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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Blouin): Nous allons reprendre nos
travaux. La commission élue permanente de l'éducation est
réunie pour étudier les crédits budgétaires du
ministère de l'Éducation.
Les membres de cette commission sont: MM. Brouillet (Chauveau),
Champagne (Mille-Îles), Cusano (Viau), de Bellefeuille (Deux-Montagnes),
Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Hains (Saint-Henri), Laurin (Bourget),
Leduc (Fabre), LeMay (Gaspé), Payne (Vachon), Ryan (Argenteuil).
Les intervenants de cette commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie),
Charbon-neau (Verchères), Dauphin (Marquette), Doyon
(Louis-Hébert), Gauthier (Roberval), Mmes Harel (Maisonneuve),
Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Paré (Shefford), Rochefort (Gouin), Sir-ros
(Laurier).
Nous nous étions entendus, à la fin de nos travaux mardi
dernier, pour procéder le plus rapidement possible à l'adoption
du programme 4 et, ensuite, aborder le programme 5 sur l'enseignement
collégial public.
M. le député d'Argenteuil, vous aviez quelques remarques
à nous communiquer sur les arrangements qui ont eu lieu entre les
leaders.
Ordre des travaux
M. Ryan: M. le Président, deux choses: d'abord, je
voudrais qu'on discute un peu du programme de l'emploi du temps d'ici à
la fin des travaux de la commission en ce qui a trait à
l'éducation; deuxièmement, avant que vous demandiez le vote sur
le programme 4, j'aurais quelques observations générales à
faire à la suite des échanges que nous avons eus. Un autre point
aussi; il faudrait vérifier l'état des renseignements qui avaient
été promis et dont une partie a déjà
été communiquée.
Sur le premier point, nous avions compris, de ce côté-ci -
et je pense que le ministre l'avait également compris de son
côté - que nous disposerions de 18 heures pour l'étude des
crédits du ministère de l'Éducation, consacrées aux
questions d'éducation proprement dites. Or, on nous a communiqué,
vers la fin de la journée d'hier - j'étais en voyage et je n'ai
pas eu connaissance de cette communication de manière directe - que
c'était plutôt quinze heures et qu'une période de trois
heures avait été réservée dans les ententes faites
entre le gouvernement et l'Opposition pour l'étude des crédits
qui portent sur l'Office des professions.
Cela veut dire que normalement, d'après cette entente - nous
n'avons pas l'autorité voulue pour la remettre en question - le travail
consacré à l'éducation devrait se terminer ce soir,
suivant l'échéancier que nous avons tracé. C'est mauvais
pour nous. Je pense que le ministre se souvient très bien que nous
avions ajouté une heure en fin de journée. La dernière
heure est toujours moins productive. Elle est beaucoup plus propice aux
longueurs un peu langoureuses dans lesquelles se complaît souvent le
ministre lorsqu'il répond à des questions. Les gens sont
fatigués, ils posent des questions qui viennent d'un peu loin. On en a
vu du côté gouvernemental qui venaient poser une question et qui
disparaissaient ensuite, une fois qu'ils avaient eu la réponse, comme si
c'était à peu près la seule question
d'intérêt pour eux dans le domaine de l'éducation. Je ne
passe pas de remarques là-dessus, mais nous avions accepté de
mettre une heure de plus.
M. de Bellefeuille: Une arrière-pensée.
M. Ryan: Là, nous nous trouvons pris dans une
espèce de carcan que nous n'avions pas prévu. Je ne veux pas
faire de guerre là-dessus, cependant. Je voudrais demander ceci au
ministre. Dans cette perspective nouvelle et imprévue, il y a deux
sujets sur lesquels il va être difficile de faire un débat le
moindrement intéressant et productif aujourd'hui. Il y a, d'abord, le
cas des collèges qui présente de nombreux problèmes d'un
très grand intérêt général. Étant
donné, en particulier, que le nouveau programme d'études des
collèges doit être rendu public incessamment - on nous disait
qu'il a été communiqué au Conseil des collèges pour
avis - j'imagine que tout cela ne restera pas dans les souterrains des
immeubles gouvernementaux. Cela doit venir à la surface dans les
meilleurs délais.
Je ne sais pas si vous vous en souvenez, M. le ministre, lors de la
commission parlementaire sur le conflit des enseignants, je vous ai dit qu'il y
avait deux sujets sur lesquels nous souhaiterions vivement que le gouvernement
accepte de tenir une commission parlementaire spéciale
dans un avenir rapproché. Il y avait les cégeps et il y
avait la formation des adultes. On a parlé des cégeps en
commission parlementaire, il y a deux mois. Finalement, on a soulevé de
gros problèmes à cette occasion; nous n'avions pas eu le temps de
les approfondir et on s'était dit qu'il faudrait revenir
là-dessus. À propos de la formation des adultes, le directeur de
l'Institut canadien d'éducation des adultes nous est arrivé vers
1 heure du matin - je ne sais pas si vous vous en souvenez - à la toute
fin des travaux de la commission, avec un mémoire très
substantiel et extrêmement chargé. Évidemment, les gens
n'étaient pas dans les dispositions d'esprit pour discuter
sérieusement de ce sujet très important, des implications des
décrets qu'on discutait alors pour l'éducation des adultes.
Je me demande si le ministre pourrait, sur ces deux sujets, s'engager
à ce qu'une commission parlementaire soit tenue d'ici à la fin de
l'été; qu'on ait une journée ou deux pour chacun de ces
deux sujets, pour les examiner à loisir. Qu'on les examine aujourd'hui
ou dans un mois ou deux, cela ne me dérange pas beaucoup. Je sais bien
que cela ne changera pas énormément de choses aux chiffres
déjà imprimés et sur lesquels on a déjà
commencé à émettre des chèques, d'ailleurs. Je ne
sais pas ce que le ministre en pense. C'est ma première question: Est-ce
que le ministre peut consentir à cela? Nous aimerions autant que ces
deux sujets soient gardés entre parenthèses pour les aborder de
manière plus approfondie. S'il ne peut pas prendre d'engagement, il
faudrait laisser tomber au moins un de ces sujets complètement pour
qu'on ait le temps d'aborder les autres d'une manière le moindrement
sérieuse.
M. Laurin: J'essaierai de répondre brièvement, pour
ne pas tomber dans ces langueurs un peu langoureuses qu'évoquait le
député d'Argenteuil. Je prends sa remarque en
considération parce qu'il est orfèvre en la matière. Quant
à l'ambiguïté qui a pu se glisser dans le nombre d'heures
consacrées à notre commission, je reconnais qu'il a pu y avoir
ambiguïté du fait que je suis responsable non seulement de
l'Éducation, mais des corporations professionnelles. Je pense que cela
peut expliquer le quiproquo ou l'ambiguïté. Mais, comme l'a dit le
député d'Argenteuil, je pense que lui et moi sommes
obligés de nous soumettre aux arrangements faits par-dessus nos
têtes par les leaders parlementaires, même si nous pouvons exprimer
des regrets à cet égard.
La demande que le député d'Argenteuil me fait est
parfaitement plausible et compréhensible, mais, là aussi, je ne
peux lui répondre immédiatement parce que, encore une fois, c'est
une question qui dépasse ma compétence pour le moment. Je peux
simplement dire, cependant, au député d'Argenteuil que je
m'entretiendrai avec mon leader gouvernemental et que je tenterai de lui
apporter une réponse dans les plus brefs délais. Pour l'instant,
je ne pourrais pas lui apporter une réponse. On essaiera, dans toute la
mesure du possible, de toucher l'essentiel de ces deux sujets ou un sujet. Pour
le reste, je pense que, dans nos échanges subséquents, je pourrai
lui fournir une réponse plus précise.
M. Ryan: Alors, en attendant, je voudrais suggérer que
nous procédions aujourd'hui dans l'ordre suivant: que nous disposions de
l'enseignement primaire et secondaire assez rapidement quand les
préliminaires seront terminées. Deuxièmement, que nous
abordions, pour commencer, la formation des adultes, en second lieu, les
universités, en troisième lieu, l'enseignement privé, en
quatrième lieu, les collèges. Maintenant, une autre suggestion
que je voudrais vous faire. Est-ce qu'il serait possible de prévoir que
la dernière heure de la journée, c'est-à-dire à
compter de 22 heures, soit réservée pour l'examen des
crédits consacrés à l'aide financière aux
étudiants?
M. Laurin: Je concours à la proposition, M. le
Président.
M. Ryan: Dans ces conditions, ma collègue me fait une
remarque qui est judicieuse. Est-ce qu'il serait possible, peut-être,
étant donné que ce sera le dernier soir, qu'on aille
jusqu'à 24 heures plutôt que 23 heures? Il y aura des remarques
générales qui vont se dégager de tout ce qu'on aura
discuté. Il y aura des remarques générales concernant
aussi, par exemple, toute la partie du cahier explicatif qui est
consacrée au ministère lui-même.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, je ne crois pas que nous ayons tellement de latitude pour
excéder les 15 heures qui sont prévues. À partir du moment
où nous aurons franchi ce cap des 15 heures, je crois que nous devrons
mettre fin à nos travaux.
M. Ryan: Nous essayerons de nous arranger autrement.
Le Président (M. Blouin): Alors, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Cependant, M. le Président, avant qu'on passe au
deuxième volet des remarques introductives que j'ai faites, c'est la
première fois que je fais l'examen des crédits du
ministère de l'Éducation en compagnie du ministre et de ses
collègues. Je les remercie de la collaboration qu'ils
nous ont apportée. Je n'ai constaté qu'une attitude de
collaboration, dans l'ensemble. Je pense qu'il tombe sous le sens que
l'espèce de carcan temporel dans lequel on nous enferme pour un exercice
comme celui-là est absolument irréaliste et ne permet pas
l'exercice responsable de la fonction des élus du peuple.
Quand on pense que c'est le seul forum que nous ayons à
l'Assemblée nationale pendant l'année pour l'étude
générale de l'activité d'un ministère qui absorbe
à peu près, cette année, 26% de l'ensemble des
crédits budgétaires du gouvernement, je pense qu'il y a quelque
chose qui invite les responsables de l'institution parlementaire à une
très sérieuse réflexion. Je soumets simplement ceci pour
considération. Je sais que cela devrait être porté en
d'autres lieux et ce le sera également. Je pense que nos
collègues de l'autre côté font la même
constatation.
Deuxièmement, je pense que j'avais demandé qu'on fasse le
point sur la documentation qui avait été demandée et
convenue. Peut-être qu'on pourrait faire le bilan de cela, M. le
ministre, si vous le permettez. Ensuite, on saura où l'on en est.
Pouvez-vous faire le bilan, M. le sous-ministre?
Bilan de la documentation demandée
M. Laurin: Je peux le faire, M. le Président, si c'est ce
que les membres de la commission souhaitent. On m'informe qu'on a remis, hier,
aux membres de la commission le tableau qui avait été
demandé relativement à la conciliation entre les crédits
votés 1982-1983 et les dépenses probables du même exercice
financier. Le tableau aurait été remis, hier après-midi,
avec une annexe explicative. Ce matin, nous pourrions déposer les
chiffres demandés relativement à la contribution
fédérale au financement de l'enseignement postsecondaire et
vraisemblablement, d'ici la fin de la matinée ou au plus tard au
début de l'après-midi, les deux autres tableaux demandés,
soit le tableau relatif à l'impact sur les coûts du réseau
primaire - secondaire des conventions collectives et également au
même impact relativement au réseau collégial, ce qui
amène à déposer quatre documents.
Mme Dougherty: Je ne les ai pas reçus. Ils sont
peut-être à mon bureau. Est-ce qu'il y a d'autres copies ici de
tous ces documents?
M. Ryan: On peut peut-être procéder à
l'inverse pour se comprendre. Je vais vous dire ce que j'ai et qui m'a
été transmis ce matin ou peut-être en soirée hier,
parce que j'étais absent de Québec, hier soir. Conciliation entre
les crédits votés et les dépenses probables; je l'ai
reçue ici. Ensuite, vous aviez remis une note, hier, sur les"
subventions applicables aux années scolaires passées et dans
laquelle vous donniez la conclusion suivante: qu'une étude plus
détaillée des crédits 1981-1982 serait nécessaire
pour préciser davantage. Les données nécessaires à
une étude semblable ne nous sont pas disponibles ici. J'imagine que vous
aurez ces données avant longtemps, parce que c'est important. C'est
très important pour nous, pour des raisons qui sautent aux yeux, encore
une fois. Si vous voulez en donner une autre copie à mon collaborateur,
mon recherchiste, je l'apprécierais hautement.
M. Laurin: Nous avons la copie additionnelle demandée
relativement à ce dernier point. Elle peut être distribuée
dès maintenant.
M. Ryan: Pouvez-vous la distribuer tout de suite, pour qu'on
l'ajoute tout de suite par-dessus l'autre? Peut-on en prendre connaissance?
Vous remarquez, M. le Président - je vous le fais observer - qu'un des
éléments de la crédibilité de l'institution
parlementaire, c'est le sérieux de ses travaux. On est pris dans un
problème absolument désarmant. On nous fournit des données
extrêmement importantes, ce matin, qu'on n'aura, de toute
évidence, pas le temps d'étudier. Tantôt, on va prendre un
vote là-dessus. C'est assez curieux. Je vous dis cela. Comme
procédure, je n'en reviens pas. J'espère qu'on ne se comporte
pas...
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, je vous signale, cependant, que, lorsque vous avez demandé
ces documents, il a été convenu qu'ils vous seraient remis jeudi
matin. Nous sommes jeudi matin. Ils vous sont maintenant remis.
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Blouin): Alors, vous ne devriez pas
être surpris à cet égard.
M. Ryan: Nous fonctionnions dans la perspective où nous
continuions de travailler vendredi et nous aurions, au moins eu le temps de
prendre connaissance des documents entre les séances.
Le Président (M. Blouin): Nous aurions, tout de
même, adopté ces programmes au début de la
matinée.
M. Ryan: Oui. Très bien. Mais vous conviendrez comme moi
qu'on ne peut pas lire ces documents en même temps qu'on vous parle ou
qu'on vous écoute. C'est exact. Je vous remercie.
Peut-on continuer? Je crois qu'à propos
de l'implantation des programmes reliés au régime
pédagogique on avait demandé que soient produites des
données concernant certains éléments que nous avions
mentionnés. Où en est-on à propos de chaque programme au
point de vue des guides pédagogiques? Où en est-on au point de
vue des instruments d'évaluation? Quelle date d'implantation est
prévue suivant les données actuelles? On nous a remis, hier, le
calendrier qui a été émis en avril 1982. Y en a-t-il eu un
en avril 1983? On nous a remis deux cahiers, hier, mais je ne les ai pas ici,
malheureusement.
M. Laurin: Si ma mémoire est bonne, relativement à
l'application du régime pédagogique, une directive
générale a été émise au début du mois
de janvier et elle contenait, en une seule, ce qui, autrefois, faisait l'objet
de plusieurs directives successives. Cette directive pourrait sûrement
être distribuée.
M. Ryan: Oui. Ce que j'étais intéressé
à avoir, M. le sous-ministre, c'est pour chaque programme. Il n'y a pas
de problème, tous les programmes sont maintenant disponibles. Au sujet
des programmes français et anglais, par exemple, où en est-on?
Deuxièmement, au point de vue des guides pédagogiques, où
en est-on? Une précision qui m'intéresserait, c'est où on
en est au point de vue des guides pédagogiques de création
québécoise et des guides pédagogiques d'importation. Cela
va? Troisièmement, au point de vue des manuels, où en est-on?
Quatrièmement, au point de vue des instruments d'évaluation,
où en est-on? Et, cinquièmement, dans la mesure où c'est
disponible - je sais que des consultations sont encore en cours; une directive
a été envoyée encore récemment aux commissions
scolaires, une demande d'information, des critères pour les retards dans
l'implantation de certains programmes -où en est-on au point de vue de
l'implantation probable? J'aimerais avoir ce tableau, mais je n'exige point de
l'avoir aujourd'hui. Je crois qu'hier on avait convenu d'ajouter ces
données. Cela va.
M. Laurin: Les documents sont en préparation et on
pourrait vraisemblablement en disposer d'ici à la fin de la
journée.
M. Ryan: Très bien. Cela va, très bien. Si ce n'est
pas aujourd'hui, je le comprendrai très bien. Ensuite, on avait
demandé des renseignements au sujet des projets de traduction ou
d'adaptation en langue anglaise des programmes en cours. On nous a remis des
documents ce matin. Je ne sais pas si vous en avez d'autres copies pour ma
collègue de Jacques-Cartier. Merci. C'est très bien, j'en avais
déjà une. J'en ai une autre ici. Cela va.
Ensuite, on nous a remis une note sur le personnel affecté
à l'orientation scolaire et professionnelle et à l'aide
psychologique dans les commissions scolaires, faisant suite aux échanges
d'hier soir, qu'on va vous remettre au compte-gouttes ensuite, Mme la
députée de Jacques-Cartier. On avait demandé des
renseignements à propos du personnel anglophone au ministère de
l'Éducation. Vous avez dit hier, M. le sous-ministre, que
c'étaient à peu près 2400 employés que vous avez au
ministère de l'Éducation. (10 h 30)
M. Laurin: 2213.
M. Ryan: 2213.
M. Laurin: Compte non tenu de la diminution de cette année
où l'on passe à 2180, si ma mémoire est bonne.
M. Ryan: Dans la liste que vous m'avez remise, j'ai compté
à peu près 20 employés de langue anglaise sur à peu
près 2213. Je pense que les chiffres parlent par eux-mêmes.
J'espère qu'on aura un engagement formel du ministre en vue d'obtenir
des redressements qui s'imposent de toute évidence de ce
côté. C'est absolument déplorable qu'on soit à cet
état. Je pense que cela saute aux yeux.
M. Laurin: II y a une certaine réticence, comme vous le
savez, de la part des anglophones à venir travailler au ministère
de l'Éducation à Québec. Je pense que c'est une raison
qu'il faut souligner. Nous tentons de contrer cette résistance, cette
réticence, mais j'avoue que nous nous heurtons à certaines
difficultés ce faisant. Cela va pour le cas du sous-ministre, je cherche
non pas désespérément, mais avec ardeur à remplacer
M. Spiller depuis maintenant presque un an. Nous avons approché
plusieurs candidats et, après avoir manifesté un certain
intérêt, ils se sont tous défilés les uns
après les autres. Nous sommes obligés de continuer nos
recherches. Ce n'est pas la bonne volonté qui manque, mais il semble que
les atomes crochus ne parviennent pas à se rejoindre.
M. Ryan: Je crois que, si le ministre acceptait d'assouplir
certaines de ses politiques, certains de ses projets, cela faciliterait
énormément la solution de ces cas.
M. Laurin: Dantin a dit qu'il ne consacrerait aucune minute de
son temps à des procès d'intention. Je pense que je viens de le
prendre en flagrant délit.
M. Ryan: Je vous donne le conseil de
réviser certaines de vos politiques et je vous assure que vous
obtiendrez fort possiblement de meilleurs résultats dans vos
démarches.
M. Laurin: Je pense que le lien entre le sujet et la remarque est
assez lointain.
M. Ryan: Un autre tableau qu'on nous a remis, c'est le tableau
concernant le taux de participation aux élections scolaires. Surtout, ce
tableau est très intéressant. Je n'ai pas eu le temps de
l'étudier en détail, mais j'ai fait une constatation rapide. On
nous donne les statistiques sur le nombre de commissaires qui furent
élus par acclamation lors de la dernière élection et sur
ceux qui ont été élus à la suite de la tenue d'un
scrutin régulier. Je pense que, quand vous établissez vos
pourcentages, il y a un manque de rapport avec les chiffres que j'ai
mentionnés hier, qui m'avaient été fournis par une source
autorisée du côté des commissions scolaires. Je crois qu'il
y a une différence de données. Là, c'est une
hypothèse que j'exprime, mais je l'exprime quand même. Si vous
avez une réponse, j'accepterai qu'elle soit donnée tout de suite.
Je crois que, quand vous établissez vos taux de pourcentage, vous tenez
compte des commissions scolaires ou des élections qui ont eu lieu par
acclamation. Cela baisse le taux de pourcentage global. Mais si vous calculez
le taux de participation dans les commissions scolaires où il y a
effectivement eu des élections, je pense que ce sont les données
d'hier qui seraient bonnes. Mais c'est une hypothèse que je formule
à la suite d'un examen rapide du tableau.
M. Laurin: On va vérifier les deux tableaux et
vérifier si effectivement, dans nos comptabilisations et nos
pourcentages, l'on tient compte des commissions scolaires où il n'y a
pas d'élections, mais où les commissaires sont élus par
acclamation.
M. Ryan: Un autre point. Hier, nous étions en
désaccord au sujet du montant total des surplus dans les commissions
scolaires à la fin de juin 1982, je pense. J'ai fait des
vérifications de mon côté. On m'assure, du
côté de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec, que le montant de 80 000 000 $ auquel je faisais
allusion hier est le montant véridique du surplus net
général des commissions scolaires du Québec. Je ne sais
pas si vous avez fait des vérifications de votre côté.
M. Laurin: Les vérifications que j'avais promises, M. le
Président, n'ont pas toutes été faites. Par ailleurs, les
chiffres que nous avons sont les suivants: au 30 juin 1982, toujours à
partir d'une analyse des états financiers, nous en sommes à un
surplus global de 126 500 000 $ dans 222 commissions scolaires. L'augmentation
observée du 30 juin 1981 au 30 juin 1982, qui est d'environ 63 900 000
$, doit être soulignée, à notre avis, étant
donné son importance. Je note également que les commissions
scolaires de l'île de Montréal comptent pour 11 100 000 $ dans le
total de 126 500 000 $. Il y a peut-être une première explication
quant à l'écart qui existe entre les chiffres que vous avez
soumis et ceux que nous avons soumis. Dans nos chiffres, nous comptabilisons
les 11 100 000 $ pour les commissions scolaires de l'île de
Montréal.
Par ailleurs, pour ce qui est des déficits les déficits
accumulés des commissions scolaires n'ont pas augmenté au cours
de la période. Il faut également noter que les données
peuvent changer suivant que l'on tient compte ou non des commissions scolaires
impliquées dans le litige sur la taxation dans la région de
l'Outaouais, qui constitue un cas particulier étant donné
l'ampleur des montants engagés.
L'Outaouais, c'est 50 000 000 $.
Effectivement, au 30 juin 1982, si nous incluons l'Outaouais, comme le
ministre vient de le souligner, nous arrivons à 49 900 000 $, pour un
total de 21 commissions scolaires, alors que, si nous excluons l'Outaouais,
nous arrivons à 6 400 000 $, pour un total de 14 commissions
scolaires.
M. Ryan: Très bien. Il y a deux autres choses sur
lesquelles j'aurais besoin de précisions. D'abord, j'ai remarqué
que, d'une intervention à l'autre de la part du ministre, les chiffres
varient parfois, en particulier à propos de ce qui regarde
l'informatique. J'aimerais qu'on nous fournisse, au cours de la journée
si possible, un budget détaillé du programme d'action en
informatique qui a été donné. On joue avec des chiffres de
150 000 000 $, de 15 000 000 $ et de 35 000 000 $. J'aimerais qu'on fournisse
un tableau indiquant exactement ce qui ira pour des appareils, ce qui ira pour
d'autres phases du programme. On nous dit: Ne vous inquiétez pas pour
cela; c'est compris ici et c'est compris là. Nous ne le savons pas; nous
sommes pris avec le montant agrégatif et on ne le sait pas. Si on nous
demande des explications, jugeant prima facie, on est bien embarrassé.
Je donne seulement un exemple: hier, quand le ministre a parlé d'achat
d'appareils pour la prochaine année, je crois que cela montait à
24 000 000 $, selon les chiffres qu'il nous a donnés. Dans les
interventions précédentes, j'avais cru voir 15 000 000 $; je
comprends que 9 000 000 $, ce n'est pas grand-chose pour le ministre, mais pour
nous autres...
M. Laurin: J'avais parlé de 15 500 000 $ qui
étaient à notre disposition
pour l'année présente, la contribution du
ministère; 15 500 000 $ dont 12 200 000 $ pour le primaire et le
secondaire et 3 300 000 $ pour le collégial.
M. Ryan: Mais hier soir, c'était plutôt 17 000 000
$, 3 000 000 $ et 3 000 000 $. Hier soir, vous avez dit 17 200 000 $ et 3 600
000 $ et 3 800 000 $.
M. Laurin: De toute façon, nous vous fournirons un
tableau.
M. Ryan: Excusez. Je comprends que l'on vous avait
peut-être glissé une note comme cela et que vous n'avez pas eu le
temps de faire le rapport entre les deux, mais nous avons fait nos calculs et
cela n'arrivait pas.
M. Laurin: On vous donnera un tableau comportant uniquement des
chiffres...
M. Ryan: Très bien, si on peut avoir un tableau complet.
En même temps, s'il pouvait y avoir une note un peu plus technique sur
l'état où en sont toutes les négociations pour les achats
d'appareils. Il y a toutes sortes de rumeurs qui circulent dans le milieu,
toutes sortes de bruits...
M. Laurin: Elles ne sont pas commencées, M. le
député.
M. Ryan: Non. Dès qu'on a entendu cette annonce, on
disait: C'est formidable, ils sont déjà prêts; tout cela
passera à l'action au mois de septembre. Mais, d'après ce qu'on
peut voir, vous ne serez pas prêts à fonctionner rondement au mois
de septembre.
M. Laurin: Dès septembre, nous pourrons commencer nos
achats.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait avoir une indication des
directives que vous donnerez aux commissions scolaires de ce côté?
Est-ce que cela veut dire que chaque commission scolaire sera laissée
à elle-même? Est-ce qu'on leur fournira des normes pour l'achat
d'appareils? Vous n'êtes pas en mesure actuellement d'annoncer que vous
auriez un contrat-cadre?
M. Laurin: Non, pas à ce moment.
Mais je pense qu'on peut ajouter des informations assez précises
dès maintenant. Comme le ministre de l'Éducation l'a
indiqué plus tôt, nous sommes à préparer un plan
complet relativement à l'informatique touchant à la fois les
secteurs primaire, secondaire et collégial. À l'intérieur
de ce plan, nous retrouvons quatre volets principaux: 1. l'achat d'appareils
pour les réseaux primaire, secondaire et collégial; 2.
l'utilisation de l'ordinateur à des fins pédagogiques; 3. le
programme de formation des maîtres aux secteurs primaire, secondaire et
collégial; 4. l'achat de didacticiel, de logiciel ou de progiciel
-suivant l'expression que l'on veut utiliser -avec des objectifs précis
pour chacun des deux réseaux. Ce plan devrait être terminé
à la mi-mai et soumis, pour discussion, au ministère et au
ministre de l'Éducation. Il ferait ensuite l'objet de consultation tant
auprès des cégeps qu'auprès des commissions scolaires.
Dans le volet portant sur l'achat d'équipement, le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, en collaboration avec le
ministère de l'Éducation, est en train de mettre la main finale
au devis qui sera soumis et à partir duquel nous procéderons
à un appel d'offres généralisé.
M. Ryan: Alors, vous allez nous remettre une note sur ce sujet au
cours de la journée?
M. Laurin: Oui.
M. Ryan: J'avais un autre point sur lequel j'avais besoin de
données. Les implications financières du rapport Désilets
ont donné lieu hier à des explications qui sont demeurées
imprécises à notre point de vue. Est-ce que nous pouvons compter
obtenir, au cours de la journée si possible ou au cours des prochains
jours - on n'en fera pas une question mathématique encore une fois - les
renseignements que nous avions demandés sur les implications
financières et les dispositions du rapport Désilets relatives
à la charge de travail de l'enseignant? Qu'est-ce que cela
entraîne objectivement de coûts additionnels? C'est évident
que, si l'enseignant donne 21 heures de cours par semaine au lieu de 23 comme
il avait été prévu à certains niveaux, cela
entraîne des coûts. J'aimerais avoir l'évaluation de cela.
Deuxièmement, les changements dans les normes de
rémunération des enseignants mis en disponibilité.
Troisièmement, les mesures de résorption qui ont
été incorporées là-dedans. Quatrièmement,
les coûts qui vont découler de mesures prévoyant deux
heures de présence obligatoire additionnelles des étudiants
à l'école primaire.
Si l'on pouvait avoir les estimations des coûts
qu'entraînent ces différentes mesures, je pense que ce serait
extrêmement intéressant. Également, est-ce que l'on
pourrait avoir des données concernant le rendement, le coût de la
mesure des congés monnayables au cours de la durée de la
dernière convention collective, car c'est la norme à laquelle il
faudra qu'on se reporte pour comprendre ce qui peut arriver de ce
côté-là? Avez-vous dressé des projections quant au
rendement possible de cette disposition une fois qu'elle ne sera plus
monnayable? Avant-hier, on a dit qu'on
recourra à des disponibles pour des fins de suppléance,
etc. Je ne sais pas si vous avez établi des projections de ce
côté-là. Je pense que cela compléterait le
tableau.
M. Laurin: M. le Président, nous sommes en train de
préparer deux fiches, l'une portant sur le réseau
collégial, l'autre portant sur le réseau primaire-secondaire,
détaillant de façon précise les coûts
résultant de la dernière convention collective et de façon
plus spécifique les coûts découlant, d'une part, pour ce
qui est du réseau primaire-secondaire, du rapport Désilets et,
d'autre part, pour ce qui est du réseau collégial, tant de
l'offre du 10 février que du rapport Gauthier puisque les
dernières indications que nous avons nous montrent que tant la FNEEQ que
la FEQ dans le réseau collégial seraient disposées
à modifier leur attitude et à accepter les conclusions du rapport
Gauthier. Donc, les deux fiches sont en préparation et nous
espérons pouvoir vous les donner peut-être pas cet
après-midi, mais tout au moins ce soir.
M. Ryan: Très bien. Une dernière question qui me
paraît d'actualité. Le projet de loi devant tenir compte des
changements apportés dans les décrets, est-ce qu'on doit en
attendre le dépôt aujourd'hui? Je ne veux pas faire
d'indiscrétion.
M. Laurin: La loi sera déposée aujourd'hui à
l'Assemblée nationale.
M. Ryan: C'est une loi de caractère
général...
M. Laurin: Une loi de caractère général.
M. Ryan: ...qui va être sous la responsabilité du
président du Conseil du trésor.
M. Laurin: Du président du Conseil du trésor.
M. Ryan: Qui traitera aussi des affaires sociales.
M. Laurin: Oui.
M. Ryan: Au point de vue de l'éducation, est-ce que le
ministre est en mesure de nous dire si le projet de loi contiendra uniquement
la version anglaise des décrets ou s'il incorporera également les
dispositions du rapport Désilets?
M. Laurin: Oui, cela s'incorporera. Il y aura sûrement des
articles qui traiteront de l'intégration du rapport Désilets
à ce qui tiendra lieu de convention collective pour les trois prochaines
années.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, vous aviez quelques remarques à formuler à
l'égard du programme 4.
M. Ryan: Des remarques générales très
brèves; ensuite, vous pourrez procéder.
M. Laurin: M. le Président, si vous le permettiez, avant
d'aller plus loin, nous avons deux autres documents que nous pouvons remettre
à la suite des questions qui avaient été posées. Le
premier concerne la liste des projets approuvés ou à
l'étude dans le cadre du budget des investissements du réseau
primaine-secondaire et la deuxième fiche, comme je l'indiquais plus
tôt, a trait à la contribution fédérale au
financement de l'enseignement postsecondaire. (10 h 45)
M. Ryan: Magnifique! Merci.
M. Laurin: Vos désirs sont des ordres, dans toute la
mesure du possible.
M. Ryan: Je dois préciser que cela reste très
incomplet, parce que vous avez donné des raisons d'État pour
lesquelles vous ne pouvez pas nous donner les projets pour l'année en
cours, qui nous intéressent bien davantage, en matière
d'investissements.
M. Laurin: Peut-être une dernière information. Le
projet de l'école de Pointe-Lebel est rendu maintenant à
l'étape de l'approbation par le Conseil du trésor.
M. Ryan: D'après les délais habituels, pensez-vous
qu'une décision devrait intervenir bientôt là-dessus?
Sûrement avant le 20 juin?
M. Laurin: Oh! Très prochainement.
M. Ryan: C'est dans le comté de Saguenay, M. le
Président.
M. Laurin: Très prochainement.
M. Ryan: Le gouvernement aurait besoin de cela.
Le Président (M. Blouin): Je vous rappelle cette consigne
que nous avions d'étudier ces crédits avec le moins de
partisanerie possible, M. le député d'Argenteuil.
Enseignement primaire et secondaire public
(suite)
M. Ryan: Très bien. Si vous le permettez, nous allons
revenir à des considérations plus générales. Je
voudrais vous prévenir, M. le Président, qu'en ce qui touche le
programme 4 en particulier il y a
certains facteurs qui doivent être évoqués de
nouveau, avant que nous procédions au vote. Tout d'abord, je pense que
nous ne devons pas oublier que nous entreprenons la présente
année scolaire dans un climat qui a été
profondément perturbé par l'attitude inadmissible du gouvernement
en bien des matières reliées au processus même de la libre
négociation des conditions de travail. Nous ne devons pas oublier que la
dernière année a été marquée, en
particulier, par l'adoption de trois lois d'exception très graves dans
leurs conséquences: la loi 70, la loi 105 et la loi 111. Je veux vous
assurer qu'aussi longtemps que la loi 111 sera en vigueur nous ne pouvons pas
faire autrement que demander que des programmes comme ceux-ci soient
adoptés sur division, parce qu'ils sont remplis d'implications et de
conséquences découlant directement de ces lois. Nous ne pourrions
pas les approuver sans avoir l'air d'approuver en même temps ces lois qui
les sous-tendent, les inspirent et les colorent à bien des
égards. Je tiens à vous le souligner.
Deuxièmement, nous sommes en désaccord profond avec le
gouvernement en ce qui touche l'ensemble de ses rapports avec les commissions
scolaires. Nous avons donné des exemples très importants de
situations qui créent un climat de suspicion, d'insécurité
et de méfiance entre ces deux artisans majeurs de notre système
d'enseignement que sont, d'un côté, le ministère et, de
l'autre côté, les commissions scolaires. Aussi longtemps qu'on
n'aura pas résolu de manière satisfaisante des problèmes
comme ceux que nous avons soulevés, en particulier celui qui a trait
à l'ajustement non récurrent et à l'allégement de
toutes ces mesures de contrôle qui prolifèrent de façon si
abondante, je pense que c'est bien difficile pour nous de souscrire globalement
à un programme comme celui qui est proposé.
Finalement, nous avons remarqué, en parcourant le programme
attentivement et en examinant les explications fournies par le gouvernement,
que le projet de restructuration scolaire imprègne à plusieurs
endroits les projets qui nous sont communiqués par le gouvernement. On
nous dit ici: On va consacrer des énergies à la
préparation de ceci.
J'ouvre une parenthèse. C'est un point sur lequel j'aurais
aimé avoir des données. Avez-vous établi des projections
budgétaires - c'est le sujet que je cherchais tantôt, je m'excuse,
je referme la parenthèse tout de suite - concernant le coût de
l'implantation éventuelle? Comme il ne sera sûrement pas
implanté au cours de l'année 1983-1984, les projections seront
probablement moins élevées, mais si vous avez dressé des
projections concernant les coûts que pourrait entraîner toute
démarche relative à la préparation de l'implantation du
projet de restructuration scolaire, cela compléterait le document de
tantôt.
Comme ce projet imprègne les prévisions budgétaires
qui nous sont présentées à maints endroits, nous ne
pouvons pas approuver ce programme 4 non plus, parce que nous sommes en
désaccord profond avec le gouvernement sur certains
éléments essentiels du projet de restructuration scolaire. Pour
ces raisons, je vous préviens que nous demanderons que le programme 4
soit adopté sur division.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Si je
comprends bien, nous pouvons maintenant conclure que les quatre
éléments du programme 4, enseignement primaire et secondaire
public, sont adoptés sur division.
Comme convenu au début de notre séance, nous allons
maintenant passer au programme 7 qui s'intitule Formation des adultes. M. le
député d'Argenteuil ou M. le ministre. M. le député
d'Argenteuil, vous avez la parole.
Formation des adultes
M. Ryan: Avec plaisir. Je vais ouvrir mon cahier à la
bonne page. Programme 7, je crois.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, c'est bien cela.
M. Ryan: Nous sommes très heureux de pouvoir consacrer une
partie de nos travaux à l'examen des prévisions
budgétaires concernant le secteur de la formation des adultes.
L'éducation des adultes a connu, depuis 20 ans au Québec, des
progrès spectaculaires. Je me souviens encore du contexte dans lequel la
commission Parent avait abordé le problème de l'éducation
des adultes, il y a une vingtaine d'années. Les commissaires avaient
été nommés pour faire le tour des problèmes de
l'enseignement. Lorsqu'ils sont arrivés au secteur de l'éducation
des adultes, ils se sentaient plutôt embarrassés parce qu'ils
n'avaient pas les données dont ils auraient eu besoin pour
procéder, comme ils auraient pu le faire à propos des
écoles primaires, des collèges ou des universités. Ils
avaient, d'ailleurs, des difficultés semblables à propos de tout
le secteur des loisirs, des activités récréatives et
sportives. Ils avaient alors demandé que le gouvernement crée
deux groupes de travail spéciaux, l'un sur l'éducation des
adultes, l'autre sur les loisirs et les sports et tout ce qui concernait le
domaine récréatif.
On m'avait demandé, à l'époque, de présider
le comité d'étude sur la formation des adultes. Je l'avais fait
avec beaucoup de plaisir. Le comité que j'ai eu l'honneur de
présider avait soumis un rapport dont la recommandation principale
consistait à
proposer que l'éducation des adultes devienne une dimension
permanente des programmes d'éducation publique au Québec. Nous
avions demandé avec insistance, en particulier, que la formation des
adultes soit développée de façon spéciale au niveau
secondaire. Le grand objectif que devait poursuivre le système
d'enseignement, à ce moment, devait être de procurer, dans toute
la mesure du possible, au moins une formation secondaire ou l'équivalent
à toute personne appelée à assumer les tâches de la
vie adulte. Pour celle qui n'avait pas pu recevoir cette formation, par le
moyen de la scolarisation régulière, nous demandions que la
société se fixe comme objectif de lui favoriser par tous les
moyens l'accès à cette formation.
Nous trouvions que le recours à l'école publique, à
l'école secondaire et aux commissions scolaires à cette fin
était le moyen tout indiqué. Nous demandions également que
le gouvernement augmente sa contribution au travail des organismes volontaires.
C'étaient deux grandes recommandations qui étaient contenues dans
le rapport. Chaque heure de contribution au développement de
l'éducation qui est fournie par des organismes volontaires
représente un enrichissement pour la société et, en
même temps, une très grande économie pour les fonds
publics. Ces deux recommandations principales furent suivies de nombreuses
mesures.
J'avais un peu perdu le contact avec le domaine dans les années
qui ont suivi parce que j'avais été entraîné dans
une autre voie. Je fus très heureux de constater, quelques années
plus tard, les progrès spectaculaires réalisés dans le
secteur de l'école secondaire publique. On a mis sur pied, dans les
commissions scolaires du Québec, des services d'éducation des
adultes dont la fonction principale était, justement, de contribuer,
sous l'enseigne de la gratuité, à la formation des adultes au
niveau secondaire.
Je me souviens des débats mémorables que nous avions eus
à la commission, à l'époque, sur le thème de la
gratuité. Moi-même, j'étais plutôt
modéré dans ces matières, à l'époque. Je
soutenais, au début des travaux de la commission, qu'il faudrait que
l'adulte au travail soit appelé à payer une certaine contribution
pour les cours auxquels il aurait accès au niveau secondaire. La
majorité des membres du groupe d'étude était d'opinion
contraire. Finalement, la commission avait retenu l'opinion majoritaire
à laquelle je m'étais rallié. On m'avait même
convaincu, à la fin, que, dans une saine perspective
démocratique, il fallait, à ce niveau, que notre
société opte pour une perspective de gratuité
générale, laissant les autres niveaux ouverts pour toutes les
considérations qui peuvent être justifiées en
matière de frais de scolarité. On s'est orienté dans cette
voie. Je constate qu'il y a eu beaucoup de recul depuis deux ou trois ans, en
particulier; il y a eu un changement de cap extrêmement significatif qui
préoccupe tous les milieux concernés par l'éducation des
adultes.
Je ne sais pas à quelle date remonte la formation de la
commission Jean; je ne sais pas si vous vous en souvenez. Cela remonte au moins
à 1979 ou 1980; la commission a dû prendre deux ans pour faire son
travail parce qu'il faut sûrement un an pour écrire un rapport de
750 pages. Et comme ils ont du faire du travail avant d'écrire le
rapport - on peut dire que le rapport a été publié vers
février 1982, si mes souvenirs sont bons - la commission a du être
créée au début de 1980 ou à la fin de 1979
même.
Cette décision de la création de la commission Jean avait
suscité de grands espoirs. Les travaux de cette commission ont
donné lieu à un vaste concert de discussions et de recherches qui
laissaient entrevoir des avancées nouvelles dans le secteur de
l'éducation des adultes. Le rapport de la commission Jean ne
déçut point à cet égard. Ses recommandations
n'étaient pas toujours facilement acceptables; elles avaient,
néanmoins, du souffle et de l'ampleur; elles faisaient un tour d'horizon
très large du problème.
Je me souviens que j'avais moi-même été
scandalisé par certaines recommandations en en prenant connaissance par
la voie des journaux. Quand il m'a été donné de lire le
texte complet et même les justifications qui appuyaient ces
recommandations, j'en venais à une appréciation plus
nuancée. Je pense, en particulier, au problème qui avait
soulevé beaucoup de résistance et d'objection de la part du
ministre des Finances. La proposition concernait une éventuelle taxe qui
serait perçue à même les entreprises pour les fins de
l'éducation. Quand vous examinez l'esprit dans lequel cette
recommandation a été formulée, peut-être auriez-vous
des amendements à formuler sur le texte même de la recommandation,
mais l'esprit est bon parce que, aujourd'hui, l'éducation doit faire
partie du programme de fonctionnement d'une entreprise dynamique.
Il est dit là-dedans que, si une entreprise peut établir
la preuve qu'elle consacre au moins X% - c'est un très faible
pourcentage de son budget total - à des fins d'éducation et de
perfectionnement, on en tiendrait compte quand on verrait l'application d'une
orientation comme celle-là. Je trouve que c'est extrêmement
important que nos entreprises réalisent qu'elles ont une
responsabilité en matière de formation des adultes, en
matière de formation de leur personnel en particulier. Peut-être
que les moyens suggérés n'étaient pas les bons, mais je
pense qu'il faudrait être assez rétrograde pour s'opposer en
principe à cette idée.
La commission avait ouvert des horizons intéressants qui nous
forçaient à discuter. Je mentionne un autre exemple. Je ne veux
pas faire le tour de tout le rapport parce que je pense qu'il n'y a pas
beaucoup de gens qui l'ont lu au complet; il y a 750 pages, à ma
souvenance. Je me suis imposé cette tâche l'été
dernier et je ne l'ai point regretté. Il y a une autre recommandation
qui m'a vivement intéressé et dont j'ai vu l'application dans la
région de Sherbrooke. C'est une recommandation visant la création
d'un centre commun pour l'orientation des adultes qui veulent parfaire leur
formation. Une personne qui veut suivre des cours, assise chez elle, en
regardant les annonces parues dans la Presse, dans le Devoir ou dans le Soleil
- je ne ferai pas le tour de tous les quotidiens du Québec parce que
nous ne sommes pas en campagne électorale - se demande: Est-ce que
j'irai à tel business college, à tel cégep, à telle
université? Quelquefois, vous rergardez des titres des programmes - j'en
voyais dans les journaux de samedi - publiés par certaines
universités. Je me demande ce que cela fait dans une université.
Je me dis: Franchement, j'espère qu'on mettra de l'ordre dans ces choses
tôt ou tard. Il y a des gens qui font n'importe quoi sous la
responsabilité de l'université; ils ne semblent pas se rendre
compte que cela coûte pas mal plus cher quand on évolue à
ce niveau. Il y a des choses qui pourraient être faites à d'autres
niveaux. (11 heures)
Quoi qu'il en soit, ils recommandaient qu'on crée une
espèce de "clearing house", un centre de mise en commun des
renseignements qui serait à la disposition des adultes qui veulent
s'inscrire à un cégep ou à une commission scolaire, ou
à une institution privée ou à une université.
À Sherbrooke, par les voies de la collaboration volontaire, les
différents organismes engagés dans l'éducation des
adultes, l'université, le cégep, la commission scolaire, la
commission de formation professionnelle et d'autres organismes ont
créé une espèce de table de concertation sous les auspices
de laquelle fonctionne un centre d'orientation comme celui-là.
Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de visiter le centre d'orientation,
mais on m'en a saisi en détail et je dois le visiter dès que j'en
aurai le loisir. C'est une orientation qui est contenue dans le rapport de la
commission Jean et qui est excellente. Quand il propose de créer une
sorte de structure parallèle, une espèce de société
d'État pour diriger l'éducation des adultes à
l'échelle provinciale, je suis en radical désaccord. Je pense
que, malgré toutes les objections que je puis avoir à l'encontre
de certaines politiques du ministère de l'Éducation, cela doit
rester sous l'autorité d'un ministre.
Il y a un autre point qui est implicite là-dedans, c'est que l'on
doit reconnaître par ailleurs la spécificité de
l'éducation des adultes, son caractère distinctif et que l'on
doit prévoir des structures qui permettront de respecter et même
de promouvoir son caractère original et propre. Je pense que c'est
très opportun. Encore ici, les modalités proposées par la
commission Jean laissaient beaucoup à désirer. L'esprit qui a
imprégné la recommandation était très bon.
Dans cette prespective, tous ceux qui sont engagés... Je
mentionne un autre objectif qui a été évoqué par la
commission Jean parce qu'il rejoint celui que nous avions formulé, il y
a 20 ans, au comité d'étude sur l'éducation des adultes.
Ils disent qu'il faut établir dans la loi le droit de toute personne
à recevoir une formation comportant l'équivalent de treize
années de formation. C'est exactement l'objectif qu'on
définissait, il y a 20 ans, et qui est encore bon aujourd'hui, parce que
l'on a encore, au secondaire, le taux de scolarisation de la population adulte
au Québec... Il n'est peut-être pas plus de 50% ou 60%
actuellement, étant donné tous les retards qui nous avions
accumulés dans les années passées. Par conséquent,
j'étais bien content de voir cet objectif énoncé de
manière vigoureuse dans le rapport de la commission Jean.
Il arrive deux choses. Pendant qu'on a vécu d'espoir,
d'optimisme, il s'est passé deux ordres d'événements qui
ont été des sources d'inquiétude considérable. D'un
côté, les coupures budgétaires et les mesures de
compression instituées par le gouvernement ont entraîné une
chute dramatique dans les effectifs de l'éducation des adultes, dans les
inscriptions à l'éducation des adultes, aux différents
paliers. Je mentionne, seulement à titre d'exemple ici, car je ne veux
pas que nous nous perdions dans une bataille interminable de chiffres, toutes
les données qui sont disponibles et on en a encore dans les
données qui ont été rendues disponibles par le
ministère, on les a dans le cahier explicatif.
Je pense qu'on va les sortir ici pour être sûr qu'on fait
très bien le lien. Je vais à la fin, dans les données qui
sont annexées. Vous regardez à la page 21 du cahier La formation
socio-culturelle. Les effectifs inscrits des clientèles sont
passés, de 1980-1981 à 1983-1984, de 232 000 à 149 000. En
formation socio-économique, les effectifs sont passés de 106 000
à 83 000. C'est la formation donnée dans les commissions
scolaires.
Au niveau des cégeps, on a à peu près maintenu les
effectifs. On était, en formation socio-économique, en 1980-1981,
à 77 000; en 1983-1984, on est à 78 000, une augmentation de
1000. La formation professionnelle à temps partiel, par contre, on est
passé de 73 000 à 72 000.
Professionnel temps plein, 4300 à 5785. Dans les institutions
spécialisées, je crois - je ne sais pas, je n'ai pas le
détail de ces chifres - qu'il y a une grosse réduction, mais je
n'en fais pas état d'une manière spéciale, parce qu'il
s'agit d'à peu près 2700 unités. En ce qui regarde les
organismes volontaires d'éducation populaire, je pense que nous devrons
avoir une discussion un peu plus élaborée là-dessus. Je ne
m'attarde pas dans les chiffres pour l'instant, mais c'est une constatation sur
laquelle est revenu à maintes reprises l'Institut canadien
d'éducation des adultes qui est, je pense, la voix la plus
autorisée que nous ayons dans le milieu pour discuter de ces choses
d'une manière à la fois informée et indépendante.
Je pense que l'Institut canadien d'éducation des adultes touche une
subvention importante du gouvernement. Il ne faut pas se le cacher. Est-ce que
c'est de l'ordre de 600 000 $ par année, la subvention annuelle à
l'Institut canadien d'éducation des adultes?
Une voix: 195 000 $.
M. Ryan: Ah! 195 000 $. Il a un budget, d'après ce que
j'ai compris, de 800 000 $. Par conséquent, c'est mieux que 95%. Je
pensais que la proportion était plus forte que cela. Je vous remercie de
m'avoir donné cette information. L'information vient de moi pour la
proportion. Je ne veux pas vous engager dans mes estimations, cependant, mais
je crois que leur budget est de l'ordre d'environ 800 000 $, d'après ce
qu'on m'a dit. L'Institut canadien d'éducation des adultes porte un
jugement très sévère. Il a repris ce jugement, il y a
quelques mois. M. Paul Bélanger, le directeur général de
l'institut, est venu devant la commission parlementaire, à l'occasion du
conflit sur les enseignants, et il est revenu sur ce sujet de manière
très vigoureuse et très insistante. Je pense que cela se passe de
commentaires. Je ne prétends pas que le gouvernement puisse inventer de
l'argent actuellement; il a déjà établi ses
priorités. C'est grave. Cela me fait énormément de peine,
personnellement. Je pense qu'il faut mettre encore plus de ressources de ce
côté. Jespère qu'au cours de la prochaine année, on
tracera des plans plus généreux en fonction de l'année
à venir et que, si les tiroirs venaient à révéler
certaines disponibilités imprévues, on saura les orienter
peut-être de ce côté.
Je voudrais mentionner un autre volet non moins important. En plus
d'effectuer des réductions de services, on pourrait illustrer, ne
serait-ce que par la diminution des effectifs affectés à
l'éducation des adultes dans les commissions scolaires... J'ai eu des
chiffres pour la Commission des écoles catholiques de Montréal,
par exemple, et je pense que les chiffres parlent par eux-mêmes. Il n'y a
personne qui viendrait soutenir qu'on est resté au même niveau. Je
pense que cela va de soi. Ce n'est pas seulement cela, M. le ministre. Il y a
des cours de traitement de la chevelure, des choses comme cela, qui ont
été supprimés. Il y a des cours beaucoup plus
significatifs que cela. Je sais que, l'an dernier, on avait donné des
exemples un peu ridicules, mais il y a eu des cours très sérieux
qui ont été perdus et qui avaient une grande valeur, même
si, parfois, le titre du cours, a priori, ne signifiait pas
énormément.
Mais il y a une chose qui me frappe tout autant. Au jugement même
de la personne qui a présidé la commission sur l'éducation
des adultes, Mme Michèle Jean, en même temps qu'on faisait ces
coupures, on a posé, au cours des derniers mois, des actions qui
esquissent à petites doses les contours d'une politique qui serait en
train d'être mise en application et qui n'irait pas dans le sens des
orientations générales proposées par la commission Jean.
C'est plus inquiétant. Je vais donner des extraits de l'article qu'elle
a publié dans le Devoir, le 25 février dernier. Cela va nous
amener, évidemment, à poser des questions au ministre. On avait
promis, l'an dernier, que la politique du gouvernement serait
dévoilée à l'automne. Je n'en ferais pas de procès
majeur si elle avait été dévoilée au mois de mars.
Même si elle l'était cet été, si c'est une bonne
politique, on nous dira pourquoi cela a pris un peu plus de temps et je
comprendrai, mais il y a des gestes qui ont été posés
entre-temps qui nous engagent et qui traduisent une politique au moins
implicite. Là-dessus, je pense que nous sommes en droit d'exiger des
explications, M. le ministre.
Mme Jean, dans son article, mentionne, comme premier exemple de cette
affirmation qu'elle fait, la signature de l'entente Canada-Québec en
matière de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, qui engage le
Québec jusqu'en 1985 et applique une partie des recommandations du
rapport fédéral Axworthy-Dodge, alors qu'on avait demandé
à la commission, dans les termes de son mandat, de fonctionner dans le
cadre du rapatriement de la formation professionnelle au Québec. Je ne
fais pas grief au gouvernement de n'avoir pu obtenir le rapatriement complet de
tous les budgets consacrés par le gouvernement fédéral
à la formation professionnelle, je sais que c'est une proposition
colossale qui est formulée, à ce moment, et cela prendra des
années pour en obtenir la réalisation. Je ne pense pas qu'on
puisse accuser le gouvernement d'avoir dévié de cette ligne de
conduite au cours des derniers mois. Je ne fais pas de procès
là-dessus. Ce que je veux signaler, c'est que cet accord relève
du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Cela
intéresse l'éducation au plus haut point. Cela
affecte les commissions scolaires et les cégeps
considérablement. On remarque, en la lisant, que la portée de
cette entente n'est plus du tout la même que celle du programme
antérieur. Le programme antérieur ouvrait la porte et laissait
des possibilités considérables pour les commandes portant sur les
cours de formation générale de niveau secondaire.
Le programme du gouvernement fédéral, incorporé
dans l'entente Axworthy-Marois, tend fortement à privilégier les
cours de formation en vue d'emplois qui auront été jugés
prioritaires par le gouvernement fédéral. Il pourra arriver que
la définition des emplois prioritaires corresponde à celle que
voudrait le Québec. Il y a de la marge pour des ententes de ce
côté. J'espère, personnellement, qu'on en viendra à
établir des ententes aussi nombreuses que possible. Mais, il y a un
problème très sérieux qui se pose ici. Il pourra arriver
qu'on doive constater que, dans un an ou deux, des milliers d'adultes qui
auraient du d'abord compléter leur formation générale pour
avoir accès à une formation de caractère plus
spécialisé se voient exclus de ces programmes à cause
d'une entente qui a une portée beaucoup plus restrictive et qui tend,
d'ailleurs, à accroître considérablement l'autorité
du gouvernement fédéral dans tout le champ de
l'éducation.
Deuxièmement, Mme Jean mentionne dans son article l'imposition
récente de décrets aux enseignants qui rend impossibles plusieurs
des développements souhaités en éducation des adultes et
ce également jusqu'en 1985. À ce sujet, je me permets de rappeler
au ministre - je me reprocherais vivement de l'avoir oublié - un
problème que j'ai soumis à son attention à plusieurs
reprises au cours des derniers mois, celui des enseignants à temps
partiel à l'éducation des adultes, celui des gens qui ne sont pas
des salariés réguliers. J'ai trouvé, depuis que nous en
avons discuté la dernière fois, des données confirmant
qu'environ 70% des personnes qui donnent des cours à l'éducation
des adultes dans les commissions scolaires ont cette seule source de revenu. Ce
sont des personnes qui ne sont plus sur le marché de l'enseignement
régulier. Elles ont cette seule source de revenu. Elles ont vu leur
revenu coupé de manière draconienne à la suite des
décrets de la politique annoncée par le gouvernement par les lois
70 et 105.
Le premier ministre avait pris l'engagement de voir à ce que la
rémunération des salariés à temps partiel dans le
secteur des affaires sociales soit l'objet d'ajustements qui devraient
normalement être contenus dans le projet de loi que le ministre nous
annonçait pour cet après-midi. J'espère que le ministre
aura tenu compte des demandes que nous lui avons faites et fera en sorte que le
sort des éducateurs adultes à temps partiel qui est absolument
assimilable à celui des salariés dans le secteur des affaires
sociales, soit tenu en compte dans les ajustements législatifs qu'on
fera. Je serai très intéressé à connaître les
intentions du ministre à ce sujet. Je le préviens tout de suite
que, du côté de l'Opposition, c'est un point sur lequel nous
insistons beaucoup.
Le nombre des enseignants à temps partiel dans l'éducation
des adultes, ou encore dans le champ des commissions scolaires, a baissé
considérablement. Je pense que nous en avions 15 000 ou 16 000 il y a
trois ou quatre ans et, la dernière année, je pense que
c'était tombé à 12 000. C'est dommage, parce que, en
général, ce sont des personnes, d'abord, qui ont une très
grosse expérience de la vie; deuxièmement, qui ont une
expérience pédagogique inestimable, souvent bien
supérieure à celles des personnes qu'on va retrouver dans le
circuit de l'enseignement à temps complet; troisièmement, qui
sont en général imbues d'un esprit de dévouement
supérieur à la moyenne. Je me dis: On peut bien couper et couper,
cela va très bien, mais c'est autant de ressources qui pourraient encore
être disponibles pour la communauté et qui ne le sont pas, faute
peut-être, de la part du gouvernement, d'avoir prévu toutes les
conséquences de certaines mesures. (11 h 15)
Mme Jean mentionne ensuite les choix faits en matière de
télévision payante. Je ne veux pas ouvrir ce chapitre car, je
pense que cela relève d'un autre ministère; je le mentionne
seulement pas souci d'objectivité en rapportant ce qu'a écrit Mme
Jean. Ensuite, le choix qui est fait, dans le document sur la formation
professionnelle des jeunes, de noyer dans le concept du poste obligatoire toute
distinction entre les jeunes et les adultes, revenant ici à des
positions qui avaient connu une certaine vogue, au ministère de
l'Éducation, en 1975. Nous avons tous les documents qui ont
circulé à l'époque. Les documents circulent depuis un
certain temps et semblent vouloir se remettre à cette enseigne. Je ne
pense pas que le projet de règlement des collèges soulève
des problèmes de ce côté, problème qu'on pourra
discuter si on peut tenir cette commission pour l'éducation des adultes
dont nous parlions. Ce danger de noyer le poisson est un des gros soucis, sous
prétexte de réaliser une identité de condition entre les
étudiants jeunes et les étudiants adultes, celui de perdre de vue
la spécificité de l'éducation des adultes et, finalement,
de réduire son impact dans l'ensemble de l'oeuvre éducative. Elle
continue: "Le peu de ressources actuellement consacrées au programme
d'alphabétisation." On en fait mention dans le cahier explicatif et on
pourra y revenir quand on discutera les
détails tantôt. Et, finalement, la perspective d'un budget
qui ne semble pas vouloir atténuer, pour 1983-1984, l'effet des coupures
beaucoup trop sévères imposées au secteur depuis 1981.
Ce sont autant de points qui sont de nature à nous
inquiéter. Je ne sais pas si je me trompe, mais j'ai l'impression qu'il
y a un mouvement de retour au régime des fiefs ministériels en
matière d'éducation des adultes. Peut-être que je fais
erreur et on me corrigera là-dessus. Entre parenthèses,
j'aimerais que le ministère obtienne pour nous des informations sur les
sommes consacrées à l'éducation aux adultes dans chaque
ministère. Au début du cahier, on donne la liste des
ministères engagés à un titre ou l'autre dans
l'éducation des adultes. Si on pouvait nous fournir une liste des
crédits prévus dans chaque ministère à des fins
d'éducation des adultes, je pense que cela compléterait
très bien le tableau qu'on nous donne pour le ministère de
l'Éducation proprement dit.
En ce qui touche l'application du programme Axworthy-Marois, je pense
bien qu'on en reste au statu quo. Je ne vois pas de signes de
l'intégration qui devrait se faire, à mon point de vue, du
côté de l'éducation. On pourra nous donner des
précisions là-dessus. "L'éducation des adultes, parente
pauvre des récents décrets." Certaines améliorations ont
été apportées. On aura plus de postes à la suite du
rapport Désilets, il y a aura 125 postes permanents au lieu de 70.
Le ministre pourra peut-être me dire s'il est en mesure de donner
des garanties quant à la certitude que cet objectif sera atteint. J'ai
l'impression que le nombre de 125 postes est un objectif qu'on a fixé
pour que la réalisation demeure subordonnée à certaines
conditions qui risquent, dans la pratique, de ramener cet objectif à un
nombre sensiblement inférieur. Je ne sais pas si le mécanisme qui
avait été prévu d'un comité paritaire, en
particulier, qui devrait prendre des décisions là-dessus, reste
dans le texte définitif. Nous avons perdu certains
éléments de vue, mais cela veut dire que cela comporte par
conséquent un droit de veto pour la partie patronale qui pourrait
aboutir, dans son exercice, à ce que l'objectif de 125 postes ne soit
pas réalisé, en fin de compte.
M. Bélanger avait soumis à la commission parlementaire
un autre aspect des décrets: le danger du "bumping". C'est
très intéressant de dire d'un côté, pour les
enseignants réguliers mis en disponiblité: On essaiera de les
orienter vers l'éducation des adultes à temps partiel, dans bien
des cas. Cela fera une partie de travail pour eux qui tiendra lieu de la
compensation complète à laquelle ils auront droit. Je ne sais pas
si on a mesuré les effets possibles du "bumping" qui peut
découler d'une application trop littérale de ces clauses. Je
voudrais que le ministre nous dise comment il entrevoit cette perspective.
Pour l'instant, je pense que cela complète les observations
générales que je voulais faire sur le sujet de la formation des
adultes. Il y a un certain nombre de questions précises sur des sujets
plus particuliers que nous voudrons souligner en cours de route. Je souligne
encore une fois que, pour nous, le développement de l'éducation
des adultes est un volet absolument essentiel d'une politique progressiste en
matière d'éducation. Déduction faite des sommes que le
gouvernement va chercher du côté des programmes
fédéraux de formation professionnelle, je crois pouvoir affirmer
que les sommes mises à la disposition de l'éducation des adultes
à même le budget qui relève proprement de Québec
sont des sommes nettement insuffisantes, étant donné les besoins
très considérables que nous avons dans ce domaine.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: Je commencerai par là où le
député d'Argenteuil a fini. L'éducation des adultes
constitue, pour le gouvernement également, un volet essentiel d'une
politique progressiste. Je me suis toujours préoccupé
énormément de cette question avant même de passer à
l'éducation puisque, lorsque j'étais ministre d'État au
Développement culturel, j'ai pris l'initiative de recommander au
gouvernement la tenue d'une commission d'enquête sur le sujet, qui ferait
le tour du sujet, en examinant systématiquement chacun des
éléments, chacune des composantes, tel que nous avions pu les
voir émerger au cours des 20 dernières années.
Effectivement, la formation des adultes a pris une importance croissante
dans notre société, non pas seulement depuis que le
député d'Argenteuil a présidé, en 1962, le
comité d'étude où il a fait d'ailleurs un excellent
travail, mais même auparavant, depuis au fond la fin de la
dernière guerre, depuis que nous avions constaté une
démocratisation croissante de notre société, un
désir d'acquérir une meilleure formation, une meilleure
instruction de la part de tous les secteurs de la société.
Nous avons vu évoluer la situation durant une vingtaine
d'années. Nous avons assisté à des progrès
spectaculaires, à une effervescence extraordinaire.
Précisément en raison même des progrès qui se sont
effectués au cours des 20 dernières annés, nous avons pu
également constater qu'il y avait, en raison même de cette
effervescence, des problèmes qui se posaient, qui étaient
probablement le résultat de
l'empirisme ou le résultat également d'actions
spontanées, improvisées, efficaces mais quand même
improvisées. Nous avons pu précisément voir émerger
des problèmes nouveaux auxquels il fallait apporter une solution.
Parmi ces problèmes - je ne veux pas tous les mentionner, il me
faudrait revoir le mémoire que j'adressais à ce moment au Conseil
des ministres - on peut quand même mentionner le dédoublement non
seulement des structures, mais des enseignements. Plusieurs commissions
scolaires donnaient les mêmes cours. Les cégeps donnaient les
mêmes cours et même parfois les universités donnaient les
mêmes cours. Une importance peut-être trop grande, un accent trop
grand était mis sur les structures, ce qui entraînait des
coûts excessifs par rapport aux sommes que nous pouvions consacrer
à l'instruction proprement dite, à la dispensation des
services.
Nous constations également l'émergence des organismes
d'éducation populaire, qui étaient nés à la suite
de besoins ressentis par les citoyens, qui avaient été
laissés pour compte dans les efforts antérieurs de notre
société pour leur dispenser l'éducation et qui tentaient
de rattraper ce retard à l'occasion de problèmes qu'ils vivaient
en tant que consommateurs et qui tentaient, dans une optique de
responsabilisation, d'apporter eux-mêmes des solutions à des
problèmes que la société ne réglait pas ou qui
manquaient des instruments nécessaires pour pouvoir les régler
eux-mêmes. Ces organismes d'éducation populaire se sont
multipliés au cours des années, mais, là aussi, il y
avait, en raison même de cette multiplicité un peu anarchique, des
problèmes d'articulation qui se posaient, soit avec les ressources
institutionnelles dont ils avaient absolument besoin et qui ne leur
étaient pas toujours dispensées, soit des problèmes de
coordination, soit là aussi des problèmes de dédoublement.
Il y avait également le problème des acquis dont il aurait fallu
tenir compte pour l'élaboration de programmes destinés aux
adultes, mais que les institutions, prises dans leur propre
problématique, ne savaient pas toujours reconnaître et surtout sur
lesquels elles ne pouvaient pas toujours compter pour la suite des
études ou des programmes que ces adultes voulaient entreprendre.
Il y avait également le problème de la certification qui
se posait, puisque plusieurs adultes ont besoin de ces certificats pour
améliorer leur position dans le champ du travail. Il y avait aussi,
d'une façon peut-être encore plus grave, le fait que les adultes,
même s'ils poursuivaient leurs études dans un cadre
institutionnel, ne pouvaient pas compter sur des services qui étaient
appropriés à leur condition de vie. Il y avait une sorte de
dichotomie, de séparation et de cloisonnement entre les divers types de
clientèle et, par exemple, les adultes ne pouvaient pas compter sur un
service d'admission, d'accueil et d'information approprié à leur
condition et ne pouvaient pas compter également sur les services que le
système scolaire dispensait aux élèves réguliers.
Je pense aux services personnels complémentaires, que l'on est
maintenant convenu d'appeler de ce nom, aux bibliothèques et, d'une
façon générale, à tous les services qui
bénéficient grandement aux élèves réguliers,
mais dont les élèves adultes ne pouvaient pas profiter au
même titre. Il y avait aussi le problème de l'articulation entre
les actions menées dans le champ de l'éducation avec les actions
menées dans d'autres ministères et, en particulier, celui de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, d'une part, et
certains autres ministères qui consacrent eux aussi, également,
certains efforts à l'éducation des adultes. Il y aura donc
matière à faire une révision générale de la
situation, à faire le bilan de là situation, à mieux
discerner les problèmes et à établir des voies de
solution.
Pour toutes ces raisons, j'ai recommandé au gouvernement, en
1979, de mettre sur pied cette commission d'étude. D'ailleurs, dans la
composition même de cette commission, nous avons voulu mettre l'accent
sur le concret ou sur le vécu puisque les membres de cette commission
ont été choisis parmi les pionniers de l'éducation des
adultes, ceux qui avaient acquis leurs lettres de noblesse dans ce champ et
ceux qui étaient au plus près des expériences mêmes
des adultes, que ce soit dans le domaine syndical, dans le domaine patronal ou
dans le domaine professoral.
Cette commission d'étude a pris deux ans à atteindre les
divers objectifs que nous lui avions fixés, mais je pense qu'elle l'a
fait d'une façon remarquable, non pas en vase clos, mais en consultant
régulièrement la population, que ce soit avant même
d'établir son rapport, à l'occasion d'un rapport d'étapes
et, pour une dernière fois, avant de rendre public son rapport. Je crois
que c'était là une très bonne méthode de travail.
La commission a déposé son rapport en février 1982.
C'était, effectivement, un rapport très étoffé, non
seulement très long, mais qui contenait près de 440
recommandations. Il convenait d'accorder toute l'attention à ce rapport
et de l'étudier assez longuement. Évidemment, le
député d'Argenteuil n'a pu commenter que quelques-unes des
recommandations du rapport, mais j'ai été très heureux de
l'entendre commenter celles de ces recommandations qui lui paraissaient les
plus importantes. (11 h 30)
En ce qui concerne, par exemple, le congé éducation ou la
contribution des entreprises à la formation des adultes, je
suis tout à fait d'accord avec lui en principe. Ce devrait
être là une responsabilité des entreprises que de voir
à l'amélioration du potentiel humain qui est à leur
emploi. D'abord, pour des raisons de rentabilité. On sait qu'une
entreprise qui consacre du temps, des efforts, des ressources à la
formation de son personnel en bénéficie et parfois d'une
façon marquée. Mais aussi, c'est là une
responsabilité sociale que l'entreprise doit assumer en contrepartie
pour le fruit du travail des employés, en contrepartie du profit que
produisent ces employés et d'une façon plus
générale, pour la mission de l'entreprise au sein d'une
société.
Je suis donc d'accord sur le principe que les entreprises doivent
contribuer à la formation des adultes. D'ailleurs, plusieurs le font
actuellement, particulièrement dans certaines entreprises de pointe que
nous connaissons où le besoin est particulièrement vif et
particulièrement ressenti. Je déplore que toutes les entreprises
ne le fassent pas, encore une fois, car ce devrait être là une
politique générale de la part des entreprises.
Quant à la modalité qui a été
suggérée par la commission Jean, il faut, bien sûr, avant
de l'inscrire dans une loi, en évaluer tout l'impact non seulement sur
le plan des principes, cette fois, mais également sur le plan de la
conjoncture, c'est-à-dire en fonction des conditions économiques
qui prévalent à l'heure actuelle, en fonction des charges
qu'assument déjà les entreprises à plusieurs autres
titres, comme, par exemple, la santé, la sécurité au
travail, la contribution des entreprises à d'autres politiques
générales de notre société. C'est ce que nous
sommes en train de faire actuellement. Nous tentons d'examiner la
recommandation de la commission Jean à la lumière de tous ces
facteurs, y compris et surtout celui de la conjoncture dans laquelle nous nous
trouvons actuellement.
Je remarque aussi que le député d'Argenteuil se dit
d'accord pour qu'on puisse regrouper en un centre commun, une sorte de
"clearing house", comme il l'a appelé, toutes les informations dont les
adultes ont besoin pour pouvoir se diriger à coup sûr et
rapidement, sans perdre de temps, vers le type de service éducatif dont
ils ont besoin. Je suis également tout à fait d'accord avec cette
recommandation. Elle impliquera, bien sûr, une concertation
régionale au niveau de l'information. Cette concertation
régionale devra toucher toutes les institutions, de tous les niveaux,
aussi bien la télé-université que les commissions
scolaires. Elle devra aussi atteindre toutes les clientèles cibles qui
sont visées par ce programme. C'est là également une
recommandation que nous étudions actuellement. Je pense bien que nous la
retiendrons d'une façon substantielle.
J'ai entendu aussi le député d'Argenteuil commenter la
recommandation de la commission Jean, à savoir de créer une
structure parallèle pour le système d'éducation des
adultes. Je note qu'il n'est pas d'accord avec cette recommandation puisque
cela pourrait être, d'une certaine façon, un dédoublement,
mais, d'une façon plus importante, cela nierait le rôle majeur,
essentiel de l'éducation, de la mission éducative dans
l'élaboration d'un système propre aux adultes.
Je suis d'accord avec lui sur les raisons qui l'amènent à
envisager avec réserve et réticence cette recommandation. Je
pense comme lui que l'éducation des adultes et l'éducation des
jeunes font partie de ce même objectif d'éducation permanente qui
doit être maintenant une des orientations majeures de notre
société. On ne pourrait sûrement pas atteindre cet objectif
si nous cloisonnions ou si nous séparions les deux systèmes. Je
suis aussi d'accord avec lui, cependant, quand il nous rappelle que l'abandon
de cette recommandation de parallélisme ne devrait pas nous amener
à nier la spécificité que comporte le système
d'éducation des adultes. Pour toutes les raisons que je mentionnais tout
à l'heure et qui ont même présidé au mandat que nous
avons confié à la commission, il est bien évident que
cette clientèle a des besoins spécifiques à tous
égards, non seulement en raison des lacunes qu'ils ont connues dans leur
enfance, sur le plan de l'instruction, mais également en raison de leur
expérience de vie, en raison des difficultés qu'ils ont connues
et des conditions particulières dans lesquelles ils doivent se remettre
à leur propre éducation, en raison aussi des obligations qu'ils
peuvent avoir sur le plan des groupes dont ils font partie.
Je suis donc d'accord avec le député d'Argenteuil pour
recommander que l'on fasse droit, le plus possible, à ce
caractère spécifique que doit conserver l'éducation des
adultes au sein de la mission éducative de l'État, mais
également au sein des institutions où ils doivent
s'insérer, où ils doivent atteindre des objectifs qui sont
là. Dans le comité de travail que nous avons formé pour
étudier ce problème de la structure et de la
spécificité, je pense que je peux dire d'avance au
député d'Argenteuil que nous ferons tous les efforts
nécessaires pour conserver et même pour augmenter ce
caractère spécifique que mérite l'éducation des
adultes et qui nous paraît hautement justifié.
Le député d'Argenteuil se déclare aussi d'accord
avec le droit de l'adulte à une éducation de base - il n'a pas
mentionné les mots "éducation de base", mais je pense que c'est
implicite dans ses remarques - et il est même d'accord avec la
recommandation de la commission pour que tout adulte ait droit à une
éducation qui correspond à une
scolarité de treize années. Je pense que, là aussi,
il est assez facile de s'entendre avec le député d'Argenteuil sur
le principe. On pourrait même hausser le niveau de treize années
à quatorze années, car nos adultes, comme nos jeunes, ne seront
jamais assez instruits pour pouvoir atteindre l'optimum et le maximum de leur
développement personnel qui est un des objectifs de notre
société démocratique et, en même temps, pour avoir
les meilleures chances possible de trouver, sur le marché du travail,
sur le marché de l'emploi, des conditions qui correspondent à
leur goût et à leurs aptitudes.
Il reste cependant que, dans la considération pratique de ce
droit, il faut tenir compte, là aussi, d'un certain nombre de facteurs.
Si nous voulons, par exemple, faire justice à ce droit et faire en sorte
que tous les adultes puissent bénéficier d'une formation qui
s'étale sur treize années, il faudra tenir compte du grand nombre
d'analphabètes au Québec. Il faudra tenir compte de toutes les
clientèles particulières. Il faudra aussi tenir compte de ceux
qui ont peut-être fréquenté l'école, mais qui,
même s'ils ont reçu un diplôme, n'ont pas également
bénéficié à plein de l'éducation qu'ils ont
reçue. Il est donc important de mesurer l'impact de l'inscription dans
une loi de ce droit en tenant compte d'abord des caractéristiques des
clientèles, de la conjoncture économique dans laquelle nous nous
trouvons et de la multiplicité des objectifs que nous nous devons
d'atteindre en tant que société. Cependant, nous tenterons
d'aller le plus loin possible sur le plan pratique dans le respect de ce droit
à l'éducation que possèdent tout adulte aussi bien que
tout enfant et qui est non seulement justifié, mais qui nous
paraît essentiel.
Le député d'Argenteuil a arrêté là ses
commentaires sur les recommandations de la commission Jean, mais nous pourrions
continuer très longtemps sur ce sujet. J'ai déjà dit, lors
de mon exposé préliminaire, que nous consacrons actuellement
énormément de temps, d'efforts et d'énergie à
l'étude de ces recommandations parce que nous avons l'intention de
présenter, le plus vite possible, une politique d'ensemble au
gouvernement sur l'éducation des adultes. Nous avons formé
à cet effet une vingtaine de groupes de travail qui étudient
chacune des recommandations, qui consultent également et qui auront par
la suite à coordonner les résultats des divers comités de
travail afin d'en arriver à un corpus qui représentera une
politique cohérente en même temps que pratique et faisable pour
les années qui viennent et qui aura aussi, évidemment, à
en calculer les coûts en fonction de la conjoncture, en fonction de la
situation économique de notre société actuellement.
J'espère que ce travail sera terminé le plus tôt
possible car je continue de souhaiter qu'on puisse s'attaquer à la
résolution de ces divers problèmes d'une façon
cohérente, d'une façon globale, d'une façon efficace, dans
le plus proche avenir.
Évidemment, pendant que se poursuit ce travail, nous avons
dû continuer à poser des gestes. Certains de ces gestes ont
été soulignés par le député d'Argenteuil qui
reprenait à son compte certaines récriminations ou certaines
plaintes ou certaines revendications d'individus ou de groupes. Je pense qu'on
ne peut pas séparer ces gestes, encore une fois, de la situation que vit
le Québec depuis quelques années. Il est vrai que nous avons
dû effectuer des compressions dans le domaine de l'éducation des
adultes. Il est vrai aussi que ces compressions n'ont pas été
faites de gaieté de coeur et qu'elles nous préoccupent autant
qu'elles peuvent préoccuper l'Opposition. Mais comme j'ai
déjà eu l'occasion de m'en expliquer longuement, il faut prendre
en compte la croissance considérable du coût de système que
nous imposaient les conventions collectives 1979-1982. Quand il faut consacrer
chaque année 17% de sommes additionnelles au respect des conventions
collectives que nous avons signées et que, d'autre part, nous constatons
une diminution de la richesse collective de 6%, un gouvernement responsable ne
peut qu'ajuster ses dépenses à la capacité de payer de la
collectivité et à l'assainissement de ses structures
budgétaires et financières.
C'est la raison pour laquelle il nous a fallu comprimer aux postes
où nous pouvions le faire, là où nous n'étions pas
liés par les conventions collectives, il nous fallait comprimer dans ces
postes. L'éducation des adultes constituait précisément un
de ces champs où il était possible de le faire, même s'il
était douloureux de le faire. Nous l'avons fait également au
niveau de certains autres services ou de certains autres employés, au
nom de cette préoccupation majeure, supérieure que constituait
cet ajustement de notre capacité de payer, de l'assainissement de nos
structures budgétaires et en particulier de nos structures salariales.
(11 h 45)
Je comprends que ces compressions que nous avons faites nous-mêmes
douloureusement ont été ressenties encore plus douloureusement
par ceux qui bénéficiaient auparavant de services plus
élaborés. C'est en ce sens que je comprends parfaitement les
protestations ou revendications de l'ICEA et d'ailleurs de plusieurs autres
groupes.
Il reste cependant que nous avons tenté d'en limiter au maximum
les effets négatifs en tentant de comprimer davantage les services qui
n'étaient pas liés directement à la clientèle,
d'où la rationalisation que nous
avons effectuée au niveau des structures de dispensation des
services et des employés qui en avaient la responsabilité. Je
pense que les économies que nous avons réalisées à
cet égard nous ont empêché de comprimer davantage les
services éducatifs que nous donnions à l'éducation des
adultes. Nous avons tenté aussi d'ores et déjà, avant
même qu'on applique toutes les recommandations de la commission Jean, de
diminuer, dans toute la mesure du possible, les dédoublements dont tout
le monde constatait l'existence. Là aussi, cela nous a permis de faire
des économies dont les clientèles ont
bénéficié.
Nous avons tenté également, puisqu'il fallait comprimer,
de diminuer, parmi les services éducatifs, ceux qui nous apparaissaient
moins liés à la promotion professionnelle obligatoire des
adultes. Par exemple, nous avons tenté d'éliminer surtout les
cours d'appoint ou les cours qui ajoutaient peut-être un certain plaisir
à la vie, une certaine qualité de vie aux adultes en question, de
façon que ces compressions ou cette diminution de cours ne touchent pas
quand même l'essentiel de leur croissance ou de leur
développement. C'est la raison pour laquelle, dans les compressions,
comme j'ai eu l'occasion de m'en expliquer à la commission
parlementaire, nous avons tenté de conserver les cours consacrés
à la formation professionnelle, que ce soit à temps plein ou
à temps partiel ou, encore, à la poursuite normale des
études visant à l'accession à un diplôme du
secondaire ou du collégial, et que nos compressions ont surtout
porté sur des cours que l'on est convenu d'appeler socioculturels. Nous
avons tenté aussi d'en limiter les effets négatifs en augmentant,
dans toute la mesure du possible, le nombre de personnes qui
fréquentaient de tels cours. Ceci a peut-être amené
certains sacrifices dans certains coins où la géographie rend
l'accès aux cours difficile, mais, dans certains centres urbains, cela
s'avérait parfaitement possible. Je pense que nous avons pu, là
aussi, réaliser certaines économies dont la clientèle a
bénéficié. Nous avons même été
obligés de demander, particulièrement pour certains cours
où la qualité d'appoint ou la qualité
d'amélioration de la vie nous paraissait particulièrement
visible, des frais de scolarité ou une augmentation des frais de
scolarité. Mais cette augmentation des frais d'inscription, devrais-je
dire plutôt, n'a jamais été tellement considérable
qu'elle puisse mettre, selon nous, en danger d'une façon notable
l'accessibilité à la formation, aux services
éducatifs.
Ce sont là des mesures que nous avons prises pour tenter de
limiter, dans toute la mesure du possible, en raison de la conjoncture qui nous
confrontait, les compressions auxquelles, par ailleurs, il nous fallait
consentir. Je pense que les chiffres qui sont dans le cahier explicatif
montrent quand même que nous avons réussi à
préserver l'essentiel de la mission éducative en ce qui concerne
l'éducation des adultes. Si l'on ajoute aux chiffres qui sont là
les acquis, les activités consacrées aux adultes et dont nos
chiffres ne peuvent pas tenir compte, nous pensons quand même que notre
société, nos institutions contribuent d'une façon
substantielle à cet effort de l'éducation des adultes qui est le
propre de notre société démocratique.
Évidemment, je ne suis pas satisfait. Je voudrais, moi aussi, que
la situation s'améliore. Je pense, précisément, que la
politique d'ensemble que nous sommes en train de préparer nous permettra
de faire un bond en avant dans cette direction. En même temps que nous
voyons s'améliorer la situation économique, en même temps
que nous avons enfin réussi à équilibrer, à
structurer d'une façon marquée nos structures budgétaires
et salariales, je pense que la présentation d'une nouvelle politique
fournira l'occasion au gouvernement, maintenant qu'il verra plus clairement la
situation et qu'il pourra identifier les points où il importe de faire
porter notre effort, de consacrer des sommes additionnelles, que
j'espère les plus considérables possible, à l'application
de cette politique qui lui sera présentée. Je pense donc que le
creux de la vague a été atteint et que nous pouvons envisager
l'avenir, sur ce plan, avec beaucoup plus d'optimisme.
Le député d'Argenteuil dit que les gestes que nous avons
posés indiquent, cependant, que non seulement nous avons dû
consentir à des sacrifices qui ne lui paraissaient pas
nécessaires, mais que nous avons, par ces gestes,
détourné, que nous nous sommes détournés des
orientations valables qui avaient été prises et qui devraient
être confirmées à l'avenir. Je crains, cependant, sur ce
point, de ne pas être d'accord avec lui. Par exemple, en ce qui concerne
l'entente Axworthy, je pense que je peux commenter les déclarations du
député, même si je n'étais pas le responsable qui a
dû négocier cette entente avec le ministre Axworthy.
Le député d'Argenteuil ne se trompe pas, cependant, en
disant que nous voulions rapatrier le champ complet de la formation
professionnelle au Québec, puisque cela nous paraît lié
d'une façon essentielle à la mission éducative que la
constitution accorde au gouvernement du Québec. Nous l'avons
tenté cette fois-ci, comme nous l'avons toujours tenté dans le
passé, comme nos prédécesseurs libéraux l'ont
également tenté. Nous l'avons tenté avec d'autant plus
d'énergie que nous voyons le gouvernement fédéral tenter
d'envahir ce champ de la formation professionnelle ainsi que plusieurs autres
depuis, particulièrement, deux ou trois
ans.
Nous l'avons donc tenté mais, comme d'habitude et comme il
fallait le prévoir, nous n'avons eu aucune chance d'obtenir, en tout ou
en partie, la moindre réponse positive à nos revendications. Le
fédéral nous a dit sa ferme volonté de rester dans ce
champ et même, il a commencé par nous dire que ses propositions
étaient à prendre ou à laisser. Il a refusé
globalement, sans appel, tout le rapatriement avec compensation
financière que nous demandions pour le Québec. D'ailleurs, il
avait pris la précaution de faire adopter auparavant sa loi C-115 qui
lui donnait tout pouvoir d'intervention directe au Québec en
matière de formation professionnelle. Évidemment, avec ce couteau
sur la gorge et avec les contributions que le gouvernement
fédéral avait coutume de donner aux provinces depuis quelques
années, le Québec n'avait sûrement pas les moyens de
refuser les 145 000 000 $ prévus à l'accord parce que
lui-même n'avait pas les moyens de dégager cette somme de son
propre budget.
Je ne suis pas d'accord, cependant, avec le député
d'Argenteuil quand il dit que cette entente Axworthy lui apparaît
inférieure à l'ancienne entente que nous avions. Je pense, au
contraire, que nous avons obtenu des améliorations, des avantages
marqués par rapport à l'entente antérieure. Par exemple,
nous avons obtenu, en vertu de cette entente, la compétence exclusive du
Québec dans la reconnaissance et la création de tout
établissement, public ou privé, de formation professionnelle des
adultes. Le député d'Argenteuil est sûrement au courant
que, dans le rapport Dodge comme dans le rapport Axworthy, le gouvernement
fédéral avait prévenu les provinces de son intention de
créer lui-même des établissements privés ou publics,
si les provinces s'étaient laissé circonvenir, et qu'il
financerait totalement et qu'il contrôlerait également d'une
façon absolue. Cette prétention et cette volonté ont fait
l'objet de discussions très dures entre les deux ministres
concernés et finalement, nous avons pu obtenir là, encore une
fois, la compétence exclusive du Québec dans la reconnaissance et
la création de tout établissement public ou privé de
formation professionnelle des adultes.
Nous avons aussi réussi, ce qui n'était pas le cas
auparavant, à obtenir une compétence exclusive du Québec
dans l'élaboration et dans l'acceptation des programmes de formation.
Avant cela, nous étions soumis à des suggestions qui, en fait,
étaient souvent des diktats quant aux programmes sur mesure que le
gouvernement fédéral entendait destiner aux élèves
qu'il acceptait, aux adultes qu'il acceptait dans ses programmes. Au moins nous
avons maintenant clarifié cet aspect et, dorénavant, le
Québec aura la juridiction exclusive dans l'élaboration et
l'acceptation des programmes de formation.
Nous avons aussi obtenu, ce qui n'était pas le cas dans l'entente
antérieure, un droit de veto sur l'admissibilité des projets de
formation en industrie. C'est là un domaine que revendiquent avec
plaisir les ministres fédéraux qui se succèdent puisqu'ils
disent que le développement de l'économie, l'amélioration
de l'économie, sont une juridiction exclusivement fédérale
et qu'en conséquence, ils devraient avoir le droit d'être les
seuls maîtres des moyens qui sont susceptibles d'amener ce renouveau ou
ce progrès économique. Mais, nous avons quand même
réussi à leur prouver que, qu'elle se fasse en industrie ou dans
les institutions scolaires, la formation demeure toujours la formation, que
c'est là une compétence québécoise et que nous
entendions l'assumer. Et nous avons obtenu ce droit de veto sur
l'admissibilité des projets de formation en industrie.
En fait, nous avons obtenu autre chose. Nous avons obtenu le respect des
priorités de formation professionnelle dans les professions ou
métiers reconnus d'importance nationale par le Québec. Là
aussi, il a fallu pédaler vite et intensément, parce que le
ministère fédéral nous est arrivé avec une liste
toute préparée de métiers, de professions
d'intérêt national, auxquels il voulait consacrer exclusivement
les sommes qu'il entendait consacrer aux programmes de formation
professionnelle. Et, en parcourant cette liste de métiers et de
professions, nous avons dit que nous pouvions être d'accord, bien
sûr, sur certains de ces métiers ou professions qui tombent sous
le sens, par exemple ceux reliés au développement technologique
ou à la technologie de pointe. Mais, nous avons constaté que la
liste nationale ne faisait aucunement droit aux caractéristiques du
marché de l'emploi du Québec ou aux traditions du Québec.
Nous avons préparé nous-mêmes une liste de métiers,
de professions qu'il nous paraissait particulièrement indiqué de
développer au Québec, dans le champ de l'éducation des
adultes. Et, finalement, nous en sommes arrivés à faire accepter
par le gouvernement fédéral ces priorités dans les
métiers ou professions que le Québec reconnaissait d'importance
primordiale pour lui. Je pense que c'est là un acquis remarquable par
rapport aux ententes antérieures. (12 heures)
J'en profite, d'ailleurs, pour signaler au député
d'Argenteuil que l'entente entre le ministère de la Main-d'Oeuvre et le
ministère de l'Éducation, dans le domaine de l'éducation
des adultes, de même que dans tous les autres domaines qui constituaient
des zones grises auparavant, n'a jamais été aussi bonne qu'elle
l'est actuellement. Il est
vrai que, dans le passé, particulièrement sous le
régime libéral, il y avait ce maintien des fiefs
ministériels auxquels le député d'Argenteuil a fait
allusion. Donc, loin de retourner aux fiefs ministériels, comme
c'était le cas sous les régimes antérieurs, nous avons
établi des passerelles, des voies de communications, des collaborations
organiques entre le ministère de l'Éducation et le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
C'est dans ce nouveau climat que nous travaillons maintenant. Je pense que cela
se traduit par une plus grande efficacité au niveau de tous les
programmes, que ce soient ceux du ministère la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, de l'Éducation ou ceux dans les
domaines de juridiction mixte. Le député d'Argenteuil dit
également...
M. Ryan: Cela fait environ 40 minutes que le ministre
parle....
M. Laurin: Vous avez parlé longtemps, vous aussi.
M. Ryan: Oui, mais je ne sais pas s'il se rappelle qu'il nous
reste à peine une heure...
M. Laurin: Ah bon! D'accord, je serai très bref.
M. Ryan: ...pour poser bien des questions qu'on n'a pas
commencé à poser.
M. Laurin: Je serai très bref pour le reste.
Le Président (M. Blouin): Je suis obligé de vous
corriger pour vous rappeler que nous ajournons nos travaux à 12 h
30.
M. Ryan: C'est encore pis.
Le Président (M. Blouin): La Chambre recommence à
14 heures.
M. Ryan: ...l'introduction.
M. Laurin: II y avait beaucoup de questions.
M. Ryan: II n'y avait même pas d'introduction et la
réponse dure depuis 40 minutes.
M. Laurin: Oui, mais il y avait beaucoup de questions et beaucoup
de considérations générales.
M. Ryan: Je trouve cela un peu disgracieux, M. le
Président.
M. Laurin: Bon, j'essaierai de résumer le reste de mon
propos. À la demande que me fait le député d'Argenteuil
à savoir si nous rémunérerons d'une façon plus
juste les enseignants à temps partiel, je lui écris, ce jour
même, pour lui dire que le gouvernement entend garantir le plein salaire
horaire aux employés à temps partiel gagnant moins de 13 $
l'heure. Un amendement aux décrets sera proposé en ce sens
aujourd'hui dans le texte de loi. Cette mesure sera évidemment plus
profitable au secteur des affaires sociales, car c'est là qu'on retrouve
le plus de postes à temps partiel occupés par des salariés
à bas revenu. Chez les enseignants, le plus bas taux horaire
était de 13 $, dans le cas des suppléants occasionnels, et de
18,65 $ pour les enseignants à l'éducation des adultes dans les
commissions scolaires. Le gouvernement a, bien sûr, tenu à
minimiser l'impact des baisses de salaires chez les salariés les moins
rémunérés, mais il ne peut pas tenir compte, dans une
politique salariale, du fait que des employés n'auraient comme seule
source de revenu annuel, que quelques centaines d'heures de suppléance
ou d'enseignement à l'éducation des adultes. Peut-être que
M. Girard pourrait aussi ajouter une autre note technique pour mentionner qu'il
est très difficile, à l'aide des états de revenus, de
calculer la part exacte de cette activité dans le revenu.
Vous comprendrez que, malgré toute la bonne volonté dont
on puisse faire preuve, il est très difficile de définir de
façon précise ou de dénombrer de façon
précise les professeurs qui, à l'éducation des adultes, ne
consacrent leur temps qu'à l'éducation des adultes et n'ont pas,
par ailleurs, d'autres emplois. Par ailleurs, seules des mesures
générales peuvent être appliquées et nous appliquons
la mesure générale prévue par le gouvernement dans les
corrections apportées pour ceux qui gagneront un salaire
inférieur à 13 $ l'heure. Mais, pour les autres, ce que cela
voulait dire, c'est une vérification auprès du ministère
du Revenu. Nous avons pensé que ce n'était pas la solution la
plus adéquate et la plus élégante.
Sur un autre point qu'a soulevé le député
d'Argenteuil, nous n'avons pas du tout l'intention, dans l'application de notre
politique de formation professionnelle, de noyer les adultes dans des
institutions. Là aussi, le maintien de cette spécificité
dont je parlais tout à l'heure sera pour nous un critère que nous
entendons respecter. Quant aux 125 postes, nous espérons que le
comité paritaire réussira à s'entendre pour que ces 125
postes soient créés.
En ce qui concerne l'effet de "bumping", je pense que je peux demander,
là aussi, à M. Girard qui a participé aux
négociations de faire état de ce qui a été dit et
de ce qui a été retenu.
Là-dessus, nous avions eu de longues conversations et de longs
échanges au cours
des dernières négociations, tant pour ce qui est du
réseau primaire secondaire que pour ce qui est du réseau
collégial. Nous nous sommes entendus, au réseau primaire
secondaire, pour ajouter un certain nombre de postes permanents à
l'éducation des adultes à la suite des efforts accomplis au cours
des conventions collectives antérieures et les deux parties estiment
que, si le comité mis en place parvient à identifier 125 postes
correspondant à des postes permanents, nous aurons apporté une
solution définitive à ce problème qui existait
déjà depuis quelques années. Par ailleurs, en vertu de la
nouvelle convention collective, et je suis toujours aux niveaux primaire et
secondaire, il y a une volonté très nette de faire en sorte que
les professeurs mis en disponibilité puissent être affectés
à l'éducation des adultes. Cela nous paraît une mesure
raisonnable puisque ces enseignants disposent déjà d'une bonne
connaissance, de diplômes universitaires. Ces enseignants étaient
au secteur régulier et il n'est pas impensable qu'à travers les
montants considérables prévus à la convention collective
pour le recyclage, ces enseignants puissent être recyclés.
Il va de soi qu'il pourrait arriver que les enseignants réguliers
passant à l'éducation des adultes, un certain nombre de
professeurs qui enseignaient à l'éducation des adultes au cours
des dernières années puissent ne plus retrouver les emplois
qu'ils avaient antérieurement. Tout ceci s'inscrit, me semble-t-il, dans
une perspective d'utilisation maximale des ressources que nous avons en tentant
d'en minimiser par ailleurs les effets néfastes auprès de
certains enseignants qui étaient à l'éducation des adultes
depuis déjà un certain nombre d'années.
C'est précisément la raison pour laquelle nous avons
accepté d'ajouter 125 postes puisque les 125 postes épuiseront
vraisemblablement la totalité du nombre d'enseignants qui consacraient
la totalité de leur temps à l'éducation des adultes. Il
nous paraît plus valable, dans une saine perspective d'éducation,
d'avoir des enseignants qui puissent se consacrer à temps plein à
leurs tâches.
Pour ce qui est du réseau collégial, la situation est
légèrement différente.
M. Ryan: Nous ne tenons pas à avoir ces renseignements
tout de suite, si vous le permettez.
Le Président (M. Blouin): Alors...
M. Ryan: Ce n'est pas que cela ne nous intéresse pas, mais
il y a toute une série de sujets qu'on veut soulever et je sais que le
président sera inexorable quand on va être rendu à 12 h 30.
Le gouvernement parle depuis 50 minutes; je pense qu'il pourrait nous laisser
parler un petit peu, cela ne ferait pas de tort.
Le Président (M. Blouin): Alors, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Ma collègue veut parler aussi. Je vais essayer
d'être bref. J'ai une série de sujets et je vais simplement
pouvoir les porter à l'attention du gouvernement, malheureusement, parce
qu'on n'a même pas le temps d'en discuter.
J'entendais le ministre dire tantôt... C'est la seule
réponse que je vais faire parce que, sur un paquet de points, on
pourrait apporter un grand nombre de précisions qui rétabliraient
la vérité des faits. Je donne seulement un exemple. Le ministre
disait tantôt, en ce qui regarde la formation professionnelle dans les
commissions scolaires: C'est vrai qu'on a augmenté les frais
d'admission, mais je ne pense pas que cela ait eu des effets très
dommageables sur le volume d'inscriptions. C'est une affirmation qui est
contredite par les chiffres. On a seulement à regarder les chiffres
produits par le ministère lui-même pour constater que, dans la
formation générale, professionnelle, à temps plein, les
effectifs sont tombés de 21 000 en 1980-1981 à 15 000 en
1983-1984. Ce n'étaient pas des cours de bridge.
Pour la formation professionnelle à temps partiel, une chute de
71 000 à 56 960. Je pense que les chiffres parlent par eux-mêmes.
Il me semble que c'est évident que vous avez mis des frais d'inscription
très élevés pour ces cours. Je sais que ce sont les
commissions scolaires qui fixent le montant, mais tout cela dépend des
disponibilités qu'elles reçoivent du ministère.
L'augmentation des prêts de l'Institut canadien d'éducation
des adultes a été de 143% en 1981-1982 dans les frais que doivent
payer les adultes pour la formation professionnelle à temps partiel. Il
n'est pas surprenant qu'on ait eu une réduction considérable des
inscriptions de ce côté-là. Je ne voudrais pas laisser
maintenir l'impression que tout cela répondait à l'ordre naturel
des choses et que, finalement, tout cela s'ajuste.
Je rappelle que c'est en contradiction absolument fondamentale avec les
grandes orientations qui avaient été proposées par le
comité d'étude il y a déjà 20 ans, qui ont
été renouvelées par la commission Jean à laquelle
le ministre disait souscrire tantôt. C'est cela que je ne comprends pas.
Des fois, du côté des énoncés de principe, cela va
très bien, mais on regarde ensuite les applications pratiques et on se
demande où est passé le principe. Je ne reviens pas
là-dessus.
J'ai noté ce qu'a dit le ministre à propos de l'accord
Marois-Axworthy. Je
pourrais faire toute une réponse sur un grand nombre des points
qu'il a soulevés, mais je pense que cela nous mènerait trop loin
ce matin. J'en reviens aux points sur lesquels je voudrais attirer l'attention
du ministre de manière plus précise.
D'abord, je rappelle la demande que je faisais: si l'on pouvait avoir
les crédits prévus dans chaque ministère pour
l'éducation des adultes. On les demandera au besoin à chaque
ministère, mais, si le ministère pouvait nous aider
là-dedans, je pense qu'il nous faciliterait la tâche.
Deuxièmement, la répartition du budget suivant les grandes
catégories qui sont prévues à la page 4. À la page
4, on donne les grandes catégories suivant lesquelles se regroupent
toutes les initiatives qui seront soutenues par le gouvernement au cours de la
prochaine année. Je pense qu'on a l'essentiel à la page 24. Je
n'insisterai pas là-dessus, sauf pour souligner que, dans la formation
générale et secondaire, je constate que la réduction tombe
de 121 000 000 $ à 116 000 000 $. Ce sont les crédits de
l'année dernière par rapport aux crédits de la
présente année. Est-ce que vous pourriez nous fournir sur ces
points la part qui viendra du fédéral - j'ai demandé cela
tantôt - pour l'ensemble du budget? Sur l'ensemble du budget, en tout, et
pour les principaux postes, à part cela. J'aimerais bien avoir cela. En
ce qui touche... Oui. Pardon?
Le Président (M. Blouin): Désirez-vous qu'on vous
réponde tout de suite, monsieur?
M. Ryan: Si c'est seulement un chiffre qu'on veut me donner, je
le prendrai tout de suite. Si l'explication est un peu longue, j'aimerais mieux
l'avoir par écrit au cours de la journée.
M. Laurin: C'est simplement un ou deux chiffres, M. le
Président. Contribution fédérale totale: 117 000 000 $.
Contribution totale du Québec: 37 000 000 $. Proportion du budget
provenant du gouvernement fédéral: 76%; du gouvernement du
Québec: 23%. J'ai également les répartitions selon les
paliers. Cela varie évidemment selon les paliers.
M. Ryan: Vous allez nous communiquer ces détails. C'est
pour l'ensemble du budget de l'éducation des adultes. Ce qui veut dire
que 76% provient du gouvernement fédéral et que la part du
Québec, sur un budget 6 400 000 000 $, sera de 37 000 000 $ pour
l'éducation des adultes.
M. Laurin: J'aimerais mieux le dépenser tout seul.
M. Ryan: Pardon?
M. Laurin: S'il nous envoyait de l'argent, on
préférerait le dépenser selon nos priorités.
Organismes volontaires d'éducation
populaire
M. Ryan: En tout cas, je préfère noter le chiffre
lui-même. C'est ce qui m'intéressait. Je le note avec regret.
Je voudrais maintenant soulever le problème des OVEP. Seulement
une petite question auparavant. Est-ce qu'on pourrait m'indiquer, avec la
nouvelle carte scolaire, ce qui va advenir des services d'éducation des
adultes, qui sont au nombre d'environ 70 actuellement? Est-ce qu'on gardera
à peu près le même nombre? Est-ce qu'ils resteront à
peu près aux mêmes endroits ou s'il y aura de gros changements
là-dedans?
M. Laurin: Très peu de changements, M. le
député.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait avoir des renseignements? En tout
cas, je ne suis pas pressé, mais c'est un point qui me
préoccupe.
En ce qui concerne les organisations volontaires d'éducation des
adultes, on reste à peu près au même budget, si mes
souvenirs sont bons. Il n'y a pas beaucoup de différence par rapport
à l'année dernière. Je pense que, si on employait
l'expression de statu quo pour caractériser la politique gouvernementale
jusqu'à nouvel ordre, on serait très conforme à ce qui est
dit dans le cahier, finalement. Je voulais seulement donner connaissance d'une
lettre qui m'a été adressée par le Mouvement
d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec, qui
regroupe les OVEP, les organisations volontaires, lettre qui a
été adressée au ministre également. Je pense que
c'est bon parce que, lorsqu'on écoute le ministre, on a l'impression que
tout va bien. C'est peut-être son rôle de parler ainsi, d'essayer
de calmer, d'apaiser les esprits un petit peu partout, mais, quand on lit les
réactions qui proviennent des milieux intéressés, on a
généralement des accents très différents.
Alors, je donne connaissance de cette lettre-ci, parce qu'il me semble
qu'elle résume mieux que tout argument que je pourrais employer
l'essentiel de la réaction qui existe dans les milieux. "Nous avons pris
connaissance du programme d'aide aux OVEP, aux organisations volontaires
d'éducation populaire, pour 1983-1984. Une fois de plus, nous constatons
que le ministère de l'Éducation ne tient pas compte des demandes
répétées que lui ont faites les OVEP, tout au long de
l'année. Les groupes OVEP travaillent avec les populations les plus
affectées par la crise économique
actuelle et ils répondent à des besoins de plus en plus
criants. Vous venez nous dire de tenir compte de la conjoncture
économique et d'accepter un gel de budget et un moratoire. "Ce gel de
budget et ce moratoire, encore plus restrictifs qu'en 1982-1983, impliquent
à court terme la disparition de nombreux groupes populaires et la
dégradation de l'éducation populaire autonome. "Dans ce domaine,
comme dans celui des services publics en général, le
gouvernement, en évoquant le sempiternel refrain de l'insuffisance des
ressources et de l'obligation de déterminer des priorités,
saborde les initiatives que suscitent les citoyennes et les citoyens et qui
répondent réellement à leurs besoins. "Nous ne pouvons
donc accepter un budget aussi décroché de la
réalité des groupes populaires ni un deuxième moratoire
imposé dans le cadre du programme 1983-1984. "En tant que
représentants des OVEP aux niveaux régional et provincial, nous
demandons une augmentation du budget 1983-1984 ainsi que la levée du
moratoire. De plus, compte tenu que la date de la remise des projets, soit le
20 mai, est beaucoup trop hâtive pour la majorité des groupes
OVEP, nous demandons que cette date soit reportée au 30 juin, sans pour
autant que cela pénalise les OVEP quant au délai
d'émission des chèques de subventions." (12 h 15)
Je voudrais que le gouvernement nous donne des précisions au
sujet des programmes d'alphabétisation. Tout ce qu'on trouve dans le
cahier d'explications, c'est une note très laconique, à la page
6, dans laquelle on dit ceci: "En 1983-1984, les activités offertes
à la population en général seront orientées vers
les formats pédagogiques développés autour du concept de
la formation générale renouvelée. Les activités
menées auprès des analphabètes et des handicapés
seront reconduites dans leur format actuel jusqu'à l'approbation, au
cours de 1983-1984, des plans de développement concernant ces
activités." Vous comprendrez que nous ne puissions nous satisfaire de
propos comme ceux-là sur un sujet dont le ministre lui-même
convenait tantôt qu'il est si important.
Je mentionne, à propos des cours de langue seconde, que
l'attitude du gouvernement me paraît complaisante et passive. On
conditionne essentiellement la dispensation de cours de langue seconde, domaine
culturel par excellence, où on ne peut justifier au même titre que
dans le domaine de la formation professionnelle et technique une certaine
implication du gouvernement fédéral, mais voici que, dans ce
domaine, qui est au premier chef de nature culturelle, le gouvernement semble
vouloir subordonner toute sa politique à celles qui sont
déterminées par le gouvernement fédéral.
Je pense qu'il y a toute une série de points. Il y en a d'autres
que j'ai également dans mes notes, mais je veux terminer ici parce que
je m'aperçois que le temps court et je voudrais laisser à ma
collègue de Jacques-Cartier, et peut-être à ma
collègue du comté de L'Acadie également, l'occasion au
moins de soulever quelques points, si on veut bien nous le permettre à
ce moment-ci.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Laurin: Quelques brèves réponses, M. le
Président. Il est vrai que nous avons haussé les frais
d'admission et qu'il est plus spectaculaire de parler d'augmentation en termes
de pourcentage que de parler d'augmentation en termes de coût
réel. Par exemple, quand les frais d'admission sont de 10 $, si on les
augmente à 20 $, ce qui n'est pas une somme excessive quand même,
on peut parler d'une augmentation de 100% ou de 141%, quand nous en augmentons
d'autres à 15 $, mais c'est simplement la façon de le
présenter qui peut montrer des différences ou des augmentations
extraordinaires alors que, dans les faits, l'augmentation en chiffres absolus
apparaît beaucoup moindre que cela.
En ce qui concerne les OVEP, je comprends qu'on ne puisse, étant
donné la foule de demandes qui nous parviennent, consentir à
augmenter les budgets de chacun de ces organismes et à satisfaire tous
les organismes parce que, comme je l'ai signalé, il y a une
émergence extraordinaire de groupes d'éducation populaire et il
faut s'en réjouir, mais il reste, encore une fois, qu'on ne peut
satisfaire toutes les demandes. Même si le député
d'Argenteuil dit qu'on répète toujours le même refrain, je
lui dirai qu'une vérité mille fois répétée
ne cesse quand même pas d'être la vérité.
M. Ryan: Même chose pour une fausseté.
M. Laurin: Oui, mais c'est la même chose pour une
vérité aussi.
Quant à l'alphabétisation, nous dépenserons cette
année à peu près 1 000 000 $ dans ce domaine. Je sais,
encore une fois, que ce n'est pas suffisant. Nous pourrons d'ailleurs fournir
au député d'Argenteuil la liste de tous les organismes qui se
consacrent à l'alphabétisation, que nous subventionnons et que
nous continuerons de subventionner.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: D'abord, quelques questions. Est-ce que vous avez
des chiffres qui démontrent l'effort financier que nous faisons ici, au
Québec, par rapport aux autres provinces pour l'éducation des
adultes? Je vois que, selon la première partie des renseignements, nous
consacrons 2,4% de notre budget d'éducation à l'éducation
permanente, à l'éducation des adultes. Je me demande si vous avez
des chiffres comparatifs. S'ils sont disponibles, j'aimerais les avoir
peut-être plus tard.
Aussi, est-ce que vous avez des chiffres qui montrent le niveau moyen
d'éducation des adultes ici, au Québec, par rapport aux autres
provinces? Quel est le nombre d'analphabètes au Québec par
rapport à celui des autres provinces? J'ai vu ces chiffres, mais,
malheureusement, je ne les ai pas ici et j'aimerais les avoir.
Il faut ajouter ce que je pense être un retard par rapport aux
autres provinces dans ces deux catégories, notre retard technologique
qui est bien documenté. Je crois que l'effort financier fait par le
ministère de l'Éducation pour l'éducation des adultes ne
reflète aucunement les besoins croissants et urgents dans ce
domaine.
Je crois qu'il est grand temps que le gouvernement du Québec
examine leurs priorités. 25% de nos jeunes sont prestataires de
l'assurance-chômage. En même temps, j'ai été
scandalisée quand j'ai entendu le ministre parler du National Training
Act, l'accord avec le gouvernement fédéral, parce qu'il y a 162
000 000 $ pour le Québec. J'ai l'impression que le ministre est
prêt à sacrifier nos adultes et nos jeunes adultes à des
querelles stériles au lieu d'accepter sur ce montant. Quant au virage
technologique dont nous parlons beaucoup, on peut améliorer les chances
de nos jeunes et de nos adultes de se trouver un bon emploi dans l'avenir.
Quant à l'impact du virage technologique sur les femmes, par exemple,
que fait-on ici pour les femmes adultes? Qu'est-ce qu'on fait pour les moins
instruits qui seront affectés très gravement par le
développement technologique? Il s'agit de revoir les priorités du
gouvernement, parce qu'on verse des centaines de millions dans des entreprises
d'ici, inutiles et dépassées, mais on n'a pas assez d'argent pour
investir dans nos ressources humaines.
M. Laurin: M. le Président, aux 2,4% que le Québec
consacre à l'éducation des adultes, il faudrait ajouter les 20
000 000 $ que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu consacre également à
l'éducation des adultes, les 6 000 000 $ que le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration consacre également
à ce chapitre et quelques autres ministères dont nous sommes en
train d'inventorier la contribution. Il faudrait aussi ajouter à cela le
coût de l'éducation des adultes inscrits dans nos institutions
à titre d'élèves réguliers, que ce soit dans nos
collèges et surtout dans nos universités. Je pense que, si on
fait l'addition de toutes ces sommes, on verra que déjà le
Québec consacre beaucoup plus que les 2,4% que mentionnent les
crédits à l'éducation des adultes.
Quant à la comparaison avec les autres provinces, nous sommes en
train de la compiler, mais nous avons déjà des chiffres pour
l'Ontario. M. Girard pourrait peut-être les donner.
Nous n'avons pas de chiffres pour l'ensemble des provinces, mais nous
avons des chiffres pour l'Ontario dans le cadre de la comparaison
Québec-Ontario que nous poursuivons. Pour l'année 1982-1983, le
budget du Québec était de 154 200 000 $ à
l'éducation des adultes, mais je souligne que c'est le montant
dépensé en vertu du programme 7, qu'il faut y ajouter 20 000 000
$ au titre de l'éducation des adultes au programme 5 dans le
réseau collégial et que, dans le réseau universitaire, la
décomposition n'est pas faite pour la proportion des budgets qui vont
aux certificats qui se sont répandus considérablement dans les
universités au cours des dernières années. L'Ontario, pour
la même année, l'année 1982-1983, dépensait 138 736
000 $.
Mme Dougherty: C'est le montant per capita de la population qui
est significatif.
M. Laurin: La population est plus nombreuse encore en
Ontario.
Mme Dougherty: Oui, mais il faut calculer per capita pour avoir
une comparaison valable.
M. Laurin: La comparaison me semble assez évidente. Encore
là, pour l'Ontario, on pourrait préciser la comparaison. Mais au
budget des deux ministères, pour ce qui est de l'éducation des
adultes nettement identifiée à partir des données qui nous
ont été fournies par l'Ontario, le budget en 1982-1983 est de 138
000 000 $ par rapport à 154 000 000 $ au Québec.
Pour ce qui est du problème des analphabètes, très
brièvement, que vous avez soulevé, c'est un problème dont
nous avons commencé à discuter avec l'Ontario. Mais, je voudrais
bien souligner que les chiffres qui sont donnés par rapport aux
analphabètes dépendent largement de la définition que l'on
donne de l'analphabète. Les analphabètes que nous avons, soit au
Québec, soit en Ontario, n'ont rien de comparable avec les
analphabètes qu'on trouve dans des pays en voie de développement.
Suivant la définition que l'on donne de la fonctionnalité de
l'analphabétisme, on a des chiffres qui sont
fort différents.
Quant aux autres priorités que vous avez soulevées, femmes
et formation professionnelle, je pense que les chiffres indiquent qu'il y a une
priorité effective du côté de la formation professionnelle
et que la possibilité pour les femmes de retourner aux études
à temps plein ou à temps partiel dans le réseau secondaire
et dans le réseau collégial continue d'être une
priorité.
Mme Dougherty: Le niveau d'éducation. Je crois que, dans
le rapport Parent, il y avait des chiffres qui comparaient le niveau
d'éducation moyenne dans chaque province et aux États-Unis. Mais,
ce n'est pas à jour.
M. Laurin: Nous ne possédons pas, actuellement, une
étude sur le niveau d'éducation moyen du Québec par
rapport aux autres provinces. Nous continuons à travailler à
l'élaboration de cette statistique. Par ailleurs, il y a une indication
dans le livre des crédits sur laquelle je voudrais revenir et qui
découle des chiffres.
L'augmentation de la fréquentation dans le cadre de
l'éducation des adultes au secondaire ne résulte pas uniquement
de l'imposition de frais de scolarité, parce qu'elle est largement
compensée par une augmentation au collégial. Ceci tend à
démontrer que ce que nous avions prévu et ce que nous
étudions de façon plus substantielle à l'heure actuelle,
c'est que les adultes qui ont besoin d'une formation additionnelle ont
maintenant une formation de base meilleure et ont en plus grand nombre une
formation secondaire, de telle sorte que l'importance du réseau
collégial en éducation des adultes au cours des prochaines
années va se développer. Déjà, les indications
statistiques que nous avons démontrent que, le niveau de base de la
formation des Québécois s'étant amélioré au
cours des dernières années, nous continuerons d'assister à
une diminution de la fréquentation au secondaire et à une
augmentation au niveau collégial.
Le Président (M. Blouin): II est presque 12 h 30. Mme la
députée de L'Acadie m'a demandé de faire une très
brève intervention; alors, avec le consentement des membres, nous
pourrions entendre Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Tout simplement une question. Peut-être
que l'information est dans le cahier des crédits. Quelle est la
distribution hommes et femmes dans les cours de formation professionnelle?
Deuxièmement, le premier ministre, dans son discours inaugural, a dit -
enfin, je cite de mémoire - à peu près ceci: II ne
faudrait surtout pas que les femmes manquent le virage technologique ou enfin
soient exclues du virage technologique. C'était l'esprit; je pense que
les gens sont d'accord avec cela. Est-ce qu'on peut me dire d'une façon
concrète s'il y a des mesures qui sont prévues d'abord d'une part
au niveau élémentaire et secondaire, particulièrement
secondaire, et au cégep pour l'orientation des femmes vers les
carrières scientifiques, parce qu'on sait que... Cela n'est pas typique
du Québec, c'est pour l'ensemble du pays. Enfin, quelles sont les
mesures concrètes que vous voyez, sauf de nous dire: Écoutez, les
femmes sont aussi dans la formation professionnelle? C'est bien beau, mais je
pense qu'il y a des actions plus positives et plus fortes qui doivent
être prises, que simplement dire: Elles ont aussi à leur
disposition des cours de formation professionnelle. Du point de vue du
recyclage, du point de vue même de la formation à des niveaux
antérieurs à l'âge adulte, je pense qu'il y a des mesures
concrètes qui doivent être prises.
M. Laurin: Dans la "désexisation" que nous poursuivons
à une cadence accélérée au ministère de
l'Éducation, nous avons mis effectivement au point un certain nombre
d'instruments que nous tentons de répandre dans toutes les commissions
scolaires et qui ont pour but d'infléchir dans le sens des professions
traditionnellement considérées comme exercées par des
hommes, d'orienter, plutôt, les femmes vers ces professions. Je pense
que...
Mme Lavoie-Roux: ...que virevolte... (12 h 30)
M. Laurin: ...vous en trouverez la liste dans...
Mme Lavoie-Roux: Si c'est tout ce que vous avez pour
changer...
M. Laurin: ...le rapport sur tous les efforts faits dans tous les
ministères pour la "désexisation", rapport qui paraîtra, je
pense, au mois de mai. Ce rapport s'appelle "Les actions du ministère de
l'Éducation dans le dossier de la condition féminine", octobre
1982, mais il sera mis à jour très bientôt.
Mme Lavoie-Roux: Mais, déjà, ceci ne semble pas
produire les résultats qu'on attend. Je me demande...
M. Laurin: C'est-à-dire que cela va prendre un certain
temps avant que tous les efforts mis en place produisent des résultats.
Mais, en tout cas, l'élan est donné.
Quant à votre première question, je pense que nous avons
des chiffres qui pourront permettre de faire la lumière sur ce point.
Pour ce qui est de l'éducation des adultes, pour l'année
1981-1982, il y avait 56% de femmes et 43% d'hommes.
Mme Lavoie-Roux: En formation professionnelle?
M. Laurin: Non..
Mme Lavoie-Roux: Ah! c'est concernant la formation
professionnelle que je veux des renseignements.
M. Laurin: Non, c'est pour le total. Pour ce qui est plus
spécifiquement de la formation professionnelle à temps plein, il
y avait 13 000 hommes - je donne les chiffres absolus - et 6000 femmes. Donc,
deux contre un. Pour ce qui est de la formation professionnelle à temps
partiel, grosso modo, la même proportion: 33 000 hommes et 15 000
femmes.
Mme Lavoie-Roux: Alors, cela n'a pas beaucoup changé
depuis...
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, vous aviez un petit renseignement complémentaire à
obtenir?
M. Ryan: Je voudrais une précision. Je veux être
sûr d'avoir bien compris ce qu'a dit le sous-ministre tantôt.
Avez-vous dit que, en compensation de la diminution des inscriptions aux cours
de formation professionnelle dans les commissions scolaires, il y aurait eu une
augmentation des inscriptions aux cours de formation professionnelle dans les
cégeps?
M. Laurin: J'ai dit que ce que nous constatons pour l'ensemble de
l'éducation des adultes, c'est une diminution au secondaire mais
compensée par une augmentation au collégial.
M. Ryan: Si vous me le permettez, je vous dirai que cette
affirmation me paraît faiblement étayée par les chiffres
que nous avons à la page 21 du cahier. Concernant les cégeps, le
nombre d'inscriptions à la formation socio-économique, comprenant
professionnels à temps plein et à temps partiel, était de
77 000 en 1980-1981 et, en 1982-1983, de 72 535. Là, on anticipe une
augmentation pour 1983-1984, mais on va attendre de voir les vrais
résultats. Pour les quatre dernières années, ce n'est pas
vrai.
M. Laurin: Mais j'ai précisé...
M. Ryan: Durant les quatre dernières années, il y a
eu, en contrepartie, la diminution dans les commissions scolaires dont j'ai
parlé.
M. Laurin: J'ai parlé, M. le Président, d'une
tendance. Et la tendance, nous sommes en train de l'analyser plus en
profondeur. Mais je me référais également à une
autre donnée qui peut être intéressante par rapport aux
chiffres absolus de clientèles. Ce sont les heures-groupes que nous
retrouvons à la page 22 du cahier où là les chiffres sont
intéressants et démontrent, de façon plus marquée,
la tendance à laquelle je faisais référence.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que le
ministre... Ce n'est pas nécessaire de me donner la réponse tout
de suite. Là, on m'a donné des chiffres qui se situent dans un
rapport de un à deux, à la formation professionnelle, les hommes
et les femmes. Est-ce que vous avez analysé le type de programmes
professionnels dans lesquels les femmes se retrouvaient à
l'intérieur de ces chiffres-là? Peut-être pas aujourd'hui,
je pense bien que vous n'avez pas la réponse sous la main...
M. Laurin: Pour ce qui est de l'éducation des adultes,
nous avons des données. Pour ce qui est de l'enseignement
régulier collégial et universitaire, nous avons des
données également. Et, précisément, les
responsables de la condition féminine au ministère regardent ces
chiffres de plus près.
Mme Lavoie-Roux: Alors, est-ce qu'on pourrait avoir cela?
Le Président (M. Blouin): Nous reprendrons nos travaux
après la période des questions cet après-midi, les travaux
de l'Assemblée nationale reprenant à 14 heures. Je vous signale
cependant qu'après avoir vérifié auprès des
leaders, effectivement, l'entente qui était intervenue prévoyait
15 heures pour l'étude des crédits du ministère de
l'Éducation et 3 heures pour le programme 10 qui concerne plus
spécifiquement les professions. Conformément à cette
entente, nous allons poursuivre nos travaux après la période des
questions. Et sur ce, nous suspendons la séance.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise de la séance à 15 h 33)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît; Mesdames et messieurs les membres de la commission, nous allons
reprendre nos travaux en vue d'étudier les crédits du
ministère de l'Éducation. Nous en étions à
l'étude de la formation...
M. Laurin: À l'éducation des adultes, mais nous
n'avions pas adopté le programme.
Le Président (M. Blouin): C'est cela. Est-ce que
l'étude du programme 7 était terminée, M. le
député d'Argenteuil? Alors, nous pourrions adopter ce programme.
Est-ce
qu'il est adopté?
M. Ryan: Sur division. Surtout celui-là.
Le Président (M. Blouin): Le programme 7 sur la formation
des adultes est adopté sur division. Tel que convenu, nous pourrions
procéder maintenant à l'étude du programme 6 sur
l'enseignement universitaire. Sur ce, M. le député d'Argenteuil,
vous avez la parole.
Enseignement universitaire
M. Ryan: M. le Président, nous abordons avec beaucoup
d'intérêt l'un des aspects les plus importants pour l'avenir de
tout le financement de l'éducation au Québec, c'est-à-dire
le financement des universités. C'est un secteur qui, à lui seul,
absorbera, en 1983-1984, une somme de 1 000 000 000 $ des deniers publics.
C'est une proportion très importante de l'ensemble des dépenses
publiques, si on considère la multitude des secteurs auxquels doivent
être employés les fonds publics. Par conséquent, cela
demande un examen approfondi et minutieux.
Je voudrais demander, à titre de renseignement pour commencer, si
le ministère serait en mesure de nous fournir des données sur les
subventions, à la fois régulières et spéciales,
versées à chaque institution universitaire pour la période
qui est embrassée généralement dans les données
qu'on nous a fournies, à partir de 1979-1980. On nous fournit plusieurs
données, vous le savez beaucoup mieux que nous, dans le cahier
d'explications, mais je n'ai pas trouvé de données relatives aux
institutions individuelles.
Dans l'ensemble, nous constatons avec beaucoup de satisfaction qu'au
cours des 20 dernières années la fréquentation
universitaire a connu, au Québec, un bond spectaculaire. En 1960-1961,
la commission Parent établissait à 22 752, les
équivalences d'étudiants à temps partiel inscrits dans les
universités. En 1982-1983, ce nombre s'établissait à
environ 137 000. On prévoit pour la prochaine année un nombre
à peu près équivalent à celui de 1982-1983.
Nous avons vu hier que les prévisions de la commission Parent
pour l'ensemble de la population étudiante du Québec
établissaient un pronostic de 2 100 000 élèves à
tous les niveaux du système d'enseignement pour l'année
1980-1981. Nous avons vu qu'aujourd'hui le total des inscriptions pour
l'année 1983-1984 sera d'environ 1 400 000, c'est-à-dire une
chute de 33% par rapport aux prévisions qui avaient été
tracées à l'époque par la commission Parent et ses
conseillers en projections démographiques.
Pour les universités, la commission Parent avait prévu
pour la même année, 1980-1981, des inscriptions de 94 600. Le
total est aujourd'hui de 137 000. Par conséquent, nous avons connu dans
ce secteur une progression plus rapide que ne l'avait espéré la
commission Parent elle-même, dont nous savons maintenant que les
projections étaient très optimistes. Il est donc tout à
fait raisonnable de conclure que vraiment nous avons fait pendant cette
période des bonds gigantesques, surtout si l'on se souvient du point
dont nous partions au début des années soixante. Je ne veux pas
faire la genèse de tous les facteurs qui ont contribué à
cette progression; je l'enregistre simplement comme un fait, en soulignant,
cependant, qu'il reste encore bien des progrès à accomplir.
Dans son allocution d'ouverture, le ministre signalait mardi que le taux
de fréquentation universitaire serait maintenant supérieur au
Québec à ce qu'il est en Ontario. D'autres sources ont
parlé du même phénomène. J'aimerais qu'on me donne
des précisions sur les sources dont on s'inspire, sur les sources
où on a puisé pour faire cette affirmation et, peut-être,
que l'on puisse nous la fournir d'une manière plus étayée
et plus documentée. C'est une première remarque que je voulais
faire, comme tableau général d'introduction.
Deuxièmement, nonobstant ces progrès spectaculaires que
nous constatons et admirons tous, nous assistons depuis quelques années
- cela correspond, en gros, à l'avènement de l'actuel
gouvernement au pouvoir - à une détérioration progressive
des conditions de financement de l'enseignement universitaire. À partir
des chiffres que m'a fournis le ministère, j'ai établi certains
calculs. Je vais distribuer des copies de ces calculs que nous avons
établis au ministre et à son collaborateur, le sous-ministre,
pour que nous discutions à partir des mêmes données. Dans
le tableau que vous m'avez remis hier sur l'évolution des subventions
per capita aux organismes d'enseignement par réseau, on a les chiffres
pour chacune des cinq années, 1979-1980 à 1983-1984.
À partir de ces chiffres et en tenant compte de
l'évolution de l'indice des prix à la consommation tel qu'il est
résumé dans l'avis que le Conseil des universités a remis
au gouvernement sur le financement universitaire il y a quelques semaines
-progression autour de 50% dans l'indice des prix à la consommation; il
ne prenait pas tout à fait la même année de base; je pense
qu'il prenait l'année 1978-1979 - en prenant l'année 1979-1980
jusqu'à 1983-1984, nous arrivons à établir en chiffres
bruts que les subventions per capita ont évolué de la
manière suivante, suivant chacun des niveaux du réseau
d'enseignement: aux primaire et secondaire, elles ont évolué de
2014 $ à 2166 $, c'est-à-dire qu'elles sont passées
à 108% en l'espace de cinq ans. Par
conséquent, elles auraient augmenté d'un peu plus de 1%
par année.
Je pense qu'il est bon de ramener ces chiffres à leur proportion
réelle, à leur proportion véritable, parce que souvent on
entend toutes sortes d'évocations démagogiques en ces
matières et il faut, à un moment donné, revenir les pieds
solidement sur terre pour savoir exactement la dimension des questions dont on
parle.
Au niveau collégial public, les subventions sont passées -
toujours selon les mêmes données - en dollars courants, de 4051 $
à 4987 $. Par conséquent, quand on fait un discours favorable aux
politiques suivies ces dernières années, ce sont des chiffres
qu'on peut invoquer largement. En dollars constants, elles seraient
plutôt passées de 4051 $ à 3316 $, ce qui veut dire que,
par rapport au plateau de 100% qu'on avait en 1979-1980, on serait tombé
à un niveau de 82%.
Au niveau de l'enseignement privé dont nous parlerons plus tard,
les subventions étaient de 1899 $ par tête. Elles
s'établissaient, en dollars courants, à 2386 $ par tête en
1983-1984 et, en dollars constants, elles seraient tombées de 1899 $
à 1586 $ par tête, c'est-à-dire à 84% du niveau
où on pouvait les trouver en 1979-1980.
En ce qui concerne le niveau universitaire maintenant, on a
versé, en 1979-1980, des subventions per capita de 5377 $. En 1983-1984,
en dollars courants, les subventions - pour le niveau universitaire toujours -
ont été de 6270 $ per capita. En dollars constants, on passe de
5377 $ à 4169 $, c'est-à-dire que nous sommes maintenant à
78% du niveau où nous étions en 1979-1980, si l'on
considère le financement sur une base à la fois per capita et sur
une base de dollars courants.
C'est facile à comprendre parce que, pendant que le nombre
d'étudiants augmentait, les subventions aux universités ont,
elles aussi, augmenté, évidemment, mais elles n'ont pas
augmenté proportionnellement au nombre d'étudiants et au
coût de la vie. Si on ajoute l'impact combiné de ces deux
facteurs, on arrive aux données que j'ai mentionnées
tantôt, c'est-à-dire que, dans l'ensemble des niveaux
d'enseignement, le niveau universitaire est celui qui a été le
plus durement frappé par les politiques gouvernementales malthusiennes
des dernières années en matière d'éducation.
Dans un document assez récent que le ministre a peut-être
reçu, publié par la Fédération des associations de
professeurs d'université du Québec, en date du 15 avril 1983, on
fournit des données additionnelles qui vont dans la même ligne que
celles dont je viens de parler. On fait, par exemple, la comparaison entre les
dépenses de soutien aux universités et l'évolution du
produit intérieur brut du Québec. C'est une norme, je pense, dont
nous convenons tous qu'elle est excellente. On constate, en observant cette
norme, que la proportion des dépenses consacrées aux subventions
universitaires a diminué entre 1978-1979 et 1983-1984. C'est là
qu'il faut faire attention. Il faut faire attention à la propagande. Si
on prend la décennie 1972-1973 à 1983-1984 - je crois que le
gouvernement ne déteste pas, dans ses comparaisons, aller emprunter un
peu dans les pâturages des années précédentes si
cela peut servir sa thèse - on constate que le ratio subventions
universitaires-PIB serait passé de 0,73% à 1%; par
conséquent, il aurait augmenté d'environ 25%, du quart. Mais si
on prend la période 1978-1979 à 1983-1984, c'est-à-dire
seulement les cinq dernières années, il y a une
décroissance de 10%. La proportion des subventions aux
universités par rapport au PIB a baissé de 10%, alors qu'elle
avait connu une augmentation pendant la décennie tout entière et,
à plus forte raison, une augmentation plus considérable de
1972-1973 à 1977-1978, pour des raisons qui sautent aux yeux.
Une autre norme de mesure qui est tout à fait rationnelle est
celle qui consiste à comparer la place des subventions aux
universités à l'ensemble du budget des dépenses du
gouvernement. Évidemment, il faut tenir compte de tout, ici. Il faut
s'assurer que ne seront pas sortis des colonnes de dépenses et de
revenus réguliers les postes qui figuraient sous les dépenses
régulières en 1979-1980 ou que ne seraient pas entrés
là des postes qui n'y figuraient pas, à ce moment-là. Je
pars des constatations faites par la FAPUQ. On constate que le ratio, encore
une fois, la place des subventions aux universités dans l'ensemble des
dépenses gouvernementales, a baissé de 4,5% à 3,6% au
cours de la période qui va de 1978-1979 à 1979-1980. Voilà
une deuxième observation que je voulais soumettre à votre
attention, qui nous ramène à la réalité comme nous
pouvons et devons la constater.
Je crois que le ministre de l'Éducation, dans son exposé
d'ouverture de mardi matin ou dans la discussion qui a suivi, a soutenu,
à un certain moment, que les dépenses universitaires par
étudiant étaient maintenant supérieures au Québec
à ce qu'elles sont en Ontario. Je ne sais pas comment le gouvernement a
établi sa base de comparaison. J'aimerais qu'on nous fournisse une
explication assez précise sur la manière dont on a établi
ces calculs.
Des personnes très versées dans ces questions m'ont fourni
des renseignements qui ne vont pas tout à fait dans le sens de
l'assertion qu'on a entendue mardi. Selon des chiffres qui ont
été préparés par des spécialistes de ces
questions, les dépenses
universitaires totales par étudiant se seraient
élevées, au Québec, en 1981-1982, à 9022 $ et, en
Ontario, à 10 195 $. On exclut la première année à
cause d'un facteur bien familier qui est, d'ailleurs, rappelé avec force
et détail dans l'étude du Conseil des universités sur le
financement des universités pour la prochaine année. On tient
compte de toutes les sources de dépenses, évidemment, toutes les
sources de revenus, on n'est pas obligé d'en tenir compte, parce qu'on
parle ici des dépenses.
Si le gouvernement contredit ces chiffres, j'irai aux sources, encore
une fois, et on essaiera de concilier ces choses. Vous comprendrez comme moi
que, si on dit qu'on dépense déjà 10% de plus que
l'Ontario, ou si on dit qu'on dépense 10% de moins que l'Ontario, la
politique ne sera pas la même. Il y a seulement une chose qui pourra
rester la même, c'est le discours du ministre, parce qu'on le sait
très insensible aux critiques qui peuvent ébranler ses
convictions. Ce sont des blagues que je fais. Oui, mais il y en a d'autres. On
pourra compléter tantôt.
On me dit que l'Ontario ne serait pas le meilleur exemple, puisque les
compressions budgétaires, Québec excepté, y ont
été plus sévères qu'ailleurs au Canada. De toute
manière, on pourra revenir là-dessus. C'est un sujet
d'inquiétude qu'on a porté à mon attention. Je pense qu'il
vaut la peine de vous le soumettre, si nous pouvons nous entendre. Sur les
chiffres, il n'y a aucune raison pour laquelle on ne s'entendrait pas. On peut,
à un moment donné, adopter des définitions
différentes, mais, pourvu qu'on le sache, cela ne change absolument rien
s'il y a des différences dans les montants.
Je soumets ces faits pour affirmer, encore une fois, qu'il y a eu une
dégradation importante dans le financement des universités au
cours des dernières années. Nous avons vu que les subventions ont
connu une chute en dollars constants.
Un autre facteur a joué au Québec, qui n'a pas joué
ailleurs. Le ministre en a fait mention, mais il serait bon d'avoir une
discussion à ce sujet, peut-être pas cette fois-ci, parce qu'il
nous reste peu de temps, mais il faudra qu'on l'aborde franchement. Le ministre
nous dit: Nous avons été généreux, nous n'avons pas
augmenté les frais de scolarité. Le Conseil des
universités a émis une inquiétude à ce sujet, que
je ne suis pas loin de partager: des études établissent que la
provenance de la clientèle universitaire se situe encore de
manière privilégiée parmi les classes
économico-sociales les plus favorisées. Et, si tel était
le cas, le maintien du gel des frais de scolarité... Je sais les
protestations que peut engendrer la moindre mention de cette question, mais je
dois dire au gouvernement que, depuis un an, il a quand même
soulevé un certain nombre de certitudes établies; il n'a pas
hésité à lever le couvercle quand il le fallait pour
ramener des choses à une réalité qui, souvent,
était peut-être imposée de manière trop brutale.
Mais ici, il y a un problème. Il est évident que, si les
subventions diminuent en valeur réelle et que les frais de
scolarité demeurent les mêmes, eux aussi diminuent en valeur
réelle. Si vous payez 500 $ aujourd'hui pour inscrire votre enfant
à la faculté de droit et que le dollar n'a plus que 50% de son
pouvoir d'achat d'il y a cinq ans, cela veut dire que cette source de revenu a
décliné de 50% au cours de la dernière année. C'est
beau pour le discours politique dans des périodes électorales
qu'on puisse dire que c'est resté là, mais il faut bien se rendre
compte que, pour l'institution qui est au coeur du problème, la
situation se présente de manière très
différente.
Un troisième point que je voudrais porter à l'attention du
ministre, c'est la constatation que formule le Conseil des universités
quant à la situation des professeurs, au rapport
professeurs-étudiants dans les universités du Québec et
dans les universités de l'Ontario. Le gouvernement a fait beaucoup de
millage politique au début de l'année en invoquant le rapport
inférieur qui aurait existé entre enseignants et
élèves aux niveaux primaire et secondaire. Mais, on affirme dans
le rapport du Conseil des universités qu'au niveau universitaire le
rapport professeurs-élèves, professeurs réguliers,
élèves à temps complet, serait de 17-4 au Québec,
contre 14-4 en Ontario. Par conséquent, il serait plus
élevé ici qu'en Ontario, contrairement à ce qu'on avait
cru constater ou à ce qu'on avait affirmé dans les débats
qui ont entouré et suivi l'adoption des lois 70, 105 et 111. Il n'est
pas étonnant, dans ces conditions, que les institutions universitaires
aient été amenées à enregistrer des déficits
ces dernières années et que l'on ait entendu, de sources
nombreuses, des plaintes concernant les conséquences éventuelles
de cette dégradation dans les normes de financement de
l'université.
L'une des conséquences qu'on peut observer et sur laquelle le
Conseil des universités attire l'attention du gouvernement concerne les
équipements des universités. Malheureusement, on n'a pas une
étude aussi complète que je l'aurais souhaité. Il aurait
fallu faire un inventaire des équipements des universités dans
les différentes disciplines. On donne l'exemple des
bibliothèques. Les bibliothèques sont un instrument de base. Nous
en avons besoin comme hommes politiques, comme femmes politiques. Nous en avons
besoin dans toutes les professions à fort contenu intellectuel.
Même dans les autres, on en a de plus en plus besoin. On constate que les
dépenses consacrées à l'acquisition de volumes et de
périodiques ont baissé dramatiquement de 1975-1976 à
1981-
1982. En dollars constants, on dépensait en 1975-1976, 8 000 000
$ dans les universités pour l'achat de documentation, de volumes, de
périodiques pour l'enrichissement de nos bibliothèques. En
1981-1982, en dollars constants, la valeur des achats qui ont été
autorisés dans les différents budgets aurait baissé
à un peu plus de 5 000 000 $, c'est-à-dire une chute de 40%.
Je crois pouvoir affirmer que le prix des volumes et des abonnements a
augmenté de plus de 40% pendant la même période. Il y a eu
une augmentation spectaculaire. Je paie des abonnements pour un grand nombre de
revues chez moi et je remarque qu'aux États-Unis cela a augmenté
moins vite qu'ici, mais que les publications canadiennes et européennes
ont connu une progression spectaculaire. Les volumes qui nous arrivent de
France - ce n'est sûrement pas un des résultats des missions
gouvernementales en France; je l'avais souligné à l'attention de
M. Mauroy, quand il est venu ici; au lieu de lui adresser des fleurs, je lui
avais demandé de s'occuper de ce problème-là, soit de voir
à ce que le prix qu'on paie pour les volumes français soit un peu
plus modeste - c'est rendu prohibitif. On ne peut presque plus acheter de ces
choses dont on aurait absolument besoin.
Quand on pense que, nonobstant ce facteur que j'invoque, on est rendu
à 5 000 000 $, comparé à 8 000 000 $ cinq ans plus
tôt, je me dis qu'il va s'ensuivre inévitablement une
dégradation. On ne s'en aperçoit pas au début. On peut
continuer. On supprime quelques abonnements. On achète moins de volumes.
La vie continue comme si de rien n'était, mais, sur une base de dix,
quinze ou vingt ans, il se produit un appauvrissement qui finit par diminuer la
qualité de l'activité dans ce secteur.
Le ministre a-t-il des renseignements à nous fournir sur les
laboratoires. J'ai mentionné hier le cas de nos hôpitaux. Lorsque
le gouvernement actuel est entré en fonction, je crois que les
dépenses autorisées annuellement pour les achats
d'équipements dans les hôpitaux étaient d'environ 30 000
000 $. Si mes souvenirs sont bons, pour la dernière année,
1982-1983, elles étaient autour de 6 000 000 $ ou 7 000 000 $. Il est
évident que les équipements se dégradent. On peut toujours
dire que cela peut servir plus longtemps. Je peux garder une plume dix ans au
lieu de cinq ans. Je peux garder un complet cinq ans au lieu de deux ans. Mais,
au bout du compte, votre équipement général se
dégrade. Je ne sais pas si on sera obligé d'arriver à une
nouvelle révolution tranquille dans quelques années, mais, de la
manière dont les choses fonctionnent, j'ai l'impression qu'il y a une
espèce de mouvement d'asphyxie ou de ralentissement qui a
été imprimé à ce secteur d'activité par un
gouvernement qui comptait pourtant dans ses rangs de nombreux membres issus du
milieu universitaire.
Mais le moment est venu de faire le point et les crédits nous en
fournissent l'occasion. Si les données que je soumets à
l'attention du ministre sont fausses ou inexactes, je serai le premier à
en être bien satisfait. Je les ai regardées. On fait des calculs
et, si on se trompe, tant mieux. Si on peut épargner de l'argent au
trésor public, moi, je ne demande pas mieux. C'est un autre point.
Le taux de diplômés, j'en ai parlé hier. Le Conseil
des universités affirme qu'il demeure inférieur au Québec
à ce qu'il est dans le reste du Canada. Je n'ai pas de données
spéciales à soumettre à votre attention. De ce
côté, le gouvernement en possède sans doute plus que moi.
Si cette affirmation doit être corrigée ou rectifiée, nous
accepterons volontiers qu'on le fasse, nous réservant toujours le droit
de procéder à nos propres vérifications,
évidemment.
Mais ce que je dois tirer de ceci, c'est une affirmation qui nous fait
déboucher sur le domaine de la recherche également. On a entendu
toutes sortes d'affirmations. Je me rappelle, quand on discutait le dernier
déficit du gouvernement, que la grosse explication était la
réduction des subventions fédérales. Tout à coup,
on nous est arrivé un an après et on nous a dit qu'il y avait eu
toutes sortes de calculs qu'on n'avait pas prévus, mais, finalement,
cela a rapporté 300 000 000 $ ou 400 000 000 $ de plus qu'on ne le
pensait. Par conséquent, l'explication n'était pas là.
À la longue, la nouvelle politique annoncée par le gouvernement
fédéral peut engendrer des difficultés et même des
conséquences comme celles qu'on entrevoyait, mais, pour la
dernière année, cela ne pouvait pas être l'explication.
Cela a rapporté 300 000 000 $ ou 400 000 000 $ de plus que l'on
prévoyait. J'entendais tous les députés du Parti
québécois, en Chambre, l'un après l'autre, invoquer cet
argument. Parce qu'il émanait du ministre des Finances, c'était
une parole d'Évangile. Le ministre des Finances s'est trompé
souvent et je pense qu'on doit remettre ses affirmations en question comme
celles de n'importe qui.
De ce point de vue-ci, le Conseil des universités nous signale
que cette différence dans les normes de financement entraîne,
surtout dans le rapport professeurs-élèves au niveau
universitaire, une sorte de manque de professeurs à temps complet, de
professeurs réguliers, qui serait de l'ordre de 1500 au Québec
par rapport à l'Ontario. Il est évident qu'il est très
important d'avoir un nombre suffisant de professeurs réguliers à
temps complet pour qu'une proportion suffisante puisse se livrer à des
travaux de recherche. Il est bien facile de donner des
assignations de cours à M. ou Mme Untel qui a d'autres
occupations dans la vie. C'est très bien et je pense qu'il est
nécessaire qu'il y en ait un certain pourcentage. Mais je me demande si
le rapport que nous avons ici n'est pas de nature à expliquer certaines
difficultés qu'on observe à d'autres niveaux. (16 heures)
Le Conseil des universités a fait une autre étude, que le
ministre connaît autant que moi, sur le financement externe de la
recherche dans les universités. Cette étude établit que,
pour la source principale des subventions fédérales, des
subventions qui sont consacrées à la recherche libre,
c'est-à-dire à des projets soumis de leur propre initiative par
des chercheurs, le Québec reçoit une part moins
élevée que ne le justifierait sa population. Mais l'étude
établit aussi que le pourcentage des demandes de subventions en
provenance du Québec est beaucoup inférieur à notre part
de la population. Elle affirme également - si je trompe, on me
corrigera, mais c'est ce que j'ai lu et jusqu'à nouvel ordre, je sais
lire; il peut arriver que les données ne soient pas complètes,
cependant, mais c'est une autre affaire - qu'à peu près 90% des
demandes de subventions qui sont faites sont accordées. Comment se
fait-il qu'il n'y ait pas plus de demandes qui émanent du Québec?
Est-ce parce que ce sont seulement des mauvais Anglais à Ottawa, des
gens qui ne comprennent rien et qui ne veulent absolument pas nous aider? Ou
est-ce qu'il n'y aurait pas des conditions objectives qui existent ici
auxquelles nous avons l'obligation de remédier de notre
côté? Je vous pose la question. Je crois qu'intellectuellement
nous avons l'obligation de nous la poser aussi. C'est trop facile de se nourrir
de certitudes dogmatiques et unilatérales sur ces questions. J'ai
l'esprit ouvert sur ce sujet. J'aimerais entendre les explications qu'on aura
à nous fournir.
Une chose m'a fait sourire à ce point de vue. Dans le rapport de
cette étude sur le financement externe de la recherche, les auteurs
disent qu'ils ont eu toutes les misères du monde à recueillir des
données. Finalement, ils arrivent à tirer des données de
sept sources différentes. Dans plusieurs cas, ils ne sont pas capables
d'établir avec certitude le montant qui serait le plus précis.
Ils disent que cela est approximatif et qu'on peut établir deux, trois
ou quatre montants selon la source à laquelle on puise. Cela n'a pas
empêché le gouvernement -c'est eux qui le soulignent, ce n'est pas
moi - de publier à la fois un livre vert et, ensuite, un livre blanc sur
ces questions, il y a déjà deux, trois ou quatre ans.
Apparemment, on avait la science infuse, on marchait avec des intuitions
là-dedans, alors que la cueillette des données, qui est la
première démarche inhérente à un travail
sérieux, n'avait été faite que de manière
extrêmement superficielle.
Sur ce, je vais conclure en laissant la parole au ministre,
évidemment. Ensuite, je voudrais lui adresser une série de
questions qui nous permettront d'entrer dans le vif du sujet.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil.
Je demande au ministre de répondre, quoiqu'il y ait beaucoup de
questions qui ont été soulevées. J'estime que la
réponse pourrait comporter également plusieurs volets.
M. Laurin: Effectivement, il y a déjà plusieurs
questions qui ont été posées et beaucoup de chiffres qui
ont été produits. De la même façon que le
député d'Argenteuil regarde avec un oeil éminemment
critique les tableaux que nous lui fournissons, il nous permettra de regarder
avec un oeil aussi critique les tableaux qu'il nous fournit. Nous pourrons les
commenter. Je dis tout de suite au député d'Argenteuil
qu'après m'être exprimé je donnerai la parole à M.
Girard, d'abord, pour qu'il donne les sources auxquelles s'alimentent les
chiffres que nous lui avons fournis et, deuxièmement, pour qu'il apporte
peut-être des nuances et des bémols à ceux qu'il a
lui-même fournis.
Le tableau que trace le député d'Argenteuil semble
tiré d'un chapitre du roman de Marguerite Yourcenar, l'Oeuvre au noir.
J'ai l'impression que c'est un plaidoyer biaisé qui évite
volontairement de signaler les raisons qui, tirées du contexte ou de la
conjoncture ou même de la structure, pourraient expliquer certains des
tableaux que nous avons et certaines des conclusions qu'il en tire. Si le
député d'Argenteuil veut nous prouver par ces tableaux, tous plus
catastrophiques les uns que les autres, que le Québec se trouve dans une
situation financière difficile, que le Québec vit actuellement
une des pires récessions de son histoire, je n'aurai pas de
difficulté à être d'accord avec lui. S'il veut aussi nous
prouver que la situation économique du Québec est toujours
inférieure à celle de l'Ontario - ce qu'elle a toujours
été et ce qu'elle continue d'être - par exemple, que le
revenu moyen au Québec se situe à 20% de moins que le revenu
moyen de l'Ontario et que, pourtant, nous avons des charges presque identiques
à supporter et qu'en plus nous avons un effort de rattrapage à
faire, je suis bien d'accord aussi avec lui sur certains des problèmes
auxquels nous aurons à faire face, mais de cela le député
d'Argenteuil ne fait aucunement mention. C'est comme s'il se situait
volontairement dans une tour d'ivoire et qu'il ne voulait absolument pas jeter
le plus humble des regards sur les conditions de vie réelles
auxquelles sont soumis tous les citoyens du Québec.
Et, pourtant, certaines des constatations qu'il fait nous y
ramènent, nous obligent à considérer à nouveau la
situation concrète du Québec et de ses citoyens. Par exemple, il
commence par nous dire que la fréquentation universitaire a fait un bond
spectaculaire de 1960 à 1982. Cette croissance est spectaculaire
à ce point qu'elle dépasse même les prévisions les
plus optimistes que faisait la commission Parent en 1960. Par exemple, notre
taux de fréquentation universitaire est rendu maintenant à 137
000, alors que l'on prévoyait 80 946.
Il nous a fallu au Québec financer ces clientèles
additionnelles. En chiffres absolus, cela a exigé un effort absolument
considérable de la part des gouvernements successifs du Québec
et, pendant que nous effectuions ce rattrapage, évidemment, on peut
penser qu'il y avait peut-être moins de ressources pour financer les
autres obligations que toute université doit assumer. Il est
évident que, lorsqu'on est obligé de mettre à un poste,
à un chapitre des ressources aussi considérables, il peut en
rester moins pour les autres obligations. Effectivement, la politique
d'accessibilité que nous poursuivons en ce qui a trait à
l'enseignement supérieur a coûté très cher au
Québec; elle continue de coûter très cher et nous entendons
qu'il en soit ainsi encore pour l'avenir parce que cet idéal
d'accessibilité, cette politique de l'accessibilité demeure
encore pour nous essentielle.
Que le financement des universités ait montré des signes
de recul au cours des cinq dernières années, je n'en disconviens
pas. D'ailleurs, c'est là une tendance que l'on retrouve dans toutes les
provinces du Canada et même dans une province voisine où les
ressources sont bien supérieures aux nôtres et où le
passé avait été beaucoup plus florissant que ce qui
existait au Québec. Mais je ne nie pas qu'il y a eu une
détérioration progressive de la situation économique
très marquée, encore une fois, au cours des deux ou trois
dernières années, qui a forcé le gouvernement du
Québec à revoir de plus près les enveloppes
budgétaires qu'il consacrait à la mission éducative en
général, mais aussi à la mission universitaire en
particulier. Et là, nous n'avions pas, au même titre, en tout cas,
la même contrainte syndicale à observer et il est vrai qu'en
raison de ce facteur, comme pour l'éducation des adultes - je l'ai fait
remarquer tout à l'heure - les compressions ont été
temporairement plus importantes. Il reste qu'au cours des années qui
avaient précédé les enveloppes budgétaires avaient
été à ce point considérables pour les
universités que les compressions que nous avons dû faire
équivalaient pour une part substantielle aux augmentations plus
considérables que ces postes avaient connues au cours des années
antérieures. C'est ce qui m'amenait à conclure - je ne sais si
c'est ici ou ailleurs -que la somme totale des compressions au niveau
universitaire, au cours des trois dernières années, se situe
substantiellement au même niveau que celle des compressions qu'ont subies
les niveaux primaire, secondaire et collégial. De 1981 à 1984, le
niveau des compressions aura donc été à peu près
égal pour les trois niveaux.
Il y a aussi un autre facteur qu'il importe de considérer. Dans
cet effort de rattrapage considérable que nous avons mené au
cours des quinze dernières années, que ce soit sur le plan du
financement propre des universités, que ce soit sur le plan du
financement des clientèles additionnelles, sur le plan des
équipements, sur le plan des laboratoires, sur le plan du financement
des organisations internes des universités, en particulier, parce que
les universités sont largement autonomes dans le Québec et que le
contrôle ou la faculté de surveillance de l'État est
beaucoup moins forte, du moins elle l'était, il est possible que le
développement ait manqué d'un certain ordre ou n'ait pas tenu
compte autant qu'on l'aurait voulu de la véritable capacité de
payer des Québécois.
Une des premières mesures auxquelles nous avons été
obligés de recourir, justement pour atténuer les compressions,
pour en atténuer l'ordre de grandeur, a été de demander
aux universités un effort plus considérable pour effectuer une
révision de leurs mécanismes opérationnels, afin
d'éviter le plus possible les dépenses inutiles ou moins
essentielles par rapport à la poursuite de la mission éducative.
Nous leur avons demandé de faire le même travail que nous avons
fait au gouvernement concernant la fonction publique, de pourchasser les
dédoublements, de les abolir, d'augmenter la productivité de tout
le personnel, de rationaliser le plus possible les opérations, de viser,
en somme, à rentabiliser au maximum chacun des dollars contenus dans
l'enveloppe budgétaire. Je dois dire que ce travail, qui est maintenant
en cours, commence à porter fruit dans les prévisions
budgétaires que font depuis l'an dernier, et maintenant cette
année, les universités.
Nous avons tenté aussi d'éviter au maximum les
compressions, en invitant les universités à se concerter
davantage, à regrouper les services, que ce soit pour l'examen des
programmes, que ce soit pour l'application des programmes, que ce soit pour les
politiques d'admission, que ce soit pour les bibliothèques, que ce soit
pour les achats d'équipement. Cette opération, qui est maintenant
en cours depuis deux ans, rapporte déjà des dividendes
appréciables et devrait en rapporter davantage dans l'avenir.
Dans un autre ordre d'idées, nous avons
demandé également aux universités de revoir de plus
près l'organisation départementale elle-même, par exemple,
le nombre d'étudiants par cours, le nombre d'heures de cours
données aux étudiants par rapport aux heures de
séminaires. Nous pourrions continuer dans cet ordre. Ces
démarches ont fait l'objet de plusieurs rencontres entre les
universités et le ministère. Je pense qu'un effort conjoint est
maintenant entrepris qui devrait donner des résultats de plus en plus
marqués dans l'avenir. Je pense en tout cas que ces diverses mesures
nous ont permis de diminuer des compressions qui auraient été
autrement plus considérables.
Nous avons quand même, au cours des deux dernières
années, commencé à revoir nos propres enveloppes
budgétaires et nous y avons apporté des améliorations.
C'est ainsi, par exemple, que nous avions cessé d'indexer les salaires
des professeurs à l'université, il y a quelques années, et
que nous avons, depuis l'an dernier, recommencé à indexer les
salaires des professeurs à l'université, ce qui devrait se
traduire d'ici peu par une amélioration des tableaux qui seront produits
à la fin de cette année. (16 h 15)
Nous avons aussi revu les bases de financement des universités
parce que jusqu'ici, comme le sait le député d'Argenteuil, nous
nous étions basés plutôt sur une méthode historique
où nous tenions compte de l'histoire, des traditions, de la vitesse
acquise des universités. Nous ne tenions compte des clientèles
additionnelles que d'une façon plutôt marginale. Ceci a
amené un accroissement de la clientèle au niveau des nouvelles
universités, l'Université du Québec à
Montréal en particulier, Concordia et certaines universités
régionales, alors qu'en raison de notre méthode de financement
des universités, qui n'était pas intégrale, qui
n'était pas de 100%, certaines universités plus traditionnelles
ou mieux installées voyaient moins d'avantages à accueillir de
nouvelles clientèles. C'est ce qui nous a amenés à changer
le mode de financement des clientèles additionnelles et, l'an dernier,
d'ailleurs, nous avons non seulement revu cette méthode de financement,
mais également augmenté les crédits qui étaient
affectés au financement des nouvelles clientèles. Nous y avons
ajouté un montant de 6 000 000 $ l'an dernier. Nous y ajoutons à
nouveau cette année un montant de 6 000 000 $, plus un autre de 6 000
000 $ pour le financement des clientèles additionnelles dans le champ de
la technologie de pointe, dans le champ des professions qui sont en grande
demande au Québec. Nous pourrons consacrer à ce chapitre des
sommes qui permettront de financer à 100% l'inscription de ces
clientèles additionnelles nouvelles.
Nous avons donc tenté d'éviter les compressions et de
reprendre notre marche en avant au prix de plusieurs mesures que nous avons
déjà mises en oeuvre: diminution, évitement du gaspillage,
évitement et abolition des dédoublements, rationalisation de
l'organisation, meilleure productivité à tous les niveaux,
concertation au niveau des politiques, au niveau des services, indexation des
salaires, financement accru des clientèles nouvelles, selon une
méthode nouvelle d'ailleurs. Je pense qu'avec toutes ces mesures nous
parviendrons non seulement à limiter les difficultés que nous
avons connues au cours des dernières années, mais à
reprendre le développement et le rattrapage d'une façon plus
vigoureuse qu'il n'a été possible de le faire au cours des trois
années extrêmement difficiles que nous venons de vivre.
Maintenant, le député d'Argenteuil cite plusieurs tableaux
pour montrer la détérioration du financement en dollars
constants, en dollars courants. Je demanderais à M. Girard de commenter
cette affirmation particulière.
M. le Président, je commencerai par quelques remarques
générales dans la foulée de ce qui vient d'être dit.
Le ministère de l'Éducation a affirmé et
réaffirmé au cours de la commission parlementaire sur
l'éducation que son objectif premier était de ramener les
coûts de système des différents réseaux de
l'éducation du Québec sur une base comparable à ce qui
existe dans les autres provinces et, une fois ce rétablissement fait, la
volonté manifeste de faire des développements sélectifs
dans les secteurs jugés prioritaires. Les crédits de l'ensemble
du ministère de l'Éducation démontrent que c'est
effectivement ce qui a été fait et que le dégonflement des
coûts de système nous permet de reprendre des
développements dans les secteurs jugés prioritaires, que ce soit
le virage technologique, que ce soit l'insertion sociale des jeunes ou que ce
soit le développement de la micro-informatique. Première remarque
générale.
Deuxième remarque générale: il est incontestable
que le travail a commencé dans le réseau universitaire plus
tôt qu'il n'a commencé dans les réseaux primaire et
secondaire, et dans le réseau collégial. En clair, cela veut dire
que les compressions budgétaires se sont appliquées d'abord au
réseau universitaire avant de s'appliquer aux réseaux primaire et
secondaire, et au réseau collégial, de telle sorte qu'on peut
affirmer que désormais les bases, en termes de coûts de
système, sont à peu près comparables au Québec
à ce qu'elles sont en Ontario, de telle sorte qu'il est maintenant
possible de songer à des développements.
Pour ce qui est plus spécifique au réseau universitaire,
je dirais que les objectifs que s'était fixés le
ministère
étaient au nombre de quatre. Je les énumère:
premièrement, augmentation de l'accès ou de
l'accessibilité au réseau universitaire. Je pense que tous
conviennent qu'au cours des dernières années les
universités du Québec sont demeurées ouvertes aux
étudiants et que tous ceux qui en avaient les aptitudes et les
capacités ont pu s'inscrire dans les universités. De plus,
grâce à une action déterminante du ministère et des
universités, la répartition des clientèles nouvelles s'est
réajustée au cours de la dernière année et on
constate que l'effort de démocratisation se répartit maintenant
à peu près également entre les différentes
universités, surtout pour ce qui est de celles de l'île de
Montréal. Donc, premier objectif: augmentation de
l'accessibilité.
Comme cet objectif nous semblait fondamental et le premier à
atteindre pour que le réseau universitaire québécois
puisse se développer de façon comparable au réseau
universitaire des autres provinces, je soulignerai que l'aide financière
aux étudiants qui permet, en bonne partie, ce taux d'accès
à l'université, entre les années 1977-1978 et 1980-1981, a
augmenté de 127%. Si l'on veut faire des comparaisons valables entre le
réseau universitaire québécois et celui de l'Ontario, je
pense qu'il faut ajouter aux données qui ont été
mentionnées jusqu'à maintenant en commission parlementaire celles
qui sont relatives à l'effort fait par le Québec au titre du
programme d'aide aux étudiants et au titre du programme FCAC, auquel je
reviendrai dans quelques instants. Donc, il s'agissait de ramener les
dépenses du Québec à un niveau comparable à celles
de l'Ontario et le rattrapage est maintenant fait.
Deuxièmement, augmentation de l'accessibilité: c'est non
seulement fait, mais on peut dire que le Québec a maintenant
dépassé la moyenne canadienne. C'est ce que le ministre de
l'Éducation affirmait dans son discours. Et, à cet égard,
les statistiques que nous utilisons sont celles rendues publiques par
l'organisme officiel canadien, Statistique Canada. Le taux de scolarisation
universitaire de l'ensemble de la population du Québec demeure
inférieur à la moyenne canadienne étant donné le
retard considérable que nous avions accumulé au cours des
dernières années. Par ailleurs, le taux de scolarisation des
cohortes d'âges de niveau universitaire est maintenant supérieur
au Québec à ce qu'il est dans le reste du Canada. Je dois ajouter
à cet égard que ce taux de scolarisation universitaire comprend
autant les étudiants à temps plein que les étudiants
à temps partiel. Nous pourrions revenir sur cette distinction, mais il
demeure, néanmoins, que le taux de scolarisation universitaire est
maintenant légèrement supérieur au Québec à
ce qu'il est dans le reste du Canada et ce, à partir des données
officielles rendues publiques par Statistique Canada.
Le troisième objectif était le développement de la
recherche. À cet égard, le taux d'augmentation des budgets
accordés au programme FCAC allant des années 1977-1978 à
1980-1981 a augmenté de 141%. Nous estimons, en accord avec les
universités et avec le Conseil des universités, que le
Québec se devait de faire un effort particulier dans le domaine de la
recherche. Ceci pour deux raisons: parce que les chercheurs
québécois obtenaient une part inférieure à celle
qu'ils auraient dû obtenir des grands organismes subventionnaires
canadiens, très souvent pour deux raisons: parce que, comme on l'a
souligné, les demandes étaient moins nombreuses venant du
Québec et qu'il y avait une expertise ou une expérience, dans ces
demandes, moins grande au Québec qu'ailleurs. Donc, volonté de
préparer de jeunes chercheurs, de telle sorte qu'ils puissent être
dans une situation d'obtenir, au même titre que leurs collègues
canadiens, leur juste part des subventions des organismes subventionnaires
canadiens.
Je soulignerais à cet égard que le ministère, en
accord avec des discussions qui avaient eu lieu avec le Conseil des
universités, a souligné à chacune des universités
du Québec qu'elles devraient faire des efforts particuliers pour inciter
les chercheurs universitaires à demander un plus grand nombre de
subventions aux organismes subventionnaires canadiens. Nous sommes d'accord sur
le fait que le taux de réussite des chercheurs québécois
auprès des organismes subventionnaires est égal, sinon
supérieur, au taux canadien, mais il existe un problème par
rapport au nombre de demandes émanant du Québec. Puisque nous
avons fait un effort si considérable au niveau du programme FCAC pour
mettre à un niveau égal à leurs collègues canadiens
les chercheurs québécois, on estime qu'ils devraient faire un
effort sensible pour aller chercher leur juste part des subventions qui sont
accordées par les organismes subventionnaires. Donc, le troisième
objectif était le développement de la recherche. Là aussi,
je pense que les statistiques démontrent qu'il y a eu
progrès.
J'ajouterai à cet égard que le ministère, à
la suite des nombreuses recommandations qui ont été faites par le
Conseil des universités et des nombreuses remarques qui ont
été faites par les universités elles-mêmes, est en
discussion actuellement relativement à l'établissement d'une
nouvelle politique d'allocation des ressources aux universités,
politique qui, désormais, ferait une distinction entre les études
de premier cycle et les études de deuxième et troisième
cycles. Cela veut dire en clair qu'il y aurait un financement
spécifique pour les études de maîtrise et de
doctorat.
Enfin, le quatrième objectif était de provoquer une
concertation interuniversitaire et de faire admettre qu'en ces temps
difficiles, mais qui ne sont pas propres au Québec toutes les
universités québécoises ne peuvent pas se
développer dans toutes les directions à la fois et qu'il est
nécessaire de dégager des axes de développement pour l'une
ou l'autre des universités. Il est nécessaire également
qu'elles mettent en commun des ressources qui existent dans plus d'une
université. Il existe des travaux à cet égard, notamment
à l'égard d'une mise en commun des ressources
bibliothécaires sur l'île de Montréal.
Pour ce qui est du pourcentage des diplômes universitaires
canadiens décernés par les universités
québécoises, les dernières statistiques que nous
possédons pour les années 1980, 1981, 1982 et 1983 sont les
suivantes: pour ce qui est du taux des baccalauréats de premier cycle et
des premiers diplômes professionnels, le pourcentage de
diplômés universitaires au Québec était de 25,1% en
1980; il était de 25,5% en 1981, de 26,3% en 1982 et de 26,5% en 1983.
Pour ce qui est des maîtrises, il est passé de 24,7%, en 1981,
à 25,1% en 1983. Pour ce qui est des. doctorats, il est passé de
19,2%, en 1980, à 19,9% en 1983. D'où l'intérêt d'en
arriver à une politique de financement qui mette vraiment l'accent sur
un financement spécifique pour les diplômes de deuxième et
troisième cycles, de telle sorte que la proportion de doctorats
octroyés par les universités québécoises continue
d'augmenter au cours des prochaines années afin qu'on puisse en arriver
à un pourcentage à peu près égal à celui que
nous détenons au niveau des premier et deuxième cycles.
Pour ce qui est des autres statistiques qui ont été
citées quant aux subventions par tête d'étudiant ou quant
aux dépenses par tête d'étudiant pour ce qui est du
Québec comparativement à l'Ontario, je me permettrai de citer un
seul chiffre. La subvention par tête d'étudiant, plus les frais de
scolarité perçus par les universités tant
québécoises qu'ontariennes donnent les chiffres suivants: en
1974-1975, le montant était de 3918 $ au Québec et de 3320 $ en
Ontario. En 1983-1984 il est de 7243 $ au Québec et de 6271 $ en Ontario
à propos de la subvention par tête d'étudiant entre les
deux provinces compte tenu des revenus au titre des frais de scolarité.
En 1983-1984, 7243 $ au Québec, 6271 $ en Ontario. (16 h 30)
Par ailleurs si l'on dégonfle le chiffre ontarien pour tenir
compte de la disparité entre les deux systèmes nous en arrivons
aux chiffres suivants: 7243 $ au Québec par rapport à 7195 $ en
Ontario, donc à peu près parité entre les deux
systèmes. C'était un objectif voulu par le ministère de
ramener les coûts de base entre les deux systèmes à des
données à peu près comparables. Dans le même temps,
augmentation de l'accès à l'université et
développement de la recherche.
J'aurais quelques remarques additionnelles sur les frais de
scolarité et sur la recherche.
M. Ryan: Pourrais-je souligner que cela fait une demi-heure que
vous parlez tous les deux ensemble?
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, je vous signale que j'ai été attentif au temps
retenu par chacun des intervenants et que, pour votre part, vous êtes
également intervenu pendant 30 minutes.
M. Ryan: Par conséquent, ils ont fini!
Le Président (M. Blouin): Je demanderais au ministre de
conclure rapidement.
M. Laurin: Je conclus, M. le Président. Il est vrai que
nous n'avons pas voulu toucher aux frais de scolarité. Nous avons voulu
les maintenir à ce qu'ils étaient pour ne pas augmenter davantage
la barrière proprement financière à
l'accessibilité. Mais nous savons, encore une fois, que ceci n'a pas
fait disparaître la proportion plus grande d'élèves venant
de familles riches par rapport à ceux qui venaient de familles moins
favorisées. C'est dire qu'il n'y a pas que la barrière
financière à l'accessibilité. Il y a toutes sortes
d'autres barrières qui frappent probablement beaucoup plus rudement et
énergiquement certaines clientèles ou certaines familles à
revenu moyen ou inférieur que les familles aux moyens plus abondants.
Qu'il s'agisse des conditions de logement, qu'il s'agisse de l'argent de poche,
qu'il s'agisse des loisirs, etc., nous nous attaquons maintenant à ces
autres barrières et nous tentons de les diminuer.
Nous pensons, d'ailleurs, que ce n'est pas simplement en augmentant ou
en laissant les frais de scolarité tels qu'ils sont que nous allons
régler le problème. Je pense qu'il importe de considérer
les trois ou quatre éléments qui doivent entrer en ligne de
compte: par exemple, l'aide financière proprement dite aux
étudiants; deuxièmement, les frais de scolarité;
troisièmement les déductions fiscales qui sont accordées
aux familles qui ont des enfants aux études. Il faut en arriver à
un système intégré propre à faciliter
l'accessibilité aux études. Nous travaillons actuellement
à l'élaboration d'un tel système.
Pour la recherche, je voulais
simplement ajouter une note que mon collègue à la Science
et à la Technologie a rendue publique dans le Devoir d'il y a deux
jours; c'est que la contribution du Québec à l'effort de
financement de la recherche au Québec et des chercheurs
québécois est passée de 10% qu'elle était il y a
quelques années à 22% maintenant. Je crois que c'est là
une résultante de l'effort considérable que nous faisons au
ministère de l'Éducation pour augmenter les crédits
à la recherche.
Enfin, une dernière note. Nous sommes en train de changer, comme
je le disais, la méthode de financement des universités en en
changeant complètement la base: au lieu simplement de financer au
même titre les disciplines, dont les unes coûtent très peu
parce qu'il n'y pas de laboratoires d'impliqués et d'autres
coûtent très cher parce que les laboratoires sont importants, nous
en arrivons à une hypothèse de financement basé sur le
coût disciplinaire moyen des études dans chacun des secteurs et
dans chacun des cycles. Il nous semble que cette méthode sera beaucoup
plus juste et qu'elle nous permettra de satisfaire d'une façon plus
précise également les besoins particuliers de chacune des
universités.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je signale au ministre que, s'il pouvait abréger
ses réponses d'ici la fin, il réussirait peut-être à
nous faire oublier qu'il est arrivé une vingtaine de minutes en
retard...
M. Laurin: Je suis arrivé dix minutes en retard.
M. Ryan: ...et que, par conséquent, on a du rattrapage
à faire cet après-midi. On a commencé à 15 h 30
minutes.
M. Laurin: Ce n'est pas ma faute.
M. Ryan: Je constate une chose. J'ai écouté tout le
délayage qu'on nous a servi depuis une demi-heure, et je
m'aperçois qu'on n'a remis en question à peu près aucun
des chiffres qui ont été mis de l'avant. Il y a quelques nuances
qui ont été faites ici ou là, mais si jamais on remettait
en question les données fondamentales, les données de base que
nous avons évoquées, nous serions très heureux de le
savoir.
Je voudrais rappeler, pour mémoire, la conclusion à
laquelle en venait le Conseil des universités après
l'étude qu'il a faite du financement 1983-1984 à la suite de la
demande d'avis qu'il avait reçue du ministre. La situation
financière décrite dans l'avis de l'an dernier et dans les
premiers chapitres du présent avis montre que les coûts par
étudiant dans les universités québécoises ne sont
pas plus élevés qu'ailleurs au Canada. Je pense qu'il y avait une
affirmation dans le discours d'ouverture du ministre qui n'allait pas dans ce
sens et qui a été rapportée dans les journaux d'hier. Par
conséquent, si le Conseil des universités a fait erreur, je n'ai
pas d'objection à ce qu'on affirme des choses différentes, mais
ici il affirme qu'ils ne sont pas plus élevés qu'ailleurs au
Canada. Je crois que nous avons établi, par d'autres chiffres que j'ai
présentés tantôt et qui sont probablement moins
élevés qu'en Ontario, que les efforts de compression ont
été aussi importants ici que dans les autres provinces et
certainement plus importants que ceux des autres secteurs de l'éducation
au Québec même.
Le Conseil des universités est d'avis que les compressions
budgétaires annoncées pour les prochaines années ne
peuvent être justifiées par un coût par étudiant
comparativement plus élevé. Si le gouvernement invoquait - c'est
ce qu'il a fait tantôt - l'incapacité pour la
société d'assumer le coût global de l'enseignement
universitaire, le Conseil des université estime que des remises en cause
profondes accompagnées de choix sans doute douloureux s'imposent avant
de procéder à de nouvelles diminutions des ressources
consacrées aux universités. Ces remises en cause étant
loin d'être faites, il ne faudrait pas appliquer de nouvelles
compressions à court terme.
Cela étant dit, je constate qu'à la suite de son
étude le Conseil des universités avait formulé trois
recommandations à l'intention du gouvernement. Il demandait, d'abord,
que la compression de 20 000 000 $ annoncée comme première
tranche d'une compression additionnelle de 60 000 000 $ pour les trois
prochaines années soit annulée ou transférée
à d'autres fins dont nous parlerons à propos de la
deuxième recommandation. Je crois constater, en lisant le cahier
d'explications, que cette compression reste au programme pour un montant de 19
800 000 $. Je pense qu'on est d'accord là-dessus.
M. Laurin: Non, on n'est pas du tout d'accord. Cette compression
additionnelle a, justement, été réduite en raison de
l'effort accru que nous ferons pour financer de nouvelles clientèles,
particulièrement dans le secteur technologique. Je viens, justement, de
dire que nous y consacrerons 6 000 000 $ de plus que ce qui avait
été prévu au moment de la préparation des
budgets.
M. Ryan: Le ministre pourrait me laisser terminer mes questions.
Il aura la chance de répondre tantôt. On est rendu qu'on ne peut
plus prendre de chance avec vous.
M. Laurin: Bien oui, mais vous disiez qu'on était d'accord
et je ne l'étais pas.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, vous avez la parole.
M. Ryan: Je vais vous donner seulement la source. Je cite le
cahier explicatif à la page 19: "L'enveloppe de base 1983-1984 comprend
une compression budgétaire de 19 800 000 $ qui représente...
M. Laurin: Diminuée d'un crédit additionnel que le
comité des priorités nous a accordé au mois d'avril.
M. Ryan: Si vous me laissez compléter ma question, nous
allons en parler, du montant de 6 000 000 $. Par conséquent, le
gouvernement, sur ce point précis, n'a pas suivi l'avis du Conseil des
universités. Deuxièmement, déjà, dans sa demande
d'avis au Conseil des universités, le ministre faisait état de
cette somme de 6 000 000 $ qui serait ajoutée pour le financement des
clientèles additionnelles, surtout dans le secteur des disciplines
à caractère technologique. Le Conseil des université a
examiné l'affaire. Il aurait mieux aimé que cette subvention
fût appliquée pour le financement de l'ensemble des
clientèles additionnelles, mais il conclut qu'après enquête
les clientèles additionnelles viendront surtout s'ajouter aux effectifs
des étudiants universitaires dans les secteurs de pointe qui ont
été prévus. Par conséquent, je pense qu'il n'y a
pas de problème majeur de ce côté. Mais c'était
déjà là et on ne peut jouer avec les chiffres comme cela,
M. le ministre. Les 19 800 000 $ sont mentionnés en bonne et due forme
dans vos propres documents et on ne peut faire des additions. Vous pouvez les
faire quand vous voulez vous réconforter, mais je pense qu'ici on est
mieux de prendre les données comme elles nous sont
présentées.
Le Conseil des universités avait fait une recommandation pour que
cette compression additionnelle de 20 000 000 $ soit plutôt
réservée pour un budget spécial qui aurait servi à
inciter des institutions universitaires à des mises en commun
susceptibles de conduire à des économies à long terme,
à une meilleure concentration de ressources dans des domaines où
il faut absolument de la concentration pour avoir une meilleure qualité
de recherche, une meilleure chance de se qualifier pour des programmes de
financement de recherche plus grands. Je dois constater que l'avis du Conseil
des universités n'a pas été suivi. Il m'a semblé
que le moins qu'on aurait pu faire à l'endroit de cet organisme
établi et financé pour donner des avis au gouvernement, c'aurait
été de dire pourquoi a-t-on décidé de ne pas
s'occuper de son avis. On formule toute la politique comme s'il n'avait
même jamais parlé. Cela me semble un peu fort. C'est un premier
point: j'aimerais savoir pourquoi on n'a pas suivi l'avis du Conseil des
universités sur ce point précis.
Deuxièmement, je crois comprendre que, dans les subventions de
fonctionnement totales, qui sont d'environ 863 000 000 $ pour la prochaine
année, il y a un montant de 25 000 000 $ qui découle de la loi
70. Vous en avez pris un pour l'année 1982-1983, c'est mentionné
dans les chiffres que vous nous avez donnés. Est-ce que ce montant de
863 000 000 $ comprend les 25 000 000 $ qui viendront s'ajouter parce que les
dates d'expiration des conventions collectives n'étaient pas les
mêmes dans le secteur universitaire que dans le secteur de l'enseignement
public? Est-ce que cela est compris là-dedans? Est-ce que les 25 000 000
$ ont été comptés?
M. Laurin: Je vais laisser à M. Girard le temps de voir
s'il ne pourrait pas trouver la réponse exacte à votre question.
Pendant qu'il cherche...
M. Ryan: Je vais continuer mes questions, M. le ministre. J'en ai
quelques-unes à compléter, si vous me le permettez.
M. Laurin: D'accord.
M. Ryan: Je constate, en regardant les crédits, que les
sommes prévues pour le service de la dette connaissent une augmentation
spectaculaire. Elles étaient de 61 000 000 $ en 1982-1983; je ne connais
pas le chiffre réel de 1982-1983, c'étaient les prévisions
budgétaires. Est-ce que les experts auraient le chiffre réel pour
1982-1983 des dépenses probables pour le service de la dette? Il
faudrait presque l'avoir avant que je parle parce que je peux dire des
folies.
M. Laurin: Pour ce qui est des 25 000 000 $, si cela peut vous
aider, oui, il est soustrait.
M. Ryan: Oui, cela peut disposer de ce problème-là.
Il est soustrait. En conséquence, il est compris là-dedans. Cela
va. S'il est compris là-dedans, cela répond à ma question
sur ce point-là. Sur le service de la dette, pendant qu'on fait les
recherches, je vais formuler ma question. Je constate que nous avons ici une
augmentation spectaculaire de 29,4% au service de la dette, alors que dans les
autres secteurs, au primaire-secondaire, l'augmentation du service de la dette
n'est que de 3,77% et, au collégial, de 2,2%. Quelles seront les
dépenses probables de subventions pour 1982-1983? Les prévisions
étaient de 848 000 000 $. Quelles seront les
dépenses probables? On l'avait dans le tableau qui a
été remis ce matin, mais le mien est un peu loin.
M. Laurin: Quant aux dépenses probables, on peut se
référer au tableau général, à la section
générale des crédits à la page... Pour ce qui est
des crédits, la dépense inscrite au livre des crédits au
titre de l'enseignement universitaire est de 999 000 000 $. C'est le chiffre
à partir duquel découlent tous les autres. C'est la
dépense totale prévue au titre du réseau universitaire. Si
on le convertit en année scolaire, étant donné que
l'année universitaire ne correspond pas à l'année
gouvernementale, les subventions prévues pour 1983-1984 sont de l'ordre
de 864 778 000 $.
M. Ryan: Ce que je vous demandais...
M. Laurin: Pour le service de la dette, c'est un montant de 60
000 000 $.
M. Ryan: Pardon?
M. Laurin: Pour le service de la dette 1982-1983...
M. Ryan: Oui, c'est cela.
M. Laurin: 60 000 000 $ probables. (16 h 45)
M. Ryan: 60 000 000 $. Il n'y a donc pas une grosse variation.
Cela veut dire que l'augmentation réelle est un peu plus
élevée que 29,4%. On peut dire 30% et on ne se trompe pas. La
question que soulève ceci, c'est qu'une grosse partie de l'accroissement
relatif des subventions accordées aux universités pour
l'année 1983-1984 ira pour le financement du service de la dette. On
donne beaucoup plus de ce côté-là que pour les autres.
Comment expliquer la part beaucoup plus considérable qui va au service
de la dette sur le budget de 1 000 000 000 $ que la part pour le même
service dans le secteur de l'enseignement collégial et dans le secteur
de l'enseignement primaire et secondaire?
Je remarque, dans une des observations qui sont faites un peu plus loin
dans le document du gouvernement, que le gouvernement entend se mêler
beaucoup plus du déroulement des négociations collectives dans le
secteur des universités. On lit, à la page 17 du document
gouvernemental, la chose suivante: Le gouvernement "entend consolider les
actions entreprises en 1982-1983 et terminer le dossier relatif à la loi
70". On continue. On parle de différents facteurs que nous essaierons de
surveiller de plus près. On dit, au chapitre des intentions, qu'on
entend "analyser les principaux mandats de négociation concernant les
professeurs, suivre l'évolution de chacune de ces négociations et
réagir le cas échéant."
J'aimerais qu'on nous donne des précisions sur ce qu'on entend
faire exactement. Est-ce que cela nous conduira vers une mise en tutelle des
universités dans le domaine de la négociation collective, comme
cela s'est produit pour les commissions scolaires, à toutes fins utiles,
et pour les collèges? Est-ce que le gouvernement annonce, par ce passage
sibyllin, une politique beaucoup plus fortement interventionniste et dirigiste
que celle qu'on a connue dans le passé?
À la même page 17, il y a un passage qui m'a
intrigué. On dit: Le gouvernement "entend développer, le cas
échéant, un programme incitatif d'attrition et de mobilité
interinstitutionnelle auquel seraient associées les universités".
Quand on parle d'un programme d'attrition, cela veut dire qu'on veut aller vers
une réduction encore plus grande des effectifs, si je comprends bien. Le
mot "attrition", comme je l'ai compris depuis toujours, veut dire que, si un
poste devient vacant, on ne le comblera pas. Est-ce que cela veut dire que le
gouvernement estimerait qu'on aurait déjà trop de postes
d'enseignants dans les universités, alors que le Conseil des
universités signale un déficit relatif d'environ 1500 postes
à temps régulier? Qu'est-ce que signifie, cette indication
d'intention à page 17?
Le Conseil des universités - je termine par ceci - signale qu'il
y a des problèmes réels - j'en ai moi-même parlé
dans l'intervention que j'ai faite mardi - en ce qui touche le financement des
universités. On ne s'entend peut-être pas sur le diagnostic, mais
on s'entend sur l'existence de problèmes qui doivent être
examinés. Le Conseil des universités, en ce qui regarde la
politique de financement des universités, a suggéré un
certain nombre de pistes de recherche au gouvernement. Par exemple, il dit: II
faudrait entreprendre un émondage des activités du premier cycle.
Il faudrait viser à réaliser l'élimination de tous les
phénomènes de dédoublement avec les cégeps que l'on
peut observer. Il faut mettre davantage l'accent sur l'engagement de
professeurs réguliers, le développement des études de
deuxième et troisième cycles, la planification plus rigoureuse de
la recherche, des mises en commun plus substantielles de ressources, des
mesures incitatives en vue de favoriser les regroupements et le
redéploiement. Ce qu'on constate en lisant cette partie du document,
c'est qu'il n'y a pas encore de politique du gouvernement dans ces choses. Il
n'y a, du moins, pas de politique explicitée dont on puisse observer
l'existence. J"aimerais que le ministre nous dise comment il réagit aux
propositions que lui a faites le Conseil des universités et comment il
entend y donner suite?
Finalement, en ce qui concerne le financement des clientèles
additionnelles, j'aurais une dernière question. Le ministre et le
sous-ministre ont répondu tantôt, mais j'aimerais que cela soit
bien clair. On a une somme de 6 000 000 $, cette année, qui ira pour le
financement des clientèles additionnelles dans un certain nombre de
disciplines. Cela ne règle pas le problème de fond. On a dit
qu'il y avait des études en cours. Quand on lit les écrits du
gouvernement, à certains passages, on a l'impression qu'il ne se fera
rien; à d'autres endroits, on a l'impression qu'il se fera des
choses.
Dans le discours du ministre, on disait qu'un travail allait se
réaliser. Je ne sais pas comment on disait cela. Je l'ai ici. On signale
différentes mesures et on dit: "Toutes ces mesures posent les jalons
d'une refonte en profondeur, des méthodes actuelles de financement que
nous continuerons de mettre au point en concertation avec les
universités."
À la page 57 de la dernière partie du cahier explicatif
des crédits budgétaires, je trouve la note suivante sous le titre
Orientation 1983-1984: "N'ayant pas l'intention d'apporter de changements
drastiques à la méthode générale de calcul des
subventions de fonctionnement aux universités, la direction poursuivra
cependant ses travaux en vue de modifier la méthode de financement des
clientèles, tout en tenant compte de la subvention additionnelle de 6
000 000 $." J'aimerais bien savoir si c'est la direction ou le ministre qui
dirige là-dedans et si les propos du ministre qui laissent entrevoir
beaucoup plus sont des propos futuristes et si on doit s'en tenir pour la
prochaine année à ce qui est dit dans le cahier budgétaire
à la page 57.
M. Laurin: Ce que M. le député d'Argenteuil oublie
toujours, c'est que les universités sont largement autonomes dans leur
champ. C'est là une tradition au Québec que nous avons toujours
voulu respecter jusqu'ici. La conclusion est que les universités ont une
très large marge de manoeuvre dans leur action aussi bien quotidienne
que planificatrice.
Il est vrai que j'ai annoncé que nous préparions une
méthode de financement très différente de celle que nous
avions. Je viens, justement, d'en parler. Avant que nous puissions l'appliquer
intégralement, il faut passer par certaines étapes du fait,
justement, que nous voulons respecter l'autonomie des universités. Lors
des rencontres régulières que nous avons eues avec la CREPUQ, la
Conférence des recteurs et principaux des universités du
Québec, nous leur avons annoncé notre intention de
procéder à l'établissement de cette nouvelle
méthode de financement. Nous avons recueilli leurs avis à cet
égard. Nous avons commencé à appliquer quelque peu cette
méthode au cours de la présente année. Nous en
établirons un autre morceau avec l'année 1983-1984.
Il reste qu'avant que cette méthode puisse s'appliquer
intégralement il faut que nous la soumettions d'abord à la
consultation, au Conseil des universités qui nous fera tenir un avis
formel à cet égard. Ensuite, il faut que nous procédions
à une consultation en bonne et due forme avec les universités. Ce
n'est qu'après ces deux étapes que nous pourrons appliquer
intégralement les nouvelles méthodes de financement. Entre-temps,
nous poursuivons, comme je viens de le dire, notre étude des
implications de cette nouvelle formule basée sur les coûts
disciplinaires moyens de chacune des disciplines et de chacun des secteurs pour
chacun des cycles.
C'est donc vrai que nous allons changer d'une façon substantielle
les bases de financement des universités, mais dans le respect de nos
interlocuteurs et dans le respect des traditions qui sont celles de notre
système. Ceci m'amène à dire que les avis du Conseil des
universités sont toujours examinés avec beaucoup de soin. Comme
ils sont très étoffés, il nous faut quand même un
certain temps pour les examiner. Il peut arriver aussi que nous soyons tout
à fait d'accord sur les constatations et même sur les
remèdes qui sont suggérés. Avant d'appliquer des
remèdes, étant donné que c'est nous qui avons la
responsabilité des appropriations budgétaires, et pour la mission
éducative et pour les autres et qu'il nous faut respecter un
équilibre dans les allocations consenties aux diverses missions, il faut
tenir compte de cet équilibre et également de la capacité
de payer. Lorsque parfois nous sommes obligés de ne pas suivre l'une ou
l'autre des recommandations du conseil, c'est souvent à notre corps
défendant. Nous aimerions pouvoir les suivre, mais, comme elles
dépassent la capacité de payer du gouvernement, nous sommes
obligés de retarder l'application des solutions qu'il nous recommande ou
encore de les rejeter parce qu'elles ne nous apparaissent pas possibles en
regard de notre capacité de payer.
Quant au dernier avis dont vient de parler le député
d'Argenteuil, lorsqu'il nous recommande d'émonder les activités
de premier cycle, d'éviter les dédoublements, de favoriser les
études de deuxième et de troisième cycles, de regrouper
nos ressources, de redéployer nos ressources - j'en ai parlé
moi-même il y a deux ans dans l'exposé d'orientation que je
faisais à l'université de Montréal - le Conseil des
universités, d'une certaine façon, reprend les idées que
j'exprimais alors, mais en les étoffant davantage, comme il se doit, en
en montrant non seulement l'utilité et l'opportunité, mais
également les résultats positifs que nous pourrions
escompter en les mettant en application. Je dois dire qu'il y a une convergence
de vues totale entre le Conseil des universités et le ministère
à cet égard.
En ce qui concerne les négociations collectives, là aussi,
nous entendons bien respecter au plus haut point la liberté, l'autonomie
complète des universités en la matière. Mais personne ne
nous reprochera de nous intéresser de très près à
ce qui se passe dans les universités à cet égard, surtout
quand nous venons de dire qu'étant donné la récession
économique que nous vivons il nous faut rationaliser, il nous faut
rentabiliser ces enveloppes le mieux possible.
Donc, nous suivons cela de très près. Nous en parlons lors
des rencontres régulières que nous avons avec la
Conférence des recteurs. La Conférence des recteurs a mis sur
pied elle-même un comité conjoint qui regroupe toutes les
universités et où le ministère est présent à
titre d'observateur. Évidemment, sur la base des études que fera
ce comité conjoint, chacune des universités, dans la
négociation qu'elle mènera avec ses professeurs, avec ses
employés de soutien, établira ses propres objectifs, ses propres
stratégies.
Ce que nous pouvons dire, cependant, c'est qu'elles devront tenir compte
des intentions qu'a manifestées le ministère en ce qui concerne
les appropriations budgétaires à venir. Nous connaissons, quand
même, assez bien le montant des ressources que nous pourrons mettre
à la disposition des universités. C'est en fonction de ces
informations que nous leur soumettons que les universités
établiront, je crois - en tout cas, il est normal de penser qu'il en
sera ainsi - leurs objectifs et leurs stratégies. Il ne s'agit
aucunement d'interventionnisme ou de dirigisme indu. Il est encore beaucoup
moins question de mise en tutelle éventuelle. C'est simplement un
échange d'informations, un échange de bons procédés
et, en même temps, une mise en commun de nos informations et une mise en
collégialité des rôles respectifs que nous avons pour
régler ces problèmes difficiles que constituent les conventions
collectives.
Quant à l'attrition, là aussi, il ne s'agit pas de
dirigisme ni d'interventionnisme, mais nous savons que, dans cet effort de
rationalisation que mènent actuellement les universités, il peut
arriver que, du fait qu'on redéploie des programmes, qu'on ferme
certaines options, qu'on en ouvre de nouvelles, le problème de la
relocalisation de certaines personnes se pose. Vous avez bien dit
vous-même qu'il s'agissait non seulement d'attrition, mais de
mobilité intersectorielle ou interdépartementale. C'est pour
faciliter ce mouvement ou ces stratégies que nous mettons à la
disposition des universités les quelques informations que nous pouvons
posséder en ce sens et même les quelques idées ou opinions
que nous pouvons entretenir. Donc, loin de confiner à
l'interventionnisme ou au dirigisme, c'est plutôt une concertation
beaucoup plus organique qu'auparavant, beaucoup plus féconde aussi
qu'auparavant qui est en train de s'instaurer et de s'étoffer entre les
universités et le ministère.
Quant aux 6 000 000 $ pour le financement des clientèles
additionnelles dans le champ de la haute technologie, j'ai dit qu'elles
seraient financées à 100%, contrairement à la
méthode que nous avons pour financer les nouvelles clientèles
dans tous les champs, c'est-à-dire à 75%, quitte à ce
qu'à même l'enveloppe qui leur est consentie les
universités financent les 25% additionnels. Dans les champs de haute
technologie que nous avons choisis, nous finançons cette fois à
100% les nouvelles clientèles. Je ne me rappelle plus les disciplines
qui ont été choisies, mais elles se situent, je crois, dans les
champs de l'informatique, de l'électronique et dans certains secteurs
spécialisés de l'ingénierie.
M. Ryan: Sur la dette?
M. Laurin: Sur la dette, M. le Président, la
réponse est assez simple. Le pourcentage varie d'un réseau
à l'autre suivant les années, selon la venue à
échéance des émissions d'obligations qui ont
été faites pour financer le budget des investissements. Or, il
arrive cette année que nous en avons une proportion plus grande dans le
réseau universitaire. Il pourrait arriver que ce soit le cas des
commissions scolaires l'an prochain, ou des cégeps, une autre
année. (17 heures)
Par ailleurs, j'ajouterai là-dessus que nous sommes en train de
nous donner une politique pour amortir la dette sur une période plus
courte et que, étant donné la venue à
échéance de nombreuses émissions d'obligations dans le
réseau universitaire cette année, nous en avons profité
pour le faire.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir un tableau,
peut-être pas aujourd'hui, mais ces jours prochains, sur les sommes qui
ont été consacrées à ce poste, disons au cours des
trois dernières années pour chacun des réseaux, y compris
l'année 1983?
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. Est-ce que le ministre de
l'Éducation a anticipé l'impact de la loi 15 sur les
universités? Je suis un
peu au courant de la situation à l'université McGill. Je
ne sais pas ce qui se passe dans les autres universités. Mais je sais
d'abord que les règlements, qui découlent de la loi, ne sont pas
encore émis. L'université essaie d'anticiper un peu l'impact.
Elle sait qu'il y aura un coût additionnel à cause de la loi 15,
un coût que les universités ont signalé au gouvernement, au
cours des auditions sur la loi 15. Je suis sûre que l'impact sera assez
important dans toutes les universités.
M. Laurin: La loi 15 constitue, certes, un progrès pour
des personnes, que ce soit le personnel de soutien ou le personnel professoral,
qui, en pleine forme à l'âge de 60 ans, se sentent absolument
capables de continuer leurs activités. Donc, je pense que cette loi est
excellente et qu'elle a apporté satisfaction et soulagement à un
bon nombre de personnes qui, justement, avaient le droit de pouvoir continuer
à travailler alors qu'elles s'en sentaient capables.
Mais, comme pour toute loi, il peut y avoir certains effets
contraignants. En particulier dans le domaine universitaire ou même dans
le domaine scolaire en général, un des inconvénients est
que cela peut maintenir au travail, durant plus de temps que prévu, en
tout cas qu'on ne le prévoyait antérieurement, un certain nombre
d'employés et cela peut rendre plus difficile l'embauche de nouveaux
employés, peut rendre plus difficle la préparation d'une
relève. Sur le plan professoral, ceci peut s'avérer
particulièrement névralgique.
Nous nous sommes entretenus de ce problème lors des rencontres
régulières que nous avons eues avec la Conférence des
recteurs. Nous avons envisagé s'il n'était pas possible
d'apporter, par loi, certains amendements afin de prévoir le cas
particulier des effectifs professoraux de façon à favoriser la
relève et l'embauche. Il semble que nos discussions n'ont pas encore
abouti. Nous sommes en train d'examiner quelques hypothèses et,
lorsqu'un certain accord se sera manifesté entre nous sur l'une ou
l'autre de ces hypothèses, qui paraîtrait la meilleure, je me suis
engagé à la présenter au gouvernement, au président
du Conseil du trésor en particulier et au ministre
délégué aux Relations avec les citoyens, qui était
plus particulièrement responsable de cette loi. Mais nous n'avons pas
encore abouti à une hypothèse que je m'estime capable de
présenter à mes collègues pour qu'ils puissent la trouver
suffisamment intéressante pour qu'elle fasse l'objet d'une
législation.
Mais, effectivement, c'est un sujet qui nous préoccupe. Nous
cherchons tous ensemble la nature des amendements qu'il nous faudrait
présenter à cette loi. Je dois avouer que nous continuons nos
recherches pour le moment.
Mme Dougherty: Oui, mais il ne s'agit pas nécessairement
des amendements. Ce qui me préoccupe, c'est le coût. Est-ce que le
gouvernement est préparé à assumer le coût
impliqué? Déjà, pour l'année qui vient, il y aura
un coût supplémentaire qui résultera de cette loi.
M. Laurin: C'est-à-dire qu'il y a bien des façons
de calculer ce coût. Si l'on estime qu'un professeur, par exemple, qui
aurait quitté la carrière aurait été
remplacé par un autre plus jeune, il y aurait peut-être eu
là une économie que nous ne pouvons pas faire, étant
donné que nous devons continuer à payer un professeur qui a
trente années de carrière et qui est sûrement mieux
rémunéré qu'un professeur qui commence la
carrière.
Je ne peux pas dire que les universités nous ont fourni les
informations qui nous permettraient de calculer d'une façon le
moindrement exacte ces coûts, mais je retiens la demande de la
députée et j'essaierai d'inciter les universités à
nous procurer les informations qui nous permettront d'établir ces
coûts.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Sur la clientèle additionnelle qu'on va
subventionner, vous allez subventionner d'abord cette clientèle à
100%, mais, dans les secteurs du génie et de "computer science",
surtout, il y a une infrastructure qui manque quelquefois. Pour recevoir une
clientèle augmentée dans certains secteurs, en génie, par
exemple, il faut un élargissement de l'infrastructure. Les laboratoires,
par exemple. Avez-vous pris ce problème en considération en
encourageant une industrie? J'appuie votre désir, mais avez-vous pris en
considération la réalité et les restrictions qui existent
dans l'infrastructure même?
M. Laurin: Oui, je comprends bien la question de la
députée. Cette question du financement des infrastructures
ressortit à un autre poste du budget. Nous finançons, de la
façon que je viens de le dire, les nouvelles clientèles
additionnelles. Quant aux infrastructures, nous les finançons par un
programme d'immobilisation, de réparation, d'agrandissement, et cela
vient à un autre poste du budget. Comme on l'a dit au cours des
séances précédentes, les universités peuvent
compter tout de même sur un budget d'investissement ou d'immobilisation
assez considérable. Je ne sais pas si cela sera suffisant pour
satisfaire à toutes les clientèles additionnelles, mais
j'espère en tout cas qu'une certaine adéquation pourra être
trouvée entre les immobilisations, les réparations et les
agrandissements, d'une
part, et, deuxièmement, ces clientèles additionnelles que
nous comptons. Les secteurs qui feront l'objet d'un financement additionnel
sont les suivants, d'une façon très exacte: Au premier cycle, ce
sont les sciences pures, les sciences appliquées et les sciences de
l'administration. Aux deuxième et troisième cycles s'ajouteront
à ces secteurs les sciences humaines et le droit.
Mme Dougherty: D'accord. Dans les priorités que vous avez
citées à la page 6 pour ces clientèles additionnelles,
vous avez exempté les sciences de l'éducation, les beaux-arts et
les sciences de la santé. Pourquoi avez vous exempté les sciences
de la santé? Est-ce que c'est de la médecine dont vous parlez?
Quelles sont les sciences de la santé exemptées?
M. Laurin: Pour la bonne et simple raison que, pour ce qui est du
secteur des sciences de la santé, le Québec est nettement en
avance sur toutes les autres provinces. Le nombre de diplômés dans
ce secteur est de 33% plus élevé que pour l'ensemble canadien.
Donc, il nous a semblé que l'effort avait été fait dans ce
secteur et qu'il fallait concentrer nos énergies dans des secteurs
où nous avons moins d'étudiants et où nous sommes plus
déficitaires.
Mme Dougherty: Quelles sont les sciences de la santé dont
vous parlez?
M. Laurin: Sciences de la santé: médecine,
médecine dentaire et les autres disciplines reliées directement
aux sciences de la santé. Je pourrais en faire
l'énumération. Celles qui me viennent à l'esprit sont la
pharmacie, la médecine, la médecine dentaire, les sciences
infirmières, l'optométrie...
Mme Dougherty: En même temps, à l'étude des
crédits aux Affaires sociales, on a parlé du manque
d'anesthésistes...
M. Laurin: ...coming back.
Fonds pour la formation de chercheurs et action
concertée
Mme Dougherty: ...are coming back, O.K.
Pour la recherche, on parle de politique de la recherche, on
étudie encore la politique du ministère sur la recherche
scientifique. À la page 9, sur les universités, on dit que le
ministère a élaboré les premiers éléments
d'une politique de la recherche universitaire, etc. On a parlé de ces
politiques - je crois que le livre blanc a été publié en
1979...
M. Laurin: En 1980.
Mme Dougherty: "Le projet collectif" -parce que j'ai lu quelques
réactions datées de 1979...
M. Laurin: C'est parce qu'il y a eu deux livres. Il y a eu un
livre vert qui a été soumis à la consultation et, ensuite,
un livre blanc qui s'intitulait "Le projet collectif".
Mme Dougherty: Ah! D'accord. Je me demande pourquoi on
étudie cela d'une année à l'autre, parce qu'il y a toutes
sortes d'avis qui viennent des écoles polytechniques, des
universités et de partout. Je crois qu'une politique de la recherche
scientifique est urgente et que c'est impossible de planifier parfaitement le
développement scientifique. C'est effectivement une contradiction de
termes. On a besoin d'une stratégie qui favorise les conditions pour
laisser développer l'esprit créateur et c'est tout ce dont on a
besoin. Nous avons besoin d'une politique globale qui touche la
fiscalité du Québec, le climat social, l'ouverture au monde, et
d'un engagement du gouvernement d'appuyer moralement et financièrement,
selon ses ressources. Je crois que le délai est peut-être
attribuable à une tendance du ministère de l'Éducation et
du gouvernement en général à essayer de tout planifier et
de tout gérer. Je veux seulement souligner l'urgence d'un tel engagement
de la part du gouvernement.
On parle beaucoup des priorités du Québec, du
gouvernement, quand il s'agit des fonds pour la FCAC. On parle des
critères de distribution des fonds selon les priorités du
gouvernement. J'ai lu toutes sortes de documents sur les fonds de la FCAC et il
n'est pas du tout clair qu'il y a des priorités. On parle du virage
technologique, on parle du génie, des technologies de pointe; on
mêle un peu le concept de la recherche libre et celui de la recherche
appliquée. Est-ce qu'il y a des priorités claires et quels sont
les critères vraiment? Il y a quelques experts qui se demandent si le
gouvernement doit avoir des priorités. Est-ce qu'on peut mettre l'accent
uniquement sur la qualité et laisser le choix des priorités aux
recherchistes? Mais cette question de priorité est vague; que pense le
ministre à ce sujet? (17 h 15)
Encore une question sur les fonds de la FCAC. Est-ce qu'il y a une vraie
concertation entre les différents fonds de recherche du gouvernement? Il
me semble qu'il y a une zone très grise entre les fonds de recherche
distribués par le MAS et ceux du ministère de l'Éducation.
Est-ce qu'il y a des recherchistes qui sont entre les deux fonds? Il y a aussi
les fonds distribués par le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, les fonds distribués par le
ministère de l'Énergie et des Ressources. Il y a toute une gamme
de fonds. Il me semble
qu'il est grand temps d'avoir une meilleure coordination entre tous ces
fonds. S'il y a des priorités et s'il y a un manque de ressources, il
faut faire des choix. On devrait peut-être coordonner tous ces fonds un
peu mieux qu'à l'heure actuelle.
M. Laurin: La députée a raison de souligner qu'il
est impossible de planifier d'une façon intégrale et parfaite le
développement de la recherche, surtout dans le sens du
développement technologique. Par exemple, on sait que la plus grande
partie de la recherche actuellement au Québec se fait dans les
universités. Dans les universités, la recherche est
nécessaire, non pas simplement pour développer les
priorités gouvernementales, mais pour remplir la mission
éducative et culturelle propre de l'université, par exemple, pour
renouveler l'enseignement, stimuler l'élève. Un professeur qui ne
fait pas de recherche voit très bientôt se scléroser son
enseignement; son enseignement est de moindre valeur et l'étudiant y
consacre beaucoup moins d'intérêt. La recherche est donc
nécessaire pour la vitalisation même de l'enseignement. La
recherche doit donc être générale, dans tous les secteurs,
dans toutes les disciplines, justement parce qu'elle doit revitaliser tout
l'enseignement. C'est là aussi dire qu'on ne peut pas simplement
s'occuper de la recherche appliquée ou de la recherche orientée,
mais il faut s'occuper également de la recherche pure, de la recherche
fondamentale. D'ailleurs, les applications viennent souvent plus tard. On peut
découvrir un principe et ce n'est que plus tard qu'on en trouve
l'application.
Pour toutes ces raisons, il importe -nous l'avons dit à plusieurs
reprises - que, dans les universités, la recherche soit conçue en
fonction de l'éducation, en fonction de la formation, en fonction de la
finalité propre de l'université. Il arrive cependant que
certaines des recherches qui sont faites à l'université,
particulièrement dans certaines disciplines comme les sciences
économiques, les sciences administratives, les sciences du génie,
ont une portée pratique plus immédiate dont peuvent
bénéficier les entreprises par le biais du transfert
technologique des facultés ou des disciplines à des centres de
recherche comme le Centre de recherche industrielle, ou à certaines
entreprises qui ont besoin elles aussi de renouveler par la recherche leurs
procédés et leurs processus de fabrication. Il y a donc une
utilité pour les universités de développer
également la recherche appliquée et pour les entreprises de
connaître cette recherche et de pouvoir effectuer le rapport, le lien
entre cette recherche orientée et leurs propres activités
centrées sur le profit.
C'est en ce sens qu'il est absolument impossible - je suis d'accord avec
la députée de planifier d'une façon parfaite le
développement de la recherche. Il importe cependant de la favoriser par
tous les moyens. C'est le sens des efforts, aussi bien fédéraux
que provinciaux, au cours des dernières années. Je ne sais pas
pendant combien d'années la commission Lamontagne a étudié
ce problème-là, mais je sais qu'on y a consacré plusieurs
années. De la même façon, ici, c'est depuis cinq ou six ans
que nous consacrons d'énormes études et beaucoup de temps
à la préparation d'une politique de la recherche qui doit
être, encore une fois, polyvalente et qui aurait comme objectif de
favoriser de toutes les façons l'accessibilité aux
activités de recherche, l'amélioration de la recherche et le
subventionnement de la recherche. On y arrive par une meilleure organisation
interne des universités, la répartition du temps entre la
fonction recherche et la fonction enseignement. Cela n'est pas facile. Les
universités ont beaucoup de difficultés à y arriver. Nous
y arrivons également en établissant des objectifs, des
priorités. Sur le plan gouvernemental, le virage technologique l'a fait,
nous l'avons fait dans "Le projet collectif". Nous procédons ensuite
à la mise à la disposition de certaines universités de
fonds dont les universités peuvent profiter par le biais de leurs
chercheurs, qui font des demandes qui peuvent être honorées ou
satisfaites plus facilement dans certains domaines que dans d'autres. Il y a
plus d'argent consacré, par exemple, à certains volets, à
certains des éléments du fonds FCAC qu'il y en a dans d'autres.
C'est de cette façon indirecte que nous entendons favoriser les
priorités de recherche gouvernementale que nous avons établies.
C'est sur ce plan que le fonds FCAC travaille.
Les critères sont des critères d'excellence, encore une
fois. En plus d'avoir fait des choix sur le plan gouvernemental, nous disons
aux universités: Si vous voulez maintenant profiter de ces fonds, il
faut que les demandes soient faites par des équipes qui ont l'expertise
et l'expérience nécessaires. Au nom de l'excellence, nous
attribuons, parmi ceux qui nous font des demandes, les fonds à ceux qui
paraissent avoir la meilleure expérience ou la meilleure expertise. M.
Girard pourra compléter là-dessus tout à l'heure.
En ce qui concerne, maintenant, la concertation, il n'y a pas de
concertation institutionnelle entre le CRSQ, le Conseil de la recherche en
santé du Québec, et le FCAC. Mais, même s'il n'y a pas de
concertation institutionnelle, il est certain, cependant, que les directeurs de
ces centres se rencontrent régulièrement et se communiquent
toutes les informations. D'ailleurs, on n'a pas beaucoup le choix de faire
autrement parce que, bien souvent, un
chercheur fait une demande à l'un des fonds et, se voyant
refusé à ce fonds, fait une demande à l'autre fonds. Nous
sommes donc obligés d'échanger nos informations.
Maintenant, il y aura un autre agent qui suscitera et peut-être
même institutionnalisera cette concertation; c'est le ministère
délégué à la Science et à la Technologie qui
a reçu comme mission - en plus de toutes les autres - de faciliter cette
coordination entre tous les efforts de recherche qui se font au Québec.
Donc, je pense qu'on peut dire que la concertation existe, mais qu'elle est
destinée à s'accroître au cours des années qui
viennent.
La fiscalité, également, constitue un autre moyen
important. J'ai souvent l'occasion de m'entretenir avec le ministre des
Finances. On peut certes favoriser la recherche en exemptant, par exemple,
d'impôt ceux qui auraient le désir de contribuer au fonds de
recherche du Québec. Je ne sais pas s'il m'écoutera, mais
j'attends avec hâte, à cet égard, le prochain discours sur
le budget.
Mme Lavoie-Roux: On va vous souhaiter bonne chance.
M. Laurin: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: On va vous souhaiter bonne chance.
M. Laurin: En ce qui concerne les chiffres que vous m'avez
demandés sur la répartition des fonds, je vais demander à
M. Girard de vous en citer quelques-uns.
Pour ce qui est...
Mme Dougherty: Avant d'entendre M. Girard, M. le ministre, quand
aurons-nous cette fameuse politique de recherche scientifique dans les
universités? Parce qu'on en parle depuis des années.
M. Laurin: Nous avons fait notre part, notre bout de chemin, en
publiant d'abord un livre vert et ensuite un livre blanc. Le gouvernement vient
de faire un autre bout de chemin en nommant un ministre dont la fonction
spéciale sera de voir à la coordination de tous les efforts de
recherche et à la stimulation de tous ces efforts. Mais il reste que,
étant donné ce que je disais tout à l'heure quant au
respect que nous avons pour l'autonomie des universités et pour la
liberté universitaire, chaque université doit élaborer
elle-même son propre programme de recherche, sa propre politique de
recherche. Je sais que plusieurs universités le font et nous constatons
des progrès considérables d'année en année. Par
exemple, quand on regarde l'effort consacré à la recherche par
une université comme Laval en 1982-1983 par rapport à ce qui se
faisait il y a cinq ans, les progrès sont considérables. À
l'Université de Montréal, c'est la même chose. Maintenant,
elle s'est presque haussée au niveau de l'Université de Toronto
et de l'Université McGill qui sont les pionnières et les
championnes en ce domaine. Je suis très satisfait, pour ma part, des
progrès de l'Université de Montréal. On constate
même, dans le réseau de l'Université du Québec, un
accroissement marqué, à chaque année, de l'effort de
recherche, même dans des universités qui sont assez jeunes.
Bientôt, on le constatera dans les cégeps avec les centres
spécialisés, j'en suis sûr.
Mais, encore une fois, il revient à chaque université
d'élaborer sa propre politique de recherche en profitant de ce que le
gouvernement a déjà fait, les gouvernements provincial et
fédéral, des nouvelles politiques qui sont mises en vigueur, en
tentant de les utiliser le mieux possible pour le développement de son
propre programme de recherche en même temps que pour
l'amélioration de la qualité de l'éducation
qu'amène immanquablement et inévitablement un effort accru en
recherche.
La politique globale de la recherche peut prendre plusieurs
années avant de s'élaborer de façon concrète et de
façon globale et exhaustive, comme vous le disiez. Tout d'abord, je
pense qu'il nous faut tenir compte de l'impact des subventions du gouvernement
fédéral dans le domaine de la recherche. C'est pourquoi le
ministre de l'Éducation a demandé un avis au Conseil des
universités sur l'impact des interventions fédérales. Le
Conseil des universités a de fait produit un avis, cet avis est
actuellement en consultation auprès des universités et, à
partir des différentes réponses venant des universités,
nous posséderons des éléments plus déterminants qui
nous permettront d'avancer plus avant.
Je voudrais dire qu'en attendant cette politique globale, chaque
année, le ministre de l'Éducation émet des orientations et
des directives à l'égard du fonds FCAC. Jusqu'à
maintenant, la politique générale a été de
préserver, à l'intérieur du fonds FCAC, la priorité
accordée à la recherche libre, puisque 94% des fonds
accordés par le fonds FCAC vont à la recherche libre et 6% vont
aux actions orientées.
Par ailleurs, il y a un nouveau volet dans le cadre du programme FCAC
qui est destiné aux collèges et qui est plus nettement
orienté vers les centres spécialisés et vers la
technologie de pointe. J'ajouterai également qu'on revoit en profondeur
- le conseil le fait également et le fonds FCAC -l'existence de
différents centres de recherche, la complémentarité qu'ils
peuvent avoir les uns par rapport aux autres et la nécessité d'en
regrouper certains. Par exemple, à titre d'hypothèse, il y a
la
possibilité d'avoir un centre de recherche sur l'informatique
dans la région de Montréal qui regrouperait, entre autres, les
ressources de Concordia, de l'Université de Montréal et de
l'Université McGill.
Également, un volet qui me semble particulièrement
important, c'est celui des actions structurantes, porteuses d'avenir, et il y
en a trois actuellement qui existent et qui se développent: une
première au niveau des biotechnologies, une deuxième au niveau de
la micro-électronique et une troisième plus globale au niveau de
l'informatique.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'ai quelques questions très
concrètes, M. le Président. Ce ne sera pas long. La
première touche la responsabilité qu'assume maintenant le
ministère de l'Éducation en ce qui touche le contingentement des
internes et des résidents. Ma question très concrète
touche les résidents en anesthésie. On sait qu'il y a un
problème aigu, on parle d'un manque d'anesthésistes, d'une
centaine d'anesthé-sistes. Je ne me chicanerai pas à savoir si
c'est moins ou plus, mais le nombre de postes que vous avez autorisés
cette année, si je ne m'abuse, est de 18 ou 25, je ne sais trop, mais il
faudrait qu'il soit augmenté.
Des représentations vous ont été faites par la
fédération des spécialistes, le groupe
d'anesthésistes. Je voulais demander au ministre s'il avait l'intention
de réviser le premier chiffre que son ministère avait d'abord
établi comme contingentement des anesthésistes, des postes en
anesthésie. La même question vaut pour la psychiatrie.
M. Laurin: Comme la députée le sait sûrement,
c'est là une nouvelle responsabilité qu'assume le
ministère de l'Éducation. À mon arrivée au
ministère, cette responsabilité était assumée par
le ministère des Affaires sociales pour des raisons obviées qui
tiennent surtout au fait que la formation des internes et des résidents
était liée d'une façon essentielle à la formation
médicale. On y a vu là un problème d'éducation et
c'est la raison pour laquelle on l'a transférée au
ministère de l'Éducation.
Il reste cependant que des études antérieures avaient
été faites et elles avaient démontré, comme on le
disait tout à l'heure, que le Québec compte maintenant un ratio
citoyens-médecins très bas ou très élevé,
selon la façon dont on le considère, mais qui mettait le
Québec en situation très favorable par rapport aux autres
provinces du Canada et même à la plupart des pays du monde
occidental. (17 h 30)
Pour cette raison, à la suite de toutes les études qui ont
été faites et des consultations, il a été
jugé nécessaire de diminuer le nombre de postes d'internat et de
résidence et nous ne voulions pas ajouter à cette saturation.
C'est la situation que j'ai trouvée, en arrivant au ministère, et
nous avons établi, par exemple, que pour l'année qui vient de
s'écouler, nous aurions besoin de 1800 postes d'internes et de
résidents; que, pour l'année qui suit, nous aurions besoin de
1760 postes. En somme, nous diminuions de 40 par année. Nous voulions
établir également une proportion dans ces postes de façon
que le nombre de généralistes s'établisse à peu
près à 60% et le nombre de spécialistes, à 40%.
Nous avons donc appliqué cette politique au cours de l'année. Et
je prends bien garde d'ajouter que nous n'avons fait que fixer le nombre total
de postes que nous rémunérerions à même nos
enveloppes, mais que tout le processus de sélection et de
répartition à l'intérieur de cette liste demeurait la
responsabilité des institutions elles-mêmes. Donc, ce n'est pas
nous, au ministère, qui disons, par exemple, qu'à
l'intérieur de cette enveloppe de 1800 ou de 1760 postes il y aura tant
de postes pour la médecine interne, pour la pédiatrie, pour la
psychiatrie, pour l'anesthésie et ainsi de suite. C'est là la
responsabilité propre des facultés et des universités. Je
crois important d'apporter cette nuance parce que plusieurs personnes croient
que le ministère...
Mme Lavoie-Roux: C'est la façon dont cela a
été rapporté.
M. Laurin: Oui, mais je suis content de rétablir...
Mme Lavoie-Roux: Alors, dans le fond, c'est...
M. Laurin: ...les faits parce que... Mme Lavoie-Roux:
Oui.
M. Laurin: ...le ministère se contente de dire simplement:
Nous rémunérerons tant de postes cette année. Mais, pour
tout le reste du processus, encore une fois dans le respect de
l'autonomie...
Mme Lavoie-Roux: Alors, la ponction doit se faire sur les
universités?
M. Laurin: Oui. Elle se fait, d'ailleurs, sur les
universités. Cependant, je suis très sensible aux
représentations qui ont été faites par les divers groupes
de spécialistes. J'ai lu avec attention le mémoire des
médecins anesthésistes, le mémoire de l'Association des
psychiatres du Québec, le mémoire de certaines facultés
qui ont fait des représentations quant à l'insuffisance du nombre
de postes de résidents et d'internes
pour préparer la relève dans certaines disciplines.
Effectivement, c'est dans le champ de l'anesthésie et de la psychiatrie
qu'il paraîtrait insuffisant de maintenir le nombre de postes
rémunérés au nombre actuel, parce que cela
empêcherait la régionalisation dans toutes les régions du
Québec des fournitures de services, particulièrement en
anesthésie et en psychiatrie. Je m'en suis entretenu à quelques
reprises avec mon collègue des Affaires sociales qui poursuit, quand
même, lui aussi, ses propres études sur la main-d'oeuvre
médicale.
Mme Lavoie-Roux: Ce que je savais, d'ailleurs.
M. Laurin: Oui, mais je suis, quand même, obligé de
tenir compte des études qui se font au ministère des Affaires
sociales à cet égard. Aussi, comme le ministère des
Affaires sociales a sous sa juridiction les hôpitaux et que c'est dans
les hôpitaux que se poursuivent les stages de résidence et
d'internat, je pense que cela demeure, malgré tout, une
responsabilité conjointe.
Je dois dire que les exposés qui nous ont été faits
par les psychiatres et les anesthésistes sont très
étoffés, ont de quoi nous inquiéter et ont de quoi
même nous faire réviser nos positions. Quant à moi, je suis
d'accord sur le fait qu'il nous faut réviser la liste, le nombre de
postes que nous avions établi l'an dernier et je me prépare,
conjointement avec mon collègue des Affaires sociales, à
présenter très bientôt au Conseil des ministres une demande
de révision pour l'année prochaine en ce qui concerne le nombre
de postes d'internes et de résidents qui avait été
fixé l'an dernier.
Mme Lavoie-Roux: Pour tenir compte des besoins en
anesthésie et en psychiatrie?
M. Laurin: Oui, pour tenir compte des besoins nouveaux qu'on nous
a signalés...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Laurin: ...ou de besoins qu'on avait mal évalués
ou insuffisamment évalués au cours des années
précédentes. J'espère, avec mon collègue, obtenir
du Conseil des ministres une révision à la hausse du nombre de
postes d'internes et de résidents au cours de la prochaine année,
avec cette condition, cependant, que nous énoncerons aux
universités, qu'elles ne devraient pas utiliser ce surplus
éventuel que nous leur accorderons pour d'autres disciplines que
l'anesthésie et la psychiatrie et, peut-être aussi, quelques
autres postes dans certaines autres disciplines où on a signalé
aussi qu'il y avait un certain manque.
Mme Lavoie-Roux: J'espère que c'est une décision
imminente...
M. Laurin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...parce que, évidemment, il faut que le
monde se place avant.
M. Laurin: Effectivement.
Mme Lavoie-Roux: Relié à ceci et compte tenu du
ratio médecins-citoyens, est-ce que vous allez, cette année
contingenter -en tout cas, je pense que c'est peut-être le meilleur terme
- l'entrée des étudiants en médecine dans les diverses
facultés? Est-ce que ce sera la même proportion pour chacune des
universités qui a une faculté de médecine? Il y en a
quatre.
M. Laurin: Cela ressortit, évidemment, au même
problème que je viens d'énoncer et qui a trait à une
saturation relative du marché québécois en ce qui concerne
le nombre de médecins. C'est là un problème que nous avons
débattu également à la CREPUQ, la conférence des
recteurs, et que j'ai débattu avec mon collègue. Nous en avons
conclu ensemble, après toutes nos études, qu'il ne convenait pas
de donner suite à la suggestion qui nous avait été faite
de fermer une des quatre facultés de médecine. Il serait trop
long de m'étendre sur toutes les raisons qui ont présidé
à cette décision, mais, de toute façon, il semble que
l'accord se soit fait sur la nécessité de maintenir nos quatre
facultés de médecine.
Cependant, l'accord s'est aussi fait sur une autre conclusion, soit
qu'il fallait réduire le nombre des admissions à nos diverses
facultés de médecine. La solution qui a été retenue
et qui sera applicable à partir de septembre est de diminuer, dans une
proportion égale, le nombre des admissions à chacune de nos
facultés de médecine. Cette diminution, pour septembre 1984, sera
de l'ordre de 5% dans chacune des facultés. Elle se continuera aussi
longtemps que la démographie, que les statistiques nous indiqueront
qu'elle est nécessaire.
Mme Lavoie-Roux: Les 5% équivalent à combien
d'étudiants?
M. Laurin: Bien...
Mme Lavoie-Roux: Bien, il faudrait que vous sachiez combien il y
avait d'admissions.
M. Laurin: 30 sur 600.
Mme Lavoie-Roux: 30 sur 600. Parfait! II y a trois autres
questions. Je vais les poser toutes les trois ensemble pour ne pas prendre trop
de temps à mes collègues. La
première: Où en est rendu le ministre de
l'Éducation dans sa réflexion quant à la formation des
infirmières? La deuxième: Est-ce qu'on peut prévoir que le
rapport qui devait être préparé sur les sages-femmes sera
déposé au mois de juin, tel que prévu ou tel qu'on l'a
entendu dire, parce que cela remonte à 1981? La troisième: Qu'en
est-il -je comprends que je déborde sur un autre niveau de formation -
des programmes des puéricultrices? Cela a créé des
problèmes et il y a eu des ratés. C'était à
l'initiative ou avec l'encouragement du ministre de l'Éducation qu'on
avait établi les programmes de formation des puéricultrices.
Relié à ceci, est-ce qu'on envisage des changements au programme
de formation des auxiliaires infirmières? Ce sont mes questions.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la
députée de L'Acadie. M. le ministre.
M. Laurin: Le problème de la formation des
infirmières, évidemment, fait couler beaucoup d'encre depuis un
certain nombre d'années. Il n'est pas un rapport qui n'y fasse allusion.
Il y a eu le rapport Rodger, le rapport Scott. Il y a eu ensuite l'avis du
Conseil des universités, l'avis de l'Office des professions.
Mme Lavoie-Roux: C'est votre impression à vous que je
veux.
M. Laurin: Oui. Depuis que tous ces rapports sont
déposés, évidemment, on a été l'objet de
multiples pressions. J'ai consenti à plusieurs rencontres avec les
intéressées. Il y a eu également l'avis de la Corporation
des infirmiers et infirmières du Québec. Donc, c'est un sujet
hautement contestable et hautement contesté.
L'objectif que nous poursuivons est d'éviter les
dédoublements, d'une part, car, je le répète encore une
fois, dans cette période économique difficile que nous
traversons, il s'agit de rentabiliser chacun des dollars que nous
dépensons pour la formation de nos personnels. Donc, il s'agit
d'éviter les dédoublements. Actuellement, il y a des
dédoublements dans la formation qui est donnée au niveau des
cégeps et au niveau du baccalauréat dans certaines
universités, puisque certaines étudiantes ou étudiants
s'orientent directement, soit au cégep, soit à
l'université, où il faut bien, par exemple, que les notions de
base soient données. Il y a donc des dédoublements.
Deuxièmement, la question qui nous préoccupe est qu'il y a
nécessité d'une formation initiale pour les infirmières.
Cette formation initiale, depuis que nous l'avons transférée des
hôpitaux dans les collèges, nous paraît être de type
collégial. Je suis conscient que la formation en techniques
infirmières a pu donner lieu à certaines critiques, par exemple,
au niveau des applications pratiques, de la durée des stages. Ce sont
des problèmes qu'il est possible de corriger. Nous avons, d'ailleurs,
des expériences pilotes en marche actuellement dans trois cégeps,
qui nous permettront, semble-t-il, de corriger certaines de ces insuffisances.
Nous espérons corriger également le problème des stages de
façon que les infirmières, au niveau collégial, puissent
mieux profiter des stages qui leur sont destinés.
La troisième préoccupation que nous avons, c'est celle
d'une continuité à établir entre une formation initiale et
une formation de type universitaire, particulièrement celle de type
baccalauréat pour des fins spécifiques, que ce soit pour des fins
de professorat, pour des fins de formation; lorsque des infirmières
doivent en former d'autres. On sait que l'initiation à la recherche peut
aider à la vitalisation de l'enseignement dans ce domaine. Il est
sûrement vrai que le niveau de connaissances requis d'un infirmier ou
d'une infirmière qui forme d'autres infirmiers ou d'autres
infirmières est plus élevé que le niveau requis simplement
pour la dispensation des soins. Donc, la nécessité d'un
baccalauréat pour ce type d'étudiants et d'étudiantes est
sûrement réelle.
Je dirais la même chose pour les sciences de l'administration ou
pour les infirmiers ou les infirmières qui seront chargés de
tâches de gestion, de gestion parfois très importante au niveau
des unités chirurgicales, par exemple, où les connaissances
requises sont de très haut calibre, que ce soit sur le plan technique ou
sur le plan proprement administratif. Donc, des tâches de gestion et,
plus loin, des tâches de direction. Là aussi, la formation de
niveau universitaire m'apparaît indiquée, pour ne pas dire
essentielle. On pourrait même aller plus loin et dire que, dans ce
domaine comme ailleurs, il faut également des candidats ou des
candidates qui se lancent dans des études de maîtrise et dans des
études de doctorat pour le renouvellement des concepts de la profession.
C'est donc là le troisième objectif que nous avons.
J'ai écouté avec attention ce qui m'a été
dit. J'ai lu tous les mémoires. Je n'ai pas encore arrêté
de décisions, mais je pense que les décisions que nous
arrêterons respecteront les trois principes que je viens
d'énoncer. Je ne pense pas qu'elles satisferont tout le monde, mais,
encore une fois, nous essaierons de les prendre sous l'angle de la
rationalisation et sous l'angle de la rentabilisation et du respect des
compétences propres et exigibles de chaque niveau. Cette décision
ne saurait tarder. Je pense bien qu'il faudra la prendre avant que se termine
cette année.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas être longue sur le sujet.
Il reste que les différents groupes d'infirmières, etc., que ce
soit d'un ordre ou d'un autre, ont fait valoir des arguments touchant la
complexité du râle de l'infirmière qui s'est
développée avec le côté communautaire et même
au plan technique.
M. Laurin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez parlé de l'administration, des
tâches d'enseignement et vous en avez un troisième qui
m'échappe. Vous avez dit qu'il y ait des possibilités d'ouverture
à l'université afin de permettre cette spécialisation, je
ne sais pas si l'on peut l'appeler comme cela.
M. Laurin: Oui, il y a des spécialisations de plus en plus
nombreuses, que ce soit en médecine communautaire, que ce soit en
psychiatrie, que ce soit dans les unités chirurgicales. Il faudra,
évidemment, tenir compte de ces spécialités. Mais, encore
une fois, il n'y a pas qu'une seule solution possible. La solution
universitaire ne constitue pas une panacée en soi ou une réponse
univoque en soi. Il peut paraître possible d'envisager, par exemple,
à la suite des études collégiales, non pas peut-être
un bac complet traditionnel de trois ans, mais, comme on l'a envisagé
pour les TS, une troisième année en techniques appliquées
permettant à certains étudiants d'acquérir un
diplôme universitaire après deux ans et demi d'études au
lieu des trois années et demie que dispensent les facultés de
génie traditionnelles. Le modèle qui a été
appliqué pour les TS pourrait peut-être nous inspirer des
solutions analogues pour la formation des infirmières, par exemple une
formation universitaire de type baccalauréat écourtée pour
certaines avenues de spécialisation. C'est là une autre
possibilité que nous étudions.
En ce qui concerne les sages-femmes, l'étude suit son cours. Je
me renseigne régulièrement sur l'évolution de ces
études. Je crois que, cette année, nous pourrons déposer
le rapport et le soumettre à la consultation, particulièrement,
de mon collègue des Affaires sociales et de certains organismes.
Mme Lavoie-Roux: C'est depuis 1981 que le comité est
formé. (17 h 45)
M. Laurin: Oui, mais les études se sont
avérées plus délicates et plus difficiles que
prévu, surtout que le débat est déjà engagé
dans l'opinion publique, que les tribunes de lecteurs sont pleines de lettres
à cet égard. Le comité chargé de faire cette
étude profite déjà du débat qui a commencé
à s'engager dans l'opinion publique et cela peut peut-être
retarder le dépôt de ses conclusions.
Mme Lavoie-Roux: Ah bon! C'est un avertissement. Vos
puéricultrices? Je sais que c'est un autre niveau, mais vu que cela fait
partie de l'ensemble des professions médicales.
M. Laurin: En ce qui concerne les puéricultrices, le
programme se donne actuellement à un nombre limité
d'étudiants ou d'étudiantes. Il y a un problème de stage
qui se pose. L'Association des hôpitaux voit avec un certain
déplaisir le maintien de cette spécialisation en
puériculture et n'a pas rendu la tâche facile aux
étudiantes qui voulaient avoir une formation pratique dans les
hôpitaux. J'espère que cette opposition cessera et que les
puéricultrices pourront trouver dans les institutions appropriées
le genre de stage qui corresponde à leurs fonctions
spécifiques.
Mme Lavoie-Roux: Vous entendez continuer le cours de
puéricultrice?
M. Laurin: Jusqu'à nouvel ordre, nous entendons bien
être fidèles à l'option que nous avons prise.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le problème de stage s'est
finalement réglé?
M. Laurin: II est en voie de règlement.
Mme Lavoie-Roux: II n'est pas encore réglé; vous
avez des étudiants en suspens.
M. Laurin: Oui. Il est en voie de règlement, selon ce que
me rapporte mon collègue des Affaires sociales. Mais je n'ai pas eu de
rapport très récent à ce sujet.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Laurin: En ce qui concerne le programme de formation des
auxiliaires, je ne sache pas qu'il y ait tellement de développements
à cet égard.
Mme Lavoie-Roux: Cela reste au niveau secondaire.
M. Laurin: Oui, cela reste au niveau secondaire.
Mme Lavoie-Roux: Parfait.
Le Président (M. Blouin): Bien, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui. Tout à l'heure, M. le ministre, vous avez
mentionné que les clientèles additionnelles dans les
universités jusqu'à cette année étaient
financées à 75%.
Est-ce qu'on n'est pas dans un régime de budget fermé dans
les universités depuis quelques années? Si on pouvait
répondre brièvement à ceci, j'ai deux ou trois autres
points à soulever avant qu'on termine.
M. Laurin: M. le Président, le budget finalement
déterminé par le gouvernement pour les universités est un
budget fermé; même si le budget est fermé, il n'est pas
impossible, avant que le budget soit fermé, d'obtenir des montants
spécifiques pour le financement de telle ou telle clientèle et
c'est ce que nous avons obtenu cette année pour le financement des
clientèles additionnelles dans le virage technologique.
Par ailleurs, il est vrai de dire qu'à l'intérieur de
l'enveloppe fermée, lorsque nous décidons de financer de telle ou
telle façon plutôt que de telle autre, cela se fait à
partir d'une ponction sur l'enveloppe de base qui, ensuite, est
distribuée à nouveau entre les universités. Nous avions,
l'an dernier, une formule de financement semblable. Ce qui est nouveau à
partir des orientations que nous nous donnons, c'est le financement par
coût disciplinaire. Par ailleurs, pour ce qui est des clientèles
du virage technologique il s'agit d'un ajout de fonds nouveaux.
M. Ryan: Je le sais. Je ne voudrais pas qu'on perde de temps
là-dessus. Mais c'est pour les années précédentes,
parce que le ministre nous a dit qu'on finançait à 75% les
clientèles additionnelles. Je veux bien que ce soit clair. C'est que
pour les années précédentes on a fonctionné par
enveloppes fermées.
M. Laurin: Oui.
M. Ryan: Je sais très bien que des mesures
spéciales étaient prises cette année, que 6 000 000 $ sont
annoncés pour l'année prochaine, mais je ne voudrais pas qu'on
pense que c'était la politique qui était suivie, parce que cela
ne me semble pas exact.
Deuxièmement, je remarque à la page 15 dans le cahier que
l'on parle d'une étude que la Direction générale de
l'enseignement et de la recherche universitaire entend poursuivre. On dit que
"les objectifs poursuivis visent à assurer aux établissements un
fonctionnement basé sur l'équilibre budgétaire, notamment
en veillant à ce que les rémunérations des personnels des
universités ne dépassent pas dans l'ensemble celles du secteur
public et, en particulier, en cherchant à obtenir des gains de
productivité par un ajustement de la charge d'enseignement ou par une
plus grande mobilité". Nous avons déjà parlé de
l'objectif de mobilité, je pense que ce n'est pas nécessaire d'y
revenir; mais je voudrais signaler à l'attention du ministre que
déjà les chiffres que nous avons évoqués
jusqu'à maintenant - sans avoir été contredits
là-dessus - établissent que la charge d'enseignement, le ratio
plutôt professeur-élèves au Québec est
supérieur actuellement de trois unités à celui de
l'Ontario.
Je pense que nous pouvons aussi affirmer, à la lumière de
l'étude du Conseil supérieur des universités, que la
rémunération des professeurs d'université du Québec
est maintenant à peu près équivalente - il y a
peut-être une différence de 100 $ à 200 $, mais on peut
dire qu'elle est équivalente - à celle de leurs homologues
ontariens. Par conséquent, je voudrais mettre le gouvernement en garde
contre des recherches qui risqueraient de conduire à des frictions
susceptibles de générer des conflits probablement inutiles. Cette
remarque-ci a peut-être été formulée dans un
contexte bien particulier. Il peut arriver qu'une page soit écrite plus
tôt, mais je voudrais que le gouvernement tienne compte, lorsqu'il
arrêtera le rythme de ses travaux au cours des prochains moins, des
facteurs comme ceux qui ont été mentionnés et qui
paraissent très importants.
Je voudrais établir également - je pense qu'on n'aura pas
de difficulté à se comprendre là-dessus parce que les
données me semblent assez évidentes - le taux réel de
progression des sommes consacrées à l'enseignement universitaire
au cours de la prochaine année. Dans le tableau qu'on nous a remis ce
matin, tableau qui s'intitule Conciliation entre les crédits
votés en 1982-1983 et les dépenses probables - tableau qui est
très utile - on nous dit qu'on avait prévu pour l'année
1982-1983 des crédits globaux de 984 000 000 $ pour les
universités, et que les dépenses probables seront d'environ 969
000 000 $. Si on part du chiffre de 969 000 000 $, on a des prévisions
de 999 000 000 $, ce qui représente une augmentation de 30 000 000 $ par
rapport aux dépenses probables du dernier exercice. Sur ces 30 000 000
$, il y a 18 000 000 $ qui seront consacrés à une augmentation du
service de la dette. Cela veut dire qu'il reste 12 000 000 $ pour
l'augmentation des subventions qui vont être accordées à
des fins de fonctionnement. Là-dessus, 7 000 000 $ serviront au
financement des internes et résidents. Il reste donc 5 000 000 $ pour le
fonctionnement des universités, à moins que je ne me trompe dans
mes calculs. Vous me corrigerez si je fais erreur.
Si vous me le permettez, à moins que vous n'ayez une correction
à faire sur le chiffre lui-même, je voudrais compléter mon
raisonnement. C'est la dernière intervention que nous allons faire sur
ce sujet tout à fait majeur. J'estime, pour les fins de la discussion -
le montant pourra changer un
peu, en plus ou en moins selon les précisions qu'on apportera -
qu'il resterait une somme additionnelle d'environ 12 000 000 $ qui viendrait
s'ajouter aux dépenses réelles de l'année dernière
pour les fins de fonctionnement des universités. Pour l'an dernier, je
n'ai pas le montant, malheureusement.
Sur les 969 000 000 $, pourriez-vous nous établir très
vite combien iront au fonctionnement? Je ne peux pas mentionner de chiffres
à peu près, c'est trop dangereux. Ce doit être au moins 750
000 000 $ à peu près, de 740 000 000 $ à 750 000 000 $.
Cela veut dire qu'à ce montant-là on ajoutera une somme de 12 000
000 $. 12 000 000 $ - prenons un chiffre rond, cela se divise plus vite - sur
720 000 000 $ cela ferait environ 1,5% d'augmentation, même pas 1,5%
d'augmentation. Disons que ce serait 1,5% d'augmentation. On prévoit,
pour la présente année, une augmentation du taux d'inflation
d'environ 7,5%. Ce sera peut-être 6%, ce sera peut-être 7%, on ne
le sait pas. Les prévisions établies par les gouvernements sont
d'environ 7,5%. Cela veut dire qu'en pratique on s'en va pour l'année
1983-1984 vers une réduction de facto, une réduction
réelle des sommes disponibles pour l'enseignement universitaire
d'environ 6%. Si je me trompe, encore une fois, je suis prêt à ce
qu'on fasse des corrections là-dessus, mais il y a sûrement une
différence évidente à l'examen de ces chiffres fournis par
le gouvernement dont on fait un peu l'analyse.
Je voudrais conclure notre partie de cette discussion en constatant que
le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'y a pas de politique de
développement universitaire actuellement au Québec. On a une
politique de respiration: année après année, on essaie de
faire face aux coûts nouveaux qui découlent des charges
déjà établies, mais il y a très peu de place pour
le développement.
Le voeu que je désire formulé, c'est qu'à la
lumière des reculs que nous avons établis pour les
dernières années et qu'on peut expliquer par différents
facteurs - je pense que le débat reste ouvert sur l'explication des
causes de ce recul; sur le fait lui-même, je pense qu'il est plus
difficile de poursuivre le débat - le gouvernement considère
très très sérieusement, en vue de la prochaine
année budgétaire - pas celle-ci, mais la prochaine -la
possibilité d'effectuer des redressements qui permettront de reprendre
un rythme où le développement aura vraiment une place plus
dynamique que dans les données qu'on nous présente pour la
présente année.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Je signale aux membres de la commission
qu'il est 17 h 57 et que nous devons à tout prix libérer la salle
pour 18 heures. Je vous signale également que nous avons maintenant
délibéré pendant près de douze heures et demie.
Donc, il nous restera, selon ce qui avait été convenu,
près de deux heures et demie. Nous devrions terminer ainsi nos travaux
vers 22 h 30 ce soir. Également, l'étude du projet de loi
privé no 205 a été reportée à une date
ultérieure; nous devrions étudier ce projet de loi au moment
où nous poursuivrons nos travaux pour étudier le programme 10 sur
l'organisation et la réglementation des professions.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.
M. Ryan: On pourrait prendre le vote sur ce programme-ci, M. le
Président.
M. Laurin: On pourrait répondre avant.
Le Président (M. Blouin): Ne désirez-vous pas avoir
réponse à votre question avant que nous prenions le vote?
M. Ryan: Ce soir, nous passons à l'autre sujet, suivant
l'entente que nous avons faite.
M. Laurin: Une brève réponse, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Nous ne pouvons pas
excéder 18 heures, M. le sous-ministre.
M. Laurin: II est évident que le taux d'augmentation est
faible, les chiffres le démontrent, pour le strict programme
universitaire. Par ailleurs, je rappelle ce que j'ai dit plus tôt: II
faut tenir compte de l'augmentation au titre de l'aide à la recherche et
de l'aide aux étudiants, ce qui a un impact direct sur le réseau
universitaire. Je voudrais ajouter que la politique appliquée au
réseau universitaire est la même que celle appliquée aux
autres réseaux et que les subventions additionnelles obtenues au titre
des clientèles additionnelles et de la recherche constituent une
orientation, bien sûr, que le ministère veut maintenir au cours
des prochaines années.
Le Président (M. Blouin): Donc, le programme 6 sur
l'enseignement universitaire est-il adopté?
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. Blouin): Adopté sur division. Sur
cela, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 15)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons les travaux de la commission de l'éducation. Tel
que cela a été convenu, nous commencerons nos travaux en adoptant
le programme 9 intitulé: Fonds pour la formation de chercheurs et action
concertée. Est-ce que ce programme est adopté?
M. Ryan: Adopté.
Le Président (M. Blouin): II est adopté.
M. Ryan: Quand c'est bon.
Le Président (M. Blouin): Le programme 9 est
adopté. Nous allons maintenant passer, tel que cela a été
convenu, au programme 8 qui concerne l'enseignement privé. M. le
député d'Argenteuil, vous avez la parole.
Enseignement privé
M. Ryan: Avant d'entrer dans le sujet qui occupera notre
discussion pendant quelques heures, M. le Président, est-ce que je
pourrais demander au ministre et à ses collaborateurs si les
données que nous avions demandées relativement à la
politique du gouvernement en matière d'informatique sont
prêtes?
M. Laurin: Vous pourrez les avoir dans le courant de la
soirée, M. le Président.
M. Ryan: II faut que je vous prévienne d'une chose:
normalement, il y aurait la discussion sur le programme d'assistance
financière aux étudiants vers 21 h 30; vous avez dit qu'on
terminait à 22 h 30.
Le Président (M. Blouin): Maintenant, à 22 h
45.
M. Ryan: Vous êtes bien généreux. On vous
sous-estime. Cela ira vers 22 h 45. Je pense bien que, vers 21 h 30, on sera
sur le point de terminer pour l'enseignement privé, selon la longueur et
le contenu des réponses.
Le Président (M. Blouin): Vous passeriez ensuite au
programme 3? M. le député d'Argenteuil et M. le ministre, nous
passerions ensuite au programme 3, l'aide financière aux
étudiants; c'est bien cela?
M. Ryan: Oui. Est-ce qu'il restera d'autres programmes
après cela? Il y a les collèges, oui. J'aimerais que,
tantôt, vous appeliez le programme des collèges avant celui de
l'aide financière aux étudiants, même si cela ne devait
être que quelques minutes seulement, pour qu'on reprenne l'échange
qu'on avait eu là-dessus.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, je vais
essayer de respecter vos désirs communs.
M. Ryan: M. le Président, je suis extrêmement
heureux que nous puissions aborder en commission parlementaire le
problème de l'enseignement privé, parce que c'est un
problème qui est un sujet d'inquiétude très répandu
depuis de nombreuses années. À s'en tenir aux indications qu'a
fournies jusqu'à ce jour le gouvernement, il n'y a pas lieu d'envisager
que nous sommes à la veille d'aboutir.
L'enseignement privé, comme nous le savons tous, fait partie de
la tradition québécoise. Le système d'enseignement s'est
développé au Québec - le ministre le rappelait
lui-même mardi dernier - en très large partie grâce à
l'initiative venue de personnes et de groupes qui oeuvraient dans le secteur
privé et non pas dans le secteur gouvernemental. Le secteur privé
a été longtemps représenté au Québec par
l'Église qui continue, d'ailleurs, d'occuper une place importante dans
notre vie collective.
Si nous avons, aujourd'hui, une tradition éducative de
qualité, une tradition éducative centrée sur des valeurs
fondamentales, nous le devons en très grande partie à la
contribution unique que l'Église catholique et les autres Églises
chrétiennes, et même les Églises d'autres
dénominations, ont joué et continuent de jouer dans le
développement de notre vie humaine, culturelle, sociale, morale et
autres.
Plusieurs d'entre nous ont eu l'occasion de fréquenter des
institutions privées à un stade ou l'autre de leur cheminement
intellectuel, non pas toujours parce que leurs parents avaient fait un choix
délibéré ou idéologique en faveur d'une
école privée, mais parce que, dans les circonstances où
ils reçurent leur formation, souvent, l'institution privée
était la seule voie qui s'offrait à eux pour avancer davantage
dans le domaine de la connaissance.
Au cours des vingt dernières années, des changements
majeurs se sont produits. Le système d'enseignement est passé,
pour ainsi dire, dans le secteur public et plusieurs auraient sans doute
souhaité qu'il y passe au complet. Mais les changements n'interviennent
jamais de manière définitive, avec la radicalisation que
souhaiteraient les législateurs pressés. Et même quand les
législateurs pensent les faire trop vite, il arrive parfois qu'ils
réussissent à faire adopter leurs lois, mais il arrive aussi que
les lois soulèvent dans la pratique des difficultés telles que
parfois on découvre, de nombreuses années plus tard, que les
résultats espérés n'ont pas été obtenus
parce qu'on a voulu trop forcer la vie.
Je me souviens qu'au début de la révolution tranquille,
nous avions un réseau de collèges classiques au Québec qui
était une de nos richesses collectives importantes. Il y avait un
très fort engouement pour l'enseignement public à ce
moment-là. Cela met en cause un gouvernement qui était
dirigé par un autre parti que celui qui est au pouvoir actuellement. Par
conséquent, il n'y a aucune partisanerie dans la remarque que je ferai.
Je me souviens que, lorsqu'un collège privé avait un
déficit de quelques milliers de dollars à faire combler, le
gouvernement n'avait pas d'argent pour l'aider. Mais si ce collège
décidait de se mettre en vente, on trouvait beaucoup plus rapidement le
million pour l'acheter. Il y a beaucoup de nos collèges qui sont
passés dans le secteur public de cette manière, à la
faveur de contraintes budgétaires et financières qui, souvent,
avaient été rendues excessives par l'action trop pressée
de certains gouvernants et administrateurs publics.
Quoi qu'il en soit, nous sommes entrés dans un âge
entièrement différent. Il n'est pas question de revivre le
passé. Cependant, je pense qu'il est bon de rappeler ces
antécédents historiques pour montrer que l'enseignement
privé n'est pas seulement l'affaire d'une petite chapelle
idéologique ou un petit groupe qui serait plus ou moins marginal par
rapport à l'ensemble de la société, mais c'est un des
éléments d'une tradition qui nous appartient à tous, que
nous aimions cela ou non.
Lorsque la loi créant le ministère de l'Éducation
fut adoptée en 1964, de nombreuses et longues discussions eurent lieu
dans divers milieux. Je me souviens très bien d'avoir participé
moi-même à un grand nombre de rencontres à ce sujet et nous
nous souvenons tous qu'on décida d'inscrire dans le préambule de
la loi créant le ministère de l'Éducation les affirmations
suivantes: Les parents ont en priorité le droit de choisir le genre
d'éducation que reçoit leur enfant. Les personnes et les groupes
ont le droit de créer des institutions d'enseignement autonomes et, les
exigences du bien commun étant sauves, de bénéficier des
moyens administratifs et financiers nécessaires à la poursuite de
leurs fins. C'est un préambule qui figure toujours, à ma
connaissance, en tête de la Loi sur le ministère de
l'Éducation. C'est un préambule qui affirmait une intention
très profonde. On avait longuement discuté à
l'époque pour savoir si le préambule était plus important
que les articles déclaratoires ou les articles plus spécifiques.
De toute façon, il est là et je pense que, pour tous les esprits
de bonne foi, il traduisait une intention fondamentale du législateur de
l'époque, qui continue d'être la sienne jusqu'à nouvel
ordre.
On a dit toutes sortes de choses sur la clientèle de
l'enseignement privé. On a dit que c'était une clientèle
élitiste, une clientèle marginale par rapport à la grande
majorité de la population. Des enquêtes peuvent toujours
être faites à ce sujet pour donner plus de précision. Mais,
suivant les enquêtes qui ont été faites par des organismes
sérieux, les données les plus récentes autorisent à
soutenir que la clientèle de l'enseignement privé est beaucoup
moins monolithique qu'on ne le croit dans certains milieux. C'est une
clientèle qui se recrute dans des milieux sociaux très
diversifiés. On constate, si on examine la clientèle
d'après le critère de la condition financière des parents,
que sept enfants sur dix qui sont dans des institutions privées viennent
de familles à revenu moyen, à revenu plutôt modeste. Une
certaine partie vient de familles à revenu en deçà de la
moyenne et une partie, de l'ordre de 10% ou de 15% au maximum, vient de
familles dont le revenu peut être considéré comme
supérieur à la moyenne. Je n'ai pas les chiffres précis de
ces enquêtes sous la main, mais l'ordre de grandeur ne saurait tromper
beaucoup. Nous pourrons d'ailleurs fournir des précisions à ceux
qui les voudront.
Au cours des cinq dernières années, on entend toutes
sortes de choses au sujet de l'évolution de la clientèle de
l'enseignement privé. Je pense que les données sont contenues
dans le cahier documentaire, au début, à la page 29. On le
retrouvera tantôt; de toute manière, je pense que je peux citer
les chiffres de mémoire. Ah! c'est justement ce tableau! Je pense que la
clientèle de l'enseignement privé - c'est à la page 35 -de
1979-1980 à 1983-1984 a dû passer de 88 000 à 90 000, selon
les dernières projections que vous avez établies, n'est-ce
pas?
M. Laurin: De 88 036 à 90 710.
M. Ryan: C'est cela. On va vous laisser les virgules. Mais
l'ordre de grandeur, c'est cela. Je ne sais pas les projections que vous avez
établies pour la prochaine année. Je pense que vous maintenez
cela au même niveau. Vous ne feriez pas erreur, M. le ministre, en
prévoyant qu'il y aura une augmentation d'environ 2% à 3%,
d'après les indications les plus récentes qu'on peut recueillir.
Vous avez sans doute pris connaissance de l'article qui a paru dans le Soleil,
en fin de semaine. Beaucoup de rumeurs circulaient, ces derniers temps, au
sujet d'un volume considérablement accru de demandes d'admission
à l'école privée, ce qui aurait fait suite à toutes
les inquiétudes créées par la conflit qui a sévi
dans le monde de l'enseignement pendant tout l'hiver et une partie de
l'automne.
En fin de semaine, dans le Soleil, M. Damien Gagnon et M. Georges Angers
ont
fait rapport d'une enquête qu'ils ont faite auprès des 23
institutions de la région de Québec qui oeuvrent dans le secteur
privé. On constate, en lisant les résultats de leur
enquête, que, dans cette région de Québec, on
prévoit, pour septembre prochain, une augmentation de la
clientèle de l'enseignement privé d'environ 3,6% alors qu'ici, ce
sont des institutions dont certaines sont au niveau secondaire et d'autres au
niveau collégial. On prévoit que, pour l'ensemble des 22
institutions privées qui accueillent présentement près de
11 000 élèves, il devrait y avoir une progression de 3,6%.
J'ai pris des renseignements sur le mouvement des demandes d'admission
dans d'autres régions du Québec. On me dit que cela va varier de
1% à 3%. On peut prévoir, par conséquent, que le chiffre
de 90 000, qui a été inscrit dans les crédits, a des
chances de s'élever à 92 000 ou 93 000 pour la prochaine
année. Cette clientèle se répartit entre le secondaire et
le public d'une manière que vous indiquez... Est-ce le programme 8?
Une voix: Oui.
M. Ryan: D'après les statistiques qu'on nous fournit - on
n'a pas de précision à demander là-dessus, parce que les
statistiques sont à la page 7 du programme 8 - on a, au niveau de la
maternelle, 837 élèves; au niveau primaire, 9504
élèves pour l'année 1982-1983; au niveau secondaire, 61
866; au niveau collégial, 17 239; au niveau collégial adulte, 921
et, dans le secteur de l'enfance en difficulté, 343. (20 h 30)
II est intéressant d'établir des proportions entre la
clientèle de l'enseignement privé et celle de l'enseignement
public. La clientèle de l'enseignement privé, pour l'ensemble des
réseaux d'enseignement, représente 8% de la clientèle
totale. Si on prend les clientèles par réseau, on observe une
clientèle de 0,9% au niveau de l'école maternelle, de 1,8% au
niveau de l'école primaire, de 13,7% au niveau secondaire et de 13,5% au
niveau collégial. Ceci nous fait conclure que le fait sociologique de
l'école privée est un fait qui s'affirme surtout au niveau de
l'enseignement secondaire et de l'enseignement collégial. Il est
intéressant de noter qu'au niveau collégial, nous avons connu un
progression d'effectifs en général qui a été tout
de même assez sensible depuis cinq ans. Malgré cette progression
qui, normalement, aurait dû favoriser le secteur public, la part du
secteur privé reste de l'ordre de 13,5%.
On a beaucoup discuté des coûts que les
élèves de l'enseignement privé entraînent pour
l'État. L'État fournit des subventions aux écoles
privées sous l'empire de la loi 56, qui fut adoptée par un
gouvernement dirigé par l'Union Nationale et qui fut ensuite
modifiée, nous le verrons tantôt, par le gouvernement actuel dans
des circonstances plutôt regrettables. De manière
générale, à partir des chiffres que nous a fournis le
gouvernement au cours de l'étude des crédits que nous faisons
depuis quelques jours, il est facile d'établir le coût
qu'occasionne pour le trésor public l'enseignement privé; cela
vaut la peine de le mentionner également parce que ce sont des
données qui feront partie du dossier qu'on n'a pas toujours le temps de
réunir avec autant de minutie que nous l'avons fait ces deux derniers
jours. Un élève au niveau primaire et secondaire public
coûtait à l'Etat, en 1982-1983, 3252 $. Au niveau collégial
public, il coûtait à l'État 5119 $. Un élève
du secteur privé coûtait 2390 $. J'aimerais qu'on nous donne la
répartition de ces coûts et c'est un des seuls renseignements dont
j'aurai besoin à propos de cette partie de notre discussion, la
répartition de ce montant suivant le secondaire, le primaire et le
collégial. Je pense que cela compléterait les données que
nous avons. C'est le seul renseignement additionnel qui me paraît
nécessaire pour faire le tour du problème.
Les responsables du secteur de l'enseignement privé sont
regroupés dans des associations de caractère professionnel ou
fédératif. Il existe trois associations principales: il y a
l'Association des institutions d'enseignement secondaire, il y a l'Association
des collèges du Québec - c'est ainsi que s'appelle l'association
des collèges privés - et en troisième lieu l'Association
des institutions de niveaux préscolaire et élémentaire du
Québec. Ces trois associations ensemble regroupent au-delà de 80%
des institutions qui oeuvrent dans le secteur privé. Il y a un certain
nombre d'autres institutions qui ne sont pas regroupées dans celles-ci.
Je crois qu'on conviendra des deux côtés de la table que ces trois
institutions sont les porte-parole les plus représentatifs des personnes
et des groupes qui oeuvrent au Québec dans le secteur privé.
Ces personnes, sur la base de statistiques comme celles que nous venons
d'examiner ensemble - il m'aurait resté à établir les
pourcentages, c'est facile de le faire - estiment qu'un élève qui
est inscrit au secteur privé coûte à l'État environ
entre 40% et 50% de moins que ce que coûte un élève dans le
secteur public; par exemple cela serait de 60%, mais cela varie de 50% à
60% selon les institutions. Mais, si l'on prend un chiffre de 40%, il n'y a pas
de danger de se tromper; c'est pour cela que je vous demandais la distinction
entre les deux niveaux. Je crois qu'à ce moment, on pourrait
établir facilement qu'en mentionnant 40%, il n'y aura pas vraiment de
sujets de querelle entre nous.
Dans le secteur privé, il y a un facteur qui a
évolué, contrairement à ce que nous observions pour le
secteur universitaire cet après-midi: ce sont les frais de
scolarité. Devant les mesures restrictives qui ont été
mises en oeuvre par le gouvernement, les institutions d'enseignement
privé ont ressenti l'obliqation de hausser les frais de
scolarité, surtout depuis deux ou trois ans. De 1980-1981 à
1982-1983, c'est-à-dire au cours des trois dernières
années, les frais de scolarité ont augmenté d'à peu
près 40% dans le secteur collégial. Ils sont passés en
moyenne de 685 $ à 965 $ par élève. Au niveau secondaire,
ils sont passés de 562 $ par année à 704 $ par
année, c'est-à-dire une augmentation d'à peu près
25%. Malgré ces augmentations, le secteur de l'enseignement
privé, en particulier au cours de l'année 1981-1982, a connu un
déficit cumulatif de fonctionnement de l'ordre de 8 000 000 $ à
cause de la loi qui nous avait été imposée avec le budget
d'urgence du ministre des Finances au lendemain de l'élection d'avril
1981, c'est-à-dire en juin 1981.
Ensuite, il y a eu un ajustement. Le ministre a ajusté le montant
des subventions pour l'année suivante; il l'a ajusté à un
barème de tout près de 10%. Pour la dernière année,
je pense qu'il y a encore un déficit cumulatif, mais qui est d'une
importance beaucoup moins grande. Je ne sais pas quel est le montant exact; je
pense qu'il n'était pas établi au moment où j'ai
causé de ces choses avec des porte-parole autorisés de
l'enseignement privé.
Ce sont là des données de base que nous devons
connaître et qui indiquent clairement que les parents qui envoient un ou
plusieurs enfants à l'école privée ne le font pas
seulement par caprice. Ils le font souvent par nécessité. Je
mentionne le cas de ma propre famille. Nous en avons dans les deux secteurs. Il
n'y a pas de question d'idéologie qui joue là-dedans, d'abord. Il
y a souvent des facteurs personnels, des facteurs individuels qui sont propres
à tel enfant ou à tel autre. Des facteurs de contexte, des
facteurs de solidarité entre enfants jouent souvent très fort.
J'ai un principe, M. le ministre, qui n'est peut-être pas un principe
à généraliser dans le Québec, mais, à partir
du secondaire, je dis à mes enfants que ce sont eux-mêmes qui
choisissent l'institution où ils iront. Je regrette qu'à ce
niveau je ne puisse vous suivre dans votre thèse d'exaltation des
parents. Lorsqu'un enfant est rendu au niveau secondaire, l'exaltation des
parents devient assez mythique parce qu'il aime bien prendre ses
décisions lui-même, dans une très grande mesure. De toute
manière, c'est une parenthèse que je referme tout de suite.
Je voulais souligner que les parents assument des responsabilités
considérables. Moi-même, je pensais que, lorsque nous parlions de
l'enseignement secondaire, la comparaison ne marchait pas parce que je disais
aux gens de l'enseignement privé: Vous faites de la formation
générale; vous n'êtes pas obligés d'avoir tous les
équipements qu'on a dans le secteur professionnel et, par
conséquent, vos moyennes de coût ne peuvent se comparer
littéralement avec celles du secteur public. Mais on m'assure qu'on a
fait des calculs fondés sur les dépenses engagées dans les
secteurs de formation générale des collèges publics, des
écoles secondaires publiques de même que des institutions
privées et que, lorsqu'on parle de ces pourcentages, on tient
très bien compte de ces différences.
De toute façon, je pense que nous convenons tous qu'il ne sera
pas question d'équiper des institutions privées avec tous les
dispositifs élaborés et coûteux que nous devons avoir dans
des institutions publiques. Il y a une foule d'ateliers qu'on a maintenant dans
des écoles secondaires polyvalentes qu'il serait ridicule et absolument
irréaliste de vouloir reproduire dans des institutions privées
seulement pour le plaisir de dire qu'on aurait deux réseaux absolument
parallèles d'un bout à l'autre. Ce n'est pas de cela qu'il est
question. C'est encore une fois d'une sorte d'héritage historique,
culturel et social qui comporte de grandes richesses pour notre
communauté et que nous avons tous intérêt, me semble-t-il,
à ne point dilapider, mais au contraire à conserver et à
essayer de faire fructifier tout en gardant une priorité très
nette du côté de l'enseignement public.
Le cahier budgétaire que nous a remis le gouvernement est d'une
imprécision et d'un laconisme regrettable en ce qui touche
l'enseignement privé. Je pense que le caractère vague et
imprécis des pages que le cahier consacre à ce sujet est le
reflet très fidèle de la politique de tergiversation, de
louvoiement, d'attentisme et d'inaction que le gouvernement suit dans ce
domaine depuis 1976, c'est-à-dire depuis maintenant sept ans. Le
gouvernement a promis à maintes reprises de définir sa politique
en matière d'enseignement privé. Je voudrais citer seulement
quelques cas qui nous ramènent à plusieurs années
antérieures. J'ai des extraits ici de discussions à
l'Assemblée nationale qui remontent à mai 1978. Ne soyez pas
inquiets, je ne passerai pas les années les unes après les
autres; je pense qu'en remontant à 1978, on peut soupçonner que
les mêmes questions et les mêmes réponses seront revenues au
cours des années subséquentes.
On interrogeait le ministre de l'Éducation de ce temps, le
député de Sauvé, au sujet des intentions du gouvernement
en matière d'enseignement privé. Voici ce qu'il répondait:
"M. le Président, le voudrais-je que j'aurais quelque difficulté
à dissimuler
l'intérêt que suscite chez moi la question avec
débat que le député de Gaspé a décidé
de présenter devant cette commission parlementaire. Je suis heureux de
faire le point, dans la mesure où c'est possible, au moment où se
débat, au sein du gouvernement, la nouvelle politique relative à
l'enseignement privé. Effectivement, comme l'a mentionné le
député, une étude en profondeur a été
effectuée depuis un peu plus d'un an et se trouve, en ce moment, sur le
point d'aboutir devant le Comité ministériel de
développement culturel" - que présidait à l'époque,
si mes souvenirs sont fidèles, le ministre actuel de l'Éducation
-"ainsi que devant le Conseil des ministres".
Un peu plus tard, en commission parlementaire, à l'occasion de
l'étude des crédits du ministère de l'Éducation, le
ministre de l'Éducation du temps laissait tomber les observations
suivantes: "En second lieu, un mandat a été confié par le
Conseil des ministres à mon collègue responsable du
Développement culturel et à moi-même en vue de lui
soumettre, en juin 1978, des propositions conjointes sur l'avenir de
l'enseignement privé, compte tenu des analyses en cours sur ce dossier
et des résultats de la consultation sur le livre vert."
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de continuer cette kyrielle
de citations. Je pense qu'elles sont aussi familières au ministre
qu'à moi-même. Ceux qui voudront se procurer un recueil complet
pourront consulter les services de recherche de l'Opposition qui mettront
volontiers toute la documentation utile à leur disposition à ce
sujet.
Ce que je veux dire et rappeler, c'est que le gouvernement a pris
à maintes reprises, au cours des années passées,
l'engagement de définir une politique que réclament avec beaucoup
de justification les responsables de l'enseignement privé. On avait
réitéré cet engagement lors de l'étude des
crédits l'an dernier. Je ne me souviens pas des termes exacts qu'on
avait employés, ce n'est pas nécessaire de les rappeler, je les
ai ici, si on voulait en avoir le texte exact. Le ministre avait pris
l'engagement de définir une politique. Il serait peut-être bon de
le rappeler parce qu'on aura peut-être des explications assez longues
là-dessus tantôt. Est-ce qu'il y aurait moyen de trouver cela,
l'engagement du ministre l'an dernier? Il n'a jamais livré la
marchandise, à ma connaissance.
Les seules déclarations d'intention que le ministre a
laissé tomber au cours de l'année, à ma connaissance, sont
celles qu'on retrouve dans le livre blanc sur l'école communautaire,
dont je parlerai un petit peu plus tard. Le moratoire infligé par le
gouvernement depuis 1976 à l'enseignement privé est une mesure
arbitraire, injuste et asphyxiante qui s'inscrit très bien dans la ligne
de recul que j'ai soulignée à maintes reprises à propos de
l'évolution de notre système d'enseignement et des ressources que
nous y consacrons au cours des dernières années. Cette mesure
m'apparaît tout à fait contraire à l'esprit du
préambule de la loi créant le ministère de
l'Éducation du Québec. Elle m'apparaît comme étant
de nature à décourager l'initiative dans ce secteur. C'est une
prime au vieillissement des institutions existantes, c'est une prime
également, une police d'assurance pour le gouvernement contre le
non-remplacement des institutions qui, ayant trop vieilli, finissent ou
finiront par disparaître de la circulation. Il y a longtemps qu'on
demande la levée de ce moratoire. Je pense qu'au cours des sept
dernières années il a dû y avoir deux exceptions qui ont
été faites à cette règle d'airain que le
gouvernement a fait peser sur l'enseignement privé.
On cherche en vain, dans le cahier gouvernemental d'explications
budgétaires, une description des services que le gouvernement mettrait
à la disposition des institutions d'enseignement privé. Les
services qui existent sont traités furtivement. J'ai cherché,
dans le chapitre réservé à l'organisation du
ministère, une description du rôle, de l'effectif, des fonctions,
de l'activité, des projets de la direction de l'enseignement
privé et ce qu'on trouve est tellement laconique qu'on oublie même
d'en parler. On oublie même d'en parler. Ce n'est pas une
réalité importante dans l'esprit du ministère. Je pense
que j'aurai l'occasion de vous en faire la preuve un petit peu plus tard. Les
services qui existent, m'assure-t-on, du côté de l'enseignement
privé sont des services qui existent et fonctionnent surtout à
des fins de contrôle et d'émission de permis. Ils n'ont aucun
rôle de soutien, aucun rôle d'appui, comme on serait en droit de
s'y attendre si les intentions promulguées dans le préambule de
la loi du ministère de l'Éducation étaient exactes. (20 h
45)
Je voudrais citer, à cet égard, un extrait d'une
étude qui vient de paraître, qui remonte à mars 1983, qui
est intitulée Autonomie, évaluation et financement de
l'enseignement privé étude rédigée sous les
auspices des trois associations principales qui regroupent les institutions
d'enseignement privées. Voici ce qu'on dit dans cette étude
à la page 52: "En contrepartie, les fonctionnaires du ministère
ont multiplié les formes de contrôle et ont fait de ce
contrôle une véritable opération d'évaluation
institutionnelle, d'évaluation de la qualité des pratiques et des
activités. Leurs documents et leurs démarches d'évaluation
en témoignent; qu'on se réfère, par exemple, au guide
d'évaluation et au formulaire de demande de permis, leurs demandes
auprès des institutions sont nettement abusives,
bureaucratiques. Ainsi, un dossier de demande ou de renouvellement de
permis doit présenter, entre autres données, une identification
des besoins, l'analyse de la population scolaire éventuelle, des
études de débouchés qu'offre le marché du travail,
l'identification de la provenance géographique et sociologique de la
future population scolaire, la politique d'admission, la politique d'exclusion,
une description de l'organisation administrative, particulièrement des
qualifications et de l'expérience du personnel, la politique d'embauche,
les modes de communication avec les parents, la description du dossier
scolaire, les politiques de conservation et de consultation de ce dossier, la
politique de mesure et d'évaluation, la description des services
auxiliaires et des services techniques, jusqu'aux appareils disponibles au
secrétariat et à l'imprimerie et aux modes d'impression
prévus, aux équipements disponibles pour l'entretien, à
l'horaire de la résidence, etc., le dépôt pour approbation
de toute forme de publicité que l'établissement projette
d'utiliser".
Il y a un bon nombre de ces exigences que je serais prêt à
justifier. Mais il y en a d'autres - comme le disent les auteurs de cette
étude - qui me paraissent aller beaucoup trop loin dans les
détails et qui me semblent être des formes de contrôle de
plomb qui ne sont pas du tout de nature à encourager des gens qui
oeuvrent dans un secteur comme celui-là.
Je voudrais mentionner ceci: Je ne crois pas que, dans le cahier des
prévisions budgétaires qu'on nous a présenté, on
ait des explications satisfaisantes à ce point de vue. Le mandat de la
Direction de l'enseignement privé a toujours été peu clair
au jugement de ceux qui oeuvrent dans le secteur, encore une fois. On l'a
interprété, depuis le début, comme un mandat de
contrôle et on en a usé pour mettre en pratique une attitude qui a
souvent été une attitude de blocage du développement.
La Direction de l'enseignement privé du ministère est
coiffée par une Commission consultative de l'enseignement privé.
J'ai pris des renseignements sur cette commission, parce que je n'en ai jamais
entendu parler depuis que je m'occupe d'éducation. Il a fallu que je
fasse des démarches moi-même pour en entendre parler. J'ai appris
ceci: sur douze membres, il y en a à peine deux, trois ou quatre qui
viennent du secteur privé. Il n'y a eu aucune consultation...
Je vais vous citer la Loi sur l'enseignement privé. La Loi sur
l'enseignement privé prévoit la formation de cette commission.
Elle n'existe pas par une création ex nihilo, à partir de rien;
elle existe à partir du chapitre 2 de la Loi sur l'enseignement
privé. Voici ce que dit le chapitre 2 à l'article 3: "Une
Commission consultative de l'enseignement privé est instituée.
Cette commission est composée de neuf membres nommés par le
gouvernement sur la recommandation du ministre. Au moins six de ses membres
sont nommés après consultation des groupes les plus
représentatifs des dirigeants, des enseignants et des parents
d'élèves de l'enseignement privé".
J'affirme, après être allé aux renseignements
à ce sujet, M. le Président, qu'aucune consultation des trois
associations principales dont j'ai parlé n'a été faite
à cette fin depuis quatre ou cinq ans. J'affirme également
qu'aucun membre actuel de la commission n'a été proposé
par l'une ou l'autre des trois associations qui représentent ensemble
80% des institutions et de la clientèle du secteur privé. Je
pense qu'on est en face d'un manquement grave, non seulement à l'esprit,
mais à la lettre de la loi qu'il faudra corriger dans les délais
les plus rapprochés.
Dans l'étude dont j'ai parlé, intitulée
Évaluation, autonomie et financement de l'enseignement privé,
voici ce que je lis qui confirme les résultats de mes propres
consultations: "Autres données du problème. La Commission
consultative de l'enseignement privé, active au début, a
été progressivement mise en veilleuse. Créée pour
être le pivot du système, l'État ne lui a pas laissé
jouer son rôle. Il en a même changé la composition et
l'esprit. Dans l'esprit de la loi, le lieutenant-gouverneur en conseil nomme
les 9 membres de la commission..." Est-ce que cela a été
changé, c'est 12 ou 9? C'est 12. Très bien. Il semble que ce soit
beaucoup à trouver dans le secteur privé. Je m'excuse d'avoir
parlé de 12; 9 c'est déjà trop, d'après ce qu'on
peut voir. Le lieutenant-gouverneur, dis-je, "nomme les 9 membres de la
commission après avoir consulté, pour au moins 6 d'entre eux, les
groupes les plus représentatifs des dirigeants, des enseignants et des
parents d'élèves de l'enseignement privé.
Normalement, et comme cela se pratiquait au début du
régime, ces 6 membres représenteront l'enseignement privé.
Aujourd'hui, ceux-ci sont en minorité et les noms recommandés par
les associations d'institutions privées ne sont point retenus dans les
nominations."
L'un des thèmes fondamentaux que j'ai essayé de mettre sur
la table au cours des heures que nous avons consacrées à l'examen
des crédits, c'est l'importance d'un climat de confiance pour que
l'enseignement, autant public que privé, fonctionne avec tout le
dynamisme qui est nécessaire à sa pleine efficacité. Il y
a deux grandes sources d'inquiétude dans l'enseignement privé. Il
y a, d'abord, la politique du parti qui est au pouvoir actuellement. Je pense
que c'est un point où l'on doit parler un peu des partis
politiques. On a dit qu'on ne ferait pas de partisanerie, mais on n'a
pas dit qu'on ne parlerait jamais des partis politiques, étant
donné que nous oeuvrons tous dans des partis politiques clairement
identifiés. La politique du Parti québécois a
comporté, pendant plusieurs années, l'engagement pur et simple
d'abolir les institutions privées, d'abolir l'enseignement privé,
d'intégrer tout cela dans le secteur public. On est rendu à une
politique un peu plus nuancée. Elle a été nuancée
à la suite de l'insistance de certains membres du parti à
l'occasion d'un congrès, mais on constate qu'encore là c'est une
politique qui est plutôt réductrice qu'épanouissante.
Je ne vais pas lire toute la partie du programme du Parti
québécois qui se rapporte à l'enseignement privé,
mais si je comprends bien, on dit: "0 élaborer dans les plus brefs
délais possible une planification financière et
pédagogique des secteurs public et privé et des normes
d'admission qui éliminent toute forme de discrimination sociale." Je
trouve cela fort. Je n'ai jamais vu un gouvernement entreprendre la
planification de l'enseignement privé ou d'un secteur privé. Le
gouvernement peut collaborer à cette oeuvre-là; il peut fournir
des instruments pour cela. Mais quand le gouvernement vient nous dire qu'il va
planifier le secteur privé, il y a quelque chose qui cloche au point de
vue conceptuel. Peut-être que les intentions sont bonnes, mais les
concepts sont pour le moins profondément ambigus. ii) réaliser
cette planification dans une perspective d'intégration progressive - je
croyais lire "du secteur privé et du secteur public"; je me disais que
cela laissait une chance, que cela allait tirer un peu, mais ce n'est pas cela
- du secteur privé au secteur public, dans le respect du libre choix
garanti par la diversité des écoles et, en ce sens, adopter une
loi de l'enseignement privé - qui instaure un contrôle
rigoureux... - qui soumette les institutions privées à des normes
identiques à celles qui régissent les institutions publiques.
"iii réduire progressivement les subventions de l'État aux
écoles privées non intégrées, sur une
période de cinq ans."
On ne sait pas ce que tout cela veut dire. On pensait trouver des
clarifications dans le livre blanc sur l'école communautaire et
responsable. Franchement, quand on lit cette partie du document, on ne sait pas
plus à quoi s'en tenir. Je citerai tantôt quelques passages, mais
ils ne sont pas plus clairs que ce qu'on trouve dans le cahier d'explications
budgétaires. Dans le cahier, je ne sais pas comment on formule cela,
vers la fin du chapitre. Cela vaut la peine de le sortir parce que cela fait
partie du dossier...
Je vais rappeler brièvement ce que le ministre nous avait dit
l'an dernier, on pourra comparer avec cette année. L'an dernier, le
ministre disait, à cette même commission: "Donc, je puis
répéter que ces travaux de consultation qui se poursuivent ne
sont point orientés vers une suppression du secteur privé, mais
vers un arrimage plus cohérent et plus efficace avec l'ensemble du
système québécois d'éducation."
On nous dit ici, à la page 5 du cahier: "L'année 1983-1984
verra se concrétiser davantage la situation d'un enseignement
privé authentique au sein d'un système national unique
d'éducation. La place des établissements privés sera
précisée, eu égard aux quatre grands encadrements
nationaux. Au plan de l'encadrement pédagogique, on verra se
préciser la marge de manoeuvre qui leur permettra de continuer à
se donner un projet éducatif original, tout en se conformant aux
règles de reconnaissance des études et aux grandes
priorités ministérielles."
Dans le livre blanc, il y a un passage qui a beaucoup
inquiété les responsables de l'enseignement privé. C'est
le passage où l'on affirme que "le droit à l'enseignement
privé n'en porte de soi aucun droit strict à recevoir des fonds
publics à cette fin". On continue: "Pour sa part, le gouvernement du
Québec n'a point cessé de verser des subventions aux institutions
privées. Cependant, il faudra que soient revues et
précisées les conditions à satisfaire pour avoir droit
à de telles subventions, de même que les modes et les conditions
de versement de ces subventions. C'est ce à quoi s'applique le
ministère, de concert avec les associations d'institutions
d'enseignement privées". J'y reviendrai.
Mais là, je crois qu'il y a quand même une contradiction
avec le préambule de la loi créant le ministère de
l'Éducation. J'ai cru lire, dans le préambule que j'ai
cité tantôt, que l'on reconnaissait le droit des institutions,
choisies par les parents, à des moyens financiers et administratifs
permettant la poursuite de leurs fins dans le respect des exigences du bien
commun, cette expression devant être interprétée d'une
manière très prudente pour éviter qu'on ne s'en serve pour
imposer une espèce de carcan qui finirait par asphyxier les
institutions.
Alors, ce paragraphe du livre blanc a suscité beaucoup
d'interrogations et d'inquiétudes parce qu'il paraît en nette
contradiction avec le préambule de la loi créant le
ministère de l'Éducation. Dans ce même livre blanc, on
affirme ceci: "Le présent projet ne saurait être le lieu
d'énoncer une politique globale de l'enseignement privé". Il y a
eu toutes sortes d'autres choses depuis sept ans et cela n'a jamais
été le temps. Encore cette fois-là, cela ne l'était
pas encore. J'espère qu'avec les retards qui ont surgi on aura
trouvé le
moyen d'ajouter des dispositions qui clarifient un peu
l'atmosphère. Cependant - je cite le livre blanc - on peut souligner
qu'à la suite de la sanction de la loi 2, qui a récemment
modifié les modes de subvention des institutions d'enseignement
privées, le ministère de l'Éducation a entrepris avec les
associations des institutions privées une démarche conjointe
d'analyse et d'exploration axée sur la saisie commune de certaines
données et sur l'élaboration de moyens concrets de favoriser les
rapprochements souhaités de part et d'autre. Plus loin, on dit qu'on va
rechercher les modes et les conditions de versement des subventions à
l'avenir, "ce à quoi le ministère s'applique -et je cite - de
concert avec les institutions privées".
Or, l'Association des institutions d'enseignement secondaire a
publié un mémoire relatif au livre blanc. Elle a publié
ses vues sur le livre blanc. Du côté ministériel, je pense
qu'on est familier avec ce document. Voici ce qu'on lit dans ce document. On
évoque les deux passages du livre blanc dont je viens de parler. On
ajoute ceci dans le mémoire: "Cependant, la vérité la plus
élémentaire exige de préciser qu'il n'y a pas actuellement
et qu'il n'y a jamais eu de consultation formelle auprès de
l'Association des institutions d'enseignement secondaire sur ces
matières, non plus qu'aucune hypothèse de modification des
rapports secteur privé et secteur public d'enseignement n'a
été jusqu'ici portée à l'attention de l'association
par le ministre. Les seules hypothèses à cet égard sont
celles qu'émet le livre blanc lui-même, tout en les dissociant
d'une politique globale de l'enseignement privé. Est-ce par manoeuvre
politique ou simplement parce qu'il fut victime d'un échéancier
accéléré que le livre blanc parle au présent d'un
futur dont le contour n'est encore absolument pas défini? Il
appartiendra au gouvernement de rétablir les faits et de ne pas laisser
croire à une consultation qu'il n'a pas jusqu'ici estimé utile de
tenir. "Quant à l'enseignement privé tel qu'il se vit à
l'Association des institutions d'enseignement secondaire, il réalise de
plus en plus que les rapprochements dont on parle n'ont de vérité
que la lettre du livre blanc et qu'il y a loin de l'associé qu'on
voudrait qu'il soit au partenaire qu'il se doit de demeurer".
Dans la même veine, je voudrais citer, M. le
Président...
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil, sans vouloir vous brusquer, je vous signale qu'il y a
déjà 40 minutes que vous intervenez. Si nous voulons
répondre...
M. Ryan: II y a de la matière.
Le Président (M. Blouin): Si nous voulons le moindrement
que nos débats de ce soir correspondent aux intentions que vous avez
vous-même manifestées en début de séance, vous
pourriez conclure.
M. Ryan: Si vous me donnez cinq minutes, je vais terminer.
Le Président (M. Blouin): Oui, très bien.
M. Ryan: Ensuite, je pense que je n'interviendrai pas. Le
ministre répondra et on pourra passer à d'autres sujets.
Le Président (M. Blouin): D'accord. (21 heures)
M. Ryan: Je voudrais citer une lettre que le président de
l'Association des institutions d'enseignement secondaire et quelques-uns de ses
collègues, le président de l'Association des collèges du
Québec également, adressaient au sous-ministre de l'Education en
date du 27 janvier. On vous disait: "Nous vous savons gré d'avoir
amorcé le 13 janvier dernier une démarche conjointe du
ministère et de nos associations en vue d'une saisie commune de
données de principe concernant la politique de l'enseignement
privé. La première rencontre de la table de discussion nous a
laissé une excellente impression. Nous voulons vous assurer de notre
loyale collaboration. Suite à cette rencontre, les associations ont
délégué les représentants suivants... Nous
proposons que la table puisse se réunir à tous les deux mois,
etc." Cette lettre remonte au 27 janvier. On m'informe que le sous-ministre en
ayant été saisi aurait réagi favorablement de vive voix,
mais qu'il n'y ait jamais de réponse écrite à cette
lettre, à moins que ce ne soit de date toute récente.
M. Laurin: La semaine dernière.
M. Ryan: La semaine dernière, alors que c'était le
27 janvier. Les crédits s'en venaient, je pense qu'on a dit: On est
mieux de donner une réponse à cela. Mais la lettre remontait au
27 janvier, on avait amorcé un processus depuis ce temps et il n'y a
rien eu. En tout cas, on nous donnera connaissance de la lettre tantôt,
mais on constate que cela ne va pas trop vite dans ce secteur.
Ensuite, on avait écrit au gouvernement, au ministre
également pour lui faire part de difficultés qui se posaient dans
le secteur de l'enseignement privé concernant les équipements en
relation avec certains nouveaux programmes qui demandent des adaptations
d'équipement ou même l'acquisition d'équipements nouveaux.
Par exemple, le programme d'économie familiale, le programme
d'initiation à la technologie et éventuellement le programme
d'initiation à
l'informatique. Encore là, la lettre remontait au 21 janvier
1983. Le ministre a répondu un peu plus tôt cette fois, le 29
mars, deux mois plus tard par une lettre dans laquelle on ne disait
pratiquement rien. On disait qu'on écoutait tout cela, que
c'était très intéressant, on disait: "Vous sollicitiez la
mise en place d'un comité mixte pour l'étude de cette question,
je consens volontiers à ce que toutes les composantes du problème
soient prises en considération et discutées. Il conviendrait
d'inclure vos préoccupations au nombre des échanges que vous
comptez avoir avec mon ministère pour une meilleure concertation sur
toute question portant sur l'enseignement privé dans le cadre de son
insertion au système d'éducation du Québec". Je ne crois
pas qu'il y ait eu aucune suite concrète donnée à cela.
Eux, ils sont pris avec les mêmes décisions en matière
d'équipement en vue de l'implantation de nouveaux programmes. S'il y a
eu des mesures concrètes qui ont été prises, je serais
très heureux d'en prendre connaissance.
On m'informe que les responsables de l'enseignement privé
auraient demandé des renseignements au sujet du programme d'informatique
annoncé par le ministre de l'Éducation il y a quelque temps, dont
nous avons parlé, hélas, trop brièvement au cours des deux
derniers jours. On me dit qu'ils auraient été informés que
ce programme ne s'intéressait pas à eux. Ils n'étaient pas
envisagés comme des participants éventuels dans le programme et,
pourtant, ils sont très intéressés à
développer ce type d'enseignement ou le recours à ce moyen
d'amélioration et de modernisation de la pédagogie, comme les
autres.
Je conclus, M. le Président. J'aurais voulu parler
également de la loi 11. C'est malheureux que je n'en n'aie point
parlé. J'adresse au moins une question au ministre ici. Je pense que la
date limite prévue par la loi pour la fixation du montant de la
subvention qui sera versée pour l'année courante est le 1er mai.
Je ne sais pas si c'est la loi ou le règlement qui le fixe, mais je
crois que c'est le 1er mai. L'an dernier, vous savez que cela a
été fixé vers le mois de février,
c'est-à-dire à peu près neuf mois plus tard. Là,
nous sommes au 6 mai; il ne faut pas être trop exigeant parce que ce
n'est pas la première fois qu'on est en retard dans l'application de la
loi. J'aimerais que le ministre nous dise quand il compte être en mesure
de communiquer aux intéressés la décision du gouvernement
relative au montant des subventions qui seront disponibles pour la prochaine
année?
Je conclus en constatant, sur la foi des contacts qu'il m'a
été donné d'avoir, que l'enseignement privé apporte
une contribution considérable, très appréciable,
très riche au développement culturel, social et moral de la
jeunesse du Québec. Il a servi très honorablement notre
communauté depuis de nombreuses générations. Je constate
que, malgré des difficultés considérables, il veut vivre,
il veut continuer à servir nos concitoyens dans des conditions de
liberté compatibles avec les exigences légitimes du bien commun
et non pas avec les exigences tatillonnes d'un gouvernement qui pratiquerait
à son endroit une politique de louvoiement et d'asphyxie. Ce qu'on
souhaite, c'est que le gouvernement en arrive le plus tôt possible
à établir une sorte d'entente claire avec le secteur de
l'enseignement privé: Qu'il garde la priorité du
côté de l'enseignement public, nous en sommes; c'est même
dans le programme du Parti libéral du Québec que la
priorité doit demeurer à l'école publique, mais qu'il
établisse clairement les règles du jeu pour une période
raisonnable. Cela peut être une période de cinq ans, cela peut
être une période plus longue au besoin. Cinq ans me
paraîtrait une période, tout de même, beaucoup plus
raisonnable. Qu'on discute cette politique par les voies du débat public
qui nous sont familières. Je pense qu'après cela nous pourrons
continuer à cheminer ensemble, ceux qui préfèrent le
secteur public, ceux qui préfèrent le secteur privé, sans
qu'il soit question de deux systèmes parallèles et
complètement indépendants de part et d'autre, mais dans l'esprit
de complémentarité et de respect réciproque qui doit
convenir aux artisans d'une démocratie bien comprise. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, il est bien entendu que
l'enseignement privé a joué un grand rôle au Québec
en ce qui a trait à la mission éducative de notre État, de
notre gouvernement, et il ne me viendrait aucunement à l'esprit de le
nier. Je sais que notre société doit beaucoup à
l'Église pour avoir été responsable au premier chef de la
création de notre réseau primaire - bien que cela soit moins
évident pour le niveau primaire - mais en particulier du réseau
secondaire, du réseau collégial et on pourrait même dire du
système universitaire. Notre société, à cet
égard, doit sûrement un large tribut de reconnaissance à
l'Église québécoise qui, à une époque
où c'était impossible pour l'État en raison de
circonstances politiques -puisque, à ce moment, le Québec
était complètement sujet à l'autorité de l'occupant
- a assumé ces fonctions. Ce n'est que graduellement, à partir de
1830, que l'État a commencé véritablement à jouer
son rôle dans ce domaine. Longtemps, ce rôle de l'État a
été suppléant, l'Église conservant le primat des
interventions dans ce domaine. On peut même dire que ce n'est que depuis
une cinquantaine d'années que l'État a
véritablement assumé ses fonctions et ses
responsabilités à cet égard.
C'est donc dire, encore une fois, que l'Église a joué un
rôle majeur à cet égard et que nous ne saurons jamais assez
la remercier pour cet apport, absolument indispensable, à notre
société. Je pense qu'on lui doit aussi beaucoup de reconnaissance
non seulement pour avoir créé ces réseaux institutionnels
à tous les niveaux, mais également pour y avoir instauré
un climat de qualité pour l'enseignement qui y était
dispensé. J'ai eu l'occasion de le reconnaître moi-même
autant que le député d'Argenteuil, et je pense que je peux en
témoigner. J'ai un tribut de reconnaissance personnel à
l'égard de l'institution où j'ai pu acquérir non seulement
le savoir, mais également l'éducation que savaient dispenser ces
institutions.
Il reste, cependant, qu'à un moment donné il fallait que
l'État assume davantage sa responsabilité en ce domaine et, dans
cette période qu'il est convenu d'appeler la période de la
révolution tranquille, l'État a pris des décisions
majeures en ce sens. Il importait de le faire parce que, malgré tous ses
efforts, l'Église ne parvenait pas à assumer la totalité
des obligations qu'une société doit assumer à l'endroit de
l'éducation. Autant on pouvait dire que l'enseignement qui était
dispensé dans les écoles secondaires et les collèges par
les communautés religieuses était de qualité, autant aussi
on pouvait remarquer que l'accès à ces institutions était
quand même très limité et que, par ailleurs, dans certains
secteurs en pleine émergence, comme les secteurs professionnels,
l'Église n'avait pas les ressources nécessaires pour combler les
besoins de plus en plus criants, de plus en plus importants qui se
manifestaient.
Je pense que c'est là la raison pour laquelle, au détour
des années soixante, non seulement a-t-il paru nécessaire de
créer un ministère de l'Éducation, mais il a
également paru nécessaire que l'État assume pleinement
l'exercice de ses responsabilités. Je pense que l'État a
assumé de plus en plus ses responsabilités au fil des
années non seulement en complétant le réseau
déjà en place en y ajoutant dans toutes les régions du
Québec les institutions appropriées, mais également en
pourvoyant d'une façon complète au financement de ces
institutions. Je pense que c'était là tout à fait
normal.
Malgré que cela ait été fait, un réseau
privé a subsisté et il est heureux qu'il en ait été
ainsi parce qu'encore une fois, dans ces institutions, l'enseignement qui
était dispensé était de qualité. Nous avons pu
ainsi conserver les traditions qui constituent encore une partie importante de
notre acquis.
Il reste, cependant, qu'à partir de ce moment l'État a
privilégié, comme il se devait, le système public. Sa
première responsabilité était à l'endroit du
système public et il a plusieurs fois répété, sous
des gouvernements successifs, qu'il visait à la création d'un
système scolaire unique comprenant surtout un secteur public, mais aussi
comprenant comme secteur d'appoint un secteur privé qu'il visait, quand
même, à rapprocher le plus possible du secteur public, à
intégrer également sur le plan fonctionnel au secteur public.
C'est la même conception que nous entretenons actuellement dans la
foulée de cette conception qui a été souventefois
exposée par d'autres gouvernements que le nôtre.
Il reste que, malgré ses qualités, ce secteur privé
pouvait comporter, lui aussi, ses carences, ses limites ou ses défauts
en ce qui concerne les clientèles visées, même si je suis
d'accord avec le député d'Argenteuil pour constater qu'au fil des
années la clientèle des établissements secondaires et
collégiaux s'est davantage diversifiée et qu'on ne peut plus du
tout parler d'une école monolithique. On peut dire aussi que, dans
certains modes de fonctionnement, par exemple les modes de sélection ou
les modes de renvoi, il y avait peut-être certains facteurs qui faisaient
que la pleine accessibilité ou la pleine démocratisation
n'était peut-être pas atteinte. De toute façon, ceci
n'enlève rien à la nécessité de la création,
de l'entretien, du subventionnement d'un système scolaire unique
où la part la plus importante, la part majeure doit continuer à
appartenir au secteur public.
Nous avons tenté, il est vrai, à la suite des
déficiences ou des lacunes constatées ou à la suite de ce
désir manifesté par tous les gouvernements de rapprocher les deux
secteurs - pour ne pas dire de les intégrer -d'apporter une
réponse. C'est ce qui a fait promettre au gouvernement d'apporter une
politique de l'enseignement privé. Il est vrai que nous nous y sommes
essayés sous l'égide du développement culturel. Je me
rappelle deux tentatives auxquelles nous nous sommes livrés.
Après avoir examiné de près, à deux reprises, les
résultats de nos efforts, le président du Comité de
développement culturel, qui est l'actuel ministre de l'Éducation,
a trouvé que les solutions auxquelles nous en étions
arrivés étaient imparfaites, étaient insatisfaisantes, ne
répondaient pas véritablement à toutes les questions qui
devaient se poser, n'apportaient pas une solution qui nous permettait
d'atteindre les objectifs recherchés. C'est la raison pour laquelle ces
deux essais de politique de l'enseignement privé n'ont même pas
été soumis au Conseil des ministres, malgré que nous en
ayons eu le désir et que nous l'ayons fortement souhaité.
Lorsque je suis arrivé à la tête du ministère
de l'Éducation, je n'oubliais certes
pas ces deux essais infructueux et j'ai tenté une autre approche.
Nous nous sommes dit que, les deux essais antérieurs ayant
échoué probablement parce que nous avions visé trop haut
par une tentative peut-être trop théorique ou trop abstraite, il
convenait d'adopter une autre formule. C'est à ce moment, lors de
rencontres que j'ai eues avec les représentants de l'enseignement
privé, je leur ai fait part des quelques hypothèses majeures que
nous avions envisagées, leur disant que nous ne les avions par retenues,
mais qu'il convenait peut-être de nous concerter avec eux pour faire un
bilan de la situation pour acquérir une connaissance beaucoup plus
exacte, beaucoup plus détaillée du réseau de
l'enseignement privé et qu'il convenait peut-être d'explorer
ensemble certaines de ces hypothèses à la lumière de leurs
expériences et à la lumière de la connaissance plus exacte
de leur secteur que pouvaient nous procurer les rencontres que nous pourrions
avoir avec eux. (21 h 15)
C'est ainsi, par exemple, que nous avons parlé avec eux du
concept du patrimonialité, du concept de complémentarité
interinstitutionnelle, du concept de l'association, non plus seulement, cette
fois, en théorie, mais en tentant d'en envisager les implications
pratiques et en tentant d'en évaluer l'impact sur la situation des
institutions de divers niveaux.
Je dois dire que ces essais de dialogue, de concertation, d'exploration
mutuelle, n'ont pas donné tous les résultats que,
personnellement, j'en escomptais. À la suite de ces discussions, on nous
a fait valoir que ces concepts devaient être rejetés, qu'ils ne
convenaient pas et qu'il fallait, probablement, en trouver d'autres. C'est ce
que nous avons bien l'intention de faire et c'est d'ailleurs ce que le
sous-ministre a répondu récemment à M. Boissonneau, le
président de l'Association des collèges. Il lui répondait,
par exemple, au mois d'avril, qu'il était d'accord pour que soit
créée une table de concertation en vue d'une saisie commune des
données et de principes concernant une politique de l'enseignement
privé. Donc, une approche axée à la fois sur les
principes, sur les concepts, mais en même temps une approche empirique
axée sur une saisie commune des données.
Le sous-ministre fait une contre-proposition, cependant, quant à
la composition de cette table. Il lui parait, en effet, peu réaliste
d'accepter la formule que lui soumettait le président de l'Association
des collèges du Québec. Mais il était cependant d'accord
pour discuter avec lui de cette contre-proposition, de s'entendre sur le format
de la table en question.
Les sujets de discussion, par ailleurs, que nous proposait M.
Boissonneau nous paraissent tous à retenir. Par exemple, l'autonomie des
établissements, leur évaluation, leur financement, de même
que d'autres questions que nous voudrions ajouter à la liste de ceux
qu'on nous soumettait comme, par exemple, le droit de l'enfant à des
services éducatifs, la nature de ces services, la gratuité des
services, la confessionnalité de l'école, la protection de
l'élève et le reste.
Cette lettre a été envoyée la semaine
dernière à M. Boissonneau et je sais que les contacts se
poursuivront entre le sous-ministre et M. Boissonneau. Il est prévu que
nous tiendrons probablement cette table de concertation au mois de juin.
Encore une fois...
M. Ryan: J'aurais seulement une petite question de
précision, si vous permettez. Est-ce que cette lettre a
été adressée seulement au président de
l'Association des collèges ou aux présidents des autres
associations également?
M. Laurin: Oui, aux deux autres également.
Donc, pour résumer, nous avons, cette année, plutôt
tenté d'examiner les problèmes à la pièce,
tenté d'acquérir une meilleure connaissance des institutions
privées. Jusqu'à tout récemment, nous ne recevions de ces
institutions que les rapports financiers annuels. C'était à peu
près tout ce que nous avions. Il était donc très difficile
pour nous, à partir de ces quelques données, d'avancer dans la
solution aussi bien des problèmes pratiques qu'on nous soumettait que
dans l'élaboration d'une politique d'ensemble.
Il faut dire aussi que, à partir du moment où nous avons
mis sur la planche à dessin un projet de réforme pour
l'école publique en même temps que l'étude d'un
règlement pédagogique sur le régime collégial, en
même temps qu'une politique de formation professionnelle, en même
temps qu'une politique de formation des adultes, les efforts du
ministère étaient fortement orientés, investis, dans cette
direction et il devenait peut-être plus difficile de consacrer autant de
temps, autant d'efforts, autant d'énergie à l'étude de ce
problème. D'autant plus que, si nous parvenons à améliorer
d'une façon considérable le secteur public, même en
profitant des expériences faites dans le secteur privé, des bons
exemples que peut nous donner le secteur privé, on peut peut-être
modifier les données du problème et mieux voir, par la suite, les
modes d'articulation qu'il est possible d'envisager entre le secteur public et
le secteur privé.
Je pense que c'est là une explication tout à fait valable
du fait que, cette année, nous avons plutôt
privilégié le secteur public. Je ne pense pas avoir promis,
incidemment, l'an dernier, d'arriver cette année avec une politique
d'ensemble sur l'enseignement privé.
Aguerri, sinon éprouvé par deux essais infructueux
antérieurs, je pense que je n'aurais pas osé promettre
d'élaborer une politique qui s'était révélée
à ce point complexe en moins d'une année ou en une année.
Ceci ne veut pas dire, cependant, que nous renonçons à notre
objectif. Nous y arriverons peut-être davantage, mieux, d'une
façon plus efficace, par le biais des études que nous avons
entreprises dans le secteur public et par cette approche plus empirique que
nous adoptons maintenant.
En ce qui concerne les coûts, le député d'Argenteuil
nous a apporté ses chiffres. Là aussi, on peut sûrement
estimer que le secteur privé, comparativement, coûte moins cher
à l'État que le secteur public. Mais c'est là, encore une
fois, une volonté qu'avaient exprimée, bien avant nous, d'autres
gouvernements qui nous ont précédés. Nous n'avons pas cru
opportun de changer cette orientation fondamentale qui avait été
prise avant que nous assumions la responsabilité du pouvoir. Par
ailleurs, lorsque le Québec a connu la période de
récession dans laquelle nous sommes entrés il y a deux ans, je
pense qu'il était légitime en même temps que normal que le
secteur privé assume lui aussi sa part de ce sacrifice collectif qui
était imposé au secteur public ainsi qu'à toutes les
autres missions de l'État. C'est la raison pour laquelle nous avons,
à ce moment-là, présenté la loi 11. Nous avons
quand même présenté dans la loi 11 un nouveau mode de
paiement des subventions qui, même si, sur le plan des coûts,
était inférieur aux attentes exprimées, comportait quand
même un certain nombre d'améliorations, puisque la loi 11
permettait de varier les subventions selon le niveau scolaire entrevu ou selon
le type de formation qui était dispensé. Par exemple, les
subventions ne sont pas les mêmes selon qu'on est au niveau secondaire ou
au niveau collégial. Ce ne sont pas les mêmes, non plus, selon que
l'on a affaire à l'enseignement secondaire ou collégial
général ou à l'enseignement secondaire ou collégial
professionnel.
Cela me permet d'apporter mes propres chiffres pour les ajouter à
ceux que nous présentait le député d'Argenteuil.
D'ailleurs, je lui en ai transmis une copie. Le coût moyen en 1982-1983,
par exemple, pour le secondaire général était, par
élève, de 2373 $ pour les institutions reconnues
d'intérêt public et de 1757 $ pour les institutions reconnues pour
fins de subventions, que nous ne subventionnons, comme vous le savez, M. le
député, qu'à 60%. Pour le collégial
général cette subvention per capita - encore une fois pour les
institutions d'intérêt public - est de 3068 $. Pour le
collégial professionnel -toujours pour les institutions
d'intérêt public - ces subventions s'élèvent, per
capita, entre 3839 $ et 4757 $, selon le niveau considéré. Je
pense que ces chiffres peuvent tempérer un peu ceux que vous nous avez
apportés ou, en tout cas, s'y ajouter et aider à les faire voir
dans une autre optique.
Quant aux autres critiques que fait le député
d'Argenteuil, il peut - comme il l'a dit lui-même - trouver
légitimes certaines demandes que nous adressons maintenant aux
institutions privées. Mais il en trouve d'autres qui sont abusives. Je
regarderai en détail ces questions et j'en ferai un nouvel examen. Si
des demandes me semblent abusives à la suite des remarques que vous avez
faites, je verrai à corriger la situation.
Si nous voulons atteindre cet idéal d'articulation, de
rapprochement beaucoup plus fonctionnel auquel nous visons et auquel visent
d'ailleurs toutes les sociétés qui partagent cette idée
qu'il faut un système scolaire unique, même si celui-ci comporte
le maintien du secteur privé, il importe cependant que, pour arriver
à cet objectif, il nous faille obtenir un bon nombre de renseignements
qui, à première vue, peuvent ne pas s'avérer
nécessaires ou absolument indispensables, mais qui, au fond, lorsqu'on
les regroupe, nous donnent une image de la situation qui permet justement de
mieux nous saisir des données et de préparer des solutions pour
l'avenir. Mais, encore une fois, je ferai un examen critique de ces
demandes.
Je prends aussi en considération les critiques que vous avez
faites sur le mode de nomination des membres de la commission consultative. Je
sais que nous avons l'habitude de consulter les associations du secteur
privé ainsi que d'autres associations, telles les centrales syndicales,
les universités. Je verrai, là aussi, si nous avons exercé
judicieusement le choix qui avait pu être fait de l'un ou l'autre des
membres qui nous étaient conseillés pour siéger à
cette commission consultative.
Nous procédons actuellement à l'étude des
subventions qui doivent être versées aux institutions
privées en vertu de la loi 11. Il est vrai que la loi parlait du 1er mai
mais, cette année, en raison des négociations que nous avons
connues, il a été plus difficile de respecter nos horaires
puisque, comme vous le savez, les subventions que nous accordons aux
institutions privées sont basées sur les paramètres du
secteur public, pour la même année. Il nous faut donc
connaître d'une façon nette, absolue, les paramètres du
secteur public avant de calculer, avec les indications que nous donne la loi
11, les subventions que nous devons accorder aux institutions privées.
Les paramètres du secteur public nous sont maintenant connus puisqu'il
semble que l'hypothèse Désilets et l'hypothèse Gauthier
seront acceptées. Je pense que nous pourrons, avec un léger
retard, c'est-à-dire vers la fin du mois de mai, faire connaître
aux institutions privées,
dans leur totalité et leur intégralité, les
subventions qui leur seront versées. Nous nous excuserons, bien entendu,
du retard que nous avons apporté à leur accorder ces
subventions.
Il est vrai, par ailleurs, que l'école communautaire est
responsable, est assez laconique en ce qui a trait à l'enseignement
privé, pour la bonne raison que ce projet de réforme porte
entièrement, exclusivement, sur le secteur public. C'est celui-là
que nous voulons d'abord améliorer, auquel nous voulons apporter des
réformes, dont certaines sont attendues depuis une quinzaine ou une
vingtaine d'années. Tout ce que nous avons voulu ajouter dans ce projet
de réforme, outre certaines affirmations de principe qu'a
relevées le député d'Argenteuil, mais qui n'ont pas trait,
au fond, au projet de réforme proprement dit, tout ce que nous avons
voulu ajouter, dis-je, c'est cette volonté de rapprochement,
d'articulation, de collaboration entre le secteur public et le secteur
privé.
Au fond, l'essentiel de notre proposition est d'inviter des
représentants du secteur privé à siéger au conseil
des commissaires du territoire scolaire pour qu'il y ait échange
d'information et, peut-être, des discussions pouvant mener à des
échanges de services entre les deux secteurs. Ce sont des
échanges de services dont le secteur public pourrait
bénéficier puisqu'on sait que certaines institutions
privées, particulièrement dans certains territoires comme
Outremont ou Sillery, sont mieux organisées que celles du secteur public
et peuvent, en conséquence, rendre des services signalés aux
institutions du secteur public ou, dans la majorité des cas, là
où les institutions du secteur public sont mieux organisées,
mieux financées, il pourrait y avoir l'organisation de services que les
commissions scolaires pourraient rendre au secteur privé. Nous nous
limitons à cette seule considération, mais elle est faite dans le
meilleur des esprits possible, c'est-à-dire une volonté de
rapprochement, une volonté d'articulation, une volonté de
dialogue afin que les deux éléments du système
d'éducation prennent l'habitude de se parler, d'échanger, de se
rendre des services et apprennent à travailler de concert d'une
façon plus organique et plus intense que par le passé. (21 h
30)
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
M. le député d'Argenteuil, très
brièvement.
M. Ryan: Je serai très bref parce que je savais qu'on
avait peu de temps pour entrer dans les détails. Je voudrais seulement
rappeler au ministre que l'an dernier, lors de l'étude des
crédits de son ministère à la commission parlementaire de
l'éducation, il est allé un peu plus loin qu'il ne le pensait.
Cela m'avait échappé tantôt, mais, en lisant jusqu'au bout,
je trouve le passage suivant. M. le député Cusano de Viau vous
avait un petit peu pressé sur cela. Il vous avait demandé ceci.
"Je sais que vous vous hâtez lentement, comme vous l'avez dit en Chambre,
je sais que vous avez peut-être un peu répondu à cela, mais
êtes-vous capable de me donner une date plus ou moins précise,
à savoir quand le gouvernement va se prononcer sur le sort de
l'école privée?"
Et M. Laurin de répondre: "II est probable que le Conseil des
ministres poursuivra son étude sur ce projet au cours des prochaines
semaines et qu'on peut, sans pouvoir le garantir, prévoir qu'une
décision sera prise au cours du mois de juin". On était à
ce moment le 18 mai. Cela laissait entendre que votre réflexion devait
être pas mal avancée pour que vous envisagiez que le gouvernement
soit en mesure de se prononcer au mois de juin. Je n'insiste pas davantage sur
cela, c'est seulement pour que le dossier soit complet et clair.
J'apprécie ce qu'a dit le ministre et je peux lui dire que, si on avait
eu l'indication plus claire que les crédits avaient été
conçus dans un esprit d'ouverture, de reprise de dialogue ou de
collaboration véritable, cela m'aurait fait bien plaisir de voter pour
l'adoption des crédits. Mais comme on a été habitué
à ces paroles dans le passé qui n'ont pas eu de lendemain, je
promets au ministre que, s'il nous arrive avec des résultats l'an
prochain et que nous soyons tous encore là, on sera très heureux
d'avoir une étude positive.
Le Président (M. Blouin): Conclusion, le programme 8 sur
l'enseignement privé est-il adopté?
Mme Dougherty: Est-ce que je pourrais poser une autre
question?
Le Président (M. Blouin): Oui, rapidement. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Ma question porte sur le sort des écoles
privées pour les enfants handicapés. Il y a un an, nous avons eu
un débat sur la loi 11 qui a gravement affecté leur avenir. Quel
sera l'impact des prévisions sur ces écoles?
M. Laurin: Je pense que la députée de
Jacques-Cartier est au courant qu'après l'adoption de la loi 11,
à la suite de représentations qui nous ont été
faites sur l'insuffisance des crédits qui avaient été
accordés aux écoles spéciales pour enfants
handicapés, nous avions injecté une somme additionnelle de 1 500
000 $. Je pense que cette addition de fonds a satisfait les
institutions concernées. La députée de
Jacques-Cartier doit être au courant que certains élèves
qu'accueillent les institutions privées consacrées à
l'enfance en difficulté d'adaptation, par suite de demandes que
certaines commissions scolaires leur font, peuvent bénéficier
d'une subvention à 100%, c'est-à-dire du financement per capita
intégral que nous versons aux élèves du secteur public
pour ces institutions. Dans certaines des institutions privées qui
s'occupent de ces enfants-problèmes, on constate que la majeure partie
de la clientèle, pour ne pas dire parfois 60% ou 70%, appartient
à cette catégorie. Même si les institutions qui s'occupent
de ces enfants gardent leur pleine autonomie, on peut dire que, d'une
façon indirecte, une large partie de leur financement équivaut
à celui qui est dispensé au secteur public.
Mme Dougherty: Ils sont financés par voie publique.
D'accord. Merci. Je n'étais pas au courant.
Le Président (M. Blouin): Le programme 8 sur
l'enseignement privé est-il adopté?
M. Ryan: Oui, sur division.
Le Président (M. Blouin): Adopté sur division.
Vu que M. le député de Marquette désire intervenir
et qu'il doit quitter Québec pas trop tard ce soir, si vous le voulez
bien, nous allons passer immédiatement au programme 3 sur l'aide
financière aux étudiants. M. le député de
Marquette, vous avez la parole.
Aide financière aux étudiants
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Étant
effectivement bien conscient des contraintes de temps, je vais me limiter
à l'essentiel et ne poser que quelques questions au ministre, avec sa
permission.
Dans un premier temps, on constate qu'il y a une variation de 4,8% par
rapport aux crédits de l'an dernier. Effectivement, dans le milieu
étudiant, M. le Président, il y a un point qui, depuis plusieurs
années, est une source de beaucoup d'interrogations. On a eu l'occasion
d'en faire part au ministre lors des mêmes travaux l'an passé,
à l'étude des crédits, relativement toujours au statut de
dépendants ou d'indépendants pour l'admissibilité ou
l'octroi de prêts et de bourses aux étudiants.
J'aimerais renvoyer le ministre à une étude que son
ministère a commandée en 1980 au Service des études
spéciales, Bureau de la statistique du Québec. Ladite
étude faisait certaines recommandations; en particulier, à la
page 108, elle recommandait tout simplement que la contribution des parents ne
soit plus un critère dans l'octroi de prêts et de bourses. Elle
venait aussi à la conclusion que seulement 44% des étudiants
dépendants ont reçu une contribution pécuniaire de leurs
parents, en se référant toujours à l'année
1981.
Évidemment, ma première question est de demander au
ministre s'il n'a pas l'intention éventuellement de réviser le
régime de prêts et bourses par rapport justement à la
situation de dépendance ou d'indépendance vis-à-vis des
parents.
Un autre point que j'aimerais souligner au ministre et que l'on peut
retrouver dans la même étude du Bureau de la statistique du
Québec se rapporte à la contribution minimale qui est
demandée à l'étudiant avant qu'on lui octroie un
prêt et une bourse. L'étude en question arrive également
à la conclusion qu'il y a certaines disparités régionales,
dans certaines régions du Québec, l'emploi d'été
pour l'étudiant étant beaucoup plus rare que dans d'autres
régions. Ma question - le ministre s'en doute sûrement -pour
être logique, est de lui demander s'il n'a pas songé à
réviser le régime de prêts et bourses en rapport avec les
disparités régionales et la rareté d'emplois pour
étudiants dans certaines régions du Québec.
Troisièmement, M. le Président, il y a l'endettement
étudiant. Avec le taux de chômage et les 170 000 assistés
sociaux en deçà de 30 ans actuellement, plusieurs d'entre eux
voient un avenir plus brillant en retournant aux études. Il faut en
être conscient. Il faut être fier de cela aussi, en passant. Si,
à première vue, cette décision semble être la
meilleure, à bien y regarder, on se rend compte du prix qu'ont à
payer ceux qui veulent parfaire leur formation, c'est-à-dire
l'endettement. En 1981, plus de la moitié des étudiants ayant
reçu une aide financière du ministère devaient 1800 $ et
plus. Ces chiffres risquent de s'aggraver au cours des prochaines années
puisque, en juillet dernier, le ministère de l'Éducation
annonçait qu'une partie de la bourse serait désormais convertie
en prêt. Ainsi, 120 $ sont ajoutés au prêt maximal, qui est
de 1000 $ au collégial et de 1400 $ au niveau universitaire.
Est-ce que le ministre est conscient que, dans la situation
économique actuelle, une augmentation du niveau de l'endettement des
étudiants risque de contraindre plusieurs de ceux-ci à abandonner
leurs études, ce qui serait contraire aux intérêts du
Québec à long terme?
Toujours dans la même lignée, M. le Président,
j'aimerais demander au ministre pourquoi il a procédé à ce
changement sans avoir consulté les intervenants du milieu, à
commencer par les étudiants eux-mêmes, surtout qu'il n'y a pas
tellement longtemps, sa formation politique promettait la gratuité
scolaire. Est-ce qu'il va procéder maintenant
à un nouveau transfert d'une partie de la bourse au prêt
cette année encore? C'est une question que je lui pose.
Et est-ce que le ministre, considérant le remboursement que
l'étudiant a à faire dans un délai de six mois
après la fin de ses études... Cependant, il faut quand même
être honnête et ajouter que, depuis le mois de juin 1982, les
articles 29.1 à 29.7 du règlement concernant les prêts et
bourses aux étudiants prévoient que l'emprunteur sans ressources
suffisantes pour rembourser la dette contractée peut disposer d'un
nouveau délai pouvant atteindre 18 mois, au terme duquel l'emprunteur
doit prendre charge du remboursement de sa dette. J'aimerais tout simplement en
ajout dire que - comme le faisait remarquer Jacques Roy, coordonnateur des
programmes au CLSC des Chenaux - "la période de chômage" se
prolonge souvent au-delà de deux ans après la fin des
études sans compter le caractère intermittent du marché du
travail chez les jeunes. Ma question est tout simplement la suivante: Est-ce
que le ministre serait disposé à prévoir des
modalités de remboursement flexibles afin de tenir compte de
l'alternance entre ces périodes d'emploi et les périodes de
chômage chez les jeunes?
Si je ne vais pas trop vite, j'aimerais terminer en faisant état
des retards qu'on a connus, cette année, dans l'octroi des prêts
et bourses. À la suite d'une lettre de ma part mentionnant qu'en janvier
dernier, quelque 12 000 étudiants n'avaient pas encore reçu leur
prêt, le ministre avait répondu que c'était attribuable au
trop grand nombre de demandes. J'aimerais lui demander, pour que nous n'ayons
pas de surprises l'an prochain, que des études soient menées afin
que les prévisions soient, dorénavant, plus fiables et qu'il y
ait plus de vigilance pour l'an prochain parce que beaucoup d'étudiants,
durant la session d'automne, n'avaient pas un sou, ne serait-ce que pour
acheter la Presse.
M. Laurin: En période de récession
économique, les demandes déjà très grandes de la
part des citoyens québécois à l'endroit de leur
État, que ce soit dans la mission éducative ou dans la mission
sociale, ne peuvent que s'accroître en raison du fait que la
récession frappe les citoyens, soit qu'ils perdent leur emploi ou qu'ils
travaillent moins longtemps dans l'année ou soit qu'ils ont
épuisé leurs prestations d'assurance-chômage et tombent
dans le giron de l'aide sociale. En période de crise, en période
de récession, les demandes s'accroissent, mais, pourtant, il faut
remarquer que ces ressources diminuent aussi en période de
récession pour l'État, puisque l'État ne peut vivre
qu'à même les taxes qu'il prélève chez les citoyens
et que ces prélèvements sont diminués, parfois fortement,
en raison de la récession, qu'il s'agisse de faillites d'entreprises ou
de faillites personnelles ou de revenus moindres que gagnent les citoyens.
L'État est dans cette situation paradoxale où, avec des
ressources diminuées, il doit faire face à des demandes
croissantes. Pourtant, malgré ces conditions éminemment
défavorables, nous avons quand même maintenu notre programme de
prêts et bourses et non seulement l'avons-nous maintenu à son
niveau, mais nous avons continué à le faire progresser. Je citais
des statistiques éloquentes à cet égard dans mon
exposé d'introduction où je disais, par exemple, que nous avions,
au cours des cinq dernières années, augmenté de 141% le
budget consacré à l'aide financière aux étudiants,
même si le budget de l'éducation, durant cette même
période, n'avait augmenté que de 84%. C'est donc dire la
priorité que constitue, pour nous, le régime d'aide
financière aux étudiants puisque, malgré les sacrifices
énormes encourus, aussi bien sur le plan individuel que collectif,
l'État a alloué une portion plus considérable qu'il
n'aurait peut-être dû le faire à ce poste.
Il importe aussi de souligner que cette position de principe ressort
d'un objectif que nous avons tenté de maintenir contre vents et
marées: celui de l'accessibilité la plus entière au
système d'éducation afin d'arriver à augmenter le
potentiel humain de notre population, particulièrement la plus jeune,
celle sur qui repose notre avenir et celle qui vise aussi au plein
épanouissement des personnes. C'est la raison pour laquelle nous avons
fait, malgré tout, un effort considérable dans ce domaine. (21 h
45)
Je fais, encore une fois, remarquer, même si cela a
été répété à quelques reprises, que
le système d'aide financière du Québec est le plus
généreux de tout le Canada. Je sais que ce n'est pas encore
suffisant et que l'aide accordée ne correspond pas encore aux besoins
réels des étudiants; j'en suis le premier conscient.
Il reste qu'il nous faut partager, dans une certaine mesure, les
ressources provenant du produit des taxes avec tous les autres secteurs de la
mission gouvernementale et avec toutes les clientèles qui ont besoin de
l'aide de l'État. C'est dans cet esprit que nous avons
considéré les diverses demandes présentées
aujourd'hui par le député de Marquette. Nous sommes bien au
courant, évidemment, de cette étude. Je peux assurer le
député de Marquette que, si nous avions eu plus de fonds, nous
aurions tenté de faire droit, du moins partiellement, à cette
recommandation que nous faisait le comité d'étude, parce que nous
sommes parfaitement conscients, avec lui et avec les auteurs de cette
étude, que les élèves dépendants ne voient
satisfaits que dans une proportion
incomplète et même insuffisante leurs besoins de la part de
leurs parents. Mais, cette année encore, nous ne pourrons pas donner
suite à cette recommandation.
La deuxième demande du député de Marquette concerne
la contribution minimale demandée à l'étudiant. Il la met
en rapport avec les disparités régionales, c'est-à-dire
avec la situation différenciée de l'étudiant qui se
trouve, pour son heur ou son malheur, à être dans des
régions moins favorisées par le développement
économique. Je rappelle, cependant, au député de Marquette
que, quel que soit le succès des efforts des étudiants à
la recherche d'un emploi et même si un étudiant ne trouve pas
d'emploi, il y a quand même une contribution minimale qui est inscrite
dans nos paramètres comme s'il avait travaillé. Faudrait-il aller
plus loin et tenir compte davantage de l'état actuel de la situation de
l'étudiant selon la région où il habite? Encore une fois,
ce serait souhaitable. Mais, cette année, nous ne pourrons pas le faire.
Nous ne pourrons pas donner suite à cette recommandation.
Le député de Marquette nous parle également de son
souci, que je partage, de ne pas augmenter indûment l'endettement de
l'étudiant. L'an dernier, nous avons dû, quand même,
consentir à un changement à cet égard et nous avons
augmenté de 120 $ la partie de l'aide financière fournie à
l'étudiant sous forme de prêt. Nous pensons que c'était
là un sacrifice minime que nous pouvions exiger de l'étudiant ou
de sa famille pour satisfaire les exigences de la situation économique
que nous traversions. Je dirais que les étudiants ou leurs parents ont
moins partagé cet effort que la plupart des autres secteurs de la
société, parce que cette transformation de 120 $ en prêt
sur une aide financière qui, souvent, s'élève à
4000 $ ou même à 4500 $ constitue un pourcentage assez minime de
l'aide financière que nous lui apportons. C'est le seul sacrifice que
nous avons demandé aux étudiants, l'an dernier. Mais nous n'avons
pas l'intention, cette année, de continuer dans le même sens et
nous n'avons pas l'intention de réduire davantage le montant
accordé sous forme de bourse pour le transformer en prêt.
J'accueille avec sympathie la demande du député de
Marquette en ce qui concerne les délais de remboursement. Comme il l'a
souligné lui-même, nous avons quand même
allégé et allongé les modalités de remboursement,
puisque, maintenant, nous accordons un délai de 18 mois. Je rappelle
aussi que, pour les créances non recouvrables, nous procédons
à des radiations de dettes, ce qui survient assez fréquemment. En
tout cas, d'après les signatures que je dois donner, je me rends compte
que le nombre de radiations a augmenté. Il nous demande, malgré
tout, d'être plus flexible à cet égard. Je prends en
considération sa demande, mais je pense que, cette année, ce sera
difficile de faire plus que ce que nous avons fait l'an dernier.
Quant aux retards, je continue à répéter qu'ils ont
été beaucoup moins marqués que ce qu'on a dit. Au moment
où nous nous parlons, plus de 95% des demandes d'aide financière
reçues ont été traitées et les étudiants ont
reçu leur réponse. Comme la perfection n'est pas de ce monde, je
sais que nous pourrons quand même apporter certaines
améliorations. L'an prochain, nous essaierons de faire mieux et de
satisfaire les demandes dans les délais prévus. M. Boudreau vous
dira plus tard que nous avons changé la date afin de coller davantage
à la réalité.
L'une des raisons pour lesquelles il est difficile de répondre
aux demandes - que je trouve, d'ailleurs, tout à fait légitimes
-c'est l'augmentation considérable des crédits que nous devons
allouer à l'aide financière du fait que c'est une enveloppe
ouverte, c'est-à-dire que nous accordons une aide financière
à tous les candidats qui répondent aux critères ou aux
paramètres fixés. Comme nous savons que la clientèle
étudiante dans les collèges, en particulier - dans les
universités également, mais surtout dans les collèges - a
augmenté d'une façon considérable au cours des deux
dernières années, ceci, en conséquence, nous a
amenés à accorder à cette population étudiante des
crédits beaucoup plus élevés et imprévisibles que
par les deux ou trois années qui avaient précédé
cette sorte de boom que nous connaissons dans les collèges. Cela
explique les 175 700 000 $ que nous entendons consacrer, cette année,
à cette aide financière. Nous disons, dans les crédits,
175 700 000 $, mais il pourrait bien arriver que les sommes réelles
dépensées dépasseront cette enveloppe puisque, encore une
fois, tout étudiant se qualifiant à cette aide financière
verra sa demande acceptée et pourra bénéficier de l'aide
financière. Je ne serais pas étonné que, l'an prochain,
lorsque nous vérifierons les dépenses qui ont été
réellement effectuées, nous en arrivions à une somme
beaucoup plus considérable que ces 175 000 000 $.
Quant aux aspects plus techniques reliés aux questions que vous
m'avez posées, je demanderais à M. Boudreau de compléter
ma réponse.
Le Président (M. Blouin): M. Boudreau.
M. Laurin: Je veux simplement ajouter que, l'an prochain, la date
limite pour la présentation d'une demande d'aide financière a
été devancée du 30 septembre au 30 juin, ce qui pourrait
faire en sorte qu'on pourrait émettre certainement 90% des prêts
dès la rentrée scolaire. Évidemment, cette date limite
comporte certains assouplissements pour des étudiants qui recevraient
leur avis
d'admission dans un établissement collégial ou
universitaire de façon tardive, si bien que c'est le 30 juin en
général, mais que tout étudiant qui recevrait son avis
d'admission après le 15 mai aura toujours 45 jours après son
admission officielle dans un établissement pour présenter sa
demande d'aide financière.
J'aimerais ajouter aussi qu'en ce qui regarde la contribution des
parents, l'an dernier, un adoucissement a été apporté,
à savoir qu'on a diminué, qu'on a même aboli la
contribution pour un certain pourcentage des parents qui, dans le régime
des prêts et bourses, devaient contribuer, si bien que, en 1982-1983, le
nombre des parents qui n'avaient plus à contribuer du tout est
passé de 32% à 44%. C'est une amélioration qui a
été apportée en 1982-1983.
Pour la contribution de l'étudiant, j'aimerais dire aussi que des
adoucissements ont été apportés. C'est vrai qu'il y a une
contribution minimale obligatoire de l'étudiant, qu'il ait
travaillé ou non. Évidemment, il y a des modalités, par
ailleurs. Cette contribution est modulée si l'étudiant n'a pas
travaillé du tout. Mais, pour les étudiants ou les
étudiantes monoparentaux, on a, cette année, adouci la
contribution: au lieu de calculer sur des revenus, d'après un chiffre
fixe, leur contribution, on a calculé un pourcentage des revenus
réels, si bien que, pour les étudiantes monoparentales qui,
durant l'été, doivent rester à la maison pour prendre soin
des enfants, etc., il y en a beaucoup qui, cette année, n'ont plus du
tout à contribuer parce qu'on calculait un pourcentage de leur revenu
réel plutôt qu'un chiffre fixe, qu'elles aient travaillé ou
non.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Boudreau. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Seulement une petite question, si vous me le
permettez, M. le Président. Le rapport du comité d'étude
commandé par le ministère de l'Éducation arrive au constat
suivant: le Service des prêts et bourses, dans ses règles
d'attribution des prêts et bourses, mentionne que le coût du
logement est calculé selon les prix observés autour des
établissements d'enseignement, mais, en réalité, les
montants alloués en frais hebdomadaires de subsistance sont égaux
pour tous les étudiants, quelle que soit la région de leur
institution d'enseignement. Le ministre disait tantôt qu'il en avait pris
connaissance. Est-ce que cela a été remodelé depuis ce
temps-là?
M. Laurin: La même étude, par ailleurs, concluait
que, si le budget des dépenses admises de l'étudiant, pris
article par article, pouvait, à certains égards, ne pas
correspondre aux dépenses réelles ou aux dépenses
probables des étudiants selon le milieu dans lequel ils se retrouvaient,
au total, le budget de dépenses admises de l'étudiant ne posait
pas tellement de problèmes. Dans la réalité des faits, il
est vrai qu'on ne reçoit à peu près pas de plaintes
d'étudiants concernant le budget des dépenses admises. Il est
vrai, par ailleurs, que 90% des plaintes que nous recevons concernent la
contribution des parents. Mais quant au budget des dépenses admises,
chaque trois ou quatre ans, on le fait vérifier par le Bureau de la
statistique du Québec. Parfois, c'est une étude exhaustive comme
celle dont vous parlez et, parfois, c'est une étude de correspondance
entre nos chiffres et la réalité, étude faite assez
sommairement dans toutes les régions du Québec. Je puis vous
assurer que le budget des dépenses admises de l'étudiant ne pose
pas actuellement de problème.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Boudreau.
M. Dauphin: Une dernière question, si vous me le
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, une dernière, M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: C'est en rapport avec des personnes
bénéficiaires de l'aide sociale. Je voudrais vous
présenter un cas bien concret d'une dame de 35 ans, vivant dans mon
comté, bénéficiaire de l'aide sociale depuis dix ans. Elle
a trois enfants. Elle vient me voir et je la convaincs de retourner aux
études en assistance sociale. Elle retourne aux études. Elle
présente une demande de prêt et bourse. Mais au moment où
elle acquiert le statut d'étudiante régulière, on lui
coupe ses prestations d'aide sociale. Évidemment, cela prend
probablement deux ou trois mois avant qu'elle reçoive son prêt et
une bourse possiblement un peu plus tard. Un article dans la Loi sur l'aide
sociale dit que, dans les cas d'intérêt public ou dans le cas de
danger moral ou autres et dans le cas d'inhumanité, on peut passer
outre. On a bien tenté de se servir de cet article et cela n'a pas
fonctionné. Elle a été obligée d'abandonner ses
études parce que l'aide sociale lui était coupée et que
cela prenait deux mois avant d'avoir son prêt. Il faudrait une meilleure
concertation des ministères. Je ne sais pas si vous avez une
réponse à nous donner.
M. Laurin: Oui. Nous avons un mode de concertation constante avec
le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu concernant l'aide sociale. Il y a, à cet égard, des
échanges d'informations au niveau des politiques pour être
sûr que personne n'est laissé quelque part sur le carreau sans
être
financé ni d'un côté ni de l'autre. Par exemple, on
peut maintenant dire que, pour la première année d'un retour aux
études, l'aide sociale, même si l'étudiant s'est inscrit
aux études dès les mois de mai, juin ou juillet, est
accordée, quand même, jusqu'au 1er septembre. Là, ils sont
obligés, à un moment donné, d'appliquer l'article de leur
loi qui dit qu'un étudiant qui peut se prévaloir de l'aide
financière aux étudiants ne peut pas, en même temps, se
prévaloir de l'aide sociale.
Nous avons donc conclu cette entente pour faire en sorte de verser toute
l'aide sociale le plus tard possible au 1er septembre, donc, à la date
de la reprise des cours; après quoi, c'est l'aide financière aux
étudiants qui vient prendre la relève.
M. Dauphin: Et l'aide arrive un mois et demi plus tard.
M. Laurin: La difficulté qui se pose dans le domaine de
l'aide sociale... Enfin, il y a deux choses qu'on peut identifier plus
facilement que les autres, en tout cas. D'une part, une partie de l'aide que
nous accordons est sous forme de prêt, ce qui ne se passe pas à
l'aide sociale. D'autre part, certains avantages accordés à des
assistés sociaux ne le sont pas dans l'aide financière aux
étudiants. Par exemple, des cartes de médicaments pour les
enfants, etc. Pour cela, évidemment, dès que l'étudiant
bénéficie de l'aide financière, il se trouve à
perdre ces avantages. (22 heures)
Nous sommes en discussion présentement avec le ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour que les
bénéficiaires de l'aide sociale revenant aux études
puissent conserver certains avantages sociaux autres que l'aide sociale
versée directement, comme la carte-médicaments, de telle sorte
que cela ne soit pas trop difficile de passer d'un régime à
l'autre. Nous sommes en discussion aussi avec le ministère des Affaires
sociales. Comme je vous l'ai dit, cela se fait constamment. Il y a des
réunions à peu près tous les mois pour s'ajuster
là-dessus. Nous sommes présentement en train de conclure une
autre entente avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui ferait que, durant l'été, si
des étudiants ont besoin d'aide sociale, ils iraient la chercher, mais
ce serait une aide conditionnelle, de telle sorte qu'ils la recevraient
jusqu'au moment où ils recevraient de l'aide financière de chez
nous. Nous on ne tiendrait pas compte de l'aide sociale qu'ils
reçoivent, mais l'aide sociale serait une espèce de prêt
pour s'assurer qu'il n'y ait pas de trou. Forcément, l'aide
financière aux étudiants n'est versée que contre une
inscription réelle aux cours. Elle peut donc être versée
avant le 1er septembre. La période d'été est parfois
difficile, surtout dans ces temps-ci. On va conclure, avec le ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, une entente
selon laquelle ils pourront recevoir conditionnellement et sous forme de
prêt de l'aide sociale durant l'été qu'ils pourront
remettre avec l'aide financière dès qu'ils la recevront au mois
de septembre.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Laurin.
M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Deux mesures
apparaissent à la page 7 sous la rubrique Orientations 1983-1984. On
parle "d'analyser l'opportunité d'implanter un régime de
prêts pour les étudiants à temps partiel de niveau
postsecondaire" et, deuxièmement, "d'analyser l'opportunité et la
faisabilité d'implanter un régime d'aide financière sous
forme de prêts et bourses pour les étudiants âgés de
18 ans et plus qui poursuivent des études de niveau secondaire". Ce sont
deux mesures extrêmement intéressantes parce qu'elles se situent
dans la ligne de l'insertion professionnelle des jeunes, parce qu'elles se
situent aussi dans le plan d'action visant à intégrer un certain
nombre de décrocheurs. On sait que la commission Jean a fait des
recommandations qui vont dans ce sens également. J'aimerais savoir ce
que cela représente comme coût, si c'est possible. Est-ce que cela
peut être implanté cette année ou est-ce que cela signifie
que ceci pourrait être implanté l'année prochaine?
M. Laurin: Oui. Ce sont deux questions éminemment
pertinentes. Les étudiants à temps partiel, dont le nombre est
quand même assez élevé, nous font cette demande depuis
quelque temps. Je pense que, sur le fond, elle est parfaitement
légitime. Peut-être pourrions-nous avoir aussi, à cet
égard, une indication, puisque le secrétaire d'État du
gouvernement fédéral, dans le projet qu'il entend
présenter bientôt, dit-il, à l'attention du Parlement
fédéral, entend accorder une aide à ces étudiants
à temps partiel. En vertu des accords que nous avons avec le
fédéral, nous avons obtenu, il y a plusieurs années, un
retrait du programme fédéral avec compensation pleine et
entière pour les mesures prévues à la loi
fédérale. Actuellement, cette contribution nous permet de
financer notre programme dans une proportion de 17%, ce qui montre, encore une
fois, à quel point les programmes du Québec sont
supérieurs en générosité aux programmes canadiens,
puisque cette contribution ne compte que pour 17%.
Encore une fois, je suis parfaitement d'accord qu'il nous faudrait
honorer cette
demande. Nous l'avons fait étudier au ministère de
l'Éducation quant à l'évaluation des coûts. Ce n'est
pas facile d'arriver à une évaluation exacte quant aux
coûts parce qu'il s'agit, quand même, d'une population fluctuante,
mais nous tentons de cerner l'ampleur du phénomène.
Il en est de même pour la deuxième demande,
c'est-à-dire d'inclure dans les programmes d'aide financière des
étudiants de niveau secondaire qui auraient 18 ans et plus. Cela
pourrait sûrement faciliter la réinsertion ou le retour aux
études d'un certain nombre d'étudiants qui, actuellement,
préfèrent les allocations d'assistance sociale au régime
de retour aux études, qui ne comportent aucune aide financière
actuellement, études secondaires qu'ils sont donc obligés de
poursuivre à temps partiel le plus souvent en gardant un emploi, ce qui
diminue d'autant leurs chances de compléter leurs études plus
rapidement ou même d'accorder à leurs études toute
l'attention désirable.
Cette demande nous semble donc parfaitement légitime. Nous sommes
en train d'en évaluer le coût. Là aussi, ce n'est pas
facile à savoir à l'avance, puisque nous ne connaissons pas le
nombre d'étudiants qui profiteront du plan d'insertion sociale et
professionnelle des jeunes pour revenir aux études. Nous avons certes
des indications, avec l'expérience de l'école Marie-Anne, mais,
quant au nombre d'étudiants, il est très difficile de le
prévoir d'une façon la moindrement précise. Il reste que,
si nous pouvions offrir ces deux programmes additionnels, nous pourrions
probablement augmenter le rythme de retour aux études, ainsi que
faciliter pour l'étudiant les apprentissages qu'il estime
nécessaires.
Nous avons donc fait faire ces études, mais, comme nous arrivons
après le dépôt des prévisions budgétaires, il
nous faudrait obtenir des crédits additionnels de la part du Conseil du
trésor et du Conseil des ministres pour financer ces deux mesures. Je
puis vous dire que, de concert avec mon collègue, le nouvel adjoint
parlementaire plus spécialement chargé des problèmes de la
jeunesse, le député de Verchères, nous
présenterons, très bientôt, un mémoire au Conseil
des ministres à cet effet et que nous demanderons un financement, du
moins partiel, pour ces deux catégories d'étudiants.
J'espère avoir une réponse favorable, mais, évidemment, je
ne saurais la garantir étant donné que la réponse du
Conseil des ministres sera fonction de plusieurs facteurs dont celui de la
récession économique et de la situation budgétaire
serrée que nous connaissons actuellement.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
Très rapidement, M. le député de Fabre, s'il vous
plaît.
M. Leduc (Fabre): M. le ministre a touché à la
question du fédéral qui implante un tel programme touchant les
étudiants à temps partiel à compter de septembre 1983.
C'est ce que vous avez dit, je pense?
M. Laurin: J'ai dit que le projet de loi, selon le
Secrétaire d'État, serait présenté
éventuellement à la session d'automne du Parlement
fédéral.
M. Leduc (Fabre): Est-ce qu'il y a eu pourparlers avec le
Québec en particulier sur cette question? Est-ce que le Québec a
fait des représentations sur cette question? Cela me semble, encore une
fois, être une ingérence du fédéral dans un domaine
de juridiction provinciale.
M. Laurin: C'est-à-dire que, si le Secrétaire
d'État a annoncé cette intention, il n'a pas sorti l'idée
de son chapeau. Cette mesure fait suite à une étude que
mènent plusieurs provinces par l'intermédiaire du Conseil des
ministres de l'Éducation du Canada depuis un certain nombre
d'années sur le sujet. Un rapport d'étape a été
présenté, il y a un an, au CMEC qui concluait très
fortement à cette recommandation d'accorder une aide financière
substantielle aux étudiants à temps partiel. Je pense bien que
c'est sur la base de cette étude et de cette recommandation unanime du
Conseil des ministres de l'Éducation du Canada que le Secrétaire
d'État a tiré son idée qu'il entend maintenant soumettre
à l'approbation de la Chambre des communes.
Quant aux suites qu'il conviendrait de donner à cette
législation une fois adoptée, évidemment nous entendons
procéder comme par le passé. Il nous faudra calculer ce que
représente pour le Québec cette nouvelle addition aux mesures
d'aide financière qui ont cours au Canada. Une fois que nous aurons
calculé le coût qui en résulterait pour les
étudiants touchés par cette mesure au Québec, nous
demanderions à nouveau au gouvernement fédéral un plein
retrait, mais aussi avec une pleine compensation financière. Mais le but
de ma demande au Conseil des ministres est de prendre les devants et d'essayer
dès maintenant d'obtenir des crédits additionnels pour accorder
à ces deux catégories de bénéficiaires une aide
dont j'estime qu'ils ont besoin.
Le Président (M. Blouin): Le programme 3, sur l'aide
financière aux étudiants, est-il adopté?
M. Ryan: Adopté.
Le Président (M. Blouin): Adopté. Nous allons
maintenant nous pencher sur le programme 5, qui concerne l'enseignement
collégial public. Nous avions prévu que ce débat
pourrait être relativement bref et, sur ce, je cède la parole au
député d'Argenteuil.
Enseignement collégial public
M. Ryan: Je vais être bref, je vais prendre seulement 20
minutes. M. le Président, je voudrais, tout d'abord, poser une question
au ministre. J'avais formulé le voeu mardi que nous puissions compter
sur la tenue d'une commission parlementaire spéciale sur le
problème des cégeps d'ici à la fin de l'été
pour pouvoir examiner tous les problèmes qui se posent dans ce
secteur-là de manière plus approfondie. Le ministre m'avait dit
qu'il devait en parler au leader du gouvernement. Je ne sais pas s'il a eu le
temps de le faire. Est-ce que le ministre serait prêt à faire une
recommandation en ce sens au leader du gouvernement?
M. Laurin: Je pense qu'on pourrait, comme je l'ai
déjà dit, tenir une commission permanente sur les
problèmes de l'éducation, tellement ils sont intéressants,
fascinants, complexes, ardus également. En ce sens-là, je serais
en commission parlementaire à l'année que vous m'en verriez ravi.
Je vais encore une fois répéter ce que je disais au
député d'Argenteuil: Je vais en parler à la
première occasion où je pourrai m'entretenir de ce
sujet-là avec le leader parlementaire.
M. Ryan: Je mentionne ceci parce que les cégeps existent
maintenant depuis 1968, au-delà de quinze ans et, à part la Loi
sur les collèges qui a été adoptée il y a à
peu près trois ou quatre ans, je ne pense pas qu'on ait jamais eu la
chance de faire un examen sérieux de cette expérience dont le
gouvernement se plaît à dire qu'elle est une des plus originales
dont le Québec ait été la scène. Je sais
très bien qu'on ne peut pas passer notre temps en commission
parlementaire. Je pense que personne n'exigerait cela, mais, si on a pu
consacrer cinq jours au conflit des enseignants il y a quelques semaines, je
pense que si on consacrait une journée ou deux aux problèmes des
cégeps de manière sérieuse, cela contribuerait à
leur montrer l'importance que les parlementaires accordent au travail qui se
fait à ce niveau-là. Cela aiderait peut-être à
trouver certaines pistes d'amélioration qui pourraient être
valables. Je regrette beaucoup que nous n'ayons pas le temps d'aborder en
profondeur le problème des collèges et je pense que ce serait
tromper le public et nous tromper nous-mêmes que de faire semblant de
multiplier les déclarations généreuses qui ne seraient
rien d'autre que des déclarations pieuses.
Je voudrais profiter des quelques minutes qui restent pour poser au
ministre quelques questions qui se rapportent à ce secteur et qui sont,
pour moi, d'une urgence plus immédiate. Il a été
mentionné mardi que le nouveau programme d'études des
cégeps a été envoyé au Conseil des collèges
pour avis. Est-ce que le ministre pourrait nous dire quand ce projet sera rendu
public?
M. Laurin: Évidemment, je ne sais pas le temps que prendra
le Conseil des collèges à terminer son étude. Une fois que
nous aurons reçu cette étude, il nous faudra lui accorder toute
l'attention souhaitable. Les études du Conseil des collèges sont,
la plupart du temps, très étoffées. Cette étude
devra se poursuivre durant la période d'été, qui n'est pas
toujours très propice à une étude rapide des dossiers. Je
pense donc qu'il ne sera guère possible de présenter un projet de
règlement pédagogique au Conseil des ministres avant l'automne.
(22 h 15)
M. Ryan: Entre le moment où le Conseil des collèges
aura remis son avis au gouvernement, au ministre, et le moment où le
ministre proposera l'adoption du règlement au Conseil des ministres,
est-ce qu'il y aura une période pour la discussion publique de ce texte
ou si le gouvernement compte acheminer cela en douce, en faire
l'officialisation sans qu'on ait eu l'occasion de voir ce document, de le
discuter publiquement et sans que les intéressés aient eu la
chance de donner leur opinion? Le premier projet qui a circulé remonte
à trois ans, si mes souvenirs sont exacts. Depuis ce temps, on est
laissé dans l'incertitude. On n'a pas su ce qui se passait, il y a bien
des changements qui sont survenus dans la vie des cégeps, dans la
perception qu'on a de plusieurs problèmes. Est-ce que le ministre est en
mesure de dire s'il s'écoulera une période de temps raisonnable
entre le moment où le Conseil des collèges aura remis son avis au
gouvernement et le moment où le ministre soumettra son projet au
gouvernement pour approbation?
M. Laurin: Évidemment, c'est un projet qui, comme le dit
le député d'Argenteuil, a été longuement et
largement discuté. Il a été soumis à une double
consultation. Nous connaissons maintenant l'avis de tous les agents de
l'éducation, de tous les intéressés. Il est donc tout
à fait normal que, à ce stade-ci, je le présente pour
avis, après avoir tenu compte de la consultation, au Conseil des
ministres, ensuite au Conseil des collèges et, par la suite, en ayant
tiré pleinement profit des avis que nous aurons reçus, je le
présente au Conseil des ministres.
Serait-il opportun, avant son adoption ou après son adoption
définitive par le Conseil des ministres, de le soumettre une nouvelle
fois à la consultation publique par le biais d'une commission
parlementaire, par exemple? C'est une excellente question à
laquelle je vais songer. Je pense qu'il y a beaucoup de facteurs qui
pourraient nous engager dans cette voie. J'y penserai sûrement avec
beaucoup d'attention au cours de l'été. Il n'est pas du tout
impossible que nous puissions tenir une commission parlementaire à cet
égard.
M. Ryan: Très bien. J'ai été saisi d'un
problème en ce qui regarde l'enseignement de la philosophie dans les
collèges, dont vous avez été saisi vous-même,
d'ailleurs, M. le ministre. D'après ce que j'ai compris, on avait
prévu huit crédits obligatoires en philosophie pour la partie qui
se rattacherait au diplôme d'études collégiales. C'est le
projet qui était contenu dans le premier texte qui a circulé en
1980. À la suite de cela, une équipe de professeurs
spécialisés en philosophie aurait été
invitée à préparer un projet de programme qui comprend
quatre parties, de deux crédits chacune, un projet de programme qui est
très bien structuré. Ce projet de programme a été
préparé par une équipe formée sous
l'autorité du ministre. Les résultats du travail de cette
équipe ont été approuvés par les autorités
compétentes qui l'avaient trouvé excellent.
J'ai jeté un coup d'oeil sur le schéma
général de ce programme. Je l'ai trouvé intéressant
dans l'ensemble, mais je ne porte pas de jugement de valeur, parce que je n'ai
pas eu le temps de l'étudier en profondeur.
Ces gens sont profondément déçus, parce qu'ils
apprennent qu'on aura seulement six crédits obligatoires en philosophie.
On remplacera les deux autres par deux crédits qui pourront être
soit en histoire du Québec ou en économie
québécoise. Est-ce que le ministre a rencontré ces gens?
Est-ce qu'ils ont été saisis, à un stade ou l'autre - je
sais qu'ils ont participé à ces travaux en toute bonne foi, avec
leur compétence professionnelle - depuis ce temps, des intentions du
ministère ou s'ils vont se réveiller devant un produit, à
un moment donné, qui sera fini, qui changera profondément ce
qu'ils ont fait? Si on modifie le régime prévu de manière
à n'avoir plus que six crédits au lieu de huit, c'est
évident que toute l'économie de chacune des parties va être
modifiée, peut-être même bouleversée. C'est
peut-être même un autre cours qui découlera des
chambardements qu'il faudra faire là-dedans. Est-ce que du travail est
engagé là-dedans?
J'ai l'impression qu'on a simplement décidé, à un
certain niveau, que ce sera six crédits au lieu de huit et qu'il faut
faire de la place pour deux autres, mais qu'on reste avec les mêmes
projets et on se dit: On mettra cela en trois tranches au lieu de quatre. Je ne
pense pas que ce soit comme cela qu'on assure la qualité intellectuelle
des programmes. Je pense que cela a été fait très
consciencieusement. Je ne sais pas ce que le ministre entend faire. Est-ce que
le ministre pourrait prendre l'engagement de convoquer les responsables de ce
secteur-là ou les porte-parole autorisés de ces responsables pour
avoir un échange de vues avec eux, leur dire où on en est,
peut-être les gens de l'équipe de travail qui a oeuvré
à la préparation de ce schéma, pour qu'on n'ait pas
l'impression d'avoir travaillé dans le vide et ensuite être
complètement à la merci de décisions prises par-dessus la
tête des gens?
M. Laurin: Oui, je suis effectivement au courant de la situation.
J'ai lu quelques documents qui la résumaient. Il est évident que
l'enseignement d'une discipline qui comporte un nombre aussi
élevé de crédits, que ce soit six ou huit, demande
à être soigneusement préparé afin qu'il soit de la
plus haute qualité possible. Il est évident aussi que les
professeurs de philosophie n'ont aucun plaisir, ni aucun intérêt
à envisager une réduction du temps d'enseignement, du temps
consacré à l'enseignement de leur discipline. Le contraire serait
étonnant. Il est évident aussi que, si nous devons envisager une
refonte du régime pédagogique du collégial pour qu'il
réponde davantage aux besoins d'un enseignement collégial
axé sur le développement de l'étudiant, mais aussi sur les
besoins de notre société, il importe d'envisager la situation
dans son ensemble.
Comme vous le savez, dans le premier projet, nous maintenions
intégralement les crédits obligatoires du régime
pédagogique en existence, mais nous diminuions le nombre de
crédits complémentaires, mais cette diminution, lors de la
consultation, s'est avérée très difficile à
accepter par un bon nombre de groupes et d'organismes. Les étudiants, en
particulier, qui avaient été insuffisamment consultés lors
de la première ronde, nous ont fait valoir que ces crédits
complémentaires étaient pour eux essentiels, qu'il leur
apparaissait indiqué de choisir, selon leurs aptitudes, selon leur
préférences, selon le profil de carrière qu'ils
envisageaient, un nombre assez élevé de cours
complémentaires afin que la formation réponde à leurs
exigences personnelles.
D'autres représentations également nous ont
été faites à cet égard sur la valeur des cours
complémentaires. S'il apparaît opportun d'envisager une
réduction des crédits obligatoires dans l'une ou l'autre des
disciplines du régime actuel, c'est évidemment pour de
très sérieuses considérations que nous l'envisageons. Dans
la demande d'avis que nous avons soumise au Conseil des collèges, nous
lui demandons de se pencher sur ce problème et de nous faire valoir ses
recommandations. J'attends avec impatience les résultats de cette
étude et de cet avis. Ceci ne nous interdit pas entre-temps de continuer
à considérer le sujet. Il
est bien évident qu'il importe de rencontrer les professeurs de
philosophie qui ont contribué d'une façon notable et
précieuse à l'amélioration de notre programme
d'études en philosophie.
M. Girard aurait peut-être quelques détails à
ajouter à cela.
Il n'y a pas eu de rencontre formelle, mais il pourrait y en avoir une
à partir du rapport qui a été soumis. De toute
façon, au cours de cette rencontre, il ne serait pas possible d'informer
le groupe de professeurs de philosophie de la décision relativement au
maintien ou à la diminution du nombre de cours, puisque cette
décision dépend de l'avis qui sera donné par le Conseil
des collèges et de la décision ultime qui serait prise par le
Conseil des ministres. Néanmoins, il serait possible de les rencontrer
au cours des semaines qui viennent.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'aurais deux questions pour compléter. Si les
réponses sont brèves, on pourra finir pour l'heure que vous avez
fixée. Sinon, nous nous arrangerons avec nos troubles. Je veux vous
parler du problème du campus Heritage, au cégep de l'Outaouais.
Vous aviez choisi la voie de l'intégration avec le cégep de
l'Outaouais pour le campus Heritage en assurant les gens que la
communauté Heritage aurait une pleine représentation au conseil
d'administration du cégep de l'Outaouais. Or, au cours de la
dernière année, les relations ont continué d'être
très mauvaises entre les gens qui oeuvrent au campus Heritage ou
s'intéressent à son travail et le conseil d'administration du
cégep de l'Outaouais.
Je reçois, en date du 21 avril 1983, une lettre qui est
adressée au président du conseil d'administration du cégep
par le président de la faculté du campus Heritage, avec la
signature d'un certain nombre de ses collaborateurs. Je pense qu'il faut donner
lecture de cette lettre, parce qu'elle illustre une situation qui, à mon
point de vue, ne peut pas durer. Je voudrais que le ministre nous dise ce qu'il
entend faire pour corriger cette situation. "M. le président - M.
Laurin, ce n'est pas vous, c'est M. le président du cégep -Jeudi
dernier, le directeur général nous a informés de la
décision du comité exécutif du conseil d'administration de
ne pas modifier la structure du comité proposée par le conseil
d'administration pour définir les liens administratifs entre le campus
Heritage et le conseil. Nous trouvons déplorable que, malgré nos
efforts soutenus pour impliquer la communauté anglophone de l'Outaouais
de façon significative au débat décisif - je le lis comme
c'est écrit sur toute la ligne -aucun progrès n'ait
été réalisé à ce jour. "Comme nous vous
l'avons maintes fois souligné lors de notre dernière rencontre,
jeudi le 7 avril, la Heritage Faculty Association ne se voit pas comme
étant la seule voix de la communauté Heritage. Nous ressentons
qu'il est impératif que des individus et des institutions
intéressés de l'Outaouais desservis par Heritage participent
pleinement à la définition du rôle du campus Heritage
à l'intérieur même de cette communauté. Dans ce
sens, les propositions du conseil du cégep ne prévoient aucune
participation des parents, des conseils scolaires anglophones, du secteur des
affaires et des individus représentatifs des facteurs
socio-économiques de la communauté. Comme vous le savez, ces
mêmes groupes sont justement des groupes intéressés qui
doivent faire partie d'un conseil d'administration. Nous ne pouvons être
d'accord avec les opinions émises lors de la dernière
réunion, lorsque vous avez dit que les membres de la communauté
anglophone étaient "too immature" pour mener leur propre barque. "Nous
sentons encore une fois le besoin de vous rappeler les événements
de cette situation difficile. En juin 1982, le ministre de l'Éducation a
promis à la communauté Heritage une pleine représentation
au conseil d'administration. À l'automne 1982, la Heritage Faculty
Association a rejeté comme antidémocratique et discrimatoire le
document du comité exécutif intitulé: "Trois
possibilités". Nous sommes conscients que la troisième
possibilité a été acceptée par le comité
exécutif et les membres actuels du conseil d'administration. Cette
décision n'a inclus aucun membre de la communauté Heritage. Dans
ces circonstances, nous allons continuer de résister à une
structure qui exclut les droits de la communauté Heritage et
néglige d'une façon peu respectueuse les intentions
déclarées du ministre de l'Éducation. "Au cours de cette
période, malgré les suggestions répétées,
l'existence même du campus Heritage pourrait dépendre de notre
participation à un tel comité. Les membres de la Heritage Faculty
Association ont considéré la représentation comme un
principe juste et démocratique, lequel il nous est difficile de
transiger. Vos commentaires à la fin de notre dernière rencontre
nous ont amenés à croire que vous étiez
intéressés à demander l'opinion d'un éventail
représentatif de la communauté. La décision du
comité exécutif nous fait croire que, littéralement, des
milliers de contribuables de l'Outaouais vont continuer à être
privés de leurs droits légaux de participer à
l'opération de leur propre collège. "Face à cette
négociation difficile, époustouflante et infructueuse, nous
sommes contraints d'arriver à la triste conclusion que les relations
entre le campus et le cégep de l'Outaouais ont non seulement
échoué,
contrairement à la volonté du ministre, mais que cesdites
relations se sont détériorées à un point tel
qu'aucune autre discussion avec le conseil sous votre présidence ne peut
être fertile. En espérant que cette affaire sera
réglée à la satisfaction de tous, nous attendons une
réponse favorable."
Mon impression, à la lecture de cette lettre et de bien d'autres
dont j'ai eu connaissance au cours des derniers mois, m'amène à
conclure qu'une réponse positive viendrait difficilement de la personne
à qui cette lettre est destinée. Je voudrais demander au ministre
s'il a l'intention de se pencher de nouveau sur cette situation et de faire
connaître sa volonté dans les plus brefs délais quant
à la manière dont pourrait être assurée cette pleine
représentation qu'il a promise à la communauté Heritage au
sein du conseil d'administration du cégep. À défaut d'une
solution dans cette voie, est-ce qu'il ne serait pas disposé à
réexaminer la possibilité d'une solution dans le genre de celle
qui avait été proposée par le rapport Caldwell? (22 h
30)
M. Laurin: M. le Président, je rappelle qu'à la
suite de pressions qui avaient été faites par certains
éléments du campus Heritage au cours de l'année 1981,
j'avais institué un comité d'enquête qui m'avait fait
rapport et que, à la suite de ce rapport, nous avions examiné un
certain nombre d'hypothèses, que nous en avions retenu une en
particulier. Je ne veux pas revenir sur toutes les raisons que j'ai
exposées à l'époque et qui nous avaient fait
privilégier cette solution. Je veux simplement rappeler que,
effectivement, en juin 1982, j'avais annoncé que le campus Heritage,
tout en demeurant une composante du cégep de l'Outaouais,
bénéficierait d'un plus haut degré d'autonomie. Je
résume, pour faire bref.
Dans les faits, ce degré d'une plus haute autonomie s'est traduit
par plusieurs réalisations, par exemple par la création d'un
comité de gestion qui permet au campus Heritage de présenter de
façon privilégiée au conseil d'administration ses
objectifs, son plan de développement et ses décisions quant
à son administration courante. Ce conseil de gestion est composé
selon une représentation semblable à celle du conseil
d'administration. C'est donc dire qu'il y a des parents, des étudiants,
des professeurs, des membres de l'administration du collège et du campus
ainsi que des membres du milieu socioculturel. Cette autonomie s'est traduite
aussi par un budget précis, maintenant assuré, au campus Heritage
et établi selon le coût du système. Pour 1982-1983, ce
budget est de 1 272 500 $. Cette autonomie se traduit également par la
consolidation d'un comité pédagogique investi de la même
mission que la commission pédagogique. Elle se traduit également
par l'addition d'un certain nombre de cadres - en fait, trois - qui
répondent à ses besoins, et, enfin, par un projet de construction
qui doit répondre aux besoins qu'on nous avait exprimés à
l'époque et qui est entré dans sa phase de réalisation
à la fin d'avril 1983. La lettre que vient de nous lire le
député d'Argenteuil nous montre qu'une partie, en tout cas, du
corps administratif de la section Heritage n'est, malgré tout, pas
satisfaite du climat des relations qui existe entre elle-même et le
conseil d'administration.
Cette lettre révèle un côté de la
médaille. Il est très possible qu'il existe un autre
côté de cette médaille. J'étudierai certes avec
attention cette lettre, ces nouvelles représentations qui nous sont
faites. Mais, évidemment, je les confronterai également avec
d'autres commentaires, d'autres aperçus, que je demanderai au conseil
d'administration du cégep de nous soumettre. J'examinerai à
nouveau la situation et je verrai à faire le partage entre ce qui, d'une
part, tient à des faits réels et ce qui, d'autre part, tient
à cette animosité qui semble exister entre deux composantes
culturelles de la communauté outaouaise. Ce n'est qu'à la suite
de cet examen que je tenterai, encore une fois, de faire en sorte que cette
communauté collégiale fonctionne de la meilleure façon
possible. Je pense quand même que l'on peut dire que cette solution qui
avait été choisie en juin 1982 ne peut être rentable et
efficace que s'il y a une bonne volonté des deux côtés, que
s'il y a des concessions des deux côtés, que s'il y a un effort
véritable de compréhension des attitudes des uns et des autres et
qu'il importerait de laisser se continuer cette expérience durant un
certain temps avant de conclure d'une façon abrupte à son
impossibilité. Même s'il fallait conclure à son
impossibilité de réalisation, il faudrait quand même
trouver les véritables causes dans un esprit de justice. J'accepte donc
d'accorder toute mon attention à cette lettre. Mais, encore une fois,
j'essaierai de connaître les deux côtés de la
médaille et c'est à la lumière de ce nouvel examen que je
serai peut-être amené à faire d'autres
représentations.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je proposerais que vous
demandiez le vote sur le programme 5 relatif à l'enseignement
collégial public. Ensuite, j'aurais deux points à signaler avant
la fin des travaux.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, le
programme 5 sur l'enseignement collégial public est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
M. Ryan: Adopté sur division.
Le Président (M. Blouin): Adopté sur division. M.
le député d'Argenteuil, vous avez la parole.
M. Ryan: Tout d'abord, je voudrais demander si les données
qu'on nous avait promises au sujet du programme relatif à l'informatique
seront disponibles ce soir.
Le Président (M. Blouin): II semble que oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: C'est malheureux qu'on ne puisse pas y revenir en
discussion, mais on aura l'occasion de se reprendre.
M. Laurin: Est-ce qu'il s'agit de l'évaluation des
coûts du plan d'action du ministère pour l'utilisation de
l'informatique à des fins pédagogiques?
M. Ryan: Oui. L'ensemble du programme que vous avez
annoncé.
M. Laurin: Oui. Sous forme de tableaux.
M. Ryan: Oui, c'est cela. C'est une partie, mais il y a d'autres
parties qui s'en viennent, j'imagine? C'est tout, cela? On veut avoir le
programme pour les trois ans. Le ministre nous a parlé d'un programme de
trois ans.
M. Laurin: II a été fait pour l'année
1983-1984 seulement. On ne l'a pas fait pour les années 1984-1985 et
1985-1986. On a ventilé tout simplement les crédits de la
présente année et on les a répartis sur les trois
réseaux, primaire et secondaire, collégial et universitaire, mais
on n'a pas réparti la totalité des fonds sur les trois
années.
M. Ryan: II m'intéresserait de savoir, si vous pouviez
compléter... C'est que le ministre a annoncé un programme
d'environ 160 000 000 $, je pense...
M. Laurin: Sur cinq ans.
M. Ryan: ...sur cinq ans. Si on pouvait avoir l'étalement
de ce budget sur les cinq années, au cours des prochains jours, je pense
que, suivant les différents postes qui sont touchés ici, cela
nous permettra d'avoir une meilleure information. Cela va?
Maintenant, un autre point. Cet après-midi, en conférence,
de presse, le sous-ministre a donné des renseignements inédits au
sujet du cheminement que semble devoir suivre le projet sur la restructuration
scolaire. Est-ce que le ministre pourrait nous confirmer ce qui a
été dit cet après-midi et peut-être nous donner les
précisions qu'il juge opportunes? Parce que, moi-même, je...
M. Laurin: Je le confirme, M. le Président.
M. Ryan: Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous
confirmez?
M. Laurin: Ce que le sous-ministre a dit.
M. Ryan: Mais je ne sais pas ce qu'il a dit au juste.
M. Laurin: Ah bon! On pourrait peut-être le lui
demander.
M. Ryan: C'est vous qui étiez au cabinet.
Le Président (M. Blouin): M. Girard.
M. Laurin: M. le Président, ce que les journalistes m'ont
demandé au sujet du projet de restructuration scolaire ce sont les
éléments suivants: tout d'abord, si, effectivement, il y aurait
un projet de loi déposé avant la fin de la présente
session et s'il y aurait tenue d'une commission parlementaire. Je leur ai
répondu que le projet de loi était toujours devant le Conseil des
ministres pour étude, qu'un projet de loi serait vraisemblablement
déposé au cours du mois de mai et que, quant à la tenue
d'une commission parlementaire, ils pouvaient, tout aussi bien que moi,
à partir des échéances et des contraintes techniques qui
existent, en venir à la conclusion qu'il serait très difficile
qu'une commission parlementaire soit tenue avant l'ajournement prévu par
l'Assemblée nationale autour du 22 ou du 23 juin, de telle sorte qu'une
commission parlementaire serait effectivement tenue vraisemblablement à
la toute fin de l'été ou au début de l'automne.
C'est exact.
M. Ryan: Deux questions subsidiaires. Vous avez dit que le projet
était au Conseil des ministres pour étude. Vous n'avez pas dit
qu'il était à l'étude au Conseil des ministres.
M. Laurin: Ouf! C'est à l'étude au Conseil des
ministres.
Une voix: Ce n'est pas à la même place du tout.
Le Président (M. Blouin): Le conseil est à
étudier...
M. Ryan: Le ministre, d'habitude, s'il suivait son instinct,
pourrait nous donner des explications pendant une demi-heure, là-
dessus. M. le Président, seulement une question
complémentaire. Est-ce que le ministre est en mesure de dire que les
séances de la commission parlementaire dont a parlé le
sous-ministre auront lieu avant le débat de deuxième lecture en
Chambre?
M. Laurin: Oui. Effectivement.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, s'il
n'y a pas d'autres questions, nous pouvons maintenant adopter en bloc les
programmes 1 et 2 sur l'administration et la consultation?
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. Blouin): Sur division. Je demande donc au
rapporteur désigné de la commission de faire rapport à
l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais possible. Je
spécifie aussi que la commission a accompli le mandat qui lui avait
été confié. Avant d'ajourner les travaux, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, je voudrais dire un mot, si vous me le permettez.
Je voudrais tout d'abord remercier le ministre de sa collaboration, qui a
été empreinte de courtoisie du début à la fin des
travaux. Je voudrais remercier également le sous-ministre, M. Girard,
ainsi que l'équipe des collaborateurs du ministre, qui a
manifesté un empressement irréprochable à répondre
aux demandes de renseignements que communiquait l'Opposition. En cours de
route, nous avons dû malheureusement enregistrer des désaccords
importants avec le gouvernement quant aux politiques qui sont suivies,
étant donné une preuve assez évidente que nous
étalions sur la table, mais je me réjouis de constater qu'on a pu
le faire de part en d'autre dans le respect mutuel, dans un climat de
courtoisie et de discussion civilisée et je souhaite que ce climat se
maintienne.
M. Laurin: M. le Président, je remercie de mon
côté le député d'Argenteuil pour le travail de
bénédictin, le travail exhaustif dont ses interventions ont
témoigné tout au long de cette commission. Je pense qu'il nous a
apporté ainsi, même sans le savoir, une contribution très
précieuse dont nous saurons tirer profit au cours de l'année qui
vient.
Je veux aussi remercier mes collaborateurs immédiats au
ministère de l'Éducation, d'abord pour l'empressement qu'ils ont
mis à répondre aux demandes nombreuses et justifiées de
l'Opposition et également pour leur contribution à
éclairer le débat qui a eu lieu au cours de cette commission.
Je voudrais aussi remercier mes collègues de la table du
côté ministériel pour les questions qu'ils ont
posées, qui nous ont permis aussi d'éclairer des aspects
importants de la situation au ministère de l'Éducation, ainsi que
pour la préparation qu'ils ont mise eux aussi à cette
commission.
Enfin, je remercie également M. le Président pour la
façon à la fois très efficace et très courtoise
dont il a conduit nos débats.
Le Président (M. Blouin): Au nom de tous les membres de
cette commission...
M. Ryan: J'ajoute juste un mot pour ma collègue de
Jacques-Cartier, Mme Dougherty, dont tout le monde apprécie, je pense,
la grande application, le vif intérêt pour les questions de
l'éducation et la remarquable persévérance pour la
promotion de certains points de vue qui sont à mon avis très
valables pour l'amélioration de la qualité de
l'éducation.
M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Je remercie également tous les
membres de cette commission, qui se sont dignement comportés et qui ont
fait avancer nos travaux avec efficacité et avec sérieux. Je me
joins donc à toute cette succession de remerciements.
Sur ce, la commission de l'éducation ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 22 h 43)