(Quinze heures seize minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! Votre attention, s'il vous plaît, collègues! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte.
Et la commission est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) sera remplacé par M. Lévesque
(Chapleau); M. Émond (Richelieu), par Mme Proulx (Côte-du-Sud); Mme Foster
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré),
par M. Lefebvre (Arthabaska); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par M. Barrette
(La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie), par
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion
(Taschereau), par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Étude détaillée (suite)
La
Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci. Lors de notre dernière séance sur cette étude, les
discussions portaient sur un amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys
visant à modifier l'article 7.5 proposé à l'article 5 du projet de
loi... 7.1, pardon, et non pas 7.5, à l'article 5 du projet de loi. Je
vous informe qu'une nouvelle version a été mise sur Greffier. La modification
concerne la section commentaires, où une partie du texte a été barrée pour
démontrer la partie du texte à supprimer.
Donc, est-ce qu'il y a d'autres interventions
sur cet amendement? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Écoutez, mon petit
20 secondes qui me reste me servira à dire bonjour à tout le monde. Une
grosse semaine qui commence; on a hâte à autre chose, on a hâte à Noël, on hâte
à s'amuser. Mais, pour l'instant, on doit travailler, cette semaine, dans le
plaisir et l'allégresse, pour ce merveilleux projet de loi. Alors, écoutez,
donc je salue tout le monde et je passe la parole, si c'est possible, Mme la
Présidente, au député de La Pinière.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
certainement. M. le député de La Pinière, avant de vous reconnaître, je
vais indiquer les temps de parole. M. le député de D'Arcy-McGee, il va
vous rester 13 min 25 s, et vous avez 20 minutes, M. le
député de La Pinière. La parole est à vous.
M. Barrette : C'est presque un
cadeau de Noël, Mme la Présidente.
Une voix : ...
M. Barrette : Avant l'heure. Et il y
en aura d'autres, sans aucun doute. Merci, Mme la Présidente. D'abord, Mme la
Présidente, comme vous le savez, j'ai dû quitter lors de la dernière séance.
J'ai pris connaissance des dernières interventions qui ont été faites et je ne
reviendrai pas sur les considérations félines qui étaient en cours, entre les
chats noirs et blancs, mais je comprends qu'il y a une problématique d'interprétation.
J'ai pris connaissance aussi de certains commentaires qui ont été faits de la
part du ministre, qui faisaient référence à un vide juridique qui existait en
matière d'interprétation. C'est le commentaire que le ministre a fait
précédemment.
Et là le ministre a dit quelque chose qui était
assez intéressant et impressionnant. Le ministre a dit qu'à cause de la
problématique dite d'interprétation, et là-dessus je vais vouloir avoir un
échange, un juge pourrait se retrouver dans une espèce de cul-de-sac et il
pourrait se voir forcé, je cite le ministre, là, à réécrire des dispositions.
Alors, ça, ça m'a beaucoup, beaucoup, beaucoup étonné. Est-ce qu'il peut
m'expliquer sur quelle base le ministre s'appuie, n'importe quelle base, là,
pour dire qu'un juge pourrait être amené à réécrire une disposition dans la
loi?
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait,
Mme la Présidente, si on revient à la base, là, sur les règles
d'interprétation, là, les deux textes, qu'ils soient dans la version française
ou dans la version anglaise, au Québec, ont la même valeur, donc la même
valeur, égale, dans l'interprétation. Parce qu'à Québec et au Parlement
fédéral, les lois sont adoptées dans les deux langues en vertu de
l'article 133.
À partir de ce moment-là, il arrive, devant les
tribunaux, des fois, qu'il y a des difficultés d'interprétation quand les deux
textes ne veulent pas... ne disent pas la même chose, donc la version anglaise
et la version française ne disent pas la
même chose. Les règles d'interprétation régulières développées par les sciences
juridiques font en sorte de permettre au juge d'arriver à une situation
qui va faire en sorte de pouvoir dégager quelle est la véritable intention du
législateur, pour que l'interprétation soit cohérente et d'être en mesure
d'interpréter convenablement le texte.
Or,
il peut arriver, dans certaines circonstances, qu'à la fois les versions
anglaises et françaises ne peuvent être interprétées convenablement et
deviennent irréconciliables. Donc, au bout de ce processus-là, et là j'en suis
à la réponse du député de... à la question
du député de La Pinière, lorsqu'on arrive dans cette situation-là,
lorsqu'on se retrouve dans cette impasse-là, bien, le juge, ultimement,
non pas physiquement, mais par sa démarche intellectuelle, lorsqu'il vient pour rendre jugement, devra, en quelque
sorte, réécrire la loi, parce qu'il vient guider... si les règles
d'interprétation ne lui permettent pas d'arriver à une résolution, il vient
statuer : Voici l'interprétation du législateur, faisant fi des textes qui
sont devant lui, considérant le fait qu'il est passé à travers la kyrielle de
règles d'interprétation juridique.
Donc, comme je le
disais la dernière fois, ça arrive dans de très rares cas, mais, ultimement, on
se retrouve dans une situation où, pour guider le décideur, le magistrat, à la
fin du processus, à la fin de l'ensemble des règles d'interprétation, s'il se
retrouve face à une impasse, il pourra regarder le texte français pour baser sa
décision finale.
• (15 h 20) •
M. Barrette :
Alors, Mme la Présidente, est-ce que le ministre confond certaines choses? Il a
mis dans la même réponse un concept d'interprétation et un concept d'écriture
de la loi. Il a même dit, je viens de le... j'en ai pris une note, là : Il devra réécrire la loi,
réécrire la loi. Par contre, il a dit, Mme la Présidente, à plusieurs reprises
qu'il devait interpréter la loi. Ça, on comprend ça. Mais réécrire la
loi, là, je pense que ça ne se peut pas. Mais, comme vous savez, Mme la
Présidente, je fais souvent la pratique illégale du droit, je n'ai pas les
connaissances de mon collègue. Bien là, j'aimerais ça que le collègue, le
ministre, précise sa pensée et choisisse les bons mots, s'il y a des bons mots à choisir. Sinon, s'il n'y a pas de bons mots,
bien qu'on me donne un cas, un précédent ou des précédents, idéalement,
où un juge a réécrit une loi.
M.
Jolin-Barrette : Bien, pratico-pratique, oui, cette situation-là se
produit, pas dans le sens où le député de La Pinière, littéral, l'entend.
Le juge ne vient pas venir ouvrir la loi et venir dire : Voici ce qui
devrait être lu ici, dans cette phrase. Mais le juge, il est assis dans son
bureau, rend son jugement, étudie les règles, étudie les propositions qui lui
sont faites, regarde de quelle façon est-ce que les versions anglaise et
française sont écrites, tente de trouver une voie de passage entre les deux
versions, parce qu'on est dans une situation où les deux versions, là, sont
contradictoires et ne peuvent pas être interprétées convenablement.
Alors, le juge, lui,
les règles d'interprétation font en sorte qu'il recherche quelle est la
véritable intention du législateur, hein? Il a plusieurs outils à sa portée
pour tenter de réconcilier les deux textes. Mais, à partir d'un certain moment,
actuellement, il pourrait se retrouver dans une situation où, lorsque je dis
qu'il vient réécrire la loi, c'est qu'il vient dire : Bien, écoutez, les
versions anglaise et française, à partir du moment où j'ai passé à travers
toutes les règles d'interprétation, font en sorte que je suis dans un
cul-de-sac, là, et moi, moi, juge, je suis le décideur. Alors, il va venir
donner une interprétation, au-delà des règles d'interprétation régulières, qui
font en sorte qu'il vient, en quelque sorte, dans le cadre de son jugement,
réécrire ce que veut dire la disposition. Non pas littéralement, mais pour les
fins de la décision, il va venir dire... il va venir donner l'interprétation à
la portée de la disposition, comme s'il venait le réécrire.
Plutôt et au lieu de
se rendre là, nous, ce qu'on dit, c'est que, quand vous êtes rendus là, au lieu
de le faire puis venir réécrire, en quelque sorte, la disposition, vous devez
vous baser sur la version française, mais ultimement, au bout du processus
d'interprétation.
La Présidente (Mme
Thériault) : Le député de La Pinière.
M. Barrette :
Pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, là, le ministre va-t-il être
d'accord que le juge ne va jamais réécrire une loi? Il va interpréter une loi.
Un jour, peut-être que le législateur, dont c'est le rôle, va réécrire la loi,
modifier un texte, mais jamais le juge ne va faire ça.
M.
Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, pour faire clair, la
réponse c'est non.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Non, non, non, c'est non. Il va la réécrire en
interprétant au-delà de l'interprétation qui est prévue par le législateur.
Parce que, lorsque les règles d'interprétation... Je comprends que ça peut être
difficile pour le député de La Pinière de me suivre, parce qu'il répète
abondamment qu'il n'est pas membre du Barreau et qu'il fait la pratique
illégale du droit. D'ailleurs, si c'est le cas, le syndic doit s'en charger.
M. Barrette :
Mais qu'il y aille.
M.
Jolin-Barrette : Cela étant, cela étant, à partir du moment où vous
vous retrouvez dans une situation où les règles normales d'interprétation ne
peuvent pas arriver à une solution, à ce moment-là, il arrive, en certaines
circonstances, que l'effet de l'interprétation du juge fait en sorte, en
quelque sorte, de réécrire les dispositions, mais tout ça se fait non pas dans
le cursus dans lequel nous le faisons actuellement ici, dans le cadre de
l'étude détaillée du projet de loi et dans le rôle de législateur, mais dans
son rôle de magistrat qui vise à chercher une solution intelligible à la
problématique qui lui est soulevée et relativement à l'interprétation qu'il
doit donner à la disposition législative. Donc, en termes juridiques ou en
termes pratico-pratiques, c'est l'équivalent de réécrire la disposition.
Et l'autre point, c'est
qu'il y a un espace qui est vacant, actuellement, entre l'article 133 et
les règles d'interprétation que nous pouvons faire, comme l'avait proposé
Robert Bourassa en 1974, qui disait qu'ultimement, en cas de conflit
d'interprétation, c'est la version française qui prime.
M. Barrette : Bon, Mme la Présidente,
si je comprends bien, là, ce que le ministre vient de nous dire, c'est qu'un
juge va, pour un cas précis, créer une jurisprudence. Il ne va pas réécrire la
loi. Ça va, ça?
M. Jolin-Barrette : Non. Non, non,
non. Non. La jurisprudence, c'est le fait de décider dans un certain sens puis
d'avoir des précédents, puis là on vient établir : Voici le cas qui est
devant nous puis voici, en fonction des précédents qui ont été établis... voici
la jurisprudence. Là, on est dans un cas plus précis, des cas qui se présentent
peu fréquemment, O.K., où vous avez deux versions à une loi, O.K., version
française, version anglaise, O.K.? Généralement,
les deux versions veulent dire la même chose. Le député de La Pinière est d'accord avec moi là-dessus?
M. Barrette : ...
M. Jolin-Barrette : Oui? Non?
M. Barrette : Oui.
M. Jolin-Barrette : Oui?
M. Barrette : Normalement, oui.
M. Jolin-Barrette : Bon,
normalement, oui, puis ça devrait être comme ça. Deuxième étape, ça arrive, lorsqu'on est rendus devant le juge, relativement
à une disposition, que ça soit pour un constat d'infraction, supposons,
au Code de la sécurité routière, c'est déjà arrivé, où le texte français et le
texte anglais ne disent pas la même chose, ils sont en opposition, en
frontal. Là, le juge, dans son panier d'outils, dans son... pour une utiliser
une expression péquiste, dans son coffre à outils, O.K...
M. Barrette : ...commentaire.
M. Jolin-Barrette : ... — bien,
je ne vous vise pas, non plus, j'imageais mon propos, j'imageais mon propos
d'un ancien chef du Parti québécois au moment... le dernier changement de logo,
Mme la Présidente, alors, à cette époque-là — le
coffre à outils disponible, donc, le juge a les différentes règles
d'interprétation, par rapport aux dispositions, pour réussir à
réconcilier le texte.
Parfois, la situation est tellement... les
textes sont tellement opposés, versions anglaise et française, qu'à ce
moment-là le juge se retrouve avec les règles normales d'interprétation, il ne
réussit pas à amener une interprétation convenable
et intelligible. On est rendus en bout de course, là. Et là, actuellement, ce
qui se produit, c'est que le juge, bien, il regarde la version anglaise,
il regarde la version française, les règles d'interprétation ne nous permettent
pas d'arriver à un résultat concret, donc il
va venir déterminer ce que signifie la disposition, version anglaise et version
française ensemble, et il va arriver à un résultat logique où le juge, plutôt
que se baser sur le texte législatif clair, lui-même, arrive à une sorte de
solution, un peu comme quand il se ramasse en équité, supposons, et là vient
rendre jugement.
Et là c'est là qu'on intervient, parce que, là,
il y a un espace, un niveau de marge de manoeuvre, en fonction de
l'article 133, où là on dit : Avant d'arriver là, là, avant que vous
rendiez votre décision qui ne permet pas d'être réconciliée par les textes
anglais et français, là, à ce moment-là, vous allez regarder le texte français
pour connaître la véritable intention du législateur, en bout de course
seulement.
• (15 h 30) •
M. Barrette : Parfait, Mme la
Présidente. Donc, résumons, résumons. Le juge est face à un dilemme qui a sa
source dans la langue. Le juge doit porter un jugement en fonction des textes
de loi qui sont en vigueur, version anglaise,
version française. Il doit, devant un cas précis, tirer une conclusion qui est
le fruit d'une réflexion interprétative. À la fin de son jugement, là,
le texte de loi n'a pas changé, là, on s'entend-tu là-dessus? Le juge va
interpréter, mais ne réécrira pas le texte de loi. Et évidemment son interprétation
va avoir une utilité dans le futur, lorsqu'il y aura une cause similaire qu'il
entendra, et qu'un juge ultérieur aura à se référer à la même problématique parce
que le texte de loi n'aura pas changé. Si le ministre me dit que ça change le
texte de loi... Parce qu'il ne changera pas le texte de loi après son interprétation,
là. C'est ça que je veux savoir. Alors, quand le ministre me dit : Il est
pris dans une situation où il va réécrire le texte, bien, c'est non, la réponse
à ça.
M. Jolin-Barrette : C'est oui.
M. Barrette : Bien non, il ne va pas
réécrire le texte de loi.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est parce
que...
M. Barrette : Le texte qui est dans
le corpus législatif va-t-il être réécrit?
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, on va s'entendre sur deux
choses, O.K.? Bon, le député
de La Pinière a raison puis, moi aussi, j'ai raison.
M. Barrette :
Non.
M.
Jolin-Barrette : Bien oui.
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, juste pour bien l'illustrer, là,
pour que le député de La Pinière me suive
bien, lorsqu'on est dans la situation, là, où on arrive en bout de course, là, puis les
versions anglaise puis française ne sont pas... les règles
d'interprétation font en sorte qu'elles ne peuvent pas être interprétées
convenablement pour avoir un résultat intelligible, un résultat logique, O.K.,
le juge, il ne débarque pas au Parlement du Québec, à l'Assemblée nationale,
puis il ne dit pas à la direction de l'édition des lois : On ouvre la
shop, puis on réimprime la loi, puis on réouvre, puis on ouvre la commission
parlementaire, puis on demande à Mme la Présidente de siéger, tout ça. Non, ce
n'est pas dans ce sens-là. Donc, il ne vient pas modifier la loi annuelle comme
ça.
Par contre, lorsqu'il
rend sa décision, O.K., et ça, ça arrive dans notre droit que les
deux versions ne peuvent pas être interprétées convenablement, puis il est
allé au bout du compte, bien, ça lui arrive de dire : Bien, voici de
quelle façon... quelle est l'intention du législateur et de quelle façon on
doit interpréter la disposition, ce qui a pour effet, en quelque sorte, de réécrire la disposition législative. On
vient jouer le rôle du législateur, à ce moment-là, et c'est dans ce
sens-là. Lorsque je dis que le juge réécrit la disposition, c'est qu'il va
venir dire : Bien, voici le sens de l'interprétation et voici comment elle
va être faite. Et c'est déjà arrivé que le juge vienne compléter des mots à
l'intérieur d'un texte législatif. Donc, ça doit être lu de cette façon-là.
Et
là, après ça, là on se retrouve dans une situation où ça pourrait être cité à
titre de jurisprudence pour dire : Bien, voyez-vous, cette disposition-là avait été contestée par le passé, il y
avait une difficulté d'interprétation entre les versions anglaise et française, et, désormais, puisque ça a
été porté devant l'attention de la cour, le législateur... la disposition
n'est pas claire, du législateur, mais moi,
en tant que juge, je dois rendre une décision, donc, j'ai fait toutes les
règles d'interprétation, ça m'amène à un cul-de-sac, à partir de ce
moment-là, voici l'interprétation que j'ai donnée en réécrivant la disposition
pour qu'elle soit logique et cohérente à l'intérieur du texte législatif qui a
été adopté par le législateur.
Donc, d'où mon
propos, lorsque le juge vient réécrire la loi, mais je suis d'accord avec le
député de La Pinière qu'il ne débarque pas à l'Assemblée nationale pour le
faire, mais il le fait dans le cadre de sa cour de justice et des pouvoirs qui
lui sont investis, de trouver une décision logique et cohérente pour trancher
un litige entre deux parties qui sont portées devant lui.
M. Barrette :
Parfait.
M.
Jolin-Barrette : À partir de ce moment-là, ce qu'on fait, et là le
député de La Pinière va être d'accord avec moi, c'est qu'avant d'arriver
là on va venir dire : Attention, avant d'être rendus là, regardez le texte
français, et voici la véritable intention du législateur, le tout conformément
à 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.
D'ailleurs, Mme la
Présidente, pour le bénéfice du député de La Pinière, le Pr Jean Leclair,
de l'Université de Montréal, la Faculté de droit de l'Université de Montréal,
vous vous souvenez de son témoignage, Mme la Présidente, on ne peut pas dire qu'il
était particulièrement favorable au projet de loi. Et il a énoncé quelques
critiques bien senties relativement au projet de loi, Mme la Présidente, mais,
mais... et, ça, je pense que, comme on dit, comme on dit, Mme la Présidente, ça
donne de la crédibilité au témoin, hein? On ne peut pas le taxer d'être
progouvernement ou pro-projet de loi n° 96 par le
témoignage et l'avis qu'il a rendus, alors, d'autant plus que la force probante
de son témoignage est renforcée avec les propos qu'il a tenus à la page 13
de son mémoire, le deuxième paragraphe : «Cela dit, l'article 5 du
projet de loi propose d'introduire dans la Charte de la langue française un
nouvel article 5.1 qui prévoirait ceci : "En cas de divergence
entre les versions française et anglaise d'une loi, d'un règlement ou d'un
autre acte visé aux paragraphes 1° ou 2° de l'article 7 que les règles
ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le
texte français prévaut." Au premier regard, cette disposition semble
entrer en conflit direct avec l'affirmation de la Cour suprême selon laquelle
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 "exige que les lois
de la législature du Québec soient adoptées dans les deux langues officielles,
qu'elles fassent pareillement autorité et qu'elles aient le même statut."
Je ne pense pas que ce soit le cas.»
Alors, le
Pr Leclair valide l'article 7.1 tel qu'il est écrit dans le cadre de
notre projet de loi. Alors, ça, c'est un argument d'autorité qui ne vient pas
du ministre. C'est encore plus fort, un professeur d'université de la Faculté
de droit de l'Université de Montréal, en toute indépendance institutionnelle,
n'est-ce pas, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Bon, c'est beau, là, tout ça, là, mais à la...
M.
Jolin-Barrette : Non, non, mais «c'est beau, tout ça», c'est concret,
là.
M. Barrette :
Là, c'est moi qui a la parole. M. le ministre, c'est moi qui a la parole.
Alors, à la fin de la journée, là, il n'y a pas de texte qui est réécrit, là,
point final. Il y a un exercice d'interprétation qui est fait par un juge qui
vient, et le ministre le dit, faire l'équivalent d'une jurisprudence.
M.
Jolin-Barrette : Non, non, oh non, on ne se comprend pas, là.
M. Barrette : Non, non, Mme la
Présidente, je vais retirer mon mot, là.
M. Jolin-Barrette : Non, le ministre
me prête des intentions.
M. Barrette : Bien non!
M. Jolin-Barrette : Bien oui! Ce
n'est pas ça que j'ai dit.
La Présidente (Mme Thériault) :
...simplement vous rappeler de ne pas vous interpeler. Ça allait très bien.
Donc, juste de ne pas vous interpeler... Chacun votre tour, vous avez vos
droits de parole, vous avez vos temps de parole, ne soyez pas inquiets.
M. le député de La Pinière, vous aviez la parole.
M. Barrette : Je vois l'impulsivité
du ministre. Alors, le ministre, pour résumer la situation, a une cause, doit
interpréter la loi, devant un dilemme anglais-français, doit faire un
cheminement qui l'amène à une conclusion, mais, le ministre l'a dit, maintenant
que c'est clarifié, aucun texte de loi ne sera réécrit. Alors, si ça, là, ce
n'est pas clair, bien là on... Puis je vais lui demander pour une dernière
fois. Est-ce que j'ai raison de dire qu'après l'exercice je comprends que
l'interprétation peut être utilisée par un juge, ultérieurement, mais, dans les
faits, le texte n'est pas réécrit et ne mène pas à une réédition du corpus
législatif en regard de la loi en question? C'est-tu correct, ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La réponse,
c'est non.
M. Barrette : Bon.
M. Jolin-Barrette : Et je l'ai très
bien illustré. Si le député de La Pinière fait référence à un membre de la
magistrature qui revient au Parlement réécrire la disposition législative et
qui repasse les cinq, six étapes qu'on a, la réponse à cette question-là, c'est
non. Mais l'effet de l'interprétation, quand le juge rend jugement sur une disposition qui est conflictuelle entre la version
anglaise et française, ultimement, dans certaines situations, la Cour suprême est venue dire que c'était
l'effet... dans le fond, c'est l'équivalent de la réécriture de la loi pour
arriver à une disposition tangible. C'est l'effet. En termes clairs, c'est ce
que ça fait, c'est l'équivalent de réécrire la disposition.
M. Barrette : C'est le fun quand on
est clairs, Mme la Présidente. Je remercie le ministre d'avoir été clair.
Il n'y a donc pas de réécriture. Tout le
débat que je viens de faire a sa source dans l'affirmation du ministre selon
laquelle le juge réécrivait. Il ne réécrit pas. Il y a un effet, je le
comprends très bien, mais la loi n'est pas réécrite, point.
M. Jolin-Barrette : Non.
M. Barrette : Passons à un autre
sujet.
M. Jolin-Barrette : Non, non, non,
c'était important.
M. Barrette : Bon, je n'aurais pas
posé de question, mais il peut y aller.
M. Jolin-Barrette : Je le sais, Mme la
Présidente, mais moi, je veux être certain, là, qu'à la fin de la présente
séance, Mme la Présidente, le député de La Pinière soit convaincu,
hein, de mon propos et comprenne bien ce que je lui partage, Mme la
Présidente. Donc, c'est l'équivalent de la réécriture de la disposition
législative. Je veux juste qu'il me comprenne bien.
M. Barrette : Mme la
Présidente, dans son esprit, c'est une équivalence que je comprends, qui, dans
mon esprit, est l'équivalent d'une jurisprudence qui ne correspond pas à un
équivalent dans son esprit, mais le texte n'est pas réécrit de façon formelle.
Si vous me le permettez, Mme la Présidente, je vais aller au sujet suivant.
M. Jolin-Barrette : Bien non!
M. Barrette : Ah bon! Bien, Mme la Présidente...
M. Jolin-Barrette : Bien, Mme la
Présidente, je m'excuse, mais c'est parce qu'il faut être clair, là. Les faits
jurisprudentiels, là, c'est l'équivalent d'une décision antérieure de la
jurisprudence, mais, à partir du moment... Vous ne pouvez pas dire,
supposons : Ah! la jurisprudence dit ça. C'est une décision antérieure,
mais ça pourrait être une décision d'un cas unique aussi sur un dossier qui
pourrait avoir une interprétation distincte aussi par rapport à un autre juge,
puis ça pourrait être une décision contradictoire aussi.
M. Barrette :
Je comprends très bien, Mme la Présidente.
M. Jolin-Barrette : Bon, on est
d'accord là-dessus.
M. Barrette : Mais, dans les faits,
dans les faits, le texte n'est pas réécrit, dans les faits.
• (15 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Non, mais
vous vous retrouvez dans une situation où vous avez un concept, en common
law, de «judge-made law». Donc, le juge...
M. Barrette : ...d'un concept laïque
du droit.
M. Jolin-Barrette : Un concept
laïque?
M. Barrette : Je suis un laïc du
droit.
M.
Jolin-Barrette : Oui, oui,
mais, ça, j'ai compris, mais mon idée, Mme la Présidente, n'est pas de
convertir ni de partir en croisade pour
aller sauver l'âme à la dérive du député de La Pinière, Mme la Présidente.
Je souhaite juste le rassurer par
rapport à la disposition que nous mettons, qui vise à faire en sorte d'affirmer
les compétences du législateur, et surtout de répondre à ce que Robert
Bourassa avait fait en 1974, Mme la Présidente. La disposition qui est là, elle
est tirée du Bill 22 du Parti libéral. Donc, je m'inspire de sources qui
peuvent s'avérer intéressantes parfois.
M. Barrette : Oui, bien, j'y
reviendrai à ça dans quelques instants, Mme la Présidente. Alors, bien des gens
ont critiqué le texte proposé par le ministre quand il introduit le mot
«convenablement».
Une voix : ...
M. Barrette : Non, d'autres aussi.
La Présidente (Mme Thériault) : Ne
vous interpelez pas, s'il vous plaît. M. le député de La Pinière, vous
avez la parole.
M. Barrette : Alors, pourquoi
avoir... C'est quoi, la valeur ajoutée? Il y avait des mots avant dans la loi,
puis là on les remplace par
«convenablement». Quelle est la valeur ajoutée de «convenablement»? Un
observateur extérieur se dirait
raisonnablement : Bien, si le ministre a voulu faire ça, c'est qu'il avait
une idée dans l'esprit, il avait une finalité linguistique. Qu'est-ce que
ça vient ajouter et/ou corriger? Ça sort d'où? C'était quoi, le problème à
résoudre? C'est quoi, l'inspiration de son équipe ou même la sienne?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
voyez-vous, dans la loi 22, la disposition à l'article 2, O.K. :
«En cas de divergence que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent
pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec prévaut
sur le texte anglais.»
M. Barrette : «So what?» Ça, c'est
de l'humour.
M. Jolin-Barrette : «So what» quoi?
M. Barrette : Bien, c'est parce
qu'en français-anglais, «so what»... pas grave, trop compliqué.
M. Jolin-Barrette : Donc, la genèse,
la source de l'inspiration est l'article 2 du projet de loi... de la
loi 22 du gouvernement libéral de 1974, parce que le premier ministre de
l'époque avait jugé important de dire : Bien, écoutez, si vous êtes en
situation de conflit entre les deux lois, que les règles d'interprétation ne
permettent pas convenablement d'arriver à une solution, le texte français
prévaudra. Et c'est ce qu'on fait, mais ce qu'il faut dire, c'est que, depuis
ce temps-là, il y a eu le Parti québécois qui a adopté la loi 101 et qui a
fait disparaître...
Bien, dans le fond, dans la charte, actuellement,
la langue de la législation et de la justice a été... Il y a certaines
dispositions qui ont été supprimées suite à Blaikie, 1979, 1981, les deux
décisions de Blaikie qui ont été à la Cour suprême. Et il reste un espace pour faire en
sorte que, lorsqu'il y a un conflit entre les deux lois, après les
règles d'interprétation, on peut insérer un espace qui va venir dire :
Bien, la langue de la législation puis la langue de la justice, c'est le
français, et voici comment ça s'exprime lorsqu'on se retrouve dans une
situation où ce n'est pas possible de résoudre convenablement la disposition.
M. Barrette : Je n'ai pas eu de
réponse à ma question, Mme la Présidente.
M. Jolin-Barrette : ...je viens de
vous répondre.
M. Barrette :
Ma question est sur la... pas sur le principe du projet de loi, là, pas ça, là,
l'utilisation, la signification juridique du mot «convenablement». C'est un mot
qui apparaît, qui a été changé du passé. Pourquoi, le «convenablement»? Parce
que c'est un mot qui, juridiquement, d'après mes humbles recherches... C'est
parce que ce mot-là, il n'est pas utilisé en droit, là. Il aurait pu
utiliser... Le ministre, il aurait pu utiliser d'autres mots, genre : «qui
respecte l'esprit, l'intention du législateur», et ainsi de suite, là. Pourquoi
«convenablement», qui, en soi, est un mot qui a une charge relativement
subjective? Alors, y a-tu d'autres significations? Moi, «convenablement», là,
ça peut vouloir dire bien des affaires, là.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en
fait, Mme la Présidente, on vient guider la cour. On vient lui dire :
Bien, écoutez, si vous ne réussissez pas à avoir une solution convenable
dans l'interprétation des textes... Puis le vocable utilisé par le député de
La Pinière sont des synonymes, mais le terme «convenablement» a été
notamment pris par le législateur libéral à l'époque. Alors, on comprend que...
M. Barrette : Bien, prenons l'angle
du législateur à l'époque. Ma compréhension de l'interprétation de la loi de
l'époque est que l'interprétation se faisait de façon littérale en 1974. Or, là
aussi, ma compréhension des règles d'interprétation a changé avec le temps.
Alors, est-ce que le ministre est en train de nous dire qu'on doit revenir aux
règles d'interprétation littérale de 1974, oui ou non?
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, le député de La Pinière est un homme intelligent. Il l'a lu, l'article 7.1,
et qu'est-ce que nous dit l'article 7.1, que les règles ordinaires d'interprétation
ne permettent pas de résoudre... Alors, on ne dit pas de revenir... Puis
les règles littérales, ça date... Dans le fond, il y avait d'autres règles à
l'époque aussi, mais on ne revient pas à une approche littérale, Mme la
Présidente, hein? On dit : Les règles d'interprétation ordinaires qui font
partie des outils, hein, qui sont dans le coffre à outils à la disposition de
la cour, Mme la Présidente.
Alors, première étape, on regarde versions
française et anglaise. Elles ont le même statut et la même valeur juridique.
Les deux versions ne disent pas la même chose. Deuxième étape, règles
d'interprétation ordinaires, tous les outils dans le coffre à outils à la disposition
pour trouver le sens, l'interprétation des deux versions. Ultimement, on
n'arrive pas à un résultat qui est convenable, un résultat intelligible, un
résultat qui permet de rendre jugement en fonction de l'intention du législateur,
une situation qui n'est pas extrême, je vous dirais, qui n'est pas une situation
qui provoquerait une situation incohérente, une situation qui doit être
logique, une interprétation qui doit être logique, qui doit être cohérente, qui
doit être lue dans son contexte. Troisième étape, c'est là qu'on arrive avec
7.1., on dit au juge : Référez-vous à
la version française, mais uniquement en bout de processus. C'est clair, ça. C'est
clair.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député.
M. Barrette : Pas nécessairement.
M. Jolin-Barrette : Bien oui!
M. Barrette : Bien non!
M. Jolin-Barrette : Bien oui!
M. Barrette : M. le Président, là...
Mme la Présidente... Excusez-moi, Mme la Présidente, là, je promets que je ne
le referai pas. Mme la Présidente, ce n'est pas moi, là, qui ramène tout à
1974, c'est le ministre qui est toujours très heureux de pointer à la députée
de Marquette... de Marguerite-Bourgeoys, pardon, blablabla, c'est le texte de
1974, elle devrait être contente, c'est Robert Bourassa.
M. Jolin-Barrette : Juste pour le procès-verbal,
je ne dis pas «blablabla».
La Présidente (Mme Thériault) : Il
n'y a pas de «blablabla» dans votre texte, non.
M. Jolin-Barrette : J'utilise des
mots, des termes qui sont clairs, au bénéfice des collègues.
La Présidente (Mme Thériault) : Vous
avez parfaitement raison, M. le ministre. J'espère qu'on rayera du Journal
des débats les «blablabla».
M. Barrette : Vous avez raison, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Continuez, Mme la députée... M. le député.
M. Barrette : Mme la Présidente, je
suis sûr que ceux qui transcrivent nos textes vont, sans aucun doute, inscrire
dans les galées trois points de suspension, suivis de trois autres, suivis de
trois autres.
Ceci dit, c'est quand même le ministre lui-même
qui, avec enthousiasme, va, à répétition... répète, à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys,
la notion, la joie de revenir à 74, et, à 74... entre 74...
Une
voix : ...
M. Barrette :
...non, je n'ai pas fini — c'était
une interprétation littérale. Comme c'est une interprétation littérale au départ, Mme la Présidente, vous
comprendrez que je m'interroge sur l'intérêt d'amener «convenablement»,
parce que, là, si on remonte le temps, bien là on va opposer «convenablement» à
la version anglaise, qui est «satisfactorily». Je peux le comprendre, en
anglais, assez clairement, mais, en français, là...
Je vais vous donner
un exemple, Mme la Présidente. Mettons qu'un parent regarde pour la première
fois le premier chum de son adolescente de
17 ans, il va se dire : Il est-tu convenable? Alors là, moi,
«convenable», bien, je veux dire, je
peux mettre ça à toutes les sauces. S'il avait voulu être si précis que ça, le
ministre, pourquoi il n'a pas écrit quelque chose du genre «conforme à l'intention du législateur». «Convenable»,
là, elle est-tu habillée convenablement, le juge est-il convenable dans
sa... Non, à un moment donné, là, pourquoi le «convenable»? Parce que c'est le
ministre qui nous ramène à 74. 74, c'est
littéral. La source du débat, elle est là. Pourquoi, et pourquoi ne pas avoir
écrit autre chose?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
• (15 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, parce que le terme «convenable» permet d'avoir
une solution qui est raisonnable, qui est intelligible, qui est logique. Les
règles d'interprétation, lorsqu'elles sont utilisées, permettent d'avoir un
résultat convenable, conformément à l'intention du législateur. Moi, je
m'explique mal, Mme la Présidente, pourquoi il y a une si grande réticence de
la part du député de La Pinière à venir dire : Bien, écoutez, on est
dans une situation où la Loi constitutionnelle de 1867 fait en sorte qu'on
est... On s'est vu imposer le fait que les textes anglais et français devaient
être adoptés dans notre Assemblée, même chose pour le Parlement fédéral. À
partir de ce moment-là, il peut y avoir des
conflits relativement aux deux versions. Les règles sont claires. La Cour suprême est venue le dire, les deux
textes ont la même valeur législative. Les mêmes règles d'interprétation
s'appliquent et ont le même poids.
À partir de ce
moment-là, le juge, sa job, c'est d'interpréter les textes. Un coup que ça se
retrouve devant lui, il y a une série de règles d'interprétation qu'il peut
avoir, et c'est ce que 7.1 dit, les règles ordinaires d'interprétation. On ne
retourne pas à 1974, là, pour les règles d'interprétation. On est en 2021.
Après ça, ça peut arriver que les règles d'interprétation ne permettent pas de
résoudre le conflit convenablement, et donc on dit : Voici, pour l'espace
subséquent qui reste, plutôt que de confier le tout au magistrat, uniquement
sur son interprétation unique, on lui donne un outil supplémentaire dans le
coffre à outils décisionnel qui est le sien. On vient lui dire : Regardez
du côté de la version française, ultimement. Est-ce que le député de
La Pinière est en désaccord avec ça?
M.
Barrette : Mme la Présidente, moi, je suis ici pour débattre, pas pour
me prosterner devant l'argumentaire du ministre.
M.
Jolin-Barrette : Il n'est pas question d'être prosterné. Je lui
demande : Est-ce qu'il est d'accord avec cette
proposition-là que, dans l'espace qui reste entre l'article 133 puis les
règles actuelles... Est-ce qu'il préfère que ça soit le législateur qui guide le judiciaire ou il dit : Non, nous,
on ne joue pas pleinement notre rôle de législateurs puis on ne vient pas aller jusqu'au bout du processus que
la constitution nous permet de faire? C'est ça, la question
fondamentale.
M. Barrette :
La question fondamentale, Mme la Présidente, n'est pas exactement ça en ce qui
me concerne, parce que, placé comme le ministre l'a fait, ça signifie que la
rédaction en français est parfaite et que la rédaction anglaise ne l'est pas.
Remarquez que c'est possible. Est-il possible que la rédaction anglaise soit
mieux faite que celle en français, notamment?
M.
Jolin-Barrette : C'est oui.
M. Barrette :
C'est oui. Évidemment que c'est oui, la réponse, mais ce que le ministre nous
dit, là, dans le cas de cette imperfection-là, il faut qu'il aille voir du
bord... du côté imparfait. À ma question : Est-ce que c'est possible que
la version française soit imparfaite et que l'anglaise soit meilleure?, alors,
si le juge se pose une question, bien, il doit, avec cet article-là, s'en
remettre à la version imparfaite. Bien là, à un moment donné, là, ça n'a pas de sens. Alors, Mme la Présidente, c'est
encore une fois la source de mon propos. «Convenablement» est un terme imprécis. Mme la Présidente, le Barreau, là, le dit, là, à la page 16 de son
mémoire : «L'article semble trop vague et imprécis puisqu'il indique que le texte français prévaudra
lorsque la divergence ne sera pas résolue — guillemets — "convenablement".
En se référant au test de la résolution convenable, ceci risque de créer de
nombreux litiges inutiles basés sur une notion non juridiquement définie.»
C'est le Barreau. Eux autres, ils pratiquent légalement le droit, là, je pense,
et ils écrivent ça. Mme la Présidente, je vais faire une petite pause pour
laisser le ministre... et je ne fais plus de pause.
La Présidente (Mme
Thériault) : Je vais... Oui, continuez.
M. Barrette :
Alors, Mme la Présidente, on n'est pas ici pour contester son... cet élément-là
de la loi, là. Le ministre, j'imagine, j'imagine, je ne le sais pas, j'imagine
qu'il serait heureux que son article passe le test des tribunaux. Ici, on a un
certain nombre d'arguments qui vont dans le sens que peut-être qu'il pourrait
être réécrit de façon à ce qu'il passe le test des tribunaux et ne cause pas de
tort à qui que ce soit.
Je reviens à mon exemple, Mme la Présidente.
S'il advenait que la version française soit litigieuse en termes juridiques et
que la version anglaise soit plus précise, et ici, c'est un beau cas,
«convenable» versus «satisfactorily», ce n'est pas la
même chose, dans mon sens à moi, bien là son article de loi donne à la version
française, à toutes fins utiles, un droit de
veto sur l'anglaise parce qu'il dit au juge : Bien, vous allez, là...
si ce n'est pas clair pour vous, M. le juge, là, et que vous vous posez
des questions, arrêtez immédiatement, allez voir la version française. Et, s'il
advient que la version française est moins solide intellectuellement, c'est
elle qui va gagner, alors qu'on pourrait très bien réécrire cet article-là de
façon à ce que tout le monde soit protégé d'une, j'allais dire, erreur, mais
disons d'une insatisfaction juridique. Tiens, on va mettre ça comme ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député de La Pinière. Je vais passer la parole au ministre,
mais j'ai aussi le député de Sainte-Rose qui a signifié son intention de
prendre la parole. Donc, après, j'irai au député de Sainte-Rose. M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon, pour
répondre au député de La Pinière, on se retrouve dans une situation où les
deux versions doivent être réconciliables quand elles ne disent pas la même
chose. Alors, les règles d'interprétation arrivent dans une situation
appropriée. Si ce n'est pas le cas, s'il ne réussit pas à résoudre
convenablement le texte, si les règles d'interprétation ne réussissent pas à
résoudre convenablement le texte, à ce moment-là, il va se tourner vers la
version française. Je rappellerai au député de La Pinière qu'en cette enceinte
c'est la version française qu'on étudie aussi, sur laquelle on travaille aussi.
Donc, l'intention du législateur, elle est manifeste.
M. Barrette : Mme la Présidente, ça
ne change strictement rien à ce que je viens de dire, là. Et, juste pour mon
information, il me resterait combien de temps?
La Présidente (Mme Thériault) : Il
vous reste quatre minutes, sauf que j'avais déjà signifié mon intention,
oui, pour après. Il vous vous reste quatre minutes.
M. Barrette : Non, non, ça me va, Mme
la Présidente. Je voulais juste savoir où est-ce qu'on était rendus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, on va aller au député de Sainte-Rose étant donné que j'avais signifié mon
intention. M. le député de Sainte-Rose.
M. Skeete : Merci, Mme la Présidente.
Bien, effectivement, le ministre vient juste de faire le point que je voulais
faire, c'est qu'on s'est donné comme règlement, dans ce Parlement, de rédiger
en français les projets de loi, et ils sont ensuite traduits. Alors,
l'intention du législateur est toujours exprimée en français. Alors, oui, c'est
vrai, l'humain n'est pas parfait. La version française pourrait ne pas être
exacte, mais la version anglaise est la traduction de cette inexactitude.
Alors, je soumets que la version française est toujours, dans notre Assemblée,
la version la plus près de l'interprétation du législateur. Alors, c'était le
point que je voulais apporter au collègue, simplement, de considérer cela
lorsqu'il fait ses délibérations.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.
• (16 heures) •
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. «I'm still worried about my white cat.» Là,
je vais revenir au début de notre débat il y a plus qu'une semaine, où le
ministre s'est permis l'exemple de notre «white cat», chat noir. Moi, je m'en fais pour les deux, qu'on soit
clairs. Et j'aimerais établir avec à la fois le ministre de la Justice, à la
fois le ministre responsable de la
Promotion de la langue française, l'objectif ultime de ces deux perspectives de
changement devant nous. Malgré les questions persistantes de mon collègue de La
Pinière, nous sommes toujours à la recherche d'une compréhension des mots,
juridique, dont a prononcé le ministre sur cet article-là. Je veux comprendre.
Eh oui, on a établi, évidemment, que les textes,
tels qu'ordonnés par le Parlement, ne sont pas mutés, modifiés par les juges,
évidemment. J'ai cru comprendre qu'il y a un impact, en quelque part,
jurisprudentiel. Ce que je cherche à comprendre, parce que le but de cette
affaire, j'imagine, dans un premier temps, c'est de sauvegarder de façon égale,
légale et correcte l'accès ultime à la justice. Deuxième volet tout à fait
légitime, on est en dedans d'une étude sur
les modifications à la Charte
de la langue française pour voir
comment on peut veiller davantage à la promotion, le rayonnement de la
langue française. Alors, je comprends ces deux objectifs.
Je veux comprendre ces deux choses. C'est où, ce
vide juridique? Comment se sont réglés ces genres de situations, dans les
derniers 20 ans, depuis l'adoption de la Charte de la langue française, où
actuellement le fait qu'on parle d'égalité mais, évidemment, les lois ici sont
rédigées en français puis traduites? Alors, il y a un certain déséquilibre que,
comme on a noté, la Cour suprême a reconnu. Mais, de là, qu'est-ce qui s'est
passé? Est-ce que le ministre peut nous donner des exemples où les juges ont clairement
indiqué que la façon que j'ai réglé le conflit entre la version anglaise et la
version française était, en quelque part, de me permettre une marge de
manoeuvre pour développer mon propre langage? Y a-t-il des exemples qui
indiquent qu'on est devant un problème?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Savez-vous,
Mme la Présidente, le nombre de fois que je me suis fait dire : Est-ce
qu'il y a un problème? Cet argument-là, là, il est souvent évoqué :
Est-ce qu'il y a un problème? Est-ce qu'il y a un problème? Pour dire... tous
ceux qui attaquent, supposons, les différentes dispositions législatives qu'on
met en place : Est-ce qu'il y a un problème? Avec la
laïcité, je l'ai souvent entendu : C'est-tu un problème? Il y a-tu un
problème? C'est tout le temps ça, l'argument. L'argument de ceux qui veulent
l'immobilisme, c'est ça.
Alors, pour répondre à la question du député de
D'Arcy-McGee, actuellement, O.K., et sortons de la version française, anglaise,
là, sortons des règles d'interprétation, sortons de l'adoption des lois, juste
dans le processus interprétatif, O.K., puis après on reviendra, anglais,
français. Processus interprétatif, le juge, quand il doit rendre une décision,
se base sur le texte. Il peut regarder la version française, la version
anglaise; généralement, il va regarder les
deux. Bien, en fait, il va regarder la version française. Si on lui soumet la
version anglaise, il va regarder les deux, regarde les dispositions. Il arrive un conflit entre les
deux lois. Là, il utilise, dans son coffre à outils, toutes les règles
d'interprétation qui sont là : l'approche littérale, l'approche
contextuelle, l'ejusdem generis, le contexte, tout ça.
Ultimement, ça arrive que, même après avoir
passé à travers toutes ces règles d'interprétation là, le juge, il arrive puis
il se dit : Bien là, les règles ne me permettent pas de réconcilier la
version anglaise et la version française, donc, à partir de ce moment-là, moi,
dans mon interprétation, je vais venir en quelque sorte réécrire la disposition
pour lui donner un sens logique, un sens
convenable, selon le sens commun des choses. Et là c'est ce bout-là, là, avant
d'arriver là, là, entre toutes les règles d'interprétation ont été respectées, le cheminement d'interprétation juridique,
intellectuel juridique, là, qui vise à faire en sorte de regarder la
construction de la disposition... Puis là, quand le juge, là, il regarde ça, là, théoriquement, il va regarder
les débats parlementaires ou, si jamais la disposition à 7.1, elle est contestée, ils vont
regarder, Mme la Présidente, ce que le député de La Pinière a dit.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Bien, certainement,
moi aussi, je m'empresserais, Mme la Présidente, d'aller lire les questions du
député de La Pinière, pour le bénéfice de tout le monde. Et là, à la
lecture, Mme la Présidente, des débats parlementaires, des réponses du ministre
de la Justice, le juge va dire : Bien oui, le ministre de la Justice a
répondu adéquatement au député de La Pinière, relativement à l'intention
du législateur.
Donc là, on revient, on revient sur le bout sur l'interprétation,
les règles d'interprétation. Donc, le juge, lui, il a ses règles d'interprétation,
puis c'est comme la... on est dans le milieu, là, du processus, il n'est pas
capable de rendre sa décision. Actuellement, on vient lui confier, par le vide
qui existe actuellement, parce qu'on ne va pas au bout du processus, là, qu'on
peut faire comme législateurs, on vient lui dire : Bien, trouve-nous une
solution, bien, trouve-nous une solution interprétative que les règlements d'interprétation
n'ont pas permis de le faire. Ça fait qu'en quelque sorte, quand on est rendu
ici, c'est qu'il vient donner un sens à la disposition, en réécrivant, en
quelque sorte, la disposition.
Dans l'arrêt Vriend, de la Cour suprême, c'était
ça, le cas, il manquait un motif de discrimination basé sur l'orientation
sexuelle, et la Cour suprême est venue rajouter un terme. Donc, on contestait
pour un motif de discrimination, puis la Cour suprême est venue réécrire la disposition.
Elle a dit : Écoutez, le législateur provincial, quand il a fait ça, c'était la décision... c'était l'Alberta,
relativement à une décision d'orientation sexuelle, ils disaient :
Ce n'est pas un motif de discrimination, mais nous, Cour suprême, on considère
que, dans votre loi, O.K., ça doit être un motif. Alors, ils sont venus, par
une fiction, en réécrivant la disposition, en voulant dire : Bien, écoute,
même si ce n'est pas un motif énoncé de discrimination, l'orientation sexuelle,
l'orientation sexuelle fait partie de la disposition.
Or là, c'est exactement ça, la réécriture d'une
disposition. Dans le cadre de ça...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Bien oui, c'est
ça. Bien oui, bien oui, bien oui...
M. Barrette : ...
M. Jolin-Barrette : D'accord, le
député de La Pinière va revenir. Alors, on se retrouve dans une situation
où on vient réécrire la disposition. Alors, avant d'arriver là, O.K., on dit au
magistrat : Vous devez regarder la version française pour connaître la
véritable intention du législateur. Donc, ça arrive uniquement en bout de
course. Et l'article 133 de la Loi constitutionnelle nous permet de faire ça, il y a
un espace qui est vacant, où le législateur vient guider. Et
ça, c'est notre rôle, collectivement, de dire : Lorsque vous êtes dans une
situation, M. le juge, où vos règles d'interprétation usuelles ne
permettent pas d'arriver à un résultat qui est convenable en matière
d'interprétation, référez-vous à la version française.
Donc, voyez-vous, on monte la côte, on part de
la base, ensuite on dit : Regardez les règles d'interprétation. Puis
ensuite, lorsqu'on ne réussit pas à avoir un résultat convenable, plutôt que le
juge lui-même vienne dire : Bien, je vais réécrire la disposition, on lui
dit : Attention, avant d'arriver là, le législateur vous dit : Vous
devez regarder la version française sur le sens qui doit être donné. Alors,
j'espère avoir été clair.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Y a-t-il le moindre d'inquiétude et, si oui, un seuil à établir, en respectant
l'autonomie des juges, mais pour assurer
qu'avec un tel amendement ils ne se permettraient pas très vite de dire :
Ouf! Les deux mots, il ne me semble pas qu'il y ait un parallèle ici...
oui, oui, oui, bien, les règles d'interprétation, j'ai fait une petite
recherche. Mais ça a l'air compliqué, quand, avant cet amendement, il ou elle
aurait eu la tâche de creuser davantage. Y a-t-il la
moindre inquiétude que ça va être, en quelque part, une espèce de raccourci qui
risque d'atteindre les droits à l'accès de justice des intervenants touchés par
une telle cause?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, c'est très clairement
non, et un juge qui ferait ça serait en contravention des principes
jurisprudentiels qui ont été établis très clairement, en tout respect des
décisions rendues en vertu de 133. Parce qu'il faut le dire, la protection constitutionnelle
associée à 133, elle est là, elle est présente, et elle va demeurer et elle
demeure. Alors, en fonction de l'article 133 de la Loi constitutionnelle
de 1867, les lois doivent être adoptées et publiées dans les deux langues ici,
au Québec, par cette assemblée législative là. Elles ont la même valeur
juridique, ça, c'est indéniable, il n'y a rien qui change. Puis, surtout,
l'article, de la façon dont on l'a construit, c'est justement pour préserver
cela, la valeur égale des textes français et anglais, et ça, on ne change pas
ça, relativement aux textes qui sont assujettis à la Loi constitutionnelle de
1867, c'est-à-dire les lois. Ça, je l'ai dit et je le réaffirme très
clairement.
Le problème, où on
agit, c'est lorsqu'on se retrouve dans une situation où les deux textes ne
sont pas réconciliables et ils ne permettent pas d'avoir une interprétation
convenable en vertu de toutes les règles ordinaires d'interprétation. Là, à ce
moment-là, on bascule entre soit le rôle du juge ou le rôle du législateur. Et
là, moi, ce que je dis, ce que le gouvernement dit, c'est qu'avant que le
législateur... avant que le judiciaire joue le rôle du législateur sur
l'interprétation à donner relativement à l'intention du législateur, on lui
dit : Regardez le texte français. Mais c'est uniquement en bout de course.
Donc,
la situation pour laquelle le député de D'Arcy-McGee a des préoccupations, elle
n'est pas, dans un sens large, d'accès à la justice, ou de décision, ou
dans les deux textes, elle est vraiment basée sur le dernier volet. Alors,
la majorité de l'interprétation se fait avec
les règles d'interprétation ordinaires, donc il n'y a pas d'inquiétude à y
avoir.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député.
• (16 h 10) •
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. On va en convenir, on est dans le champ de 133 et
l'égalité, mais on ne peut pas...
Une voix :
...
M.
Birnbaum : Oui, mais on ne
peut pas dire qu'il y a ligne étanche, et là... Bon, égalité va jusqu'à
ce point-là, là, le juge va faire
son... bien, il va trancher entre la version anglaise et française, suivant les
règles d'interprétation, et
tout ça, mais tout ça n'a rien à faire avec le 133.
Le ministre lui-même,
parlait... faisait référence à 133, quand il parlait de la loi 22. Alors,
je continue à me questionner là-dessus. Dans un premier temps, la loi
n'existait plus dans... lors des deux saisies, des deux arrêts de
Blaikie. Alors, évidemment, les décisions de Blaikie ne touchaient pas au
principe, qui n'était pas répété dans la Charte de la langue française, sur le
fait que le français prévaut. Alors, tout ça pour dire qu'on ne sait pas, la
cour...
Une voix :
...
M. Birnbaum :
Est-ce que je peux finir ma question? Ce n'est pas moi, l'avocat, ça me
prend... Bon, est-ce qu'on peut comprendre qu'il n'y a pas de... La Cour
suprême n'aurait pas tranché sur quelque chose qui n'existe pas. Donc, ma question : Est-ce que le ministre
peut nous réexpliquer, s'il trouve qu'il l'a déjà fait, comment ce qui est
proposé actuellement, 7.1, est complètement étanche en ce qui a trait à une
contestation potentielle selon les critères de 133?
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je rappellerais à cette commission, Mme la
Présidente, qu'entre 1974 puis 1977 la disposition n'a pas été contestée,
relativement à l'article 2 du «bill» 22, à l'époque, comme on
l'appelait.
L'autre point qu'il
est important de comprendre, là, c'est que, dans la Charte de la langue
française actuellement, là, à l'article 7, là, on prévoit déjà, là :
«Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec sous
réserve de ce qui suit : les versions française et anglaise des textes
visés aux paragraphes 1° et 2° ont la même
valeur juridique.» Et donc, 1° et 2°, c'est notamment les lois adoptées à l'Assemblée nationale du Québec. Donc, ça, ça demeure, ça ne change pas.
Et, dans le fond, 133
de la Loi constitutionnelle de 1867, hein, qui est la loi fondatrice de ce
pays-là, mais qui n'a pas été soumise au vote des électeurs, fait en sorte que
l'Assemblée... Et ce que la Cour suprême nous a dit dans Blaikie, c'est que,
notamment, les deux lois... les deux versions d'une loi ont la même valeur
juridique, et ce qui a fait en sorte d'invalider les dispositions de la Charte
de la langue française relativement à la langue de la législation et la
justice. Donc, les deux valeurs... les deux textes, les
deux versions ont la même valeur juridique. Et c'est ce que je persiste à
dire et c'est ce que nous faisons dans le cadre du projet de loi : on
maintient le statu quo actuel.
Par contre, et là on
n'est pas dans la valeur des textes anglais, français, on est dans le rôle de
qui décide de quelle façon l'interpréter, au bout du compte, au lieu que ça
soit le judiciaire, lorsque les règles d'interprétation, dans sa sphère à lui, au judiciaire, à la magistrature,
lorsque ce n'est pas possible d'arriver à une solution qui est
convenable, et ça peut arriver, plutôt que de réécrire la disposition, là on
dit : Regardez la version française.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Oui. Je remarque que
notre petit débat, que je vais poursuivre, sur le mot «convenable»... Et, si
j'ai bien compris, nous n'avons pas réussi à trouver, dans la jurisprudence,
une utilisation semblable de ce mot-là...
M. Jolin-Barrette : Bien, il y a au
moins...
M. Birnbaum : ...la façon
d'interpréter ce mot-là, peuvent attendre, en quelque part, l'égalité de la
personne concernée par une telle décision.
On est dans une discussion, l'article va au fond de ça, comment trancher en
absence, après les processus, d'une réponse claire, disponible au juge.
Je veux revenir. Mon collègue l'a introduit un
petit peu, le ministre continue à noter que son article était inspiré de l'article dans la loi 22,
où on parle de... «Where any discrepancy cannot be satisfactorily resolved
by the ordinary rules of interpretation, the French text of the statutes
of Québec prevails over the English text.» Là, ce qu'on
a décidé de proposer dans le projet de loi n° 96, à 7.1 : «In the case of a discrepancy between the French and English
versions of a statute, regulation or
other act referred to in paragraph 1 or 2 of section 7 that cannot be
properly — au lieu
de "satisfactorily", properly — resolved using the
ordinary rules of interpretation, the French text shall prevail.»
Moi, juste pour deux
secondes, et ce n'est pas moi, l'avocat ni le linguiste, je peux vous énumérer
quatre ou cinq différences entre ces deux mots là.
«Satisfactorily» means to the
satisfaction of the parties.
Il y a une connotation, une
dénotation positive et claire.
«Properly» means, bon, we kind
of obeyed the rules and here's what we did. «Convenable», I don't know what it
means, between those two words.
Mais est-ce que le
ministre peut aider les futurs juges à comprendre qu'est-ce qu'ils font avec le
mot «convenablement»? Est-ce que le seuil est «satisfactorily» — I'm happy, this is right, it's exact? — or «properly», bon, I kind of followed the rules and what I did was
proper, was legal? Does it satisfy me that I had made a good decision? Does
it satisfy me that my white cat ou mon chat noir est protégé, aux yeux de la
loi, par un respect?
J'insiste sur l'égalité du
processus devant lui.
What's your judge going to do
with your word «convenablement», when I just shown you two different legal words
used that mean different things? What's your... What does «convenable»
mean?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, pour en
revenir au chat noir et au chat blanc, manifestement, le député de D'Arcy-McGee
va convenir que ce n'est pas la même chose. Si on étudie, autour de la table,
là, une disposition qui dit : Les chats noirs doivent recevoir trois
médailles, puis, dans la version anglaise, dans la version traduite, il est
écrit : «The white cat should receive three medals»,
ça ne dit pas la même affaire, vous êtes d'accord avec moi.
Puis on en a jasé, là, on en a jasé ici, autour de la table, là, puis c'était
très clair, là, que c'était le chat noir dont on parlait, là, puis là, bien, à
la traduction, il y a eu un enjeu, hein, au
lieu d'écrire «black», ils ont écrit «white», ils se sont mélangés. Le juge,
là, il est saisi d'un litige, là, quelqu'un qui reçoit un constat
d'infraction parce que son chat noir, il n'avait pas trois médailles.
Là, je vous mets ça bien de base, Mme la
Présidente, là, pour illustrer, là, je veux juste... on est au ras des
pâquerettes pour illustrer ça. Ça fait que, là, le juge, lui, il reçoit ça.
Supposons, le défendeur, qui avait un chat noir, il reçoit son constat d'infraction
puis il regarde ça, il regarde la version anglaise puis là il dit : Bien,
mon chat, il est blanc, hein, il n'est pas noir. Il plaide ça au juge. Le juge, il
regarde ça, là, il fait les règles usuelles, là, d'interprétation, il va
dans les débats parlementaires, tout ça. Mais, tu sais, là, les règles
d'interprétation, là, ne lui permettent pas, là, d'arriver, là, à réconcilier,
là, le chat noir puis le chat blanc, là. En bout de compte, là,
l'interprétation qu'il peut donner n'est pas convenable, là.
Puis là je simplifie au maximum, Mme la
Présidente, vous comprendrez que les règles d'interprétation, c'est pas mal
plus complexe que ça puis les juges ont une expertise particulière là-dedans.
Mais, ultimement, est-ce que le député de D'Arcy-McGee est d'accord avec moi de
dire que, malgré la valeur égale des deux lois, en bout de course, si les
règles d'interprétation ne permettent pas de réconcilier tout ça, bien, le
juge, on lui dit : Regardez la version française? Et c'est ce qu'il va
faire. On est rendus là. Plutôt que de dire : Bien, M. le juge, réécrivez
la disposition dans quelque chose qui va être cohérent, qui va être convenable,
on le guide vers cette dernière interprétation-là, on l'outille, le magistrat,
pour dire quelle est l'intention du législateur.
Mais, cela étant dit, Mme la Présidente, ça
n'enlève rien à l'égalité des versions, qui est prévue et qui a été déterminée
par la Cour suprême et par rapport aux dispositions de l'article 7 de la Charte
de la langue française, qui met sur un même pied d'égalité les versions
anglaise et française des deux textes. La différence, là, c'est qu'on vient
combler un espace qui existe au niveau du juge pour le guider.
Pour la réponse à la question relativement à
«convenable», c'est quelque chose qui... un raisonnement qui est logique, qui
est convenable, qui est acceptable, qui va dans le sens commun des choses. Le
juge cherche toujours la cohérence légistique qui a été développée par le
législateur, le sens commun des choses. La règle, les interprétations, là, qui
sont faites, là, par les juges, là, visent à rendre un jugement qui est
cohérent avec l'intention du législateur. C'est
ça, son rôle, ne pas aller rendre une décision qui est tirée par les cheveux et
qui ne respecte pas le sens commun.
• (16 h 20) •
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député de D'Arcy-McGee, il
vous reste cinq minutes.
M. Birnbaum :
Bon, le ministre a dit qu'il trouvait des satisfactions devant les questions,
souvent : C'est où, le problème? Bon, c'était la première fois que moi, je
l'aurai posée, et je n'ai toujours pas une réponse. Parce qu'actuellement les
juges sont pris avec ces règles d'interprétation, une hiérarchie de... une
série de mesures qu'ils doivent entamer. Et le ministre, de ma lecture, n'a pas
démontré qu'on est devant un problème sérieux en ce qui a trait à la situation
actuelle. Notre débat sur le mot «convenablement», il avait deux volets, on
parlait du principe en jeu mais du mot aussi.
So I'm back to my
cats again. La loi exige que des chats noirs et blancs, tous confondus, doivent
être traités de façon... doivent être traités convenablement. Tous
les deux, mon chat noir, my white cat, how are they getting treated under the
law? Satisfactorily or properly? Voilà, on a deux mots. J'imagine... je
ne vais pas sortir mon Petit Robert tout de
suite, mais je risque de voir ces
deux mots traduits de façon différente, un seul qui va être une
traduction satisfaisante, une traduction du mot «convenable». C'est quoi, le
sort de mes chats? Comment le juge va réagir devant ce mot-là? Comme je dis, ce
n'est pas pareil, ces deux mots-là.
Alors, j'ai deux
questions. Dans un premier temps, si le ministre peut, avec cet exemple
boiteux, absurde... le cheminement éventuel d'un tel juge. Et s'il peut me
dire... le libellé est assez parallèle en anglais que ce qui a été fait en
1974, alors est-ce que, peut-être avec l'aide de l'équipe, on peut comprendre
pourquoi le mot «properly», qui a toute une autre dénotation ainsi que
connotation, aurait été choisi pour remplacer un mot, dont on n'a pas trouvé
d'autres exemples dans la jurisprudence, pour traduire le mot «convenablement»?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : ...Mme la Présidente, je ne ferai pas de cas
hypothétique sur des situations qui ne sont pas réellement soumises devant
magistrat. D'autant plus, je n'en suis pas un. Cependant, la question qu'on
doit se poser, c'est : Est-ce que le député de D'Arcy-McGee est à l'aise, dans
le fond, de ne pas guider le juge, en bout de course, lorsqu'il arrive un
conflit d'interprétation, que les règles d'interprétation ordinaires ne
permettent pas de résoudre convenablement? Quand le juge...
M. Birnbaum :
...pas compris qu'il y avait des questions qui se posaient au...
La Présidente (Mme
Thériault) : ...ne pas vous interpeller, le ministre...
M. Birnbaum :
Le ministre m'a posé une question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : J'avais l'impression qu'il n'avait pas terminé encore.
Donc là, pour la suite des choses, je vous demanderais d'attendre que je vous
reconnaisse. Donc, n'ouvrez plus les micros, s'il vous plaît. Merci. M. le
ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, est-ce que le député de D'Arcy-McGee est à
l'aise, là, à partir du moment, là, où les règles d'interprétation ordinaires
ont été utilisées par le juge... On est rendus là, là, O.K., il n'arrive pas un
résultat logique, selon le sens commun, convenablement, en fonction de pouvoir
rendre une décision. Le député de D'Arcy-McGee, qu'est-ce qu'il préfère? Est-ce
qu'il préfère permettre au juge de dire : Bien, moi, je regarde juste la
version anglaise, qui n'a pas, supposons, été étudiée ici, à l'Assemblée
nationale, ou je souhaite plutôt le diriger vers la version française, sur
laquelle on a eu de multiples débats autour de la table? Ultimement, c'est ça,
la question, c'est ça, la question.
Je le réitère, les
deux versions, anglais et français, ont la même valeur juridique. Première
étape. Deuxième étape, le juge doit utiliser toutes les règles d'interprétation
qui sont à sa portée, comme c'est le cas actuellement. Troisièmement, quand il
n'arrive pas à une solution qui est tangible, qui est cohérente, qui est selon
le sens commun, qui est convenable, qui est logique, qu'est-ce qu'on fait?
Est-ce qu'on dit : Nous autres, là, comme législateurs, là, on se ferme
les yeux puis on dit : On n'exerce pas notre rôle de législateurs?
C'est-tu ça qu'on fait ou ou dit : Écoutez, M. le juge, si vous êtes rendu
là, là, vous êtes rendu au bout, là, vous avez le dos acculé au mur, là, vous
ne savez plus quoi faire, là, M. le juge... Est-ce qu'on lui dit : Vous
regardez la version française ou on reste silencieux?
C'est ça, Mme la
Présidente, que les collègues du Parti libéral doivent réfléchir. Nous, on sait
très bien ce qu'on veut faire.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. M. le député de
D'Arcy-McGee, il vous reste trois minutes.
M. Birnbaum :
Oui. Mais, pour moi, deux choses. Premièrement... Et nous, on n'est pas devant
des obligations, actuellement, sauf de représenter l'opposition officielle et
de chercher le meilleur projet de loi qu'on peut. Sur la question... Et je
soumettrai que, sur la question de la suprématie parlementaire ou le rôle
primordial du législateur, moi, je soumets que le ministre n'a aucunement
démontré que ce concept-là est le moindrement en jeu. Et, deuxièmement, malgré
le fait qu'il trouve que c'est une question fatigante, je nous trouve devant
une non-réponse en ce qui a trait à la situation pressante et difficile qu'il
aurait perçue comme ministre de la Justice en premier, qui fait en sorte que la
façon qu'il a tranché 7.1 est actuellement nécessaire.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, moi, je ne trouve pas ça du tout agaçant, Mme
la Présidente. Puis, dans le texte anglais, là, de 7.1, là,
c'est : «In the case of a discrepancy between the French and
English versions of a statute, regulation or other act referred to in paragraph
1 or 2 of section 7 that cannot be properly resolved using the ordinary rules
of interpretation, the French text shall prevail.» Alors,
Le petit Larousse nous dit, dans «convenablement» : «decently»,
«properly», «suitably», «appropriately». Alors, les dictionnaires reviennent à
utiliser ces termes-là.
Alors, c'est un débat
fort intéressant, Mme la Présidente, puis je crois l'avoir exprimé de
différentes façons pour bien répondre aux questions des collègues, pour leur
expliquer pourquoi est-ce qu'on va faire ça. Mais on n'est pas au niveau de
l'égalité des textes devant la loi. Ça, là, je tiens à le réitérer, là, le
débat qu'on fait présentement, là, avec le député de D'Arcy-McGee, ce n'est pas
la version anglaise versus la version française. Elles ont la même valeur
juridique, ce n'est pas ça qui est remis en question. C'est, ultimement, qui
joue le rôle relativement au fait d'indiquer et de guider le juge. Moi, je
crois que c'est le législateur qui doit lui dire : Bien, écoutez, quand
vous êtes en bout de course, voici où vous devez... en fait, avec quel outil
vous allez pouvoir interpréter la disposition.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Ça vous va? Est-ce que j'ai d'autres interventions? Oui, M. le député de La Pinière, il vous
reste quatre minutes.
M. Barrette :
Je ne connais pas le jugement Viens. Le ministre nous dit que ça a réécrit la
loi. Je connais l'arrêt Carter, par exemple, c'est la même Cour suprême. Ça n'a
pas réécrit la loi. La loi a été réécrite des années plus tard parce que Carter
a dit : Ça ne marche pas, votre affaire, la personne y a droit. La
Mme Carter, elle avait droit à... La loi n'a pas été réécrite par le
jugement, elle a été réécrite à cause du jugement. Je ne veux pas partir de
débat là-dessus, juste mettre les points sur les i...
Une voix :
...
M. Barrette :
Bien, s'il veut.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente, si le député
met le point sur les i, bien, je vais mettre la barre sur les t. Dans
l'arsenal à la disposition de la Cour suprême, lorsqu'ils invalident une loi,
notamment parce qu'elle est en contravention avec la Loi constitutionnelle de
1982 , supposons qu'ils font ça, là, O.K., il y a plusieurs outils qu'ils
peuvent utiliser.
Le
meilleur exemple que nous avons, puis ça va intéresser fortement le député de
La Pinière... Le gouvernement du Parti québécois, à juste titre,
puis là c'est dommage que...
La Présidente (Mme
Thériault) : ...
M. Jolin-Barrette :
...c'est dommage, Mme la Présidente, que l'ancien ministre St-Arnaud ne siège
plus avez nous, parce que, Mme la Présidente, le PQ, entre 2012 puis 2014, ont
augmenté les seuils de compétence de la Cour du Québec, O.K., et ils les ont
montés à 85 000 $, notamment pour favoriser l'accès à la justice, Mme
la Présidente. Puis ça avait été jumelé notamment à une augmentation des seuils
aux petites créances.
Et là dernièrement,
au mois de juin... juillet dernier, on a reçu un jugement de la Cour suprême.
Savez-vous quoi, Mme la Présidente? Les juges de la Cour supérieure du Québec
ont poursuivi les juges de la Cour du Québec devant différentes instances pour
faire en sorte de dire : Non, non, non, le montant qui est accordé au
niveau de la compétence de la Cour du Québec est trop élevé, ça relève de la
Cour supérieure en vertu de la Constitution. Bon, il y a eu quelques étapes,
Mme la Présidente, c'est monté jusqu'à la Cour suprême. Qu'est-ce que la Cour
suprême, elle a fait? Elle a dit : La loi québécoise qui visait à doter la
Cour du Québec d'une compétence jusqu'à hauteur de 85 000 $ en
matière civile, bien, c'est inconstitutionnel, parce que ça vient à l'encontre
des dispositions de la Constitution relativement au tribunal de droit commun, qui
est la Cour supérieure. Alors, vous, législateurs, donc le Parlement du Québec,
vous devez modifier votre loi.
Alors, oui, c'est
vrai qu'ils le font, comme dans Carter, c'est ça qu'ils ont fait, et ils
suspendent la déclaration d'invalidité durant généralement une période d'une
année. Et je crois que, même dans Carter, le procureur général avait plaidé devant la Cour suprême pour reporter
le délai parce que le texte n'avait pas été adopté en temps opportun, et
ça arrive fréquemment, ça. Mais ça, c'est un arsenal, c'est un outil qui est à
la disposition de la Cour suprême.
Or, ce que je vous
cite, c'est différent. Ça arrive que, dans certains jugements, ils viennent
assimiler un texte et ils viennent ajouter à
une disposition, comme dans cet arrêt-là, pour dire : Bien, vos motifs de
discrimination, ça inclut aussi ça,
que le législateur, nommément, n'avait pas prévu. Alors, ça, c'est une sorte de
réécriture de l'article, parce qu'ils viennent ajouter un terme, un
motif de discrimination qui n'est pas là. Alors, on peut dire : Bien, il
ne l'a pas écrit, il n'a pas trempé sa plume dans l'encre, il n'est pas venu
l'écrire dans le texte, mais l'effet du jugement, c'est celui-là.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Et pour que l'effet s'exerce, il faut que la loi soit réécrite, c'est toujours
de même. Madame...
M. Jolin-Barrette : ...
M.
Barrette : Non. Mme la Présidente...
La Présidente (Mme
Thériault) : Non, c'est M. le député...
M.
Jolin-Barrette : Mais, Mme la Présidente, ce n'est pas exact, là, puis
il faut que le député de La Pinière dise les faits tels qu'ils sont.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre, on va laisser le député de
La Pinière s'exprimer. Par la suite, bien, vous ferez votre point, vous
aussi, mais là c'est lui...
M.
Jolin-Barrette : Mais vous sentez ma passion pour le convaincre, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Je sens toute la passion et l'énergie qui vous animent
sur votre projet de loi, évidemment, M. le ministre. Par contre, la parole est
au député de La Pinière. M. le député de La Pinière, allez-y.
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Je vais reprendre l'argumentaire du ministre, qui
veut avoir raison, je le comprends, bon, il a le droit de vouloir avoir raison,
même quand il a tort, mais là n'est pas l'enjeu de mon propos, Mme la Présidente. Le ministre nous dit à répétition, à
répétition que devant la Loi constitutionnelle de 1987, la...
Une voix :
...
M. Barrette :
...1867, pardon, devant la Constitution, Mme la Présidente, les deux ont la même
valeur, le même poids légal. C'est comme ça qu'il le dit, là, puis c'est comme
ça que c'est dans la réalité. C'est ça, la réalité. Or, il nous dit à
répétition, là, que si le juge, en fin de course, est dans une impasse
intellectuelle juridique, il doit se référer à la version française, donc il
doit se référer à la logique linguistique de la version française.
Conséquemment,
Mme la Présidente, hein, il amène un déséquilibre
vers une version, et ultimement les deux versions ne sont plus égales
devant la Constitution. Je ne dis pas que ce n'est pas bon. Je dis qu'il crée
une situation de droit de veto. Il l'a dit lui-même, là, le juge, là, il faut
l'aider, pas prendre la décision à la place du juge, mais être son guide
suprême. Cher juge, tu es mal pris, on comprend ça, jusqu'à maintenant tu
n'avais pas rien dans ton coffre à outils, on va te donner un instrument.
Pourquoi est-il
contre notre amendement qui, lui, prévaut que, dans certaines circonstances, il
se pourrait qu'on puisse contester la version française? Ça, ça serait une égalité
devant la Constitution. Mais dans l'approche du ministre, non, en fin de
course, Mme la Présidente, le français va prévaloir, et donc il aura la majorité
de la décision intellectuelle. N'est-ce pas là un motif de contestation
juridique inutile qui serait... qu'on pourrait résoudre avec notre amendement?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : La réponse, c'est non. Le député de La Pinière a
des craintes qui ne sont pas avérées, Mme la Présidente.
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Thériault) : Non, non, c'est le ministre qui a la parole présentement.
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Mais, Mme la Présidente, moi, là, mon objectif, là,
c'est de pouvoir guider, hein, le magistrat qui est dans une situation
d'impasse. Et je crois que, comme législateur, en cohérence avec le fait que la
langue de la législation et de la justice au Québec, c'est le français, il est
tout à fait normal, à partir du moment où on respecte l'article 133, de
dire que les deux versions ont une version égale, qu'ultimement, si on n'est
pas capable de réconcilier le tout, ça soit la version française qui puisse guider
le juge. Et je m'explique mal que le député de La Pinière soit contre
cette possibilité-là, Mme la Présidente, moi qui le croyais à la défense et à
la promotion de la langue française.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci, M. le ministre. M. le député.
M. Barrette :
Mme la Présidente, point de règlement, on me prête des intentions. Débattre, ça
ne veut pas dire qu'on est pour ou contre.
La Présidente (Mme
Thériault) : Je suis convaincue...
Une voix :
...
M. Barrette :
J'exige des excuses, Mme la Présidente.
M.
Jolin-Barrette : ...va voter en faveur de l'article 7.1, et je
pourrai constater à ce moment-là s'il est en faveur ou il est contre. Alors, Mme
la Présidente, je vais acquiescer à la demande du député de La Pinière,
retirer mes propos, et j'attendrai le moment
opportun pour constater son support ou non à la disposition à
l'article 7.1. Parce que là c'est vrai, c'est prématuré, je réussis
difficilement à déterminer s'il est en faveur de la disposition que je présente.
La Présidente (Mme Thériault) : Et,
puisque nous sommes sur l'amendement, de toute façon, il vous reste un petit
peu moins d'une minute.
M. Barrette : J'aimerais avoir une
courte suspension, Mme la Présidente, parce que la suite des choses va dépendre
de la suspension que vous m'accorderez, j'espère.
La Présidente (Mme Thériault) : Je
vais accorder une courte suspension, oui, effectivement.
Nous suspendons les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 47)
La
Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous
poursuivons nos travaux. Au moment de prendre la petite pause, à la
demande du député de La Pinière, c'était le député de La Pinière qui
avait la parole. Il vous reste 48 secondes.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je vais simplement terminer mon intervention en reposant ou
en formulant différemment ma question. Le ministre, par sa démarche, je sens
qu'il va voter contre l'amendement. Ne crée-t-il pas une situation où, dans les
faits, n'ouvrant pas la possibilité de faire en sorte que la version française
puisse être contestée, qu'ipso facto il crée une situation légale où il y a un
déséquilibre en faveur de la version française devant la Loi constitutionnelle?
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La réponse à
cette question-là, c'est non. Non, parce que l'article 133 est pleinement
respecté, les deux textes ont la même valeur légale dans le cadre de
l'interprétation qui doit être donnée par les tribunaux. Et ça, ça signifie que
le juge regarde les deux versions, utilise les règles ordinaires
d'interprétation pour résoudre convenablement le conflit. Et là actuellement,
la situation actuelle, c'est ça, on arrête ici. Et, lorsque les règles
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement le conflit, qu'est-ce
qui arrive? Bien, le juge peut décider de prendre la version anglaise qui n'a
pas été étudiée ou arranger ça comme il veut, parce qu'on ne le guide pas, on
ne l'outille pas.
Et là c'est l'étape supplémentaire que nous
faisons, un coup que tout ça a été fait et qu'il n'arrive pas à une règle
d'interprétation qui est convenable, bien, on lui dit : Cher juge,
regardez la version française pour vous guider. C'est uniquement ça qu'on fait.
Alors, on respecte en tous points l'article 133, l'égalité des lois, et on
respecte l'article 7 aussi de la Charte de la langue française, qui met
sur un pied d'égalité la version française et anglaise.
Par contre, ultimement, on fait comme Robert
Bourassa a voulu en 1974. Puis je m'explique mal que, du côté du Parti libéral,
on renie l'héritage de Robert Bourassa aujourd'hui, cet après-midi, parce qu'il
me semblait que la cheffe du Parti libéral, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'en réclamait. Mais je comprends qu'il y a une brisure entre son héritage et
le nouveau Parti libéral.
M. Barrette : ...quelques secondes?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député de La Pinière, vous avez 25 secondes.
M. Barrette : 25 secondes?
La Présidente (Mme Thériault) : Oui.
M. Barrette : Le ministre, à
répétition, aujourd'hui et avant, renie cet héritage-là lui-même. C'est ça
qu'il dit, là, il dit : Ah! ah! je ne comprends pas qu'on le renie. Donc,
il met beaucoup de valeur à ça, mais lui-même parle des règles d'interprétation
qui sont venues après. Ça fait que dans les... Tu sais, ça fait pas mal Judas,
là, trois fois, là. Alors là, à un moment donné, là...
M. Jolin-Barrette : Ça, Mme la
Présidente, ce n'est pas très laïque.
M. Barrette : ...c'est beau les
interprétations, là, mais il le fait lui-même. S'il veut absolument retourner à
74, qu'il nous l'explique.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et il ne vous reste plus de temps.
M. Barrette :
C'est dommage.
La
Présidente (Mme Thériault) : Donc, s'il n'y a plus d'autre
intervention, je vais mettre aux voix l'amendement qui a été déposé par
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.
Mme David :
Par appel nominal, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme
Thériault) : Un vote par appel nominal. Mme la secrétaire.
• (16 h 50) •
La Secrétaire :
Veuillez répondre pour, contre ou abstention. Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
La Secrétaire :
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)?
M. Birnbaum :
Pour.
La Secrétaire :
M. Barrette (La Pinière)?
M. Barrette :
Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
M. Skeete (Sainte-Rose)?
M. Skeete :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Contre.
La Secrétaire :
Mme Proulx (Côte-du-Sud)?
Mme Proulx
(Côte-du-Sud) : Contre.
La Secrétaire :
Mme Guillemette (Roberval)?
Mme
Guillemette : Contre.
La Secrétaire :
M. Poulin (Beauce-Sud)?
M. Poulin :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Ghazal (Mercier)?
Mme Ghazal :
Abstention.
La Secrétaire :
M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé :
...
La Secrétaire :
Et Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel)?
La
Présidente (Mme Thériault) : Abstention. Donc, l'amendement est
rejeté. Nous revenons donc maintenant à l'article 7.1. Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Bon, on reprend là où on avait laissé. Mais je reste, Mme la Présidente,
extrêmement sur mon appétit, parce que les vrais enjeux n'ont pas été discutés,
parce que notre amendement était un amendement extrêmement raisonnable, extrêmement réfléchi et qui prônait même la
langue française. Alors, toutes les considérations sur la langue
française, etc., on repassera. Parce que je relis notre amendement : «En
cas de divergence entre les versions française et anglaise d'une loi, d'un
règlement ou d'un autre acte visé au paragraphe 1° ou 2° de
l'article 7 nécessitant — parce qu'on enlève le convenablement, et
tout ça, on se défait des choses compliquées — l'usage des règles ordinaires d'interprétation législative par
un tribunal, la version française sera présumée correspondre le mieux à
l'intention du législateur.
«Cette présomption peut être réfutée par toute
preuve contraire.»
Pourquoi on a fait ça, Mme la Présidente?
On a fait ça pour montrer, d'une part, qu'on y croit, à l'article 133 de
la Loi constitutionnelle, qu'on y croit, à l'égalité des deux versions. Et on
dit, en toute démocratie, que «la version française sera présumée correspondre
le mieux». «Présumée», ça veut dire qu'elle peut être réfutée. Alors, quand on
dit «présumée», c'est pour ça qu'on ajoute après «cette présomption peut être
réfutée par toute preuve contraire». Autrement dit, il peut y avoir une
discussion sur la décision du juge.
Là, il n'y en a pas, de discussion sur la
décision du juge, il y a «le texte français prévaut». Pourquoi il prévaut? Le
ministre a dit quelque chose d'intéressant, d'important : La version
anglaise qui n'a pas été étudiée, qui n'a pas été étudiée. Ça,
sous-entendu : on est au Québec, c'est seulement en français, tout se
passe en français, on fait l'étude article par article en français, il y a une
traduction anglaise après, mais elle n'a pas été étudiée.
Ça veut dire quoi, ça, au niveau de
l'article 133? Ça veut dire que le ministre a... j'ai l'impression qu'il
est en train de dire qu'elle n'est pas aussi valable, la version anglaise,
puisqu'elle n'a pas été étudiée, elle n'est pas aussi valable. Or,
l'article 133, et il l'a dit, l'article 7 dit vraiment :
l'égalité des deux versions.
Alors, s'il y a égalité des deux versions,
pourquoi est-il contre le fait que nous lui proposons de présumer la version
française correspondre le mieux à l'intention du législateur? C'est quand même
très, très affirmatif, ça. Mais, en toute démocratie, en tout respect du
processus, on dit : «Cette présomption peut être réfutée par toute preuve
contraire.» Il me semble que, quand on est soi-même juriste, comme le ministre
l'est, c'est le fun de pouvoir avoir ce débat-là, c'est fait pour ça, la loi,
c'est fait pour ça, la formation légale. Puis, puisqu'il aime beaucoup référer
à des gens qui ont un statut, puis, bon,
Jean Leclair, etc., ça, ça... Je l'ai retenue, je l'ai mise en jaune, ça
va être formidable, cette citation du ministre. Je vous avertis, je vais
beaucoup m'en servir, parce qu'il a dit des choses avec lesquelles vous n'êtes
pas du tout d'accord. Mais, comme c'est un grand juriste, il faut l'écouter,
donc nous l'écouterons jusqu'au bout selon vos commentaires. Ça va être
formidable.
Maintenant,
s'il dit quelque chose qui est important, pourquoi on ne peut pas aussi citer le Barreau
puis l'Association du Barreau canadien? Le Barreau dit, par rapport au
mot «convenablement», à la page 16 de son mémoire :
«L'article 7.1 semble trop vague et imprécis puisqu'il indique que le
texte français prévaudra lorsque la divergence ne sera pas résolue
"convenablement". En se référant au test de la résolution convenable,
ceci risque de créer de nombreux litiges inutiles basés sur une notion non
juridiquement définie.» Ce n'est pas des deux de pique, il me semble. Il est membre du Barreau lui-même. Il y a plein de membres du Barreau, là, qui écoutent ça puis qui
disent : Bien, il me semble que ce n'est pas juridiquement défini. Je pose
la question : Pourquoi ça ne... pourquoi on ne l'enlèverait pas, ce
bout-là? Dans notre amendement, nous, on l'enlève, le mot. Il me semble que ça
règle beaucoup de questions.
Et je continue, l'Association du Barreau
canadien, qui dit critiquer... «L'ABC-Québec, comme certains autres intervenants, est préoccupée par la
prépondérance qui serait conférée par cette disposition à la version
française, en cas de divergence entre les versions française et anglaise d'une
loi, d'un règlement ou d'un autre acte. D'un point de vue constitutionnel, une
telle prépondérance semble incompatible avec le statut d'égalité des versions
française et anglaise des actes de la législature du Québec prévu à
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867».
Alors, le nouveau texte proposé par notre amendement
ne prévoit pas que la version française prévaut sur la version anglaise en cas
de divergence entre les versions officielles, mais ne fait que prévoir une
présomption simple que la version française correspond le mieux à l'intention
du législateur. Cette présomption, comme le rappelle notre dernier alinéa, peut
être réfutée par toute preuve contraire.
Ce qui est
formidable, c'est que le ministre, au tout début, il y a deux semaines,
quand j'ai demandé de définir le terme
«convenablement», le ministre a répondu que «convenablement» voulait dire
«raisonnable», ce qui lui
convient tout à fait, et conforme à l'intention du législateur, vous l'avez
dit. Alors, si vous l'avez dit, pourquoi vous ne trouvez pas que c'est une
bonne idée, notre amendement, de dire : La version française sera présumée
correspondre le mieux à l'intention du législateur, et d'accepter que ça puisse
être challengé? Mon collègue a parlé de veto, tout à l'heure, je suis un peu
d'accord avec lui, ça ressemble plus à un mode veto qu'à un mode : Bien,
on pourrait réfuter cette présomption que la version française prévale, puis ça
serait peut-être une très bonne idée.
Alors, je ne comprends pas, puis je ne comprends
pas, il est... vous n'êtes pas revenu sur cette doctrine, qui est tellement
citée par les différents arrêts de la Cour suprême, de Driedger, que vous
connaissez, c'est sûr, puis vous avez 10 jours pour aller relire tout ça,
là. Alors, il y a trois principes, il y a l'esprit de la loi, il y a l'objet de
la loi, puis il y a l'intention du législateur. Puis tout le monde se base sur
cet auteur-là puis sur son livre en 1983, et puis que c'était vraiment... Construction
of Statutes, bon, ça s'appelle comme ça, de ce professeur-là. Alors, si
c'est si important que ça, si la Cour suprême a cité, à de nombreuses reprises,
ces trois principes-là, bien, voulez-vous bien me dire comment ça se fait...
Un, on n'a pas eu d'exemple où le juge a été, comme vous avez dit, acculé au
pied du mur et puis ne plus savoir quoi faire. Puis pourquoi, en cas de doute,
le français a plus d'importance? Puis là j'ai entendu cette phrase : La
version anglaise qui n'a pas été étudiée.
Autrement
dit, au Québec, c'est le français qui est valable, l'anglais ne l'est pas,
alors qu'on est encore, jusqu'à preuve du
contraire, sous la Loi
constitutionnelle de 1867, sous
l'article 133, où vous avez répété à de multiples reprises que les deux valeurs... les deux
versions, anglaise, française, étaient équivalentes. Donc, comment concilier
que les deux versions sont équivalentes et
votre phrase : Ah! la version anglaise qui n'a pas été étudiée, autrement
dit, au parlement?
Puis vous avez même
dit une autre phrase que vous allez répéter très, très, très souvent dans les
prochains mois, c'est toute l'approche, la
théorie de la souveraineté parlementaire : Est-ce que ça veut dire que
c'est les juges qui vont décider? Bien oui, c'est les juges qui vont
décider, mais votre juge est acculé au pied du mur, il est... semble-t-il qu'il
ne sait plus quoi faire, il est complètement mal pris, bien, le Barreau vous
dit que ça n'a pas de bon sens. ABC vous dit que ça n'a pas de bon sens.
D'autres profs vous disent que ça n'a pas de bon sens.
• (17 heures) •
Bien là, on vous
propose une avenue que je trouve tellement raisonnable, tellement bien
équilibrée, puis ça va être ça pas mal tout
le long, là, une approche équilibrée, raisonnable. Alors, le français et
l'anglais, il est sur son mur. Au
lieu de dire : C'est le français parce que c'est les parlementaires, les
élus, la doctrine, la souveraineté parlementaire, etc., bien, dire : On présume que le français
va être la version retenue, mais, c'est drôle, on pourrait contester ça.
Bien, je trouve que, il me semble, c'est
fait pour ça, les tribunaux, de pouvoir avoir... Vous qui aimez tant débattre,
bien, quand vous serez juge, peut-être, un jour, vous allez dire :
Bien, oui, O.K., je vais me laisser challenger par ça, je vais me laisser poser
des questions. Je trouve ça raisonnable, alors que, là, les gens, des gens
quand même importants, des juristes importants, vous disent... puis un ensemble
de juristes, là, le Barreau, puis l'Association du Barreau canadien, c'est quand même beaucoup de juristes
qui disent : Bien, voyons donc, vous risquez d'être contestés, et
puis ça sera... ça va être un peu ennuyant pour vous, à moins que vous vouliez
passer votre vie à être contestés pour les différentes lois devant la Cour
suprême.
Alors, je
relis : «La prépondérance ainsi — et ça, c'est le Barreau — donnée
à la version française par le projet de loi pourrait être considérée comme
visant à nier le statut d'égalité des versions française et anglaise d'une loi ou d'un règlement, ce qui contreviendrait à
l'article 133 de la Loi constitutionnelle. L'article 7.1 semble trop
vague et imprécis puisqu'il indique que le
texte français prévaudra lorsque la divergence ne sera pas résolue
convenablement.» Nous, on vous offre de
l'enlever, ce mot-là. On vous trouve une avenue de... qui est très, très, très
convenable, justement, et qui résout votre problème de... Puis vous
n'avez pas répondu. J'ai tellement hâte d'entendre la réponse. Je n'ai pas entendu la réponse, tout le monde est
témoin : Pourquoi la version anglaise de 96, du projet de loi n° 96,
est différente de la version anglaise de 1974, que, supposément, on aime
tant, de 1974? «Properly» puis «satisfactorily», je ne suis pas une anglophone,
mon collègue l'a dit, puis moi... Pour moi, ça ne veut pas dire la même chose.
Dans mon grand anglais savant, je n'aurais jamais dit «satisfactorily and
properly» pour dire la même chose.
Alors, c'est
formidable que vous êtes pris devant votre propre divergence entre deux
versions. Bien oui, parce que ce n'est pas les mêmes mots. Puis vous vous
vantez de prendre exactement le libellé. Puis je l'ai, j'ai été vérifier. Vous
avez raison, la loi 22, c'est l'article 2, dit exactement votre
libellé actuel. Mais on va en anglais en 1974 puis en anglais en 2021, pouf!
l'anglais a changé. Puis ça, c'est vrai, c'est des faits, là. Vous ne pouvez
pas me contester ça. Donc, j'ai hâte que je vous me répondiez à ça, mais là je
veux des vraies réponses. Pourquoi, notre amendement,
il n'est pas acceptable à vos yeux? On vous trouve vraiment une voie de passage
qui est sage, raisonnable, et qui vous évite bien des poursuites.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, plusieurs choses, mais moi, je ne suis pas
d'accord que je ne réponds pas, parce que ça fait plusieurs jours qu'on est sur
cette disposition-là, puis je réponds très clairement.
L'utilisation du
terme en anglais, bien, en fait, les légistes et les traducteurs qu'on a nous
disent que, par cohérence avec le corpus qu'on a désormais, c'est les termes
qui sont employés, d'où la divergence entre 1974 et aujourd'hui par cohérence
avec le corpus que nous avons ces jours-ci aussi. On s'entend que ce sont des synonymes.
Bon, deuxième question,
moi, je trouve ça intéressant, parce que la députée de Marguerite-Bourgeoys
nous dit : Aïe! Le Barreau dit ça, le Barreau du Québec dit ça,
l'Association du Barreau canadien dit ça. Qu'est-ce que pense la députée de Marguerite-Bourgeoys
de la procédure judiciaire qui a été entreprise par le Barreau du Québec en
2018 pour faire invalider toutes les lois de l'Assemblée nationale du Québec?
Était-elle d'accord avec la position du Barreau du Québec de faire en sorte de
placer l'État québécois, de placer les citoyens du Québec face à une situation,
Mme la Présidente, qui aurait invalidé l'ensemble du corpus législatif?
Alors, je me doute
qu'il y a eu des discussions au Conseil des ministres de l'époque, mais je ne
suis pas convaincu que le Barreau avait raison de faire ça, puis que c'était
approprié, puis que son opinion était la bonne dans ce dossier-là. La preuve,
et j'en prends, à titre, la précédente ministre de la Justice, je pense qu'elle
partageait mon opinion relativement au Barreau. Alors, ce n'est pas parce que
le Barreau dit une chose un jour que, nécessairement, c'est la bonne opinion.
Ça peut faire argument d'autorité, j'en conviens, mais le Barreau peut se
tromper aussi.
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Je trouve ça... Je ne sais pas quel mot employer, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Un propos parlementaire, je vous suggère.
Mme David : Un
propos parlementaire, c'est facile. Est-ce que c'est correct, ça? C'est un peu
facile. Là, vous nous avez dit, vous : Voyons donc, c'est votre héros,
c'est le héros de la cheffe, Robert Bourassa, donc il faudrait être d'accord
avec tout, tout, tout ce qui est arrivé, tout ce qu'il a dit, chaque parole, le
Barreau, ah! regardez, il a dit ça pour telle affaire, donc... Je veux dire, ça
n'a pas de bon sens. Même vous, vous ne voudrez pas passer à l'histoire en
disant : Bien, parce qu'il a fait telle chose, tel jour, à telle heure,
tout le reste de sa carrière et ce qu'il a fait n'a aucune valeur. Ça ne tient
pas, ce genre de réponse là, en tout respect, parce que, O.K., le Barreau a
peut-être dit ça à ce moment-là, mais là il dit autre chose sur un autre sujet,
puis l'Association du Barreau canadien dit ça aussi, puis d'autres personnes
disent ça : Attention, c'est dangereux constitutionnellement. Alors,
parlons de ce sujet-là, parlons du fait que des gens disent : Attention,
il y a un risque.
Puis, au-delà de ça, je n'ai pas encore la
réponse. Pourquoi le français doit prévaloir? Pourquoi il doit prévaloir, le français,
si les deux versions sont égales devant l'article 133? Pourquoi choisir le
français, acculé au pied du mur, alors que... Et pourquoi ne pas trouver
raisonnable, intelligent, je ne sais pas quoi, parce que ça ne vient pas de vous, peut-être, je ne le sais pas... mais
notre formulation d'amendement? Elle n'est pas en train de dire : Le texte anglais prévaut. Elle n'est pas en train de dire :
Le texte français prévaut. Elle est en train de dire : Bien,
le texte français prévaut jusqu'à preuve du contraire, s'il est réfuté.
Moi, je le trouve brillant, notre amendement, en tout respect.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, Mme la
Présidente, avec égards, je ne doute pas que la députée de Marguerite-Bourgeoys
le trouve brillant puisque c'est elle-même qui l'a rédigé. Alors, c'est sûr
que, généralement, on est à l'aise et on trouve ça bon, ce qu'on rédige, puis
je partage son sentiment.
Cela étant, l'amendement vient complexifier les
choses, d'autant plus que la règle, c'est une règle d'interprétation au
bénéfice du juge, qui, lui... Et, vous l'avez bien dit, on vient l'aider. On
vient l'accompagner lorsqu'il se retrouve le dos acculé au mur, qu'il se trouve
dans une impasse. Et, vous, ce que vous dites, bien, vous dites : Bien, avec notre amendement,
on viendrait présumer que c'est correct. Mais le juge, lui, il a besoin d'une
directive pour dire... Le législateur, qu'est-ce qu'il lui dit? Il dit : À
partir du moment, là, où vous êtes dans cette situation, là, d'impasse là, dans
ce cul-de-sac-là, là, voici la règle que vous devrez mettre en place,
ultimement, après les règles d'interprétation.
Alors, en tout point, ça respecte l'égalité des
deux textes, la valeur juridique des deux textes, en français et en anglais. Par
contre, ce que l'on fait, c'est qu'on
exerce notre juridiction, en tant que législateurs, de guider le
judiciaire et de dire : Écoutez, dans le cas d'un conflit d'interprétation
entre deux versions d'une loi, voici la marche à suivre, et, ultimement, si
vous êtes pris au piège, voici vers quelle version vous devrez tendre pour
interpréter l'intention du législateur, c'est-à-dire la version française. Ça
respecte les enseignements de Blaikie, ça respecte l'article 133 et ça
respecte aussi la Charte de la langue française, qui dit que les versions française
et anglaise ont la même valeur juridique, mais que la langue de la législation
et la langue de la justice est le français, et c'est ça.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Alors, j'aimerais que
vous me disiez en quoi notre amendement ne respecte pas Blaikie, ne respecte
pas votre vision de la langue française, votre vision de la prépondérance de la
souveraineté parlementaire. Je ne vois pas en quoi notre version, notre amendement,
qui dit : La version française sera présumée correspondre le mieux... Il
me semble, ça aide le juge en titi, ça, de se faire dire ça. On lui en donne
une... parce que vous présumez qu'il a bien fait ses devoirs, qu'il a pris les
trois principes de l'esprit... bien, enfin tout ce qui est... les trois
principes d'interprétation, l'esprit, l'objet, l'intention du législateur, vous
présumez. Mon collègue a dit : Peut-être qu'il va passer un peu vite puis
il va décider d'aller tout de suite à la version française. Vous avez
dit : Non, non, non, il va faire son travail, il est obligé, etc. Bon,
mais nous, on dit : Bien, mettons une version française qui va être
présumée correspondre le mieux. Présumer, ça veut dire quelque chose en termes
juridiques. On présume que ça correspond le mieux. Moi, je pensais que vous
accueilleriez ça en disant : Bien, c'est raisonnable. Nous, les articles
de loi qui vont être raisonnables, vous l'avez vu jusqu'à maintenant, on vote
pour, puis c'est correct. Alors, on ne va pas être contre automatiquement. Oui,
mais il y en a eu, des choses là-dedans. Il y en a eu, des choses là-dedans.
Alors là, j'ai l'impression... Je n'entends pas de bonnes raisons pour ne pas
acquiescer à notre amendement raisonnable.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
• (17 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, Mme
la Présidente, je n'entends pas de bonnes raisons pour ne pas accepter de voter
en faveur de l'article 7.1 tel qu'il est formulé. Moi, je ne vois pas
c'est quoi, le malaise du Parti libéral de dire : Écoutez, les deux textes
sont égaux, puis, lorsque les règles d'interprétation ordinaires ne
fonctionnent pas, hein, que ça ne permet pas d'arriver à un résultat qui est
convenable, qui est intelligible, qui est raisonnable, à ce moment-là, on dit
au juge : Tournez-vous vers la version française pour résoudre cette
difficulté d'interprétation là. C'est conforme à l'article 133. C'est
conforme à la charte.
Moi, je m'explique mal le malaise du Parti
libéral, de dire : Bien, écoutez, on est au Québec, oui, les versions sont
égales, mais la langue officielle, c'est le français, les deux textes ont la
même valeur juridique, les règles d'interprétation font en sorte qu'ils sont
interprétés sur un même pied d'égalité. Les lois sont adoptées dans le même
angle, d'accord, mais on pose une situation concrète. Quel est... Pourquoi
cette frilosité-là à dire : Écoutez, là, il y a un
problème, là, on est dans le coin, là, le juge, il est dans le coin, là, il ne
peut pas en sortir à moins que lui-même réécrive la disposition? Alors, nous,
on dit : Écoutez, on va jouer notre rôle de législateurs jusqu'au bout. On
lui dit : Écoutez, quand vous êtes pris dans une telle situation, plutôt
que d'arranger une patente, là, en fonction de la solution que vous allez
trouver...
Puis, d'autant plus, la présomption, ça
complexifie les choses, parce que le juge va se dire dans son bureau :
C'est présumé, O.K., mais là qu'est-ce que je fais avec la présomption? La
présomption, elle est appropriée dans le cas où il y a un fardeau de preuve à
faire, pour faciliter le fardeau de preuve ou pour dire : Bien, écoutez,
ça va être ça, puis on ne pas retirer cette présomption-là. Mais là on n'est
pas dans ce débat-là, on est sur le juge par rapport à la disposition. Alors,
au moment où il doit rendre son jugement puis il doit donner l'interprétation
de cela, je m'explique mal le malaise du Parti libéral là-dessus, de
dire : Bien, écoutez, il y a un vide actuellement, comblons-le. Et c'est
ce que la disposition prévue au projet de loi, là, fait. Honnêtement, moi, je
trouve qu'avec la présomption ça complexifie les choses et ça risque
d'entraîner des problèmes juridiques puis des contestations.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée.
Mme David : Oui. Je veux tellement
bien expliquer au ministre qu'on va déposer un autre amendement.
La Présidente (Mme Thériault) : Vous
allez déposer un autre amendement? On va déposer un autre amendement. M. le
député, ça va? Il y a un amendement à déposer. Vous aurez tout votre temps
après quand on viendra sur l'article comme
tel, là. Ça va permettre de pouvoir passer à l'amendement que j'ai déjà en
main, et il est sur Greffier puisque
vous le déposez. Donc, si vous voulez en faire la lecture, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Alors, l'article... L'article...
Attendez, il faut que je lise toute cette page-là, j'imagine.
L'article 5 qui... L'article 7.1 de la Charte de la langue française.
L'article 5 du projet de loi est modifié :
1° par le remplacement, dans l'article 7.1
de la Charte de la langue française qu'il introduit, des mots «que les règles
ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le
texte français prévaut» par les mots «nécessitant l'usage des règles ordinaires
d'interprétation législative par un tribunal judiciaire ou administratif, la
version française sera présumée correspondre le mieux à l'intention du
législateur»;
2° l'ajout, à la fin de l'article 7.1 de la
Charte de la langue française qu'il introduit, de l'alinéa suivant :
«Cette présomption peut être réfutée par toute
preuve contraire.»
Alors, essentiellement — commentaires — l'article 7.1
de Charte de la langue française introduit par le projet de loi tel qu'amendé
se lirait ainsi :
«7.1. En cas de divergence entre les versions
française et anglaise d'une loi, d'un règlement ou d'un autre acte visé
paragraphe 1° ou 2° de l'article 7 nécessitant l'usage des règles
ordinaires d'interprétation législative par un tribunal judiciaire et administratif, la version française sera présumée
correspondre le mieux à l'intention du législateur.
«Cette présomption peut être réfutée par toute
preuve contraire.»
La
Présidente (Mme Thériault) :
Donc, c'est l'amendement comme tel. Tout le monde en a pris
connaissance? Donc, sur votre amendement, Mme la députée, allez-y.
Mme David : Essentiellement, pour
continuer le débat, parce qu'il n'est pas nécessairement terminé, nous avons défini les sortes de tribunaux. Alors, on a
mis «par un tribunal judiciaire et administratif» parce que les deux
peuvent être touchés. Alors, on trouvait ça
important de le préciser. Et on laisse «la version française
sera présumée correspondre le mieux à l'intention du législateur» parce
qu'on pense, encore une fois, que ça laisse beaucoup plus de place à la
réflexion plus démocratique de pouvoir avoir cette réfutation par toute preuve
contraire, et puis qu'effectivement de dire que c'est la version française qui
prévaut est comme une espèce de dogme de... À partir du moment où il y a cette
contradiction de base, entre le fait que la version française et anglaise sont
équivalentes, là, on s'en va dire que la version française va prévaloir.
Et je n'ai toujours,
toujours pas eu d'exemple. Le député de La Pinière a demandé
depuis le début : Donnez-nous donc des exemples de ce juge acculé
au pied du mur, qui est tout mal pris, qui ne sait pas quoi faire, alors qu'on
vit avec les principes, justement,
de règles d'interprétation qui permettent toujours de trancher. Il
dit : C'est extrêmement rare. Mais c'est-tu tellement rare que ça
ne serait pas besoin d'avoir ça, d'une part? Et, d'autre part, c'est tellement
rare, peut-être, parce que les trois principes de règles ordinaires
d'interprétation législative sont suffisamment clairs pour toujours arriver à
une décision ou bien... Je veux dire, une fois que tu regardes l'esprit de la
loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur, bien, ça veut dire que,
vraiment, là, il y a eu un examen à fond des trois principes, et ces
principes-là ont été tellement souvent utilisés pour arriver à des conclusions
que je me demande pourquoi il faut pencher sur une langue plutôt qu'une autre.
Et là j'ai compris, en filigrane, mais même pas
en filigrane, que, parce qu'on est au Québec, c'est la version française, parce
que la version anglaise n'a pas été étudiée. O.K., mais, à ce moment-là, qu'il
conteste carrément l'article 133, qu'il dise : On n'a plus besoin
d'être dans le Canada, à la limite, puis qu'on fasse nos lois nous-mêmes, puis
ça sera tout en français, parce que, si... Le ministre, il est mal pris dans sa
tête parce qu'il est pris avec des lois constitutionnelles.
La Constitution est canadienne. Elle n'est pas québécoise. Ça, c'est un autre
débat. Elle est canadienne. Elle est canadienne avec un petit tiroir, de
l'article 45, on en convient, mais elle est canadienne quand même.
L'article 133, il s'applique à la grandeur du Canada. On est d'accord. Le
fait que les versions française et anglaise soient d'égale valeur, vous l'avez répété, c'est
très important, et elles sont d'égale valeur. Alors, on donne des
principes qui regardent l'esprit, l'objet, l'intention du législateur puis on
arrive avec : Non, non, non, une fois que tout ça, là, c'est à peu près
égal, bien là il faut décider pour un ou pour l'autre. Il me semble que ça ne
tient pas la route avec le principe d'égalité des deux versions.
Alors, peut-être que j'ai des collègues qui
veulent aussi intervenir, parce que, sinon, je sens que je vais encore parler
trop longtemps.
La Présidente (Mme Thériault) : Je
vais laisser le droit de parole au ministre avant. Après ça, on ira au député
de La Pinière. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Juste quelques
points. Je constate que l'amendement, tout ce qu'il change, là, c'est qu'on
vient rajouter «tribunaux administratifs» puis «tribunaux judiciaires». Alors,
l'amendement, il est pas mal similaire. Alors, je ne ferai pas de question de
recevabilité sur l'amendement à ce stade-ci parce que la discussion est intéressante,
puis je suis sûr qu'on va progresser dans le cadre du projet de loi
aujourd'hui.
Cela étant, si on avait voulu, là, dans le cadre
du projet de loi, venir contourner ou venir contester l'article 33, on
aurait fait la même chose... 133, on aurait fait la même chose que la
loi 101 en 1977. On serait venus enlever l'article 7 de la Charte de
la langue française pour enlever le statut de valeur égale des versions française
et anglaise. Ce n'est pas ça pantoute qu'on fait. Ce n'est pas ça pantoute. Il
n'est pas question de contester l'article 133. Il n'est pas question de
dire que les versions françaises et les versions anglaises n'ont pas la même
valeur, aucunement. Ce qu'on dit, et là c'est davantage au niveau du
judiciaire, c'est qu'à partir du moment où il y a un conflit entre les deux
versions puis que les règles d'interprétation ne permettent pas de résoudre le
conflit, le juge, à ce moment-là, on lui dit : Écoutez, vous êtes dans une
situation où vous ne pouvez pas résoudre le conflit, plutôt que de réécrire la
loi avec votre sagesse, hein, référez-vous à la version de la langue française
pour donner une version intelligible. Ça respecte 133.
Puis là, si on donne des arguments historiques,
tu sais, la Loi constitutionnelle de 1867, elle appartient aux États fédérés,
hein? Le gouvernement fédéral est créé à cause des États fédérés qui ont choisi
cette union économique là. Là, vous me direz... Je n'étais pas là à l'époque
puis vous non plus, mais vous me direz, peut-être, qu'on n'a pas consulté la
population avant, hein, relativement à cette union-là des quatre provinces à
l'origine pour la fondation du Canada, par rapport à la Loi constitutionnelle
de 1867. Bien, ça, on pourrait s'amuser longuement avec ça. Mais, pire encore,
le Québec n'a vraiment pas été consulté sur la Loi constitutionnelle de 1982,
puis ça, c'est un autre débat qu'on risque d'avoir un petit peu plus loin.
• (17 h 20) •
Alors, le législateur québécois, au fil des ans,
à partir de 1969, hein, a décidé d'apporter et d'amener des lois à teneur
linguistique pour protéger puis valoriser le français, notamment en 1974, hein,
qui fait de la langue officielle... qui fait du français la langue officielle
de l'État québécois. Ça, on doit donner ça à Robert Bourassa, son article 2
aussi, qui dit : Bien, écoutez, quand il y a un conflit d'interprétation,
regardez la langue française. 133 était là à cette époque-là, 133 est là, et
133 n'est pas contesté.
Là, j'ai compris, Mme la Présidente, que peut-être
que la députée de Marguerite-Bourgeoys nous invite ou nous incite à adopter une
résolution pour une modification constitutionnelle, je ne sais pas si c'est la
nouvelle position du Parti libéral,
peut-être le saurais-je au fur et à mesure où on va étudier le projet de loi,
pour venir modifier l'article 133. Nous, ce n'est pas notre choix,
mais peut-être que c'est le nouveau nationalisme du Parti libéral qui fera en
sorte de venir modifier l'article 133. Bien, je serais surpris, mais je
peux être surpris de plein de choses. Il y a beaucoup de choses qui changent en
politique ces temps-ci, notamment la redéfinition des partis.
Cela étant, Mme la Présidente, l'amendement, il
est similaire au précédent. Et, nous, ce qu'on vous propose comme texte législatif,
c'est de venir clarifier les choses. Le législateur vient dire au
judiciaire : Écoutez, là, plutôt, là,
que de bricoler une solution, hein, parce que vous n'avez pas été capable, en
vertu des règles d'interprétation
normales, d'arriver à une solution qui est convenable, bien, référez-vous, M.
le juge, à la version française, en tout respect des deux versions de la loi,
de l'égalité, tout ça. Je ne peux pas être plus clair que ça.
Moi, tout ce que je trouve avec les amendements
qui sont déposés par la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est que ça complexifie le processus : présomption... Là, on vient dire : tribunaux administratifs,
tribunaux judiciaires. Est-ce qu'on oublie des choses? Notre disposition,
elle est très, très claire. J'ai eu l'occasion de l'expliquer à de multiples reprises. Mais je comprends que le Parti libéral est figé à cet article-là, puis il y
a plein d'autres dispositions superintéressantes à étudier dans le cadre
du projet de loi.
Mme David : ...avec le ministre. Il
y a plein d'autres articles, mais on est aussi figés que le ministre est figé.
On est dans de la glace. Il fait froid dehors.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, la démonstration du fait que je ne suis pas figé, c'est que j'ai
accepté des amendements depuis le départ, Mme la Présidente. Et, écoutez,
quand il va y avoir des bons amendements, je n'ai pas de gêne à dire que je
vais les accepter. Mais, sur celui-ci, moi, je pense que c'est important de
dire : Oui, on doit laisser la marge de manoeuvre en faveur de la langue
française, en faveur de l'interprétation, ultimement, puis je pense que le Parti
libéral devrait être d'accord avec ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
...que l'amendement qui a été accepté, c'est parce que c'était une grosse
erreur évidente, sur «Amérindiens». Alors, je pense, ça aurait été très gênant
pour le ministre de refuser cet amendement-là. Mais je laisserais la parole à
un collègue.
La
Présidente (Mme Thériault) :
...notre collègue de La Pinière. M. le
député de La Pinière, la parole est à vous.
M. Barrette : C'est toujours amusant
d'écouter le ministre, Mme la Présidente, pour voir comment il passe par la
planète Mars pour arriver à son argument et à sa conclusion, chemin qui est complètement...
qui n'est pas juste complètement inutile, mais qui dévie le propos. Quand le ministre,
Mme la Présidente...
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, c'est prêter des intentions puis ce n'est pas gentil.
M. Barrette : Non, non, non, je vais
étayer mon affaire, Mme la Présidente. Je vais l'étayer avec un exemple simple
que le ministre...
M. Jolin-Barrette : Non, non,
mais... pas le droit de dire ça.
La Présidente (Mme Thériault) : Là,
pour commencer, pour commencer, il y a une personne à la fois qui parle. Bien,
moi, je ne peux pas vous écouter quand j'entends quelqu'un d'autre parler, puis
je suis très attentive à tous les propos, peu importe qui a la parole. Donc, je
vais vous demander tous d'écouter l'argumentaire. On reviendra après. Puis je
vais aussi rappeler au député d'essayer d'être prudent dans les propos,
d'essayer de prendre des termes qui n'engendrent pas de débats.
M.
Barrette : Alors, l'exemple
que je vais prendre est une citation récente du ministre lorsqu'il fait
référence au Barreau, qui a posé la question : On va-tu invalider toutes
lois? pour venir discréditer notre argumentaire. Mettons qu'on n'est pas dans
le même sujet. On n'est pas dans la même ampleur. On n'est pas dans la même
perspective. Moi, depuis le début,
Mme la Présidente, j'essaie de respecter le sujet et d'aborder les choses
de la seule et unique perspective dont on devrait débattre. 7.1
respecte-t-il... crée-t-il une situation qui va être en contravention
de 133? Alors, moi, j'apprécierais qu'on ne parle que de ça, ne pas
partir... Le Parti libéral, le ceci, le cela. Non, non, on est des
législateurs, on a nos côtés de la table, de la Chambre, puis notre job est
justement de voir s'il pourrait y avoir un problème. Faire ces débats-là,
Mme la Présidente, c'est, en quelque part, apolitique.
Que le
ministre... J'ai dit : En quelque part. Que le ministre veuille, lui, en
faire de la politique à cette étape-ci de l'évolution du projet de loi,
c'est complètement inapproprié, parce que notre enjeu est un enjeu juridique.
Je l'ai dit tantôt, Mme la Présidente, je l'ai dit clairement, nous, on
veut juste s'assurer que cet article-là, après la sanction de la loi, ne soit pas contesté, ce qui devrait être un
souhait du ministre. Des fois, je ne suis pas sûr. Des fois, je me dis, ça
lui plairait, là, ça lui plairait d'aller en
cour puis de gagner. Il serait triste s'il perdait. Mais il y a une chose qui
est certaine, là, cet article-là, techniquement, il n'est pas sous une
éventuelle clause dérogatoire parce que le propos, c'est 133.
Bon, je reviens à mon propos. Le ministre, là,
nous revient tout le temps, tout le temps avec le même argument : On est
les législateurs, l'Assemblée est souveraine, c'est à nous de décider les
affaires. Mais, en même temps, c'est à nous de décider les affaires, c'est
toujours dans un contexte où un pauvre juge va se retrouver devant une impasse,
et on veut lui donner, au pauvre juge qui se retrouve devant une impasse, un
outil pour résoudre comment? Juridiquement. Ce n'est pas la souveraineté, là,
de l'Assemblée. On veut lui donner un outil législatif pour exercer le droit,
son jugement. Ça revient quand même à une décision juridique, tout comme un
juge n'écrit pas des lois. Je ne veux pas revenir sur le débat, là.
Quand le ministre revient sur ce débat-là, il
fait exactement ce que je lui reproche. Il parle de d'autres choses pour ne pas
qu'on s'adresse à la chose. La chose, elle est simple. Est-ce que, devant la
Constitution, les deux textes sont égaux? Quand on écoute le ministre, ils
sont égaux au départ et inégaux à l'arrivée. Ils sont tellement inégaux à
l'arrivée, là, que — je
vais citer le ministre — le
juge est pris au piège. Il est pris au piège, le juge. C'est l'exemple qu'il a
donné lui-même il y a trois minutes. Il est pris au piège par quoi? Par la
méchante version anglaise. Ce n'est pas explicite, mais pas loin.
M. Jolin-Barrette : Le député prête
des propos que je n'ai pas dits.
M. Barrette : Bien, il est pris au
piège, c'est...
M. Jolin-Barrette : Non, non, non,
j'ai dit «pris au piège» parce qu'il est dans une situation où il ne peut pas
résoudre le conflit.
M. Barrette : Il y a-tu une question
de règlement, Mme la Présidente?
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la
Présidente, on ne peut pas prêter des intentions sur des choses qu'on n'a pas
dites. Ce n'est pas permis de déformer les propos des collègues, avec égards. Le
député de La Pinière sait que je l'aime beaucoup, mais il ne peut pas
faire ça, hein? Ça fait qu'on a une bonne harmonie ici, ça fait qu'il n'invente
pas des affaires. Ce n'est pas ça que j'ai dit.
M. Barrette :
Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
M. le député de La Pinière, je vais juste vous demander de...
M. Barrette : Bon, je n'ai rien
inventé, j'ai fait une citation.
M. Jolin-Barrette : ...pas exacte,
la citation.
M. Barrette : Le juge est pris au
piège entre deux versions. Évidemment que le piège, il n'est sûrement pas dans la version française, il est pris... Le
piège, il est... Puis ça, c'est le mot du ministre, «piège», ce n'est pas le
mien. Le juge est mal pris parce qu'il y a une discordance d'interprétation
entre les deux textes, à moins que le ministre me dise qu'il est possible
que ce soit à cause du texte français. Ça serait merveilleux. D'ailleurs, je
vais la poser, la question. Est-ce que ça peut être à cause de la version
française, le piège?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la
Présidente, la question principale du député de La Pinière, il a commencé
son intervention comme ça, il a dit : Est-ce que... je veux bien cerner,
là, l'enjeu, là. Avant de parler de chasse et pêche, là, sa première question,
c'est : Je veux bien cerner l'enjeu, moi, je vais rester, là, sur 133,
malgré le fait qu'il va à gauche, à droite, depuis tantôt, sur plein d'autres
sujets puis il me reproche de vouloir lui répondre, Mme la Présidente. C'est
bien la première fois que ça arrive. Je vous donne des explications, mais on me
dit que je donne trop d'explications. En tout cas.
Alors, sa question,
au député de La Pinière, c'est — et
je la résume : Est-ce que ça va contrevenir à l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867 ? La réponse, c'est non. Ça ne peut pas être
plus clair de ça.
Pour ce qui est du piège, hein, ce que j'ai dit,
c'est que le juge, il est pris au piège parce qu'après les règles
d'interprétation il se retrouve dans une situation, et ça ne lui permet pas de
réconcilier les versions, ça ne lui permet pas d'arriver à une interprétation
raisonnable, convenable, conformément aux règles d'interprétation.
Alors, l'article 133 est respecté.
L'article 7 de la loi est respecté, ce qui fait en sorte que les versions
françaises et anglaises ont la même valeur juridique. Cependant, il existe un
espace pour faire en sorte qu'à partir du moment où les règles d'interprétation
ne permettent pas convenablement de résoudre le conflit, d'indiquer au juge
plutôt que lui-même d'arriver à une conclusion qui est au-delà des règles
d'interprétation, on lui dit : Veuillez vous référer à la version
française. Et ça, c'est conforme à l'article 133.
Puis c'est un peu particulier quand le député me
réfère au Barreau, en 2018, par rapport à son recours qui touchait les textes
linguistiques en lien avec 133, les mêmes arguments que lui-même fait. Puis
c'est drôle, à l'époque, le Barreau disait que c'était la politique, les mêmes
arguments que le député de La Pinière prend.
Alors, est-ce que le Parti libéral a un malaise
à faire en sorte que, dans l'espace qui est le prolongement des compétences de
l'Assemblée nationale relativement à l'interprétation des lois, relativement au
fait que, pour pouvoir outiller le juge, on vienne inscrire le fait que, s'il
est dans une situation d'impasse, il pourra se référer en bout de course à la
version française? Le législateur québécois le fait déjà dans la Loi
d'interprétation, il met en place des balises et guide le juge.
Honnêtement, et pour citer le député de
D'Arcy-McGee, je ne vois pas où est le problème.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député de La Pinière.
M. Barrette : Le ministre aurait pu
dire : Je choisis de ne pas voir où est le problème. Ce qui est possible,
Mme la Présidente, cette affirmation-là est possible parce qu'il a choisi de ne
pas répondre à ma question, qui était d'une infinie simplicité. Le juge,
lorsqu'il est piégé par un problème d'interprétation, peut-il être piégé — c'est
le mot du ministre qu'il a encore répété — par une problématique de la
version française? Je n'ai pas eu de réponse avec ça. Si c'était possible, ça
signifie qu'en appliquant son article, on oblige le juge à aller du côté du
problème et, à ce moment-là, de prendre une mauvaise décision. C'est là, Mme la
Présidente, qu'il est, le problème. Devant 133, où les lois sont égales au
départ, elles devraient être égales à l'arrivée. L'arrivée, c'est quand on est
pris dans le piège et qu'il faut, par un raisonnement logique qui est le mot
répété à répétition — c'est
un pléonasme — par
le ministre, on a le droit d'en faire des pléonasmes à cette heure-ci, bien, il
répète ça : Il faut que ça soit logique. La logique devrait interdire ça.
Alors, égal au départ, ça doit être égal à l'arrivée. Si c'est égal à
l'arrivée, il se pourrait, dans une circonstance exceptionnelle, on le
comprend, que la version française soit la version problématique. Il se
pourrait que la version anglaise soit bien
traduite, ça se pourrait. Et à ce moment-là notre amendement prend tout son
sens, parce que c'est un amendement qui dit quoi? C'est bien parfait,
ça, ce qui est écrit là. On n'a pas de problème avec ça, mais on veut s'assurer que dans une situation de dilemme
de cet ordre-là qu'il puisse y avoir une espèce de valve de sécurité,
hein, qui permette de dire : Wo! minute, là. Là, la version française
peut-être qu'elle est problématique, d'où la possibilité de contestation, et, à
ce moment-là, on avise. Et là au point d'arrivée, les deux lois se retrouvent
totalement égales.
Je ne vois pas
comment on peut arriver et dire qu'en donnant l'outil que le ministre veut
donner au juge, on ne crée pas une situation d'inégalité. Je ne le vois pas. Et
si on discute simplement de ça, ça, là, puis sans partir à gauche, à droite, le
parti-ci, le parti-ça, 1912, 1974, aujourd'hui, là, le ministre, un, ne répond
pas à ma question et, deux, ne nous explique pas. Ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys l'a posé à plusieurs reprises : Donnez-nous une raison pour laquelle cet amendement-là est mauvais. Il n'est
pas mauvais. Mais, moi, je regarde ça, là — et là je suis content, je
suis dans le micro — je
suis sûr, sûr, sûr que, lorsqu'il y aura une contestation, on va revenir
reprendre le genre d'argument que j'ai fait — peut-être pas mot à mot. Je
suis sûr que ça va se faire. 133, égalité au départ, égalité à la fin. C'est
quoi, le problème, là?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, je ne suis pas du tout, du
tout d'accord avec le député de La Pinière, puis je sais très bien ce
qu'il fait présentement, il cherche à étirer le plaisir, Mme la Présidente,
puis ça lui appartient.
M. Barrette :
Mme la Présidente, on me prête des intentions, là.
La Présidente (Mme
Thériault) : ...M. le ministre, ne pas prêter des intentions au
collègue. Merci.
M.
Jolin-Barrette : Bien, loin de moi l'idée de prêter des intentions.
M. Barrette :
Mme la Présidente, il fait exactement ce que je lui reproche, le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente...
La Présidente (Mme
Thériault) : Là, je vais vous demander quand même d'arrêter de vous
interpeller et puis de me laisser présider. Je vous ai dit : Je ne peux
pas entendre deux personnes qui parlent en même temps. C'est le ministre qui a
la parole. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Jolin-Barrette : Bon, revenons à la chasse et aux pièges. La version
française ne piège pas le juge ni la version anglaise, Mme la Présidente. Il
est 5 h 39, M. le député de La Pinière. Il vous reste encore un peu
de temps à faire sur votre amendement. Donc, le juge est coincé par le
caractère irréconciliable de la version anglaise et de la version française. Le
problème, là, ce n'est pas les deux versions. L'enjeu, c'est qu'il se retrouve
dans une situation où les règles d'interprétation ne permettent pas de
réconcilier les deux versions, alors ce n'est pas l'une, ce n'est pas l'autre. L'article permet de respecter
l'article 133. Puis l'arrivée du processus législatif, c'est la sanction
de la loi. Donc, les deux lois sont égales, les deux versions de la loi
sont égales, et les règles d'interprétation les traitent sur le même pied
d'égalité.
Ce que l'on fait, par
contre, c'est qu'au bout du processus... puis je vous l'ai dit à de multiples
reprises, puis je suis un peu déçu, Mme la Présidente, que le député de La Pinière
dise que je ne réponds pas à ses questions, alors que je le fais avec bonhomie
depuis le début de l'après-midi, Mme la Présidente, sur les deux amendements
qui ont été déposés par la députée de Marguerite-Bourgeoys. Alors, l'objectif
de la disposition, il est très clair.
Puis moi, je me
questionne à l'effet de pourquoi le Parti libéral est si chatouilleux par
rapport au fait de dire au juge : Écoutez, quand vous êtes dans une
situation irréconciliable, que toutes les règles associées à la science
juridique ne vous permettent pas de résoudre convenablement, on a du mal à dire :
Bien, M. le juge, tournez-vous vers la
version française, ultimement, pour résoudre le conflit. Il n'y a rien qui
change. C'est égal au début, c'est égal au départ, égal en cours de route, égal à la fin aussi. Les lois, les deux
versions des lois ont la même valeur juridique devant les tribunaux.
C'est indéniable. Alors, je ne pense pas qu'on va pouvoir s'entendre là-dessus,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député de La Pinière.
• (17 h 40) •
M. Barrette :
Mme la Présidente, regardez-moi bien. Est-ce que vous pensez que je suis
surpris que le ministre dise qu'on ne va pas s'entendre? Franchement, c'est sûr
qu'on ne va pas s'entendre. C'est son choix. Alors, Mme la Présidente...
Mais on va continuer à faire le débat, Mme la Présidente. J'imagine qu'on peut
faire ça.
Alors, Mme la
Présidente, là, pourquoi, pourquoi, là, je vais poser la question au ministre,
là, pourquoi l'interprétation de la version anglaise doit-elle être balayée du
revers de la main en partant? Pourquoi notre clause, notre clause, qui permet,
dans un cas exceptionnel, là, parce que c'est assez clair, là, si on donne la possibilité
de réfuter une position, un raisonnement, pourquoi, ça, ce n'est pas correct?
Est-ce que ça vient simplement parce que ça vient de la version anglaise?
La réalité, Mme la
Présidente, là, c'est que, ce que le ministre nous dit, il nous dit qu'il n'y a
pas de possibilité qu'en lisant la version anglaise, un raisonnement logique
puisse faire pencher la balance de ce bord-là. C'est ça qu'il nous dit. Quand il nous dit, là, que tout est correct au
fil d'arrivée, mais qu'il nous dit que tout est correct quand on a... on s'est référé à la version française,
ce n'est pas juste une référence à la version française, c'est une
référence à une logique qui est celle de la
version française. Et ce qu'il nous dit, c'est que c'est
impossible que la logique de la version anglaise ait préséance ou soit
meilleure. Ce n'est pas possible qu'une partie dans un procès puisse réfuter ça
ou questionner ça. Conséquemment, la version française se trouve dans
une position plus prépondérante ou prépondérante vis-à-vis 133. On n'est
pas dans la charte puis ces affaires-là, là, on est dans une situation où il
n'y en aura pas, de clause dérogatoire parce qu'il ne peut pas y en avoir.
Je suis sûr que le ministre, s'il pouvait mettre
une clause dérogatoire à l'entièreté de la Constitution, il le ferait. Je suis
sûr, sûr, sûr. D'ailleurs, il a dû y penser ou y rêver.
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, c'est prêter des intentions, hein?
M. Barrette : Je suis convaincu,
convaincu, convaincu.
Maintenant, à l'argument que je mets sur la
table, c'est quoi le contre-argument? Le contre-argument, c'est : Ça complexifie les choses. Ce à quoi je
réponds : Ça simplifie tellement les choses que ça crée un déséquilibre vis-à-vis la constitution.
C'est ça que je dis. Alors, j'aimerais entendre un argument d'une nature
logique, constitutionnelle, pour dire que je
n'ai pas raison. Comment, avec un article de même, là, par rapport à notre amendement,
là, comment on peut dire que notre amendement est inéquitable... non, ce
n'est pas le mot qui a été utilisé... complexifie les choses? C'est vrai, O.K.,
ça complexifie, mais je dis et j'oppose le fait que ça simplifie tellement en
faveur d'un bord que ça devient inégal devant la constitution.
Je vais poser
une question là-dessus à la fin, Mme la Présidente : En droit, qu'est-ce que signifie le mot
«prévaloir»?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Barrette : Alors, juste pour
faire ça clair, parce que je pense qu'il y a un problème de compréhension de la
part du député de La Pinière, les versions ne sont pas balayées, hein, les
versions, elles sont égales. Et je vous l'ai exposé à plusieurs reprises, on
respecte l'article 133, hein? Il y a un espace où le législateur peut
agir, conformément à ce que les législateurs précédents ont fait ici, en cette
Assemblée. Et le fait de pouvoir se référer à la version française, ultimement,
en bout de course, hein...
Parce qu'on dirait qu'on semble penser, du côté
du Parti libéral, que là, là, l'égalité entre la version anglaise et la version
française n'est plus avérée. Or, ce n'est pas ça du tout, Mme la Présidente.
Les deux versions, anglaise et française, ont le même statut, conformément à l'article 133
de la Loi constitutionnelle de 1867, mais, à partir du moment où il y a un
conflit d'interprétation, c'est impossible de résoudre convenablement le
conflit d'interprétation entre deux versions d'une loi, pour lesquelles les
règles d'interprétation ne réussissent pas à arriver à une solution
raisonnable, intelligible, convenable, dans le sens commun, Mme la Présidente,
là, à ce moment-là, on permet au juge, dans
l'espace qui lui revient, de le guider et de dire que la version française
prévaut. Et, à ce moment-là, Mme
la Présidente, le juge, plutôt que de n'être guidé par aucune règle et
d'arriver à une solution que lui-même détermine, le législateur le guide et lui
dit : Veuillez vous référer à la version française pour connaître
l'intention du législateur, et surtout pour développer un sens logique, un sens
commun, un sens qui va vous permettre de résoudre la situation juridique à laquelle vous êtes confronté et pour
laquelle vous devez rendre une décision entre deux justiciables, au
moment de rédiger votre jugement et de rendre une décision. Ce n'est pas très
compliqué, là, mais on complexifie les choses.
Puis surtout, c'est drôle, parce qu'on me fait
des arguments de nature constitutionnelle. Tantôt, quand je parlais de la
constitution, on me disait : Le député... le ministre fait référence à la
constitution, il passe par Mars, puis tout ça, alors que, là, le député de La Pinière
ramène la constitution, ramène 133. Il faudrait se brancher, là, du côté
du Parti libéral. Je le sais, là, qu'on ralentit le processus, là, ici, là,
mais...
M. Barrette : Bien là...
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
vrai, écoutez, ils ont déposé le même amendement, Mme la Présidente, en
rajoutant «tribunal administratif», «tribunal judiciaire». Mme la
Présidente...
M. Birnbaum : Recevable ou non?
C'est recevable? Let's stop.
La Présidente (Mme Thériault) : Bien
non. Bien là...
M. Jolin-Barrette : Bien, je vous ai
dit nommément que je n'ai pas...
La Présidente (Mme Thériault) : Aïe!
Aïe! Wo! Wo! Wo! Le ministre ne m'a pas demandé si c'était recevable ou pas.
Donc, à partir du moment où on ne le demande pas, le débat s'engage. Nous
sommes dans un parlement, le but, c'est de débattre et de faire la meilleure
loi possible. Donc, il aurait pu le faire, il ne l'a pas fait, donc il permet
la discussion. Et c'est le but de l'étude article par article, permettre les
discussions et les échanges. Nous débattons. Donc, je ne laisserai pas
personne, ni le ministre ni les députés, prêter des intentions, si on étire le
temps ou on n'étire pas le temps, je ne crois pas que c'est pertinent
d'utiliser ce type de propos présentement, on est à l'étude article par
article.
M. le ministre, si vous voulez soulever la
recevabilité, faites-le, sinon, bien, les règles sont claires, c'est
20 minutes par intervenant. Puis il vous reste à peu près 5 minutes,
si je ne m'abuse, à peu près, donc, si vous voulez prendre le temps, vous le
prenez, si vous ne voulez pas, on passe à un autre intervenant. Il n'y a pas de
problème.
c15397 M.
Barrette : C'est sûr que je veux le prendre. Mme la Présidente,
le ministre me reproche de parler de constitution alors que je ne fais que ça.
Je ne fais que mettre les choses dans sa bonne perspective. C'est un article
qui traite de la constitution. Le ministre ne fait qu'argumenter que tout est
égal devant la constitution, devant 133 alors que tout ce que j'argumente,
c'est pour en démontrer le contraire.
Il
ne répond pas à mes questions. Je lui ai posé une question simple : Que
veut dire, en droit, le mot «prévaloir»? Bien, moi, je vais vous le dire, Mme la Présidente, mon
interprétation tout à fait commune. Quand il dit ça, «la version française prévaut», là, il y a quelque chose d'attaché à ça,
qui est la logique. C'est son terme, qu'il utilise tout le temps, alors il y a une logique avec ça. Alors,
lui, là, ce n'est pas compliqué, il a une vision papale de son rôle.
Papale dans le sens où il est infaillible. Ça ne se peut pas qu'il ait écrit un
texte, que ses officiers aient traduit en anglais, dans lequel la version
française peut être problématique et pas l'anglaise. Et c'est tout ce qu'on
dit, nous. Vous voulez suivre la règle de l'égalité. Je maintiens ma
position : si c'est égal au départ, ça doit l'être à la fin. Et, à la fin,
ça veut dire que le juge qui est dans sa problématique, dans son dilemme, à un
moment donné, il ne peut pas être
menotté sur une version qui a sa logique. Ça se pourrait même, Mme la
Présidente, il n'est pas capable, le ministre, de nous donner des cas de figure
de ce genre-là parce qu'il n'y en a probablement pas, puis on n'en a jamais eu,
de cas de figure de rien du tout. Il est même possible, Mme la Présidente, que
la logique soit mieux exprimée dans la version anglaise que dans la version
française pour son intention.
Et nous, tout ce
qu'on dit, là, dans notre amendement, tout ce qu'on dit : Laissez la
chance au coureur. On va plus loin que le ministre. Nous, on dit : Pauvre
juge qui est mal pris, libérons-le d'un carcan qui est celui de la CAQ et
laissons-lui le choix, laissons-lui regarder, réfuter. Ça, c'est juste une
toute petite porte de rien du tout ouverte à la possibilité de parfaire les
choses.
Non, le ministre est
infaillible. Alors, tout ce qui est écrit, Mme la Présidente, ce n'est pas bon.
On ne peut pas l'accepter, ça complexifie les choses. Alors, Mme la Présidente,
si le ministre, après toutes ces réflexions, va en convenir, ça, ça serait
convenable, qu'on a un point.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, honnêtement, je vais peut-être
surprendre le député de La Pinière, mais moi, je ne pense pas que je suis
infaillible...
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Pardon?
• (17 h 50) •
La Présidente (Mme
Thériault) : Je n'ai pas compris ce que vous avez dit.
M.
Jolin-Barrette : Je dis : Je ne pense pas que je suis
infaillible. Je pense que je fais des erreurs comme tout le monde, j'essaie de faire du mieux possible dans la vie, surtout
dans mon rôle de député, de ministre. On s'engage en politique pour
améliorer les choses. On s'engage en politique pour servir le public, servir la
communauté. Puis loin de moi de penser que je ne fais pas d'erreur, j'en fais à
tous les jours, puis j'essaie d'en faire le moins possible.
Moi, c'est la vision
que j'ai, mais, si le député de La Pinière dit que je suis infaillible,
bien, ça veut dire qu'il a une bonne opinion de moi, puis qu'il apprécie
beaucoup mon travail, puis je le prends comme un compliment, puis je tiens à le
remercier, Mme la Présidente.
M. Barrette :
...article 73, on me prête des intentions. Je vous assure que je ne les ai
pas.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député de La Pinière, je pense que M. le
ministre a interprété, donc, vos propos, ce qui est le cas de tous ceux qui
entendent ici. On entend quelque chose et on va l'interpréter dans le sens
qu'on veut bien. La parole est à vous.
M.
Barrette : Oui, bon, Mme la Présidente, la situation devant laquelle
on est ici est une situation d'amélioration de droit, mais on n'a toujours
pas de réponse, hein, à l'argument. C'est juste ça qu'on essaie de faire, là.
Alors, ce n'est pas compliqué, l'Association du Barreau du Canada, le Barreau
du Québec, tous ces gens-là qui soulèvent ce point-là ont tort. On en fait le
débat, on pose des questions, on n'a pas de réponse directe, bien, même pas
indirecte, mais on a tort. C'est sûr que ça fait des débats qui sont
difficiles, là, qui sont difficiles.
Alors,
la question qui se pose aujourd'hui : Est-ce que le ministre préfère — ça m'étonne, d'ailleurs — est-ce qu'il préfère aller de l'avant avec le risque de contestation judiciaire
plutôt que de faire un... d'accepter un amendement qui est, somme toute,
assez bénin, là? Alors, c'est une question, est-ce que je vais avoir une
réponse.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, je dois comprendre que le député de
La Pinière évalue des risques de contestation
judiciaire à la lumière de sa lecture par rapport au projet de loi puis il
évalue que, s'il y avait une contestation, son amendement, l'amendement
de la députée de Marguerite-Bourgeoys ferait en sorte d'éviter des contestations.
Moi, Mme la
Présidente, toutes les lois du Québec peuvent être contestées devant les
tribunaux, toutes, sans exception. Ça fait partie de notre démocratie. Puis
chacun joue son rôle, nous, on fait des lois, le gouvernement exerce le pouvoir
exécutif, le législateur ici fait les lois, le judiciaire est chargé de
vérifier la constitutionnalité des lois, chaque citoyen a le droit de pouvoir
contester les lois s'il le souhaite. Alors, on ne travaille pas dans cette
optique-là pour faire en sorte que les lois soient contestées ou non. Pour
nous, on établit un texte qui est conforme à la constitution, comme je l'ai
dit, et l'article 7.1 est conforme à la constitution.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député.
M. Barrette :
...
La Présidente (Mme Thériault) : Un
peu plus de trois minutes. Je ne vous avais pas donné le bon temps tout à
l'heure.
M. Barrette : Mme la Présidente,
j'ai encore posé une question à laquelle, encore une fois, je n'ai pas eu de
réponse, et, en plus, on m'a prêté des intentions, ce que je n'ai pas relevé.
Oui. Mme la Présidente, là, l'opinion que j'ai exprimée, c'est l'opinion du
Barreau puis de l'Association du Barreau canadien. Je veux dire, c'est... Là je
le sais qu'on va me répondre un certain nombre de choses qui vienne du passé,
ta, ta, ta, mais ce monde-là, là, ils doivent avoir
une expertise. Ça, c'est comme la juge Rondeau, les 12 juges qui
poursuivent le ministre actuellement, ils doivent avoir une expertise, eux autres, je ne peux pas
croire. Mais c'est sûr que le ministre a raison, c'est... Vous savez, il y
avait une émission, quand on était jeunes, vous et moi, qu'on pourrait traduire
aujourd'hui par Le ministre a raison.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, j'ai une question pour le député de La Pinière. Est-ce qu'il
est d'accord pour que tous les juges nommés à la Cour du Québec, pour être
nommés à la Cour du Québec, O.K., tous les juges du Québec doivent avoir une
maîtrise de la langue anglaise pour pouvoir accéder à un poste à la
magistrature, au Québec, à la Cour du Québec? Est-ce que le député de La Pinière
est d'accord avec ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
Député de La Pinière.
M. Barrette : Encore une diversion.
On va en parler dans un autre article.
M. Jolin-Barrette : Non, non, non, Mme
la Présidente, désolé...
M. Barrette : Ce n'est pas moi. Mme
la Présidente, j'ai la parole.
M. Jolin-Barrette : Le député,
nommément, fait référence à un dossier qui est devant les tribunaux par rapport
à la juge en chef et il dit... très clairement, il fait référence à ce cas-là.
Moi, je vous pose une question sur le fond du litige. Est-ce que le député de La Pinière
est d'accord avec le fait que, pour devenir juge, au Québec, la maîtrise de la langue anglaise soit requise, oui
ou non? La question, elle est très claire, et le député
de La Pinière devrait
répondre à cette question-là, c'est lui qui a amené le sujet. Oui ou non,
êtes-vous d'accord avec cette proposition-là?
M. Barrette : Mme la Présidente, je
n'ai pas déposé ni d'amendement ni fait de proposition de débat, c'est hors
d'ordre. Et pour ce sujet-là...
M. Jolin-Barrette : Le député de La Pinière,
par ses propos, a amené le sujet dans le cadre de la discussion. C'est une question
très claire. Est-ce que le député de La Pinière est d'accord que, pour
devenir juge au Québec, vous devez maîtriser la langue française dans tous les
cas, oui ou non?
M. Barrette : Mme la Présidente...
M. Jolin-Barrette : Et s'il ne
répond pas à la question, on saura où il loge.
M. Barrette : Mme la Présidente,
vous allez savoir où je loge lorsque je lui aurai donné mon adresse, ça va me
faire plaisir de la lui donner. Alors, ce n'est pas l'objet de cet amendement-là.
Le ministre, habilement, continue de m'interrompre pour m'empêcher de parler...
M. Jolin-Barrette : Oui, certainement,
Mme la Présidente, le député de La Pinière ne...
M. Barrette : ...ce qui est une
tactique habituelle de la...
La Présidente (Mme Thériault) : S'il
vous plaît! S'il vous plaît!
M. Barrette : ...
La Présidente (Mme Thériault) : Non.
Là, il n'y a aucun micro qui est ouvert, sauf le mien. Merci. Donc, on va avoir
un débat calme. Je veux juste vous rappeler également que, lorsqu'il y a une
cause qui est devant les tribunaux, habituellement, les parlementaires n'en
parlent pas. Ça, c'est une règle qui devrait guider tous les débats ici, tous
les parlementaires.
Donc, M. le député de La Pinière, il vous
reste 1 min 40 s.
M. Barrette : Vous avez raison sur
un point, Mme la Présidente, qui est sous-jacent. À la CAQ, on a voulu faire
une réforme du parlementarisme. Je leur ai toujours suggéré, et je l'avais dit
personnellement au ministre : Ça serait le fun, juste une chose, vous
répondez aux questions, «sous peine de». En tout cas, si on avait une réforme
de ce type-là, la session d'aujourd'hui n'aurait pas duré
longtemps parce que «sous peine de», c'est une conséquence. Le ministre, il ne
répond pas aux questions, hein, et...
M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas
vrai, Mme la Présidente.
M. Barrette : Bien là.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas
vrai.
La Présidente (Mme Thériault) : Là,
je vais vous demander d'arrêter de vous interrompre.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas
vrai, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault) : Non,
M. le ministre, je vais vous passer la parole après. Vous pourrez répondre à
l'observation du député de La Pinière. M. le député de La Pinière, je vous
entends, allez-y.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Ce sont des observations, et qui sont fondées...
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La
Pinière, vous avez la parole. Votre
micro est ouvert. À vous.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, elles sont fondées. Je pose des questions, je n'ai pas de
réponses. Je soumets que probablement que le ministre, qui ne veut rien
entendre, il a une vision assez parfaite de sa position. Il me dit non et je
fais une autre observation que vous souhaitez que je ne fasse pas, très bien,
c'est votre rôle, vous me le dites,
j'accepte, mais ça n'empêche pas le fait qu'il ne réponde pas à mes questions.
Et à la fin, à la fin de ce débat-là,
parce que je sais que mon temps va bientôt se terminer, bien, on n'a pas réglé
cet enjeu-là, on ne l'a pas réglé, et la question demeure, et les
arguments que j'ai mis sur la table n'ont pas été contredits autrement que de
me dire : Ah, bien, ça va complexifier
les affaires, ce n'est pas nécessaire. Bien, ça, ce n'est pas une réponse, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député de La Pinière. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, je
pense que j'ai répondu abondamment à toutes les questions. Mme la Présidente, à un moment donné, si on
ne veut pas entendre les réponses, bien là ça appartient au député de La
Pinière. Mais moi, lui, il n'a pas répondu à ma question qui se répond par oui
ou par non : Est-il d'accord que pour devenir juge au Québec, tous les
juges doivent avoir une maîtrise de la langue anglaise pour pouvoir être
nommés, oui ou non?
M. Barrette : Mme la Présidente,
c'est facile, c'est facile, je n'ai pas à recevoir de questions.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi? Ce
n'est pas vrai, l'article 213 nous permet de vous poser des questions
après une intervention.
M. Barrette : Mme la Présidente,
ici, le débat est sur l'article. Il est hors d'ordre.
La Présidente (Mme Thériault) : ...
M. Jolin-Barrette : Pas du tout.
Vous avez amené vous-même le point dans le cadre de votre intervention, nous
avons un échange...
M. Barrette : On n'en parlera plus.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi vous ne
voulez pas en parler tout de suite? Pourquoi vous ne voulez pas...
La Présidente (Mme Thériault) : Là, M.
le ministre, M. le ministre, chacun votre tour. Le micro sera ouvert. Merci. M.
le député.
M. Barrette : Il me reste combien de
temps, Mme la ministre?
La Présidente (Mme Thériault) :
45 secondes.
M. Barrette : 45 secondes. Il y
a un article qui s'en vient où on aura un débat de cet ordre-là, Mme la Présidente.
Il y a un article, là, où on va avoir de magnifiques échanges. Un article où on
va, là aussi, montrer que la position du ministre elle est très
discutable pour ne pas dire «débattable», ou plutôt «débattable» pour ne pas
dire discutable. Je comprends le ministre qu'il veuille faire la diversion à
cette étape-ci, je le comprends, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) : Je vais vous demander d'être prudent dans
vos propos, «diversion».
M. Barrette :
O.K. Je comprends, Mme la Présidente, qu'il veuille aller sur un autre sujet,
je le comprends.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et, compte tenu de l'heure... Malheureusement, M. le député,
il ne vous reste plus de temps.
Compte tenu de
l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à
18 heures)
(Reprise à 19 h 38)
La
Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! La
Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Et nous
poursuivons l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi
sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Lors de la suspension
de nos travaux, nous en étions à l'étude de l'amendement qui avait été déposé
par la députée de Marguerite-Bourgeoys à l'article 7.1 de l'article 5
du projet de loi. Donc, M. le député de La Pinière, vous aviez épuisé le
temps de parole. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Moi aussi, j'ai pas mal épuisé le temps de parole et je pense que nous avons un
peu épuisé le ministre, le sujet et la discussion. Alors, je serais prête à
soumettre au vote.
La Présidente (Mme
Thériault) : Vous demandez le vote. On passe au vote. Parfait. Un vote
par appel nominal. Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
Veuillez répondre pour, contre ou abstention. Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
La Secrétaire :
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)?
M. Birnbaum :
Pour.
La Secrétaire :
M. Barrette (La Pinière)?
M. Barrette :
Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Contre.
La Secrétaire :
M. Skeete (Sainte-Rose)?
M. Skeete :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lefebvre (Arthabaska)?
M. Lefebvre :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Guillemette (Roberval)?
Mme
Guillemette : Contre.
La Secrétaire :
M. Poulin (Beauce-Sud)?
M. Poulin :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Ghazal... pardon. M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé : Contre.
La
Présidente (Mme Thériault) : Il manque Mme la députée de...
La Secrétaire :
Oh! pardon. Mme Proulx (Côte-du-Sud)?
Mme Proulx
(Côte-du-Sud) : Contre.
La Secrétaire :
Et Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel)?
La
Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, l'amendement à l'article 7.1 est rejeté. Donc, nous revenons à
l'étude de l'article 7.1. Y a-t-il d'autres interventions? Si je ne vois
pas d'autre intervention, on est prêts à passer...
Une
voix : ...
La Présidente (Mme
Thériault) : Ah! on passe au suivant, on ne l'adopte pas tout de suite.
Pardon. Excusez-moi. Donc, à ce moment-là, nous allons procéder à l'article 8.
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, j'avais lu la totalité de... Parce
que, dans le fond, on est à l'article 5, mais
on vient modifier 7.1... Dans le
fond, on vient... à 5, c'est :
Les articles 8 et 9 de cette charte sont remplacés par
les suivants. Puis là on vient rentrer un
bloc d'articles, 7.1, 8, 9, 10, 11, 12. Donc, voulez-vous que je
refasse la lecture de 8?
La Présidente (Mme
Thériault) : Je vous suggérerais peut-être juste l'article 8,
étant donné qu'on a fait la lecture de cet article-là il y a déjà plus d'une
semaine, et ça nous permettrait de juste se remettre dans le contexte sur le
point 8. Et à chaque paragraphe ou nouvelle numérotation, je vais vous
demander de nous en faire la lecture, et on fera le débat par la suite.
• (19 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Puis on a passé beaucoup de temps aussi, c'est pour ça que ça fait longtemps. 8... Mme la Présidente, il faut
bien taquiner les collègues. «8. Les...»
La Présidente (Mme
Thériault) : Bien, je peux vous le lire aussi, si vous voulez.
M.
Jolin-Barrette : Ça va aller. Ça va aller.
La Présidente (Mme
Thériault) : D'accord.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : «8. Les règlements et les autres actes de nature
similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, tels que les règlements municipaux, doivent
être rédigés, adoptés et publiés exclusivement en français.
«Les organismes et
les établissements reconnus en vertu de l'article 29.1 peuvent rédiger,
adopter et publier ces actes à la fois en français et dans une autre langue; en
cas de divergence, le texte français d'un tel acte prévaut sur celui dans une
autre langue.»
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Questions, commentaires sur l'article 8? Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Le ministre va être content, parce qu'on ne trouve pas beaucoup de différence
entre ces formulations-là et ce qui existe dans l'article 8 actuel de la Charte
de la langue française. Nous n'aurons donc aucun amendement à déposer, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) :
C'est bon. Je vois que j'ai le député
de La Pinière qui a des
commentaires. M. le député.
M. Barrette :
Très brefs, Mme la Présidente, le ministre va trouver ça sympathique. Comme on
n'est pas dans l'environnement de 133, le libellé actuel ne m'inquiète
pas.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre, ça vous va?
M.
Jolin-Barrette : C'est bien noté.
La Présidente (Mme
Thériault) : C'est bien noté. Donc, il n'y a pas d'autre commentaire
sur l'article 8. Parfait. Nous allons passer à l'article 9.
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette :
L'article 9 : «Une traduction en français certifiée doit être
jointe...» Et j'aurai un
amendement, Mme la Présidente, qui est sur Greffier.
La Présidente (Mme
Thériault) : Qui est sur Greffier présentement, et j'ai une copie en
main aussi. Allez-y.
M.
Jolin-Barrette : «9. Une traduction en français certifiée doit être
jointe à tout acte de procédure rédigé en anglais émanant d'une personne
morale.
«La personne morale
assume les frais de la traduction.»
Avec votre
permission, Mme la Présidente, je vais lire l'amendement qui est déjà envoyé
sur Greffier : À l'article 5 du projet de loi, insérer, dans le
premier alinéa de l'article 9 de la Charte de la langue française qu'il
propose et après «certifiée», «par un traducteur agréé».
Cet amendement
modifie l'article 9 de la Charte de la langue française que propose
l'article 5 du projet de loi afin de préciser que la traduction de l'acte
de procédure qui y est visé doit être certifiée par un traducteur agréé,
c'est-à-dire un membre de l'ordre professionnel des traducteurs, terminologues
et interprètes agréés du Québec.
Donc, le texte amendé
de l'article 9 tel qu'il se lirait : «Une traduction en français
certifiée par un traducteur agréé doit être jointe à tout acte de procédure
rédigé en anglais émanant d'une personne morale.
«La personne morale
assume les frais de la traduction.»
Donc, l'objectif de
l'amendement est de faire en sorte que la traduction certifiée en français doit
l'être par un membre d'un ordre professionnel. On a eu l'Ordre des traducteurs
qui sont venus en consultations. Ils nous ont exprimé qu'il serait approprié de
faire en sorte qu'un tel acte soit certifié par un traducteur. Ça garantit,
dans le fond, le fait que le membre de l'ordre professionnel puisse faire cet
acte-là puis que ça ne soit pas n'importe qui qui puisse faire la traduction.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Questions, commentaires? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Bien, évidemment, on ne peut pas être contre la vertu de la compétence, hein,
c'est évident. On a eu l'Ordre des traducteurs, ils sont très présents, ils
nous écoutent, ils sont très attentifs. Ils vont être très occupés avec tout ce
projet de loi là. Ils auront beaucoup de travail, mais ils nous ont bien dit qu'en
principe ils étaient capables de faire face
à tout ça et que tout ce qui concernait la langue... la justice, et tout ça, ça
occupait peut-être 2 % de leur temps. Donc, on imagine que le
ministre va ouvrir les... parce qu'il va falloir qu'il ouvre son portefeuille
très largement pour payer tout ça, parce que ça va être beaucoup, beaucoup,
beaucoup de traductions de toutes sortes de choses. Alors, oui, on est d'accord
que ça soit un traducteur agréé, certainement.
La Présidente (Mme
Thériault) : Parfait. D'autres questions, commentaires sur cet
article-là? Je n'en vois pas. Parfait. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Adopté.
La Présidente (Mme
Thériault) : Pour l'amendement, oui. On met aux voix l'amendement.
Est-ce que l'amendement est adopté?
M.
Jolin-Barrette : Adopté.
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Thériault) : Pardon?
M. Barrette :
Est-ce qu'on peut faire un pas en arrière pour les commentaires?
La Présidente (Mme
Thériault) : Sur l'amendement? Sur l'amendement ou sur l'article
amendé?
M. Barrette :
Ah! non, sur... je m'excuse, je m'excuse, je m'excuse, c'est moi qui est allé
trop vite.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, l'amendement est adopté. Si vous voulez faire un commentaire sur
l'article amendé, maintenant, c'est possible. Oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Je veux être sûre qu'on se comprend. Là, on a un article amendé...
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui.
Mme David :
...auquel, moi, je peux apporter un amendement et je vais déposer un amendement.
La Présidente (Mme
Thériault) : Vous pourriez.
Mme
David : Et je vais le faire.
Je vous annonce que j'ai un amendement à apporter qui va bonifier l'amendement du
ministre.
La Présidente (Mme Thériault) : D'accord.
Et je n'ai pas votre amendement.
Mme
David : Vous l'avez quelque part, là, dans le nuage.
La Présidente (Mme
Thériault) : Il vient de rentrer, sauf que, moi, je ne l'ai pas.
Donc, je vais
suspendre quelques instants, le temps que j'aie une copie papier entre les
mains.
(Suspension de la séance à
19 h 46)
(Reprise à 19 h 54)
La
Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous poursuivons nos travaux. Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys, si vous voulez nous
lire votre amendement ainsi que les commentaires, s'il vous plaît.
Mme David :
Merci, Mme la Présidente. Alors, voilà : L'article 9 de la Charte de
la langue française tel qu'amendé, introduit par l'article 5 du projet de
loi, est modifié par l'insertion dans son premier alinéa, après le mot «agréé»,
des mots «ou une attestation indiquant que la partie a donné instruction à un
traducteur agréé de traduire l'acte de procédure».
Commentaires :
L'article 9 de la Charte de la langue française, introduit par le projet
de loi tel qu'amendé, se lirait ainsi : «Une traduction en français
certifiée par un traducteur agréé ou une attestation indiquant que la partie a
donné instruction à un traducteur agréé de traduire l'acte de procédure doit
être jointe à tout acte de procédure rédigé en anglais émanant d'une personne
morale.»
Alors, pourquoi
pensez-vous que nous avons déposé cet amendement si ce n'est que le plaisir
d'échanger avec le ministre,
mais pour ce que nous croyons être une bonne cause? Une bonne cause, il faut
comprendre qu'est-ce que
c'est, un acte de procédure, puis ce n'est pas... Je devrais demander au ministre,
en fait, de nous le dire, là. Moi, j'ai fait mes devoirs, mais, pour le bien et
le bénéfice de nos concitoyens fort nombreux qui nous écoutent, qu'est-ce que
ça inclut, un acte de procédure, qu'est-ce que ça veut dire concrètement dans
la vie réelle et qu'est-ce que c'est une personne morale? Nous, on pense, effectivement...
on a chacun notre idée, mais c'est plus large que, même moi, je pensais au
début.
Donc, il faut
comprendre l'importance des deux, j'oserais dire, des deux concepts pour
comprendre le sens de notre amendement, c'est de donner du temps au temps. En
fait, c'est exactement, ça, là, de donner du temps au temps, parce qu'il y a...
un acte de procédure, ça peut être beaucoup, beaucoup de choses. C'est
habituellement prévu au Code de procédure civile ou au Code de procédure
pénale.
Et puis les exemples
que moi, j'ai... en fait, qui me parlent un peu plus, c'est, par exemple, ce
qu'on appelle une poursuite, savamment dit, une demande introductive
d'instance, une demande d'injonction. Donc, ça, une demande d'injonction, ça
peut être très, très, très rapide. Puis vous allez voir tout de suite, vous
entrevoyez déjà... le ministre a l'air déjà
de me trouver rigolote, mais, bon, une injonction, ça vient vite, et d'avoir
tout de suite une traduction, ça peut être embêtant. Une requête en
divorce, une défense, tout ce qui a trait... une requête Jordan pour délai
déraisonnable, ça, le ministre en a beaucoup parlé avec sa prédécesseure, et,
dans ces actes de procédure, il y a beaucoup d'actes qui ont un caractère assez
urgent. Donc, traduction tout de suite, tout de suite, ce n'est pas évident.
Et, si on ajoute à ça
le fait que, quand on parle de personne morale, on a toujours en tête... bien,
moi, en tout cas, j'avais en tête, puis
probablement le commun des mortels, personne morale, c'est une compagnie, puis
une compagnie, là, quand j'ai lu le projet de loi la première fois, j'ai
dit : Regarde, «compagnie», c'est capable de se payer ça, ils ont
quasiment leur équipe de traducteurs, comme ils ont leur équipe de
relationnistes, leur équipe de ci, de ça, et puis ça se traduit comme ça, et
puis qu'ils paient, puis tout ça, ça ne me dérange pas trop, parce que c'est
des gens qui ont les reins habituellement assez solides, qui sont capables de
se payer ça, ils ont des conseillers légaux, etc. Mais une personne morale, là,
ça peut autant être un OSBL, ça peut être un petit organisme, ça peut être une
organisation religieuse, ça peut être une association, ça peut être une grande
multinationale, mais ça peut être une toute petite PME de quatre employés.
Puis
des exemples de, justement, dire : O.K., je dois demander une injonction
ou je dois intenter une poursuite pour
telle et telle chose, tu n'as pas toujours ni les moyens, donc accessibilité à
la justice à travers les frais de traduction et, des fois, le temps
presse, ce qui fait que tu es obligé de prendre un délai, vraiment, qui peut te
nuire et qui peut nuire à l'accessibilité à
la justice de devoir traduire comme ça immédiatement... Donc, c'est deux
problématiques importantes.
Puis le ministre va
être content, et je regarde le député de La Pinière, parce qu'on va
revenir à l'article 133. Parce qu'il y a, d'une part, l'accessibilité à la
justice, puis, deuxièmement, ça contrevient à l'article 133, parce qu'il
faut avoir la possibilité de faire un usage égal du français et de l'anglais
devant les tribunaux. Alors, est-ce que c'est égal, s'il y a des délais puis
qu'il faut attendre la traduction? Puis il faut payer, en plus, et puis payer
le traducteur, dont on vient de dire qu'il devait être agréé plus que certifié.
Bien, ça coûte des sous. Puis, plus c'est une demande rapide, injonction un
samedi, un dimanche, un vendredi, évidemment que le traducteur va coûter encore
plus cher.
Alors, tout obstacle,
on pourrait dire, à l'accès à la justice par l'ajout d'un fardeau financier
pour les personnes morales au Québec... Puis entendons-nous, personne morale,
ce n'est pas que des grosses compagnies, ce sont
des touts petits OBNL ou des petites PME qui vont avoir le même fardeau de
traduction. Alors, c'est difficilement conciliable
avec les objectifs qui sous-tendent l'adoption, bon, entre autres, nous dit-on,
du nouveau Code de procédure civile par le gouvernement du Québec, soit
d'assurer l'accessibilité, la qualité et la célérité de la justice civile,
l'application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et
l'exercice des droits des parties dans un esprit de coopération et d'équilibre.
Alors, déjà, on a un
problème à ce niveau-là. Puis l'article 133, bien, c'est évidemment... Et
là le ministre va être content parce que je
vais citer un autre expert, tout à l'heure, il citait Jean Leclair,
maintenant on va citer Hugo Cyr, qui était doyen de la Faculté de droit de science politique de l'UQAM.
Alors, il dit : «Puisque l'article 133 permet à toute personne d'utiliser indifféremment le français ou l'anglais dans toute pièce de
procédure devant les tribunaux du Québec, l'article 9, tel que proposé, risque d'être déclaré
inconstitutionnel.» Alors, Hugo Cyr est de cet avis dans son mémoire.
• (20 heures) •
Alors, notre amendement essaie, encore une
fois... pas de dire que ça n'a pas de bon sens, la question de la traduction,
ce n'est pas vrai, ce n'est pas ça qu'on veut dire, mais ce qu'on suggère,
c'est d'amoindrir l'impact sur l'accessibilité à la justice pour cette nouvelle
obligation, évidemment, pour les personnes morales. Alors, l'ajout de «attester», une attestation, en disant : Oui,
oui, je veux, j'accepte de le faire traduire, mais laissez-moi un peu de
temps, mais je... j'ai... c'est une
attestation en bonne et due forme, permets à un représentant d'une personne
morale, donc, de déposer une
procédure en anglais sans devoir attendre le délai pour obtenir la traduction
certifiée. D'autant, comme je l'ai dit,
qu'il y a des actes de procédure qui sont dans... qui ont un caractère
d'urgence, comme par exemple une injonction.
Alors, une telle attestation, c'est des choses
qui existent, entre autres, dans le Code de procédure civile, d'avoir une attestation
dans l'attente d'obtenir un document, c'est ça que nous proposons. Et, comme on
a dit, ça se pourrait que les délais soient longs pour la traduction. Et, si on
veut un accès à la justice équitable pour tout le monde, bien, ne pensons pas
seulement aux grosses entreprises, pensons à nos petites PME, pensons à des
toutes petites entreprises.
Je pensais
à... J'avais un drôle d'exemple. Mais, disons, un propriétaire de dépanneur qui
est... dont la langue la plus naturelle... parce qu'il est souvent un nouvel
arrivant et qu'il parle plus facilement anglais que français, a besoin d'avoir
une injonction parce qu'il y a des groupes, ou je ne sais pas quoi, qui
occupent une partie de son terrain, puis qui est un peu peut-être menaçant pour
des clients qui dit : Bien, moi, je n'irai pas à ce dépanneur-là parce
qu'il y a comme des regroupements, puis je n'aime pas ça, de gens, et tout ça,
il essaie d'avoir une injonction pour pouvoir faire en sorte que des groupes
n'élisent pas domicile à sa table à pique-nique, par exemple, bien, pour
pouvoir retrouver sa clientèle, alors, évidemment, tout ça, il va plus
naturellement le faire en anglais, le faire traduire en français, etc. Tout ça,
ce sont des démarches qui sont assez lourdes.
Encore une fois, on ne dit pas qu'obligatoirement
ça doit être fait en français d'emblée. Le ministre va nous dire : Je
respecte l'article 133, il a le droit d'écrire en anglais, mais ça doit
être déposé, donc, dans une... ça doit être traduit en... par un traducteur
agréé. Et ce qu'on demande, donc, c'est que ça soit fait... qu'il puisse y
avoir la possibilité de dire qu'on a donné instruction à un traducteur, donc
que la démarche est en cours, mais qu'elle n'est pas nécessairement dans le
temps... elle est séquencée parce que ça va arriver dans trois jours, dans
quatre jours, mais il peut au moins déposer sa procédure.
Alors, c'est l'esprit, en toute collaboration, encore
une fois, dans cet article de loi là, mais pour permettre au plus... disons, au
plus humble des citoyens, je ne sais pas comment on les appelle, déjà, en
langage juridique, mais de pouvoir avoir, eux aussi, accès à la justice.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, l'article 9,
tel qu'on vient l'introduire par le biais de l'article 5 du projet de loi, il
est là pour faire en sorte de permettre aux citoyennes et citoyens québécois d'avoir accès à la justice en
français. Il faut comprendre d'où on part. Actuellement, devant les tribunaux,
les personnes morales, et ça, ça demeure ainsi, là, peuvent utiliser l'anglais
ou le français. Dans le fond, toute personne qui va devant les tribunaux, en
vertu de 133, peut utiliser l'anglais ou le français. Ça, ça ne change pas.
Par contre, on se retrouve dans des situations
où une personne, supposons, physique, au Québec, qui est francophone se fait
poursuivre par une personne morale en anglais, avec des documents, des
procédures en anglais. L'article 9, il
est là pour faire en sorte que, si une personne morale décide d'utiliser la
langue anglaise pour entreprendre, notamment, des poursuites à l'endroit
d'un citoyen ou d'une citoyenne québécoise, il doit y avoir une traduction
française des procédures.
Alors, la personne morale, elle, peut toujours
utiliser des procédures en anglais ou en français à sa guise, mais, si elle
décide d'utiliser des procédures en anglais, à ce moment-là, elle va devoir
fournir une traduction en français de la procédure comme telle.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée.
Mme David : C'est exactement la
lecture que je faisais sans mon amendement, exactement ça, tout à fait, mot à
mot. Mais je ne comprends pas que... Alors, je vais vous le dire en forme de
question : Qu'est-ce que vous faites dans le cas d'un acte de procédure
qui implique une urgence? Comment il fait, le propriétaire d'un dépanneur, qui, vite, vite, vite... il faudrait qu'il trouve
un traducteur puis qu'il traduit? Pourquoi le délai de quelques jours pour
la version en français pourrait être si préjudiciable?
M. Jolin-Barrette : Mais parce
que... Bien, pour plusieurs raisons. Prenons votre exemple. Dans un premier temps, je suis mal à l'aise avec la prémisse parce
qu'on dit : Un propriétaire de dépanneur qui ne parlerait pas
français ou qui ne serait pas à l'aise avec
le français parce que c'est une personne immigrante. Premier enjeu, il faut
travailler là-dessus, parce que
toutes les personnes immigrantes qu'on accueille au Québec, on doit faire un effort pour vraiment s'assurer qu'elles puissent se franciser. Puis Francisation Québec, on
le voir dans le projet de loi, il est là, justement, pour faire en sorte que
des situations comme lesquelles vous décrivez, que quelqu'un qui est ici, qui
est un commerçant depuis plusieurs années, qui est issu de l'immigration, ne
parle pas français ou ne communique pas en français... ça m'apparaît un enjeu
de société de dire : Bien, comment ça se fait qu'on n'a pas réussi à
intégrer les personnes qui ont choisi de venir au Québec en français? Premier
enjeu. On présume que la personne ne parle pas français, alors qu'elle mène une
vie active, elle contribue au Québec, elle a développé son entreprise, elle a
acheté un dépanneur, ou elle l'a parti, on est fiers de ça, mais il faut
l'accompagner en français. Ça fait que, premier élément, ça fait partie du
projet de loi, on va accompagner les personnes qui choisissent de venir au
Québec en français pour pouvoir les intégrer dans toutes les régions du Québec
en français.
Deuxième élément. Vous dites : C'est une
personne morale, puis là, vite, vite, vite, il faut qu'elle prenne une
injonction, donc ça prend une traduction. Premièrement, c'est tout aussi urgent
pour le citoyen québécois qui reçoit la procédure dans une langue autre que la
langue officielle puis la langue commune. Pourquoi est-ce que le citoyen
québécois qui se fait poursuivre par une entreprise, hein, par une personne
morale, n'aurait pas droit à une procédure dans la langue officielle du Québec?
Deuxième élément.
Troisième élément. La personne morale, pour agir
devant les tribunaux, pour ester en justice, elle doit être représentée par un membre du Barreau, dans tous
les cas, à l'exemption des petites créances, s'il y a moins de x
employés et si l'autre partie accepte, mais, en tout cas, il y a des règles
particulières là-dessus. Mais le principe général, c'est ça. Tous les membres
du Barreau se doivent d'avoir une maîtrise adéquate de la langue française pour
exercer leur profession. Et donc ça signifie que, si jamais il y a une procédure
en urgence, l'avocat membre du Barreau pourra la rédiger en français aussi.
Alors, voyez-vous, moi, là, je mets ça dans la
balance, O.K.? On a des compagnies, là, ici, au Québec, là, des grosses entreprises, O.K., qui poursuivent parfois
en matière de crédit, qui poursuivent des citoyens ou qui interviennent
dans différents litiges. Puis là ces entreprises, qu'elles soient grosses ou
petites, mais prenons le cas d'une grosse entreprise qui envoie des procédures
judiciaires en anglais, puis là vous avez le citoyen québécois qui, lui, est au
Québec, qui ne peut pas recevoir une procédure dans sa langue et qui, lui-même,
là, dans son droit, là, ne comprend pas la procédure au Québec, qui n'est pas
en français, moi, je m'explique mal pourquoi est-ce qu'on ferait en sorte de ne
pas venir encadrer, pour les personnes morales qui viennent au Québec, qui sont
représentées par avocat, de fournir une version française de leurs procédures
judiciaires.
Mme David : Comprenons-nous bien.
Deux choses. On n'est pas contre le fait que la personne qui reçoit la procédure la reçoive dans sa langue à elle, donc
en français, on n'est pas contre ça. Si la personne qui doit la recevoir
est francophone, je suis d'accord
qu'il y ait un traducteur, je suis d'accord
qu'il y ait une traduction. Ce n'est pas là l'enjeu.
La personne, par exemple, qui est d'expression
anglaise... Je n'aurais peut-être pas dû prendre l'exemple de quelqu'un qui est
un nouvel arrivant ou dont c'est la langue seconde. Ça peut être la langue
de... parce que la personne est une personne qui fait partie de la communauté
d'expression anglaise et qui donc dépose une procédure, mais il faut que ça
soit en urgence. Alors là, vous dites : Oui, mais ça veut dire que son
avocat est obligé de parler français, donc il va l'écrire en français. Mais il
va falloir forcément qu'il la traduise en anglais pour sa personne morale qui
le paie pour le représenter, il va falloir qu'il y ait une version anglaise,
que l'avocat lui-même traduise. Puis, pour faire tout ça, quand il y a des
délais qui sont vraiment très, très courts, on dit : Pourquoi ça ne
pourrait pas... y avoir une attestation qui permet justement que la procédure
soit rédigée en anglais, puis après ça qu'il y ait un certain temps, le cas
échéant?
Parce que ça se peut très bien, ça se peut très
bien que le temps le permette, d'avoir la traduction en français. On ne
conteste pas la question de la traduction en français. Mais, dans les cas où il
y a urgence et où ce n'est pas possible de le faire immédiatement, pourquoi il
n'y aurait pas cette ouverture à dire que l'attestation est acceptée à ce
moment-là et, genre, ça s'en vient, là, ça s'en vient? Parce que ça prend un
traducteur agréé, là. Ce n'est pas une traduction
sur le coin de la table de ta voisine qui baragouine le français ou l'anglais
puis qui dit : Je vais aller expliquer ça à ton client, ou je ne sais pas quoi, là. Ça ne marche pas de même, là. Il
faut que ça soit une vraie traduction qui coûte cher.
• (20 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
plusieurs choses. La Charte de la langue française, là, elle n'est pas là pour
protéger les francophones, elle est là pour protéger la langue française au
Québec au bénéfice de tous les citoyens québécois. On a fait le choix, en 1977,
bien, même avant ça, en 1974, de faire du français la langue officielle de
l'État québécois. En 1977, on est venus élargir les protections associées à
l'utilisation du français, et ce que le projet de loi n° 96
fait, c'est qu'il en fait la langue commune. La langue commune de la nation
québécoise, au Québec, c'est en français, la langue commune, donc à travers les
différentes institutions.
Il y a des droits qui sont garantis, en vertu de
l'article 133, de pouvoir, pour les justiciables, agir devant les tribunaux
en anglais et en français.
Cela étant, le cas d'urgence que la députée de Marguerite-Bourgeoys
me souligne, là, supposons, là... il y a trois
types d'injonctions, O.K.? Injonction interlocutoire provisoire, ça, c'est
urgent, urgent, urgent. Le juge, lorsqu'il rend un jugement là-dessus, c'est maximum 10 jours, O.K.? Le débat se fait souvent
sur affidavit, sur déclaration assermentée, le juge est saisi du dossier rapidement. Deuxième type d'injonction, une injonction
interlocutoire, qui est à moyen terme. Troisième type d'injonction,
injonction permanente, c'est à long terme.
Parlons d'injonction
interlocutoire provisoire. L'argument que vous faites est à l'effet de
dire : Bien, écoutez, c'est une situation
d'urgence, mais la requête... bien, en fait, maintenant ça ne s'appelle
plus une requête, ça s'appelle une demande, la demande doit être
instruite d'urgence, donc ça presse, donc pas le temps d'aller la faire
traduire. Avec votre amendement, on va envoyer un avis
puis on va dire : Bien oui, la traduction s'en vient. Mais le justiciable,
lui, qui reçoit la procédure de la part d'une personne morale — on ne
parle pas de personne physique, on parle d'une personne morale — il
reçoit la procédure, est francophone ou n'a pas de maîtrise adéquate de la
langue anglaise sans être francophone, puis là, lui, il se retrouve à se
présenter devant le tribunal puis il ne peut même pas savoir, sur sa demande,
de quoi il est poursuivi. Ça m'apparaît raisonnable de demander aux personnes
morales, lorsqu'elles poursuivent un citoyen ou une citoyenne québécoise,
d'avoir une copie en français. Puis je le redis : tous les membres du
Barreau doivent avoir une maîtrise adéquate de la langue française. Alors,
c'est possible pour eux de rédiger leur acte de procédure en français.
Puis
l'autre élément, l'autre élément qui est important, c'est de faire en sorte
aussi de rappeler aux entreprises que la langue officielle et commune du
Québec, c'est le français.
Prenons un cas, là.
Supposons, là, une grosse entreprise de juridiction fédérale qui fait affaire
avec des bureaux montréalais puis qui poursuit des citoyens québécois : on
ne souhaiterait pas que cette entreprise-là, si elle décide de poursuivre des
citoyens québécois, elle fasse ses actes de procédure en français ou, à tout le
moins, qu'elle daigne envoyer une traduction en français, lorsque vous recevez
une procédure judiciaire au Québec de la part d'une personne morale? Ça
m'apparaît raisonnable, d'autant plus que, vous savez, tu sais, recevoir une
procédure judiciaire, pour la majorité des citoyens, ça peut être stressant,
hein? Ça peut être préoccupant. Ça peut être agréable d'aller à la cour, dans
certaines circonstances, quand c'est pour des homologations, supposons, ou pour
une adoption, tout ça, mais, bien souvent, aller devant le tribunal, ça amène
un certain lot de stress ou d'inconfort pour les gens.
Alors, moi, il
m'apparaît requis que, lorsqu'une personne morale décide d'entamer des
procédures judiciaires, bien, qu'en général... puis il faut le dire, les
procédures, elles sont publiques, hein? À partir du moment où elles sont
déposées au greffe de la cour, elles sont publiques. Donc, si ça signifie
quelque chose que la langue de la justice, c'est le français, comme on l'a
inscrit dans la loi, il m'apparaît raisonnable de dire que les personnes
morales devront, à tout le moins, joindre leurs procédures en français avec une
traduction immédiatement pour que le citoyen puisse savoir de quoi il en est,
que le public puisse savoir de quoi il en est aussi, que les journalistes
puissent savoir de quoi il en est aussi.
Alors, je comprends
l'argument sur l'urgence, mais il se plaide des deux côtés, parce qu'il ne
faudrait pas que ça... de l'autre côté, on
se retrouve dans une situation sur un cas d'injonction où le citoyen qui la
reçoit puis qu'elle est juste en
anglais : Bien, pourquoi lui serait différent? On lui dit : Aïe! ton
avis va s'en venir, là, d'ici trois semaines, ça va être traduit? Il n'y
a pas de délai dans votre amendement.
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme la députée.
Mme David :
Alors, le ministre m'offre toutes sortes de portes où... qu'on pourrait
peut-être discuter, mais, moi aussi, j'ai beaucoup, donc... j'ai trois
questions par rapport à ça.
Le
premier, une personne morale anglophone envoie une injonction interlocutoire
provisoire à un anglophone. Ça se peut, ça. Ça se peut qu'il rédige en
anglais mais pour quelqu'un qui parle anglais. Donc, il n'y a pas une urgence
bien, bien forte de l'avoir en français, d'une part, pour ce qui est de... On
est en injonction interlocutoire provisoire, urgence, urgence. Donc, d'un
anglais à un autre anglais, il faut que ça passe par la traduction en français.
La traduction, vous
dites : Ce n'est pas grave, tous les avocats sont obligés d'être bilingues,
puis là il va falloir qu'ils maintiennent leur bilinguisme jusqu'à la...
pendant leur carrière, etc. Je veux bien, mais, à ce que je sache, un juriste,
ni vous ni les autres sont des traducteurs agréés. Alors, qui va être agréé?
L'avocat va être un traducteur agréé? Parce que vous dites que c'est l'avocat
qui va traduire, finalement, si c'est urgent, là, parce qu'il est supposé
savoir parler français. Ce n'est pas un traducteur. En tout cas, vous me
répondrez à cet aspect-là parce que je ne le comprends pas, ce bout-là.
M.
Jolin-Barrette : Pour répondre à la question de la députée de
Marguerite-Bourgeoys, l'avocat peut rédiger sa procédure en français.
Mme David :
Mais oui, mais là il nuit à son client.
M.
Jolin-Barrette : Pourquoi?
Mme David :
Son client ne pourra pas lire la procédure puisqu'il ne parle pas le français.
M.
Jolin-Barrette : Bien là, vous présumez que le client ne parle pas le
français. Comme dans le cadre d'une personne...
Mme David :
Bien, c'est ça, l'objet de tout ça, là.
M.
Jolin-Barrette : ...une personne morale, vous dites que la personne
morale, elle, ne s'exprime pas en français au Québec.
Mme David :
Bien, écoutez, l'article 133 parle de deux langues.
M. Jolin-Barrette : Bien non!
Mme David :
Devant les cours de justice, les procédures doivent être dans la langue... une
des deux langues officielles au Québec. C'est clair.
M. Jolin-Barrette : Tout à fait. Et
on respecte, en tous points, 133.
Mme David : Donc, ça se peut que
quelqu'un dépose en anglais. Ça se peut, ça. Vous êtes d'accord?
M. Jolin-Barrette : Ah! bien, je
suis d'accord.
Mme David : Mais pourquoi il dépose
en anglais?
M. Jolin-Barrette : Puis il peut le
faire. Mais il peut le faire. Avec l'article que l'on fait, c'est... il peut le
faire. Puis la personne morale...
Mme David : Il est supposé
comprendre le français, que ça ne se peut pas qu'il dépose en anglais ou qu'il
ne puisse pas lire une procédure en français.
M. Jolin-Barrette : Il est loisible
à la personne morale, hein? Parce qu'on parle d'une entreprise incorporée, bien
souvent, il y a différentes formes.
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette : Bien, petites ou
grandes, mais c'est un choix de s'incorporer ou non, hein? C'est un choix. Puis ça vient avec des avantages aussi, une
personnalité juridique distincte. Hein, on se le dit, Mme la Présidente. Une personne physique...
Mme David : Là, je sens que vous
voulez divertir, là.
M. Jolin-Barrette : Non, pas du
tout.
Mme David : Mais allez, continuez,
vous êtes bien parti.
M. Jolin-Barrette : Ça va avec mon
explication, hein? Une personne morale, c'est une fiction juridique. Une
personne morale, hein, on vient créer de toutes pièces une compagnie, on
appelle ça une compagnie. Avant, c'était la loi sur... Maintenant, je pense que
c'est la Loi sur les compagnies du Québec, la loi sur les sociétés...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Oui, mais ça a
changé depuis.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Sociétés par
actions? La nouvelle loi? O.K. C'est ça. Avant, c'était la Loi sur les
compagnies, partie III, partie I, puis tout ça. Dans mon temps, c'était la
Loi sur les compagnies, mais maintenant c'est rendu la Loi sur les sociétés par
actions.
Une voix : ...
• (20 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Dans mon temps.
Et il y a toutes sortes de personnes physiques qui décident de se créer une
personnalité juridique distincte.
On a eu une discussion intéressante avec le
député de La Pinière, il y a deux semaines, là-dessus, sur l'incorporation
des avocats ou des membres d'une corporation professionnelle médicale. Donc,
c'est un choix qui est fait, c'est un choix
qui est fait de s'incorporer. Nous, ce qu'on dit, c'est : Lorsque vous
faites le choix de vous incorporer, d'être
en affaires, de bénéficier des avantages associés à l'incorporation, notamment,
lorsque vous allez présenter une procédure, une demande, une requête,
vous devrez, dans vos actes de procédure, si vous faites le choix de le faire
en anglais, joindre une traduction certifiée en français. Pourquoi? Parce que
la langue officielle du Québec, c'est le français, parce que la langue de la
législation et de la justice, c'est le français, et ça doit se répercuter. Et
ça, le fait d'exiger une traduction, ça n'empêche aucunement de plaider,
d'interagir devant les tribunaux dans la langue de leur choix, que ça soit en
français ou que ce soit en anglais. Mais par contre on vient dire : C'est
primordial d'avoir, pour les personnes morales, une copie en français.
Mme David : Mais je repose quand
même ma question. Quand on dit : «Puisque l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867 permet à toute personne d'utiliser indifféremment le
français ou l'anglais dans toute pièce de procédure devant les tribunaux du Québec,
l'article 9, tel que déposé, risque d'être déclaré inconstitutionnel», et ça, là, vous... Je ne
comprends pas que vous trouviez que tous vos... tous ces articles-là
liés à l'article 5, là, que ça soit le 7.1, 8, 9, 10, 11, 12, ça... il n'y a aucun risque.
Il me semble, si c'était si simple que ça, on l'aurait pensé avant, non?
Que des profs, des doyens de droit, du monde
du Barreau, des... Je suis très... Je ne sais pas si je dois être étonnée, étonnée ou... de votre calme devant des gens qui s'y connaissent à ce point-là, puis
de dire : Non, j'ai raison, eux, ont tous tort. C'est...
Des fois, je pense que je suis jalouse, là.
J'aimerais ça, avoir une telle certitude sur la vie, la mort, sur la... qu'est-ce
qu'on fait sur cette terre, sur les lois constitutionnelles. Vous avez l'air...
Je suis presque jalouse, là, de dire : Ça n'a pas de bon sens d'être aussi
certain que, non, ça ne sera jamais déclaré inconstitutionnel, non, il ne peut
pas y avoir un Anglais qui poursuit un autre Anglais, mais que tout ça,
c'est... Il n'y a rien de grave, on dirait. Tout ce qu'on vous apporte, ça
coule comme ça, comme... Je suis vraiment... Je ne sais pas si je dois être
impressionnée ou découragée, mais, quand je lis des choses comme ça, je me
dis : Quand même, là, un doyen de Faculté de droit, c'est des gens qui
vous ont enseigné, des gens qui ont fait des...
M. Jolin-Barrette : Pas lui.
Mme David : Ce n'est pas grave.
L'autre vous avait enseigné, mais l'autre, il...
M. Jolin-Barrette : Non, il ne m'a
pas enseigné non plus.
Mme David : Non, il était directeur
de mémoire de maîtrise.
M. Jolin-Barrette : C'est ça. Je ne
sais pas s'il va vouloir rester avec moi, par contre.
Mme David : Bon, en tout cas, on va
y revenir, on va y revenir, parce qu'il a dit beaucoup de choses qu'avec
lequel, là, vous allez dire... vous ne serez pas d'accord. Vous nous avez même
avertis. Mais ce qui me frappe, c'est... il
me semble que ça a tellement de bon sens que, dans certains cas, il puisse y
avoir un délai nécessaire. Par contre, il y a une urgence juridique mais
un délai... si vous voulez qu'on le mette, le délai, on va le mettre, là, mais
il me semble que ça permet quand même de rendre la justice un peu plus
accessible, un peu plus respectueuse de l'arrêt Blaikie, non?
M. Jolin-Barrette :
Deux choses. Je souhaite rassurer la députée de Marguerite-Bourgeoys, je
n'ai que deux certitudes dans ma vie : le fait qu'il va y avoir la
mort et le fait que je vais payer des impôts. C'est les deux certitudes
que j'ai. Les autres, je ne les ai pas. Je suis vulnérable devant l'Éternel,
comme on dit.
Pour ce qui est, Mme la Présidente, de 133, en
tous points on respecte ça, mais on se retrouve dans des situations,
actuellement, là, où on a des entreprises, au Québec, qui décident d'utiliser
exclusivement la langue anglaise pour leurs
actes de procédure. Alors, il m'apparaît tout à fait normal de faire en sorte
que les personnes morales qui s'incorporent, hein, c'est une fiction
juridique, de requérir de leur part que, lorsqu'elles décident d'utiliser le
système de justice, qu'elles puissent fournir une traduction certifiée au
bénéfice de l'ensemble de la société québécoise. Les documents sont publics
aussi. Vous prenez un acte de procédure, c'est un document qui est public. Tout
le monde peut y avoir accès. La langue
officielle du Québec, c'est le français, la langue de la justice, c'est le français également.
Donc, l'entreprise, la personne morale, pourra
décider, du début de son processus, à partir de la demande introductive
d'instance jusqu'au jugement, de fonctionner en anglais, de faire toutes ses
représentations en anglais si elle le
souhaite. C'est ce que prévoit l'article 133. Mais ce qu'on dit, par
contre, c'est que, dans ses actes de procédure, elle devra fournir une
traduction certifiée en français. Donc, il lui revient de choisir. Donc, elle
veut faire l'ensemble de ses procédures en anglais, elle pourra continuer à le
faire, il n'y a pas de problème. Mais par contre rappelez-vous qu'au Québec la
langue française, c'est la langue officielle, et il m'apparaît normal que les
citoyens québécois qui reçoivent une poursuite puissent l'avoir en français,
dans leur langue.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys, j'ai le député de La Pinière aussi qui
voudrait intervenir. Trois minutes, un petit peu plus que trois minutes.
Mme David : Alors, je vais poser la
question empathiquement, à l'envers. Est-ce que vous pouvez voir des cas, dans
votre article, des exemples où ça pourrait être embêtant pour une personne
morale, puis oublions les grosses compagnies qui ont toutes leurs bureaux
d'avocats, et tout ça, un cas d'une toute petite compagnie qui a une urgence,
qui doit déposer? Est-ce que vous pouvez imaginer les cas qui, moi, me
préoccupent? Est-ce que ça peut exister ou il n'y a aucun cas de figure, pour
vous, qui est problématique avec cet article-là?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Toutes les
personnes morales qui sont incorporées au Québec doivent être représentées par
un membre du Barreau devant les tribunaux. Donc, si jamais il y avait une
situation d'urgence quelconque qui empêche d'avoir une traduction certifiée, il
revient à l'avocat de faire les choix qui s'imposent devant lui. Il y a une
chose qui est sûre, il va toujours pouvoir faire ses représentations en anglais
devant les tribunaux. La personne...
Mme David :
Bien, il ne pourra pas les faire s'il ne peut pas déposer son injonction. Il va
toujours bien... Les choses sont dans l'ordre, là. Il faut qu'il dépose son
acte de procédure. S'il n'est pas certifié, je comprends, avec... si on vote pour cet article-là, il ne pourra pas déposer
quelque acte de procédure que ce soit s'il n'a pas, broché après, la traduction
certifiée. Puis ça, ça couvre tous les cas de figure pour vous, il n'y a aucun
problème.
M.
Jolin-Barrette : Il peut déposer... Un avocat qui représente une
personne morale peut déposer un acte de procédure à tout moment. S'il décide de
le rédiger en anglais, il devra y joindre une traduction certifiée faite par un
traducteur agréé. C'est la différence que nous faisons, que nous apportons à la
loi, conformément... contrairement à ce qui se fait actuellement.
Actuellement, vous
avez des personnes morales qui fonctionnent exclusivement en français, qui
poursuivent les citoyens, citoyennes québécoises exclusivement en anglais, puis
le fardeau revient aux citoyens québécois de comprendre la poursuite. Ce sont
des documents judiciaires dans un État dont la langue officielle est le
français, et ce n'est pas normal que des personnes morales poursuivent en
n'utilisant que la langue anglaise.
Et même, je vous
dirais aussi, il y a un signal plus important que ça qu'on doit envoyer aussi,
parce que tout le monde est d'accord — et je présume que tout le
monde est d'accord — sur
le fait que la langue officielle du français... du Québec, c'est le français,
que la langue commune, c'est le français, que la langue du travail, ça doit
être le français — vous
avez des propositions en ce sens-là dans votre document de
27 propositions — que
la langue des affaires devrait être le français — on a eu des exemples
patents, récemment, hein, à la Chambre de commerce Montréal métropolitain qui
nous démontrent qu'on a encore du travail à faire — que la langue
d'intégration des personnes immigrantes, ça doit être le français, que le
marché du travail doit se passer en français.
Alors, quel est le
message qu'on envoie quand on dit, relativement aux procédures
judiciaires : Écoutez, il n'y a pas
d'enjeu, fonctionnez dans le milieu judiciaire exclusivement en anglais lorsque
vous êtes une personne morale?
Les multinationales,
là, qui viennent au Québec, là, puis qui poursuivent pour bris de contrat...
Mme David :
Excusez-moi de vous interrompre, M. le ministre, mais je n'ai jamais dit ça.
Là, vous me faites vraiment aller plus loin que ma pensée, là.
M.
Jolin-Barrette : Non, non, mais moi, je vous explique, je vous
explique le...
• (20 h 30) •
Mme David :
Je vous ai dit qu'on est d'accord. On est juste contre la simultanéité. C'est
juste ça, là, ce n'est pas... Je sais qu'il y a tout un discours à tenir sur la
langue française, là, mais ce n'est pas ça. C'est juste de dire :
Donnez-leur une petite chance, à ceux qui ne peuvent pas nécessairement le
faire immédiatement.
M.
Jolin-Barrette : Une personne morale, là, ça n'a pas de langue, une
personne morale. Une personne morale, la langue qui lui est attribuée, c'est
celle que l'État veut bien lui donner. Ce n'est pas une personne physique, une
personne morale.
Mme David :
Oui, mais souvent ce n'est pas loin de la personne physique. Quand la personne
morale incorporée, ça a deux, trois employés, là, ce n'est pas loin de la
personne physique, ça.
M.
Jolin-Barrette : C'est un choix. L'incorporation, ça demeure un choix.
Moi, ce que je dis, c'est que l'article 133 est respecté, et c'est toujours
permis de faire les représentations devant les tribunaux. On respecte l'article 133.
Cependant, il
m'apparaît, dans notre société, qu'il est fondamental d'envoyer un signal très
clair à l'effet que les Québécois
et les Québécoises ont le droit de recevoir, à tout le moins, à
tout le moins, une procédure dans leur langue, en français, au moment où
une entreprise, une compagnie, une personne morale décide d'entreprendre des
recours judiciaires devant les tribunaux québécois, que ça soit à la Cour du
Québec, à la Cour supérieure, à la Cour d'appel.
Il me semble que,
partout à travers le Québec, quand une personne morale, une compagnie poursuit
un citoyen québécois, bien, le citoyen devrait pouvoir recevoir une procédure
en français ou, au moins, une traduction en français. Puis vous... Mme la
Présidente, la députée de Marguerite-Bourgeoys me plaide l'urgence. Bien, ça va
des deux côtés.
Mme David :
Je vais juste faire un dernier constat, si j'ai quelques secondes, avant de
passer la parole. Le constat... l'image que le ministre donne, c'est qu'il y a
les bons puis les méchants, il y a les... La personne morale, par définition, a
l'air d'être la plus pas fine, puis la personne poursuivie a l'air d'être la
plus fine, et ça ressemble à ça. C'est que la personne morale, elle fait de
l'argent, elle devrait être capable de parler, et d'écrire en français, puis
d'avoir tout de suite ça, puis que la pauvre victime qui reçoit ça dans une
langue qu'elle ne connaît pas... Mais, des fois,
la vérité est un peu différente. C'est que c'est peut-être la petite personne
morale qui n'a pas beaucoup d'employés, qui est vraiment victime de
citoyens qui font des choses pour lesquelles elle est obligée, par exemple, je
reviens à mon exemple, de prendre une injonction. Ça se peut, ça.
M.
Jolin-Barrette : Le véhicule corporatif, parce qu'on parle de ça, on
parle d'un véhicule corporatif... Nous, ce
qu'on dit, c'est que, si vous utilisez un véhicule corporatif, lorsque vous entreprenez une procédure
judiciaire, vous devez y joindre une
traduction en français. Si vous faites le choix et si vous mandatez votre
procureur de le faire en anglais, ça prend une traduction en français.
Mme David : ...passer la parole...
La
Présidente (Mme Thériault) : Pardon? Oui?
Mme David :
...à mon collègue. Je suis prête à passer la parole...
La Présidente (Mme
Thériault) : Là, j'ai... j'avais le député de La Pinière qui
voulait parler, aussi, qui avait déjà signifié son intérêt. Après ça, on ira au
député D'Arcy-McGee. M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Mme la Présidente, je vais juste prendre la balle au bond, de ma collègue et
non du ministre, là. C'est vrai que ça a l'air de ça : la personne morale
est l'agresseur et la personne autre est l'agressé. Je comprends que le
ministre n'a pas utilisé ces mots-là, mais tous les exemples que le ministre
prend, ce sont des exemples de David et de Goliath, histoire dans laquelle
David perd.
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, retournons ça de bord, là, prenons
deux multinationales étrangères qui ont des
places d'affaires au Québec, qui décident de se poursuivre l'une et l'autre, O.K.? On
est au Québec. Est-ce
que le député de La Pinière serait d'accord pour qu'entre deux personnes
morales, là, il y ait une version française, pour que le public puisse y avoir
accès? Si ça signifie quelque chose que la langue française, c'est la langue
officielle de l'État puis que c'est la langue de la justice et... il faut que
ça puisse se traduire.
Et ce que nous
faisons est en tout respect de l'article 133. Il n'est pas question de
bons, de méchants, de David, de Goliath, de gros, de petits, de plus de moyens,
de pas plus de moyens. Ici, on parle des institutions de l'État québécois, on parle des tribunaux, on parle
de l'accès à la justice et on vient de faire en sorte de permettre qu'il
y ait une version française qui soit accessible. Et on vise les personnes
morales, donc un véhicule corporatif distinct des personnes physiques.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député de La Pinière, est-ce que ça va?
M. Barrette :
Bien, je n'ai pas fini, là.
La Présidente (Mme
Thériault) : Vous n'avez pas fini? Allez-y.
M. Barrette :
Je ne m'en allais pas là du tout. Honnêtement, là, ça a peu d'intérêt.
M.
Jolin-Barrette : Ça a beaucoup d'intérêt.
M. Barrette :
Je dis simplement, Mme la Présidente, simplement que tous les exemples qui sont
pris par le ministre sont des exemples de : gros, petit. Il y en a un, là,
qui est attaqué par une grosse machine qui est une personne morale. Si le
ministre considère que les exemples qu'il prend ne laissent pas cette
impression-là, libre à lui, c'est correct. Mais n'importe qui qui écoute cette
séance-ci, c'est de ça que ça a l'air.
L'enjeu, pour moi,
n'est pas là. L'enjeu est encore 133. Bon, le ministre nous a dit... puis, ça,
j'étais content de l'entendre que son projet de loi, à cet égard-là, respecte
133. Toute la procédure judiciaire, de A à Z, peut se faire dans la langue du
choix de la personne morale. J'ai bien compris, Mme la Présidente? M. le
ministre?
M. Jolin-Barrette : 133 permet au procureur, aux parties d'utiliser
la langue de leur choix devant les tribunaux.
M. Barrette :
Parfait. Mais là j'ai une question avant d'aller plus loin, Mme la Présidente.
Là, ici, là, puis là c'est une question d'ignorance du droit à mon égard... de
ma part, plutôt, pas à mon égard, alors, est-ce que la traduction concerne
toute documentation, là, la preuve, et ainsi de suite? Est-ce que ça comprend
tout ça ou c'est juste, par exemple, la requête d'instance... introductive
d'instance?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Non, ça contient uniquement les pièces de procédure qui n'incluent pas la
preuve.
M. Barrette :
O.K. Alors, est-ce que le ministre peut nous indiquer si, dans certaines
circonstances, cette documentation-là peut être volumineuse? C'est-tu possible,
ça?
M. Jolin-Barrette :
Qu'est-ce que vous voulez dire? Les pièces de procédure, les requêtes?
M. Barrette :
Bien, ce qui est visé comme étant obligatoirement traduit en français, est-ce
que ça peut être volumineux?
M. Jolin-Barrette :
Ça dépend de chacun des dossiers. Vous pouvez avoir une demande introductive...
M. Barrette :
Bien, je le sais, mais la question que je pose, Mme la Présidente, c'est :
Ça se peut-tu?
M. Jolin-Barrette :
Si je peux compléter ma réponse, donc, la demande introductive d'instance peut
avoir trois pages comme elle peut en avoir 100, la demande, tout dépendant de
la nature du litige. Il arrive souvent, quand il y a des litiges importants,
que la requête... la demande introductive d'instance soit, disons, détaillée.
M. Barrette : Est-ce qu'il est
possible, Mme la Présidente, qu'au-delà qu'il y ait des documents... Est-ce que
la loi, puis là c'est une question purement liée au projet de loi, là... est-ce
que ça va viser potentiel d'autres documentations qui, elles aussi, pourraient
être volumineuses?
M. Jolin-Barrette : Les actes
de procédure sont visés.
M. Barrette : Donc, il y a
d'autres documents potentiels?
M. Jolin-Barrette : Bien, les
autres documents, on peut parler de la défense écrite, on peut parler d'une
requête en cours d'instance, on peut parler des différents actes de procédure,
tous les actes de procédure.
M. Barrette : Très bien. Ça me
va, Mme la Présidente. Je remercie le ministre, c'est vraiment mieux que cet après-midi, on a des réponses. Je veux remercier
le ministre de me donner des réponses. Je le remercie, je le remercie...
M. Jolin-Barrette : J'ai donné
des réponses tout l'après-midi, Mme la Présidente.
M. Barrette : Alors, Mme la
Présidente, est-ce que le ministre va être inconfortable si je lui dis que ce
dont il parle est, en soi, un fardeau d'ampleur variable, mais ça devient un
fardeau par rapport à l'état actuel du droit?
M. Jolin-Barrette : Moi, Mme la
Présidente, le fait de rendre disponibles des documents judiciaires dans la
langue officielle du Québec, dans la langue commune du Québec, ça ne
représentera jamais un fardeau. Le fait que la population, le fait que les
citoyens, le fait que les journalistes, le fait que les membres du Barreau
puissent accéder à une copie en français... Pour moi, le français, ce n'est pas un
problème, ce n'est pas un fardeau. Je ne comprends pas les propos du député de La Pinière, qui assimile
la traduction dans la langue de l'État, dans la langue officielle de l'État,
comme étant un fardeau. Est-ce que ce sont
ses propos? Est-ce qu'il considère que le fait de traduire en français des
procédures judiciaires, ça représente un fardeau, pour que les gens, dans un
souci d'accessibilité et d'accès à la justice...
M. Barrette : Mme la Présidente, la
question que je pose est tellement simple, là. Je ne lui demande pas de qualifier le fardeau, bon ou mauvais, je ne
demande pas au ministre de dire si ça a une valeur morale ou non en
fonction de la situation du Québec. Ce que
je lui demande, c'est : Objectivement, est-il adéquat de nommer ça comme
étant un fardeau, je vais le
qualifier, financier? Je ne le qualifie pas... je ne l'approuve pas ni ne le
désapprouve, je veux simplement que le ministre établisse, oui ou non,
si ça, c'est un fardeau financier additionnel par rapport à l'état actuel du
droit. C'est tout. Je n'ai pas besoin d'une dissertation politique sur le
français, je veux simplement que le ministre établisse si, dans son esprit, ça,
c'est un fardeau.
• (20 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : La réponse, Mme
la Présidente, c'est non. Non, ça ne représente pas un fardeau. Moi, ma question, Mme la Présidente, c'est :
Est-ce que, pour le député de La Pinière, le fait d'exiger une traduction
certifiée par un traducteur agréé, ça représente un fardeau? Est-ce qu'il croit
qu'au Québec les personnes morales ne devraient pas signifier leurs procédures
judiciaires, si elles le font... si elles décident de le faire en anglais, ne
devraient-elles pas le faire également et joindre une copie certifiée en
français, dans la langue de l'État?
Parce qu'il
faut savoir, Mme la Présidente, les tribunaux, hein, le fait de pouvoir agir
devant ces institutions-là québécoises, qui font partie de l'État
québécois, le tout dans la séparation des pouvoirs, Mme la Présidente, elles
appartiennent aux Québécois. La justice, sauf exception, Mme la Présidente, est
rendue publiquement. C'est un des principes mêmes du système de justice. Et le
fait de permettre à plus de Québécois de comprendre ce qui se passe dans les salles
de cour, dans les litiges, ça ne m'apparaît pas un fardeau, que ça soit fait,
et que ça soit connu, et que ça soit publicisé dans la langue officielle de
l'État, en français.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député de La Pinière. Après ça, j'irai à l'autre député.
M. Barrette : C'est sûr qu'on est
dans une situation, Mme la Présidente, insoluble, là. Ça, on est dans la situation
classique : Il croit au bon Dieu, l'autre n'y croit pas, personne ne va
avoir raison à la fin. Si le ministre décide d'essayer de me convaincre que les
lumières sont éteintes actuellement, là, bien, il peut, il peut décider que les
lumières sont éteintes, mais elles sont ouvertes.
M.
Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, je ne veux pas contredire le
député de La Pinière, mais je constate, dans la salle, plusieurs lumières
qui sont éteintes, donc tous les chandeliers sont éteints. Alors, on décide
bien de voir ce qu'on veut voir, du côté du Parti libéral. Mais la question qui
se pose, c'est la même : Est-ce que le fait d'exiger la connaissance du
français pour exercer une profession, ça représente un fardeau au Québec? Est-ce
que le fait, pour être membre d'un ordre professionnel,
d'être membre du Collège des médecins ou d'être membre du Barreau du Québec,
c'est un fardeau? Parce que ça pourrait être plus simple...
M. Barrette :
Mme la Présidente...
M.
Jolin-Barrette : ...puis on pourrait dire, Mme la Présidente, même
plus simple : On ne devrait pas exiger que les gens parlent français pour
devenir membre d'un ordre professionnel. Ça revient à cette question-là aussi,
là.
M. Barrette :
Bien non.
M.
Jolin-Barrette : Bien oui, bien oui, bien oui.
M. Barrette :
Mme la Présidente, j'espère que le ministre va m'inviter chez lui un jour, le
soir, juste pour voir si, quand il va entrer dans la maison, il va ouvrir
toutes les lumières de la maison. Il va en ouvrir une, puis, si je lui
demande : Les lumières sont-tu allumées, il va dire : Oui. Mais il
n'aura pas ouvert toutes les lumières de la maison ainsi que la porte du
frigidaire. Ce n'est pas bien, bien compliqué, là, cette affaire-là.
Ceci dit, Mme la
Présidente, l'enjeu, pour moi, ici, là, est d'établir si, dans l'absolu
juridique, il y a un fardeau. Pourquoi? Le ministre ne répond que sur la base
d'un cadre de référence. Une corporation, une... une personne morale...
M.
Jolin-Barrette : Une personne morale.
M.
Barrette : ...je m'excuse,
une personne morale va écrire... poursuit une... va écrire une
requête introductive d'instance, un acte...
M.
Jolin-Barrette : Une demande, maintenant.
M. Barrette :
...demande à un citoyen francophone. Puis là-dessus, Mme la Présidente, on
est bien d'accord que le citoyen doit comprendre ce qui se passe, on est
d'accord. Mais les lois sont aussi faites pour prévoir les cas de figure où ça
pourrait poser un problème. Et, moi, ce n'est que là où je vais. Le ministre me
répond avec son cadre de référence, sa vision, ses exemples, la personne morale
goliathienne et le citoyen francophone davidien, et lui, il faut le protéger.
Pas de problème avec ça. Maintenant, est-ce que c'est possible, Mme la
Présidente, que, dans notre cadre législatif, ce que le ministre refuse de
nommer comme un fardeau puisse nuire à un citoyen de par le fardeau?
Un camionneur, là,
qui est propriétaire de sa compagnie d'un camion, qui a le droit d'être une
personne morale, peut, devant une situation qui exige d'aller à la cour...
pourrait ne pas pouvoir y aller à cause du fardeau. Alors là, ça s'appelle un
frein à l'accès à la justice en fonction de 133. Alors, d'un côté, le ministre
prend ses cas de figure, qui sont toujours
les mêmes, purs, bleu CAQ... je m'excuse, je vais le retirer, purs et
absolument inattaquables, mais refuse de regarder les autres. Il y a
potentiellement des situations qui sont celles que je viens de décrire.
Le camionneur, là, le
chauffeur de taxi, là, qui est propriétaire et qui a, lui, une compagnie,
pourrait-il, à cause de ce fardeau-là,
choisir de ne pas aller à la cour? Bien, la réponse, c'est oui. Qu'est-ce qu'on
fait avec ça? Alors, c'est le sens de l'amendement qui est proposé. Puis
il y a d'autres amendements qui vont être proposés de notre part. 133, qui est
censé, dans la Constitution, dans notre société de droit, faire en sorte que
c'est la primauté du droit et qu'on doit avoir accès, ne devons-nous pas, nous,
comme législateurs, prévoir ces cas de figure là?
Là, le ministre, il
va me répondre encore une fois : Oui, mais la grosse corporation? Bien
oui, bien oui, bien oui. Bien, on le sait, là, mais maintenant, là...
Une voix :
...
M. Barrette :
Hein? Oui, je le sais, il va le dire comme ça. Alors, la situation, Mme la
Présidente, là, tel que c'est écrit, et le
refus du ministre d'envisager un amendement ou de débattre d'un amendement sur
la base sempiternelle, et je pèse mon mot, de David contre Goliath, à un
moment donné, là, on n'est pas censés de s'occuper du petit, ne serait-ce... même s'il est anglophone? Là, je le
sais, je viens de dire quelque chose de grave. Mais c'est ça, la
question, Mme la Présidente. Je laisse la parole au ministre, pour qu'il me
parle qu'on est encore dans David... Goliath contre Goliath, David... Goliath
contre David, puis ça va être quoi, après, là?
La
Présidente (Mme Thériault) : Je vais laisser la parole au
ministre. Et après j'ai le député de D'Arcy-McGee qui m'a demandé la
parole depuis un certain bout. Donc, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Bien, vous comprendrez, Mme la Présidente, que je ne partage aucunement, Mme la
Présidente, les propos qui ont été tenus par le député de La Pinière. Puis
surtout qu'il m'attribue certaines choses qui ne sont pas du tout avérées puis
qu'il ne fait pas de très bonnes imitations de moi, de la façon dont je réagis.
Mais, Mme la Présidente, je vais passer par-dessus ça.
Ce qui est
particulier, Mme la Présidente, dans l'argumentation du député de
La Pinière, c'est qu'il est en contradiction avec celui de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Puis là, si j'étais le coach, l'autre bord, je dirais : Là, il faut se
parler, parce qu'on est en train de scorer dans notre but.
Mme la Présidente, la
députée de Marguerite-Bourgeoys nous a dit tout à l'heure : On est d'accord
avec l'article 9, tel qu'il est rédigé, mais, par contre, nous, on a un amendement — nous,
le Parti libéral — pour
faire en sorte d'amener un certain délai pour une question d'urgence. Mais on
est d'accord, là, sur le fond de l'article 9. Je l'ai entendue tout à
l'heure, la députée de Marguerite-Bourgeoys, nous dire, me confirmer qu'elle
était d'accord avec cela, sur l'article 9. Mais elle dit : Écoutez,
nous, c'est une situation d'urgence, un cas d'injonction.
Là, après ça, on se tourne vers le député de La Pinière,
qui n'a pas du tout le même argumentaire, Mme la Présidente, et qui nous dit,
dans le fond : Ce n'est pas une question d'urgence, là, c'est une question
d'accès à la justice, alors que la députée de Marguerite-Bourgeoys disait que
c'était... ça avait bien de l'allure de faire en sorte que les procédures judiciaires soient rendues disponibles en français.
Voyez-vous, Mme la Présidente, les intérêts opposés? Ils ne plaident pas
du tout la même chose, puis j'ai de la difficulté à réconcilier la position du
Parti libéral sur ce point-là. Alors, très
concrètement, il ne s'agit pas de gros, de petit, il s'agit de personnes
morales qui décident d'intervenir devant les tribunaux.
Et l'autre point qui est important — ça me
fait penser, Mme la Présidente, j'avais perdu le fil, mais je l'ai retrouvé — le
camionneur de M. le député de La Pinière, dans tous les cas, la personne
morale doit être représentée par un membre du Barreau devant les tribunaux,
dans tous les cas. Il n'y a personne qui ne pourra pas plaider, faire valoir
ses droits dans les deux langues qui sont prévues à l'article 133, que ce
soit en français ou en anglais. Par contre, ce que l'on dit : Quand vous avez un
véhicule corporatif qui est une entreprise, si vous faites le choix
d'utiliser l'anglais dans le cadre de ces procédures judiciaires là, vous
devrez fournir une copie certifiée par un traducteur agréé, en anglais. La
langue officielle de l'État, c'est le français. La langue officielle de l'État,
c'est le français, et ça permet aux justiciables, aux journalistes, aux
avocats, aux procureurs de pouvoir avoir une version dans la langue officielle
de l'État.
• (20 h 50) •
La Présidente (Mme Thériault) : Merci.
M. le ministre.
M. Barrette : Mme la Présidente, on
va clarifier les choses...
La
Présidente (Mme Thériault) :
Je vais vous demander de le faire rapidement parce que j'avais déjà avisé...
M. Barrette : Très bien.
La Présidente (Mme Thériault) :
...que je reconnaîtrais le député de D'Arcy-McGee.
M.
Barrette : Il est habile,
mais on voit clair dans le jeu du ministre. Ma collègue de Marguerite-Bourgeoys a pris un
cas de figure qui n'est pas en opposition avec mon cas de figure, parce que ce
sont deux cas de figure totalement distincts,
totalement distincts. Et j'ai même dit, essentiellement, la même chose, que le justiciable francophone reçoive...
C'est ce que ma collègue a dit.
L'enjeu ici,
là, c'est une question de fardeau, dans le cas de figure que je prends. Et il
n'y a aucune contradiction possible entre nos positions, aucune. Mais ce
sont deux cas de figure différents. Dans un cas, le cas de figure d'une injonction, il y a un enjeu de temps. Dans mon
cas, il y a un enjeu de coût, et aussi de temps, parce que... Le ministre,
Mme la Présidente, il est avocat, là, j'imagine qu'il a déjà
dans sa vie travaillé dans des bureaux d'avocats, ils chargent des frais, selon une modalité qui leur appartient, et
ils les exigent. Et il est possible qu'un pauvre justiciable arrive devant
une situation où il décide de ne pas aller
de l'avant parce qu'on lui demande de l'argent trop vite, parce que, parce que,
parce que... surtout s'il y a bien, bien,
bien des documents à traduire. En général, chez les avocats, on aime être payé,
en général.
Alors, je dis simplement qu'il y a des cas de
figure potentiels dans des cas de... des problèmes potentiels dans des cas de
figure différents, tout simplement. Je comprends que le ministre ne veuille pas
s'y adresser directement et qu'il veuille, par la bande, passer à côté, mais
c'est réel. C'est tout, Mme la Présidente. Et je n'ai pas de question, alors
pas nécessaire d'avoir une dissertation.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, je vais passer maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Moi aussi, j'ai trouvé les interventions de mes collègues assez
complémentaires. Et moi, je n'avais pas compris qu'un fardeau de cette commission
était pour le gouvernement de conseiller l'opposition officielle sur sa
performance ni de nous donner des leçons, qui se sont arrivées assez souvent
jusqu'à date, sur notre loyauté, notre détermination de voir au rayonnement et
la protection de la langue française, ce qui devient un petit peu, moi, je
trouve, assez achalant.
Je me permets d'aller dans le même sens
complémentaire de mes deux collègues, si le ministre veut bien, et de parler
des personnes morales...
Une voix : ...
M. Birnbaum :
Je crois que c'est à moi, Mme la Présidente? Oui, merci. Et, comme mes deux
collègues ont dit, et de façon
complémentaire, je veux aussi explorer «personne morale». Je comprends qu'on
peut faire l'abstraction, ce n'est pas une personne physique, je le
sais, mais on est en train, de ce côté-ci, de nous assurer l'accès à la justice
équitable, telle qu'est la tradition très bien ancrée et
dont on est fiers, au Québec, pour ne pas parler de 133. Alors, je veux juste
avoir quelques conseils du ministre sur son exemple d'une personne
morale : pêcheur, à La Tabatière, qui est Québécois d'expression
anglaise, qui s'est incorporé avec son fils puis son oncle et qui se trouve à
poursuivre un autre pêcheur québécois de langue anglaise, d'origine écossaise
de cinquième génération, québécois, à La Tabatière ou Tabatière, comme lui l'épellerait. Premièrement, j'aimerais
comprendre si le ministre va admettre qu'il y a un fardeau, si je peux répéter le mot sans ajouter une valeur
qui n'a rien à faire avec la compréhension du bien-fondé de respecter
les voeux et les droits des Québécois francophones d'avoir des documents dans
la langue commune et officielle.
Dans l'exemple que je
donne, deux petites questions pour commencer. Est-ce que je peux comprendre, contrairement à la Charte de la langue française
actuelle, qui ne voit aucunement un tel besoin, l'intérêt public
d'inciter des délais nécessaires? Je ne sais pas si vous aurez visité
La Tabatière, il n'y a pas tant d'avocats que ça ni de traducteurs, traductrices certifiés, agréés.
Alors, est-ce que le ministre peut me répondre à deux questions? Dans un
premier temps, est-ce qu'il peut expliquer
l'intérêt public, qui n'était aucunement reconnu dans... qui n'est aucunement
reconnu dans la Charte de la langue française actuelle, de demander sans, sans,
sans exception et tout de suite, une traduction ou si, dans la Charte de la
langue française actuelle, aucun délai de prescrit tout de suite? Est-ce que le
ministre peut m'élaborer sur l'intérêt public d'imposer le fardeau? Parce qu'il
risque d'y avoir délai pour brocher le document en français à Tabatière, où il
n'y a peut-être pas de traductrice ou traducteur de disponible.
Alors, dans un
premier temps, de clarifier pour nous l'intérêt public d'exiger ce document et,
dans un deuxième temps, justement, de nous dire, oui ou non, y a-t-il un
fardeau qui risque de s'imposer dans le cas que je donne, qui risque, en
quelque part, de miner ou de compromettre l'accès à la justice? Parce que mes
deux pêcheurs risquent d'avoir à attendre quelques semaines, qui sait,
peut-être plus long que ça, pour régler leur cas dans leur intérêt comme, oui,
personne morale derrière laquelle il y a des personnes physiques.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, puisque c'est mon temps de parole, le député de D'Arcy-McGee me dit que
je leur prête des intentions sur le fond et
le contenu. Bien, moi, je vais lui dire une chose, le projet de loi n° 96, là,
ultimement, à la fin de l'étude, au vote, là, on va voir comment le Parti
libéral va voter. S'il vote pour, s'il votre contre...
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Non, non, c'est dessus. Alors, moi, j'espère être
agréablement surpris par le Parti libéral puis qu'il vote pour le projet de
loi. Mais j'ai des immenses réserves. Mais je pourrais être surpris. Alors, on
va voir si vous allez faire la même erreur qu'en 1977 puis si vous allez voter
contre le projet de loi n° 96. Parce que ce que vous faites, ça a déjà été
fait dans le passé.
Puis moi, Mme la
Présidente, je vais vous le dire, la Charte de la langue française, le projet
de loi n° 96, est là pour renforcer le statut du français au Québec, en
tout respect des obligations constitutionnelles dans lesquelles le Québec est assujetti, notamment
l'article 133. Mais, lorsqu'on arrive avec des propositions pour faire en
sorte de permettre aux citoyens québécois, de permettre à la nation
québécoise d'avoir accès à des procédures judiciaires dans la langue officielle
de l'État, pour moi, c'est clair que ça ne représente pas un fardeau. D'autant
plus, et je l'ai expliqué tout à l'heure à la question de la députée de
Marguerite-Bourgeoys, l'ensemble des membres du Barreau doivent avoir une maîtrise
adéquate de la langue française.
Les personnes morales
qui décident de s'incorporer font un choix. De A à Z, donc du début à la fin du
processus judiciaire, ils vont pouvoir fonctionner en français ou en anglais,
comme c'est prévu à 133. Ce que l'article 9
prévoit, c'est que, lorsqu'une personne morale, par contre, qui est dans le
décor... celle-ci devra, si elle fait le choix de produire ses pièces de
procédure en anglais, elle devra joindre, notamment pour le public, une copie
en français.
Alors, il y a
plusieurs cas d'exemples qui peuvent être soulevés. Tous les cas de figure que
vous soulevez peuvent être soulevés, de l'autre côté. Il y a une multitude de
cas de figure. Mais par contre, au Québec, et on doit se le dire, la place du français, elle est
fondamentale et surtout, notamment, dans les institutions étatiques, en tout
respect du droit des citoyens et des citoyennes du Québec d'utiliser le
français ou l'anglais devant les tribunaux. Et ça, ça sera toujours garanti, et
ça l'est, et le projet de loi est conforme à l'article 133.
Ça ne signifie pas
qu'on ne doit pas mettre en place des outils pour valoriser notre langue et
surtout dans un souci d'accès à la justice. Et ce n'est pas une question d'être
David contre Goliath, un petit, un gros, un gros qui a de l'argent, un petit qui n'a pas d'argent, ce n'est
pas des questions comme ça, il faut le voir plus largement, en
tant qu'État au bénéfice des citoyens, le fait de pouvoir accéder à une procédure
judiciaire dans la langue officielle du Québec.
Est-ce que vous êtes
contre ça, le fait que les procédures judiciaires des personnes morales au
Québec soient disponibles en français? C'est
ça, la question fondamentale. Le reste, c'est beaucoup de la diversion. Puis je
comprends que vous faites votre travail, mais, fondamentalement, c'est ça, Mme
la Présidente, ce qu'on m'accuse de faire, ça, quand je réponds, alors que les
cas d'exemples qui me sont cités, c'est ça. Alors, sur le fond, est-ce que le
député de D'Arcy-McGee est d'accord? Est-ce qu'il est d'accord que les
procédures judiciaires des personnes morales soient disponibles en français?
• (21 heures) •
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Ouf! oui, ça va vous
surprendre que j'aie d'autres questions, Mme la Présidente. Dans un premier
temps, j'imagine qu'il n'y a pas de question...
La Présidente (Mme
Thériault) : C'est sûr, vous avez d'autres questions, et je veux
simplement indiquer que le député de Sainte-Rose aussi m'a demandé la parole.
Mais c'est à vous maintenant, il n'y a pas de problème.
M. Birnbaum : Oui, mais moi... le député
de Sainte-Rose... j'imagine que j'ai l'opportunité d'entamer un petit dialogue,
c'est normal...
La
Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez le temps, sans problème. Je fais simplement aviser, comme je
l'ai fait tout à l'heure au député de La Pinière, que vous étiez le suivant en
ligne. Maintenant, c'est à vous. Par la suite...
M. Birnbaum : Je comprends. Vous
allez comprendre dans mon irritation. Après chaque réponse...
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
mais ne parlez pas par-dessus moi. Vous ne parlez pas par-dessus moi, je suis
la présidente. Je ne vous permets de vous interpeller entre vous. Je ne vous
permettrai pas non plus de m'interpeller comme ça. Depuis le début, c'est ce
que je fais, j'indique les droits de parole dans l'ordre que les gens se signifient. Je n'ai pas dit que je vous
interrompais, je vais vous laisser parler. J'indiquais simplement, à titre
informatif, comme je l'ai fait avant que vous preniez la parole quand c'était
le député de La Pinière, que vous vouliez parler. Je fais exactement la même
chose avec le député de Sainte-Rose. Donc, vous avez la parole, votre micro va
s'ouvrir.
M. Birnbaum : Mes excuses, Mme la
Présidente. Et je me permets d'exprimer ma colère, à répétition, d'être
assujetti au discours magistral avec l'abstraction totale à la question de
posée. De ce côté de la table, nous n'avons aucune leçon à apprendre. La députée
de Marguerite-Bourgeoys a déposé 27 propositions tellement constructives
et inclusives et sérieuses en tout ce qui a
trait au rayonnement, protection et bonification de la Charte de la langue française. Alors, s'il préambule sans avoir des réponses
directes, risque de nous rendre impatients un petit peu, et je m'en
excuse.
Can I get back to my fishermen
from Tabatière, please, and get an answer to, yes, the additional burden,
«fardeau sur eux»?
Comme a expliqué
clairement le député de La Pinière, fardeau, ce n'est pas un mot lourd de
valeur, de contexte, je ne fais aucunement référence à l'idée que, des fois, à
juste titre, pour défendre, et de façon fière, notre langue, oui, ça va être un fardeau ici et là. On va être conséquents,
c'est normal. Oui, ça va impliquer des frais. Oui, pour faire la
francisation, d'ailleurs, comme il faut, c'est un fardeau et c'est de l'argent
qui doit être dépensé là-dessus, aux dépens d'autres priorités et à juste
titre. Alors, j'insiste, comme mon collègue a réutilisé le mot «fardeau».
Je soumets que mes pêcheurs, mes deux instances
morales de La Tabatière sont Québécois de langue anglaise. Est-ce que, dans ma
première question, le ministre peut me clarifier sur l'intérêt public
d'insister sur un document traduit en français et simultanément, dans le cas
que je décris, dans un premier temps. Ça, c'est une question. Mais la deuxième
question, est-ce qu'on peut convenir... Bon, je vais laisser à côté le mot qui
a l'air de déranger. Est-ce qu'on peut convenir que ces deux pêcheurs... et peut-être,
quand une saison est très courte, où leur famille en dépend, de revenus, qui va
se réaliser seulement si ce cas est réglé dans un temps réaliste, est-ce qu'on
peut imaginer que, dans mon exemple, il y aurait des délais, et peut-être importants
dans le cas que je décris, si on restait avec l'article comme tel, un problème
qui ne se présenterait pas si on respectait et on acceptait l'amendement que
nous proposons? Alors, est-ce que je peux avoir des réponses à ces deux
questions-là?
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la
Présidente, la traduction en français ne constitue pas un fardeau, Mme la
Présidente, hein?
Vous savez, au Québec, les deux langues peuvent
être utilisées devant les tribunaux, et ça demeure ainsi. Cependant, pour les
personnes morales, elles devront, si elles décident de rendre leurs procédures
en anglais, elles devront également y joindre une traduction certifiée par un
traducteur agréé. Le député de D'Arcy-McGee peut donner des exemples
hypothétiques de multitudes de situations. Chaque cas est un cas d'espèce, mais
on pourrait présenter tous les cas d'espèce aussi à l'inverse de toutes les
personnes au Québec qui reçoivent une procédure judiciaire sans traduction de
langue française, des personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité.
Alors, l'objectif est de faire en sorte de
permettre à toutes les personnes, qu'elles soient physiques ou morales, au Québec,
de pouvoir continuer d'utiliser la langue qu'elles souhaitent devant les
tribunaux au Québec. Cependant, dans le cas des personnes morales, si elles
décident d'utiliser la langue anglaise dans le cadre de leur procédure judiciaire... dans leurs actes de
procédure, je devrais dire, elles devront rendre ces actes de procédure
disponibles pour l'ensemble de la société, des justiciables, des citoyens, des
acteurs du système de justice, pour les journalistes. Le français, c'est la
langue commune du Québec et ça doit se traduire dans tous les paramètres, dans
toutes les sphères de la société incluant dans le système de justice, et c'est
ce qu'on fait.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Il me semble que, bon,
comme je dis, la Charte de la langue française actuelle, telle que rédigée par
un gouvernement qui tenait mordicus à la protection de notre langue, que le
Dr Camille Laurin ne voyait aucune contrainte en ce qui a trait à mes deux
pêcheurs à La Tabatière. Alors, je renvoie la balle. Le ministre, par contre, il voit un problème dans l'exemple
hypothétique. Voyons donc, c'est un exemple qui va se présenter à
plusieurs reprises, évidemment, il y en aurait d'autres
aussi. Mais est-ce que je peux comprendre que le ministre défend la nécessité,
dans le cas que je présente, d'imposer un délai... pas de délai, une traduction
simultanée, tout de suite? Et, si oui, est-ce qu'il peut choisir le mot qu'il
veut, mais est-ce qu'il peut convenir avec nous que, dans la situation que je
décris, la justice, elle risque de prendre un petit peu plus de temps aux
causes de contraintes potentielles dans l'article tel que rédigé par le
ministre?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non, je ne suis
pas d'accord avec ça, Mme la Présidente, pour tous les motifs que j'ai énoncés
précédemment. L'autre point, là, je reviens à la question du fardeau. Écoutez,
le français, ce n'est pas un fardeau. Au
Québec, en tout cas, j'espère que les députés d'opposition du Parti libéral ne
me disent pas que le français est un fardeau. Parce que, Mme la
Présidente, dans le reste du Canada, là, semblerait-il que le français, ça
représente un fardeau. Pour le gouverneur général du Canada, le français, c'est
un fardeau. Durant la pandémie, on a suspendu l'étiquetage en français parce
que c'était un fardeau, le français.
L'autre point, Mme la Présidente, en Ontario...
M. Barrette : ...bien voyons!
M. Jolin-Barrette : ...en Ontario,
ça se passe en anglais, le français, c'est un fardeau devant les tribunaux
aussi. C'est peut-être parfois permis d'utiliser la langue française. Je ne
pense pas que, comme société, on doit se dire que le français, c'est un fardeau
au Québec. Si c'est ce que le Parti libéral me dit que le fardeau est le
français, c'est problématique, Mme la Présidente.
Écoutez, on part d'une situation, là, dans la
loi, là, où est-ce que ce n'est pas encadré. O.K.? Les personnes morales
peuvent produire, du début à la fin, leur procédure judiciaire, leurs actes de
procédures en anglais sans jamais ne mettre une once de français. Donc, des
entreprises, notamment multinationales qui sont au Québec, ou des entreprises
québécoises, des entreprises canadiennes, à Montréal, on fonctionne 100 %
en anglais sur des poursuites judiciaires.
Elles peuvent le faire, Mme la Présidente, mais il m'apparaît, pour l'intérêt
de la justice, l'intérêt du public aussi, qu'à tout le moins il y ait
une traduction des actes de procédure en français. Air Canada, est-ce qu'ils
fonctionnent en français? On a eu un bon exemple, là, avec M. Rousseau,
là, à quel point il méprisait les Québécois. Est-ce qu'on serait d'accord pour
qu'Air Canada, s'ils décident de prendre... Je vois le député de D'Arcy-McGee
qui soupire...
• (21 h 10) •
M. Birnbaum : Bien, avec raison.
M. Jolin-Barrette : Écoutez, Mme la
Présidente, je pense qu'il y a beaucoup de Québécois qui ont soupiré quand ils
ont entendu Michael Rousseau dire : Ça n'avait pas de bon sens. Bien,
trouvez-vous, M. le député de D'Arcy-McGee, qu'une entreprise comme Air Canada,
Mme la Présidente, par votre entremise...
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre...
M. Jolin-Barrette : ...trouvez-vous,
Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault) :
...oui, je vais vous demander de passer par moi, M. le ministre, plutôt que
d'interpeller le député directement, s'il vous plaît. La fatigue commence à se
faire sentir, je crois.
M. Jolin-Barrette : Trouvez-vous,
Mme la Présidente, qu'une entreprise comme Air Canada devrait, si elle est en
litige avec un citoyen québécois au Québec, ne devrait pas juste le poursuivre
en anglais, mais devrait au moins lui envoyer une copie de la procédure en
français? Ça serait-tu normal, au Québec, ça? Ça serait-tu normal? Pensez-vous,
Mme la Présidente, que, dans les bureaux d'avocats à Montréal, là, ils sont
capables de rédiger des procédures en français pour les personnes morales? Ça
se peut-tu, ça? Ça se peut-tu ou le Parti libéral veut le statu quo? Est-ce que
le Parti libéral veut défendre le français, véritablement, ou non? Moi, je
pense que la proposition qu'on a, là, c'est tout à fait raisonnable. On
dit : Écoutez, on respecte l'article 133, mais on fait en sorte que
les personnes morales devront joindre une copie certifiée en français, au
Québec. Ça m'apparaît raisonnable. Mais il faut croire que c'est peut-être trop
pour le Parti libéral.
M. Barrette : Mme la Présidente, ça
fait plusieurs fois que je veux faire un point de règlement.
La Présidente (Mme Thériault) : Vous
avez une question de règlement? Allez-y, M. le député.
M. Barrette : 35, ça fait depuis
7 h 30 ce soir, et certainement avant, mais je n'étais pas la tout le
temps, que le ministre nous prête des intentions, sans arrêt, sans arrêt et
sans arrêt. Vous l'entendez comme moi.
Alors, le Parti libéral est ici comme opposition
officielle pour débattre et d'améliorer la loi. C'est pour ça qu'on est ici.
Alors, faire ça et d'insinuer qu'on est là : Le français, le Parti libéral...
pour le Parti libéral, le français... Non, non. On n'est pas là, là. Il nous
prête des intentions sans arrêt, Mme la Présidente. Il est donc sans arrêt hors
sujet. On est sur un article pour lequel, Mme la Présidente, on souhaite
apporter des aménagements pour s'assurer que tous les
citoyens du Québec ne soient... aucun citoyen du Québec ne soit pénalisé. Ça
n'ouvre pas la porte à dire à toutes les deux phrases : Le Parti libéral
ne veut pas protéger le français. Le Parti libéral, ceci, le Parti libéral
cela. Je comprends que le ministre, là, joue bien son rôle de politicien, mais
ici, c'est un rôle de législateur. Il est-tu capable de faire la différence? À
date, non.
La Présidente (Mme Thériault) : Bon.
Est-ce que votre question de règlement est terminée?
M.
Barrette : Oui, Mme la
Présidente. Alors, j'aimerais que vous statuiez là-dessus, et je vous invite,
Mme la Présidente, avec respect, d'être vigilante.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui.
Pour commencer, je vais vous demander à tous d'arrêter de vous interpeller, et
de vous regarder, et de passer par la présidente. Il reste 15 minutes aux
travaux.
Sur ce que vous avez fait dans votre question de
règlement, M. le député, il reste 15 minutes à nos travaux. J'espère bien
que notre soirée sera aussi agréable que le début de la commission qu'on a
connue, la fin de soirée.
Deuxième des
choses, je vais vous demander à tous de vous coller sur la règle de la
pertinence. Effectivement, dans votre question de règlement, vous aviez
raison, où on était sur l'article et sur l'amendement de la collègue, qui a été
déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Et, troisièmement, je dirais tout simplement que
vous avez tous un rôle à jouer, que ce soit le ministre, que ce soit les
députés de la partie ministérielle, que ce soit les députés d'opposition, vous
pouvez avoir des points de vue, des manières de voir, d'interpréter
différemment les propos de tous et chacun ici. Moi, je ne suis pas là pour
savoir qui a raison, qui est correct, qui n'est pas correct, je suis là pour
essayer de faire appliquer le règlement, et qu'on respecte le règlement, et que
tout ça se déroule dans la bonne entente, la bonne humeur, puis qu'on puisse
faire avancer le projet de loi. J'essaie en même temps de garder les droits de
parole de tous mes collègues qui sont alentour de la table et de les respecter
dans la convivialité.
Donc, je vais rappeler aux gens qui s'occupent
des micros de ne pas ouvrir les micros tant que je n'ai pas reconnu les collègues
même s'il y a des collègues qui veulent s'interpeller d'un côté ou de l'autre.
Je vais vous nommer, on ouvrira votre micro. Malheureusement, je fais partie
des gens qui ne sont pas capables d'écouter deux personnes en même temps, donc
j'écoute la personne dont le micro est ouvert.
Donc, nous en étions rendus suite à la réplique
du ministre. Je vais vous laisser, parce qu'il vous reste encore du temps, M.
le député de D'Arcy-McGee, et, par la suite, j'irai au député de Sainte-Rose.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Voilà le talent qui est exprimé à
maintes reprises par le ministre et son
gouvernement de construire des épouvantails et de les démanteler après. Voyons
donc! Moi et mes pauvres deux...
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député de D'Arcy-McGee...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) : Non,
M. le député, s'il vous plaît! Je suis la présidente, je suis capable de faire
respecter le règlement, je vais vous demander le silence. J'arrivais à demander
au député de D'Arcy-McGee d'être prudent dans ses propos. Je viens de faire une
mise au point. Choisissez vos mots avec soin. Vous êtes un gentleman, vous êtes
capable de le faire, vous avez assez d'expérience pour ça. S'il vous plaît,
allez-y.
M. Birnbaum : Est-ce que je peux
comprendre si le ministre fait un parallèle entre un acte déplorable de Michael
Rousseau, que j'ai eu l'honneur de déplorer moi-même, et mes deux pêcheurs à La
Tabatière qui cherchent, et je veux une réponse là-dessus, qui cherchent, dans
mon exemple tout à fait plausible et réel, le soulagement juste et correct et
normal qui serait possible avec l'amendement tel que proposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, deux
choses, en premier sur la réponse au député de D'Arcy-McGee, par la suite sur l'intervention
du député de La Pinière.
Donc, avec l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys,
je comprends que, dans le cas que vous soulevez, bien, il n'y a pas de délai
rattaché à la traduction française. Donc, les justiciables n'auraient pas
davantage accès à la traduction française. On indique, dans le cadre de l'amendement,
que, dans le fond, c'est un acte, dans le fond, la traduction s'en vient, s'en
vient. Là, la députée de Marguerite-Bourgeoys va dire : Ah! bien, si vous
voulez, M. le ministre, on va mettre un délai, trois mois plus tard, deux mois
plus tard. Moi, je ne pense pas que ça répond à la volonté de ce qu'on souhaite
faire, notamment de rendre les actes de procédure disponibles à la fois pour
les parties au litige, mais à la fois également pour le public. Une personne
morale, lorsqu'elle agit devant les tribunaux, elle devrait rendre ses actes de
procédure disponibles en français.
Autre point, dans l'intervention du député de
La Pinière, jusqu'à maintenant, Mme la Présidente, c'était — et je
fais bien attention — que
le français représentait un fardeau. Mais là, le député de La Pinière nous
a dit : Ça ne représente pas juste un fardeau, ça devient pénalisant, le
français. Il a utilisé le terme «pénalisant». Écoutez, Mme la Présidente, je
croyais qu'avec les 27 propositions que le Parti libéral avait mises en
place, il souhaitait protéger le français. Mais là, on
est rendu que le français, ça devient pénalisant, et je ne peux pas accepter ce
genre de termes là, Mme la Présidente, alors qu'on débat d'un projet de loi qui
est important pour faire en sorte de permettre au français de demeurer la
langue commune, de demeurer la langue officielle et surtout d'améliorer son
statut au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) : J'ai
le député... Non. J'ai dit que je reconnaîtrais le député de Sainte-Rose.
Gardez en réserve votre intervention, M. le député de La Pinière, il vous
reste du temps, donc il n'y a pas de problème. M. le député de Sainte-Rose.
• (21 h 20) •
M.
Skeete : Merci, Mme la Présidente. Je crois que lors de l'intervention
de mon collègue de D'Arcy-McGee, j'ai compris un peu où on ne voit pas
la vie de la même façon. Ça fait que je me permets de m'introduire pour essayer
peut-être d'apporter une perspective qu'on pourrait peut-être apprendre à
s'entendre.
Dans l'exemple des deux pêcheurs, l'exemple
qu'il soulève est certes plausible, même si c'est minime comme circonstance, compte tenu de... le poids et
le nombre de recours que le Québec va traiter dans une année donnée, là,
mais, dans cet exemple-là, je pense, qu'est-ce qu'on oublie, c'est les autres
autour du scénario, comme le juge, parce que dans l'exemple du collègue, est-ce
que le juge doit être nécessairement anglophone bilingue, ou il peut ou elle
peut être unilingue français? Toute l'équipe qui entoure la cour, les étudiants
en droit qui veulent étudier la jurisprudence qui va en découler, tous ces
gens-là, c'est des gens qui habitent au Québec et ont le droit de recevoir et
de voir les documents disponibles en français, et, je pense, c'est là que la
langue commune prend tout son sens. Et, je pense, dans l'exemple... puis on
l'avait vue un petit peu dans le projet de loi n° 21,
cette focalisation sur l'individu, et pas de voir vraiment le large, le large
qui est le Québec dans son entier et l'importance de la langue commune. Parce
que, si on fait ce que mes collègues de l'opposition veulent faire, bien, ces
mêmes pêcheurs incorporés là, bien, ils pourraient interagir tout le temps avec
l'État en anglais parce que ça serait la chose à faire pour reconnaître...
Puis là, rapidement, on s'éloigne, on s'éloigne
de la langue commune, et je pense qu'il faut être très prudent. Parce qu'on l'a
essayé, ça, on l'a essayé, ça fait... s'il y a un problème aujourd'hui que le projet
de loi n° 96 tente de régler, bien, c'est bien à cause de ces
effritements-là, dans la notion de la langue commune.
Donc, j'inviterais peut-être les collègues à
essayer de voir ça un peu de ce point de vue là, de dire que l'État a
l'obligation d'être exemplaire et que les citoyens du Québec ont le droit de
pouvoir recevoir des services en français, de vivre en français, et même,
j'oserais dire, d'être unilingues français. Alors, c'est une perspective que je
pense qui pourrait nous aider à nourrir un petit peu notre point de vue dans
les échanges. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Sainte-Rose, j'avais dit au député de La Pinière
que je le reconnaîtrais, j'ai aussi la députée de Marguerite-Bourgeoys qui
voudrait faire une intervention. Donc, on va aller avec la députée de...
M. Barrette : ...Mme la
Présidente?
La
Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière, il vous reste... bien, nous, on va jusqu'à
9 h 30, il vous reste 9... un
peu plus de 9 minutes et la députée de Marguerite-Bourgeoys, il lui
reste 1 min 30 s, à peu près.
M. Barrette : Je veux bien être
clair, là, Mme la Présidente, là, ce à quoi on assiste... Et je dois vous
dire que les propos les plus surprenants, ce n'est pas le bon mot, là, mais les
autres mots, là, je pourrais... ça serait trop méchant, que j'aurai entendus
dans ce projet de loi là, je viens de les entendre du député de Sainte-Rose.
Et je vous explique, Mme la Présidente, ce
n'est pas compliqué, là. Ce projet de loi là, là, nous, comme parlementaires, si on veut l'améliorer dans le
sens de s'assurer que certains citoyens du Québec ne soient pas lésés,
c'est une attaque frontale au français : c'est tout le temps ça, tout le
temps ça. Et quand j'écoute le député de Sainte-Rose, là, il aurait pu
continuer, en disant : À la fin, nous, ce qu'on veut, c'est que 100 %
du monde au Québec parlent français, point, et que tout se passe en français.
Ça, il y a des mots pour ça dans l'histoire, que
je ne prononcerai pas. Alors, c'est ça, là, qui se passe ici, là. Le ministre
aurait pu accepter, à différentes étapes de son projet de loi... il aurait pu
choisir de l'écrire en prévoyant certains cas de figure et certaines conditions
qui font que... O.K.? Ce n'est pas une attaque contre le français de dire que
sa mesure peut amener un fardeau qui pourrait mener à une diminution ou à une
altération de l'accès, ce n'est pas un bon mot en français, une atteinte à
l'accès à la justice selon 133. Ce n'est pas une attaque au français, dire
ça. Dire ça, ça veut juste dire : On est-tu capable, là, de regarder
objectivement s'il y a possibilité que des citoyens soient lésés et de le
prendre en considération et de faire des ajustements dans la loi? Ça, Mme la
Présidente, là, c'est non, la réponse à ça, et c'est un non extrêmement brutal
dans les propos du député de Sainte-Rose parce que ses propos, c'est :
Tout le monde en français, puis les autres, ce n'est pas grave. Et dans...
Des voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Non. O.K.
M. Barrette : Non, c'est une...
Des voix : ...
La
Présidente (Mme Thériault) : Là... S'il vous plaît! Non. Là, je
m'excuse, là, je vous l'ai dit, je ne peux pas entendre trois personnes qui
parlent en même temps. Je vous ai dit qu'il restait très peu de temps. Je vous
ai demandé d'être prudents dans vos propos. O.K. Vous avez tous...
M. Barrette :
...
La
Présidente (Mme Thériault) : Oui, vous les retirez. Merci
beaucoup. Je vais vous permettre de poursuivre en vous mentionnant que
la députée veut prendre la parole après vous aussi.
M. Barrette :
On continuera.
La Présidente
(Mme Thériault) : Allez-y.
M. Barrette :
Mais je termine là-dessus, Mme la Présidente, et toutes les interventions du
ministre sont dans un sens au bout duquel il y a un groupe qui compte et,
l'autre groupe, on ne peut pas s'y adresser. C'est un refus catégorique. On ne
peut pas nommer, on ne peut pas moduler, on ne peut pas ajuster parce que la
philosophie, elle est celle-là. Ça, c'est
particulier, Mme la Présidente. Il y a des mots là-dessus, puis je pense que
vous ne les aimerez pas. Les mots, je ne les utiliserai pas, mais il y a
une chose qui est certaine, là, qu'on ne nous reproche pas de faire l'exercice
de voir s'il y a des conséquences et de tenter d'y pallier. Ce n'est pas, en le
faisant, une attaque contre le fait français oui la nécessité de mieux protéger
la langue française. Je trouve ça... et je vais terminer là-dessus, c'est ma
dernière phrase, l'attitude du ministre à l'égard de nos propos, je la trouve
méprisante, et ça, je ne le retirerai pas.
Des voix :
...
La Présidente
(Mme Thériault) : Je pense que votre... le dernier mot, il
n'était pas nécessaire.
M. Barrette :
C'est mon sentiment.
La Présidente
(Mme Thériault) : Le dernier mot, il n'était pas nécessaire, je
vais vous demander de le retirer, s'il vous plaît. Je vais vous demander de le
retirer, M. le député de La Pinière, s'il vous plaît.
M. Barrette :
Je le retire, Mme la Présidente, mais...
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci beaucoup. Ça vous honore. Il n'y a pas de
problème, et je vous remercie infiniment.
Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, je vous reconnais. Vous aviez demandé la parole. Il n'y
avait pas de question. C'était en réaction à des propos que M. le ministre a
tenus. Le député a retiré ses propos, M. le ministre, après... Le député a
retiré ses propos, donc évidemment, j'imagine que vous ne reviendrez pas
là-dessus. Mais ce n'est pas à vous tout de suite, je fais juste vous dire que,
là, c'est la députée de Marguerite-Bourgeoys qui va prendre la parole. Non,
parce qu'il a retiré ses propos simplement.
Des voix :
...
La Présidente (Mme
Thériault) : Non, vous ne commencerez pas à vous relancer, là. Ne
faites pas comme quand on est en Chambre, ne faites pas comme quand on est en
Chambre. Je ne suis pas le président de la Chambre. Je suis la présidente de la
commission. Vous n'êtes pas le leader, vous êtes le ministre. Il reste peu de
temps.
J'avais déjà dit que
je reconnaîtrais la députée de Marguerite-Bourgeoys et possiblement après ça...
Étant donné que je regarde l'heure puis le
peu de temps qu'il lui reste, je pense qu'après ça, on va devoir se reparler
demain matin, si je ne m'abuse, M. le ministre. Je vous entendrai demain matin.
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David :
Alors, disons que j'avais l'impression d'être en période de questions avec un
leader qui se lève et qui dit : Question de règlement.
Moi, je suis
infiniment triste de ce que je vois ce soir. Et si j'ai accepté la
responsabilité d'être porte-parole de la langue française, c'est parce que je
crois en la langue française et c'est parce que je crois qu'on peut travailler
intelligemment sans faire de généralisations avec un P.D.G. d'Air Canada qui a
parlé en anglais dans une chambre de commerce. J'ai publié une lettre ouverte
avec la cheffe. Arrêtez de viser et de parler indirectement à ce que vous ne
pouvez pas faire directement, M. le ministre.
Alors, je suis...
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme la députée, je vais vous demander de vous adresser à
moi.
Mme David :
Oui. C'est parce que ça va aller mieux.
La Présidente (Mme Thériault) :
Regardez le pas. Adressez-vous à moi. Moi, je vous écoute.
Mme David :
Donc, je suis infiniment triste de voir que tout, sauf l'objet de mon amendement,
est discuté. Mon amendement, il ne dit pas qu'il ne faut pas qu'il y ait de français.
Voyons donc! Est-ce qu'on sait lire? On dit : «Une traduction en français
certifiée par un traducteur agréé ou une attestation indiquant que la partie a
donné instruction à un traducteur agréé...» Et j'ajouterais, dans un amendement,
«dans un délai raisonnable». C'est exactement ce que le ministre me propose.
Alors, j'espère que demain, on sera à la hauteur
de nos responsabilités, qu'on ne fera pas de petite politique, qu'on ne fera
pas...
La Présidente (Mme Thériault) : Non.
Mme David : ...toi, tu es libéral,
toi tu es caquiste.
La Présidente (Mme Thériault) : Non,
je m'excuse. Je m'excuse Mme la députée...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
parce que «petite politique» est un terme qui fait partie du lexique
antiparlementaire.
Mme David : Bon, alors on ne fera
pas de la politique et qu'on va pouvoir travailler les articles un par un,
amendement par amendement, sérieusement, sans essayer de faire des grandes
déclarations à l'emporte-pièce qui n'ont plus rien à voir avec l'amendement que
j'ai déposé.
Alors, si c'est le cas, je serai extrêmement
satisfaite du travail qu'on fait. Mais là je trouve que ce n'est pas très
inspirant, disons, et ce n'est pas bien le fun de revenir demain matin dans ces
conditions-là.
La Présidente (Mme Thériault) : Et
il ne vous reste plus de temps de parole.
Et compte tenu de l'heure, j'ajourne les
travaux, et nous les reprendrons demain, après les affaires courantes. Merci.
Bonne fin de soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 21 h 30)