Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Wednesday, January 31, 2024
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Vol. 47 N° 37
Special consultations and public hearings on Bill 47, An Act to reinforce the protection of students
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-trois minutes)
La Présidente (Mme Dionne) : ...à
tous ceux et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 47, Loi
visant à renforcer la protection des élèves.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Rivet (Côte-du-Sud) est remplacé par Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac).
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Donc, cet avant-midi nous entendrons un groupe, soit la Centrale des
syndicats du Québec. Donc, je vous souhaite la bienvenue parmi nous.
Donc, vous disposez de 10 minutes
pour nous présenter votre exposé. Suite à cela, nous procéderons aux échanges
avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et
ensuite nous faire part de votre exposé.
M. Gingras (Éric) : Oui. Mais
merci beaucoup. Merci de nous accueillir. Donc, je suis accompagné... Éric
Gingras, président de la CSQ, accompagné de Nathalie Chabot et Jean-François
Piché, tous les deux conseillers, conseillères à la centrale.
Écoutez, simplement un petit rappel, la
CSQ regroupe plus de 225 000 membres, dont 135 000 membres
notamment dans le secteur scolaire, de l'éducation plutôt, et on a des
fédérations autant enseignantes, enseignants, privé, public, mais aussi, bien
sûr, nos collègues professionnels et personnels de soutien.
Donc, c'est important de le dire, le
projet de loi nous tient à coeur. C'est des situations qui sont beaucoup trop
souvent déplorables, qui se produisent malheureusement trop souvent aussi, et c'est
une responsabilité que nous avons toutes et tous, donc, de contrer cette
réalité-là. Et la CSQ partage totalement l'objectif du projet de loi n° 47
qui vise à renforcer la protection des élèves.
Par contre, et c'est le but de notre
intervention d'aujourd'hui, dans un but de construire...
M. Gingras (Éric) : ...quelque
chose d'encore mieux, car, pour ce faire, le projet de loi mise sur un
resserrement et l'encadrement, et la surveillance du personnel. On croit que
cette approche est insuffisante et on croit aussi que, dans sa forme actuelle,
le projet de loi pourrait engendrer des problèmes d'interprétation,
d'application, et nuire à l'objectif, et c'est ça qu'on va tenter de vous
démontrer, et vous proposer certaines alternatives.
M. Piché (Jean-François) : Merci.
Alors, je vais poursuivre. Bien, en fait, le projet de loi parle de la notion
de comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité
physique ou psychologique d'un élève. Donc, c'est cette expression-là qui est
utilisée dans le projet de loi. On pense que celle-ci risque de donner lieu à
des diverses interprétations et applications, parce qu'elle est vaste, elle est
large et elle peut engendrer des situations subjectives.
Prenons un exemple. On est dans une petite
école primaire. Il y a un membre du personnel qui marche dans le corridor,
capte une conversation entre une enseignante et un élève. Bon, la conversation
est à l'effet que l'enseignante monte un peu le ton, parle à l'élève, mais la
personne qui passe dans le corridor et entend la conversation les connaît bien.
Elle connaît l'élève, elle connaît l'enseignante, elle dit : Ah! O.K.,
elle doit, encore une fois, intervenir parce que ça peut être un élève parfois
turbulent, dérange la classe, donc elle intervient, il n'y a pas de problème,
c'est compréhensible, j'ai l'élément de contexte, je passe tout droit.
Même situation dans une grande école,
primaire, cette fois-ci. Là, la personne qui passe dans le corridor, elle est
un peu surprise par le ton, les mots utilisés, et là se questionne : Bon,
j'ai une obligation de signalement. Elle n'a pas le contexte, elle ne connaît
pas l'enseignante, ne connaît pas l'élève, donc elle n'est pas capable
d'évaluer. Alors, il se pourrait qu'elle signale, en me disant : J'ai une
obligation de signalement, je vais le faire, parce que, raisonnablement,
faire... ce n'est pas clair pour moi. Puis là est-ce que ce qui a été dit peut
affecter l'élève au niveau de son estime? Bon, donc, la question qui se
pose : Est-ce que la première personne a eu raison de ne pas signaler?
Sans doute. Elle a été capable de contextualiser. Est-ce que l'autre a eu
raison de signaler? Peut-être que oui, peut-être que non. Elle n'a pas
l'élément de contexte, comme je le disais, et elle n'est pas capable... elle a
de la difficulté à appréhencier ce que ça veut dire, «pouvant raisonnablement
faire craindre pour la santé psychologique de l'élève», mais elle le dénonce,
parce qu'elle a une obligation de signaler.
Conclusion : un libellé aussi vaste
et imprécis peut conduire à de multiples faux signalements, qu'il sera long...
qui seront, alors, prendre de vue... qui perdent de vue les situations réelles
qu'il faut dénoncer, et on pense que ça peut, donc, entraîner une
judiciarisation et une certaine méfiance. Donc, c'est ce qu'on craint, et c'est
là tout le contraire de ce qu'on cherche à faire avec le p.l. n° 47,
protéger les élèves, puis avoir des situations claires où, là, il faut
intervenir. Donc, important de clarifier davantage ce qu'on entend par
l'expression «pouvant raisonnablement faire craindre pour la santé physique et
psychologique d'un élève». Nous proposons que ce travail de clarification là
soit fait en concertation avec les acteurs scolaires concernés, pour développer
une compréhension commune et, ainsi, favoriser l'adhésion à ça. Donc, à la
fois, la révision du guide du ministre, relative aux antécédents judiciaires,
va être une occasion pour clarifier ça, et la révision, également, des codes
d'éthique que le projet de loi suggère, qui sont rendus obligatoires, serait
une bonne occasion, aussi, de faire cette interprétation-là, et c'est en ce
sens que la recommandation 1 de notre mémoire est à l'effet. Éric?
M. Gingras (Éric) : Concernant
les clauses d'amnistie, écoutez, c'est un sujet qui a été repris à maintes et
maintes fois, et on voit dans la jurisprudence, très clairement, que la notion
de clauses d'amnistie sert à s'amender. C'est comme ça qu'est construit,
d'ailleurs, notre système de justice. La notion de pardon, de réhabilitation,
c'est une pierre d'assise de ce qu'on retrouve, là, à plusieurs endroits. Si on
garde le texte tel qu'il est, ça voudrait dire qu'une personne qui agresse un
citoyen, qui agresse dans la rue, un enfant peut recevoir un pardon, mais si
c'est un membre du personnel, bien, à ce moment-là, lorsqu'il y a un élément de
cet ordre-là, ça le suit tout le temps, et cet élément là, donc, après 10, 12,
15 ans. D'autant plus que, en fonction de la gravité du geste posé, on n'a pas
besoin de suivre la gradation des sanctions. On peut aller directement avec que
ce soit un congédiement ou que ce soit quelque chose de plus imposant. Donc,
ça, c'est important.
Et le fait d'enlever les clauses
d'amnistie, c'est une façon, aussi, de ne pas amener cette possibilité
d'amendement, et, surtout, de s'amender, et, surtout, on enlève l'accent mis
sur le soutien et la prévention, car, ça aussi, dans beaucoup de jurisprudences,
que vient dire les clauses d'amnistie, c'est la...
M. Gingras (Éric) : ...justement,
qu'on amène, on oblige l'aspect soutien et de prévention pour ne plus que ça se
reproduise. Ça, c'est important de le mentionner. Et finalement rappeler aussi
que... rappeler aussi que dans le projet de loi n° 42, on a proposé donc
un délai de cinq ans pour les... les gestes à caractère... de violence, pardon,
à caractère sexuel, parce que c'est un cas particulier qu'il faut être en
mesure de contrer cette culture-là. Mais pour ce qui est du projet de loi
n° 47, étant donné la très large définition qu'on peut faire du
comportement pouvant raisonnablement faire craindre, bien, ce qu'on propose,
c'est de s'en remettre aux discussions des parties au niveau local pour parler
de la durée, des mesures de soutien, de l'encadrement de tout ça. Et notre
proposition 10 vient d'ailleurs encadrer une période pour le faire. C'est
donc une façon d'utiliser la réalité des multiples circonstances qui peut se...
qui peut se produire pour nous permettre justement de mieux l'encadrer et non
pas de faire du mur à mur, ce qu'on ne veut pas faire, étant donné la largeur,
la largesse qu'amène la notion qui nous est présentée.
• (11 h 30) •
Mme Chabot
(Nathalie) :Alors, je poursuis. Le projet
de loi comporte deux obligations de signalement. La première, c'est une
obligation pour le personnel de signaler tout manquement au code d'éthique qui
peut faire... raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique et
psychologique des élèves. Alors, on comprend l'intention de protéger les élèves
à l'aide de cette disposition. Mais cette obligation pourrait avoir des revers
comme la multiplication de signalements, les gens préférant ne pas prendre de
risque et signaler plus que moins, étant donné l'étendue ou l'élasticité de la
notion de base du projet de loi. Donc, les cas réellement urgents pourraient
être noyés à travers des cas qui finalement s'avéreraient non fondés. Cette
multiplication de signalements, elle pourrait aussi être encouragée par le fait
que le projet de loi, il est muet quant à ce qui peut se produire si une
personne ne signale pas un comportement parce qu'elle a jugé en toute bonne foi
qu'il ne faisait pas raisonnablement craindre pour la sécurité des élèves.
Par ailleurs, des mesures de protection
contre les représailles pour les personnes qui signalent un comportement sont
essentielles, comme ça a été d'ailleurs discuté hier dans vos échanges. Donc,
on propose que de telles mesures de protection contre les représailles soient
ajoutées dans le projet de loi. Une seconde obligation de signalement au
ministre, cette fois, est faite à tout employé qui a un motif raisonnable de
croire qu'un enseignant a commis une faute grave dans l'exercice de ses
fonctions ou un acte dérogatoire à la dignité et à l'honneur, mettant en cause
un comportement pouvant raisonnablement faire craindre. Comme on vient de
l'évoquer, il y a déjà une obligation de signalement pour tous les membres du
personnel à travers le code d'éthique. Ça fait que, dans un souci de
simplification des processus, parce qu'on partage aussi les craintes qui ont
été soulevées hier quant à la multiplication des recours puis les risques de
confusion. Donc, dans un souci de simplification, mais aussi dans un souci de
partage des responsabilités, on est d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter
cette obligation-là. On croit qu'il revient aux directions, aux cadres des
centres de services scolaires et des établissements privés qui reçoivent les
signalements en vertu du code d'éthique, de juger de la gravité de la
situation. Et.
La Présidente (Mme Dionne) : ...en
terminant. Mme Chabot.
Mme Chabot
(Nathalie) :Ah! de...
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 10 secondes.
Mme Chabot
(Nathalie) :Je laisse le dernier mot à
Éric.
M. Gingras (Éric) : Simplement
vous dire que ça passe par la prévention aussi, bien sûr, et la responsabilité
de l'employeur de contrer aussi ces éléments-là.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment pour cet exposé. Donc, nous allons procéder aux échanges avec les
membres de la commission. Donc, M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Drainville : Oui, merci
beaucoup pour cette intervention. Merci de participer à nos échanges, c'est
très apprécié. D'abord, je veux juste vous dire, par rapport à la définition,
là, du comportement pouvant faire craindre ou pouvant raisonnablement faire
craindre pour la sécurité physique et psychologique, je veux juste vous
dire : J'ai ici devant moi le guide sur les antécédents judiciaires, sur
la vérification des antécédents judiciaires. À la page 22, on donne des
exemples, là, d'infractions susceptibles de retenir l'attention, puis là, on a
des exemples, donc, d'antécédents judiciaires. Notre intention, c'est de donner
des exemples comme ceux-là pour les comportements pouvant faire craindre pour
la sécurité physique et psychologique des élèves. Donc, on est...
11 h 30 (version non révisée)
M. Drainville : ...est
conscients du fait qu'il faut faire un... comment dire, acte de vulgarisation
et donc, de cette manière-là, faciliter la mise en œuvre du projet de loi.
Donc, ça fait partie des changements que nous allons souhaiter apporter dans le
nouveau guide, dans le fond, parce que là, on va... on va avoir un nouveau
guide qui va couvrir à la fois les antécédents judiciaires, mais plus
largement, les comportements pouvant faire craindre pour la sécurité physique
et psychologique des élèves.
L'autre chose sur laquelle je voulais
attirer votre attention sur la protection, vous y avez fait référence. Vous
avez fait référence au fait, Mme Chabot... On prononce bien Chabot?
Chabot? Ça va, Chabot? Pas Chabot, Chabot?
Mme Chabot (Nathalie) :...
M. Drainville : Chabot. Très
bien. Alors, vous aviez raison de dire... Je vois que vous avez suivi avec
attention nos travaux hier, et donc vous avez raison de noter qu'on va devoir
réfléchir à une façon de mieux protéger les personnes qui pourraient dénoncer,
ou qui pourraient signaler, ou porter plainte contre d'éventuelles mesures de
représailles. Alors, là-dessus aussi, on a du travail à faire. Le projet de loi
peut être bonifié, les consultations servent à ça, donc on va travailler
là-dessus.
Bon, sur la question des amnisties, des
clauses d'amnistie, bon, comme vous le savez, vous n'êtes pas les premiers à
souligner ou à porter à notre attention un questionnement, sinon une
inquiétude, mais je vais vous dire franchement : Jusqu'à maintenant, je n'ai
pas entendu d'arguments qui m'ont convaincu de ne pas aller de l'avant dans ce
qui est prévu par le projet de loi. Et je ne dis pas que les arguments que vous
soulevez ne sont pas valables, ce n'est pas ça que je dis, là. Je respecte très
bien l'argumentaire que vous soulevez, mais je... je pense sincèrement qu'il
faut porter et qu'il faut poser, dis-je, des gestes forts pour mieux protéger
nos élèves dans le contexte scolaire actuel. Et donc je pense que sur les
clauses d'amnistie, il n'y a pas de... il n'y a pas de compromis à faire. Je
pense sincèrement que, quelqu'un qui a posé des gestes répréhensibles envers
les enfants, ces gestes-là ne doivent pas être effacés de son dossier après une
certaine période de temps. Je suis convaincu de ça. Alors, je ne sais pas si
vous souhaitez réagir, M. Gingras. Peut-être, ou M. Piché...
M. Gingras (Éric) : Bien...
M. Drainville : ...qui en a
parlé.
M. Gingras (Éric) : Bien, je
vous dirais : Oui, j'aimerais ça réagir, mais... mais je comprends que je
ne vous ferai pas changer d'idée.
Par contre, l'enjeu, la réalité de ce qui
se passe dans les milieux, là, c'est que la façon qui est écrit le texte, c'est
que 10, 12, 15 ans plus tard, alors que la personne s'est amendée, on peut
y faire référence pour x raisons. Puis la réalité du milieu, c'est que les gens
se parlent, il se passe des choses. Quelqu'un à la retraite dit : Ah! j'ai
déjà entendu ce nom-là. Il y fait référence. C'est ce genre de choses là qu'on
veut... qu'on veut éviter, parce qu'on voit, là, même... Parce que là vous
comprenez qu'on fait plusieurs projets de loi en même temps, là, et hier, on
était sur p.l. 47...
M. Drainville : ...
M. Gingras (Éric) : 42, oui.
Désolé, je me mélange, M. le ministre. Mais à plusieurs endroits, on note l'importance
de se réhabiliter, à plusieurs endroits, même quand on vient parler des lois
sur la construction pour... pour permettre de ramener des gens au travail. On
dit : Bien, on devra faire attention au casier judiciaire puis... Donc,
tout ça, cette notion-là au Québec est utilisée, mais dans votre projet de
loi... Et bien conscient qu'il faut protéger les enfants, puis on est là pour
ça, on reconnaît, mais il y a une limite qu'on ne peut pas passer, puis on
pense qu'avec... les clauses d'amnistie... Puis je veux vous ramener, là, on ne
dit pas de biffer, hein, ce qu'on dit de notre côté, c'est qu'on veut envoyer
ça au local pour qu'il y ait une discussion sur la portée, sur la durée. On
pense qu'au Québec le mur-à-mur n'est pas nécessaire tout le temps.
M. Drainville : ...M. Gingras
que le local nous a bien servi en cette matière? Parce que les... les... les
écarts d'une convention collective locale à une autre sont parfois très
importants. Dans certains cas, la faute est effacée après quelques semaines,
quelques mois, dans certains cas, la période est beaucoup plus longue. Et sur
un enjeu comme celui-là, il me semble que... Encore une fois, je... je ne
vois...
M. Drainville : ...pas comment
on peut accepter, comme société... avec toutes les histoires qu'on a vécues ces
derniers... dernières années, derniers mois, dernières années, je ne vois pas
comment on peut accepter qu'il y ait autant de différences d'une convention
collective à l'autre quand on parle de la protection des enfants, je...
Alors, on m'écrit ici, c'est de six mois à
cinq ans actuellement. Dans certaines conventions collectives locales, la faute
disparaît du dossier après six mois. Dans d'autres cas, ça peut aller jusqu'à
cinq ans. Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça, M. Gingras?
• (11 h 40) •
M. Gingras (Éric) : Écoutez,
juste avant... je vais laisser mon collègue aussi y aller, mais je vous
rappelle que, dans notre mémoire, on propose des balises aussi. On dit qu'il
faut que les... il y ait une discussion entre les parties puis on donne
certains points. On pense vraiment que la notion de réhabilitation ne doit pas
être tassée, et, avec ce qui est proposé, on le met complètement à côté. Donc,
comment trouver un juste milieu? Alors, est-ce que ce qu'on propose... matière
à discussion, c'est pour ça qu'on l'amène au local, avec certaines balises. Je
vais laisser mon collègue continuer.
M. Piché (Jean-François) : Dans
les milieux de travail, il peut arriver toutes sortes de situations. Là,
évidemment, quand on pense à un projet de loi n° 47 et on a en tête une
agression physique qui est totalement inacceptable, évidemment... et là, quand
ça se produit, on espère que ça ne se produira pas, mais on est là pour se dire
que ça peut arriver, malheureusement, un employeur, face à une agression
claire, va pouvoir passer directement au congédiement, là. La présence d'une
clause d'amnistie ne l'empêchera pas de faire ça.
D'autre part, on a probablement... on va
avoir probablement dans les milieux de travail, dans les... dans les
établissements et les centres de services scolaires.... faire face à des
situations où ça va être un peu limite, des paroles prononcées, on se
dit : Ce n'était peut-être pas approprié. Et là est-ce qu'on va marquer ça
à vie? C'est là où on a un bémol. C'est toutes ces situations-là où il se
produit des gestes qui sont regrettables mais qu'on permet à la personne de
s'amender parce qu'on se dit : Écoute, ce n'était pas acceptable ce que tu
as fait, mais... donc il y a une trace à ton dossier, mais, si tu... si ça va
bien dans les... dans les prochaines années, on va... on va effacer. C'est à ça
qu'on réfère. On ne réfère pas d'effacer un geste brutal, une violence claire
et nette, ce n'est pas ça, là, où ça, l'employeur a suffisamment d'outils pour
aller au congédiement direct, même s'il n'y a pas eu de mesure avant, même si
l'employé fautif n'a pas commis d'autres actes avant. Donc...
M. Drainville : Mais, si vous
me permettez, M. Piché, de vous interrompre, nous, les rapports que nous avons,
notamment des parents, c'est que les clauses disparaissent puis il n'y a eu
aucune forme d'amendement de la personne qui avait commis une faute pour
laquelle son dossier avait été modifié, là, une faute qui avait mené donc à une
forme de sanction, peut-être, là, dans certains cas, bon, bien, la sanction
est disparue du dossier, puis l'employé ne s'est jamais amendé, ça a continué,
tu sais, il n'y a jamais eu de... En tout cas, c'est des témoignages qu'on nous
rapporte. En d'autres mots, c'est arrivé, là, selon des témoignages que nous
avons, qui sont tout à fait crédibles, que ce processus de réhabilitation dont
vous vous réclamez ne se vérifie pas, ne se confirme pas. La personne sait...
parce qu'elle a la convention collective locale, elle sait qu'après quelques
mois la faute va disparaître de son dossier. Ça fait que j'imagine que, dans
certains cas, tu te tiens tranquille, tu fais attention puis tu sais qu'au bout
de quelques mois on recommence à zéro, c'est la... c'est la page vierge. Alors,
c'est la réalité qu'on nous rapporte.
M. Gingras (Éric) : Est-ce
que tu veux y aller rapidement?
M. Piché (Jean-François) : Oui,
bien, rapidement, est-ce que les parties locales, parce qu'on ramène toujours
aux parties locales, pourraient peut-être décider de dire : Bien, lorsque
ça se produira, des gestes qui ne méritent pas un congédiement directement...
des mesures mises en place destinées aux personnes qui ont commis les fautes de
se réhabiliter, un processus interne par lequel la personne va devoir
réfléchir, va devoir faire un... je ne sais pas, moi, des démarches pour
reconnaître que son comportement est inapproprié et s'amender? Je pense que,
là, les milieux de travail peuvent avoir des outils en ce sens aussi.
M. Gingras (Éric) : Et vous
apportez l'exemple de paroles de... qui vous sont rapportées, puis impossible
non plus pour moi de vous dire que ce n'est pas vrai, là, mais la réalité...
Présentement, je suis président de la CSQ, mais j'ai été président d'une
organisation locale sur la Rive-Sud de Montréal qui représentait 10 000...
qui représente encore 10 000 membres...
M. Drainville : On a fait des
entrevues, vous et moi, d'ailleurs...
M. Drainville : ...à ce titre?
M. Gingras (Éric) : C'est
déjà arrivé, c'est déjà arrivé. Mais la réalité, là, c'est que les éléments
dont vous parlez... Écoutez, un parent... Lorsqu'arrive cette clause d'amnistie
en jeu, ça peut se passer sur plusieurs années, là, vous l'avez dit vous-même,
entre six mois et cinq ans, là, le parent dit : Il ne s'est rien passé,
mais moi, je vous dirais : Ce n'est pas tout à fait vrai. Donc, c'est pour
cette raison, je pense que là, on essaie complètement de tasser la notion de
réhabilitation.
Alors, ce qu'on vous ramène, c'est l'idée
de dire : on comprend où vous voulez aller, on comprend le fait qu'il y a
quelque chose à travailler, parce que, pour certains gestes... Puis on le
reconnaît, on dit même que... c'est un syndicat qui vous dit, on dit même que,
pour certains gestes, pas de gradation des sanctions, puis allons-y directement
avec une sanction plus importante.
M. Drainville : De
congédiement...
M. Gingras (Éric) : Pouvant
aller jusqu'au congédiement, bien sûr. On ne défendra jamais l'indéfendable.
Par contre, la notion de réhabilitation doit rester. Et là, le projet de loi
le... l'enlève complètement. C'est davantage ça.
Peut-être tu voulais ajouter quelque
chose?
Mme Chabot
(Nathalie) :Bien, simplement l'importance
des mesures, justement, mises en place pour favoriser cette réhabilitation-là,
dans une optique aussi de prévenir la répétition de ces... de ces comportements
malheureux. Donc, c'est là tout le sens de la notion de réhabilitation puis
c'est ça qu'on veut conserver. Puis, s'il y a de quoi à faire de plus, bien,
mettons des mesures pour s'assurer que ça ne se reproduise pas.
M. Drainville : Il me reste
combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste 4 minutes, M. le ministre.
M. Drainville : Vous nous
faites une suggestion, votre recommandation six, vous proposez, dans le fond,
que le signalement se fasse par le centre de services scolaire plutôt que par
la personne qui aurait observé, donc, un comportement mettant en danger la
sécurité de l'enfant. Alors, ce que l'on dit actuellement, nous, c'est que,
s'il y a un tel comportement qui est observé par un employé de centre de
services scolaire, bien, à ce moment-là, s'il voit qu'un enseignant a commis
une faute grave, il doit signaler sans délai la situation au ministre. Vous,
vous souhaitez un changement à cette disposition. Expliquez-nous le sens de la
proposition que vous faites.
Mme Chabot
(Nathalie) :Oui. Bien, dans le fond, ce
qu'on dit, c'est il y a déjà une obligation de signalement à travers le code
d'éthique pour tout comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la
sécurité. On a...
M. Drainville : ...au centre
de services scolaire, dans ce cas-ci.
Mme Chabot
(Nathalie) :Au centre de services
scolaire, c'est ça, exactement. Donc, on ne voit pas la nécessité. Parce que,
dans notre mémoire, on a aussi... on n'en a pas parlé, mais on a une section
aussi sur la multitude de voies possibles pour faire des signalements, qui peuvent
entraîner de la confusion, à un moment donné, chez les gens. Puis ça... ça a
été relevé d'ailleurs dans le rapport d'enquête administrative, les gens ne
savent plus à quelle porte cogner. Donc, il y a déjà une obligation de
signalement, à travers le code d'éthique, auprès du centre de services
scolaire.
Ça fait que nous, ce qu'on dit,
c'est : simplifions les choses, les gens, ils l'ont, l'obligation, alors
qu'ils le fassent auprès de leur direction, de leur centre de services
scolaire. Et là, eux, les cadres, les directions, les cadres en charge du
traitement des plaintes, des signalements, seront, premièrement, beaucoup plus
à même de juger si le cas dont il est question est suffisamment grave pour être
référé au ministre. Parce que ce n'est pas si évident pour tout le monde, de
pouvoir juger de ça, surtout avec une notion aussi large que celle qu'on a dans
le projet de loi. Donc, ces gens-là, ils sont plus habitués, ils sont plus
habilités à poser un jugement.
Et l'autre chose, c'est que ça peut être peut-être
plus facile d'en parler à sa direction ou à son centre de services scolaire que
se dire : Oh! il faut que je le dise au ministre, comment je fais ça, par
où, par quelle porte je fais ça? Donc, il y a l'obligation, ça se fait à
l'établissement, au centre... ou au centre de services scolaire, ensuite, ça
chemine au ministre, si c'est... si c'est nécessaire. Et là, là le ministre
peut déclencher une enquête après avoir vérifié les renseignements, tel que
prévu dans le projet de loi.
M. Drainville : O.K., je
comprends votre... Je comprends la logique de votre proposition. Mais je ne
veux pas qu'on s'obstine, là, comme dirait l'autre, mais vous êtes conscients
du fait que, dans le cas de 262, c'est en lien avec l'article 26 de la Loi
sur l'instruction publique, là, c'est le mécanisme qui permet au ministre de
déclencher un comité d'enquête qui pourrait... qui pourra ou qui pourrait
recommander soit la...
M. Drainville : ...ou même la
révocation du brevet, ou rien du tout, là, ça arrive, ça aussi, évidemment.
Donc, c'est... L'article 262 se situe dans le prolongement de l'article 26, on
s'entend là-dessus. Très bien. Oui, c'est ça, c'est en lien avec mes fonctions
vis-à-vis les autorisations d'enseigner, puisque c'est le ministre qui délivre
les autorisations d'enseigner, donc le brevet, l'autorisation provisoire
d'enseigner et le permis probatoire.
La Présidente (Mme Dionne) : En
10 secondes, M. le ministre.
M. Drainville : Bon, bien, 10
secondes, assez pour vous remercier de vous être déplacés et vous remercier
pour votre état d'esprit très constructif. Merci.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour ces échanges. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup.
Bonjour et bienvenue parmi nous. Juste pour revenir, parce que... Dans les
fautes qui peuvent être commises, là, dans la jurisprudence et dans... pour
aller dans un congédiement, on parle d'une faute grave, là, c'est... puis, des
fois, on n'a pas les critères. Puis, nous, comme législateurs... demain matin,
là, moi, je ne peux pas commencer à imposer qu'est-ce que moi, personnellement,
je considère une faute grave. Je vais vous donner quelques exemples.
Évidemment, quand on est dans un cas d'agression sexuelle, là, c'est assez une
faute grave, là, pour tout le monde. La jurisprudence là-dessus est assez
claire.
Par contre, hier, j'ai donné en exemple
des sextos graphiques : pêches, aubergines. Nous, les adultes, on comprend
ça assez vite, mais les jeunes aussi comprennent assez vite. Là, première
offense. Ce n'est peut-être pas assez grave pour mener à un congédiement, mais
à une suspension, mais ça reste à caractère sexuel. Et, disons que la personne,
par la suite, on apprend, texte le soir un élève, entre 22 h et 2 h du matin,
ce qui est complètement inapproprié. Ça ne sera pas considéré une faute grave
pour le congédiement, mais c'est quand même quelque chose qui est important. Et
c'est là qu'on veut appliquer la gradation des sanctions. Je veux dire, ce
n'est pas la première fois. Une fois, il a traversé la ligne, mais là, cette
fois-ci, il a été assez intelligent, la personne... la personne a été assez
intelligente pour ne pas traverser la ligne de sens graphique, mais continue
d'entretenir cette relation, et c'est quand même très difficile, à ce
moment-là, de protéger.
Moi, ma question... est-ce qu'on devrait
plutôt... J'ai l'impression que, pour vous... puis peut-être parce que le
projet de loi ne le mentionne pas clairement qu'on vise des déviances à
caractère sexuel, ce n'est pas marqué nulle part, violences à caractère sexuel.
Est-ce qu'on devrait circonscrire que qu'est-ce qu'on veut vraiment enlever,
c'est l'amnistie en matière de tout ce qui est à connotation sexuelle, mais aussi
les violences physiques, psychologiques? Je ne parle pas, ici, par exemple,
d'un impair qui a été commis au travail, que, par exemple, la personne arrive
très souvent en retard, là, ce n'est pas ça que je vise, là, mais vraiment
lorsqu'on parle de l'intégrité physique et psychologique d'un élève, là.
M. Gingras (Éric) : Bien,
écoutez, je pense qu'on a démontré, puis je vais juste vous le rappeler, comme
j'ai dit, on a plusieurs commissions, mais, lorsqu'on parle de violences à
caractère sexuel, on reconnaît la gravité, au niveau de la CSQ, et on reconnaît
que ça doit être traité à part. Et c'est pour cette raison-là qu'on a parlé,
dans l'autre projet de loi, de la notion de cinq ans. Puis, soi dit en
passant...
Mme Rizqy : La notion de quoi?
M. Gingras (Éric) : La notion
d'avoir une amnistie, mais sur cinq ans, donc de permettre quand même de les
garder, mais pendant cinq ans, donc de prolonger la période. Puis je vais juste
terminer avec ça parce que, même le trio d'expertes, là, qui avait été
mandatées par le gouvernement est venu confirmer, même, hier, en commission
parlementaire, que, malgré tout, malgré l'importance des gestes à caractère
sexuel, des violences à caractère sexuel, ça prend quand même un délai. C'est
comme ça qu'est construit notre droit, et, dans ce sens-là, non seulement il
faut être en mesure de circonscrire certains éléments, vous le nommez très
bien, mais il faut être en mesure quand même de garder un certain délai.
Et c'est là qu'on arrive, où on se
dit : Bien, au niveau de la violence à caractère sexuel, là, à ce
moment-là, bien, on vient augmenter puis, quand on arrive avec les éléments...
qui est très large, avec notamment comportement pouvant raisonnablement faire
craindre, bien là, on dit : Je pense qu'il y a une discussion à avoir,
puis se dire, bien, effectivement... et on donne un cadre, donc des moments,
d'avoir cette discussion-là, qu'est-ce que ça doit inclure.
Puis ça m'amène à rappeler qu'on dit même
aussi qu'on devrait y mettre aussi toute la notion de réhabilitation, ce qu'on
veut. Donc, on vient le faire, donc, ici, le ministre tantôt disait que, des
fois, ça ne se produit pas, on vient l'ajouter dans notre cadre qu'on propose.
Mme Rizqy : O.K., parce
que... Deux choses. C'est parce que la notion de raisonnablement craindre, ça,
c'est pour un autre article. Au niveau des clauses d'amnistie, c'est
vraiment : la faute a été commise. Puis même, par exemple, lorsqu'une
personne fait une demande de pardon en matière de...
Mme Rizqy : ...sexuel, ça
reste quand même dans le dossier pour... Lorsqu'on demande une absence
d'empêchement qui vise des personnes vulnérables, automatiquement, ça va être
indiqué. Donc, même au niveau, là, criminel, lorsque c'est caractère sexuel, ça
ne disparaît pas... en fait, ça ne disparaît jamais, là, lorsqu'on ça vise les
personnes vulnérables, et, dans les vulnérables, évidemment, ce sont les
mineurs et les personnes aînées. Peut-être que, là-dessus, moi, je suis plus
trop fort, casse pas, là, je suis comme ça dans... pour... parce qu'honnêtement
on a eu trop de cas.
Puis vous, vous représentez les TES
notamment, pas juste les TES, mais les techniciens en éducation spécialisée.
Eux voient plusieurs élèves, ils ne sont pas juste dans une classe, alors
souvent c'est eux qui recueillent le témoignage. Puis, de ce que moi, j'ai
entendu, c'est qu'ils dénoncent à... disons, à la direction. On fait un
signalement, après ça, plus rien. Et, eux, ça crée de la frustration parce
qu'ils... ils ne savent plus... O.K., mais pourquoi qu'il n'est pas arrivé
quelque chose? Puis, après ça, on apprend que la personne qui a été dénoncée,
elle est rendue dans une autre école, a été changée de place. Et j'ai
l'impression que, même pour vos membres, c'est important de savoir que le ménage
est fait correctement, parce que malheureusement il y a des gens qui ne sont
pas à la bonne place, que ce n'est pas leur place à l'école avec des mineurs et
qui savent profiter du système. Puis moi, je vous le dis, la très, très grande
majorité, là, on n'aura pas de problème avec ça. J'ai l'impression que c'est
une infime... que c'est une minorité, là, mais qui savent pertinemment quand le
compteur arrête puis quand est-ce qu'ils peuvent recommencer leur stratagème.
M. Gingras (Éric) : Mais
c'est pour cette raison-là qu'on va dans le sens aussi de... lorsque la faute
est rapportée à la direction, par exemple, comme vous nommez les TES qui le
font, bien là, on dit que, l'obligation, on ne remet pas en question
l'obligation de le dire au ministre à ce moment-là pour qu'il se passe quelque
chose. Donc, c'est vraiment ce qu'on a cherché à faire dans le mémoire proposé,
c'est de regarder l'ensemble, bien sûr, de ce qui nous... de ce qui était sur
la table, mais d'avoir un certain équilibre en fonction des gestes posés, en
fonction des réalités aussi du terrain. Parce que c'est certain qu'on aborde
les cas les plus graves, puis je pense qu'il faut... Puis, quand on parle de
grave, on parle de... souvent de séquelles et non pas simplement du geste qui
va... qui va amener, en relation de travail, un congédiement. Ça, on peut dire
que c'est... La notion de grave, ça, c'est ce que vous disiez, mais la notion
de grave, c'est sur l'impact sur les jeunes. Donc, c'est pour ça qu'on cherche
à l'encadrer, et non pas minimiser, mais à aller chercher, là, quelque chose
qui nous permet d'avoir un certain équilibre. Et c'est ça qu'on fait dans
l'ensemble du mémoire, là.
Mme Rizqy : Puis certains de
vos membres, tu sais, c'est sûr, sur les réseaux sociaux, ils nous
communiquent, disent la chose suivante : Moi, je n'ai eu aucun support une
fois que j'ai dénoncé, que j'ai pris mon courage, je suis allé dénoncer. Puis
ces gens-là recueillent des témoignages assez bouleversants et, des fois, quand
ils sentent qu'il y a eu de l'impunité ou qu'il n'y a pas eu... en fait,
d'arrêt d'agir pour mieux protéger les jeunes... Puis, rendu dans les autres
écoles, eux autres, ça vient les chercher. Ils ont un sentiment qu'on n'est pas
allé au bout des choses, on n'a pas correctement... Alors, ils portent ce
fardeau aussi entre eux. Mais ce n'est pas eux, la victime, ça devient des
victimes collatérales. Et, s'ils osent poser une question de suivi, on leur
dit : Mêle-toi de tes affaires. Alors, il y a ça aussi qui est comme un
enjeu, mais il me semble qu'on devrait mieux accompagner ceux qui vont
dénoncer.
Mme Chabot
(Nathalie) :Tout à fait. Ce que vous
dites, c'est important parce que c'est toute la notion de prise en charge aussi
de la personne qui connaît des gestes malheureux, des gestes qui ne devraient
pas être commis. Et c'est pour ça qu'on insiste dans notre mémoire pour
dire : Il faut en mettre en place, des mesures qui vont... qui vont aider
la personne, là, de manière à ce que ça ne se reproduise pas. C'est sûr, ça ne
suffit pas, là, de dire : Bien, on va... on va changer la personne
d'école, comme dans l'exemple que vous dites, là. Donc, ça, c'est un... Ça,
c'est très important. Puis là on est dans la prise en charge, et ce n'est pas
les... Les clauses d'amnistie, elles ne vont pas empêcher cette prise en
charge. Ça fait qu'il y a quelque chose, là, il y a une faille, là, à
travailler, puis c'est pour ça que, dans notre recommandation, on dit : Il
faut regarder les mesures à mettre en place et... c'est ça. Puis, oui, effectivement,
les personnes qui signalent, on parlait tantôt de mettre en place des
protections contre les représailles, mais aussi c'est vrai qu'il ne faut pas
les laisser comme ça dans le vide, sans suivi, là. Je pense que ça, ça... c'est
important aussi.
M. Gingras (Éric) : Et
peut-être, peut-être juste ajouter, là, aussi, il y a deux éléments. Parce
qu'on parle l'importance, donc, de la prévention, l'importance de
l'encadrement, mais l'importance de la responsabilité de l'employeur aussi,
hein, la responsabilité de l'employeur d'offrir un milieu exempt de violence,
là, ce n'est pas... ce n'est pas n'importe quoi. Donc, ce qu'on veut, c'est
qu'ils puissent continuer à avoir cette obligation-là. Et, bien souvent, si on
dit qu'on ne donne pas suite, bien...
M. Gingras (Éric) : ...souvent,
c'est parce qu'on préfère mettre ça en dessous du tapis. Donc, la
responsabilité de l'employeur est primordiale. Et moi, je vous dirais que
l'ensemble de nos membres vont être bien contents d'avoir un employeur qui va
réellement s'occuper de ces enjeux-là. Donc, c'est pour cette raison-là que cet
aspect-là devient très important. Puis ma collègue le disait, là, le but de
notre mémoire, c'est d'être en mesure d'avoir cette équipe... cet équilibre-là,
de permettre à l'employeur, justement, de prendre ses responsabilités. Et ça,
c'est... c'est vraiment le message qu'on veut aussi... aussi envoyer, là.
• (12 heures) •
Mme Rizqy : Et ce qu'on
ne dit pas... J'ai deux questions en terminant. On ne mentionne pas les... les
actes dérogatoires, élèves entre élèves, élèves envers le personnel, et on ne
mentionne pas non plus tout le volet sportif qui se passe dans les plateaux
sportifs qui appartiennent aux écoles. C'est les mêmes élèves, sur le même
gymnase. Et tout à coup, les fédérations sportives ne sont pas visées alors
qu'ils rentrent en contact avec des élèves et que ça peut très bien arriver que
ce soit un... un de vos membres qui reçoit le témoignage qu'il est arrivé telle
chose avec son entraîneur. Donc, est-ce qu'on ouvre puis on ratisse beaucoup
plus large et on s'assure de couvrir aussi ces aspects-là?
Deuxième question. Moi, j'aimerais ça
qu'un jour qu'on m'explique comment ça va... Reprenons l'exemple de la
classe... la classe à Chantal, où est ce qu'elle criait tellement fort que tu
dis que c'est impossible que personne ne m'ait entendu. Mais est ce que c'est
possible que tout le monde... beaucoup de monde l'ont entendu, mais se sont
dit : Bien, la direction aussi est supposée de l'entendre tellement que...
que ce n'était pas la première fois. Pourquoi qu'il n'y a pas eu un arrêt
d'agir? Pourquoi qu'il n'y a pas eu de... Justement, la prévention ou... Parce
qu'à un moment donné c'était rendu tellement fort, pourquoi que les gens n'ont
parlé? Est-ce que c'est parce qu'ils ont tous eu peur de parler?
M. Gingras (Éric) : ÀBien,
à votre dernier élément, là, je pense que ma collègue va pouvoir vous répondre
sur élargir, mais... Mais pour ce qui est du dernier élément, moi, je vous...
je vous dirais que j'ai à intervenir publiquement beaucoup sur ces notions-là,
puis c'est tolérance zéro, là, qui devrait être prônée par l'ensemble de la
société.
Une voix : ...
Mme Rizqy : Moi, la
tolérance zéro, je l'ai vue dans plein d'affiches.
M. Gingras (Éric) : Oui.
Mme Rizqy : Je ne l'ai
jamais constaté sur le terrain.
M. Gingras (Éric) : Oui,
mais c'est là que je vous dis... Et ça passe notamment par le rôle de
l'employeur de ne pas minimiser ce qui se passe. Et bien souvent les membres
tentent de faire des interventions, et des fois, oui, ils vont préférer fermer
la porte de leur classe parce qu'ils vont se dire : Bien, c'est à
l'employeur aussi de le faire. C'est ce message-là aussi qui est... qui est
donné. Donc, la tolérance... Mais je dirais qu'on le voit par écrit, mais je
vous dirais que ça prendrait un réveil de la société en général aussi, là, pour
bien le comprendre, pas juste dans les écoles, mais dans l'ensemble des
milieux, là. Veux-tu...
Mme Chabot
(Nathalie) :Oui. Pour ce qui est d'étendre
par exemple tout le volet sportif ou... Effectivement, le projet de loi ouvre
déjà pour d'autres personnes que le personnel. Mais, oui, pourquoi ne pas aller
jusqu'au bout, jusqu'au bout de l'oeuvre? Effectivement, c'est tout à fait
pertinent.
La Présidente (Mme Dionne) :
En terminant, Mme Chabot.
Mme Chabot
(Nathalie) :Ah! O.K. Je termine.
La Présidente (Mme Dionne) :
Désolée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Bien,
merci. Merci beaucoup pour votre présentation. On a quatre minutes, c'est ça?
Quatre ou trois, je ne sais plus.
La Présidente (Mme Dionne) :
Quatre minutes exactement, oui.
Mme Ghazal : Par rapport
aux clauses d'amnistie, là, j'écoute ce que vous dites, puis j'ai lu ce que
vous avez écrit dans votre mémoire, est ce que ça veut dire que vous... Vous
dites qu'il faut qu'il y ait aussi une culture de la prévention. Ça ne peut pas
être juste sur les épaules des individus. Mais les clauses d'amnistie, c'est
important, là. Si quelqu'un a fait un comportement grave ou qui a amené de la
violence, par exemple, avec un élève et tout ça. Puis vous parlez d'un
processus de réhabilitation, pas juste l'effacer comme ça parce que le délai
est terminé. Ça serait quoi par exemple? Comment est-ce qu'on... Ça serait
quoi, un processus de réhabilitation? Puis comment est-ce qu'on peut s'assurer
qu'il a été effectif? Est-ce que c'est quelque chose qu'on mettrait dans le
dossier de l'employé? Est-ce que c'est une formation? Concrètement, ça veut
dire quoi puis comment est ce qu'on peut s'en assurer?
M. Piché (Jean-François) : Bien,
pour des... Pour une réhabilitation, ce qu'on peut penser dans les milieux de
travail, il y a des programmes d'aide aux employés qui peuvent servir à ça. Donc,
que l'employé soit... passe par que par ce biais-là, l'employé fautif, passe
par ce biais-là pour suivre une thérapie dans laquelle il va pouvoir s'amender,
comprendre que son comportement est acceptable socialement et qu'on ne peut pas
s'en prendre à des élèves, etc., etc. Donc, je pense que les milieux de travail
ont des outils où... Et dans ce cadre-là, il y a des... Je pense qu'il y a eu
des suggestions à cet effet-là, là. Donc, dans le cas d'une agression comme on
parle, il pourrait y avoir obligation de passer par là. Même si ce n'est pas
écrit textuellement, il y a de la jurisprudence à l'effet... Et les arbitres
vont être sensibles à ça. Si... Supposons qu'il arrive un deuxième événement,
puis l'employeur s'appuie sur le premier événement, donc, la gradation des
sanctions, impose des mesures disciplinaires plus sévères ou va au
congédiement. Bien, à ce moment-là, l'arbitre va tenir compte, est-ce que cette
personne-là, dans son...
12 h (version non révisée)
M. Piché (Jean-François) : ...de
réhabilitation, a des efforts, à poser les gestes pour prendre conscience que c'est
inacceptable et de cesser son comportement. Donc, ça, ça va être pris en compte
au niveau de la jurisprudence quand il va y arriver des situations comme ça.
Donc, les lieux de travail ont les outils pour permettre...
Mme Ghazal : Puis, pour s'en
assurer, il ne faut pas que la première, la gradation, la première soit
effacée, tu sais, parce que ça se pourrait que la deuxième arrive après que la
première soit effacée, ça fait qu'il n'y a pas de gradation de sanction.
M. Gingras (Éric) : Ce qui
est important, je pense... je pense que votre question illustre très bien aussi
pourquoi on souhaite que les milieux puissent l'encadrer. Parce qu'en fonction
du type de geste de ce qui est arrivé, ça nous permet justement de se
questionner. Parce que, là, on se dit : Bien oui, on doit le garder, O.K.,
mais ça dépend c'est quoi. L'exemple ici, on dit : Bon, bien là, tu suis
une thérapie, suivre une thérapie, c'est une chose, en fonction du type de
gestes posés. Par contre, il y a d'autres moments où ça va être parlé trop
fort. Donc, ça, c'est autre chose, là.
Mme Ghazal : Je n'ai pas
beaucoup de questions. Vous, vous... vous n'accepteriez pas qu'il y ait une
exception, là, par rapport à votre position pour les clauses d'amnistie, pour
les violences à caractère sexuel, peu importe leur ampleur? C'est-à-dire que
pour... Est-ce que... Est-ce que vous accepteriez de dire : Bien, pour les
violences à caractère sexuel, ça, le fait d'enlever les clauses d'amnistie, ça,
on est d'accord, mais par exemple, pour d'autres, ou, non, vous parlez de tous
les...
M. Gingras (Éric) : On parle
de tout. Par contre, lorsque vient le temps de parler de violences à caractère
sexuel, on reconnaît qu'il y a quelque chose de particulier là, mais on ne veut
pas les retirer.
Mme Ghazal : Vous ne voulez
pas les retirer pour ce... pour... parce que c'est différent. Puis vous parlez
beaucoup de la culture de prévention, et tout ça. Est-ce que... je comprends
que peut-être, dans le projet de loi, ce n'est pas aussi présent. Est-ce que
vous êtes en faveur qu'il y ait une loi-cadre? Tu sais, moi, j'en ai déposé
une, là. Il y en a qui disent : Bien, s'il y en a une, on va la regarder,
mais ce n'est pas nécessaire. Il y en a d'autres qui disent : Oui, c'est
nécessaire. Vous, ce n'est pas écrit. J'aimerais vous entendre là-dessus, une
loi cadre sur les violences à caractère sexuel, comme celles qui existent dans
les cycles supérieurs.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste 30 secondes.
Mme Chabot
(Nathalie) :Eh bien, je vais vous
répondre ce que vous avez répondu, c'est... ça peut-être une voie intéressante,
il faut faudrait voir.
Mme Ghazal : Mais ce n'est
pas quelque chose que vous réclamez...
Mme Chabot
(Nathalie) :Qu'est-ce que...
Mme Ghazal : J'essaie de voir
l'ajout... des gens dans la société qui le demandent.
M. Gingras (Éric) : Ce n'est
pas écrit dans le mémoire, mais on serait prêt à la regarder.
Mme Ghazal : O.K., très bien,
merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour votre contribution à notre commission. Donc, je vous... et, étant
donné l'heure, bien, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h 50.
(Suspension de la séance à 12 h 07)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 53)
La Présidente (Mme Dionne) : La
Commission de la culture et de l'éducation reprend maintenant ses travaux.
Donc, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Claire Beaumont, professeur
titulaire à la Faculté des sciences de l'éducation à l'Université Laval. Donc, bonjour,
Mme Beaumont. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous faire votre
exposé. Suite à cela, on pourra procéder aux échanges avec les membres de la
commission. Alors, je vous cède la parole.
Mme Beaumont (Claire) : Parfait.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous
remercie de m'avoir invité à émettre mes propos concernant cette loi si
importante. Alors, vous avez bien pris connaissance du mémoire que j'ai déposé.
Alors, je vous assure que je ne le relirai pas au complet avec vous. C'est l'histoire
de deux heures. Donc, ce que je vais faire, c'est que je vais revoir avec vous
certains... certains passages pour arriver très rapidement à la partie qui
est... qui est intéressante, qui intéresse le plus de monde possible sur les
recommandations.
Donc alors, le mémoire comporte
essentiellement des informations qui vont permettre de comprendre comment on
peut mettre en place — alors, je vous invite à rentrer dans une école — comment
concrètement on peut mettre en place des moyens pour arriver à faire respecter
la loi, parce qu'on vise, bien sûr, la protection des enfants et leur
bien-être...
Mme Beaumont (Claire) : ...alors
on va parler de comportement de maltraitance des adultes, qu'il soit de gravité
majeure ou de gravité mineure. Quelques données sur quel est le portrait
actuellement au niveau de ces types de comportements-là. On va regarder
rapidement les conséquences et pourquoi certains membres du personnel scolaire
agissent de façon agressive ou de façon inappropriée envers les enfants. On
peut voir comment que la lutte contre la violence à l'école, ce n'est pas que
l'affaire des enfants. Et enfin on va regarder la... on va porter une petite
attention, une attention, là, aux dérives judiciaires qui peuvent être causées
par des imprécisions dans le processus d'analyse des signalements.
Alors, aujourd'hui, on parle davantage
d'école bienveillante, O.K., on parle... Je parlais avec des collègues de
l'UNESCO la semaine dernière, ils me parlaient des nouveaux concepts d'école
positive, des «happy schools», comment on vise aujourd'hui à créer des
environnements propices aux apprentissages et au climat scolaire. Alors, c'est
donc dans ce but-là où j'en profite pour amener l'importance, comment les... la
qualité des relations interpersonnelles entre des enseignants et les élèves,
comment c'est important et comment ça a des répercussions sur leurs
apprentissages.
Donc, on sait que si la grande majorité du
personnel scolaire, là, fait bien son travail avec des valeurs de
bienveillance, est bien intentionné envers les enfants, malheureusement, il va
encore y avoir quelques individus qui vont avoir besoin d'être ramenés à
l'ordre très sérieusement.
Donc, les comportements de maltraitance,
alors c'est comme ça que je les ai nommés, parce que ça comprend toutes les
sortes de comportements dans les recherches qu'on mène depuis 2012 au Québec
avec notre monitorage national. Excusez, je fais fermer ça. Donc, avec le
monitorage national sur la violence dans les écoles, on a appelé les
comportements de maltraitance ou des comportements d'agression que des adultes
peuvent avoir envers des enfants à l'école. Donc, quelques données qui sont
tirées, vous pouvez voir à la page 3, en 2019, on disait qu'il y avait un élève
sur six au primaire et un élève sur cinq au secondaire qui disaient avoir subi
des cris, des humiliations, des regards méprisants.
Excusez-moi, je vais arrêter ça. Voilà.
Bon.
Des regards méprisants ou qui avaient subi
des comportements de cet ordre-là de la part d'un adulte à l'école. Je dirais
aussi qu'en 2013, alors le personnel scolaire voyait aussi de la maltraitance
que j'appellerais de la maltraitance, était aussi témoin des comportements, des
cris ou des humiliations de certains de leurs collègues envers les enfants.
Donc, en 2013, on disait qu'il y en avait 18,2 % des adultes d'une école
au secondaire... euh, pardon, 18 % au primaire et 36 % au secondaire,
des adultes qui voyaient des collègues avoir ce genre de comportement-là envers
les enfants.
Décidément, ça n'arrêtera pas. Excusez.
Alors, il fallait... aussi pour voir les
conséquences. Alors, les conséquences sur... ça a des conséquences énormes sur
le climat scolaire. Lorsqu'on voit ce type de comportement-là envers des
enfants, le malaise que ça crée, par des membres du personnel scolaire, de voir
des collègues agir de la façon... de cette façon-là, il y a des conséquences
personnelles sur les élèves qui le voient, qui le subissent et aussi sur le
climat de l'école. Alors, il y a vraiment des conséquences importantes
là-dessus.
Alors, pourquoi certains membres du
personnel agissent de cette façon-là? Est-ce que vous l'entendez?
Une voix : ...
Mme Beaumont (Claire) : Oui,
hein, parfait. Parce que là, là, je ne sais pas trop ce qui se passe avec ça.
Je l'avais fermé. C'est l'Internet. Et voilà, ça ne devrait plus se passer.
• (16 heures) •
Alors, pourquoi certains adultes agissent
de cette façon-là? C'est important de le savoir parce que si on veut mettre en
place des moyens de prévention pour les prévenir et si on veut mettre en place
des moyens pour sensibiliser l'ensemble du personnel scolaire, il faut
comprendre pourquoi des personnes agissent de cette façon-là. Alors, on a
identifié des raisons dans la recherche, des... qu'est-ce qui expliquait
pourquoi. Alors, on... le poids d'une tradition disciplinaire. Il y a des
enseignants puis des adultes qui pensent vraiment que c'est essentiel et que
c'est efficace d'utiliser des méthodes en humiliant, ou en criant, ou vraiment
en rabaissant les élèves, c'est une croyance d'efficacité, un manque d'habileté
de gestion de classe, et j'entends ici, gestion de classe, ce n'est pas juste
gérer les comportements des enfants, mais c'est de gérer toute la vie dans une
classe, un faible sentiment d'efficacité et des difficultés socioémotionnelles
de la part des...
16 h (version non révisée)
Mme Beaumont (Claire) : ...des
adultes. Alors, ils ont de la difficulté à gérer leurs émotions. On peut dire,
bon, parfois il y en a qui pètent une coche, si on peut dire, mais ont la
difficulté à gérer tout ça. Donc, la lutte contre la violence dans les écoles,
ce n'est pas juste l'affaire des élèves. En fait, on voit que dans des écoles
où on observe des mauvais... plus on observe des mauvais traitements des
adultes envers les élèves, on observe aussi plus d'agressions entre les élèves
et on observe aussi plus d'agressions des élèves envers le personnel scolaire.
Donc, ce sont toutes des interactions qu'il faut prendre en compte quand on
parle d'établir un climat scolaire sain, et sécurisant, et agréable, O.K. Donc,
quand les élèves voient des adultes agir de cette façon-là, alors qu'eux,
lorsqu'ils se comportent de cette façon-là, on ne leur permet pas, alors ils se
posent de sérieuses questions.
Alors, on pourrait faire... on pourrait
parler aussi de faire attention aux dérives judiciaires qui sont susceptibles
de causer des dommages, O.K., parce que, quand on parle de toucher physique,
alors, dans la littérature, on voit que les comportements de toucher envers des
enfants, ça peut être aussi favorisant... c'est bon pour l'équilibre des
enfants. Donc, ils établissaient dans la littérature... Mon collègue Denis
Jeffrey, notamment, un chercheur québécois, identifiait quatre types de touchers
qu'il indique «pédagogiques», mais qui pouvaient être mal interprétés lorsqu'on
analyse des situations, donc des touchers pédagogiques bienveillants,
sécurisants.
Alors, les articles de loi. Je vais
arriver aux recommandations. Je n'aurai pas le temps de toutes les voir, mais
vous me reprendrez dans le tournant avec vos questions. Alors, bien sûr, les
articles sur... concernant les articles de loi, alors, je suis d'avis aussi qu'il
ne faut pas limiter seulement à... la loi à inclure juste les élèves mineurs,
puisqu'on peut voir qu'il y a même... Dans les documents que je vous ai remis,
la dernière étude de l'Institut de la statistique du Québec, qui vient juste,
juste de sortir, montre que pour des élèves de plus de 12 ans, qui incluent des
adultes, on a aussi à peu près 18 %, il s'agirait d'agressions qui
viendraient du personnel scolaire. Alors, vous avez ça dans le mémoire.
Dans le contexte scolaire, il serait plus
pertinent de considérer aussi tous les types d'intervenants, O.K., alors pas
seulement les enseignants, c'est vraiment important. C'est dans ce sens-là qu'on
travaille pour la lutte contre la violence à l'école dans les plans de lutte
depuis 12 ans, alors on sensibilise tous les adultes. Alors :
Baliser et décrire précisément les
comportements qui sont admis versus ceux qui ne sont pas admis et s'assurer
aussi que les gens qui lisent les documents ou qui analysent les situations le
fassent en contexte scolaire, parce que c'est un contexte bien particulier, et
dans les écoles on sait que toutes les professions qui ont eu à... qui ont
rapport à l'éducation, ce sont les professions relationnelles, donc la qualité
des relations est d'une importance capitale.
Clarifier certains termes dans la loi, où
on a eu des difficultés aussi avec ces termes-là dans les plans de lutte, et ça
continue encore, de clarifier «signalement» et le terme «plainte», qui posent
vraiment des problèmes d'interprétation tant pour le personnel scolaire que
pour les directions aussi.
S'assurer tout au long du processus — ça,
bon, ça, j'en ai parlé — qu'on comprenne les situations, qu'on
analyse les situations en contexte, O.K., parce que les intervenants scolaires
ont souvent à agir en situation d'urgence, toujours centrés entre... On
souhaite qu'ils soient toujours centrés sur le bien-être des enfants, alors le
bien-être des autres, s'il arrive une situation problématique.
Le guide dont il est question... qu'il
sera question, il faudrait qu'il porte, à mon avis, vraiment sur les...
préciser qu'est-ce qu'on entend. Si on veut aller chercher la mobilisation du
personnel scolaire ou des adultes, les sensibiliser aux notions de bien-être qu'il
y a derrière, par exemple, le fait de signaler, alors, ce n'est pas évident
quand on dit de dénoncer, ça ne fonctionnait pas avec les enfants ou avec les
adolescents dans le plan de lutte. Quand on a commencé à changer le terme
«dénoncer» pour «signaler», et quand on travaille sur le fait que c'est pour le
bien des enfants et c'est pour le bien qu'on fait ça, on a plus de chances que
la mobilisation des... des personnes se mobilisent pour vraiment aller toutes
dans le même sens.
Alors, des moyens. Moi, je proposerais que
le guide soit accompagné des conditions qui permettent, O.K., comme des
suggestions à donner au milieu scolaire pour des conditions à mettre en place
pour sensibiliser le personnel à l'importance du bien-être et de la protection.
Je ne parle pas juste de la protection, je parle aussi du bien-être des
enfants, et... parce que nous autres, en contexte scolaire...
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant, Mme Beaumont. Il vous reste 10 secondes.
Mme Beaumont (Claire) : Parfait.
Alors, en contexte scolaire, ce qu'on fait, c'est qu'on travaille pour des
meilleures relations et on travaille pour mettre en place des conditions qui
feront que la loi sera mieux respectée aussi. Alors, voilà.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
pour cet exposé. Donc, nous allons maintenant procéder à la...
La Présidente (Mme Dionne) : ...période
d'échanges. Donc, M. le ministre, je vous laisse la parole.
M. Drainville : Bonjour,
Mme Beaumont. Merci beaucoup. J'ai trouvé votre mémoire bien... bien
schématisé et bien vulgarisé. Je vous en félicite.
Mme Beaumont (Claire) : Merci.
M. Drainville : Quelques
questions. D'abord, je veux juste vous dire, je pense que vous devez le savoir
déjà, là, que sur... l'idée de ne pas se limiter aux élèves mineurs, on en a
pris bonne note, là. On va bonifier, on va dire ça comme ça, O.K.?
Alors, sur le guide, le guide élargi des
antécédents judiciaires, donc qui va... qui va être... qui va s'appliquer
dorénavant aux antécédents, mais aussi aux comportements pouvant faire craindre
pour la sécurité physique et psychologique, c'est sûr qu'il y aura des ajouts,
il y aura des détails supplémentaires. On va essayer d'outiller le plus
possible les personnes qui doivent appliquer la loi avec un guide qui soit le
plus complet possible, là. Tu sais, on va essayer d'être le plus vulgarisé...
justement, d'avoir un guide qui soit le plus vulgarisé possible, puis... Alors
ça, je veux que vous sachiez que vous êtes bien entendue là-dessus.
Alors, dites-moi... Vous dites :
Revoir les termes «signalement» et «plainte». Pour les fins de la discussion
ou pour les gens qui nous écoutent, la différence entre les deux, entre
«signalement» et «plainte» d'une manière schématisée, là?
Mme Beaumont (Claire) : Bien,
je dirais qu'une plainte, c'est lorsqu'on n'est pas satisfait d'avoir...
d'avoir obtenu un service auquel on s'attendait. Puis un signalement, c'est
différent, c'est de signaler des situations qui sont problématiques, O.K.?
M. Drainville : O.K.
Mme Beaumont (Claire) : Et ça
peut être... Un signalement peut vraiment faire rentrer quelque chose dans
l'ordre, alors que si je signale, je passe mon temps à signaler, puis il ne se
passe rien, bien là, je pense que je vais avoir envie de faire une plainte.
M. Drainville : Oui, mais...
Si vous... Si vous me répondez que la définition est somme toute assez
convenue, si c'est déjà assez clair, quelle est la différence entre les deux,
pourquoi est-ce que vous sentez le besoin de nous recommander que les termes
soient bien définis?
Mme Beaumont (Claire) : Pour
faciliter, je dirais... Ce n'est pas évident de faire une plainte, O.K.? Dans
le fond, ce n'est pas évident de signaler... même de signaler, parce qu'il y a
toutes sortes d'enjeux qui sont là-dedans, O.K., toutes sortes d'enjeux. Donc,
moi, si je signale, si je veux inciter les gens à faire plus de signalements,
O.K., ou à... déclarer davantage, il faut qu'ils aient l'impression que c'est
pour le bien. Alors, on peut... C'est des termes qui sont, à mon avis, très
différents sur le terrain aussi, là, O.K.? Une plainte, ça peut... O.K., bon,
je peux peut-être préciser... Une plainte, ça peut être quelque chose qui est
soumis à un décideur ou quelque chose qui va vouloir faire aller plus loin,
parce que je n'ai pas été entendu, alors qu'il y a des parents qui signalent
très souvent, supposons, à une direction d'école : Bon, mon enfant a vécu
telle chose. Une fois. Ils rappellent : Écoute... Il signale... plus, là,
pour essayer de trouver une solution. Et finalement, quand ça fait cinq, six
fois puis qu'il voit qu'en signalant la situation, il n'arrivera pas à avoir
plus de services, bien, je pense qu'il faut qu'il aille à une étape supérieure.
Il peut se plaindre de ne pas avoir reçu le service. C'est du moins la façon
dont moi j'interprète ce que ça veut dire «plainte». Je sais... ...et
«signalement». Je sais que... et j'ai vraiment... on a vraiment travaillé fort
là-dessus dans les écoles, quand on utilisait le terme «dénoncer», O.K.? Alors,
les élèves ne voulaient pas dénoncer, les pères ne voulaient pas dénoncer des
situations lorsque des jeunes se faisaient intimider parce que dénoncer,
c'était comme «stooler», puis ils n'étaient pas dans la gang, et tout ça. Et
lorsqu'on utilise des termes comme «signaler» par exemple, O.K., c'est... et
qu'on le contextualise dans le sens que par leurs actions, ils vont pouvoir
créer le bien ou le bien-être de quelqu'un, c'est important. Donc, si on veut
mobiliser... il faut bien choisir les mots. Je ne suis pas sûre... Est-ce que
j'ai répondu à éclaircir la situation? Je ne suis pas sûre.
M. Drainville : Quand vous
faites référence... Toujours au point 1.4, vous faites référence à la Loi
visant à prévenir la violence à l'école, vous dites qu'il faut revoir les termes
«signalement» et «plainte». Enfin, vous dites : Revoir aussi partout si
les termes «signalement»...
M. Drainville : ...et plaintes
sont bien définis, pour éviter les mêmes problèmes que ceux rencontrés dans
l'application de la loi visant à prévenir la violence à l'école.» Ça, c'est la
loi de Mme Beauchamp, c'est ça, qui a mené à la création de...
• (16 h 10) •
Mme Beaumont (Claire) : C'est
la loi... En fait, c'était... c'est ce qu'on lit dans les documents pour faire
les plans de lutte sur la violence et l'intimidation, exactement.
M. Drainville : C'est ça,
c'est que je... Voilà, exact, c'est la loi de Mme Beauchamp.
Mme Beaumont (Claire) : C'est
ça. Et, quand je dis «revoir», excusez-moi, je ne veux pas dire de toutes les
remplacer, mais je veux dire de s'assurer que, partout dans les documents,
quand on utilise, là, ces termes-là... que c'est ça qu'on veut dire, parce que,
quand ça redescend sur le terrain, ce n'est pas compris de la même façon,
nécessairement.
M. Drainville : Très bien.
Mme Beaumont (Claire) : Et un
parent qui n'est pas content, par exemple, d'une situation qui se produit
envers son enfant, bien, pour lui aussi, c'est différent, parce que le
signalement, il va... c'est le signe, ça le dit dans le terme, là, c'est le
signe qu'il n'est pas content ou qu'il voudrait avoir un service.
M. Drainville : Le point
1.5 : «S'assurer, tout au long du processus, que les personnes qui
analysent les dossiers aient une bonne connaissance du milieu scolaire afin qu'elles
puissent juger de l'intentionnalité des gestes posés, exemple gestes
pédagogiques, bienveillants, sécurisants et protecteurs et/ou liés à des soins
corporels, et du contexte.» Est-ce que vous pouvez nous donner un petit peu
plus de détails sur ces différents exemples que vous donnez?
Mme Beaumont (Claire) : Oui,
bien sûr. En fait, je vous référerais, là, au... à l'ouvrage de Denis Jeffrey,
qui s'intitule Enseignants et enseignantes ont tous un risque de poursuites
criminelles pour voies de fait, O.K.? Dans le sens qu'il est arrivé...
M. Drainville : Attendez un
peu, là. Répétez ce que vous venez de dire.
Mme Beaumont (Claire) : En
fait, dans mon mémoire, je fais référence à un ouvrage de Denis Jeffrey, qui
est spécialiste en éthique, et il travaille beaucoup avec les milieux
scolaires, et son ouvrage s'appelle Enseignants et enseignantes. Tous et toutes
à risque d'une poursuite criminelle pour voies de fait ou ou attouchements
sexuels. Dans son livre, il mentionne des situations ou des cas où des adultes,
des enseignants, qui faisaient, de bonne foi... en tout cas, c'était écrit
comme ça... qui avaient des intentions positives, qui avaient posé des gestes,
qui se sont retrouvés avec des accusations criminelles, pour, finalement, être
acquittés, au final, O.K.?
M. Drainville : Au Québec,
ça?
Mme Beaumont (Claire) : Il
semble que oui. C'est extrêmement... C'est un volume extrêmement intéressant.
Et je... mon collègue Jeffrey a aussi déposé un mémoire — je crois
qu'il l'a fait ou qu'il va le faire, là — sur les aspects éthiques au
niveau des comportements qui sont... bien, je veux dire, au niveau de ce qui
pourrait être balisé comme comportements physiques, comme touchers physiques.
C'est vraiment extrêmement intéressant. Moi, ce n'est pas mon domaine. Par
contre, je voulais vraiment l'apporter, parce que... pour mentionner comment le
contexte scolaire est particulier, et comment... comment... que des enseignants
se font dire de ne plus toucher à des élèves, ou des... ou de ne plus jamais
être seul avec des élèves, par crainte d'avoir à subir des poursuites, là.
Tu sais, il y a comme... ce n'est pas
évident, mais il y a comme une... des justes... une juste compréhension à avoir
pour, aussi, baliser les comportements des... les interventions des adultes, je
veux dire, quand on parle de donner une poignée de main, de serrer la main, de
toucher un élève pour le consoler ou, bon, des choses comme ça. Alors, dans les
quatre aspects que j'ai mis dans la parenthèse, de dire de vraiment s'assurer
que les personnes comprennent le contexte quand ils vont juger les causes.
M. Drainville : Vous croyez
qu'on en est rendus là, c'est-à-dire une enseignante qui pose la main sur
l'épaule d'un enfant ou un enseignant qui pose la main sur l'épaule d'un enfant
pour le réconforter et qui pourrait être... en fait, ce geste de bienveillance
pourrait avoir pour effet de mener à une dénonciation, par exemple...
Mme Beaumont (Claire) : Mais,
en fait, ce n'est pas...
M. Drainville : ...pourrait
être mal... tellement mal interprété que, plutôt que d'être un geste de douceur
puis un geste de réconfort, ça devienne un geste d'agression ou à tout le moins
un geste qui remet en question la sécurité physique ou psychologique de
l'enfant, vous croyez qu'on en est rendus là, Mme Beaumont?
Mme Beaumont (Claire) : Bien,
ce que je pense, c'est que le contexte... on ne connaît pas les éléments de
contexte, la relation avec les... la relation qui se passe avec les parents, la
relation... tout le contexte autour doit être pris en considération, O.K.?...
Mme Beaumont (Claire) : ...alors
ce que je trouve un peu dommage, mais qui est, quand même, les faits, c'est que
des étudiants se font dire, dès la formation initiale, puis des enseignants
aussi se font dire de ne pas toucher les élèves, de ne pas être seul dans des
circonstances, tout seul avec un élève. Ce n'est vraiment pas... Ce n'est pas
nouveau, ce n'est pas rare qu'on entend. Et je crois même qu'il y a une...
l'Ordre des, il faudrait vérifier, mais l'ordre des enseignants en Ontario a
quelque chose là-dessus, à ce propos-là, qui est de ne pas être seul avec un
élève. Il y a quand même... Il y a des balises, l'idée, c'est de ne pas tomber
dans les extrêmes, mais je pense qu'il faut regarder ces choses-là.
Mon propos, c'était plus de dire qu'il y a
des choses qui se produisent en situation urgente. Parfois, un prof qui va
tenir le bras d'un élève pour arrêter... par exemple, qui est en train de
vouloir en battre un autre ou qui... pour aussi pour son propre... sa propre
sécurité, peut-être pour ne pas se faire de mal. Alors, il peut être
interprété, il peut faire mal, il peut y avoir des rougeurs sur le bras, et
l'élève, s'il n'a pas une bonne relation avec son enseignant, bien, ça peut...
ça peut prendre toutes sortes de tournures. Et c'est des choses qui arrivent
depuis un bout de temps. Puis c'est des choses... Oui, c'est ça, oui. Mais,
comprenez-moi bien, moi, je vous parle du contexte, de l'analyse du contexte
dans lequel la situation s'est produite.
M. Drainville : Oui, je
comprends, je comprends. Je note l'annexe I de votre mémoire : Gardez en
mémoire cinq caractéristiques qui décrivent des comportements bienveillants de
l'adulte à l'école pour bien les modeler auprès de vos élèves. Le modèle,
CEFER : C pour calme, E pour exigeant F pour ferme, E pour encourageant et
soutenant et, le dernier, R respect de la dignité de chacun. C'est tiré de
Beaumont et Boissonneault 2023.
Alors, juste pour les fins de la
discussion, pour que les gens qui nous écoutent, je trouve ça intéressant.
Alors, CEFER, donc C, calme, c'est-à-dire maîtrise de soi, de ses émotions, de
son ton. L'adulte montre ainsi aux jeunes comment faire face aux situations en
demeurant posé, en acte et en parole. E, exigeant, maintien des exigences selon
le niveau de maturité de l'élève et le contexte. Le soutien de l'adulte est
accru pour favoriser le sentiment de réussite de l'élève. Donc, le soutien de
l'adulte est accru pour favoriser le sentiment de réussite de l'élève. F pour
ferme. Alors, ferme, ça veut dire, assurance et rigueur dans l'expression et
l'exécution des actions. Les attentes sont clairement et calmement exprimées
tout en offrant son soutien, entre parenthèses, une autorité sécurisante. E,
encourageant et soutenant, volonté d'aider l'élève. Ce dernier doit sentir que
l'adulte est déterminé à le soutenir et qu'il peut compter sur lui pour l'aider
à atteindre les exigences. Et respect de la dignité de chacun, c'est-à-dire une
attitude respectueuse lors des interventions éducatives. L'adulte comprend
l'importance de préserver la dignité morale et physique de tous les élèves,
même lors des mesures disciplinaires. Donc, ça, ce sont les cinq
caractéristiques qui décrivent les comportements bienveillants de l'adulte à
l'école, auprès des élèves.
Je me pose la question, là on déborde un
petit peu du strict cadre du projet de loi : Est-ce que vous croyez que,
dans l'ensemble des comportements, est-ce que vous croyez qu'il faut
revaloriser la notion d'autorité? On l'entend parfois chez les parents qui
souhaiteraient qu'on respecte davantage la notion d'autorité à l'école... en
fait, ils déplorent que ça se soit un petit peu perdu. Je ne vois évidemment
aucune référence ici, là, à cette notion, mais je vous pose la question. C'est
très... C'est un petit peu... Ça sort un petit peu du cadre, mais, comme vous
êtes une grande spécialiste de la question, de la question de l'éducation... Ça
fait combien d'années que vous travaillez dans ce domaine-là? Une vingtaine
d'années, vous êtes notamment...
Mme Beaumont (Claire) : 40
ans dans le milieu scolaire.
M. Drainville : Oui, mais,
dans votre feuille de route ici, là, on voit psychologue scolaire et
clinicienne pendant 20 ans auprès des jeunes présentant des difficultés
d'adaptation socioémotionnelles et leurs familles. Doctorante... ou au
doctorat... Détentrice d'un doctorat en psychopédagogie, des stages à
l'étranger. Vous êtes conseillère également auprès du ministère français de
l'Éducation nationale. Donc, sur la notion d'autorité, qu'est-ce que vous en
pensez, vous?
• (16 h 20) •
Mme Beaumont (Claire) : Je
suis contente que vous posiez la question, parce que même la...
Mme Beaumont (Claire) : ...de
bienveillance, qui est supposée être la valeur qui éclaire nos actions en éducation.
C'est une des principales valeurs. Quand on... Ça veut dire de montrer le bien
de... que nos actions soient motivées par faire le bien, O.K.? Même cette
notion-là, actuellement, qui a beaucoup circulé depuis les dernières années...
il y a des personnes dans les écoles qui n'ont plus envie d'entendre parler de
la bienveillance, parce qu'ils sont tannés d'entendre ça, mais c'est
possiblement parce qu'ils la voient peu incarnée, parce que ce sont des termes
qui ne sont pas bien connus. Quand vous me parlez d'autorité, alors quand... je
vous dirais que, dans le modèle... que j'ai élaboré pour décrire c'est quoi, un
comportement bienveillant, pour qu'on s'entende tous sur la même définition
puis qu'on soit guidé, que ce ne soit pas juste un terme parapluie, comme ça.
La notion de "ferme", elle est extrêmement mélangée avec
"crier", O.K.? Donc, être ferme... quand on est ferme dans nos
consignes et qu'on garde notre calme, qu'on garde un ton apaisant mais qu'on
répète, et qu'on continue, et qu'on ne lâche pas notre bout, l'enfant finit par
se tanner, et il n'y a pas de crise, il n'y a pas rien. On est ferme. La notion
de bienveillance est encore mélangée avec la notion de laxisme. Comme si, moi,
je veux être bienveillant avec quelqu'un, ce n'est pas... je ne vais pas
diminuer mes exigences, O.K.? Et, si je veux être bienveillant envers une
personne, par exemple, que je vois qui ne va pas bien ou qu'elle fait un
comportement qui n'est pas adapté, à ce moment-là, bien, je dirais que la
bienveillance c'est de vouloir le bien. Donc, l'autorité, on a tous une
définition de ce que c'est...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est malheureusement tout le temps...
Mme Beaumont (Claire) : Pardon.
La Présidente (Mme Dionne) : C'est
malheureusement tout le temps d'échange qu'on a avec M. le ministre. Je vais
maintenant céder la parole, avec Mme la députée de Saint-Laurent, qui pourra
poursuivre les échanges avec vous.
Mme Rizqy : Bonjour.
Mme Beaumont (Claire) : Bonjour.
Mme Rizqy : Bienvenue et
merci beaucoup de participer avec nous, avec votre très longue feuille de
route. Vous conseillez aussi le ministère de l'Éducation français?
Mme Beaumont (Claire) : En
fait, ça fait... ça fait... Dans les années 2010, O.K., quand le ministère
français a commencé à faire des gros plans d'action sur la violence à l'école,
il s'est doté d'un comité d'experts international, pour ne pas avoir le point
de vue de chercheur juste de sa place. Alors, on était une quinzaine et on faisait
partie de ces experts-là. Ce sont beaucoup de chercheurs qui continuent à être
des collègues avec moi dans l'observatoire international et c'était
extrêmement, extrêmement intéressant de pouvoir participer. On a... bon, le
comité est dissous, présentement, mais ça a duré pendant quelques années, et,
notamment, bon, un exemple, lorsqu'est arrivé les événements à Charlie Hebdo,
par exemple, à... alors, on était, pendant la nuit, les experts en ligne, on
parlait de ça. Donc, tu sais, c'était vraiment extrêmement intéressant et
c'était une pratique que je n'oublierai jamais et qui était vraiment... qui
permettait aussi de partager les points de vue dans les différents pays, de
regarder le problème de la violence à l'école dans différents aspects, de la comprendre
et de ne pas considérer le point de vue seulement sous un simple angle, parce
que c'était vraiment très, très riche, comme échanges.
Mme Rizqy : Vous êtes la
première, dans son mémoire, qui parle de maltraitance et de bientraitance, et
je me suis posé la question : Est-ce que peut-être que c'est nous, quand
on regarde ce qui se passe dans nos écoles, les interactions élèves-adultes,
mais aussi entre adultes... est-ce qu'on est trop dans l'après, pas assez dans
le début... bientraitance, je vais finir par bien le dire?
Puis j'avais en tête un exemple concret
qui est arrivé l'an dernier. C'était dans les médias, c'est une école à
Montréal où... des allégations qu'un enseignant homme ne voulait pas l'accès
des professionnels femmes dans sa classe, qu'il ne disait pas bonjour aux
femmes. Puis je me rappelle une question qui... un des moyens de défense
soulevés... dit : Oui, oui, mais c'est juste entre les adultes, ça. Puis,
moi, j'avais répondu : Bien non, il y a des enfants, là, qui sont témoins
de cela, et il me semble que c'est... Et j'ai l'impression que, dans votre
mémoire, c'est ça aussi que vous mettez en relief, c'est le comportement des
adultes entre eux qui va avoir un impact aussi sur les élèves, qui sont les
principaux témoins.
Mme Beaumont (Claire) : C'est
sûr. C'est clair, net, je veux dire, dans l'enquête, le monitorage national
qu'on a effectué entre 2012 et 2019, on prenait vraiment des sondages aux deux
ans. Pendant toute cette période-là, les grosses conclusions, en 2019, c'était
que les élèves s'étaient améliorés légèrement au fil des années, mais que quand
on... parce qu'on questionnait aussi, il y a des données sur les comportements
des adultes entre eux puis envers les élèves, mais il n'y avait eu aucun
changement pendant sept...
Mme Beaumont (Claire) : ...sur
les comportements des adultes, on ne s'en occupait pas, on n'en parlait pas,
alors que, dans tous ces rapports-là, on a des données qui indiquent des
comportements de maltraitance, O.K., dans à peu près 10 % des cas, des
relations difficiles puis et des comportements d'agression entre le membre...
les membres du personnel, que les enfants voient, et des relations difficiles
entre les parents et les adultes de l'école, que les enfants voient. Et...
Mme Rizqy : ...d'une façon
qu'un parent peut parler à l'adjointe administrative, pas contente que son
enfant n'ait pas été admis dans un programme particulier, crie sur l'adjointe
administrative, ça, on n'en... ce n'est pas comme si on l'a documenté assez,
là. C'est ça?
Mme Beaumont (Claire) : Mais
les parents qui débarquent dans la classe, qui invectivent les profs, qui...
Les enseignants font face à plusieurs, plusieurs acteurs qui leur... qui... qui
peuvent propager de la violence. O.K. Ils sont... et ils font face à toutes
sortes, toutes sortes de situations. Ils doivent gérer beaucoup, beaucoup de
choses des... et en même temps ils doivent enseigner à leurs... aux élèves.
Mais mon propos, c'est que les enfants voient, hein? Ils font beaucoup plus ce
qu'ils voient, que ce qu'on leur demande de faire. Donc, quand les... quand
les... quand on dit que les bottines ne suivent pas les babines, alors que le
prof, comme par exemple, veut que ça se passe bien, enseigne ou donne des
ateliers d'habiletés sociales, des choses comme ça et que c'est important le
respect et tout ça, puis qu'il se retrouve dans le corridor, puis à parler
d'une façon inappropriée ou irrespectueuse à son collègue ou même à un parent,
qu'est ce que l'enfant comprend? Alors...
Mme Rizqy : Qu'il peut être,
lui aussi, irrespectueux.
Mme Beaumont (Claire) : Exactement.
Puis quand on veut vraiment apprendre des comportements aux enfants, on sait
très bien... puis que, les comportements, on les... Nos changements de comportement
sont motivés par nos valeurs. O.K.? Les lois, c'est extrêmement important, ça
envoie un signal clair et précis que, comme collectivité, on veut plus de ça.
Maintenant, quand on arrive dans les
écoles, on a un devoir d'éducation à faire, et il faut prendre les moyens pour
le faire. Si je reviens sur la lutte contre la violence dans les écoles, on le
sait... on sait bien quoi faire depuis des dizaines... Depuis une dizaine
d'années, les recherches tournent aussi autour de ça. On connaît les pressions,
on connaît les interventions qui sont... qui risquent d'être plus efficaces.
Mais est-ce qu'on a les conditions? Est-ce qu'on se donne les conditions dans
les écoles de les mettre en application? C'est plutôt ça, moi, que je
questionnerais.
Mme Rizqy : Dites-moi...
parce que, tantôt, vous disiez, que de 2012 à 2019, à chaque deux ans, il y
avait un sondage qui est fait, mais depuis il n'y en a pas eu, puis je vois que
la chaire de recherche que... dont vous étiez titulaire n'existe plus. Est-ce
qu'il y a une raison?
Mme Beaumont (Claire) : En
fait, le financement n'a pas été reconduit.
Mme Rizqy : O.K. Parce que,
nous, on a fait des demandes d'accès après la pandémie puis on a vu qu'il y a
une explosion de cas partout au Québec, de... d'actes de violence dans les
écoles, puis... et je trouve ça bien que vous, vous avez comme un continuum de
pouvoir garder une perspective globale, de pouvoir étudier ce phénomène puis de
le documenter, parce que, quand on a des données, mais ça nous permet aussi
d'agir, de voir est-ce qu'on s'est amélioré, est ce que vous ne vous êtes pas
amélioré, est ce qu'on doit faire d'autres approches?
Là, ce n'est même pas une question pour
vous. M. le ministre, moi, je plaide la cause de Mme Beaumont. Engagez-la, s'il
vous plaît. Moi, je la trouve extraordinaire pour vrai, là. Je... c'est un
mémoire de très, très bonne qualité, là, puis on en lit beaucoup. Faites-nous
confiance. Vous auriez pu nous écrire quelque chose de très long, mais vous
avez synthétisé votre propos. Je ne sais pas, vous... je sais que vous avez eu
une longue carrière, là, mais vous avez l'air très en forme. Moi, je ne le sais
pas pour vous, mais avec le plan que vous avez mis en place de lutte contre les
violences dans les écoles puis l'intimidation, je pense que ça serait à propos
d'avoir une expertise de plus parce que, sincèrement, je vous le dis, là, vous
êtes du haut calibre. J'aurais aimé vous avoir comme prof, sincèrement.
Mme Beaumont (Claire) : C'est
ce qu'on me dit, oui. Puis je...
Mme Rizqy : Donc ça, ce
n'était pas une question. Ça, c'est moi qui veux vous avoir avec nous, parce
que ça prend de l'expertise autour de la table, parce que vous êtes la première
à dire bientraitance. Alors, qu'est ce qu'on devrait faire de mieux dans nos
écoles? Donc, j'ai compris prévention. Mais en actions concrètes, ça serait
quoi qu'on devrait commencer par changer?
Mme Beaumont (Claire) : La...
la... la conscience des comportements qu'on a, du modèle qu'on a comme adultes
envers les élèves. O.K. Actuellement, je donne des formations sur les
compétences, développer des compétences socioémotionnelles.
Mme Rizqy : ...
• (16 h 30) •
Mme Beaumont (Claire) : Pardon.
O.K. Alors actuellement, je... je... bon, j'ai commencé à travailler en
prévention de la violence. Maintenant, quand j'ai vu que les... Les changements
de comportement ne se faisaient pas au niveau des adultes, mais parce qu'ils
n'ont pas d'intervention là-dessus, parce qu'on n'en parle pas. Là, maintenant,
je travaille pour enseigner des compétences socioémotionnelles aux enfants dans
les écoles et pour habiliter les profs à le faire. O.K. Maintenant, la...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Beaumont (Claire) : ...je...
J'ai perdu votre question.
Mme Rizqy : Non, mais il y a
beaucoup de trucs qu'on devrait, je pense, améliorer...
Mme Beaumont (Claire) : Oui,
O.K., mais qu'est-ce qu'on devrait améliorer, oui.
Mme Rizqy : Moi, ce que j'ai
compris, là, c'est... un, c'est le comportement des adultes, parce que, peu
importe ce qu'on va dire, si nos gestes ne suivent pas, les enfants vont juste
répéter ce que nous, les adultes, on fait au quotidien.
Mme Beaumont (Claire) : Exactement.
Et je me dis... Tantôt, quand je parlais qu'on sait qu'est-ce qu'il faut faire,
mais on ne met pas... on n'a pas les conditions, on ne les met pas en place
pour le faire, par exemple, s'il y a une dizaine... une liste de 10 composantes
pour créer un bon climat scolaire, puis, bon, on en met... on en met lourd sur
le dos des directions d'établissement, mais le leadership d'un établissement, c'est
important. O.K.? C'est une condition, on le sait, ça a fait ses preuves. Mais
qu'est-ce qu'on met en place, comment les directions d'établissement voient
pour arriver à ça, O.K? Donc, c'est le même principe pour la loi, ici, qu'on
est en train d'étudier. Je veux dire, oui, il y a une loi, elle est importante,
il faut la faire, il faut... mais, sur le terrain, qu'est-ce que je mets en
place pour favoriser que les gens vont... pas pour respecter la loi, pour
respecter le sens de la loi? Alors, ce que je dis, c'est que les comportements
de bienveillance, O.K., c'est ça, il faut... il faut vraiment éveiller, il faut
mobiliser les troupes des adultes, puis des élèves, puis des parents, puis tout
ça, pour travailler tous ensemble dans le même sens.
Je parlais, par exemple, dans les moyens
que je proposais... Alors, on parlait d'un code d'éthique à mettre dans les
écoles. Mais ça pose un problème, un code d'éthique, parce qu'il y a les
professions qui ont leur... ils ont leur propre code d'éthique. Alors, moi, je
travaille dans mes formations, parce que j'ai un microprogramme sur la
prévention de la violence à l'école... En passant, dans le dernier rapport qu'on
avait fait en 2019, là, le personnel scolaire disait qu'il y n'avait pas plus
de formation qu'il n'y en avait auparavant, hein, c'est étonnant, mais bon, c'est
ça. Alors, moi, je travaille avec la création d'une charte relationnelle, O.K.,
et non d'un code d'éthique.
Mme Rizqy : Oui. Ça ne vous
dérange pas, parce que le ministre est vraiment aussi très intéressé...
M. Drainville : Je voulais
juste répondre à l'enthousiasme de la députée de Saint-Laurent pour souligner
le fait que Mme Beaumont a été... fait partie du groupe d'experts qui ont été
consultés pour le plan de lutte à la violence au mois de juin dernier. Je
voulais juste le dire. Donc, on... on vous remercie.
Mme Rizqy : ...bravo!
M. Drainville : Vous allez
contribuer à ce plan. C'est la députée de Lotbinière Frontenac qui était
présente lors de cette discussion.
Mme Rizqy : Merci, mais là
vous êtes sur mon temps.
M. Drainville : Oui, je sais,
mais...
La Présidente (Mme Dionne) : D'accord.
On revient. Il vous reste moins de deux minutes, Mme la députée.
M. Drainville : ...
Mme Rizqy : D'accord. Bien,
merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Un
à la fois...
Des voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui.
Merci. S'il vous plaît, pour le bien de ceux qui nous écoutent, on ne parle pas
en même temps. Mais poursuivez, Mme, il vous reste une minute 30.
Mme Rizqy : Bien, merci.
Bien, elle avait aussi participé, avec Francine Charbonneau, dans le plan
contre lutte à l'intimidation, à l'époque, quand elle était ministre et qu'ils
ont mis le grand plan, donc pour ça que moi, je la trouve très pertinente,
parce que sincèrement, avec autant d'années d'expérience, je ne pense pas qu'on
peut s'en priver au Québec. Alors, moi, là, trouver quelque part, au ministère
de l'Éducation, là... je pense qu'on devrait l'avoir de façon permanente.
Alors, prenez-en bonne note, et je... on en rencontre, là, des gens, puis c'est
rare que je fais ça comme intervention. Puis, sinon, que... qu'on... rallumer
la flamme dans cette chaire de recherche. Parce que ce qu'elle vient de dire,
que peut-être que vous avez manqué, c'est qu'en 2019, lorsqu'ils ont sondé, le
personnel de soutien disait qu'ils n'ont pas eu plus de formation. Et, je
pense, c'est ça qui est le nerf de la guerre, de s'assurer que les gens,
peut-être, ne comprennent pas que leurs comportements, même entre adultes, c'est
inacceptable à l'école. Tantôt, vous avez parlé, M. le ministre, avec beaucoup
d'éloquence, que je vous connais, sur l'autorité, mais la notion de respect
doit revenir de façon beaucoup plus pointue. Alors, sur les dernières... Il
vous reste une minute, je vais vous la laisser, Mme Beaumont, sur le mot de la
fin. Qu'est-ce que vous voulez qu'on change absolument dans ce projet de loi?
Parce que vous parlez beaucoup de violence, mais je crois que c'est... vous
devez écrire aussi violence sexuelle, j'imagine.
Mme Beaumont (Claire) : En
fait, moi, ce que je pense, c'est que, si on continue à travailler en silo,
O.K., si on n'intègre pas les choses... Les gens, dans le milieu scolaire, là,
ils reçoivent toutes sortes de demandes, O.K., de faire... de veiller à la
santé mentale, au bien-être, de faire un climat, de lutter contre la violence,
et tout ça. Puis on arrive avec toutes des choses séparées. Il faut vraiment
intégrer. Parce qu'ils n'en peuvent plus. Et c'est ça qu'il faut comprendre si
on veut qu'ils soient...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
Mme Beaumont (Claire) : ...qu'ils
les mettent en application...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
C'est tout le temps qu'on a.
Mme Rizqy : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Mais
on va poursuivre encore les échanges avec la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Bien, merci,
merci beaucoup pour votre présence ici parmi nous. Ça serait quoi... Vous dites
qu'il faut travailler de manière intégrée. Donc, comment est-ce qu'on fait ça
concrètement? Parce que, là, nous, on a, devant nous, un projet de loi qui
vient s'ajouter à plein d'autres choses, puis c'est comme si... j'ai l'impression,
par ce que vous vous dites, c'est que ça vient encombrer les écoles puis que ça
ne met pas en place les conditions. C'est-à-dire, ce qu'on a devant nous,
est-ce que les conditions sont en place pour favoriser les comportements
bienveillants? Est-ce que le projet de loi aide à ça?
Mme Beaumont (Claire) : Je
pense que le projet de loi donne un signal clair, O.K., mais il ne dit pas aux
écoles comment faire ça, peut-être parce que c'est un mécanisme tellement
complexe que de...
Mme Beaumont (Claire) : ...les
gens pour travailler dans le même sens. Tantôt, je disais qu'au lieu de faire
un code d'éthique, O.K.... Parce que ça accroche, le code d'éthique. Dans un
code d'éthique, on ne met pas de... dans un document éthique, on ne met pas de
punition, on ne met pas des choses comme ça. Dans un code d'éthique, c'est un
appel à la volonté des gens de s'harmoniser autour d'un certain type de
valeurs, dans les écoles, on a des codes d'éthique, des psychologues, des...
toutes les... par profession.
Alors, moi, je travaille, dans mes cours,
plutôt d'établir une charte relationnelle avec l'ensemble des commissaires.
Parce que l'éducation, c'est une profession, c'est... Toutes les professions,
ce n'est pas basé sur la relation. Alors, la charte relationnelle, vous pourrez
le lire à la page huit du mémoire, c'est vraiment un document qui n'est pas légal,
ce n'est pas... ce n'est pas... il n'y a aucune légalité là-dedans, mais c'est
un appel à l'ensemble, à... aux élèves, aux parents, à tous les partenaires.
Alors, on crée ensemble une charte, on la fait, bien, valider par un groupe de
parents, un groupe d'élèves, et des... des gens qui sont là. Et même on peut...
on les fait signer, s'ils veulent, mais l'engagement... Et c'est connu... Et la
façon dont on le travaille, c'est qu'on le met même dans le... dans l'agenda
des enfants, avec... modalité des enfants, avec des petits bonshommes. On... Tu
sais, on n'est plus dans un mode de dire : ne fais plus ci, ne fais plus
ça, ça ne fonctionne pas aussi bien...
Mme Ghazal : C'est ce qu'un
code d'éthique ferait?
Mme Beaumont (Claire) : Oui.
En fait, on... il faut montrer ce qu'on veut. Donc, pour arriver à mobiliser
les troupes pour travailler dans le même sens, dans des comportements
bienveillants, par exemple, pour revaloriser cette valeur-là, alors il faut
vraiment travailler ensemble sur la définition de ce qu'on entend. Et, dans
cette charte relationnelle là, on y va avec les valeurs de l'école qui sont
discutées, on y va avec des comportements, on décrit quels comportements on...
on peut observer ces valeurs-là, et on donne l'engagement qu'on va faire notre
possible pour y aller le plus possible. Et qu'on se... qu'on... on donne
l'engagement aussi qu'on va tout faire qu'est-ce qui est dans notre pouvoir de
faire respecter que dans notre école, c'est ça, ces valeurs-là, toujours avec
des valeurs de bienveillance. Mais...
Mme Ghazal : Mais est-ce que
tout ça peut être contenu puis l'appeler code d'éthique quand même, là? Parce
que je ne suis pas sûre que l'amendement, l'appeler «charte émotionnelle», va
être accepté.
Mme Beaumont (Claire) : Je ne
le sais pas. Bien, écoutez, moi, ce que je dis, c'est ce que je fais pour
essayer de ne pas naviguer avec des codes de profession, et tout ça, parce que
c'est comme... Mais quand on parle plus d'une charte relationnelle, ce que mes
étudiants me disent aussi, quand qu'ils l'appliquent ou quand on... quand on
l'applique dans une école, c'est vraiment un appel à la volonté de travailler
dans le même sens.
Mme Ghazal : Puis la
mobilisation des troupes, ça, vous l'avez dit plusieurs, plusieurs fois.
Mme Beaumont (Claire) : C'est
la mobilisation, oui.
Mme Ghazal : Puis est-ce que
ça prend une loi-cadre, une loi-cadre pour les agressions à caractère... les
violences à caractère sexuel? C'est-à-dire que, est-ce qu'en ce moment, par
exemple, pour les violences à caractère sexuel, si on veut les prévenir, est-ce
que ce qu'on a devant nous, que ce soit cette loi-là, tout ce qui existe déjà,
le protecteur national de l'élève, est-ce que c'est suffisant pour les
prévenir?
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes, Mme la députée.
Mme Ghazal : Ou est-ce que ça
prendrait une loi-cadre spécifique pour les violences à caractère sexuel?
Mme Beaumont (Claire) : Moi,
je suis plutôt d'avis de parler des violences, O.K., et de parler en termes de
gravité des gestes. C'est ce qu'on fait quand on veut modifier des
comportements. Et puis il faut éviter d'en ajouter, parce que, si on veut que
ça soit bien appliqué, il faut que les gens aient l'espace dans le cerveau pour
entrer toutes les choses qu'on leur demande de faire là-dedans, donc de bien
nommer. À mon avis, il faut intégrer.
Mme Ghazal : Violence à
caractère sexuel?
La Présidente (Mme Dionne) : C'était
malheureusement tout le temps...
Mme Beaumont (Claire) : Mais
la nommer très précisément, exactement.
Mme Ghazal : O.K.
La Présidente (Mme Dionne) : Malheureusement,
c'est tout le temps qu'on a. Merci. Alors, merci beaucoup pour votre
contribution, Mme Beaumont.
Je suspends les travaux de la commission
quelques instants pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
(Reprise à 16 h 42)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à
notre prochain groupe en visioconférence. Donc, c'est le Regroupement québécois
des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.
Bonjour, mesdames. Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour
nous faire votre exposé. Donc, je vous demanderais d'emblée de vous présenter
et nous expliquer vos propos par la suite, et nous procéderons ensuite à la
période d'échange avec les membres de la commission.
Mme Dépault (Caroline) : Merci.
Bonjour. Caroline Dépault, co-responsable au volet prévention,
co-coordonnatrice au RQCALACS.
Mme Chénier (Justine) : Bonjour.
Je suis Justine Chénier, responsable aux communications et aux affaires
publiques, également co-coordonnatrice du RQCALACS.
Mme Dépault (Caroline) : Nous
tenons d'abord à vous remercier, M. le ministre et la Commission de la culture
et de l'éducation, de nous avoir invités à prendre part aux consultations
particulières sur le projet de loi n° 47 portant sur
le renforcement de la protection des élèves.
Mme Chénier (Justine) : Le
Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel, le RQCALACS, est un organisme féministe à but non lucratif
qui rassemble les CALACS membres à travers le Québec depuis plus de
40 ans. À titre de groupe national en violence sexuelle, nos champs
d'activité et ceux de nos CALACS se concentrent principalement sur des actes
sensibles en prévention et sensibilisation en matière de violence sexuelle, en
intervention auprès des personnes survivantes ainsi qu'en défense de droits.
Mme Dépault (Caroline) : On
imagine que notre présence parmi vous aujourd'hui est liée à notre expertise en
matière de lutte contre les violences sexuelles et plus largement de violences
basées sur le genre, même si la violence sexuelle n'est jamais mentionnée
explicitement dans le projet de loi n° 47. M. le
ministre et membre de la commission, la situation en ce qui concerne les
violences sexuelles dans les établissements scolaires primaires et secondaires
est alarmante et nous croyons que ça constitue l'une des plus grandes menaces à
la sécurité des jeunes dans les écoles au Québec. Nos CALACS aux premières
loges de cette situation depuis des décennies, et nous le constatons plus
particulièrement lorsque nos intervenantes vont dans les écoles secondaires
pour animer notre programme de prévention, le programme Empreinte. Selons nous,
l'heure est grave.
Mme Chénier (Justine) : Contrairement
à ce que le Protecteur national de l'élève a mentionné en commission hier, le
RQCALACS et ses membres considèrent que ce qui est en place actuellement, ainsi
que le projet de loi n° 47, sont des mesures
insuffisantes pour adresser la sécurité des jeunes dans les établissements
scolaires, particulièrement en ce qui a trait aux violences sexuelles. Encore
une fois, les besoins des jeunes victimes et l'expertise des réseaux
spécialisés comme la nôtre ne sont pas entendus. Les jeunes, les organisations
communautaires avec des programmes de prévention en milieu jeunesse, les fédérations
professionnelles ainsi que certains membres présents aujourd'hui autour de la
table, et même votre propre rapport d'enquête le mentionnent : une
loi-cadre, comme dans les cégeps et les universités, est nécessaire pour lutter
contre les violences sexuelles en milieu scolaire. Vous avez l'opportunité
aujourd'hui de faire une réelle différence dans la vie des jeunes du Québec et
de contribuer à faire émerger une société plus juste, égalitaire. Il faut la
saisir, M. le ministre. Le RQCALACS appuie solidairement le collectif La voix
des jeunes compte. Depuis plus de six ans, elle demande au gouvernement du
Québec l'adoption d'une loi-cadre contre les violences sexuelles en milieu
scolaire primaire et secondaire.
M. le ministre et membre de la commission,
elles vous ont écrit une lettre aujourd'hui en réaction au projet de loi n° 47, qu'elles nous ont demandé de vous lire parce
qu'elles ne pouvaient être présentes. Elles travaillent et elles vont à
l'école...
Mme Dépault (Caroline) : ...la
lettre va comme suit. Bonjour, aujourd'hui, nous revivons la même chose que
nous avions vécue lorsque vous nous avez convoqués pour donner notre point de
vue sur le protecteur national de l'élève. Résultat : personne ne nous a
écoutés. Voilà qu'aujourd'hui, trois ans plus tard, M. Jean-François
Bernier en vient aux mêmes conclusions que nous. Lorsqu'une personne communique
avec son bureau sur ces questions, on lui dit assez rapidement, après l'avoir
écoutée, de ne pas entrer trop dans les détails, que le rôle du protecteur
n'est ni celui de psychologue ni celui d'un travailleur social. Nous sommes
fatigués de vous répéter que traiter les violences sexuelles de façon
fragmentée ne fonctionne pas.
Dans le cadre de ce projet de loi, nous
tenons à indiquer notre déception quant au fait que le temps consacré au p.l. n° 47 aurait pu servir à étudier le projet de loi n° 397 déposé par la députée solidaire Ruba Ghazal le
27 avril 2023 et soutenu par les partis d'opposition. À travers le p.l. n° 47, vous décidez de traiter la problématique des
violences sexuelles au même niveau que toute autre forme de violence. C'est de
bien mal comprendre les violences sexuelles. Les violences sexuelles étant une
problématique particulière, nous vous signalons depuis déjà six ans la nécessité
d'un projet de loi spécifique à celles-ci. Nous avons d'ailleurs fait déposer
pas un, mais bien deux projets de loi en la matière. Les recommandations vous
ont également été envoyées, que ce soit à l'ancien ministre de l'Éducation,
Jean-François Roberge, au présent ministre l'Éducation, Bernard Drainville,
ainsi qu'à d'autres députés de votre parti. Ces recommandations ont été
intégrées de manière fragmentée dans les multiples projets de loi éparpillés où
la problématique des violences sexuelles est abordée en second plan. Encore une
fois, aujourd'hui, nous avons manqué l'occasion de régler la situation. À
n'aucune reprise les violences sexuelles sont mentionnées dans le projet de
loi. Dans le cadre de ce projet de loi, nous parlons de la mise en place de
codes d'éthique déterminés par chaque centre de services scolaire et non d'un
seul code à l'ensemble du réseau.
Mme Chénier (Justine) : Nous
tenons à rappeler que les violences sexuelles sont déjà reconnues par le Code
criminel, en plus des autres obligations légales pour toute personne témoin de
tels actes. Nous nous demandons dans quelle mesure une personne qui ne respecte
déjà pas la loi serait incitée à respecter un code d'éthique. Les écoles sont
justement des lieux de prédilection pour ces personnes en raison de la
proximité qu'ils procurent avec des jeunes et des personnes vulnérables.
Autrement dit, est-ce qu'on a vraiment besoin d'un code d'éthique pour inciter
les gens à ne pas enfreindre la loi? Nous tenons à saluer le retrait des
clauses d'amnistie aux dossiers des enseignants et des enseignantes. En
entrevue, le ministre Bernard Drainville a indiqué le 6 décembre
2023 : «Ce n'est pas normal qu'un enseignant puisse commettre des gestes à
caractère sexuel en toute impunité et se déplacer d'un centre de services à
l'autre ou d'une école à l'autre sans conséquences.» Ce qui se reflète dans la
formulation de la proposition faite à l'égard des clauses d'amnistie.
Toutefois, nous désirons rappeler que le corps enseignant n'est pas le seul à
être en contact avec les jeunes, les TES, les secrétaires, les concierges, les
coachs et toute personne qui côtoie de près ou de loin les élèves le sont
également.
Malgré le retrait des clauses d'amnistie,
nous observons un problème majeur. La vérification des antécédents se fait par
le biais d'une autodéclaration des antécédents d'emploi de la part de la
personne qui se fait embaucher. Miser sur l'honnêteté des personnes ayant
commis des violences sexuelles, c'est mettre en danger les jeunes. Quant au
traitement des plaintes, comment le ministre va-t-il éviter la confusion des
rôles et respecter les responsabilités exclusives de la DPJ dans le cadre de
l'entente multisectorielle et éviter de contaminer la preuve? Ces commentaires
ne portent que sur une toute petite partie du projet de loi que vous proposez.
Or, les enjeux qu'il soulève sont majeurs. Nous croyons que cela est une
démonstration claire de l'inadéquation d'une loi générale pour traiter d'un
problème qui, lui, est spécifique. Nous tenons à réitérer l'importance d'un
projet de loi propre aux violences sexuelles. Nous ne pouvons pas les traiter
de la même manière que l'intimidation.
Nous avons une pensée pour toutes les
jeunes victimes et témoins de violences sexuelles dans leur établissement
scolaire, notamment les victimes et les personnes qui ont été témoins de
M. P, cet ancien professeur de l'école secondaire Louise-Trichet, dont
l'histoire a été révélée par une enquête journalistique dans Le Devoir. En quoi
les propositions actuelles vont permettre la fin de cette culture du silence
qui permet encore aujourd'hui à des personnes de récidiver pendant des
décennies sans conséquences? Qu'en est-il de M. P à l'heure actuelle? Si
une personne change de centre de services scolaire avant même la tenue d'une
enquête, comme c'est le cas de M. P, en quoi les dispositions présentement
proposées assurent la sécurité des jeunes? Ce que nous demandons depuis le
début, c'est une loi, et pas n'importe laquelle, une loi visant à prévenir et à
lutter contre les violences sexuelles dans les écoles primaires et secondaires
au Québec.
Nous désirons profiter de ce moment pour
remercier toutes les personnes qui ont amplifié nos voix et qui ont mis de
l'avant le caractère fondamental de la loi que nous demandons. #Metooscolaire.
Fin de la lettre.
• (16 h 50) •
Mme Dépault (Caroline) : En
conclusion, le RQCALACS constate, depuis le début des travaux, une
incompréhension de l'application du projet de loi car ça s'applique de manière
large pour un enjeu spécifique qui n'est même pas mentionné. On constate aussi
qu'il semble y avoir une grande mécompréhension en ce qui a trait à...
Mme Dépault (Caroline) : ...de
la prévention. Les codes d'éthique et la vérification d'antécédents n'est pas
de la prévention, c'est l'instauration de mesures de sécurité de base. La
prévention vise à poser des actions pour réduire, diminuer des comportements,
attitudes, faire passer des messages clés, etc. Tout miser sur le bon vouloir
des directions et centres scolaires est un terrain glissant, car, comme nous le
savons, il arrive plus fréquemment qu'on le pense que des directions cherchent
à tenir sous silence ou cacher certains cas de violence sexuelle rapportés, et
ce, pour plusieurs raisons. C'est dans ces cas que nous nous considérons choyés
de vivre dans une société démocratique où le travail journalistique constitue
parfois le seul recours pour visibiliser des enjeux comme la violence sexuelle.
Finalement, on trouve aussi dommage le
manque de considération pour les réalités spécifiques des communautés
autochtones, car pour l'instant, comme le soulignait Mme Rizqy hier, les
établissements scolaires autochtones ne sont pas pris en compte.
Mme Chénier (Justine) : Pour
finir, nous voyons, dans le cadre de ce projet de loi, qu'on... nous voyons,
dans le cadre de ce projet de loi, qu'on ajoute la possibilité que le ministre
effectue une enquête selon son estimation de ce qui constitue une preuve
suffisante pour déterminer que l'action dénoncée ait eu lieu. Considérant qu'il
y a des enquêtes dans les cas de violences sexuelles et qu'il s'agit de crimes,
nous cherchons donc à savoir si ces enquêtes empiètent sur ce qui peut être
fait dans l'éventualité d'un litige, notamment en termes de contamination de la
preuve. Ces enquêtes sont-elles administratives? Et, si oui, quelles sont les
personnes interrogées dans le cadre de celles-ci? Est-ce que les victimes
préjugées... présumées, pardon, témoins et personnes visées par les
dénonciations sont questionnées?
On a également une autre question pour vous,
le ministre. Les centres de santé... les centres de services scolaires sont-ils
en mesure de déterminer si une personne a omis un ancien lieu d'emploi, les
lieux d'emploi, qui répondent aux demandes des centres de services scolaires?
Dans le cadre de la validation des antécédents d'emploi, s'exposent-ils à des
poursuites en diffamation en répondant à de telles enquêtes? La vérification
des antécédents d'emploi s'applique-t-elle aux coachs sportifs? Dans la mesure
où l'enquête déclenchée, suite au scandale de l'école Saint-Laurent, indiquait
que l'intégrité des joueuses avait été mise en danger pendant des décennies,
comment le ministre va s'assurer que des personnes pouvant porter atteinte à la
sécurité et à l'intégrité des jeunes ne soient pas en contact avec ceux-ci? Les
jeunes n'étant pas...
La Présidente (Mme Dionne) : Mesdames,
c'est malheureusement tout le temps que nous avions. Désolée. Nous allons
débuter les échanges avec les membres de la commission. Donc, M. le ministre,
c'est à vous la parole.
M. Drainville : Oui. Alors,
merci pour votre témoignage. Je vais juste vous dire, je ne sais pas si vous
avez eu connaissance, là, quand on a rendu public le plan de lutte contre la
violence et l'intimidation dans les écoles, ça, c'était au mois d'octobre, il y
avait dans ce plan-là quand même des références aux violences sexuelles.
Notamment, je disais que ce plan-là fera en sorte que l'ensemble du personnel
scolaire sera formé sur les actions préventives et les interventions les plus efficaces
lorsqu'il y a des situations de violence et d'intimidation. La formation va
inclure notamment les violences à caractère sexuel. Donc, je comprends très
bien la... comment dire, le très grand engagement qui est le vôtre sur tout cet
enjeu des violences sexuelles, mais je veux que vous sachiez que, quand nous
parlons de lutte aux violences, ça inclut les violences sexuelles. Est-ce qu'on
pourrait plus souvent y faire référence explicitement? Peut-être. De la même
manière que j'ai déjà dit hier qu'à l'intérieur de ce concept de comportement
pouvant faire craindre pour la sécurité physique ou psychologique des élèves,
il y a, bien entendu, le... la question des violences sexuelles. Une violence
sexuelle, par définition, fait craindre pour la sécurité physique ou met en
cause la sécurité physique ou menace la sécurité physique et la sécurité
psychologique des élèves. Donc, je veux quand même que vous sachiez que nous
sommes très conscients de cette... de cette réalité. Et j'ai déjà dit hier
qu'on pourra, dans la bonification que nous apporterons... dans les
bonifications que nous apporterons au projet de loi, il sera possible de
préciser que, quand on parle de violence psychologique ou de violence physique,
de sécurité psychologique et de sécurité physique, ça comprend notamment la
question des violences sexuelles.
Je voulais juste porter à votre attention
également, quand vous disiez : Les enseignants ne sont pas les seuls, là,
à côtoyer... comment vous avez dit ça? Les enseignants ne sont pas les seuls?
Mme Chénier (Justine) : Les
seuls à côtoyer les jeunes.
M. Drainville : Voilà.
Mme Chénier (Justine) : Dans
le sens qu'il y a toute une panoplie de personnels scolaires, qui inclut TES,
personnel administratif...
M. Drainville : Exact...
Mme Chénier (Justine) : ...sportif
qui sont en relation avec les jeunes dans les écoles au Québec.
M. Drainville : Voilà. Alors,
je voulais juste attirer votre attention sur le fait que l'article 263, qui est
l'article, donc, sur la fin des clauses d'amnistie, là, dit ceci. Alors :
«Une disposition d'une convention ou d'un décret au sens de la loi sur les
normes... ne peut avoir pour effet d'empêcher un centre de services scolaire,
lorsqu'il impose une mesure disciplinaire à un employé...», donc pas seulement
à un enseignant, «à un employé qui œuvre auprès d'élèves mineurs ou qui est
régulièrement en contact avec eux en raison d'un comportement pouvant faire
craindre pour la sécurité physique ou psychologique...», etc. Donc, sur
l'élimination des clauses d'amnistie, ça ne concerne pas que les dossiers des
enseignants, ça concerne les dossiers des employés des centres de services
scolaires. Je voulais juste apporter cette précision.
Une question peut-être plus générale.
Alors, vous militez pour la loi-cadre, c'est une bataille tout à fait légitime.
Pour les gens qui vous écoutent, sans trop s'étendre, là, mais quelles sont les
deux ou trois choses que ça changerait, une loi-cadre, là, très concrètement,
là, dans le fonctionnement d'une école, là, primaire ou secondaire? Très
concrètement. Je ne veux pas le concept, les concepts, je les maîtrise bien, je
veux vraiment savoir par des exemples concrets qu'est-ce qu'une loi-cadre
pourrait changer.
Mme Chénier (Justine) : Bien,
si vous me permettez, je vais répondre à la question puis je vais me permettre
aussi de rebondir sur certains commentaires que vous avez formulés un peu plus
tôt. Qu'est-ce qu'une loi-cadre va changer dans les écoles primaires,
secondaires, au Québec, M. le ministre, c'est assez simple. Premièrement, c'est
une reconnaissance des établissements puis des institutions politiques de la
problématique des violences à caractère sexuel dans les écoles. Quand on adopte
une loi, c'est un pas dans la bonne direction parce qu'on reconnaît qu'il y a
un problème puis on est prêt à travailler à mettre en œuvre des mesures
concrètes pour le combattre. Une loi-cadre, aussi, qu'est-ce que ça va
permettre? Si on se fie un peu à l'expérience des cégeps et des universités, ça
a permis la mise en place de protocoles clairs, et efficaces, et surtout
uniformes dans l'ensemble des établissements pour lutter contre les violences
sexuelles, mais ça a également permis le développement de programmes
spécifiques.
D'autant plus qu'un élément qui est très
important à considérer, c'est que, si on veut voir émerger une société plus
juste et égalitaire, nos jeunes sont très importants. Nous, dans l'approche
CALACS, on travaille sur trois principaux volets : la prévention, la
sensibilisation, évidemment, l'aide aux personnes survivantes, mais aussi la
défense de droits. Puis on pense que la lutte contre les violences sexuelles,
ça passe par la prévention et la sensibilisation. Ça fait qu'avec une
loi-cadre, qu'est-ce que ça va permettre? Bien, c'est justement, une
reconnaissance des instances politiques de la problématique, mais ça va venir
donner les bons outils aux établissements et aux ressources spécialisées pour
agir sur la problématique.
Si vous me permettez, vous avez mentionné
aussi, préalablement à votre question, ça répondait, selon moi, là, à la
question loi-cadre, là, de mon côté... vous avez mentionné quand même plusieurs
éléments. Vous avez parlé du plan d'action violences sexuelles, intimidation.
Il faut se remettre quand même dans la perspective que, nous, on est un groupe
national en violences sexuelles qui cumule 40 ans d'expertise en la matière. Le
regroupement a été fondé en 1970. Ça fait très longtemps qu'on développe de
l'expertise sur ces enjeux-là. On ne peut pas mettre, dans un plan d'action,
les violences sexuelles sur le même pied que l'intimidation, parce que c'est
une problématique qui est très spécifique et qui a des enjeux très spécifiques
en ce...
M. Drainville : ...cohabiter?
Ça ne peut pas... Mme, excusez-moi.
Mme Chénier (Justine) : Non,
ça ne cohabite pas. Désolée.
M. Drainville : Je comprends
que c'est une problématique différente de l'intimidation, mais il me semble
qu'on peut avoir un plan de lutte qui se... comment dire, s'attaque au
phénomène de l'intimidation et au phénomène des violences sexuelles. L'un
n'exclut pas l'autre, là.
Mme Chénier (Justine) : Malheureusement,
non, ce n'est pas possible, parce que les violences sexuelles méritent des
stratégies puis des ressources qui leur sont propres. C'est des enjeux qui sont
différents de l'intimidation. On n'est pas sur la même racine des violences.
Ça, c'est une première chose.
• (17 heures) •
Deuxième chose, dans le regroupement des
CALACS, nous, on a le programme Empreintes, qui est un programme qui a été
développé en collaboration avec une chaire de recherche à l'UQAM, qui est
d'ailleurs financé par votre gouvernement, le Secrétariat à la Condition
féminine, qui est un programme de prévention dans les milieux scolaires et dans
les écoles du Québec. Dans le fond, on a des intervenantes qui vont venir
donner des ateliers de formation, sensibilisation aux élèves, au personnel
scolaire, mais aussi aux parents. Dans le fond, c'est un programme en six
étapes qui est donné dans vraiment beaucoup d'écoles. Puis, nous, actuellement,
on voit plusieurs enjeux qui émergent, avec nos relations, là, dans les écoles,
que la loi permettrait de répondre. Premièrement, quand on rentre dans les
écoles, il y a beaucoup de... c'est des choses qui sont documentées, là,
notamment...
17 h (version non révisée)
Mme Chénier (Justine) : ...par
la chaire de recherches. Ma collègue Caroline, c'est son programme, elle va
pouvoir le commenter. Il y a quand même une certaine réticence des directions d'école
à nous permettre d'aborder ces problématiques-là. On... aussi en parallèle, c'est
des... nous, on cumule des données là-dessus, là, c'est très statistique, on
voit vraiment une augmentation marquée quand on va donner les programmes de
formation dans les écoles, des demandes d'aide de la part des adolescents et
des adolescents. Je ne sais pas si, Caroline, tu avais quelque chose d'autre à
rajouter sur Empreinte.
Mme Dépault (Caroline) : Oui.
Bien, notamment aussi ce qui est important de savoir pour le programme
Empreinte, c'est l'élément qu'on a le plus de difficulté à donner en ce moment,
c'est la formation au personnel scolaire, pour toutes les raisons qu'on
connaît, la situation scolaire actuellement est difficile, mais reste que c'est...
le personnel scolaire constitue une partie importante du programme pour réussir
à enrayer les violences sexuelles dans le milieu scolaire.
Vous avez mentionné tout à l'heure qu'en
effet il y a eu une addition dans le plan de lutte à l'intimidation et à la
violence puis il est maintenant demandé aux écoles de créer leur propre plan en
matière de violence sexuelle, qui inclut une formation obligatoire pour la
personne scolaire. Ça, c'est vrai. Par contre, il n'y a aucune modalité qui est
précisée, il n'y a pas de durée par rapport à cette formation-là, à quelle...
la formation doit durer combien de temps? À quelle fréquence elle doit se
répéter pour s'assurer de rattraper tout le personnel qu'il y a au cours d'une
année avec le grand roulement de professeurs? Il n'y a pas non plus la
fréquence à laquelle elle doit être donnée. Donc, tout ça permet finalement à
une école de dire : Bon, bien, nous, on a donné une formation à notre
personnel, oui, ça a été obligatoire, on l'a fait une heure sur le midi quand
les profs sont relativement disponibles. Donc, pour nous, ça, c'est quand même
un grand écueil actuel, parce qu'une formation d'une heure en violence
sexuelle, on a le temps d'aborder pas grand-chose, on a à peine le temps de
donner la définition de ce qu'est une violence sexuelle.
Donc, pour nous, il y a des éléments qui
ont été ajoutés, mais ce n'est pas suffisant, notamment parce qu'il y a d'une
part, comme Justine l'a dit, la violence sexuelle ne peut pas être mise sur le
même pied que la violence de manière générale ni sur le même pied que l'intimidation,
et aussi parce qu'il y a très peu de balises finalement qui ont été mises dans
le plan de lutte contre l'intimidation et la violence, ce qui fait que les
écoles sont un peu... peuvent un peu faire ce qu'elles veulent et que ça risque
de créer des situations qui sont très... qui ne sont pas uniformes. Il y a un
risque que des écoles développent des plans super et d'autres non. Finalement,
ce n'est pas équitable pour les écoles... pour les élèves à travers la
province. Et le principe d'égalité des chances n'est finalement pas mis de l'avant
parce qu'on s'en remet aux écoles à développer les procédures qu'elles jugent
les meilleures pour leur école. Tandis qu'avec une loi-cadre, bien là, on vient
mettre des bases qui sont communes à tout le monde, on vient s'assurer de l'imputabilité
des écoles de manière uniforme à travers la province.
M. Drainville : O.K. Très
bien. Bien, écoutez, ça met fin à mes questions. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions du côté du gouvernement? M. le... Ça va? D'accord.
Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonsoir. Merci de participer à nos travaux. Évidemment, vous
comprendrez que mon ancienne collègue Hélène David avait déposé une loi-cadre
en enseignement supérieur, avec des montants aussi qui étaient alloués, et ça a
été fait assez rapidement, dans la foulée du scandale #moiaussi, et ça a été
très bien accueilli dans le monde universitaire et collégial, et c'est toujours
aujourd'hui valide et le souhait de plusieurs qui sont venus aujourd'hui et
aussi hier disaient qu'effectivement une loi-cadre permettrait vraiment de
chapeauter le tout.
Aujourd'hui, ce n'est pas le mécanisme qui
est choisi par le gouvernement, donc nous, on doit travailler avec qu'est-ce
qui nous est offert. Est-ce que vous accueillez quand même favorablement cette
étape? Parce que nous, dans l'autre législature, pendant quatre ans, on avait
beau s'époumoner pour demander un avancement de considération puis La voix des
jeunes compte est venu ici à Québec rencontrer le ministre avec des élèves qui
ont été victimes, d'autres qui ont été témoins, qui ont accompagné les victimes
et qui ont porté pendant six ans, ces jeunes femmes, ce projet de voir un jour
naître, un, un intérêt politique, mais, deux, que ce soit concrétisé dans une
loi-cadre. Est-ce que vous accueillez quand même favorablement cette étape qui
est une avancée par rapport à l'autre législature où est-ce qu'on avait
constamment une fin de non-recevoir?
Mme Chénier (Justine) : Merci,
Mme la députée. Donc, en fait, nous, c'est sûr, on est un groupe national en
violence sexuelle, on a des programmes de prévention dans les milieux scolaires,
donc c'est vraiment notre cheval de bataille. Comme on l'a mentionné un peu
plus tôt dans notre présentation, les CALACS, ils sont en place depuis les
années 70.
Ceci étant dit, actuellement, dans le
projet de loi, tu sais, on est satisfaits de voir un intérêt politique d'adresser
la...
Mme Chénier (Justine) : ...question
des violences sexuelles en milieu scolaire, primaire et secondaire,
particulièrement si on y va dans une vision de... Si on forme, on fait de la
prévention auprès de nos jeunes, bien, on a une chance de poursuivre la lutte
contre les violences sexuelles et puis l'enligner dans une certaine direction.
Actuellement, le p.l. no 47, moi, de la façon que je l'ai lu avec ma
collègue, mais aussi avec le collectif de La Voix des jeunes... il ne mentionne
pas la question des violences sexuelles de façon explicite. Et puis il y a
quand même certaines lacunes qu'on a relevées durant l'analyse et qu'on vous a
partagées un peu plus tôt. Donc, en fait, en ce sens, on accueille
favorablement l'intérêt politique du ministère de l'Éducation à traiter de la
problématique, mais actuellement le projet de loi no 47... on traite des
problématiques de violences sexuelles, mais ce n'est pas nommé. Donc, on émet
quand même certaines réserves, comme on l'a mentionné au début, à le... à
l'appuyer publiquement. On considère que c'est une mesure qui est insuffisante.
Et c'est ça notre position d'organisation.
Mme Rizqy : ...même
surprise parce que dans le mémoire du ministre déposé au Conseil des ministres,
la partie qui est accessible, évidemment, là, il nomme neuf fois violences à
caractère sexuel, mais dans le projet de loi zéro. Alors, c'est ça que je pense
qu'on devrait quelque part l'inscrire pour savoir qu'en fait on donne suite à
plusieurs enquêtes ainsi qu'une enquête générale qui porte sur les violences à
caractère sexuel dans les écoles. Est-ce que vous êtes du même avis?
Mme Chénier (Justine) : Bien,
actuellement, la question que, nous, on se pose, et puis c'est une question
qu'on a quand même pris la peine de poser un peu plus tôt, Caroline, tu pourras
compléter, c'est qu'en ce moment on est... on ne va pas en profondeur pour
traiter la problématique, alors qu'on voit qu'il y a une opportunité. Pourquoi
ne pas adopter la loi-cadre directement, dès maintenant et commencer à
travailler autour de ça? Il y a déjà eu deux projets de loi qui ont été
déposés. Donc, vraiment, là, les violences sexuelles ont besoin de solutions
qui sont spécifiques. Actuellement, la... le projet de loi ne s'articule pas
autour de ça, même s'il y a de l'intérêt derrière, mais il faut que l'intérêt
se concrétise en actions et en actions concrètes. Et c'est ça qu'on attend.
Mme Rizqy : Oui, mais...
Mais l'avis, je le partage, là. Vous comprendrez que là, nous, on n'est pas au
gouvernement et qu'ils sont 89. Ils ont une double majorité. Alors, nous, on va
travailler avec qu'est ce qu'on a sur la table. Et là, moi, si j'ai le projet
de loi no 47 que... où est-ce qu'on essaie de mettre le maximum
d'amendements dans le cadre de ce projet de loi, vous... Puis je veux aussi,
évidemment, on a... Je ne peux m'empêcher de saluer le travail de Loriane puis
Mélanie qui... Elles l'ont fait, bénévolement. On va se le dire très
franchement, eux, quand elles recueillent des témoignages des jeunes, la
première chose qu'elles m'ont dite, c'est qu'il y a des jeunes élèves qui ne
savent même pas qu'elles sont en fait victimes de violence sexuelle. Et ça,
c'est assez troublant de ne même pas savoir que le geste qui a été posé est
quelque chose qui est totalement inacceptable, inadéquat et même criminel. Puis
vous, à CALACS, j'imagine que c'est la même chose, que des fois les gens
doivent vous appeler pour juste savoir, est-ce que, oui ou non, je suis victime
d'une violence à caractère sexuel?
Mme Dépault (Caroline) : Oui,
totalement. Puis je suis avec le programme de prévention. En fait, justement,
dans les CALACS, on la nomme. Et après, quand on passe dans les écoles, il y a
une augmentation des demandes de la part des... de la part des jeunes dans ces
écoles-là. On voit que de passer faire de la prévention, ça permet aux jeunes
de comprendre qu'est-ce que la violence sexuelle, puis... Ah! Bien, j'en vis.
Qu'est-ce que je peux faire avec ça? Et puis depuis aussi quelques années, on
voit une augmentation des demandes d'aide de la part des jeunes. Avant, les
CALACS recevaient un profil type de victimes, des femmes plus âgées qui avaient
vécu de la violence sexuelle dans leur enfance.
Donc, il y a... Les manières de venir en
aide à ces femmes-là étaient différentes, là. C'est... Un jeune qui a vécu
la... de la violence sexuelle récemment en milieu scolaire, il côtoie son
agresseur parce que c'est soit un membre du personnel scolaire ou un jeune.
Donc, c'est sûr que du côté des CALACS, ça amène aussi un changement dans la
manière qu'on... qu'on vient en aide à ces victimes-là. Puis c'est sûr que de
passer dans les écoles, on le voit, ça... ça aide, mais évidemment ce n'est
pas... ce n'est pas suffisant non plus. Il faut des balises de sécurité, il
faut que les écoles puissent être imputables, il faut des solutions pour que
les... les élèves puissent se sentir en sécurité puis puissent savoir
clairement quoi faire si jamais ils en vivent également, ce qui n'est pas le
cas en ce moment. Puis, bien, comme on l'a dit, ce qui... C'est sûr que
c'est... Toutefois, ce n'est pas idéal en ce moment, mais, pour nous, ce n'est
pas suffisant, les... le projet de loi no 47 et les changements qui
seraient apportés, comme le plan de lutte à la violence et à l'intimidation.
Mme Rizqy : Tantôt, on a
eu le privilège d'avoir Mme Claire Beaumont, vraiment, avec un mémoire.
Puis le ministre a une question qui disait : Est-ce qu'on est rendus là au
Québec, à s'interroger si, oui ou non, la...
Mme Rizqy : ...main sur une
épaule pourrait être quelque chose à caractère sexuel. Puis elle avait
répondu : Attention, là, il y a du contexte. Ça va... ça va dépendre, là,
de quoi il est question.
• (17 h 10) •
Et ça m'a rappelé quelque chose qui est
arrivé à l'université. Une de mes camarades de classe, Natalie, était vraiment
troublée. Je lui ai dit : Qu'est-ce qui est arrivé? Elle dit :
Écoute, Marwah, c'est tellement bizarre, il a passé ça maintenant mon dos, le
prof, le chargé de cours. Bien, c'est ça, c'est que, tu sais, c'est remettre en
contexte. Est-ce que c'est approprié ou pas approprié, et dans quel cadre que
ça a été fait? Puis là, c'était en fait dans une préparation d'entrevues dans
le cadre d'une course aux stages, donc le... complètement pas en matière de
bienveillance. Et c'est pour ça que je trouvais ça très à propos ce qu'elle
disait. Tu sais, de dire : Oui, qu'est ce qui est bienveillant puis qu'est
ce qui ne l'est pas? Ce qui peut être un geste des fois anodin, dépendant d'un
contexte, peut ne pas être anodin. Alors, je pense qu'on a encore beaucoup de
travail à faire, au Québec, pour vraiment donner des exemples aux gens, puis
d'aller faire de l'éducation pour s'assurer que même le jeune comprenne
qu'est-ce qui lui arrive. Puis il y a une notion que c'est Mélanie Lemay qui me
l'a apprise, de tout ce qui est du «grooming», je ne connaissais pas ça. Mais
honnêtement, je trouve que c'est quelque chose qu'on devrait vraiment en parler
plus, parce que c'est vrai que, des fois, le prédateur sexuel ne va pas arriver
avec ses grands sabots, il s'installe tranquillement. Mais il faut voir les
signes avant-coureurs, puis il faut alerter le jeune avant qu'il soit pris dans
son engrenage. Et je me pose la question : Avons-nous assez de ressources?
Puis honnêtement, j'ai l'impression que non. Puis je suis contente de vous
avoir, CALACS, parce que j'aimerais... je vais vous donner beaucoup de temps,
là, maintenant. Je vais arrêter de parler parce que je veux que vous me donniez
vous, qu'est ce que vous, vous entendez? Qu'est-ce que vous, là, les signaux de
détresse que vous recueillez? Puis des fois, quand vous n'êtes pas capable de
tout répondre, là, c'est quoi votre frustration, à la fin de la journée, quand
vous n'êtes pas capable de dire : O.K., j'ai eu le temps de répondre à
tout le monde correctement?
Mme Chénier (Justine) : Bon,
pour ce qui est, par exemple, du «grooming», ce qui est intéressant, c'est que,
tranquillement, on est en train d'intégrer évidemment, nous, le terme français,
là, à nos services. C'est le pédo... pédo... pédo... coudon, le pédopiégeage, pardon,
excusez-moi, et c'est la traduction française, et c'est quand même, tu sais,
des phénomènes qui sont assez communs.
Au niveau de ce qui est observé dans nos
centres, c'est sûr qu'il faut ramener quand même, une certaine situation qui
est particulière. Et nous, au Regroupement des CALACS, on est à plus d'une
vingtaine de membres actifs, de membres répartis à travers la province, qui ont
des réalités régionales qui leur sont propres. Et puis ça, c'est quand même un
élément qui est assez important à considérer, chaque région a ses propres
réalités, tu sais, qu'on parle d'accès aux soins... aux soins... d'accès aux
soins de santé, c'est quand même un élément qui est assez majeur au niveau des
personnes survivantes. Par exemple, quelqu'un qui vit une agression sexuelle,
c'est quoi les problématiques qu'elle va et observer ou enregistrer pour
justement aller chercher de l'aide? Aussi, dans nos centres mêmes, on est quand
même des organisations communautaires. Les CALACS, c'est ça, c'est important de
ne pas le perdre de vue. Donc, on est quand même aux prises avec des enjeux en
lien avec le financement, des listes d'attente assez importantes. Il y a des
CALACS qui ont des listes d'attente pour obtenir des services de plus de un an.
Ce qui est quand même assez frustrant aussi que, je pense, qu'on observe au
niveau de nos centres, c'est que tant au niveau des dossiers prévention,
sensibilisation, mais aussi des dossiers en défense de droits, c'est qu'on est
un... on est le seul groupe national en violence sexuelle au Québec, donc on
porte vraiment plusieurs chapeaux, puis on observe vraiment beaucoup d'enjeux,
puis on voit en même temps les ressources et qu'on a s'amenuiser justement
parce qu'on est des organisations communautaires qui ont des enjeux de financement,
puis on... Donc, voilà, je laisserais ma collègue Caroline poursuivre.
Mme Dépault (Caroline) : Oui,
bien, je voulais revenir aussi sur l'exemple que vous donniez, Mme Rizqy, sur
la main sur l'épaule. C'est des commentaires que... un peu dans le même sens,
on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire, et tout passe par la
prévention. C'est souvent des... des choses que le personnel scolaire amène
quand on fait la formation auprès du personnel scolaire avec Empreintes, puis
c'est... justement, c'est très contextuel, mais c'est important d'avoir ces
discussions-là puis de démystifier ça avec les adultes qui entourent nos jeunes
pour qu'ils comprennent que, bien oui, il y a des choses qu'ils peuvent se
garder une gêne parce qu'on ne sait jamais non plus comment ça peut être reçu.
Et il y a toujours une relation de pouvoir entre le personnel scolaire et les
jeunes.
Aussi un enjeu qu'on rencontre, on l'a
nommé, c'est difficile d'aller donner la formation au personnel scolaire dû à
la réalité dans les écoles, au roulement, etc. C'est pour ça que l'élément de
formation personnel scolaire qui est mentionné dans les plans de lutte contre
l'intimidation et la violence, selon nous, est insuffisant parce qu'on le sait
il y a tellement roulement... il y a tellement de roulement au sein du
personnel scolaire que de dire on va faire une formation aux deux ans sur
l'heure du midi. Ça va durer une heure on va manquer la moitié finalement du
personnel scolaire qui passe dans l'école...
Mme Dépault (Caroline) : ...à
travers l'année, parce que ça change quasiment à chaque mois, on sait bien.
Puis aussi, quand on passe dans les écoles, on le voit, puis ça, ça a été...
c'est une problématique qui a été relevée par nos centres, on va faire des
animations dans les classes, c'est en secondaire II, III et IV, principalement,
puis les jeunes sont très réceptifs, ça va bien. Parfois, c'est sûr, on
rencontre des commentaires... des commentaires misogynes ou des commentaires
qui entretiennent la culture du viol...
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant.
Mme Dépault (Caroline) :
...mais ça vient aussi des professeurs et, parfois, ça vient vraiment passer
toute l'animation puis la prévention qu'on vient faire. Donc, c'est important,
vraiment, de s'intéresser, là, au personnel scolaire, en matière de formation.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je crois savoir que le ministre aimerait reprendre son temps de parole, il
reste six minutes, et que...
M. Drainville : Je prendrais
seulement deux minutes puis je laisserais la balance de l'enveloppe à ma
collègue de Mercier.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a consentement de la part des membres?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
d'accord. Alors, allez-y, M. le ministre.
M. Drainville : Oui. Je
voulais juste préciser, pour les gens qui nous écoutent, là, je pense que c'est
important que les gens le sachent, de rappeler que «le conseil d'établissement
qui adopte un plan de lutte contre l'intimidation et la violence doit prévoir
une section distincte du plan de lutte qui doit être consacrée aux violences à
caractère sexuel», là. Ça, je pense que c'est important. Cette section-là doit
prévoir, en plus des éléments prévus... alors, je cite la loi, là, «doit
prévoir, en plus des éléments prévus à l'alinéa... les éléments suivants,
c'est-à-dire : des activités de formation obligatoire pour les membres de
la direction et les membres du personnel et aussi des mesures de sécurité qui
visent à contrer les violences à caractère sexuel. Un document qui explique le
plan de lutte contre l'intimidation et la violence est distribué aux parents.
Ce document doit faire état de la possibilité d'effectuer un signalement ou de
formuler une plainte concernant un acte de violence à caractère sexuel au
protecteur régional de l'élève».
Et j'ajoute à cela, c'est important de le
rappeler, que, quand on a créé le Protecteur national de l'élève, on a prévu
une voie rapide, une voie directe au protecteur national dans les cas de
violences sexuelles. Donc, je pense que c'est important... si on est pour faire
le portrait global du filet de sécurité qui protège les élèves en matière de
violence sexuelle, je pense que c'est important de noter ces éléments-là.
Alors, je termine là-dessus. Je cède la parole, Mme la Présidente, avec votre
accord, à la députée de Mercier.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le ministre. Mme la députée, vous avez huit minutes.
Mme Ghazal : Très bien. Bien,
merci. Merci beaucoup pour votre présence. Je ne sais pas si vous voulez réagir
à ce que le ministre vient de dire, le fait qu'il y ait, dans le plan de lutte
contre les violences... il y a une section pour parler des violences sexuelles
plus spécifiquement, est-ce que ça vous satisfait, comme expertes en matière de
violences sexuelles?
Mme Dépault (Caroline) : Bien,
comme on l'a dit précédemment, ce n'est pas suffisant, selon nous. Encore une
fois, les modalités de, par exemple, la formation, les balises ne sont pas
nommées. Chaque école, finalement, est libre de monter son propre plan. On a vu
des cas super, exceptionnels de plans, mais on sait que ce n'est pas la réalité
de toutes les écoles non plus, qui ont... les ressources qui ont souvent accès
à des ressources pour les aider. Pour monter ces plans-là aussi, ça prend des
ressources financières. Parfois, on sait que les écoles aussi, ce n'est pas
toujours le cas. Donc, on voit surtout le risque d'iniquité d'une ressource à
l'autre, puis finalement c'est les élèves qui en paient le prix si le plan est
très peu développé, peu accessible malgré qu'il ait été distribué, si la
formation n'est pas assez... Bref, le filet est là, mais, selon nous, il
comporte encore beaucoup de trous pour qu'il soit suffisant pour réellement
assurer la sécurité des jeunes.
Mme Ghazal : Puis, tu sais,
vous l'avez vraiment bien expliqué, puis vous étiez ferme là-dessus, c'est
qu'on ne peut pas mettre violence de façon générale et dire : Bien, ça
inclut aussi les violences sexuelles, puis qu'on va en traiter un petit peu, il
faut qu'il y ait quelque chose de plus complet, là, concernant les violences
sexuelles, parce que ça ne vient pas... comment vous comment vous avez dit ça,
de la même racine de la violence, je pense, vous avez dit ça comme ça.
Puis vous avez lu... je n'ai pas vu que
vous aviez votre mémoire, vous avez lu un document, est-ce que c'est possible
de le déposer à la commission, l'envoyer, comme ça, on pourrait l'avoir, tout
le monde pourrait avoir votre point de vue par rapport à ça? Puis, moi, en
fait, je suis comme vous, j'aurais aimé qu'on soit en train d'étudier le projet
de loi no 397 que j'ai déposé, qui a été déposé pour une deuxième fois. Puis il
y a plusieurs organisations aussi qui ont demandé qu'il y en ait un clair,
spécifique, de la même façon qu'il y en a aussi pour les cycles supérieurs,
c'est sûr et certain, mais ce n'est pas ce projet de loi là qu'on a devant
nous. Pourtant, des fois, le gouvernement, il va appeler des projets de loi,
des oppositions. Ça n'arrive pas souvent. En ce moment, il y a l'étude d'un
projet de loi d'une de mes collègues, que c'est elle qui l'a déposé, le 495, un
projet de loi sur l'accaparement des terres, puis, en ce moment, il y a
l'adoption du principe. Donc, ça peut arriver qu'un parti d'opposition dépose
une loi, puis que le gouvernement...
Mme Ghazal : ...l'appelle.
Donc, j'imagine, on ne sait pas, il faut... Moi, je vais continuer à talonner
le ministre, comme je l'ai fait précédemment, pour dire qu'il faudrait qu'il y
ait une loi-cadre spécifiquement pour les violences à caractère sexuel.
• (17 h 20) •
Par... Est-ce que... Est-ce... Vous avez
parlé du programme Empreinte, est-ce que, dans ce programme-là... comment...
est-ce qu'il est présent dans plusieurs écoles? Je comprends que c'est quelque
chose de volontaire, il y a combien d'écoles qui s'en font prévaloir? Puis
comment est-ce qu'on peut donner... vous donner une réelle place, les CALACS,
et un pouvoir d'agir dans les écoles, plus concrètement? Peut-être nous en
parler un peu plus, de ce programme-là, est-ce qu'il est suffisamment connu,
suffisamment implanté dans différentes écoles, etc.
Mme Dépault (Caroline) : Oui.
C'est un programme qui a été monté en collaboration avec des chercheurs à l'UQAM,
dont Manon Bergeron, Martine Hébert, puis qui est financé depuis... depuis 2018
avec le secrétariat à la Condition féminine. Mais on n'a pas le nombre d'écoles
qui ont été rejointes parce qu'on y va plus par nombre de jeunes et nombre du
membre de personnel scolaire. Mais pour l'année 2021-2023, on avait
86 000 jeunes... 86 000 jeunes qui ont été rejoints par le
programme. Et, en fait, les écoles qui sont... les régions qui sont couvertes
par le programme, c'est celles qui ont un CALACS membre, donc c'est environ
26 CALACS, donc 26 régions qui sont couvertes. Il y a quelques-unes
au Québec, malheureusement, qui ne reçoivent pas le programme Empreinte. Puis
ensuite, ça dépend aussi, bon, bien, est-ce que les écoles sont ouvertes à
recevoir le programme, est-ce que... Il y a des régions qu'il y a énormément de
demandes pour la taille du CALACS, tandis qu'il y a des CALACS qui attendent
seulement d'être appelés par les CALACS de... par les écoles de la région.
Malheureusement, il y a certaines écoles qui sont fermées à ce que des
ressources en violence sexuelle viennent dans leurs écoles malgré qu'on sait
qu'il y a des cas de violence sexuelle dans ces écoles-là. Donc, la... ça varie
beaucoup.
Mme Ghazal : Mais ça, ça me
préoccupe, quand vous dites qu'il y a des écoles... parce que j'en ai aussi
entendu parler, il y a des écoles qui ne veulent pas vous avoir à l'intérieur.
Est-ce que vous pouvez en parler plus, de ce phénomène-là? Moi, je le trouve
extrêmement inquiétant, qu'un organisme comme vous, on nous ferme les portes en
disant : Ah! chez nous, ça n'existe pas, alors qu'on sait pertinemment,
vous le dites que vous le savez, qu'il existe des cas. Peut-être nous en parler
un peu plus puis du fait... C'est d'où aussi l'intérêt d'avoir une loi. Bien,
une loi, c'est obligatoire de mettre en place des actions puis d'avoir les
ressources. Puis une des ressources, bien, ça serait les CALACS aussi pour
mettre en place les éléments d'une loi, qui l'exigerait, une loi-cadre.
Mme Dépault (Caroline) : Exactement.
Puis je voulais juste faire un petit retour rapide sur l'idée de violence
versus violence sexuelle. Un cas un peu qui est peut-être parlant de ça,
pourquoi c'est important de vraiment faire une loi qui est spécifique, c'est
que, par exemple, dans un cas de violence générale, on peut s'imaginer que
parfois, dans un processus de régler le conflit ou quoi que ce soit, les élèves
vont peut-être être amenés à en parler ensemble dans un bureau pour tenter de
régler la situation. En matière de violence sexuelle, en fait, c'est que les
élèves ne devraient pas se retrouver dans un même bureau, la victime avec
l'agresseur, pour essayer de régler la situation, d'avoir les excuses de
l'agresseur. On s'entend que ce n'est pas la situation... ce n'est vraiment pas
une situation qu'on recommande, qui est idéale. C'est pour ça qu'au niveau
violence, violence sexuelle, il faut traiter ça de manière différente.
En ce qui concerne la difficulté à entrer
dans les écoles, il y a beaucoup de raisons. Des fois, c'est parce que les
écoles disent qu'elles ont une ressource à l'interne, donc une sexologue qui
s'occupe de la prévention dans leurs écoles. Quand on sait que la sexologue,
elle couvre 14 écoles primaires, une dizaine d'écoles secondaires sur une
région de plus de 100 kilomètres, donc on s'imagine que, bon, bien, ce
n'est peut-être pas... ce n'est peut-être pas réaliste, en fait, que la
ressource à l'interne fasse, en effet, tout le... tout le travail de la
prévention en plus du travail de soutien en plus des autres cas qui l'occupent.
Mme Ghazal : Puis j'ai une
question, là : Comment ça fonctionne? C'est-à-dire que, quand l'école
dit : Ah! je ne veux pas vous avoir, est-ce que c'est quelqu'un du
personnel scolaire qui contacte un CALACS pour dire : on aimerait...
Comment ça fonctionne pour que vous sachiez qu'il y a des écoles qui le
fassent? Est-ce que c'est documenté, que... quelles écoles le font ou quelles
écoles le refusent? Oui.
Mme Dépault (Caroline) : C'est
documenté. Bien, on le sait plus parce que nos CALACS nous en parlent, de leur
réalité régionale, mais aussi, c'est qu'on est en année transitoire, en fait,
entre l'ancien plan d'éducation à la sexualité et le nouveau cours CCQ. Donc,
actuellement et avant, c'est qu'il y a des profs, par exemple, qui invitaient
les CALACS dans leur classe pour venir parler de violence sexuelle, parce que,
bon, bien, c'était la réalité de tous les profs et aucun prof en même temps.
Avec le cours de CCQ, ça change un peu, puis c'est le professeur de CCQ qui va
faire l'éducation à la sexualité, qui va parler de violence sexuelle, qui
amène... d'autres enjeux par rapport à ça. Donc, parfois, c'est un professeur
qui va appeler à...
Mme Dépault (Caroline) : ...qui
va appeler le CALACS pour dire : Ah! ça serait intéressant que vous
passiez dans ma classe. Parfois, c'est la direction. Parfois, c'est le CALACS
qui contacte l'école pour dire : Bon, bien, nous, on offre un programme
clé en main, on vient former votre personnel scolaire, on s'adresse aux parents
également. Puis il suffit que l'école a eu une situation qu'ils veulent garder
sous silence... Ah! non, on ne veut pas que vous rentriez parce qu'il y a un
potentiel explosif. Et nous, on sait déjà aussi qu'à l'école il y a plusieurs,
plusieurs cas de violences sexuelles à cette école-là, mais... une omerta.
Mme Ghazal : Bien, moi, ça...
ça, je trouve ça vraiment, vraiment problématique...
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant.
Mme Ghazal : ...cet
élément-là que vous amenez, là. Puis aussi, bien, on n'a pas le temps, là, de
parler du cours CCQ versus celui qui était là avant, concernant l'éducation à
la sexualité, mais on pourrait aussi développer là-dessus aussi, sur la
différence.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Merci beaucoup. Merci infiniment pour votre contribution à nos travaux de la
commission.
Donc, moi, je suspends les travaux pour
accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 26)
17 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 17 h 31)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite la bienvenue à
notre dernière intervenante de la journée.
Donc, Mme Mélanie Lemay,
co-fondatrice du Mouvement Québec contre les violences sexuelles. Donc, Mme Lemay,
je vous rappelle que votre temps de parole est de 10 minutes pour nous
présenter votre exposé. Suite à cela, nous procéderons aux échanges avec les
membres de la commission. Alors, je vous cède la parole.
Mme Lemay (Mélanie) : Bonjour
à vous et merci pour l'invitation. Je m'appelle Mélanie Lemay, je suis
étudiante au doctorat en sociologie et co-fondatrice de Québec contre les
violences sexuelles ainsi que pour co-coordonnatrice de La voix des jeunes
compte.
Concrètement, en ce qui concerne le hockey
et le football, j'ai été témoin, pendant une bonne partie de ma jeunesse et ma
vie professionnelle, des conséquences de l'omerta et de la culture du silence.
Quand Facebook s'est popularisé en 2007, il n'y avait aucune littérature
entourant le phénomène du catfishing et pratiquement aucune loi ou
jurisprudence entourant la violence en ligne. Cette forme de cyberimposture, en
français, vise entre autres à se fabriquer une fausse identité en ligne pour
tromper quelqu'un dans une fausse relation. Néanmoins, dans ma situation, une
tierce personne, dont la mère avait d'ailleurs été mon orthopédagogue quand j'avais
huit ans, avait crée un faux profil avec mon visage afin d'entrer en contact
avec l'équipe locale de junior majeur. Rapidement, avec la complicité et le
chantage de sa mère qui me menaçait ouvertement via la DPJ de me retirer ma
famille si je ne coopérais pas, j'étais contraint de produire de la
pornographie juvénile. Je venais tout juste d'avoir 14 ans. L'équipe
savait que j'étais mineure et elle s'en fichait, tout cela émanait de leur
demande. L'un d'eux a même joué dans la NHL, il était un héros local. Ce dur
épisode de ma vie m'a désensibilisé quant aux dangers qu'il y avait autour de
moi. Et même si je n'ai jamais été trafiquée, j'étais à deux doigts d'être
exploitée. Ce degré de violence, avec la complicité d'une intervenante, me
hante encore aujourd'hui. Cependant, par mes propres moyens, j'ai réussi à fuir
cet environnement toxique et j'ai changé de région pour étudier ailleurs au
cégep. Malheureusement, ma route a de nouveau été abîmée par d'autres personnes
mal intentionnées.
En effet, l'agression sexuelle violente
que j'ai vécue à 17 ans est une expérience devenue expertise que je n'ai
pas choisie. Je la vis et je la peaufine, faute de pouvoir l'effacer, et c'est
pour illustrer le phénomène de victimisation secondaire que je continue de
témoigner. Cette agression par un presque inconnu a été coordonnée en
complicité avec deux amis en qui j'avais confiance. Ils étaient tous membres de
la même équipe de football de celle de mon agresseur. Ils m'avaient convié à un
«after party» chez ce dernier, que je ne connaissais à peine, auquel ils ne se
sont jamais présentés. Ses amis n'ont donc pas participé à l'acte en tant que
tel, mais ils ont été complices, en plus d'avoir participé au camouflage et au
harcèlement continu, avec le soutien d'autres membres de l'équipe, dont j'ai
fait l'objet. Suite au dévoilement de cette situation, une personne que je
croyais être une amie... cette dernière, ayant été violée par le même gars l'année
précédente, a divulgué mon histoire sans mon consentement à l'un des capitaines
de l'équipe qui a eu l'effet d'une bombe. Les adultes en position d'autorité
ont par la suite tenté, avec leurs pouvoirs institutionnels, de taire mon
histoire et j'ai été directement témoin d'autres jeunes filles qui, elles
aussi, furent silenciées dans d'autres dossiers, puisque l'image et la réputation
de l'établissement étaient plus importantes que nos vies. Je n'ai jamais pu
étudier en droit en raison de l'impact sur mes résultats scolaires, même si c'était
mon rêve.
«Oui, je t'ai violée, so what? Je l'ai
fait parce que je dois te rappeler que tu n'es rien d'autre qu'une plotte qu'on
baise puis que tu n'es personne ici. Moi je suis un gars de foot, puis si tu n'arrêtes
pas d'en parler avec mes parents, on va te poursuivre, ils sont au courant».
Ces mots, c'est mon agresseur qui me les a dits lors d'une soirée où un cercle
s'est formé autour de nous et on m'a obligé à lui serrer la main. Il m'a
entraîné dehors pour me menacer pour la énième fois. Du haut de ses 19, 20 ans,
il savait déjà que l'argent, la justice et le pouvoir étaient de son bord. Je l'avais
enregistré, mais ce soir-là, on m'a volé mon téléphone. Ces textos, menaces de
harcèlement, de lui en train de se masturber ou les preuves de mes demandes
répétées pour qu'il me fiche la paix se sont envolées. Je suis vite devenue la
risée du cégep dans mes tentatives pour le retrouver, mais c'était peine
perdue. Le... que tout le monde me renvoyait était que j'exagérais et que je
semais le drame partout où que j'allais.
L'énergie du désespoir m'a poussé à
contacter la police pour une première fois. J'ai parlé du cellulaire volé, de
ce qui s'était passé, mais j'ai été coupé au milieu de mon récit pour me faire
demander, sur un ton accusateur, c'est-tu ton ex? Parce que si oui, ça serait
vraiment bas d'essayer de te venger comme ça. Sur le moment, j'ai figé. Mon
réflexe a été de raccrocher. Quelques mois plus tard, quand j'ai repris tout
mon petit change pour les contacter à nouveau, le policier m'a dit, au bout du
fil : C'est bien triste ce qui t'est arrivé, mais tu réalises-tu que tu
vas détruire sa vie si tu portes plaine? À l'époque, j'avais 17 ans et
tout ce que je croyais être vrai jusqu'à là était mort à mes yeux. J'ai compris
que la vie ne valait rien à côté de la sienne, ou plutôt de sa carrière
présumée. Et lui aussi, il le savait. C'est d'ailleurs ce qui lui permet...
Mme Lemay (Mélanie) : ...en
toute quiétude et de bander si fort.
Quelques années plus tard et suite à mon
passage à Tout le monde en parle, le chef de police de la ville où j'habitais
m'a convoquée à son bureau, insulté que j'aie dévoilé sur la place publique ce
qui m'était arrivé. Il était en compagnie de son responsable aux
communications. Il m'a fait croire que ma posture témoignait de mon incapacité
à passer à autre chose. Aujourd'hui, je sais que cette rencontre était un
piège, et c'est celui qu'on tend aux victimes, qui les pousse à croire que leur
point de vue n'est valide que si leur agresseur a été déclaré coupable.
L'histoire qu'on ne dit pas, là-dedans, dans ce scénario, ça... c'est que ce
scénario relève de l'exception plutôt que de la règle. Le DPCP a d'ailleurs
maintenu, dans une rencontre où je contestais la décision de ne pas aller à
procès, qu'il préfère avoir des milliers de coupables en liberté qu'un seul
innocent en prison. Je peux comprendre pour les délits mineurs, mais, en cas de
crime contre la personne, un agresseur peut faire plusieurs victimes au courant
de sa vie, et des alternatives mériteraient d'être trouvées. Combien de vies
brisées pour maintenir en place la réputation de toutes ces institutions?
J'ai d'ailleurs allégué, dans une plainte
déposée à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, que j'ai
été violée une deuxième fois pendant la déposition enregistrée de ma plainte
lorsque l'enquêtrice m'a demandé de m'imaginer à quatre pattes à terre et de
revivre à plusieurs reprises et sous différentes variations mon viol. J'étais
contrainte de le faire, car il s'est agi prétendument de techniques d'enquête.
Cette situation humiliante et dégradante m'a fait perdre tous mes moyens. La
procureure me l'a d'ailleurs reproché par la suite, non sans me rappeler que ça
minait ma crédibilité ainsi que ma capacité à passer à travers un procès. Elle
m'a aussi dit que j'avais menti en prétendant que mon agresseur n'avait pas eu
de conséquence puisque supposément il n'avait pas pu jouer au football
universitaire en raison du stress qu'aurait suscité en lui ma dénonciation.
Ce que j'en tire comme conclusion, c'est
qu'aux yeux de cette procureure la valeur de ma vie passait après la carrière
potentielle ou plutôt le privilège de ce violeur multirécidiviste, parce que,
oui, j'ai reçu d'autres témoignages, à faire partie d'une équipe sportive. Le
plus étonnant, c'est que ce dernier aurait reconnu pendant l'enquête qu'il
avait effectivement séquestré et étranglé avec mes clés, mais que c'était pour
me rapprocher romantiquement de lui. Ainsi, même s'il l'a avoué et que j'ai
encore la marque de ses ongles gravée sur mon avant-bras, la procureure et
l'enquêtrice m'ont toutes deux dit que c'était ma parole contre la sienne, ce
qui est un mythe, soit dit en passant, en vertu du Code criminel. Et, si la
plainte avait été retenue, l'avocat de la défense aurait eu accès à cette vidéo
et mon agresseur aussi. D'ailleurs, s'il le souhaite, il peut toujours obtenir
une copie de ces dépositions filmées et notamment me poursuivre au civil s'il
juge que je le diffame. Ma déposition lui appartient. De mon côté, je n'ai pas
le droit d'y accéder ni aucun autre recours. Même la CDPDJ m'a avisée
formellement qu'elle n'était pas le bon véhicule pour déterminer le caractère
systémique des violences faites aux femmes.
Être confrontée à tant d'incohérences
soulève des questions, surtout que, dans aucun manuel scolaire, on ne nous
explique comment survivre à un violeur, à la victimisation subséquente, ni même
à comment poursuivre une vie par après. C'est pour ça que je parle de tout ça
aujourd'hui. Je suis un exemple vivant des failles de nos lois actuelles et je
refuse d'avoir vécu tout cela en vain. Et ce n'est pas le p.l. no 47... le
ministre, ni le Protecteur national de l'élève qui auraient fait une
différence. Leurs rôles ne sont que symboliques. Ils ne contribuent pas à la
sensibilisation ou à la prévention de ces violences. On est sur le... elles ne
parviennent pas non plus à mettre en place des ressources supplémentaires de
soutien et d'assistance pour les jeunes, les témoins et leurs familles.
Soumettre des élèves à de telles embûches bureaucratiques les expose
inutilement à diverses formes de victimisation, mais complique aussi la
procédure. En conséquence, ça risque d'entraver des enquêtes, voire même de
contaminer des éléments de preuve qui pourraient s'avérer déterminants pour ce
type de crime.
Selon l'information recueillie par le
rapport d'enquête concernant l'école Saint-Laurent, il n'existe pas de
mécanisme officiel pour le partage d'informations entre les fédérations
sportives, les établissements d'enseignement, le gouvernement, les mécanismes
de traitement des plaintes. Par conséquent, des plaintes peuvent être déposées
à l'une ou l'autre de ces instances, notamment en utilisant Je porte plainte,
sur le site de Sports Aide, sans que les autres parties en cause en soient
informées. Un entraînement... un athlète peut donc accumuler les signalements
concernant des comportements inacceptables sans jamais faire l'objet d'un
examen approfondi ou particulier. Le cadre juridique actuel permet aux
équipes-écoles, aux directeurs d'école, aux centres de services scolaires
d'ignorer les lois québécoises en matière de protection de la jeunesse, et ce,
en toute impunité.
Jusqu'à maintenant, la réponse du
gouvernement a toujours été de multiplier les enquêtes, les... et les
mécanismes inadaptés qui se dédoublent au devoir de dénoncer au service de
police et à la DPJ. Le protecteur de l'élève et l'officier des plaintes n'ont
pas l'autorité nécessaire pour contraindre les agresseurs à un cessez d'agir.
Ils n'ont pas l'expertise non plus pour apporter guérison et réparation aux
victimes ainsi qu'à leurs proches. Souvent, ce qui prédomine dans le discours
populaire mais qui n'a aucun fondement juridique réel, c'est que le droit à la
vie privée prime sur le droit à la sécurité ou à la liberté d'expression des
jeunes victimes. Je crois qu'il faut redéfinir le sens même de ce qu'on veut
protéger. Personnellement, je crois que ça ne devrait plus être l'image ou la
réputation d'une organisation ou d'une institution, mais plutôt l'intégrité des
jeunes. Par ailleurs, des athlètes et des élèves signent régulièrement des
ententes de confidentialité. Il y a des avocats et des juristes derrière ces
pratiques, et les barreaux de toutes les provinces devraient s'engager à mieux
encadrer la profession. Que les entraîneurs soient affiliés ou non ou que les
enseignants soient titulaires d'un brevet d'enseignement ou pas, quel que soit
le casier judiciaire des individus, l'actualité a vastement démontré que ces
formes de violence sont souvent négligées ou minimisées, qu'elles aient été
judiciarisées ou pas.
• (17 h 40) •
Plus que jamais, le pédopiégeage,
«grooming», doit être officiellement reconnu comme un acte dérogatoire. Il en
est de même pour les violences psychologiques et celles exercées en ligne.
Certains tournois ont lieu dans différentes régions ou provinces et...
Mme Lemay (Mélanie) : ...des
compétitions sont aussi organisées à l'international. Il est urgent de
redéfinir le sens même de l'excellence sportive et ses valeurs, et surtout la
sécurité qui est offerte aux élèves et aux athlètes. De toute évidence, il va
falloir élargir notre vision pour faciliter l'accès à la justice et à la
réparation. Il faut aussi veiller à ce que les mesures soient applicables, que
l'événement ait eu lieu à l'école comme à l'extérieur, car les répercussions se
font autant sentir sur les bancs d'école qu'à la maison.
Ça commence par des mesures simples,
telles qu'abolir les codes vestimentaires, qui ne sont que des terrains
glissants pour toutes sortes de dérives, comme on l'a vu dans l'espace public,
ou encore s'assurer de ne pas complexifier les processus de plaintes par des
mesures inadaptées aux besoins réels des jeunes. Tout ajout ou modification
législative devrait permettre des espaces sécuritaires, intégrés, spécialisés
et respectueux sur le plan culturel. Ça doit rassembler les différents services
d'aide tout en unissant les différentes perspectives et approches
thérapeutiques dont les victimes ont besoin pour être véritablement placées au
cœur du processus.
La Présidente (Mme Dionne) : En
terminant, Mme Lemay.
Mme Lemay (Mélanie) : Il me
reste 30 secondes. Je crois qu'il est franchement naïf d'imaginer que c'est un
simple code d'éthique qui va empêcher un agresseur de passer à l'acte ou
d'exercer une pression sur sa victime pour qu'elle se taise ou la punir d'avoir
dénoncé. Vous semblez sous-estimer le degré de violence auquel les jeunes sont
quotidiennement exposés, et, à mon avis, il s'agit d'un problème fondamental en
matière de droits de la personne. Merci de m'avoir écoutée.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, Mme Lemay, pour votre exposé. Nous allons débuter les échanges avec
les membres de la commission. Donc, M. le ministre, c'est à vous la parole.
M. Drainville : Oui. Bien,
merci pour votre témoignage, Mme Lemay. Je suis vraiment profondément désolé de
ce qui vous est arrivé, là, je veux que vous sachiez que je compatis avec ce
que vous avez vécu et je suis très sensible aux douleurs et aux blessures que
ces agressions vous ont apportées, là. Et donc je comprends que vous ayez décidé
de donner un sens, d'une certaine manière, à ces agressions, pour faire en
sorte que ce que vous avez vécu n'arrive pas ou n'arrive plus à d'autres femmes
comme vous, là. Et donc je comprends tout à fait que vous ayez décidé, donc, de
vous engager dans ce combat, là, pour mieux protéger les élèves contre les
violences sexuelles.
J'ai posé cette question-là tout à l'heure
au groupe qui vous a précédée. Pour les gens qui ne sont pas nécessairement
familiers comme vous de ces questions ou de ces enjeux de violence sexuelle, si
vous deviez résumer en quelques points ce qu'une loi-cadre changerait dans le
fonctionnement, dans le quotidien d'une école ou dans le quotidien d'un réseau
scolaire... J'ai vu, là, dans votre mémoire, une description quand même assez
élaborée des différentes mesures que cela impliquerait, mais je vous
demanderais de vous concentrer peut-être sur les deux ou trois principales
mesures qu'une telle loi-cadre produirait comme effets.
Mme Lemay (Mélanie) : Bien,
la plus importante, selon moi, c'est que ça oblige les directions d'école et
les commissions scolaires à rendre des comptes sur l'état réel des violences
sexuelles dans les écoles. En ce moment, on n'a pas un portrait global, malgré
le protecteur de l'élève. Selon moi, le fait qu'en ce moment il nomme qu'il y a
14% des plaintes qui sont en violences sexuelles, ce n'est pas suffisant ni
représentatif de ce qui se passe véritablement sur le terrain. Pourquoi? Parce
qu'on constate que les commissions scolaires vont parfois pousser vers la
sortie des individus qui commettent des gestes de violence sexuelle. Ça va se
traduire après vers un glissement dans une autre école, exactement comme on
faisait avec les curés qui sentaient l'eau chaude, autrefois, dans les
paroisses. Ça fait que, moi, ça, déjà, c'est un argument béton.
Le deuxième, c'est que ça vient créer des
mécanismes et des outils concrets. Ça vient avec du financement à la clé pour
créer un changement de culture. Donc, une loi-cadre, ce n'est pas une finalité
en soi, c'est une ligne de départ pour toute une série d'initiatives qui
doivent être englobées. Et on l'a nommé plus tôt, dans la précédente
commission, que ça participe aussi à faire naître des initiatives. Et, si ça
peut sauver juste une seule personne de l'horreur d'avoir à vivre avec des
agressions sexuelles, bien, moi, je pense que c'est des efforts qui en...
méritent qu'on s'y attarde.
M. Drainville : Vous avez
parlé de 14 %. Est-ce que... Le son n'est pas parfait, alors je m'excuse
si je n'ai pas bien compris. C'est bien 14 %?
Mme Lemay (Mélanie) : Oui,
bien, ce que le...
Mme Lemay (Mélanie) : ...de
l'élève a mis dans l'espace public...
M. Drainville : Ah, oui, tout
à l'heure. Hier, en fait. Oui, oui, oui, bien sûr. Bien sûr, oui. Mais le fait
que le protecteur ait témoigné et ait souligné le fait qu'il y a quand même une
proportion, à peu près une plainte sur sept, là, qui lui est acheminée, qui
porte sur les violences sexuelles, ça, c'est déjà une indication à la fois du
fait que c'est un phénomène important, mais aussi du fait qu'on commence en,
comment dire, en dessiner les contours, on commence à voir cette réalité-là, on
commence à la documenter, d'une certaine manière, à travers les plaintes qui
sont acheminées au protecteur de l'élève.
Mme Lemay (Mélanie) : C'est
une jeune fille sur trois avant l'âge de 16 ans qui va vivre un premier
geste de violence à caractère sexuel. C'est un garçon sur 10...
M. Drainville : Une sur
trois, vous avez dit?
Mme Lemay (Mélanie) : Avant
l'âge de 16 ans.
M. Drainville : Avant l'âge
de 16 ans?
Mme Lemay (Mélanie) : Oui.
M. Drainville : O.K. Puis...
Mme Lemay (Mélanie) : Puis
entre la... à 80 % des agresseurs, et toutes ces statistiques-là se
retrouvent dans le document que je vous ai envoyé, vont commettre leur premier
geste de violence sexuelle en étant mineur. Ça fait qu'on constate qu'il y a
vraiment un besoin, si on veut éviter de se retrouver avec toute une
trajectoire de vie... qui vit avec les impacts et les conséquences. Moi, j'ai
fait une section dans mon mémoire qui traite, entre autres, des conséquences
physiologiques. Il y a même un annexe qui permet, en fait, de démontrer
qu'est-ce qui se passe chez un jeune qui subit cette violence-là sur une
trajectoire de vie. C'est quoi les impacts qui vont se cristalliser? Ça veut
dire qu'il y a la déscolarisation, ça veut dire qu'il y a des jeunes qui se
retrouvent dans une posture où finalement on doit aller vers eux. Puis les
jeunes femmes, ça peut prendre jusqu'à le quart, c'est... ça prend 13 ans
avant qu'elles décident de dévoiler la première fois. Puis les hommes, ça peut
prendre jusqu'à 40 ans pour des événements vécus dans mon enfance. Ça fait
que c'est pour ça, selon moi, que l'école est un incontournable pour faire de
la prévention et de la sensibilisation, ne serait-ce que par respect à tous ces
jeunes-là qui se retrouvent enfermés dans des murs de silence.
M. Drainville : D'accord,
mais tout à l'heure, vous avez parlé de... d'un phénomène qui se produit dans
les dans le réseau scolaire, qui ressemble un peu à celui du temps des curés
déviants qui se promenaient d'une paroisse à l'autre dès que... dès qu'ils
sentaient la soupe chaude ou dès que des paroissiens les dénonçaient. Donc,
vous devez vous réjouir quand même, là... Malgré toutes ces imperfections que
vous avez soulignées, vous devez quand même vous réjouir du fait qu'il y a dans
le projet de loi n° 47 des mesures qui vont faire en sorte justement que ce
sera possible dorénavant pour un centre de services scolaires qui voit un prof
arriver, qui vient donc postuler, ce sera possible, pour le centre de services
scolaires qui voit arriver cette candidature, d'obtenir le dossier de
l'enseignant, là, mettons que c'est un enseignant, d'obtenir le dossier de
l'enseignant auprès du premier centre de services scolaires pour savoir s'il a
commis des gestes ou s'il a eu des comportements pouvant mettre à risque la
sécurité physique ou psychologique des élèves. Ça, il me semble que c'est une
avancée, là, si je... si je pars du propos qui est le vôtre, là.
Mme Lemay (Mélanie) : Bien,
c'est certain. Mais en même temps, moi, ce que je me questionne c'est pourquoi
ce n'était pas déjà en place dans la mesure où on a eu, entre autres dans
l'espace public parce que je vais nommer des situations publiques,
comparativement à celles aussi que j'ai reçues en privé et qui n'ont pas
nécessairement fait l'objet de reportages, parce que vous seriez encore plus
effrayé, selon moi, par l'horreur de ce qu'on entend. Mais, entre autres, il y
a quelqu'un qui s'est faufilé pendant des années, qui était un... qui avait été
condamné pour... comme pimp. Et moi je pense que, malheureusement, on sous
estime en réalité comment il y a des réseaux de la criminalité qui sont bien
implantés dans différents espaces un peu partout au Québec, qui bénéficient du fait
que, ces jeunes-là, il y a toute une dynamique de violence qui s'installe. ÇA
fait que, si vous me demandez spécifiquement sur, si oui ce petit volet, là, de
votre projet de loi est convaincant ou satisfaisant, je ne peux pas m'y
opposer. Ça, c'est du gros bon sens. Mais est ce que je me questionne,
c'est : Comment se fait-il en fait qu'il n'y a pas non plus la volonté de
s'assurer que, tout au long du lien d'emploi, il va y avoir aussi des
vérifications? Puis ce n'est pas une finalité non plus, les antécédents
criminels. Comme j'ai mentionné plus tôt, ce n'est pas toutes les situations
qui vont être judiciarisées. Ça fait qu'il faut trouver des dynamiques et des
perspectives qui vont permettre finalement une meilleure capacité de dépister
et d'aider les jeunes qui ont...
Mme Lemay (Mélanie) : ...vécu
ces violences-là, parce que c'est un peu l'objet de mon mémoire aussi, c'est
d'ajouter tous les contextes qui expliquent pourquoi ce n'est pas facile de
dénoncer.
• (17 h 50) •
M. Drainville : Encore une
fois, je reconnais, là, que vous jugez le projet de loi bien insuffisant, mais
j'essaie de trouver des points d'accord entre vous et moi, là, de la même
manière que le fait que dorénavant les clauses d'amnistie vont faire en sorte
que les fautes commises par, par exemple, un enseignant qui a posé des gestes
répréhensibles qui mettaient à risque la sécurité physique ou psychologique
d'un élève, de tels gestes vont demeurer au dossier de l'enseignant, j'ose
croire que c'est une avancée, c'est un pas dans la bonne direction dans votre
esprit, n'est-ce pas? Ça... C'est une bonne mesure qui, sans être... sans aller
aussi loin que ce que vous souhaitez, est quand même une avancée positive.
Est-ce qu'on peut dire ça?
Mme Lemay (Mélanie) : Bien,
moi, je pense que, si on garde un lien d'emploi avec quelqu'un qui a commis des
gestes à caractère sexuel sur un mineur en proximité d'autres jeunes, moi,
personnellement, ce n'est pas une avancée, là, ça revient un peu à qu'est-ce
que vous acceptez d'ajouter comme définitions dans votre projet de loi. Et moi,
sincèrement, je préfère, à la limite, aller vers la création d'un projet de loi
à part entière qui serait dédié aux questions des violences sexuelles que de
faire des compromis tièdes qui passent à côté, finalement, de la cible.
M. Drainville : Oui, mais Mme
Lemay, je ne pense pas qu'on... Quand vous dites de garder quelqu'un à l'emploi
du réseau, alors qu'il a commis des gestes d'agression, si je vous ai bien
comprise, je n'ai pas dit ça, là, moi, là, au contraire, là. Quelqu'un qui
commet une agression sexuelle ne reste... ne doit pas rester à l'emploi, c'est
même criminel, là, rendu là, là. Alors, je ne sais pas, là, peut-être que... Je
ne sais pas ce qui vous amène à dire que cela est ma position ou notre
position, ce n'est pas du tout notre position, là. Moi, ce que je vous dis,
c'est qu'actuellement les conventions collectives locales font en sorte que
quelqu'un qui pose un geste qui est répréhensible, qui est condamnable, un
geste d'inconduite sexuelle, par exemple, peut, au terme d'une période de
quelques mois, voir cette faute grave disparaître de son dossier, et ce que je
vous dis, c'est que le projet de loi prévoit que ça ne disparaîtra plus de son
dossier, et j'ose croire que pour vous c'est une avancée positive.
Mme Lemay (Mélanie) : Mais,
si ça ne disparaît pas de son dossier, ça implique qu'il y a encore un lien
d'emploi, puis, moi, c'est ça que je vous expliquais, c'est que, de mon côté...
Je vais vous poser la question à l'envers : Comment se fait-il, quand
votre collègue Jean-François Roberge était à l'opposition et qu'on traitait de
la question David en commission parlementaire, comme on le fait en ce moment...
il m'a posé la question explicitement, il m'a dit : Mme Lemay, pensez-vous
que les protections garanties par le p.l. 151, qui est désormais la loi David,
22.1... est-ce que ça devrait s'appliquer aux écoles primaires et secondaires?
Ma réponse était un oui sonnant. Ce que je ne m'explique pas, c'est pourquoi,
malgré le fait que vous êtes majoritaires, que ça fait quand même plusieurs
années que vous êtes bien installés au pouvoir... qu'est-ce qui bloque dans
votre parti pour faire en sorte qu'on ne puisse pas l'avoir, cette loi-là,
alors qu'il semblait y avoir un consensus assez important, et encore
aujourd'hui, dans l'espace public, sur la nécessité d'avoir une loi-cadre?
M. Drainville : Bien, il n'y
a rien qui bloque. Notre position, nous, puis la mienne en particulier, c'est
que, si on prend les éléments du protecteur national de l'élève, si on prend
l'obligation pour chaque établissement de se donner un plan de lutte qui
comprend une section dédiée aux violences sexuelles, si on ajoute à ça le plan
d'action contre les violences et l'intimidation que j'ai déposé avant les fêtes,
si on ajoute à ça le projet de loi n° 47 qui est devant nous aujourd'hui, si on
additionne tous ces éléments-là, ça constitue, à notre avis... puis je
comprends qu'on a un désaccord là-dessus, mais ça constitue, à notre avis, un
dispositif de sécurité très solide pour bien protéger nos élèves dans les
écoles contre les violences et en particulier contre les violences à caractère
sexuel. Ça, c'est notre position. Donc...
Mme Lemay (Mélanie) : Donc,
si j'entends bien, il y a une volonté...
M. Drainville : ...qu'on ne
soit pas d'accord... En démocratie, on n'est pas obligés d'être...
M. Drainville : ...d'accord
sur tout, mais je pense que, quand on additionne tous ces éléments-là, il y a
là un filet de sécurité qui me semble sérieux et qui me semble important, donc
pour bien protéger nos élèves dans les écoles du Québec.
Mme Lemay (Mélanie) : Donc,
si j'entends, il y a une volonté de votre gouvernement de veiller à ce que, par
exemple, à la prochaine étude de crédits, on puisse s'assurer qu'une partie des
fonds fédéraux qui viennent pour l'implantation du plan d'action national pour
l'élimination des violences fondées sur le genre doit être dédiée... dans le
cadre de la stratégie dédiée par le Québec ou définie par le Secrétariat à la
condition féminine, de s'assurer finalement que cette année, il va enfin y
avoir des crédits d'alloués pour prévenir les violences sexuelles dans les
écoles, exceptionnellement. Parce que l'année passée, malheureusement, je pense
qu'on a eu accès à des documents qui nous ont démontré qu'il y avait 0 $
qui avait été investi. Ça fait que j'imagine que cette volonté-là de votre
gouvernement de faire plus va se traduire aussi dans des nouveaux
investissements massifs. Parce qu'on s'entend d'une région à l'autre, l'accès
aux soins et à l'aide pour les jeunes victimes d'agressions sexuelles n'est pas
réparti de façon équitable.
M. Drainville : Bien là, Mme
Lemay, vous me demandez ce que contiendra le prochain budget. Comme vous le
savez, le prochain budget est un exercice confidentiel. Alors, lorsque le
prochain budget sera rendu public, on pourra en discuter. Mais chacune des
mesures, dont je vous ai parlé, sont accompagnées de moyens financiers, là, ce
n'est pas juste des mesures qu'on annonce sans qu'il y ait des moyens
financiers qui sont conséquents.
J'ai mon collègue, Mme la Présidente, le
député de Vanier-Les Rivières qui souhaiterait intervenir.
Mme Lemay (Mélanie) : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui.
Merci, M. le ministre. M. le député, la parole est à vous.
M. Asselin : ...Mme Lemay,
simplement quelques mots pour vous dire que j'ai trouvé que vous... vous avez
démontré beaucoup d'aplomb, et, comme ex-directeur d'école, je suis fier
d'avoir entendu votre témoignage.
Mme Lemay (Mélanie) : Merci
beaucoup. C'est très gentil.
M. Drainville : ...
M. Asselin : Oui...
M. Drainville : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Ça
conclut? O.K. Parfait. Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à
Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci beaucoup.
Mme Lemay, vous êtes une femme très courageuse, qui porte ce dossier depuis
maintenant plusieurs années. Merci beaucoup pour votre engagement pour cette
cause, mais aussi d'avoir été, je vais le dire ainsi, la dépositaire de
plusieurs confidences un peu partout au Québec, de plusieurs jeunes qui sont
venus... pas venus, mais qui vous ont appelés, vous puis La voix des jeunes
compte, pour raconter leur désarroi. Et surtout comment qu'elles se sentent,
seules, même s'ils elles ont parlé.
Et aujourd'hui, je vais vous poser une
première question, oui, le protecteur national de l'élève existe, mais comment
explique-t-on qu'il y a encore beaucoup de jeunes au Québec qui se tournent
vers vous, vers la CALACS et vers La voix des jeunes compte qui est...
malheureusement, les jeunes filles, après six ans de bénévolat, ont décidé
d'exister de façon différente, mais se tournaient aussi La voix des jeunes
compte pour pouvoir parler. Alors, je sais que ça fait juste à peine six mois
que le Protecteur national de l'élève existe, mais il n'en demeure pas moins
que votre téléphone continue à sonner, ainsi que celui de la CALACS.
Mme Lemay (Mélanie) : Entièrement,
parce que qu'est-ce qui manque, dans le réseau scolaire, en ce moment, c'est un
corridor de services intégré dans le quotidien des gens, pour pouvoir absorber
tous ces témoignages-là. C'est d'abord des visages qui sont familiers, qui sont
réconfortants. Parce que le jeune, peut-être qu'il pourrait avoir un lien très
fort avec son coach ou avec quelqu'un qui est de confiance à l'école. Puis,
moi, ce qui m'a... ce que je trouve vraiment décevant, en fait, c'est que c'est
un besoin qui est réel. Ce n'est pas quelque chose qui est un caprice, on veut
une loi-cadre pour avoir une loi-cadre. On veut des moyens à la clé. On veut la
création d'un réseau qui va venir en aide aux jeunes. Parce qu'à l'heure
actuelle, on a des CALACS qui peuvent prendre des jeunes filles de 12 ans
et plus, mais on fait quoi avec les garçons? On fait quoi avec les jeunes qui
n'ont pas encore atteint 12 ans?
Ça fait que, moi, c'est ce que je me
questionne, c'est : Comment se fait-il que c'est si compliqué d'avoir une
réponse claire? Puis ce n'est pas juste des enfants qui ont besoin de soutien,
ça va être les familles aussi de ces jeunes là, puis, pour les enfants aussi,
qui ont des comportements sexuels problématiques, ou les jeunes aussi qui ont
commencé à poser certains gestes d'agression sexuelle à l'adolescence. Moi, je
pense que c'est un endroit fort, l'école, pour faire une différence, puis, si
on veut être cohérent avec le mouvement MeToo, il faut commencer à planter des
graines dès la petite enfance.
• (18 heures) •
Mme Rizqy : Vous parlez de
services intégrés, puis tantôt vous parliez, que, dans une première... avoir
raccroché dans une première tentative de porter plainte et d'avoir pris un
certain temps avant de rappeler. Pour retrouver votre courage de pouvoir...
18 h (version non révisée)
Mme Rizqy : ...continuer à
faire une dénonciation.
La ligne cruauté animale est disponible 24
h sur 24, sept jours sur sept, au Québec, cruauté animale. Puis, moi, j'ai un
chien, puis j'ai toujours eu des chiens, puis honnêtement, je trouve ça très
important. Comment qu'on explique qu'au Québec, un jeune qui veut dénoncer doit
le faire entre 8 h et 4 h 30, mais pas entre 12 h et 1 h parce qu'on est fermé?
Et j'essaie de comprendre. Il me semble que la victime, là, on ne sait pas
quand est-ce qu'elle va avoir le courage de dénoncer. Puis est-ce que c'est
normal qu'elle peut se buter à une boîte vocale?
Mme Lemay (Mélanie) : On est
dans le secret des dieux. Parce que, moi aussi, je n'ai pas de réponse à une
telle incohérence. Selon moi, ça fait juste témoigner de toute la culture du
silence autour des jeunes. Tu l'as... vous l'avez mentionné plus tôt aujourd'hui,
des fois, ils ne sont même pas capables de l'identifier, qu'ils ont été
victimes de quelque chose. Parce que, malheureusement, l'arme du crime, chez
les mineurs, c'est beaucoup le chantage émotionnel, c'est la confiance, le de
créer un lien privilégié avec le jeune qui va faire en sorte que,
tranquillement, ses défenses vont baisser. C'est rarement des inconnus. C'est
des gens qu'ils vont côtoyer à l'école, dans les milieux de jour... des camps
de jour. Ça fait que c'est ça que je trouve triste, en fait, et décevant, c'est
que la violence ne va pas s'exprimer pareil chez un jeune comparativement aux
personnes adultes. Puis, malgré tout, dans le cadre des travaux du tribunal
spécialisé, il n'y a même pas eu la réflexion, pendant les travaux, à
réfléchir, bien, comment on peut aussi s'assurer qu'il y a une concomitance
entre ce qu'on est en train de faire aujourd'hui pour les adultes et ce qu'on
fait vivre aux jeunes. Demain matin, un jeune dévoile une agression sexuelle,
on ne va même pas l'accompagner, on ne va même pas l'aider. On va tout de suite
appeler la police. Ils vont se retrouver un peu coincés dans toutes sortes de
rouages.
Moi, ce que je me demande, c'est pourquoi
on ne fait pas mieux, en fait, pour s'assurer aussi que ces jeunes-là puissent
recevoir de l'aide. Des fois, c'est la première étape. Ça ne veut pas dire qu'on
va reporter le dévoilement, mais on peut-tu s'assurer qu'ils puissent le faire
d'une façon qui ne sera pas revictimisante et traumatisante? C'est ça que je me
demande, en fait, c'est : Qu'est-ce qui reste à expliquer, dans quelle
langue pour que ça puisse finalement atterrir puis devenir finalement une
ressource qui est cohérente pour tous les jeunes du Québec?
Mme Rizqy : Dites-moi, est-ce
que c'est normal qu'on couvre les élèves à l'école, mais pas les élèves
athlètes, alors qu'ils pratiquent leurs sports à l'école?
Mme Lemay (Mélanie) : Puis
moi, ce que je me demande, c'est : On fait quoi quand ils partent en
tournoi à l'étranger puis qu'il se passe des incidents? Est-ce que,
soudainement, ils ne sont plus Québécois ou Canadiens? Est-ce que,
soudainement, ce n'est plus la responsabilité de l'école? Moi, il y a toutes
sortes d'incohérences que je ne m'explique pas non plus, dans le monde du
sport. On va pousser à bout certains athlètes, on va les mettre dans des
conjonctures psychologiques qu'on n'accepterait jamais pour un adulte. Moi, je
trouve qu'il y a des situations aussi où il y a des jeunes pour qui ça peut
être un tremplin vers les études supérieures, le fait de performer dans le
sport, et de savoir qu'il y a des gens malveillants qui coupent les ailes à
tellement de jeunes, qui les mettent sous emprise et qui profitent d'un
contexte de vulnérabilité, moi, ça me met hors de moi, en tant que citoyenne,
je suis incapable de rester calme ou impassible, je trouve que c'est d'une
injustice infinie.
Mme Rizqy : Je connais assez
bien le ministre pour pouvoir mettre, des fois, des mots dans sa bouche, de
temps en temps, tantôt, quand on parlait, là, de congédiement, je connais assez
bien le ministre pour savoir qu'en cas d'agression sexuelle, là, c'est un acte
dérogatoire, merci, bonsoir, c'est terminé. Mais il y a des notions qu'on
apprend, nous autres aussi, comme élus, puis, moi, je l'ai appris grâce à vous :
le «grooming», le pédogrooming, puis ce n'est pas nécessairement tout de suite,
hein, qu'on arrive avec des symboles graphiques, mais, si, par exemple, il y a
une dénonciation qui est faite puis qu'on est au début, là, on n'est pas encore
dans une faute qui est assez grave, parce que... là, on se rend compte que, par
exemple, il texte après le souper, 21heures, 22 heures. Là, nous autres, on
considère que, non, non, non, ça, ce n'est pas approprié, mais ce n'est pas une
faute assez grave pour congédier parce qu'il n'a pas encore traversé la ligne.
Je pense que c'est ça qu'il voulait faire référence pour dire : Là, ça va
être dans le dossier et ça va rester dans le dossier.
Parce qu'on se rend compte qu'aujourd'hui,
et ce n'est pas des farces...en ce moment, les amnisties, quelle aberration :
entre six mois et cinq ans, au Québec, selon la convention. Et certains groupes
nous demandent que ce soit eux qui gèrent ça de façon locale. Vous, vous l'avez
vu au niveau universitaire, des gens qui se promènent. Ah! il est arrivé
quelque chose au Vieux-Montréal, on s'en va du Vieux-Montréal, on débarque à
UQAM, et personne ne s'est parlé, le dossier était confidentiel.
Alors, moi, ma question, c'est la suivante :
Si on tient pour acquis qu'on parle d'une faute qui...
Mme Rizqy : ...pas suffisamment
lourde pour le congédiement, mais qui nous... soit drapeau, là, qu'on sait
qu'il y a un drapeau, on le met dans son dossier. Êtes-vous d'accord que ce
soit aussi partagé aussi au niveau collégial et universitaire, qu'on élargisse
cette notion? Parce que ça se peut qu'une fois que, nous, on a fermé toutes les
portes pour cette personne-là au niveau scolaire, bien, elle s'essaie au cégep,
là.
Mme Lemay (Mélanie) : Bien,
regarde, je vais donner un excellent exemple. Au Cégep, tu as des mineurs puis tu
as des majeures qui côtoient le même établissement scolaire. Moi, ça m'est
arrivé, là, d'avoir un prof qui avait tellement bien développé son stratagème
qu'il gardait un matelas dans son bureau. Puis c'était un campus qui était
partagé entre le cégep puis l'université.
Mme Rizqy : Un matelas.
Mme Lemay (Mélanie) : Ça fait
que, quand... problème, quand il s'est passé une dénonciation de cette
ordure-là, bien, imaginez-vous que la solution facile a été de dire : Ah
bien, ce n'est pas compliqué, il va arrêter d'enseigner au cégep parce qu'il y
a des mineurs, mais il va continuer de garder son poste à l'université. Il a
gardé le même comportement après. Ça fait que c'est là où tu te dis :
Comment ça se fait qu'on va créer des climats où... c'était rendu que le
département ou le corps professoral trouvait ça très rigolo, en fait, d'avoir
des aventures avec des mineurs ou avec d'autres étudiantes qui étaient sous
leur gouverne.
Je me souviens que, quand on a traité de
la question de la loi 22.1 en commission parlementaire, il y avait même eu une
sortie, où ça faisait prétendument partie de la liberté pédagogique que de
pouvoir coucher avec des étudiants avec lesquels tu avais un rapport
d'autorité. Ça fait que, moi, je me dis que peut-être que je suis allergique au
contrôle et au pouvoir, mais ça reste que c'est quelque chose, selon moi, qui
mérite une réflexion plus globale. Parce que, malgré tous les mérites qu'elle a
aussi, la loi 22.1, il reste aussi des choses à améliorer. Ça fait que je pense
que les travaux qu'on fait vont certainement bonifier ce qui reste à faire,
mais, à l'inverse, il reste encore du chemin aussi à accomplir pour ce qui est
des écoles primaires et secondaires.
Mme Rizqy : Dans un autre
projet de loi... On regarde, en matière de services de garde, pour, donc... eux
vont plus loin. Ce n'est pas des antécédents, qu'ils regardent, là, donc on
n'attend pas que la personne soit reconnue coupable, on regarde ce qu'on
appelle les clauses d'empêchement, là, ce qui... au fond, vous avez une
accusation puis aussi, par exemple, si ça fait... si c'était dans votre dossier
ou même si, par exemple, vous avez obtenu un pardon, lorsque... question en
matière de violence sexuelle, la clause d'empêchement fait en sorte qu'on doit
dire, vu que vous êtes en contact avec des personnes vulnérables, c'est-à-dire
une personne mineure ou une personne aînée, bien, à ce moment-là, vous ne
pouvez pas travailler avec eux, là, vous avez... dans vos antécédents,
nonobstant votre pardon, ça demeure quelque chose de sexuel qu'il faut
signaler, là. Est-ce que ça, vous, vous êtes à l'aise qu'on aille dans un
amendement comme ça, d'élargir, et aller plus loin, et de le mettre aussi dans
la loi? Parce que c'est marqué, dans le projet de loi, en ce moment, «dans un
guide». Nous, on irait de façon statutaire, aux trois ans, vous devez le faire.
Et aller aussi loin que de voir comment qu'on peut articuler ça avec le
tribunal pour qu'au niveau du DPCP, là, dans les conditions, là, de remise, là,
que ce soit vérifié que la personne l'a divulgué à son employeur. Parce que,
là, en ce moment, ils ont l'obligation de le dire. Il y en a qui ne le disent
pas, alors ils peuvent tomber dans un trou que, pendant trois ans, on ne le
sait pas, qu'il y a eu en fait une cause au niveau criminel qui touche, par
exemple, certains actes.
Puis on a un guide qui nomme certaines
infractions, donc : agression sexuelle, action indécente, sollicitation,
incitation à la prostitution, pornographie juvénile, harcèlement,
l'intimidation, séquestration, menaces, voies de fait, enlèvement. Donc, tu
sais, on pourrait s'inspirer de ce guide qui a été fait par le ministère de
l'Éducation puis dire : Voici, ça, c'est des infractions que, nous, on
juge suffisamment graves, qu'il faut que le tribunal aussi nous le communique,
parce que, si on ne fait qu'attendre que le prévenu nous le dise, on risque
d'attendre longtemps, et c'est basé sur la bonne foi de l'accusé.
Mme Lemay (Mélanie) : Je
pense que c'est de... de ne pas le faire, c'est un peu présumer que ces
gens-là, justement, vont, naturellement, agir de façon adéquate, soudainement,
parce que, là, tout d'un coup, il vient une illumination. Moi, je pense
sincèrement que ça fait... c'est juste le gros bon sens que de s'assurer, en
fait, que ce genre de modèle là puisse, finalement, être utilisé pour le projet
de loi, là. Moi, je pense que tout élément qui peut bonifier mérite d'être
entendu, dont, entre autres, la création d'une loi-cadre, mais ça, c'est un
autre débat, là, je m'excuse.
• (18 h 10) •
Mme Rizqy : Non, mais on est
d'accord. Puis je vais vous dire merci, je vais céder la parole à ma collègue
députée de Mercier. Puis je vais aussi en profiter pour lui dire merci, parce
que, deux fois plutôt qu'une, elle nous a invités dans son comté, avec des
jeunes, pour leur donner, à eux, la parole. Alors, merci aussi à vous d'être le
porte-voix de plusieurs jeunes au Québec. Merci...
Mme Lemay (Mélanie) : ...merci
à vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
excusez-moi, j'étais distraite. Alors, oui, Mme la députée de Mercier, la
parole est à vous, désolée.
Mme Ghazal : Bien, merci.
Merci, merci beaucoup, Mélanie, merci pour... je me permets de te tutoyer, pour
ton éloquence, pour ton engagement depuis tant d'années. Puis tu le disais, à
quel point... Tu ne sais plus dans quelle langue il va falloir parler. Bien,
aujourd'hui, tu as décidé de parler la langue du courage. Puis ce n'est pas la
première fois, ton histoire, ça fait très, très longtemps que tu en as parlé,
puis tu as décidé de le faire pour justement prendre les moyens pour ne plus
que ça arrive puis que ça soit compris par la... par les politiciens, les élus,
mais la société aussi dans son ensemble. Puis d'ailleurs j'invite tout le monde
ici, qui ne l'a pas déjà regardé, de voir le documentaire Pour une culture du
consentement. Je pense qu'il est encore sur Tou.TV, donc, où justement tu
parles de ce que tu as vécu, puis ça, c'est extrêmement important de le dire
puis de le répéter. Il faut le répéter tant qu'il faudra, tant qu'il faudra
pour que ça soit compris, qu'il faut prendre ça à bras le corps. Puis moi, je
ne m'explique pas, de la même façon que toi, que La voix des jeunes compte, que
tous ces jeunes qui portent sur leurs épaules de dénoncer cette situation-là
qui se déroule encore dans nos écoles puis qui risque encore de continuer à se
dérouler, des cas d'agressions sexuelles qui pourraient peut-être ne pas être
dénoncés. Parce que, des fois, les jeunes ne le savent pas, des fois, il n'y a
pas de témoin, etc., malgré la loi qu'on a ici devant nous. Et il existe plein
d'outils un petit peu à gauche et à droite, mais il n'y a rien d'intégré.
Puis pourtant, quand il y a eu le
mouvement Moi aussi, l'ancienne ministre de l'Éducation supérieure a mis en place
une loi pour protéger, notamment, des jeunes adultes dans les cégeps, dans les
universités. Plus récemment, il y a eu les cas d'agressions sexuelles dans
des... dans le monde du hockey, ça a fait les manchettes, on se le rappelle.
Mon collègue le député de Rosemont a demandé un mandat d'initiative. Et la
ministre des Sports a décidé d'agir, puis il y a eu un mandat d'initiative pour
en discuter, pour en... pour parler de ça, pour dire : Comment est-ce
qu'on peut mettre fin aux violences sexuelles, notamment dans le hockey?
Alors là, on a les écoles, les écoles,
c'est un milieu de vie, ce n'est pas juste pour la réussite, pour que les
jeunes aient un métier plus tard, mais c'est aussi un milieu de vie où ils
apprennent toutes sortes de choses, le vivre ensemble, puis aussi un milieu de
vie où c'est important de s'assurer, pas juste de leur réussite, mais de leur
bien-être. Et ça, c'est la moindre des choses. Donc, moi, je suis absolument
convaincue, puis il y a plein de... il y a de plus en plus d'organisations, il
n'y a pas juste La voix des jeunes compte, il n'y a pas juste toi, Mélanie, qui
dites que ça prend une loi-cadre comme celle qui existe pour protéger les
jeunes adultes.
Le projet de loi existe. Ça arrive, je
l'ai mentionné avant, ça arrive des fois que les gouvernements appellent des
projets... c'est très rare, mais ça arrive quand même qu'ils appellent des
projets de loi qui ont été déposés par les oppositions ou qu'ils écrivent
eux-mêmes un projet de loi, une loi-cadre, en s'inspirant par exemple de ce qui
a été fait par les partis d'opposition. Puis, ce que je t'ai entendu dire,
c'est qu'une loi cadre, c'est un point de départ, c'est un point de départ pour
une suite. Peux-tu juste expliquer pourquoi c'est un point de départ? Parce que
ça reste quand même une loi. C'est... c'est sur du papier, c'est sûr que c'est
beaucoup plus fort que, par exemple, un plan d'action. Mais qu'est-ce que tu
veux dire par c'est un point de départ? C'est quoi, la suite?
Mme Lemay (Mélanie) : Bien,
premièrement, c'est de s'assurer en fait que, malgré les codes d'éthique,
malgré les plans d'intervention, malgré toutes les belles choses papier qu'on
peut avoir sur un bureau, ou autres, bien, ça garantit en fait une reddition de
comptes, puis s'assurer en fait qu'à quelque part il y a quelqu'un qui s'assure
qu'on est en train de mettre en branle différentes initiatives, que ce soit de
s'assurer que, dans des périodes fortes de l'année, il y a des intervenants qui
viennent, comme les CALACS avec le programme Empreinte, de s'assurer aussi
qu'il y a des gens comme nouveau cadre, c'est super intéressant, c'est un outil
un peu comme l'art visuel, qui font des immersions où ça entraîne des
discussions en classe avec des sexologues. Il y a plein de choses comme tu le nommes
qui existent dans l'écosystème québécois, mais il n'y a rien, en fait, qui est
étendu de façon égale et équitable à l'échelle du Québec.
Puis je pense que, quand on dit qu'il faut
que ça soit un point de départ, c'est par rapport à un changement de culture,
c'est que, par défaut, en ce moment, c'est la culture du silence qui prône,
c'est la culture du viol, parce que les jeunes apprennent des modèles
inadaptés. Puis aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, les algorithmes, on voit
une montée de la haine en ligne qui n'était pas là avant, puis ces jeunes-là
sont connectés 24 h sur 24 sur leur téléphone. Ça fait que, si on ne vient
pas communiquer avec...
Mme Lemay (Mélanie) : ...de
manière transversale en des contenus qu'il voit en classe. Comment voulez-vous
qu'on fasse contrepoids à toute cette culture-là, en fait, qui est omniprésente
dans leur quotidien? Puis moi, je pense que c'est pour ça aussi que malgré
qu'il y a des nouvelles avancées avec un nouveau cours sur l'éducation à la
citoyenneté, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant pour se dire que ça va
jouer ou ça va devenir un «game changer» par rapport à ce qui s'en vient parce
que, malheureusement, les jeunes grandissent avec des influences d'un peu
partout, ils s'américanisent aussi, puis je pense que c'est décevant sachant
qu'on a une expertise puis des personnes qui sont reconnues à l'international
avec des chaires de recherche pour ce qui est de faire, finalement, un
changement par rapport au... de paradigme. Ça fait que moi c'est un peu ce que
j'ai comme espoir quand j'en parle parce que, quand je m'exprime, je sais que
j'ai peut-être la mèche courte, mais c'est que j'écoute des témoignages de
viols d'enfants qui me viennent à... en esprit, c'est les parents qui sont
complètement impuissants face à une direction. Je pense juste au cas des Pères
maristes qui s'est déroulé à quelques pas du Parlement. Même le ministre il
avait un rapport qui démontrait... qu'il n'avait pas... qu'il avait les mains
liées à l'heure actuelle par rapport aux décisions des directions d'école. Et
même un juge ne peut pas sanctionner un directeur d'école d'empêcher, par
exemple, qu'une jeune ne côtoie pas son agresseur dans sa classe. Et moi, je
trouve ça triste que, par défaut, c'est tout le temps les victimes qui écopent
puis qu'il n'y ait pas davantage d'outils qui sont donnés aux jeunes qui ont
des comportements sexuels problématiques, parce que cette expertise-là, elle
existe ici au Québec, même qu'elle est exportée ailleurs. Ça fait que c'est un
peu ça le sens de mon intervention.
Mme Ghazal : Oui. Puis la loi
qui existe maintenant depuis 2017, je pense, dans les cégeps et les
universités, il y a une évolution, là, puis il y a une... des mesures qui ont
été mises... c'est-à-dire pas des mesures, mais on a mesuré ou on est en train
de mesurer l'implantation un peu partout. Puis j'imagine que ce n'est pas
parfait, ce n'est pas parce que c'est... il y a une loi-cadre que c'est
parfait. Est-ce que ça, c'est quelque chose que tu as suivi? Est-ce qu'il y a des
choses, par exemple, dans la loi, qui existent dans les cégeps et les
universités, que si, à un moment donné, il y a un ministre ou un gouvernement
qui a le leadership de dire : Bon, là, ça suffit, il va falloir qu'on
protège réellement contre les agressions à caractère sexuel, spécifiquement
dans les écoles, puis qui décide de mettre une loi-cadre... des apprentissages
qui peuvent être faits par rapport à ce qui s'est passé dans les cégeps et les
universités?
Mme Lemay (Mélanie) : Moi, le
gros glissant que j'ai vu et qui est très malheureux, c'est que, désormais, on
ne jure que par la formation en ligne des étudiants pour faire une reddition de
compte où on dit : Check, on a envoyé un lien à tous nos étudiants. Ça,
sincèrement, pour moi, c'est une grande peine que je porte, parce que je voyais
les assos étudiantes hyper actives au début, quand c'était foisonnant, quand la
loi venait d'arriver, il y avait des choses où on allait dans des événements...
des partys d'intégration où on donnait des outils ou des stratégies, quand il y
avait de la surconsommation d'alcool, il y avait une fenêtre de temps où on
savait que 80 % des agressions se déroulent dans les huit premières
semaines de cours. Ça fait qu'il y avait beaucoup... il y avait un éveil qui était
très intéressant. C'est sûr que la pandémie n'a pas aidé, mais je trouve que,
dans tous les cas, il y a des initiatives qui sont prometteurs... prometteuses
puis c'est les campagnes où il y a des gens viennent, puis après ça permet de
faire des liens avec les ressources et les organismes parce que ça permet de
s'assurer une continuité dans l'intervention puis que les jeunes ne restent pas
pris avec ça.
Mme Ghazal : C'est ça. Donc,
pas pour les formations en ligne ou... Dans les recommandations, il y a la
recommandation 2 où c'est écrit, dans le mémoire : «de veiller à ce
que l'école devienne des espaces de guérison des différentes formes de violence
systémiques dans le cursus scolaire». Puis ça parle... «et aussi dans les
activités parascolaires. En plus de créer un corridor de services intégrés à
même les milieux de vie des jeunes». Donc souvent, une des critiques, c'est
dire : Bien, le protecteur national de l'élève ne connaît pas le milieu
scolaire, il est à l'extérieur, il n'y a aucun jeune qui va prendre le
téléphone ou texter le protecteur national de l'élève, sauf exceptionnellement.
Mais ça veut dire quoi créer un corridor de service intégré, c'est un peu ce
que tu viens de mentionner tantôt? Est-ce qu'il y a d'autres choses aussi?
• (18 h 20) •
Mme Lemay (Mélanie) : Ce que
je trouve intéressant, c'est par rapport aux autres violences systémiques,
c'est qu'on ne peut pas voir une victime comme étant unidimensionnelle, il y en
a qui sont en situation de handicap, il y en a qui sont issus de l'immigration,
il y en a qui viennent de certaines communautés LGBT ou autres. Ça fait que
c'est sûr que si on a un regard très hétéronormatif, blanc, envers
l'intervention, bien, on ne va pas aller chercher les jeunes qui ne fittent pas
parfaitement dans cette case-là, ils vont rester coincés avec les expériences
de victimisation dans lesquelles ils se situent, ça fait qu'on doit travailler
sur les différentes formes de discrimination qui existent dans notre société
pour qu'on puisse s'assurer, en fait, que tout ce qu'on mettra en place que ce
soit des formations, des nouvelles politiques, des contenus transversaux,
des... tu sais, on s'assure, en fait, qu'il y a une richesse puis il y a une
transmission culturelle qui est faite par rapport...
Mme Lemay (Mélanie) : ...aux
outils puis aux connaissances aussi. Ça fait que c'est pour ça que je le
mentionnais comme ça dans mon mémoire, c'est peut-être maladroit, mais ce que
je veux dire en disant ça, c'est vraiment que les victimes ne sont pas
unidimensionnelles. Elles ont toutes des parcours qui sont des fois complexes,
puis on a besoin de le savoir et de le comprendre pour vraiment venir à la
rencontre des gens.
Mme Ghazal : Puis, dans le
fond, de tenir compte des contextes, des... c'est-à-dire ne pas genre
dire : O.K., on fait une formation, puis c'est du mur-à-mur à tout le
monde, il faut l'adapter aussi au contexte.
Par rapport à la clause d'amnistie,
comment c'est formulé dans le projet de loi, est-ce que c'est satisfaisant pour
toi... pour vous, comment c'est formulé dans le projet de loi? Est-ce que le
fait que ça n'existe... qu'on ne puisse jamais effacer un comportement d'un
prof dans le dossier... dans son dossier d'employé... est-ce que c'est
satisfaisant?
Mme Lemay (Mélanie) : Moi, je
ne pense pas que c'est une mauvaise idée de faire ça, mais là où j'ai de la
difficulté, disons, c'est par comment le fait qu'on ajoute cette mesure-là est
ensuite instrumentalisé ou récupéré...
La Présidente (Mme Dionne) : ...Mme
Lemay.
Mme Lemay (Mélanie) : ...pour
donner l'impression de faire des pas de géant. Donc, c'est plus là où moi, je
mets une nuance, c'est que ce n'est pas satisfaisant juste une mesure. Il faut
que ce soit intégré dans un tout qui est cohérent. C'est pour ça, selon moi, que
c'est bien, on ne peut pas s'y opposer, mais ça reste qu'à la fin de la journée
est-ce que c'est assez...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme Lemay (Mélanie) : ...une
mesure? Non.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Merci beaucoup. Malheureusement, c'est... c'est tout le temps que nous avions.
Merci beaucoup, Mme Lemay, pour la... votre contribution.
Mme Ghazal : ...il restait
combien de temps du ministre?
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le Ministre, il restait huit minutes au temps du gouvernement.
M. Drainville : Oui, mais
moi, je dois m'absenter, Mme la Présidente.
Mme Ghazal : Mais est-ce que
c'est...
M. Drainville : Sachant que
je... Sachant qu'on avait seulement un des deux groupes, là, j'ai prévu
d'autres engagements.
Mme Ghazal : Mais
j'aimerais... Est-ce que... J'aimerais quand même demander...
La Présidente (Mme Dionne) : Posez
votre... Bien, qu'est-ce que vous alliez demander, Mme la députée?
Mme Ghazal : Bien, d'avoir
les... le temps restant du ministre.
La Présidente (Mme Dionne) : O.K.
Ça prend un consentement. Est-ce qu'il y a consentement pour redistribuer le
temps du ministre à la députée de Mercier? Donc, il y a...
M. Drainville : Moi, c'est
impossible... C'est impossible pour moi de rester, là.
Mme Ghazal : C'est huit
minutes, hein?
M. Drainville : Moi, je dois
y aller.
La Présidente (Mme Dionne) : Donc,
il n'y a pas de consentement?
Mme Ghazal : Pas de
consentement pour avoir le huit minutes?
M. Drainville : Pas de
consentement, non, je dois y aller, moi.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
merci beaucoup... Merci beaucoup, Mme Lemay. Donc, avant de conclure les
auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui
n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Et, sur ce, je vous
remercie infiniment pour votre contribution à ces travaux.
Je... Compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux sine die. Merci et bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 23)