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Audition des mémoires sur
le projet de loi no 1 :
Charte de la langue française
au Québec
(Quinze heures seize minutes)
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Constatant qu'il y a quorum, nous allons commencer cette nouvelle
séance de la commission élue permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications. Je fais donc "appel des membres
de la commission: M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon
(Sainte-Marie) on m'indiquera les remplacements, s'il y a lieuM.
Chevrette (Joliette), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M.
Grenier (Mégantic-Compton), M". Guay (Taschereau), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé) remplacé par M.
Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).
M. Guay: M. Charbonneau pour remplacer M. Bisaillon.
Le Président (M. Cardinal): Alors, M. Bisaillon
(Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau (Verchères).
Merci.
Je répète l'avis du leader parlementaire du gouvernement
donné vendredi, et je cite, au journal des Débats: "Je rappelle
que la commission parlementaire de l'éducation va siéger
dès 15 heures, lundi, pour continuer à examiner le projet de loi
no 1, qu'il en sera de même dans la soirée, de 20 heures à
23 heures. Je rappelle également des choses qui sont déjà
en avis au feuilleton. Mardi matin, cette commission siégera à
nouveau, toujours relativement au projet de loi no 1."
Par conséquent, nous commençons une séance qui sera
suspendue à 18 heures, qui sera ajournée à 23 heures
jusqu'à 10 heures demain matin. L'ordre du jour, il n'est pas
nécessaire que les gens répondent à l'appel. Les
organismes convoqués sont les suivants: Association des manufacturiers
canadiens, division du Québec, mémoire 42. Centrale de
l'enseignement du Québec, mémoire 24. Université
Concordia, mémoire 29. Banque de Montréal, mémoire 56. Les
jeunes libéraux de la région de Québec, mémoire
114.
J'invite immédiatement le premier organisme, l'Association des
manufacturiers canadiens. Est-ce M. Ethier qui...
M. Brady (Frank): M. le Président, M. Ethier n'est pas
présent cet après-midi. Je présenterai mes
collègues.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais vous
demander, messieurs, d'identifier très précisément votre
association et les membres qui la représentent.
Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour exposer votre
mémoire ou le résumer et que les membres de la commission ont 70
minutes pour vous poser des questions.
Messieurs.
Association des manufacturiers canadiens
M. Brady (Frank): M. le Président, M. le ministre, madame,
messieurs les membres de la commission, on voudrait, en premier lieu, vous
remercier de nous avoir donné cette occasion de vous présenter
verbalement nos points de vue, nous, l'Association des manufacturiers
canadiens, division du Québec. En premier lieu, comme l'a
suggéré le président, j'aimerais me présenter et
présenter les gens qui font partie de notre
délégation.
Je suis Frank Brady, président de l'AMC, l'Association des
manufacturiers du Québec, division du Québec, et
vice-président et conseiller général de la
société Dominion Textile.
A ma droite, M. Pierre Daviault, membre du comité de
législation de l'AMC et chef du contentieux de la compagnie CIL à
Montréal. A ma gauche, M. Jean Bleau, président du comité
des relations industrielles de l'Association des manufacturiers du
Québec et directeur du personnel et des relations industrielles de la
société Canron. A ma droite, M. Douglas Montgomery, directeur des
services de législation de l'Association des manufacturiers.
Notre mémoire est probablement trop long, M. le Président,
pour être lu au complet. Je demanderais donc que le texte du
mémoire et les annexes qui vont avec soient mis au dossier
intégralement, si ça vous plaît, dans votre
procédure.
Le Président (M. Cardinal): M. Brady c'est
ça votre nom? c'est possible. Ce que vous donnerez sera
directement enregistré pour le journal des Débats et ce qui ne
sera pas reproduit y sera ajouté en annexe. Vous pouvez donc être
assuré que votre texte sera publié en entier par
l'Assemblée nationale.
M. Brady: Merci, M. le Président.
Donc, au lieu de lire le mémoire au complet, je vais essayer d'en
faire une synthèse et ça me fera plaisir après,
évidemment, de répondre à vos questions. S'il y a des
questions faciles, je vais essayer d'y répondre moi-même. S'il y a
des questions plus difficiles, je vais demander aux membres de mon
comité d'y répondre.
Sérieusement, l'Association des manufacturiers au Québec
représente à peu près 1700 membres dans le secteur
manufacturier, et ce dans toutes les régions du Québec. Nous
estimons que nous représentons environ 80% des manufacturiers de tous
les produits fabriqués au Québec et
surtout, dans le secteur secondaire des manufacturiers.
Dans notre mémoire, nous énonçons deux ou trois
principes de base et, ensuite, nous touchons surtout aux modalités, soit
techniques, soit d'application du projet de loi no 1 tel que
présenté en ce moment.
Le principe de base qu'on énonce dans notre mémoire est
contenu d'ailleurs à la page 1 en ces mots: "Le secteur manufacturier
québécois reconnaît la nécessité
d'accroître l'usage du français pour en faire une
réalité vivante en son milieu." C'est un des principes de base
auxquels notre mémoire et nos représentations sont
liés.
Deuxième principe énoncé aussi dans le
mémoire. Les résultats d'un sondage que l'association a fait en
1970 ont nettement démontré que le français était
déjà la langue de travail au niveau de la production au
Québec. Ces chiffres datent d'environ 1969, mais, dans le temps
très court entre l'annonce des séances et cette date-ci, nous
n'avons pas pu mettre ces chiffres à jour. Mais nous avons
communiqué avec les sections de l'association, à Granby,
Trois-Rivières et Sherbrooke, et l'opinion générale est
que l'usage du français comme langue de travail est peut-être
même plus avancé que les chiffres ne l'indiquent dans le
mémoire.
Ceci dit, nous regardons les modalités et l'application de
certains articles de la loi qui en soi rendront la tâche d'un
manufacturier dans la province de Québec plus difficile à
accomplir que dans d'autres domaines et qui auront, je le crois
sincèrement, des effets négatifs sur le développement et
l'épanouissement du secteur manufacturier du Québec.
Dans notre mémoire, nous avons cité plusieurs de ces
articles. Nous avons cité les articles 30, 32, 36, 37,52, 57, 106, 113,
114. Evidemment, dans le temps qui nous est alloué aujourd'hui, je
n'aurai pas le temps de faire tout ce tour d'horizon. Je vais essayer d'en
discuter trois ou quatre que nous considérons comme primordiaux en ce
qui concerne les manufacturiers dans la province de Québec.
Si vous me permettez, je citerai, premièrement, l'article 106 de
la loi. On en parle à la page 3 de notre mémoire. Nous avons deux
ou trois points qui nous concernent beaucoup en ce qui regarde l'article 106 du
bill. Surtout au paragraphe a) pour avoir le droit de recevoir de
l'administration les permis, les primes, les subventions, etc. Evidemment, ce
ne serait peut-être pas du nouveau. C'est le mot "permis" qui nous cause
des ennuis dans ce paragraphe et on constate, en fait, que pour le
manufacturier, il y a un nombre énorme de permis de toutes sortes, de
conduite de l'entreprise. Si le gouvernement avait le droit de retirer, et ceci
sans appel, le permis, ce serait un droit de vie ou de mort sur l'entreprise
visée. Ceci est un point primordial chez les manufacturiers.
Au paragraphe b), il y a le fait que, pour avoir encore le certificat de
francisation, on pourra enlever le droit contractuel avec les entreprises
d'utilité publique. Donc, on pourra encore enlever le droit d'avoir de
l'électricité de l'Hydro ou peut-être même, si on
considère quelque chose comme Smith Transport, dans le domaine public,
ou quasi public, le droit d'avoir un contrat avec ces gens-là. Nous
croyons que ce sont des échéances trop sévères.
Nous croyons que ce sont des échéances qui vont au-delà du
besoin. Dans l'article même, on dit: sous réserve de tout recours
pénal, et il y a plusieurs recours dans la loi même. Si je me
rappelle bien, à l'article 163, il y a un recours général.
Donc, nous croyons que, dans le bill même, il y a amplement de recours
sans ajouter ces deux recours additionnels qui sont essentiels,
l'enlèvement du permis.
Avec la meilleure volonté du monde, si on enlève un permis
à quelqu'un, ça peut créer une situation cahotique, perte
d'emploi et perte de l'entreprise. Même chose avec l'enlèvement du
permis dans les exemples que j'ai donnés, l'enlèvement du
certificat dans le cas où il y a des contrats avec les utilités
publiques.
Donc, à cet article, avec l'aspect des doubles
pénalités, nous suggérons fortement que les
références au permis, dans le premier paragraphe de l'article,
soient enlevées et que le paragraphe b) soit amendé pour qu'il
n'y ait pas cette double pénalité.
A l'article 114 de la loi, nous trouvons les règlements ou les
lignes de conduite sur les comités de francisation, et voici notre point
principal sur cet article. Plus l'entreprise est grande, plus elle a de
filiales, plus elle a de succursales, plus elle a d'usines, l'aspect pratique
d'appliquer le comité de francisation dans un sens unitaire
amènerait d'énormes problèmes pratiques. Vous pouvez avoir
des exemples, si je lis bien l'article, on prévoit un comité de
francisation. Il semble qu'on regarde une situation, un organigramme assez
simple, des simples étapes de gérance, des simples étapes
d'employés, soit syndiqués ou non syndiqués.
Mais, en pratique, vous avez beaucoup de situations où il y a une
grande complexité dans une industrie, une compagnie donnée. Vous
avez des situations où vous pouvez avoir une compagnie avec 15 ou 18
usines dans la province. Dans ces 15 ou 18 usines, vous pouvez avoir quatre ou
cinq ou même plus de syndicats qui sont accrédités. Vous
pouvez avoir, en addition, des employés qui ne sont pas
syndiqués. Vous avez un autre groupe d'employés, un autre groupe
de problèmes aux sièges sociaux.
Donc, si, de la manière dont c'est rédigé, nous
avions simplement un comité qui regarderait une situation aussi
complexe, il y en a beaucoup. Je crois qu'en pratique, ce serait
extrêmement difficile d'application.
Est-ce qu'il y a une solution à ce problème?
Peut-être qu'une solution qui pourrait être offerte serait de
regarder les choses en deux paliers. Qu'il y ait un comité de
décision, un comité de politique générale au niveau
de la gérance. Après tout, la gérance est visée par
les pénalités, la gérance assume la responsabilité
pour mettre des programmes de francisation en pratique. Peut-être que
ce
premier palier devrait être un comité qui déciderait
ce que pourrait être la politique de francisation. Il y a toute une gamme
de choix, afin de faire cette politique.
Deuxièmement, il pourrait y avoir des comités
d'application ou des comités opérationnels à divers
niveaux. Souvent, les unités qu'on considère sont très
différentes, les problèmes dans les différentes
unités sont extrêmement différents et donc, ces
comités opérationnels pourraient voir à l'application du
programme de francisation en cause. Je crois qu'au point de vue pratique, cela
enlèverait beaucoup de situations de conflit et permettrait de tenter de
garder notre industrie dans une situation plus ou moins compétitive.
A l'article 113, on parle du programme de francisation en ce qui
concerne les sièges sociaux de l'industrie. Ici encore, on tombe encore
dans un domaine d'importance primordiale pour l'industrie. On y
réfère à la page huit et subséquentes de notre
mémoire.
Je crois que la présence de sièges sociaux à
Montréal, surtout, est une industrie en elle-même. Dans le
mémoire, on mentionne qu'il y a au moins 250 sièges sociaux
majeurs à Montréal. Je crois que c'est le problème d'une
industrie, par soi-même.
Dans le domaine manufacturier, les ressources humaines constituent
vraiment le principal atout d'une entreprise.
S'il n'y a pas une distinction peut-être un peu plus claire que
celle qui est énoncée en ce moment à l'article 113, on
voit des contraintes au fonctionnement efficace des sièges sociaux des
grandes et des moyennes entreprises au Québec. Il y certaines
contraintes dans les autres sections de la loi qui entrent en jeu, s'il n'y a
pas une distinction faite à l'article 113. Un exemple du genre de
contraintes que nous avons en tête, c'est celle que l'on retrouve
à l'article 37 où il nous semble qu'on sera obligé de
justifier tout emploi qui sera accompli dans une langue autre que la langue
officielle.
Je dis cela au point de vue pratique. Quel sera le fardeau de la preuve
telle qu'on la voit aujourd'hui dans la loi? Est-ce que ce sera simplement
assez de dire: Voici un bonhomme qui transige avec une succursale en Ontario ou
une autre aux Etats-Unis ou ailleurs, il a donc besoin de l'anglais? Est-ce
qu'on accepte cela comme une preuve ou est-ce qu'on va plus loin et qu'on
demande une preuve plus approfondie une preuve quasiment "beyond a reasonable
doubt", comme on dirait en anglais? Donc, on voit cela comme une contrainte, au
moins à l'article 113 où il y a une référence au
statut plus particulier des sièges sociaux et des fonctions qui
s'accomplissent à ces sièges sociaux.
On voit aussi des contraintes à l'article 30, évidemment,
concernant les professionnels, du fait qu'ils doivent avoir un permis pour
accomplir leur profession ou transiger dans leur profession dans la province de
Québec. Ici, on fait une distinction concernant les professionnels qui
travaillent pour une industrie qui n'a pas directement af- faire au public.
Concernant le professionnel, que ce soit un ingénieur, que ce soit un
architecte, que ce soit un avocat qui travaille pour une société,
s'il n'a pas affaire au public, on fait une distinction. Pour avoir une
certaine mobilité de ces gens, on estime qu'il devrait y avoir une
extension quelconque vis-à-vis de ces gens qui travaillent à des
sièges sociaux.
On voit la même sorte de contrainte, évidemment, à
l'article 52 concernant l'éducation. On se dit qu'on n'est pas des
experts dans le domaine de l'éducation, mais on voit cela comme une
contrainte à la mobilité des gens.
Au siège social d'une grande entreprise, il faut qu'elle aille
chercher, recruter ses gens un peu partout. Donc, plus de difficultés
à avoir nécessairement la sorte de personnes, tout en faisant
notre grand possible pour remplir les tâches ici, mais ce n'est pas
toujours possible. On voit cela comme une contrainte sur la mobilité
d'avoir à attirer ces gens. S'il n'y a pas une distinction à
faire au siège social, nous voyons cela encore comme un problème
vraiment pratique qui pourrait survenir. Donc, nous croyons qu'on pourrait
peut-être ajouter à l'article 113 quelque chose comme une phrase
qui pourrait dire: On doit tenir compte de la situation particulière du
siège social d'une entreprise en considérant l'application de
toutes les autres prévisions de la présente loi.
M. le Président, je crois que j'ai fait le tour d'horizon des
principaux points que nous avons à mettre de l'avant à votre
commission aujourd'hui. Il y en a beaucoup d'autres dans le mémoire.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions, (voir
annexe 1)
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Brady. Vous avez
pris le temps mis à votre disposition. C'était vraiment bien
synchronisé. Je donne la parole au ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: Je remercie beaucoup l'Association des manufacturiers
canadiens pour le mémoire qu'ils viennent de nous présenter. Je
suis heureux de continuer avec eux le dialogue que j'ai déjà eu,
il y a un mois et demi, lorsque je suis allé les rencontrer et que je me
suis entretenu avec eux près d'une heure et demie dans un échange
comportant questions et réponses.
Evidemment, c'est une association extrêmement importante dans le
paysage québécois. Il me fait plaisir de le reconnaître.
Quand M. Brady nous dit qu'il représente près de 80% des
entreprises oeuvrant dans le secteur secondaire au Québec, cette simple
affirmation donne sûrement beaucoup de poids à leurs
représentations et recommandations. C'est d'ailleurs à leur
intention que je disais déjà, en décembre, que les hommes
d'affaires constituent pour nous des partenaires essentiels et respectés
et que nous prêterions beaucoup d'attention à leurs demandes.
Je suis heureux que l'Association des manufacturiers reconnaisse au
départ qu'il y a nécessité d'accroître l'usage du
français dans le monde des affaires. C'est là un point de
consensus qu'il me
fait plaisir de souligner. J'ai lu avec beaucoup d'attention le
mémoire qui est, en effet, plus long que ce que M. Brady nous en a dit
ce matin. C'est un mémoire bien préparé, qui a
été préparé avec beaucoup de soin et
d'habileté aussi, je dois le dire, et qui utilise très bien les
pressions que peut faire jouer un organisme de ce genre.
J'aimerais maintenant parler de certaines recommandations que nous fait
l'Association des manufacturiers. En ce qui concerne l'article 106,
évidemment, il s'écoulera plusieurs mois avant que nous ayons
besoin de ce genre de règlements, puisque ce n'est qu'après
l'obtention d'un certificat de francisation que l'on pourra en utiliser telle
ou telle partie.
Le comité chargé de la préparation de ce
règlement est à l'oeuvre, travaille d'arrache-pied depuis
déjà quelques mois, car il est très long d'inventorier, un
peu comme l'a laissé sous-entendre M. Brady, toute la liste des
avantages, primes, concessions, permis, contrats que peuvent négocier
entre eux, non seulement le gouvernement, mais tous les organismes de
l'administration, les institutions d'enseignement, les services sociaux, les
entreprises d'utilité publique, d'une part, et les divers
manufacturiers, d'autre part. Il n'est donc pas étonnant que nous ne
soyons pas encore en mesure de déposer ce règlement.
Mais je pense que je peux rassurer immédiatement l'Association
des manufacturiers en ce qui a trait à leur inquiétude la plus
aiguë ou la plus lancinante, celle qui concerne la perte possible du
permis d'exploitation. Il n'est sûrement pas dans nos intentions de
suspendre ainsi une épée de Damoclès au-dessus de quelque
entreprise que ce soit et de lui retirer le droit de vie si elle n'obtient pas
un certificat de francisation. C'est donc un des permis que l'on peut
considérer comme exclu, dès le départ.
Evidemment, il y en a beaucoup d'autres, et je sais que le comité
continue son travail commencé, d'ailleurs, il y a déjà
quelques années, même en 1973 ou 1974, et j'espère
être en mesure d'annoncer un progrès sous ce rapport dans les plus
brefs délais possibles.
Je reconnais la remarque que veut bien nous faire l'Association des
manufacturiers, qu'il y a lieu de se poser des questions sur ce genre de
sanction quand, déjà, il y a une autre sanction prévue
comme recours général à l'article 163 et le souci qu'ils
ont, peut-être, d'éviter une double pénalité, une
pénalité économique et une pénalité
judiciaire. C'est sûrement une réflexion qui est sérieuse
et que nous considérerons à son mérite.
En ce qui concerne l'article 114, l'Association des manufacturiers nous
souligne, à juste titre, que l'établissement de comités de
francisation auxquels participeront, pour un tiers, les salariés, soit
non syndiqués, ou syndiqués, peut poser, dans certaines
entreprises, des problèmes complexes.
Evidemment, M. Brady parle des cas extrêmes où il
s'agirait, par exemple, de très grosses entreprises comportant plusieurs
succursales, plusieurs filiales, qui auraient plusieurs syndicats
accrédités appartenant à diverses centrales syndicales et
aussi des ouvriers non syndiqués. Ce n'est quand même pas la
majorité des entreprises. Je pense que les cas où pareille
éventualité pourrait se produire ne sont pas la
majorité.
J'ajouterai aussi que même si une solution
préconisée comporte de nombreux problèmes pratiques,
quelque complexes qu'ils soient, ils peuvent toujours être
réglés si on y met le temps, le soin, l'intelligence
nécessaires. D'autre part, ils ne font pas disparaître la
nécessité du principe qui a pu présider à
l'énoncé de tel ou tel article ayant trait a ce
problème.
J'ai déjà eu l'occasion de m'en expliquer lors de ma
première rencontre avec l'Association des manufacturiers. Si le
gouvernement a cru bon d'insérer cet article dans la loi, c'est qu'il
nous semblait tout à fait normal que les salariés et surtout les
ouvriers participent à l'élaboration de la politique linguistique
de l'entreprise en raison des informations nombreuses,
détaillées, factuelles qu'ils sont peut-être les seuls
à pouvoir apporter à l'entreprise. Car même si la
gérance connaît son entreprise, il reste qu'elle peut la
connaître de haut, en gros, et qu'elle peut ignorer certains
problèmes existentiels, quotidiens, qui se situent aux échelons
inférieurs de l'entreprise. C'est souvent à ce niveau,
d'après beaucoup d'enquêtes qui ont été faites, que
certaines injustices, parfois, peuvent exister ou que certains problèmes
aussi peuvent exister, qui ne sont pas soumis à l'attention de la
direction et dont la solution peut tarder. Par ailleurs, il nous semble que le
travailleur est intéressé surtout au Québec,
où la majorité des travailleurs sont francophones d'une
façon vitale à la francisation d'une entreprise dont il sera le
premier à retirer les bénéfices puisque ceci aura pour
conséquence la francisation, par exemple, des manuels d'instructions et
d'exploitation ou la francisation des communications, non seulement
horizontales, mais surtout verticales entre les divers paliers de l'entreprise.
Il nous a semblé que cette mesure pourrait augmenter l'efficacité
en même temps que le caractère réel de l'entreprise de
francisation, en ce sens qu'elle collerait véritablement aux
réalités et que chacun apporterait, à son niveau, la part
d'information, de consultation qui est la sienne.
Peut-être que c'est une façon d'intéresser aussi
davantage l'ouvrier à la bonne marche de l'entreprise,
l'intéresser davantage à son succès. Par ailleurs, il est
bien dit dans l'article qu'il ne s'agit que d'une participation, qu'il ne
s'agit pas d'enlever à la direction de l'entreprise son droit de
gérance, puisque cette participation des employés ne peut jamais
dépasser le tiers de la composition du comité de francisation. Le
droit de gérance ne risque donc pas d'en souffrir d'une façon
majeure, en tout cas, puisque les travailleurs y seront toujours en
minorité.
Je retiens, malgré tout, la suggestion de l'Association des
manufacturiers de penser à des comités de francisation à
double palier, un qui se situerait au niveau de la gérance et l'autre
qui se situerait au niveau des entreprises. Nous l'étudie-
rons et nous serions prêts à avoir des suggestions
additionnelles à cet égard de la part de l'Association des
manufacturiers. Pour notre part, nous étudierons ces problèmes
pratiques et complexes que souligne M. Brady afin d'y apporter la meilleure
solution possible, mais sans renoncer au principe qui nous a paru
nécessaire, qui nous a paru présider à l'insertion de cet
article qui nous paraît nécessaire dans le projet de loi.
En ce qui concerne les sièges sociaux, déjà nous
avons fait droit à la principale représentation qui nous avait
été faite lors de la période préliminaire de
consultation.
Il est possible que le libellé actuel de l'article 113 ne donne
pas encore satisfaction complète à l'Association des
manufacturiers. D'ailleurs, c'est pour cette raison que le gouvernement a
envoyé récemment en Europe une mission, qui vient juste de
revenir, d'ailleurs, il y a deux jours, qui devait étudier, dans
quelques pays d'Europe, le fonctionnement des sièges sociaux en rapport
tout particulièrement avec les langues qui peuvent y être en
usage. Ce rapport me sera remis dans les jours qui viennent et j'ai bien
l'impression, de par la composition de la mission qui s'est rendue en Europe
il y avait, par exemple, des représentants du patronat dans cette
mission que des recommandations nous seront faites. Je ne sais pas dans
quel sens elles iront. Il est possible qu'elles aillent dans le même sens
que celles que vous nous faites aujourd'hui.
Mais, à première vue, de par l'expérience
accumulée par la régie, il paraît difficile d'être
très spécifique dans un article de loi à ce sujet. En
effet, l'article de loi énonce un principe et il revient ensuite aux
organismes, dans les travaux de négociation qu'ils poursuivent avec
l'entreprise, de faire droit à la situation particulière des
divers sièges sociaux. Il y a des sièges sociaux nationaux, il y
a des sièges sociaux régionaux, comme vous le soulignez
d'ailleurs dans votre mémoire. Même entre sièges sociaux
nationaux, il n'est guère de sièges sociaux qui se ressemblent
tout à fait de l'un à l'autre. Peut-être qu'il est plus
facile d'assurer la souplesse qui convient à l'application d'une loi en
n'incluant pas trop d'éléments contraignants dans un article de
loi. De toute façon, sur ce point, je pense que je peux vous dire que
j'étudierai avec attention le rapport de la mission qui me sera remis
prochainement ainsi que les articles de votre mémoire qui
s'intéressent à ce sujet.
Mais je voudrais quand même ici vous poser une question. Il semble
se dégager de votre mémoire que vous êtes presque
convaincus que seul l'anglais peut être vraiment la langue d'un
siège social au Québec. Je me demande si l'affirmation n'est pas
trop générale. Pour ma part, je suis bien convaincu que la langue
de communication d'un siège social situé au Québec avec
ses filiales situées dans d'autres provinces ou à
l'étranger, surtout aux Etats-Unis, ne peut être que l'anglais,
mais est-ce que cela veut dire nécessairement que toutes les
activités au sein d'un siège social sont tournées vers la
face externe? J'imagine qu'il y en a un certain nombre qui sont plutôt
orientées vers le côté interne des activités du
siège social. Est-ce qu'il est possible d'envisager, à ce niveau
des opérations internes du siège social, de faire droit davantage
à la langue du pays où se trouve le siège social? Est-ce
qu'il va de soi, par exemple, qu'étant donné que les relations
externes se font en anglais toutes les communications internes doivent
également se faire en anglais? J'aimerais beaucoup avoir, sur ce point,
des explications additionnelles.
M. Brady: Parmi les deux ou trois points que vous avez
soulevés, M. le ministre, je crois que le point primordial est celui de
la souplesse dans les opérations d'un siège social. Je crois que,
sur ce point-là, on est d'accord et même l'amendement que nous
avons proposé, ce n'est pas pour mettre des règlements
détaillés. Je crois que ce serait quasi impossible de couvrir la
gamme de situations qui peuvent exister dans les sièges sociaux, soit
à Québec, soit à d'autres endroits. Sur l'autre question,
à savoir si l'orientation de notre mémoire semble dire qu'il faut
que toutes les communications d'un siège social soient en anglais, je ne
crois pas qu'il faille exclusivement que les communications d'un siège
social soient en anglais.
Je ne crois pas qu'on ait visé ce point-là non plus. Je
crois aussi, de la manière dont la loi est rédigée en ce
moment, qu'il y a une distinction entre communications qu'on dit internes et
communications externes d'un siège social. En pratique, souvent cette
distinction n'existe pas. Le commis qui prend des commandes dans une section de
mise en marché, souvent, c'est axé sur une orientation du
produit. Donc, il sera appelé à transiger avec des gens au
Québec, et si c'est une multinationale, à transiger avec des gens
ailleurs.
Quand vous parlez de sièges régionaux, dans un
siège social, les communications ne sont pas divisées nettement
et carrément entre Québec et le reste du Canada ou le reste du
monde. Je sens, dans la loi, qu'il y a un peu trop de distinction
carrément entre communications internes au siège social
vis-à-vis des opérations à Québec à
l'encon-tre de ce qui se fait ailleurs. Dans la pratique et peut-être
avec l'ampleur des opérations, cette distinction n'existe pas. Ceci dit,
il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites en français dans
les sièges sociaux et il y en a de plus en plus. Les contacts avec les
usines, les communications, tout ça peut être fait. On ne peut
faire une distinction nette et claire dans beaucoup de domaines. Le même
type peut être appelé à travailler, à vendre ou
à faire quelque travail que ce soit concernant un produit. C'est un
concept plus global.
Cela prend peut-être une orientation et une connaissance de la
langue officielle, mais une connaissance assez aigûe et assez
approfondie, dans beaucoup de fonctions, de l'anglais.
M. Laurin: A quelques endroits de votre mémoire que j'ai
lu, j'ai cru remarquer, ce qui n'est guère étonnant d'ailleurs,
que les chefs d'entreprises voudraient bien être les seuls à
pouvoir déci-
der de l'endroit, du moment où la connaissance d'une autre
langue, en l'occurrence l'anglais, est appropriée. Cependant, nous
voyons, d'après les enquêtes qui ont été faites et
même quand nous regardons simplement les annonces qui sont faites dans
les journaux, les offres d'emploi et les demandes d'emploi, que la plupart du
temps, pour n'importe quel emploi, la connaissance d'une autre langue est
exigée.
Ici, à la commission, nous avons entendu, par exemple, l'autre
jour, une dame Lepage qui nous disait qu'en date du 11 mai, elle avait vu, dans
la Presse, que pour 75% des emplois, même pour des métiers
manuels, on demandait la connaissance de l'anglais. Ceci nous fait craindre un
peu de se fier entièrement à l'entreprise pour décider de
la nécessité du bilinguisme, par exemple. C'est à la
lumière de ce qui nous a souvent paru être des demandes indues ou
excessives que le gouvernement a cru nécessaire de spécifier
d'une façon formelle les cas, les emplois, les types d'emploi où
une connaissance de l'anglais pouvait s'avérer essentielle, pour telle
ou telle personne.
Je me demande s'il n'y a pas ici deux conceptions qui s'opposent ou
tentent de se compénétrer. J'aimerais avoir votre
expérience à vous là-dessus...
M. Brady: Je crois que, là encore, il y a peut-être
des distinctions à faire dans ce domaine.
Je ne fais pas l'analyse des annonces pour des gens qui ont besoin d'une
connaissance de l'anglais, mais si vous regardez le petit sondage cela
fait longtemps que le sondage a été fait on indique,
premièrement, au niveau de la production, si je me rappelle bien, que
90% ou plus, cela ne demandait pas une connaissance de l'anglais. Même au
niveau de contremaîtres ou surveillants, 75% ne demandaient pas une
connaissance de l'anglais.
C'est surtout lorsqu'on se retrouve dans les sièges sociaux; cela
devient plus difficile, à ce moment-là, de définir et
d'établir nettement et clairement que cette fonction on peut l'exercer
en français exclusivement, ou en étant bilingue, ou en anglais.
Cela devient extrêmement difficile. Toute chose et possible, cela ne sert
à rien de dire qu'on n'est pas capable. Mais, à un moment
donné, c'est une question de coût. Est-ce qu'on peut supporter les
coûts? Peut-être que je peux sortir de la parenthèse de
parler de la langue pour le moment.
Devant d'autres comités, on dit que l'industrie canadienne,
l'industrie québécoise, dans le moment, se fait dépasser
d'à peu près 20% à 25% dans ses coûts de
fonctionnement. Donc, il y aurait moyen d'avoir un système en duplicata.
Je crois qu'on ne pourrait pas assumer le coût à ce
moment-là. Aux sièges sociaux, cela devient beaucoup plus
difficile de vraiment dire: Celui-là... Il y a des cas. Evidemment, il y
a des cas où le vendeur qui a une clientèle exclusivement
française fonctionne en français. Je crois qu'il y a une grande
reconnaissance et qu'elle va accélérer. Mais de là
à être capable, un par un, de faire la distinction, c'est
difficile.
Je crois que M. Daviault voudrait apporter une intervention.
M. Laurin: Avant que M. Daviault réponde, je voudrais
dire, par ma question, que le gouvernement se demande s'il doit laisser carte
blanche à l'entreprise dans ce domaine, parce que cette liberté
complète, dans le passé, a abouti à une sorte de
bilinguisation massive à tous les niveaux, à tous les
échelons, en ce qui concerne les offres d'emplois, les demandes
d'emplois. C'est précisément ce qui semble difficile à
accepter, ce qui est sûrement difficile à accepter par une
proposition croissante de francophones au Québec.
Je me rends bien compte que c'est beaucoup plus difficile pour une
entreprise d'effectuer ses opérations au Québec qu'en Ontario. En
Ontario, ce problème ne se pose pas, évidemment. Dans ce
sens-là, c'est sûr qu'une entreprise ontarienne est plus
concurrentielle avec une entreprise de la Colombie-Britannique ou du Manitoba
que celle du Québec peut l'être avec celle de l'Ontario. Si on
tient compte de cette caractéristique, de cette distinction, si on veut
la respecter, elle implique des coûts, elle implique des
mécanismes difficiles.
Mais, d'un autre côté, je pense qu'au Québec il faut
tempérer, harmoniser des objectifs différents qui peuvent, bien
sûr, avoir une incidence sur les coûts, mais cela peut
s'avérer nécessaire en vertu d'autres impératifs.
M. Daviault (Pierre): Si vous me permettez, M. le ministre,
d'ajouter une précision à ce que M. Brady disait, je pense que
personne ne peut prétendre qu'une connaissance de l'anglais est
nécessaire pour être manoeuvre dans une usine. Si cela a pu
exister dans le passé, je pense que cela existe de moins en moins et les
chiffres que nous avons présentés tendent à prouver cette
chose-là.
Rendu au niveau du contremaître, rendu au niveau du directeur
d'usine, le problème se pose de façon plutôt
différente. Ces gens-là peuvent probablement fonctionner
entièrement en français. Il y a peut-être une question de
temps, de délai, qu'il faut considérer pour mettre en application
les programmes de francisation, mais c'est sans doute possible, et, dans bien
des cas, désirable.
Mais c'est la connaissance de l'anglais à laquelle il faut
s'attacher, chez ces gens-là. Si le type veut rester manoeuvre,
d'accord, il n'aura jamais besoin d'anglais. Mais si le contremaître veut
devenir directeur d'usine, si le directeur d'usine veut devenir directeur d'une
division et président de sa compagnie, là, l'anglais est
nécessaire.
Qu'on le veuille ou non, c'est une contrainte qui nous est
imposée par le fait que nous sommes une petite proportion en
Amérique du Nord.
M. Laurin: J'ai étudié aussi votre recommandation
en ce qui a trait à l'article 30 qui touche les professionnels. Je me
demande si on peut dire qu'il y a un seul professionnel vous avez pris
l'exemple du chimiste qui n'ait pas à avoir des contacts avec
quelqu'un. Même s'il n'a pas de contact avec le grand public, il a quand
même des contacts avec ses collègues, avec des techniciens
de laboratoire, avec des travailleurs. A ce moment-là, on peut
penser que l'emploi d'une autre langue peut s'avérer utile, pour ne pas
dire nécessaire. On ne peut jamais être sûr non plus si un
chimiste qui travaille dans un laboratoire n'aura pas un jour à aller
dans l'usine pour donner ses instructions à des ouvriers qui peuvent,
par exemple, être occupés à mettre en oeuvre le
procédé mis au point par le chimiste. Par ailleurs, un chimiste,
même dans une entreprise, ne vit pas entièrement dans son
entreprise. Quand il a fini son travail, il se retrouve dans une
communauté qui a ses caractéristiques sociales, culturelles.
Est-ce que ce n'est pas dans son intérêt aussi de s'insérer
davantage dans cette communauté, de profiter des apports qu'elle peut
lui donner?
C'est un peu pour toutes ces raisons que le gouvernement a
modifié l'article 30 dans le sens qu'il l'a fait. Je me demandais si
vous aviez des commentaires à faire sur cette approche plus
générale que nous avons prise.
M. Brady: Je comprends bien la situation. Si le type veut
s'insérer dans la culture où il vit, c'est certainement un
avantage pour lui de parler la langue officielle, mais si vous me permettez de
faire une distinction, dans le monde industriel, souvent pour aller chercher le
spécialiste... Souvent, il va travailler... Evidemment, je ne peux pas
dire qu'il n'aura pas un contact avec personne ou qui que ce soit, mais dans sa
spécialité, à rencontre de contacts généraux
avec le public, qui pourrait être offensé parce que M. Untel ne
parle pas le français, dans sa spécialité, souvent c'est
nécessaire d'avoir ce bonhomme. Voici un exemple concret. Chez nous, il
y a des acheteurs qui ont de l'expérience pour acheter du
matériel brut dans le sud des Etats-Unis. La seule place où ces
gens prennent leur expérience, apprennent leur métier, c'est
là. Le coton, il n'y a pas moyen d'en faire pousser encore ici. Ce
bonhomme, avec toute la bonne volonté du monde, c'est extrêmement
difficile de lui imposer cette condition. Il y a moyen qu'il fonctionne sans
offenser d'autres gens qui sont ses confrères de travail, ses
collègues. Avec ces gens, il y a toujours moyen d'avoir un
intermédiaire qui va faire une traduction qu'il va transmettre, etc.
Ce sont des situations quasi exceptionnelles. Je crois qu'à votre
point de vue, cela ne rendra pas l'épanouissement très large,
mais au point de vue de grandes sociétés, de spécialistes
dans des disciplines données, c'est vraiment une contrainte.
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup de vos réponses.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci, M. le Président, M. Brady, je vous
remercie, ainsi que l'Association des manufacturiers canadiens, division de
Québec, pour le mémoire que vous nous avez soumis. Vous avez eu
l'occasion, en réponse à des questions du mi- nistre, de
clarifier certains des sujets particuliers soulevés par votre
mémoire. Je vais donc m'en tenir plus particulièrement aux
autres.
Je souligne tout d'abord le désir qu'on voit, qu'on retrouve dans
ce mémoire de votre association de s'associer aux efforts faits par le
gouvernement, en particulier dans la grande démarche de la francisation
des entreprises au Québec. La courte expérience que j'ai eu
à vivre pendant deux ans dans ce domaine m'a convaincu que, sans la
collaboration et l'appui du milieu des affaires, toute tentative d'accomplir
quelque chose dans ce sens pourrait assez difficilement produire des
résultats concluants.
Vous insistez, au début de votre mémoire, sur la
coercition et, à la page 2 en particulier, vous vous inquiétez
"du fait que le projet de loi recoure à des mesures coercitives
plutôt qu'incitatives." Pouvez-vous préciser? D'ailleurs, un peu
plus loin, à la page 3, vous dites: "Plusieurs aspects du projet de loi,
du moins dans leur forme présente, seraient susceptibles de provoquer
des effets contraires." J'aimerais, tout d'abord, que vous expliquiez la
coercition versus l'incitation et, deuxièmement, que vous nous disiez
quels sont ces aspects du projet de loi j'aimerais que vous nous aidiez
ici, à la commission, on est ici pour cela, et que vous nous donniez des
précisions qui sont susceptibles, d'après vous, de
produire des effets contraires. On ne doit pas présumer que ce soit
là l'intention du gouvernement. C'est notre rôle ici de
l'éclairer.
M. Brady: Je vais vous répondre, M. Lalonde. Je ne veux
pas revenir sur du vieux terrain, mais je crois que cela s'enchaîne un
peu dans tout. Je crois qu'on a touché à deux ou trois endroits
où nous voyons un aspect coercitif plutôt qu'incitatif. Je vous
renverrais à toutes les argumentations que nous avons
présentées, par exemple, sur l'article 106, la question de
permis, la question des contrats. J'ai écouté aussi les
commentaires du ministre sur ce point. On ne tentait pas de tenir ces choses
comme une épée de Damoclès. Peut-être que, s'il y a
des améliorations dans ce domaine, on verra cela sous un aspect moins
coercitif. Tel que c'est écrit dans le moment, on en voit un peu les
éléments coercitifs à l'encontre des
éléments incitatifs.
On voit la même chose à l'article 37 où il semble y
avoir un fardeau de la preuve dans notre opinion, à tort ou à
raison, il semble un peu difficile de prouver qu'une tâche quelconque ou
toute une gamme de tâches ont besoin de l'anglais. Il y a peut-être
un point que j'avais oublié dans la première présentation,
tout cela se présente dans un aspect où il y a peu d'appels. Il
n'y a pas d'appel, à moins que des poursuites ne soient intentées
à un moment donné. Il y a une série de décisions
qui peuvent être prises pour ce qui est de donner ou de ne pas donner un
certificat de francisation. De la manière dont on est orienté
dans le moment, il n'y a pas de procédure d'appel. Alors, on voit dans
ces domaines des aspects coercitifs.
M. Lalonde: M. Brady, à ce moment, est-ce que vous croyez
qu'une incitation suffisante serait efficace pour obtenir les résultats
escomptés?
M. Brady: Vous me demandez une opinion; je crois
sincèrement que oui. Je crois que les manufacturiers canadiens, la
division du Québec en particulier, ont un dossier extrêmement bon,
surtout depuis sept ou huit ans, d'après notre sondage, d'après
les préoccupations que nous avons eues dans ce domaine afin de franciser
davantage les entreprises. D'ailleurs, comme hommes d'affaires pratiques, on ne
veut pas résister à l'utilisation de la langue traditionnelle de
la place. On veut simplement dire: Ne mettez pas de contrainte additionnelle
qui va nous créer des difficultés face à nos concurrents.
Cela revient un peu à la page 3 où on parle de la baisse de
l'emploi. On veut qu'il y ait de l'expansion, afin qu'il y ait une meilleure
situation industrielle au Québec. Je ne sais pas si cela répond
à votre question.
M. Lalonde: Je comprends que vous préféreriez
l'incitation et vous la croyez aussi efficace. Est-ce que, depuis 1970, vous
avez été à même de mesurer le progrès, s'il y
a progrès, qui aurait été fait dans la francisation au
moins des membres qui font partie de votre association?
M. Brady: Je n'ai pas de chiffres précis. Je ne pourrais
pas vous les offrir, mais il y a eu plusieurs pas qui ont été
faits. Par exemple, c'était à l'incitation de l'Association des
manufacturiers du Québec que le centre linguistique a été
formé, centre linguistique qui comportait les 80 ou 90 plus grosses
compagnies au Québec. Le but primordial de ce geste était de
savoir comment la francisation pouvait se faire et tout ça en restant
dans un bon milieu d'affaires. Il y a eu ces gestes de posés. Il y a eu
plusieurs exemples. Les gens sont venus chez nous. A ce moment-là,
c'était l'Office de la langue française, avant que ça
devienne la régie, ils sont venus faire une étude, dans une de
nos succursales à Saint-Jean, en 1973, où on nous a cotés
comme opérant à 93% en français. J'ai eu la visite d'une
mission de la France, la semaine dernière. On a regardé le
schéma, dans cette usine en particulier, on a regardé le
schéma de la direction de cette usine et, sur 31 personnes à la
direction, dans les cadres, il y avait un anglophone. Je crois que l'effort est
là. Avec l'incitation, ça ne diminuerait pas l'effort, M.
Lalonde.
M. Lalonde: M. Brady, dans votre mémoire, vous illustrez,
je pense, assez bien le danger que représentent les articles 106 et 163,
je crois, de produire une double pénalité pour la même
faute. Je crois c'est mon opinion actuellement, quitte à la
changer; on pourra faire ça à une étape plus
avancée du projet de loi que c'est à cause du choix, de
l'option que le gouvernement a faite d'injecter la coercition dans ce
processus, tout en gardant les mesures incitatives qui existaient autrefois,
c'est-à-dire qui existent actuellement en vertu de la loi sur la langue
officielle.
Alors, on se trouve à avoir une double pénalité.
Vous avez mentionné le défaut d'appel. Vous le faites à la
page 14. Vous l'avez mentionné, d'ailleurs, dans une de vos
réponses. Cela m'amène à vous demander ce que vous pensez
vous n'en faites pas état dans votre mémoire, je pense
de la composition de l'office telle que suggérée par le
projet de loi. Je mets en comparaison la composition de la régie
actuelle, qui est une direction collégiale avec un droit d'appel en ce
qui concerne les programmes de francisation et les certificats de francisation,
et la direction proposée par le projet de loi no 1, qui devient une
direction unique et sans droit d'appel.
M. Brady: Vous nous l'avez dit, nous n'avons pas partagé
le format de l'office comme tel. Nous avons indiqué, à la page 14
de notre mémoire, que dans les situations où on enlèvera
ou on tentera d'enlever un permis de francisation, il devra y avoir des avis
préalables. Même pour des poursuites, on devra prévoir un
avis préalable aux poursuites et accorder aux entreprises une
période raisonnable, disons six mois, pour apporter les changements
nécessaires avant qu'on puisse invoquer une situation d'infraction. En
d'autres mots, qu'on n'arrive pas comme un cheveu sur la soupe. S'il y a
quelque chose qui doit être corrigé, qu'on nous donne un avis
préalable. Peut-être que ça va se faire, en pratique, mais
il n'y a pas d'indication, à ce moment, dans la loi ou dans les
règlements, qu'on ne pourrait pas être visé par une
poursuite avant qu'on puisse rectifier une situation.
M. Lalonde: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vous remercie de
votre mémoire. Ma première réaction, M. le
Président...
M. Grenier: M. le Président...
Le Président (M. Dussault): Oui, M. le
député.
M. Grenier: ...vous avez changé votre directive, à
savoir que c'étaient deux députés de la même
formation avant de passer à l'Union Nationale?
Le Président (M. Dussault): Je m'excuse. Les directives
que m'a laissées l'ex-président, si on peut dire, étaient
de passer ensuite au député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je peux laisser parler le
député de l'Union Nationale et je prendrai la parole
après, si vous me l'accordez.
Le Président (M. Dussault): D'accord. Le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, faisant
référence au climat de travail au Québec, l'AMC semble
rejeter on ne pas accepter la participation des syndicats au comité de
francisation et, plus particulièrement, refuse que la question de la
langue puisse devenir l'objet d'une enquête par un
commissaire-enquêteur. Pourriez-vous expliciter votre pensée
là-dessus?
M. Brady: Oui. Nous voyons deux chemins qui se suivent dans le
moment. Je crois que le climat des relations de travail pourrait certainement
être amélioré. Il y a des efforts de part et d'autre,
d'essayer de faire cette amélioration. Si dans le projet de loi
concernant la langue, il y a un mélange des deux, nous croyons que dans
la loi et dans les règlements il y a amplement de moyens de faire de la
francisation et d'invoquer des pénalités s'il y a lieu. Mais si
on transpose les articles 33 à 40 à un
commissaire-enquêteur et en vertu du Code du travail, nous croyons
qu'à ce moment vous mélangez toute la question de la langue et
les relations de travail et nous croyons qu'on pourra créer une
situation davantage conflictuelle. Chacun à sa place. Ne
mélangeons pas les deux.
M. Fontaine: N'acceptant pas les syndicats aux comités de
francisation des entreprises, surtout les grosses entreprises, celles où
on retrouve des syndicats, quels sont les mécanismes que vous pourriez
prévoir pour assurer que le travailleur puisse véhiculer ses
plaintes lorsqu'il ne pourra pas travailler en français?
M. Brady: Je crois que la suggestion que nous avons faites est
d'avoir un comité de francisation à deux paliers.
Premièrement, il y a une décision à prendre d'appliquer un
programme de francisation. Quelle serait la gamme de mesures à prendre?
Combien cela pourrait-il coûter, etc?
Ce serait un comité dit décisionnel, on pourrait voir une
ou plusieurs unités. La situation que j'ai décrite n'est pas
unique. Il y en a beaucoup où il y a plusieurs unités et souvent
des syndicats différents. A ce moment, ce comité pourra
certainement voir à ce que les normes de francisation soient
appliquées, pourra voir toutes les possibilités, toutes les
pénalités qui pourraient être appliquées.
Je crois qu'il y en a amplement. Ne confondez pas les deux. C'est la
seule suggestion que je vous fais.
M. Fontaine: Vous affirmez également que l'usage du
français, surtout dans les industries technologiques, n'est pas toujours
possible et cela, quelle que soit la taille de l'entreprise en question.
Pourriez-vous nous donner des exemples et nous dire comment il serait possible
de faire des exemptions dans la loi pour ce genre d'entreprises?
M. Brady: Peut-être qu'il serait plus exact de dire que la
langue anglaise est plus répandue comme une langue technologique,
surtout avec les pressions parce qu'on est voisin des Etats-Unis,
évidemment, et le reste du Canada. Il y a plus de pressions pour que la
langue technologique se développe plus dans l'anglais.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas une langue technologique
française. Mais, dans des instituts technologiques, si on est
appelé à faire de grands travaux immédiats et sans une
assez longue échéance, cela les placera dans une situation
désavantageuse de coût vis-à-vis de leurs concurrents.
M. Fontaine: Dans le chapitre traitant des sièges sociaux,
vous parlez du siège social comme étant très important et
aussi très mobile. Y aurait-il, à l'Association des
manufacturiers canadiens, un mouvement de déplacement de sièges
sociaux, advenant que le gouvernement refuse de modifier sa politique sur les
points importants que vous avez soulignés dans votre mémoire?
M. Brady: II y a deux choses qui sont mobiles, il y a le tourisme
qui est mobile et peut-être que le capital est mobile aussi.
Peut-être moins mobile qu'il a déjà été, mais
il y a certainement une mobilité et vraiment, en étant
manufacturier, on cherche à travailler dans l'ambiance la plus cordiale
possible. Il y a beaucoup de facteurs qui font l'ambiance: il y a la
disponibilité des matériaux, il y a la disponibilité de la
main-d'oeuvre, il y a les coûts d'une région à l'autre. Je
crois qu'il n'y a pas un seul facteur qui fait dire: Celui-là va partir
d'ici aujourd'hui et il va s'en aller là. Mais quand vous faites votre
liste de facteurs, si, d'après votre liste de facteurs, l'ambiance ici
dans la totalité est moins bonne que là, évidemment, il y
a une attraction vers l'endroit où l'ambiance est plus attrayante pour
le manufacturier en question.
M. Fontaine: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): II vous reste dix minutes pour
tout le parti de l'Opposition officielle.
M. Ciaccia: J'essaierai de ne pas tout prendre pour laisser
l'occasion à mes collègues de poser des questions.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Ciaccia: M. le Président, MM. les témoins,
souvent, quand on apporte des critiques sur plusieurs aspects des
différents articles du projet de loi, du côté
gouvernemental, le ministre ou d'autres porte-parole du gouvernement disent
toujours: C'est normal. Par exemple, beaucoup de mémoires soulignent
certains articles, comme vous les avez soulignés, l'article 106,
l'article sur les commissaires enquêteurs, l'article 37. Il y a
même eu le Centre de recherches qui les a soulignés
beaucoup et le monde des affaires qui semble trouver certaines objections aux
mêmes articles. Je ne sais pas si c'est un manque de communication, je ne
sais pas si c'est parce que le monde des affaires a de l'expérience dans
les affaires et que les représentants du gouvernement sont plutôt
du domaine académique, ils ont une différente perception: d'un
côté on est académicien plutôt que d'avoir
l'expérience que vous devez avoir tous les jours dans les affaires. Par
exemple, à l'article 58, quand plusieurs témoins ont
soulevé le problème des sièges sociaux et l'accès
aux écoles anglaises pour ceux qui étaient
transférés, la réponse du gouvernement a
été: Oui, nous avons prévu dans l'article 58 que ceux qui
étaient ici de passage temporairement pouvaient avoir la permission
d'aller aux écoles anglaises. D'après votre expérience,
est-ce que vous pouvez essayer d'expliquer si cet article 58... Remarquez que
ce n'est pas une question d'essayer de préserver il y a toujours
des interprétations des privilèges ou de ne pas accepter
le français comme la langue de travail, la langue de communication ou de
ne pas accepter le fait que nous soyons dans un milieu français. Je
crois qu'on l'accepte tous et ceux qui viennent ici, s'ils veulent se
prévaloir des avantages du Québec, doivent parler
français. Mais du point de vue pratique, est-ce que l'article 58 est
acceptable ou est-ce qu'il peut causer certains problèmes pour les
compagnies qui ont exactement ces transferts à faire?
M. Brady: Je crois que si je vous ai bien écouté,
M. le député, il y a deux situations. Il y a la situation du vrai
transfert temporaire. Souvent, il peut y avoir un transfert temporaire. On sait
qu'un bonhomme va s'en aller à Montréal, à Toronto,
à Calgary ou au Texas, n'importe où pendant une période
donnée. Peut-être. A ce moment-là, si on sait que le
bonhomme s'en vient ici pendant une période de X années et que la
période est la période définie à l'article,
évidemment, cela pourrait suffire. Mais l'autre et je crois qu'on
l'a mentionné dans notre mémoire c'est l'application de
l'article 52, où à ce moment-là, surtout au siège
social pour avoir la mobilité des gens, pour avoir une gérance
bâtie à long terme.
Cela se bâtit sur 20 ou 25 ans et on amène les meilleurs
gars d'un peu partout. S'il n'y a pas, à ce moment-là, la
possibilité pour un anglophone du reste du Canada de venir ici, d'avoir
l'ambiance scolaire, ça va être un ennui pour nous, c'est
clair.
M. Ciaccia: Est-ce que vous croyez, d'après les chiffres
que vous nous avez cités, que, pour l'industrie je ne parle pas
de la question de la langue d'enseignement ou de l'éducation, mais je
parle de votre point de vue, tel qu'il vous affecte c'était
nécessaire d'avoir un projet de loi tel que rédigé devant
vous à présent?
M. Brady: Je ne crois pas que c'était nécessaire
d'avoir un projet qui va peut-être aussi loin.
Je crois que, dans le contexte actuel, il fallait avoir certaines lignes
de conduite, comme on dit en anglais "certain guide-lines", mais je crois que
le projet de loi, amendé selon les suggestions que nous avons faites,
ira loin pour l'épanouissement du français dans le milieu
manufacturier.
M. Ciaccia: Vous avez fait référence à
l'article 114. Quelquefois, nous avons l'impression je ne sais pas si
c'est parce que c'est rédigé par des gens qui n'ont pas
l'expérience que vous avez dans les affaires qu'il y a une
possibilité de créer des conflits. Le ministre a
référé à des travailleurs individuels dans les
compagnies. C'est pour leur assurer une protection qu'apparemment l'article 114
a été rédigé dans ce sens. Mais je voudrais faire
remarquer que, si l'article 172 n'était pas dans le projet de loi, s'il
y avait un programme de francisation et qu'il y avait toutes les règles,
le droit pour une personne de travailler dans sa langue, je pense que, sans
l'article 114, elle pourrait se prévaloir de la Charte des droits de
l'homme si une compagnie faisait de la discrimination contre elle.
Alors, l'article 114 n'est pas nécessaire pour protéger
l'individu; la Charte des droits de l'homme le fait déjà. Mais,
en plaçant l'article 114 dans le projet de loi et avec l'article 172, on
vous enlève les recours aux tribunaux. Alors, on crée des
situations de conflits possibles. Je crois que vous avez bien fait de souligner
au ministre les difficultés qui pourraient arriver avec ce genre
d'article.
Une dernière question avant que je ne laisse la parole à
mes collègues. Est-ce que vous acceptez le principe que certaines
décisions, que j'appele-rais de régie interne, soient prises et
contrôlées par les fonctionnaires d'un gouvernement sans recours
aux tribunaux? Vous nous avez souligné qu'il y avait beaucoup d'articles
de ce genre. Est-ce que vous acceptez ce principe, que ce soit à
l'article 36 ou 37 ou à un autre?
M. Brady: Nous avons une grande difficulté à
accepter ce principe où, avec toute la bonne volonté du monde, il
peut y avoir différentes interprétations. Je peux dire que
l'article 37 veut dire quelque chose. Vous pouvez dire que ça veut dire
autre chose. A ce moment-là, de la manière dont c'est
orienté, peut-être qu'on sera mis dans une situation
équivoque. Quand l'interprétation du fonctionnaire sera mise en
application, on sera obligé de dire: Peut-être qu'on ne pourra pas
se plier à cette décision. Il y aura infraction et ce sera la
seule manière d'en arriver à un appel, ce qui n'est pas une
manière satisfaisante.
Evidemment, on aimerait bien mieux qu'il y ait au moins un processus
d'appel pour ne pas être placé dans une situation
d'infraction.
M. Ciaccia: Une question finale, M. le Président. Quelle
opinion avez-vous du projet de loi? Est-ce qu'il va encourager les
investissements et les sièges sociaux à s'implanter à
Montréal, au Québec, ou est-ce que, de la façon dont il
est ré-
digé maintenant, il va décourager ces investissements?
M. Brady: Dans la forme où il est rédigé
maintenant, certainement que cela aura un effet négatif sur
l'investissement.
M. Ciaccia: Merci beaucoup.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, avec cinq minutes pour votre parti.
M. Grenier: Vous êtes bien généreux, j'avais
calculé qu'il me restait à peine trois minutes. M. le
Président, vous m'excuserez si je suis arrivé en retard. J'ai
raté la présentation des membres de la commission qui sont
là. C'était quasiment un devoir pour moi d'arriver en retard,
puisque je n'approuvais pas, vendredi dernier, le fait de faire siéger
la commission lundi, ayant d'autres responsabilités dans mon
comté.
Je voudrais savoir, M. Brady, dans votre association, au niveau des
cadres, vous avez combien de parlant anglais seulement? Vous n'avez pas de
chiffres?
M. Brady: Non, je n'ai aucun chiffre là-dessus. Les
parlant anglais? Je n'oserais pas dire un chiffre, mais ils seraient dans une
proportion minime.
M. Grenier: Minime. De parlant français seulement, au
niveau des cadres toujours?
M. Brady: Au niveau des cadres? M. Grenier: Oui.
M. Brady: Au niveau des cadres, dans le sondage qui est
annexé au mémoire, au niveau des cadres, on prévoyait que
75% des cadres pouvaient faire leur travail dans la langue française. Ce
serait une indication du nombre qu'il peut y avoir.
M. Grenier: Est-ce que vous avez vérifié, dans
votre sondage, si ces cadres-là étaient unilingues
français ou s'ils peuvent faire une bonne partie de leur travail en
anglais, je veux dire qu'ils sont capables de parler en anglais?
M. Brady: Je m'aventure peut-être, mais je dirais que 50%
à 60% de ces gens-là ont une capacité bilingue. Ils
parlent peut-être mieux le français, mais ils auraient une
capacité bilingue.
M. Grenier: Au niveau des cadres également, depuis cette
ère de francisation du Québec, qui date peut-être de 1961
ou 1962, sentez-vous qu'il y a une évolution importante?
NI. Brady: Je crois que oui, une évolution très
importante.
M. Grenier: De manière incitative seulement? Vous
constatez qu'il y a amélioration?
M. Brady: Oui.
M. Grenier: Oui. A l'article 58, avez-vous un grand nombre de
gens, probablement au niveau des cadres aussi, qui sont des personnes qui
doivent travailler au milieu de votre association et qui sont des gens qui
viennent d'autres provinces du Canada, qui sont de passage ici, ou d'autres
pays? Avez-vous un grand nombre de ces gens-là?
M. Brady: Je n'ai pas un nombre précis. Ce ne serait pas
un grand nombre. Je n'ai pas le chiffre ici. Mais je crois que ce serait...
M. Grenier: Non. Je ne sais pas si je peux vous demander...
M. Daviault: Au niveau des cadres. M. Brady: Au niveau des
cadres...
M. Oaviault: Au siège social, le chiffre est beaucoup plus
élevé.
M. Grenier: Je n'ai pas entendu.
M. Daviault: Au niveau des cadres, au siège social...
Le Président (M. Cardinal): Veuillez approcher votre
micro, s'il vous plaît.
M. Daviault: Au niveau des cadres, le chiffre serait sans doute
beaucoup plus élevé.
M. Grenier: Plus élevé au niveau des cadres?
M. Daviault: Oui, sûrement. Pour une compagnie nationale.
C'est sûr qu'une compagnie nationale recrute son personnel à
travers le pays, et cela représente à peu près les
proportions des différentes provinces.
M. Grenier: D'accord. Faites-vous affaires avec des architectes
et des ingénieurs?
M. Brady: L'association en général, oui.
M. Grenier: Oui. Etes-vous au courant qu'actuellement des
architectes font appel pour travailler au Québec ou que nos architectes
font appel pour travailler à l'extérieur du Québec?
M. Brady: Je n'ai pas de précisions sur cette question. Je
ne suis pas au courant.
M. Grenier: Non. Il faudra peut-être se tourner vers la
Chambre pour demander ces chiffres, parce qu'il me semble que c'est une
question qui est importante dans le moment.
Le ministre nous laissait entendre, tout à l'heure, qu'il y
aurait de la latitude au niveau de l'article 106. Ce n'est peut-être pas
l'occasion de préciser cet article, au sujet du retrait du permis.
Est-ce que vous pourriez préciser, pour l'avantage de la commission, ou
si vous aimez mieux atten-
dre l'étude article par article, à la deuxième
lecture? Attendre? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Cardinal): Non. M. le
député de Bourassa avec trois...
Mme Lavoie-Roux: Je vais donner ma place au député
de Jacques-Cartier.
Le Président (M. Cardinal): Oui, je m'excuse. M. le
député de Jacques-Cartier, il vous reste quatre minutes.
M. Saint-Germain: M. le Président, si vous me permettez,
pour revenir au sujet des professionnels qui sont unilingues anglais et qui
oeuvrent ou qui oeuvreront au niveau du développement industriel du
Québec, je crois qu'il y a là un élément
extrêmement important. Vous avez, par exemple, entre autres,
mentionné un chimiste. On sait pertinemment qu'au Québec
l'industrie chimique est très peu développée, même
s'il y a plusieurs distilleries dans l'est de la ville; comparativement
à l'Ontario, notre industrie chimique est d'arrière-garde.
S'il y avait un investissement considérable dans l'industrie
chimique au Québec, vu que ce n'est pas là une science qui a
été des plus populaires avant cette génération
parmi les gens de langue française, il me semble évident qu'on
soit obligé nécessairement de faire appel aux professionnels
chimistes et, en plus, je dirais même qu'on serait probablement
obligé de faire appel aux techniciens de laboratoire en chimie qui ne
sont pas très nombreux au Québec.
Puisque cette loi veut bien franciser le Québec et qu'il semble y
avoir un consensus vers la francisation du Québec, il est là
question de bilan. Est-ce que ces professionnels, soit chimistes ou autres, que
les industriels du Québec essaient d'engager, souvent à cause
d'une nécessité primordiale, sont assez nombreux, à votre
avis, pour réellement être un inconvénient à la
francisation du Québec? Je suppose bien que 200 ou 300 ingénieurs
ou scientifiques unilingues anglais qui arriveraient au Québec dans une
atmosphère de francisation, ce ne serait pas un facteur primordial pour
atteindre le but qu'on veut bien se fixer. Avez-vous un nombre? Vu qu'il faut
nécessairement faire un bilan dans le sens que je viens de le
décrire, il aurait été important, à mon avis, que,
par l'entremise de vos membres, vous puissiez établir un certain bilan
de cette nécessité, de ce besoin de professionnels au niveau du
développement industriel du Québec.
M. Brady: Malheureusement, M. le député, je n'ai
pas de nombre. Evidemment, ce sont des nombres minimes, dans le sens qu'il y a
certainement à la portée, dans la province de Québec, soit
de bons chimistes, soit de bons ingénieurs, soit de bons architectes,
etc., et on s'en sert dans la mesure du possible. Souvent, dans une industrie
quelconque, il y a des gens très spécialisés. Ce sont ces
cas. Je crois que faire une exception de ces cas, de ces gens
spécialisés qui ont un talent spécial à apporter,
cela ne nuirait pas au programme général de
l'épanouissement du français. On essaiera peut-être de
faire un sondage, s'il y a moyen de mettre au dossier le nombre de
professionnels qui sont dans nos entreprises, peut-être qu'il y aura
moyen de mettre un nombre au dossier. S'il y a moyen, plus tard, M. le
Président, de mettre ce nombre au dossier, peut-on vous le faire
parvenir?
Le Président (M. Cardinal): Vous pourriez toujours
communiquer avec le secrétariat de la commission. Nous verrons. C'est
à la discrétion de la commission.
M. Saint-Germain: Vous vous donniez la peine...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le
député de Jacques-Cartier, il vous reste une minute.
M. Saint-Germain: Une dernière question. Si vous vous
donnez la peine de faire cette enquête, qui, à mon avis, serait
extrêmement importante, peut-être pourriez-vous, en même
temps, essayer de projeter dans l'avenir le nombre des autres Canadiens qui
pourraient venir s'établir au Québec à la demande des
industriels, des Canadiens en général? J'ai l'impression que, si
on oblige tous les Canadiens qui viennent s'établir au Québec
d'avoir à leur disposition des écoles anglaises, il y aurait
peut-être là un autre inconvénient assez sérieux
pour le développement industriel du Québec. S'il y avait
là un handicap sérieux, par ricochet c'est la francophonie, si
vous voulez, dans le Nord de l'Amérique, qui en soufrirait à long
terme.
Je n'ai pas l'impression actuellement que cette demande est excessive,
de Canadiens d'autres provinces qui devront être à l'emploi des
employeurs de l'industrie du Québec. Je me demande si ce nombre est
assez considérable pour déséquilibrer, si vous voulez, ce
processus vers la francisation.
M. Brady: Je n'ai pas encore de chiffres. J'essaierai d'ajouter
cela au sondage, s'il est acceptable à la commission au moment où
il sera prêt.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Bourassa, trois minutes.
M. Laplante: Merci, M. le Président, je serai assez court.
J'ai seulement deux questions. Vous vous inquiétez, pour les
sièges sociaux, de la technologie, de l'éducation. Vous dites,
à un moment donné, que vous avez peur d'une raréfaction
des capitaux, d'une détérioration accrue du chômage. Ma
première question: Avez-vous des étu-
des de faites depuis la loi 22, qui vous ferait en dire que les capitaux
s'en iraient ou qu'il y aurait un accroissement du chômage?
M. Brady: Non, M. le député, nous n'avons pas
d'étude précise sur l'investissement depuis le bill 22
jusqu'à maintenant. Je crois que j'avais mentionné tantôt
que si, à un moment donné, on fait le bilan, si on regarde
l'investissement de l'avenir et si on cherche où placer son argent pour
une usine là on parle de gros investissements, parce que pour la
plupart des industries, l'investissement pour une usine neuve, c'est $75
millions ou $100 millions s'il y a des contraintes additionnelles, cela
va sans dire qu'on cherche l'endroit où il y a moins de contraintes. Ce
n'est pas le seul facteur, mais c'est un facteur qui a de l'importance dans
notre politique d'investissements.
M. Laplante: Est-ce qu'à ce moment, vous pensiez à
une compagnie comme Alcan qui vient d'investir $200 millions? Est-ce que cela
entrait dans vos vues aussi?
M. Brady: Je crois que c'est certainement un des facteurs qu'elle
a pris en considération.
M. Laplante: Elle a investi quand même. M. Brady:
Elle a investi quand même.
M. Laplante: Maintenant, vous vous préoccupez beaucoup
aussi de l'article 114, lorsque vous niez un petit peu le droit aux
associations de vos industries et aux syndicats à une participation.
Vous voudriez aussi que ce soit assorti de responsabilités. En somme, ne
croyez-vous pas qu'ils ont déjà une responsabilité en
faisant partie de ce groupe pour l'obtention du permis? Ne serait-ce que cela?
Parce qu'ils sont fiers de leur usine, qu'ils veulent travailler dedans, ils
vont faire une certaine incitation pour obtenir ce permis.
M. Brady: Peut-être qu'il y a une distinction à
faire entre ma définition de la responsabilité et celle que vous
nous proposez. Celle que vous nous proposez, certainement, c'est une forme de
responsabilité, mais la forme de responsabilité que je concevais,
ce sont les pénalités, les obligations que la loi impose. Elle
les impose aux sociétés, aux compagnies, à ce moment.
Elles ne sont imposées aucunement à l'employé ou au
syndicat, évidemment. C'est la nature du bill que la
responsabilité, si le programme de francisation n'est pas
appliqué, s'il y a des infractions quelconques, c'est dirigé
là, évidemment. C'est de cette sorte de responsabilité que
je parlais.
M. Laplante: Vous douteriez d'une bonne coopération des
syndicats pour effacer tout cela? En somme, s'ils font leur travail, avec
l'aide du manufacturier, il n'y aura plus de pénalités.
M. Brady: Je crois qu'avec la proposition que nous avons faite,
on aura peut-être le meilleur des deux mondes.
Nous avons proposé un comité décisionnel à
l'étape de la gérance et, à l'autre palier d'application
pour mettre ce programme en jeu pour une fois qu'on suit les normes du
programme la participation et, par unité, là où les
problèmes sont semblables.
M. Laplante: Merci, monsieur.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Bourassa.
Je veux remercier M. Brady et les autres porte-parole de l'Association
des manufacturiers canadiens. Je veux aussi souligner que, si j'ai
manifesté un peu de sévérité, c'est que, pour une
première fois, nous avons fait un débat qui s'est terminé
dans le temps qui nous est imparti par la motion, ce qui me réjouit
beaucoup pour les autres invités au cours de cette journée et de
cette semaine. J'espère que j'aurai toujours cette collaboration et des
invités merci, M. Brady et des membres de la
commission.
M. Brady: Les manufacturiers sont des gens efficaces, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. Brady:
Merci de nous avoir entendus.
Le Président (M. Cardinal): J'appelle le prochain
organisme, la Centrale de l'enseignement du Québec, mémoire 24.
M. Yvon Charbonneau, je pense, est celui qui a communiqué avec la
commission.
M. Bertrand: II est encore président?
Le Président (M. Cardinal): Alors, M. Charbonneau, je
pense que vous connaissez les règles du jeu pour y avoir assisté.
Je vous demanderais, au début, de vous identifier, c'est-à-dire
d'abord l'organisme et ses porte-parole et, ensuite, vous aurez 20 minutes pour
résumer votre mémoire.
M. Yvon Charbonneau.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, madame et
messieurs les membres de la commission, la délégation qui
m'accompagne à la table est formée, à ma gauche, de
Christiane Fradette, membre du bureau national de la CEQ et enseignante dans la
région de l'Outaouais; à ma droite, de Jean Roy, membre du bureau
national et aussi président du syndicat de la région des
Mille-Isles; à ma gauche immédiate, Michel Agnaieff, directeur
général de la CEQ et, à ma droite immédiate, Hubert
Sacy, conseiller à la centrale. De plus, vous aurez remarqué que,
dans la salle, nous accompagnent un certain nombre de représentants de
quelques affiliés, particulièrement de la région de
Québec.
M. le Président, notre mémoire est pas mal trop long pour
que j'en entreprenne une lecture dans le cadre qui nous est accordé.
Nous avons
d'ailleurs envoyé, au préalable, une version
allégée de notre point de vue. Tout de même, je vais
essayer de fournir un condensé, dans ces quelques minutes, des propos
que nous tenons dans ce mémoire que nous avons rédigé au
mois de mai et au mois de juin, et qui reprend, dans les grandes lignes aussi,
certains propos que nous tenions devant cette commission parlementaire
édition antérieure, à propos du projet de loi 22, en
1974.
Le Président (M. Cardinal): Ecoutez, M. Char-bonneau, une
question technique. Je ne veux pas embarrasser les fonctionnaires du journal
des Débats, mais, vu l'importance en volume du mémoire je
ne me prononce jamais sur le fond des mémoires et le
résumé que vous en ferez, vous avez le droit de demander que le
mémoire soit reproduit en entier en annexe au journal des
Débats.
M. Charbonneau (Yvon): Alors, la demande est faite.
Le Président (M. Cardinal): D'accord! Elle est
accordée.
M. Charbonneau (Yvon): Merci. Je croyais que c'était
automatique.
Le Président (M. Cardinal): Non, ce n'est pas
automatique.
M. Charbonneau (Yvon): Alors, je vous prierais de bien vouloir
verser ce mémoire à vos dossiers.
Nous soulignons bien, dans l'introduction, comme organisation syndicale,
que l'aliénation du peuple québécois, un peuple de
salariés, est d'abord de nature économique. Elle découle
de la position que son écrasante majorité occupe dans le
processus de production, c'est-à-dire le bas de l'échelle. Alors,
le problème linguistique, que nous acceptons de discuter aujourd'hui,
n'est tout de même que la répercussion de cet état de
choses, de cette infériorité économique sur le plan
culturel. Je crois que c'est important de projeter cet éclairage au tout
début, surtout qu'il s'agit d'un point de vue fondamental, d'une
perspective de base en ce qui concerne une organisation syndicale.
Nous fondons notre position sur un certain nombre de principes
généraux qu'on peut résumer de la façon suivante:
La langue nationale est, à notre point de vue, d'abord un bien collectif
et ne saurait résulter de l'addition de choix individuels ou
particuliers.
De plus, nous considérons que la langue est un instrument de
cohésion de premier plan pour une communauté, pour une
collectivité.
Tout de même, l'existence d'une langue nationale est compatible
avec le maintien de langues des minorités et nous croyons qu'il est
important d'inscrire cela, d'entrée de jeu, dans la perspective de notre
position.
Même préoccupation en ce qui a trait à l'importance
d'assurer un enseignement efficace, non seulement de la langue nationale mais
de l'anglais et de certaines autres langues étrangères. Il ne
faut pas qu'il y ait de malentendu là-dessus. Il faut bien mettre ces
choses en relief, dès le départ.
Un autre principe qui nous guide est l'analyse de ce qu'on appelle la
minorité dite trop rapidement, à notre avis, anglophone au
Québec, minorité que l'on circonscrit dans un pourcentage de
quelque 20%. A notre avis, il faut toujours garder à l'esprit la
composition de ce bloc de 20% qui n'est pas un bloc monolithique, qui est
composé à peu près moitié-moitié de
personnes véritablement anglophones, l'autre moitié étant
des personnes qui se sont jointes à la minorité anglophone, en
cours de route.
Nous soutenons aussi qu'à travers les changements qui se font,
tant dans leurs implications pour les travailleurs francophones que les
travailleurs anglophones, il faudrait toujours respecter les conditions de
travail de ces salariés et implanter les changements d'une
manière graduelle.
Globalement, nous soulignons que, malgré quelques
réserves, la CEQ appuie d'emblée, avec un enthousiasme certain,
le projet de loi no 1. Nous croyons que le livre blanc et cette charte prennent
parti clairement pour le peuple québécois et nous croyons, par
conséquent, que ces orientations sont foncièrement
démocratiques, sont empreintes de dignité et méritent
l'appui de toutes les organisations de masse québécoise.
C'est pourquoi nous n'aimerions pas que le gouvernement recule, face
à certains types de représentations qui lui sont faites
actuellement. Nous touchons presque le but. Ce n'est pas le temps de
reculer.
Nous croyons aussi qu'il faut vraiment, de la part du gouvernement,
faire cette distinction fondamentale entre le point de vue qui lui provient de
certains groupes qui, même très puissants sur le plan financier,
sur le plan économique, ne sont guère puissants,
numériquement parlant, en temps électoral au Québec.
Nous rappelons toujours à ce gouvernement que ce n'est pas la
majorité du grand patronat, ni la majorité de la haute finance
qui était là le 15 novembre. Nous croyons, par conséquent,
qu'il devrait toujours y avoir cette perspective bien devant nous, et que si
cette majorité qui a été constituée en une telle
occasion doit non seulement se maintenir mais augmenter, je crois que c'est
toujours du côté des organisations représentatives
numériquement parlant et non pas financièrement parlant que
l'attention du gouvernement devra aller.
Nous appuyons donc ce projet de loi parce que nous le voyons comme une
triple nécessité. A titre de Québécois, le
français est une condition de vie, de développement et
d'épanouissement. A titre de travailleurs francophones, le
français est véritablement une condition de travail, et à
titre de travailleurs de l'enseignement, au point de vue plus spécifique
de notre centrale, le français est l'objet de notre travail quotidien et
aussi l'outil de notre travail quotidien.
Nous avons subdivisé notre mémoire en quatre grands
chapitres, les trois premiers constituant une grande division en
eux-mêmes. Vous aurez remarqué que le quatrième chapitre
porte sur l'enseignement des langues et représente la moitié de
notre mémoire à toutes fins pratiques.
Alors, le premier chapitre traite du français comme langue
officielle. On peut discuter de l'extension à donner à cette
expression de langue officielle, des répercussions que l'octroi de
statut de langue officielle au français peut avoir. Il y a des
définitions plus larges, plus précises, plus restreintes de la
notion de langue officielle, mais nous comprenons, à la lecture de cet
article de la charte, que dorénavant le français et l'anglais
n'auront plus de statuts juridiques équivalents ou quasi
équivalents. Nous comprenons que le gouvernement va accorder au seul
français le statut de langue officielle, mais qu'il va respecter, avec
justice et même une certaine générosité, certains
faits relatifs à la minorité anglophone. Nous voulons tout
particulièrement insister sur l'importance de maintenir tel quel le
premier attendu de la charte qui stipule que l'Assemblée nationale
constate que la langue française est depuis toujours la langue du peuple
québécois et que c'est elle qui lui permet d'exprimer son
identité. Nous croyons que c'est important de laisser ce texte parce
qu'il y va de ce qu'on pourrait appeler l'unité linguistique du
Québec et de la relation entre une langue et son peuple et ses parlants.
Ce n'est pas nécessaire, pour maintenir cette expression, de croire que
tous les individus du groupe humain qui s'appelle les Québécois
doivent être de langue maternelle française. Ce n'est pas une
mesure qui exclut des gens, mais c'est une mesure qui établit bien la
relation entre la langue nationale et ceux qui la supportent quotidiennement,
ceux qui sont de langue française ici. Que l'on prenne le
problème sous son angle historique et le Mouvement Québec
français, dans son mémoire, mouvement dont nous sommes membres,
mettra beaucoup d'accent sur cet aspect du profil historique du statut du
français au Québec que ce soit donc au plan historique,
que ce soit au plan de la composition sociologique ou ethnique, comme nous le
montrons aux pages six à dix de notre mémoire, en quatre ou cinq
tableaux, on s'aperçoit qu'il y a une relation évidente, qu'il
faut expliciter dans le préambule de cette charte, entre les parlant
français du Québec et le peuple québécois, une
relation qui va de 80% à 90% selon la manière dont on fait les
compilations. Que l'on examine l'origine ethnique, que l'on examine la langue
maternelle, la langue d'usage, que l'on fasse la compilation de ceux qui
peuvent, de toute manière, s'exprimer en français au
Québec, qu'ils soient d'une autre origine ethnique ou d'une autre langue
maternelle, on arrive à des pourcentages de l'ordre de 80% à 90%.
Nous croyons que c'est un fondement politique en plus d'un fondement historique
bien suffisant à soutenir l'affirmation du préambule.
Je vais aller plus rapidement en ce qui concerne le reste du premier
chapitre. Nous appuyons l'orientation de la francisation des entreprises et de
la langue du travail, nous croyons qu'en ce qui concerne les organismes
municipaux et scolaires il devrait y avoir une seule langue au niveau de
l'administration. Il n'y a pas à distinguer des commissions scolaires
anglaises ou françai- ses. Une commission scolaire c'est une
administration et cela devrait fonctionner en français dans ses rapports
avec ses contribuables ainsi qu'avec l'administration gouvernementale. Nous
croyons que c'est l'unité linguistique du Québec qui en
dépend. Nous appuyons aussi les propositions relatives à la
francisation du paysage et nous croyons qu'il ne faut pas s'effrayer avec
certaines caricatures à propos de Chinatown et autres choses. Nous
croyons qu'il y a tout à coup des gens qui deviennent des
défenseurs des minorités et qui pourtant ont bâti leur
pouvoir en écrasant les majorités. Nous demandons
également la francisation du paysage sonore et le contrôle total
des communications faciliterait beaucoup cet objectif au gouvernement du
Québec. Du côté de la langue des relations de travail, nous
sommes d'accord aussi avec les propositions du gouvernement. Nous avons une
critique à faire en ce qui a trait au respect des droits et
libertés de la personne.
Cette critique a déjà été formulée
par certains autres organismes représentatifs. Nous croyons en effet
qu'il y aurait lieu de retirer l'article 172 du projet de loi no 1 et de
préciser clairement les droits de la personne qui sont modifiés
par la charte du français pour éviter certaines
allégations de discrimination qui pourrait survenir eu égard
à la mise en relation de certains articles de la Charte des droits et
libertés de la personne et de la charte du français.
Le chapitre II traite de la langue d'enseignement. Nous
énonçons encore là un certain nombre de postulats de base
qui guident notre prise de position et nous considérons que la
première priorité dans la définition des objectifs
linguistiques en éducation serait d'assurer à tous les
Québécois une connaissance d'usage de la langue française
comme langue de la vie économique et de la vie politique, comme langue
des services publics ainsi que comme principale langue d'activité
scientifique et de la technique.
Nous profitons de l'occasion pour dire qu'il n'y a pas à
s'effrayer du problème qu'auraient certains chimistes anglophones
à venir travailler au Québec. Il y aurait d'abord à voir
à l'utilisation et à l'emploi des chimistes francophones qui ont
été formés par les CEGEP et les universités qui
sont plutôt en chômage actuellement, à ce que nous pouvons
comprendre.
Nous croyons que les grandes règles devant régir
l'organisation du système scolaire doivent d'abord faire une place
à cette demande d'unifier le système scolaire
québécois, de mettre fin à la division confessionnelle qui
recouvre aussi une division sur la base linguistique au Québec. Nous
croyons qu'on pourrait s'inspirer des quatre principes que nous mentionnons
à la page 22, qui sous-tendent le reste de nos propositions. Le
français doit être la langue officielle du système
d'enseignement et de l'administration scolaire à tous les niveaux. Le
système scolaire doit être unifié, les enfants dont l'un
des parents a fait ses études élémentaires dans une
école de langue anglaise au Canada ont accès à un
enseignement en lan-
gue anglaise à la condition que les deux parents soient d'accord.
Mais seuls ces enfants y auraient accès, ce qui exclut les francophones
et les immigrants qui sont déjà dans les écoles anglaises.
Cet enseignement en langue anglaise se donne dans le cadre d'écoles ou
de classes homogènes, selon le nombre et la concentration des
intéressés.
Nous croyons que l'école dans une société a un
rôle non seulement d'apprentissage de certaines connaissances
académiques, mais un rôle culturel et social important et nous
proposons la mise en oeuvre du changement que nous demandons sur une
période de quelque dix ans, découpée en deux
périodes de cinq à six ans, pages 25 à 27 de notre
mémoire.
Dans une première période, nous pourrions unifier, au plan
administratif, les systèmes actuels et nous pourrions établir les
règles de base en ce qui a trait à l'accès de ceux qui ont
droit, qui doivent aller à l'école anglaise ou à
l'école française, et également prendre certaines mesures
contre ceux qui se sont inscrits un peu frauduleusement, grâce à
la faiblesse des législations antérieures, au secteur anglais et
qui n'ont pas d'affaire là, en particulier les francophones.
De 1983 à 1989, nous suggérons la mise en place
d'écoles de quartier qui desserviraient tout le monde, avec une certaine
forme d'enseignement en anglais pour ceux qui y ont droit. Nous attirons votre
attention sur l'importance de ne pas convertir en droits certains
privilèges que se sont taillés certains groupes au fil des
années, pages 28, 29 et 30. Nous attirons aussi votre attention sur
certaines méthodes qui frôlent le maraudage, le racolage de
mauvais aloi et qui ont été utilisées dans certaines
commissions scolaires pour finir par inscrire au secteur anglais des
élèves qui n'avaient pas d'affaire là, que ce soit en les
déclarant protestants alors qu'ils sont catholiques, c'est le cas de
Sept-Iles, ou en se livrant à un certain magasinage, comme c'est le cas
dans certains secteurs de la ville de Montréal comme
Côte-des-Neiges et Outremont, où des gens trafiquent, en quelque
sorte, l'inscription des francophones et utilisent certaines manoeuvres pour
les retirer des écoles francophones et les inscrire au secteur
anglais.
On pourra revenir là-dessus si cela vous intéresse.
Troisième chapitre, l'enseignement des langues n'est pas langue
d'enseignement. Nous avons rendu public, il y a quelque temps, un rapport d'un
groupe d'étude du Conseil scolaire de l'Ie de Montréal qui
montrait qu'en certains milieux on se préparait, il y a quelque temps
Se prépare-t-on encore? C'est à voir; seule une
enquête, seul un examen de la part des ministères concernés
pourrait le prouver à trouver des mesures pour contourner les
effets bénéfiques éventuels de la loi no 1.
On s'y préparait au niveau du Conseil scolaire de l'île, du
moins en se livrant à des études qui réclamaient, de la
part du ministère, complète liberté quant au choix des
moyens pour enseigner l'anglais aux Français et le français aux
Anglais.
Par le biais des moyens qu'on envisage en certains endroits, il serait
bien facile de voir que, sous l'étiquette ou sous l'apparence d'une
école française, finalement ce serait de l'enseignement en
anglais qu'on donnerait à des francophones. A toutes fins pratiques, on
aurait réussi à se livrer à un quelconque libre choix,
tout en faisant mine de respecter la structure officielle, mais qui serait
vidée de son contenu, au niveau de l'école elle-même. C'est
le recours aux techniques d'immersion en particulier que je veux souligner
à ce moment-ci.
Nous avons aussi, à compter de la page 39, rapporté
certaines études qui mettent le degré de succès, de
réussite ou d'apprentissage obtenu par la technique de l'immersion en
relation avec une technique qui s'apparente plutôt aux classes d'accueil.
Comme vous le verrez par les statistiques des pages 40 et 41, il faut vraiment
se débarrasser du mythe du grand succès des classes d'immersion
ou de la technique de l'immersion.
Les données que nous avons ici concernent l'enseignement du
français aux anglophones. Déjà là, on a beaucoup
fait état du succès de l'immersion, mais nous voulons au moins en
tirer la conclusion qu'il ne faudrait, en aucune manière, accepter des
techniques d'immersion pour l'enseignement de l'anglais aux francophones.
La deuxième grande division de notre mémoire c'est
la moitié de notre mémoire traite de l'enseignement des
langues. Nous croyons qu'il ne suffit pas de légiférer au niveau
des structures qui organisent l'enseignement pour les francophones et qui
donnent certaines possibilités à la véritable
minorité anglophone. Il faut aller plus loin et il faut que le
gouvernement, dans des étapes qui ne devraient pas tarder, accorde
beaucoup d'importance à revaloriser l'enseignement du français
aux francophones. Il faudrait que le gouvernement précise ses politiques
relatives à l'enseignement de l'anglais aux francophones et ses
politiques d'enseignement du français aux anglophones, surtout aux
immigrants et aux personnes d'autres origines ethniques. Ce sont là les
quatre subdivisions de ce chapitre 4.
Pour ce qui est de l'enseignement du français dans les
écoles françaises, nous voulons souligner ici qu'avec l'appui
politique que comportera ce projet de loi no 1 nous prévoyons un regain
d'enthousiasme non seulement chez les professeurs de français, mais chez
l'ensemble du personnel enseignant face au français, au fait
français, face à l'identité, face à l'aspect
culturel de l'école dans laquelle nous travaillons.
Nous avions réclamé cet appui politique et nous disions,
dans les débats antérieurs, que, faute de cet appui politique, il
y avait une perte de motivation très déplorable et très
compréhensible, par ailleurs.
Le Président (M. Cardinal): II faudrait conclure.
M. Charbonneau (Yvon): Par la suite, nous proposons ici un
ensemble de mesures je ne
fais que survoler les titres de propositions que nous faisons qui
explicitent certains changements que nous demandons à l'appui de
l'enseignement du français dans les écoles.
Nous faisons certains commentaires à propos des programmes-cadres
qu'on nous a, en quelque sorte, imposés il y a quelques années,
sans préoccupation, sans gradation, des programmes-cadres, de toute
façon, mal orientés sur le fond.
Nous préconisons ici une revalorisation de la fonction de
l'écrit à tous les niveaux dans l'apprentissage du
français. Nous faisons écho, je pense, à un certain nombre
de critiques qui se sont exprimées, tout en maintenant une certaine
place à l'oral. Nous développons certains principes d'une
pédagogie de l'enseignement du français oral, page 55 et autres,
et nous proposons, comme point de référence, ce qu'on pourrait
appeler le français standard, c'est-à-dire ce niveau, ce registre
de langue qui fait que nous nous comprenons les uns les autres actuellement,
qui respecte les caractéristiques originales, historiques du
français tel que parlé au Québec, mais qui nous permet
également de communiquer avec les autres parlant français quelque
part dans le monde.
Place à la littérature, à la littérature
québécoise avec des conditions matérielles et de
perfectionnement pour les professeurs de français et pour l'ensemble du
personnel enseignant.
Nous dénonçons la place réduite faite à
l'enseignement du français à l'horaire, à cause de
l'intégration de certaines grilles ou de l'informatique dans
l'organisation scolaire.
Chapitre II, l'enseignement du français aux immigrants et aux
allophones. Nous mettons en relief le succès obtenu par les classes
d'accueil, à Montréal et nous nous inquiétons de voir
qu'on fait certaines expériences dites d'insertion directe, à
Montréal, expériences, bien sûr, qu'on a
évaluées comme pas tellement significatives, page 73,
actuellement, mais, tout de même, cela ressemble un peu à une
propension vers l'intégration.
Page 75, l'enseignement du français dans les écoles
anglaises, nous avons à ce moment-là mis en relief le
caractère tout à fait inapproprié de certaines
méthodes utilisées. Nous voulons au moins citer celle-ci: Morgan
Kenney et Doris Kerr, qui est la deuxième méthode la plus
utilisée d'enseignement du français aux anglophones, au
Québec. Cette méthode, à notre avis, est insultante pour
son contenu culturel et social, en plus de n'être guère
éclairante quant à sa portée réelle sur le plan
linguistique. On présente ici un peu un portrait-robot du
Québécois moyen qui est évidemment obèse, qui est
très gourmand, qui préfère se bourrer de gâteau
à 16 h 45 plutôt que de manger et qui, dans ses moments libres, se
voue au vol, au voyeurisme et à quelques autres occupations aussi
évidemment saines.
Evidemment, ce volume est fait en Ontario. Les méthodes
d'enseignement du français aux Anglais, qui ont été mises
au point par des travailleurs de l'enseignement du Québec, ne sont
évidemment pas acceptées par le ministère de l'Edu- cation
qui a mis de l'avant surtout deux méthodes: Bonjour Line, de France, que
des éducateurs belges ne trouvent même pas appropriée pour
eux, parce que trop loin de leur patrimoine, et cette méthode-ci qui
frôle le racisme ou, à tout le moins, qui est tout à fait
inacceptable sur le plan socioculturel.
Nous avons des créateurs au Québec. Il y a des
méthodes bien connues qui ne sont pas approuvées par le
ministère de l'Education. On pense que l'achat chez nous, cela pourrait
prendre aussi cette forme-là. Nous aussi, nous sommes
préoccupés de l'économie.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, je vais
être obligé de vous rappeler... Je vais vous donner les
dernières trente secondes pour ne pas...
M. Charbonneau (Yvon): Trente secondes pour mentionner ici qu'il
est important de retirer l'enseignement de l'anglais aux francophones du niveau
élémentaire et le faire débuter au niveau secondaire
seulement.
Je sais que, là-dessus, il y a beaucoup de débats, il y a
beaucoup de mythes qui sont entretenus. En 1974, nous avions eu vent d'une
enquête qui était menée en Grande-Bretagne. Elle a
maintenant son résultat. C'est une enquête faite sur dix ans par
la National Foundation for Educational Research in England and Wales. Dans le
rapport final, produit en 1974, on souligne ici qu'il n'y a vraiment pas
d'intérêt, pas d'utilité, pas d'avantage à faire
apprendre le français tôt à de jeunes Britanniques,
à de jeunes Anglais. C'est la quantité de temps qu'on met
à l'apprentissage d'une deuxième langue qui compte et non pas
l'âge initial d'apprentissage. Une enquête sur dix ans de dizaines
de milliers d'élèves, je crois que c'est très
sérieux.
De plus, d'autres recherches vont dans le même sens, celles qui
ont été faites au Québec, Castonguay, Carroll, recherches
qui ont été menées aux universités de Harvard et
Princeton qui vont toutes dans le même sens, et également une
recherche faite à l'Université du Québec à Rimouski
qui va également dans le même sens. Nous demandons...(voir annexe
2)
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau, je m'excuse,
je suis obligé de vous interrompre. Il y a deux députés
qui m'ont demandé la parole, parce que l'heure est
dépassée. M. le député de Verchères.
M. Charbonneau (Jean-Pierre): M. le Président,
c'était pour solliciter de votre part la possibilité pour les
témoins de poursuivre. Je pense qu'ils achèvent. Je pense que
c'est tellement important le mémoire qu'ils ont à nous
soumettre...
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est possible que si l'on
procède de la même façon que l'on a agi dans le
passé, que si les partis ministériels ou d'Opposition ou reconnus
accordent du temps.
Auparavant, est-ce que, M. le député de Mont-Royal, c'est
au même effet?
M. Ciaccia: Non, je demandais s'il restait du temps?
Le Président (M. Cardinal): Non. M. Charbon-neau, est-ce
que vous seriez intéressé à continuer quelques minutes si
les membres de la commission vous accordaient ce temps pris à même
le leur?
M. Charbonneau (Yvon): De toute façon, d'une
manière ou d'une autre, je vais trouver le moyen de livrer les trois
dernières pages qui restent dans le mémoire.
Le Président (M. Cardinal): Non, je regrette. Vous ne
pouvez pas défier la présidence, je regrette.
M. Charbonneau (Yvon): II y aura certainement des questions
pertinentes à ce qui restera.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. Charbonneau,
c'est la façon dont vous l'avez dit. Vous remarquerez que je le fais
avec un sourire. Il est bien sûr que vous, comme les
députés sont assez habiles pour employer le temps qui leur reste
à passer le message. Est-ce que M. le député de
Verchères, vous avez...
M. Charbonneau (Jean-Pierre): Je pense que, du côté
ministériel, on pourrait accorder cinq minutes supplémentaires
sur notre temps pour permettre...
Le Président (M. Cardinal): Si M. Charbonneau le
désire, à moins qu'il ne souhaite procéder autrement.
D'accord? Alors, dans ce cas, je cède la parole à M. le ministre
d'Etat.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier la Centrale de
l'enseignement du Québec pour le mémoire qu'elle vient de nous
présenter. Au cours de la fin de semaine, j'ai relu avec attention les
93 pages de votre mémoire. C'est un mémoire abondant, riche,
fouillé, documenté, qui fait honneur aux enseignants que vous
êtes et qui se prête éminemment à la discipline du
commentaire sur la plupart des éléments que vous avez
abordés. Je veux d'abord vous remercier pour l'appui enthousiaste que
vous accordez au projet de loi. C'est un réconfort pour nous,
connaissant le rôle que vous jouez dans la communauté francophone,
dans la communauté québécoise.
Je veux d'abord dire que je suis d'accord avec vous que le principal
problème de la communauté francophone au Québec, c'est une
aliénation de nature économique et que, s'il y a un
problème linguistique au Québec, il ne peut s'agir que de la
répercussion de cette aliénation sur le plan économique,
sur le plan culturel et que la première priorité qui s'impose aux
Québécois, c'est de mettre fin d'abord à la cause,
c'est-à-dire à l'aliénation de nature économique.
Il a paru urgent au gouvernement de légiférer sur le
problème de la langue, mais je dois vous répéter, encore
une fois, que nous sommes d'accord avec vous que notre principale
priorité, c'est de lutter pour faire disparaître les causes de
cette aliénation économique et que, même si nous
légiférons sur la langue, ceci ne veut pas dire que nous ne nous
intéressons pas à l'aliénation économique. C'est
elle qui, au cours des trois, quatre, cinq ou six prochaines années,
constituera l'essentiel de nos préoccupations, la raison d'être de
notre lutte, d'ailleurs, sur le plan politique, sur la remise en question du
régime fédéral, mais aussi la raison d'être de
toutes les mesures que nous entendons prendre pour reprendre en main,
rapatrier, les leviers décisionnels en matière de politique
économique. Ce n'est donc que par voie de conséquence, que par
voie secondaire que nous légiférons en matière
linguistique, en attendant que cette loi ne devienne plus nécessaire, le
jour où le Québec aura paratrié ces leviers
décisionnels en matière économique.
Il reste que nous sommes aussi d'accord avec vous pour considérer
que la langue nationale est un bien collectif et que l'affirmation de cette
langue nationale est parfaitement compatible avec le maintien et le respect de
langues minoritaires qui devront continuer à se développer au
sein du Québec. D'ailleurs, en ce qui concerne les raisons que vous
apportez à l'appui de votre thèse que la langue nationale est un
bien collectif, il y a longtemps que je n'avais pas trouvé une meilleure
justification que celle que vous apportez à la page 3 de votre
mémoire.
Je répète avec vous que la langue nationale est la marque
distinctive du groupe national par rapport aux nations étrangères
et, plus particulièrement, par rapport aux peuples voisins. Elle est la
langue historique de la nation. Elle est la langue maternelle ou d'usage de la
majorité au sein de la nation. Elle est la langue commune pour les
communications interethniques et les relations d'ordre public au sein de la
nation. Elle est la langue des institutions politiques propres à la
nation, ce qui fait d'elle, en somme, un bien commun national.
Je vous suis reconnaissant, aussi, d'avoir répété
ici une vérité qu'on ignore trop souvent, c'est que la
minorité anglophone proprement dite est de 10% au Québec, et que
lorsqu'on parle de minorité anglophone de 20%, on parle des anglophones
d'adoption.
En passant, aussi, je souligne que j'accepte avec reconnaissance vos
considérations en ce qui concerne le retrait éventuel de
l'article 172. Comme j'ai déjà eu l'occasion de m'en expliquer
à plusieurs reprises, l'insertion de cet article n'était, en
somme, qu'un rappel de l'importance du sujet. Il est bien évident,
surtout maintenant que nous avons en main le rapport de la Commission des
droits de la personne, que nous avons les outils pour reprendre la
rédaction de cet article, et il est bien probable que vos suggestions
nous aideront également à arriver à une meilleure
formulation de notre politique en ce qui concerne l'harmonisation
des droits de la personne et les droits économiques, sociaux et
culturels, ce que l'on appelle souvent l'harmonisation des droits collectifs et
des droits individuels.
Evidemment, comme il se doit, la plupart des pages de votre
mémoire sont consacrées à la langue d'enseignement et
à l'enseignement des langues. Nous partageons votre objectif, qui est de
faire du français la langue de la vie totale du Québec,
c'est-à-dire la langue de la vie économique, la langue de la vie
politique, aussi bien que la langue de la vie institutionnelle. C'est là
l'objectif à long terme que nous nous fixons.
Evidemment, vous y arrivez, vous prétendez y arriver par des
mesures qui débordent le cadre de la loi que nous étudions
actuellement lorsque, par exemple, vous préconisez l'unification du
système scolaire qui devrait s'établir selon diverses
étapes dans un laps de temps de dix à douze ans. Ce n'est pas le
lieu ici de discuter de cette mesure qui, encore une fois, dépasse la
portée du projet de loi, mais nous avons quand même
remarqué la notion que vous vous faites de l'école, notion que
nous partageons lorsque vous dites que l'école est non seulement un lieu
de transmission du savoir, mais également un lieu d'acculturation
où on s'approprie une culture. Vous dites que l'école est un
lieu, également, où se pratique ou s'affirme la socialisation,
où se nouent des relations au nom de l'amitié, de la
solidarité et que l'école, en ce sens, joue un rôle
important dans cette entreprise de cohésion que ne peut s'empêcher
de poursuivre tout pays, toute nation en ce monde.
Vous préconisez, dans le cadre de la loi cette fois, tout en
étant d'accord avec le critère qu'a adopté le
gouvernement, une sorte de restriction selon laquelle, par exemple, le
gouvernement pourrait adopter des mesures en vue de rapatrier les francophones
qui n'ont pas d'affaire à s'être inscrits à l'école
anglaise, ou rapatrier certains allophones.
Le gouvernement n'a pas résolu de s'avancer dans cette direction,
espérant que les francophones reviendront d'eux-mêmes à
l'école française, maintenant que les conditions de la vie
collective sont changées, espérant que les francophones verront
qu'il est dans leur intérêt de revenir à l'école
française où ils peuvent se développer dans le sens de
leur culture propre, tout en pouvant acquérir cette connaissance de
l'anglais que, comme nous, vous estimez nécessaire dans le pays que nous
habitons.
J'ai été, évidemment, intéressé par
ce que vous nous dites sur le maraudage qui semble s'être effectué
dans certaines régions du Québec au profit de l'école
anglophone. Je vous poserai, tout à l'heure, quelques questions à
ce sujet afin que vous nous précisiez davantage ce que vous pouvez nous
apporter à cet égard.
Si je comprends bien, à Sept Iles, c'est au nom de la
confessionnalité qu'on a fait s'inscrire des élèves
catholiques à l'école anglaise. Je ne sais pas si c'est la
même chose dans Côte-des-Neiges, mais je serais
intéressé à avoir quelques éclaircissements
à ce sujet. Mais cela, c'est le passé.
En ce qui concerne l'avenir, vous nous parlez de l'enseignement des
langues et vous attirez aussi notre attention sur un rapport récent du
conseil scolaire qui, lui aussi, m'a beaucoup intéressé, en
même temps qu'il m'inquiète. Ce rapport voudrait confier justement
aux commissions scolaires le choix total des moyens en ce qui concerne les
méthodes d'enseignement des langues et, en particulier, l'enseignement
de l'anglais dans les écoles françaises. C'est sur ce point que
je voudrais surtout vous poser ma première question.
J'ai lu avec énormément d'intérêt ce que vous
dites sur la comparaison qu'il y a à faire entre l'efficacité de
deux méthodes, la méthode d'immersion, dont on nous a beaucoup
parlé ici à la commission et qui a été
utilisée par les commissions scolaires anglophones, et la méthode
des classes d'accueil qui, semble-t-il, a été utilisée
avec beaucoup plus de succès à la Commission scolaire des
Mille-Iles.
Si je vous ai bien compris en lisant votre mémoire, il semble
qu'avec la méthode d'immersion, surtout totale, c'est surtout la
prononciation de l'élève qui s'améliore, mais la
connaissance de la structure du langage, surtout du langage écrit reste
assez minime et aussi précaire. J'ai été aussi
intéressé par le fait que le plus grand nombre des "dropouts" qui
ont été dénombrés dans le milieu scolaire
anglophone venaient précisément de ces classes d'immersion.
J'aimerais que vous nous éclairiez davantage là-dessus. D'autre
part, dans des classes d'accueil, en particulier à celle qui en a fait
l'expérience davantage, c'est-à-dire la Commission scolaire des
Mille-Iles, même si le progrès était minime au
début, dans l'année ou dans les deux années qui suivaient,
en raison d'un apprentissage intense axé sur les structures de la langue
et sur l'apprentissage aussi bien oral qu'écrit de la langue
étrangère, les connaissances semblaient rapidement
s'étendre et surtout s'approfondir et donner à
l'élève une véritable connaissance de la langue
étrangère. Je pense que vous avez fait un parallèle entre
le travail effectué dans ces classes d'accueil et celui qui a
été fait à la CECM pour les immigrants où les
mêmes résultats bénéfiques, après un
départ chancelant, ont été constatés, ce qui fait
que maintenant nous avons près de 5000 de ces immigrants en classe
d'accueil à la CECM et que les conditions semblent propices pour
augmenter considérablement ce nombre avec des chances de succès
dans les années qui viennent. Si je comprends bien aussi, cette
méthode vous semble de loin préférable à celle de
l'insertion directe, dont vous avez parlé à la fin de votre
mémoire, qui consiste à introduire à n'importe quel niveau
des étrangers qui ne parlent pas le français, sans aucune
capacité d'accueil. En somme, c'est les préparer, selon vous,
à un échec certain, ainsi qu'à causer de multiples
problèmes d'ordre pédagogique, administratif et autres aux
professeurs et aux commissions scolaires.
Evidemment, je ne peux m'empêcher de rapprocher ces
résultats de l'expérience anglaise, de la "National Foundation
for Educational Re-
search" mais j'aimerais plutôt revenir avec une autre question un
peu plus tard sur ce sujet.
Pour le moment, j'aimerais que vous nous éclairiez d'abord sur
cette question de maraudage à Sept-lles et à
Côte-des-Neiges, et deuxièmement, que vous nous donniez plus de
détails sur la comparaison des mérites respectifs des deux
méthodes pour l'enseignement d'une langue étrangère, soit
la classe d'immersion et la classe d'accueil.
M. Charbonneau (Yvon): Bien sûr, le premier point,
d'ailleurs, a déjà fait l'objet d'articles dans les journaux.
Notamment, j'ai ici un article du Soleil du 2 février qui dit:
Québec veut colmater les failles légales permettant aux
élèves francophones de passer au secteur anglo-protestant.
L'article est du bureau de Sept-lles du Soleil et c'est là qu'on
raconte, effectivement, ce que vous avez vous-même repris,
résumé, qu'environ 350 élèves ont réussi,
par le biais de leur inscription au secteur protestant, à avoir un
enseignement en anglais, alors que, normalement, ils auraient dû
être inscrits à l'école catholique qui est là pour
les francophones. Ce genre de subtilité a peut-être
été utilisé ailleurs aussi. Il faudrait que le
ministère mette son appareil d'enquête en marche pour savoir si
cela s'est fait dans d'autres régions. Nous croyons que cela s'est
peut-être fait ailleurs aussi.
Quant au second cas, nous avons été informés que
certaines personnes sollicitaient certains enfants et certains parents de la
catégorie des immigrants nouvellement arrivés au Québec,
qui se sont inscrits dans certaines écoles catholiques pour
francophones. Ils les sollicitaient dans le but de pouvoir les
réorienter du côté protestant. Les trucs peuvent varier. On
nous a informés qu'il suffisait, par exemple, que l'élève
avise son professeur du fait qu'il retourne passer trois semaines dans son pays
d'origine. Plus personne n'en entend parler et quand il revient, il change de
secteur et il vient donc de quitter le secteur catholique, le secteur
français. Certaines sources que nous avons ont elles-mêmes
vérifié, de visu, ont rencontré de nouveau les
élèves qu'elles avaient elles-mêmes reçus dans les
classes françaises quelques mois avant, et elles se sont aperçu
que le truc avait été utilisé et que ces mêmes
élèves étaient maintenant au secteur protestant. Je peux
au moins vous dire que cela a été fait pour des
élèves qui avaient fréquenté l'école
Saint-Pascal-Baylon, Côte-des-Neiges, Outremont, et certains de ces
élèves ont été retrouvés au secteur
protestant, moyennant le truc dont je viens de parler. Ils sont restés
au secteur anglais protestant.
Alors, je crois que ces pratiques sont assez difficiles à
détecter. Il faut presque faire de l'espionnage, ce qui n'est pas, en
pratique, notre rôle, même s'il convient de faire un peu de
surveillance. Mais de l'espionnage, c'est un peu fort. Je crois qu'on pourrait
peut-être confier cela aux 1200 personnes dont on se demande ce qu'elles
font sur le territoire du Québec. Cela pourrait les occuper à des
choses utiles.
L'autre question est extrêmement importante.
Il s'agit de détruire, de s'en prendre à un certain mythe
qui dit que le moyen ou la technique de l'immersion, c'est le moyen de faire
apprendre une deuxième langue à quelqu'un, c'est-a-dire
l'enseignement d'une deuxième langue par l'enseignement de toutes les
matières dans cette deuxième langue. Ainsi, par exemple,
l'immersion consiste à organiser l'enseignement de l'anglais aux
francophones en enseignant toutes les matières en anglais, pendant deux
ans, trois ans, quatre ans. C'est ce qui m'amenait à dire, tout à
l'heure, qu'à toutes fins pratiques c'est une école anglaise pour
ces francophones pendant le nombre d'années où ils sont en
immersion. Cette pratique a aussi été utilisée pour
l'enseignement du français aux anglophones.
Les statistiques ou les données que nous avons rapidement
mentionnées tout à l'heure, à propos de la Commission
scolaire des Mille-Iles, sont tirées d'une comparaison entre les
moyennes obtenues par un groupe qui est en immersion en relation avec la
moyenne obtenue par un groupe d'élèves, un groupe contrôle
qui a plutôt reçu son enseignement par le biais de ce qu'on
pourrait appeller une classe d'accueil, c'est-à-dire une période
assez restreinte de temps où on enseigne vraiment la deuxième
langue, explicitement.
Nous avons noté, en ce qui a trait à la
compréhension de la langue seconde, en quatre mois, déjà,
la moyenne du groupe dit classe d'accueil, le groupe Mille-Iles, page 40, a
dépassé, doublé à toutes fins pratiques la moyenne
obtenue par le groupe immersion. En ce qui a trait à l'expression en
langue seconde en quatre mois, vous voyez également que le pourcentage
est beaucoup plus important, la moyenne obtenue est beaucoup plus importante
pour ce qui est de groupe dit de classe d'accueil.
Nous retenons de cette étude comparative que le moyen de
l'immersion est un moyen qui n'apporte pas d'avantages au point de vue de
l'apprentissage d'une deuxième langue qu'on veut enseigner à tel
groupe d'élèves, non seulement n'apporte pas d'avantages mais est
moins efficace que l'utilisation d'un moyen du type classe d'accueil où,
en dix ou douze mois, on apprend de manière poussée une
deuxième langue à un groupe. A quoi bon étaler sur
plusieurs années l'apprentissage ou l'enseignement d'une deuxième
langue pour arriver à des résultats moindres que ce qu'on peut
obtenir en une période restreinte de temps et à un âge un
peu plus élevé pour l'enfant? Non seulement il n'y a pas
d'utilité, mais nous soutenons en d'autres parties de notre
mémoire, au chapitre de l'enseignement des langues, qu'il y a certains
effets négatifs, nous parlons surtout du point de vue des francophones,
certains effets négatifs, certaines conséquences
déplorables à exposer trop tôt, trop précocement le
jeune francophone à l'apprentissage d'une deuxième langue, la
langue anglaise, dans le contexte québécois que nous connaissons
actuellement.
Il n'y a pas d'avantages prouvés, il y a possiblement des
désavantages. Cela nous suffit pour réclamer, non seulement qu'on
n'utilise pas le
moyen d'immersion à l'adresse des jeunes francophones à
qui on veut apprendre une deuxième langue, non seulement cela, mais que
l'on fasse démarrer l'enseignement d'une langue seconde, de l'anglais
par exemple, aux jeunes francophones à compter du secondaire, mais qu'on
le fasse sérieusement. En cinq ans de secondaire, à raison d'un
certain nombre de périodes d'enseignement par semaine, nous pensons
qu'il y a une possibilité pour le jeune québécois
francophone de se tirer d'affaire convenablement en anglais en cinq ans.
C'est pourquoi il ne faudrait pas encombrer l'élémentaire
de cela.
M. Laurin: Est-ce que l'expérience de Mille-Iles vous
semble aller dans le même sens que l'expérience de la CECM avec
ses classes d'accueil?
M. Charbonneau (Yvon): Tout à fait, je crois que ce sont
là deux expériences.
Pour l'autre partie de notre mémoire, nous avons bien mis en
lumière, je crois, le succès souligné de la méthode
des classes d'accueil à Montréal qui, elle, a été
utilisée à l'adresse, non pas d'anglophones, mais de personnes
d'origines ethniques les plus diverses qui arrivent à Montréal et
qui, en quelques années, a réussi à acheminer vers le
secteur français de 80% à 90% des usagers. Dans les 10% ou 20%
qui échappent, il y a plusieurs raisons. Ce ne sont pas seulement des
gens qui vont vers le secteur anglais, mais des gens qui retournent, des gens
qui s'en vont en Ontario, des gens qui s'en vont aux Etats-Unis. On ne peut pas
contrôler tout cela.
C'est un grand succès. Cette méthode de classes d'accueil,
cela se passe en dix ou douze mois. Nous croyons que c'est bien
préférable d'utiliser ce moyen plutôt que l'insertion
directe qui est une forme d'immersion. On prend, par exemple, les gens qui sont
à Montréal, les Portugais ou les Italiens, et on les
distribuerait, ici et là, dans des classes complètement
francophones. Il y a deux ou trois Italiens, un Chinois, un Portugais, cinq ou
six personnes, ici et là, dans des groupes de 25 ou 30, et on
déciderait de leur enseigner le français, par le biais de toutes
les matières en français. Le jeune Portugais qui est là,
il doit apprendre non seulement le français, mais il doit apprendre
également l'histoire en français, la chimie, les
mathématiques, etc. Nous croyons que cela est vraiment
préjudiciable à ces élèves, en plus de créer
des problèmes importants au point de vue de l'organisation de
l'enseignement, pour l'enseignant et pour les autres étudiants.
La méthode d'insertion directe, à notre avis, est à
bannir, puisque nous avons une autre méthode qui, elle, est un
succès, qui pourrait vraiment être institutionnalisée. On
pourrait peut-être trouver d'autres modalités, peut-être
répartir davantage sur le territoire métropolitain les classes
d'accueil. On peut penser à l'instaurer aussi davantage dans d'autres
régions, il y a peut-être des modalités à raffiner,
mais nous croyons que ce moyen a déjà fait ses preuves.
M. Laurin: Est-ce qu'il est à votre connaissance que M.
Wallace Lambert, qui est l'initiateur des classes d'immersion, a
commenté des expériences de Mille-Iles, ou de la commission
scolaire, pour répondre un peu à ce que pourrait constituer de
contraire à ses propres thèses ces expériences en
cours?
M. Charbonneau (Yvon): A ma connaissance, non, mais il l'a
peut-être fait dans des revues auxquelles je n'ai pas eu accès.
Pour le moment, je sais que lui-même a essayé de donner beaucoup
de relief à la méthode d'immersion, à partir
d'expériences faites dans la région de Montréal. Mais je
crois qu'il le fait dans une perspective désincarnée finalement.
Il s'agit d'apprendre une langue à du monde et il ne se soucie pas du
cadre politique, du cadre socio-politique, du cadre socio-culturel où
cela s'inscrit. En tout cas, ce n'est pas d'après les études que
j'ai vues, les articles qu'il a publiés. Il s'agit de bilinguiser des
gens, un peu comme si c'était une opération en soi, alors que,
d'après nous, l'enseignement doit s'inscrire dans le cadre d'une
société donnée.
M. Laurin: Est-ce qu'il vous apparaît que des parents
unilingues anglophones ou très peu bilingues peuvent
véritablement apprécier les progrès qu'ont pu faire leurs
enfants dans des classes d'immersion, en ce qui concerne l'apprentissage du
français?
M. Charbonneau (Yvon): Cela contribue certainement au mythe du
succès des classes d'immersion. Le fait que les parents de ces
élèves savent peu ou pas le français, le fait d'entendre
leurs enfants faire un genre de phrase en français, même si c'est
un langage très très simple, même si c'est bourré de
fautes ou d'imperfections ou d'incorrections, déjà, pour le
parent qui est anglophone ou à peu près et qui entend ainsi son
enfant s'exprimer dans une langue qui lui est étrangère, il est
bien content de voir que son enfant a fait des progrès, a appris lui, ce
qu'il lui a été impossible d'apprendre.
Je crois que le sentiment de fierté parentale ici est plus fort
que la connaissance ou la vérification de la correction linguistique des
apprentissages de l'enfant. Si c'est compréhensible sur le plan humain,
je pense que cela ne doit pas être un point de référence
pour l'organisation de l'enseignement des langues.
M. Laurin: J'ai été très
intéressé aussi par le résumé que vous faites de
l'expérience menée par la National Foundation for Educational
Research en Grande-Bretagne. Si je vous comprends bien, c'est une
expérience qui a porté sur 18 000 enfants où on a
comparé les résultats de l'apprentissage du français chez
des élèves de huit ans et des élèves de onze ans et
où on a constaté que les progrès effectués par les
élèves de onze ans étaient sans comparaison aucune avec
ceux qu'on avait constatés chez les élèves de huit
ans.
Je me rappelle aussi qu'en lisant votre mémoire j'ai
été frappé par le fait que ceux qui
avaient commencé cet apprentissage à huit ans se
trouvaient défavorisés lorsqu'ils arrivaient au secondaire pour
l'apprentissage de quelque langue étrangère que ce soit, car ils
se trouvaient démotivés en raison de la perception, de la
conscience qu'ils avaient de leur échec. Ceci, souvent, pouvait les
rebuter et même les empêcher de vouloir étudier quelque
langue étrangère que ce soit. Est-ce à peu près le
résultat de l'étude?
M. Charbonneau (Yvon): Oui, dans les grandes lignes, vos
énoncés se retrouvent aux conclusions de cette étude. En
conclusion, les auteurs de cette recherche de dix années estiment qu'il
est préférable... Là, nous sommes en Grande-Bretagne, en
Angleterre et il s'agit de l'enseignement du français à de jeunes
Britanniques. Lin-guistiquement, cela peut ressembler à des situations
qu'on vit ici, mais on aura compris qu'au plan culturel, au plan politique, les
données ne sont pas les mêmes du tout. Tout de même, pour
eux, il est préférable de ne pas étendre davantage
l'enseignement du français dans les écoles
élémentaires d'Angleterre et du pays de Galles. Ils ne doivent
pas avoir peur d'être assimilés par le français. Ce n'est
pas un problème comme le nôtre qui se situe au niveau des
interprétations politiques, ici, du phénomène de rencontre
des deux cultures ou des deux langues. Tout simplement au point de vue
technique, au point de vue scientifique de l'apprentissage d'une langue, il n'y
a pas de profits, disent-ils. Ce n'est pas la peine de s'ingénier
à répandre l'enseignement du français ou d'une
deuxième langue en Grande-Bretagne, en Angleterre; il suffira de bien
l'enseigner à compter de tel âge. Ils soulignent le poids
psychologique, l'espèce de fardeau psychologique que comporte
l'enseignement d'une deuxième langue. Si ce fardeau est subi trop
tôt dans la vie d'un jeune élève, dans la vie d'un
écolier, cela a des répercussions lorsqu'il est au secondaire et
que c'est le temps pour lui d'apprendre une deuxième ou une
troisième langue, comme c'est fréquemment le cas en Europe.
Il y a donc des relations à plus long terme que l'aspect
technique seulement. Ils mettent tout cela en relief ici et ils soulignent que
des élèves, qui ont été obligés d'apprendre,
très tôt dans leur vie, une deuxième langue par le biais de
l'école, en arrivent à développer un sentiment
d'hostilité envers cette langue un peu plus tard, alors que, si on avait
attendu un certain âge de maturité, on aurait pu leur enseigner
cette deuxième langue et ils l'auraient acceptée, ils l'auraient
même souhaitée.
Il y a des phénomènes psychologiques qui jouent
derrière ces données qu'il ne faut pas minimiser.
D'autres recherches ont été faites dans le même
sens. On a cité ici, par exemple, un article d'un observateur de la
scène de l'éducation, en France. Eux non plus, en France, ils ne
désirent pas généraliser l'enseignement d'une
deuxième langue au niveau élémentaire. Il y a eu des
essais de faits ici et là. Ils disent qu'ils n'ont qu'à constater
qu'au secondaire 84% des jeunes Français ap- prennent l'anglais comme
deuxième langue. Alors, ce n'est pas la peine de l'enseigner au niveau
élémentaire. On ne gagne rien. Ce sont des pays qui, l'un et
l'autre, ne subissent pas de dangers, ne sont pas en situation de menace par
rapport à la langue du voisin, et pourtant, ils raisonnent comme cela.
Je crois que, dans le Québec, si on transpose ces précautions que
ces pays bien assis culturellement, socialement, prennent, on doit bien se dire
que nous avons été gravement irresponsables au niveau du
gouvernement du Québec, éditions antérieures, de lancer
des politiques abracadabrantes d'enseignement des langues, appuyées par
des millions, des politiques sans aucune expérimentation, sans aucune
précaution. Cela mérite d'être dit ici, puisqu'on l'a
tellement dit en dehors de cette salle.
M. Laurin: C'est donc principalement sur ces études
scientifiques sérieuses que vous vous appuyez pour demander au
gouvernement de n'introduire l'enseignement de l'anglais dans les écoles
françaises qu'à partir du niveau secondaire. On a souvent dit que
la CEQ était opposée à l'enseignement de l'anglais, qu'il
y avait une barrière idéologique qui les empêchait de
vouloir enseigner l'anglais d'une façon efficace. Est-ce que je pourrais
vous demander si tel est le cas, d'une part? Deuxièmement, si
l'enseignement de l'anglais n'était introduit qu'au secondaire, est-ce
que la Centrale de l'enseignement du Québec serait prête à
faire tous les efforts nécessaires pour procurer à nos
élèves francophones le meilleur enseignement qui soit de
l'anglais, et comment?
M. Charbonneau (Yvon): Alors, c'est le temps, en répondant
à votre question, de souligner que la CEQ considère comme un
atout important la connaissance courante d'une deuxième langue pour les
jeunes Québécois francophones et, bien sûr, que nous
reconnaissons à l'anglais le statut, en quelque sorte, de
première deuxième langue, si je peux m'exprimer ainsi devant
vous. C'est naturel, c'est normal que la deuxième langue qui est
enseignée à de jeunes Québécois soit l'anglais, et
que ce soit enseigné avec le plus grand soin, avec compétence,
avec les moyens matériels et pédagogiques appropriés,
à compter du niveau secondaire et sur une période de cinq
ans.
Nous croyons qu'en cinq ans, en raison de périodes que le
gouvernement déterminera par semaine, si c'est enseigné avec
motivation et si c'est appris avec une certaine motivation, non pas comme un os
qu'on vous enfonce dans la gorge, mais si c'est appris comme quelque chose de
naturel, comme une ouverture à ce qui se passe dans d'autres pays,
à une langue qui a beaucoup de prestige et beaucoup d'utilité au
plan international et dans d'autres pays très importants et très
voisins, donc, si c'est appris dans une perspective d'ouverture, nous croyons
qu'à ce moment-là l'enseignement de l'anglais sera
accepté, valorisé, mais sera placé dans un cadre qui est
normal et non pas exagéré, non pas mythifié. Nous pensons
aussi nous en profitons pour l'ajouter qu'on
devrait offrir, on devrait rendre disponible l'enseignement de certaines
autres langues au niveau secondaire, par exemple l'espagnol et l'italien, parce
qu'au Québec, il y a beaucoup de gens venant d'Italie et que l'espagnol
est une langue qui est parlée dans des pays qui sont dans les
Amériques. Nous croyons que cela devrait être un service
disponible dans les écoles au niveau secondaire. Mais l'enseignement de
l'anglais doit être assuré avec grande compétence au niveau
secondaire.
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau, est-ce que je
puis vous interrompre? Je voudrais vous demander si vous et les autres
porte-parole pouvez revenir après la suspension, c'est-à-dire
à 20 heures, ici, ce soir? Il reste à ce débat 32
minutes.
M. Charbonneau (Yvon): Si c'était possible de le faire
tout de suite, nous pourrions...
Le Président (M. Cardinal): Je ne veux pas rendre de
directives sur le règlement, mais... Oui, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: D'abord, j'ai cru que le président de la CEQ
avait réussi à nous passer ses deux dernières pages vers
la fin, mais, à moins de ça, le parti ministériel...
Le Président (M. Cardinal): Actuellement, il reste deux
minutes au parti ministériel, 20 minutes au parti de l'Opposition
officielle et dix minutes au parti de l'Union Nationale.
M. Grenier: Bon! J'allais vous faire remarquer que le parti
ministériel avait dépassé son temps de huit minutes,
d'après mon compte. Depuis que M. Bellemare est parti, je suis
obligé de tenir le temps. J'ai remarqué qu'il avait
dépassé son temps de huit minutes. Je suis bien prêt, mais
si on dépasse de huit minutes, ça nous retarde pour passer le
Parti libéral, qui a 20 minutes, et nous, qui avons 10 minutes. Cela
nous...
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le
député de Mégantic-Compton...
M. Grenier: Je suis capable...
Le Président (M. Cardinal): ...si vous tenez le temps si
rigoureusement, il est possible qu'il y ait eu des dépassements, ce
n'est pas la première fois, pour tous les partis, et d'une façon
aussi équitable...
M. Grenier: Ce n'est pas un reproche que je fais, remarquez bien;
c'est simplement pour vous le signaler.
Le Président (M. Cardinal): Non, je le prends en assez
bonne part, mais je vais être obligé, messieurs nos
invités, de suspendre jusqu'à 20 heures.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: ...tout le monde est d'accord. On pourrait
peut-être terminer l'audition du mémoire, quitte à
reprendre à 20 h 30...
M. Ciaccia: On a fini l'audition...
Le Président (M. Cardinal): L'audition du mémoire
est terminée. Il reste simplement...
M. Paquette: Non, mais les questions, je veux dire...
Le Président (M. Cardinal): Actuellement, il ne reste que
deux minutes au parti ministériel. Je vais devoir me retourner vers les
partis de l'Opposition pour leur demander leur opinion.
M. Ciaccia: Nous préférerions revenir à 20
heures. Nous avons d'autres engagements que nous avons pris pour 18 heures.
Le Président (M. Cardinal): Je vais indiquer le
règlement. En vertu de l'article 31, je n'ai pas d'autre choix que de
suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 19 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 6
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et
messieurs! Est-ce que je pourrais demander à chacun de regagner son
fauteuil? La Centrale de renseignement du Québec, à la
troisième période avec 32 minutes de jeu. La parole est à
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: C'est moi qui ai la rondelle. Je veux remercier
le président de la CEQ et les membres de la CEQ qui sont venus à
la commission présenter leur point de vue sur le projet de loi no 1. Je
dois dire que je n'ai pas été trop surprise du contenu. Je pense
qu'il se situe dans la ligne de l'unilinguisme français que la CEQ et le
Mouvement du Québec français mettent de l'avant depuis plusieurs
années. Je pense, d'ailleurs, que c'est aussi, pour qui sait lire,
l'objectif du livre blanc à plus ou moins long terme. C'est
peut-être, d'ailleurs, ce qui explique le silence d'organismes
qu'à tort ou à raison certains appellent ultranationalistes qui
n'ont pas encore ouvert la bouche pour dire qu'avec ce critère retenu
pour l'admission à l'école anglaise des milliers d'enfants
francophones et leurs descendants sont devenus membres de la communauté
anglophone. Dans un reportage paru dans La Presse de décembre 1973, Mme
Lysiane Gagnon estimait à plus de 25 000 enfants le nombre
d'élèves francophones dans les écoles anglaises en
1971/72. Par contre, ce critère ferme l'accès aux écoles
anglaises aux véritables membres de la communauté anglophone qui,
de-
puis plus d'une dizaine d'années, ont envoyé leurs enfants
à l'école française.
Je n'ai pas de statistiques pour d'autres écoles, je sais qu'un
assez grand nombre d'anglophones ont envoyé leurs enfants faire leurs
études en français dans les écoles privées, mais je
vais vous donner des chiffres parus dans un sondage de la Commission des
écoles catholiques de Montréal en 1976, où on voit qu'il y
a 44% des parents d'origine ethnique anglaise de la CECM qui envoient leurs
enfants dans les écoles françaises. Alors, les descendants de ces
derniers n'auront plus accès à l'école anglaise. Je dois
dire que, déjà avec la loi 22, cette tendance croissante des
anglophones ou des gens de langue maternelle anglaise à envoyer leurs
enfants à l'école française commençait à
diminuer, mais je pense qu'avec la loi no 1 ils seront complètement
découragés.
Même si le gouvernement prévoyait, comme il l'a
laissé entendre, je ne peux voir autre chose qu'une sorte de dossier
généalogique pour conserver à ces enfants le droit
à l'école anglaise pour leurs descendants.
Enfin, ceci dit, je voudrais immédiatement passer à
quelques questions. La première, j'aimerais que le président de
la CEQ ou un de ses collègues nous explique ce qu'il veut dire quand, en
page 2, il considère que ceux qui apportent des objections au projet de
loi no 1 ont des réactions de racistes frustrés de voir que des
privilèges intolérables leur étaient enlevés.
Egalement, il semble leur associer les associations patronales et il les
qualifie d'une minorité aux abois regroupant au total moins de personnes
qu'un syndicat moyen de la CEQ et qui a toujours manifesté un
mépris certain pour la majorité des travailleurs
québécois.
Je voudrais que le président justifie les termes qu'il emploie
ici. Il a peut-être identifié certains groupes, mais je pense
qu'il y a aussi, parmi eux, un grand nombre de francophones et des
Québécois à plein titre si on veut se
référer à la définition que le livre blanc leur
donne et que vous leur avez donnée vous-même tout à l'heure
qui ont des objections assez sérieuses au projet de loi no 1 tel
qu'il est présenté, tel qu'il a été
déposé.
Le Président (M. Cardinal): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Vous vous êtes
référée à quel texte? Au condensé ou au
texte...
Mme Lavoie-Roux: Au condensé, celui que j'avais en fin de
semaine, à la page 2.
M. Charbonneau (Yvon): Nous croyons, en effet, que des
réactions comme celles de la PACT, en particulier, sont inadmissibles,
compte tenu de la manière dont cette organisation s'est
constituée je dirais syndicalement, mais ça déborde
de notre sujet linguistiquement parlant. Je crois en effet que ces gens,
moins que tous autres, moins que la PACT, par exemple, devraient, s'ils
acceptaient le fait d'un Québec qui devient français,
mentalement, même s'ils ont des restrictions sur les modalités ou
les étapes y menant, s'ils ac- ceptaient de faire corps avec le
Québec, de se sentir des Québécois, ils n'auraient pas des
réactions comme ils ont actuellement: aller jusqu'à percevoir des
cotisations syndicales spéciales pour combattre les politiques du
gouvernement.
Je crois que ces choses-là sont réellement des pratiques
inadmissibles que plusieurs de leurs membres leur reprochent actuellement. Je
me demande bien ce qui aurait été dit si la CEQ s'était
aventurée à percevoir $10 par membre ou une demi-journée
de salaire pour combattre le gouvernement Bourassa il y a quelque temps.
Je crois que des réactions de ce genre sont vraiment
inadmissibles...
M. Ciaccia: Vous n'avez pas besoin de cela, vous l'avez fait
quand même.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le
député de Mont-Royal!
M. Charbonneau (Yvon): Si on l'a fait sans fonds, M. Ciaccia,
c'est parce que la cause que nous mettions de l'avant était très
valable. On n'avait pas besoin de fonds.
M. Ciaccia: Vous les aviez tout de même.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. Ecoutez! Nous avons
réussi, depuis le début de cette séance, à
conserver le calme. Je sais bien qu'il y a des lignes de pensée
politique mais l'émotivité, quand même, doit se contenir.
Pendant qu'un député ou un témoin parle, je demanderais
aux autres de se taire.
Mme Lavoie-Roux: Ce que je dois comprendre, M. le
Président, vous incluez ceux qui ont des restrictions à
l'égard de la loi no 1, vous ne les avez pas traités de racistes,
vous avez dit qu'ils avaient des réactions de racistes, la PACT et les
associations patronales. Les autres qui, eux aussi, ont des objections au
projet de loi, vous les incluez là-dedans, selon ce que je crois
comprendre de votre réponse?
M. Charbonneau (Yvon): Bien non! C'est qu'on prend les cas
excessifs. Quand on a des propos durs, c'est qu'ils s'adressent aux gens qui
ont les propos les plus durs contre le projet de loi no 1 ou qui ont une base
mal assurée d'argumentation.
Quand on parle du secteur anglo-catholique, vous le connaissez
peut-être encore mieux que moi, vous l'avez vu de plus près, je
crois que ces gens-là se sont constitué un empire scolaire et
politique, on l'a vu encore tout récemment, à même des gens
qui sont venus grossir le secteur anglophone par le biais de dérogations
aux principes sains qui auraient dû guider la structure scolaire depuis
des années. Je crois que ces gens-là, plus que tous les autres,
devraient faire attention à la hauteur du panache, quand ils font des
attaques sur la question linguistique.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais vous
demander, vous les qualifiez de réactions racistes. Je n'ai pas suivi
les écrits qu'ils ont peut-être publiés, je l'ignore. Mais
vous qui êtes président d'un syndicat, est-ce que vous croyez que
c'est peut-être davantage la sécurité de leurs membres
qu'ils défendent que des réactions racistes qu'ils ont?
M. Charbonneau (Yvon): Je crois que le nombre total d'enseignants
sur l'île de Montréal où, pour la CECM, le nombre total des
enseignants membres de la PACT, de la PAPT et de la CEQ trouveraient fort bien
à s'employer utilement dans l'enseignement au Québec, même
dans le cadre des mesures que nous proposons ici.
Le total des enseignants a du travail à faire, parce qu'il y a un
total d'élèves à desservir. Il y a beaucoup de
francophones, de toute manière, qui ont été amenés
à travailler dans le cadre de l'enseignement dit anglo-catholique, de
même que dans l'enseignement anglo-protestant et, d'autre part, avec les
mesures que nous mettons de l'avant pour l'enseignement de l'anglais aux
francophones à compter du secondaire, sur cinq ans, on aura
remarqué que c'est finalement la même quantité de travail
qui est demandée que sur quatre ans au secondaire, plus un peu à
l'élémentaire.
Globalement parlant, il n'y a pas de menaces à l'emploi pour le
nombre total d'enseignants. Il suffirait d'aménager des mesures de
transition qui permettraient de respecter les gens qui sont dans le
système, mais de l'orienter graduellement dans le sens des
intérêts de la majorité. C'est pourquoi nous
préconisons un plan sur douze ans.
Ce n'est pas un plan pour septembre 1977, qui doit être alors
totalement réalisé. Nous avons eu, je crois, cette approche de
gradation dans le temps de l'implantation des changements. Je crois que cela
devrait être pris en considération. Dans ce domaine, les
changements ne peuvent pas s'accompagner d'ordres, mais, pour se faire dans
l'ordre, ils doivent s'étaler dans le temps.
Mme Lavoie-Roux: L'autre question que je voudrais vous poser,
c'est qu'à la page 14 de votre résumé, vous parlez
justement de cette deuxième étape qui s'étend de 1983
à 1989 et vous dites: "Au préscolaire, à
l'élémentaire et au secondaire, mise en place "d'écoles de
quartiers" desservant tous les étudiants québécois, sous
réserve d'assurer l'enseignement en anglais d'un certain nombre de
connaissances de base à ceux qui ont accès à
l'école anglaise" et, deuxième point, "intégration
graduelle des établissements de niveau postsecondaire, collèges
et universités"... J'ai cru comprendre que, finalement, ces
collèges et universités de langue anglaise deviendraient des
collèges et universités de langue française.
Mes questions sont les suivantes: Est-ce que vous croyez que, au plan de
l'histoire du moins, la communauté anglophone a joué un
rôle dans l'édification de la société
québécoise et qu'elle peut continuer d'en jouer un? Evidemment,
je le sais bien, je pense que c'est la Société Saint-
Jean-Baptiste ou le Mouvement national populaire qui est venu nous dire
qu'on n'avait pas à s'énerver et qu'il n'y aurait pas
d'extinction de la communauté anglophone au Québec. Je suis
d'accord sur cela. C'est fort probable qu'il restera toujours des anglophones
au Québec, mais ce que je veux savoir c'est à quel rôle on
veut réduire leur communauté.
D'abord, est-ce qu'on reconnaît l'existence d'une
communauté culturelle? Quel rôle lui voyez-vous jouer dans
l'avenir? En effet, on peut rester avec des gens qui parlent l'anglais au
Québec, mais, finalement, avec une communauté, dont les
institutions qui la soutiennent auront disparu. Vous reconnaissez que, pour la
communauté française, c'est extrêmement important; c'est
l'école qui sert quand même de soutien au développement,
à la conservation et à l'épanouissement de la culture. Je
ne sais pas si vous auriez quelques commentaires à me faire
là-dessus.
M. Charbonneau (Yvon): Oui, d'abord, votre question nous
réfère à ce passage de notre mémoire où nous
essayons de projeter ce que serait la deuxième étape du plan.
Cette deuxième étape n'a de sens que si la première est
acceptée. Je veux bien accepter de discuter de la deuxième
étape, de 1983 à 1989, mais je ne voudrais pas l'extraire de son
contexte non plus. De toute façon, allons-y! La question est devant
nous. Nous développons ici le concept de ce que nous appelons
l'école de quartier, faute de trouver une meilleure expression. On y
verra avec le temps. Ce concept est très précieux du point de vue
d'un peuple et d'une nation qui s'affirme, à savoir que l'école
sera un creuset social. L'école sera le lieu où se battent en
brèche les tendances naturelles de certains groupes culturels à
se distinguer les uns des autres et à se réfugier dans des
ghettos ou dans des districts différents. En somme, c'est la
mentalité assez souvent constatée non seulement au Québec,
mais un peu partout que des groupes ethniques s'en tiennent à une vie
repliée.
Alors, l'école, à notre avis, dès
l'élémentaire et cela doit continuer au secondaire
doit offrir des services qui soient attirants pour tous, qui ne propagent pas
l'idée de la distinction. Moi, je suis un anglophone, donc j'ai droit
à ceci. L'autre, c'est un francophone, lui aussi a des réactions
anti. Il y a des écoles pour les immigrants. Finalement, cela fait des
petits îlots, cela ne fait pas un tissu social qui est basé sur
des relations de fraternité et des relations humaines de
solidarité et d'amitié. Alors, nous autres, on dit, à la
page 27 on le développe beaucoup que le rôle social
et culturel de l'école doit être un instrument de cohésion.
C'est là que doit s'apprendre la tolérance et l'amitié
entre les gens de quelque origine ethnique qu'ils soient.
Alors, l'école de quartier ainsi définie devrait assurer
un enseignement en français, un enseignement en anglais à ceux
qui y ont droit, un enseignement non confessionnel pour ceux à qui cela
plaît ou avec connotation religieuse de telle ou telle nature pour ceux
qui en veulent aussi;
donc, une école véritablement polyvalente et universelle.
A notre avis, cela doit aussi être le cas des CEGEP.
Notre interprétation de cette strate d'enseignement, de ce niveau
d'enseignement qui s'appelle le collégial, actuellement, c'est un
secondaire prolongé. Dans la plupart des pays du monde, le
système scolaire est organisé en trois paliers: universitaire,
secondaire et élémentaire. Alors, le secondaire ici, au
Québec, parce que cela arrive comme ça, a été
scindé en deux réseaux d'établissements. A notre avis, il
n'y a pas lieu de faire de distinction. Si la minorité anglophone veut
se donner des collèges, il y a moyen, par le biais des
établissements privés d'enseignement, d'y arriver. Au niveau
universitaire, nous pensons que les universités, financées par
les fonds publics, devraient être des universités dont la langue
est le français. Il peut y avoir des aménagements
là-dedans pour fournir un enseignement en langue appropriée
à certains groupes ou sous-groupes de notre collectivité. Nous
croyons que les fonds publics, autrement dit, devraient être
orientés pour soutenir un système scolaire français du bas
jusqu'au sommet de la pyramide.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que dans les étapes que vous
prévoyez, c'est, à plus long terme, disons jusqu'en 1989,
l'abolition des institutions anglaises d'enseignement supérieur. Pour ce
qui est de l'élémentaire et du secondaire, vous reconnaissez
qu'au moins on devrait donner un certain nombre de connaissances de base. Ce
n'est même pas l'école anglaise totale, c'est l'école
anglaise où on donnera un certain nombre de connaissances de base aux
anglophones.
M. Charbonneau (Yvon): Dans la deuxième étape, vous
aurez remarqué qu'il n'y aura ni écoles anglaises, ni pas
anglaises. C'est une école, et les anglophones qui ont accès,
d'après nos principes de base, à l'enseignement en anglais sont
dans l'école avec les autres, mais dans leurs classes à eux ou
dans les cours qui sont organisés pour eux, et l'enseignement se donne
en anglais.
Mme Lavoie-Roux: Mais même dans ces classes, il y aura
seulement un certain nombre de connaissances qui leur sera donné en
anglais.
M. Charbonneau (Yvon): Cela pourrait certainement être une
bonne manière. Etant donné qu'il s'agit surtout du niveau
secondaire, on ne voit pas d'objection à leur servir un peu de ce qu'on
peut appeler l'immersion, mais au niveau secondaire.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Est-ce que ça va?
Le Président (M. Cardinal): Cela va. Il vous reste encore
un bon huit minutes.
Mme Lavoie-Roux: Bon!
Le Président (M. Cardinal): C'est-à-dire au
parti.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais maintenant parler de la langue
seconde. On dirait vraiment que le ministre d'Etat au développement
culturel ou les auteurs du livre blanc et la CEQ s'étaient donné
rendez-vous là-dessus. Je ne citerai que le haut de la page 28. "cela
étant posé"... On parlait de l'importance d'apprendre une autre
langue que le français. Mais le paragraphe du haut: "Cela étant
posé, on ne niera pas pourtant, car c'est une autre donnée
incontestable que parler anglais est une nécessité pour certains
Québécois francophones, à deux conditions principales, que
cela ne soit pas imposé trop tôt au détriment d'une
formation de base culturelle et technique qui doit demeurer, en n'importe quel
pays, la préoccupation d'un humanisme fondamental".
Et je pense que ceci...
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président... Mme
Lavoie-Roux: Oui.
M. Charbonneau (Yvon): ... pourrait-on avoir la page?
Mme Lavoie-Roux: Page 28 du... Ce n'est pas le vôtre. C'est
un texte du livre blanc du ministre.
M. Charbonneau (Yvon): Ah oui! Merci.
Mme Lavoie-Roux: Alors, pour ce qui a trait à cette langue
seconde, il y aurait seulement quelques questions que je voudrais vous poser.
D'abord, quelques remarques. J'ai trouvé, tout à l'heure, lorsque
vous avez parlé des classes d'immersion dans le secteur anglophone, que
vous les avez peut-être jugées un peu sévèrement en
disant qu'évidemment les parents se sentaient flattés,
étant donné qu'ils ne connaissaient que très peu la langue
française, de voir leurs enfants parler français. J'aimerais vous
demander si vous êtes déjà allé observer une de ces
classes, pendant une journée complète, par exemple, où il
ne se dit pas un seul mot d'anglais entre le professeur et les
élèves et où des enfants de 4e et de 5e années
fonctionnent totalement en français et d'une façon très
autonome.
C'était plutôt une remarque sur les classes d'immersion et
je voulais vous poser une question sur l'étude de la Grande-Bretagne. Je
pense que l'étude de la Grande-Bretagne est devenue le credo de tous
ceux qui sont contre l'enseignement d'une langue seconde au début de
l'élémentaire. Je voudrais vous référer, par
exemple, à ce que disait le coordonnateur de l'enseignement des langues
secondes à la Commission des écoles catholiques de
Montréal, en 1974. Il disait que, du point de vue pédagogique et
linguistique, on peut affirmer, avec l'ensemble des spécialistes qu'il
est nettement avantageux de commencer l'enseignement de la langue seconde
dès les premiers degrés de l'élémentaire.
Là-dessus, je voudrais vous citer l'expérience, et elle
est comme celle des Mille-Iles, très réduite aussi du point de
vue de l'échantillon. Je vous
concède cela au départ. On a fait une expérience
avec 27 élèves de 2e année à qui on a donné
des classes d'anglais en 2e année. On s'est aperçu
qu'après 50 heures d'anglais ces enfants obtenaient une performance
égale à des enfants plus vieux qui avaient eu au moins deux fois
autant d'heures d'enseignement en anglais. Plus que cela, une étude des
tests de rendement donnés en 2e année nous indique que ces
élèves obtiennent 6,18% en français et 6,61% en
mathématiques alors qu'ils avaient obtenu 5,43% en fonctionnement
intellectuel et que le rendement de l'école dans laquelle ils se
trouvaient est également inférieur à celui des
élèves de cette classe où on a introduit l'enseignement de
l'anglais en 2e année. Je ne veux pas dire que c'est une preuve
scientifique incontestable. Je pense que vous tirez des conclusions, des
classes d'accueil des Mille-Iles, qui me semblent une formule
intéressante que je ne connaissais pas, mais je pense aussi qu'avant de
rejeter du revers de la main l'enseignement de l'anglais dans les
premières années de l'élémentaire, il faudrait
peut-être aller plus loin dans nos recherches et nos
expérimentations. La question précise que je voudrais vous poser
est la suivante. Vous avez sans doute entendu dire que les groupes ethniques
qui se sont présentés ici, qui représentaient
peut-être les deux groupes ethniques les plus considérables de
Montréal, la communauté italienne et la communauté
grecque, qui, on le sait, constituent un grand nombre des étudiants du
PSBGM, ont beaucoup insisté, et en ont fait une condition de leur
intégration à l'école française, sur cette
nécessité que la langue anglaise leur soit enseignée dans
les premiers degrés de l'école française. Je pense que, si
on regarde d'autres communautés qui ont des écoles
privées, la communauté arménienne, les juifs
français, etc., ils ont aussi l'enseignement de la langue seconde dans
les premiers degrés de l'école. Alors, si on veut quand
même faciliter cette intégration de toutes ces personnes qui
montrent de la résistance à venir à l'école
française, ne croyez-vous pas qu'on pourrait peut-être
réviser certaines positions qui semblent très
arrêtées chez les membres de la CEQ, ou enfin chez
l'exécutif de la CEQ?
M. Charbonneau (Yvon): Je crois que pour ce qui est de l'aspect
de votre question qui suggère d'aller plus loin dans des recherches,
nous sommes d'accord. Nous l'avons dit ici à la commission parlementaire
sur le projet de loi 22 en 1974. Nous avons dit au gouvernement nous
commentions alors le plan de développement de l'enseignement des langues
du ministre Cloutier que c'était une improvisation irresponsable
que de permettre aux commissions scolaires d'organiser l'enseignement de
l'anglais, langue seconde, à compter de la première année,
s'il y avait une demande, à compter de la troisième année,
de laisser aller l'organisation de l'enseignement d'une deuxième langue
dans l'anarchie, finalement, et au libre gré des demandes locales. Mais
quelles sortes de demandes, quel conditionnement y a-t-il derrière ces
demandes? Je crois qu'il y a place à des recherches. Nous en souhaitons,
nous en demandons. Nous demandons que cesse l'improvisation. Prétendre
que l'enseignement de l'anglais ou d'une deuxième langue à tel
âge c'est bon, il y a des études de toutes natures
là-dessus. Nous avons, je crois, résumé ici des
études qui ont été faites dans un autre contexte, mais qui
ont au moins cette qualité d'être rigoureusement scientifiques et
de se poser dans des termes socio-politiques différents. Donc, c'est
l'aspect scientifique de cette étude que nous pouvons vraiment mettre en
relief. Du simple point de vue scientifique de l'apprentissage d'une
deuxième langue, ces gens disent, dans l'étude anglaise: II n'y a
pas de profit évident. Y a-t-il un dommage? C'est une autre
question.
Certainement qu'il n'y a pas un dommage pour toutes les
catégories d'élèves de la même manière. Cela
dépend des milieux sociaux, et si on veut transposer cela ici dans la
société du Québec, on a encore tout un travail à
faire. Il y a l'étude des professeurs de Rimouski que j'ai
mentionnée aussi, que nous avons citée en 1974, qui est quand
même une étude québécoise, qui porte sur une
observation assez systématique de la réalité et qui dit:
II n'y a pas de profit. Y a-t-il des dommages? C'est à voir. Mais quand
il n'y a pas de profit à faire quelque chose, cela nous suffit à
réclamer les mesures que nous mettons de l'avant. Quand il n'y a pas de
profit évident et quand il y a possiblement un dommage, c'est
déjà une bonne base d'inquiétude avant de permettre des
choses comme celles-là au niveau de l'organisation scolaire.
Quand vous me parlez des groupes d'immigrants qui réclament ceci
ou cela, je crois qu'il y a même des parents francophones qui le font,
énormément. Si vous émettez un sondage comme ça
c'est déjà arrivé dans certaines commissions
scolaires vous avez des pourcentages surprenants de gens qui disent:
Oui, on veut l'anglais pour nos enfants et le plus tôt possible. Mais
qu'est-ce qu'il y a derrière cette demande chez eux et chez les
immigrants? Il y a cette crainte de perdre des emplois
rémunérateurs, de ne pas gravir une certaine échelle sur
le plan social et économique. C'est ça qui est sous le oui, je
veux de l'anglais pour mes enfants. Les Québécois francophones
qui demandent ça, quand ce sont des travailleurs des milieux ouvriers,
qu'est-ce qu'ils veulent? C'est que leurs enfants n'aient pas de
problèmes, comme ils ont pu en avoir. Ils veulent que leurs enfants ne
perdent pas d'emplois, comme eux en ont vu passer au bout de leur nez toute
leur vie. Ils veulent une certaine promotion socio-économique pour leurs
enfants.
Je crois qu'il y a une mission d'éducation, de redressement des
images à faire de la part du gouvernement. Il doit dire aux
Québécois: Vous aurez droit d'accéder à tous les
échelons de la société, sur le plan économique,
culturel, au plein développement de vous-mêmes, à votre
plein épanouissement, en français. A ce moment-là, on
cessera de requérir le bilinguisme comme si on était promu parce
qu'on est bilingue. Je crois que c'est l'envers du bon sens; on voit ça
simplement dans
des pays colonisés, être promu parce qu'on est
bilingue.
Il faut donc replacer les images d'ensemble et cela, c'est une mission
fondamentale d'éducation de la part du gouvernement et de la part aussi
de l'ensemble des formations politiques. Quand les immigrants arrivent ici, les
groupes ethniques, ils sont conditionnés par qui, ces groupes ethniques?
Par les media anglophones actuellement. Cette espèce d'hystérie
qu'il y a sur les ondes et dans la presse anglophone de nous montrer comme des
gros méchants, des gens qui veulent violer les droits des autres, qui
sont irrespectueux. Je crois que ce conditionnement amène des demandes
comme ils vous en font. Si ces gens étaient rassurés qu'ils vont
pouvoir se développer en utilisant le français, ils cesseraient
de vous demander ça d'urgence.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement
vous faire remarquer qu'il n'y a aucun doute que la promotion économique
est un facteur qui motive les gens à réclamer l'enseignement de
la langue anglaise. Mais si on avait le temps de faire une autre recherche, ce
serait peut-être intéressant de voir que les professionnels
francophones, par exemple, qui occupent des postes de direction ou des hauts
postes s'assurent que leurs enfants aient la connaissance de l'anglais. Si on
faisait une étude, je pense qu'on arriverait à des conclusions
extrêmement positives.
Une dernière question, sur la question économique. Vous
dites en préambule, et je suis d'accord avec vous, que la question de la
langue est vraiment reliée à l'aliénation
économique des francophones.
Je voulais vous demander quelle importance la CEQ accorde à
l'éducation économique des étudiants. Parce qu'il ne faut
pas leurrer les gens en se disant qu'une fois que chacun pourra être
promu à tous les échelons de l'entreprise dans la langue
française, ce qui est excellent et ce à quoi on doit viser,
après ça, il n'y aura plus de problèmes
économiques. Comme le disait le ministre: Si on a l'indépendance,
on contrôlera nos leviers économiques, etc. Je pense aussi qu'il
faut réaliser qu'on a une éducation économique à
donner à nos jeunes. J'aimerais savoir dans quelle mesure c'est une de
vos préoccupations et quelle orientation donneriez-vous à cette
éducation économique.
M. Charbonneau (Yvon): Cela me fait extrêmement plaisir de
répondre à cette question, étant donné que nous
avons abordé la question au sommet de La Malbaie, il y a quelque temps.
Nous avons justement développé, à l'intérieur du
document de 100 pages que nous avions préparé pour les
circonstances et pour l'avenir, une vaste proposition concernant
l'éducation économique.
J'aimerais, M. le Président, que les pages 69, 70, 71 et 72 de
notre mémoire qui portent ce titre soient versées
également avec nos notes, en réponse à la question de Mme
Lavoie-Roux.(voir annexe 2)
Le Président (M. Cardinal): ... il faudrait que vous en
donniez un exemplaire, parce que la commission n'était pas au sommet
économique.
M. Charbonneau (Yvon): D'accord. J'enverrai des exemplaires, mais
déjà tous les députés ont reçu ce
mémoire et il a été déposé officiellement au
sommet.
Le Président (M. Cardinal): Je regrette, personnellement,
je ne l'ai point reçu. C'est peut-être parce que...
M. Charbonneau (Yvon): Mais je voudrais dire que nous avons une
proposition très substantielle d'éducation économique, et
je peux bien la développer, si le temps nous le permet.
Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, je vais
être obligé d'invoquer le règlement, parce que l'article
140, alinéa 1, dernière ligne, défend qu'on entre dans un
autre sujet, même s'il y a une question qui nous y incite. Je vous
demanderais de me remettre un exemplaire du document, en indiquant les pages
que vous voulez apporter au dossier et je m'en chargerai. Je demande au
député de Verchères si c'est une question de
règlement.
M. Charbonneau (Verchères): En fait, M. le
Président, je pense que vous avez fait la remarque que je voulais faire.
Je n'ai pas d'objection et je ne pense pas que les ministériels auraient
objection à ce qu'on parle de l'importance de l'éducation
économique. On en est d'emblée. Si on veut passer de longues
minutes sur cet aspect, je pense qu'il y a des mémoires qui concernent
le sujet particulier et qu'il serait peut-être préférable
d'utiliser le temps pour la question qui nous concerne.
Le Président (M. Cardinal): Je vous rejoins
entièrement. Si vous me le permettez, M. le député de
Verchères, je vais terminer ici. La question, je l'ai indiqué,
incitait le témoin à répondre dans ce sens. Il promet de
remettre le document, qui sera une réponse par écrit,
plutôt que d'engager le débat à l'heure où nous en
sommes.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Je veux d'abord, au
nom de notre parti, féliciter la Centrale de l'enseignement du
Québec pour ce mémoire qu'elle nous a présenté
aujourd'hui, avec le résumé qui nous permet d'avoir une vue
d'ensemble rapide. C'est un reflet assez exact de ce qu'ils ont dans leur
mémoire, qui est plus volumineux. On se rend compte que ce
mémoire est présenté par des gens de l'enseignement,
à première vue, puisqu'il est clair dans sa présentation
et assez facile à comprendre, avec ses recommandations qui suivent. Je
veux vous en remercier.
Immédiatement, je voudrais poser une question bien technique et
je la pose au président. C'est peut-être une directive...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Depuis
tantôt, on parle de président. Je voudrais savoir si on s'adresse
au président de la CEQ ou au président de la commission.
M. Grenier: Je me suis retourné. C'est à la
commission que je m'adresse.
Le Président (M. Cardinal): D'accord.
M. Grenier: J'aimerais avoir une directive. Le
député de Rouyn-Noranda m'a permis, en son absence, d'utiliser
son temps, si c'était là une permission de la commission.
Le Président (M. Cardinal): Non. Je regrette. C'est la
troisième fois ce soir qu'on me demande d'accorder le temps d'un
député absent. Comme il n'y a que deux députés
absents et que cela fait trois fois qu'on me fait la demande, il est bien
sûr que la réponse est non.
M. Charbonneau (Verchères): Le député de
Rouyn-Noranda n'aurait qu'à passer officiellement à l'Union
Nationale.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît. Le député de Mégantic-Compton, vous avez
encore dix minutes.
M. Grenier: Avec l'autorisation de la commission, peut-être
qu'il aurait été d'accord. Je n'ai pas demandé
l'autorisation de la commission.
M. le Président, question technique au président ou
à un de ses aides. Je n'ai pas saisi le nom des deux messieurs qui vous
accompagnent, à votre gauche et à votre droite. Si vous vouliez
me les répéter?
M. Charbonneau (Yvon): Oui, à ma droite, M. Sacy, il est
employé-conseil à la Centrale.
M. Grenier: D'accord.
M. Charbonneau (Yvon): Et à gauche, M. Agnaieff.
M. Grenier: Est-ce que je pourrais savoir si ces messieurs sont
d'origine canadienne?
M. Charbonneau (Yvon): Ce sont deux Canadiens. Celui qui est
à ma droite est d'origine libanaise. C'est d'ailleurs lui qui m'a
expliqué qu'au Liban les universités autres que libanaises
étaient financées à même les fonds privés,
tandis que l'université libanaise, en arabe, était à
même les fonds d'Etat.
A ma gauche, Michel Agnaieff, est originaire d'Egypte, mais il est
Canadien.
M. Grenier: II est Canadien, il a eu son visa d'Ottawa, son
permis d'Ottawa. Non, ce n'est pas pour être méchant, c'est
simplement pour une information.
M. le Président de la CEQ, vous m'excuserez, l'autre
président, j'aimerais que vous me donniez... Pardon?
Le Président (M. Cardinal): Continuez. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Oui. Vous signalez, à la page 9 de votre
mémoire, que c'est à nouer des relations d'amitié, de
fraternité, de solidarité entre les personnes; c'est de favoriser
l'échange de vues dans le respect de l'autonomie et des idées de
chaque groupe ou personne. C'était là bien sûr le point de
vue d'une organisation syndicale.
J'aimerais que vous preniez la page 2 de votre résumé de
mémoire également où on dit:
Quant aux adversaires du projet de loi no 1, la CEQ considère
qu'ils ont des réactions de racisme, frustrés de voir que des
privilèges intolérables leur étaient enlevés.
J'aimerais que vous me disiez comment vous pouvez concilier ces deux opinions
dans un même mémoire.
M. Charbonneau (Yvon): On le concilie assez bien, l'une est
à la page 2 et l'autre est à la page 27.
M. Grenier: J'ai cru voir cela. J'ai cru saisir cela. J'ai saisi
cela, M. le Président.
M. Charbonneau: A la page 27, nous projetons une image de la
société et de l'école dans la société
québécoise que nous voulons bâtir à partir de ces
propositions, tandis qu'aujourd'hui nous nous inscrivons dans le contexte
actuel et nous sommes obligés de dire des choses dures, parce que c'est
cela qui se passe, mais nous voulons bâtir l'image qui est
projetée à la page 27. La conciliation se fait entre les
duretés qu'il faut se dire à présent et la
société de solidarité qu'on veut se bâtir d'ici dix,
douze ans, moyennant la réalisation de nos propositions. C'est
très simple à saisir mais plus difficile à
réaliser, je l'admets.
M. Grenier: C'est-à-dire qu'on retient quand même ce
qu'on doit retenir sur cela.
Une Voix:... à la page 27...
M. Grenier: Non, c'est parce que ces questions sont importantes
pour moi, comme la première que j'ai posée tout à l'heure,
M. le député de Taschereau, je vais vous dire que cet
après-midi j'ai entendu aussi de la bouche du président que quand
on a des postes à confier à des chimistes, par exemple, on n'est
pas obligé de prendre des immigrants, on doit prendre des chômeurs
sur place, des Canadiens français. Je voulais alors lui poser la
question.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, je m'excuse...
M. Guay: Je ne vois pas ce que la chimie a à voir avec
cela.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! Deux brèves remarques. Quand vous parlez du
président, qualifiez-le, parce qu'au journal des Débats, quand on
dira que le président a dit telle chose, cela deviendra fort
amphibologique, ambigu, et bon!
M. Grenier: Je tenterai de spécifier, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: ... responsabilité.
M. Ciaccia: Avez-vous honte de l'autre président, M. le
Président de la commission?
M. Grenier: J'ai passablement confondu.
Le Président (M. Cardinal): Deuxièmement, je
voudrais que vous vous adressiez soit au président de la commission,
soit au président de la CEQ et non pas à vos collègues
à cette table.
M. Grenier: II ne faudrait pas à l'avenir éviter
d'inviter des présidents.
Cet après-midi, vous avez parlé de l'enseignement d'une
langue seconde, au cours secondaire. C'est un sujet qui m'a fortement
intéressé, puisque j'ai enseigné, pendant de nombreuses
années à ce niveau. J'ai été membre de votre
centrale pendant plusieurs années. J'ai une opinion sur l'enseignement
de la langue seconde, mais je dois vous dire qu'elle peut facilement être
modifiée, comme j'ai eu l'occasion de vous en dire un mot
déjà. J'aimerais que vous me fassiez part des mémoires qui
vous ont semblé convaincants pour l'enseignement de la langue seconde au
secondaire. J'aimerais également savoir si vous avez en main des
documents qui n'ont peut-être pas réussi à vous convaincre
mais que vous trouvez quand même positifs pour l'enseignement de la
langue seconde au niveau du primaire.
M. Charbonneau (Yvon): Je crois qu'il faut se
référer aux mêmes études, les études que nous
citons, celles de la NFER ou les études citées plus loin du
groupe de l'Université du Québec à Rimouski qui traitent
de l'enseignement d'une langue seconde, notamment de l'anglais aux
francophones, autant à partir de l'examen de la réalité
à l'élémentaire qu'au secondaire.
Nous nous appuyons globalement sur ces études pour en arriver aux
conclusions que nous déduisons qui, en réalité, ne sont
que la reproduction de ces études qui ont été faites en
1974. Je crois que c'est une étude très substantielle de
près de 300 pages qui a été faite par des gens qui sont
payés par l'Etat finalement, en milieu universitaire, et qui ont
scruté le problème. On peut critiquer certains aspects de leur
échantillon ou leur méthode de travail, mais encore faut-il en
prendre connaissance. Il y a des recherches qui ont été faites,
fort substantielles, ici et ailleurs, qui traitent de la question d'une
façon globale.
Il nous semble que, quand il n'y a pas d'utilité établie
à faire quelque chose en milieu scolaire, il faut s'en abstenir et il
faut étudier la question avant de la propager ou avant de l'encourager
à même les fonds publics. Cet argument simple nous suffit
actuellement à mettre en garde le gouvernement contre les politiques du
passé et à réviser des choses et à les regarder
substantiellement avant de se lancer à nouveau dans ces ornières
financées à grand prix dans le passé, au détriment
sans doute d'autres priorités en éducation.
Quand on rencontre le ministre de l'Education, il nous dit: Avec $40
millions, j'aurais fait des merveilles si cela ne m'avait pas été
enlevé à la dernière minute, mais il y a eu $100 millions
d'investis sous la rubrique du plan de développement de l'enseignement
des langues, pourquoi? Pour acheter des magnétophones à chaque
enseignant de français? Pour ouvrir des laboratoires de langue un peu
partout dans les écoles, des laboratoires qui ne fonctionnent pas
maintenant parce qu'on coupe des ressources, au niveau technique et au niveau
professionnel? Si c'est pour aboutir à cela, l'anarchie, la
"gadgetisation" de l'enseignement, nous autres on dit qu'on n'est pas d'accord
et on dit que les maigres millions que les gouvernements ont à investir
en éducation devraient être canalisés vers des
priorités réelles au niveau élémentaire telles que
le développement de l'éducation physique, l'enseignement des arts
et des priorités de base, l'enseignement de la langue française,
c'est quand même une priorité, cela aussi.
Avant de se tracasser pour des priorités dont l'utilité
n'est pas établie, on devrait d'abord investir vers l'éducation
de base de la personne au niveau élémentaire.
M. Grenier: Merci. J'ai noté également, à la
page 10 de votre résumé, cette différence entre votre
centrale et le projet de loi que nous avons devant nous. L'article 3 dit "que
les enfants dont l'un des parents a fait ses études
élémentaires dans une école de langue anglaise au Canada
aient eu accès à un enseignement de la langue anglaise, à
la condition que les deux parents soient d'accord". J'aimerais connaître,
parce qu'il y a d'autres mémoires qui nous ont été
présentés, ce qui vous a poussés à en venir
à cette conclusion?
M. Charbonneau (Yvon): Nous, étant donné que nous
sommes une organisation syndicale et non pas une organisation politique ou un
mouvement nationaliste, ayant une option explicite indépendantiste, nous
connaissons, en gros, l'orientation individuelle de nos membres mais n'avons
pas de mandat quant à un nouveau cadre constitutionnel. Nous avons voulu
ici faire une proposition qui soit rapidement acceptable dans le cadre
constitutionnel actuel, parce que nous n'avons pas de mandat d'aller dans le
sens d'une option constitutionnelle changée, modifiée. Il y a des
débats en cours dans notre organisation. Nous avons reconnu l'importance
pour le mouvement
syndical, y compris notre centrale, de faire le débat de la
question nationale, mais dans les mois ou les années qui viennent.
Alors, nous avons voulu avoir une proposition qui soit rapidement acceptable et
qui ne nie pas la mobilité interprovinciale ou qui ne handicape en
aucune manière la venue au Québec d'anglophones qui refuseraient,
par ailleurs, de venir s'ils pensaient que leurs enfants seraient privés
de l'enseignement en anglais. Nous n'avons pas voulu nous mêler de cet
ordre de débat pour le moment, compte tenu du cadre constitutionnel et
compte tenu des mandats que nous avons, ce qui ne veut pas dire qu'avec le
temps, on ne pourra pas arriver à préciser nos positions, par
ailleurs. Je voudrais faire remarquer que notre position quand même est
globale. Nous avons peut-être une position plus souple ou plus large que
le gouvernement sur ce point, mais par ailleurs, pour ceux qui vivent au
Québec actuellement, nous avons des exigences assez précises.
Pour les francophones qui ont inscrit leurs enfants à l'école
anglaise, nous demandons que, dès septembre, ces enfants soient
réinscrits au secteur français. Nous demandons également
que des mesures soient prises à l'égard des enfants d'immigrants
qui seraient actuellement en voie de s'angliciser et que des mesures d'accueil
et de transition leur permettant de réintégrer le secteur
français soient prises dès septembre. Alors, c'est à
prendre dans un ensemble. Nous sommes peut-être plus souples sous un
angle. D'un autre côté, nous pensons qu'il y a des mesures
d'urgence à prendre, compte tenu de la population qui est ici.
M. Grenier: Je comprends bien que vous recommandez quand
même, dans votre texte actuellement, que les enfants d'autres provinces
de milieu anglophone puissent s'intégrer à l'école
anglophone du Québec.
M. Charbonneau (Yvon): Oui. Vous lisez un paragraphe, mais je
vous répète que ce n'est pas à prendre par morceau. Nous
avons voulu avoir une conception derrière cela.
M. Grenier: D'accord.
M. Charbonneau (Yvon): Si vous prenez ce morceau, si vous tirez
argument de cette proposition, nous vous suggérons que pour ne pas
déformer la pensée de la CEQ, vous ne négligiez pas les
autres paragraphes aussi; sinon, ce serait une utilisation d'un extrait hors
contexte.
M. Grenier: D'accord. Quand vous avez dit que les anciens
gouvernements, les gouvernements d'ancienne édition avaient fait une
tentative de législation dans l'enseignement, qu'est-ce que c'est
exactement?
M. Charbonneau (Yvon): Vous vous référez
à...
M. Grenier: Cet après-midi à des questions
posées par le ministre ou en faisant l'abrégé de votre
mémoire, vous avez parlé de gouvernements d'ancienne
édition qui avaient tenté de légiférer dans le
secteur de l'enseignement.
M. Charbonneau (Yvon): Ce serait le temps d'utiliser "attentat"
au lieu de "tentative".
M. Grenier: Je ne sais pas. J'ai siégé sous un
ancien gouvernement qui était dirigé par le député
d'Anjou, Pierre-Marc Johnson, puis par le député de Vanier, qui
est Jean-François Bertrand. Je n'ai pas l'impression que c'était
un gouvernement d'attentat. Ce n'est pas mon impression.
M. Charbonneau (Yvon): Non. Je crois qu'il était
dirigé par les pères de ces députés, et non pas par
ces députés. Il faut être précis dans la
question.
M. Grenier: Je vous demande une réponse sur la question de
cet après-midi.
M. Charbonneau (Yvon): Oui...
M. Grenier: Je veux savoir ce que vous entendez par tentative de
législation dans l'enseignement.
M. Charbonneau (Yvon): J'appelle cela des tentatives. La loi 63
et la loi 22, la 22 essayant de recoudre les déchirures de la 63,
maladroitement, je crois qu'avec les débats qui sont devant nous
à propos du projet de loi no 1, on s'aperçoit que
c'étaient des tentatives de législation.
D'accord, il y a du monde qui a levé le bras, qui a dit: On est
pour ça. Mais l'autre bras était sensiblement tordu dans le dos
pour que celui-là se lève. Je crois qu'actuellement on est en
train de reprendre le débat de fond en comble. Il y en a ici qui sont
décidés, semble-t-il, à trancher cette question dans le
sens des intérêts de la majorité. Si nous disons que le
projet de loi no 1 est foncièrement démocratique, c'est parce
qu'il veut d'abord asseoir les droits de la majorité. On ne pense pas
que ce soit antidémocratique que de concevoir une loi dans ce
sens-là, quand on voit que la majorité, de façon
évidente et statistique, est entre 80% et 88% à cet égard
et qu'elle est respectueuse aussi d'un statut à accorder, de fait,
à des minorités. Je crois que c'est une loi qui est
foncièrement orientée dans un sens progressiste qui plaît
à une organisation syndicale représentative des travailleurs de
l'enseignement.
M. Grenier: Je vous remercie. Je ne veux pas abuser de
l'allocation de temps que le président m'a faite. J'espère avoir
posé quelques questions qui vous ont permis de passer vos trois
dernières pages.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Charbonneau (Yvon): Je vous remercie comme ex-membre.
Le Président (M. Cardinal): M. le député
de
Mégantic-Compton, comme vous avez vous-même avoué
c'est au journal des Débats que je vous ai accordé
deux minutes de plus cet après-midi et que je vous en ai accordé
deux autres ce soir, cela remplace peut-être les huit minutes qui avaient
été accordées au parti ministériel. Sur ce, je
cède la parole à M. le député de Mont-Royal
à qui il reste deux minutes.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président de la commission.
M. le Président de la commission et M. le Président de la
CEQ, les remarques... Je n'aurai le temps que de poser une question. Si le
président de la commission me le permet, je voudrais faire un petit
préambule avant de poser cette question, comme a l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Cardinal): Même règle
qu'à l'Assemblée nationale, pourvu qu'il soit pertinent, bref et
conduise à la question.
M. Ciaccia: Merci! J'ai eu l'impression, à la suite de
votre présentation sur le projet de loi no 1 et même de la
réponse et de la réaction du ministre d'Etat au
développement culturel, que vous étiez contre deux choses: contre
le racisme et contre les Anglais. Je trouve un peu bizarre votre conception de
la démocratie, quand vous dites que le gouvernement devrait vous
écouter, vous, parce que vous avez voté pour eux, mais qu'il ne
devrait pas écouter le mémoire qui a été
présenté avant vous, parce que ce ne sont pas eux qui ont
élu le Parti québécois. Ma perception de la
démocratie était toujours que, quand un gouvernement était
élu, il était élu pour tout le peuple et devait
écouter tout le monde. S'il y avait des points valables qui
étaient apportés par des groupes minoritaires ou d'autres groupes
qui n'étaient pas d'accord avec eux, ils devaient être
écoutés quand même. Je crois bien qu'il y en a beaucoup qui
vont trouver difficile à accepter que vous parliez pour tous les
francophones. Plusieurs francophones sont venus ici et se sont prononcés
contre le bill 1, contre certains de ses aspects. On ne parle pas contre le but
du projet de loi, la promotion et le fait de parler le français, d'en
faire la langue de communication et de travail. Ce n'est pas ça. On
parle contre les modalités et les atteintes à la liberté,
spécifiquement à l'article 172.
J'entends le président de la commission qui fait des remous
dans...
Le Président (M. Cardinal): Je calcule les secondes.
M. Ciaccia: Vous calculez les secondes. Oui, mon collègue
me rappelle ici qu'il n'y a que 40% des Québécois qui ont
voté pour le Parti québécois. Cela, c'est son point
à lui, ce n'est pas le mien.
M. Guay: C'est son problème.
M. Ciaccia: Mais c'est la vérité.
Quelqu'un a porté à l'attention du ministre d'Etat au
développement culturel que, si le projet de loi était
adopté tel quel, sans modification on ne parle pas ici de la
langue de travail, de la langue de communication et d'enseignement il
pourrait coûter au Québec 23 000 emplois. Je ne sais pas comment
ils ont calculé ça, mais c'est le point qu'ils ont
souligné au ministre et, apparemment, la réponse du ministre...
Il peut me corriger, parce que j'ai lu ça dans les journaux. Cela se
peut que les journaux se trompent.
M. Laurin: Je vous corrige immédiatement. Ce n'est pas
ça que j'ai dit.
M. Ciaccia: Bon! D'après le ministre, il était
prêt à accepter cette perte d'emplois afin d'arriver aux buts
sociaux du projet de loi.
M. Laurin:... journal.
Le Présidant (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Ciaccia: Je voudrais poser la question, peut-être pas
à vous, mais au président de la CEQ. Si c'était le cas, et
plusieurs compagnies, plusieurs représentants de l'industrie... Vous
soulevez la question économique, mais vos raisons qui font que vous
êtes en faveur du projet de loi no 1 sont des raisons économiques.
C'est pour vos membres. La même chose pour PACT. C'est pour des raisons
économiques. La question de la culture, parfois, il ne faut pas se
leurrer. Il ne faut pas avoir d'illusion. On utilise la culture pour nos
propres fins. Alors, vous aussi, c'est pour des raisons économiques.
Si le projet de loi, tel que rédigé, coûte 23 000
emplois, pensez-vous qu'il devrait être adopté tel quel quand
même, même si cela va causer des difficultés
économiques?
M. Charbonneau (Yvon): Je crois qu'il y a beaucoup de choses dans
votre question, y compris dans son préambule et que je ne voudrais
surtout pas laisser passer. Vous avez réussi à placer une
formule, à savoir que la CEQ serait contre le racisme et contre les
Anglais. C'est une bonne formule, mais il est un peu tard, il y a beaucoup de
journalistes qui sont partis, mais tout de même, elle va peut-être
passer.
Je vous ferai remarquer que c'est foncièrement malheureux que
quelqu'un essaie d'implanter cette impression à partir du mémoire
que nous avons développé ici. Je vous référerais,
en particulier, aux pages 44, 45 et de nombreux autres extraits ici qui
montrent la place et le respect que nous sommes prêts à
reconnaître...
M. Ciaccia: Je me suis référé non seulement
au mémoire mais à vos remarques et à vos
représentations et aux réponses du ministre.
M. Charbonneau (Yvon): Les réponses du ministre, ce n'est
pas... Je vous ferai remarquer que c'est foncièrement malheureux que
vous déduisiez ceci de notre mémoire et je vous inviterais
à le lire. Je comprends que vous ne l'ayez reçu que ven-
dredi passé, mais peut-être pourriez-vous prendre le temps
de le lire comme il le faut...
M. Ciaccia: Je l'ai lu.
M. Charbonneau (Yvon): ... et vous apercevoir que nous accordons
une place extrêmement importante... Nous reconnaissons le statut des
anglophones au Québec et la place de l'anglais dans l'enseignement. Tout
ce qu'il y a, c'est que nous recommandons certains moyens pour arriver à
cet enseignement de l'anglais qui ne sont pas ceux utilisés
actuellement.
Là-dessus, je ne voudrais absolument pas laisser passer l'ombre
d'une telle affirmation qui est contre les principes fondamentaux de notre
organisation syndicale. D'ailleurs, c'est largement développé
à partir du passage de la page 27 que j'ai cité in extenso, tout
à l'heure.
M. Ciaccia: Vous enlevez les institutions des anglophones, par
exemple.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Mont-Royal, je vous en prie. M. le
Président de la CEQ et non pas de la commission vient d'employer, sans
le savoir, l'article 96. C'était son droit strict.
M. Charbonneau (Yvon): 96?
Le Président (M. Cardinal): C'est un article qui permet
à quelqu'un qui a fait un discours de corriger l'interprétation
qu'on en fait.
M. Charbonneau (Yvon): Cela sera d'appris. Je voudrais mentionner
que nous nous opposons à ce genre de terrorisme qui est propagé
par certaines personnes qui ont beaucoup de pouvoir économique
actuellement, au Québec, et qui disent, à tort et à
travers, et sans aucune donnée précise: II y a 33 000 emplois par
ci, il y a ci, il y a ça, il y a les sièges sociaux...
Je crois que ceci fait partie d'une campagne d'opinion publique qui est
très puissante actuellement et qui impressionne des gens. Elles ont
essayé cela parfois avant les élections et comme cela n'a pas
réussi, elles l'essaient après. Je crois que c'est ce qu'il faut
vraiment mettre en lumière, et nous avons une proposition pour
répondre à cela, M. le député...
M. Ciaccia: Ceux qui ont présenté le mémoire
avant vous, vous les accusez de terrorisme? Vous les avez vus? C'étaient
des terroristes?
M. Charbonneau (Yvon): II y a des terroristes avec un
silencieux.
M. Ciaccia: Vous, vous êtes pacifique. Le
Président (M. Cardinal): A l'ordre!
M. Ciaccia: Vous ne vous êtes jamais engagé dans de
telles procédures terroristes.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Ciaccia: Vous n'avez jamais dit: Je veux briser le
système? Vous n'avez jamais dit cela, vous?
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: Oui, mais si on va s'engager...
Le Président (M. Cardinal): ... à l'ordre, s'il
vous plaît! A l'ordre! Je rappelle et le député de
Mont-Royal et le président de la CEQ à l'ordre, s'il vous
plaît! Je prierais M. Charbonneau, brièvement, de terminer sa
réponse au député de Mont-Royal.
M. Charbonneau (Yvon): En réponse au député
de Mont-Royal, sur la question de l'économie, je voudrais souligner que
nous sommes tout à fait préoccupés du développement
économique du Québec, mais un développement
économique orienté à servir les intérêts de
ceux qui sont ici, et nous croyons que le développement
économique du Québec actuellement dessert les
intérêts de la population du Québec.
Nous avons largement montré, dans un mémoire dont les
données n'ont été réfutées par personne,
à l'occasion du sommet et je voudrais demander au
président de la commission de bien vouloir inclure dans notre
déposition d'aujourd'hui les extraits de notre mémoire qui
demandent un plan de développement économique et social du
Québec pour les intérêts des Québécois.
A ce moment-là, les 33 000 emplois, cela ne ferait plus peur
à personne si l'économie au Québec était
planifiée, développée dans le sens des
intérêts de la majorité ici. Tout le monde trouverait
à s'employer et utilement et on pourrait mieux résister à
ces manoeuvres de chantage que certains ne manquent pas de multiplier
actuellement. C'est en développant l'économie, mais
l'économie pour les Québécois et pour la majorité
et non pas en laissant dilapider nos ressources naturelles par des monopoles et
par n'importe quelle multinationale qui entre ici à bar ouvert et qui
laisse les Québécois autour du trou une fois qu'ils ont
exploité le terrain de la mine. Cela a trop duré et à ce
moment-là on aura de quoi répondre à tous ceux qui nous
menacent de déménager les sièges sociaux ailleurs, li y
aura un développement économique qui aura son centre au
Québec et non pas qui préconise une économie ouverte
à la dilapidation de nos richesses naturelles et des travailleurs qui
sont ici. C'est cela la vrai réponse à toutes ces mesures qu'on
nous met dans les oreilles actuellement à travers les media et
malheureusement à travers certains députés.
Le Président (M. Cardinal): M. le président
Charbonneau, je vous prierais, comme je l'ai indi-
que tantôt, de me remettre une copie de ce mémoire.
M. Ciaccia: Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Article 96. Le président de la CEQ m'a...
Le Président (M. Cardinal): Oui. C'est à votre
tour.
M. Ciaccia: C'est à mon tour. Il m'a imputé des
motifs, que certaines gens placent certains mots à travers les
députés. Je voudrais rappeler au président de la
commission et au président de la CEQ que ce n'est pas le cas, que nous
avons le droit ici, comme parlementaires, et spécialement comme
parlementaires dans l'Opposition officielle, de faire ressortir et poser des
questions pour que le gouvernement et que les témoins qui
présentent des mémoires élaborent leur position et fassent
ressortir complètement devant le public les données du projet de
loi et leurs positions. Alors, je n'accepte pas que ce soit à travers
les paroles de certains députés que l'on fasse ressortir
certaines déclarations. Nous avons le droit de poser ces questions,
c'est notre droit et je n'accepte pas de telles accusations, M. le
Président de la commission.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Rosemont.
M. Paquette: Sur la question de règlement, je pense que le
député de Mont-Royal n'avait pas à utiliser l'article 96,
parce que, de la façon que j'ai compris le président de la CEQ,
il a tout simplement noté la coïncidence de la campagne que font
les milieux économiques et les propos du député de
Mont-Royal.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Rosemont, à l'ordre, s'il vous plaît! Non, M. le
député de Mont-Royal. Je ne veux pas que sur l'intervention de M.
le député de Rosemont vous souleviez une question de
règlement. M. Charbon-neau avait le droit de vous répondre, vous
aviez le droit de le corriger en vertu de l'article 96. Je pense que l'incident
est clos. Je donne la parole au député de Châteauguay, avec
deux minutes.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je tiens d'abord, au
nom de tous les députés du parti ministériel, à
vous remercier, vous de la CEQ, d'être venus témoigner devant la
commission. Je vous remercie particulièrement pour quelque chose de
nouveau que vous nous avez apporté, à savoir la deuxième
partie de votre mémoire qui parle spécifiquement d'une politique
d'apprentissage des langues. Je pense que ce document pourra être d'une
très grande utilité pour le ministre de l'Education dans les
prochains mois. Je pense que cela valait la peine d'être remarqué.
Je partage aussi votre prudence quant à l'enseignement d'une langue
autre que la sienne en bas âge. J'ai vécu dramatiquement, dans ma
municipalité, une expérience d'une commission scolaire qui,
à partir d'une seule question, sans explication, a
généralisé l'enseignement de l'anglais en première,
deuxième et troisième année sous prétexte que les
parents le voulaient d'une façon majoritaire, à partir, comme je
le disais, d'une seule question, sans encadrement et surtout sans en faire
véritablement un projet pilote. Cela me paraissait dramatique à
ce moment-là et, à partir des propos que vous avez
apportés, le drame me paraît encore plus grand. Vous avez
parlé, dans votre mémoire, de français standard. Vous
rejetez la notion de français international que vous associez d'ailleurs
à un petit groupe d'annonceurs, comme vous dites. Vous rejetez le
français qu'on dit de Paris pour vous en tenir à une notion de
français standard. Est-ce que vous pourriez davantage expliciter cette
notion?
M. Charbonneau (Yvon): Oui, c'est en effet un
élément important de notre mémoire que d'essayer de cerner
le type de français, le niveau ou la sorte de langue française
à laquelle on devrait se référer comme norme au niveau de
l'enseignement. Nous avons un développement qui méritera, je
crois, d'être étudié encore davantage de notre part, mais
d'être pris en considération aussi par ceux qui prolongeront le
travail de cette loi.
Une fois que la loi sera adoptée, quelle qu'elle soit, il faudra
encore mettre en oeuvre beaucoup de règlements ou de politiques au
niveau de l'enseignement du français.
Nous essayons ici d'apporter un certain nombre de distinctions qui, je
crois, n'ont pas été faites souvent jusqu'à maintenant,
d'abord entre les niveaux ou les variétés de la langue
française à même lesquels il faut se bâtir une
politique.
Je reprends ceci en me référant tout
particulièrement à la page 48 et à la page 49. Tout
d'abord, nous avons été coupables de parler français,
historiquement parlant, mais aussi beaucoup se sentent coupables de mal parler
le français. Qu'est-ce que c'est que ce terrain, ce substrat à
partir duquel il faut construire une politique d'enseignement des langues? Nous
nous sommes arrêtés à cela et je crois que c est en mettant
de l'avant une conception scientifique des variations linguistiques, en nous
accoutumant à ce genre de distinctions qu'on pourra s'établir une
politique de l'enseignement du français qui prenne en compte, mais qui
ne nie pas l'acquis ou ce qu'est la langue des Québécois.
Nous en arrivons à émettre certains paramètres,
certains critères, tant sur le plan géographique que sur le plan
social, qui peuvent nous amener à cerner ce qu'on pourrait
considérer un modèle de référence quant à
quel français enseigner. Si nous nous éloignons de la notion de
français international, elle a peut-être rendu certains services,
mais, à l'examen, nous croyons qu'elle tend à désincarner
l'approche d'une langue.
Si on dit aux jeunes que dans une école...
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, vous allez
être obligé de conclure; j'ai accordé beaucoup de latitude,
de flexibilité à tout le monde et vraiment, il faudrait que vous
puissiez terminer.
A l'ordre, quand même! Je n'ai pas le choix.
M. Charbonneau (Yvon): Allons-y en raccourci, mais je crois qu'il
faudra bien prendre connaissance de ces 44 pages de notre mémoire. C'est
la moitié, nous y avons accordé beaucoup de soin. Il y a
tellement de gens qui disent que la CEQ fait de la politique, se mêle de
ce qui ne la regarde pas, pour une fois, n'est-ce pas, où de l'avis de
ses critiques, nous accordons la moitié de notre mémoire à
des questions pédagogiques, je crois qu'on pourrait peut-être
s'expliquer davantage, à une autre occasion sans doute.
M. Ciaccia: C'est l'autre moitié qui nous achale un
peu.
Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez, M.
Charbonneau. Il ne s'agit pas du tout de juger de la qualité du
mémoire. C'est qu'en fait nous avons pris un temps important à
cause du sérieux du mémoire, de son volume et que je dois
continuer ce que j'ai fait depuis le début et vous demander de conclure
brièvement.
M. Charbonneau (Yvon): En concluant, disons que le concept auquel
on en arrive ici, comme sous l'appellation "français standard", c'est de
permettre à tous les jeunes Québécois, sans se renier,
sans se sentir coupables de parler un français avec une coloration
particulière, lorsque besoin en est, d'accéder à un
niveau, à un registre de français qui leur permette de
communiquer tous ensemble clairement, dans le respect de leur culture,
intégralement, et, en même temps, de communiquer sur le plan
international avec d'autres groupes membres de la francophonie.
"Français standard", c'est un point de référence qui
comprend ce double volet.
En concluant, M. le Président, je dois tout de même ne pas
laisser passer quelques allusions aux contours incertains qui ont pu être
faites à propos de ceux qui m'accompagnent à gauche et à
droite. Je crois qu'ils sont deux parfaits exemples d'immigrants qui ont choisi
de s'intégrer à la majorité francophone et de la servir
à titre de travailleurs de l'enseignement, et parmi eux. Je crois que
c'est un hommage qu'on peut leur rendre et, derrière eux, atteindre tous
ceux qui ont accepté, provenant d'autres origines ethniques, d'autres
cieux, de se joindre à la majorité francophone. Je crois que nous
pouvons travailler en très grande harmonie et en très grande
solidarité et amitié, de quelque origine ethnique que nous
soyons, pourvu que des mécanismes respectueux de la majorité
soient toujours mis en place.
M. Grenier: M. le Président, sur une question de
règlement...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: ... M. le Président a fait allusion à
une intervention que j'ai faite tout à l'heure. Soyez sûrs que,
personnellement, moi aussi je félicite ces gens qui sont ici. Ce n'est
pas dans ce but que c'était fait, c'était par suite d'une
déclaration faite cet après-midi, à savoir que, quand on
avait besoin d'un chimiste, on n'était pas obligé d'aller le
chercher à l'extérieur du Québec, on pouvait le prendre
parmi nos chômeurs.
C'est uniquement cela. Je pense qu'il faut se féliciter d'avoir
des hommes comme cela de chaque côté du président de la
CEQ.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je croyais qu'il restait quelques secondes pour
le Parti libéral.
Le Président (M. Cardinal): Non, je regrette. A l'ordre,
s'il vous plaît! Vos deux autres collègues savent que le temps a
été totalement épuisé.
M. Ciaccia: S'il avait eu cinq secondes, voulez-vous savoir
quelle question il aurait posée?
Le Président (M. Cardinal): Non. A l'ordre, s'il vous
plaît! Je voudrais, avant que les gens ne quittent, au nom de tous les
membres de la commission, remercier M. Charbonneau et les porte-parole qui
l'accompagnaient de la Centrale de l'enseignement du Québec. Je les
remercie particulièrement d'être demeurés avec nous en ce
début de soirée. J'invite immédiatement le prochain
organisme, l'Université Concordia.
Est-ce que M. Michael Sheldon est ici? Si vous voulez vous asseoir, s'il
vous plaît, identifier votre organisme et les personnes qui vous
accompagnent.
M. Sheldon (Michael): M. le Président, je suis Michael
Sheldon, mais je ne suis pas le chef de la délégation; c'est le
recteur, M. John O'Brien, qui est ici, qui va parler pour
l'université.
Le Président (M. Cardinal): Bonsoir, M. O'Brien. Vous avez
la parole. Vous connaissez les règles du jeu, vous avez 20 minutes.
Mais, auparavant, je demanderais que l'autre porte-parole soit
identifié. Vous avez une personne avec vous?
M. O'Brien (John): Oui, M. le Président. Je vous
présente M. David Allnutt, directeur de l'information de
l'Université Concordia.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Tous savent que
l'Université Concordia est à Montréal. M. le recteur, je
vous donne la parole; vous avez 20 minutes pour exposer votre
mémoire.
Université Concordia
M. O'Brien: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais
vous lire notre mémoire, mais, avant de commencer, je voudrais vous dire
que, même si le nom de l'Université Concordia ne date que de
trois ans, l'organisme que je représente a ses
antécédents au dernier siècle.
Il y a d'abord eu l'Université Sir George Williams, avec
laquelle, il y a trois ans, Loyola s'est fusionné pour former
l'Université Concordia. C'est une université de Montréal
qui compte parmi ses étudiants à peu près 25 000 personnes
étudiant à temps complet et à temps partiel. C'est donc en
tant qu'établissement universitaire qui existe depuis assez longtemps au
Québec, sous une forme ou sous une autre, qu'on voudrait vous
présenter notre mémoire ce soir. Puisque le mémoire n'a
que sept pages, je crois que ce qui serait le plus facile, ce serait de vous le
lire et, évidemment, d'en discuter par la suite.
Donc, je commence à lire. L'Université Concordia soumet le
présent mémoire à la commission parlementaire parce
qu'elle estime que c'est sa responsabilité en tant qu'un des principaux
établissements d'enseignement supérieur du Québec. Les
prises de position exprimées ici découlent, premièrement,
du souci des droits et libertés de la personne que se fait naturellement
une université dans un pays démocratique et, deuxièmement,
de notre compréhension des éléments essentiels et des
besoins connexes de la société québécoise en plein
épanouissement.
Nous tenons à ajouter que nous voyons essentiellement les
institutions et les collectivités comme les personnes qui les composent,
encore que des personnes ayant des aspirations et des antécédents
différents; nous serions bouleversés de voir sacrifier des
personnes à des idées, toutes nobles qu'elles soient.
Nous comptons bien que la prédominance du caractère
français du Québec s'affirmera de plus en plus. Cela doit
signifier que le français sera utilisé davantage, en particulier
dans le commerce et l'industrie, et qu'il est nécessaire que les
Québécois qui ne le parlent pas actuellement, en
acquièrent une bonne connaissance s'ils veulent participer pleinement
à la vie de la collectivité.
Mais il faut permettre au temps de faire son oeuvre, comme cela se passe
présentement; la francisation instantanée, sur commande, peut
saper les fondations de notre société et de notre
économie.
Dans ce contexte, que le Québec soit officiellement bilingue ou
unilingue ne nous paraît pas être la question clef.
En fait, de nombreux Québécois, entourés comme ils
le sont de Nord-Américains de langue anglaise, auront besoin d'utiliser
l'anglais à diverses fins sociales, culturelles et commerciales, et ils
voudront le faire. Aussi, c'est dans l'intérêt du Québec
qu'il y reste une minorité viable et prospère dont la langue
principale est l'anglais.
Le 17 novembre, j'ai prononcé une allocution, lors de la
collation des grades à notre université soeur, McGill. Voici
certains passages de ce discours: "Bref, les anglophones du Québec se
rapprochent, de nos jours, beaucoup plus qu'auparavant, des autres groupes
minoritaires des sociétés occidentales, ou du moins davantage
qu'ils ne l'ont toujours pensé... Cependant, je pense que nous y
gagnerions en assumant pleinement notre rôle et en admettant que les
groupes minoritaires, en plus de prospérer, sauvegardent leurs
intérêts vitaux et contribuent au bien-être
général de la société dans son ensemble quand ils
savent intelligemment tirer parti de leur situation... J'aimerais ajouter un
mot sur l'attitude de la majorité francophone à notre
égard. On est en droit d'attendre d'une majorité qu'elle fasse
preuve de tolérance et d'ouverture d'esprit envers les minorités
qui vivent en son sein."
Que sont ces minorités? Elles ont la diversité d'origine
et de caractéristiques sociales et économiques commune aux
collectivités nord-américaines. Ce qui lie ensemble les divers
éléments constituant environ 20% de la population du
Québec et plus de 35% de la population de Montréal, c'est l'usage
de l'anglais comme principale langue d'enseignement et de communication. Le
gouvernement peut soit accepter ce fait, en considérant les droits de la
minorité comme complémentaires à la prédominance du
français ou opter pour le refus et la pénalisation.
Nous ne nous en prenons pas à la logique de l'histoire; nous
soutenons que les mesures législatives se rapportant à cette
question doivent tenir justement compte des besoins de tous les
Québécois.
Nous ne croyons pas qu'il est nécessaire, pour affirmer le
caractère français du Québec, d'avoir recours à
certains des procédés proposés dans le projet de loi no 1.
Une solide tradition de pragmatisme et de compromis constitue l'un des
fondements de notre pays et même de notre continent
démocratique et généralement prospère. Elle
comprend l'idée que le bon sens et l'intérêt personnel
éclairé puissent être beaucoup plus productifs que les
règlements rigides et nous espérons que l'on agira dans cet
esprit.
Nous exprimons maintenant nos idées sur certains aspects
particuliers du projet de loi no 1 en nous fondant sur ce que nous
considérons comme les besoins raisonnables des personnes, hommes et
femmes, qui vivent aujourd'hui au Québec. Nous ne défendons pas
les institutions comme telles, qu'il s'agisse des systèmes
d'enseignements ou des sièges sociaux, à moins qu'ils ne
contribuent directement ou indirectement au bien-être des personnes
formant la collectivité.
Nous laissons à d'autres mieux qualifiés le soin de
discuter de la légalité de restreindre l'usage de l'anglais dans
la législature et les cours de justice. Cependant, nous protestons
contre l'injustice de telles mesures et de la proposition d'amender la Charte
des droits et libertés de la personne et de la subordonner ainsi
à la loi. Faire fi des droits acquis d'un million de citoyens c'est,
semble-t-il, faire preuve d'un étrange manque d'à-propos dans des
mesures législatives proposées par un gouvernement au Canada
cette année.
Se rattache à cela notre inquiétude face à la
déclaration contenue dans le préambule du projet de loi: "...la
langue française est, depuis toujours, la langue du peuple
québécois". Tout comme, croyons-nous, la majorité des
Québécois de toutes langues se considèrent toujours
eux-mêmes
comme des Canadiens, ainsi la plupart des membres de la minorité,
personnes parlant de nombreuses langues, se considèrent toujours
eux-mêmes comme des Québécois. Le ministre responsable du
projet de loi a parlé dans les termes suivants de l'article 112, lors
d'une interview parue dans le Jour: "Non, un Québécois n'est pas
seulement un francophone. C'est toute personne qui réside au
Québec et sait assez de français pour fonctionner". Que la
participation appropriée à la vie québécoise exige
au moins une connaissance d'usage du français constitue un fait
supplémentaire et accepté, mais la définition d'un
Québécois ne devrait nullement se fonder sur la langue.
Nous soutenons que le Québec attirera le mieux les
investissements dont il a besoin en faisant un usage équilibré et
approprié des deux langues officielles du Canada, à vrai dire de
toutes les qualités linguistiques de ses citoyens. Les mesures
découlant du projet de loi devront accroître les capacités
de la population d'obtenir des emplois intéressants et lucratifs et, par
conséquent, d'augmenter les ressources de la province et de renforcer
ainsi l'économie. Il est nécessaire d'éliminer les
éléments qui empêchent d'atteindre ce but particulier des
mesures législatives proposées.
L'information publique: L'objectif de la publicité, tout comme
des avis et des panneaux de signalisation routière, est de communiquer
des renseignements, dans certains cas des renseignements essentiels. Nous
plaidons fortement pour le droit qu'ont les membres de la minorité,
quelle que soit leur langue, de renseigner les autres membres dans cette langue
sur les biens et services sous toute forme de publicité, à
condition que ces renseignements sauf dans les media unilingues
soient accompagnés d'un texte français auquel on accorde au moins
une égale importance. De même, nous sommes d'avis que les versions
anglaises des panneaux de signalisation routière devraient être
acceptables quand le message ne peut pas être transmis convenablement par
des symboles internationaux. L'interdiction de l'anglais à l'article 24
semble contredire son acceptation à l'article 16 et à l'article
22 selon lesquels l'anglais peut être utilisé pour des raisons de
sécurité publique.
La langue des affaires. C'est un fait que les entreprises se francisent
de plus en plus au Québec et une sage législation linguistique
accélérera ce mouvement. Nous nous opposons aux aspects du projet
de loi no 1 qui sont, ou peuvent s'avérer, inutilement autoritaires dans
les circonstances présentes, en donnant à une idée plus
d'importance qu'aux considérations humaines.
Selon l'article 37, un employeur doit justifier à l'Office de la
langue française l'exigence de la connaissance d'une langue autre que le
français pour occuper un emploi particulier et des règlements
seront établis à cet effet. Nous considérons qu'il n'est
pas nécessaire, et même que cela va à rencontre du but
visé, que ces règlements imposent aux employeurs de prouver
chaque fois que l'accomplissement des tâches exige la connaissance d'une
autre langue.
En ce qui concerne le programme de francisation, nous pouvons accepter
une politique qui limite, en temps et lieu, après un avis
appropiré, l'octroi de contrats aux entreprises qui ont satisfait aux
exigences du programme.
Nous trouvons inacceptable, toutefois, de déclarer que des permis
seront refusés aux entreprises qui ne s'y seront pas conformées.
Essentiellement, cela permet au gouvernement d'exercer un droit de vie et de
mort sur une entreprise comme résultat d'une exigence qui n'est pas
rattachée à l'objectif du permis. Cela met en danger la
qualité essentielle des relations entre un gouvernement
démocratique et la population.
En général, il est, selon nous, odieux de tenter de faire
utiliser le français au moyen de la pénalisation, et la
création de la commission de surveillance entraîne de
sérieuses réserves de notre part. Ce n'est pas le moyen de gagner
le respect durable de la langue française. Nous réitérons
que l'intérêt personnel éclairé a des chances de
s'avérer beaucoup plus fructueux.
La définition que le ministre donne d'un Québécois,
à laquelle nous avons fait allusion précédemment, indique
que l'utilisation accrue de la langue française est le seul objectif du
programme de francisation et qu'elle déterminera les exigences s'y
rattachant. Nous avons bon espoir que cela demeurera l'esprit dans lequel les
règlements seront établis et les décisions administratives
seront prises.
La langue de l'enseignement. La déclaration que le conseil
d'administration de l'université a faite le 20 avril contenait la
position suivante, que nous réaffirmons maintenant: "Le gouvernement
vise assez naturellement à mettre un terme à l'assimilation des
nouveaux immigrants à la communauté anglophone. Nous croyons
qu'une politique insistant sur le fait que les nouveaux arrivants dont la
langue première n'est pas l'anglais envoient leurs enfants dans des
écoles françaises aidera à atteindre l'objectif du
gouvernement. Toutefois, un groupe déjà établi au
Québec est assujetti à la même règle. Les enfants
des familles non anglaises qui n'ont pas de frères ni de soeurs dans le
secteur d'enseignement anglais se voient refuser le choix du secteur
d'enseignement. Cela nous apparaît comme une discrimination inutile
contre un nombre toujours moins grand de jeunes Québécois, et
nous recommandons fortement que ce projet n'ait pas force de loi".
A moins que nous soyons totalement dans l'erreur, le présent
gouvernement reconnaît qu'une collectivité anglophone viable
devrait exister au Québec et que cette collectivité a droit
à un secteur d'enseignement complet. Nous croyons qu'il est sain et
nécessaire pour cette collectivité de pouvoir accueillir d'autres
personnes qui parlent l'anglais, qu'elles viennent du Canada ou d'un autre
pays. Il peut bien arriver que ces personnes ne choisissent pas le secteur
d'enseignement anglophone pour leurs enfants, mais elles devraient avoir cette
possibilité. Cette ouverture d'esprit, bien déterminée et
contrôlée, n'aura probablement pas d'effet sur l'équilibre
entre la majo-
rite et la minorité dans la province et ne mettra pas du tout en
danger la prédominance de la langue française au
Québec.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci beaucoup, M. O'Brien. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
bien sincèrement M. le recteur O'Brien pour le mémoire qu'il
vient de nous présenter au nom de son université.
D'entrée de jeux, je voudrais lui dire à quel point je
suis d'accord avec lui pour lui dire que nous serions, nous aussi,
bouleversés de voir sacrifier des personnes à des idées,
toutes nobles qu'elles soient, ainsi qu'il le dit dans son premier
paragraphe.
Je ne sais pas si les idées auxquelles il pense sont les
mêmes que les nôtres. Je ne sais pas si les personnes qu'il entend
défendre sont les mêmes que les nôtres.
Ceci indique peut-être la faiblesse de pareils arguments que l'on
pourrait se renvoyer indéfiniment, dans ce sens que, derrière
toute idée, il y a toujours des personnes auxquelles on pense, il y a
toujours un quotidien, du concret auquel nous pensons. Je veux lui dire que, si
nous avons une idée qu'il peut ne pas partager, c'est que nous pensons
que cette idée peut, précisément, aider à
améliorer le sort de certaines personnes qui ont peut-être eu
à souffrir, dans le passé, de certaines conditions qui ont nui
à leur développement.
Je voudrais lui dire aussi que nous ne songeons pas du tout à
"une francisation instantanée et sur commande qui pourrait saper les
fondations de notre société et de notre économie". C'est
la raison pour laquelle nous avons établi des objectifs assez tointains
et que même, particulièrement en ce qui concerne les programmes de
francisation nous nous en sommes expliqués clairement
l'atteinte de ces objectifs peut prendre, dans certains cas, une dizaine, une
quinzaine ou même une vingtaine d'années. Il ne s'agit donc pas
d'une francisation instantanée, mais d'un processus graduel qui tiendra
compte des contraintes qu'il nous faut respecter.
Je suis aussi bien d'accord avec lui lorsqu'il affirme "qu'on est en
droit d'attendre d'une majorité qu'elle fasse preuve de tolérance
et d'ouverture d'esprit envers les minorités qui vivent en son sein". Je
pense que, sur ce point, la majorité francophone au Québec peut
donner l'exemple à toutes les majorités anglophones des autres
provinces. On l'a assez dit: Depuis des années on l'a fait et,
même avec la loi 1, je pense que le Québec pourra continuer de
donner l'exemple à toutes les autres provinces du Canada.
Cela sera encore la seule province, en particulier, où l'on
pourra voir le maintien d'un système d'enseignement complet de la
maternelle à l'université, y compris, pour une minorité
anglophone de 20%, le maintien de trois grandes universités dont M.
O'Brien s'enorgueillit d'être l'un des recteurs, l'un des
présidents. Je suis donc tout à fait d'accord avec lui
là-dessus. Nous n'entendons pas, non plus, nous en prendre aux droits de
la minorité, c'est-à-dire opter à leur égard pour
le refus et la pénalisation, comme semble le craindre Mgr le recteur. Au
contraire nous nous sommes expliqués souventefois à ce
sujet notre attitude se veut respectueuse, se veut ouverte à
l'endroit des minorités. Même nous entendons, comme je l'ai
souvent dit, offrir à ces minorités tous les moyens et les
instruments dont elles ont besoin non seulement pour se maintenir en existence,
mais pour se développer de la façon la plus dynamique qui
soit.
Non, la loi à laquelle nous pensons s'inscrit dans cette
tradition dont parle M. O'Brien qui est une tradition de pragmatisme et de
compromis. C'est la raison pour laquelle plusieurs groupes qui sont venus
témoigner ici à cette commission trouvent que le gouvernement ne
va pas assez loin et auraient souhaité qu'il aille plus loin. Le
gouvernement, au contraire, au nom du réalisme politique, au nom du
pragmatisme, au nom d'un sain esprit de compromis, leur a répondu qu'il
préférait s'en tenir à la solution nuancée,
modérée qu'il a adoptée.
Nous ne voulons donc pas, comme peut le craindre M. le recteur O'Brien,
"faire fi des droits acquis d'un million de citoyens". Tout ce que nous voulons
peut-être, c'est demander à ce million de citoyens de
reconsidérer leurs habitudes, certaines habitudes, de rajuster certaines
coutumes pour faire droit à des éléments nouveaux comme,
par exemple, l'acquisition de la langue de la majorité pour certains
actes de la vie publique, tout en conservant, bien sûr, son réseau
institutionnel, scolaire, social, culturel. Il nous semble que ce n'est pas
"faire fi des droits acquis d'un million de citoyens" que de leur demander, par
ce simple réajustement et ces nouvelles habitudes, de faire droit
à l'évolution du peuple québécois et, en
particulier, de sa majorité francophone, tout en conservant,
évidemment, l'essentiel de son réseau, de ses conditions de vie
qui lui ont permis de mener ici au Québec le genre de vie dynamique
qu'il a mené.
Quant aux articles particuliers qui semblent inspirer des
inquiétudes à l'Université Concordia, je me suis
arrêté particulièrement à celui qui touche la
signalisation routière. Vous semblez craindre que, si nous nous en
tenons à l'article tel que présentement libellé, cela
pourrait mettre en danger la sécurité publique. Je vous avoue que
cela peut me sembler assez difficile à accepter parce que, si je
l'acceptais, je comprendrais difficilement que tant de Québécois
francophones ou de Belges ou de Suisses francophones ou de Français
n'aient pas plus d'accident quand ils vont aux Etats-Unis ou dans les provinces
anglophones où les panneaux de signalisation sont uniquement en anglais.
Même si le point semble mineur, il me semble quand même que ceci
peut nous montrer qu'il faut proportionner l'argument à
l'élément en cause. Il ne faut pas que l'argument dépasse
l'élément considéré. Encore une fois, nous ne
voulons pas donner plus d'importance aux idées qu'aux
considérations humaines. Nous avons essayé, nous essaierons
encore, à l'aide des sugges-
tions qui nous seront faites, d'en tenir compte le plus possible.
Mais je voudrais vous dire en terminant que si, dans la nouvelle loi,
nous utilisons, pour la première fois en ce domaine, la
pénalisation, nous ne voudrions pas que vous considériez
véritablement cette innovation comme odieuse. Si nous l'avons fait,
c'est précisément parce qu'il nous semblait important, dans un
domaine où il y a beaucoup à faire, d'utiliser la même
méthode que le législateur utilise dans tous les domaines sur
lesquels il légifère, c'est-à-dire prévoir des
sanctions qui, au demeurant, ne sont pas catastrophiques et que certains
même nous ont blâmés de vouloir trop
légères.
Au fond, le processus législatif, dans n'importe quelle
démocratie, prévoit toujours une certaine pénalisation
puisque c'est peut-être une des caractéristiques essentielles de
la loi, en ce sens que le législateur n'intervient que lorsque
l'évolution ou les pressions de certains groupes l'ont incité
à légiférer au nom du bien commun ou au nom de
l'intérêt public, et la sanction prend place, un peu comme en
éducation, comme un des éléments naturels
nécessaires du processus, sans que l'on doive nécessairement
qualifier cet élément d'odieux, mais simplement le qualifier
comme étant un élément naturel qui s'inscrit dans les
conduites humaines.
En terminant, je voudrais, encore une fois, remercier M. le recteur
O'Brien pour son mémoire, lui dire que nous serons sensibles à
l'esprit dont ce mémoire témoigne, et que c'est dans un esprit
d'ouverture que nous tenterons de rédiger d'une façon finale le
projet de loi afin de poursuivre le même objectif qui est le sien,
c'est-à-dire le rapprochement de nos deux collectivités qui
cohabitent, bien sûr, mais qui devraient peut-être se
connaître davantage dans la poursuite d'intérêts qui nous
tiennent à coeur à tous. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
O'Brien.
M. O'Brien: Si je le pouvais, M. le Président, je voudrais
remercier M. le ministre de ses commentaires. Je voudrais faire un commentaire
assez général. Je crois que la chose principale que
l'université voudrait présenter devant la commission
parlementaire, c'est un peu ceci. La question d'une loi sur la langue est assez
naturelle dans les circonstances qui existent. Ce n'est pas contre
l'idée d'une telle loi, dans les circonstances, au Québec, que
nous voulons protester. Par contre, nous pensons que l'approche qui est prise
dans une telle loi est assez importante. Les changements qui ont eu lieu au
Québec depuis dix ans sont assez importants.
M. le ministre a demandé si la communauté anglophone
change ses préoccupations ou son mode de pensée pour accepter
certains changements. C'est un processus qui a commencé il y a quelque
temps et qui est maintenant pas mal avancé. Dans ces circonstances, il
faut être prudent dans le type de loi à adopter puisque je crois
qu'on a déjà au Québec la possibilité de
créer un type de société qui peut répondre
pleinement aux préoccupations des francophones, que la langue
française soit protégée et qu'il y ait un
épanouissement de la culture francophone au Québec. On pourrait,
en même temps, garder la culture anglophone qui existe aussi depuis bien
des années ici au Québec et ceci, sans créer trop de
danger pour le français.
Evidemment, on doit se rendre compte des problèmes d'une langue
qui se trouve dans un coin de l'Amérique du Nord. C'est un fait et
depuis des années, au Québec, on y a pensé, on a pris des
mesures. Mais on ne devrait pas laisser de côté des changements
importants, soit que la communauté anglophone a déjà
beaucoup fait dans la direction que suggère M. le ministre.
Alors, le problème qui existe à ce moment-ci, c'est de
trouver une loi qui peut en même temps sauvegarder les
intérêts des francophones, des Québécois de langue
française et en même temps sauvegarder les intérêts
des personnes anglophones qui habitent aussi le Québec et ceci depuis
bien longtemps dans certains cas.
Pour ma part, je crois que c'est bien possible de trouver ces moyens et
que ces résultats peuvent se produire sans certaines des mesures qui
sont prônées dans le projet de loi actuellement. Dans ces
circonstances, je crois que certains amendements, tels que
suggérés, seraient utiles, pas uniquement dans
l'intérêt des personnes d'expression anglaise mais aussi dans
l'intérêt du Québec de façon générale,
y compris les francophones.
C'est dans cette approche que l'université a
présenté ce mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci, M. O'Brien. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Premièrement,
je voudrais remercier M. O'Brien et l'Université Concordia pour le
mémoire qu'ils nous ont présenté. Je crois même que
le ministre est d'accord; c'est un mémoire très
modéré, très positif et qui contient peut-être une
philosophie différente de celle du gouvernement et de celle du projet de
loi no 1.
Si je comprends bien, vous croyez, votre mémoire est basé
sur ce fait, qu'il y a deux collectivités principales au Québec
corrigez-moi si je me trompe et qu'il faut prendre autant en
considération le fait qu'il y a une collectivité anglophone qui a
existé depuis des siècles, 200 ans, et aussi la
collectivité francophone. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas
réaliser que la majorité est francophone, et de plus en plus, et
même l'objectif principal du projet de loi no 1 est que le
français, non seulement soit protégé, mais que tous les
francophones aient le droit de travailler, de communiquer et de vivre dans leur
propre langue, ce qui est naturel.
Mais, vous dites qu'il y a aussi un million de personnes au
Québec qui font partie, que ce soit à 14%, à 20%, d'une
autre collectivité. Est-ce que c'est un peu la base de votre
mémoire?
M. O'Brien: On pourrait dire qu'on y ajoute un
complément.
M. Ciaccia: Oui.
M. O'Brien: Le complément, c'est qu'on voudrait regarder
ce type de question surtout du point de vue des personnes. Qu'il y ait deux
collectivités, très bien, si on veut s'exprimer ainsi, c'est une
vérité. Mais en même temps, il y a six millions de
personnes et on voudrait regarder les droits et les intérêts des
personnes. Ceci étant dit, on arrive à ce que le million de
personnes qui sont surtout d'expression anglaise ont aussi leurs droits et
leurs intérêts. Ces personnes devront trouver une place au
Québec comme citoyens, devront se trouver chez eux, au Québec,
tout comme les Québécois d'expression française.
Quand on regarde la situation de ce point de vue, du point de vue
philosophique, si on veut s'exprimer ainsi, on voit une
nécessité, quand on essaie d'évaluer des projets de loi,
de penser aux résultats de cette loi sur toutes ces personnes, et
d'essayer de trouver un juste milieu qui peut servir les intérêts
de toutes les personnes. Parfois c'est facile, parfois c'est difficile.
Mais ce qui existe dans la situation actuelle au Québec,
étant donné le fait que les personnes d'expression anglaise ont
bien pris connaissance des changements qui se sont produits et que voudrait
produire le gouvernement, c'est que, dans ces circonstances, il est possible de
trouver des solutions qui soient moins coercitives que dans d'autres
circonstances. Il faudrait en tenir compte.
M. Ciaccia: Le ministre a souligné un aspect de votre
mémoire, dans lequel vous dites que vous ne voulez pas de francisation
instantanée, et le ministre semblait dire que lui non plus ne visait pas
la francisation instantanée du Québec au niveau des
anglophones.
Je voudrais porter à votre attention quelques articles, ou un
article du projet de loi peut-être que c'est l'intention du
ministre d'amender cet article, je ne le sais pas, vu ses déclarations
disant qu'il ne veut pas faire une francisation instantanée
l'article 23 qui va obliger tous les organismes municipaux ou scolaires,
même dont les administrés sont en majorité de langue
anglaise cela pourrait être toutes les municipalités
où il y a beaucoup d'anglophones, ou les commissions scolaires comme la
PSBGM de faire tout leur travail en français avant l'année
1983.
Ma réaction à moi, je ne sais pas si vous avez la
même, c'est que, après 200 ans que ces personnes, ces
communautés, ces institutions font leur travail en anglais, je
n'enlève pas la possibilité qu'elles soient bilingues et qu'elles
fournissent des services en français pour ceux qui sont de langue
française. Mais généralement, on s'attend qu'en 1983 tous
ces organismes vont faire tout leur travail, leurs communications, etc., en
français.
D'après moi, cela semble aller à l'encontre des
déclarations du ministre qui dit que ce ne sera pas instantané.
Est-ce que vous croyez qu'exiger cela dans cinq ou six ans serait quelque chose
de trop vite ou est-ce que vous prévoyez une période plus
étendue ou bien même est-ce que vous préconisez
peut-être que, s'il y a une institution ou un organisme à
majorité de langue anglaise, ils pourraient continuer à
rédiger leurs procès-verbaux, leurs communications en anglais,
quitte à donner aussi les services en français pour les gens de
langue française? Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires sur
cela?
M. O'Brien: Oui, il me semble que le type d'organisme dont on
parle se trouvera dans la nécessité d'employer le français
pour beaucoup de fins, pour des fins externes évidemment, pour des
échanges avec l'administration, avec le gouvernement, le
ministère de l'Education etc., pour traiter de plus avec des commerces
extérieurs et le reste. Dans ce sens, il y aura une francisation de ses
activités.
Par contre, si ce sont des organismes qui servent surtout, pour diverses
raisons, pour l'administration des anglophones, que ce soit de petites villes
anglophones ou que ce soit des commissions scolaires anglophones, par la force
des circonstances, ce sera normal que la plupart des employés soient des
anglophones. Que ces gens doivent faire toutes leurs affaires en
français, c'est un peu anormal. Si c'était nécessaire pour
la protection du français au Québec, on devrait peut-être
le demander comme une nécessité. Ce serait malheureux, mais ce
serait comme cela.
Dans les circonstances, je ne crois pas que ce type de mesure va toucher
la question du sort du français au Québec. C'est peut-être
un exemple où la force d'une idée a été
appliquée sans penser aux personnes qui seront, de fait, assujetties
à l'application de l'idée.
M. Ciaccia: Comme vous le disiez dans votre mémoire, vous
ne voulez pas "sacrifier des personnes à des idées, toutes nobles
qu'elles soient." Le ministre était d'accord avec vous.
Un autre aspect, c'est que dans le mémoire qui a
été présenté avant le vôtre par la CEQ, je
remarque, à la page 14 de leur sommaire, qu'ils voient la disparition du
secteur anglophone et une intégration graduelle des
établissements de niveau postsecondaire, collèges et
universités. Je remarque que le ministre vous a dit qu'il ne voyait pas
une francisation instantanée. Je veux bien le croire, mais je remarque
aussi que le ministre n'a pas contredit la CEQ quand elle a
présenté ce mémoire.
M. Laurin: Question de privilège, M. le Président.
J'ai dit que le gouvernement n'était pas du tout d'accord sur cette
proposition, qu'elle dépassait la portée du projet de loi.
M. Ciaccia: Ah! très bien. "I stand corrected." Je suis
heureux de savoir que le ministre n'est pas...
Quel effet, alors, voyez-vous sur Concordia? Sur votre institution, quel
effet le projet de loi no 1 pourrait-il avoir?
M. O'Brien: C'est une question qui nous intéresse
beaucoup. Nous n'avons pas de réponse précise, évidemment,
puisque l'histoire va nous dire, à l'avenir, ce qui va se passer de ce
point de vue.
M. Ciaccia: Mais je remarque que vous n'êtes pas tellement
intéressés à l'effet sur l'institution. Vous étiez
plutôt intéressés à l'effet sur les individus et aux
effets que cela pourrait avoir sur la société quant aux mesures
coercitives et aux mesures qui touchent à l'aspect des droits
personnels, telles que l'article 172.
M. O'Brien: Oui, c'est le point de vue qu'on a pris pour les fins
de ce mémoire. Evidemment, nous nous intéressons aussi à
l'avenir de l'université. Je suis bien content, évidemment,
d'entendre les mots que M. le ministre vient de prononcer.
Le projet de loi no 1 va toucher, d'une façon ou d'une autre,
l'université. C'est évident. On ne peut pas produire de
changements importants dans la société sans que les
universités, entre autres, en soient touchées. Au niveau des
détails, pour septembre prochain, une question se pose sur les
inscriptions. Jusqu'à ce moment, les demandes d'admission sont
semblables à ce qui a existé par le passé, mais il faut
ajouter que, de nos jours, et ceci depuis un certain nombre d'années, le
nombre des demandes d'admission ne dit pas toute l'histoire. Ce qui arrive au
mois de septembre, c'est toujours le moment de la vérité devant
ces affaires. Il y a tant de bouleversements qui touchent le niveau
universitaire, et ceci, partout au Canada, partout dans le monde, par exemple,
que nous trouvons très difficile, de savoir d'une année à
l'autre ce qui va se passer.
Je crois, pour ma part, que le rôle de l'université va
continuer. Ce sera, en partie, comme université anglophone. Etant
donné l'existence d'une communauté anglophone, ce rôle va
continuer. En même temps, nous sommes aussi une université
québécoise. La planification universitaire au Québec,
depuis dix ans, a procédé dans une optique de planification
générale pour un rôle pour des universités.
L'Université Concordia y trouve son rôle parmi les autres. Cela va
changer d'année en année, dans l'avenir, sans doute. Je suis
convaincu que l'université va continuer à remplir son
rôle.
M. Ciaccia: Merci. Je vais laisser la parole à mes
collègues.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. M. le recteur, je
voudrais, au nom de notre parti, l'Union Nationale, vous remercier pour la
présentation de votre mémoire. Point n'est besoin de vous dire
que nous sommes témoins ici de plusieurs exposés depuis le
début. Je dois vous dire que votre mémoire me semble un des rares
qui nous arrive, extrêmement pondéré et qui se colle
à l'actuel Québec, à la réalité
québécoise. C'est probablement ce qui fait que, des deux
côtés de la table, vous voyez des gens fort
intéressés, puisqu'on voit que ce mémoire, même s'il
n'est pas très volumineux, a été pensé et
amène ici des opinions qui sont celles que partagent pas mal de monde au
Québec.
Il y a, bien sûr, des questions sur lesquelles on peut
s'interroger. Je peux vous dire que j'ai été un peu
étonné de lire, à la première page de votre texte,
que, pour vous, cela vous laisse un peu indifférent que le Québec
soit bilingue. Vous êtes revenu, un peu plus tard, à une question
posée par le député de Mont-Royal, que vous voyez quand
même des difficultés au niveau de commissions scolaires qui
pourraient être presque unilingues, ou conseils municipaux. J'ai des
problèmes comme cela dans mon comté de Mégantic-Compton.
Je m'interroge, à savoir que si on n'a pas deux langues officielles, par
exemple, comment pourrait-on régler ces petites taquineries qui peuvent
nous arriver au niveau de l'administration. Remarquez bien, personnellement,
qu'un parti politique défende une option ou l'autre, un programme de
parti on dit souvent "coulé dans le ciment", mais pour vous, on
va dire que ce n'est pas coulé dans le marbre cela peut
être modifié. Je suis content de le lire dans votre
mémoire, parce que pour moi, un mémoire d'université,
comme vous le dites ici, qui est un des principaux établissements
d'enseignement supérieur au Québec et fort réputé
dans le milieu anglophone, cela m'impressionne. Je sais qu'il est plus
important que le mémoire d'un individu qui viendrait devant nous. Quand
vous dites ici que vous n'êtes pas nécessairement attaché
à deux langues officielles, j'aimerais savoir sur quoi vous vous
êtes basé pour dire que ce n'est pas absolument
nécessaire.
M. O'Brien: On n'a pas dit qu'on était indifférent
devant cette question. On a dit plutôt et ceci, dans le contexte
actuel, évidemment qu'on n'est pas convaincu que ce soit
là la question clé de l'affaire. On commence par accepter que,
par la force de la logique, le français soit beaucoup utilisé au
Québec pour rester à ce niveau assez général et non
technique d'expression.
Alors, voilà une vérité de base. Mais, en
deuxième lieu, on a suggéré que la place de la
minorité anglophone est aussi assez importante. Voici des positions de
base. On y ajoute, comme vous, de regarder la situation du point de vue des
personnes.
Ceci étant dit, la chose principale, ce n'est pas cette
expression technique "langue officielle". Si la langue officielle est le
français, mais si, en même temps, on décrit un rôle
pour l'anglais et pour la communauté anglophone qui respecte ses
intérêts et ses besoins, alors qu'on peut dire que le
Québec est bilingue ou que le Québec est uni-lingue, mais
protège en même temps le rôle de l'anglais et de
l'anglophone, alors, on peut se tirer d'affaire. C'est peut-être une
approche pragmatique, qui cherche à voir ce qui va se passer sous la loi
et pas tellement ce qui existe dans le premier article.
M. Grenier: Je m'excuse d'avoir l'air d'aller
rapidement, mais je sais que le président va me rappeler à
l'ordre si je dépasse mon temps. Je voudrais aller un peu plus vite,
parce que j'ai plusieurs questions à vous poser.
Si je vous ai posé cette question, c'est que j'ai
été témoin récemment de municipalités qui
devaient faire affaires avec le gouvernement uniquement en français et
je les ai vues, à ce moment-là, forcées d'engager un
traducteur pour leurs réunions de conseil, qu'elles devaient payer $8000
par année pour continuer de faire affaires avec le gouvernement. Je me
demandais comment on pouvait s'en sortir avec une seule langue officielle si on
ne permettait pas à ces minorités de pouvoir avoir
réception au gouvernement dans leur langue. De toute façon, vous
m'avez donné une partie de la réponse que je cherchais. Je vous
remercie.
Pensez-vous qu'une loi est nécessaire pour corriger actuellement
cette montée de francisation qui se fait au Québec depuis les
années soixante-deux, soixante-trois ou soixante et un, si vous voulez?
Est-ce que vous pensez que des mesures incitatives auraient été
suffisantes?
M. O'Brien: Des lois sur la langue existent déjà au
Québec depuis une certaine période. Dans ce sens, on ne devrait
pas penser que c'est la première arrivée d'une Charte de la
langue française. Dans ce contexte, il y a peut-être avantage
à voir l'expérience qui existe déjà et corriger
certains problèmes qui pourraient exister. Les événements
qui se produisent chaque septembre à la rentrée scolaire ne sont
certainement pas très acceptables. Si on pouvait trouver des solutions
acceptables pour les parties en cause, il y aurait des avantages à
légiférer. Avec l'expérience et avec l'acceptation accrue
des réalités du Québec d'aujourd'hui, il serait
peut-être possible de le faire, mais, en même temps, on ne devrait
pas dépasser la mesure qui est nécessaire. On a maintenant
l'avantage de plusieurs années d'efforts et, de ce point de vue, je
suggère que ce n'est pas le moment d'ajouter des pressions dans une
situation qui évolue dans une direction assez satisfaisante pour
l'avenir du français. Il n'y a pas d'avantage à essayer de faire
dans 18 mois ce qui pourrait être fait peut-être dans 30 mois et
dans des circonstances bien plus acceptables pour tout le monde.
M. Grenier: Merci, M. le recteur. Vous avez également un
pourcentage de francophones qui vont à l'Université Concordia.
Est-ce que vous pourriez me dire de quel ordre ces étudiants
francophones sont à votre université et qu'est-ce qu'ils vont
chercher chez vous?
M. O'Brien: Nous n'avons pas de statistiques très fiables
à ce sujet, puisque définir un étudiant francophone pour
fins de recensement n'est pas facile. Nous avons l'habitude de dire que c'est
15%. Je vous donne ce chiffre sans quand même le garantir au niveau
très détaillé.
M. Grenier: D'accord.
M. O'Brien: Ce qu'ils vont chercher chez nous, c'est bien
varié. D'abord, nous sommes une université de centre-ville qui a
des cours du soir qui, avant la création de l'Université du
Québec à Montréal, était peut-être la seule
qui offrait des cours du soir qui étaient disponibles, étant
donné que l'Université de Montréal était un peu
loin pour le travailleur qui quittait son emploi à 5 heures ou 5 h 30 le
soir. Alors, il y a une certaine habitude qui existe et qui va peut-être
diminuer avec le temps pendant que l'Université du Québec
à Montréal développe ses programmes.
En deuxième lieu, étant donné que la planification
universitaire au Québec a donné à chaque université
certains programmes qui ne sont pas toujours dédoublés partout,
on trouve un nombre limité de programmes qui sont peut-être peu
disponibles ailleurs.
En troisième lieu, ce qui existe toujours dans le monde
universitaire, c'est que certaines universités sont connues pour
certains programmes, peut-être à tort dans certains cas, mais
c'est une chose qui est connue et la clientèle suit ces
réputations.
Alors, ce sera pour diverses raisons qu'on reçoit des
étudiants francophones.
M. Grenier: Si le président me permet...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Oui, une dernière question, M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Puis-je la poser à deux volets?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Du
moment que les volets seront petits et courts.
M. Grenier: Des petits volets. Non. Je n'en aurai qu'une. Cela va
faire mieux, M. le député? Je n'en aurai qu'une pour ne pas
dépasser le temps.
Vous dites à la page 4 de votre mémoire que "la
définition d'un Québécois ne devrait nullement se fonder
sur la langue." Nullement ou peut-être uniquement devrait-on dire... ne
devrait pas se fonder uniquement sur la langue. Quel est à votre point
de vue la définition d'un véritable Québécois?
M. O'Brien: Dans le sens d'un projet de loi de ce genre, je crois
que c'est la résidence, la citoyenneté. C'est cette approche qui
est la seule approche utile. Je n'ai pas de définition légale
à vous offrir. Je ne suis pas expert, mais je crois que c'est important
que chaque personne qui habite le Québec, qui, à ce moment-ci,
est citoyen canadien, soit pleinement un Québécois. Dans ces
circonstances, on ne peut pas, évidemment, baser une définition
du Québécois sur la langue.
M. Grenier: Merci beaucoup, M. le recteur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, j'aimerais tout de
même mentionner que la lecture de ce mémoire est pour moi un repos
parce qu'il m'a été facile de constater depuis le début de
nos travaux que les mémoires qui nous sont présentés par
le monde de l'éducation au Québec sont, habituellement, aux deux
extrêmes. Les francophones défendent leur point de vue comme si la
minorité au Québec n'avait pas bougé depuis les 20
dernières années et trop d'anglophones voudraient revoir la
province de Québec comme elle était il y a 20 ans. Depuis 20 ans,
il y a eu au Québec plus qu'une évolution. Je crois qu'on peut
dire que c'est même une petite révolution en ce sens que, dans
bien des pays, les changements profonds qui ont caractérisé
révolution de cette province ont été bien des fois le
résultat de perturbations sociales extrêmement graves, ce que nous
n'avons pas eu, malgré nos épreuves, à subir ici au
Québec.
Ceci dit, je crois que votre mémoire est un résultat
je l'interprète comme tel de l'évolution qui a
caractérisé les membres du groupe de la minorité à
laquelle vous appartenez. Ce mémoire, à mon avis, pourrait
être signé par bien des groupes francophones et serait facilement
acceptable par la grande majorité des Québécois.
M. Guay: Est-ce que cela inclut le Parti libéral?
M. Saint-Germain: Cela inclut tous les gens, quand je parle des
Québécois. Malheureusement, les partis politiques, de nos jours,
ne correspondent jamais à la volonté de la majorité, bien
qu'on comprenne très bien que, d'après nos institutions, celui
qui a la majorité doit nécessairement dominer.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! En vertu de
l'article 140, revenons au sujet, s'il vous plaît.
M. Saint-Germain: Je crois, M. le Président, que je suis
bien dans le sujet.
M. Ciaccia: C'est dans le sujet.
M. Saint-Germain: Je crois que je suis exactement dans le sujet.
J'ai dit d'ailleurs qu'il serait acceptable à la majorité des
Québécois, indépendamment de leur option politique...
Malheureusement, et je le dis sans malice, je suis toujours un peu mal à
l'aise d'entendre le ministre défendre son point de vue en revenant
toujours sur le passé. Je sais pertinemment qu'il a constaté, lui
aussi, l'évolution de nos minorités au Québec et je serais
désireux de l'entendre décrire la manière dont il voit
cette évolution, car je crois que cela nous aiderait
énormément à comprendre la philosophie qui sous-tend le
bill qu'il a déposé.
Je ne dirai pas la même chose des mémoires qui nous sont
remis par le monde de l'industrie, par exemple. J'ai remarqué que, dans
le monde de l'industrie, on voit les choses, les faits, en partant de
l'actualité et qu'en observant et en analysant les faits et la situation
des deux groupes qui existent au Québec aujourd'hui, on essaie de
bâtir une politique valable qui colle à la réalité
du Québec de nos jours. Ceci dit, M. le Président, j'aimerais
dire à nos invités que ce sont les modifications que le ministre
apportera à son bill qui nous indiqueront si on a tenu compte de votre
mémoire et de vos opinions. Dans le préambule, on dit:
"L'Assemblée nationale constate que la langue française est,
depuis toujours, la langue du peuple québécois et que c'est elle
qui lui permet d'exprimer son identité". Surtout lorsqu'on dit "La
langue du peuple québécois", je sais pertinemment que pour les
minorités du Québec, et je parle ici surtout de la
minorité de langue anglaise, ceci est inacceptable, parce qu'on semble
oublier qu'elle existe ici depuis nombre d'années. On pourrait dire
à la rigueur que le chapitre premier qui parle de la langue officielle
du Québec est peut-être une suite à ce premier paragraphe.
Le chapitre premier, en nous parlant de la langue officielle du Québec,
ne mentionne rien, non plus, au sujet de la langue anglaise qui pourtant existe
de fait au Québec. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
Accepteriez-vous que le chapitre premier s'intitule simplement comme ceci: La
langue officielle du Québec?
Je dis surtout ceci, parce qu'il y a des choses, comme les
numéros de ces différentes lois que nous avons eues sur la
langue, ces numéros sont connus de tous les Québécois,
même si tous les Québécois, loin de là, n'ont pas lu
toutes les lois. Mais ce sont des emblèmes, elles sont devenues des
emblèmes, à un moment donné. Le titre d'une loi comme
celle-ci: "La langue officielle du Québec", je pense bien que c'est un
emblème pour les gens qui ne l'ont pas lue ou pour la masse des gens.
C'est un drapeau vivant, un drapeau parlé.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus et si, au chapitre
premier, vous croyez qu'on pourrait ajouter quelque chose qui mentionnerait au
moins l'existence de la langue anglaise au Québec?
M. O'Brien: A ce moment-ci, je crois que la combinaison du
préambule et du premier article crée un certain problème
pour les anglophones, puisque la combinaison semble indiquer que la place de la
langue anglaise est bien en marge. Exactement quoi, c'est un peu difficile
à savoir. Il faut chercher dans tous les articles pour voir exactement
ce qui va se passer. On peut y prêter diverses interprétations. Je
crois que c'est surtout la combinaison du préambule et de l'article 1;
s'il était clair que les anglophones étaient acceptés, que
l'usage de la langue anglaise était accepté au Québec,
aurait sa place au Québec, il serait beaucoup plus facile d'accepter
l'usage du mot qui crée des emblèmes, si vous voulez. Je crois
que c'est dommage qu'il faille créer ce type d'emblème.
Ce serait peut-être plutôt aux membres de l'Assemblée
nationale de porter un jugement là-dessus, si c'est tellement important
d'afficher que le français est la langue officielle du Québec. Je
vous suggère que, si l'article 1 n'existait pas, tout le reste de la loi
serait là et ceci dirait ce qu'il dit,
le rôle du français et de l'anglais ne serait pas
grandement changé dans ces circonstances. Quand on crée des
emblèmes pour certaines fins, c'est bien difficile d'éviter de
créer des emblèmes contre cerrtaines autres. C'est un peu
ça la raison d'être de notre situation. Dans ce sens, je crois que
c'est dommage qu'on procède au type d'énoncé qu'on trouve;
la chose qui est importante, c'est que le français soit utilisé,
protégé, développé et que la culture
française trouve sa place au Québec.
La vérité ne se trouve pas dans une déclaration de
langue officielle. Elle se trouve dans l'usage, l'utilisation dans la vie
quotidienne. Si on pouvait éviter de créer ce type d'affichage,
je crois que ce serait sain pour toute société et pour tout
gouvernement.
M. Saint-Germain: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais faire
simplement quelques commentaires sur deux points en particulier qui ont
été soulevés par nos invités. Le premier, en ce qui
concerne l'article 21, que le français est la langue de communication
à l'intérieur des services et organismes de l'administration.
Je suis tout à fait d'accord sur ce que vous avez dit, que c'est
là une mesure inutilement tra-cassière et qui engendre bien plus
de résistance de la part de la communauté anglophone qu'elle ne
peut engendrer de collaboration. Je vois mal, par exemple, qu'un principal
d'école soit obligé de communiquer en français, même
si on lui donne cinq ans, avec l'administration scolaire.
Par contre, je pense qu'il est normal pour l'administration scolaire, la
grande administration scolaire, de communiquer avec le gouvernement du
Québec en français. Mais en ce qui concerne l'administration
interne, je pense que, même s'il y a un délai de prévu,
cela me semble tout à fait tra-cassier. Dans le sens du respect des
personnes, même si, dans les mots, on dit vouloir les respecter, dans les
faits, j'ai de forts doutes.
Le deuxième point que vous avez soulevé et qui concerne la
collectivité anglophone, je pense également que là-dessus
je suis d'accord avec vous qu'une communauté doit recevoir des apports,
comme elle subit également des pertes. Si le gouvernement a
laissé de côté le fameux concept de contingentement, parce
que je pense qu'on en a finalement saisi l'odieux, on arrive quand même
aux mêmes objectifs, parce qu'on fait de cette communauté une
communauté hermétique. Les gens sont comptés, au moment
où la loi passe et si elle passe telle qu'elle et elle n'a
plus droit à des apports de l'extérieur. Je pense que ce
contrôle qu'on veut exercer est la même chose que le
contingentement. Si on veut empêcher la rupture d'équilibre entre
les deux communautés, je pense que c'est par le truchement de
l'immigration et non pas par cette approche fermée et hermétique
d'une communauté que l'on reconnaît dans les faits, et avec de
grands termes et de beaux mots dans le livre blanc. C'est tout ce que j'avais
à dire.
Le Président (M. Cardinal): Avez-vous quelque chose
à ajouter?
M. O'Brien: Je suis d'accord.
Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le
député de Papineau.
M. Alfred: M. le Président, je remercie M. le recteur de
son mémoire. Je l'ai lu avec intérêt. Si je respecte votre
opinion, permettez-moi de vous dire aussi que je ne la partage pas.
Cela fait 200 ans que nous attendons que le temps fasse son oeuvre. Le
temps ne l'a pas fait. Cela fait 110 ans que nous attendons que le temps fasse
son oeuvre de plus en plus, le temps ne l'a pas fait. Donc, lorsque vous
affirmez qu'il faut permettre au temps de faire son oeuvre, permettez-moi de
vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous, parce que l'histoire nous a
démontré que le temps n'a pas fait son oeuvre.
Ensuite, je relève, à la page 2, que vous dites que le
Québec soit bilingue, cela vous laisse indifférent. Or, à
la page 4, vous recommandez plus ou moins une sorte de bilinguisme officiel,
institutionnalisé, quand vous dites: Nous soutenons que le Québec
attirera le mieux les investissements dont il a besoin, en faisant un usage
équilibré et approprié des deux langues officielles du
Canada.
Donc, entre nous deux, vous préconisez plus ou moins une sorte de
bilinguisme institutionnel.
Quand vous dites aussi qu'il faudrait faire une place à un
immigrant provenant d'un pays anglophone, permettez-moi de vous dire que nous
ferons de la discrimination, parce que, pour ma part, un immigrant, qu'il
provienne de la Hongrie, des Etats-Unis ou de l'Angleterre, doit être
traité sur le même pied.
Ceci étant dit, je vous remercie quand même d'être
venu nous faire part de vos commentaires, de votre rapport, mais permettez-moi
encore de vous dire que ce que vous venez de dire ici ne me convainc pas.
Merci.
Le Président (M. Cardinal): M. le recteur, MM. les
représentants de l'Université de Concordia, nous vous remercions
au nom de la commission de la présentation de votre mémoire et de
votre patience à répondre aux questions.
J'appelle les témoins suivants, les porte-parole de la Banque de
Montréal, mémoire 54.
A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que M. Charles de Jocas... M.
de Jocas, si vous voulez vous approcher. Je vous demanderais de
présenter votre organisme, pour autant que c'est nécessaire, et
surtout vous-même et les personnes qui vous accompagnent.
Banque de Montréal
M. de Jocas (Charles): M. le Président, M. Fred McNeil,
qui est à ma droite, est président du
conseil d'administration et chef de la direction de la Banque de
Montréal. C'est lui qui dirigera la commission.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, est-ce que c'est le
président du conseil d'administration qui présentera les autres
membres?
M. McNeil (Fred): Mr Chairman, I suffer from a significant
handicap at this meeting. I was born and brought up in Western Canada, spent
most of my life there and I have no knowledge of french. I have a proposal
which will facilitate your meeting nevertheless, if I may be permitted to make
one or two remarks in french, and I would like to be a participant in questions
that may come later, concerning our head office.
Le Président (M. Cardinal): It is all right.
M. McNeil: The brief is really directed to three principal areas,
one our Quebec division, the second, our head office. Those are two completely
different types of problems in the perspective of this bill and, then, we have
some information about what we think is a significant progress that has been
made on this general matter without legislation of any form, which we think
might be of interest to you and might surprise you... We are not saying this in
a bold way, we are just saying it about some facts on the record.
Le Président (M. Cardinal): Would you please use your
microphone.
M. McNeil: Closer?
Le Président (M. Cardinal): Please.
M. McNeil: I might propose, Mr Chairman, if I may introduce some
more details Mr de Jocas. He is an executive vice-president of our bank. He is
in charge, amongst other areas, of our Quebec division. He knows it. So he is
quite able to explain his brief. If you can take it as read and make it a part
of the record, I would like him to do a very brief summary of the pertinent
points.
Le Président (M. Cardinal): Accordé.
M. McNeil: The gentleman on my right is Mr Côté...
There is another gentleman who just joined the table, the vice-president of
personnel, Mr Chadwick.
Le Président (M. Cardinal): Merci. M. de Jocas.
M. de Jocas: M. le Président de la commission parce
que j'ai un président à mes côtés, moi aussi
M. le ministre, madame, MM. les députés, la Banque de
Montréal est née au Québec il y a 160 ans et sa croissance
soutenue à l'échelle nationale et internationale la place
maintenant parmi les plus grandes banques du monde avec quelque 27 000
employés répartis dans 1250 succursales ou agences.
En excluant le siège social de la banque à
Montréal, 4250 employés travaillent au Québec dans 215
succursales et le siège de la division du Québec. De ce nombre,
les francophones occupent maintenant à peu près 90% des postes et
ce, à la suite de mesures délibérées visant
à répandre et à encourager l'usage du français,
lesquelles ont pris naissance longtemps avant l'avènement de la loi
22.
Les communications orales et écrites à l'intérieur
du bureau de la division, de même qu'avec ce dernier et avec notre
réseau de succursales au Québec sont en très grande partie
en français. Nous voulons continuer dans cette voie. Pour illustrer de
façon plus précise nos efforts de francisation, je mentionnerai
notre recrutement de diplômés, soit universitaires ou de CEGEP.
Ainsi, l'année dernière, sur 80 recrues, 69 étaient de
langue française et toutes celles placées dans nos succursales du
Québec devaient avoir la connaissance du français. Autre exemple,
toute la documentation requise à l'informatisation des opérations
bancaires des succursales, quelque 3000 pages jusqu'à maintenant, a
été publiée simultanément en français et en
anglais.
Il est toutefois essentiel que la division du Québec
possède une connaissance solide de l'anglais pour servir notre
clientèle qui le demande et pour effectuer efficacement nos nombreuses
communications à l'extérieur de la division. En ce qui a trait au
siège social de la banque, c'est une tout autre chose, comme l'a
déjà sougligné M. McNeil. Dans le domaine bancaire, la
langue utilisée tant au Canada qu'avec l'étranger, c'est
l'anglais. Ce fait est indéniable. Tous les jours, de tous les points du
globe, des milliers de documents bancaires et commerciaux parviennent au
siège social. La très grande majorité est en anglais. Les
négociations et les multiples transactions souvent très complexes
sont ordinairement en langue anglaise. Il est donc essentiel que la banque
puisse recruter pour son siège social du personnel qui parle une langue
autre que le français et qui répond à ses besoins de
fonctionnement. Or, la suppression du libre choix de la langue d'enseignement
prévue dans le projet de loi no 1 nous privera et, de fait, a
déjà commencé à nous priver des services de
personnes compétentes venant de l'extérieur.
Au niveau du siège social, la mobilité du personnel est un
facteur essentiel tant pour y attirer des spécialistes de toutes sortes,
qu'on ne trouve pas au Québec ou, du moins, qu'on ne trouve pas en
nombre suffisant, que pour permettre aux employés d'ailleurs d'obtenir
une expérience particulière dans leur évolution de
carrière. La domaine bancaire est très concurrentiel et il est
absolument nécessaire qu'une banque d'envergure nationale et
internationale comme la Banque de Montréal ne soit pas mise dans une
situation de désavantage dans ses opérations comparativement aux
autres banques dont le siège social est à l'extérieur du
Québec.
C'est en raison de ce contexte que nous recommandons au gouvernement
d'accorder le libre choix de la langue d'enseignement aux enfants
dont les parents sont mutés au siège social,
indépendamment de leur séjour qui est souvent imprécis.
Nous nous inquiétons aussi du règlement qui ne permettrait pas
d'émettre un certificat d'études secondaires aux
élèves qui n'auraient pas une connaissance suffisante du
français, alors qu'ils sont nouvellement arrivés au
Québec.
Nous croyons qu'il serait à l'avantage de tous que les membres
d'ordres professionnels puissent communiquer avec leur association en anglais
et que le droit de pratiquer ne soit pas refusé aux professionnels avec
une connaissance insuffisante du français et qui ne serviraient pas
directement le public.
Nous nous inquiétons également du retrait, par le projet
de loi no 1, de quelques-uns des droits reconnus par la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec.
Nous regrettons toute mesure qui restreint un bon apprentissage de la
langue anglaise et qui risque d'entraver l'avancement de francophones au sein
d'une grande entreprise nationale et internationale.
Nous craignons une réglementation extraparlementaire complexe et
les pouvoirs discrétionnaires étendus accordés à
des fonctionnaires prévus dans le projet de loi, et nous croyons
préférable de déterminer les règlements par voie
législative à l'Assemblée nationale.
Quant au comité de francisation, nous croyons fortement que la
responsabilité de sa composition doit relever exclusivement de la
direction de l'entreprise.
La loi fédérale sur les banques autorise la Banque de
Montréal à se servir de son nom en anglais ou en français,
et nous ne croyons pas valable que ce droit lui soit retiré au
Québec. De plus, l'obligation de n'utiliser que le français dans
les enseignes et affiches nous empêchera de rejoindre une partie de notre
clientèle et les visiteurs, et nous suggérons l'assouplissement
de cette restriction.
Notre mémoire, que nous avons voulu garder le plus bref possible,
vous aura quand même fourni plus de précisions que ce court
résumé de nos principales préoccupations à
l'endroit du projet de loi no 1.
Nous avons voulu apporter une contribution positive aux discussions, car
nous croyons que nous visons tous le même objectif général
de faire du français la langue principale du Québec pour le
mieux-être de toute la population.
Nous craignons toutefois que certaines dispositions du projet de loi ne
retardent le progrès significatif et progressif de francisation accompli
depuis plusieurs années dans un climat de confiance et
d'encouragement.
M. McNeil, à titre de président du conseil
d'administration et chef de la direction de la Banque de Montréal,
résumera cette présentation.(voir annexe 3)
M. McNeil (Fred): Thank you, Charles. In the broadest terms,
gentlemen, we recognize the objectives of the French-speaking people to
establish the primacy of French in Quebec. We would like to urgently draw your
attention to the extremely difficult problem represented by a head office of a
national and international company. We have some concerns which, I hope,
Charles mentioned. I would like to reiterate that we started here, we have been
here for 160 years. We would like to assist in the solution of whatever
problems are envisaged by that bill. I wish I were more convinced that the bill
will serve the objectives that are being enunciated forward. Thank you very
much.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie de votre
exposé. Maintenant, M. le ministre.
M. Laurin: Je remercie beaucoup la Banque de Montréal pour
le mémoire qu'elle vient de nous présenter. Je vois qu'au
départ la Banque de Montréal dit appuyer le gouvernement dans les
efforts qu'il fait pour assurer la primauté du français au
Québec, ce dont, vous vous en doutez bien, je me félicite et je
me réjouis.
Toutefois, la Banque de Montréal fait immédiatement
plusieurs réserves, des réserves profondes, des réserves
nombreuses aussi qui portent sur 21 articles du projet de loi.
Le nombre et la profondeur de ces oppositions me font me demander
quelles sont véritablement les intentions de la Banque de
Montréal et jusqu'à quel point elle est d'accord avec le
gouvernement pour assurer la primauté du français au
Québec.
Je voudrais, comme première question, vous demander, M. le
président de la banque, si votre siège social est encore
complètement à Montréal ou s'il y a certaines parties du
siège social de la Banque de Montréal qui ont essaimé dans
d'autres lieux.
M. de Jocas: Je crois que la réponse à cette
question devrait venir du chef de la direction de la banque. Alors...
M. Laurin: I want to know if all the activities, elements of your
head-quarters are still in Montreal or if there are some elements and, if so,
to what degree, to what extent do we find those elements in other provinces and
when.
M. Mc Neil: I do not know if an answer could be given in terms of
black and white because it so often depends on the interpretation of what a
head office is. We have many head offices with subordinate functions in the
field that they have had for many many years, for example premises, subunits of
the personal function and so forth, but premises is probably the one that is
directly run from the head office accross the country which give the billings.
Another characteristic one is the systems activity, computer systems which are
integrated for the bank as a whole. Yet, we have a subordinate computer
center.
We presently define a head office, and I think there is really an error
in that brief for the purpose of this discussion, in particular, as those
people who either direct the bank world wide or
significant sections of it for their support's functions of typical
accounting... Then, there are some other activities like a key computer center,
regional computer center which is more difficult to define. It serves in part,
division is in part an operational function, in part it supplies information to
the head office.
If it is helpful to the general purpose of your question, the size of
the head office as I defined is about 2000 or 3600 if you include certain other
support functions, has about doubled in the last five years residents in
Montreal. Is that helpful or just confusing?
M. Laurin: For example, in Toronto, how many people do you have
in functions connected with the head office operations? Because I went to
Toronto recently and I have seen your huge tall new building and I wonder how
many people work there.
M. Mc Neil: I am pleased that you noticed that tall building,
Sir. We are very proud of it. How many head office people are there? Again, I
think we will have to define... I do not know if I got a ready answer for it.
Let me say this: There are more than they were, under the former concept.
Throughout the world, we have been decentralizing for a decade and
pushing it as far as we developed capable people. We now have, for example,
subordinate units in London, Singapour. London handles Europe, Middle East and
Africa. Singapour with a vice-president handles the Far East. In United States,
we just have that year decentralized in New York. Now, we have always had
geographic divisions in Canada, but we have been pushing out authority and
responsibility to the field. It is a kind of a long preamble to the statement.
For example, until a year ago, we used to have a corporate credit department
that has virtually disappeared as a segment into these various areas. So there
has been a significant movement, including Toronto. Of course Toronto is a
major market, so it gets more on this share. Now, there are other kinds of
situations. Two or three years ago, we started a charge card. It was my
decision, I was in a former position and I wanted it right under my nose. But
when it was substantially launched, we concluded we should put it where
geography and major market fit it and the management of that function, which is
a kind of a separate business, which was formerly in head office, is now in
Toronto. Another function, which has been segregated is marketing. We have
tried for many years, without success, to translate marketing and it did not
work. So we concluded that for the marketing function as serving the domestic
system, English should be in Toronto, and Mr de Jocas who runs the Quebec
division and the Maritimes, should be responsible for marketing function for
those areas, because it is not a translatable function. That is the kind of
thing.
M. Laurin: For example, is it possible for you to tell us if
three quarters or one half, or one quarter of your head office operations are
now managed from Toronto or Montreal?
M. McNeil: It would not be anything like that. Head office
function is... You know, my difficulty, truly, is what we are talking about.
Accounting, no. Personnel, no. Premises, no. Systems, no. All here. Marketing,
except for the division between the two. International marketing, here.
Inspection, here. Here, I mean Montreal. All the significant functions are
still here. Controllers, legal, legislation and government activities,
purchasing.
M. Laurin: Now, you start your brief with the sweeping statement
that the language of a head office cannot be other than English, which I meant
to be not only predominently but exclusively English. Is that your opinion?
M. McNeil: Our head office? M. Laurin: Yes.
M. McNeil: Substantially yes. I will give you some examples this
as to why, Sir. And by the way, significant progress, has been made in this
respect. I do not know whether you mentioned it Charles, but during these past
five years, our head office, Montreal, strenghth doubled and the proportion of
Francophones in that group has increased from 40% to 50%.
So, the objectives, I think, you are pursuing have been deserved at
least on our part in a five year term. But yes, substantially, the language of
work in our bank, a multinational bank whose head-office is a world
head-quarter, must be in English. For example, we get about 4000 messages
telexes per day; 90% of them are in English, they came from all the world.
Although we are presently about to 50% Francophones, pardon me. I should not
say Francophones, bilingual, most of them are Francophones, we are continually
bringing people from all the world who do not speak french. Now, our operations
here represent about 15% of our total assets, it depends how you define that,
they can be plus or minus.
Substantially, in the rest of the world, in Canada and overseas, we have
to deal day by day in english. We have to deal internally substantially in
english. This does not mean, I repeat, this does not mean that our informal
discussion or friendly conversation does not go on in french, but
substantially, yes, the head-office of a multinational bank located in Canada
has to operate in english.
M. Laurin: Would this mean that other banks where the language
for head-office operations is predominantly french do not deserve the title of
a bank.
M. McNeil: No, if you are speaking of french banks in Canada.
M. Laurin: No, I am speaking of Banque Canadienne Nationale,
Banque Provinciale.
M. McNeil: Yes.
M. Laurin: Does that mean that they do not deserve really the
title of a bank?
M. McNeil: No, of course not. They are good friends of ours, by
the way, most of them. They are predominantly Québec banks, they have
some branches outside which they operate in english and communicate too in
english. Compared to a bank of our size, they are quite modest in the
international field, although they are going there too.
M. Laurin: Je vais toucher un autre sujet, je ne sais pas si M.
McNeil voudra répondre aussi. En rapport avec les professionnels, vous
dites que, déjà, il y a eu un exode de personnes
compétentes venant de l'extérieur. Est-ce que vous pourriez me
signaler l'ampleur du phénomène et les raisons de ce
phénomène, puisque la loi n'est pas encore adoptée?
M. De Jocas: M. le ministre, c'est beaucoup plus une situation
d'inquiétude. Nous avons eu certaines difficultés à
recruter des compétences qui venaient de l'extérieur du
Québec, qui possédaient des talents que nous recherchions, qui
ont préféré ne pas venir, invoquant la raison que la
situation linguistique, surtout pour l'éducation de leurs enfants, les
inquiétait.
Nous avons aussi, récemment, voulu muter de nos employés,
qui sont dans notre département de mécanographie, de Toronto
à Montréal, et plusieurs ont catégoriquement refusé
de venir.
C'est ce qui précède. Je concède que la loi n'est
pas encore en vigueur, mais c'est l'inquiétude qu'elle présente.
C'est ce que nous voulons dire quand nous disons que cela a déjà
eu des effets sur notre habileté à attirer des gens au
siège social. Je répète que nous faisons une distinction
très importante entre ce que nous appelons siège social et nos
opérations de la division du Québec, qui comprend notre
réseau de succursales.
M. Laurin: Jusqu'à quel point vous est-il difficile de
trouver du personnel compétent francophone au Québec pour ce
genre de poste? Si cela vous est difficile, pourriez-vous nous donner les
raisons?
M. de Jocas: On ne parle pas de nombre, on parle de
spécialité. Le domaine bancaire est devenu de plus en plus
complexe, surtout avec l'avènement d'une technologie assez
avancée, que ce soit dans le domaine mécanographique ou que ce
soit dans le domaine des transactions internationales. Il y a quand même
certains talents qui se sont développés ailleurs, pas ailleurs
qu'au Québec, mais ailleurs qu'au Canada et nous recrutons de par le
monde. Nous essayons, en concurrence avec d'autres grandes banques, d'attirer
certains talents. C'est à ce niveau que nous avons rencontré des
objections. Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas réussi à en
trouver quand même. Mais cela nous présente une contrainte qui
nous inquiète, si le bill 1 devait être promulgué tel que
le projet l'indique.
M. Laurin: Est-ce que les banques francophones éprouvent
la même difficulté que vous à recruter ce personnel
compétent?
M. de Jocas: Je ne pourrais vous dire ce qui se passe chez les
autres banques, sauf qu'il est possible, vu l'ampleur comparative de nos
opérations, qu'elles ne recherchent pas les mêmes
spécialistes. Je pourrais quand même ajouter que,
récemment, en conversation avec un cadre senior d'une des banques
françaises, on admettait avoir eu à perdre les services d'un
employé spécialiste anglophone qui est devenu inquiet de la
situation, et qu'ils ont perdu, à grand regret.
M. Laurin: En ce qui concerne l'article 57, vous ne voudriez pas
qu'il s applique aux nouveaux arrivants qui auraient à terminer leurs
études dans une langue dont ils n'auraient pas une connaissance
préalable suffisante. Je voudrais tenter de vous rassurer ici en vous
disant que nous avons l'intention, pour ces nouveaux arrivants qui seraient
dans cette situation, d' instituer pour eux des classes d'accueil qui leur
permettraient de faire le pont entre leur formation antérieure et le
nouveau milieu, la nouvelle formation dont ils pourraient
bénéficier ici. Ces classes d'accueil dont on parle de plus en
plus ont prouvé leur efficacité et je pense qu'elles pourraient
peut-être nous permettre de résoudre une partie du problème
dont vous parlez.
En ce qui concerne l'article 27 aussi, vous voudriez que la nouvelle loi
permette aux associations professionnelles de communiquer en anglais avec leurs
membres anglophones. Il est possible ici que cet article n'ait pas
été compris comme il se doit, parce que, dans notre esprit
à nous, en tout cas si ce n'est pas assez clair, on le
précisera cet article permet aux associations professionnelles de
communiquer en anglais avec leurs membres. Bien sûr, elles sont
obligées aussi de communiquer en français, ce que certaines ne
faisaient pas jusqu'ici, mais elles auront quand même le droit de
communiquer en anglais avec leurs membres.
J'en arrive à vos autres recommandations... Non ce n'est pas un
amendement, mais, s'il est nécessaire de préciser pour que tout
soit très clair pour tout le monde, nous prendrons une formulation qui
soit comprise par n'importe quelle personne.
M. Ciaccia: Oui. parce que, M. le ministre, maintenant l'article
dit clairement qu'elles doivent communiquer en français.
M. Laurin: Nous reparlerons de cela le moment venu.
Le Président (M. Cardinal): Je ne pense pas que le
ministre soit prêt à proposer un amendement ce soir.
M. Laurin: Non.
M. Ciaccia: Non, mais je voulais savoir si je lisais le
même article que le ministre.
M. Guay: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Taschereau.
Mme Lavoie-Roux: Quel règlement? M. Ciaccia:
Lequel? Quel numéro?
M. Guay: Cela fait plusieurs fois ce soir que le
député de Mont-Royal contrevient à l'article 92 qui dit
bien que, pour parler, un député doit demander la parole.
J'aimerais bien, M. le Président, que vous le rappeliez à l'ordre
de façon qu'on ne soit pas dérangé par le
député de Mont-Royal.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, il y a plus que
cela, c'est qu'on ne parle pas pendant qu'un autre député parle.
Je donne à nouveau la parole...
M. Ciaccia: Oui, merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Je ne donne pas à
nouveau la parole à personne. A l'heure qu'il est, je m'excuse, je dois
m'adresser à la commission. Il sera, dans environ trente secondes, 23
heures. Nos travaux doivent normalement se terminer à 23 heures.
Alors, je demande l'avis de la commission. Oui, M. le
député de Mégantic-Compton?
M. Grenier: Je demanderais d'ajourner la séance à
demain, si c'est possible à ces gens de nous revenir demain matin, pour
la bonne raison que le député de Lotbinière, M. Biron,
aurait aimé interroger la commission, et que cela lui était
impossible d'être ici aujourd'hui, pour les raisons qu'on a
évoquées lors de la fermeture de la Chambre vendredi.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, avant que
je ne pose cette question à nos témoins, j'indiquerai que,
présentement, il reste douze minutes au parti ministériel, vingt
minutes à l'Opposition officielle, dix minutes au parti de l'Union
Nationale, sans compter que si d'autres personnes se joignaient à nous,
à une séance subséquente, il faudrait ajouter dix minutes,
c'est-à-dire que nous avons encore possiblement de 42 à 52
minutes de questions. Je demande donc aux porte-parole de la Banque de
Montréal s'ils désirent revenir avec nous demain.
M. de Jocas: M. le Président, c'est avec plaisir que nous
reviendrons. J'ai quand même une réserve importante à
ajouter. M. McNeil doit présider demain à Halifax une
réunion du conseil d'administration de la banque, donc il ne pourra pas
être présent.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous êtes
d'accord pour revenir, je vais ajourner dans quelques secondes, et vous serez
les premiers à être entendus demain, à 10 heures.
M. de Jocas: M. le Président, si vous me permettez, je
crois qu'il serait quand même important, s'il y avait quelques membres de
la commission qui voulaient poser une question plus spécifique, parce
que M. McNeil représente quand même l'autorité
suprême d'une banque nationale et internationale... Cette dimension, je
crois qu'il est très important qu'elle soit reconnue, que cette banque a
ses quartiers généraux à Montréal. Simplement, s'il
y avait certains points de vue, certaines questions précises qu'on
voudrait lui adresser, il faudrait que ce soit fait ce soir, si vous...
Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. de Jocas. Vous me
placez dans l'embarras. Oui, M. le député de
Mégantic-Compton, à moins que vous ne vouliez m'aider?
M. Grenier: Pour vous sortir de votre embarras, est-ce qu'on
pourrait demander aux gens, à nos invités, pas nos
témoins, parce qu'il me semble que le terme est mal choisi...
Mme Lavoie-Roux:...
M. Grenier: Oui, aux invités.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, j'emploie
tantôt l'un, tantôt l'autre. On ne l'a pas encore défini
dans notre règlement.
M. Grenier: Vous êtes un homme de jugement, M. le
Président. Vous avez déjà été tantôt
dans un parti, tantôt dans un autre. Cela me fait plaisir.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, je vous en prie!
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement.
M. Grenier: Farce à part, si vous permettez...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton, si vous voulez m'aider, aidez-moi.
M. Grenier:... on peut se permettre de rigoler, il est 23 heures.
Si nos témoins et nos invités pouvaient revenir demain,
peut-être qu'il y aurait une autre heure dans la journée où
ils pourraient être présents quand le président aura fini
sa rencontre dans les Maritimes.
M. de Jocas: II va à Halifax.
M. Grenier: Ce ne sera pas possible demain?
Le Président (M. Cardinal): D'ailleurs, M. le
député de Mégantic-Compton, ce serait difficile. Je vais
donner tantôt l'ordre du jour de demain et, comme vous le savez, il n'est
pas possible pour le président de fixer de rendez-vous. Ecoutez! Si j'ai
un accord unanime de la commission et qu'il y aurait des questions qui
s'adresseraient directement à celui qui doit nous quitter je
n'ose pas le qualifier je demande à la commission de me le dire
et je pourrai accepter. Sinon, j'inviterais les porte-parole de la Banque de
Montréal à se présenter devant nous demain matin, à
la première heure.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: ...j'imagine que les autres personnes qui
accompagnent M. McNeil moi, j'avais des questions à poser sur la
formation du conseil d'administration sont capables de répondre
à toutes ces questions.
M. de Jocas: Certainement.
Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas-là, si vous
le permettez, je vais résoudre rapidement la question. Je remercie
immédiatement M. McNeil et lui souhaite un bon voyage. Je vais inviter
ses autres collègues à être ici à l'ordre,
s'il vous plaît avec nous demain. Avant d'ajourner, je voudrais
rappeler que, demain, les organismes convoqués sont les suivants:
Conseil du patronat, mémoire 7; Fédération des
travailleurs du Québec, mémoire 128; Bell Canada, mémoire
65; Conseil des hommes d'affaires québécois, mémoire 4;
Protestant School Board of Greater Montreal, mémoire 23.
Je rappelle, de plus, qu'en vertu d'un avis donné à
l'Assemblée nationale par le leader parlementaire la commission
permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications siégera demain, le mardi 21 juin, dès 10 heures du
matin jusqu'à 13 heures, au salon rouge.
Ceci étant dit, les travaux de cette commission...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si c'est
dans l'ordre, mais je me demande si le ministre d'Etat au développement
culturel pourrait transmettre une invitation au ministre de l'Education
d'être ici, compte tenu que le PSBGM vient demain. J'ai regretté
qu'il ne soit pas ici pour entendre la CEQ. Cela aurait été fort
intéressant qu'il puisse échanger sur la question de la langue
seconde avec eux.
M. Alfred: II a déjà lu le mémoire.
Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre!
M. Laurin: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre d'Etat.
M. Laurin: ...le ministre de l'Education est actuellement
à Toronto pour des affaires d'Etat et il y sera demain
également.
Mme Lavoie-Roux: Ah!
Le Président (M. Cardinal): Alors, ceci étant dit,
les travaux de cette commission sont ajournés à demain, 10
heures.
(Fin de la séance à 23 h 4)
ANNEXE I
THE CANADIAN MANUFACTURERS' ASSOCIATION L'ASSOCIATION
DES MANUFACTURIERS CANADIENS
1080 Côté du Beaver Hall, Suite 904, Montréal,
Que. H2Z1S8 le 3 juin 1977
Docteur Camille Laurin
Ministre d'Etat au développement culturel
Conseil exécutif
Hôtel du gouvernement
Québec, Que.
Monsieur le ministre,
Selon l'intention signifiée il y a quelques semaines, nous
joignons à la présente le mémoire de la Division du
Québec de notre organisme relatif au projet de loi no 1 La Charte
de la langue française.
Nous attendons impatiemment l'occasion de vous préciser davantage
nos observations et recommandations dès qu'on nous aura convoqués
à une audience.
Veuillez agréer, monsieur le ministre, l'expression de ma haute
considération.
Le président de la Division du Québec
F. P. Brady pièce jointe 106th Annual General Meeting, Montreal,
Quebec June 5 and 6, 1977 106e Assemblée générale
annuelle, Montréal, Québec les 5 et 6 juin, 1977 le 3 juin
1977
Mémoire soumis à la
Commission parlementaire permanente
de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications
sur le projet de loi No 1
"Charte de la langue française au
Québec"
par la Division du Québec
de l'Association des manufacturiers canadiens
I INTRODUCTION
Les commentaires du présent mémoire représentent la
position de la Division du Québec de l'AMC, qui compte 1700 membres dans
toutes les régions du Québec.
Le secteur manufacturier québécois reconnaît la
nécessité d'accroître l'usage du français pour en
faire une réalité vivante en son milieu.
Il importe de rappeler que les résultats d'un sondage mené
par l'AMC en 1970, à la demande de la Commission Gendron, ont nettement
démontré que le français était déjà
la langue de travail au niveau de la production au Québec. On trouvera
en annexe copie du rapport de cette recherche. La brièveté du
délai accordé pour la production d'un mémoire n'a pas
permis la mise à jour des chiffres de ce rapport
par une nouvelle enquête. Mais l'expérience des membres de
l'AMC depuis 1970 est à l'effet que la francisation des entreprises
s'est améliorée substantiellement depuis cette date.
Les manufacturiers du Québec, par le truchement des
comités divisionnaires de l'AMC, ont donc sérieusement
étudié les dispositions du projet de loi no 1, établissant
la Charte de la langue française au Québec. Ils regrettent
toutefois que la réglementation qui doit compléter la loi n'ait
pas été disponible au moment de cette étude.
L'étude simultanée des règlements aurait assurément
facilité la compréhension de certains points du projet de loi.
C'est donc par diverses spéculations qu'ils ont dû suppléer
à cette lacune.
Il COMMENTAIRES SUR LE PROJET
A - D'ordre général
1
- L'objectif de la charte
proposée
L'AMC se déclare en accord avec l'objectif général
de la législation proposée, à savoir assurer la
qualité et le rayonnement de la langue française au
Québec. L'AMC espère sincèrement que l'Assemblée
nationale poursuivra cet objectif "dans un climat de justice et d'ouverture
à l'égard des minorités qui participent au
développement du Québec", ainsi qu'en donne l'assurance le
préambule du projet de loi, et qu'elle prendra en sérieuse
considération les conséquences possibles de certaines de ses
dispositions sur l'économie de la province.
2- Les modalités
Les manufacturiers du Québec s'inquiètent du fait que le
projet de loi recoure à des mesures coercitives plutôt
qu'incitatives, par exemple les mécanismes d'implantation et de
contrôle des programmes de francisation. Certaines des modalités
d'implantation qu'il propose empiètent parfois indûment sur les
droits de certains Québécois, par exemple en matière
d'éducation.
En abordant l'étude de ce projet de loi, l'AMC a cru de son
devoir de considérer les implantations du texte proposé sur
certains objectifs poursuivis par l'Association: création de nouvelles
entreprises, expansion des entreprises existantes, création de nouveaux
emplois, accroissement de la prospérité,
compétitivité de l'entreprise québécoise. A ces
égards, plusieurs aspects du projet de loi, du moins dans leur forme
présente, seraient susceptibles de provoquer des effets contraires, i.e.
la raréfaction des capitaux de placement, une
détérioration accrue de la situation du chômage.
D'où la volonté ferme de l'AMC de proposer des changements qui se
veulent constructifs.
B - D'ordre particulier
1 - La question des permis
En vertu des dispositions du paragraphe "a" de l'article 106, le
gouvernement détiendrait un droit de vie ou de mort sur une entreprise.
Toute entreprise qui ne se mériterait pas un certificat de francisation
pourrait se voir retirer sa "licence" ou son permis d'opérer, sans
possibilité d'appel.
Il y a d'ailleurs dans l'article 106 beaucoup plus que le "permis
d'opérer": il y a, en vertu de l'expression "règlement du
gouvernement", une extension possible du concept aux plaques d'immatriculation
des camions, aux domaines des licences de taxe de vente, des permis de
construction, etc. dont rémission ou le renouvellement deviendrait
assujetti à la possession d'un certificat de francisation.
L'implantation d'une politique linguistique ne devrait pas se
réaliser au sacrifice d'une liberté aussi fondamentale que celle
de pouvoir exploiter une entreprise. Il ne s'agit pas ici de sémantique,
mais bien d'une liberté essentielle sous un régime de libre
entreprise. Le problème est différent lorsqu'il s'agit de
subventions, d'avantages, de concessions ou de contrats avec l'Administration
publique. L'AMC est donc d'avis que le mot "permis" doit être rayé
du paragraphe "à" de l'article 106, car il existe d'autres mesures dans
le projet de loi pour inciter les entreprises à obtenir et conserver
leur certificat de francisation.
Quant au paragraphe "b" de l'article 106, celui-ci nous apparaît
comme un exemple patent de mesure très coercitive, susceptible de
créer des situations cahotiques dans l'entreprise. Selon l'AMC, il est
essentiel que toute entreprise qui possède un permis d'opérer ait
aussi le droit de se prévaloir des services des entreprises
d'utilité publique (électricité, téléphone,
etc.) ou para-publiques (commissions scolaires, municipalités, etc.)
Deux entreprises privées, opérant sous un régime de
"libre entreprise", pourraient se voir empêchées de conclure des
ententes contractuelles entre elles, i.e. quant au transport des produits. Il
ne semblé pas y avoir de relation entre l'exploitation elle-même
d'une entreprise ou le droit de conclure des ententes privées, et les
contingences que le projet de loi suggère. Selon l'AMC, le paragraphe
"b" de l'article 106 doit donc être éliminé.
2- Les professionnels dans l'industrie
L'article 30 du projet prévoit qu'un ordre professionnel ne
pourra délivrer de permis d'exercer au Québec qu'à des
personnes ayant de la langue officielle une connaissance appropriée
à l'exercice de leur profession. D'autre part (art. 32), les personnes
autorisées à exercer leur profession en vertu des lois d'une
autre province ou d'un autre pays pourront recevoir un permis temporaire,
valable pour une période d'un an, lequel ne sera renouvelable que deux
fois et "sous réserve que l'intérêt public le
justifie".
Ces dispositions semblent viser les professionnels qui offrent leurs
services au public qui, lui, en vertu de la loi, a droit à des services
professionnels prodigués dans la langue française s'il le
désire. La situation est différente, toutefois, pour le
professionnel qui ne doit pratiquer qu'au "service d'un seul employeur", i.e.
un chimiste dans un laboratoire industriel de recherche, ou un ingénieur
oeuvrant au sein d'une équipe de conception de projets. L'AMC est d'avis
que ceux-ci devraient être exemptés de telles dispositions
applicables à la "pratique publique", et que l'exemption devrait
être prévue dans la charte.
3- Le rôle des syndicats
La consultation poursuivie auprès de ses membres au cours des
récentes semaines permet à l'AMC de mettre en doute le
bien-fondé de l'article 114. Plusieurs membres se sont objectés
fortement à cet article du projet de loi qui crée une situation
pour le moins incongrue en ce sens qu'elle confère au syndicat un droit
de participation à la gestion d'une entreprise, sans que ce droit ne
soit assorti de responsabilités. L'Association craint que cet article,
de même que les deux autres qui le suivent, risquent d'ajouter une
dimension "conflictuelle" à ce problème pourtant
déjà si controversé d'une politique linguistique.
Vu le climat des relations de travail au Québec, nos membres
s'inquiètent du fait que toute question litigieuse relative à la
langue de travail puisse devenir l'objet d'une enquête par un
commissaire-enquêteur ou d'une négociation en vertu d'une
procédure de règlement des griefs, puisque le Chapitre VI en
entier "est réputé faire partie intégrante de toute
convention collective". De plus, les membres du Comité des relations de
travail de l'AMC rejettent le principe du recours, dans l'article 36 du projet,
aux articles 14 à 19 du Code du Travail. Depuis des années,
l'Association réclame une révision en profondeur de ces articles
du Code du Travail qui confèrent des pouvoirs quasi-judiciaires à
des personnes qui n'ont pas nécessairement une formation juridique. On
laisse habituellement aux parties intéressées le soin de
négocier entre elles le contenu de leur contrat.
Outre la question de principe, il y a l'aspect pratique. La
participation syndicale imposée par l'article 114 n'est pas
réalisable en raison des nombreuses difficultés d'application
auxquelles elle donnerait lieu: le taux de syndicalisation au Québec se
situe à l'heure présente entre 25 et 30 pour cent tout au plus;
dans le cas d'une entreprise qui exploite plusieurs usines dont les nombreuses
unités syndicales appartiennent à des centrales
différentes, cette proposition engendrerait de nombreux conflits de
juridiction sans compter qu'elle risque d'entrer en conflit avec certaines
conventions collectives en vigueur; de plus, le mode de représentation
proposé est inadéquat pour les employés et les cadres non
syndiqués; enfin, le projet de loi laisse prévoir que la
représentation des employés sur ces comités bipartites
pourrait être confiée à des personnes autres que des
employés de l'entreprise, une situation que nous considérons
inacceptable.
D'ailleurs, l'expérience de l'Association quant à la
francisation des entreprises est à l'effet que le "comité de
francisation", au niveau de l'entreprise, s'établit
généralement au niveau de la direction qui peut s'engager dans un
processus décisionnel, et qui peut voter les sommes nécessaires
à l'implantation des politiques jugées nécessaires ou
désirables. Qu'il y ait un ou d'autres comités, au niveau des
usines, impliquant la présence d'employés pour fins de
consultation, c'est peut-être possible dans certains cas, mais ce doit
être sur une base volontaire.
Pour toutes ces raisons, l'article 114 doit être
révisé.
4- La langue de la technologie
L'article 4 de la Charte proposée prévoit que les
travailleurs ont le droit fondamental d'exercer leurs activités en
français, quelles que soient la nature, la forme et la taille de
l'entreprise. Ceci n'est pas toujours possible en dépit de la meilleure
volonté du monde.
Il faut reconnaître un fait. La langue commune de la technologie
est la langue anglaise. Il faudra des années d'application
sérieuse pour créer une langue parallèle d'expression
française, qu'il sera d'ailleurs très difficile de tenir
complètement à jour, vu l'évolution constante de la
technologie. Il faudra aussi que cette langue soit connue des travailleurs
eux-mêmes.
Un membre de l'Association a soumis l'exemple suivant. Son entreprise
d'avionnerie nous sommes ici au niveau de l'usine, et non du
siège social fabrique des pièces pour une
société japonaise qui, elle, les incorpore dans un
mécanisme qu'elle livre en Hollande. Les dessins d'ingénierie
qu'on lui fournit ne sont pas annotés en français.
Voici le dilemne de cet employeur. Les délais de livraison ne
permettent pas que l'on procède à une traduction en
français des indications qui apparaissent sur les plans: tout retard
résultant de cette traduction pourrait compromettre l'obtention du
contrat de sous-traitance. En second lieu, il s'agit vraisemblablement de
nouveaux mécanismes à l'endroit desquels une terminologie
française reconnue n'a pas encore été
développée. De plus, les frais d'une telle traduction
risqueraient de rendre cette entreprise non-compétitive sur le
marché international des appels d'offres.
Il va de soi que les employés de cette entreprises,
exécutant les travaux qui découlent de tels dessins, doivent
posséder une connaissance d'usage de la terminologie technique anglaise.
Refuser de le reconnaître risque d'aggraver la situation du
chômage. Enfin, l'exemple illustré ci-dessus risque de se
retrouver ici et là dans d'autres industries à haute
technologie.
Dans sa forme actuelle, l'article 4 de la charte proposée n'est
donc pas toujours réalisable.
5 - Les sièges sociaux et
régionaux
Le siège social d'une entreprise manufacturière constitue
le centre d'où proviennent les décisions vitales engageant la
totalité de la firme et, partant, il s'avère un important
générateur d'activité économique. Sans vouloir
s'engager dans le débat stérile de "l'exode des sièges
sociaux" qui a fait la manchette ces dernières semaines, il convient
quand même de reconnaître que, tout en étant très
important, le siège social d'une entreprise est aussi très
mobile.
Dans un article de la livraison de février 1972 de la revue
"Commerce", monsieur Lucien Saulnier exposait un point de vue
intéressant sur l'importance des sièges sociaux, dans les termes
suivants: "Le public, souvent, ne se rend pas suffisamment compte de
l'importance de la présence de nombreux sièges sociaux dans la
métropole. Montréal compte déjà 250 sièges
sociaux d'entreprises d'envergure nationale, interprovinciale et
internationale. Il y en a évidemment beaucoup plus dont
l'activité s'étend guère en dehors du Québec." "La
présence des sièges sociaux constitue à Montréal
une industrie en soi et toute l'activité de ce secteur agit sur les
exportations québécoises. Quoiqu'aucune étude officielle
n'ait encore établi l'importance des sièges sociaux dans la
métropole, des relevés réalistes montrent que 50 000
personnes gagnent leur vie dans les sièges sociaux et que le gagne-pain
de 100 000 autres est indirectement relié à leur
présence."
Le recrutement des cadres supérieurs de la direction et des
services techniques ainsi que des professionnels qui forment un siège
social se fait nécessairement, en plus du Québec, dans les autres
parties du Canada et à l'étranger. Afin d'assurer au
Québec le recrutement continu de ces personnes hautement
qualifiées ainsi que leur rétention, il faut leur rendre
accessibles dans les deux langues une éducation de toute première
qualité, des services de santé et des facilités
culturelles à l'avenant. Cette nécessité vaut
particulièrement pour la région de Montréal où l'on
trouve de nombreux sièges sociaux et qui est reconnue comme un centre
international d'affaires. Nous reviendrons aux besoins de ces cadres
supérieurs un peu plus loin, en traitant brièvement des
problèmes de l'éducation.
Bien que l'entreprise privée a déjà
démontré qu'elle a une conscience aiguë de ses
responsabilités en favorisant l'usage du français comme langue de
travail au Québec, on doit admettre qu'un siège social doit
pouvoir choisir la ou les langues de travail les plus appropriées
à ses besoins corporatifs. Et n'oublions pas que la plus grande richesse
d'un siège social, comme de toute entreprise, est constituée de
ses ressources humaines.
Le recrutement d'experts sur le marché international implique
l'entente que les cadres choisis pourront, tant du point de vue du
développement de leur propre carrière que du point de vue des
besoins de la corporation, être appelés à travailler dans
tout pays ou toute province où l'entreprise exerce ses
activités.
Il est bien sûr que s'il s'avérait impraticable, à
cause d'une politique de francisation, pour les entreprises de recruter
à l'extérieur les cadres dont elles ont besoin, ou pour ces
cadres d'accepter un contrat social limitatif en raison de nouvelles conditions
sociales et éducationnelles au Québec, les corporations devraient
s'attaquer à ce nouveau problème. Le Québec ne peut se
permettre de perdre un trop grand nombre de sièges sociaux sans
compromettre sérieusement son économie.
Le départ d'un seul siège social signifie une perte
d'emplois pour tous les Québécois qui y oeuvraient et qui ne
seraient pas disposés à suivre leur employeur à
l'extérieur du Québec, dont une augmentation immédiate du
chômage au Québec. De plus, il élimine d'une façon
définitive un nombre imposant de perspectives d'emploi à un
niveau intéressant que le projet de loi, paradoxalement, visait pourtant
à multiplier à l'intention des Québécois, en vue
d'une plus grande participation au développement économique de la
province. Ces postes disparaissent tout simplement, pour ne rien dire des
retombées négatives du départ d'un siège social sur
toute l'économie du Québec: augmentation du chômage,
diminution des recettes fiscales directes et indirectes, émigration
d'experts, publicité adverse non propice à l'implantation de
nouvelles entreprises en provenance de l'extérieur.
Quant aux bureaux régionaux et succursales d'entreprises dont le
siège social est situé hors du Québec, il est essentiel
que la rédaction des documents internes puissent se faire dans la langue
qui
correspond aux besoins de l'entreprise et que la langue des
communications avec le siège social, où qu'il soit situé,
corresponde à leur choix mutuel, motivé par la nature de leurs
transactions et communications.
L'objectif à garder en mémoire ici est d'assurer la
compétitivité des entreprises et des corporations. Un programme
de francisation ne peut être identique dans le cas d'une entreprise qui
n'opère qu'au Québec, où par surcroît se confine sa
clientèle, et une autre qui opère à l'échelle
nationale ou internationale. Les contraintes particulières de chaque
établissement doivent entrer en ligne de compte. La loi se doit
d'être très souple à cet égard.
6- Besoins en matière d'éducation
a ) Egalité des chances
L'Association note avec joie qu'aucun certificat de fin d'études
secondaires ne sera délivré à l'élève qui
n'a du français, parlé et écrit, la connaissance
exigée par les programmes du ministère de l'Education (art. 57).
Cette disposition assure que, dans une génération, la
moitié du problème des communications entre les deux plus
importants groupes ethniques de la province sera réglée. Les
jeunes anglophones sortiront bilingues des écoles publiques.
Mais il ne faudrait pas négliger la formation des jeunes
francophones à l'endroit desquels le présent projet de loi, dans
sa forme actuelle, n'assure pas l'enseignement d'une langue seconde. Il
faudrait que la loi leur donne cette assurance, compte tenu de la situation
géographique du Québec en Amérique du Nord, sans quoi ils
risquent de se retrouver plus tard désavantagés sur le
marché du travail.
A l'heure présente, nous constatons que plusieurs provinces
déploient depuis peu des efforts notables en vue de développer
des programmes d'éducation en français sur leur territoire. Ceci
ne peut que servir les meilleurs intérêts des
Québécois de langue française qui seraient appelés
à compléter des stages de formation à l'extérieur
du Québec pour leur propre avancement, en autant qu'ils possèdent
au départ une connaissance suffisante de la langue seconde pour
participer à la vie sociale de leur milieu provisoire. A cette fin, le
Québec pourrait peut-être élargir ses propres
programmes.
b ) La mobilité des cadres
II a été établi plus haut que les cadres
supérieurs des sièges sociaux et régionaux sont
recrutés d'un peu partout, en plus du Québec. Dans le cas de
l'entreprise d'envergure nationale ou internationale, il s'agit dans bien des
cas de non-francophones. La mobilité de ces personnes est essentielle,
autant pour l'avancement de leur propre carrière que pour le
progrès de l'entreprise.
L'article 58 du projet de loi permettra sans doute d'accommoder les
stagiaires anglophones qui, à l'intérieur d'un programme de
développement de carrière, pourraient être appelés
à oeuvrer "pour un temps limité" au sein du siège social
de leur entreprise au Québec, pour fins de formation, en autant que la
période d'exemption correspondra à la durée du stage,
durée qui pourra varier selon les cas et parfois excéder deux ou
trois ans.
Mais il y a une autre situation concernant le cadre et le siège
social ou régional, qui se produit encore plus souvent. Une nomination
au siège social peut fort bien être le point culminant de la
carrière d'un cadre. Il né s'agit plus d'une période
"limitée". S'il s'agit d'un anglophone dont les enfants sont encore aux
études, il serait regrettable qu'une entreprise québécoise
puisse être privée des services de ce cadre uniquement parce que
les conditions restrictives de l'article 52, prévoyant la
possibilité de procurer aux enfants une instruction en langue anglaise,
ne sauraient être satisfaites. Si le Québec a effectivement le
droit de se priver des services d'experts dont il a par ailleurs besoin pour
son progrès économique, l'exercice de ce droit ne semble pas
devoir servir les meilleurs intérêts de la province.
7- Coercition et approche punitive
L'AMC regrette énormément que le projet de loi adopte une
approche punitive à l'endroit des établissements industriels qui
éprouveraient des difficultés dans l'application de la loi
proposée. Certains articles, i.e. l'article 36, prévoient
même des pénalités doubles.
Les manufacturiers s'inquiètent de la procédure
prévue pour les enquêtes relativement à la Commission de
surveillance (art. 120 à 144 incl.). Les enquêtes sont
confiées à des commissaires-enquêteurs qui font rapport au
président de la Commission. Celui-ci est nommé par le
gouvernement. Les décisions de la Commission de surveillance sont sans
appel.
L'AMC estime que cette procédure est abusive. Les pouvoirs du
législateur se trouvent ainsi délégués à
l'administration. On devrait prévoir un avis préalable aux
poursuites et accorder aux entreprises une période raisonnable, disons
six mois, pour apporter les changements nécessaires, avant que l'on ne
puisse invoquer une situation d'infraction. Les divergences d'opinion devraient
être débattues devant les cours civiles. Il serait essentiel, de
toute façon, que l'on prévoie des droits d'appel, devant les
cours civiles, aussi bien sur les questions de faits que de droit.
Le grand principe à retenir ici est le suivant: afin d'assurer
que la délégation de pouvoir ne puisse donner lieu à des
décisions finales arbitraires, il est essentiel que toute
décision au niveau du pouvoir exécutif puisse être
assujettie à une procédure d'appel au pouvoir judiciaire.
Ill-CONCLUSION
L'Association laisse à d'autres groupes le soin d'aborder divers
aspects du projet de loi dont les implications ne concernent pas directement le
secteur manufacturier, d'une façon particulière.
Les membres de la délégation de l'AMC se placent à
l'entière disposition du législateur pour toute question se
rapportant à leur mémoire et qui commanderait des explications
additionnelles.
(Annexe)
RÉSULTATS DU SONDAGE
MENÉ PAR LA DIVISION DU QUÉBEC
DE L'ASSOCIATION DES MANUFACTURIERS CANADIENS
A LA DEMANDE DE
LA COMMISSION D'ENQUETE SUR LA SITUATION DE LA LANGUE
FRANÇAISE ET SUR LES DROITS LINGUISTIQUES AU QUÉBEC
Avant-propos
Le 14 novembre 1969, notre bureau a adressé aux 1580 membres que
compte l'AMC au Québec un questionnaire demandant des renseignements sur
l'usage du français dans leurs usines.
Afin que les résultats de ce sondage soient le plus utile
possible pour fins de comparaison, nous avons classifié les
réponses reçues en trois catégories, selon la situation
géographique des répondants.
LA PROVINCE DE QUÉBEC: 520 usines embauchant 144,435
employés de production et contremaîtres;
LE MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN: 283 usines embauchant
89,039 employés de production et contremaîtres;
LE RESTE DE LA PROVINCE: 237 usines embauchant 55,396
employés de production et contremaîtres.
Les subdivisions du présent document constituent la compilation
des réponses telles qu'applicables d'une part aux ouvriers de production
et d'autre part aux contremaîtres et aux surveillants.
Référer à la version PDF page CLF-441
Référer à la version PDF page CLF-442
Référer à la version PDF page CLF-443
Référer à la version PDF page CLF-444
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Référer à la version PDF page CLF-446
Référer à la version PDF page CLF-447
ANNEXE II A
INTRODUCTION
La question linguistique revêt une extrême gravité,
mais elle est loin d'être la seule à se poser à la
collectivité québécoise. L'aliénation du peuple
québécois, un peuple de salariés à la recherche
d'une patrie, est d'abord de nature économique, elle découle de
la position que son écrasante majorité occupe dans le processus
de production: le bas de l'échelle. Le problème linguistique
n'est que la répercussion de cet état des choses sur le plan
culturel.
Le Québec ne réussira à régler de
façon définitive son problème qu'au moment où il
aura la volonté et le courage politique de procéder à la
repossession des leviers de contrôle de son économie, à la
réappropriation de son patrimoine de richesses naturelles et à la
réorientation de son économie dans le sens de la satisfaction des
besoins collectifs. Ce sera l'entreprise d'un peuple en voie
d'émancipation économique, sociale et nationale.
Un objectif de transformation globale ne contredit pas la
nécessité de tenter de régler des éléments
du problème linguistique et ce, à toutes les occasions
possibles.
La position de la C.E.Q. s'inspire des principes suivants:
La langue nationale est un bien collectif, elle ne saurait être la
simple résultante de choix individuels.
La langue nationale est un instrument de cohésion. Cela explique
la logique de notre position sur la langue d'enseignement.
L'existence d'une langue nationale forte est compatible avec le maintien
de langues minoritaires.
La situation géographique du Québec, la volonté
d'entretenir des liens d'égal à égal avec d'autres Etats
du monde, nous imposent d'assurer un enseignement efficace de l'anglais et des
autres langues étrangères.
La minorité, dite anglophone, ne constitue pas un bloc
monolithique: cette expression regroupe actuellement à 50% des personnes
d'origines ethniques autres qu'anglaises. Au plan économique, ce qui
sépare un travailleur salarié anglophone d'un travailleur
salarié francophone est bien moindre que ce qui les unit.
Le respect du bien des élèves actuellement inscrits dans
les écoles anglaises par l'aménagement de structures efficaces
d'accueil pour les immigrants à réintégrer à
l'école française, et le respect des droits de la
véritable minorité anglophone à recevor l'enseignement
dans sa langue.
Aussi, la C.E.Q. considère que le projet de loi numéro 1
est tout empreint de dignité et il est clair que, malgré
certaines réserves qui n'entraînent nullement notre opposition
à la Charte, la Centrale de l'enseignement du Québec se range
sans hésitation dans le camp de la majorité, dans celui des
défenseurs de la Charte du français au Québec.
Le Livre blanc et la Charte sont deux documents qui prennent parti
clairement pour le peuple québécois. Ce sont des projets
foncièrement démocratiques, empreints de dignité et qui
méritent l'appui de la C.E.Q. et de toutes les organisations de masse
québécoises. . Dès le départ, la C.E.Q. met en
garde le Gouvernement du Québec contre tout recul. Les
Québécois ne pardonneraient jamais au Gouvernement de
céder d'un pouce alors qu'ils se sentent à présent si
près du but en ce domaine. Nous mettons surtout en garde le Gouvernement
contre la tentation de compter indistinctement le nombre des mémoires
approuvant ou désapprouvant la Charte en Commission parlementaire. Des
associations telles le Montreal Board of Trade, le Conseil du Patronat,
l'Association des Manufacturiers, et autres groupes de même acabit
devraient être considérées pour ce qu'elles sont: une
minorité exploitante défendant ses propres intérêts
qui a toujours manifesté un mépris certain pour la
majorité, le peuple québécois.
La C.E.Q. appuie donc vigoureusement le projet de loi numéro
1.
Ce projet de loi, nous le ressentons comme une triple
nécessité: à titre de Québécois: le
français est une condition de vie, de développement et
d'épanouissement; à titre de travailleurs francophones: le
français est véritablement une condition de travail; à
titre de travailleurs de l'enseignement: le français est l'objet et
l'outil de notre travail quotidien.
CHAPITRE PREMIER LA LANGUE OFFICIELLE
La Centrale de l'enseignement du Québec réclame depuis
déjà plusieurs années une législation linguistique
faisant du français la seule langue officielle du Québec et la
langue réelle du travail, des affaires et de l'administration. Nous
voulons bien admettre que l'anglais puisse être utilisé comme
langue d'enseignement pour l'enseignement dispensé aux véritables
anglophones, mais nous n'avons jamais admis, et nous n'admettrons jamais, que
le français et l'anglais aient comme langues d'enseignement un statut
juridique équivalent ou quasi-équivalent. C'est dans cet esprit
que nous avons combattu la loi 63 et la loi 22 qu'on aurait dû intituler
"Loi définissant les statuts respectifs des deux langues officielles et
reconnaissant au français une certaine priorité
protocolaire".
La Charte du français, quant à elle, fait
réellement du français la langue officielle du Québec.
Nous y voyons le socle de la loi numéro 1: l'octroi du statut de langue
officielle au français a des répercussions fondamentales.
Au sens large, le français devient une langue dont le statut est
proclamé ou explicitement reconnu par une autorité
compétente. En ce sens-là, une langue est officielle dès
qu'elle est explicitement reconnue par législation comme langue
nationale, comme langue commune, ou encore dès que la loi lui
reconnaît nommément une fonction, des attributions ou des droits
non reconnus aux langues qui ne sont pas nommées par la loi. Dans un
sens plus restreint, la langue officielle c'est la langue de la
législation, de l'administration publique, des tribunaux, des
délibérations officielles, des contrats et de tous autres
documents ayant ou pouvant avoir des effets juridiques: c'est la langue dans
laquelle doit être rédigé tout texte officiel susceptible
d'être invoqué pour une question de droit.
En ce sens, il est clair que le Gouvernement accorde au seul
français le statut de langue officielle tout comme il est clair qu'il a
traité la minorité anglophone avec un sens du respect et de la
justice qui voisinent la générosité. Sans doute, ces
égards seront-ils considérés par d'aucuns comme
étant un pied dans la porte, un signal indiquant qu'il y aurait lieu de
tenter d'élargir les brèches pour que l'anglais
récupère des "droits" qu'il n'a pas et qu'il n'a d'ailleurs
jamais eus, comme le souligne si bien le mémoire du Mouvement
Québec-Français.
De la langue du peuple québécois
II nous faut, d'entrée de jeu, relever la critique trop facile
que d'aucuns formulent à l'égard du premier attendu de la Charte
qui stipule: "l'Assemblée nationale constate que la langue
française est depuis toujours la langue du peuple
québécois et que c'est elle qui lui permet d'exprimer son
identité".
C'est cette affirmation que nous soutenons lorsque nous parlons
d'unité linguistique du Québec. Mais cette unité
linguistique, relative et variable, n'implique pas nécessairement que
tous les membres du groupe humain concerné sans exception aient une
seule et même langue maternelle. Il faut en effet établir une
nette distinction entre la langue nationale et les langues maternelles.
Celles-ci sont le bien propre des individus et des familles qui les parlent,
tandis que la langue nationale est la marque distinctive du groupe national par
rapport aux nations étrangères et, plus particulièrement,
par rapport aux peuples voisins; elle est la langue historique de la nation, la
langue maternelle ou d'usage de la majorité au sein de la nation, la
langue commune pour les communications inter-ethniques et les relations d'ordre
public au sein de la nation et la langue des institutions politiques propres a
la nation; elle constitue le bien commun national.
Ce qui fait le peuple québécois et la nation
québécoise, et fonde par conséquent son droit à une
politique linguistique autonome, ce n'est pas une mythique
homogénéité ethnique totale ou quasi absolue. C'est bien
plutôt, en accord avec les lois objectives du développement des
sociétés, l'ensemble d'éléments suivants: son
territoire défini et relativement unifié; la composition
particulière et originale de sa population aux plans ethnique et
linguistique notamment; ses coutumes particulières notamment au plan
juridique, en tant que société distincte; ses institutions
particulières (politiques, coopératives, syndicales, etc.); sa
continuité historique, remontant aux origines de la Nouvelle-France dont
l'axe Québec-Trois-Rivières-Montréal constituait
l'épine dorsale, assumée sous les noms de Province de
Québec (de 1774 à 1791), de Bas-Canada (de 1791 à 1840),
de Canada-Est (de 1840 à 1867) et, à nouveau, de Province de
Québec (depuis 1867); les caractéristiques propres de son
économie et les aspects originaux de sa vie économique; la
conscience de son unité, de sa spécificité et de sa
continuité historique; son aspiration constante à l'autonomie
politique, sous une forme ou sous une autre; la constance du fait
français comme aspect dominant du caractère propre de sa vie
collective
Référer à la version PDF page CLF-450
et, en particulier, le fait d'avoir conservé comme langue
maternelle et d'usage de la très forte majorité de sa population
la langue de ses origines historiques, distincte de celle des peuples ou
nations avoisinants.
Or, aucune grande nation au monde ne peut prétendre avoir
réalisé l'unification linguistique totale de sa population quant
à la langue maternelle et à la langue d'usage au foyer. Ce qui
est visé cependant dans toute nation qui évolue normalement,
c'est que tous ses ressortissants puissent s'exprimer et communiquer entre eux
dans une même langue, la langue commune, qui sera reconnue comme langue
de la vie économique, de la vie politique et comme langue d'usage de
toutes les institutions de caractère public.
Donc, l'existence d'une langue nationale unique n'exclut pas la
possibilité de langues maternelles multiples. Cette
réalité est même inévitable dans un monde où
les communications sont de plus en plus faciles et, en particulier, dans un
pays comme le nôtre, très vaste et susceptible de recevoir une
immigration nombreuse. Il faut donc concilier les droits de la langue nationale
en tant que langue nationale avec les droits légitimes des individus
à utiliser dans la vie privée la langue de leur choix et à
retransmettre, s'ils le désirent, leur langue maternelle à leurs
propres enfants.
Si les individus en tant qu'individus doivent avoir des droits
égaux devant les institutions politiques et devant la loi, s'ils doivent
garder le droit strict de conserver et de transmettre dans leur milieu familial
la langue de leur choix; si les groupes ethniques, en tant que groupes
ethniques, doivent garder le droit de survivre et de développer leurs
caractéristiques propres, il serait cependant illusoire de compter sur
une quelconque égalité de statut entre deux ou plusieurs langues
sur un même territoire. Dans une aire géographique donnée,
il y a toujours une langue dominante: cela est inévitable. Et nous
n'ignorons pas qu'il y a une loi objective du développement des
sociétés qui fait qu'une population d'un même territoire
tend à plus ou moins long terme à l'unification linguistique.
C'est la loi de la formation des nationalités et des nations.
Dans une société normale, la langue prédominante
est la langue dans laquelle se réalise l'unité de la nation,
c'est généralement la langue maternelle de la majorité de
la population. Dans une société dominée, la langue de la
société dominante tend à supplanter la langue de la
majorité locale dans un grand nombre de secteurs de la vie collective.
Dans une société en voie de se libérer, la lutte de
libération se traduit généralement aussi par une lutte
pour faire reconnaître le statut de lang'ue dominante à la langue
de la majorité.
Avant de dégager les principaux traits du problème
linguistique au Québec, nous allons nous remémorer quelques
chiffres concernant la composition de la population québécoise.
Le recensement de 1971 nous fournit des informations sur l'origine ethnique,
sur la langue maternelle, sur la langue d'usage à la maison et sur
l'aptitude à s'exprimer en français ou en anglais.
Du point de vue de l'origine ethnique, la population
québécoise se répartit comme suit:
Référer à la version PDF page CLF-451
Référer à la version PDF page CLF-452
Or, quelle que soit la façon de définir la minorité
de langue anglaise, celle-ci apparaît toujours comme la minorité
économiquement dominante que ce soit du point de vue de l'échelle
des revenus, du point de vue des possibilités de promotion
économique ou du point de vue de la place occupée dans les
rapports de production.
Des organismes municipaux et scolaires
Nous avons constaté que certains groupes reprochent à
l'article 23 de la Charte l'obligation qu'il impose aux organismes municipaux
et scolaires "anglais" de se conformer aux dispositions de la Charte et aux
règlements y afférant. Nous trouvons, quant à nous, que le
délai de six ans est fort généreux, mais nous voulons
surtout relever l'argument souvent servi à rencontre de la
volonté du Gouvernement de "franciser les administrations scolaires et
municipales anglophones", à l'effet que ce serait une atteinte à
des "droits acquis".
Cette prétention est fallacieuse. Il n'existe pas au
Québec de municipalités anglaises, pas plus qu'il n'existe des
commissions scolaires anglaises. Il n'existe au Québec que des
municipalités dont une partie plus ou moins importante des
administrés est de langue maternelle anglaise tout comme il n'existe que
des commissions scolaires qui dispensent une partie plus ou moins importante de
leur enseignement en anglais.
Le système scolaire du Québec est divisé en
commissions scolaires catholiques et protestantes. Il n'y est nullement
question de langue et encore moins de droits acquis à l'anglais.
Légiférer dans un autre sens que celui de l'article 23
constituerait la reconnaissance officielle de certains privilèges que
d'aucuns se sont attribués et qui sont, quant à nous, totalement
inacceptables.
"Le français est la langue officielle du Québec", dit
l'article premier de la loi. Si cet article ne doit pas devenir une
priorité protocolaire, il est absolument impérieux que toutes les
administrations scolaires et municipales s'y conforment sans la moindre
restriction. C'est l'unité linguistique du Québec qui en
dépend.
De la francisation des entreprises et de la langue de
travail
On exagère à peine en disant qu'au Québec l'anglais
est la langue des "boss" et le français, la langue des travailleurs.
Tout au plus cette affirmation aurait-elle besoin d'être nuancée
selon la taille de certaines entreprises et selon les secteurs
d'activités. On ne peut pas parler d'une grande bourgeoisie francophone,
encore moins nationale. Une telle classe ou même fraction de classe
susceptible de représenter une force sociale différenciée
n'existe pas. Tout au plus existe-t-il des "éléments" dont les
intérêts ne sont pas suffisamment particuliers pour être
situés dans une catégorie à parti Paul Desmarais n'a comme
particularité que d'être francophone, mais il est tout aussi
impossible de l'identifier à la majorité francophone qu'à
une mythique grande bourgeoisie francophone. La firme Bombardier dépend
des marchés américains et canadiens. Le français n'occupe
une place prépondérante à la direction que dans
l'administration publique, dans les entreprises nationalisées, dans les
coopératives ainsi que dans les petites entreprises d'envergure
régionale.
Une étude réalisée pour la Commission
Laurendeau-Dunton révélait que, aussi incroyable que cela puisse
paraître, les anglophones unilingues ont de meilleures chances de
promotion économique au Québec que les bilingues. La même
étude révélait aussi que les Québécois
étant classés selon leur origine ethnique, les groupes d'origine
française, italienne et amérindienne avaient les plus bas revenus
par tête (avec respectivement $3,200., $3,000. et $2,000.), alors que les
Britanniques se classaient en tête du peloton avec un revenu moyen par
tête de $5,000. (en 1961). Des études publiées en 1977 ont
démontré que les francophones se classent à présent
au dernier rang, après les Italiens.
Pour beaucoup de travailleurs qui veulent que le français soit
leur langue de travail, cette lutte apparaît comme un combat de l'homme
contre l'argent.
La question linguistique doit donc être replacée dans le
contexte global de la domination au Québec, domination à la fois
économique et politique. Il serait faux et déplorablement vain de
poser le problème linguistique comme un problème en soi, comme si
deux langues pouvaient être antagonistes par nature. C'est toute la
question nationale avec ses dimensions économique et politique qui doit
être posée. Autrement, tous les débats entourant, par
exemple, les avantages et les inconvénients du bilinguisme scolaire
précoce, deviennent de faux débats, des prétextes à
un affrontement qui aura toujours sa source dans la situation de
domination.
C'est pourquoi, nous demandons au Gouvernement de maintenir, sans le
moindre compromis, sans la moindre concession, l'article 106 relatif aux
programmes et certificats de francisation des entreprises. Malgré les
scénarios apocalyptiques que ne manquent pas d'évoquer les
associations patronales et les grandes sociétés, il nous semblera
toujours inacceptable que Kodak parle français en France, espagnol en
Espagne, allemand en Allemagne et anglais au Québec.
De même, insistons-nous pour que le Gouvernement ne cède
pas devant les pressions qui s'exercent sur lui pour amender les articles
relatifs à la langue du travail (articles 33 à 40) et en
particulier l'article 36 relatif à la non-discrimination dans l'embauche
et la promotion.
De la francisation du paysage
Enfin, nous voulons souligner que l'opposition faite à l'article
46 du projet de loi nous apparaît aberrante. Certains adversaires de la
Charte se complaisent à mettre en évidence le "ridicule"
qu'entraînerait la francisation de l'affichage dans "Chinatown" à
Montréal.
Nous avons là un exemple flagrant de mauvaise foi. Ce que les
détracteurs de la Charte ne soulignent évidemment pas, c'est
qu'il est encore plus ridicule de parler de la "seconde ville française
au monde" lorsqu'on se promène à l'ouest de la rue St-Laurent
à Montréal...
En réalité, ce n'est pas le chinois de "Chinatown"
(où incidemment la langue seconde et souvent première est
l'anglais) qui menace la culture francophone du Québec, c'est l'anglais.
Avant d'être la deuxième ville française au monde,
rappelons-le, Montréal est surtout la première ville anglaise du
Québec.
A la C.E.Q., nous serions disposés à permettre aux Chinois
d'afficher leurs annonces en chinois et en français dans le Quartier
chinois de Montréal. Mais ces "défenseurs" improvisés de
la survie culturelle de la communauté chinoise de Montréal
s'empresseraient alors de mettre en évidence le fait que le
Québec "veut se venger de la défaite des plaines d'Abraham et
qu'il accorde au chinois des droits qu'il refuse à l'anglais"!
La réalité nous force à dire clairement que le
Québec français doit se donner les moyens de se consolider. Ce
n'est pas parce que les antibiotiques sont néfastes lorsqu'on est en
bonne santé qu'ils ne doivent pas être prescrits lorsqu'on souffre
d'infection et à plus forte raison, comme à plus forte dose,
lorsqu'il y a risque d'infection généralisée.
Nous sommes donc heureux de voir reconnu, par cette Charte, le
français au Québec comme langue de culture. En proposant de
donner un visage français au Québec, d'en redorer le paysage, le
gouvernement québécois engage toute la population dans une vaste
opération de décolonisation de l'intérieur.
Participer à cette entreprise collective et nationale, c'est
aussi espérer que le gouvernement contrôle ce que l'on pourrait
appeler le "paysage sonore" du Québec. On ne saurait nier l'importance
des communications dans l'épanouissement culturel d'un peuple. Cet
élément de plus en plus important dans notre environnement exerce
une force d'attraction qui peut avoir des effets dévastateurs ou
bénéfiques sur l'enseignement de la langue maternelle.
Pour ces raisons, la C.E.Q. est convaincue que le gouvernement
québécois doit avoir le contrôle total sur ses
communications et souhaite le règlement prochain d'un contentieux qui
n'a duré que trop longtemps.
De la langue des relations du travail
Notre position sur la question de la langue des relations industrielles
a été exprimée au Gouvernement dans le mémoire que
nous lui avons soumis avec la CSN, le 28 février dernier. Rappelons
simplement que nous demandions:
QUE toutes les décisions du Tribunal du travail et des
tribunaux en général, ajoutons-nous, doivent être
rendues en français, de même que les procédures officielles
faites devant le Tribunal.
QUE pour être valide, une convention collective doit être
écrite en français. Nous nous réjouissons des dispositions
incluses à ce sujet dans la Charte de la langue française. Cela
mettrait notamment fin à des situations intolérables que la
C.E.Q. avait clairement dénoncées dans une lettre ouverte
adressée à l'ancien premier ministre du Québec à la
suite de jugements rendus en anglais alors que toutes les parties aux
procès étaient francophones.
Des droits et libertés de la personne
La seule critique visant à atténuer la portée du
projet de loi numéro 1 que nous retenons est celle relative à
l'article 172.
Le ministre de la justice, monsieur Marc-André Bédard,
déclarait le 10 mai 1977: "Une fois cet amendement (l'article 172 dans
sa forme actuelle) fait, il est bien évident qu'aucune disposition de la
Charte du français ne peut constituer une discrimination au sens de la
Charte des droits et libertés de la personne."
L'affirmation du ministre Bédard est claire; elle est
appuyée sur l'article 10 de la Charte des droits et libertés qui
stipule ce qui suit: "Toute personne a droit à la reconnaissance et
à l'exercice, en pleine égalité, des droits et
libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe,
l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue,
l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou
préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce
droit."
Dans le contexte juridique où la Charte de la langue
française ne serait pas soustraite à l'application de la Charte
des droits et libertés de la personne, que se passerait-il?
Il nous semble qu'on pourrait invoquer contre l'obligation de
fréquenter l'école française l'article 43 de la Charte des
droits et libertés de la personne: "Les personnes appartenant à
des minorités ethniques ont le droit de maintenir et de faire progresser
leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe." Un
néo-québécois d'origine australienne pourrait s'appuyer
sur l'article 10 et se prétendre victime de discrimination en regard du
droit énoncé à l'article 43. On peut envisager qu'ainsi
certaines dispositions de la Charte deviennent inopérantes sous des
aspects fondamentaux.
Par contre, dans les articles 9 à 38, deux autres articles
énoncent des droits reliés à la langue; ce sont les
articles 28 et 36 qui ont une importance réelle pour les droits de la
personne que nous voulons voir respecter.
Article 28: "Toute personne arrêtée ou détenue a
droit d'être promptement informée, dans une langue qu'elle
comprend, des motifs de son arrestation ou de sa détention."
Article 36: "Tout accusé a droit d'être assisté
gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas la langue
employée à l'audience."
Sans l'article 172 de la Charte de la langue française,
évidemment leur application est assurée.
Avec l'article 172, les recours à ce sujet peuvent devenir
problématiques et les résultats de contestation de ces articles
sont incertains.
Nous croyons donc que ceux qui ont considéré que l'article
172 était une erreur ont eu raison. Il faudrait que la
législation proposée par le Gouvernement soit beaucoup plus
précise sur l'articulation entre les droits et obligations relatifs
à la langue et les droits de la personne; c'est volontairement que nous
évitons la distinction entre les droits collectifs et les droits
individuels.
Nous demandons au Gouvernement de retirer l'article 172 du projet de loi
numéro 1, ET DE PRÉCISER CLAIREMENT LES DROITS DE LA PERSONNE QUI
SONT MODIFIÉS PAR LA CHARTE DU FRANÇAIS pour éviter
certains abus tels ceux mentionnés ci-dessus.
CHAPITRE II LA LANGUE D'ENSEIGNEMENT
La position que nous allons défendre concernant les politiques
linguistiques en éducation repose sur un certain nombre de postulats de
base:
Le Québec, pris globalement, est dans sa nature profonde un pays
français, fondé il y a plus de trois siècles et demi par
le peuple des "habitants" de la Nouvelle-France, lequel peuple s'y est
perpétué de façon continue jusqu'à nos jours; au
Québec même, le français, langue nationale des
Québécois, langue maternelle de 80% d'entre eux et de 86% de la
population native du pays, est dominé, humilié et menacé
dans son existence par une langue usurpatrice qui se trouve être à
la fois la langue de la petite minorité dominante
anglo-québécoise, la langue du grand Canada auquel le
conquérant britannique a annexé le Québec et la langue de
l'impérialisme américain de plus en plus envahissant; il arrive
donc qu'au Québec, c'est la langue de la majorité qui a besoin
d'une protection spéciale; tous les citoyens du Québec, quelles
que soient leurs origines ethniques et leur langue maternelle, doivent
être traités avec justice, comme des citoyens égaux en
droits et protégés contre la discrimination; il peut
s'avérer avantageux pour l'ensemble de la société
québécoise que les groupes ayant comme langue maternelle une
langue autre que le français puissent, s'ils le désirent,
maintenir et enrichir la connaissance de cette langue; il est nécessaire
toutefois que tous les Québécois, par delà leurs
différences ethniques, puissent communiquer entre eux et avec les
institutions nationales dans une langue commune, la langue nationale; la
connaissance des langues étrangères et notamment de l'anglais
sera toujours utile aux Québécois; l'apprentissage précoce
des langues étrangères ne saurait être une panacée;
pratiqué sans discernement et sur une base
généralisée, il est susceptible de comporter des
inconvénients graves aux plans pédagogique et socio-culturel; les
communautés esquimaude et amérindienne ont droit à une
reconnaissance spéciale en tant qu'héritières des premiers
occupants du territoire et continuateurs de sociétés
pré-existantes à l'actuelle société
québécoise; leurs langues maternelles doivent jouir d'une
protection spéciale et d'un statut officiel sur les territoires qu'elles
occupent.
La première priorité dans la définition des
objectifs linguistiques en éducation sera donc d'assurer à tous
les Québécois une connaissance d'usage de la langue
française comme langue de la vie économique et de la vie
politique, comme langue des services publics ainsi que comme principale langue
de l'activité scientifique et de la technique.
Au niveau des structures administratives, même si nous admettons
que la Charte n'a pas à disposer de cette question, nous croyons que la
carte scolaire du Québec doit être refaite dans l'optique de
confier à une même administration scolaire la juridiction sur les
écoles élémentaires et secondaires d'un même
territoire, et d'abolir les divisions administratives fondées sur la
confession religieuse et la langue, le français devenant la langue
officielle et la langue de travail de toutes les administrations scolaires.
Pour ce qui est des populations nordiques, nous croyons qu'elles doivent
être traitées de façon distincte. Une politique
éducative originale et autonome devrait être
élaborée par les autochtones du Nord québécois en
fonction de leur culture propre et pour répondre à leurs besoins
particuliers. Le gouvernement du Québec devrait accorder une aide
technique aux autochtones dans l'élaboration et la mise en place de
cette politique éducative autonome.
II appartient donc aux Esquimaux et aux Cris du Nord
québécois de déterminer eux-mêmes les statuts
respectifs de leur langue maternelle et du français dans les
écoles.
Dans les territoires amérindiens du sud, il y aurait lieu sans
doute de reconnaître aussi une large autonomie éducative, mais
étant donné l'importance des contacts quotidiens à
maintenir avec l'ensemble de la communauté québécoise,
étant donné aussi les contacts à favoriser entre
Amérindiens de langues maternelles différentes, il apparaît
évident que la place du français devra y être beaucoup plus
importante que dans les écoles du Grand Nord québécois.
D'ailleurs, plusieurs tribus amérindiennes ont déjà
adopté le français comme langue d'usage (les Montagnais, par
exemple) voire même comme langue maternelle (les Hurons et les
Abénakis, par exemple).
Deux questions se posent toutefois:
Est-ce que l'imposition du français comme langue seconde aux
autochtones ne contribuerait pas à les isoler des autres autochtones
d'Amérique du Nord avec lesquels ils ont des solidarités
historiques?
Est-ce qu'une telle imposition ne les empêcherait pas de se
développer en les coupant d'un réseau de relations qui leur est
nécessaire au Canada et sur le plan international?
La réponse doit être donnée par les
Amérindiens et les Inuit eux-mêmes puisque nous reconnaissons leur
droit à l'autodétermination.
Quant à la majorité francophone, elle doit se
libérer de la domination économique et psychologique de l'anglais
et ramener cette langue à son statut de langue seconde (très
importante sans doute) parmi d'autres langues étrangères.
Les quatre règles du jeu
Dans le but de rendre applicables les principes énoncés
ci-dessus, la Centrale de l'enseignement du Québec soumet au
gouvernement un train de mesures concrètes, pratiques et visant les
objectifs fondamentaux de l'intégration éducative mais aussi
culturelle des non-anglophones à la majorité francophone du
Québec et le redressement normal à imposer aux francophones
assimilés ou en voie d'assimilation.
Les mesures que nous élaborons ci-dessous doivent se concevoir
comme s'étalant sur une période de dix (10) à douze (12)
ans et aboutissant à la mise en place graduelle d'un véritable
système scolaire public francophone et intégré, laissant
place aux niveaux élémentaires et secondaire à des classes
de langue anglaise, et conduisant à compter du collège et de
l'université à des réseaux ou établissements
exclusivement de langue française.
Compte tenu de cet objectif général et global, il nous
semble important de déterminer quatre règles de base. Alors que
les deux premières clarifient le statut du français et la
question des structures, les deux autres établissent de façon
pratique le critère permettant l'accès à l'enseignement en
anglais et la forme que prendra cet enseignement. 1. Le français doit
être la langue officielle du système d'enseignement et de
l'administration scolaire à tous les niveaux. 2. Le système
scolaire doit être unifié, de façon que disparaissent les
divisions des structures administratives, tant confessionnelles que
linguistiques. 3. Les enfants dont l'un des parents a fait ses études
élémentaires dans une école de langue anglaise au Canada
ont accès à un enseignement en langue anglaise, à la
condition que les deux parents soient d'accord. Mais seuls ces enfants y
auraient accès, ce qui exclut les francophones et immigrants qui sont
déjà dans des écoles anglaises. 4. Cet enseignement en
langue anglaise se donne dans le cadre d'écoles ou de classes
homogènes, selon le nombre et la concentration des
intéressés.
Les deux premières règles indiquent sans
ambiguïté aucune qu'il ne doit plus y avoir deux ou plusieurs
systèmes scolaires au Québec, ni même de secteur ou de
réseau réservé à l'enseignement en langue anglaise.
L'adoption de ces règles mettrait fin à toute forme de ghetto ou
de parallélisme, que ce soit à des fins linguistiques ou
confessionnelles.
La troisième règle propose un critère pratique pour
déterminer ceux qui auront accès (nous ne parlons pas de "droit",
mais d'état de fait) à l'enseignement en anglais. Depuis 1969,
c'est là que se situe la pierre d'achoppement et nous savons tous les
écueils qui ont caractérisé les diverses formules mises de
l'avant.
La loi 63 (1969) avait établi la règle du "libre choix des
parents", ce qui était absolument intolérable; le gouvernement
U.N. de l'époque a sombré peu après.
La loi 22 a plutôt retenu le critère de "la connaissance
suffisante" de l'anglais comme condition d'accès à ce secteur.
Encore fallait-il mesurer cette connaissance! C'est ce que le gouvernement et
les commissions scolaires ont voulu faire par l'imposition des tests, avec les
résultats, les pirouettes et les contestations que l'on sait. De plus,
ce critère constitue une incitation à l'ouverture de classes
clandestines de langue anglaise pour les immigrants.
D'autres formules ont aussi été avancées, tel le
contingentement de la croissance du secteur anglais: mais on se heurte vite
à des difficultés pratiques considérables quand vient le
temps d'établir les quota désirables.
En février dernier, le Conseil scolaire de l'Ile de
Montréal proposait de "remplacer le critère purement
pédagogique de la connaissance suffisante de la langue d'enseignement
par celui de l'appartenance à la communauté anglophone" et de
"confier l'application du critère à un organisme administratif
indépendant des pouvoirs politiques, particulièrement des
commissions scolaires, et composé de membres choisis pour leur sens
exceptionnellement développé de la justice comme le sont
généralement les titulaires des postes de protecteur du
citoyen".
Pour sa part, le Conseil supérieur de l'Education a
proposé dernièrement que les enfants de langue maternelle
anglaise puissent recevoir l'enseignement en anglais si leurs parents le
désirent; le C.S.E. propose ensuite de confier l'application de ce
critère "non pas aux instances responsables de l'inscription scolaire,
mais à une autre instance, comme celles dont relève le registre
de l'état civil (ministère de la justice) ou le registre de la
population (ministère des affaires sociales)".
Ces deux propositions illustrent une fois de plus les nombreuses sources
d'appréhension et possibilités d'interprétation et
d'arbitraire qui guettent ces diverses formules, puisque l'on sent le besoin de
prévoir un mécanisme spécial, s'ajoutant aux rouages
déjà connus.
Nous reconnaissons d'emblée le mérite du critère
"langue maternelle anglaise", ainsi que nous l'avons affirmé dans le
cadre de la position du M.Q.F., mais nous croyons que la règle 3
ci-dessus a l'avantage pratique d'être directement applicable (sans
recours à des tiers) et de se rapprocher du critère de la langue
maternelle ou langue d'usage. Cette règle écarte aussi le recours
au recensement et aux déclarations solennelles, jugés peu dignes
de confiance dans le contexte scolaire et politique actuel.
Il est à noter que cette règle 3 est formulée dans
sa version la plus souple; d'aucuns pourraient chercher à la rendre plus
sévère en exigeant que la scolarité des deux parents soit
en anglais, ou encore en ne considérant que la scolarité faite en
anglais au Québec, pour un ou les deux parents. Nous estimons qu'il faut
d'abord viser à un critère sûr, objectif, mesurable et
simple, et qu'il est préférable d'être plus souple au
départ, mais d'être clair pour toujours.
La quatrième règle ne dispose pas de façon absolue
du problème "des classes ou des écoles homogènes", parce
que nous croyons que le problème se pose de façon
différente selon que dans un milieu donné les francophones sont
ou non majoritaires (indice de concentration) et selon les nombres à
desservir. Il faudrait des données démographiques plus
précises, lesquelles devront tenir compte des nouvelles structures
scolaires unifiées.
Une stratégie de changement
Une fois les règles de base établies et assimilées,
il faut prévoir la réalisation dans le temps de ces mesures, ce
qui implique une stratégie de changement et des mesures de
transition.
Le plan que nous proposons se découpe en deux périodes de
5 à 6 ans, soit à peu près le cheminement que suivrait
l'élève qui entre à l'école en septembre 1977 et
qui entrera au CEGEP dans environ 11 ou 12 ans. Aux yeux des plus impatients,
un plan de 10 ans peut paraître indûment étiré; c'est
vrai que 10 ans de temps perdu, comme les années que nous avons
traversées depuis le bill 85, la loi 63, la loi 22, c'est long. Mais
nous croyons que 10 ans pour réaliser le plan proposé constituent
une période de temps réaliste, compte tenu des changements
politiques, socio-économiques, pédagogiques, administratifs et
psychologiques nécessaires; c'est pourquoi nous demandons que les
propositions suivantes commencent à être réalisées
à compter de l'année scolaire 1977-1978. De 1977 à
1982
Le cadre général: l'unification administrative des
systèmes actuels, catholique et protestant 1. Au niveau
pré-scolaire et élémentaire, l'école
française pour tous sauf ceux qui ont accès à
l'enseignement en langue anglaise. 2. La connaissance usuelle du
français devient une condition de certification de fin d'études
secondaires, pour les élèves ayant accès à
l'enseignement en anglais. 3. A tous les niveaux sont organisées des
classes d'accueil pour les élèves de langue maternelle autre que
le français en vue d'assurer leur intégration à
l'école francophone. 4. Quant à ceux qui sont actuellement dans
les écoles anglaises et qui ne sont pas de véritables
anglophones, on peut distinguer deux situations: les francophones et allophones
possédant une connaissance d'usage du français sont
réintégrés dans les écoles françaises
à compter de septembre 1977; les allophones et non véritables
anglophones ne possédant aucune connaissance d'usage du français
sont réintégrés graduellement par le biais des classes
d'accueil.
De 1983 à 1989
Le cadre général: l'intégration linguistique des
établissements et réseaux existants 1. Au pré-scolaire,
à l'élémentaire et au secondaire, mise en place
"d'écoles de quartier", desser- vant tous les étudiants
québécois, sous réserve d'assurer l'enseignement en
anglais d'un certain nombre de connaissances de base à ceux qui ont
accès à l'école anglaise.
2. Intégration graduelle des établissements de niveau
post-secondaire (collèges et universités): rendue possible
puisque tous les jeunes québécois de cet âge pourront de
mieux en mieux communiquer en français.
Le rôle social et culturel de
l'école
C'est par l'école qu'une nation préserve et transmet son
patrimoine et assure sa cohésion. C'est en ce sens que l'école
est un instrument collectif qui constitue la pierre d'assise d'une nation;
d'où l'importance absolue et indiscutable que la langue nationale,
premier élément du patrimoine national, soit la langue
d'enseignement du système scolaire.
Tous les citoyens québécois doivent non seulement savoir
le français, mais ils doivent être préparés à
vivre à l'aise dans un pays où le français sera la langue
principale sinon unique des structures économiques, politiques, sociales
de la vie quotidienne. L'école a un rôle de premier plan à
jouer pour préparer chaque enfant à vivre à l'aise dans
ces structures et dans cette culture. A cette fin, l'école ne saurait
apprendre seulement le français aux allophones et anglophones; ces
derniers doivent apprendre des connaissances de base en langue française
de manière à favoriser une meilleure intégration des
non-francophones à la vie courante du Québec de l'avenir.
L'école a en somme un rôle d'acculturation des non-francophones
qui dépasse, tout en la complétant, la dimension linguistique. De
plus, on peut dire que l'école a une fonction sociale essentielle
et vraiment fondamentale du point de vue d'une organisation syndicale
c'est de nouer des relations d'amitié, de fraternité, de
solidarité entre des personnes; c'est de favoriser l'échange de
vues, dans le respect de l'autonomie et des idées de chaque groupe ou
personne. L'école constitue un creuset social de premier ordre, à
partir duquel peut se résorber la distance sociale et culturelle qui
caractérise "les deux solitudes" actuelles au Québec.
Contre la conversion de privilèges en
droits
Une fois établies les règles du jeu en matière de
langue d'enseignement, le pouvoir politique devra procéder avec
diligence, mais dans le respect des droits des travailleurs concernés,
aux changements structurels et administratifs requis.
Notre politique quant à l'accès à l'enseignement en
anglais que nous qualifions de beaucoup plus rigide pour les
Québécois et d'un peu plus généreuse pour les
Canadiens des autres provinces, tant que le Québec fera partie de la
Confédération, doit être prise dans son ensemble. C'est une
politique globale que nous refusons de fractionner.
La C.E.Q. propose une politique globale s'appliquant
intégralement pas plus, mais surtout pas moins, et au grand jamais tout
à fait autre chose.
Nous insistons également sur la nécessité de
ramener à l'école française tous ceux qui ne
répondent pas au critère d'admissibilité à
l'enseignement en anglais. Il ne s'agit pas là de "coercition
rétroactive"; il s'agit simplement de refuser la transmission de
"droits" reconnus de facto à un moment donné.
Ainsi, nous trouvons anormal et inadmissible que le petit Joseph
Tremblay ou Luigi Alberto qui a passé quelque temps dans une
école anglaise en vertu des loi iniques (63 et 22) adoptées par
les précédents gouvernements puisse rester à
l'école anglaise, voir tous ses frères et soeurs
fréquenter cette école, et de plus voir tous ses descendants
ainsi que ceux de ses frères et soeurs avoir accès à
l'enseignement en anglais.
C'est trop. Si le gouvernement ne tient en aucune façon à
agir "rétroactivement" c'est son droit et c'est le nôtre de
ne pas être d'accord à tout le moins
considérons-nous qu'il devrait être hors de question que le droit
à l'enseignement en anglais se transmette aux descendants de ceux qui
ont fréquenté l'école anglaise en vertu de la
"reconnaissance de fait" que leur a accordée le gouvernement mais
à laquelle ils n'auraient pas eu droit autrement.
Quant à nous, nous rejetons catégoriquement le principe de
"l'unité des familles" à l'école anglaise. Ce
critère est malsain car il s'appuie sur des principes valables mais il
en tire les mauvaises conclusions.
Nous sommes en faveur de l'unification des familles, certes, mais les
familles doivent être unifiées à l'école
française et en français.
Outre les réserves que nous formulons quant à la question
de l'accès à l'enseignement en langue anglaise, nous constatons
que le choix du critère de la langue d'éducation
élémentaire des parents pour déterminer l'accès
à l'enseignement en anglais est conforme à notre position tout
comme nous constatons avec satisfaction que le Gouvernement a retenu
l'obligation que les deux parents soient d'accord pour qu'un enfant ait
accès à l'enseignement en anglais, tel que le prévoit
l'article 52 du projet de loi.
Par ailleurs, nous voulons également insister sur la
nécessité d'unifier dans les plus brefs délais les
réseaux d'enseignement catholique et protestant en un seul réseau
unifié et francophone mais dispensant l'enseignement en anglais aux
seuls vrais anglophones.
Cette demande est urgente et elle s'impose notamment à cause de
la situation de maraudage permanent qu'effectuent les commissions scolaires
protestantes contre les commissions scolaires ca-
tholiques, maraudage qui n'a d'autres fins que l'assimilation des
francophones. Nous citerons deux exemples confirmant nos propos.
Le premier est de notoriété publique: à Sept-lles,
350 étudiants ont contourné la loi 22 en devenant "protestants"
ou en s'inscrivant sous une "autre confessionnalité" pour
fréquenter les écoles protestantes anglaises. Ces
"subtilités" ont fait perdre des centaines d'étudiants aux
commissions catholiques au profit des commissions scolaires protestantes. Le
cas de Sept-lles est connu, il a été publicisé par les
média et on en parlait encore en février dernier. Combien de
dizaines de cas semblables existent-ils un peu partout au Québec?
Le second est moins connu. Il est pourtant très grave et il nous
semble inadmissible que le Gouvernement ne le sache pas ou s'il le sait qu'il
n'ait pas agi avec fermeté.
Nous affirmons qu'un "trafic d'immigrants" est actuellement en cours
à une très vaste échelle et la "traite des enfants" a pris
une ampleur toute particulière sur l'Ile de Montréal.
La méthode de "raccolage" a été testée dans
le secteur Côte-des-Neiges Outremont sur l'Ile de Montréal.
Elle consiste à siphonner des écoles franco-catholiques les
jeunes immigrants pour les verser au secteur protestant. Pour ce faire on
demande à l'élève d'aviser son professeur du fait "qu'il
retourne passer trois semaines dans son pays d'origine". Et l'on n'en entend
plus parler.
C'est en réalité dans les commissions scolaires
protestantes que se retrouvent ces élèves qui ne sont pas
rentrés dans leur pays et que leurs professeurs ont découvert
dans des conditions dignes des films d'espionnage.
De telles pratiques sont inacceptables et la C.E.Q. se croit
justifiée de demander une enquête publique sur les agissements de
ces commissions scolaires.
CHAPITRE III
ENSEIGNEMENT DES LANGUES N'EST PAS LANGUE
D'ENSEIGNEMENT
Si la Centrale de l'enseignement du Québec a décidé
de consacrer un chapitre entier de son mémoire sur la Charte du
français au Québec à la confusion que d'aucuns tentent de
faire délibérément entre deux questions fort distinctes,
langue d'enseignement et enseignement des langues, c'est que la situation
actuelle a atteint un niveau alarmant sans précédent.
La paranoïa collective qui s'est emparée de diverses
commissions scolaires tant catholiques que protestantes, où des
irresponsables tentent d'assimiler les Québécois sous
prétexte d'enseigner adéquatement la langue seconde doit
être catégoriquement dénoncée; la C.E.Q. veut mettre
en garde le Gouvernement contre toute action en ce sens qui provoquera, nous le
prédisons, des réactions violentes. Expliquons-nous.
A la fin de mai, le Consiglio Italo-Canadese soulignait publiquement que
certains des membres de la communauté italienne qu'il représente
n'auraient pas d'objection à fréquenter l'école
française à condition qu'il y soit dispensé un bon
enseignement de l'anglais.
Sur ce terrain, la C.E.Q. tient à jouer cartes sur table: au
Québec, la langue officielle c'est le français. L'anglais est une
langue seconde et il doit être enseigné comme tel à
l'école française. Nous refusons de comparer l'enseignement du
français dans les écoles anglaises à celui de l'anglais
dans les écoles françaises: accepter de jouer ce jeu
équivaudrait à placer les deux langues sur un pied
d'égalité, ce qui est totalement inacceptable.
Des manoeuvres inadmissibles
Or, au mois de mars dernier, un Comité du Conseil scolaire de
l'Ile de Montréal recevait un rapport de prétendus experts
intitulé "L'enseignement des langues secondes". Ce rapport qui serait
resté secret, n'eut été de la C.E.Q. qui l'a rendu public
au début de juin, proposait des "solutions" qui relèvent bien
plus d'une improvisation dangereuse que de l'enseignement des langues
secondes.
Ce comité demandait notamment que les commissions scolaires
soient libres d'utiliser les méthodes et les moyens qu'elles veulent
pour enseigner l'anglais et que l'Etat québécois n'ait surtout
pas un mot à dire sur cette question. En un mot, il proposait le retour
au libre choix du bill 63.
Il donnait à titre d'exemples à suivre les
réalisations de certaines commissions scolaires pour enseigner l'anglais
aux francophones ou le français aux anglophones, notamment "l'immersion
totale", "l'immersion partielle", "l'enseignement intensif" (a.m. en
français, p.m. en anglais) et autres formules tout aussi
discutables.
A la C.E.Q., c'est clair, toutes les manoeuvres, toutes les supercheries
qui, sous prétexte d'enseigner adéquatement l'anglais,
transforment les écoles françaises en écoles anglaises,
constituent des actes pédagogiquement néfastes et du point de vue
national, des trahisons. Le rapport du Conseil scolaire ne daigne même
pas mentionner l'expérience des classes d'accueil, pas plus que
l'expérience
d'accueil et d'enseignement intensif de la langue seconde à la
fin de l'élémentaire et au début du secondaire entreprise
à la Commission scolaire des Milles-Iles et dont nous parlerons plus
loin. D'autant plus qu'une recherche sérieuse d'une commission scolaire
de la région de Montréal a démontré que 68% des
étudiants qui fréquentent les classes anglaises d'enfance
inadaptée et les classes anglaises du professionnel court sont des
francophones qui ont choisi d'étudier à l'école anglaise
en vertu des bills 63 et 22.
Il est grand temps de débâtir le mythe relatif à la
méthode d'enseignement dite "d'immersion" pratiquée sur
près de 22 000 élèves dans les écoles protestantes
et anglo-catholiques, système qui, transposé dans le secteur
francophone, permettrait aux Québécois francophones d'apprendre
l'anglais en recevant tout leur enseignement ou la majeure partie (60 à
80%) de cet enseignement en anglais.
Quand nous parlons de retour de fait au libre choix de la langue
d'enseignement, nous n'exagérons nullement. Avec le système
auquel les autorités du ministère de l'Education semblent
avoir donné leur accord notamment à la Commission scolaire
Baldwin-Cartier où il porte le nom de "cours intensifs" il suffit
que les parents décident que leur enfant étudie l'anglais par la
méthode dite d'immersion pour que celui-ci se retrouve l'année
suivante dans une école sans doute française mais où la
quasi-totalité de l'enseignement est dispensé en anglais.
Nous avons parlé ci-dessus d'un certain nombre de rapports que
nous reprenons à présent dans leurs grandes lignes. 1. Le rapport
au Conseil scolaire de l'Ile de Montréal
Dans ce document de soixante-deux (62) pages, daté de mars 1977,
un Comité de travail du Comité métropolitain des
directeurs généraux suggérait très fortement
à toutes les commissions scolaires de l'Ile de Montréal une
politique d'anarchie institutionalisée pour l'enseignement de l'anglais
dans les écoles françaises.
Ce que nous appelons anarchie institutionalisée, c'est la
liberté totale et absolue pour toutes les commissions scolaires
d'utiliser la méthode qu'elles veulent pourvu qu'en fin de compte les
étudiants fréquentant les écoles françaises
finissent par parler l'anglais. Par la méthode qu'elles veulent
et a n'importe quel prix, ajoutons-nous.
Notons, avant de présenter ces diverses méthodes, que pour
les auteurs du document: "Les francophones sont eux-mêmes des
nord-américains et en ce sens, leur culture (...) participe à la
CULTURE ANGLO-AMÉRICAINE". (1)
Ainsi donc, la culture française québécoise
participerait à la culture anglo-américaine (ils n'ont pas
écrit nord-américaine).
Inutile de préciser très longuement que la Centrale de
l'enseignement du Québec s'inscrit totalement en faux contre une telle
prétention qui ne peut être l'oeuvre que de personnes qui sont
bien loin de la réalité québécoise. Que nous soyons
nord-américains, certes. Mais affirmer que la culture
québécoise est partie de la culture anglo-américaine,
c'est s'avouer assimilateur dans le sens le plus abject du terme. On ne nous
reconnaît même plus le droit d'être des
franco-américains.
Par ailleurs, les auteurs du rapport rappellent et adoptent la
théorie farfelue soutenue à l'époque par le ministre
Cloutier, à savoir que "les Québécois anglophones
jouissent d'un avantage naturel indéniable", et ils poursuivent "l'Etat
doit mettre à la disposition des citoyens non anglophones les moyens
nécessaires pour égaliser les chances. Agir autrement, c'est
vouloir que la division linguistique du marché du travail perdure".
Cette théorie selon laquelle il faut absolument que "tous
les francophones parlent l'anglais sinon les anglophones qui deviennent
bilingues vont avoir l'avantage sur nous" n'est nullement scientifique,
au contraire.
Voilà des années que l'on assiste à l'un des
lavages de cerveaux collectifs les plus orchestrés qui soient. Il va
falloir qu'à un moment donné les choses soient dites clairement,
et qu'à la suite de la C.E.Q., le Gouvernement du Québec prenne
à sa charge une campagne d'information systématique à la
population pour détruire à tout jamais ce genre de mythes
savamment entretenus.
La réalité que nous disons et que nous crions bien fort
aujourd'hui, c'est que bilingue ou pas le Québécois francophone
n'a nullement accès à de meilleurs revenus. Au Québec en
1977 le bilinguisme n'est payant pour personne ni pour les anglophones et
encore moins pour les francophones.
Cette affirmation n'est pas de nous, elle provient de trois sources
distinctes à la suite des études les plus récentes:
l'Université de Montréal, l'Université de l'Etat de
New-York et le Conseil économique du Canada. Ces trois études
constatent que les francophones même bilingues gagnent moins que les
anglophones unilingues et que le bilinguisme n'est même pas rentable pour
les anglophones.
L'analyse du Conseil économique du Canada que le
député libéral d'Outremont ne contestera sûrement
pas puisqu'il y a collaboré, montre que les Québécois
francophones sont à l'avant-dernier rang dans l'échelle des
revenus parmi la dizaine de groupes ethniques analysés.
(1) Les soulignés sont de nous.
Celle de l'Université de Montréal souligne que "le
travailleur francophone est toujours le plus défavorisé quelle
que soit son occupation, et même s'il devient bilingue, il ne parvient
pas à rejoindre l'anglophone unilingue ou bilingue".
Celle réalisée par Calvin V. Weltman, directeur du
Département de sociologie de l'Université de l'Etat de New-York,
arrive aux mêmes résultats.
Il n'y a donc aucun lien de cause à effet entre le bilinguisme et
l'échelle des revenus. Ce sont des choses qu'il va falloir dire à
la population du Québec, elle qui s'imagine encore trop aisément
que le bilinguisme est la solution à tous ses maux...!
Ceci étant dit, nous revenons aux "solutions-miracles" des
prétendus experts du Conseil scolaire de l'Ile de Montréal pour
"bilinguiser les Québécois".
Pour permettre aux commissions scolaires de mettre sur pied des
organisations qui tiennent compte "des besoins et des goûts variés
d'une clientèle diversifiée" (libre choix déguisé),
pour mettre "les écoles, les maîtres, les directions et les
parents eux-mêmes en saine concurrence les unes avec les autres" (sic),
la panoplie de moyens pour enseigner l'anglais est la suivante:
Immersion totale pour les francophones "L'élève demeure
inscrit à la commission scolaire francophone" (pour contourner le projet
de loi no. 1). Il est inscrit dans une classe anglaise pour un, deux ou trois
ans au maximum puis il réintègre les classes francophones de sa
commission scolaire".
Le tout à compter du 2e cycle de l'élémentaire.
Immersion partielle "Toujours à compter du 2e cycle de
l'élémentaire, le francophone s'inscrit dans une classe
d'immersion anglaise, dans une école française ou anglaise".
Et toujours pour contourner la Charte du français on
précise que "cet élève demeure sous le contrôle de
la section française de sa commission".
Enseignement intensif "L'enseignement de l'anglais à l'horaire
est complété par l'enseignement d'une ou de plusieurs disciplines
en langue anglaise". A compter du 2e cycle de l'élémentaire on
préconise "la classe bilingue: a.m. en français, p.m. en
anglais".
Ce rapport ne mentionne cependant pas les classes d'accueil "qu'il faut
réévaluer", se contente-t-on d'admettre, ni les
expériences tentées à la Commission scolaire des
Mille-Iles. Le Conseil scolaire de l'Ile a beau se défendre en disant
que le rapport dont nous parlons a été "mis sur la glace" pour un
certain temps, il n'en reste pas moins qu'il décrit la situation
existante et que le président du C.S.I.M. a réitéré
son attachement à la formule de l'immersion! 2. Le rapport de la
Commission scolaire des Mille-Iles
Le rapport rendu public en février dernier par la Commission
scolaire des Mille-Iles (1) était lourd de conséquences pour nos
pédagogues de pointe et défenseurs absolus de la méthode
d'immersion dite "méthode Wallace Lambert" du nom du professeur de
l'Université McGill qui a évalué le système
utilisé au PSBGM, au Lakeshore et dans la plupart des commissions
scolaires protestantes pour l'enseignement du français langue seconde,
méthode soit dit en passant, que de plus en plus de commissions
scolaires, telle Baldwin-Cartier, tentent d'imiter pour enseigner l'anglais aux
francophones comme nous l'avons vu plus tôt.
Le rapport de la Commission scolaire des Mille-Iles démontrait
à partir d'un échantillon réduit, certes, mais pas
plus réduit que celui de Wallace Lambert que la comparaison
scientifique des résultats de deux groupes d'enfants, l'un
étudiant la langue seconde à partir du système d'immersion
de type Lambert, l'autre à partir de la méthode utilisée
pour les immigrants dans les classes d'accueil, était sans l'ombre d'un
doute à l'avantage du seoond groupe tant au plan de la
compréhension qu'en ce qui concerne l'expression et la lecture. Il est
également apparu que les enfants du second groupe utilisaient un
appareil syntaxique mieux structuré qui leur a permis de réussir
des phrases simples dont le sens et la forme appartiennent au français,
alors que les élèves des classes d'immersion de type Lambert n'en
maîtrisaient pas encore les mécanismes élémentaires.
A titre d'exemple, nous livrons un certain nombre de résultats
chiffrés:
(1) Use Billy et al, 28 octobre 1976, C.S.M.I.
Référer à la version PDF page CLF-462
Les chiffres sont à ce point éloquents à ce sujet
que tout commentaire est superflu.
Quant au test de performance verbale des enfants en juin 1976, il
montrait les résultats suivants:
Pour le "groupe Immersion": 15 élèves/19 avaient des notes
inférieures à 60% dont 11 élèves inférieurs
à 50% et 2 au-delà de 90%.
Pour le groupe Mille-Iles: 9 élèves/15 ont obtenu des
notes supérieures à 90% dont 7 à 100% et 2
élèves seulement à moins de 60%.
Par ailleurs, le second groupe (type accueil) était beaucoup plus
spontané et dégagé que le premier (type Lambert).
Une conclusion de cette étude nous apparaît fondamentale:
ce n'est pas l'apprentissage des matières scolaires dans une langue
seconde qui permet nécessairement d'acquérir la maîtrise de
cette langue mais plutôt un apprentissage systématique
adapté à l'enfant dans un laps de temps relativement court.
La situation de l'enseignement de l'anglais au Québec pose de
manière concrète le problème du conflit entre langue et
culture. Nous avons souligné les torts que peut causer l'immersion
totale ou partielle et nous appuyons cette affirmation par les propos de John
Downing de l'Université de Victoria (C.B.). Celui-ci a, en effet,
indiqué:
"La compréhension intellectuelle des rapports logiques entre la
langue parlée et la langue écrite risque de ne jamais
s'accroître chez l'enfant si sa capacité d'organiser des
données contradictoires est mise en péril par un des trois
conflits possibles dont le premier est un conflit entre L1 et L2
(première langue et langue seconde): par exemple, la L1 de l'enfant est
l'allemand mais le professeur enseigne dans une autre langue, L2, le
français".
Le projet de loi no, 1 ne prévoit aucune mesure de contrôle
de la langue d'enseignement. Nous avons démontré qu'en certaines
commissions scolaires des écoles françaises n'ont de
français que le nom et que nous sommes de fait ramenés au libre
choix du bill 63.
Nous demandons donc au Gouvernement d'établir clairement dans la
Charte du français un article lui permettant de contrôler avec
grande précision la langue d'enseignement des élèves et
lui permettant de faire en sorte que les écoles françaises
demeurent des écoles françaises.
CHAPITRE IV
L'ENSEIGNEMENT DES LANGUES
Eclairage général
L'enseignement des langues étrangères (c'est-à-dire
de toute langue, autre que la langue nationale, qui n'est pas la langue
maternelle des élèves) devrait d'une façon
générale ne débuter qu'au niveau secondaire. Etant
donné l'importance mondiale de l'anglais et notre environnement
nord-américain, une place importante sera donnée à
l'anglais comme langue seconde enseignée dans les écoles
françaises du Québec. Cependant, il faut cesser de
considérer l'anglais comme la langue seconde obligatoire de tous les
Québécois. Il faut introduire une certaine diversification dans
les options de langues étrangères offertes aux
élèves (étant entendu que l'anglais doit être offert
partout). D'autres grandes langues doivent permettre aux
Québécois de s'ouvrir sur le monde.
Il est peut-être bon de rappeler que l'Acte final de la
conférence d'Helsinki contient des recommandations qui vont dans le sens
de ce que nous préconisons ici et auxquelles le Canada, des Etats-Unis,
la France et tous les autres participants ont adhéré. En voici
quelques extraits: "...stimuler (...) la diversification du choix des langues
enseignées aux différents niveaux, en prenant dûment en
considération les langues moins répandues ou moins
étudiées, et en particulier: favoriser l'extension de
l'étude des langues étrangères dans les différentes
catégories d'établissement d'enseignement secondaire ainsi que de
plus larges possibilités de choix entre un nombre accru de langues
européennes; favoriser, dans l'enseignement supérieur, un plus
large choix des langues offertes aux étudiants en langues et pour les
autres étudiants de plus larges possibilités d'étudier
diverses langues étrangères; faciliter aussi, là où
cela est désirable, l'organisation de cours de langues et civilisations,
si besoin est sur la base d'arrangements particuliers, donnés par des
lecteurs étrangers, provenant notamment de pays européens dont la
langue est moins répandue ou moins étudiée...
Chez nous, surtout pour les francophones le bilinguisme individuel
semble ne pouvoir signifier que l'aptitude à parler le français
et l'anglais. Ailleurs dans le monde et ailleurs au Canada, il n'en est pas
ainsi. Il faut cesser de penser que ce sont les "Canadiens" qui ont tort de ne
pas réserver l'exclusivité du français dans
l'apprentissage des langues étrangères. A nous de diversifier
également nos orientations à mesure que nous sentons le besoin de
nous donner des fenêtres sur le monde.
Qu'il y ait un grand nombre d'individus bilingues au sein d'une
population est un enrichissement pour toute la collectivité, à
condition que tous les individus bilingues puissent se reconnaître et
communiquer dans une langue commune. Mais ce bilinguisme sera d'autant plus
riche et profitable qu'il sera diversifié, c'est-à-dire que la
deuxième langue de chacun ne sera pas la même pour tous.
Aussi, nous considérons que la connaissance des langues
étrangères et notamment de l'anglais sera toujours utile aux
Québécois. Il faut cependant que l'anglais perde chez nous ce
privilège exorbitant d'être une langue indispensable pour la vie
économique interne du Québec.
De plus, l'apprentissage précocedes langues
étrangères ne saurait être une panacée;
pratiqué sans discernement et sur une base
généralisée pour une population dont la langue a un
caractère récessif à l'échelle du continent
nord-américain, il est susceptible de comporter des inconvénients
graves aux plans pédagogique et socio-culturel.
En conséquence, la C.E.Q. a déjà demandé,
lors du bill 22, la suppression de l'enseignement de l'anglais à
l'élémentaire, parce qu'il est inutile et possiblement nuisible;
en retour, nous demandons que l'anglais s'enseigne de la façon la plus
compétente possible au secondaire, à côté d'un
certain nombre d'autres langues étrangères rendues
disponibles.
Par ailleurs, nous sommes entièrement d'accord avec ceux qui
souhaitent un enseignement des langues étrangères qui soit de la
plus haute qualité. A cette fin, nous sommes prêts à
élaborer des moyens qui permettront d'atteindre cet objectif, notamment
en ce qui a trait:
à la formation des enseignants aux méthodes
pédagogiques les plus appropriées en fonction des divers milieux
socio-économiques à la structuration des programmes qui
permettront un apprentissage actif des langues étrangères.
C'est donc dans cet éclairage que nous aborderons l'enseignement
des langues, sous les quatre angles suivants:
L'enseignement de la langue officielle dans les écoles
françaises. L'enseignement de la langue officielle dans les
écoles anglaises. L'enseignement de la langue officielle aux immigrants
et allophones. L'enseignement de l'anglais dans les écoles
françaises.
1. L'enseignement du français dans les
écoles françaises
Le cadre socio-politique de
l'enseignement du français au Québec
La C.E.Q. trouve que la Charte constitue le fondement politique
préalable à toute réorganisation de l'enseignement du
français au Québec. La Charte s'appuie sur la conscience civique
des Québécois et fournit aujourd'hui à ceux-ci l'occasion
de reconnaître et de prendre leurs responsabilités face à
la langue du Québec. Nous sommes heureux de voir reconnu, par cette
Charte, le français au Québec comme langue de culture. En
proposant de donner un visage français au Québec, d'en redorer le
paysage, le gouvernement québécois engage toute la population
dans une vaste opération de décolonisation de
l'intérieur.
Avec la mise en application de la Charte, le Québec pourra enfin
devenir un pôle important de la francophonie et ce, au même titre
que les autres nations d'expression française au monde. C'est tout le
contraire d'un repliement sur soi dans un esprit de ghetto. Par l'affirmation
enfin posée sans équivoque de son identité, le
Québec s'ouvre à une communication réelle avec le monde
extérieur.
La question du français au Québec son mode
d'existence et de manifestation doit être abordée de
façon à délivrer les Québécois d'un certain
complexe de culpabilité qui s'est développé
historiquement. Coupables de parler français d'abord, bien des
Québécois ont été amenés ensuite à se
sentir coupables de mal parler français. Il est temps, croyons-nous de
nous débarrasser de cette attitude malsaine en acceptant une conception
scientifique des variations linguistiques.
L'école d'une part et la société
québécoise dans son ensemble, d'autre part, doivent être
sensibilisées au fait, bien connu en linguistique, que les langues sont
normalement sujettes à variations selon des paramètres divers
dont les plus importants pour les effets pratiques sont la dimension
géograhique et la dimension sociale. Du premier point de vue, il faut
reconnaître que toute langue qui s'étend sur un domaine
géographique vaste tend normalement à présenter des
variétés différentes selon les pays et selon les
continents. Il n'est donc pas étonnant que les habitants du
Québec parlent une variété particulière de
français. Ce qui est anormal et profondément irréaliste,
c'est de vouloir amener massivement les Québécois à se
conformer dans leurs habitudes linguistiques à un modèle de
référence qui leur est étranger. Bien au contraire, une
politique de francisation du Québec devrait avoir pour but non seulement
d'amener les Québécois à trouver normal qu'ils puissent
s'exprimer en français dans leurs communications vitales, mais aussi
qu'ils puissent s'exprimer sans complexe dans LEUR français. Pour que la
francisation soit vraiment profonde et massive, il faut que le français
soit perçu comme la langue propre et non comme la langue DE L'AUTRE.
La fonction primordiale de la langue est sans doute de permettre la
communication entre les hommes. Mais la langue assume aussi une fonction
d'identité et dans les moments cruciaux de la vie d'un individu ou d'un
peuple, cette fonction d'identification peut occuper une place
prépondérante. La notion de français international, quand
elle est associée à un petit groupe d'annonceurs de Radio-Canada
ou quand elle sert d'euphémisme pour désigner le français
de Paris, est loin de contribuer à cette identification fondamentale et
nécessaire entre un peuple et sa langue. Faute de pouvoir se
reconnaître dans un modèle proposé, l'on court le risque de
voir rejetés et le modèle et la langue elle-même. En
revanche, la notion plus récente et plus large de français
standard nous paraît éminemment productive et dynamique en ceci
qu'elle permet à tous les locuteurs d'actualiser une certaine
idée qu'ils se font du français commun. Le français
standard pourrait se définir comme le language parlé dans tout le
Québec et compris par les francophones du monde entier.
Du point de vue de la dimension sociale, il faut reconnaître que
dans toute société complexe la langue apparaît non pas
comme un système unique et homogène mais plutôt comme un
ensemble de variétés déterminées par l'appartenance
des individus à diverses classes sociales et par la participation
à différentes situations de communication. L'existence d'une
variété "populaire" de la langue est donc un fait aussi normal et
aussi répandu que l'existence d'une variété dite
"cultivée". Il n'y a pas lieu de faire un drame de l'existence d'une
langue populaire au Québec, pas plus qu'il n'y a lieu de faire une
apologie ni de vouloir l'élever au rang de modèle pour l'ensemble
des situations de communication.
L'enseignement du français dans le cadre de
l'école
Au Québec, comme ailleurs, l'école demeure l'un des
milieux privilégiés de l'acquisition du savoir, des connaissances
générales et spécialisées. Ici, cette institution a
été, depuis les années 60, l'objet de réformes qui,
il faut le dire, ont surtout servi les intérêts des "maîtres
du béton" et des "profiteurs" de la gadgétisation".
Au-delà de l'acquis incontestable que représente
l'accessibilité généralisée aux institutions
d'enseignement, la vraie réforme reste à faire. Elle peut
débuter aujourd'hui par la reconnaissance officielle de l'école
comme milieu prioritaire d'épanouissement de la réalité
québécoise et d'affirmation de notre identité culturelle
et permettre également une véritable démocratisation.
Même s'il semble élémentaire de le dire, il faut se
rendre à l'évidence que ce n'est pas seulement à des
professeurs de français que revient la tâche d'enseigner le
français à l'école, mais bien à tous les
enseignants. Il faut que le français cesse d'être enseigné
comme s'il s'agissait seulement d'une discipline de plus à apprendre,
à côté de la chimie, de l'anglais, des mathématiques
ou de l'histoire. Le français s'apprend à travers toutes les
disciplines.
Si l'école québécoise poursuit comme objectif de
mettre de l'avant une éducation vraiment nationale, il serait opportun
d'exiger une connaissance de la langue intimement liée à
l'histoire et à la géographie nationales de même
qu'à la connaissance et à la promotion de la littérature
du peuple québécois et de l'éducation économique.
C'est ainsi que, par exemple, l'on pourrait développer l'idée
d'un tronc commun de formation générale et nationale à
mettre sur pied au premier cycle du secondaire.
L'enseignement du français en classe: Un changement est
nécessaire
II y a lieu d'intervenir vigoureusement pour obtenir les moyens
d'améliorer l'enseignement du français. Cependant, il faudra
savoir amorcer ce changement et intervenir de manière à ne pas
favoriser à moyen terme les forces de la réaction.
Il faut reconnaître que le MEQ a manqué dans le
passé des compétences sociologiques nécessaires pour
prévoir et évaluer l'impact que pouvaient avoir sur
l'école des politiques de changement trop peu respectueuses des
personnes visées par ces changements: enseignants, parents et
élèves.
Tout changement radical imposé à une catégorie de
personnes constitue une forme de violence exercée sur ces personnes.
Cela est particulièrement vrai pour les travailleurs de l'enseignement.
Le métier d'enseignant a ceci de particulier qu'il met
profondément en jeu la personnalité même de l'enseignant:
on ne peut agir sur la pratique pédagogique sans agir du même coup
sur la personne.
La C.E.Q. considère qu'il faut assurer aux enseignants non
seulement les conditions matérielles mais aussi les conditions
psychologiques nécessaires à l'épanouissement au travail.
Cela suppose premièrement que les changements jugés
indispensables ne seront plus imposés par la force et, de plus, qu'il
seront accompagnés dès le départ de toutes les mesures de
soutien adéquates.
Un exemple à ne pas suivre
Sans vouloir faire ici le procès des programmes-cadres, il nous
paraît important de relever les deux principales critiques auxquelles ils
ont donné prise.
Tout d'abord ces programmes, tels qu'ils ont été
véhiculés, ont encouragé des prises de position
passionnées qui revenaient trop souvent à condamner, voire
à rejeter de la profession, les enseignants qui n'adhéraient pas
à "l'esprit du programme-cadre". Or, vouloir agir directement, avec la
contrainte de l'emploi, sur les motivations individuelles constitue pour nous
une forme de violence psychologique qui dépasse de loin la simple
propagande et qui est inacceptable de la part d'un employeur, fut-il
l'employeur-Etat.
En second lieu, il faut reconnaître que si les programmes-cadres
ont permis quelques réussites remarquables, ils ont le plus souvent eu
pour conséquence de remplacer les "programmes-catalogues" du MEQ par des
"programmes-catalogues" régionaux; ou bien à l'opposé nous
avons abouti à une absence totale de programme. Il faut être bien
naïf pour voir là un progrès. Pire, en raison de quelques
excès d'interprétation, fort marginaux mais habilement
dramatisés par la presse, les programmes-cadres ont contribué
à ancrer dans l'opinion publique que "les enseignants faisaient de tout
sauf du français". En fin de compte, c'est l'école publique et
ses enseignants qui ont fait les frais de l'opération
programmes-cadres.
Pour de nouveaux programmes
Nous savons tous qu'un coup de barre est nécessaire. Il est temps
d'offrir aux enseignants de français, à
l'élémentaire et au secondaire, un vrai programme national
précisant les contenus minima spécifiques à la classe de
français. Ces programmes pourraient être accompagnés
d'indications méthodologiques, présentées comme
facultatives et qui amèneraient l'enseignant à saisir le
bien-fondé des objectifs qui lui sont suggérés et la
façon de les atteindre.
Les nouveaux programmes devraient revaloriser la fonction de
l'écrit à tous les niveaux. Parce qu'il est un des moyens les
plus perfectionnés que l'homme ait inventés pour objectiver sa
pensée et en
contrôler constamment la rigueur et la qualité
d'élaboration, la maîtrise de l'écrit reste un puissant
facteur de formation personnelle et ne devrait pas être
réservée à quelques privilégiés.
L'apprentissage de l'écrit, de par ses difficultés et la
complexité des opérations qu'il met en jeu, devrait
s'étaler sur toute la durée de la scolarité. Les exercices
de grammaire et d'orthographe, s'ils peuvent avoir des effets positifs sur
certains aspects limités de l'apprentissage de l'écrit, ne
sauraient remplacer les activités d'écriture proprement dite.
C'est en écrivant souvent et en discutant de ce qu'il a écrit
avec ses enseignants et ses camarades que le jeune Québécois
intégrera l'écrit comme outil de communication et support de la
pensée.
Toutefois, le professeur de français ne réussira pas
à valoriser l'écrit, surtout au secondaire, s'il n'est pas
appuyé par l'ensemble de ses collègues. La plupart des
disciplines devraient être l'occasion pour l'élève de
formuler par écrit ses démarches intellectuelles: rapports de
laboratoire, formulation d'hypothèses, de lois, d'observations,
etc..
Une telle revalorisation de l'écrit n'implique pas pour autant
l'élimination de l'oral.
L'oral est d'abord le moyen pour l'enfant d'entrer en communication avec
ses camarades: il est donc un puissant facteur de socialisation,
particulièrement en maternelle et dans les débuts de
l'élémentaire. C'est aussi par la parole que l'enfant entre en
contact avec son professeur et prend connaissance de l'organisation de la vie
scolaire.
Pour ces raisons, l'enseignant de l'élémentaire n'a pas
d'autre choix que d'accueillir le langage de l'enfant, tel quel. Rejeter ce
langage ou vouloir le corriger sans cesse, ce qui revient au même,
équivaut en fait à rejeter l'enfant lui-même.
En revanche, l'expérience linguistique de l'enfant, dûment
valorisée, constitue le roc solide sur lequel doit s'édifier tout
le répertoire linguistique nouveau que l'école a pour tâche
d'enseigner. Toute autre démarche semble vouée à
l'échec. Condamner le langage de l'enfant en le qualifiant d'incorrect,
voire d'abâtardi, et exiger systématiquement un autre comportement
linguistique déclaré "correct" ou "pur" risque de bloquer toute
capacité d'expression de l'enfant et de prolonger ce sentiment tenace de
culpabilité collective. L'enfant normal aime parler et s'exprimer, mais
à coup d'interdits et de sanctions l'école risquerait de le
rendre muet.
En opposition à une pédagogie de la correction,
axée exclusivement sur le "ne dites pas, mais dites", nous croyons
plutôt à une pédagogie de l'oral qui intégrerait les
postulats suivants: 1. L'enfant qui arrive à l'école sait
déjà parler. Assez, en tout cas, pour communiquer dans le circuit
restreint que constituent sa famille et ses camarades. Le rôle de
l'école sera d'amener progressivement l'enfant à utiliser des
circuits de communication de plus en plus larges au fur et à mesure
qu'il avance en âge et qu'il s'intègre à la vie collective.
2. L'enfant ne sera apte à passer à un circuit de communication
plus large qu'après avoir pu en intérioriser le modèle,
souvent inconsciemment, pendant une certaine période de contact avec
lui. Le genre de langage parlé à la télévision,
particulièrement dans les émissions pour enfants joue un
rôle de première importance. 3. De par l'environnement
multidialectal auquel il est soumis (de Symphorien à Bobino par
exemple), l'enfant acquiert très jeune un sens aigu des variations
linguistiques liées à la situation de communication ou au jeu de
rôles dans lequel il se trouve placé. 4. L'enfant oppose assez peu
de résistance à des interventions sur le plan lexical, davantage
aux interventions d'ordre morpho-syntaxique et beaucoup plus à celles
d'ordre phonétique.
Nous croyons qu'il faudrait tenir compte de ces postulats dans
l'élaboration des objectifs et dans la didactique proposée pour
l'enseignement du français à l'élémentaire. Au
secondaire, la pertinence même d'un enseignement systématique de
l'oral nous semble devoir être repensée en profondeur.
Quel français enseigner?
On a vu qu'il fallait considérer l'apprentissage de la langue
comme un élargissement progressif du répertoire verbal de
l'enfant. Cet élargissement sera fonction du développement
réel des enfants et de l'évolution de leurs rapports sociaux et
ne pourra pas aller à l'encontre des autres tendances en jeu, notamment
le besoin constant d'identification et d'appartenance. Ne pas respecter ce jeu
subtil entre le but visé et le vécu actuel risque de conduire
à un enseignement linguistique schizophrène ou
l'élève est partagé entre une norme fictive, faite de
règle de grammaire et d'exigence de prononciation "radioca-nadienne",
alors que le modèle fourni par ses concitoyens y compris son
professeur ne correspond pas à cet idéal qu'on exige de
lui. A ce propos, il ne faudrait plus retomber dans l'erreur du programme-cadre
qui demandait explicitement aux enseignants de corriger la prononciation du
jeune Québécois pour qu'elle se confonde avec celle d'un
annonceur bien côté pour son français dit
international.
La langue formelle enseignée à l'école sera celle
qui permettra à un nombre de plus en plus grand de
Québécois d'assumer un rôle actif dans les échanges
culturels, administratifs, commerciaux, aussi bien au niveau national
qu'international, sans complexe et avec leur identité propre. La notion
de français standard, évoquée ci-dessus, peut ici jouer un
rôle particulièrement dynamique.
Le Québec est appelé à devenir une grande nation
qui peut contribuer au développement international par un apport riche
et original. L'école se doit de préparer les jeunes
Québécois pour ces nouvelles tâches, notamment en
perfectionnant leur capacité d'expression et de communication. Ceci
implique que les Québécois puissent s'exprimer partout en
français, dans le français du Québec, à son niveau
d'efficacité le plus élevé.
Et la littérature?
L'enseignement du français devra aussi faire une place à
la littérature. Très tôt, dès la maternelle et les
débuts de l'élémentaire, l'enfant réagit au conte,
à la poésie et aux aspects ludiques du langage. Cette fonction du
langage, même si elle est souvent vue comme marginale, constitue une des
dimensions nécessaires de l'enseignement de la langue et ne devrait
jamais être sacrifiée à d'autres activités
apparemment plus rentables.
L'enfant qui a pu entrer en contact avec l'oeuvre littéraire
devrait aussi être mis en situation de produire des textes de
création. L'enseignement de la littérature ne devrait pas
retomber dans les erreurs de l'histoire littéraire ni être
ravalé à une simple étude de thèmes comme le
suggérait le programme-cadre. Apprendre à lire ou à
écrire, ce n'est pas apprendre le thème des sports ou de
l'amitié!
Il faudra également faire une place réelle à la
littérature québécoise. La littérature est un moyen
privilégié d'entrer en contact avec un univers particulier. Pour
cette raison, il faudrait prendre conscience du rôle que peut jouer la
littérature québécoise dans la prise de possession de son
temps et de son espace, réel et imaginaire, qui débouche
nécessairement sur le monde.
Les conditions matérielles
Actuellement, le fouillis le plus intégral règne au plan
des manuels. Des ouvrages désuets sont réédités,
sous une couverture nouvelle ou découpée en "tranches". De plus,
l'interdit qui pèse en certains endroits sur le manuel (décrit
comme un instrument honteux) ou l'absence de matériel adapté
oblige bien souvent les enseignants à élaborer
complètement leur matériel didactique à grand renfort de
polycopie. La C.E.Q. suggère au MEQ la mise sur pied de
coopératives de création pédagogique, ce qui permettrait
à des groupes d'enseignants de publier et d'acheter à bas prix
les instruments didactiques adéquats.
Aux niveaux secondaire et collégial, il serait temps d'intervenir
dans le problème de la photocopie des oeuvres littéraires. Il
serait peut-être plus légitime de faire vivre nos auteurs et nos
créateurs plutôt que les multinationales de la photocopie.
Il faudrait également se préoccuper de faire entrer
davantage le livre québécois dans les bibliothèques
scolaires. Les contraintes imposées à l'expansion du livre sont
d'autant moins acceptables que des sommes fabuleuses ont été
englouties dans la "gadgétisation" de l'enseignement du français.
Avec le plan Cloutier, on a monté précipitamment et à
grands frais des dizaines d'ateliers de français dont beaucoup ont
d'ailleurs fermé leurs portes moins d'un an après leur
installation. Ces faits sont d'autant plus scandaleux que beaucoup
d'écoles élémentaires n'ont même pas de
bibliothèque. La C.E.Q. dénonce cette politique
systématique d'aventurisme pédagogique qui relève plus du
gaspillage des ressources et des énergies humaines que d'une saine
gestion.
Mais le problème du libre n'est pas seulement un problème
scolaire. Nous pensons que le gouvernement devrait élaborer, dans les
plus brefs délais, une politique d'édition et de diffusion afin
de rendre le livre réellement accessible à tous les
Québécois à travers tout le Québec.
Enfin, les enseignants sont en droit d'exiger que les examens de fin
d'année imposés par le MEQ soient cohérents avec les
programmes en vigueur. Plus globalement, la C.E.Q. juge inacceptable que les
tests de langue servent à des fins de classement des étudiants.
L'évaluation doit essentiellement viser à améliorer la
qualité de l'enseignement par le dépistage plutôt que de
servir à des opérations de sélection.
Pour une politique d'utilisation des ressources
humaines
Depuis septembre 1975, les enseignants de français à
l'élémentaire et au secondaire ont la possibilité de
s'inscrire à un programme de perfectionnement des maîtres en
français (P.P.M.F.). Ces programmes, jusqu'à nouvel ordre, sont
offerts par les universités de Montréal, Laval, Sherbrooke et les
constituantes de l'Université du Québec.
La C.E.Q. est très sensible au fait que la qualité de
l'enseignement du français repose en partie sur les enseignants. Le
perfectionnement constitue un apport formel important dans l'accomplissement de
cette tâche. C'est pourquoi la C.E.Q. s'est déjà
opposée à l'implantation du programme P.P.M.F. dans des
conditions qui ne pouvaient qu'affaiblir la qualité du perfectionnement
souhaité et par voie de conséquence la qualité de
l'enseignement du français. Elle a formulé à l'endroit du
ministère de l'Education et des universités certaines demandes
minimales. La plupart ont été satisfaites. Dans la logique de
cette démarche et de son profond désir de voir ses membres avoir
accès à un perfectionnement de qualité, la C.E.Q. propose
certains aménagements à l'actuel P.P.M.F.
La C.E.Q. réitère son désir de voir s'accentuer le
perfectionnement dans le milieu. De plus, elle désire,
parallèlement au perfectionnement d'un groupe d'enseignants, que la
qualité de l'enseignement des maîtres non inscrits au P.P.M.F.
puisse se développer.
C'est pourquoi elle demande que des enseignants soient
libérés aux fins d'encadrement du P.P.M.F. et aux fins d'assurer
des liens privilégiés entre l'université et les
enseignants afin que les conseillers pédagogiques puissent remplir
pleinement leur rôle de soutien pédagogique à
l'enseignement.
La C.E.Q. rappelle également ses demandes à l'effet que
tous les enseignants désireux de se perfectionner dans le cadre du
P.P.M.F. puissent le faire, qu'en conséquence le contingentement soit
aboli, que le P.P.M.F. soit rendu permanent et que nos membres puissent obtenir
des conditions de dégagement identiques à celles du programme
d'enseignement des langues secondes. A cette fin, la C.E.Q. souhaite que le
ministère de l'Education s'assure que tous les moyens soient pris pour
que ce dégagement soit réalisé.
Durant la période de dégagement, la C.E.Q.
considère que le meilleur moyen d'assurer la qualité de
l'enseignement du français est de le confier à des enseignants
réguliers au lieu de suppléants. On pourrait par ailleurs
explorer certaines formules d'utilisation des ressources mises en
disponibilité selon le régime de sécurité
d'emploi.
Il est également très important que les contenus de
programmes de perfectionnement soient de qualité et que les formules
pédagogiques utilisées par les universités soient
réellement adaptées aux besoins des enseignants. Qu'à ces
fins, le ministère de l'Education procède à une
évaluation du contenu des programmes P.P.M.F. en regard des objectifs
définis et en regard des besoins perçus concrètement par
les enseignants. Face aux universités, l'expérience nous a
démontré que toutes les mesures de précaution doivent
être prises. En conséquence, afin d'assurer la qualité du
P.P.M.F., il faudrait que tous les moyens soient pris pour que les subventions
qui leur sont versées soient isolées de la subvention de base et
affectées entièrement au P.P.M.F. et qu'une limite (maximum 15%)
soit imposée quant à la part exigée pour l'administration
universitaire.
En ce qui concerne la recherche appliquée, nous suggérons
la création d'un poste d'enseignant-recherchiste qui serait
réservé à des enseignants réguliers
libérés à demi-temps pour effectuer des recherches
précises. Nous croyons qu'un minimum de 50% du budget de la recherche
doit être affecté spécifiquement aux
enseignants-recherchistes. Le solde des sommes devra servir à de la
recherche appliquée faite par des enseignants universitaires et devant
servir spécifiquement au perfectionnement des maîtres de
français. Nous nous opposons à ce que les fonds du P.P.M.F.
servent à la recherche fondamentale. En conséquence, nous voulons
que les recherches dans le cadre du P.P.M.F. soient soumises à une
évaluation sérieuse et les dépenses à un
contrôle sévère par le MEQ.
En complément à ces objectifs dont elle désire la
réalisation, la C.E.Q. demande que le ministère de l'Education
octroie la certification aux enseignants qui ne détiennent pas
déjà une qualification légale pour l'enseignement du
français et qui auront terminé le programme P.P.M.F. La C.E.Q.
est persuadée que le MEQ recevra favorablement cette demande puisqu'il a
reconnu aux fins de la qualification légale les programmes de certificat
d'enseignement des langues secondes. Le MEQ devra également prendre les
moyens pour que les universités récalcitrantes (DEUOQ et Laval)
intègrent le certificat P.P.M.F. aux programmes réguliers, et ce,
dans des conditions satisfaisantes. En corollaire aux certificats du P.P.M.F.,
la C.E.Q. considère que les enseignants qualifiés devraient avoir
accès à une maîtrise en enseignement du français
à temps partiel et sans thèse.
Nous considérons que ces propositions, qui sont dictées
par l'expérience, constituent un tout qui permettra le
développement qualitatif du français par le biais des
éléments les plus importants, les maîtres de
français. Ces derniers sont conscients du rôle capital qui leur
est confié et ils désirent ardemment le développement
qualitatif de la langue nationale.
La tâche
Nous ne pouvons éviter de conclure cette partie du mémoire
sans attirer l'attention du gouvernement sur une question qui trop souvent est
exclusivement discutée dans le cadre étroit de la
négociation. Il s'agit de la tâche des enseignants de
français.
L'intégration de la grille institutionnelle, à cause entre
autres des contraintes de l'informatique, a amené une réduction
du temps d'enseignement alloué au français (donc, un certain
nivellement du temps d'enseignement de chacune des matières et
même temps à l'anglais qu'au français) et une
multiplication des groupes et des rythmes pour l'enseignant. Cette politique,
d'allure très technocratique, n'a certes pas été
appliquée avec beaucoup de discernement. En conséquence, elle a
entraîné dans plusieurs milieux une perte d'intérêt
pour l'identité nationale et culturelle pourtant vitale à tout
peuple. Plus particulièrement, dans l'enseignement du français,
cette politique s'est souvent concrétisée par une
réduction du contenu des cours. Il semble que bien des enseignants aient
trop souvent sacrifié l'apprentissage de la langue écrite pour ne
pas avoir à affronter des tâches de correction devenues inhumaines
en raison de l'augmentation du nombre d'élèves par enseignant. La
situation est particulièrement pénible dans les polyvalentes et
dans les CEGEP.
Cette situation qui a provoquée des critiques trop peu
nuancées et fort pubiicisées sur la situation de l'enseignement
du français au Québec a développé des frustrations
indiscutables chez les ensei-
gnants de français de tous les niveaux d'enseignement. Pire, par
un effet d'entraînement bien compréhensible, la question de
l'enseignement du français est devenue une sorte de monstre du Loch Ness
avec lequel journalistes et éditorialistes peu imaginatifs cherchent
à se faire un nom eux aussi ou à augmenter le tirage de leur
publication.
Advenant une amélioration significative de la tâche de
l'enseignant de français et la mise en application des recommandations
énoncées, la C.E.Q. est persuadée que l'enseignement du
français pourrait en quelques années devenir l'un des piliers
dynamiques de notre système scolaire.
2. L'enseignement du français aux immigrants et
allophones
Nous avons parlé, dans le chapitre consacré à la
langue d'enseignement, de "mesures d'accueil" permettant aux écoles
françaises de recevoir des élèves qui ne
possédaient pas la connaissance suffisante du français pour
suivre les cours dans la langue officielle. Nous avons également
souligné ce qui nous apparaît clairement comme un échec: le
système "d'immersion".
Pour la C.E.Q., il est toutefois clair que les classes d'accueil mises
sur pied notamment à la CE.CM. pour recevoir les jeunes immigrants
constituent une expérience particulièrement heureuse, compte tenu
de ceux auxquels elle est destinée.
Il y a peu d'expériences aussi bouleversantes que de devoir se
déraciner et quitter son pays pour se fixer en terre
étrangère.
Il est difficile de traduire en paroles les impressions que ressentent
ces immigrants. Il est encore plus difficile que de décrire ce sentiment
de vide que l'on éprouve en arrivant dans un pays où l'on ne
connaît personne et enfin combien il est pénible de ne pas
comprendre ce que l'on dit autour de soi. L'immigrant n'est pas en mesure de
réaliser tout seul son intégration. La tâche qui nous
incombe à l'école est de l'aider à s'adapter à
notre vie et à se sentir vraiment chez lui au Québec.
Le nouveau venu, tout comme ses enseignants, doit faire un effort
d'adaptation; le premier s'adaptant à des conditions de vie nouvelles,
l'enseignant à des idées qui peuvent lui sembler étranges
ou différentes.
L'acquisition de la langue est donc le premier pas à entreprendre
afin de permettre une communication plus facile et une intégration
harmonieuse.
L'adulte est appelé à apprendre la langue car il est
conscient de cette nécessité. Il pose ce geste, convaincu que
c'est la condition "sine qua non" qui l'aidera à participer à la
vie collective de son pays d'adoption. Quant à l'enfant, il en va
autrement. La motivation n'est plus la même. L'enfant est normalement
doué d'une curiosité insatiable, il faut donc encourager
l'expression de cette curiosité en lui donnant le besoin de
communiquer.
La continuité du succès des classes d'accueil
dépend de la collaboration collective. En outre, l'aide et
l'éducation que l'école apporte à chacun de ces enfants se
répercutent sur son milieu familial. L'enfant devient ainsi le lien
entre sa famille et le milieu québécois; ceci permet aux parents
de s'ouvrir à de nouveaux contacts humains et facilitera leur propre
intégration.
En retour, le Québec, avec des individus harmonieusement
intégrés à sa culture, gagnera à sa cause un apport
considérable.
Comme leur nom l'indique, les classes d'accueil ont été
conçues pour recevoir, pour accueillir.
La CE.CM. accueille dans ces classes les jeunes immigrants d'âge
scolaire qui ne parlent pas le français.
La clientèle est variée et
hétérogène. Ces étudiants viennent d'une trentaine
de pays d'Europe, du Moyen-Orient, d'Afrique, d'Amérique Latine et
même d'Asie.
Voulant intégrer cette clientèle au secteur
français, la CECM. a ouvert les classes d'accueil en 1968, en
collaboration avec le ministère de l'Immigration du Québec. Les
débuts furent difficiles. Le nombre d'étudiants était
réduit. Une fois préparés, ils intégraient en
partie le secteur anglais.
Depuis 1968, le nombre d'étudiants a augmenté sans cesse.
Il y a à présent 1634 élèves dans ces classes, de
la pré-maternelle au secondaire. D'ici deux ans, le nombre pourrait bien
s'élever à 5000 étudiants par année.
La fuite de la clientèle vers le secteur anglais a
été graduellement corrigée. La Charte du français
devrait garantir leur intégration au secteur français. Ceci veut
dire qu'à partir de 1977, la C.E.CM. devrait être en mesure
d'intégrer environ 5000 étudiants par année dans les
classes régulières. C'est un chiffre alléchant. Ces
nouveaux éléments devraient compenser, en partie, la baisse de la
clientèle dans les écoles françaises de la C.E.CM.
L'organisation de ces classes d'accueil
Les classes d'accueil fonctionnent d'une façon tout à fait
unique. Les enfants sont classés selon leur âge:
pré-maternelle, maternelle; niveau A (élèves de 6, 7, 8
ans); niveau B (élèves de 9, 10, 11 ans); niveau C
(élèves de 12 et 13 ans); niveau D (élèves de 14-17
ans).
Etant donné que l'âge est le premier critère de
classement, on trouve dans chaque classe des enfants de plusieurs
nationalités et de différents niveaux de scolarité. Par
exemple, dans une classe de D
Référer à la version PDF page CLF-470
on peut trouver un élève de langue espagnole,
âgé de 15 ans et ayant réussi la 9e année dans son
pays d'origine. A côté de lui, on peut avoir (et on l'a
fréquemment) un élève d'une autre origine linguistique,
âgé de 17 ans et n'ayant qu'une 4e année. Ayant au
départ classé les élèves selon leur âge, on
les classe ensuite selon leur connaissance du français. Ainsi chaque
niveau (A, B, C, D) se divise en trois degrés: 0, 1, 2.
Prenons, à titre d'exemple, la clientèle du niveau D
(étudiants de 14-17 ans). Il y aura des classes de DO, D1 et D2. Une
classe de DO (débutants) est composée d'étudiants de
différentes nationalités âgés de 14 à 17 ans
et n'ayant au départ aucune ou très peu de connaissance du
français. Une classe du niveau intermédiaire (D1) a les
mêmes caractéristiques. Cependant les étudiants ont
déjà acquis une bonne connaissance du français. Ils
peuvent tenir une conversation avec un francophone et devraient être en
mesure d'écrire une lettre à leur petite amie
québécoise. Bien entendu, il y aurait plusieurs fautes... Au
niveau D2 (finissants) les étudiants se préparent à
intégrer le secteur régulier.
Le programme de ces classes se compose essentiellement de
français oral et écrit. Comme complément, on y aborde
aussi d'autres disciplines jugées importantes pour l'intégration
de l'élève. Il y a des cours de mathématiques modernes,
d'histoire et de géographie du Québec et du Canada,
d'intégration à la vie québécoise,
d'éducation physique et d'arts plastiques.
La discipline de base est cependant le français. Un
élève nouvellement arrivé au Québec et n'ayant
aucune ou très peu de connaissance du français est classé
en A0, BO, CO, DO selon son âge. A ce degré, il acquiert les
connaissances de base. Il assimile une partie du programme de la méthode
audiovisuelle employée à son niveau.
Quand il finit le programme du degré 0, il passe en A1, B1, C1 ou
D1, selon son âge. Il étudie une autre tranche du programme. Il
passera ensuite au niveau A2, B2, C2 ou D2. A ce degré,
l'élève finit le programme et se prépare à
intégrer les classes régulières. Il sera dirigé
ensuite à l'école régulière de son quartier.
Il faut considérer également que cette clientèle
n'est pas "stable". Les étudiants entrent et sortent au cours de
l'année et pendant leur stage dans les classes d'accueil, qui est
d'environ 10-12 mois, ils changent de classe au furet à mesure qu'ils
franchissent les différentes étapes du programme.
Les classes d'accueil: Un succès certain
Pour évaluer l'impact de ces classes d'accueil, nous
référons à un rapport de la direction
générale de la CE.CM. de mai 1976 qui soulignait ce qui suit:
Référer à la version PDF page CLF-471
2. Destination des élèves qui ont terminé leur
stage
A l'ouverture des classes d'accueil moins de 30% des
élèves s'acheminaient,ensuite vers le réseau des
écoles françaises.
Le pourcentage des jeunes immigrants des classes d'accueil qui se sont
dirigés vers les classes régulières françaises est
passé de 62.6% qu'il était à l'issue de l'année
scolaire 1973-1974 à 82.9% en 1975-1976.
En effet, du 1er septembre 1975 au 31 mars 1976, 1003 jeunes immigrants
(82.9% de nos 1210 élèves) ont intégré les classes
régulières françaises de leur quartier.
Parmi les élèves qui ont quitté les classes
d'accueil au cours de la même période, 1.7% soit 20
élèves se sont dirigés vers les écoles anglaises.
Quant à nos 51 élèves anglophones, ils ont tous
intégré le secteur régulier francophone.
Soulignons aussi que 11.6% soit 140 élèves ont
quitté le Québec pour se diriger vers une autre destination
inconnue.
Pour la C.E.Q., les classes d'accueil constituent donc une
expérience plus que concluante: II s'agit d'un succès certain. Il
paraît confirmé que ces mesures sont celles de l'avenir et que
c'est par ce type d'enseignement que doivent s'intégrer à
l'école française tous ceux qui ne possèdent pas une
connaissance suffisante du français, quelle que soit leur origine
ethnique ou linguistique.
Pourtant, malgré ce succès évident, la
région I de la C.E.C.M., sans doute inspirée par la
"méthode dite d'immersion", a décidé d'implanter le
système dit "d'insertion directe", c'est-à-dire
l'intégration aux écoles françaises d'enfants n'ayant pas
la connaissance suffisante du français et ne venant pas des classes
d'accueil, sans autre forme de préparation.
A la suite de cette expérience, une recherche de 3 mois faite par
la CECM (1) permettait de dégager les conclusions suivantes: les
écoles n'ont pas encore découvert la formule magique pour
l'intégration sociale et pédagogique directe d'un immigrant non
francophone dans une classe régulière française, les
écoles ne sont pas prêtes à intégrer directement
dans des classes régulières des élèves qui n'ont
aucune connaissance de la langue française, l'intégration des
jeunes immigrants tout le long de l'année dans les classes
régulières pose des problèmes d'ordre pédagogique
et administratif, l'opinion des écoles est que l'insertion directe d'un
jeune immigrant dans une classe régulière n'est pas une formule
à généraliser, le milieu scolaire, dans une
première étape, désire que les classes d'accueil soient
"régionalisées" et groupées en petit nombre (2 ou 3
classes) au sein d'une même école située le plus
près possible du domicile des immigrants.
Nous faisons nôtres les conclusions de ce rapport qualifié
"d'excellent, impartial et objectif" par le directeur de l'accueil et de
l'information aux immigrants de la C.E.C.M. et nous réitérons
notre opposition à toutes les mesures qui visent à
intégrer les étudiants dans des classes où l'enseignement
se donne dans une langue qu'ils ne possèdent pas. Ce n'est pas par le
biais de la langue d'enseignement que l'on peut résoudre le
problème de l'enseignement des langues, ni dans le cas des immigrants
pour leur enseigner le français, ni dans le cas des francophones pour
leur enseigner l'anglais.
Les classes d'accueil sont un atout indéniable: il faut les
maintenir, les développer et en faire le moyen d'intégration par
excellence à l'école française.
3. L'enseignement du français dans les
écoles anglaises
Les administrations scolaires protestantes et aussi catholiques mettent
beaucoup d'accent sur l'enseignement du français dans les écoles
anglaises. La communauté anglophone se fait un point d'honneur de
souligner les succès des étudiants qui fréquentent les
écoles anglaises et qui deviennent, dit-on, de parfaits petits bilingues
en moins de deux. Ces mythes qui font pâlir d'envie certains francophones
sont pourtant loin de la réalité.
Nous ne reviendrons pas sur le jugement porté au chapitre
précédent sur le système des classes dites d'immersion.
Les résultats de ces méthodes montrent que les étudiants
après cinq, six ou sept ans d'immersion continuent à "penser en
anglais", parlent dans un grand nombre de cas un "petit-nègre" bien
particulier, ont beaucoup de difficulté à faire des phrases
complètes. En outre très souvent, ne connaissant pas
eux-mêmes le français, les parents de ces élèves
sont convaincus que leurs enfants s'expriment fort bien dans la langue
officielle alors qu'en réalité il n'en est rien.
Nous voulons aussi souligner le fait jamais admis par écrit mais
communément admis en privé que 60% des étudiants, d'une
commission scolaire bien connue, qui abandonnent prématurément
leurs études (drop-out) au niveau secondaire sont issus des classes
d'immersion.
Mais notre propos est plutôt d'expliquer en public de quelle
façon l'enseignement du français dans les écoles anglaises
protestantes et catholiques nous paraît discutable, voire même
scandalisant du simple point de vue de la majorité francophone.
Soulignons pour commencer qu'une mission gouvernementale belge qui
était venue, le mois dernier, étudier les méthodes
d'enseignement des langues secondes au Québec, avait constaté
qu'une des méthodes d'enseignement du français en usage au
Québec (Bonjour Line, Didier France) n'avait même pas
été acceptée en Belgique parce que n'étant pas
adaptée à la réalité belge... (sans commentaires
additionnels de notre part) mais c'est surtout sur l'inadaptation totale de la
seconde méthode en importance pour l'enseignement du français
dans les écoles anglaises que nous nous attarderons dans ce chapitre:
aussi tenons-nous à dénoncer avec la dernière
énergie la vision des Québécois francophones qui est
inculquée aux anglophones par la méthode d'enseignement du
français la plus largement répandue: "Ici on parle
français" de Morgan Kenney et Doris Kerr.
(1) C.E.C.M., BAII, par Claude Maheu.
Cette méthode, publié par Prentice Hall of Canada Ltd de
Scarborough, Ontario, laisse à désirer sous plusieurs aspects:
sous prétexte d'amuser ou d'intéresser les élèves,
on y présente, ne serait-ce qu'à un seul niveau, les
Québécois francophones comme des personnages un peu grotesques:
on met l'accent sur le vol, la tromperie, le mensonge, la colère (un
nombre incroyable de personnes sont "fâchées"); on met en
évidence un obèse, un voyeur. Le contexte est négatif.
On peut se demander quelles conséquences psychologiques peut
avoir une telle démarche si on songe aux renforcements, aux
répétitions et aux réutilisations qu'entraîne
l'apprentissage de la langue seconde. On peut se demander aussi quelle
répercussion pourrait avoir un tel matériel sur le jugement moral
de l'enfant, sans oublier l'identification au milieu francophone.
C'est cela l'expression du français dans les écoles
anglaises. C'est cela l'effort exceptionnel fait par le milieu de
l'éducation anglophone pour apprendre le français aux jeunes
anglophones!!!
C'est humiliant et ça ne saurait perdurer. C'est pourquoi la
Centrale de l'enseignement du Québec demande au Gouvernement une
enquête urgente sur les manuels utilisés dans les écoles
anglaises, le retrait immédiat des manuels racistes de tous les
établissements scolaires et une fois de plus la nationalisation de
l'édition du manuel scolaire pour permettre un contrôle rigoureux
de contenus d'enseignement qui sont abjects pour tout le peuple
québécois. Il existe d'ailleurs des méthodes faites par
des Québécois telles "Comment dire" de Billy et "Le
français international" de Calvé, Rondeau et Vinay, mais
il faut le souligner elles ne sont acceptées que dans d'autres
provinces du Canada, puisque le ministère de l'Education du
Québec refuse de les agréer privilégiant ainsi dans les
faits les méthodes ontariennes et françaises. La politique
d'achat chez nous ne serait-elle pas applicable dans le domaine scolaire?
Puisque les moyens ne nous manquent pas, il nous semble opportun de
réitérer notre position à l'effet que l'apprentissage de
la langue nationale doit continuer à débuter dès la
première année pour les élèves recevant leur
enseignement en langue anglaise. Est-il nécessaire de rappeler que dans
le contexte nord-américain le jeune anglophone n'en sera pas pour autant
menacé ni dans sa culture ni dans sa langue?
4. L'enseignement de l'anglais dans les écoles
françaises
Comme nous l'avons déjà mentionné, la C.E.Q. est en
faveur de l'enseignement de l'anglais et d'autres langues
étrangères dans les écoles françaises. Cet
enseignement doit être d'une excellente qualité et ne doit pas
débuter avant le secondaire.
Mais, nous l'avons dit et nous le répétons, nous nous
opposons avec la dernière énergie à la transformation des
écoles françaises en écoles anglaises sous prétexte
d'y enseigner l'anglais.
Une leçon à retenir: L'enquête de la NFER
Ceux qui rêvent de voir tous les petits francophones
québécois apprendre l'anglais dès l'âge de six ans
feraient bien de réfléchir sur les conclusions de l'une des
enquêtes les plus sérieuses jamais faites sur le problème
de l'apprentissage précoce d'une langue seconde et dont les
résultats ont été publiés en Grande-Bretagne il y a
deux ans et demi.
Au terme d'une expérience-pilote extrêmement rigoureuse
menée auprès de 18,000 élèves répartis dans
125 écoles primaires une expérience qui, c'est un gage de
sérieux, s'est échelonnée sur 10 ans la National
Foundation for Educational Research in England and Wales publiait en
décembre 1974 son rapport final. Les principales conclusions, pour
nuancées qu'elles soient, sont claires et nettes: 1. Il n'y a pas
d"'âge idéal" pour entreprendre l'étude d'une langue
seconde. Les groupes d'élèves anglais à qui la NFER a fait
commencer l'apprentissage du français à huit ans ne le
maîtrisaient pas mieux, au terme de l'expérience, que ceux qui
avaient commencé les cours à 11 ans. "Il n'apparaît pas
évident, écrivent les auteurs du rapport, que les enfants plus
jeunes seraient plus aptes que leurs aînés à apprendre une
langue seconde. Si l'on doit tirer une conclusion, c'est plutôt le
contraire qui serait vrai. C'est la quantité de temps consacrée
à l'apprentissage d'une langue seconde qui est le principal facteur de
réussite, non pas l'âge auquel débute cette période
d'apprentissage". 2. L'expérience a indiqué qu'au moment
où ceux qui ont commencé l'apprentissage d'une langue seconde
à huit ans arrivent au secondaire, environ la moitié d'entre eux
ont l'impression d'"en avoir assez" du français, qu'ils en arrivent
à développer un sentiment d'échec et qu'ils font
même preuve d'hostilité envers le fait d'avoir à suivre
d'autres cours de français. 3. Le rapport de la NFER de
même que les observations des directeurs d'école qui ont suivi
l'expérience de près montrent que les enfants qui
apprennent une langue seconde au niveau élémentaire peuvent
arriver à la parler assez couramment, mais que leurs résultats
dans la lecture et l'écriture de cette langue sont
"désappointants". 4. Autre conclusion qui comporte bien des
enseignements pour le Québec: en Angleterre, les élèves
des petites écoles rurales ont mieux réussi en français
que ceux des grosses écoles urbai-
nes; plus encore, les premiers groupes continuaient de mieux
réussir par la suite, deux ans après être entrés au
secondaire. Cela prouve que l'apprentissage d'une langue seconde requiert la
formation de petits groupes, plus d'attention de la part de l'enseignant, un
meilleur climat, etc.. 5. Si l'introduction précoce du français
dans les programmes des 125 écoles élémentaires d'Angle-
terre soumises à l'expérience de la NFER n'a pas exercé
d'"influence significative" sur l'ensemble du rendement scolaire des enfants,
la chose a toutefois présenté des "effets négatifs" pour
ce qui est de l'enseignement des langues étrangères au niveau
secondaire: d'une part, le français s'en est trouvé
indûment privilégié par rapport à d'autres langues
(allemand, espagnol, etc.); d'autre part, un nombre accru
d'élèves arrivaient au secondaire avec encore plus de
préjugés à l'égard des langues
étrangères, convaincus que "ce n'était pas pour eux"
vraisemblablement parce qu'ils avaient été
traumatisés à un degré ou un autre par une
expérience trop précoce et insatisfaisante.
En conclusion, les auteurs de cette recherche de dix années
estiment qu'il est préférable de ne pas étendre davantage
l'enseignement du français dans les écoles
élémentaires d'Angleterre et du pays de Galles.
L'expérience-pilote de la NFER, qui est un organisme semi-public
fonctionnant en étroite collaboration avec le ministère de
l'Education britannique, avait pour but de déterminer s'il était
"pédagogi-quement souhaitable" de généraliser
l'apprentissage d'une langue seconde (le français en l'occurrence)
à l'élémentaire. Les 18,000 élèves soumis
à l'expérience durant dix ans ont été
divisés en plusieurs groupes dont ceux qui commençaient le
français à huit ans, ceux qui le commençaient à
onze ans, etc... et ont été suivis pour une bonne partie d'entre
eux jusqu'à l'âge de 16 ans.
Dix ans de recherche, un énorme échantillon
représentant diverses couches sociales, quelles précautions et
quel admirable sérieux de la part de responsables scolaires anglais. Que
dire par contre de l'inconséquence de nos autorités scolaires
à nous, au Québec, qui se sont lancées sans la moindre
étude, sans le moindre projet-pilote, dans l'aventure risquée de
l'enseignement précoce de l'anglais, pour des raisons ouvertement
politiques et pour céder aux pressions de groupes de parents mal
informés!
A l'heure où le ministère de l'Education accepte, depuis
quatre ans déjà, que l'anglais soit enseigné dans les
écoles françaises du Québec dès la 1ère
année si un certain nombre de parents le réclament et au moment
où les commissions scolaires du Québec songent à s'engager
à leur tour dans cette aventure, le rapport de la NFER devrait au moins
en faire réfléchir quelques-uns.
D'autant plus, d'ailleurs, que l'Angleterre ne connait pas ce
problème très québécois d'une langue maternelle
fragile, constamment menacée; il nous semble que l'état de la
langue française au Québec aurait dû inciter le
ministère de l'Education à encore plus de prudence que les
responsables scolaires des "vieux pays".
D'autres recherches vont dans le même
sens
Par ailleurs, les conclusions de la NFER sont corroborées par
plusieurs autres études, notamment celle de J.B. Carroll, chercheur en
psycho-pédagogie aux universités Harvard et Princeton, qui
estimait lui aussi que c'est uniquement dans l'apprentissage de la
prononciation et non en grammaire ni en vocabulaire que le jeune enfant devance
l'adulte ou l'adolescent; le chercheur trouve "simpliste" le
préjugé populaire voulant que quelqu'un qui "prononce mieux"
maîtrise mieux une langue donnée. Carroll insistait lui aussi sur
le fait que c'est le temps consacré à une langue et non
l'âge auquel débute l'apprentissage qui est important.
La réalité est que nous vivons, au Québec, dans un
contexte où la langue dominante n'est pas celle de la majorité.
Quand dans un pays unilingue on propose l'apprentissage d'une langue seconde,
on suppose déjà que le contexte socio-économique,
linguistique, familial et culturel est d'abord unilingue, ce qui n'est pas le
cas pour le Québec.
Aucune politique des langues ne doit ignorer cette mise en garde
fondamentale, au risque de favoriser l'assimilation de la langue
française déjà très avancée dans les
régions de Montréal et Hull (là où sont
concentrés les 2/5 de la population francophone du Québec). Nous
vivons, au Québec, une situation de diglossie qui rend
déjà très pénible l'enseignement du français
à des élèves à qui on apprend très tôt
que "English is money". Ce n'est pas avec l'achat de milliers de
magnétophones qu'on leur donnera le goût de vivre en
français puisque tout l'environnement constitue une constante menace
d'acculturation. En conséquence, le simple bon sens c'est
humiliant d'avoir à le rappeler ne nous dicte-t-il pas qu'il faut
d'abord assurer la maîtrise par tous de la langue nationale avant
d'introduire à l'élémentaire l'enseignement d'une langue
étrangère? A l'appui de cette thèse, voyons ce qu'en dit
le professeur Charles Castonguay qui reprend à son compte les avis de
spécialistes aussi réputés que les professeurs Stem et
Carrol: "II peut y avoir d'autres retombées négatives du fait de
l'enseignement hâtif d'une langue seconde, à part celle bien
connue de l'interférence linguistique et conceptuelle avec la langue
maternelle et, par ricochet, avec les autres matières scolaires. La plus
redoutable pour le Québec en ce moment serait une évolution vers
le bilinguisme social, dernière étape
avant l'assimilation linguistique: Jusqu'à quel point le
bilinguisme social est-il possible?... Qu'arrive-t-il lorsqu'une
communauté, comme telle, dispose de deux systèmes
différents de communication? Un examen tout récent et très
fouillé de l'expérience linguistique canadienne depuis la
Confédération jusqu'en 1972 confirme la loi empirique que deux
langues de force inégale ne peuvent coexister en contact intime et que
la plus faible des deux doit inévitablement disparaître.
A ceux qui nous accuseraient de voir les choses en noir, nous citerons
encore le "Rapport de l'enseignement de l'anglais à
l'élémentaire" préparé par Denis Tremblay,
Jean-Paul Martinez et Yvon Bouchard de l'Université du Québec
à Rimouski. Cette étude fort complète en arrivait, en
1974, aux conclusions suivantes que nous faisons nôtres:
L'enseignement de l'anglais ne doit commencer qu'au début du
niveau secondaire sous réserve d'un dépistage démontrant
que l'élève a acquis et maîtrisé sa langue
maternelle. Une recherche de grande envergure où seraient
impliquées toutes les disciplines oeuvrant dans le domaine de
l'éducation doit être instituée afin de vérifier si
les conditions d'apprentissage d'une langue seconde sont les mêmes ou si
elles diffèrent dans un contexte bilingue ou unilingue.
Tant qu'une recherche scientifique ne sera pas élaborée,
l'enseignement de l'anglais ne doit se faire qu'à partir du secondaire
de la même façon que cela se fait dans les pays unilingues
où règne une très grande prudence.
Par ailleurs, les chercheurs soulignent très clairement que la
langue française dans le contexte bilingue où elle se trouve ne
vivra guère plus d'un demi-siècle encore. Nonobstant les raisons
socio-linguistiques, la langue française ne sera plus qu'une langue
qu'on ne parle qu'après cinq heures le soir et cette langue est
déjà une langue morte. La langue française est
menacée dans ses structures les plus profondes et c'est là un
danger réel, d'où notre insistance sur l'enseignement du
français. Avant d'entreprendre l'apprentissage d'une langue seconde, il
importe avant tout d'assurer la maîtrise de la langue maternelle.
L'apprentissage de l'anglais doit débuter au niveau secondaire
car la langue maternelle comme instrument de pensée n'est pas seulement
une acquisition de phonèmes entendus et imités sur un
modèle idéal, mais elle est aussi un système de structures
mentales très complexes devant être acquis (dans des conditions
idéales) avant d'entreprendre l'apprentissage des structures d'une
deuxième langue.
A l'appui de cette revendication essentielle, nous citons enfin un
article de Jacques Cellard, du Monde de l'Education (avril 1977), qui traitant
de "l'anglicisation de la jeunesse française" souligne fort à
propos: "L'apprentissage d'une langue étrangère n'a (...) de
justification qu'après celle de la langue nationale, et pour autant que
les ressources de celle-ci sont déjà correctement
maîtrisées. A plus forte raison si l'on considère que l'une
de ces langues étrangères, l'anglais, est devenu un
élément obligé de l'enseignement et que le
véritable apprentissage ne commence qu'avec une seconde langue
étrangère, la concurrence entre les deux enseignements (du
français et des langues) pourrait un jour devenir telle qu'elle ne
ferait plus que des perdants".
Une question politique et pédagogique
Comme nous l'avons maintes fois souligné dans ce mémoire,
nous n'avons aucunement comme objectif de confiner les Québécois
francophones à un ghetto hostile à toute ouverture aux cultures
étrangères et la géographie même nous interdit de
devenir une enclave fermée aux relations socio-économiques avec
le continent nord-américain, mais nous nous opposons à ce que
l'enseignement des langues étrangères se fasse au
détriment de notre vie collective dans ce qu'elle a de plus
précieux: son intégrité linguistique, son identité
culturelle, voire sa propre survie.
Et nous nous trouvons parfaitement justifiés, tant au plan
scientifique que pédagogique et socio-politique, de réclamer la
suppression immédiate de l'enseignement de l'anglais à
l'école élémentaire, parce que c'est en pratique inutile
et possiblement nuisible.
En revanche, nous demandons d'excellentes conditions pour l'enseignement
de l'anglais, langue seconde, tout le long du secondaire, à
côté d'un certain nombre d'autres langues
étrangères, telles l'espagnol, l'italien, l'allemand, qui
seraient disponibles.
S'il est vrai de dire que l'enseignement est une fonction politique, il
est assurément vrai d'affirmer que l'enseignement des langues au
Québec est devenu une tâche ingrate et explosive. Cet enseignement
est d'une portée stratégique évidente. A preuve, tout le
soin manifesté par le ministre Cloutier à accoucher en avril 1973
d'un ambitieux "plan de développement de l'enseignement des langues" de
$100 millions en cinq ans. A preuve, les nombreux arrêtés en
conseil précédant ou accompagnant ce plan, lesquels sont venus
insidieusement préparer les structures et les mentalités à
la bilinguisation progressive des francophones.
Nous ne nions pas l'engouement qu'ont certains parents ou responsables
scolaires pour l'enseignement précoce de l'anglais. Les marchands de
bilinguisme font florès et l'utopie se vend bien. Or,
le bilinguisme n'est pas une valeur en soi et il ne devrait pas
être question de le présenter comme une panacée. Au niveau
individuel, il est avantageux à certaines conditions, il est parfois
nécessaire et très souvent utile. Mais pour l'ensemble d'un
peuple, c'est un état anormal et pathologique. Il est source
d'infériorité. Etape transitoire dans le passage d'un
unilinguisme à un autre, il est une des caractéristiques les plus
évidentes d'un peuple en train de perdre sa culture et son
identité.
Lorsque deux peuples vivent côte à côte, que l'un
d'eux est unilingue et l'autre bilingue, c'est le peuple unilingue qui assimile
et qui domine. C'est le peuple unilingue qui a les moyens d'imposer sa langue
comme langue normale de toutes les relations entre ces deux peuples. C'est le
peuple unilingue qui crée, pendant que l'autre copie et traduit.
Extrémisme, racisme, ignorance du contexte nord-américain
et des impératifs économiques, voilà en
résumé les arguments que certains nous servent à chaque
fois que nous tenons de pareils propos. C'est avec d'aussi fallacieux arguments
que ces mêmes gens font fi des avis des spécialistes les plus
autorisés en cette matière que nous venons d'invoquer.
Conclusion
Notre conclusion sera brève.
Le projet de loi no. 1 est un projet digne du Québec et nous
l'appuyons vigoureusement en mettant le gouvernement en garde contre tout
recul.
Mais la Charte du français au Québec ne suffit pas, elle
doit être accompagnée ou suivie: d'une relance vigoureuse de
l'enseignement du français de la mise en place des commissions scolaires
unifiées de la mise au ban des méthodes et volumes racistes qui
méprisent la majorité francophone de la suppression
immédiate de l'enseignement de l'anglais à
l'élémentaire de l'interdiction des classes dites d'immersion
dans les écoles françaises.
La libération linguistique n'est pas suffisante en soi, toutes
les libérations se tiennent mais celle-ci peut nous donner le goût
de la dignité, de la liberté, au fond, le goût de
nous-mêmes.
Résumé du mémoire
Un principe: 22 mesures
La C.E.Q. appuie vigoureusement la charte du
français au Québec
La langue officielle 1. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que le
français est la langue du peuple québécois. L'attendu qui
souligne que l'Assemblée nationale reconnaît ce fait ne doit pas
être amendé. 2. L'article 23 relatif à la langue des
administrations scolaires et municipales doit être maintenu. 3. Les
articles 33 à 40 qui traitent de la langue du travail et de la
francisation des entreprises ne doivent pas être atténués.
L'article 106 doit être maintenu. 4. La francisation du paysage et celle
du "paysage sonore" du Québec sont une absolue nécessité.
5. Les dispositions de la Charte sur la langue des relations du travail sont
satisfaisantes. 6. L'article 172 doit être remplacé par un nouvel
article qui précise clairement les droits de la personne qui sont
modifiés par la Charte du français.
La langue d'enseignement 7. Le français doit être la langue
officielle du système d'enseignement et de l'administration scolaire
à tous les niveaux. 8. Les Amérindiens et les Inuit doivent
s'autodéterminer et avoir accès à l'enseignement dans leur
langue. Il faudra leur donner les moyens d'apprendre adéquatement le
français si tel était leur désir. 9. Le système
scolaire doit être unifié de façon à ce que
disparaissent les divisions administratives tant professionnelles que
linguistiques. 10. Seuls les enfants dont l'un des parents a fait ses
études élémentaires en anglais au Canada doivent avoir
accès à un enseignement en langue anglaise, du moins tant que le
système constitutionnel actuel sera maintenu. Mais tous ceux qui ne
répondent pas à ce critère doivent être
immédiatement réintégrés ou intégrés
au secteur français.
11. Une enquête doit être menée sur le "maraudage"
effectué par les commissions scolaires protestantes au détriment
des commissions scolaires catholiques.
Ne pas confondre "langue d'enseignement" et "enseignement des langues"
12. Il ne faut pas confondre "langue d'enseignement" et "enseignement des
langues". Le gouvernement doit établir dans la Charte des dispositions
lui permettant de contrôler efficacement la langue d'enseignement
réelle des étudiants. Les classes "d'immersion" doivent
être interdites dans le secteur français.
L'enseignement des langues 13. La connaissance de la langue
française est intimement liée à l'histoire et à la
géographie nationale de même qu'à la connaissance et
à la promotion de la littérature du peuple
québécois et à l'éducation économique. 14.
Il y a lieu d'intervenir vigoureusement pour obtenir les moyens
d'améliorer l'enseignement du français. 15. Les programmes de
français doivent revaloriser la fonction de l'écrit. 16.
L'enseignement de l'oral doit viser à atteindre le niveau de
"français standard", de français qui permet aux
Québécois d'assumer un rôle actif dans les échanges
culturels, administratifs, commerciaux aussi bien au niveau national
qu'international, sans complexe et avec leur identité propre. 17. Il
faudra faire une place réelle à la littérature
québécoise dans l'enseignement du français. 18. Il faut
donner aux enseignants les moyens d'assurer un enseignement du français
de qualité: au triple plan des ressources humaines, du perfectionnement
et de la tâche. Il faut créer des coopératives de
création pédagogique. 19. Le gouvernement doit instaurer une
enquête sur les manuels utilisés dans les écoles anglaises
pour enseigner le français. Cette enquête doit aboutir à la
disparition de tous les manuels racistes qui s'y trouvent et instaurer une
politique "d'achat chez nous" des méthodes en usage dans les
institutions d'enseignement. Il faut aussi nationaliser l'édition du
manuel scolaire pour qu'il y ait un contrôle réel des contenus
qu'ils véhiculent. L'enseignement de la langue nationale doit
débuter dès la première année dans les classes
anglaises. 20. Les classes d'accueil sont un succès certain. Il faut les
maintenir et en faire le moyen privilégié d'intégration
à l'école française de tous ceux qui ne possèdent
pas une connaissance suffisante du français. 21. L'enseignement de
l'anglais comme langue seconde ne doit débuter qu'au niveau secondaire.
C'est cependant un enseignement de qualité de l'anglais que nous voulons
pour les Québécois. 22. L'anglais ne doit plus être la
seule langue seconde à laquelle les Québécois peuvent
avoir accès. Il existe d'autres langues très importantes parmi
lesquelles les jeunes devraient pouvoir choisir celle qu'ils voudront
apprendre.
6.1.6 Pour l'implantation d'un programme
d'éducation économique
Dans le passé, l'éducation économique au
Québec a été laissée pour compte; et il semble bien
que la situation pouvait s'observer ailleurs puisque la Commission
internationale de planification de l'Education de l'Unesco pouvait
écrire en 1972:"Dans l'école, et par tous les moyens
extra-scolaires, l'éducation économique doit devenir l'un
des'eléments essentiels de la conscience et de la culture des
masses".
Ces dernières années, les conflits de relations de travail
se sont multipliés. Se sont multipliées également, et
comme par hasard, les interventions du monde des affaires en faveur d'une
éducation économique structurée dispensée à
l'école. Une certaine conception de l'éducation économique
est véhiculée aussi par les media ou certains ministères;
voyons de quoi il retourne... "On devrait se hâter de voir à ce
que le système scolaire du Québec prépare les
étudiants à leur futur rôle de citoyens. Ce qui est urgent,
selon nous, c'est de commencer immédiatement à inculquer aux
étudiants du secondaire un minimum de notions
élémentaires, concernant les réalités
économiques de notre société". (Mémoire de
l'Association des Manufacturiers 1er août 1972) "Si, par exemple,
on ne réussit pas à faire comprendre à la population des
notions comme celles de l'inflation, de la productivité, des prix, des
profits, du capital, du travail, de l'imposition et des divers
mécanismes de l'Etat et de la société, on n'arrivera
jamais à faire accepter certaines responsabilités, certaines
politiques, certaines conséquences de gestes posés ou d'exigences
imposées". (André Raynauld, Revue Commerce, février 1975)
"C'est également lorsque l'homme d'affaires, le chef d'entreprise, le
cadre moyen ou supérieur auront quelques notions d'économique
qu'ils pourront prendre des décisions plus rationnelles, concernant
l'avenir de leur entreprise, le développement de nouveaux
marchés, les investissements nouveaux, l'exportation, la formation de
leurs employés ou la nécessité de leur propre formation".
(Roger Char-bonneau, Le Soleil, 21 février 1973)
"Si l'enseignement demeure désincarné et ne rejoint pas
les réalités de la vie et les problèmes qui confrontent
ses citoyens, si l'école ne permet pas à l'étudiant de
faire une transition souple entre l'école et le monde du travail, si
l'école ne réussit pas à produire des travailleurs
compétents et en mesure de répondre aux besoins de l'entreprise,
alors on est en droit de se poser des questions sur la rentabilité des
investissements faits pour un système d'éducation où on ne
retrouve pas d'éducation économique pour tous, car c'est
l'éducation économique et les activités qu'elle suscite
qui permettent à l'école de se rapprocher des
réalités concrètes de la vie de tous les jours et des
problèmes qui confrontent chacun de nous". (André Bruneau,
ministère de l'Industrie et du Commerce)
Ces différentes conceptions sont à tout le moins une
traduction très libre de celle de la Commission internationale de
planification de l'Education de l'Unesco qui fait de l'éducation
économique un des éléments essentiels de la conscience et
de la culture des masses. Somme toute, si on s'en tenait aux volontés
exprimées par le monde des affaires, nous n'aurions qu'à
structurer un peu mieux les notions déjà données par
l'école via la catéchèse, le français, les maths,
et particulièrement du cours d'initiation à la vie
économique 412, en option au secondaire IV dont les
principales orientations se résument ainsi: recherche d'un
équilibre entre la production et la consommation description des
mécanismes et rouages du système en place la place du
crédit et de l'épargne comme facteurs de progrès et de
développement économique les finances publiques vues à
l'aune de la capacité de payer des contribuables (air connu)
Globalement parlant, il est facile de voir que cette approche est
fondamentalement tronquée et biaisée, en ce qu'elle
relègue dans l'ombre le travail et les travailleurs comme facteurs
économiques, pour mettre en relief à peu près
exclusivement le capital, ses agents, ses institutions, ses mécanismes
d'accumulation, de circulation et de placement.
Comme si la vie économique ne commençait qu'une fois le
travail accompli, le profit fait! Comme si la constitution du capital, la
plus-value et son accumulation ne provenaient pas de l'exploitation de la force
de travail! Comme si s'éduquer à la vie économique,
c'était s'en tenir à faire sa comptabilité, payer ses
dettes, acheter des bons d'épargne, ouvrir un compte d'épargne et
consommer sans se faire trop rouler...
Une éducation économique
tronquée
Pas de place pour le travail; peu de place pour le travailleur, que le
langage officiel-ministériel appelle "un producteur" en le rangeant dans
la même catégorie que l'entreprise et les gouvernements, a peine
une mention au passage du syndicalisme et de la coopération, deux
institutions de défense et de promotion de leurs besoins et
intérêts que se sont données les travailleurs.
Nulle part il n'est question des intérêts que
représentent les grandes institutions financières, des liens
qu'elles ont entre elles et avec des institutions étrangères, du
réseau qu'elles forment, de la manière dont les décisions
y sont prises, du nombre de personnes qui prennent des décisions
économiques en relation avec ceux qui en subissent les
conséquences.
Les monopoles, les multinationales, le chômage, les maladies
industrielles, les accidents de travail, les fermetures d'usines,
l'endettement, la pollution de notre environnement, le gaspillage de nos
ressources naturelles, l'inflation: ça n'existe donc que dans notre
imagination?
Les futurs travailleurs, les futurs chômeurs, les futurs
consommateurs sont ainsi coupés de leurs intérêts propres:
on ne parle pas d'eux, ni de leurs problèmes, ni de leurs organisations
collectives, ni de leurs besoins sociaux.
A notre avis, un tel programme traduit les intérêts
précis du capital et de ses agents; il renforce l'idéologie de la
minorité de possédants, la bourgeoisie, qui, pour se
perpétuer et se renouveler, s'efforce d'imposer à l'ensemble de
la population sa vision du monde comme étant celle de toute la
société.
En plus de ce programme dit d'initiation à la vie
économique, qu'on devrait plutôt appeler "de conditionnement au
capitalisme", si on regarde de plus près, on s'aperçoit que
presque toutes les matières servent à un moment ou l'autre
à valoriser le système économique qui nous domine, et ce,
tant au plan de la vie quotidienne des travailleurs qu'au plan du
fonctionnement général du système capitaliste. D'une
manière générale nous avons constaté que la
présentation du travail dans les manuels était absolument
dépassée et qu'elle nous renvoie à une phrase
pré-industrielle de l'économie capitaliste ne reflétant
même pas la réalité actuelle de la division du travail,
c'est-à-dire la chaîne de production, la machine, la
parcellisation des tâches.
Bref, les programmes et manuels scolaires contiennent de nombreux
éléments "d'initiation à la vie économique" qui
tendent à imposer les idées et les valeurs du système, qui
tendent à faire croire que le capitalisme est le meilleur système
qui soit.
Ce que devrait être un programme
d'éducation économique
II est difficile de dire ce que devrait être l'éducation
économique, sans se référer à ce que devrait
être le rôle social de l'école en général,
tout comme il est difficile d'imaginer transformer l'école sans
transformer la société.
Malgré cette réserve, on peut au moins mentionner
certaines grandes orientations que toute initiation à la vie
économique au niveau secondaire devrait poursuivre.
Le centre de la vie économique, c'est
l'homme
Démontrer que le centre de la vie économique c'est
l'homme, son travail, ses besoins physiques, ses aspirations au plan des
rapports sociaux qu'il veut établir avec ses semblables: rapports
d'égalité, rapports d'exploitation...
Un point de vue historique du développement de
la production
Tracer l'histoire du développement de la production,
intégré à celui de l'humanité, en insistant sur les
différents systèmes de production imaginés par les hommes
et en démontrant comment chacun d'entre eux a été
transitoire, comment il a donné naissance à d'autres ou s'est
fait supplanter. Le tout afin de démontrer clairement que le
système capitaliste implanté ici n'est pas éternel et
qu'il devra nécessairement laisser à son tour sa place;
l'essentiel cependant, demeurant: une économie est en place pour
produire des biens sociaux. Ainsi l'éducation économique ne sera
plus une occasion de domestication du monde, mais plutôt celle du
développement de l'esprit critique et celle d'une préparation
à l'adoption de formules de production plus humaines qui valorisent
davantage le travail et le travailleur.
Familiariser les étudiants avec le système actuel, ses
réalisations, ses contradictions, ses institutions, les principales
opérations qu'il suppose chez tout citoyen, les problèmes qui le
confrontent, etc.
En particulier, mettre l'accent sur l'existence de la pauvreté au
milieu de la richesse, les crises créées par le capitalisme:
inflation, déflation, la création de chômeurs, le maintien
de rapports exploiteurs-exploités, l'absence de planification nationale
de l'économie. Insérer la description de l'économie
actuelle dans la perspective de son évolution historique,
c'est-à-dire: illustrer comment les capitaux étrangers
(français, britanniques, puis américains) ont
façonné la structure industrielle et modelé la vie
économique selon leurs intérêts.
Mettre en évidence les liens et rapports entre l'oligarchie
financière et l'appareil d'Etat, notamment l'influence sur la politique
fiscale, les politiques de régulation économique (politique
monétaire, commerce extérieur, contrôle ou
réglementation des salaires), etc.. Mettre en contraste le crédo
de la libre entreprise et de la libre concurrence avec le contrôle
économique exercé par les entreprises géantes, les
holdings et trusts (étrangers ou nationaux).
Décrire les processus de prise de décision des
multinationales et démontrer les intérêts que servent ces
décisions, ainsi que les conséquences sur les conditions de vie
et de travail des travailleurs.
Expliquer le pillage de nos ressources naturelles et la pollution de
notre environnement en fonction des intérêts servis.
Décrire et dénoncer la publicité/conditionnement,
la promotion artificielle de produits inutiles et nocifs.
Mettre en relief l'importance économique du travail
non-rémunéré et la situation d'infériorité
économique de la plupart des travailleurs et des travailleuses au foyer
et à l'extérieur.
Instruire les étudiants des conditions et réactions des
travailleurs:
Décrire les problèmes des travailleurs, leur vie
réelle, les conditions dans lesquelles ils produisent, les maladies ou
dangers qui les menacent, etc..
Faire connaître aux étudiants les luttes ouvrières
et les analyser comme facteur de progrès historique; qu'il s'agisse de
luttes syndicales, d'organisations coopératives, etc. Initier les
étudiants à la mise en place d'organisations collectives de
défense de leurs intérêts, ce qui les éduquerait
à une vie démocratique bien concrète, associations,
syndicats, coopératives, etc.
Instruire les étudiants de certains autres modèles
économiques et politiques ou la satisfaction des besoins sociaux et
collectifs a priorité sur les profits à réaliser et sur
l'importance des fixatifs à cheveux et des allume-cigarettes "disposable
after use"...
Le programme d'éducation économique doit
relever du MEQ
L'immixtion du ministère de l'Industrie et du Commerce est tout
à fait indésirable en éducation, et même sur le plan
économique.
Nous savons que tous les ministères servent les mêmes
intérêts généraux, mais le MIC nous paraît
être le correspondant le plus direct des milieux d'affaires et nous nous
opposons rigoureusement à ce qu'il prenne quelque initiative que ce soit
en éducation.
A plus forte raison, écartons-nous carrément les milieux
d'affaires de l'élaboration et de l'implantation d'un programme
d'éducation économique; nous ne tenons pas à ce que ce
dernier ne serve qu'à légitimer leur statut de classe dominante
et qu'à domestiquer davantage la majorité pour qu'ils puissent
conserver ce statut encore plus longtemps. "Le monde des affaires, explique
Madame Lise Payette, ministre québécois des consommateurs,
coopératives et institutions financières dans le Soleil du 27
avril '77, ce sont des gens sans appartenance. Moi, a-t-elle continué,
j'ai l'impression qu'à un moment donné, il y a une
catégorie de gens qui finit par appartenir à un seul peuple qui
est celui de la finance. Ça n'a pas de coeur, ça n'a pas de
drapeau, ça n'a pas de nationalisme, ça n'a pas
d'identtfé. C'est un monde international qui a les mêmes
règles du jeu partout et qui s'exclut, qui s'extirpe de la
majorité des gens et qui finit par faire un monde à part."
L'école n'est jamais neutre
Est-il encore nécessaire de rappeler que l'école n'est
jamais neutre; l'école officielle, celle des programmes-cadres et des
manuels qui sont mis entre nos mains, ne l'est pas davantage.
L'école actuelle défend de toutes ses forces le statu quo
économique et politique; elle endort l'étudiant face aux vrais
problèmes; elle lui cache le recours à l'action collective; elle
l'enferme dans un espace borné au sud par la publicité, à
l'ouest par le crédit, au nord par l'inflation et à l'est par le
chômage.
Nous sommes pour l'implantation d'un programme d'éducation
économique qui soit autre qu'une serre-chaude du système
établi.
ANNEXE III
Le 2 juin 1977
MÉMOIRE PORTANT SUR LE PROJET DE LOI No 1
CHARTE DE LA LANGUE FRANÇAISE AU QUÉBEC
Présenté par la Banque de Montréal à une
commission parlementaire de l'Assemblée nationale du Québec
De simple établissement qu'elle était en 1817, la Banque
de Montréal s'est transformée en une institution
financière d'importance majeure tant au pays qu'à
l'étranger. C'est à ce titre et par suite de l'appel à la
discussion du Projet de loi no 1 lancé par le gouvernement que la
Banque, consciente de ses obligations, présente ce mémoire.
La Banque de Montréal désire souligner l'appui qu'elle
accorde à l'objectif de faire du français la langue principale du
Québec. Elle constate en outre le rôle de plus en plus important
que jouent les Québécois de langue française dans
plusieurs domaines. Le rayonnement de la culture et de la langue
françaises constitue une grande richesse pour le Canada et pour
l'ensemble de l'Amérique du Nord. Aussi faut-il reconnaître les
progrès importants réalisés depuis quelques années
dans les milieux d'affaires pour encourager l'usage du français.
La Banque de Montréal
La Banque de Montréal, l'une des plus importantes banques au
monde, compte environ 27 000 employés qui exercent leur activité
entre autres dans 1 250 succursales et agences au Canada et à
l'étranger ainsi que dans les divers services du Siège social
à Montréal. De ce nombre, 26 000 employés sont en service
dans divers bureaux, dont 1 240 succursales, répartis sur tout le
territoire canadien.
Le Québec pour sa part compte un nombre considérable
d'employés, soit 7 500, en poste dans 215 succursales et autres bureaux
dont le Siège social.
Siège social
L'état-major de la Banque compte plus de 1 250 employés et
au-delà de 2 000 personnes occupent des fonctions
spécialisées dans les opérations bancaires reliées
au Siège social. Les employés qui le désirent sont
renseignés en français sur toutes les questions ayant trait au
recrutement, aux conditions de travail et aux salaires et avantages
sociaux.
L'activité bancaire au Québec
Depuis plus d'un siècle et demi, la Banque de Montréal
offre aux particuliers et aux entreprises québécoises de toute
taille une gamme toujours plus vaste de services bancaires. Le Québec
représente une part importante du marché de la Banque; aussi elle
s'efforce sans cesse de répondre à leurs besoins.
Le Siège de la Division du Québec compte un personnel de
200 employés. La connaissance du français est essentielle dans 90
pour cent des postes. Depuis dix ans, le nombre de postes occupés par
des francophones a augmenté de l'ordre de 60 à 90 pour cent pour
l'ensemble de la Division. Les clients sont servis en français ou en
anglais à leur gré.
Les communications écrites et orales à l'intérieur
de la Division et entre la Division et les 215 succursales de la province se
font en très grande partie en français. Tous les formulaires
destinés aux clients et presque toutes les méthodes et directives
à l'intention des succursales sont émis en français. Le
français est également de plus en plus utilisé dans les
rapports avec les employés, les clients et les actionnaires. Le
mouvement de francisation que nous venons de décrire s'est amorcé
bien avant la publication du Projet de loi 22. Il s'inscrit dans le cadre d'une
politique bien définie. Nous avons l'intention de continuer dans cette
voie, même si la loi ne nous y obligeait pas.
Les employés de la Division du Québec utilisent le
français dans l'exécution de la plupart de leurs tâches.
Cependant, certains d'entre eux doivent également travailler en anglais,
en raison du nombre considérable de clients particuliers et
entreprises d'envergure nationale et internationale qui demandent
à être servis en anglais. En outre, certaines succursales du
Québec comptent parmi leurs employés des personnes ayant une
connaissance de plusieurs autres langues, ce qui permet de servir les clients
dans leur langue. Enfin, les employés qui travaillent en français
au Québec voient souvent d'un bon oeil l'occasion de travailler en
anglais dans la mesure où il leur est ainsi possible de compléter
leur plan de carrière auprès des autres secteurs de la Banque
Siège social, bureaux et succursales des autres provinces et
à l'étranger où le français n'est pas de
rigueur.
Référer à la version PDF page CLF-482
Car il est un fait indéniable: la langue utilisée dans le
domaine bancaire tant au Canada qu'avec l'étranger est l'anglais. Or,
l'essor que connaît la Banque à l'extérieur du
Québec et du Canada confirme la nécessité pour le
Siège social d'utiliser l'anglais dans la gestion de ses
opérations hors du Québec.
La Banque estime avoir contribué d'une manière
appréciable à l'amélioration de la situation du
français dans ses opérations et dans ses relations avec les
employés francophones du Québec. Un exposé plus
détaillé de ses réalisations figure en annexe.
La politique linguistique de la Banque est définie dans une
directive du manuel des Normes et Méthodes et tout employé peut
la consulter au besoin.
Référer à la version PDF page CLF-483
Référer à la version PDF page CLF-484
Référer à la version PDF page CLF-485
Conclusion
La Banque de Montréal appuie l'objectif de faire du
français la langue principale du Québec. En fait, cet objectif
est à plusieurs égards déjà atteint et, avec ou
sans loi, le mouvement de francisation se poursuivra. La Banque espère y
voir des progrès de plus en plus marqués en ce sens, pourvu que
les moyens s'avèrent constructifs, équitables et réalistes
et ne portent pas préjudice inutilement.
La Banque de Montréal souhaite que tous les citoyens du
Québec atteignent leur épanouissement culturel par un meilleur
niveau de vie et une économie saine et prospère. La meilleure
façon d'y parvenir, c'est bien de créer une atmosphère de
compréhension et d'acceptation mutuelles où le respect des
libertés individuelles est assuré.
En sa qualité d'établissement bancaire de premier plan, la
Banque de Montréal est disposée à faire sa part et
plus pour la relance et le développement de l'économie du
Québec au profit des Québécois.
(Annexe)
Exposé sommaire de la progression du
français à la Banque de Montreal au Québec
Division du Québec
La Division du Québec de la Banque de Montréal comprend
215 succursales réparties sur l'ensemble du territoire
québécois, et un siège divisionnaire regroupant 200
employés à Montréal. Ce siège occupe des locaux
distincts de ceux du Siège social. Les succursales relèvent de
directeurs régionaux en poste à Québec et à
Montréal.
Il y a longtemps que le français est utilisé dans les
rapports avec les clients de la Banque. Le client se fait servir dans la langue
de son choix, c'est-à-dire en français ou en anglais dans toute
succursale au Québec, et toutes les formules ainsi que les contrats sont
disponibles dans les deux langues.
Suite à l'établissement de programmes linguistiques bien
définis, l'usage du français dans les divers aspects des
relations de la Banque avec ses employés a connu une expansion
marquée. Le matériel publicitaire servant au recrutement et les
formules de demande d'emploi sont rédigés en français et
en anglais. Les entrevues relatives à l'embauche se déroulent
dans l'une ou l'autre de ces langues au choix du candidat. C'est en 1966 que la
Banque commençait le recrutement auprès des institutions
d'enseignement au Canada. L'an dernier au Québec nous avons
visité seize CEGEP et sept universités de langue
française, ainsi que quatre universités de langue anglaise. Ces
visites ont conduit à l'embauche de 80 nouveaux employés dont 69
étaient de langue française; nous avons exigé de la part
de toutes les nouvelles recrues destinées à occuper des postes au
Québec la connaissance du français.
Aujourd'hui, le nouvel employé a l'avantage de pouvoir suivre, en
français ou en anglais, tous les cours de formation portant sur les
méthodes d'exploitation utilisées en succursales, les fonctions
reliées à la caisse et les techniques de gestion.
Les titres des postes ainsi que les définitions de tâches
des postes hors cadres sont formulés en français et en anglais.
Nous sommes en train de compléter en français la
définition des tâches des cadres.
Tous les renseignements touchant les avantages sociaux de la Banque
régimes d'assurance-santé, congés, régimes
de retraite et autres sont disponibles en français et en anglais.
Les entrevues effectuées dans le cadre du programme d'évaluation
du rendement et les sondages faits auprès des employés se
déroulent dans les deux langues.
En outre, les employés ont la possibilité de parfaire
leurs connaissances en suivant des cours de langue française ou anglaise
dispensés dans des établissements approuvés par la Banque.
Les frais engagés par l'employé sont remboursés
intégralement par la Banque à condition toutefois que
l'employé ait réussi les cours en question.
Le français est utilisé dans environ 85 pour cent des
communications entre la Division du Québec et ses succursales. Les
lettres circulaires sont publiées simultanément dans les deux
langues et les manuels d'opérations bancaires sont presque tous
disponibles en français aussi bien qu'en anglais. A titre d'exemple,
toute la documentation reliée à l'information des
opérations bancaires de nos succursales canadiennes a été
publiée dans les deux langues. Il s'agit d'environ 3 000 pages
d'instructions, de méthodes d'exploitation, de manuels d'organisation et
de cours de formation connexes. Les caissières reçoivent leur
formation sur place au terminal soit en français, soit en anglais, au
choix de l'employée.
Siège social
Les documents de travail précités à l'usage du
personnel de la Division du Québec sont également mis à la
disposition des nouvelles recrues et des employés du Siège
social.
La revue des employés, Concordia, est publiée en
français et en anglais.
Les normes et méthodes d'application générale
à la Banque, que nous appelons Directives, comprennent plus de 5 500
pages en plus de la documentation informatique précitée. Plus de
la moitié
de ces Directives est déjà publiée en
français et la rédaction française continue. Les
premières Directives à paraître en français furent
celles qui avaient une grande incidence sur la connaissance que doivent avoir
les employés de leurs fonctions et de leurs droits et
responsabilités.
Les circulaires du Siège social diffusent des instructions
courantes et des renseignements importants. Elles sont publiées
simultanément en français et en anglais.
Avancement chez les cadres francophones dans la
Banque
La Banque ne cesse d'accroître ses efforts dans le but de
favoriser de façon systématique la promotion à tous les
niveaux hiérarchiques de cadres francophones à l'avenir
prometteur. Des postes de haute direction à l'extérieur du
Québec sont offerts à des cadres de langue maternelle
française qui possèdent de grandes aptitudes afin de
compléter leur plan de carrière. A la Division du Québec
en particulier les francophones ont accédé dans une proportion
croissante aux postes de cadres supérieurs. En effet, plus de 80 pour
cent des 950 postes cadres sont occupés par des employés de
langue maternelle française.