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(Dix heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre,
messieurs, s'il vous plaît!
La commission élue permanente de l'énergie et des
ressources se réunit ce matin afin d'étudier les effets de la
politique énergétique sur le développement
économique.
Nous entendrons, pour débuter, les représentants du groupe
Nouveler, dont Mme Nicolle Forget, à titre de présidente. Vous
pourriez peut-être nous présenter les gens qui vous
accompagnent.
Auparavant, j'aimerais vous faire part des noms des membres et des
intervenants de cette commission. À titre de membres: M. Tremblay
(Chambly), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Fortier
(Outremont), M. Beaumier (Nicolet), M. Kehoe (Chapleau), M. Lavigne
(Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Middlemiss (Pontiac), M.
Perron (Duplessis), M. Rodrigue (Vimont).
À titre d'intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Desbiens (Dubuc), M. Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Leduc (Saint-Laurent), M.
Mathieu (Beauce-Sud), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
La parole est maintenant à vous, Mme Forget.
Auditions Nouveler
Mme Forget (Nicolle): Merci, M. le Président. Je suis
accompagnée ce matin du P.-D.G. de Nouveler, à ma gauche, Robert
Rocheleau; à mon extrême gauche, M. Jean-Paul Dupré, le
vice-président de la gestion des filiales; à ma droite, M. Ovide
Poitras, vice-président au développement.
Je voudrais, avant de commencer, vous rappeler que vous avez
déjà reçu un document en mars que nous n'avons pas remis
à jour. Je vais vous lire un court résumé ou un
condensé et je ferai, en cours de route, de légères
modifications au texte de mars. Les questions, par la suite, pourront
être adressées à quiconque selon les sujets qui vous
préoccupent.
Je rappelle, pour vous rafraîchir la mémoire, que Nouveler
a été créée en 1980 mais elle est
opérationnelle depuis 1981, au sens où il y a des
activités dans la compagnie. C'est une société de gestion
de portefeuille incorporée sous la partie IA de la Loi des compagnies de
Québec, donc soumise à toutes les règles du marché,
le profit, la fiscalité, etc. Les actionnaires en sont quatre
sociétés d'État: Hydro-Québec, SGF, SOQUEM et
REXFOR.
Notre mémoire pourrait se résumer en quatre points:
identifier les priorités de développement du Québec en
matière d'efficacité énergétique et
d'énergies nouvelles, et suggérer un programme d'action qui
maximisera les impacts économiques; établir les contraintes
à la réalisation des priorités et recommander au
gouvernement les mesures à prendre, déterminer le rôle du
groupe Nouveler dans la réalisation des priorités et ce, en
relation avec ses partenaires autant du secteur public que du secteur
privé; enfin, établir la contribution de ce programme au
développement économique du Québec et surtout à la
création d'emplois permanents.
Les priorités de développement énergétique
sont en fonction des considérations qui suivent. Le Québec est
l'un des plus grands consommateurs per capita d'énergie au monde.
À l'heure actuelle, 60% de ses besoins énergétiques sont
encore comblés par du pétrole importé au coût annuel
d'environ 5 000 000 000 $ dont 50% pour le secteur du transport. Le
Québec est naturellement pourvu de trois importantes sources
d'énergie renouvelables: l'hydroélectricité, la biomasse,
incluant la tourbe, et le vent. Les excédents nets
d'électricité passeront d'environ 29 000 000 000 de
kilowattheures à environ 59 000 000 000 de kilowattheures pour
l'année 1986.
La disponibilité du gaz naturel en grande quantité
amènera de nouvelles possibilités industrielles dans le secteur
de la chimie. Enfin, les brusques revirements de la conjoncture
économique et des prix relatifs des différentes sources
d'énergie au Québec -le pétrole, le gaz,
l'électricité et le bois -favoriseront l'émergence de
systèmes multiénergie de consommation.
Sur la base de ces considérations, le Québec, par
opposition à la majorité des autres provinces et des pays
industrialisés, possède des ressources importantes qui lui
permettent d'accroître rapidement et de
façon rentable son efficacité énergétique
dans l'utilisation de toutes les sources d'énergie grâce, entre
autres, à l'application de nouvelles technologies faisant appel à
l'électricité ou au gaz.
L'application de ces mesures d'efficacité, conjuguée
à une utilisation plus grande de sources nouvelles d'énergie -
dont la biomasse - seules ou combinées avec l'électricité
ou le gaz, peuvent déplacer des quantités significatives de
pétrole dans tous les secteurs d'activité économique
incluant le transport.
L'expérience que nous avons acquise au cours des deux
dernières années nous permettra, dans les prochaines sections,
d'approfondir et de préciser les stratégies d'intervention. Cette
expérience couvre deux grands secteurs d'activité de Nouveler,
soit l'efficacité énergétique et les énergies
nouvelles ou redécouvertes.
Le premier secteur: l'efficacité énergétique. Les
études portant sur l'efficacité énergétique
effectuées par notre groupe prouvent qu'il n'existe pratiquement pas de
secteurs où des mesures relativement simples n'entraînent pas
d'économie d'énergie substantielle oscillant entre 15% et 30% et
pouvant atteindre près de 70% dans le cas de la pompe à chaleur
eau-air et industrielle. L'application d'un pourcentage moyen de 25% de
réduction à la facture du pétrole dans les secteurs
résidentiel, industriel et commercial entraînerait des
économies annuelles de plus de 750 000 000 $. À ce jour, le
groupe Nouveler a engagé plusieurs actions afin de capter de
façon rentable ce potentiel économique. Nous allons les passer
rapidement en revue.
La première action que nous avons menée est au niveau de
la gestion de la consommation énergétique par l'entremise
d'Éconoler, une filiale créée en mars 1981. Cette filiale
se place déjà au premier rang dans ce domaine. Les programmes de
gestion de l'énergie, conçus par Éconoler, consistent
à optimiser la consommation d'énergie des immeubles, des usines
et des édifices publics. À cette fin, diverses méthodes
sont employées: conversion à des sources d'énergie moins
coûteuses, électricité, bois ou gaz; amélioration de
l'efficacité des chaudières; récupération de la
chaleur dégagée par les cheminées et d'autres
pièces d'équipement et gestion de l'énergie à
l'aide de microprocesseurs.
Ces mesures se révèlent d'une grande efficacité
lorsqu'il s'agit d'enrayer le gaspillage, pourvu qu'elles soient
appliquées correctement et qu'elles s'inscrivent dans un programme
d'ensemble doté d'un financement approprié.
Ainsi, Éconoler garantit à ses clients que les
investissements seront remboursés à même les
économies réalisées sur une période maximale de
cinq ans. À la fin de 1983, soit après deux ans et demi
d'activité, Éconoler aura réalisé des
investissements totalisant une somme d'environ 30 000 000 $, qui permettront
des économies annuelles d'énergie d'environ 11 000 000 $ et un
déplacement de quelque 125 000 000 de litres de mazout.
La deuxième action, c'est la pompe à chaleur eau-air.
Chacun sait ce qu'est une pompe à chaleur: c'est un appareil qui permet
d'extraire de l'énergie d'un milieu qui renferme de la chaleur à
basse température par l'intermédiaire d'un
réfrigérant. Les économies d'énergie ainsi
réalisées par rapport à un système traditionnel de
chauffage peuvent atteindre un minimum de 65%. Reconnaissant les mérites
et le potentiel de cette nouvelle technologie, Nouveler lançait, avec
des partenaires du secteur privé, la société Equipement
Canair 1981 Inc., spécialisée dans la fabrication des pompes
à chaleur eau-air. Deux modèles sont actuellement
commercialisés sous le nom de Permatemp, appliqués, l'un au
secteur résidentiel et l'autre au commercial. Les avantages des
Permatemp sont, entre autres, de réduire les frais de chauffage d'au
moins 66%; de minimiser la demande électrique aux heures critiques de
pointe, parce que la Permatemp est autonome et n'a donc pas besoin de
système de chauffage d'appoint et ce, même par périodes de
grand froid; d'utiliser une source d'énergie renouvelable, l'eau du
sol.
L'expérience que nous avons acquise dans le marché nous
montre également que la Permatemp peut facilement s'adapter à
plusieurs utilisations, entre autres le chauffage des serres, des petites et
des moyennes entreprises et des commerces, tout en favorisant une utilisation
plus rationnelle de l'électricité. Selon de récentes
études, un programme incitatif généralisant l'utilisation
de la Permatemp, permettrait des économies d'environ 200 000 000 de
litres de mazout sur une période de dix ans.
La troisième action, c'est la pompe à chaleur
industrielle. Dans ce secteur, l'utilisation de la pompe à chaleur
à haute température à circuit ouvert ou fermé,
offre aussi des perspectives intéressantes pour l'amélioration de
l'efficacité énergétique des procédés de
fabrication. Dans certains secteurs industriels, des gains notables de
productivité sont obtenus ainsi que des économies pouvant parfois
aller jusqu'à 80% du mazout utilisé. Selon des études
récentes, les domaines d'application de ces pompes couvrent les secteurs
du bois, des pâtes et papiers, de la chimie, des textiles et de
l'agroalimentaire. En supposant seulement un taux de pénétration
de 15% de la technologie de la pompe à chaleur dans ce marché,
quelque 600 000 000 de litres de mazout peuvent être
économisés annuellement, tout en étant remplacés
par une consommation
d'électricité ou de gaz égale à environ le
quart de l'équivalence énergétique du mazout ainsi
déplacé. Plusieurs pays s'intéressent à cette
technologie dont le Japon, les États-Unis et la France. Grâce
à des ententes prises avec la compagnie Techmark Corporation, de
Newport, Rhode-Island, Nouveler est actuellement la seule entreprise
commerciale au Canada qui offre des projets "clé-en-main" de pompes
à chaleur à haute température.
La quatrième action: Nous avons créé
récemment une compagnie connue sous le nom de SES Énergie Inc.
afin de réaliser et de financer des projets d'économie
d'énergie en milieu industriel basés sur le concept de Steam
Energy Savings. Ce concept consiste à récupérer dans le
condensat un pourcentage important de la chaleur fournie par le combustible de
la chaudière. Ainsi, le retour du condensat en chaudière doit
donc être envisagé chaque fois qu'il est techniquement possible.
De tels rejets sont nombreux dans l'industrie, surtout dans le secteur des
pâtes et papiers, des textiles et encore de l'agroalimentaire. Des
économies d'énergie d'environ 25% pourraient résulter de
l'application de cette nouvelle technologie, se traduisant par une diminution
de la consommation annuelle de mazout dans ces secteurs évaluée
à quelque 70 000 000 de litres.
La cinquième action réside dans les systèmes
biénergie un peu plus connus. L'installation de ces systèmes
permet à l'abonné d'utiliser de façon optimale deux
sources d'énergie. Nouveler fait figure de leader dans ce domaine par la
commercialisation, via l'une de ses affiliées, les Contrôles PSC
Ltée, du premier appareil de chauffage biénergie à
contrôle automatique conçu et fabriqué au Canada,
l'appareil D-15, pour les systèmes de chauffage au mazout à air
puisé. Il devrait y avoir quelque 50 000 logements équipés
de ce système - enfin, du système biénergie, pas
nécessairement du D-15 - d'ici la fin de l'année. Il en est de
même pour l'installation de chaudières industrielles à
l'électricité. Le groupe Nouveler prévoit en installer
d'ici peu pour une capacité de près de 100 mégawatts,
amenant un déplacement d'environ 55 000 000 de litres de mazout.
La sixième action, le chauffage électrique par convection.
Le chauffage électrique est bien connu au Québec. Pourtant,
l'équipement de chauffage résidentiel le plus courant a
très peu évolué depuis une vingtaine d'années.
Nouveler vient de mettre sur pied, en association avec la firme
française Müller-Noirot, la firme Convectair-NMT Inc. qui
commercialisera un appareil de chauffage électrique à haute
efficacité énergétique connu sous le nom de Convectair.
Cet appareil projette la chaleur qu'il dégage dans toute la pièce
et maintient, grâce à son thermostat électronique, le
degré de température désiré dans chaque
pièce. Le Convectair consomme jusqu'à 30% moins d'énergie
que le système conventionnel à plinthes et des économies
appréciables d'énergie peuvent ainsi en résulter. (10 h
30)
La dernière action - celle-là, vous ne l'aviez pas dans le
texte de mars - porte sur le chauffage à l'eau chaude. En août
dernier, nous nous sommes portés - enfin, il y a trois semaines -
acquéreurs de 50% du capital-actions de Les industries FP, de
Bromptonville. Cette entreprise développe, fabrique et vend une gamme
complète de chaudières à eau chaude pour les secteurs
résidentiel, commercial et industriel, et utilise aussi tous les
combustibles, le gaz, l'huile et le bois. Cette entreprise a mis au point un
appareil biénergie adapté au chauffage à l'eau chaude et
elle prévoit également lancer d'ici quelques mois une
chaudière au gaz à très haut rendement. Enfin,
l'entreprise contribue, de façon intéressante, à la
pénétration de la biomasse dans le bilan
énergétique grâce au succès de ses systèmes
de combustion au bois.
Pour terminer ce premier secteur, Nouveler explore actuellement de
nouveaux domaines, entre autres, ceux reliés à l'application des
technologies électriques dans le secteur industriel.
Le deuxième secteur d'activité, qui est le deuxième
volet de la mission Nouveler, porte sur ce qu'on appelle les nouvelles sources
d'énergie ou les énergies redécouvertes. La place
occupée par les énergies redécouvertes dans le bilan
énergétique varie énormément d'un pays à
l'autre, d'une région à l'autre. Tout dépend de la
disponibilité locale de biomasse, de vent, de soleil et du prix relatif
des formes traditionnelles d'énergie.
Au Québec, la disponibilité à un prix relativement
bas d'hydroélectricité et de gaz naturel repousse dans un avenir
moins immédiat que pour d'autres pays le développement à
grande échelle de l'énergie solaire et éolienne. À
court terme, mais surtout à moyen terme, par contre, la biomasse
forestière et les déchets industriels, agricoles et urbains, en
raison de leur grande disponibilité, représentent de loin l'un
des meilleurs potentiels d'exploitation énergétique. C'est
d'ailleurs sur ce potentiel que s'établira la croissance à moyen
terme du groupe Nouveler. Pour préparer cette croissance, le groupe
concentre actuellement d'importants efforts qui amèneront - nous le
souhaitons - des retombées économiques importantes.
Quant aux technologies éolienne et solaire, des percées
technologiques valables pourront, à moyen terme, ouvrir des
marchés d'exploitation qui en permettront la
rentabilité ici même au Québec.
L'utilisation de la biomasse, la première de nos activités
dans ce secteur, à des fins énergétiques. Je pense qu'il
faut d'abord dire ce qu'on entend quand on parle de biomasse. C'est l'ensemble
des productions végétale, animale et humaine d'un territoire
donné. Au Québec, on évalue la disponibilité
annuelle de biomasse forestière accessible économiquement
à environ 17 000 000 de tonnes anhydres sous forme de résidus de
transformation, de résidus d'exploitation et de forêts
dégradées et à peu près la même
quantité pour la tourbe.
En ce qui concerne les déchets urbains, industriels et agricoles,
leur disponibilité annuelle est évaluée à plus de 4
000 000 de tonnes anhydres. Une utilisation du tiers seulement de ce potentiel
énergétique pour le chauffage pourrait déplacer environ 2
900 000 000 de litres de mazout, ce qui représente environ 30% de la
consommation actuelle dans les secteurs industriel, commercial et
résidentiel. Ce qui fait qu'une politique gouvernementale de
développement à long terme de ce potentiel pourrait
représenter une orientation énergétique à
privilégier. Actuellement, on évalue que la contribution de la
biomasse au bilan énergétique du Québec dépasse
à peine 5%. Cette biomasse est brûlée pour produire de la
chaleur pour le chauffage des locaux ou pour des procédés
industriels surtout dans l'industrie des pâtes et papiers.
Par ailleurs, par procédé thermochimique, nous pouvons
produire un gaz de synthèse issu de la biomasse et, à partir de
ce gaz, il est possible de synthétiser une série de produits
chimiques ou énergétiques de valeur dont le méthanol.
C'est dans cette optique que Nouveler, de concert avec Canertech et le soutien
financier des gouvernements fédéral et provincial, créait
une société en nom collectif, Biosyn, pour ériger, dans un
premier temps, une usine de fabrication de gaz de synthèse, au
coût de 21 600 000 $, où sera, pour la première fois au
monde, commercialement démontrée la technologie du gaz à
lit fluidifié et pressurisé à l'oxygène.
Dans un deuxième temps, la boucle de synthèse du
méthanol serait complétée. Les raisons qui justifient ce
projet sont multiples mais les principales sont les suivantes:
Une volonté de développer des carburants de substitution
garantissant une sécurité d'approvisionnement tout en rendant
possible une forme d'autarcie régionale.
Une valorisation de la ressource forestière par l'utilisation
rationnelle des résidus de scierie, de coupe et de forêts
dégradées, ce qui est d'ailleurs un préalable à la
mise sur pied d'une politique d'aménagement forestier.
Une meilleure distribution et une diversification de l'activité
économique dans les régions périphériques
favorisant ainsi des objectifs d'aménagement du territoire.
Une décentralisation des grands systèmes de production
énergétique ou chimique en un système à
échelle plus réduite, plus polyvalente, plus écologique et
à risque financier limité par opposition aux
mégaprojets.
Enfin, les perspectives économiques reliées à
l'exportation de la technologie.
Il faut également noter que la technologie de la
gazéification à lit fluidifié peut être
adaptée à l'utilisation conjointe de biomasse et de gaz naturel
ou de biomasse et d'électricité.
La deuxième approche peut d'ailleurs offrir des perspectives
intéressantes. Ainsi, la mise au point prochaine d'un
électrolyseur à haute efficacité énergétique
par l'IREQ et les sociétés Noranda et Electrolyser Corp., permet
d'entrevoir la possibilité de coupler cet électrolyseur au
gazogène mis au point par Biosyn et de stocker ainsi
l'électricité sous forme de carburants synthétiques.
Il y a aussi d'autres voies explorées dont la production
d'électricité en régions éloignées à
partir d'un couple gazogène diesel.
Quant à l'énergie solaire le potentiel au Québec
reste à développer. Par conséquent, la recherche, le
développement et la commercialisation dans ce domaine doivent être
appuyés. Déjà certaines entreprises commerciales
exploitent ici ce secteur mais le marché intérieur est encore
faible et, pour tout dire, inexistant.
Le récent programme fédéral mis de l'avant dans le
secteur contribuera à développer le marché tout en
permettant aux entreprises en place d'exercer une activité commerciale
encourageante. Parallèlement, les centres de recherche ont mis au point
de nouvelles technologies très prometteuses qui sont déjà
concurrentielles par rapport aux énergies conventionnelles dans les pays
étrangers et qui devraient le devenir à moyen terme au
Québec.
Ces nouveaux développements permettent déjà
d'entrevoir des possibilités d'exportation considérable vers
l'étranger. Il va sans dire que Nouveler suit avec intérêt
les efforts entrepris dans ce secteur pour le développement de nouveaux
produits et elle devrait être en mesure de s'y impliquer d'ici peu.
Nous en sommes à la dernière étape qui est les
priorités de développement.
Comme nous l'avons souligné, plus haut, le Québec est l'un
des plus grands consommateurs d'énergie per capita au monde. C'est
pourquoi, dès le départ, l'action de Nouveler s'est
immédiatement portée vers la mise en marché de produits,
de systèmes et de services visant une plus grande efficacité
énergétique. C'est toujours un axe
de développement prioritaire.
Par ailleurs, en raison de la présence au Québec
d'importantes sources d'énergie renouvelables et en quantité
excédentaire, comme l'hydroélectricité et la biomasse, il
est logique que les priorités gouvernementales en matière
d'énergie visent, à long terme, une valorisation optimale de ces
deux sources d'énergie autochtones, notamment pour la production de
méthanol. À plus long terme, le vent sera également
appelé à jouer un rôle dans quelques régions de la
province.
Dans cette perspective, nous sommes d'avis que les priorités que
le gouvernement devrait adopter sont les suivantes: renforcer les programmes
d'efficacité énergétique dans les secteurs
résidentiel et institutionnel et les étendre aux secteurs
industriel et commercial; accélérer la mise au point et
l'implantation des technologies faisant appel à
l'électricité, dont les pompes à chaleur à basse et
haute température; accélérer l'utilisation de la biomasse
aux fins énergétiques comme source principale de chaleur pour la
production d'eau chaude et de vapeur de procédé dans les secteurs
de l'industrie forestière et les autres industries situées dans
les régions où la ressource existe.
Soutenir les efforts devant mener à long terme à
l'implantation d'usines de méthanol au Québec en s'appuyant,
selon les régions, sur une valorisation combinée du bois ou de la
tourbe avec l'électricité ou le gaz naturel.
Suivre attentivement les développements dans les domaines de
l'énergie solaire et des éoliennes à grande
capacité et encourager les technologies à haut potentiel
d'exportation.
Il y a des contraintes. Chaque dollar que nous économisons en
acquérant une indépendance énergétique par rapport
au pétrole importé devrait être recyclé dans
l'économie. Il apporterait une série d'impacts dont le plus
important est la création d'emplois permanents tout en permettant une
valorisation de nos ressources énergétiques renouvelables.
Les contraintes sont de deux ordres: au niveau du développement
et de la démonstration et au niveau fiscal. Au premier niveau il
n'existe pas de financement approprié au Québec au niveau de la
démonstration et du développement. Beaucoup d'efforts sont
actuellement déployés dans plusieurs universités et
centres de recherches, entre autres pour la mise au point de nouvelles
technologies de valorisation de la biomasse. Mais faute de moyens financiers
adéquats, les projets ne peuvent même pas se rendre à
l'étape essentielle de la démonstration commerciale où il
n'y a pratiquement pas de financement.
Au niveau fiscal, il y a certaines mesures incitatives, mais il n'existe
pas de mesure comme telle visant la pénétration de produits
énergétiques à haute efficacité ou encourageant les
investisseurs privés à financer des projets relatifs aux
énergies redécouvertes. Par conséquent, nous recommandons
que les mesures suivantes soient prises et la première mesure est
différente du document que vous aviez en mars. Cela s'explique par le
fait que le gouvernement fédéral a depuis lancé un
programme qui s'appelle ENERDEMO, par le fait qu'EnerSage est enfin
entré en application, de sorte que cela va déjà chercher
autour de 30 000 000 $ à 40 000 000 $ dans le secteur. À
l'époque, nous parlions d'un fonds de 100 000 000 $; aujourd'hui nous
sommes plus modestes, nous vous parlons d'un fonds de 10 000 000 $ sur cinq ans
qui pourra donc être distribué à raison de 2 000 000 $
annuellement. Enfin, s'il y en a plus, M. le ministre, il n'y a pas de
problème.
Nous parlons de la création d'un fonds spécial qui
pourrait servir au développement et à la démonstration de
nouvelles technologies dans le secteur des bioénergies et des
technologies de pointe à l'électricité et au gaz. Ce fonds
pourrait être géré par Nouveler dans le cadre de la
politique énergétique du gouvernement du Québec en
étroite collaboration avec les centres de recherche et les
universités impliqués dans ce secteur où ce type de
travaux de développement serait effectué.
La mise en place aussi d'un programme de subventions pour financer au
même titre que les appareils de chauffage déplaçant le
mazout, la pompe à chaleur eau-air et un régime particulier de
taxes sur les carburants synthétiques, une subvention à
l'aménagement des parterres de coupe et enfin la mise en place de
mesures fiscales incitatives pour encourager les investissements des
particuliers dans des entreprises désirant mettre en valeur de nouvelles
sources d'énergie.
En conclusion, M. le Président, l'amélioration de
l'efficacité énergétique et le déplacement du
pétrole importé par des sources autochtones d'énergie
renouvelable ont déjà apporté et continueront d'apporter
d'importantes retombées économiques à court et à
long terme. L'application de nouvelles technologies dans les domaines de
l'efficacité énergétique et des énergies
redécouvertes amènent de grandes diminutions de consommation de
pétrole tout en favorisant d'autres sources d'énergie propres au
Québec tout en augmentant la productivité des entreprises
manufacturières.
À titre d'exemple - ce n'est vraiment qu'un exemple, ce sont des
ordres de grandeur - si nous économisions, d'ici la fin du
siècle, 25% du pétrole actuellement consommé, cela
pourrait équivaloir à plus de
1 500 000 000 $ qui seraient annuellement recyclés dans
l'économie. À court terme ce pourcentage d'économie
d'énergie pourrait être atteint grâce à
l'amélioration de l'efficacité énergétique dans les
secteurs résidentiel, commercial et industriel. À long terme le
secteur des transports pourrait également être touché par
l'introduction du méthanol.
La seule récupération de 50% des résidus de coupe
laissés sur les parterres et leur transformation en méthanol
permettrait de déplacer environ 1 700 000 000 de litres d'essence, de
sorte que si on investissait 5 000 000 000 $: 3 000 000 000 $ dans
l'efficacité énergétique et 2 000 000 000 $ dans
l'implantation d'usines de carburant synthétique, cet effort consenti
pourrait créer jusqu'à 90 000 emplois directs et indirects. C'est
évidemment un scénario; il peut y en avoir d'autres.
Le groupe Nouveler a fait la preuve de la rentabilité commerciale
d'investissements dans le secteur de l'efficacité
énergétique. Au niveau des énergies redécouvertes
et en particulier dans l'utilisation de la biomasse forestière pour la
fabrication de carburant synthétique nous sommes d'avis que de tels
investissements peuvent être à long terme rentables au plan
socio-économique puisque, en plus de créer un nombre important
d'emplois dans le secteur forestier, ils permettront la mise en place des
programmes d'aménagement forestier nécessaires à la remise
en valeur d'importantes superficies forestières
dégradées.
D'ailleurs plusieurs autres impacts résulteraient d'un programme
de ce genre. La création d'un nouveau secteur d'activités
industrielles spécialisées dans les économies
d'énergie et les énergies redécouvertes par
l'émergence de plusieurs PME dans le domaine, le développement
d'un savoir-faire de pointe dans le domaine des technologies reliées
à l'électricité et la bioénergie qui pourrait
même être exporté en parallèle avec d'autres
technologies dans les secteur du solaire et des éoliennes afin d'offrir
un éventail complet de techniques, de compétences et
d'équipements dans les pays importateurs de pétrole et
l'augmentation de la productivité des entreprises
québécoises les rendant plus concurrentielles sur les
marchés canadien et international.
Le groupe Nouveler est d'avis que l'accélération des
programmes d'efficacité énergétique et du
développement des nouvelles sources d'énergie, s'il est
appuyé par le gouvernement du Québec, peut servir comme levier de
développement économique. Nous entendons, quant à nous,
poursuivre en ce sens notre travail de pionnier dans ce domaine et constituer
ainsi un axe de développement d'une future industrie provinciale dont le
potentiel d'exportation est, sans doute, important. Merci, M. le
Président. Je m'excuse pour avoir été un peu longue.
Le Président (M. Vallières): Merci, Mme Forget. La
parole est maintenant à M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, Mme Forget. Votre mémoire, de
même que l'exposé que vous avez fait soulignent, je crois, que ce
fut une décision sage de créer Nouveler, il y a à peine
quelques années. On se rend compte en vous écoutant ce matin que
la famille Nouveler a déjà commencé à se multiplier
en prenant des participations dans différents secteurs soit de
l'économie d'énergie ou encore des projets visant à
l'efficacité énergétique. C'est compréhensible,
bien sûr, que votre mémoire soit en quelque sorte un bilan de ce
qui a été fait; cela ressort assez clairement.
Je dois vous avouer que j'étais parmi les sceptiques, en 1977 et
en 1978 lorsque, à l'époque, mon collègue, M. Joron,
proposait que, si on allait de l'avant avec des programmes d'économie
d'énergie et d'efficacité énergétique, cela
pourrait compter pour jusqu'à 15% de la consommation globale
d'énergie au Québec. J'étais parmi les incrédules.
Je me suis réconcilié avec son point de vue en cours de route,
l'année suivante, en 1979, après la publication du livre blanc.
Quand j'ai eu à travailler ensuite plus près du dossier de
l'énergie, je me suis rendu compte que les 15% étaient
peut-être un chiffre conservateur. C'est pourquoi, dans une des axes de
la politique énergétique au Québec, nous avons
décidé de donner une grande priorité et de faire de la
place à ces différents programmes d'efficacité
énergétique. J'essaie juste de l'imaginer aujourd'hui, si
Nouveler avait été créée en 1970, par exemple, j'ai
comme l'impression qu'on aurait beaucoup de choses de faites. Les Arabes nous
auront rendu un fier service, finalement; ce sera celui de nous faire nous
rendre compte qu'on ne pourrait pas continuer indéfiniment à nous
approvisionner en payant le pétrole 25 $ ou 30 $ le baril et que
l'euphorie des années où le baril de pétrole pouvait
être acheté à 1,60 $, 1,80 $ ou même 2 $ est bel et
bien terminée.
Vous nous faites des suggestions très pertinentes et
intéressantes. Je suis un peu déçu que vous ayez
réduit votre demande de 100 000 000 $ à 10 000 000 $, je dois
vous l'avouer, parce que je suis convaincu que c'est dans cette direction qu'on
devra faire le maximum d'efforts.
Il faut tenir compte, bien sûr, des contraintes
budgétaires, mais je voudrais vous poser quelques questions plus
précises sur le méthanol et la biomasse. Il est
évident,
quand on fait un simple survol du potentiel forestier du Québec
et de toute cette matière ligneuse qui meurt et pourrit en forêt,
à toutes fins utiles, et qui constitue un gaspillage absolument
incroyable, que c'est très certainement pour les années qui
viennent un secteur d'action où il faudrait mettre des priorités.
Cela veut dire aussi investir beaucoup d'argent.
Vous allez de l'avant avec le projet Biosyn. C'est sans doute le projet
de Saint-Juste-de-Bretenières que vous avez en tête. Je voudrais
peut-être que vous nous parliez de la rentabilité à long
terme de ce projet. J'ai comme l'impression qu'on va vous regarder aller un peu
avec ce projet à Saint-Juste-de-Bretenières avant d'enclencher la
construction d'un chapelet d'usines dans tout le Québec.
Il a été dit devant cette commission plusieurs choses sur
les scénarios futurs quant à l'offre et à la demande du
pétrole sur le marché mondial - puisque le Québec est un
importateur net, c'est évident que cela nous intéresse - donc les
quantités et, deuxièmement, les prix. Je tiendrais pour acquis
que si les pays de l'OPEP nous envoyaient une facture à 60 $ le baril,
on plongerait vite dans la biomasse et dans les usines de méthanol et on
irait probablement en catastrophe.
Ma question est la suivant. Certains scénarios nous indiquent que
d'ici à 1990 -même en dollars courants - la hausse du prix du
baril serait de l'ordre de 1% en moyenne. Supposons que ce soit vrai et qu'on
se retrouve en 1990 avec 29 $ le baril plus 1%. Comment se situerait la
rentabilité des investissements - je ne parle pas du volet recherche et
développement qu'il va falloir maintenir - sur une base commerciale et
sur une base industrielle pour être en mesure de déplacer du
pétrole importé. Est-ce que cela resterait concurrentiel ou si le
méthanol reste hors marché?
Le Président (M. Vallières): Mme Forget.
Mme Forget: M. Poitras va commencer. Le Président (M.
Vallières): M. Poitras.
Mme Forget: On complétera au fur et à mesure si M.
le ministre veut d'autres informations.
M. Poitras (Ovide): Évidemment, il y a beaucoup de
facteurs qui entrent en ligne de compte pour définir la
rentabilité. Il faut regarder l'équation des deux
côtés. Premièrement, combien il en coûterait pour
produire un litre de méthanol par rapport à un litre de
pétrole importé avec toute la taxation incluse? On pense que le
méthanol pourrait être compétitif, compte tenu de son
efficacité énergétique et de la puissance qui peut
être développée dans un litre de méthanol. Par
contre, il est évident que si on taxe le méthanol au même
titre que le pétrole importé, cela pourrait changer
l'équation. Lorsqu'on parle de fiscalité dans le document, c'est
à cela qu'on veut faire appel. De la façon dont on voit le
problème, c'est que le pétrole est importé, on lui met une
taxe en sus et éventuellement chez les consommateurs, cela se traduit
par un certain prix.
On pense que le méthanol, étant fabriqué à
partir de la biomasse au Québec, créerait des activités
économiques très importantes qui pourraient à leur tour
apporter des revenus au gouvernement et ainsi peut-être ne pas obliger le
gouvernement à taxer en plus le méthanol comme on le fait pour le
litre d'essence. On pense que le méthanol pourrait être
compétitif. Maintenant est-ce qu'on parle de 1985, 1990 ou 1995? Il y a
quand même beaucoup d'étapes encore à franchir. Il faut
d'abord démontrer la viabilité technologique à grande
échelle de ce genre d'entreprise. C'est l'objet du projet de
démonstration à Saint-Juste-de-Bretenières. Si on tient
pour acquis qu'éventuellement la démonstration sera un
succès, on pense que le méthanol pourrait être
compétitif.
Entre-temps, si on veut regarder en plus la rentabilité de
l'investissement de Saint-Juste-de-Bretenières on peut le regarder en
fonction d'un éventuel couplage avec une usine pour faire du
méthanol et vendre le méthanol pour remplacer l'essence.
Saint-Juste-de-Bretenières peut aussi être un centre de
développement de toutes sortes de technologies reliées à
la biomasse, à la combustion de cette biomasse et à sa
transformation en plusieurs procédés qui pourraient être
d'autres produits chimiques comme l'ammoniaque, le furfural. On peut fabriquer
une très grande quantité de produits chimiques à partir du
gaz de synthèse qui provient d'un gazogène alimenté
à la biomasse.
De plus, comme on le mentionne dans notre mémoire, il y aurait
sûrement possibilité de coupler au gazogène des moteurs
diesels. Donc, en utilisant le gaz de synthèse qui est issu de notre
gazogène on pourrait alimenter des moteurs qui pourraient faire de
l'électricité. Évidemment, cela ne serait pas
compétitif avec les coûts de l'électricité au
Québec produite par nos grandes centrales hydroélectriques. Par
contre, cela pourrait sûrement être compétitif avec de
l'électricité fabriquée à partir du pétrole
comme dans nos réseaux isolés. Chose peut-être encore plus
intéressante à long terme, ce sont les possibilités
d'exportation de cette technologie dans des pays où
l'électricité est très chère. Déjà on
a des indications que cette
technologie serait relativement facile à exporter.
M. Duhaime: Oui, en fait, on se comprend bien. Dans un projet comme
celui de Biosyn, à Saint-Juste-de-Bretenières, on peutappeler cela un projet pilote, vous en êtes à la phase I. Je
crois qu'il y a 21 000 000 $ ou 22 000 000 $ d'investissement. Il y a deux ans,
pour la phase II, on prévoyait environ 40 000 000 $. On peut s'attendre
que cela atteigne 50 000 000 $ dans deux ou trois ans. Entendons-nous bien sur
un plan. Si on parle de développer des technologies, de faire de la
recherche et du développement, de mettre au point des technologies
nouvelles et ensuite d'utiliser ce potentiel à des fins d'exportation,
il y a un prix à payer pour cela. On ne peut pas placer cela sur la
même table de travail que le calcul sur un retour d'investissement dans
un projet industriel. Là-dessus, on se rejoint. Avant de rejoindre le
nucléaire, par exemple, on pourrait en mettre pas mal. Mais mon propos
n'est pas là.
Essentiellement, sur des bases industrielles et en tenant pour acquis
que sur le plan de la taxation il y aurait égalité des chances,
avez-vous des scénarios de préparés? Vous mentionnez dans
votre mémoire, à la page 24, en conclusion, qu'en
récupérant seulement 50% des résidus de coupe en
méthanol-carburant, on ferait une économie de 1 700 000 000 de
litres d'essence. Je vous avoue que cela intéresse tout le monde autour
de la table. Il s'agit cependant de savoir si vous avez fait un chiffrier - en
mettant de côté l'aspect très positif de la recherche et du
développement, de la mise au point des technologies, le potentiel
d'exportation, etc. - essentiellement sur la rentabilité de projets
comme ceux-là sur un horizon donné. Ce sont des investissements
lourds; les périodes d'amortissement sont de 20 à 25 ans.
J'imagine que cela doit correspondre aux périodes de financement. C'est
dans ce sens qu'il faut que vous teniez compte des prévisions, des prix
sur le marché mondial du pétrole que vous voulez déplacer.
Il y a énormément de points d'interrogation. Chacun prendra ses
risques en temps et lieu. Est-ce que vous avez des scénarios concrets
là-dessus?
Cela me paraît un peu théorique de dire qu'on pourrait
déplacer 20% de la consommation d'essence au Québec en
récupérant 50% de la matière ligneuse qui se perd en
forêt. Comme scénario, c'est dix sur dix mais, bien
concrètement, est-ce qu'on peut arriver à présenter des
projets d'investissement? Ce n'est pas écrit dans le ciel que ça
doit toujours être une société d'État qui prend des
risques quand les affaires sont plus difficiles. Si on pouvait
intéresser le secteur privé... Il faut voir poindre dans une
présentation, quelle qu'elle soit, un retour sur l'investissement.
Est-ce que des scénarios ont été préparés
dans ce sens chez vous?
Le Président (M. Vallières): Mme
Forget.
Mme Forget: Au moment de prendre la décision d'aller dans
le projet qui s'appelle maintenant Biosyn, il y a eu toute une série de
scénarios qui ont été à peine actualisés. Je
vous disais tantôt: On vous donne des ordres de grandeur. Ce sont des
exemples. Si on décidait de passer à la phase II, il est clair
qu'on vous arriverait avec quelque chose de très précis. Pour le
moment, nous en sommes au niveau des orientations et des grandes lignes. On se
dit: II y a cela comme potentiel. Si on allait jusque là, voici à
peu près ce que cela donnerait. Cela a été raffiné,
à un moment donné, pour avoir le prix du litre du
méthanol. C'est cela, votre question de fond. De mémoire, je ne
le sais pas exactement. C'était le prix de 1978 et de 1980 du litre de
méthanol comparé à celui du litre de pétrole
à la pompe à essence. Est-ce qu'on s'en souvient? Il y avait un
écart de...
M. Poitras: On prévoyait un taux d'inflation de 3% sur le
carburant en plus de l'inflation, donc, 3 $ en termes réels;
c'étaient les scénarios de base. Maintenant, comme le dit Mme
Forget, c'est un scénario pour vraiment attirer l'attention sur un
potentiel énorme. Il n'est évidemment pas question de prendre une
décision sur une somme aussi importante que cela. Donc, l'approche qu'on
préconiserait est d'y aller usine par usine, donc, de regarder, pour une
première usine, où on sera rendu à cette étape dans
à peu près deux ans, quel sera le coût du pétrole
à ce moment-là, quelles seront nos meilleures estimations
à ce moment-là du coût du pétrole. Là, on
aura aussi une meilleure idée des coûts de la technologie, ce
qu'on est en train de développer comme connaissances. On pourra alors
prendre une décision basée sur des faits plus précis. (11
heures)
Pour revenir à votre question originale, ce dont je me souviens,
c'est qu'on avait supposé un taux d'inflation réelle de 3% sur le
carburant. Si vous nous dites que, tout récemment, on a fait des
prévisions de 1% en termes courants, il est évident que les
décisions d'investir dans les usines pourraient être
reportées de quelques années.
Ce à quoi je voulais faire allusion tantôt, c'est
qu'advenant cette possibilité, ce qu'on veut bien faire ressortir, c'est
que les 21 600 000 $ qui sont prévus pour le projet Biosyn ne seront pas
nécessairement mis dans
les boules à mites et inutilisé. On a déjà
prévu des scénarios de rechange. L'objectif primaire demeure le
méthanol. Par contre on pourrait aussi éventuellement utiliser
cette technologie à d'autres fins.
Le Président (M. Vallières): Pour les fins du
journal des Débats, il s'agit de M. Rocheleau, je crois.
M. Rocheleau (Robert): Oui.
Le Président (M. Vallières): M.
Rocheleau.
M. Rocheleau (Robert): De façon pratique, lors de notre
scénario de base à l'époque, nous essayions de toujours
faire une relation avec le prix du baril international. Évidemment,
comme vous vous souvenez, le coût a déjà été
de 36 $ du baril, il est maintenant d'environ 29 $. Nous, nous visions à
l'époque un prix d'environ 45 $ à 50 $ du baril. Selon
l'augmentation du pétrole, la rentabilisation d'une usine de
méthanol au Québec, pour la première, est toujours en
relation avec le prix du pétrole. C'est pour cela qu'on travaille
d'autres scénarios pour le développement de la technologie.
Advenant le cas que le prix du baril, en 1988 ou 1990, ne soit que de 35 $,
cela reporte d'autant la création d'usines de méthanol au
Québec.
M. Duhaime: Pour mettre au point un scénario à
partir de Biosyn, à Saint-Juste-de-Bretenières, est-ce que cela
voudrait dire qu'il faudrait nécessairement aller de l'avant avec la
phase II avant de pouvoir monter un scénario pour agrandir ou si on
arrête à la phase I?
Mme Forget: Si je peux faire une analogie avec les grands
producteurs en hydroélectricité, ils nous disent: Voici le
potentiel aménageable et voici les retombées et les revenus
possibles. Maintenant, il est aménageable dans le temps, il n'est pas
toujours économiquement aménageable à ce moment-ci. Je
pense que notre texte dit un peu cela. C'est aménageable, d'une part, il
y a deux problèmes en même temps, il y a du pétrole
importé et une forêt qui est en train de mourir. On se disait: II
y a un prix à payer pour laisser mourir la forêt, il y a
peut-être un prix à mettre dans la machine pour déplacer un
pétrole. Tout le monde est gagnant, même si le méthanol
sortant est un peu plus élevé au litre que le pétrole
qu'on aura ici.
Il y a des espèces de subventions d'un secteur à un autre.
J'appelle cela ainsi parce que je n'ai pas le bon terme. C'est une approche qui
est ancrée dans cette grande orientation qui dit: Probablement que,
d'ici quinze ans, à moins de grandes surprises, on devrait pouvoir avoir
une série d'usines de méthanol.
M. Duhaime: J'insiste un peu sur cette question parce que, en
plus de la matière ligneuse qui se perd en forêt après les
coupes, il y a aussi les forêts qui ne sont pas coupées du
tout.
Mme Forget: II y a des essences qui sont plus nécessaires
aussi, etc.
M. Duhaime: On ajoute aussi au Québec un
phénomène qui est en train de se dramatiser ces années-ci,
c'est l'appétit de la tordeuse de bourgeons d'épinette et on a un
vrai problème sur les bras. Si on avait un scénario pour faire en
sorte que ce qu'on appelle le bois de tordeuse, qui ne peut pas être
absorbé par les producteurs de pâtes et papiers... Si on pouvait
approvisionner les usines de méthanol de ce bois, cela réglerait
mon problème, en tout cas.
Mme Forget: Si cela entre dans le scénario, M. le
ministre, cela vient déjà de baisser le prix du litre du produit
fini. C'est ce genre d'analyse qu'il faut faire de façon beaucoup plus
poussée. Nous, quand nous l'étudiions, nous achetions l'ensemble
de la matière première, nous installions des usines proches de la
matière première pour éviter des coûts de transport.
Il y a une série de coûts construits les uns dans les autres. En
1978 et 1979, nous arrivions avec une différence suffisamment
significative pour qu'on n'ait pas le goût d'aller tout de suite dans une
deuxième phase et d'accélérer la première.
Maintenant, on fait la première parce que, depuis, de nouvelles
technologies s'ajoutent, qu'il est possible - comme l'a dit M. Poitras - de
coupler notre gazogène avec une série d'autres technologies et
d'exporter, parce qu'il y a un marché pour la machine
elle-même.
Ce qui sortira de cet équipement après, il peut y avoir
plusieurs choses, mais le méthanol est sans doute le plus
intéressant pour nous, compte tenu de l'environnement de la
matière première qui est là. On pourrait aller vers la
tourbe aussi, pas seulement la biomasse forestière. On a davantage
parlé de l'autre, mais on pourrait régénérer les
terres une fois la tourbe enlevée. On sait que ce sont des terres
incultes, mais qui pourraient être retournées à la culture
aussi. Cela pourrait aussi intéresser le gouvernement au sens large.
On ne pensait pas devoir discuter d'un scénario plus
précis, parce qu'on n'est pas à l'étape de la
réflexion d'un "go, no go" là-dedans, on est vraiment à
l'étape de s'assurer que notre équipement va être aussi
efficace que les chercheurs nous l'ont dit. On est à l'étape de
la démonstration d'un équipement et si c'est vraiment ce qu'on en
espère, on va se mettre tout de suite à
regarder l'autre étape.
M. Duhaime: Une dernière question: Je n'ai pas
regardé les états financiers de Nouveler récemment, mais
depuis que la compagnie a été créée et mise au
monde, combien d'investissements ont été engagés par
Nouveler et ses partenaires dans vos activités?
Le Président (M. Vallières): M.
Rocheleau.
M. Rocheleau (Robert): Depuis la création de Nouveler - je
vais commencer par l'historique - nos actionnaires ont investi dans Nouveler,
au moment où on se parle, la somme de 9 500 000 $ par étapes, une
moyenne de 2 000 000 $ par année. De cette somme, nous avons investi, au
moment où on se parle, près de 6 000 000 $ et nous avons des
engagements pour un montant additionnel de 2 000 000 $ actuellement, à
titre de participation de Nouveler dans des entreprises. Nos partenaires ont
mis, en moyenne, à peu près l'équivalent. Nous avons des
participations qui varient actuellement entre 37% et 90%. Pour conclure, on
pourrait dire qu'au total, avec nos partenaires du secteur privé, nous
avons investi actuellement environ 15 000 000 $.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'ai l'impression que les
gens de Nouveler doivent être fiers des progrès qu'ils ont faits.
Il me fait plaisir de constater que le démarrage est plus
qu'amorcé et qu'on s'engage dans des réalisations
importantes.
Ma première question a trait à votre philosophie de
fonctionnement. Vous avez indiqué plusieurs actions concernant
l'efficacité énergétique avec des associés, soit
pour la mise au point et, éventuellement, la mise en marché de
différentes technologies, que ce soit la pompe à chaleur eau-air,
etc. Quelle est votre philosophie de fonctionnement? Est-ce que, dans tous les
cas, vous avez un partenaire qui s'occupe de la mise en marché comme
telle, ou si Nouveler se limite à la mise au point, en collaboration
avec des partenaires et qu'elle les pilote, mais lorsque arrive la
période de commercialisation, elle la laisse entre les mains d'un
associé ou si elle le fait elle-même?
M. Rocheleau (Robert): D'accord.
Le Président (M. Vallières): M.
Rocheleau.
M. Rocheleau (Robert): Ce que vous nous demandez au sujet de
notre mode de fonctionnement est une question assez importante. Beaucoup de
gens de l'extérieur peuvent penser qu'on est un organisme pour aider
à financer des entreprises seulement et dans lequel ils voient une
opportunité d'obtenir des subventions. En fait, la mission même de
Nouveler, c'est de commercialiser les nouvelles technologies dans les deux
secteurs d'activité où nous oeuvrons, seuls ou avec des
partenaires. D'une façon pratique, on essaie d'identifier des besoins
tant au point de vue de l'utilisateur qu'au point de vue de ce qui se passe,
par exemple, dans nos centres de recherche et dans le milieu universitaire
concernant les nouvelles technologies. Nous voulons commercialiser; notre
priorité, c'est la commercialisation. Et pour faire cela à moyen
et à long termes, je vous parlerai tantôt des
démonstrations. Les partenaires qui s'associent avec nous ou que nous
recherchons sont des gens qui, d'une part, ont besoin d'aide tant au point de
vue gestion qu'au point de vue développement futur de leurs produits et
qui, d'autre part, ont besoin aussi de sources de fonds, qu'on appelle capital
de risque. Il est évident que Nouveler, par sa fonction et dans la
sphère d'activité dans laquelle elle fonctionne, est
assurément une compagnie qui investit dans du capital de risque auquel
plusieurs compagnies de ce genre n'ont jamais cru en pratique. Elles laissaient
cela aux autres avec le résultat que sur nos sept activités
commerciales, on en a cinq qui ont été créées
à partir de zéro, de la théorie à la pratique. Nous
n'avons pris actuellement que deux participations dans des entreprises, l'une
à 50% et l'autre à 37%, pour leur aider à prendre de
l'expansion et même, dans l'un des cas, lui éviter la faillite. En
pratique, nous avons une division qui s'appelle Gestion des filiales dont M.
Dupré est le vice-président responsable. Nous nous impliquons
dans le fonctionnement de la compagnie pour les soutenir dans leur
développement et dans leur gestion. On fait aussi de la formation au
niveau de la PME, tout en développant l'intérieur de notre...
M. Fortier: Mais, de toute évidence, cela a
été discuté et je me souviens d'une commission
parlementaire où des représentants de la SGF étaient venus
nous en parler. Il s'agissait de capital de risque. On nous avait dit
également que ce serait un appui à l'entreprise privée.
Hier, on discutait justement de firmes qui existent au Québec dans le
domaine solaire, des firmes spécialisées. Je pense que vous
êtes d'accord avec moi qu'aucune compagnie ne peut être
spécialisée dans tout pour faire la commercialisation mondiale de
toutes sortes de technologies. J'aurais pensé que votre philosophie
aurait été plutôt d'aider la ou les quelques compagnies qui
sont spécialisées dans des technologies très
spécifiques. Ce
que vous me dites, c'est que vous voulez faire la commercialisation
d'absolument tout, de ce que vous allez développer.
M. Rocheleau (Robert): Non, absolument pas.
M. Fortier: À ce moment-là, je dois vous avouer que
j'ai des inquiétudes. Prenons l'exemple de l'énergie solaire. Si
on veut la rentabiliser, en particulier, il faut en faire le marketing à
l'échelle mondiale et, à ce moment-là, cela va vous amener
à créer des équipes de marketing à une
échelle mondiale dans toutes les spécialités que vous
allez développer vous-mêmes, si je conclus selon la réponse
que vous m'avez donnée.
M. Rocheleau (Robert): D'accord. Il y a deux choses: soit que je
m'explique mal, soit que... On pourrait prendre l'exemple auquel vous vous
référez. Notre mémoire mentionne qu'on va avoir une
implication à très court terme dans le domaine solaire. Vous
savez, quand on regarde les énergies nouvelles, cela faisait partie de
nos préoccupations d'essayer de faire des interventions dans le domaine
de la biomasse, du solaire, de l'énergie éolienne et autres.
Depuis notre création, on s'intéresse, à notre section de
développement, à l'intérieur du holding, à trouver
des technologies efficaces ou qui sont peut-être en avance sur d'autres.
Le but de Nouveler, ce n'est pas de prendre des acquisitions de participation
dans des compagnies avec des technologies existantes en très grande
concurrence, soit sur le marché canadien ou international. Dans le
domaine solaire, ce qu'on essayait de trouver, c'était une nouvelle
technologie de pointe, c'est-à-dire une nouvelle
génération de capteurs solaires. On a cherché. On a
essayé d'avoir beaucoup d'information et, souvent, quand c'est à
un certain stade dans les centres de recherche ou autres, si on appelle, c'est
secret, pourtant cela n'est pas annoncé. Ce cas-là est un peu
frappant et c'est peut-être justement en rencontrant des gens des centres
de recherche ou oeuvrant dans d'autres activités, même dans le
milieu international, qu'on peut découvrir aussi des technologies plus
avancées dans le monde ou qui peuvent être
développées au Québec, une ancienne
génération.
Dans le domaine solaire, ce qui s'est produit de façon
concrète, c'est que, lors d'une mission économique
parrainée par le ministère des Affaires intergouvernementales ou
par le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, j'ai
assisté à une démonstration où, avec la permission
de l'Institut national de la recherche, on venait de donner l'autorisation
à M. Pierre Boisvert, un promoteur dans le domaine solaire au
Québec et, depuis quelques années, dans le domaine du
développement... J'ai assisté à cette démonstration
pour me dire qu'en fait, c'est... On en cherche au Québec; il faut aller
au Japon pour découvrir qu'il vient de se développer une
très belle technologie au Québec. Il y a une avance
technologique, à notre point de vue. Après y avoir fait des
études, on est en avance sur les générations de capteurs
actuelles.
Notre intérêt, là-dedans, c'était justement,
enfin, une technologie à développer, parce que c'est une
technologie de base. Il faut la commercialiser, il faut encore la
développer. On a été approchés pour savoir,
premièrement, si Nouveler avait toujours intérêt à
développer et à commercialiser des technologies de pointe dans ce
secteur. Évidemment, on était très
intéressés. On est finalement venus à une entente avec les
personnes impliquées. D'ici peu, nous allons commercialiser cela avec ce
groupe qui est piloté par M. Pierre Boisvert. Au Québec, comme
certains le savent, il y a deux fabricants; il y en a 18 au Canada. C'est une
industrie difficile parce que ce n'est pas compétitif avec nos sources
d'énergie. Par contre, c'est une industrie à grand potentiel
international. Ce que nous voulons faire, c'est une usine d'assemblage au
Québec et également l'exportation, soit de produits ou sous
licence.
M. Fortier: Ma question sous-tendait deux problèmes.
Premièrement, est-ce qu'on va favoriser, avec Nouveler, une série
de compétiteurs québécois? N'y aurait-il pas avantage
à consolider les quelques compagnies qui oeuvrent dans ce secteur?
Autrement dit, je commence à m'inquiéter du fait qu'on va
créer trois ou quatre compagnies dans le domaine solaire alors que le
marché est international et qu'on a peu de marché ici même.
C'est une inquiétude que j'ai.
M. Rocheleau (Robert): C'est une inquiétude... (11 h
15)
M. Fortier: Est-ce que vos activités vont amener une
prolifération de filiales où chacune aura besoin d'un marketing
international? C'est de la pure folie, parce qu'on est en concurrence avec les
Américains, les Japonais et tout le monde. C'était une de mes
inquiétudes. La deuxième c'était justement le fait qu'une
collaboration, même sur le plan technologique, pourrait peut-être
amener de meilleurs produits si vous collaboriez avec des gens qui sont
déjà dans le métier. Même sur le plan technologique,
quelle est la nécessité d'assurer une certaine
prolifération des différentes technologies?
Le Président (M. Vallières): M.
Rocheleau.
M. Rocheleau (Robert): Sans expliquer trop longtemps notre
fonctionnement, on tient compte de ces remarques tous les jours. Le but de
Nouveler, si on veut projeter dans cinq ans, est de ne pas avoir des
participations dans 40 entreprises. Actuellement on est au début, on en
a sept. On veut développer avec l'entreprise privée, nos
partenaires, des capacités de production ou des compagnies de services
les plus fortes possible. Chaque fois que nous prenons une décision
d'intervention dans un dossier, une des questions qu'on se pose est: Est-ce
qu'une entreprise existe au Québec dans le même secteur? Est-ce
qu'on est là pour aller lui faire concurrence ou pour faire un certain
mariage? Sur une base commerciale, vous savez, des fois les mariages sont
faciles et des fois ils sont difficiles. Des fois on n'a pas la même
philosophie de développement qu'une entreprise mais il reste que nous
considérons, en tant que direction de Nouveler, que notre rôle
doit justement être un support pour tous ceux qui veulent se
développer, qui ont besoin d'aide, de capital de risque et, en
même temps, d'amélioration dans leur marketing, dans leur
développement et même dans la fabrication.
M. Fortier: Pour revenir au projet de
Saint-Juste-de-Bretenières, je suis un peu surpris des réponses
que j'ai entendues aujourd'hui si je compare avec les réponses que
j'avais vues dans les journaux. Je pense que le ministre avait répondu
à une question du député de Bellechasse que la
construction commencerait incessamment. Selon ce que vous me dites, le
"incessamment" n'est pas défini, ce sera dans plusieurs
années.
Mme Forget: C'était hier après-midi ou ce
matin.
M. Fortier: Pardon?
M. Rocheleau (Robert): "Incessamment", cela a
débuté hier.
M. Fortier: Oui? Quel est l'état du projet comme tel?
M. Rocheleau (Robert): Au point de vue de la construction?
M. Fortier: Oui.
M. Rocheleau (Robert): Les travaux d'infrastructure ont
débuté hier. On a un programme de douze mois au point de vue
construction?
M. Poitras: Oui, si vous voulez, juste deux secondes.
Le Président (M. Vallières): M. Poitras.
M. Poitras: L'ingénierie de détail est
avancée à 40% actuellement. L'ingénierie de
procédé est avancée probablement à 60%. On a
effectivement commencé la construction hier, le creusage, le
génie civil. On pense que le commencement de la mise en service du
gazogène devrait être vers les mois de juin ou juillet de l'an
prochain.
M. Fortier: On parle d'une usine de méthanol.
M. Poitras: Non, on parle juste de la phase I qui consiste
à gazéifier la biomasse. Ce qu'on sort c'est un gaz de
synthèse pour l'instant. On le brûlera probablement à
moins, comme je le disais, qu'on ait un autre projet parallèle. Pour
l'instant l'objectif est de démontrer qu'à partir d'une biomasse
donnée, à une quantité d'humidité, etc., avec le
type de biomasse qu'on a au Québec, on peut produire un gaz de
synthèse de qualité suffisante pour éventuellement faire
du méthanol ou d'autres produits chimiques. Donc, vers les mois de juin
ou juillet prochains on devrait mettre les équipements en marche.
Comme je le disais, c'est un projet de démonstration et le rodage
sera beaucoup plus long qu'une usine normale. Au lieu de prendre de trois
à six mois pour roder, on prendra probablement un an; il faut
réviser certains concepts d'ingénierie de procédé
pour améliorer continuellement. Fin 1985, on pense avoir
démontré que l'état de la technologie est efficace.
M. Fortier: J'avais lu dans les journaux qu'on parlait d'une
usine de méthanol. C'était l'objectif ultime...
M. Poitras: C'est cela.
M. Fortier: ...mais vous dites que ce n'est pas une usine de
méthanol, c'est simplement un gazogène...
M. Poitras: La phase...
M. Fortier: ...qui produira un produit qui ne sera pas utile dans
l'immédiat. Ce n'est pas un produit commercial dans
l'immédiat.
M. Poitras: II faut expliquer. Pour produire du méthanol
il y a vraiment deux phases bien distinctes: la matière première
qui peut être du gaz naturel, du charbon ou, dans notre cas, de la
biomasse. On transforme la biomasse en un gaz. Partir du gaz pour faire du
méthanol, c'est de la technologie tout à fait conventionnelle qui
est connue de tout le monde. Ils en font depuis longtemps. Donc, la phase II
n'est pas du tout un projet de démonstration. Il faut amener la
technologie à une étape où on
sera assez "secure" sur les coûts, les performances et les
qualités du gaz pour, éventuellement, faire du méthanol.
Ce qui signifie qu'au milieu de l'année 1985 on sera probablement en
mesure de prendre une décision à savoir si oui ou non on va de
l'avant avec la phase II qui, elle, comme disait M. le ministre, pourrait
coûter 50 000 000 $ de 1980. Donc, en dollars de l'époque, cela
pourrait être un peu plus.
M. Fortier: Une usine de méthanol a été
construite en Colombie britannique, je pense même que c'est la firme
Lavalin qui y avait été associée. Voici la question que
j'aimerais poser. S'il y a déjà une technologie qui existe pour
faire du méthanol et si c'est votre objectif ultime, pourquoi passer par
ce processus dans lequel vous êtes engagés qui va peut-être
développer des nouvelles technologies, mais qui semble un
procédé beaucoup plus long que d'utiliser une technologie
déjà existante qui vous amènerait à produire du
méthanol que vous pourriez commercialiser beaucoup plus rapidement?
M. Poitras: La différence est dans la source initiale de
matière première. En Colombie britannique, on fait le
méthanol à partir de gaz naturel; dans certains autres endroits
dans le monde, on le fait à partir du charbon.
M. Fortier: Ce n'est pas à partir du bois en Colombie
britannique?
M. Poitras: Non, non, non. M. Fortier: Non.
M. Poitras: C'est cela. Le projet de Saint-Juste est le premier
au monde au point de vue commercial pour fabriquer du méthanol. Donc, ce
qu'on veut, c'est à partir d'une ressource renouvelable et d'une
nouvelle source d'énergie redécouverte faire du méthanol
plutôt qu'avec les sources conventionnelles. C'est la différence
entre le mandat de Nouveler et celui des gens dans l'Ouest.
M. Fortier: Dans vos recommandations, à la page 22, vous
dites que le gouvernement devrait adopter les priorités suivantes.
C'étaient des recommandations de priorités. Vous écrivez:
Renforcer les programmes d'efficacité d'énergie dans le secteur
résidentiel et institutionnel. Que voulez-vous dire par là?
M. Poitras: J'ajoute simplement que le mémoire a
été fait au mois de mars et depuis ce temps, beaucoup de choses
se sont passées.
M. Fortier: Je parle du texte du 22 septembre.
M. Poitras: Donc "renforcer", déjà il y a eu
beaucoup de cela à travers les différents programmes, entre
autres ENERDEMO du gouvernement fédéral qui a mis à la
disposition de l'entreprise québécoise un fonds de 29 000 000 $
pour développer de nouvelles technologies, entre autres, dans le secteur
de l'efficacité énergétique.
M. Fortier: Oui.
M. Poitras: II y a les programmes mixtes, ÉnerSage et
Énergiebus. On devrait aller encore plus de l'avant vers le
développement et l'encouragement de nouvelles technologies à
haute efficacité.
M. Fortier: D'accord. Ensuite vous parlez
d'accélérer l'utilisation de la biomasse aux fins
énergétiques. On a eu ici des représentants de BioShell
qui nous ont dit leur difficulté. Le prix du pétrole et
même les programmes de substitution du pétrole ne s'appliquent pas
- je crois que c'est ce qu'ils ont dit - à la biomasse. Est-ce bien ce
qu'ils ont dit? Ils étaient un peu surpris, étant donné
que l'objectif était le remplacement du pétrole par le gaz, que
les subventions qui étaient disponibles l'étaient uniquement pour
ceux qui faisaient des changements dans leur mode de combustion ou de
production de chaleur, soit à l'électricité, soit au gaz,
mais les subventions ne s'appliquent pas à ceux qui voulaient utiliser
la biomasse. Alors je me demandais si vos préoccupations étaient
du même ordre que ceux de BioShell. Enfin, c'est du même ordre,
mais vous n'avez pas de recommandations spéciales.
Mme Forget: Nos préoccupations, M. le Président,
sont dans un avenir à plus long terme. Je pense que c'est comme cela
qu'il faut les situer. Toute notre réflexion sur la biomasse... On vient
de vous dire qu'au mieux, notre usine de démonstration du
gazogène pourrait nous permettre, à la fin de 1985, de
réfléchir sur cette question: Est-ce qu'on va aller produire
commercialement du méthanol à partir de la biomasse? On
insère cela dans la nécessité aussi pour le gouvernement
du Québec de définir au plus vite lui-même sa politique de
protection des forêts ou de réaménagement des forêts.
On n'est pas maître de cela évidemment, mais si on n'annonce pas
nos couleurs assez tôt, il y a des risques que le prix du litre de
méthanol en 1988 ou 1990 ne soit pas intéressant pour le client.
Ce sont là des orientations.
Maintenant, pour la question des produits de BioShell, on pourrait avoir
la même plainte quant au programme entre autres biénergie. Nous
produisons une pompe
à chaleur eau-air qui est extraordinaire comme efficacité,
qui coûte un peu cher et qui n'est pas admissible au programme de
remplacement du pétrole. Pourtant, cela déplace toutes les autres
sources, parce que c'est autonome.
Voyez-vous...
M. Fortier: Alors vous n'en faites pas la demande.
Mme Forget: Selon le marché dans lequel on est, on n'est
pas heureux de certains programmes.
M. Duhaime: ...demande à la page 22.
M. Fortier: Pardon? Une demande à la page 22.
M. Duhaime: Mise en place d'un programme de subventions pour
financer, au même titre que les appareils de chauffage
déplaçant le mazout, la pompe à chaleur eau-air. Il a bien
compris votre message tantôt.
M. Fortier: D'accord. Merci. Merci. Évidemment c'est parce
que...
Mme Forget: Voilà. Voyez-vous comme on est bien une
entreprise privée, on a le même type de doléances.
M. Fortier: Parce que j'étais pour dire que s'il va sans
dire, ça va encore mieux en le disant mais... Page 25, votre fonds
spécial de 10 000 000 $.
Mme Forget: Oui.
Une voix: Est-ce que vous êtes déçu, vous
aussi, qu'on ait réduit là?
M. Fortier: Oui, alors vous dites que ce fonds serait
géré par Nouveler avec l'implication étroite des centres
de recherche et des universités. Est-ce que vous en avez discuté
avec tout le monde. On a entendu hier des universités, polytechniques et
autres. Est-ce que tout le monde serait heureux de cette façon de
procéder? Est-ce que cela fait consensus autrement dit?
M. Poitras: Je ne sais pas s'ils seraient définitivement
heureux que ce soit Nouveler plutôt qu'eux-mêmes. Je ne peux pas
répondre pour eux. Par contre, ils sont définitivement
intéressés à travailler avec nous pour plusieurs raisons.
La raison principale du fonds, c'est qu'actuellement il existe certains
programmes qui subventionnent la recherche pure. Il existe aussi maintenant
avec ÉNERDEMO et Énergiebus et ÉnerSage des programmes qui
subventionnent des projets de développement à l'étape
presque commerciale. Ce qui manque, c'est l'étape entre les deux.
Très souvent, on a des gens du Québec qui viennent nous voir, des
universitaires, des inventeurs, des "patenteux" souvent même. Ils
viennent voir Nouveler et nous disent: On offre quelque chose
d'intéressant, pouvez-vous avec nous développer cette
technologie? Mais ce n'est pas dans notre mandat. Souvent, la technologie n'est
vraiment pas assez avancée. Nous, nous nous situons quand même
à l'étape commerciale. Dans certains cas, on fera des projets de
démonstration commerciale où on se dit: Dès que cela
fonctionne, on s'en va dans le commercial. Il y a une lacune dans le milieu.
Nous nous disons qu'on connaît bien les besoins des clients, les besoins
de la population pour certains produits. D'un autre côté, les
chercheurs ont de bonnes idées. Donc, ensemble on pourrait faire un lien
intéressant et travailler conjointement. C'est dans cet ordre
d'idées qu'on suggère de créer un fonds spécial. On
parle de Nouveler, mais évidemment cela se ferait en collaboration. La
recherche serait faite par les centres de recherche et les universités.
Elle ne serait pas faite par Nouveler. Par contre, on pense qu'on a un input
important à cause maintenant de notre expérience sur le
marché.
Mme Forget: M. le Président, je ne sais pas si je peux,
par déformation, faire comme à la cour et demander la permission
d'amender. On pourrait bien augmenter cela à 50 000 000 $ si vraiment
cela rend les deux côtés... On était allé
modérément, étant donné qu'il y a des coupures
partout. On se disait: mieux vaut être assuré d'un petit 10 000
000 $, mais vraiment l'avoir, que de courir après 50 000 000 $ et ne
jamais l'obtenir. Maintenant...
M. Fortier: Vous devriez toujours savoir qu'en politique il faut
demander plus pour en avoir moins.
Mme Forget: Mais par les temps qui courent, cela ne semblait pas
tout à fait exact, M. le Président. En tout cas, on a voulu
être raisonnable, mais bien vous faire comprendre qu'il y avait là
vraiment un creux et que cela empêche l'accélération de
certains équipements et de certaines technologies.
M. Fortier: Je suis heureux d'apprendre d'Ovide Poitras que,
comme député, lorsqu'on reçoit des appels de gens, de
"patenteux", et qu'on ne sait pas quoi faire avec, on les envoie à Ovide
Poitras. Cela me fait plaisir.
Mme Forget: On les reçoit tous, tous. M. Poitras:
Mais on n'a pas d'argent
pour eux, malheureusement.
M. Duhaime: M. le Président, juste un petit mot
là-dessus.
Le Président (M. Vallières): Oui, une petite
intervention, M. le ministre.
M. Duhaime: Oui, sur ce point. Le Centre de recherche
industrielle, qui est le refuge permanent de tous les "patenteux" du
Québec dans toutes les directions, est-ce qu'il ne pourrait pas remplir
le créneau que vous identifiez comme un vide? Le Centre de recherche
industrielle travaille aussi bien dans le secteur manufacturier que... Vous
êtes dans le secteur manufacturier de toute façon. Est-ce que la
réponse à votre question ne serait pas là, au CRIQ?
Le Président (M. Vallières): M. Poitras.
M. Poitras: En partie. Le CRIQ travaille surtout sur du
développement de technologies très près de la
commercialisation, beaucoup plus. Ce qu'on identifie, nous, c'est avant cela.
Le CRIQ remplit définitivement une fonction importante et la remplit
surtout avec des entreprises existantes. Donc, souvent, le "patenteux" ou le
professeur d'université, de son côté, n'a pas
déjà une compagnie existante, il n'a pas non plus une structure
pour vraiment gérer un programme de recherche. C'est à ce joint
qu'on pense. Nous parlons avec presque toutes les universités, avec les
différents centres de recherche au Québec. C'est à la
suite de ces rencontres, de ces discussions et aussi avec les gens du
ministère qu'on a identifié qu'il y a peut-être là
un créneau qu'il faudrait combler. Le risque financier à ce
niveau est très grand, comparé au niveau d'une
démonstration commerciale. Il y a peut-être un projet sur 20 ou
sur 50 qui va vraiment aboutir à une entreprise en bonne santé.
Donc, c'est là que le risque est énorme. On ne pensait pas que
c'était le rôle de Nouveler d'assumer ce genre de risque. C'est un
risque qu'il faut assumer à beaucoup plus long terme.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Outremont, c'est terminé?
M. Fortier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Vallières): J'ai une demande
d'intervention du député de Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, je voudrais tout d'abord
profiter de l'occasion pour accueillir Mme Forget, ce matin, à la
commission permanente de l'énergie et des ressources dans une
atmosphère plus civilisée que la dernière fois qu'on l'a
reçue. J'ai des inquiétudes sur... (11 h 30)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Tremblay: J'ai des inquiétudes sur les
possibilités de rentabiliser la production de méthanol par du gaz
provenant de la biomasse. Sûrement que vous avez fait des calculs et que
vous avez regardé cela un peu pour le savoir. Si, éventuellement,
vous réussissez à faire du gaz, est-ce qu'il sera meilleur
marché que le gaz naturel, puisqu'une autre entreprise pourrait
décider de faire du méthanol si la demande est assez grande
à même le gaz pendant qu'on aura développé une
technique pour faire du gaz à même la biomasse? Est-ce que vous
prévoyez que cela pourrait être moins cher que le gaz naturel?
Mme Forget: On a dit un peu plus tôt - je pense que M. le
député n'était pas encore arrivé - que, sur ce
point-là, selon les analyses faites en 1978 et 1980, il est
évident qu'un litre de méthanol n'est pas compétitif et
est plus élevé qu'un litre de pétrole ou enfin un litre
d'essence qu'on met dans nos voitures par les temps qui courent, c'est clair;
et que la décision d'aller vers la production massive de méthanol
allait être évaluée quelque part vers la fin des
années quatre-vingt-cinq, une fois que l'expérimentation du
gazogène aura été complétée, qu'on sera
d'abord sûr de la qualité de notre équipement. Comme il a
été souligné plus tôt aussi, on peut faire du
méthanol avec toutes sortes de choses. On en fait avec de la canne
à sucre, avec de la bagasse, avec quatre ou cinq trucs du gaz, avec de
la tourbe. Il y a toutes sortes de possibilités. Il peut y avoir toutes
sortes de compétiteurs sur le marché le jour où enfin on
va penser qu'on a trouvé vraiment la bonne ligne et que c'est
compétitif.
On tentait une approche nouvelle qui permettrait de coupler d'autres
instruments ou d'autres équipements et d'aller aussi vers les
marchés d'exportation. Si on parle d'une reprise économique ou
d'une santé économique au Québec, il ne faut pas juste
penser à notre marché local. C'est évident qu'ici on peut
vendre beaucoup de méthanol. Je ne pense pas qu'on va se lancer dans
l'exportation. Il ne faudrait pas que quelqu'un sorte et aille raconter cela.
Exporter le gazogène, par exemple, qu'on va avoir réussi à
faire fonctionner, parfait. On pourrait en faire un tas d'utilisations à
travers le monde, dans les eaux éloignées. Dans les petits
centres, on veut procéder à l'électrification ou on a
besoin d'essence pour les voitures. Il y a une foule de choses possibles. On
peut aussi faire de l'engrais, comme on l'a souligné. Cela rend moins
dépendants des peuples qui autrement ne peuvent pas s'offrir
- je n'ose pas dire de grands barrages - de grosses usines de
production, de grosses raffineries.
Situé dans un tout, on est tous gagnants comme
collectivité. Vous ne me ferez jamais dire que, demain matin, on va vous
vendre le litre de méthanol, avec les données d'aujourd'hui,
moins cher que le litre de carburant ordinaire. Je pense qu'il n'y aura
personne qui pourra vous dire cela aujourd'hui. Je me mets bien dans le
contexte.
M. Tremblay: Ma question ne portait pas sur le méthanol.
Je constate que le méthanol peut être fabriqué...
Mme Forget: ...de diverses façons.
M. Tremblay: ...de diverses façons. Ce qui me
préoccupe est de dire ceci: S'il y avait un marché pour le
méthanol et si ce marché était comblé de
différentes manières, est-ce que le gaz naturel serait moins cher
que l'utilisation de la biomasse?
Le Président (M. Vallières): M. Rocheleau.
M. Rocheleau (Robert): Pour répondre à votre
question, comme on l'a dit tantôt - je ne le répéterai pas
- il y a plusieurs façons de faire du méthanol. Si vous
êtes dans l'Ouest canadien, avec beaucoup de gaz comme ressource
naturelle, eux, dans leur région, cela va être sûrement plus
rentable et plus économique de faire du méthanol à partir
du gaz. Il y a d'autres pays ou il y a d'autres provinces - si on parle
seulement du Canada - qui sont obligés... Si vous voulez fabriquer au
Québec, par exemple, une usine de méthanol à base de gaz,
il y a le coût du transport à ajouter. On a beau dire que cela ne
coûte pas cher, cela coûte énormément cher.
Notre stratégie est plutôt d'avoir une capacité
d'usine pour répondre à des régions. Par exemple,
même au Québec, on n'a jamais entrevu la possibilité
d'avoir une superusine de méthanol. On a toujours pensé, si un
jour, c'était rentable, d'en avoir peut-être trois ou quatre pour
éviter justement la question de l'augmentation du coût du
transport. Vous êtes près de vos ressources. Vos ressources, c'est
quoi au Québec? C'est la biomasse, disons. C'est le point principal.
Dans d'autres pays, ils ont le même phénomène. Il y
en a qui ont de la bagasse, du charbon. Ils prennent leurs ressources pour
avoir le prix de revient le plus rentable possible dans leur région.
Fabriquer au Québec une usine de méthanol avec du gaz, on n'en
voit pas la rentabilité; ça pourrait l'être pour
l'Ouest.
M. Tremblay: Dans ce sens, des gens nous ont
suggéré de demander au gouvernement fédéral de
libéraliser le prix du gaz. Quels seraient les effets d'une
libéralisation du prix du gaz naturel sur la possibilité de
rentabilité de la fabrication du gaz avec la biomasse?
M. Poitras: Est-ce que la libéralisation ferait baisser ou
augmenter le prix du gaz?
M. Tremblay: Je vous le demande.
Le Président (M. Vallières): M. Poitras.
M. Fortier: L'hypothèse était que la
libéralisation ferait baisser le prix du gaz.
M. Poitras: II est évident que toutes les nouvelles sortes
d'énergie sont relativement difficiles à rentabiliser
comparativement aux sources traditionnelles qui se font à grande
échelle. Pour reprendre un énoncé de M. Rocheleau, oui, on
pourrait fabriquer du méthanol avec du gaz naturel à meilleur
prix qu'avec de la biomasse, surtout si on veut d'immenses usines. Les usines
de l'Ouest, en particulier celles de la Colombie britannique, fabriquent
l'équivalent de 2000 tonnes par jour. Ce sont vraiment des usines
à l'échelle mondiale. Pour vivre, elles doivent exporter
partout.
La stratégie que nous avons est celle d'un développement
plutôt régionalisé avec des usines qui seraient beaucoup
plus petites, étant donné qu'on ne peut pas non plus transporter
la biomasse sur de grandes distances; il s'agit donc de le faire sur une
échelle beaucoup plus régionale. Ce qu'on pourrait même
penser, c'est éventuellement, avec la même quantité de
biomasse, de faire plus de méthanol. Il y a moyen de le faire en
couplant le gaz de synthèse avec du gaz naturel, par exemple. Donc, si
on voulait aller entre les deux et rendre tout le monde heureux, il y aurait
sûrement moyen de le faire.
Un autre moyen est aussi d'utiliser l'électricité. Dans
notre procédé, on a besoin de beaucoup d'hydrogène et
d'oxygène. Or, lorsqu'on fait l'électrolyse de l'eau, on
génère de l'oxygène et de l'hydrogène. On pourrait
donc inclure l'oxygène dans notre gazogène pour améliorer
son rendement et l'hydrogène, qui est un peu comme du gaz naturel
réformé, pourrait être ajouté au gaz de
synthèse. Avec une même quantité de biomasse, on pourrait
générer au moins deux fois plus de méthanol. C'est pour
cela que Mme Forget disait que c'est une forme de stockage de l'énergie
électrique, si on voulait la stocker. C'est très difficile
à électrifier, un véhicule électrique. D'une
façon indirecte, en produisant un carburant dans lequel il y a beaucoup
d'électricité, à ce moment-là, il y a moyen de le
faire. C'est vraiment une position stratégique à long terme qu'on
veut
se donner et non pas pour concurrencer aujourd'hui, dollar pour dollar,
le méthanol fabriqué par d'autres sources.
M. Tremblay: On voit, par le déroulement de cette
commission, que le problème de l'énergie est un grand jeu au
niveau mondial. Il y a des intérêts énormes qui sont
impliqués là-dedans. Vous semblez, Nouveler semble penser qu'il y
a des possibilités d'affaires, de marché pour ce produit. Comment
expliquez-vous que l'entreprise privée n'ait pas envahi ces
marchés? Normalement, quand il y a des possibilités de faire des
affaires, elle est là. Comment expliquez-vous son absence de ce
secteur?
M. Poitras: Le projet de l'ISN coûte 21 600 000 $ de notre
budget. On pense qu'on sera sûrement en-dessous de cela. On a
approché des pétroliers, entre autres, au moment où on
commençait dans le projet de méthanol. Ces gens ne sont pas
prêts à prendre des risques aussi grands que les gouvernements.
C'est une des raisons principales. Dans d'autres pays, il se fait aussi de la
recherche sur la gazification et partout, ce sont les gouvernements qui
financent la recherche. Même si souvent on pense que c'est une entreprise
pétrolière qui fait de la recherche, quand on vérifie, on
se rend compte que c'est toujours financé par le gouvernement. Le risque
est très grand et les périodes de récupération sont
très longues. On pense à 1990 avant d'avoir des usines vraiment
rentables et concurrentielles. Il y a peu d'entreprises privées qui sont
prêtes à prendre le risque technique et d'attendre aussi longtemps
pour voir profiter leur argent. Elles aiment mieux investir ailleurs. Pour
nous, c'est l'une des raisons.
Par contre, une fois qu'on aura démontré ce qu'est le
gazogène, je pense qu'il faudra s'associer au secteur privé pour
faire la phase II, par exemple, la phase traditionnelle du méthanol.
À ce moment-là, il est évident qu'on ira frapper aux
portes des pétrolières ou des gens qui sont dans le secteur de la
chimie en général.
Mme Forget: II faut penser aussi que si on parle des autres
producteurs d'autres formes d'énergie, ce sont ceux qui ont
accumulé le plus de profits recyclables dans la dernière
décennie. Ils ne sont vraiment pas intéressés à
nous voir prendre un marché qui va leur souffler des clients. Il faut
être assez logique aussi, on est là pour faire des sous; eux aussi
sont là pour faire des sous. Tout le monde n'a pas la morale, l'approche
et la philosophie de la conservation d'énergie voulant que chaque fois
qu'on économise de l'énergie, finalement, on est tous un peu plus
gagnants. Nous, nous faisons de l'argent à travers cette approche ou
cette philosophie, mais il n'y a pas beaucoup de gens qui y croyaient. Il y a
deux ans encore, nous nous faisions traiter de rêveurs. Maintenant, au
niveau consolidé, nous montrons des profits, alors cela se fait
sûrement. Il y en a peut-être d'autres maintenant, parce qu'il y a
beaucoup de gens qui veulent venir s'associer avec nous. Au début
c'était difficile, mais là il y en a. Alors c'est un signe que
peut-être, tranquillement... Il suffisait que quelqu'un le lance.
M. Tremblay: Dans un autre ordre d'idées, le capteur
solaire que vous allez commercialiser, vous prévoyez l'assembler
vous-mêmes, j'imagine, si j'ai bien compris?
M. Rocheleau (Robert): Oui.
M. Tremblay: Quand prévoyez-vous mettre en branle les
capitaux et l'équipement nécessaires? En fait, quand
prévoyez-vous l'implantation de l'industrie qui assemblera les capteurs
solaires?
Mme Forget: Je pense, M. le Président, que les ententes ne
sont pas signées...
M. Rocheleau (Robert): C'est une question qui touche les
activités commerciales, mais disons qu'au début de l'année
1984 - sans entrer dans les détails -on devrait commencer à faire
l'assemblage de composantes. Mais on ne veut pas aller plus loin, parce que
vous savez que dans toute transaction commerciale il y a des ententes à
faire et celles-ci ne sont pas terminées. Vous nous embarrassez un peu
pour être franc.
Mme Forget: En fait, nous avions choisi d'annoncer nos couleurs
dans notre texte, tel qu'il est venu, mais on apprend qu'elles ont
été annoncées un peu plus tôt. C'est un peu
embêtant. Ce n'est pas le fait qu'on ne veuille pas éclairer la
commission là-dessus, mais une chose est claire: notre mandat nous
mène dans le solaire et nous sommes dans le solaire, mais toutes les
étapes ne sont pas franchies pour qu'on puisse annoncer exactement ce
dans quoi nous sommes. Nous informerons toute la population très
rapidement, dès que la dernière signature sera apposée sur
les documents, ce qui ne devrait pas tellement tarder d'ailleurs.
Le Président (M. Vallières): Nous avons maintenant
deux demandes d'intervention. Nous débuterons par le
député de Pontiac, suivi du député de
Duplessis.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Mme Forget, vous
énoncez dans le mémoire qu'avec une meilleure efficacité
énergétique et aussi l'utilisation d'un carburant
synthétique, on pourrait créer 90 000
emplois. Plusieurs groupes se sont présentés ici, surtout
les gens oeuvrant dans le pétrole, qui disaient: Si on déplace,
cela crée des mises à pied. Est-ce qu'on peut assumer que les 90
000 emplois seraient de la création d'emplois nette ou si on n'a pas
pris en considération les mises à pied des industries qu'on
pourrait déplacer avec l'efficacité et le nouveau carburant?
Mme Forget: D'abord, je vous précise qu'on parle d'une
période qui va jusqu'à la fin du siècle à peu
près. Sans doute que les gens de l'industrie du pétrole vous ont
parlé d'effets à très court terme. Premièrement.
Deuxièmement, on vous parle d'emplois directs ou indirects où on
inclut la ressource forestière qu'on va chercher; il faut beaucoup de
main-d'oeuvre pour se rendre dans les forêts, aller chercher le bois, le
nettoyer, le revaloriser, etc. C'est par cela que vont se créer beaucoup
de ces emplois; le reste va être créé dans la production
finale du méthanol.
Quant à votre question précise: Est-ce que c'est un
montant net? Est-ce qu'on a tenu compte des pertes en cours de route?...
Le Président (M. Vallières): M. Poitras? M.
Rocheleau?
M. Rocheleau (Robert): À court terme, c'est
évident. Si, par exemple, on regarde certains programmes de
biénergie et autres, il y en a qui perdent des emplois, mais cela a
créé autant d'emplois à notre point de vue. Nous, en tant
que groupe, nous sommes partis de 0 à la fin de 1980 et nous sommes
rendus à 175 emplois permanents, mais nous avons
généré beaucoup d'emplois dans le secteur des compagnies
de service, d'installation de systèmes et autres, ce qui a
créé beaucoup d'emplois au Québec. C'est certain qu'il y a
un déplacement. Est-ce que, jusqu'à maintenant, le
résultat net de nos interventions a créé plus d'emplois?
Nous ne sommes pas en mesure de...
M. Middlemiss: Vous avez mentionné 90 000 emplois.
Mme Forget: Oui.
M. Middlemiss: A-t-on pris en considération qu'il y en a
malheureusement qui vont être déplacés? Parce que si vous
prenez le marché, il y a un marché qui va être
déplacé.
M. Rocheleau (Robert): II va y en avoir.
M. Middlemiss: Donc, là, il peut y avoir des mises
à pied.
M. Rocheleau (Robert): Pas beaucoup.
(11 h 45)
M. Poitras: II pourrait y en avoir, mais pas vraiment beaucoup.
Par exemple, si on parle du méthanol, le réseau de distribution
pourrait fort bien être le réseau de distribution actuel. Le
méthanol pourrait être introduit dans le réseau actuel tout
comme l'essence sans plomb l'a été. On ajoute une pompe; cela
pourrait fort bien être absolument le même réseau qui le
fasse. Cela entraînerait une légère diminution d'emplois en
ce qui concerne les raffineries, possiblement, mais, par contre, il n'y a pas
beaucoup d'emplois dans les raffineries. Et, d'autre part, nous, on en
créerait sûrement dans les nouvelles usines de méthanol.
Mais la majeure partie des emplois, dans le cas du méthanol, est surtout
du côté de la ressource forestière: la manutention du bois,
etc., et ensuite, du côté de la distribution. Mais ce ne sont pas
de nouveaux emplois. On n'a pas supposé qu'on créait un nouveau
réseau de distribution qui offrait de nouveaux emplois. Donc, du
côté du méthanol, le chiffre est assez net, disons. Du
côté efficacité énergétique, jusqu'à
maintenant, c'est plutôt le contraire: on crée des emplois
plutôt que d'en enlever. Cela arrive très rarement qu'on
enlève des emplois. Ils sont quelquefois déplacés; mais
dans le secteur des services, par exemple en ingénierie, il y a beaucoup
d'ingénierie qui est faite; cela génère des emplois pour
la fabrication des nouveaux appareils qui sont installés, enfin...
M. Middlemiss: Toutefois, les distributeurs indépendants
de mazout, eux, sont venus devant nous et nous ont dit: Vous êtes en
train de nous déplacer; on n'a plus de livraisons à faire. Cela,
c'est l'efficacité. D'accord, le méthanol ne touchera pas
à cela, mais cela fait partie de l'efficacité...
M. Poitras: Non. C'est beaucoup plus le déplacement du
pétrole par l'électricité que ce que nous on appelle
l'efficacité énergétique ou l'économie
d'énergie qui consiste à mieux utiliser l'énergie,
à moins la gaspiller, à mieux la gérer, à avoir des
habitudes de vie, des habitudes de fonctionnement dans les édifices ou
les industries qui tiennent compte de l'énergie. Souvent, cela consiste
seulement à dire aux gens d'arrêter d'ouvrir les fenêtres.
Souvent, il n'y a même pas d'investissement comme tel. Par contre,
très souvent, il y en a aussi.
M. Middlemiss: Bien, merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Le groupe Nouveler a été formé en
1980, je crois. Le mémoire que vous présentez ce matin devant la
commission confirme effectivement que vous
avez fait tout un cheminement durant les trois dernières
années et j'en félicite tout votre groupe. Une chose qui est
intéressante dans vos projets d'avenir - ce n'est sûrement pas
pour demain matin, mais peut-être dans 10 ou 20 ans - c'est surtout de
parler dans le sens d'approcher vos projets de la ressource elle-même, de
la biomasse, en fait, soit de la tourbe ou encore du bois, ou des
résidus du bois.
J'aurais deux questions à vous poser. À la page 9 de votre
mémoire, vous parlez d'un système traditionnel de chauffage et je
crois que vous entendez par là l'électricité. Plus loin,
vous dites que deux modèles eau-air sont actuellement
commercialisés sous le nom de Permatemp et appliqués aux secteurs
résidentiel et commercial. Je voudrais toucher la question commerciale
se rapportant à la serriculture, le chauffage des serres. Là, je
fais allusion à certains projets qui sont actuellement en marche dans
les milieux nordiques, soit à la Baie-James, soit encore en particulier
dans la ville de Fermont et dans la ville de Gagnon. Vous dites, notamment,
"pour le chauffage des serres des petites et moyennes entreprises et des
commerces". La question que je voudrais vous poser est la suivante. Quel est le
programme ou l'équipement que vous pouvez mettre en
disponibilité, ou encore que vous êtes en train d'étudier,
pour faire en sorte que les coûts de chauffage dans les serres en milieu
nordique seraient beaucoup moindres que ceux que nous avons actuellement? Les
chiffres que j'ai en main confirment que les coûts de production
représentés par le chauffage en milieu nordique sont de l'ordre
d'à peu près 75% et, lorsque vous parlez d'une réduction
de 65%, je trouve cela extraordinaire si on en arrive là.
M. Dupré (Jean-Paul): Je crois que je peux répondre
en partie à votre question.
Le Président (M. Vallières): M. Dupré.
M. Dupré (Jean-Paul): En fait, vous touchez un secteur qui
nous est particulièrement cher parce qu'on a réussi à
mettre au point l'une des pompes à chaleur des plus efficaces.
Effectivement, quand une entreprise voit sa facture d'énergie
ramenée de 10 000 $ à 3000 $ dans l'espace d'une année -
je pense, par exemple, à certaines serres - on lui a permis de
fonctionner douze mois par année et non pas de démarrer ses
activités de serre au mois de mars, comme c'est souvent le cas. Donc, on
maintient de l'emploi, on rapatrie des cultures de plantes vertes, de plantes
exotiques qui, avant, étaient des cultures importées. Donc, on
rééquilibre, sur le plan économique, le bilan
énergétique, le bilan de l'emploi. Naturellement,
l'investissement est très important et, plus il fait froid, plus la
pompe à chaleur est rentable, étant donné que c'est un
coût d'environ un tiers, entre 30% et 35%, du coût de
l'énergie, et une pompe qui, à Montréal, va fonctionner
pendant 500 heures par année déplacera l'équivalent dans
d'autres énergies. Si, par exemple, on travaille dans des serres et que
la pompe fonctionne pendant 1500 heures par année, on vient de
multiplier par trois sa rentabilité. Si on l'applique à un
commerce qui accueille des gens toute la journée, avec des
entrées et des sorties, on a une plus grande efficacité
énergétique. Naturellement, il y a une limite à la pompe
à chaleur. Dans notre cas, on utilise la nappe phréatique et, si
on va dans les zones extrêmes nordiques, la nappe phréatique, je
pense qu'il faut l'oublier; elle est tellement profonde. Alors, plus on monte
vers le nord, à un moment donné, on atteint une limite. Mais je
crois que, pour illustrer votre question, on peut parler des
Îles-de-la-Madeleine où, actuellement, nous menons, conjointement
avec Hydro-Québec et un groupe d'ingénieurs-conseils, une
étude qui viserait à remplacer le chauffage classique, ou
à tout le moins diminuer la consommation d'électricité,
par l'utilisation de plusieurs dizaines de pompes à chaleur. Quand on
parle des Îles-de-la-Madeleine, on est quand même pas mal haut.
Dans le cas de Fermont, nous n'avons pas eu l'occasion de réaliser des
expériences, mais cela pourrait également être
étudié.
M. Perron: Le groupe intéressé à Fermont
pourrait contacter Nouveler pour avoir des informations relatives à son
projet.
M. Dupré (Jean-Paul): C'est cela, Nouveler ou
Équipement Canair, la compagnie qui poursuit la mise au point de la
pompe à chaleur. Il ne faut pas penser que, parce qu'il y a actuellement
un ou deux modèles sur le marché qui sont de 55 000 BTU et 80 000
BTU... En fait, l'entreprise a un programme en vue d'augmenter,
d'accroître la capacité de ces pompes et de mettre sur le
marché, probablement au cours de l'année prochaine, une pompe
d'une capacité de 150 000 à 200 000 BTU.
M. Perron: Merci. Ma deuxième question est la suivante.
À la page 13, concernant le chauffage électrique par convection,
qui est votre sixième action d'ailleurs, vous mentionnez que Nouveler
vient de mettre sur pied, en collaboration avec la société
française Müller-Noirot, la firme Convectair pour commercialiser un
appareil de chauffage électrique à haute efficacité
énergétique connu sous le nom de Convectair. Ma question va
sûrement amener une réponse assez technique. Je voudrais savoir,
puisque c'est tout à fait nouveau, ce qu'est Convectair. Pourriez-vous
nous donner
des explications relativement à Convectair?
Mme Forget: M. Poitras va vous dire la différence entre
ces plinthes et les autres plinthes. Est-ce qu'on peut dire cela de cette
façon? Enfin, la différence entre cet équipement-là
et ce qu'on connaît dans nos maisons.
M. Perron: Merci, Mme Forget.
M. Poitras (Ovide): C'est presque une hérésie.
Mme Forget: C'est presque une hérésie.
M. Poitras: Dans le système traditionnel... Je fais marche
arrière. Il y a beaucoup de gens qui mettent en doute la
possibilité qu'un appareil électrique soit plus efficace qu'un
autre. Si on revient aux lois fondamentales de la physique, dans
l'élément chauffant, même, l'équation: la puissance
égale RI2. C'est toute la même chose. Il n'y a pas
moyen de déroger aux lois de la nature. Donc, la chaleur qui est
produite dans le petit élément, c'est la même chose; cela
ne change pas. Là où l'appareil Convectair est beaucoup plus
efficace, c'est qu'il est capable de distribuer la chaleur dans toute la
pièce, d'une façon beaucoup plus uniforme et sans hausse et
baisse de température régulière, continuelle. Voici
l'image que j'utilise souvent. C'est comme si on prenait une plinthe ordinaire
et qu'on mettait un éventail dedans pour pousser l'air dans toute la
pièce. Si on faisait cela, évidemment, le moteur consommerait de
l'énergie; donc, serait peut-être moins efficace. Le Convectair
utilise le principe d'une cheminée. Au lieu d'avoir un appareil qui est
fait tout en longueur et bas, il est fait plus en hauteur et moins long. Donc,
c'est un effet de cheminée comme dans un foyer où la chaleur
dégagée par l'élément chauffant tire l'air et le
pousse dans toute la pièce; il brasse tout cela. Donc, il n'y a plus
d'endroit dans la pièce où il fait chaud et où il fait
froid.
De plus, on a incorporé à cet appareil un thermostat
électronique qui est très précis et qui élimine les
fluctuations de hausse et de baisse de température dans la pièce.
On maintient la température constante presque tout le temps. Ce sont
donc les deux principales raisons pour lesquelles ce type d'appareil est plus
efficace qu'un système traditionnel à plinthe.
M. Perron: Je vous remercie des informations. Cela m'amène
à une autre question. Il est intéressant de voir que c'est une
nouvelle forme d'énergie qu'on applique surtout aux résidences.
Ma question est la suivante: Lorsque vous prenez une maison conventionnelle, je
vais vous laisser définir la grandeur de la maison, d'un ou deux
étages, comme vous voudrez. Les coûts pour permettre que
Convectair puisse entrer dans cette résidence sont de quel ordre
à peu près?
M. Poitras: Cela dépend comment vous voulez aborder le
problème. On pourrait parler de coûts, mais une des façons
c'est de regarder la période de récupération. À
titre d'exemple nous disons que c'est une économie de 30%. Quelqu'un qui
dépenserait 1000 $ par année, une maison quand même assez
grande, économiserait 300 $ par année. Donc, si le consommateur
est prêt à dire: Je veux bien attendre cinq ans pour
récupérer, on pourrait donc aller jusqu'à 1500 $ de plus.
Si c'est trois ans, ce serait 900 $.
M. Dupré, qui s'occupe de cette filiale de façon plus
concrète, pourrait donner des exemples plus spécifiques de ce
qu'on pense que seraient les coûts de la modification de l'appareil.
M. Perron: Merci.
M. Dupré (Jean-Paul): Dans le coût dont on doit
tenir compte il y a l'équipement et l'installation. Si on prend
l'acquisition d'une plinthe classique, il faut ajouter un thermostat. Qui dit
thermostat dit un filage supplémentaire et souvent, dans le coût
comparatif, on oublie d'additionner le coût du thermostat plus le
coût de la plinthe, et le coût de l'installation de la plinthe et
du thermostat par rapport au coût d'installation du convecteur.
En fait, selon la grandeur des maisons, on arrive, si on ne tient pas
compte de l'entrée... parce que si jamais une maison atteint sa
capacité de l'entrée électrique à un moment
donné, il faut modifier l'entrée; et quel que soit le
système il faut changer l'entrée électrique. À
cause de l'efficacité qui est de 25% ou 30% meilleure, on aura sans
doute souvent à reporter le changement de l'entrée
électrique et, dans certains cas... Quand on parle de conversion ou de
changement d'un système électrique, cela ne veut pas dire que
nécessairement dans toutes les pièces on installera un
convecteur. Souvent on le réservera à certaines pièces, ne
serait-ce que pour le confort - la pièce où on vit le plus - et
l'aspect esthétique, ce qui n'a pas d'effets négatifs au point de
vue de la décoration, des draperies, etc.
Si, par exemple, on évite de mettre une entrée
électrique grâce aux 25% ou 30% d'efficacité
énergétique, on vient de sauver 1000 $. Par contre, s'il s'agit
de refaire entièrement l'entrée électrique, que ce soit
des plinthes ou des convecteurs, on parle de la même dépense.
En ce qui concerne l'investissement, selon les maisons et la grandeur
des maisons, on dit que l'investissement supplémentaire
est de l'ordre de 1200 $ à 1500 $. C'est un peu en fonction de...
C'est vraiment le maximum. Certaines entreprises ou certains
propriétaires décident des mesures intermédiaires et
réussissent, dans les pièces où ils vivent principalement,
à faire le changement ou la conversion et bénéficient de
l'avantage économique parce que plus on est dans une pièce plus
on la chauffe et plus on la chauffe plus on consomme. On peut donc, pour des
montants relativement plus faibles, avoir l'avantage du convecteur sans faire
une conversion complète et le retour, en disant c'est un maximum de
trois à cinq ans, si on le fait en optimisant - parce que le rôle
est toujours d'optimiser - on peut facilement avoir un retour de trois à
cinq ans. Comme on parle d'argent après impôt c'est quand
même très intéressant d'en tenir compte.
M. Perron: Vous faisiez la différence entre les
entrées électriques de 200 ampères par exemple. Si je
comprends bien, votre système ne peut pas aller à
l'intérieur d'une entrée de 200 ampères à moins que
la résidence elle-même ne prenne que 90 ou 95...
M. Dupré: Oui la question se pose au niveau de
l'entrée de 100 ampères. Si quelqu'un veut faire une conversion
complète de sa maison il ne passera pas avec une entrée de 100
ampères, que ce soient des plinthes, que ce soient des convecteurs. Si,
au contraire, la personne veut faire une conversion partielle pour certaines
pièces, elle pourra mettre un certain nombre de convecteurs et
bénéficier de l'efficacité énergétique sur
ces pièces-là. En général ce sont les pièces
les plus chauffées, celles où l'on vit principalement. Si, au
contraire, il veut tout déplacer sur le plan électrique et
utiliser des convecteurs ou des plinthes, dans les deux cas, il aura à
changer son entrée électrique pour une 200 ampères. C'est
traditionnel, c'est une constante dans l'industrie. (12 heures)
M. Perron: Merci beaucoup.
M. Dupré (Jean-Paul): Je vous en prie.
Le président (M. Vallières): Ceci complète
le témoignage du groupe Nouveler. Nous vous en remercions beaucoup de
même que tous les représentants.
ENJEU Témiscouata
Je demanderais maintenant au Conseil régional de
Témiscouata et au Mouvement ENJEU, environnement jeunesse, de se
présenter.
Je demanderais aux participants de s'identifier. Je crois que le groupe
est représenté par Mme Georgette Gagné qui agira à
titre de porte-parole.
Mme Gagné (Georgette): Oui, c'est moi-même. À
ma gauche, j'ai Mme Linda Bossé qui est présidente provinciale
d'environnement jeunesse. Dans la salle, vous retrouvez quand même trois
membres de notre conseil régional, soit Mme Dolorès
Bérubé, M. Charles-Francis Gagné et Mme Nathalie
Gagnon.
M. le ministre, membres de la commission parlementaire, au nom du
Conseil régional ENJEU Témiscouata, je vous remercie de nous
donner l'occasion de présenter notre mémoire publiquement,
mémoire qui remonte quand même en mars dernier et qui s'intitule:
Vers une économie d'énergie humaine. Je me rends compte que, si
nous sommes préoccupés par l'économie d'énergie,
ceux qui nous ont précédés sont aussi
intéressés par ce domaine.
Dans l'avant-propos de notre mémoire, vous trouvez des citations
qui ont été tirées de documents vraiment sérieux et
publiés par les différents gouvernements. Des centaines d'autres
citations auraient pu faire l'objet de ce mémoire; nous avons cru que
c'était suffisant pour bien illustrer l'économie d'énergie
humaine.
Depuis le choc pétrolier de 1973 et la première crise
énergétique qui s'ensuivit, nous avons lu et entendu des
centaines de mises en garde. Dix ans plus tard, nous avons pu constater que la
notion d'économie d'énergie doit passer par une conscientisation
progressive des utilisateurs, longtemps incités au gaspillage par une
surabondance de produits. C'est pourquoi ENJEU propose l'adoption à
longueur d'année de l'heure avancée de l'Est pour tout le
Québec afin de toucher dans le quotidien, donc répandre dans tous
les foyers, la notion d'économie d'énergie, d'effectuer une
économie d'énergie réelle, si faible soit-elle, et
d'élargir la notion d'énergie à son fondement humain,
l'énergie psychosociale.
Premièrement, qui est ENJEU? Le terme ENJEU signifie
environnement jeunesse et l'enjeu du mouvement, si l'on peut s'exprimer ainsi,
se résume à promouvoir la conservation et l'amélioration
de la qualité de l'environnement sous toutes ses formes et à
développer chez le jeune les qualités favorisant son implication
sociale. Notre mouvement se veut donc un instrument privilégié de
conscientisation progressive puisqu'il oeuvre au coeur même de
l'évolution collective: la jeunesse.
L'historique du dossier de l'heure avancée. Depuis 1979, le
Conseil régional ENJEU Témiscouata travaille activement à
la promotion du concept de l'heure avancée à longueur
d'année pour tout le Québec. Ici, je ferai un bref rappel
historique. Disons que nous avons commencé, à l'hiver 1980,
par
une campagne de presse. Il y a eu une pétition dans le KRT
(Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata) où nous avons
recueilli 3000 appuis de municipalités, d'organismes, d'industries, de
commerces et d'individus. Il s'ensuivit des démarches vers le Bureau des
économies d'énergie. C'était au printemps 1980. Ensuite,
nous avons porté ces appuis et mémoires au cabinet du premier
ministre à l'été 1980. Il y a eu aussi l'émission
Reflet d'un pays qui a été faite pour Radio-Canada et
consacrée au dossier de l'heure avancée. C'était à
l'été 1980. Nous avons poursuivi notre travail, en 1980 et 1981,
par des recherches et correspondance. Il y a eu aussi de la part du
gouvernement la formation d'un comité interministériel qui
relève de l'autorité du ministère de la Justice à
l'automne 1981. En 1982, le sous-ministre de la Justice a demandé au
comité interministériel d'accélérer les travaux du
dossier heure avancée. Il y a eu aussi le rapport-synthèse des
appuis reçus par ENJEU (Environnement Jeunesse) au cabinet du premier
ministre en novembre 1982. Il y a eu le rapport d'Hydro-Québec sur
l'économie de l'énergie (voir l'heure avancée) à
l'automne 1982 et, à l'hiver 1983, il y a eu le communiqué du
Conseil national de la recherche du Canada préconisant une extension de
la période de l'heure avancée, et la préparation d'un
document d'appui d'organismes et d'individus pour le dossier heure
avancée à l'hiver 1983.
Alors, c'est pour cela que nous vous avons fait remettre tout à
l'heure un document qui, en fin de compte, représente une minime partie
des appuis qui nous avons reçus jusqu'à maintenant. D'ailleurs,
après l'avoir comptabilisé sommairement, nous avons quand
même dénombré au-delà de 500 000 habitants, dont les
maires, les corporations municipales et organismes qui constituent en somme le
porte-parole de la population.
Nous poursuivons avec les enjeux du dossier heure avancée. Le
Témiscouata ayant vécu à longueur d'année à
l'heure avancée il n'y a pas si longtemps, il est normal que ce concept
ait ressurgi naturellement. Chez nous, le soleil se couche bien avant 16 heures
pendant plusieurs mois nous amenant souvent la grisaille dès 15 heures.
Vous conviendrez avec nous que cela ne fait pas des journées bien
longues. Il y a des Québécois encore plus à l'Est dont les
journées se révèlent encore plus courtes. Vu nos
objectifs, la qualité de l'environnement en général, nous
avons dégagé trois enjeux au dossier heure avancée, soit
la sensibilisation populaire à la notion d'économie
d'énergie; l'avancement vers des économies réelles
d'énergie et autres, et l'intégration de l'énergie
psychosociale ou notions reconnues d'énergie.
La sensibilisation populaire à la notion d'économie
d'énergie. Quoique pas nécessairement très importante,
financièrement parlant, l'économie réalisée en
adoptant l'heure avancée serait quand même là. De plus,
cela constituerait un "mouvement dans le quotidien" et favoriserait
sûrement un changement de mentalité face à la
rationalisation de l'utlisation de l'énergie et de l'environnement.
Bref, nous nous retrouverions devant une incitation positive à
l'économie d'énergie puisque, pour une fois, économie
d'énergie égalerait amélioration de la qualité de
vie.
L'avancement vers des économies réelles. À
différentes époques, durant les guerres et même encore
aujourd'hui, des pays d'un peu partout dans le monde vivent une ou deux heures
en avance sur l'heure solaire. La raison principale invoquée a toujours
été l'économie d'énergie. Ici même, au
Canada, la Saskatchewan vit toute l'année à l'heure
avancée. D'autre part, il n'y a pas si longtemps le Conseil national de
la recherche du Canada estimait à environ 24 000 000 $ l'économie
d'énergie réalisée par les Canadiens en devançant
de deux mois seulement l'entrée en vigueur de l'heure avancée. De
plus, cette même étude évalue à 1 300 000 000 le
nombre additionnel d'heures-personne de soleil. Il s'agit là, à
notre avis, d'une économie certaine. Le mouvement ENJEU ne dispose pas
de moyens importants pour appuyer ou illustrer irréfutablement ces
dires. Néanmoins, le bon sens nous indique que le déphasage de la
luminosité affecterait significativement certaines habitudes de vie.
Prenons par exemple la circulation automobile. Saviez-vous qu'au
Québec la brunante survient entre 15 h 30 et 17 h 30 de la fin d'octobre
au début de mars? Or, une statistique nous dit que près de 40%
des accidents de la route se produisent durant les mois de novembre,
décembre, janvier et février. Une autre statistique
démontre que plus de 22% des accidents surviennent entre 15 et 18
heures. Nous ne voulons pas affirmer ici que l'application de l'heure
avancée à longueur d'année ferait automatiquement chuter
le nombre d'accidents de la route. Cependant, il nous semble logique de penser
que de déplacer la brunante vers les heures de pointe
améliorerait certainement la situation, et l'application de l'heure
avancée pourrait probablement avoir bien d'autres effets. Disons que la
source a été prise dans les statistiques d'accidents de
véhicules automobiles de 1978 au ministère des Transports du
Québec.
L'énergie psychosociale. On dit "une énergie à
reconnaître et à ménager". Comme nous l'avons
déjà mentionné, l'heure avancée provoquerait des
changement majeurs à nos habitudes de vie.
Dans une société moderne comme la
nôtre où les heures de clarté sont très
souvent entièrement consacrées au travail, nous pouvons constater
un effet dépresseur évident sur le moral des individus. Il
s'ensuit une fatigue, un engourdissement collectif bien connu chez nous dans la
période janvier-février.
À notre point de vue, l'avènement de l'heure
avancée pourrait contribuer, sinon à éliminer ce
phénomène, au moins à en écourter les
manifestations.
Une conséquence comme celle-là se quantifie difficilement.
Cependant, nos objectifs visant à promouvoir une progression de la
qualité de vie par l'environnement nous portent à
considérer l'énergie psychosociale comme une source
d'énergie fondamentale à reconnaître et à
ménager.
Au moment où on nous répète qu'il faut à
tout prix augmenter la productivité des Québécois, nous
apportons là une mesure concrète, peu coûteuse et
sûrement efficace.
En conclusion, depuis les chocs énergétiques,
l'énergie a toujours été abordée en termes
économiques, en termes de dollars.
Nous croyons sincèrement que la mise en place au Québec de
l'heure avancée à longueur d'année constituerait une
économie d'énergie réelle; peut-être faible mais
réelle.
Nous croyons également que cela constituerait une
évolution souhaitable en termes d'effets d'entraînement et
d'incitation à une économie systématique de
l'énergie.
Nous croyons enfin fermement à la nécessité de
réhabiliter et de stimuler l'énergie psychosociale, le moteur
moral d'une société, par l'amélioration de la
qualité de la vie.
Quant aux problèmes de synchronisme avec nos voisins ontariens et
américains, il est certain que nous souhaiterions ardemment une
concertation globale; cependant, cela ne nous semble pas absolument
nécessaire puisque, nous l'avons déjà mentionné,
beaucoup de partenaires économiques européens vivent des
décalages horaires sans pour cela compromettre l'harmonie de leurs
relations. Il ne s'agirait finalement que de modifier certaines habitudes et de
les remplacer par d'autres.
Nous nous trouvons, somme toute, devant un choix relevant d'un souci de
mieux-être collectif et d'une volonté de changement. Nous
sollicitons donc l'appui de cette commission dans nos revendications pour
régler cette situation à l'avantage de tous les
Québécois en instaurant l'heure avancée de l'Est dans tout
le Québec à longueur d'année.
Le Président (M. Vallières): Merci, Mme
Gagné. La parole est maintenant à M. le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie, madame, pour votre mémoire.
Vous savez, un parti politique qui pourrait se placer à l'heure
avancée, cela pourrait être tentant. Je voudrais réagir
rapidement à ce mémoire. D'abord, mon ministère entretient
une correspondance assez soutenue - j'ai le dossier avec moi - de même
que le bureau du premier ministre, sur ce dossier-là. Je voudrais vous
dire bravo parce que dans votre région vous êtes restés
mobilisés et, de plus en plus, vous recueillez des appuis. J'ai
regardé cela rapidement et, sans prendre position de façon finale
- je ne suis pas rébarbatif au changement - je puis vous dire que, moi
aussi, quand il fait noir de bonne heure, cela me déprime. J'ai
vécu en France longtemps et, quand je me lève à la
noirceur pour aller travailler, je ne trouve pas cela bien drôle non
plus. (12 h 15)
Vous donnez des éléments d'information. Je crois que
l'étude d'Hydro-Québec vous a été transmise pour ce
qui est des économies d'énergie.
Mme Gagné: Oui, l'automne dernier.
M. Duhaime: Elle l'a été. Bon. On a demandé
à Hydro-Québec, qui a exécuté un long travail, de
voir quel pourrait être l'impact réel en termes d'économie
si l'heure avancée était maintenue. Les chiffres qu'on nous
donne, si on veut faire une synthèse rapide, démontrent que
l'impact est faible sur les économies d'énergie. C'est de l'ordre
de 300 mégawatts et en heure de pointe seulement. J'ai un calcul ici qui
a été fait dans le cas d'un consommateur industriel. Sur une base
de facturation annuelle qui serait de 100 000 $, cela représenterait
0,1% d'économie, ce qui veut dire quelque chose entre 10 $ et 20 $. Sur
le plan des économies comme telles, à moins
qu'Hydro-Québec se soit trompée dans ses calculs, il semble que
ce soit faible.
Deuxièmement, les fuseaux horaires, ce n'est pas nous qui les
avons inventés. Vous l'avez évoqué vous-même, je
pense que le fond de la question est de changer les habitudes de ' vie; pas
seulement les nôtres, ceux de nos partenaires aussi. Si on regarde la
grille horaire - je l'ai devant moi, c'est facile à rejoindre, c'est
dans le bottin téléphonique - dans le fuseau horaire, on a un
décalage d'une heure, par exemple, avec l'ouest ontarien et l'Atlantique
mais ce n'est pas là la grande préoccupation, c'est passablement
le même bassin commercial. Dans le cas des États-Unis, nous avons
la même heure que la Floride, par exemple. Cela veut dire que tout l'axe
des échanges nord-sud se fait à la même heure.
Vous nous aviez demandé de voir s'il y avait des groupes qui, en
Ontario ou aux États-Unis, partageaient votre préoccupation.
Je pense qu'on vous a transmis le nom d'une association en Ontario.
Malgré nos efforts, on n'a pu dénicher aucune association
américaine, de la frontière du Maine jusqu'à la Floride,
qui avait cette préoccupation. Il en existe sûrement mais, en tout
cas, elles ne nous sont pas connues.
Tout cela pour vous dire qu'il faut qu'on tienne compte de ce que
pourrait être la capacité d'accepter un changement d'habitudes
chez nos voisins aussi. Si le fuseau horaire se fractionne et se quadrille,
cela va devenir compliqué. Au moment où nos commerces, nos
entreprises et nos institutions financières sont en fonction ici, s'ils
partent une heure plus vite, ils vont fermer une heure plus tôt; cela a
un impact énorme sur les télégrammes, les
téléphones, les heures d'affaires, etc. Je pense qu'on se rend
compte bien vite, quand on regarde le dossier, de l'ampleur du problème
que vous soulevez.
Il y a une chose qui m'a frappé, cependant, c'est la
fréquence des accidents. Là, il y a un point d'interrogation. Je
pense que je vais vous donner raison; on a les mêmes chiffres en main,
ceux du ministère des Transports. La seule réponse qu'on n'a pas,
c'est la réponse à la question que je pose. Il est évident
qu'en maintenant l'heure avancée durant les mois d'hiver, entre 15
heures et 18 heures, il y aurait très certainement moins d'accidents; je
suis prêt à le concéder. La question que je pose, c'est:
S'il y a moins d'accidents en soirée, est-ce qu'il n'y a pas de chance
que cela se répercute tôt le matin? Puisqu'on n'en a jamais fait
l'expérience, on n'a pas la réponse. Mais il y a lieu de penser
qu'entre 15 heures et 18 heures, à la brunante, vous avez raison de le
souligner, durant les mois d'hiver, c'est le meilleur temps pour faire un
accident à cause de la neige, à cause du verglas, à cause
de la noirceur, etc.
Je me demande si ce n'est pas qu'une vue de l'esprit de dire qu'en
gardant l'heure avancée on prolonge la clarté en fin de
journée. J'ai l'impression qu'on prolonge la noirceur le matin. Est-ce
qu'on ne fait pas que prendre les statistiques de fin de journée pour
les ramener le matin? J'avoue que je n'ai pas la réponse, je ne le sais
pas.
C'étaient les commentaires que je voulais faire. Je ne peux pas
faire plus que de vous dire: Si vous êtes rendus à 500 000, je
pense que vous faites de l'extrapolation en disant que lorsqu'un conseil
municipal prend position, vous tenez pour acquis que toute la population suit.
Je ne suis pas certain non plus qu'on puisse transposer de telles statistiques,
à moins que ce soient des chiffres pondérés; je ne le sais
pas. Mais lorsqu'il y aura une majorité dans ce sens au Québec,
on pourra très certainement traduire dans la réalité ce
sentiment, mais il faudrait aussi que tout l'éclairage soit mis sur la
table. En particulier, la problématique nord-sud que j'évoquais
tantôt.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre.
Mme Bossé.
Mme Bossé (Linda): Quand vous parlez de l'heure du matin
et de l'heure du soir, on sait très bien que, de toute façon, du
lundi au vendredi, les gens qui se lèvent à 6 heures ou à
7 heures du matin, ce sont des gens qui vont travailler. Comme les
gouvernements actuellement, autant fédéral que provincial,
tendent à s'en aller vers une société de loisir, il me
semble que le loisir, c'est après les heures de travail, ce n'est pas le
matin en partant, ce sont des conditions physiques qui sont là, d'une
part. D'autre part, aussi une condition physiologique, c'est que le matin on
est beaucoup plus reposé pour conduire qu'après une
journée de travail; c'est très physiologique. Ce sont les seules
commentaires que je voulais faire.
Par rapport aux économies minimes dont on parle,
Hydro-Québec a fait une étude; oui c'est vrai, on l'a vue.
À ce compte-là, il y a aussi une commission du Conseil national
de la recherche qui, elle, semble être un peu en contradiction; mais de
toute façon, la question n'est pas là, quelle que soit
l'économie qui se fait, quelle soit minime ou pas... Tout à
l'heure on parlait d'efficacité. La meilleure condition possible pour
avoir une efficacité, c'est des coûts moindres pour une plus
grande production. En plus, c'est l'économie humaine qu'on peut en
faire, c'est-à-dire que - comme vous le disiez vous-même, M. le
ministre - le soir, j'aime bien arriver chez moi quand il fait clair pour
pouvoir faire quelque chose. Les conditions humaines étant
améliorées, une plus grande productivité doit s'ensuivre.
C'est évident que quand les conditions humaines vont bien - c'est
psychologique aussi - la productivité aussi s'en tire très
bien.
Pour ce qui est de l'économie d'argent, si minime soit-elle - on
parle de crise économique partout actuellement - je me demande comment
on pourrait la laisser tomber. Pourquoi on la laisserait tomber quand on parle
d'économie? Surtout qu'actuellement tous les organismes gouvernementaux
disent qu'ils grattent les fonds de tiroir. C'est une question que je pose.
M. Duhaime: Peut-être une précision. D'abord,
rassurez-vous, les fonctionnaires finissent à 16 h 30 et
l'été c'est à 16 heures. Ils ont de 16 heures à 21
h 15, quand on est au solstice d'été, ils ont beaucoup de
loisirs.
Quand on parle d'économies, ce ne sont pas nécessairement
des économies réelles.
Ici, c'est une économie théorique, parce que c'est
essentiellement à l'heure de pointe durant les mois d'hiver, il n'y a
pas d'économie d'échelle comme telle, parce que les
infrastructures doivent être là de toute manière et surtout
ces années-ci, alors que nous avons des surplus hydroélectriques.
L'économie ne se traduit pas en dollars dans le sens qu'on pourrait
récupérer un montant d'argent et l'affecter à d'autres
fins. C'est dans ce sens qu'il faut prendre le chiffre d'Hydro-Québec
qui est d'environ 300 mégawatts sur une base annuelle. Mais quand on
prend ce montant et qu'on l'applique à la facture du client, cela peut -
parfais les chiffres d'Hydro-Québec sont bons, parfois ils sont moins
bons, cela dépend des années -varier entre 0,1% et 0,2%, alors
c'est marginal. Donc, dans mon esprit - vous avez raison de le souligner - ce
n'est pas sur ce facteur que la décision se prendrait, je suis
parfaitement d'accord avec vous.
Mme Bossé: Ce que je trouve pertinent c'est que, en fin de
compte, nous sommes appuyés par des corporations municipales. Si on
prend la Communauté urbaine de Québec, la ville de Granby... Je
pense que, quand même, ce sont des personnes qui sont consciencieuses.
J'ajouterais là-dessus, à propos du "minime": On parle toujours
de minime, d'économie d'énergie en termes de dollars. Est-ce que
c'est négligeable, une économie d'énergie minime? Pensons
à la Fédération des caisses populaires quand elle a
commencé à conserver les sous; aujourd'hui on voit où c'en
est rendu...
Deuxièmement, vous parlez des relations entre le Québec et
les États-Unis. Les relations sont plus intenses entre les
États-Unis et l'Ontario. D'ailleurs, nous avons quand même une
relation avec la compagnie Ontario Municipal Electric Association - vous
excuserez mon anglais parce que cela fait longtemps que je ne le pratique plus
- on a communiqué avec eux hier et ce sont 300 municipalités
regroupées en association qui font des démarches dans le
même sens que nous. Comme vous voyez, nous ne sommes pas les seuls
à vouloir un changement de ce côté-là. D'ailleurs,
ils nous ont mentionné hier, quand nous leur avons fait part que nous
serions en commission parlementaire, qu'ils voulaient avoir un suivi et une
communication plus grande entre les organismes. Déjà là,
je trouve que c'est très important pour une relation.
Le Président (M. Vallières): II faudrait
peut-être indiquer que, de part et d'autre des membres de la commission,
on avait convenu pouvoir ajourner vers midi trente. Alors, si on pouvait
accélérer le processus... parce qu'il y a certaines personnes qui
ont des obligations. J'ai une demande d'intervention de la part du
député de
Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. En premier lieu, je
voudrais vous remercier d'avoir présenté votre mémoire et
vous prier d'excuser notre porte-parole, le député d'Outremont,
qui a dû s'absenter parce qu'il a une conférence de presse. Il
aurait aimé demeurer ici.
On n'est certainement pas contre de nouvelles idées. Mais, je
pense qu'on a les mêmes préoccupations que celles qui ont
été mentionnées par le ministre: Est-ce que les gens sont
prêts à changer leurs habitudes? Quels seraient les effets dans le
domaine commercial s'il y a un écart de temps avec la Bourse? Et ainsi
de suite... Quelles sont les conséquences? Si on pouvait en encourager
d'autres, je vous suggérerais de continuer votre travail. Je pense qu'il
faudrait tenter d'influencer d'autres personnes avec qui on est obligé
de transiger. Si on pouvait atteindre ce but -même si on dit que les
économies à réaliser sont minimes - si on peut le faire,
économiser ce montant minime, sans déranger les horaires ou les
habitudes qu'on a déjà, on aura accompli quelque chose de
très bien.
Mme Gagné: Merci. D'ailleurs, notre tâche n'est pas
terminée en venant à la commission parlementaire. Comme je vous
le disais tantôt, on a fait le décompte sommairement et ce sont
des choses... Lorsque vous feuilletterez la liste des appuis, vous allez
trouver que ce sont des gens vraiment sérieux qui sont là. Ils
regroupent des organismes, des corporations municipales strictement, alors
qu'on a beaucoup d'individus. Cela, c'est minime en tant qu'appuis, parce que
tous les appuis qui sont rendus au gouvernement depuis juin 1980, on ne les a
pas dénombrés comme tels. En fin de semaine dernière, je
suis allée en parler aux représentants des MRC de l'Est du
Québec qui étaient dans la région et ils sont solidaires
de notre cause. La prochaine étape, c'est d'aller voir ce qu'en pensent
toutes les MRC du Québec.
Le Président (M. Vallières): Oui. Nous avons deux
autres demandes d'intervention: le député de Chambly - on m'a dit
que c'était une courte intervention - de même que le
député de Chapleau.
M. Kehoe: La mienne sera encore plus courte. Vous avez eu l'appui
de plusieurs organisations, vous avez fait un travail assez considérable
pour venir ici ce matin. Mais, je me demande s'il y a d'autres organisations
comme la vôtre qui travaillent dans la même direction? Quand il
s'agit de changer les habitudes du peuple de la province de Québec,
c'est un travail gigantesque. Êtes-
vous seuls dans une petite organisation comme la vôtre avec,
j'imagine, des moyens assez modestes, pour changer les habitudes non seulement
de la population de la province de Québec, mais, enfin, de tous les
Canadiens, de l'Amérique du Nord. Effectivement, pour intégrer
cela au niveau nord-américain, c'est tout un travail. Je vous pose la
question: Êtes-vous la seule organisation qui rallie l'appui de quelque
500 000 personnes, de corporations municipales? Enfin, ce que vous avez
présenté aujourd'hui, c'est vraiment un travail énorme.
Mais êtes-vous la seule à le faire ou si vous le faites avec
d'autres organisations? (12 h 30)
Mme Gagné: Pour répondre à votre question,
nous avons nous-mêmes été vraiment surpris lorsque nous
sommes arrivés au cabinet du premier ministre, en 1980, avec l'appui de
3000 organismes, corporations municipales et individus. On entendait des
critiques de la population toutes les fois que l'heure changeait. On voulait
quand même demander au gouvernement de dire aux gens pourquoi
c'était possible de le faire ou non, parce que, finalement, c'est beau
critiquer contre un gouvernement ou quoi que ce soit...
M. Kehoe: Cela fait du bien.
Mme Gagné: ...mais il faut avoir une réponse.
À ce moment-là, nous avons été vraiment surpris
d'apprendre que nous réveillions ce dossier-là, alors qu'on
pensait qu'il y avait quand même un dossier au gouvernement. À la
suite de toutes ces démarches, nous avons été surpris
d'apprendre qu'une loi réglementaire existait, la loi de 1963,
sanctionnée en 1966 et modifiée en 1969, ce que la population du
Québec ne savait pas. Elle croyait encore à une heure et
c'était facultatif. Alors, on s'est réveillé avec une loi
réglementaire. Il faut aussi expliquer aux gens que ce n'est pas une
chose facile, parce que, finalement, il faut faire amender la loi.
Oui, on est les seuls, mais il y a quand même des habitudes
à repenser. C'est ce qu'on prône pour tous les aspects.
D'ailleurs, nous sommes un organisme à but non lucratif,
bénévole. Puisqu'on a commencé le dossier, on s'attend
à aller jusqu'au bout pour voir ce que cela peut apporter.
Mme Bossé: Pour ajouter à la réponse de Mme
Gagné, au Québec, c'est nous, ENJEU, qui guidons le dossier, sauf
que je ne sais pas... Il y a eu plusieurs émissions à
Radio-Canada sur l'heure avancée, et je dirais que la majorité
des biologistes et tous ceux qui s'appellent écologistes nous appuient
dans ce sens-là. En Ontario, il y a 300 municipalités qui font
à peu près le même travail que nous. Ce qui veut dire qu'au
départ, nous ne sommes pas seuls.
M. Kehoe: C'est cela que je disais, dans les autres provinces.
Est-ce que vos efforts sont coordonnés avec d'autres organisations, que
ce soit dans les autres provinces canadiennes ou dans des États
américains? Est-ce qu'il y a une coordination qui se fait ou si vous
travaillez plus ou moins seuls dans ce domaine?
Mme Gagné: Étant bénévoles, nous
allons selon notre... À l'heure actuelle, nous faisons des
démarches dans toutes les provinces du Canada pour savoir s'il y a du
travail de fait dans ce sens. Nous avons appris qu'en Saskatchewan, les gens
ont l'heure avancée. À l'heure actuelle, on attend des
réponses des autres provinces. Nous allons garder contact avec
l'Ontario. Quant aux États-Unis, il y a un phénomène qui
se veut aussi pour l'heure avancée et, partant, nous continuerons nos
efforts pour voir s'il y a des organismes en place.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Chambly.
M. Tremblay: Je voudrais simplement dire que, sans
présumer, sans me commettre, j'écoute votre intervention avec
beaucoup d'intérêt, parce que j'ai profité, cet
été, durant mes vacances, en France, de la clarté
jusqu'à 22 heures, le soir, et j'ai trouvé cela fort
intéressant. Je pense que c'est un dossier qui devrait être
examiné très sérieusement, quitte à changer
certaines de nos habitudes. Peut-être que ce serait facile de les changer
si c'était vraiment avantageux.
Mme Bossé: En Europe, entre autres, quand on parlait des
relations commerciales, la France, que je sache, n'a pas eu vraiment de
problème à ce niveau-là.
M. Duhaime: En France ils ont avancé leur montre d'une
heure à longueur d'année et durant l'été ils
l'avancent d'une deuxième heure.
Mme Gagné: De deux heures l'été.
M. Tremblay: Avez-vous envisagé cela dans ce
sens-là?
Mme Gagné: On a commencé par une heure
avancée.
Mme Bossé: Et déjà on a des
problèmes, comme vous le voyez.
Mme Gagné: On croyait plus sûr pour notre dossier de
demander le prolongement de l'heure avancée durant toute une
année
plutôt que de demander deux heures. On a quand même
été assez conservateur de ce côté-là.
M. Tremblay: C'est intéressant de pouvoir faire du
vélo jusqu'à 22 heures.
Mme Bossé: C'est dans ce sens-là que je parlais de
sociétés de loisirs tout à l'heure. C'est évident
que c'est beaucoup plus avantageux d'avoir de la clarté le soir que le
matin pour les gens qui travaillent.
M. Tremblay: Pourrais-je vous suggérer des gens qui
seraient intéressés à vous appuyer? Tous les joueurs de
golf seraient bien intéressés.
Le Président (M. Vallières): Mme
Gagné.
Mme Gagné: L'économie d'énergie et l'heure
avancée remontent assez loin. Cela a été lancé en
1784 lors des guerres. L'Allemagne s'en est servie lors de la première
guerre mondiale pour prendre l'heure avancée de l'Est et pour une
économie d'énergie. Ensuite, en 1870 le fuseau horaire est venu.
Ne trouvez-vous pas qu'après plus de 100 ans de cette routine il serait
temps quand même de réfléchir, de faire un examen de
conscience et d'apporter un changement parce que les moeurs des gens ne sont
plus les mêmes. Aujourd'hui les gens se couchent beaucoup plus tard. Je
pense donc qu'on devrait faire un examen de conscience de ce
côté-là. La date est quand même là et quand on
dit qu'une habitude dure depuis plus de 100 ans on se demande s'il ne serait
pas temps de remuer, de sortir de la poussière et de prendre de
nouvelles habitudes.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: Cela va. Je vous remercie mesdames.
Le Président (M. Vallières): Merci mesdames de
même que les autres représentants de ENJEU.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 38)
(Reprise de la séance à 15 h 07)
Le Président (M. Vallières): La commission
parlementaire élue permanente de l'énergie et des ressources se
réunit afin d'étudier les effets de la politique
énergétique sur le développement économique. Le
premier groupe que nous allons recevoir en ce début de séance
sera la Corporation de développement économique du Sud-Ouest et
Société du port de Valleyfield. Je demanderais à ses
représentants de s'approcher, s'il vous plaît.
Nous entendrons par la suite le Conseil régional de
développement de l'Abitibi-Témiscamingue et, en troisième
lieu, le Conseil régional de développement de la région
administrative de Québec.
On demanderait à la Corporation de développement
économique du Sud-Ouest et Société du port de Valleyfield
de bien vouloir identifier sa délégation.
Corporation de développement
économique du Sud-Ouest et
Société du port de Valleyfield
M. Berthiaume (Guy): M. le Président, distingués
membres de la commission parlementaire, j'aimerais vous présenter les
représentants de notre région. En premier lieu, Mme Marcelle B.
Trépanier, qui est maire de Valleyfield et en même temps
préfet de la MRC Beauharnois-Salaberry; M. Tinus Mooijekind,
vice-président de la Corporation de développement
économique du Sud-Ouest, à ma gauche; M. Daniel Dicaire,
commissaire industriel de la Corporation de développement
économique du Sud-Ouest, ainsi que votre humble serviteur, Guy
Berthiaume, président de la Société du port de
Valleyfield.
Avant de procéder à la lecture de notre mémoire
intitulé "Politique tarifaire hydroénergétique et le
développement industriel de la région du Sud-Ouest de
Montréal", nous aimerions souligner que depuis mars 1983 certaines
politiques tarifaires concernant les industries à forte consommation ont
été mises de l'avant. Nous nous réjouissons que le
programme de rabais des tarifs d'électricité facilitera de
beaucoup notre travail de promoteurs afin d'intéresser les industries
à fort effet d'entraînement à s'implanter chez nous.
Nous remercions Hydro-Québec et M. Yves Duhaime, ministre de
l'Énergie et des Ressources, d'avoir mis de l'avant un tel programme et
nous l'assurons que nous tâcherons d'inciter de nouveaux investisseurs
à profiter de cette occasion. Ceci nous encourage à vous
présenter notre réflexion sur l'importance d'avoir une politique
tarifaire hydroénergétique efficace pour élaborer une
stratégie d'intervention de développement industriel.
Nous procédons à la lecture du mémoire.
Introduction. La Corporation de développement économique du
Sud-Ouest est un organisme sans but lucratif voué au
développement économique et industriel d'une région
située au sud-ouest de Montréal dans l'axe
Beauharnois-Salaberry-de-Valleyfied. La Société du port de
Valleyfield est une
société qui détient, en vertu d'un projet de loi
privé - no 237 - un mandat de la ville de Salaberry-de-Valleyfield et de
l'Assemblée nationale pour gérer et administrer des
infrastructures portuaires et s'occuper de la promotion industrielle
reliée au développement du port de Valleyfield. Cette
région est caractérisée par la présence d'un grand
nombre d'industries extensives consommant annuellement de larges
quantités d'énergie électrique.
Notre présence ici a pour but de sensibiliser les membres de la
commission sur l'importance d'une politique tarifaire hydroélectrique
avantageuse non seulement à l'égard de nouvelles entreprises,
mais également des entreprises existantes. Les hausses de tarifs
enregistrées par plusieurs entreprises de notre région ne sont
pas de nature à soutenir nos efforts de promotion envers les entreprises
à forte consommation d'électricité qui constituent notre
vocation, notre avenir.
Des politiques tarifaires établies en tenant compte des autres
facteurs compétitifs, des taux énergétiques
prévisibles à moyen et long terme, une banque de crédit
énergétique et la création d'un fonds de
développement industriel à partir des dividendes perçus
sur les revenus d'Hydro-Québec nous encourageraient dans nos efforts
à développer le Sud-ouest du Québec.
Politique tarifaire et développement industriel. La politique
tarifaire québécoise en matière d'énergie
électrique a permis l'implantation de plusieurs entreprises majeures
dans la région du sud-ouest de Montréal entre 1935 et 1965.
Notamment, Union Carbide avec une usine de ferro-silicium et de
ferro-manganèse, implantée en 1936; Alcan: lingots d'aluminium,
en 1942, Stanchem: soude caustique, chlorate de sodium, en 1949; Chromasco:
ferro-silicium, en 1953; Zinc électrolytique du Canada: lingots de zinc,
en 1963; Goodyear: des pneus, en 1965.
En 30 ans, ces entreprises ont fait de la région du sud-ouest de
Montréal une zone industrielle lourde de premier plan au Québec.
En 1978, ces entreprises employaient 3600 travailleurs. Toutes ont connu une
expansion dans les dix dernières années.
Depuis 1965, toutefois, aucune entreprise majeure ne s'est
implantée sur le territoire. Cette situation a coïncidé avec
l'uniformisation des taux d'énergie électrique au Québec.
Cette politique a rendu relativement attrayantes d'autres régions qui,
jusqu'alors, ne bénéficiaient pas de la proximité
d'installations hydroélectriques. Cette uniformisation, souhaitable
à bien des égards, a tout de même dilué la fonction
industrielle traditionnelle des régions telles que la Côte-Nord,
Grand-Mère-Shawinigan, Beauharnois, etc.
Néanmoins, la région du Sud-Ouest s'est relativement bien
défendue et les entreprises à forte consommation
d'électricité ont investi des sommes importantes année
après année, rassurées qu'elles étaient par la
stabilité d'un élément essentiel de leur coût de
production et du maintien de leur avantage concurrentiel:
l'électricité. Mais voilà que depuis 1977, un vent de
rattrapage non prévisible s'abat sur eux. Les augmentations successives,
excessives et non prévisibles sont telles que pour la première
fois, les entreprises à forte consommation d'électricité
sentent le besoin de se regrouper et de se faire entendre. En 1981 naissait
l'Association québécoise des consommateurs industriels
d'électricité. Pour la première fois, ces entreprises ont
l'impression que l'électricité ne joue plus son rôle comme
levier de développement industriel au Québec. Pourtant,
l'énoncé de politique économique du gouvernement du
Québec réaffirme cette volonté, en portant une attention
particulière sur l'électricité, facteur de
développement industriel. Cet énoncé est appuyé par
deux documents de soutien portant sur l'importance de l'utilisation de
l'électricité dans certaines industries et Perspectives de
développement des industries à forte consommation
d'électricité au Québec. Qu'en est-il au juste?
Le vieillissement de la structure industrielle et la politique
tarifaire. La structure industrielle du Sud-Ouest risque de vieillir si des
programmes d'investissements soutenus ne la maintiennent pas dans un
état d'efficacité relatif. En effet, certaines installations
devant faire face à la fois à des facteurs conjoncturels - soit
le ralentissement de l'économie nord-américaine - et structurels
- évolution rapide de la technologie - risquent de disparaître si
les entreprises ne sont pas encouragées à se diversifier. La
région, malgré les efforts soutenus pour élargir sa
structure, demeure et demeurera toujours une zone pour industries intensives de
biens intermédiaires.
De 1978 à 1982, la région a perdu près de 1200
emplois dont 40% dans les industries à forte consommation
d'électricité. Les fortes hausses du coût de
l'énergie électrique, ajoutées au problème de la
récession économique, ont sérieusement
ébranlé les entreprises de notre région plus que toute
autre. Pour certaines entreprises, le coût de l'énergie
électrique a plus que doublé depuis 1978.
Face à la menace du vieillissement des équipements en
place, des changements technologiques et des fortes hausses du coût de
l'énergie électrique, plusieurs entreprises s'interrogent sur les
avantages de réinvestir au Québec pour rajeunir leurs
installations ou développer de nouveaux projets sur des sites
adjacents.
Pourtant, la mise en garde du document
sur l'Énoncé de politique économique était
claire et se lisait comme suit: Les entreprises existantes n'ont pas la
même flexibilité dans leur processus de production; elles sont
contraintes par la nature de leur équipement de production et n'ont pas
les mêmes possibilités d'adaptation en vue d'une utilisation plus
efficace de l'électricité. Du point de vue de la
société, en outre, la main-d'oeuvre qu'elles utilisent
déjà représente une contrainte supplémentaire. Les
entreprises en place imposent donc des contraintes plus lourdes que les
entreprises nouvelles en termes d'augmentation de tarifs et en termes de
rationalisation de la consommation. A-t-on réellement tenu compte de
cette mise en garde dans les récentes politiques tarifaires?
L'électricité, facteur décisionnel de l'essor
industriel de la région de Beauharnois-Valleyfield. Notre région
a toujours été caractérisée par la densité
de ses entreprises à forte consommation d'électricité.
Qu'on le veuille ou non, notre avenir, notre vocation est orientée vers
ce type d'entreprises extensives. Encore une fois, l'Énoncé de
politique économique du gouvernement a considérablement ennobli
ces secteurs de la structure industrielle québécoise qu'on a
tendance à repousser. Le rapport dit: Le développement des
industries à forte consommation d'électricité aurait en
général des effets plus favorables sur l'économie
québécoise que le développement des autres industries du
secteur manufacturier tant en termes d'effets directs et indirects en amont,
qu'en termes d'effets positifs sur le développement régional et
la balance des paiements du Québec. De plus, le potentiel
d'intégration en aval de ces industries est très largement
supérieur aux autres industries manufacturières.
Le même document se penche par la suite sur les industries
fortement dépendantes de l'électricité. On retrouve le
papier, l'aluminium, le magnésium, le zinc, les ferro-alliages, le
chlore et la soude caustique, le chlorate de sodium, le carbure de silicium, le
carbure de calcium. La plupart de ces secteurs sont représentés
dans notre région. Vous comprendrez alors notre intérêt
dans le présent dossier. Les secteurs que le document propose de
promouvoir aluminium, magnésium, verre, abrasifs retrouveraient dans
notre région de grands avantages pour leur implantation. Nous sommes
toutefois inquiets face à la récente escalade des tarifs
d'électricité qui entravent nos efforts de promotion. Le groupe
de travail de l'Énoncé de politique économique a
lui-même insisté sur la nécessité d'une promotion
dynamique et organisée à laquelle il consacre d'ailleurs l'une
des recommandations. Nous sommes en tous points d'accord avec ces efforts mais
la présente attitude face aux hausses des tarifs n'est pas de nature
à favoriser notre travail.
L'électricité est un élément essentiel pour
maintenir un écart compétitif face à la concurrence
internationale. Cet écart de tarif à l'avantage du Québec
constitue une marge de manoeuvre importante pour la promotion industrielle de
notre région. À l'heure actuelle, cet avantage a
été considérablement réduit, de telle sorte que
nous nous interrogeons sérieusement sur sa valeur réelle pour
convaincre les industriels de venir s'établir chez nous.
L'Énoncé de politique économique établissait la
valeur de cet avantage entre 4% et 15% des coûts de production par
rapport à l'Ontario pour des industries à forte consommation
d'électricité. Comme cette analyse portait sur des données
d'avant 1978, il y a fort à parier que dans certains cas l'avantage
n'existe plus. L'énoncé disait: "Dans ces conditions, le fait de
relever le tarif québécois à 01,9 $ le kilowattheure et
plus constituerait une mauvaise décision puisqu'elle pourrait amener
dans d'autres pays des implantations industrielles alors que les conditions
réelles de production sont plus avantageuses au Québec."
Nous savons déjà que l'Alberta - Trans-Alta - le Manitoba
et la ville de Cornwall offrent des tarifs grande puissance inférieurs
aux nôtres. Le tarif en Ontario se rapproche sensiblement de celui du
Québec, qui ne détiendrait plus qu'un avantage de 19%.
L'Énoncé de politique disait aussi: "Dans la mesure où la
politique tarifaire du Québec tiendra compte de cette contrainte que
représente la nécessité d'assurer une transition semblable
à celle des concurrents, on peut donc penser que
l'électricité sera pour le Québec un facteur d'attrait
pour son économie pendant plusieurs années." Ce n'est pas tout
à fait, semble-t-il, la voie qui a été suivie puisque les
augmentations ont été beaucoup plus élevées qu'en
Ontario et au Manitoba.
Cet écart positif avec certaines provinces du Canada et dans
d'autres pays tend à disparaître si on l'associe à d'autres
facteurs compensatoires. L'application d'une politique fiscale, les relations
du travail, la protection de l'environnement et l'éloignement des
marchés à fort potentiel font que d'autres pays sont
déjà en mesure de compenser largement cet écart. Il est
important, si nous désirons maintenir et développer ce type
d'industrie à fort effet d'entraînement, que le Québec,
dans ses politiques énergétiques, tienne compte des autres
facteurs compensatoires.
Recommandations. Attendu que le coût de
l'électricité au Québec est parmi les plus bas en
Amérique du Nord, malgré que certaines provinces canadiennes
n'exigent pas des tarifs qui se rapprochent des coûts réels,
attendu que les industries à forte consommation
d'électricité ont des effets
d'entraînement plus élevés que la moyenne au
Québec, attendu que les ouvertures permises par le GATT devraient
encourager la promotion de ces industries au Québec, attendu que les
industries existantes sont moins flexibles que les nouvelles industries face
à des hausses de tarif d'électricité, nous recommandons
à cette commission et au gouvernement du Québec: 1) de mieux
adapter ces hausses de tarif à celles de ses concurrents en tenant
compte des facteurs compensatoires; 2) d'allonger la période de
transition pour les entreprises existantes et de mettre sur pied une politique
tarifaire à long terme; 3) d'établir une banque de crédits
énergétiques qui inciterait les entreprises à fort effet
d'entraînement à s'ajuster à la concurrence internationale;
4) d'accentuer sa promotion des secteurs de croissance et, enfin, d'analyser la
possibilité de créer un fonds à même les dividendes
perçus sur les revenus d'Hydro-Québec destiné à la
modernisation et à la diversification d'industries à forte
consommation d'énergie.
Je remercie les membres de la commission de nous avoir entendus.
Le Président (M. Vallières): Merci, M.
Berthiaume.
La parole est maintenant à M. le ministre.
M. Duhaime: Oui. Je voudrais vous remercier pour votre mémoire et
vous dire qu'il y aurait un parallèle éloquent à faireentre l'axe de développement Beauharnois-Valleyfield et la Mauricie.
Je pense que ce sont deux régions qui sont presque des jumelles, en
quelque sorte.
Je voudrais d'abord faire quelques commentaires sur certaines des
affirmations que vous faites. Incontestablement, on maintient encore au
Québec un prix au kilowattheure qui est le meilleur marché. On ne
s'embarquera pas dans les grands tableaux pour comparer avec New York ou
ailleurs, mais avec l'Ontario en particulier - cela a déjà
été évoqué ici - je pense que les 9% d'avance vont
aller en s'accentuant, cela va s'accentuer dès l'an prochain. Nous
connaissons les demandes d'Hydro-Ontario pour 1984, nous savons que le
gouvernement ontarien a refusé d'accorder à Hydro-Ontario la
demande de hausse tarifaire qu'elle avait formulée l'an passé.
Nous avons également une idée de ce que pourrait être le
tarif 1984 au Québec. J'entends par là comme ordre de grandeur,
bien sûr.
Ce que fait Cornwall, j'ai l'impression que c'est la politique d'une
ville qui a pris cette décision de tarifer - vous me corrigerez si je
fais erreur - et la ville a un mécanisme de compensation.
Je ne parlerai pas du Manitoba, parce que si on retenait la formule
manitobaine, en tenant pour acquis que chaque 1% d'augmentation du tarif
d'Hydro représente 30 000 000 $ et que les bénéfices nets
-pas les profits - d'Hydro en 1982 ont été de 800 000 000 $ -
cette année ce sera proche de 800 000 000 $ également, un peu
moins -et qu'on décidait non seulement de geler le tarif
d'Hydro-Québec, mais d'aller vers la baisse, il est évident qu'au
lieu d'arriver avec un bénéfice net, on arriverait avec un manque
à gagner. Les Manitobains ont choisi cette formule, de sorte que
Manitoba-Hydro fait des pertes qui sont compensées par le fonds
consolidé de la province du Manitoba. Nous avons choisi un autre
scénario parce que nous calculons qu'il n'appartient pas aux
non-consommateurs d'hydroélectricité, qui sont quand même
des contribuables, de compenser pour les pertes.
Cela dit, je suis heureux de voir que le programme qui a
été annoncé dans le courant de l'été par
Hydro-Québec, de 50% de rabais en première année
jusqu'à l'horizon de 1990, suivant les paliers: 50%, 40%, 20% et 10%,
qui s'appliquent à tout le secteur industriel et manufacturier au
Québec, sans aucune exception, est une bonification qui va dans le sens
de ce que vous proposez à la commission.
C'est entendu qu'un des facteurs de localisation industrielle - pas
seulement dans les années trente, mais au début du siècle
dans différentes régions du Québec, c'est vrai pour la
Beauce, c'est vrai pour la Mauricie, c'est vrai pour la Côte-Nord - a
été d'installer l'industrie près des chutes, où on
minimisait le coût du transport. C'est évident que cela a
été un facteur de localisation qui a été
très positif. Aujourd'hui, l'uniformité dans le tarif existe, peu
importe la catégorie de consommateurs, avec quelques exceptions, et ce
à quoi on songe - je ne voudrais pas m'étendre là-dessus
cet après-midi, parce que j'ai eu l'occasion de l'évoquer - c'est
d'ajuster une grille tarifaire en fonction des activités industrielles
manufacturières en tenant compte du contenu énergétique.
Par exemple, lorsque les premiers lingots d'aluminium ont été
produits au Québec, la part de l'énergie dans le coût de
production devait être d'à peu près 40%. Aujourd'hui, pour
les derniers lingots qui sortent de l'usine de La Baie, dans le Saguenay, le
contenu de l'énergie doit être autour de 25% ou 26%. Avec les
nouveaux procédés de fabrication de l'aluminium, avec le
précuit, entre autres, les économies d'énergie vont
être encore plus élevées, donc la consommation et le
contenu hydroélectrique dans la fabrication du lingot vont aller aussi
en diminuant.
C'est vrai aussi dans la fabrication du chlore. Je pense entre autres
à C-I-L, qui a changé ses procédés de fabrication
complètement. Le contenu énergétique va en diminuant. Et
on pourrait allonger la liste.
Tout cela pour dire qu'aujourd'hui, en 1983, avec des technologies plus
avancées, l'hydroélectricité est un facteur relativement
moins important qu'il ne l'était il y a 50 ans. Il reste quand
même que c'est un facteur de localisation très important. C'est
vrai dans beaucoup de secteurs d'activité; c'est encore vrai même
dans le papier journal; c'est vrai dans le magnésium; c'est vrai dans le
zinc; c'est vrai dans le cuivre. Et on pourrait allonger la liste. Mais, je
pense que, depuis une vingtaine d'années au Québec, il a
été assez clairement arrêté par tous les
gouvernements, quel que soit le parti politique, que l'approche d'une
tarification régionale devait être abandonnée et qu'on
maintenait l'uniformisation. Cela a été vrai jusqu'à il y
a deux ans. (15 h 30)
Maintenant, on se rend compte que, pour être en mesure de
maintenir des entreprises en état de fonctionnement et pour permettre
à d'autres de naître et de les concurrencer sur les marchés
internationaux, il fallait nous ajuster davantage à la concurrence. Les
Brésiliens ne se gênent pas et les Australiens non plus.
Paradoxalement, si EDF (France) n'avait pas maintenu une politique tarifaire
comme elle l'a fait jusqu'à présent, Pechiney, au lieu de prendre
son expansion en Amérique du Nord, l'aurait certainement prise à
l'intérieur du territoire français, à tout le moins
à l'intérieur de la Communauté économique
européenne. Mais il est sûr et certain qu'il nous faut nous
ajuster et je ne crois pas qu'on puisse le faire d'une façon
générale pour l'année 1984. Cette approche-là est
à l'étude actuellement, tant au ministère de
l'Énergie qu'à Hydro-Québec, et nous allons probablement y
aller graduellement, par secteur d'activité. Cela m'apparaît
être le meilleur scénario pour l'avenir. Je ne prétends pas
que ce soit l'absolu et la réponse à tous nos
problèmes.
On s'est vite rendu compte que - si on fait un raisonnement par
l'absurde - si nous n'avions pas modifié notre structure tarifaire face
à l'aluminium, il y aurait eu 2 000 000 000 $ d'investissements de moins
au Québec. C'est aussi clair que cela. Reynolds n'aurait pas eu
intérêt à s'en venir ici; elle aurait plutôt
modernisé ses alumineries du Texas et de l'Alabama. En faisant cela, on
fait un transfert net d'emplois du Sud des États-Unis vers Baie-Comeau,
de la même façon qu'en signant un contrat avec Pechiney, on fait
un transfert net d'emplois des États-Unis et de l'Europe vers le
Québec. C'est vrai aussi dans le cas de l'Alcan.
Vous nous suggérez qu'on mette sur pied une banque, ou un fonds
quelconque, qui pourrait s'alimenter à même les dividendes
d'Hydro-Québec et qui viendrait ensuite financer des modifications
à l'investissement.
Je pense que c'est une proposition qui est intéressante; encore
faudra-t-il la chiffrer. Quand on fait la liste des facteurs de localisation
pour une industrie - ce n'est pas moi qui vais vous enseigner votre
métier, vous le savez comme moi - à part la grande industrie
fortement consommatrice d'hydroélectricité, le facteur de
l'énergie n'est pas toujours la première considération. Il
reste cependant que, dans la grande industrie, en première
transformation, cela reste majeur, malgré des baisses relatives de
consommation à cause des technologies plus modernes. Comment va-t-on
faire fonctionner un fonds comme celui-là? On va retourner de l'argent
à Hydro-Québec ou on va retourner de l'argent aux entreprises et
on va dire: Si vous vous installez à Valleyfield, le fonds va vous venir
en aide et va absorber 50% de votre facture énergétique?
Je pose la question, parce qu'après vous, il va y avoir des gens
de la région de Québec qui vont venir... Ceux du
Saguenay-Lac-Saint-Jean qui sont venus le printemps dernier ont proposé
une tarification régionale, étant bien entendu que leur propre
région devait être la mieux privilégiée. Je voudrais
seulement savoir si vous avez poussé votre réflexion
là-dessus, sur ce point-là.
M. Berthiaume: On a poussé passablement la
réflexion. C'est pour cela qu'on a une double recommandation. On parle
surtout, lorsqu'on parle de développement régional, d'une banque
de crédit énergétique. Enfin, je pense que le gouvernement
du Québec, en 1978, par la loi 48 sur les stimulants fiscaux pour
encourager les petites et moyennes entreprises, avait déjà
créé un précédent là-dessus en permettant
à des entreprises de différer les impôts sur une
période de cinq ans et de prendre ces fonds-là pour des
améliorations. C'était vraiment une mesure... Moi, je l'ai
vécue comme commissaire industriel, quand les gars venaient me voir
après cinq ans, qu'ils avaient mis 5000 $ de côté et,
à un moment donné, ils avaient 20 000 $. Il fallait qu'ils
fassent quelque chose, sinon ils perdaient cette banque-là. Il y a
beaucoup de petites entreprises au Québec qui en ont profité.
Pour les compagnies comme Union Carbide, chez nous, la Zinc et certaines
entreprises comme Chromasco, en ayant une formule -je suis d'accord, et tous
les gens ici, c'est normal qu'on ait des rajustements de tarif
électrique, certaines entreprises ont déjà
bénéficié de rabais - en ayant, dis-je, une espèce
de crédit énergétique, c'est une banque. Au fur et
à mesure qu'une portion des augmentations pourra être
différée ou mise en réserve, cela permettrait à une
société, qui, après quinze ans, a des décisions
à prendre, à savoir: Est-ce qu'on va au Brésil, est-ce
qu'on reste au Québec ou si on va en Australie? Elles vont regarder
dans
leurs livres et elles vont dire: On a déjà 4 000 000 $ ou
5 000 000 $ de réserves d'énergie... Si on prend simplement un
nouveau type d'équipement, des nouvelles unités de production,
c'est déjà approuvé, non pas pour le Brésil, mais
pour Beauharnois, pour Valleyfield. C'est pour cela que, selon des politiques
à long terme, on aimerait établir ce genre de banque de
crédits qui, en ne coûtant rien aux contribuables - du moins on le
pense pourrait inciter, dans 15 ou 20 ans, ces entreprises à rester chez
nous, à diversifier ou à changer leur mode de production et
à s'adapter vraiment à de nouvelles concurrences sur le
marché international. On pense qu'on n'aurait peut-être pas eu la
fermeture de l'unité de ferrosilicium, à Beauharnois. On
espère qu'elle va ouvrir. Ce qu'on voudrait, à l'avenir, pour nos
enfants, c'est que ces entreprises qui transforment de la matière de
chez nous restent là et se modernisent avec cette incitation.
M. Duhaime: Si je vous comprends bien, il n'y a pas de manque
à gagner à HydroQuébec dans votre scénario et il
n'y a pas de sortie de fonds. C'est un jeu d'écriture.
M. Berthiaume: C'est cela.
M. Duhaime: Autrement dit, une entreprise qui paie 1 000 000 $
par année, à Hydro-Québec, avec un programme comme
celui-là - on parle pour parler - environ 10%, 15%, 20% ou 30%, pour les
fins de la discussion, on vous dit: On vous donne un crédit
énergétique de 30%; on va inscrire dans la colonne, sous votre
nom, 300 000 $. Au bout de cinq ans, ils ont 1 500 000 $. S'ils décident
de faire un investissement quelconque, ils ont droit à ce crédit
énergétique. Autrement dit, c'est la technique d'attacher le
client.
M. Berthiaume: Cela peut même être basé sur
leur taux d'augmentation. Il y a une entreprise voisine du port; elle a eu une
augmentation de 155%, si on cumule toutes ces augmentations, je me dis que cela
était peut-être justifié... S'ils étaient partis de
ces 155% et qu'ils avaient dit que 25% ou 30%, au fil des années, sont
mis dans une banque... Si vous avez des projets d'amélioration ou des
projets de diversification, s'ils sont à Valleyfield, c'est
attaché avec le plan de Valleyfield - je pense au développement
régional - pas au Lac-Saint-Jean ou en Mauricie, mais à
Valleyfield.
M. Duhaime: Je comprends bien votre message.
M. Berthiaume: Et pour permettre à Hydro-Québec,
à l'échelle provinciale, des projets comme Pechiney ou des
projets vraiment à caractère national, c'est là qu'on dit
que la partie des dividendes d'Hydro-Québec sert à cela ou est
remise au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme pour fins
de développement ou de promotion à l'extérieur, etc.
M. Duhaime: II ne faut pas vous faire d'illusion avec le niveau
des dividendes. Quand j'ai défendu la loi 16, à
l'Assemblée nationale, mes amis de gauche me disaient qu'on allait mener
Hydro-Québec à la faillite, qu'elle cesserait de faire des
profits et qu'elle ne serait pas capable d'emprunter. En deux ans, le total des
dividendes perçus par le gouvernement à Hydro-Québec est
de 14 000 000 $, sur deux ans.
M. Fortier: Plus 400 000 000 $ de taxes indirectes.
M. Duhaime: On parle des dividendes. M. Fortier: Ah
oui!
M. Duhaime: La taxe sur le capital se paie. Ce n'est pas 200 000
000 $; c'est 225 000 000 $. C'est parfaitement normal qu'Hydro-Québec
paie ses taxes et ses impôts comme tout le monde.
M. Berthiaume: Advenant qu'elle fasse beaucoup de dividendes.
M. Duhaime: Elle pourrait grossir ses dividendes. Cela revient au
même.
Le Président (M. Vallières): Est-ce que vous avez
d'autres questions, M. le ministre?
M. Duhaime: Non, c'est tout. Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je dois dire que le document
qui nous est présenté aujourd'hui est daté du 30 mars 1983
et que je l'ai utilisé libéralement - d'une façon
très libérale - à l'Assemblée nationale. J'ai fait
allusion à plusieurs de vos questions. D'ailleurs, cela s'inscrivait
à l'intérieur de préoccupations que j'avais puisque j'ai
ici une coupure de journal du 7 septembre 1982 qui s'intitule: Redevenons
Hydro-Québécois" où je parlais, entre autres, des surplus
que, de toute façon, l'énergie électrique avait
été, dans le passé, un facteur de développement
industriel très important et qu'il fallait s'en servir de nouveau
à l'avenir. Si je regarde les investissements qui sont faits dans votre
région... je ne sais pas quelle était la société
privée de votre région à ce moment-là. De qui
s'agissait-t-il à ce moment-là?
M. Berthiaume: Shawinigan Power.
M. Fortier: II est certain que les stratégies qui
étaient suivies par Shawinigan Power, qui ont favorisé la
région de Shawinigan et votre région étaient, comme le
ministre vient de le dire, des techniques d'attacher le client. Elle avait
compris cette technique qui consistait à amener des clients qui
consommaient de l'électricité, à les implanter là,
à en prendre soin et à développer l'économie du
Québec.
Malheureusement, je crois que la nationalisation de
l'électricité a eu d'autres bénéfices pour les
citoyens du Québec, surtout dans des régions comme la
Gaspésie, l'Abitibi ou ailleurs. Sur le plan du développement
industriel, on a perdu un peu de vue cette tactique qu'avait Shawinigan Water
and Power de faire le développement industriel, et c'est certainement
quelque chose qu'on a manqué au Québec, parce que cela ne s'est
pas fait autant que cela se faisait auparavant.
Je vois ici Union Carbide, 1936; Alcan, 1942; Stanchem, en 1949;
Chromasco, 1953; Zinc Electrolytique du Canada, 1963; Goodyear, 1965; ensuite,
il n'y en a pas beaucoup dans cette région-là en particulier.
J'avais posé des questions au ministre à
l'Assemblée nationale concernant la tarification à la suite du
dépôt de votre document. Je lui avais posé une couple de
questions, d'une part sur le fait que les tarifs énergétiques du
Québec se rapprochaient dangereusement de ceux de l'Ontario. De
façon plus précise, je soulignais que l'augmentation des tarifs
au Québec a été très accentuée,
indépendamment de ce qui se faisait en Ontario de toute façon et
que pour ceux qui veulent investir c'est un facteur important de dire à
quel rythme le tarif de l'énergie augmente. De fait, vous dites que les
investisseurs vous posent ces questions-là. Le tarif actuel est
important et le tarif futur est très important.
Je ne connais pas les secrets que le ministre partage avec
Hydro-Québec. Il dit que l'an prochain l'augmentation
d'Hydro-Québec sera minime par rapport à celle d'Hydro-Ontario.
Tant mieux si c'est cela. Je crois que cela nous permettrait de corriger
quelque peu la situation. Quand même, les faits restent ce qu'ils sont
pour le passé en particulier.
À la suite de votre mémoire et des questions qu'on avait
posées et particulièrement au mois de juin lorsqu'on a eu la
commission parlementaire pour étudier la Loi sur l'Hydro-Québec,
j'ai posé des questions sur la tarification. Là où je suis
un peu désolé c'est que le ministre nous dit que pour cette
année - on devra attendre HydroQuébec, à la fin d'octobre
d'après ce que j'en sais, pour déterminer l'augmentation des
tarifs de l'an prochain - pour 1984, il est trop tard.
On a reçu votre mémoire en mars dernier. Des gens se sont
interrogés là-dessus. Je me souviens en avoir parlé
à quelques reprises de façon tout à fait informelle avec
le président d'Hydro-Québec. Je pense que le ministre
était au courant de cette proposition qui était faite ici. Alors
que précisément tout le monde veut faire le développement
économique du Québec dans le moment et qu'on retarde la reprise
de la session d'un mois, je ne comprends pas qu'on n'ait pas pensé
à cela un peu plus tôt. Je comprends que le ministre veuille
prendre quelques mois de plus pour étudier votre proposition alors qu'il
l'avait déjà en mars 1983 mais enfin...
On a perdu un an avec cela puisque, d'après ce qu'il nous a dit,
la proposition d'adopter une tarification sectorielle nous sera faite au mois
d'octobre 1984 pour être en vigueur en janvier 1985. Il n'est jamais trop
tard pour bien faire mais on aurait pu gagner un an. Je voulais dire mon accord
complet là-dessus. Je n'ai d'ailleurs jamais dit que j'étais en
désaccord avec la politique du gouvernement en ce qui concernait
l'escompte de 50% aux sociétés d'aluminium pendant qu'on a des
surplus. Je crois que c'était la politique à faire et à
suivre et cela rejoint certainement mon approbation la plus totale. (15 h
45)
J'aimerais vous poser une question. Il y a d'autres représentants
de l'industrie. Je vous inclus parmi les représentants - entre
guillemets - "industriels", c'est-à-dire les gens qui se
préoccupent de développement économique. Ils nous ont dit:
Lorsque Hydro-Québec vient présenter sa demande de tarif, on n'a
pas l'occasion de faire des commentaires et on n'a pas l'occasion de donner son
point de vue; on n'a pas l'occasion, comme on peut le faire devant la
Régie du gaz et de l'électricité, de dire ce qu'on a
à dire. J'en profite pour vous poser la même question: Est-ce que
votre organisme, s'il était appelé à donner son point de
vue lorsqu'Hydro-Québec nous propose des augmentations de tarif - je ne
parle pas en termes uniquement d'augmentation mais en termes de tarification
sectorielle ou autre - serait intéressé à intervenir dans
ce genre de débat?
M. Berthiaume: Je pense qu'on serait toujours
intéressé à intervenir. Mais il reste que l'impact direct
sur la Société du port ou même, je pense, la Corporation de
développement économique n'a pas d'effet comme tel. Mais on sait
une chose: Au port on expédie des lingots de zinc, de l'aluminium, de
l'asbeste, dans tous les pays à travers le monde. On est en train de
discuter pour des contrats d'expédition vers la Chine. Mais c'est
difficile pour des
entreprises, lorsqu'on parle exportation, de savoir quel va être
notre coût d'énergie surtout si cela représente 30% ou 40%
du coût de production, ou même 25%. Quel va être notre
coût l'année prochaine, en 1985? Ces contrats sont signés
parfois un an ou deux ans d'avance. En 1983 on prend la décision pour
produire en 1984 ou en 1985. Qu'arrive-t-il à ces entreprises à
un moment donné? Les facteurs à étudier... Est-ce qu'on
prend la commande des Chinois? Quel va être le facteur - parce que tout
de même il y a des actionnaires en arrière qui demandent des
dividendes - qu'on va mettre de côté? Si c'est une augmentation de
7% il n'y a pas de problème, on va jouer avec cela; mais si cela vient
à 20% ou 10%? C'est que l'industrie ne le sait pas. Ce qu'elle demande
c'est sûr que ce n'est pas le degré d'augmentation. Elle aimerait
planifier ses augmentations de coût.
La plupart des industriels que j'ai rencontrés disent: si
possible, on aimerait payer l'énergie le moins cher possible. Mais ils
savent - c'est comme toute chose - qu'il y a des périodes d'ajustement.
Au niveau de la production leurs augmentations sont planifiées. Ils le
font pour leurs matières premières, ils savent qu'au moins 50% ou
60% de leur approvisionnement en 1986 vont nous coûter tant par tonne.
Ils disent: On aimerait pouvoir faire la même chose avec notre
énergie.
M. Fortier: Alors, ce que vous dites, c'est que, s'il y avait
possibilité de négocier des garanties...
M. Berthiaume: D'augmentation.
M. Fortier: ...comme cela a été fait avec Pechiney
d'ailleurs et Reynolds, certaines garanties d'augmentation maximale, cela
permettrait à l'entreprise privée de voir plus clair lorsqu'elle
prend des contrats d'exportation ou des contrats qui impliquent une
dépense énergétique très importante. Ce serait une
façon d'aider au développement économique.
M. Berthiaume: Même fixer les augmentations un an d'avance,
dire: en 1984 -on est en octobre 1983 - votre augmentation à partir du
1er octobre 1984 sera de tel montant; un an ou deux ans d'avance si
possible.
M. Fortier: Oui. Je pense bien que ce n'est pas possible pour
Hydro de décider deux ans ou trois ans d'avance quelle sera
l'augmentation statutaire. Je croyais que ce que vous demandiez, pour certaines
industries grandes consommatrices, c'était d'avoir certaines garanties
du moins quant à l'augmentation maximale. Cela reviendrait à la
même chose pour l'industrie concernée.
M. Berthiaume: Oui. Cela pourrait revenir à la même
chose. Mais, comme les gars disent: au lieu de fixer le maximum, être le
plus précis possible. Parce que, lorsqu'on dit "maximum" cela peut
jouer. Est-ce que ce sera toujours le maximum? Mais je suis convaincu qu'il y a
moyen d'être précis dans ses augmentations. On le demande à
l'entreprise privée, dans les contrats de soumissions: Garantissez-nous
vos coûts pour 60 jours, 90 jours. Je pense qu'une société
comme Hydro-Québec pourrait au moins garantir des augmentations un an
à l'avance, avec ses planificateurs et ses gens en place; ils devraient
être capables de...
M. Fortier: Toute augmentation, selon la loi actuelle, doit
être approuvée par le gouvernement, et la tradition veut qu'elle
soit soumise à une commission parlementaire qui vient normalement
à l'automne. Alors Hydro-Québec elle-même peut avoir une
opinion sur ce que cette augmentation devrait être ou sur ce qu'elle va
recommander, mais elle ne sait jamais d'avance ce qui va être
approuvé. Comme les conditions financières depuis trois ou quatre
ans étaient plutôt volatiles sur le marché américain
de l'emprunt, contrairement à ce qui s'était fait il y a quelques
années, où elle avait demandé des augmentations sur des
périodes de trois ans, Hydro-Québec préfère
présentement demander des augmentations de tarif pour une année
seulement. Est-ce que ce serait possible de demander ou d'exiger
d'Hydro-Québec, étant donné que les taux
d'intérêt semblent plus statiques présentement, qu'elle
s'engage à plus long terme, du moins pour deux ans? En fait c'est un peu
ce que vous dites, c'est certainement le genre de questions qu'on pourrait lui
poser lorsqu'elle viendra en commission parlementaire cet automne.
M. Berthiaume: Ou que la commission parlementaire essaie de
statuer toujours un an d'avance.
M. Fortier: Ah! Nous sommes toujours disposés. Je vous
remercie beaucoup.
M. Duhaime: Juste un point d'information.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vais vous renvoyer la balle. Si vous me donnez les
taux d'intérêt pour les cinq prochaines années et, en
faisant un effort, pour les dix prochaines années, ainsi que le taux
d'inflation, je vous donnerai un tarif pour dix ans. Il faut être
réaliste aussi. Quand à Hydro-Québec, au ministère,
au gouvernement et ici, en commission parlementaire, on évalue une
tarification... C'est vrai, ce que vous dites, que les hausses ont
été, à mon sens, vertigineuses sur la tarification
hydroélectrique; mais, toutes choses étant égales, il faut
regarder ce qui s'est fait dans le pétrole, il faut regarder ce qui
s'est fait dans le gaz naturel, qui sont des énergies concurrentielles.
Si on ne tient pas compte de l'évolution des prix des énergies
concurrentielles, vous aurez un déplacement peut-être trop rapide
sur l'hydroélectricité. Il ne faut pas oublier - je parle du
secteur industriel et qui consomme douze mois sur douze - qu'il y a une bonne
partie de la consommation d'Hydro-Québec qui ne se fait pas douze mois
sur douze. Quand Hydro-Québec planifie ses installations, c'est pour
s'ajuster à la pointe. Tout le monde le sait, une journée comme
aujourd'hui, téléphonez à LG 2 pour savoir combien il y a
de turbines qui tournent, et vous allez peut-être réaliser qu'il y
en a beaucoup trop. Je veux dire par là que, durant les mois de basse
consommation, les équipements qui sont là ne sont pas
utilisés à leur pleine capacité, mais on paie le plein
prix sur les taux d'intérêt et le coût du capital
investi.
Pendant que j'ai la parole, je voudrais juste corriger - je ne sais pas
- vos 9%... Est-ce que vous êtes sur le tarif grande puissance quand vous
faites la comparaison avec l'Ontario? J'ai fait refaire le calcul sur 1982, la
comparaison sur l'ensemble de la tarification du Québec par rapport
à celle de l'Ontario. L'avantage en faveur du Québec est de 12,8%
et non pas de 9%. J'ajoute que vos 9% sont probablement exacts, sauf qu'il
faudrait les qualifier parce qu'il y a 121 contrats qui existent encore
à l'heure actuelle qui sont en rattrapage, c'est-à-dire que ce
sont des contrats de grande puissance, avec C-I-L, par exemple, avec
Québec North Shore. Il y en a 121 qui sont, et de loin, en bas du tarif
grande puissance, mais, quand on fait le calcul comparatif avec l'Ontario, on
ne tient pas compte de cela. Si on faisait le calcul en intégrant les
121 contrats qui sont en rattrapage, c'est-à-dire qui, année
après année, vont graduellement rejoindre le tarif
régulier de grande puissance, je serais prêt à risquer
qu'on doit être aux alentours de 11% ou 12% en moyenne sur le tarif
grande puissance en Ontario, Cornwall étant une exception. C'est un peu
comme si le conseil municipal de Valleyfield disait: Nous bâtirons un
fonds municipal et on donnera une prime à l'investissement aux
compagnies qui consomment beaucoup d'énergie. C'est probablement ce que
Cornwall a fait. Non? Alors, comment se fait-il que Cornwall est plus bas?
Cornwall est un réseau municipal. Hydro-Ontario ne distribue pas
d'électricité au détail.
M. Berthiaume: Non, cela vient d'Hydro-Québec.
M. Duhaime: Pardon?
M. Berthiaume: Cela vient d'Hydro-Québec.
M. Duhaime: Ah! Alors, cela répond à mon
problème. C'est de l'énergie achetée du Québec,
n'est-ce pas?
M. Berthiaume: Oui.
M. Duhaime: Bon. C'est le seul contrat d'ailleurs qui existe et
on n'a pas l'intention de déposer un "Reversion Act", de faire comme les
Terre-neuviens, saisir l'Assemblée nationale pour casser nos contrats.
On va le respecter. C'est Centre Rapids, probablement.
M. Berthiaume: C'est cela. Enfin, je pense que c'est une
exception. On ne devait pas en faire un cas...
M. Duhaime: C'est une signature qui coûte cher au
Québec, mais on va la respecter jusqu'au bout.
M. Berthiaume: Enfin...
Mme Trépanier (Marcelle B.): M. le ministre, les deux
gouvernements supérieurs, soit le gouvernement provincial et le
gouvernement fédéral, par le biais de l'entente auxiliaire
OPDQ-MEER, ont fait des efforts pour donner les infrastructures d'accueil
à un nouveau parc industriel. C'est de l'ordre de 1 780 000 $, et la
municipalité de même, soit 1 200 000 $. Alors vous comprenez
très bien pourquoi il y a des démarches pour que, justement, il y
ait des coûts préférentiels pour faire en sorte que ces
investissements puissent rapporter. Le facteur électricité, le
facteur énergie est l'un des plus importants lorsqu'il s'agit d'attirer
de nouvelles implantations dans les municipalités ou dans tout autre
centre. Alors, vous pouvez vous imaginer que j'appuie entièrement le
président de la Société du port dans cette démarche
au nom de la ville, de même qu'au nom de la région puisque ce sont
des investissements considérables que les trois gouvernements ont
apportés pour favoriser justement la venue d'industries dans le
Sud-Ouest du Québec où, depuis nombre d'années, il n'y en
a pas eu de nouvelles.
M. Duhaime: En fait, ce que vous me dites, madame, c'est que
votre région avait été retenue dans la programmation des
parcs industriels jugés prioritaires. Donc, si vous êtes sur le
volet un, c'est 75%, sur volet trois 85%, ou l'inverse.
Mme Trépanier: Exactement.
M. Duhaime: Ce qui veut dire que dans les dépenses
admissibles, cela coûte à votre ville 15% ou 25% le cas
échéant à l'intérieur de ce programme. Je ne veux
pas vous décourager, ma chère madame, mais je me souviens d'avoir
fait faire un relevé au ministère de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme, quand j'étais là, et les chiffres n'ont pas
varié beaucoup. On a continué d'aménager au Québec
des espaces industriels. Si ma mémoire est bonne, il y a 70% des
superficies industrielles aménagées au Québec à
l'heure actuelle qui ne sont pas occupées. Cela veut dire que vous
êtes sur un marché en effervescence. Il y a beaucoup de villes et
de grandes régions qui ont des espaces industriels
aménagés avec tous les services municipaux, l'eau, les
égouts, l'électricité, etc., et qui se battent en fait sur
le marché pour attirer chacune chez elle l'industrie X, Y ou Z. Je pense
que c'est sain en soi. S'il fallait qu'un gouvernement décide qu'on va
donner priorité au développement industriel ou économique
à quelques régions seulement au détriment de l'ensemble...
Je pense qu'on est mieux de jouer cela à chances égales en termes
d'aménagement des espaces industriels et en termes de tarification.
Soyez assurée que j'aimerais bien pouvoir satisfaire pleinement
le député d'Outremont et présenter en commission
parlementaire, dans quelques semaines, une grille tarifaire pour chacun des
secteurs manufacturiers. Allez donc satisfaire un député de
l'Opposition!
Mme Trépanier: D'abord que vous allez considérer
des chances égales, ce sera déjà
considéré.
M. Fortier: Moi, je travaille pour le développement
économique.
Le Président (M. Champagne): J'ai une demande
d'intervention du député de Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la Corporation de développement économique du Sud-Ouest et la
Société du port de Valleyfield ainsi que Mme le maire qui sont
venus nous présenter ici un mémoire qui démontre
très bien l'intérêt qu'elles portent à la survie de
l'essor économique de notre région.
Comme on vient de le souligner à la toute fin de nos propos, la
région de Valleyfield s'est dotée depuis un certain nombre
d'années d'une infrastructure passablement intéressante,
même au niveau des service sociaux, au niveau des services
éducatifs, au niveau du gaz naturel, de l'électricité. En
fait, l'infrastructure du parc industriel... Même si M. le ministre
essaie d'uniformiser les avantages qu'on peut retrouver dans les
différentes régions du Québec, je suis sûr qu'il ne
peut pas dire qu'il y a un port dans la Mauricie qui donne sur le Saint-Laurent
et qui la relie avec les Grands Lacs. Trois-Rivières, oui, c'est dans la
Mauricie. Seulement, toutes les régions ne peuvent pas
bénéficier...
M. Fortier: S'il n'y en a pas un, il va en faire un.
M. Lavigne: ...ou se dire aussi avantagées.
M. Fortier: C'est comme Duplessis.
M. Lavigne: Une chose certaine, c'est que l'uniformisation des
tarifs de l'électricité est une chance égale pour tout le
monde. Il y a eu dans le passé, bien sûr, une espèce de
discrimination, quoiqu'elle était un peu annulée du fait que les
grandes sociétés venaient s'installer près des barrages
hydroélectriques, près des ressources énergétiques.
Maintenant que ce temps-là est passé on a uniformisé nos
tarifs d'électricité.
Il y a aussi la compétition avec d'autres ressources
énergétiques tel que le gaz qui entre en ligne de compte. On en a
largement discuté depuis le début de notre commission
parlementaire. Il ne s'agit pas de créer des différences à
un tel point énormes entre les différentes ressources
énergétiques que tout le monde se rue sur la même et qu'on
en arrive à en créer une pénurie. Donc, il faut quand
même maintenir une espèce d'équilibre.
Ceci dit, c'est sûr que les entreprises de notre région...
Il y a un facteur, qui a été soulevé dans votre
mémoire, qui est important. On l'a mentionné, les
dernières à s'installer chez nous datent de 1965 et les
premières datent de 1930. Ce qui veut dire qu'elles ne sont pas à
la fine pointe des dernières modernisations d'équipement et de
rendement. C'est sûr qu'elles sont un peu pénalisées par
cela. On sait à quel point ce serait coûteux pour ces
entreprises-là de se moderniser rapidement pour en arriver à
être compétitives. (16 heures)
Par ailleurs, si on voulait aussi en tenir compte - on pense pouvoir en
tenir compte à la prochaine tarification des secteurs d'activité
- je me demande si on pourra tenir compte de l'âge, de
l'équipement et du vieillissement de nos entreprises. Est-ce qu'à
ce moment-là, cela ne serait pas les inciter à rester vieilles?
C'est peut-être le danger qu'on pourrait courir. Si, en étant
vieilles et non modernes, elles bénéficiaient d'un taux
préférentiel, elles n'auraient pas avantage à se
moderniser parce qu'elles devraient payer un taux plus élevé. Il
y aurait aussi cet
aspect.
On peut être social-démocrate, mais on n'arrête pas
de vivre en Amérique du Nord, et je pense que le premier à
vouloir défendre la libre concurrence serait le député
d'Outremont. Tout libéral qu'il soit, je pense qu'il est pour la libre
entreprise. On essaie de tirer une ligne à peu près entre les
deux; être trop socialiste, je pense que je ne m'embarquerais pas
là-dedans; par contre, il faut aussi que le gouvernement, dans ses
politiques, là où il a son mot à dire, donne la chance au
coureur et favorise l'implantation de nouvelles industries.
Je suis à 100% derrière le mémoire, derrière
vous, avec comme objectif finalement d'inciter les nouvelles entreprises
à venir s'installer chez nous et à celles qui sont chez nous d'y
demeurer et de progresser. Je pense qu'avec l'énumération des
services et des infrastructures, énumération que j'ai faite au
début de mes propos, il y a tout ce qu'il faut pour inciter les
nouvelles entreprises à venir s'installer.
On peut toujours mentionner, en terminant, que la situation, quoi qu'on
en dise, ne doit pas être aussi grave que cela, même s'il y a
toujours des améliorations à apporter. La différence entre
chez nous et l'étranger, pour ce qui est du tarif
hydroélectrique, doit sûrement être encore avantageuse. Un
exemple tangible, un exemple concret de cela, c'est que la Zinc, comme vous le
savez, Mme le maire, vient de couper un ruban d'inauguration et vient
d'injecter 47 000 000 $. J'en ai parlé hier, parce qu'il y avait les
représentants de Noranda, et j'ai profité de l'occasion pour
souligner cet événement d'importance dans le comté chez
nous, parce que ce n'est pas tous les jours qu'un député peut se
vanter, par les temps qui courent, d'avoir coupé un ruban, alors qu'on a
investi 47 000 000 $. Pouvez-vous me dire que vous avez coupé un ruban
de 45 000 000 $ dernièrement? Moi, je peux me vanter de cela.
Je suis content de cet événement qui démontre
jusqu'à un certain point il y a encore des avantages au niveau des taux
préférentiels d'électricité au Québec. Il
faut être prudent dans les augmentations; il faut maintenir cette
différence-là qui doit être assez avantageuse pour que les
entreprises restent chez nous et même que de nouvelles entreprises
désirent venir s'implanter. Je pense que M. le ministre en a fait
état avec Pechiney. S'il n'y avait pas eu vraiment des avantages sur les
coûts de l'énergie, la compagnie ne serait pas venue s'installer
ici.
Je vous remercie mille et une fois pour le sérieux de votre
document. Je pense que vous avez mis le point sur les inquiétudes qui se
sont manifestées dans le coin. Je me fais l'allié de ce
document-là. J'espère qu'on aura, dans les plus brefs
délais, de nouvelles usines qui s'installeront à Valleyfield.
Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député de Beauharnois. Je ne vois pas d'autres intervenants qui
auraient des questions. Je remercie la délégation de la
Corporation de développement économique du sud-ouest et la
Société du port de Valleyfield de sa participation à nos
délibérations.
Je prierais un autre groupe de bien vouloir se présenter. Il
s'agit du Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue. Le conseil régional est
représenté par M. Rémy Trudel. M. Trudel, la parole est
à vous.
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue
M. Trudel (Rémy): M. le Président, MM. les membres
de la commission, je voudrais d'abord excuser l'absence de M. Maurice
Descôteaux, qui devait m'accompagner pour présenter le
mémoire du Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue. Malheureusement, à cause de
circonstances difficiles, il n'a pas pu se présenter aujourd'hui. Je
vous présenterai donc, au nom du Conseil régional de
développement de l'Abitibi-Témiscamingue, le mémoire qui a
été expédié au cours du mois de mars dernier
à votre commission. Nous pourrons ajouter ensuite quelques commentaires
et répondre à des questions, s'il y a lieu.
M. le Président, MM. les membres de la commission, le Conseil
régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue est
heureux de contribuer, par le présent mémoire, aux travaux de
cette commission parlementaire chargée d'étudier divers
éléments d'une politique énergétique au
Québec. De par son rôle, le CRDAT est un organisme chargé
de défendre les intérêts de l'Abitibi-Témiscamingue
en matière de développement. Pour ce faire, il recueille
généralement les doléances exprimées par les divers
intervenants régionaux qu'il achemine ensuite aux autorités
compétentes.
Dans le cadre de cette commission parlementaire de l'énergie et
des ressources, on prendra connaissance, à l'intérieur des pages
qui suivent, des divers éléments susceptibles de favoriser le
développement de l'échiquier énergétique de
l'Abitibi-Témiscamingue et, par voie de conséquence, de tout le
Québec. Nous toucherons successivement les points suivants:
l'énergie hydroélectrique, les coûts de l'essence,
l'hydrogène, le gaz naturel, la biomasse forestière et la
régionalisation des instruments politiques en termes de
développement.
Si vous le permettez, voyons en détail ces différents
points.
L'énergie hydroélectrique. Le Québec se targue,
à juste titre sans doute, de posséder le potentiel
hydroélectrique susceptible de lui assurer une certaine
indépendance
énergétique dans l'ensemble du contexte
nord-américain. La société d'État
HydroQuébec a dû, cependant, faire face à la
récession économique au même titre que les autres
entreprises du Québec et réviser à la baisse son plan
d'investissement. La commission parlementaire sur l'énergie et les
ressources de l'automne dernier a déjà étudié les
modifications à la tarification de la société
découlant de cette situation, de sorte qu'il n'est pas de notre propos
de revenir ici sur cette question.
Deux aspects, cependant, retiennent l'attention en
Abitibi-Témiscamingue lorsqu'il est question de cette forme
d'énergie: premièrement, le coût de
l'électricité pour la population de la région en
général et pour les entreprises en particulier et,
deuxièmement, le bureau d'Hydro-Québec région
Baie-James.
Le coût de la facture énergétique. Deux ordres de
problèmes sont à mettre sous ce titre de la facture
énergétique: les coûts de l'énergie aux entreprises
d'abord, puis la facture globale d'un résident de
l'Abitibi-Témiscamingue. Hydro-Québec produit actuellement des
surplus d'électricité très importants. Sauf erreur, ils
sont évalués par la société d'État à
quelque 29 térawatts, dont la plus grande partie est attendue vers
1984-1985. Pourtant, en automne 1982, pas plus de trois turbines sur les 16 qui
forment le complexe de LG 2 étaient en opération. Au cours de la
même période, tant le gouvernement que les intervenants
régionaux ou les médias exprimaient leurs inquiétudes
devant l'accroissement des faillites et les déboires d'entreprises en
difficulté. Dans ce contexte, pourquoi faut-il laisser s'écouler
en pure perte des milliers de kilowatts qui permettraient à certaines
entreprises de passer à travers la crise par le biais d'une politique de
tarification adéquate?
En Abitibi-Témiscamingue, la majeure partie de
l'électricité consommée l'est précisément
par les entreprises, ainsi que l'illustre le tableau suivant. Une petite erreur
à corriger dans ce tableau, la dernière colonne n'exprime pas,
bien sûr, la consommation en 1983, puisqu'elle n'est pas connue à
ce jour, mais la différence entre l'année 1981 et 1982. Ce
tableau vous indique une très forte augmentation de la consommation au
niveau industriel d'environ 23% et une très forte hausse
également de ce qui est classé par Hydro-Québec sous le
titre "divers". Cependant, cette très haute augmentation de consommation
s'explique par le fait qu'on a procédé, semble-t-il, à une
nouvelle comptabilisation de la consommation propre des bureaux
d'Hydro-Québec dans la région.
L'ensemble de la consommation d'électricité, tel que nous
le montre le tableau, s'est accru d'environ 12,5% de 1981 à 1982, et
près de la moitié de cette consommation totale a
été utilisée par le monde industriel. C'est donc dire
l'importance de cette source d'énergie pour les entreprises de
i'Abitibi-Témiscamingue. Or, il apparaît pour le moins scandaleux,
pour le commun des mortels, en pleine période de crise
économique, alors que la liste des victimes du chômage ne cesse de
s'allonger, que s'accroît le nombre de bénéficiaires du
bien-être social, que les entreprises doivent temporairement ou
définitivement fermer leurs portes, qu'une forte proportion de cette
richesse qui fait la gloire des Québécois s'écoule en pure
perte. Une politique énergétique réaliste doit, selon
nous, évaluer tous les mécanismes qui rendraient possible une
diminution de la facture énergétique pour les entreprises en
difficulté ou en démarrage.
Tout l'aspect pratique de la mise en application d'une politique
adéquate en ce sens n'est pas du ressort d'un organisme comme le CRDAT
avec des effectifs fort réduits. Cependant, croyons-nous, il importe que
l'expertise d'une entreprise de la taille et des compétences
d'Hydro-Québec et, plus encore, de l'armée de fonctionnaires du
gouvernement du Québec soit mise à profit. Pour paraphraser
l'écrivain Pierre
Vadeboncoeur, dans une situation de naufrage, il n'y a pas de moyen
terme: ou bien on coule, ou bien on fait tous les efforts nécessaires
pour s'en sortir. Dans le contexte économique actuel de
l'Abitibi-Témiscamingue, toutes les solutions pensables pour s'en sortir
doivent être exposées aux autorités compétentes qui
disposent des ressources pour les concrétiser.
Signalons, d'ailleurs, à la suite de cette proposition, que des
précédents existent déjà, nous le reconnaissons.
Mentionnons, à titre d'exemple, le cas de Pechiney et de Selbaie
où le gouvernement a garanti des exemptions très importantes. Il
y a aussi le cas de la société Reynolds à Baie-Comeau; le
titre d'un article d'un journal local se faisait très explicite en ce
sens: "Les surplus d'électricité servent au
développement". Citation tirée de: Le Nordic,
Baie-Comeau-Hauterive, le 12 novembre 1982. L'entente prévoit que les
tarifs d'électricité seront coupés de moitié
pendant cinq ans. Voilà un type d'incitatif qui peut permettre le
maintien ou l'expansion d'entreprises ou qui peut favoriser l'implantation de
nouvelles industries. Voilà, selon nous, comment des surplus peuvent
devenir efficaces.
Des tarifs régionalisés. C'est une question qui revient
souvent devant cette commission. Voici ce que le conseil régional de
développement en dit. Nous venons tout juste de mentionner les
difficultés économiques de la région de
I'Abitibi-Témiscamingue. Voyons maintenant comment la crise affecte
aussi très durement le simple citoyen. Le taux de chômage se
situait à 22,4% en décembre dernier. Il est à 24,8%
au moment où nous avons rédigé ce mémoire, en
janvier 1983. Le nombre de faillites de toute nature passait de 122 en 1981
à 102 en 1982. Les bénéficiaires de l'assistance sociale
voyaient leur nombre augmenter dans une proportion de 9,3%: de 13 958 en
septembre 1981 à 15 260 en septembre 1982. Plus encore, il en
coûte davantage pour se nourrir, se vêtir et se
déplacer.
Ce scénario ne veut pas faire dans l'alarmisme. Qu'il serve
seulement à attirer l'attention sur une situation par trop réelle
et quotidienne pour une large portion de notre population. Dans ce contexte, le
CRDAT croit le moment venu d'étudier les possibilités par
lesquelles Hydro-Québec et, bien sûr, le gouvernement pourraient
envisager une facture régionalisée de l'énergie
hydroélectrique.
La nationalisation des compagnies d'hydroélectricité en
1964 voulait briser des disparités interrégionales par trop
criantes, tout en cherchant à faire bénéficier l'ensemble
des Québécois d'une ressource fort prometteuse. Ces objectifs ont
été atteints. Proposer une tarification
régionalisée ne suppose pas qu'on doive renverser la vapeur et
revenir à l'anarchie que l'on voulait précisément
arrêter. Force est de constater, cependant, que de larges portions de la
population, surtout dans les régions périphériques
éloignées comme l'Abitibi-Témiscamingue, font les frais
d'une uniformisation trop stricte de ce service, selon nous. Sans
recréer des écarts dramatiques, il est temps que la machine
réévalue sa politique de tarification et fasse en sorte que cette
richesse bénéficie aux régions selon leurs
particularités propres.
Autre sujet de préoccupation à ce chapitre: le bureau
d'Hydro-Québec, région Baie-James. Il est une incongruité
dont nous devons faire part à cette commission parlementaire. C'est le
fait qu'Hydro-Québec gère le territoire de la Baie-James à
partir de la région de Montréal. Le bureau chargé de cette
activité possède l'appellation des autres bureaux
régionalisés d'Hydro-Québec, mais sans en recouvrer les
caractéristiques.
Le CRDAT est déjà intervenu à ce sujet lors de la
dernière séance de cette commission parlementaire l'automne
dernier. Rappelons-en ici le fondement. L'un des arguments qu'il nous a
été donné d'entendre pour justifier cet état de
fait est le suivant. Alors que les bureaux régionaux
d'Hydro-Québec, tel celui de la région de l'Abitibi, trouvent
leur raison d'être du fait qu'il s'y trouve des clientèles
à desservir, ce n'est plus le cas du bureau de la région de la
Baie-James où il n'y a pratiquement que les centrales et une faible
population autochtone.
Compte tenu du fait que le projet La Grande est sur le point
d'être complété et que le projet NBR est reporté
à la fin de la décennie, la question devient donc la suivante:
Pourquoi le bureau d'Hydro-Québec, région Abitibi, ne
prendrait-il pas en charge le territoire de la Baie-James? En effet, le
territoire de la Baie James a toujours été perçu comme
faisant partie de la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
D'ailleurs, à l'annonce des travaux de construction des centrales en
1972, l'enthousiasme a saisi tous les développeurs de la région,
sauf qu'ils ne comptaient pas avec les méthodes modernes de gestion,
semble-t-il, toutes fondées sur l'efficacité et la
rationalité économique. Mais depuis lors, la région n'a
cessé de revendiquer et de mettre en place des mécanismes pour
que ces développements hydroélectriques lui profitent quelque
peu. (16 h 15)
Pour l'Abitibi-Témiscamingue, cette recommandation suit une
logique orientée sur le développement social et économique
de son milieu. En effet, un bureau régional effectue une certaine
quantité de ses achats dans la région où il est
implanté. Voilà un premier aspect: les retombées
économiques par le biais des achats effectués en région
par un tel bureau. Un second aspect, c'est celui de l'apport significatif pour
le marché local d'un certain nombre de hauts salariés qui, en
plus d'augmenter la masse salariale régionale, accroît en
même temps le niveau de ses compétences, et c'est fort important
pour une région périphérique comme
l'Abitibi-Témiscamingue.
Mentionnons encore ce troisième aspect: la présence de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Le
développement du potentiel énergétique de la Baie-James a
fait naître une génération de chercheurs dont cherche
à profiter notre Centre d'études universitaires. Le
développement de nos ressources universitaires et de la recherche
nordique qui peut s'y rattacher contribuerait à créer chez nous
un centre privilégié d'études dans la mesure, toutefois,
où la conception qui veut que seuls les grands centres produisent des
compétences soit renversée. Ainsi, rapatrier en région des
instances, tel le bureau d'Hydro-Québec région Baie-James, peut,
dans les proportions qui sont les siennes, bien sûr, contribuer au
développement intégral d'une région comme
l'Abitibi-Témiscamingue.
Autre sujet de préoccupation pour la région de
l'Abitibi-Témiscamingue: le coût de l'essence. La facture globale
pour un citoyen de l'Abitibi-Témiscamingue est plus élevée
qu'ailleurs au Québec. Cette assertion se vérifie
particulièrement quand on considère les coûts de l'essence,
ainsi qu'en fait foi le tableau suivant qui vous présente les
coûts comparatifs de l'essence par région administrative du
Québec, relevé d'octobre 1982, prix moyen au litre.
L'Abitibi-Témiscamingue - on s'en rend compte - vient
au deuxième rang des régions du Québec,
après le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, pour le prix de
l'essence.
Or, cette situation de fait a largement été
expliquée par la concurrence que se livrent les entreprises de ce type
selon les régions, les quantités d'automobiles et la
concentration de la population, et surtout par les coûts de transport.
Outre ces explications, on doit se rappeler que la taxe provinciale sur
l'essence se chiffre à quelque 36%, ce qui contribue à
créer des écarts substantiels par rapport aux autres provinces
canadiennes. Une récente publication de l'Association canadienne des
automobilistes illustre que ces écarts vont de 0,355 $ le litre en
Alberta jusqu'à 0,527 $ au Québec où le prix est le plus
élevé au Canada. Ramené à un niveau de 20% de taxe,
comme c'est le cas dans la plupart des provinces canadiennes, le prix de
l'essence au Québec serait alors avantageusement comparable au prix
payé dans les autres provinces.
Si un gouvernement impose une taxe quelconque, bien sûr, il a sans
doute d'excellentes raisons de le faire. Il ne doit pas tenir beaucoup compte,
cependant, d'une faible population comme celle de
l'Abitibi-Témiscamingue (2,5% de la population québécoise)
qui doit alors faire les frais d'une telle surcharge. En effet, selon une
étude produite par le Conseil économique de la ville d'Amos, en
juin 1981, l'augmentation récente de la taxe sur l'essence peut
occasionner des augmentations pour les opérations des entreprises
forestières de l'ordre de 150 000 $ annuellement, juste au moment,
d'ailleurs, où ces entreprises connaissent des difficultés
économiques majeures.
À une demande du CRDAT logée auprès du ministre
Parizeau de prévoir une réduction de la taxe sur l'essence, on a
répondu que celle-ci servait à financer des services publics
offerts à toute la population et que des principes
d'équité formaient la base d'une pareille taxation. S'il est
équitable que toute la population paie pour les services offerts par
l'État, il est moins juste, nous semble-t-il, que des régions
subissent plus durement les contrecoups de ces lois.
Le transport en Abitibi-Témiscamingue est un
élément fondamental de l'activité économique. La
région ne possède pratiquement aucune alternative pour
écouler ses produits ou pour se déplacer, comparativement aux
centres urbains, de sorte qu'une augmentation de la taxe sur l'essence frappe
en plein dans l'essentiel de la vie économique régionale.
En conséquence, nous proposons au gouvernement du Québec
de réduire la taxe sur l'essence de façon à rendre les
prix comparables à ceux des autres provinces canadiennes. Qu'il cherche
à financer ses services publics en taxant plutôt, par exemple, les
objets de luxe. Le transport en Abitibi-Témiscamingue n'est pas un luxe,
loin de là.
De plus, même si on suppose que la concurrence entre les
compagnies distributrices d'essence est la garantie de prix réalistes
dans une même région ou entre les régions, il serait
important de prévoir une sorte de régie ou d'organisme de
surveillance qui, à plus ou moins long terme, serait habilité
à observer ce type de marché et à intervenir en cas
d'abus.
Autre sujet de préoccupation en Abitibi-Témiscamingue,
c'est la question du développement d'usines d'hydrogène.
L'Abitibi-Témiscamingue s'est vivement intéressée
à un projet de construction d'une usine pilote d'hydrogène. Un
tel projet a été annoncé récemment - je rappelle
que le mémoire a été fait au mois de mars dernier et notre
région a déjà fait des représentations aux fins de
recevoir cette usine pilote. La proximité des centrales
hydroélectriques de la Baie-James fait de l'Abitibi-Témiscamingue
un site privilégié pour l'implantation d'un tel projet. D'autant
plus qu'Hydro-Québec et le groupe Noranda ont mis au point une
technologie appropriée à ce type d'énergie. La
présence du groupe Noranda dans la ville de Noranda augmente,
semble-t-il, encore les possibilités pour réaliser ce complexe en
région.
Le gouvernement canadien a, par ailleurs, déjà
laissé savoir qu'il comptait développer largement ce type
d'énergie au cours des prochaines années. Dans le contexte qui
prévaut aujourd'hui, il semble que le Québec pourrait tirer
avantage de cette volonté. Nous recommandons donc que la région
de l'Abitibi-Témiscamingue soit le site privilégié pour
l'implantation d'une usine pilote d'hydrogène et que les pouvoirs
politiques soient sensibilisés au potentiel offert par cette
région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Autre sujet de préoccupation, le gaz naturel. Le réseau
actuel de distribution de gaz naturel en Abitibi-Témiscamingue se limite
aux deux seules villes de Rouyn-Noranda et de Témiscaming. Or, dans le
contexte où le Québec veut accroître son
indépendance à l'égard du pétrole importé,
il devient pertinent d'évaluer la possibilité d'étendre ce
réseau de distribution à l'ensemble des principales villes de la
région. Le réseau actuel est exploité par la compagnie de
distribution Le gaz provincial du Nord du Québec Ltée. Il dessert
environ 3000 abonnés à Rouyn-Noranda et une centaine à
Témiscaming. La compagnie vient aussi de toucher une subvention de 125
000 $ pour l'extension de son réseau à Rouyn-Noranda.
Les principales villes de la région ont déjà fait
connaître leur intérêt à un réseau
de distribution élargi. La ville de Val-d'Or compte une
population potentielle d'environ 33 000 habitants, si on inclut les villes de
Cadillac et de Malartic qui seraient situées en bordure du gazoduc;
Amos, 14 000 habitants; La Sarre, 10 000 et Ville-Marie, 3500.
Dans un premier temps, le CRDAT recommande à la Régie de
l'électricité et du gaz d'accorder à la compagnie Le gaz
provincial du Nord du Québec les franchises nécessaires à
l'extension de son réseau. En second lieu, il recommande au gouvernement
de réaliser toutes les études pertinentes pour favoriser
l'extension du réseau aux villes indiquées plus haut. Enfin, dans
la mesure où ces études illustreront la possibilité
pratique d'étendre le réseau dans des proportions acceptables,
enchaîner toute action en ce sens dans les meilleurs délais.
Dans le contexte actuel des coûts énergétiques aux
entreprises notamment, la possibilité d'utiliser le gaz naturel peut
occasionner des économies appréciables. L'utilisation maximale
des ressources énergétiques dans une économie difficile
fait partie de cet esprit qui veut permettre le meilleur rendement au plus bas
coût possible. C'est dans ce contexte que l'Abitibi-Témiscamingue
souhaite l'extension du réseau de distribution du gaz naturel.
La biomasse, autre sujet de préoccupation dans la région.
La ressource forestière et le secteur minier composent l'image
distinctive de l'Abitibi-Témiscamin-gue. En effet, on évalue
entre 65% et 70% la proportion de la main-d'oeuvre du secteur manufacturier qui
en tire sa subsistance. C'est dire l'importance de la forêt et de son
exploitation dans le contexte global de l'économie régionale.
À l'échelle de la région, c'est aussi la biomasse
forestière qui peut offrir le plus de garanties d'autosuffisance en
matière d'énergie. Il se coupe, en effet, quelque 6,5 millions de
mètres cubes de bois par année dans cette région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Dans le contexte d'une politique
énergétique adaptée à la région, la biomasse
pourrait devenir l'un des pivots autour duquel viendrait se greffer un
programme d'action adapté.
Le premier aspect de cette politique devrait porter, selon nous, sur
l'évaluation du potentiel énergétique de la forêt de
l'Abitibi-Témiscamingue. En effet, il serait malvenu de proposer
l'utilisation des forêts régionales propres à
l'exploitation commerciale à des fins énergétiques.
Voilà pourquoi un relevé des essences et des
périmètres de bois utilisables à des fins
énergétiques doit d'abord être réalisé. Une
fois ce potentiel connu de façon précise, un deuxième
élément de politique chercherait à promouvoir
l'utilisation de la biomasse forestière à des fins
énergétiques, le chauffage d'édifices publics, entre
autres. À cet effet, les résidus du bois pourraient
avantageusement être mis à profit, comme la sciure de bois, les
écorces et même les arbres dégradés et ainsi de
suite.
Dans la même foulée, si la région voit son potentiel
énergétique à base de résidus forestiers
utilisé au maximum, que ce soit les forêts dégradées
ou les résidus d'exploitation de la forêt commerciale, il devient
nettement pertinent et urgent même de favoriser la
régénérescence de la forêt, tant pour l'exploitation
commerciale conventionnelle que pour l'utilisation à des fins
énergétiques. La région a largement débattu,
à un moment ou l'autre, de la nécessité de faire du
reboisement de façon intensive. Les besoins de reboisement actuels sont
évalués à 18 000 000 de plans annuellement, et non pas
à 30 000 tel qu'indiqué dans le texte du mémoire. Les
actions en ce domaine devront être accrues si on veut
véritablement développer en Abitibi-Témiscamingue un
secteur de pointe dans ce domaine énergétique, fondé sur
l'exploitation de la biomasse forestière.
Un autre aspect important est celui de la production de méthanol
à partir des résidus du bois. Dès 1978, la région
de l'Abitibi-Témiscamingue a entrepris des actions dans le but de
sensibiliser le gouvernement à l'idée de promouvoir la
construction ici d'une usine de production de méthanol. Compte tenu de
l'abondante ressource de la région disponible à cette fin, il
devient impérieux de rappeler aux instances gouvernementales la
volonté régionale de voir se développer ici un complexe
industriel de pointe fondé sur la production de méthanol.
Dans cette veine, une société, telle Nouveler, trouverait
profit à promouvoir un projet de cette nature en
Abitibi-Témiscamingue. M. Guy Drouin, directeur général de
Nouveler, n'affirmait-il pas lors d'une conférence prononcée
devant le Conseil économique de La Sarre, le 21 février dernier,
qu'il "existe au Québec seulement des disponibilités annuelles de
biomasse, accessibles économiquement, évaluées à 17
000 000 de tonnes métriques anhydres qui ont une équivalence
énergétique d'environ 3 600 000 000 de litres de pétrole.
La région 08 (l'Abitibi-Témiscamingue) compte pour environ 23% de
ce potentiel, qu'on retrouve surtout sous forme d'écorce, de copeau de
sciure et d'arbres marchands laissés en forêt, ainsi que des
déchets d'exploitation forestière qui ne sont pas
ramassés, etc. Selon les données de cette étude, notre
région, la région 08, possède des disponibilités
annuelles de 228 000 tonnes métriques anhydres de sciure et de
copeaux."
Cette seule citation d'une personne éminente en la matière
n'illustre-t-elle pas les énormes possibilités que recèle
cette
région de l'Abitibi-Témiscamingue? Voilà pourquoi
il importe de développer au maximum le potentiel
énergétique de la région et de consigner dans des
politiques adéquates les moyens d'action appropriés.
Enfin, toujours à propos de la mise en valeur du potentiel
énergétique issu de la biomasse, faut-il encore mentionner la
présence en Abitibi-Témiscamingue du Centre d'études
universitaires qui, dans la foulée du virage technologique
proposé récemment par le gouvernement du Québec, gagnerait
à être doté des instruments nécessaires pour
développer en région des ressources autant que des
compétences, d'autant plus que la richesse disponible est
évaluée à 23% de la capacité nationale.
Un outil de politique régionalisée en termes
d'énergie... Est-ce que j'ai dépassé mon temps?
M. Duhaime: Pas du tout.
Le Président (M. Vallières): Non, non, M. Trudel.
Seulement une insertion du ministre.
M. Duhaime: Je dois m'absenter. J'avais prévenu mes
collègues, c'est parce que j'ai un engagement qui est pris depuis 10
heures du matin jusqu'à 10 heures du soir en commission parlementaire.
Je voudrais vous donner l'assurance que j'ai pris connaissance de votre
mémoire. Je vais laisser le soin à mes collègues
d'échanger probablement avec vous. Je voudrais m'excuser d'avance
auprès du CRD de la région de Québec également, qui
va suivre. Mais je serai en ondes à 8 heures. Si vous voulez
m'excuser.
M. Trudel: Est-ce que je pourrais vous poser une question, M. le
ministre, avant votre départ?
M. Duhaime: Oui.
Le Président (M. Vallières): M. Trudel.
M. Trudel: M. le ministre, brièvement à propos de
la région de la Baie-James et d'Hydro-Québec. Je ne sais pas si
c'est définitif, mais il circule un certain nombre d'informations dans
notre région à savoir que tout l'entretien des centrales
hydroélectriques de la région de la Baie-James - je le disais
dans le mémoire tantôt - ne relève pas pour l'instant de la
région de l'Abitibi-Témiscamingue mais, pis encore,
relèverait dorénavant, en termes de réorganisation des
régions administratives d'Hydro-Québec, plutôt d'un bureau
situé dans la région de Saint-Jérôme. En posant
cette question, je veux vous sensibiliser à cette dimension selon des
informations qui circulent très largement dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, que le peu de retombées en termes de
main- d'oeuvre qui proviennent de l'Abitibi-Témiscamingue seraient
dorénavant, à moyen terme en tout cas, d'ici quelques
années, transférées dans la région de
Saint-Jérôme.
Deuxièmement, je joindrais à cela deux observations qui
aident à comprendre les inquiétudes de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. C'est tout le principe décidé par
Hydro-Québec, en termes de société d'État, de faire
l'entretien des centrales hydroélectriques à partir du fameux
principe du "fly in, fly out", c'est-à-dire de prendre les travailleurs
à partir de la région de Montréal, de les entrer huit
jours sur le chantier et de les ressortir six jours, de façon telle que
l'expression populaire de l'Abitibi-Témiscamingue c'est que cela nous
passe encore carrément par-dessus la tête une deuxième
fois, comme les travaux de développement du potentiel
hydroélectrique de la région l'ont fait largement.
Il y a des prétentions, M. le ministre, là-dessus quant
à ce que cela pourrait entraîner en Abitibi-Témiscamingue
que l'entretien des centrales se fasse à partir de cette région
limitrophe, constituant ainsi une base de main-d'oeuvre beaucoup plus stable
que celles de la forêt et des mines qui sont basées sur les
marchés mondiaux. (16 h 30)
Dernière observation. Je veux vous signaler aussi que, depuis le
moment où nous avons écrit ce mémoire, depuis que l'on
parle de ces questions inquiétantes pour l'entretien de la région
de la Baie-James, il y a une situation fort dramatique qui est en train de se
dérouler dans la ville de Matagami, où on a compté
beaucoup sur le développement du potentiel hydroélectrique de la
région de la Baie-James. Je voudrais, en particulier, vous mentionner
une expression que j'ai entendue il y a une quinzaine de jours, en entendant
des intervenants de la région de l'Abitibi-Témiscamingue. On
souhaite que cette commission ne puisse pas être obligée de seréunir à Matagami, comme elle l'a fait à
Schefferville, puisque la situation est suffisamment dramatique dans cette
ville. Des éléments correctifs comme l'entretien des centrales
à partir de la région de l'Abitibi-Témiscamingue
pourraient être des solutions, nous semble-t-il, facilement adaptables et
fort importantes pour cette région de l'Abitibi-Témiscamingue.
C'est long comme question, mais j'avais cette observation.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vais y aller rapidement. Au sujet du bureau de
Saint-Jérôme, qui m'a l'air d'être un immense quartier
général en devenir - je ne sais pas trop ce qui se passe - il y a
même des gens
de l'Outaouais et de la Gatineau également qui m'ont
manifesté des craintes disant qu'ils ne voulaient pas être
administrés à partir de Saint-Jérôme. Cela
m'étonnerait que les tentacules de Saint-Jérôme se rendent
jusqu'à la Baie-James, mais, enfin, je vais m'informer là-dessus.
De même, pour votre question sur l'entretien des centrales, "fly in, fly
out". Je n'ai pas l'impression qu'il y a des économies d'échelle,
du moins à première vue. Mais, avant d'aller plus loin dans une
réponse, j'aimerais mieux voir avec la direction d'Hydro-Québec
quel est leur chiffrier et quels sont les économies
d'échelle.
Je pourrais peut-être profiter de votre présence ici pour
vous dire que, très prochainement, il y aura un porte-parole de
l'Abitibi-Témiscamingue qui siégera au conseil d'administration
d'Hydro-Québec. Alors, vous serez en mesure de faire valoir le point de
vue de votre région. Cette nomination s'en vient. Cela sera fait. Je me
suis engagé envers mon collègue, M. Gendron, ministre
délégué à l'Aménagement et au
Développement régional, pour que cette nomination puisse
être faite d'ici deux ou trois semaines. Je pense que c'est une des
revendications du CRDAT. Vous ne l'avez pas évoqué dans votre
mémoire, mais je prends de l'avance. Vous pouvez compter
là-dessus. D'ici deux ou trois semaines, on sera en mesure de vous
donner le nom de l'élu au conseil d'administration. Je pense que cela
vous donnera une voix au chapitre. Il m'apparaît important que votre
région, de par sa géographie même et son implication dans
ces investissements, soit représentée au conseil d'Hydro.
Pour ce qui est des autres questions, j'ai noté celle au sujet de
l'entretien des centrales, de Saint-Jérôme et de Matagami et je
prendrai des informations là-dessus. J'imagine qu'on va trouver moyen de
recommuniquer avec le CRDAT.
Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, M.
Trudel, vous pourriez continuer la présentation de votre
mémoire.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Donc, en
termes d'outil politique régionalisé pour le développement
de cette région, il est une coutume fâcheuse, croyons-nous, quand
il est question de proposer des grands axes de développement, que ce
soit dans le domaine dont nous traitons actuellement ou dans tout autre. En
effet, on a tendance à croire que les régions
périphériques n'existent que pour permettre au "Québec de
base", c'est-à-dire la région métropolitaine ou la
capitale provinciale, de tirer profit de l'exploitation des ressources
naturelles qu'on y retrouve.
L'exemple le plus frappant pour l'Abitibi-Témiscamingue reste le
développement du territoire de la Baie-James. En effet, dès
l'annonce des travaux de développement du potentiel
hydroélectrique de la Baie-James, on a créé
d'énormes institutions centralisées, telles la SEBJ et la SDBJ.
Pendant que la région ici envisageait de façon très
positive le développement de ce territoire en raison des
retombées économiques et des possiblités d'embauche qu'il
susciterait, voilà que ces superstructures s'organisaient radicalement
à l'opposé des volontés régionales, laissant les
régionaux se dépêtrer avec des taux de chômage
records et des industries ou des commerces cherchant à se tirer des
situations plus ou moins désavantageuses sur le plan
économique.
Nous croyons que, dans cette veine, il est enfin venu le temps où
la vapeur serait inversée. Une région, telle la nôtre,
dotée du potentiel énergétique dont nous venons d'exposer,
à large trait, la nature dans ces quelques pages, estime devoir profiter
au premier chef des politiques que le gouvernement jugera bon de mettre en
place à la suite des discussions qui auront entouré les
présents échanges. En ce sens, nous proposons un renforcement du
mandat de la Direction de l'énergie du ministère de
l'Énergie et des Ressources lui permettant d'oeuvrer au niveau
même des régions, ce qui n'est pas le cas actuellement.
L'ensemble des suggestions émises dans le présent
mémoire peuvent être regroupées sous trois grands
chapitres: 1. connaître le potentiel régional des
différentes formes d'énergie; 2. arrêter un plan d'action
pour développer concrètement ce potentiel; 3. régionaliser
la recherche et l'exploitation de ce potentiel, au sens d'accroître la
possibilité d'autosuffisance énergétique régionale,
dont seul l'excédentaire irait à l'exportation.
La ressource énergétique se trouve en
Abitibi-Témiscamingue et doit d'abord, selon nous, profiter aux gens de
la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Toute volonté
politique de promouvoir le potentiel énergétique de notre
région doit donc inscrire à sa base même ce principe
fondamental de régionalisation de la recherche et de l'exploitation de
la ressource.
En conclusion, sous le thème général
L'énergie, levier de développement économique, la
présente commission parlementaire proposait de discuter de quatre
sous-thèmes: 1. connaître les opinions des intervenants du milieu
sur les orientations de la recherche et du développement
énergétique, identifier les avantages comparatifs du
Québec en ce domaine et définir les mécanismes de
concertation nécessaires; 2. faire connaître au gouvernement
l'évaluation que nous faisons de l'évolution anticipée du
secteur pétrolier
et les suggestions quant aux mesures à prendre pour en favoriser
la restructuration et la consolidation; 3. s'interroger sur la place des
investissements énergétiques dans l'économie
québécoise; 4. étudier les moyens d'utiliser
l'énergie pour favoriser l'implantation de nouvelles industries et la
croissance économique québécoise.
En guise de conclusion, voici de quelle façon nous avons
abordé ces sous-thèmes dans le présent mémoire.
À titre de préalable, notons immédiatement que chaque
sous-thème a été abordé dans une perspective
régionale, d'abord et avant tout, et que l'accent a été
mis sur les types d'énergie plutôt que sur les grandes
perspectives de développement.
Au sujet du premier sous-thème, il apparaît nettement, au
terme du présent mémoire, que la recherche et le
développement du potentiel énergétique régional
doivent se faire depuis l'Abitibi-Témiscamingue en concertation avec les
agents socioéconomiques du milieu, dont le CRDAT, les commissariats
industriels et les entreprises intéressées, pour ne mentionner
que ceux-là. Les avantages comparatifs de la région par rapport
au reste du Québec sont énormes puisqu'ils comptent pour 23% du
potentiel québécois. Des mécanismes de concertation
efficaces sont envisageables dans la mesure où des institutions
gouvernementales décentralisées accepteront d'oeuvrer sur le
territoire de concert avec les intervenants intéressés.
Quant au deuxième sous-thème, il est bien net que la
région souffre d'une augmentation sans précédent de la
taxe sur le carburant dont la conséquence est le
déséquilibre de la structure économique.
L'Abitibi-Témiscamingue, de par les distances qui la sépare du
reste du Québec, doit compter en premier lieu sur la qualité de
son transport. Or, le contexte actuel grève fortement cette industrie
et, partant, toute l'économie régionale. La consolidation de
notre économie passe, entre autres, par une diminution
générale de la taxe sur l'essence.
L'investissement énergétique dans l'économie
régionale prendrait des proportions inattendues dans la mesure où
des efforts cohérents viendraient le stimuler. C'est l'objet du
troisième sous-thème. La biomasse forestière surtout est
là, à nos portes, encore plus que l'énergie
hydroélectrique. Avec les efforts appropriés et la concertation
nécessaire, cet aspect particulier d'une politique
énergétique appliquée à la région formerait
la base et comme la pierre de touche d'un véritable levier de
développement économique pour l'Abitibi-Témiscamingue.
Enfin, touchant le quatrième sous-thème, nous croyons
avoir suffisamment indiqué en quel sens l'énergie et, notamment,
des mesures particulières appliquées à
l'hydroélectricité, comme des tarifs réduits pour les
entreprises en difficulté ou en démarrage, peuvent effectivement
favoriser l'implantation de nouvelles industries et la croissance de
l'économie en Abitibi-Témiscamingue. Dans la même
foulée, une entité gouvernementale décentralisée
rapprocherait les utilisateurs potentiels de nouvelles sources d'énergie
des compétences qui commencent à poindre en ces domaines au
Québec.
Voilà donc résumées en quelques pages, les attentes
de la région-ressource qu'est l'Abitibi-Témiscamingue. Ces
attentes ont toutes été exprimées par le passé,
soit à l'intérieur des délibérations du conseil
d'administration du CRDAT, ou à l'occasion de ses assises annuelles.
Certaines d'entre elles ont déjà fait l'objet de débats
soutenus de la part de l'organisme régional, d'autres sont apparues
ponctuellement selon la conjoncture ou les besoins. Toutes, faut-il le
répéter, ont été formulées par des
régionaux qui croient au développement de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, notamment par le biais de politiques
adéquates en matière d'énergie, politiques qui, bien
articulées, sont susceptibles de provoquer à court, moyen et long
terme un véritable dynamisme économique régional.
Enfin, les recommandations consignées dans le présent
mémoire ont toutes été entérinées par le
conseil d'administration du CRDAT, lors de son assemblée
régulière du 24 février dernier.
M. le Président, même si je les ai glissées sous
forme de questions au ministre avant son départ, je voudrais
répéter plus distinctement devant cette commission, nos
préoccupations par rapport à un des sous-thèmes de notre
mémoire, c'est-à-dire toute la question de l'exploitation ou de
l'entretien des centrales hydroélectriques qu'on a
développées sur le territoire de la Baie-James. Cette question
fait l'objet d'un très large débat dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Je ne veux pas citer l'ensemble des
informations qui circulent ou ont circulé au cours des dernières
années sur cette question. C'est une question fort importante. Il semble
que la politique administrative même de la société
Hydro-Québec soit de faire entretenir ses centrales à partir du
principe du "fly in, fly out" c'est-à-dire de faire entrer des
travailleurs et de les faire sortir et non de les laisser en permanence sur le
territoire, ce qui est une solution acceptable pour tous. On ne peut quand
même pas développer des installations permanentes sur ce
territoire pour l'entretien des centrales.
Cependant, la région de l'Abitibi-Témiscamingue vivant
essentiellement - je vous donnais des chiffres tantôt au niveau
manufacturier - de l'industrie du bois et des mines, deux industries
très fortement reliées
aux marchés mondiaux et à leurs fluctuations, cela fait en
sorte qu'il n'y a pas d'industrie stabilisatrice ou de main-d'oeuvre
stabilisatrice dans cette région. La présente crise
économique dont nous commençons à voir la fin a
été particulièrement dure pour cette région, parce
que, effectivement, lorsque le prix du bois baisse, les prix des métaux
- même si le prix de l'or s'est maintenu à un assez bon niveau
pendant la crise - baissent à un niveau qui n'est pas raisonnable en
termes d'exploitation pour les mines. Il n'y a pas d'industrie stabilisatrice
dans cette région.
Or, lorsqu'on parle de l'entretien des centrales
hydroélectriques, cela signifie 800 emplois qui sont permanents, bien
sûr, et qui ne sont pas des emplois de troisième ordre, si vous me
permettez l'expression. Actuellement, la façon dont Hydro-Québec
a décidé de gérer le territoire administratif de la
Baie-James, c'est à partir de la région de Montréal.
Certaines méchantes langues disent même qu'on a
déplacé dans un deuxième temps les limites de la
région administrative de la Baie-James en dehors des villes de
Chibougamau et Chapais parce qu'on retrouvait là une population qui
aurait pu accueillir des installations d'un bureau régionalisé de
la Baie-James. On fait donc cela à partir de Montréal. Le
principe d'exploitation des centrales fait aussi que les avions de Nordair
cueillent les travailleurs dans la région de Montréal, font un
petit arrêt dans la région de Val-d'Or pour prendre les
travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue qui ont été
appelés à travailler à l'entretien. On se rend compte
très rapidement - on pourrait citer des exemples concrets - que les
travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue préfèrent
très largement déménager dans la région de
Montréal, puisque c'est plus facile pour eux, non pas pour conserver
leur emploi, mais pour continuer à exercer leur emploi, au lieu de
rester dans cette région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Nous croyons qu'il s'agit là d'un aspect très
défavorable et qui pourrait, par ailleurs, en termes positifs,
constituer une base stabilisatrice pour cette région
périphérique très éloignée des grands
centres en termes d'économie régionale la plus diversifiée
possible. Or, M. le ministre me répondait tantôt qu'il faudrait
vérifier s'il y aurait des économies d'échelle à
organiser le départ des travailleurs ou le "fly in fly out" à
partir de la région de Rouyn ou de Val-d'Or. Des études existent
là-dessus et il n'y a pas de différence sensible en termes
d'économie que ce soit à partir de la région
métropolitaine ou de la région de l'Abitibi-Témiscamingue,
sauf qu'il y a une très grande différence, une énorme
différence en termes de coûts sociaux. Lorsque vous voyez les taux
de chômage de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, les
niveaux de salaires des travailleurs de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, il y a là toute la différence du
monde que l'entretien des centrales soit organisé à partir d'une
région limitrophe.
Il en a été question par les gens qui ont
présenté le mémoire avant le conseil régional de
développement: s'il est difficile de concrétiser une politique
régionalisée des tarifs d'Hydro-Québec, il nous semble
tout à fait normal que les régions limitrophes, qui sont
désavantagées quant à certains aspects, puissent au moins
profiter d'une base stabilisatrice. Un nombre d'emplois certains fort bien
rémunérés pour l'entretien des centrales
hydroélectriques constituerait un élément fort dynamique
et important pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Un autre élément à ce sujet, c'est que cela
pourrait constituer également un apport de main-d'oeuvre
qualifiée très important pour une région comme celle de
l'Abitibi-Témiscamingue. Je ne citerai qu'un exemple: lorsqu'on pense
à cette région de l'Abitibi, on pense beaucoup, plus souvent
qu'autrement, au problème des services sociaux et à la
difficulté de recruter des médecins. Ce qu'on retrouve souvent en
analysant ces difficultés-là, c'est qu'il y a un ensemble de
facteurs qui font que ce n'est pas seulement l'éloignement de la
région, ce n'est pas seulement la pénurie de la main-d'oeuvre
dans un secteur qui fait qu'on a de la difficulté à recruter tel
type ou tel autre type de spécialistes pour développer soit les
services sociaux, soit les installations universitaires comme
l'Université du Québec. Il y a tout un contexte
général à créer. Pour un médecin, pour un
professionnel, pour tel type d'intervenant de tel secteur, il est aussi
intéressant, sinon essentiel, de retrouver un contexte social ou un
tissu social qui puisse constituer un milieu intéressant. (16 h 45)
Or, le projet que je vous expose et qui, je pense, est en relation avec
les travaux de cette commission permettrait d'ajouter, justement, un certain
niveau de main-d'oeuvre dans cette région. En plus de constituer une
base stabilisatrice au niveau de l'économie, cela contribuerait
indéniablement à enrichir le tissu social de l'ensemble des
intervenants au niveau professionnel ou d'un certain niveau s'y rapprochant
dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
En dernier commentaire, si vous me le permettez, je reprends ce que je
disais au ministre il y a quelques instants: il se pose dans la région
de Matagami une situation particulièrement difficile. On a investi
beaucoup au niveau de toutes sortes d'infrastructures dans cette ville du
Nord-Ouest québécois, en misant sur le potentiel de
développement qui serait créé par les installations
hydroélectriques de la Baie-James et par l'entretien de ces
centrales.
Or, la principale industrie de cette ville, Mines Noranda, annonce
depuis un an des licenciements assez massifs, ce qui fait que cette population
est maintenant réduite à environ 2300 habitants.
Je répète cette phrase que l'on nous a dite au conseil
régional de développement, il y a une quinzaine de jours: Lorsque
vous vous présenterez devant la commission de l'énergie et des
ressources - c'est un peu en boutade, mais souvent cela révèle un
fond très sérieux - dites-lui qu'on ne voudrait pas que cette
commission soit obligée de venir se réunir à Matagami pour
constater, comme à Schefferville, des dégâts
irréparables; qu'on y pense plutôt aujourd'hui. En termes de
développement, les gens de cette région sont prêts à
s'y atteler, ils sont prêts à collaborer avec les organismes
gouvernementaux, avec les différents organismes de concertation pour
trouver une solution à leurs problèmes. M. le Président,
je vous remercie.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Trudel. Je
vais maintenant donner la parole au député d'Outremont, à
moins que le député de Vimont...
M. Rodrigue: Le ministre a eu l'occasion d'intervenir et de poser
quelques questions, alors...
Le Président (M. Vallières): Oui, c'est ce que je
croyais également.
M. Rodrigue: ...si le député d'Outremont veut y
aller avec ses questions.
Le Président (M. Vallières): Alors, on pourrait
passer immédiatement au député d'Outremont en vertu du
principe de l'alternance.
M. Fortier: Merci. En fait, vous lancez un cri d'alarme - c'est
ce que j'ai entendu -pour créer une certaine infrastructure qui
permettrait aux gens de la région d'assurer le développement
économique de la région. Ce que vous dites, c'est que, à
moins de certaines décisions favorisant l'implantation d'un certain
nombre de personnes créant un tissu social, c'est à peu
près impossible pour ceux qui veulent développer la région
de le faire d'une façon favorable.
J'aimerais reprendre certains points. Je vais laisser à mon
collègue de Pontiac, qui s'en occupe plus particulièrement, le
dossier des terres et forêts et de la biomasse. Je pense que c'est un
dossier extrêmement important. Mais pour l'énergie
hydroélectrique, on va prendre les points que vous avez soulevés.
Vous parlez du coût de la facture énergétique et votre
recommandation, c'est d'avoir une tarification incitative. Disons que votre
recommandation pourrait être à long terme, mais on peut y penser
en termes de la période durant laquelle Hydro-Québec a des
surplus d'énergie. Autrement dit, je pense que, au point où vous
en êtes, votre réponse serait: Même si c'est pendant trois
ou quatre ans, ce serait mieux que rien. À ce moment, une tarification
régionale, qui couvrirait, entre autres, votre région, serait la
bienvenue. Est-ce que vous pouvez commenter là-dessus?
M. Trudel: M. le député, cela peut aller dans ce
sens. Ce que nous voulons souligner, c'est que, pour une région
périphérique - une grande région éloignée
des grands centres -il y a une facture de transport - lorsqu'on parle de
l'industriel - fort importante et, pour le simple citoyen, il y a une facture
énergétique dans son ensemble, c'est-à-dire les
coûts de l'essence en termes de déplacement et les coûts de
l'électricité même, parce qu'il faut aussi compter qu'ilfait plus froid plus longtemps dans cette région où les gens
ont accepté de vivre. Cela fait que le total de la facture
énergétique, pour un citoyen de l'Abitibi-Témiscamingue,
est plus élevé que pour l'ensemble des citoyens du Québec,
puisque nous avons une tarification uniforme.
D'autre part, dans le domaine industriel - particulièrement dans
le domaine de la forêt, mais c'est aussi vrai dans le domaine des mines -
il ne faut pas oublier qu'il faut que l'industriel paie d'abord une facture
énergétique d'essence beaucoup plus élevée parce
qu'il faut qu'il aille chercher la ressource souvent loin du lieu de
transformation primaire et aussi il doit ensuite porter cette ressource vers
les grands centres et les marchés, ce qui fait qu'il y a des coûts
de transport tant pour aller chercher la matière que pour
l'exploration.
Nous savons que c'est difficile à examiner. Nous savons
très bien que c'est une question délicate et difficile. Nous
disons que les citoyens de cette région contribuent, en termes de
ressources, à fournir des éléments fort importants, mines,
forêts, agriculture, des ressources de base à l'ensemble du
Québec. Il nous semble qu'il y aurait possibilité d'examiner des
mesures d'équité sociale qui feraient que nous pourrions parvenir
à une certaine équité en ayant des tarifs
d'hydroélectricité régionalisés, ne serait-ce que
dans le sens que vous le soulignez, c'est-à-dire qu'en période de
production de surplus on puisse au moins jouir de ces avantages. Mais nous
citions ces surplus pour dire qu'il y a déjà des
installations hydroélectriques qui ne sont pas utilisées.
M. Fortier: Mon commentaire était à savoir que,
dès septembre 1982, lorsque j'ai vu qu'il y avait des surplus
hydroélectriques,
je me suis dit: Est-ce qu'on va laisser les turbines statiques? Tant
qu'à laisser couler l'eau dans la rivière... Comme le disait le
ministre: De toute façon, Hydro-Québec doit payer les
intérêts sur le capital; elle doit rembourser la dette. Autrement,
il faudrait se poser la question et se creuser la tête pour savoir ce
qu'on peut faire avec ces surplus-là. Cela me semblerait pour le moins
aberrant que, durant cette période-là, on ne trouve pas autre
chose que de dire qu'on va laisser les turbines statiques et qu'on va laisser
couler l'eau dans la rivière. C'est pour cela que j'ai dit tout à
l'heure que, quant à moi, j'appuie la politique du gouvernement qui dit:
Si des compagnies comme Pechiney ou Reynolds décident d'investir en se
basant uniquement sur la question de la facture énergétique avec
un escompte de 50% pendant quelques années, c'est certainement une
utilisation intelligente de nos surplus d'électricité.
Par ailleurs, en dépit de cela, parce que ces deux
sociétés n'utiliseront pas la totalité des surplus
énergétiques, on doit se poser la question: Qu'est-ce qu'on fait
avec tout ce surplus qui va continuer à exister encore pendant trois ou
quatre ans? Dans ce sens-là, je retiens votre recommandation; du moins
pour la période des surplus, on doit chercher à les utiliser de
la façon la plus intelligente possible.
En ce qui concerne les coûts comparatifs de l'essence, vous
rejoignez une de mes préoccupations. Au printemps dernier, j'avais
organisé un débat du vendredi. Dans notre jargon, le débat
du vendredi est un débat où un député de
l'Opposition peut demander à un ministre de venir débattre d'un
sujet donné. J'avais, justement, discuté de ce problème de
la taxe ascenseur - ou de la taxe Parizeau, comme on l'appelle - eu
égard aux régions éloignées. J'avais utilisé
les statistiques du ministère de l'Énergie et des Ressources en
particulier qui donnent la consommation d'essence pour chacune des
régions administratives. On connaît la population du Québec
dans chacune de ces régions-là. Il était bien clair que la
consommation d'essence dans les régions est plus élevée
per capita qu'elle ne l'est à Montréal. Enfin, c'est le bon sens
qui le dit, mais les statistiques sont là pour le prouver. En ajoutant
à cela, par ailleurs, le fait que les revenus personnels per capita sont
moins élevés en région qu'ils ne le sont à
Montréal, je pouvais arriver avec des facteurs, à savoir que la
Gaspésie - ou l'Abitibi, je crois -était deux fois et demie plus
pénalisée que Montréal. Je ne me souviens pas exactement
des chiffres, mais ils étaient très significatifs, justement,
pour conclure qu'à mon avis cette taxe-là non seulement affectait
les individus en tant qu'individus, mais affectait le développement
économique des régions.
Je pense bien qu'on ne doit pas s'en réjouir et je ne cherche pas
à me faire du capital politique. Je crois que votre mémoire est
très explicite là-dessus lorsque vous dites qu'à votre
avis cela s'est ajouté à la crise économique qui est
survenue depuis octobre ou novembre 1981. C'est à ce moment-là,
d'ailleurs, que la taxe ascenseur avait été imposée et
cela a été un handicap additionnel surtout pour les
régions éloignées qui étaient
défavorisées, comme la vôtre.
Je vais laisser mes collègues ministériels faire leurs
commentaires. De notre côté, bien sûr, on va continuer
à demander que ce genre de taxe qui affecte d'une façon
démesurée les régions éloignées, pour les
motifs auxquels vous venez de faire allusion, soit retirée
aussitôt que possible. Il faudrait bien trouver une façon de ne
pas pénaliser les régions éloignées qui, de toute
façon, l'étaient déjà avant que la crise
survienne.
Concernant Hydro-Québec, nous aurons l'occasion d'entendre ses
représentants le 4 octobre selon le programme que nous avons ici. Ce
sera dans quinze jours. Je sais qu'il y a de grands changements à
Hydro-Québec. On réorganise toutes les régions. On veut
rationaliser. D'ailleurs, les demandes que vous faites ne sont pas nouvelles
puisque la dernière fois que vous êtes venus ici, c'était
en relation avec la Société de développement de la
Baie-James, si ma mémoire est fidèle.
M. Trudel: C'est exact.
M. Fortier: Ceci demande une action politique. Je pense qu'on ne
peut pas reprocher à Hydro-Québec, d'une part, de prendre les
décisions les plus économiques possible; c'est vous-même
qui le dites dans votre texte. Mais je crois que là il y a une
décision politique qui doit être prise dans le meilleur
intérêt des régions. Comme le ministre s'est engagé
à étudier cette question et à voir ce qui peut être
fait, je veux simplement vous assurer que nous allons faire le suivi et appuyer
vos recommandations, surtout si, comme vous l'avez dit, les études
démontrent que, sur le plan des coûts, strictement, il n'y a pas
de coûts additionnels, cela étant plutôt une décision
de management, une décision administrative comme telle.
La biomasse et les terres et forêts, je crois que ce sont les
facteurs les plus importants de votre mémoire. D'une façon
générale, comme je l'ai dit au départ, ce que je retiens
de votre mémoire, c'est le cri d'alarme, à savoir qu'il faut
qu'il y ait concertation entre la région et les agents
économiques. Ce que vous nous dites, c'est que les agents
économiques sont prêts à faire leur part, mais il va
falloir qu'il y ait concertation entre les sociétés
d'État, le gouvernement et les représentants de votre
organisme, le Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue, pour assurer une certaine survie, une certaine
relance. Je vous remercie.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, dans son mémoire, le
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue fait une suggestion, à savoir que, pour
une période donnée, il y ait des tarifs
préférentiels d'accordés à la région. Bien
sûr, cela pose tout le problème de savoir si, au Québec, on
va revenir aux tarifs régionaux qu'on a déjà connus dans
le passé. J'ai vécu à Rouyn de 1950 à 1960. Je me
rappelle même qu'à l'époque on avait le 25 cycles.
C'était tel qu'on pouvait voir clignoter la lumière; on percevait
le clignotement de la lumière à chaque changement de cycle. Il y
a eu, après la nationalisation en 1962, des investissements importants
consentis par Hydro-Québec, d'abord pour transformer le 25 cycles en 60
cycles et moderniser l'équipement domestique et industriel des
résidents de l'Abitibi-Témiscamingue, du moins pour une partie
d'entre eux. Ces investissements s'étaient chiffrés à 9
000 000 $, si je me souviens bien. Hydro-Québec avait absorbé la
facture. Donc, l'ensemble des Québécois avaient absorbé la
facture pour moderniser le réseau là-bas et, en même temps,
faire la transformation de tous les équipements. Je pense que les gens
de l'Abitibi-Témiscamingue ont largement profité de la
nationalisation, sur ce plan-là j'entends, et ils ont également
profité du fait que les tarifs ont été uniformisés
dans tout le Québec. C'était bien avant le développement
de la Baie-James. Cela tombe sous le sens que des régions
éloignées, où les distances sont beaucoup plus grandes et,
évidemment, les populations moins denses, cela coûte plus cher
à desservir que des régions très populeuses comme les
grands centres qu'on connaît. Sur ce plan-là, en tout cas, il y a
nettement un appui important qui est accordé par les régions
densément peuplées aux régions qui le sont moins, par une
tarification de l'électricité qui est uniforme. (17 heures)
D'ailleurs, je sens une contradiction dans votre mémoire; je veux
vous en parler non pas pour faire une polémique, mais plutôt pour
essayer de comprendre. D'une part, vous demandez des tarifs
d'électricité préférentiels et, d'autre part, vous
demandez l'uniformisation des prix de l'essence. Je vous avoue que j'ai de la
difficulté à concilier ces deux recommandations, parce qu'il me
semble qu'elles partent de considérations un peu contradictoires.
J'aimerais que vous puissiez en parler un peu plus pour essayer de comprendre.
De prime abord, cela donne l'impression qu'on est devant deux solutions
diamétralement opposées pour des problèmes semblables.
J'aurai d'autres questions après, mais, si vous voulez y
répondre immédiatement, je vais vous le permettre.
M. Trudel: Je serai très bref dans la réponse.
L'objectif fondamental recherché dans les affirmations du conseil
régional de développement, c'est à partir de la
prémisse que la facture énergétique globale pour le
citoyen ou pour l'entreprise est plus élevée pour cette
région périphérique. Comme vous le disiez, cela tombe sous
le sens compte tenu d'un ensemble de facteurs.
Dans le cas de l'électricité, de
l'hydroélectricité, nous reconnaissons tout ce travail
d'uniformisation qui a été fait à partir de la
nationalisation de l'électricité et que
l'Abitibi-Témiscamingue a été, c'est vrai, une
région qui en a largement profité. Comme la facture totale est
plus élevée, nous demandons s'il y a moyen de faire une partie du
rééquilibre en régionalisant les tarifs de
l'hydroélectricité. Je le dis encore une fois: Nous savons que
c'est difficile, mais on peut essayer d'y parvenir, d'une part.
D'autre part, au niveau de la facture énergétique à
partir de l'élément essence, nous constatons des
disparités. Nous disons que nous ne réclamerons pas, bien
sûr, que le prix de l'essence soit moins cher dans cette région
qu'ailleurs au Québec, mais, à tout le moins, qu'il soit uniforme
par rapport à l'ensemble des régions du Québec. Si on en
arrive à une uniformisation, déjà, cela pourrait
constituer ce premier pas du côté de l'essence, qui a
été si bien fait au niveau de l'électricité, nous
le reconnaissons, en 1962. Nous le prenons donc sous l'aspect global en disant:
Dans le cas de l'essence, nous vivons cette situation. Si on peut en venir, au
moins, à une normalisation partout au Québec, pour nous, cela
voudra probablement dire une baisse, si on parle de coût
normalisé, en plus de faire un pas du côté de
l'hydroélectricité. Fondamentalement, à mon avis, il n'y a
pas de contradiction dans le fait de dire: Si on part de la prémisse que
cela coûte plus cher dans cette région,tant au point de vue
industriel qu'au point de vue du citoyen, pour les différents
éléments qui constituent cette facture énergétique,
est-ce qu'on ne peut pas en arriver à une baisse générale,
de façon à équilibrer cela par rapport aux autres
régions du Québec, puisque l'ensemble est plus cher
actuellement?
M. Rodrigue: Je ne sais pas si le ministre a eu l'occasion de le
faire. Il m'a demandé tout à l'heure de l'excuser auprès
de vous du fait qu'il a dû quitter pour une
réunion importante.
Dans les recommandations que vous faites, vous souhaitez
également que le gaz naturel soit disponible à La Sarre, Amos,
Val-d'Or et dans d'autres municipalités de la région. Je voudrais
savoir s'il y a eu des évaluations des marchés potentiels de ces
villes parce que Val-d'or et Rouyn sont distancées de 62 milles, si je
me souviens bien; c'est quand même des coûts importants. Est-ce
qu'il y a eu également des évaluations des coûts
d'immobilisation de ces prolongements du réseau gazier? Entre autres,
pour ce qui est du prolongement du réseau de distribution, cela pourrait
possiblement être financé par un programme qui s'appelle PERD, le
programme d'expansion des réseaux de distribution. Est-ce que vous avez
examiné ces facteurs-là et, si oui, quels sont les
éléments quant au marché? Quel est le potentiel du
marché, quels sont les coûts du prolongement du réseau?
M. Trudel: On nous dit, M. le député, du
côté de la société qui fait la distribution du gaz
dans la région, qu'elle est prête à faire cette
étude précisément. Elle serait partagée
tiers-tiers-tiers dans le sens suivant: tiers, la compagnie; tiers, je pense,
le programme que vous citez en termes d'aide du gouvernement; et un autre tiers
par les populations locales. Les informations que nous avons au niveau local
nous disent que la population est prête, que différents organismes
sont prêts à contribuer pour la partie du tiers, que la compagnie
est décidée pour son tiers, mais qu'elle attend. Je le dis sous
toutes réserves, je tiens ces informations de la compagnie,
c'est-à-dire qu'elle attend le tiers de la partie gouvernementale pour
effectuer cette étude de rentabilité du programme dont vous
parlez. Elle serait disposée à compléter cette
étude à l'aide de ces fonds.
M. Rodrigue: Gaz provincial du Nord. C'est cela?
M. Trudel: Voilà!
M. Rodrigue: Un dernier point. Vous parlez aussi de favoriser,
par des politiques adéquates, l'utilisation des résidus du bois
à des fins de production d'énergie. Là aussi, est-ce qu'il
y a eu des évaluations de coûts? Je sais qu'à
Hydro-Québec, entre autres, on a examiné la possibilité de
développer des centrales à l'aide de tourbières et
d'autres produits comme ceux-là et, finalement, on a cessé assez
rapidement les études parce que les coûts étaient
faramineux comparés à ceux de l'énergie
hydroélectrique ou du pétrole. Il y a peut-être des
facteurs locaux qui peuvent jouer pour que ces coûts soient
concurrentiels. J'aimerais savoir s'il y a eu des études faites
là-dessus, s'il y a des coûts qui ont été
évalués pour l'utilisation de ces résidus à des
fins énergétiques.
M. Trudel: Malheureusement, en tout cas, du côté du
Conseil régional de développement nous n'avons pas
d'études très précises à savoir si la production de
cette forme d'énergie à partir de la biomasse serait
concurrentielle, mais c'est précisément ce que nous disons aussi
dans notre mémoire. Nous demandons aux organismes gouvernementaux
concernés, en termes de politique d'énergie et ressources, au
moins de connaître le potentiel régional des différentes
formes d'énergie et, de là, les comparer avec ce que nous avons
comme source d'énergie actuellement et aussi tenter d'établir une
comparaison avec ce que cela pourrait signifier pour l'avenir. Qui dit que nous
sommes à l'abri d'une autre crise du pétrole, comme celle de
1973? Ces études -à partir du moment où nous les
connaîtrions, nous connaîtrions le potentiel et le coût en
termes de production - nous seraient peut-être fort utiles au moment
où le Québec -comme d'autres sociétés - pourrait
vivre d'autres crises énergétiques.
Mais en réponse à votre question, nous n'avons pas, au
Conseil régional de développement, d'études très
précises là-dessus. Il s'agit plutôt d'un sujet de
préoccupation. Relativement à la production d'énergie
à partir de la biomasse, le résidu des produits du bois ou du
bois lui-même, il y a une forte réserve en termes de potentiel
dans cette région et une forte réserve de résidus surtout,
de déchets que nous n'utilisons pas actuellement. Encore faudrait-il
voir si cela peut être utilisé à des coûts
comparables ou à des coûts compétitifs.
M. Rodrigue: Pour les fins de l'énergie électrique,
Hydro-Québec avait examiné la possibilité d'implanter cela
sur l'île d'Anticosti, qui est un réseau isolé. Pour ce qui
est des zones couvertes par le réseau principal, il n'y avait pas
d'intérêt à le faire. Cependant, dans le domaine
industriel, avec des chaudières, tout cela, peut-être qu'il y a
là des possibilités; enfin cela reste à voir. Merci.
Le Président (M. Vallières): Oui?
M. Trudel: Excusez. M. le député, juste un
commentaire là-dessus, peut-être.
Le Président (M. Vallières): M. Trudel.
M. Trudel: Je sais qu'il y a effectivement par ailleurs des
expériences qui ont été faites dans le sens que vous
indiquez avec la compagnie Domtar à Lebel-sur-Quévillon. Ce sont
des chiffres de compagnies privées, mais les informations
que nous avions, il y a un an, nous indiquaient que même au tarif
actuel pour la production de pâte de papier, comme dans le cas de l'usine
à papier de Lebel-sur-Quévillon, cela pouvait être
très compétitif sinon réduire de beaucoup la facture
énergétique. Alors, c'est dans ce sens que nous parlons
d'études qui pourraient nous aider à prendre position
là-dessus.
M. Rodrigue: Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Pontiac suivi du député de
Montmagny-L'Islet.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. Trudel, vous
avez fait état dans votre mémoire au fait que vous demandiez
qu'avec les surplus d'énergie électrique, vous auriez pu avoir un
taux préférentiel et que des entreprises auraient pu continuer
leurs activités. Ensuite, vous avez mentionné l'effet de la taxe
sur l'essence qui est au moins 20% de plus au Québec qu'ailleurs au
Canada et, à cause du transport de la matière première et
du produit fini, cela représente une grosse partie du coût de
production.
Est-ce que vous avez pu évaluer, en présumant que vous
auriez pu avoir une oreille attentive de la part du gouvernement de vous donner
cette période avec les surplus d'électricité et en
supposant que le ministre des Finances aurait permis d'abaisser la taxe
à 20%, si des emplois auraient été protégés?
Est-ce qu'il y a des compagnies qui auraient pu continuer leurs
activités en de telles conditions?
M. Trudel: Non. Nous ne pouvons répondre à votre
question de façon très précise. Nous nous
référons plutôt à une étude qui avait
été faite - nous le disons dans notre texte - par la ville d'Amos
qui disait que pour des compagnies de bois en particulier, ces augmentations
pouvaient signifier des coûts annuels de l'ordre de 150 000 $. Alors on
pense ici à une compagnie comme J.R. Lumber d'Amos qui a vécu
d'énormes difficultés et a dû fermer ses portes. Je ne veux
pas dire à cette commission que cette compagnie a fermé ses
portes uniquement à cause de l'augmentation du coût de production
lié aux frais de l'essence qui ont augmenté, mais il semble que
c'est une part importante des difficultés de cette compagnie
reliées à sa fermeture et à ses problèmes de
réouverture avec une autre compagnie. Alors, je ne peux pas vous citer
combien d'entreprises, mais ce que nous savons de façon
générale, c'est que deux petites entreprises de sciage, des
entreprises comme celles que je viens de citer, dans le coin d'Amos, ont
dû fermer leurs portes à cause de difficultés
économiques et les facteurs qui ont causé ces difficultés
étaient, entre autres, reliés à ces questions
énergétiques dans l'entreprise. Ce que nous disons, c'est
d'isoler le facteur précisément et dire: Voilà, il y a une
relation de cause à effet très directe. Cela demanderait une
étude très spécialisée. Mais les industriels que
nous avons rencontrés - j'ai moi-même présidé,
l'année dernière, deux sommets forestiers un dans la
région du Témiscamingue et un dans la région d'Amos - les
exploitants forestiers ont été unanimes à déplorer
cette taxe sur l'essence qui leur causait énormément de
difficultés. Encore là, à l'occasion de ces sommets avec
les exploitants forestiers, il est difficile de chiffrer pour chacun en quoi la
facture énergétique, à quelle part de difficulté,
cela contribue, si vous me permettez l'expression, dans l'entreprise sauf que
tous les exploitants forestiers présents autour de la table - cela veut
dire une vingtaine dans la région d'Amos et une vingtaine aussi dans la
région du Témiscamingue - nous ont tous dit que c'était
là une difficulté énorme pour eux en termes de survie, de
protection de l'emploi et de développement surtout.
M. Middlemiss: À la page 14, vous faites état que
le nombre de plants dont vous auriez besoin annuellement pour le reboisement se
chiffre à 18 000...
M. Trudel: 18 000 000.
M. Middlemiss: 18 000 000 - c'est écrit 18 000. Est-ce que
vous savez combien de plants sont disponibles pour la région
présentement, pour l'année 1983?
M. Trudel: Oui, M. le député. On peut
peut-être citer des chiffres et faire une comparaison à partir de
1981-1982. En 1981- 1982, on a replanté 4 000 000 de plants; en
1982-1983, 3 300 000 plants. Il est prévu pour 1983-1984 - ce sont les
chiffres du ministère de l'Énergie et des Ressources en
région - 8 000 000 de plants dans la forêt publique et 3 500 000
plants dans la forêt privée. Il est important de mettre ces
chiffres, autour de 12 000 000 de plants, en relation avec les coupes
annuelles. En 1982- 1983, par exemple, on aurait coupé 6 200 000
mètres cubes de bois dans cette région. Alors, il faut faire un
peu de transformation ici où, généralement, on nous dit
que pour remplacer un mètre cube de bois coupé, il faut planter
environ 3 arbres. Si on fait la proportion et que je dis dans le texte que pour
1982-1983, il est prévu au total environ 18 000 000 de plants, cela veut
dire qu'on replanterait - je ne dis pas qu'on a replanté -
uniquement ce qu'on a coupé pendant cette année. Cela veut dire
qu'on ne fait aucun rattrapage sur l'ensemble des grandes surfaces qui ont
déjà été
coupées. Considérons le rattrapage, pour fins
d'échange ici, pour les années 1981-1982 et 1982-1983 où
on n'a même pas à remplacer le nombre d'arbres qu'on avait
coupés, ce qui va nous mener à un problème
extrêmement grave ou peut-être à des ruptures de stock au
cours des 15 ou 20 prochaines années. Cela est fort important pour cette
région, d'autant plus qu'au fur et à mesure que l'on remonte vers
le nord, pour aller chercher la matière ligneuse plus au nord, bien
sûr le bois rapetisse, les coûts augmentent, alors cela triple, si
vous me permettez l'expression aussi, les difficultés en termes
d'approvisionnement.
M. Middlemiss: Est-ce qu'on pourrait dire qu'au point de vue
déficit de coupe vis-à-vis le reboisement, on aurait un
déficit de l'ordre de 25%?
M. Trudel: Sans aucun doute, si je prends les chiffres que j'ai
devant moi de 1981-1982 par rapport à 1982-1983. On a un déficit,
en termes de reboisement par rapport à ce qui a été fait
et ce qui est prévu en 1983-1984 puisque, encore une fois, les chiffres
de 1983-1984 ne prévoient que reboiser ou replanter à peu
près ce qu'on aura coupé et on ne fait pas le rattrapage.
M. Middlemiss: Oui.
M. Trudel: 25%, je pense que oui.
M. Middlemiss: On a certainement eu l'occasion de faire
état de cette chose. On avait attiré l'attention du ministre sur
le fait qu'il semblerait qu'au Québec, on était certainement
déficitaire d'au moins 25% dans tout le Québec comparativement
à d'autres provinces comme la Colombie britannique et l'Ontario, par
exemple, qui, elles, ont un déficit entre 8% et 11%. On trouvait qu'il y
avait certainement des choses à faire, surtout ici au Québec,
parce que l'industrie forestière est tellement importante pour
l'économie du Québec. Il faudrait certainement prévoir
pour le futur de ne pas avoir de rupture de stock. (17 h 15)
Au fait, vous mentionnez aussi que dans le domaine de la biomasse,
disons qu'un jour vous aimeriez avoir une usine de méthanol. Je sais que
dans Montmagny-L'Islet on a déjà débuté un projet,
une première phase, pas nécessairement le méthanol mais la
production de gazogène à partir de produits qui restent de la
forêt. Vous avez demandé de faire un genre d'inventaire des
essences qui ne sont pas utilisables pour les pâtes et papiers ou dans
les scieries. Vous avez demandé de faire un inventaire. Est-ce que cette
demande a déjà été faite ou est-ce que c'est la
première fois que vous exprimez ce voeu au ministère de
l'Énergie et des
Ressources?
M. Trudel: De façon aussi claire et aussi précise,
c'est la première fois que nous faisons cette demande. Nous l'avions
fait au moment où la crise économique était à son
plus fort, mais de façon plus précise c'est la première
fois que le CRDAT réclame cette étude de l'inventaire du
potentiel énergétique, en particulier sous l'aspect
déchets ou essences d'arbres qui pourraient être utilisés
pour la production de méthanol ou autre forme d'énergie; c'est la
première fois que formellement nous le mentionnons au gouvernement du
Québec.
M. Middlemiss: Comme vous l'avez mentionné au
député de Vimont tout à l'heure, c'est en prévision
des années à venir, au cas d'une autre crise de pétrole,
alors que le méthanol deviendrait une alternative rentable au point de
vue de l'économie.
Ce matin on a eu l'occasion d'entendre un groupe qui nous a
mentionné que, vu l'immensité des pertes qu'on a dans la
forêt, si on pouvait enlever la taxe sur le méthanol, ils auraient
peut-être un prix compétitif avec le pétrole dans un
horizon de cinq à dix ans. C'est certainement quelque chose qu'il
faudrait regarder. Dans ce sens-là, vous n'avez jamais regardé
quelles seraient les retombées de la création d'emplois en
forêt pour compenser pour la perte que le gouvernement aurait, dû
au fait qu'il n'y aurait pas de taxe sur le méthanol.
M. Trudel: Nous ne l'avons pas chiffré en soi, cette
proportion. Ce que nous disons toujours, c'est que les entreprises du secteur
nous disent qu'elles laissent dans le cycle de la production une grande
proportion de la fibre ligneuse, les déchets, les souches, les feux,
etc. dans la forêt ou même, comme je le disais tantôt, les
arbres marchands qui ne sont pas conformes, utiles au bois de sciage. Ce qu'on
se dit, c'est qu'à partir du moment où on trouverait une voie
pour utiliser cette matière ligneuse, qui est proche, dans cette
région de l'Abitibi-Témiscamingue, dans la mesure aussi où
cela pourrait contribuer et au développement du Québec et au
développement de la structure industrielle de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue on dit: Regardons au moins quelles pourraient
être les possibilités d'utilisation de ces déchets, de ces
résidus pour contribuer au développement économique de la
région d'abord, mais aussi de l'ensemble du Québec, si, bien
sûr, les chiffres que nous pourrions découvrir à cet
égard, à cette occasion, nous amènent à dire que
oui c'est rentable. Nous ne voulons pas affirmer par là qu'il faut
absolument produire du méthanol. D'autres pays ont fait
l'expérimentation de ce type de carburant. Ce que nous disons, c'est
qu'il y a
tout intérêt et pour l'Abitibi-Témiscamingue et pour
le Québec de diversifier les sources d'approvisionnement en termes
énergétiques. Voilà une des occasions que nous aurions
peut-être de prévoir pour l'avenir la diversification des sources
énergétiques pour le Québec.
M. Middlemiss: D'accord, merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. LeBlanc: M. Trudel, vous avez dans votre éloquent
mémoire plaidé en faveur d'une régionalisation d'une
planification gouvernementale dans le secteur énergétique.
J'aborde le même sujet que vient d'aborder mon collègue qui m'a
précédé. Vous apportez dans votre mémoire une
contribution intéressante également vis-à-vis
l'utilisation maximale de la biomasse forestière. Étant une
région du Québec à fort potentiel forestier, même
s'il existe dans votre région cette autre activité
économique importante que sont les mines, le secteur forestier demeure
toujours chez vous extrêmement intéressant.
Je suis content de cette contribution que vous apportez vis-à-vis
de l'utilisation de la biomasse en fonction de la production de
méthanol. Cet avant-midi, j'étais absent, mais je suis au courant
du contenu du mémoire qu'a présenté la
société Nouveler. L'initiative de Nouveler, d'ailleurs, dans ce
domaine est à signaler et certainement que
l'Abitibi-Témiscamingue est incluse dans les projets à long terme
de Nouveler lorsqu'on parle de potentiel forestier. Il est à noter que
l'usine de méthanol en construction à
Saint-Juste-de-Bretenières est une usine pilote. Je pense que
l'expertise qui y sera développée fournira des indications
intéressantes sur les possibilités de développement futur.
Je pense que lorsqu'on parle - j'y reviendrai dans la question que je veux vous
poser - de planification, on parle de futur, on parle d'avenir.
Il y a un court paragraphe de votre mémoire - les
dernières lignes de votre mémoire - qui fait
référence à une direction de l'énergie
décentralisée. Vous n'explicitez pas tellement sur ce sujet. Je
voudrais avoir un petit peu plus de détails sur ce que vous entendez par
la formation de cette direction décentralisée dans le domaine de
l'énergie.
M. Trudel: II s'agit pour nous d'une préoccupation qui
peut s'exprimer de façon assez simple. La plupart des ministères
provinciaux ont des directions générales, des bureaux
régionaux qui sont à l'écoute des citoyens, des organismes
dans la région et qui permettent un meilleur contact avec tout
l'appareil gouvernemental et le rôle de l'État dans le
développement économique et social.
Or, le ministère de l'Énergie et des Ressources n'a pas de
bureau régional, du moins pas dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Il nous apparaît que cela cause un
certain préjudice en termes de relations entre les besoins
exprimés par cette région et la façon de concevoir le
développement de l'énergie au Québec et en particulier en
Abitibi-Témiscamingue. De là le titre de notre mémoire,
L'énergie, levier de développement économique pour
l'Abitibi-Témiscamingue.
Nous pensons qu'il serait de bon aloi que le ministère de
l'Énergie et des Ressources, comme beaucoup d'autres ministères
l'ont fait au Québec, puisse avoir des bureaux régionaux, en
particulier dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, qui
contribue à maints égards, pour une grande proportion, au
potentiel énergétique du Québec en termes
d'hydroélectricité, en termes de production forestière et
minière. Comme il s'agit là de responsabilités du
ministère de l'Énergie et des Ressources, il serait fort
important que nous ayons, en région, ce que nous pourrions appeler une
antenne du ministère de l'Énergie et des Ressources. C'est ce que
nous voulons signifier dans le paragraphe de notre mémoire,
c'est-à-dire des directions au niveau du ministère qui puisse
retrouver à tout le moins des antennes dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. C'est là une réclamation que nous
faisons depuis fort longtemps et qui n'a pas encore trouvé écho
auprès du gouvernement du Québec.
M. LeBlanc: Je vous remercie, M. Trudel, de ces explications et
de la qualité de votre mémoire également.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: M. Trudel, à partir de la page 20 de votre
mémoire, vous avez plusieurs suggestions sommaires de ce que vous avez
dit dans votre rapport. Est-ce que les recommandations que vous faites sont
toutes hypothétiques ou s'il y a eu des démarches faites pour
réaliser ces différentes recommandations? Y-a-t-il des
négociations qui se poursuivent actuellement? À quel point sont
rendues les recommandations? Est-ce que des démarches concrètes
ont été faites auprès du ministre ou d'autres organismes
impliqués dans l'affaire?
M. Trudel: Là-dessus, si vous me le permettez - je
pourrais prendre les recommandations une à une mais on pourrait les
regrouper - il y a dans certains secteurs, je dirais, sinon des
négociations, du moins des pressions très fortes. Là, je
veux revenir sur cette question du bureau d'Hydro-Québec à la
Baie-James. Je ne suis plus capable de
compter le nombre de rencontres que nous avons réclamées
et obtenues avec les dirigeants d'Hydro-Québec, avec les dirigeants de
la région de la Baie-James pour nous expliquer pourquoi on administrait
cette région à partir de l'extérieur et pourquoi on ne
s'était pas imbriqué dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Chaque fois, avec des explications assez
sophistiquées, on nous a dit que c'était la norme administrative
-cela se conçoit par rapport à certains éléments -
que c'était plus facile et plus économique et qu'il y avait des
facilités, en termes de centralisation, d'exploiter cela à partir
de la région de Montréal ou de la région de Québec.
C'est dans ce sens que je peux dire: Oui, il y a des négociations, mais
nous sentons, en particulier de la part de la société
Hydro-Québec, une résistance énorme, une résistance
qui, pour beaucoup de citoyens qui reviennent régulièrement au
conseil de développement, est une attitude de la société
qui est inacceptable par rapport à la région de la Baie-James,
par rapport à la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
J'ai présidé le Conseil régional de
développement de l'Abitibi-Témiscamingue en 1981-1982. Je suis
membre du comité exécutif depuis deux ans et, si ma
mémoire est fidèle, il n'y a pas une réunion du conseil
d'administration - il y en a un minimum de quatre par année - où
cette question de la région de la Baie-James ne revient constamment, pas
en tant que problème comme tel, mais en tant que contribution au
développement économique de cette région. Constamment on y
revient et les intervenants sont très préoccupés. À
la dernière réunion - ce que je vous amenais -ce sont les gens de
Matagami qui ont convoqué le conseil régional de
développement en disant: Écoutez, on vous appelle, on est en
train de crever. Un des éléments de solution c'est la
décentralisation, la déconcentration d'organismes comme
Hydro-Québec ou de parties de cette société dont les
activités sont reliées à cette région de la
Baie-James. Voilà pour cet élément.
Je cite dans le mémoire que pour la taxe d'essence, nous avons
fait parvenir nos doléances au ministre des Finances du Québec
quant à l'organisme de surveillance des prix. Encore là, il ne
s'agit pas de négociation, il n'y a pas d'échanges suivis comme
tels, mais c'est une réclamation qui a été faite
auprès du ministre il y a quelque temps.
Quant à l'usine d'hydrogène, je regrette un peu que M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources ait dû s'absenter.
Effectivement, il y a beaucoup de négociations ou d'échanges qui
se font avec le ministère par l'intermédiaire, en particulier, du
député de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, M.
Gilles Baril, qui nous a permis de rencontrer à plusieurs occasions le
ministre de l'Énergie et des Ressources sur la possibilité
d'installation de cette usine dans la belle région de la Mauricie. Nous
pensons que l'Abitibi-Témiscamingue a des éléments forts
à faire valoir pour que cette usine puisse s'implanter dans cette
région. Je dois dire, à cet égard, que la
députation régionale nous a permis d'avoir accès au
ministère de l'Énergie et des Ressources pour signaler les
doléances et nous a permis également de sensibiliser
Hydro-Québec - en particulier M. le vice-président Boulet -
à la situation géographique possible de cette usine
d'hydrogène. Nous entendons, d'ici à quelques semaines,
déposer un nouveau mémoire auprès d'Hydro-Québec
quant aux avantages de situer cette usine dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue.
J'ai été particulièrement heureux d'entendre cet
après-midi - je dois dire que c'était une impression tout
à fait autre qui existait dans la région - M. le ministre dire
qu'il y aurait un représentant de la région au conseil
d'administration d'Hydro-Québec. C'est là une réclamation
et une négociation qui est faite par les gens de la région depuis
cinq ou six ans et nous pensons que c'est auprès de ces organismes que
nous pouvons faire valoir un certain nombre d'arguments quant à la
présence de la société Hydro-Québec comme outil de
développement pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Nous avions cru, par l'annonce que les journaux en avaient faite, il y a une
dizaine de jours, que les nouvelles nominations à Hydro-Québec
excluaient à nouveau un représentant de la région.
Cependant, M. le ministre nous affirme que d'autres nominations viendront et
qu'il y aura un représentant de la région au conseil
d'administration d'Hydro-Québec. C'est donc là une
réclamation à laquelle on acquiescerait. Je ferai un commentaire
là-dessus. Nous ne prétendons pas cependant qu'un
représentant de la région de l'Abitibi-Témiscamingue ne
sera pas aussi sensibilisé aux besoins nationaux du Québec en
termes d'énergie, nous ne prétendons pas que ce
représentant devrait siéger à cette société
pour uniquement défendre les éléments de la région
de l'Abitibi-Témiscamingue, mais aussi apporter sa contribution positive
au développement global du Québec en énergie et à
l'apport que fait la société HydroQuébec dans ce
développement global du Québec.
Pour ce qui est de la direction régionale
décentralisée, il y a des échanges avec le
ministère qui sont plus ou moins sporadiques, mais c'est une très
vieille réclamation du CRDAT en région et j'espère que,
à l'occasion de cette commission, on sensibilisera à nouveau le
ministre et le ministère sur l'importance de la décentralisation
de ce ministère dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue
également. (17 h 30)
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: Tout en remerciant M. Trudel pour la
présentation de son mémoire et pour les explications qu'il a bien
voulu nous donner à la suite de nos questions, je veux quand même
signaler que le ministère a un bureau important dans la région
concernant le secteur minier et concernant le secteur forestier. En ce qui a
trait au secteur énergétique, par ailleurs, le ministère a
plus une fonction d'analyse qu'une fonction de distribution de services, ce qui
est moins le cas dans les domaines miniers et dans les domaines forestiers. De
sorte que c'est beaucoup plus par le biais des entreprises
d'État, soit dans le domaine de l'énergie électrique, du
gaz, que ces services-là sont rendus dans les régions. Et il nous
apparaît que la question se pose différemment selon qu'on parle du
domaine minier ou forestier, ou encore qu'on aborde le volet
énergétique. Dans le domaine du volet énergétique,
le ministère comme tel est un organisme qui, essentiellement, se
consacre à faire les analyses des besoins et à tenter de
dégager les politiques qui vont permettre d'y répondre. Ce n'est
pas un organisme qui donne des services de la même nature que ceux qu'on
retrouve dans les deux autres volets du ministère.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie.
Alors, à moins que je n'aie d'autres demandes d'interventions, nous
passerions au prochain intervenant. On remercie beaucoup M. Trudel de sa
participation.
CRD de Québec
J'inviterais maintenant le Conseil régional de
développement de la région administrative de Québec
à bien vouloir se présenter. M. Richard Deschênes agirait
à titre de représentant et M. Michel Belleau, à titre
d'agent de développement; c'est cela?
M. Deschênes (Richard): C'est bien cela.
Le Président (M. Vallières): M.
Deschênes, est-ce qu'on peut convenir que 25 minutes vous
suffiront à présenter votre mémoire?
M. Deschênes: Je suppose qu'on n'a pas le choix. On a
donné notre tour deux fois.
Le Président (M. Vallières): Nous allons de toute
façon continuer nos travaux ce soir. Mais, nous pourrions
peut-être procéder à l'audition du mémoire et passer
aux questions à compter de 20 heures ce soir.
M. Deschênes: Cela va être très difficile pour
moi. On a justement une réunion du conseil régional, du conseil
d'administration et de l'exécutif ce soir.
Le Président (M. Vallières): A ce moment-là,
peut-être que vous auriez avantage à faire un résumé
de votre mémoire et à permettre par la suite aux membres et aux
intervenants de la commission de vous questionner sur vos propos.
M. Deschênes: Oui.
M. Fortier: De toute façon, si les membres de la
commission étaient d'accord, on pourrait déborder 18 heures pour
terminer avec votre présentation et la période de
questions...
M. Deschênes: Ce n'est quand même pas très
long à lire.
M. Fortier: Je pense bien qu'il y a consentement. Alors, on va
déborder 18 heures de toute façon.
M. Deschênes: D'accord.
M. Rodrigue: Un quart d'heure ou une demi-heure, je pense qu'on
peut s'arranger à ce moment-là...
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
Deschênes.
M. Deschênes: On vous remercie.
M. Rodrigue: ...pour vous entendre, poser des questions et
compléter la présentation de votre mémoire.
M. Deschênes: Je voudrais tout d'abord faire une petite
présentation et situer la perspective dans laquelle ce mémoire
est présenté. Le Conseil régional de la région de
Québec est un organisme qui représente une espèce de
territoire qui est grand comme la Suisse et il est important de
considérer la trame qu'il y a en arrière de la
présentation. Nous considérons... Il y a eu un colloque, il y a
deux semaines, dans la région de Québec, organisé par le
CRD, région 03, qui a mis en lumière une conception du
développement régional qui n'est pas, par omission
peut-être, celle dont on fait la promotion actuellement. Et ce qu'on
veut, nous, c'est que le développement énergétique se
harnache autour des dynamismes sous-régionaux ou des composantes
régionales. La région de Québec est une région qui
est composée de multiples régions. Il n'y a pas seulement la
ville de Québec; il y a plusieurs régions. Et là, il y a
des dynamismes locaux qui ont d'ailleurs été mis en
lumière lors du
colloque qu'on a tenu il y a deux semaines.
À ce sujet, je voudrais vous remettre -je ne sais pas si...
Une voix: Cela a été remis, je crois.
M. Deschênes: ...cela a été remis - une
illustration des entreprises. Il y en a plusieurs dans le domaine
énergétique, dans la région, en dehors de la région
immédiate de Québec, qui font des efforts très importants.
Le génie québécois est à l'oeuvre pour
développer de nouvelles façons d'économiser
l'énergie. Je peux donner des exemples: Héli-O-Beauce, la serre
de M. Létourneau à Saint-Luc, Lac-Etchemin. On veut que le
développement énergétique se situe par rapport aux
dynamismes locaux et c'est dans cette optique qu'on va lire le document que
vous avez entre les mains.
Notre organisme, le Conseil régional de développement de
la région 03, considère que la tenue de cette commission
parlementaire de l'énergie et des ressources est plus que bienvenue.
Cependant, nous souhaitons que le gouvernement du Québec n'en reste pas
là, que, sur cette lancée, il décide d'organiser un vaste
débat public sur notre avenir énergétique comme l'ont
réclamé, à maintes reprises, plusieurs groupes
écologiques, diverses associations professionnelles et même
Hydro-Québec.
Dans cette ligne de pensée, nous espérons des
échanges vraiment démocratiques et une sensibilisation accrue de
la population du Québec à cette question. Chaque
Québécois doit prendre conscience qu'un choix fait sur
l'énergie est un choix de société. Le choix d'une option
énergétique a un impact non seulement sur le plan technologique
et économique, mais aussi sur le plan humain et éthique.
Le CRD de la région 03 a décidé de participer
à ces audiences car il croit que l'énergie est une des
articulations majeures du développement d'une région. Nous vous
entretiendrons, dans cet exposé, de trois projets importants que votre
gouvernement a promis de réaliser sous son présent mandat: le
projet de la centrale électrique à réserve pompée
de Delaney, à Portneuf, l'usine de production de méthanol,
à Saint-Juste-de-Bretenières, au sud de Montmagny, et la
pénétration du gazoduc dans notre région. De plus, nous
aborderons d'autres secteurs de développement possible dans le domaine
des énergies renouvelables et des économies d'énergie.
Quelques mots aussi sur l'importance d'associer les citoyens aux
décisions importantes qui doivent se prendre dans ce secteur vital de
notre société. Nous pensons, entre autres, à l'avenir de
la filière nucléaire au Québec, un sujet qui devrait faire
partie du débat public réclamé.
La centrale de pompage de Delaney. S'il est un projet où la
responsabilité sociale du gouvernement se trouve engagée, c'est
bien celui de la centrale de Delaney. Rappelons brièvement certains
faits. Depuis 1974, Hydro-Québec effectue des études sur le
bien-fondé d'une centrale hydroélectrique dans la région
de Portneuf. Ces études, au coût de 18 000 000 $, concluent
à la rentabilité du projet. Les travaux devaient débuter
en 1981. Nous sommes en 1983 et l'on apprenait récemment que lesdits
travaux sont reportés à 1985. Qu'adviendra-t-il en 1985?
Nous demandons donc au gouvernement du Québec de se prononcer
clairement sur la réalisation du projet. Les projections de la demande
d'électricité et les disponibilités du réseau
d'Hydro-Québec sont suffisamment connues pour qu'une décision
politique soit rendue. La population de Portneuf a déjà trop
attendu. Nous demandons qu'une position claire et définitive soit
annoncée au plus tôt pour éviter une désillusion et
une démobilisation encore plus grande plus tard.
Il importe ici de souligner un fait important. Dès l'origine du
projet, en 1974, Hydro-Québec va tenir des séances d'information
auprès de la population de Portneuf. On y fait miroiter aux yeux des
gens l'impact de cette réalisation en termes de création
d'emplois, d'attrait touristique, etc. Hydro-Québec a en mémoire
l'expérience malheureuse de la Jacques-Cartier. À Portneuf, on
essaie de convaincre la population du bien-fondé du projet. On y parle
d'investissements de plus de 2 000 000 000 $, de 450 emplois dans la
région de Portneuf pendant neuf ans, de 400 à 800 emplois pendant
quatre ans pour produire, au Québec, les turbines pompes, de plus de 300
000 000 $ en revenus pour les citoyens du comté pendant la construction,
d'équipements récréatifs nouveaux, d'attrait touristique,
etc. Ces promesses furent faites dans une région où la situation
en termes d'emplois n'est guère reluisante. Les espoirs entretenus
auprès d'une population acquise d'emblée à ce projet sont
tels qu'on comprend mal qu'ils ne soient pas réalisés le plus
tôt possible.
Parmi les caractéristiques originales du projet invoqué
par Hydro-Québec pour le vendre à la population de Portneuf, nous
en avons retenu deux qui méritent d'être mises en lumière.
D'abord, ce serait la première centrale hydroélectrique d'une
telle envergure construite dans un milieu habité, ce qui
entraînerait des retombées économiques importantes dans le
milieu. De plus, le projet Delaney, une centrale hydroélectrique
à réserve pompée destinée à fournir une
énergie de pointe, fait appel à un nouveau concept
énergétique qui nécessite la mise au point de technologies
nouvelles. Dans la conjoncture économique internationale actuelle, ce
sont les pays à la fine pointe de l'innovation qui réussissent le
mieux à se
tailler une place de choix sur les marchés d'exportation. Le
Québec n'échappe pas à cette règle. Tout retard
dans ce domaine est difficilement rattrapable. Avec ce concept nouveau,
Hydro-Québec pourrait proposer cette nouvelle technologie à des
pays en voie de développement. Elle pourrait correspondre davantage
à leurs besoins. Toutefois, si ce projet devait être
abandonné, nous répétons que le gouvernement devrait en
informer le plus tôt la population de la région de Portneuf. De
plus, après cette promesse d'un nouvel Eldorado dans Portneuf le
gouvernement ne devrait pas laisser en plan les espoirs de cette population.
Une façon d'aborder l'avenir serait de développer avec elle des
projets alternatifs. Dans le domaine énergétique, par exemple, la
région de Portneuf pourrait devenir un autre site pour la
réalisation d'une seconde usine de méthanol à partir du
bois.
Nous le disions au début, c'est un projet où la
responsabilité sociale du gouvernement est engagée. On a fait
naître des espoirs chez la population de Portneuf. On a fait miroiter une
amélioration économique aux gens de la région 03.
Maintenant, on est en droit de se demander si le sort réservé au
projet Delaney sera le même que celui de Gros Cacouna. Chacun sait qu'une
génération complète y a investi son énergie avec un
résultat nul. Je pourrais ajouter, entre parenthèses, y a fait
élire le même député pendant un certain nombre
d'années.
L'usine de méthanol à Saint-Juste-de-Bretenières,
le deuxième sujet qui fait l'objet de notre intervention. La
dépendance du Québec en pétrole importé n'est plus
à démontrer. On rapporte, à ce chapitre, que malgré
nos efforts pour développer d'autres filières
énergétiques, notre facture pétrolière triplera
d'ici à 1990, passant à 16 000 000 000 $.
L'implantation dans la région de la Côte-Sud d'une
première usine de production de méthanol à partir de
résidus du bois s'inscrit dans cet effort pour développer au
Québec un substitut énergétique au pétrole.
Le projet de construction de cette usine à
Saint-Juste-de-Bretenières nous paraît donc excellent. Cette usine
serait bien localisée, dans une région abondante en bois et,
aspect important, elle fait appel à une forme d'énergie
renouvelable.
Le projet de cette usine de production de méthanol est important
à plusieurs points de vue pour le Québec. D'abord, il permettra
de créer une activité économique importante dans des
comtés qui en ont bien besoin: Bellechasse et Montmagny-L'Islet, un
secteur de notre région où sévit un très fort taux
de chômage.
De plus, il vient compléter le cycle de l'exploitation
forestière, la principale industrie de ce secteur. À ce chapitre,
il convient de souligner l'enthousiasme du milieu pour le projet dont la
volonté exprimée par l'ensemble des propriétaires de
petites scieries de fournir les résidus de bois nécessaires pour
approvisionner l'usine. C'est donc un projet qui, tout en créant de 60
à 75 emplois directs ou indirects, contribuera à sa
manière à sauvegarder l'environnement.
Le projet est important également pour le Québec puisqu'il
permettra à notre société de développer une
expertise dans le secteur de la bioconversion du bois en méthanol.
Le Québec, par ses richesses forestières, est
appelé naturellement à développer une expertise dans ce
domaine; nous pourrions devenir un leader mondial dans ce secteur très
prometteur des énergies renouvelables. L'intervention
précédente de notre ami de l'Abitibi-Témiscamingue l'a
bien mis en lumière.
Citons l'exemple du Brésil où cette filière
énergétique basée sur la bioconservation est la plus
poussée. Grand producteur de canne à sucre, le Brésil est
le premier pays à s'être doté en 1975 d'un "plan
alcool".
Ce programme devrait être réalisé par étapes
et permettrait une substitution croissante de l'alcool à l'essence
d'abord, puis, plus généralement, aux combustibles liquides. Il
est prévu d'incorporer 20% d'alcool à l'essence d'ici 1980 et
100% en 1985. Dans ce pays, en l'an 2000, 75% de l'ensemble des combustibles
liquides seraient remplacés par ce dérivé de la canne
à sucre.
Sans être aussi ambitieux, nous croyons que le Québec
pourrait investir davantage dans ce secteur afin d'accomplir un rattrapage
nécessaire quant au développement de cette filière
énergétique.
Comme nous l'avons mentionné, le secteur de Portneuf serait tout
désigné pour développer un projet similaire. La population
a été sensibilisée aux questions
énergétiques, il existe une mobilisation importante du milieu et
Portneuf est un grand producteur de bois.
Nous nous permettons d'insister sur le fait qu'un projet de
développement s'inscrit toujours dans le cadre d'une
réalité régionale où le dynamisme du milieu est une
composante essentielle pour sa réalisation.
Je voudrais souligner que les gens qui ont fait des présentations
au colloque du CRD qu'on a tenu il y a deux semaines et qui sont dans le
domaine énergétique, la Société
Héli-O-Beauce pour l'énergie qui utilise le vent. Il y a
l'énergie solaire utilisée pour la production de légumes
à Saint-Luc. Ce sont des gens qui ont développé cela la
plupart du temps sans aucune ressource, même des instituts derecherche gouvernementaux ou privés, qui ont patenté ces
choses-là dans leur coin et ont mis beaucoup d'efforts.
À cet effet, le CRD trouve que les
initiatives sous-régionales des composantes régionales
sont très peu écoutées en général par
rapport à d'autres sociétés d'envergure qui ont plus de
spécialistes.
Par exemple, la Coopérative de gestion forestière des
Appalaches à Sainte-Apolline a investi il y a trois ou quatre ans 10 000
$ en recherches de ses propres fonds pour développer un projet de
briquettes de bois à partir des résidus. Évidemment le
projet est mort aussitôt qu'on a parlé d'investissement pour
décoller. Il semblait que cette production, l'étude montrait que
c'était rentable. (17 h 45)
Ceci pour signaler l'importance de partir des dynamismes
régionaux afin de développer différents milieux autres que
la ville de Québec, qui est très présente en
général. Ces milieux sont moins présents sur la carte.
Je continue la lecture. Quant au projet de
Saint-Juste-de-Bretenières nous souhaitons donc que les
représentants des deux gouvernements tiendront les promesses faites en
décembre dernier et que les travaux débuteront effectivement au
printemps 1983, ce qui est fait. Maintenant il y avait une nouvelle dans un
journal qui n'était pas correcte, semble-t-il. On annonçait le
retard - on s'est alerté un peu hier - la remise du développement
de l'usine de méthanol. Je pense que c'était une erreur du
journaliste, je ne sais pas. Semble-t-il que ce n'est pas le cas. En tout cas,
peut-être que vous pourrez confirmer.
Quant à la rentabilité économique de ce
procédé de fabrication du méthanol, on estime ses
coûts à peu près équivalents au pétrole. En
effet diverses études du ministère de l'Énergie et des
Ressources du Québec tendent à établir entre 0,65 $ et
0,86 $ le prix du gallon de méthanol produit et distribué
à la pompe. Après déduction des taxes
fédérales et provinciales ce coût de revient
équivaudrait à peu près au prix du gallon d'essence.
Si on considère l'instabilité des prix du pétrole
et de prévisibles difficultés d'approvisionnement dans l'avenir,
il apparaît important que le Québec développe cette
filière énergétique. Le marché des carburants
automobile est particulièrement attrayant pour cette filière
énergétique. En supposant dès maintenant un mélange
essence-méthanol à 15%, les véhicules
québécois pourraient consommer 300 000 000 de gallons de
méthanol par an. Le Québec devrait alors se doter de trois
grandes usines de production pour rencontrer la demande.
Une dernière remarque aussi sur les avantages sociaux
reliés à ce type de production d'énergie. Nous avons
mentionné un premier avantage environnemental dans le fait de recycler
à des fins utiles des résidus de bois de l'industrie
forestière. L'utilisation de ce biocarburant contribuerait
également à la réduction du taux de pollution par
l'automobile, notamment dans les grands centres urbains.
Troisième point, la pénétration du gazoduc. Le CRD
est parfaitement en accord avec l'objectif d'implantation du gaz naturel dans
notre région. Nous croyons même que le gouvernement devrait faire
des efforts supplémentaires afin d'accélérer les travaux
de réalisation du gazoduc. Le gaz naturel est considéré
par plusieurs experts comme une énergie de transition beaucoup moins
polluante que le pétrole. C'est un substitut dont on devrait encourager
encore plus l'utilisation.
De plus, en remplaçant le pétrole importé par le
gaz naturel, le Québec renforce de façon significative sa
sécurité en approvisionnement énergétique. S'il est
un domaine où il peut y avoir une entente dans une action commune des
deux gouvernements, provincial et fédéral, c'est bien dans le
secteur du gaz naturel. En effet le gouvernement fédéral a une
politique favorisant l'expansion du gaz naturel dont le Québec peut
profiter. En maximisant les efforts nous croyons que plus de 25% des besoins
énergétiques des Québécois pourraient être
comblés par cette filière dans les années
quatre-vingt-dix.
Par ailleurs il nous faut formuler certaines réserves quant aux
politiques d'accessibilité du gaz naturel en région. Par exemple,
contrairement à Hydro-Québec qui doit desservir tous les
Québécois quelle que soit la région concernée, la
distribution de gaz naturel pour sa part est soumise à la loi du
marché. C'est ainsi que dans l'implantation des conduites secondaires
certains secteurs de notre région souffriront de retards importants par
rapport à d'autres. C'est le cas pour les secteurs suivants: la Beauce,
l'Amiante, la Côte-du-Sud et Charlevoix. Il semble que ces derniers ne
seront pas desservis avant plusieurs années.
L'extension rapide du réseau est difficile en raison des
investissements importants qu'il nécessite. Il faut quand même la
voir en tant que service public; c'est ainsi que le gouvernement doit
éviter les injustices flagrantes sur le territoire. Par exemple, il doit
avoir à l'esprit un souci d'équité pour les citoyens et
les petites et moyennes entreprises moins bien localisées que leurs
concurrentes.
D'après nous, il faut penser plutôt en termes de
diversification et complémentarité des sources d'énergie
qu'en termes de compétition. Notre organisme encourage donc
l'implantation massive de cette forme d'énergie. Pour ce faire, le
gouvernement devrait faciliter l'accès au gaz dans les domaines de
l'habitation et du transport. Ainsi le gouvernement pourrait mettre de l'avant
des mesures pour favoriser
l'utilisation du gaz naturel dans l'habitation, notamment favoriser par
des subventions ou rabais fiscaux l'installation de systèmes de
chauffage à l'eau chaude ou air chaud plus flexibles permettant ainsi
l'utilisation du gaz naturel comme source d'énergie principale ou
combinée.
Dans le domaine du transport, l'utilisation massive du gaz naturel
pourrait être envisagée. Ce serait une façon de populariser
cette forme d'énergie qui se révèle beaucoup moins
polluante que le pétrole. Une infrastructure gazière vraiment
adéquate est aussi un investissement à long terme pour notre
société. En effet, lors de l'épuisement prévisible
des stocks de gaz naturel, nous pourrons les remplacer par des énergies
renouvelables, soit le biogaz provenant du recyclage de nos déchets
forestiers, agricoles ou urbains, ou encore l'hydrogène, filière
pleine d'avenir pour le Québec, puisque nous possédons les deux
matières premières, soit l'eau et l'électricité. Le
gouvernement devrait développer des projets concrets pour rejoindre le
consommateur. C'est ainsi que l'initiative de la nouvelle firme Gaz naturel
comprimé Ltée visant à adapter 25 000 véhicules au
gaz naturel au cours des cinq prochaines années pourrait servir de
tremplin pour d'autres expériences du même genre.
On rapporte que GNC Québec Ltée entend doter le
Québec d'ici 1988 d'un réseau de 25 centres d'adaptation de
véhicules au gaz naturel comprimé et rendre ce carburant
disponible dans quelque 75 postes de distribution dans les régions
desservies par le gazoduc. Nous espérons que la région 03 sera
incluse dans le réseau et ceci, dans les plus brefs délais
possible.
De plus, nous souhaitons que le plus grand nombre possible de petites et
moyennes entreprises de notre territoire seront favorisées pour
développer des activités ou produits reliés à
l'utilisation de cette source d'énergie. En définitive, le gaz
naturel devrait être une préoccupation majeure du gouvernement
québécois, si l'on considère qu'Hydro-Québec a
monopolisé en 1980-1981 plus de 90% de tous les investissements du
secteur énergétique au Québec. On est en droit de se
demander si le Québec a fait tous les efforts nécessaires dans ce
domaine.
Le quatrième point, les énergies renouvelables. Enfin,
comme organisme préoccupé par le développement
régional, nous voulons souligner tout l'intérêt que
présente le secteur des énergies renouvelables. Les avantages
reliés à la production et à l'utilisation de
l'énergie renouvelable sont en effet très nombreux à
l'échelle régionale: création locale d'emplois, plus
grande diversification des sources d'énergie et meilleure
répartition sur le territoire, possibilité aussi de
régionaliser les unités de production et de transformation,
assurant ainsi un plus grand dynamisme et une plus grande autonomie au plan
régional, en faisant appel notamment aux capitaux présents dans
la région.
Pourtant, le secteur des énergies renouvelables occupe une place
très marginale dans la politique québécoise de
l'énergie à un point tel qu'encore aujourd'hui "l'utilisation de
ces formes d'énergie n'est pas comptabilisée en tant que telle et
que leur contribution au bilan énergétique apparaît
actuellement sous la forme d'une réduction de la demande
d'énergie".
D'autre part, si l'on considère que les objectifs établis
pour les énergies renouvelables représentent à peine 2% du
bilan énergétique en 1990, tout laisse croire que, pour plusieurs
années à venir, la place de ces formes d'énergie
continuera à rester marginale à moins d'un changement radical
dans les orientations de la politique énergétique.
En raison précisément de l'impact de ces formes
d'énergie sur le développement régional - c'est notre
préoccupation majeure nous souhaitons fortement que l'on consacre
d'importants efforts de recherche à la production et à
l'utilisation d'énergies nouvelles. À cet égard, plusieurs
avenues s'offrent aux chercheurs. Nous voulons ici en souligner
quelques-unes.
D'abord, l'immense potentiel que présente la tourbe. On estime
à 2 500 000 000 de tonnes les réserves en tourbières du
Québec tandis que la superficie totale atteint 13 000 kilomètres
carrés en s'en tenant aux seules zones accessibles. C'est donc une
ressource abondante, d'ailleurs disponible dans notre région, et qui,
convertie en hydrocarbures, pourrait notamment servir de combustible pour
alimenter de petites centrales électriques ou des systèmes de
chauffage communautaires.
D'autres composantes de la biomasse peuvent également se
prêter à la transformation énergétique. C'est le cas
des résidus de bois que nous avons évoqués plus tôt,
en rappelant l'importance du projet de Saint-Juste-de-Bretenières. Mais
l'exploitation possible des résidus agricoles et urbains doit
également retenir l'attention des chercheurs.
Le problème de la pollution des cours d'eau par les
résidus de l'exploitation agricole: pesticides, purin, est bien connu.
Du reste, la région de Québec est particulièrement
touchée par cette pollution puisque la production porcine est
très importante et que, pour les producteurs concernés, la
disposition du fumier et du purin est devenue un problème quasi
insoluble. Je voulais souligner à la commission l'article qui a paru ce
matin dans le Soleil - le 22 septembre, c'est bien aujourd'hui - il semble
qu'ils ont mis au point un système pour produire de l'eau pure
à partir du fumier, des déchets agricoles pour, ensuite,
se servir des résidus pour produire du compost et des moulées.
Cela a été mis au point par l'Université McGill avec une
firme qui s'appelle Sobimac, à Montréal. Alors c'est en plein
dans le style de choses que nous pensons qu'il faut encourager et
développer. Il en va de même en milieu urbain pour les
déchets domestiques et les eaux usées qui nécessitent des
entreprises de récupération, de traitement qui sont de moins en
moins compatibles avec le milieu naturel ou habité. Jusqu'à
maintenant, on a surtout fait appel à des procédés
mécaniques pour tenter de résoudre ces problèmes de
pollution. Nous croyons que le temps est venu de développer de
façon systématique tout le champ des techniques biologiques
permettant non seulement de réduire la pollution mais encore d'assurer
la transformation et l'exploitation énergétique des
résidus.
À cet égard, le programme d'assainissement des eaux auquel
le gouvernement veut consacrer plusieurs milliards de dollars, au cours des
prochaines années, offre à coup sûr l'occasion
d'expérimenter de nouvelles techniques tout en permettant de maximiser
les investissements. Nous voulons souligner ici la position du CRD de
Québec quant à l'établissement d'un centre de recherche
sur la biomasse. Nous considérons qu'il doit être établi en
sous-région là où il y a du fumier et là aussi
où il y a des arbres, et non pas dans la ville de Québec sur le
territoire de l'université Laval.
Un mot, enfin, sur l'énergie solaire qui, comme on le sait, est
à la base de toutes les autres énergies et dont on
redécouvre l'importance à la faveur d'une prise de conscience des
limites et des contraintes des autres formes d'énergie. Certes, il
s'écoulera encore plusieurs dizaines d'années avant que la
technologie rende possible l'utilisation massive de cette forme
d'énergie. D'ici là, presque tous les pays du monde seront dans
la course pour domestiquer le soleil et seuls les plus inventifs pourront
exporter leurs techniques.
Je voudrais revenir sur une entreprise qui est en plein dans ce type de
développement de l'utilisation de l'énergie solaire; c'est la
production de légumes et de produits agricoles qui utilisent une serre
solaire qui, semble-t-il, est un concept révolutionnaire. Le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a
traité le gars de fou pendant dix ans. Au bout de dix ans, il lui a
donné une subvention de 53 000 $ puis maintenant il s'aperçoit
que c'est un concept révolutionnaire. Ce qui tend à confirmer
l'idée qu'il faut rapprocher les gens qui font de la recherche des
milieux où sont les ressources et les dynamismes locaux.
Pour préparer adéquatement l'avenir, nous sommes d'avis
qu'il ne faut pas se satisfaire d'expériences isolées et qu'il
faut adapter un vaste programme de recherche sur les différentes formes
d'utilisation et de stockage de l'énergie solaire en privilégiant
celles qui sont le mieux accordées à notre géographie et
à notre climat. Dans l'immédiat, nous pensons que la recherche et
le développement devraient porter principalement sur l'énergie
solaire appliquée à la culture en serre et au chauffage
d'unités résidentielles regroupées. Dans le premier cas,
il s'agit de soutenir l'effort de l'agriculture québécoise en
direction de l'autosuffisance alimentaire. Dans l'autre, il s'agit, à
l'instar de nombreuses expériences faites dans les pays Scandinaves, de
développer des techniques de chauffage qui, permettant d'importantes
économies d'échelle, seraient plus avantageuses pour les
consommateurs, en particulier dans les communautés isolées ou
éloignées.
En conclusion, si on résume le sens de notre intervention, notre
position est la suivante: En ce qui regarde le projet Delaney, il
apparaît très clair que notre position est que le gouvernement
indique ses intentions le plus tôt possible à la population de la
région de Portneuf. Cela nous paraît, en termes de relations avec
la population, une chose à faire de façon immédiate,
quelle que soit la position prise.
Pour l'usine de méthanol de Saint-Juste-de-Bretenières,
que les travaux d'implantation de ce premier prototype débutent au plus
tôt. Notre mémoire a été écrit en mars. Vous
pourriez confirmer, mais je pense que c'est en marche.
Pour le gazoduc, que les travaux d'implantation soient
accélérés et que toute la région soit couverte par
le réseau.
Quant aux énergies nouvelles, cette filière
énergétique est prometteuse en termes d'autosuffisance
énergétique et de développement régional
équilibré. C'est un des aspects très importants sur lequel
on veut insister. Le gouvernement devrait faire un effort plus important pour
favoriser la recherche et le développement de ce secteur. C'est dans ce
sens que nous appuierons, probablement dans un prochain sommet
économique de la région de Québec très
bientôt, l'établissement d'un centre de recherche sur la biomasse
en dehors des centres urbains, là où sont les matières
premières, c'est-à-dire dans les milieux agricoles et
forestiers.
Le dernier point sur lequel on veut insister encore une fois - je pense
que ce n'est pas la première fois que des gens insistent
là-dessus - est que le gouvernement favorise par tous les moyens la
tenue d'un vaste débat public sur notre avenir
énergétique, mobilisant ainsi la population autour des enjeux et
des grandes orientations à prendre dans ce secteur vital de notre
société. Merci de votre attention. (18 heures)
Le Président (M. Vallières): De consentement
unanime, nous poursuivrons encore pendant quelques minutes, en dépassant
18 heures. La parole est maintenant au député de Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, je veux remercier les
représentants du Conseil régional de développement de la
région administrative de Québec pour une contribution
substantielle au débat public qui est engagé devant cette
commission quant à l'avenir énergétique du Québec.
Je pense que la tenue même de cette commission répond
jusqu'à un certain point à la dernière recommandation que
vous faites concernant le débat public.
Il s'agit, au cours des travaux que nous poursuivons, que nous avions
commencés au printemps, mais que nous avons dû interrompre,
malheureusement, pour des sujets un peu plus frivoles, à mon sens, de
faire en sorte que tous les intervenants et intéressés dans le
domaine de l'énergie puissent faire connaître leur point de vue
sur l'avenir du développement des énergies, autant
traditionnelles que nouvelles, qui doit se faire au Québec.
Le gouvernement partage l'opinion du Conseil régional de
développement de la région administrative de Québec quant
à l'importance qu'il faut accorder à la répartition
régionale des investissements énergétiques. D'ailleurs,
quand on examine ce qui s'est fait au cours des dernières années
au Québec et en particulier ce qui est projeté pour les
prochaines années, on constate que les investissements majeurs vont se
faire principalement en région, c'est-à-dire, d'une part,
qu'Hydro-Québec va investir massivement pour la révision de son
réseau de distribution d'énergie électrique. En fait, on
parle d'investissements d'environ 2 500 000 000 $ au cours des prochaines
années. Je pense que, d'ici deux ou trois ans, il y aura 2 000 000 000 $
qui seront consacrés à la révision du réseau de
distribution d'Hydro-Québec.
Également, vous avez tout le travail qui se fait pour l'extension
des réseaux de distribution du gaz. Il y a eu des investissements de 500
000 000 $ jusqu'à maintenant, qui ont été faits depuis
quelques années pour amener le gaz dans les régions de
Montréal, de Québec et également dans les sous-centres,
dans les sous-régions autour de ces centres principaux. Globalement, ces
investissements, sur une période de cinq ans, vont être d'environ
2 000 000 000 $. On peut donc parler d'investissements massifs dans le domaine
énergétique qui ont pour but d'amener aux consommateurs les
sources d'énergie les plus appropriées et les moins
coûteuses.
Quant au projet Delaney, le gouvernement est venu près
d'autoriser ce projet. En fait, en 1981, lorsque Hydro-Québec a
modifié son programme d'équipement, elle nous a indiqué
que, compte tenu de la récession économique et de la baisse
radicale de la demande d'énergie qui en a résulté, les
investissements, les aménagements qu'elle avait prévu faire dans
un programme antérieur devaient être reportés. Non
seulement Delaney a été reporté à ce
moment-là, mais vous avez des projets comme Manicouagan 5, puissance
additionnelle, qui avait pour but de fournir de la puissance de pointe au
même titre que le projet Delaney, qui ont également
été reportés, même si la construction était
déjà pas mal avancée. À Manicouagan 5, on a
percé des galeries, on a excavé l'emplacement de la centrale et
on a finalement arrêté tous ces travaux-là pour les
reporter de quelques années, parce que la demande ne le justifiait plus,
parce que, pour une période de quatre ou cinq ans, on a des surplus
extrêmement importants.
Ce n'est pas un phénomène isolé. En fait, c'est un
phénomène qui s'est généralisé pour tous les
grands projets énergétiques. Quand on examine ce qui s'est
passé dans l'Ouest pour les projets Alsands et les autres, des
décisions analogues ont été prises parce que la demande a
baissé. Le projet Delaney, à notre sens, est reporté, mais
il n'est pas abandonné. Cela reste un projet intéressant quant
à sa capacité et à ses coûts. J'étais
à Hydro-Québec avant l'élection de 1981; je n'ai pas
travaillé au projet Delaney, mais je peux vous dire que c'est un projet
qui était traité de façon extrêmement
sérieuse par Hydro-Québec. Il avait franchi l'étape de
l'avant-projet, cela veut dire qu'Hydro-Québec a investi plusieurs
millions de dollars pour pousser cette étude plus loin et c'est un des
projets qui offraient à la fois une capacité et des coûts
intéressants.
Il y a un facteur qu'il faut retenir dans l'évaluation de
Delaney. C'est que l'installation d'une centrale de pompage est toujours
fonction du type de demande qu'on a sur un réseau comme celui
d'Hydro-Québec, parce que c'est une centrale un peu particulière,
c'est-à-dire qu'elle consomme de l'énergie et elle fournit de la
puissance. J'ai déjà eu l'occasion d'essayer d'expliquer cela
à ces gens et je leur ai dit: C'est le "kick down" de votre automobile,
d'une certaine façon. Cependant, la réalisation de ce projet va
toujours être fonction du type de demande sur le réseau
d'Hydro-Québec, donc des habitudes de consommation. Dans la mesure
où nous continuerons d'avoir une pointe importante dans la demande du
réseau, un projet comme celui-là va être
nécessaire.
Si, par ailleurs, les habitudes de
consommation changeaient radicalement Hydro-Québec révise
ses analyses de six mois en six mois pour mesurer l'évolution de la
demande et du type de demande qu'elle a -de façon telle que la pointe
sur la demande du réseau serait beaucoup plus faible comparée
à la demande moyenne, au cours des années
précédentes, il est bien sûr qu'il faudrait alors se poser
des questions. Actuellement, la tendance est plutôt de dire que le projet
est reporté, mais il n'est pas abandonné, bien au contraire.
En ce qui concerne l'usine de méthanol, je pense que mon
collègue de Montmagny-L'Islet va sûrement se faire un plaisir de
vous donner des précisions.
Quant à l'implantation du réseau gazier, Gaz
Inter-Cité, qui dessert la région de Québec - cela nous
apparaît normal - va commencer par desservir les zones de plus forte
consommation, parce que cela lui permet, au fur et à mesure où
elle étend son réseau, de commencer à faire des ventes,
donc de rentabiliser plus rapidement son réseau.
Au départ, il était question que le pipeline qui se rend
à Québec traverse sur la rive sud pour filer jusqu'en
Nouvelle-Écosse. À ce moment, il aurait été facile
de desservir la rive sud à partir de ce tronçon principal.
Cependant, le gouvernement fédéral a voulu
réévaluer cette question parce qu'il y a eu des
découvertes de gaz à l'île de Sable et qu'on se demande
s'il ne serait pas plus logique d'utiliser le gaz de l'île de Sable pour
l'amener vers Québec. Il a décidé de se donner un certain
temps pour faire l'analyse des capacités des puits de gaz de l'île
de Sable pour voir laquelle des deux façons de procéder serait la
plus avantageuse. De sorte que, au lieu d'un investissement d'environ 700 000
000 $ sur ce réseau, Gaz Inter-Cité s'est vu plutôt
octroyer 500 000 000 $ et a dû reporter à plus tard l'installation
ou la pénétration du gaz sur la rive sud. C'est une question qui
demeure sous analyse, autant au niveau du gouvernement fédéral
que du gouvernement du Québec et, une fois la décision prise
quant à la provenance des sources de gaz, il sera plus facile de prendre
une décision.
Dans votre mémoire, vous avez mentionné que le secteur des
énergies renouvelables occupe une place très marginale dans la
politique énergétique québécoise. Je voudrais quand
même vous rappeler que l'énergie hydroélectrique, c'est une
énergie renouvelable et que c'est la plus importante au Québec.
Alors, j'imagine que vous faisiez plutôt allusion à des
énergies comme la biomasse ou des choses comme celle-là, parce
qu'au Québec nous sommes alimentés par la plus grande source
d'énergie renouvelable.
En ce qui concerne la tourbe, vous suggérez, ou enfin vous
soulevez la possibilité qu'elle soit convertie en hydrocarbure, soit
pour fins de combustible directement pour chauffage, ou encore pour alimenter
de petites centrales électriques. Vous pourriez peut-être
vérifier auprès d'Hydro-Québec à ce propos. Elle a
fait des études en particulier pour l'alimentation de l'île
d'Anticosti. Je ne sais pas où en sont rendues ces études.
Cependant, de mémoire, les coûts semblaient quand même assez
élevés. En particulier pour l'alimentation d'une centrale
électrique, il est très manifeste que le réseau
alimenté par des grandes centrales hydroélectriques va toujours
fournir de l'énergie à des coûts beaucoup plus
intéressants que par des énergies comme celle-là.
Le deuxième facteur: il n'est pas tellement intéressant
d'utiliser le gaz pour produire de l'électricité. Il vaut mieux
le consommer directement. Le rendement, quand on utilise le gaz pour produire
de l'électricité et, par la suite, pour s'en servir comme forme
d'énergie, est d'à peu près 35%. Alors que si vous
utilisez le gaz directement, vous avez un rendement de l'ordre de 70%. Enfin,
ce ne sont pas des chiffres absolument exacts que je vous cite, mais ce sont
des ordres de grandeur. Dans cette optique, il est évident que si on
pouvait produire des hydrocarbures à partir de la tourbe, c'est soit
dans des zones isolées qu'on pourrait les utiliser, ou encore pour une
consommation directe et non pas pour la transformer en une ou deux sources
d'énergie alternatives avant d'arriver au consommateur.
J'aurais une question à vous poser quant à ce que vous
suggérez pour encourager l'implantation massive du gaz naturel. Vous
considérez le gaz naturel comme un atout de développement
régional extrêmement important. Est-ce que, d'une part, vous avez
eu l'occasion de prendre connaissance d'études ou de faire
vous-même des études concernant le marché potentiel qu'il y
aurait sur la rive sud, dans des régions éloignées
également, plus éloignées du centre de Québec?
Également sur les coûts de la pénétration de ces
marchés-là?
Deuxièmement, quels types d'industries, dans ces régions,
dans celles que vous visez par votre mémoire, sont susceptibles de
s'alimenter au gaz? Quels seraient également les types d'industries qui
seraient susceptibles de s'établir dans ces régions si le gaz y
était disponible?
Le Président (M. Vallières): M.
Deschênes.
M. Deschênes: Je vais laisser M. Belleau répondre
à cette question, s'il le veut, parce que je n'ai pas les
réponses.
M. Belleau (Michel): C'est plutôt une
approche globale pour favoriser un développement par rapport
à une énergie qu'on veut rendre disponible. C'était
surtout cela, notre message, de dire: Si le gaz naturel devient accessible dans
la région de Québec, qu'il le soit aussi pour l'ensemble de la
région de Québec. Mais, pour des cas aussi précis que ceux
que vous mentionnez, on n'a pas poussé l'étude jusque
là.
M. Rodrigue: En fait, disons que ces études-là
existent probablement chez Gaz Inter-Cité, ou du moins en partie. Il y
aurait peut-être intérêt à ce que vous puissiez en
prendre connaissance éventuellement. Quand on examine des questions
comme celle-là, il y a toujours le problème de savoir quels sont
les coûts d'une telle implantation, quels sont les coûts d'une
telle pénétration? À ce moment-là, est-ce que c'est
le meilleur investissement qu'on peut faire, soit dans la région ou dans
l'ensemble du Québec? Est-ce que c'est l'investissement le plus
rentable? On doit toujours se poser la question finalement et je suis sûr
que vous vous la posez également. Alors, il y aurait peut-être
intérêt, dans le cadre de vos travaux, si vous êtes en
mesure de mettre la main sur ces données, que vous puissiez en prendre
connaissance, ce qui permettrait finalement de...
M. Belleau: II reste quand même qu'il peut y avoir un
équilibre entre une approche de développement qui est uniquement
collée sur des clients éventuels par rapport à une
approche qui serait uniquement de service. Je suis d'accord avec vous qu'il
faut examiner la facette économique. Nous, on a mis cela dans le
mémoire dans le sens d'un équilibre et d'un potentiel. Dans le
fond, le développement du gaz, comme d'autres formes d'énergie,
c'est une infrastructure. C'est comme développer des routes, c'est comme
développer une infrastructure qui permet un développement. C'est
un peu cet aspect qu'on amène finalement comme message. Ce n'est
peut-être pas aussi fouillé au plan des chiffres, mais c'est dans
ce sens-là.
M. Rodrigue: En fait, il est sûr que quand il y a des
décisions, soit de la part du gouvernement, ou de la part des
entreprises qui doivent faire ces investissements, d'aller de l'avant, on tient
compte des développements potentiels et non pas seulement de ce qui
existe, parce que ce sont des réseaux qu'on implante quand même
pour 20, 30 et 40 ans, et il est évident que ces décisions
reposent à la fois sur la consommation actuelle et sur la consommation
potentielle. (18 h 15)
Quelques questions un peu plus spécifiques, en terminant. Vous
avez parlé du problème de la pollution par le purin et de
façons de traiter le purin. J'ai lu l'article auquel vous avez
référé, qui était dans le Soleil de ce matin, si je
me souviens bien. Je vous signale également qu'hier Énergie
atomique du Canada nous a parlé d'un procédé de traitement
du purin par l'irradiation qu'elle a développé; c'est dans le
mémoire qu'elle a présenté ici. Si cela vous
intéresse, vous pourrez également vous y référer.
C'est une autre façon qui pourrait possiblement permettre de
régler un problème environnemental extrêmement important
non seulement dans la région ici, mais aussi dans la région de la
rivière L'Assomption et dans la région de la rivière
Yamaska.
Quant à l'énergie solaire - je termine là-dessus -
des mémoires ont été présentés hier devant
cette commission. Les gens qui sont dans l'industrie et dans les milieux qui
font l'analyse de cette forme d'énergie nous ont indiqué que le
Québec est en avance sur d'autres pays quant au développement de
certains créneaux en vue de l'utilisation de l'énergie solaire.
Sur ce plan-là, il semble qu'en particulier pour les capteurs solaires,
on ait développé ici des technologies qu'on s'apprête
à exporter. Sur ce plan-là, l'impression que vous sembliez avoir
que le Québec avait vraiment raté le train quant à tout le
domaine de l'énergie solaire, effectivement, cela ne concorde pas avec
ce que les gens de l'industrie nous ont dit hier. Il y a peut-être
là un problème d'information. La commission justement nous permet
d'en apprendre beaucoup sur ce qui existe au Québec et je faisais la
remarque à quelqu'un aujourd'hui: c'est rafraîchissant de
s'asseoir et de recevoir les mémoires à cette commission, parce
que, pour une fois, on a devant nous des gens qui ont des idées et des
projets à nous soumettre, plutôt que de nous soumettre purement
des revendications. Les revendications, il faut y faire face et elles sont
souvent légitimes. Cependant, devant la commission de l'énergie
et des ressources, ce qu'on constate depuis que nos travaux ont
redémarré, c'est qu'il y a beaucoup d'idées qui circulent
dans le domaine du développement énergétique au
Québec. Il y a beaucoup de projets qui sont en marche. On se retrouve
maintenant pratiquement devant l'embarras du choix plutôt que l'inverse.
C'est de bon augure pour l'avenir énergétique du
Québec.
M. Belleau: C'est exagéré un peu dans notre
mémoire par rapport à cela parce qu'on veut que cela se
développe. Mais le document que je vous ai remis est vraiment
relié au colloque qu'on a organisé dans le sens que vous dites.
J'ai moi-même découvert cet été, durant
l'organisation du colloque, qu'il y avait vraiment des industries de pointe au
niveau énergétique dans la
région 03. Par exemple, les Poêles Saint-Georges,
concernant toute la combustion du bois, combustion lente, etc., et, concernant
le développement de l'énergie éolienne, deux entreprises
dans la Beauce, entre autres, Héli-O-Beauce.
M. Rodrigue: Cela va. Je vous remercie.
M. Deschênes: Je veux simplement dire ceci à M. le
député de Vimont: concernant le projet Delaney, j'accueille bien
les commentaires que vous avez faits, sauf que ce qu'on voulait signifier dans
ce projet, c'est qu'Hydro-Québec est allé voir les gens de
Portneuf, les a informés, les a convaincus qu'ils devraient
également participer au développement et être
consultés constamment. Je trouve qu'il faudrait faire, à ce
moment-ci, la même démarche, le même investissement en temps
d'information dans la région de Portneuf pour leur dire:
Écoutez!. Répétez exactement ce que vous nous avez dit. On
commence une démarche avec des gens et on les laisse en plan! Je trouve
qu'il faudrait développer l'information même si elle n'est pas
toujours agréable à donner.
M. Rodrigue: Je retiens votre suggestion. Elle m'apparaît
fort pertinente. Le ministre est allé dans la région de Portneuf
en février et il y aurait possiblement lieu d'y retourner. Quant aux
démarches d'Hydro-Québec qui consistaient à informer la
population sur le déroulement du projet, je me rappelle de tout le
débat qu'il y a eu à Hydro-Québec là-dessus. On
reprochait à Hydro-Québec de faire ses travaux, de s'en aller
dans une région et de ne pas expliquer aux citoyens de la région
quelles étaient ses intentions, quels étaient ses projets, ce
qu'elle faisait là, de sorte que naissaient souvent toutes sortes de
rumeurs quant aux projets en cause. À ce moment-là,
Hydro-Québec a révisé sa position et a
décidé de faire un effort particulier pour bien informer les
populations des régions dans lesquelles elle faisait des travaux de
cette nature.
Bien sûr, cela suscite des attentes mais il est évident que
le gouvernement continuera d'encourager Hydro-Québec à
procéder de cette façon, d'être le plus transparent
possible et d'impliquer vraiment les gens des régions concernées
dans le développement de ses projets. Sur la Côte-Nord je sais
qu'Hydro-Québec a investi au-delà de 15 000 000 $ jusqu'à
maintenant dans toutes sortes d'études et un effort semblable a
été fait à un certain moment pour bien impliquer les gens
de la région concernée dans le développement des projets.
En même temps, cela permet de mieux comprendre toute la
problématique qui entoure les études sur un projet
hydroélectrique.
J'ai fait la première étude de toutes sur l'extension
d'une centrale à Manic 5 en 1966. Vous voyez, la construction vient
juste de commencer et la construction a cessé au bout de deux ans. Elle
reprendra quand la demande résorbera les surplus actuels.
Il se passe donc une période très longue entre le moment
où on fait des études et le moment où débute la
construction. Il est important d'expliquer à la population pourquoi cela
se passe ainsi. Votre suggestion est extrêmement intéressante et
j'en ferai part au ministre. Merci.
Le Président (M. Vallières): La parole est
maintenant au député d'Outremont.
M. Fortier: Je remercie mon collègue, le
représentant d'Hydro-Québec, pour les précisions qu'il
nous a données. C'était très apprécié.
J'aimerais revenir sur deux points qui sont importants dans votre
mémoire, sur la pénétration du gaz en particulier. Vous
dites qu'il faut qu'il y ait équité dans tout le territoire. Si,
pour des raisons que nous a expliquées notre collègue, une
région n'était pas favorisée par la
pénétration du gaz, on pourrait conclure, d'après ce que
vous avez dit dans votre mémoire, que vous considéreriez que
cette région est défavorisée dans une certaine mesure.
C'est la raison pour laquelle certaines régions de la Côte-Nord et
d'autres qui sont venues au mois de mars lorsque nous avons commencé les
travaux de cette commission... Il y avait entre autres le CRD du Saguenay qui
nous avait fait état de cette dialectique à savoir que si le gaz
ne pénètre pas on est quelque peu défavorisés pour
le développement économique, faisant valoir que si une
région était défavorisée elle devrait être
favorisée autrement par une tarification électrique
régionale. J'aimerais avoir votre sentiment là-dessus.
M. Deschênes: Que les avantages soient compensatoires soit
par une tarification électrique régionale ou une autre formule,
ce n'est pas nécessairement une tarification électrique
régionale... Si on traverse le fleuve, cela peut être difficile
d'application. On serait d'accord pour qu'il y ait au moins un type de
compensation au niveau des plans, par exemple, qui ont été
manifestés par des intervenants de Valleyfield qui nous
précédaient, et ce peut être autre chose aussi.
M. Fortier: En ce qui concerne le débat public... Oui,
excusez-moi.
M. Belleau: Vous me permettez juste une remarque? Dans le fond,
le gaz c'est
comme un avantage supplémentaire. À ce moment-là
c'est une infrastructure où il y a des avantages. Les milieux urbains,
les milieux les plus populeux reçoivent un nouvel avantage pour se
développer. C'est dans ce sens-là qu'on parle
d'équité. Je me réfère à ce que mon
collègue du CRD de l'Abitibi disait tout à l'heure: II pourrait y
avoir une tarification régionale où, par exemple, les surplus
d'électricité entre autres pourraient être offerts en
région à des prix plus avantageux pour compenser. La vision
régionale serait une carte de plus sur laquelle on devrait compter dans
la division de la richesse ou des infrastructures, des possibilités, des
potentiels.
On ne dit pas qu'une région ne se développera pas parce
qu'il n'y a pas de gaz mais c'est une façon de voir les choses et de
diviser les avantages.
M. Fortier: Je comprends bien votre point de vue. Je vous
remercie. En ce qui concerne le débat public, d'après la
recommandation qui est faite ici vous ne considérez pas que ce
débat est très public. Si on compte le nombre de personnes dans
la salle on peut constater que le public n'est pas très nombreux.
Par ailleurs si la commission parlementaire avait été
télévisée cela aurait été un petit peu
différent parce qu'il semblerait que lorsqu'une commission parlementaire
est télévisée il y a un nombre accru, multiplié par
un facteur de plusieurs milliers, qui fait que les débats sont entendus.
À ce moment-là, cela devient un moyen de communication assez
puissant. Je voulais entendre votre sentiment là-dessus parce que si
vous avez pris la peine de l'écrire, c'est que c'est extrêmement
important pour vous et je ne crois pas que la commission doive rejeter du
revers de la main votre demande dans ce sens. Je suis d'accord avec vous, il y
a quelques personnes seulement, quoique les débats soient
enregistrés. Je crois que présentement il n'y a pas de
journalistes; alors la possibilité que cela devienne un débat
réellement public est très mince, je suis d'accord
là-dessus, mais j'aimerais que vous m'expliquiez quel était le
sens de votre demande.
M. Belleau: Oui.
Le Président (M. Vallières): M. Belleau.
M. Belleau: Vous m'enlevez les mots de la bouche dans le fond.
C'est une remarque. Donner des exemples lors d'une commission parlementaire,
simplement venir s'asseoir devant la commission et déposer un
mémoire, c'est déjà toute une entreprise parce qu'il faut
produire le mémoire à 100 exemplaires. Disons que ce sont des
choses qu'on dit depuis longtemps. Mais c'est un fait. La preuve est là
que depuis que la commission parlementaire siège sur l'énergie on
peut s'apercevoir que la majorité des mémoires et des groupes qui
ont été entendus étaient soit des grands, des
pétroliers, des grandes institutions reliées au monde
énergétique. À ce moment-là, la population est
très éloignée du débat. Je pense que dans ce sens,
cela aurait été intéressant au Québec; que ce
serait encore intéressant de vraiment exercer, soit à partir de
la commission parlementaire ou dans un autre cadre, une action plus directement
impliquée dans les régions, dans les milieux, pour engager le
débat avec la population, parce que la question
énergétique reste quand même une question très
technique. Quand on s'y intéresse c'est peut-être un des
éléments. Tantôt je relisais le mémoire.
Jusqu'à un certain point, parce qu'on l'a déposé en mars,
c'est un autre élément aussi qui démobilise
énormément, le fait qu'on prépare un mémoire pour
le printemps et qu'on est obligé... Je comprends bien les
impératifs politiques mais c'est quand même un fait. Dans ce sens
on préconiserait qu'à un moment donné il y ait un
débat plus public qui s'engage par différents moyens, entre
autres sortir de l'Assemblée nationale, du parlement.
M. Fortier: Je comprends votre sentiment. En ce qui concerne le
projet Delaney, mon collègue a donné certaines explications mais
je pense qu'on aura peut-être l'occasion d'en discuter, je crois que
c'est à la fin d'octobre. Hydro-Québec a indiqué qu'elle
doit revenir de toute façon présenter les modifications à
son programme d'équipement et en même temps justifier
l'augmentation de tarif qu'elle suggérera pour l'an prochain. Justement,
j'ai recommandé au ministre qu'étant donné que la
convocation de l'Assemblée nationale est reportée vers le 15
novembre - je n'ai pas la date exacte -si Hydro-Québec venait à
la fin d'octobre, ce serait techniquement très facile de s'assurer que
la commission parlementaire qui va entendre Hydro-Québec soit
télévisée. J'en ai fait la demande et j'espère que
les membres de la commission sont d'accord parce que ceci nous permettrait, en
ce qui concerne entre autres le projet Delaney, de fournir les explications
à la population. Comme vous l'avez si bien dit, je crois, il y a un gros
investissement qui a été fait par HydroQuébec pour tenter
de convaincre la population et faire miroiter des retombées
économiques extrêmement importantes. S'il advenait, comme l'a dit
mon collègue de Vimont, que ces retombées économiques ne
se produisent qu'en 1995, je pense bien qu'il faudrait fournir à la
population de Portneuf les explications voulues pour qu'elle sache à
quoi s'en tenir et qu'elle n'attende pas les retombées
économiques dans l'immédiat alors
que, pour des raisons très valables, j'en suis sûr, le
projet serait retardé. Mais ce que vous nous dites dans le fond c'est
encore là communiquer avec le public, le faire le plus tôt
possible et s'assurer de donner les meilleures explications possible pour que
la population puisse comprendre ce qui lui arrive ou ce qui ne lui arrive
pas.
Je vais me limiter à cela. Je voudrais vous remercier. Je crois
que vous avez très bien explicité les voeux de la région
de Québec et qu'on doit vous féliciter de prendre la
défense des intérêts de votre région en particulier.
Je vous remercie beaucoup.
M. Belleau: Merci.
M. Rodrigue: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: Je voudrais tout simplement signaler à mon
collègue d'Outremont qu'en aucun temps je n'ai mentionné que les
travaux seraient reportés en 1995. Je voudrais être très
clair là-dessus.
Le Président (M. Vallières): La parole est
maintenant au député de Montmagny-L'Islet.
M. LeBlanc: Je remercie les représentants du CRD
région 03 et particulièrement M. Deschênes qui,
heureusement aussi, est un citoyen de mon comté. (18 h 30)
Plusieurs intervenants ont souligné l'importance de la biomasse
forestière particulièrement depuis la reprise des auditions de la
commission. Je pense que plusieurs des chercheurs dans les différents
groupes qui ont été présents ici ont les yeux
braqués sur le projet de Saint-Juste-de-Bretenières. Ce projet a
atteint un point de non-retour, même si, sur place, la bâtisse qui
sort de terre n'est pas encore très visible. Je pense qu'un projet de
cette envergure est déjà en marche ailleurs que sur le terrain.
D'ailleurs, les premiers travaux ont été faits en
décembre, l'an passé. Actuellement, cela bouge sur le
terrain.
Tout cela pour vous dire que, dans l'appui que vous apportez au projet -
parce que c'est l'un des trois grands projets que vous mentionnez dans votre
dossier - ce qui me frappe plus particulièrement, c'est la similitude
entre le mémoire de Nouveler ce matin et ce que vous présentez
cet après-midi. Lorsqu'on se réfère à la page 15 du
mémoire de Nouveler et qu'on voit les principales raisons qui ont
motivé le choix du site de Saint-Juste, dans le comté de
Montmagny, pour l'implantation de l'usine, je pense que cela
répond exactement aux préoccupations que vous mentionnez dans
votre rapport, à tous les points de vue et un en particulier. J'ai
remarqué une recommandation que vous avez faite, celle que la recherche
se fasse là où est la matière. Je pense que c'est
véritablement là où est la matière première
nécessaire à la recherche que l'usine est construite. Je pense
que cela doit vous satisfaire dans ce sens.
Je fais une correction au sujet de la nouvelle à laquelle vous
avez fait allusion tantôt, qui m'a fait sursauter également,
vendredi soir dernier, lorsqu'un bulletin de Radio-Canada annonçait que
le projet de construction de l'usine de méthanol de Saint-Juste
était reporté d'un an. Les contacts que j'ai - non pas
quotidiennement, mais presque - avec la Société Biosyn de
Montréal qui est la société maître d'oeuvre du
projet et toutes les indications n'étaient pas conformes à cette
nouvelle. La nouvelle provenait d'une autre nouvelle parue le même jour.
Il s'agissait d'une usine de récupération des résidus de
biomasse forestière et, cette fois, c'était à
Saint-Pamphile de L'Islet. Ce projet est retardé d'un an. D'autant plus
que le contenu de la nouvelle était constitué de la
réponse que j'ai moi-même faite à M. Bellefeuille lors de
sa présence ici, en commission parlementaire, sur le projet Bio-Shell de
Saint-Pamphile.
Il y a aussi un point que je voudrais signaler dans ce que vous avez dit
tantôt. C'est qu'il est tout à fait normal que la CRD de la
région de Québec, dans laquelle Saint-Juste-de-Bretenières
est située, manifeste un intérêt très pressant
vis-à-vis de ce dossier. Je dois vous signaler que je suis animé
de la même vigilance que les citoyens qui sont directement
intéressés au projet. Si le ministre était ici, il
pourrait peut-être corroborer qu'à cause de cette vigilance, il
doit trouver le député de Montmagny-L'Islet assez tannant
à propos du dossier, avec le résultat finalement qu'un projet de
cette envergure, même si les délais sont toujours trop longs - je
pense que c'est ce que mon collègue de Vimont a signalé
tantôt au sujet du projet Delaney; les grands projets prennent toujours
beaucoup de temps - celui-là est en voie de réalisation et il a
atteint son point de non-retour. Je pense qu'il est heureux que cela en soit
ainsi.
J'ouvre juste une petite parenthèse sur un autre projet que vous
signalez qui est le réseau de gaz naturel dans l'Est du Québec et
la comparaison que vous faites avec Gros Cacouna. Ayant discuté et
étant intervenu lorsque Gaz Métropolitain est venue ici, en
commission parlementaire, sur le sujet, il y a un problème qui s'est
présenté. Je pense que l'abandon du projet de Gros Cacouna a
été l'élément déterminant de l'absence de
réseau de gaz naturel dans l'Est du Québec en
descendant avec je pense à peu près la certitude que du
gaz naturel circulant dans ce tuyau l'aurait fait vers Québec
plutôt que Québec vers le Bas-du-Fleuve. Le seul espoir qu'on peut
avoir en installation d'un réseau, c'est peut-être le gaz naturel
non pas en provenance de Québec mais le gaz naturel en provenance de la
région de l'Est. Il demeure - je veux le signaler de la même
façon pour appuyer ce que vous signalez là-dessus - que le danger
existe que la région de l'Est du Québec est
particulièrement défavorisée au point de vue de la
concurrence industrielle par rapport à cela. Je pense à
Montmagny, La Pocatière et tout ce secteur qui, nécessairement,
devront trouver d'autres moyens de faire face à la concurrence
industrielle.
Je vous remercie, messieurs du Conseil régional de
développement de la région de Québec, pour ce
mémoire très éloquent que vous avez
présenté.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Juste pour apporter
une précision sur l'usine de méthanol de
Saint-Juste-de-Bretenières. Il semble que ce matin, on a dit que la
phase qu'on tentait d'entreprendre l'était par Nouveler. C'est la
première phase où on va créer un gazogène avec un
investissement de 21 600 000 $. La deuxième phase viendra dans le futur,
une fois qu'on aura établi si, à partir de la matière
première qu'on a là, la partie pour faire le méthanol
semblerait être très facile. C'est de savoir l'efficacité
d'utiliser la matière. C'est juste une précision.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. LeBlanc: Je pense que la première phase est justement
la phase expérimentale. La deuxième phase est connue, le
procédé est connu. Lorsqu'on a le gazogène, on est capable
de produire du méthanol.
M. Fortier: C'est la correction qui devait être faite. Ce
qui a été construit et qui a commencé hier, je crois que
ce n'est pas une usine de méthanol...
M. LeBlanc: Non, c'est...
M. Fortier: C'est un gazogène.
M. LeBlanc: Oui.
M. Fortier: C'est pour cela que mon collègue a voulu faire
la correction. C'est faux de parler d'une usine de méthanol. La
première phase n'est pas une usine de méthanol.
M. LeBlanc: C'est le projet complété qui sera la
production de méthanol. Il faut que la première phase soit faite
avant pour savoir la rentabilité de production.
Le Président (M. Vallières): Cela complète
cette phase de nos travaux. Je remercie les représentants du CRD de la
région de Québec. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 h
30.
Il est actuellement 18 h 40.
M. Rodrigue: Une heure, on en a assez pour souper.
Le Président (M. Vallières): On va attendre que le
représentant de l'Opposition revienne. Avec le consentement, nous
suspendons nos travaux jusqu'à 20 h 15.
(Suspension de la séance à 18 h 38)
(Reprise de la séance à 20 h 20)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre! La
commission parlementaire élue permanente de l'énergie et des
ressources reprend ses travaux dans le but d'étudier les effets de la
politique énergétique sur le développement
économique. Je demanderais aux représentants de l'Union des
municipalités du Québec de se présenter. Le
président, M. Francis Dufour, pourrait nous présenter la personne
qui l'accompagne et nous faire part de son mémoire.
Union des municipalités du
Québec
M. Dufour (Francis): Je suis accompagné de M. Jean
Bélanger qui est directeur de la recherche à l'Union des
municipalités et qui est aussi fiscaliste.
Je voudrais en premier lieu remercier M. Duhaime, ministre de
l'Énergie et des Ressources, pour nous avoir transmis le document de
réflexion: L'énergie, levier de développement
économique, et nous avoir invités à faire connaître
nos commentaires auprès des membres de la commission permanente.
L'Union des municipalités du Québec n'a nullement
l'intention de faire un exposé savant sur la situation
énergétique des municipalités du Québec. À
ce titre, les municipalités s'inscrivent dans la foulée des
tendances actuellement décelables au Québec. Ce n'est pas
même dans l'agrégation de leur consommation qu'elles pourraient
prétendre peut-être à une contribution particulière
à ce débat. C'est toutefois à ce titre que ce
mémoire vous est fourni: les municipalités se veulent des
consommateurs plus avisés, plus responsables. L'Union des
municipalités du Québec désire donc vous faire valoir le
rôle de l'administration municipale à l'intérieur du
dossier de l'énergie, des orientations possibles vers lesquelles
leur gestion s'engage et des besoins qu'elle connaît.
Comme vous avez eu en main le mémoire, je voudrais simplement en
faire un survol pour le synthétiser et vous dispenser de la lecture. Je
pense que vous êtes aussi bons que nous le sommes pour lire, sinon
meilleurs. Je peux peut-être vous rappeler que la consommation de
l'énergie par les municipalités représente 200 000 000 $
par année, donc 1,7% de toute la consommation énergétique
au Québec. Les économies réalisables pourraient facilement
s'élever à 60 000 000 $ par année; selon les calculs,
c'est environ 30%. Cela voudrait dire des investissements de 120 000 000 $.
Lorsqu'on regarde l'importance des chiffres que je viens de citer, on
pourrait se demander, avec raison, pourquoi les municipalités, si c'est
tellement bon, n'embarquent pas dans ce programme. Je pense qu'on peut
facilement trouver des raisons plausibles. D'abord, les administrations
municipales sont préoccupées par d'autres sujets que
l'économie d'énergie. Ce n'est pas spectaculaire de dire aux
citoyens - surtout dans le contexte actuel où on a des surplus
d'énergie - qu'on va diminuer la consommation d'énergie dans les
bâtisses en capitalisant des montants d'argent respectables qui font que,
si cela s'autofinance sur cinq ans, il y a des chances que l'administration
municipale, qui a une durée de vie de quatre ans, qui prend au moins un
an pour prendre sa décision, fait des économies pour les autres.
Je comprends facilement que les administrateurs municipaux ne soient pas
portés à embarquer ou à décider dans ces
programmes.
Bien sûr, les municipalités ne sont pas
nécessairement convaincues que l'économie d'énergie est la
planche de salut à leurs préoccupations ou à leur
volonté propre d'autogérer leur municipalité. Ces
décisions n'étant pas nécessairement très visibles
aux yeux des citoyens, ne garantissant pas une réélection et
engageant des capitaux pour ces investissements, il y a des dangers - et cela
se produit - que les administrateurs municipaux ne soient pas portés
à aller dans ces programmes-là.
Si on veut conclure ce petit exposé, on peut dire en gros que la
bonne administration passe d'abord et avant tout par l'utilisation efficace des
ressources. Les municipalités sont intéressées à
rationaliser leur consommation d'énergie. Le processus n'est pas simple
pour parvenir à une gestion intégrée et rentable. La
plupart des municipalités, sauf exception, n'ont pas le personnel
disponible pour en arriver à un véritable programme
général d'économie d'énergie. Leurs cadres sont
souvent débordés, quoique, bien souvent, ce soit à leur
ténacité, à leur savoir-faire et à leur attitude
qu'on doit une amélioration soit de l'éclairage de rues, soit du
confort de l'hôtel de ville, soit de la patinoire et de la piscine
locales. La conception d'une programmation globale nécessite une
approche experte. Toute intervention dans le domaine est
génératrice d'emplois et de consommation de matériaux.
L'Union des municipalités du Québec demande donc la mise sur pied
pour toutes les municipalités du Québec de deux programmes.
D'abord, la création d'un programme d'aide aux études
d'économie d'énergie municipale. Pour ce faire, j'ajoute - ce
n'est pas écrit dans le mémoire - qu'on pourrait faire appel
à des surplus de main-d'oeuvre qui seraient susceptibles d'exister -je
le donne sous réserve - par exemple, dans les sociétés
d'État ou dans les ministères. Ce pourraient être des
ressources disponibles qu'on pourrait utiliser pour donner l'aide technique aux
municipalités pour au moins la première approche.
Deuxièmement, on demande aussi la création d'un programme
expérimental de responsables de la gestion de l'énergie dans les
municipalités ou un groupe de municipalités par contrat entre
elles. À cela s'ajoute la simplification des procédures
d'attribution de contrats et d'engagements de crédit pour tout projet
municipal dans le domaine. Évidemment, on pourra rétorquer aux
municipalités que les récents programmes de création
d'emplois ont pu répondre à ces objectifs. Nous devons
répondre que les fonds disponibles du programme PECEM étaient
limités d'abord dans le temps et aussi par la quantité d'argent
disponible; en plus, le programme ne visait pas spécialement ce domaine
et les emplois à créer pressentaient des personnes vivant du
bien-être social ou de prestations d'assurance-chômage. L'Union des
municipalités croit que seuls des programmes spécialisés
en la matière peuvent donner aux municipalités le coup d'envoi
nécessaire qui leur permette de prendre la relève, car la
rationalisation de la consommation énergétique s'autofinance dans
l'espace de deux à cinq ans, selon l'investissement choisi.
L'Union des municipalités compte par ailleurs sur tout le
développement scientifique et les orientations que le MEER c'est le
ministère, cela n'a aucune consonance avec celui qui vous parle - peut
susciter en matière de rationalisation de la consommation
énergétique.
Enfin, l'Union des municipalités tient à remercier les
membres de cette commission pour nous avoir entendus et plus
particulièrement pour nous avoir accordé un délai
supplémentaire pour présenter ce mémoire. Je vous
remercie.
Le Président (M. Vallières): On vous remercie. M.
le ministre.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. le maire Dufour, en votre
qualité de président de l'Union des municipalités du
Québec et aussi comme maire d'une ville importante de la grande
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
La première question qui me vient... Vous nous proposez de mettre
sur pied deux programmes qui, au fond, se rejoignent. Vous voulez que le
gouvernement appuie la bonne volonté qu'on croit déceler du
côté des municipalités pour que tout ce dossier des
économies d'énergie puisse, d'abord, être compris et,
deuxièmement, être mis en route.
Une proposition comme celle-là, j'avoue que je pourrais
difficilement la refuser, mais je vous retourne la question en disant: Est-ce
que vous êtes prêts à y contribuer financièrement,
soit au niveau de l'UMQ ou encore au nom des... Je comprends qu'il y a 250
municipalités au Québec qui représentent 80% de la
population et il est bien évident qu'avec la ville de Montréal,
la ville de Québec ou encore quelques grandes communautés
urbaines, ce serait facile de mettre sur pied un programme à frais
partagés pour ce qui est de trouver les équipes d'aide. Mais,
à partir du moment où votre mémoire indique - vous
mentionnez que votre compte est d'environ 1,7% à 2%; c'est 200 000 000 $
que les municipalités paient à Hydro-Québec - que les
économies d'énergie, vous les identifiez à 30%, si j'ai
bien compris votre mémoire - 30% me parait énorme; on travaille
sur des scénarios plus modérés que cela - cela
représente 60 000 000 $. Je pense que la difficulté pour votre
organisme, c'est que cela peut être vrai pour une grande ville, cela peut
être vrai pour une communauté urbaine, mais ce n'est pas
nécessairement vrai pour une corporation municipale de village ou de
paroisse où les populations sont peu nombreuses et où la
consommation d'énergie hydroélectrique ou autre est plus
faible.
Mais, s'il y a un montant de 60 000 000 $ à être
épargné, suivant vos évaluations, mettre sur pied un
programme d'aide, en fait - parce que j'ai comme l'impression que, si on fait
un programme d'aide, cela va se traduire aussi par un programme
expérimental - est-ce que cela a été discuté au
niveau des municipalités? Si l'économie est ressentie - vous nous
parlez de 60 000 000 $ - si ce chiffre tient, j'ai l'impression qu'il y a une
épargne réelle à aller de l'avant pour qu'on mette sur
pied une équipe mobile ou une équipe volante -appelons cela comme
on voudra - qui pourrait s'ajuster en fonction des grands centres urbains par
rapport à d'autres régions peut-être plus faibles en
densité de population. Enfin, si l'Union des municipalités voit
une économie qui est chiffrée à 60 000 000 $, il est bien
certain que vous seriez peut-être prêts à engager des fonds
dans un programme comme celui-là. Je voudrais avoir votre
réaction là-dessus.
M. Dufour: C'est bien sûr que l'Union des
municipalités ne possède pas les fonds pour s'avancer sur ce
terrain. Ce qu'on croit, c'est que, lorsqu'il y a de l'argent disponible ou
qu'il y a un engagement gouvernemental vis-à-vis de certains programmes,
il est certain que les municipalités sont extrêmement
tentées d'y adhérer. Il s'agit de penser à tout ce qui se
passe et on comprend facilement que, même si la proposition ne
complète pas 100% des coûts, les municipalités sont
tentées d'y adhérer. Si on parle de petits projets ou de petites
municipalités, une équipe volante - ce n'est pas
nécessaire qu'il y ait une équipe dans chaque région -
pourrait orienter les petites municipalités et leur dire aussi, surtout,
si cela vaut la peine ou non. Je pense que cela se fait.
Les grosses municipalités cherchent aussi leur
intérêt directement. Je donne l'exemple de la ville de
Jonquière où, actuellement, on est en train de rénover un
aréna et où on a constaté qu'il coûtait 75 000 $
d'énergie. Pourquoi? C'est facile à comprendre. C'est que
l'ex-municipalité -parce que c'est une ville fusionnée - avait
son propre réseau électrique. Donc, l'électricité
ne coûtait pratiquement rien, et elle pouvait se permettre de
dépenser 75 000 $. C'est encore le cas, puisque le réseau nous
appartient dans ce secteur. Par contre, il ne nous appartiendra peut-être
pas tout le temps, surtout avec les pressions faites par Hydro-Québec
à maintes reprises, et on doit vivre avec. On a accepté tout de
même d'investir environ 200 000 $, ce qui va diminuer la consommation
d'énergie de cet aréna de 75 000 $ à environ 35 000 $, ce
qui nous semble dans l'ordre normal des choses d'après ce qu'on voit et
d'après ce qu'on peut récupérer pour assurer le confort,
non seulement aux joueurs, mais également aux spectateurs et, en
même temps, donner une meilleure qualité à la
bâtisse. Il y a réellement des économies. Sur des
programmes spectaculaires, les municipalités assez grosses vont
embarquer. Mais, lorsque ce sont des économies qui sont à moins
grande échelle, il y a certainement des hésitations, même
de la part des grosses municipalités.
Comme je le disais tout à l'heure, au début de mon
exposé, les administrateurs, les politiciens ne sont pas
nécessairement... Par nature, ils doivent être des
administrateurs, mais ils sont aussi politiciens. Les deux peuvent se
compléter. S'ils ont un choix à faire, ils vont essayer de
dépenser l'argent dans les domaines où ils vont en retirer le
plus de bénéfices. Je pense que c'est dans la nature des
choses.
Donc, possiblement que, s'il y avait un
programme à frais partagés... J'ai donné aussi
comme exemple qu'on pourrait peut-être regarder ceci comme
hypothèse: Est-ce qu'il y a des ministères où des
spécialistes sont disponibles, des gens qui, en fait, retirent de
l'argent du gouvernement et ne sont pas nécessairement productifs?
Est-ce qu'on pourrait regarder, dans les sociétés d'État,
s'il y a des capacités, des talents, des cerveaux, qui ne demandent pas
mieux que d'être utiles et utilisés, sans que cela coûte des
prix énormes? À ce moment-là, j'ai l'impression que les
municipalités seraient extrêmement tentées d'embarquer
là-dedans.
Je vous donne comme exemple le programme de soutien au loisir. L'Union
des municipalités, par ses administrateurs... Ce n'est pas pour nous
glorifier, au contraire, c'est pour dire comment les municipalités sont.
Il faut l'accepter et vivre avec cela. On a dit: Le programme n'atteint pas
nécessairement les buts de la réforme fiscale. Malgré
tout, il y a 92% ou 95% des municipalités qui y ont
adhéré, même si cela allait un peu à l'encontre des
principes de base qu'on avait établis. C'est juste pour renforcer ce que
je dis, à savoir que, si le gouvernement s'engage d'une façon
sérieuse, positive, dans un dossier comme cela, il y a des chances que
les municipalités y donnent suite.
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: J'ai une dernière question. Je vais profiter
de votre présence parce que vous êtes actif comme maire de la
grande ville de Jonquière, la ville fusionnée, comme vous dites,
et je crois que vous êtes également préfet de votre
MRC.
M. Dufour: Non, je ne suis pas préfet. On n'a pas la
majorité des villes. C'est facile à comprendre.
M. Duhaime: Est-ce qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à
l'heure actuelle, au niveau municipal, il y a des discussions sur la
nécessité absolue d'appuyer la pénétration du gaz
naturel dans votre région? La problématique, c'est que Gaz
Inter-Cité, l'an prochain, projette une latérale La
Tuque-Chambord-La Baie pour desservir votre région. De notre point de
vue, cela nous apparaît impératif, sinon impérieux, de
relier la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean au réseau du gaz
naturel. Je voudrais avoir, si vous êtes en mesure de nous donner votre
point de vue là-dessus. Comment cela est-il perçu dans votre
région? Est-ce que votre population, le milieu des affaires et le milieu
économique appuient cette démarche? En termes d'avantages
comparatifs, est-ce que vous évaluez cela comme étant quelque
chose de positif?
Le Président (M. Vallières): M. Dufour.
M. Dufour: Si je regarde à vol d'oiseau ce qui s'est
passé dans la région, lorsqu'on n'a pas beaucoup
d'investissements et qu'on fait face à un taux de chômage, je
pense qu'on est prêt à aller de l'avant sur tout projet
susceptible d'avoir des retombées économiques dans la
région. Les municipalités, dans l'ensemble, ont appuyé la
venue du gaz naturel dans la région. Mais quels seront les impacts
économiques directs pour elles? C'est difficile pour nous de les
évaluer. On sait qu'il y a beaucoup de maisons dans les
municipalités qui sont alimentées actuellement soit par le
pétrole ou l'huile, par des produits pétroliers, ou par
l'électricité. Il y en a quelques-unes qui sont à la
biénergie. Avec la venue du gaz naturel, est-ce qu'on remettra... Je
donne l'exemple de ma maison où j'ai enlevé toutes mes bouches
d'air; je chauffais à l'huile et j'ai converti le chauffage à
l'électricité. C'est une conversion vraiment
québécoise. Donc, on a converti le chauffage à
l'électricité. Je ne sais pas si le gaz naturel changera ma
façon de voir les choses. On comprend cependant que la venue du gaz
naturel va permettre à des industries de concurrencer par leurs prix
d'autres industries.
En gros, il y a des contrats qui sont donnés à des firmes
de consultants. Il y a certainement de la main-d'oeuvre qui sera
utilisée. Il y a aussi des terres ou des morceaux de terre et des droits
de passage qui seront négociés avec les propriétaires de
biens fonciers. Tout cela fait que la venue du gaz naturel, il me semble, va
nous mettre sur un pied d'égalité avec la métropole et les
grands ensembles. C'est vrai pour n'importe quelle partie du monde; plus on a
de sources polyvalentes d'énergie, plus il y a de concurrence qui va
s'exercer et plus le consommateur ou le producteur pourra accéder
à une source ou l'autre; c'est une question de choix. Je pense qu'on
doit continuer à défendre cette possibilité pour le
consommateur de pouvoir choisir ce qui lui convient le mieux.
En résumé, j'ai l'impression qu'au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, on est très heureux de la venue du gaz naturel
dans la région.
M. Duhaime: Je vous remercie.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Bonjour, M. Dufour. M. Dufour: Bonjour.
M. Fortier: Je pense que vous vouliez passer un message qui est
très clair. Si on a
des subventions ou une aide de l'État, on va pouvoir faire
beaucoup, parce qu'il y a un besoin.
Il y a une première chose qui m'aiderait à comprendre les
données du problème. Vous avez parlé des petites villes et
des grandes villes. Moi qui n'oeuvre pas dans le domaine municipal,
pourriez-vous me dire ce qu'est une petite ville et ce qu'est une grande
ville?
M. Dufour: Au Québec, j'ai l'impression que les
municipalités de 10 000 habitants et plus pourraient être
considérées comme des villes de taille moyenne où les
programmes d'économie d'énergie seraient réellement
palpables. La plupart sont dotées de gros équipements. Si elles
comptent 10 000 habitants, certaines petites municipalités vont rayonner
autour; cela va leur donner, grosso modo, 25 000 ou 30 000 habitants.
D'ailleurs, si on regarde nos MRC, c'est à peu près leur taille.
On suppose qu'il y a au moins des équipements lourds. Un aréna,
à mon sens, c'est un équipement lourd. Une piscine
intérieure, c'est un équipement lourd, de même qu'un
hôtel de ville ou des bâtiments un peu plus
sophistiqués.
C'est là, j'ai l'impression, qu'on pourrait obtenir de la
rentabilité dans les investissements et aussi dans les actions. C'est
vraiment là. Les gros consommateurs d'énergie... Dans ma
municipalité, je possède 60 à 62 bâtisses, donc, si
je fais de l'économie dans 62 bâtisses, cela vaut peut-être
la peine, mais il n'y a pas une économie possible de l'une à
l'autre. On a deux piscines intérieures, on a trois arénas et
demi, parce qu'il y en a un dans la même bâtisse. Tout cela peut
récupérer de l'énergie pour la peine, à mon sens.
Nous autres, on a trois hôtels de ville, on en a même des
supplémentaires, on en a trop; ces bâtisses ont été
bâties dans les années... Il y en a qui ont 50 ans, 40 ans
d'existence. Donc, il y a certainement des économies possibles et c'est
dans ces tailles de municipalités, à mon sens, qu'on peut obtenir
vraiment une rentabilité dans les investissements et aussi que
l'administrateur peut planifier un peu plus.
Si on regarde les municipalités un peu plus petites, lorsqu'elles
vont emprunter, elles sont un peu plus modérées. Quand je parle
de petites municipalités, si vous regardez le service de la dette, elles
sont très prudentes et je n'en parle pas en mal, je fais des
constatations. Si vous regardez, par exemple, l'effort fiscal des
municipalités. Je vous rappelle la réforme fiscale. L'effort
fiscal des petites municipalités qui sont en bas de 10 000 habitants est
beaucoup moindre que pour celles qui ont une population plus
élevée puisque les gens exigent beaucoup plus de services. On
parle d'électricité, mais on pourrait parler aussi de la
conversion des véhicules au gaz propane par rapport à l'huile ou
à l'huile lourde ou par rapport au gaz. Chez nous, on l'a fait. On a
constaté une chose, c'est que les camions qui ne roulent pas tellement,
ce n'est pas avantageux de les convertir au gaz propane. C'est notre
constatation chez nous, dans notre milieu. Donc, on sait actuellement qu'on va
diminuer la cylindrée, donc la force des camions, mais on va obtenir les
mêmes résultats. Pour les automobiles de patrouille, cela vaut la
peine de les convertir au gaz propane.
M. Fortier: Je regardais votre tableau, à la page 5, qui
donne le potentiel d'économie d'énergie. Je ne sais pas où
vous avez pris votre information. D'après ce que vous avez dit - je ne
veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire - ce n'est pas à
la suite d'études techniques que ce potentiel a été
calculé, c'est un objectif que je qualifierais de théorique et
qui ne tient pas compte des montants des investissements et du nombre
d'années qui serait requis pour faire valoir l'investissement qui sera
fait. C'est un potentiel, mais c'est un potentiel, si on regarde les
édifices, qui représente 40% de la consommation. Cela peut
vouloir dire des économies d'énergie, remplacer les
fenêtres, les portes. Cela veut dire, si l'édifice est très
vétuste - je l'ai fait chez moi, j'ai une vieille maison dans Outremont
- cela veut dire des choses aussi simples que de changer les fenêtres de
la maison et d'ajuster les portes. Pour un édifice public qui est
très vétuste, cela peut vouloir dire un investissement assez
considérable. Cela peut vouloir dire quasiment moderniser
l'édifice, comme on fait ici au parlement présentement.
M. Dufour: Oui, mais aussi, j'ai un exemple à vous donner.
Notre hôtel de ville qui sert pour Jonquière, c'est
l'ex-hôtel de ville d'Arvida. Un vendeur ou un technicien est venu chez
nous et a regardé le système. Il a dit: Savez-vous, moi, j'ai des
brûleurs, il me semble que vous n'avez pas l'efficacité du
brûleur que vous devriez avoir. Il a dit: Je vais faire une
expérience avec vous autres. Je vais les échanger. Si vous n'avez
pas les résultats que vous attendez, je reprends mes brûleurs et
j'installe vos vieux. Juste changer les brûleurs a eu pour
résultat de couper la consommation en deux, c'est-à-dire qu'au
lieu de 25 000 $, cela s'est ramassé vers 12 000 $ ou 13 000 $ d'huile
lourde. Donc, cela a changé toute la face des choses. C'est pour cela
que, s'il n'y a pas de spécialiste, des gens spécialisés
qui examinent, qui voient... Des fois, cela peut être des fenêtres;
des fois, des portes, mais, d'autres fois, cela peut être autre
chose.
M. Fortier: Si vous me dites... Je suis tout à fait
d'accord avec ce que vous venez de dire. S'il y avait une sensibilisation des
maires, il y a des choses qui peuvent être faites, qui devraient
être faites. Je suis un peu nerveux... Quand vous avez dit au ministre
tout à l'heure: Vous savez, s'il y a des ingénieurs sur des
tablettes au gouvernement, je dois admettre que là, je deviendrais un
peu nerveux. Ces gens sur les tablettes, ce ne sont pas nécessairement
les experts dont vous avez besoin pour porter les jugements dont vous venez de
parler. Parce qu'un expert - je ne parle pas d'ingénieur; on parle de
techniciens, dans le cas des brûleurs - j'imagine que c'est un technicien
qui connaît les brûleurs pour vous faire des recommandations
très précises. C'est pour cela que je crois que le ministre
devrait considérer votre recommandation qui est très pertinente;
il devrait la considérer sérieusement. (20 h 45)
Ce que je veux dire, c'est qu'au minimum, il devrait y avoir une
sensibilisation des maires et des conseillers municipaux pour s'assurer qu'ils
font au moins ce qui peut être fait à peu de coûts, ce que
vous avez fait et on doit vous en féliciter. Je vous remercie.
M. Duhaime: Juste...
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le ministre
et, par la suite...
M. Duhaime: J'ai fait...
Le Président (M. Vallières): M. le ministre.
M. Duhaime: Tantôt, vous avez avancé 30% et mon
collègue d'Outremont trouve que le chiffre est élevé.
À première vue, cela peut paraître très
élevé, mais je pourrais vous confirmer ce chiffre en quelque
sorte parce que, dans les évaluations qu'Éconoler fait - la
filiale de Nouveler - ou encore les programmes d'efficacité
énergétique qui ont été appliqués par le
ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement dans certains
édifices du gouvernement de même que par le ministère de
l'Éducation, la moyenne dans les économies d'énergie est
de l'ordre de 25% à 30%.
Si on compare les bâtisses du gouvernement qui ont
été plus efficacement aménagées sur le plan de la
consommation d'énergie, cela pourrait se comparer avec le genre de
bâtisses qui sont la propriété des municipalités,
comme les arénas, les hôtels de ville, les garages municipaux,
etc. Je pense que votre remarque d'avoir une équipe d'aide est
pertinente. En fait, je fais un parallèle avec notre programme
Énergiebus, où nos gens font la balade dans le secteur commercial
et industriel pour faire des bilans, donner des conseils, etc.
Ce serait sûrement un des éléments importants au
niveau de la sensibilisation. Je suis parfaitement d'accord avec vous que les
municipalités de villages ou de paroisses, sans les éliminer pour
autant, ne sont pas la clientèle cible. Il est évident que, sur
une consommation de l'ordre de 200 000 000 $ par année, les petites
villes, les très petites villes ou encore les villages ou les paroisses
ne doivent pas consommer beaucoup.
Si on va au noyau central, c'est-à-dire là où,
à travers 250 municipalités au Québec, on regroupe
à peu près 80% de la population, je pense que c'est sur ce noyau
qu'il faudrait travailler. Si vous me dites, M. Dufour, que de votre
côté vous êtes prêts à sensibiliser les autres
élus - je comprends que les mandats sont de quatre ans, les nôtres
aussi - et si on pouvait mettre sur pied un programme à frais
partagés, je vous avoue honnêtement que, si les
municipalités y voient leur intérêt, on pourrait
très certainement trouver moyen, à travers le comité qui
siège actuellement - je sais que l'UMQ travaille avec mon
ministère là-dessus - de mettre au point un scénario
où les municipalités qui seraient intéressées
pourraient recevoir la prime. Je le dis un peu comme une suggestion; je vous
retourne la balle en quelque sorte. On pourrait aller de l'avant et, pour les
municipalités qui décident d'adhérer à un programme
d'efficacité énergétique, le coût
d'énergie-conseil pourrait devenir gratuit pour elles dans la mesure
où les travaux vers l'efficacité énergétique et les
investissements sont faits.
Je vous donne un exemple. Même si les mandats sont seulement de
quatre ans, je pense que tout le monde dans une municipalité va
comprendre qu'investir 40 000 $ pour couper un compte d'énergie
où l'investissement revient dans l'espace de quatre ou cinq ans, aucun
contribuable dans aucune municipalité au Québec ne va s'opposer
à cela parce que le premier jour de la sixième année est
une économie réelle, même en tenant compte des taux
d'intérêt.
Je retiens votre suggestion. On va demander à nos gens, ceux de
l'Union des municipalités et ceux du ministère de
l'Énergie et des Ressources, de former un comité conjoint afin de
faire atterrir un programme - il y en a un qu'on a appelé
Énergiebus - qui va s'occuper des municipalités; il va
développer aussi une expertise, même si parfois, avant de
décider un conseil municipal à aller de l'avant et à faire
un emprunt pour capitaliser sur l'efficacité énergétique,
il faut que ce soit visible; c'est là-dessus que la sensibilisation doit
porter.
Je retiens votre suggestion. Pour autant que je ne serai pas
appelé à tout payer tout
seul, je serais prêt à faire un bon bout dans le sens de
votre suggestion.
M. Fortier: M. le ministre, j'ai cru comprendre que vous
formeriez une équipe centrale pour cela. Je pense que...
M. Duhaime: Oui.
M. Fortier: ...comme les municipalités sont dans toutes
les régions, peut-être qu'on pourrait retenir la proportion des
frais partagés et utiliser les techniciens et les ingénieurs des
régions et ne pas toujours prendre des gens de Québec et de
Montréal pour faire ce genre de travail. Dans les différentes
régions du Québec, les gens verraient mal qu'un petit camion de
Québec ou de Montréal vienne faire ce genre d'études,
d'autant plus que les municipalités, je crois, ont déjà
des techniciens ou des ingénieurs qui travaillent pour elles.
D'ailleurs, je suis sûr que le ministère de l'Énergie et
des Ressources connaît ceux qui sont les plus compétents dans le
secteur des économies d'énergie. Je pense qu'il y aurait moyen
d'établir un système utilisant le secteur privé, mais
où il y aurait collaboration avec le ministère
concerné.
M. Dufour: Si cette suggestion est retenue, cela pourrait
permettre... Il ne faudrait peut-être pas s'arrêter seulement sur
ce que j'ai dit, à savoir que les élus municipaux avaient un
mandat de quatre ans, qu'il fallait un an pour décider et qu'ils n'en
jouiront que pendant deux ans. Il ne faudrait pas s'arrêter seulement
là-dessus. Je suis sûr que leur préoccupation est beaucoup
plus grande que celle que j'ai mentionnée avec un peu d'humour. Il est
vrai que les municipalités ont besoin de temps en temps d'être
cautionnées par le gouvernement central. Il est important d'avoir une
crédibilité. Si elles engagent des fonds et qu'en fin de compte,
il se révèle qu'il n'y a pas d'économie importante, c'est
là qu'on sentira une position inconfortable. On n'a pas tous les moyens
et les ressources... Je comprends qu'une ville comme Montréal ou
Québec, qui va engager 100 000 $ pour faire une étude sur dix
bâtiments ou autre chose, je ne pense pas que le maire de la ville de
Montréal a à se justifier très longtemps devant ses
contribuables. Il trouvera certainement la méthode. Il a
déjà ses premiers techniciens pour faire la première
étude...
M. Duhaime: Surtout à 100 000 $.
M. Dufour: Non, mais il va y avoir un certain nombre de
critères sur lesquels il va se baser. Quand on dit qu'on peut aller
étudier tel aréna et arriver à telle économie
d'énergie, il est évident qu'au départ, j'ai
déjà la certitude qu'il y a une économie. Mais la petite
municipalité qui n'est pas habituée de recourir à des
experts-conseils, à des experts dans sa propre municipalité, va
hésiter beaucoup. Dieu sait si, dans les petites municipalités,
pour engager 2000 $ ou 5000 $, c'est tout un tordage de bras et c'est tout un
phénomène extraordinaire, parce qu'elles ont le souci des deniers
des contribuables. Je respecte cela. Mais quand la municipalité est plus
grosse, les budgets étant plus gros, 5000 $ ou 10 000 $, cela
n'empêchera personne de dormir parce que, si on fait un bon coup, on va
le payer dix fois.
M. Fortier: Je connais la ville où je demeure et je sais
qu'elle a fait faire des études... On ne parle pas de très
grandes villes. Peut-être qu'il y aurait avantage à faire
connaître davantage ceux qui ont fait des efforts dans ce sens pour
montrer des économies qui ont été faites et donner des
exemples. Je crois qu'on peut faire beaucoup par l'exemple, en retenant votre
suggestion de frais partagés pour les études-conseils. Cela
serait, à mon avis, aller dans la bonne direction.
M. Dufour: Au nom de l'Union des municipalités, je
voudrais vous remercier de nous avoir entendus.
M. Duhaime: On vous remercie, M. Dufour.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Dufour.
J'inviterais maintenant le Regroupement pour la surveillance du
nucléaire et Alliance Tournesol à venir nous faire part de son
mémoire. M. Paul Berleur.
Regroupement pour la surveillance du nucléaire
et Alliance Tournesol
Une voix: M. Berleur n'a pas pu venir. II y a M. Jean-Guy
Vaillancourt, qui est membre de l'Alliance Tournesol de Montréal, qui va
le remplacer.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
Vaillancourt, pourriez-vous nous présenter les autres membres de votre
délégation, s'il vous plaît?
M. Boucher (Jacques): Je m'appelle Jacques Boucher. Je fais
partie de l'Alliance Tournesol également. Il y a M. Gordon Edwards qui
fait partie du Regroupement pour la surveillance du nucléaire.
Cependant, M. Edwards a un peu de difficulté dans la langue
française. S'il y avait des questions, il serait apprécié
qu'il puisse répondre dans sa langue.
Pour commencer, nous sommes agréablement surpris de voir qu'on
parle
beaucoup de conservation d'énergie avec l'Union des
municipalités du Québec. Dans le mémoire qui nous a
été envoyé, c'était à peine
mentionné. On a basé notre mémoire sur votre
présentation qui était: L'énergie, levier
économique. On l'a intitulé: L'énergie: un choix à
faire pour un développement économique du Québec
lié à l'emploi et à l'autosuffisance des
communautés locales. Ce mémoire comprend quatre parties et il
tente de démontrer, faits à l'appui, qu'il ne s'agit pas de
répéter le passé, mais de franchir un seuil qualitatif
où la conservation de l'énergie est en passe de devenir un atout
majeur. Celle-ci a été depuis cinq ans l'élément
clé qui a fait mentir à peu près toutes les
prévisions des experts quant à la croissance de la demande
énergétique.
Dans la première partie du mémoire, nous rappellerons les
erreurs coûteuses qui ont été commises ces dernières
années et dont il faut tirer un enseignement. Ensuite, nous analyserons
un cas type où la mauvaise gestion des fonds publics s'allie à la
destruction de l'environnement et au choix coûteux du passé. Ce
cas est celui de l'aluminerie de Pechiney Ugine Kuhlmann dont
l'établissement est projeté à Bécancour. Dans la
troisième partie, il sera question de la planification future, et dans
la dernière de l'action immédiate à entreprendre.
L'âge de l'énergie à bon marché est
révolu. L'âge de l'efficience énergétique est
apparu. La première priorité dans la politique
énergétique du Québec ne devrait pas être de
produire plus d'électricité ou de remplacer une forme
d'énergie par une autre, mais de bâtir une société
d'efficience énergétique, société qui en même
temps serait davantage autosuffisante, plus compétitive, moins fragile
et moins dépendante. Cette perspective est pratiquement absente du
document: l'énergie, levier de développement économique,
qui est plutôt orienté de façon à reproduire les
erreurs du passé.
Nous avons tous en mémoire plusieurs mégaprojets
poussés à coup de milliards: la promotion du CANDU pour lequel
Ottawa, après avoir dépensé 5 000 000 000 $, est
prêt à dépenser plusieurs milliards additionnels;
l'exploitation des sables bitumineux qui a été suspendue parce
que fondée sur l'extrapolation non critique des hausses du
pétrole; l'aventure et le sauvetage de Dome Petroleum; les forages dans
la mer de Beaufort ou l'océan Atlantique. Tous ces projets
étaient basés sur le postulat de la croissance continue du prix
et de la demande. Celui-ci s'étant révélé
erroné, nous héritons d'une énorme dette, d'une
économie chancelante et d'un chômage qui a atteint un seuil
intolérable. Nous croyons que le Québec, dans sa politique
énergétique, doit éviter de commettre les mêmes
erreurs d'investissement qu'Ottawa.
Nous sommes conscients en disant cela que les choix sont difficiles
quand il s'agit d'élaborer une politique énergétique,
d'autant plus que d'énormes investissements sont déjà
engagés. Mais, nous sommes aussi conscients que l'avenir de la
société est impliqué dans les décisions à
prendre et c'est pourquoi nous croyons qu'un débat public approfondi
d'une durée d'un ou deux ans devrait avoir lieu, débat qui serait
plus qu'une commission parlementaire et où on donnerait aux intervenants
les moyens de fouiller et de faire valoir leur point de vue. Ce débat
devrait porter sur l'avenir économique du pays tout en couvrant la
question énergétique. Un tel débat pourrait nous
éviter de manquer le bateau face aux temps nouveaux, comme cela est
arrivé pour les grands de l'automobile et les fabricants de montres
suisses qui n'ont pas vu le changement venant du Japon avec la petite voiture
et la montre digitale.
Au Québec, nous avons encore à la mémoire le plan
d'investissement d'Hydro-Québec publié le 16 décembre
1980, plan qui prévoyait une croissance de 6,4% d'ici à 1996 et
des investissements de 90 000 000 000 $. En 1982, Hydro-Québec a
enregistré une baisse de 2,5% de ses ventes d'électricité
et dispose de surplus qu'il arrive difficilement à écouler. C'est
que les courbes de croissance des besoins en énergie ont atteint un
plateau vers 1975, et depuis deux ans sont à la décroissance.
Ceci n'est pas un phénomène isolé propre au
Québec. On le retrouve en Ontario, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et
dans de nombreux États américains. La décroissance de la
demande et les surplus d'électricité, qu'on retrouve partout sauf
dans la Nouvelle-Angleterre, mettent HydroQuébec en mauvaise position
pour vendre de l'électricité à un prix convenable.
Un facteur nouveau est apparu qui, s'alliant avec la crise
économique, est devenu déterminant: c'est celui de la
conservation dont nous parlerons dans la troisième partie. Nous devons
abandonner les credos intouchables du passé, ceux de la croissance
continue basés sur des mégaprojets comme clés du
développement économique. Nous devons envisager un avenir
autre.
En examinant la courbe de la consommation totale de l'énergie de
1960 à 1981, nous prenons conscience, premièrement, que la
croissance continue a pratiquement cessé en 1970; deuxièmement,
une croissance continue basée sur les années 1960 à 1970
aurait donné en 1981 une consommation de 55 800 000 TEP, alors que la
consommation réelle a atteint 31 700 000 TEP. Celle-ci est donc de 24
100 000 TEP inférieure à la consommation qui aurait
été exigée si la croissance avait été
continuée. (21 heures)
En fait, les temps ont changé, et il faut tenir compte du
phénomène de la conservation pour envisager l'avenir. Le document
de base sur l'énergie nous oriente vers une planification qui reprend le
mythe de la croissance continue de la consommation énergétique.
Le graphique de la page 15 de votre document, reproduit à la figure 8,
illustre cette tendance et nous croyons qu'il nous mène à
reproduire les erreurs du passé. Comme le projet énergie de la
faculté d'administration de Harvard a conclu en 1979, la conservation
doit être regardée comme la source clé de l'énergie
dans notre lutte visant à réduire notre dépendance du
pétrole importé.
Ici, au Québec, selon les auteurs de L'énergie, levier de
développement économique, environ 5 000 000 de tonnes de
pétrole ont été économisées en 1981 par
l'effet de la substitution par l'électricité et le gaz naturel.
Même si cette économie est impressionnante, elle représente
seulement 21% des économies d'énergie réalisées en
1981 par la réduction de la demande au cours des années
soixante-dix. À moins que nous n'ajustions notre pensée à
la nouvelle réalité, la planification économique au
Québec n'aura aucun succès pour résoudre nos
problèmes courants. Vendre l'électricité à perte
seulement pour produire des revenus est un pauvre investissement si on compare
ceci à d'autres investissements. Nous ne devons pas utiliser nos erreurs
passées pour justifier de nouvelles erreurs.
Pechiney, un cas type. Pechiney, avec l'aide du gouvernement du
Québec, va commencer dès juin prochain - c'était
prévu par la commission parlementaire du printemps - les travaux d'une
aluminerie à Bécancour. Ce projet, même s'il a
été célébré comme une victoire par le
ministre Parizeau, nous apparaît comme une catastrophe à plusieurs
points de vue, résultat de la façon d'envisager le
développement économique que nous trouvons dans le cahier du
ministère de l'Énergie et des Ressources.
Premièrement, l'électricité sera vendue à
moitié prix pendant cinq ans, un cadeau de 125 000 000 $, estime Bernard
Descôteaux dans le Devoir du 15 janvier 1983; un cadeau beaucoup plus
considérable, estimons-nous, si on considère la source
d'électricité. Voir la figure 4. En effet, Pechiney va consommer
l'électricité de Gentilly 2 dont le coût de production est
estimé à 0,05 $ le kilowattheure selon la version même
d'Hydro-Québec, pratiquement deux fois plus élevé que
celui de l'hydroénergie la plus coûteuse, c'est-à-dire la
Baie-James.
Les auteurs du document de travail affirment qu'il s'agit là
d'une utilisation excédentaire disponible, mais c'est une façon
de parler qui trompe le public. On a peur de dire qu'on vend tout simplement
à perte et qu'ainsi les Québécois subventionnent cette
grande corporation qui paiera moins de 0,01 $ le kilowattheure, moins que le
cinquième du coût de production dans le cas de Gentilly 2, environ
le tiers dans le cas de la Baie-James.
De toute façon, faire fonctionner Gentilly 2 n'est d'aucun
profit. Il en coûte plus de 0,01 $ le kilowattheure en coût de
fonctionnement alors que ce coût est pratiquement nul dans le cas d'un
barrage. Pour maintenir une expertise minimale dans le secteur
nucléaire, objectif poursuivi par le gouvernement du Québec, au
lieu de faire fonctionner Gentilly 2, Hydro-Québec devrait plutôt
procéder au démantèlement de Gentilly 1 et ce, avec du
financement venant d'Ottawa. D'ailleurs, le gouvernement du Québec est
intéressé à développer la robotique et cela serait
un domaine de pointe pour le Québec. Cela sera en demande un peu partout
dans le monde d'ici quelques années. Sûrement que l'Ontario et le
Nouveau-Brunswick seront intéressés à appuyer le
Québec dans une telle initiative puisque eux aussi auront le même
problème dans quelques années. Ils sont donc
intéressés à connaître les coûts qui seront
occasionnés. Comme il est dit dans le magazine Canadian Business de
novembre 1982, des investissements dans la technologie liés au
démantèlement des réacteurs et à la disposition des
déchets radioactifs peuvent devenir profitables pour l'avenir parce que
beaucoup de pays en auront besoin.
Deuxièmement, pour attirer Pechiney chez nous, le gouvernement du
Québec prend des engagements de divers ordres qui totalisent 500 000 000
$. Mais cet investissement, seulement le tiers du total qui est de 1 500 000
000 $, créera moins de 1000 emplois. Chaque emploi, selon ces chiffres,
coûte 1 500 000 $, dont 500 000 $ en provenance des fonds publics. Tout
autre investissement dans quelque secteur que ce soit créerait plus
d'emplois. Des investissements autres seront discutés en
troisième partie de ce mémoire.
Troisièmement, Pechiney s'implante dans une région
agricole qu'elle va endommager sous plusieurs rapports: pluies acides et
surtout fluor - une demi-tonne par jour émise dans l'atmosphère -
ou anhydride sulfureux qui entre dans la chaîne alimentaire et en
particulier dans le lait des vaches laitières. Le lait est une des
principales productions de cette région. Étant donné les
effets du fluor sur la santé des animaux et des humains, les coûts
à moyen et à long terme d'une aluminerie dans la région de
Bécancour sont incalculables. Sur une période de plusieurs
années, comme il arrive dans diverses localités, l'agriculture
risque d'être complètement ruinée. Il suffit de lire
l'étude de Mme Calliope Beaud, qui s'intitule: Combat pour
Vézelay ou Pechiney
Pollutions", pour comprendre que Pechiney, avec nos cadeaux, nous
prépare un désastre écologique.
Quatrièmement, l'implantation de Pechiney dans cette
région précise est le résultat d'une mauvaise
planification. Elle est une erreur qui vient essayer de colmater une
brèche ouverte par d'autres erreurs qu'on n'accepte pas de
reconnaître. La première erreur a été celle d'un
coeur industriel du Québec pensé autour du nucléaire dans
les années soixante. De ce rêve insensé, il ne reste que
Gentilly 2, qu'on n'a pas osé mettre au rancart comme Gentilly 1 et
l'usine de La Prade, et qui a coûté près de 1 400 000 000
$. La seconde erreur est la planification basée sur la croissance
continue qui résulte dans la surproduction d'électricité
et la dette énorme d'Hydro-Québec 15 000 000 000 $ - qui nous
mènent à vendre celle-ci à perte ou à la troquer en
retour d'investissements mal choisis.
Enfin, on doit se demander quelle responsabilité sociale Pechiney
va prendre par rapport à Gentilly 2 dont elle tirera tous les
bénéfices. Ne devrait-elle pas, par contrat, être
chargée de défrayer les coûts liés à la
disposition des déchets radioactifs et au démantèlement
éventuel de cette centrale? Le contrat passé entre les
États-Unis utilisant l'électricité de la centrale
nucléaire de pointe Lepreau et le Nouveau-Brunswick pourrait ici nous
servir de modèle.
On nous a dit que Pechiney n'utilisera pas l'électricité
de Gentilly 2. Mais pourquoi alors cette usine va-t-elle être bâtie
près de Gentilly 2? Est-ce seulement une coïncidence, le fait que
Pechiney utilisera 600 mégawatts, alors que Gentilly 2 produira 685
mégawatts d'électricité? Si Pechiney n'a rien à
voir avec cette centrale nucléaire, Gentilly 2 alors devrait être
fermée et Pechiney devrait être implantée ailleurs ou pas
du tout.
Des audiences publiques devraient être tenues sur les
conséquences environnementales et économiques de l'implantation
de l'usine Pechiney à Bécancour. C'est absolument essentiel avant
qu'une quelconque approbation ne soit donnée au plan projeté,
plan qui va profiter si largement à Pechiney et va coûter si cher
au peuple du Québec. La même demande a été faite au
ministre de l'Environnement.
Planifier le futur. Il est nécessaire et important de
résister à la tentation de vendre nos surplus
d'électricité à perte simplement pour susciter quelques
revenus. Nous croyons que des investissements dans les alternatives vont
stimuler l'économie du Québec, vont aider les communautés
locales à être autosuffisantes et peuvent aussi être une
source de revenus pour Hydro-Québec.
On doit se souvenir qu'un dollar économisé est aussi
valable qu'un dollar gagné. Ceci veut dire que, au lieu de vendre de
l'électricité pour gagner de l'argent, ce qui ne ferait pas
récupérer l'économie du Québec, on doit tirer
profit sur une plus grande échelle d'une forte diminution d'importation
de pétrole par des mesures de conservation, ce qui mobiliserait
l'économie du Québec.
On doit aussi se souvenir que le PNB -produit national brut -
équivaut à la valeur en dollars des biens et des services
produits annuellement. Dans la présente conjoncture, il est plus
profitable de produire des services relatifs à l'énergie que des
biens énergétiques.
Dans le document: L'énergie, levier de développement
économique, il est prévu que l'apport de
l'électricité dans le bilan énergétique passera de
30%, qu'elle est en 1981, à 45% en 1995 et que l'apport de
pétrole passera de 60% à 35%. Une telle prévision part du
principe que l'électricité va prendre la place du pétrole.
Or, ceci n'est pas démontré et n'est peut-être pas
démontrable. Les gens vont choisir la forme d'énergie la moins
coûteuse, et l'expérience des dernières années
démontre que la conservation, alliée aux énergies douces,
devient l'option la plus avantageuse. Cette option pourrait devenir la
clé du développement économique des quinze prochaines
années, dans la mesure où elle serait encouragée.
Hydro-Québec pourrait, par exemple, avancer de l'argent pour financer
des investissements de ce genre, argent qui serait remboursé à
même les économies réalisées.
Au lieu de pousser pour que le chauffage se fasse à
l'électricité en remplacement du pétrole, ce qui est une
stratégie trop coûteuse perpétuant notre énorme
endettement collectif, qui paralyse le reste de notre développement, il
serait préférable, du point de vue des emplois et de
l'autosuffisance des gens, de développer des alternatives douces, la
technologie du futur. Le problème de l'énergie, ce n'est pas
l'électricité, mais le pétrole dont il faut réduire
la consommation et auquel il faut trouver des substituts. Les surplus
d'électricité ne vont pas disparaître à moins que
nous n'en fassions des cadeaux. Quand l'électricité coûte
cher, la consommation baisse. La ville de Los Angeles a élaboré
des plans en ce sens qui se sont avérés rentables au plan de la
conservation de l'électricité (voir la figure 3, no 1). Cet
exemple montre la difficulté de vendre de l'électricité
à prix élevé. C'est assez facile de couper la demande.
On a vu précédemment que, par rapport à une
croissance qui aurait été continue depuis 1970, on avait
gagné 24 100 000 TEP à cause de la réduction de la
demande. Pour une bonne portion de cette masse d'énergie, le
crédit en revient aux initiatives de conservation de l'énergie,
initiatives publiques
comme les programmes d'isolation des maisons, et surtout initiatives
privées des citoyens. Quand l'énergie coûte cher,
l'imagination créatrice pour l'économiser se déploie
abondamment. Le gouvernement doit encourager ces initiatives plutôt que
de continuer à cautionner, quand ce n'est pas subventionner, le
gaspillage. Il serait beaucoup plus sensé pour le gouvernement ou pour
Hydro-Québec de financer la construction de maisons à faible
exigence énergétique, comme celles expérimentées en
Saskatchewan, maisons requérant seulement un tiers ou un
cinquième de l'énergie nécessaire à une maison au
plan conventionnel.
Le gouvernement doit aussi encourager les technologies nouvelles comme
les pompes à chaleur, les accumulateurs d'énergie, la biomasse et
l'énergie solaire. Il est dommage que les auteurs du document:
L'énergie, levier de développement économique, se soient
contentés d'affirmer qu'ils n'ont pas comptabilisé cette
réalité et ces possibilités. C'est la preuve d'une
inconscience qui risque de nous coûter cher. Il est temps de sortir, par
exemple, du mythe de "l'électricité solution à tous nos
problèmes énergétiques". Alors qu'à la fin de 1980,
on avait fait des prévisions d'augmentation annuelle de 6,4% et
qu'à la fin de 1982, on enregistre une baisse des ventes de 2,5%
d'Hydro-Québec, les auteurs ont retenu un objectif qui signifie un taux
de croissance annuel moyen de 5,2% des ventes internes d'Hydro-Québec.
On est loin d'une planification qui tienne compte d'un futur qualitativement
autre.
Considérons les projections avancées dans le document de
travail. Les auteurs anticipent une continuation des tendances d'avant 1975.
Pour faire face aux demandes anticipées, il faut d'importants
investissements, 34 700 000 000 $ de 1982 à 1990, presque 6000 $ pour
chaque personne de la province. Mais si la priorité est donnée
à la réduction de la demande par une stratégie qui promeut
la conservation et les énergies douces, il est possible de maintenir la
tendance à la décroissance telle qu'elle s'est manifestée
depuis deux ans. Cette option coûtera moins cher, créera beaucoup
plus d'emplois, aidera les citoyens budgétairement et mettra en
mouvement une stratégie plus efficace pour réduire notre
dépendance du pétrole importé. Par une politique mettant
de l'avant la conservation, le Québec pourrait, de 1981 à 1995,
atteindre l'objectif qu'il s'est fixé dans le document de travail,
objectif de répondre, avec l'électricité, 45%; avec le
pétrole, 35%, et avec le gaz naturel, 17%, aux besoins
énergétiques totaux et ce, avec des taux annuels de croissance de
2,1% pour l'électricité, 4,7% pour le pétrole et 3,8% pour
le gaz naturel, comparés avec les taux prévisibles de 4,5% pour
l'électricité, -2,4% pour le pétrole et 6,1% pour le gaz
naturel.
Le résultat, en 1995, par rapport aux prévisions, c'est
que la consommation d'électricité est réduite de 4 800 000
TEP; du pétrole, de 3 700 000 de tonnes, et du gaz naturel, de 1 800 000
TEP. Néanmoins, la croissance du PNB n'est pas réduite.
L'objectif de remplacer le pétrole par l'électricité peut,
toutefois, n'être pas désirable. Car si les installations
fournissant l'électricité sont utilisées pour le
chauffage, elles risquent d'être inutilisées pendant la majeure
partie de l'année. Ceci va augmenter le coût du chauffage
électrique et en faire un investissement peu attirant. Ce serait
beaucoup plus sensé pour le gouvernement d'encourager des alternatives:
les maisons à faible exigence énergétique, les serres
solaires attenantes aux maisons, les pompes à chaleur, le gaz naturel.
(21 h 15)
Quant au gaz, il faut penser en termes de production domestique et de
formes d'autosuffisance plutôt qu'uniquement en termes de remplacement.
L'une des technologies pour produire synthétiquement du gaz naturel
implique la digestion anaérobique des déchets des animaux ou des
humains. Ce procédé donne un gaz très
énergétique, mélange de méthane et de dioxyde de
carbone, et un très bon fertilisant duquel tous les organismes
pathogènes ont été détruits. Nous pensons qu'une
priorité devrait être donnée au développement de ce
procédé au niveau municipal et régional. Une telle usine
peut être implantée à Trois-Rivières, par exemple,
avec de plus petites expériences, sous forme laitière, de la
région de Bécancour au lieu de l'aluminerie Pechiney. Remarquons
que la ville de Milwaukee produit un bon fertilisant fait de déchets
municipaux qu'elle vend sous le nom de Milorganite dans tous les magasins.
Ce procédé offre une solution à un grave
problème environnemental pendant qu'il produit de l'énergie
propre, alors que presque toutes les sources conventionnelles d'énergie
créent des problèmes nouveaux. D'autres suggestions de ce type
devraient être considérées: l'utilisation des
déchets municipaux comme combustible, l'utilisation des silos
abandonnés à Montréal pour stocker l'énergie
solaire, pour chauffer les bâtiments du Vieux-Montréal, comme
l'indiquait le plan du professeur Wright de l'Université Concordia,
l'utilisation de la cogénération industrielle, etc.
Puisque le carburant liquide est notre problème majeur, on
devrait aussi développer la recherche pour substituer au pétrole
le méthanol. Bien des expériences sont en cours au Brésil
et ailleurs et on devrait en tirer parti pour atteindre une meilleure
autosuffisance énergétique sans pour autant commettre les erreurs
coûteuses écologiques comme au Brésil.
Même si l'on ne produit pas du méthanol, on peut
récupérer du combustible solide, par exemple, les déchets
de bois mis en palettes par BioShell et vendus à Montréal
à un prix qui est 10% moins cher que tout autre combustible. C'est un
fait intéressant qu'en 1977, l'énergie produite par les
déchets des usines de pâtes et papiers était trois fois
plus grande que l'énergie livrée par les centrales
nucléaires de l'Ontario.
Nos surplus d'électricité qui sont devenus
considérables depuis deux ans devraient, au lieu d'être vendus
à perte, être utilisés de façon à planifier
notre avenir d'une façon efficace. On devrait profiter de la
présente conjoncture pour développer les techniques de stockage
d'énergie.
Actions immédiates à entreprendre. Premièrement,
depuis dix ans, de nombreux groupes ont réclamé un débat
public sur l'énergie. Un tel débat était promis par M.
Bérubé, en mars 1981, à l'occasion de l'autre commission
parlementaire précédente, juste avant les élections, mais
ce débat n'a pas eu lieu malgré des promesses nombreuses. Au
carrefour où nous sommes arrivés, il serait plus important qu'un
débat public sur l'avenir économique en général du
Québec ait lieu.
Deuxièmement, l'option pour la conservation devrait être
encouragée dès maintenant et de l'argent devrait être
prêté aux gens pour qu'ils investissent en ce sens. Une
équipe de recherche indépendante des gouvernements et des
compagnies ayant des intérêts dans le secteur
énergétique devrait être créée dès
maintenant pour étudier ce champ d'action. Toute proposition pour une
nouvelle source d'énergie ou un nouveau projet énergétique
devrait être comparée avec l'investissement requis pour la
conservation de l'énergie à une échelle comparable. Ceci
fait, on devrait prendre la meilleure performance.
Troisièmement, des centaines d'éducateurs
spécialement entraînés pourraient utiliser les
écoles pendant les heures libres pour éduquer la population sur
tout ce qui a trait à l'utilisation et à la conservation de
l'énergie. Un tel programme d'éducation devrait être
accompagné d'un plan d'investissement dont tout client
d'Hydro-Québec pourrait faire la demande. Ces éducateurs
aideraient les gens à faire de meilleurs choix et à
budgétiser les remboursements de leurs investissements. Ils pourraient
aider à éviter d'autres mauvaises aventures comme celle de la
MIUF.
Quatrièmement, il a été dit
précédemment qu'il devrait y avoir une enquête publique sur
le projet d'implantation d'une aluminerie Pechiney au Québec.
Jusqu'à ce que cette enquête soit complétée, aucun
contrat ne devrait être signé avec Pechiney et aucun engagement ne
devrait être pris par le gouvernement du Québec quant à la
construction de ce projet.
Cinquièmement, par souci d'honnêteté à
l'égard du peuple québécois, il ne devrait être
exporté aucune électricité à un prix moindre que
celui payé par les résidents du Québec.
Hydro-Québec est une corporation publique dont la première
responsabilité est de fournir aux Québécois
l'électricité au meilleur prix possible. Ce n'est pas juste de
demander aux citoyens de subventionner les exportations
d'électricité pour le bénéfice des actionnaires des
compagnies américaines.
Sixièmement, une stratégie des tarifs devrait dès
maintenant être élaborée pour encourager la consommation
raisonnable en fixant un seuil maximal après lequel le coût
deviendrait sensiblement plus élevé. Des incitations à ne
pas utiliser, si possible, l'électricité aux heures de pointe
devraient être étudiées et mises en place aussitôt
que possible.
Septièmement, quelles que soient les autres décisions
concernant l'énergie et le développement économique,
Gentilly 2 devrait être complètement fermée. Cette
décision nous ferait économiser non seulement des coûts de
fonctionnement et les coûts futurs liés à la disposition
des matériaux radioactifs, mais aussi les coûts associés
à l'acquisition d'une assurance de 1 000 000 000 $ ou plus pour couvrir
le risque d'un accident grave comme celui de Three Mile Island. Il n'existe pas
une seule bonne raison économique pour opérer cette centrale.
Huitièmement, l'implantation des réacteurs Slowpoke III
destinés à assurer le chauffage aux petites localités doit
être défendu au Québec. Après les fiascos de
Gentilly 1, de Gentilly 2 et La Prade, personne n'a besoin d'être
prévenu qu'Énergie atomique du Canada Ltée essaiera
n'importe quoi pour continuer. Les problèmes associés au complexe
nucléaire de Gentilly se répéteront avec les
réacteurs Slowpoke III mettant en danger les petites communautés.
Même s'il ne s'agit pas d'électricité, il est de la
responsabilité du gouvernement d'intervenir, de renforcer le moratoire
nucléaire annoncé il y a plusieurs années.
Neuvièmement, on demande un moratoire complet sur la production
d'uranium-233 que l'EACL planifie à Varennes - production devant
utiliser le Tokamak, réacteur de fusion, qui y est installé.
C'est une question de sécurité. L'uranium-233, comme le
plutonium, n'existe pas du tout dans la nature, et aussi comme le plutonium
peut être utilisé directement dans la fabrication d'une bombe
atomique. Par contraste, le combustible d'une centrale comme Gentilly II est
d'uranium naturel, qui n'est pas susceptible d'un tel usage. Pourquoi le
Québec devrait-il s'exposer aux mesures de sécurité
exceptionnelle, liée à l'usage militaire des matériaux
nucléaires? Qu'on se
rappelle l'histoire des trois hommes arrêtés par la GRC en
1980 à Montréal parce qu'ils pirataient de l'équipement
électronique spécifiquement destiné à la
fabrication de la bombe atomique du Pakistan. Leur procès a d'ailleurs
eu lieu à huis-clos par mesure de sécurité. Le laboratoire
de EACL planifié à Varennes n'est pas simplement un autre
laboratoire, c'est une geste politique très sérieux. Il doit
amorcer au moins un débat de fond à l'Assemblée nationale
et dans l'opinion publique.
Dixièmement, pour des raisons semblables, on demande un moratoire
complet sur le transport des déchets radioactifs de Chalk River en
Ontario à travers le Québec, vers des usines militaires aux
États-Unis, où la matière est retraitée pour
utilisation dans le programme militaire. Pour des raisons de
sécurité, ni la police ni les villes ne sont mis au courant de
ces transports. C'est très intéressant de noter que les
responsables des ponts des Mille-Îles ont défendu ces transports
à moins que la compagnie transporteuse ne soit couverte par une
assurance de 500 000 000 $, au cas où un accident surviendrait sur un
des ponts. Les gouverneurs du Michigan et du Vermont ont aussi défendu
ces transports. On demande que le gouvernement du Québec fasse la
même chose.
Conclusions: Les choix énergétiques sont
déterminants pour l'avenir du Québec. Il y a des choix à
faire. Ne faisons pas l'erreur de dire que nous n'avons pas le choix. En
démocratie, la population doit être informée et
consultée et des débats doivent avoir lieu surtout quand il
s'agit de questions aussi importantes que l'avenir économique d'une
collectivité et le développement énergétique. Il
s'agit de faire plus que livrer le pays aux aménageurs selon les
schèmes du passé, il s'agit de rendre les gens plus autonomes et
plus compétents énergétiquement.
Un tournant important doit être pris à un moment où
crise économique, surplus d'électricité et baisse de la
demande coïncident. Il faut oublier les vieux schèmes de la
croissance continue et entrer dans l'ère de la conservation pour
bâtir une société plus efficiente. Nous risquons de manquer
le bateau si nous refusons de voir les nombreux signes d'un avenir
différent qui s'annonce. Sous prétexte qu'il y a une crise
économique, nous risquons de reproduire les erreurs du passé et
même de les amplifier. Notre empressement à subventionner Pechiney
est révélateur. Il est temps plus que jamais de prendre de bonnes
décisions.
On aimerait conclure en disant qu'on déplore un peu le fait qu'on
nous ait demandé de venir à la commission parlementaire en fin de
soirée, à un moment où il n'y a presque plus personne. On
trouve regrettable que précisément au moment où, de plus
en plus, les jeunes, lors du sommet québécois se sont
prononcés sur la question de la consommation, la question
d'écologie, pour l'étude de toutes les solutions de rechange et
d'un développement énergétique différent et
communautaire, au moment où la jeunesse regarde dans ce sens, le
gouvernement n'accorde pas plus d'importance à ces
considérations. Cela ressortait un peu du document qui nous a
été envoyé. C'est pour cela qu'on s'est
préparé un peu dans ce sens. Par contre, on a été
heureux d'entendre l'intervention précédente qui parlait beaucoup
de conservation de l'énergie.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Boucher.
Pour ce qui est de votre dernier message, nous le transmettons au greffier de
la commission - je tiens à vous informer qu'il n'y a pas plus de gens,
qui participent le matin, l'après-midi, en soirée aux audiences,
jusqu'à ce jour à tout le moins. Alors, la parole est maintenant
à M. le ministre.
M. Duhaime: J'allais enchaîner là-dessus. Hier soir,
c'était Énergie atomique du Canada Ltée qui était
ici et l'auditoire est plus considérable ce soir qu'hier.
M. Boucher (Jacques): II n'était pas plus
considérable.
M. Duhaime: Je ne sais pas si c'est une consolation, mais soyez
assurés, de toute manière, que tout ce qui est dit ici à
cette table est repris en transcription et fera l'objet sans aucun doute d'une
relecture par nos scribes qui publient et qui sont à la radio, à
la télévision. Je ne voudrais pas que vous croyiez que vous avez
la moins bonne cote d'écoute, peut-être parce qu'il y a du
baseball ce soir, je ne sais pas. Nos amis d'à côté vont
faire une convention pendant les séries mondiales. Alors, que
voulez-vous que je vous dise?
Écoutez, blague à part, je suis impressionné par
l'ampleur du débat que vous ouvrez. Je dis aussi qu'il y a beaucoup des
points que vous soulevez, à juste titre d'ailleurs, qui vont, dans notre
société aujourd'hui et demain, faire l'objet de plus en plus de
discussions. Vous aviez depuis fort longtemps souhaité, votre
association, un débat public le plus large possible, le plus ouvert
possible. Je ne pense pas qu'on puisse viser à quelque chose de plus
large et de plus ouvert qu'une commission parlementaire qui est suivie par les
médias d'information et qui vous donne la chance de vous faire
entendre.
Ceci dit, vous ne vous surprendrez pas si certains des points de votre
mémoire n'ont pas mon adhésion, mais je voudrais sûrement
en tout cas souligner qu'au départ, je partage entièrement la
préoccupation qui
sous-tend plusieurs des suggestions et des recommandations que vous
faites sur l'aspect de l'efficacité énergétique, d'une
meilleure utilisation de notre potentiel et des mesures de conservation.
Je veux vous dire aussi qu'il y a peut-être certaines des
affirmations qui sont faites dans votre mémoire qui mériteraient
d'être qualifiées. Sur le plan des faits, par exemple, lorsque...
Je voudrais peut-être vous donner une assurance: le Québec et
Hydro-Québec n'exportent pas d'énergie à l'étranger
à meilleur prix que ce qui est vendu aux Québécois. Ce que
nous vendons à l'étranger, c'est de l'énergie
excédentaire qui est livrée principalement durant les mois
d'été, et ce sera d'autant plus vrai pour New York et pour la
Nouvelle-Angleterre de 1984 à 1997. Mais, sur une base comparative, les
Américains vont payer deux fois le prix de ce qu'il en coûterait
à un Québécois. On parle d'énergie
excédentaire et, si jamais nous signons des contrats d'énergie
ferme, les scénarios de discussion sur les prix varient entre trois fois
et demie et quatre fois le prix par rapport au tarif payé ici.
Alors, dire que nous exportons à rabais est inexact. Il faut
cependant dire que, lorsqu'on fait la tarification pour l'ensemble du
Québec et pour l'ensemble du réseau, peu importe la
catégorie de consommateurs, il n'y a personne au Québec qui paie
le coût marginal de production, autrement dit le prix du kilowattheure
produit par la dernière centrale installée. Alors, c'est un prix
moyen. Il est entendu que le dernier kilowattheure qui est produit par les
derniers groupes de turbines qui entrent en production coûte beaucoup
plus cher que le tarif moyen - tout le monde va le comprendre - pour une raison
assez simple. C'est qu'il y a des turbines qui ont été
installées il y a 50 ans et qui tournent encore aujourd'hui. Alors, leur
prix est très bas. C'est ce qui fait que l'ensemble du Québec
peut bénéficier des vieilles installations par rapport à
un coût plus élevé à de nouvelles installations.
Je vais peut-être vous dire un petit mot du dossier de Pechiney,
parce que vous êtes en train de décourager mon collègue qui
est assis à ma droite et qui est député du comté de
Nicolet où se trouve Bécancour. Vous proposez de
démanteler Gentilly 1, de mettre Gentilly 2 dans les boules à
mites et de faire trois X sur le dossier de Pechiney. Je ne considère
pas qu'il y a de l'excès dans vos propos et je respecte votre point de
vue. Cependant, il faut dire que, sur le plan de l'environnement, par exemple,
il y a eu beaucoup de critiques faites à l'encontre des installations de
Pechiney en France; en particulier, celle de Saint-Jean-de-Maurienne. Il faut
bien comprendre aussi, si on veut être de bon compte dans le
débat, que les installations de Pechiney qui sont l'objet d'une critique
virulente en France sur le plan de l'environnement ne ressemblent pas du tout
à ce qui est projeté sur le plan de la technologie de la
protection de l'environnement de Bécancour. (21 h 30)
Encore avant-hier, les dirigeants de Pechiney étaient dans notre
région. Il ont rencontré la population. J'ai l'impression qu'ils
travaillent à livre ouvert là-dessus. Le ministère de
l'Environnement du Québec, qui, en Amérique du Nord, ne semble
pas être le plus facile si on écoute l'industrie, a émis un
certificat et les travaux sont en route. Il ne faudrait pas se méprendre
sur la technologie de Pechiney utilisée aujourd'hui, en 1983, dans une
aluminerie de cette taille par rapport à ce qui existait dans les
installations en France il y a 25 ou 30 ans.
Vous posez deux sortes de problèmes pour ce qui est de Pechiney.
Y a-t-il un lien entre Pechiney et Gentilly 2? Et quel est le coût, par
emploi, en termes de subvention? On va essayer de se comprendre. Pechiney
utilisera avec trois lignes de production, c'est-à-dire 330 000 tonnes
métriques de production de lingots, 400 mégawatts. Gentilly 2
pourrait produire, dans l'hypothèse où le réacteur tourne
à plein régime, environ 680 à 700 mégawatts. Il n'y
a jamais eu aucun lien que ce soit entre la présence de Gentilly 2 et
les installations de Pechiney. Il faut comprendre que ce grand parc industriel
de Bécancour, qui a été lancé dans les
années soixante, est en train aujourd'hui de se rentabiliser. Cela a
pris 25 ans. Cela n'a absolument rien à voir parce que l'énergie
que produit Gentilly 2 se branche sur le réseau d'Hydro-Québec
purement et simplement de la même façon que Manic-Outardes,
Bersimis, Shawinigan, Beaumont, etc. Alors il n'y a pas de lien entre les deux.
Le prix de l'énergie qui est fait à Pechiney est basé sur
le tarif grande puissance de 1981, plus les rabais qui ont été
consentis. Il faut dire que le traitement qui a été fait à
Pechiney sur le plan de la tarification est à peu près identique
à l'offre qui a été acceptée un an auparavant par
Reynolds pour son implantation de Baie-Comeau, si on s'en tient au niveau
réel de consommation et non pas aux chiffres théoriques.
Là-dessus, il n'y a pas de lien.
Vous faites aussi une erreur quand vous comptabilisez que la
participation de 500 000 000 $ du gouvernement du Québec constitue une
subvention par emploi. Il y a un investissement dans le capital de risque, bien
sûr. Comme actionnaire, dans le capital de risque, le Québec aura
à assumer sa responsabilité de la dette à long terme. Il
n'y a pas de subvention directe dans les capitaux qui sont investis. Si vous
voulez avoir mon avis, pour les années 1986, 1987, 1988 - 1989 et 1990,
c'est plus incertain -on joue à coup sûr en période de
surplus. Si vous me posez la question: Combien vaut un
kilowattheure? je vais vous répondre qu'il vaut zéro parce
que le coût marginal de production est là, mais un kilowattheure
qui n'est pas produit - entendons-nous bien - les turbines ne tournent pas.
C'est ce qui a permis d'aller intéresser cette firme française
à faire une implantation. Vous limitez son effet à 1000 emplois,
mais je pense qu'il faut multiplier pas mal si on est le moindrement
conservateur sur les coefficients. L'effet d'entraînement en aval est
énorme. Il y a des économistes qui nous parlent de 2,8; d'autres
de 3; d'autres de 2. Si on veut être de bon compte et qu'on s'entend pour
2,5, en termes d'emplois indirects ou d'emplois induits, c'est énorme.
On aurait de la difficulté aujourd'hui à imaginer la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean sur le plan économique sans la
présence d'Alcan. Je comprends que la taille n'est pas la même en
termes d'emplois, mais je pense que la comparaison mérite d'être
regardée.
Enfin, je ne voudrais pas revenir non plus sur ce qui a
été dit ce matin sur le dossier du méthanol. Vous
êtes intéressés à juste titre par ce dossier, de la
même façon que nous le sommes. La première
expérience pilote dans le monde est en train de se faire au
Québec à partir de la matière ligneuse pour produire du
gaz. Ce sera seulement à partir de 1985, comme nous l'indiquait ce matin
madame Forget, la présidente de Nouveler, qu'on pourra tabler sur des
études solides pour être capables de décider si oui ou non
on va en aval davantage pour produire du méthanol à partir du
gaz.
Je sais que les Brésiliens ont pris de l'avance. Ils produisent
un carburant à partir de l'alcool. D'autres utilisent la matière
première qu'ils ont. Il est évident que sur le plan de la
consommation d'énergie et des économies de coût, si on
arrivait au Québec, en tenant compte de l'évolution des prix des
énergies concurrentielles, à produire un carburant à
partir de la matière ligneuse, simplement à même le
gaspillage qui se fait en forêt sur la matière ligneuse, en tenant
compte bien sûr des capitaux requis pour de pareils investissements, qui
sont quand même très élevés...
Saint-Juste-de-Bretenières, c'est 21 000 000 $ pour produire le
gazogène, c'est-à-dire en phase 1. On envisage environ 50 000 000
$ pour la phase 2, c'est-à-dire aller à l'étape du
méthanol. Ce sont des investissements qui sont très
élevés, mais je pense que l'avenir est dans cette direction. Je
pense que c'est cette préoccupation que votre mémoire
évoque et nous la partageons. Je m'arrêterai là pour
l'instant. Je ne sais pas si vous avez des réactions ou des commentaires
là-dessus.
Juste un dernier détail. Vous nous suggérez de rouvrir le
dossier de Pechiney, si j'ai bien compris, et de tenir un débat public
là-dessus. Je n'ai pas tellement saisi ce que vous avez dit. Vous
parliez à la fois de
Gentilly I, Gentilly II et de Pechiney. Je ne sais pas si cela va vous
rassurer mais j'ai cru comprendre hier soir des propos de M. Després,
président d'Énergie atomique du Canada, que pour autant que
Gentilly I est concernée, il ne sait pas tellement lui non plus ce qu'il
va en faire. Si vous avez des suggestions, j'ai l'impression qu'il est ouvert
à les recevoir. Je pense aussi que votre mémoire indique que cela
pourrait peut-être servir de laboratoire ou de simulateur, etc. Il a
lui-même évoqué cela. Si vous nous demandez d'arrêter
Gentilly II, je vais vous donner une réponse très claire et
nette, et la réponse est non. Gentilly II va tourner. On va maintenir
les équipes et on va produire de l'énergie à partir de ce
réacteur dans les meilleures conditions de sécurité pour
la protection de la population, non seulement de cette région mais de
tout le Québec.
Ce que nous avons décidé pour ce qui est du moratoire est
maintenu pour sûrement encore plusieurs années. Nous allons
également faire la conversion d'équipes d'Hydro-Québec qui
étaient sur la fission vers la fusion en essayant de maintenir chez nous
une expertise. Le point d'interrogation qui est au-delà de l'an 2000 est
réel. Je suis à peu près convaincu que nous aurons besoin
d'aller au nucléaire. Le problème que j'ai, c'est que je ne sais
pas en quelle année. Est-ce que ce sera en 2005, en 2010, 2015, 2020, je
n'ai pas d'idée. Les variantes dans les croissances, les
prévisions de croissance de la demande sont telles que le calendrier
s'étire ou s'écourte selon les scénarios qu'on peut
retenir. Je pense qu'on ferait une erreur de tout fermer et de dire: Loin de
moi ce calice!, je ne veux pas le voir. On ferait une erreur, je pense, sur le
plan de la technologie, sur le plan de l'expertise. Cela a été
abondamment illustré hier, dans le domaine de la médecine, par
exemple, dans le domaine de la radiation, du laser, etc., car toute l'expertise
qu'on peut tirer du secteur nucléaire est très utile en dehors
même de la simple question de la production d'énergie. Si vous
voulez avoir une réponse claire, je pense que je ne peux pas être
beaucoup plus clair que de vous répondre ceci. Vous avez parfaitement le
droit d'invoquer vos propres arguments. À moins qu'on m'amène
autre chose dans le dossier, la réponse du gouvernement est très
claire là-dessus: Gentilly II va rester en activité. On a
d'ailleurs commencé à produire il y a à peu près
deux ou trois semaines.
M. Boucher: Justement à ce niveau, on voulait demander
pourquoi dépenser 50 000 000 $ par année en coût de
fonctionnement. Les turbines des centrales hydroélectriques ne
coûtent rien à faire fonctionner, mais un réacteur
nucléaire comme celui de Gentilly II coûte
50 000 000 $ par année. C'est toute une technologie qui
coûte énormément cher aux Québécois, il faut
l'avouer.
M. Duhaime: Je ne suis pas prêt à endosser le
chiffre de 50 000 000 $, mais je peux vous dire que si on ajoute la production
de Gentilly II, qui est d'environ 675 mégawatts, à l'ensemble du
réseau d'Hydro-Québec, c'est un coût qui s'affaiblit. Il
faut bien comprendre aussi que dans le dossier nucléaire j'ai le
sentiment et même la conviction que si on avait dit à
HydroQuébec en 1972 et en 1973 que ce qui était projeté
à Gentilly II et qui devait coûter 350 000 000 $ au départ
allait finalement coûter 1 400 000 000 $, je suis loin d'être
convaincu qu'on aurait pris la décision d'aller de l'avant. L'escalade
des coûts dans le dossier du nucléaire n'est pas un
phénomène canadien comme tel. Qu'on ait le système de
production d'eau lourde ou d'eau légère pressurisée, il y
a eu des escalades de coût absolument astronomiques dans l'ensemble du
dossier nucléaire: pas seulement chez nous mais, je pense, à
travers le monde.
M. Fortier: La Baie-James a augmenté.
M. Duhaime: Même la Baie-James a augmenté alors...
Avec le recul du temps, c'est toujours plus facile de faire les analyses a
posteriori et de dire: Nous aurions dû. Je pense que la
réalité c'est cela. Hier soir - cela aurait peut-être
été intéressant pour vous - je ne partage pas tout ce que
Énergie atomique prétend, mais je pense qu'hier ses
représentants ont apporté une contribution positive aux travaux
de la commission. L'implantation de l'industrie nucléaire a amené
d'autres développements technologiques qui ne seraient pas apparus si
ces investissements n'avaient pas été faits. Il ne faut pas
isoler les investissements les uns par rapport aux autres; il faut regarder
l'ensemble du dossier.
M. Boucher (Jacques): M. Edwards aurait une intervention.
Le Président (M. Vallières): M. Edwards.
M. Edwards (Gordon): Pardonnez-moi, mais je ne parle que
très peu français. Puis-je parler en anglais?
M. Fortier: Vous pouvez.
M. Edwards: I think that it is very strange that you would want
to run a plant that has operating costs when you have so many plants which have
essentially no operating costs. The Tracy plant, for example, which is 600
megawatts is shut down to save money. It would seem to be a sensible thing to
shut down Gentilly too to save money. If the reason is to gain experience in
nuclear expertise, this meant that Gentilly 1 may be much more productive
because there is going to be a big market for demolition. There is an article
that I have just published in the Journal of Business Administration, and which
I will be glad to provide to the committee members, dealing with this exact
subject. If you look at the November 1982 issue of Canadian Business Magazine,
there is an article on this exact subject: the opportunity for marketing,
skills in nuclear demolition.
This also, incidently, requires the development of robotics, advanced
robotic equipment. As recently as June of this year, M. André
Crégut, from France, addressed the Canadian nuclear association in
Montréal about the French program in dismantling reactors. They are
developing advanced robotic equipment for this purpose. It seems to me that
Québec has a good opportunity here to use the dismantling of Gentilly 1
as a way of not only keeping the nuclear technologists busy learning useful
skills, but also skills which may be marketable and which may have
technological spin-off in terms of industrial robotics. Moreover, it could be
that a good deal of the bill will be paid by Ottawa because it is an
Ottawa-owned reactor, the Gentilly 1 reactor. (21 h 45)
M. Duhaime: Là-dessus, n'étant pas un
spécialiste des questions nucléaires - vous le comprendrez bien -
la seule chose c'est que votre suggestion est enregistrée ici et je vais
la transmettre à M. Després, président d'Énergie
atomique.
M. Edwards: Mais c'est une décision politique.
M. Duhaime: Mais est-ce qu'on va développer la robotique
en développant une expertise et démolir les centrales
nucléaires? J'avoue ne pas être capable de porter un jugement
là-dessus. La seule chose que je voudrais dire cependant, c'est que si
vous nous suggérez de faire fonctionner des centrales
hydroélectriques plutôt que des centrales thermiques ou des
centrales nucléaires, parce qu'il n'y aurait pas de coût de
production, si nos voisins du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario comprennent le
message - il y a un parc nucléaire drôlement impressionnant en
Ontario - le Québec a des surplus hydroélectriques, moi j'aurais
le goût de faire un marché et de le faire rapidement, mais je ne
suis pas certain que l'argumentation se résume au seul point que vous
évoquez en termes de coût de fonctionnement. C'est un des facteurs
de ce grand dossier.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Maybe I will surprise Dr Edwards, but I will tell him
that frankly, although I do not agree... I guess under your questions of
proposing that Gentilly 1 be demolished, there was the implications that sooner
or later all nuclear power plants will be demolished. Of course, I do not agree
with that, but I would agree with you that there will be a market because in
the early forties and fifties, as you know, the reactors were a new type of
generation of electricity and it is a fact - I would agree with you -that there
are in the world some of these early reactors which are becoming obsolete now.
Of course, it is not up to us, here in this commission, to decide because, as
you said, the Gentilly 1 reactor belongs to Atomic Energy of Canada Ltd and at
the moment they are looking for solution and they have not yet find the
solution. But you may be surprised that I will tell you that personally, I
would agree with your recommendation if we do not find anything tangible that
would make sense. Despite I may disagree with you on the size of the market
that may exist, because in your mind, of course, all nuclear power plants
should be demolished tomorrow morning, I would agree with you that some
reactors in the world will have to be demolished and I would agree with you
that there will be a lot of experience to be gained by demolishing Gentilly
1.
Therefore, maybe for different reasons, maybe for practical reasons, I
tend to agree with your recommendation unless Atomic Energy of Canada finds
something very special to do with this building which houses their reactor and
houses... Of course, everyone understands that there are three or four
buildings, one is the reactor building, which houses the reactor and the other
is the turbine building, which houses the turbine. So, although in this case it
was direct steam which was radioactive steam going around, if Atomic Energy of
Canada would not come up with anything tangible for different reasons, then I
would tend to agree with your recommendation.
M. Edwards: I do not think my reasons are so different. My
reasons are very practical too. The International Atomic Energy Agency has said
that decommissioning of nuclear reactors will become a routine activity by the
turn of the century. In fact, they said that, within the next 20 years, there
will be at least 20 reactors - that you can name easily - which will require
dismantling worldwide.
M. Fortier: I agree with you, I think there will be that kind of
a market...
M. Edwards: It is a big market.
M. Fortier: ...because reactors which were built in the fifties,
in the year 2000, will be 50 years old. Some of them were very early prototypes
and will become obsolete. We are not talking of power reactors, we are talking
in some cases of early plutonium manufacturing reactors, for example, and other
types of reactors.
M. Edwards: No, I am talking about power reactors.
M. Fortier: But, the decision is not ours at this table, because
this parliamentary commission is the parliamentary commission of the
Gouvernement du Québec and the Gentilly 1 reactor belongs to Atomic
Energy of Canada Ltd. So I do not know what is the agreement between the
Government of Québec and the Government of Canada or between
Hydro-Québec and Atomic Energy of Canada Ltd, but it seems to me that
the main decision belongs to AECL.
M. Edwards: If I could point out. I was in Ottawa, speaking with
Mr. Chrétien, in the spring, and at that time, I talked with Mr. Ted
Thexton, who is one of the new nuclear advisors to Mr. Chrétien. He
informed me that there is, at the present time, a task force consisting of
members from Hydro-Québec and from Atomic Energy of Canada Ltd, which
are looking at the possibilities for Gentilly 1. He admitted that they had
ruled out the possibility of refurbishing it because it would be prohibitively
expensive. And the only two alternatives that they are presently considering
are dismantling it, or using it as some kind of a laboratory. What I am trying
to suggest is that not only could Québec save itself 50 000 000 $ in
operating costs from Gentilly 2, but they could also get a headstart in this
possibly lucrative market, in terms of dismantling technology.
M. Fortier: We are mixing two things now.
M. Edwards: I would like to say for the record that M.
André Crégut who is in charge of the French dismantling program,
it is my understanding that he believes that all nuclear reactors do have to be
dismantled eventually. And the 20 reactors which the International Atomic
Energy Agency commented on particularly were, in fact, power reactors, not
research reactors. But, you are quite right: there are a lot of research
reactors too. I was not considering those. The power reactors are the ones
which are the hardest, because they are so much bigger, as you realize.
M. Fortier: What you have just said about the task force was
confirmed by M.
Després himself, yesterday, at this parliamentary commission. So,
I think that we agree with you that there is a task force studying the features
of Gentilly 1 reactor. I intend to agree. Let us make it on record because they
would not like to be misquoted: I agree with you that experience would be
gained about demolishing the Gentilly 1 reactor if no other use can be found. I
agree with you that there is a market in the world and this will come in place
and, maybe at the moment, as it seems to be, between now and the years 2000,
there will be some markets and that Canadians could get experience in
proceeding with that demolishing. So I intend to agree with you on that, of
course. With the other things, I think the minister answered your queries. I
share the views of the minister and I am glad that we are on the same way of
length on those issues.
M. Edwards: There are just two things that I would like to make
sure I stated that I disagree with you on. One is, that it is my understanding
that all nuclear reactors do have to be dismantled. The other thing is that my
objections to nuclear power, from the very beginning, have always been of a
practical nature. That is the nature of my objections to nuclear power from the
beginning. And, in fact, I called attention to the Hydro-Québec Board of
Directors, more than two years ago in correspondence to the chairman of the
Board, that the probability of a small pipe break accident in the CANDU
reactors is greater than one and four over its lifetime. And I never got any
real response from Hydro-Québec on that. I think that the latest
accident in Pickering confirms my very practical concern about the probability
of such an accident. So, let me assure you, M. Fortier, that my concerns about
nuclear power are eminently practical. I have never indulged any emotions on
the subject.
M. Fortier: Alors, je pense qu'on va... Let us agree to disagree
on this last issue.
Maintenant, j'aurais une question à vous poser. Je crois que,
dans votre mémoire, vous posez une question très pertinente. Les
membres de la commission se sont penchés sur les prévisions
à long terme en ce qui concerne la demande énergétique. Et
on a entendu ici, entre autres, un professeur de l'Université Laval, M.
Ayoub, discuter avec nous des prévisions de l'avenir pour évaluer
dans quelle mesure les économies d'énergie vont se
perpétuer. Je pense que ce serait intéressant d'avoir votre
opinion. Est-ce que c'est fondé sur des études que vous avez
faites? Est-ce c'est fondé sur des recherches? Le Dr Ayoub, qui dirige
le comité Green de l'Université Laval, nous disait que, quant
à lui, il croyait que la diminution de la consommation
énergétique ne se continuerait pas totalement dans l'avenir. Il
évaluait le fait qu'avec l'accroissement du développement
économique, une bonne partie de ce qui semblait être des
économies d'énergie reviendrait dans l'avenir. Autrement dit, il
n'était pas d'accord pour dire que la demande à l'avenir serait
plafonnée, ou qu'elle continuerait d'être plafonnée. Et je
me demandais si vous aviez des commentaires à ce sujet. D'où
vient l'expertise, d'où vient la recherche et quelles sont les
données qui vous ont aidé à dire que la prévision
énergétique serait plafonnée dans l'avenir?
Le Président (M. Vallières): M. Boucher.
M. Boucher (Jacques): II y a une tendance, à l'heure
actuelle, qui a été démontrée... En fait, dans
votre document même, à un moment donné...
M. Fortier: Le document du ministre.
M. Boucher (Jacques): Je ne sais pas à quelle page du
document, je n'ai pas le document du ministre, mais on constate que la
consommation d'électricité fléchit. Les prévisions
brisent complètement cette tendance qui est à la baisse et la
tendance monte directement vers le... C'est-à-dire qu'il y a des
tendances, à l'heure actuelle, qui se développent depuis
plusieurs années. Il n'y a rien qui laisse croire que la demande
énergétique va reprendre. La demande énergétique
est quelque peu liée à l'ensemble de l'évolution de la
situation du développement économique. Quand les gens voient que
les choses coûtent plus cher, ils consomment moins, que ce soit de
l'énergie ou autre chose. Ils cherchent les moyens de payer ces
choses-là moins cher. Aux États-Unis, par exemple, on
prévoyait, au début des années soixante, que la demande
d'énergie serait de 230 quatrillions de BTU...
M. Fortier: M. Boucher, je pense que...
M. Boucher (Jacques): Au début des années
soixante-dix, on prévoyait que cette demande serait celle-là
d'ici l'an 2000. À l'heure actuelle, elle a baissé à 85
quatrillions de BTU, ce qui veut dire qu'il y a eu des efforts énormes,
aux États-Unis, qui ne sont pas nécessairement
égalés au Québec, mais les tendances démontrent
qu'il y a eu énormément de conservation d'énergie
simplement à cause de l'économie d'énergie. Je ne vois pas
ce qui peut permettre de renverser ces tendances, à l'heure actuelle.
Tout démontre que les gens, de plus en plus, cherchent à... C'est
une bonne chose jusqu'à un certain point, parce que c'est le
pétrole qui semble être le problème majeur. Le
pétrole semble être le problème qui, d'ici quelques
années, va se poser le plus, parce qu'il aura été le grand
élément de consommation au point de vue
énergétique. Les deux choses qui semblent les plus logiques,
c'est justement de réduire le plus possible cette consommation de
pétrole et trouver des moyens de le remplacer.
L'électricité ne remplacera pas le pétrole. Ce ne sont pas
les mêmes usages, règle générale, sauf si on fait
quelque chose de tout à fait artificiel comme l'installation de
radiateurs électriques, comme cela se fait au Québec, ce qui est
tout à fait particulier dans l'ensemble de l'Amérique du Nord.
Cela ne se fait pas ailleurs, règle générale, comme cela
se fait au Québec.
M. Fortier: Ma question était reliée à la
prévision énergétique et je pense que personne d'entre
nous, autour de la table, n'a des intérêts dans le domaine
énergétique. On n'est pas intéressé à
avantager une forme d'énergie plutôt qu'une autre ou à
vendre plus d'énergie ou à en vendre moins. Dans le passé,
il y a eu une erreur, comme vous l'avez dit, qui était de continuer
à faire une prévision basée sur une courbe ascendante. Je
pense que la question qu'on se pose dans le moment, c'est: Est-ce qu'on ferait
une autre erreur en extrapolant la courbe telle qu'elle est dans le moment?
C'est pour cela que je vous demandais, sur quelles données exactes
c'était basé. Car les experts au colloque de l'énergie, la
semaine dernière -il y avait des experts européens - ces
mêmes experts, comme le mentionnait le ministre, qui s'étaient
trompés en 1973 semblent nous dire: Ne croyez pas que la demande,
à l'avenir, va continuer dans la même lancée qu'elle a
connue durant les trois ou quatre dernières années. Votre
énoncé vient en contradiction avec ce que disent ces experts. Je
vous demandais sur quoi vous avez basé votre jugement ou votre
énoncé.
M. Boucher (Jacques): Nous autres, on constate...
Le Président (M. Vallières): M. Boucher, je vais
vous interrompre quelques instants. Compte tenu qu'il est 22 heures, j'ai
besoin du consentement des membres de la commission pour dépasser
l'heure d'ajournement.
M. Fortier: Consentement.
Le Président (M. Vallières): M. Boucher. (22
heures)
M. Boucher (Jacques): Si vous lisez bien notre mémoire, ce
qu'on dit, c'est qu'on regarde la tendance et on trouve que ce qui serait sage,
ce ne serait pas d'essayer de la renverser. En fait, si elle se transforme,
c'est peut-être qu'il y a des gouvernements qui vont l'avoir
aidée. À l'heure actuelle, il y a une certaine publicité
faite par Hydro-Québec, que l'électricité c'est le levier
du développement économique. Jusqu'à un certain point,
cela pousse peut-être les Québécois à faire une plus
grande consommation d'électricité. Ce n'est peut-être pas
la solution. La solution, c'est peut-être d'encourager la conservation de
l'énergie et de faire en sorte que la société
québécoise devienne la société la plus efficiente
possible au niveau énergétique. C'est cela notre mémoire,
en fait. Ce n'est pas de faire des prévisions.
Le Président (M. Vallières): J'ai une demande
d'intervention du député de Nicolet.
M. Beaumier: Très rapidement, M. le Président. Vous
comprendrez que, si j'avais le droit, ce serait quasiment une question de
privilège puisque bon nombre des dossiers que vous évoquez comme
Regroupement pour la surveillance du nucléaire, cela se situe dans mon
comté; j'imagine que désormais j'aurai un regroupement pour la
surveillance du nucléaire du comté de Nicolet tout simplement.
Écoutez, vos préoccupations sont les nôtres aussi, sont
celles de mes concitoyens et de mes concitoyennes en ce qui concerne, entre
autres, le secteur de l'environnement. Il y a tous les aspects positifs de
Pechiney comme tels, mais le secteur de l'environnement... Vous dites dans
votre mémoire qu'il suffirait de lire l'étude de Mme Calliope
Beaud. Si les informations que vous me donnez sont exactes - elles doivent
être exactes - cela a été écrit à l'automne
de 1974; est-ce que vous savez... Oui?
M. Boucher (Jacques): Non c'est récent. Je ne vois pas
où vous voyez que cela a été écrit en 1974.
M. Beaumier: À la figure 4, à la page...
M. Boucher (Jacques): C'est parce qu'il y a une citation. C'est
en 1976 qu'a été écrit le...
M. Beaumier: Merci bien. Quoi qu'il en soit, c'est basé
sur une aluminerie qui a été construite en quelle
année?
M. Boucher (Jacques): Oui, ce sont de vieilles alumineries, vous
allez me dire. Je ne sais pas exactement quelle année. Il y a l'usine de
Lannemezan, par exemple. Ce qui arrive, c'est que dans son livre elle nous
explique que la compagnie Pechiney a plusieurs fois dit qu'elle avait
trouvé les moyens d'améliorer son usine, mais jamais cela ne
s'est fait. Dans l'étude de répercussion environnementale qui a
été faite
par Marsan et Associés sur l'usine Pechiney, on voit un peu les
choses qui vont sortir de l'usine, par les toitures, par exemple, il y a des
choses comme les émissions fluorées qui vont totaliser des
dizaines de tonnes par jour. Au point de vue de l'agriculture, en
région, les vents, d'accord, il y en a quelques-uns à l'occasion
qui vont s'en aller sur le Saint-Laurent, mais il faut quand même
reconnaître, et c'est su au Québec, que le parc industriel de
Bécancour a été installé sur pratiquement les
meilleures terres. C'est parmi les meilleures terres du Québec surtout
au point de vue laitier.
Les alumineries, au point de vue laitier, c'est très mauvais. Le
fluor, cela va directement dans... Les alumineries, on me dira que sur la
Côte-Nord il n'y a pas ces problèmes de production laitière
et autres; d'accord, c'est peut-être moins pire, mais il y a quand
même une population. À Alcan -il y a eu des études faites
à l'Université de Montréal - le taux de cancer de la
région de Jonquière-Arvida est extrêmement
élevé. Il y a eu une étude de faite par M. Jean-Pierre
Toise, du département de géographie.
M. Beaumier: Je ne veux pas nécessairement
accréditer ce que vous venez de dire, mais c'est quand même
quelque chose qui est important. La technologie que présente Pechiney
pour le projet de Bécancour comme tel est de toute évidence bien
différente, beaucoup plus moderne avec des épurateurs à
sec; en tout cas, il y a toute une plomberie qui est dans cela. J'aimerais vous
poser la question suivante: Avez-vous eu l'occasion, sur une base technique, de
discuter avec soit des gens de Pechiney ou encore avec le ministère de
l'Environnement du Québec qui - avant-hier j'étais avec eux dans
le comté - semblent tout à fait contredire ce que vous dites ici
et qui n'est pas nécessairement vrai, du moins dans le texte que vous
présentez, qui est loin d'être prouvé; surtout qu'il se
base, puisque vous dites qu'il suffit de lire l'étude de Mme Calliope
Beaud, sur une aluminerie ou sur des alumineries qui sont nettement
antérieures à celles qui seront construites aujourd'hui et dont
la technologie a énormément progressé, surtout en ce qui
concerne la récupération des gaz et tout cela? C'est le jour et
la nuit.
M. Boucher (Jacques): Ce que nous disons, c'est que cela nous
suffit pour nous mettre la puce à l'oreille et demander qu'il y ait une
étude environnementale sérieuse sur la question. Au Québec
le ministère de l'Environnement. - je ne sais pas si on s'occupe d'autre
chose - n'inclut pas dans sa loi sur l'environnement, dans sa
réglementation de l'environnement, les alumineries. On dit qu'on ne les
inclura pas avant que l'Ontario ait fait de même. Mais c'est de la
juridiction du ministre de l'Environnement et du cabinet de demander qu'il y
ait une étude environnementale.
Comme le disait M. Jean-Claude Leclerc dans un éditorial du
Devoir, Pechiney ne devrait pas avoir peur de passer le test. À l'heure
actuelle, c'est démontré que Pechiney est une des grandes
compagnies pollueuses en France. C'est une des compagnies qui détiennent
les records de pollution. Peut-être qu'on a trouvé de nouvelles
méthodes mais quand on voit l'étude des répercussions
environnementales et qu'on voit tout ce qui va être libéré,
même après avoir passé à travers les
épurateurs, on se pose encore des questions.
M. Beaumier: Comme cela, M. Boucher, je comprends bien que
lorsque vous dites, par exemple, qu'entre autres l'agriculture risque
d'être complètement ruinée ou que vous parlez d'un
désastre écologique, ceci fait partie d'inquiétudes que
vous avez et non pas d'études.
M. Boucher (Jacques): C'est en consultant les études qu'on
a... Nous n'avons pas fait les études; on demande ces études; on
demande une étude sérieuse du gouvernement, des audiences
publiques sur la question. C'est ce qu'on demande.
M. Beaumier: Vous considérez que le ministère de
l'Environnement du Québec qui a donné le feu vert, quand
même...
M. Boucher (Jacques): II n'y en a pas eu d'étude de
faite.
M. Beaumier: Oui, il a fait une étude. ...qui a
donné le feu vert, ce n'est pas sérieux.
M. Boucher (Jacques): II n'y a pas eu d'étude d'impact sur
l'environnement qui a été faite par le ministère de
l'Environnement. Il n'y a pas eu...
M. Beaumier: Mais il y a eu un feu vert quand même qui a
été...
M. Boucher (Jacques): Les procédures normales pour une
implantation industrielle passent à côté des alumineries
à l'heure actuelle.
M. Beaumier: Donc il n'y a rien de prouvé sauf concernant
des anciennes alumineries en France auxquelles on faisait allusion
tantôt. Mais pour l'instant c'est...
M. Boucher (Jacques): Oui, mais des alumineries qui fonctionnent
ici au Québec à l'heure actuelle aussi. Quand je parle
d'Arvida...
M. Beaumier: L'ancienne technologie... Oui mais une technologie
qui n'est pas...
M. Boucher (Jacques): Juste à côté il y a la
Reynolds à la frontière de l'Ontario, du Québec et de
l'État de New York. Il y a des Indiens, il y a une réserve qui
vit juste à côté. Il y a une étude internationale
à l'heure actuelle justement sur les effets de cette aluminerie sur la
population. Premièrement, les vaches mouraient parce que leurs dents
cariaient, elles n'étaient plus capables de boire de l'eau et crevaient
de faim et de soif. Les enfants étaient atteints par la carie de dents.
Il y avait des photos d'enfants à qui on voyait les trous dans les
dents. C'est toute la région de Bécancour qui est
concernée. C'est la production laitière du Québec qui est
concernée. Ce sont les capitaux du Québec, les capitaux des
Québécois.
M. Beaumier: Avec une aluminerie qui, elle, a des technologies
modernes que vous n'avez pas eu l'occasion - et je le comprends peut-être
aussi - d'étudier plus à fond. Donc je note votre
inquiétude.
M. Vaillancourt (Jean-Guy): Et vous, avez-vous eu l'occasion de
voir que ce sont des technologies qui sont tellement supérieures et
qu'il n'y a pas de danger du tout? C'est cela le problème. Avez-vous la
certitude que ce sont vraiment des technologies nouvelles, que les promesses
qu'ils font ont des chances d'être retenues, etc.? C'est là la
question. Ce n'est pas de croire que ce sont probablement des technologies
nouvelles et prendre leur parole comme si c'était quelque chose
d'acquis.
M. Beaumier: Non. C'est qu'il y a eu quand même...
M. Vaillancourt (Jean-Guy): II n'y a pas eu d'audiences
publiques.
M. Beaumier: Non, mais il y a eu quand même accord des gens
du ministère de l'Environnement qui ont dit aussi aussi qu'ils allaient
suivre le dossier de près, qui disent qu'avec la nouvelle technologie il
n'y a pas de problème. Il y a des déchets mais il y a une
différence entre déchets et pollution. Il y a des déchets
mais il n'y a pas de pollution parce que la quantité - je ne suis pas un
spécialiste de la chose - ne crée pas de problème au
niveau de l'environnement et du ministère de l'Environnement. Alors je
considère que vous avez une inquiétude, comme tout le monde peut
avoir une inquiétude, mais cela ne s'applique pas nécessairement
à l'aluminerie de Bécancour.
Le Président (M. Vallières): Alors, je n'ai pas
d'autres intervenants. Il me reste à remercier les représentants
du Regroupement pour la surveillance du nucléaire et l'Alliance
Tournesol de leur participation, même s'il était tard.
Nous allons continuer avec un autre groupe, soit la Coopérative
d'habitation septième ciel de Québec. Si vous voulez bien vous
avancer, s'il vous plaît. La Coopérative d'habitation
septième ciel est représentée par M. Jean-François
Côté à titre de président. Est-ce que vous pourriez
nous indiquer qui vous accompagne?
Coopérative d'habitation septième
ciel
M. Côté (Jean-François): M. Michel
Belleau, qui était le recherchiste du projet qu'on a
présenté et au gouvernement provincial et au gouvernement
fédéral.
La Coopérative d'habitation septième ciel de Québec
a décidé de vous présenter ce mémoire afin de vous
sensibiliser à ses efforts pour inclure dans son projet d'habitation une
dimension énergétique novatrice tant dans l'application des
énergies nouvelles que dans la sensibilisation et l'éducation de
ses instances.
Il nous apparaît important que vous ayez le son de cloche d'un
groupe de citoyens et citoyennes qui a décidé de s'organiser et
de se définir un projet prometteur.
Nous aimerions, dans ce mémoire, vous faire part de nos
démarches auprès des instances gouvernementales afin d'obtenir la
réalisation de ce projet; non pas pour provoquer une polémique,
mais pour susciter une réflexion constructive sur les difficultés
rencontrées entre l'État, ses intentions et ses programmes, et
les personnes désireuses de prendre en main leurs affaires.
Dans ce mémoire, une première partie sera consacrée
à présenter brièvement la Coopérative d'habitation
septième ciel et l'ensemble du Bon Pasteur dont elle fait partie.
Suivront les grandes lignes du projet d'énergie de la coopérative
et les démarches effectuées afin de le réaliser. Enfin,
nous conclurons sur des recommandations au gouvernement afin d'aider des
dossiers similaires au nôtre à se réaliser.
C'est à l'été 1981 que la Coopérative
d'habitation septième ciel a été formée. C'est la
dernière coopérative à avoir été
formée par la Corporation d'aménagement du couvent du Bon
Pasteur, qui a été le maître d'oeuvre du recyclage de cet
ancien couvent, situé sur la colline parlementaire à
Québec. Nous sommes une coopérative d'habitation de 32 logements
a caractère familial et dont la majorité des membres est à
faible et moyen revenu (de 6000 $ à 14 000 $). Rappelons que le couvent
du Bon Pasteur, en phase terminale d'aménagement, est formé de
sept coopératives comprenant 240 logements de clientèle
variée allant des personnes
retraitées aux familles.
En 1979, le directeur général des énergies
nouvelles du ministère de l'Énergie et des Ressources du
Québec accordait une subvention à la Corporation du Bon Pasteur
afin de faire une étude favorisant la recherche et l'application des
mesures énergétiques adéquates applicables dans le
recyclage des vieux bâtiments. En utilisant cette étude comme base
et en reprenant à notre compte, à même notre budget de
construction, soit environ 20 000 $, une préoccupation de la Corporation
du Bon Pasteur depuis 1976, particulièrement par la Coopérative
d'habitation grandir en ville, nous avons choisi de nous impliquer dans
l'élaboration d'un projet en économie d'énergie.
Conscients des problèmes actuels et à venir dans le
domaine de l'énergie, les membres de la Coopérative
septième ciel voulaient pouvoir agir rationnellement sur ce point; leur
premier objectif était donc de réaliser un projet d'habitation le
plus économique possible en consommation d'énergie.
C'est ainsi qu'à la suite des recherches effectuées
à Bon Pasteur dans le domaine énergétique, cette
coopérative considérait qu'en appliquant des mesures techniques
adéquates, elle pouvait baisser sa consommation d'énergie de 20%
par rapport à un projet similiaire réalisé tel que requis
par la loi 9. (22 h 15)
La Coopérative septième ciel entendait donc prendre toutes
les mesures nécessaires afin de limiter sa consommation
énergétique, d'abord, par des mesures appropriées
d'économie d'énergie, mais nous aurions voulu aussi adopter un
système énergétique permettant une versatilité dans
le choix des sources d'énergie. Toutes ces mesures lui auraient permis
également de réduire le coût de la facture
d'énergie.
Cette coopérative ne voulait pas être innovatrice sur le
seul plan technique. Il fallait aussi que les habitudes des futurs
résidents se modifient et viennent confirmer cette volonté
d'économiser l'énergie. Le projet comprend donc un volet
important consacré à l'éducation des membres de la
coopérative. On voulait ainsi éviter de doter la
Coopérative septième ciel d'équipements techniques
novateurs avec des résidents et résidentes qui n'auraient pas
endossé l'objectif poursuivi.
Les responsables considéraient que la meilleure façon de
parvenir à un tel objectif était de faire de l'habitation
coopérative un projet de démonstration de l'utilisation
rationnelle d'énergie pour le recyclage de vieux immeubles et pour la
construction d'habitations à logements multiples en milieu urbain. De
cette façon, toute la population du Québec aurait pu
bénéficier de l'expérience Bon Pasteur au moment de
s'impliquer dans des initiatives analogues. La localisation
privilégiée de l'édifice et son intérêt
historique comme immeuble sauvé des démolisseurs par les citoyens
et citoyennes en fait un site idéal pour la réalisation d'un
exemple à diffuser auprès du public, plus particulièrement
les promoteurs immobiliers, soient-ils privés ou collectifs. Vous
trouverez en annexe le document de présentation du projet qu'on a
d'ailleurs déposé auprès de la commission.
C'est ainsi qu'au cours de l'été dernier, les
démarches pour l'obtention de subventions ont débuté. Nous
allons tenter de vous les résumer: Démarche auprès du
Bureau des économies d'énergie et auprès de la Direction
des énergies nouvelles à Québec. Après une
étude sommaire de notre projet, tout en le considérant
intéressant, on nous apprend qu'il n'y a pas de fonds disponible.
Démarche auprès d'Hydro-Québec pour obtenir la
tarification spéciale en fonction d'un système en énergie.
Après une rencontre avec des représentants d'Hydro-Québec,
au mois de septembre 1982, on attend encore une réponse officielle
à notre demande.
Démarche auprès de Gaz Inter-Cité Québec
Inc. Après une rencontre avec les représentants, on se rend
compte qu'il faut prévoir là aussi des infrastructures
coûteuses. Encore là, aucune subvention possible.
Démarche auprès du Bureau de conservation et des
énergies renouvelables Canada. Application au programme
fédéral-provincial de démonstration des économies
d'énergie et des énergies renouvelables. Malheureusement,
même si notre projet est admissible, le programme n'est pas en
application au Québec à la suite d'un différend entre les
deux gouvernements. Depuis ce temps, le programme a été
appliqué. Nous avons fait d'ailleurs une demande mais au stade de notre
projet, une bonne partie du projet qu'on avait demandé et
présenté n'est plus applicable.
Démarche auprès de la Société canadienne
d'hypothèques et de logement. Après une rencontre, on apprend
qu'il n'est pas possible que le programme de financement prévu pour la
coopérative comprenne la dépense pour l'installation d'un
système de chauffage à l'eau chaude. Voilà en bref les
portes où nous avons frappé.
Donc, nos efforts ont été vains. En fait, malgré
une publicité croissante de nos gouvernements dans ce domaine et
malgré la publicité des programmes d'aide financière pour
soutenir des expériences prometteuses, nous n'avons pu trouver le
financement nécessaire pour réaliser notre projet. Les
difficultés rencontrées et le manque de soutien concret ne sont
pas de nature à favoriser la prise en charge par les citoyens et
citoyennes de leur avenir énergétique.
Notre expérience a été décevante: Des
centaines d'heures d'effort, de bénévolat,
l'élaboration d'un projet, son insertion dans le programme architectural
de la coopérative, un retard de quatre mois sur l'ensemble du projet et
un ensemble de mesures énergétiques considérées
comme très valables laissées en plan faute du coup de pouce
nécessaire.
On en vient aux recommandations. Faciliter l'accès aux programmes
en formant un groupe de personnes-ressources facilement rejoignables et
permanentes, afin de divulguer, tout en vulgarisant, l'information
nécessaire à leur mise en oeuvre; élargir l'admission aux
programmes existants pour toutes les habitations, tant familiales
qu'unifamiliales -nous considérons que l'économie
d'énergie devrait s'appliquer à toutes les sortes d'habitations;
faire en sorte que les personnes ou les groupes de personnes accessibles aux
divers programmes d'économie d'énergie n'aient pas à subir
les politiques de concurrence du gouvernement ou de ses sociétés
- un exemple: Hydro-Québec par rapport à Gaz Inter-Cité -
voir à changer certaines lois du Code du bâtiment qui touchent
directement l'économie d'énergie - exemple, le chauffage au bois,
la pressurisation des corridors par les récupérateurs de chaleur
- voir à intégrer dans la réglementation du Code du
bâtiment des mesures destinées à favoriser les
économies d'énergie et les énergies nouvelles.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie M.
Côté. La parole est maintenant à M. le ministre.
M. Duhaime: D'abord, il y a une chose que je voudrais mentionner.
Vous faites plusieurs références, et c'est aussi repris dans vos
recommandations au sujet des lois, au Code du bâtiment. La nouvelle loi
est actuellement en vigueur pour les constructions nouvelles qui sont
désormais assujetties à des normes beaucoup plus strictes
d'efficacité énergétique. Je comprends que cela ne
règle pas le problème de votre coopérative parce qu'il ne
s'agit pas d'une construction nouvelle mais d'un projet de
rénovation.
Je sais qu'il y a eu des difficultés dans votre dossier. La note
que j'ai ici m'indique que vous faisiez une demande de subvention de 200 000 $.
Il est bien certain, que ce soit le ministère de l'Énergie et des
Ressources ou n'importe quel autre ministère qui administre des
programmes de subventions, le grand malheur, c'est que le gros de la subvention
qui était demandée était pour l'installation de la
tuyauterie pour un système de chauffage conventionnel à moins que
mes informations ne soient inexactes; ce genre d'intervention ne peut pas faire
l'objet d'une subvention. Je pense qu'on a quand même - il faut le
reconnaître - alloué une subvention de 11 000 $ à votre
coopérative pour l'étude de préfaisabilité pour
savoir s'il était possible d'installer un système de chauffe-eau
solaire. Je comprends qu'il y a des coûts inhérents et je voudrais
vous inciter à maintenir votre sensibilisation comme citoyen pour une
plus grande efficacité énergétique. Je pense qu'on a tous
et qu'on vise tous cet objectif-là. Vous allez comprendre assez
facilement qu'on ne peut pas non plus ouvrir les programmes de subventions du
gouvernement pour aller rejoindre l'ensemble de la problématique que
vous avez présentée. Une partie des subventions demandées
qui étaient reliées - il y en avait environ 10% suivant
l'évaluation que les fonctionnaires en ont faite au ministère -
directement à une installation de chauffage au bois. Ce qu'on fait; on
sensibilise les citoyens à un programme comme Énergain qui
fonctionne très bien. Il y a maintenant un an et demi ou deux ans,
lorsqu'on a lancé ce programme, cela paraissait un peu farfelu
l'objectif de rejoindre 1 000 000 de résidences sur une période
de huit ans, ce qui devait nous amener à un rythme de croisière
dépassant 125 000 résidences en termes de bilan effectué
l'an prochain. On est déjà à la hauteur de 125 000
à l'heure actuelle; le programme fonctionne donc très bien.
Votre projet est un projet pilote, en quelque sorte, sur la base d'une
structure de coopérative. Je ne serais pas prêt à modifier
les programmes d'aide ou de subventions pour aller rejoindre et payer la
totalité de l'effort énergétique que tout le monde est
prêt à faire pour essayer d'amoindrir les coûts. Je retiens
de votre mémoire que vous êtes des gens déçus
après avoir fait le "shopping", au ministère, à
Hydro-Québec et au niveau fédéral aussi; mais je pense
qu'on essaie de rejoindre le plus grand nombre possible des résidences
qui visent à l'efficacité énergétique. Je ne sais
pas si, plus tard, il y aura lieu d'amender ce programme qui coûte quand
même passablement d'argent. Quand Hydro-Québec va dans une seule
résidence effectuer un simple bilan, on évaluait que cela
coûtait à peu près 125 $ au départ: mais le chiffre,
en termes de temps, d'ouverture de dossier, d'analyse, etc., est au-dessus de
200 $ à l'heure actuelle. Dans votre cas ce fut 11 000 $. Si on le
divise par 32 logements, cela commence à faire un montant quand
même assez appréciable.
Cependant, je voudrais vous donner l'assurance que la loi 9 et le Code
du bâtiment, qui est en vigueur maintenant, ont resserré
énormément les normes d'efficacité
énergétique pour les nouvelles constructions. Est-ce que, dans un
avenir prochain, il y aura lieu d'introduire d'autres normes pour les
résidences déjà construites et là amener une
contrainte? Je vous avoue honnêtement que je ne suis pas tellement
prêt à faire
cela. J'aime mieux utiliser une méthode incitatrice avec des
programmes de subventions, de support et faire en sorte que le travail de
sensibilisation auprès de nos citoyens se fasse. Cela est nouveau dans
la problématique énergétique. Je me souviens, il n'y a pas
encore tellement d'années, qu'Hydro-Québec faisait des campagnes:
Si vous avez un Cascade 40, achetez-vous un Cascade 60. Aujourd'hui c'est
complètement tourné; on n'incite pas les gens à consommer,
on les incite plutôt à mieux consommer l'énergie.
Je tiens à vous remercier pour votre présentation et votre
mémoire qui a été, soyez en assurés, lu et
analysé. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à
ajouter.
M. Côté (Jean-François): J'aimerais vous
reprendre. Entre autres, les 11 000 $ dont vous parlez n'ont pas
été appliqués à notre coopérative, mais
à une autre coopérative en 1979.
M. Duhaime: Dans la même bâtisse.
M. Côté (Jean-François): Pas dans la
même bâtisse. Dans une autre bâtisse, mais dans le même
complexe.
M. Duhaime: Bon.
M. Côté (Jean-François): La raison pour
laquelle, tout en sachant que cette étude avait été faite,
on a décidé de poursuivre, c'est qu'on avait su qu'il y avait un
programme fédéral-provincial qui était en instance de
s'appliquer depuis au-delà d'un an et qu'on a décidé d'y
aller. La même raison aussi pour laquelle on a fait une demande... Cela a
l'air très gros quand on dit que la majorité de la subvention de
200 000 $ c'était pour la tuyauterie et le système de chauffage
central, c'est bien sûr; sauf qu'à notre point de vue, comparer un
système de chauffage à l'eau chaude à un système de
chauffage avec radiateurs électriques qui chauffent de l'air, il n'y a
pas de comparaison possible en ce qui a trait à l'économie qu'on
peut faire en chauffant juste avec des radiateurs électriques. Et s'il
n'y a jamais personne, que ce soit une maison unifamiliale ou que ce soit un
grosse maison, qui fait la démonstration que c'est possible, il n'y aura
jamais de développement. Quand les radiateurs électriques sont
arrivés, il a fallu qu'il y ait des gens qui les expérimentent et
qui prouvent que c'était rentable. Cela a été la
même chose pour d'autres systèmes. S'il n'y a jamais personne qui
fait la démonstration, les compagnies ne seront jamais
intéressées à développer des systèmes moins
dispendieux. C'est bien sûr que la coopérative n'avait pas les
moyens d'installer un système qui valait 150 000 $ au départ.
Pour ce qui est du développement, c'est de la même
façon qu'on a eu affaire avec, par exemple, Gaz Inter-Cité. Elle
a eu une subvention de 1500 $ par maison unifamiliale pour aider à
installer un système de chauffage central, sauf qu'on ne peut pas avoir
un système de chauffage central qui soit biénergétique
gaz-électricité; il peut être gaz-pétrole, mais il
ne peut pas être gaz-électricité. Et la subvention qui se
donne de 1500 $ pour le système de chauffage pour une maison, dans notre
cas, c'était 1500 $ pour 32 logements, ce qui fait que c'est très
difficile d'y aller. J'aimerais que Michel poursuive ici.
M. Belleau: Je voudrais juste faire un commentaire concernant
l'expérience avec la coopérative d'habitation septième
ciel. On s'est rendu compte qu'on était dans un certain cul-de-sac au
point de vue énergétique, c'est-à-dire que, finalement, on
était forcé de chauffer à l'électricité. (22
h 30)
La question que j'aimerais poser est: Au niveau des coûts
d'implantation des systèmes dans les bâtiments neufs ou
recyclés, c'est évident que les systèmes de chauffage
à l'eau chaude, comme on faisait auparavant, c'est nettement prohibitif
par rapport à un système avec des calorifères
électriques. Mais est-ce que c'est souhaitable que l'ensemble de la
société québécoise soit chauffé à
l'électricité? Au niveau d'Hydro-Québec et de l'ensemble
de la société québécoise, cela veut dire qu'on se
met à chauffer à l'électricité avec tout le
phénomène de la pointe, parce qu'avec les calorifères
électriques vous savez très bien qu'il n'y a aucun
contrôle; quand il fait froid, tout le monde chauffe en même temps.
Ce sont des données peut-être terre à terre, mais il faut
quand même se les poser en tant que société.
À un moment donné, on est allé le plus loin
possible pour définir un projet novateur. La vraie pierre d'achoppement
qu'on a eue, c'est vraiment le système central. Le système
central d'abord nous aurait permis une versatilité dans le choix des
énergies. On pensait, par exemple, à une époque,
introduire l'électricité et le gaz comme énergies
complémentaires. Là, on s'est aussi cogné sur la
compétition qui existe entre Hydro-Québec et le gaz. Je ne sais
pas si je vous l'apprends, mais le programme biénergie, qui était
un programme expérimental quant aux tarifs d'électricité,
n'était pas compatible avec le gaz naturel. C'est la biénergie
pétrole-électricité. Il y avait une clause qui disait que,
si vous aviez un système au gaz, vous ne pouviez pas avoir la
biénergie avec l'électricité. Ce ne sont pas des faits
majeurs, mais ce sont des éléments qui font que, lorsqu'on
définit un projet, on se rend compte à un moment
donné qu'on a fait le tour du jardin, qu'on tourne et qu'on est
obligé de revenir à des solutions tout à fait
traditionnelles.
Dans le fond, je vous renvoie un peu la balle. C'est un peu le sens de
notre participation ce soir. On ne vient pas - on vous l'a dit d'ailleurs -
faire de doléances pour un projet; on vient poser des questions qui ont
une envergure de société. Est-ce que cela veut dire que, pour des
raisons de coûts d'implantation des immeubles, soit dans le recyclage ou
dans l'immeuble neuf, on va transformer le Québec tout à
l'électricité, ou si, à un moment donné, on va se
poser la question? C'est un peu cela le sens de notre intervention.
M. Duhaime: II faut être clair là-dessus. 3e pense
que si vous avez pris connaissance des divers documents que le ministère
de l'Énergie et des Ressources a publiés depuis quelques
années, de même que ce qu'Hydro-Québec a fait aussi comme
promotion, il n'est pas question d'électrifier le Québec à
100% et toutes ses résidences. On va avoir un problème de pointe
sur les bras. Je pense que tout le monde va le concevoir. L'idéal serait
que nos industries qui consomment 365 jours par année soient à
l'électricité et que la plus grande partie de nos
résidences soient au gaz naturel et même au mazout pour être
capable de mieux gérer la pointe. La réponse est venue
d'elle-même: c'est le système biénergie. Pour
répondre à votre préoccupation, on travaille aujourd'hui
à des systèmes de polyénergie qui pourraient être
gaz-mazout-électricité. C'est dans ce sens-là qu'on va se
diriger.
On est dans une situation d'abondance énergétique.
L'expression est très relative. Il s'agit tout simplement de mieux
consommer, de gérer la demande et de gérer la pointe. Au
Québec, c'est nouveau. C'est un peu comme convaincre une
population comme la nôtre de ménager l'eau potable, pour ne pas
dire ménager l'eau chaude. En fait, on a grandi dans cette abondance et
on scandalise très souvent les Latino-Américains, les
Européens quand ils se baladent au Québec et qu'ils voient des
pelouses arrosées à l'eau potable qui' est passée dans les
usines de filtration. On peut faire exactement la même analogie dans le
secteur de la consommation énergétique globale, même
hydroélectrique. Vous soulevez un problème réel. La
réponse à cela va être des changements dans nos habitudes
comme consommateurs. Il va falloir qu'on fasse des ajustements au niveau de la
biénergie et même de la polyénergie. J'ai mentionné
gaz-mazout-hydroélectricité, mais il y a aussi les
systèmes solaires qui entrent de plus en plus dans des habitudes qui
n'existaient pas autrefois et il va y en avoir d'autres aussi.
M. Belleau: Est-ce que vous me permettez encore une petite
question? M. Duhaime: Bien sûr.
M. Belleau: Est-ce que vous voyez cela dans le sens de la
transformation de notre parc d'habitation actuel où la biénergie
et la polyénergie peuvent s'appliquer parce qu'on a déjà
des systèmes qui le permettent, ou si vous le voyez aussi pour le
développement des nouvelles résidences, soit unifamiliales ou
multifamiliales. On peut penser à transformer; c'est un peu ce
qu'Hydro-Québec fait actuellement, soit de transformer le parc actuel,
de favoriser la biénergie chez les gens qui utilisent le pétrole
actuellement. Mais, à plus long terme, soit dans le domaine du recyclage
ou du logement neuf, est-ce qu'on revient à l'électricité?
Il y a là une contrainte.
M. Duhaime: Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce
chiffre-là, mais, au moment où on s'en parle aujourd'hui, presque
40% des résidences du Québec sont encore chauffées
à l'huile.
M. Belleau: Oui.
M. Duhaime: Mais on sait une chose cependant. Dans les
constructions nouvelles, dans les zones hors gaz, par exemple, ces
résidences se branchent sur Hydro-Québec dans une proportion de
95%, je pense. Dans les zones gazières, ce sera de plus en plus vrai au
fur et à mesure que le réseau de gaz naturel va
pénétrer les régions du Québec. Il y aurait gros
à parier qu'il va y avoir un partage entre les nouvelles
résidences qui vont être chauffées tantôt au gaz
naturel, tantôt à l'électricité, tantôt
même aux deux. De toute évidence, c'est dans cette
direction-là qu'on s'en va. Le seul problème que cela pose, bien
sûr, à Hydro-Québec, c'est quand on se fixe des objectifs
de pénétration de l'hydroélectricité et du gaz. Ce
sont des chiffres globaux, sur des périodes données. On envisage
1985; on envisage 1990. Mais comment cela va-t-il retomber dans le secteur
résidentiel, dans le secteur industriel et commercial? On va le voir au
fur et à mesure que cela va se dérouler, et cela va nous obliger
à avoir des politiques de gestion de la pointe, parce que le
problème est toujours là. Mais la problématique change
aussi de ce côté-là. Autrefois, on craignait d'avoir des
installations qui ne se rentabiliseraient pas ou qui seraient plutôt
utilisées pendant les jours ou les mois de haute consommation.
Maintenant, il y a un nouveau débouché qui s'ouvre; c'est celui
de la possibilité, réelle maintenant, puisque les ententes sont
signées, d'écouler nos surplus sur le marché
américain à des prix qui sont à peu près le double
ce qu'on peut obtenir au Québec. Il est évident
que toute la problématique change à ce
moment-là.
Les problèmes que vous soulevez sont réels. Si vous me
demandez dans quelle direction on s'en va, je vous dis le plus clairement
possible qu'on a intérêt à utiliser
l'hydroélectricité, bien sûr, mais, en même temps, on
a intérêt à se diriger vers des programmes d'utilisation de
biénergie et même de polyénergie de façon à
soulager la pointe pendant les mois d'hiver au Québec et
bénéficier aussi du fait que la haute pointe ici correspond
à la basse pointe au sud. L'inverse est également vrai. Alors, il
y a un débouché pour le Québec, c'est évident.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Je pense que vous avez très bien fait valoir
votre point. Je n'ai pas d'autres questions à poser. Je vous
remercie.
Le Président (M. Vallières): II nous reste a vous
remercier d'avoir participé à nos travaux.
La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 38)