à regarder les résultats que nous avons obtenus avec l'avion de chasse F-18-A, qui est un exemple entre autres, et le dossier des frégates avec le projet CARMONT qui, comme vous le savez, a été annoncé au printemps 1980. Il y a des gens qui m'ont demandé récemment si ce projet était terminé. Sous ces réserves, soyez assurés de mon plus entier support et, s'il faut se rendre rencontrer M. Chrétien, soit à Ottawa ou encore chez moi dans ma région, je donnerai mon appui. Je vous remercie infiniment.

M. Berry: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs d'Ultramar Canada Inc.

Petro-Canada

Maintenant je voudrais inviter Petro-Canada à prendre place.

M. Pierre Dupuis, si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. Dupuis (Pierre): Merci, M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission, mon nom est Pierre Dupuis, je représente Petro-Canada à titre de vice-président principal, responsable de la région de l'Est. On définit la région de l'Est comme étant le Québec et les provinces maritimes. J'aimerais vous présenter les membres de la délégation aujourd'hui. À ma gauche, M. N. Van Son, qui est notre vice-président et le directeur général des approvisionnements, région de l'Est; à ma droite, M. Damien de Gheldere, vice-président de la pétrochimie à Petro-Canada et directeur de la région de l'Est pour les supports de gestion; plus à droite encore, M. Georges Bourelle, directeur général du marketing de la région de l'Est.

Nous sommes heureux d'avoir été invités à participer aux travaux de la commission plus tôt cette année. À la suite des circonstances qui ont amené un report de vos travaux, nous avons cru bon de réviser quelque peu le texte de notre mémoire. Cette mise à jour nous a, entre autres, permis de préciser l'impact de l'acquisition des actifs de raffinage et de marketing de BP plus tôt cette année et de compléter le tableau de nos projets d'investissements dans le secteur du raffinage au Québec.

Afin de bien comprendre la présence, le rôle et le comportement de Petro-Canada au Québec, il est important de saisir avec précision le mandat de notre société. Même si une partie importante de notre mandat enjoint la direction à poursuivre des objectifs commerciaux, il est un autre élément important au même mandat qui exige de la société qu'elle tente d'optimiser les retombées économiques de ses activités au

bénéfice de tous les Canadiens. Cette dualité de mandat ne saurait être ignorée si on veut dégager une juste appréciation de notre comportement au Québec. La recherche des profits est importante et ne saurait être ignorée pour autant que les principaux bénéficiaires de nos nombreuses activités soient en très grande partie des Canadiens, individus et entreprises.

Les activités de la société Petro-Canada ont connu une croissance rapide au Québec au cours des toutes récentes années, croissance qui en fait aujourd'hui l'une des plus importantes sociétés pétrolières oeuvrant au Québec. Je pourrais également ajouter, avec une certaine fierté, qu'elle est maintenant la plus importante sinon la seule société pétrolière ayant son siège social au Québec. La récente réorganisation de notre structure a en effet confirmé le maintien à Montréal du siège social de Produits Petro-Canada, la division responsable de nos activités de raffinage et de distribution pour l'ensemble du territoire canadien, tout comme c'était d'ailleurs le cas depuis la création de cette division il y a quelques années.

La place qu'occupe Petro-Canada grâce à son important réseau de détaillants, à ses installations de raffinage et à la présence de son siège social à Montréal démontre clairement son importance économique et son engagement envers le Québec. Nous croyons qu'il est important de souligner l'ampleur de ses activités et d'esquisser les projets d'investissements qui accroîtront davantage notre apport au Québec au cours des prochaines années et entraîneront des retombées économiques très importantes.

Notre mémoire fait brièvement le point sur le climat économique actuel et sur les perspectives économiques de la prochaine décennie. Nous n'anticipons pas un renversement marqué de la situation présente où la demande énergétique globale connaît une diminution constante. À Petro-Canada, nous croyons être en mesure d'apporter les modifications que nécessite ce nouvel environnement commercial et énergétique en réorientant nos investissements et en concentrant nos efforts pour accroître l'efficacité de nos activités et à en réduire les coûts. Notre mémoire résume l'activité de Petro-Canada dans cinq domaines, le raffinage et le marketing, les investissements reliés à l'énergie, la recherche fondamentale et appliquée, les achats et, finalement, l'exploration. (16 h 30)

En mars dernier, à la suite de l'acquisition du secteur du raffinage et du marketing de BP, notre société est devenue le plus important détaillant au Québec. Notre réseau de postes de vente compte maintenant plus de 1100 emplacements, tout en fournissant de l'emploi à plus de 5000 personnes. La réponse des Québécois à notre présence accrue a été des plus enthousiastes. En dépit d'un déclin global des ventes d'essence, celles de Petro-Canada n'ont cessé d'augmenter et nous occupons solidement la première place. Il faut noter que la baisse importante des ventes d'essence au cours des récentes années a entraîné une certaine surcapacité dans le réseau de détail au Québec. Par conséquent, nous devrons continuer de chercher des solutions pour résoudre le problème causé par le trop grand nombre de stations afin de redonner à nos détaillants des taux de rendement satisfaisants.

Nos activités de raffinage au Québec, même si elles sont moins visibles par le consommateur que nos nombreux postes d'essence, n'en demeurent pas moins très importantes. Notre raffinerie de Montréal est la plus vaste et la plus avancée au point de vue technique du réseau Petro-Canada. Au cours de la dernière année, nous avons procédé à des améliorations visant à accroître sa capacité et sa productivité. Entre autres, nous avons construit un viscoréducteur d'une valeur de 35 000 000 $. Nous annoncions récemment la mise en chantier de l'usine de démonstration Canmet et poursuivons actuellement la dernière phase d'étude devant mener à l'installation de nouvelles unités de craquage catalytique à la raffinerie. Ainsi, Petro-Canada, entre 1982 et 1986, aura investi plus de 280 000 000 $ dans ses installations au Québec et contribué beaucoup à la réduction du problème du mazout lourd dont on a parlé tout à l'heure. Les produits Petro-Canada sont également fournisseurs de nos détaillants indépendants. Reconnaissant l'importance de ce secteur, la société fournit une proportion substantielle de ses besoins pour ce marché.

Les forces économiques des récentes années ont grandement modifié l'industrie du raffinage et du marketing au Québec et ailleurs. La conservation des programmes de substitution du pétrole et la récession ont tous contribué à réduire la demande de pétrole. Même si les prévisions laissent entrevoir qu'en 1984 le déclin total de la demande sera ralenti, cette diminution se poursuivra jusqu'à la fin de la prochaine décennie. La demande des produits pétroliers a accusé une baisse de 31% en 1983 par rapport à celle de 1979. Ceci a déjà précipité la fermeture de trois raffineries à Montréal. Les raffineries dont on a annoncé la fermeture sont celles qui, malheureusement, avaient une production très élevée de mazout lourd. Plusieurs se sont inquiétés de ces récentes fermetures. Certains ont même qualifié cette situation de complot visant à priver le Québec d'une part importante de cette industrie au détriment des autres provinces canadiennes. Il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'un

phénomène mondial qui n'est pas limité au Québec seul. Ainsi, aux États-Unis, on a assisté à la fermeture de pas moins de 57 raffineries au cours des deux dernières années. On prévoit que ce total atteindra 117 avant la fin des années quatre-vingt. De plus, les raffineries toujours en exploitation fonctionnent à une fraction seulement de leur capacité. Aux États-Unis, en 1983, on n'utilise que 67% de la capacité de raffinage disponible, alors qu'en Europe, on utilise actuellement 55% de la capacité de raffinage qui était disponible en 1976. Au Canada, la situation est identique, alors que nous avons assisté, depuis 1979, à la fermeture de neuf raffineries dans toutes les régions du pays. La raffinerie de Petro-Canada à Montréal est également le plus important producteur de produits pétrochimiques de nature aromatique au Canada, production que nous exportons en grande partie vers les États-Unis et vers l'Europe. J'aimerais, d'une façon très claire, souligner que malgré la fermeture récente des raffineries, dont celle de BP, nous croyons que la capacité totale du raffinage au Québec est suffisante pour répondre à la demande intérieure. Le Québec ne sera pas, de façon définitive, un importateur de produits raffinés. En ce qui a trait à Petro-Canada, en particulier, non seulement n'importons-nous pas de produits raffinés des autres provinces pour répondre à nos besoins au Québec, mais nous utilisons environ 30% de notre production de Montréal pour répondre à nos besoins hors Québec. De plus, nous exportons pour une valeur de près de 150 000 000 $ annuellement de produits chimiques, ce qui fait de Petro-Canada le plus important exportateur au Québec dans ce secteur.

En résumé, je tiens à réaffirmer que Petro-Canada n'a pas besoin de s'approvisionner à ses autres raffineries du Canada pour répondre à ses besoins au Québec et ce, même après la fermeture de la raffinerie BP.

L'industrie a amorcé, depuis quelques années, une consolidation des réseaux de postes d'essence. Ceci a entraîné l'élimination des débouchés de faible volume et une tendance vers les emplacements stratégiquement situés pour rapporter les volumes élevés. À ce chapitre, il est important de noter que le Québec a été beaucoup plus lent à s'adapter à cette nouvelle réalité. Le taux de diminution national de 25% du nombre de stations depuis 1979 a devancé le Québec où il ne s'établit qu'à 15%. Ainsi, on compte maintenant 325 véhicules par station au Québec alors qu'on en dénombre 422 au niveau national.

Les projets de Petro-Canada offrent des occasions d'investissements importants qui rehaussent notre niveau d'exploitation tout en offrant des avantages économiques certains pour le Québec. Il s'agit là de projets importants, surtout si l'on considère que la plupart des autres entreprises sont en régression ou marquent le pas. La gestion énergétique dans une raffinerie est une activité fondamentale. À cet effet, Petro-Canada a continuellement amélioré son activité par une série de programmes qui entraînent des investissements annuels d'environ 10 000 000 $ à 15 000 000 $ en plus des grands investissements dont nous avons parlé précédemment. Ces programmes touchent l'écologie, la conservation et les systèmes de contrôle. Dans le secteur "marketing", nous avons investi 24 400 000 $ dans le programme de réidentification et de mise en valeur des stations-service ainsi que dans d'autres travaux de mise en marché en 1982.

Au cours de cette année, nos investissements se situeront à environ 28 000 000 $ pour améliorer davantage notre activité de marketing au Québec. Pour maintenir son activité, Petro-Canada poursuit une variété de programmes de recherche fondamentale et appliquée. Au cours des deux prochaines années, l'activité principale de recherche de Petro-Canada sera concentrée sur le projet Canmet. Canmet est un processus de valorisation qui exploite une technologie entièrement canadienne initialement développée par le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources à Ottawa. Ce processus pourrait représenter un progrès important dans la mise en valeur des fractions plus lourdes du pétrole brut et dans la solution aux problèmes de surplus de mazout lourd dont on a fait allusion plus tôt. Les résultats obtenus jusqu'à maintenant ont permis de justifier la construction d'une usine de valorisation pouvant produire environ 5000 barils-jour à la raffinerie de Montréal. Le programme marque un pas de plus vers la commercialisation d'une nouvelle technologie pour brevets et ventes ultimes.

L'ensemble du programme, incluant le développement, la mise au point, l'ingénierie, la construction et la commercialisation du procédé s'élève à 135 000 000 $ dont 68 000 000 $ seront dépensés au Québec. Ce niveau de dépenses créera environ 4000 années-personnes d'emplois au cours des deux prochaines années ainsi que le développement d'une nouvelle unité manufacturière dans la province qui accroîtra d'autant notre capacité totale de raffinage. Nous tenons à souligner le rôle important de l'entreprise québécoise Lavalin qui, en plus de diriger les travaux de construction, jouera un rôle de premier plan dans la commercialisation du procédé au Canada et à l'étranger.

Comme je l'ai souligné plus tôt, Petro-Canada a comme mandat également de s'assurer que les Canadiens bénéficient directement des retombées économiques de ses activités. Notre politique d'achat

constitue un instrument privilégié d'intervention dans ce domaine et nous avons régulièrement recours à des sources nationales et régionales pour obtenir les matériaux et les services requis afin d'appuyer nos travaux. Province manufacturière, Québec ne peut que bénéficier d'une telle approche et en bénéficie déjà grandement. Ainsi, lorsque notre société a eu besoin d'une unité de compression à turbine pour sa raffinerie de Taylor en Colombie britannique, on a encouragé le fournisseur américain à travailler conjointement avec Beloit Canada de Sorel et par suite de ces travaux, Beloit a été en mesure de décrocher six commandes additionnelles d'unités de compression dont deux sont destinées à la Nouvelle-Zélande.

Pour appuyer ces travaux d'exploration au large des côtes, Petro-Canada a accordé un contrat à Marine Industrie de Sorel relativement à la construction du navire Bernier, un navire sismique renforcé pour les glaces, lancé en juin dernier. Les dépenses totales se sont élevées à plus de 27 000 000 $ et le projet a fourni de l'emploi à plus de 230 personnes durant la période de construction. De plus, le revenu indirect de l'emploi relié à ce projet a totalisé respectivement 27 000 000 $ et 730 personnes-année. Pour la construction de l'usine de Canmet à Montréal, nous avons encouragé fortement Versatile Vickers de Montréal à développer une toute nouvelle technologie pour la production de vaisseaux à haute-pression. C'est donc dire que la partie vitale du réacteur Canmet sera conçue et fabriquée à Montréal et c'est cette même technologie qui sera exportée dans les années à venir.

J'aimerais également souligner brièvement la présence au Québec de la compagnie Ressources Petro-Canada, responsable du secteur exploration et production de la société. Cette division, notre division soeur, étudie activement le potentiel de pétrole et de gaz dans plusieurs régions reculées. Ces travaux bénéficient aux Canadiens de plusieurs façons. Toute découverte commerciale aide à nous rapprocher de la sécurité énergétique et la connaissance que l'on acquiert aide les gouvernements à planifier leur stratégie énergétique pendant que les dollars que nous investissons stimulent les économies régionale et nationale.

Au Québec, Petro-Canada a foré trois puits dans les terres basses de la province, c'est-à-dire dans la région de Louiseville-Trois-Rivières, et un autre dans la péninsule de Gaspé. Grâce à une série d'ententes avec SOQUIP, l'analyse des données sismiques a permis de définir un emplacement de forage dans la région de Gaspé pour 1983 et le puits Galt SOQUIP-Petro-Canada-Imperial est en train d'être foré. On continue, entretemps, d'évaluer plusieurs autres possibilités.

L'une d'entre elles se trouve dans la région située entre la péninsule de Gaspé et l'île d'Anticosti. Les dépenses dans ce secteur pourraient atteindre environ 42 000 000 $.

La société Petro-Canada a également été active dans les domaines de recherche appliquée en exploration. Mentionnons une analyse environnementale et la mise au point d'un modèle de recherche géologique sophistiqué pour le golfe du Saint-Laurent. La majeure partie de ces travaux ont été confiés à des experts-conseils au Québec.

Nous investissons dans l'exploration au Québec, nous valorisons notre raffinerie et nous améliorons son efficacité. Nos débouchés de détail sont mis en valeur par notre programme de réidentification et de rationalisation. Nous allons continuer notre programme de recherche afin d'améliorer nos installations et développer de nouvelles façons de générer encore plus d'énergie pour chaque baril de brut que nous raffinons. L'accent que nous mettons sur les champs régional et national et les investissements et les dépenses que nous encourageons au Québec ajoutent, de façon significative, à l'activité économique chez nous.

Bref, la société Petro-Canada occupe une place prédominante sur la scène énergétique et elle est résolument engagée à y accroître son niveau d'activité.

M. le Président, c'étaient les remarques d'ouverture que je voulais faire. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dupuis. M. le ministre.

M. Duhaime: Merci, M. Dupuis. Je voudrais d'abord que vous me disiez - à moins qu'il y ait des gens qui vous accompagnent qui pourraient fournir la réponse - quelle est actuellement la structure de capital de Petro-Canada.

M. Dupuis: À toutes fins utiles, pour répondre simplement, essentiellement, la totalité du capital appartient maintenant à l'État canadien. Il reste quelques actions en circulation de la société BP, raffinage et marketing. Je crois que toutes les actions de Fina ont été totalement acquises ou sont promises d'une façon directe. Alors, on peut dire, pour simplifier la réponse, que la totalité du capital de Petro-Canada appartient au gouvernement fédéral.

M. Duhaime: J'avoue que c'est une information que j'aurais pu prendre ailleurs, mais je n'ai pas eu le temps de jeter un coup d'oeil sur vos états financiers. Mais, pour les fins de notre discussion, quelle est la taille du capital-actions? C'est une société à actions, bien sûr, après les acquisitions...

M. Dupuis: Oui.

M. Duhaime: ...de Petrofina et de BP. En tout cas, je le retrouverai.

M. Dupuis: Avec les dernières dotations en capital, j'aurais de la difficulté à vous donner une réponse précise. Je peux fournir la réponse à votre bureau.

M. Duhaime: Non, on aura les chiffres; c'est probablement disponible. Mais j'aurais aimé les avoir en tête.

Je voudrais vous poser quelques questions sur le marché, d'abord, parce qu'à la suite du dépôt des différents mémoires nous avons pu convertir les prévisions de toutes les compagnies pétrolières, incluant SOQUIP, et celles de la Direction générale de l'analyse financière, au ministère de l'Énergie et des Ressources, à Québec. Nous avons ramené ces prévisions sur une base barils-jour et je crois que c'est à la page 17 du mémoire que vous nous présentez les vôtres. Je pense que c'est la bonne pagination. Je ne sais pas si j'ai la pagination du mémoire d'aujourd'hui; c'est celui-là, octobre 1983. C'est parce que vous travaillez avec des pourcentages et je donne comme exemple, sans aller dans toute la ventilation, sur la base de la variation de la demande... Sous la colonne Demande-totale de pétrole, pour 1982, votre chiffre était -14%; pour 1983, 4%; pour 1984-1985, +1% à +2%; pour 1986 à 1990, +1%; pour 1991 à l'an 2000, 0%. Est-ce que cela a été converti en barils-jour?

M. Dupuis: Oui, je peux vous le faire, si vous voulez. Je l'ai fait, parce que je me suis aperçu, tout à l'heure, que vous travailliez en barils-jour, alors que nous l'avions soumis en mètres cubes.

M. Duhaime: En mètres cubes.

M. Dupuis: J'ai les chiffres et je peux vous les donner.

M. Duhaime: Oui, j'aimerais les avoir. (16 h 45)

M. Dupuis: Pour 1984, nous prévoyons la demande au Québec de 318 000 barils-jour. Pardon, je m'excuse, c'est pour 1983. En 1984, 304 000 barils-jour et 291 000 barils-jour en 1985. C'est une prévision qui est beaucoup plus conservatrice que celle dont on a parlé il y a environ une heure.

M. Duhaime: Alors, 291 000 barils-jour pour 1985.

M. Dupuis: Oui. Et 283 000 barils-jour pour 1986.

M. Duhaime: Bon, maintenant, vous nous avez parlé de votre part de marché au Québec, mais Petro-Canada a des activités dans le raffinage, dans la distribution, au Québec et en Ontario principalement, dans les Maritimes aussi. Quelle est la part... Je comprends que vous, vous êtes vice-président principal, région de l'Est. La région de l'Est, pour Petro-Canada, est-ce que c'est Québec et Maritimes...

M. Dupuis: Oui.

M. Duhaime: ...ou si c'est Ontario, Québec et Maritimes?

M. Dupuis: Non, Québec et les Maritimes.

M. Duhaime: Québec et les Maritimes? M. Dupuis: Oui.

M. Duhaime: Quelle est votre part de marché dans la région de l'Est?

M. Dupuis: Dans la région de l'Est, au total, on approche les 20% actuellement, si on regarde la totalité de la région de l'Est et au Québec, c'est de l'ordre de... Je m'excuse, je reprends. Dans les provinces maritimes, ce serait de l'ordre de 15%; au Québec, ce serait de l'ordre de 20%.

M. Duhaime: Bon.

M. Dupuis: Notre part est un peu moins importante dans les provinces maritimes qu'au Québec.

M. Duhaime: Et, en Ontario, j'aimerais avoir les chiffres.

M. Dupuis: En Ontario, cela approche beaucoup le Québec. C'est à peu près dans les mêmes pourcentages qu'au Québec.

M. Duhaime: Vous nous avez mentionné que vous aviez 1100 postes, 1100 points de vente, si je comprends bien.

M. Dupuis: Oui, nous avons 1100 points de vente: postes d'essence, postes de distribution d'huile à chauffage, succursales de vente et ainsi de suite. Pour l'Ontario, c'est à peu près la même chose; quelques dizaines de plus, je crois.

M. Duhaime: Quelle est la stratégie que privilégie Petro-Canada actuellement? Est-ce que vous voulez concentrer vos points de vente? Je vous dis cela bien amicalement, parce que quand je sors de mon bureau et que je vois des stations Petro-Canada à 300 pieds de distance l'une de l'autre... Est-ce que vous avez une stratégie qui va vous permettre de concentrer vos points de vente? C'est ma première question.

La deuxième: Quelle est votre position

en ce qui concerne l'établissement de stations libre-service?

M. Dupuis: À la première question, en termes de rationalisation ou de concentration du nombre de points de vente, je crois que nous faisons face aux mêmes conditions que tous nos confrères dans l'industrie, c'est-à-dire que, étant donné l'absence ou la lenteur de la rationalisation au cours des trois ou quatre dernières années au Québec, étant donné la baisse de la demande, il y a un besoin criant de rationalisation. C'est évident. Je pense que tout le monde l'a constaté dans les différentes interventions ici. Nous, comme les autres, devrons faire face à cette musique. Nous avons établi certains plans qui indiquent qu'il y aurait peut-être 15% à 20% de notre réseau dans l'ensemble qui, à long terme, ne seraient peut-être pas viables. Donc, il est évident qu'il faudra faire face à cette situation comme tout le monde. Je pense que le fait est bien connu des membres de la commission.

Vous avez fait allusion brièvement dans votre question à ce problème de postes d'essence qui, dans certains cas, semblent à 300 pieds les uns des autres. Nous avons identifié au Québec 44 cas de duplication flagrante, en raison de l'acquisition récente -en mars dernier - de BP qui suivait d'assez près l'acquisition de Fina il y a deux ans. Donc, il y a un certain nombre de coins de rue qui semblent être pour le public des cas de duplication. Cela ne veut pas dire qu'ils seront tous fermés. Très souvent, à une intersection très passante où il y a des restrictions a l'accès d'un côté ou de l'autre de la rue, les deux côtés de la rue s'adressent à deux clientèles totalement différentes: des gens le matin, des gens le soir. On ne fermerait pas cela de façon automatique, mais, on a un travail à faire de ce côté-là et ce sera réparti probablement au cours des trois ou quatre prochaines années.

Je veux souligner à la commission que la fermeture de postes d'essence est souvent un processus naturel en ce sens que ce n'est pas nécesssairement provoqué par la société pétrolière. Ce sont des détaillants indépendants, propriétaires de leur propre emplacement qui, dans le temps, décident de reconvertir et de faire autre chose, ou décident tout simplement d'abandonner le commerce. Ce ne sera pas obligatoirement des décisions prises par les sociétés pétrolières de fermer. Il se fait une attrition un peu naturelle dans ce marché comme dans tous les autres marchés. Quant à la rationalisation, notre projet est de continuer à travailler dans ce domaine.

Votre deuxième question concernait les libres-services. Il est évident que le consommateur, ici comme ailleurs, a reçu les libres-services avec beaucoup d'enthousiasme. C'est une donnée du marché et le consommateur semble aimer ces postes. On a des dizaines d'exemples qui nous indiquent que la conversion d'un poste traditionnel qui ne faisait pas grand-chose en libre-service se solde souvent par le doublement des ventes du jour au lendemain ou, du moins, par des augmentations substantielles. C'est notre intention, dans les endroits où cela coûte très cher, d'acheter un terrain, d'avoir un volume maximal sur ces terrains de sorte que, dans les grandes agglomérations urbaines ou semi-urbaines où l'immeuble est très cher, les futures constructions, s'il y en a, seront des libres-services.

On voit aussi un certain nombre de conversions de postes conventionnels à des libres-services. Par contre, dans ce domaine comme dans tout autre domaine, il existe une saturation naturelle. Il y a un solide pourcentage de la clientèle qui veut être servie, alors il faut y voir. Je ne pense pas que le pourcentage de libres-services dans les grands centres, actuellement, changera beaucoup dans le temps. Il y a encore un peu de travail à faire, mais j'ai l'impression que la majorité de ce gros travail a été faite à la fin des années soixante-dix surtout. Notre politique est résolument de donner le libre-service dans les endroits où les gens semblent vouloir ce type d'installations. Souvent, d'ailleurs, les libres-services, comme vous le savez, sont accompagnés d'autres services. On a beaucoup de libres-services qui sont accompagnés de ce qu'on appelle couramment les dépanneurs; on a des libres-services qui ont des lave-auto. C'est souvent accompagné d'un autre service que le consommateur semble vouloir.

M. Duhaime: Quels sont vos projets, en termes de points de vente en libres-services, pour le Québec? Est-ce que vous avez comme stratégie, par exemple, de ne pas augmenter le nombre de points de vente?

M. Dupuis: Oui.

M. Duhaime: Est-ce que votre stratégie va dans le sens de remplacer les postes existants en les convertissant en libres-services? Comment fonctionnez-vous?

M. Dupuis: Si vous me permettez, M. le ministre, je demanderais à M. Bourelle de répondre à cette question.

M. Duhaime: Bien sûr, oui.

M. Bourelle (Georges): Je dois souligner, tout d'abord, que depuis deux ans nous avons ajouté tout simplement deux nouvelles stations de libre-service au Québec.

M. Duhaime: Deux? M. Bourelle: Oui.

M. Duhaime: Où est la deuxième? Il y en a une à Grand-Mère.

M. Bourelle: Je ne peux pas vous dire exactement où est la deuxième, mais on en a ajouté deux nouvelles. Maintenant, les conversions...

Une voix: L'autre est à Shawinigan. M. Duhaime: Non.

M. Bourelle: ...des stations conventionnelles - c'est peut-être ce que vous préférez - il y en a plus fréquemment. Encore une fois, c'est tout simplement une question de satisfaire la demande là où le volume de nos stations est tel que nous nous apercevons qu'un libre-service pourrait améliorer la rentabilité de ce poste. Présentement, nous n'avons pas un plan spécifique d'ajouter un certain nombre de postes libre-service dans les prochaines années.

M. Duhaime: Que Dieu vous entende!

Je voudrais avoir un peu d'information non pas sur le fonctionnement de Petro-Canada et sur ses relations avec son ministère de tutelle, mais, comme entreprise comme telle, est-ce que Petro-Canada est une entreprise profitable? Est-ce rentable? Sans porter de jugement sur la pertinence de l'intervention du gouvernement dans le secteur, je crois que ce ne serait pas à vous de répondre à ce genre de question, mais est-ce que Petro-Canada, avec sa dotation en capital, avec ses programmes en cours, sa capacité de raffinage, son réseau de distribution, ses programmes d'exploration, etc., au total, est une entreprise rentable?

M. Dupuis: Petro-Canada n'a jamais perdu d'argent, elle n'a jamais fait de pertes financières. L'entreprise peut être aussi rentable que ses concurrents. La situation de 1983 est désastreuse, je pense que vous avez vu cela pour l'ensemble de l'industrie. Les situations de concurrence qu'on a eues font très mal actuellement et c'est une mauvaise année à passer à cause du marché. Fondamentalement, par contre, la situation affecte tout le monde de l'industrie. Nous sommes une entreprise rentable et nous comptons bien continuer à l'être.

M. Duhaime: Ce matin, M. Fortier se plaignait avec raison, jusqu'à un certain point. Je lui rappelais, d'ailleurs, que cela fait partie des malheurs de l'Opposition de ne pas avoir à sa disposition les états financiers de Gaz Inter-Cité. Mais Petro-

Canada étant une compagnie publique, il est bien évident que les états financiers sont disponibles. Je comprends que la conjoncture est mauvaise mais, en termes de rendement sur l'avoir de l'actionnaire, par exemple, est-ce que vous avez à l'esprit ces chiffres? Cela donne quoi?

M. Dupuis: Oui. En 1983, M. le ministre, il n'y en aura pas beaucoup de rendement sur l'avoir de notre actionnaire. Je pense que toutes les sociétés du secteur connaissent les mêmes problèmes. La différence est que nous, étant plus jeune, moins bien installé que nos grands concurrents, on n'a pas la base de production de pétrole brut et de gaz naturel, mais surtout de pétrole brut que les autres ont de sorte que toute mauvaise année dans le secteur de la vente des produits pétroliers peut se traduire par des difficultés au niveau de l'ensemble du bilan consolidé. Par contre, dans une condition normale de marché, si le marché était normal - si on pouvait définir ce que c'est que la normalité - je crois bien que nous sommes rentables et nous sommes profitables.

M. Duhaime: Mais en termes de pourcentage, avez-vous une idée en tête?

M. Dupuis: Je ne crois pas que cette année la division des produits pétroliers fasse de l'argent. Je pense que ce sera difficile d'évaluer cela. Mais en termes de rendement sur l'investissement pendant l'année passée, une jeune société ne donne pas encore de rendement élevé. Je pense que c'est peut-être dans les 2% ou 3% l'année dernière, mais il faut regarder la situation dans laquelle on est, c'est-à-dire une société qui n'a pas eu le temps encore d'accumuler des actifs pendant 100 ans pour avoir un capital aujourd'hui, alors c'est plus cher. On paie plus d'intérêt que nos concurrents, c'est évident.

M. Duhaime: Une dernière question sur l'exploration. Je sais, bien sûr, qu'à l'heure actuelle, à Gaspé, il y a des travaux de forage qui se font. Je ne sais pas où sont rendus nos gens exactement avec le dossier, mais est-ce que cela semble être l'information que vous avez et, je pense bien aussi, un certain devoir de discrétion et de confidentialité que nous avons mutuellement, mais est-ce qu'on perd notre argent en continuant de faire de l'exploration au Québec? Est-ce qu'on jette de l'argent à l'eau ou si cela vaut le coût d'aller voir jusqu'au fond?

M. Dupuis: Comme vous le savez, le pétrole est découvert dans l'imagination des gens avant d'être découvert dans la terre. Chaque fois que quelqu'un avait un puits sec,

il perdait de l'argent. Par contre, rien n'aurait jamais été découvert si un certain nombre de puits secs n'avaient pas été découverts. Alors, je crois savoir que les conditions de fonctionnement du puits à Gaspé vont très bien cet été. C'est-à-dire que cela roule. Je crois qu'on est partenaire avec SOQUIP et que SOQUIP exploite le site. Cela semble aller très bien, maintenant pour ce qui est du résultat du forage lui-même. Je m'excuse, mais je ne peux absolument pas commenter sur le résultat.

M. Duhaime: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on est rendu à 1500 mètres, qu'est-ce qu'il y a là...?

M. Dupuis: Ah! On est rendu à 1500 mètres. Bon. Cela descend.

M. Fortier: Si vous vous rendez en Chine, vous allez en trouver.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Dupuis...

M. Dupuis: Merci, M. le ministre.

M. Duhaime: ...de même que ceux qui vous accompagnent.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je vais y aller prochainement, je vais aller à Grande-Vallée bientôt pour voir si le ministre fait son travail.

M. Dupuis: Cela va péter le feu.

M. Fortier: M. le Président, M. Dupuis, si ma mémoire est fidèle, vous étiez avec la SGF jusqu'à récemment. Non?

M. Dupuis: Oui et non. J'étais avec la SGF jusqu'au début de 1981. Par la suite, j'ai dirigé une société dans laquelle la SGF avait des capitaux.

M. Fortier: Ah! Oui, oui. Vous étiez dans une des filiales... Non?

M. Dupuis: Une filiale que la SGF ne contrôlait pas, mais dans laquelle elle avait beaucoup de...

M. Fortier: ...dans laquelle elle avait des capitaux, oui.

M. Dupuis: ...capitaux.

M. Fortier: Maintenant, vous êtes avec une autre...

M. Duhaime: C'est CARMONT, je crois, n'est-ce pas?

M. Dupuis: Non. J'étais avec Cegelec Industries.

M. Duhaime: Pardon?

M. Dupuis: Cegelec Industries.

M. Fortier: Alors, pour vous, les relations entre une société dans laquelle l'État a des fonds, cela vous est familier et tout cela. J'ai été étonné - on vous remercie d'être venu faire une présentation aujourd'hui - de l'importance de Petro-Canada dans l'activité économique du Québec et surtout en ce qui concerne le développement technologique - je pense à Canmet en particulier. Mais vous avez évoqué des possibilités de commercialisation de ce procédé. Il y a des concurrents qui nous disent que vous avez pris un risque assez important puisque ce procédé n'est pas aussi au point qu'on l'aurait voulu. J'imagine que si on ne risque rien, on n'a rien. Quel est l'état des travaux dans le moment? Est-ce que les travaux progressent? Autrement dit, si les travaux ne sont pas terminés, vous ne pouvez pas nous donner les résultats de la mise en service et les résultats pour prouver si le procédé est démontré par l'utilisation de l'équipement qui a été mis en place. (17 heures)

M. Dupuis: En fait, le procédé a été démontré en laboratoire. C'est-à-dire sur une base d'un baril par jour en laboratoire dans nos services de recherche. Mais le procédé semble assez prometteur pour qu'on ait décidé d'essayer une usine de démonstration de 5000 barils-jour, ce qui est encore relativement petit, mais qui, entre parenthèses, réglerait à toutes fins utiles notre problème de mazout lourd. Il n'y en aurait plus pour nous. Alors, c'est 135 000 000 $ qu'on investira. Le risque est élevé, j'en conviens. Par contre, comme pays on a deux choix: on peut continuer pendant les 50 prochaines années d'importer ces technologies de pays européens ou de tous nos grands fournisseurs américains habituels, ou on peut essayer d'en développer certaines nous-mêmes. La décision qui a été prise par Petro-Canada, c'est d'essayer d'en développer nous-mêmes. Je ne pense pas que nos ingénieurs, surtout les gens du Conseil national de recherches et de Lavalin, soient fondamentalement moins compétents que les autres. Je crois qu'ils sont capables de développer quelque chose. On prend un risque évident.

La construction de l'usine a commencé il y a quelques semaines. On en est au niveau de choses aussi simples que l'aménagement des terrains, les structures métalliques, ainsi de suite. Alors il est encore trop tôt pour dire quoi que ce soit.

Ce n'est que dans environ deux ans qu'on pourra commencer à utiliser l'usine et qu'on pourra voir si cela fonctionne en vraie grandeur. Si oui, je crois qu'on aura une occasion formidable ici d'exporter une nouvelle technologie, en ce sens que tous les pays au monde auront les mêmes problèmes que nous - on y a fait allusion tout à l'heure - d'ici quelques années, c'est-à-dire des surplus de mazout lourd. C'est le problème mondial du raffinage. Il faut faire quelque chose. Ce procédé permet à toutes fins utiles d'éliminer ce problème de surplus de mazout lourd dans une raffinerie. Ce sera la façon de régler les problèmes à l'avenir. Est-ce que ce sera notre technologie ou celle d'Américains ou de Français qui prévaudra? On espère que ce sera la nôtre.

M. Fortier: C'est quand même intéressant de voir cet investissement - vous disiez 135 000 000 $...

M. Dupuis: Oui.

M. Fortier: ...dont 68 000 000 $ au Québec - quand on pense aux sociétés pétrolières dont la plupart ont leur siège social à Calgary, j'imagine, ou à Toronto. Sans se tromper, on peut dire que, pour la plupart, la recherche et le développement sont faits dans leur pays d'origine, surtout s'il s'agit de sociétés multinationales américaines. Peut-être que vous pouvez répondre à la question: Se fait-il beaucoup de recherche et de développement au Canada? Est-ce que les filiales de sociétés américaines font beaucoup de recherche au Canada dans le domaine de la mise au point d'un nouveau procédé? J'imagine qu'il doit s'en faire quand même une certaine quantité. Vous avez mis en évidence, comme c'était votre devoir, ce que fait Petro-Canada, mais, par rapport aux autres sociétés, y a-t-il des essais, de la recherche et du développement qui se font dans l'industrie pétrolière canadienne?

M. Dupuis: Dans le domaine des procédés de raffinage, il y a quand même peu de chose qui se fait, je crois. C'est une impression que j'ai. On admire quand même une installation de recherche d'un de nos grands concurrents au Canada qui s'y est bien installé dans la recherche. Il y a une société qui semble faire quelque chose au Canada. Dans le domaine des procédés, peu de chose est fait. Il y a la recherche et le développement fondamental, mais il y a aussi l'ingénierie. Par exemple, actuellement, nous complétons les dernières études qui, j'espère, concluront qu'il faut construire un nouveau craqueur catalytique à notre raffinerie de Montréal. Le temps est venu de le changer; il date de 1955 et il a fait son temps. C'est un investissement de 50 000 000 $, grosso modo. On fait faire l'ingénierie par SNC. C'est peut-être un peu la différence qui existe. C'est-à-dire qu'on va peut-être avoir un peu plus tendance à faire confiance à des gars d'ici plutôt que de sauter au plus facile et d'aller à San Francisco demander à des gens qui en ont déjà construit de le faire. On essaie d'en faire un peu de ce côté. Il est évident que la SNC n'a pas encore construit de craqueur, mais si elle n'en construit jamais... Donc, dans ce sens-là, il y a la recherche, mais aussi l'ingénierie, que je dissocie de la recherche qui est l'application pratique de découvertes technologiques.

M. Fortier: Tout cela fait partie du "know-how" canadien et québécois dans ce secteur. En ce qui concerne l'approvisionnement en pétrole, vous êtes associés avec SOQUIP et avec d'autres compagnies à Hibernia et à d'autres endroits. Sur le plan de l'approvisionnement ou du développement possible d'Hibernia, je ne crois pas que c'était Petrofina à l'origine...

M. Dupuis: Petro-Canada.

M. Fortier: C'était Petro-Canada qui était associée à ces recherches. Pourriez-vous nous tracer un tableau assez bref sur la possibilité que ces puits se développent? En quelle année et de quelle façon? Si on pense en termes d'approvisionnement pour le Québec, quelles sont les possibilités qu'Hibernia approvisionne le Québec?

M. Dupuis: Premièrement, à Hibernia, on ne parle plus d'exploration pétrolière, on parle de découvertes pétrolières. Il y a du pétrole à Hibernia. C'est ce qui fait la différence avec nos autres projets qui sont encore des espoirs; mais, dans cette zone, c'est une véritable découverte. Hibernia, c'est quand même dans peu profond d'eau. Il y a 200 pieds d'eau, grosso modo. Ce n'est pas profond. Les technologies pour aller chercher le pétrole sont facilement accessibles. Cela ressemble beaucoup à la mer du Nord en termes de profondeur d'eau. Hibernia, c'est seulement à 190 milles des côtes de Terre-Neuve, la terre la plus proche. Ce n'est pas en haute mer dans les endroits inaccessibles.

Donc, si on regarde la combinaison de ces trois facteurs, découverte, eau peu profonde et à peu de distance des côtes, il est évident que Hibernia sera développée. Cela répond à votre question.

Selon notre scénario, on croit que -sans donner l'impression que Hibernia est facile, car ce n'est pas si facile - malgré la relative facilité, Hibernia fait une contribution importante à l'approvisionnement de l'Est du Canada en 1992, c'est-à-dire dans neuf ans. La contribution est de l'ordre de

200 000 barils-jour à compter des années 1992 et par la suite. La consommation des provinces atlantiques étant - sans faire de facétie - à peu près l'équivalent de celle de la moitié de l'île de Montréal, il est évident que le client important pour le pétrole de la zone Hibernia, c'est le Québec.

M. Fortier: Ou le Nord-Est des États-Unis.

M. Dupuis: Si on est dans une situation qui permet, à l'époque, au Canada de redevenir un grand exportateur de pétrole brut, tant mieux. Toute chose étant égale, d'ailleurs, on en aura besoin pour nos propres besoins intérieurs. Donc, je prévois une contribution importante d'Hibernia à l'approvisionnement du Québec vers 1992 ou 1993. C'est le scénario actuel de Petro-Canada au sujet d'Hibernia.

M. Fortier: Dans le moment, on est encore à l'étape...

M. Dupuis: ...du délinéateur, si on peut employer ce mot.

M. Fortier: ...de la précision du champ. Autrement dit, ce que vous dites, c'est qu'en 1992, on produira du pétrole ou le pétrole sortira de la terre et sera acheminé vers les marchés. Pour arriver à cette date, à quelle date les sociétés impliquées doivent-elles prendre des décisions pour réellement investir sur une grande échelle?

M. Dupuis: Vers 1985 ou 1986, les décisions importantes en termes de méthode d'acheminement du pétrole auront du être prises, c'est-à-dire si on utilise le pipeline ou le bateau. C'est une décision très importante. Je pense que les investissements très importants seront vers la fin des années quatre-vingt. Une fois la technologie connue, une fois la décision prise - si on prend la mer du Nord comme parallèle - cela va relativement vite à la fin pour les installations des matériaux. C'est probablement vers 1988 ou 1989 que les gros investissements seront nécessaires en termes de dépenses.

M. Fortier: On a dû faire une évaluation pour produire 200 000 barils-jour approximativement à ce moment-ci, parce que les techniques ne sont pas précisées. Est-ce qu'on a une idée des investissements requis pour réaliser cette production?

M. Dupuis: Je m'excuse, M. le député, je ne peux pas répondre à votre question. J'ai vu des chiffres - j'ai peut-être été un peu négligent - j'aurais peut-être dû les apporter. On peut peut-être envoyer à la commission...

M. Fortier: II y a deux aspects importants pour le Québec. Le thème de notre commission parlementaire est: Énergie et développement économique. On se préoccupe d'approvisionnement. Vous nous dites que Hibernia sera très probablement mis en service en 1992 avec 200 000 barils-jour. D'autre part, l'exploitation de ce champ va demander des investissements très importants. Donc, les sociétés québécoises qui peuvent...

M. Dupuis: Des milliards de dollars.

M. Fortier: ...fournir de l'équipement, des matériaux ou des services pour ce genre de développement pourraient être impliquées si elles savent comment s'y prendre. Quand même, il y a certains handicaps. On disait que le pétrole d'Hibernia est un pétrole lourd. Dans quelle mesure est-il plus lourd que d'autres?

M. Dupuis: Je ne crois pas que ce soit un problème à long terme. Si on regarde ce que l'on traite à notre raffinerie de Montréal, aujourd'hui, Hibernia serait du gâteau, de la crème glacée. Ce n'est pas un pétrole qui...

M. Fortier: II est moins lourd que le pétrole mexicain.

M. Dupuis: Maya, Isthmus et Menemota du Venezuela, c'est moins lourd que cela. Il est associé avec beaucoup de gaz et beaucoup de liquide. Cela pose un problème technique, c'est-à-dire qu'il faut faire l'extraction, la séparation des gaz et du pétrole à la tête des puits. Faire cela à 200 milles de la côte, c'est un peu difficile. Je ne crois pas que sa viscosité ou sa densité soit un problème. C'est certainement mieux que ce qu'on est souvent obligé d'importer du Mexique et du Venezuela.

M. Fortier: Ici, SOQUIP nous donne un tableau selon lequel il y aura des importations potentielles de quelque 350 000 barils-jour. C'est que, même avec Hibernia, on aurait quand même besoin d'importer d'autres pays, j'imagine. À ce moment, si on enlève 200 000 barils-jour, ce serait peut être d'environ 150 000, en plus d'Hibernia.

M. Dupuis: Une des raisons peut-être de ce problème, c'est qu'on croit que SOQUIP a une vision de la demande qui est beaucoup plus optimiste que la nôtre. Je pense que c'est lié à cela. Notre demande n'est pas aussi élevée que celle que SOQUIP prévoit. Il est évident que, dans un scénario plus élevé de demande, il faut importer davantage. Je pense que cela pose beaucoup de questions en termes de comment, nous, on réagit à ce qui se passe actuellement. Comme les gens

d'Ultramar disaient tout à l'heure, on fait l'hypothèse à peu près que les objectifs qui ont été énoncés dans le livre blanc au Québec et réitérés à plusieurs reprises vont être atteints, c'est-à-dire que c'est inéluctabe que le pétrole soit déplacé par l'électricité et par le gaz. C'est un fait de la vie, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas. On est assez pessimiste du côté de la demande à cause de cette chose.

L'autre chose, c'est la demande de l'essence. On semble toujours croire à cette reprise économique qui va faire que la demande d'essence va augmenter; ce n'est pas si sûr que cela. On pense que la reprise économique n'entraînera pas une hausse énorme de la demande d'essence à moteur; peut-être même qu'elle pourrait continuer à en accélérer la diminution. Quand le parc automobile au Québec sera relevé à la suite d'une reprise économique, les nouvelles voitures qui remplaceront les anciennes seront certainement plus économiques et plus efficaces. Donc, on est relativement pessimiste, si on peut employer cette expression, sur la demande pétrolière au Québec. Ce qui fait que le scénario d'importation n'est peut-être pas aussi élevé que ce que vous avez vu. Bref, ce sont des prévisions.

M. Fortier: Enfin, comme toute prévision. Écoutez, quand même Hibernia devient pour nous un facteur de sécurité, sûrement. Probablement que le coût va être plus élevé, cela dépend. J'imagine que la rentabilité d'Hibernia dépend de l'augmentation parce que cela serait difficile, j'imagine, de rentabiliser Hibernia avec les prix du pétrole actuels. Les experts semblent dire que le prix du pétrole pourrait se maintenir à un prix bas; donc, il y a une question de rentabilité qui pourrait être difficile.

M. Dupuis: Je crois que, si le prix du pétrole ne reste pas constant en termes réels... Disons qu'on aurait, par exemple, un scénario où le pétrole en termes réels baisserait, augmenterait moins vite que l'inflation; je crois qu'il demeure qu'au lieu de 1992, cela pourrait être plus loin dans le temps. C'est basé sur un scénario de comportement normal du prix du pétrole comme denrée internationale, c'est-à-dire que ce soit au moins l'inflation ou quelque chose qui tourne autour de cela.

M. Fortier: De deux choses l'une. Ou bien le prix reste stable ou baisse en valeur réelle et ceci pourrait vouloir dire qu'il y a un approvisionnement mondial qui est très généreux. À ce moment, on n'a pas de problème. Ou bien, il y a un approvisionnement mondial qui est moins généreux et, à ce moment, les prix augmentent pour rentabiliser Hibernia et là, pensant à la sécurité d'approvisionnement, Hibernia peut venir à notre rescousse.

M. Dupuis: Je pense que c'est la bonne façon de le décrire. Il est évident qu'un scénario de prix très bas veut dire disponibilité de pétrole très grande. On peut ne pas avoir besoin d'aller si vite dans Hibernia. C'est une chose qu'il est heureux d'avoir pas loin en réserve; c'est là. Si les conditions mondiales s'y prêtent, c'est disponible.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Duhaime: M. Dupuis, quelques-uns l'ont fait remarquer, on a l'occasion de le voir régulièrement, le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez une excellente campagne et publicité tous azimuts. Je n'ai pas le goût de vous demander quel est l'effort professionnel que vous consentez en termes de dollars. Mais si l'information est disponible, je l'apprécierais. J'essaie de comprendre. Vous faites un scénario à 291 000 barils-jour sur l'horizon de 1985, qui serait le marché ici au Québec. Vous avez déjà au-delà de 20% du marché. Votre stratégie veut donc, si vous voulez agrandir et prendre votre expansion, qu'en prenant une part plus grande de marché, vous allez nécessairement, par la pure mathématique des choses, déplacer des concurrents. Je ne fais pas erreur jusque-là. Comment est-ce que vous réagiriez si, demain matin, il y avait un autre concurrent sur le marché, lequel s'appellerait, disons, Petro-Québec, et qui aurait comme slogan publicitaire: Cela nous appartient aussi? Comme dirigeant de Petro-Canada - j'ai posé la même question à d'autres; remarquez bien que je suis étonné, cependant, que mon collègue d'Outremont ne vous en ait pas parlé... (17 h 15)

M. Fortier: ...abandonné.

M. Duhaime: ...comment réagiriez-vous? C'est une pure hypothèse, parce que la décision n'est pas prise au gouvernement, comme vous le savez, et je l'ai dit à plusieurs reprises. M. Fortier parle de nationalisation. Je pense que c'est faire une erreur. Je ne suis absolument pas convaincu que l'Assemblée nationale ait le pouvoir de nationaliser dans ce secteur. Ce n'est pas une richesse naturelle. C'est de l'importation et c'est du commerce interprovincial également. Alors, on n'ouvrira pas le volet constitutionnel, mais j'ai l'impression que, si une décision était prise, ce serait une transaction de gré à gré. Comment réagissez-vous comme homme d'affaires qui voit venir un autre concurrent de la nature de celui que j'ai indiqué?

M. Dupuis: Cela nous forcerait à faire encore un meilleur travail.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Dupuis: Si vous me posez la question en tant qu'homme d'affaires, en tant que vendeur de produits pétroliers, il faudrait être encore plus rapide, se lever encore plus tât le matin et travailler encore plus fort pour faire face à la concurrence. On fait face à de durs concurrents actuellement qui ont des thèmes ou des approches publicitaires et promotionnelles, et on se bat dans ce sens-là. Ce serait une bataille encore plus dure.

M. Duhaime: J'avoue, M. Dupuis, que je vous ai écouté avec beaucoup d'attention cet après-midi. J'ai lu votre mémoire que vous nous avez fait transmettre. Je vais certainement prendre le temps de relire la mise à jour que vous avez faite aujourd'hui. Mais j'avoue que c'est très inspirant ce que vous accomplissez. Si vous en êtes à vos premières années, même si le rendement sur l'avoir de l'actionnaire est faible, je pense que toute jeune entreprise a un rendement inférieur lorsque la charge d'intérêts sur sa dette est plus élevée, mais, entre nous, bien entre nous, que l'actionnariat soit public ou qu'il soit privé, pour autant que cela concerne votre compagnie, qu'est-ce que cela change?

M. Dupuis: C'est tout le débat des sociétés d'État et des sociétés dites privées. Qu'est-ce que cela change? Il y a certainement, chez nous comme chez vous, ce que vous avez mentionné tout à l'heure et qui s'appelle l'autonomie des sociétés d'État. Nous fonctionnons comme une société commerciale. Nous avons comme premier devoir de donner à nos actionnaires un rendement sur leur capital qui soit adéquat. Les Canadiens ont investi beaucoup d'argent dans cette entreprise et notre devoir, c'est de leur donner un retour. On ne peut se permettre de manquer notre coup, parce qu'il y a trop de gens qui nous regardent et qui, parfois, aimeraient qu'on manque notre coup. Il faut prouver qu'on...

En termes commerciaux, cela ne fait pas énormément de différence. On agit à peu près comme nos concurrents. D'ailleurs, on essaie d'agir mieux qu'eux. Il est évident qu'une partie de notre mandat transcende le pur aspect commercial. On a une tendance naturelle, un préjugé très favorable aux fournisseurs canadiens; c'est évident. Le même préjugé n'existerait peut-être pas chez une société différente. On a ce préjugé-là; on le dit très clairement; on n'a pas peur de l'afficher.

Pour nous, en tant que gestionnaires d'une société comme Petro-Canada, cela ne fait pas une grande différence. Notre travail consiste à bien utiliser les capitaux qui nous ont été confiés par nos actionnaires et d'en faire quelque chose de bien. C'est un principe général, je pense, dans beaucoup de sociétés d'État. Maintenant, en pratique, à long terme, est-ce que c'est vrai? J'espère que c'est vrai.

M. Duhaime: Je vous remercie. J'aurais pensé qu'après la présentation que vous venez de faire le député d'Outremont allait changer d'idée et qu'il verrait que c'est peut-être une bonne chose que l'État, que ce soit l'État provincial ou l'État fédéral, intervienne dans ce secteur, mais on n'a pas eu de réaction de sa part. On va attendre.

M. Fortier: Si vous voulez que je réagisse, je peux bien réagir tout de suite. D'une part, je pense que le gouvernement de la province de Québec n'a pas eu grand-chose à dire dans la décision du gouvernement fédéral. Si j'avais décidé d'oeuvrer au fédéral, je m'impliquerais davantage, mais, comme je suis au provincial, je tiens pour acquis qu'il y a une société d'État qui s'appelle Petro-Canada. Je crois que la présentation de Petro-Canada nous a fait valoir - je vous en remercie, M. Dupuis -que la présence de Petro-Canada au Québec se fait dans l'intérêt des Québécois et que la recherche et le développement se font ici. Vous encouragez les bureaux de génie-conseil québécois. Vous avez mentionné Lavalin dans le cas de Canmet, vous avez mentionné SNC dans un autre domaine et, compte tenu de cette présence, j'espère que cela a convaincu le ministre qu'il y a une société d'État au Québec dans le domaine pétrolier et, à mon avis, je crois que c'est suffisant. Je pense qu'on va conclure là-dessus.

M. Dupuis: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci de votre mémoire, M. Dupuis ainsi que les gens de Petro-Canada qui vous accompagnent. Je voudrais inviter maintenant les représentants de Manuplast à prendre place à la table.

On pourrait suspendre les travaux pour cinq minutes. Est-ce que ce serait bien vu de tout le monde? Alors, nous suspendons les travaux pour cinq minutes et, pendant ce temps, vous pouvez prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 21)

(Reprise de la séance à 17 h 30)

Le Président (M. Gagnon): J'invite maintenant M. Nadeau - M. Jacques Nadeau, c'est cela? - de la compagnie Manuplast, à nous livrer son mémoire.

Manuplast Inc.

M. Nadeau (Jacques): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, avant de commencer ma présentation, permettez-moi d'excuser le président de notre conseil d'administration, M. Leduc, et le président de notre conseil exécutif, M. Martel, qui devaient être présents mercredi, mais, à cause de dispositions irrévocables, ils sont en dehors de la province dans le moment.

Depuis deux ans, Plasti-Drain Ltée recherchait un local au Lac-Saint-Jean pour fabriquer du tuyau de drainage en plastique. Les circonstances ont voulu qu'au printemps 1982, à la suite de difficultés financières, les compagnies Drainbec Inc. et Drainbec Gaz Ltée déclarent faillite. Le local, les équipements de fabrication et le personnel hautement qualifié d'Alma représentaient une solution pratique relativement à l'expansion de Plasti-Drain Ltée, une compagnie qui est localisée à Saint-Clet, dans le comté de Vaudreuil-Soulanges. Cette solution pratique s'est réalisée par une association avec M. Paul Martel d'Alma qui, en unissant ses efforts, a permis la reprise des opérations de l'usine d'Alma.

La location des locaux et de l'équipement des syndics, la négociation des commandes existantes, des démarches auprès des institutions financières et des compagnies possédant des liens sur la machinerie, toutes ces démarches nous ont permis de compléter l'achat des deux entreprises au mois d'août 1982. De cette aventure naissait la compagnie Manuplast Inc., une compagnie entièrement québécoise. Nous avons eu l'aide de différents paliers de gouvernement et cela a été un atout important pour la relance de cette entreprise. Il faut mentionner que Manuplast fabrique présentement des tuyaux en matière plastique de 3/4 de pouce à 6 pouces de diamètres. Ces tuyaux servent à la distribution du gaz naturel au Québec. De plus, l'entreprise est l'un des importants manufacturiers québécois de tuyaux à l'eau en matière plastique et aussi de drains agricoles.

Manuplast a un chiffre d'affaires de 4 000 000 $ par année, dont 50% provient de la vente de tuyaux nécessaires à la distribution du gaz naturel. Le contenu québécois de ce produit est d'environ 40%, puisque les matières premières proviennent soit des États-Unis ou de l'Ontario.

L'impact économique découlant de l'utilisation de conduites en plastique pour la distribution du gaz naturel se situe au niveau de l'emploi, du transport et de l'utilisation de divers services connexes, comme l'usinage de moules et, dans un avenir très rapproché, la fabrication d'accessoires en plastique relatifs à ces conduites, tout en utilisant une autre technologie favorisant ainsi la recherche et le développement. Ce dernier projet, impliquant des mises de fonds importantes en recherche et en haute technologie, est un complément naturel aux opérations de notre entreprise d'Alma.

À la suite de visites aux États-Unis et en Europe, le projet de fabrication d'accessoires, tels que les TS, les manchons, les réduits et les coudes représente quelque chose de nouveau au Québec. À l'heure actuelle, il n'existe qu'un seul manufacturier de ces produits au Canada. De plus, ce manufacturier ne fabrique que des accessoires de 2 pouces de diamètre et moins.

Sur le marché du tuyau en plastique pour le gaz naturel, une entreprise comme celle d'Alma bénéficie de commandes de Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité. Toutefois, nous sommes présentement à envisager le marché ontarien et, de plus, des rencontres ont déjà eu lieu avec les agences qui s'occupent du projet de l'île de Sable -Sable Island - en Nouvelle-Écosse, nous offrant des possibilités intéressantes d'expansion pour l'avenir. Depuis que ce mémoire vous a été présenté, en mars, une personne qui nous sert d'agent en Amérique du Sud nous a informés des possibilités d'un marché à cet endroit.

Présentement, nos ventes ainsi que les emplois qui en découlent proviennent à 50% du marché du gaz naturel. De plus, nos achats au Québec dans le domaine de l'empaquetage, du transport, des moules et des accessoires, apportent une contribution appréciable à l'économie québécoise. Les salaires payés à la main-d'oeuvre spécialisée représentent un atout important à l'économie régionale. Avec ses 28 employés et une liste de paie annuelle de 450 000 $ Manuplast Inc. est l'image type du modèle de la PME québécoise dans un secteur où le chômage est très élevé. Pour nous, le projet d'extension des services de distribution de gaz naturel au Québec représente une assurance de survie dans un marché où nous devons concurrencer avec des multinationales étrangères.

La technologie et l'expérience acquises dans notre domaine nous permettent de jeter un regard optimiste vers d'autres produits que le Québec se doit d'importer actuellement et qui pourraient être fabriqués chez nous avec un peu d'ingéniosité, des investissements et de la technologie québécoise. Le développement économique de notre province est lié à une foule de petites industries qui, comme la nôtre, font face à des problèmes économiques en regardant vers de nouveaux produits et de nouvelles technologies.

Pour nous, le gaz naturel est un marché naturel. La présente crise énergétique s'amenuisera avec l'utilisation du gaz naturel. Puisqu'il faut toujours ne retenir

que le côté positif des temps les plus sombres, nous pouvons dire que cette crise aura permis aux Québécois de se doter d'une nouvelle industrie de haute technologie et de se maintenir comme un chef de file dans le dossier énergétique.

Se sentant un peu comme David faisant face à Goliath, à la suite de nos prédécesseurs à cette table, permettez-moi d'ajouter que notre intervention dans ce dossier se situe au niveau des extensions du réseau de gaz naturel, de l'impact que celui-ci peut avoir au niveau d'une PME québécoise. Merci de votre attention et je suis à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous pouvez avoir. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Nadeau. M. le ministre.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. Nadeau, d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire et de vous être présenté à la commission. Tout le monde sait qu'il est beaucoup plus facile pour une multinationale de le faire, une grande entreprise qui a des équipes d'économistes ou de recherchistes et lorsque c'est une PME qui prend le temps et, j'imagine, les dépenses également, de rédiger un mémoire et de venir le soutenir devant les parlementaires, je pense que cela mérite d'être souligné. Je vous en suis reconnaissant.

M. Nadeau: Merci.

M. Duhaime: Je voudrais vous poser une question. Vous produisez ce fameux tuyau qui alimente Gaz Métropolitain et Gaz Inter-Cité. Je crois que c'est seulement au niveau de la distribution à l'intérieur des municipalités. C'est le tuyau qui est utilisé. Ils sont fabriqués chez vous, mais, pour les matières premières, qu'est-ce que votre compagnie fait exactement? Vous importez la matière première. Quelle est cette matière première et qu'est-ce que votre compagnie fait exactement?

M. Nadeau: Pour commencer, au niveau de la distribution, le tuyau en matière plastique ne sert que lorsque le réseau amène la conduite près d'une municipalité. Il y a un poste de détente et, lorsque la pression est descendue dans les 80 livres, on se sert de matière plastique pour la distribution. On importe la matière plastique sous forme de grains. C'est comme des grains de riz. Elle vient soit de la baie du Texas, Pasadena au Texas, ou de Sarnia en Ontario.

M. Duhaime: C'est quoi ces grains-là? M. Nadeau: C'est du polyéthylène.

M. Duhaime: Polyéthylène.

M. Nadeau: C'est de médium densité qu'on appelle. Ce n'est pas tout à fait le même matériel qui est utilisé pour le tuyau à l'eau. C'est une densité plus basse. Lorsque ce matériel arrive par voie ferrée à Alma, sous méthode d'extrusion, le plastique est fondu et formé en tuyaux. Les contrôles sont très rigides. Il faut que les produits soient approuvés CSA. Notre tuyau doit respecter la norme, ce qu'on appelle la norme du tuyau 125. Il devrait être capable de supporter une pression de 125 livres. Mais les tests prouvent qu'il est capable de supporter une pression de 800 livres.

M. Duhaime: Ma question est la suivante. Le polyéthylène qui vient du Sud, de densité moyenne, le matériau principal avant que vous le traitiez à votre entreprise, il n'y a aucune entreprise au Québec qui peut vous le faire?

M. Nadeau: Non.

M. Duhaime: Aucune?

M. Nadeau: Non. Le matériel qui est fabriqué par Du Pont vient juste d'être approuvé il y a environ trois ou quatre mois. Avant, il n'y avait aucune matière première au Canada d'approuvée.

M. Duhaime: ...pétrole.

M. Nadeau: C'est un sous-produit direct du pétrole.

M. Duhaime: Maintenant, votre entreprise compte, pour 50% de son chiffre d'affaires - c'est ce que vous nous dites -sur les ventes de conduites de gaz à Gaz Métropolitain et à Gaz Inter-Cité. Je comprends qu'actuellement on est dans une phase d'expansion par les conduites latérales et pour les réseaux de distribution à l'intérieur des municipalités, mais j'imagine qu'il va y avoir une stabilisation. Comment voyez-vous l'avenir? Je comprends que vous soutenez énergiquement la politique énergétique de pénétration du gaz naturel pour des raisons assez évidentes, mais cela me paraît très élevé, 50% de votre chiffre d'affaires. Après 1985 ou 1986, quand le gros de l'expansion du réseau aura été fait, comment voyez-vous cela?

M. Nadeau: Lorsque l'expansion du réseau sera terminée, il faudra avoir en place des produits autres que les tuyaux de gaz naturel.

M. Duhaime: Ah bon!

M. Nadeau: On a déjà commencé

d'ailleurs. On commence, cet automne, à produire ce qu'on appelle du tuyau municipal, un tuyau qui est à peu près du même genre, mais dont la force est un peu moindre, de qualité, disons, de 80 livres et de 45 livres de pression. Cela peut servir dans les mines, dans les réseaux intérieurs comme dans un camping, dans ces endroits-là.

M. Duhaime: Est-ce que votre entreprise, actuellement - donc, la diversification, vous l'avez déjà à l'esprit - a un budget de recherche et de développement?

M. Nadeau: Oui.

M. Duhaime: De quel ordre?

M. Nadeau: On dépense environ 100 000 $ par année dans la recherche. C'est au niveau de la planification de moules, au niveau de la planification de tests, de nouvel équipement pour tester nos produits. On a un laboratoire réellement bien équipé, à Alma. Si vous avez l'occasion de passer chez nous, vous serez toujours le bienvenu pour le visiter. Deux techniciens sont en place qui s'occupent de toujours essayer d'améliorer certaines choses. C'est un point important dans notre industrie. D'abord, il faut trouver des nouveaux produits. On ne peut pas se fier au tuyau du gaz naturel éternellement. On sait que l'expansion de réseaux, c'est pour quelques années seulement, trois ou quatre ans au maximum.

M. Duhaime: Si vous décidiez d'acheter de la fibre d'amiante, ne vous gênez pas; les prix sont bons, nos inventaires sont hauts.

M. Nadeau: Nous sommes des spécialistes dans le plastique dans le moment.

M. Duhaime: Mais vous êtes plutôt un concurrent face à la Société nationale de l'amiante. Vous êtes dans les produits de substitution.

Il me reste à vous remercier, M. Nadeau.

M. Nadeau: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Est-ce que vous pourriez me dire qui sont les actionnaires de votre compagnie? Est-ce que les employés... Vous êtes le directeur général. Est-ce que vous êtes actionnaire de la boîte?

M. Nadeau: Les principaux actionnaires sont un industriel de Saint-Clet, M. Charles Leduc, M. Marcel Sauvé, de Dorion, et M. Paul Martel, d'Alma. Ce sont les principaux actionnaires.

M. Fortier: Tout à l'heure, vous avez expliqué que le tuyau de plastique qui est utilisé par Gaz Inter-Cité et Gaz Métropolitain, c'est pour la distribution. Dans ma municipalité, j'ai vu qu'on insérait un tuyau de plastique à l'intérieur d'un tuyau qui existait, un tuyau en fonte. J'imagine que votre tuyau n'a pas la capacité de supporter, disons, dix ou quinze pieds de terre et qu'il doit être utilisé avec un tuyau comme celui-là. C'est utilisé dans le réseau existant, mais est-ce pour améliorer l'étanchéité de ce réseau? Est-ce qu'il peut être utilisé seul, sans être associé ou intégré à l'intérieur d'un tuyau de fonte existant, comme, par exemple, dans la région de Montréal?

M. Nadeau: Gaz Métropolitain qui, dans le moment, a des lignes qui datent de 80 ou de 70 ans fait ce qu'on appelle du "relining". On installe un tuyau de plastique à l'intérieur. Pour ne pas avoir besoin de défaire tout le système, on se sert de cette méthode.

M. Fortier: Est-ce que c'est votre tuyau?

M. Nadeau: Oui.

(17 h 45)

M. Fortier: Bon.

M. Nadeau: Lorsqu'il y a une nouvelle installation, on n'a pas besoin de tuyau de métal à l'extérieur. Ce tuyau-là peut répondre à des tests, comme je vous le disais, de haute pression. On fait monter la pression, dans une période de 75 secondes, à 800 livres, pour faire un test d'éclatement. Cela prend 800 livres de pression pour faire éclater ce tuyau. Dans votre système de distribution, la pression est entre 75 et 80 livres. Donc, le tuyau est extrêmement sécuritaire.

M. Fortier: Je pensais surtout en termes du test qui serait de supporter la charge de...

M. Nadeau: Aucun problème.

M. Fortier: ...de huit à dix pieds de terre ou de roche au-dessus. Est-ce qu'il a également la capacité de pouvoir supporter ce poids?

M. Nadeau: Il a la capacité de supporter la charge. Il a été testé; c'est accepté par CSA; c'est accepté aux États-Unis par les normes ASTM et en Europe aussi. C'est le système de distribution où il

y a des chambres de détente, où la pression est descendue à 80 livres. Ce sont les matières plastiques qui sont les mieux qualifiées pour faire la distribution.

M. Fortier: Maintenant, est-ce que vous avez regardé les possibilités d'utiliser un tuyau semblable pour la distribution électrique? Hydro-Québec nous a dit qu'elle investirait des millions de dollars, dans la région de Montréal en particulier, pour amener les câbles électriques sous terre et améliorer le rendement. Personnellement, je ne connais pas la différence qui peut exister entre votre tuyau et celui qui est utilisé pour la distribution électrique. Mais, ce tuyau est-il un marché éventuel?

M. Nadeau: II représente un marché éventuel. Il y a déjà deux ou trois compagnies au Québec qui le manufacturent. Il y a déjà une compétition assez grande.

M. Fortier: Assez grande. Et cela pourrait être une avenue pour vous?

M. Nadeau: C'est une possibilité. Maintenant, à Alma, on a un problème: la localisation de l'entreprise. On est obligé de monter les matières premières là-bas, faire les produits finis et redescendre les matières premières au marché. Donc, si vous manufacturez un produit qui vous coûte 500 $ du voyage à Montréal, au niveau compétitif, c'est assez difficile.

M. Fortier: Vos frais de transport deviennent importants?

M. Nadeau: Ils deviennent un facteur important.

M. Fortier: Écoutez, on va vous souhaiter le plus de chance possible. Je pense que c'est, comme vous dites, une PME typique qui se développe. D'ailleurs, il ne faut jamais sous-estimer la possibilité de développement. J'imagine que, le cas échéant, si vous avez des grands programmes d'expansion, même la SDI serait intéressée à vous appuyer.

M. Nadeau: On a eu l'aide de...

M. Fortier: Et, à ce moment-là, on va souhaiter que vous deveniez un nouveau Bombardier québécois.

M. Nadeau: Merci.

Le Président (M. Gagnon); Merci.

M. Nadeau: On ne voudrait pas se rendre aussi haut que cela.

M. Fortier: II ne faut jamais mettre les objectifs trop bas.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Une courte question, M. le Président. Quant aux possibilités d'exportation de vos produits, est-ce qu'il y a eu exploration des marchés extérieurs? Entre autres, M. Bernard Landry a annoncé récemment qu'il avait regroupé un certain nombre de programmes du gouvernement d'aide à l'exportation, dans le cadre de ce qu'on appelle maintenant le programme APEX. Et, avec les délégations du Québec à l'extérieur et également certains bureaux du gouvernement du Canada avec lesquels nous sommes en contact, il y a des posssibilités. On peut offrir de l'aide aux exportateurs. Est-ce que vous avez exploré les marchés d'exportation?

M. Nadeau: Oui, on a - par la compagnie mère Manuplast - obtenu un contrat de la World Bank, à Lima, au Pérou il y a un an - le 12 novembre pour être exact - de quelque 4 000 000 $ US. Le ministre Landry est au courant de nos démarches. On est le plus bas soumissionnaire. Le contrat n'a pas encore été donné. On a eu l'occasion d'aller en Amérique du Sud grâce à l'ACDI. J'ai fait quatre voyages à cette occasion. On a rempli notre devoir comme soumissionnaire. Cela impliquait de la technologie par une firme d'ingénieurs-conseils en drainage agricole; cela impliquait de la technologie pour la fabrication de tuyaux de plastique. On était fier d'être le plus bas soumissionnaire, mais on est seulement rendu à ce stade-là. Cela fait onze mois de cela.

M. Rodrigue: II va nous rester à vous souhaiter d'obtenir les contrats, puisque vous étiez le plus bas soumissionnaire.

M. Nadeau: En Amérique du Sud, cela ne veut pas toujours dire que tu es l'heureux gagnant.

Une voix: Je m'en doute un peu.

M. Duhaime: Notre président, M. Nadeau, n'intervient que rarement dans les débats, mais il me disait tantôt que, si vous songez à une localisation, au Cap-de-la-Madeleine il y a de la place.

M. Nadeau: C'est un bel endroit pour cela.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Nadeau.

M. Nadeau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci aux membres de cette commission. Nous allons ajourner nos travaux au mercredi 12 octobre à 10 heures. Bonne fin de semaine à tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 50)

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