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Commission permanente de la constitution
Bill 55 Loi des
référendums
Séance du jeudi 27 novembre 1969
(Dix heures trois minutes)
M. BERTRAND (président de la commission de la constitution): A
l'ordre, messieurs!
Nous sommes à la commission de la constitution pour examiner ce
que j'ai déjà appelé, je crois, un document de travail
intitulé projet de loi 55, Loi des référendums.
Il n'existe pas à l'heure actuelle de loi des
référendums au Québec. Nous avons jugé à
propos d'en proposer une à l'attention de la Chambre, et comme la
Chambre l'a décidé, à l'attention de la commission
parlementaire de la constitution. Ce projet de loi renferme certains principes.
Le projet de loi lui-même est très volumineux, mais on constatera
que c'est surtout à cause de la structure à mettre en place
à l'occasion de la tenue d'un référendum.
Quant aux principes eux-mêmes, on les retrouve dans quelques-uns
des articles de la loi. Je laisse à la commission le soin de
suggérer de quelle manière nous pourrions procéder
à cette étude; si nous voulons d'abord commencer par un examen de
ce que peut être un référendum, d'abord quels sont les
modes de consultation populaire, les élections, le plébiscite,
les référendums ou le référendum, si nous voulons
commencer par examiner ces problèmes-là? Il y a eu hier une
heureuse suggestion qui m'est venue du chef de l'Opposition, je lui laisse le
soin de la faire à la commission.
M. LESAGE: Je vous remercie, M. le Président. J'avais
demandé à M. Jean-Claude Rivest, qui est le chef recherchiste de
l'Opposition et qui est en même temps le secrétaire adjoint de la
commission de la constitution, de faire un examen du bill 55 et surtout des
principes du bill 55.
M. Rivest, il y a quelques jours, m'a fait part du résultat de
ses recherches et de son travail. Il m'a parlé des distinctions à
apporter entre élection, plébiscite, référendum; il
m'a dit qu'il avait trouvé chez les auteurs français en
particulier des choses qui pourraient être extrêmement utiles. Il
m'a parlé de l'expérience de l'Alberta en particulier où
il y a une loi qui n'a jamais été appliquée. Au Manitoba,
en 1916 je crois, une loi des référendums avait été
adoptée qui a été déclarée ultra vires par
le Conseil privé.
Toutes ces choses peuvent nous intéresser parce qu'un
référendum ne peut se faire, à cause de notre
Constitution, qu'à l'intérieur de certains cadres, aussi
longtemps que nous aurons la Constitution que nous avons et surtout aussi
longtemps que le poste de lieutenant-gou- verneur existe, et surtout parce que
le lieutenant-gouverneur est une des deux branches parce qu'il n'y en a
plus que deux du Parlement.
Alors, je pense bien que M. Rivest, a fait cette étude je
n'ai pas eu besoin de le lui demander et il m'a assuré que
c'était une étude qu'il avait faite sur une base non partisane.
Je lui ai demandé, après une conversation d'ailleurs avec le
secrétaire de la commission, M. Morin, s'il serait disposé
à nous donner le fruit de ses travaux. Il m'a répondu oui, mais
à condition que M. Morin n'ait pas le droit de le contre-interroger.
M. LE PRESIDENT: C'est le problème d'ailleurs qui est
soulevé. Nous avons décidé, si le disciple doit
comparaître devant son maître... Ce n'est pas un de vos
élèves?
M. LESAGE: Non.
M. MASSE: Le reniez-vous au départ? Attendez donc qu'il ait lu le
texte.
M. LESAGE : M. Rivest n'a pas fait son cours à Québec.
M. LE PRESIDENT: II a fait son cours à Montréal?
M. LESAGE: Oui. C'est un électeur de notre ami le Dr Lussier.
M. LE PRESIDENT: Ah! du comté de l'Assomption. Quel est votre
prénom, M. Rivest?
M. RIVEST: Jean-Claude.
M. LE PRESIDENT: Jean-Claude. Je pense que tous les membres de la
commission seraient heureux d'écouter le fruit de vos travaux. Si vous
aviez, par contre, non pas dans l'immédiat, des copies à nous
remettre, nous pourrions les faire polycopier. Le secrétaire de la
commission pourrait se charger de cela. Après la séance, nous
allons vous donner le soin de présenter la première et nous
aurons ensuite, si vous le voulez bien, des copies de votre texte.
M. LESAGE : M. le Président, je crois que M. Rivest n'a pas de
textes...
M. LE PRESIDENT: Alors on aura le journal des Débats. C'est parce
qu'on le consulte souvent... D'accord, alors, le journal des Débats nous
rapportera vos propos M. Rivest.
M. RIVEST: L'idée du référendum évidemment,
comme l'a expliqué tout à l'heure le premier ministre, s'inscrit
dans la nécessité qu'il y a aujourd'hui, dans la plupart des
sociétés occidentales, d'assurer une participation plus effective
des citoyens à l'administration générale des affaires
publiques.
Les auteurs définissent souvent le mécanisme du
référendum comme étant un élément de
démocratie directe ou semi-directe, c'est-à-dire que de temps
à autre et dans certaines conditions, les citoyens sont appelés
à se prononcer directement sur un projet de loi ou une mesure
administrative. Peut-être qu'au départ il serait bon de donner une
définition, si vous voulez simplement théorique; je l'ai
empruntée à Bartoli dans un livre qui analyse le
phénomène du référendum en France et qui s'intitule
"Sociologie du référendum dans la France moderne".
Le référendum, essentiellement, est le
procédé par lequel l'ensemble des citoyens se prononce
directement sur une question de gouvernement, un texte ou une mesure mise en
oeuvre ou que l'on envisage de mettre en oeuvre, au lieu que cette question
soit tranchée par les représentants des citoyens et les pouvoirs
constitués. Donc le référendum consiste essentiellement
dans une mise en veilleuse du principe ordinaire de la
représentativité des citoyens par les élus du peuple, pour
privilégier sur un ou plusieurs problèmes l'opinion
directement exprimée par les citoyens. En examinant le texte du projet
de loi no 55, on voit que c'est à peu près le principe qui est
indiqué, particulièrement à l'article 4 qui se lit comme
suit: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut ordonner que les
électeurs du Québec soient consultés par
référendum, conformément à la présente loi,
sur tout sujet qu'il indique et sur lequel il désire obtenir leur
opinion." Donc le principe qu'on retrouve à l'article 4 du projet de loi
répond grosso modo à l'idée de la tenue d'un
référendum i.e. assurer une participation peut-être plus
effective des citoyens à l'administration des affaires publiques.
Immédiatement, le premier ministre l'a évoqué
tantôt on fait généralement une certaine distinction entre
référendum et plébiscite. Le référendum
comme tel s'attache surtout à une idée, c'est-à-dire que,
du moins sur le plan théorique, les gens sont appelés à se
prononcer pour une idée, pour un principe, pour une politique ou pour
une mesure administrative. Il n'a pas directement, en principe, de relation
avec l'homme ou enfin le gouvernement qui propose le référendum.
En pratique par contre, on remarque que, dans l'expérience de presque
tous les pays et singulièrement de la France, les gouvernements ont tous
eu tendance à plébisciter, si vous voulez, la tenue du
référendum, c'est-à-dire à engager leurs
responsabilités sur une mesure qu'ils soumettaient à
l'électorat. Ici lorsque nous regardons l'économie de la
rédaction du projet de loi no 55, on voit qu'il est accordé une
très grande place au rôle que doivent jouer, dans la
mécanique des référendums, les partis politiques.
Je pense que c'est peut-être une indication d'une volonté
de vouloir plébisciter, si vous voulez, la tenue d'un
référendum, c'est-à-dire que les partis politiques
seraient peut-être sus- ceptibles de se prononcer officiellement. Alors,
le parti au pouvoir pourrait, théoriquement du moins, y engager sa
responsabilité.
Malgré tout il y a tout un domaine où le gouvernement ne
pourrait pas ou n'aurait absolument aucune justification pour engager sa
responsabilité comme par exemple, en 1912, lors du
référendum sur la prohibition, lorsqu'on a posé la
question suivante, à savoir si les gens étaient pour ou contre la
prohibition je vois mal comment un gouvernement pourrait engager son
sort sur une question semblable. Par exemple, en Suède, vers les
années 1950, on s'est demandé si on devait adopter la conduite
à gauche ou à droite; je vois mal sur ce genre de questions
comment...
M. LE PRESIDENT: Dans quel pays?
M. RIVEST: En suède, en 1955. Je vois mal comment un gouvernement
pourrait plébisciter la tenue d'un tel référendum. Alors,
cela c'est sur la notion générale du
référendum.
Maintenant, le type de référendum qui nous est
présenté par le projet de loi 55, est bien particulier. Mais pour
l'information des membres de la commission, j'ai pensé qu'il serait bon
quand même de déborder le type de référendum qui
nous est présenté par le bill 55 et de donner un aperçu
bref et général des différentes possibilités qui
existent dans la législation, ou dans la constitution des autres
pays.
Je dois faire remarquer immédiatement que, dans la plupart des
pays, où la loi permet le référendum, le
référendum lui-même est inclus dans la constitution
même des pays. Je n'ai pas retrouvé de pays, du moins parmi ceux
que j'ai vérifiés je ne dis pas qu'il n'en existe pas
où c'est simplement une loi du Parlement qui
décrète le référendum.
M. LE PRESIDENT: En France, c'est dans la constitution...
M. RIVEST: Oui, en France, c'est l'article 11. C'est dans la
constitution de 1958. On peut distinguer les référendums selon la
matière sur laquelle ils portent. Il y a des référendums
qui s'adressent surtout à des mesures législatives,
c'est-à-dire qu'il y a des lois qui peuvent être
référées au vote populaire, d'autres sont exclusivement en
matière constitutionnelle. Par exemple, tous les Etats américains
sauf un, je crois, ont la technique du référendum pour amender
leur constitution interne.
Maintenant aux Etats-Unis, s'il fallait prendre l'exemple des Etats-Unis
pour rédiger une constitution interne, on s'apercevrait vite que dans
les constitutions internes des différents Etats américains et non
pas de l'Etat fédéral, on trouve à peu près
n'importe quoi allant des droits privés, aux problèmes des terres
et forêts jusqu'aux pouvoirs du gouverneur, etc.
M. LE PRESIDENT: M. Rivest, non pas pour vous interrompre mais pour
préciser, la définition que l'on donne du plébiscite et du
référendum est la suivante: le plébiscite, c'est le vote
du peuple qui aurait pour objet de légaliser un coup d'Etat on
réfère à un plébiscite de 1852 en France de
ratifier un acte du pouvoir exécutif (le plébiscite de 1870) ou
de décider de la nationalité d'un territoire. Il semblerait qu'on
met l'accent sur ceci: il y a un plébiscite quand il s'agit surtout de
faire confirmer un acte posé par le gouvernement, alors que le
référendum, ce serait le vote direct des citoyens dont l'objet
est soit de ratifier une mesure d'ordre législatif ou constitutionnel
préalablement adoptée par le Parlement, soit de faire prendre en
considération par le Parlement ou même l'adopter directement, une
proposition de loi d'initiative populaire. Est-ce qu'en droit vous voyez une
différence fondamentale dans ces deux points de vue?
M. RIVEST: C'est celle que vous venez d'exprimer, mais d'après ce
que j'ai lu, c'est qu'en pratique les deux notions finissent par se confondre,
sauf dans les cas, comme je l'ai indiqué tantôt, comme celui de la
Suède où c'était une mesure administrative strictement. A
ce moment-là, c'était le référendum tel quel. Mais,
étant donné que les partis politiques, comme je l'expliquais
tantôt, sont amenés à prendre position là-dessus, on
finit toujours par plébisciter d'une façon ou d'une autre dans le
concret la tenue d'un référendum.
M. LESAGE: Je pense bien, M. le premier ministre, que la racine latine
des mots peut nous donner des indications. Le référendum vient de
l'expression "ad referendum", c'est référer à d'autres,
référer au peuple. On en réfère au peuple pour
savoir ce qu'il pense sur telle ou telle question, tandis que
plébiscite...
M. LE PRESIDENT: ... ça implique que cela...
M. LESAGE: ... vient de plebs, décret. M. LE PRESIDENT: ...
émane du peuple.
M. LESAGE: II y a une nuance entre les deux. Dans
référendum, on va chercher l'opinion, dans plébiscite, on
va chercher plutôt une approbation ou une désapprobation.
M. LE PRESIDENT: C'est ça.
M. LESAGE: C'est à peu près d'ailleurs la nuance que M.
Rivest avait faite au début.
M. LE PRESIDENT: Alors...
M. PROULX: Est-ce le linguiste ou le juriste qui apparaît chez
vous à ce moment-là?
M. LESAGE: Les deux. C'est le gars qui a fait ses éléments
latins.
M. PROULX: Vous n'auriez pas doublé votre "Belles-Lettres" vous,
par exemple? Non?
UNE VOIX: Tu ne doubleras pas tes élections.
M. LE PRESIDENT: Par exemple, quand le député de
Saint-Jean fera confirmer le geste qu'il a posé, ce sera un
plébiscite.
M. RIVEST: C'est un excellent exemple. Alors on peut déterminer,
à l'intérieur d'un projet de loi ou à l'intérieur
d'une constitution, différents types de référendums, selon
qu'on veuille qu'il ait pour sujet, pour objet, un texte législatif, ou
une mesure administrative, ou bien un texte qui fait partie de la constitution
d'un Etat ou d'un pays.
Par contre, il y a différentes formes d'interventions de la
population qui sont offertes par le référendum.
Le premier type, comme je l'ai indiqué tantôt, c'est celui
qu'on a dans le projet de loi numéro 55, c'est le type d'un
référendum de consultation. C'est essentiellement un
référendum en vertu duquel le gouvernement demande simplement et
strictement l'opinion des citoyens sur un ou des sujets qu'il indique. C'est
une consultation, c'est en somme un sondage général de l'opinion
publique sur une question.
Sa valeur juridique n'est qu'une valeur morale, strictement. Le
gouvernement n'est aucunement obligé de suivre l'opinion de la
population; évidemment il s'exerce quand même une pression
politique assez grande.
Un deuxième type de référendum, qui assure une
participation beaucoup plus directe de la population aux affaires publiques,
c'est le référendum de ratification.
Il y en a de deux catégories: facultatif et obligatoire. Si le
référendum de ratification est facultatif, c'est en somme
l'exercice, par la population, d'un droit de veto sur une mesure
législative adoptée par les représentants du peuple. Le
référendum facultatif est la possibilité donnée au
peuple de s'opposer à l'application d'une mesure prise par les
gouvernants. Par exemple: une loi élaborée par ceux-ci pourra
être abrogée par un vote contraire du peuple. Mais ce vote n'aura
lieu que si un nombre fixe de citoyens en fait la demande. En
général, c'est de 8 p.c. à 10 p.c. du nombre des
électeurs qui étaient inscrits sur les listes électorales
à l'élection qui a précédé le
déclenchement de ce référendum. Donc un nombre fixe de
citoyens en fait la demande, par voie de requête ou de pétition,
pendant un certain délai qui suit la publication de la loi. En
général, on prend un délai de 90 jours. Et si personne ne
réclame durant cette période, le vote, c'est-à-dire la
tenue d'un référendum, celui-ci n'a pas lieu et la
loi s'applique d'elle-même, c'est-à-dire que la loi entre
en vigueur. Le silence du peuple, s'il n'y a pas de requête
formulée, à ce moment-là équivaut à une
acceptation de la mesure législative qui a été
adoptée par les représentants du peuple.
Un exemple de cette forme de référendum existe au Canada
même, dans la province de l'Alberta; c'est une loi de 1942 que nous
retrouvons dans les statuts refondus de l'Alberta de 1955.
A titre d'information, je peux vous donner une idée exacte de ce
qui peut arriver dans ce cas-là. Aux articles 3, 4, et 5 de la loi que
je viens de mentionner, la façon dont ça se passe, c'est que la
Législature adopte une loi, et dans la loi, il est
spécifié qu'elle n'entrera pas en vigueur avant les 90 jours qui
suivent l'ajournement de la session au cours de laquelle la loi a
été adoptée.
Alors pendant cette période, un certain nombre d'électeurs
la loi albertaine prévoit au moins un nombre de dix p.c.
peuvent adresser une requête au lieutenant-gouverneur en conseil, afin de
le prier de référer la loi en cause au vote direct des
électeurs.
Maintenant sur les exigences de la pétition, ce n'est quand
même pas un mécanisme qu'on peut déclencher assez
facilement, 10 p.c. des électeurs doivent signer la requête et on
a des exigences aussi, à savoir qu'il y ait 85 p.c. des circonscriptions
électorales qui soient représentées à
l'intérieur des 10 p.c. des électeurs, et il y a d'autres
conditions, c'est une exigence assez stricte.
Tout ce problème-là soulève un problème
constitutionnel assez sérieux dans le texte, dans l'économie de
notre constitution actuelle puisque, si les gens répondent oui à
la loi, c'est-à-dire si les gens l'approuvent, à ce
moment-là, comme la loi a été votée à
l'Assemblée législative, il n'y a pas tellement de
problèmes et le lieutenant-gouverneur accorde sa sanction et la loi
entre en vigueur dans les délais normaux.
Par contre si les gens s'opposent à la mesure, à ce
moment-là la loi doit être rappelée et enlevée des
statuts directement à la prochaine session par une loi de la
Législature. Et je me demande je l'évoquerai tantôt
quand j'examinerai le problème constitutionnel étant
donné les pouvoirs de la Législature, si la Législature du
Québec ou d'une autre province a véritablement le pouvoir de se
départir ainsi de ses prérogatives et de se mettre à la
merci d'un autre corps législatif qui soit le peuple directement. Parce
que dans la constitution on prévoit que le pouvoir législatif
c'est l'article 92, j'y reviendrai tantôt est donné
directement à la Législature. La définition de la
Législature, eh bien, c'est le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée
nationale et un Conseil législatif quand il en existe un.
M. LAPORTE: Mais est-ce qu'il faut dans la mesure législative que
vous venez de nous décrire qu'une certaine proportion du vote soit
enregistrée pour que le référendum soit valide?
M. RIVEST: Non.
M. LAPORTE: Alors on peut avoir dans une province, dans celle dont vous
nous parlez, 10 p.c. des citoyens qui se rendent s'exprimer au
référendum et ça peut valoir pour 90 p.c...
M. RIVEST: Non, c'est 10 p.c. Les 10 p.c. que j'ai mentionnés, ce
sont les 10 p.c. des gens qui signent la requête...
M. LAPORTE: Oui, mais au bas de la requête signée est-ce
qu'il va y avoir 3 p.c. des gens qui vont voter, et puis cela est valide.
M. RIVEST: Exactement.
M. LAPORTE: Contre 97 p.c. de gens qui s'abstiennent. Est-ce qu'il y a
des endroits, dans ce que vous avez relevé, où les abstenants
sont considérés comme ayant voté affirmativement?
M. RIVEST: Je n'en ai pas vus.
M. LAPORTE: Vous n'en avez pas vus.
M. RIVEST: Mais tout ce problème-là se soulève dans
plusieurs Etats américains où cette formule-là existe.
M. LAPORTE: Mais il peut arriver qu'une infime minorité...
M. RIVEST: Et en pratique, c'est exactement ce qui arrive.
M. LAPORTE: Alors est-ce que les référendums que vous avez
vérifiés souffrent du même mal que nos
référendums municipaux? C'est-à-dire que c'est un
problème extraordinaire que d'amener les gens à aller voter.
M. RIVEST: En général, oui. M. LAPORTE: Merci.
M. LE PRESIDENT: En 1942, on ne l'a pas eu.
M. LAPORTE: C'est un autre problème. C'étaient les "one
sided arguments".
M. LE PRESIDENT: Oui, mais peu importe.
M. LAPORTE: Oui, mais il peut arriver quand même...
M. LE PRESIDENT: Tout dépend.
M. LAPORTE: ... qu'on consulte le peuple sur un problème.
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. LAPORTE: Sur le bill 63, 3 p.c. de la population ou 5 p.c. pourraient
théoriquement nous obliger à retirer le bill.
M. LE PRESIDENT: Suivant la formule utilisée là...
M.LAPORTE: Oui.
M. LE PRESIDENT: ... pas suivant celle que nous avons dans les mains. Il
va le dire tantôt.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis sûr que votre
référence à 1942 n'indique pas que vous seriez d'accord
pour organiser une guerre à chaque fois qu'il y a un
référendum.
M. LE PRESIDENT: Je n'irai pas jusque là.
M. LACROIX: Au lieu de présider le
référendum...
M. RIVEST: Donc, dans ce type de référendum, qui est un
référendum de ratification, on accorde tout simplement le droit
de veto à la population pendant un temps donné et, si elle ne se
prévaut pas de ce droit, la loi entre en vigueur directement.
L'autre variante du référendum de ratification, c'est que
dans la loi même qui est adoptée à l'Assemblée
législative, on oblige, pour que la loi entre en vigueur, le peuple
à se prononcer directement, dans un sens ou dans l'autre;
c'est-à-dire que, nécessairement, le référendum
aura lieu, tandis que dans la première catégorie, si le
référendum n'est pas demandé dans les délais,
à ce moment-là, la loi entre immédiatement en vigueur,
mais c'est encore un référendum dit de ratification.
Ce deuxième type existe couramment dans tous les Etats
américains, au plan des amendements à la constitution,
c'est-à-dire que tous les amendements à la constitution doivent
être référés à la population par voie de
référendum. Dans un certain nombre une vingtaine
d'Etats américains, ce type existe pour l'adoption de lois.
Le troisième type de référendum va encore plus
loin; le premier était le simple référendum de
consultation, le deuxième était le référendum de
ratification des lois par la technique que je vient d'expliquer et le
troisième, en fait, n'est pas techniquement un référendum,
on appelle cela "l'initiative", qui donne, comme le mot l'indique,
véritablement l'initiative au peuple de proposer des lois au Parlement,
qui est obligé de les voter, suivant l'opinion qui est exprimée
par la population, ou bien donne au peuple ou à un pourcentage de la
population, le droit de simplement faire annuler une loi qui existe
déjà dans les statuts des Etats qui ont cette technique.
Dans la loi albertaine, cette forme d'initiative existe. La
procédure est assez simple, bien qu'elle soit encore plus exigente,
évidemment, que pour un simple référendum de ratification.
20 p.c. des électeurs inscrits sur les listes peuvent adresser au
lieutenant-gouverneur une requête, une pétition, proposant un
texte de loi sur un sujet que cette portion de la population exprime.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il est représentatif, encore, de
toutes les circonscriptions électorales?
M. RIVEST: Oui, exactement. De 85 p.c. des circonscriptions
électorales.
M. LESAGE: Ce qui veut dire qu'en vertu de la loi albertaine M. Rivest,
un groupe pourrait préparer un projet de loi sur les langues...
M. RIVEST: Exactement.
M. LESAGE: ... par exemple le Front du Québec français et
s'il réussissait à faire signer une pétition par 20 p.c.
des électeurs...
M. RIVEST: II pourrait exiger la tenue d'un
référendum.
M. LESAGE: ... sur son projet de loi. M. RIVEST: Oui, maintenant...
M. LESAGE: Si le projet de loi est approuvé, qu'est-ce qui
arrive?
M. RIVEST: Je vais vous l'indiquer tantôt, mais juste avant, je
voudrais dire ceci: il est très difficile d'employer cette
technique-là. La première exigence, c'est qu'il y a quand
même des conditions précises et particulières pour la
formule d'initiative. D'abord le sujet doit être de juridiction
provinciale quant on adresse la pétition au lieutenant-gouverneur et la
deuxième exigence, c'est que cela ne doit pas être un "money
bill".
M. LESAGE: Ah bon!
M. RIVEST: Alors, vous voyez que quand même...
M. LESAGE: Le projet de loi ne doit impliquer aucune dépense
d'argent.
M. RIVEST: Oui.
M. LE PRESIDENT: Alors, cela restreint considérablement
l'initiative populaire.
M. RIVEST: Cela restreint considérablement la portée de
cette formule d'initiative. Alors, qu'arrive-t-il selon que les gens se
prononcent
pour ou contre la requête qui a été adressée
et qui ensuite a rempli les conditions nécessaires pour appeler
l'électorat à se prononcer? Je suis d'avis, que cela est
pratiquement inconstitutionnel, parce que cette formule de
référendum lie drôlement l'Assemblée nationale. Dans
le cas où une loi, comme je l'ai indiqué a été
proposée et où la décision est affirmative, la loi
proposée "shall be enacted", doit être votée par
l'assemblée, "without amendement", sans amendement de la
Législature. Dans le cas contraire, si les gens se prononcent dans un
sens négatif, la Législature n'a pas le droit de
présenter, pour une période de trois ans, une loi semblable. Cela
est la forme peut-être la plus directe de référendum qui
soit possible d'avoir au Canada.
M. PLAMONDON: A quel endroit peut-il y avoir ce genre de loi
actuellement en vigueur. Est-ce que vous avez des exemples?
M. RIVEST: Dans des pays comme la Suisse; il existe aussi aux
Etats-Unis, dans certains Etats américains, et dans d'autres pays.
M. PLAMONDON: II n'y en a pas au Canada présentement?
M. RIVEST: Non.
M. PLAMONDON: Dans aucune province canadienne?
M. RIVEST: Sauf en Alberta. Je ne pense pas que ce soit une loi qui soit
dans l'ordre naturel, pour les raisons que je vais expliquer tantôt,
parce que la constitution canadienne limite l'usage des
référendums, à mon avis, au simple
référendum de consultation, comme on trouve dans le projet de loi
numéro 55. En Colombie-Britannique aussi il existe une loi, c'est un
sous-alinéa d'un article de la loi électorale qui, à
toutes fins pratiques, prévoit la tenue d'un référendum
exactement du même ordre que le projet de loi 55. On dit tout simplement
que, selon le bon plaisir du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'une
expression d'opinion de la part des électeurs est désirable sur
n'importe quel sujet d'intérêt public, le lieutenant-gouverneur en
conseil peut décréter la tenue d'un référendum et
fixer les règlements qui doivent déterminer la procédure
à suivre. Et c'est simplement un alinéa, c'est l'article 197,
l'alinéa 2 de la loi...
M. LE PRESIDENT: Mais la procédure, à ce moment-là,
est déterminée par le lieutenant-gouverneur en conseil...
M. RIVEST: ... En conseil, en général.
M. LESAGE: C'est une loi de quelle année?
M. RIVEST: C'est une loi qui date de 1953. Elle est encore en
vigueur.
M. LESAGE: Elle porte la marque de...
M. LE PRESIDENT: Je pense que ce n'est pas d'une grande importance.
M. LESAGE: Non, elle était marquée...
M. LEFEBVRE: C'est un mauvais exemple qu'on donne.
M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas un exemple que nous avons suivi dans le
projet de loi 55.
M. LESAGE: Nous reparlerons de ça. Il ne faudrait pas mêler
M. Rivest à nos discussions.
M. LE PRESIDENT: Non. Il faudrait le dégager de tout cela.
M. LESAGE: Dans le moment...
M. LE PRESIDENT: II restera avec nous.
M. LESAGE: ... je lui ai demandé d'être bref.
M. LE PRESIDENT: Cela lui parait facile. Il est très
objectif.
M. CHOQUETTE: C'est un universitaire distingué.
M. RIVEST: II est en train de m'enlever tous mes arguments! Alors le
problème constitutionnel qui est soulevé par le
référendum, surtout comme je l'ai expliqué, le
référendum, de ratification et d'initiative vient de
l'économie générale de l'Acte de l'Amérique
Britannique du Nord de 1867 et aussi de certaines dispositions précises
de cette même loi qui nous sert encore de Constitution.
Au Manitoba en 1916, on a adopté une loi du
référendum qui constituait un référemdum
d'initiative et qui télescopait, si je peux m'ex-primer ainsi,
très directement les pouvoirs de l'Assemblée et du
lieutenant-gouverneur quant à la sanction des bills. On donnait la
possibilité à un certain nombre d'électeurs de proposer
une loi au gouvernement et le lieutenant-gouverneur, à ce
moment-là, devrait décréter la tenue d'un
référendum; et selon que la réponse était
affirmative, la loi du référendum telle que rédigée
en Colombie Britannique disait qu'à partir du moment où les gens
disaient oui à une loi, cette loi prenait effet en entrait en vigueur
sans même qu'il y ait simple rapport à l'Assemblée
législative et sans même que soit exigée la sanction du
lieutenant-gouverneur en conseil, si ce n'est qu'on l'obligeait à
prescrire les modalités pour l'entrée en vigueur de la loi, entre
autres la publication dans la Gazette officielle.
Alors on a évidemment constesté la
constitu-tionnalité de cette loi et la cour d'Appel du Manitoba a
déclaré cette loi-là inconstitutionnelle, de même
que le conseil privé. Les motifs
de cela paraissent assez évidents; je viens de les indiquer.
C'est qu'on ne peut absolument pas enfreindre les prérogatives royales,
la prérogative royale du lieutenant-gouverneur i.e. les pouvoirs qui
sont accordés à Sa Majesté la reine de sanctionner les
bills suivant le texte de la Constitution, selon "son bon plaisir".
Je signale ce jugement pour une raison assez simple. On a dit, et je
pense que cela pourra être d'intérêt pour les travaux futurs
de la commission de la Constitution, que l'article 92.1 de la Constitution
accordait aux Législatures provinciales le pouvoir de modifier leur
constitution interne sauf les pouvoirs du lieutenant-gouverneur tels que
réservés dans le libellé même de l'article. Or les
jugements, particulièrement ceux de la cour d'Appel du Manitoba... Le
Conseil privé ne s'est pas clairement prononcé sur cette question
parce qu'il avait disposé du problème juridique qui lui
était soumis en disant que tout simplement on enfreignait la
prérogative royale, que cette loi-là était ultra vires.
Mais dans le jugement de la cour d'Appel d'Ontario, on examine longuement la
portée de l'article 92.1 dont on...
M. LESAGE: De l'Ontario ou bien du Manitoba?
M. RIVEST: Du Manitoba, pardon... dont on se prévaut toujours
pour vouloir refaire une constitution interne complète pour le
Québec.
Or le jugement...
M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous, si vous voulez, nous donner la
référence d'abord de la cour d'Appel, et deuxièmement, du
Conseil privé?
M. RIVEST: La cour d'Appel, c'est 1916 1917 Manitoba Law Reports,
Volume 27, Page 1. Et, ce sur quoi je veux peut-être insister...
M. LESAGE: Quelle est la référence du Conseil
privé?
M. RIVEST: Le Conseil privé, c'est 1919, Appeal Cases, page 935.
Il y a un obiter dictum, je pense bien qu'on ne peut pas lui donner plus grande
force juridique que cela, mais quand même il peut être assez
significatif; je m'écarte un peu là du problème
spécifique du référendum. C'est le juge Perdue, à
la page 23 du Jugement de la cour d'Appel du Manitoba qui dit que les
amendements qui sont possibles en vertu de 92.1 ne peuvent pas être
équivalents à substituer une nouvelle constitution interne pour
une ou l'autre des provinces et même à substituer un des principes
fondamentaux sur lesquels repose toute l'économie de l'Acte de
l'Amérique du nord britannique.
Un de ces principes-là, certainement, à mon avis, dans
l'esprit du juge et aussi il l'a indiqué c'est le principe
de la responsabilité ministérielle. Il donne, d'ailleurs, un peu
plus loin ce que, selon lui, veut dire l'article 92.1 qui pourrait en outre
permettre au gouvernement de modifier les pouvoirs qui seraient accordés
à une Législature pour modifier sa constitution interne. Il dit
que ça s'adresse surtout à un certain nombre de détails
dont il donne des exemples: la procédure, le nombre des membres en
Chambre, les divisions électorales, la qualification des
électeurs, et quelques autres...
M. LE PRESIDENT: Obiter dictum, où cette opinion dans le jugement
ce n'est pas juger, c'est une opinion c'est en cour d'Appel du
Manitoba...
M. RIVEST: Du Manitoba.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette opinion a été reprise
devant le Conseil privé?
M. RIVEST: Suivant une façon de procéder que le Conseil
privé adopte très souvent, il ne s'est pas prononcé
là dessus. Mais, il semble que ce soit la décision la plus haute
qu'on ait sur cette question, celle de la cour d'Appel du Manitoba.
M. LESAGE: J'ai lu en partie le jugement du Conseil privé, et
Lord Haldane dans son jugement dit bien: Ayant disposé du point
principal suivant la coutume de leurs "lordships", nous n'allons pas plus loin
dans l'examen du jugement de la cour d'Appel du Manitoba.
M. LE PRESIDENT: Ils ne s'occupent pas de l'opinion qui a
été exprimée.
M. LESAGE: Du moment qu'ils peuvent trancher le noeud principal, ils ne
vont pas plus loin.
M. RIVEST: Je ne voudrais pas donner l'impression que ce serait
absolument impossible, il faut aussi comprendre que, ce pourquoi la cour
d'Appel a tellement insisté sur l'article 92.1, c'est que le point
qu'elle voulait prouver était le fait que la Législature du
Manitoba n'avait pas le droit de créer une Législature en dehors
de celle qui avait été prévue. On disait que
c'était aller trop loin que d'interpréter l'article 92.1
pour...
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous dire, M. Rivest, que, d'après cette
opinion, ça limiterait joliment l'initiative d'un gouvernement quel
qu'il soit dans les modifications qu'il voudrait apporter à une
constitution interne? C'est ça?
M. RIVEST: C'est ça.
M. CHOQUETTE: M. Rivest, dites-vous que, suivant ce jugement-là,
le principe de la responsabilité ministérielle est
intangible?
M. RIVEST: Oui, je penserais que oui, moi...
M. CHOQUETTE: Je pense qu'il y a un mauvais jugement.
M. RIVEST: A cause du préambule de la constitution qui
établit... Je pense que c'est un des grands principes de la constitution
qui établit que la Constitution du Canada doit être similaire
à celle de l'Angleterre. C'est souvent cité dans les jugements en
droit constitutionnel.
M. LE PRESIDENT: Alors, vous examinez le problème en droit.
M. RIVEST: Uniquement.
M. LE PRESIDENT: C'est une opinion que vous émettez.
M. RIVEST: Pour des raisons, j'abandonne un peu cet aspect-là. Je
reviens au référendum de consultation, à mon avis, ne pose
pas de problème. La seule condition, par contre, qui devra toujours
exister, c'est que ça devrait être exclusivement sur des sujets
relevant, en vertu de 92, de la compétence juridictionnelle des
provinces. Par exemple, on n'aurait pas le droit de...
M. LESAGE: Vous voulez dire... exclusivement!
M. RIVEST: Ah oui! clairement. La Législature provinciale ou le
lieutenant- gouverneur en conseil n'aurait pas le droit de demander aux gens:
"Etes-vous pour ou contre le retrait des forces armées de l'OTAN de la
part du Canada" ou sur un problème complètement en dehors de sa
juridiction.
UNE VOIX: Sur l'immigration.
M. RIVEST: Maintenant, je l'ai lu dans un article, lorsque le projet de
loi a été déposé à la Chambre des communes
à Ottawa, on a demandé si la Législature provinciale avait
le droit de poser la question suivante dans un référendum de
consultation strictement: êtes-vous pour ou contre l'indépendance
du Québec?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. RIVEST: Là-dessus, je comprends qu'il y a une tout
autre dimension politique à l'histoire mais strictement sur le
plan constitutionnel, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher la
Législature provinciale de poser cette question.
M LESAGE: Est-ce pour faire plaisir au député de
Saint-Jean?
M. RIVEST: Non, non!
M. LE PRESIDENT: Non, d'ailleurs je pense que le député de
Saint-Jean, à moins que je ne me trompe, s'était opposé
à la tenue d'un référendum là-dessus,
prétendant que c'était un droit trop fondamental pour le
soumettre au peuple!
Si mon souvenir est bon! Est-ce que le député de
Saint-Jean pourrait peut-être clarifier?
M. PROULX: C'est provisoire, cela, M. Bertrand.
M. LAPORTE: Votre ancien chef vous écoute.
M. LE PRESIDENT: C'est un obiter dictum.
M. PROULX: Est-ce que ce n'est pas M. Rémi Paul qui a dit qu'au
sujet de la prostitution et du jeu, il fallait qu'on consulte le peuple?
M. LE PRESIDENT: Non, mais est-ce que vous n'avez pas déjà
exprimé cette opinion-là?
M. PROULX: Pas dans ce sens-là; c'est un sujet extrêmement
difficile et on ne peut pas soumettre cela à un
référendum. Cela donne une autre façon de faire une
élection, tout simplement.
M. LE PRESIDENT: Par le parti politique qui propose cela au peuple.
C'est la voix que vous avez choisie.
UNE VOIX: II arrive votre chef. M. PROULX: C'est ça
même.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse. Nous n'avions que le "whip". Le chef est
arrivé.
M. LACROIX: Vous allez être obligé de vous déprendre
souvent tout seul...
M. PROULX: Ah! cela ne fait rien. La nécessité crée
l'organe.
M. LE PRESIDENT: Excusez-nous, M. Ri-vest.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est justement, vous avez osé...
M. LACROIX: Ah! cela va être bien bon!
M. RIVEST: Alors je voudrais tout simplement, en terminant, examiner
peut-être d'un peu plus près le mécanisme qui est
prévu pour tenir un référendum de consultation
strictement.
M. LEVESQUE (Laurier): II y aura quand même coalition?
M. LE PRESIDENT: Non. Si vous aviez été ici au
début, vous auriez vu pourquoi M. Rivest est au bout de la table et,
deuxièmement, combien, depuis le début de ses remarques, il
s'exprime d'une manière absolument apartisane.
M. LESAGE: Voici, M. Lévesque, c'est parce que j'avais
chargé, au nom de l'Opposition, M. Rivest, qui est notre chef
recherchiste, de faire des...
UNE VOIX: Pourquoi pas recommencer...
M. LESAGE: Eh bien, je ne voudrais pas qu'il reste sur une fausse
impression.
M. LEVESQUE (Laurier): La courtoisie...
M. LE PRESIDENT: On veut éclairer le député de
Laurier.
UNE VOIX: II ne veut pas être éclairé.
M. LESAGE: M. Rivest m'avait fait part du résultat de ses
recherches et j'ai cru que ce serait intéressant pour tous les membres
de la commission d'en bénéficier. Or j'ai suggéré
au premier ministre et au président de la commission qu'il en fasse
part.
M. LE PRESIDENT: C'est cela.
M. PROULX: Je pense qu'il s'est fait des recherches pour les deux
partis.
M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, le député de Saint-Jean vous
tiendra au courant...
M. LESAGE: D'ailleurs, M. Rivest est...
M. BOUSQUET: Etes-vous payé par le gouvernement ou par le parti
libéral?"
M. LE PRESIDENT: II est payé par l'Opposition et je pense que,
d'après les propos que m'a tenus le chef de l'Opposition, c'est un
excellent travailleur.
Et c est heureux que nous fournissions à l'Opposition des
services comme ceux -là; je pense qu'une opposition a besoin d'avoir
autour d'elle des chercheurs.
M. PROULX: Des hommes compétents.
M. LE PRESIDENT: Des hommes compétents, c'est le cas de le
dire.
UNE VOIX: Alors, sur le projet de loi...
M. LESAGE: Nous n'avons aucune prétention à
l'omniscience.
M. PROULX: Non, surtout vous.
M. LESAGE: C'était clair, monsieur, C'est évident
qu'à comparer au député de Saint-Jean, je suis clair et
brillant.
UNE VOIX: C'est clair.
M. RIVEST: Alors mes points sur ce que...
M. LE PRESIDENT: Vous pouvez continuer dans le calme, monsieur.
M. RIVEST: Voici les points sur lesquels je voudrais peut-être, en
terminant, insister, les points que je voudrais souligner, soumettre à
l'attention des membres du comité. Une loi du référendum,
du moins d'après celles que j'ai pu consulter et qui existent, soit dans
d'autres constitutions d'autres pays, soit dans de simples lois, doit
prévoir un certain nombre de problèmes. J'en
énumère cinq.
D'abord, je pense qu'elle doit déterminer clairement ceux qui
auront le droit d'utiliser le référendum.
Deuxièmement, je pense qu'elle doit dire exactement aussi...
M. LE PRESIDENT: Vous appelleriez cela le droit d'initiative.
M. RIVEST: Oui, obtenir l'initiative.
Le deuxième problème: ceux qui auront le droit de
voter.
Le troisième: la détermination des sujets qui pourront
faire l'objet d'un référendum. La procédure pour cette
détermination-là.
Le quatrième: le moment où un référendum
pourra être déclenché, et avec lui, tout l'appareil qui
devra servir au référendum.
M. LESAGE: Quand vous parlez du moment, M. Rivest, vous voulez dire la
date.
M. RIVEST: Oui, oui, la date.
M. LESAGE: Après qu'il est décidé qu'un
référendum sera tenu soit par l'Assemblée nationale...
M. LE PRESIDENT: Ou autrement.
M. LESAGE: ... soit par le lieutenant-gouverneur en conseil,
après que les questions sont rédigées. Vient le moment de
préciser la date exacte à laquelle sera tenu le
référendum. C'est l'élément que vous venez de
mentionner.
M. RIVEST: C'est exactement ça. Je vais simplement mentionner
quelques points là-dessus en rapport avec le projet de loi 55. Ceux qui
auront le droit d'utiliser le référendum le projet de loi 55
l'exprime assez clairement: il dit que C'est le lieutenant-gouverneur en
conseil qui peut ordonner...
M. LE PRESIDENT: Vous pouvez référer aux articles,
ça permettra aux membres de...
M. RIVEST: C'est l'article 4, c'est toujours l'article 4 qui... Le reste
fait plutôt partie de la mécanique de la loi.
M. LE PRESIDENT: C'est ça.
M. RIVEST: Alors c'est l'article 4 qui détermine que c'est le
lieutenant- gouverneur en conseil qui peut ordonner que les électeurs du
Québec soient consultés par voie d'un référendum.
Ailleurs on pourrait, je pense, songer, tout en laissant peut-être la
prérogative au lieutenant-gouverneur en conseil de le faire, à
qualifier davantage l'article 4 en amenant d'une façon ou d'une autre
l'Assemblée nationale à participer à la tenue du
référendum. Par exemple, dans le système français,
ce n'est pas le président de la République seul qui est la grande
autorité exécutive qui décrète le
référendum, parce que le président de la
République, selon l'article 11, sur proposition du gouvernement durant
la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux
assemblées publiées au journal officiel, "Le Français",
peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur
l'organisation des pouvoirs publics. Il y a un peu plus loin dans la
Constitution française un article qui donne la discrétion au
président de décréter un référendum. C'est
quand il s'agit, par une technique assez complexe, d'une révision d'un
article de la constitution.
M. LE PRESIDENT: Le référendum que M. de Gaulle a tenu
n'avait pas été décidé par le Parlement,
c'était une initiative personnelle.
M. RIVEST: Oui, je pense que le dernier, oui.
M. LE PRESIDENT: Le dernier référendum, celui où il
a mis son poste en jeu plus ou moins.
M. LESAGE: C'était sur une question constitutionnelle.
M. LE PRESIDENT: Oui. M. LESAGE: En vertu de...
M. RIVEST: Cela modifiait complètement le système de la
constitution.
M. LE PRESIDENT: C'est ça.
M. LESAGE: Ce n'était pas en vertu de l'article 11?
UNE VOIX: Non, non.
M. LEVESQUE (Laurier): II y a une chose à propos de cela que
peut-être il serait bon de voir, pour savoir aussi ce que le ministre en
pense. M. Bonenfant, dans l'Action de ce matin je le lisais par hasard
a un article sur le référendum et il parle du cas suisse
évidemment qui est bien connu, où le droit de l'initiative dans
le sens négatif existe; en Italie, je pense que c'est positif aussi, il
peut avoir une loi pourvu qu'elle soit faite avec des articles,
articulée comme une loi, et si X milliers d'électeurs...
M. LE PRESIDENT: Oui, nous l'avons tout examinée.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais je veux dire l'autre cas.
M. LESAGE: Non, mais ça été fait avant que vous
arriviez.
M. LEVESQUE (Laurier): Je m'excuse... M. LESAGE: M. Rivest nous a
donné...
M. LE PRESIDENT: Nous avons examiné:le projet de loi du Manitoba
surtout, et de l'Alberta.
M. LEVESQUE (Laurier): Si vous avez abordé la question, je
m'excuse, c'est simplement pour savoir oui ou non; dans le cas du rappel d'une
loi c'est arrivé assez souvent et ça peut arriver encore
...
M. LESAGE : Nous l'avons examinée.
M. LEVESQUE (Laurier): ... est-ce qu'il est possible de penser au droit
d'initiative de tant de milliers d'électeurs pour demander que...
M. LE PRESIDENT: C'est ce que nous avons examiné tantôt.
Vous le verrez d'ailleurs dans le journal. Si le député de
Laurier le permet, tous ces propos-là ont été tenus
tantôt par M. Rivest dans l'analyse de la loi de 1'Alberta et du
Manitoba.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'il y a eu des expressions d'opinion
surtout du gouvernement dans le sens d'une possibilité de faire
ça ou non?
M. LESAGE: Oui, ça été fait par M. Rivest, parce
qu'il y a eu un jugement de la cour d'Appel du Manitoba et du Conseil
privé.
M. LE PRESIDENT: Le gouvernement ici n'a pas manifesté d'opinion
à ce sujet-là. M. Rivest a dit ce qui se faisait ailleurs.
M. LESAGE : II y a un jugement du Conseil privé qui nous dit
quels sont les cadres constitutionnels à l'intérieur desquels il
est possible d'avoir des référendums.
M. LEVESQUE (Laurier): Présentement, oui.
M. LESAGE: Ceux qui doivent, en vertu de la constitution actuelle.
M. RIVEST: L'initiative déclenchée, il y aurait moyen de
chercher peut-être à qualifier ou à pondérer un peu
la prérogative qu'on accorde à ce...
M. LE PRESIDENT: Vous voulez dire laisser l'initiative au
lieutenant-gouverneur en conseil, oui, et peut-être une autre initiative,
un autre mode laissé au Parlement.
M. RIVEST: Oui, je fonde ce que je viens d'affirmer...
M. LE PRESIDENT: En donnant vos exemples, vous avez l'exemple de la
France.
M. RIVEST: ... sur le caractère profondément exceptionnel,
je pense, que doit prendre dans le contexte québécois... En
Suisse, c'est un mécanisme politique absolument normal, c'est
très courant la tenue du référendum. Ici on n'a pas cette
pratique-là, c'est un phénomène un peu nouveau.
M. RIVEST: Si on veut en faire vraiment un mécanisme politique
exceptionnel, je pense qu'on a avantage à marquer ce
caractère-là dans tous le processus de déclenchement et de
déroulement du référendum.
Le deuxième problème, évidemment, est
réglé directement par le projet de loi, c'est-à-dire ceux
qui auront le droit de vote, en faisant reposer tout le mécanisme de la
loi du référendum sur la loi électorale, on a
disposé de ce problème-là.
L'autre problème que je voudrais souligner, c'est le
problème des sujets qui peuvent faire l'objet d'un
référendum. L'article 4, encore une fois, précise que "le
lieutenant-gouverneur en conseil peut ordonner que les électeurs du
Québec soient consultés par référendum,
conformément à la présente loi, sur tout sujet qu'il
indique". C'est-à-dire que le lieutenant-gouverneur en conseil dispose
d'une discrétion totale et absolue.
Encore une fois, je vais référer au texte français.
Ce ne sont pas tous les sujets qui peuvent, en France, faire l'objet d'un
référendum. On peut soumettre au référendum "tout
projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, comportant
approbation d'un accord de la communauté européenne ou tendant
à autoriser la ratification des traités qui, sans être
contraires à la constitution, auront des incidences sur le
fonctionnement des institutions."
Donc, en France, il semble que ce soit limité à l'appareil
structurel des institutions gouverne- mentales françaises. Maintenant,
cela est prévu dans le texte. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de
déterminer encore une fois si on veut faire du
référendum un mécanisme exceptionnel un certain
nombre de sujets. Je comprends que cela peut être limitatif à
certains moments, et peut-être difficile, de tracer la ligne ou la
limite, mais quand même, si on adoptait des grandes catégories de
sujets sans aller trop dans les détails, peut-être que cela
pourrait donner que le référendum pourrait être...
M. LE PRESIDENT: Cela, c'est nouveau dans la constitution
française, c'est depuis la dernière constitution.
Auparavant...
M. RIVEST: En France, la tradition, c'est d'attacher la tenue de
référendums à des questions constitutionnelles ou
d'organisations...
M. LE PRESIDENT: Même auparavant, même avant la
dernière constitution.
M. RIVEST: Par contre, dans d'autres pays, comme je l'indiquais tout
à l'heure, la Suède, vous voyez avec la conduite à gauche
et à droite on peut aller...
M. LE PRESIDENT: N'importe quel sujet.
M. RIVEST: N'importe quel sujet. Aux Etats-Unis, en
général, évidemment, puisque les constitutions internes
des Etats contiennent des dispositions sur n'importe quoi, il y a des
dispositions de droits privés simplement, des dispositions
administratives, etc. Dans les constitutions internes des Etats, tous les Etats
américains, sauf un je crois, ont un mécanisme de
référendum pour amender la constitution. Alors, lorsqu'un
gouvernement légifère, disons sur les terres et forêts,
dans certains Etats, il se trouve à faire un amendement à la
constitution interne de l'Etat et, à ce moment-là, le
mécanisme du référendum joue.
A partir du moment où le sujet qui fait l'objet d'une
législation ne tombe pas dans la constitution interne, dans 15 ou 20
Etats seulement, on peut avoir recours au référendum. Tandis
qu'en dehors de cela, on ne peut pas avoir recours au
référendum.
M. CHOQUETTE: M. Rivest, compte tenu de la constitution
fédérale des Etats-Unis, enfin fédérale dans le
même sens que notre constitution fédérale, est-ce qu'il y a
des référendums qui ont été tenus par des Etats
américains où la question de la compétence
constitutionnelle de ces Etats a été mise en cause, parce que la
question posée excéderait la compétence des Etats en vertu
de la constitution américaine?
M. RIVEST: Je n'ai pas de cas, mais je pense que oui. C'est pour cela
que tantôt j'ai affirmé
qu'au Québec on ne pourrait déterminer un sujet qui
pourrait faire l'objet d'un référendum et qui serait à
l'extérieur des pouvoirs impartis à la juridiction des provinces,
et justement à cause de problèmes qui sont survenus dans l'Etat
fédéral américain au sujet de la tenue des
référendums. On ne peut pas sortir du cadre constitutionnel qui
est fixé et je pense que, dans les Etats américains, le
problème s'est posé.
Les grandes catégories de sujets que je verrais, à
première vue, après avoir parcouru un peu les autres lois, ce
serait peut-être le partage des responsabilités étatiques
entre les différents pouvoirs, c'est-à-dire l'exécutif,
tout l'aménagement des rapports entre l'exécutif, le
législatif et le judiciaire, uniquement sur le plan interne, les
modifications importantes à être apportées à
certaines institutions, comme par exemple, si c'était possible, le
principe de la responsabilité ministérielle ou encore sur le plan
des grandes structures administratives que l'Etat pourrait se donner, soit des
administrations régionales.
J'ai vu dans un journal qu'au Manitoba, récemment, en 1966 ou
1967, je pense, on a fait un référendum sur la question de la
fusion des commissions scolaires. Je ne sais pas si c'était en vertu
d'une loi précise du référendum ou en vertu d'une loi
scolaire, je n'ai pas vu le résultat.
M. LESAGE: C'était peut-être une loi spéciale. Il
n'y a rien qui empêche de passer une loi spéciale, parce que le
plébiscite de 1942 au fédéral avait été tenu
en vertu d'une loi spéciale.
M. LEVESQUE (Laurier): Dans le cas du Manitoba, si j'ai bonne
mémoire, le gouvernement voulait la fusion, et le
référendum a dit non.
M. RIVEST: Alors, quant à la rédaction des sujets, je
comprends que ça pourrait être difficile, mais on pourrait songer
à déterminer des sujets importants, si on veut
véritablement faire du référendum quelque chose
d'exceptionnel, au lieu d'être dans l'usage courant et ce qui en fait
n'est peut-être pas dans nos moeurs politiques ou dans nos habitudes
politiques.
Quant à la rédaction de la question, le projet de loi
accorde à l'Assemblée nationale le droit de discuter assez
largement de la rédaction de la question. C'est le paragraphe 2 de
l'article 4: les électeurs sont consultés lors des
référendums par voie de questions qui leur sont posées,
dont le texte doit être soumis, sur proposition du premier ministre,
à l'approbation de l'Assemblée nationale, et on permet même
la discussion de l'ordre des questions s'il y a plusieurs questions.
Je pense que, dans les questions, c'est assez difficile de faire un
commentaire, sinon de dire que les questions doivent être simples.
L'expé- rience américaine, à ce sujet-là, c'est que
quand ils adoptent un projet de loi et qu'ils vont ensuite en
référendum, il y a de véritables parchemins qui sont remis
aux électeurs, des projets de loi au complet; c'est assez bizarre comme
technique.
Donc, des questions simples, des questions claires. Les questions
doivent être claires, précises et compréhensibles.
Maintenant, le problème que je voudrais mentionner aussi, à ce
moment-ci, c'est peut-être la difficulté... Enfin le projet de loi
ne prévoit absolument rien sur le plan de la question de l'information
qui sera donnée, qui sera attachée au déclenchement du
mécanisme du référendum.
Il peut être facile de dire oui ou non à une question, mais
il faut quand même que la population soit informée des
conséquences ou des implications que peut avoir un oui ou un non.
Alors, comment, en vertu de quoi et par qui va être faite
l'information? Quel sera le rôle des organismes gouvernementaux à
cet égard? Quels seront les droits qui seront accordés aux
diverses tendances, même si théoriquement on peut penser qu'elles
sont largement minoritaires? Je pense que, si on veut véritablement
utiliser le référendum pour qu'il soit quelque chose de
sérieux et de déterminant, là-dessus, on doit
prévoir au moins une égalité des chances.
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que vous permettez de demander
à M. Rivest...
M. LE PRESIDENT: Vous allez peut-être parler de l'Office
d'information.
M. LESAGE: Est-ce que, d'après toute l'économie du projet
de loi qui est devant nous, un rôle assez grand n'est pas laissé
aux partis politiques?
M. RIVEST: Oui.
M. LESAGE: Puisque ce sont les partis politiques qui auront des
représentants.
M. RIVEST: Et on enlève la disposition en ce qui a trait aux
limites des dépenses.
M. LESAGE: Oui, je comprends ça. Tout le chapitre des
dépenses électorales ne s'applique pas en vertu du projet de loi
qui est devant nous, parce que tout le projet de loi réfère aux
articles de la loi électorale. Par conséquent, il y a un grand
rôle qui est laissé aux partis politiques. A ce moment-là,
les partis politiques n'ont pas de sources particulières de revenus. Je
dégage M. Rivest de ce que je dis, complètement. C'est une
observation personnelle, mais j'en profite pour le faire au moment où il
soulève cette question de la nécessité d'informer le
public.
Alors, si on laisse cette responsabilité aux partis politiques,
eh bien, quand on sait ce que coûtent l'information et la
publicité, je me demande s'il ne faudrait pas trouver les moyens de
permettre aux opposants de faire leur publicité.
M. LE PRESIDENT: Je crois bien que...
M. LESAGE: II y a plus que cela. Supposons par exemple que tous les
partis politiques sont d'accord pour répondre oui à une question
et qu'un organisme, comme le Front je le prends au hasard parce que
c'est plus dans les nouvelles comme le Front du Québec
français par exemple, veut s'y opposer, est-ce qu'il serait juste
à ce moment-là que les partis politiques ou même le
gouvernement par l'Office d'information et de publicité, les partis
politiques à même leurs fonds électoraux, fassent de la
publicité pour le oui et laissent les opposants presque sans source de
revenus? Je pense que c'est une question très importante.
Je ne voudrais pas engager M. Rivest dans cette discussion, mais nous
aurons à en discuter entre nous.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela peut devenir à toutes fins pratiques
le triomphe de la propagande automatique dans chaque cas, si cela n'est pas
prévu.
M. LE PRESIDENT: Voici cela a été une des raisons, je l'ai
dit très honnêtement, pour laquelle nous n'avons pas voulu tenir
de référendum c'est une des raisons à
l'occasion des élections. C'est une des raisons, le contrôle des
dépenses.
M. RIVEST: Si vous me permettez, je dois dire...
M. LE PRESIDENT: C'était pratiquement impossible.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais cela élimine une chose...
M. LE PRESIDENT: Je note cela. J'aurai d'ailleurs, soit ici, soit plus
tard, l'occasion de donner des raisons là-dessus, mais je voulais en
parler en passant.
M. RIVEST: Je dois dire aussi que dans les lois que j'ai
consultées sur les référendums, nulle part à ma
connaissance je n'ai vu de dispositions spéciales...
M. LE PRESIDENT: Non.
M. RIVEST: ... relatives au problème de l'information.
M. LE PRESIDENT: Non. Il n'y en a pas.
M. LEVESQUE (Laurier): II faut dire que la plupart des lois qui
concernent les référendums, celles qui sont les mieux connues,
comme aux Etats-Unis et en Suisse, sont quand même des lois anciennes qui
datent du temps où le problème de l'information comme il se pose
aujourd'hui ne se posait pas. Il est nécessaire d'y repenser.
M. LE PRESIDENT: Si on prenait pour les fins de discussion la tenue du
dernier référendum en France, à ce moment-là il
serait peut-être important de savoir s'il y a eu de la publicité
de faite, publicité par l'Office...
M. LEVESQUE (Laurier): Ils ont eu un droit égal, je me souviens,
à la télévision...
M. LE PRESIDENT: Oui, à la télévision, je me
souviens. Mais maintenant...
M. LEVESQUE (Laurier): L'affichage.
M. LE PRESIDENT: ... est-ce qu'il y a eu d'autre publicité de
faite, soit des annonces dans les journaux, des panneaux-réclame?
M. LEVESQUE (Laurier): en France les panneaux-réclame sont
divisés, si j'ai bonne mémoire. Ils ont fait la même
division, pour les non et pour les oui, qu'ils font, en général,
au moment des élections.
Et j'ai vu, tout le monde pouvait voir à la
télévision au moment du dernier référendum, de
vastes étalages de panneaux-réclame comme ils font en France,
où il y avait des oui, des non, des oui, des non. C'était
divisé équitablement, autant qu'on pouvait voir.
M. LESAGE: La seule expérience personnelle que j'aie
vécue, c'est l'expérience de 1942.
M. LE PRESIDENT: On était organisé.
M. LESAGE: A ce moment-là en 1942 sur la question du
plébiscite, lors du plébiscite fédéral sur la
question de la mobilisation des troupes, la conscription pour me servir du
terme employé à ce moment-là le gouvernement
s'était prononcé pour le oui, le premier ministre du
Québec s'était prononcé pour le oui, les partis politiques
fédéraux avec leur caisse électorale s'étaient
chargés de publicité. Les opposants dont je faisais partie
n'avaient pas de sources de revenu. Nous avons dû faire des sacrifices
financiers considérables.
M. LE PRESIDENT: La ligue pour la défense du Canada.
M. LESAGE: C'est cela. Il a fallu faire des sacrifices...
M. LE PRESIDENT: Je me rappelle maintenant.
M. LESAGE: ... financiers considérables. Moi, j'étais
à ce moment-là contre les deux chefs.
M. LE PRESIDENT: Le bénévolat a été la
règle.
M. LESAGE: Ce qui est arrivé, c'est que dans le Québec,
avec le bénévolat nous avons eu une vaste majorité de la
population qui a dit non.
M. LE PRESIDENT: Par principe.
M. LESAGE: ... mais nous n'avons pas pu pénétrer dans les
autres provinces parce que nous n'en avions pas les moyens.
Alors notre information, notre publicité, nous n'avons pas pu la
faire pénétrer dans les autres provinces où il y a eu un
oui massif.
C'est depuis ce temps-là que j'ai peur des
référendums.
M. RIVEST: Alors en terminant, je voulais simplement souligner un point,
formuler une suggestion qui recouperait tous les problèmes, entre autres
ceux que j'ai soulignés à propos du projet de loi.
Disons grosso modo que peut-être que dans la rédaction du
projet de loi, l'exécutif a trop de prérogatives qu'il manque de
pondération sur certains points que j'ai pu indiquer, entre autres sur
le moment de déclencher les élections, sur l'opportunité
du référendum, sur les sujets, la détermination des
sujets.
Je comprends que le président des élections aura un droit
de surveillance sur tout le déroulement du référendum.
Encore une fois, faudrait-il revenir pour mentionner à nouveau
cela a déjà été mentionné aux séances
précédentes de la commission la nécessité
qu'il y aurait de créer un conseil constitutionnel qui, lui, pourrait au
moins donner ses avis au gouvernement, soit sur la rédaction des
questions, soit sur la détermination des sujets, soit comme en France
on parle des deux assemblées, donner son avis sur le moment de
déclencher les élections, surveiller l'application
établir des normes d'équité pour toutes les tendances sur
le plan de l'information, comme on vient de le souligner. Tout cela en plus des
autres fonctions dont on a parlé précédemment ici, au
sujet de ce conseil constitutionnel. Je pense que cela pourrait être une
forme capable de pondérer ce déséquilibre qui
m'apparaît, quant à moi, exister dans la rédaction de
l'article 4.
M. LEFEBVRE: M. Rivest, vous avez parlé du droit qui serait
attribué au conseil constitutionnel de donner son avis sur le moment de
déclencher les élections...
M. RIVEST: Les référendums.
M. LEFEBVRE: C'est juste pour...
M. RIVEST: Non, c'est seulement une suggestion. Cela existe en
France.
M. LEFEBVRE: ... le journal des Débats...
M. RIVEST: En France, le conseil constitutionnel a un certain droit de
regard et de surveillance sur toute la procédure et toute la technique
du déclenchement du référendum. Maintenant, ailleurs, cela
n'existe pas. Je dois aussi peut-être signaler, avant de terminer, que le
seul pays qui a le même système politique, la même
organisation politique que la nôtre et qui a une technique de
référendum, est l'Australie. Cela s'applique presque
exclusivement en matière constitutionnelle.
M. LE PRESIDENT: Cela joue un peu le rôle de frein à des
amendements qui peuvent être proposés à la constitution par
voie législative dans un Parlement. Cela peut jouer le rôle de
frein...
M. RIVEST: C'est cela.
M. LE PRESIDENT: ... à des amendements qui seraient
proposés, surtout dans un Parlement où nous avons une seule
Chambre.
M. RIVEST: C'est exactement le même principe que nous avons
souligné.
M. LAPORTE: Est-ce que l'examen que vous avez fait de cette question
vous a amené à étudier, à mesure que des
référendums étaient tenus, si cela pouvait aboutir
à décharger le gouvernement de son devoir de décider?
Est-ce que c'est une façon, autrement dit, de s'en remettre à
d'autres plutôt que de prendre ses responsabilités?
M. RIVEST: Cela peut toujours en être une. Mais disons,
peut-être pas pour répondre directement à votre question,
que l'expérience globale d'à peu près tous les pays en ce
qui concerne le référendum aboutissent à un oui. Sauf en
somme en France où on a l'exemple du dernier référendum
qui a été une surprise. Et en France, entre autres, dans la
littérature juridique française, on conteste vivement la
procédure du référendum. Ce n'est pas une procédure
qui est acceptée par tout le monde. Aux Etats-Unis, actuellement,
malgré la prolifération d'appels directs aux votes des
électeurs, on sent un abstentionniste de plus en plus marqué et
il ne semble pas que ce soit une technique qui puisse véritablement
atteindre les objectifs de départ.
M. LAPORTE: Est-ce que le référendum est une façon
efficace de consulter les citoyens sur un problème donné?
M. RIVEST: C'est très difficile à déterminer. Mon
impression globale est que c'est efficace dans la mesure où cela ne se
produit pas trop souvent.
M. LAPORTE: Est-ce qu'il y a actuellement des auteurs qui, ayant
étudié le référendum dans son application,
là où il est appliqué, en viennent à la conclusion
que le référendum n'a jamais été ou a cessé
d'être efficace dans les buts qu'il désirait atteindre,
c'est-à-dire consulter le peuple?
M. RIVEST: II y en a.
M. LAPORTE: II y a des auteurs qui mettent en doute même le
principe du référendum?
M. RIVEST: Oui. Entre autres, ce que j'ai vu, c'est en France
particulièrement. Je l'ai souligné tantôt. La technique du
référendum est vivement contestée pour les raisons que
vous avez indiquées.
M. CHOQUETTE: ... En France même, n'y a-t-il pas un exemple de
référendum qui a servi à ce que l'on a appelé,
peut-être, un coup de force constitutionnel? Pardon?
M. BOUSQUET: Du temps de Bonaparte...
M. LEVESQUE (Laurier): Sous Napoléon III.
M. CHOQUETTE: Non, non. Je parle d'une chose récente, en 1962.
Est-ce qu'il n'y a pas eu un référendum qui a servi à
amender la constitution, alors que c'était très contesté?
Si l'on devait avoir recours à cette procédure-là
justement pour faire les modifications...
M. RIVEST: Oui, c'est en 1961. M. CHOQUETTE: 1961.
M. LEVESQUE (Laurier): Pour les pouvoirs spéciaux là?
M. CHOQUETTE: Mon souvenir est très vague, mais il me semble que
l'on a abusé en somme du procédé...
M. PROULX: Pour consulter la population, est-ce que vous accordez une
certaine crédibilité à toute cette méthode
scientifique d'enquêtes de psychologues, enfin dans l'enquête que
l'on a faite dernièrement? Est-ce que vous y accordez une certaine
crédibilité pour tâter le pouls d'une population?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les collègues ont d'autres
questions?
M. LESAGE: J'aurais une question peut-être à poser. M.
Rvest a mentionné à plusieurs reprises les
référendums tenus au niveau des Etats chez nos voisins du Sud.
Est-ce que ces référendums ne sont pas ordinairement tenus
à l'occasion des élections législatives?
M. RIVEST: Ils ont le choix. J'ai vu des constitutions d'Etats où
ils ont le choix. C'est soit au moment des élections ou en dehors.
M. LESAGE: Oui. Ordinairement, c'est au moment des élections?
M. RIVEST: C'est ça. Oui, oui.
M. LESAGE: Et ça devient une corvée terrible d'aller voter
parce qu'il faut voter pour les représentants du peuple. Il faut
voter... Il y a un tas d'élections qui se tiennent le même jour,
il faut donner de nombreux votes et, en plus de cela, il faut répondre
à des questions auxquelles sont attachés des documents qui
prennent presque la proportion de volumes. Alors, ce n'est pas surprenant que
l'abstentionnisme soit de plus en plus marqué !
M. RIVEST: II y a même un référendum aux Etats-Unis
où, non seulement c'était un volume, mais c'était un texte
qui avait un mètre de long.
M. LESAGE: Un mètre de long.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est bon pour tapisser.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'on a d'autres...
M. LEVESQUE (Laurier): Donc il découle de l'article de Bonenfant
ce matin si vous ne l'avez pas évoqué... C'est parce que j'ai vu
arriver la loi électorale. Tout le monde dit que la loi est
reliée à la loi électorale, et, quelque soit l'usage qu'on
fasse du référendum, s'il est le moindrement fréquent, en
tenant compte des restrictions que M. Rivest évoquait, ça se
trouve à poser et ça nous amène dans un autre
domaine, mais j'aimerais bien qu'on ne l'oublie pas ça se trouve
à poser le problème des listes électorales ou des listes
permanentes. Cela implique, encore une fois, que s'il n'y a pas une
énumération à chaque fois, à supposer que le
processus doive servir si peu que ce soit régulièrement,
ça impliquerait qu'il y ait des listes permanentes.
C'est la dernière remarque que Bonenfant fait, et il me semble,
qu'elle saute aux yeux.
M. CHOQUETTE: M. Rivest, est-ce que je pourrais vous poser une question?
Vous y avez peut-être répondu mais pour résumer...
D'après vous, dans quelles circonstances le référendum
est-il manifestement utile?
M. RIVEST: Dans l'approbation des modifications constitutionnelles, des
changements...
M. CHOQUETTE: Donnez-vous votre opinion, c'est tout.
M. RIVEST: Moi, personnellement je le restreindrais à des
questions constitutionnelles, d'amendements constitutionnels, de revision
constitutionnelle.
M. LE PRESIDENT: Mais, par contre, vous nous avez dit tantôt que,
dans plusieurs pays ou dans plusieurs Etats américains, cela portait sur
n'importe quel sujet.
M. RIVEST: Oui.
M. LE PRESIDENT: II y avait un droit d'initiative, soit pour le
lieutenant-gouverneur en conseil, pour le gouvernement, ou pour
l'assemblée, droit d'initiative assez vaste sur n'importe quel
sujet.
M. LEVESQUE (Laurier): Mais, M. le Président, je pense que
je dois répéter, parce que vous étiez occupé avec
le chef de l'opposition il me semble que cela vaudrait la peine de ne
pas l'oublier non plus, parce qu'à part le problème de
l'information, si aux Etats-Unis, très souvent, ou la plupart du temps,
c'est au moment des élections, c'est parce que ça coincide avec
le moment où les électeurs ont tous été
rechiffrés, enfin sont tous présents. Alors, chez nous, si on
relie cela à la loi électorale et que ça doive servir le
moindrement régulièrement, enfin si l'on ne passe pas une loi
simplement pour la mettre dans un statut, est-ce que ça ne pose pas
est-ce que le gouvernement y a pensé le problème
des listes permanentes de nouveau?
M. LE PRESIDENT: J'ai reçu une lettre. Le député de
Laurier m'en avait parlé. Je regrette, je n'ai pas la lettre avec moi.
Je pourrai probablement la verser au dossier... (Voir annexe)
M. LEVESQUE (Laurier): De M. Drouin?
M. LE PRESIDENT: Si mon souvenir est bon, le coût de la
préparation d'une liste électorale permanente serait d'environ $1
million et demi par année. M. Drouin, auriez-vous avec vous le texte de
la lettre que vous m'avez envoyée? Voulez-vous la faire venir? Je
pourrais peut-être la lire.
M. LESAGE: Si vous voulez vous approcher, seulement un instant. Vous
m'avez dit en réponse à une question que je vous ai posée
avant la séance que ça coûtait $30 par tête par
année quelque part je m'excuse, je faisais trois choses en
même temps en Australie?
M. DROUIN: En Australie, je crois que ça revient à $2 par
tête par année.
M. LESAGE: $2 par tête par année.
M. DROUIN: Parce qu'eux, ils font une révision tous les trois
mois. Ils ont quatre révisions par année.
M. LEVESQUE (Laurier): M. Drouin, parce que ça sert dans tous les
Etats et est-ce que selon les périodes, c'est une liste nationale qui
est mise à la disposition des Etats? Est-ce qu'ils s'en servent au
niveau municipal aussi?
M. DROUIN: Je l'ignore. Excusez-moi.
M. LE PRESIDENT: Si nous avons terminé avec M. Rivest, je
pourrais faire entendre M. Beaudoin.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que nous pourrions avoir la lettre?
M. LE PRESIDENT: Oui, oui. Je le fais venir. Entendre M. Beaudoin sur le
problème suivant: Pourquoi n'y a-t-il pas de tenue de
référendum en même temps que les élections? Me
Pierre Beaudoin.
M. LESAGE: On va remercier M. Rivest.
M. LE PRESIDENT: Mais oui, absolument.
M. LESAGE: On va lui demander de reprendre ses fonctions comme
sous-secrétaire.
M. LE PRESIDENT: Oui. Je vous remercie beaucoup au nom de tous les
membres de la commission pour l'excellent travail que vous nous avez
présenté.
Me Pierre Beaudoin est attaché à notre bureau d'officiers
légistes.
M. BEAUDOIN: Disons que, pour apporter peut-être quelques petites
précisions.
M. LE PRESIDENT: Monsieur, étant donné que vous avez fait
des études semblables à celles de Me Rivest, partagez-vous son
opinion au sujet du plébiscite et des référendums?
M. BEAUDOIN: Disons qu'il y a peut-être quelques petites
précisions. Je suis d'accord avec l'essentiel de tout ce qu'il a dit, je
pense que c'est une très bonne étude qu'il a faite. Disons que
pour ce qui est du plébiscite et du référendum, on peut
dire qu'en fait les deux termes sont confondus et pas seulement ici, mais on
peut dire par exemple qu'en Suisse, Maurice Duberger dit lui-même que les
mots "plébiscite" et "référendum" sont employés
l'un pour l'autre. Au Canada, ici, traditionnellement on a utilisé les
termes également l'un
pour l'autre; en 1942, il y a eu le plébiscite au
fédéral, en 1948, il y a eu la loi du référendum
à Terre-Neuve, par laquelle Terre-Neuve est entré dans la
Confédération canadienne. Je pense que l'un ou l'autre des termes
finalement peut être utilisé. Il y avait au départ, si vous
voulez, une différence de nature, mais à cause de l'utilisation
qui en a été faite un peu partout, je pense qu'aujourd'hui les
termes sont presque interchangeables; ça, c'est mon opinion sur la
question.
M. LESAGE: II y a beaucoup de gens qui disent que sous le
général de Gaulle les référendums ont
été plébiscités.
M. BEAUDOIN: Oui, justement.
M. LESAGE: Ce qui veut dire qu'il reste une distinction dans les deux
termes.
M. BEAUDOIN: Le dernier plébiscite qu'on a tenu en France sous le
terme de plébiscite était tenu sous Napoléon III; depuis
ce temps-là, toutes les consultations populaires ont été
tenues sous le terme de référendum.
M. LESAGE: Oui. On en concluait la plupart du temps que le
général de Gaulle se faisait plébisciter par des
référendums.
M. BEAUDOIN: En France le mot "plébiscite" était
surtout...
M. LE PRESIDENT: Etait de la démocratie directe.
M. BEAUDOIN: ... porté sur un homme, alors qu'un
référendum sur une question qui était posée.
M. LESAGE: C'est ça.
M. BEAUDOIN: Bien que le plébiscite, d'après
l'étymologie strictement, ne devrait pas normalement porter seulement
sur...
M. LEVESQUE (Laurier): Avec de Gaulle, même un
référendum c'est un plébiscite.
M. LESAGE: Plébiscite vient de plebs qui veut dire peuple.
M. BEAUDOIN: Alors disons que pour ce qui nous occupe, le terme
"référendum" serait certainement approprié.
Maintenant, quitte à savoir pourquoi on ne devrait pas tenir
une autre question que M Rivest a soulevé que je voudrais
peut-être préciser c'est à savoir s'il y aurait
possibilité d'inconstitutionnalité d'un référendum.
Je pense qu'en étudiant l'arrêt du Conseil privé sur la
cause du Manitoba, on peut venir à la conclusion qu'un
référendum strictement consultatif n'est pas inconstitutionnel,
enfin n'apporte aucune inconstitutionnalité, c'est ce qu'on
prévoit faire ici.
Ce qui pourrait être inconstitutionnel, ce qui pourrait lier les
pouvoirs du lieutenant-gouverneur ou de l'assemblée, ce serait un
référendum obligatoire où le gouvernement s'engagerait
à suivre le résultat. Mais pour ce qui est d'un
référendum strictement consultatif, je pense qu'il n'y a pas de
problèmes constitutionnels là-dessus.
Maintenant, à la question de savoir pourquoi on ne tient pas de
référendum à l'occasion des élections, là,
évidemment, il y a plusieurs arguments qui peuvent être
invoqués. J'ai ici des arguments qui favorisent l'exclusion,
c'est-à-dire qui favorisent le partage entre les élections et les
référendums, on pourrait sans doute évidemment en invoquer
pour lier le référendum aux élections.
Les motifs qui pourraient être invoqués ici pour
distinguer, si vous voulez, la tenue des référendums de celle des
élections sont de deux ordres principaux. D'abord, il serait presque
impossible de contrôler les dépenses faites à l'occasion
d'un référendum, notamment par les organismes
intéressés qui ne sont pas reliés directement à un
parti politique. C'est toute la philosophie, à ce moment-là, du
contrôle des dépenses qui est sanctionnée par la Loi
électorale actuelle qui pourrait être contournée si on
permettait la tenue de référendum lors d'élections
générales.
Un deuxième ordre de motifs j'élaborais sur le
premier tout à l'heure on pourrait dire que, s'il y a
référendum en même temps qu'une élection, il y
aurait danger de confusion dans l'esprit de la population. Traditionnellement,
une élection a toujours pris d'une certaine manière l'allure d'un
plébiscite pour ou contre le gouvernement au pouvoir évidemment.
A ce moment-là, la population pourrait confondre les deux
problèmes, à savoir: donner une absolution ou un mandat à
un gouvernement et, d'autre part, donner son accord ou non à la question
qui est posée par référendum. A mon sens, ce seraient les
deux principaux motifs qui devraient vous pousser à ne pas lier la tenue
des élections à celle d'un référendum.
D'abord, le contrôle des dépenses. Nous savons qu'en vertu
des articles 372 et suivants de la Loi électorale, les dépenses
au cours d'une période électorale sont sévèrement
contrôlées. L'article 373 précise que personne d'autre que
l'agent officiel d'un candidant ou d'un parti reconnu ne doit faire ou
autoriser des dépenses électorales.
Qu'est-ce qui arriverait si un référendum devait
être tenu à l'occasion d'une élection? Admettons, par
hypothèse, qu'un ou deux partis politiques suggèrent à la
population de répondre oui à la question et un autre parti
suggère de répondre non. A ce moment-là, l'élection
ne se ferait plus uniquement, bien sûr,
sur les partis et sur leur programme mais également sur leur
option dans la réponse à donner au référendum.
Alors les partis politiques ne seraient pas les seuls groupements
organisés à se prononcer sur le problème soulevé
par le référendum. Il est normal de prévoir que tous les
groupements responsables feraient connaître leur position et il faudrait
même et ce serait même normal que les groupements
responsables soient encouragés à faire connaître leur
position sur la question posée.
A ce moment-là, pour faire connaître leur position, ces
groupements seraient appelés à faire, forcément, une
certaine publicité et à faire des dépenses en
conséquence. Ces dépenses, en plus de promouvoir aux yeux de la
population l'idée soutenue par le groupement, favoriseraient directement
le parti ou les partis politiques qui se seraient identifiés à
l'opinion défendue par le groupement concerné. Exemple, le parti
X décide de recommander aux élections de répondre oui. Or,
un corps intermédiaire, la Société Saint-Jean-Baptiste, la
chambre de commerce ou un autre évidemment, ces deux-là ne
seraient peut-être pas d'accord décide, lui aussi, de faire
campagne pour la même réponse et engage des dépenses en ce
sens. On constate facilement quel danger il y aurait d'une confusion plus ou
moins grande entre les dépenses du parti politique X et les
dépenses du groupement ou du corps intermédiaire Y. Les
dépenses du mouvement deviendraient alors en fait des dépenses
électorales, même si le mouvement n'était pas tenu de
passer par l'entremise d'un agent officiel. Un groupement pourrait engager
à ce moment-là des sommes énormes lui provenant de quelque
source que ce soit, y compris peut-être même des partis politiques,
dans une lutte qui amènerait ce groupement-là à favoriser
directement un parti politique au cours d'une campagne électorale. Aucun
contrôle ne pourrait être exercé sur ces dépenses
sauf évidemment en modifiant la Loi électorale et puis en
exigeant que le groupement passe par un agent officiel, etc., ce qui pose une
foule de problèmes. Il faudrait presque qu'il y ait des agents dans
chaque bureau et même, éventuellement, un agent officiel dans
chaque circonscription électorale.
Alors, c'est la principale raison, je pense, pour laquelle il faudrait
distinguer la tenue des référendums de la tenue des
élections.
Le second motif s'explique un peu par lui-même, c'est qu'à
mon sens il serait néfaste qu'une confusion s'établisse dans
l'esprit des électeurs à l'occasion d'une élection
où serait tenu un référendum.
Le fait de voter pour un parti politique entraîne normalement
l'adhésion aux politiques proposées par ce parti, et il pourrait
paraître incongru qu'un jour un parti soit élu pour former un
gouvernement mais que, d'autre part, les électeurs rejettent les
positions de ce parti-là sur la question qui a été
posée dans le référendum. Alors ce sont les deux
principales raisons, je pense, pour lesquelles il est préférable
de séparer les deux questions.
M. LE PRESIDENT: M. Beaudoin, je vous remercie beaucoup de ce travail
sur les raisons qui militent en faveur de la tenue d'un
référendum en dehors d'une élection. Est-ce que des
collègues ont des questions à poser?
M. LEVESQUE (Laurier): Cela me parait probant.
M. LESAGE: Etant donné ce que vient de dire M. Beaudoin,
évidemment je ne voudrais pas l'engager dans une telle discussion, il y
aurait peut-être lieu d'inscrire certaines prohibitions quant à la
tenue d'un référendum durant une période
électorale. Mais tout ça viendra, je le pense bien, plus
tard.
UNE VOIX: Nous avons une optique là-dessus.
UNE VOIX: Discrétion quant à la date...
M. LESAGE: C'est 36c: "Tout bref pour la tenue d'un
référendum devient nul dès qu'un bref d'élection
est émis avant la date à laquelle doit avoir lieu le scrutin,
lors de ce référendum."
M. LE PRESIDENT: C'est édicté dans la loi. C'est
ça.
M. LESAGE: Je me demande si c'est assez clair.
M. LE PRESIDENT: II y a moyen de le préciser, mais quand nous
avons élaboré la loi, il était clair qu'il n'y avait pas
de référendum en même temps que les élections.
M. LESAGE: De toute façon nous examinerons, en
comité...
M. LEFEBVRE: M. le Président, c'est peut-être
prématuré de soulever la question maintenant, mais, à mon
avis, il reste quand même quelque chose d'important dans cette affaire
parce que le gouvernement pourrait utiliser le référendum comme
une sorte de sondage à la toute veille d'une élection, juste
avant l'émission des brefs. C'est pour ça, quant à moi,
que la date de la tenue du référendum devrait être
discutée à l'Assemblée nationale en même
temps...
M. LE PRESIDENT: Ah, ça c'est un autre problème! Mais sur
le problème que M. Beaudoin a examiné, est-ce qu'on a d'autres
questions?
Merci, merci beaucoup, M. Beaudoin.
Est-ce qu'on a l'intention d'entreprendre ce
matin l'examen du bill, article par article, ou si on
préfère relire tout ce qui a été dit? On pourrait
compter que cette première séance a été une
séance c'est le cas de le dire préliminaire
d'information, et nous pourrons peut-être à moins que les
travaux parlementaires nous en empêchent tenir une autre
séance d'ici à l'ajournement; mais je crois, je le dis
immédiatement, que ce sera plutôt possible lors de la reprise des
travaux parlementaires en février, étant donné la besogne
législative qui nous reste à abattre.
Deuxièmement, nous devons tenir des séances, aujourd'hui
d'ailleurs, au sujet du bill 62. Nous devons nous partager entre les travaux de
la commission ici et les travaux en Chambre.
Je note immédiatement que le chef de l'Opposition sera retenu en
Chambre pour l'examen de certains projets de loi qui ont été
commencés, alors que la commission de l'Education siégera ici
à compter de 4 heures.
M. LESAGE: 3 h 30.
M. LE PRESIDENT: 3 h 30, cet après-midi.
M. LEVESQUE: Qu'est-ce qu'il y a en haut, juste en passant?
M. LE PRESIDENT: En haut il y a Rexfor...
M. LESAGE : Nous allons terminer le bill 24...
M. LE PRESIDENT: Le bill 24 et Rexfor...
M. LESAGE: Le bill 57.
M. LE PRESIDENT: Le bill 57.
M. LESAGE: Le bill du ministre des Terres et Forêts pour
l'exploitation forestière.
M. LEVESQUE: Ah, le bill péquiste là...
M. LESAGE: En réponse à la question que vous avez
posée, à savoir si nous devrions entreprendre l'étude,
article par article...
M. LE PRESIDENT: Pas ce matin.
M. LESAGE: Pas ce matin, c'est sûr et pas même la prochaine
fois. Toute l'économie de la loi, tout le principe de la loi est en
définitive à l'article 4. C'est à cet article 4 que se
posent de nombreuses questions sur lesquelles M. Rivest et M. Beaudoin ont
attiré notre attention.
Première chose: y a-t-il lieu de déterminer les
catégories de sujets sur lesquels un référendum pourrait
être tenu?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. LESAGE: Deuxièmement, est-ce qu'on devrait laisser au
lieutenant-gouverneur...
M. LE PRESIDENT: Seul.
M. LESAGE: Seul au lieutenant-gouverneur en conseil, le pouvoir
d'ordonner un référendum ou si l'Assemblée nationale ne
devrait pas être consultée sur le point quant à la
tenue?
M. LE PRESIDENT: Quant à la tenue.
M. LESAGE: Si on décide d'avoir une loi des
référendums, est-ce qu'il ne faudrait pas en profiter pour
établir un conseil constitutionnel qui aurait un rôle à
jouer dans la détermination des sujets, dans la préparation des
questions, etc.?
Troisièmement, est-ce que cela ne veut pas dire qu'il nous faudra
une liste électorale permanente?
Quatrièmement, est-ce que la date de la tenue du
référendum ne devrait pas être fixée par
l'Assemblée nationale et non pas par le lieutenant-gouverneur en
conseil?
Je pense qu'à la lecture des expertises...
M. LE PRESIDENT: C'est cela, des travaux.
M. LESAGE: Des rapports qui nous ont été faits par MM.
Rivest et Beaudoin, nous pourrons dégager un nombre de questions de
principe très importantes et que nous devrions, à mon sens,
vider, avant d'entreprendre l'étude du projet de loi, article par
article, puisqu'il s'agit après tout d'une concordance.
Il y a aussi cette question très sérieuse de l'information
et de la publicité. Il faudrait bien que le gouvernement, je crois,
étudie cette question et nous dise quelle est l'opinion du Conseil des
ministres sur la façon, comment dirais-je, d'obvier à ce que je
considère un obstacle majeur. Et une dernière question qui
devrait peut-être être la première: Est-ce que, étant
donné toutes ces circonstances, il vaut mieux avoir une loi des
référendums ou s'il vaut mieux ne pas en avoir? C'est
fondamental.
M. LEFEBVRE: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'intérieur, oui.
M.LEFEBVRE: M. le Président, une seule question. Je
m'inquiète de la présence à vos côtés du
sous-ministre des Affaires intergouvernementales et j'aimerais demander au
premier ministre...
M. LESAGE: II est secrétaire, le sous-ministre.
M. LEFEBVRE: Ah! je m'excuse, je ne connaissais pas ce détail,
mais...
M. LESAGE: De la même façon que M. Rivest est
assistant...
M. LE PRESIDENT: M. Pelletier, je crois...
M. LEFEBVRE: Je me demandais si ça indiquait que le gouvernement
voulait utiliser la loi des référendums pour des questions qui
concernent les relations intergouvernementales.
M. LESAGE: Ah! je pensais que c'était pour plébisciter M.
Morin.
M. LE PRESIDENT: En réponse à la dernière question
du chef de l'Opposition, il n'y a aucun doute, nous croyons, nous du
gouvernement, qu'il est important que nous soyons dotés d'une telle loi
des référendums, nous le croyons. Et c'est pourquoi nous avons
soumis ce document.
Deuxièmement, ce document bien entendu, je l'ai dit
dès le début, je l'ai déjà déclaré
serait un document de travail. Ce qui veut dire que je suis prêt
et mes collègues sont prêts à discuter des principes que
l'on retrouve à l'article 4 ou qui s'en dégagent. C'est pourquoi
nous l'avons soumis dès après sa première lecture à
la commission parlementaire de la constitution. Le but que nous poursuivons,
c'est d'essayer d'élaborer une loi des référendums qui
réponde en autant que possible aux idées d'abord et aux opinions,
non seulement d'un gouvernement mais du Parlement.
Et c'est pourquoi nous utilisons cette commission parlementaire de la
constitution où tous les parlementaires, ou quelques-uns des
parlementaires des deux partis ou des autres partis sont
représentés.
M. LEVESQUE (Laurier): J'avoue que, pour ma part, j'ai fait partie de
ce...
M. HOUDE: Je voudrais quand même faire remarquer que ce projet de
loi concernant les...
M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas mon tour.
M. HOUDE: ... les référendums est à sens unique. Je
veux dire par là que dans tous les exemples que M. Rivest a
donnés, enfin dans plusieurs exemples, il était continuellement
question, également dans le projet de loi, que la population, que le
peuple pouvait selon certaines modalités exiger à un moment
donné un référendum.
M. LE PRESIDENT: Non, je pense que c'est le droit de l'initiative
ça. C'est le premier problème.
Le peuple, d'après le projet de loi, n'a aucune initiative comme
tel. C'est le gouvernement qui l'a, par l'article 4 et il y aurait les autres
possibilités.
M. HOUDE: Etant donné que cela existe ailleurs, est-ce qu'on peut
songer, à un moment donné, dans la série de questions?
M. LE PRESIDENT: Nous l'avons, si vous voulez relire
étiez-vous ici depuis le début?
M. HOUDE: Oui.
M. LE PRESIDENT: Vous avez entendu les propos de M. Rivest. Vous pourrez
les relire, comme nous, et vous verrez quelles sont toutes les
modalités, quels sont les genres de référendums. Il nous a
donné toutes sortes d'exemples.
M. LEVESQUE (Laurier): Je crois que j'ajouterai quand même
à la question...
M. LE PRESIDENT: Vous avez l'initiative au peuple, le
référendum de ratification...
M. LEVESQUE (Laurier): J'ajouterai aux questions du chef de l'Opposition
celle-là. Je me souviens, par exemple, comment s'appelaient-elles, ces
damnées lois, qui étaient devenus symboliques, en 1960? Je donne
un exemple: le retrait du bill...
M. CHOQUETTE: La Loi Guidon...
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, quelque chose dans ce genre-là.
M. CHOQUETTE: La loi Picard.
M. LEVESQUE (Laurier): Autrement dit des lois où on a
l'impression et cela peut durer assez longtemps quelles ont
été des lois exorbitantes ou des lois injustes et dont une bonne
partie de la population mais on peut difficilement savoir laquelle
en demande le retrait.
M. LEFEBVRE: Pas besoin d'une loi pour cela, on a juste besoin d'un bon
gouvernement.
M. LEVESQUE (Laurier): II reste quand même que la question peut
être posée sérieusement si un nombre X de milliers de
citoyens ne pouvaient pas, une fois le mécanisme en marche...
M. LE PRESIDENT: II s'agit, M. le député d'Ahuntsic, de
tenir un référendum pour savoir, de la part du peuple, quel est
le bon.
M. LESAGE: Quant à moi, cela commence à me faire penser
à des élections générales.
M. LEVESQUE (Laurier): On ne doit pas escamoter la question, moi,
j'avoue que...
M. LESAGE: Non, non.
M. LE PRESIDENT: Non.
M. LEVESQUE (Laurier): J'avoue que je fais
partie de ceux que cela séduit comme n'importe qui au
départ, les référendums. Sur la même base des
questions du chef de l'Opposition, on peut commencer à se demander,
peut-être avant n'importe quoi, est-ce que nous sommes mûrs pour
cela et est-ce que, vraiment, le processus est aussi bon que, d'instinct, on
l'imagine? En tout cas, cela vaut la peine d'y réfléchir parce
qu'il y a l'air d'avoir autant de questions qu'il y a de réponses.
M. LESAGE: II y a une chose certaine, c'est que, dans tout pays ou tout
Etat, si l'on veut, à majorité et minorité, cela peut
devenir un instrument extrêmement dangereux.
M. LE PRESIDENT: Très dangereux.
M. LESAGE: Et puis, l'autre plébiscite de 1942, ce n'était
pas une question de race ou de langue, mais cela y touchait...
M. LE PRESIDENT: Cela l'est devenu.
M. LESAGE: C'est devenu une question de race. Il est inévitable,
à ce moment-là, que si on est pris avec une question de race,
avec une question de langue, il est inévitable, dis-je, que la
majorité l'emporte. Et c'est certainement un instrument dangereux pour
les minorités.
C'est peut-être une des raisons pour lesquelles nous devrions
limiter le champ d'application quant aux sujets qui pourraient faire l'objet
d'un référendum.
Evidemment, nous n'aurons qu'une loi. Cela ne sera pas partie de la
constitution.
M. LE PRESIDENT: Pour le moment.
M. LESAGE: Non. Alors, c'est un autre danger.
M. CHOQUETTE: L'idée du conseil constitutionnel...
M. LESAGE: Oui.
M. CHOQUETTE: ... soumise par M. Rivest pourrait peut-être
tempérer...
M. LE PRESIDENT: Nous en avons déjà parlé lorsque
le Conseil législatif a été aboli. Nous avions
examiné la possibilité d'une deuxième Chambre pour
le moment cette idée-là a été mise de
côté ou la création d'un conseil constitutionnel.
Nous en avions parlé à la commission parlementaire de la
constitution. Est-ce qu'il y aurait lieu de créer un tel conseil et de
lui faire jouer un rôle à l'occasion des
référendums? C'est le problème que vous avez
soulevé tantôt. Je pense que tous ces problèmes-là
méritent d'être examinés. Que l'on tienne pour acquis que
ce projet-là n'est pas apporté en vue d'imposer quoi que ce soit.
Je voudrais que, si nous avons une loi, comme je le souhaite, cette
loi-là reflète autant que possible l'opinion de la
majorité et qu'elle soit dégagée complètement de
toute partisanerie politique. Nous l'avons démontré ce matin. Si
nous devons bâtir un outil, que ce soit un outil qui réponde
véritablement aux idées des parlementaires.
M. LESAGE: M. le Président, pourrais-je faire une suggestion?
Cette idée du conseil constitutionnel qui a surgi à l'occasion de
l'abolition du Conseil législatif m'a toujours frappé comme
étant peut-être une nécessité. Et d'ailleurs je
pense, M. le Président, que vous-même, vos idées vont
je ne voudrais pas présumer vos opinions...
M. LE PRESIDENT: Je l'ai envisagé.
M. LESAGE: ... vont un peu dans la même direction. Est-ce que, M.
le Président, je pourrais suggérer que vous chargiez, soit de vos
légistes, soit des experts, de préparer ce que l'on pourrait
peut-être appeler un livre blanc sur l'établissement possible d'un
conseil constitutionnel. Je suggère que vous commenciez par la
préparation d'un livre blanc.
M. LE PRESIDENT: Je dois dire qu'il y a déjà des travaux
qui ont été faits dans ce sens-là. J'en avais fait
préparer à l'occasion du bill proposant l'abolition du Conseil
législatif. A ce moment-là, je vous avais dit que c'était
prématuré, que nous n'avions pas le temps de les examiner; mais
je peux faire continuer ces travaux qui pourront être versés ici
aux dossiers, à la commission parlementaire de la constitution.
M. LESAGE: Si nous pouvions avoir quelque chose d'assez précis,
cela nous orienterait sur une structure...
M. LE PRESIDENT: Sur une structure de conseil constitutionnel. Oui,
parfait.
Nous vous saluons, M.
Michaud. Vous arrivez à la dernière heure. Vous allez
recevoir le même salaire que les autres. Non, il venait tout simplement
comme observateur.
UNE VOIX: Cela, c'est pour les meilleurs convenances.
UNE VOIX: II n'arrive pas comme un cheveu sur la soupe.
M. MICHAUD: Non, non. Mais je comprends qu'au sujet des
référendums, vous allez éviter que ce soient des
plébiscites.
M. LESAGE: M. Beaudoin...
M. LE PRESIDENT: Si vous voulez, vous lirez le journal des
Débats...
M. LEVESQUE (Laurier): 385, 390, 279, ce n'est pas recevable comme
remarque cela.
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous proposer que le président quitte le
fauteuil?
M. MICHAUD: 332.
M. LE PRESIDENT: Alors, je quitte le fauteuil en remerciant les membres
de la commission parlementaire et les journalistes.
M. LEVESQUE (Laurier): Oh, la liste, la lettre de M. Drouin.
M. LE PRESIDENT: Oui. Dès qu'elle sera arrivée, je la
transmettrai.
(Fin de la séance: 11 h 47)
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