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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, May 3, 1983 - Vol. 27 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de la décision de la SEBJ et du rôle du premier ministre et de son bureau lors du règlement hors cour de la poursuite intentée à la suite du saccage de LG 2


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intenté à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Dussault (Châteauguay), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Vaillancourt (Jonquière) et M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Perron (Duplessis), M. Desbiens (Dubuc), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay (Chambly) et M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur de cette commission est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Les heures des travaux pour aujourd'hui sont de immédiatement jusqu'à 12 h 30. Nous reprendrons normalement, par suite d'une motion à l'Assemblée nationale, vers 15 heures 30, après la période des questions, puisque l'Assemblée nationale siégera à compter de 14 heures. Normalement, nous devrions siéger jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures ce soir. C'est le travail pour aujourd'hui.

M. Rodrigue: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. La personne invitée devant nous ce matin est toujours Me Rosaire Beaulé, sous le même serment. L'autre personne invitée devant cette commission est Me André Gadbois, qui sera notre invité après Me Rosaire Beaulé.

M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, sur la liste des membres de la commission, auriez- vous l'obligeance de remplacer le député de Beauharnois par le député de Chambly?

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Donc, M. Tremblay devient membre de la commission.

M. Rodrigue: Exact.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Les personnes convoquées

M. Lalonde: J'ai une question qui concerne l'organisation de nos travaux. Je me demande exactement où nous en sommes. Nous avons reçu hier une copie d'une lettre adressée au secrétaire des commissions par le directeur du cabinet du leader du gouvernement. Elle est datée du 2 mai et elle se lit comme suit: "M. le leader du gouvernement me prie de vous demander de convoquer M. André Gadbois pour la commission parlementaire de l'énergie et des ressources portant sur le saccage de LG 2, le mercredi 3 mai, à compter de 10 heures". Je me suis laissé dire aussi, M. le Président, que le leader du gouvernement a fait des déclarations à la presse à savoir qu'il ne resterait que quatre témoins, compte tenu, naturellement, de la décision qu'il vous reste à rendre sur le témoignage de M. le juge Jasmin, que ces témoins étaient Me Gadbois, M. Gauthier, M. Boivin et M. Lévesque et que Me Beaulé ne serait pas rappelé.

Or, nous recevons ce matin, émis par M. Valmont Bouliane, le secrétaire des commissions, un ordre du jour qui comprend les noms de Me Rosaire Beaulé et de Me André Gadbois. Est-ce qu'on pourrait nous expliquer les raisons de ces changements à la dernière minute?

Le Président (M. Jolivet): Avant d'aller plus loin, le responsable des commissions parlementaires vient de m'apporter une autre lettre qui indique que, le 3 mai, il y aura de convoqués Me Beaulé et Me Gadbois, à compter de 10 heures, ce qui fait l'ordre du jour de la journée. C'est la lettre qu'on a transmise au secrétariat des commissions.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous expliquer s'il a eu connaissance de ces changements?

M. Duhaime: M. le Président, à ma connaissance, aucun changement n'est intervenu. Nous avons ajourné nos travaux vendredi et le témoin qui était ici au moment de l'ajournement de vendredi était Me Rosaire Beaulé, il est ici ce matin. Le témoin suivant sera Me André Gadbois. Je l'ai annoncé il y a une semaine. Il n'y a eu aucun changement à ce sujet.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre est au courant de cette lettre du directeur de cabinet du leader du gouvernement, adressée à M. Valmont Bouliane hier, à savoir que Me Gadbois serait le témoin à compter de 10 heures?

M. Duhaime: Montrez-la-moi. Oui, c'est exactement dans le même sens que cela se faisait autrefois, M. le Président. il s'agit de prévenir Me Gadbois d'être à la disposition de la commission à compter de 10 heures ce matin. Il est ici. Est-ce que Me Gadbois est ici? Oui, il est là.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Le député de Marguerite-Bourgeoys vient de faire état de communications venant du bureau du leader et il a aussi fait allusion à une prétendue déclaration que j'aurais faite.

M. Lalonde: On m'a dit cela, oui.

M. Bertrand: "On m'a dit", c'est toujours très délicat. Il faut faire attention.

M. Lalonde: Vous parlez tellement.

M. Bertrand: II y a deux corrections à apporter, M. le Président. Premièrement, la lettre qui a été envoyée était pour indiquer à Me Gadbois que sa présence était effectivement requise devant la commission parlementaire aujourd'hui. Cela n'enlevait absolument rien à ce qui avait déjà été prévu de toute façon, à savoir que Me Beaulé revenait devant la commission. Il fallait, tout de même, indiquer à Me Gadbois qu'il était requis de se présenter devant la commission parlementaire aujourd'hui. Comme le secrétaire des commissions parlementaires le fait habituellement, les gens se présentent à 10 heures, c'est-à-dire à l'ouverture de la séance. Il n'est pas, évidemment, assuré qu'ils vont se faire entendre à 10 heures, mais c'est la procédure habituelle.

Deuxièmement, les propos que le député de Marguerite-Bourgeoys dit qu'on lui aurait rapportés sont absolument inexacts. Je n'ai fait absolument aucune affirmation de cette nature. Je n'ai fait aucune déclaration. Je vous dirai très sincèrement que je ne sais vraiment pas du tout combien de témoins il nous reste à entendre à cette commission parlementaire. Je sais que tout va très bien, semble-t-il, entre vous et le député de Saint-Maurice; vous vous accordez très bien à cette commission parlementaire. Le ministre de l'Énergie et des Ressources sait très bien comment les choses procèdent. Nous communiquons ensemble fréquemment. Cela étant dit, jamais je n'ai fait une déclaration à cet effet, jamais.

M. Lalonde: Je remercie vraiment le leader de ces précisions.

M. Bertrand: Est-ce que je suis obligé d'être assermenté?

Le Président (M. Jolivet): M. le leader, juste un instant, avant d'aller plus loin dans la question. J'ai, d'ailleurs, examiné les deux lettres qui ont été envoyées. J'ai cru voir une erreur qui s'était produite dans la lettre d'hier: on parlait de mercredi, le 3 mai, alors qu'on sait très bien que c'est mardi le 3 mai. La lettre suivante corrige à mardi 3 mai. Dans les deux cas, c'était le 3 mai; c'était la journée qui était mal inscrite probablement. Je fais simplement, de mon propre chef, cette constatation.

M. Lalonde: Je remercie le leader du gouvernement de ces précisions. Je comprends de ses propos qu'il n'a pas été question de mettre fin au témoignage de Me Beaulé à cette commission.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. Me Beaulé qui m'avait demandé d'apporter...

M. Ciaccia: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Après la séance de vendredi matin, l'invité, Me Beaulé, a donné une entrevue à la presse. Il a porté certaines accusations contre moi, à savoir que je harcelais le témoin. M. le Président, je crois que ces accusations ne sont pas justifiées. Premièrement, ces accusations touchent mon comportement comme député. Elles touchent aussi le rôle de la commission parlementaire et je dirais même le rôle de la présidence. Je trouve ces accusations totalement inadmissibles et injustifiées.

J'aurais une demande à vous adresser, M. le Président. Premièrement, je voudrais vous donner quelques exemples des réponses que Me Beaulé m'a données. Un exemple d'insolence et d'arrogance quand il m'a dit, à

la suite d'une question que je lui ai posée: "Je ne veux pas être obligé de donner un cours de droit.". Deuxièmement, un exemple pour montrer comment il détournait les questions que je lui posais: À la page 906, je lui avais dit...

M. Rodrigue: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, il ne s'agit pas là d'une question de règlement. Le député de Mont-Royal est en train d'essayer de faire un exposé en long et en large pour répondre aux remarques qu'on a lues dans toute la presse en fin de semaine, à savoir que son comportement était inqualifiable. Il ne s'agit pas d'une question de règlement ici et je pense que vous devriez lui demander de cesser cette fausse question de règlement.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Sur la question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, jusqu'à maintenant, je pense que les propos du député de Mont-Royal touchent exactement le point de notre règlement. Il s'agit de savoir si ce règlement...

M. Rodrigue: Lequel?

M. Lalonde: Vous ne connaissez pas ce règlement?

M. Rodrigue: Oui, mais lequel? Quel article?

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Lalonde: Le règlement et la Loi sur l'Assemblée nationale obligent le témoin à répondre à des questions conformément aux règles fondamentales et élémentaires...

M. Rodrigue: Qu'on nous dise à quel règlement on fait référence.

M. Lalonde: ...c'est-à-dire de façon directe, de façon franche et de façon à ne pas provoquer, non plus, les membres de cette commission. Et c'est ce que le député de Mont-Royal démontre. Je pense que, M. le Président, vous devriez lui laisser le temps de terminer sa question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière, sur la même question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, vous savez comme moi qu'il n'y a pas de questions de privilège en commission parlementaire. Il n'y a que des questions de règlement et je pense sincèrement que ce que veut soulever le député de Mont-Royal, c'est une question de privilège. Vous connaissez le règlement: il doit le faire une heure avant le début des travaux à l'Assemblée nationale. S'il veut se plaindre de propos qu'il considère comme étant diffamatoires et qui ont été tenus par un témoin de cette commission, il peut, en envoyant un avis à la présidence avant 13 heures, soulever une question de privilège à l'Assemblée nationale. Mais ce n'est certainement pas une question de règlement. Cela pourrait peut-être constituer une question de privilège, mais il doit suivre les règlements de l'Assemblée nationale à cet effet.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur la question de règlement.

M. Lalonde: Je pense qu'on a tous entendu le député de Mont-Royal dire qu'il s'agissait d'une question de règlement et non d'une question de privilège.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Lalonde: Je pense, en fait, que c'est à lui de nous l'indiquer. Il me semble qu'on devrait lui en laisser le loisir et ce serait une question de règlement s'il concluait en demandant au président de rappeler le témoin à l'ordre. Il pourrait le faire à chaque question et réponse qui ne serait pas conforme aux règles de l'interrogatoire et à l'obligation du témoin de répondre simplement aux questions. Il le fait d'une façon préliminaire au début d'une nouvelle séance. De ce côté-ci, les députés n'ont pas interrompu souvent le témoignage du témoin actuel pour vous demander de le rappeler à l'ordre. Je me souviens très bien que vous l'avez fait une fois; c'est fort bien. Cependant, je pense qu'on doit laisser le député de Mont-Royal expliciter sa question de règlement qui peut aboutir à une demande de rappel à l'ordre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, sur la question de règlement.

M. Laplante: Sur cette même question de règlement, j'aimerais que le député de Mont-Royal ait le courage de faire en dehors, et non pas protégé par l'immunité parlementaire, ce que Me Beaulé a dit à

l'extérieur. Qu'il le fasse lui-même aussi à l'extérieur pour s'enlever ce manteau d'immunité parlementaire qu'on peut avoir ici. Peut-être qu'il pourrait, à ce moment, dire publiquement sur enregistrement qu'il doute que Me Beaulé puisse avoir payé les avocats qu'il a engagés dans la cause du saccage de la Baie-James.

Le Président (M. Jolivet): Juste avant de continuer, M. le député de Mont-Royal, j'aimerais rappeler que nous commençons une semaine et que je n'ai pas l'intention qu'elle soit difficile, aussi bien pour vous que pour la personne en face de nous et pour l'ensemble des gens qui nous écoutent. Le député de Mont-Royal connaît les règles de cette commission parlementaire, mais il doit savoir aussi qu'on ne doit pas abuser des droits des parlementaires. Il faut faire bien attention parce qu'un point de règlement n'est pas une question de justification personnelle. Donc, je retiens ce que le député de Jonquière a dit: On ne peut pas faire de façon indirecte ce qu'on ne peut pas faire de façon directe. Donc, il n'est pas question ici de soulever des questions de privilège de façon indirecte.

J'ai eu l'occasion de rappeler, aussi bien à des membres de cette commission qu'à des personnes invitées dans certaines circonstances, de se respecter mutuellement. En conséquence, je voudrais savoir en quoi consiste votre question de règlement afin de décider si je dois la permettre ou non. M. le député de Mont-Royal.

Demande de directive

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai une directive à vous demander. Pour vous la demander, je serai très bref. J'ai quelques faits à vous exposer. Je vais terminer mon intervention, qui sera très brève, par une demande de directive à la présidence. Je dois exposer brièvement certains faits.

Je recommence. Premièrement, il y a eu insolence et arrogance de la part du témoin quand il a dit: "Je ne veux pas être obligé de donner un cours de droit". Il a détourné plusieurs de mes questions. Par exemple, quand je lui ai dit: Si la cause que vous nous avez exposée cet après-midi était aussi bonne, pourquoi êtes-vous allé voir Jean-Roch Boivin, il a détourné cela et il a répondu: Si la cause était aussi bonne, pourquoi tenter de la régler, c'était une de vos questions? Ce n'était pas ma question. Ma question était: Pourquoi aller voir Jean-Roch Boivin?

Il a eu des réponses à connotation raciste, M. le Président, quand le député...

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Ciaccia: ...a fait référence à la barrière de la langue...

Le Président (M. Jolivet): ...sur cette question-là, je vais quand même vous rappeler à l'ordre. Je l'ai, de mon propre chef, corrigé.

M. Ciaccia: De votre propre chef, oui, et j'étais pour le souligner. Il y a eu des contradictions...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont, sur une question de règlement. J'aimerais bien la connaître aussi.

M. Rodrigue: Vous avez demandé au député de Mont-Royal de vous indiquer à quel article du règlement il se référait et quelle question de règlement il soulevait. Or, il en profite encore pour faire le même bilan qu'il a tenté de faire tout à l'heure et, déguisé sous forme de directive, il est en train de répéter exactement ce qu'il voulait dire tout à l'heure. Qu'il passe donc immédiatement à la demande de directive, s'il en a une. Qu'il passe immédiatement à cette demande, s'il en a une.

M. Lalonde: Oui, cela vient, soyez patient.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, un argument supplémentaire pour vous aider dans votre réflexion. Pas un mot n'a encore été prononcé à cette commission parlementaire, ce matin, avant que le député de Mont-Royal prenne la parole. En quoi peut-on violer le règlement alors qu'aucun membre de cette commission ni le témoin n'a encore parlé? Pour qu'il y ait violation du règlement, il faut qu'un membre ait, en prenant la parole, violé ce règlement. Comment peut-on le violer quand on n'a pas pris la parole?

Le Président (M. Jolivet): La seule chose que j'ai comprise, c'est qu'on me demandait une directive. J'espère que le député y arrivera le plus rapidement possible pour que je puisse au moins répondre à sa demande de directive.

M. Ciaccia: Je voudrais aussi souligner...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre!

M. Ciaccia: Je voudrais aussi souligner que j'avais le droit de parole. Je vous demande une directive, mais je pouvais aussi exercer mon droit de parole.

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez avec votre demande de directive.

M. Lalonde: Un peu de politesse!

Une voix: Je n'ai pas de leçon de politesse à recevoir de vous ce matin, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Si vous voulez que les travaux puissent... À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Demandez donc au député...

Le Président (M. Jolivet): Je vous demande de m'aider et je suis assuré que je peux avoir votre aide. M. le député de Mont-Royal, en y allant rapidement avec votre demande de directive.

M. Ciaccia: Rapidement. Il y a eu des contradictions dans les réponses du témoin sur la réunion du 19 janvier. À un moment donné, il a dit qu'il avait eu un "feeling", et à un autre moment il a dit...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je pense que vous allez un peu trop loin dans la latitude que je vous ai laissée. J'aimerais connaître votre demande de directive pour que je puisse y répondre le plus rapidement possible. S'il n'y en a pas, je vais procéder immédiatement.

M. Ciaccia: M. le Président, avec tout le respect que je dois à la présidence, avant de demander la directive, je voudrais dire ceci, parce que vous ne pourrez pas répondre à ma demande de directive à moins que je ne vous donne quelques exemples. Si tous les membres de cette commission ont un peu de patience pour une autre minute ou deux, la question sera posée à la présidence et tout se terminera dans l'ordre, dans le calme et dans la modération.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, le seul problème que j'ai actuellement, c'est que je ne peux pas vous permettre de soulever une question de privilège, même si le règlement pourrait vous sembler assez large à ce sujet. Par le moyen que vous utilisez, je ne peux pas, non plus, faire en sorte que vous en arriviez aux mêmes fins que si vous souleviez une question de privilège.

Deuxièmement, la présidence doit se prononcer sur une demande de directive. Or, je n'ai pas à juger du fond des exemples que vous donnez actuellement. Je pourrais demander à chacun de me dire de quelle façon il a saisi les réponses données par l'invité de la semaine dernière et on pourrait probablement avoir beaucoup de divergences d'opinions. Ce sont des divergences d'opinions; c'est votre façon de voir les choses et Me Beaulé pourrait dire que, ce n'est pas ce qu'il a dit, et on arriverait alors à un débat que je ne veux pas. Ce que je voudrais, c'est votre demande de directive et je pourrai ensuite statuer si elle est recevable ou non.

M. Ciaccia: M. le Président, avant d'en venir à ma demande de directive, est-ce que j'exerce encore mon droit de parole?

Le Président (M. Jolivet): Vous avez toujours votre droit de parole, mais ce n'est pas sur ce temps que vous avez soulevé tout à l'heure une question de règlement. Une autre personne avait soulevé une question de règlement et, à ce moment, j'avais même proposé à Me Beaulé, qui m'avait demandé avant le début des travaux de faire une rectification, de la faire. Je n'avais pas encore commencé à calculer le temps du droit de parole arrêté vendredi dernier pour vous. (10 h 30)

M. Ciaccia: Alors, je vais en arriver à ma demande de directive très rapidement.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Ciaccia: Considérant que les réponses - je serai très bref- que le témoin, Me Beaulé, m'a données étaient contradictoires, que souvent il a refusé de répondre, qu'il a détourné mes questions, que ses réponses étaient évasives, qu'il a admis avoir détruit un document quelques jours avant même de venir à cette commission parlementaire...

M. Dussault: Une question de règlement, M. le Président.

M. Ciaccia: ...que son entrevue était, d'une certaine façon, liée à un comportement politique...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. ledéputé de Châteauguay, sur une question de règlement.

M. Dussault: Jeudi matin dernier, je vous ai demandé d'avoir la parole à cette commission et vous avez inscrit mon nom à ce moment; c'était avant le marathon interrogatoire et contre-interrogatoire du député de Mont-Royal qui a duré au-delà de quatre heures. M. le Président, j'attends toujours de pouvoir prendre la parole afin de poser au moins une question à Me Beaulé. Ce matin, le député de Mont-Royal nous fait perdre du temps, essaie de se justifier, essaie de renverser la vapeur par rapport aux impressions qu'il a laissées - c'est sa faute -la semaine dernière avec sa façon de poser

des questions à notre invité. Il m'empêche de prendre la parole et il retarde mon droit de parole.

M. le Président, je voudrais que vous soyez très strict. Qu'il aille directement à sa question de privilège. On en a assez de ses préambules. Il détourne le règlement depuis le début et j'en ai assez. Je veux parler à cette commission et je veux poser des questions à notre invité.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement. Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Dussault: Direct, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Simplement pour rappeler, d'abord, que ce n'est pas une question de règlement; c'est une demande de directive. Mais je voudrais que le député de Mont-Royal arrive à sa demande de directive. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais quand même faire une rectification parce qu'on a écrit beaucoup de choses. J'aimerais citer, pour corriger ce que le député de Châteauguay vient de dire, les statistiques du temps consacré à la commission, publiées par la commission par elle-même, par le Secrétariat des commissions. Pour Me Beaulé, les remarques préliminaires: 22 minutes; parti ministériel, questions et réponses: deux heures et cinq minutes; parti de l'Opposition: trois heures et huit minutes. Ce n'est pas six heures, ni cinq heures, ni quatre heures comme vient de le dire le député, c'est trois heures et huit minutes et cela comprend vendredi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Dussault: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, de la part du député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je voudrais rappeler au député de Marguerite-Bourgeoys que mon droit de parole vient après celui d'un député de l'Opposition, puisque le ministre a pris la parole avant le député de l'Opposition. Je parle de ce qui s'est passé après que le ministre eut exercé son droit de parole. Le mien commençait à la suite de celui du député de Mont-Royal qui ne cesse de parler et qui m'empêche de prendre la parole. Notre règlement parle bien de 20 minutes. On a renoncé à cela, mais on n'a pas renoncé, cependant, à la justice dans la distribution du droit de parole et c'est ce que j'exige ce matin: qu'on me fasse justice.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, votre demande de directive; sinon, je vous enlève le droit de parole...

M. Ciaccia: Oui, M. le Président. Très bien.

Le Président (M. Jolivet): ...parce que moi aussi, j'ai besoin de savoir ce sur quoi vous voulez me poser une question. J'ai hâte de le savoir.

M. Ciaccia: Pour vous aider dans la demande de directive, je voudrais juste porter à votre attention le fait que la durée des réponses que Me Beaulé a données au ministre était de 95 minutes.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas entrer dans cette dialectique.

M. Ciaccia: Non, c'est un autre élément.

Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire que souvent des questions aussi ont été longues de part et d'autre et des réponses ont été longues. S'il vous plaît, n'entrez pas dans cela.

M. Ciaccia: Non, juste pour dire que les réponses qu'il a données à mes questions étaient de 97 minutes. Alors, considérant...

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député.

M. Ciaccia: ...les réponses abusives, contradictoires, insolentes, à connotation raciste et le fait qu'il a détourné certaines questions; considérant son comportement politique quand il a dit que le but de la commission était de détruire le gouvernement...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député.

M. Ciaccia: ...et pas d'arriver à la vérité - ce n'est pas cela du tout - je vous demande, M. le Président, de rappeler le témoin à l'ordre. Je demande que vous rappeliez au témoin qu'il doit dire la vérité, seulement la vérité et que vous le rappeliez à l'ordre dans ses réponses et dans ses remarques.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, c'est très grave ce qu'il dit.

Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député. M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, j'ai relu mon Code criminel en fin de semaine parce que ce qui se passe ici en commission me répugne passablement. Il y un article du Code criminel qui dit très clairement: Lorsqu'une personne est assermentée et qu'une autre personne prétend que cette personne ne dit pas la vérité, qu'elle ait le courage de prendre des procédures en droit criminel devant les tribunaux de droit commun et ce crime on l'appelle "parjure".

Une voix: Faites-le.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, un confrère, membre du barreau, vient d'alléguer ici qu'un autre membre du barreau, assermenté, n'aurait pas dit la vérité et aurait, dans son même témoignage, eu des réponses contradictoires.

M. Lalonde: Non, non. Question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je dis à ce confrère député, s'il en a le courage, de prendre les procédures prévues par le droit commun aux articles du Code criminel et qu'il intente des poursuites devant les tribunaux qui sont compétents pour entendre ce genre de cause et qu'on cesse de se couvrir par l'immunité parlementaire.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, le député de Jonquière a peut-être mal saisi le sens et même la substance des propos du député de Mont-Royal. Il a demandé cela à cause de certains exemples de réponses évasives - par exemple, cela a pris plusieurs questions pour savoir qui était "le qui de droit" mentionné par M. Boivin...

Une voix: M. Beaulé.

M. Lalonde: ...à M. Beaulé - et parce qu'il a trouvé ce qu'il considère comme des contradictions. Il me semble que le député de Jonquière, qui a pratiqué devant le prétoire pendant de longues années, devrait se rappeler qu'on peut se tromper, qu'on peut donner une réponse incomplète, sans nécessairement être assujetti à un parjure, sans que ce soit un mensonge. C'est pour cela, d'ailleurs, que les questions sont souvent répétitives.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je sais tout ce que vous dites, sauf que j'ai très bien entendu le député de Mont-Royal dire: Considérant que le témoin ne dit pas la vérité...

M. Ciaccia: C'est faux.

M. Vaillancourt (Jonquière): Considérant que le témoin a eu des réponses contradictoires...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, à l'ordre, à l'ordre!

M. Ciaccia: Non.

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui. C'est grave. On va faire relever les propos.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Lalonde: Ce n'est pas ce que j'ai entendu.

Le Président (M. Jolivet): Cependant, ce que j'ai à répondre, c'est à une demande de directive.

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement, c'est très important.

Le Président (M. Jolivet): Je le sais, je le sais.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

M. Ciaccia: Article 96.

Le Président (M. Jolivet): Je le sais, sauf que, pour pouvoir l'entendre comme il faut, je dois avoir le calme de part et d'autre. J'ai l'intention de l'avoir aussi. D'abord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, en terminant rapidement avec une question de règlement.

M. Lalonde: J'aimerais que le député de Jonquière et les autres aussi comprennent la situation dans laquelle nous sommes tous d'ailleurs autour de cette table...

M. Laplante: Non, non, ne nous mettez pas avec vous.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Lalonde: Si le député de Bourassa ne veut pas participer à nos travaux, c'est son problème.

M. Laplante: Votre pourriture, gardez-la de votre bord.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Lalonde: On nous a confié un mandat. Nous représentons ici l'Assemblée nationale. Nous avons un rôle à jouer qui consiste à poser des questions et aussi, éventuellement, à porter un jugement et à tirer des conclusions. D'ailleurs - l'exemple est sûrement boiteux - le juge au prétoire peut décider qu'il ne croira pas un témoin et ils sont tous assermentés; il peut décider d'accorder plus de crédibilité à un qu'à un autre, d'ailleurs, dans les causes civiles autant que criminelles, sans que cela donne ouverture à des parjures. Alors, c'est pour cela que, lorsqu'on met en doute la bonne foi d'un témoin, ce qui semble être sa décision, sa disposition d'aider la commission de façon directe et complète, on ne veut pas nécessairement dire qu'il a menti, qu'il est sujet à parjure. On demande au président -c'est ce que j'ai compris de la demande de directive - de rappeler au témoin qu'il est un témoin ici, qu'il n'est pas le protecteur du premier ministre et qu'il n'est pas là pour protéger la crédibilité du premier ministre, comme il semble le dire ou, enfin, il y a fait référence dans une conférence de presse après la séance de vendredi. C'est au président qu'on doit adresser cette demande et lui peut dire au témoin: Vous êtes un témoin; on vous pose une question, donnez donc une réponse complète et simple, pas d'argumentation, pas de provocation, pas d'évasion.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Non, non, je ne permettrai plus qu'on...

M. Vaillancourt (Jonquière): En réponse au député de Marguerite-Bourgeoys...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. Non, je ne permettrai...

M. Vaillancourt (Jonquière): II a fait allusion aux remarques que j'ai tenues.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, seulement un instant. Je ne veux pas qu'on commence un dialogue. C'est ce que je craignais et, compte tenu qu'il risque d'y avoir un dialogue, je cesse la discussion sur l'ensemble...

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): ...de façon qu'on évite que, de chaque côté ou en face, on ait l'impression qu'il y a un chassé-croisé de part et d'autre sur la crédibilité d'une personne ou d'une autre. Peut-être que de cette façon, je n'agirai pas selon l'art des disciples de Thémis, mais une chose est certaine, c'est que je vais essayer d'agir en toute justice. Moi aussi, en fin de semaine, comme je vous le disais, j'ai eu à voyager et j'ai eu l'occasion de voir beaucoup de monde sur le déroulement de l'ensemble de la commission, j'ai essayé de voir s'il y avait moyen de faire en sorte que, d'abord, de part et d'autre, on puisse être capable de mener à bien le mandat qui nous a été confié.

Ce mandat qui nous a été confié, je vais vous le relire encore une fois, simplement pour qu'on puisse savoir où on va ce matin: "Examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard."

En conséquence, je n'accepterai pas que qui que ce soit - comme je l'ai demandé au député de Mont-Royal à un moment donné -revienne sur le sujet ce matin, parce que je pense avoir été bien clair, vendredi dernier, pour protéger les droits des parlementaires aussi bien que ceux des invités. J'ai, à ce moment, demandé à l'invité de retirer certaines paroles.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je vais d'abord terminer mon droit de parole. À partir de cela, j'ai dit et j'ai répété, la semaine dernière - je n'ai pas besoin de le lui répéter ce matin, vous m'avez demandé une directive et je vais la donner dans ce sens - à toutes les personnes qui étaient sous serment que ces personnes doivent, en vertu du serment, dire la vérité et toute la vérité. Même si on essaie, dans certaines circonstances, de saisir l'ensemble de la vérité par des questions additionnelles, il y a une chose qui est certaine: comme on dit dans notre règlement qu'on doit croire la parole de celui qui affirme en commission ou en Chambre des choses sous son droit de député, par analogie, au niveau du serment, j'ai demandé que, si la personne répète à cinq, trois ou deux reprises la même réponse, on commence à penser qu'elle dit la vérité et qu'on cesse de vouloir affirmer qu'elle n'a pas dit la vérité. En conséquence, je ne rendrai pas à votre demande de directive des réponses qui affirmeraient que la personne qui est devant nous, sous serment, ne dit pas la vérité.

Je dois aussi vous rappeler que les travaux de cette commission se sont bien

déroulés jusqu'à maintenant malgré les accrocs qu'il y a eu. Ce sont des accrochages normaux, de temps à autre, lorsqu'on est dans un forum où il y a deux partis politiques qui s'affrontent.

D'un autre côté, je crois aussi comprendre que les témoins, comme vous les appelez, ou les invités, comme je les appelle, ont droit, tout comme les membres de cette commission, au respect. En conséquence, je vais essayer, malgré la difficulté que cela comporte, de faire en sorte que chacun d'entre nous agisse le plus brièvement possible, malgré le fait qu'on ait laissé tomber la règle des vingt minutes. Là, c'est pour répondre à la demande du député de Châteauguay. Je ne peux en aucune façon revenir, comme président, sur une décision qui ne m'appartient plus, mais qui appartient à l'ensemble des députés de cette commission et non pas à un seul membre. Le temps imparti à chaque député, c'est à lui de le définir en essayant, cependant, de faire en sorte qu'on n'en abuse pas. Le député de Marguerite-Bourgeoys a dit qu'il fallait que les réponses soient brèves; je veux dire aussi que les questions doivent être brèves. Je vous ai rappelé la décision que le président a rendue à l'Assemblée nationale sur les questions et les réponses de sorte qu'on sache où on va. Si la personne qui a à répondre à une question la reçoit rapidement, sans aucun préambule, peut-être nous aidera-t-elle à arriver à ce qu'on veut tous, c'est-à-dire éclairer la commission sur le mandat qui nous est dévolu. En ce sens, j'espère qu'à partir de ce moment chacun aura au moins la disciple et la gentilhommerie nécessaires pour faire en sorte qu'on puisse, avec Me Beaulé, passer à travers les réponses qu'il a à nous donner afin que, dans le courant de la journée, on puisse inviter Me Gadbois.

Cela dit, je voudrais éviter - je vois des personnes qui veulent encore une fois soulever des questions de règlement - s'il vous plaît, qu'un débat entre avocats ne se déroule ici. Ce n'est pas notre râle. Ce n'est pas entre nous que cela doit se dérouler, c'est entre nous et la personne qui est invitée.

M. le député de Jonquière. (10 h 45)

M. Vaillancourt (Jonquière): Sans le vouloir, M. le député de Marguerite-Bourgeoys a induit, peut-être pas les membres de la commission, mais les téléspectateurs en erreur. Il a dit qu'un juge, devant un tribunal de droit commun, pouvait accorder plus de crédibilité à un témoin qu'à un autre. C'est vrai. Par contre, je lui rappellerai modestement que nous ne sommes pas un tribunal ici, que le président de la commission n'est pas un juge, qu'il n'y a pas d'accusé et qu'il n'y a pas de procès. Puisqu'il veut faire référence aux tribunaux de droit commun, je lui dirai que, lorsqu'une partie produit un témoin - et, à ma connaissance, il est le témoin de la commission, pas plus d'un parti que de l'autre - avant de le contre-interroger, il faut que le témoin soit déclaré hostile par le tribunal. C'est la seule raison dans le droit de la preuve criminelle au Canada, si vous voulez faire référence au droit commun. Si l'on veut contre-interroger de façon agressive son propre témoin, il faut au préalable obtenir que ce témoin-là soit déclaré hostile, ce qui n'a pas été le cas actuellement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, d'accord, c'est la dernière intervention.

M. Lalonde: Je suis fort conscient de cette difficulté. Nous ne sommes pas un tribunal; c'est pour cela, d'ailleurs, que j'avais demandé une commission d'enquête indépendante. On nous a imposé la commission parlementaire. J'aimerais aussi avoir tout le jeu de règles claires qu'on retrouve devant un tribunal, à savoir qu'on n'a pas le droit de contre-interroger son propre témoin à moins qu'il ne soit déclaré hostile, etc. Mais il arrive qu'on a cette situation où l'on doit interroger un témoin. Il est le témoin de tout le monde, c'est vrai. Il faut poser souvent de nombreuses questions. Je ne reviendrai pas là-dessus, M. le Président, mais j'aurais une question à poser en ce qui concerne l'organisation de nos travaux au début de cette semaine. Avant de passer à Me Beaulé, j'aimerais savoir s'il est vrai que le Secrétariat des commissions a reçu - j'ai entendu cela à la radio - de M. Yvan Latouche une demande d'être entendu. Est-ce que cette demande a effectivement été reçue?

Le Président (M. Jolivet): Effectivement, cette demande a été reçue. Elle est transmise normalement pour décision finale là où il se doit. Vous savez que je ne réglerai pas cela ici devant la commission parlementaire. Je vais laisser à ceux qui ont le devoir et le pouvoir le soin de décider de cette intervention. Je ne reprendrai pas le débat qui doit avoir lieu ailleurs qu'ici. Ce que je sais, c'est qu'une telle demande est arrivée au Secrétariat des commissions. Comme le président de la commission n'a pas à décider qui doit être ici, je n'ai pas, non plus, à déposer quoi que ce soit pour le moment.

M. Lalonde: Est-ce que je peux adresser ma question au ministre, à savoir s'il a l'intention maintenant de convoquer M. Latouche?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je n'ai aucune raison supplémentaire qui pourrait me faire changer d'opinion, M. le Président.

M. Lalonde: En ce qui concerne M. Maurice Pouliot, je voulais apporter un renseignement additionnel au ministre. Il me disait: M. Pouliot, on le convoquera seulement si on a des raisons de croire qu'il a eu un rapport direct avec l'événement en question. Est-ce que je pourrais exhiber au ministre une copie de la transaction, qui est en fait le règlement, déposée, d'ailleurs, par M. Joron en réponse à une motion que j'avais inscrite au feuilleton le 26 avril 1979, et qui comporte ici, M. le ministre, la signature de M. Maurice Pouliot pour le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction? Est-ce qu'être signataire de ce règlement est suffisant pour être appelé comme témoin ou s'il faut l'avoir écrit soi-même?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Je répondrai au député de Marguerite-Bourgeoys, M. le Président, essentiellement la même chose que je lui ai dite la semaine dernière. S'il a une motion à faire dans le sens qu'il vient de l'indiquer, qu'il la fasse.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

Applicabilité de l'article 730 de l'ancien règlement

M. Duhaime: Sur la question de règlement qui a été soulevée tantôt par le député de Marguerite-Bourgeoys et tantôt par le député de Jonquière, je voudrais faire une question de règlement qui porte, bien sûr, sur le point qui est soulevé ce matin, en nous rappelant une fausse impression qui se répand un peu partout, à savoir qu'il n'y aurait pas de règles ni de règlements qui nous gouvernent à cette commission. Je voudrais, M. le Président, m'inscrire en faux contre cette prétention et dire que nous avons effectivement un règlement qui régit les travaux de cette commission.

L'article 163 de notre règlement dit: "A moins de dispositions contraires, les règles relatives à l'Assemblée - on réfère à l'Assemblée nationale - s'appliquent aux commissions."

Je rappelle essentiellement aussi le chapitre XV du règlement de l'Assemblée nationale au sujet des questions et dépôts de documents. Je vais lire l'article 168, M. le Président: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Est irrecevable une question, premièrement, qui est précédée d'un préambule inutile; deuxièmement, qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motif; troisièmement, dont la réponse serait une opinion professionnelle ou une appréciation personnelle."

L'article 169: "Aucune question écrite ne peut être posée à moins qu'il n'en ait été donné avis." Cela ne nous concerne pas, pour l'instant. L'article 170: "La réponse à une question doit se limiter au point qu'elle touche, être brève et claire et ne contenir ni argument ni expression d'opinion. Toutefois, une certaine latitude est accordée aux ministres. Une réponse est tenue pour finale."

Le problème que nous avons, M. le Président, c'est que les règles régissant l'Assemblée nationale et s'appliquant aux commissions ont rapport aux questions des députés de l'Assemblée adressées aux ministres. La difficulté, c'est que le règlement qui nous régit est silencieux lorsque des témoins sont appelés à comparaître, soit devant l'Assemblée nationale, soit devant une commission. Or, l'article 3 de notre règlement actuel nous permet de faire référence à l'ancien règlement puisque l'ancien règlement a été évoqué avec profit, semble-t-il, vendredi dernier par le député de Marguerite-Bourgeoys.

L'article 3 dit ceci: "La procédure de l'Assemblée nationale du Québec est réglée: premièrement, par des lois; deuxièmement, par le règlement; troisièmement, par des règlements adoptés pour la durée d'une seule session; quatrièmement, par des ordres spéciaux adoptés par l'Assemblée et dont l'effet est limité aux matières pour lesquelles ils sont votés; cinquièmement, par les précédents établis par suite de l'interprétation des lois et du règlement."

L'article 4 dit: "Dans un cas non prévu par les règles de procédure ou dans un cas de divergence d'opinions sur l'interprétation d'une règle de procédure, le président décide en tenant compte des usages de l'Assemblée depuis son origine."

Avec l'article 3 et l'article 4 du règlement actuel, M. le Président, je vous soumets respectueusement l'ancien règlement qui est connu sous le nom de Règlement annoté de l'Assemblée législative. L'édition que j'ai date de 1941. Je vais vous lire l'article 730, au premier paragraphe: "Quand un témoin comparaît devant la Chambre, l'orateur lui pose les questions que la Chambre, sur la proposition de tout député, a décidé de poser à ce témoin. Deuxièmement, du consentement général, un député peut poser directement des questions au témoin et les questions sont alors censées posées par l'orateur et les réponses doivent être adressées à l'orateur. Troisièmement, dans l'interrogatoire d'un témoin, les

questions et les réponses doivent être faites en termes respectueux. Si le témoin se sert de termes irrespectueux, l'orateur peut le réprimander ou l'admonester immédiatement. Quatrièmement - c'est peut-être le paragraphe le plus important - quand un député interroge directement un témoin, les autres députés peuvent s'opposer aux questions pour quelqu'une des raisons que les parties ou leurs avocats peuvent généralement invoquer au cours d'un interrogatoire judiciaire. Cinquièmement, s'il est fait quelque objection ou si quelque dispute s'élève, la Chambre peut ordonner au témoin de se retirer pour la durée de la discussion qui s'ensuit."

Jusqu'à présent, M. le Président, je n'ai pas fait appel à l'article 730 de l'ancien règlement pour une raison très simple: c'est que j'aurais cru qu'au cours des travaux de cette commission, dont nous entamons aujourd'hui la cinquième semaine, les députés de l'Opposition libérale auraient manifesté ce que j'appellerais un sens du respect de nos institutions, que ce soit l'Assemblée nationale ou la commission parlementaire, et je dirais aussi un minimum de respect envers les personnes qui sont appelées à comparaître devant notre commission parlementaire. Dans la question de règlement que je formule, je vous demanderais, M. le Président, de statuer sur l'application de l'article 730 de l'ancien règlement. Les articles 3 et 4 du règlement actuel ouvrent cette voie et je dirai tout de suite à l'Opposition que, sur chaque question qui pourrait être irrecevable suivant les règles de la loi de la preuve, en vertu du droit criminel canadien ou encore en vertu des lois et des règles du Code de procédure civile, je formulerai une objection de fond et il y aura argumentation chaque fois.

Si, M. le Président, au début des travaux de cette commission, j'ai donné non pas un consentement explicite, mais un consentement silencieux et implicite - et je le maintiens - à savoir que nous n'allions pas limiter le droit de parole des députés autour de cette table, j'ai tenu pour acquis que, ce faisant, nous introduisions dans nos débats une souplesse beaucoup plus grande pour permettre que toutes les questions puissent être posées et que la question de fond sur laquelle porte le mandat de la commission puisse être vidée. Je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus, M. le Président, mais je suis absolument convaincu que, si nos règles de procédure et si le règlement de l'Assemblée nationale étaient respectés, ce n'est en aucun cas un problème de temps que nous aurions. Je suis absolument certain que le contre-interrogatoire, que mène, depuis 17 h 55, jeudi soir, le député de Mont-Royal à l'endroit de Me Rosaire Beaulé, est irrecevable dans sa presque totalité. Je dis, M. le Président, que j'interviendrai chaque fois, mais, avant de ce faire, je vous demanderais de statuer sur la question de règlement quant à l'applicabilité de l'article 730 de l'ancien règlement, permis par les articles 3 et 4 du règlement actuel de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le Président, le ministre vient de découvrir l'article 730 de l'ancien règlement. Je pense qu'il ne faut y voir là qu'une coïncidence que, tout à coup, il découvre cet article au moment où les témoins commencent à pénétrer dans le bureau du premier ministre. Ce n'est que coïncidence due à l'effet du hasard. Il va maintenant se faire le défenseur des prochains témoins, MM. Gauthier, Boivin, Lévesque. Quant à Me Jasmin, je ne sais pas, M. le Président. Justement, est-ce que je peux, en passant, vous demander de répondre à cette question éventuellement: Quand peut-on s'attendre d'entendre la décision de la présidence sur le témoignage de Me Jasmin?

En ce qui concerne la question de règlement du ministre, il n'y a rien de nouveau. Absolument rien de nouveau! Naturellement, il a oublié de lire l'article 731: "Lorsqu'un témoin comparaît devant un comité plénier - on peut assimiler la commission parlementaire à un comité plénier - tout député peut lui poser des questions directement". Je voulais simplement apporter cette précision parce qu'à l'article 730, on dit que, quand un témoin comparaît devant la Chambre, la règle serait qu'un député doit passer par le président pour poser ses questions.

D'ailleurs, jusqu'à maintenant, à quelques reprises, le ministre et d'autres députés se sont interposés, ont fait des objections contre une question ou l'autre posée par un autre député. Personne ne s'est opposé à ce que cette objection se fasse et à cette manière de procéder. Au contraire, je croyais que le ministre avait lu l'article 730. De ce côté-ci, nous l'avions tous en mémoire, j'en suis convaincu, quoi que je n'ai pas consulté mes collègues à ce sujet. Je l'avais devant moi, d'ailleurs, lorsque le ministre a soulevé la question.

On sait, par exemple, qu'à l'article 730, si vous allez voir Cushing no 983, on dit ceci: "Un témoin ne peut refuser de répondre à une question sous le prétexte que sa réponse peut l'exposer à une poursuite civile ou criminelle, qu'il a fait le serment de ne pas révéler les faits sur lesquels on l'interroge, qu'il est tenu au secret professionnel ou que son avocat l'informe qu'il ne peut répondre sans courir le risque de s'incriminer ou de s'exposer à une poursuite civile. Quand un témoin refuse de

répondre de façon directe et complète à une question qui n'a pas été jugée irrégulière, l'orateur l'admoneste." Admonestez, M. le Président! Et ainsi de suite, M. le Président. Ce sont toutes des règles assez élémentaires de l'enquête.

Je pense que le ministre vient de s'apercevoir, même s'il refuse depuis cinq semaines de s'en rendre compte, que c'est une enquête que nous faisons. Ce n'est pas une discussion de salon. C'est réellement un procès où il y a un accusé. Je regrette de le dire: II y a un accusé - parce que le premier ministre a été accusé d'avoir trompé la Chambre, l'Assemblée nationale - et c'est pour cela que nous sommes ici. Il n'y a pas d'accusé dans le sens du tribunal. Ce n'est sûrement pas le témoin qui est accusé, non plus. (11 heures)

Mais, lorsque l'un ou l'autre s'aperçoit ou, enfin, a le sentiment, vrai ou faux, qu'un témoin ne répond pas avec tout l'enthousiasme et la mémoire qu'on pourrait lui souhaiter. Même en interrogatoire direct, on peut lui préciser la question, l'aider à rafraîchir sa mémoire. D'ailleurs, je ne veux pas provoquer le député de Jonquière qui a fait quelques interventions. Lui-même a sûrement vu et participé à des contre-interrogatoires drôlement plus serrés et plus sérieux que ceux que vous avez entendus ici depuis quelques semaines.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'était pas mon témoin.

M. Lalonde: Non, non, je ne veux pas revenir là-dessus, à savoir si c'est notre témoin ou non, mais je pense que, jusqu'à maintenant, la présidence a compris ce que tout le monde a compris, soit qu'il y a des témoins qui sont vus comme étant ceux du gouvernement et qui sont interrogés par l'Opposition comme dans un contre-interrogatoire.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député, mais vous mettez dans ma pensée des choses que je n'ai aucunement. Dans la neutralité que doit représenter la présidence, j'aimerais que vous ne m'impliquiez dans aucune opinion que chacun peut avoir.

M. Lalonde: Je ne veux pas suggérer, M. le Président, que vous avez une opinion que vous n'avez pas à exprimer. Je veux simplement dire que, depuis cinq semaines, il est arrivé à plusieurs reprises des questions que vous n'avez pas trouvées irrégulières, des questions qui contenaient une suggestion qui était de nature à aider le témoin à se souvenir de choses dont il ne se souvenait pas précédemment. Ce n'est pas tout à fait un contre-interrogatoire, mais c'est sûrement différent d'un interrogatoire direct. Nous sommes parfaitement d'accord avec la nouvelle vigilance du ministre. Nous constatons cette coïncidence et nous allons continuer, quant à nous, à rechercher la vérité. Je vous laisse le soin de continuer d'appliquer le règlement avec la sagesse dont vous avez fait preuve jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la même question de règlement.

M. Duhaime: Je voudrais lire au député de Marguerite-Bourgeoys l'article 80 du règlement de l'Assemblée nationale. "Lorsqu'un député désire accuser un de ses collègues d'un acte qui le rend indigne de siéger à l'Assemblée, il doit présenter une motion de fond annoncée dans laquelle il énonce l'accusation en termes explicites mais modérés, et il doit conclure à ce que la commission de l'Assemblée nationale procède à une enquête pour constater si l'accusation est fondée. Cette motion a priorité sur toute autre affaire du jour. "Lorsque la motion est appelée, celui qui l'a proposée doit préciser ses accusations et le député dont la conduite est mise en cause doit se retirer mais, auparavant, il peut s'expliquer. "Si l'enquête ne prouve pas que l'accusation est fondée, le député qui l'a portée peut être trouvé coupable d'une violation des droits de l'Assemblée ou d'un de ses membres."

Lorsque le député de Marguerite-Bourgeoys dit qu'il y a ici un accusé, j'ai comme l'impression qu'il évoque un procès par contumace, mais je voudrais rappeler aux libéraux leur grand courage. Vous connaissez bien l'article 80. Aucun d'entre vous, aucun, du premier jusqu'au dernier, n'a voulu utiliser l'article 80 à l'invitation même du premier ministre à l'Assemblée nationale il y a maintenant six semaines. Il y a maintenant six semaines. Si le député de Marguerite-Bourgeoys rêve de voir un accusé devant cette commission, on peut suspendre nos travaux et vous pourrez vous servir de l'article 80 cet après-midi à l'Assemblée nationale avec les sanctions impliquées au paragraphe 3 que je vais vous relire. "Si l'enquête ne prouve pas que l'accusation est fondée, le député qui l'a portée peut être trouvé coupable d'une violation des droits de l'Assemblée ou d'un de ses membres."

Il y a eu des précédents dans le passé devant le comité des privilèges et élections qui est devenu aujourd'hui le comité de l'Assemblée nationale ou la commission de l'Assemblée nationale. Or, le mandat de cette commission implique qu'il n'y a ni accusateur, qu'il n'y a ni accusé et le mandat de la commission - le président vient de le lire - ne découle pas d'une accusation qui a été portée par un membre de

l'Assemblée nationale à l'endroit du premier ministre. Il ne peut donc s'agir de procès. Il ne peut donc s'agir non plus du vocabulaire utilisé devant les tribunaux où il y a poursuite, où il y a un accusé. Ce n'est pas du tout cela qui est le sens du mandat de cette commission pour une raison très simple. C'est que le Parti libéral, l'Opposition, aurait très bien pu porter une accusation en vertu de l'article 80 et il ne l'a pas fait. Vous avez fait votre lit, nous avons fait le nôtre et, aujourd'hui, si vous vous plaignez qu'il n'y a pas d'accusé ici, vous n'avez qu'à relire l'article 80. Je crois savoir cependant, en écoutant et en relisant les transcriptions de certaines entrevues qui sont faites, que, si les mêmes affirmations étaient répétées devant l'Assemblée nationale, elles pourraient donner lieu à la convocation de la commission de l'Assemblée nationale.

Je connais les astuces de vocabulaire qu'utilisent les membres de l'Opposition libérale avec davantage de sous-entendus que d'affirmations claires. Si le député de Brome-Missisquoi veut revoir à la télévision l'entrevue qu'il a donnée dimanche soir à l'émission Politique provinciale, il va se reconnaître dans les propos que je tiens.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, en disant que c'est la dernière intervention que j'écoute avant de rendre ma décision.

M. Lalonde: Le ministre est à court d'imagination, il ressasse une vieille histoire, à savoir qu'on aurait dû mettre notre siège en jeu, alors que celui du premier ministre l'était déjà. Il n'y a pas d'accusé par un député, mais il y a un accusé par un journal; sans cela, pourquoi serions-nous ici? Enfin, je ne veux pas revenir sur ce sujet. M. le Président, nous avons pris nos responsabilités. Le premier ministre lui-même a décidé de convoquer cette commission parlementaire pour examiner le rôle qu'il avait joué et que son bureau a joué dans le règlement, pour 200 000 $ seulement, d'une réclamation de 32 000 000 $ dans le saccage de la Baie-James. Nous faisons notre devoir en posant des questions. Je n'ai aucune d'idée pourquoi le ministre revient avec cette marotte, à savoir qu'il faudrait mettre notre siège en jeu, alors que celui du premier ministre l'est déjà, de son propre chef. Il a choisi de convoquer cette commission parlementaire, nous y sommes et nous allons faire tout notre travail en nous souvenant des paroles du premier ministre du 23 mars 1983, et je les cite: "Je m'engage dès maintenant, si c'est la commission parlementaire qui paraît la plus indiquée, en mon nom comme au nom du gouvernement, dans les plus brefs délais, à ce que tous les gens qui sont intéressés...

M. Duhaime: ...avant Pâques...

M. Lalonde: ...M. Latouche, M. Pouliot, etc., à commencer par votre serviteur, puissent aller à cette commission et faire la lumière." Un peu plus loin, il dit ceci: "J'ajoute simplement ceci: le mandat le plus large possible..." Il finit convenablement tout de même: "Les témoins qui ont quelque rapport - je ne sais pas si signer le règlement, c'est suffisant - pourront être convoqués aussi longtemps qu'on le voudra et cela, dans les meilleurs délais, et là-dessus non plus je ne mens pas à la Chambre."

Le Président (M. Jolivet): Merci. Vu les circonstances, pour être capable de rendre une bonne décision, je vais suspendre les travaux quelques instants, je ne sais pas pour combien de temps, mais dix ou quinze minutes peut-être.

(Suspension de la séance à 11 h 08)

(Reprise de la séance à 11 h 38)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

La commission reprend ses travaux. Pas pour longtemps, cependant. Compte tenu des questions mises devant cette commission ce matin, compte tenu de l'importance de bien y répondre et la consultation se poursuivant toujours, je vais suspendre les travaux jusqu'après la période de questions cet après-midi.

M. Lalonde: Une question, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que vous pourriez répondre à ma question, à savoir quand nous pourrons bénéficier de votre sagesse dans la décision concernant Me Jasmin?

Le Président (M. Jolivet): Dans les plus brefs délais, de la même façon qu'on aura à rendre une autre décision, celle de ce matin. Suspension.

(Suspension de la séance à 11 h 39)

(Reprise de la séance à 16 heures)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources reprend ses travaux aux fins d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite

civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Les membres de cette commission sont: M. Dussault (Châteauguay), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Bourbeau (Laporte), M. Laplante (Bourassa), M. Gratton (Gatineau), M. Lavigne (Beauharnois), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Vaillancourt (Jonquière) et M. Rodrigue (Vimont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Perron (Duplessis), M. Desbiens (Dubuc), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Pagé (Portneuf), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Tremblay (Chambly), M. Saintonge (Laprairie). Le rapporteur est toujours M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Les personnes invitées devant nous aujourd'hui sont Me Rosaire Beaulé et Me André Gadbois. Les travaux de cette commission, je le répète à nouveau, seront suspendus à 18 heures ce soir pour reprendre à 20 heures jusqu'à 22 heures.

Compte tenu des demandes qui nous ont été faites, voici donc les deux décisions que j'ai à rendre comme président de cette commission. Je vais vous demander un peu de patience. Je vais vous les donner en tenant compte du texte qui est quand même un peu long puisque ces décisions sont d'importance.

La première, c'est celle qui concerne la question de règlement de ce matin. Le président de cette commission a été saisi ce matin d'une question de règlement portant sur le fonctionnement de cette commission, et plus particulièrement les règles pouvant régir les questions posées aux personnes invitées à comparaître devant elle. Il s'agit notamment de savoir si l'article 730, paragraphe 4, de l'ancien règlement s'applique et si un député peut s'opposer à une question posée; le cas échéant, en vertu de quel critère peut-il le faire?

La commission parlementaire élue permanente de l'énergie et des ressources a été convoquée pour étudier les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la Société d'énergie de la Baie James de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard.

Des personnes ont été invitées à comparaître devant elle dans le but de l'aider à s'acquitter de ce mandat. Il ne s'agit donc nullement d'un procès. Personne n'a fait l'objet d'une accusation formelle selon les règles pertinentes du règlement de l'Assemblée nationale. Si tel avait été le cas, ce serait la commission de l'Assemblée nationale elle-même qui siégerait avec les conséquences que l'on sait.

Le fait, pour un journal, de faire une affirmation, quelle qu'en soit la gravité, ne constitue pas une accusation au sens de notre règlement. Le contraire équivaudrait à assimiler l'ensemble des journalistes du Québec à des membres de l'Assemblée nationale, ce qu'ils ne sont pas, évidemment.

L'article 9 de la Loi sur l'Assemblée nationale établit clairement un principe maintes fois séculaire, soit que l'assemblée établit les règles de sa procédure et qu'elle est la seule compétente pour les faire observer. En l'occurrence, le fonctionnement d'une commission parlementaire élue est régi par les articles pertinents du règlement dont s'est dotée l'Assemblée nationale. À défaut de précision dans le règlement, on doit s'en remettre aux précédents et aux usages.

À l'égard des questions qui peuvent être posées à une personne qui comparaît devant l'assemblée ou ses commissions, l'article 730, paragraphe 4, de l'ancien règlement peut s'appliquer, d'autant plus qu'il reprend une notion déjà connue de droit parlementaire que l'on retrouve dans la douzième édition du traité "Parliamentary Practice" de Erskine May. À la page 692, on lit en effet: "The question put to a witness may be objected to by a member. Questions are usually objected to for much the same reasons as those offered by parties on their council in a Court of law, but members are not confined to objections of this description." Cet énoncé est repris dans le règlement annoté de l'Assemblée législative du Québec par Me Louis-Philippe Geoffrion dans son édition de 1915 qui, à l'article 609, paragraphe 4, énonce: "Quand un député interroge directement un témoin, les autres députés peuvent s'opposer aux questions pour quelqu'une des raisons que les parties ou leurs avocats peuvent généralement invoquer au cours d'un examen judiciaire, par exemple: parce que les questions ne se rattachent pas à l'affaire dont on s'enquiert, parce qu'elles sont posées de façon irrégulière ou parce qu'elles portent sur de simples questions d'opinion ou de ouï-dire." Geoffrion fait alors référence au traité "Elements of the Law of Practice of Legislature Assemblies of the United States of America" par Luther Cushing, plus particulièrement à sa neuvième édition de 1874, qui dit, à la page 389, mais en anglais, exactement ce qu'a repris Geoffrion en français quelques années plus tard.

Dans la mesure où Cushing s'est inspiré du droit parlementaire britannique, nous pouvons nous en inspirer nous-mêmes, même si le traité de Cushing porte sur la loi de la pratique en vigueur dans les assemblées législatives américaines, dont la nature et le fonctionnement sont cependant très différents de la nôtre.

II faut cependant préciser que les énoncés ci-devant mentionnés par May, Cushing et Geoffrion ont tous la même caractéristique. En effet, si elles disent toutes que les objections qui peuvent être soutenues sont notamment celles que l'on soulève devant les tribunaux, elles ajoutent, d'une part, que cela n'est pas limitatif et, d'autre part, que toutes les règles qui prévalent devant les tribunaux ne sont pas automatiquement admissibles devant la commission.

En employant le mot "usually" ou le terme "généralement", May et Geoffrion n'ont pas affirmé qu'une commission comme celle-ci est régie par un cadre de règles qui auraient été créées ailleurs pour usage au sein du pouvoir judiciaire. D'ailleurs, ce n'est que par analogie que de telles règles pourraient s'appliquer puisque l'Assemblée nationale, répétons-le, seule maîtresse de ses travaux, ne les a jamais fait siennes. La présidence est d'avis qu'il y a là une lacune qui gagnerait cependant à être corrigée.

Si à défaut de règles précises, l'Assemblée, ou l'une de ses commissions, interprète le règlement qui la régit, elle peut à l'occasion se référer à des usages établis comme elle peut s'inspirer de certaines règles que l'on applique devant les tribunaux. Elle peut s'inspirer de ces dernières, mais elle n'est pas liée par elles.

Dans un cours donné dans le cadre de la formation permanente du barreau, Me Jacques Dagenais examine les règles de preuve et de procédure devant les commissions d'enquête constituées en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Il y établit clairement que les commissions d'enquête peuvent s'enquérir des causes dont l'investigation leur est confiée par tous les moyens qu'elles jugent les meilleurs et qu'elles ne sont pas tenues de suivre les règles de preuve et de procédure applicables aux tribunaux judiciaires.

La Cour d'appel du Québec, dans l'arrêt Cité de Saint-Laurent et al contre Commission municipale du Québec, de même que la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Vincent Cotroni et la Commission de police du Québec et al, ont toutes deux tranché clairement dans ce sens avec la seule réserve d'agir "fairly and impartially", équitablement et avec impartialité.

Si l'on peut affirmer qu'une commission d'enquête formée par l'Exécutif n'est nullement tenue d'appliquer les règles de preuve et de procédure en vigueur devant les tribunaux, en se basant sur l'article 6 de la Loi sur les commissions d'enquête, sous réserve d'agir avec équité et impartialité, a fortiori doit-on conclure que l'Assemblée nationale à qui la loi reconnaît le pouvoir d'établir les règles de sa procédure et le pouvoir exclusif de les faire respecter (article 9) n'y est pas assujettie. À la limite, peut-on affirmer que les balises de la Cour suprême concernant l'équité et l'impartialité s'appliquent à une commission parlementaire? Comme la présidence tient à les appliquer en pratique, la question, cependant, devient un peu académique.

En conclusion, même si on a souvent répété qu'aucune règle n'existait pour gouverner la procédure au cours de la présente commission, et même si, comme je l'ai mentionné, nous ne sommes pas liés par les règles de preuve et de procédure des tribunaux, il faut affirmer que, dans la matière qui nous concerne, on a jusqu'ici laissé le président interpréter les règles quant aux questions auxquelles on peut s'opposer. Il est une règle d'interprétation dont le président entend s'inspirer pour la poursuite des travaux, comme il l'a fait depuis le début du mandat de cette commission. Il s'agit de l'article 168 de notre règlement qui s'énonce comme suit: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Est irrecevable une question: 1. qui est précédée d'un préambule inutile; 2. qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs; 3. dont la réponse serait une opinion professionnelle ou une appréciation personnelle."

Puisqu'on ne peut importer intégralement dans nos travaux les raisons que les parties ou leurs avocats peuvent généralement invoquer au cours d'un interrogatoire judiciaire - article 730, quatrième paragraphe, de l'ancien règlement - ces règles étant, par ailleurs, variables selon les juridictions et les matières; puisqu'il importe, comme la présidence tente de le faire depuis le début, et en conformité avec les balises édictées par la Cour suprême, de s'assurer que les travaux se déroulent dans l'équité et l'impartialité; et puisque l'article 168 de notre règlement me paraît viser à atteindre ce double objectif; en conséquence, la présidence maintiendra une objection qui sera fondée sur les motifs prévus à l'article 168 de notre règlement ou qui sera fondée sur le manque d'équité ou d'impartialité d'une question et ce, comme elle l'a fait depuis le début des travaux et tant que l'Assemblée nationale n'aura pas adopté d'autres règles de procédure à cet égard.

Un autre critère, non écrit celui-là, qui sera constamment dans l'esprit de la présidence, c'est celui de la gentilhommerie à laquelle je convie chacun des membres, intervenants et témoins ou invités, comme on les appelle à cette commission. Voilà pour la première décision.

Décision du président de la commission sur la requête du barreau

Quant à la deuxième, je vous demande encore de faire preuve de patience puisque ce sont des questions quand même importantes. En commençant, je tiens d'abord à remercier les membres de cette commission qui se sont exprimés sur la délicate question que je m'apprête à trancher. Je tiens à remercier également le représentant du Barreau du Québec d'être venu spécialement pour exposer les vues de cette corporation sur le sujet. On doit rappeler que l'Assemblée a confié un mandat à cette commission et, conformément à l'article 10 de la Loi sur l'Assemblée nationale, celle-ci doit veiller à son exécution.

M. Michel Jasmin fut convié à témoigner devant cette commission. Au cours de nos travaux, on a soumis à mon examen l'obligation au respect du secret professionnel de M. Jasmin. Plus précisément, on a fait valoir que le juge Jasmin devait être dispensé de témoigner puisqu'un seul des quatre clients qu'il représentait l'a relevé de son obligation au secret professionnel. On fit valoir également que, du fait que les quatre mandats, dont M. Jasmin était investi, avaient été exécutés par lui de façon concomitante, la commission devait le libérer totalement et globalement de son témoignage. Il appert, selon les représentations faites devant la commission, que seul le Conseil provincial des métiers de la construction a cru opportun de dispenser M. Jasmin de son obligation au secret professionnel.

Cette question concerne les droits et privilèges de l'Assemblée et je me dois d'en disposer conformément aux compétences de l'Assemblée en cette matière. L'on doit tout d'abord réaffirmer la compétence exclusive de l'Assemblée sur ses travaux et sur ses procédures. Ce principe fondamental est reconnu depuis fort longtemps par le droit parlementaire. Celui-ci est constitué principalement par la constitution, la loi, son règlement, ses usages et ses précédents. Ces règles de droit spécifiques aux assemblées délibérantes ont pour but de favoriser l'exercice et l'accomplissement des fonctions d'un Parlement. La récente Loi sur l'Assemblée nationale a d'ailleurs consacré solennellement cette règle. En effet, l'article 9 stipule que "l'Assemblée établit les règles de sa procédure et est seule compétente pour les faire observer". Le droit parlementaire s'impose donc comme unique référence dans la recherche d'une règle applicable à toute situation survenant à l'Assemblée, à ses commissions ou à ses sous-commissions.

L'Assemblée a toujours résolu les différends qui se présentaient dans le cours de ses débats selon ses propres règles. Elle a toujours veillé également, comme l'y engagent maintenant explicitement tant le préambule que l'article 42 de la Loi sur l'Assemblée nationale, à protéger ses travaux contre toute ingérence. En ce sens, une décision du président ou de l'Assemblée elle-même épuise tous les recours possibles. Il ne subsiste aucun doute à cet égard. L'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale stipule que "l'Assemblée ou une commission peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle, soit pour répondre aux questions qui lui seront posées, soit pour y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes, enquêtes ou délibérations". (16 h 15)

L'article 55 de cette loi précise, quant à lui, que le fait de refuser d'obéir a un ordre de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission ou le fait d'y rendre un témoignage faux ou incomplet constitue une atteinte aux droits de l'Assemblée. Il importe donc de préciser qu'on retrouve ces dispositions au chapitre 3, intitulé: Indépendance de l'Assemblée et plus précisément à la section I, intitulée: Droits, privilèges et immunités.

Les droits et privilèges d'une assemblée ont été reconnus depuis les origines du parlementarisme. Dans son traité

Parliamentary Practice, dix-neuvième édition, Erskine May expose les fondements de ce qui constitue un privilège. "Parliamentary privilege is the sum of the peculiar rights enjoyed by each House collectively as a constituent part of the High Court of Parliament, and by Members of each House individually, without which they could not discharge their functions, and which exceed those possessed by other bodies or individuals. Thus privilege, though part of the law of the land, is to a certain extent an exemption from the ordinary law."

Plus loin, May poursuit dans les termes suivants: "The particular privileges of the Commons have been defined as: The sum of the fundamental rights of the House and of its individual Members as against the prerogatives of the Crown, the authority of the ordinary courts of law and the special rights of the House of Lords." (May, page 67.)

Une règle importante et reconnue de notre droit parlementaire veut qu'un témoin soit tenu de répondre à toutes les questions qui lui sont adressées. Une objection ne peut avoir pour effet d'écarter cette règle. Le témoin ou l'invité qui oppose à une question son obligation au secret professionnel contrevient-il à cette règle et porte-t-il atteinte du même coup aux droits et privilèges de l'Assemblée? Le droit au respect du secret professionnel est reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne. C'est un droit fondamental reconnu

à toute personne depuis l'adoption de cette charte en 1975.

En conséquence, j'affirme donc que ce droit s'impose à nos travaux et les droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres doivent compter et composer avec l'existence des droits fondamentaux des citoyens. Il ne saurait en être autrement sans indication précise et explicite de la Loi sur l'Assemblée nationale. Or, cette loi ne contient aucune disposition permettant à l'Assemblée nationale de se soustraire à la Charte des droits et libertés de la personne. C'est au témoin ou à l'invité à faire valoir son obligation au secret professionnel. La commission peut dès lors s'enquérir si le témoin ou l'invité a fait les démarches nécessaires auprès de son client visant à être relevé de son obligation au respect du secret professionnel. Il faut également préciser que le droit au respect du secret professionnel ne peut se concevoir comme une dispense générale à comparaître ou à témoigner. On ne peut considérer, a priori, que toutes les questions ou tous les documents requis sont couverts par le droit au secret professionnel. Ce droit doit être soulevé de façon distincte et faire référence à une demande bien précise.

Pour les mêmes raisons, je ne peux faire droit à la demande d'exemption globale de témoigner du juge Jasmin pour les motifs qu'un seul de ses mandants l'a relevé de son obligation au secret professionnel. De même, l'argument voulant que M. Jasmin, s'il devait répondre aux questions relatives au mandat qu'il a reçu du Conseil provincial des métiers de la construction, pourrait mettre en péril le droit à la confidentialité des éléments des autres mandats doit être rejeté. Si les quatre mandats avaient été exécutés par quatre avocats différents dans les mêmes circonstances, un de ceux-ci aurait été libéré de son secret professionnel et aurait été dans l'obligation de répondre aux questions de la commission.

On ne peut échapper à l'obligation d'éclairer la commission sur un mandat particulier en alléguant que l'on est mandaté par d'autres parties dans la même affaire. Cependant, je comprends qu'une telle situation comporte des risques de porter atteinte au droit au secret professionnel des autres mandants. À cet égard, dans la mesure où la réponse à une question posée à M. Jasmin pourrait porter atteinte au droit d'une autre personne, au respect du secret professionnel, le conflit doit être résolu en faveur de la protection de la confidentialité.

La commission doit sur cette question s'en remettre à l'invité ou au témoin. En effet, il appartient à ce dernier de faire valoir le secret professionnel dès qu'une question porte sur un aspect touchant l'un des trois mandats où il n'a pas reçu dispense de son obligation au respect du secret professionnel. On a fait valoir que, dans ces conditions, une éventuelle déclaration liminaire de M. Jasmin serait insignifiante voire inutile. Il n'appartient à nulle autre qu'à la commission de juger de l'intérêt d'une déclaration ou d'une réponse à une question posée. Toute information pertinente au mandat de la commission est susceptible d'intérêt et ne peut être minimisée. D'autre part, il n'appartient pas à la commission ou à ses membres de porter un jugement sur l'invocation par une personne d'un droit fondamental. Ces points étant établis, c'est le droit et le privilège des membres de cette commission d'entendre et d'interroger M. Jasmin en respectant le droit de trois de ses mandants au respect du secret professionnel et l'obligation correspondante à laquelle il est contraint.

C'étaient donc les deux décisions que la présidence, après consultation longuement réfléchie, avait à rendre et que j'ai rendues.

Devant ces décisions, nous avons devant nous Me Rosaire Beaulé qui m'avait demandé ce matin de faire une rectification qu'il jugeait important de nous donner et auquel j'accorde la parole. Me Beaulé.

Requête de M. Rosaire Beaulé

M. Beaulé (Rosaire): Merci, M. le Président. Je veux me reporter à un commentaire que j'ai fait le 29 avril 1983 et que l'on trouve à la galée 960-ER, page 3, du 29 avril dernier et qui se lit comme suit. Je souligne que j'étais alors interrogé par le député de Mont-Royal et que les questions portaient surtout sur cette rencontre que nous avons eue, Me Woll, M. Fanning, M. Jasmin et moi avec Me Boivin, à son bureau, le 19 janvier 1979.

La remarque que j'ai faite à 11 h 55, le 29 avril dernier est donc la suivante: "M. Beaulé: M. le Président, peut-être que le député de Mont-Royal qui m'interroge, peut-être à cause de cette barrière de langue, ne saisit pas tout à fait toutes mes réponses. Je suis prêt, pour une dernière fois, à répondre pour la cinquième ou sixième fois à une question touchant la réunion du 19."

Dans le Journal de Montréal d'hier, M. Normand Girard, parlant de ce commentaire, y a vu une connotation raciste. L'honorable député de Mont-Royal, ce matin, pendant un long débat où, semble-t-il, j'ai été impliqué, a repris la même assertion, à savoir que cette remarque avait une connotation raciste. C'est très grave en définitive, M. le Président. Si, après 25 ans de pratique et compte tenu particulièrement du mandat que j'occupais dans cette cause qui fait l'objet de votre examen et du règlement qui fait l'objet de votre enquête, je passe des remarques ou fais des commentaires qui ont une connotation raciste, je pense que c'est

assez grave et lourd de conséquences. Quant à moi, je ne crois pas en avoir fait et je veux m'expliquer très brièvement.

Je reviens donc au texte que l'on trouve à la galée 960-ER, page 3. Je cite: Peut-être que le député de Mont-Royal qui m'interroge, peut-être à cause de cette barrière de langue, ne saisit pas tout à fait toutes mes réponses." Il s'agit là, quand j'emploie les mots "barrière de langue", d'une traduction littérale de l'anglais de "language barrier". On pourra voir tous les dictionnaires; cette expression n'a pas de sens péjoratif. La personne qui est affectée de cette barrière de langue, "language barrier", n'est pas nécessairement une personne qui fait montre d'antagonisme racial. C'est une personne qui, parce qu'elle a une méconnaissance absolue de la langue de l'autre, ne la comprend pas ou, si elle en a une méconnaissance relative, ne comprend pas toutes les nuances de ses propos ou de sa déclaration. C'est uniquement dans ce sens que je me suis référé à la barrière de langue.

Je vais vous dire pourquoi je me suis référé à la barrière de langue, M. le Président, en vous reportant avec respect à la galée 920-ER, page 2, du 28 avril 1983, à 20 h 45, et je m'arrêterai là-dessus.

Donc, à 20 h 45, devant cette commission, galée 920-ER, page 2. À la huitième ligne, j'étais alors interrogé par M. le député de Mont-Royal. Je cite: "M. Beaulé: J'ai dit que je n'avais pas eu de contacts directs ou indirects avec la SEBJ. Quant au reste, dans quelles circonstances j'ai dit à M. Aquin que j'avais le sentiment que le premier ministre était favorable à un règlement ou à ce qu'on mette fin à ces procédures-là, je ne m'en souviens pas. Je sais qu'il a dit qu'il avait été légèrement déstabilisé, mais, connaissant bien M. Aquin, j'ai pris cela avec un grain de sel. "M. Lalonde: Pardon? "Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! C'est le député de Mont-Royal qui a la parole. "M. Ciaccia: Comment dites-vous? Vous avez pris cela avec un grain de sel? "M. Beaulé: Quand M. Aquin a dit qu'il avait été déstabilisé, j'ai pris cela avec un grain de sel, parce que je le connais depuis 30 ans. "M. Ciaccia: Qu'est-ce que cela voudrait dire, que vous avez pris cela avec un grain de sel?"

M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire d'autres commentaires. Il m'apparaissait manifeste que M. Ciaccia, qui a une excellente connaissance de la langue anglaise et une très bonne connaissance de la langue française, ne connaît peut-être pas tout le sens des mots et des nuances. C'est normal. Je ne considère pas que c'est une injure de dire cela parce que, moi aussi, il m'est arrivé, dans ma pratique comme avocat, d'avoir de la difficulté à saisir une nuance d'un témoin, ou d'avoir de la difficulté à faire une nuance dans une question. Cela étant dit, je soutiens avec respect que je n'ai pas fait de remarques à connotation raciste. Je vous demande, avec respect, de prendre ma parole et mon serment à cet effet. D'autant plus que, bien avant d'être avocat, j'ai été président d'une organisation internationale qui s'appelait Mouvement international des étudiants catholiques, Pax Romana. J'ai travaillé en Europe de 1951 à 1953. J'ai été en contact avec des étudiants qui avaient souffert ou qui avaient subi la guerre de 1939-1945, des gens de toutes races. C'est un des fondements de ce que j'espère être une certaine philosophie de la tolérance que de respecter les gens, même ceux qui ne sont pas de ma race, parce qu'ils sont tous nos frères.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, vous avez encore la parole.

M. Ciaccia: Je vous remercie de vos propos, Me Beaulé, mais je les prends avec un grain de sel.

M. Beaulé: M. le Président, en vertu de l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne, je demanderais avec respect à M. le député Ciaccia de prendre au moins mon serment sans grain de sel.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, en me référant aux derniers mots de la première décision que j'ai rendue - je ne l'ai pas, je l'ai prêtée pour faire des photocopies - on doit aussi agir avec gentilhommerie à la commission.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Oui, M. le Président.

M. Beaulé: M. le Président, me permettez-vous...?

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, je m'excuse.

M. Beaulé: Je veux vous faire une demande. Elle sera traduite d'une façon explicite par Me Denise Roy, de l'étude Bélanger, Beaulé, Garceau, sous la forme d'une requête écrite. Je voudrais, avec votre permission, éviter d'entrer dans tout débat. Je ne suis pas membre de cette commission, cela va de soi, je suis témoin. Je suis conscient des limites et des obligations aussi que cela comporte.

Si je fais cette remarque, c'est que je pense qu'en vertu du règlement, la Charte des droits et libertés de la personne, en

vertu de ses termes mêmes comme en vertu du règlement, s'applique ici. Cet article 4, qui est si souvent cité, mais c'est à peu près le seul privilège qu'un témoin puisse soulever devant vous, cet article se lit comme suit: "Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation." Ce matin, des propos ont été échangés. Je les ai écoutés comme, j'imagine, non seulement les journalistes, mais également les gens qui écoutent la télévision et qui suivent ces débats. Je veux me référer, non pas pour en faire un débat, à certains propos particuliers, et j'en tirerai une conclusion qui sera celle que Me Roy vous présentera sous forme de requête. (16 h 30)

On s'est référé, ce matin, en parlant du témoin qui est devant vous, M. le Président, à un détournement de questions posées, en se référant à mon témoignage antérieur. En français, je pense que cela veut dire que j'aurais tenté de me soustraire à des questions. En d'autres termes, ma compréhension de certains propos de ce matin, dont j'ai été le témoin visuel et auditif, est qu'en réalité, je ne dirais pas qu'on m'accuse, mais on fait état d'une attitude chez moi depuis deux jours, les 28 et 29 avril, qui est celle que je veux décrire dans les brefs propos suivants. J'aurais essayé de me soustraire à des questions en les détournant. J'aurais refusé, dans certains cas, de répondre à des questions ou j'aurais fourni des réponses évasives. Je me serais rendu "coupable" de contradiction. J'aurais même détruit un document.

On m'a remis, tout à l'heure, M. le Président - je fonde mon commentaire sur l'article 4 de la Charte des droits et libertés - un texte qui émane de Caisse, Chartier et Associés Inc., coupures de presse. Ce matin, à l'émission d'André Arthur, M. le député de Mont-Royal était interviewé. Je veux citer trois passages qui se greffent à des déclarations faites ce matin à mon sujet et qui sont une atteinte à ma dignité, à mon honneur et à ma réputation. Premier échange - c'était ce matin, m'a-t-on dit - vers 7 h 57: M. Arthur: "M. Ciaccia, avez-vous l'impression d'avoir été si méchant avec les témoins?" Réponse de M. Ciaccia: "Absolument pas. Pas du tout. C'est trop facile de dire qu'on est méchant..."

M. Gratton: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): C'est une question de règlement.

M. Gratton: Je m'excuse auprès de M. Beaulé. Ce matin, si je me rappelle bien, le député de Mont-Royal a justement tenté de faire lui-même une mise au point à partir de déclarations que Me Beaulé avait faites à la clôture de la séance de vendredi dernier. Il a tenté à plusieurs reprises de faire un exposé qui l'aurait éventuellement amené à vous demander une directive, ce qu'il a d'ailleurs dû faire, c'est-à-dire demander sa directive, sans pour autant donner toutes les explications qu'il aurait souhaité donner. Or, si je ne m'abuse, M. le Président, ce que Me Beaulé est en train de faire, c'est exactement ce que vous n'avez pas permis à mon collègue de Mont-Royal de faire ce matin. Je vous pose la question: Est-ce qu'il y a deux façons de voir les choses? Est-ce que la mise au point que Me Beaulé est en train de faire est plus recevable que celle que voulait faire le député de Mont-Royal ce matin?

M. Duhaime: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: J'ai bien entendu Me Beaulé dans ses remarques préliminaires; il est en train de formuler verbalement l'argumentation et les motifs auxquels se joindront une requête écrite dont il a annoncé le dépôt par Me Roy. M. le Président, si le député de Gatineau n'a pas saisi la démarche que fait actuellement Me Beaulé, il s'adresse, en sa qualité de témoin, à la commission et à la présidence de cette commission. Il va nous livrer, sans aucun doute, une requête, puisqu'il l'a annoncée. Je pense que ce serait son droit le plus strict d'être entendu sur cette question, puisqu'il annonce qu'elle est fondée sur des articles très précis de la Charte des droits et libertés de la personne. Je pense qu'on devrait laisser Me Beaulé poursuivre en tenant pour acquis que, de part et d'autre, avant que vous ne statuiez sur cette requête, M. le Président, il y aura des discussions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, j'ai cru comprendre que vous aviez une question de règlement.

M. Gratton: Oui, en effet, pour préciser un peu plus. Qu'il y ait une requête écrite qui suive les propos de Me Beaulé, je veux bien, mais, à titre de membre de la commission, je ne suis pas informé du contenu de cette requête à venir jusqu'à maintenant. En comparaison, c'est exactement ce qu'a tenté de faire le député de Mont-Royal ce matin, c'est-à-dire de faire précéder une demande de directive -qu'elle soit écrite ou orale peu importe - à votre endroit de la justification qui l'amenait à demander cette directive.

Or, vous l'avez empêché ce matin de faire son énoncé. Je me pose la question: Comment Me Beaulé peut-il donner des explications préliminaires avant de produire

sa requête? Peut-être bien que la façon de procéder, ce serait de nous informer de la requête, des conclusions de la requête, pour qu'ensuite vous puissiez vous-même juger de sa recevabilité, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, très brièvement, je voudrais tout d'abord dire au député de Gatineau que, ce matin, le député de Mont-Royal n'a pas été empêché de parler; c'est tout simplement que la présidence a rendu une décision sur sa demande de directive. Je pense que, si l'on sortait les galées, on verrait qu'effectivement le député de Laviolette et vice-président de l'Assemblée nationale du Québec a rendu une directive à la demande du député de Mont-Royal.

On parle souvent des droits et privilèges des députés à cette commission. J'ai rarement entendu parler des droits des témoins, lesquels existent aussi même s'ils ne sont peut-être pas écrits dans nos règlements. Les témoins qui ont des droits. Il y a un principe de justice naturelle, M. le Président, dont on fait certainement état dans le jugement de la Cour suprême que vous avez cité tout à l'heure, lorsqu'on parlait d'équité et d'impartialité, c'est la règle audi alteram partem.

À ma connaissance, à cette commission, l'autre partie, les autres parties, ce sont les témoins. On a l'habitude de parler des droits, des privilèges, de l'immunité parlementaire des députés et on a des témoins devant nous qui ont des droits. L'un des droits de ces témoins, c'est le droit d'être entendus, M. le Président; non seulement de répondre à des questions qui leur sont posées, mais également de faire eux-mêmes, d'office, une demande à la présidence qui, en quelque sorte, doit jouer le rôle de protecteur, non seulement des droits et privilèges des députés, mais également des droits des témoins qui sont invités par notre commission à venir nous rencontrer pour apporter de la lumière.

M. le Président, je vous dis respectueusement que notre invité a droit à nos égards et qu'on doit au moins respecter un principe de justice naturelle unanimement reconnu dans les pays démocratiques, c'est-à-dire celui d'entendre cette partie qui veut nous parler.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, nous concourons avec empressement aux propos du député de Jonquière, à savoir que les témoins ou les invités, comme vous voulez, ont des droits. D'ailleurs, non seulement en vertu des principes de justice naturelle, mais on les retrouve dans les anciens règlements. Le témoin a la protection de la loi, par exemple. On voit certaines dispositions de l'ancien règlement, à savoir qu'ils doivent être traités avec égard, que les questions, etc. D'autre part, l'article 4 invoqué par le témoin peut s'appliquer aussi à un membre de l'Assemblée.

Pour la bonne marche de nos travaux, M. le Président, il me semble qu'il serait désirable que les conclusions de la requête nous soient communiquées pour que vous puissiez conclure de sa recevabilité ou de sa non-recevabilité. Si vous décidez que c'est recevable, à ce moment-là, on peut continuer. Le témoin ou Me Roy auront tout le loisir de faire leur plaidoyer. Si cela devait être déclaré non recevable, cela éviterait à la commission d'entendre les plaidoyers d'une requête qui ne serait pas recevable.

Le Président (M. Jolivet): Je vais rendre rapidement ma décision puisque j'avais eu l'occasion de fouiller un peu ce dossier au moment où l'on a eu la commission sur l'éducation que j'ai eu l'honneur de présider.

Je dois vous dire au départ que nous sommes en droit britannique et qu'en droit britannique, il y a au moins, au minimum, trois parties: le représentant du gouvernement et le représentant de l'Opposition, mais il y a une troisième partie dans la commission parlementaire que nous avons à écouter, c'est-à-dire la personne qui vient donner son témoignage à une commission parlementaire.

Nous sommes donc en commission parlementaire et, s'il n'y avait pas de troisième partie, il n'y aurait pas de commission parlementaire, puisque nous sommes ici pour entendre des personnes qui ont des choses à nous dire, pour nous éclairer sur le mandat que nous avons à accomplir.

En conséquence, que l'on me parle des députés à ma gauche et à ma droite qui doivent connaître très bien le règlement, j'en conviendrai. Qu'un député outrepasse le règlement, j'ai, de mon siège de président, à le rappeler à l'ordre ou, si je ne le fais pas, quelqu'un peut me demander par une question de règlement de le rappeler à l'ordre.

Quant aux personnes qui viennent témoigner qui ne sont pas habituées aux règles de procédure que nous avons, il faut être un peu plus large pour leur permettre quand même d'exposer un point de vue qu'elles ont à exposer, puisque c'est pour cela que nous leur avons demandé de venir devant nous. En conséquence, il faut quand même leur donner la chance de le faire.

D'un autre côté, je prendrai un précédent qui n'est pas tellement loin. Quand Me Jasmin, le juge Jasmin est venu devant

nous, il n'a même pas eu... Et c'est de mon propre chef, comme président, que je n'ai pas, à cette époque, demandé qu'il soit assermenté. C'est une personne qui venait, au nom du barreau, nous expliquer une requête et, de la même façon que j'ai permis à Me Larivière de faire son exposé sans en être empêché par qui que ce soit, c'est dans le même sens que je permettrai à Me Beaulé de faire le sien. Je vous permets de continuer, Me Beaulé.

Me Beaulé: Merci, M. le Président. Je vais être précis - je suis conscient aussi que le temps de la commission ne doit pas être perdu inutilement et, comme cela va de soi, le temps des témoins - et dire pourquoi, à mon humble avis, des droits fondamentaux qui sont relatés à l'article 4 de la charte, droits qui m'appartiennent, comme à tous les êtres humains et à ceux vivant, en particulier, au Québec, ont été lésés. Je me suis référé, ce matin, à des propos que j'ai entendus, que des journalistes ont entendus et que le public a entendus. J'ai parlé d'allusions qui ne visaient que la personne qui s'adresse à vous, M. le Président: allusions à des détournements de questions dont je me serais rendu coupable dans le but de me soustraire à des questions, à des refus de répondre ou à des réponses évasives, à des contradictions dans mon témoignage et, finalement, à une destruction de documents. Cela m'apparaît très grave et je pense que l'article 4 me permet de m'adresser à vous parce que je crois que ma dignité, mon honneur et ma réputation - comme celle de tout être humain qui serait à ma place aujourd'hui devant vous - sont lésés.

Malheureusement, je n'ai pas entendu ces propos seulement dans cette enceinte du salon rouge. J'ai ici la transcription d'une émission de ce matin que je vais citer très brièvement. C'est un extrait de l'émission d'André Arthur. J'ai déjà donné ma référence et mes sources. Donc, cela vient de Caisse, Chartier et Associés Inc. de Québec.

Une question de M. Arthur: "M. Ciaccia, avez-vous l'impression d'avoir été si méchant avec les témoins?" M. Ciaccia: "Absolument pas. Pas du tout. C'est trop facile de dire qu'on est méchant. Quand un témoin refuse de répondre ou donne des réponses évasives, je n'ai pas d'autre choix que de continuer à lui poser des questions jusqu'à ce que j'obtienne des réponses." M. Arthur: "D'accord. Sauf qu'ils peuvent faire disparaître un témoin n'importe quand. Ils n'ont qu'à l'enlever sur la liste et il ne sera plus appelé." M. Ciaccia: "Exactement. C'est cela qu'ils essaient de faire avec deux témoins. Je pense qu'on n'a pas le choix, nous. On cherche la vérité. Savez-vous que Me Beaulé a tout dit avec son attitude et le genre de réponses qu'il a données, quand il a donné une entrevue et qu'il a dit qu'en autant qu'il était concerné, le règlement n'est qu'un moyen pour essayer de détruire la crédibilité de Lévesque et de son parti? Alors, la question que je me pose... - c'est M. Ciaccia qui parle - Est-ce que M. Beaulé est intéressé à dire la vérité ou s'il est intéressé à maintenir la crédibilité de Lévesque et de son parti? Je pense que sa réponse a tout dit, son entrevue a tout dit quant à son attitude."

Et la dernière citation: "M. Arthur: "Est-ce qu'il reste des surprises, d'après vous?" - en parlant des témoignages devant cette commission - "M. Ciaccia: "Bien, savez-vous, il y a toujours des surprises. Vendredi, par exemple, Me Beaulé, à la toute dernière minute, a admis qu'il avait détruit un document. Imaginez-vous! II a détruit un document qu'il avait remis à Jean-Roch Boivin, qu'il avait gardé pendant quatre ans, et il l'a détruit deux jours avant qu'il vienne comparaître devant la commission. C'était toute une surprise, ça, vendredi!"

M. le Président, si, effectivement, j'ai tenté de me soustraire à des questions, jeudi et vendredi dernier, si j'ai refusé de répondre à certaines questions, si j'ai fourni des réponses évasives, si je n'ai pas dit toute la vérité pour maintenir la crédibilité de M. Lévesque, si je me suis contredit, si je me suis livré à la destruction d'un document, je pense, M. le Président, que j'ai enfreint l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale et, plus particulièrement, le paragraphe 2 de cette loi. (16 h 45)

Je cite l'article 55: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de l'Assemblée le fait de - 2° - rendre un témoignage faux ou incomplet devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission". La même loi, à l'article 133, prévoit la sanction, M. le Président. Je lis: "La personne, autre qu'un député, qui commet un acte ou une omission visée aux articles 55 et 56 commet une infraction et est passible, sur poursuite sommaire, en outre des frais, d'une amende maximale de 10 000 $."

Je pense avec respect, M. le Président, que les commentaires qu'on a pu faire ce matin sur mon compte, dans la mesure où les faits qu'on me reproche seraient vrais -ce que je nie - m'empêcheraient d'avoir un procès juste devant un tribunal ayant juridiction en matière pénale. Je soutiens qu'il y a une distinction très nette dans notre droit entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. En outre, si les faits ou certains d'entre eux qui me sont reprochés, sont vrais, j'aurais commis des actes criminels. Encore là, je pense que j'aurais droit à une défense pleine et entière. Je pense que les commentaires faits ici ou à la radio sont de nature à m'empêcher d'avoir

un procès juste et équitable. Dans ce sens, je soutiens que mes droits, en vertu de l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne, mon droit à la sauvegarde de ma dignité, de mon honneur et de ma réputation, ont été attaqués.

C'est pourquoi, compte tenu de ces faits tout récents, comme des événements qui se sont produits au cours de mon témoignage des 28 et 29 avril, j'ai chargé mon avocate, Me Denise Roy, de déposer devant vous une requête écrite et dont nous avons des copies pour faciliter la lecture de toutes les personnes à qui elle s'adresse. Mais elle s'adresse d'abord à vous, M. le Président. J'ajoute simplement que la requête est très brève.

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez procéder. Nous allons demander qu'on nous envoie la requête.

Mme Roy (Denise): M. le Président, j'ai ici un cartable dans lequel, à la requête, est annexée la jurisprudence qui est citée dans le cadre même des paragraphes tels qu'articulés. Celui-ci est spécialement destiné à votre attention.

Le Président (M. Jolivet): Vous m'invitez donc à prendre cela en délibéré?

Mme Roy: Ce n'est pas une invitation, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non. Je verrai. Je verrai. Allez-y!

Mme Roy: II s'agit d'une requête pour faire cesser immédiatement l'interrogatoire du requérant Rosaire Beaulé par le député de Mont-Royal, ledit interrogatoire constituant une violation flagrante de l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne et des règles d'équité procédurale en matière d'audition des témoins. Devant la commission élue permanente de l'énergie et des ressources, Rosaire Beaulé se porte requérant à ladite requête. La requête est adressée au président de la commission élue permanente de l'énergie et des ressources.

Le requérant expose respectueusement: "Premièrement, le 30 mars 1983, débutait à Québec, dans l'enceinte du salon rouge de l'Hôtel du Parlement, les travaux de la commission élue permanente de l'énergie et des ressources chargée" - j'ouvre les guillemets et je cite le texte que l'on retrouvait au télégramme de convocation qui a été envoyé à Me Beaulé - "d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard." "Deuxièmement, le 28 mars 1983, la commission élue permanente de l'énergie et des ressources adressait le télégramme suivant au requérant." Je cite le télégramme. "À la demande du leader parlementaire du gouvernement et du leader parlementaire de l'Opposition officielle, vous êtes convoqué à la commission élue permanente de l'énergie et des ressources. Le mandat de cette commission est: d'examiner les circonstances entourant la décision du conseil d'administration de la SEBJ de régler hors cour la poursuite civile intentée à la suite du saccage du chantier de LG 2 survenu en 1974 et, plus spécifiquement, le rôle du premier ministre et de son bureau à cet égard. "Nous vous demandons d'être présent pour 10 heures, le mercredi 30 mars 1983, au salon rouge de l'Hôtel du Parlement à Québec. "Auriez-vous l'obligeance de confirmer votre présence à Mme Françoise Gariépy, le mardi 29 mars 1983, avant midi."

C'est signé: "Jean Bédard, greffier de la commission". "Troisièmement, le témoignage du requérant débuta le 28 avril dernier et se poursuivit le 29 avril; le requérant fut d'abord interrogé par M. le ministre Yves Duhaime et, par la suite, par M. le député de Mont-Royal, John Ciaccia. "Quatrièmement, l'interrogatoire du requérant par le député de Mont-Royal commença en fin d'après-midi le 28 avril 1983, se continua dans la soirée du 28 avril et tout au long de la matinée du 29 avril. "Cinquièmement, le 29 avril 1983, à 13 heures, le président de la commission ajourna la séance au 3 mai 1983, à 10 heures de l'avant-midi. "Sixièmement, le requérant soumet respectueusement qu'il est un témoin de la commission et, à ce titre, interrogé et non contre-interrogé; partant, les membres de la commission doivent suivre les règles régissant l'interrogatoire d'un témoin. "Septièmement, si, par hypothèse, ce qui n'est pas admis par le requérant, son témoignage pouvait être assimilé à un témoignage rendu lors d'un contre-interrogatoire, le requérant soumet respectueusement que ledit contre-interrogatoire devrait être fait de façon pertinente et non abusive, conformément aux règles reconnues par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt le Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile contre Agnesi - je passe la citation - et établies par la "common law", et là je cite Phipson on Evidence. "Huitièmement, les règles citées au paragraphe précédent prohibent, même en contre-interrogatoire, toute question ayant pour but ou pour effet d'humilier ou de

harceler le témoin. "Neuvièmement, en outre, l'inter-rogatoire que le député de Mont-Royal fait subir au requérant constitue une violation de l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne en ce qu'il est une atteinte à la dignité, à l'honneur et à la réputation du requérant pour les motifs ci-après énumérés: "a) l'interrogatoire du requérant est mené de façon abusive, le député de Mont-Royal répétant plusieurs fois les mêmes questions, sous des formes différentes, malgré les réponses antérieures pourtant constantes, nettes et claires du témoin, utilisant ainsi une stratégie qui laisse croire au public que le témoin cache une partie de la vérité; "b) le député de Mont-Royal met en doute implicitement la crédibilité et l'honnêteté du requérant; "c) dans le préambule à ses questions, le député de Mont-Royal, fréquemment, fait des assertions de faits inexactes, cite erronément des témoignages antérieurs ou celui du requérant, pose souvent une question qui n'a aucun rapport avec le préambule, obligeant ainsi le requérant à rétablir les faits, faute de quoi le silence de ce dernier constituerait un acquiescement aux assertions erronées du député de Mont-Royal; "d) le député de Mont-Royal s'acharne contre le requérant et son interrogatoire a pour but évident de l'humilier et de le harceler; "e) le député de Mont-Royal fait preuve de partialité dans la formulation des questions qu'il adresse au requérant; "f) de l'avis du journaliste Louis Falardeau, signataire d'un article paru dans la Presse du vendredi 29 avril 1983, page A4, le député de Mont-Royal interroge le requérant - et là je cite au texte - "de façon très agressive, se moquant de lui et multipliant les allusions susceptibles de miner sa crédibilité"; "g) le député de Mont-Royal fait fi des règles élémentaires de justice naturelle et d'équité procédurale reconnues par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Nicholson contre Haldimand Norfolk (1979) R.C.S. 311; Martineau contre Matsqui (1980) 1 R.C.S. 602; Procureur général du Canada et Inuit Tapirisat of Canada (1980) 2 R.C.S. 735, ces arrêts consacrant le principe du "duty to act fairly". "Dixièmement, le requérant soumet respectueusement que les membres de la commission élue permanente de l'énergie et des ressources sont liés par la Charte des droits et libertés de la personne, en vertu de l'article 54 - je vous prierais de corriger -de ladite charte. "Par ces motifs, plaise au président de la commission: "Faire cesser immédiatement l'inter- rogatoire du requérant Rosaire Beaulé par le député de Mont-Royal, ledit interrogatoire constituant une violation flagrante de l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne et des règles d'équité procédurale en matière d'audition des témoins; "ou, subsidiairement, "référer la présente requête au président de l'Assemblée nationale, pour valoir comme une pétition au sens de l'article 21 de la Charte des droits et libertés de la personne."

M. le Président, vous m'avez demandé si je vous suggérais de prendre la requête en délibéré. En réponse à votre question, permettez-moi de vous suggérer, si vous décidez de prendre ladite requête en délibéré, de suspendre pour l'instant l'interrogatoire de Me Beaulé par le député de Mont-Royal, mais de poursuivre par contre ledit interrogatoire par les autres membres de la commission, Me Beaulé ayant dû, à cause de sa présence devant la commission durant six jours maintenant, demander des remises dans certains dossiers où les causes étaient prêtes à procéder et ne pouvant obtenir auprès de ses confrères ou, du moins, étant mal placé pour obtenir auprès de ses confrères et faire subir à ses clients des délais additionnels.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Le ministre a-t-il quelque chose à ajouter?

Le représentant de l'Opposition?

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, pour l'instant, sans entrer dans les faits allégués par la requête, je voudrais mentionner certaines questions qui sont soulevées par la conclusion de la requête, c'est-à-dire de faire cesser immédiatement l'interrogatoire du requérant par le député de Mont-Royal. La conclusion est que le requérant, qui est témoin, vous demande d'enlever le droit de parole du député de Mont-Royal. Je soumets simplement à votre attention que ce droit de parole est créé par la Loi sur l'Assemblée nationale, par le Règlement de l'Assemblée nationale, est la conséquence d'une entente intervenue au début des travaux de notre commission, à savoir que ce droit ne serait pas restreint à la règle des 20 minutes. La conclusion à laquelle on vous demande d'en arriver est très importante et s'adresse au fondement même de notre droit parlementaire. Si la requête était acceptée par la présidence, la conséquence serait que le député de Mont-Royal n'aurait plus le droit de poser des questions à ce témoin.

Une voix: Vous avez bien compris.

M. Lalonde: C'est une demande extrêmement sérieuse dans ses conséquences qui touche à ce que vous avez mentionné dans votre autre décision, la suprématie de l'Assemblée nationale, l'indépendance de l'Assemblée nationale. Ce sont les propos que je voulais faire au début. (17 heures)

Quant au contenu... Je vous dis aussi qu'il y a des cas prévus par le règlement où le président peut interdire la parole à un député pour le reste de la séance, l'article 45, par exemple: "Si le député ne se soumet pas à deux rappels à l'ordre consécutifs; si, lorsqu'il a la parole, il continue à s'éloigner de la question en discussion après avoir été rappelé à l'ordre deux fois - c'est la fameuse règle de la pertinence - si, lorsqu'il s'est servi d'expressions que ne permet pas le règlement, après en avoir été requis par le président, il ne les retire pas sans commentaire. En cas de récidive, le président peut avertir le député une dernière fois et, si ce dernier ne se soumet pas, il peut ordonner son exclusion de l'Assemblée pour le reste de la séance."

En deuxième lieu - je viens de recevoir cette requête comme nous tous autour de la table; je n'ai pas eu plus le loisir que les autres de l'examiner - en prenant la requête à sa face même - donc, encore une fois, je ne m'adresse pas au bien-fondé des allégations - les faits tels qu'allégués, je soumets qu'on se trouve à condamner implicitement - ce n'est peut-être pas l'intention explicite du requérant - le comportement du président de la commission qui aurait permis ce qui est décrit ici comme étant presque une horreur parlementaire, à savoir que l'interrogateur aurait posé des questions ayant pour but ou pour effet d'humilier ou de harceler le témoin, que l'interrogatoire aurait été mené de façon abusive sous votre bienveillante conduite, M. le Président, que l'interrogateur aurait fait preuve de partialité avec votre accord, M. le Président, qu'il aurait fait fi des règles élémentaires de justice naturelle et d'équité procédurale avec votre complicité, M. le Président.

Je pense que le président, dans l'examen de ces allégations, si elles étaient prises à leur face même encore... Je n'ai pas le loisir, étant donné qu'il y a à peine quelques instants que nous avons cette requête devant nous, d'examiner toute la preuve, c'est-à-dire l'interrogatoire du député de Mont-Royal qui, d'après le chronométrage officiel de la commission, se situerait autour de trois heures. Je n'ai pas eu le loisir, donc, d'examiner chaque question pour faire la démonstration du bien-fondé ou non de la requête. Il faut la prendre à sa face même, elle est appuyée sur un affidavit. Mais naturellement on se rend compte qu'un affidavit permet un contre-interrogatoire sur l'affidavit.

Je pense donc, M. le Président, que, pour permettre à la commission d'interroger le requérant sur son affidavit, on devrait nous donner le loisir de l'étudier et, à cette fin, on devrait suspendre les travaux de cette commission pour les reprendre à 20 heures. Je pense qu'à ce moment nous serions en mesure d'analyser chacune des allégations pour éclairer davantage la présidence sur le bien-fondé ou non des allégations.

Je voulais tout simplement, en premier lieu, vous situer les conséquences en ce qui concerne le droit parlementaire, de cette demande. Deuxièmement, si on les prend à leur face même, les allégations sont une sévère condamnation de la commission parlementaire telle qu'elle s'est tenue depuis jeudi et vendredi dernier, et du comportement de la présidence.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys va rechercher auprès de la présidence une solidarité que je ne vois pas et que je n'imagine même pas. Je pense que Me Beaulé, dans sa présentation de tout à l'heure, a référé à trois séries de faits. D'abord, à ce que nous avons entendu nous-mêmes en commission parlementaire jeudi et vendredi dernier et que nous aurons tout le loisir de relire si ce n'est déjà fait. Il a référé, dans un deuxième temps, aux propos tenus ce matin même par le député de Mont-Royal à l'ouverture de la commission. Troisièmement, il a référé à l'émission radiophonique que vous connaissez...

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas interrompre le ministre, mais...

M. Duhaime: Mais c'est ce que vous faites.

M. Lalonde: Je déteste l'interrompre, mais j'aurais une question de règlement à soulever ici, pour rectifier une chose.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: La requête porte la date du 2 mai, ainsi que l'affidavit. Alors, comment peut-on présumer ou accorder au requérant une prémonition telle que les événements de ce matin seraient contenus? Ils ne sont pas allégués à la requête. C'est ce que le ministre était en train de dire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Le député de Marguerite-Bourgeoys a cette mauvaise habitude de mettre des mots dans la bouche d'un peu tout le monde. Je n'ai même pas encore parlé de la requête. J'ai dit que Me Beaulé, dans sa présentation de tantôt, avait invoqué trois séries de faits. Si vous voulez que je les répète, je vais les répéter. Si l'affidavit que tout le monde a lu il y a quelques minutes porte la date du 2 mai, c'est que les faits allégués dans cette requête réfèrent à la situation d'avant aujourd'hui. J'imagine que ce que Me Beaulé vient d'ajouter sous serment, référant aux propos tenus de ce matin par le député de Mont-Royal à son endroit, tenus également par le député de Mont-Royal lors d'une émission de radio à l'endroit de Me Beaulé fait presque partie intégrante aussi d'un affidavit. S'il faut en déposer un deuxième, M. le Président, vous pourrez en formuler la demande et je pense que Me Beaulé pourrait le faire.

Je ne veux pour aucune raison entrer dans l'argumentation de fond que comporte cette requête. Puisqu'on vous invite à prendre cette requête en délibéré, je voudrais que pendant votre délibéré vous n'oubliiez pas d'examiner l'article 99 de notre règlement, en particulier les paragraphes 7, 8 et 9. "Il est interdit à un député qui a la parole - et je réfère au sous-paragraphe 7 - d'attaquer la conduite d'un membre de l'Assemblée, sauf à l'occasion d'une motion mettant sa conduite en question; 8. de se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée; 9. d'imputer des motifs indignes à un député ou de refuser d'accepter sa parole."

Ce que je vous soumets, M. le Président, je crois que c'est votre décision de tout à l'heure sur la question de règlement que j'ai formulée ce matin qui m'invite à le faire. Vous avez indiqué vous-même que Me Beaulé, comme toute personne qui viendra devant cette commission, est un invité de la commission et qu'en quelque sorte il en fait partie. Il n'y a pas d'invité du gouvernement ou de l'Opposition; il n'y a que les invités de la commission. Par voie de conséquence, je pense que l'article 99 et ses sous-paragraphes 7, 8 et 9 s'appliquent indistinctement à un député, comme à un ministre, comme à un témoin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, en terminant.

M. Laplante: M. le Président, avant que vous preniez votre décision, vous avez déclaré dans le premier jugement que vous avez rendu ce matin que la Charte des droits et libertés de la personne, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, n'avait aucune exclusion. Je veux vous faire part que Me Beaulé prend l'article 4, dont il se sert actuellement pour obtenir justice ou gain de cause devant cette commission. S'il arrivait que la requête soit refusée et que Me Beaulé refuse de répondre à toute question du député de Mont-Royal, j'aimerais que vous soyez prêt à donner les droits, les conséquences d'un tel refus de répondre au député de Mont-Royal, parce que la charte est toujours là et qu'il se sent lésé.

Le Président (M. Jolivet): Je dois prendre une décision...

M. Doyon: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant. Je ne suis pas prêt à prendre une décision immédiatement parce que je pense que cela vaut la peine de regarder, d'abord, la recevabilité de la requête et non pas le fond de la requête. Je vais quand même établir cela. Je crois que vous avez un petit mot à ajouter, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: C'était un peu sur ce que vous souleviez, M. le Président. On invoque l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne. En tout premier lieu, vous aurez à prendre la première décision, à savoir si on est devant le bon forum. Si on invoque la Charte des droits et libertés de la personne, on doit l'invoquer globalement et, à l'intérieur de cette charte, il existe un organisme qui s'appelle la Commission des droits de la personne qui a été instituée de façon à permettre des recours à des personnes qui prétendent que leurs droits fondamentaux ont été lésés. Ils peuvent, par voie de requête, de plainte auprès de la Commission des droits de la personne, faire valoir leur point de vue.

M. le Président, je vous soumets que, pour vous, accepter de considérer le fond de cette requête serait, en même temps, vous mettre dans une situation de juge et partie, parce qu'on imagine difficilement que quelqu'un qui aurait à se plaindre que ses droits ont été brimés à une occasion quelconque puisse en appeler à la partie qui a été au moins témoin muet de ces infractions à son égard pour rectifier ce qui s'est passé précédemment. Accepter de considérer cette requête serait mettre la présidence elle-même dans cette situation, ce qui m'apparaît contraire à la justice naturelle que vous invoquiez tout à l'heure à l'intérieur de vos décisions antérieures. Je pense que quiconque décide ou choisit d'invoquer un article d'une loi, en l'occurrence l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne, doit le faire sachant que, quelques articles plus loin, le législateur, fort sagement, a prévu que, dans un cas où quelqu'un pourrait prétendre que ses droits ont été violés, il peut faire appel à un organisme qui est défini, qui est

décrit et qui est institué à l'intérieur de cette même loi. Les seules remarques que j'avais à faire étaient que la recevabilité même de la requête doit être prise en considération en tout premier lieu, comme vous l'aviez déjà indiqué.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que dans ses courts propos - une chance qu'ils n'étaient pas plus longs - le député de Louis-Hébert vient de battre en brèche et d'écarter tout le travail qui a été fait par de nombreux députés relativement à l'indépendance de l'Assemblée nationale que nous retrouvons, d'ailleurs, dans la nouvelle loi 90. Le député de Marguerite-Bourgeoys a plaidé énormément en faveur de ce principe, de cette loi. Il a travaillé fort là-dessus, comme beaucoup de membres de cette commission. Le président, tout à l'heure, dans l'un de ses jugements, a fait état que l'Assemblée nationale - c'est un article de la loi qui le dit - est maîtresse de sa procédure et ainsi de suite.

Voilà que le député de Louis-Hébert, dans sa sagesse, vient de nous dire que c'est à la Commission des droits de la personne de décider si Me Beaulé doit continuer ou non à témoigner. M. le Président, si vous vous posez la question: Est-ce que vous avez juridiction, comme président de l'Assemblée nationale ou comme président de cette commission, d'accorder ou de rejeter cette requête, je vous réponds respectueusement que oui, vous avez ce pouvoir, à titre, justement, de protecteur des droits et privilèges des députés, mais également à titre de protecteur des droits de nos invités. Et, en fonction même de ce principe de l'indépendance de l'Assemblée nationale et de ses commissions, le président étant élu par l'ensemble des partis politiques, je pense que vous êtes la personne toute désignée pour régler ce problème. Donc, pas de tribunaux de droit commun dans le cas qui nous occupe, pas de Commission des droits de la personne, quoique, si elle veut émettre un avis, elle a bien beau en émettre un. Mais vous avez toute l'autorité nécessaire et la juridiction nécessaire pour trancher sur cette requête. Vous pouvez l'accepter si vous jugez que les allégations qui y sont contenues et appuyées par un affidavit vous satisfont. Vous pouvez, d'autre part, la rejeter si vous n'êtes pas convaincu du bien-fondé du contenu de la requête. Mais, en ce qui concerne, M. le Président, votre autorité, votre juridiction, votre pouvoir même de prendre en délibéré une telle requête, je vous soumets respectueusement que vous avez ce pouvoir non seulement de la prendre en délibéré, mais de la rejeter ou de l'accepter.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je vais aller un pas plus loin sur les premiers propos que j'ai tenus à savoir les concepts de droit que cette requête soulève. Je ne pense pas qu'elle soit recevable, parce que, si elle était acceptée - je n'ai pas dit reçue - par la présidence, elle aurait pour effet de mettre fin à un droit, qui est le droit de parole d'un député, qui est reconnu et qui est créé par la Loi sur l'Assemblée nationale et par le règlement de l'Assemblée nationale. Il y a, dans cette loi et dans ce règlement, des dispositions qui vous permettent de mettre fin à un droit de parole, mais la requête et les allégués qui y sont contenus ne peuvent pas atteindre cette fin. C'est pour cette raison que je vous soumets respectueusement que la requête n'est pas recevable. (17 h 15)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Un dernier mot là-dessus. Je pense que cette requête, en l'examinant rapidement, a un double but. Il m'apparaît très clair qu'elle va dans le sens d'enlever le droit de parole au député de Mont-Royal pour ce qui est de son droit d'interroger Me Beaulé. Par voie de conséquence, cette requête relève également Me Beaulé de l'obligation de répondre au député de Mont-Royal. Mais je pense que Me Beaulé a dit dans ses remarques, avant que Me Roy prenne la parole, qu'il était disposé à répondre à toute autre question qu'un député lui poserait, de quelque côté qu'il se trouve autour de cette table, à toute question qui serait, bien sûr, recevable suivant les dispositions de notre règlement.

M. le Président, je me demande si, pour la bonne marche de nos travaux, nous ne pourrions pas, pendant que vous prenez en délibéré cette requête, après que vous aurez reconnu un député qui demanderait la parole, poursuivre la comparution de Me Beaulé, afin de gagner du temps, puisqu'il nous a indiqué lui-même, par la voix de Me Roy, qu'il avait des affaires urgentes que son travail normal et quotidien l'appelait à régler.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vais régler le dernier problème dont, j'en suis assuré, vous voulez me faire mention. Je n'ai aucunement l'intention de passer à une autre personne pour interroger le témoin, tant et aussi longtemps que je n'ai pas réglé la première question. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: La deuxième question: si vous suspendez nos travaux jusqu'à 20 heures, je présume qu'on n'arrivera pas à 20 heures avec une décision, mais que ce sera pour nous permettre d'examiner ensemble la requête. Sur les faits je n'ai pas plaidé encore.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, c'est que j'avais l'intention de faire, mais je vais laisser le député de Mont-Royal faire son intervention, afin de permettre à Me Roy de donner son intervention. Je donnerai ma décision quant aux autres points. Je vais commencer un par un. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, on discute maintenant d'une question un peu technique dans un certain sens, la recevabilité de la requête. Je ne suis pas intervenu jusqu'à présent, mais je voudrais faire valoir le point suivant. J'ai laissé à mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui est le porte-parole officiel de notre parti à cette commission parlementaire, les interventions sur la question de la recevabilité. Je ne voudrais pas qu'on interprète le fait que je ne suis pas intervenu comme étant un aveu de ma part que j'accepte, partiellement ou non, en tout ou en partie, les allégations de Me Beaulé. Je peux vous dire, M. le Président, que, ni de près ni de loin, je n'accepte les allégations que Me Beaulé et son avocate viennent de présenter devant cette commission parlementaire.

M. Lalonde: Très bien.

Le Président (M. Jolivet): Me Roy.

Mme Roy: M. le Président, il a été question du droit de parole des députés dans cette enceinte. Il y a droit de parole et, lorsqu'il y a droit, il y a malheureusement abus de droit. Je soumets respectueusement qu'on est dans un cas où l'on a abusé du droit de parole à l'égard de Me Beaulé, que je représente actuellement.

J'aimerais aussi attirer l'attention sur le fait que la requête n'est pas uniquement basée sur l'article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne. Elle est également basée sur des principes de "common law", des principes de justice naturelle qui sont reconnus devant tous les "tribunaux". Par l'article 56 de la Charte des droits et libertés de la personne, nous assimilons la présente commission à un tribunal.

Ces principes, qui ont été reconnus tant par la Cour suprême que par les autres instances au Canada, sont des principes du "duty to act fairly", c'est-à-dire que le témoin qui est devant vous a le droit d'être entendu et que la personne qui entend ou les personnes qui entendent les témoins doivent être impartiales et sans préjugés. Il s'agit -naturellement, vous allez dire que je cite en latin - de la fameuse règle: Nemo judex in sua causa.

Deuxièmement, on a également fait mention, tout à l'heure, en se référant au règlement de l'Assemblée nationale du Québec, de certains articles de ce règlement qui sont allégués peut-être d'une façon un peu implicite dans le cadre même de la requête; mais j'aimerais quand même attirer l'attention du président sur le paragraphe 6 de la requête où l'on dit: "Le requérant soumet respectueusement qu'il est un témoin de la commission et, à ce titre, interrogé et non contre-interrogé." L'article 173 du règlement de l'Assemblée nationale prévoit: "II est permis de poser de nouvelles questions pour obtenir des renseignements supplémentaires pourvu que ces questions ne prennent pas la forme d'un contre-interrogatoire." Au paragraphe 8, sous-paragraphe c), à la page 4 de la requête, je réfère également, M. le Président, à l'article 168 du règlement de l'Assemblée nationale où l'on peut lire: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Est irrecevable une question: 1°. Qui est précédée d'un préambule inutile; 2 . Qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs; 3°. Dont la réponse serait une opinion professionnelle ou une appréciation personnelle."

Enfin, lorsqu'on a fait appel tout à l'heure à la date qui apparaît à la requête, qui est celle du 2 mai, et qu'on a prétendu, à tort, que la déclaration de Me Beaulé qui a précédé la lecture de la requête, dont vous avez copie, ne pouvait pas servir à l'appui de la requête que vous avez sous étude, cette prétention était mal fondée puisque les propos qui ont été relevés ce matin par Me Beaulé font, en quelque sorte, preuve ou viennent compléter la preuve de la requête que vous avez présentement sous étude et dont vous êtes saisi. Je n'ai rien d'autre à ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Pour répondre aux questions du député de Marguerite-Bourgeoys, je dois dire que je vais suspendre à loisir pour éviter quoi que ce soit. Je ne pense pas que ce soit long, compte tenu du fait qu'on avait déjà un préavis sur ce que vous aviez l'intention de faire aujourd'hui. Il reste, cependant, que je veux vérifier ce qui a été dit de part et d'autre. Je ne pense pas que ce soit long pour prendre une décision au sujet de cette question, puisqu'on connaît assez bien l'ensemble des procédures. J'ai déjà fait mention de cela dans une des décisions que j'ai rendues cet après-midi. Indépendamment

de cela, si la décision était de rendre irrecevable la requête, il ne serait donc pas question d'avoir quelque discussion que ce soit sur les allégués à l'intérieur de la requête. S'il y avait une autre décision, on verra à ce moment-là. Donc, suspension à loisir.

M. Lalonde: Jusqu'à 20 heures? Le Président (M. Jolivet): Non, à loisir. (Suspension de la séance à 17 h 25).

(Reprise de la séance à 17 h 40)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Troisième décision aujourd'hui. Mais, étant donné que celle-ci était déjà prévisible par tout ce qu'on a lu et entendu, nous nous étions préparés. Quand même, je voulais regarder l'ensemble de l'argumentation apportée par chacun. Je dois dire que l'Assemblée nationale, aux termes de l'article 9 de la Loi sur l'Assemblée nationale, établit, comme je l'ai mentionné dans d'autres décisions, les règles de sa procédure et elle est seule compétente pour les faire observer. Elle n'est pas assujettie à quelque contrôle externe que ce soit et, même si elle s'inspire parfois de la procédure devant les tribunaux de justice, elle n'est pas soumise à ses règles.

De nombreux jugements ont confirmé cet aspect de l'indépendance du pouvoir législatif. Qu'on me permette à nouveau de citer l'un des plus anciens articles que cite May, dans sa 19e édition, à la page 200. "In Bradlaugh vs Gossett. It was decided that the House of Commons is not subject to the control of the courts, in the administration of that part of the law which relates to its internal procedure only, and that even if its interpretation of a statute prescribing rights exercisable within its walls is erroneous, the courts have no power to interfere. For such purposes the House can "practically change or practically supersede the law"." Non seulement on y établit la règle que le Parlement est maître de sa procédure, comme on le mentionnait (l'Assemblée est maîtresse de sa procédure) mais encore on y ajoute que les tribunaux n'ont aucun droit d'intervenir dans sa manière de procéder. Ce qui s'applique à la Chambre s'applique par le fait même aux commissions.

Vous avez eu l'occasion, au cours de vos discussions, de mentionner, comme j'ai essayé de le faire souvent par analogie depuis le début des travaux de cette commission, que la commission doit, par analogie, si les règles ne sont pas prévues dans la commission elle-même, utiliser le droit de l'Assemblée nationale. Or, notre droit parlementaire ne reconnaît pas à des "étrangers", autrement dit à des non-membres ou à des personnes qui ne sont pas reconnues, selon nos procédures, comme des intervenants de faire des motions; c'est l'article 54 de notre règlement qui prévoit que seuls les membres peuvent faire des motions ou soutenir quelque acte que ce soit devant l'Assemblée ou l'une de ses commissions.

Pour ces raisons, je ne peux accueillir la demande adressée par notre témoin ou notre invité à cette commission. Je dois, au nom des droits et privilèges de l'Assemblée, demander à cette personne de demeurer à la disposition de la commission et de continuer à répondre aux questions qui lui seront posées.

Cependant, compte tenu que Me Beaulé, ou la personne qui l'accompagne, ne connaît pas nécessairement notre règlement, je dois lui rappeler qu'il y a l'article 180 qui dit: "Au moment du dépôt de documents, une personne ou une association de personnes peut, par l'intermédiaire d'un député, déposer une pétition à l'Assemblée dans le but d'obtenir le redressement d'un grief public." C'est une des possibilités qui existent, en lui disant que c'est selon nos règles de procédure de l'Assemblée nationale.

M. le député de Jonquière, vous avez quelque chose à ajouter?

M. le ministre?

M. Duhaime: Si je comprends bien ce que vous venez de nous dire sur la recevabilité de la requête de M. Beaulé, vous la jugez irrecevable parce qu'elle ne pourrait pas être présentée par quelqu'un qui est appelé à comparaître devant une commission de l'Assemblée nationale. Par ailleurs, vous êtes demeuré silencieux - ou ai-je mal saisi - sur le fait qu'un député pourrait faire sienne la requête qui est devant vous et qu'à ce moment-là elle serait recevable. C'est la question que je vous adresse.

Le Président (M. Jolivet): La question que vous m'adressez pour le moment doit être posée en temps opportun et j'aurai à me prononcer de façon affirmative ou négative, à savoir si l'on peut le proposer par une motion quelconque ou par un acte quelconque lorsqu'on a le droit de parole. Je reviens donc à ce que j'ai dit vendredi dernier. La parole étant au député de Mont-Royal, c'est à lui que je devrai normalement la donner. Toute personne qui aura droit de parole ensuite pourra faire les propositions qu'elle jugera à-propos et je me prononcerai sur leur recevabilité.

M. le ministre.

M. Laplante: Une directive.

M. Duhaime: Je voudrais simplement compléter parce que je crains que nous

aurons bientôt à rechercher ce que j'appellerais une quadrature difficile à retrouver. Selon votre décision, si personne d'autre maintenant que le député de Mont-Royal n'a droit de parole et que ce droit de parole est illimité et donc indéfini dans le temps, comment un député, de quelque côté qu'il se trouve, pourrait-il mettre fin à cet interrogatoire en déposant lui-même une motion similaire, si théoriquement il n'a jamais le droit de procéder?

M. Lalonde: Cela prend de la patience.

M. Duhaime: Oui, cela prend de la patience et je voudrais consoler le député de Marguerite-Bourgeoys en lui disant que j'en ai beaucoup...

M. Lalonde: Ah bon!

M. Duhaime: ...mais que j'aimerais mieux la réserver à d'autres fins.

Une voix: Des fois, vous cachez bien votre jeu!

M. Duhaime: J'ajouterai ceci, et c'est une demande de directive que je vous adresse: Est-ce que la présidence, proprio motu, pourrait d'elle-même, à cause du cours des événements que nous avons connus jusqu'à présent - si vous maintenez cette décision de donner de nouveau la parole au député de Mont-Royal, donc de ne pas faire droit à la requête qui vous est présentée par M. Beaulé - pour les motifs qu'elle pourrait retrouver, mettre fin à l'interrogatoire qui a été entrepris depuis 17 h 55 jeudi soir dernier?

M. Lalonde: M. le Président, sur la demande de directive...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...si vous voulez, on va revenir aux dimensions normales des choses. Les manoeuvres du ministre, vendredi matin, n'ont impressionné personne. Les statistiques sont claires et la preuve l'est aussi. Les statistiques démontrent que l'interrogatoire de Me Beaulé par le député de Mont-Royal a duré jusqu'à maintenant trois heures et cinq ou trois heures et huit minutes, ce qui est moins que l'interrogatoire de M. Laliberté. Cela se compare à peu près au temps de certains autres invités. Il n'y a aucun élément qui puisse donner ouverture aux suggestions du ministre. D'autant plus que je constate - on peut le faire à la lecture de la transcription - que, depuis dix ou quinze jours que nous sommes ici, la présidence a fait son travail. Elle a, proprio motu, à l'occasion, de son propre chef, fait des interventions, mis en garde le témoin contre une question et lui a dit: Vous n'êtes pas obligé de répondre à telle question parce que c'est une question d'opinion. La présidence connaît le règlement, elle est liée par le règlement, d'ailleurs, en ce qui concerne son droit d'enlever la parole à un député. Elle peut le rappeler à l'ordre une fois, deux fois et ensuite l'expulser. Pas le commencement d'un iota de ce que suggère le ministre n'est arrivé jusqu'à maintenant. C'est une fabrication totale en ce qui me concerne. Je pense qu'on remplirait mieux notre mandat et qu'on l'exercerait davantage et beaucoup mieux si, au lieu de s'adonner à des finasseries, comme le ministre nous le suggère, on reprenait simplement l'interrogatoire où on l'a laissé.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Ce sera court. M. le Président, considérez-vous que depuis ce matin, dix heures, la journée qu'on a passée - il est près de 18 heures - est une journée qu'on appelle préparatoire à nos travaux de la journée?

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas compris votre question.

M. Laplante: Considérez-vous que ce que nous faisons depuis ce matin, ce sont des travaux préparatoires à nos travaux de la journée?

Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire, M. le député, qu'avoir su tout ce qu'on avait à rendre comme décisions il y aurait peut-être eu une décision qu'on aurait pu rendre en vertu d'un article qui le permettait dans l'ancien règlement, soit de régler nos disputes entre nous et non devant la personne invitée, de façon à lui permettre de vaquer à ses occupations. Peut-être aurions-nous réglé d'autres problèmes en cours de route.

M. Laplante: Je m'excuse, M. le Président. La question que je vous pose est importante.

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas à répondre à votre question, M. le député.

M. Laplante: C'est une directive que je vous demande. Vous savez qu'au début d'une commission il y a des travaux préparatoires.

M. Lalonde: C'est une commission préparatoire à nos travaux.

M. Laplante: C'est exactement ce qui se déroule aujourd'hui.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je vais complètement arrêter...

M. Laplante: C'est une décision que je veux avoir.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, elle va être facile à rendre. La première rencontre a eu lieu le 29 ou plutôt le 30 mars, si je me souviens bien. C'est là qu'on a établi les règles de départ pour cette commission parlementaire. A ce moment-là, comme président, j'ai suggéré que l'on discute à partir du règlement, c'est-à-dire vingt minutes par intervenant. À l'époque, on m'a presque suggéré de continuer au-delà des vingt minutes. Je m'en souviendrai toujours parce qu'on l'a dit, ce matin, de façon silencieuse. Mais, quand même, je dois vous dire qu'au moment où j'ai commencé cette commission j'ai fait des suggestions, comme un président doit le faire. Les membres de cette commission avaient acquiescé au départ, mais, en cours de route, les députés ont fait en sorte, par l'utilisation qu'ils faisaient de leur droit de parole, que cela déborde. Finalement, cela a débordé au-delà de vingt minutes. Cette journée-là, j'ai considéré cela comme étant les préliminaires pour la commission parlementaire.

Normalement, aujourd'hui, je m'attendais, comme tout le monde qui est à l'affût de ce qui se déroule à cette commission parlementaire, qu'il y aurait énormément de questions de règlement ou autres. Je dois dire qu'avec tous les travaux que nous avons à faire dans nos régions comme députés, on a aussi à se préoccuper de ce qu'on a comme travail parlementaire ici. Je n'ai pas à juger si cette journée est une journée préparatoire à d'autres travaux. Ce que je dis, c'est que cela fait partie du travail normal d'une commission de se poser, un jour ou l'autre, des questions de règlement, ce que vous avez plutôt utilisé aujourd'hui au lieu de faire en sorte que, finalement, on interroge la personne qui est devant nous. C'est votre droit. Je n'ai, comme président, qu'à être là pour essayer de faire en sorte que les débats se déroulent dans l'ordre et à donner des réponses à vos questions de règlement ou à vos demandes de directives de façon que, finalement, on puisse commencer cette journée qui, normalement, aurait dû commencer à 10 h 10 ce matin.

M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Deuxième directive. Est-ce que, comme président d'une commission, il est normal que ce soit toujours le même député qui prenne la parole et qu'il puisse la garder durant trois jours? N'y a-t-il pas une discrétion à ce moment pour le président de dire: Écoutez, je reviendrai à vous - en somme, vous lui donnez la chance de reposer d'autres questions, quand même - et je vous redonnerai un autre tour tout à l'heure.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, c'est exactement ce que j'ai proposé le 30 mars; j'essaie de me rappeler la date de mémoire; j'en ai tellement eu, moi aussi. Le 30 mars, c'est exactement ce que j'ai proposé et que la commission ne m'a pas accordé. En conséquence, j'applique ce que la commission m'a demandé d'appliquer; or, ce qu'elle m'a demandé, c'est de faire la lumière sur l'ensemble en laissant ouvert le droit de parole. Dans ce cas, ne me demandez pas aujourd'hui de vous enlever ce que vous m'avez donné comme devoir de faire et que je fais.

M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, à moins que je n'aie une mauvaise perception, tous les membres autour de cette table à cette commission semblent admettre qu'à titre de protecteur des droits et privilèges des députés et également à titre de protecteur des droits de nos invités vous pouvez, proprio motu, d'office, de plein droit, mettre fin à l'interrogatoire d'un de nos témoins par un député.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je comprends également, M. le Président, que, dans votre récent jugement, vous avez dit qu'un témoin ne pouvait présenter de requête ou de motion, mais n'avez-vous pas le droit - c'est la question que je vous pose - de voir dans cette requête formelle qui a été présentée devant vous un voeu extrêmement ardent de l'un de nos témoins, un souhait -c'est un mot qu'on a entendu souvent à cette commission - de notre témoin pour les motifs invoqués dans une requête qui n'est plus formelle, semble-t-il puisqu'elle a été déclarée recevable, de voir que ce témoin souhaite que son témoignage ou que l'interrogatoire qui lui est fait par le député de Mont-Royal soit écourté ou arrêté?

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'aimerais apporter une correction quand même. Le député de Jonquière dit que, autour de la table, c'est un sentiment presque unanime que vous devriez arrêter le témoignage, que vous pouviez le faire. Le président le pourrait peut-être, en fonction du règlement, si le député de Mont-Royal s'était rendu coupable - ce qui est couvert par le règlement -

d'emploi de termes non parlementaires qu'il ne voudrait pas retirer ou de choses semblables, mais pas du tout, jamais, sauf erreur. En donnant des avertissements, le président a fait preuve de vigilance. Il a quelques fois rappelé à l'ordre l'un ou l'autre des députés, d'un côté comme de l'autre, pour préciser une question, pour écourter un préambule et des fois aussi, de façon plus sévère, soit pour un témoin ou pour un député, mais jamais, je me répète, le commencement d'un iota de dérogation à ce qui est prévu par le règlement n'a été commis par le député de Mont-Royal. Qu'on le laisse donc continuer son interrogatoire. Il va sûrement terminer. Après cela, vous poserez les questions que vous voudrez.

Le Président (M. Jolivet): Je dois donc vous rappeler ce que je disais au début de nos travaux à 14 heures: La règle d'interprétation que je voulais utiliser comme président et dont je voulais m'inspirer était la même que j'utilise depuis le début, c'est-à-dire, par analogie, l'article 168, paragraphe 2; en particulier. À plusieurs occasions durant cette commission, je l'ai utilisé pour les personnes qui étaient devant moi. Je m'étais peut-être mal exprimé en disant: Vous n'avez pas droit de réponse. Je n'aurais jamais dû dire cette énormité. J'aurais dû dire: La question est irrecevable, mais, si vous voulez y répondre, vous êtes toujours libre de le faire. C'est ce que j'ai fait à plusieurs occasions en rappelant à la personne qui était devant nous, parce que plusieurs avaient suivi nos débats, que je la référais à l'article 168. Je lui disais: En vertu de l'article 168, vous savez quoi faire. À plusieurs occasions, telle ou telle personne, quelle qu'elle soit, devant nous - je ne parle pas nécessairement de Me Beaulé, je parle d'autres aussi - a dit qu'elle ne voulait pas répondre parce qu'elle était libre de répondre ou de ne pas répondre, en vertu du fait que je jugeais irrecevable la question qui était posée. En conséquence, je n'ai pas l'intention de changer la façon dont, jusqu'à maintenant, j'ai essayé de faire respecter le règlement, même si je comprends dans quel cercle carré nous nous trouvons au niveau du droit de parole, mais c'est vous qui m'avez imposé cette règle.

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je voudrais, quant à moi, vous dire qu'effectivement j'ai personnellement constaté que vous avez mené les travaux de cette commission de main de maître. Je le dis avec d'autant plus de facilité que j'ai moi-même eu l'occasion dans le passé de présider des commissions parlementaires où le climat n'était pas toujours des plus sereins, que j'ai eu moi-même l'occasion de devoir prendre des décisions en délibéré et de rendre des décisions qui étaient plus ou moins controversées. Je vous dirai que la seule différence entre ce que j'ai constaté ici, comme membre de cette commission, et ce que j'ai constaté alors que j'étais président de commission, c'est que, cette fois-ci, il semble que c'est le parti ministériel qui voudrait vous imposer une ligne de conduite. Je vous dis très sincèrement, M. le Président, très candidement, que, selon moi, vous faites votre travail de façon admirable. Cet après-midi, lorsque vous m'avez rappelé à l'ordre et que vous ne m'avez pas donné raison sur une question de règlement, je n'ai pas rouspété. J'inviterais les membres ministériels de la commission à faire de même. C'est le moins qu'on doive attendre des membres de la commission, qu'ils soient de ce côté-là ou de ce côté-ci de la table.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jonquière, en terminant, avant que je suspende.

M. Vaillancourt (Jonquière): ...je voudrais vous dire qu'en aucun moment vous ne devez interpréter les propos des députés ministériels comme étant une attaque à votre conduite ou à votre comportement comme président de cette commission depuis le début. Mais je dois tout de même, M. le Président, en conclusion, constater que, les droits et privilèges des députés étant si importants, alors que nous avons une commission parlementaire qui est télévisée dans tout le Québec, des personnes du Québec, toutes aussi honorables les unes que les autres, viennent ici devant cette commission et leur réputation étant attaquée, leur crédibilité étant minée, leur carrière future étant probablement attaquée...

Une voix: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Vaillancourt (Jonquière): ...ne peuvent malheureusement, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 11)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'énergie et des ressources est à nouveau

réunie, dès maintenant jusqu'à 22 heures, pour continuer ses travaux concernant le mandat qui nous a été confié.

Au moment où nous avons, à partir des questions de règlement, regardé où nous en étions rendus, nous en étions au député de Mont-Royal qui avait le droit de parole pour les instants qu'il voudra, espérant qu'il observera, comme tous les autres membres de cette commission, les directives que j'ai données au cours de la journée concernant les questions à être posées et qu'il fera en sorte qu'ayant utilisé son droit de parole on puisse passer à une autre personne, aussitôt qu'il aura terminé.

M. le député de Mont-Royal, vous avez la parole.

M. Ciaccia: Je vous remercie, M. le Président. Soyez certain de ma coopération à la suite des décisions et des directives que vous avez données aujourd'hui.

M. Duhaime: Plus fort, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Si le ministre n'entend pas, je vais répéter pour qu'il ne manque aucune de mes paroles.

M. Duhaime: Je ne peux pas vous manquer, je vous vois.

M. Ciaccia: J'ai dit, M. le Président, que, comme d'habitude, je vais respecter vos décisions, vos directives. Je crois bien que, jusqu'à maintenant, j'ai respecté le règlement de l'Assemblée nationale dans les questions que j'ai posées au témoin qui est devant nous, Me Beaulé.

Me Beaulé, quand nous nous sommes quittés vendredi, pendant les quatre ou cinq dernières minutes de la séance de vendredi, je vous avais posé une question au sujet d'une copie d'un document que vous auriez donnée à Me Jean-Roch Boivin, du bureau du premier ministre. Vous avez admis vendredi que ce document n'existait plus; autrement dit, qu'il avait été détruit. Est-ce une copie ou l'original que vous avez détruit?

Témoignages M. Rosaire Beaulé (suite)

M. Beaulé: Ce que j'ai dit vendredi au sujet de ce document apparaît à la transcription de mon témoignage...

M. Ciaccia: Oui, ce qu'on a lu.

M. Beaulé: ...et je ne veux pas prolonger les travaux de la commission en corrigeant ou en rectifiant à nouveau le préambule de la personne qui m'interroge. Alors, je vais reprendre à nouveau, si vous le permettez, mais je pense, M. le Président, que vous comprendrez que, si je ne prends pas la peine chaque fois de rectifier ou de corriger les préambules de la personne qui m'interroge, ce n'est pas que j'acquiesce à ses postulats ou à ses énoncés de faits.

En ce qui concerne ce document, il s'agissait d'un aide-mémoire de trois pages, fait sur du papier procédure, du papier légal, que j'avais à mon dossier, que j'avais remis à M. Boivin le 2 février 1979 et qui avait pour titre Y a-t-il un lien de droit entre la SEBJ et l'International Union of Operating Engineers? Vous pouvez retrouver ce document ou son texte dans Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion & Prud'homme, à la page... Je m'excuse, il y a une certaine ambiguïté parce que l'un des deux cahiers porte la mention

Correspondance et lettres du cabinet Geoffrion & Prud'homme et l'autre porte la référence Correspondance, cabinet Geoffrion & Prud'homme. C'est à ce dernier cahier, le plus épais, le plus volumineux, que je me réfère et c'est à la page 99. À la page 99, vous trouvez ma lettre qui se divise en deux parties: A) L'absence de lien de droit entre la SEBJ et The International Union of Operating Engineers. La première partie est développée aux pages 99, 100, 101 et au début de la page 102.

J'ai donc remis à M. Jean-Roch Boivin, le 2 février, cet aide-mémoire fait sur du papier procédure qui était la copie conforme, si vous voulez, de ce qu'on retrouve dans ma lettre à Me Aquin, du 5 février 1979. Lorsque j'ai préparé la déclaration que j'ai eu l'honneur de vous lire le 28 avril, déclaration écrite, j'ai incorporé, M. le Président, aux pages 12 et suivantes le chapitre qui s'appelle: La non-responsabilité de l'International Union of Operating Engineers. C'est du pareil au même. Au lieu d'employer l'expression "absence de lien de droit", je voulais être bien compris, j'y ai substitué le mot "non-responsabilité". Et ce que vous trouvez aux pages 12 et suivantes du mémoire que j'ai eu l'honneur de vous soumettre incorpore tout ce qu'il y avait substantiellement dans le texte que j'ai adressé à M. Aquin le 5 février 1979, que l'on retrouve aux pages 99 et suivantes. J'ai utilisé, à ce moment-là, comme document de travail, un duplicata de l'aide-mémoire, que j'avais dans mon dossier, auquel j'ai ajouté les événements subséquents au 29 janvier 1979 et, particulièrement, ce que vous pouvez trouver, M. le Président, à la page 17 de mon mémoire. J'ai fait, à cette copie de l'aide-mémoire - copie carbone ou photocopie - des modifications de style et j'ai changé des verbes. En fait, j'ai tenté d'en faire un texte le plus français qui soit. J'ai déjà dit, vendredi - je pense que je me répète - que j'avais fait des ratures sur l'aide-mémoire, dont j'avais une copie dans mon dossier et que j'ai utilisé pour les fins

de la préparation de ce mémoire que je vous ai soumis le 28 et que, finalement, n'étant plus d'aucune utilité pour moi, je l'avais mis dans mon panier à papier à côté de mon bureau, ce que je fais fréquemment quand je prépare des documents et ce, depuis 25 ans.

M. le Président, si on se reporte à mon témoignage du 29 avril, j'ai déjà dit tout cela. Je viens de le redire ce soir, par respect pour vous et pour les membres de la commission. Donc, je n'ai pas détruit de document et je ne veux pas aller plus loin pour le moment.

M. Ciaccia: M. le Président, j'avais quelques questions et je croyais qu'on pourrait terminer dans quelques minutes. Mais les réponses du témoin vont m'obliger à prendre plus de temps pour essayer d'avoir des réponses à mes questions.

Une voix: Posez donc les réponses!

M. Ciaccia: Premièrement, la question que je vous ai posée est bien simple: Est-ce une copie ou est-ce l'original que vous avez remis à M. Jean-Roch Boivin? Cela faisait partie de la question que je vous ai posée. Voulez-vous répondre?

M. Beaulé: M. le Président, j'ai remis, à M. Boivin, soit l'original de cet aide-mémoire, soit une photocopie, le 2 février 1979. Maintenant, je ne veux pas aller plus loin; j'attends l'autre question.

M. Ciaccia: Alors, vous ne savez pas si vous avez remis l'original ou une copie, si je comprends bien?

M. Beaulé: Je présume que c'est l'original. C'est plus dans l'ordre des choses.

M. Ciaccia: Vous avez remis l'original à M. Jean-Roch Boivin.

M. Vaillancourt (Jonquière): Le témoin a dit "je présume".

Une voix: II a présumé.

M. Ciaccia: Vous présumez que vous avez remis l'original à M. Jean-Roch Boivin. Je vous comprends bien?

M. Beaulé: Oui. Mais il s'agit du même texte, n'est-ce pas?

M. Ciaccia: Non. Ce n'est pas ma question. Si on pouvait limiter les réponses aux questions que je pose, je pense que cela irait beaucoup plus vite et on aurait moins de difficultés. Aussi, on n'aurait pas de dispute entre nous.

M. Beaulé: M. le Président, si vous voulez me sermonner, je suis devant vous. Mais je n'accepterai pas que le député de Mont-Royal me sermonne.

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Lalonde: Arrogance! Arrogance!

M. Ciaccia: Très bien, M. le Président.

Une voix: II a raison.

Une voix: C'est épouvantable!

M. Ciaccia: Alors, vous présumez avoir remis l'original à M. Jean-Roch Boivin? Lorsque je vous ai posé la question: Est-ce que vous avez une copie du document, vous m'avez répondu au ruban 970, à la page 1: Je n'en ai pas avec moi, je l'avais encore la semaine dernière. Et vous ajoutez: Pour répondre très clairement, je pense que je l'ai simplement mise au panier.

M. Beaulé: C'est cela. C'est exact.

M. Ciaccia: N'est-ce pas détruire, cela? Cela n'est pas détruire un document, quand vous le mettez au panier, que vous le jetez?

M. Beaulé: M. le Président, je n'ai pas d'autre réponse à donner à la question. J'ai mis cette copie de l'aide-mémoire au panier après l'avoir utilisée pour préparer le mémoire que je vous ai soumis. Je pense qu'il y a déjà six fois que je répète la même chose. Si on pense que j'ai détruit un document, qu'on porte des accusations.

M. Ciaccia: Excusez-le. J'espère que ce n'est pas une barrière de langage.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous utilisez des termes que j'ai demandé de ne pas utiliser.

M. Ciaccia: Quand le témoin me dit -et je lis la réponse - qu'il ne peut pas me produire le document parce qu'il l'a simplement mis au panier et qu'il me donne la date à laquelle il l'a mis au panier, le 27 avril 1983, soit la veille du jour où il devait comparaître à la commission parlementaire, je présume qu'il a détruit...

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, sur une question de règlement.

M. Ciaccia: ...le document la veille du jour où il devait venir à la commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le député de Jonquière. Je m'excuse, M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): II apparaît manifeste, aux dernières phrases du député de Mont-Royal, que celui-ci essaie très malicieusement de faire une relation entre la date où Me Beaulé a mis le papier à la poubelle et sa présence ou sa comparution devant la commission parlementaire le lendemain. C'est peut-être politiquement de bonne guerre, mais je crois que notre témoin, notre invité mérite de meilleurs égards que cette relation qu'on fait alors qu'il n'y a absolument aucune relation.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Une voix: Laissez-moi rire!

M. Lalonde: ...sur la question de règlement, le député de Jonquière a certainement déjà plaidé en cour. Si le député de Mont-Royal était aveugle, sourd et muet, peut-être ne pourrait-il pas faire de rapport entre la date où ce document a été détruit - il emploie le mot "détruit" - ou a disparu dans le panier du témoin et la date de sa comparution. Il ne faut quand même pas être naïf. Ce document était dans son dossier depuis quatre ans. Le témoin savait qu'il comparaissait ici le lendemain et le document a été mis au panier. On peut apporter les conclusions qu'on veut, mais on ne peut pas reprocher au député de Mont-Royal de poser des questions sur ce rapport, à savoir qu'il a été mis au panier la veille de la comparution du témoin.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je n'empêche pas le député de Mont-Royal de poser des questions sur ce sujet. Ce que je dis, c'est que le député de Mont-Royal se comporte en juge et essaie d'interpréter la relation qu'il y a entre la date où le document a été mis à la poubelle et la comparution du témoin le lendemain. Il tire des conclusions au lieu de poser des questions. Son rôle est de poser des questions au témoin. Le témoin a déjà répondu à cela et je crois qu'il n'appartient pas au député de Mont-Royal de juger la corrélation qu'il y a entre les deux actes en question.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement. Je pense qu'il est important, maintenant que le député de Jonquière a décidé - et c'est son droit le plus strict - d'intervenir dans le débat au moment où il croit qu'il doit le faire, de reconnaître que le député de Mont-Royal a le droit de poser des questions sur le fait que ce document a été mis au panier la veille de la comparution d'un témoin. Sans porter de jugement, il peut poser des questions comme: Est-ce que, par exemple, vous saviez que vous comparaissiez le lendemain? Est-ce que vous le saviez ou est-ce que vous ne le saviez pas? Pouviez-vous penser qu'on vous poserait la question? Par exemple, le député de Mont-Royal pourrait poser la question suivante au témoin: Est-ce que vous savez qu'à l'Assemblée nationale votre serviteur a posé la question au premier ministre, à savoir quels documents avaient été remis à M. Boivin et à M. Gauthier et que la réponse a été - parce que c'était public, dans le document du premier ministre - qu'il n'y en avait pas de copie? Le député de Mont-Royal est tout à fait autorisé à poser des questions, sans porter de jugement, naturellement.

M. Vaillancourt (Jonquière): Sans porter de jugement.

Le Président (M. Jolivet): Merci. J'ai bien compris que c'était sans porter de jugement. De part et d'autre, on est bien conscient qu'il ne faut pas porter de jugement.

M. le député de Mont-Royal, en espérant que cela puisse continuer dans le meilleur des mondes.

M. Ciaccia: M. le Président, si c'est une nouvelle tactique des députés ministériels d'interrompre... Je pense que j'ai le droit de faire des commentaires.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, la seule chose que je peux vous dire, c'est que, de part et d'autre, quand on me pose une question de règlement, j'interviens et je permets la question de règlement. Je ne voudrais pas qu'on interprète les décisions que j'ai à rendre.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne remets pas en question vos décisions du tout. Je remets en question la nouvelle tactique du côté ministériel d'interrompre quand les questions deviennent un peu embarrassantes.

M. Tremblay: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Chambly, sur une question de règlement.

M. Tremblay: M. le Président, le député est en train de nous dire quand on va soulever des questions de règlement ici?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, ce n'est pas une question de règlement.

M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît, les questions!

M. Ciaccia: Bon, très bien, je vais reprendre mes questions sur le document qui n'est plus en la possession de Me Beaulé et

qui l'était le 27 avril, la veille de sa comparution devant la commission parlementaire. Je voudrais demander à Me Beaulé: Est-ce que vous l'avez détruit, oui ou non, ce document?

M. Beaulé: Je n'ai pas détruit le document et, pour le cas où vous ne le sauriez pas... Enfin, je m'adresse à vous, M. le Président...

M. Ciaccia: L'avez-vous mis au panier?

M. Beaulé: Si vous le permettez, j'ai le droit de donner une réponse complète.

M. Ciaccia: Oui, absolument.

M. Beaulé: Le mot "détruire" a un sens péjoratif. S'il n'avait pas de sens péjoratif, nous l'aurions entendu moins souvent depuis quelques heures. Je n'ai pas détruit de document. J'ai dit et je le répète pour la dernière fois: J'ai utilisé une copie de ce document que j'avais remise à M. Boivin. Je jure et j'affirme comme depuis le début de mon témoignage que le texte du document que j'ai remis à M. Boivin le 2 février se trouve dans la lettre que j'ai adressée à M. Aquin le 5 février, pages 99 et suivantes, premièrement; deuxièmement, j'ai utilisé la copie qui me restait pour préparer le mémoire que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. J'y ai fait des ratures, des additions et, une fois ce texte mis au Micom, si vous voulez, une machine assez sophistiquée, comme j'avais fait des ratures sur mon document, je l'ai simplement mis à la poubelle, il ne m'était plus utile. Un point, c'est tout. Je n'ai pas détruit de document parce que cela a un sens péjoratif. Quant au texte que j'ai remis à M. Boivin, quant à la substance, vous la retrouverez dans la première partie de ma lettre à M. Aquin. Je n'ai rien d'autre à ajouter, M. le Président.

M. Ciaccia: Me Beaulé, saviez-vous que nous avions demandé copies des documents de Me Boivin?

M. Beaulé: Non, monsieur.

M. Ciaccia: Vous ne le saviez pas? Lorsque vous dites: Je l'ai simplement mis au panier - vous ne voulez pas que je dise que vous avez détruit le document - vous l'avez mis au panier le 27 "février".

M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà répondu. Je n'ai rien d'autre à ajouter.

M. Ciaccia: Bon. Mais vous ne l'avez pas cette copie du document. Est-ce exact?

M. Beaulé: M. le Président, je n'ai rien d'autre à ajouter.

M. Ciaccia: Bon, vous ne l'avez pas. Pourquoi l'avez-vous mis au panier la veille de votre comparution à la commission parlementaire?

M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà répondu.

M. Ciaccia: Non, M. le Président, je n'accepterai pas que les députés ministériels répondent pour le témoin. Si vous refusez de répondre à la question, c'est votre droit.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je pense que je dois quand même intervenir. Me Beaulé n'a pas dit qu'il refusait: c'est qu'il donnait la même réponse qu'il avait déjà donnée. C'est ce que j'ai compris, à moins que je ne comprenne pas.

M. Beaulé: C'est cela, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne lui avais jamais demandé, M. le Président, pourquoi il avait mis le document au panier la veille de comparaître à la commission parlementaire. Là, je lui pose la question suivante: Pourquoi avez-vous jugé bon de mettre au panier -vous ne dites pas que c'est détruit; moi, je dis qu'une fois mis au panier il est détruit, vous ne l'avez plus; on va utiliser vos mots -ce document la veille de comparaître devant la commission parlementaire? (20 h 30)

Une voix: Question de règlement.

M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà répondu à la question, à savoir dans quelles circonstances je me suis débarrassé de ce texte dont je n'avais plus besoin. Maintenant, à la question: Pourquoi est-ce ce jour-là que ma copie utilisée est allée dans mon panier qui est à droite de mon bureau? Comme le dirait M. de La Palice, il n'y a qu'une réponse: C'est que, ce jour-là, j'ai rédigé le mémoire que vous avez devant vous. Je l'ai dicté à Mme Suzanne Deslauriers. Je n'avais plus besoin du document. Cela a été fait le 27 avril. Voilà la raison pour laquelle la copie est allée dans le panier le 27 avril; c'est parce que c'est le jour où j'ai fait ce travail. Les autres jours, j'ai fait d'autres choses pour les fins de mon bureau. Il n'y a pas d'autre raison.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Beaulé, est-ce que ce document était accompagné d'annexes?

M. Beaulé: Absolument pas. Il n'était même pas accompagné de lettre. Cela a été

remis de main à main.

M. Ciaccia: À qui ce document était-il adressé?

M. Beaulé: Je vous ai déjà dit que le document est un aide-mémoire, ne portant aucune référence à son destinataire, que j'ai remis à M. Boivin de main à main le 2 février 1979. Je pense que cela fait six fois que je répète cela.

M. Ciaccia: Vous avez affirmé, au ruban 891, page 1, que, au cours des réunions que vous avez eues avec Me Boivin, vous lui avez communiqué les faits, les éléments et les documents que vous aviez à votre disposition. Je sais qu'un des documents était la contestation et un autre, le document que vous venez de mentionner qui a été détruit le 27 avril, qui a été mis au panier. Est-ce qu'il y avait d'autres documents que vous aviez remis à M. Boivin?

M. Beaulé: M. le Président, le député de Mont-Royal fait référence au ruban 971, je crois?

M. Ciaccia: 891. M. Beaulé: 891? M. Ciaccia: Oui.

M. Beaulé: 891. Écoutez, donnez-moi le temps. 891.

M. Ciaccia: Oui, oui. Prenez tout votre temps, Me Beaulé.

M. Beaulé: M. le Président, je pense que, selon les règles de la preuve, la personne qui m'interroge devrait me référer au texte, me citer le texte et, à ce moment-là, je répondrai à la question.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): II demande que, pour qu'il puisse répondre, vous vous référiez au texte même sur lequel vous lui posez la question.

M. Ciaccia: On devient passablement technique, M. le Président. Pour quelqu'un qui a une bonne...

Le Président (M. Jolivet): La seule chose que je peux dire, M. le député de Mont-Royal, c'est que je ne me pose pas la question si c'est technique ou pas, mais l'invité a quand même le droit de savoir ce à quoi on réfère.

M. Ciaccia: J'ai une référence dans mes notes au ruban 891, page 1; je vais la chercher si vous me donnez le temps, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): De la même façon...

M. Tremblay: Vous avez tout votre temps, M. le député.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Une voix: On n'est pas pressé.

M. Ciaccia: C'est juste au tout début de la page. Savez-vous, M. le Président, je vais essayer d'être assez calme.

Le Président (M. Jolivet): Je l'ai été longtemps.

M. Ciaccia: Moi aussi, M. le Président, malgré toutes les fausses accusations qu'on a portées à mon égard.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, allez-y; allez-y donc, M. le député.

M. Ciaccia: Je voudrais vous dire ceci, M. le Président. Si les députés ministériels pensent qu'ils vont m'énerver avec tous leurs petits commentaires pour essayer de m'intimider, la seule chose que cela va faire, c'est que cela va prendre plus de temps. Au lieu d'avoir une interrogation d'une demi-heure, on peut être ici toute la soirée, peut-être encore toute la journée de demain.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, M. le député. J'aimerais bien, quant à moi, que cela prenne le moins de temps possible. Je demanderais de part et d'autre de le laisser aller.

M. Ciaccia: Si Me Beaulé ne se souvient pas de ce qu'il a dit à cette commission, je vais lui rafraîchir la mémoire.

Une voix: À quelle page?

M. Ciaccia: À la page 891, à la deuxième ligne...

M. Beaulé: M. le Président, je veux avoir votre protection.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je pense que...

M. Beaulé: Je veux avoir votre protection parce que je crois qu'il s'agit d'une remarque qui est définitivement...

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, je

suis complètement gagné à votre cause. Je pense, M. le député, que j'ai demandé d'avoir le respect mutuel.

M. Ciaccia: C'est rafraîchir la mémoire?

Le Président (M. Jolivet): D'accord, mais c'est la façon dont c'est dit. Je m'excuse; si je n'ai pas les termes juridiques, j'ai au moins le bon sens commun. En conséquence, dans le bon sens commun, je vous demande d'éviter ces formes de présentation. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Très bien, M. le Président. Je vais citer le ruban 891, page 1, à la deuxième ligne.

M. Beaulé: 800...?

M. Ciaccia: Me Beaulé dit et je cite: "J'ai dit tout à l'heure qu'au cours des rencontres que j'ai eues avec Me Boivin je lui ai communiqué les faits, les éléments et les documents que j'avais à ma disposition."

Le Président (M. Jolivet): Alors, la question.

M. Ciaccia: Je vais répéter la question. J'espère qu'on ne m'accusera pas de répéter mes questions.

Le Président (M. Jolivet): Non, non. C'est moi qui vous le demande.

M. Ciaccia: En plus de la contestation que vous avez remise à Me Boivin le 1er décembre et en plus du document, dont vous avez détruit ou mis au panier la copie le 27 avril, est-ce qu'il y avait d'autres documents que vous avez remis à M. Boivin, du bureau du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, même si on vous demande de répéter la même réponse.

M. Beaulé: M. le Président, j'ai remis à M. Boivin, le 1er décembre, la contestation, datée du 28 novembre 1978, de l'International Union of Operating Engineers. J'en ai discuté avec lui le 11 décembre, à son bureau, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, et je n'ai pas revu M. Boivin avant la fin de l'année 1978. Le 15 janvier, j'ai vu M. Boivin, je l'ai déjà dit, en fin de journée, pendant à peu près 20 minutes, à la fin de la première journée d'enquête; je me suis expliqué là-dessus. Je l'ai revu le 19 janvier, avec MM. Woll et Fanning; je me suis expliqué là-dessus. Et, le 2 février, je lui ai remis l'aide-mémoire dont vous retrouvez, M. le Président, le texte dans la lettre que j'ai adressée à M. Aquin le 2 février 1979. Donc, la réponse est claire et précise. Je ne lui ai pas remis d'autres documents que ces deux documents-là.

M. Ciaccia: Bon, merci. Le 5 février, M. Beaulé, vous avez envoyé le document auquel vous avez fait référence. L'original, vous présumez que vous l'avez remis à Me Boivin, au bureau du premier ministre. Vous avez donc envoyé copie de ce document à Me Aquin. Mais je crois et je ne veux pas...

M. Duhaime: Si ce n'est pas un préambule inutile, ça commence à y ressembler. Je vous préviens.

M. Ciaccia: Bien, un préambule inutile et des commentaires inutiles d'un ministre, cela se ressemble drôlement!

M. Duhaime: C'est mieux de continuer comme cela.

M. Lalonde: Avec un grain de sell

M. Ciaccia: Le document que vous avez envoyé à M. Aquin, si je comprends, avait été légèrement modifié. Vous avez ajouté quelque chose ou donné des informations additionnelles. Est-ce que vous avez remis aussi à M. Boivin une copie du document que vous avez remis à M. Aquin?

M. Beaulé: Bon. M. le Président, je pense que je suis face à trois questions. Je vais essayer de les prendre une à une. Le 2 février, j'ai remis à M. Boivin l'aide-mémoire dont j'ai parlé. J'ai également, le 2 février, parlé à M. Boivin du déroulement de la cause et de la preuve qui se faisait quant aux dommages. Et M. Boivin m'a dit: Pour tout ce qui touche à cette question...

Je ne sais pas, M. le Président, la caméra ne l'indique pas, mais je demanderais qu'on me fasse au moins la politesse de m'écouter; sinon, on peut toujours sortir. Je suis ici à mes frais depuis six jours. Je pense que j'ai le droit à un certain respect et ça commence par celui-là, M. le Président.

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant! Juste un instant! Je veux simplement souligner qu'il arrive à quelques occasions que des gens se donnent certains renseignements. Mais la personne qui a à vous écouter est celle qui a posé la question, et je pense que le député de Mont-Royal vous écoutait et moi, je vous écoutais religieusement.

M. Beaulé: Bien. Alors, je m'adressais à vous, M. le Président.

M. Ciaccia: J'ai écouté. M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, question de règlement.

M. Ciaccia: Je ne voudrais pas qu'il y ait des insinuations que je n'écoute pas les réponses quand je pose des questions. J'écoutais attentivement et, même, je prends des notes.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, effectivement, j'ai bien dit cette chose.

M. Ciaccia: Merci.

M. Beaulé: Bien.

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé.

M. Beaulé: M. le Président, le 2 février, j'ai remis l'aide-mémoire dont il s'agit, dont nous avons parlé abondamment, à M. Boivin, aide-mémoire qui portait sur la non-responsabilité des Américains. Je lui ai également parlé de la preuve qui avait été faite devant la cour sur le quantum des dommages, c'est-à-dire sur les dommages réclamés par la SEBJ. M. Boivin m'a dit: Tout ce secteur des dommages ne m'intéresse pas. J'ai adressé, le 5 février, une lettre - que vous trouverez au cahier, à la page 99 - à Me François Aquin, qui porte tant sur la non-responsabilité que sur le quantum des dommages.

Je dis et je répète que la première partie de la lettre est une reproduction intégrale de l'aide-mémoire remis... Cela ne fait peut-être pas l'affaire de la personne qui me pose la question, M. le Président, mais c'est ma réponse. Je disais donc que j'ai intégré dans ma lettre du 5 février 1979 à M. Aquin...

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Une voix: II y a toujours une limite! Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! Seulement un à la fois. J'ai cru comprendre que le député de Marguerite-Bourgeoys, à la suite d'une réflexion faite par Me Beaulé, avait une question de règlement. Je vais l'écouter.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président. Je voudrais simplement reprendre les quelques mots que Me Beaulé a prononcés à la fin de ses propos: Cela n'intéresse peut-être pas celui qui m'a posé la question ou cela ne fait peut-être pas son affaire. M. le Président, je vous souligne que ce sont des propos provocants, des propos qui ne sont pas ceux d'un témoin qui a à répondre à une question. Ce sont des propos de nature à faire croire à ceux qui l'écoutent que le député qui lui a posé la question est en train de faire autre chose que de l'écouter. Je pense, M. le Président, que vous devriez rappeler au témoin qu'il est ici devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale du Québec qui tente de faire son travail le plus sérieusement possible et qui ne doit pas être assujettie à des remarques de cette nature.

M. Laplante: Vous voulez rire...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: Le député de Bourassa pourra avoir les propos qu'il voudra, mais je pense que ces remarques sont de nature à faire de la provocation. Je vous demande de le rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la question de règlement.

M. Duhaime: M. le Président, si j'étais à la place de Me Beaulé, j'en aurais dit davantage. Il y a des mots qui, bien sûr, lorsqu'ils sont prononcés faiblement devant ces microphones ne sont pas enregistrés, de même qu'il y a des expressions de visage qui en disent beaucoup plus long que certains des propos qui peuvent être tenus. De mes deux yeux et de mon siège, j'ai vu l'espèce de moue que vient tout juste de manifester, au moment où Me Beaulé donnait sa réponse, le député de Mont-Royal. Je pense que cela voulait dire passablement davantage que la réponse qui venait ne faisait pas son affaire.

M. Gratton: Est-ce que cela vous dérange qu'on respire aussi, de temps en temps? Est-ce qu'on peut respirer?

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Prenez donc cela avec un grain de sel!

M. Duhaime: Oui, vous pouvez respirer. C'est quand vous expirez que cela m'inquiète.

M. Gratton: II y a quand même une limite!

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! Àl'ordre! Je vais seulement essayer...

M. Lalonde: Si vous le faites, on ne sera pas malheureux.

Le Président (M. Jolivet): ...de ramener le calme à la commission. À l'ordre!

Une voix: II a mis les pieds dans les plats, comme d'habitude.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! S'il vous plaît! Je vous ai demandé de m'aider à faire en sorte que la commission se déroule normalement. J'ai l'intention de garder mon calme pour le faire, mais j'ai aussi besoin du vôtre. Je tiens aussi à faire remarquer, que ce soit à ma droite ou à ma gauche, en avant ou en arrière, que j'aimerais que les réactions viennent seulement de la table et non pas d'autres personnes qui se trouvent dans la salle. J'ai besoin de ce minimum. (20 h 45)

Si la télévision et les microphones ne prennent ni les façons d'agir, ni les paroles de certaines personnes, tout ce que je peux dire, c'est que tout ce qui n'est pas enregistré au journal des Débats ne m'est d'aucune utilité quand j'ai quelqu'un à rappeler à l'ordre. Cependant, quand les mots sont dits, je tiens à demander, pour les besoins de la cause, pour éviter toute provocation et en demandant le respect mutuel, qu'on évite des commentaires de part et d'autre qui amèneraient ce qu'on vient de connaître.

Me Beaulé, veuillez continuer.

M. Beaulé: J'ai transmis, le 5 février 1979, la lettre que vous trouverez aux pages 99 et suivantes, à l'attention de M. François Aquin, qui contient deux parties. La première traite de l'absence de lien de droit et non-responsabilité et l'autre du quantum des dommages réclamés.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez remis à Me Boivin la copie exacte de ce que vous aviez remis à Me Aquin?

M. Beaulé: J'ai remis à M. Boivin un aide-mémoire. À M. Aquin, j'ai incorporé l'aide-mémoire dans la lettre que vous avez aux pages 99 et suivantes.

M. Duhaime: Cela fait cinquante fois qu'il le dit.

M. Ciaccia: Non, c'est bien simple...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal! M. le député de Mont-Royal!

M. Ciaccia: Je voudrais seulement savoir si le document qui a été envoyé à Me Aquin, le document, la copie a été envoyée aussi à M. Boivin, un document identique. Je ne demande pas d'explication. Ce document que vous avez envoyé à M. Aquin, en avez-vous envoyé une copie identique à M. Boivin? Oui ou non.

M. Beaulé: M. le Président, je suis dans la confusion. Est-ce qu'on parle de l'aide-mémoire?

M. Ciaccia: Non, du document, de la lettre que vous avez envoyée le 5 février. Vous avez envoyé quelque chose à M. Aquin...

Le Président (M. Jolivet): La lettre incluse dans le document à la page 90.

M. Beaulé: Je ne crois pas l'avoir envoyée à M. Boivin.

M. Ciaccia: Vous ne l'avez pas envoyée à M. Boivin.

M. Beaulé: Je ne crois pas l'avoir envoyée.

M. Ciaccia: Vous ne croyez pas l'avoir envoyée.

M. Beaulé: Je n'ai aucune note dans mes dossiers qui indiquerait que j'en ai transmis une copie à M. Boivin.

M. Ciaccia: Mais vous n'êtes pas certain d'une façon ou d'une autre.

M. Beaulé: Ce n'est pas ce que je dis, M. le Président. Je ne vois pas pourquoi j'aurais envoyé à M. Boivin une lettre qui reprend, sur la question de non-responsabilité, le contenu de l'aide-mémoire que je lui avais remis le vendredi précédent. Ma déduction est que je ne lui ai pas envoyé copie de la lettre.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous ne lui avez pas envoyé de copie. Merci.

M. Beaulé: J'ai dit que je ne le croyais pas.

M. Ciaccia: On va continuer. Vous avez parlé... Je trouve difficile d'obtenir des réponses...

Le Président (M. Jolivet): Entre disciples de Thémis, comme je l'ai dit, je ne le suis pas, j'ai parfois de la difficulté à vous suivre, vous deux. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: On va garder notre calme et on va essayer d'avoir des réponses précises, si c'est possible...

M. Laplante: Vous laissez passer des choses. Faites-lui répéter ce qu'il a dit.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, j'ai été dérangé et je n'ai pas compris. M. le député, répétez-le donc. Je veux être au courant. J'ai été dérangé.

M. Laplante: II y a une limite à tout. Vous êtez indécent.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, je lui ai demandé de le répéter. Il va me le répéter et je verrai.

M. Ciaccia: Je vais le répéter.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa...

M. Laplante: ...comme parlementaire.

M. Gratton: M. le Président, M. le député de Bourassa a fait une grimace. Il fait une grimace, là.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Gratton: Est-ce qu'il a le droit de faire une grimace? Il a fait une grimace comme cela.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît.

M. Gratton: Ne faites pas de grimace, vous nous faites peur quand vous faites des grimaces.

M. Ciaccia: J'ai dit que je garderais mon calme et que je tenterai d'avoir des réponses précises parce que je trouve qu'il est difficile d'obtenir des réponses précises. Je vais m'expliquer. Quand je demande: Avez-vous envoyé à Me Boivin une copie identique du document que vous avez envoyé à Me Aquin? on ne me répond pas avec un oui ou un non. On me dit: Je ne le crois pas. Je trouve que cela n'est pas tout à fait assez précis. J'ai le droit d'exprimer cette opinion. J'ai le droit d'essayer d'avoir des réponses plus précises, oui ou non. Je vais continuer d'essayer de...

Le Président (M. Jolivet): Je pourrais avoir l'opinion inverse. C'est que l'autre ne vous comprend pas et, en conséquence, il dit ce qu'il a dit tout à l'heure. C'est mon problème, il est là. Vous demandez des réponses. Il vous donne des réponses et, comme Me Beaulé le dit, vous ne semblez pas satisfait et vous répétez votre question. Me Beaulé vous donne toujours la même réponse à la question qui est posée sous différentes facettes. Je ne peux pas faire autrement - comme je l'ai dit - que d'accepter la réponse de Me Beaulé à moins que je ne sois sourd et que je ne comprenne pas la question.

Allez, Me Beaulé a terminé. C'est donc au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Me Beaulé, vous avez fait référence à la commission Cliche. Me Guèvremont, du bureau de Geoffrion et Prud'homme, a été procureur à la commission Cliche. Vous a-t-il déjà affirmé qu'il était en mesure de prouver le lien de droit de votre cliente, soit l'International Union of Operating Engineers, avec le local 791, et ainsi de pouvoir obtenir un jugement et ce, à partir des enregistrements existants à la commission Cliche?

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé.

M. Beaulé: Je ne peux pas me rappeler si M. Guèvremont m'a fait des commentaires précisément de cette nature. Je sais qu'il formait de grands espoirs, Me Guèvremont, quant à l'issue du procès entre la SEBJ et l'union internationale. C'était une question d'opinion, c'était une opinion qu'exprimait M. Guèvremont, et je préfère la mienne.

M. Ciaccia: M. le Président, si vous me le permettez, je ne veux pas poser la même question deux fois, mais je voudrais obtenir une réponse. Je n'ai pas demandé si Me Guèvremont avait une opinion différente de celle de Me Beaulé, ce n'est pas cela ma question. Je demande si Me Guèvremont a affirmé qu'il était en mesure de prouver le lien de droit entre la cliente de Me Beaulé, soit International Union of Operating Engineers, avec le local 791 et ce, à partir des enregistrements existants à la commission Cliche. Est-ce que Me Guèvremont vous aurait dit cela?

M. Beaulé: M. le Président, ma réponse est non. M. Guèvremont était très confiant quant à l'issue du procès, je dis que je ne partage pas son opinion. Les procureurs de la SEBJ ont toujours été très réservés quant à la preuve qu'ils pouvaient détenir. De toute façon, cela demanderait beaucoup de nuances.

M. Ciaccia: Votre réponse est non, je la comprends.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, si vous aviez apporté une opinion, je vous aurais arrêté.

M. Ciaccia: J'ai compris la réponse, non.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le

ministre.

M. Duhaime: M. le Président, une question de règlement.

J'ai soulevé une question de règlement ce matin, vous avez rendu une décision allant dans le sens que l'article 168 de notre règlement va être appliqué, paragraphe 2: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Est irrecevable une question qui contient une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs." Je soutiens que la question qui vient d'être posée est doublement irrecevable, d'abord parce qu'elle contient l'opinion - dont je n'ai jamais entendu parler - de Me Guèvremont, et qu'au surplus la question va dans le sens de demander à Me Beaulé son opinion sur l'opinion de Me Guèvremont. C'est exactement cela.

Une voix: Voyons donc!

M. Gratton: Une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Ce que j'ai compris, c'est: Est-ce qu'il y a eu une discussion entre les deux sur la question?

M. Ciaccia: C'est exactement cela. Vous aviez bien compris ma question, M. le Président, et le témoin a répondu non.

Est-ce que, à la commission Cliche, il n'y avait rien qui pouvait prouver le lien de droit avec votre cliente?

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, je vous rappelle que cette question est vraiment irrecevable. Si vous voulez y répondre.

M. Duhaime: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Nous allons peut-être diverger d'opinion, mais il m'apparaît qu'à partir du moment où une objection est formulée sur la recevabilité d'une question et que vous-même déclarez qu'une question est irrecevable, la question est irrecevable. Point, tiret, à la ligne. Il faut ensuite passer à la question suivante.

M. le Président, je prétends respectueusement que vous ne devriez pas inviter un invité ou un témoin à répondre, s'il le désire, à une question que vous venez vous-même de juger irrecevable.

Le Président (M. Jolivet): Ce pourquoi je l'ai fait à plusieurs occasions, c'est parce que les personnes invitées semblaient vouloir répondre. Dans ce sens, je les invitais. Mais s'il ne veut en aucune façon répondre, je la juge irrecevable, point final.

M. Paradis: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Oh, elle est claire la directive que je donne à ce niveau-là.

M. Paradis: Oui, elle est très claire, M. le Président, mais...

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: ...je veux être certain qu'elle est bien comprise parce qu'il y a des témoins qui, malgré la mise en garde que vous avez toujours tenu à faire, ont quand même choisi, pour avancer les travaux de la commission - c'est un choix complètement personnel qu'ils ont fait - d'émettre une opinion, soit professionnelle, soit d'un autre ordre. Et je voudrais m'assurer que votre réponse à la question de règlement du ministre n'empêchera pas les gens à qui vous faites la mise en garde que vous vous devez de faire, en vertu du règlement, d'émettre quand même une opinion, s'ils choisissent de le faire. C'est seulement la réserve.

M. Duhaime: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: De deux choses l'une, ou bien une question est recevable, ou bien une question est irrecevable. Si la question est recevable, elle entraîne une réponse; si elle est irrecevable, il faut passer à une autre question. Cela me paraît très clair, parce que je dois dire que, lorsqu'il est laissé à la discrétion d'un témoin ou d'un invité devant cette commission de choisir de répondre ou de ne pas répondre à une question que la présidence de notre commission vient de juger irrecevable, le fardeau de faire le choix de répondre ou non est sur les épaules de celui qui est devant nous ou d'une autre personne, alors que, suivant l'esprit de notre règlement, lorsqu'une question est jugée irrecevable, elle est irrecevable, point.

Le Président (M. Jolivet): Sur ce point, je n'accepterai pas d'autres interventions, parce qu'effectivement le ministre a raison lorsqu'il dit qu'une question irrecevable ne doit pas entraîner de réponse. C'est ce que j'ai toujours voulu appliquer. Cependant, compte tenu des gens qui, malgré le fait que je leur disais cela, voulaient intervenir, je les invitais à le faire s'ils le désiraient. Mais

je peux appliquer le règlement à la lettre et ne permettre aucune réponse. Je peux le faire et c'est ce que j'ai dit que je ferais depuis ce matin.

M. Gratton: M. le Président, sur une question de directive.

Le Président (M. Jolivet): Question de directive, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: En supposant qu'il arriverait qu'un membre de la commission pose une question que vous jugez irrecevable, que vous déclarez irrecevable, et que le témoin insiste pour y répondre quand même, est-ce qu'on doit comprendre...

M. Duhaime: II y aura objection.

M. Gratton: Je n'ai pas demandé au ministre, je m'adresse au président.

M. Duhaime: Au cas où.

M. Gratton: Cela m'importe peu ce que le ministre pense. Je parle au président.

Le Président (M. Jolivet): Allez, allez, M. le député.

M. Gratton: Cela ne vous dérange pas, non?

M. Duhaime: Oui, cela me dérange. Il me fait perdre ma veillée.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: C'est bien dommage, je vais lui parler quand même, parce que je trouve qu'il fait un excellent travail; je l'ai dit cet après-midi et je le répète...

Le Président (M. Jolivet): Les fleurs mais pas le pot.

M. Gratton: Non, il n'y a pas de danger, M. le Président. D'ailleurs, c'est le ministre qui voudrait bien changer votre façon de procéder...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député.

M. Gratton: ...et je pense que vous ne devriez pas vous prêter à cela. La question de directive que je vous pose est la suivante: si le témoin insiste - c'est là le but de l'intervention de mon collègue de Brome-Missisquoi - pour répondre, dois-je comprendre qu'on le privera de son droit de s'exprimer?

Le Président (M. Jolivet): Je dois vous dire que, si j'ai jugé une question irrecevable et qu'une personne s'oppose à ce qu'il y ait une réponse, je suis dans l'obligation de faire en sorte qu'il n'y ait pas de réponse. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais revenir à la réunion du 2 février au bureau de M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre. Vous avez assisté à une réunion avec M. Boivin, en la présence de Me Michel Jasmin. La liste des rencontres de M. Jean-Roch Boivin démontre que vous vous êtes enregistré à 10 h 07 du matin. La sortie a été enregistrée à 11 h 12. Me Jasmin s'est enregistré à 10 h 22.

M. Rodrigue: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont, sur une question de règlement.

M. Rodrigue: M. le Président, le député de Mont-Royal vient de dire à M. Beaulé, devant nous, qu'il a assisté le 2 février à une entrevue avec Me Boivin, chef de cabinet du premier ministre, en présence de Me Jasmin. Il vient d'affirmer cela, alors que cela n'a jamais été évoqué devant cette commission et que cela n'a jamais été mis en preuve. Il exprime une opinion. Il fait une affirmation qu'à mon sens il n'a pas le droit de faire. Chaque fois, cela oblige le témoin à rectifier les faits. Le témoin s'en est plaint à plusieurs reprises. Dans ce cas, je vous demande de déclarer la question non recevable. (21 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le député, pour le moment, ce que j'ai compris, c'est qu'on faisait la narration de deux faits, de deux rencontres données et qu'une question suivrait. Si c'est cela, je ne peux pas la déclarer irrecevable pour le moment.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je suis seulement en train de lire les heures d'entrée et de sortie de Mes Beaulé et Jasmin, qui ont été enregistrées. Il y a un petit éditorial à la fin...

M. Duhaime: Un quoi?

M. Ciaccia: II y a un petit éditorial à la fin: Les heures se réfèrent aux heures

d'entrée et de sortie du bureau principal et non pas nécessairement aux heures de durée de la visite. Je n'ai pas dit que la durée de la visite avait été de deux heures. J'ai seulement inscrit l'heure d'entrée et de sortie. Je n'ai pas dit qu'il avait été là pendant une heure et demie ou que Me Jasmin avait été là pendant une heure et quart. J'ai donné les chiffres que le ministre lui-même nous a fournis après que je lui ai demandé cette information. Bon! Je vais recommencer. Ce n'est pas facile, M. le Président.

M. Duhaime: Posez donc vos questions; cela ira plus vite.

M. Ciaccia: Si vous arrêtiez d'interrompre, c'est la nouvelle tactique...

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le député.

M. Ciaccia: ...vous allez interrompre chaque fois que je pose une question.

Le Président (M. Jolivet): Allez. M. le député de Mont-Royal, allez.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je reviens à la réunion du 2 février. Je lis la liste des rencontres de Me Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre le 2 février: Rosaire Beaulé et Michel Jasmin. Je vous ai dit les heures: entrée de Rosaire Beaulé: 10 h 07; heure de sortie: 11 h 12. Heure d'entrée de Michel Jasmin: 10 h 22; heure de sortie: 11 h 47. Ma question: Qu'est-ce que vous avez dit à cette réunion à M. Jean-Roch Boivin...

M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà répondu à la question vendredi dernier.

M. Ciaccia: Est-ce que c'était encore pour sensibiliser M. Boivin?

M. Beaulé: M. le Président, j'ai déjà répondu à la question vendredi dernier; je l'ai complétée ce soir en disant que j'avais remis à M. Boivin l'aide-mémoire dont on a parlé portant sur la non-responsabilité des Américains.

M. Ciaccia: Vous ne voulez pas répondre à ma question ce soir?

M. Beaulé: Je ne veux pas répondre trois fois...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le député de Mont-Royal...

Une voix: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! L'invité a répondu des choses à ces questions. J'étais ici, je n'ai pas manqué beaucoup de temps à cette commission. Il a effectivement répondu. Il a répété ce soir -puisque vous faites référence à la même rencontre - à trois occasions, ce qu'il a déposé à Me Boivin. Je voudrais m'assurer d'une chose pour que votre question ne soit pas jugée irrecevable. Vous avez commencé à poser une question et la logique aurait voulu que vous la posiez jusqu'au bout, mais vous avez insinué - je prends sur moi de le dire comme tel - qu'il y a eu deux personnes en même temps dans le bureau d'une heure à l'autre. Ce que je pensais que vous poseriez comme question, c'était ceci: Est-ce que vous avez été présent dans le bureau de Jean-Roch Boivin en même temps que Me Jasmin? C'est ce que je pensais que vous posiez comme question. Sans cela, vous avez fait une sorte d'insinuation, mais vous avez posé d'autres sortes de questions. J'aimerais simplement vous demander respectueusement si ce que vous avez dit en préambule a un rapport avec la question que vous allez poser. Je n'en ai pas encore vu.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Beaulé: M. le Président, je veux répondre à votre question.

M. Ciaccia: Non, je ne veux pas qu'il réponde à votre question.

M. Beaulé: Je vais répondre à votre question. M. Jasmin...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.

M. Beaulé: M. le Président, je vais répondre à votre question. Me Jasmin a été avec moi pendant un certain temps.

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, la seule chose, c'est que je n'ai pas le droit de poser de questions.

M. Beaulé: Je ne savais pas, M. le Président.

M. Ciaccia: Non.

Le Président (M. Jolivet): Ce que j'essaie de faire, c'est d'éviter qu'à partir

d'un préambule on pose une question tout autre. J'ai dit que je serais encore plus vigilant que jamais et je le serai jusqu'à la fin, même si mon rôle est très difficile. J'ai cru comprendre... Si j'avais été à la place de l'invité, j'aurais été à même d'attendre cette question. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je m'excuse, M. le Président, c'est une question de règlement. Si cela a pu vous induire en erreur, je lis la liste des rencontres de Me Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre. C'est un document qui nous a été fourni par le gouvernement et cela démontre que, le 2 février, M. Rosaire Beaulé et M. Michel Jasmin...

Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux vous dire, M. le député...

M. Ciaccia: ...je ne peux pas dire, M. le Président.. Excusez...

Le Président (M. Jolivet): ...M. le député, je pense que toutes les personnes qui sont venues ici vous ont fait référence que le ministre vous a indiqué à la fin que c'est le temps de présence entre l'entrée et la sortie, mais cela n'indique pas nécessairement le temps de la visite.

En conséquence, il est possible que les gens aient été en même temps au bureau du premier ministre, mais qu'ils y aient été en visite séparée. Je pense que la personne qui est devant nous a quand même le droit de savoir quelle question vous posez en regard de l'hypothèse que vous avez émise au départ.

M. Ciaccia: Très bien, M. le Président. Je lisais seulement le document fourni par le bureau du premier ministre. Je vais poser la question. Est-ce que vous étiez au bureau de...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, je m'excuse, M. le député de Mont-Royal, question de règlement de la part du ministre.

Une voix: Cela va faire avancer les travaux.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais formuler une question de règlement et la faire précéder d'un certain nombre de questions que j'adresse à la présidence de cette commission.

Est-ce que vous ne trouvez pas ou est-ce que vous ne considérez pas que l'interrogatoire que le député de Mont-Royal fait subir présentement à Me Rosaire Beaulé constitue une violation de l'article no 4 de la Charte des droits et libertés de la personne en ce qu'elle est une atteinte à la dignité, à l'honneur et à la réputation de Me

Beaulé?

Est-ce que vous ne trouvez pas que l'interrogatoire du député de Mont-Royal est mené de façon abusive puisque, de toute évidence, et vous l'avez reconnu vous-même, le député de Mont-Royal répète plusieurs fois les mêmes questions sous des formes différentes, malgré toutes les réponses antérieures pourtant constantes, nettes et claires de Me Beaulé?

Est-ce que vous ne croyez pas que le député de Mont-Royal met en doute implicitement la crédibilité et l'honnêteté de Me Beaulé qui est l'invité de cette commission et qui rend son témoignage sous serment?

Est-ce que vous ne croyez pas qu'à chaque question du député de Mont-Royal....

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président...

M. Duhaime: ...les préambules du député de Mont-Royal...

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): ...je m'excuse, M. le ministre...

M. Duhaime: J'y suis moi-même sur une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Je le sais, sauf que le règlement dit que, quand on est sur une question de règlement et qu'une autre question de règlement est soulevée, je dois l'entendre aussi. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président. Je me rappelle les propos de vendredi du premier ministre qui a tenté de mettre fin aux questions du député de Mont-Royal ainsi qu'à la commission parlementaire. Excusez, les propos du ministre; je le graduais trop tôt. Les propos du ministre de l'Énergie et des Ressources qui a tenté de mettre fin à l'interrogatoire que conduit présentement le député de Mont-Royal ainsi qu'à la commission.

Je les assimile avec les attendus qu'il vient de nous réciter. Je vous dis bien respectueusement, et c'est une demande que je vous adresse, M. le Président, sur la question de règlement, que le ministre ne peut pas faire indirectement ce qu'il a tenté de faire directement vendredi dernier et de mettre fin au droit de parole du député de Mont-Royal qui, au moment où il a été interrompu par le ministre de l'Énergie et des Ressources, était en train de suivre votre directive et d'adresser très poliment et très gentiment...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Brome-Missisquoi; M. le député de Brome-Missisquoi, je m'excuse. Est-ce que vous tenez encore à votre question de règlement, M. le député de Chambly, ou si je peux essayer de clore ce débat?

M. Tremblay: Je vous laisse clore, M. le Président.

M. Duhaime: Je voudrais terminer, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais avant que vous terminiez, je vais essayer de voir clair sur le sujet. Ce que je crois comprendre c'est que le ministre a commencé une question de règlement me demandant des questions sous forme de directives. Je vais essayer d'y répondre, mais pour y répondre, il faut d'abord que je les entende.

Je ne pense pas que le ministre veuille interrompre le droit de parole du député de Mont-Royal en posant des questions à l'invité qui est devant nous. Il est en train de me poser des questions auxquelles j'aurai à répondre en temps et lieu, comme président.

M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, est-ce que vous ne croyez pas que le député de Mont-Royal fait preuve de partialité par la formulation des questions qu'il adresse à Me Beaulé, et je fais allusion essentiellement aux questions qu'il lui pose depuis 20 heures? Si vous en venez à la conclusion que la réponse aux questions que je vous ai formulées était affirmative, je vous demanderais d'utiliser le droit que vous accordent les règlements de l'Assemblée nationale et les règlements qui régissent les travaux de la commission permanente de l'énergie et des ressources, de faire cesser l'interrogatoire que conduit actuellement le député de Mont-Royal et de donner la parole à un autre député de cette commission.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je pense tout d'abord qu'il faudrait qu'on définisse le mot "partialité". Est-ce qu'un député qui pose des questions à un témoin d'une façon...

M. Duhaime: Vous étiez en retard un peu. Vous en avez manqué un bout.

M. Lalonde: ...rigoureuse... - non, j'ai tout suivi - fait preuve de partialité ou est-ce qu'on ferait preuve de partialité si on posait une question en fonction d'un parti pris? Deuxièmement, même si vous jugiez que la dernière question du député de Mont-Royal était inspirée par la partialité, cela ne vous permettrait pas de recourir - je vous le dis respectueusement - au remède suggéré par le ministre, à savoir d'enlever le droit de parole. La seule chose que vous pourriez faire et que je vous soumets respectueusement, c'est de ne pas permettre la question que vous jugeriez partiale, et non pas d'enlever le droit de parole. Je me permets de vous rappeler - vous le savez mieux que nous tous - que les dispositions du règlement qui vous permettent d'enlever le droit de parole à un député sont très restreintes. Si vous aviez rappelé à l'ordre le député de Mont-Royal pour avoir prononcé des mots antiparlementaires, par exemple, et si le député de Mont-Royal ne voulait pas les retirer, là vous pourriez lui enlever le droit de parole. Mais, même dans l'hypothèse où cette question était partiale, le remède ne serait pas de lui enlever son droit de parole.

Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux dire sur cette question, c'est que j'ai dit que j'utiliserais l'article 168, ce que j'ai fait jusqu'à maintenant. J'ai essayé de faire en sorte que la question posée par le député de Mont-Royal soit bien la question à laquelle tout le monde s'attendait. Et j'ai donc, à certaines occasions, depuis le début, demandé au député de Mont-Royal de ne pas poser telle ou telle question que je jugeais irrecevable, mais de corriger la question qu'il venait de poser pour qu'elle soit bien conforme à ce à quoi on s'attendait. D'un autre côté, j'avais pris la précaution, avant que les travaux débutent, de vérifier le temps dont disposait encore le député de Mont-Royal, comme je le fais souvent, à maintes occasions - non pas seulement pour le député de Mont-Royal, mais pour tous les autres députés - en demandant: Combien vous reste-t-il de temps? Est-ce que cela va aller? Pour que je sache à qui je dois donner la parole. Il m'avait dit qu'il en avait pour environ une demi-heure. Mais je dois constater qu'avec toutes les interruptions, cela a dépassé la demi-heure. Je crois comprendre que le député de Mont-Royal avait posé une question à laquelle Me Beaulé était prêt à répondre. Elle était claire, celle-là; je l'ai entendue, mais, à travers le brouhaha, je l'ai perdue. D'un autre côté, tout ce que j'espère du député de Mont-Royal, avec toute l'utilisation qu'on a pu faire du droit de parole, c'est qu'il me permette, dans les plus brefs délais, de passer à une autre personne. Cela me ferait énormément de bien, à moi et à l'ensemble des gens, que l'on puisse continuer à interroger la personne de façon à lui permettre d'être libérée, si c'est possible, ce

soir, pour les besoins de la cause.

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement, si vous le permettez.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'ai tenté, ce soir, de poser des questions assez brèves, assez concises, mais j'ai été constamment interrompu par des questions de règlement et par des députés ministériels. C'est l'une des raisons qui expliquent que cela prend plus de temps que je ne pensais. Les réponses du témoin - c'est entièrement son droit de donner de longues réponses - ont aussi été longues. Bon, en tout cas, M. le Président, je viens de poser une question - j'en fais une question de règlement - Qu'est-ce que vous avez dit à Jean-Roch Boivin? et je me fais répondre qu'il a déjà répondu à cela vendredi. Est-ce que je pourrais vous lire la transcription de vendredi?

M. Lalonde: C'est permis.

Le Président (M. Jolivet): Oui, juste un instant. Avant que je vous le permette, Me Beaulé a dit deux choses: J'ai répondu à cette question vendredi et j'y ai répondu ce soir. J'ai bien entendu. Depuis 20 h 15, je suis très attentif à ce qui se dit ici de part et d'autre. Je l'étais avant, mais je suis de plus en plus attentif pour éviter que les questions de règlement ne fusent de toutes parts.

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai commencé vendredi, à la galée 970, à la page 1, 12 h 56. Alors, c'était vers la fin de la séance et, à cette page, je dis à M. Beaulé: "Venons-en à la réunion du 2 février où vous avez rencontré Me Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre avec Michel Jasmin. Cette réunion a eu lieu le matin. C'était le lendemain de la rencontre du 1er février, au cours de laquelle le premier ministre a exprimé à certains membres du conseil d'administration qu'il fallait régler la cause. Qui a convoqué cette réunion?" (21 h 15)

La réponse de Me Beaulé. "De mémoire, je me suis déjà exprimé là-dessus devant la commission, c'est moi qui ai demandé à M. Boivin de me recevoir. Je l'ai dit hier. Je lui ai soumis un document daté du 29 janvier. J'ai expliqué assez longuement à la commission les circonstances. Le 29 janvier, le tribunal avait siégé. Le 29 janvier, durant la soirée, j'ai préparé un document qui portait sur la non-responsabilité de l'International Union of Operating Engineers dans cette affaire ou une mise à jour, si vous voulez, de ce document, parce que la contestation du 28 novembre comptait déjà des éléments. J'ai ajouté d'autres éléments, qui avaient été connus au cours de l'enquête qui avait commencé le 15 janvier. J'ai préparé ce document et j'ai demandé à M. Boivin de me recevoir pour le lui soumettre. C'était là le but de ma rencontre. Je vois que j'ai été là de 10 h 07 à 11 h 12. Je pense, encore une fois, que la réunion a été beaucoup plus courte que cela."

Là, je lui demande: "Est-ce que vous avez une copie du document?" On arrive à la question du document. Cette réponse de Me Beaulé, vendredi, n'est pas précisément une réponse à la question que je viens de poser ce soir. Ce soir, j'ai dit: Qu'est-ce que vous avez dit à M. Jean-Roch Boivin? Je ne veux pas qu'il me dise qui a préparé les documents et tout le reste. Je pense que ma question de ce soir n'est pas du tout la même que celle de vendredi. Il n'y a pas répondu, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé, la question: "Qu'est-ce que vous avez dit à Me Jean-Roch Boivin, cette journée-là?"

M. Beaulé: M. le Président, de bonne foi, je répète ce que je crois avoir dit aussi le 28, c'est-à-dire que je n'ai traité avec lui que de la non-responsabilité du syndicat américain. Peut-être pour épargner du temps à la commission, pour une partie de cette rencontre, M. Jasmin était présent et il a écouté les propos que je tenais à M. Boivin.

M. Ciaccia: Qu'est-ce que M. Boivin vous a dit? Je voudrais demander au témoin, à Me Beaulé, de ne pas donner la réponse qu'il m'a déjà donnée, à savoir de le demander à Me Boivin. Ce n'est pas ce que je veux savoir. Je veux savoir ce que vous avez entendu: Qu'est-ce que M. Jean-Roch Boivin vous a dit, à vous, le 2 février?

M. Beaulé: M. Boivin m'a demandé des précisions sur le document que je lui soumettais et qui était un aide-mémoire. Nous avons parlé des sujets qui sont dans l'aide-mémoire et qui sont reproduits en substance dans la lettre que vous trouvez à la page 99, que j'ai adressée à François Aquin, le 5 février 1979. Uniquement de cela, pas d'autre chose et même pas de la température.

M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez nous dire les précisions que Me Boivin voulait avoir de vous sur ce document, sur votre aide-mémoire?

M. Beaulé: De mémoire, j'alléguais dans ce document que la SEBJ facturait - si je peux employer l'expression - ou expédiait des factures à la FTQ pour le gîte et le couvert de M. Duhamel. M. Boivin m'a demandé si

j'avais ces documents en ma possession. Je lui ai dit oui. Je pense bien lui avoir transmis les photocopies de ces documents, qui avaient été versés en preuve dans la cause dont il a été question depuis le début, lors de l'examen au préalable.

Deuxièmement, je disais, dans cet aide-mémoire, et vous retrouvez cela dans le texte que j'ai adressé à M. Aquin - c'est la même chose en substance - que M. Duhamel, avant même d'aller au chantier de LG 2, le 14 février 1974, était à Matagami et qu'il était à l'emploi de l'Union des opérateurs de machinerie lourde, qui n'était pas affiliée à l'union internationale, et qu'il était payé par l'Union des opérateurs de machinerie lourde. M. Boivin, de mémoire, m'a encore demandé si j'avais cette preuve. Nous avons obtenu cette preuve. Il s'agissait de chèques tirés par l'Union des opérateurs de machinerie lourde sur la Banque Provinciale du Canada, qui attestaient ce fait que Duhamel était un salarié de l'Union des opérateurs de machinerie lourde, non affiliée à ma cliente. J'ai transmis les photocopies de ces chèques à M. Boivin. Je crois aussi qu'ils étaient déjà au dossier de la cause. S'ils n'y étaient pas, ils étaient entre les mains de la Sûreté du Québec, qui avait saisi tous les documents lors de la mise en tutelle, en mars 1975, des syndicats locaux impliqués, dans un sens, dans le saccage. Il n'y a pas autre chose, même si je scrute ma mémoire. Il n'y a pas autre chose. C'étaient quand même des éléments assez importants que de savoir pour qui Duhamel travaillait. Qui le payait? Est-ce qu'il est vrai que la SEBJ facturait la FTQ? J'ai aussi fourni la preuve à M. Boivin que la FTQ a effectivement payé les factures de la SEBJ. J'ai d'ailleurs une photocopie, si cela intéresse la commission.

Le Président (M. Jolivet): Puisque personne n'a voulu vous le demander, je vais vous le demander.

M. Beaulé: C'est la pièce A-31 versée, lors d'un examen préalable, dans la cause. Ce sont des factures et des preuves de paiement...

Le Président (M. Jolivet): II y aura donc photocopie.

M. Beaulé: ...attestant que la SEBJ facturait la Fédération des travailleurs du Québec pour le gîte et le couvert de Duhamel à LG 2, établissant que la FTQ a payé ces factures-là.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, Me Beaulé a remis d'autres documents à Jean-Roch Boivin. Je pense que tantôt, à la question que je lui ai posée, à savoir s'il en avait remis d'autres, il m'a dit: Non.

M. Beaulé: Cela n'a pas été remis le 2 février. Cela a été transmis par la suite en réponse à ses questions.

Le Président (M. Jolivet): C'est ce que j'avais compris, d'ailleurs.

M. Beaulé: II n'y a pas de chinoiseries là-dedans, je n'en fais pas, M. le Président.

M. Ciaccia: Je vous remercie. Est-ce qu'à la rencontre du 2 février, il a été question de la possibilité que M. Boivin rencontre les procureurs de la SEBJ?

M. Ciaccia: Non, M. le Président. J'ai appris, en écoutant M. Aquin faire sa déclaration devant la commission, qu'il avait, le 2 février, dîné avec M. Cardinal et M. Boivin. Je l'ai appris ce jour-là, en avril 1983.

M. Ciaccia: Très bien. Est-ce qu'il a été question de la réunion du 1er février?

M. Beaulé: Non, M. le Président. Vous parlez de la réunion entre M. Lévesque et les présidents?

M. Ciaccia: Oui.

M. Beaulé: La réponse est non.

M. Ciaccia: Est-ce que c'était encore pous sensibiliser M. Boivin que vous avez assisté à cette réunion? Vous avez mentionné auparavant que vous vouliez sensibiliser M. Boivin à la position de vos clients.

M. Beaulé: Cette réponse a déjà été donnée. La réponse est oui.

M. Ciaccia: Pourriez-vous d'abord m'expliquer pourquoi, après le 19 janvier, il était encore nécessaire de continuer ce processus de sensibilisation? Vous avez déclaré, à la page 964, en réponse à une question que j'avais posée: "On ne m'a pas informé avant le 19 janvier qu'une décision était prise." Je vous avais posé la question... La question que je vous pose...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant pour qu'il puisse retrouver...

M. Beaulé: J'ai retrouvé le texte à la page 1 de la transcription. Il y a trois pages.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. M. Ciaccia: Vous l'avez? M. Beaulé: Oui.

M. Ciaccia: À la suite de la question que je vous avais posée, vous avez dit - vous

avez fait un préambule - "Maintenant je vais répondre à votre question, M. le Président. On ne m'a pas informé avant le 19 janvier qu'une décision était prise et je ne sais même pas où cette décision a été prise." Vous vous référez à la décision que le premier ministre voulait un règlement. C'est la question que je vous pose: Est-ce qu'il ne vous a jamais été communiqué que Me Jean-Roch Boivin avait informé M. Claude Laliberté ou peut-être d'autres membres du conseil d'administration que le premier ministre voulait un règlement? Votre réponse...

M. Beaulé: Excusez-moi. À quelle page?

M. Ciaccia: À la même page, à la page 1.

M. Beaulé: Je vois qu'on va du bas de la page vers le haut. Je ne suis pas habitué à lire de bas en haut.

Une voix: C'est parti d'en haut.

M. Ciaccia: C'est le deuxième paragraphe à la page 1 de la galée 964. Je vais recommencer. La question que je vous pose, M. Beaulé - je ne vous demande pas si la décision avait été prise ou non, c'est évidemment une question qui pourrait être posée à... - la question que je vous pose est: Est-ce qu'il ne vous a jamais été communiqué que Me Jean-Roch Boivin avait informé M. Claude Laliberté, ou peut-être d'autres membres du conseil d'administration, que le premier ministre voulait un règlement? Plus bas dans la page, à peu près trois paragraphes plus bas, vous dites: "Maintenant, je vais répondre à votre question, M. le Président. On ne m'a pas informé avant le 19 janvier qu'une décision était prise et je ne sais même pas où cette décision a été prise." La question que je vous pose est la suivante: Pourquoi, après le 19 janvier, était-ce encore nécessaire de sensibiliser M. Boivin quand vous nous dites vous-même que vous avez appris le 19 janvier que la décision avait été prise?

M. Beaulé: M. le Président, je ne comprends pas très bien la question. Il faudrait la situer. Je viens de voir la galée 963, page 2.

M. Ciaccia: 964, page 1.

M. Beaulé: Oui, mais il faut situer dans quel contexte la question m'est posée. Si je me réfère à la page antérieure, M. Ciaccia, le député de Mont-Royal, m'interrogeait, semble-t-il, sur la réunion du 19 janvier. Écoutez, j'aimerais qu'on précise la question et j'y répondrai sûrement.

M. Ciaccia: Je vais aller à la page précédente à laquelle vous m'avez référé, 963, page 2.

M. Beaulé: M. le Président, je ne veux pas jouer avec qui que ce soit, je demande qu'on me pose une question précise et qu'on me dise à quelle occasion j'ai dit telle chose en me référant à quelle réunion.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne peux pas être plus précis que de me référer au journal des Débats, la galée, la page, ma question, sa réponse. Je ne peux pas dire plus que cela. Sans préambule, sans commentaire.

M. Tremblay: ...ses réponses aussi plus les autres affaires, cela fait.

Le Président (M. Jolivet): La seule chose que j'essaie de comprendre, en me plaçant dans la peau de l'invité qui est devant nous, c'est que vous vous référez à un texte auquel nous sommes habitués comme parlementaires. Il faut tout de même dire que les personnes qui sont invitées n'y sont pas habituées. Pour les besoins de la cause, si vous voulez reprendre la question en la situant bien comme il faut, afin que Me Beaulé puisse bien y répondre.

M. Ciaccia: Le 19 janvier, Me Beaulé était au courant que la décision de régler était prise par le premier ministre; c'est la réponse qu'il donne à la question que je lui pose. La question que je lui pose aujourd'hui, c'est: Pourquoi, à la réunion du 2 février, jugeait-il nécessaire de continuer le processus de sensibiliser M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre?

M. Beaulé: M. le Président, je voudrais bien digérer en quelques minutes quatre galées de la transcription du 29 avril. Je vais essayer de répondre comme si ces pages n'existaient pas, mais à partir de ma mémoire et des faits. Le 19 janvier - je pense l'avoir dit à plusieurs reprises - j'ai rencontré M. Boivin en présence de M. Woll, de M. Fanning et de M. Jasmin. M. Woll a fait la conversation, si je puis dire. J'ai compris... Je le dis d'ailleurs à la page 2 du R/963. Quant à M. Boivin, j'ai répondu à plusieurs reprises hier et aujourd'hui - je cite - "que c'est une perception que j'ai eue le 19 janvier que les personnes en autorité étaient favorables à la cessation des procédures."

Ma réponse est là, elle ne changera pas; même si on me pose 15 ou 20 questions, ce sera toujours la même réponse. C'est une perception, un "feeling", je l'ai dit à plusieurs reprises. Si j'avais su que la décision était rendue ou était prise le 29 janvier - je l'ai déjà dit - je n'aurais pas

travaillé après une très longue journée de procès à rédiger l'aide-mémoire que j'ai remis à M. Boivin le 2 février. Je n'avais pas été avisé, le 2 février, de la décision qui avait pu être prise par les autorités quant à la cessation des procédures. J'avais cependant un "feeling", je me suis exprimé là-dessus. Pourquoi ai-je mis tant de temps? C'est que je croyais vraiment que la décision n'était pas prise.

M. Ciaccia: Comment expliquez-vous la réponse que vous m'avez donnée? Là, vous dites que vous pensiez que la décision n'était pas prise, mais je vous lis la réponse que vous m'avez donnée à R/964, page 1.

M. Beaulé: Je vais y répondre, M. le Président. (21 h 30)

M. Ciaccia: Je vais seulement la lire comme cela. On va situer votre réponse après ma question.

M. Beaulé: Oui.

M. Ciaccia: La question que je vous pose est: Est-ce qu'il ne vous a jamais été communiqué que Me Jean-Roch Boivin avait informé M. Claude Laliberté, ou peut-être d'autres membres du conseil d'administration, que le ministre voulait un règlement? Votre réponse: On ne m'a pas informé avant le 19 janvier qu'une décision était prise. Je ne sais même pas où cette décision a été prise. Alors, le 19 janvier, vous avez été informé que la décision était prise.

M. Beaulé: M. le Président, je regrette, mais je n'ai pas le même texte que M. le député de Mont-Royal. Je vais lire ce que j'ai ici. "À 12 h 15, ruban 964-ER, page 1. M. Ciaccia - en haut de la page - M. Beaulé, je ne vous demande pas si la décision avait été prise ou non, c'est évidemment une question qu'on pourrait poser à d'autres invités - c'est M. Ciaccia qui affirme cela - la question que je vous pose est: Est-ce qu'il ne vous a jamais été communiqué que Me Jean-Roch Boivin avait informé M. Claude Laliberté ou peut-être d'autres membres du conseil d'administration que le premier ministre voulait un règlement? "M. Beaulé: M. le Président, si tout à l'heure, j'ai référé à Me Boivin, c'est que la personne qui m'interroge et qui m'interrogeait, en faisant entrer cette notion du prénom, pouvait insérer dans ces rapports que j'ai eus avec Me Boivin ou avec M. Boivin un caractère de familiarité qui n'a jamais existé. "M. Ciaccia: Si avec lui, jamais familier avec lui? "M. Beaulé: Cela ne change rien, je ne suis pas le genre pour taper sur l'épaule de quelqu'un. Les quelques rencontres que j'ai eues avec lui sur ce sujet, se sont faites sur une base professionnelle et d'affaires. "Maintenant je vais répondre à votre question, et je cite: M. le Président, on ne m'a pas informé avant le 19 janvier qu'une décision était prise. Je ne sais même pas où cette décision a été prise. Je ne suis pas compétent pour y répondre. Est-ce à un Conseil des ministres ou à un comité ministériel, je l'ignore totalement. J'ai compris le 19 janvier que les personnes en autorité étaient sympathiques à la cessation de ces procédures. Je l'ai dit et répété. M. Boivin ne m'a pas tenu au courant de ses conversations avec qui que ce soit, ni de sa rencontre avec M. Laliberté."

Bon, il ne faut pas comprendre de ces réponses, M. le Président, que M. Boivin m'a avisé le 19 janvier que la décision a été prise. Je pense que je me suis exprimé là-dessus. J'ai affirmé qu'on ne m'avait pas prévenu avant le 19 janvier, et j'ajouterai pour les fins du dossier, que je ne le savais pas encore le 2 février 1979, autrement je n'aurais pas passé trois heures, après une journée extrêmement dure qui durait, règle générale, de douze à quinze heures, à lire la transcription des témoignages de la veille, préparer les contre-interrogatoires; c'était de douze à quinze heures, alors, je n'aurais pas fait ce travail le 29 janvier, si j'avais su que la décision était prise.

M. Laplante: Vous voyez comment on déforme de la lecture, n'est-ce pas?

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai une ou deux autres questions finales. D'après votre aide-mémoire, le 2 février, avez-vous demandé à M. Jean-Roch Boivin, chef du cabinet du premier ministre, d'aller sensibiliser les avocats de la SEBJ, Mes Geoffrion et Prud'homme?

M. Beaulé: Certainement pas, M. le Président. Je vais ajouter ceci pour que ma réponse soit complète. J'avais des contacts journaliers avec les avocats de la SEBJ depuis le 15 janvier et j'essayais de les sensibiliser, sauf que M. Aquin m'a dit que je ne l'avais pas convaincu. Cela, je le comprends.

M. Ciaccia: Oui. Et votre aide-mémoire, parce que vous allez m'excuser si je lis: "On ne m'a pas informé avant le 19 janvier". Votre aide-mémoire n'aura pas été pour sensibiliser les avocats de la SEBJ en vue d'obtenir l'aide de M. Jean-Roch Boivin pour sensibiliser les avocats de la SEBJ?

M. Duhaime: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Duhaime: Si cette question dans sa formulation ne contient pas une hypothèse, je me demande à quoi nous sert l'article 168, paragraphe 2, de notre règlement. Enfin, une question de règlement pour que vous déclariez cette question irrecevable.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: La formulation peut être multiple, mais essentiellement le député de Mont-Royal pose la question suivante: Est-ce que votre aide-mémoire était dans le but de sensibiliser les avocats de la SEBJ? C'est aussi simple que cela. Il l'a formulée de façon négative par deux négations mais cela revient au même.

M. Duhaime: Ce n'est pas ce qu'il a dit.

M. Tremblay: Question de règlement, le député de Mont-Royal n'a qu'à répéter la question comme le député de Marguerite-Bourgeoys vient de lui suggérer, c'est tout.

Le Président (M. Jolivet): La question étant répétée de part et d'autre, la réponse peut venir de la façon dont le député de Marguerite-Bourgeoys vous l'a posée, mais par l'intermédiaire du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Très bien, M. le Président.

M. Duhaime: Je m'excuse, M. le Président, mais le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas le droit de parole, ne peut poser des questions.

Le Président (M. Jolivet): Je le sais très bien. C'est pour cela que j'ai utilisé l'intermédiaire qui était le député de Mont-Royal.

M. Lalonde: Vous, vous avez le droit de parole...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît:

M. Duhaime: Si je ne l'ai pas, lui non plus.

Le Président (M. Jolivet): Me Beaulé.

M. Beaulé: Pardonnez-moi, M. le Président, je consultais mon avocat ou mon avocate. Je m'excuse, est-ce qu'on peut répéter la question.

Le Président (M. Jolivet): Donc, voulez-vous reprendre la question, M. le député de

Mont-Royal, de la façon que le député de Marguerite-Bourgeoys vous l'a suggérée?

M. Ciaccia: Je vais essayer.

M. Lalonde: Je n'ai pas le droit de souffler des questions, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Mais, dans votre question de règlement, c'était clair. Allez, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que l'aide-mémoire que vous avez préparé était pour sensibiliser les avocats de la SEBJ?

M. Tremblay: ...

M. Beaulé: M. le Président... Oui, pardon.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.

Une voix: II y a des appareils qui se vendent.

M. Duhaime: Cela prendrait un petit appareil pour comprendre.

Le Président (M. Jolivet): Tout ce que je peux dire...

Une voix: Cela n'existe pas. M. Lalonde: ...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je vais répéter la question, si j'ai bien compris, pour que vous la compreniez très bien. À moins que le député de Mont-Royal puisse la répéter en s'approchant du micro. Vous l'avez très bien saisie, Me Beaulé?

M. Beaulé: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y.

M. Beaulé: M. le Président, j'ai incorporé à ma lettre à François Aquin qui portait sur le quantum des dommages le texte de mon aide-mémoire remis à M. Boivin le 2 février, parce que je voulais que M. Aquin soit au courant des représentations que j'avais faites à M. Boivin sur la question. C'est d'ailleurs dans ce sens que je l'avais prévenu, vers le 26 janvier, que j'avais les contacts avec M. Boivin. C'était le but, afin qu'il n'y ait pas de cachette, si vous voulez.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas...

M. Beaulé: Je voudrais ajouter quelque chose quant à M. Aquin, si vous me permettez, j'ai dit tout à l'heure que je n'avais pas réussi à le persuader. Comme je suis sous serment, M. Jetté a fait référence à des conversations qui pouvaient être personnelles, je pense en particulier à cette conversation que j'ai eue avec M. Jetté le 10 janvier 1979 dans un tout petit restaurant, vous vous souvenez des circonstances. J'essaie d'avoir un calendrier. Le, ou vers le 15 avril 1983, j'ai eu une conversation avec M. Aquin au téléphone. Il était à son bureau; j'étais chez moi. Je voulais essayer d'obtenir de lui les cahiers qui ont été produits devant la commission. Il m'a dit qu'il n'était pas encore libéré de son secret professionnel. Quand je parle des cahiers, je parle des deux cahiers préparés par le bureau de Geoffrion et Prud'homme. A cette occasion, M. Aquin m'a dit, en substance, ce qui suit: "En révisant mon dossier, c'est peut-être parce que nous sommes maintenant démobilisés face à ce procès, je me rends compte que notre cause contre les Américains n'était peut-être pas aussi bonne qu'on le pensait". C'est textuel.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez communiqué avec le bureau du premier ministre vendredi dernier?

M. Beaulé: Vendredi dernier, j'étais ici. Je n'ai pas communiqué avec le bureau du premier ministre.

M. Ciaccia: Est-ce que le bureau du premier ministre a communiqué avec vous?

M. Beaulé: Non, je n'ai pas eu de contact avec le bureau du premier ministre vendredi dernier.

M. Ciaccia: Et le premier ministre lui-même?

M. Beaulé: Excusez-moi. Une voix: Ah!

M. Beaulé: M. le Président, j'ai entendu le mot "ah".

M. Lalonde: C'est le député de Bourassa.

M. Beaulé: Je n'ai pas dit de qui il vient.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Beaulé: M. le Président...

M. Lalonde: Rappelez-le à l'ordre.

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai personne à rappeler à l'ordre pour le moment.

M. Beaulé: M. le Président, j'ai été avisé par Me André J. Bélanger, mon associé, que M. Boivin avait téléphoné à notre bureau vendredi après-midi qui est, je crois, le 29 avril dernier. Je n'ai pas parlé à M. Lévesque depuis, je pense, quelques jours après le référendum.

M. Ciaccia: M. le Président, non.

Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas d'autre question?

M. Ciaccia: Je ne veux pas vous décevoir, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay, vous avez la parole.

Une voix: Vous êtes libéré.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

Une voix: II a oublié ses questions.

Le Président (M. Jolivet): Oui, Me Beaulé.

M. Beaulé: Je ne vous cache pas que j'étais un peu épuisé à la fin de la session de vendredi. Ayant appris de mon bureau que M. Boivin avait tenté de me rejoindre, j'ai tenté de le rappeler ici à son bureau de Québec, et il n'était pas là.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. J'attends de pouvoir prendre la parole depuis jeudi dernier. J'ai rencontré quelqu'un, ce soir, sur la rue Saint-Jean, qui m'a reconnu comme participant à cette commission et qui m'a dit: "Mon Dieu que je vous trouve patient, M. le député."

M. Paradis: C'est Grégoire.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse, mais cela a été enregistré, M. le député, et je crois de mon devoir de vous demander de retirer ce que vous venez de dire.

M. Paradis: Je retire...

Une voix: Est-ce que cela va à

l'encontre du règlement?

Le Président (M. Jolivet): Non, je pense que c'est de la simple courtoisie entre députés.

M. Paradis: Pour me conformer à votre directive, je retire ce que j'ai dit sur l'autre propos, et que ce soit bien clair. Le député de Châteauguay a dit: J'ai rencontré quelqu'un sur la rue Saint-Jean, ce soir. Et j'ai dit: M. Grégoire. Je retire le nom de M. Grégoire que j'ai prononcé.

Le Président (M. Jolivet): Ce n'était pas tant le mot que la façon. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Alors, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je ne veux pas m'amuser avec cela. Je pense que la simple courtoisie entre députés implique qu'on ne doit pas faire ces choses. Je demande que ce soit retiré du journal des Débats.

M. Paradis: Que j'aie retiré, sur la question de règlement, les anecdotes de la rue Saint-Jean en commission parlementaire, ce n'est pas dans le mandat de la commission.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je n'avais pas entendu les remarques de mauvais goût du député de Brome-Missisquoi. Ma question se réfère à la déclaration préliminaire que Me Beaulé a faite lorsqu'il a commencé à intervenir à cette commission. À la page 13 plus précisément, il dit ceci: "En 1973, ce syndicat enregistrait deux déclarations au greffe de la Cour supérieure de Montréal, précisant, dans l'une d'elle; qu'il entendait faire affaires sous la raison sociale de Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, et dans l'autre, sous le nom de Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec local 791."

Pour bien situer ce syndicat, Me Beaulé l'a indiqué comme étant un affilié de l'International Union of Operating Engineers. Alors, Me Beaulé dit, tout de suite après, dans sa déclaration préliminaire toujours: "II va sans dire que ce syndicat au vocable multiple ne demanda jamais son accréditation à l'International Union of Operating Engineers et ne lui versa jamais d'ailleurs de cotisations ou redevances."

Il m'est apparu, au moment où Me Beaulé a fait la lecture de sa déclaration préliminaire, que c'était là une information très importante. C'était, en fait, la première fois qu'ici à cette commission, depuis le début des travaux, on évoquait cette information.

C'est un élément, je pense, qui pouvait expliquer que la SEBJ ait conclu à l'impossibilité de faire payer la centrale américaine. Pour moi, cela a une importance capitale, cette information que nous a donnée Me Beaulé et qu'il a été, je pense, le premier à nous donner.

Je voudrais savoir de Me Beaulé si, à sa connaissance, les avocats de la SEBJ, qui n'ont pas évoqué cette information ici à la commission - à ma connaissance, je pense qu'ils ne l'ont pas fait - ont eu l'occasion d'apprendre cette situation, à savoir que ce syndicat "aux vocables multiples", pour employer votre expression, ne demanda jamais son accréditation à l'International Union of Operating Engineers et ne lui versa jamais, d'ailleurs, de cotisations ou de redevances. (21 h 45)

M. Beaulé: M. le Président, je crois que j'ai déposé la contestation de la défenderesse, l'International Union of Operating Engineers, comme document auprès de la commission. Il s'agit donc de la contestation du 28 novembre. À la page 2 de la contestation, il est dit - je cite le paragraphe 7, cela va répondre, je crois, à la question - "En tout temps pertinent au présent litige, le défendeur Yvon Duhamel n'était pas le préposé, le mandataire ou le représentant de la défenderesse -l'International Union - elle n'a jamais été consultée quant à son engagement par l'association, le groupement ou le syndicat décrit au paragraphe 59." - de la déclaration et n'avait, d'ailleurs, aucun droit d'approbation ou de regard quant à son engagement; "b) L'association, le groupement ou le syndicat, connu alors au Québec sous un ou plusieurs des vocables suivants: local 791 de la FTQ-Construction, Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec, local 791, Union des opérateurs de machinerie lourde du Québec (FTQ), n'était pas affilié à la défenderesse et ne possédait pas de charte de l'International Union of Operating Engineers, Washington, D.C."

Au paragraphe c), toujours à la page 2 de la contestation du 28 novembre: "Elle -parlant de l'International - n'a jamais perçu de redevances, cotisations ou de "taxe per capita" de l'association, du groupement ou du syndicat connu sous l'un ou plusieurs des vocables mentionnés au sous-paragraphe précédent."

Donc, dès le 28 novembre 1978, nous avions dénoncé ces faits. En fait, c'était un moyen de contestation parmi d'autres pour le procureur de la SEBJ et cela apparaît également, M. le Président, à la page 100 de la lettre que j'adressais à M. Aquin, le 5

février 1979.

M. Dussault: On peut donc penser, Me Beaulé, qu'un certain nombre de membres du conseil d'administration de la SEBJ l'avaient à l'esprit et que c'est un élément qui les a fait cheminer vers une recherche d'entente, de règlement hors cour?

M. Beaulé: M. le Président, je crois que c'est une question d'opinion qu'on me demande.

M. Dussault: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Moi aussi, j'aimerais me référer à la déclaration d'ouverture de Me Beaulé, notamment à la page 5, au premier paragraphe, où vous dites, Me Beaulé: "II est donc évident que les gestionnaires de la SEBJ et son conseil d'administration adoptaient, en janvier 1979, une attitude incompatible avec l'une des recommandations principales de la commission Cliche." De quelle recommandation parliez-vous?

M. Beaulé: II s'agit de la recommandation que j'ai citée d'ailleurs dans mon mémoire, M. le Président, à la page 4, qui précède la page 5, et elle est tirée de la page 78 - je m'excuse, de la page 68 - du rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction, remis au premier ministre Bourassa, à l'époque. Il ne s'agit pas d'une recommandation cataloguée ou formaliste, mais il me semble, sur la base des faits, qu'elle est une recommandation.

M. Gratton: Je vous soumets - et je vous poserai la question - que c'est bien plus une constatation qu'une recommandation. Est-ce que je me trompe?

M. Beaulé: Voici, le texte...

M. Gratton: Est-ce qu'on peut relire le texte ensemble, Me Beaulé?

M. Beaulé: D'accord. C'est ce que je suggère.

M. Gratton: Voulez-vous le faire ou je le fais?

M. Beaulé: Avec plaisir. À la page 68: "Les commissaires ont acquis la conviction que les travailleurs ordinaires n'encourent pas la responsabilité de ce qui est arrivé. Il ne s'agit aucunement d'une réaction de masse mais bien d'une opération montée par un noyau de mécréants, dirigés par Duhamel, pour montrer une fois pour toutes qui était le maître à la Baie-James. "L'impression nette que nous tirons de l'interrogatoire des témoins du saccage est que les travailleurs ont été de simples spectateurs et même des victimes des actes insensés posés par un Duhamel en délire."

Ma conclusion est la suivante. C'est qu'après avoir entendu les témoins du saccage, la commission en arrive à cette conclusion de fait, qui est une conclusion de fait.

M. Gratton: Qui est une recommandation.

M. Beaulé: Au sens formel du mot, non, M. le Président.

M. Gratton: Non. Elle n'est pas incluse dans les recommandations qui suivent le chapitre intitulé "Le système et ses appuis", aux pages 94 et 95, dans les recommandations 25 à 29.

M. Beaulé: Non. C'est un fait qu'elle n'apparaît pas aux pages 94 et 95, mais je ne vois pas ce qu'elle y ferait puisqu'elle est d'un tout autre ordre et d'une toute autre nature. Mais je n'ai pas trouvé dans le rapport, M. le Président...

M. Gratton: Est-ce qu'elle apparaît dans les recommandations du chapitre intitulé "Recommandations", aux pages 295 et suivantes du rapport Cliche?

M. Beaulé: Je ne sais pas. La seule chose, cependant, est que je pense qu'il s'agit d'un sujet qui ne fait pas l'objet d'un chapitre dans les autres recommandations. Mais, là-dessus, cela devient une question d'opinion. J'ai répondu à la question. Quant à moi, je vois cette conclusion, à la page 68, que nous avons citée et qui a aussi été abondamment citée, comme étant une constatation de fait, ce qu'on appellerait en anglais "a finding on the facts". Cela ne fait pas l'objet d'une recommandation spécifique dans l'un ou l'autre des chapitres auquel vous pourriez me reporter. Mais je vois cela, en anglais, "as a finding on the facts".

M. Gratton: En français, est-ce que vous voyez cela comme une des recommandations principales du rapport Cliche?

M. Beaulé: Je pense que cela comporte aussi une recommandation, M. le Président.

M. Gratton: Est-ce une des recommandations principales du rapport Cliche?

M. Beaulé: À mon point de vue, c'est

une des recommandations principales du rapport Cliche, mais pas au sens formaliste du terme.

M. Gratton: Moi, j'appelle cela une constatation et vous, vous appelez cela une recommandation. Auriez-vous objection à lire les trois paragraphes qui suivent ceux que vous venez de lire et qu'on retrouve à la page 69? Le premier paragraphe en haut de la page 69 et les deux suivants. Cela vient immédiatement après "...Duhamel en délire..."

M. Beaulé: Oui. Je veux bien me prêter à cet exercice, M. le Président. Je pense que nous avons le même texte. "C'est à ce genre de catastrophe..." Est-ce bien à cela que vous référez?

M. Gratton: Oui.

M. Beaulé: C'est à ce genre de catastrophe que devait fatalement aboutir l'irresponsabilité d'aventuriers sans scrupules qui avaient fait main basse sur le contrôle des principaux locaux de la FTQ-Construction. Il suffit, à partir de Yvon Duhamel, de remonter le lien de filiation pour voir à qui incombe ultimement la responsabilité morale de son crime, car enfin, l'agent d'affaires travaillait à la réalisation d'un objectif maintes fois déclaré par les dirigeants de sa centrale, l'acquisition du monopole syndical sur les chantiers. Il le faisait avec des méthodes qui ne détonnent pas du tout avec celles généralement admises par la FTQ-Construction. Il n'est que de lire le procès-verbal de l'assemblée mensuelle des membres du local 791, tenue le 25 mars 1974 où une résolution adoptée unanimement accepte le rapport par lequel M. René Mantha, après avoir souligné le beau travail accompli par M. Yvon Duhamel pour le local et pour tous les membres, ajoute qu'il a été grandement apprécié à son dernier "meeting" à la Baie-James. À noter que les membres sont alors bien au courant du saccage du 21 mars puisqu'il en a été question à la même assemblée."

J'aurais des commentaires à faire sur ce texte. Même si les actes de Duhamel ont fait l'objet d'une résolution le 25 mars 1974, lors d'une assemblée mensuelle des membres du local 791, cela n'établit aucunement la responsabilité de l'International Union of Operating Engineers.

M. Gratton: On va venir à cela tantôt. Je vous donnerai raison là-dessus. On n'est pas encore rendu là. Ce que je voulais savoir de vous, vous avez, en parlant des trois paragraphes ou des deux paragraphes précédant ce que vous venez de lire, parlé d'une des principales recommandations de la commission Cliche. Est-ce que les trois paragraphes que vous venez de lire sont une recommandation?

M. Beaulé: Je crois que c'est encore une constatation de faits et en gros...

M. Gratton: Encore?

M. Beaulé: Je pense que c'est encore une constatation de faits. Je pense qu'il est manifeste dans ce rapport que des gens, dont certains ont été condamnés et emprisonnés, enfin qu'un certain nombre de "gangsters" à l'époque avaient fait main basse sur certains locaux, certaines unions locales dont le local 791.

M. Gratton: Est-ce que vous qualifiez la première partie de la citation comme étant une des principales recommandations de la commission Cliche? Est-ce que cette deuxième partie qui porte sur la responsabilité morale de ce crime commis par Duhamel ne fait pas en quelque sorte partie de la recommandation dont vous parlez?

M. Beaulé: Pour être juste, là-dessus je suis bien d'accord avec vous, on ne peut pas dissocier les trois paragraphes cités au bas de la page 68 et au bas de la page 69 des paragraphes qui suivent; cela m'apparaît évident, mais je n'y vois aucune contradiction, M. le Président.

M. Gratton: Ah! je n'y vois aucune contradiction moi non plus. Sauf que je constate que vous et le ministre êtes en communion d'esprit sur cela. Le ministre, à au moins cinq ou six occasions, sinon plus...

M. Duhaime: Plus que cela.

M. Gratton: ...plus que cela dit-il -nous a cité les mêmes deux paragraphes que vous avez vous-même cités dans ce mémoire que vous avez préparé le 27 je pense et que vous avez présenté ici à la commission le 28. Lui, comme vous, avez omis - le ministre, à plus de six ou sept occasions, vous, à deux occasions - de lire la suite. Est-ce que je veux bien comprendre que vous pensez que les trois paragraphes qui suivent les deux premiers viennent nuancer de façon significative la recommandation principale dont vous parlez?

M. Beaulé: M. le Président, ce qu'affirme la commission Cliche à la page 68, c'est que les travailleurs de la Baie-James ne doivent pas payer pour les dommages causés par Duhamel. J'entends par là, les travailleurs passés, présents et à venir; on se place en 1975. Ce qui apparaît à la page 69 ou ce qui est décrit, c'est la mainmise de Duhamel et de ses comparses sur le local 791 qui d'ailleurs a reconnu sa

responsabilité le 12 mars 1979.

M. Gratton: Mais quand on lit, M. Beaulé...

M. Duhaime: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, une question de règlement.

M. Duhaime: Oui, je voudrais soulever une question de règlement, parce que le député de Gatineau, dans sa remarque me concernant tout à l'heure, m'impute des motifs, en ce sens qu'on n'aurait pas voulu poursuivre la lecture après la page 68 et la page 69 pour des raisons que j'ignore; tout le monde sait lire, on parle de responsabilité morale de son crime. Pour compléter ma pensée, je voudrais référer le député de Gatineau à la page 28 du rapport de la commission Cliche.

M. Gratton: Une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Une question de règlement; je pense que la question de règlement du ministre est terminée.

M. Gratton: Oui, mais de toute façon, là il voudrait nous lire d'autres passages de la commission Cliche. Il le fera quand il aura le droit de parole et le droit de poser des questions à l'invité.

M. Duhaime: Non, M. le Président, sur la question de règlement.

M. Gratton: Quant à moi, je suis en train de poser des questions.

M. Duhaime: Le député de Gatineau me met en cause en faisant ses remarques. Il a parlé même de communion de pensée. Je voudrais situer que la responsabilité morale...

M. Gratton: Si vous voulez vous en défendre, c'est votre problème.

M. Duhaime: ...réfère, dans le paragraphe suivant, à l'acquisition du monopole syndical sur les chantiers. Or, la commission Cliche en a parlé du monopole syndical, à la page 28: "Ce que la violence ne pouvait lui donner - je cite - la FTQ-Construction a tenté de l'obtenir au moyen de négociations secrètes, nouées avec M. Paul Desrochers et avec la haute direction d'Hydro-Québec, la SEBJ et la SDBJ."

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Des voix: Question de règlement, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre!

M. Gratton: Le ministre se conduit comme un enfant d'école, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Pour nous permettre de nous reposer un peu de la journée, la commission ajourne ses travaux à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 21 h 59)

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