Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude du projet de loi no 22
Loi sur la langue officielle
Séance du mercredi 19 juin 1974
(Dix heures et neuf minutes)
M. LAMONTAGNE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs!
Je voudrais d'abord informer les membres de la commission des
changements dont on m'a avisé. M. Saindon (Argenteuil) remplace M.
Bérard (Saint-Maurice); il y a M. Charron (Saint-Jacques); M.
Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie); M. Hardy (Terrebonne); M.
Lachance (Mille-Iles) remplace M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Tardif
(Anjou) remplace M. L'Allier (Deux-Montagnes); M. Morin (Sauvé) remplace
M. Léger (Lafontaine); M. Séguin (Pointe-Claire) remplace M.
Parent (Prévost); M. Beauregard (Gouin) remplace M. Phaneuf
(Vaudreuil-Soulanges); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier); M. Roy (Beauce-Sud) remplace M. Samson (Rouyn-Noranda); il y
a aussi M. Veilleux (Saint-Jean).
Procédure
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de passer à la motion du
député de Saint-Jacques, je voudrais rappeler certaines normes
concernant la tenue de nos commissions parlementaires. Comme vous le savez,
sans doute, il n'est pas facile pour un président de diriger une telle
commission, compte tenu de nos règles de pratique et des nombreuses
auditions que nous devons avoir d'ici la fin de la présente étude
de la commission parlementaire. Cependant, il faudrait peut-être rappeler
à nos invités que la période pour la présentation
de leur mémoire est d'une durée limite de 20 minutes. Autrement
dit, si le mémoire est trop long, j'inviterais nos invités
à présenter un court exposé, un résumé de
leur mémoire, de manière à respecter l'esprit de la
commission parlementaire, qui est un dialogue entre les membres de la
commission et les invités représentant nos organismes.
Aujourd'hui, nous entendrons plusieurs organismes dont le premier qui a
été mentionné par le président hier soir, lors de
l'ajournement de la commission, et qui est représenté par M.
Campbell, président de la St-Andrew's Society of Montreal. J'inviterais
M. Campbell à venir en avant. Excusez-moi, j'ai oublié...
M. CHARRON: Je n'ai pas considéré cela comme une offense,
M. le Président. Nos invités peuvent prendre place.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Tout de même dans l'esprit que je
viens de mentionner tout à l'heure assoyez-vous je
voudrais obtenir, comme nous l'avons toujours eue d'ailleurs, la collaboration
étroite des membres de la commission. Le président qui me
précédait, M. Gratton, a mentionné à plusieurs
reprises au cours de la journée d'hier l'obligation et le devoir d'un
président de s'en tenir à des règles, non pas
nécessairement rigoureuses, mais qui permettent des
délibérations peut-être plus en conformité avec nos
règles de pratique. C'est du côté surtout des
mémoires.
On ne peut pas demander à chacun des invités qui nous
rendent visite, de connaître tous nos règlements; mais tout de
même, lorsque le président demande à notre invité de
s'en tenir à nos règles de pratique, je pense que ce serait
normal qu'il obtienne, dans ces circonstances, la collaboration des membres de
la commission. Je voudrais rappeler l'esprit de la commission. C'est un
dialogue entre les membres de la commission et les invités.
Hier, la motion du député de Saint-Jacques était
rendue... C'était le député de Beauce-Sud sur la motion du
député de Saint-Jacques. Je vais la relire pour le
bénéfice des membres de la commission: Que... Hum!
M. CHARRON: Puis-je vous la lire, M. le Président? La motion que
j'ai présentée hier soir sur laquelle intervenait le
député de Beauce-Sud lorsque nous avons ajourné nos
travaux se lit comme suit: Qu'à l'avenir le secrétaire des
commissions convoque pour la séance du lundi de la commission permanente
de l'éducation, des communications et des affaires culturelles un
maximum de cinq témoins. Pour les séances du mardi, mercredi et
jeudi, un maximum de six témoins et pour la séance du vendredi,
un maximum de trois témoins.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Egalement, pour finir mon prône
matinal, je rappellerai que la commission parlementaire n'est pas un lieu de
spectacle. Hier, nous avons eu beaucoup trop de manifestations dans la salle.
Je comprends que nos invités soient accompagnés des membres qui,
naturellement, sont d'accord sur leur exposé, mais je voudrais, pour le
bénéfice de tous ceux qui viennent ici également, de ceux
qui suivent nos délibérations par le truchement de nos media
d'information, qu'on n'entende pas dire: Au Québec, c'est une foire
générale. En conséquence, à partir d'aujourd'hui,
il peut peut-être y avoir une expression spontanée, mais nous ne
permettrons pas ces manifestations constantes. Malheureusement, lorsqu'un
organisme se sentira appuyé des mains et d'autres choses par ceux qui
l'accompagnent, le président devra, tout en avertissant, aller
jusqu'à proposer la suspension d'une telle audience s'il y a trop de
manifestations ou, comme nos règlements le prévoient, ce qui
serait absolument malheureux, faire évacuer
la salle pour trop de manifestations. C'est un lieu de dialogue et non
pas un spectacle. L'honorable député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, au moment de l'ajournement hier soir,
nous étions justement en train de discuter d'une motion
présentée par le député de Saint-Jacques qui avait
pour objet de réduire le nombre de convocations à chaque jour,
c'est-à-dire de réduire le nombre de convocations de six à
cinq pour les journées de lundi, de sept à six pour les
journées de mardi, mercredi, jeudi et aussi de quatre à trois
pour la journée de vendredi. Cette motion était
présentée suite à la situation qui prévaut lorsque
nous devons demander ou encore donner notre consentement pour nous permettre de
pouvoir interroger les associations un peu plus longtemps.
Alors, cette motion est conforme également aux dispositons de
l'article 8 parce que, si on procède de la façon dont on a
procédé jusqu'ici, en convoquant pour sept heures de
délibérations, sept organismes, il est évident qu'on lie
la commission de façon que nous ne puissions pas nous prévaloir
de la dernière partie de l'article 8, qui dit ceci: Ces périodes
peuvent être prolongées si la commission le juge à propos.
J'estime qu'il est absolument important, essentiel que, dans certains cas, il
nous soit nécessaire et utile pour les membres de la commission et dans
l'intérêt général d'interroger un peu plus
longuement ou de permettre à une association de nous livrer son
mémoire de la façon la plus complète possible. Si nous
maintenons la coutume établie depuis les deux semaines que la commission
siège, il est évident que cette dernière disposition de
notre règlement ne peut pas être utilisée, on ne peut pas
l'appliquer. Je trouve qu'il est extrêmement malheureux que se produisent
des choses comme celles d'hier soir. D y a un mouvement qu'on appelle le
Mouvement Québec français qui a été
convoqué, il devait paraître en dernier lieu et ces gens ont
dû retourner chez eux, quand on sait toutes les dépenses que cela
implique, les pertes de temps, dépenses de voyage ou autre pour
permettre à ces gens de venir à la commission parlementaire.
Je pense qu'il y aurait lieu de procéder avec plus de diligence,
d'avoir un peu plus de sens pratique, de façon à ne pas abuser de
nos invités, du fait que ces gens se sont quand même donné
la peine de préparer un mémoire et de venir se présenter
devant la commission. M. le Président, si nous demandons c'est la
raison pour laquelle j'appuie la motion du député de
Saint-Jacques que nous réduisions le nombre de groupements
convoqués à chaque jour, c'est parce que ce n'est pas nouveau et
ce n'est pas un précédent que nous créons. C'est qu'au
contraire on est en train de créer un précédent en
limitant à une heure chaque association qui vient devant la commission
parlementaire. Devant une loi d'aussi grande importance que celle qui est
à l'étude présentement, devant une législation qui
peut être décisive pour la société
québécoise, pour son avenir, j'estime qu'il nous faut prendre le
temps nécessaire, le temps voulu pour bien examiner la question, la
situation sous tous ses angles.
Qu'on permette à tous ceux et celles qui ont des mémoires
à présenter, qui viennent devant la commission parlementaire,
qu'on leur donne le temps de s'expliquer et de s'exprimer et qu'on donne
également le temps aux membres de la commission de pouvoir les
interroger dans toute la mesure du possible, de façon que nous puissions
connaître leurs points de vue, leurs recommandations, de façon que
nous soyons le mieux informés possible de leur position.
M. le Président, un autre point. Je me demande quel est le
caractère d'urgence que nous avons à l'heure actuelle pour faire
en sorte que cela presse tant de passer tout le monde le plus vite possible.
Qu'on se rappelle que, lors de l'étude du code des professions, les
commissions parlementaires ont siégé pendant presque un an et
demi. Qu'on se rappelle que, pendant près d'un an, la commission
parlementaire sur la protection du consommateur a siégé; la loi a
même été réimprimée et nous avons dû
revenir une seconde fois.
Nous avons une législation qui concerne le domaine linguistique,
l'avenir culturel et linguistique du Québec et nous sommes pris dans un
cadre qui nous oblige, avec un calendrier extrêmement
sévère, à passer tout le monde à la course,
à passer tout le monde à la vapeur, parce qu'il faut se conformer
à une date.
M. le Président, si on ne peut pas passer tous les
mémoires avant l'ajournement de la session d'été, qu'on se
reprenne à l'automne, qu'on continue au cours de l'hiver prochain et on
reviendra le printemps prochain, mais prenons le temps d'examiner cette quetion
dans toute sa dimension. Je pense qu'il est extrêmement important et je
n'accepte pas que le gouvernement fasse en sorte de comprimer tout le monde et
de dire: Cela presse.
Il n'y a pas de caractère d'urgence tel à l'heure actuelle
qui puisse justifier le gouvernement à vouloir passer tous ces
mémoires dans un minimum de temps et à faire en sorte que la
commission parlementaire soit cadrée ou comprimée dans un
état où il est à peu près impossible d'agir.
M. le Président, ce n'est pas pour faire de l'obstruction que je
fais ces observations ce matin. C'est que nous avons été
prêts à collaborer avec le ministre. Nous avons été
prêts à collaborer avec le gouvernement. La preuve, c'est que,
lorsque nous avons eu notre réunion la semaine dernière, nous
avons même accepté, contrairement à nos habitudes,
contrairement à nos obligations parce que nous avons quand
même d'autres obligations dans d'autres secteurs d'activité
économique nous avons consenti à accorder le lundi pour
permettre à la commission parlementaire de siéger; nous avons
même consenti à tenir la séance de la commission
parlementaire le mercredi soir, tous les mercredis soir en guise de
collaboration. Nous avons même accepté de prolonger la
journée du vendredi de une heure jusqu'à quatre heures, pour
encore offrir notre collaboration.
Mais je veux dire au gouvernement et au ministre que nous sommes quand
même des êtres humains à cette commission parlementaire.
M. le Président, j'estime que nous devrions quand même
pouvoir faire en sorte qu'on permette aux gens de faire le travail que nous
avons à faire comme députés et de porter tout
l'intérêt et toute l'attention que nous devons apporter à
ces mémoires sur cette question linguistique importante.
Pour toutes ces considérations, je pense qu'il n'est que normal,
qu'il n'est que logique, en fonction de la loi du gros bon sens, de
réduire le nombre de convocations chaque jour. Ainsi, nous serons moins
comprimés, moins contrôlés par les obligations, si vous le
voulez, ou par le fait que les gens sont ici et qu'ils ont fait des
dépenses pour venir devant la commission parlementaire, de façon
que nous puissions, lorsque c'est nécessaire, intervenir et demander,
à un moment donné, un délai additionnel pour pouvoir
interroger nos invités, ceux qui se présentent devant nous.
Or, je pense que le gouvernement devrait, en toute justice, en toute
honnêteté et en toute sincérité accepter la motion
présentée par l'Opposition, une motion qui est basée sur
le gros bon sens, sur la grosse logique.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires culturelles.
M. HARDY: M. le Président, nous sommes en face d'une motion
dilatoire qui s'inscrit dans une stratégie très claire,
dévoilée par le chef du Parti québécois,
appuyée par le chef parlementaire du Parti québécois qui a
dit que tous les moyens seraient utilisés pour empêcher l'adoption
du projet de loi 22. Le chef parlementaire du Parti québécois a
demandé à ceux qui voulaient protester ou organiser des
manifestations de les retarder à l'automne. Il est bien clair que tout
cela se tient. S'il y a une chose de logique et de cohérente, c'est la
stratégie de ceux qui siègent à votre gauche
immédiate. Il s'agit d'une motion dilatoire...
M. VEILLEUX: Je ne suis pas avec eux.
M. HARDY: ... et totalement irrégulière. Je vous le fait
remarquer avec beaucoup de respect, M. le Président, parce que cette
motion va directement à rencontre de nos règles de pratique. Nos
règles de pratique disent bien clairement... Et ces règles de
pratique ont été acceptées. Contrairement à ce que
soutient le député de Beauce-Sud, ce n'est pas un
précédent. Ces règles de pratique sont écrites.
Elles sont là. Ces règles de pratique disent que chaque groupe
doit se faire entendre pendant une heure et que chaque groupe dispose de vingt
minutes pour la présentation de son mémoire. C'est écrit.
Pour un homme dont une des assises de la philosophie politique est le respect
de l'ordre et de la loi, je trouve que le député de Beauce-Sud
est largement erratique ce matin.
M. ROY: M. le Président, j'invoque le règlement sur ce
point.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: Je n'ai pas voulu faire de personnalité, et je n'ai
attaqué personne en particulier dans ce règlement. Je trouve
encore, ce matin, que le député de Terrebonne va un peu loin. M.
le Président, si vous êtes aux prises tantôt avec des
problèmes par le fait qu'il y a des députés de
provoqués, vous aurez certainement pu noter que c'est encore le
député de Terrebonne ce matin qui commence encore comme à
l'habitude. Si le député de Terrebonne veut être logique et
nous parler des règles de pratique, je lui demanderais de lire tout
l'article 8.
M. HARDY: D'accord! M. le Président, le lundi, nous disposons de
sept heures et la motion demande que nous n'entendions que cinq groupes. Les
mardis, mercredis et jeudis, nous disposons de sept heures et quart et on ne
veut convoquer que six groupes. Le vendredi, nous disposons de quatre et on ne
veut convoquer que trois groupes.
Il est évident, M. le Président, que cette motion, encore
une fois, va à rencontre du règlement et des règles de
pratique.
Deuxièmement, il est clair que, si nous avons dû
dépasser l'heure prévue pour chaque groupe, c'est que des groupes
ont lu totalement le texte de leur mémoire. Or, M. le Président,
je pense que les membres de la commission parlementaire savent lire, sont
capables de lire le texte d'un mémoire, et ce qui devrait être
fait je n'ai pas à donner de règles de conduite
mais je pense que, si tout le monde voulait collaborer honnêtement, si on
ne voulait pas retarder indûment nos travaux, ceux qui se
présentent à la commission pourraient nous donner un
résumé de leur mémoire, ce qui pourrait très bien
se faire dans une période de 20 minutes, ce qui permettrait, par la
suite, aux membres de la commission de poser des questions qu'ils jugent
à propos.
Troisièmement cela s'adresse aux membres de la commission
si on voulait respecter l'esprit des travaux d'une commission
parlementaire comme celle que nous avons, si plutôt que de faire de
grands discours et de grandes déclarations de principe, ce qui n'est ni
le temps ni le lieu et là-dessus, je pense qu'on devrait
s'inspirer de l'exemple du ministre de l'Educa-
tion si on se limitait à poser des questions et non pas
faire de grandes déclarations, nous pourrions très bien permettre
à tous les groupes de faire connaître entièrement leurs
pensées dans le cadre de l'heure qui est mise à leur disposition
et à la disposition de la commission.
Donc, M. le Président, je termine là-dessus parce que je
trouve que c'est très injuste de la part du député de
Beauce-Sud, c'est que si un groupe n'a pu se faire entendre hier soir, c'est
dû totalement et entièrement à la mauvaise foi des membres
de l'Opposition qui ont pris tous les moyens possibles pour retarder
indûment l'audition d'un groupe. C'est la raison pour laquelle ce groupe
n'a pas été entendu, et s'ils sont pénalisés, s'ils
doivent un jour revenir, vous en avez la totale responsabilité.
Donc, cette motion est irrecevable parce qu'elle fait partie d'une
stratégie qui a pour but d'empêcher l'étude normale du
projet de loi 22, et je considère que vous devriez immédiatement
la déclarer irrecevable. Sinon, qu'on passe au vote afin de permettre
à ceux qui sont ici devant nous, ce matin, de se faire entendre et qu'on
ne se retrouve pas ce soir dans la même situation qu'hier soir et qu'il y
ait des groupes qui n'aient pas pu se faire entendre. Nous en aurions encore la
responsabilité.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: M. le Président, depuis que cette commission a
refusé de prendre le chemin des régions pour aller entendre sur
place les citoyens intéressés par ses travaux, depuis que nous
avons refusé de devenir itinérants, comme nous l'avions
proposé au premier jour des séances de cette commission, comme
l'a proposé encore tout récemment, pour ce qui est de tous les
projets de loi importants, la Chambre de commerce du Québec, depuis que
nous avons opposé une fin de non-recevoir à l'attente
légitime des régions, je pense que nous nous exposions au genre
de débat que nous avons ce matin.
Nous avions de bonnes raisons de vous demander cette commission
itinérante. Les problèmes varient considérablement d'une
région à l'autre.
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Affaires culturelles sur
une question de règlement.
M. HARDY: La commission parlementaire s'est déjà
prononcée sur cette question et je pense que nous n'avons pas à y
revenir, d'une part. D'autre part, il n'y a aucun lien direct entre la motion
présentement sur la table et la question de savoir si nous devrions
être itinérants ou non. Je vous pose la question, M. le
Président, et même si vous n'acceptiez pas ce deuxième
point de vue, il y a le premier qui est clair et évident: Quand une
commission s'est prononcée sur une question, on n'a pas à y
revenir en vertu de l'article 163, les règles qui régissent nos
travaux à l'Assemblée nationale s'appliquent à nos
commissions mutatis mutandis.
M. CHARRON: M. le Président, sur la même question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON : Le chef de l'Opposition est parfaitement
légitimé de rappeler une décision de la commission
parlementaire à l'appui de son intervention dans une autre motion. Je ne
sais pas quelle mouche a piqué le député de Terrebonne
pour qu'il se sente à ce point maître d'oeuvre...
M. HARDY: M. le Président, le député de
Saint-Jacques ne devrait pas parler de piqûre.
M. CHARRON: Vous n'avez pas le droit de parler actuellement pendant que
je parle. Si vous êtes aussi soucieux que cela du règlement et
aussi étroit d'esprit que vous venez de le démontrer,
maintenez-vous dans ce fauteuil où vous vous cabrez depuis le
début des séances de la commission parlementaire et laissez
intervenir le chef de l'Opposition.
M. le Président, le règlement, bien sûr, nous
interdit de revenir sur une motion dont une commission a déjà
disposé dans le sens de la faire revenir sur sa décision.
Personne ne peut nous interdire de rappeler à la commission une
décision qu'elle a déjà prise. A quel endroit dans le
règlement le savant député de Terrebonne a-t-il
trouvé cette interdiction de rappeler une loi qui a été
votée par l'Assemblée, de rappeler une motion dont
l'Assemblée a disposé, de rappeler ce souvenir à l'appui
et de dire: Puisque la motion a été battue, puisque la commission
a pris telle décision, nous pouvons faire par la suite tel ou tel point.
Si le ministre considère comme dilatoire l'intervention que je dois
faire, il doit noter qu'elle m'a été soumise, ouverte, toutes
portes ouvertes, toutes portes déployées, par l'intervention
irrégulière...
M. HARDY: Par le député de Sauvé.
M. CHARRON: ... du député de Sauvé. Du
député de Terrebonne.
M. HARDY: Oui, le député de Terrebonne, excellent
lapsus.
M. CHARRON: Puis-je rappeler, M. le Président...
M. HARDY: Très bien.
UNE VOIX: Une autre piqûre.
M.- CHARRON: D'accord. Puis-je rappeler, M. le Président, sur
cette question de règlement qu'hier, le député de
Terrebonne, qui a malheureusement les Affaires culturelles entre les mains, est
intervenu...
M. HARDY: Vous auriez dû dire cela à l'étude des
crédits. Cela aurait été plus pertinent.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHARRON: M. le Président, puis-je vous rappeler que le
député de Terrebonne intervient irrégulièrement
encore. Vous m'avez reconnu sur un point de règlement. Je suis
respectueux sur ce point. Merci, M. le Président. Je vous signale,
puisqu'un autre que vous occupait le fauteuil hier matin, qu'hier
après-midi nous avons eu un précédent dans les points de
règlement. Effectivement, le député de Sauvé, chef
de l'Opposition, était à poser des questions à un
témoin, lorsque tout à coup, bondissant de sa chaise et voulant
faire une manchette un peu à la manière dont le
député d'Outremont en avait fait une la veille, le
député de Terrebonne est intervenu, a invoqué le
règlement pour dire que la question du chef de l'Opposition était
"pertinente". C'était, pour ma part, M. le Président, la
première fois que je voyais l'utilisation du règlement et couper
un député qui intervient pour dire: M. le Président,
j'invoque le règlement...
M. HARDY: C'est pertinent, cela.
M. CHARRON: ... parce que le député est pertinent dans ce
qu'il est en train de dire. Or, comme ce précédent d'hier vient
d'être encore une fois augmenté par une intervention comme celle
que vient de faire le député de Terrebonne, il voulait encore une
fois briser l'intervention du député de Sauvé, se signaler
à la commission, parce que c'est sa seule façon de le faire, en
invoquant à tort et à travers le règlement, et de signaler
encore une fois que le député de Sauvé serait à
l'encontre du règlement parce qu'il faisait état d'une
décision que cette commission a déjà prise. Mais, voyons
donc, M. le Président, je vous prie de statuer le plus rapidement
possible sur cette question, à l'égard du député de
Terrebonne, à l'inviter à ne pas être le fanfaron du
règlement comme il prétend l'être, à reprendre
calmement son poste, à s'occuper de ses oignons et à laisser le
député de Sauvé terminer son intervention, où il a
parfaitement le droit de faire mention d'une décision que la commission
a déjà prise.
M. CLOUTIER: Ce n'était pas le ministre de l'Agriculture.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: On a dit que si le député des
Iles-de-la-Madeleine, whip du Parti libéral, n'existait pas, il faudrait
l'inventer. Je suis sans inquiétude, le jour où le
député des Iles-de-la-Madeleine quittera l'Assemblée, la
relève est toute prête en la personne du député de
Terrebonne.
UNE VOIX: Est-ce qu'on ne pourrait pas remplacer le député
de Saint-Jacques...
M. HARDY: Et, M. le Président, cela a été
professeur d'université ça, imaginez-vous!
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. HARDY: Quel brillant cerveau!
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais faire une question de
règlement personnellement.
M. ROY: Oui. Je vous inviterais, M. le Président, à
être très sévère.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais quand j'en fais une, ce sera à
votre intention. Il est évident que, lorsque je dois intervenir, c'est
parce que quelqu'un a déjà pris la parole sans m'inviter à
la lui donner. Je pense qu'encore une fois j'espère que ce sera la
seule fois aujourd'hui j'inviterais tous les membres de la commission,
sans exception, lorsqu'ils veulent parler je pense qu'on a assez de
temps pour parler au cours d'une journée de s'adresser à
moi et c'est avec un grand plaisir que je leur donnerai la parole. Maintenant,
lorsque quelqu'un a la parole, je pense que c'est une marque de
délicatesse de le laisser terminer, à moins d'une question de
règlement. Ce n'est déjà pas assez facile de
présider. Je pense que ceux qui se demandent comment cela doit marcher
pourraient venir nous remplacer un jour ou l'autre pour savoir comment cela se
passe, une commission parlementaire. Egalement, je voudrais rappeler que le but
d'une commission parlementaire étant un dialogue entre nos
invités et les membres de la commission parlementaire, j'espère
personnellement qu'il nous sera possible d'écouter le plus rapidement
possible nos invités.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Merci, M. le Président. J'étais donc à
dire, au moment où j'ai été interrompu, que nous avions
pensé résoudre le problème par le moyen d'une commission
itinérante. Lorsqu'elle nous a été refusée,
malgré les arguments que nous avions fait valoir, nous espérions
du moins que ceux qui se donneraient la peine de se déplacer et de venir
à Québec, à grands frais pour certains, seraient
pleinement entendus et que, non seulement ils seraient pleinement entendus,
mais ils s'en retourneraient avec le sentiment d'avoir été
entendus et d'avoir eu
l'oreille attentive de la commission. En effet, nous ne pouvons pas nous
fier seulement à quelques organismes pour nous éclairer sur tous
les aspects de la législation qu'on nous propose. La langue au
Québec ne pose pas les mêmes problèmes, les mêmes
points d'interrogation selon qu'on est dans la Mauricie ou dans la
région de Montréal, selon que l'on est à Sherbrooke ou
dans le Saguenay. Il y a des aspects régionaux aux problèmes
linguistiques. Il y a également, M. le Président, des aspects
sociaux, des aspects historiques, des aspects coutumiers qui font que nous
étions fondés à exiger que cette commission entende tous
ceux qui ont quelque chose à dire.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
Malgré toute la bonne volonté que je peux y mettre, le chef de
l'Opposition n'a pas encore dit un mot de la motion. Je vais relire la
motion.
M. MORIN: Je l'ai devant moi, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez, je ne suis pas ici pour le
plaisir de tout le monde, je suis ici pour diriger des débats. Il y a
une motion devant les membres de la commission. Je pense qu'au bout de sept ou
huit minutes, il est normal que vous disiez au moins un mot de la motion.
M. MORIN: M. le Président. J'ai parlé déjà
à quelques reprises...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je relis la motion...
M. MORIN: Je la connais.
LE PRESIDENT (M. Lamontange): ... parce que je pense qu'il y en a qui ne
la connaissent pas: Qu'à l'avenir, le secrétaire des commissions
convoque pour la séance de lundi de cette commission un maximum de cinq
témoins, pour les séances de mardi, mercredi et jeudi, un maximum
de six témoins, et pour la séance de vendredi, un maximum de
trois témoins.
J'invite expressément le chef de l'Opposition officielle à
parler sur la motion ou bien à dire qu'il a terminé.
M. MORIN: Figurez-vous, M. le Président, que quand je dis que
tous les citoyens et les organismes ont le droit d'être pleinement
entendus, je pense précisément à la motion. M. le
Président avait peut-être compris cela, du moins, de mon
intervention.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est-à-dire que vous me
permettrez... Je ne peux pas savoir ce que vous pensez. Moi, ce qui
m'intéresse, c'est ce que vous dites.
M. MORIN: Vous pouvez, M. le Président, entendre ce que je dis,
cependant.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais je vous invite, pour la
dernière fois, à revenir sur la motion, sinon je demande le
vote.
M. MORIN: M. le Président, tous les organismes sont égaux
dans notre esprit. Mais les mémoires sont d'inégale valeur.
Certains des mémoires qui nous ont été soumis ont une page
de longueur. D'autres ont 25 ou 30 pages de longueur. C'est pourquoi nous
pensons que tenter d'imposer l'audition de six ou sept mémoires le
lundi, de sept pour le mardi, le mercredi, le jeudi, et enfin jusqu'à
quatre ou cinq pour le vendredi, n'est pas réaliste. Ce n'est pas juste
non plus pour les organismes qui ont demandé à se faire entendre.
On nous dit que nous sommes pressés d'aboutir. Le député
de Terrebonne dénonçait tout à l'heure notre motion comme
étant dilatoire et se rattachant à une stratégie, etc. Eh
bien, stratégie pour stratégie, je ferai remarquer aux membres de
cette commission que le gouvernement lui aussi a sa stratégie et cette
stratégie "d'efficacité", comme le dit si
euphémistiquement le député de Terrebonne, a pour but de
nous enfoncer de force cette législation dans la gorge et de la faire
passer à la vapeur, à la faveur des chaleurs du mois de
juillet.
Je ne cacherai pas que nous avons une stratégie, mais nous avons
dit clairement que nous n'utiliserions pas de manoeuvre dilatoire dans cette
commission. Nous avions même conclu une entente entre les leaders du
gouvernement et de l'Opposition, des deux partis d'Opposition, selon laquelle
on mettrait dans l'application du règlement de la souplesse et que
lorsque des mémoires importants nous seraient soumis, nous y
consacrerions tout le temps voulu ou en tout cas un temps raisonnable.
M. CLOUTIER: Quitte à compenser par rapport aux autres
mémoires.
M.MORIN: Oui et le ministre ne peut pas nier...
M. CLOUTIER: Je ne vous demande que ça.
M. MORIN: ... qu'hier encore, nous n'avons pas épuisé
l'heure dans le cas de deux groupes qui se sont présentés devant
cette commission. M. le Président, si nous avions voulu utiliser des
manoeuvres dilatoires, c'est à ce moment-là qu'on l'aurait vu.
Nous n'avons pas insisté; à plusieurs reprises, j'ai même
écourté la période des questions, le ministre ne peut pas
en disconvenir. A plusieurs reprises. Je pense que le député de
Terrebonne n'a pas été souvent présent dans cette
commission pour soutenir que nous avons utilisé des manoeuvres
dilatoi-
res. Par la suite, quand cette commission aura terminé ses
travaux, c'est une autre affaire. Chacun aura sa stratégie en fonction
des intérêts qu'il dépend... défend. Pour
l'instant...
M. HARDY: Dont il dépend, autre beau lapsus.
M. MORIN: Oui, vous en dépendez aussi. M. CHARRON: Vous
dépendez...
M. DEOM: ... de déformation professionnelle.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M MORIN: M. le Président, l'esprit de l'entente intervenue, c'est
la souplesse. Le député de Beauce-Sud l'a fait remarquer avec
raison. Nous avons déjà consenti à siéger le lundi.
Nous n'avons même pas fait de difficulté là-dessus, le
ministre doit bien l'admettre aussi. Nous avons consenti à ce que le
mercredi soir soit consacré également à l'audition des
comparants.
Il faut tout de même admettre que plusieurs des mémoires
qui nous ont été soumis sont du plus haut intérêt.
Nous avons eu celui de la CEQ avant-hier soir, nous avons eu celui du MQF; nous
avons eu également des mémoires intéressants venant des
anglophones, c'est un fait.
M. CLOUTIER: Ah bon!
M. MORIN: J'entends ces messieurs de l'autre côté qui
tentent d'interpréter mes paroles et de toujours en tirer des
éléments défavorables pour les comparants. Ce n'est pas le
cas. Nous avons entendu de nombreux mémoires qui étaient
excellents, mais surtout, je tiens à le signaler d'ailleurs, le
ministre lui-même n'en disconvenait pas au moment où nous les
entendions le mémoire de la CEQ et hier soir, l'excellent
mémoire qui nous a été soumis par le Mouvement
Québec français. Sur le plan historique, c'est certainement ce
que nous avons eu de plus solide jusqu'ici.
Si l'on veut rendre justice, M. le Président, aux comparants,
à nos invités, si l'on veut vraiment avoir un dialogue
intelligent avec eux et nous laisser influencer par ce que nous entendons,
parce que je tiens pour acquis que de notre côté comme de l'autre,
on est encore un peu perméable, on est prêt à se laisser
influencer par les raisonnements qui nous sont soumis... En ce qui me concerne,
je tiens à dire que j'ai été impressionné par
certains arguments, tant de la part des anglophones que de la part des
francophones. Mais pour se laisser impressionner de la sorte, il faut y mettre
le temps requis.
M. le Président, on nous faisait remarquer il y a un instant que
nous avons sept heures le lundi. Quand on tient compte des
préliminaires, quand on tient compte qu'à certaines reprises, il
nous est arrivé de manquer de quorum, quand on tient compte aussi que,
la semaine dernière, nous avons manqué de quorum pour commencer
nos travaux, quand on tient compte de tous les multiples petits retards qui
peuvent être occasionnés par les manoeuvres du gouvernement comme
par celles de l'Opposition sur tel ou tel point de détail, c'est
impossible d'arriver à entendre convenablement plus de cinq
mémoires le lundi. Si nous faisions cela convenablement, ce serait
déjà du travail magnifique.
De même pour les autres jours. Nous avons sept heures et quinze
minutes. C'est effectivement la durée de nos séances, pour ne pas
dire sept heures parce qu'en fait, on perd toujours quinze minutes en
"sparages" réglementaires, en "sparages" de procédure. Quand il
nous reste sept heures et qu'on tente d'entendre sept mémoires, c'est
impossible. Nous ne pouvons pas le faire. Nous avons attendu quelques jours
pour le constater. Je ferai remarquer à M. le président que nous
avons tenté d'en venir à un accord de bonne foi avec le
gouvernement, mais que nous n'avons jamais consenti à ce qu'on
amène devant la commission sept mémoires par jour. Et c'est
à l'usage que nous avons constaté que cette pratique ne nous
permet pas d'entendre convenablement les comparants.
Tout à l'heure, on nous lisait l'article 8 du règlement,
mais le député de Terrebonne s'est bien gardé de lire la
phrase suivante et s'il l'avait lue, il aurait été obligé
d'admettre qu'avec six mémoires en sept heures quinze, c'est un maximum.
Je pense qu'il l'admettra s'il y réfléchit un instant.
Quant au vendredi, nous avons quatre heures et là encore nous
perdons toujours un peu de temps au début et à la fin, puisque
chacun doit prendre ses dispositions pour les séances suivantes, pour
parler de la liste de ceux qui doivent comparaître, de ceux qui n'ont pas
comparu ou pour telle ou telle autre raison. Quand nous avons fait trois
mémoires en quatre heures, j'estime que c'est un maximum, parce que cela
veut dire qu'en fait nous consacrons à chaque mémoire un peu plus
qu'une heure, à peine.
M. HARDY: Le mémoire des organismes qui se désistent.
M. MORIN: Or, M. le Président, je conclus mon appui à la
motion du député de Saint-Jacques en disant que la simple justice
à l'endroit de nos invités non pas seulement la justice
tout court, mais l'impression, avec laquelle nous aimerions qu'ils repartent de
cette commission d'avoir été pleinement entendus cette
justice exige que nous n'entendions pas plus de cinq groupes le lundi, six les
mardi, mercredi et jeudi et trois le vendredi. C'est le simple bon sens.
J'aurais espéré qu'à la lumière de ce qui
s'est passé depuis une semaine en particulier, le ministre accepte notre
suggestion. Nous n'aurions même pas eu ce débat ce matin.
Malheureusement, nous mangeons le temps que nous pourrions consacrer à
nos invités. Tout de suite, nous nous serions mis d'accord et le
ministre n'aurait plus affronté aucune difficulté. Je pense que
nous nous sommes rendus compte maintenant, en ce qui nous concerne, que nous
sommes capables de faire face à cinq mémoires le lundi et six les
autres jours, sauf le vendredi, alors que nous pensons que trois sont largement
suffisants. Nous n'aurions plus fait de difficulté et nous aurions eu le
sentiment d'être juste à l'endroit des comparants et à
l'égard de l'Opposition. Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député d'Argenteuil.
M. SAINDON: M. le Président, j'aurais une question à poser
au chef de l'Opposition. Je suis d'accord sur ce que vous venez de dire quant
au nombre de mémoires qui peuvent être entendus dans une
journée, parce que, ce qui arrive c'est que c'est un débat
continuel de part et d'autre entre différents membres de la commission.
Si les membres de la commission acceptaient de poser des questions à
ceux qui présentent des mémoires, de les écouter et de ne
pas faire de débat, la commission pourrait respecter son
échéance. Seriez-vous d'accord là-dessus?
M. CLOUTIER: Moi, je n'ai pas le droit de parler.
M. MORIN: M. le Président, je suis heureux que le
député d'Argenteuil...
M. SAINDON: Nous sommes ici pour écouter et non pas pour
discuter.
M. MORIN: ... ait été sensibilisé au
problème par mon intervention, mais je tiens à dire que ce qu'il
appelle des "débats", cela fait partie de l'interrogatoire habituel. Je
ne pense pas qu'il y ait eu abus des débats ni d'un côté,
ni de l'autre. Après tout, quand...
M. SAINDON: Pas de notre côté, mais du vôtre,
oui.
M. MORIN: ... le député de Laporte argumente un peu avec
les comparants, nous n'allons pas lui chercher chicane. C'est évident
que par moments il aime discuter un peu; il aime pousser les comparants jusque
dans leurs derniers retranchements.
M. SAINDON: Ce n'est pas de l'argumentation. Le député de
Saint-Jacques parfois parle pendant 20 ou 25 minutes, sans interruption, ce
n'est pas de l'argumentation.
M. CLOUTIER: Simplement pour donner un exemple.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: Ce sera ma dernière intervention. Hier, le
député de Saint-Jacques, alors qu'il était entendu qu'il
ne devait pas reprendre la parole, a demandé d'ajouter quelques
mots.
Par amabilité, le parti ministériel a accepté. Qu'a
fait le député de Saint-Jacques? Il a fait un plaidoyer pour
enjoindre le Mouvement Québec français de continuer son combat.
Cela est textuel. On n'a qu'à se rapporter au journal des Débats.
Ce n'est pas l'esprit de la commission. Le gouvernement n'a certainement pas
l'intention de brimer des groupes. Il l'a montré depuis le début.
Mais encore faut-il que les membres de la commission comprennent bien la raison
qui nous réunit ici. Et cette raison, c'est de permettre aux groupes de
s'exprimer dans un certain cadre, et de recevoir un certain éclairage
à propos des mémoires qui sont présentés. Il n'y en
a pas d'autres. Pour ma part, j'ai toujours tenté d'éviter tous
les débats, de faire de la politique partisane, et de permettre aux
groupes de s'exprimer.
Je veux bien croire qu'il faut apporter le maximum de souplesse, et
c'est ce que le gouvernement a fait lors de cette entente à laquelle on
s'est référé entre les leaders de l'Opposition et le
leader du gouvernement. Ce qui avait été convenu, c'est que,
lorsqu'on consacrait plus de temps à un groupe, on en consacrait moins
à un autre groupe. Ceci se faisait à l'intérieur d'un
cadre qui est le cadre essentiel pour qu'un secrétariat puisse
fonctionner efficacement.
Je suis encore disposé à apporter la plus grande souplesse
possible et, de manière à bien l'indiquer, je souhaiterais qu'on
passe immédiatement au vote et qu'on entende immédiatement le
premier groupe.
M. MORIN: M. le Président, à la suite de l'intervention du
ministre, puis-je ajouter deux mots? Jusqu'ici, je ne pense pas qu'il puisse
nous accuser d'avoir manqué au "gentlemen's agreement" dont nous avions
convenu la semaine dernière. Nous avons procédé, en
général et je pense des deux côtés
avec ordre et avec une certaine célérité. Mais, s'il
insiste pour continuer à nous soumettre à un régime
impossible de comparution, je dois dire que ce serait de nature à nous
porter à...
M. HARDY: Des menaces!
M. MORIN: ... réétudier le "gentlemen's agreement". Je
tiens à le lui dire, en toute sincérité; nous pensons
qu'il est impossible de fonctionner comme nous le faisons actuellement.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Laporte.
M. DEOM: M. le Président, je veux en appeler à la bonne
volonté du chef de l'Opposition, parce que, depuis de début, il
nous a fait perdre un temps considérable, par suite de sa
déformation professionnelle et de son goût à questionner
les gens sur les aspects constitutionnels, alors qu'il est
lui-même...
M. MORIN: Soyez assuré, je vais continuer à le faire !
M. DEOM: Mais je ne pense pas, M. le chef de l'Opposition, que ce soit
la place pour faire cela.
M. MORIN: Ah non?
UNE VOIX: On va être obligé de lui faire passer des
examens!
M. MORIN: Les aspects constitutionnels ne se discutent pas.
M. DEOM: Vous les discuterez en deuxième lecture...
M. MORIN: II n'y a que les aspects qui intéressent les hommes
d'affaires!
M. DEOM: Non, oh non! Vous êtes un constitutionnaliste de
première force. Il n'y a pas lieu de questionner, de faire perdre le
temps de la commission pour vous renseigner, vous...
M. HARDY: Pour étaler votre talent...
M. DEOM: ... sur les aspects constitutionnels. Vous invoquerez en
deuxième lecture tous les arguments que vous voudrez.
M. ROY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: ... seulement sur un point, pour que ce soit bien clair. Je
n'accepte pas de travailler dans un cadre dans lequel on reproche je ne
veux pas prendre la défense particulière du chef de l'Opposition
comme tel, il est très bien capable de le faire lui-même
mais, M. le Président, je trouve tout simplement inacceptable qu'on
passe son temps, ici, à la commission parlementaire cela semble
être le rôle et la vocation que se sont donnés les membres
du gouvernement à accuser l'Opposition de faire perdre le temps
de la commission. Pourquoi existe-t-elle, la commission, si ce n'est pas
pour...
M. HARDY: C'est vrai!
M. ROY: ... consulter ou encore permettre de poser des questions aux
gens?
M. HARDY: C'est ça.
M. CLOUTIER: Posez des questions.
M. ROY: M. le Président, j'en suis un qui n'a pas...
M. HARDY: Nous voulons voter aussi...
M. ROY:.... abusé de son temps de parole et, à chaque fois
que j'ai voulu interroger quelqu'un, on a commencé par me placer dans un
cadre et on a commencé à me limiter. Je n'accepte pas que la
commission fonctionne de cette façon. Prenons le temps qu'il faut pour
en discuter...
M. TARDIF: Respectez le règlement pour commencer.
M. ROY: ... de façon sérieuse. Si le gouvernement s'est
engagé à faire en sorte que son projet de loi soit accepté
dans quatre semaines, c'est son problème à lui. Ce n'est pas le
nôtre.
M. HARDY: Vote! Vote!
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: II n'y a personne d'autre qui veut parler avant moi?
M. VEILLEUX: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: ... je veux simplement dire ceci aux membres de la
commission: Hier, lorsqu'on a commencé à discuter de
procédure, après que le Mouvement du Québec
français a lu le mémoire en 55 minutes, nous nous étions
entendus pour aller jusqu'à 11 h 15 pour poser des questions, soit une
demi-heure. Il s'est soulevé une question de procédure qui a
duré jusqu'à 10 heures. On a questionné, effectivement,
pendant 30 minutes le Mouvement Québec français et, après
cela, le député de Saint-Jacques est arrivé avec la
proposition qui est présentement devant la table. Si je fais le calcul,
ce sont 40 minutes de procédures hier soir pendant lesquelles nous avons
discuté.
Ce matin, 45 minutes de procédure. On aurait pu fort bien, hier,
si on avait arrêté de discuter de procédure, entendre le
dernier groupe qui s'était présenté et à cause des
arrangements préalablement pris entre les différents partis, on
s'est entendu pour aller parfois, jusqu'à 11h5 ou llhl0 et on aurait pu
finir d'entendre hier soir les sept organismes. Tout le
monde aurait été satisfait. Aujourd'hui, si on n'avait pas
perdu 45 minutes à discuter de procédure, nous aurions
probablement un groupe d'entendu. Nous aurions été au
travail.
S'il y a des membres de la commission qui veulent faire de la
procédurite, c'est regrettable, mais ceux qui seront
pénalisés seront ceux qui ont déposé des
mémoires et qui ont demandé à venir se faire entendre
à cette commission. Alors, qu'on arrête la procédure et
qu'on commence à interroger immédiatement les membres qui se sont
présentés ici.
M. HARDY: Très bien.
M. MORIN: Je suis d'accord avec le député de Saint-Jean.
Il est rare que cela m'arrive.
M. VEILLEUX: Expliquez-vous, votez...
M. MORIN: Nous sommes d'accord avec le député de
Saint-Jean...
M. VEILLEUX: ... et arrêtez de changer de procédure.
M. MORIN: ... et si notre motion est agréée, je pense
qu'il n'y aura plus de procédure.
M. TARDIF: Vote!
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. HARDY: C'est du chantage.
M. MORIN: C'est la réalité.
M. HARDY: La réalité, c'est du chantage.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. HARDY: C'est devenu une deuxième nature.
M. MORIN: J'aimerais bien que l'inculte ministre des Affaires
culturelles nous dispense de ses remarques.
M. CLOUTIER: C'est gentil, cela.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques.
J'inviterais...
M. HARDY: La bouche parle de l'abondance du coeur.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... le ministre des Affaires culturelles,
s'il peut parler à la commission, à me demander d'abord le droit
de parole. Comme ancien vice-président, de l'Assemblée
nationale...
M. HARDY: M. le Président, vous avez raison.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): ... il doit se souvenir de son
règlement.
M. HARDY: S'il y a un défaut que j'ai, c'est de ne pas respecter
le règlement. Je l'avoue.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: J'aimerais conclure sur la motion que j'ai
présentée hier soir et sur laquelle la commission aura à
se prononcer dans quelques instants. Je veux exclusivement reprendre un
argument qui a été soutenu à l'appui de cette motion par
les députés de l'Opposition qui sont intervenus.
Il s'agit tout simplement de respecter une tradition de travail de la
commission parlementaire que notre règlement a reconnue dès ses
premiers articles comme tout aussi importante que le droit écrit auquel
nous devons nous soumettre quand il s'agit de faire les règlements.
Jamais, jamais, dans l'histoire de ce Parlement, depuis au moins que ce
gouvernement occupe la direction des affaires québécoises, les
règles de pratique de la commission parlementaire ont été
à ce point appliquées avec une rigueur. Jamais non plus, et c'est
la première fois, un gouvernement a-t-il présenté, au
moment où on étudie un projet de loi, une liste de témoins
qu'il projetait faire entendre et qu'il obligeait la commission à
entendre en une seule journée? Ce n'est pas arrivé sur un projet
de loi aussi important que la refonte des services sociaux et des services de
santé, la loi 65. Ce n'est pas arrivé sur le code des professions
qui a pris beaucoup de temps à la commission parlementaire. Ce n'est
même pas arrivé sur un projet de loi aussi controversé que
ne l'était le projet de loi 28.
La seule explication que je puisse trouver est dans la stratégie
du gouvernement. J'entendais le député de Terrebonne, qui se
veut, à l'occasion, l'Arsène Lupin de cette commission,
déceler une stratégie dans les propos de la commission
parlementaire. Comme disait l'autre: L'hypocrite voit toujours la paille dans
l'oeil de l'autre, mais ne voit pas la poutre dans le sien.
Nous sommes, depuis le début, à travailler dans une
stratégie gouvernementale, laquelle a été, depuis le
début, de faire de cette commission un pis-aller, une épreuve
à travers laquelle le gouvernement devait passer le plus rapidement
possible. Cela s'est senti depuis le début et je le comprends
très bien puisque les deux seules béquilles qu'a reçues le
gouvernement depuis le début de l'étude de ce projet de loi
viennent d'une part de son Comité Canada et, d'autre part, de la bonne
vieille Chambre de Commerce.
Ce sont les deux seuls organismes qui viennent appuyer le
gouvernement.
M. CLOUTIER: ... qui explique. C'est très pertinent à la
motion.
M. CHARRON: C'est très pertinent, M. le Président, parce
que cela explique probablement la stratégie du gouvernement depuis le
début. Il n'y a pas un groupe, à part les deux que j'ai
mentionnés, qui est venu appuyer le gouvernement.
M. CLOUTIER: M. le Président, un point de règlement.
M. CHARRON: ... d'où le...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Education, sur une
question de règlement.
M. CLOUTIER: Pourriez-vous prier le député de
Saint-Jacques de s'en tenir à la discussion de la motion? Remarquez que
si on ne faisait toujours que cela, il y a longtemps qu'on aurait
commencé à entendre notre premier groupe.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, j'interviens en conclusion sur ma
motion et j'ai entendu les arguments du ministre de l'Education qui a
annoncé que son parti et ses "back-benchers" fidèles allaient
voter contre ma motion. J'essaie donc d'interpréter cette
décision déjà annoncée par le ministre de
l'Education et je la replace dans son contexte. Cette décision
annoncée et le refus que cette motion connaîtra dans quelques
minutes, lorsqu'elle sera soumise au vote, fait également partie de la
stratégie du gouvernement. Le gouvernement veut passer la commission
parlementaire le plus vite possible. C'est pourquoi il applique, pour la
première fois depuis qu'il est le gouvernement du Québec, de
manière aussi rigoureuse, les règles de pratique de la commission
parlementaire et, d'une façon aussi rigoureuse aussi, on nous arrive le
matin avec une liste de gens que nous devons avaler et qui doivent, eux,
être avalés, quel que soit le temps qu'ils aient mis à la
préparation de leur mémoire à la commission parlementaire.
Le député d'Argenteuil est un vétéran du Parlement.
Peut-il me dire s'il y a eu un projet de loi où on a ainsi agi,
simplement sur les plans pratiques des travaux de la commission? Vous
souvenez-vous d'une occasion où un ministre responsable d'un projet de
loi arrivait le matin et vous disait: II y en a sept aujourd'hui qu'on doit
entendre, et c'est à l'Opposition de s'arranger avec cela? Si vous
dépassez de quinze minutes le temps que vous devez faire, alors c'est
l'autre que vous devrez faire en seulement trois quarts d'heure. Ce n'est
jamais arrivé.
M. SAINDON: Je peux dire au député de Saint-Jacques que
tout ce que je me rappelle sur les bills qui ont été
présentés en Chambre, c'est qu'à chaque fois le Parti
québécois a pratiquement fait le "filibuster".
M. CHARRON: Ah! Voilà donc...
M. SAINDON: Alors, qui entrave les travaux de la Chambre? Dites-le
moi!
M. CHARRON: Voilà donc l'indication que me donne le
député d'Argenteuil. Voilà donc l'indication. C'est que le
gouvernement aussi a sa stratégie.
M. SAINDON: Vous faites systématiquement... des travaux de la
Chambre.
M. CHARRON: Le déroulement, actuellement, fonctionne avec une
stratégie bien particulière, par exemple, regrouper...
M. HARDY: La stratégie, c'est de faire entendre les gens. C'est
cela, la stratégie.
M. CHARRON: M. le Président, vous avez rappelé à
l'ordre tout à l'heure le tonitruant député de Terrebonne.
Voulez-vous à nouveau lui rappeler le règlement et la
décence élémentaire à une commission
parlementaire?
M. SAINDON: M. le Président, est-ce que je pourrais vous poser
une question?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A moi? M. SAINDON: Oui.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela me fait plaisir. Vous êtes le
premier.
M. SAINDON: Est-ce que le député de Saint-Jacques est ici
pour représenter les gens qui présentent un mémoire? On
dirait cela, parce que c'est lui qui parle et non pas les gens qui
présentent le mémoire.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Saint-Jacques
va terminer...
M. CHARRON: M. le Président, je dis que le refus de cette motion
déjà annoncé par le gouvernement et, sans aucune surprise,
qui sera adopté par les "back-benchers", va signifier, M. le
Président...
M. TARDIF: Vous en êtes un vous-même!
M. CHARRON: ... que c'est une étape de plus dans la
stratégie gouvernementale sur ce projet de loi. Vous aurez
remarqué que, depuis le début, on essaie de passer les groupes
dits les plus représentatifs ou dont les membres sont les plus nombreux,
de sorte qu'à un moment donné, le gouvernement, malgré son
affirmation qui dit que tous les organismes sont importants et qu'ils doivent
donc avoir la même importance dans le temps d'écoute, ne se
gênera pas pour se dire suffisamment informé et mettre fin aux
travaux de la commission. Vous n'oublierez pas
non plus, M. le Président, que, malgré son affirmation que
tous les organismes sont également importants, je vous ferai remarquer
ceci: Dans la liste qui nous a été donnée hier, il y a 115
mémoires provenant de groupes francophones, 30 annoncés provenant
de groupes anglophones, et 5 provenant de groupes
néo-québécois ou néo-canadiens, à
l'occasion.
Dans les mémoires entendus jusqu'ici, nous avons entendu douze
mémoires provenant de groupes francophones, sept provenant de groupes
anglophones et un seul provenant de groupes autres, soit le groupe italien que
nous avons eu le plaisir d'accueillir il y a quelques jours. Si je tiens compte
de l'horaire qui nous a été annoncé et "bulldozé"
par le ministre de l'Education jusqu'à vendredi prochain inclusivement,
nous aurons, lors de la fin de nos travaux, vendredi après-midi à
4 heures, entendu vingt et un groupes francophones, dix groupes anglophones et
deux groupes néo-québécois ou néocanadiens. Je vous
rappelle que la proportion de un pour deux que nous aurons vendredi ne respecte
aucunement le... un anglophone pour deux francophones ne respecte aucunement la
proportion totale des mémoires soumis de 30 anglophones pour 115
francophones. Nous aurions donc dû entendre beaucoup plus de francophones
que nous l'avons fait, si nous devions respecter la proportion qui nous a
été présentée.
Mais le gouvernement a voulu faire venir le plus grand nombre
d'anglophones dans les premiers jours pour justement... Je vais vous
l'expliquer si vous n'avez pas compris la stratégie.
M. SAINDON: Vous pouvez prendre cent anglophones de suite...
M. CHARRON: Je sais que le caucus libéral se plaint de la
façon cavalière dont le ministre de l'Education conduit le
dossier sans informer ses dossiers.
M. SAINDON: Cela, c'est votre opinion. M. CHARRON: Alors, je vais
vous...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. CHARRON: M. le Président... Cette volonté du
gouvernement de faire venir le plus grand nombre de groupes anglophones dans
les premiers jours, dans l'hypothèse, à un moment donné,
qu'il se dira suffisamment informé...
M. SAINDON: Alors, cela va être les Français qu'on va
retenir.
M. CHARRON: Voulez-vous que je vous explique pourquoi? C'est parce que
les groupes anglophones qui viennent dénoncent le projet de loi
actuel.
UNE VOIX: On a compris.
M. CHARRON: Le gouvernement se sert de cette dénonciation
anglophone pour dire aux francophones: Vous voyez, mon bill est bon, les
anglais sont contre.
M. SAINDON: Comme d'habitude vous êtes encore dans les nuages.
M. CHARRON: Et ainsi d'essayer d'expliquer cela. Il n'y a aucune
motivation à nous expliquer la proportion d'anglophones. Encore
annoncé aujourd'hui, il y a le premier groupe que nous allons entendre
tout à l'heure et qui...
M. CLOUTIER: Ce n'est pas pertinent. M. CHARRON: Oui, c'est
pertinent.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas à vous que je parle.
M. CHARRON: Non, mais vous n'avez pas de directive à donner au
président de la commission.
M. CLOUTIER: Est-ce une directive de poser une question? Je ne me
permettrais jamais...
M. CHARRON: Ce n'est pas pertinent, M. le Président d'intervenir
dans la discussion en cours comme le fait le ministre de l'Education. Cette
stratégie gouvernementale, l'Opposition n'est certainement pas
obligée de s'y plier et elle peut prendre ses propres mesures, mais ce
qui est plus grave, M. le Président, c'est que les groupes qui attendent
pour faire entendre leur mémoire, qui ont préparé des
mémoires, qui se sont déplacés à Québec, eux
non plus ne sont pas obligés de se plier à la décision du
gouvernement de faire passer la commission à la vapeur, bousculer la
deuxième lecture et de faire travailler la Chambre en commission
plénière pendant l'été pour faire adopter ce projet
de loi à la vapeur. Eux non plus ne sont pas obligés de
s'entasser à compter de 10 heures le matin et de se limiter à une
heure pour faire valoir un mémoire qu'ils ont mis plusieurs heures
à préparer. Eux non plus ne sont pas obligés de suivre
cette stratégie.
C'est exactement pour cela, M. le Président, que j'ai
présenté une motion qui est conforme à l'entente que nous
avons faite précédemment qui est celle d'allonger nos heures de
travail parce que nous considérons aussi que nous avons beaucoup de gens
à entendre, mais est-ce que c'est la faute des gens qui ont
demandé d'être entendus si le projet de loi est à ce point
controversé que, pour la première fois dans l'histoire du
Parlement, probablement, il y a 150 groupes qui ont demandé d'être
entendus? Est-ce que ces gens-là doivent payer parce que le projet de
loi est flou, vague et imprécis et
qu'il y a tellement de gens qui ont des revendications à faire?
Est-ce que ces gens doivent être bousculés, eux qui ont mis tout
ce temps à venir ici parce que nous, voyez-vous, nous avons
décidé, pour la première fois dans le Parlement,
d'appliquer une heure à chaque groupe et cela vient de s'éteindre
quoi qu'il ait à faire, que l'Opposition...
M. SAINDON: J'ai vu les mêmes représentants hier ici pour
deux mémoires.
M. CHARRON: Est-ce que c'est à ces citoyens du Québec, M.
le Président, que nous devons faire payer l'entêtement du
gouvernement de faire passer une loi que jusqu'ici deux seuls groupes ont
appuyée en commission parlementaire, le vieux Comité Canada et la
vieille chambre de commerce. Est-ce que c'est à eux...
M. CLOUTIER: M. le Président, j'ai une directive à
demander. Je voudrais savoir si nous faisons, en ce moment, le débat de
deuxième lecture?
M. CHARRON: Non, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! J'inviterais à terminer
sans... Je n'ai pas de chronomètre, mais je pense qu'on va s'apporter
des chronomètres bientôt.
M. MORIN: Cela fait huit minutes que le député parle.
UNE VOIX: II a commencé à onze heures moins...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense qu'il y a llesprit. Si on
m'indique qu'il y a de l'obstruction systématique, à partir de
quatre heures cet après-midi, nous allons avoir des chronomètres,
mais je pense qu'il n'y a pas d'erreur, cela fait 1 h 10 que l'on parle
là-dessus. Il y a certainement quelqu'un qui a parlé pendant
quinze ou vingt minutes.
M. CLOUTIER: II y a un autre élément, M. le
Président, c'est la pertinence. Le député de Saint-Jacques
pourra donner libre cours à son éloquence lors du débat en
deuxième lecture, mais je ne vois pas pourquoi actuellement il ne se
contente pas de conclure, maintenant qu'il a établi ses arguments et que
nous passions au vote.
M. CHARRON: Est-ce que cela vous dérange, ce que je suis en train
de dire?
M. CLOUTIER: Le problème n'est pas là. Cela ne me
gène en rien. Au contraire, j'ai très hâte à la
deuxième lecture pour vous confondre, mais j'ai le respect, d'une part
du parlementarisme que nous pratiquons et, d'autre part, des groupes que nous
avons invités...
M. CHARRON: Vous l'avez, le respect du parlementarisme.
M. CLOUTIER: ... et parce que j'ai ce respect, que l'on vienne
m'accuser... Comment me suis-je comporté à cette commission
depuis le début? Est-ce que je n'ai pas toujours été dans
la ligne et l'esprit de notre règlement? Est-ce que je n'ai pas toujours
tenté de traiter, contrairement à d'autres, tous les groupes qui
se sont présentées, quelles que soient leurs opinions, avec
"politesse?
M. MORIN: Je dois rendre témoignage au ministre de s'être
fort bien comporté, sauf sur un point.
Il a convoqué trop d'organismes devant la commission chaque
jour.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. CHARRON: C'est exactement pourquoi, M. le Président, par
respect pour les gens qui ont préparé des mémoires, qui
ont demandé d'être entendus et qui attendent maintenant que nous
les convoquions à la table, par respect surtout pour le groupes
francophones qui, numériquement, se sont inscrit en beaucoup plus grand
nombre que les anglophones et qui, jusqu'ici, n'ont pas reçu tout le
temps de la commission proportionnellement à ce qu'on devait lui
accorder, je crois que nous devons prendre sur nous la responsabilité,
surtout en tenant compte de l'importance du sujet, de dire qu'à
l'avenir, le lundi, lorsque nous aurons entendu cinq groupes, la commission
aura fait un travail que la population ne nous reprochera pas. Chaque groupe
partira d'ici avec la satisfaction que son mémoire, non seulement a
été préparé, cela a été leur
responsabilité première, mais défendu et soutenu devant la
commission avec tout l'intérêt qu'il y avait manifesté.
Quand, le mardi, le mercredi, le jeudi, nous aurons entendu six groupes et que
ces six groupes nous auront apporté leur témoignage particulier,
je crois bien que le projet de loi, vu son importance, aura reçu
l'attention qu'il mérite. Et quand, le vendredi, à cause de nos
heures irrégulières de travail, nous aurons entendu trois
mémoires, je pense que nous pourrons nous satisfaire de cette semaine de
travail.
Je ne peux approuver la stratégie gouvernementale de faire
adopter ce projet de loi à la vapeur, je ne veux surtout pas que ce
soient les gens qui ont eu la délicatesse et l'intérêt de
présenter des mémoires qui soient les premiers à en
écoper. L'Opposition en écopera à son tour, bien
sûr, à un moment ou à un autre, mais ce n'est certainement
pas à ces gens qu'on doit faire porter le poids en premier et c'est
pourquoi je soumets respectueusement à votre égard, M. le
Président, ma motion aux voix.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le vote
sur la motion du député de Saint-Jacques. M. Saindon, pour
ou contre?
M. SAINDON: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Charron?
M. CHARRON: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Déom?
M. DEOM: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Cloutier?
M. CLOUTIER: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Hardy?
M. HARDY: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Lachance?
M. LACHANCE: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Tardif?
M. TARDIF: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Morin?
M. MORIN: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Séguin?
M. SEGUIN: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Beauregard? M. Brown?
M. BROWN: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Roy?
M. ROY: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): M. Veilleux?
M. VEILLEUX: Contre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour: 3. Contre 9. La motion est
rejetée. J'inviterais maintenant M. Campbell à s'identifier et
à identifier les organismes qu'il représente ainsi que la
personne qui l'accompagne.
Société Saint-Patrice de Montréal
et autres
M. WAYLAND: M. le Président, l'honorable ministre, messieurs. Je
ne suis pas M. Campbell, il est en voyage. Je m'appelle Charles Wayland, je
suis de Montréal. Je suis membre de la Société
Saint-Patrice de Montréal et je suis le porte-parole de M. Campbell et
aussi le porte-parole des autres sociétés qui ont signé ce
mémoire.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous voulez vous asseoir.
M. WAYLAND: Merci. Après votre discussion, je suis bien...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous pourriez nommer les
organismes que vous représentez?
M. WAYLAND: Je vais les nommer. Je suis bien content que notre
mémoire soit limité à une page et demie. Avec votre
permission, je vais le lire. Ce mémoire est présenté par
les sociétés suivantes: Saint-Patrick's Society of Montreal,
fondée en 1834; Saint-Andrew's Society of Montreal, fondée en
1835; Caledonian Society of Montreal, fondée en 1855; The Irish
Protestant Benevolent Society of Montreal, fondée en 1856; Saint-David's
Society of Montréal, fondée en 1904. Il y a seulement sept
articles.
Nos sociétés ont été fondées afin
d'aider l'immigrant lors de son arrivée en terre canadienne, l'aider
à conserver et à élargir sa culture natale ou ethnique et
aider à l'établissement et au rayonnement de plusieurs services
publics de caractère éducatif et de bienfaisance.
Article 2. Un de nos principes fondamentaux est notre profond respect de
la culture des différents groupes ethniques. A cause de nos rapports
amicaux de longue date avec nos concitoyens québécois de langue
française, nous attachons énormément d'importance à
la culture canadienne-française et à la langue française,
richesses de l'éventail canadien. Cependant, nous ne pouvons pas
accepter la théorie semblant inhérente au projet de loi 22 que,
pour assurer la survivance et l'épanouissement de la langue
française et de la culture canadienne-française, le gouvernement
du Québec doit entraver la culture des autres groupes du Québec
et doit restreindre par une loi l'usage de la langue anglaise, employée
par les Québécois de langue anglaise dans l'expression de leur
vie culturelle et professionnelle.
Article 3. Nos sociétés sont d'avis que le français
et l'anglais devraient être les langues officielles du Québec sur
un pied égal.
Article 4. Nos sociétés croient que les parents ont le
droit fondamental de décider si leurs enfants devraient
fréquenter l'école française ou anglaise dans la mesure du
possible.
Article 5. Nos sociétés croient que, pour le bienfait et
l'avantage de la population en général et de l'individu en
particulier, toutes les professions devraient être encouragées
à stimuler le bilinguisme parmi leurs membres. Cependant, le public ne
devra pas être privé des services d'un professionnel, homme ou
femme, et un professionnel ne devra pas être empêché
d'exercer sa profession, seulement à cause du fait qu'il ne
possède pas la connaissance de l'autre langue.
Article 6. Nos sociétés sont d'avis que le projet de loi
22 renferme un grand danger au principe démocratique du contrôle
parlementaire, parce que les dispositions du projet délèguent au
lieutenant-gouverneur en conseil des pouvoirs trop étendus et trop
arbitraires.
Article 7. Nos sociétés croient que le projet de loi 22
est susceptible de détruire la bonne volonté et la
coopération traditionnelle entre les différents groupes ethniques
et les gens des deux langues du Québec.
Signé à Montréal, le 7 juin de cette année
par St. David's Society of Montreal par son président, Arthur Philips;
The Irish Protestant Benevolent Society of Montreal, par Edwin A. Bromley, son
président; the Caledonian Society of Montreal, par Derek S. Anderson,
son président; St. Andrew's Society of Montreal, par George Campbell,
son président, et St. Patricks's Society of Montreal, par Frederic D.
McCaffrey, son président.
C'est le mémoire qui est respectueusement
présenté.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Merci beaucoup.
Le ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier le
porte-parole des cinq sociétés qui nous ont
présenté ce mémoire. Le mémoire est
extrêmement clair. Je n'aurai donc qu'une confirmation à demander
sous forme de question dans l'esprit de nos règlements. Je crois
comprendre que ces différentes sociétés n'acceptent pas
que le projet de loi no 22 restreigne l'usage de la langue anglaise et
n'acceptent pas que, ce faisant, nous donnions une prééminence
à la langue française. Ceci découle du paragraphe no 2.
Est-ce exact?
M. WAYLAND: Oui, cela est notre avis. M. CLOUTIER: Merci, monsieur.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. Wayland, je vous remercie également d'avoir
présenté ce mémoire. Je veux juste vous faire remarquer,
parmi les sociétés signataires de ce mémoire, une
coincidence de dates. C'est que la St. Patrick's Society of Montreal, qui a
été fondée en 1834, a été fondée la
même année que les Québécois francophones, ou, si
vous le voulez, à l'époque on les appelait les Canadiens
français, ont fondé leur Société
Saint-Jean-Baptiste. C'est peut-être une coincidence qui va nous
permettre de nous retrouver sur certains points.
M. Wayland, j'aimerais prendre point par point, si vous le voulez,
puisque vous les avez voulu concis et clairs, chacun des articles de votre
mémoire. A l'article 2 sur lequel le ministre vient très
brièvement de vous interroger, mais qui, je pense, mérite plus
d'attention qu'il ne lui en a consacré, j'aimerais vous faire
détailler, peut-être beaucoup plus clairement que ne le fait
l'article 2, les deux affirmations contenues dans les dernières lignes
de ce paragraphe. En quoi, selon vous, le projet de loi 22, tel que
rédigé actuellement, entrave-t-il la culture des autres groupes
que le groupe fortement majoritaire du Québec qui est de langue
française?
M. WAYLAND: Mr President, I will be very pleased to reply to that
question, because certainly it is the fundamental issue in our brief. It is
unthinkable to anybody who lives in the province of Quebec, and, I am sure, to
every person present in this room, that there could be no culture for any
French Canadian if there were no French language. That is the truism which no
one can deny.
While that is true of French Canadians, it is equally true of
English-speaking Canadians. For more than 200 years, here, in the province,
French and English have been the official languages of Quebec. And now, for the
first time in our history, bill 22 states, as its most fundamental principle,
that French is the official language of the province. That can have one meaning
only. It means that English will no longer be an official language of the
province of Quebec.
As bill 22 would restrict the English language, it would thereby
restrict so-called English culture. In replying to that question, may I refer
my questioner and all of you, gentlemen, to clause 21 of bill 22: "Les corps
professionnels ne peuvent délivrer de permis en vertu du code des
professions, à moins que les intéressés n'aient de la
langue officielle une connaissance appropriée à l'exercice de la
profession envisagée. Cette connaissance doit être prouvée
suivant les normes fixées par les règlements adoptés
à cet égard par le lieutenant-gouverneur en conseil".
This refers us, of course, to the Professional Code already part of law
of this province. The Professional Code, in schedul I, lists professions, 37
professions", advocates, notaries, physicians, dentists, etc., etc., etc.,
nurses, nurses'aids. There are 37 listed in the schedule. By relating the
Professional Code to clause 21 in "Projet 22", we are forced to the conclusion
that in time, there will be a very weakened professional class of
English-speaking people in this province.
Cultural life and language, to a great extent, is based upon the
professional classes, the flourishing of the professional classes. They must
play their role in Québec, but if there is no professional class, then
that particular group cannot play its legitimate role in Quebec affairs and its
culture is interfered with.
There are, at the present time if we go according to the Canadian
census of 1971 1,160,515 persons living in Quebec who are not French by
their maternal tongue. In our view, it is essential that these 1,160,515
persons, who are not French, and who live in the province of Quebec, should
have the right, if they so wish, to enter the professions based upon their
technique, their ability and not based upon language.
M. CHARRON: Vous avez répondu à ma question en deux temps.
Je me plierai donc à votre réponse et la reprendrai dans les deux
temps.
Vous avez affirmé ce que vous avez appelé une
évidence dans le fait que la culture française ne vivrait pas ou
même ne survivrait pas si la langue française ne vivait pas
elle-même. Et vous avez dit: Ce qui est bon pour cette culture, est
également vrai pour toutes les autres. Je suis parfaitement d'accord
avec vous là-dessus. Lorsque vous dites que l'anglais ne sera pas la
langue officielle du Québec, que cela met en danger la culture anglaise,
là, c'est moins logique, il me semble, que la première partie de
votre raisonnement.
Le fait que la langue anglaise n'obtienne pas le statut officiel
à l'article 1, mais qu'elle obtienne autant d'exceptions et de place
dans tous les articles qui suivent, est-ce que cela vous apparaît comme
une restriction à l'usage de l'anglais? Ce n'est pas parce qu'une langue
n'est pas officielle, dans les titres et surtout quand on voit toutes
les exceptions qu'on lui donne dans les articles qui suivent qu'elle
n'est plus employée.
Je crois qu'il n'y a personne qui va dire excepté
peut-être le ministre des Affaires municipales, selon le Star d'hier soir
qu'une langue, parce qu'elle n'est pas officielle, ne devient plus
employée et, tant que l'anglais aura cet usage, personne ne vous
interdit d'utiliser l'anglais.
Au contraire, la loi vous permet, à plusieurs occasions,
d'obtenir un statut juridique que l'anglais n'a jamais eu auparavant. Personne
ne vous retire vos écoles pour vivre et apprendre votre langue. Personne
ne vous retire vos postes de radio et de télévision, vos
journaux, votre vie culturelle, votre vie sociale de minorité à
Montréal ou ailleurs, par exemple. Et dans ce sens, l'usage de l'anglais
se maintiendra toujours.
Je veux seulement vous faire revenir sur cette affirmation. Est-ce que
vous croyez que le fait que l'anglais n'est pas la langue officielle du
Québec, à partir de l'article 1, veut dire que l'anglais n'est
plus en usage dans le Québec et qu'en ce sens votre deuxième
raisonnement est fondé, donc que la culture anglaise se trouve en
danger?
Mais qui vous parle de la restriction de l'usage de l'anglais dans votre
vie privée ou dans la communication avec vos concitoyens? Vous me donnez
comme exemple je pense que c'est dans ce sens que vous l'avez
apporté la situation des professionnels. Vous pouvez me dire: Ce
sont des gens à qui on retire l'usage de l'anglais. Pas du tout. On leur
demande d'ajouter l'usage du français. C'est toute une distinction. Il
n'y a personne qui dit que les professionnels n'auront pas le droit de parler
en anglais et ainsi d'assurer la vie de leur culture. Mais vous devez
comprendre, M. Wayland, qu'une majorité, qui va, pour des soins
médicaux ou autres, aux mains des professionnels, peut au moins
espérer être servie dans sa langue, surtout lorsqu'à
l'occasion, on va remettre notre santé ou notre vie entre les mains de
professionnels de cette nature.
Je pense qu'à la façon modérée et
pondérée dont vous avez présenté votre
mémoire et que vous me semblez avoir en tête, vous ne contesterez
pas le droit de la majorité de demander que ses professionnels, ceux
comme vous dites, qui occupent une place tellement importante dans notre
société, puissent à l'occasion lui parler dans sa langue,
surtout lorsqu'on se remet entre leurs mains. C'est ce que nous avons
voté lorsque nous avons adopté le code des professions. C'est un
amendement que le Parti québécois a suggéré et qui
avait été retenu par le ministre des Affaires sociales à
l'occasion et nous en sommes encore très contents.
Mais il me semble que c'est le minimum que même vous ou même
les Ecossais et les Irlandais que vous représentez, ne contesteront pas,
que la majorité a le droit de s'assurer qu'un médecin parle la
langue de la majorité pour être bien servi ou qu'une
infirmière...
On ne restreint pas l'usage de l'anglais, même chez les
professionnels, M. Wayland. Ce n'est pas ce que nous avons voulu faire lorsque
nous avons présenté cet amendement qui a été
adopté l'année dernière dans le code des professions. Nous
avons simplement voulu nous assurer qu'à cet usage régulier,
normal et sur lequel personne ne veut intervenir, de la langue anglaise, par
ces professionnels de langue anglaise, on ajoute un usage décent de la
langue française à l'égard de la majorité.
Je vous demande simplement si, à votre avis, le fait que la
langue anglaise ne soit pas la langue officielle du Québec, met en
danger la culture anglaise de cette minorité. Il y a un rapport que moi
et bien des francophones, qui vous ont précédé à
cette table, ne voient pas.
M. WAYLAND: La langue française sera la seule langue officielle
selon ce projet de loi. But also, the official language will be the
language
of public utilities and professional bodies. That is the heading of
chapter II. The official language, French, will be the language of the labor
field. Chapter III. The official language, French, will be the language of
business. Chapter IV.
M. CHARRON: Pour ce qui est de l'administration publique, l'article 11
dit et je vais le lire dans votre langue, si vous permettez: "Every person may
address the public administration in French or in English, as he may
choose".
Dans les autres chapitres, il n'y a aucune restriction à
l'utilisation de l'anglais, actuellement. Ce n'est pas, par exemple, parce que
le gouvernement déciderait de promouvoir il ne le fait pas dans
le projet de loi, il le fait par des mesures incitatives qui n'ont pas de
portée la promotion des francophones dans le monde du travail,
obliger les entreprises à faire place aux francophones dans le monde du
travail, que ça exclut les anglophones.
Ce n'est pas parce qu'une fois on pense à nous que ça veut
dire qu'on pense contre vous.
M. WAYLAND: I know that this bill does not try to banish or outlaw the
English language, that is quite evident. But the tenor of this bill is to
restrict the use of English, and that, in my opinion, is the weakness of the
bill. Even in the matter of internal communications, French, according to this
bill, is to be the and the only language. It is the tenor of the whole bill
without the bill saying it, that English is to be relegated to a second, third
rate position.
And I think the key to that is found in the very preamble to the
bill...
M. CHARRON: En anglais ou en français, parce que ce n'est pas le
même préambule.
M. WAYLAND: In the préambule to the bill, it is clearly stated
that: "II incombe au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre
pour assurer la prééminence de la langue française." If we
go to the dictionary Flammarion, for the definition of the word
"prééminence", we will find that it gives as the definition of
that word: "Supériorité sur les autres". And it is because of
this character of the bill, the very intent of the bill in its preamble, that
French language for which I have the greatest respect is to be
superior to all other languages in the country. And I think that, over the past
225 years, and with the relatively good harmony and I am not afraid of
the words "bonne entente" with a "bonne entente", the mutual respect and
understanding that we have had in this province, the fact that there are
approximately a million people in this province whose mother tongue is not
French, it would be proper to keep both languages official and to encourage by
every legitimate means our children in the learning of both languages.
What I would have liked to have seen in this bill, Mr President, and
honourable minister of
Education, would have been a very constructive program, first of all,
for enhancing the French language, enhancing French culture in every, every
legitimate way, in every way.
And at the same time, a very constructive program paid for by the
government of Quebec for the teaching of French in the English schools, so that
our children would come out of school bilingual. There would have to be
financial means made available for that purpose. There should be student
exchanges within the province between French groups and English groups. If I
can be personal just for a moment, Mr President, like my father, my grandfather
and my great-grandfather, we were all born in Quebec. I went to St. Patrick's
school in Montréal. I never learned any French. My father wanted me to
learn French. I had the motivation for learning French. I wanted to learn
French. No student, to my knowledge, and I was there for about 15 years, no
English student ever came out of St. Patrick's school being able to talk
French. My own children went to English schools. They have suffered the same
fate. They do not know any French. The only French that I learned was taught to
me by a Christian brother who came down from the city of Toronto and he was
preparing me and a few others for our McGill matriculation exams and after he
had been with us only a few weeks, he said: No more study in chemistry,
physics, history, English literature, your great weakness is in your French.
And he said: You are going to start coming in to class at 8 o'clock in the
morning and Brother Bernard, a Christian brother from Toronto, was the one who
taught me the little French that I know. This should not happen in Quebec. This
is what I would like to see in your bill. I would like to see a determination
that there is to be a program for the teaching of French, that there is to be
the financial means made available so that we, the English-speaking people of
this province, will have our children bilingual. And if this were to be done,
then, we all due respect, your bill perhaps Churchill would have said,
when armaments came to him too little and too late I would say that this
bill has come too fast and there is too much. It will take one generation to
cure this problem if the Quebec government with all parties united, were to
say: We are going to embark upon a constructive program so that the anglophones
will learn French. Then, this problem will have disappeared by the time the
next generation takes over in this province.
M. CHARRON: M. le Président, j'ai terminé.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, il y a un point que vous avez
soulevé dans votre mémoire et sur lequel nous sommes
entièrement d'accord, c'est
lorsque vous dites: II y a trop de pouvoirs au lieutenant-gouverneur en
conseil, trop de pouvoirs qui lui sont accordés au niveau de la
réglementation. J'aimerais savoir si, dans votre opinion, vous
êtes d'accord que ces pouvoirs qui sont accordés au
lieutenant-gouverneur en conseil peuvent également aller à
l'encontre des intérêts de la majorité francophone au
Québec, et qu'il y a un danger énorme qu'il y ait à ce
niveau beaucoup de pressions qui se fassent et qu'on ne respecte pas les
droits, il faut bien dire les droits, de la majorité francophone. Est-ce
que vous partagez également ce point de vue?
M. WAYLAND: I enunciated the principle and just the principle in the
brief that we feared that there were too many powers being given to the
Lieutenant-Governor in Council which powers are too wide and too arbitrary.
Naturally, we do not take a stand on whether those powers would affect
the Anglophones or the Francophones, one group more than the other, it would
apply, in my opinion, equally because all that we have set forth is a principle
and the principle applies equally to all groups.
M. ROY: En somme, cela peut affecter les deux groupes. En somme, vous
êtes contre ce principe ou cette disposition de la loi parce qu'elle peut
affecter les deux groupes, selon vous.
M. WAYLAND: We consider that the discretionary powers are too wide, yes.
Too arbitrary and too wide, too discretionary.
M. ROY: En somme le projet de loi ne vous donne aucunement satisfaction
à cause de ses ambiguïtés, de ses imprécisions et des
pouvoirs discrétionnaires que nous ne connaissons pas. Est-ce que
ça veut dire que vous êtes contre le projet de loi actuel et que
vous êtes pour que le projet de loi soit retiré?
M. WAYLAND: Well, let me say that our societies are certainly not
against a constructive language bill; on the contrary, we have discussed this
matter in committee at lenght. We consider the change, we do not stand for the
status quo. We believe the change is occurring every day of our lives.
Otherwise, we would all be dead. What we do attack in the bill, or I think,
well set forth in our mémoire, when you ask me about the powers given to
the Lieutenant-Governor in Council, yes, we consider that those powers are too
wide, they are too arbitrary. We do not like regulation, we do not like law by
regulation, we would rather see definite principles laid out in this bill so we
would not be taken by surprise at some later date.
M. SAMSON: M. le Président, si le bill devait être
adopté tel qu'il est présenté présentement
c'est là notre question est-ce que vous ne
préféreriez pas, à ce moment-là, le voir retirer et
que le gouvernement prenne le temps qu'il faut pour en préparer un autre
conforme à ce que vous appelez un bill objectif?
M. WAYLAND: As I have already said, we do not stand for the status quo
because we believe the change is inevitable from day to day. We do think that
there are basic changes which should be made in this bill. We are not asking
that the bill be retired. We are asking that changes be made in the bill. We
suggest to the government and particularly to the minister of Education, that
timing of the bill may be wrong. This should be a gradual process, experimented
with a change here and there. Try out your new programs for teaching the other
language in the other schools, and then, depending upon results, amend the law
based upon experience.
M. SAMSON: Si je comprends bien, si le bill n'est pas amendé tel
que vous le demandez, vous l'accepteriez tel qu'il est, plutôt que de
demander son retrait?
M. WAYLAND: We hope that the amendments would be made. We do not stand
in anyway against a language bill. We ask the changes be made.
We do not ask that the bill be... We do not recommend that the bill be
killed or withdrawn.
M. SAMSON: Cela ne répond pas tellement...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais rappeler à tous les
membres de la commission qu'il y a un partage qui a été fait
antérieurement sur 20 minutes, 20 minutes; et actuellement les membres
de l'Opposition ont commencé à 11 h 23, ce qui fait plus d'une
demi-heure, soit 31 minutes.
M. ROY: M. le Président, sur le point de règlement
soulevé...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne veux pas faire un drame avec
cela...
M. ROY: Moi non plus...
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je porte cela à votre
attention.
M. ROY: Mais, je reviens encore un peu à ce que je disais hier,
c'est avec regret que je me dois de le faire. C'est toujours au moment
où nous arrivons à poser des questions, notre groupe, que nous
arrivons avec la même restriction. C'est pourquoi je dis encore ce matin
et je le répète: Le' cadre dans lequel on semble vouloir nous
embarquer...
M. HARDY: II y a une décision de prise.
M. ROY: Pour la discussion du projet de loi... Il y a une
décision de prise, vous nous l'avez imposée.
M. HARDY: Cessez donc de faire du "mémérage".
M. ROY: C'est toujours la même chose.
M. SAMSON: M. le Président, voulez-vous rappeler à l'ordre
l'honorable député de Terrebonne?
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais signaler...
M. SAMSON: Je n'en ai que pour une petite minute.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui. L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Ne faisons donc pas un drame pour rien avec cela.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais demander à notre
invité, pour obtenir la réponse la plus claire possible... Vous
demandez des amendements, vous soutenez que vous demandez des amendements, vous
soutenez que vous n'êtes pas contre un projet de loi sur la langue, mais
advenant, et c'est là la question, que ce projet de loi ne soit pas
amendé, qu'il reste tel qu'il est, quelle serait votre position à
ce moment? Est-ce que vous ne préféreriez pas demander le retrait
du bill en disant au gouvernement de réétudier son bill et de
ramener un nouveau bill plus objectif plutôt que de le laisser adopter
tel qu'il est?
M. WAYLAND: I am afraid that the best I can do in reply to that question
is almost to repeat myself that our societies are not against a language bill.
Our societies would like to see the bill amended in a most constructive way,
based upon the traditions of this province, based upon the rights of the
individual and based upon the parental right to choose the school for his
child.
M. SAMSON: Cela ne répond pas à ma question, mais de toute
façon, je n'en ai pas d'autre.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député
d'Argenteuil.
M. SAINDON: Merci, M. le Président. M. Wayland, à
l'article 2 de votre mémoire, vous dites que le gouvernement ne doit pas
entraver la culture des autres groupes, j'entends ici les groupes ethniques du
Québec. Can you tell us what makes you believe that such is the
intention of the government in presenting bill no 22?
M. WAYLAND: Mr President, that is certainly our belief and that is why
it takes a prominent part in the mémoire which we have submitted to you.
I believe that I must repeat myself to answer that question and that to have a
rich cultural life. For the million non-Francophones who live in this province,
there must be a feeling on their part that they are and I hate to use the
expression, because it has been abused to often they must have the
feeling that they are not second class citizens in this province. They must be
given the opportunity to play a full role in the province, and in all the
affairs of the province. And culture does not exist without language. If you
interfere with the language, if you say: French is superfor to all other
languages, as the preamble to this bill does say.
Then you have created an atmosphere among the non French-speaking people
in this province that they are inferior, that their language is inferior, that
their competence in the professions is inferior. What we have had for 225 years
is mutual respect based upon the two great languages of this country.
To take away one of them, in any part in this country, would be a denial
of the aspirations, and I will not call them rights, I will not call them
privileges, but I will call them aspirations, the legitimate aspirations held
by the minorities. A government, in our view, is judged by its treatment, its
fair treatment of minorities. Québec has always been a great example for
its treatment of minorities. We hope that it continues. We hope that our own
culture, our own particular culture based upon our own English language, will
continue to be encouraged. As I said before, there is nothing in the bill which
says: You cannot use English, you cannot talk English, but the whole basis of
the bill is: French and French only.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Mr Saindon...
M. TARDIF: M. le Président, sur une question de règlement.
J'aimerais rappeler que nous avons commencé, sauf erreur, la
période des questions à 11 h 23 et que le délai de
quarante minutes se terminera à 12 h 3. Il est midi, à ce
moment-là, il serait peut-être bon de rappeler à tout le
monde que la période de quarante minutes se terminera à cette
heure.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais apporter certaines
précisions avant la suspension des débats tout à l'heure.
Avant la suspension de la commission, j'apporterai certaines précisions
sur la marche de la commission, après le député
d'Argenteuil.
M. SAINDON: Mr Wayland, not withstanding your paragraph 3, would you
consider French and English languages as official with priority to the French
language?
M. WAYLAND: It is so difficult for anyone to define the word "priority".
It means...
M. SAINDON: Well, it means precedence.
M. WAYLAND: In this House, at this moment, French takes precedence as it
should, if, whenever there is a majority group, the language of the majority
should be spoken to the every extent possible. This is what the English people
of Quebec want. At this moment, I am talking English. I would much prefer, if I
had the fluency, to answer these questions in French. I know French. I can read
French. I can get along in my business in French, but I have not got the
fluency to answer these questions in French.
So, when you say priority, I believe that everything would depend upon
the definition of that word "priority".
M. SAINDON: Mr Wayland, would you be in favour of mandatory bilingualism
in our schools, English and French?
M. WAYLAND: We would encourage bilingualism in our schools to the
greatest possible extent. It is my view.
M. SAINDON: Would you agree to the necessity for all immigrants other
than French and English to mandatorily attend French schools up to the time
where these students would be judged satisfactorily versed in the French
language?
M. WAYLAND: Mr President, I know that the government of Québec is
very busy studying a proposed "Charte des droits de l'homme". If the principle
we call it in English the rule of law, l'égalité devant la
loi means anything, it means that each individual must be treated, in
the law, in the same manner to whatever extent is possible. So that when you
put this question to me, my immediate reaction is against the question, because
I do not like to think that there would be one treatment for the immigrant,
another treatment for the non-Canadian, another treatment for the Canadian,
another treatment for the Americans who happen to come here.
I wonder if you would permit me, because I like to go to the best
evidence whenever it is available, to read from the "Charte des droits de
l'homme pour le Québec". This, of course, never became law, but it was
published and it has been published in the McGill Law Journal in 1963, and, on
the question of discrimination, it reads: "Article 22...
M. SAINDON: Would you permit me just one explanation? You may not have
to go through all these explanations. What I meant by my question was that
immigrants, other than French and English, those who come to this country and
do not speak either French nor English, that as they come in this country, they
have to attend French schools up to the day that they speak French. Then, from
that point on, they attend public schools where they learn both languages,
French and English. That is what I meant.
M. WAYLAND: Yes, no.
M. SAINDON: Because when they come in, they do not speak either
languages, French or English.
M. WAYLAND: No, it is not...
M. SAINDON: They are at a loss at that time.
M. WAYLAND: It is our view that the immigrant, because he is an
immigrant, usually poor, bewildered, not knowing the laws, he should be given
exactly the same rights as a citizen.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous permettez, un instant, je voudrais
rappeler à mon collègue, le député d'Argenteuil,
que la période de 40 minutes allouée pour la période des
questions est terminée. Je n'entends pas, personnellement, devenir un
arbitre en chef et un préfet de discipline à tous les matins ou
à tous les après-midis. Il y a eu une entente de prise hier, d'un
commun accord, selon laquelle l'Opposition avait 20 minutes et le Parti
ministériel 20 minutes. Si, lorsqu'on arrive au Parti créditiste,
comme tout à l'heure, la période de 20 minutes est
terminée, malheureusement, ce n'est pas la faute du
président.
Vous pourriez prendre, au sein de l'Opposition officielle, une entente
sur cette période de 20 minutes qui a été
décidée, d'ailleurs, hier, d'un commun accord entre tous les
partis représentés à la commission les trois partis
et en même temps, du côté ministériel,
respecter ces 20 minutes. Que voulez-vous que je fasse, moi? Comme
président, je dois tout simplement faire part de l'observance des
règlements et, si la commission en décide autrement, c'est bien
sûr que je vais suivre les directives de la commission. Mais comme,
actuellement, la période de 40 minutes est terminée, j'attends
les directives de la commission, et je vous informerai, autant moi que les
autres présidents, qu'à toutes les 20 et 40 minutes, il y aura
une nouvelle directive de demandée à la commission. Mais comme
tout le monde le sait, je pense que vous pourriez facilement vous entendre. Et
tout à l'heure malheureusement, le député de
Beauce-Sud est absent; il a participé à cette entente hier
il est malheureux que, lorsque le temps est arrivé de poser une
question, nous étions déjà rendus à 23
minutes. Je pense que c'était équitable, et je me rappelle bien
que le député de Saint-Jacques a mentionné qu'il
s'agissait d'un partage équitable. A ce moment, je suis les directives
de la commission.
Actuellement, nous en sommes rendus à plus de 40 minutes. Je
pense qu'il faut s'entendre. On ne peut pas continuer indéfiniment
là-dessus, heure après heure. Entendez-vous, et je suivrai vos
directives.
Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, sur votre rappel au
règlement, je suis parfaitement d'accord pour dire que la période
est terminée actuellement et que la commission devrait ajourner ses
travaux jusqu'à cet après-midi.
Quant à l'invitation que vous avez faite à l'Opposition
officielle de partager le temps avec le Parti créditiste, je suis
parfaitement d'accord également sur cette invitation. Si cela ne s'est
pas produit ce matin, c'est parce que je ne me suis même pas rendu compte
que mes 20 minutes étaient écoulées. Sans lui faire de
reproche, c'est peut-être à cause du témoin en particulier
que nous avons qui, sur chaque question, peut-être s'éloignait,
parce que je n'avais pas un nombre tellement grand de questions. Et, de toute
façon, je pense que le député de Rouyn-Noranda avait
également fini de poser ses questions dans les limites. A l'avenir,
j'essaierai de me restreindre à douze minutes ou environ.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): II faudrait vous entendre entre vous.
M. CHARRON: Nous le ferons de notre côté pour ne pas brimer
les droits de nos collègues de l'Opposition créditiste. Nous
voulons respecter cette entente.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je tiens à rappeler et je
n'aime pas beaucoup passer pour un préfet de discipline qu'il
s'agit d'une entente entre les membres de la commission. Si je comprends bien,
les membres de la commission décident que c'est terminé.
Au nom des membres de la commission, je remercie sincèrement M.
Wayland et son invité au nom des cinq sociétés qu'ils ont
représentées.
M. WAYLAND: Merci.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): Le premier groupe que nous entendrons
alors sera la Fédération des travailleurs du Québec.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 16 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 6)
Reprise de la séance à 16 h 36
M. PILOTE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs !
Je voudrais mentionner les changements suivants ainsi que la liste des
membres de cette commission pour la séance. M. Springate (Sainte-Anne)
remplace M. Bérard (Saint-Maurice); M. Charron (Saint-Jacques) est
membre de la commission; M. Déom (Laporte); M. Cloutier (L'Acadie): M.
Leduc (Taillon) remplace M. Hardy (Terrebonne); M. Lachance (Mille-Iles)
remplace M. Lapointe (Laurentides-Labelle); M. Tardif (Anjou) remplace M.
L'Allier (Deux-Montagnes); M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger
(Lafontaine); M. Séguin (Pointe-Claire) remplace M. Parent
(Prévost); M. Déziel (Saint-François) remplace M. Phaneuf
(Vaudreuil-Soulanges); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier; M. Roy (Beauce-Sud) remplace M. Samson (Rouyn-Noranda); M.
Veilleux (Saint-Jean) est membre de la commission.
Avant que ne débute cette séance également, je
voudrais mentionner aux organismes qui sont venus se faire entendre qu'ils ont
20 minutes pour présenter leur mémoire ou un résumé
de leur mémoire. Egalement, l'Opposition a 20 minutes pour poser des
questions, ainsi que le parti ministériel, 20 minutes.
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux vous faire
remarquer que les deux côtés de l'Opposition sont présents
cet après-midi?
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'en ai pris note. J'inviterais M. Fernand
Daoust, secrétaire général de la Fédération
des travailleurs du Québec à venir présenter son
mémoire et à nous présenter, s'il y a lieu, les personnes
qui l'accompagnent.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. DAOUST: Mme Mona-Josée Gagnon et M. Pierre Richard. M. le
Président, MM. les députés, je vais vous lire le
mémoire de la FTQ. Je vais essayer de faire une lecture assez rapide
pour ne pas dépasser cette période de 20 minutes.
LE PRESIDENT (M. Pilote): S'il y avait possibilité, M. Daoust,
d'en faire un résumé.
M. DAOUST: II n'est pas tellement long de toute façon.
La FTQ, qui regroupe 275,000 membres, a tenu à se
présenter devant la commission parlementaire pour faire connaître
son opposition au projet de loi 22 de la même façon que nous
avions présenté à la commission Gendron un mémoire
sur l'instauration du français com-
me langue de travail. Nous avons exprimé en temps opportun notre
déception face aux recommandations de la commission Gendron du point de
vue de la langue de travail, ainsi que dans leur ensemble. Nous n'avons pas
hésité à faire connaître ici notre refus global face
au projet de loi intitulé Loi sur la langue officielle. La FTQ s'est en
effet convaincue au fil des années du caractère absolument vital
que revêt la langue de travail pour les travailleurs
québécois; la langue utilisée au travail est bel et bien
une condition de travail au même titre que ces autres conditions de
travail que nos membres négocient, convention après
convention.
Malgré que cette question de la langue de travail en soit une
d'intérêt éminemment national, les travailleurs
québécois sont réduits à se débrouiller avec
les moyens du bord pour faire respecter leurs droits linguistiques puisque
l'Etat québécois n'a, jusqu'à ce jour, rien fait de
valable pour forcer ou même inciter les employeurs à respecter
leur identité linguistique.
Nos membres à Firestone, General Motors ou United Aircraft se
sont tenus debout sur cette question et dans certains cas ont marqué des
points. Il est vrai que les travailleurs québécois
n'hésitent pas quand il le faut à revendiquer
énergiquement, mais nous espérons tout de même que leur
dynamisme n'amènera pas nos gouvernants à s'enfoncer plus avant
dans leur démission linguistique. C'est à l'Etat qu'il appartient
de prendre ses responsabilités dans le domaine de la langue de travail
et de défendre notre patrimoine culturel. Le gouvernement
québécois va-t-il bientôt cesser de laisser les parents et
les enseignants se battre seuls contre l'assimilation pour l'école des
Néo-Québécois et même de plusieurs francophones au
groupe anglophone? Le gouvernement québécois va-t-il
bientôt cesser d'abandonner aux travailleurs le soin de défendre
notre identité linguistique au prix de sacrifices qu'eux-mêmes
doivent assumer? Le gouvernement québécois va-t-il bientôt
gouverner?
A titre de centrale syndicale, c'est à la langue de travail que
nous nous intéressons au premier chef. C'était l'essentiel,
d'ailleurs, du mémoire soumis à la commission Gendron et nous
croyons que ce mémoire constituait une première tentative de
traduire en termes concrets et réalistes le principe du français
langue de travail. Ce mémoire était le fruit d'une
réflexion profonde et, avouons-le, parfois pénible dans nos
rangs. Il exprime encore parfaitement bien nos positions. Nous nous attachons
donc dans ce présent document à faire une analyse critique du
projet de loi 22 à partir des positions jadis exprimées par nous.
Ceci dit, à titre de porte-parole de dizaine de milliers de
travailleurs, il est également dans nos fonctions de porter un jugement
global sur le projet de loi qui nous a été
présenté. Nous avons d'ailleurs répété
à satiété que tous les éléments de la
politique linguistique conditionnaient mutuellement leur efficacité.
C'est pourquoi nous pré- senterons en première partie des
remarques générales sur le bill 22 pour nous préoccuper
ensuite des secteurs d'intérêt plus direct pour nous.
La FTQ trouve, dans sa participation à cette commission, une
nouvelle occasion d'aborder le problème de notre domination
économique. Le premier ministre, M. Bourassa, n'a pas été
d'ailleurs sans soulever, à sa façon bien entendu, les rapports
entre notre sujétion économique et le piteux état de la
langue française au Québec, ceci dans le cadre de la
polémique entourant le projet de loi 22. Pour M. Bourassa, aller plus
loin dans l'affirmation du caractère francophone du Québec serait
économiquement mal avisé puisque des représailles ne se
feraient pas attendre. Cela constitue pour nous davantage un dramatique aveu
d'impuissance qu'une opinion dictée par ce qu'il est convenu d'appeler
un sain réalisme.
L'économie du Québec est dominée à 80 p.c.
par des intérêts non québécois, surtout
américains. De toute éternité, le Québec s'est
laissé déposséder de ses richesses naturelles quand il ne
se vendait pas littéralement au plus offrant. Ces
générations de gouvernements impuissants et quémandeurs
que nous avons vus se succéder au Québec ont permis de
perpétuer cette domination. Non contents de subir toute cette domination
sans faire quoi que ce soit pour en secouer le joug, nos gouvernements, tant au
fédéral qu'au provincial, distribuent subventions et largesses
à des entreprises qui n'en ont nul besoin.
Le projet de loi 22 s'inscrit dans cette tradition
d'à-plat-ventrisme. Mais les rapports entre notre domination
économique et l'état du français, langue de travail, sont
en réalité plus complexes. Les entreprises
étrangères, en prenant pied au Québec, ont importé
leur "know-how", mais encore leurs cadres et leur vocabulaire technique.
Conscientes que les travailleurs québécois n'étaient
absolument pas protégés dans leurs droits linguistiques par le
gouvernement québécois, elles n'ont pas eu de scrupule à
imposer massivement l'anglais comme langue de travail, la connaissance de
l'anglais étant d'autant plus essentielle que l'on montait dans la
hiérarchie. Si bien qu'alors que dans tous les pays normaux, des
entreprises multinationales parmi les mieux connues travaillaient dans la
langue du pays, étaient ainsi prêtes à encourir des frais
supplémentaires et à embaucher de la main-d'oeuvre locale pour
remplir les fonctions de direction, ici au Québec, ces mêmes
entreprises démontraient une intransigeance ou une ignorance
provocatrice et traitaient linguistiquement le Québec comme l'Ontario,
alors que les salaires, par contre, étaient apprêtés de
façon spéciale pour le Québec.
L'état pitoyable de la langue française en milieu de
travail et le peu de cas qu'on en fait nous semblent, de toute évidence,
reliés à la sujétion économique dans laquelle nous
nous trouvons. Corollairement, nous croyons qu'il
est impossible de changer significativement la situation sans adopter
une nouvelle attitude d'ensemble face aux entreprises. Nous ne sommes pas assez
naiïs pour attendre du gouvernement actuel un changement radical sur les
questions économiques, car ce gouvernement, comme ceux qui l'ont
précédé d'ailleurs, a partie liée avec ces
intérêts économiques et ne saurait se dissocier de ces
derniers trop ouvertement. Nous espérons toutefois que la pression de
l'opinion publique pourra éventuellement inspirer de façon
bénéfique les membres du gouvernement, si peu que ce soit, notre
geste n'aura pas été inutile.
Cette attitude de faiblesse du gouvernement québécois face
au pouvoir économique, nous la retrouvons, à vrai dire, à
chaque article ou presque de ce projet de loi. L'ensemble des articles
équivaut à sanctionner un statu quo dont nous savons pourtant
trop bien dans quelle impasse il a entraîné la majorité
francophone du Québec. La FTQ réclamait une politique de la
langue globale et nous devons concéder que c'est là l'objet du
projet de loi 22. Plusieurs secteurs d'activité sont effectivement
touchés, mais de façon si superficielle et si inadéquate
que l'ensemble de la politique paraît vide de sens. De ce point de vue,
les différents secteurs d'activité touchés s'agencent bien
les uns aux autres: même indécision, même vacuum politique,
même cohérence dans l'arbitraire.
La FTQ a maintes fois posé que le français ne serait
jamais "sauvé" au Québec, si l'on n'en faisait pas une langue
utile, en somme la langue qu'il faut obligatoirement posséder pour
gagner sa vie. De ce point de vue, les éléments de la politique
linguistique concernant la langue de travail occupent un caractère de
centralité dans la politique linguistique globale. Pour apprendre une
langue ou pour la faire apprendre à ses enfants, la motivation
culturelle ne suffit pas, et nous ne saurions blâmer les
Néo-Québécois qui choisissent l'école anglaise. Si
le critère d'utilité de la langue française doit
être l'élément déterminant pour l'avenir de la
francophonie au Québec, le point de départ d'une politique
linguistique globale se situe évidemment du côté de
l'immigration et du système scolaire. Le projet de loi 22 fait silence
sur le premier aspect et propose une solution discutable pour le second.
La FTQ, quant à elle, a soutenu par le passé que les
enfants d'immigrants devraient être obligatoirement dirigés vers
l'école française, mesure qui serait vide de sens si l'on
n'entreprenait pas parallèlement une francisation énergique des
milieux de travail et si l'on ne mettait pas en oeuvre une politique
d'immigration qui se situerait dans le prolongement des intérêts
de la majorité.
Le projet de loi ne va pas aussi loin et empêche même les
anglophones d'envoyer leurs enfants à l'école française,
puisque ces enfants ne posséderaient pas les rudiments de la langue
française, sauf exceptions.
La FTQ, en tant que partie au CCTM, est régulièrement
consultée sur les modifications à apporter au code du travail.
Voilà trois ans que le CCTM discute des précisions à
apporter au code du travail concernant la langue de travail dans les relations
de travail. Ces amendements au code du travail se retrouvent maintenant partie
intégrante du projet de loi 22. La FTQ veut faire, à ce sujet,
deux ensembles de remarques, d'abord sur l'insertion même de ces
amendements dans le projet, ensuite sur le contenu des articles en
question.
L'exclusion de l'usage de la langue dans les relations de travail de la
pièce législative habilitée à réglementer
les relations de travail, le code du travail, nous semble lourde de
conséquences. Le code prévoit en effet une série de
sanctions et de recours qui garantissent le respect de la loi et la
capacité des syndiqués à faire respecter leurs droits.
Ces mesures législatives faisant partie du projet de loi 22, nous
nous interrogeons sur leur portée exacte, et réclamons leur
"rapatriement" là où leur objet les destine naturellement,
à savoir le code du travail.
Les centrales syndicales FTQ et CSN ont déjà fait
dernièrement un consensus sur ces éléments
législatifs. Le résultat de ce consensus a été
présenté à une réunion récente du CCTM, le 7
juin dernier. Nous insistons sur la nécessité de donner au
français un caractère officiel au niveau des relations de
travail, ce qui veut dire que seul le texte français des conventions
collectives ainsi que des décisions arbitrales aurait un
caractère officiel.
Le projet de loi 22 ne comporte que deux mesures ou ensembles de mesures
visant à faire du français la langue de travail: D'une part,
l'article 24 et, d'autre part, la question des certificats de francisation.
L'article 24 nous paraît favoriser l'établissement du bilinguisme
en milieu de travail, bien sûr.
On peut considérer qu'il s'agit d'une amélioration, compte
tenu du fait que l'unilinguisme anglais prévaut encore assez souvent,
mais pour nous cela n'a rien à voir avec une politique de
français langue officielle non plus qu'avec les justes revendications de
la majorité des travailleurs québécois.
La FTQ n'est pas partisane de l'application instantanée de
l'unilinguisme français en milieu de travail; elle favorise
l'implantation graduelle et nuancée d'une politique de français
langue officielle. Cela implique qu'il y aurait nécessairement une
période de transition pendant laquelle le bilinguisme pourrait
être indiqué dans certains milieux, mais qu'au terme de cette
période de transition, seul le français serait utilisé
pour les avis et communications. Bien entendu, sans l'adoption d'autres mesures
telles l'obligation de suivre des cours de français, l'addition de
l'obligation de connaître le français aux différents
critères d'embauche, etc., la période de transition ne sera
jamais assez longue, car nul ne se sentira dans l'obligation d'apprendre le
français. Cette dernière langue
ne serait même pas la langue principale d'affichage en milieu de
travail, selon l'article 24. Enfin, pour nous, il ne saurait y avoir de
politique de francisation uniforme, indépendamment des secteurs de
travail. Nous voulons des mesures plus radicales que celles
prônées par le gouvernement, certes, mais nous suggérons
une attitude nuancée. Des facteurs comme la taille des entreprises, la
proportion des différents groupes ethniques parmi les travailleurs et
les cadres, l'identité ethnique du groupe propriétaire de
l'entreprise, le caractère des opérations et le degré
d'utilisation d'un vocabulaire technique anglais sont autant de facteurs dont
il faut tenir compte dans l'établissement d'une période de
transition raisonnable, cinq ans, et des réglementations
appropriées.
Cet article 24, même si son principal effet consisterait à
instaurer le bilinguisme en milieu de travail n'a pourtant guère de
portée, dans la mesure où aucune sanction n'est prévue,
aucun système de surveillance, etc. Il ne nous semble pas normal de
remettre au chapitre des réglementations ce genre
d'éléments législatifs. Bien sûr, la présence
d'éléments de sanction et de surveillance ne constitue pas une
garantie suffisante; nous connaissons trop l'efficacité douteuse de la
Commission du salaire minimum, pour ne nommer que celle-là, et
l'insignifiance des sanctions prévues. Toutefois, cette lacune du bill
22 ne peut que nous faire mettre en doute le sérieux des proposeurs de
ce projet de loi. Il est en effet primordial que les travailleurs soient
protégés expressément par la loi dans le cas où ils
dénonceraient leur employeur.
D'autres que nous ont déjà exprimé des doutes
extrêmement justifiés sur l'efficacité et la pertinence des
articles ayant trait aux certificats et programmes de francisation. Ces
articles sont en fait extrêmement nébuleux, constituant tout au
plus une déclaration d'intention dont les éléments
importants seraient parties de réglementations. La seule chose qui
apparaît très clairement, c'est la mesure d'arbitraire immense
dans l'attribution de ces certificats, ainsi que l'apparition d'une
méthode inédite de patronage et de népotisme.
L'article 35 énumère les éléments des
programmes de francisation et, à ce titre, est plus précis, mais
la rédaction est telle que tout ce qui est indiqué ne sont que
des têtes de chapitres. Il est permis de supposer qu'il peut y avoir une
infinité de programmes de francisation, aucune norme n'étant
émise et toute latitude étant laissée aux entreprises. La
souplesse, nous en sommes, mais à l'intérieur d'un cadre
précis. Encore ici, la loi elle-même est donc vague,
imprécise et gélatineuse; les questions importantes sont
reléguées aux règlements ou, pire, à
l'appréciation d'une poignée d'hommes politiques.
La FTQ n'est pas et n'a jamais été en faveur d'une
politique de "quotas" en vertu de laquelle on suggérerait que telle
proportion de membres d'un groupe ethnique donné devrait se retrouver au
niveau, par exemple, des cadres de l'entreprise. Nous voyons là une
forme de discrimination raciale, odieuse comme toute discrimination. La FTQ
favorise une politique de francisation énergique qui fasse l'obligation
de travailler et de fonctionner en français; nous croyons que, par voie
de conséquence, dans un pays dont les dirigeants ne craindraient pas
d'affirmer et de faire respecter les droits de la majorité, les
francophones auront graduellement la part des postes de direction qui leur
revient. De toute manière, nous nous soucions fort peu qu'un
Québécois d'extraction anglaise occupe un poste important, s'il
le fait intégralement en français. L'alinéa b) de
l'article 35, malgré que cet article soit flou, semble porter en germe
ce genre de principe de "quotas" qui nous semble, à notre avis, d'abord
un aveu d'impuissance. Cela nous apparaît d'autant plus plausible que le
rapport Gendron en faisait lui-même une recommandation.
Une dernière raison, et elle est fondamentale, qui nous fait
rejeter en bloc le principe des programmes et certificats de francisation,
réside dans l'aspect subventions aux entreprises. La FTQ a toujours
soutenu que les entreprises devaient, de façon générale,
assumer les coûts sociaux de leurs opérations. Le Québec,
société dominée, par son absence de politique de la
langue, a permis à des entreprises de se comporter en colonisateurs
à l'endroit des travailleurs qu'elles embauchaient et de faire fi de
leur identité linguistique. Si nous nous opposons à ce que des
individus, pris isolément, soient pénalisés par nos
carences politiques passées et notre réveil puisse-t-il
venir tardif, il n'en va pas de même des entreprises, le plus
souvent des firmes multinationales qui, partout sauf au Québec,
respectent au moins le contexte culturel des pays qui les accueillent. Les
entreprises ont objectivement profité de la situation de faiblesse des
travailleurs québécois, privés d'un gouvernement digne de
ce nom et bien souvent aliénés dans leur identité
linguistique jusqu'à la moelle. Non seulement les coûts
d'exploitation des entreprises étrangères au Québec
ont-ils été diminués, mais encore leur attitude a-t-elle
causé des torts psychosociaux irréparables, et ces dommages qui
ne s'estompent qu'après une génération, mais au prix de
l'anglicisation de plusieurs éléments de notre population. Nous
ne rejetons pas la responsabilité première de cette situation sur
les entreprises; la collectivité québécoise et surtout les
gouvernements qui se sont succédé méritent la plus grande
part du blâme. Mais la responsabilité secondaire revient
néanmoins aux entreprises, et compte tenu du fait qu'elles ont
profité de cette situation, permettez-nous de trouver inconcevable et
révoltant l'article 31 du projet de loi 22, en vertu duquel un nouveau
programme de subventions serait mis sur pied. Nos gouvernements ont beaucoup
d'imagination lorsqu'il s'agit de trouver des prétextes pour gaver
ceux-là qui exploitent, oppriment, mutilent et assassinent les
travailleurs québécois. Voilà encore un nouveau
filon; la subvention linguistique. La FTQ s'intéresse depuis longtemps
au problème des subventions que nous considérons comme des
investissements allant à l'encontre des intérêts de la
majorité de la population.
United Aircraft résiste à une grève de 2,000 de nos
membres grâce aux largesses gouvernementales. Nous ne voulons pas entamer
un nouveau débat sur la pertinence des subventions; nos positions
à ce sujet sont connues.
Des entreprises ne devraient même pas avoir le droit de prendre
pied au Québec sans s'engager à respecter la politique
linguistique, pour peu que nous en ayons une, bien entendu. Les programmes
actuels de subventions, les exonérations d'impôt dont nos
gouvernements sont prodigues, devraient être éliminés dans
le cas des entreprises déjà implantées au Québec et
ne respectant pas une hypothétique politique linguistique. De
grâce, le temps des cadeaux est révolu: il s'agit de prendre en
main notre destinée, notre avenir collectif. Faisons-le
éner-giquement et ayons au moins la décence de nous respecter
nous-mêmes, de respecter les générations de travailleurs
québécois bafoués par ces entreprises millionnaires.
Le projet de loi 22 a, en vérité, bien peu à offrir
pour ce qui est de la francisation des milieux de travail. Nous ne voyons pas
là une politique d'ensemble, mais une accumulation
d'éléments vagues et imprécis, ouvrant la porte à
tout le moins à l'arbitraire; le seul article (24), à cet
égard clair, évacue les modalités d'application
(sanctions, droit de recours) et propose d'instituer le bilinguisme en milieu
de travail. Nous ne voulons pas répéter ici ce que nous avons
proclamé, avec peu de succès, faut-il le dire, devant la
commission Gendron. La FTQ a proposé et propose encore aujourd'hui un
programme détaillé visant à faire du français la
seule langue de travail au Québec; la clef de voûte de cette
politique serait la souplesse. Le mémoire que nous avons
déposé devant la commission Gendron ne péchait pas,
croyons-nous, par intransigeance; les nuances et les réserves
exprimées tempéraient cet énoncé de base, mais ne
le sabotaient pas à la façon dont tous les articles ou presque du
projet de loi 22 invalident l'article 1. Nous invitons donc ceux qui seraient
intéressés à consulter notre mémoire à la
commission Gendron à nous en faire la demande.
Le secteur extrêmement important des services au public (vente au
détail, restauration, hôpitaux) ne reçoit guère
d'attention de la part des rédacteurs du projet de loi 22. Seul
l'article 18 traite spécifiquement du sujet; en vertu de ce dernier, les
services des entreprises dites d'utilité publique devraient être
disponibles dans la langue officielle. Il s'agit là pour nous d'une
disposition minimale, équivalente à celle de l'article 24; s'ils
s'agissait de services écrits, on aurait sans doute ajouté qu'ils
pouvaient aussi être offerts en anglais. Compte tenu de la situation
actuelle dans les zones d'anglicisation (Montréal, les Cantons de l'Est,
l'Outaouais), l'article 18 tel que rédigé équivaut pour
nous à instituer le bilinguisme officiel, car rien dans la loi
n'empêche que l'anglais soit en pratique mis sur le même pied que
le français. Ici encore, on se demande quelles en seront les
modalités d'application.
La FTQ, dans son mémoire à la commission Gendron,
consacrait quelques pages aux services au public. Il était clairement
posé que toute personne devrait être tenue de parler couramment le
français pour travailler dans ce secteur, la connaissance de la langue
anglaise ne pouvant inversement être exigée de tous. Alors que les
zones presque complètement francophones du Québec devaient
logiquement bénéficier de services unilingues français,
nous proposions que les zones déjà mentionnées où
se trouvait une forte minorité de non-francophones soient dotées
de services où le français serait prioritaire, mais où il
serait possible d'obtenir des services en anglais en en faisant la demande. Les
services téléphoniques devraient de même être
donnés en français, sauf sur demande expresse. La FTQ croyait en
faisant cette proposition demeurer dans les limites du réalisme et cela
va sans dire respecter les droits individuels. Le projet de loi 22 n'apporte
aucun élément concernant les entreprises d'utilité
publique susceptible de donner une place au moins prioritaire au
français, majorité au comportement de minorité, nous en
sommes réduits à quêter le bilinguisme.
Nous voudrions également attirer l'attention des parlementaires
sur un aspect de ce problème, à savoir l'industrie touristique.
Un vice-président de la FTQ a fait une intervention à ce sujet,
dans le cadre de la polémique entourant le projet de loi 22, que nous
endossons entièrement. Fort de sa participation au Conseil de
planification et de développement, Jean Gérin-Lajoie rappelait
fort justement qu'il était prouvé noir sur blanc que le
développement de l'industrie touristique québécoise allait
de pair avec le développement et l'accroissement du caractère
français du Québec. Ilot francophone dans une mer anglo-saxonne,
l'intérêt majeur que présente le Québec aux yeux des
touristes nord-américains réside justement dans cette
spécificité. Voilà au moins un exemple où
l'équation émise par M. Bourassa (affirmation poussée de
la souveraineté culturelle égale pertes économiques) ne
s'applique pas, et cela selon un document public du CPDQ.
La FTQ réclamait, dans son mémoire à la commission
Gendron, la création d'un organisme distinct chargé de veiller
à l'application de la politique linguistique. Bien entendu, la valeur du
travail de cet organisme repose en grande partie sur le degré de
consistance de la politique linguistique dont il doit être le
maître d'oeuvre. Quoi qu'il en soit, nous déplorons de voir dans
le même projet de loi, au chapitre "Régie", la même
hésitation et la même lâcheté quant aux
sections touchant la langue de travail. En fait, la section sur la
régie ne fait que confirmer la vacuité du bill 22 en
créant un organisme dépouillé des quelques pouvoirs qui
auraient pu donner une allure un peu plus vigoureuse à la politique
linguistique gouvernementale. Il y a beaucoup à dire sur la question de
la régie, mais nous nous en tiendrons à souligner les aspects
dans notre mémoire à la commission Gendron où nous
prenions des positions nettes.
L'article 62 ne fait pas de mystère de l'insignifiance totale du
rôle dévolu à la Régie de la langue. On croirait
voir là le mandat de l'Office de la langue française et cela
n'est pas pour inspirer confiance quand on connaît à quel point
l'OLF travaillait à vide et à l'aveuglette, confiné
à la confection de lexiques plus ou moins utiles, puisque l'OLF
était dépourvu des pouvoirs requis pour imposer leur usage. La
Régie de la langue se voit dépouillée de tout pouvoir
réel, et on en a un exemple de taille avec la question de
l'émission des certificats de francisation. La régie n'a
même pas ce pouvoir de juger de leur attribution, alors qu'elle est
dotée d'une structure complexe, d'un fonctionnement
élaboré. Encore ici, on tombe dans l'arbitraire, puisque le
ministre décide en dernier ressort: délais additionnels,
efficacité amoindrie, introduction de considérations
partisanes... L'article 74, qui interdit aux membres de la régie de
délibérer sur une question dans laquelle ils ont un
intérêt personnel, fait sourire quand on pense à la
très grande vulnérabilité de notre gouvernement sur cette
question. Quant à nous, il nous apparaît que des membres de la
Régie de la langue seraient assez incapables de pratiquer un patronage
de mauvais aloi puisqu'ils n'ont même pas les pouvoirs minimaux qui le
leur permettraient. Le ministre affecté à la régie, par
contre, est celui qui prend les décisions relativement aux certificats
et n'est pas assujetti à cet article 74.
On retrouve un autre exemple de la mainmise politique sur la
régie au niveau des enquêtes. L'organisme a le devoir de mener les
enquêtes commandées par le ministre. Pour ce qui est des
enquêtes demandées par d'autres, par exemple un groupe de
travailleurs, le bill 22 prévoit tant d'échappatoires qu'il n'y a
guère de chances que l'enquête ait effectivement lieu. H est assez
incompréhensible, par exemple, que l'article 89 introduise une
perscription en interdisant de répondre à une demande
d'enquête qui aurait pu être faite plus d'un an auparavant; nous ne
voyons vraiment pas de quelle façon on peut traduire cet
élément législatif en réalité. Quant
à l'article 90, il donne virtuellement à la régie le
pouvoir en voilà un tout de même de refuser une
enquête sous n'importe quel prétexte. On se rend compte que l'on
n'est pas au bout de nos surprises avec les articles 96, 97 et 98.
Car une fois effectuée, une enquête par les
commissaires-enquêteurs et une recommandation négative ayant
été rendue, une autre enquête est mise en branle par la
régie. On s'attendrait à un verdict final à ce stade, mais
pas du tout. Le chef du ministère concerné est seul
habilité à décider du bien-fondé de la
recommandation de la régie. Un peu comme si le ministre du Travail
lui-même devait prendre toute décision finale en matière
d'accréditation, en réduisant le tribunal du travail à un
organisme consultatif.
La FTQ proposait dans son mémoire sur la langue l'addition de
conseils consultatifs chargés de guider la régie dans son
travail. Tel que le mandat de la régie est défini, nous ne sommes
pas certains que nous serions intéressés à collaborer
à cette mascarade, mais nous voudrions tout de même rappeler le
principe de la consultation. Spécialement en matière de langue,
nous croyons qu'une intervention étatique et efficace ne saurait prendre
place sans une collaboration des milieux syndicaux; des comités
consultatifs pourraient être mis en place pour chaque secteur industriel.
L'absence de toute disposition de ce genre ne constitue pour nous qu'une
confirmation de ce que nous pensons de la régie telle que
définie, mandat restrictif, aucun pouvoir réel. Une telle
régie ne serait qu'un appareil lourd et inutile, une triste
façade ne parvenant pas à masquer l'inconsistance de la politique
linguistique.
Le bill 22 a peu à offrir sur le plan de la langue de travail.
Les quelques éléments qu'on y retrouve laissent
énormément à désirer, ainsi que nous l'avons
signalé. L'ensemble des dispositions touchant la langue de travail
constitue une politique de quémandage qui se situe bien dans le style de
gouvernement auquel M. Bourassa nous a habitués. A genoux devant les
entreprises, l'Etat québécois lui fait des suggestions de
francisation: Pas de pénalités ni de sanctions, et il n'en
coûterait pas un sou aux entreprises. Car on a prévu des
subventions additionnelles et une série confuse de cadeaux que les
règlements devraient préciser, mais dont on sait seulement qu'ils
seront accordés par les membres du gouvernement. Les travailleurs
québécois sont donc à la merci des entreprises. Si elles
ne le veulent pas, ils ne travailleront pas en français. Si elles sont
d'accord, elles recevront des contributions financières et autres
avantages payés par les impôts de ces mêmes travailleurs qui
grossiront encore leurs profits. Le gouvernement ne sait-il pas que les
entreprises où l'on travaille le plus en anglais sont parmi les plus
riches, les plus puissantes. Le bill 22 constitue à nos yeux une
humiliation collective du peuple et des travailleurs québécois.
Nous souhaitons bien que de telles dispositions ne soient jamais
entérinées, mais que de tels éléments
législatifs aient été présentés
sérieusement à la population demeure un fait scandaleux.
L'ensemble du bill 22 nous paraît, d'autre part, inacceptable en
ce qu'il accorde peu ou pas de nouveaux droits au français, mais
institue par contre une série de nouveaux droits
pour la langue anglaise. C'est un projet de loi qui vise, à
consacrer un état de fait anormal, la domination de la langue de la
majorité québécoise. Le gouvernement Bourassa, en
présentant le bill 22, démontre à quel point en est rendue
la collusion entre ce gouvernement et les pouvoirs économiques
tout-puissants., Face à une telle démission gouvernementale, face
au refus du gouvernement d'assumer ses responsabilités politiques et de
faire des choix clairs et courageux, la FTQ ne peut que réclamer le
retrait et la mise au rancart du bill 22. Car ce bill nous ferait
carrément reculer sur le plan de l'affirmation de notre identité
linguistique. Qu'on revienne en nous offrant une loi qui fasse
véritablement du français la langue officielle du Québec.
Il sera temps ensuite de penser à une pièce législative
assurant que le français sera véritablement la langue de travail
au Québec. Le bill 22 ne nous donne même pas le français
comme langue officielle. En dehors de cette volonté minimale, comment
peut-on attendre du gouvernement qu'il permette aux travailleurs
québécois de travailler en français?
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier la
Fédération des travailleurs du Québec pour son
mémoire. H contient un bon nombre d'éléments
intéressants et je regrette que le temps ne me permette pas de tous les
relever.
Avant de poser une ou deux brèves questions, je voudrais apporter
quelques précisions qui jettent peut-être un éclairage sur
certaines des interrogations que contient le mémoire. La première
précision concerne l'inclusion de certains articles touchant la langue
du travail, de la négociation, dans le chapitre III du projet de loi
22.
Je tiens tout de suite à rassurer la fédération que
cette section apparaîtra également dans le code du travail. Il n'a
jamais été question de procéder autrement; il y a
intérêt à ce que le code du travail, pour des raisons qui
sont d'ailleurs citées dans le mémoire, forme un tout, une
espèce de charte. Il n'est pas anormal que les mêmes dispositions,
à la condition qu'il n'y ait pas contradiction, apparaissent dans deux
lois. Il était normal, par ailleurs, de manière que nous ayons
une véritable loi-cadre en matière linguistique, que nous
reprenions ces dispositions.
Le deuxième point sur lequel je peux également apporter
une précision, c'est que la réglementation pertinente aux
programmes de refrancisation ne sera peut-être pas déposée
dans ses versions finales lors de la discussion en commission élue,
c'est-à-dire article par article. Mais il en sera largement fait
état sur le plan des principes et même sur le plan des
dispositions, de manière que ne subsiste aucune ambiguïté,
en ce qui concerne l'application de ces program- mes. Il est certain
actuellement qu'avec la rédaction du projet de loi, il est difficile de
se rendre compte exactement de la portée de ces programmes.
Malheureusement, il était impossible de procéder autrement parce
qu'aucune législation au monde ne peut enfermer dans un texte toutes les
situations individuelles dont il faut tenir compte sur le plan de
l'application.
C'est la raison pour laquelle ce genre de législation comporte
presque inévitablement un pouvoir réglementaire important. Mais
il est évident que, pour que l'on puisse, sur le plan de l'opinion
publique, bien évaluer l'impact des textes, il faut que ce pouvoir
réglementaire soit précisé. Cela a toujours
été l'idée du gouvernement. Il y a également une
troisième précision qui concerne les subventions prévues
par l'article 31. J'ai dit, ici même à la commission
parlementaire, que le gouvernement ne tenait pas à cet article et que
s'il est interprété un peu comme le mémoire le fait, il
n'hésitera pas à le mettre de côté. Il est inclus
dans le projet de loi uniquement pour tenir compte de situations très
exceptionnelles. Il aurait peut-être été utile d'avoir ce
pouvoir, mais le gouvernement ne pense pas qu'il y ait lieu de subventionner
des entreprises pour qu'elles se refrancisent. Il n'en est vraiment pas
question dans son esprit. Je veux m'expliquer clairement là-dessus. En
revanche, il est évident que les programmes de refrancisation comportent
certains avantages d'ordre économique et, indirectement, certaines
sanctions. C'est l'instrument privilégié qu'a voulu choisir le
gouvernement. Je m'arrête là dans mes commentaires. J'en fais
très rarement, mais ils m'ont paru importants et les membres de la
commission me le pardonneront peut-être étant donné qu'ils
modifient de façon assez large certains aspects du mémoire.
Ma première question, que je souhaite brève, porte un peu
sur la façon dont, au sein de votre organisme, la consultation s'est
faite pour que vous en arriviez à une prise de position concernant le
projet de loi 22. Je n'ignore pas qu'il existe déjà, au sein de
votre fédération, des prises de position générales
sur la langue. Mais en ce qui concerne le projet de loi 22 plus
particulièrement, j'aimerais que vous me donniez quelques
explications.
M. DAOUST: En deux mots, ce mémoire découle
essentiellement des prises de position de la FTQ. Dans ce mémoire
à la commission Gendron que nous n'avons peut-être pas
distribué, que nous vous distribuerons, nous reprenons un peu
l'historique et le cheminement qui a été accompli à
l'intérieur de notre centrale et qui a débouché sur une
prise de position en matière linguistique. Disons essentiellement que
c'est au moment où se faisait ici même, à
l'Assemblée nationale, un débat sur un autre projet de loi qui
est devenu une loi, la loi 63, que les délégués de la FTQ
réunis en congrès en 1969, ici même à Québec,
se donnaient une politique linguistique. Par la suite, cette politi-
que a été explicitée dans un mémoire qui a
été soumis à la commission Gendron. Ce mémoire a
fait l'objet d'une approbation au niveau du bureau de direction de la FTQ, de
son conseil général qui regroupe des représentants, sur le
plan géographique et sur le plan professionnel, des syndiqués qui
sont affiliés à la Fédération des travailleurs du
Québec. Depuis la présentation du projet de loi 22, la FTQ, comme
un tas d'organismes, s'est mise à faire des sondages et des recherches
d'opinions à l'intérieur de ses rangs, a réuni un tas
d'instances, un tas de groupements et nous en sommes arrivés à la
rédaction de ce mémoire qui a reçu l'approbation du bureau
de direction de la FTQ et du conseil général de la
Fédération des travailleurs du Québec. Essentiellement,
sauf l'actualisation de certaines remarques à l'égard du projet
de loi 22, nous ne reprenons que les grandes prises de position de la FTQ,
entre autres à l'égard de la langue de travail.
Fondamentalement, nous avons toujours cru que la clé de
voûte d'une politique linguistique au Québec était la
langue de travail et qu'à moins qu'un gouvernement mette tout en oeuvre
et nous ne croyons pas aux incitations dans ce domaine pour que
les travailleurs québécois, à quelque niveau que ce soit,
puissent travailler dans leur langue, on va se payer de mots sur le plan d'une
politique linguistique.
M. CLOUTIER: Je vous remercie de ces précisions. J'en conclus
qu'il y avait déjà, au sein de votre fédération,
une politique linguistique qui avait été approuvée dans
ses grandes lignes par les membres et que votre mémoire est basé
sur les principes qui étaient contenus dans cette politique et vous en
avez tenu compte en essayant de juger le projet de loi 22.
Je ne sais pas cependant si je peux en conclure que le retrait du projet
de loi que vous demandez est souhaité par les 275,000 membres de votre
association.
M. DAOUST: Je suis porté à le croire et je peux vous le
déclarer de façon très catégorique. C'est entendu
que, comme tout autre organisme, on ne peut pas consulter nos membres à
tout moment et à toute occasion. Nos consultations se font surtout
à l'occasion des congrès. Mais les positions de la FTQ sur le
plan linguistique, qui ont été prises en 1969,
réaffirmées et radicalisées en 1971, et
réaffirmées de nouveau et un peu plus radicalisées en
1973, auraient le même accueil en ce qui concerne les positions que l'on
voit dans le mémoire de la FTQ.
M. CLOUTIER: Comprenez-moi bien. Mon intention n'est pas du tout de vous
mettre en difficulté. J'apprécie beaucoup le ton de votre
mémoire et votre façon de répondre, mais je suis quand
même obligé de vous poser cette question, parce qu'il se peut que
certaines personnes soient d'accord sur votre politique linguistique et ne
soient pas nécessairement d'accord sur le retrait de la loi 22 qui
arrive avec une politique linguistique. Il peut y avoir des nuances
d'interprétation. Le gouvernement pense avoir une politique linguistique
valable et il est possible que certains de ces 275,000 membres le pensent
également.
Je ne voudrais pas aller plus loin. Je crois que vous m'avez
répondu de façon satisfaisante. J'aurai donc deux courtes
questions maintenant. Une qui est un peu sectorielle et une autre qui est plus
large. La sectorielle, je l'utilise parce qu'elle est un peu symbolique, parce
qu'un certain nombre de personnes qui se présentent devant cette
commission semblent ne voir dans cette loi qu'une espèce de
consécration du bilinguisme. Vous citez l'article 24 en disant ou en
laissant entendre que c'est un peu votre façon d'évaluer au moins
cet article. Or, je vais le lire avec vous et je vais vous redemander si vous
maintenez votre opinion, à savoir que c'est une consécration du
bilinguisme.
L'article 24 est le suivant: "Les employeurs doivent rédiger en
français les avis, communications et directives qu'ils adressent
à leur personnel". C'est là l'établissement d'un principe
général; d'un principe général qui, dans l'esprit
de notre loi, consacre un droit collectif. Mais il y a un deuxième
alinéa qui n'a qu'une seule raison d'être, tenir compte des droits
individuels, c'est-à-dire des communications en ce qui concerne les
personnes. "Les textes et documents susdits peuvent cependant être
accompagnés d'une version anglaise lorsque le personnel est en partie de
langue anglaise".
Est-ce que ceci est vraiment la consécration du bilinguisme ou
est-ce que ce ne serait pas plutôt, et c'est l'esprit qui se retrouve un
peu partout, la consécration du français prioritaire et
l'acceptation du fait qu'il y a des anglophones qui ont certains droits sur le
plan individuel?
M. DAOUST: Ecoutez, dans le deuxième alinéa, on dit: Les
textes et documents peuvent cependant être accompagnés d'une
version anglaise lorsque le personnel est en partie de langue anglaise. On peut
difficilement imaginer une entreprise au Québec qui n'emploie pas
quelques personnes de langue anglaise. Et vous savez fort bien que, plus on
examine le profil d'une entreprise, plus on réalise que le personnel de
langue anglaise se trouve dans les postes les plus prestigieux de
l'entreprise.
Alors, n'importe quelle entreprise pourrait, en se basant sur les
dispositions de l'article 24, "bilinguiser" ses communications internes.
M. CLOUTIER: Est-ce que vous avouez cependant que le français
prioritaire est consacré pour la première fois de façon
très nette dans cet article de loi, même s'il est possible, compte
tenu des gens qui sont dans une entreprise, d'avoir des versions dans l'autre
langue?
M. DAOUST: II s'agit des communications, avis et directives qu'ils
adressent à leur personnel. La langue de travail va au-delà de
ça, dans le fond. Il y a cela, mais il y a autre chose.
M. CLOUTIER: On parle de ça en ce moment. Je souhaiterais une
réponse précise. Je comprends que c'est très difficile,
parce que votre pensée est nuancée. Mais est-ce que, dans cet
article, il n'y a pas consécration d'une priorité absolue au
français avec, sur le plan des droits individuels, la possibilité
d'utiliser une langue de communication?
M. DAOUST: Je ne peux pas voir une priorité absolue. Quand on
dit, pour reprendre les mots...
M. CLOUTIER: II y a une différence entre "doivent" et "peuvent"
parce qu'il ne faut peut-être pas préjuger.
M. DAOUST: Les documents pourront être traduits, compte tenu du
rapport...
M. CLOUTIER: Lorsque les besoins l'imposeront. Les besoins n'existeront
pas partout, parce que je vous rapporte à une étude
extrêmement intéressante de la commission Gendron, qui est
l'étude de M. Laporte, qui montre qu'il y a quand même un nombre
beaucoup plus élevé d'employés qui travaillent en
français au Québec. Elle cite le chiffre de 85 p.c, ce qui ne
règle pas le problème, parce que le problème se situe
à un autre niveau.
Je m'arrête là. Ma deuxième question, parce
qu'encore une fois ce n'est pas le lieu d'un débat. Je m'en excuse.
C'est la première fois que je fais, pour ma part, une petite incursion
dans ce domaine. Vous semblez faire une adéquation entre le pouvoir
économique et l'approche que devrait contenir une loi linguistique.
Partout dans votre mémoire et je trouve cela assez normal
de la part d'un syndicat vous parlez du pouvoir économique. En
même temps, vous vous opposez au contingentement, ce que vous appelez les
quotas. Je crois que vous avez tout à fait raison, même s'il y a
des organismes francophones qui souhaiteraient des contingentements; cela ne se
défend pas dans une économie quelle qu'elle soit, y compris
l'économie qui est la nôtre.
Est-ce qu'il n'y aurait pas là une espèce de
contradiction, parce que je me demande si vous ne souhaiteriez pas qu'on
utilise une loi linguistique pour au fond changer un équilibre de force,
c'est-à-dire le pouvoir économique, alors qu'il y a d'autres
moyens que le gouvernement a à sa disposition? La SDI, par exemple, va
tenir compte de ce facteur de pouvoir économique dans l'attribution de
ses subventions. C'est un autre problème.
Mais est-ce que vous croyez que c'est vraiment le lieu, lorsqu'on fait
une loi linguistique qui vise à déterminer la place du
français et la place beaucoup plus restreinte comme les groupes
francophones s'en rendent compte, de l'anglais? Est-ce que vous croyez vraiment
que ce serait le lieu, c'est-à-dire la loi linguistique, d'essayer de
reprendre en main le pouvoir économique?
M. DAOUST: C'est vous qui nous forcez, vous, le gouvernement, à
faire cette adéquation entre le pouvoir politique et le pouvoir
économique à cause de la teneur même du projet de loi qui
ne fait pas du français véritablement la langue de travail et qui
risque de "bilinguiser" et d'inscrire, dans des projets de loi, des droits
acquis à la langue anglaise.
M. CLOUTIER: "Ne fait pas du français la langue de travail", que
voulez-vous dire par là? Vous voulez dire qu'il ne fait pas
instantanément la langue du travail. Mais, est-ce qu'il n'y a pas, dans
cette loi, des mécanismes qui permettent de renverser une tendance et
qui permettent progressivement, compte tenu des difficultés que vous
connaissez mieux que quiconque, parce que vous êtes dans le milieu du
travail... C'est ce qui donne d'ailleurs de la valeur à votre
témoignage.
Les programmes de refrancisation, je crois qu'il est indéniable
que c'est là un progrès et que certainement cela va permettre
à des entreprises d'avancer. Etes-vous vraiment d'avis qu'il suffirait
de dire "le français est la langue de travail" pour que demain toutes
les entreprises...
M. DAOUST: Nous l'avons dit à plusieurs reprises. Nous ne croyons
pas que l'implantation du français comme langue de travail doit se faire
de façon rapide et immédiate. Ce n'est pas pensable. On a
toujours parlé de souplesse.
Par ailleurs, on ne croit pas non plus que cela puisse se faire en ayant
recours à l'incitation. Cela fait 100 ans qu'on incite les anglophones
au Québec...
M. CLOUTIER: Comment cela se fait?
M. DAOUST: ... à faire du français la langue de
travail...
M. CLOUTIER: Comment cela se fait, d'après vous?
M. DAOUST: ... et on régresse dans ce domaine.
M. CLOUTIER: Comment cela se ferait d'après vous,
brièvement?
M. DAOUST: Le rapport de force est tel que le pouvoir économique
impose, avec une facilité...
M. CLOUTIER: Bon.
M. DAOUST: ... déconcertante, les règles du jeu au
gouvernement dont vous êtes un des ministres.
M. CLOUTIER: C'est donc une question de pouvoir économique pour
vous.
M. DAOUST: C'est une question de pouvoir économique et c'est une
question d'absence de volonté gouvernementale de prendre ses
responsabilités et de faire du français la langue de travail.
M. CLOUTIER: Ah!
M. DAOUST: Ecoutez, ils ne sont pas masochistes. Ils ne viendront pas
vous dire, que ce soit le Conseil du patronat ou la Chambre de commerce: "De
grâce, imposez-nous le français comme langue de travail".
M. CLOUTIER: Comment cela se fait-il? Comment cela s'impose, le
français comme langue de travail?
M. DAOUST: Ils ne céderont pas des pouvoirs qu'ils ont acquis
depuis fort longtemps. Mais vous êtes le gouvernement du Québec,
vous pouvez imposer au pouvoir économique à moins que et
là, on devient soupçonneux il n'y ait une espèce
d'identité entre le pouvoir politique et le pouvoir économique,
mais si tel n'était pas le cas, vous pourriez imposer au pouvoir
économique la volontée, qui est celle de la population et des
travailleurs québécois, de faire du français la langue de
travail.
Ce sont des incitations polies. Que voulez-vous que je vous dise?
M. CLOUTIER: Je pense le contraire, mais je vous remercie d'avoir
répondu aussi gentiment.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je veux également remercier
le secrétaire général de la Fédération des
travailleurs du Québec de la qualité de son mémoire et lui
dire, en tout premier lieu, que c'était un témoignage très
attendu, comme d'ailleurs nous attendions avec beaucoup d'impatience le
témoignage de chacune des centrales syndicales du Québec.
Je dois vous dire, M. Daoust, que le mémoire de la FTQ est
d'autant plus satisfaisant qu'il intervient dans un domaine où,
jusqu'ici, très peu de groupes étaient intervenus de façon
aussi spécifique et attentive, par une étude aussi approfondie du
projet de loi dans le domaine du secteur de la langue de travail. Vous
connaissez l'intérêt que tous les Québécois ont pour
la question de la langue d'enseignement, suite au projet de loi 63 et à
sa répétition dans le projet de loi 22, ce qui fait que plusieurs
organismes ont fait porter l'essentiel de leurs remarques là-dessus. De
la FTQ, nous attendions ce témoignage, et je dois dire que vous nous le
donnez amplement.
J'ai suivi attentivement l'échange que vous avez eu avec le
ministre de l'Education. C'est un peu à la suite de ses questions et des
points qu'il a notés que je voudrais vous amener à
préciser davantage, puisqu'il a choisi d'arrêter cet
échange qu'il avait avec vous.
Est-ce que j'ai raison de dire que l'un des paragraphes de votre
mémoire qui résument le mieux la pensée de la FTQ quant
à la francisation des milieux de travail est celui qu'on retrouve
à la page 6, paragraphe 12. Vous y affirmez un peu le principe
général que je crois avoir retrouvé dans chacune de vos
positions, que vous n'êtes pas partisans de l'application
instantanée de l'unilinguisme français en milieu de travail, que
vous favorisez donc une implantation graduelle et nuancée, mais que vous
exigez au départ une affirmation de principe qui soit catégorique
quant à l'objectif.
Est-ce que vous reprochez au projet de loi 22... Si le ministre veut
continuer à participer à cet échange, soit, mais de
façon silencieuse.
M. CLOUTIER: Je m'excuse. C'est le chef de l'Opposition et moi qui
parlions...
M. CHARRON: Très bien!
M. CLOUTIER: ... je ne suis pas sûr que ce soit moi qui aie
commencé.
M. CHARRON: Est-ce que je peux inviter très poliment...
M. BURNS: A l'ordre, les garçons!
M. CHARRON: ... le ministre de l'Education à suivre le
débat.
M. CLOUTIER: Et le chef de l'Opposition â suivre ce
débat.
M. CHARRON: Concernant ce que M. Daoust vous a répondu tout
à l'heure, j'aimerais préciser. Par exemple, si l'article 24
vous l'avez incité à se prononcer était une
mesure temporaire, ou, si vous voulez, était l'application graduelle
mais devait arriver à l'application très nette du seul et premier
paragraphe de cet article 24, autrement dit si la version anglaise dont parle
le ministre comme un droit individuel, en deuxième paragraphe,
était une mesure que la FTQ reconnaît dans l'implantation
graduelle et nuancée, mais que ce Parlement, cette Assemblée, ce
Québec prenaient comme position nette que les employeurs doivent
rédiger en français les avis, communications et directives qu'ils
adressent à leur personnel, la position de la FTQ se trouverait, je
dirais, acquise dans le projet de loi et respectée dans le projet de
loi.
Ce que vous reprochez, ai-je raison de le dire,
au projet de loi, c'est que ce que vous considéreriez comme
étape graduelle d'implantation est ici établi comme objectif et,
point final, comme l'établissement d'une politique linguistique? Est-ce
que j'ai raison d'interpréter votre paragraphe de cette
façon?
M. DAOUST: Oui, vous avez raison. Fondamentalement, notre position est
la suivante, en peu de mots: Nous soutenons que le français doit
être la langue courante et normale de travail à tous les paliers
de l'activité économique. Pour y parvenir, nous rejetons toute
incitation. Nous optons de façon très nette pour une
législation. Par ailleurs, nous avons toujours mentionné qu'il
fallait que cette législation soit nuancée et souple et qu'on ne
peut y parvenir du jour au lendemain. Nous avions pensé qu'on devait
créer une Régie de la langue avec des pouvoirs véritables,
qui verrait à faire une étude de chacun des grands secteurs
professionnels qu'on retrouve dans une société comme la
nôtre, et qui prévoirait un programme d'implantation du
français comme langue de travail.
Dans certains cas, cela peut prendre deux ans, dans d'autres, cela peut
prendre cinq ans. Nous avons souhaité de plus que cette Régie de
la langue soit conseillée par des comités consultatifs où,
paritairement, les employeurs et les syndicats se retrouveraient et feraient
l'analyse de la situation.
Et encore une fois, sur le plan des principes, il faudrait qu'il y ait
une affirmation, une volonté très nette. Il faudrait, somme
toute, qu'on laisse tomber les méthodes d'incitation ou d'appels
à la bonne volonté qui, encore une fois, n'ont pas donné
grand-chose sur le plan du français, langue de travail, ici au
Québec.
M. CHARRON: M. Daoust, j'ai peut-être une ou deux autres questions
avant de laisser le temps à mes autres collègues de l'Opposition
de participer à ce débat. Vous êtes également le
premier organisme, non, peut-être à l'exception d'une autre
centrale, à être aussi catégorique ou à reprendre de
façon aussi catégorique les arguments quant à la
présence du pouvoir économique étranger aux
Québécois comme obstacle majeur pour l'implantation de la langue
de la majorité comme étant la langue de la vie économique
des Québécois. Vous affirmez dans le paragraphe 16, à la
page 8, ceci: "Nous croyons que, par voie de conséquences, dans un pays
dont les dirigeants ne craindraient pas d'affirmer et de faire respecter les
droits de la majorité, les francophones auront graduellement la part
dés postes de direction qui leur revient." Et ce, sans "quota", sans
incitation et tout ce qui est contenu dans le reste du paragraphe.
M. Daoust, je vous pose cette question. Est-ce que ce gouvernement et
est-ce que le Québec, dans son statut actuel, a la possibilité
d'avoir de ses dirigeants, qui ne craindraient pas d'affirmer, de faire
respecter les droits de la majorité sur le plan économique?
Est-ce que le Québec, dans sa situation actuelle,
bénéficie de tous les moyens dont il pourrait disposer pour
contrecarrer l'immense pouvoir économique qui lui est
étranger?
M. DAOUST: Je pense que oui. Par ailleurs, encore une fois, si le
débat linguistique se poursuit au Québec et si le gouvernement
insiste pour que son projet de loi soit adopté de la façon dont
il l'a soumis, même en tenant compte de certaines modifications, il
pourra peut-être faire la preuve qu'il est impossible, à
l'intérieur du régime politique que nous connaissons, sur le plan
constitutionnel, d'en arriver à débloquer au niveau d'une
politique linguistique qui soit à l'image de la majorité de ceux
qui composent notre société.
J'estime et la FTQ aussi, on l'a mentionné dans le mémoire
à la commission Gendron, que, quel que soit le gouvernement du
Québec, c'est dans la mesure où ce dernier aura la volonté
de faire du français la langue de travail et de faire en sorte que les
Québécois reprennent en main leur destinée sur le plan
économique, on pourra avoir satisfaction, mais cette volonté nous
semble absente dans le projet de loi tel qu'il nous est soumis. C'est cela, en
fait, qui nous bouleverse.
M. CHARRON: Une sous-question très simple et, par la suite, je
cède la parole aux collègues de l'Opposition. Autrement dit,
même dans le régime actuel et en admettant ces contraintes, vous
estimez que ce gouvernement n'est pas allé au maximum de ce qu'il
pouvait faire, avec les pouvoirs qu'il a et la volonté qu'il pourrait
avoir, pour faire du français la langue du Québec.
M. DAOUST: C'est vraiment le fond de ma pensée, Que le
gouvernement la fasse cette preuve. Il a tous les pouvoirs, pas sur tous les
plans, mais sur la plupart des plans. En tout cas, sur le plan des relations de
travail et de l'imposition du français comme langue de travail, il a ces
pouvoirs. A mon sens, il n'y a aucune espèce de contrainte, sauf celle
du pouvoir économique à l'intérieur de notre
société.
Ce ne sont pas des contraintes constitutionnelles, ce sont des
contraintes idéologiques, si vous voulez, ou des affinités
idéologiques qui se répercutent au moment de la rédaction
d'un projet de loi. Ce n'est peut-être pas vrai dans tous les domaines,
c'est vrai sur le plan de l'éducation. Le gouvernement les a aussi ces
pouvoirs. Sur le plan de l'immigration, il n'a pas complètement ces
pouvoirs. Il n'a jamais fait beaucoup pour les arracher à l'autre
gouvernement qui, lui, les a à peu près en globalité.
C'est cette absence de volonté qui, encore une fois, se manifeste depuis
fort longtemps, gouvernement après gouvernement et je trouve cette
indéci-
sion dangereuse sur bien des plans. Je sens que le pouvoir
économique et je ne suis pas le seul serait bien
obligé d'accepter un projet de loi beaucoup plus ferme. On l'a dit dans
le mémoire que nous avions soumis à la commission Gendron. Je
pense qu'on cite la G M, entre autres, qui a des usines partout dans l'univers.
Elle parle français à Strasbourg, italien en Italie, enfin je ne
vous répéterai pas ce que vous savez fort bien. Ce n'est pas la
seule entreprise multinationale. Ces gens sont habitués à
transiger dans toutes les langues et avec tous les pays de l'univers. Ils sont
habitués à respecter les collectivités nationales. Mais au
Québec, les grands gestionnaires du capitalisme, qu'ils soient
anglophones ou francophones ou quels qu'ils soient, de façon
générale sont anglophones ici au Québec. Ils se sont
approprié des postes et on l'a dit à de multiples reprises: La
minorité anglophone au Québec, c'est la plus riche, la plus
scolarisée, la plus choyée. Nous autres, on parle de
tolérance quand on fait état de cette chose. Pas nous autres,
mais certains parlent de tolérance.
Le pouvoir économique, à notre sens, est prêt et ne
demande peut-être pas mieux, mais qu'on cesse de lésiner et qu'on
manifeste beaucoup plus d'agressivité. Indépendamment du pouvoir
économique, il y a tout le peuple québécois, les
travailleurs québécois. On en a fait des batailles sur le plan de
la langue, à GM, à Firestone, à United Aircraft, et dans
des dizaines et des dizaines d'usines. On a toujours trouvé que
c'était inacceptable que les travailleurs soient obligés de
céder certains droits ou certains avantages sur le plan de la convention
collective de travail pour obtenir que le français soit la langue des
échanges, la langue de la négociation, la langue de la
défense des griefs.
Tous ces gens, en fait les travailleurs syndiqués, s'attendaient
que le gouvernement profite de la présentation d'une politique
linguistique, après les travaux de la commission Gendron et le
débat qui dure depuis dix ans, pour dire: On va prendre nos
responsabilités globalement, et on va foncer, on va s'en donner une
politique linguistique globale. Je pense qu'on le dit dans notre
mémoire. On ne peut pas blâmer les
Néo-Québécois d'envoyer leurs enfants dans les
écoles anglaises. Vous connaissez les statistiques aussi bien que moi.
La rentabilisation de l'instruction de nos jeunes en français, c'est
loin d'être prouvé, puisque, encore une fois, les postes les plus
prestigieux dans l'entreprise, les plus intéressants, les mieux
rémunérés, sont détenus par des gens qui
maîtrisent l'anglais d'abord, et de temps à autre, le
français.
On ne peut pas blâmer les Néo-Québécois, je
le répète, d'opter pour l'école anglaise, tant et aussi
longtemps qu'à l'autre bout de la ligne ou qu'au tout début du
processus, on n'a pas la certitude que ces enfants, si jamais ils
fréquentaient l'école française, comme on le souhaite,
puisent travailler dans la langue de la majorité des citoyens du
Québec.
M. CHARRON: Merci, M. Daoust.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais à mon tour
féliciter M. Daoust et la FTQ qui ont pris le temps qu'il fallait pour
nous préparer un mémoire qui est très bien
étoffé. Egalement, je veux féliciter M. Daoust pour le ton
qu'il a pris pour nous présenter son mémoire et la façon
dont il répond aux questions. Nous retrouverons dans le mémoire
qui est devant nous trois points sur lesquels nous serons, je pense,
immédiatement d'accord. Il s'agit, à la page 4, de
l'énoncé à l'article 7, lorsque vous parlez de
l'immigration, lorsque vous mentionnez que, selon vous, les immigrants
devraient obligatoirement être dirigés vers l'école
française.
C'est un point sur lequel vous nous trouverez d'accord, sauf que
j'aurais peut-être certaines questions à poser, mais je reviendrai
tantôt, une fois que je vous aurai expliqué l'autre point sur
lequel nous sommes d'accord sur votre énoncé. C'est celui du fait
que vous prétendez, je pense, à juste titre, que le bill 22, en
quelque sorte, n'apporte pas tellement d'avantages nouveaux au français,
mais confère beaucoup plus de privilèges à la langue
anglaise qu'elle n'en avait déjà. L'autre point sur lequel on est
d'accord immédiatement, c'est un point que nous retrouvons à
l'article 27, à la page 15, soit le retrait du bill 22. Alors, M. le
Président, je voudrais me reporter à l'article 7 en ce qui
concerne les immigrants qui, selon le mémoire, devraient être
orientés vers l'école française. Selon vous, cette mesure
serait vide de sens si l'on n'entreprenait pas parallèlement une
francisation énergique des milieux de travail, etc. Lorsque vous parlez
d'une francisation énergique des milieux de travail, est-ce que vous
avez des propositions assez nettes qui pourraient nous être
présentées sur la façon d'entreprendre, selon vous, cette
francisation énergique des milieux de travail?
M. DAOUST: A notre sens, il faudrait que, dans le projet de loi, il y
ait une affirmation de principe voulant faire du français la langue de
travail et imposant aux entreprises, quelles qu'elles soient, l'obligation
très nette d'implanter le français en ce qui a trait aux
activités, de quelque nature qu'elles soient. Nous avions proposé
la mise sur pied d'une Régie de la langue qui serait chargée de
veiller à l'application d'une telle disposition de la loi. Cette
régie, je le répète, selon nous, devrait être nantie
des plus grands pouvoirs qu'on puisse imaginer, qui découleraient
inévitablement de la loi et des règlements qui seraient
promulgués par la suite. Je vous ai mentionné, il y a un instant,
que nous avions proposé que cette régie se fasse aider dans ses
études par des gens du milieu, par secteur industriel, que,
paritairement, soient représentés, au sein de comités
consultatifs
pour l'implantation du français comme langue de travail, les
employeurs de tel secteur industriel donné ainsi que les syndicats qu'on
retrouve à l'intérieur de tel secteur. La régie serait
chargée de prévoir un programme et de prévoir des
modalités d'application et peut-être des exceptions dans certains
cas. Il saule aux yeux que, dans certains secteurs d'activités, il sera
essentiel pour certains groupes de travailleurs de maîtriser l'anglais.
Nous ne sommes pas complètement irréalistes. C'est entendu qu'on
l'a mentionné, dans bien des domaines, que ce soit pour la mise sur le
marché, la vente ou le tourisme, il faudra que des gens qui occuperont
certains postes puissent posséder et maîtriser l'anglais. Tout
cela pourrait faire partie des règlements d'une telle régie,
mais, encore une fois, il y aurait des programmes prévus, programmes
suggérés par un comité consultatif et, à la suite
des suggestions et des recommandations, la Régie de la langue
entérinerait les propositions qui lui seraient par la suite soumises par
tel comité consultatif. C'est un peu le fond de notre position. Si on
veut que les Néo-Québécois, quels qu'ils soient, puissent,
à l'égard de l'école française, être
attirés, pour qu'il y ait un magnétisme, si vous voulez, il faut
qu'éventuellement ils puissent se dire: Quand on travaillera, on pourra
franchir tous les échelons à l'intérieur d'une entreprise,
même si on ne maîtrise pas l'anglais, dans la mesure où on
possédera le français. On va rentabiliser à ce
moment-là la connaissance du français et on en fera une langue
utile. A ce moment-ci, ce n'est pas une langue utile. C'est la langue, on l'a
dit, du chômage et des emplois les moins bien payés.
Ce n'est pas la langue des postes les plus créateurs, les plus
prestigieux, les plus intéressants dans l'entreprise. C'est encore
l'anglais qui est cette langue. C'est lourd de conséquences sur tous les
plans qu'on puisse imaginer. Enfin, un Canadien français qui se retrouve
à un poste supérieur dans l'entreprise est obligé, par
mimétisme souvent, il n'a pas le choix, par obligation
inévitablement, de se mouler à la façon de penser de ceux
qui sont ses véritables "boss" et qui utilisent l'anglais. C'est
catastrophique pour une collectivité, et c'est d'autant plus
catastrophique que ça se retrouve encore une fois parmi les postes les
plus créateurs qu'on puisse imaginer à l'intérieur d'une
société. Il y a un tas d'exemples qu'on pourrait vous citer
là-dessus: Le bonhomme qui va lire surtout des journaux anglais, qui va
épouser la façon de penser des anglophones je parle du
francophone qui va même envoyer ses enfants dans des écoles
anglaises, qui va rejeter une espèce d'affirmation culturelle de son
groupe afin de plaire un peu plus au groupe dominateur dans notre
société.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! M. Daoust, je vous inviterais
à conclure. C'est que le temps de l'Opposition est terminé depuis
au-delà d'une minute et il reste au parti ministériel quatre
minutes pour poser des questions.
M. MORIN: M. le Président, ce n'est pas raisonnable, quatre
minutes, pour le gouvernement, pour les députés
ministériels. Je crois bien qu'étant donné qu'il est
déjà presque six heures, on pourrait se permettre, avec la
permission du ministre, d'aller jusqu'à six heures.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Si vous voulez, on va permettre aux
députés ministériels leurs quatre minutes, vous reviendrez
à votre question et on soumettra à la commission...
M. SAMSON: M. le Président, écoutez, j'ai eu le temps de
poser une question à peine. La réponse qui m'a été
donnée, même si elle a été un peu longue,
méritait qu'on lui donne le temps nécessaire. J'ai une couple
d'autres petites questions. Compte tenu du fait que, comme l'a dit le chef de
l'Opposition, il est près de six heures, on n'aura quand même pas
le temps d'entreprendre un autre mémoire, on devrait donc
considérer ce fait en vertu de l'article 8 de nos règlements qui
nous le permet.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Si vous me permettez, nous allons permettre
aux députés ministériels leurs quatre minutes et on
statuera sur votre proposition. Je pense que la commission va être
d'accord pour qu'on aille jusqu'à six heures; j'ose espérer.
M. SAMSON: On va statuer dès maintenant, la commission est
maître de ses travaux, en vertu de l'article 8. Si les membres de la
commission sont d'accord, on peut me permettre de poser mes deux autres
questions immédiatement. Je ne vois pas pourquoi...
LE PRESIDENT (M. Pilote): D'accord.
M. CLOUTIER: M. le Président, je pense que c'est à la
commission à vous donner une directive. Je n'ai absolument pas objection
à ce que l'on procède de cette façon, je pense que c'est
le genre de souplesse que nous avons toujours manifestée. Nous tentons,
lorsque nous sommes amenés à consacrer plus de temps à un
organisme, de compenser avec d'autres organismes. Je serais tout à fait
d'accord pour ma part. Si je comprends bien, le député de
Rouyn-Noranda voudrait terminer avant...
M. SAMSON: Oui, oui, tout simplement et ce ne sera pas long. Vous allez
voir qu'on va faire ça vite.
M. BURNS: Le député de Maisonneuve devrait avoir la
possibilité, après que les députés
ministériels auront posé leurs questions, peut-être de
poser une ou deux questions aussi.
M. MORIN: Et moi de même.
LE PRESIDENT (M. Pilote): La commission n'a pas objection à ce
qu'on siège jusqu'à six heures?
M. CLOUTIER: Aucune objection.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Merci, M. le Président. Faisant suite à la
réponse que nous a donnée M. Daoust, est-ce que je comprends bien
lorsque je vois qu'à l'article 13, vous mentionnez qu'à l'article
24 on ne prévoit pas tellement de sanctions advenant que les
intéressés contreviennent. Quel est, selon vous, le genre de
sanction qui devrait être prévu à cet article?
M. DAOUST: C'est très vrai que nous n'avons pu trouver les
sanctions dans ce projet de loi. Dans le code du travail, il y a des sanctions.
Dans certains cas, nous les trouvons fort peu élevées, quand il
s'agit du respect du droit d'association, mais il pourrait y avoir ce type de
sanction si une entreprise était mise à l'amende à la
suite du non-respect d'un règlement ou d'une disposition de la loi. Si
cette amende était assez élevée pour que cela fasse mal,
cela pourrait peut-être provoquer des résultats.
Mais je pense bien qu'un gouvernement pourrait trouver un tas de
sanctions. Les législateurs pourraient imaginer un tas de sanctions qui
donneraient à une loi, à celle-là, des dents, comme on
dit, et qui ne permettraient pas à qui que ce soit de pouvoir y
contrevenir à volonté. De façon fort précise, on ne
s'est pas penché sur ce problème, sur les sanctions, mais il y a
sûrement moyen d'en imaginer qui pourraient faire l'objet d'un respect
par leur seule nomenclature, au cas où un contrevenant ne respecterait
pas les dispositions de la loi.
M. SAMSON: Merci. M. le Président, une dernière question.
Vous avez réclamé le retrait du bill, en demandant qu'on revienne
en nous offrant une loi qui fasse véritablement du français la
langue officielle du Québec. Est-ce que, dans votre esprit, vous avez
déterminé un calendrier que vous pourriez proposer à la
commission quant à la date où cette loi devrait revenir devant le
Parlement?
M. DAOUST: Cela pourrait se faire très vite. Il suffirait que le
gouvernement accepte de présenter son projet de loi en l'amputant de
tous les articles, sauf l'article 1. Cela fait du français la langue
officielle. Pour ce qui est de la langue de travail, que voulez-vous, cela
pourrait être un peu plus tard, cela peut être à l'automne.
Cela ne peut pas tramer indéfiniment.
M. SAMSON: Est-ce que c'est là une sugges- tion de scinder le
bill en deux? L'article 1 pour faire un bill et les autres articles pour en
faire un autre?
M. DAOUST: Cela nous semblerait acceptable.
M. SAMSON: Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Taillon.
M. LEDUC: M. Daoust, un très bref commentaire. Je ne veux pas
vous féliciter pour votre mémoire, mes collègues l'ont
fait et je me joins à eux. La félicitation que je voudrais vous
faire, c'est que j'ai l'impression que cet après-midi, avant de vous
présenter à la commission, vous avez pris des cours de lecture
rapide, parce que vous avez présenté votre mémoire dans le
temps, sans trop commettre d'erreurs.
En fait, j'ai une seule question à vous poser, M. Daoust.
J'aimerais savoir si, d'après vous, la solution au problème
linguistique est directement reliée à la souveraineté
politique du Québec.
M. DAOUST: La réponse vous appartient bien plus qu'à
nous.
M. LEDUC: C'est vous qui témoignez devant la commission.
M. DAOUST: C'est ce que j'ai voulu dire de façon peut-être
un peu difficile à Claude Charron, député de
Saint-Jacques. Si le gouvernement persiste à nous présenter un
projet de loi comme celui-là, franchement, ce n'est pas montrable. Que
voulez-vous que je vous dise? Il y a un tas de gens qui vont se dire: Avec une
majorité aussi écrasante, 102 députés, avec un
gouvernement qui vient d'assumer le pouvoir il y a à peine quelques
mois, on n'en sortira jamais, à moins de penser à d'autres formes
politiques.
Vous aurez contribué, plus que n'importe qui au Québec,
par des techniques comme celle-là, à convaincre les gens qu'il
n'y a pas moyen de s'en sortir, à moins de chambarder l'ensemble du
système politique et de faire du Québec un véritable pays.
C'est pour cela que je vous dis que la réponse vous appartient. Si vous
n'avez pas cette volonté, encore une fois, de faire en sorte qu'on ait
une véritable politique linguistique globale sur tous les plans, qui en
soit une qui permette au francophone d'accéder à tous les postes,
sans être l'objet de discrimination, ou sans être obligé
d'oublier ce qu'il est, par voie de conséquence, il y a un tas de gens
qui vont se dire: II n'y a rien à faire. Parce que des gouvernements
aussi majoritaires que le vôtre qui viennent présenter un projet
de loi dans cette conjoncture politique, cela ne peut pas se
répéter fort souvent. On ne le souhaite pas.
Je pense bien qu'à ce moment-là, on va se dire: II n'y a
vraiment rien à faire. C'est par l'indépendance du Québec
qu'on y parviendra peut-être, à être maîtres chez nous
sur tous les plans et peut-être aussi sur le plan linguistique.
M. LEDUC: Cela va.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Laporte.
M. DEOM: M. Daoust, pour enchaîner sur la question additionnelle
que le ministre de l'Education vous avait posée, j'ai bien compris que
votre mémoire avait été préparé à
partir de la position antérieure de la FTQ. Ce qu'il m'intéresse
de savoir, parce que je pense que vous pourriez peut-être en profiter
pour expliquer à la commission quels sont les pouvoirs réels de
la FTQ, comparée à ses unions affiliées c'est: Est-ce que
vous pouvez me dire si ce pouvoir a été endossé
intégralement par les conseils de direction des unions internationales
qui sont affiliées à la FTQ? J'en nomme quelques-unes: le
Syndicat canadien de la fonction publique, les Métallurgistes unis
d'Amérique, les Ouvriers unis des salaisons d'Amérique, les
Ouvriers unis de l'automobile, etc.
M. DAOUST: Mon cher député de Laporte, je pense que vous
êtes passablement au courant du fonctionnement de la FTQ. La FTQ est un
lieu de concertation, c'est aussi un carrefour. Le bureau de direction de la
FTQ et le conseil général de la FTQ sont représentatifs
des 275,000 membres québécois de notre centrale. Ces instances
sont habilitées à se prononcer et à appuyer de tels
documents. Votre question est quelque peu insidieuse. Vous savez fort bien que
le conseil de direction du Syndicat canadien de la fonction publique,
l'exécutif, ou celui des Métallos ou des Salaisons, dans certains
cas, ce sont des conseils de direction pancanadiens ou même
internationaux. Je ne verrais pas on ne le souahaite pas, on ne le
ferait pas non plus qu'ils aient à se prononcer sur l'avenir
linguistique du Québec, pas plus que le gouvernement
fédéral, à ce moment-ci, a quoi que ce soit à
décider sur le projet de loi 22.
Je pense bien que vous n'accepteriez pas, quoi qu'il en pense, que
Pierre Elliott Trudeau vienne vous donner des directives à
l'égard du contenu de votre projet de loi.
M. DEOM: M. Daoust, vous déviez ma question. Si je ne m'abuse,
toutes ces unions internationales ont des directeurs québécois,
des exécutifs québécois.
M. DAOUST: II faut reprendre systématiquement, si c'est dans ce
sens.
M. DEOM: Alors, je reformule ma question. Est-ce que
l'exécutif...
M. BURNS: C'est un syndicat canadien. Ce n'est pas un syndicat...
M. DEOM: Le député de Maisonneuve... M. BURNS: ...
international.
M. DEOM: ... voudra bien me laisser la parole.
M. BURNS: Oui, mais vous vous trompez. M. DEOM: Je questionne...
M. BURNS: Vous vous trompez dangereusement.
M. DEOM: II me le dira.
M. BURNS: Le SCFP est un syndicat canadien.
M. DEOM: II me le dira.
M. DAOUST: Ecoutez, au sein du conseil général de la FTQ,
qui est composé d'environ 100 personnes, on retrouve les responsables de
l'immense majorité des syndicats qui font partie de la FTQ. Au sein du
bureau de la FTQ, vous le savez, on retrouve le directeur du Syndicat des
métallos, Jean Gérin-Lajoie; le directeur du SCFP au
Québec, Jacques Brûlé; le directeur du Conseil provincial
des métiers de la construction, André Desjardins; le directeur de
l'Organisation des travailleurs du vêtement, Saul Lynds; enfin, on
retrouve un tas de gens qui occupent des postes de direction. Ces gens
approuvent le mémoire évidemment.
M. DEOM: Vous ne voulez pas répondre à ma question. Je ne
sais pas si je...
M. DAOUST: Non, je veux bien y répondre, mais...
M. DEOM: Les instances québécoises des unions
internationales affiliées à la FTQ ont-elles appuyé ce
mémoire?
M. DAOUST: Les instances québécoises de ces syndicats ont
délégué leurs pouvoirs au conseil général de
la FTQ et au bureau de direction de la FTQ.
M. DEOM: Alors, c'est le représentant des instances
québécoises à la FTQ qui l'a approuvé et non les
instances exécutives québécoises. C'est ce que vous me
dites?
M. DAOUST: Si vous voulez, mais, par ailleurs, cela...
M. DEOM: J'ai une autre question...
M. DAOUST: ... n'annule ni n'atténue aucunement la
représentativité de la FTQ en ce qui a trait à ce
mémoire.
M. DEOM: On discutera cela en deuxième lecture.
M. DAOUST: En quoi?
M. DEOM : On verra en deuxième lecture.
M. DAOUST: Ah bon!
M. DEOM: M. Burns se chargera de faire la... Bon! Alors, à la
page 7, vous dites, à un moment: Enfin, pour nous...
M. BURNS: Vous présumez? M. CHARRON: Ramsès.
M. SAMSON: C'est une présomption de député !
M. DEOM: Je ne fais que m'amuser, M. le député de
Maisonneuve. Enfin, pour nous, il ne saurait y avoir de politique de
francisation uniforme, indépendamment des secteurs de travail. Et,
à la page 8, vous dites: L'article 35 énumère les
éléments des programmes de francisation. Il est permis de
supposer qu'il peut y avoir une infinité de programmes de francisation.
Vous répétez un peu ce que vous dites à l'article 7. Par
ailleurs, vous dites: Aucune norme n'étant émise et toute
latitude étant laissée aux entreprises.
Or, moi, je suis un peu confus. Vous dites: II y a une infinité
de politiques. Il faut tenir compte de différents secteurs. Il faut
tenir compte de la taille des entreprises, de la proportion des groupes
ethniques, de l'identité ethnique du propriétaire d'une
entreprise.
Je vous demande si l'article 35 ne fait pas justement cela?
M. DAOUST: L'article 35, comme la plupart des articles où il est
question de la francisation dans les milieux de travail, n'a aucun
caractère impératif.
On incite les entreprises à bien vouloir franciser le milieu de
travail et on leur fait voir qu'elles pourront peut-être obtenir des
certificats de francisation et peut-être éventuellement autre
chose. Mais il n'y a aucune obligation et c'est là notre
désaccord profond entre ce projet de loi, là-dessus tout au
moins, et le gouvernement. Nous soutenons qu'il faudrait qu'il y ait une
déclaration formelle faisant du français la langue de travail et
le faisant par voie de législation. Et c'est là qu'on parle de
souplesse dans notre approche.
M. DEOM: Là-dessus, je vous arrête. Qu'est-ce que c'est une
langue de travail?
M. DAOUST: C'est la langue de la majorité des travailleurs
québécois. Ce n'est pas l'anglais.
M. DEOM: Non, mais comment définissez-vous cela en termes
concrets? Pour prendre l'exemple...
M. DAOUST: La langue de travail, pour un francophone, est la langue
qu'il pourra utiliser sans être contraint d'en connaître une autre
pour accéder à des postes multiples à l'intérieur
de l'entreprise, tout comme le travailleur italien qui doit parler en italien,
ou le travailleur mexicain qui doit parler en espagnol ou le travailleur
japonais qui doit parler en japonais.
M. DEOM: Bon.
M. DAOUST: Je trouverais cela et vous aussi inconcevable
que la GM s'installe, je ne sais trop où, au Portugal ou en Espagne et
qu'elle dise à tel ou tel niveau et à peu près à
tous les niveaux: Vous, les Espagnols, vous les Italiens, vous serez tenus de
parler la langue du siège social de la GM, l'anglais. En fait, la langue
de travail pour nous, c'est le français.
LE PRESIDENT (M. Pilote): M. le député de Laporte, le
député de Maisonneuve a demandé la parole.
M. DAOUST: Et la langue de travail pour nous...
M. DEOM: Nous n'avons pas eu le temps qui était dévolu au
parti ministériel.
M. DAOUST: ... doit être le français au même titre
que l'anglais est la langue de travail pour les Ontariens, M. Déom.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je l'ai calculé et c'est passablement
égal de part et d'autre. Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Je ne veux pas brimer les droits du député de
Laporte.
M. DEOM: Non. Allez-y, M. le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. Daoust, je sais que peut-être pas vous-même,
mais le président de la FTQ fait partie du Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre. Est-ce que vous en faites partie
vous-même? Je m'excuse.
M. DAOUST: Non. C'est Jean Gérin-Lajoie qui...
M. BURNS: Ah! c'est Jean Gérin-Lajoie qui en fait partie. De
toute façon, je veux simplement établir un parallèle qui,
je vous le dis, M. le Président, au départ peut peut-être
paraître
comme étant hors d'ordre, mais il ne l'est pas du tout à
mon avis. Les articles 24 et suivants, sauf erreur, en tout ce qui concerne la
convention collective, qui est en français, "... l'arbitrage a lieu en
français, à moins que...", vous savez ce que je veux dire...
M. DAOUST: Oui.
M. BURNS: "... le grief est dans la langue de l'individu qui le formule,
etc." Je pense que cela a été soumis au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, sauf erreur. C'est bien cela?
Je suis frappé, entre autres, par les mots de l'article 26 qui
disent que les trois mots "à moins que" s'appliquent lorsque la
majorité des voix de ceux qui sont présents à
l'assemblée se sont prononcés d'une autre façon.
C'est-à-dire qu'à toutes fins pratiques, on dit que le
français est la langue de la négociation, que le français
est la langue d'opération du syndicat, mais cela peut être
changé lorsque la majorité des salariés présents,
j'insiste sur le mot "présents", à l'assemblée ont
voté d'une autre façon. En tout cas, l'article 26 dit: "Si, au
cours d'une assemblée régulièrement convoquée, les
salariés d'une association accréditée en décident
ainsi à la majorité des voix de ceux qui sont présents,
les conventions et écrits visés à l'article 25 sont
rédigés en anglais..." Alors, ceci résume le sens de
l'article 26, et se retrouve également à l'article 29: "Si au
cours d'une assemblée régulièrement convoquée, les
salariés d'une association accréditée en décident
ainsi à la majorité des voix de ceux qui sont présents, la
langue anglaise doit être utilisée dans les matières
visées au deuxième alinéa de l'article 28."
Le deuxième alinéa de l'article 28 concerne le grief qui
est déféré à l'arbitrage. Bon. On s'entend?
M. DAOUST: Oui.
M. BURNS: Ce qui me frappe dans ces deux articles, c'est que c'est
à la majorité des salariés présents. Je fais un
parallèle avec et c'est récent le ministre du
Travail à qui on a demandé s'il avait toujours l'intention de
légiférer en matière de lois "anti-scabs". C'est
peut-être là que le président va penser que je sors du
sujet, mais je vais y revenir, vous allez voir, cela ne sera pas long. En
matière de lois "anti-scabs", anti-briseurs de grève, le ministre
du Travail vous a également soumis un projet au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre. Dans ce cas, si on doit accepter qu'une loi
"anti-scabs" doive s'appliquer dans une unité de négociation, il
faudrait, selon l'opinion du ministre du Travail, que 60 p.c. non pas des
salariés présents à l'assemblée, mais de l'ensemble
de l'unité de négociation se prononcent en faveur de la
grève.
Je vois une espèce de disproportion entre les deux attitudes.
Deux attitudes d'ailleurs soumises et c'est cela qui est le lien, M. le
Président, c'est pour cela que je l'amène au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, à moins, M. Daoust, que
vous disiez que le deuxième cas n'a pas été soumis, mais
mes informations prouvent le contraire. Je pense que le cas de la loi
"anti-scabs" a été soumis au conseil consultatif. Dans un cas, on
dit: Si on décide que ce n'est pas la langue française qui
s'applique, la majorité absolue de ceux qui sont présents suffit
pour changer. Quand il s'agit de décider si une grève a
suffisamment d'importance pour empêcher un employeur d'utiliser des
briseurs de grèves, là c'est 60 p.c. non pas des salariés
présents, mais de toute l'unité de négociation qui doit
être le critère pour décider de la majorité.
La question que je vous pose est la suivante. Est-ce qu'à votre
connaissance, au conseil consultatif, on s'est posé des questions sur
cette divergence d'attitude?
Je vais vous dire tout de suite, en ce qui me concerne, que le fait
qu'une grève ait lieu ou n'ait pas lieu quelque part, je pense que cela
a un petit peu moins d'importance que le problème de la langue
officielle, si cela doit être, comme le dit le premier ministre, le
projet de loi historique, le projet de loi du siècle. C'est son
deuxième projet de loi du siècle.
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais le député de
Maisonneuve à conclure.
M. CLOUTIER: II est 6 h 5.
M. BURNS: On reviendra peut-être à 8 h 15
là-dessus?
LE PRESIDENT (M. Pilote): M. Daoust a donné sa
réponse.
M. BURNS: II n'a pas répondu à cela. C'est la
première fois, je pense, qu'on lui pose la question là-dessus.
J'aimerais au moins avoir les commentaires de M. Daoust là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Deux minutes.
M. DAOUST: Deux mots, oui. Il faudrait peut-être qu'il y ait
concordance dans l'application des règles démocratiques. Je ne
sais pas si on a fait état de cette espèce de divergence au
niveau du CCTM. Je ne sais pas.
Ce que je sais, par ailleurs, c'est qu'au niveau du CCTM, il y a un
consensus qui s'est établi chez les représentants syndicaux en ce
qui a trait à certaines dispositions de la loi. Nous ne souhaitons pas
que joue cette règle de la majorité pour le choix de la langue de
la négociation ou la langue du grief, pour plusieurs raisons, entre
autres, c'est encore une fois, conférer à l'anglais des droits
par voie de législation. Ce que nous souhaitons, c'est que les sentences
arbitrales soient rendues, le texte officiel, en français et la
même chose pour la convention collective de travail, qu'il y ait un seul
texte officiel, le français.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Daoust, représentant de
la FTQ de la façon dont il a présenté son
mémoire.
Je voudrais rnentionner que nous allons entendre ce soir le
Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, la
Federation of English-Speaking Catholic Teachers Inc., l'Association des cadres
scolaires du Québec, la Provincial Association of Catholic Teachers et
le Conseil du patronat du Québec.
La commission suspend ses travaux à ce soir 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 4)
Reprise de la séance à 20 h
M. PILOTE (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre,
messieurs! Les membres de la commission, pour la présente séance,
sont les suivants: M. Springate (Sainte-Anne), qui remplace M. Bérard
(Saint-Maurice), M. Charron (Saint-Jacques), M. Déom (Laporte), M.
Cloutier (L'Acadie), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Tardif (D'Anjou),
qui remplace M. L'Allier, M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger
(Lafontaine), M. Séguin remplace M. Parent (Prévost), M.
Déziel (Saint-François) remplace M. Phaneuf, M. Brown
(Brome-Missisquoi) remplace M. Saint-Germain, M. Roy (Beauce-Sud) remplace M.
Samson (Rouyn-Noranda) et M. Jacques Veilleux.
J'inviterais le Comité protestant du Conseil supérieur de
l'éducation, représenté par M. J. L. Mac Keen,
secrétaire, à bien vouloir s'avancer pour nous présenter
son mémoire.
M. SPRINGATE: M. le Président, je pense que vous allez entendre
cinq groupes ce soir dans l'espace de trois heures; croyez-vous que nous allons
passer les cinq groupes? Sinon, est-ce que, par politesse, nous ne pourrions
pas libérer les deux ou trois groupes qui, comme Provincial Association
of Catholic Teachers, sont ici depuis neuf heures trente ce matin? Est-ce qu'il
vont passer ou non? Sinon, est-ce qu'on peut les libérer?
M. MORIN: Avant que nous ajournions, plus tôt aujourd'hui, M. le
Président, j'allais vous faire une suggestion. Je ne sais pas pourquoi
j'ai hésité à le faire. J'allais vous suggérer que
peut-être si on en fait trois ce soir, c'est un maximum puisque nous
avons trois heures devant nous. Je n'en fais pas une proposition en bonne et
due forme, parce que ça ne me paraît pas indiqué, mais
peut-être une suggestion que nous pourrions libérer les deux
derniers. Cela ne me paraît pas réaliste de penser qu'on puisse
passer au travers de cinq groupes quand, jusqu'ici, aujourd'hui, on n'en a fait
que deux.
M. CLOUTIER: M. le Président, je serais d'accord sur cette
suggestion, pour ma part. Je serais d'accord également pour que nous
reconvoquions ces groupes, s'ils le souhaitent, à moins qu'ils ne
préfèrent se contenter de déposer leur mémoire. Je
serais même d'accord pour reconvoquer le groupe que nous n'avons pu
entendre hier soir. Il faut bien dire qu'il y a eu une querelle de
procédure qui a duré à peu près une heure, et je ne
voudrais pas que ce soit les groupes qui viennent se présenter devant la
commission qui en fassent les frais. C'est la raison pour laquelle
j'accepterais volontiers la suggestion du chef de l'Opposition et nous
pourrions libérer les deux derniers groupes, c'est-à-dire le
Provincial Association of Catholic Teachers et le Conseil du patronat en
nous
excusant. Les travaux parlementaires ne sont pas toujours faciles
à prévoir.
C'est ainsi, par exemple, que nous espérions commencer les
travaux de la commission à quatre heures cet après-midi, mais les
circonstances ont été telles que nous n'avons pu commencer avant
quatre heures trente. Il faut donc ne pas nous en vouloir et, si vous le
souhaitez, nous vous reconvoquerons la semaine prochaine, sinon nous
accepterons vos mémoires, dont nous tiendrons compte.
M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter,
à l'intention de ces deux associations, que nous tenons beaucoup
à les entendre? Qu'il s'agisse de la Provincial Association of Catholic
Teachers, qu'il s'agisse du Conseil du patronat, je crois que ces deux groupes
sont importants et qu'ils auraient sans doute des éléments de
réflexion à nous apporter. Si nous ne pouvons les entendre, ce
soir, qu'ils comprennent bien que ce n'est que partie remise dans notre esprit
et que nous les invitons instamment à revenir.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: J'ajoute simplement, M. le Président, que ceci
montre bien, comme je l'ai dit ce matin, lors de ce débat sur la
procédure, que le gouvernement n'a qu'un seul désir, c'est de
permettre à ceux qui viennent ici de s'exprimer. Mais il est
obligé de tenir compte, sur le plan des convocations, du
règlement. Il lui est impossible de prévoir de façon
absolument exacte combien de temps prendra l'audition de tel groupe. C'est la
raison pour laquelle, je me suis permis ce matin d'insister sur la
nécessité de respecter le règlement avec toute la
souplesse voulue, dont voici la meilleure démonstration.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je crois savoir que les membres de la
commission sont d'accord sur ce qui a été proposé par
l'honorable député de Sainte-Anne. Nous entendrons ce soir le
Comité protestant du conseil supérieur de l'éducation, The
Federation of English-Speaking Catholic Teachers Inc. et l'Association des
cadres scolaires du Québec.
J'inviterais M. J. L. MacKeen, secrétaire du Comité
protestant du conseil supérieur de l'éducation, à bien
vouloir s'approcher et identifier ceux qui l'accompagnent.
M. CLOUTIER: Non, non absolument.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je voudrais vous informer, avant que vous
procédiez à votre mémoire, que vous avez 20 minutes, si
c'est possible de le faire dans 20 minutes. Le parti ministériel a 20
minutes pour vous poser des questions. Et l'Opposition autant du Parti
québécois que du Parti créditiste a 20 minutes. La
séance devrait durer une heure.
M. MacKeen.
Comité protestant du Conseil supérieur
de l'éducation
M. SLINGERLAND: En effet, je suis le porte-parole de ce groupe selon la
décision du comité protestant, et je m'appelle M.
Slingerland.
M. le Président, M. le ministre, honorables
députés, je vous remercie pour l'occasion que vous me donnez de
présenter, de vive voix, l'avis et les critiques que nous voulons
construc-tives du Comité protestant. Afin de nous introduire, je vous
présente M. Lloyd MacKeen, qui est le secrétaire du Comité
protestant et ancien directeur général d'une commission scolaire;
M. Langdon Fuller qui est directeur général de la Commission
scolaire protestante de Saint-Maurice et membre du Comité protestant et
moi-même, Francis Slingerland, professeur de génie
mécanique à l'université Laval et membre du Comité
protestant.
Comme vous le savez sans doute, le Comité protestant est un des
deux comités confessionnels du Conseil supérieur de
l'éducation. Notre responsabilité, en partie décisionnelle
et en partie consultative, consiste à nous assurer du caractère
confessionnel des écoles protestantes et des aspects concernant
l'instruction morale et religieuse dans ces écoles. Le comité est
formé de quinze membres dont un tiers à peu près
représentent les confessions protestantes, un tiers, les parents
protestants et un tiers, les éducateurs protestants.
Chaque réunion mensuelle de notre comité est
doublée de visites à une commission scolaire protestante pour
pouvoir prendre le pouls des attitudes et des opinions de ceux que nous
essayons de représenter. Je vous offre trois remarques
préalables. D'abord, nos remarques sont limitées au chapitre V de
la loi, qui traite de la langue de l'enseignement, seul chapitre où nous
avons un mandat légal à accomplir. De même, nos remarques
se tiennent principalement aux aspects confessionnel et moral de cette loi.
Deuxièmement, nous partageons entièrement le souci du
gouvernement de protéger la langue française et d'en faire la
langue prioritaire du Québec, à condition que les moyens
employés soient justes et pratiques. Troisièmement, nous ne
préconisons pas ici la pleine liberté de choix des parents
concernant la langue d'enseignement de leurs enfants.
Maintenant, je commence à vous exposer les points que nous avons
soulevés dans notre avis et la numérotation de mes commentaires
suit effectivement la numérotation des points de notre avis. Le premier
est que la loi tend à entretenir l'illusion d'une base linguistique des
commissions scolaires, tandis que cette base est confessionnelle, et cela
depuis son début, avant même la confédération.
Cette division confessionnelle a été
réitérée plusieurs fois depuis, par exemple dans le bill
60 établissant le ministère de l'Education, encore dans la Loi du
Conseil supérieur dont nous sommes les créatures.
M. le ministre répondra sûrement que rien, dans le bill 22,
empêche la continuation de cette politique. Nous ne sommes pas si
facilement rassurés, parce que nous avons remarqué
récemment plusieurs publications du ministère qui tendent
à confondre l'école française et anglaise sans
spécifier la confessionnalité de l'école dont il
s'agit.
Nous avons aussi remarqué une tendance à négliger
l'existence même non seulement de l'aspect confessionnel, mais
quelquefois de l'aspect protestant de l'éducation. Je cite, un exemple,
la directive récente 2701, concernant le conseiller en éducation
chrétienne et l'animateur en pastorale. Les termes, le contexte de cette
directive sont tellement clairement catholiques qu'ils ne sont pas applicables
au contexte protestant sans modifications majeures. Mais cette directive
s'adressait à toutes les écoles de la province.
Ces erreurs témoignent non pas, nous en sommes assurés,
d'une volonté de rejet de l'aspect confessionnel ou protestant de
l'éducation, mais plutôt d'un manque de soin. C'est justement cela
qui nous pousse à suggérer que l'aspect confessionnel doit
être beaucoup plus clairement explicité au chapitre 5 du bill
22.
Notre deuxième point, c'est que, quoique les droits linguistiques
d'un immigrant soient peut-être discutables, son droit à la
liberté de conscience et à l'option religieuse ne l'est pas. Tout
enfant d'immigrant de foi protestante doit donc jouir du droit de s'inscrire
dans une école francophone du système protestant plutôt que
catholique. A notre connaissance, aucune commission scolaire protestante n'a
été approchée par le ministère de l'Education en
vue d'établir, dans une école protestante francophone, un
système d'accueil des immigrants tel que cela existe dans d'autres
écoles depuis un an.
Je cite à cet égard un article publié dans
Education Québec, volume 4, no 5, "Les immigrants à
l'école francophone", qui dit en partie ce qui suit: "Le
ministère de l'Education a donc élaboré des mesures
spéciales dans l'espoir d'amener les immigrants à l'école
française. Ils sont exemptés de l'enseignement religieux
catholique s'ils sont d'une autre confession".
Cela implique clairement, à notre avis, que l'école
française est catholique, et cela ce n'est pas catholique.
Troisièmement, nous croyons que ce bill ignore ou tend à
négliger l'existence surtout à Montréal mais aussi
ailleurs dans la province d'un bon nombre d'écoles protestantes
francophones. Là, je ne parle pas d'immersion d'anglophones, mais
plutôt des écoles où la très grande majorité
des élèves sont de langue maternelle française. Plusieurs
de ces écoles élémentaires existent aussi une
école secondaire dans la région de Montréal et
seraient prêtes à accueillir presque tous les immigrants de foi
protestante à la fois dans une culture française et dans une
ambiance protestante. Ambiance qu'il me fera plaisir de vous expliciter plus
tard.
Maintenant, pour changer de sujet; je veux passer au point 5. Nous
décelons dans ce bill une discrimination contre les Indiens qui vivent
en dehors du Nouveau-Québec et qui ne jouissent pas de la
facilité offerte aux Indiens et aux Inuit du Nouveau-Québec de
recevoir leur instruction dans leur propre langue. Prenons, par exemple, les
Indiens de Maniwaki, de Shefferville qui souffrent, je vous l'assure, d'une
anomalie culturelle lamentable qui découle, en bonne partie, de la perte
de leur langue comme langue d'instruction et, éventuellement, comme
langue d'usage. Situation que vous comprenez très bien. Il nous parait
immoral de les priver d'une facilité dont jouissent leurs proches
voisins au nord.
Sixièmement, le bill manque de précision et de
clarté et, de ce fait même, ouvre la porte à l'arbitraire,
à la variation géographique des décisions des
fonctionnaires à tous les niveaux, et je vais vous citer quelques
exemples que nous décelons de cette imprécision. Prenons les deux
premières phrases du paragraphe 48 qui disent en effet: "L'enseignement
se donne en langue française mais peut se donner en langue anglaise". En
bon anglais nous voyons là des "weasel words".
Deuxièmement, dans la deuxième phrase du paragraphe 48, il
est mentionné que le ministre a le droit d'autoriser le commencement ou
la cessation d'un enseignement de langue anglaise dans les écoles.
Sur quels critères se base le ministère pour prendre sa
décision? On ne nous en dit rien. La deuxième obscurité:
les élèves qui connaissent suffisamment les langues, on en parle
dans l'article 49. Qui va décider qu'est-ce qui est suffisant et comment
le définir? On dit aussi que les commissaires d'une commission scolaire
doivent trier leurs enfants, eu égard à leurs aptitudes dans la
langue d'enseignement. Qu'est-ce qu'on définit comme aptitudes? Et qui
va régir le système qui mesure ces aptitudes?
On dit, à l'article 51, que le ministère peut imposer
certains tests qui semble doubler les tests que, sûrement, les
commissaires imposeraient pour trier les enfants. Dans quelles conditions ces
tests s'imposeraient-ils? Toujours, occasionnellement, en cas de conflit entre
les commissaires et le ministère? On ne sait rien. A quoi donc rime tout
ça? La réalité peut varier entre le maintien du statu quo
qui offre une protection inadéquate au français, qui serait la
crainte, je crois, des extrémistes francophones de la province, ou
jusqu'à l'autre extrême de l'éventuelle abolition de la
langue anglaise dans la province de Québec, qui serait la crainte des
extrémistes anglophones. Donc, imprécisions et trop de pouvoirs
arbitraires.
Pour passer maintenant au point 4 de notre avis, vous mentionnez les
tests imposés aux
enfants. Nous y voyons les mêmes possibilités de distorsion
des règles du jeu, d'injustice, que l'on a vues au sud des Etats-Unis
lors des tests d'admission au droit de vote administrés aux
nègres. Si vous trouvez ça un peu exagéré, prenons
un cas plus près de chez nous. Imaginons les commissaires de
Saint-Léonard, il y a peu de temps, sous le coup de pressions
énormes de tous côtés. Quelle confiance aurait-on dans la
possibilité d'avoir des critères de triage justes, invariables,
qui s'imposent de façon pratique à des petits enfants? Admettons
que notre vie est régie en large mesure par des décisions de
fonctionnaires. Mais celles-ci, en touchant tout l'avenir linguistique de
l'enfant, sont particulièrement importantes et nous semblent
insuffisamment contrôlées.
Finalement, notre point 7 que je divise en deux parties.
Le bill constitue un empêchement pour tous les citoyens et surtout
pour les anglophones, à chercher une compétence dans leur langue
seconde. Parlons d'abord des protestants anglophones. Il y a trois
façons d'acquérir la langue seconde, autres que l'osmose dans la
rue. Il y a, primo, les cours d'instruction de langue seconde mentionnés
à l'article 52, et je dois vous assurer que cela existe
déjà, dès la première année, dans toutes les
écoles protestantes anglophones.
Deuxième méthode, les cours d'immersion,
généralement commençant tôt à
l'élémentaire, où toute matière s'enseigne en
français. Troisièmement, la possibilité de transplantation
de l'enfant dans une école francophone pour une période longue ou
courte. Cette méthode peut être doublée par les deux
autres. Maintenant, nous croyons que ces trois méthodes, cours
d'instruction de langue, immersion et transplantation sont d'efficacité
croissante et que la troisième, surtout s'il y a un transfert aussi
interconfessionnel, est la seule qui puisse fournir une vraie sympathie,
compréhension du vécu, du ressenti de la culture française
et de la foi catholique.
J'ai fait usage avec succès de cette méthode
moi-même pour mes quatre enfants et à peu près un tiers des
gens de ma connaissance, anglophones protestants, font de même. Or, le
bill 22 porte une grave atteinte contre la méthode 2 d'immersion,
surtout si on commence dès le niveau de la maternelle où la
connaissance préalable et nécessaire de la deuxième langue
n'existe pas et ferme quasiment la porte contre la méthode 3. Nous
croyons que cela va contre l'esprit même du bill qui veut promouvoir la
langue française.
Le bill reconnaît déjà, à l'article 52, la
non-symétrie du contexte linguistique dans lequel nous vivons. Pourquoi
donc ne pas permettre, à l'article 49, cette même sorte
d'asymétrie en permettant à la communauté anglophone une
immersion libre, un transfert libre pour s'instruire en français? La
deuxième partie du 7e point, c'est ceci et ce n'est nullement une
réclamation, mais plutôt une suggestion amicale, fraternelle, que
nous offrons à nos confrères catholiques de langue
française.
Est-ce que pour vous aussi la privation des méthodes 2 et 3
que je viens de mentionner d'apprentissage de la langue seconde
constitue un prix trop élevé et, à la longue, peu efficace
dans la protection de votre langue? Est-ce qu'il y a, dans le contexte
nord-américain, un danger de créer un ghetto
économiquement dépourvu? Vous n'avez même pas, vous autres,
dans le bill l'assurance dont nous jouissons de la méthode 1
d'apprentissage de la langue seconde dans l'article 52. Est-ce que ça ne
consiste pas à lier la main gauche d'un droitier derrière son dos
pour pouvoir rendre le bras droit plus fort?
Est-ce qu'on est en train de créer deux races de
Québécois francophones? Notons bien que cette privation, si tel
est le cas, pèse sur les pauvres qui ne pourront pas se payer le luxe de
leçons préparatives dans la langue seconde. Enfin j'ose jeter une
petite somme de désaccord en suggérant qu'il serait
peut-être intéressant et instructif de s'informer des options
linguistiques des membres du gouvernement quant à l'éducation de
leurs enfants.
Merci de la bonne attention que vous m'avez donnée.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je désire remercier le
Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation.
J'ai écouté sa présentation avec intérêt et
j'ajoute avec respect. Le Comité protestant du Conseil supérieur
est un organisme créé par la loi. Le ministre de l'Education y a
souvent recours, comme, d'ailleurs, au Comité catholique, ce qui ne
signifie pas que je suis d'accord sur toutes les prises de position des
organismes consultatifs qui gravitent autour du ministère.
J'apporte trois précisions avant de poser deux questions. La
première précision concerne votre assertion à savoir que
le projet de loi 22 ne reconnaît guère l'existence de deux
systèmes scolaires confessionnels au Québec. Il est exact que le
projet de loi 22 n'en parle pas, mais il n'y pas à en parler. De toute
façon, les deux systèmes confessionnels sont établis par
la constitution; ils sont établis, par ailleurs. En droit et les
légistes parmi nous vous l'expliqueront le fait que le projet de
loi 22 n'en parle pas ne change strictement rien à la situation.
La deuxième précision que je désire apporter
concerne cette question de cours d'immersion dans le secteur anglophone. Il y a
peut-être là une interprétation difficile à faire
et, s'il est nécessaire d'apporter un éclaircissement par
amendement à un article du chapitre V, nous le ferons. Ce n'est
certainement pas l'esprit de la
loi de vouloir empêcher l'utilisation des méthodes
d'immersion dans un secteur comme dans l'autre, d'ailleurs.
En ce qui concerne, toujours dans la même perspective,
l'inscription d'élèves anglophones dans le secteur francophone,
cette inscription est soumise, dans un souci d'éviter toute
discrimination, exactement aux mêmes critères qui s'appliquent
à tous les citoyens dans la rédaction actuelle du projet de loi,
à savoir une certaine compétence linguistique, une connaissance
suffisante de la langue du secteur d'enseignement, de sorte que l'inscription
devient possible, d'autant plus que, dans le secteur anglophone, l'enseignement
du français est de plus en plus satisfaisant. Il n'y a pas de doute
qu'à un certain degré, si un élève anglophone
désire s'orienter ce que je souhaite, pour ma part vers le
secteur francophone et s'il a acquis la connaissance suffisante pour le faire,
c'est parfaitement possible.
Troisième précision, en ce qui concerne les Inuit et les
Indiens, il y a là un point intéressant et je vais certainement
vérifier ce qui peut être fait. L'article n'a reconnu que la
Commission du Nouveau-Québec, parce que la Commission du
Nouveau-Québec est une commission scolaire qui s'occupe exclusivement
des Inuit et des Indiens et qui a comme clientèle des Inuit et des
Indiens. Nous avons introduit au ministère de l'Education une approche
qui est basée sur l'enseignement de la langue maternelle en premier
lieu, ensuite qui permet l'enseignement du français.
Je vais voir s'il n'y a pas intérêt, et je remercie le
Comité protestant d'attirer mon attention là-dessus, à ce
que l'on puisse tenir compte également des Indiens ailleurs, bien que
ceux-ci se trouvent peut-être dans une situation un peu différente
puisqu'ils sont appelés, n'étant pas dans une région
homogène, à s'intégrer à l'école
francophone. Mais je veux simplement citer mon intérêt pour
l'instant.
Mes deux questions sont les suivantes: Premièrement, je voudrais
savoir en quoi le fait d'administrer des tests, quels qu'ils soient, constitue
"un processus odieux et injuste empiétant sur les droits humains des
enfants". Je dois faire remarquer au Comité protestant du conseil
supérieur de l'éducation qu'il y a des centaines de tests qui
existent, que toutes les commissions scolaires appliquent des tests. Il y a des
tests dans le domaine des mathématiques, dans le domaine des niveaux des
connaissances linguistiques. Il y en a en anglais, il y en a en
français. Il est à peu près impossible à notre
époque d'avoir une pédagogie valable si on n'utilise pas les
tests. J'ose croire, M. le Président, que tous les tests que nous
utilisons au ministère de l'Education, directement ou indirectement,
n'entament pas un processus "odieux et injuste empiétant sur les droits
humains des enfants". J'aimerais avoir quelques éclaircissements.
M. SLINGERLAND: Je vous fais remarquer, en réponse, deux points.
Au point 4 de notre avis, nous disons: Les tests administrés pourraient
constituer un processus odieux et injuste.
M. CLOUTIER: Donc vous admettez que ça peut ne pas être le
cas?
M. SLINGERLAND: Non, ça peut ne pas être le cas, mais
ça peut l'être aussi. J'ai essayé, en citant un exemple de
Saint-Léonard, de donner un cas d'espèce où on peut
craindre une mauvaise administration de ces tests sous la pression locale
très forte. Voilà ce que nous voulions dire par là. C'est
ouvert à un mauvais usage.
M. CLOUTIER: Alors ce n'est donc pas un jugement général
sur les tests, il s'agirait de l'application des tests.
M. SLINGERLAND: D'accord et j'ai mentionné aussi dans mes
remarques que toute la vie est régie par toutes sortes de
décisions fonctionnaristes, mais il s'agit ici d'un test qui est
tellement important qu'il faut que ce soit très bien
protégé, et nous ne voyons pas les protections nécessaires
dans la loi.
M. CLOUTIER: C'est pour une raison qui est tout à fait
compréhensible, et je crois qu'il faut que vous en teniez compte dans
votre évaluation. La raison est la suivante, c'est qu'il n'est pas
possible, dans le cadre d'un projet de loi aussi complexe, d'apporter des
précisions qui relèvent du pouvoir réglementaire. Le
problème est exactement le même en ce qui concerne les programmes
de refrancisation. J'ai eu l'occasion de donner des explications cet
après-midi à ce sujet-là. Nous avons l'intention, lors de
la discussion en commission élue, lorsque nous prendrons chaque article
un après l'autre, d'apporter toutes les précisions
nécessaires pour que l'on puisse mesurer, non seulement la portée
de ces tests, qui sont des tests objectifs, mais également la
façon dont ils seront appliqués.
Ma deuxième question est plus importante à beaucoup de
points de vue et j'aimerais que vous m'expliquiez quelle est
l'interprétation que je dois donner à la phrase suivante: "Nous
soutenons que l'anglais détient un statut spécial qui devrait
être reconnu". Je pense que le député de Saint-Jacques se
fera un plaisir de vous expliquer quels sont vos droits en matière de
langue dans le projet de loi 22. Il vous dira que l'anglais conserve des
droits, ce que nous avons souhaité faire d'ailleurs, parce que
même si nous voulons donner la priorité au français, et
nous le faisons d'une façon extrêmement claire, ce qui se traduit
par une certaine restriction de l'usage de l'anglais, nous ne voulons pas
brimer les droits individuels. Je laisse donc au député de
Saint-Jacques l'occasion de s'exprimer à ce point de vue-là. Mais
je voudrais tout de même vous entendre, parce que je me demande si votre
phrase n'implique pas que vous considére2
que le projet de loi 22 ne protège pas suffisamment les droits de
l'anglais ou les droits que vous vous reconnaissez.
M. SLINGERLAND: J'ai essayé d'expliquer cela. Ce n'est pas le
droit du maintien de l'anglais, à cet égard, je dois vous assurer
que la plupart d'entre nous ne sont pas inquiets là-dessus. Mais c'est
plutôt cette autre liberté que j'ai mentionnée
étant donné la sécurité linguistique dans laquelle
nous vivons, les anglophones, entourés de plusieurs centaines de
millions d'anglophones de pouvoir transférer nos enfants dans une
école francophone pour pouvoir mieux absorber la deuxième langue.
Cela, c'est un droit que nous voudrions conserver, que nous détenons
actuellement selon le bill 63, tout comme les francophones, d'ailleurs.
M. CLOUTIER: Puisque votre remarque semble s'appliquer uniquement au
secteur scolaire, ce que je comprends, parce que c'est tout de même votre
juridiction, je crois comprendre que votre inquiétude tournerait autour
de ça. Mais j'y ai répondu en disant que lorsqu'un enfant aura
une connaissance suffisante de la langue d'enseignement, rien ne le lui
interdira, s'il le désire. Je dois dire qu'il n'y en a pas tellement qui
le désirent parce qu'il n'y a pas plus de 8,000 enfants anglophones dans
le secteur francophone sur une population scolaire totale de 1,400,000. Alors,
vous voyez tout de même l'importance des chiffres.
Mais il reste que ce droit est maintenu mais soumis à une
condition qui est une condition d'ordre pédagogique. Dois-je conclure,
à la lumière de tout ça, que vous êtes d'accord sur
les principes généraux de la loi 22?
M. SLINGERLAND: Je crois que oui. Nous sommes d'accord sur l'effort de
donner à la langue française une priorité dans la province
de Québec. Et tout ce que nous voulons nous assurer, c'est que cette
voie soit juste et suffisamment claire, que ce soit applicable, et nous
craignons, comme je l'ai signalé, certaines imprécisions qui
laissent trop de libertés, il nous semble, aux décisions de
fonctionnaires.
M. CLOUTIER: Bien, je peux vous affirmer que s'il y a des
ambiguïtés, elles disparaîtront lors du débat. C'est
d'ailleurs l'une des difficultés d'aller en commission parlementaire
après la première lecture, ce que notre règlement ne
permet que depuis peu de temps, depuis une révision relativement
récente. La difficulté vient du fait que le débat n'a pas
pu avoir lieu. Nous n'avons pas pu expliquer tous les aspects de la loi. C'est
la raison pour laquelle je crois que la deuxième lecture et la
présentation article par article vont nous aider beaucoup de ce point de
vue.
M. SLINGERLAND: Est-ce que je peux continuer à répondre
à ces questions? L'autre souci que j'ai soulevé, que nous croyons
assez considérable, c'est ce souci qu'on mette des entraves devant
l'enfant qui voudrait transférer dans une école francophone. Nous
admettons que ce transfert est encore possible mais c'est maintenant
entouré de toutes sortes de conditions préalables...
M. CLOUTIER: Vous pensez au transfert de l'enfant du secteur anglophone
au secteur francophone?
M. SLINGERLAND: En tout cas...
M. CLOUTIER: Mais vous n'oubliez pas, j'imagine, le transfert inverse,
de l'école francophone au secteur anglophone.
M. SLINGERLAND: II faudrait encore faire la distinction confessionnelle
et pas linguistique.
M. CLOUTIER: Laquelle vous préoccupe le plus?
M. SLINGERLAND: C'est aux francophones catholiques à
décider, et ce n'est pas de notre ressort de leur dicter ce qu'ils
veulent faire.
M. CLOUTIER: Bon.
M. SLINGERLAND: Mais tandis que pour nous, les protestants de langue
française et de langue anglaise, je crois que nous préconisons
les deux langues également, cette possibilité de transfert.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable chef de l'Opposition.
M. MORIN: Merci, M. le Président. En guise de préambule,
je voudrais vous dire, messieurs, qu'en mettant l'accent sur les droits
confessionnels, les droits religieux plutôt que les droits linguistiques,
vous êtes sûrement sur une base constitutionnelle beaucoup plus
sûre que certains comparaissants anglophones qui sont venus ces jours-ci
devant la commission.
En effet, vous pouvez très certainement vous appuyer sur
l'article 93 du British North America Act et vous êtes, jusqu'à ce
que cette loi soit modifiée en tout cas, sur un terrain tout à
fait inexpugnable.
Je suis fort intéressé par le secteur que vous nous
décrivez au paragraphe 3 de votre mémoire: ce secteur francophone
au sein de l'enseignement protestant.
J'ai eu l'occasion de rencontrer, à l'occasion, des enseignants y
appartenant. Il serait peut-être bon que vous éclairiez la
lanterne de la commission, ce soir, et que vous nous disiez, par exemple,
combien d'écoles de ce type existent, combien d'écoles
françaises protestantes à travers le Québec et où
elles sont concentrées. Vous pourriez peut-être aussi nous dire
combien d'élèves elles desservent,
peut-être aussi quelle est leur origine. Est-ce que les
élèves qui s'inscrivent dans ces écoles sont d'origine
québécoise?
Je sais que vous avez souvent des Québécois d'origine
européenne, française, italienne, dans les écoles
protestantes françaises de Montréal. Pourriez-vous nous donner
là-dessus des détails? Cela m'intéressait beaucoup,
d'être mieux renseigné là-dessus.
M. SLINGERLAND: Je ne peux que répondre que nous aussi, nous
serions très contents d'être mieux renseignés et que nous
avons demandé à plusieurs reprises les statistiques qui
relèvent du ministère de l'Education. Il semble que ces
statistiques manquent. Il y a un blanc, à côté de plusieurs
écoles, quant à la langue d'enseignement, la langue de la
majorité des élèves.
Donc, les statistiques du ministère sont très
imprécises là-dessus. Ce que nous avons, c'est
l'expérience personnelle des membres de notre comité qui font des
visites à des connaissances dans les écoles. Dans certains cas,
il s'agit de connaissances personnelles, du directeur de l'école, ainsi
de suite.
Dans la région de Montréal, au niveau
élémentaire, il y a l'école Centenaire de la paix,
l'école Maisonneuve, l'école Victoria; au niveau secondaire, il y
a seulement l'école de Roberval; pour la rive sud, il y a l'école
Mackayville, Saint-Hubert, à Laval, l'école Gordon. Maintenant,
nous savons qu'il existe des écoles protestantes françaises
à Girardville, Windsor, Senneterre et Saint-Georges-de-Beauce.
Mais nous souffrons encore d'un manque de statistiques claires et
précises là-dessus. Nous nous basons, dans ces remarques, sur
notre connaissance personnelle et peut-être limitée. Ceci, donc,
est un minimum, que je viens de vous citer. Il peut y en avoir d'autres.
M. MORIN: Je suis un peu étonné de ce que vous m'apprenez
là. Vous voulez dire qu'il est impossible d'obtenir du ministère
de l'Education les chiffres exacts quant aux enfants inscrits dans les
écoles francophones protestantes?
M. SLINGERLAND: Oui. Nous avons essayé, il y a un an, et la
réponse que nous avons obtenue était plus fragmentaire que la
nôtre.
M. CLOUTIER: M. le Président, c'est parce que le ministère
éprouve beaucoup de difficulté à obtenir des statistiques
des commissions scolaires protestantes. Ce n'est pas le ministère qui
s'occupe des élèves directement. Cela, je crois que le
comité protestant le sait fort bien. Nous n'obtenons des chiffres
valables en ce qui concerne les commissions scolaires protestantes que depuis
peu de temps.
M.MORIN: Ecoutez! Je ne voudrais pas vous voir vous renvoyer la balle
comme cela toute la soirée. C'est une question à tirer au clair
entre vous le plus tôt possible.
M. SLINGERLAND: Je suis d'accord.
M. MORIN: Pourriez-vous nous dire, M. Slingerland c'est bien
comme cela qu'on prononce votre nom?
M. SLINGERLAND: Oui.
M. MORIN: Pourriez-vous nous dire, approximativement, combien il y a
d'élèves dans ce secteur francophone protestant, à votre
connaissance?
M. SLINGERLAND: Je n'ai pas de chiffres en main. Je peux vous les
chercher, mais disons qu'à Roberval, il y a des centaines
d'élèves dans une école secondaire. Je me demande si mes
collègues ont d'autres connaissances.
M. MORIN: Nous parlons toujours d'écoles publiques,
naturellement.
M. SLINGERLAND: Oui, sûrement. M. MORIN: Très bien.
M. SLINGERLAND: Dans chaque cas, je crois qu'il s'agit de centaines
d'élèves. Mais c'est à peu près cela, c'est tout ce
que je peux vous dire pour le moment. C'est pour les raisons que je vous ai
citées.
M. MORIN: Eh bien, c'est tout à fait étonnant, cette
absence de données. Je vous avoue que j'en suis renversé. Je vois
que vous l'êtes aussi.
M. SLINGERLAND: Oui.
M. MORIN: Passons, parce que nous n'avons pas le temps d'entrer dans les
détails. J'essaierai de savoir par d'autres moyens ce qu'il en est, et
peut-être aurons-nous l'occasion de communiquer à ce sujet.
Je pense que vous êtes tout aussi intéressé que nous
à avoir les réponses, n'est-ce pas? Bien.
Maintenant, pourriez-vous nous décrire un peu le régime
qu'on trouve dans ces écoles protestantes de langue française?
Est-ce que tout se fait vraiment tout en français? J'imagine que vous
leur apprenez également une langue seconde, l'anglais, comme c'est
normal. Combien d'heures sont consacrées à l'enseignement de
l'anglais? Est-ce que tout le reste se fait vraiment en français? Est-ce
que toutes les matières sont, en principe, en français? Autre
question destinée à expliciter ce que je viens de vous demander,
est-ce que vous enseignez en anglais la langue anglaise ou si vous enseignez en
anglais, dans ces écoles, d'autres matières com-
me les mathématiques ou les sciences, par exemple?
M. SLINGERLAND: C'est tout à fait semblable aux écoles
catholiques francophones du Québec. Il s'agit, en grande partie,
d'élèves dont la langue maternelle est française; la
langue maternelle des enseignants est principalement, dans la très
grande majorité, française et toute matière s'enseigne en
français uniquement, sauf peut-être les cours d'anglais, comme
c'est naturel. Donc, c'est complètement parallèle à ce que
vous faites dans les écoles francophones de la province. Et, pour les
mêmes raisons, on y tient.
M. MORIN: Vous avez de bonnes raisons d'y tenir et vous ne trouverez pas
d'objection de ce côté-ci, là-dessus.
Au sujet du paragraphe 7 de votre mémoire, j'avoue que je me pose
des questions. Vous nous dites: "Le Comité protestant appuie de tout
coeur l'aspiration de la majorité française d'assurer la
priorité de la langue française". Vous avez, comme dans le bill
d'ailleurs, c'est remarquable, un "toutefois" qui me rappelle tout à
fait les articles du projet de loi 22. Après avoir énoncé
cet excellent principe, vous nous dites "toutefois". Vous auriez pu dire comme
dans le bill, "néanmoins", "excepté que", "cependant", "sauf
que..."
M. CLOUTIER: Ce n'est pas le texte du bill. Amusons-nous, si vous
voulez, mais...
M. MORIN: Cela me rappelle un peu certains articles du projet.
"Toutefois, dites-vous, nous soutenons que l'anglais détient un statut
spécial qui devrait être reconnu". J'aimerais bien que vous
explicitiez quelque peu votre pensée là-dessus. Voulez-vous dire
un statut juridique, un statut social, un statut politique ou un statut
économique?
M. SLINGERLAND: Je vous invite à continuer à lire,
monsieur. "A ce sujet nous sommes perturbés, etc." On continue à
soulever le point que je viens de mentionner que le bill semble nous priver
d'un droit dont il ne semble pas nécessaire de nous priver pour le
maintien du français comme langue prioritaire du Québec. C'est
dans ce sens que nous parlons. Donc, notre statut spécial est un statut
de contexte linguistique dans lequel nous vivons. Nous ne voyons pas le besoin
de nous mettre dans le même carcan que les francophones semblent vouloir
accepter pour protéger leur langue, quand, pour nous, il ne s'agit pas
de risque de perte de notre langue. Donc, pourquoi ne pas nous permettre de
nous associer temporairement ou à long terme à une école
francophone?
M. MORIN: Ce statut spécial, vous ne l'entendez donc pas du tout
dans le sens de statut juridique ou de statut politique quelconque.
M. SLINGERLAND: Non, nullement.
M. MORIN: Vous voulez dire alors, si j'ai bien compris, une place
spéciale, une situation...
M. SLINGERLAND: Une situation linguistique spéciale, c'est cela.
C'est ce que nous voulons dire par statut.
M. MORIN: Parce que, vous le savez peut-être, le mot statut a un
sens juridique précis. Cela jetait la confusion dans ce paragraphe.
M. SLINGERLAND: Dont vous seriez très content de discuter.
M. CLOUTIER: Ils ont été prudents ceux-là. M.
CHARRON: M. le Président...
M. MORIN: Une dernière question avant que je cède la
parole au député de Saint-Jacques, qui a aussi des questions.
Est-ce que vous savez que, dans certains écoles de
Montréal où on a permis aux anglophones de passer librement
à l'école française, ils l'ont fait si massivement dans
certains quartiers bien définis des quartiers en
général à l'aise où les enfants possèdent
déjà un contexte culturel très développé
dans leur famille et dans leur milieu que certaines classes
françaises se sont trouvées noyées par les anglophones?
Tout le monde s'est ramassé à parler l'anglais en pleine
école française. Est-ce que vous connaissez...
M. CLOUTIER: M. le Président, mais le chef de l'Opposition est en
train de défendre la modalité du chapitre V de la loi 22 !
M. MORIN: Non.
M. CLOUTIER: Le chef de l'Opposition est en train d'admettre que le
fait...
M. MORIN: C'est un tout autre problème.
M. CLOUTIER: ... qu'il y ait des transferts pas du tout
qui se fassent, dans le sens anglophone ou le sens francophone, d'enfants qui
ne connaissent pas suffisamment la langue du secteur crée des
difficultés...
M. MORIN: Ah!
M. CLOUTIER: ... sur le plan pédagogique...
M. MORIN: Vous êtes...
M. CLOUTIER: ... comme sur le plan des équipements.
M. MORIN: ... encore...
M. CLOUTIER: Voilà la justification de ce que nous faisons.
M. MORIN: M. le ministre, si vous essayez de trouver là des
justifications pour vos affreux tests...
M. CLOUTIER; Bien, essayez de vous défendre, là.
M. MORIN: ... c'est une toute autre chose. M. CLOUTIER: Essayez de vous
défendre. M. MORIN: Non, non, non!
M. CLOUTIER: Je serai très heureux d'entendre ça.
M. MORIN: Eh! bien, je pense que nous aurons l'occasion d'en discuter en
deuxième lecture, comme dit le ministre. Chaque fois qu'il se trouve
devant une question embêtante...
M. CLOUTIER: C'est vrai.
M. MORIN: ... il la remet en deuxième lecture
M. CLOUTIER: Tatatatatata. M.MORIN: Je suis...
M. CLOUTIER: L'atmosphère est gaie, ce soir.
M. MORIN: ... prêt à dire dès maintenant que nous
envisageons deux systèmes distincts où chacun enseignera la
langue seconde correctement. Ce n'est pas la même chose que le libre
passage d'un système à l'autre.
M. CLOUTIER: Tiens, tiens!
M. MORIN: Mais nous en reparlerons,
M. CLOUTIER: Bon, d'accord, ça m'aide beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de...
M. MORIN: Est-ce que je pourrais demander aux comparaissants s'ils
connaissaient la situation qui a été créée par le
passage sectoriel mais massif d'un certain nombre d'enfants anglophones au
secteur francophone, dans certains secteurs, au point que les parents
francophones se sont mis à protester et à tenir des
réunions pour empêcher les enfants anglophones de venir à
l'école francophone?
M. SLINGERLAND: Je n'ai pas entendu parler de cette situation, j'ai vu
l'inverse, à la commission scolaire de Sainte-Foy, par exemple,
où quand j'ai essayé d'introduire mon enfant dans une
école française; on m'a refusé carrément en disant:
Si nous acceptons votre enfant dans une école française, il y
aura tout un flot de francophones qui voudront insérer leurs enfants
dans une école anglophone. Et cette école...
M. MORIN: C'est déjà fait. M. SLINGERLAND: Oui.
M. MORIN: A Sainte-Foy, c'est déjà fait. Et il n'y
aurait...
M. SLINGERLAND: Donc...
M. MORIN: ... peut-être même pas d'école anglophone
à Sainte-Foy, n'était la présence des petits francophones,
parce qu'elle ne satisfairait pas aux critères du ministère de
l'Education.
M. SLINGERLAND: C'est évident que dans les deux sens il faudrait
employer des normes de proportions raisonnables qui rendent faisable
l'enseignement dans une classe quelconque. Et j'ai confiance...
M. MORIN: Mais chez vous...
M. CLOUTIER: Ce qui suppose des tests.
M. MORIN: Oui, votre raisonnement vous mène tout droit...
M. CLOUTIER: Aux tests.
M. MORIN: ... dans la prison des tests.
M. CLOUTIER: On n'y échappe pas; vous verrez...
M. MORIN: Non, non, non, non!
M. CLOUTIER: ... que le chef de l'Opposition y viendra aussi. C'est une
question de patience.
M. MORIN: Oh oui! oh oui! A n'en pas douter !
M. SLINGERLAND: La solution que j'ai proposée à ce point,
et maintenant je parle à titre personnel, à la commission
scolaire de Sainte-Foy, j'ai dit: Bien, d'accord, premier venu, premier servi.
Faisons...
M. CLOUTIER: A ce moment-là, vous donnez des droits
inégaux on y a pensé aux enfants: Premier venu,
premier servi. Cela signifie que celui qui arrive au moment où vous avez
déterminé, vous ne pouvez pas dépasser 10 p.c. ou 15 p.c.
ou 20 p.c, il a le droit, ce qui est totalement arbitraire. Celui qui vient
immédiatement après, il n'a plus le droit. C'est très
complexe. Attendez de réfléchir, vous allez vous apercevoir que
ce n'est pas simple.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, j'ai quelques questions; certaines
devraient venir avant mais, puisque nous sommes sur le sujet invoqué par
le paragraphe septième du mémoire soumis par le comité
protestant, aussi bien y rester. Suite aux questions posées par le chef
de l'Opposition et aux interventions du ministre de l'Education, vous dites: A
ce sujet, nous sommes perturbés par le manque de clarté au
chapitre V de l'article 49. Je ferai donc avec vous ce que j'ai fait avec tous
les groupes anglophones qui sont venus à la table et nous allons lire
ensemble l'article 49 pour voir véritablement s'il y a raison
d'être, comme vous dites, perturbés par ce manque de
clarté.
On affirme: "Pupils must have a sufficient knowledge of the language of
instruction to receive their instruction in that language". Cette affirmation
de principe, précédemment contenue au bill 63, dans cet article
et dans le libellé même de tout le chapitre V de la langue de
l'enseignement, aucune existence de tests, de concours, d'aptitudes à
vérifier, rien. On affirme un principe sur lequel d'ailleurs
vous-même probablement comme responsable dans le domaine scolaire,
oeuvrant dans le domaine scolaire au Québec serez amplement
d'accord.
Sur le strict plan pédagogique, il est inutile de vouloir faire
instruire un enfant dans une langue d'enseignement où il n'a aucune
aptitude, aucune connaissance.
M. SLINGERLAND: Je ne suis pas d'accord là-dessus. J'ai fait
l'essai de cela avec mes quatre enfants, avec beaucoup de succès, et je
connais plusieurs autres personnes qui l'ont fait sans aucune connaissance
préalable, presque aucune.
M. CHARRON: Ecoutez, savez-vous ce que les administrateurs scolaires qui
vous ont précédé nous ont répondu à cette
question? Cela leur est arrivé effectivement. Je rappelle ce que nous
ont répondu les commissaires et les directeurs généraux
des commissions scolaires protestantes du Québec. Je leur demandais:
Qu'est-ce que vous faites actuellement, sans la loi 22, lorsqu'un francophone
se présente à votre commission scolaire protestante anglophone et
désire inscrire son enfant qui n'a aucune connaissance de l'anglais? Il
dit: On les met au point zéro.
Si on s'aperçoit qu'il a une connaissance relative, plus
avancée, plus ou moins avancée, on le place dans des classes
spéciales, ce que les commissions scolaires ont déjà le
droit de faire, soit les placer au niveau et au cours où ils veulent, et
ce que leur répète l'article 50 de la loi 22 qui est
également une répétition du statu quo. Mais je ne vois pas
comment vous pouvez partir de l'affirmation à l'article 49, pour dire:
Est-ce qu'un enfant de langue anglaise pourrait s'inscrire à une
école où la langue d'enseignement est le français?
Mais certainement, certainement, c'est le statu quo. C'est laissé
à la discrétion des commissions scolaires, comme ça
l'était sous le bill 63 et comme ça l'est encore et comme
ça le sera toujours en vertu de l'article 50 de la loi 22 actuellement.
Je m'aperçois que, si, à d'autres articles de votre
mémoire, je suis en parfait accord avec vous quant aux
inquiétudes en particulier que vous avez face aux pouvoirs si englobants
qu'ils font peur dans le domaine de la réglementation, à
celui-là, vous prenez exactement le réflexe que tous les
anglophones ont eu à cette question et qui ne répond pas à
une claire compréhension du texte de la loi. Où voyez-vous, dans
le texte actuel de la loi, une interdiction d'inscrire vos enfants dans
l'école française si vous, anglophone, décidez de le
faire? Parce qu'il y a une affirmation de principe disant que les
élèves doivent connaître suffisamment la langue? C'est
quoi, une connaissance suffisante? Il n'y a aucune réglementation qui
vient le dire. On affirme un principe.
Je vous dis que ce principe, il a été mis parce que le
gouvernement voulait maintenir à la fois la loi 63 et faire croire aux
francophones qu'il la modifiait. Mais, quand on le regarde dans sa
portée réelle, les commissions scolaires ne sont obligées
de soumettre aucun test. Il n'y a aucun test pédagogique, d'aptitude,
rien. Regardez 48, regardez 49, regardez 50, c'est exactement ce qui existe
actuellement.
Etes-vous d'accord avec moi? Vous êtes membres du Comité
protestant du conseil supérieur. Le seul test qui existe et
revenons-y pour la 100e fois s'il le faut, mais je le ferai jusqu'à
épuisement c'est à l'article 51. C'est un test
discrétionnaire que le ministre peut le mot est là
imposer dans des cas comme Saint-Léonard, Laval ou Brossard,
Cest-à-dire des cas où ça flamberait, au moment où
le transfert serait trop massif et inquiéterait la population, dans un
sens ou dans l'autre, d'ailleurs, peu importe. Mais 48, 49 et 50, c'est le
statu quo, c'est le bill 63.
Vous avez peut-être connu des difficultés à inscrire
vos enfants à l'école française. Je vous dis qu'en vertu
du bill 22, si vous avez eu ces difficultés au niveau des commissions
scolaires, vous les aurez encore. Vous les aurez encore, parce que 48, 49, 50
remettent encore aux mains des commissions scolaires la question de juger
l'aptitude d'un enfant. Comme on le disait, si quelqu'un m'arrive et n'a aucune
connaissance suffisante de la langue dans laquelle il veut être
enseigné, on le met dans la classe zéro. On part à
zéro. Si, déjà, il baragouine un peu l'anglais ou, dans le
cas inverse, il baragouine un peu le français, on peut le mettre dans
des classes spéciales. C'est la discrétion actuelle qu'ont les
commissions sco-
laires et qu'elles conservent en vertu de l'article 50.
Je pense que, si j'avais le temps de parcourir tous les foyers
anglophones du Québec pour reprendre avec eux les articles 48, 49, 50 et
leur démontrer comment le gouvernement maintient intégralement
les privilèges de l'anglais actuellement dans le Québec, en vertu
de ces trois articles, j'obtiendrais des résultats assez probants. Je
n'ai pas le temps de le faire, mais, hier encore, il y avait un témoin
qui vous précédait à cette table et à qui je
répétais, encore une fois, la même explication, qui m'a
dit: Si c'est ça, "I am in favour of the bill".
Tant mieux, mais je soutiens cette affirmation que je viens de vous
faire, MM. les membres du Comité protestant du Conseil supérieur
de l'éducation. Je soutiens cette affirmation depuis les débuts
des travaux de la commission parlementaire; on en est à notre
septième journée et jamais je n'ai été contredit
par le ministre quant à ma façon d'interpréter les
articles 48, 49 et 50.
Au contraire, à plusieurs occasions, il m'a même
donné raison en disant qu'effectivement la liberté de choix
était intégralement maintenue.
M. CLOUTIER: C'est vrai, M. le Président, qui l'a nié? On
ne l'a jamais nié. La liberté de choix est maintenue, mais elle
devient conditionnelle, et la condition est une condition d'ordre
psychologique, justement pour essayer de régler les problèmes
qu'a très bien décrit le chef de l'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'accorderais cinq minutes...
M. CHARRON: M. le Président, vingt secondes. Je ne veux pas
gruger le temps.
LE PRESIDENT (M. Pilote): C'est parce que déjà votre temps
est écoulé. On vous les accorde.
M. CHARRON: Savez-vous, comme membre du Comité protestant du
Conseil supérieur de l'éducation, si le Conseil supérieur
de l'éducation est à préparer actuellement un avis sur le
chapitre cinq de la loi 22?
M. SLINGERLAND: Oui.
M. CHARRON: Savez-vous quand cet avis sera communiqué au
public?
M. SLINGERLAND: Aucune idée.
M. CHARRON: Avant la deuxième lecture?
M. SLINGERLAND: Cela a été discuté.
M. CHARRON: Pouvez-vous lui transmettre mon urgent besoin de l'avoir
avant la deuxième lecture?
M. CLOUTIER: Si vous n'avez pas d'objection, j'aimerais bien le recevoir
avant, selon les usages.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. CHARRON: Habituellement, on reçoit cela en même
temps.
LE PRESIDENT (M. Pilote): II reste...
M. SLINGERLAND: M. le Président, je n'ai pas répondu
à la question du député de Saint-Jacques. Est-ce que je
peux y répondre?
LE PRESIDENT (M. Pilote): Une courte réponse.
M. SLINGERLAND: D'accord, assez brièvement. D'abord, les
difficultés que j'ai mentionnées d'insérer mon enfant dans
une école francophone, c'était avant le bill 63.
Deuxièmement, je suis d'accord avec vous: le bill, tel qu'il est, est
très flou et l'interprétation que vous avez mentionnée est
possible et loisible, mais je vois dans la première partie de l'article
49 un empêchement au transfert, que je n'ai pas subi jusqu'ici et dont je
ne vois pas la nécessité. Aussi, quand on parle de la
nécessité des commissaires de juger de l'aptitude de l'enfant,
comment juger?
M. CHARRON: C'est cela.
M. SLINGERLAND: Les tests sont impliqués, je crois.
M. CHARRON: C'est ça qu'on ne sait pas.
M. SLINGERLAND: Cela, c'est une autre possibilité
d'interprétation et je conviens avec vous qu'il y a beaucoup de
confusion dans le bill sur ce point.
M. CHARRON: D'accord, merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Rouyn-Noranda. Il reste six minutes au parti ministériel pour poser des
questions après l'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais demander au
représentant du comité s'il pourrait nous expliciter davantage
l'article 4 du projet de loi lorsque, par exemple, il mentionne qu'en plus des
droits constitutionnels "nous soutenons également qu'il doit
refléter les droits humains de toutes les personnes concernées,
particulièrement les enfants". Quel est le sens de ce que nous
retrouvons à l'article 4? Qu'est-ce que vous entendez par
"doit refléter les droits humains de toutes les personnes
concernées, en plus des droits constitutionnels"?
M. SLINGERLAND: J'ai déjà un peu discuté de ce
problème, pour un groupe de commissaires subissant des pressions
politiques et linguistiques de tout côté, de pouvoir administrer,
justement, de façon à ne pas contrer les droits humains des
enfants concernés, d'administrer un test ou quelque mesure d'aptitude.
Il y a aussi... Imaginons la pression psychologique qui pèse sur un
petit enfant de cinq ou six ans qui se trouve devant quelque examen
linguistique. Il sait, ou ses parents, qui le savent, transmettent à
l'enfant leur souci que tout son avenir linguistique est en jeu, et
voilà! Imaginons cette situation d'examen linguistique.
Nous trouvons là-dedans une situation qui est vraiment
pénible pour l'enfant, une situation où un choix très
important est en jeu selon ses réponses, difficiles dans une langue
seconde. Notons aussi le cas des immigrants. Prenons un immigrant qui est
entré au Canada, disons, au printemps. Durant l'été, ses
parents l'ont envoyé à quelque institution privée et ont
payé pour pouvoir le préparer à suivre des tests
d'aptitude linguistique afin d'entrer dans une école ou francophone ou
anglophone. Là encore, il s'agit d'un petit enfant qui est
déjà déculturisé parce qu'il n'est pas dans son
propre pays. Nous trouvons que dans ces situations l'aspect humain est un peu
difficile et que cela blesse un peu, psychologiquement, les enfants
concernés.
M. SAMSON: A l'article 6, vous dites que les pouvoirs
discrétionnaires accordés au ministre de l'Education et aux
fonctionnaires sont si englobants qu'ils font peur. Est-ce que, si le ministre
avait déposé sa réglementation de façon que vous
puissiez en prendre connaissance en même temps que la loi, cela vous
aurait permis de préparer un mémoire d'une façon plus en
connaissance de cause et peut-être même d'avoir une autre opinion
de la loi ou de la regarder d'un autre oeil?
M. SLINGERLAND: C'est bien possible, M. le ministre m'a assuré
que tel serait le cas. J'attends de voir.
M. SAMSON: Oui, mais ne trouvez-vous pas qu'on vous aurait rendu un
meilleur service, à vous ainsi qu'aux autres associations voulant
déposer des mémoires devant la commission, si vous aviez,
à ce moment-là, connu aussi la réglementation qui
s'ajoutera au projet de loi?
M. SLINGERLAND: Je dois avouer que j'ignore les processus normaux de
développement des projets de loi. Je ne sais pas à quel stade
normalement les règlements se publient.
M. SAMSON: D'accord, mais...
M. SLINGERLAND: Mais je crois que oui, on pourrait en parler en
meilleure connaissance de cause, c'est évident.
M. SAMSON: Cela pourrait peut-être même, si je vous
comprends bien, modifier un peu votre attitude, à l'article 6, lorsque
vous dites que les pouvoirs discrétionnaires qui sont accordés
aux fonctionnaires sont si englobants que cela vous fait peur. Autrement dit,
si vous connaissiez ces pouvoirs, ça vous ferait moins peur, si je
comprends bien?
M. SLINGERLAND: Je suis pleinement d'accord.
M. SAMSON: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président, j'aurais une couple de questions
à poser en prenant comme principe si je lis la première
ligne de votre mémoire que vous venez ici comme
représentant du secteur protestant, dans mon esprit, beaucoup plus que
du secteur anglophone, parce que dans le secteur protestant, comme vous l'avez
dit, il y a des écoles francophones.
M. SLINGERLAND: Absolument.
M. VEILLEUX: J'aimerais vous poser des questions en tant que
représentant du groupe protestant.
Tout à l'heure, le député de Sauvé vous a
posé des questions sur les matières qui étaient
enseignées dans les écoles protestantes françaises, vous y
avez répondu. Maintenant, est-ce que les enseignants qui oeuvrent dans
ces milieux sont de langue française ou de langue anglaise?
M. SLINGERLAND: En très très grande majorité de
langue maternelle française.
M. VEILLEUX: Maintenant, les enseignants de langue maternelle anglaise
qui enseignent dans ces écoles est-ce qu'ils enseignent, sauf l'anglais
nécessairement, les autres matières en français?
M. SLINGERLAND: Je ne connais qu'un directeur qui est d'origine
anglophone, mais qui est intégré à la
société francophone du Québec depuis au moins vingt ans.
Donc, est-ce qu'il est francophone ou anglophone? C'est le seul cas que je
connaisse.
M. VEILLEUX: Si on applique le deuxième paragraphe de l'article
49, le futur immigrant qui ne parle ni français ni anglais et qui aura
à choisir le secteur francophone si je vous comprends bien
cet immigrant ne trouverait pas de difficulté à recevoir
l'enseignement tel que prescrit à l'article 49, deuxième
paragraphe,
dans la langue française. Il recevrait, dans le secteur
protestant, le même enseignement que si c'était un immigrant
catholique ne parlant ni français ni anglais qui aurait, lui, à
aller dans le secteur catholique francophone.
M. SLINGERLAND: Absolument.
M. VEILLEUX: Cela revient peut-être aussi à vous demander
ce que vous pensez de ce deuxième paragraphe de l'article 49. Est-ce
que, d'après vous, l'immigrant protestant né connaissant ni
l'anglais, ni le français, qui viendrait au Québec, serait
pénalisé par ce deuxième paragraphe de l'article 49?
M. SLINGERLAND: Je dois d'abord préciser que la grande
majorité des immigrants viennent dans la région de
Montréal, où cette difficulté d'absence d'écoles
protestantes francophones n'existe pas. Pour les autres, c'est une question
pratique à trancher de la part du ministère et des parents.
Est-ce que nous avons le droit prioritaire confessionnel de choisir une
école anglophone confessionnelle, de la confession de notre choix, ou
est-ce que nous devons nous intégrer dans une école francophone
qui n'est pas de notre confession? Là, c'est une question
ultérieure à trancher, et légalement et pratiquement.
M. VEILLEUX: Selon l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, au point de vue de la confessionnalité au Québec,
personne, du moins un catholique ou un protestant, ne peut trouver de
difficulté à choisir, soit le secteur catholique ou soit le
secteur protestant. Je sais que, dans l'esprit de bien des gens, catholique
veut dire francophone, protestant veut dire anglophone.
M. SLINGERLAND: Je ne suis pas du tout d'accord.
M. VEILLEUX: Si je regarde les questions qu'ont posées mes
honorables collègues de la loyale Opposition de Sa Majesté
Elizabeth II ce soir, j'ai la nette impression que, pour eux, vous êtes
les représentants du secteur anglophone beaucoup plus que les
représentants du secteur protestant.
M. SLINGERLAND: Disons qu'il faut avouer d'abord que la plupart de
nos...
M. MORIN: M. le Président, sur un point de privilège, je
regrette d'interrompre nos invités. Vraiment, je ne saisis pas ce
à quoi le député de Saint-Jean veut en venir avec une
question comme celle-là. Je pense qu'il projette ses propres
pensées sur les autres et c'est un procédé très peu
parlementaire.
M. SLINGERLAND: ... répondre. Pour nous, nous tenons au fait que
nous représentons les protestants comme tels, des deux langues.
Admettons que la plupart de nos constituants sont de langue anglaise. Mais cela
ne minimise nullement le fait que nous avons aussi des responsabilités
envers les francophones, que nous voulons mettre en évidence.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le temps est écoulé.
M. VEILLEUX: 20 secondes, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): 20 secondes, pas plus.
M. VEILLEUX: 20 secondes. Vous m'avez fait perdre ma question! Vous
parlez de libre choix là-dedans. L'article 49, deuxière
paragraphe, aux immigrants qui ne s'expriment ni en français ni en
anglais, enlève ce choix parce qu'il leur fait choisir l'école
française. Est-ce que, d'après vous, un volet comme ça
dans la loi enlève ou restreint des droits? Est-ce qu'un gouvernement
peut se permettre d'établir un paragraphe comme celui-là dans un
article d'une loi qui touche l'enseignement?
M. SLINGERLAND: Je crois que oui. Nous ne voyons pas trop de soucis
à cet égard. C'est à l'immigrant de prendre...
M. VEILLEUX: Merci.
M. SLINGERLAND: ... ses responsabilités.
Fédération of English-Speaking Catholic
Teachers Inc.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Merci, M. Slingerland, ainsi que ceux qui vous
accompagnent, de la façon dont vous avez présenté votre
mémoire. J'inviterais à présent M. Hayden, de la
Federation of English-Speaking Catholic Teachers Inc., à venir
présenter son mémoire et à bien identifier ceux qui
l'accompagnent.
M. DOBIE: M. le Président, je ne suis pas M. Hayden, je suis M.
Dobie, de la Provincial Association of Catholic Teachers. J'aimerais faire une
petite remarque parce qu'il paraît que nous ne serons pas entendus ce
soir. Je suis très désappointé de ne pas être
entendu. Cela fait depuis neuf heures et demie, ce matin, qu'on est ici. On a
convoqué un certain nombre de groupes. J'ai avec moi l'équipe du
bureau. Le bureau a été fermé aujourd'hui pour qu'on soit
entendus. Là, j'apprends qu'on sera remis à je ne sais quand. Je
me demande si on veut vraiment entendre les groupes ou non.
Tout à l'heure, on nous a dit que le sixième ou
septième groupe, The Provincial Association of Catholic Teachers,
était remis indéfiniment.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Indéfiniment, c'est le cas. Nous vous
convoquerons ultérieurement.
M. CLOUTIER: M. le Président, personnellement, je serais d'accord
pour entendre le groupe, mais le problème est le suivant. C'est que
l'Opposition insiste pour que nous ayons un temps minimum pour chaque groupe,
ce que je peux parfaitement comprendre.
M. MORIN: Ce n'est pas l'Opposition, M. le ministre, c'est l'accord
auquel nous en sommes venus.
M. CLOUTIER: Ce sont les règlements. Bien que nous ne soyons pas
obligés de passer une heure avec chaque groupe, nous nous sommes
entendus pour le faire ce soir. Moi, j'aurais préféré vous
entendre, je ne vous le cache pas.
M. DOBIE: Moi aussi.
M. CLOUTIER: Quitte à prolonger, peut-être, d'une
demi-heure.
M. MORIN: M. le Président, nous aussi aurions aimé
entendre ce groupe, je ne vous le cache pas. Vous avez certainement des choses
importantes et intéressantes à nous dire.
Seulement, à l'heure qu'il est, il reste deux groupes à
entendre avant onze heures. Nous aurons peut-être de la difficulté
à recevoir convenablement les deux groupes qui viennent et ils sont
importants.
M. le Président, si vous me le permettez, je demanderais à
ce monsieur à quel moment cela ferait son affaire, ainsi qu'à son
groupe, de revenir. Qu'on les consulte. Demain matin, par exemple, le premier
groupe reçu, ce pourrait être vous?
M. CLOUTIER: Ce n'est pas possible, M. le Président, il y a
déjà des groupes. Il y a un règlement, dans cette
Assemblée nationale. Il y a déjà des groupes de
convoqués, puisque le règlement nous oblige à les
convoquer à l'avance.
La seule possibilité, c'est de vous convoquer à nouveau,
peut-être dans le courant de la semaine prochaine.
M. MORIN: Nous allons leur occasionner des dépenses inutiles.
M. CLOUTIER: Si nous n'avions pas perdu une heure ce matin en un
débat de procédure, si nous avions véritablement
respecté le règlement, comme je vous y ai engagé
constamment, nous aurions pu entendre tous nos groupes aujourd'hui.
M. MORIN: M. le ministre, je regrette que vous recommenciez ce
débat...
Si vous aviez consenti à notre motion, ce matin, il n'y aurait
pas eu de débat. Cela aurait été vite
réglé.
M. CLOUTIER: Mais non, ces gens étaient déjà
convoqués. Aurions-nous accepté votre motion...
M. MORIN: Mais cela, c'est votre erreur, et non la nôtre.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, à l'ordre !
M. CLOUTIER: Ce n'est pas une erreur. LE PRESIDENT (M. Pilote): A
l'ordre!
M. DOBIE: Nous serons ici à onze heures, si vous voulez nous
entendre. Cela fait déjà douze heures que nous sommes ici !
M. CLOUTIER: On peut les entendre une demi-heure.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'une demi-heure, ce serait
suffisant?
M. CLOUTIER: L'Opposition ne veut pas.
M. MORIN: Ce n'est pas exact. Une demi-heure, vous croyez que ce serait
suffisant pour les entendre mais, d'un autre côté, il sera
peut-être onze heures passées avant que nous ayons fini avec ces
deux groupes. Et ce ne serait pas juste, non plus, pour les membres de la
commission qui siègent pendant sept heures et quart ou sept heures et
demi par jour.
M. CLOUTIER: Nous sommes prêts. M. TARDIF: Nous sommes
prêts.
M. MORIN: Je vous propose plutôt de revenir demain matin.
M. DOBIE: Nous serons ici à onze heures, en tout cas.
M. CLOUTIER: Ecoutez, ce n'est pas la peine de rester si la commission
n'est pas unanime. Je crois que ce n'est vraiment pas la peine de rester.
Il est impossible de vous entendre demain matin parce que d'autres
groupes sont convoqués. Si la commission était unanime, je serais
entièrement d'accord pour qu'on vous entende jusqu'à onze heures
et demie, minuit moins quart. Votre mémoire, nous l'avons lu. Vous
pourriez peut-être le présenter en quelques minutes. Ensuite, nour
pourrions vous entendre. Mais s'il n'y a pas d'unanimité, ce n'est pas
possible.
M. DOBIE: Nous serons ici à onze heures.
M. CLOUTIER: Non, je pense qu'il vaudrait mieux ne pas vous faire
attendre.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'il y a unanimité à la
suggestion du ministre de les entendre à onze heures ou à onze
heures et quart, jusqu'à minuit moins quart?
M. CHARRON: Non, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): II n'y a pas unanimité. On comprend la
déception du groupe.
M. CHARRON: M. le Président, je vais vous expliquer pourquoi je
vous dis non. Si on consentait, demain matin, ce ne serait pas huit organismes
qui seraient convoqués, mais le ministre essaierait de nous en faire
passer dix...
M. CLOUTIER: Non, M. le Président. Je m'engage
solennellement...
M. CHARRON: ... et la semaine prochaine, douze.
M. CLOUTIER: Je m'engage solennellement à suivre le
règlement.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! Nous allons procéder.
M. MORIN: M. le Président, combien y a-t-il d'organismes
convoqués pour demain? Vous allez avoir votre réponse; je parie
qu'il y en a sept.
M. CLOUTIER: Oui, M. le Président.
M. MORIN: Eh bien... Alors, vous voyez?
M. CLOUTIER: Suivant le règlement.
M. MORIN: Nous allons nous trouver devant la même impasse encore
demain soir.
M. CLOUTIER: C'est exact, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Si vous me permettez, si on veut passer les
deux groupes qui restent, nous allons procéder immédiatement.
J'inviterais M. Hayden à lire son mémoire. Vous avez vingt
minutes soit pour lire votre mémoire ou en faire le résumé
quitte ensuite à ce qu'on passe aux questions.
M. SHORE: Mr Chairman, honourable Members, my name is Phillip Shore. I
am the executive director of the Federation of English-Speaking Catholic
Teachers. This is Mr Patrick O'Reilly, the President.
Our brief is founded on two considerations and proposals for
recommendations. We have not approached the problem of the language Legislation
as a constitutional or legal question but rather as a political question.
Our existence as English Catholics within the educational community does
not really stem from the constitutional arguments, it is not quite based on
confessionality nor as it is based on purely language considerations.
In our approach, in the brief, we have attempted to maintain a positive
approach. We do not wish to add to some of the extreme statements that have
been made by any of the parties who are involved. We have two main points or
two main considerations within the brief. First, that the bill governing these
complex social, cultural, political, economic questions should not be presented
as a kind of package. That within the existing ministerial system whatever
guarantees are required should evolve normally as they have done over the
years.
In the bill itself we mention certain examples in which this normal
evolutionary process has taken place. In the sections, for example, dealing
with the Labour Code, article 27, I believe it is, indicates that where there
are more than one syndicate existing within an employees group that, if one of
these syndicates is of French language majority, then the language of
negociations should be French.
We feel that a more democratic approach is simply to approach it on the
basis that the language of work is decided by the majority of the workers, that
the language of negociation, by the same token, is decided by the largest
syndicate that is involved.
In our own case, we represent some 12,200 teachers employed by the
Montreal Catholic School Commission. We work under a joint certificate with
l'Alliance des professeurs, representing some 7,500 ou 8,000 teachers. It is
obvious that on the joint negociations we certainly respect that fact that
l'Alliance, representing the majority, would probably opt for French. They have
done this to date. We feel that this is reasonable and does not impose any
artificial conditions.
There is another aspect of the bill with relation to the educational
question, we feel that does not come to grips with the problem. The attraction
of the English schools for what is called the immigrant group, that is a group
that is often far from clear, let us say, for those whose mother tongue is
neither English nor French. One of the great attractions that the English
schools have for these as well, as for many francophones, is the much higher
quality of second language instruction that is found within the English
schools. It is our contention that to attempt an artificial coercive approach
in attempting to graft people onto a culture will not work. It will not work
simply on the practical consideration that if a language test is applied and is
to be applied particularly for the immigrants, within a matter of days, he will
have bootleg if I may use the term private schools being
established within the ethnic communities at the nursury school levels for
three year old, if necessary to give them the necessary requirements to pass
the test.
The attempt, through an artificial status, to control such a matter of
basic concern will not work for much the same reasons I suppose as the Volstead
Act did not work in United States.
The kind of statement that is so often heard from people like Mr. Yvon
Charbonneau of the CEQ in calling for the total abolition of second language
instruction. In doing so, quite accidently I am sure, Mr. Charbonneau is
actually acting as a recruting agent, that the concern of parents is that their
children possess some kind of bilingual competence.
The first objection and the most basic objection to the bill lies in
chapter 1 which states that French shall be the official language. It is true,
as it has been pointed out by several members here, that the bill does not say
that people cannot speak English. It does not say the public utilities cannot
communicate in English. But equally the bill does not state that the public
corporations cannot communicate in Italian or Polish or Chinese. In fact,
without looking and without attempting to make any comparison or some of the
exagerated comparisons, this is not Nuremberg. I do not think anybody who look
at the question rationally will make any such comparisons; the fact remains
that the status of English is being degraded, it cannot be else.
To say that certain people can still speak to each other in English does
not really change the situation. The recommandations which we have made are
fairly straight forward. The first is not simply a question of delay for the
sake of delay; the atmosphere within our own community, and by that I mean at
large the English-speaking population within the Montreal area, is far from
calm. We feel that the Cloutier plan which establish four objectives, I
believe, involving the expenditure of a $100 million, is a positive step. We
recommand that perhaps the priorities within these plans should be applied more
quickly and with a greater sense of haste, particularly to improve the quality
of second language teaching within the French schools. We recommend the right
of each individual within the province to choose one of the two official
languages, as long as they remain official. And, fourth, we seriously contest
the validity of the statement that the learning of a second language will
somehow weaken or destroy a cultural identity. Thank you, sir.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie la Federation of
English-Speaking Catholic Teachers pour son mémoire. Je ne poserai que
deux questions, pour commencer, en tout cas. Dans ce mémoire, il est
question, en se référant au projet de loi 22, de "draconian
measures" et également de "coercion or the restriction of human rights".
Je crois que ce sont là des jugements qui ont une certaine importance.
Lorsqu'on parle de "restriction of human rights", ce n'est pas de la
littérature; il s'agit de quelque chose d'extrêmement grave.
Alors, je voudrais que l'on m'indiquât quels sont les
éléments ou les articles du projet de loi 22 qui constituent des
restrictions des droits de l'homme. Je peux comprendre que l'on parle de
mesures draconiennes, parce que, là, il s'agit d'un jugement de valeur.
On peut se tromper, mais on peut le faire. Mais, en revanche, quels sont les
éléments qui vont à l'encontre des droits de l'homme?
M. SHORE: It is always dangerous, I suppose, to use adjectives but
within the context of the paragraph, we are drawing attention to the goodwill
and tolerance wich presently exist. The draconian measures which we are
referring to are not necessarily those presented in bill 22 or by the
Government. We are thinking in terms of some of the other groups which have
been heard here, which called for such things as the immediate abolition of
second language teaching or the closing of English schools. We do not in that
context, especially with relation to the education, make the claim that the
measures in bill 22 are draconian.
M. CLOUTIER: Le projet de loi 22 ne demande pas la fermeture des
écoles du secteur anglophone, ce qu'ont réclamé bon nombre
de groupes francophones devant cette commission.
M. SHORE: Yes, the point that I am making is that much of the public
controversy that has been surrounding the bill which has become perhaps more
important than the bill itself at times, most of these are unnecessary.
M. CLOUTIER: II n'y a rien, dans le projet de loi 22, qui va contre les
droits de l'homme?
M. SHORE : I believe that in terms of the rights presently existing,
when you remove one of the official languages, when you create a kind of
turmoil within the community, you have, if not legally, a very large percentage
of the english community who feels very strongly that their rights are being
violated.
M. CLOUTIER: Mais, est-ce qu'il y a véritablement restriction des
droits de l'homme dans la loi 22, d'après vous?
M. SHORE: As it applies to our community, I would have to answer
yes.
M. CLOUTIER: C'est ça. En quoi?
M. SHORE: In the fact that an existing right, an existing status for a
language and a community group is being removed.
M. CLOUTIER: En quoi?
M. SHORE: It is being removed from the language of public
administration. It is being limited in the area of labour, existing labour
rights for two items.
M. CLOUTIER: Je ne nierai pas qu'il y ait une restriction de la langue
anglaise, bien au contraire, même si la plupart des groupes francophones
semblent croire que non seulement il n'y a pas restriction de l'usage de
l'anglais, mais que nous augmentons encore les droits de l'anglais. Je crois
que votre interprétation est juste. Il y a certainement une restriction
de l'usage de l'anglais dans la loi 22. Mais ce que nous avons essayé de
faire, c'est de reconnaître le fait français, de l'affirmer, de
donner une priorité au français, mais de protéger
l'anglais sur le plan des droits individuels. Mais je ne nierai pas qu'il y ait
une diminution de l'usage de l'anglais en ce qui concerne les droits
collectifs.
Je crois cependant qu'il y a une situation, un contexte qui justifie
cette approche-là. C'est votre droit de ne pas être d'accord, et
je le respecte.
M. SHORE: Thank you.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'il y a d'autres
députés? Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je n'ai pas eu le temps, je voudrais
d'abord m'assurer d'une chose; est-ce que le texte français qui
accompagne votre mémoire est la version intégrale de ce que vous
dites en anglais? Je ne vous en ferai pas le reproche, notez bien, parce que
même dans la loi le préambule français n'est pas la
même chose que l'anglais. Vous n'auriez pas été le premier
coupable.
M. CLOUTIER: II ne rate pas une occasion.
M. SHORE: We are in the same position and for our purposes the English,
I think, will be used by us as the official text. Wherever there is a
difference we will refer to the english text if it is agreeable.
M. CHARRON: Moi je m'en tiendrai au texte français si vous
permettez, puisqu'il me semble conforme. Vous commencez votre mémoire
avec un drôle de ton, un ton que la plupart des groupes anglophones n'ont
pas osé employer, je dirais, non pas qu'ils en manquaient d'envie, mais
ils n'ont pas osé qualifier la loi 22 de cession de la part du
gouvernement aux sentiments nationalistes des francophones, au prix de droits
individuels des anglophones. Vous accusez ni plus ni moins le gouvernement
d'avoir troqué, comme vous dites à la page 2, pour une au
mêne nos sentiments nationalistes; vous avez fait payer le prix de
libertés indivuduelles qui sont désormais enlevées. Notez
que vous n'êtes pas le premier groupe anglophone à partir en
croisade. Enfin, tout le monde qui est venu ici l'a fait.
Mais, vous abordez la question d'une façon plus
particulière. Je voudrais juste revenir sur un point, avant de
céder la parole à mes collègues de l'Opposition. Vous
parlez des jérémiades je ne sais comment vous le dites en
anglais mais des jérémiades des nationalistes
francophones, depuis une dizaine d'années. Je crois que ce sont les deux
dernières lignes de votre premier paragraphe. Vous dites
également dans cette première page, les quatre dernières
lignes avant la fin: "Le Québec s'élève comme un
modèle pour tout le Canada, un modèle graduellement suivi des
autres provinces".
Si vous voulez qu'on parle de jérémiades, on va en parler.
S'il y en a une qui commence à me fatiguer et qui commence à
être insultante, également, pour les francophones, c'est
celle-là. Savez-vous à quoi ça me fait penser, comme
allusion aux francophones? C'est exactement le cave qui travaille, qui se fait
exploiter, qui a un bon "boss" et qui a une "job steady" et à qui on dit
: T'es un modèle pour toute la société. Il n'y a personne
qui va remettre en question le bon gars que tu es. Continue, rentre ici,
ressors le soir, épuise-toi, travaille à un salaire de cave, tu
es un modèle pour la société.
Tous les groupes anglophones qui sont venus ont tronqué la
réalité, ont faussé la réalité. Lorsque vous
affirmez que le Québec est un modèle graduellement suivi des
autres provinces, est-ce que vous n'exagérez pas un peu?
M. SHORE: I understand your feeling very well, Mr Charron, I felt that
way myself very often in dealing with various school commissions and, at times,
with many spokesmen for the nationalist group who, very patronizingly at times,
offered congratulations to us as the most spoiled minority; perhaps, we are. I
would like to say I am not responsible for the situation in Ontario. I belong
to an organization, the Canadian Teacher Federation, which has devoted
considerable time and money towards the cause of improving French language
instruction accross the country. That is the most that I can do right now.
I cannot clarify the social situation anywhere, I am expressing the
feelings of the group which I represent. The feeling that perhaps the French
Canadian, as a minority within Canada, has been unjustly treated, may or may
not be true. The point is, it is our feeling, that of the existing situation in
Canada, no one can argue seriously that Quebec does not have the finest system.
Ontario, I believe, has moved in the direction of full French language
schooling, from kindergarten right through university. I submit that that is
the direction that other provinces can adopt. If there is anything that I
personnally can do to help this process, I will.
M. CHARRON: Puis-je vous dire, monsieur,
que c'est exactement ce que, moi, je souhaite pour le Québec
également? Que nous puissions accorder à notre minorité,
de la maternelle jusqu'à l'université, le droit d'avoir un
enseignement dans sa langue. Ce groupe de 13 p.c. d'anglophones
québécois a droit à un enseignement dans sa langue, mais
pour le reste, suivons également, intrinsèquement, ce que
l'Ontario a fait et vivons complètement en français.
Vous m'avez dit, et souvent les groupes anglophones également le
disent quand ils viennent: Nous déplorons ce qui s'est passé dans
les autres provinces, nous regrettons comment les minorités
francophones... Je vous dirai, monsieur, que je le déplore et je le
regrette probablement moins que vous parce que je considère que la
société canadienne a eu une évolution tout à fait
normale, elle ne s'est pas embêtée et elle n'a pas essayé
de se donner un caractère bilingue. Le bilinguisme conduit toujours
à un unilinguisme, éventuellement, ce n'est qu'un état
passager dans une société.
Les linguistes de l'Université du Québec à
Montréal sont venus nous en faire la démonstration. Le Canada a
suivi une évolution parfaitement normale, c'est un pays unilingue
anglais et il doit le rester. Moi, quand je vais à Toronto ou à
Saskatoon, je n'essaie pas d'écoeurer le monde avec le français.
C'est un pays anglais et je respecte sa langue. Quand je suis sur le Canadien
National, en Alberta, je n'essaie pas d'écoeurer un fonctionnaire parce
qu'il est fédéral et qu'il y a une loi des langues officielles
pour lui demander de me parler français. Je suis dans un pays anglais et
je respecte la langue des gens qui sont là. Ce que nous demandons
simplement, c'est que la même chose soit au Québec, mais cette
fois en français parce qu'ici aussi il y a la langue de la
majorité.
Est-ce que vous admettez qu'à un moment donné une
société québécoise puisse avoir envie d'assimiler
ces immigrants exactement comme la société canadienne l'a fait
à l'égard de tous les autres? Est-ce que vous considérez
comme normal ce réflexe québécois que nous avons, qui a
été celui du groupe canadien dans les neuf autres provinces et
qui était tout aussi normal également?
M. SHORE: In the question of providing rights and in determining what is
a right and what is a privilege? I am not being facetious in the sense that I
understand the difficulty which you as legislators have. The point remains
within our community as it stands, let us take it in two sections.
I was born in Quebec. I was educated in schools, followed the programs
established by the government of Quebec in the schools of the Montreal Catholic
School Commission. Like one of the gentlemen earlier, I learned no French. I
cannot in honesty take much responsibility for that fact. There has been and
still is, in my sense, an identity of Quebec, I was born here. I have learned
French in the course of dealing with my colleagues and other syndicates and
negociation in dealing with School Commissions.
My children now who are attending English schools have begun to learn
French from the kindergarten. They are making very good progress. They have
learned more by the time they get to grade 1 than I did after twelve years.
To the role of immigrants those who speak neither English nor French I
would not want to be the one to indicate what rights must be removed, who will
have the rights. The Montreal Catholic School Commission in its brief or in its
recommendations indicates the people who come from Toronto to Montreal must be
classed as immigrants. That is probably an issue that the constitutionalists
can argue later. I do not pretend to have the answer. Can you remove the rights
only from those immigrants who do not speak English or French? Would you accept
bootleg schools that will give in three months sufficient mastery of either
English or French to qualify the child? Will that then satisfy the requirements
of the bill? Will that then satisfy the aspirations of the French Canadians or
of the French majority or must the government go further by proclaiming such
instruction in English-language as illegal? How far can the controls apply if
you are going to say that these people cannot attend unless they pass a test?
Human nature is versatiling of to make sure that any child who has to write the
test will be coached sufficiently to pass the test. And I think you are no
further up the road of solving the very basic problem. You simply remove it
from the sphere of a positive action to subversion of whatever provisions you
wish to put forward. In the Saint-Leonard crisis you remember an entire
separate system with full instruction was established. This operation would be
much less ambitious, such private, if you like, underground schools could be
established within a matter of days.
M. CHARRON: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président ,dans la version française du
mémoire, à la page 2 au dernier paragraphe, vous allez aussi
loin, dans les deux dernières lignes, par exemple, que de dire: "Pour
des raisons évidentes, les panneaux signalisateurs routiers devraient
être bilingues". Est-ce que vous pouvez me dire si les membres de votre
association ont eu des communications à ce sujet avec les
autorités des autres provinces du Canada pour leur demander si, elles
aussi, elles envisageraient de rendre ces panneaux signalisateurs bilingues?
Pouvez-vous me dire quel est le genre de réponse que vous avez
reçue?
M. SHORE: Again, Sir, that is part of a paragraph that indicate the
protection of the consumer should be the aim of Consumer Protection Laws. From
the view point of other provinces again, I am not in any position to do
anything about those highway signs, but I understand there are many American
tourists who come to Quebec and I think that everybody safety would be better
served.
M. SAMSON: Ne trouvez-vous pas que la question de la protection du
consommateur, que vous invoquez, ne serait pas aussi importante dans les autres
provinces que dans le Québec?
M. SHORE: The brief is not quite accurate in that because I understand
that the food label in-laws in Quebec, right now, indicate that the labelling
must be done in French. I do not believe that the Quebec legislation indicates
that it must also be in English. It probably should.
M. SAMSON: Pour nous donner satisfaction, admettons par hypothèse
que le gouvernement veuille absolument vous donner satisfaction sur ce point,
mais qu'en vous offrant ce genre de satisfaction il l'accompagnerait d'une
condition qui serait celle de vous dire: Dès que quatre ou cinq autres
provinces auront établi ce que vous demandez là, nous, au
Québec, nous ferons exactement la même chose. Est-ce que, si l'on
vous promettait cela ce soir, cela vous donnerait satisfaction?
M. SHORE: No, sir.
M. SAMSON: Cela ne vous donnerait pas satisfaction?
M. SHORE: No, sir. I could only give you my commitment that if, as a
member of the Canadian Teachers Federation, I ever have to present a brief to
the Federal Parliament concerning the Official Languages Act, my point of view
will be the same as here. It I were presently residing in Ontario, I would like
to think that I would make the same proposition to the Ontario Legislature. But
it is Quebec, and we are talking about a Quebec language problem.
M. SAMSON: Oui, je comprends que c'est seulement le Québec qui
vous intéresse parce que, lorsque l'on parle de bilinguisme, il semble
que cela intéresse uniquement le Québec dans le Canada. Mais
nous, ce n'est pas uniquement sur cette base qu'on veut discuter. Je pense
qu'au Québec on accorde en tout cas le "fair play" que
généralement la communauté anglophone dit vouloir nous
donner. Alors, le "fair play", à mon sens, cela devrait faire partie du
langage autant des anglophones que des francophones. Quand on est au
Québec, on réclame le "fair play" pour demander le bilinguisme.
Quand on est à l'extérieur l'extérieur du
Québec parce qu'on est encore dans le Canada on devrait aussi
pouvoir bénéficier de ce même "fair play".
Mon point de vue, c'est que je trouve malheureux qu'on se retrouve
toujours devant la même situation. On est toujours prêt à
réclamer du Québec qu'il soit un territoire bilingue alors qu'il
semble qu'on n'est pas prêt à donner l'équivalence
ailleurs. Je pense que, de ce côté-là, vous avez raison de
dire que nous pouvons citer le Québec en exemple. Mais ne trouvez-vous
pas que cela fait longtemps qu'on donne l'exemple et qu'il n'est pas suivi, cet
exemple-là?
M. SHORE: Again, sir, at risk of repetition, I was born in Quebec. If I
understand the platform of the Parti québécois, if they form the
Government, Quebec will separate from Canada. I would still be residing in
Quebec and I will still identify myself as an anglophone, resident of
Quebec.
M. SAMSON: M. le Président, je n'irai pas jusqu'à vous
souhaiter ça!
M. MORIN: Je voudrais souligner que c'est une attitude très
ouverte, tout de même, de la part du témoin, une attitude dont
pourraient s'inspirer certains collègues...
M. SAMSON: M. le Président,...
M. CLOUTIER: Je dirai que c'est une attitude courageuse même.
M. SAMSON: ... je continue à ne pas le souhaiter au
témoin.
Recommandation no 1 : "que la question soit ajournée dans
l'attente d'un programme plus positif et l'établissement d'une
atmosphère plus calme et objective". C'est un point de vue que je vous
demande, compte tenu des différentes attitudes que nous avons
retrouvées devant cette commission, les différents points de vue,
cela mènerait à quand le moment où nous aurions une
atmosphère meilleure, plus calme et plus objective?
M. SHORE: Perhaps, being pessimistic,... You spoke of hearing briefs
throughout the Fall and the Winter. The situation has not, I think,
deteriorated so badly in the last 200 years that it could not wait
another...
M. MORIN: Another 200 years? M. SHORE: ... year.
M. SAMSON: D'accord, M. le Président. A l'article 2, vous dites:
"Nous recommandons l'emploi de la persuasion pour encourager les immigrants
à fréquenter les écoles françaises".
D'abord, je voudrais vous demander quel genre de persuasion vous...
M. SHORE: Particularly the offering of good English language
instruction. The tendency of the immigrants to whom I have spoken and I
have spoken to many of them is that they are faced with a choice between
going to a French school where they will not receive any second language
instruction before grade five and, in many cases, will receive it very
grudgingly. The recent decisions of l'Alliance des professeurs and the CEQ
indicate how willingly this instruction is given.
On the other hand, they have the English school in which their child
will start in kindergarten throughout all the elementary years receiving a
minimum of two and a half hours of instruction in French, each week.
That, I submit, is one of the main reasons why the immigrants tend to
opt for the English schools. By the same token, francophone parents who have
transferred their children have done so primarily for that reason. Many of
them, angain, have indicated that if good second language instruction was
available, they would leave their children in the school in the milieu.
M. SAMSON: Si je vous comprends bien, vous souhaitez que la
deuxième langue soit enseignée dès le début, dans
les deux cas.
M. SHORE: That is being done in the English schools now, unless there is
a basic difference in pedagogy between the six-year-old francophone and
six-year-old anglophone, I suggest that either we have to stop teaching the
anglophones French at kindergarten or begin teaching the francophones English
at the same level. But as I understand, the cerebral development is not
different.
M. SAMSON: Et selon vous, si cela se faisait dans les écoles
françaises de la même façon, ce serait là un moyen
de persuasion qui pourrait justifier que nous continuions avec ces moyens.
M. SHORE: I believe that that would be the first step in a comprehensive
plan.
M. SAMSON: Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député d'Anjou.
M. TARDIF: M. le Président, je voudrais poser une question au
représentant de l'association. Bien que vous ne le disiez pas de
façon formelle, est-ce que je vous comprends bien lorsque vous dites que
vous préférez le bilinguisme intégral à une
priorité qui serait accordé au français, comme le
prévoit le projet de loi no 22?
M. SHORE: Yes.
M. TARDIF: Est-ce qu'à ce moment-là, je peux vous demander
de m'expliquer comment se concilie votre position avec votre affirmation,
à la fin du deuxième paragraphe de la page 1, où vous
dites qu'une réponse éloquente fut donnée à cet
extrémisme par des Québécois modérés, par le
truchement du récent sondage subventionné par le Devoir,
etc.?
Je vous pose la question parce que, selon le sondage du Devoir, entre
autres, il y avait 56 p.c. de la population du Québec, qui comprenait
à la fois les francophones, les anglophones et les membres du tiers
groupe, qui favorisaient soit le français seule langue officielle ou le
français langue officielle tout en accordant un certain statut à
la langue anglaise.
Je voudrais vous demander comment se concilie votre affirmation à
l'effet que les sondages démontrent qu'il n'y a effectivement pas de
négativisme de la part de la population du Québec et votre
position qui favorise tout simplement un bilinguisme intégral.
M. SHORE: I am inclined to agree with Mr. Claude Ryan, who, I believe,
interpreted the results of the survey as indicating that only 15 p.c. of
Quebecers favoured unilingualism.
M. TARDIF: 15.5 p.c.
M. SHORE: Oui. Taking it from that viewpoint, I am inclined to think
that 85 p.c. or perhaps 82 p.c. I do not have the exact figures here
do not seem to be in favour of placing English in the kind of position
that is outlined in the bill.
M. TARDIF: Non, je ne suis pas d'accord avec vous. En fait il y a 42
p.c, selon le sondage qui favorise le français et l'anglais comme
langues officielles, sans doute sur un pied d'égalité, et 56 p.c.
lui accorde un statut soit prioritaire ou un statut exclusif. Alors, je me
demande comment se concilient votre position et votre déclaration qu'il
n'y a pas de négativisme de la part de la population du Québec si
on se réfère au sondage.
M. SHORE: It is precisely with relation to the fact that only 15 p.c.
that is the figure that strikes me as being of greatest interest
wish to adopt unilingualism. It seems to me that whatever else the bill does is
it takes a very strong step in that direction, granted the existing situation
in guarantees within English schools will be maintained. But on all other
basis, English, according to the bill, has no discernible difference between
Polish or Chinese. I see no reference in the bill to official recognition of
English as the second language for dealing with, for example,
Hydro-Québec.
M. TARDIF: Mais vous reconnaissez, d'autre part, que le projet de loi ne
fait pas du français la seule langue officielle au Québec.
M. SHORE: As I understand it, unless I am reading chapter I wrong,
chapter I says that French is the official language.
M. TARDIF: Non, l'article 1 dit que le français est la langue
officielle du Québec alors que 15.5 p.c. de la population
déclarait préférer une version par laquelle le
français serait la seule langue officielle, ce qui implique un
unilinguisme intégral.
M. SHORE: Following the argument, it strikes me that we can also say
that 100 p.c. of the population who responded favoured maintaining French as an
official language.
M. TARDIF: Oui, je suis d'accord et je pense que c'est bien normal, tout
comme il y aurait probablement 98 p.c. ou 100 p.c. de la population de la
Saskatchewan qui favoriserait le maintien de l'anglais à tout le moins
comme langue officielle, vous ne pensez pas?
M. SHORE: I would be inclined to think that in Saskatchewan again 100
p.c. of the population would favour English as being at least one of the
official languages.
M. TARDIF: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense que
c'est un peu la même tendance qui se dégage ici où vous
avez 98 p.c. de la population qui, en fait, favorise le français,
à tout le moins comme une des langues officielles. Mais ce que je vous
demande, en somme, c'est si vous ne considérez tout de même pas
que le projet de loi consacre le français comme la seule langue
officielle.
M. SHORE: That is my interpretation of it.
M. TARDIF: Enfin, je pense que vous devrez peut-être relire le
projet de loi. Relisez également les commentaires de ceux qui sont venus
ici auparavant puisqu'il est bien clair, pour eux et, je pense, pour
tout le monde que le projet de loi ne consacre pas le français
comme seule langue officielle.
Quoi qu'il en soit, je voudrais passer à un autre point, celui de
l'administration publique, auquel vous faites allusion à la page 3
lorsque vous demandez qu'un nombre suffisant de fonctionnaires possèdent
une maîtrise adéquate de l'anglais. Avez-vous pris connaissance de
l'article 11 qui dit que toute personne a le droit de s'adresser à
l'administration publique en français ou en anglais à son
choix?
M. SHORE: It says nothing about the answer that he would receive.
M. TARDIF: Je suis bien d'accord. Le texte actuel ne traite pas de la
réponse, mais il n'en reste pas moins qu'il est bien mentionné
que le citoyen québécois a le droit de s'adresser à
l'administration publique en français ou en anglais.
Maintenant, avez-vous déjà eu, vous-même, des
problèmes particuliers pour recevoir une réponse en anglais de
l'administration publique québécoise?
M. SHORE: Would it be a problem...?
M. TARDIF: Est-ce que vous avez déjà eu vous-même
des problèmes?
M. SHORE: No, I must admit that particularly in the area of income tax
forms the service is fluently bilingual and prompt.
The issue at stake is that there is presently a custom within the
government to respond to such correspondance in English. The bill, it seems to
me, implies that this may continue.
M. TARDIF: A ce moment-là, il ne devrait pas y avoir de danger
que vous n'ayez pas de réponse en anglais, si je comprends bien.
M. SHORE: No, it is not only the question, Sir, of a matter of formal
written communication with the government. What is at stake we talked
earlier of the need for the profes-sionnals to be able to service both
languages would be in the area of public utilities, natural gas, for
example, Hydro, when service calls are made. There is no indication here that
any effort will be made at all or that any encouragement will be made to serve
those elements who cannot communicate.
M. TARDIF: Oui mais, lorsque vous traitez de cette question dans votre
paragraphe 3, vous faites allusion j'en suis persuadé
à l'administration publique puisque vous parlez des fonctionnaires. Une
compagnie qui vend du gaz ou qui fait partie des utilités publiques ne
fait certainement pas partie de l'administration publique. Alors, en somme, si
je comprends bien, il n'y a pas de danger pour vous, d'après la
rédaction actuelle du projet de loi, quant à la protection de vos
droits dans le domaine de l'administration publique.
M. SHORE: The question of what is the public sector or the parapublic
sector is an item that touches upon every citizen who has to deal with the
corporations, with the Crown corporations or with the Government directly. What
I am concerned about in here is the idea that communications may be accompanied
in English indicates no commitment of any kind.
M. TARDIF: Oui, mais là vous faites allusion à la langue
des entreprises d'utilités publiques, monsieur. On pourrait y revenir
mais, de toute façon, je pense que vous ne devriez pas avoir de crainte
à l'effet que, nécessairement, du jour au lendemain, vos droits
de communiquer avec l'administration publique en anglais vont être abolis
parce que le texte du projet de loi ne dit absolument pas cela. Je pourrais
traiter de la question de la langue des entreprises d'utilités
publiques, mais je ne le ferai pas parce que je sais qu'un de mes
confrères a des questions à poser. Je vous poserai tout
simplement une dernière question.
A la page 4, vous dites: Nous recommandons l'emploi de la persuasion
pour encourager les immigrants à fréquenter les écoles
françaises. Tenons compte de deux éléments. Le premier est
celui de la dénatalité assez importante qui a
caractérisé le groupe canadien-français au Québec
au cours des dernières années. Le deuxième est le fait
qu'environ 88 p.c. à 90 p.c. des enfants des nouveaux arrivants ou des
immigrants, si vous préférez, fréquentent le secteur
anglais. Ne pensez-vous pas que, dans le but de corriger cette situation, il
est nécessaire d'employer des mesures autres que la persuasion et de
faire en sorte que l'on intègre, par un texte de loi ou autrement, les
nouveaux arrivants éventuels ou les immigrants au secteur
français? Ne pensez-vous pas qu'en fonction des deux
éléments que j'ai mentionnés, c'est-à-dire la
dénatalité et la fréquentation massive du secteur anglais
des immigrants, il faudrait prendre des mesures qui sont autres que celle de la
persuasion?
M. SHORE: There are two aspects that should be pointed out here on the
question of immigrants. I can quote, if I may, a personal example in one of the
schools I visited recently, where many of the children were listed as
immigrants, but their mother tongue was neither French nor English. Of one
group of 24 so-called immigrants, 20 were born in Quebec. That, first of all,
leads to some misleading satistics; these are not in fact immigrants unless I
misunderstand the term; they are people who were born in Quebec and who are not
fluent in either language.
The other reason that I oppose forcing the immigrants in is on a very
practical reason. As I understand it, one of the aspects of good laws, is that
it must be unforceable. And what I suggest to you is that to use force at this
stage or to use means others than persuasion will defeat itself, that is every
effort will be made and organized in order to get around the provisions of the
bill. If the Government starts on the path of force, it will have to continue
escalations along that line.
I sincerely believe that there is a much more optimistic solution in
true persuasion.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Quatre minutes.
L'honorable député de Sainte-Anne.
M. SPRINGATE: Mr President, I know this is not the place for a debate
and I am not going to get into a debate. However we have been hearing many
statements for quite sometime and I think it is about sometime that someone
told the PQ that it is not only French Canadians who have lousy jobs, not
only
French Canadians who were told at times that: Bon, tu vas être un
bon petit gars, tu as un job "steady" pour employer les termes du
député de Saint-Jacques, et vous êtes un modèle pour
la société.
I know thousands of English-speaking people that do not have good jobs
either, as the Member for Saint-Jacques will know. I also happened to read the
survey the way you read it: 15.5 p.c. I have it right in front of me
want French as the only official language of the province. I read it the
way you do: French as the official language of Quebec and English as the second
language, 40.5 p.c. But 42 p.c. therefore having one of these three questions,
let us say if you wish desirable French and English as the official language? I
know this is not the place for a debate, I will not get into it there, but it
is one point that I think has to be made.
The Member fron Anjou does not worry about the fear. He is telling you
that you should not have any fear, because article 11 says that you can
correspond with the Government in either language. I know what type of response
you are going to get from the Government. I have to translate letter after
letter, day after day in my county and I share your fears. I happen to disagree
with him on this particular point.
I would like to ask you one question, this will be the only question. I
happen to agree with the Minister of Education and I laud him for the efforts
that he brought out oh about or almost 20 months to two years ago, when
he brought out the 5 year $99 million plan, which brought out more persuasion
to induce immigrant children to attend French Canadian schools by bringing
welcoming centres in French schools for the first time. And I would like to ask
you if you found an increase in the number of immigrant children now attending
French schools because of the small persuasion and tell the Minister what you
think of this particular plan, I was only allowed four minutes, so we will get
back to the debate another time.
M. SHORE: We do not have any special welcoming centres within the
English sector. The welcoming centres are within the French sector and I really
do not know how well they are. I an told that they are operating well.
M. SPRINGATE: They were set up to induce immigrants towards French
schools, this was the plan. I think this is an excellent plan. I happen to
believe that it is incumbent upon the state for moral persuasion not for
coercion, that is my particular view.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Hayden et M. O'Reilly qui
l'accompagne de la façon dont ils ont présenté leur
mémoire
et j'inviterais à présent l'Association des cadres
scolaires du Québec, M. Fernand Langlais, directeur
général, à présenter également ceux qui
l'accompagnent. Je vous mentionne que vous avez vingt minutes pour
présenter votre mémoire ou en faire un résumé. Il y
aura 40 minutes de questions, dont vingt minutes au parti ministériel et
20 minutes à l'Opposition officielle et au Parti créditiste.
Association des cadres scolaires du
Québec
MLLE GAGNON: M. le Président, je suis Céline Gagnon,
vice-présidente de l'Association des cadres scolaires et je dirige cette
délégation de l'association. Je vous présente mes
confrères, M. Roger Thériault, de la Commission professionnelle
des services de l'enseignement, et M. Paul Vachon, de la Commission
professionnelle des services de l'enseignement.
Je vous situerai, d'abord, l'Association des cadres scolaires comme
étant une association qui regroupe 1,400 cadres francophones qui
oeuvrent dans les commissions scolaires et les syndics et dont les fonctions
sont des fonctions de gestion pédagogique et de gestion administrative.
A l'occasion de son dernier colloque, qui se tenait les 30, 31 mai, 1er et 2
juin derniers et qui a réuni plus de 700 cadres, l'assemblée
générale de l'ACSQ, comme le projet de loi 22 venait d'être
déposé, a, en tenant compte des considérations suivantes,
adopté la résolution dont je vous donnerai la teneur. En tenant
compte, premièrement des objectifs de l'association qui sont, entre
autres, une éducation de qualité pour notre société
québécoise; en tenant compte aussi qu'une éducation de
qualité se doit de reposer sur un instrument de communication,
d'expression omniprésent dans la société
québécoise; en tenant compte que la langue d'enseignement doit
trouver sa contrepartie essentielle dans la langue de travail; en tenant compte
que l'ACSQ avait demandé, en octobre 1972, le retrait du bill 63,
puisqu'elle craignait, à la lumière de certains faits, une
anglicisation massive à long terme, et en tenant compte, enfin, que le
projet de loi 22 déposé à l'Assemblée nationale ne
répondait pas dans sa teneur à l'objectif énoncé
à l'article 1 dudit projet, l'association a résolu unaniment de
s'opposer à l'adoption du projet de loi no 22 dans sa forme
actuelle.
L'association a, aussi, confié à un comité
formé de l'exécutif de la Commission professionnelle des services
de l'enseignement le soin de rédiger un mémoire dans cet esprit,
mémoire qui vous est déposé ce soir, à cette
commission parlementaire.
Le mémoire, donc, que nous vous présentons a fait l'objet
d'une étude et d'une approbation du conseil général, tel
que recommandé par l'assemblée générale de nos
membres. J'invite, à ce moment-ci, M. Paul Vachon, qui a
participé à la rédaction du mémoire, à vous
donner, dans l'esprit de ce que vous avez recommandé ce matin, un
résumé de ce que vous y trouvez.
M. VACHON: M. le Président, M. le ministre, messieurs les
députés membres de la commission, disons que je vais faire un
bref résumé, peut-être, en insistant davantage sur certains
points et, particulièrement, sur la question de la langue d'enseignement
qui, bien sûr, préoccupe au plus haut point l'Association des
cadres scolaires du Québec.
Il est bien évident que l'ACSQ, de par sa composition, de par sa
nature, est extrêmement préoccupée par la question
linguistique, par la législation de l'Etat en matière
linguistique et elle l'a toujours été dans sa courte histoire,
qui date à peu près de deux ans. En octobre 1972, l'ACSQ, face
à une crainte d'anglicisation relativement à la loi 63, demandait
le rappel de cette loi. Par ailleurs, il faut quand même souligner que,
depuis, de nombreuses déclarations ministérielles et des
déclarations du gouvernement du Québec nous ont, si je puis dire,
mis en confiance face à la venue éventuelle d'une loi sur la
langue. Propos portant sur l'impertinence de la loi 63, qu'on a maintes fois
qualifiée comme étant une erreur. Evocation d'intentions du
gouvernement de prendre ses responsabilités en matière de
politique linguistique. Emphase mise par le premier ministre lui-même sur
la souveraineté culturelle; l'importance accordée par le premier
ministre au fait qu'il était le seul chef d'un Etat francophone en
Amérique et l'importance, bien sûr, de légiférer
pour promouvoir le fait français. Enfin, la volonté souventefois
répétée de faire du français la langue officielle
au Québec.
Si je m'en rapporte au discours inaugural du premier ministre, du 9 juin
1970, on pourrait lire à peu près ceci: "Le français doit
devenir au Québec la langue de travail. Tous connaissent les faits
apparents surtout dans la région de Montréal. Il est inadmissible
que, dans un Québec dont la population est en majorité
francophone, il soit trop souvent impossible d'utiliser le français
comme langue de travail... Cette situation doit cesser... Nous réclamons
le respect d'un droit fondamental... On ne pourra jamais expliquer à
ceux qui ne peuvent travailler en français que la langue dans laquelle
ils ont étudié et grâce à laquelle ils se sont
formés devienne trop souvent la langue seconde. Et, si on ne peut le
leur expliquer, c'est qu'ils ont raison de vouloir que la situation
change".
Si on se reporte au discours inaugural de cette année, mars 1974,
il est bien dit: "Une loi proclamera le français langue officielle du
Québec, affirmant d'une façon non équivoque la
détermination de tous les Québécois à conserver et
à développer la langue et la culture françaises, tout en
consacrant, par ailleurs, la personnalité française du
Québec au sein de la Confédération canadienne". Bon, on
peut se
reporter également au préambule même du projet de
loi 22. On peut se reporter à une déclaration du ministre de
l'Education lors d'une conférence de presse devant la chambre de
commerce, en novembre 1973, où le ministre affirmait: "II semble bien
que la langue française soit plus menacée qu'autrefois ou
peut-être en sommes-nous plus conscients".
Donc les intentions du gouvernement nous paraissent, toujours dans ces
textes, dans le préambule, claires. Je dois dire cependant
l'é-tonnement et la déception de l'Association des cadres
scolaires devant le projet de loi 22 lui-même, ce projet de loi
réclamant le français langue officielle.
Ici, j'aimerais quand même qu'on situe le Québec comme
étant dans une position assez exceptionnelle, un peu spéciale en
Amérique du Nord qui, à notre avis, bien sûr, appelle
et c'étaient les propos mêmes du gouvernement une
législation spéciale en matière linguistique, une loi qui,
non seulement protège. Et la protection, je pense qu'on commence juste
à penser que ça fait un peu "quétaine", du genre un peu
collecte-pour-la-survivance-française-en-Amérique. Je pense que
la protection ça doit exister. Par ailleurs, je pense qu'il paraît
au gouvernement lui-même, semble-t-il, qu'il faut aller du
côté de la promotion, dans le sens étymologique,
déplacer vers l'avant, donc faire des pas en avant, ce qui est un
processus essentiellement dynamique.
Au moment où le ministre de l'Education, en novembre 1973,
parlait de contrainte qui limite notre marge de manoeuvre, bien sûr
l'ACSQ prétend qu'il faut définir quels sont les objectifs. Cela
dépend un peu de ce qu'on veut. Nous prétendons que personne de
vraiment sérieux en éliminant tout ce qu'il peut y avoir
d'affectif ou de pression dans l'attitude qu'on veut prendre face à une
législation linguistique au Québec il nous paraît
que personne de sérieux ne peut vraiment croire que la minorité
anglophone du Québec n'est menacé dans sa langue, dans sa
culture, dans ses possibilités de communiquer, et ceci, quelle que soit
la nature des conditions des réalisations jugées essentielles
à la prééminance et la promotion du français au
Québec.
La culture française a besoin d'une action énergique de
l'Etat. On est là, sur nous-mêmes. Le français ne doit pas
être seulement une langue de culture. Il est facile de passer de la
langue officielle à la langue de culture, et de la langue de culture
à l'extinction définitive de la langue. Donc, le danger c'est
d'essayer d'établir une langue officielle alors que le contexte de vie
ne permet pas de l'utiliser. Alors, l'ACSQ, dans son mémoire, traite
principalement de la langue de l'enseignement et de la langue de
l'administration. Bien sûr, la langue de travail, des affaires, de
l'affichage, de l'étiquetage est traitée mais moins en
détail et davantage sous l'aspect d'une espèce de moteur ou de
motivation à l'enseignement du français au Québec.
Au plan de la langue de l'administration, on voudrait principalement
souligner un point qui nous paraît être la consécration du
bilinguisme dans le fonctionnarisme public et parapublic. Si on s'en rapporte
à l'article 11, toute personne a le droit de s'adresser à
l'administration publique en français ou en anglais, à son choix.
C'est bien évident que la personne qui s'adresse à
l'administration publique en anglais est en droit de s'attendre à une
réponse en anglais. Pour nous, il nous paraît que tous les cadres
des commissions scolaires, avec l'école anglaise ou classes anglaises,
seront tenus d'être bilingues, et les anglophones seront en droit de
l'exiger. Ceci nous paraît inacceptable.
Côté langue de travail, d'autres que nous ont
épilogué et épilogueront beaucoup plus longtemps et
beaucoup plus savamment que nous là-dessus. Il nous paraît quand
même important de souligner que c'est un des noeuds sinon le noeud du
problème.
Facteur de motivation. La langue est essentiellement un instrument de
communication. Il ne nous paraît pas qu'on doive parler d'aspect
esthétique de la langue, il n'y a pas de langue belle ou de langue pas
belle. Le français n'est pas une langue plus belle que l'anglais. Par
contre la langue ça doit servir. C'est quand même l'argument
essentiel pour la question des transfuges, ce qu'on appelle les transferts de
langue.
C'est l'argument que nous servent le plus souvent les parents de
l'enfant francophone qui veulent inscrire leur enfant à l'école
anglaise. Il faut apprendre l'anglais. Il va travailler et il faut qu'il sache
l'anglais.
Par ailleurs, les sondages qui ont été publiés, en
particulier dans le Devoir, nous paraissent comme étant peut-être
une des meilleures preuves que la motivation n'existe plus au Québec, et
il nous paraît que c'est peut-être davantage le portrait d'une
situation qu'une solution. Il nous semble que le gouvernement du Québec,
devant la publication de ces sondages, devrait réfléchir à
cela, se poser des questions. Il nous semble que quand un peuple ou une
collectivité réclame à un moment donné de son
histoire si on s'en réfère aux sondages le
bilinguisme d'une façon majoritaire, l'on devrait se poser
également des questions.
Nous passons rapidement sur la question des subventions aux entreprises.
Le ministre en a parlé aujourd'hui. C'est quand même un autre
symptôme de notre situation : nous allons offrir de l'argent aux
anglophones, aux Américains pour avoir le privilège d'exister ici
en français.
Je termine rapidement sur la langue de l'enseignement. Si le
français est la langue officielle au Québec, il nous semble que
les articles sur la langue d'enseignement doivent découler de ces
prémisses. Il nous semble que tous les immigrants quelle que soit leur
origine, devraient être tenus de s'inscrire à l'école de la
langue officielle. Il nous semble que c'est normal et que cela se passe ainsi
partout, dans
tons les pays du monde. En fait, d'après les chiffres qui ont
été publiés, je vous les rappelle, en 1972/73, 86 p.c. des
Néo-Québécois ont choisi l'anglais comme langue
d'enseignement.
Il nous semble que pour tous les citoyens québécois
l'école à fréquenter est l'école de la langue
officielle. Les citoyens anglophones le désirant devraient, bien
sûr, pouvoir recevoir leur éducation en langue anglaise. Il nous
semble également que l'on devrait mettre l'emphase
là-dessus, nous rejoignons le ministre de l'Education à propos du
plan de développement des langues, quoique l'on puisse différer
d'avis sur les modalités sur l'enseignement de la langue
officielle qui devrait se faire dans les classes anglaises et l'enseignement de
la langue seconde, c'est-à-dire l'anglais, dans les écoles
françaises.
Il nous semble important de dire un mot sur la notion de la connaissance
suffisante dont on parle particulièrement aux articles 49 et 50,
où il est question d'aptitude, et à l'article 51, où il
est question des tests. Cela nous semble une notion particulièrement
nébuleuse, difficile et pratiquement "inadministrable". C'est une notion
qui paraît quand même assez souvent dans la législation
fédérale sur le bilinguisme. On peut se reporter aux officiers de
douane, aux employés anglophones bilingues d'Air Canada, du Hilton
à Montréal ou des grands magasins de l'Ouest de Montréal,
gens dont on exige une connaissance suffisante. C'est une notion qui nous
paraît tellement difficile à définir qu'il nous
paraît que c'est peut-être, en définitive,
"inadministrable".
Relativement toujours à cette notion de connaissance suffisante,
si le bill 22 était adopté tel que rédigé, on
pourrait facilement entrevoir la prolifération au Québec
d'écoles privés de langues, style Berlitz, écoles qui ont
pour but de procurer à ceux qui s'y inscrivent une connaissance
suffisante rapide de la langue qu'ils veulent apprendre.
On peut encore parler des étés passés en Ontario ou
dans les colonies de vacances aux Etats-Unis, etc. Il paraît que tous les
moyens seront bons pour, de toute façon, contourner la loi et conserver
la statu quo consacré par la loi 63.
Je termine rapidement, M. le Président, par les recommandations
que formule l'ACSQ à l'endroit de la commission:
L'Association des cadres scolaires du Québec recommande: 1. Que
la loi proclamant le français langue officielle affirme clairement le
caractère francophone du Québec, dans le sens de réunir
les conditions essentielles à l'épanouissement, à la
promotion et la prééminence du français au Québec.
2. Que les articles de la loi ne viennent pas en contradiction avec les
énoncés de principe du préambule. 3. Que la loi assure
sans équivoque le caractère francophone de ce qu'on peut appeler
l'environnement linguistique québécois par des mesures
coercitives en ce qui concerne la langue d'enseignement, la langue de travail,
la langue de l'administration et des affaires, la langue d'affichage,
d'étiquetage et de communication à tous les niveaux. 4. Que la
loi assure l'intégration à l'école française de
tous les nouveaux immigrants. 5. Que les francophones soient tenus pas la loi
de fréquenter l'école française à compter de la
date de proclamation de la loi.
Il ne s'agit pas, bien sûr, de sortir les enfants qui sont
déjà dans les classes anglaises. Il s'agit de statuer sur le fait
qu'à compter du moment de l'adoption de la loi les francophones soient
tenus de fréquenter l'école française. 6. Que la loi
prévoie l'établissement, d'ici quinze ans, d'un seul
réseau francophone d'enseignement regroupant des écoles qui
respectent la confessionnalité des individus, des écoles
anglaises pour les seuls citoyens dont la langue maternelle est l'anglais et
des écoles qui respectent l'esprit du troisième paragraphe de
l'article 48 du projet de loi.
M. le Président, je remercie les membres de la commission de leur
attention. Mes collègues et moi-même serons maintenant disponibles
pour répondre aux questions.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de l'Education.
M. CLOUTIER: M. le Président, je remercie l'Association des
cadres scolaires du Québec pour la présentation de son
mémoire. Comme l'association m'a cité, je désire
répéter que j'assume toute la responsabilité de ce que
j'ai dit, depuis que je suis en politique d'ailleurs et même auparavant,
et que je ne renie en rien le diagnostic que j'ai pu poser à ce
moment-là sur la situation linguistique.
Là où nous semblons différer d'avis, c'est sur les
moyens d'arriver à la corriger. Je n'ai pas l'intention de tenter de
réfuter certains points du mémoire. Je n'ai jamais pris cette
attitude vis-à-vis d'aucun groupe. Je vais me contenter de poser
quelques questions pour recevoir des éclaircissements sur la
façon dont vous avez évalué le projet de loi no 22.
Je pense que vous êtes d'accord avec moi pour admettre qu'il y a,
au Québec, une majorité et une minorité, une
majorité de parlants français, une minorité de parlants
anglais, une minorité d'à peu près 20 p.c.
Avant que le député de Saint-Jacques ne dise que ce n'est
pas 20 p.c, je précise qu'il s'agit d'anglophones mais qu'effectivement
il y a peut-être 14 p.c. d'Anglo-Saxons là-dedans. Mais il reste
que c'est une minorité d'anglophones de 20 p.c. Vous êtes d'accord
là-dessus, je crois bien. Ce sont des faits.
Peut-être également êtes-vous d'accord sur le fait
que le gouvernement représente, dans tous les pays du monde, dans toutes
les régions du
monde, tous les citoyens. Je crois que vous êtes aussi d'accord
là-dessus.
Alors, si vous êtes d'accord sur ces deux principes, il faudrait
peut-être comprendre que, lorsqu'on légifère, il faut tenir
compte de tous les citoyens, c'est-à-dire de la majorité et de la
minorité.
C'est la raison pour laquelle j'aimerais que vous m'expliquiez comment
vous arrivez à voir, dans la loi 22, une loi de bilinguisme. Il semble
que partout, c'est vraiment le français qui devient prioritaire mais que
l'on prévoit des régimes particuliers, dans certains cas, ou
encore la protection de certains droits sur le plan individuel.
Vous le comprenez fort bien parce que vous dites: En effet, le projet de
loi veut faire du français la langue officielle et, déjà,
on prévoit des exceptions au niveau de l'appareil administratif,
etc.
Alors j'aimerais que vous m'expliquiez comment on peut
légiférer, en tant que gouvernement responsable, si on ne tient
pas compte de sa minorité, tout en allant le plus loin possible en ce
qui concerne la priorité de la langue de la majorité.
M. VACHON: II est bien évident que l'association des cadres
reconnaît entièrement le fait qu'au Québec il y a une
minorité anglophone. Par contre, ce que le mémoire veut faire
ressortir particulièrement, c'est qu'à propos de certains
articles, notamment sur la langue je passe rapidement sur la langue de
l'étiquetage, de l'affichage où les articles du projet de loi ne
nous apparaissent pas clairs l'article 11 que j'ai cité
tantôt, c'est un article qui touche particulièrement, vous en
conviendrez, M. le ministre, les administrateurs scolaires francophones.
M. CLOUTIER: L'article 11, communication. Je ne veux pas engager un
débat. Si je m'adresse à vous sur ce ton-là, c'est que
vous êtes des administrateurs responsables, c'est pour ça que je
vous parle comme je le fais, et je souhaiterais que vous relisiez la loi de
manière à en voir toutes les implications. Est-ce que vous
n'admettrez pas qu'il s'agit là d'un droit individuel? Lorsque nous
sommes dans une société où il y a 20 p.c. d'anglophones,
il est à peu près impensable de priver des gens de ce droit
individuel de communication, il ne s'agit pas d'un droit collectif.
Relisez bien la loi, avec votre esprit d'administrateur lorsque
vous voyez vos budgets, vous nous les présentez au ministère
à peu près dans le même esprit, avec la même
objectivité et essayez de vous poser la question, ne partez pas
de prises de positions antérieures, essayez de vous poser la question
à savoir comment on fait lorsqu'on veut protéger des droits
individuels qui existent, comment on fait, sinon prévoir des
régimes d'exception dans des cas très particuliers ou certaines
exceptions et en quoi c'est un signe de bilinguisation?
M. VACHON: C'est une question que l'on peut se poser. Par contre, une
autre question que l'on peut se poser et que nous nous sommes posé avant
celle que vous me posez, c'est celle-ci: Que fait-on au Québec pour
promouvoir et pour assurer la prééminence du fait
français? Je pense que le problème est là. Il est bien
évident que, comme on l'a mentionné tantôt, compte tenu du
contexte nord-américain, des communications, de la
télévision, du câble, des journaux, etc. des écoles
anglaises que nous ne contestons pas, c'est bien évident que la culture,
la langue des anglophones n'est pas menacée. Par contre, il nous
apparaît...
M. CLOUTIER: Ne protégeons-nous par la langue? Il s'agit des
individus en ce moment. En quoi protégeons-nous la langue?
M. VACHON: D'accord, mais ce que nous disons c'est que, pour assurer la
promotion et la prééminence du fait français...
M. CLOUTIER: ... les droits individuels de 20 p.c. de la population.
M. VACHON: Non et je pense bien que dans le mémoire soumis ici
à la commission parlementaire, il n'y a absolument rien qui nous fait
dire qu'on veut brimer leurs droits.
M. CLOUTIER: Bien sûr que non, mais la construction que vous
proposez ne semble pas tenir compte de la situation de fait. C'est pourquoi je
voudrais que vous preniez la peine peut-être de revoir la loi. Vous dites
qu'il y a des contradictions entre le préambule et certains articles de
la loi. En êtes-vous tellement sûr? Qu'est-ce qu'un
préambule? Ce sont des objectifs. Et la loi fournit justement les moyens
d'obtenir des objectifs. C'est le but que l'on fixe, ce n'est pas autre chose,
c'est impensable que ça puisse être atteint instantanément.
Mais la loi comporte toute une dynamique dans tous les secteurs, il y a
peut-être des faiblesses ici et là, nous verrons à les
corriger, mais comporte une dynamique qui permet d'évoluer vers ces
objectifs. Avez-vous cela, dans la loi?
M. VACHON: Oui. Par contre ce qu'on a vu aussi, c'est que la dynamique
dont vous parlez ne nous paraît pas exister au plan de la langue
d'enseignement particulièrement. Et je pense que les articles du projet
de loi concernant la langue d'enseignement vont probablement et presque
assurément consacrer le statu quo.
M. CLOUTIER: Là, c'est un autre problème. Je conviens avec
vous que...
M. VACHON: C'est très important.
M. CLOUTIER: ... et le fait que vous parliez comme ça semble
montrer que dans les autres chapitres, c'est plutôt mon
interprétation qui
prévaut. C'est-à-dire que ce n'est pas du tout du
bilinguisme. Vous semblez dire que dans le domaine de l'éducation, au
chapitre de l'enseignement, il est exact que nous acceptons le fait qu'il y a
deux réseaux d'enseignement. Il y a le réseau francophone et le
réseau anglophone.
M. VACHON: Dans le mémoire, nous mentionnons à un ou deux
endroits le fait que certains articles semblent consacrer un bilinguisme. Quand
on parle, par exemple, de deux textes...
M. CLOUT1ER: C'est le mot fort. Je vous demande simplement de revoir
votre avancé parce qu'il y a eu beaucoup de groupes qui sont
arrivés ici, je pense en particulier à la FTQ cet
après-midi, et le président de la FTQ, qui est un homme
pondéré, demandait le retrait de la loi. Si j'avais eu le temps
de lui parler, j'aurais dit: Ecoutez, réfléchissez bien;
n'allez-vous pas priver pas mal de Canadiens français du meilleur
instrument de francisation qu'on ait jamais offert au Québec? Oubliez
pour l'instant vos...
M. MORIN: Vous n'avez pas convaincu le représentant de la FTQ cet
après-midi.
M. CLOUTIER: ... opinions politiques préconçues et essayez
de voir la loi telle qu'elle est, pas telle que vous la rattachez à des
idées antérieures. Ce n'est peut-être pas ce que vous
souhaitez mais ce n'est peut-être pas si mauvais au point d'en demander
le retrait. Vous n'allez pas si loin que ça.
Il y a également M. Charbonneau, de la CEQ, qui a fait une
excellente citation que j'ai bien l'intention de reprendre à l'occasion;
c'est d'ailleurs tout à son honneur. Il a dit ceci: Une politique c'est
une tendance qu'il faut corriger. C'est exactement cela parce que ce n'est pas
instantanément qu'on obtient des résultats. On cherche à
corriger des tendances.
Alors, je m'excuse, M. le Président, je suis allé assez
loin dans le plaidoyer; j'essaie d'éviter ça le plus possible
mais, devant une association d'administrateurs responsables qui touche à
ce que nous avons de plus important au Québec, je crois que je me devais
de leur demander au moins de revoir leur position.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: M. le Président, de façon à laisser
suffisamment de temps à mes collègues pour poursuivre le dialogue
avec nos invités, je voudrais simplement soulever un ou deux petits
points qui m'intéressent particulièrement. A la page 12, vous
évoquez le cas des institutions privées, le fait que la loi ne
semble pas s'appliquer aux institutions privées. D'après vous,
quelles seraient les solutions dans le cas des écoles privées?
J'entends en matière de langue d'enseignement.
M. THERIAULT: Vous avez bien dit sur le plan de la langue
d'enseignement, ce qui exclut tout autre possibilité; dans ce secteur,
je pense que les principes que nous défendons pour le secteur public
doivent être appliqués mutatis mutandis aux institutions
privées, dans la mesure où on juge pertinent de continuer
à les maintenir.
M. MORIN: Vous voulez dire que vous ne feriez donc aucune distinction,
sur le plan de la langue d'enseignement, entre le secteur public et le secteur
privé; ce seraient les mêmes règles?
M. THERIAULT: En principe, non. Toutefois, il y aurait peut-être
lieu de rattacher à notre sixième recommandation votre
intervention, cette recommandation préconisant l'institution d'un seul
réseau d'enseignement au Québec.
M. MORIN: Voulez-vous dire par là que cet unique réseau
d'enseignement serait public?
M. THERIAULT: Serait nécessairement public.
M. MORIN: En attendant l'avènement de ce secteur unique, de
caractère public, vous préconiseriez donc l'application des
mêmes solutions aux deux secteurs?
M. THERIAULT: Les mêmes solutions dans le cadre des observations
que nous avons faites dans notre mémoire et non dans le cadre de la loi
telle qu'elle est présentement déposée.
M. MORIN: Oui, bien sûr, bien sûr. Un deuxième point
maintenant. Il s'agit d'une question qui a été longuement
débattue à l'Assemblée et surtout ici en commission ainsi
qu'à l'extérieur, selon laquelle les francophones soient tenus
par la loi de fréquenter l'école française à
compter de la date, comme vous le dites, de la proclamation de la loi. Lorsque
de telles idées sont mises de l'avant, on nous dit souvent: Que faire
des cas limites, des enfants qui sont de père français et de
mère anglaise ou vice versa, de père anglais et de mère
française? Que fait-on de ces cas-là? Est-ce que, comme
administrateur scolaire, vous vous êtes déjà heurté
à des problèmes de ce genre? Quelles solutions entrevoyez-vous?
J'ai noté au début de votre mémoire c'est la raison
pour laquelle je pose la question que vous vous occupez aussi bien de
gestion pédagogique que de gestion administrative.
M. THERIAULT: II est bien évident, dans le contexte
présent, que la délimitation ou la définition en termes
clairs de ce qu'est un citoyen québécois anglophone par
opposition à un citoyen québécois francophone est
très difficile à établir.
Oeuvrant personnellement dans un milieu où j'ai à trancher
ces questions, je vous avoue que ça impliquerait dans les faits la mise
en place localement d'un système d'enquête qui devrait être
assez bien instrumenté pour pouvoir le faire, de telle sorte que,
pratiquement, si on retient la solution de se baser sur la consonnance du nom
de famille, c'est évidemment trompeur et non significatif. D'autre part,
il y aurait nécessité d'avoir, par quel mécanisme je ne
sais trop, pour le moment, un instrument qui permettrait genre
recensement, possiblement de définir, au moment de la
promulgation de la loi, quels sont les citoyens du Québec qui sont de
langue anglaise, quels sont les citoyens du Québec qui sont de langue
française.
Je retiendrais cette suggestion dans l'optique de la proposition que
nous faisons qu'à partir de la date de promulgation de la loi, le
transfert de langue d'enseignement, pour ce qui est des francophones, ne se
fait plus et qu'il peut se faire, pour ce qui est des anglophones qui
voudraient intégrer le secteur français.
M. CHARRON: Seriez-vous d'accord je vous le demande comme
administrateur scolaire si on employait la même définition
que l'on emploie au moment des recensements fédéraux en ce qui
concerne la langue maternelle, c'est-à-dire qu'elle est définie
dans les recensements fédéraux comme étant la
première langue apprise, quelle que soit l'acquisition, même si
à un moment l'acquisition d'une seconde langue a effectivement
remplacé la première? Je pense que quand on établit les
statistiques fédérales et qu'on mentionne qu'il y a au
Québec x personnes de langue française, on veut dire que ces
personnes, c'est la première langue qu'ils ont apprise.
Est-ce qu'une définition de ce genre, si elle devait s'appliquer
à l'établissement scolaire, amènerait dans votre
tâche des complications particulières?
M. THERIAULT: Elle amènerait vraisemblablement au départ,
en principe, une clarification; en pratique, ça m'apparaît un
instrument qui de toute façon n'amène pas une réponse
claire au problème proposé. Il me paraît nécessaire
qu'on doive faire de la recherche pour avoir des éléments de
référence qui puissent permettre de définir un tel statut
d'une façon beaucoup plus claire et beaucoup plus officielle.
M. CHARRON: Lesquels, par exemple?
M. THERIAULT: Reste à voir. Je parlais tantôt au niveau de
la recherche ou de l'investigation. Sans déboucher sur une connotation
peut-être un peu policière, il faudrait quand même avoir des
éléments, à savoir... C'est peut-être davantage
l'interrelation d'un certain nombre de facteurs qui permettrait de mieux
définir la provenance linguistique ou la définition
systématique de la langue maternelle. Parce qu'au niveau d'un
recensement tel que vous le mentionnez, dans le contexte actuel, où
l'enseignement du français ou le fait de parler français au
Québec n'est pas perçu comme économiquement rentable, il y
a de forts risques, demain matin, que plusieurs personnes déclarent,
pour sauvergarder leurs arrières, être de langue maternelle ou
utiliser l'anglais comme langue commune à la maison. Il faudra aller
dans le milieu pour le vérifier, à ce moment-là.
M. CHARRON: Maintenant, je ne sais pas si j'ai la parole, M. le
Président, je me suis trouvé à...
M. THERIAULT: Oui, j'ai terminé, je la passe volontiers au
député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Mais, soumis au règlement, M. le Président, je
dois vous demander si j'ai votre autorisation.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Vous avez mon autorisation.
M. CHARRON: Je vous remercie, M. le Président. Je ne suis pas
capable de respecter l'autorité sans susciter des commentaires.
M. CLOUTIER: Nous sommes en train de...
M. CHARRON: Je voudrais reprendre l'échange que vous aviez avec
le ministre de l'Education. Le ministre a la malheureuse habitude d'abandonner
ses échanges au moment où ils deviennent le plus
intéressants.
M. CLOUTIER: Je pense aux autres.
M. CHARRON: Je vous remercie de penser à moi, mais je
voudrais...
M. CLOUTIER: Je ne veux pas monopoliser la discussion.
M. CHARRON: J'ai remarqué, dans la discussion que vous aviez tout
à l'heure avec le ministre de l'Education, que le ministre commence
déjà à puiser les références qu'il faut dans
les témoignages que nous avons entendus depuis sept jours et de
savamment abandonner d'autres références qui ont
été beaucoup moins utilisables, en tout cas, mais ça,
c'est son jeu, personne ne le lui reprochera.
Je reviens sur cette affirmation que le ministre faisait à
l'effet qu'une politique ou une loi est une tendance. Il s'est fait fort
d'aller chercher des appuis chez un groupe qui a demandé le retrait du
projet de loi 22, pour reprendre cette affirmation.
Justement, en admettant l'hypothèse du ministre de l'Education,
considérez-vous que la tendance actuelle, inscrite dans le projet de
loi
22, avec les nouveaux droits qu'acquiert la langue anglaise, est
effectivement, comme l'ont dit plusieurs groupes, une tendance vers le
bilinguisme?
M. VACHON: La loi 63, dans son préambule, comportait
également une tendance à la promotion du français au
Québec. Dans les faits, il est apparu que la tendance a
été l'inverse de celle qu'on attendait. Nous craignons fort que
la tendance indiquée dans le préambule du présent projet
de loi n'aille dans le même sens. De la même façon que je
l'exposais tantôt, si test il y a ou quelque moyen qu'on puisse utiliser
pour déterminer ce qu'on appelle la connaissance suffisante, il nous
paraît fort simple pour n'importe qui de contourner facilement ce qu'on
appelle des embûches ou des contraintes ou des restrictions. Il nous
paraît qu'au plan de la langue d'enseignement on va consacrer le statu
quo. Dans ce sens-là, nous préférerions le simple retrait
du projet de loi 22, parce qu'il est bien évident qu'on ne revient pas
chaque année avec une nouvelle loi sur la situation linguistique, sur la
langue. On préférerait que cette question-là soit plus
longuement débattue et qu'on en fasse le tour plus longuement.
M. CHARRON: Mais, sur le chapitre premier de la loi, celui de
l'administration publique, diriez-vous que les dispositions d'exception
créant un nouveau statut à l'anglais qui accompagnent l'article 1
sont également une tendance vers la bilinguisation, comme certains
groupes avant vous l'ont soutenu? La grande majorité des groupes l'a
soutenu.
M. VACHON: Disons que moi, j'hésiterais, à ce moment-ci,
à me commettre au plan des mots unilinguisme et bilinguisme. Je pense
que c'est trop facile de jouer sur les mots. C'est trop facile de dire que ceci
est du bilinguisme et que cela est de l'unilinguisme. De toute façon, on
mêle le monde avec cela, c'est bien évident. Demandez à dix
personnes sur la rue: C'est quoi, pour vous, l'unilinguisme? Dans un sondage,
vous dites aux gens: C'est quoi? Etes-vous pour l'unilinguisme? Bien non, on a
besoin de l'anglais. Bien sûr, on a besoin de l'anglais. La même
distinction que celle que le ministre de l'Education faisait tantôt, les
droits individuels ou l'unilinguisme d'Etat et le bilinguisme des
individus.
Dans tout cela, autant au niveau de l'article que vous mentionnez ou des
tendances que vous semblez voir dans l'article sur l'administration publique,
il ne nous semble pas que ces articles-là renferment ou ramassent
suffisamment les conditions essentielles à la prééminence
du fait français au Québec. Dans ce sens-là, nous, on
préférerait le simple retrait du projet de loi.
M. CHARRON: Bien, j'ai terminé.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda. Il
reste huit minutes à l'Opposition.
M. SAMSON: M. Vachon je n'en prendrai pas huit à
l'article 3, on dit: Que la loi assure sans équivoque le
caractère francophone de l'environnement linguistique
québécois par des mesures coercitives. J'aimerais vous demander
de nous expliciter davantage ce que vous entendez par mesures coercitives dans
le cas présent. Si possible, donnez-nous quelques exemples de ce que
seraient ou ce que devraient être, selon vous, ces mesures
coercitives.
M. VACHON: Je pense que des juristes pourraient beaucoup plus facilement
que nous dire ce qui fait peur aux gens ou ce qui empêche les gens de
faire certaines choses ou ce qui incite les gens à faire certaines
autres choses. On a parlé d'amende, on a parlé d'un paquet de
choses; par contre, prenons la législation actuelle sur le
phénomène de l'environnement, la pollution. Toutes les semaines,
on lit dans les journaux que des compagnies contreviennent aux lois sur la
pollution. Il y a des amendes qui paraissent souvent symboliques et qui font
que la situation ne change pas.
Là-dessus, nous, nous n'avons rien envisagé. Moi, je ne
peux pas vous dire: Ce serait tant d'amende, ce serait telle chose, les
mesures. Il nous paraît qu'une loi qui ne prévoit pas des
sanctions, on y contrevient facilement et la situation peut demeurer facilement
inchangée.
M. SAMSON: Si le projet de loi était retiré pour
être ramené un peu plus tard avec une nouvelle formulation, cela
donnerait peut-être à votre groupe ou à d'autres le temps
qu'il faut pour penser à des formules à suggérer pour
répondre aux objectifs que vous visez à l'article 3 de votre
recommandation, si je comprends bien?
M. VACHON: A nous, comme groupe, cela nous le permettrait
sûrement.
M. SAMSON: Merci.
M. THERIAULT: II est important de mentionner, si vous me permettez, que
l'importance qu'un gouvernement accorde à une loi doit être
directement proportionnelle aux sanctions qu'il prévoit pour la
même loi.
M. CLOUTIER: Répétez donc ça là.
M. THERIAULT: L'importance qu'un gouvernement accorde à une
loi...
M. CLOUTIER: ... doit être...
M. THERIAULT: ... directement proportionnelle aux sanctions qu'il met en
place pour assurer le respect de cette même loi.
M. CLOUTIER: II y a des juristes ici, je ne sais pas s'ils voudront
faire des commentaires.
M. LALONDE: ... des moyens qui sont pratiques pour appliquer un
instrument comme une loi. La loi est une institution. Alors il n'est pas
pratique d'utiliser la coercition; à ce moment-là, je ne pense
pas qu'il soit très responsable de suggérer dans un
mémoire d'employer des méthodes coercitives, sans avoir
étudié l'aspect pratique, parce que la coercition implique
nécessairement des sanctions et les sanctions, tout un mécanisme
d'inspection.
Vous allez mettre un policier dans chaque usine, à chaque
étage. Je veux dire que l'importance que l'on accorde à une loi
est en proportion des sanctions que l'on y prévoit. Si vous pensez
à la coercition à ce moment, c'est tout à fait...
M. THERIAULT: Ce que je veux signifier, d'une part, c'est qu'il est bien
évident qu'il n'appartient pas à un organisme qui présente
un mémoire de définir des sanctions, au départ. Bon, cela
me parait indiscutable. Il appartient au législateur toutefois d'aller
jusque-là. Et ce que je voulais signifier, c'est que si un projet de loi
revêt aux yeux du législateur une certaine importance, il a le
devoir de mettre en place les mécanismes pertinents pour en assurer le
respect. A titre d'exemple, vous vous en allez chez vous ce soir en voiture et
si le fait, à minuit trente, de brûler un feu rouge ne vous
coûte qu'une légère semonce de la part des
autorités, bien, il est normal qu'à tous les soirs vous allez
brûler les feux rouges.
Lorsque l'on parle de sanctions, je pense qu'il faut nuancer, mais il
faut s'assurer que les mécanismes sont sérieux, aussi
sérieux que la loi veut l'être.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Huntingdon m'a
demandé la parole, aussi que le député de Laporte et le
député de Laurentides-Labelle. Le député de
Huntingdon.
M. FRASER: Merci, M. le Président. J'ai deux questions à
vous poser. La première: Est-ce que vous considérez que, pour
mentionner deux ou trois personnes, M. Jacques-Yvan Morin, M. Claude Charron,
M. René Lévesque ou M. Robert Gordon Burns sont moins
français parce qu'ils sont bilingues?
M. VACHON: Moins français parce qu'ils sont bilingues?
M. FRASER: Oui, Moins français parce qu'ils sont bilingues. Ils
sont parfaitement bilingues, ces gens-là. Est-ce que vous pensez qu'ils
sont moins cultivés ou moins français parce qu'ils sont
bilingues?
M. VACHON: Au niveau des individus? M. FRASER: Oui.
M. VACHON: Non, non! Je suis d'accord avec vous, ils ne sont
sûrement pas moins français.
M. FRASER: Donc, votre argumentation contre le bilinguisme ne tient pas
debout. Dans votre troisième recommandation et dans votre
cinquième recommandation, comme vous êtes en faveur d'une
école unique française et de mesures coercitives, est-ce que vous
seriez en faveur d'une loi pour prohiber aux Canadiens français de
fréquenter les écoles anglaises ou les universités
anglaises, premièrement, au Canada, deuxièmement, aux Etats-Unis
et, troisièmement, outre-mer?
M. VACHON: Non, moi, je pense que...
M. FRASER: Je crois que votre argumentation va plus loin que vous
n'êtes allé, un peu, peut-être.
M. VACHON: Oui, d'accord. Ecoutez, je peux vous affirmer un point de vue
personnel. Je pense bien qu'il n'y a aucun Etat au monde... En fait ce qu'on
réclame, ce n'est pas que le Québec soit différent ou ait
une législation extraordinairement différente des autres
collectivités qui nous entourent.
M. FRASER: Mais pour renverser votre argument comme cela, vous
n'êtes pas en faveur de leur prohiber de faire cela. Pourquoi
êtes-vous en faveur de leur prohiber d'être libres de
fréquenter l'école de leur choix?
M. VACHON: Oui, en fait, je pense que n'importe quel Américain
peut s'inscrire dans une université japonaise et vice versa. Je pense
que c'est normal, c'est dans l'ordre des choses.
Maintenant, au niveau de ce qu'on appelle les conditions essentielles de
réalisation, de ce qu'on appelle la promotion ou la
prééminence du fait français au Québec, il nous
paraît que, comme n'importe quelle autre collectivité, le
Québec doit se comporter, doit avoir une loi qui fasse en sorte que les
francophones ou la majorité s'inscrit à l'école de la
majorité ou à l'école de la langue officielle.
M. FRASER: Vous dites, à la recommandation no 5, "que les
francophones soient tenus par la loi de fréquenter l'école
française à compter de la date de la proclamation de la loi".
Dans la même teneur, vous forcez les français à aller
à l'école française. Il n'y a pas de choix. Dans la
même teneur, vous pouvez les forcer à rester au Québec et
à ne pas aller à des écoles étrangères.
M. VACHON: Je pense que je viens de répondre à cela. Je
pense que c'est tout à fait normal.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Laporte.
M. DEOM: M. le Président, je ne voudrais pas poursuivre trop
longtemps sur cette question de loi, mais il semble bien, d'après vos
réponses, que vous ne faites pas la distinction entre une loi qui
règle des rapports entre des collectivités et une loi qui
régit les comportements individuels. Je voulais juste faire ce
commentaire. Pour moi et le ministre d'Etat à l'exécutif
l'a souligné d'une façon très précise ce
sont deux types de lois complètement différents et on ne peut pas
appliquer des sanctions.. Je pense que vous êtes d'accord sur cela.
Je voudrais vous remercier d'avoir établi votre
représentativité, mais j'ai une question là-dessus. Vous
nous avez dit que les conclusions de votre mémoire avaient
été discutées et résolues au colloque du 1er juin
où il y avait 700 cadres. Est-ce exact?
MME GAGNON: J'ai précisé qu'il y avait eu une
résolution de principe général du rejet du projet de loi,
dans sa teneur actuelle, à l'occasion du colloque où il y avait
700 personnes.
Il n'y avait cependant pas 700 personnes au moment de la prise de
décision, mais il y a eu 700 personnes qui, à l'occasion, ont pu
donner des avis. Dans un mécanisme que nous avons établi à
l'intérieur du colloque, il y avait M. Vachon, qui était
responsable de recevoir les réflexions des cadres relativement à
cela et il y a eu l'adoption d'un principe de base. Les recommandations qui
sont là ont fait l'objet d'une adoption du conseil général
de notre association seulement, puisque notre colloque s'est tenu les 30, 31
mai, 1er et 2 juin et que c'est le 8 juin que nous les avons
adoptées.
M. DEOM: Oui, je comprends très bien. Alors, cette
résolution qui rejette le bill 22 a été adoptée
à quelle majorité?
MME GAGNON: A l'unanimité, avec trois abstentions.
M. DEOM: Combien de personnes aviez-vous à ce
moment-là?
M. VACHON: Nous ne les avons pas comptées.
MME GAGNON: Je ne saurais pas vous préciser.
M. THERIAULT: En octobre 1972, l'association, après une
consultation provinciale de tous les membres, avait recommandé de la
même façon, majoritairement, le rejet de la loi 63. Alors, on peut
présumer avec certitude que la même attitude aurait
été adoptée en ce qui a trait à la loi 22, qui ne
fait pas de différence fondamentale entre les deux.
M. DEOM: Je pourrais peut-être faire un long commentaire
là-dessus, mais je vais laisser faire, M. le Président. Vous avez
beaucoup insisté sur l'objectif de votre association qui est de fournir
un meilleur enseignement. Est-ce que, dans votre esprit, il y aurait un
sous-objectif qui comprendrait aussi un meilleur enseignement de la langue
seconde?
MME GAGNON: Un meilleur enseignement de la langue seconde? Oui.
M. DEOM: De la langue anglaise.
M. THERIAULT: Cela va de soi, dans la mesure où nous aurons
l'instrumentation requise pour assurer cet enseignement de qualité et
à ce moment-là nous sommes dépendants des moyens mis
à notre disposition pour ce faire.
M. VEILLEUX: Si le député de Laporte me le permet, je
voudrais continuer là-dessus. Croyez-vous que si l'enseignement de la
langue seconde avait été meilleur qu'il ne l'a été
jusqu'à présent, que même avec la loi 63, vous auriez eu un
aussi grand nombre de francophones qui auraient désiré passer
dans le secteur anglophone, ou si c'aurait pu diminuer les effets
négatifs de la loi 63?
M. VACHON: Bien, honnêtement, je pense que dans certains cas cela
aurait joué, si je m'en rapporte à certains témoignages.
Par contre, ça me parait assez marginal parce qu'il semble bien que,
dans la majorité des témoignages de personnes qui veulent faire
un transfert de langue comme ça ou d'école, l'argumentation qui
vient tout de suite c'est: Cela nous prend l'anglais, un milieu anglais, il
faut que nos enfants fréquentent une école dans un milieu
anglophone, et tout cela relié, bien sûr, comme on l'expliquait
tantôt, aux contingences au niveau de la langue de travail.
M. VEILLEUX: Oui, mais ça revient un peu. Cela aurait pu diminuer
un peu, peut-être pas l'enlever complètement, c'est sûr,
parce qu'il y a des gens nécessairement qui doivent dire que ça
prend le milieu ambiant anglophone pour pouvoir bien l'apprendre. Le
ministère de l'Education l'a fait dernièrement avec son plan des
langues, mais, avant, si on avait cherché au ministère de
l'Education à améliorer ou à donner un enseignement en
anglais plus pratique que celui qui a été donné
jusqu'à ce jour, vous avez l'impression que cela aurait pu diminuer
quelque peu les effets négatifs de la loi 63. Si j'ai bien compris,
c'est ça?
MME GAGNON: Oui, mais il y a...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je m'excuse de vous interrompre. Il reste
à peine deux minutes; des questions rapides et des réponses
rapides également.
M. VEILLEUX: C'est terminé.
MME GAGNON: Bien...
M. DEOM: A la page 8, vous dites...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Un instant. Voulez-vous répondre
à la question 'du député de Saint-Jean?
MME GAGNON: Oui, je voudrais dire qu'il a été toujours
mentionné que c'est beaucoup plus dans le contexte de langue de travail.
Tant qu'on n'aura pas assuré un contexte de langue de travail
exclusivement francophone, qu'on donne un enseignement de langue anglaise comme
langue seconde de la meilleure qualité du monde, avec les meilleurs
laboratoires de langues, ainsi de suite, ça n'incitera pas, ça
n'aura pas l'effet de maintenir dans la culture française et dans le
réseau français l'ensemble des Québécois, parce que
leur premier besoin dans leur chaîne de besoins, c'est d'abord le besoin
d'avoir les ressources nécessaires pour vivre dans le Québec. Or,
ces ressources, dans le contexte où nous vivons actuellement, sont de
trop grande façon anglophones ou le besoin de l'anglais est trop souvent
identifié.
M. VEILLEUX: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Laporte.
M. DEOM: Alors, à la page 9 vous dites: "Rien n'assure aux
travailleurs des entreprises parapubliques, dans ce texte soumis à
l'Assemblée nationale, que la langue de communication entre eux et les
cadres sera celle de la langue officielle". Alors, moi, je vous
réfère à l'article 18: "Les entreprises d'utilité
publique et les corps professionnels doivent faire en sorte que leurs services
soient offerts au public dans la langue officielle".
Je ne sais pas si je ne comprends pas le français ou s'il y a
quelqu'un qui l'interprète mal, mais, pour moi, ça veut dire que
les services doivent être offerts dans la langue officielle qui, en vertu
de l'article 1, est le français.
M. THERIAULT: Je pense qu'il faut se reporter à ce que le
ministre disait au départ. Il faut voir les autres articles qui
indiquent le contraire.
M. DEOM: Non, non. Ecoutez, on étudie un texte de loi, l'article
18 est très strict.
M. THERIAULT: Vous avez l'article 21 dans le même sens qui vous
dit que les corps professionnels ne peuvent délivrer de permis en vertu
du code des professions à moins que les intéressés n'aient
de la langue une connaissance appropriée; alors il y a le même
problème qui se produisait tantôt. Cette connaissance doit
être prouvée suivant les normes fixées par les
règlements adoptés à cet égard par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Alors, en principe, il y a une sauvegarde; en
pratique la formulation nous permet d'en douter.
M. DEOM: Je ne dis pas comment, parce qu'en vertu des règles
d'interprétation des lois il y a un principe fondamental qui est
établi à l'article 18, qui est très clair. En tout cas
j'en ai juste une dernière à vous poser, parce que ça m'a
frappé cet après-midi, le secrétaire général
de la FTQ ne l'a pas mentionné. A la page 10, vous dites: "Le projet de
loi prévoit la publication de documents relatifs aux contrats de travail
dans les deux langues selon l'article 26, rendant encore une fois force aux
deux langues". Alors si je reprends l'article 26, on dit, au dernier
paragraphe: "Toutefois, les conventions collectives ne peuvent être
déposées en vertu de l'article 60 du code du travail que si elles
sont accompagnées d'une version française". Alors est-ce que vous
savez ce que l'article 60, le dépôt d'une convention collective,
veut dire en vertu du code du travail?
MLLE GAGNON: Oui, mais cependant, si au cours d'une même
assemblée...
M. DEOM: Je le relève, parce que le secrétaire
général de la FTQ, cet après-midi, n'a pas du tout
mentionné ça, alors que c'est un expert là-dedans. Le
dépôt, en vertu du code du travail, est absolument obligatoire
pour donner à la convention collective un caractère
juridique.
M. MORIN: M. le Président, il ne faudrait pas que le
député de Laporte induise nos invités en erreur toutefois.
La version officielle de la convention en question demeure la version anglaise,
demeure l'original anglais.
M. DEOM: Comment la version officielle? M. CARPENTIER: Qu'est-ce que
c'est ça?
M. MORIN: Vous ne savez pas de quoi nous parlons, monsieur le
député de quel endroit? Le député de Laviolette ne
sait pas de quoi nous parlons. M. le député de Laporte, je ne
voudrais pas que vous induisiez...
M. DEOM: Je ne veux pas engager de débat avec vous, mais...
M. CARPENTIER: Vous pouvez l'engager à n'importe quel temps.
M. MORIN: Dans ce cas-là, l'article 26...
M. CARPENTIER: A n'importe quel temps.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, à l'ordre, messieurs!
M. CARPENTIER: Soyez donc réalistes.
M. MORIN: Les conventions collectives rédigées en
anglais...
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs !
M. MORIN: ... la version authentique est la version anglaise, l'original
anglais.
M. DEOM: II le faut, forcément, parce qu'il faudrait
interpréter toute cette loi-là...
M. MORIN: Bien oui, oui!
M. DEOM: ... et que quelqu'un y travaille.
M. MORIN: II y a d'autres articles du bill où la même
règle s'appliquerait comme, par exemple, les jugements qui ont
été traduits, la version originale en anglais prévaudrait
sur la version française.
M. DEOM: En vertu de quoi?
M. MORIN: Ecoutez, regardez le projet de loi comme il le faut.
M. DEOM: En vertu de quoi? M. le Président, je pense que je vais
terminer.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie Mlle Gagnon, M. Vachon et M.
Thériault de la présentation de leur mémoire et soyez
assurés que la commission va en prendre bonne note.
Avant d'ajourner, je voudrais mentionner les organismes qui seront
convoqués pour demain: The Montréal Board of Trade.
M. MORIN: M. le Président, juste avant que vous procédiez
à l'énumération des comparaissants prévus pour
demain, j'aurais une observation à faire sur la marche de nos travaux.
Nous en sommes au 25e mémoire, ce soir, et je dois constater que,
jusqu'ici, seulement deux mémoires ont appuyé le projet de loi
et, encore, avec des réserves. Tous les autres s'opposent au projet de
loi. Je crois qu'il faut le noter en passant.
M. CLOUTIER: M. le Président, ce n'est pas le moment parce que je
pourrais noter pas mal de choses aussi, là. Nous sommes dans
l'illégalité, il est onze heures cinq et je propose que l'on
ajourne. J'expliquerai, moi aussi, l'interprétation qu'on doit donner de
cette commission parlementaire en temps et lieu.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Les organismes convoqués pour demain
sont les suivants: The Montréal Board of Trade, The Provincial
Association of Protestant Teachers of Québec, la
Fédération des jeunes chambres du Canada français, la
Commission scolaire Chomedey de Laval, Québec Association of School
Administrators, la Commission scolaire de Lakeshore et le Congrès
canadien polonais.
La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 21 h 7)