(Onze
heures vingt-sept minutes)
La Présidente
(Mme Thériault) : Votre attention, s'il vous plaît! Donc, ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte.
La commission est
réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme)
sera remplacé par M. Lévesque (Chapleau);
Mme St-Pierre (Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee);
Mme Dorion (Taschereau), par Mme Ghazal (Mercier); et
Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Étude
détaillée (suite)
La Présidente (Mme Thériault) : Merci
beaucoup. Donc, aujourd'hui, nous poursuivons l'étude de l'article 35 du
projet de loi. Donc, je suis prête à reconnaître une intervention. Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Oui, Mme la Présidente. Rebienvenue. Vous avez été occupée entre-temps.
Alors là, on revient au projet de loi n° 96, et nous étions... Et merci au
remplaçant, hier, qui, bien, a essayé d'être à votre hauteur, et on disait que
c'est difficile, mais qui a fait un beau travail.
Donc, on revient sur
l'article 46, et l'article 46 où on était en train de discuter et se
poser la question pourquoi c'est le mot
«tâche» plutôt que le mot «poste», et on se pose vraiment toutes sortes de
questions parce qu'on n'est même pas rendu dans les applications des
trois conditions, et ça nous... Déjà, on essaie de voir comment... Et, si nous,
on s'en inquiète, imaginez les entreprises et tous ceux qui sont soumis à cette
loi, qui ne sont pas seulement les entreprises,
mais, pour l'instant, je vais parler plus du volet entreprise, là. On est donc
à se poser des questions sur... admettons que c'est le mot «tâche» plutôt que «poste», mais on verra si ça vaut la
peine d'en discuter plus en profondeur, mais j'imaginais...
Je vais prendre un
exemple fictif, évidemment, d'une PME en Beauce. Alors, il y a plusieurs
députés ici qui sont soit de la Beauce... mais ça pourrait être en Outaouais.
Ça pourrait être dans des régions où, définitivement, l'entrepreneuriat est en
grand développement avec des entrepreneurs extrêmement innovants qui veulent
sortir de la seule région limitrophe, là, ou de leur région plus circonscrite
soit à leur territoire ou à l'ensemble du Québec et qui disent : Non, moi,
il n'y a rien de trop beau, je veux vendre mes fenêtres, je veux vendre... J'ai
visité à peu près tous les... ce qu'on appelle les centres collégiaux de
transfert de technologie, les CCTT, des cégeps, et c'était toujours en lien
avec les entrepreneurs de leurs environs, et c'était... L'ambition des
entrepreneurs était extraordinaire.
Alors, c'était de
l'import-export, c'était de l'achat, de la vente bien en dehors du Québec, et
on est fiers de ça. Et je prends l'exemple de la Beauce parce qu'on le cite
souvent que c'est un endroit formidable, et qu'on veut que nos entrepreneurs
soient heureux, et qu'on veut ne pas, surtout pas, les ensevelir sous trop de
paperasserie, de lourdeur et, presque, des fois, d'impossibilité de répondre...
on verra les trois conditions, mais de répondre aux trois conditions. Ils sont
tous venus nous le dire d'une seule voix.
Donc, je vais donner
un exemple, par exemple, d'une PME en Beauce qui achète des choses hors Québec,
puis ce n'est pas loin, là, d'être hors Québec. Il s'agit d'aller dans une
province canadienne, puis l'Ontario n'est pas si loin que ça, puis les
États-Unis ne sont pas si loin que ça non plus. Et donc il y a une tâche ou un
poste pour les achats puis il y a... pour les fournisseurs, puis il y a une
tâche ou un poste pour les ventes hors Québec, et il peut y avoir une tâche ou
un poste de services à la clientèle, puis il peut y avoir une tâche ou un poste
de contrats qui, automatiquement, doivent être dans les deux langues puisqu'on
fait affaire, par exemple, avec un acheteur ou un vendeur des États-Unis.
Donc, toutes ces
tâches-là pourraient inclure, évidemment, ou être associées à quatre postes ou
tâches, vous voyez que c'est compliqué, à quatre postes ou tâches différents,
de quatre individus assis sur des chaises différentes, et, pour s'assurer que
tout le monde doit être bilingue, puisque... Il y en a un qui achète en anglais
parce qu'il a besoin de fournitures qui viennent des États-Unis. Il y en a un
autre qui va en Ontario, il faut qu'il parle anglais avec son acheteur. Il y a des contrats qui doivent
s'écrire, qui n'est pas nécessairement celui qui fait les achats ou qui fait
les ventes. Puis il y a le service à la clientèle où ça peut être
évidemment des acheteurs ou des vendeurs qui appellent de partout.
• (11 h 30) •
Alors là, évidemment
que l'entrepreneur, le patron de cette entreprise-là va dire : Bien là,
moi, j'ai besoin de quatre personnes différentes qui parlent l'anglais, qui
sont bilingues, je dois afficher quatre postes bilingues. Et, quand on arrivera
aux conditions, bien, ça serait à peu près impossible de répondre à ces
conditions-là. Il faudrait que ça soit quatre personnes différentes. Sinon, il
faut qu'on refasse tout l'organigramme pour dire que la personne bilingue, elle
fait à la fois de l'achat, de la vente, du service à la clientèle parce qu'elle
est bilingue. Mais ça ne marche pas de même dans la vie. Ça ne marchera juste
pas. Puis là je ne parle pas d'une grande entreprise. Je parle d'une entreprise
qui a peut être 20 employés, admettons, ou 25.
Alors
là, je voudrais que le ministre soit... rassure les gens, mais il va falloir
les rassurer avec les gestes qu'on fait, des amendements, je ne sais pas. Parce
que, quand on dit : «même alors, il doit, au préalable, avoir pris tous
les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence», c'est quoi,
ça, les moyens raisonnables, dans mon exemple? Alors, je vais demander au
ministre d'essayer de me clarifier tout ça.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, vous savez, au niveau des emplois, des postes, des tâches, O.K., vous
vous retrouvez dans une situation où vous avez une tâche qui correspond au
poste que vous occupez dans le cadre de votre emploi. Donc, prenons un député.
Bien, c'est une fonction, là, mais supposons, là, qu'on était dans une
situation, là, où c'est un emploi régulier. Je suis à l'emploi de l'État
québécois, mon poste, c'est porte-parole de l'opposition en matière de langue
française, et mes tâches, les tâches que j'ai comme porte-parole de
l'opposition officielle en matière de langue française, c'est de venir en
commission parlementaire, d'étudier le projet de loi, de faire des points de
presse pour souligner à quel point le gouvernement a déposé un projet de loi costaud,
pour souligner que le ministre fait preuve d'ouverture, en consultation, qu'il
travaille en collaboration avec les oppositions et que... pour souligner que le
gouvernement fait preuve de leadership relativement à la protection de la
promotion de langue française. Également, vous
pourriez avoir, dans le cadre de vos tâches... de donner des entrevues,
également, dans le cadre de vos tâches, également, de faire des discours
devant les organismes de défense du français ou d'entendre des citoyens. Donc,
les tâches sont variables en fonction des postes que vous occupez, puis
l'emploi, bien, c'est le lien d'emploi avec l'employeur.
Donc, quand on se
retrouve en entreprise, vous avez un lien d'emploi avec l'employeur, vous êtes,
comme je disais hier, assis sur un poste puis vous avez une série de tâches. Ce
n'est pas différent, là... juste vous dire, Mme la Présidente, ce n'est pas
différent de 46, actuellement, là. Déjà là, le critère de nécessité est à 46,
actuellement, donc il y avait déjà un régime qui fonctionnait de cette
façon-là. Nous, ce qu'on vient faire, c'est qu'on vient rajouter certains
critères pour l'employeur, de se questionner, à savoir : à partir du
moment, là, où je veux exiger, là, la maîtrise d'une autre langue que le
français... Parce que le principe de base, on revient au principe de base,
c'est le marché du travail, au Québec, on a le droit de travailler en français.
Avant d'imposer une exigence, là, dans une offre d'emploi, pour exiger une
autre langue que le français, bien, est-ce qu'on le fait systématiquement,
juste parce que c'est plus commode d'exiger une autre langue, ou on se
dit : Bien, écoutez, nous, on veut franciser le marché du travail, on veut
s'assurer, notamment, que les nouveaux immigrants intègrent le marché du travail
en français et qu'on n'exige pas d'une façon systémique la connaissance d'une
autre langue que le français?
Prenez, là, il y
avait eu des bons articles là-dessus de la part de... bien, en fait, la
recherche de la part de l'OQLF puis également des enquêtes journalistiques
là-dessus à l'effet que, dans la région métropolitaine de Montréal, on exige la
connaissance d'une autre langue que le français pour obtenir un emploi, alors
que ce n'est même pas nécessaire. Ça ne doit pas être une barrière à l'employabilité,
le fait de ne pas parler une autre langue que le français ou, à tout le moins,
avoir cette exigence-là. Ça fait qu'on demande, dans le fond, que ça soit
raisonnable.
La Présidente
(Mme Thériault) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Je suis un peu déçue de la réponse, parce que ça, c'est tellement général que
ça n'aide pas beaucoup pour mon propriétaire d'entreprise, en Beauce, qui a
quatre postes qui doivent être bilingues, et ça ne dit pas du tout, du tout, du
tout si les quatre pourraient être affichés comme étant bilingues. Ça ne dit
pas du tout, du tout, la réponse du ministre. D'autant que, quand on verra la
condition 2° : «il s'était assuré que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches»...
Je reviens à mon
problème. Il y en a un des deux qui est bilingue, un des quatre qui est
bilingue, mais il ne peut pas faire les quatre jobs, là, parce que lui, son
poste, c'est de faire les ventes, ce n'est pas de faire des achats, ce n'est
pas de faire les services à la clientèle puis ce n'est pas de faire des
contrats bilingues. Alors, la réponse que ces entrepreneurs ont besoin de
savoir... Puis là je n'ai même pas parlé du mot «réputé», encore, parce qu'il
est trouvé coupable jusqu'à preuve du contraire, là, le pauvre employeur,
alors...
M. Jolin-Barrette :
...d'être coupable jusqu'à preuve du contraire, ou tout ça, là...
Mme David :
Non, non, mais, attendez, je n'ai pas fini. Vous avez parlé longtemps, dans
votre réponse, pour ne pas trop répondre à la question, donc je peux parler moi
aussi.
M. Jolin-Barrette :
J'ai répondu de façon détaillée à votre question. Mais juste vous dire, là, on
est sur 46, on n'est pas dans les critères qui sont à 46.1. On est sur
l'article 46.
Mme David :
Je le sais, mais, écoutez, c'est pas mal... un vient pas mal après l'autre, là,
donc vous allez... À moins que vous m'annonciez que vous effacez le mot
«réputé» pour le mettre par «présumé»?
M. Jolin-Barrette :
Non, mais je vais vous donner...
Mme David :
Dites-le tout de suite, on va s'éviter bien du travail.
M. Jolin-Barrette : Mais je
vais vous donner un point : vous avez raison, 46.1 vient après 46.
Mme David :
Ah! bien, ça, ça va être formidable. Les entrepreneurs, vous avez vu ça, là?
C'est une belle réponse du ministre sur le «réputé».
Donc, à 46, je répète ma question. Il y a
quatre postes, et les quatre doivent être bilingues parce qu'ils font des
affaires avec l'extérieur. Évidemment qu'il faut que les quatre soient
bilingues. Mais là, avec le nouvel article, il y en a... il faudrait qu'il y
ait une personne qui fasse les quatre postes. Alors, ce n'est pas juste sur le
fait d'avoir des connaissances linguistiques, c'est de pouvoir faire les
quatre jobs. Ça ne peut pas être un homme-orchestre ou une
femme-orchestre, la personne qui est bilingue. Elle ne peut pas tout faire dans
l'entreprise, parce qu'elle est bilingue. Je veux savoir si le ministre
pourrait concevoir que ça prend quatre personnes différentes qui sont
bilingues dans une entreprise, en Beauce, qui vend des portes et fenêtres.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bien,
je vous ramène à l'article 46, là. Puis on va aller en détail sur
l'article 46.1 quand on va être rendu là. Partons de la prémisse de base.
Actuellement, l'article 46, il est présent dans la Charte de la langue
française sur le critère de nécessité. Le début de l'article 46, là,
actuellement, avant le projet de loi n° 96, c'est : «Il est interdit
à un employeur d'exiger pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance
ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la langue
officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle
connaissance.» O.K., ça, c'est 46, actuellement.
Vous avez vu, au cours des deux dernières
années, O.K., notamment dans la région de Montréal, que 40 % des
entreprises... bien, en fait, au Québec, là, 40 % des entreprises exigent
une autre langue que le français à l'embauche. Puis, à Montréal, ce niveau-là
monte à 63 %. Vous conviendrez avec moi, là, qu'il y a des lacunes, avec
l'article 46, puis qu'on a le devoir d'agir. Si on veut faire en sorte que
le français, ça soit la langue du travail, la langue commune, on constate,
première étape, puis vous en conviendrez avec moi, qu'il y a des lacunes,
actuellement, avec le libellé de l'article 46. Êtes-vous d'accord avec ça?
Mme David : ...dans les
27 propositions, qu'il fallait resserrer puis mettre des balises. Alors,
ça, arrêtez de me poser la question, je vous l'ai dit. Maintenant, tout est
dans la façon et dans l'opérationnalisation des choses. Le diable est dans les
détails.
M. Jolin-Barrette : Oui. Puis
l'enfer est rouge.
Mme David : Mais il peut être
bleu, aussi, l'enfer.
• (11 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Oui? O.K.
Alors là, puisqu'on a une base commune pour démarrer, relativement à : il
y a une problématique sur l'article 46, là-dessus, on s'entend. Dans le
fond, le critère de nécessité prévu à l'article 46, il n'est pas respecté,
parce que 40 % des entreprises au Québec demandent une autre langue que le
français à l'embauche, 63 % à Montréal. Là, on se retrouve dans une
situation où on vient renforcer l'article 46, avec le pont à
l'article 46.1.
Donc, 46, tel que proposé : «Il est
interdit à un employeur d'exiger d'une personne, pour qu'elle puisse rester en
poste [...] y accéder, notamment par recrutement, embauche, mutation ou
promotion, la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue
autre que la langue officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne
nécessite une telle connaissance; même alors, il doit, au préalable, avoir pris
tous les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence.» Alors,
l'employeur, lorsqu'il se retrouve dans cette situation-là, il dit :
Écoutez, moi, j'aimerais ça embaucher avec une connaissance de la langue autre
que le français. Parfait. Est-ce que c'est nécessaire par rapport à la tâche — première
question — oui
ou non? Là, dans votre exemple, vous me dites : Oui, c'est
nécessaire. Parfait. Deuxième critère : Est-ce qu'il a pris tous les
moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence? Est-ce que, dans la structure d'une entreprise...
est-ce que c'est nécessaire d'imposer à tous les postes cette exigence-là
de la connaissance de la langue anglaise?
C'est une analyse in concreto, en fonction d'un
cas concret, en fonction d'un cas d'espèce, pour savoir est-ce que c'est
nécessaire d'exiger. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'on doit
baliser l'exigence de la connaissance d'une autre langue que le français pour
un employeur. Et le projet de loi, là, ce qu'il fait, c'est qu'il protège le
droit des travailleurs québécois de travailler dans la langue officielle, en
français. Donc, on ne réinvente pas la roue, là. On fait juste venir préciser
le critère de nécessité. Mais, par contre, il va devoir avoir pris,
préalablement, les moyens raisonnables afin d'éviter d'imposer une telle
exigence. Parce que je reviens, là, à la prémisse de base, c'est sûr que c'est
bien plus facile pour tout le monde d'exiger le bilinguisme. On ne se poserait
même pas de question. Mais, si on continue de la façon dont on fonctionne
actuellement, avec le libellé de l'article 46 actuel, c'est
l'anglicisation pure et simple du marché du travail. Vous le voyez dans la
région métropolitaine de Montréal, et ce que ça fait, c'est que ça déteint
également sur le reste du Québec.
Puis, comprenez-moi bien, là, est-ce que c'est
nécessaire d'exiger l'anglais dans certaines circonstances? Parce que c'est de
ça dont on parle, principalement. La réponse à cette question-là, c'est oui. Il
va arriver que les tâches effectuées fassent en sorte que vous avez besoin
d'avoir des employés qui sont bilingues. Et, même, de plus en plus, vous allez
avoir besoin d'employés qui parlent une autre langue que le français, mais qui
n'est pas l'anglais, parce que vous avez une entreprise qui est tournée vers
des marchés d'exportation. Vous allez avoir besoin d'employés qui ont des
compétences linguistiques en espagnol, vous allez avoir besoin d'employés qui
ont des compétences linguistiques en mandarin. Et il n'y a rien, dans le projet
de loi, qui empêche ça. Cependant, ce qu'on vient faire, c'est l'encadrement.
Est-ce qu'on demande à tous les employés d'avoir des compétences linguistiques
dans une autre langue que le français, à la base? La réponse, c'est non. On
souhaite éviter que ça soit systématiquement demandé. C'est un critère qui est raisonnable de
dire : Est-ce que c'est nécessaire, dans un premier temps, et,
deuxièmement, est-ce que vous avez réfléchi,
avant d'imposer une telle exigence, pour éviter d'imposer une telle exigence,
est-ce que que vous avez pris les moyens raisonnables pour le faire?
Est-ce que c'est plus simple, est-ce que c'est plus pratique de tout le temps
exiger la connaissance d'une langue autre que le français? Puis, si c'est juste
ça, l'argumentaire, bien, ce n'est pas valide.
Mais, par contre, reprenons le cas de votre
entreprise, en Beauce, qui a quatre employés, et qui fait de l'import-export,
puis que 95 % de sa clientèle est aux États-Unis, et que ses quatre
employés à temps plein sont toujours en discussion avec des clients américains
anglophones. Bien, je pense que l'employeur va réussir à démontrer qu'il a pris
les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence. Mais, si le
volume et sa structure d'affaires rattachée à son entreprise... est tourné vers
l'exportation puis que, dans le cadre des tâches, tous les employés se
retrouvent dans une position et doivent utiliser une autre langue que le
français, à ce moment-là, l'employeur va regarder le critère de 46 et de 46.1,
il n'aura pas de difficulté. Donc, il y aura nécessité, par la nature des
tâches, et lui, il aura pris les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une
telle exigence. Il se retrouve dans une situation où il a quatre employés, les
quatre employés sont sur le téléphone, puis ça nécessite... ils sont
40 heures par semaine sur le téléphone pour vendre les produits qu'ils
ont, aux États-Unis, parce que c'est leur marché primaire. À ce moment-là, bien
entendu, si, sur son quatrième poste, il y a quelqu'un qui quitte, puis il se
retrouve, à ce moment-là, à chercher quelqu'un, puis le poste requiert qu'il
soit 40 heures par semaine au téléphone en anglais, bien, il n'y aura pas
d'enjeu.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée.
Mme David : Ah! si la vie était
aussi claire que ça. On veut tous aller à Rome. En tout cas, vous et moi, je
pense qu'on aimerait ça se retrouver à Rome, mais on ne prendra pas
nécessairement le même avion puis on ne prendra pas les mêmes arrêts, puis les
mêmes stops, puis les mêmes sorties pour arriver au même point.
M. Jolin-Barrette : ...le même
avion.
Mme David : C'est évident,
évident que, pour arriver à avoir des meilleures balises, il faut prendre un
certain nombre de moyens, et les moyens peuvent être très différents. Puis, je
trouve que, vos moyens, c'est intéressant de vous écouter parler, parce que
vous décrivez quelque chose qui, peut-être, va rassurer l'employeur.
Je vais même en dire plus que vous, je vais
aller plus loin que vous dans ce que vous avez dit. Moi, je n'ai pas parlé
d'une entreprise de quatre employés, j'ai parlé d'une entreprise, disons, qui a
20 employés, mais il y en a quatre... un qui fait de l'import, l'autre qui
fait l'export, l'autre qui fait des contrats, l'autre qui fait service à sa
clientèle. Mais il y a 20 employés. Les autres, là, ce n'est pas
nécessaire qu'ils soient bilingues, là, ce n'est pas nécessaire parce qu'ils
n'ont pas... ils ne répondraient pas aux critères. Alors, je ne suis même pas
aussi exigeante que vous, là, je dis : O.K., disons qu'il y en a quatre
sur les 20, mais c'est quatre bilingues. Mais là vous dites, dans votre
exemple, puis vous ne prenez pas de chance, vous allez au 100 %, vous
dites : Ils travaillent 40 heures-semaine en anglais, l'employeur
devrait dormir sur ses deux oreilles, parce qu'il pense qu'il serait
raisonnable que ces quatre soient bilingues, puisqu'ils font 40 heures-semaine.
Tout d'un coup qu'ils font
25 heures-semaine ou 20 heures-semaine, ça veut dire qu'ils sont la
moitié du temps, avec de l'import, de l'export, des contrats ou du service à la
clientèle, à parler anglais. Ça veut-tu dire qu'il faudrait qu'il y en ait juste deux sur quatre, à ce
moment-là, qui font les 40 heures, puis les deux autres sont unilingues
francophones? C'est ça que les entrepreneurs ne comprennent pas. Comment ils
vont gérer cette bibitte-là de dire : Si ce n'est pas
40 heures-semaine, bien, ça va être quoi, le critère? Qui va les aider à
décider de ça, de dire : Est-ce que je suis raisonnable, je ne suis pas
raisonnable? Moi, ça ne m'empêchera pas de dormir, le soir, là, si j'étais un
entrepreneur en Beauce, puis dire : Là, il faut que j'engage, mais là ça
va-tu être jugé raisonnable? Puis, comme je suis réputé avoir pris la bonne
décision, bien, là, là, qui va me juger, là?
Je trouve qu'on ne les aide pas beaucoup, avec
le manque de détails, pour dire : O.K., je pense que, là, c'est clair,
j'ai quatre postes qui sont à 50 % de travail en anglais, et puis les
quatre peuvent être bilingues, puis le ministre ne me tombera pas dessus, puis
je n'aurai pas tout à coup l'OQLF... ou je n'aurai pas des plaintes à la
CNESST, ou je ne sais trop. Donc, je vous repose la question : Vous donnez
l'exemple 100 %; mais s'ils sont à 50 %?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, comme je vous le disais, c'était une
analyse. Chaque cas est un cas d'espèce en fonction...
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
l'employeur.
Mme David : Mais à qui il parle
pour se faire aider?
M. Jolin-Barrette :
Bien, premièrement, on va voir 46.1, les critères associés. Juste qu'on
s'entende sur une chose : le critère de 46, là, sur la nécessité, 46
actuel, avant le projet de loi, il y a un enjeu avec ça, parce que la réalité,
c'est qu'on exige systématiquement, à Montréal, 63 % du temps... un
affichage d'emploi, une offre d'emploi, ils exigent la connaissance d'une
langue autre que le français. Vous conviendrez avec moi qu'on a eu de multiples
exemples où est-ce que c'est complètement déraisonnable
d'exiger l'anglais à l'embauche, pour certains postes, complètement
déraisonnable. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est : Il faut que ça soit
nécessaire. Mais on ajoute également que
l'employeur doit avoir pris les moyens raisonnables pour imposer... pour éviter
d'imposer une telle exigence. Donc, c'est
le critère de la raisonnabilité. O.K. C'est un critère que l'homme ou la femme
raisonnable juge que c'est approprié.
Mais, pour
accompagner l'employeur là-dedans... Et là, Mme la Présidente, vous me
permettrez de référer à l'article 46.1, puisqu'on est comme dans le débat
sur les deux. Alors, 46.1, pour le bénéfice, là, des membres de la commission,
dit : «Un employeur est réputé ne pas avoir pris tous les moyens
raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une autre langue que la langue officielle dès lors que, avant
d'exiger cette connaissance ou ce niveau de connaissance, l'une des conditions
suivantes n'est pas remplie...» Alors, avant de dire : Écoutez, moi, je
veux afficher mon poste en anglais, là, O.K., je vais exiger une autre langue
que le français, avant de faire ça, l'employeur, lui, en vertu de 46.1, là, il
faut qu'il regarde. Qu'est-ce qu'il faut qu'il regarde? Il dit : «il avait
évalué les besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir».
Exemple : Est-ce que j'ai besoin d'avoir des gens qui parlent une autre
langue que le français, oui ou non? Est-ce que j'ai des besoins linguistiques
réels, là? Est-ce que je sers une clientèle? Est-ce que, dans le cadre de mes
opérations, on a besoin que les gens que j'embauche parlent une autre langue
que le français?
Mme David :
...
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette :
Quel que soit le temps consacré. Premier critère...
Mme David :
Pendant la journée...
M. Jolin-Barrette :
...est-ce que j'ai des besoins réels? Je vends de la crème glacée, j'ai un bar
laitier à Beloeil, est-ce que j'ai un besoin réel associé aux tâches à
accomplir? Pas la personne qui est au comptoir, là, la personne qui fait les
cornets. Est-ce que la personne qui fait les cornets, qui n'est jamais en
contact avec le client, a besoin de connaître une autre langue que le français?
Mme David :
... dans le même avion, c'est tellement évident.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, vous savez, si on achète nos billets
ensemble, peut-être qu'on va avoir un rabais.
Mme David :
Continuez. Mais celui qui vend? Qui prend les commandes?
M. Jolin-Barrette :
Bon, est-ce qu'il y a un besoin réel que la personne parle une autre langue que
le français? Première évaluation. L'employeur, il regarde : J'ai-tu besoin
ou... Dans le fond, on veut éviter le cas de : au cas où, une fois dans
l'année. Est-ce que c'est un besoin réel ou non?
Mme David :
Bien, si c'est ça, dites-le. Parce que, là, au cas où, une fois par année, on
comprend, là, que c'est exagéré, ça. Ce n'est pas raisonnable.
M. Jolin-Barrette :
Bon, vous voyez, bien, c'est un critère de raisonnabilité. Donc, est-ce qu'il y
a un besoin linguistique réel associé aux tâches à accomplir? Même chose, là,
vous êtes dans une entreprise, là, O.K., vous êtes commis comptable, O.K., vous
travaillez, là, dans l'arrière-boutique de l'entreprise, comme on dit. Est-ce
qu'il y a une nécessité d'exiger une connaissance linguistique d'une langue
autre que la langue officielle? Il faut se poser la question.
Parce que ce qu'il
arrive, là, dans les entreprises, souvent, là, c'est qu'on vient exiger, dans
des postes où est ce qu'il y a aucune exigence linguistique associée à la
tâche, là, là... On dit : Bien, on va ouvrir le poste bilingue. Oui, mais
pourquoi? C'est quoi... Quelle est la nécessité, quel est le besoin réel?
Est-ce que, pour ce poste-là, vous avez besoin d'avoir une autre langue que le
français? C'est le premier élément, on dit à l'employeur : Regardez ça en
premier, là. Dans le fond, là, fermez-vous pas les yeux puis dire : Bien,
écoutez, moi, je demande tout le temps la connaissance d'une autre langue que
le français, parce que c'est plus pratique. Ce n'est pas ça, le critère, là. Le
critère, c'est : Est-ce qu'il y a un besoin linguistique réel associé aux
tâches pour la personne?
Deuxième critère,
46.1 : «il s'était assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées
des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de
ces tâches».
Mme David :
...compliqué.
M. Jolin-Barrette :
Bien non...
Mme David :
Les quatre personnes, là, elles font des tâches différentes, mais les quatre
doivent être bilingues.
M. Jolin-Barrette :
Oui, mais il regarde est-ce que «les connaissances linguistiques déjà exigées
des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de
ces tâches». Est-ce que, dans le fond, les tâches peuvent être confiées à
quelqu'un d'autre ou non? Est-ce que, parmi les membres du personnel, j'ai déjà
des gens qui pourraient faire ces tâches-là puis qui ont la connaissance de la
langue? Est-ce qu'il peut confier ces autres tâches-là à quelqu'un ou non?
Mme David :
...ou connaissance de la job?
M. Jolin-Barrette : Bien, les
deux.
Mme David : Les deux?
M. Jolin-Barrette : C'est une
analyse, là, c'est une analyse complète, là. Alors, est-ce que la tâche peut
être déplacée ou non, avec quelqu'un qui a déjà cette connaissance-là?
Troisième critère...
Mme David : C'est parce que,
là, vous avez un bilingue qui ferait quatre jobs : import, export,
contrats et...
M. Jolin-Barrette : Il ne faut
pas... avec égard, avec égard, il ne faut pas caricaturer.
Mme David : Bien oui, mais
c'est parce que je m'inspire de vous, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
n'ai pas dit que, dans une entreprise de quatre employés, s'il y en a un
qui parle anglais, bien, ça fait en sorte qu'il y a juste lui qui va parler en
anglais avec les clients. Ça dépend de la structure de l'entreprise, comment
c'est divisé. Il ne faut pas que ça soit une réorganisation déraisonnable de
l'entreprise. Il faut que l'organisation du
travail soit raisonnable. Ça, c'est clair, là. Mais l'idée, c'est d'éviter de
faire en sorte qu'une personne, qu'un employeur exige l'anglais à tout
le monde, à ses quatre employés, alors qu'il y a une façon de
fonctionner : il regarde les critères, est-ce que la tâche, elle est...
est-ce qu'il y a un besoin linguistique réel à la tâche, est-ce que les connaissances linguistiques des autres membres du
personnel est insuffisante pour l'accomplissement de ces tâches-là?
Puis, 3°, «il avait
restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des
tâches dont l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle». Est-ce
qu'il peut, dans son entreprise, faire en sorte, dans l'organisation des
tâches, que les gens qui auront besoin de maîtriser une autre langue que le
français, bien, ça soit regroupé?, toujours en tenant compte de la grosseur, de
la structure et du fonctionnement de l'entreprise, bien entendu.
Mme David : ...revenir. Je vais prendre une pause pour
laisser mon collègue de D'Arcy-McGee puis je vais revenir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. J'ai aussi la collègue de Mercier, qui a un amendement à déposer. Donc, moi, j'irais à la députée de Mercier,
peut-être; après, le député de D'Arcy-McGee. Ça vous va? Allez-y, Mme la
députée de Mercier, avec votre amendement.
Mme Ghazal : ...c'est ça, j'ai
un amendement.
La
Présidente (Mme Thériault) : Vous pouvez aller sur l'article et expliquer votre amendement aussi.
Allez-y.
Mme Ghazal : Oui, exactement.
Bien, j'écoutais aussi les échanges avec la députée de Marguerite-Bourgeoys,
puis là, bien, je me suis dit : Bien, je vais faire un amendement, vu que
plus... hier, j'en ai gagné un — pas encore, là, ça s'en vient — sur
un autre article, sur la connaissance du français parlé aux dirigeants, et le
ministre a dit qu'il était tout à fait d'accord de dire que tous les hauts
dirigeants doivent avoir une bonne connaissance de l'anglais. Mais ça va être à
un article plus loin, 141 de la charte, je pense, 84 du projet de loi.
Donc là, j'écoute puis moi, je suis d'accord
avec le fait, puis là aussi, c'est un élément très, très important, de cesser de demander de façon systématique la
connaissance de l'anglais. C'est vraiment très, très systématique, j'en ai
été aussi témoin dans mon travail. Dans toutes sortes de domaines de travail,
c'est rendu la facilité de le faire, même quand ce n'est pas nécessaire. Et,
dans le fond, bien, je vais déposer mon amendement tout de suite, puisque j'ai
introduit ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y, allez-y, il est déjà sur Greffier.
Mme Ghazal : Donc, tout le
monde l'a?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, il est sur Greffier, donc les gens peuvent en prendre connaissance.
Mme Ghazal : Parfait. Donc, je
vais le lire :
L'article 35 du projet de loi est modifié par
l'ajout, après le paragraphe 2°, du suivant, donc :
3° par l'ajout de l'alinéa
suivant :
«Une explication d'une telle exigence doit être
inscrite directement sur les offres d'emploi.»
Donc, après le paragraphe de l'article 46,
là, dans le projet de loi, où ça dit que c'est interdit, que, si, par exemple,
c'est permis, il faut vraiment s'assurer, na, na, na, une autre langue, na, na,
na, à moins que... à moins... c'est ça, «à moins que l'accomplissement de la
tâche — dans
un poste — [...]nécessite
une telle connaissance». Puis là je comprends qu'à 46.1 il y a des exigences,
les devoirs, dans le fond, de l'employeur, ce qu'il doit faire comme effort
pour s'assurer, bien, que ce n'est pas nécessaire.
Moi,
ce que je propose, c'est... je fais un ajout que, quand l'employeur trouve
qu'il est nécessaire que la connaissance d'une autre langue... bien,
c'est-à-dire que la connaissance d'une autre langue est nécessaire, quand
l'employeur voit ça puis qu'il a fait ses devoirs, qu'il a fait le travail pour
s'assurer que ce n'est pas... de ne pas avoir cette exigence-là, mais il se
rend compte que, non, dans cet emploi-là, c'est une exigence importante puis
qu'il a fait ses devoirs, bien, tout simplement, dans l'offre d'emploi...
Souvent, dans l'offre d'emploi, on va écrire les exigences, diplômes, etc.,
connaissance de l'anglais, bilingue; bien, que ce ne soit pas juste écrit
«bilingue», mais que... bilingue parce que
la tâche consiste à parler tant pour cent du temps, par exemple, avec des gens
des États-Unis, admettons, ou ailleurs, ou pour tel... ou pour répondre
à la clientèle qui est constituée de tant de personnes qui sont unilingues
anglophones, par exemple, ou d'autres langues. Ça fait que, si le travail a été
fait, simplement de l'afficher dans une offre d'emploi.
Et aussi je me
dis : Peut-être que ça pourrait même faciliter... c'est-à-dire qu'il fait
preuve de diligence et il l'affiche dans
l'offre d'emploi pour dire pourquoi c'est nécessaire. Et peut-être que ça
pourrait aussi faciliter, s'il y a des gens qui veulent... par exemple,
qui trouvent que ce n'est pas vraiment nécessaire, qui veulent porter plainte
ou que... l'OQLF qui doit analyser, par exemple, est-ce que c'est vraiment
nécessaire qu'ils posent des questions à l'entreprise, lors d'une vérification. Bien, dans les offres d'emploi, ça serait une
bonne indication de ce travail-là, puis c'est rendu public.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Oui, ce ne sera pas long, je suis en train...
Mme Ghazal :
Puis l'idée, juste pour terminer, c'est que c'est très facile aussi de dire
bilingue, puis après de dire : Bien, on le fait... Mais est-ce qu'il y a
vraiment des données qui justifient ça? Est-ce qu'il y a vraiment des preuves
qui justifient? Bien, ça va être écrit directement. C'est à l'employeur de
faire l'effort de présenter ça.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Je pense que la députée de Marguerite-Bourgeoys veut intervenir.
• (12 heures) •
Mme David :
Il veut sentir la chaleur de l'eau pour voir s'il a de l'appui ou pas. Mais
moi, j'appuie cet amendement-là, je le trouve brillant. Je trouve que d'avoir à
dire : «Une explication d'une telle exigence doit être inscrite directement»,
ça dit ce que ça veut dire, c'est l'employeur doit se justifier... pas se
justifier, enfin, préciser. Les gens qui postulent peuvent comprendre un peu
pourquoi puis dans quel contexte.
J'essaie de rassurer
un peu les employeurs... les employeurs, oui, qu'ils ont une marge de manoeuvre
mais, en même temps, qu'ils ne doivent pas faire n'importe quoi. Puis ça, je
l'ai dit depuis le début. Mais les employeurs sont inquiets de ne pas savoir
sur quel pied danser, de savoir comment être raisonnables, dans le fond. Alors,
ça, c'est une partie, peut-être, un outil de plus que la députée... auquel la
députée, elle a pensé pour aider. Moi, je ne suis pas contre le principe, je
l'ai dit, mais je veux que ça soit assez assez applicable pour les employeurs.
Mme Ghazal :
...d'entendre que ma collègue appuie cet amendement-là et qu'elle le trouve
brillant.
La Présidente
(Mme Thériault) : C'est un beau compliment.
Mme Ghazal :
Bien oui!
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est un moment qui est intéressant, mais ce que ça fait, c'est qu'à la
base, dans le fond, l'employeur devrait justifier a priori pourquoi il exige la
connaissance d'une autre langue que le français. Donc, dans son offre d'emploi,
ça signifie qu'il vient justifier... il vient dire : Bien, moi, j'exige la
connaissance d'une langue autre parce que j'ai un processus de justification...
parce que je dois mettre une justification. Il explique les raisons pour
lesquelles il doit... il exige la connaissance d'une langue autre que le
français. C'est bien ça? J'ai bien compris?
Mme Ghazal :
Oui, exact, c'est ça. Vous expliquez... Je pensais que vous disiez que
c'est ce qu'il doit faire. Oui, c'est ça, l'amendement, puis avec des données
factuelles, là, il n'est pas obligé d'écrire un roman, là, dans les offres
d'emploi bilingues, puis là il explique c'est quoi, les tâches... peut-être pas
les tâches, mais pourquoi...
La Présidente
(Mme Thériault) : ...pour desservir la clientèle américaine...
Mme Ghazal :
...par exemple, pour des services à une clientèle américaine.
La Présidente
(Mme Thériault) : ...desservir la clientèle à l'international.
Mme Ghazal :
C'est ça, il peut aller dans le détail. Tu sais, moi, je n'ai pas précisé
dans quel détail est-ce qu'il faut dire... est-ce qu'il faut qu'il dise qu'il
va utiliser l'anglais à tel pourcentage, et tout ça.
La Présidente (Mme Thériault) : 50 %
de la clientèle est en Ontario, des choses comme ça, oui.
Mme Ghazal : Oui,
parce que c'est ça, le... exact, par exemple.
Mme David : ...la fille qui
fait les cornets de crème glacée d'avoir à parler anglais parce que ça se
justifie moins bien dans une offre d'emploi, ou une personne qui est à l'entretien
dans un édifice, ou quelque chose qui n'a pas tellement de contacts... ou le
plongeur d'un restaurant du député de Matane-Matapédia.
M. Jolin-Barrette : O.K., bien,
je comprends que tout le monde est en faveur de mettre cette exigence additionnelle
là.
Mme David : Ce n'est pas une...
Excusez, je ne suis pas en train de défendre l'amendement, mais ce n'est pas
une exigence additionnelle, c'est une précision intelligente.
M. Jolin-Barrette : O.K., bien,
écoutez, je vais vous demander de suspendre quelques instants, le temps que je
valide le libellé de la députée de Mercier.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous suspendons nos travaux
quelques instants. Merci, M. le ministre.
(Suspension de la séance à 12 h 05)
(Reprise à 12 h 15)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous sommes de retour après une brève
suspension. M. le ministre a des vérifications à faire pour accueillir
favorablement l'amendement qui a été déposé par la députée de Mercier. Donc, ce
qu'on va faire, c'est qu'on va suspendre votre amendement et on va revenir sur
la discussion sur 46, parce qu'il y avait le député de D'Arcy-McGee qui avait
des commentaires à ajouter. Je pense, la députée de Marguerite-Bourgeoys en
avait d'autres aussi dans l'ensemble du 46. Et, compte tenu de l'heure, bien,
on a le temps de faire des discussions, puis, quand on reviendra cet
après-midi, j'imagine que le ministre aura eu le temps nécessaire pour pouvoir
valider quel type d'amendement on pourra faire à votre suggestion, Mme la
députée. Ça vous va? Parfait. Est-ce que vous avez d'autres choses à ajouter
sur 46, Mme la députée de Mercier, outre que sur votre amendement, parce que
vous aviez la parole?
Mme Ghazal : Bien non. Je
continuerai après, quand... cet après-midi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous allez continuer après? Parfait. Est-ce que j'y vais avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys? Oui?
Mme David : Une minute...
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
Mme David : ...parce qu'après
mon collègue veut continuer là-dessus. Je veux juste... Vous allez me
trouver...
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, l'amendement est suspendu. J'ai besoin d'un consentement. Il y a consentement
pour suspendre l'amendement? Consentement. Merci. On revient, s'il vous plaît,
Mme la députée.
Mme David : Je voulais juste
souligner au ministre que la cohésion dont nous faisons preuve, et je vous
inclus, montre qu'on peut bonifier un projet de loi pour le bénéfice de tous
les citoyens, pour le bénéfice des parlementaires, pour le bénéfice du futur de cette loi-là, et que, quand on prend du
temps pour faire ça, ce n'est pas de la perte de temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je pense que votre commentaire est bien enregistré. On peut aller au député de
D'Arcy-McGee? M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Je veux revenir à une discussion qui reste à compléter, de mon avis,
sur l'accomplissement de la tâche, parce qu'on va s'entendre,
l'opérationnalisation... de mettre en oeuvre ces amendements, ces articles-là...
vont inciter un certain travail, indulgence, et tout ça, pour des motifs que je
comprends, et que j'accepte, et que j'endosse, mais, sur le terrain, on affiche
des postes, on n'affiche pas de temps... Alors, comment est-ce qu'un
employeur...
Et le ministre nous a confirmé hier qu'on ne
parle pas d'exception, là, c'est l'employeur, la PME, l'usine de
500 employés, c'est tout le monde. C'est tout le monde. Comment
l'employeur réorganise son offre d'emploi en termes de tâches? Évidemment, il y
a le lien entre tâches et postes, mais on affiche des postes. Si on cherche un
travail, et c'est du travail que j'aurais eu à faire, ça, dans plusieurs jobs
de direction générale que j'ai eues, on a à faire une description des tâches,
qu'est-ce qui est impliqué dans un tel poste, mais on affiche des postes. Si on
veut travailler, on cherche sur Jobboom, bon, des médias sociaux, n'importe où,
LinkedIn. On cherche des offres d'emploi qui s'expriment par les postes de disponibles. Alors,
comment c'est plus facilitant ou cohérent de parler de l'accomplissement
de la tâche?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, c'est déjà... 46, actuellement, parlait déjà de la tâche également, donc,
depuis 1977, premier alinéa : «Il est interdit à un employeur d'exiger
pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle, à moins
que l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance.» Parce
que, lorsque vous êtes un employé, vous occupez un poste, mais l'employeur
vient définir la tâche associée à votre poste. Donc, dans le cadre de la tâche,
vous exercez plusieurs éléments, et donc vous vous retrouvez dans une situation
où il faut regarder c'est quoi, la tâche reliée au poste, et, à l'intérieur de
la tâche, du poste, on l'entend au pluriel, il y a plusieurs tâches qui sont
effectuées, là. Il y a plusieurs gestes qui sont posés par l'employé dans le
cadre de la tâche qui lui est confiée.
Donc, le critère de tâche, il est présent et il
demeure ainsi, parce qu'un employé, il fait... Ça dépend des entreprises.
Parfois, l'employé fait toujours la même chose si c'est un poste qui est,
supposons, routinier. Je vous donne un
exemple. Supposons que vous êtes poissonnier, là, si vous êtes au département
pour apprêter le poisson, pour l'éviscérer, supposons, tout ça, puis
c'est ça que vous faites dans votre journée, c'est ça, mais ça se peut
également que, dans le cadre de vos tâches de poissonnier, vous fassiez ça,
mais vous ayez une partie de service à la clientèle aussi. Donc, il y a plus
qu'une fonction associée à la tâche également. Donc, ça dépend de la nature de
la tâche.
• (12 h 20) •
M. Birnbaum : ...on va passer à
d'autres choses. Je n'accepte pas qu'on est dans une situation qui est
parallèle à 1977. Le contexte de... Les changements proposés dans l'article
changent la donne. Alors, ici, on peut oublier 1977.
Poissonnerie, c'est intéressant, parce que je
veux qu'on reste dans le concret. Je vais parler d'un endroit que j'aime
fréquenter, le supermarché Adonis. Il y en a plusieurs sur l'île de Montréal et
en Montérégie, à Laval, avec une clientèle assez diversifiée dans les coins
où... Là où je magasine, dans la plupart de leurs épiceries, ça serait une
clientèle fort probablement majoritaire francophone, mais de d'autres langues
aussi.
Je veux juste, avec plusieurs questions,
comprendre comment on risque d'implanter cet amendement. Bon, là, il faut que
les tâches justifient l'exigence d'une autre langue. Le gérant, la gérante
d'Adonis estime que c'est important que, très raisonnablement... que la plupart
de ses caissières et caissiers soient habiles en français, mais aussi en
anglais, fait le jugement, comme je dis, éminemment raisonnable qu'il ou elle
va réserver quelques postes pour des caissières ou caissiers unilingues
francophones et va essayer de s'arranger comme ça.
Là, je note, dans cet article-là, qu'il est
interdit d'exiger cette connaissance, et même pour... dans un cas de mutation,
pas juste d'embauche, recrutement ou promotion, mais de mutation. Cette gérante
d'Adonis constate sur sa grille d'horaire qu'il faudrait avoir plus de quarts
de donnés à ce corps de caissières qui maîtrisent l'anglais, ce qui fait en
sorte qu'une des caissières, qui a été dûment embauchée, qui ne parlait que le
français, risque de subir une mutation, c'est-à-dire une offre de réduire son
horaire par deux quarts par semaine ou même d'ajouter une autre tâche parce que
c'est une gérante très bienveillante qui veut assurer à cette employée... que
cette employée continue de travailler à plein temps. Dans cet exemple,
admettons, compliqué que je donne, est-ce que je comprends correctement que la
gérante est devant des contraintes difficiles? Ce genre de déploiement de son
équipe ne serait pas possible en vertu de l'article 46 tel qu'amendé ici?
M. Jolin-Barrette : Bien non,
il n'est pas... L'employeur n'est pas face à une contrainte difficile. Écoutez,
on se retrouve dans une situation où c'est l'employeur qui va démontrer que la
tâche l'exige, et que d'autres employés ne pouvaient pas le faire, puis que
l'organisation du travail l'exigeait. Donc, à ce moment-là, ce n'est pas un
enjeu, mais la question fondamentale qui se pose, c'est : Avant d'engager
des caissières ou des caissiers avec l'exigence de la langue anglaise, bien, il
y a les critères à respecter. Est-ce que c'est nécessaire puis est-ce que les
moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle exigence?
Donc, ce n'est pas... C'est comme... Vous avez 20 caissières, là, est-ce
que c'est nécessaire que les 20 caissières soient bilingues? Bien, en
fait, la question, c'est : Est-ce que, pour être caissier ou caissière
dans un marché d'alimentation au Québec, il faut être bilingue? Honnêtement,
pour avoir eu une carrière, Mme la Présidente, d'emballeur dans une épicerie,
une carrière, six ans, six ans...
La Présidente (Mme Thériault) :
C'était votre emploi d'étudiant?
M. Jolin-Barrette :
Effectivement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ah! on en apprend.
M. Jolin-Barrette : Oui. Je ne
suis pas convaincu que tous les caissiers et toutes les caissières doivent être
bilingues. Je soumets ça comme ça, là. C'est pas mal universel, les épiceries,
et, c'est sûr, il y a des différences quand vous allez dans les différents
pays, comme il y a des particularités, puis tout ça, mais, à la fin du
processus, là, quand vous allez acheter votre pain avec votre beurre de
pinotte, là, bonjour, ça coûte tant... Disons que ce n'est pas une relation qui
est soutenue sur le long terme, là, quand vous allez acheter un pain à
l'épicerie, là. Alors, je soumets la question. Dans ce cas-là, est-ce que c'est
nécessaire que l'ensemble des caissières soit... et caissiers soient bilingues?
Est-ce que tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter que les
20 caissiers, caissières aient une exigence d'une langue autre que le
français? Je vous pose la question. Est-ce que c'est raisonnable d'exiger que
tous les caissiers, toutes les caissières dans une épicerie au Québec soient
bilingues?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député.
M. Birnbaum : Le ministre, dans
sa réponse à mon cas de figure, illustre la complication... la complexité de
l'affaire. Ma gérante d'Adonis est en concurrence avec Carnaval à l'autre côté
de la rue puis Provigo à l'autre, et la préoccupation en bonne et due forme,
c'est le service à la clientèle, c'est de protéger son chiffre d'affaires pour
être en mesure d'embaucher d'autre monde pour faire rouler notre économie. Elle
n'a probablement pas, actuellement, un démographe
sur son équipe de ressources humaines ni une analyse pointilleuse de chaque
tâche, parce qu'elle aurait établi un nombre de postes... Comment se
réalise cette évaluation-là? Et là, j'insiste, on n'a pas besoin d'être à 46.1
pour en parler. Comment se réalise cette évaluation?
Dans un
premier temps, le ministre vient... et, bon, c'est une suggestion, bon,
subjective, mais ça se peut, comme je dis, pour protéger sa clientèle,
pour rester concurrente, que la gérante ne serait pas du même avis que le
ministre, qu'elle dirait que même l'échange
éphémère et ponctuel de l'achat du pain... que son client non francophone va se
sentir mieux chez Adonis s'il y a cette possibilité de se faire servir dans sa
langue. Bon, comment ces genres d'évaluation pour assurer le critère de
raisonnabilité, pour assurer qu'il n'y avait pas d'autres façons de s'organiser
que d'exiger la connaissance d'une autre langue que l'anglais dans un poste...
comment ça va se faire sur le terrain?
M. Jolin-Barrette : Deux choses
l'une, moi, je crois que les services... Puis, en fait, la langue commune,
c'est le français, au Québec, première chose. La langue du travail, ça doit
être le français, au Québec, et les mesures qu'on met en place, c'est pour
faire en sorte que le français puisse être la langue commune.
Là, dans le cas de l'exemple qui est soulevé par
le député de D'Arcy-McGee, on parle de gens, des caissiers puis des caissières
que, pour pouvoir travailler au Québec, O.K., puis, bien, souvent, c'est au
salaire minimum à 14,25 $, là, bon, ça... Parfois, ça a un petit peu
augmenté, là, mais, généralement, c'est des emplois à 14,25 $. Là, on est
en train de nous dire que, pour être caissier ou caissière à l'épicerie, il va
falloir que les employés soient bilingues.
Maintenant, moi, j'ai un malaise avec ça,
d'exiger que, pour gagner sa vie comme caissier, caissière à l'épicerie au
Québec, on exige une autre langue que le français. Ça appartient à l'employeur,
là, puis il va devoir respecter le critère de 46 puis de 46.1, là, mais juste
vous dire qu'on est dans une situation où il va évaluer est-ce que c'est nécessaire. Est-ce qu'il a pris les moyens
raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence? Est-ce que ses
20 caissiers, caissières doivent être... maîtriser la langue anglaise?
C'est une question qui se pose.
Comme société, là, c'est-tu ça qu'on veut, que
les caissiers, caissières à l'épicerie, ils soient bilingues? En fait, pas
qu'ils soient bilingues, est-ce qu'on veut imposer, au Québec, que, pour
devenir caissier, là, ou pour être cheffe caissière ou chef caissier, vous ayez
besoin de maîtriser une langue autre que le français? Bien, tu sais... Puis
c'est une question de société, là. S'il faut maîtriser une autre langue que le
français pour être caissier dans toutes les épiceries du Québec, bien, dans le fond, tous les postes au Québec vont devoir
être bilingues, puis on se retrouve dans une situation où l'évaluation
qui est faite par 46.1, elle est raisonnable, là.
On n'empêche pas d'exiger à l'employeur, dans
certains postes... Certains postes de caissier pourraient exiger une langue autre
que le français, mais l'employeur, lui, il fait son évaluation en trois étapes
puis il regarde : Est-ce que j'ai vraiment besoin que le poste, il ait une
autre langue que le français? Est-ce qu'il y a d'autres... il y a une autre
façon... En fait, est-ce que j'ai des employés qui peuvent répondre à ce besoin
linguistique là? Troisièmement, est-ce que j'ai une façon de réorganiser le
travail pour faire en sorte de répondre à mon besoin? Le test, l'évaluation
m'apparaît raisonnable, mais on ne peut pas dire que... C'est sûr que ça serait
plus simple que tout le monde soit bilingue tout le temps, là, ça, c'est sûr,
mais, si on veut amener le français comme langue du travail puis comme langue
commune puis d'inviter l'ensemble de la société à lorsqu'il y a un liant
commun, donc, dans la sphère publique, ça se passe en français, moi, je pense
que 46 puis 46.1 s'appliquent bien.
• (12 h 30) •
M. Birnbaum : Mme la Présidente,
juste une précision, une autre fois. Notre opposition officielle, ce qui était
très clair dans nos 27 propositions, constate qu'il y a lieu à renforcer
le droit de travailler en français au Québec. Est-ce qu'on peut être clair
là-dessus? Et que le ministre suggère que mes questions sont dans l'optique de
permettre une exigence que chaque caissière au Québec soit bilingue, je ne sais
pas d'où ça vient. Est-ce qu'on peut.... Est-ce que je peux, au nom des gens
qui me posent des questions, des gens qui nous posent des questions, entre
autres, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, l'association des
commerçants de détail, est-ce qu'on peut avoir des réponses à nos questions?
Et je reste avec mes caissières. Le ministre
vient de faire un constat qui suggère que, pour lui, pas pour moi, pour lui,
l'idée de renforcer le droit de travailler en français au Québec, tel qu'il est
proposé à 46, est irréconciliable avec l'idée de trouver une façon, par
dérogation, c'était toujours le cas, d'assurer une offre de service et de faire
rouler notre économie, c'est important, une offre de services circonscrite,
justifiée, d'accord, en anglais. Il vient de poser la question : Est-ce
que c'est nécessaire qu'un caissier ou une caissière ait cette capacité? Bon,
on ne va pas même pas aller au fond de ses pensées, là.
Mais je veux, une
autre fois, savoir comment un employeur responsable, fidèle, qui se donne le
devoir de respecter toutes ces lois devant lui ou elle, va se comporter. Ma
gérante, chez Adonis, est-ce qu'elle a à faire appel à son employé qui est
démographe, de dire : bon, c'est quoi, le pourcentage des clients, pas
juste qui sont de langue autre que le français, est-ce que c'est tous des
ayants droit? Est-ce qu'on va me poser cette question aussi? Comment, sur le
terrain, dans un monde concurrent, où le ministre, comme moi, veut souhaiter
une relance économique au Québec, le ministre, comme moi, veut assurer, de
façon réelle... améliorer la protection dont les Québécois méritent de
travailler en français, comment ma gérante va s'organiser? Comment elle va
interpréter l'article 46 pour savoir combien de ses 20 caissières
peuvent raisonnablement être exigées d'avoir une capacité dans une langue autre
que le français? Comment ça marche?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Bien, juste des clarifications, des précisions, là. Il ne faut pas
mélanger les choses, là. Il n'y a aucun
concept d'ayant droit en lien avec 46 puis 46.1, là. Le concept d'ayant droit,
c'est avec l'exemplarité de l'État.
Là, on n'est pas dans l'État, là, ici, on est dans la sphère commerciale, dans
la sphère employeur. Premier élément.
Deuxième élément. Les
milieux économiques, le Conseil du patronat, la Fédération des chambres de
commerce également étaient d'accord de miser sur le français pour faire en
sorte que ça soit la langue commune puis que ça signifie quelque chose.
Pour revenir au cas
de votre droit de votre gérante de chez Adonis, les dispositions de 46 puis
46.1 n'empiètent pas sur le droit de gérance
de l'employeur. Alors, les critères, lorsque vous embauchez ou que vous donnez
une promotion à quelqu'un,
c'est : Est-ce que vous... Est-ce que c'est nécessaire d'exiger la
connaissance d'une autre langue que le français puis avez-vous pris les
moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence?
Là, 46.1 nous
dit : J'ai évalué les besoins linguistiques réels associés aux tâches à
accomplir. Je me suis assuré que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel
étaient insuffisantes pour l'accomplissement des tâches. Donc, la
gérante va regarder : Dans mon équipe, là, est-ce que j'en ai, des gens
qui ont des compétences linguistiques dans une langue autre que le français,
puis est-ce que leurs compétences linguistiques sont insuffisantes pour
l'accomplissement des tâches, puis, troisièmement, est-ce que j'ai restreint le
plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent les tâches dont
l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance? Donc,
l'employeur va regarder ça avant d'embaucher. Donc, j'ai 20 postes. Le
samedi, je roule à 20 caissiers. Est-ce que mes 20 caissiers ont
besoin d'être tous bilingues, à 14,25 $ de l'heure?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député.
M. Birnbaum :
Premièrement, nous ne sommes pas encore à 46.1.
M. Jolin-Barrette :
Bien, toutes les questions sont sur 46.1.
M. Birnbaum :
...toutes les caissières. Ma gérante a à s'organiser. Devant un article,
j'imagine... pas j'imagine, c'est une évidence qu'il permettrait à un employé
qui risque de se sentir écarté de façon illégale aux yeux de 46 de poursuivre
l'affaire. Donc, ma gérante a besoin d'être accompagnée, de comprendre comment
elle implante ces critères. Qu'est-ce qu'elle veut comme raisonnable? Le ministre
vient de dire que ça peut être, en quelque part, déraisonnable d'exiger le
bilinguisme chez un caissier ou une caissière. Est-ce que c'est... Bon,
peut-être, ce n'est pas ça. Mais c'est quoi,
le critère? Est-ce que c'est 15 ou, dû au fait que c'est une population qui a
l'air d'être surtout francophone dans un coin ou un autre, est-ce que
c'est 12, parce que des fois la personne à la poissonnerie remplace à la
caisse, et lui, déjà, il parle anglais, alors bon, on va décider de réduire de
15 à 12 notre nombre de caissières? Tout ça est à faire en plus que toutes les
autres tâches de quelqu'un qui essaie, comme je dis, de continuer à contribuer
à l'économie, d'embaucher du monde, et tout ça.
Je reviens à ma
question et, comme je dis, compte tenu qu'il y a des conséquences d'une
non-adhérence à une loi, le ministre le sait, ça marche comme ça, alors cette
gérante, comment elle est accompagnée, aidée à comprendre comment même
commencer à évaluer comment elle s'organise?
• (12 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Dans le cas présenté par le député de D'Arcy-McGee, il y a une réorganisation
d'horaires, ce n'est pas une mutation, là. Le poste était déjà avec ou sans,
donc les horaires, et la pleine souveraineté de l'employeur sur ses horaires de
travail, sur son droit de gérance, elle n'est pas affectée, elle est
pleinement... Elle peut organiser son entreprise comme elle veut, là. Ses
horaires, elle les fait comme elle veut. Puis, écoutez, ça arrive, là... Dans le milieu de l'alimentation, là, vous avez,
là, en fonction de l'année, là, des moments plus occupés puis des
moments moins occupés.
Je donne un exemple.
Le soir, l'hiver, à cette période-ci de l'année, là, dans les épiceries, là, la
fin de semaine, supposons, c'est vraiment tranquille. Après 17 h 30,
18 heures, là, actuellement, chez les épiciers, le samedi soir, le
dimanche soir, je vous confirme qu'il n'y a pas grand monde. Par contre, le
samedi soir puis le dimanche soir, lorsqu'on est en période estivale, mai,
juin, juillet, août, un petit peu septembre, il n'y a pas mal plus de monde.
Pourquoi? Parce que le monde sont allés à l'extérieur, ils ont profité du
soleil, ils ont fait des activités avec les enfants, tout ça, ils n'ont pas
planifié leur souper dans la journée, ils ont... parce qu'ils étaient en dehors
de la maison. lls reviennent à la maison. Ah! J'arrête à l'épicerie, je fais un
barbecue, je vais chercher des brochettes, je vais chercher des pâtes, tout ça.
Là, l'employeur, il va mettre plus d'employés, le gérant des caisses va mettre
plus de caissiers, plus de caissières, plus d'emballeurs à cette période-là. À
ce moment-là, il y a toujours eu ça. Puis, tu sais, si on revient dans le passé
également, vous vous souviendrez sûrement de la loi sur les quatre
employés : la fin de semaine, à partir de 5 heures, c'était quatre
employés; avant, même le dimanche, ce n'était pas ouvert. Même, on a fermé
dernièrement, vous savez, certains dimanches aussi. Mais l'employeur a toujours
géré l'horaire de ses employés, puis ça, ça n'a pas d'impact, 46 puis 46.1
n'ont pas d'impact là-dessus.
Par contre, où 46 puis 46.1 ont un impact, un
caissier... Bien, en fait, une personne qui souhaite devenir caissier chez
Adonis au Québec, O.K., avant qu'on lui exige une connaissance autre que le
français pour occuper un emploi à 14,25 $ de l'heure
comme caissier, oui, l'employeur devra respecter 46 puis 46.1. Est-ce que c'est
nécessaire? Puis est-ce qu'il a pris les moyens raisonnables pour éviter
d'imposer une telle exigence? C'est le droit de travailler en français, là, qui
s'applique, là, au Québec, là. Donc, la spécificité, notamment, de la tâche, ça
rentre dans le critère de la responsabilité, là.
M. Birnbaum : Ça a l'air assez
complexe. Une précision, et je vais revenir après, si nécessaire, pour
poursuivre le travail de mes collègues d'Adonis, parce qu'il me semble qu'il y
a des questions qui continuent à être de mise. Comme je dis, le ministère a été
très clair hier, on parle d'un article qui n'a pas d'exception. Donc, je peux
comprendre qu'il n'y a aucune exception, dérogation ou formulation différente
en ce qui a trait des établissements reconnus en vertu de 29.1?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : 46 et 46.1
s'appliquent à tous les employeurs.
M. Birnbaum : Voilà, voilà. Et
le ministre persiste à dire : On va poursuivre ça, qu'il n'y a rien, mais
rien qui touche à l'accès, ou la livraison, la prestation des services de santé
et services sociaux en anglais. O.K. Alors, on comprend que ça s'applique. Je
risque d'avoir d'autres questions là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Jolin-Barrette : Bien, je ne
veux dire, il ne faut juste pas mélanger les choses au niveau de l'exemplarité
de l'État. Puis là on est dans l'employeur. 46 s'appliquait déjà à tous les
employeurs, donc, dans la charte actuelle, ça s'appliquait, là, il n'y a pas de
différence. Il ne faut pas amener le concept de 46.1, parce que, 46.1, eux, ils
ont des règles particulières associées à eux, notamment dans les services qui
dispensent.
M. Birnbaum : Oui. Juste pour
une autre précision. Je sais qu'il n'y a pas grand temps, on va poursuivre la
discussion. Pour les gens qui nous écoutent, qu'on se comprenne, on n'est pas
en train de parler de l'exigence de parler la langue commune, ce qui est une
chose assez primordiale. Nous sommes en train de parler de la possibilité d'exiger
la compréhension d'une autre langue. C'est ça, le sujet, actuellement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois suspendre les travaux compte tenu de l'heure. Donc, je vais vous
souhaiter bon appétit. Juste ne pas oublier, les collègues, qu'il y a un caucus
dans cette salle, donc de la libérer rapidement. Et nous reprendrons les
travaux à 15 heures. Merci. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 15 h 15)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de
l'éducation reprend ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec,
le français.
Lors de la suspension de nos travaux, nous en
étions à l'étude de l'article 35. Il y avait un amendement qui avait été
déposé par Mme la députée de Mercier. On a eu un consentement pour le
suspendre.
Donc, avant de reprendre les travaux, il y a eu
certaines discussions par rapport à l'amendement qui avait été proposé. Donc, à
ce stade-ci, ce que je comprends, c'est que j'ai besoin d'avoir un consentement
pour pouvoir suspendre 35, parce qu'on était revenus à 35, j'ai besoin d'un
consentement pour revenir à l'amendement de la ministre... pas de la ministre, pardon,
mais de la députée de Mercier, j'ai besoin d'un consentement parce qu'elle veut
le retirer. Donc, est-ce que j'ai un consentement pour retirer l'amendement de
la députée de Mercier?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Donc, je vais vous redonner la parole, Mme la députée de Mercier,
pour que vous puissiez reprendre avec le nouvel amendement que vous allez
déposer, qui a été... qui est conforme avec les discussions que vous avez eues
avec le ministre.
Mme Ghazal : Exactement. Donc,
on a eu de très bons échanges avec le ministre et toutes les personnes qui sont
ici, à la commission. Donc, je vais lire le nouvel amendement que je vais
déposer.
Alors, à l'article 35 du projet de loi,
remplacer le deuxième paragraphe par le paragraphe suivant :
2° par le remplacement des deuxième, troisième,
quatrième, cinquième et sixième alinéas par le suivant :
«L'employeur qui exige la connaissance ou un
niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle
pour accéder à un poste doit, lorsqu'il diffuse une offre visant à pourvoir ce
poste, y indiquer les motifs justifiant cette exigence.»
Donc, l'amendement est
conforme à la volonté que j'avais exprimée sur le fait que, oui, l'employeur doit
faire des efforts pour s'assurer que les gens qu'il embauche n'aient pas besoin
de parler une autre langue. Puis, s'il doit le faire, bien, que ça soit publié
directement dans l'offre d'emploi. C'est ce à quoi sert l'amendement. Voilà.
La Présidente (Mme Thériault) :
Pour les gens qui suivent nos travaux, est-ce que vous auriez l'obligeance de
lire le commentaire qui nous donne le texte tel qu'amendé? Donc, comme ça, les
gens vont comprendre exactement sur quoi nous allons voter avec l'amendement.
Vous l'avez sur la feuille qu'on vous a remise. Juste le commentaire, texte
amendé à l'article 46.
Mme Ghazal : Mais le
commentaire de 46 ou de mon amendement? Je ne suis pas sûre de comprendre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, de votre amendement. Si vous regardez, c'est écrit : Commentaire.
Texte amendé de l'article 46.
Mme Ghazal : Commentaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
«46. Il est interdit à un employeur d'exiger...»
Mme Ghazal : O.K. Donc, de le
relire au complet, comment ça se lirait?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme Ghazal : O.K. Je suis
désolée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, parce que c'est ce que le nouveau texte législatif va donner avec les
amendements.
Mme Ghazal : Parfait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, ce qui est en caractère gras, c'est ce qui est ajouté, puis les traits,
c'est ce qui est enlevé. Donc, vous lisez les caractères gras et le caractère
régulier.
Mme Ghazal : Donc, je lis...
O.K., je n'ai jamais fait ça. Je lis les caractères gras ou je lis le texte au
complet?
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous lisez le texte jusqu'à «cette exigence».
Mme Ghazal : Donc, je lis
les... tout le texte, mais on ne saura pas quand est-ce que c'est caractères
gras parce que ça ne paraîtra pas dans ma voix, mais bon.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais c'est la nouvelle version qu'on va voter.
Mme Ghazal : Oui, absolument.
Donc, l'article tel qu'amendé de l'article 46 se lirait comme suit :
«Il est
interdit à un employeur d'exiger d'une personne, pour qu'elle puisse rester en
poste ou y accéder, notamment par recrutement, embauche, mutation ou
promotion, la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue
autre que la langue officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne
nécessite une telle connaissance; même alors, il doit, au préalable, avoir pris
tous les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence.
«L'employeur qui exige la connaissance ou un
niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle
pour accéder à un poste doit, lorsqu'il diffuse une offre visant à pourvoir ce
poste, y indiquer les motifs justifiant cette exigence.»
La Présidente (Mme Thériault) :
Voilà.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, sur l'amendement de Mme la députée de Mercier, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Mais c'est... Je
vous l'ai dit, je suis tout à fait d'accord avec la formulation, etc., mais,
justement, dans la formulation, ça ne règle pas mon problème sémantique de
différence entre «poste» et «tâche», parce qu'on retrouve deux fois dans
l'amendement le mot «poste», et ça confirme que le mot «poste» du premier
paragraphe est pertinent. Mais je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi
on saute à l'accomplissement de la tâche à la... dans le premier paragraphe. Et
ça met encore plus en évidence cette confusion en lisant l'amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
Mme David :
Un poste peut avoir plusieurs tâches. Là, on... c'est pour l'accomplissement de
la tâche. Alors, je ne suis pas sûre que, si j'étais l'entrepreneur réputé
avoir répondu à tout, ça aide. Je voulais juste être sûre, là.
M. Jolin-Barrette : Mais, si
vous permettez, faisons cette discussion-là juste après l'amendement, parce
que, dans le fond, le...
Mme David : À l'amendement, il
n'y a que le mot «poste». Ça, ça va, je suis d'accord. Mais...
M. Jolin-Barrette : Oui. C'est
ça. Ça fait que traitons juste de l'amendement en premier, puis ensuite je...
on revient, on revient sur la discussion.
Mme David : O.K. Je n'ai pas de
problème. Je suis capable. Je suis patiente, vous le savez, je suis patiente.
M. Jolin-Barrette : O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire sur l'amendement... Oui, M.
le ministre, oui?
M. Jolin-Barrette : Bien,
simplement dire, relativement aux motifs justifiants cette exigence, dans le
fond, l'employeur indiquera sommairement, dans le fond, les motifs qui
requièrent pourquoi est-ce qu'il y a une exigence d'une langue autre que
l'anglais. On ne demande pas que ça soit très compliqué, que ça soit simple,
mais que l'employeur indique pourquoi il demande une autre langue que la langue
officielle dans l'affichage. Donc, que ce soit avec la présentation de l'offre
qui est affichée d'une façon qui soit sommaire.
• (15 h 20) •
Mme Ghazal : Exactement. Puis
même, moi, je disais des explications où c'était comme ça, l'amendement avant
celui-là qui a été formulé par l'équipe. L'idée, c'est qu'on ne puisse pas,
après l'adoption de ce projet de loi là, qu'on ne puisse plus jamais trouver
une offre d'emploi affichée, écrite, où il va y avoir écrit : Compétence
requise : bilingue, point. Il faut
expliquer pourquoi on a besoin que ça soit bilingue. Tu sais, c'est ça,
l'esprit de cet amendement-là.
M. Jolin-Barrette : Oui. O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va? D'autres commentaires? Non. Donc, on est prêt à mettre aux voix
l'amendement de la députée de Mercier. Est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Donc, puisque l'amendement est adopté, nous revenons à
l'article 35 sur la discussion. Et la députée de Marguerite-Bourgeoys
parlait de la tâche. Est-ce que vous voulez, M. le ministre, que je vous
reconnaisse tout de suite? Oui.
M. Jolin-Barrette : Bien, juste
en complément de l'intervention, là, de la collègue, là, c'est parce que
lorsque vous avez... Il y a le lien d'emploi, dans un premier temps. Le fait
d'être embauché, ça crée un lien d'emploi entre la personne physique et
l'employeur. Lien d'emploi, première chose. L'employeur vous embauche pour un
poste déterminé. Donc, exemple, il y a tant de postes dans le service des
ressources humaines. Donc, c'est un poste au niveau des ressources humaines.
Donc, c'est un poste, supposons, budgétaire, supposons, quand c'est des...
supposons, dans le public, on parle d'équivalent à temps complet. Bon, on était
au niveau des heures rémunérées aussi, ça a changé, là, des ETC au niveau...
Vous connaissez bien le système, là, c'est des heures rémunérées. Pour un
employeur, bien, dans le fond, qui fait une offre d'emploi, c'est un lien
d'emploi qui est créé, c'est pour un poste. À l'intérieur du poste, les tâches,
il peut y avoir qu'une seule tâche comme il peut avoir plusieurs tâches.
Donc... Et le poste... les tâches peuvent être amenées à changer à l'intérieur
du poste aussi. C'est pour ça qu'on fait référence à «tâche» et à «poste».
Donc, «il est interdit à un employeur d'exiger
d'une personne, pour qu'elle puisse rester en poste — donc
rester en emploi — [pour]
y accéder, notamment par recrutement, embauche, mutation ou promotion, la
connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la
langue officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche — la
tâche dans le cadre du poste — ne nécessite une telle connaissance; même
alors, il doit, au préalable, avoir pris tous les moyens raisonnables pour
éviter d'imposer une telle exigence.»
Mme David : Je pourrais dire
que... Est-ce qu'on pourrait dire qu'un poste peut contenir, puis je pense vous
l'avez dit textuellement comme ça ce matin, plusieurs tâches?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David :
Alors, c'est compliqué. Là, j'essaie de vous aider, là. Est-ce qu'on ne
pourrait pas dire : «à moins que l'accomplissement de la tâche ou d'une
partie de celle-ci ne nécessite»? Parce que tout d'un coup que votre vendeur, votre vendeur de balayeuses... dans la
compagnie, ils vendent des balayeuses, là, puis ils vendent aux États-Unis,
mais ils vendent peut-être des balayeuses en Ontario
60 % du temps, puis, le reste du temps, c'est à Montréal, c'est à Québec,
c'est à Shawinigan.
M. Jolin-Barrette :
Mais, en vertu de la Loi d'interprétation, là, comme tâche est inclus au
singulier, là, est énoncé au singulier, l'article 54, là, de la Loi
d'interprétation nous dit : «Le nombre singulier s'entend à plusieurs
personnes ou à plusieurs choses de même espèce, chaque fois que le contexte se
prête à cette extension.» Donc, par définition, là, quand on parle de la tâche,
bien, il faut entendre que, dans le cadre d'un poste, il y a la tâche, mais
cette tâche-là peut se décliner en plusieurs tâches.
Mme David :
Ça sort d'où, ça? C'est un nouveau...
M. Jolin-Barrette :
L'article 54 de la Loi d'interprétation.
Mme David :
Mais c'est parce que, la Loi d'interprétation, il y a en a qui... Je ne l'ai
pas vu, moi. Je ne sais pas où on trouve ça. Mais, en tout cas, il y a des
conseils québécois, je ne sais plus lesquels, là, qui ont lu attentivement nos
lois d'interprétation puis qui... je ne sais pas quoi, là, qu'est-ce qu'ils...
ils ont toutes sortes de commentaires. Mais, si ce n'est pas supposé
interpréter, moi, ça me mêle plus que ça m'interprète. Répétez-moi, là, qu'une
tâche ça peut vouloir dire plusieurs tâches?
M. Jolin-Barrette :
Bien, dans le fond, là, c'est parce que l'enjeu que vous me soulevez, là, c'est
que c'est au singulier dans l'article 46.
Mme David :
Bien, voilà.
M. Jolin-Barrette :
Mais, dans l'article 46, depuis 1977, ça a toujours été au singulier puis
ça n'a pas posé problème en termes d'interprétation.
Mme David :
Oui, mais c'est parce que vous n'étiez pas aussi exigeant, aussi, sur
l'exigence d'une langue autre que le français, là. C'est : plus on devient
prescriptifs, plus il faut savoir à quoi s'applique la prescription.
M. Jolin-Barrette :
Oui, sauf que l'essence même de la disposition, c'est la même chose, là. Le
critère de nécessité prévu à l'article 46 depuis 1977 est le même, là. Ça,
ça ne change pas. C'est dans les moyens d'évaluer la nécessité, et des moyens
raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle exigence.
Mais
votre critère, à la base, de nécessité par rapport à la tâche, avant, là, dans
le cadre de mon poste, là, est-ce que la
tâche nécessitait que je parle une autre langue que le français? C'était déjà
le même vocabulaire par rapport à la tâche. Donc, ça arrivait déjà, des situations où, au sens
strict, là, de l'article 46, quand il est écrit «la tâche», vous aviez des
postes où...
Prenons votre
exemple, votre vendeur de balayeuses qui avait des contacts avec l'Ontario
puis, parfois, vendait ses balayeuses à Québec. Bien, dans le fond, lui, son
poste, c'était vendeur de balayeuses, puis, dans le cadre de sa tâche, bien, il
avait des clients au Québec, il avait des clients en Ontario, il avait des
clients aux États-Unis, donc ça faisait partie de sa tâche. Donc, lui, à
l'époque, est-ce que c'était nécessaire de maîtriser une autre langue que la
langue officielle pour exercer son emploi? L'employeur a déterminé : Ah!
bien oui, c'est nécessaire parce qu'il y a des clients en Ontario, puis il vend
des balayeuses en anglais.
Là, nous, ce qu'on
fait, on part de là puis on dit : Écoutez, on rajoute un critère. Le
critère de nécessité demeure intact. Mais, pour l'appréciation du critère de
nécessité, là on dit : Est-ce que vous avez pris les moyens raisonnables
pour éviter d'imposer une telle exigence? Exemple, vous avez, je ne sais pas,
30 vendeurs de balayeuses dans votre entreprise. Puis là les 30
vendent des balayeuses en Ontario, au Québec, aux États-Unis. Est-ce que tout
le monde a besoin... En fait, est-ce que, premièrement, la compétence
linguistique est nécessaire? Est-ce que c'est un besoin réel? Deuxièmement,
est-ce que les autres vendeurs pourraient, eux... ils ont des compétences
linguistiques pour le faire? Puis, troisièmement, est-ce que la façon de
fonctionner, c'est optimal par rapport aux besoins de l'entreprise? Est-ce qu'il
y a un effort qui pouvait être fait pour éviter que la personne nécessite de
parler en anglais? Ça fait que, là, l'employeur, il regarde ça, il peut-tu
regarder... est-ce qu'il sépare tout ça en 30 ou il essaie de confier les
tâches qui nécessitent la connaissance d'une langue autre que le français à un
moins grand nombre d'employés, pour autant que ça fonctionne puis que ça soit
raisonnable, là, dans la structure de l'entreprise?
C'est sûr, dans votre
exemple d'avant le dîner, là, dans votre entreprise en Beauce, à quatre
personnes, ça va être pas mal plus dur, ça, tu sais, de dire que ça serait une
réorganisation déraisonnable de l'entreprise. Ça ne serait pas nécessairement
raisonnable, parce qu'il y a quatre personnes. Mais, dans vos cas de 30 vendeurs
de balayeuses, puis que les 30 vendent tous partout, est-ce qu'il peut éviter
d'imposer ça à tous les employés?
Mme David :
Je comprends, je comprends ça. Je veux juste aller avec l'amendement qu'on
a mis : «y indiquer les motifs
justifiant cette exigence». C'est là qu'il dirait : Poste de vente, doit
être bilingue parce que vend aux États-Unis, par exemple, clients hors
Québec.
M. Jolin-Barrette :
Clients hors Québec. Exact.
Mme David : Mais, par ailleurs, et là je reviens au propriétaire
de l'entreprise qui, d'habitude, fait ces choix-là — dans
les plus petites entreprises, il voit pas
mal à tout — et
c'est lui qui doit répondre : Est-ce que je suis raisonnable avec 1°?
Est-ce que je suis raisonnable avec critère 2°? Est-ce que je suis raisonnable
avec critère 3°? Je pense que oui. Je pense que je n'ai pas
30 vendeurs de balayeuses qui sont bilingues. J'en ai juste quatre, puis
je pense qu'on serait dus pour un cinquième parce que, là, il y a trop de
ventes et puis ils ne fournissent plus, puis etc.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : C'est lui qui va
décider, le soir en se couchant avec sa conscience à lui, s'il est raisonnable.
Puis, en plus, il va être réputé avoir pris la bonne décision. Il n'a pas le droit
à l'erreur. Il n'a pas le droit à l'erreur, parce qu'il est réputé avoir
parfaitement répondu aux trois conditions.
Mais là les trois conditions, c'est son
cinquième vendeur de balayeuses. Mais lui, il dit : O.K., cinq, ça va-tu
passer? Je vais-tu être poursuivi? Je vais-tu être réputé avoir mal travaillé?
Est-ce que c'est cinq? Est-ce que c'est 10? Est-ce que c'est 15? Est-ce qu'il
est raisonnable? C'est dur, le concept de raisonnabilité. À moins que les
juristes aient trouvé que c'est bien simple, être raisonnable.
• (15 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Non. Bien,
en fait, c'est la base du droit administratif, notamment, la raisonnabilité. Ce
que je veux dire, là, c'est que le fardeau qui est imposé à l'employeur, là, ce
n'est pas un fardeau qui est très élevé, là. L'employeur, là, lui, là...
On est dans votre exemple, là. Vous dites :
J'ai quatre vendeurs de balayeuses qui parlent anglais, O.K., pour mon
marché, puis mon entreprise, là, est en croissance fulgurante, et je veux
exporter. Puis, en fait, je veux gagner le marché ontarien, O.K.? Puis là je
veux ouvrir un nouveau poste. J'agrandis mon équipe. L'employeur va dire :
Écoute, moi, je pense que j'ai besoin d'avoir un poste, de l'ouvrir bilingue,
avec la connaissance d'une langue autre que le français. Premièrement, avant de
l'ouvrir, là, qu'est-ce qu'il va faire, l'employeur? Ce qu'il fait déjà, là. Il
va évaluer «les besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir».
Est-ce que mon vendeur, il a besoin de parler une autre langue que le français?
Ah! bien oui, mon marché, il est en Ontario, puis il est au coeur de Toronto.
Je vends des balayeuses Dirt Devil puis je veux aller conquérir Toronto, donc
ça risque fort de se passer en anglais. Premier élément. Donc, est-ce que le besoin linguistique, il est
réel, associé aux tâches? Bien oui, mon vendeur, il faut qu'il aille à
Toronto, il va faire des représentations. Il a des clients, communique avec eux
par courriel, au téléphone en langue anglaise.
Deuxièmement, «s'était assuré que les
connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour
l'accomplissement de ces tâches». Est-ce que les autres peuvent faire cette
tâche-là? Est-ce que les connaissances linguistiques sont là? Oui, les
connaissances linguistiques sont là, supposons, des autres membres de l'équipe,
sauf qu'on regarde le troisième critère : «il avait restreint le plus
possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l'accomplissement
nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre
langue que la langue officielle.» Or, là, vos quatre vendeurs sont déjà
surmenés dans le cadre de leurs fonctions, eux aussi sont en Ontario, sont aux
États-Unis, communiquent déjà en anglais, tout ça, puis ça prend une cinquième
personne, puis, en plus, le marché, il est là-bas. Il n'y a pas d'enjeu.
L'employeur, là, lui, là, dans le cadre de son analyse de son entreprise, là,
il va faire ces trois étapes-là de toute façon, là.
Mme David : Mais, si c'est si
simple que ça puis que ça existe beaucoup dans le droit administratif, vous
avez dit d'être raisonnable, pourquoi il faut mettre le marteau avec le mot
«réputé»? Pourquoi il faut qu'il soit réputé? Ça existe beaucoup, ça, en droit
administratif, le mot «réputé»?
M. Jolin-Barrette : Bien, ça arrive dans certaines... Mais on marque
l'importance de respecter ces trois critères-là.
Mme David : Oui, mais...
M. Jolin-Barrette : On
dit : Écoutez...
Mme David : En niant la
démocratie de...
M. Jolin-Barrette : Comment ça,
la démocratie?
Mme David : Bien, de... Ce
n'est peut-être pas le bon mot, mais on est supposé être présumé innocent
jusqu'à preuve du contraire. Comment vous appelez ça, là, le principe de...
M. Jolin-Barrette : Non, non,
mais je veux juste vous dire une chose. Là, on n'est pas en matière pénale et
criminelle, là, on est en civil, là.
Mme David : Criminelle. Je le
sais, mais c'est l'équivalent de la matière criminelle, ça.
M. Jolin-Barrette : Non, mais,
écoutez, dans le corpus, là, dans nos lois au Québec, là, il y a 293 lois
qui emploient le terme «réputé» à plus de 5 400 reprises. Donc, c'est
fréquent, là, le terme «réputé», là. Puis l'importance, c'est que ça clarifie
le principe pour tout le monde, là. On doit... Dans le fond, ce qu'on dit, là,
aux employeurs, on dit : Avant d'exiger la
connaissance d'une autre langue que le français, vous devez absolument passer
par ces trois étapes-là. Donc, ce n'est pas, là : Bien, écoutez, moi,
j'ouvre un poste, là, puis je vais mettre la connaissance de la langue anglaise
juste pour être sûr. Je vais exiger ça, là, parce que c'est... tu sais, c'est
plus pratique, là, puis, au cas où, je vais exiger du travailleur québécois,
s'il veut déposer sa candidature, qu'il ait la maîtrise de la langue anglaise,
sans se poser de question, là. Là, on dit à l'employeur : Il n'y a pas
d'enjeu à ce que vous exigiez une autre langue que le français, là, il n'y a
pas d'enjeu. Mais, si vous le faites, voici les exigences, voici ce à quoi vous
devez réfléchir pour le faire, voici les gestes à poser. Premier élément, je
regarde dans mon entreprise...
Mme David : Bien, ça, on en
parlera, des trois conditions, là, mais... Je ne sais pas comment ça se fait
qu'on s'est mis à parler de ça, on est dans le 46.1, là.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien
là, écoutez, moi...
Mme David : Je sais bien que
l'un va avec l'autre.
M. Jolin-Barrette : ...depuis
ce matin, je voulais juste parler de 46, mais là vous m'avez invité à parler de
46.1. Moi, je... madame...
Mme David : Bien oui, je le
sais, mais c'est parce que je...
M. Jolin-Barrette : ...je veux
donner le plus d'explications possible.
Mme David : Je suis partie de
«la tâche», là, dans le fond. Alors, «la tâche», ce que je comprends, c'est que
ça aussi, c'est un mot qui est un mot dans votre dictionnaire de je ne sais pas
quoi, d'interprétation, là, qui a l'air de vouloir dire «les tâches». «La
tâche» peut vouloir dire «les tâches», le singulier inclut le pluriel.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : C'est spécial, là,
mais j'apprends des choses à tous les jours avec les juristes, là.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, ça, là, ce n'est pas moi, le responsable de ça, c'était avant moi,
1977.
Mme David : Oui, oui.
M. Jolin-Barrette : Ça a été
créé même quand je ne pensais même pas faire de la politique.
Mme David : Moi non plus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous n'étiez pas né, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : C'est cela.
Mme David : O.K. Bien, ça va
aller pour «la tâche», là, je vais...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va aller pour «la tâche».
Mme David : ...je vais vivre
avec le dictionnaire d'interprétation.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur l'article 35... 46,
pardon?
M. Jolin-Barrette : Oui, 35.
La Présidente (Mme Thériault) :
Excusez, 35, oui, qui est le 46?
Mme David : ...je ne sais pas
combien de temps il me reste.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de D'Arcy-McGee aussi qui veut faire une intervention.
Mme David : Ah! bien oui, O.K.
Bien...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ou, si vous voulez, vous avez du temps, pas de problème, je vous... Je vais
vous donner ça dans quelques instants. Oui, il doit vous rester à peu près, je
vous dirais, là, 12 minutes à peu près.
Mme David : O.K.
La Présidente
(Mme Thériault) : À peu près. Là, je n'ai pas le vrai calcul,
mais c'est à peu près ça.
Mme David : J'avais deux
sujets : le sujet du secteur public, parce qu'on parle beaucoup, beaucoup
de secteur privé, mais ça s'applique au secteur public, donc les institutions,
ou, en tout cas, le secteur avec le fameux article 29.1; et j'ai l'autre,
puis, peut-être, commençons avec ça, les dispositions de transition. Je vais
attendre un petit peu. On n'a pas parlé de ça du tout, mais est-ce que tout
ça... La loi va être votée, disons, x temps. Là, il va y avoir des dispositions
transitoires ou des temps de s'adapter à tout ça, mais c'est pour les futurs
postes seulement, là, ça. Mais est-ce que chaque entrepreneur de toutes les
entreprises au Québec, là, les 100 000 entreprises, doit se
dire : Dès que la loi est votée, je
dois tout de suite faire ma vérification? Est-ce que tous mes postes sont
justifiés? Ou c'est pour les futurs postes?
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, là, c'est pour les futurs postes, là, ce qui est présentement,
aujourd'hui, là...
Mme David : C'est la photo,
maintenant, là.
M. Jolin-Barrette : La photo
maintenant, là, ce n'est pas rétroactif, là, c'est à la date de la sanction de
la loi, mais, à 35, là, on vient dire, si
vous reprenez 35, qui introduit l'article 46, là : «Il est interdit à
un employeur d'exiger d'une personne,
pour qu'elle puisse rester en poste ou y accéder, notamment par recrutement,
embauche, mutation ou promotion...»
Donc, lorsque vous vous retrouvez dans une
situation où vous embauchez, vous mutez ou vous faites une promotion... Il faut
qu'il y ait un changement, là. On ne se mettra pas à dire... En fait, la
personne qui est déjà dans son poste, elle reste dans son poste, là. Elle a été
embauchée avec l'exigence de la connaissance d'une autre langue que le
français. On ne réévalue pas le poste. Par contre, la personne va démissionner,
là, supposons qu'elle démissionne, puis là l'employeur, il affiche le poste, il
fait un affichage de poste. Bien, oui, là, après ça, 46 va appliquer.
Mme David : ...le fameux
exemple du plongeur dans un restaurant, bien là, il n'aura peut-être plus
besoin d'être bilingue, là. Il ne devra plus... Ça va être difficile à
justifier par rapport à la situation actuelle.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, ça, c'est l'employeur avec son droit de gérance. L'employeur, là, pour
son plongeur, là, il va faire la même démarche, là. L'employeur... Supposons on
avait un plongeur, avant le dépôt du projet de loi, l'employeur exigeait la
maîtrise de la langue anglaise pour être plongeur dans un restaurant pour ce
poste-là. Le plongeur retourne aux études, supposons, laisse son poste. Le
poste devient vacant après l'adoption de la loi, la sanction de la loi. Bien
là, l'employeur qui va vouloir dire : Bien, écoute, moi, je remplace mon
plongeur, puis je veux que le plongeur maîtrise une autre langue que le
français, on va dire : D'accord, employeur, il n'y a pas d'enjeu, là, vous
pouvez le faire. Sauf que est-ce que vous remplissez les critères prévus à 35,
46, et donc, est-ce que c'est nécessaire pour l'emploi? Premier critère, là, il
y a lieu de se poser la question.
Mme David : Bien, c'est ça que
je dis, et donc y compris l'amendement. Il va falloir que, dans
l'affichage, ils disent : Postes bilingues exigés, ou je ne sais trop.
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
mais, avant de le faire, là, il va se dire : Est-ce que c'est nécessaire?
Deuxièmement, est-ce que je prends les moyens raisonnables pour éviter
d'imposer une telle exigence? Puis là le 46.1 arrive, il va regarder. Bien,
écoute, est-ce qu'il a vraiment un besoin réel d'exiger la maîtrise de la
langue anglaise pour être plongeur?
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Écoutez...
Mme David : On ne présume
pas...
M. Jolin-Barrette : Bien, moi,
je...
Mme David : ...mais on ne
répute pas non plus.
M. Jolin-Barrette : Non,
mais...
Mme David : Il ne sera pas
réputé.
M. Jolin-Barrette : Écoutez, je
me lèverais de bonne heure pour dire que, pour laver de la vaisselle, il faut
absolument être bilingue, là, mais ça peut arriver. Ça peut arriver.
Deuxième critère, est-ce que les autres
personnes, ils ont des compétences linguistiques qui pourraient répondre à la
demande?
Troisième critère,
est-ce que j'ai organisé le travail de façon à éviter d'imposer une telle
exigence? Bien, écoutez, s'il n'y a qu'un seul plongeur, puis, en fonction des
circonstances, il répond aux trois critères, puis l'employeur a vérifié les trois critères, peut-être que ça va
résulter avec une offre d'emploi qui est bilingue parce que c'est nécessaire,
puis les moyens raisonnables ont été pris pour éviter
d'imposer une telle exigence. Tu sais, ce n'est pas un absolu, là. Pour moi,
c'est très clair qu'il y a des postes qui vont nécessiter, lors de l'affichage,
une maîtrise autre que la langue officielle, bien entendu. Mais le critère,
c'est la raisonnabilité puis éviter les moyens raisonnables, puis là vous avez
le test en trois étapes.
Donc,
la question ultimement du processus, c'est peut-être que ça... Tu sais, chaque
situation est un cas d'espèce, là. Peut-être que le plongeur va
nécessiter de parler une autre langue, mais il lave la vaisselle.
• (15 h 40) •
Mme David :
Bien, oui. Je vais faire une boutade, mais qui n'en est même pas une.
Est-ce que vous savez qu'il faut savoir lire
l'anglais pour partir le lave-vaisselle parce que ce n'est pas traduit, ça,
quand on achète une laveuse, sécheuse, lave-vaisselle? Vous regarderez,
ce n'est pas traduit. Alors, c'est «wash», «clean», «dry high», «dry hot». Puis
là j'ai demandé à mon poseur de... mon installateur de laveuse, sécheuse, j'ai
dit : Voyons, c'est tout en anglais. Bien, il dit : Madame, c'est
tout en anglais depuis tout le temps. Je n'en ai jamais installé qui était
bilingue, jamais, ou en français, à moins qu'une compagnie colle un sticker
par-dessus avec, tu sais, des collants.
Donc, je ne fais
quasiment pas une boutade. Le plongeur, il faut qu'il sache sur quel piton...
Alors, s'il pèse sur «cancel» au lieu de peser sur «start»...
M. Jolin-Barrette :
Eh bien, en fait, j'apporterais... En fait, je soumettrais un bémol par
rapport à ça. C'est que, dans le cadre d'une entreprise, ça peut faire partie
du programme de francisation. Parce que, vous, quand vous avez votre
lave-vaisselle personnel à la maison, dans le fond, vous l'achetez de cette
façon-là, mais l'employeur, lui, a l'obligation, dans le cadre... dans un
programme de francisation...
Mme David :
Vous avez raison.
M. Jolin-Barrette :
...de 50 employés et plus d'identifier sur les machines. Parce qu'à
l'époque, en 1977, c'était le cas qui était vécu. Tu sais, les gars... Bien,
pardon, je vous ai dit «les gars» parce qu'à l'époque c'étaient majoritairement
des hommes qui travaillaient dans les usines. Mais un des objectifs, notamment,
de la loi 101, en 1977, c'était de
franciser les outils de travail, donc les... comment on dit ça... pas les
catalogues, là, mais les manuels d'instructions, excusez, les manuels
d'instruction avec les machines, les boutons également. Quand vous visitez des
usines, souvent, vous voyez que les boutons sont identifiés notamment en
français aussi. Parce que, parfois, ça arrive que la machine qui est,
supposons, importée... En chinois, en allemand, beaucoup, beaucoup. À l'époque,
il y avait beaucoup de machines qui étaient en allemand. Donc, le fait
d'utiliser une terminologie de langue française, ça, c'est prévu par le
programme de francisation.
Sur votre
intervention, il y aurait peut-être lieu de réfléchir. Est-ce qu'on veut
assujettir les électroménagers? Justement...
Mme David :
...
M. Jolin-Barrette :
Bien non, mais peut-être qu'on pourrait le mettre dans celui-ci, là.
Mme David :
Oui, bien, écoutez, moi, je vous dis ça de même, là.
M. Jolin-Barrette :
Mais est-ce que...
Mme David :
C'est la citoyenne qui parle, là.
M. Jolin-Barrette :
Mais est-ce que vous avez... est-ce que vous croyez que c'est une bonne idée
d'imposer, justement, les...
Mme David :
Bien, c'est une... ça mérite réflexion, ça mérite réflexion. Alors,
effectivement, on oblige, pour les certificats de francisation, par exemple,
dans les arrondissements, que, sur les poubelles des arénas, ce n'est pas écrit
«Push» pour aller mettre le Kleenex dans les poubelles, ou le hot-dog, ou je ne
sais pas quoi, il faut que ce soit écrit «Poussez». Alors, il faut que les
municipalités, arrondissements mettent un petit collant sur la poubelle pour cacher le «Push», pour mettre «Poussez». Mais ça,
c'est des gros employeurs. On parle de municipalités, d'arrondissements.
Mais le citoyen, chez lui, qui reçoit sa laveuse-sécheuse, là, qui est tout en
anglais... Les instructions, oui, arrivent en anglais, en français, en chinois,
en allemand.
M. Jolin-Barrette :
Mais, juste vous dire, tu sais, 46.1, là, n'empêchera pas une compétence
minimale dans le cas dont vous dites, exemple, de comprendre «Start», «Stop» ,
puis «Power», puis...
Mme David :
...«Heat dry».
M. Jolin-Barrette :
«Heat dry», là, supposons, un blanchisseur, bien, l'employeur pourra
l'indiquer, pour dire : Bien, écoute, il faut que tu aies une connaissance
minimale parce que, voici, il va y avoir ça, là. 46.1...
Mme David :
Mais vous voyez qu'on n'est pas dans quelque chose de simple, là, parce que
c'est dans toutes les ramifications de la société, jusque dans nos maisons, là.
M. Jolin-Barrette : Je suis
d'accord. Sauf... Ce qui est important, c'est... sur le marché du travail,
c'est la généralisation de l'utilisation de la langue française comme langue
commune puis comme langue de travail. Puis là ce que nous constatons, puis tout
le monde le constate, avec les études qui sont sorties, notamment de l'OQLF,
sur le marché du travail à Montréal, on se retrouve avec les employeurs,
notamment dans la région de Montréal, qui exigent, dans 63 % des cas, la
connaissance d'une langue autre que le français. Alors, ça, ce n'est pas
raisonnable. Ce n'est pas vrai que tous les postes, parmi les 63 %...
Mme David : Ça, on est
d'accord.
M. Jolin-Barrette : Tout ça. Ça
fait qu'il y a nécessité de resserrer parce que, puis là je fais l'argument du
marché, là, le marché ne comprend pas cette importance fondamentale là
rattachée à la langue française, puis au droit des travailleurs de travailler en français. Si le législateur
n'intervient pas, dans 15 ans, oubliez ça, le français à Montréal,
là, pour la langue de travail, là.
Donc, c'est ça, notre responsabilité, là, c'est
de venir encadrer, baliser, de... pas d'interdire, là, pas d'interdire d'exiger
une autre langue que le français, pas d'interdire l'anglais, ce n'est pas du
tout ça que le projet de loi fait, mais de venir poser certaines balises pour
dire : Attention, n'ayez pas des exigences déraisonnables. Il y a un
critère de nécessité. Prenez les moyens raisonnables avant d'exiger la
connaissance d'une langue autre que le français, d'avoir une évaluation en trois étapes, qui est simple,
pour dire : Bien, voici, écoutez, j'ai regardé 1°, 2°, 3°, puis, oui, j'ai
besoin, après analyse, d'avoir une personne qui va avoir des compétences
linguistiques en langue anglaise. Parfait, mais il faut que l'exercice soit
fait par l'employeur.
Parce qu'actuellement, on le voit, le critère de
nécessité, il est malmené. Ce n'est pas vrai que c'est nécessaire dans tous les
cas. Le plongeur, le concierge... Écoutez, on a même vu, là, des reportages,
l'année passée, là, des dames, là, qui
étaient issues de l'immigration, qui étaient diplômées, qui se cherchaient un
emploi comme adjointe administrative. Elles
ne se faisaient pas embaucher à Montréal parce qu'ils disaient : Vous ne
parlez pas anglais. Bien là, on a quelqu'un de diplômé, quelqu'un qui
parle la langue officielle, quelqu'un qui a des compétences, puis elle était
discriminée parce qu'elle ne parlait pas anglais. Ce n'est pas vrai que, dans
tous les emplois de responsable des communications, à l'accueil, il faut être
bilingue dans tous les cas, là, puis, en plus, on se retrouve dans une
situation où il y a des demandes en matière d'emploi. Donc, je pense que le
marché doit s'ajuster aussi, là.
Mme David : Bon. Alors... Son
temps ne compte pas sur mon temps, hein? O.K. Sinon, on serait une garde
partagée compliquée un peu.
La
Présidente (Mme Thériault) : Ne soyez pas inquiète. Votre temps, c'est votre temps, il est préservé
jalousement. Et le temps du ministre aussi est compté.
Mme David : O.K. Parce que je
voulais aller aussi du côté du secteur public. Parce que j'essaie de me
dépêtrer et peut-être de rassurer les établissements qui ont un statut bilingue
ou qui n'ont pas un statut bilingue, mais qui pourraient, comme employeur,
dire : J'ai besoin de tel ou tel employé. Je pense qu'il faut séparer les
deux dans la question que je n'ai pas, parce que je ne pense pas qu'on puisse
traiter exactement les gens qui ont le statut bilingue sous le fameux
article 29.1, comparativement aux organismes qui n'ont pas ce statut-là.
Est-ce que ça va changer quelque chose? C'est à
dire que, par exemple, un CIUSSS qui a un statut bilingue, c'est évident qu'on
présume que les postes vont souvent être affichés en disant : Nécessité de
parler une langue autre que le français, puisque, par définition, pour avoir le
statut bilingue, il faut qu'ils aient une majorité de clientèle qui soit d'une
langue autre que le français. Donc, j'ai l'impression qu'un explique l'autre.
Mais ils ont quand même... On revient à notre
fameux article, où vous disiez : Non, c'est juste pour des statistiques,
c'est juste pour des données. La question des rapports annuels, je ne sais pas
si vous vous souvenez, on a parlé de ça pas
mal. Là, on parle plus de ça. On parle d'embauche, de mutation, etc., qui sont
pour le secteur public. Alors, comment on peut voir ça, la question des
organismes qui ont le statut bilingue par rapport à un CIUSSS francophone, par
exemple? Est-ce qu'il y a une différence, dans le fond?
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bien oui.
Oui, il y a une différence par la nature, notamment, de la clientèle qu'ils
desservent, bien entendu. Puis c'est pour ça que je vous disais, tantôt, c'est
une analyse concrète, in concreto, pour faire
en sorte que... 46, là, s'appliquait déjà à 29.1, là, O.K., sur le critère de
nécessité, il y avait déjà cette exigence-là, mais là, pour l'employeur
CISSS ou CIUSSS anglophone, supposons, bien, d'autant plus, lui, l'atteinte des
critères de 46.1 va être d'autant plus simple à remplir pour lui, parce que la
clientèle doit être servie dans une autre langue que le français. Donc,
nécessairement, son fardeau, il est beaucoup plus simple à remplir. Lui, quand
il va regarder ça, il va dire : Est-ce que, dans un premier temps,
c'est... Est-ce que, dans un premier temps, j'ai évalué les besoins
linguistiques réels associés aux tâches à accomplir? Est-ce que... Moi, là, je
suis dans un hôpital anglophone, là, à la réception, là. Quel type de clientèle
je sers, là, pour prendre les rendez-vous médicaux? Bien, je dessers une
clientèle de langue anglaise. Besoin linguistique, il est identifié, là. J'ai
une clientèle qui vient de recevoir des services de santé en anglais dans mon
hôpital pas mal rempli.
Deuxièmement, je me suis
assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du
personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches. Est-ce
qu'il y a d'autres personnes qui peuvent prendre le relais, oui ou non, ou ils
sont déjà occupés dans des postes, puis ce n'est pas possible de les bouger de
poste ou qu'eux répondent au téléphone parce qu'il y a des postes prédéfinis,
puis, tu sais, il n'y a pas possibilité?
Puis, troisième critère, il a restreint le plus
possible le nombre de postes auxquels se rattachent les tâches sur
l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance. Donc,
est-ce que c'est possible que, les gens qui ont besoin de nous parler dans une
autre langue que le français, on les regroupe relativement pour donner,
supposons, le service, là, tout ça? L'employeur va regarder ça. Mais, dans un
hôpital anglophone, supposons, il y a beaucoup de gens qui doivent avoir une
connaissance d'une langue autre. Ça fait que les critères sont beaucoup plus
faciles à remplir à 46.1 pour un hôpital anglophone, exemple au campus Glen
qu'à Honoré-Mercier, à Saint-Hyacinthe. Tu sais, ce n'est pas...
Mme David : ...vont avoir à
faire la même analyse, mais...
M. Jolin-Barrette : Bien, comme
ils le faisaient à 46. À 46, le critère de nécessité était là. Sauf que, ce que
je veux dire, le fait que l'analyse se fasse par chacun des employeurs, ce
n'est pas la même chose, là. Tu sais, si vous êtes
le P.D.G. de l'hôpital ou du Montréal Children puis que vous êtes le P.D.G. de
l'hôpital à Saint-Hyacinthe, il n'y aura pas le même nombre de postes
qui vont exiger une maîtrise de la langue anglaise à Honoré-Mercier qu'au
Montréal Children, là. Ça fait que comme 46 s'appliquait d'une façon... le
critère de nécessité, c'est le même critère de nécessité, mais dans la
justification, il y a une distinction. Bien entendu que votre clientèle qui
vient se faire soigner en langue anglaise dans des hôpitaux, il y a une
situation d'urgence, mais bien entendu qu'il y a nécessité d'avoir plus de
postes où il y a une maîtrise de la langue anglaise.
Mme David : Et,
quand on parle du secteur public, on revient un peu plus dans le grand chapitre
Administration de l'État, là. Alors là, on
va parler de... ce sont les directions des ressources humaines de ces... donc,
les fonctionnaires de l'État,
finalement, qui vont avoir à gérer ça, plutôt que des entrepreneurs, avec des
ressources humaines, mais d'entreprises. L'esprit est le même, mais... la démarche est la même, mais, dans le
secteur public, on peut penser qu'ils vont... ils ont les ressources
plus facilement, à moins que je n'ai pas la... qu'il y ait des tout petits
secteurs publics qui sont comme des toutes petites entreprises, qui vont peut
être avoir plus de difficultés. Ça m'amène aux organismes communautaires...
M. Jolin-Barrette : Mais juste
si je peux ajouter, là. L'objectif, là, de 46.1, là, jumelé avec 46, là, c'est
qu'il y ait un véritable réel examen des besoins linguistiques qui soit
effectué. Tu sais, là, on était plus dans une situation où je me ferme les
yeux. Puis : Ah! bien, je vais exiger la connaissance d'une autre langue
que le français parce que c'est plus pratique. Il faut que l'employeur fasse un
examen linguistique, là, puis se dise, pour citer Pierre-Yves McSween :
J'en ai-tu vraiment de besoin?
Mme David : Il n'emploie pas le
mot «réputé», Pierre-Yves McSween, par exemple...
M. Jolin-Barrette : Bien, dans
ses chroniques, parfois, là.
Mme David : Alors, mais...
M. Jolin-Barrette : Je... ça me
fait... en tout cas.
Mme David : Parlons des
organismes communautaires, parce qu'on n'en parle pas beaucoup. On en a tous
dans nos circonscriptions, puis on en a qui desservent des communautés
allophones, anglophones. Puis là je parle de banques alimentaires, de trouver
des vêtements d'hiver pour les gens, de la littératie, de l'alphabétisation,
les femmes enceintes, j'en ai dans ma circonscription,
là... un organisme communautaire anglophone. Il y en a peut-être
50 francophones autour, mais celui-là fait un travail exceptionnel pour
aller chercher des femmes issues de l'immigration dont la langue seconde est
plus ou moins l'anglais, quoique, même ça, c'est un peu déficient, pour les
amener à se faire vacciner, puis, en tout cas, ils font des choses
extraordinaires, mais ce sont des organismes communautaires. Là, j'avoue que je
ne sais pas quelle... s'ils sont régis par cette loi-là. Puis, si oui, comment
ils font ça? Ce n'est pas des gros chefs d'entreprise, là, je... Comment ils
sont régis, les organismes communautaires?
M. Jolin-Barrette : Bien,
en fait, les organismes communautaires sont régis comme n'importe quel
employeur. À partir du moment où vous êtes un employeur, vous êtes assujetti à
46. Mais il faut bien comprendre, 46, 46.1, là, c'est pour éviter que la
connaissance d'une langue soit automatiquement demandée et qu'on en vienne, de
cette façon-là, à discriminer les candidats unilingues francophones de façon
systématique.
Mme David : Je comprends. Je
comprends l'esprit de la chose.
M. Jolin-Barrette : Donc, c'est
ça, l'objectif. Puis, dans le fond, tous les employeurs vont se poser la
question avant d'ouvrir la poste : J'ai un poste, c'est quoi, les tâches
associées au poste? Est-ce que j'ai un besoin réel d'une maîtrise d'une langue
autre que le français? Dans votre cas d'exemple, je suis un organisme
communautaire qui dessert une clientèle anglophone, est-ce
que les autres collègues peuvent le faire? Est-ce que, dans mes employés
actuels, ils peuvent répondre à ce
besoin-là? Puis, troisièmement, est-ce que j'ai une façon d'organiser les
tâches pour éviter que tout mon personnel... j'impose cette exigence-là?
Si vous êtes dans un organisme communautaire où il y a quatre employés, il y en
a un qui est à la banque alimentaire, l'autre est à la friperie, puis l'autre
est à la halte-garderie, puis que ce n'est pas des postes interchangeables,
puis que, dans les trois situations, toute la clientèle est anglophone, bien,
fort probablement que les trois postes vont devoir exiger la connaissance d'une
autre langue que le français.
Mme David : Oui, une maison
pour femmes victimes de violence conjugale, tu as les travailleurs qui sont là,
les travailleuses, souvent, qui sont là le jour, d'autres qui sont là la nuit.
Ça me fait penser qu'il y a... dans les mémoires, il y en a plusieurs qui
parlent des conventions collectives, des gens qui sont syndiqués. Puis là est-ce
qu'il va falloir «bumper» un pour mettre l'autre, par exemple, de jour, de
nuit, parce que l'offre... celle de jour est bilingue, puis là je ne peux pas
en engager une autre de nuit, alors je vais mettre celle de jour de nuit. En
tout cas, ils ont peur à des grands tiraillements, sinon des déchirements
intraemployés. Comprenez-vous?
M. Jolin-Barrette : Oui. Mais
l'employeur a toujours son droit de gérance. Il doit se poser la question, là.
Lui, il peut organiser le travail de la façon dont il veut, on ne touche pas à
ça, là, mais ce qu'on dit, là, pour toute nouvelle embauche, il doit se poser
la question : Est-ce que c'est un besoin? Est-ce que c'est nécessaire?
Puis est-ce que je prends les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle
exigence?
Dans les cas que vous soulevez, là, vous
soulevez certaines situations où il y aura... Et puis je l'ai toujours dit, là,
j'ai dit : Il va y arriver des situations où les postes devront demander
la maîtrise d'une langue autre que le français. Mais là, actuellement, ce qu'on
constate, c'est que ça devient quasi systématique, puis il n'y a même pas
d'analyse de besoins linguistiques qui est faite par l'employeur. On dit :
Bien, on va le mettre, au cas où, on va le mettre. Il n'y a même pas de réflexion,
de questionnement associé à ça. Ou c'est plus simple, c'est plus facile, on va
le mettre, l'exigence de la connaissance de notre langue.
Puis c'est là-dessus qu'il faut travailler.
Parce que, si on veut être en mesure, là, de bien franciser le Québec, là,
d'intégrer en français les personnes immigrantes, le signal que la société
envoie, c'est que le marché du travail est en français. Tu sais, on le voit, le
cas de personnes immigrantes qu'on va chercher à l'étranger, on dit : Aïe!
On en a, des emplois, au Québec, là, venez au Québec, vous êtes des candidats
francophones, c'est bon, vous allez vous intégrer en français. Première affaire
qu'ils font quand qu'ils débarquent à Montréal, ils se font dire... puis ils
envoient des curriculum vitae, ils disent : Vous ne parlez pas anglais.
Oui, mais là... Moi, être une personne immigrante, avoir choisi le Québec parce
que ça se passe en français puis me faire dire, à la première approche, où je
soumets ma candidature : Vous ne maîtrisez pas la langue anglaise, je vous
dirais, une minute, là, comme... C'est supposé...
Mme David : Bien,
ce que j'entends de votre message, c'est on va être rigoureux, mais on ne sera
pas dogmatique.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Puis je ne l'ai jamais été. Je ne l'ai jamais été, pas dans ce cas-là, pas dans
le cas du bilinguisme des juges non plus. La démonstration, Mme la Présidente,
j'ai ouvert plein de postes avec la maîtrise de la langue anglaise. J'ai nommé
des juges bilingues aussi, beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) : ...
M. Jolin-Barrette : Oui, c'est
vrai, vous avez raison, parce que la recommandation est entérinée par...
La Présidente (Mme Thériault) : ...par
le Conseil des ministres.
M. Jolin-Barrette : ...le Conseil
des ministres. Vous avez le bon mot, le bon terme, Mme la Présidente.
Mme David : Bon, bien, écoutez.
Ça, ça va pour... On est toujours dans le 46, là?
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Thériault) : Oui.
Mme David : Ça va pour moi.
La Présidente (Mme Thériault) : Ça
va pour vous. J'ai M. le député de D'Arcy-McGee qui avait une intervention à
faire, si je ne m'abuse.
M. Birnbaum : ...dans un
premier temps, on n'est pas en train d'évaluer la performance du ministre, ni
sa bonne foi, ni sa façon d'implanter son éventuel projet de loi. Nous sommes
en train, ensemble, de confectionner la meilleure loi possible pour le Québec,
alors nos questions vont dans ce sens-là. Je me permets cette observation parce
que le ministre vient de nous donner quelques précisions verbales sur certains
établissements d'un certain caractère. C'est des précisions verbales dont je ne
vois pas écho dans ce qu'on voit devant nous.
On va reprendre un
exemple, à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Et vous allez constater que,
contrairement au ministre, j'utilise le nom légal, les deux noms sont légaux.
Mais l'Hôpital de Montréal pour enfants, j'aimerais juste souligner, une autre
fois, pour tout le monde qui nous écoute, que voilà un autre établissement de
l'État qui fait la fierté du Québec, dont la clientèle
est peut-être à une forte, forte proportion de francophones, dans d'autres
langues et de langue anglaise, qui bénéficient des services d'une qualité
légendaire de l'Hôpital de Montréal pour enfants. Alors, je me permets cette petite parenthèse pour que ça
soit clair qu'on parle des établissements qui nous appartiennent tous au
Québec.
I'm very proud that it's Montréal
Children's Hospital as well, you bet, because it serves a very large English-speaking Québec clientele as well. And it's a hospital that gives
itself the pride of honouring its obligation to be there and to be effective
and serving its French-speaking clientele as well. So, let's just get that off
the table for a second.
Est-ce
qu'on peut aussi comprendre comment ça se fait qu'on parle des cas
exceptionnels tels que reconnus en vertu de la Charte de la langue française
actuelle et telle, jusqu'à date, que reconnue dans le projet de loi n° 96 quand on parle des institutions qui ont un certain
statut? J'essaie de comprendre comment, dans le libellé qui va, en quelque
part, au coeur de l'implantation de sa mission, on fait abstraction totale.
Je me permets de
relire l'article tel que proposé à 46 : «Il est interdit à un employeur
d'exiger d'une personne, pour qu'elle puisse rester en poste ou y accéder,
notamment par recrutement, embauche, mutation ou promotion, la connaissance ou
un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la langue
officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle
connaissance; même alors, il doit, au préalable, avoir pris tous les moyens
raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence.»
On comprend. On avait
plusieurs questions sur les comment, les circonstances, les suites à tout ça.
Ce qu'on lit, ça, le ministre l'a dit,
applique de la même façon à l'hôpital de Chibougamau, où, on va convenir, il
n'y a probablement aucune capacité de servir des clients en anglais,
probablement aucun poste, peut-être, à l'accueil, à notre honneur collectif,
peut-être, à l'accueil, il y aurait un poste à l'hôpital de Chibougamau pour
une position avec une capacité d'accueillir
du monde, de faire un petit triage dans une langue autre que le français, mais
l'article 46, le ministre l'a dit, applique, sans la moindre
reconnaissance de distinction, à Chibougamau comme à L'Hôpital de Montréal pour
enfants.
Le ministre a fait,
après, un genre de discours, où il a dit : Mais le fardeau de la preuve,
quand on arrive à 46.1, risque d'être plus facile, et tout ça. Mais est-ce que
le ministre peut expliquer comment ça se fait qu'il y a une catégorie
d'établissements reconnus par dérogation, à nouveau, dans son projet de loi? Et
là on parle d'un aspect qui touche primordialement à ses opérations,
l'opération de ces établissements-là qui n'est aucunement, mais aucunement
reconnue en 46, dans un premier temps. Là, je parle au niveau du principe. Et
est-ce qu'il va convenir avec moi que les
exigences de 46 va ajouter un fardeau pas mal important, si appliqué sans
exception, à ces établissements dont je parle?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, vous savez, le régime, là, que nous mettons en place n'est pas différent,
dans la structure, de celui qui existait
auparavant. 46 de la Charte de la langue française actuelle s'appliquait aux
établissements visés à 29.1 déjà, donc le critère de nécessité. Nous, on
conserve le critère de nécessité, mais on ajoute également le critère de
démontrer que les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une
telle exigence. Et, pour outiller les employeurs, on met, à 46.1, les trois
critères rattachés à cela. Ça fait que l'employeur va devoir faire une analyse
linguistique de la situation, avant d'exiger la maîtrise d'une autre langue que
le français, va devoir faire son analyse.
Et, même dans les
organismes visés à 29.1, ce n'est pas tous les postes qui nécessitent d'avoir
une maîtrise d'une langue autre que le français. Ce n'est pas vrai que, dans
l'ensemble d'un organisme visé à 29.1, vous devez... que tout le monde, tout le
monde, tout le monde doit avoir une maîtrise d'une autre langue que le
français. Prenez la personne à l'hôpital, là, qui lave les draps, là. Est-ce
que c'est nécessaire, pour être blanchisseur, que vous devez avoir une maîtrise
d'une langue autre que le français? Je ne le sais pas, moi, Mme la Présidente, parce
que je ne suis pas là, sur le terrain, mais l'employeur, lui, qui est
l'hôpital, va faire son analyse, va dire : Bien, j'avais l'intention de le
demander, tu sais, supposons, l'ancien poste, on l'avait demandé. Là, il y a un
nouveau poste ou la personne est partie. Premier élément, est-ce que c'est
nécessaire? Ça, c'est le même critère qu'auparavant. Deuxième critère :
Bien, oui, je juge que c'est nécessaire,
mais est-ce que j'ai une façon d'éviter d'imposer une telle exigence? Puis là
il va rentrer dans ces trois critères. Est-ce que j'ai un besoin réel?
Est-ce que les autres membres du personnel qui ont des compétences
linguistiques peuvent combler ce besoin-là? Puis, troisième critère, est-ce que
les autres membres pourraient faire... Est-ce que je restreins le nombre de
postes ou est-ce qu'il y a une exigence de parler, d'avoir cette
connaissance-là?
Ça fait que, dans ce
cas-là, même si c'est un organisme visé à 29.1, ça se peut bien que la personne
qui est à la... qui est blanchisseur n'ait pas besoin d'avoir cette
connaissance-là, puis il aurait très bien les aptitudes pour laver les
vêtements, les housses, les draps pour le faire. C'est à voir. Ce qu'on veut,
c'est une évaluation linguistique du besoin qui soit là, puis qu'on n'exige pas
les yeux fermés, parce que ça fait en sorte qu'il y a des gens qui ne peuvent
pas accéder au poste parce qu'ils ne parlent pas la maîtrise... ils n'ont pas
la maîtrise de la langue autre que le français. C'est plus cette analyse-là.
Mais ce que je vous disais, c'est que, dans le cas d'un 29.1, pour les postes,
supposons, qui sont en relation avec le public, bien, bien entendu que le
critère, ils vont beaucoup plus remplir rapidement 46.1, l'employeur, au niveau
de la nécessité puis de la raisonnabilité d'exiger une autre langue que le
français, parce que leur clientèle, dans le cadre de leurs fonctions, va être
plus en contact que si vous êtes à l'hôpital à Saint-Hyacinthe.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député.
M. Birnbaum :
Le ministre parle de nécessité. Premièrement, ça serait intéressant de savoir,
quand je parle de l'exemplarité de L'Hôpital de Montréal pour les enfants, ça
serait intéressant, je ne sais pas si le ministre peut me renseigner
là-dessus... Moi, j'ai fortement l'impression qu'il y a des postes de plongeur,
de préposés qui travaillent dans la buanderie où il n'y a aucune exigence pour
une langue autre que le français. Ça serait intéressant s'il y avait des
données de disponibles.
L'autre chose, l'autre
chose, le ministre insiste qu'il ne voit aucune, aucune incohérence dans cet
article de faire l'abstraction totale qu'il y a... de deux choses, abstraction
totale de deux choses, une chose, qu'il y a des établissements de l'ordre
public qui ont un statut de dérogation exceptionnel en vertu de 29.1 qui les
permet de faire des services... d'offrir des services circonscrits dans une
langue autre que l'anglais, de faire abstraction de ça.
Deuxièmement, de faire abstraction... En quelque
part, on parle d'une pierre angulaire de l'octroi de services, de faire
abstraction d'un constat qu'il continue de faire, c'est-à-dire que le projet de
loi n° 96, même avant un amendement significatif que nous avons procuré et
lors de son adoption, il continuait à insister là-dessus, même avant cet
amendement, il insistait que la qualité, l'accessibilité, l'opération, la
réalisation des services de santé et services sociaux en anglais aient été
aucunement, mais aucunement touchés par son projet de loi.
Compte tenu de ces deux choses, n'est-il pas ouvert
à constater avec moi que la portée, les objectifs de son article 46 sont
réalisables et réconciliables avec l'idée de reconnaître, par écrit, dans son
projet de loi, l'existence d'une qualité, d'une catégorie d'établissements où
ces exigences se manifestent d'une façon totalement différente, mais tout en
respectant le droit de travailler en français?
• (16 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, deux choses. Je m'inscris totalement en
faux avec ce que le député de D'Arcy-McGee
a dit relativement aux amendements que le Parti libéral a apportés et que j'ai
acceptés, totalement en faux. Je ne suis pas du tout d'accord avec
l'interprétation du député de D'Arcy-McGee. Et surtout j'ai vu un tweet passer
vers la fin de la semaine dernière, du député de D'Arcy-McGee, et je peux vous
dire que ce n'est pas du tout l'interprétation que j'ai donnée, ce n'est pas ce
que j'ai dit au micro, ce n'est pas ce que j'ai dit publiquement. Puis
l'interprétation du député de D'Arcy-McGee, ce n'est pas celle que j'ai dit
ici, dans le micro, puis ça... Mes propos puis ce qui a été rapporté par le
Parti libéral, ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout qui est l'esprit même
de la loi, ou tout ça. Ça a été très clair dès le départ, et je l'ai toujours
dit, le projet de loi n° 96 ne change rien aux services qui sont donnés
aux ayants droit. Et toutes les garanties ont été là. J'ai accepté d'insérer
certains amendements pour une question de rassurer les gens, pour faire en
sorte de confirmer ce que j'avais déjà dit, alors que ce n'était même pas
nécessaire de le mettre dans le projet de loi parce que c'était déjà là. Alors,
je veux être très, très clair. Mais, quand j'entends : Nous, au Parti libéral,
on a fait un gain pour la communauté anglophone, il faut dire les choses telles
qu'elles sont, puis il faut dire également les faits tels qu'ils sont. Alors,
le projet de loi, entre l'amendement qui a été proposé, que j'ai accepté, et la
valeur réelle de la loi avant l'amendement, c'est exactement la même chose.
Premier élément.
Deuxième élément, on ne change pas le régime qui
était applicable depuis 1977 aux employeurs québécois, qui inclut tous les
employeurs, ceux de 29.1 également. Je donne un exemple. Prenons un organisme
visé à 29.1. Prenons Otterburn Park, qui est visé à 29.1, c'est un organisme
qui est reconnu bilingue. Est-ce que l'employeur, ville d'Otterburn Park, quand
il affiche des postes... Il doit regarder est-ce que c'est nécessaire. Est-ce
que je prends les moyens nécessaires... les moyens raisonnables pour éviter
d'imposer une telle exigence que la maîtrise d'une autre langue que le
français? La réponse à cette question-là, c'est oui. Parce que est-ce que tous
les employés de la ville d'Otterburn Park doivent maîtriser une autre langue
que le français? La réponse, c'est non. Si on fait l'analyse en vertu de 46
puis 46.1 avec les critères, c'est quoi, les besoins linguistiques réels
associés aux tâches à accomplir? Est-ce que l'employé de la voirie d'Otterburn
Park a besoin... En fait, est-ce que tous les employés de la voirie de la
municipalité d'Otterburn Park doivent être bilingues? Premier élément, est-ce
qu'il y a un besoin réel? Deuxièmement, est-ce que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du
personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de la tâche? S'il y a une équipe de
10 personnes à Otterburn Park sur l'équipe de la voirie, puis vous avez
trois personnes, quatre personnes, cinq personnes, huit personnes qui
sont bilingues, est-ce que votre dixième poste de l'embauche, vous allez exiger
la maîtrise de l'anglais? Je pense que les huit autres sont en mesure de
répondre à cela. Puis il a «restreint le plus possible le nombre de postes
auxquels se rattachent [les] tâches dont l'accomplissement nécessite la
connaissance ou un niveau de connaissance...»
Alors, même si c'est un organisme reconnu
bilingue, la municipalité d'Otterburn Park, je ne crois pas qu'en vertu de ces
tests-là, où l'organisme est reconnu bilingue avec un pourcentage de 5,7 %
de citoyens de langue maternelle anglaise, bien, ça sera à l'employeur à
déterminer est-ce que c'est nécessaire puis est-ce qu'il a pris les moyens
raisonnables. Mais, voyez-vous, l'organisme reconnu à 29.1 doit faire la même
démarche, mais, bien entendu, il doit faire l'analyse. Et les besoins
linguistiques réels seront différents d'un organisme reconnu bilingue à
Otterburn Park, versus l'hôpital général pour enfants, versus une municipalité
de l'Ouest-de-l'Île de Montréal.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : I just want to be clear, because the Minister is playing his
favorite sport as he so often does, which is to put up a scarecrow and then
knock it down.
Est-ce qu'on peut être
clair? Est-ce que mes interventions ont tendance à présumer qu'on va rendre
tous les postes bilingues? Est-ce qu'on peut arrêter avec ce genre d'absurdités
là? Ce que je cherche, c'est de voir si le ministre est ouvert... Et je crois
comprendre, et les gens qui nous écoutent vont comprendre qu'il n'est de toute
évidence pas ouvert à reconnaître, dans le projet de loi, à cette instance, à
46, qu'il y a une qualité, une catégorie d'établissements reconnus en vertu de
la Charte de la langue française actuelle, reconnus jusqu'à ce point-ci dans le
projet de loi n° 96, qui est traitée de la même façon, a à z, quand il
s'agit d'un élément qui est crucial à son opération. Alors, je veux juste
m'assurer que le ministre nous affirme qu'il n'est pas du tout prêt à
reconnaître, dans cet article-là, le statut particulier de
certains établissements au Québec, notamment des établissements de santé,
services sociaux comme L'Hôpital Montréal pour enfants.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme
la Présidente, il n'est pas question d'utiliser un épouvantail, hein, je pense que c'est une discussion sérieuse puis je pense
que le régime en place depuis 1977 s'applique, va continuer de s'appliquer.
Je comprends que le député de D'Arcy-McGee souhaiterait qu'on déshabille la
loi 101, hein, pour enlever ce qui fonctionnait en vertu de la Charte de
la langue française, de la loi 101, des dispositions qui ont été adoptées
en 1977. J'ai été très clair, Mme la Présidente, moi, je suis prêt à apporter
des bonifications au projet de loi. Ce n'est pas vrai, par contre, que je vais
diminuer les règles associées à la protection du français dans le cadre du projet
de loi n° 96, au contraire. Et je l'ai toujours dit, le projet de loi
n° 96 préserve tous les droits de la communauté anglophone et même en
bonifie, on va le voir au niveau collégial, où on leur donne priorité.
Je vais revenir à ma réponse, Mme la Présidente,
le statut d'un organisme reconnu en vertu de l'article 29.1 permet à un organisme de l'Administration
d'utiliser une autre langue que le français là où ne le pourrait pas un
organisme de l'Administration non reconnu. Il s'ensuit que, dans ces
organismes, le nombre d'employés ayant une connaissance d'une autre langue que le français sera plus élevé, mais il n'en demeure
pas moins que tous les efforts raisonnables doivent être faits pour
éviter d'imposer cette exigence-là. L'article 46 ne vient pas nier le
statut de l'organisme reconnu. Donc, l'organisme reconnu est assujetti à 46, à
46.1, comme c'était le cas auparavant, il doit évaluer les besoins de la
situation linguistique, mais, par contre, ça
fait partie de l'analyse qui doit être faite, et ça va être pris en
considération par l'employeur, l'employeur étant l'organisme de 29.1.
Lui, il va faire son analyse, il va regarder quels postes sont nécessaires pour
remplir sa mission. On lui permet effectivement, à lui, à cet organisme-là, de
communiquer avec la clientèle dans une autre langue que le français en fonction
des circonstances, c'est prévu dans la loi, mais ça ne signifie pas que tout le
monde, dans cet organisme reconnu là, doive avoir une maîtrise d'une langue
autre que la langue française. Ils sont assujettis.
Ils ont toujours été assujettis à la charte, à 46, ils vont continuer à être
assujettis à 46. Si le député de D'Arcy-McGee
me propose de ne pas les assujettir à 46, on a un enjeu.
• (16 h 20) •
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Oui. Si on
discute des choses, c'est parce qu'on parle des changements à la Charte de la
langue française comme elle existe aujourd'hui. Je fais référence à l'article
amendé.
Question de précision, là, quand on lit, à la
fin de 46, qu'il est interdit à un employeur d'exiger d'une personne qu'elle
puisse rester en poste, blablabla, pour une connaissance au niveau spécifique
d'une autre langue, «même alors, il doit, au
préalable — quand
il fait — avoir
pris tous les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle
exigence». Je veux juste donner un exemple
probablement réel et, une autre fois, juste comprendre que le seuil et le
travail d'exiger, par l'article 46, est pareil. L'hôpital de
Lachute est identifié, si je ne m'abuse, dans les plans d'accès aux services de
santé et services sociaux en anglais pour quelques services, parce qu'il y a
une population importante de langue anglaise dans la région d'Argenteuil. J'imagine,
là, j'imagine qu'à la département de radiographie... Non, on va utiliser un
exemple peut-être même plus pertinent. À l'urgence, selon ces plans d'accès,
tout à fait reconnus dans la Charte de la langue française, il y a fort
probablement au moins un poste de triage à l'urgence de l'hôpital de Lachute,
un poste où une capacité en langue anglaise est exigée. Selon
l'article 46, bon, il faut... il faudrait documenter la nécessité, il
faudrait faire les étapes pour démontrer que cette capacité n'existait pas
encore, il faudrait assurer que personne n'aurait eu ses droits brimés,
c'est-à-dire aurait été congédié à cause de cette exigence, etc.
Là, je me déplace à L'Hôpital Montréal pour
enfants, où, à l'urgence, j'imagine, ce n'est peut-être pas 100 %, mais
les gens à l'accueil, à l'urgence... Par définition, c'est un établissement
reconnu en vertu de son statut 29.1. Donc, à l'urgence de cet hôpital-là,
ça se peut que, disons, 30, 32 postes liés aux services d'urgence exigent
une capacité dans une autre langue. Est-ce normal que l'analyse, qui n'est pas
sans conséquence, là, conséquences de travail, ressources humaines, argent,
possibilités de griefs... N'est-ce pas réaliste que le processus, les exigences
soient reconnus comme un petit peu différents dans ces deux cas que je viens de
décrire?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
lorsque c'est crucial à l'opération de l'organisme, ça fait partie de
l'évaluation de la nécessité et de la raisonnabilité. Comme je l'ai dit à
plusieurs reprises, c'est une analyse concrète, en fonction de l'employeur, en
fonction des postes qu'il affiche, qu'il soumet à l'affichage. Donc,
l'employeur, dans ce cas-ci, va devoir évaluer est-ce que le poste nécessite et
est-ce que c'est raisonnable, est-ce que j'ai pris les moyens raisonnables pour
éviter cela.
Vous me parlez de l'hôpital de Lachute.
L'employeur, lui, dans le cadre des fonctions qu'il fait, est-ce que c'est
nécessaire? Premier critère. Une nécessité était là également sous
l'ancien 46. Après ça, à partir que la nécessité est établie, est-ce que
j'ai pris les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence? Et
là ces moyens-là sont évalués par 46.1. Il a fait son évaluation des besoins
linguistiques. Est-ce que j'en ai de besoin, oui ou non? Oui. Deuxièmement,
est-ce que je me suis assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées
des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement de
la tâche? Supposons que c'est oui, c'est insuffisant. Troisièmement, je restreins le plus possible le nombre de postes
auxquels se rattachent des tâches dont l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance, je
l'ai fait aussi. Parfait, je vais pouvoir afficher mon poste avec la
connaissance d'une autre langue, d'une autre langue que le français.
L'employeur, dans son droit de gestion, dans son
droit de gérance, doit faire cette analyse-là. Il fait son analyse, arrive au
résultat de l'analyse où, bien oui, ça me prend la connaissance d'une autre
langue que le français pour ce poste-là, je n'ai pas le choix. Mais, comme
disait la députée de Marguerite-Bourgeoys, l'employeur, il n'est pas
dogmatique, il va afficher le poste avec une maîtrise d'une autre langue que le
français. Sauf que ce n'est pas systématique qu'on exige tout le temps, sans
analyse, les yeux fermés, sans critère de nécessité, sans critère également de
raisonnabilité. J'ai-tu pris ou non les moyens raisonnables?
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai d'autres commentaires? Ça va?
Bon, puisque je ne vois plus d'autre
commentaire sur l'article 35, est-ce qu'on peut... Est-ce que
l'article 35, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
La
Présidente (Mme Thériault) : Adopté. Parfait. M. le ministre, l'article 36, et vous avez un
amendement aussi.
M. Jolin-Barrette : 36.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous avez un amendement.
M. Jolin-Barrette : J'ai un
amendement?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Des voix : ...
La
Présidente (Mme Thériault) : Ah! non, ce n'est pas vous, je m'excuse, c'est la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Désolée.
Mme David : ...qui veut le
déposer.
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée, M. le ministre, mon erreur.
Mme David : ...amendement en
garde partagée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ah! lorsque vous allez le voir, vous allez dire, définitivement, ce n'est pas
votre amendement. Je suis désolée.
Mme David : Ah! je ne suis pas
sûre, je ne suis pas sûre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y, vous pouvez faire la lecture de votre article, M. le ministre. 36.
M. Jolin-Barrette : Qui vivra verra, comme on dit, Mme la
Présidente : 36. Cette charte est modifiée par l'insertion, après
l'article 46, du suivant :
«46.1. Un employeur est réputé ne pas avoir pris
tous les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou un niveau
de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle dès lors
que, avant d'exiger cette connaissance ou ce niveau de connaissance, l'une des
conditions suivantes n'est pas remplie :
«1° il avait évalué les besoins linguistiques réels
associés aux tâches à accomplir;
«2° il s'était assuré que les connaissances
linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient
insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches;
«3° il
avait restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des
tâches dont l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle.»
Commentaire. L'article 46.1 de la Charte de
la langue française, proposé par l'article 36 du projet de loi, prévoit
une présomption irréfragable selon laquelle un employeur n'a pas pris tous les
moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une autre langue que le français s'il n'a pas, au
préalable, rempli les conditions énumérées par cet article.
Si l'une de ces conditions n'est pas remplie,
l'employeur sera réputé avoir commis une pratique interdite par
l'article 46 de la charte tel que modifié par l'article 35 du projet
de loi.
La
Présidente (Mme Thériault) : C'est beau? Questions, commentaires? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je pense que
je vais y aller avec le dépôt de mon amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, allez-y.
Mme David :
Ça va?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous pouvez, allez-y.
Mme David : Aïe! C'est vite. Technologie. Wow!
Article 36 : L'article 46.1 de la Charte de la langue
française introduit par l'article 36 du projet de loi est modifié dans son
premier alinéa par le remplacement du mot «réputé» par le mot «présumé».
Commentaire. L'article 46.1 de la
Charte de la langue française, introduit par l'article 36 du projet de loi
tel qu'amendé, se lirait ainsi :
«46.1. Un employeur est présumé ne pas avoir
pris tous les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance ou un
niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle
dès lors que, avant d'exiger cette connaissance ou ce niveau de connaissance,
l'une des conditions suivantes n'est pas remplie.» Et on ne... Ça s'arrête là
parce qu'on ne touche pas nécessairement tout de suite aux conditions.
Alors, je pourrais vous dire, avec la
modification proposée dans le projet de loi, l'employeur devra faire la preuve
de la nécessité d'exiger une autre langue que le français en démontrant de
manière factuelle qu'il a respecté les trois conditions obligatoires décrites
plus haut. S'il ne peut le faire, la preuve du respect... S'il ne peut faire la
preuve du respect intégral des trois conditions ou même d'une seule de
celles-ci, il sera réputé en contravention avec la loi, sans aucune possibilité
d'en faire la preuve autrement. En effet, le terme «réputé» est lourd de
conséquences juridiques et impose un fardeau exigeant et mésadapté pour les
petites et moyennes entreprises du Québec. Peu importe le sérieux de la
démarche de l'employeur, peu importe la réelle nécessité d'exiger la
connaissance d'une autre langue, si le respect d'une seule des conditions n'est
pas prouvé devant le tribunal, l'employeur sera automatiquement condamné.
Je pense que ça ne peut pas dire plus clairement
les inquiétudes de la communauté des affaires et je répète, là, des petits
employeurs, là, c'est... Je ne pense pas aux énormes compagnies qui ont une
armée d'avocats et de... pour vraiment se défendre, et tout, je pense à un
Québec qu'on bâtit à tous les jours, de PME qui se développent de façon
exceptionnelle, Mme la Présidente, qui vont partout, qui ont l'ambition de
s'internationaliser, et tout ça. Et, oui, ça veut
dire, des fois, d'obliger à exiger le bilinguisme, comme on a dit tout à
l'heure, pour certains postes, sans exagération, justifiés. Mais
l'entrepreneur, le président de compagnie, appelons-le l'employeur, est
vraiment dans une position un peu stressante, je dirais, de devoir dire :
Non, non, non, je suis sûr de mon coup, je ne suis pas en contravention avec la
loi, moi, là, je n'ai pas de possibilité de me défendre, mais je suis sûr de
moi, je réponds aux trois conditions. Si les conditions sont claires, à la
limite, si ça tombe sous l'évidence, c'est le cas idéal, là, mais ça ne tombe
pas toujours nécessairement sous l'évidence que les trois conditions... Bon, il
pourrait y avoir une plainte, puis là on voit, après les plaintes, qu'on
aboutit au Tribunal administratif du travail, etc.
• (16 h 30) •
Ce qui m'embête dans cette façon d'utiliser le
mot «réputé», c'est, justement, le côté irréfragable, c'est-à-dire qu'on ne
peut pas contester. Donc, il me semble, ce n'est pas... J'ai peut-être mal
employé le mot «démocratique» tout à l'heure, mais il me semble, d'être
condamné avant d'avoir pu se défendre... Ce n'est pas exactement mon modèle de
pouvoir être... avoir un jugement du Tribunal administratif du travail pour une
plainte qui a été portée sans pouvoir me défendre. Si tu es réputé, en partant,
en contravention avec la loi, bien, si tu n'as pas de possibilité de faire la
preuve autrement puis que tu as trois conditions auxquelles tu dois répondre, il
me semble que, pour nos milliers, nos milliers de petites entreprises, c'est un
fardeau exigeant et, comme ils disent, mésadapté pour leur situation.
Alors, je... D'où ma... peut-être
l'arrondissement des coins de cet article-là en disant «présumé». Le ministre
me dit : Oui, mais il faut qu'il comprenne, là, que c'est sérieux. Je suis
certain que, dans... certaine que, dans sa grande sagesse, il est capable de
trouver probablement une médiation réussie entre «présumé» et «réputé», si vous
n'aimez pas le mot «présumé», parce que vous êtes remplis de gens
superbrillants qui vous conseillent souvent très bien pour essayer de trouver
la voie de passage, mais le mot «réputé» est le mot le plus exigeant. On dit
toujours, c'est «réputé», versus «présumé». Qu'est-ce qu'il y a de si dangereux
ou de si peu convaincant, disons-le, dans la loi, de mettre le mot «présumé»,
comme si, là, vos craintes, c'est : Bien, les entrepreneurs ne nous
prendront pas au sérieux si on met «présumé»? Ça veut dire que, bof! ça rend la
chose beaucoup moins contraignante.
Bien, je peux comprendre que vous voulez que
votre loi atteigne des objectifs, mais est-ce que c'est en utilisant, quand
même, ce mot un peu marteau qui est le meilleur moyen ou vous ne pouvez pas
montrer un peu de, j'oserais dire, compréhension, d'empathie avec les petites
entreprises qui vont devoir travailler avec cet article-là, oui, appliquer les
trois conditions, mais avec peut-être un fardeau moins sévère immédiatement,
qu'ils ne pourront pas se défendre si jamais quelqu'un porte plainte? Il est
comme présumé... réputé, tout de suite, ne répondant pas aux conditions. Alors,
je suis... Je n'aime pas trop ça quand on met des gens dans des positions aussi
drastiques que ça, peut-être, je pourrais dire, mais est-ce qu'il y aurait
moyen, comme je dis, d'arrondir un peu les coins de cet article-là?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Première
question : Est-ce que la députée de Marguerite-Bourgeoys est d'accord avec
les trois critères de 46.1?
Mme David : ...revenir, mais il
va falloir de l'accompagnement sérieux de l'OQLF aussi. Moi, j'aurais une
petite entreprise en Beauce, là, de 20 personnes, puis là vous pouvez être
sûr que j'appellerais pour avoir des directives pour être sûre de mon coup. Là,
il faut que j'affiche un poste. Est-ce que je réponds que j'ai... Comment j'ai
bien évalué mes besoins linguistiques? Est-ce que je me
suis bien assurée des connaissances des autres membres? Et ça, ça peut faire de
la belle chicane entre les employés, là, parce que ça peut changer le salaire
de l'un, la définition de tâches de l'autre.
Alors, là, il faut que je fasse le tour de ses employés, ça, ça inquiète
beaucoup, beaucoup les associations de PME,
dire : Bon, O.K., les connaissances linguistiques exigées des autres
membres étaient insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches. Bon, est-ce que j'ai bien fait ça?
Est-ce que je n'en ai pas oublié un dans un coin qui aurait pu faire la
job? Et là ça veut dire qu'il faut que je change tout mon organigramme. Et, le
troisième, bien, on restreint le plus possible.
Alors, c'est un fardeau qui peut être quand même
assez exigeant pour un entrepreneur qui, oui, peut-être... Et je suis d'accord
qu'il y a eu probablement des excès dans l'autre sens. La solution facile,
c'est de dire : On va toutes les mettre bilingues, mais il n'y a pas tant
de monde que ça qui est tout... si bilingue au Québec. Là-dessus, je suis
d'accord avec vous. Attendez, laissez-moi finir. Mais, entre ça, de dire :
O.K., on ouvre, c'est le «free-for-all», comme on dit, pour tous les postes,
puis on n'a pas besoin de se justifier, puis on demande toujours bilingue...
Entre ça et les trois conditions qui ne sont pas encore très définies, vous
allez peut-être me dire qu'il va y avoir un règlement qui va suivre, que l'OQLF
va devoir accompagner, mais nous, on a toujours pensé qu'il fallait qu'il y ait
beaucoup plus d'accompagnement que de coercition. L'OQLF travaille... Vous avez
mis de l'argent de plus, des employés de plus
Alors, pour
les 25-49 employés, ça va être ça aussi, il faut accompagner, mais là il
faut accompagner l'employeur aussi, là, dans... ce n'est pas juste les
comités de francisation puis répondre aux grilles pour donner... avoir le
certificat, là. On est dans une autre partie, on est... O.K., je dois faire un
affichage, est-ce que je réponds bien... Il y a-tu quelqu'un à l'autre bout, à
l'OQLF, qui va répondre au téléphone puis qui va pouvoir dire : Oui, oui,
oui, je pense que c'est correct? Puis là, moi, si j'étais l'employeur,
l'entrepreneur, je dirais : Peux-tu... pouvez-vous me mettre ça par écrit,
s'il vous plaît, pour être sûr, parce que moi, je dois être réputé bien
avoir... alors j'aimerais ça, dans une rencontre sérieuse avec vous, que vous
me disiez : O.K., vous répondez aux trois conditions, d'après nous, là,
tout est correct. Moi, je demanderais une preuve écrite à l'OQLF, parce que
sinon je me retrouve au Tribunal administratif du travail, puis, comme j'ai le
mot «réputé», bien, je vais avoir de la misère à me défendre.
Alors, si vous ne voulez pas changer, ce qui
serait dommage, le mot «réputé»... Et, de toute façon, même si c'était «présumé», il va falloir accompagner
vraiment les entreprises. Et là l'article 46 existait. Il y avait moins de
contraintes. Vous avez raison, la question de la nécessité a été peut-être trop
largement appliquée. Et là on met autre chose, on resserre, mais il va falloir
expliquer à ces employeurs-là qu'est-ce que tout ça veut dire, parce qu'ils ne
passent pas leur temps nécessairement à regarder ces lois-là et à comprendre
tous les tenants et aboutissants de ça.
Alors, je pense qu'il faut agir sur... d'une
façon ou d'une autre, sur ce mot-là et avoir toujours en tête, dans toute la
loi, d'ailleurs, que l'OQLF est appelé, avec tous ces boulons qu'on resserre un
peu partout, à jouer un rôle absolument fondamental d'accompagnement, ne pas
être toujours dans la coercition, ce n'est pas le fun ni pour eux ni pour les
entreprises, alors, mais, d'être dans l'accompagnement, je pense qu'ils sont
capables de bien le faire. Et beaucoup réfèrent au programme Mémo, d'ailleurs,
que vous avez peut-être contribué à financer, à implanter, et tout. Alors, s'il
pouvait y avoir un genre de mémo pour cet article-là, ils vont avoir besoin
d'aide. Alors, c'est ça qui, je dirais, est à peu près l'ensemble de mes
préoccupations par rapport au mot «réputé».
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Plusieurs
choses. Pourquoi est-ce que 46.1, il est là? Parce qu'on doit intervenir parce
que la situation linguistique nous le démontre, les enquêtes, notamment, de
l'OQLF démontrent... 63 % des postes à Montréal
exigent la connaissance d'une langue autre que le français, 40 % des
postes au Québec exigent la connaissance d'une langue autre que le
Québec... que le français. Il y a manifestement un enjeu, là, il y a...
Mme David : ...que nos
entreprises en dehors de Montréal s'internationalisent ou sortent de leur...
Demandez à votre collègue le ministre de l'Économie, peut-être que lui
dit : Mais c'est formidable, ça veut dire qu'ils font affaire avec le
Mexique, avec l'Amérique du Sud, etc. Donc, ils ont besoin d'exiger plus
d'anglais. Je ne le sais pas, là, 40 %, si ça correspond à une exagération
ou à un besoin réel.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais vous demander, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, de laisser le
ministre aller au bout de son idée.
Mme David : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, oui, je sais, mais je pense qu'il va apprécier. Il avait plus qu'un point
à faire. M. le ministre, c'est à vous.
M. Jolin-Barrette : Je suis
indulgent, Mme la Présidente. Je suis indulgent. Parfois, je fais la même
chose. Nous... La députée de Marguerite-Bourgeoys et moi-même, on est des
sanguins. On aime ça intervenir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais c'est cordial la plupart du temps.
M. Jolin-Barrette : Bien, tout
à fait, tout à fait, c'est ça. Donc, écoutez, nous souhaitons que le Québec...
Comme disait la cheffe du Parti libéral, la cheffe de l'opposition officielle,
nous souhaitons que le Québec soit un prédateur sur la scène internationale.
Vous vous souvenez de ça, Mme la Présidente, ça fait longtemps, mais...
La Présidente
(Mme Thériault) : Très.
M. Jolin-Barrette : Bien, très,
j'étais là, ça fait que pas tant que ça. On ne veut pas être une proie, on veut
être des prédateurs.
La Présidente (Mme Thériault) :
On aime mieux, toujours.
M. Jolin-Barrette : En termes
économiques.
La Présidente (Mme Thériault) : C'est
bon pour notre survie aussi.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Effectivement. Alors, on veut conquérir des marchés, Mme la Présidente, ça, on
est d'accord, puis on veut exporter, on veut faire exploser les exportations du
Québec, on veut améliorer la balance commerciale du Québec, bien entendu. C'est
notre volonté, parce qu'on veut augmenter la richesse au Québec au bénéfice de
tous les Québécois, notamment pour financer les programmes sociaux. On a une
économie forte, puis la démonstration, c'est que l'économie du Québec, au cours
des deux dernières années, a bénéficié, notamment, Mme la Présidente... en
fait, je dirais, depuis 2018, de l'effet CAQ. Vous l'aurez bien noté, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je suis ici pour m'assurer que vos droits sont bien respectés, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon,
passons, je ne le prends pas comme une adhésion à mes propos.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, pas du tout.
M. Jolin-Barrette : Je ne
voudrais pas mal vous interpréter.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, je ne crois pas que c'est votre intention non plus, parce que vous
connaissez ma sanguinité aussi à réagir. Donc, je pense qu'il n'y aura pas de
problème. Allez-y.
M. Jolin-Barrette : Donc, on se
retrouve dans une situation où, il faut le dire, oui, il y a des entreprises
qui exportent, mais il y a des entreprises qui n'exportent pas non plus puis
qui travaillent au Québec. Et là on se retrouve dans une situation où il y a
une forte proportion d'entreprises qui exigent une autre langue à l'embauche
que le français. Promenez-vous à Montréal,
là, dans les offres d'emploi qui sont affichées, là, est-ce que, réellement,
ces offres d'emploi là nécessitent la
maîtrise d'une autre langue que le français? Est-ce que les moyens raisonnables
ont été pris pour éviter d'imposer une telle exigence? Ça m'étonnerait
beaucoup. Puis tout le monde nous le dit, on l'a vu, là, on avait le témoignage
à Radio-Canada, c'était... d'une dame qui venait d'Haïti, qui était
francophone, qui était diplômée, pas capable de se trouver un emploi à Montréal, alors qu'on cherche des gens partout,
parce qu'elle ne parlait pas anglais. L'enjeu, il est là.
Ensuite, pour ce qui est de l'employeur,
petites, moyennes, grosses entreprises, bien entendu, l'OQLF sera toujours là
pour accompagner les employeurs, mais les critères à 46.1 sont simples et
faciles à comprendre. Dans le fond, c'est une ligne directrice puis c'est pour
ça que le «réputé» est important, parce que c'est le seuil minimal, le seuil
minimal, pour l'employeur, de dire : Écoutez, pour afficher un poste avec
une langue autre que le français, bien, vous devez minimalement avoir fait les
choses suivantes, parce que, si on veut changer les comportements, si on veut
véritablement agir sur la langue du travail puis sur le droit de travailler en
français, bien, il faut mettre en place des mesures qui vont permettre aux
employeurs de suivre ces lignes directrices là, de leur donner des outils, un
guide, pour dire : Bien, voici c'est quoi, le critère de nécessité, c'est
quoi, les moyens raisonnables.
Un, j'évalue les besoins linguistiques. Ça,
j'imagine que vous êtes en accord avec ça, sur... avant d'exiger, là, la
connaissance d'une langue autre que le français, bien entendu, on va évaluer
les besoins. On va s'assurer ensuite que les connaissances linguistiques déjà
exigées des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour
l'accomplissement de la tâche. J'avais ouvert un poste un an auparavant.
J'avais exigé la maîtrise d'une langue autre que le français. Est-ce que cette
personne-là peut faire le travail? Troisièmement, est-ce que j'ai vraiment
besoin d'avoir ces deux postes-là qui exigent la maîtrise d'une langue autre
que le français ou je peux laisser ça sur un poste?
Le critère, c'est toujours, également, est-ce
que j'ai besoin, pour soumettre ma candidature, de maîtriser une autre langue
que le français? Ça ne veut pas dire que la personne ne parlera pas une autre
langue que le français, la personne qui est sélectionnée. Ça se peut que
l'employé soit bilingue, là, mais il ne faut pas discriminer à l'embauche des
gens en fonction du fait qu'ils ne maîtrisent que la langue officielle, ou
deux, ou trois autres langues qui ne sont pas la langue auxiliaire qui est
souhaitée. Puis même l'employeur... Tu sais, quand on exporte à
l'international, on parle souvent de l'anglais, mais ça se peut que ça ne soit
pas l'anglais. Ça se peut que ce soit une autre langue, là.
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme David :
Mais, les employeurs, est-ce que vous pouvez admettre qu'il y a beaucoup
d'inquiétudes, parce qu'ils ont peur? Est-ce que chacun va devoir refaire son
organigramme? Parce que ce n'est pas juste la langue, c'est la tâche. On l'a bien dit, c'est la tâche. Il ne faut pas que
celui qui est le bilingue de service dans l'entreprise, parce qu'il sait faire
fonctionner telle machine, disons, dans la chaîne de montage, bien là on lui
demande d'à peu près tout faire le reste parce qu'il est le bilingue de
service.
M. Jolin-Barrette :
C'est ce qui est raisonnable. On ne demandera pas à l'employeur de revirer
à l'envers toute son entreprise puis de réorganiser toute son entreprise d'une
façon qui est déraisonnable, là. C'est bien entendu, Mme la Présidente, là, le critère ne vise pas à faire en sorte que, pour
l'employeur, pour l'entrepreneur, ça va complètement chambouler toutes
ses façons de faire, là. Ce n'est pas ça que vise 46.1. À 46.1, on lui
dit : Évalue si vous avez besoin que... est-ce que c'était vraiment un
besoin réel que la personne exige la langue anglaise?
Bien, c'est pratique,
finalement, ces plexiglas-là, ça a plusieurs fonctions.
Mme David :
Ça, c'est formidable, on peut coller des choses.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Honnêtement, je pense qu'on devrait les garder après la COVID. Quand
vous avez un collègue, en plus, là, qui... vous voulez être sûr qu'il vous
écoute, là, avec trois petits coups, là...
Deuxièmement, il
s'est assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres
membres du personnel étaient insuffisantes. Donc, il n'y a personne d'autre qui
avait des compétences linguistiques pour le faire ou ce n'était pas suffisant.
Troisièmement, il a restreint le bassin de postes qui exigent ça. Au lieu
d'avoir 100 postes où est-ce que j'exige la maîtrise d'une langue autre
que le français, est-ce que j'ai vraiment besoin de ces 100 postes là ou, dans le fond, j'ai besoin de
15 postes? Est-ce que c'est tout le monde... un petit peu, un petit peu,
c'est un avantage, tout ça, ou je suis capable de restreindre mon
bassin?
Mais, bien entendu,
par contre, que, pour l'employeur, il ne faut pas que ça soit déraisonnable de
réorganiser son entreprise, là. Le critère,
là, c'est la raisonnabilité, là. Ça fait que l'employeur, là, lui, là, quand il
est dans son bureau, là, il regarde ça, il dit : Bon, bien,
monsieur, madame X, là, m'a annoncé sa démission parce qu'il s'est présenté aux
élections, puis il a gagné le comté, puis il s'en vient nous rejoindre à
l'Assemblée nationale.
Donc là, l'employeur
perd un employé, donc, doit réouvrir le poste, puis là ce qu'il va faire, il va
regarder, il dit : Écoutez, le poste, oui, bien, je pense que j'ai besoin
qu'il soit bilingue, je vais faire l'analyse de ma situation linguistique.
Est-ce que j'ai un besoin linguistique réel associé puisque, dans le cadre de
ses fonctions, il a besoin d'avoir une autre langue que le français?
Deuxièmement, je vais regarder si les compétences linguistiques qui sont
exigées par mes autres employés sont insuffisantes pour l'accomplissement des
tâches avec le poste en question. Puis, troisièmement, est-ce que j'exige parce
que c'est plus facile ou je restreins ça sur un nombre de postes? Ça fait que
l'employeur regarde ça, répond à ces trois critères-là. C'est une sorte de
guide puis ce n'est pas nouveau dans le monde des affaires, là. Les employeurs,
ils ont déjà des politiques d'embauche, ils ont déjà des façons de procéder,
mais c'est un guide pour leur dire : Écoutez, vous exigez l'anglais, voici
ce que vous regardez.
Puis, même, ça peut
faciliter... Pour l'employeur, là, le critère de nécessité, là, il méritait
d'être clarifié. Alors là, on vient le clarifier puis on vient donner un guide
avec trois critères. L'employeur, là, supposons, là, qu'il recevrait une
plainte, là, pour dire : Aïe! Vous avez exigé l'anglais, là, dans
l'affichage, là. L'employeur va dire : Écoutez, là, non, non, moi, c'est
raisonnable, c'était nécessaire, écoutez, j'ai regardé ma situation
linguistique, j'ai fait 1°, 2°, 3° puis effectivement j'en suis venu à la conclusion
que, oui, c'est nécessaire d'avoir l'anglais comme exigence à l'embauche. Il n'y a pas d'enjeu. Il va avoir fait
1°, 2°, 3°, mais tout ça, c'est fait pour préserver le droit du travailleur
de travailler en français. Il faut envoyer
un signal clair qu'au Québec le marché du travail ça se passe en français, sauf
exception.
La Présidente
(Mme Thériault) : Mme la députée.
• (16 h 50) •
Mme David :
Peut-être que... Je ne sais pas, vous avez certainement lu le mémoire du
Conseil du patronat, qui m'avait étonnée, parce qu'ils avaient fait un sondage
puis, bon, ils étaient... à l'époque, le sondage montrait une assez grande
approbation de l'idée d'aller aux 25-49 employés, bon, parlait beaucoup de
la qualité de la langue française, que, des fois, ils sont obligés...
30 %... c'étaient des chiffres très gros de refus de candidats
francophones par défaut de bien écrire le français. C'est quand même quelque
chose, là. Alors, ça, ça m'avait étonnée dans ce sondage-là, mais c'est le même
Conseil du patronat qui dit bien dans son mémoire qu'ils sont très inquiets des
trois conditions.
Alors, j'imagine,
vous avez réponse à leur donner, mais je vous cite quelques parties.
«Cette exigence
supplémentaire — donc,
des trois conditions — implique
la réalisation d'une analyse et d'une démonstration particulièrement complexes,
au plan légal, des besoins linguistiques de l'entreprise, dont les résultats
pourraient, dans plusieurs cas, entraîner des répercussions négatives
importantes sur le climat de travail.»
Eux
autres, ils parlent pas mal de climat de travail, ils disent : «Les trois
conditions de l'article 46.1 représentent donc des obstacles
majeurs qui risquent indirectement d'entraver l'organisation du travail,
d'affecter grandement les relations de travail et d'imposer un très lourd
fardeau administratif et financier aux entreprises du Québec de toutes tailles,
particulièrement aux PME, en imposant des démarches lourdes et complexes visant
à analyser chaque poste auquel est rattachée une exigence linguistique.»
En plus, ils
disent : «Ces dispositions induisent un risque financier découlant d'une
interprétation erronée que l'employeur pourrait en avoir faite. Le second
paragraphe de l'article 46.1 — ça, celui-là, ils le trouvent
particulièrement difficile à vivre — indique que l'employeur doit
évaluer les besoins en matière linguistique par une analyse exhaustive des
connaissances et des aptitudes de tous les membres du personnel, sans égard à
la nature de l'emploi ou des autres caractéristiques propres à chaque emploi.
Cette exigence s'avère extrêmement complexe à réaliser. La notion de
"tâches" rend le processus difficile, voire impossible à réaliser»,
etc.
«Le CPQ est d'avis que les
paragraphes 1° (en remplaçant les termes "aux tâches à
accomplir" par "à l'emploi") — bon, eux, ils suggèrent ça — et 3°
sont largement suffisants pour permettre la protection des droits des
travailleurs à obtenir et conserver un emploi dans une entreprise. Légiférer
autrement contribuerait notamment à retrancher ou à ajouter des tâches à
certains travailleurs qui ne relèvent pas nécessairement de leurs attributions.
Cela pourrait entraîner des conséquences négatives, par exemple en engendrant
des risques additionnels de harcèlement entre les travailleurs. En conséquence,
nous suggérons de retirer le second paragraphe de l'article 46.1 ainsi que
la référence à la notion de tâches contenue au premier paragraphe du même
article.»
Alors, vous comprenez qu'ils sont... Ils
reparlent, après ça, dans les répercussions : «Une détérioration du climat
de travail en raison de la redistribution des tâches, des changements
d'horaire...»
Alors, j'imagine que vous allez me répondre, par
le mot «raisonnable», que toutes les craintes s'avèrent non fondées,
déraisonnables, et que ça n'ira jamais aussi loin que ça, mais je pense qu'ils
ont peut-être besoin que vous les rassuriez un petit peu par rapport à votre
vision de ces trois conditions-là.
M. Jolin-Barrette : ...je les rassure, Mme la Présidente. Et,
d'ailleurs, ce qui est intéressant, c'est que le Conseil du patronat le
disait, là, le 15 février 2021, donc, il y a un an et un jour, que, dans
le cadre du résultat du sondage qu'il a effectué auprès de ses membres sur la
place du français en entreprise... que le français, comme langue de travail,
constitue un avantage culturel et économique qui distingue les entreprises
québécoises. Et, vous savez, 46 et 46.1, là, viennent également protéger le
travailleur québécois. C'est un juste équilibre. Est-ce qu'on veut, au Québec,
que les travailleurs québécois puissent exercer leurs fonctions, leur travail
en français? Est-ce que les Québécois peuvent gagner leur vie en français?
C'est une question fondamentale et...
Mme David : ...à ce que vous
dites, parce que vous dites : Le CPQ, le Conseil du patronat — et
vous les citez — était...
et sont plutôt favorables à la question du français en entreprise. Moi, je ne
les ai pas... Je les ai rencontrés à quelques reprises, vous aussi
probablement. Ce ne sont pas des gens qui sont, en partant, des adversaires de
la langue française puis de l'importance du français. C'est même eux qui
insistent sur la qualité du français, mais, venant d'eux, d'autant plus que ça
vient d'eux, ces réserves-là, je pense qu'il faut un peu écouter leurs inquiétudes.
M. Jolin-Barrette : Et je les
écoute et je les rassure. Vous savez, le patronat a des inquiétudes
relativement à 46 et 46.1. Et, lorsque vous parlez également aux travailleurs,
aux syndicats, ils appuient les mesures de 46 et de 46.1 et en sont heureux
parce que ça vient créer une balise pour le droit de travailler en français,
notamment. Puis, vous l'avez bien dit, je ne suis pas dogmatique, là, c'est
possible d'exiger la connaissance d'une langue autre que le français, c'est
possible d'exiger l'anglais.
Cependant, on a un code de conduite, qui sont
les critères prévus à 46.1, pour le faire, et donc 1°, 2° et 3°. L'employeur,
on lui demande : Écoutez, avant d'afficher un poste qui exige la maîtrise
de la langue anglaise, c'est quoi, votre réflexion? Bien, votre réflexion, ça
va être 1°, 2°, 3°. Vous devez faire l'exercice à 1°, 2°, 3° puis, un coup que
vous avez fait cet exercice-là, vous allez pouvoir exiger la maîtrise de la
langue anglaise si c'est nécessaire, si vous avez fait une évaluation réelle
des besoins linguistiques, s'il n'y a pas d'autres personnes dans l'entreprise
qui ont des compétences linguistiques pour le faire puis si vous avez essayé de
restreindre le nombre de postes qui exigent cette maîtrise-là. Ce n'est
pas : j'ai 500 employés dans l'usine, les 500 vont parler en anglais.
Est-ce que c'est nécessaire que les 500 sur la chaîne de montage ou dans
l'usine parlent anglais? Peut-être pas, mais je veux juste ajouter, là, 46,
46.1, là, c'est gagnant-gagnant, là. On facilite le chemin de l'employeur puis
on protège le droit des travailleurs de travailler en français, puis ça...
Mme David : Ça facilite le
chemin de l'employeur, mais eux sont inquiets, entre autres, du mot «réputé».
Ça n'a pas l'air, vous, à vous inquiéter... autant pour eux. Alors,
rassurez-les sur votre perception et votre nécessité de mettre le mot «réputé.»
M. Jolin-Barrette : Bien, tout
à fait, si «réputé» n'est pas là, là, ça ne donne rien de mettre des critères.
Mme David : Pourquoi?
M. Jolin-Barrette : Bien, parce
qu'on va se retrouver dans une situation où, bien, ils n'auront pas à respecter
les critères, dans le fond.
Mme David : Il n'y a pas de mot
qui soit... Il n'y a rien entre le zéro puis le 100, c'est rien ou tout.
M. Jolin-Barrette : Mais
pourquoi est-ce que vous ne souhaitez pas qu'on donne une ligne de conduite qui
est claire aux employeurs pour dire :
Lorsque vous souhaitez une exigence par rapport à une autre langue que le
français, voici la formule à suivre?
Mme David : Parce que la formule
n'est pas si claire, il n'y a pas... ce n'est pas si vous avez 50 %
d'employés ou ce n'est pas... il n'y a pas d'indicateurs très clairs.
M. Jolin-Barrette : Bien non,
mais...
Mme David :
Puis je suis d'accord qu'il n'y ait pas des indicateurs si martials que ça,
mais encore faut-il que le pauvre employeur puisse s'y retrouver et dormir en
toute confiance le soir parce qu'il ne veut pas se faire poursuivre au Tribunal
administratif du travail. On va voir, là, ce qui s'en vient, là, ce n'est pas
si... Ce n'est pas le fun, là, s'ils ne répondent pas, mais lui, il est réputé
avoir répondu, donc, avoir fait son travail à la perfection. Mais ça se peut
que, comme ce sont trois conditions qui ne sont pas si facilement mesurables,
qu'il ne dorme pas si bien que ça le soir en ayant fait son affichage.
M. Jolin-Barrette : C'est trois critères. Ce n'est pas un test en
50 étapes, là, trois critères. Est-ce que c'est nécessaire?
Mme David : Ça, c'est peut-être
le plus facile. D'ailleurs, c'est nécessaire, il faut que je vende en Ontario,
puis il manque de monde.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais,
manifestement, le critère de nécessité était allègrement bafoué en vertu de
l'ancien article 46. Vous-même, vous l'avez noté dans votre plan.
Mme David : Je suis d'accord.
C'est pour ça que je dis que celui-là, je ne l'ai pas beaucoup contesté.
M. Jolin-Barrette : C'est un
mécanisme, là. Ensuite, est-ce que j'ai pris les moyens raisonnables pour
éviter d'imposer une telle exigence? Tu sais, j'ai-tu fait un effort pour
éviter d'imposer cette exigence-là, puis comment ça se traduit, ça, pour
évaluer si j'ai pris les moyens raisonnables? Un, j'ai évalué les besoins
linguistiques réels associés aux tâches à accomplir. C'est quoi, les tâches à
accomplir? Je vends des balayeuses en Ontario. Votre premier critère, il est
rempli. Deuxième critère : «il s'était assuré que les connaissances
linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient
insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches». J'avais-tu d'autres
vendeurs qui avaient une maîtrise d'une langue autre que le français pour le
marché de l'Ontario?
Mme David : Alors, on souligne
en gras pour l'accomplissement de ces tâches, parce que, si on garde juste la
première partie de la phrase, «il [s'est] assuré que les connaissances
linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient
insuffisantes pour l'accomplissement de ces tâches», autrement dit, on ne peut
pas aller prendre un employé qui est à la réception, qui n'a jamais fait de
vente de sa vie, pour lui dire : Tu vas vendre des balayeuses en anglais à
partir de demain parce que tu sais parler anglais. C'est pour la compétence
liée à la tâche.
M. Jolin-Barrette : Exactement,
mais, ce que je veux dire, il faut que ça soit raisonnable, là. C'est sûr que
le concierge, ça ne sera pas lui qui va devenir le vendeur parce que le
concierge est bilingue, là. Ce n'est pas parce que vous avez un homme de
maintenance, supposons, dans l'usine, puis que, là, il y a un poste de
disponible au département des ventes, que l'homme de maintenance, qui est
bilingue, va aller faire la vente, là, on s'entend.
• (17 heures) •
Mme David : C'est très
intéressant, ce que vous dites là, parce que vous savez qu'il y a des emplois
moins rémunérés qui sont souvent tenus par des gens issus de l'immigration qui
peuvent parler plein de langues différentes, et
peut-être que c'est une belle opportunité pour eux de monter et d'être promus
dans l'entreprise s'ils possèdent, exemple, mandarin, espagnol, russe,
néerlandais et qu'ils pourraient, à la limite, exercer ce poste-là parce qu'ils
en auraient les compétences... pas par le poste qu'ils occupent là, mais parce
que ça se pourrait qu'ils répondent à des compétences.
M. Jolin-Barrette :
Honnêtement, moi, je le souhaite. Je le souhaite. Idéalement, là, si chaque
personne peut avoir un emploi à la hauteur de ses compétences, là, c'est ce qui
est souhaité, là, c'est ce qui est souhaité, c'est ce qui est désiré. Puis,
même quand vous exercez un emploi qui est à la hauteur de vos compétences, là,
en termes de valorisation personnelle, c'est encore plus gratifiant puis c'est
encore plus stimulant.
Donc, bien entendu qu'on souhaite que toute
personne puisse exercer pleinement ses compétences, puis, je vous dirais même,
c'est vraiment dommage dans des situations où vous n'êtes pas... vous n'avez
pas la possibilité de déployer tout votre talent. Ça fait que c'est ce qu'on
souhaite, puis c'est ce qu'on souhaite, notamment, en matière d'immigration. On
souhaite faire en sorte que les personnes immigrantes qui choisissent le
Québec, ils viennent au Québec, ils
disent : Écoutez, on veut participer à la société québécoise, puis nous,
on souhaite qu'ils participent, en fonction de leurs compétences, dans
les postes qui vont les rendre le plus heureux possible puis où est-ce qu'ils
vont s'épanouir.
Troisième
critère, «le nombre de postes auxquels se rattachent les tâches dont
l'accomplissement nécessite de la connaissance
ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue
officielle.» Mais là c'est : Est-ce que, tous mes postes, je les mets bilingues, je les mets avec la
connaissance d'une langue autre que le français ou j'essaie de les restreindre? C'est ces trois critères-là.
C'est simple pour l'employeur, là, mais ça ne lui demande pas une
réorganisation déraisonnable de son entreprise, là. Comme vous l'avez dit,
l'homme de maintenance, on ne va pas exiger de l'employeur qu'il prenne cet employé-là, qu'il l'amène aux ventes, puis
là après ça qu'il prenne la personne aux ventes, il l'envoie à la cafétéria, puis que la personne de
la cafétéria, il l'emmène à la comptabilité, puis... Vous voyez le scénario,
là. C'est la responsabilité, là. Donc,
j'essaie de restreindre à l'intérieur de ce qui est raisonnable, toujours. Dans
le fond, j'essaie de restreindre le
nombre de postes qui exigent une maîtrise de la langue anglaise ou une maîtrise
d'une autre langue à un nombre de
postes circonscrits mais dans ce qu'il est raisonnable de faire. Mais je fais
l'effort de faire cette démarche-là, là.
Puis l'autre point,
également, l'employeur sait à quoi s'en tenir avec ces critères-là, tu sais,
c'est prédéfini, c'est le plan de match. Moi, j'aime bien mieux, si je suis un
employeur, savoir c'est quoi, mes critères, pour éviter, supposons...
Comme vous le dites, la crainte, c'est d'être poursuivi. Bien, moi, là, comme
employeur, là, je le sais, j'ai fait 1°, 2°, 3°, là, puis, comme j'ai fait 1°,
2°, 3° puis, oui, j'ai exigé la connaissance d'une autre langue que le français
mais j'ai rempli mon fardeau, puis... Dans le fond, c'est mandatoire, là, c'est
ça qu'il faut que je fasse. Le «réputé», il est là pour dire : C'est ça
qu'il faut que vous fassiez.
Mme David :
Mais les gens qui s'y connaissent bien, qui sont des employeurs eux-mêmes ou
d'associations d'employeurs disent : Nous, là, c'est, comme, vraiment,
vraiment... l'exigence s'avère extrêmement complexe à réaliser. C'est quand
même des gens qui sont des patrons qui disent ça. Alors, je veux bien vous
entendre, puis je comprends votre point de vue, puis je comprends que, vous, ça
ne vous inquiète pas, ce n'est pas nécessairement vous, l'employeur là, mais ça
ne vous inquiète pas, vous, ça ne vous empêchera pas de dormir. Mais peut être
qu'il y a bien des gens qui nous écoutent, qui disent : Oui, mais, moi,
là, il n'a pas compris tout à fait ma réalité. Puis donc j'aurais aimé ça... je
comprends que vous ne bougerez pas, mais j'aurais aimé ça que vous trouviez
peut-être un chemin de traverse qui puisse être rassurant pour les employeurs.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je veux juste vous dire que je suis extrêmement sensible à la réalité des
employeurs. Moi-même, comme professionnel, j'ai conseillé des employeurs, hein,
leurs structures, dans les conventions collectives, tout ça, je suis
extrêmement sensible à la réalité qui est vécue aux petits, aux moyens, aux
plus gros employeurs. J'ai fait de tout, là, dans le conseil, notamment,
juridique, là-dessus, mais...
Mme David :
Bien, le CPQ, ils vous ont vu, là, ils n'ont pas été rassurés, de toute
évidence, là. Ils n'auraient pas écrit un mémoire comme ça.
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, toute norme, toute clarification, c'est rarement, comment je
pourrais dire, applaudi, hein? Je vous donne un exemple : le projet de loi
n° 59, là, sur la santé et la sécurité au travail, là, la loi, elle n'avait pas
été réformée depuis 1985, là, il y avait des choses là-dedans, là, qui
mettaient en péril la santé, la sécurité des
travailleurs au Québec. Il fallait le faire, il fallait améliorer les choses,
parce que le milieu du travail a changé, il y a des nouvelles réalités,
il faut protéger la santé des gens, des travailleurs.
Mme David :
Je suis d'accord qu'il faut changer des choses. Mais, des fois, peut être que
les chemins sont un peu moins sinueux ou raboteux avec certaines choses qui
peuvent rassurer.
M. Jolin-Barrette :
Oui, mais le critère, là, qu'on retient, c'est la raisonnabilité. On ne demande
pas, là, de revirer l'entreprise, là... j'aurais une expression, Mme la
Présidente, que je ne peux pas dire ici...
La Présidente
(Mme Thériault) : ...
M. Jolin-Barrette :
...c'est ça, boutte pour boutte. J'aime mieux mon expression, mais je ne la
dirais pas dans le micro.
La Présidente
(Mme Thériault) : Je la devine aisément.
M. Jolin-Barrette :
Mais on ne revirera pas l'entreprise boutte pour boutte, comme on dit, mais on
donne une feuille de route. La feuille de route, c'est 46.1 : Sachez que,
vous voulez exiger une compétence linguistique autre que la langue officielle,
voici le chemin. Voici, on veut juste s'assurer que vous ayez fait la démarche,
la réflexion dans le cadre de l'analyse, 1°, 2°, 3°, puis ça n'a pas besoin
d'être déraisonnable, la réorganisation. En fait, on ne demande pas que la
réorganisation... En fait, l'analyse, l'analyse doit être raisonnable dans les
critères.
Puis, exemple, pour
le troisième critère, là, quand on dit : «il [...] restreint le plus
possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont
l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une autre langue que la langue officielle», bien, à ce moment-là,
on ne demande pas de virer toute l'entreprise à l'envers, là. Il faut que ça
soit raisonnable, là, la bonne marche de l'entreprise. Mais, avant d'exiger
systématiquement la maîtrise d'une autre langue que le français, il faut qu'il
y ait le critère de nécessité, il faut prendre les moyens raisonnables pour
éviter d'imposer une telle exigence. Là, vous avez votre test en 3°.
Mme David :
O.K. Mme la Présidente, je pense que j'ai fait tout ce que je pouvais.
La Présidente
(Mme Thériault) : Vous êtes allée au bout de votre idée, il est
vrai. Donc, est-ce qu'on est prêts à mettre aux voix l'amendement présenté par
la députée de Marguerite-Bourgeoys?
Mme David :
Vote nominal, oui.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous voulez un vote par appel nominal? Mme la secrétaire.
La
Secrétaire : Veuillez répondre pour, contre ou abstention.
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire :
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)?
M. Birnbaum : Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Guillemette (Roberval)?
Mme Guillemette : Contre.
La Secrétaire : M. Émond
(Richelieu)?
M. Émond : Contre.
La Secrétaire :
Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire :
M. Poulin (Beauce-Sud)?
M. Poulin : Contre.
La Secrétaire : M. Allaire
(Maskinongé)?
M. Allaire : Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire : Et
Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel)?
La Présidente (Mme Thériault) :
Absention. Donc, l'amendement est rejeté. Nous pouvons, donc, maintenant
revenir sur l'article 36. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur
l'article 36? Si je n'en vois pas, je peux le mettre au vote... Oui?
M. Jolin-Barrette :
...suspension, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
On va faire une petite suspension, s'il vous plaît, à la demande du ministre.
Donc, nous suspendons nos travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 09)
(Reprise à 17 h 23)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous poursuivons nos travaux.
Au moment de la suspension, nous étions à
l'article 36, et M. le ministre nous a annoncé un amendement. Donc, M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme
la Présidente, on l'a déposé sur Greffier. Écoutez, je souhaite rassurer les employeurs, notamment quant à l'interprétation de
l'article 46.1. J'ai bien entendu ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, notamment les craintes qui ont été exprimées par
le Conseil du patronat, Fédération
des chambres de commerce également, FCEI. L'objectif est de donner une
ligne directrice, donc quel est le minimum à faire avant d'exiger la
connaissance d'une langue autre que le français pour pouvoir, dans le fond,
afficher un poste. C'est une responsabilité partagée que nous avons, tous
ensemble au Québec, incluant les employeurs, de faire en sorte que la langue du
travail soit le français.
Mais je l'ai dit puis
je le répète, on n'est pas dogmatique, ce n'est pas interdit d'exiger l'anglais
à l'embauche. Mais, par contre,
l'article 46 actuel avait des lacunes, parce que, manifestement, les
données statistiques nous démontraient que ça
semblait être plus simple d'exiger l'anglais, à l'embauche, puis ça se faisait,
puis le critère de nécessité n'était pas respecté. Alors, c'est pour ça qu'on
intervient pour corriger une situation.
Puis l'État québécois
et la société québécoise dans son ensemble doit prendre conscience que, sur le
marché du travail, ça doit être la langue française qui prime, et ça doit être
la langue commune, et ça doit être la langue d'usage. Alors faut agir, parce
que le marché ne répond pas à cet impératif-là qui va de pair avec la pérennité
de la société québécoise en matière de langue française, puis surtout, aussi,
comme vecteur d'intégration. Le marché du travail, c'est un vecteur
d'intégration important pour les personnes immigrantes.
Alors,
écoutez, j'ai entendu les différentes craintes, les appréhensions. Puis, tu
sais, l'objectif, c'est toujours de rappeler que les trois critères sont
là : regarder est-ce qu'on a un besoin réel d'une autre langue que la
langue anglaise... que la langue française, pardon, besoin linguistique;
deuxièmement, est-ce que les connaissances linguistiques déjà exigées des
autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l'accomplissement des
tâches; et troisièmement est-ce que l'employeur restreint le nombre de postes
auxquels la langue anglaise, elle est exigée, l'autre langue que la langue
officielle... on exige, les postes...
Partant de là, on fait
1°, 2° ou 3°. L'employeur, s'il arrive à la conclusion, suite à son analyse,
que, bon, bien, oui c'est nécessaire d'exiger, parce que c'est un test de
nécessité, mais j'ai également pris les moyens raisonnables pour éviter
d'imposer une telle exigence, il pourra le faire. Mais c'est un seuil minimal à
faire. Et bien entendu, s'il ne fait pas l'effort de faire ces trois
critères-là, cette évaluation en trois étapes là, à ce moment-là,
effectivement, il est réputé contrevenir à l'article 46 de la charte. Mais
c'est le minimum à faire, mais c'est aussi une clarification par rapport à ce
qui est exigé. Donc, tout le monde va savoir à quoi s'en tenir, puis ça
préserve le droit de travailler en français. Puis ça, c'est fondamental, au
Québec, les Québécois et les Québécoises ont le droit de travailler en
français.
Je réitère, ça ne
veut pas dire qu'on est contre le fait d'exiger une autre langue que le
français, parce qu'il y a plein de situations où c'est nécessaire, puis on en a
eu l'occasion d'en discuter avec le député de D'Arcy-McGee.
Donc, pour clarifier
les choses, puis je l'ai dit, là, sur le critère de la raisonnabilité, on ne
veut pas que l'entreprise soit virée boutte pour boutte puis qu'on impose un
fardeau déraisonnable à l'employeur, donc je vous proposerais l'amendement
suivant, Mme la Présidente : À l'article 36 du projet de loi,
ajouter, à la fin de l'article 46.1 de la Charte de la langue française
qu'il propose, l'alinéa suivant :
«Sans restreindre la
portée de ce qui précède, le premier alinéa ne doit pas être interprété de
façon à imposer à un employeur une réorganisation déraisonnable de son
entreprise.»
Commentaire. Cet
amendement apporte une précision quant à l'interprétation qui doit être faite
de l'article 46.1 de la Charte de la langue française afin d'éviter qu'il
soit interprété comme imposant à l'employeur une réorganisation déraisonnable
de son entreprise pour remplir les conditions prévues au premier alinéa.
Donc, à la fin
complètement, on vient ajouter cet alinéa-là, et, comme je l'ai dit dans le
micro, l'idée n'est pas de virer boutte pour boutte l'entreprise dans le cadre
du droit de gérance de l'employeur, dans le cadre de comment il organise son
entreprise, mais plutôt de dire : Écoutez, vous passez aux critères 1°, 2° et 3°. Et ces
critères-là n'ont pas pour effet de dire, comme je l'illustrais... on ne va pas
nécessairement prendre l'homme de maintenance ou le cuisinier pour l'envoyer
aux comptes client ou aux relations avec la clientèle. Même chose, on ne pourra
pas prendre la personne aux relations clientèle pour l'envoyer au département
de comptabilité. Alors, on dit : C'est toujours le critère de la
raisonnabilité. Et on dit : Bien, il ne faut pas que ça soit interprété
d'une façon qui aurait pour effet d'imposer à un employeur une réorganisation
déraisonnable de l'entreprise.
Ça m'apparaît être un
amendement pour rassurer les employeurs et qui fait suite également aux
commentaires de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Bien, écoutez, je salue la volonté du ministre de rassurer les employeurs. Je
ne peux pas faire un sondage immédiat sur le fait qu'ils soient ou non
rassurés, mais c'est certainement un pas dans la bonne direction pour bien
comprendre. Donc, «sans restreindre la portée de ce qui précède», c'est-à-dire
qu'on garde ce qui précède. Le premier
alinéa, donc, c'est... Le premier alinéa, c'est quoi, ça, le premier alinéa?
C'est le premier paragraphe? C'est quoi?
M. Jolin-Barrette :
Non, mais, dans le fond, c'est 46.1, donc, qui inclut 1°,
2° et 3°, donc qui commence par «un
employeur», puis qui se termine à 3° par «la langue
officielle». Parce que les paragraphes 1°, 2° et 3° font partie du premier alinéa.
Mme David :
Ah! O.K., c'est ça. Donc, c'est pour ça que c'est mis à la fin et que c'est
l'ensemble de 46.1 qui ne doit pas être interprété de façon à imposer une
réorganisation déraisonnable de son entreprise. Le mot «raisonnable» revient,
donc, mais de façon... «déraisonnable». Parce que c'étaient «les moyens
raisonnables», au début, là ça va être la «réorganisation déraisonnable de son
entreprise». Autrement dit, si je suis un employeur puis que j'ai à répondre
aux trois conditions, j'ai moins à m'inquiéter, grâce à cet amendement, d'une
réorganisation complète, c'est... qui mettrait tout le monde, toute
l'organisation de l'entreprise un peu sens dessus dessous, à revoir les tâches
de chacun, puis les chicanes entre employés, puis des définitions de tâches,
etc. Ça, c'est un exemple qui pourrait sembler déraisonnable, justement. Alors,
c'est... l'idée, c'est de ne pas tout chavirer à l'envers, mais que la
réorganisation, si elle est implicite, au 46.1, doit être raisonnable et non
pas déraisonnable.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Et, quand on regarde, supposons, le troisième paragraphe : «il [...]
restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des
tâches dont l'accomplissement nécessite la connaissance ou
un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue
officielle», si, supposons, vous avez un volume d'affaires... Et je reviens à
votre exemple, au départ. Vous avez un volume d'affaires important et... mais
vous vous retrouvez à dire : Bien, je
pourrais concentrer ça, là, en deux employés, mais ils ne feront plus jamais
aucune tâche, puis j'ai besoin qu'ils fassent d'autres tâches. Bien là,
ça serait une réorganisation déraisonnable, de dire : Bien là, le fait
qu'ils puissent juste faire ça... Puis, dans l'opérationnalisation des choses,
le fonctionnement interne de l'entreprise, ça ne fonctionnerait plus, là. Ça
créerait des gros problèmes opérationnels dans l'entreprise. Ça serait
déraisonnable.
Ce qu'on veut, c'est que l'employeur fasse
l'effort de dire : Comment je peux réorganiser le travail pour faire en
sorte d'éviter de multiplier les postes qui ont une exigence d'une langue autre
que la langue française, que la langue officielle? Donc, comment je fais pour
le réorganiser? Mais on ne veut pas que ça, ça devienne complètement
déraisonnable, de dire que ça chamboule complètement toute l'entreprise, que je
prenne les gens qui sont dans un autre département, complètement, qui n'a rien
à voir avec, supposons, le service clientèle, où c'est là que j'ai besoin de la
langue. Voyez-vous, tu sais, il faut que ça soit... il ne faut pas que ça soit
déraisonnable.
Mme David : Donc, je comprends
que, quand on va arriver au prochain article qui parle plus des plaintes puis de tout processus, dans le cas où, justement, quelqu'un
dit : Non, mais je voulais la job, ou : Non, j'ai... Et cet
amendement deviendra important dans l'évaluation qu'aura à faire le... on le
voit, là, le médiateur, le... en tout cas, ça peut avoir différentes étapes,
là, enfin, ça va venir apporter un complément d'analyse à la personne qui devra
décider si c'était raisonnable, déraisonnable, qui a raison, de l'employeur ou
de l'employé, finalement.
M. Jolin-Barrette : Mais, en fait, l'employeur va toujours devoir
respecter 1°, 2°, 3°. Mais, dans l'interprétation qui est donnée à 1°,
2°, 3°, il ne faut pas que ça soit déraisonnable relativement à la
réorganisation de l'entreprise.
Mme David : ...il devra quand
même avoir pris les moyens raisonnables pour éviter d'exiger la connaissance,
mais sans que ça implique des réorganisations déraisonnables de l'entreprise.
Alors, comme la plainte s'en vient, là, puis que c'est assez compliqué, ces
affaires-là, là... on est vraiment dans les règlements...
M. Jolin-Barrette : Vous allez
voir, c'est tout simple.
Mme David : C'est tout simple,
oui, oui, mais... en tout cas. C'est la commission, là, ça, c'est la CNESST,
j'imagine, «avec l'accord des parties, nommer une personne qui tente de régler
la plainte», puis là, bon, ça continue, là, ça finit... le Code du travail, le
TAT, puis là on va être chez les domestiques, là, je pense que j'ai compris
l'idée, là, mais... en tout cas. Donc, tout ça, c'est un élément qui va
s'ajouter et qui va permettre à la ou les personnes qui évaluent la situation
d'apporter plus d'éclaircissements sur la plainte et sur comment se gérer par
rapport à cette plainte-là. O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai la députée de Mercier qui a une intervention à faire sur l'amendement du
ministre.
Mme Ghazal : Oui. Merci, Mme la
Présidente. J'avais une question sur l'amendement. Dans le fond, ça n'empêche
pas une réorganisation, de dire : Bien, je vais changer les gens de poste,
de département pour pouvoir m'assurer de respecter 46, là, puis ne pas être
réputé avoir commis une pratique interdite selon cet article-là. Donc, il peut
y avoir des réorganisations?
M. Jolin-Barrette : Oui. Oui,
il peut...
Mme Ghazal : Et,
réorganisation, pas juste de la tâche, c'est une réorganisation, de déplacer
quelqu'un d'un département à un autre puis que c'est faisable?
M. Jolin-Barrette : Oui. Oui,
c'est faisable. Il ne faut pas que ça soit déraisonnable. C'est ça, le critère.
Dans le fond, là, ce qu'on dit à l'employeur, là, c'est : Premièrement,
est-ce que c'est nécessaire? Deuxièmement, est-ce que vous avez pris tous les
moyens, là, pour éviter d'imposer une telle exigence?
Ça fait que, là, l'employeur, pour éviter
d'imposer une telle exigence, qu'est ce que ça signifie? Ça signifie, là, que
je fais l'analyse du besoin : Est-ce que j'en ai besoin, aussi? Mais je
regarde également dans mon entreprise qui est-ce que j'ai comme employés. O.K.?
Et là, oui, ça peut arriver que, dans le département... dans le service
connexe, le service d'à côté, il y ait quelqu'un qui puisse remplir ces
tâches-là.
Donc, oui, ça pourrait arriver qu'on lui
transfère ces responsabilités-là et qu'il y ait un mouvement de tâches pour
réorganiser l'entreprise pour faire en sorte d'éviter d'imposer une
multiplication de postes avec une exigence d'une langue autre que le français.
Ça, oui, il peut y avoir une réorganisation. Puis il devrait y avoir une
réorganisation, parce que le troisième critère, c'est : «il [a] restreint
le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont
l'accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une langue autre que [le français]». Ça veut dire : On essaie
de regrouper le plus possible sur certains postes ceux qui ont besoin de parler
une autre langue que le français.
Mais le critère, c'est qu'on ne vire pas tout à
l'envers. Si ce n'est pas logique, si c'est déraisonnable, ce que ça
demanderait de réorganisation, bien entendu, l'employeur n'a pas besoin d'y
donner suite, là, mais il faut qu'il fasse l'effort de le faire puis de
restreindre le nombre de postes.
Mais
à l'impossible nul n'est tenu. Ça arrive que, dans une organisation,
dépendamment de la structure, ceux qui sont dans les bureaux administratifs
puis ceux qui sont, supposons, dans l'opérationnel, supposons, dans la chaîne
de montage, vous ne pouvez pas interchanger les gens, là. On se comprend, là.
Mme Ghazal :
Mettre à pied un employé unilingue anglophone pour le remplacer par un...
quelqu'un de bilingue ou de francophone, là, unilingue, ça, ça serait
déraisonnable? Par exemple, on regarde ça puis on dit : Mon Dieu! J'ai
beaucoup d'employés qui ne parlent pas français, unilingues — ça
existe, là, il y en a beaucoup dans beaucoup de milieux de travail — et,
pour pouvoir respecter 46, je n'ai pas d'autre choix, là, il va falloir que
je... ça, ce serait déraisonnable?
M. Jolin-Barrette :
Ça, c'est déraisonnable.
Mme Ghazal :
Puis... O.K. Par exemple, il y a beaucoup... le fait d'avoir... d'exiger le
bilinguisme parce que c'est nécessaire, une des justifications — là,
ça, c'est l'amendement que j'ai déposé — ne peut pas être parce que,
dans mon entreprise, bien, cette personne-là, que j'embauche, doit absolument
travailler avec un autre collègue qui est un travailleur étranger temporaire,
par exemple, dans un secteur recherché, là — c'est ça, le gouvernement
veut embaucher des gens temporaires même dans des secteurs recherchés — pour
peut-être un jour rester plus longtemps au Québec. Ça, ça ne peut pas être une
bonne justification, d'exiger le bilinguisme de quelqu'un sur un poste parce
que son collègue avec qui il doit travailler tous les jours est un travailleur
étranger temporaire?
M. Jolin-Barrette :
Non. Non, ce n'est pas... Non. La langue de travail, c'est le français au
Québec.
Mme Ghazal :
Puis le travailleur étranger temporaire, par exemple, je sais qu'il y a une
ouverture du gouvernement, là, c'est une
décision qui a été prise pour des postes en informatique ou très, très
recherchés, 100 000 $ et plus, où même on en a réduit un peu
les exigences, on a appris ça il y a plusieurs mois, on a réduit les exigences
de la connaissance du français pour attirer ces gens-là en disant : Bien,
on va essayer peut-être de les franciser au Québec. Ça, comment est-ce que le
ministre concilie cette volonté-là du gouvernement avec les exigences ici, dans
46?
M. Jolin-Barrette :
Votre travailleur étranger temporaire, il n'y a pas de... il n'y a pas de
critère de sélection au niveau de la langue française. Le permis de travail, il
est temporaire, il est délivré par le gouvernement fédéral, il est émis par le
gouvernement fédéral.
Mme Ghazal :
O.K. Mais comment est-ce qu'on... Oui, le gouvernement fédéral, je comprends,
là, c'est le gouvernement fédéral, mais c'est quand même dans une entreprise au
Québec. Donc, lui, il arrive, il est dans un milieu de travail, et on l'a
embauché vraiment parce qu'il a une expertise. Et on est très contents de
l'avoir parce qu'on veut... le gouvernement veut des emplois à 100 000 $
et plus, entre autres, ou... je ne me rappelle plus c'était combien, là.
C'était quoi déjà? 65 000 $? C'était quoi, déjà, les emplois? En tout
cas, je me rappelle que, pour les gens qui gagnent même dans les 100 000 $,
on veut favoriser ça, mais c'est... le travailleur étranger temporaire, il ne
parle pas français.
Comment est-ce que le
ministre concilie cette volonté-là du gouvernement avec l'article ici et les
restrictions, puis l'employeur «réputé ne pas avoir pris tous les moyens
raisonnables» avec cette volonté-là? Que fait l'employeur qui embauche des
travailleurs étrangers temporaires, que le gouvernement veut avoir et qui sont
dans ces entreprises au Québec, pour que ça se passe en français?
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Bien, premièrement, ce n'est pas le gouvernement, c'est les employeurs qui
souhaitent avoir des employés. L'employeur, là, il a l'obligation de s'assurer
que la langue de travail est le français. Il doit accompagner les employés pour
qu'ils aient une maîtrise suffisante pour ne pas mener à une anglicisation des
milieux de travail, quelle que soit la taille de l'entreprise. Donc, c'est la
responsabilité de l'employeur que la langue de travail, ça soit le français.
Puis là, quand...
vous allez voir, on va étendre la loi 101 aux entreprises de 25 à 49, et
donc, à ce moment-là, la charte va s'appliquer avec la procédure de francisation
également.
Mme Ghazal :
Excusez-moi, j'ai juste manqué, avec la charte de la... le processus de
francisation.
M. Jolin-Barrette :
On étend aux entreprises de 25-49 avec le processus de francisation, mais
l'employeur, lui, en vertu de la charte, doit s'assurer que le milieu de
travail est en français. Donc, il doit prendre les moyens pour franciser la
personne qui est un travailleur étranger.
Mme Ghazal :
Le travailleur étranger.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Il ne peut pas dire : Je vais embaucher quelqu'un parce que j'ai un
employé qui ne parle pas français, là. Je vais exiger la connaissance d'une
langue autre que le français pour le poste parce que j'ai un travailleur qui ne
parle pas français, là. C'est le contraire qu'il faut qu'il fasse.
Mme Ghazal : Mais comment ça va
se passer dans les entreprises dans les six premiers mois, admettons? Comment
ça va se passer? Les gens, ils vont être obligés de parler en bilingue, là.
M. Jolin-Barrette :
Bien, l'employeur... Non, mais la langue de travail dans les entreprises, c'est
le français. C'est ça qu'on fait, là. Les six premiers mois, c'est l'État, ce
n'est pas les entreprises.
Mme Ghazal : Oui, je sais, mais
je faisais une blague, dans le sens qu'en pensant que, le travailleur étranger,
on va le franciser puis que ça va prendre six mois pour qu'il apprenne le
français.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
il y a Francisation Québec qui va être là en entreprise, notamment. Puis
l'objectif, c'est d'amener tout le monde vers le français.
Mme Ghazal : Mais ça, ça, je le
comprends, mais je ne le conçois pas, comment ça va pouvoir se passer dans le
monde du travail. C'est-à-dire qu'on va donner des...
M. Jolin-Barrette : Bien, parce
que le critère, là, dans le fond, là, sur 46, 46.1, c'est à l'embauche. Dans le
fond, là, c'est : Est-ce que c'est nécessaire que la personne ait une
maîtrise d'une langue autre que le français? On n'empêche pas l'employeur
d'avoir des employés bilingues, là, ça, c'est permis, mais il faut qu'il fasse
son analyse de la situation linguistique.
Mme Ghazal : Mais peut-être
que, dans son analyse, il peut dire : J'ai beaucoup de travailleurs
étrangers, ils n'ont pas encore... Ils vont l'apprendre, là, dans un an, là,
ils vont l'apprendre, le français, mais ce n'est pas encore le cas. Ça fait
que, pendant cette période-là, ça va se passer en anglais.
M. Jolin-Barrette : Bien, pas
nécessairement. L'employeur peut très bien avoir, à son service, déjà un
employé qui peut faire la passerelle linguistique avec les autres employés. Ce
n'est pas parce que vous avez un employé qui ne parle pas français que, tous
les autres employés, vous allez exiger un affichage de poste avec la
connaissance d'une langue autre que le français, là.
Mme Ghazal : Donc, on va exiger
qu'au moins un employé soit capable de faire la passerelle, donc l'interprète.
C'est ça que je comprends.
M. Jolin-Barrette : Bien, ça,
c'est...
Mme Ghazal : Donc, on exige
quelqu'un qui parle aussi l'anglais parce que j'ai un employé, j'ai des
employés qui parlent anglais.
M. Jolin-Barrette : Non, c'est
l'employeur qui organise son entreprise. Il organise ça de la façon dont il
veut. C'est son entreprise, il est souverain dans son entreprise. L'État ne va
pas dans son entreprise pour lui dire comment organiser ça. Ses obligations, à
l'employeur, sont très claires, là. C'est... La langue de travail, c'est le
français. Avant d'exiger la connaissance d'une langue autre que le français,
vous avez le critère de 46, 46.1.
Mme Ghazal : Quand on
dit : «il avait évalué les besoins», là, je sais qu'on est sur
l'amendement, là, mais quand même, parce que, là, ce n'est pas... Parce qu'on
parle de réorganisation déraisonnable. Mais, «il avait évalué les besoins
linguistiques réels associés aux tâches à accomplir», les besoins linguistiques
en lien avec avec la mission de l'entreprise et non pas en lien avec la
situation linguistique à l'intérieur de l'entreprise, dans le sens que... Parce
que ça peut être...
Parce que, par exemple, moi, je suis un
employeur, puis là je fais l'évaluation, puis là je me dis : Oh! il y a
telles, telles, telles personnes qui sont unilingues francophones, je veux
dire, ces gens-là existent, ils gagnent leur vie au Québec, donc ils existent.
Donc, ils gagnent leur vie, ils travaillent dans une place, à un endroit où cet
article-là va s'appliquer. Donc... Et là il regarde puis il dit : Ils sont
unilingues anglais... anglophones. Là, j'ai le projet de loi n° 96 qui est
adopté, comment je fais pour m'y conformer, en attendant que ces gens-là
apprennent le français, là? Puis là il évalue les besoins linguistiques puis il
dit : J'ai besoin... Par exemple, j'embauche quelqu'un. Bien, j'ai besoin
que cette personne-là qui va travailler avec ces gens-là qui sont tous
unilingues, j'en ai besoin. Je sais que ça n'en fait pas partie, mais c'est...
Moi, quand je le lis, l'employeur peut dire : Bien, mon besoin
linguistique est que la personne que j'embauche parle l'anglais pour qu'elle
puisse fonctionner avec les autres qui ont déjà été embauchés avant le projet
de loi, admettons.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
c'est associé aux tâches. L'exigence linguistique, elle est associée aux
tâches. Et l'employeur a l'obligation de franciser le milieu de travail. La
langue du travail, c'est le français au Québec. Donc, ils sont dans le
processus de francisation.
Mme Ghazal : Oui, mais une
tâche, ce n'est pas juste une tâche, j'écris quelque chose ou je communique
avec des gens, ce n'est pas juste ça. Ça
peut être : Je fais une tempête de cerveaux pour trouver... un
brainstorming, là, comme on dit, donc, pour trouver une idée, et...
bien, ça, ça prend... il faut que les gens... ça prend... L'outil, là, pour
faire une tempête de cerveaux, c'est la langue. Donc, ça va... il faut que les
gens, tout le monde comprenne. C'est une tâche qui nécessite, à cause de mes
employés qui sont unilingues anglophones... qui ont été embauchés par un
programme, là, quelconque, parce qu'on veut attirer de la
main-d'oeuvre qualifiée qui a des connaissances. On va les chercher partout à
travers le monde. Ils parlent juste anglais, plus leur langue maternelle,
admettons, puis là, le temps qu'ils apprennent le français puis qu'ils soient
capables de faire des tempêtes de cerveaux en français, ça va prendre du temps.
Donc, les autres personnes, j'ai besoin d'une
autre personne dans cette équipe-là, j'en ai vraiment besoin pour faire le
travail. Bien, pour qu'elle puisse fonctionner puis faire la tâche de
travailler avec ces gens-là qui sont des gens qui vont arriver avec des idées
novatrices, hein, on parle beaucoup d'innovation, bien, il faut que ça se passe
en anglais.
C'est très... Je pose des questions concrètes,
parce que... Ça, c'est comme la théorie, puis c'est écrit dans la loi, puis je
suis d'accord avec ça. Mais comment on fait, vu que la tendance est d'embaucher
des gens de l'externe de plus en plus, d'aller les chercher comme main-d'oeuvre
ici? Il y a des gens qui vont... par exemple, qui vont travailler dans les
CHSLD ou autres, ou infirmières dans un système de santé, mais il y a d'autres,
aussi, emplois où on veut faciliter leur entrée, quitte à ne pas regarder trop
le français, en disant : Bien, on ne va le regarder à l'entrée parce qu'on
veut tellement faire de l'innovation dans nos entreprises, donc, on les amène,
on n'est pas regardant, en disant : Bien, Francisation Québec. Mais, en
attendant qu'ils l'apprennent, qu'est-ce qu'on fait? Comment l'employeur peut
se conformer à 46.1 dans la vraie vie, réelle, en 2022, au Québec, dans nos
entreprises actuelles?
M. Jolin-Barrette : Bien, deux
éléments. Premièrement, votre tempête de cerveaux, en français, c'est plus...
le terme approprié, on me dit que c'est remue-méninges.
Mme Ghazal : Oui, c'est vrai.
Oui, c'est comme un anglicisme de dire une tempête de cerveaux. Mais je l'aime,
moi. C'est ce qu'on fait ici souvent.
M. Jolin-Barrette : Oui, oui.
Je peux vous dire qu'à la fin de la journée notre cerveau est en jello.
Bon, 46 puis 46.1, c'est au niveau... à
l'embauche, promotion, mutation. Puis là ça s'inscrit également dans les droits
fondamentaux, le droit de travailler en français. Au Québec, vous avez le droit
de travailler en français. Bien, dans le fond, ce n'est pas à l'employé, parce
qu'il y a un collègue qui ne parle pas la langue officielle, de lui parler une
autre langue que la langue officielle, là. Le travailleur québécois a le droit
de travailler en français. Puis surtout, après l'adoption du projet de loi
n° 96, toutes les entreprises en haut de 25 employés y seront assujetties,
à la procédure de francisation, et ça, ça
signifie la généralisation de l'utilisation du français dans l'entreprise. Ça
veut dire que l'employeur, il est obligé de mettre en place les moyens
pour faire en sorte que ça se passe en français. Puis là l'OQLF est là pour
accompagner, avec les outils, et tout ça. Puis, si le processus de francisation
n'est pas suivi, bien là l'OQLF a les moyens
pour dire : Écoutez, là, vous êtes en dehors du processus de francisation,
vous allez vous retrouver en infraction.
Mme Ghazal : Mais est-ce que le
ministre a une inquiétude comme moi, j'ai, moi, j'ai cette inquiétude-là, que, malgré les bonnes intentions puis ce qu'il
est écrit dans la loi, ça, à cause de notre politique d'immigration, puis
ce qu'on recherche, puis la façon qu'on fait les choses, là, que ce ne soit pas
vraiment respecté sur le plancher des vaches?
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous dirais, au contraire, parce que le projet loi n° 96,
là, c'est vraiment le signal de dire : Écoutez, là, au Québec, là, ça se
passe en français, on intègre les personnes immigrantes en français. Vous
voulez venir au Québec? Ça ne se passera pas en anglais, ça va se passer en
français.
Puis trop longtemps ça n'a pas été fait. Trop
longtemps, ça a été : C'est le Canada. Non, non, non, ce n'est pas le
Canada, là, ici, là, ce n'est pas le Canada. Ici, c'est le Québec.
Mme Ghazal : Oui, dans
l'imaginaire du ministre, oui, peut-être. Encore une fois, dans la vraie vie,
malgré les souhaits puis les rêves du ministre, ce n'est pas encore le cas.
C'est le Canada.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends, factuellement puis juridiquement. Je comprends que la députée de
Mercier, Mme la Présidente, me dirait : Pour l'instant, c'est encore le
Canada.
Mme Ghazal : C'est ça que j'ai
dit.
• (17 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Pour
l'instant. Donc, dans les champs de compétence du Québec, on est souverains.
O.K.? Puis moi, je défends les champs de compétence du Québec.
Alors, la langue française, c'est la langue du
travail. Et le message est très, très clair, là. Nous, depuis qu'on est là, on
le dit : Au Québec, ça se passe en français. Puis on n'est pas tributaires
des gens qui choisissent de venir au Québec. Nous, on le dit dès le départ,
c'est en français que ça se passe. Et l'entreprise, elle, se doit... Puis là on
donne des outils également à l'OQLF, dans le
cadre du projet de loi n° 96, justement, pour agir. Il y a déjà de
l'accompagnement, mais là on donne à l'OQLF le mandat de veiller au respect de
la loi, sans attendre nécessairement le dépôt d'une plainte également.
Alors, l'OQLF est là pour accompagner les
employeurs, mais il faut faire en sorte, vraiment, d'envoyer un signal clair,
puis c'est ce qu'on fait. Il y a le comité de francisation, il y a la procédure
de francisation, puis l'enjeu, c'est qu'on a laissé ça se dégrader.
Votre illustration, là, que vous dites, là,
c'est symptomatique du résultat, notamment sur l'île de Montréal, où il y a
plus de 60 % des entreprises qui exigeaient la connaissance d'une autre
langue que le français. Ça fait que c'est pour ça qu'on agit spécifiquement
là-dessus. Puis là on dit : Écoutez, en vertu de 46, 46.1, voici les
critères qui font en sorte que l'employeur, avant
d'exiger une autre langue que le français, vous avez votre critère de
nécessité, puis d'éviter... de prendre les moyens raisonnables pour éviter
d'imposer une telle exigence.
Mme Ghazal : Mais j'essaie de
retrouver, parce qu'on... vous parlez beaucoup... le ministre parle beaucoup du
fédéral, mais il y a aussi des critères, là, pour attirer des immigrants... pas
des immigrants, là, mais des travailleurs étrangers très qualifiés avec des...
s'ils ont un emploi de plus de... j'essaie de le retrouver, là, s'ils ont un
emploi de plus de 100 000 $, bien là on est moins regardants sur le
côté de la langue, sur le français. Et ça, c'est le Québec, c'est une décision
du Québec spécifiquement pour les travailleurs... parce qu'on veut attirer des
gens avec des hauts salaires. C'est le souhait du premier ministre, il l'a
exprimé à plusieurs reprises. Et, dans certains types d'emplois, bien, on va
moins regarder le français. Donc, ça, ce n'est pas le fédéral.
J'essaie de le retrouver, là. Je sais que je
vais le trouver. Peut-être qu'il y a eu un changement ou une mise à jour de
cette volonté-là. Je vais le retrouver, là. Je me rappelle que j'avais même
commenté ça. Puis, d'ailleurs, vu que... Là, je vais le retrouver, là. C'est
difficile, comme ça, en même temps que je suis en train de parler.
En même temps, j'avais demandé, la semaine
passée, si c'était possible d'avoir une mise à jour sur la directive qui a été
donnée aux... sur les interprètes du ministère de la Santé et Services sociaux
du mois de juin 2021. Est-ce que... Qu'est-ce qu'il se passe avec ça, oui?
M. Jolin-Barrette : On me dit
que ça va venir plus tard. On n'a pas l'information.
Mme Ghazal : O.K. Il ne faut
pas que j'oublie, hein?
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
c'est parce que ça, ça relève de Santé, ça ne relève pas de nous.
Mme Ghazal : O.K. Mais c'est...
Mais ça... je veux dire, là on est dans le travail, là, la langue du travail,
mais, quand on regardait l'exemplarité de l'État, c'était très, très important
d'avoir cette information-là, même si c'est Santé.
Donc, est-ce que ce que le ministre... Attendez.
Oui, je l'ai. Donc, je l'ai ici : «Le premier ministre prêt à élargir le
programme de...» Non, ce n'est pas celui-là. Excusez-moi. Je vais le retrouver.
Je ne sais pas si mes collègues veulent intervenir en attendant que je le
trouve. Parce que moi, j'ai vraiment une inquiétude entre ce qui est écrit,
avec lequel je suis d'accord, je suis d'accord qu'il ne faut pas qu'il y ait
une réorganisation déraisonnable aussi, je suis d'accord avec l'amendement,
mais, dans la vraie vie, il y a... ça rentre, cette volonté-là du gouvernement
que ça se passe en français, en contradiction avec d'autres choix qui sont
faits sur le type de travailleurs étrangers qu'on veut avoir, temporaires. Mais
ces gens-là travaillaient dans des entreprises québécoises où il y a des gens,
des Québécois qui auront aussi le droit de travailler en français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Mercier, si vous voulez, par contre, le temps que vous
trouvez vos choses, on peut quand même mettre aux voix.
Mme Ghazal : Continuer.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je suggère, on pourrait voter l'amendement. Puis on peut revenir sur 36, là,
parce qu'on n'a pas commencé la discussion sur 36.
Mme Ghazal : Oui. Parfait.
La Présidente (Mme Thériault) :
On est encore à l'amendement du ministre.
Mme Ghazal : Je suis d'accord.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, puisque vous sembliez être en accord, vous avez quelque chose que vous
voulez vérifier...
M. Jolin-Barrette : ...on était
rendu à la fin.
La Présidente (Mme Thériault) : Est-ce
qu'on avait terminé 36?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Non. On a fait des amendements. Je m'excuse, mais le temps qu'on a fait,
c'était sur l'amendement qui a été déposé par la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Jolin-Barrette : Je pensais
qu'on avait fini, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, dans 36, il n'y a pas eu de discussion. Elle est passée directement à
l'amendement. Et la députée de Mercier a fait pareil, elles sont passées
directement aux amendements.
M. Jolin-Barrette :
Mes excuses, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous aussi, M. le ministre, presque.
M. Jolin-Barrette : Je pensais
qu'on avançait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, moi, c'est juste dans le but de faciliter les choses. Là, on pourrait passer au vote l'amendement, puis après ça, bien,
vous pourrez continuer la discussion sur le 36. Donc, à ce moment-là, vous pourrez chercher l'information que vous avez
besoin, Mme la députée de Mercier. Ça vous va? Donc, est-ce qu'on...
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Thériault) : L'amendement du ministre. Est-ce que l'amendement du ministre est
adopté?
M. Jolin-Barrette : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. Donc, nous revenons maintenant sur l'article 36.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais juste attendre que votre micro s'ouvre, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Je vais demander de répéter.
Mme David : Bien, écoutez, je
pense qu'on a beaucoup discuté de l'article. Alors, je n'ai, pour l'instant,
rien à ajouter.
La
Présidente (Mme Thériault) : Vous l'avez fait avec l'amendement. Parfait. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Question de précision, surtout à l'aube de
l'amendement : Y a-t-il un élément temporel? Est-ce que tout ça se
déclenche lors d'une embauchement d'un employé ou y a-t-il une exigence de
rétroaction? Disons que telle compagnie embauche quelqu'un avec une exigence d'une
capacité dans une deuxième langue. Je comprends, pour cette position-là, il y
aurait ces trois conditions à combler avant que ça soit validé, cette exigence.
Mais là je regarde l'amendement, qui suggère que tout ça ne devrait pas imposer
une réorganisation déraisonnable, qui parle de l'ensemble de l'affaire. Y
a-t-il, dans 36, une notion de rétroaction, c'est-à-dire de réévaluer
l'ensemble des postes déjà embauchés ou de regarder, en quelque part, le
caractère, la qualité de l'entreprise par le prisme d'un seul poste qui
viendrait de s'ouvrir ou... Comment ça se situe dans l'ensemble de
l'organisation d'un département de ressources humaines quelconque?
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, l'article rentre en vigueur à la date de sa sanction, et il n'y a pas de
rétroactivité de l'article. Donc, ça sera pour un nouvel affichage de poste, un
nouvel emploi, une nouvelle mutation ou une nouvelle promotion. Donc, dans le
fond, à la date de la sanction, là, il n'y a rien qui change, c'est la
situation actuelle. Si vous ouvrez un poste après la date de la sanction, là,
46, 46.1 s'appliquent. Si vous affichez un poste pour une promotion, ça
s'applique, ou une mutation, ça s'applique, mais pas par rapport à ce qui avait
été exigé avant. C'est comme... Ça démarre à la date de la sanction.
M. Birnbaum : O.K. Merci.
Maintenant, compte tenu qu'on est en discussion de l'article tel qu'amendé, en
quelque part, l'amendement fait allusion, Mme la Présidente, à l'ensemble de
l'organisation. Une autre fois, je me permets de parler d'une situation où il y
a un poste qui vient d'ouvrir, qui est assujetti à 36. En quoi il y a une
rassurance quelconque pour l'employeur, le fait qu'il n'a pas besoin de
chambarder l'opération au complet, si on parle d'un seul poste? Est-ce qu'on
peut imaginer une situation où cet amendement aurait un effet de mitiger, un
petit peu, les exigences de 46.1? Qui est, en quelque part, le but de cette
assurance-là, de dire : Il y a des limites, évidemment, et il faut que ça soit respecté, ces trois alinéas, mais
ça peut être respecté sans chambarder tout ce que vous faites, là.
Comment ça peut avoir un impact réel en termes de, bon, rassurance pour un tel
employeur? C'est ça que j'essaie de comprendre.
• (18 heures) •
M. Jolin-Barrette : Bien, dans
le fond, à la date de la sanction, vous ouvrez un poste. L'employeur regarde...
Supposons, il veut afficher un poste avec la nécessité. Lui, il dit : Je
veux exiger une autre langue que le français. Il va passer à travers ces
critères : Est-ce que c'est nécessaire? Est-ce qu'il a pris les moyens
raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence? Critères 1, 2, 3.
L'amendement vient dire : Bien, écoutez, quand vous allez essayer de
restreindre, supposons, le nombre de postes qui exigent cette connaissance
d'une langue autre que le français, bien, vous
aurez, comme j'ai répondu à la députée de Mercier... vous allez pouvoir
réorganiser les services. Puis il y a peut-être des employés qui vont
bouger, mais il ne faut pas que ça soit une réorganisation qui soit
déraisonnable pour l'entreprise, qui ne soit pas raisonnable.
M. Birnbaum : Si je peux, Mmes
les Présidentes ou Mme la Présidente?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Allez-y, M. le député.
M. Birnbaum : Oui, merci. Le
Conseil québécois du commerce et de... de détail a énoncé ses préoccupations en
ce qui a trait à 46.1. Bon, c'est trop tôt pour savoir comment il... s'il se
sentirait soulagé, en quelque part, par l'amendement, mais je me permets de
noter leurs... quelques-unes de leurs préoccupations et... «Le CQCD — je
cite leur mémoire — estime
que le projet de loi va trop loin dans ses nouvelles exigences. Il considère
que cette nouvelle disposition aurait comme effet d'imposer un trop lourd
fardeau pour les détaillants, tant au niveau administratif que financier.» Bon,
je conviens, on a discuté de ces éléments un petit peu, mais il continue, en
quelque part, en tendant la main, en cherchant de l'aide. Il note :
«Toutefois, nous souhaitons faire valoir l'importance et recommander au
gouvernement de réévaluer son approche [à manière...] de manière à privilégier
une solution qui soit plus simple et raisonnable. Il fournit aux entreprises un
encadrement facilitateur qui fixe les objectifs et non la manière dont les
entreprises doivent s'y prendre pour les atteindre.» Et il recommande, en
plus : «Prendre en compte la réalité du marché et le fait que nos entreprises doivent demeurer concurrentielles sur le
marché du travail.» Donc, il y a une reconnaissance, en quelque part, du
besoin d'agir, mais ils demandent d'être accompagnés en quelque part.
Est-ce que le ministre prévoit, en reconnaissant
qu'il y a des changements de proposés ici qui ont un impact, qui risquent
d'avoir un impact, Mme la Présidente, pratique et réel? Est-ce qu'on imagine,
bon, par règlement, ou par politique, ou par la désignation de quelques
ressources, accompagner les entreprises afin qu'elles soient... elles se perfectionnent dans l'implantation de ces
exigences-là, qu'elles réconcilient ça avec leur façon actuelle de faire? Y a-t-il...
Est-ce que le ministre prévoit, comme je dis,
un genre de, bon, régime, c'est un grand mot, mais... quelque
accompagnement, que ce soit concret, aux entreprises afin qu'elles respectent,
bon, l'article, tel que proposé, une fois que ça soit adopté, si c'est le cas?
M. Jolin-Barrette : Bien, les
entreprises vont demeurer compétitives. Il n'y a pas d'enjeu là-dessus, là.
Puis, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il n'y a pas de dogmatisme
associé à ça, là. Ce n'est pas interdit d'exiger une autre langue que le
français, là. On vient baliser l'exigence d'une autre langue que le français
parce que, notamment, à Montréal, actuellement, on constate avec les données
statistiques qu'il y a un enjeu. Ce n'est pas vrai que ça nécessite, dans
63 % des cas, une exigence autre que la langue officielle pour être
embauché. Alors, il y aura les critères, l'analyse est faite par l'employeur,
puis là on vient dire clairement qu'il faut que ça soit nécessaire mais, deuxièmement,
que vous prenez les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle
exigence basée sur les trois critères. Ce n'est pas plus compliqué que ça, là.
Ça n'enlèvera aucune compétitivité aux entreprises.
Et même, le fait d'avoir un environnement de
langue française, au contraire, c'est un atout, c'est un avantage dans le monde
dans lequel nous vivons, et je pense que ça fait partie du particularisme du
Québec. Et, justement, le Conseil du patronat le disait : Le fait d'avoir
la langue française, c'est un atout indéniable dans le marché international. On
peut aller à des endroits que les Américains ne vont pas, que le Canada anglais
ne va pas. Alors, il faut miser, notamment, sur nos forces aussi. Et il n'y a
rien qui nous empêche d'exporter à l'étranger en espagnol, en mandarin, en
anglais, en portugais, tout est disponible. Mais ce n'est pas vrai, parce que
c'est plus facile d'exiger une autre langue que le français, qu'on doit le
faire en se fermant les yeux. Tout le monde a une responsabilité par rapport à
la langue française, le patronat également.
M. Birnbaum : Si je peux, je
crois que le CQCD est totalement d'accord que le français ne soit pas vu comme
un fardeau, voyons donc, mais comme un atout et comme un aspect concurrentiel
positif à faire connaître et rayonner sur... entendu. Ma question était de...
au nom du conseil, qui suggérait, contrairement au ministre, que, non, ce n'est
pas si facile que ça, que ça risque d'être compliqué, le conseil demande, il me
semble que les chambres de commerce l'ont demandé, d'autres ont demandé s'ils
risquent d'être accompagnés en implantant, dans leur devoir éventuel, de
respecter les exigences telles que proposées par le ministre. Alors, ma
question est simple : Est-ce qu'on prévoit un mécanisme quelconque pour
épauler les entreprises dans l'implantation d'un éventuel article 46.1?
M. Jolin-Barrette : En fait, en
fait, je peux rassurer le député de D'Arcy-McGee, rassurer également les gens
qui nous écoutent. Ce n'est pas difficile, là, on vient clarifier les choses,
on vient rassurer les choses. Au contraire, là, c'est une ligne directrice qui
est donnée, c'est des critères à respecter, puis les critères sont très, très
clairs. Puis les entreprises vont tirer avantage du fait qu'il y a un plus
grand nombre de personnes à leur emploi qui sont en mesure d'utiliser le
français dans l'exercice de leurs fonctions, que c'est la langue du travail.
Donc, on vient vraiment franciser l'ensemble du marché du travail québécois.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Ça va, M. le député? Merci. Donc, nous sommes prêts à voter. Oui, Mme
la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. J'ai finalement retrouvé l'information que je cherchais. En fait,
c'est un projet pilote qui va durer pendant... qui va durer cinq ans et
qui... Donc, je vais juste le lire, là. Québec... puis ça, c'est un article qui
date du 16 décembre 2020, là, puis j'ai retrouvé le règlement. «Québec a
lancé un projet pilote d'immigration économique avec un volet réservé aux
non-francophones travaillant dans l'intelligence artificielle, avec un salaire
à six chiffres», et donc, ça, c'est en 2020, et c'est cinq ans. Mais en tout
cas, le temps que... C'était en décembre, donc jusqu'en 2026, et il va y avoir
quelques centaines de personnes qui vont travailler dans l'intelligence
artificielle et à qui on ne demande pas du tout une connaissance du français.
Ça a été initié, d'ailleurs, par le ministre lorsqu'il
était ministre de l'Immigration, continué par sa collègue ministre de
l'Immigration actuelle. Et je voulais savoir
comment est-ce que, oui, comment est-ce que ça, ça peut... En fait, moi, je
vois que ça peut entrer en contradiction, ce genre de projet pilote,
qui, probablement, si ça marche avec les entreprises en intelligence
artificielle... aiment ça, en fait, vont le
continuer, puis ça entre en contradiction avec l'article, là, qu'on est en
train de voter dans le projet de loi n° 96.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
bien, écoutez, je le constate, c'est un programme pilote pour attirer des
talents, notamment, puis il faut voir combien de personnes ont soumis leur
candidature. Mais ça ne change rien sur la langue de travail, là. Donc, dans le
fond, là, à jour 1 que les gens viennent ici, ça se passe en
français, puis ils doivent avoir une maîtrise suffisante de la langue française
pour ne pas amener une anglicisation des milieux de travail. Les droits
fondamentaux des Québécois et des Québécoises demeurent ainsi, et c'est à ces
personnes-là qui choisissent le Québec d'embarquer
dans la roue, comme on dit, et de se franciser. Et les cours, d'ailleurs, par
rapport à ces personnes-là, sont offerts gratuitement. C'est moi, d'ailleurs, qui ai étendu les cours de francisation
aux personnes en situation temporaire, puis ils vont travailler dans une
entreprise, puis l'entreprise est obligée d'amener la généralisation du
français dans l'entreprise.
Mme Ghazal : Et ça, c'est
l'employeur qui paye pour ces cours de français.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
l'employeur qui peut le faire, peut payer pour des cours de français
directement en entreprise.
Mme Ghazal : Ah! c'est parce
vous dites que c'est gratuit.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
gratuit...
Mme Ghazal : Mais à
l'extérieur.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
offert...
Mme Ghazal : ...
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien,
en fait, actuellement par le ministère de l'Immigration, malgré que le
ministère du Travail donne des subventions, notamment pour la francisation en
entreprise, mais, avec Francisation Québec, on va aller directement en
entreprise également.
Mme Ghazal : Puis, est-ce que
c'est possible? Bien, je ne sais pas si c'est le ministre qui peut me répondre,
là, ce qui est sécurisé, c'est qu'au total
274 places sont réservées à des candidats qui n'ont aucune obligation de
connaître la langue française. Donc, est-ce que ces gens là, depuis le temps,
ça a été comblé? C'est vraiment 260... C'est ce qui a été ouvert. Est-ce que,
maintenant, c'est comblé?
M. Jolin-Barrette : En
fait, je doute que ça ait été comblé. Faudrait que je voie les chiffres, là. Je
vous dis ça comme ça, là, mais, avec la pandémie, il n'y a pas beaucoup
de gens qui sont venus au Québec. Alors, il faudrait demander désormais au
ministre de l'Immigration.
• (18 h 10) •
Mme Ghazal : Mais, j'imagine,
parce que je parle aussi au gouvernement, là, de la CAQ, c'est le même
gouvernement. Donc, à cause de la pandémie, ça a été retardé, donc, jusqu'en
2000... tu sais, c'est jusqu'en 2026, peut-être qu'on va le prolonger,
justement, à cause de la pandémie, ce programme-là, on va finir par le combler.
Ça va être peut-être une réussite. Les employeurs vont aimer ça. On va
l'étendre, on va augmenter parce qu'on est en pénurie de main-d'oeuvre. Donc,
c'est un risque réel, mais, maintenant, comment ça va se passer à l'extérieur
des entreprises? Et ça, on l'exige pour les employés qui gagnent, à Montréal,
100 000 $... les candidats qui gagnent 100 000 $ et plus.
Et, s'ils viennent travailler dans des entreprises d'intelligence artificielle
ou de technologies de l'information, 75 000 $ et plus, on ne leur dit pas : pas besoin de
savoir... vous n'avez aucune note là, aucun critère par rapport à votre
connaissance du français, ce qu'on ne fait
pas pour le même projet pilote pour des préposés aux bénéficiaires. Eux autres,
il faut qu'ils aient une connaissance du français. Donc, à cause du
salaire, on fait une exemption à la langue.
Maintenant, moi, ce qui m'inquiète, c'est que,
quand ces gens-là arrivent dans ces entreprises-là, on sait comment ça se passe,
les autres employés autour, l'employeur pourrait dire : Bien là, d'un
côté, le gouvernement m'incite à embaucher des gens qui ne parlent pas français
à cause de leurs compétences, de leur expertise et, de l'autre côté, on me dit
qu'il faut que j'évalue mes besoins linguistiques, il faut que je m'assure de
restreindre le plus possible le nombre de postes qui se rattachent à des tâches
dont l'accomplissement nécessite une autre langue. Et là ça fait qu'il y a
comme une contradiction, là, pour l'employeur. D'un côté, on lui permet
d'embaucher des gens qui ne parlent pas le français, de les favoriser, ils
viennent de l'étranger. Et, de l'autre, est-ce qu'il pourrait dire, par
exemple : Bien, moi, le fait que j'aie ces travailleurs là, puis là ces
exigences-là font en sorte que les changements que je dois faire vont être
déraisonnables, donc je peux être exempté de respecter 46.1? C'est possible.
Moi, c'est une inquiétude que j'ai.
M. Jolin-Barrette : Non, ce
n'est pas possible d'être exempté de respecter 46, 46.1, ça s'applique à tout
le monde. Par ailleurs, le programme auquel vous faites référence, ça ne veut
pas dire que les candidats ne seront pas francophones non
plus, là. Dans le fond, ce que vous faites référence, c'est qu'il n'y a pas
d'exigence éliminatoire à un niveau 7 de Français. Ça, je le conçois.
C'est pour un nombre illimité de candidats, mais je vais quand même porter vos
propos au ministre l'Immigration et le sensibiliser à ça, mais je comprends que
le programme a été édicté par la ministre des Relations internationales à
l'époque où elle était ministre de l'Immigration. Alors...
Mme Ghazal : Oui, c'est vrai,
j'avais dit la ministre actuelle, mais c'était... O.K.
M. Jolin-Barrette : Mais j'en
prends note. Mais non, ça ne change pas 46, 46.1. Le milieu de travail doit
être francophone. Puis il y en a, des gens, là, qui ne parlent pas français,
qui travaillent au Québec, puis c'est normal, mais on les amène à se franciser.
Mme Ghazal : Mais, quand tu es
un travailleur étranger puis tu n'es pas sûr que tu vas rester, puis que tu
viens parce qu'il y a un programme spécial, c'est quoi, l'incitatif de parler
français et de l'apprendre, même si c'est gratuit?
M. Jolin-Barrette : C'est quoi,
l'incitatif?
Mme Ghazal : Oui, pour ces
gens-là, qui sont... C'est des gens temporaires, là, ils ne viennent pas
nécessairement pour immigrer. Ils viennent travailler.
M. Jolin-Barrette : Bien non,
mais, lorsque vous venez comme immigrant en situation temporaire, là, vous avez
un intérêt, notamment, à apprendre le français, parce que, si vous voulez
devenir permanent, notamment par le PEQ, il y a des exigences de connaissance
du français.
Mme Ghazal : Mais si vous ne voulez
pas? Si vous ne voulez pas?
M. Jolin-Barrette : Bien,
pourquoi vous ne voudriez pas? C'est tellement magnifique, le Québec.
Mme Ghazal : Parce que, oui,
moi, ça, je suis d'accord. Moi, je ne les comprends pas, là. Mais eux, ce
qu'ils disent, ces gens-là qui ne veulent pas rester...
M. Jolin-Barrette : Mais qui
ça?
Mme Ghazal : Parce qu'il fait
très froid, il y en a qui ne sont pas capables de supporter ça. Puis ils
disent : On veut venir acquérir une expérience, on aime ça, il y a un
programme, tiens, je vais y aller, je vais tenter ma chance. Mais, après ça, ils décident de quitter. Quel
incitatif à apprendre le français les soirs et les fins de semaine si, par
exemple, leur employeur ne l'offre pas, même si c'est gratuit, au lieu de
profiter de notre belle vie et des sports d'hiver, pour peut-être essayer
d'aimer le bel hiver au Québec?
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
là il ne neige pas 12 mois par année, là, à Montréal, là. Non, mais ce que
je veux dire, c'est qu'un coup que vous avez passé un hiver, là, vous y prenez
goût, là. Puis ça, c'est notre défi collectif, de faire en sorte que chaque
personne qui vient ici en situation temporaire, de lui dire : Écoute,
voici les opportunités dans toutes les
régions du Québec, puis ça, c'est un défi sur lequel le gouvernement travaille
beaucoup, la régionalisation de l'immigration, puis il y a des
opportunités incroyables. Alors, c'est pour ça qu'on développe les programmes,
pour faire en sorte de franciser dès l'arrivée, même avant, de déployer les
ressources, également les temporaires. Parce que, vous le savez, notre bassin
d'immigration, en fait, quasiment la totalité provient des personnes en
situation temporaire. Ça signifie que, tout de même, les gens qui viennent en situation
temporaire, ils veulent rester, si... Notre immigration permanente, la
majorité, près de 90 %, proviennent de ce bassin-là, des personnes en
situation temporaire.
Mme Ghazal : Oui, de plus en
plus, c'est cette tendance-là d'amener des gens de façon temporaire.
M. Jolin-Barrette : Mais,
depuis cinq ans, le PEQ...
Mme Ghazal : Mais est-ce que...
Je veux dire, ça, c'est un règlement. C'est ce que moi, j'ai vu, puis que je me
rappelais. Puis ça m'a pris du temps à le trouver, mais c'est la volonté du
gouvernement de la CAQ d'attirer des gens et de ne pas leur exiger le français
pour nos entreprises, pour des emplois en innovation, en technologies, en
intelligence artificielle, en technologies de l'information, en intelligence
artificielle. Dans tous ces secteurs-là, c'est une volonté du gouvernement.
Est-ce que le ministre est d'accord avec cette volonté du gouvernement
d'attirer des gens avec des bons salaires pour travailler chez nous sans
connaître aucun mot du français? Puis que l'effort soit fait au Québec,
peut-être, si jamais peut-être ils ont envie de travailler puis que, dans un
milieu de travail, en attendant, ça se passe
en anglais, est-ce qu'il est d'accord avec cette volonté-là? Ou voit-il, comme
moi, je le vois, une contradiction entre ce que le ministre responsable de la langue française dit et la volonté
du gouvernement de créer ce genre de programme là?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, là, ce qui est bien important, c'est que le milieu de travail demeure et
sera francophone. Alors, je suis en désaccord avec la députée de Mercier
lorsqu'elle dit : Bien, ça va se passer en anglais. Non,
non, non. On est en train de travailler d'une façon paramétrique sur l'ensemble
du marché du travail. C'est pour ça qu'on descend notamment de 50 à 25 les
entreprises qui sont couvertes par le processus de francisation. Donc, c'est
très, très clair qu'on généralise l'utilisation du français à la grandeur du
Québec, mais, bref, on est un peu loin de l'amendement, là.
Mme Ghazal : Mais, entre le
souhait... Non, non, on est dedans, on est dans qu'est-ce que les employeurs, l'employeur
doit faire pour s'assurer de ne pas avoir des gens... pour pas que ça se passe
en anglais, puis avoir le moins de gens possible qui vont avoir besoin de
parler l'anglais. C'est ça, c'est ça que dit l'amendement. Mais, en même temps,
dans certains types d'entreprises, notamment l'intelligence artificielle, des
technologies de l'information, des entreprises innovantes, de l'innovation, je
prends vraiment les terminologies utilisées beaucoup par le gouvernement, puis,
certains ministres, ça entre en contradiction avec la volonté du ministre que,
dans les milieux du travail, même ces milieux-là, pas juste là où travaillent
les bénéficiaires... les préposés aux bénéficiaires, ou dans le milieu de la
santé, ou dans les CHSLD, là, dans ces entreprises-là aussi, parce que c'est là
où le bât blesse surtout, que ça se passe en français pour tout le monde. C'est
là le défi.
M. Jolin-Barrette : Je suis
d'accord avec vous, puis c'est pour ça qu'on agit puis on modifie la Charte de
la langue française, pour rendre les milieux de travail encore plus... où on va
étendre la généralisation de l'utilisation de la langue française. Mais ça
arrive des fois qu'il y a des gens qui travaillent au Québec qui n'ont pas la
maîtrise de la langue française, puis il faut les aider, il faut les outiller.
Mme Ghazal : Il y en a
beaucoup.
M. Jolin-Barrette : Il faut les
amener à migrer vers le français. Puis la personne qui est en situation
temporaire qui ne parle pas français dès le départ, on lui dit : Bienvenue
au Québec. Ça se passe en français. On vous accompagne vers la francisation.
Mme Ghazal : Puis là il arrive
dans l'entreprise, puis ça se passe en anglais.
M. Jolin-Barrette : Bien, il ne
faut pas que ça se passe en anglais. C'est pour ça qu'on agit.
Mme Ghazal : Puis ça va être
l'OQLF, supposons que l'employeur, il trouve ça très, très difficile, ça va
être dans l'accompagnement de l'OQLF pour s'assurer que ça, ça soit respecté?
S'il dit : Bien, moi, c'est difficile, je ne suis pas capable, moi, je
veux avoir une expertise. On a une pénurie de la main-d'oeuvre. Je n'arrive pas
à la trouver au Québec. Je vais aller
chercher ailleurs. Regardez, il y a un programme du gouvernement, un projet
pilote extraordinaire. Donc, je m'inscris là-dedans pour avoir ce genre
d'employé là.
M. Jolin-Barrette : Mais ça ne
veut pas dire que le candidat sélectionné n'est pas francophone, là.
Mme Ghazal : Oui,
mais entre les souhaits du ministre et la réalité... C'est-à-dire que le ministre
se dit : J'espère puis je me
croise les doigts qu'il va être francophone puis que ça va se passer en
français. Mais les souhaits du ministre, c'est intéressant de les entendre, mais ce n'est pas ça qui va faire que, dans
la réalité, les choses vont ressembler à ce qu'il souhaite.
M. Jolin-Barrette : Bien non,
mais...
Mme Ghazal : Il faut mettre les
conditions en place. Puis là c'est un projet pilote. C'est un règlement qui va
durer en 2026 et c'est le souhait. Donc, probablement que ça va s'élargir puis
il va y avoir de plus en plus, avec la pénurie de la main-d'oeuvre, de plus en
plus ce genre de programmes là qui ne seront plus des projets pilotes, mais ça
va être des vrais programmes où on ne va plus exiger le français. Donc, les gens
vont venir...
M. Jolin-Barrette : Je ne
penserais pas, non. Je ne penserais pas que ça va arriver, ça.
Mme Ghazal : Ça fait que ça,
c'est comme une... Donc, je comprends qu'il y a un engagement du ministre pour
que ce genre de programme là, instauré par son gouvernement, peu importe le
ministre ou la ministre, c'est la seule et unique fois que ça va arriver. C'est
ce que je comprends.
M. Jolin-Barrette : Ah! Bien,
ça, je ne peux pas vous dire.
Mme Ghazal : C'est une
exception.
M. Jolin-Barrette : Je ne peux
pas vous dire. Mais il y a une chose qui est sûre, nous, notre volonté d'avoir
de l'immigration francophone, elle est très forte. Mais, d'un autre côté, moi,
je ne suis pas prêt à disqualifier des candidats qui sont, supposons,
francotropes. Exemple, là, dans ce programme-là, là, vous avez quelqu'un, là,
qui est hispanique, là, qui travaille en technologies de l'information puis que
ça lui tente de venir au Québec, puis il est hispanique, mais il ne parle pas
français. On va-tu le disqualifier parce qu'il ne parle pas français, alors
qu'il y a une proximité, notamment linguistique, avec la
langue française? Ou est-ce que... plus facilement que certains individus
provenant de certains autres endroits à travers le monde va avoir une facilité.
Bien là...
• (18 h 20) •
Mme Ghazal : Moi, je ne veux
pas le disqualifier, surtout pas moi.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
ça. C'est ça.
Mme Ghazal : Moi, je ne veux
pas le disqualifier. Moi, je ne suis pas en train de parler de moi et de mes
souhaits, mais d'un programme qui existe et de la volonté du ministre que ça se
passe en français dans les milieux de travail, mais est-ce que le ministre est
d'accord avec ce programme-là?
M. Jolin-Barrette : Bien oui,
c'est pour attirer des gens, pour combler des postes qui sont disponibles. Mais
ce que je vous dis, c'est que ça ne veut pas dire que les gens qui sont
sélectionnés dans le cadre de ce programme-là ne parlent pas français.
Mme Ghazal : Je comprends, mais
est-ce qu'il est d'accord avec le principe? Après ça, oui, peut être que les
274 postes, là, qu'on a ouverts, quand ils vont être comblés, 100 %
d'entre eux vont être des francophones, peut-être, si, comme, on est chanceux.
Puis là ça va arriver, peut-être. Mais est-ce qu'il est d'accord avec le
principe de dire : Quand vous gagnez plus de tant par année, bien, on ne
vous donne pas les mêmes exigences que les autres types d'emploi? Est-ce qu'il
est d'accord avec ce principe-là par rapport au français? Est-ce qu'il est d'accord
avec le principe? Après ça, la réalité, peut-être que, comme on dit, il va être
chanceux.
M. Jolin-Barrette : Ça, c'est
des programmes pilotes, hein? Donc, ce n'est pas l'utilisation... ce n'est pas
la politique d'immigration du gouvernement du Québec, là. Alors, moi, je suis
d'accord avec le principe de 46.1, là, de l'article. C'est ça.
Mme Ghazal : Oui, c'est sûr.
J'espère que vous êtes d'accord... que le ministre est d'accord avec ça. C'est
pour ça que moi, je voudrais qu'on exige que, dans les milieux du travail, il y
ait de la francisation, dans le milieu du travail, de façon obligatoire. Et, si
l'employeur ne le fait pas, bien là, il va... C'est-à-dire que... la
proposition.
M. Jolin-Barrette : Mais là je
fais juste vous arrêter.
Mme Ghazal : Oui.
M. Jolin-Barrette : C'est parce
que là on est à l'embauche. Là, francisation, on va le voir à la section sur
Francisation Québec.
Mme Ghazal : O.K., mais juste
pour entendre... Parce que, là, je me suis habituée que, quand je propose des
choses, c'est accepté par le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je me suis
habitué!
Mme Ghazal : D'ailleurs, je
l'ai dit à mes collègues, et le député de Jean-Lesage m'a dit : Est-ce que
tu peux lui demander... est-ce que vous
pouvez lui demander aussi qu'il accepte d'arrêter le serment à la reine, de
mettre fin au serment à la reine?
Peut-être que moi, j'aurai plus de chance que lui. Donc, je lui en fais la
demande. Je prends une chance.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
dans ma proposition de réforme... bien, pas dans ma... Dans la proposition de
réforme parlementaire du gouvernement, c'est déjà prévu. Alors, si vous
souscrivez à la réforme parlementaire...
Mme Ghazal : Au complet.
M. Jolin-Barrette : Bien, au
complet...
Mme Ghazal : On peut la prendre
par morceaux.
M. Jolin-Barrette : Bien non, mais on ne fait pas les choses à
moitié, là. Il faut que ça soit une réforme complète.
Mme Ghazal : O.K. Je vais
revenir sur ce sujet-là, ou mon collègue aussi va revenir. Donc, juste pour
savoir, est-ce que le ministre...
M. Jolin-Barrette : Mais, vous
savez, juste... Vous pouvez passer le message au député de Jean-Lesage. Un de
mes rêves parlementaires les plus fous, là, ça serait que le député de
Jean-Lesage fasse une motion du mercredi des oppositions là-dessus, là, sur la
monarchie, puis sur la constitutionnalité, puis le Canada, 1867, tout ça, là.
Je trouve qu'on aurait beaucoup de plaisir. Donc, vous pouvez passer le
message.
Mme Ghazal :
Donnez-nous vos commandes, puis nous aussi, on va faire la même chose. Ah!
peut-être... O.K., il y a négociation possible...
M. Jolin-Barrette : Nous, on
est toujours ouverts aux bonnes idées.
Mme Ghazal : O.K. J'entends. Je
passerai le message.
Est-ce que le ministre est d'accord avec le
fait, pour que 46.1 soit possible et applicable, et tout ça, surtout avec ce genre de travailleurs là qui ne parlent pas
français, est-ce qu'il serait d'accord pour bonifier la formation de la main-d'oeuvre
qui existe actuellement pour exiger qu'elle soit destinée, une partie, là, de
la bonifier, puis cette bonification-là de la Loi sur la formation de la
main-d'oeuvre comprenne aussi la francisation en entreprise? C'est-à-dire que,
dans les entreprises maintenant, il y a la Loi sur la formation de la
main-d'oeuvre qui fait que... là, j'ai oublié les montants, là... 1 % de
la masse salariale en haut de tant, je pense que c'est 2 millions de masse
salariale, de mémoire, soit consacré à la formation de la main-d'oeuvre.
Moi, ce que je demande, c'est d'ajouter un
pourcentage de plus de 0,5 % pour que... ça existe déjà, mais que ça soit
uniquement destiné à la francisation de la main-d'oeuvre. Puis, si l'employeur
ne le fait pas, un peu comme sur la Loi sur la formation de la main-d'oeuvre,
bien, que l'argent qui a été donné en francisation à l'intérieur de
l'entreprise, bien, qu'il soit remis au gouvernement. Est-ce qu'il est d'accord
avec cette proposition-là? Puis je pourrais l'amener au bon article plus tard,
s'il me dit qu'il est d'accord.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je vous invite à amener ça à l'article pertinent. Mais je crois, puis
on va faire les vérifications, que, déjà, le 1 %, il me semble, prévu sur
la formation de la main-d'oeuvre, ça inclut également la francisation. Mais on
va juste vérifier, là.
Mme Ghazal : Oui, mais, moi, ma
proposition, c'est de dire... Parce que ça se peut que ça soit prévu puis que
ça soit permis, par exemple, s'il y a des cours de français, qu'on l'inclue.
Peut-être, là, on va... vous allez faire les vérifications. Mais, si c'est
permis...
M. Jolin-Barrette : Bien, on va
faire ce débat-là un petit peu plus loin... sur l'article...
Mme Ghazal : Oui, mais, parce
que, comme ça, je ne préparerais pas un amendement pour rien s'il me dit que ça
ne l'intéresse pas, le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, il faut que je voie l'amendement, il faut que je voie qu'est-ce que ça
implique. Alors, vous savez, je suis un homme de bonne volonté.
Mme Ghazal : Très bien, je vais
revenir à ça, parce que je veux juste être sûre que le ministre comprenne que
l'objectif derrière ça, c'est de ne pas... parce que, souvent, il nous
dit : Ah! non, non, non, ça ne se passera pas seulement en anglais, oui,
mais regardez les conditions à la réalité de Francisation Québec.
M. Jolin-Barrette : Vous allez
voir, quand on va arriver là...
Mme Ghazal : Mais c'est dur
pour les gens d'apprendre, en plus de toutes leurs obligations familiales,
d'apprendre le français le soir et les fins de semaine.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
ils vont aller en entreprise, Francisation Québec aussi, là. Dans le fond, là,
c'est un outil qu'on se sert pour réaliser
les services de francisation, vous allez voir aussi, ça va être dynamique, là.
Puis il y a beaucoup d'entreprises,
déjà, qui font de la formation sur les lieux de l'entreprise également, là. Je
ne sais pas si vous avez vu le film
la langue au travail, la Langue à l'ouvrage de la FTQ, c'était très bon
aussi, puis ils avaient un beau modèle, eux autres.
Mme Ghazal : Très bien. On va
en parler, mais moi, je sens, le programme dont j'ai parlé, c'est une brèche.
Je ne suis pas certaine que le ministre est si à l'aise que ça avec ce
programme-là, quoique c'est lui qui l'a initié pour des raisons économiques, mais moi, je pense que ça ne fait qu'augmenter
les défis pour que ça se passe en français au sein des entreprises et,
quant à ça... parce que là on fait une exception pour une catégorie d'employé
qui gagne un certain salaire, plus de 100 000 $, mais on ne le fait
pas pour les autres. Donc, il y a une brèche là, par rapport à ce que ça se passe en français au travail, malgré toutes les
dispositions qui sont dans le projet de loi n° 96, ça augmente les défis,
disons.
La
Présidente (Mme Guillemette) : D'autres interventions sur l'article 36 amendé? Donc, s'il n'y a
pas d'autre intervention, est-ce que l'article 36 amendé est
adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Guillemette) : Donc,
nous pouvons passer à l'article 37. Donc, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Les
articles 47 et 48 de cette charte sont remplacés par les suivants :
«47. Sauf [les
dispositions contraires] de la présente loi, la personne qui se croit victime
d'une pratique interdite visée aux articles 45 et 46 et qui désire faire
valoir ses droits peut le faire auprès de la Commission des normes, de
l'équité, de la santé [...] de la sécurité [au] travail dans les 45 jours
de la pratique dont elle se plaint.
«47.1. La Commission peut, avec l'accord des
parties, nommer [la] personne qui tente de régler la plainte visée à
l'article 47 à la satisfaction des parties.
«Seule une
personne n'ayant pas déjà agi dans ce dossier à un autre titre peut être nommée
à cette fin par la commission.»
Toutefois...
«Toute information, verbale ou écrite, recueillie par la personne visée au
premier alinéa doit demeurer confidentielle.
Cette personne ne peut être contrainte de divulguer ce qui lui a été révélé ou
ce dont elle a eu connaissance dans
l'exercice de ses fonctions ni de produire un document fait ou obtenu dans cet
exercice devant un tribunal ou devant un organisme ou une personne exerçant des fonctions judiciaires ou quasi
judiciaires, sauf en matière pénale, lorsque le tribunal estime [que] cette preuve nécessaire pour assurer
une défense pleine et entière. Malgré l'article 9 de la Loi sur l'accès aux documents
des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, nul
n'a droit d'accès à un tel document.»
«47.2. Si aucun...» bien, voulez qu'on fasse
47.1 en premier puis ensuite je lirai 47.2?
La Présidente (Mme Guillemette) : ...ça
va être plus facile. Donc, des interventions sur le 47? Oui, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Juste une question
qui m'intrigue : Pourquoi on est passé de l'OQLF à la CNESST pour porter
plainte... ou pour traiter les plaintes?
• (18 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, la CNESST, c'est la plainte du travailleur, dans le fond, c'est le
recours du droit fondamental du travailleur. Donc, la CNESST peut prendre fait
et cause pour le travailleur qui se retrouve dans une situation où son droit
est lésé, son droit de travailler en français. Ce n'est pas l'OQLF, là, dans ce
cas-là, là, qui est l'organe reconnu. Puis, exemple pour le travailleur qui se
retrouve dans une situation où son droit est lésé, mais qui est syndiqué, à ce
moment-là, ça va être la procédure de grief qui va s'appliquer.
Mme David : Mais, si je
comprends bien, parce que certaines organisations disent pourquoi ce n'est pas
encore l'OQLF, c'était jusqu'à maintenant, c'est l'OQLF qui... où le
travailleur porte plainte, non?
M. Jolin-Barrette : Bien, les
plaintes sont à l'OQLF, mais l'OQLF est là pour accompagner le travailleur.
Mme David : Accompagner le
travailleur vers la CNESST?
M. Jolin-Barrette : Vers le
Tribunal administratif du travail.
Mme David : Là, je suis encore
plus mêlée, là. Vous venez de me dire que l'OQLF n'était plus là-dedans, les
travailleurs portaient plainte à la CNESST.
M. Jolin-Barrette : Donc, on va
clarifier le tout. Suspendons quelques instants, je vais clarifier le tout.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à 18 h 32)
(Reprise à 18 h 35)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux. M. le ministre, je vous cède la parole
pour l'explication désirée.
M. Jolin-Barrette : Bon, alors,
la procédure qui va être en place, avec le projet de loi n° 96, c'est le
fait que le travailleur va pouvoir faire une
plainte à l'OQLF, O.K.? L'OQLF va transférer la plainte... bien, en fait, va
soit traiter la plainte, si ça
concerne la compétence de l'OQLF, mais, si c'est une plainte d'un travailleur
non syndiqué, l'OQLF va transférer la plainte à la CNESST puis la CNESST
va prendre fait et cause pour le travailleur pour aller devant le Tribunal
administratif du travail par la suite. Si c'est un travailleur qui est
syndiqué, le travailleur syndiqué peut appeler l'OQLF, dire : Écoutez, je veux faire une plainte, tout ça. L'OQLF va le
diriger vers le syndicat du travailleur, parce que c'est la procédure de
grief qui s'applique.
Mme David : ...46, là, c'est
nous qui postulons chez Bombardier. On est un citoyen, là, pas de job, chômeur,
on fait quoi, nous?
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc là, à ce moment-là, plainte à l'OQLF.
L'OQLF va vous diriger vers la CNESST. Parce qu'on va le voir que, même
si vous n'êtes pas un salarié, vous n'êtes pas déjà embauché, vous allez être
pris par la CNESST, parce que c'est pour pouvoir accéder à un emploi.
Mme David :
...la 47.3 dit bien : «La Commission peut, dans une instance relative à
l'un des articles 45, 46 et 47 — donc, on est là-dedans — représenter
un travailleur qui ne fait pas partie d'une association de travailleurs.» Ça,
on parle des non-syndiqués à ce moment-là.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme David : Mais ce n'est pas
un travailleur, quelqu'un qui postule à une job, qui a 21 ans, qui sort de
l'université. Il est quoi, lui? Puis il est un citoyen qui essaie de se trouver
une job, là.
M. Jolin-Barrette : Oui. Il va
être assimilé, pour les fins de la loi, à l'équivalent d'un travailleur, la
personne qui se croit lésée. Donc lui, la personne qui se croit lésée...
Mme David : Oui, qui n'a pas eu
la job parce qu'il n'était pas bilingue, admettons.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Bien, il va aller
où? À l'OQLF, lui?
M. Jolin-Barrette : Lui,
ultimement, il va se retrouver avec la CNESST.
Mme David : Oui, mais...
M. Jolin-Barrette : Il peut
faire sa... Parce que la personne qui ne le sait pas, là, tu sais, dans le
fond, là...
Mme David : Bien, les gens ne
le savent pas à tous les jours, effectivement.
M. Jolin-Barrette : Ils ne le
savent pas. Ça fait qu'ils vont appeler l'OQLF, puis là l'OQLF va le référer à
la CNESST. Il peut faire les deux, il peut faire tout de suite sa plainte à la
CSST... à la CNESST ou il peut faire sa plainte direct à l'OQLF. S'il fait sa
plainte direct à l'OQLF, l'OQLF va prendre la plainte puis va la transférer à
la CNESST.
Mme David : Mais c'est nouveau,
ça, que ça soit la CNESST.
M. Jolin-Barrette : Exactement,
c'est nouveau, parce que...
Mme David : Pourquoi c'est
nouveau? C'est parce que, là, il y a tellement de choses qui tombent dans le
panier de l'OQLF que ça va... ils vont être trop occupés ou...
M. Jolin-Barrette : Non, mais
parce que le rôle, là... Exemple, là, la Loi sur les normes du travail prévoit
déjà des pratiques interdites.Exemple, je suis enceinte, on me refuse
un emploi parce que je suis enceinte.C'est une pratique qui est
interdite, je suis une personne qui est lésée. L'employeur en question a fait
une pratique interdite. Je n'ai pas de lien d'emploi avec lui, mais je veux
devenir son employé, mais, parce que j'étais enceinte, il ne m'embauche pas.
C'est un motif de discrimination. La CSST peut prendre un recours, parce que
c'est une pratique interdite.
On a voulu, dans le fond, ajouter des voies puis
assimiler le critère linguistique, l'aspect linguistique comme étant, dans
certains cas, des situations de pratiques interdites qui passent par le droit
du travail. Donc, la personne qui se sent lésée pourra être représentée par la
CSST devant le Tribunal administratif du travail.
Mme David : O.K. On pourrait
dire, ça aussi, que c'est du droit nouveau, c'est-à-dire : on réfléchit
autrement la façon ou le cheminement qui va se...
M. Jolin-Barrette : C'est parce
que le droit de travailler en français, puisqu'il est exécutoire, puisque c'est
un droit fondamental, on vient l'opérationnaliser. On vient dire : Bien,
écoutez, c'est tout aussi important qu'un autre type de pratique interdite qui
était déjà prévue par la Loi sur les normes du travail. Donc, c'est pour ça
également qu'on l'intègre par la loi comme faisant partie des conventions
collectives, donc, puis ça va être susceptible de griefs, comme si c'était un
des articles de la convention collective.
Mme David : Et c'est pour ça
qu'éventuellement l'employeur qui a appliqué 46, 46.1 va se retrouver devant la
CNESST puis...
M. Jolin-Barrette : Il va se
retrouver devant le Tribunal administratif du travail.
Mme David : Oui, parce que
c'est là que ça va aller se discuter, se...
M. Jolin-Barrette : Parce que,
dans le fond, la CNESST, dans le fond, là-dedans, il y a des départements
juridiques, notamment des avocats qui représentent à la fois les... en matière
de santé, sécurité et également à la fois en vertu de la
Loi sur les normes du travail. Avant, là, je vous aurais dit : On aurait
envoyé ça à la Commission des normes du travail, mais votre gouvernement a
fusionné les trois ensemble avec l'équité salariale. Votre ancien collègue de
Louis-Hébert.
Mme David : C'était qui? Ah
oui! Bien, c'est parce que c'est des...
M. Jolin-Barrette : Il vous a
marquée?
Mme David : Non, non, pas du
tout. C'est parce que...
M. Jolin-Barrette : Pas du
tout!
Mme David : Ce n'est pas du
tout la raison.
M. Jolin-Barrette : Ah! O.K. ce
n'est pas du tout la raison.
Mme David : Bon. O.K.
Donc là, la CNESST prend du galon par rapport à ça, parce que, maintenant, on
considère...
M. Jolin-Barrette : Bien, on
crée une voie pour le recours pour le travailleur, le travailleur non syndiqué
ou la personne qui est lésée qui n'est pas encore un travailleur. La personne
qui soumet sa candidature, qui n'a pas de lien d'emploi, on lui crée une voie
pour exercer son recours.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. D'autres interventions? Donc, s'il n'y a pas d'autre intervention, nous
pouvons passer au 47.1.
• (18 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Oui. «La
Commission peut, avec l'accord des parties, nommer une personne qui tente de
régler la plainte visée à l'article 47 à la satisfaction des parties.
«Seule une personne n'ayant pas déjà agi dans ce
dossier à un autre titre peut être nommée à cette fin par la Commission.
«Toute
information, verbale ou écrite, recueillie par la personne visée au premier
alinéa doit demeurer confidentielle. Cette personne ne peut être
contrainte de divulguer ce qui lui a été révélé ou ce dont elle a eu
connaissance dans l'exercice de ses fonctions ni de produire un document fait
ou obtenu dans cet exercice devant un tribunal ou devant un organisme ou une
personne exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, sauf en
matière pénale, lorsque le tribunal estime cette preuve nécessaire pour assurer
une défense pleine et entière. Malgré l'article 9 de la Loi sur l'accès
aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels, nul n'a droit d'accès à un tel document.»
Commentaires. L'article 47.1 de la Charte
de la langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi,
s'inspire de l'article 123.3 de la Loi sur les normes du travail. Il
prévoit un mécanisme souple de règlement des différends ainsi que des règles
pour assurer la confidentialité du processus.
Cet article remplace les dispositions concernant
la médiation actuellement prévues aux articles 47.1 et 47.2 de la charte.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Des interventions sur le 47.1? Pas d'intervention? Donc,
nous pouvons passer au 47.2.
M. Jolin-Barrette : «Si aucun
règlement n'intervient à la suite de la réception de la plainte visée à
l'article 47 par la Commission, elle défère sans délai la plainte au
Tribunal administratif du travail.
«Les dispositions du Code du travail et de la
Loi instituant le Tribunal administratif du travail qui sont applicables à un
recours relatif à l'exercice par un salarié d'un droit lui résultant de ce code
s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires.
«Le Tribunal administratif du travail ne peut
toutefois ordonner la réintégration d'un domestique ou d'une personne dont la
fonction exclusive est d'assumer la garde ou de prendre soin d'un enfant, d'un
malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée dans le logement de
l'employeur.»
Commentaires. L'article 47.2 de la Charte de la
langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi, s'inspire de
l'article 123.4 de la Loi sur les normes du travail.
Il prévoit
que, si aucun règlement n'intervient à la suite de la réception de l'une...
d'une plainte par la Commission des
normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, celle-ci défère sans délai au Tribunal
administratif du travail.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Des interventions? Pas d'intervention? Donc, nous passons à
l'article 47.3.
M. Jolin-Barrette : Oui :
«La Commission peut, dans une instance relative à l'un des articles 45, 46
et 47 à 47.5, représenter un travailleur qui ne fait pas partie d'une
association de travailleurs.»
Commentaires.
L'article 47.3 de la Charte de la langue française, proposé par
l'article 37 du projet de loi, s'inspire de l'article 123.5 de la Loi
sur les normes du travail. Il permet à la Commission des normes, de l'équité,
de la santé et de la sécurité du travail de représenter un travailleur qui a
formulé une plainte en raison d'une pratique interdite par la charte.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Des interventions? Donc, nous pouvons passer à l'article 47.4.
M. Jolin-Barrette : Oui. «Sauf
disposition contraire de la présente loi, le salarié qui se croit victime d'une
conduite visée à l'article 45.1 et qui désire faire valoir ses droits peut
le faire en présentant une plainte à la Commission.
«Le délai pour présenter une telle plainte, de même
que son traitement par la Commission, incluant notamment une enquête et la
médiation, jusqu'à ce qu'elle puisse éventuellement être déférée au Tribunal
administratif du travail, et la représentation du salarié par la Commission,
sont prévus par les dispositions de la section II.1 du chapitre V de la
Loi sur les normes du travail.»
Commentaires. L'article 47.4 de la Charte
de la langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi, prévoit
qu'une personne qui se croit victime de harcèlement ou de discrimination et qui
désire faire valoir ses droits peut le faire auprès de la Commission des
normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.
Les règles concernant le traitement d'une telle
plainte sont celles qui sont prévues par la Loi sur les normes de travail en
matière de harcèlement psychologique.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Des interventions sur le 47.4? Pas d'intervention? Donc, 47.5, M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. «Si
une plainte visée à l'article 47 ou à l'article 47.4 est soumise au
Tribunal administratif du travail dans les délais visés à ces articles, le
défaut de l'avoir soumise à la Commission ne peut être opposé au plaignant.»
L'article 47.5 de la Charte de la langue
française, proposé par l'article 37 du projet de loi, vise à éviter qu'un
travailleur soit pénalisé pour avoir déposé, dans le délai requis, une plainte
directement au Tribunal administratif du travail, plutôt qu'à la Commission des
normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Des interventions? Donc, M. le ministre, 48, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
«L'association de travailleurs qui rend disponibles à ses membres ses statuts
ou ses états financiers dans une autre langue que le français est tenue de
rendre leur version française accessible dans des conditions au moins aussi
favorables. Il en est de même pour un comité paritaire constitué en vertu de la
Loi sur les décrets de convention collective, compte tenu des adaptations
nécessaires.»
Commentaires. L'article 48 de la Charte de
la langue française, proposé par l'article 37 du projet de loi, fait en
sorte que les membres d'une association de travailleurs devront avoir accès à
la version française des statuts et des états financiers de leur association
dans des conditions au moins aussi favorables que celles leur permettant
d'accéder à une version de ces documents dans une autre langue.
Les salariés et les employeurs professionnels
parties à une convention collective rendue obligatoire par la Loi sur les
décrets de convention collective pourront également avoir accès, dans les mêmes
conditions, aux règlements et aux états financiers de leur comité paritaire.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Des interventions sur 48? Donc, nous pouvons passer... 37 est
adopté?
M. Jolin-Barrette : Est-ce que
37 est adopté?
La Présidente (Mme Guillemette) :
37 est adopté?
Des voix : Adopté.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Donc, 37 étant adopté, et compte tenu de l'heure, je vous
remercie pour votre collaboration.
La commission ajourne ses travaux au
jeudi 17 février, à 7 h 30, où elle se réunira en séance de
travail.
Merci. Bonne soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 46)