(Onze heures dix-neuf minutes)
La
Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du
Québec, le français.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) est remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par M. Barrette (La Pinière);
Mme St-Pierre (Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee);
Mme Dorion (Taschereau), par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
• (11 h 20) •
La
Présidente (Mme Thériault) : Parfait. J'aurais besoin également d'un
consentement, puisque nous avons débuté
légèrement en retard nos travaux, pour qu'on puisse dépasser l'heure de
quelques minutes. Ça va? Consentement?
Des voix : Consentement.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain, et je souhaite la bienvenue à M. Michel Leblanc,
son président. M. Leblanc, vous êtes un familier des commissions
parlementaires. Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire votre exposé,
et, par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires. Bienvenue à
l'Assemblée.
Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM)
M. Leblanc (Michel) :
Merci. D'abord, vous me permettrez de vous dire à quel point je suis heureux de
vous voir. J'ai fait la route, parce que
j'encourage les centres-villes, le mien et celui de Québec, et je suis très
heureux d'être avec vous. Merci de nous avoir invités à venir présenter notre
position.
Je rappelle brièvement que la chambre est un
organisme qui va fêter son 200e anniversaire l'année prochaine. Il y a peu d'organisations au Québec
qui ont cette longévité, et ça veut donc dire qu'on était au coeur de
ces discussions probablement depuis 200 ans, et on présume que ça va
continuer pendant, au moins, les 200 prochaines années.
Dans notre esprit, la langue commune du Québec,
et de Montréal, et du travail est le français. Il n'y a pas d'ambiguïté. Ça n'a
pas toujours été la position de la chambre, ça ne l'a pas été à l'occasion du
débat sur la loi 101, à l'origine. C'est clairement, maintenant, approuvé,
je dirais, déterminé dans la communauté d'affaires que le français est la
langue commune de travail et la langue commune de la société.
On appuie la volonté de renforcer la place du français
et on prend note des inquiétudes qui sont révélées par les sondages, par les enquêtes,
les inquiétudes qui sont dans la population, et il y a effectivement des
données qui nourrissent cette inquiétude, il y a des données qui viennent dire
le contraire, mais on voit bien qu'il y a cette inquiétude et on appuie le gouvernement
dans sa volonté d'agir.
On comprend qu'il y a une réalité aussi qui est
nouvelle. Oui, il y a plus d'immigrants qu'il y en avait, et on en dépend
beaucoup, on voit la pénurie de main-d'oeuvre, on la voit clairement dans le
domaine de la santé et au niveau des infirmières. On voit aussi
l'internationalisation de notre économie, nos grands champions économiques du
Québec, partout sur la planète, et on constate aussi que la langue
internationale qu'est devenue l'anglais est aussi la langue des affaires sur le
Web, et la langue de la technologie, dans bien des cas, et la langue des
applications.
Donc, on convient qu'il faut agir, mais on met
en garde, à travers ce qu'on a lu dans le projet de loi n° 96,
sur trois enjeux majeurs. Le premier, c'est qu'on doit le faire sans miner la
capacité de notre économie et de nos champions de s'internationaliser. Et je le
répète, la langue internationale des affaires est l'anglais. On doit le faire
d'une façon à ne pas étouffer, sous le poids du bagage administratif
additionnel, nos PME. Et on doit faire en sorte qu'à travers nos activités, nos
actions pour soutenir l'intégration des immigrants, la francisation des PME, on
le fasse avec les organismes terrain. Nous
pensons que le gouvernement lui-même, à travers ses institutions et ses
fonctionnaires, n'est pas toujours le mieux placé pour atteindre ces
objectifs-là.
Je rappellerais, je pense, je dirais,
humblement, que la chambre sait de quoi elle parle. Ça fait 13 ans qu'on
agit sur le terrain avec le gouvernement du Québec pour se casser la tête,
comment on fait en sorte que les petites entreprises soient francisées, que les
immigrants soient francisés, que les commerçants soient francisés. On y va de
tous nos efforts, avec toute notre créativité. On arrive avec des solutions, et
le gouvernement nous a appuyés. Je rappellerais qu'on
avait un programme, qui est suspendu, qui s'appelle J'apprends le français, qui
a gagné plusieurs prix, dont un que vous
nous avez remis en personne, M. le ministre, on l'avait beaucoup apprécié. On a
des programmes terrain qui fonctionnent.
Évidemment aussi, depuis 40 ans, on
soutient l'internationalisation de notre base d'affaires. C'est la vision
qu'avaient mes prédécesseurs que nos entreprises d'ici ne réussiront pas et
notre économie n'atteindra pas son plein potentiel sur notre marché intérieur.
Nous sommes régulièrement en mission à l'étranger, et nous faisons des
formations, et nous incitons nos PME à se doter, dès le début de leur plan
d'affaires, d'un plan à l'international, qui implique donc de se poser la
question sur le site Web transactionnel : Doit-il être en anglais? Est-ce
que je dois avoir des ressources internes qui parlent d'autres langues que le français?
Est-ce que, dans mes efforts de mise en marché de mes produits, je dois, dès le départ, penser à mon suivi après vente
en anglais parce que ça va être à l'international? On est au courant des
enjeux des entreprises au quotidien depuis 40 ans.
Le projet de loi, il y a quelques
préoccupations, vous les avez dans le document qui vous a été acheminé. Le
premier, c'est évidemment l'internationalisation de notre base d'affaires.
Avant même de penser aux filiales étrangères qui sont actives au Québec, ce
sont nos entreprises du Québec qui desservent d'abord le reste du Canada dans bien des situations, les États-Unis et
l'international, et là il y a des enjeux touchant cette perception qu'on
devrait réglementer qui on embauche, pour quelles conditions, et, surtout, la
connaissance des autres langues, dont l'anglais.
Ça vaut pour les grandes entreprises. Ça vaut
pour beaucoup de fonctions dans les grandes entreprises. Que ça soit
l'approvisionnement, que ça soit la distribution pancanadienne ou
internationale, que ce soit les ressources humaines
qui vont avoir des ressources un peu partout, pas juste au Québec, que ce soit
sur le marketing, la communication, le suivi après-vente, les systèmes
légaux, dans toutes ces entreprises, il y a énormément de fonctions qui vont
nécessiter la connaissance de l'anglais et qui nécessitent donc la latitude de
l'entreprise de définir ses besoins et ses besoins d'embauche, et, dans le cas
des petites entreprises, de les définir parfois avant que le besoin soit
exprimé concrètement. Une petite entreprise
qui se dit : Dans deux ans, je vais aller à l'international ou, dans deux
ans, j'active mon plan de développement dans le reste du Canada, doit
pouvoir embaucher, dès maintenant, des ressources qui possèdent potentiellement
l'anglais même si, au quotidien, ils n'ont pas encore d'utilisation de
l'anglais. Alors ça met en perspective la difficulté de vouloir réglementer les
exigences de la connaissance de l'anglais à l'embauche.
Une fois qu'on a dit ça sur nos entreprises
d'ici, il y a les entreprises qu'on cherche à attirer, nos filiales étrangères
basées à Montréal. Je vais prendre une entreprise que j'utilise souvent parce
que, symboliquement, elle est puissante, L'Oréal, entreprise française qui a un
siège social à Montréal qui dessert tout le Canada à partir de Montréal. Chaque
fois qu'on va dire à cette société qu'elle ne peut pas utiliser des outils en
anglais et qu'elle ne peut pas avoir des postes qui utilisent l'anglais ou
qu'elle doit absolument utiliser des stratégies en français au niveau des communications dans ses équipes, cette
entreprise-là et les autres dans cette situation vont se poser la question :
Est-ce que je déménage cette fonction à Toronto? C'est automatique, ils
vont se dire si, au Québec, c'est difficile d'avoir un siège social pancanadien
ou, dans certains cas, mondial, Rio Tinto Alcan, siège social mondial de
l'aluminium pour la compagnie Rio Tinto, à chaque fois qu'on va faire ça, on
fragilise notre base économique de décideurs, de sièges sociaux au Québec.
Dernier point, évidemment, les embauches qu'on
va faire de l'étranger. Il n'y aurait pas d'intelligence artificielle à
Montréal si nous disions à ces gens-là : Vous devez connaître le français,
vos enfants doivent aller tout de suite en français ou vos conjoints doivent tout de suite connaître le français. Ça n'arriverait juste pas. Je vous le
dis, si vous regardez les talents qu'on a attirés à Montréal, ça prend une zone
tampon, ça prend un message d'accueil très ouvert, et c'est comme ça qu'on
s'inscrit dans cette mouvance internationale des talents de très haut niveau
liés aux domaines de pointe. J'ai parlé d'intelligence artificielle, je peux
parler d'aéronautique, je peux parler de technologies de l'information, de
cybersécurité. Ces experts-là, hautement mobiles, ne proviennent pas du Québec
dans bien des situations et ne proviennent pas de la francophonie aussi.
Finalement, la langue des contrats. Nos
entreprises d'ici contractualisent avec des entreprises internationales basées
au Québec, avec des entreprises de l'extérieur, et doivent pouvoir le faire
dans la langue de leur choix, oui, mais dans la langue du choix du partenaire.
Et, si on impose que ce contrat, pour être jugé valide au Québec, doit être en français,
la contractualisation va se déplacer vers Toronto. Ces fonctions-là vont se
déplacer vers Toronto. On est dans le Canada. Quand je vais en Chine avec des
entreprises, j'ai longtemps dit à mes petites entreprises : Faites vos
sièges sociaux à Hong Kong pour être soumis au régime légal de Hong Kong si
vous faites des affaires en Chine. Ça va être le même discours qui va être tenu
pour établir à Toronto les fonctions qui vont nécessiter de contractualiser parce
qu'on va imposer, ici, à des entreprises qui ne désirent pas, de
contractualiser en français.
Le deuxième point, évidemment, c'est les PME.
Vous avez eu le mémoire de la FCEI, qui décrit explicitement l'ajout de charges
de travail pour les PME. On soumet les PME de 25 à 50 employés au régime.
Historiquement, la chambre a toujours été contre. Présentement, nous
disons : Si nous allons de l'avant, faisons-le, mais faisons-le d'une
façon où, en même temps, on ne réduit pas les délais pour arriver à la
conformité et qu'on n'augmente pas les pénalités d'un coût pour les
récalcitrants ou les entreprises de bonne foi qui vont se retrouver en
non-conformité.
Donc, oui, si on les intègre dans le régime,
mais maintenons des délais suffisants pour qu'ils arrivent à la conformité et
créons une gradation avec un système très incitatif, très lié à l'accompagnement,
quand il y aura manquement. On ne peut pas faire les trois en même temps. C'est
arriver d'une façon indue sur le dos des petites entreprises.
Je finirai avec l'accompagnement. Je l'ai dit
d'entrée de jeu, il est important que le gouvernement s'organise et que le
gouvernement s'organise avec des lieux de concentration d'expertise.
L'inquiétude du milieu, et vous en serez peut-être
témoins à d'autres occasions, c'est que le gouvernement se mette à dire :
Sur le terrain, ça sera des fonctionnaires. Je vous le dis, la relation entre
les PME et les gens qui viennent les voir est très importante. Les PME ont peur
d'être en non-conformité même quand elles le sont. Pour les amener à s'ouvrir,
présenter leurs choses de façon volontaire, éventuellement s'ouvrir aux
suggestions qui vont être faites, nous encourageons le gouvernement à
explicitement dire que la mise en application auprès des PME va se faire avec
des organismes terrain.
Je vous le dis, je suis en conflit parce que la
chambre se présente comme étant un organisme terrain, mais quand bien même vous
décideriez que ce n'est pas avec la chambre, je vous le dis, faites-le avec les
organismes terrain, si c'est fait par des
fonctionnaires, ça va créer des tensions, ça va créer des résistances et, à la
fin, on n'atteindra pas l'objectif qu'on vise. Je vous remercie.
• (11 h 30) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Leblanc. Donc, sans plus tarder, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Leblanc, un plaisir de vous retrouver
ici en commission parlementaire.
J'ai pris connaissance de votre mémoire.
Honnêtement je ne suis pas vraiment surpris, je m'y attendais un peu, comme les
acteurs du domaine économique. Il y a toujours des tensions, hein, entre
protéger la langue française et le domaine économique parce que, bien entendu,
le fait de faire un choix pour protéger et promouvoir la langue française,
bien, nécessairement, ça vient avec certaines contraintes, ce n'est pas la
liberté la plus complète comme dans d'autres
états parce qu'il y a une particularité spécifique à la langue française au
Québec pour assurer la pérennité de la langue. Et je comprends les
intérêts légitimes de vos membres, des entrepreneurs de dire bien :
Écoutez, on est en faveur, mais, dans l'application, il faut que ce soit
réaliste à notre réalité, puis je suis très sensible à ça.
J'aimerais qu'on parle de la question des
contrats que vous avez soulevée tout à l'heure. Dans le projet de loi, on
vise les contrats d'adhésion, notamment. Pour bien comprendre la réalité des
entreprises, est-ce que vous nous dites que lorsqu'une entreprise, entre
deux parties privées, là, une entreprise au Québec, une entreprise à
l'étranger, je pense que vous avez donné l'exemple de Hong Kong, est-ce que je
dois comprendre que, dans le cadre des contrats qui existent, ils font des
contrats d'adhésion entre l'entreprise québécoise et l'entreprise située à
l'étranger, comme ça? Parce que, moi, de la façon dont la disposition est
libellée, à partir du moment où il y a une entente contractuelle entre les deux
parties, donc une entreprise québécoise et une entreprise à l'étranger, ils ont
la liberté contractuelle de rédiger dans la langue de leur choix, s'ils veulent
le faire en mandarin, s'ils veulent le faire en anglais, ils peuvent le faire
aussi. L'enjeu de la disposition il est véritablement sur le contrat d'adhésion,
notamment quand les citoyens québécois contractent avec une entreprise, il faut
que le contrat puisse être en français. Mais je veux juste avoir des
éclaircissements de votre part là-dessus.
M. Leblanc (Michel) :
Deux choses. Je reviendrais sur votre préambule. Quand vous mettez en
opposition un peu les intérêts de mes membres et le milieu des affaires, moi,
je vous dirais que c'est les intérêts du Québec. Et j'ai la prétention de dire
que le développement économique et la performance de nos entreprises qui
pourraient être affectés négativement, si elles n'arrivent pas à embaucher des
ressources bilingues lorsqu'elles le jugent nécessaire, ce n'est pas juste mes
membres, c'est le Québec en entier qui va en souffrir.
M. Jolin-Barrette : On va y revenir.
M. Leblanc (Michel) :
Parfait. Je vous remercie. Pour ce qui est de la contractualisation, c'est
vraiment dans la relation d'entreprise à entreprise. Donc, ce n'est pas
d'entreprise à citoyen. Que le citoyen québécois, dans sa contractualisation
avec des entreprises qui font affaire au Québec, le fasse dans sa langue pour
qu'il comprenne sa langue, c'est bon. Que ce soit entre entreprises qui
contractualisent, et pas juste vers l'international, c'est des entreprises
basées au Québec... Donc une entreprise étrangère qui aurait des filiales
partout dans le monde, qui aurait un contrat type, à qui on dirait, ici, pour
une PME d'ici qui veut faire affaire avec cette entreprise-là : Non, non,
vous devez, avec cette PME-là, contractualiser en français, ça risque de faire
en sorte que l'entreprise va simplement dire : Moi, je ne contractualise
plus à partir du Québec, je vais simplement contractualiser à partir de
Toronto. Puis toi, tu es une entreprise du Québec, tu veux contractualiser, tu
vas aller contractualiser à Toronto, puis tout, tout, tout l'aspect légal va se
gérer de Toronto. C'est l'inquiétude que les cabinets d'avocats m'ont soumise
depuis des semaines, en disant : Cette clause-là va affaiblir toute,
toute, toute la base de compétences au Québec liée à la contractualisation,
entre entreprises québécoises et entreprises internationales qui
contractualiseraient au Québec avec ces entreprises-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bien,
on va regarder ce commentaire-là. Je l'accueille positivement. Et un des
objectifs que nous avons... et lorsque vous dites : L'intérêt de vos
membres, c'est l'intérêt du Québec, j'en suis, et le gouvernement du Québec, bien entendu, veut protéger les sièges sociaux,
bien entendu, veut s'assurer que l'économie du Québec soit florissante.
Et vous dites : On amène nos entreprises, dès le départ, vers
l'internationalisation, et ce qui est une
bonne chose, notamment, pour attirer des capitaux, les exportations, on
veut les augmenter aussi, mais lorsque vous dites, bon, il faut que
les... ça prend une marge, ça prend un tampon pour que les enfants, lorsqu'on
attire des travailleurs étrangers, bien, puissent, je comprends, ne pas aller
dans les écoles francophones tout de suite.
Dans le projet de loi, ce qu'on a fait, c'est qu'on
a mis fin au bar ouvert, du fait que, pour les travailleurs étrangers, il n'y
avait pas de limite de temps. On a mis une limite de trois ans. Donc, il y a
encore la liberté, pour un travailleur particulier,
d'envoyer son enfant dans une école d'une autre langue que le français pendant
une période temporaire de trois ans. Sauf qu'il y a des impératifs étatiques
aussi, à un moment donné, pour faire en sorte que l'intégration des personnes
qui choisissent le Québec se fasse en français aussi.
Puis vous le savez, tout comme moi, que c'est un
équilibre qui est délicat, et on partage le même objectif du fait que l'économie
du Québec puisse croître, qu'on
puisse devenir des leaders, mais ce que je reçois comme message, c'est
que vous préféreriez qu'on ne touche pas à grand-chose.
M. Leblanc (Michel) :
Non, non, non, là, vous me caricaturez. Ce que je vous dis, la nervosité, c'est
que le talent présentement est sursollicité de partout. Et ça se joue sur des questions
de détail. Et donc, si à Helsinki on embauche des gens chez Nokia ou à
Stockholm chez IKEA dans les technologies de l'information et qu'on dit à ces
gens-là : Tes enfants, tu n'auras pas besoin de les envoyer à l'école
suédoise dans trois ans ou à l'école finlandaise dans trois ans, tu vas pouvoir
continuer de les envoyer dans une école en anglais, parce que tu es mobile puis
parce que tu penses que tu es ici pour un temps indéterminé, ce que je vous
dis, c'est le genre d'élément qui, du point de vue de l'embauche de gens, puis
c'est sensible, les enfants, puis c'est sensible, le conjoint, peut avoir un
impact qui... simplement, ça réduit de 10 %, 15 % les gens qu'on est
capable d'attirer.
Et je ne suis pas en train de dire que c'est
simple. Puis c'est pour ça que je refuse d'être caricaturé en disant : On
ne veut pas. Mais...
M. Jolin-Barrette : Ah bien! ce
n'est pas ma prétention.
M. Leblanc (Michel) :
Ce que je vous dis, c'est que c'est très sensible. Et on est à l'intérieur du
Canada. Et Toronto, les entreprises de Toronto ont les mêmes enjeux
d'attraction de ressources. Et mon homologue de Toronto et celui de...
l'équivalent de Montréal International est en train de dire à toutes sortes
d'entreprises : Ces fonctions-là, si vous les logez à Montréal, là,
regardez comment ils vont vous gosser sur vos ressources, mettez-les à Toronto.
Puis ça, c'est la vraie game qui se joue.
Ça fait que, quand les entreprises me parlent,
ils disent : Assure-toi que le gouvernement est bien conscient qu'à partir
du moment où on va dire à des ressources hautement mobiles que tes enfants, là,
ils sont-tu un petit peu... ils sont-tu sous le spectre de l'autisme, ils
ont-tu des enjeux... Mais au bout de trois ans, envoie-les à l'école française.
C'est là qu'on est dans la sensibilité dans un marché international.
Et, si je suis à Helsinki, je ne suis pas
nerveux. Si je suis au Québec parce que je suis en Amérique du Nord, j'ai le
défi qu'on a collectivement comment je maintiens le français comme langue
commune. Mais je vous dis, on joue dans la zone qui va nous affaiblir sur les
talents qu'on cherche à attirer.
Puis ce qui est aussi fatigant, c'est qu'on dit
aux entreprises : Avant d'embaucher des Québécois, là, que tu veux
bilingues, là, il va falloir que tu justifies. Puis là, encore là, on joue dans
une zone où on a des PME puis on veut que, le plus rapidement possible, elles
soient performantes à l'international. Puis on leur dit : Oh! par exemple,
attends, attends, il va falloir que tu me fasses la démonstration que tu en as
vraiment besoin. On est dans la zone où on peut fragiliser notre base
d'affaires.
M. Jolin-Barrette : Mais c'est
faire abstraction du marché également à Montréal et des récentes études où on
exige la connaissance d'une autre langue que le français alors que ce n'est pas
nécessaire. On est en pénurie de main-d'oeuvre, selon certains, à Montréal, et
il y a des candidats unilingues francophones qui ne se font pas embaucher. Et
là on se retrouve à avoir une exigence systématique du bilinguisme. Est-ce que
c'est vraiment requis?
Écoutez, la Fédération des chambres de commerce
était sensiblement d'accord avec l'article 46. Et moi, je trouve que
l'imposition de 46.1, pour le fait que les Québécois puissent travailler dans
leur langue en français, je ne pense pas que c'est déraisonnable. Et on
n'empêche pas les employeurs d'exiger la connaissance d'une autre langue que le
français. Cependant, il y a certains critères aussi pour éviter que
systématiquement les emplois requièrent une autre langue que le français.
• (11 h 40) •
M. Leblanc (Michel) :
Trois éléments. Premièrement, M. le ministre, avec tout le respect,
il y a une pénurie de main-d'oeuvre à Montréal, ce n'est pas : Certains
prétendent que ou certaines pensent que, il y en a une, ça fait que je vous le
dis de terrain, là, il y a une pénurie de main-d'oeuvre à Montréal. Et
l'adéquation qu'on fait... Il y a des gens
qui n'ont pas d'emploi puis il y a des emplois non comblés. Bien oui, mais la
réalité, dans la vie, c'est qu'un emploi non comblé, ça requiert peut-être
des compétences que la personne qui est sur le chômage ou qui est sans emploi
ne peut pas avoir ou n'a pas. Alors, ça, c'est juste pour qu'on arrête cette
prétention qu'il y aurait une vue de l'esprit qu'il n'y a pas de pénurie de
main-d'oeuvre à Montréal parce qu'il y a du chômage, c'est une vue de l'esprit.
Le deuxième élément...
M. Jolin-Barrette : Juste un
point là-dessus. Moi, je dis qu'on disqualifie des gens à Montréal parce qu'ils
ne sont pas bilingues puis qui ont des compétences, ça, vous ne pouvez pas le
nier, là, on voit.
M. Leblanc (Michel) :
La discipline de marché, là, la discipline de marché, elle va opérer puis là,
les économistes vont vous dire : Laissez du temps au marché de jouer, là,
parce que c'est clair que les entreprises ne vont
pas se mettre en faillite ou vont refuser de faire des sous parce que
soudainement ils font la fine bouche avec des employés potentiels qui
pourraient répondre à leurs besoins.
Le deuxième, c'est que
c'est clair que c'est intéressant de dire : Ça va prendre des critères. La
question qui est posée dans le mémoire,
c'est : C'est-tu un fonctionnaire qui va dire : Soumets-moi ton plan
d'embauche? Envoie-moi tes critères d'embauche puis justifie-moi comment
est-ce que tu détermines qu'ils ont besoin de l'anglais ou pas. La demande des entreprises
présentement...
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est
pas ça. Ce n'est pas ça, puis vous le savez que ce n'est pas ça. Honnêtement, l'article 46
de la charte actuellement, ce n'est pas ça. Vous savez que 46.1, ça ne sera pas
ça. Alors, quand vous dites ça en commission parlementaire, honnêtement, vous
essayez de faire peur aux entreprises, puis je n'accepte pas ça. C'est un
droit...
M. Leblanc (Michel) :
Les entreprises ont peur, M. le ministre, les entreprises ont peur.
M. Jolin-Barrette : C'est un droit
qui est prévu dans la loi... Oui, mais la peur des entreprises n'est-elle pas
accentuée par les propos que vous tenez en commission parlementaire présentement?
L'article 46.1 prévoit des modalités et des
droits. Est-ce que, dans le projet de loi, c'est prévu que c'est les
fonctionnaires qui vont venir vérifier ça? Non. Ça ne l'a jamais été et ça ne
le sera pas. C'est un processus qui est en place pour faire en sorte que les entreprises...
un processus légal, puis les entreprises sont assujetties à une série de règles
dans tous les domaines, pas uniquement pour la langue française, mais pour beaucoup
d'autres choses.
Alors, lorsque vous présentez ce point de vue là
puis vous dites : Les entreprises ont peur, ça va être des fonctionnaires,
tout ça, attention. Il n'y a personne qui va soumettre son plan d'embauche.
Vous savez comment ça fonctionne. Puis vous m'avez dit...
M.
Leblanc (Michel) : Non, mais
je suis très heureux de vous l'entendre dire clairement comme ça, M. le ministre, très heureux.
M. Jolin-Barrette : Vous m'avez
dit : J'ai consulté beaucoup d'avocats puis mon conseiller. Je doute
fortement qu'ils vous aient dit ça.
M. Leblanc (Michel) :
Ah! les avocats, ce qu'ils nous ont dit, c'est que ça ouvre la porte à un
éventuel contrôle des politiques d'embauche — à un éventuel — puis
moi, je suis très heureux de vous entendre dire que ce n'est absolument pas
l'intention de l'État de le faire à aucun moment. Je suis très heureux.
M. Jolin-Barrette : Lorsqu'il y a
des règles qui sont établies, s'il y a violation des règles, vous savez que les
gens peuvent porter plainte, puis il y a des recours du travailleur, qui, lui,
peut se dire : Bien, j'ai le droit de travailler en français, puis on m'a
exigé la connaissance d'une autre langue, alors que ce n'est pas nécessaire.
Vous connaissez les mécanismes. Mais il faut juste faire attention, quand on
invoque, en commission parlementaire, certains éléments que vous savez qui ne
sont pas exacts.
M. Leblanc (Michel) : Déjà là, ce que vous dites amène les entreprises à être
inquiètes sur la multiplication des plaintes, et éventuellement la
judiciarisation de ces plaintes, puis éventuellement les risques réputationnels
parce que des employés quérulents, comme il existe des citoyens quérulents, se
mettraient à contester que des réunions se passent en anglais, que des
embauches se passent en exigeant de l'anglais ou qu'éventuellement des emplois
soient transformés parce que, dorénavant, on exigerait l'anglais. Il y a une
grande crainte de la multiplication de ces plaintes d'employés.
Les gens disent souvent : À partir du
moment où il y a quelqu'un de Toronto qui parle juste anglais, dans une réunion
Zoom, présentement, il fait parler en anglais. Il y a des entreprises qui disent :
Oui, je le sais, puis, en même temps, progressivement, on s'internationalise,
puis c'est ça qui est en train de se passer. Puis on peut penser qu'une société
comme L'Oréal, pendant longtemps, a fonctionné en France, à Paris, en français,
puis un jour L'Oréal a décidé que ses réunions de ses employés Français à Paris
se passeraient en anglais. C'est là où il y a une nervosité. C'est quand vous
dites : On ne va pas contrôler les plans d'embauche, la perception, c'est
non, mais vous ouvrez la porte à une multiplication
des plaintes, à une forme de risque réputationnel. Les entreprises
vont devoir continuellement s'expliquer pourquoi ça se passe en anglais
à tel moment puis à tel autre moment.
M. Jolin-Barrette : Mais vous ne
pensez pas que — actuellement,
dans le marché du travail québécois, là, effectivement, il y a des entreprises qui s'internationalisent, mais ce n'est pas tout le monde qui est à l'international — vous
ne pensez pas qu'il y a un enjeu, sur le marché du travail montréalais, dans
l'environnement de travail, qu'il y a beaucoup de Québécois qui doivent travailler dans une autre langue que
le français, alors que ce n'est pas nécessaire? Est-ce
que, pour votre organisation, c'est un fait?
M.
Leblanc (Michel) : Oui, puis
je suis prêt à vous rejoindre là-dessus, c'est-à-dire que moi, je pense qu'il y
a eu des réflexes d'entreprises d'exiger du bilinguisme partout. Je pense que,
donc, c'est nécessaire de regarder comment on peut corriger ça. Mais ce que je
vous dis, c'est qu'il y a un risque, et le risque, je le vois sur
l'internationalisation des entreprises et non pas sur le restaurant de
Montréal-Nord où ça se passerait en anglais, alors que ça devrait se passer en
français. Donc, ça, je vous l'accorde.
Puis je ne vous dis pas
que... c'est pour ça que, quand vous dites : Je suis contre, je ne suis
pas contre. Ce que je vous dis, c'est qu'il y a une zone de risque, puis elle
est sur les entreprises susceptibles d'aller vers les marchés à l'exportation
ou des entreprises susceptibles d'être dans des lieux à haute fréquentation
touristique. Donc, le même restaurant qui est à Montréal-Nord, s'il est dans le
Vieux-Montréal, pourrait décider que lui, non pas qu'il veut que ça se passe en
anglais, mais il exige systématiquement une connaissance de l'anglais pour tous
ses serveurs parce qu'il y a une panoplie de touristes, d'étrangers qui vont se
présenter. Donc, encore là, dire : Bien, en restauration, on n'a pas le
droit de l'exiger, non, parce qu'il y a des endroits où la restauration vit du
touriste. Et de la même façon que quand moi, je vais au Japon, qu'est-ce que je
cherche, un restaurant où on peut me parler en anglais, bien, de la même façon
qu'un Japonais qui vit à Montréal, il risque de chercher un restaurant où on peut
y parler en anglais aussi. C'est ça, la réalité.
M. Jolin-Barrette : Encore là, avec
respect, 46.1 du projet de loi, ce n'est pas ce qu'il dit. Il ne dit pas qu'un
restaurateur dans le Vieux-Montréal ne pourra pas embaucher des serveurs qui ont
une maîtrise de la langue anglaise pour servir une clientèle étrangère. Ce
n'est pas ce que 46.1 dit. Et je l'ai dit, on n'est pas dogmatiques
relativement aux emplois qui peuvent exiger la connaissance d'une autre langue
que l'anglais, mais il y a certains critères pour s'assurer que, généralement,
sur le marché du travail, ce soit le français qui prédomine. Et, bien sûr, il y
a certains corps d'emploi qui exigent la connaissance autre que l'anglais. Le
cas des serveurs... effectivement, ça peut être le cas, hein, ça peut être le
cas, parce qu'il y a une clientèle internationale à Montréal... O.K. Il n'y a
pas d'enjeu. Mais de dire que le projet de loi vient interdire à un
restaurateur d'embaucher quelqu'un qui a une connaissance de la langue
anglaise, c'est inexact. Bref... Mais je vais céder la parole à mes collègues
qui souhaitent poser des questions, mais je vous remercie pour votre passage en
commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) : Et, M.
le député de Saint-Jean, vous avez exactement 1 min 20 s pour
poser une question et avoir une réponse de M. Leblanc.
M. Lemieux : Je m'excuse, je n'avais
pas mes écouteurs. Combien 20?
La Présidente (Mme Thériault) :
1 min 20 s.
M. Lemieux : D'accord. J'étais
rendu... Bonjour, M. Leblanc. J'étais rendu exactement où était le ministre,
mais j'essayais de ramener ça, dans ma tête, à la vraie vie, et pas seulement
dans le siège social.
M. Leblanc (Michel) :
C'est la vraie vie, dans le siège social.
M. Lemieux : Genre, la mairesse,
hier, est venue nous dire : C'est la plus grande ville francophone en Amérique
du Nord, il faut que ça paraisse. Et je pense que si on a le projet de loi, en
ce moment, c'est parce qu'on sent, tout le monde, qu'il faut protéger le français.
Puis je pense que ça ne paraissait pas assez, un bout de temps, puis là on
essaie de corriger ça.
J'ai apprécié votre... d'emblée, dire :
Puis on est d'accord, puis même 25, on peut vivre avec ça, mais dans la vraie
vie, dans les compagnies dont on parle, il n'y a pas juste le siège social puis
les 10 qui travaillent avec l'étranger en permanence, il y a des centaines de personnes,
là-dedans. Ils ont le droit de parler en français, et de vivre, et de
travailler en français, ces gens-là.
M. Leblanc (Michel) :
Je vous entends. Je vous corrigerai... d'abord, le siège social, c'est la vraie
vie aussi. Deuxièmement, quand vous dites qu'il y a 10 personnes puis des
centaines, moi, je vous corrigerai, c'est des centaines de personnes, dans les sièges
sociaux, qui doivent fonctionner en anglais. Mais là où je vous rejoins,
c'est... L'objectif, je pense, qu'on veut atteindre, c'est que lorsque ce n'est
pas nécessaire, on n'a pas à l'exiger. Mais je vous dis que c'est souvent nécessaire,
c'est ça mon point.
M. Lemieux : Est-ce qu'il y en a
trop en ce moment? On est-tu capable de descendre ça?
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je...
M. Lemieux : Ah! excusez, Mme la
Présidente. Désolé...
La Présidente (Mme Thériault) : Je
n'ai plus de temps, désolée. Merci. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup. Bonjour,
M. Leblanc.
M. Leblanc (Michel) :
Bonjour, Mme David.
Mme David : Ça fait longtemps qu'on
ne s'était pas vus. Écoutez, la question, justement, des créneaux stratégiques,
les créneaux stratégiques, on le sait, on s'est beaucoup réjoui du secteur de l'intelligence
artificielle, évidemment, le Mila a fait tout ce qui
gravite autour de ce succès mondial, l'aérospatial, avec des écoles, je le souligne, collégiales formidables là-dessus puis
tout ce qui s'est développé en recherche et développement, les technologies
propres, vous dites aussi, enfin on peut en nommer plusieurs, mais les jeux
vidéo...
Et puis là, vous dites,
recommandation 3 : S'assurer que la loi reconnaît la nécessité
d'intégrer sur les lieux de travail des travailleurs qui ont un niveau de
connaissance de français limité lors de leur embauche, bon, ce qui pourrait
impliquer des accommodements temporaires. Ça a été fait récemment par la CAQ
pour des travailleurs, si je me souviens
bien, il y a quelques mois, vous me corrigerez, pour des travailleurs justement
en intelligence artificielle, je crois, où ils ont carrément dit :
On n'exigera pas le français. Est-ce que je me trompe?
• (11 h 50) •
M.
Leblanc (Michel) : Il y a
des déclarations qui sont faites puis après ça il y a des textes. L'enjeu,
c'est les textes. Et pour nous, l'important, c'est qu'on reconnaisse
que, dans tous ces secteurs-là, non seulement ils se développent en attirant
des talents qui viennent compléter nos équipes locales, qui sont souvent des
spécialistes... Puis je ne dis pas qu'ils viennent de pays anglophones, du
tout, je dis juste que leur langue internationale de travail, c'est l'anglais,
la langue de la recherche, c'est l'anglais. Ça, c'est un.
Deux, je dis qu'au moment de l'embauche, il faut
réaliser que... Puis là, je prends l'intelligence artificielle parce que c'est
l'exemple... c'est comme si c'est l'éléphant dans la pièce. Il n'y a pas
d'intelligence artificielle au Québec si ça ne fonctionne pas en anglais, je
vous le dis, il n'y en a pas. Probablement qu'il n'y en aura pas pendant très
longtemps si on ne laisse pas savoir que ce milieu-là, là, c'est des gens
partout sur la planète. Ils arrivent ici, ils ne connaissent pas le français,
ils arrivent ici à cause de l'excellence de nos institutions puis la capacité
de travailler avec les meilleurs chercheurs entre eux puis on est en train de
bâtir ça. Bien, c'est un enjeu majeur et le signal qu'on doit lancer, c'est
qu'on est ouvert à ça.
Alors, ce qu'on a fait sur l'intelligence
artificielle, il faut le faire en aéronautique. Il faut le faire dans des
secteurs de pointe. Et si on était, encore une fois, à Helsinki ou à Amsterdam,
on l'admettrait collectivement puis on dirait : Ce n'est pas dangereux,
c'est normal.
Notre enjeu, c'est quand on dit, puis comme on
vient de le dire précédemment : O.K., mais dans les restaurants, comment
ça se passe? Puis dans les restaurants, selon où ils sont situés, comment ça se
passe? Puis à Montréal, il arrive beaucoup d'immigrants puis les immigrants ne
connaissent pas tous le français en arrivant, ne connaissent pas tous l'anglais
non plus. Puis là, ça devient une capacité de les accompagner, ça devient une
capacité de travailler avec eux avec un lien de confiance. On est heureux
qu'ils viennent, on a des pénuries de main-d'oeuvre. Comment est-ce qu'on
travaille sur le terrain, puis comment est-ce qu'on travaille dans une
dynamique qui ne les angoisse pas, qui ne crée pas de l'anxiété?
Mme David : Tu sais, un peu
là-dessus, justement, le Mile End, là où est Ubisoft, Mila, etc., là, c'est
rendu Mile End, Mile-Ex, le campus MIL, que vous connaissez très bien évidemment,
évidemment qu'il y a beaucoup d'anglophones et de parlants anglais pour, entre eux,
bon, faire toutes les recherches, et tout ça. Ça ne veut pas dire que ce n'est
pas des chercheurs extraordinaires qui parlent un français exceptionnel. Je
veux dire, l'Université de Montréal, avec Yoshua Bengio, là, il parle français
de façon remarquable, mais c'est sûr que, dans sa journée, si on faisait le
calcul, probablement qu'il y a pas mal d'anglais. Mais seriez-vous d'accord
avec le principe qu'on fasse le maximum pour que ces gens-là qui habitent
Montréal, vivent à Montréal, vont dans les restaurants à Montréal, vivent dans
le Mile End, apprennent le français, qu'on les accompagne justement?
M. Leblanc (Michel) :
Complètement, complètement. Et je le dis, ce qu'on veut, c'est
qu'éventuellement ils choisissent de rester ici, parce que la qualité de vie
est incroyable, parce que ça se passe bien pour eux et leurs familles, et,
éventuellement, parce que c'est excitant que ça se passe en français, parce que
c'est excitant ce lieu-là.
Mme David : Mais est-ce qu'on le
rendrait obligatoire ou on les accompagne s'ils ont le goût, ce qui fait qu'il
y a des rues maintenant à Montréal, où effectivement ça se passe beaucoup plus
qu'avant en anglais?
M. Leblanc (Michel) :
Moi, je suis d'accord qu'on lance un signal, que ça va finir par devoir se passer
en français. Je dis, essayons d'éviter de dire que c'est à l'intérieur de trois
ans pour les enfants, je fais juste dire ça, pour les enfants.
Mme David : Oui, ça, on va y revenir
sur le trois ans. O.K.
M. Leblanc (Michel) :
Pour les... eux-mêmes, que la francisation, qu'il y ait des objectifs de
francisation, tout à fait d'accord, pour qu'il y ait de l'accompagnement, tout
à fait d'accord, et que des entreprises qui n'auraient pas les bonnes
stratégies ou les bons plans en francisation, je suis d'accord qu'on
intervienne, qu'éventuellement on leur dise qu'ils doivent se conformer puis éventuellement
qu'il y ait des amendes. C'est juste qu'il faut que les délais soient
suffisants puis que les amendes soient progressives.
Mme David : O.K. Dans J'apprends le français,
que j'ai bien connu, ça aussi, ça a parti dans une université que je connais
bien puis ça a fait des petits, puis là c'est rendu quatre universités, c'est
un programme exceptionnel, là, qui a été
reconnu. Comment ça se fait que ce n'est pas reparti, ce programme-là? C'est
génial, je dirais, c'est formidable.
M.
Leblanc (Michel) : Écoutez, les circonstances, c'est ceci, pour
ceux qui ne sont pas familiers, j'apprends le français est un programme qu'on a
développé où des gens des universités qui sont dans les facultés où on apprend,
où on apprend à enseigner le français, vont rencontrer des commerçants dans le
commerce pour leur apprendre le français lié à leur travail. C'est un programme
qui répond à 12 ans d'apprentissage, essais, erreurs, puis qui fonctionne
parfaitement, parce que pour l'immigrant ou le non connaissant du français qui
travaille, c'est le moment où il peut le faire sur son lieu de travail, c'est
un français qui lui est directement utile puis, pour les étudiants, c'est
génial parce qu'ils vont tester, sur leur terrain, toutes leurs théories.
On arrive en pandémie, au moment du
renouvellement du financement, et c'est un programme qui est basé sur la
proximité entre un jeune enseignant puis un commerçant quelques heures par
jour, par semaine. Et donc le gouvernement a décidé de suspendre le
financement, on a arrêté d'un coup, on a mis tout le monde à pied, et donc le
programme est inopérant. Et, après ça, bien, d'abord, les communautés n'ont pas
compris, les commerçants n'ont pas compris, les listes d'attente se sont
allongées.
Au moment où on se parle, ce que je dis au
gouvernement, c'est : On sort de la pandémie. Il y a possibilité de se rencontrer. Est-ce qu'on ne devrait pas
immédiatement réactiver ce financement-là? Parce qu'on a des commerçants
heureux de se franciser, notamment dans la
communauté chinoise, qui était une communauté qui n'était pas si
volontaire dans le passé.
Puis
deuxièmement, je vous dis, il n'y a rien qu'un commerçant désire le plus que de
rentrer à la maison puis d'être capable de montrer à son enfant qui va à
l'école francophone que lui-même maintenant est capable de parler français.
Mme David : Et on parle de tout
petits commerces, là.
M. Leblanc (Michel) :
C'est ça.
Mme David : On parle de
dépanneurs, on parle de Côte-des-Neiges. C'est rendu à Laval...
M. Leblanc (Michel) :
C'est ça. C'est ça.
Mme David : ...c'est rendu un
coiffeur près de l'Université Concordia qui a dit : J'ai appris le
français. C'est vraiment extraordinaire.
Alors, je suis contente que vous en parliez, parce que j'ai déjà questionné le
ministre là-dessus puis je vais continuer à le questionner là-dessus.
M. Leblanc (Michel) :
C'est un exemple de programme dans la vraie vie. C'est vraiment le programme
sur rue. C'est le nettoyeur qui apprend ce
que ça veut dire, un ourlet. Et, à travers ça, une campagne de sensibilisation
de toute la communauté autour pour dire : Ces commerçants-là qui
apprennent le français, parlez-leur en français. Parlez un petit peu plus
lentement. Expliquez-leur vos termes. Mais ne basculez pas dans l'anglais. Et
donc, dans la vraie vie, c'est aussi un message à la communauté d'être fière
d'utiliser le français dans sa relation avec des commerçants.
Mme David : Je vais
m'interrompre parce que mon collègue va vous poser une question.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez 3 min 45 s.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Leblanc. Merci beaucoup pour votre présentation.
Je veux réaborder la question des séjours
temporaires, que le projet de loi propose de limiter à une seule période de
trois ans pour éviter, pour citer le ministre, le «bar ouvert».
Vous avez parlé à juste titre de la qualité de
ces personnes-là, qui sont souvent non francophones, pas nécessairement
anglophones, et leur apport aux grappes essentielles, à leur apport au Québec.
De mon expérience de 10 ans comme directeur général de l'Association des
commissions scolaires anglophones du Québec, où venaient beaucoup de ces gens-là, c'étaient justement des
séjours temporaires, dans un premier temps, qui n'accordaient
aucunement, mais aucunement des droits acquis en ce qui a trait à l'école
anglaise. Pour la plupart du temps, c'étaient des séjours, des gens qui
auraient pu se trouver n'importe où au monde et qui étaient recherchés partout
au monde, qui retournaient dans leur coin. Par contre, la possibilité pour
leurs enfants de ne pas avoir à étudier pour une période limitée en français
était très importante dans leur choix.
J'ai deux questions. Comme je dis, de mon
expérience, la plupart de ces gens, malheureusement, retournaient dans un autre
pays ou, s'ils restaient, partageaient notre passion collective pour le
français et voulaient se donner la tâche d'intégrer au Québec en français ainsi
que dans leur langue maternelle. Je me demande si c'est bel et bien votre
expérience et l'expérience de vos membres.
M. Leblanc (Michel) :
Moi, je dirais, dans l'ensemble, évidemment, là, ce qu'on en perçoit, nous,
c'est que les gens qui viennent au Québec
ont une période de flottement de quelques années où ils regardent comment ça se
passe et décident de rester quand ils s'intègrent bien. Et dans s'intégrer, ça
veut dire aussi s'intégrer linguistiquement.
Et donc ce qu'on voit, nous, c'est des gens qui
finissent par se dire : O.K., au début, je n'étais pas sûr si je
l'apprendrais, le français, finalement, je l'ai appris. Et c'est presque
inverse, c'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'ils se disent : O.K., il
faut que je l'apprenne parce que légalement je vais être obligé de l'apprendre,
c'est : Il faut que je l'apprenne parce que j'aime ça être ici.
Et donc le plus grand
défi, c'est de les attirer au début alors qu'ils ne savent pas s'ils vont aimer
ça puis ils ne savent pas si l'exigence du français va être très, très
marquante, puis c'est là qu'est la période de nervosité. Et c'est pour ça que
je dis : Soyons attentifs au signal qu'on lance avant leur arrivée pour
les attirer ici. Et ensuite mettons le paquet pour que ça soit le plus facile
possible pour eux de glisser dans le français.
Et donc ce qui m'inquiète dans le trois ans,
c'est le signal avant qu'ils choisissent de venir ici. Une fois qu'ils vont
être ici, si ça se passe bien, ils vont l'apprendre puis, si ça ne se passe pas
bien, ils vont dire : Regarde, on fait deux ans puis on s'en va, puis ils
ne l'apprendront pas du tout. Ça fait que c'est vraiment sur quel signal on
lance avant, puis, une fois qu'ils sont ici, pour reprendre une image qu'on a
déjà utilisée dans le passé, ils sont dans la marmite. Puis là, si ça se passe
bien, bien, ils vont rester puis ils vont être heureux. Mais il faut pouvoir
les attirer. C'est ça, l'inquiétude des entreprises.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est beau? Parfait. Il vous reste 30 secondes.
M. Birnbaum : Donc, juste pour
confirmer, de votre avis, on risque avoir un impact négatif si on impose cette
limite telle que proposée dans le projet de loi.
M. Leblanc (Michel) :
C'est clairement l'inquiétude des gens d'affaires auxquels j'ai parlé par
rapport au projet de loi.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Oui, merci. Merci,
M. Leblanc, pour votre présentation. Je vais revenir là-dessus, sur
attirer les talents de l'étranger. Je
voudrais juste savoir : Est-ce que vous êtes d'accord que tout le monde,
notamment le monde des affaires, les chambres de commerce, le patronat,
doivent faire leur part pour protéger le français au Québec, et surtout à
Montréal? Juste si ça peut être oui ou non, j'ai comme deux minutes.
M.
Leblanc (Michel) : C'est
parce que... non, non, mais je déteste ces questions-là, parce que «faire leur
part», évidemment qu'ils font leur part.
Mais, si ça veut dire d'affaiblir les entreprises, éventuellement, d'affaiblir
l'économie du Québec, ça ne s'appelle pas faire sa part.
Mme Ghazal : Non, non, mais
attendez, on va avoir la discussion, on va avoir la discussion. Donc, vous êtes
d'accord qu'il faut faire des efforts?
M. Leblanc (Michel) :
Oui.
Mme Ghazal : Non? Oui. Parfait. Puis
est-ce que vous êtes d'accord que la vitalité d'une langue dépend beaucoup de
la langue au travail?
M. Leblanc (Michel) :
Oui, mais pas plus que la langue dans l'espace public, à l'extérieur...
Mme Ghazal : Pas plus qu'à la
maison.
M. Leblanc (Michel) :
...pas plus que la langue de la culture, pas plus que la langue des échanges
dans l'espace public. La langue de travail, ça fait partie de ça, mais on
pourrait avoir des gens parfaitement intégrés, complètement francophones qui
travaillent chez Ubisoft à développer...
• (12 heures) •
Mme Ghazal : Et ils travaillent
totalement en anglais, et ça ne serait pas grave.
M. Leblanc (Michel) :
Bien, à développer un jeu en fonction d'une mise en marché internationale avec
des équipes basées à Vancouver puis basées à Singapour puis qui vont...
Mme Ghazal : Et donc vous acceptez
qu'ils travaillent en anglais, c'est correct, ça n'enlève rien à la vitalité de
la langue française.
M. Leblanc (Michel) : Exactement pas. C'est ça, je suis d'accord.
Mme Ghazal : Bien, la chambre de
commerce, le monde des affaires a évolué, depuis 1977, vous l'avez dit, vous
avez évolué par rapport à la question de 25 employés et plus. Je suis
contente d'entendre ça.
Je veux vous demander, qu'est-ce qu'on fait avec
les petites entreprises? Vous, ce que vous dites, c'est que ça prend 10 employés, par exemple, et plus. Ce que ça prend, c'est des mesures volontaires, comme J'aime
le français...
M. Leblanc (Michel) :
J'apprends.
Mme Ghazal :
...je pense que c'est ce programme-là, etc., c'est ce que ça prend, et non pas
des mesures plus contraignantes, parce que beaucoup d'immigrants travaillent
dans les petites entreprises, c'est ce que je comprends de ce que vous voulez
dire.
M. Leblanc (Michel) :
Ce qu'on dit, c'est que les toutes petites, c'est des dynamiques entrepreneuriales
de survie, dans bien des cas, et ces dynamiques-là sont incroyablement
complexes. Quelqu'un qui crée son entreprise, puis qui possède mal le français,
puis qui fait des heures de fous, puis qui est en train d'essayer de lire le
marché correctement, puis de se conformer, si on rajoute des couches
d'exigences, c'est lourd, puis si on rajoute des pénalités puis des
exigences...
Mme Ghazal : Mais vous êtes d'accord
pour les 25 employés? Ça, vous ne l'étiez pas, vous êtes maintenant d'accord.
M. Leblanc (Michel) :
Oui. Oui.
Mme Ghazal : Donc, c'est possible peut-être
d'évoluer.
Pour ce qui est des gens de l'étranger, est-ce
que... souvent, les gens de l'étranger, ils sont attirés aussi par Montréal et
le Québec parce que c'est francophone, parce que c'est unique. Vous, vous
mettez ça comme une barre très, très haute, en tout cas, les membres ou les entreprises
avec qui vous parlez. Mais les gens, quand ils viennent ici, est-ce qu'il aussi d'autres choses que le français?
Vous le mettez comme une grande montagne. Il y a quand même... ce n'est pas un copier-coller, le marché
du travail puis les conditions de travail qu'il y a à Toronto, il y a d'autres
choses.
M. Leblanc (Michel) :
Vous avez parfaitement raison. Il y a des gens qui viennent au Québec, qui
viennent à Montréal parce qu'ils adorent ça, cette différence, ce fait français
et cette culture, ils adorent ça.
Mme Ghazal : Et on pourrait les
franciser dans les entreprises.
La Présidente (Mme Thériault) :
...fin à l'échange, malheureusement.
M. Leblanc (Michel) :
Oui. Mon seul point...
La Présidente (Mme Thériault) : Je
dois mettre fin à l'échange.
M. Leblanc (Michel) :
...c'est qu'il y a aussi des gens qu'on aurait...
La
Présidente (Mme Thériault) :
Désolée, M. Leblanc. Le micro est coupé. M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue, M. Leblanc. Parlons du centre-ville de Montréal,
parlons de son caractère unique. Vous savez, quand j'étais ministre du
Tourisme, à New York, le groupe de I love New York nous ont dit : Vous avez un potentiel
exceptionnel, parce que c'est... «It's Europe without a jet lag», et je
trouvais que c'était une expression
fabuleuse qu'ils disent. On ne veut pas retrouver Pittsburgh, on ne veut pas
retrouver Cleveland, on veut trouver Montréal.
Et je veux vous féliciter, et je vais vous dire
pourquoi. L'auteur de cette maintenant célèbre motion du «Bonjour! Hi!» est devant vous et vous parle, et
l'objectif était de démontrer que l'accueil que l'on réserve
aux nôtres et aux touristes est important pour le caractère français de Montréal.
Et vous êtes allé dans une radio anglophone, et vous avez dit exactement ce que
vous dites en français, vous avez dit : Ça devrait se faire en français.
Et on vous a critiqué pour ça, Ironman, entre autres. Et vous avez eu ce
courage, et je veux vous féliciter pour ça, et ça n'a pas été assez dit, vous
considérez que le caractère français de Montréal c'est un atout. Alors, vous
êtes un allié là-dedans, et puis ça n'a pas suffisamment été dit. Moi, je vous
le dis, que j'ai bien apprécié que vous disiez ça. On n'a pas toujours la même
en anglais puis en français, j'en ai eu une belle démonstration hier avec la
mairesse de Montréal. Mais, vous, c'est la même chose dans les deux langues.
Ceci étant dit, une note éditoriale, sur la question
de l'accueil en français, on a une proposition à faire qui se veut positive. On
inverse la polarité. Je vous en fais part brièvement. C'est un insigne de bonne
conduite linguistique. Toutes les entreprises qui font des affaires au Québec
ont l'obligation de répondre aux exigences de l'OQLF.
Celles respectant l'entièreté des dispositions pourraient apposer fièrement un insigne de bonne
conduite sur leur porte, mesure incitative tant pour les entreprises de
commerce de détail ou de services, les restaurants, l'hôtellerie, ou pour les citoyens
qui font affaires. Une belle initiative pour celles et ceux qui préfèrent se
faire accueillir avec un bonjour. Autrement dit, si vous répondez aux
exigences, vous pouvez la placer. Si vous ne l'avez pas, on ne vous condamne pas, mais il me semble que c'est une
valeur ajoutée pour les places d'affaires de l'indiquer. Par la
positive, par l'émulation, on trouve que
c'est une façon supplémentaire d'inviter à parler français. Que pensez-vous
d'une telle initiative?
M. Leblanc
(Michel) : Moi, je pense que ça fait partie de tous ces
éléments qu'on pourrait vouloir rendre disponibles, là. Tu sais, ça pourrait
être aussi que c'est une entreprise verte. Ça pourrait être que c'est une entreprise
qui respecte la diversité. Ça pourrait être une entreprise qui respecte l'importance
de l'égalité des sexes. Alors, de rajouter qu'on est une
entreprise aussi qui respecte le caractère linguistique du français ou du
Québec, là, j'en suis. Je suis juste dans me dire que l'offensive qui est à
faire, à mon avis, là, c'est bien plus de travailler sur le Québécois que sur
le commerce.
La Présidente
(Mme Thériault) : Ceci met fin à l'échange, M. Leblanc.
Donc...
M. Leblanc
(Michel) : Permettez-moi deux petites secondes, là, quand même,
là. Ce que je veux dire, je viens de dire... je viens de mettre sur les épaules
des Québécois la responsabilité de dire : Quand je rentre dans un
commerce, là, bien, parlez-leur en français, puis demandez des informations en
français.
M.
Bérubé :
On est d'accord encore une fois.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et ceci mettra vraiment fin à
l'échange de ce matin. Donc, merci, M. Leblanc, de votre présence
en commission parlementaire.
Je vais... donc la
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 06)
(Reprise à 15 h 04)
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, nous reprenons nos travaux. Et, cet
après-midi, nous entendrons le Conseil québécois du commerce de détail, la commission
des droits de la personne et de la jeunesse, qui sera suivie de l'Association
des Townshippers et de la Fédération québécoise des municipalités.
Donc, avant
d'entendre le premier groupe qui est avec nous, Mme la députée de Mercier, vous
avez une demande à me faire.
Mme Ghazal :
Oui, Mme la Présidente. Comme le député de Matane-Matapédia n'est pas ici aujourd'hui,
j'aimerais savoir si ça serait possible pour moi d'avoir son temps pour tout
l'après-midi pour les prochains groupes.
La Présidente
(Mme Thériault) : Pour les quatre groupes. Donc, il y a
2 min 50 s qui appartiennent au député de Matane-Matapédia. Et la
députée en fait la demande. Donc, s'il y a consentement, il n'y a aucun problème.
M. Jolin-Barrette :
Nous consentons, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Il y a consentement, parfait.
Mme Ghazal :
Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, on va réajuster le temps pour vous donner
le total des minutes.
Donc, évidemment, je
tiens à préciser que nous allons poursuivre les auditions publiques dans le
cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Donc, je souhaite la
bienvenue aux représentants du Conseil québécois du commerce de détail. Donc,
M. Côté, si vous voulez nous présenter la personne qui est à vos côtés, et
la parole est à vous pour une dizaine de minutes avant de procéder aux échanges
avec la partie ministérielle.
Conseil québécois du commerce
de détail (CQCD)
M. Côté
(Jean-Guy) : Merci, Mme la Présidente. Chers membres de la commission,
le CQCD remercie la Commission de la culture et de l'éducation de lui offrir la
possibilité de s'exprimer dans le cadre de la présente consultation portant sur
le projet de loi n° 96.
Donc,
comme vous le savez, je suis Jean-Guy Côté, directeur général du conseil. Je
suis accompagné par Me Françoise Pâquet, directrice des relations gouvernementales.
Comme vous le savez peut-être,
le CQCD représente un secteur économique de 45 000 établissements au
Québec dans toutes les régions. Des centaines de milliers de personnes y
travaillent chaque jour. Et actuellement, malheureusement, plus de
20 000 postes y sont vacants.
La langue française
est le socle de notre communauté. Pour les détaillants, c'est une valeur
importante, et le conseil considère que le commerce de détail est une partie
prenante de sa sauvegarde. Ainsi, le CQCD reconnaît l'importance de la Charte
de la langue française. C'est pourquoi il a toujours encouragé son respect
auprès de ses membres et collaboré de bonne foi et de façon constructive à son
application par les détaillants.
Nous comprenons que l'objectif
du gouvernement avec ce projet de loi est de mettre à jour cette Charte de la
langue française, adoptée en 1977, de redonner un élan à la langue française et
de renforcer son statut dans toutes les sphères de société québécoise. C'est un
objectif que nous partageons. Le CQCD appuie l'esprit du projet de loi n° 96 et partage en partie les grands objectifs de
celui-ci. Il voit également positivement le fait que le français soit déclaré
comme langue commune, et non plus seulement comme langue officielle du Québec.
Nous accueillons
positivement plusieurs des mesures suggérées, dont la mise en place d'un
guichet unique, Francisation Québec, afin d'harmoniser les services d'accueil
et de francisation, l'offre de cours de formation en francisation dans les entreprises
et le plein accès à une justice en français.
Toutefois, le CQCD est d'avis que le projet de
loi va, dans certains cas, un peu trop loin. Il se dit préoccupé, voire même
inquiet, en ce qui concerne notamment l'ajout de difficultés supplémentaires
pour les entreprises liées au recrutement de la main-d'oeuvre, l'ampleur de la gouvernance
linguistique proposée, l'augmentation importante du fardeau réglementaire et
administratif imposée aux entreprises, principalement celles de 25 à
49 employés, le retour en arrière sur la question de l'affichage public,
l'augmentation potentielle de la judiciarisation du processus en matière de francisation
et la complexification du nouveau processus de plainte, l'augmentation des
pouvoirs accordés à l'office et la sévérité des pénalités et du régime de
sanctions. Naturellement, les détails de ses propositions se retrouvent dans le
mémoire déposé.
Sur les principes généraux, le CQCD est d'avis
que l'actuelle réforme doit s'appuyer sur les principes de la réglementation
intelligente, soit viser la recherche d'un juste équilibre entre les besoins
des individus et ceux des entreprises, s'assurer de fournir de l'accompagnement nécessaire aux entreprises dans leurs démarches de francisation et
tenir compte du contexte actuel de pénurie de main-d'oeuvre.
Le CQCD ne saurait trop insister sur l'importance
d'accompagner les détaillants dans leur application des nouvelles normes en
matière de francisation et de miser davantage sur l'accompagnement, et non le
bâton. À ce chapitre, nous reconnaissons que
le gouvernement a récemment fait des pas en ce sens, par exemple, le lancement par l'office,
au printemps 2021, du programme d'accompagnement MEMO pour les entreprises de moins de
50 employés.
Les articles 28 à 40 du projet de loi
proposent des modifications majeures au chapitre VI de la charte. Le CQCD
accueille en partie ces nouvelles dispositions, mais il estime essentiel de
revoir quelques-unes d'entre elles, qu'il considère comme inapplicables.
Tout d'abord, le deuxième alinéa du projet de
loi prévoit que, dans le cas d'un contrat individuel de travail, qui est un
contrat d'adhésion, ou dans le cas figure des clauses types, les parties à ce
contrat ne peuvent être liées seulement par
sa version dans une autre langue que le français si, après avoir pris
connaissance de sa version française, telle est leur volonté expresse.
Le CQCD s'oppose à cette proposition, qu'il considère non seulement comme difficilement applicable de la part d'un
employeur, mais également lourde de conséquences. Dans les faits, un
employeur ne peut forcer un éventuel employé à prendre connaissance de la
version française si ce dernier ne le souhaite
pas. À notre avis, son rôle doit se
limiter à offrir et rendre accessible au futur employé la version française
du contrat. Par conséquent, le CQCD recommande de modifier, dans ce sens, le deuxième
alinéa de l'article 29 du projet de loi.
Pour ce qui est des nouvelles exigences aux
employeurs, concernant la publication d'une offre d'emploi, nous nous interrogeons à savoir si elles sont nécessaires.
Plusieurs de nos membres, puisque nous avons fait plusieurs
consultations sur la question, nous ont, en fait, indiqué que la pénurie de main-d'oeuvre
actuelle les force déjà à publier leurs offres d'emploi partout et à recourir à
tous les moyens de transmission possibles.
• (15 h 10) •
À propos de l'exigence d'une connaissance d'une
autre langue au français à l'embauche, le CQCD estime que le projet de loi va trop et considère que cette nouvelle disposition
aura comme effet d'imposer un trop lourd fardeau pour les détaillants, tant au niveau administratif que financier. Les
détaillants ont de grandes inquiétudes, puisqu'ils devront mettre en place un nouveau processus d'embauche à
l'interne qui dépasse beaucoup
les règles actuellement en vigueur.
Nous ne remettrons pas, évidemment, ici, en
question, la préoccupation du gouvernement voulant que le bilinguisme doit être
un atout et non une exigence systématique. Toutefois, nous souhaitons faire
valoir au gouvernement l'importance de réévaluer son approche en matière de privilégier une solution qui soit simple, raisonnable, de
développer de nouveaux outils et des modèles accessibles en ligne pour aider
les détaillants, prendre en compte de la réalité du marché et le fait que nos entreprises
doivent demeurer concurrentielles sur le marché du travail.
Sur la question de la langue du commerce et des
affaires concernant le droit du public autre que les consommateurs d'être
informés et servis en français nous apparaît à la fois très ambigu et
injustifié et mériterait d'être clarifié pour une meilleure compréhension. En
effet, tel que rédigé, le projet ne semble pas accorder le même droit envers
les consommateurs qu'envers le public autre que consommateur, en plus de
prévoir des obligations différentes de la part des entreprises envers ces deux
types de public. Le CQCD est en désaccord avec le deuxième paragraphe de cet
article qui prévoit des obligations plus importantes de la part des entreprises
lorsqu'elles font affaire avec d'autres entreprises.
D'ailleurs, nous comprenons difficilement les
motifs de cette distinction entre le premier paragraphe qui parle du devoir de
respecter le droit d'être informé, servi en français, versus le deuxième
paragraphe qui oblige d'informer et de servir en français. Est-ce à dire que, même
si une entreprise avec laquelle un commerçant fait affaire souhaite être
informée et servie dans une autre langue, ce dernier devra tout de même, dans
tous les cas, l'informer et le servir en
français? Si cela est le cas, une telle obligation ne nous apparaît pas
justifiée et raisonnable. Par conséquent, le CQCD recommande de modifier
le nouvel article 50.2 de façon à ce que toutes les entreprises qui
offrent des biens et des services tant auprès d'un consommateur et d'un public
autre que les consommateurs doivent respecter son droit d'être informé et servi
en français.
Au sujet des marques de commerce, les règles, en
matière d'affichage public d'une marque de commerce ou d'un nom ont fait
l'objet de plusieurs discussions, dans les années précédentes, à cette question
et ont été fortement débattues au cours de la dernière décennie. Le CQCD a été
à la fois témoin, acteur de cet épineux débat. Nous comprenons, à la lecture du projet de loi, que le gouvernement souhaite
maintenant faire marche arrière en rétablissant la règle de nette
prédominance du français dans l'affichage public.
Or, nous considérons qu'il
s'agit d'une mauvaise idée, et ce, principalement pour les raisons suivantes.
Plusieurs détaillants ont investi des sommes importantes pour se conformer aux
dernières modifications apportées en matière d'affichage public en 2016.
Certains ont complété l'exercice il y a à peine deux ans. Ces dépenses se chiffrent en millions de dollars. La règle de la
présence suffisante du français a été le fruit d'un long débat qui a
perduré pendant une décennie. Il s'agit d'un excellent compromis. Il est
important de savoir qu'une marque déposée au sens de la Loi fédérale des
marques de commerce signifie que celle-ci devra être enregistrée. Or, il y a
actuellement un délai administratif allant jusqu'à trois ans pour
l'enregistrement d'une marque auprès de l'OPIC. Par conséquent, le CQCD
recommande de maintenir le statu quo concernant les règles de matière
d'affichage public et de retirer les articles 47 et 48.
Le gouvernement propose d'assujettir à la charte
les entreprises employant entre 25 et 49 personnes de la même manière que celles employant 50 à
99 personnes. Elles devront ainsi généraliser l'utilisation du français à
tous les niveaux de l'entreprise. Pour le CQCD, cette proposition est inquiétante
et irréaliste. Le fait d'imposer une nouvelle exigence en matière de
francisation aux entreprises plus petites de 25 à 49 employés est une
chose, mais le fait qu'elles soient assujetties aux mêmes exigences que celles
de 50 à 99 employés en est une autre. Le CQCD reconnaît l'importance de
redonner un élan à la langue française, de renforcer son statut, mais il est
clair qu'il ne partage pas la recette
proposée par le gouvernement envers les entreprises pour y arriver. À cet
égard, le CQCD est d'avis que la mise en
place d'un régime particulier allégé visant les entreprises serait susceptible
d'être une solution avantageuse pour tous.
Au chapitre de la gouvernance, le CQCD ne croit
pas qu'il est nécessaire d'aller aussi loin que ce qui est proposé dans le
cadre du projet de loi. Il est certes souhaitable que le gouvernement se donne
les moyens pour accroître sa capacité d'action, mais nous nous questionnons
réellement sur l'ampleur des moyens qu'il suggère de mettre en place. Nous croyons que le gouvernement fait fausse route. Il
s'apprête à mettre en place une espèce de monstre administratif qui
exigera l'embauche de plusieurs employés alors que le Québec peine à sortir de
la pandémie et qu'il vit toujours la pénurie de main-d'oeuvre sans précédent,
et que les coffres de l'État ne sont pas nécessairement illimités. Il y a lieu
de se questionner à savoir s'il s'agit là d'une décision judicieuse et
responsable. Nous croyons que les
investissements nécessaires pour donner un élan à la charte de façon durable
doivent être davantage orientés vers le terrain et l'accompagnement des différents acteurs, notamment les
entreprises, les employeurs et les employés, et non la mise en place d'une nouvelle structure. Cette
approche permettra, selon nous, d'obtenir davantage de gains pour tous.
En conclusion, le CQCD partage l'objectif
général du projet de loi de donner un nouvel élan à la langue française, de lui
attribuer le statut de langue commune en complément de langue officielle. Il
endosse également son objectif de renforcer son statut dans l'ensemble des
sphères de la société québécoise ainsi que plusieurs mesures proposées. Toutefois, il estime que le projet de
loi n° 96 comme proposé emprunte à tort dans certains cas la
mauvaise voie, dont l'alourdissement du
processus de francisation pour les entreprises ainsi que l'approche coercitive
et judiciaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à votre présentation.
M. Côté (Jean-Guy) : Et j'ai
terminé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais vous pouvez toujours nous envoyer vos notes au secrétariat de la
commission, donc on prendra connaissance de la fin de votre témoignage.
M. Côté (Jean-Guy) : Il restait
un mot, et c'était «merci».
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Parfait. M. le ministre, la parole est à vous pour 17 minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Côté et
Mme Pâquet, bonjour. Bienvenue à la commission parlementaire. Merci
pour votre présence et le dépôt de votre mémoire.
Est-ce que vous trouvez que c'est une décision
judicieuse et responsable de la part du gouvernement du Québec de vouloir
protéger, promouvoir et assurer la pérennité de la langue française?
M. Côté (Jean-Guy) : Comme on
l'indiquait, sur le principe, c'est clair pour nous que c'est le rôle — et
c'est judicieux — du
gouvernement de prendre acte et de protéger la langue française. C'est le
socle, je l'ai dit, c'est le socle commun au Québec de la nation québécoise.
Donc, pour nous, c'est clair que tout acteur de la société doit prendre en
considération la protection de la langue française, et le gouvernement, à juste
titre, il doit être le porte-étendard de cette protection-là.
Donc, oui, pour nous, on considère qu'il y a un
moment opportun, et la question est judicieuse actuellement.
M. Jolin-Barrette : Et votre
organisation est d'accord avec le fait qu'il y a un déclin du français au
Québec, particulièrement dans la région métropolitaine de Montréal?
M. Côté (Jean-Guy) : Notre
organisation constate qu'il y a certaines problématiques dans certaines régions
du Québec au niveau de l'utilisation du français. On ne se le cachera pas, il y
a certains endroits où c'est plus difficile. Il y a certains endroits où la
langue française est moins utilisée qu'auparavant.
Donc, oui, il y a un constat. Les membres ont à
coeur d'offrir à leurs clientèles un service en français, mais c'est plus
difficile dans certains coins.
M. Jolin-Barrette :
Et quelles sont les problématiques que vous avez identifiées comme organisation
relativement au français?
M. Côté
(Jean-Guy) : Le recrutement. Je pense que le recrutement de la
main-d'oeuvre, d'employés, actuellement, on ne se cachera pas, dans le secteur
du détail...
M. Jolin-Barrette :
En lien avec la langue française.
M. Côté
(Jean-Guy) : ...en lien avec la langue française.
M. Jolin-Barrette : Parce que vous dites : Nos membres
constatent qu'il y a des problématiques avec le français...
M. Côté
(Jean-Guy) : Oui.
M. Jolin-Barrette :
Donc, qu'est-ce qui est problématique? Parce que le fait de recruter des
travailleurs québécois qui parlent français, ça, je ne pense pas que c'est un
problème.
M. Côté
(Jean-Guy) : Non, mais il n'y en a pas en quantité. Et, dans certains
endroits, dans certains endroit, recruter
des gens au service à la clientèle qui parlent français peut être plus
problématique parce qu'exactement il n'y en a pas tant que ça qui sont
disponibles à travailler dans le commerce de détail. Donc, à la limite,
offrir... ou trouver des gens qui ont les compétences en français pour
travailler dans le commerce de détail est plus difficile qu'auparavant.
M.
Jolin-Barrette : Mais le point, c'est que vous ne réussissez pas à
trouver d'employés, point.
M. Côté
(Jean-Guy) : En général, c'est ça, oui, mais en français plus
particulièrement dans certains coins.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Mais donc, si vous avez quelqu'un qui veut
travailler, mais qui ne maîtrise pas la langue
française, il faut mettre des mesures en place pour qu'il puisse travailler
dans un environnement francophone. Puis le marché du travail... puis c'est une bonne façon d'apprendre le français,
si l'environnement est francophone au travail.
M. Côté
(Jean-Guy) : Je suis un grand promoteur de la francisation sur les
lieux de travail. Dans un sens, c'est... le
milieu du travail est un excellent moteur de francisation puis d'apprentissage
de la langue. C'est la vie... une grosse partie de notre vie personnelle
en tant que personne, le marché du travail ou le milieu du travail. Donc, y
apprendre le français, c'est un bon endroit. Est-ce qu'actuellement il y a des
services possibles pour franciser sur les milieux de travail qui sont fournis?
Ça reste à voir. Mais effectivement le milieu de travail est un bel endroit
pour franciser quelqu'un qui ne... qui, actuellement, ne parle pas français.
M.
Jolin-Barrette : Puis là je suis heureux de vous entendre dire ça,
parce qu'un des objectifs de Francisation Québec c'est justement ça, d'offrir
un guichet unique pour être en mesure, un, de pouvoir orienter les personnes
immigrantes qui souhaitent apprendre le français, incluant tous les Québécois
aussi qui souhaitent acquérir de meilleures compétences langagières en
français. Et donc le fait d'avoir un guichet unique, ça va permettre également
d'aller en entreprise en compagnie de l'OQLF, mais Francisation Québec est là
justement, également, pour offrir de
l'accompagnement, du soutien aux entreprises, pour franciser les entreprises.
Alors, Francisation Québec, vous l'accueillez positivement?
• (15 h 20) •
M. Côté
(Jean-Guy) : On l'accueille extrêmement positivement, puis on le dit
dans notre mémoire, pour nous, c'est une des mesures qui est... constructives
dans ce qui est proposé. Il est clair qu'il y a un besoin de francisation sur
les milieux de travail. Il est clair qu'il y a un besoin de francisation
général de la société. Donc... Et si vous me dites, en plus, que les Québécois
qui veulent parfaire leur qualité du français pourront eux-mêmes avoir accès,
je peux vous garantir qu'on va regarder ça avec un grand sourire, parce qu'il y
a aussi un travail sur la qualité à faire et pas juste sur la quantité.
M.
Jolin-Barrette : Sur la question, vous l'avez abordée tout à l'heure,
la question de l'affichage, bon, là, on revient à la nette prédominance du
français. Historiquement, dans le fond, 77, la charte est adoptée par
l'Assemblée nationale, la Charte de la langue française, affichage unilingue en
français. Il y a des contestations constitutionnelles, arrive l'arrêt Ford. Le
Parti libéral et M. Bourassa invoquent la disposition de souveraineté
parlementaire. Il y a une chicane au Parti libéral, il y a des députés qui
quittent, schisme au sein de cette formation politique là. Et là, en 1993, M. Ryan
modifie la loi, et, dans le fond, on ne renouvelle pas la disposition de
souveraineté parlementaire. Et, depuis 93, c'était la nette prédominance du
français jusqu'au jugement de la Cour d'appel dans l'arrêt Best Buy.
On comprend qu'en
2016 le Parti libéral n'a pas voulu ouvrir la Charte de la langue française
pour venir modifier ou pour venir dire clairement dans la charte : C'est
la nette prédominance, donc a adopté un règlement, qui est la présence
suffisante du français.
Là, ce que vous nous
dites, vous dites : Il y a des entreprises qui ont investi pour se
conformer. Nous, on revient à l'historique depuis 93 à 2016, ce qui devait être
le cas. Est-ce que je dois comprendre que ceux qui se sont conformés au nouveau
règlement n'étaient pas conformes à ce qui était prévu par la loi entre 93 puis
2016?
M. Côté
(Jean-Guy) : Bien, si je me fie à l'historique, et je ne suis pas
juriste, donc je ne veux pas être taxé de chose que je ne peux pas faire, mais,
effectivement, avant 2016, avant le compromis de 2016, il y avait des
interprétations qui étaient différentes pour... de plusieurs sources sur
comment devait s'appliquer cette notion de nette prédominance.
On parle ici de marque de commerce, donc la
devanture, au-delà de la nette prédominance du français, je pense que personne
ne remettait en doute la nette prédominance du français dans l'affichage
général, c'est-à-dire les termes génériques ou des choses comme ça, on était
plus dans la présence d'une marque de commerce dans une autre langue que le
français sur la devanture. Et c'est là où il y avait des questionnements. Il y
a même eu des cas en cour, donc il y a eu des éclaircissements demandés à la
cour.
Et la naissance du règlement, et... où je n'y
étais pas, donc je ne peux pas en témoigner, mais la naissance du règlement,
m'a-t-on dit, est née d'un désir de régler cette ambiguïté-là qui existait
entre les interprétations.
M. Jolin-Barrette : Mais sur cette
question-là, là, le visage français du Québec, vos membres ne sont pas
interpellés par ça, particulièrement sur l'île de Montréal, cette identité
particulière là du fait d'avoir la nette prédominance du français? Ça ne fait
pas partie de l'environnement francophone du Québec, le fait que l'affichage
symbolise aussi cette présence francophone en Amérique?
M. Côté (Jean-Guy) : Je pense que,
si vous vous promenez dans les rues de Montréal ou sur diverses avenues dans le
reste du Québec, vous allez constater que plusieurs commerçants et détaillants
ont fait un effort notable d'ajouter du français sur les devantures, sur
améliorer l'image française de leurs devantures. Il y a des descriptifs
maintenant, ce qu'il n'y avait pas auparavant. Il y a des descriptifs qui ont
apparu, «centre de jardin», par exemple, est un bon exemple, ou
«quincaillerie», choses qui n'existaient pas ou on avait auparavant seulement
une marque de commerce. Donc, il y a eu un
effort pour améliorer l'image, et ça, c'est clair, pour le détaillant, s'y
conformer, avoir une image française, c'est important. Là, on tombe dans un
débat où la marque de commerce... où il y aura une présence d'une marque de
commerce dans une autre langue que le français, si cette marque-là apparaît sur
la devanture, elle devra être compensée par
une nette prédominance d'autres termes en français sur la devanture. Ce
qui fait que, de façon pratique,
supposons, une entreprise qui s'appellerait... avec une marque de commerce
déposée «Rainbow», qui vendrait des
bottes, il faudrait que le terme «bottes» soit beaucoup plus gros que le
terme «Rainbow», mais la marque déposée aurait été «Rainbow».
Donc, pour certaines devantures, on parle d'un
changement fondamental, tu sais, de la place que doit occuper la marque de
commerce et le descriptif. Donc, il y a des enjeux avec les règlements
municipaux, des droits acquis, donc, et ça, il y a des règlements municipaux
qui contrôlent le nombre de mots qu'on peut mettre sur une devanture dans un commerce
de détail. Donc, ça, il y a des contraintes, donc il y a une crainte
substantielle qu'on revienne à un état qui n'était pas l'état précédent, qui est un nouvel état où on devra refaire
l'ensemble des devantures de plusieurs magasins. On parle de plusieurs
millions, et ça, c'est des chiffres qui m'ont été confirmés par plusieurs de
mes membres qui ont dû faire le processus depuis 2016. Donc, ça, c'est une
inquiétude, pour nous, qui est majeure, je ne vous le cacherai pas.
M. Jolin-Barrette : Et considérant
cela, on fait en sorte d'avoir un délai d'application de trois ans pour se
conformer, également. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est que vous
invoquez la notion de marque de commerce, et on se retrouve dans une situation
où, en raison du partage des compétences, parce que la marque de commerce est
protégée au fédéral, ça sert à faire en sorte d'angliciser le Québec, le visage
linguistique du Québec. Alors, dans les choix qui sont... dans les décisions
judicieuses et responsables, entre autres, pour la pérennité du français, ça en
fait partie dans le cadre de l'analyse.
M. Côté (Jean-Guy) : Oui, mais je
vous dirais qu'une simple visite dans d'autres régions avec des réalités
linguistiques qui sont précaires comme le français en Amérique du Nord, en
Europe, par exemple, dans certains endroits, il y a quand même la présence de
marques de commerce internationales dans les devantures de magasins et parfois,
ou non, la présence de générique dans la langue originale. Donc, je me pose la
question, est-ce que c'est un objectif qui doit être majeur ou c'est un
objectif qui doit être connexe? C'est à vous, législateurs, de le déterminer.
M. Jolin-Barrette : Je vous remercie
pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Simplement un commentaire.
Je vous soumettrais que la situation du Québec, elle est quand même particulière dans le monde entier. Un État, on
peut parler du Nouveau-Brunswick aussi, là, mais un État autant englobé
par une autre langue, c'est une situation qui est particulière en Amérique,
mais je cède la parole. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, j'ai maintenant le député de Saint-Jérôme qui veut prendre la
parole. Et vous avez 5 min 30 s.
M.
Chassin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, M. Côté, Mme Pâquet, un plaisir de vous voir en
commission parlementaire. On va un peu continuer dans la même veine dans le
sens où... Puis je pense que vous connaissez déjà, là, mon attachement à
l'allègement réglementaire et au fardeau administratif des petites entreprises,
des moyennes entreprises, et même des grandes entreprises. Et là, dans le fond,
il y a un aspect du mémoire, là, qui, pour moi, est informatif, là, on parle
d'à peu près 85 % des entreprises dans le commerce de détail qui ont moins
de 20 employés. C'est bien ça? J'imagine que c'est parce que vous n'aviez
pas de chiffre de 25 à 49, là, ça...
M. Côté
(Jean-Guy) : Non.
M. Chassin :
D'accord.
M. Côté (Jean-Guy) : On aurait
espéré, mais non, ça ne...
M. Chassin :
Parfait. Donc, on comprend que l'immense majorité dans le commerce de détail
n'aura pas les nouvelles exigences, là, qui
sont celles pour les 25 à 49, mais, néanmoins, là-dessus, donc, vous
montrez, là, que vous êtes sensible à l'objectif de ces discussions sur
les moyens.
Il y a un aspect dans votre mémoire, par rapport
à la publication des appels... des offres d'emploi, pardon, les appels
d'offres, c'est autre chose, des offres d'emploi où vous comprenez dans le fond
l'objectif de dire, bien, que les employeurs
fassent, finalement, l'effort nécessaire pour qu'on puisse donner la chance
aussi aux francophones d'appliquer sur les postes. Et, en même temps,
vous le soulevez, il y a un aspect conjoncturel en ce moment avec la pénurie de main-d'oeuvre qui fait que, de toute
manière, les employeurs ont tendance à utiliser toutes les plateformes, partout, puis d'y aller le plus large possible.
Évidemment, c'est un aspect conjoncturel, on modifie la Charte de la langue française en ayant un
peu à l'esprit que, peu importe la conjoncture future, il faudrait que ce type
de mécanisme s'applique. Si vous reconnaissez, dans le fond, la pertinence de
l'objectif, vous ne proposez pas de solution ou un autre moyen, en quelque
sorte, puis là, je voudrais peut-être vous entendre là-dessus. Est-ce que, si
vous dites : Bien, c'est peut-être lourd, moi, je trouve que c'est
relativement un bon moyen, mais c'est surtout que je n'en vois pas
nécessairement d'autre. Est-ce que vous en verriez un autre?
• (15 h 30) •
M. Côté (Jean-Guy) : La question est
pertinente, je dois vous avouer. C'est clair qu'actuellement, le contexte
actuel de la pénurie de main-d'oeuvre est un contexte où on est dans la
nouvelle réalité de la main-d'oeuvre, où on cherche par tous les moyens
possibles et potentiels de trouver des gens pour venir travailler dans les
magasins, ailleurs, dans les entrepôts, à
divers postes disponibles, donc, et ce
que vous recherchez cependant, c'est que les francophones aient le même
accès à ce cadre-là.
Et là où il y a une certaine... pour les
détaillants, lorsqu'ils lisent ce qui est proposé, il y a un certain décrochage entre la réalité... C'est que c'est
clair qu'ils vont actuellement tout faire en oeuvre pour que les offres
d'emploi soient le plus largement
disponibles à tous les gens potentiels et possibles, donc, et pour eux, ça
devient de dire : Bien, on le fait un peu déjà, s'assurer que ça
soit offert en français. Donc, s'assurer que ça soit fait. Je vais être
honnête, on s'est creusé un peu
la tête, il n'y a pas de solution miracle. Il faut juste s'assurer
que, comme toute autre documentation liée à l'emploi dans le commerce de
détail, qu'elle soit offerte et disponible en français, donc, et ça, l'objectif
de la loi est très clair. Et je crois
qu'on pourrait, en continuité avec cet objectif-là, l'appliquer sur les
offres d'emploi. Mais, en réalité, on est dans une réalité où, maintenant,
on est dans le bouche-à-oreille, maintenant on est dans l'affichage sur Facebook,
sur les réseaux sociaux, donc on est dans une autre réalité pour trouver des
employés potentiels dans le commerce.
M.
Chassin : Mais parfois la récompense à un employé qui amène
un ami qui va se faire embaucher, on a vu...
M. Côté (Jean-Guy) : Il y a des
bonis de signature maintenant, aussi, hein, vous savez, dans le commerce de
détail, il y a des bonis de signature, donc...
M. Chassin :
Oui, effectivement. Donc, on comprend. Mais, évidemment, c'est conjoncturel,
puis on ne se le souhaite pas, mais, si dans 40 ans, par exemple, ce
n'était pas la même situation, moi, je trouve qu'il y a une certaine valeur à ce qu'il y ait ce mécanisme-là de
permettre finalement une chance à tout le moins égale aux francophones. Est-ce qu'au moins sur l'objectif... je crois qu'on s'entend?
Est-ce que vous me confirmez qu'on s'entend sur l'objectif?
M. Côté (Jean-Guy) : On s'entend sur
l'objectif. Sur la manière, on reste encore en réflexion de notre côté. Et on
espère que, dans 40 ans, on soit ailleurs aussi.
M.
Chassin : Bien sûr. Mais
dans le sens où il faut que ce soit, peu importe la conjoncture, un objectif à
atteindre.
J'ai remarqué, puis là c'est sur, justement, la mise
en oeuvre, parce que le projet de loi prévoit différents mécanismes, et puis
même des mécanismes, là, qui sont définis dans la loi ont souvent une mise en
oeuvre par la suite. Et là il y a toutes
sortes de moyens qui peuvent être utilisés, au-delà des articles de loi et de
comment ils sont rédigés.
Puis je le souligne, je trouve ça intéressant, à
la page 4 de votre mémoire, il est mentionné que vous-même, grâce à la
contribution financière de l'OQLF, vous avez mis un projet, dans le fond, là,
sur pied visant à accompagner les détaillants dans la francisation de leurs
outils numériques et promotion...
La Présidente (Mme Thériault) : Je
dois vous interrompre, M. le député.
M. Chassin :
Ah! c'est déjà terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est déjà terminé, oui.
M. Chassin : Le
temps passe trop vite, désolé. Mais merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup. Bonjour,
M. Côté, Mme Pâquet. Enchantée.
Je vais vous amener tout de suite, moi, à la
page 22, dans les pouvoirs d'inspection et d'enquête de l'OQLF. Je pense
qu'on n'en a pas beaucoup parlé jusqu'à maintenant,
mais l'article 111, l'article 108,
l'article 113, particulièrement le 111, bon,
vous le définissez bien, ce qu'a... les pouvoirs de l'OQLF d'inspection, de
pénétrer à toute heure raisonnable dans tout endroit, bon, etc. Je ne lirai pas
tout, tout l'article. Mais vous dites : «Nous sommes à la fois inquiets et déçus de constater que le projet de
loi, comme rédigé, envoie un mauvais signal aux entreprises voulant que
le gouvernement entende adopter la ligne
dure, notamment en octroyant plusieurs nouveaux pouvoirs à l'office qui
auront pour conséquence de rendre la charte
similaire à un code pénal.» Donc, essayez donc de nous expliquer rapidement,
mais quand même ce qui vous inquiète le plus dans cet article-là, l'image que
vous vous faites de ces pouvoirs étendus.
M. Côté (Jean-Guy) : Je vous
remercie de la question. Je laisserais aussi, peut-être, parler, un peu plus
tard, Me Pâquet, qui a étudié la question quand même dans son ensemble,
mais je dirais d'emblée, il faut remarquer que, dans les dernières années,
l'OQLF avait quand même eu une opération d'accompagnement qui était extrêmement
intéressante, et je fais un peu de millage avec la question de votre collègue,
là. On a quand même offert des prix de francisation pour les outils numériques.
On a accompagné certaines entreprises pour améliorer... Et il faut comprendre
que les détaillants sont en très, très grande majorité motivés à franciser
leurs opérations, leurs sites Internet,
leurs opérations internes. Et c'est parfois un manque de moyens, ils ont besoin
tout simplement de quelqu'un qui les accompagne et non pas quelqu'un qui
vienne leur dire qu'ils sont dans le tort. Donc, l'accompagnement est en soi...
pour nous, devrait être le premier réflexe de l'OQLF, de dire : Je vais
vous amener ailleurs, je vais vous aider à passer à travers le processus. Vous
allez être beaucoup mieux équipés, en termes de français, après ce processus-là.
Et d'ailleurs l'OQLF, c'est très rare qu'ils se
rendent, quand même, dans une optique de punition. Tu sais, ils sont souvent
dans l'accompagnement. Et on a senti, dans les dernières années, ce changement
de culture là. Là, on semble revenir à une culture de beaucoup plus d'enquêtes,
de vérification, d'audit, d'aller voir en magasin si on a des produits qui sont
correctement... d'aller s'assurer que les logiciels utilisés sont réellement
des logiciels en français où il y a une version française qui existe. Donc, il
y a plusieurs... il y a une optique qui nous semble être différente, qui nous
inquiète un peu, qui semble être une espèce de... du retour de l'OQLF qui
arrive dans le magasin puis nous dit comment, un peu, faire les choses, alors
qu'on avait senti, dans les dernières années, un changement de culture. Je ne
sais pas si, Me Pâquet, vous voulez compléter.
Mme Pâquet (Françoise) : En fait,
j'ajouterais simplement que l'analyse qu'on a faite avec les différents
détaillants, en fait, avec nos membres, on a comme l'impression qu'on retourne
avec un état policier. L'office a, selon nous, des pouvoirs qui vont être beaucoup
plus importants, et pour ne pas dire puissants, dans la mesure où il pourra, à
tout moment, rentrer dans un entrepôt, rentrer dans les commerces, rentrer et
pouvoir solliciter... prendre plein de photographies, ce qu'elle pouvait faire,
mais qu'elle pourra également solliciter de l'information dans les systèmes
informatiques, auquel cas il peut y avoir de l'information confidentielle.
Donc, on sent que la police débarque et qu'à ce moment-là elle pourra aller
chercher toutes les preuves à tâtons pour essayer de repérer des produits qui soient non conformes ou encore des informations dans les systèmes informatiques qui sont non conformes.
Donc, on n'est plus du tout dans les pouvoirs d'inspection que l'office avait auparavant.
Et ça, ça nous inquiète beaucoup, de voir que... Et l'office aussi, à ce
moment-là, pourra, de par ses pouvoirs d'ordonnance aussi qui lui sont confiés,
demander à ce que des produits soient retirés, demander à ce que des enseignes
soient enlevées. Donc, on est vraiment dans des pouvoirs policiers, davantage,
de système pénal.
Mme David : Ça a l'avantage d'être
très clair, les mots que vous employez. Vous êtes juriste?
Mme Pâquet (Françoise) : Oui.
Mme David : O.K., alors je vais en
profiter. Ce n'est pas grave si votre collègue veut répondre, là, mais c'est
parce que...
Mme Pâquet (Françoise) : Ceci dit,
je ne suis pas spécialisée dans le domaine de la...
Mme
David : Non, non, non, bien,
écoutez, moi, je ne suis ni juriste ni spécialisée, alors... mais on a le droit
de se pencher sur le projet de loi quand même. Il y a deux mots importants, dans cet
article-là, il y a deux mots qui préoccupent de nombreux
juristes, entre autres le mot «mandat» de perquisition, qui n'existe pas, il
n'y a pas d'obligation de faire un mandat
pour ce genre... pour ce que vous venez de décrire, des fouilles abusives,
ouvrir des ordinateurs, et il y a le mot «dérogation», donc la clause... disposition de
dérogation, qui s'appliquerait à toute la loi, s'applique aussi à l'article 111. Alors, ça veut dire que les
enquêteurs ont le droit de venir sans demander auparavant un mandat de
perquisition, perquisitionner dans des ordinateurs où peuvent se mélanger — il y
a des arrêts de la Cour suprême là-dessus — se mélanger des données personnelles d'un employé avec des données
professionnelles ou réglementaires de
la compagnie. Et là il y a un grand débat à savoir si, justement, ce
n'est pas une intrusion et une atteinte au droit à la vie privée.
Alors, ça, c'est tous les aspects plus légaux,
sur lesquels plusieurs intervenants sont venus nous dire : Ça n'a pas de
bon sens qu'une disposition de dérogation... Entre autres Me Patrick
Taillon, qui est un des architectes de cette loi-là,
dit : Pour l'article 111, là, je pense que ça prendrait une levée de
la disposition de dérogation. Alors, je vous laisse continuer sur...
• (15 h 40) •
Mme Pâquet (Françoise) : Bien, écoutez,
je suis contente de vous entendre dire ça, d'autant plus que c'est des
spécialistes encore plus en la matière que moi sur cette question-là. Mais,
définitivement, je vous dirais qu'à travers les différentes dispositions du projet
de loi qui ont été étudiées, c'est probablement parmi celles qui ont fait réagir le plus nos gens, de constater qu'effectivement on pourrait voir débarquer des agents de l'office, des
inspecteurs de l'office et aller chercher
toute l'information, puiser sans qu'on n'ait quoi que ce soit à pouvoir
dire. Donc, définitivement, c'est...
Et c'est pour
ça qu'on va jusqu'à qualifier les dispositions de code pénal. Donc, pour nous, c'est des
pouvoirs qui sont trop invasifs et auxquels... on a besoin de difficulté. Donc,
je pense que vous venez tout simplement de confirmer nos inquiétudes par
rapport à ça.
M. Côté
(Jean-Guy) : Si je peux compléter,
dans la description d'une inspection, souvent l'OQLF actuellement va arriver, va prendre
des photocopies de certains documents, va repartir avec des photos. Et s'engage
un dialogue tout de même avec l'inspecteur
en venant dire : Bien, vous avez tel type de contrat. Vous pourriez peut-être,
à l'intérieur de vos
opérations, le franciser. Ça, tel bon de commande, devrait être en français. Et
la très, très grande majorité des employeurs vont se conformer et les
détaillants vont se conformer rapidement parce que, souvent, ils veulent faire
la bonne chose, puis avoir un accompagnement de ce type-là permet de le faire.
Là, on rentre dans une confrontation dès le
premier pas de l'OQLF à l'intérieur de l'entreprise, où l'OQLF entre dans l'entreprise
et peut vérifier tout ce qu'il veut, finalement. Donc, il n'y a plus de communication,
il n'y a plus de dialogue, on est dans la saisie. Donc, ça semble être un
changement de ton qui, chez mes membres, a suscité énormément de réactions, je
vous dirais même viscérales.
Mme David : Viscérales. Non,
mais ce qui est inquiétant aussi, c'est qu'en 1977 l'ordinateur n'existait pas,
les données numériques n'existaient pas. Et en 2021, évidemment, tout est sur
l'ordinateur. Il y a l'ordinateur de la compagnie, mais il y a le portable avec
lequel on s'en va chez nous, etc., et qui, là, peut avoir... contenir les deux
types de renseignements, personnels et professionnels. Oui, les règlements, et
tout ça, parce que l'employé l'ouvre le matin au bureau, puis il y a tout ça.
Et il y a d'autres choses aussi. Et c'est là qu'il y a un flou juridique
important et qui peut faire une atteinte, selon plusieurs, évidente, au droit à
la vie privée.
Il me reste encore un peu de temps, Mme la
Présidente? J'ai oublié de partir...
La Présidente (Mme Thériault) :
Deux minutes.
Mme David : J'avais remarqué
dans le projet de loi qu'il y avait une ligne et demie sur le droit d'être
servi en français, puis, évidemment, c'est votre pain et votre beurre, ça, vous
servez le monde, c'est ça... c'est ça, le commerce de détail, puis heureusement
qu'on vous a. Alors, le droit d'être servi en français, bien, il est, vous dites
bien, puis moi, je ne suis pas sûre de comprendre la nuance, là, qu'il y a...
L'entreprise qui offre aux consommateurs des
biens, ça, c'est moi et mon collègue qui allons s'acheter des choses, doit respecter
son droit d'être servi et informé en français, mais le public autre que
le consommateur doit l'informer et le servir en français. Là, vous vous
inquiétez de ça. Et moi, je veux comprendre
la nuance que vous faites entre le droit d'être servi en français
pour les consommateurs et au public autre que les consommateurs.
M. Côté
(Jean-Guy) : Je vous dirais
que la question est très pertinente parce que
c'est une question qu'on s'est nous-mêmes posée assez longuement à la lecture du projet de loi, sur pourquoi y
avait-il deux niveaux ou deux différences, deux interprétations de deux
versions, finalement, du droit d'être servi en français qui étaient compris
dans l'article.
C'est clair que, pour nous, le contrat
d'adhésion, être accessible en français puis de se faire offrir en français,
pour nous, c'est primordial. Je pense que les détaillants l'ont compris et le
font.
Nous, ce qu'on n'a pas trop compris, c'est le
public autre que le consommateur, c'est quoi, l'intention du législateur,
quelle est son interprétation, et on a consulté quand même quelques juristes
pour écrire le mémoire, et essentiellement on n'a pas de consensus.
Ça fait qu'à votre question je suis aussi dans
le gris. Et on demande une clarification, finalement. On demande que cet
article-là soit clarifié et qu'on puisse connaître un peu les tenants et les
aboutissants de ce que ça pourrait représenter.
Mme David : Donc, bien noté.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier, 5 min 40 s.
Mme Ghazal : Wow! Mon Dieu! Je
suis gras dur, comme on dit. Merci, Mme la Présidente. Parce que d'habitude je
n'ai même pas... à peine... même pas trois minutes. Bien, merci pour votre
présentation.
Moi, je voudrais
revenir sur toute la question de la lourdeur bureaucratique, de la
paperasserie, tout ça, parce que les gens du commerce au détail... Moi, j'ai
des artères commerciales, là, dans mon comté, il y en a partout, puis c'est
très, très important pour l'image d'une ville, l'image de... n'importe où, là.
Évidemment, on parle beaucoup de Montréal. Puis vous
dites qu'il y a une lourdeur et une complexité des mesures qui sont déjà en
place, là, pour les entreprises de 50 à 99 employés. La
francisation exige notamment la prise de mesures comme la mise en place de processus
administratifs de gestion, la création de comités, la production de rapports.
Bref, il est question de beaucoup, beaucoup de paperasserie. Puis ça, quand on
lit ça on dit : Mon Dieu! Il doit y avoir des montagnes de rapports à
remplir, énormément de choses. Puis je suis allée sur le site de l'OQLF pour
voir. Par exemple les entreprises maintenant de 25 employés et plus, il va
falloir qu'elles s'inscrivent, donc c'est un simple formulaire pour s'inscrire, là, puis donner les informations
à l'OQLF. Après ça, il faut faire une analyse de la situation
linguistique, donc c'est un formulaire de 14 pages, mais il n'y a pas
beaucoup de cases où il faut écrire des romans. C'est vraiment des questions
oui ou non, les catalogues et les dépliants de votre entreprise sont en
français, c'est facile, oui ou non, etc. Puis si la situation est conforme,
puis je me suis informée, je pense que c'est plus que 80 % des entreprises
qui font ce processus-là l'obtiennent, c'est facile. Si ce n'est pas conforme,
là, l'OQLF est là pour les accompagner. Puis après
ça, aux trois ans, il y a un formulaire qui ressemble presqu'à l'autre à
être rempli. Je veux dire, c'est beaucoup plus simple que faire son
rapport d'impôt puis je ne pense pas qu'aucune entreprise ne va dire :
Bien, moi, je vais arrêter de faire mon rapport d'impôt parce que c'est trop
compliqué, trop de paperasserie, quoiqu'il y en a qui vont dans les paradis
fiscaux, mais c'est un autre sujet. Donc, pourquoi est-ce que c'est si
compliqué, faire ça pour le français alors qu'on le fait pour des subventions,
on le fait pour beaucoup d'autres choses?
M. Côté
(Jean-Guy) : Bien, écoutez, à la face même que vous démontrez, c'est
clair que lorsqu'on prend cet objet-là particulier, pour un détaillant, s'il
n'avait que ça à faire, on s'entend qu'on serait dans la mesure du possible.
C'est que ça s'ajoute à plusieurs autres éléments administratifs à remplir au
cours d'une année.
Et là, vous tombez
sous l'égide d'un 25 à 49. Un détaillant de 25 à 49, ce
n'est pas beaucoup de portes, c'est une, deux portes, des employés à temps
partiel, des employés à temps plein, plus le propriétaire. Donc, c'est souvent
des propriétaires qui vont travailler eux-mêmes sur le plancher, qui vont
travailler eux-mêmes à la vente, qui vont faire la comptabilité, ils vont faire
les ressources humaines, le recrutement. Et s'ajouterait un élément
administratif supplémentaire qui s'ajoute à
d'autres éléments administratifs. Le gouvernement actuel s'est engagé dans un
processus d'allègement réglementaire...
Mme Ghazal :
Le projet de loi a été déposé aujourd'hui.
M. Côté
(Jean-Guy) : Oui, qu'on salue dans un sens qu'il y a un processus
d'allègement réglementaire, où il y a un principe de réglementation
intelligente, c'est qu'on doit réglementer en fonction de la capacité de
l'entreprise à y répondre, à cette réglementation-là.
Donc, ce qu'on dit,
c'est on ne veut pas enlever les 25-49 de la nécessité d'être meilleurs en
termes de francisation. Ce qu'on dit, c'est : Trouvez un moyen, une
recette qui leur est propre, qui leur est plus facile, qui va être plus
évidente dans le cadre de leurs activités actuelles.
Mme Ghazal :
...ce que je viens de vous montrer... je comprends que c'est un ajout de plus,
mais qu'est-ce qu'on fait? Vous êtes d'accord qu'il y a un problème pour la
pérennité du français, que vous avez un rôle à jouer. Mais, si compléter
quelques rapports, c'est si compliqué, alors que le processus est facile, là,
la majorité réussisse, donc ça serait quoi l'effort de plus que vous êtes prêts
à faire si celui-là vous le trouvez déjà lourd?
M. Côté
(Jean-Guy) : Bien, en fait, je pense qu'il y a un caractère de prendre
acte de la motivation, de s'assurer que l'accompagnement est sur place puis
qu'il soit accessible, et non pas de tomber dans une optique de rapportage où
on décide de rapporter le nombre de catalogues qu'on offre en français ou
anglais. C'est, bien, voici des guides, voici qui est le plus facile pour vous,
puis éventuellement, peut-être, on ira vérifier si c'est correct.
Mme Ghazal :
Bien, je vais revenir à l'OQLF, parce que les mots que vous avez employés sont
quand même lourds, là, de dire que c'est policier. Puis ça nous rappelle...
moi, je ne sais pas, vous ne trouvez pas que c'est caricatural de dire ça, ça
nous ramène à tous les épisodes «pastagate», et ces genres de choses là. Puis
ça peut faire... je vais prendre ce que le ministre a dit tantôt à la Chambre
de commerce du Montréal métropolitain, vous êtes en train de faire peur aux
détaillants, parce que ça a tellement été mis à l'avant dans les médias, ça a
même nui à notre réputation, peut-être vous êtes... c'est ce que vous êtes en
train de faire. Parce que vous dites vous-mêmes qu'il y a eu un changement de
culture à l'OQLF.
• (15 h 50) •
M.
Côté (Jean-Guy) : Effectivement, on le dit nous-mêmes qu'il y a eu un
changement de culture à l'OQLF. Cependant,
certains articles ne concordent pas avec le changement de culture qu'on avait
observé dans les dernières années. Et,
vous savez, le français, la très, très grande majorité des détaillants au
Québec sont en faveur d'être francophones, d'offrir des services en
français, d'avoir une image française de leur commerce. Le principe même du
détaillant, c'est de répondre à son client.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal :
...résultats aussi. Merci.
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme la députée de Mercier, vous voyez, même
cinq minutes, ça passe trop vite, ça passe trop vite. Donc, je dois mettre fin
à l'échange.
Mme Ghazal : Merci.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. Côte, maître, d'avoir
accepté l'invitation en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe de prendre la place.
(Suspension de la séance à 15 h 51)
(Reprise à 15 h 54)
La Présidente (Mme Thériault) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous poursuivons notre séance et nous recevons maintenant
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, donc Me
Philippe-André Tessier, le président. Vous allez nous présenter la personne qui
vous accompagne. Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation.
Par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission. Bienvenue
à l'Assemblée, de manière virtuelle, la parole vous appartient.
Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Tessier (Philippe-André) : Merci,
Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Alors, Philippe-André Tessier, je suis président de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse et je suis accompagné de Me Geneviève St-Laurent qui est conseillère juridique
à la direction de la recherche de la commission.
Comme vous savez, la commission a entre autres
pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la
Charte des droits et libertés de la personne. Suivant son mandat, la commission
a examiné le projet de loi afin de vérifier sa conformité avec la charte et faire
les recommandations appropriées.
D'emblée, la commission tient à affirmer que la
protection du français en tant que langue publique commune du Québec est un
objectif législatif légitime d'une grande importance. La commission est d'avis
qu'il est tout aussi important, dans un régime démocratique où l'on est
respectueux des droits et libertés, de s'assurer que les droits linguistiques
de la majorité ne viennent pas empiéter sur les droits fondamentaux qui sont
reconnus à toute personne.
La commission est ainsi préoccupée par certaines
dispositions du projet de loi qui visent à introduire à la charte québécoise
des considérations qui ne relèvent pas des droits de la personne parce que ces
modifications pourraient porter atteinte à la cohérence interne de cet
instrument de protection des droits et libertés, à son architecture et aux
principes qui la sous-tendent. La commission estime donc qu'il n'est pas
souhaitable de modifier le préambule de la charte québécoise ni son
article 9.1 et qu'il ne serait pas pertinent d'y ajouter un nouvel article
qui viendrait consacrer un droit de vivre en français. Elle considère que ce
droit toutefois pourrait avoir sa place dans l'autre charte, la Charte de la
langue française. Ces trois modifications à la charte québécoise ne semblent
d'ailleurs pas nécessaires parce que les principes de la Charte de la langue
française sont déjà pris en compte dans l'application des droits et libertés
inscrits dans la charte québécoise dans toutes les situations où la langue est
en jeu.
Cela dit, la commission ne s'oppose pas à
l'ajout d'un alinéa à la disposition interprétative de l'article 50 de la charte québécoise. Cette modification paraît
davantage cohérente avec l'objet et la structure de ce texte
fondamental, tout en respectant la nature de ces deux instruments qui
coexistent depuis plus de 40 ans. Cette proposition semble susceptible de
contribuer à l'harmonisation et à la conciliation des droits individuels
protégés par la charte québécoise avec les
droits linguistiques fondamentaux qui, eux, seraient consacrés par la Charte de
la langue française.
En outre, la commission ne s'oppose pas ni aux
modifications à la Loi d'interprétation ni au choix de conférer un statut
supralégislatif aux droits linguistiques fondamentaux justement consacrés à la
Charte de la langue française. L'importante modification qui serait ainsi
apportée à la hiérarchie des normes québécoises, plaçant la Charte de la langue française au même niveau que
la charte québécoise, viendrait certainement garantir une meilleure
prise en compte des intérêts collectifs relatifs à la vie et à la langue
publique commune dans le cas où un conflit surviendrait avec certains droits
individuels garantis par la charte québécoise.
D'ailleurs la commission insiste, comme elle l'a
fait à de multiples reprises dans le passé, sur l'importance que les
modifications au contenu normatif de la partie I de la charte québécoise
fassent l'objet d'une large discussion publique. Celle-ci devrait impliquer non
seulement des acteurs politiques, mais aussi les membres de la société civile compte tenu de l'impact important qu'il pourrait avoir sur l'interprétation de tous les droits de la charte québécoise. Le fait de rendre la disposition de limitation de
droits qu'on trouve à l'article 9.1 applicable aux droits et libertés
protégés par les articles 1 à 56 et non plus uniquement aux droits et
libertés fondamentaux que l'on retrouve aux articles 1 à 9, mériterait
tout particulièrement une consultation de certains acteurs intéressés
spécifiquement par ces questions.
Dans son mémoire, la commission s'attarde
ensuite sur le recours très large à la disposition de dérogation dans le projet
de loi. Elle estime que son utilisation est d'une trop grande portée. Elle est
insuffisamment justifiée. Pourtant, si la charte québécoise prévoit une
dérogation aux droits qu'elle protège doit être faite de manière expresse,
c'est précisément pour qu'on puisse instaurer ou avoir un débat concernant les
justifications mises de l'avant pour suspendre
l'application de certains droits. Si le projet de loi porte atteinte à des
droits et libertés de la personne, et que le
législateur souhaite s'y soustraire, il parait donc essentiel de les identifier
pour que les citoyennes et les citoyens puissent en être informés, et
qu'un véritable débat puisse avoir lieu sur la question
Il faut comprendre que la Charte de la langue
française et la charte québécoise ne sont pas, de l'opinion de la commission,
incompatibles. Il n'est absolument pas nécessaire d'adopter une clause dérogatoire
à portée générale pour atteindre l'objectif législatif légitime de protection
de la langue française comme langue publique commune. La commission recommande
donc de ne pas adopter les articles 118 et suivants du projet de loi. Subsidiairement,
la commission recommande de préciser, dans le projet de loi, à quels droits ou
libertés de la charte québécoise on entend déroger, et spécifier quelles sont
les dispositions de la Charte de la langue française et du projet de loi
n° 96 qui y sont soustraites.
Le mémoire de la commission s'attarde ensuite
sur certains aspects du projet de loi dont elle estime qu'ils pourraient mettre
en cause certains droits et libertés de la personne tels que consacrés par,
justement, la charte québécoise et le droit
international. Dans un premier temps, la commission interpelle le législateur
et le gouvernement afin qu'ils agissent sans tarder dans le sens des
engagements pris par le Québec en vue de faire vivre, protéger et promouvoir
les langues des nations autochtones. Elle recommande au législateur de
s'assurer que les dispositions du projet de loi n° 96 tiennent compte de
ces engagements, et que cette démarche s'effectue avec la participation des
représentants autochtones.
De plus, elle recommande au législateur de
remplacer les termes amérindiens que l'on retrouve au préambule et
l'article 87 de la Charte de la langue française par celui de Premières
Nations. Plus largement, la commission recommande
au gouvernement de se saisir de l'opportunité que présente l'actuel projet de
loi pour énoncer clairement et dès
maintenant comment il envisage concrétiser, à court terme, les engagements
qu'il a pris en vue d'assurer le
respect des droits linguistiques des peuples autochtones du Québec. Cet énoncé
devrait entre autres préciser les moyens qu'il entend déployer pour que
les nations autochtones participent activement à toutes les démarches qui
seraient entreprises en ce sens.
• (16 heures) •
Dans un deuxième temps, la commission s'inquiète
des excès qui pourraient découler de l'application d'une disposition
interdisant aux employés d'un organisme de l'administration d'utiliser une
autre langue que le français lorsqu'ils
communiquent entre eux dans l'exercice de leurs fonctions. La mesure proposée
pourrait donner l'impression que tout
usage d'une autre langue que le français sur les lieux du travail est interdit, peu
importe le contexte d'utilisation. Cela pourrait pousser certains
employeurs à surveiller l'usage de toute langue sur les lieux de travail,
compromettant ainsi le droit à la vie privée des employés. La commission
souligne l'importance de distinguer clairement l'usage officiel de la langue de
son usage à titre privé.
Troisièmement, la commission est préoccupée par
la disposition qui semble prévoir qu'un organisme de l'administration ne
pourrait utiliser une langue autre que le français dans ses communications avec
les personnes immigrantes au-delà d'une période de six mois suivant leur
arrivée. La commission considère que le fait de conditionner l'usage d'une
langue dans la prestation de services administratifs en fonction d'un délai
plutôt qu'en fonction des besoins de la personne est susceptible d'entraîner
une violation du droit à l'égalité dans l'accès à des services et de l'exercice du droit à l'information prévu dans la charte
québécoise. Une telle exigence est aussi de nature à poser des
difficultés pour les personnes immigrantes dans l'obtention de services
administratifs essentiels, surtout lorsqu'elles
sont toujours en processus de francisation. D'ailleurs, le très court délai
retenu par le projet de loi ne semble pas tenir compte des nombreux
facteurs qui peuvent influencer sur le succès et la durée d'un parcours de
francisation et d'intégration. La commission recommande donc d'amender le
projet de loi n° 96 afin de retirer cette condition.
Quatrièmement, la commission est d'avis que le
recours relatif à la discrimination ou au harcèlement discriminatoire qui
serait ajouté à la Charte de la langue française n'offrirait pas d'avantage
particulier pour les travailleurs concernés. En effet, la commission exerce
déjà sa compétence en lien avec ce type de situation, que la langue visée soit
le français ou une autre langue. Le recours prévu à la charte québécoise permet
la cessation d'une atteinte à un droit ainsi que la réparation du préjudice
subi et le versement de dommages et intérêts punitifs. Un nouveau mécanisme
impliquant potentiellement trois organismes administratifs et une série de
transferts de plainte pourrait rendre l'accès au recours plus confus pour les
victimes. Dans le cas où le législateur souhaiterait néanmoins mettre en place
un recours spécifique dans la Charte de la langue française, la commission
estime que celui-ci pourrait relever de sa compétence.
La commission émet finalement des inquiétudes en
lien avec le processus de dénonciation à l'OQLF de tout manquement à la Charte
de la langue française. Il serait alors possible de passer outre à certaines
obligations de confidentialité ou au secret professionnel. Compte tenu des
atteintes que cela risque d'entraîner au droit à la vie privée et au droit au
secret professionnel protégés par la charte québécoise, la commission
recommande de ne pas adopter cette disposition.
Finalement, tout en soulignant qu'elle respecte
déjà la Charte de la langue française à titre volontaire, la commission
explique que si le législateur souhaite l'y assujettir formellement, il est
essentiel qu'elle le soit à titre d'institution
parlementaire et non à titre d'organisme gouvernemental. En effet, la
commission, comme d'autres institutions, exerce une mission de
surveillance et de contrôle de l'action gouvernementale qui nécessite
d'importantes garanties d'autonomie. De plus, le droit international exige
spécifiquement que les organismes de défense des droits de la personne soient
indépendants et autonomes du gouvernement. Cette nécessaire indépendance serait
compromise par les mécanismes de
surveillance et de contrôle qui s'imposeraient aux organismes gouvernementaux.
Nous recommandons donc de modifier l'annexe I du projet de loi afin
d'être plutôt assimilés à une institution parlementaire.
En
terminant, nous souhaitons rappeler que les droits linguistiques d'une société
ne sont pas, par définition, contradictoires par rapport aux droits et libertés
reconnus aux personnes par la charte québécoise. Ces droits peuvent exister, coexister sans hiérarchie. S'ils venaient
à entrer en conflit dans des circonstances particulières, la commission
est d'avis que certaines mesures du projet de loi seraient susceptibles de
faciliter leur conciliation.
Je vous remercie de
votre attention et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Me Tessier. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à
vous.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Merci, Mme la Présidente. Me Tessier, Me
St-Laurent, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission
parlementaire sur projet de loi n° 96.
Je reprends votre
dernière phrase, Me Tessier. Dans le fond, je comprends que c'est légitime pour
un État comme le Québec de mettre des mesures en place pour protéger sa langue
commune, sa langue publique, sa langue nationale. C'est justifié de le faire.
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui. Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Vous faites quelques recommandations en lien
avec la Charte des droits et libertés de la personne
pour ne pas que l'on vienne modifier
le préambule, pour ne pas qu'on indique «droits collectifs», vous préférez «intérêts collectifs». Vous ne voulez pas
qu'on introduise le fait... le droit de vivre en français dans la Charte
des droits et libertés de la personne. Pourquoi vous ne voulez pas qu'on touche à la Charte des droits et libertés de la personne?
Pour... parce que je
vais juste vous présenter, là. La Charte des droits et libertés de la personne,
c'est quand même un document qui est important,
qui est fondamental au Québec. Et je crois que le français mérite d'y
apparaître, et, surtout, cette notion de droits collectifs doit y apparaître,
parce que c'est une Charte des droits et libertés de la personne, bien entendu,
mais, comme dans toute chose, il y a un équilibrage à faire également avec les
droits collectifs de la nation. Alors, pourquoi la commission est réticente à
ce qu'on vienne insérer ça dans la charte?
M. Tessier
(Philippe-André) : Essentiellement, il faut comprendre que ce que le projet
de loi n° 96 vient faire est d'ériger la Charte de la langue française à
un statut équivalent à celui de la charte québécoise des droits et libertés, ce
à quoi la commission ne s'oppose pas. On va donner préséance sur les autres
lois à la Charte de la langue française, tout comme à la charte québécoise. Et
ce qu'on dit, c'est que les articles auxquels le ministre fait référence sont
des éléments qui font appel aux droits linguistiques fondamentaux qui, depuis
40 ans... le législateur québécois a choisi comme véhicule pour ces droits
linguistiques fondamentaux là, le véhicule de la Charte de la langue française
et non pas le véhicule de la Charte des droits et libertés de la personne, qui
n'ont pas des finalités et des fonctions identiques. L'une et l'autre
coexistent, cohabitent, et là on vient leur donner un statut équivalent dans
l'ordre normatif du Québec, on les érige au même niveau dans la constitution
matérielle du Québec. C'est quand même fondamental, ce que le projet de loi
n° 96 vient faire en ce sens-là. Et donc, nous, on pense qu'à ce moment-là
le véhicule beaucoup plus approprié pour parler des droits linguistiques
fondamentaux tels que la Charte de la langue française en parle, c'est
effectivement la Charte de la langue française.
Je me permets
d'ajouter que, si des droits peuvent être ajoutés à la charte québécoise, et on
se dit d'accord avec ça, c'est une disposition interprétative à son
article 50 comme dans les autres lois, la Loi d'interprétation, le Code
civil, le Code de procédure civile. Ça, là-dessus, on n'a pas de problème avec
ça, parce qu'il faut effectivement interpréter la Charte québécoise des droits
et libertés en conjonction ou de façon conforme à la Charte de la langue
française, et il faut faire coexister ces deux véhicules-là. Mais le choix
initial de 1977, la Charte de la langue française, on pense qu'il était motivé
par ces intentions-là, qui demeurent tout à fait contemporaines aujourd'hui.
M. Jolin-Barrette :
Trouvez-vous que, depuis 1977, les droits fondamentaux qui ont été inscrits à
la Charte de la langue française ont été pris aussi en considération que les
droits fondamentaux qui se retrouvent à la Charte des droits et libertés de la
personne?
M. Tessier
(Philippe-André) : C'est sûr et certain qu'il y a eu des arrêts qui se
sont basés effectivement sur le statut de la charte québécoise des droits et
libertés pour venir concilier les droits prévus à la Charte de la langue
française. Ce qui est différent puis ce que le p.l. n° 96 fait de majeur,
comme je le dis et je le répète, c'est d'ériger ces catégories de droits là au
même niveau, c'est de faire en sorte que les deux ont une disposition
supralégislative. Et c'est sûr et certain qu'une des recommandations que l'on
fait également au législateur, c'est de faire attention à l'utilisation de la
clause dérogatoire préventive tous azimuts parce qu'en venant ériger les droits
linguistiques fondamentaux qui vont être contenus dans la Charte de la langue
française au même niveau que la charte québécoise, l'utilisation préventive de la clause dérogatoire va un peu nous
empêcher ou nous priver du regard des tribunaux de l'impact de l'effet de cette modification, de cette
bonification-là, majeure, pour le fait français au Québec, qui est le
p. l. n° 96.
M. Jolin-Barrette :
Donc, sur votre dernière phrase, si je vous entends bien, vous, vous préférez
laisser les tribunaux venir définir ce qui doit s'appliquer en matière de
droits fondamentaux pour la Charte de la langue française relativement à son
application, même si ça vient restreindre les droits qu'on vient conférer aux
Québécois, au Québec, de vivre en français.
Donc, je comprends
que vous souhaitez que le législateur se retire, que l'exécutif... que les
législateurs, ici, se retirent puis ils
disent : Bien, écoutez, on va soumettre ça aux tribunaux, puis les tribunaux, eux, décideront quel doit
être le vivre-ensemble au Québec, comment doit être
l'aménagement linguistique au Québec, donc non pas les élus de l'Assemblée nationale. Donc, on fait une
proposition législative, mais, sur un sujet aussi important, aussi
fondamental pour l'avenir du Québec, pour la pérennité du français, qui est en
danger, là, manifestement, à part quelques groupes qui nient et qui essaient de
démontrer par des statistiques parfois alambiquées qu'il n'y a pas d'enjeu au Québec,
là, si je retiens votre position, vous dites : Bien, laissons ça aux
tribunaux, puis après on verra, ultimement, plutôt que de dire que le
législateur prenne conscience de l'enjeu, que la population québécoise, que la société
disent : Il y a un enjeu avec le français, on demande une réponse forte,
il faut protéger la langue nationale, la langue commune. Vous, vous préférez qu'on
confie ça aux tribunaux.
• (16 h 10) •
M. Tessier
(Philippe-André) : En tout respect, Mme la Présidente, ce que la commission
vient dire, c'est que le législateur joue son rôle, joue son rôle important,
fondamental dans notre État de droit, dans notre régime démocratique, et vient modifier la constitution matérielle du Québec,
érige la Charte de la langue
française a un statut
supralégislatif, statut, jusqu'à présent, réservé uniquement à la charte
québécoise des droits et libertés, et on se dit d'accord avec ça. Ce qu'on
dit, cela dit, c'est qu'en appliquant
au même moment la clause de dérogation le législateur se prive de
mesurer l'effet de cet ajout, de cette bonification du p.l. n° 96
sur l'ordre normatif et cet équilibre-là.
Et ce qu'on vient
aussi dire, et ça, c'est important et fondamental de le répéter, le législateur
a la prérogative d'utiliser la clause dérogatoire, la commission ne remet pas
ça en question. Elle dit : Pouvons-nous, premièrement, dans un premier temps, cibler les articles visés
par la clause dérogatoire? Parce qu'à première vue, et je pourrai peut-être
laisser ma collègue compléter aussi, à première vue, il y a... les éléments qui
sont prévus à la Charte de la langue française aux modifications de p.l. n° 96 ne nous apparaissent pas discriminatoires en soi. Et
donc ce nécessaire dialogue là, cette conversation-là entre le législatif et le
judiciaire, bien, en utilisation de façon préventive la clause dérogatoire, on
se prive de ça, et le législateur aura toujours le dernier mot parce qu'il
pourra toujours se prévaloir de la clause dérogatoire si jugement d'un tribunal
est passé avec lequel le législateur a un désaccord. Et c'est ça aussi, une
utilisation que l'on pense plus conciliante avec les droits et libertés de
l'effet de la clause dérogatoire. Je voulais peut-être... Ma collègue veut
compléter.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui, juste peut-être pour
compléter sur la raison pour laquelle on s'oppose à certains ajouts dans la
Charte des droits et libertés de la personne, c'est vraiment un peu par souci
de cohérence avec le droit international puis les différents outils de
protection des droits et libertés de la personne. Il n'y en a pas, des textes
de protection des droits de la personne nationale ou internationale qui
viennent prévoir la limitation de droits individuels au nom de droits
collectifs qui appartiendraient à la majorité. Les intérêts collectifs de la
majorité sont très importants, mais ils peuvent... et c'est d'ailleurs le cas
dans plusieurs autres États où on vient consacrer ces principes-là dans un
autre texte, à valeur constitutionnelle aussi.
Donc là, comme l'expliquait
Me Tessier, on vient créer... on vient reconnaître, avec les modifications qui
sont apportées par le projet de loi, le fait que la Charte de la langue française,
elle doit avoir une place égale dans la constitution matérielle de la province
pour, justement, c'est ça, pour rétablir, peut-être, l'équilibre qui était
voulu au départ, en 77, là, venir les placer sur le même pied. Et donc les
tribunaux pourraient avoir l'occasion, là, de venir constater justement cette
action du législateur là, ce qui change la donne, considérablement, d'après
nous.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous considérez que le Québec
et le français se retrouvent en situation minoritaire au Canada puis en Amérique du Nord?
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui. C'est dur à nier.
M. Jolin-Barrette : O.K. Parce que vous venez de dire, Me St-Laurent, que,
dans le fond, on était majoritaires. Dans le fond, vous, vous faites référence uniquement au Québec,
dans le fond, que le français est majoritaire, mais que le français, dans
le fond, on le regarde juste sous la loupe du Québec puis on ne le regarde pas
dans l'environnement nord-américain ni dans l'environnement canadien.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Si vous permettez, Mme la
Présidente, oui, je pense que, justement, en tant que... les francophones sont
majoritaires au Québec, mais, effectivement, le Québec représente une minorité
nationale au sein du Canada. Et je pense qu'on pourrait dire que le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques s'applique aussi au Québec
dans ce sens-là. Il y a une double application, ici, on est à la fois
minorité et majorité, donc on pourrait revendiquer des droits
linguistiques au sein... auprès de la majorité anglophone.
M. Jolin-Barrette : O.K. Pratico-pratique, là, le français,
il décline. L'Assemblée nationale, qui est l'Assemblée nationale
d'une nation, a des outils à sa portée pour assurer la protection puis la
pérennité du français. La commission nous dit : Oui, mais,
tu sais, on aime mieux voir ce que les tribunaux vont dire, quitte à faire en
sorte que ça affecte le droit de vivre en français, quitte à ce que ça affecte
les droits qu'on vient garantir dans la Charte de la langue française. Moi,
j'ai un malaise avec ça. Je pense que c'est aux élus à choisir, sur des sujets
aussi importants, de quelle façon va s'organiser l'aménagement linguistique.
Mais on ne sera pas d'accord sur ce volet-là.
Une question rapide
avant de céder la parole aux collègues. Pourquoi est-ce que vous ne souhaitez
pas qu'on vienne modifier l'article 9.1 de la Charte des droits et
libertés de la personne?
M. Tessier
(Philippe-André) : Essentiellement, parce que cet article-là, c'est
une disposition interprétative et qui vise à
concilier les intérêts de la collectivité versus les intérêts en cause dans les
droits et libertés fondamentaux qui sont prévus aux articles 1 à 9.
Il faut comprendre que cette disposition interprétative là a été conçue et
ajoutée en 1982 quand on a donné plein effet à la disposition supralégislative
de 52, l'article 52 de la charte. Et il est certain que l'interprétation,
depuis, de cet article-là, tient compte de cet aménagement-là.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que... on ne
dit pas qu'il ne faut pas nécessairement modifier 9.1 ou le faire évoluer, ce
qu'on dit, c'est que la conséquence d'assujettir tous les articles de la charte
à cette disposition-là, c'est quelque chose d'assez important et ça a des ramifications avec lesquelles il faut
être quand même prudent, parce que
ça dépasse la simple question linguistique,
ça vise l'ensemble des autres droits prévus à la charte. Et pour nous, là-dessus,
on rappelle juste que la charte québécoise, elle vise non seulement les
rapports publics, donc les articles 1 à 9, l'interprétation des lois du
Québec et la conformité de celles-ci avec la charte, mais également les
rapports privés. Et donc il faut quand même faire oeuvre d'un peu de prudence
lorsqu'on vient jouer sur cet article-là, pour voir quel est l'impact réel sur
l'ensemble des droits prévus à la charte.
M. Jolin-Barrette : Donc,
essentiellement, vous dites au législateur : Ne légiférez pas là-dessus.
Dans le fond, vous dites : N'exercez
pas votre compétence de législateur sur cet article-là. Vous nous dites :
Bien, repoussez ça.
M. Tessier (Philippe-André) :
Ce qu'on vous dit, c'est que c'est sûr et certain que ça dépasse la simple
question linguistique. C'est une question d'architecture fondamentale de
l'ensemble des droits prévus à la charte québécoise des droits et libertés. Et
on dit juste : Cette discussion-là, on peut l'avoir, cette question-là,
elle peut être regardée, mais elle implique
d'autres réflexions, d'autres acteurs, parce que ça dépasse la simple question
de la langue française.
Les outils que le législateur utilise pour venir
modifier l'ordre normatif du Québec avec le p. l. n° 96
sont majeurs, on le reconnaît, on appuie la
plupart de ces éléments-là, mais on fait juste rappeler une chose très
fondamentale au législateur, c'est que le
gouvernement aussi dispose d'importants leviers pour franciser, pour permettre
la francisation du Québec, et il faut
aussi utiliser ces leviers-là lorsqu'on veut traiter de la question
linguistique au Québec. L'aménagement linguistique
du Québec dépend aussi de l'effort que l'État du Québec et que le gouvernement
consent aux programmes de francisation, notamment, et ça, je sais que
c'est une question qui a toujours été mise de l'avant et défendue.
Et je rappellerai à cette commission
parlementaire que la commission, en 2013, s'est dit d'accord avec l'ajout, dans
les droits économiques et sociaux de la charte, du droit d'apprendre le
français. Pourquoi? Parce que c'était reconnu comme étant un droit que l'on
donnait, hein, aux minorités linguistiques sur le territoire du Québec,
d'apprendre le français. Donc, on venait renforcer la protection du français,
renforcer les notions d'intégration à la langue dite commune, mais on le
faisait de façon conciliante, de façon conforme à l'architecture et à la
cohérence interne de la charte québécoise des droits et libertés.
M. Jolin-Barrette : Mais, juste
avant de céder la parole, je vous soumettrais que c'est fondamental pour une
nation de garantir, dans ses lois et ses lois les plus importantes, le droit de
vivre en français et le fait que chacun des Québécois a le droit de travailler
en français, a le droit de vivre dans la langue commune au Québec. Ça m'apparaît
fondamental.
Et sur votre commentaire relativement au fait
que le gouvernement a d'autres moyens d'action, savez-vous, les lois restent, les gouvernements passent, et on
a eu une expérience toute récente à quel point certains gouvernements ne
se préoccupaient pas du statut du français au Québec, même on cachait les
études pour ne pas informer la population. Alors, moi, je préfère que ce soit
inscrit dans les lois pour assurer la pérennité du français.
Je vous remercie pour votre présence en
commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Sainte-Rose, vous avez moins de 2 minutes,
1 min 45 s.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Me Tessier, toujours un plaisir de vous retrouver. On se parle
assez souvent dans nos différentes tâches.
Je me permettrais, avant de débuter avec ma
première question, de vous soumettre humblement que vous dites que le législateur
se prive d'un dialogue avec le judiciaire en imposant la clause «nonobstant» à
travers le document. Moi, je vous soumets qu'on a un dialogue avec le
judiciaire. On est après leur dire qu'on ne veut pas avoir de dialogue sur ce
sujet.
J'aurais une question par rapport aux
anglophones. On en a parlé brièvement. Je voudrais savoir si vous avez remarqué, dans le document qui est le
p. l. n° 96, des limitations aux droits des Québécois
d'expression anglaise. Est-ce qu'on limite les droits ou est-ce qu'on impacte
leur bien-vivre au Québec?
La Présidente (Mme Thériault) :
Me Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) :
La commission s'est prononcée sur les éléments qui sont prévus à notre
déclaration et à notre mémoire. On ne s'est pas prononcé sur plusieurs des dispositions
en lien avec le secteur de l'éducation, de la justice parce que celles-ci
touchent à des secteurs qui sont valablement représentés par d'autres
intervenants devant la commission parlementaire.
• (16 h 20) •
M. Skeete :
Donc, juste pour être clair, vous ne vous êtes pas attardé, mais vous n'avez
rien remarqué non plus qui pourrait être un drapeau rouge à cet égard.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est sûr et certain que la question, pour la commission, qui est
centrale, c'est que, compte tenu du fait qu'il y a de nombreux articles et de
nombreuses dispositions dans la... dans le présent projet de loi qui viennent
affecter un paquet d'actions, tant au niveau du secteur de la justice, bien, le
secteur de la justice ou de l'éducation, ces
éléments-là, ce ne sont pas des éléments que, nous, nous avons étudiés
attentivement ou que nous avons regardés. D'autres acteurs vous ont fait des
démonstrations sur ce sujet-là.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Me Tessier, Me St-Laurent, je ne pensais pas vous
revoir dans d'autres sortes de conditions complètement différentes de la dernière
fois où on s'est échangé des questions. Écoutez, j'ai l'impression parce que,
là, c'est peut-être ma formation ou ma déformation professionnelle. J'ai le
ministre devant moi puis j'ai vous devant moi un peu plus haut, et l'image qui
me vient en ayant lu... Écoutez, je ne suis pas juriste, hein, alors ce n'était
pas évident lire ça, et avoir à peu près 12 heures pour le lire, là, parce
que c'est arrivé hier après-midi, un aussi
gros mémoire, 65 pages. Et j'ai l'impression d'être devant les deux pièces
législatives les plus importantes du Québec, de l'histoire du Québec,
c'est-à-dire la charte des droits et libertés, que vous défendez évidemment comme président de la commission des
droits de la personne, et qui... cette charte, a 46 ans, et le
ministre responsable de la Langue française mais aussi ministre de la Justice,
là, des fois ça fait un peu compliqué, mais qui porte la Charte de la langue française, parce qu'il est responsable de
la langue française, et qui a aussi, non pas lui, mais la loi, 44 ans
d'existence. Et, moi, j'ai ma petite chaloupe puis je m'en viens vous poser des
questions à deux gros paquebots, là, qui se font face avec une certaine
réserve, dans les deux cas, c'est-à-dire, tant dans vos propos oraux que dans
les écrits, je sens vraiment que ça ne fait pas nécessairement toujours bon
ménage, la charte des droits et libertés et la Charte de la langue française.
Puis là je ne veux pas personnaliser du tout. C'est comme deux grosses pièces
législatives qui définissent le Québec, dont on est fiers autant de l'un que de
l'autre. Et j'ai l'impression que le mariage n'est pas toujours si facile à
consommer entre les deux pièces législatives.
Vous avez reconnu, à la page 29, que,
justement, la Charte de la langue française... bon, vous reconnaissez la
légitimité de lui donner un statut supralégislatif comme la charte des droits
et libertés, mais, en même temps, dans le même
paragraphe, vous dites : «La commission s'inquiète du message qui pourrait
être envoyé par cette modification de la hiérarchie des normes
québécoises, qui pourrait être interprétée comme un recul de la protection des
droits et libertés.» Là, je vois une échelle puis là, en haut de l'échelle, il
y a la charte des droits et libertés puis la Charte de la langue française monte
les barreaux puis là, veut arriver au même niveau, puis là vous dites :
Vous avez le droit, mais j'étais toute seule en haut, là, puis là vous mettez
votre loi à la même hauteur. Excusez de faire image comme ça, mais c'est
vraiment ça qui me vient. Et je sens une espèce de tension théorique entre les
deux, mais presque comme une tension tout court pour voir qui va avoir le plus
d'impact. Est-ce que j'ai tout faux dans ma réflexion?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien... Puis je laisserai ma collègue compléter ma réponse. Évidemment, on l'a
bien dit, là, ces véhicules-là ont été en tension à travers les années. De ne
pas le reconnaître, ce serait un peu de se mettre la tête dans le sable, parce
qu'effectivement, de concilier les intérêts collectifs versus les droits prévus
à une charte des droits et libertés,
notamment les droits linguistiques, c'est sûr et certain que c'est un exercice
de conciliation qui n'est pas simple.
Là, ici, ce qui est... et je le redis, ce qui
est fondamental, c'est que l'on vient mettre au même niveau... l'effet du projet de loi n° 96, c'est de mettre au
même niveau que la Charte des droits et libertés de la personne les
dispositions que l'on appelle, là, les droits linguistiques fondamentaux, qui
sont contenus à la Charte de la langue française.
Donc, ces éléments-là, c'est quelque chose qui
va avoir un impact ou qui pourrait avoir un impact sur l'ordre juridique du
Québec. Et au même moment, vous parlez des barreaux et du même niveau, au même
moment, on assujettit cette loi-là à une disposition de dérogation, ce qui, à
toutes fins pratiques, vient faire échec à cette égalité parce que l'une
vient... est interprétée sans l'autre. Alors donc, c'est sûr que cette
tension-là aussi s'exprime. Et je comprends bien l'argument de dire :
Bien, écoutez, voici la volonté souveraine de l'Assemblée nationale, et on veut
se passer de cette interprétation-là.
Nous, ce qu'on dit, c'est que ce qui animait
l'esprit de la loi 101 en 1977 et ce qui animait les rédacteurs du livre
blanc, c'était le fait que la charte contienne une déclaration des droits
fondamentaux des... la Charte de la langue française, contienne les droits
fondamentaux des Québécois en matière linguistique, mais qu'elle complète, en
matière de langue, les droits individuels reconnus par la Charte des droits et
libertés de la personne.
Alors donc, le livre blanc parlait aussi du fait
que, comme le Québec, il y a une majorité francophone, il faut exercer ces droits-là ou ces intérêts collectifs
là de façon à concilier aussi le respect des droits des minorités. Et c'est
ça qui a toujours animé l'ordre juridique du
Québec des 44, 46 dernières années. Et c'est ça aujourd'hui sur lequel on
vient jouer. Alors, oui, effectivement, il y a deux gros bateaux, là, qui
voguent un à côté de l'autre dans une mer houleuse.
Mme David :
Qui mettent presque... Je dirais qu'ils mettent presque en antagonisation le
fédéralisme et la position plus nationaliste, ce qu'on appelle les droits
collectifs, que vous suggérez d'appeler les intérêts collectifs. Vous n'êtes
pas le seul. Benoît Pelletier a parlé, lui, d'un choix collectif. Alors, choix,
intérêts, mais pas droits, et donc qui vient mettre ça en
contradiction avec ce qui serait le multiculturalisme canadien, ce qui serait
quelque chose du respect des droits et libertés, donc, des individus mis côte à
côte, mais qui ne sont pas dans la même nation. Ça devient très politique
aussi, ce choc de titans. Est-ce que je me trompe?
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui. Bien, sur la question peut-être des intérêts
collectifs, ma collègue pourrait fournir certains éléments, là.
Mme
St-Laurent (Geneviève)
: Oui. Bien, en fait, vous parliez de la page 28 du mémoire. Je vous
aiguillerai vers la page 29, où, justement, pour tenir compte de ce
changement important que va représenter le statut supralégislatif donné, donc,
de même niveau, là, hein, à la Charte de la langue française qu'avec la charte
québécoise, on dit que le choix de donner
une protection supralégislative à notre langue publique commune, ça devrait peut-être s'accompagner, justement
pour éviter cette hiérarchie-là de...
qui est, en tout cas, apparente... ça devrait s'accompagner d'une
reconnaissance de même niveau des droits linguistiques des groupes minoritaires
dans la charte des droits.
Donc, on a déjà une
disposition qui ressemble à ça à l'article 43, qui parle des droits des
minorités ethniques. On pourrait y ajouter les minorités linguistiques
notamment. Et donc on rappelle une recommandation qu'on a déjà faite dans le
passé, là, pour se conformer davantage au droit international là-dessus. Puis
ce sont des droits auxquels on reconnaît une dimension collective, ce qui est
très différent d'un droit collectif, là.
Mme David :
O.K. Oui, effectivement. Puis c'est une des choses qui m'a beaucoup frappée
dans votre mémoire, vous faites énormément référence à toutes vos publications
antérieures, et Dieu sait qu'il y en a eu. Et je vais faire référence à une publication.
Et ça, j'ai vraiment appris quelque chose. Il était rendu tard, hier soir, mais
ça m'a un peu réveillée. Quand vous parlez des dispositions de dérogation, et
que, justement, vous dites que, dès 1977, «dans notre rapport en 1977, la
commission, à la page 39, s'opposait à une modification de
l'article 52 de la charte des droits et libertés qui visait à y introduire
une dérogation d'office à l'ensemble de la Charte de la langue française.» Vous
devez avoir l'impression que c'est le jour de la marmotte, là, complètement,
parce que là, vous vous citez, de 1977, alors c'est quand même... moi, je
trouve, passionnant, et vous dites, et je cite encore 1977 — je ne
sais pas qui, ici, savait qu'il y avait eu exactement les mêmes enjeux qui se
posaient, la charte n'avait que deux ans d'existence, puis la Charte de la
langue française commençait à vouloir naître — donc : «La commission
estime donc que les dérogations proposées», bon, «aux articles du projet de loi
n° 96 sont trop larges, imprécises et insuffisamment
justifiées. Comme elle le soulignait en 1977, s'il y a des atteintes aux droits
fondamentaux incluses dans le projet de loi, il est essentiel de les
identifier.»
Donc, vous vous
opposez et vous vous opposiez à une «dérogation générale qui, n'identifiant ni
les droits aux libertés auxquelles on entend déroger ni les dispositions de la
Charte de la langue française que l'on souhaite soustraire à l'application de
la Charte des droits et libertés de la personne»... Je comprends qu'en 1977
vous avez été entendus? Il n'y a pas eu d'application de dispositions de
dérogation. Est-ce que je me trompe?
• (16 h 30) •
M. Tessier
(Philippe-André) : Non, tout à fait. Et là c'est sûr et certain qu'il
y a une chose qu'il faut bien comprendre, c'est que le fait que l'on vienne
donner un statut supralégislatif à la Charte de la langue française, c'est
quelque chose ici qui est quand même assez fondamental et qui fait en sorte
que... et c'est un peu la position qu'on veut, c'est qu'il ne faut pas
construire et concevoir les éléments comme étant des forces qui s'opposent, il
faut faire attention, et c'est un peu ça aussi, la mise en garde qu'on fait au
législateur. C'est sûr et certain que si on construit les droits linguistiques
en opposition avec les droits fondamentaux, on pense que ce n'est peut-être pas
porteur comme message ou comme façon de
présenter les choses. La commission a toujours eu la prétention de dire qu'il faut les voir de façon qu'ils coexistent, qu'on puisse les
concilier et qu'on puisse faire oeuvre d'avancer les droits
linguistiques fondamentaux, de les mettre de l'avant, mais de les concilier
entre eux, qu'ils se respectent mutuellement.
Et je veux juste
revenir sur une chose, pour la clause dérogatoire, c'est très important aussi
qu'on se comprenne bien, puis c'est un élément qu'on a mis dans notre mémoire,
lorsqu'on utilise la clause dérogatoire, c'est pour déroger aux droits en
disant : Bien, il y a des droits qui entrent en conflit. Mais nous, notre
analyse ne nous évoque pas, là, un conflit entre les deux textes à ce point
flagrant qu'il est absolument essentiel pour que la volonté de la... que... La
souveraineté parlementaire, vous pouvez l'exercer sans aucun problème. Pour
nous, la... et vous avez eu des témoins, justement, le Pr Pelletier qui a
parlé du fait que, selon lui, l'arrêt Nguyen serait valable en vertu de 9.1. Il
y a eu beaucoup de gens pour dire que l'exercice de conciliation des droits est
tout à fait possible, il va même être renforcé. Alors, c'est pour ça qu'on est un
petit peu... on se demande quelles sont les dispositions dans 96 qui
nécessiteraient l'application de la clause dérogatoire.
Une voix :
...
Mme David :
15 secondes? Bien, les inspections et les fouilles, beaucoup, beaucoup ont
dit : Ça n'a pas de bon sens qu'il y ait une disposition de dérogation sur
cet article-là.
M. Tessier
(Philippe-André) : Donc, c'est un peu le risque lorsqu'on déroge tous
azimuts.
Mme David :
C'est ça. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente. M. Côté... Non, là, je ne suis pas dans la
bonne... Me Tessier et Mme St-Laurent. Excusez-moi. Bonjour. Merci
pour votre présentation.
Moi, je veux vous parler de... pour les services
offerts aux personnes immigrantes, le délai de six mois. Il y a beaucoup
d'organismes, puis je pense qu'on va en entendre d'autres aussi demain, qui
sont inquiets par rapport au délai qu'ils trouvent trop court. Il y en a qui
demande que ça soit encore le statu quo, qu'on communique dans une autre langue
avec les personnes immigrantes. D'autres disent : Bien, au lieu que ça
soit six mois, peut-être deux ans, trois
ans, etc. Mais vous, ce n'est pas... au-delà du délai, vous pensez que ça pose des problèmes pour ces personnes-là
d'obtenir des services. Et vous demandez aussi qu'il y ait une clarification.
Parce que quand on dit : Ne pas utiliser une autre langue, moi, je prends
pour acquis que ça veut dire... l'autre langue, ça serait l'anglais. Mais la
façon que l'article est écrit, est-ce que ça pourrait aussi empêcher, par
exemple, de parler la langue maternelle, un service d'interprétariat pour les
personnes immigrantes qui arrivent après six mois? Supposons que le gouvernement
accepte qu'on prolonge ce délai, est-ce que, quand on parle d'une autre langue,
ça peut être autre que l'anglais aussi qu'il serait interdit de communiquer
avec les personnes immigrantes?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
c'est un peu là tout... Tout ce que vous venez de mentionner, c'est l'objet de
nos préoccupations, là, dans cette section-là de notre mémoire, là, la
page 49 et suivantes. C'est que ça poste de nombreuses questions
pratico-pratiques. Encore une fois, ce qu'on veut juste bien comprendre, c'est
que la... les limites. Est-ce qu'effectivement ça vise toutes les langues ou
juste une langue?
Et on va se le dire, là, c'est sûr qu'une règle
de six mois, avec les vécus personnalisés individuels de chacun des êtres
humains qui vivent ce processus-là d'immigration, on trouve que c'est toujours
très risqué de mettre un délai comme ça, là, où est-ce que tout d'un coup,
c'est fini à partir de ce moment-là, parce que ça ne tient pas compte des
multiples réalités, de l'accès aux services de francisation.
Et on rappelle aussi gentiment au gouvernement
qu'en 2017, le Vérificateur général du Québec faisait des constats quand même
sans équivoque sur les services de francisation offerts à la population
québécoise et était très, très critique. Je comprends que ça fait quatre ans,
il y a de l'eau qui a coulé sous les ponts, mais il faut comprendre que l'État
fournit les services en matière de francisation puis il faut... il se place
devant toute une obligation de dire : Moi, en six mois, je vais avoir
francisé les gens pour qu'ils puissent s'adresser en français aux services
publics.
Mme Ghazal : Mais fixer... Est-ce
que vous êtes contre... c'est-à-dire vous trouvez que le six mois, c'est risqué
ou c'est fixer un délai? Si, par exemple, en étude détaillée, moi, j'arrive
avec un amendement puis je dis : Deux
ans. Même ça, ça serait problématique ou... c'est le fait d'imposer un délai ou
le délai lui-même qui pose problème?
M. Tessier (Philippe-André) : Je ne
pas si ma collègue veut compléter.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui. Si je peux compléter
là-dessus, c'est... le délai en lui-même pose aussi un peu problème, il est
très court. Mais c'est comme on explique dans le mémoire, conditionner ça à un
délai plutôt qu'aux besoins de la personne, ça ne tient pas en compte le fait
qu'un processus de francisation, ça peut être long puis il y a plein de
facteurs qui peuvent jouer sur cette question-là, notamment l'accès à un emploi
en français. On sait que d'avoir un emploi en français ça contribue beaucoup à
la francisation des personnes. Donc, il y a tous ces éléments-là qu'il faut
prendre en compte.
Mme Ghazal : Mais si... mais, par
exemple, deux ans ou trois ans, ça serait déjà correct. C'est ça que je veux
vous entendre. Pour vous, là, oui.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Bien, c'est sûr que nous, une des questions qu'on pose par rapport à ça, c'est à la page 51 de notre mémoire, c'est
comment il est calculé, ce délai-là. Et tu sais, on tient compte des allers-retours
de la personne? Est-ce que c'est quand elle est sur le territoire du Québec? Ce
genre de...
Mme Ghazal : Vous dites selon les
besoins aussi.
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
ça, c'est ça qui vient compliquer, quand on met ce genre de délai là,
administratif, ça...
Mme Ghazal : Parfait. Merci. Je veux
vous poser une question par rapport à la recommandation n° 10,
qui parle du droit relatif à la non-discrimination liée à la langue française.
Je veux comprendre les critiques que vous faites. Vous, ce que vous souhaitez, c'est
que, quand il y a une plainte d'un travailleur qui se sent discriminé sur la base de la langue, c'est que la plainte soit
adressée directement à vous, et non pas tout un long processus
où c'est à l'OQLF, qui, après ça, le transmet à la CNESST, qui, après
ça, pourrait peut-être, si le travailleur veut, le transmettre à vous. Peut-être,
m'expliquer un peu ce que vous trouvez problématique dans ce processus de plainte pour faire valoir ce droit.
M. Tessier (Philippe-André) : Rapidement,
puis ma collègue pourra compléter. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la commission
est déjà compétente pour entendre des recours en discrimination et en harcèlement
basés sur une discrimination sur la langue, que ce soit le français ou une
autre langue. Donc là, ce qu'on vient dire, c'est qu'on vient ajouter un nouvel
article à la Charte de la langue française qui dit... qui crée un recours de discrimination
et de harcèlement à une autre instance. Et on dit gentiment :
Il existe déjà, ce recours-là, il est prévu à la charte, et on
s'en occupe.
Mme Ghazal : Est-ce que vous en
recevez beaucoup?
M. Tessier (Philippe-André) : Non.
Très peu.
Mme
Ghazal : O.K. Ça
fait que vous en recevez très peu, des plaintes de travailleurs qui se sentent discriminés par rapport à la langue française.
Vous en recevez peu parce qu'il n'y en a pas beaucoup ou parce que les gens ne
savent pas?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien, il
y a deux choses. C'est que le recours opérant prévu à la Charte de la langue
française, c'est sur le droit qui est prévu, qui s'applique aussi en matière
d'arbitrage de grief et qui s'applique devant présentement aussi la CNESST,
c'est le fait d'avoir une exigence autre que le français pour travailler. C'est
ça qui fait... qui est le gros du volume de ce genre de plainte là. Ce ne sont
pas les plaintes de discrimination et harcèlement pour avoir utilisé le français.
C'est le fait d'avoir conditionné l'obtention de l'emploi à l'utilisation d'une
autre langue que le français. C'est ça, le...
Mme Ghazal : Ça, vous en recevez.
M. Tessier (Philippe-André) : Non,
mais c'est ça, nous, on ne s'en occupe pas, de ça.
Mme Ghazal : Ah! O.K.
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je dois mettre fin à l'échange. Donc, Me Tessier, Me St-Laurent, merci pour
votre passage en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
(Reprise à 16 h 41)
La Présidente (Mme Thériault) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux, et nous recevons l'Association des Townshippers,
donc, M. Gérald Cutting qui est le président et Mme Rachel
Hunting, la directrice générale. Vous avez 10 minutes pour nous faire une
présentation. Vous pouvez enlever vos masques le temps que vous parlez sur
votre présentation. Et après ça, on ira en échange avec les parlementaires en
commençant par le ministre. Bienvenue à l'Assemblée. La parole est à vous.
Association des Townshippers
M. Cutting (Gerald) : (Interruption)
Eh bien! il ne faut pas que je perde mes oreilles.
Alors, merci beaucoup, et c'est vraiment un
plaisir d'être ici et d'avoir une chance d'échanger avec vous. Je comprends
très bien qu'on a un 10 minutes, et on va partager la parole entre moi et
Mme Hunting.
Alors, on commence. Comme l'énonce clairement le
préambule de la Charte de la langue française, la promotion et la protection de
la langue et de la culture françaises peuvent se faire dans un esprit de
justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la communauté
québécoise d'expression anglaise et celles-ci, de minorités ethniques, dont
elle, l'Assemblée nationale, reconnaît l'apport précieux du développement du Québec.
Mais raviver les tensions linguistiques, inviter la critique internationale à
propos de la violation des droits de la personne au Québec et aliéner des communautés
qui ont travaillé à construire cette province main en main avec leurs
homologues francophones ne sert les intérêts de personne.
En conséquence, tout en étant pleinement d'accord
sur le fait que la protection et la promotion de la langue et de la culture française
sont impératives pour préserver le caractère unique du Québec, le conseil
d'administration de l'Association des Townshippers déplore les tentatives gouvernementales
de prévenir par une loi omnibus et par son utilisation
massive de la clause «nonobstant», et il soumettent les recommandations suivantes. Retirer le projet
de loi n° 96. Susciter l'apport d'un texte de loi de cette
envergure affectera lors de la rédaction d'un nouveau projet de loi. Des
consultations peuvent facilement être organisées par l'entremise du secrétariat
aux relations avec les Québécois de langue anglaise et d'autres instances et
ministères concernés, dont le MESS.
Si le projet de loi est modifié, mais sans être
retiré, ne pas invoquer la clause «nonobstant» et assurer que la charte
québécoise des droits et libertés demeure intacte. Toute partie de la
législation qui ne peut pas être défendue devant un tribunal mérite d'être
retirée.
Faire la
différence entre la communauté anglophone minoritaire du Québec et la menace
mondiale de l'anglais en reconnaissant, dans la loi, que la majorité
anglophone du Québec est officiellement la communauté minoritaire au Québec
avec un statut historique et juridique légitime. L'octroi du statut de minorité
officielle à la communauté anglophone du Québec est un indicateur puissant du statut de la langue
française dans la province et que les Québécois francophones ont atteint
une majorité dominante et sûre.
Mettre de côté la définition étroite de
l'admissibilité aux services gouvernementaux en anglais comme étant uniquement
les personnes admissibles à l'enseignement en anglais tel que décrit dans la
Loi sur l'instruction publique. Cette notion est impraticable, n'a aucune
corrélation valable avec l'état de santé et des besoins d'une personne et
risque de priver nombre de personnes de l'accès à des services efficaces et
sûrs.
Au lieu d'accorder à l'Office québécois de la
langue française l'autorité excessive décrite dans le projet de loi actuel,
procéder à des investissements stratégiques qui permettront de créer des
ressources provinciales sur les secteurs de
l'éducation, des affaires et du tourisme, et offrir des programmes fondés sur
les données ainsi que des mesures incitatives axées sur la promotion et
la valorisation de la langue française d'une manière dynamique, inclusive et
stimulante, et non d'une façon rigide et imposée.
Comme le philosophe français Albert Camus l'a
déjà dit : «La démocratie, ce n'est pas la dictature de la majorité, c'est
le respect des minorités». Lorsqu'on examine les mesures mises de l'avant pour
être enchâssées dans la loi, en vertu de réaliser la vision énoncée de la
promotion et la protection de la langue française, on expose une approche
sophistiquée et bien conçue pour restreindre l'accès à la langue anglaise dans
la province, une approche qui déshéritera effectivement la communauté
anglophone de tout statut juridique ou reconnaissance officielle comme partie
intégrale de la nation québécoise.
Mme Hunting (Rachel) : Respectueusement,
ce projet de loi nous pose beaucoup plus de questions qu'il n'offre de mesures
concrètes pour protéger et promouvoir le français. La communauté anglophone du
Québec n'est en aucun cas responsable de la réalité selon laquelle la langue
anglaise est la lingua franca utilisée au monde pour les questions relatives au
commerce, à la science, à la technologie et par la majeure partie des médias
sociaux grand public. En omettant systématiquement de faire la différence entre
la menace extérieure de la langue anglaise et les membres de sa propre population québécoise, le gouvernement participe
activement à la diffamation de notre communauté et à son statut
problématique aux yeux des principaux médias de langue française de la
province.
Agir pour restreindre l'utilisation de l'anglais
au travail ou, sans doute, sur l'île de Montréal, et pour limiter les droits de
notre communauté ne changera pas la situation mondiale, mais cela aura un effet
dévastateur sur les populations déjà vulnérables des collectivités rurales
comme celles que l'on trouve dans notre région, et on peut facilement prévoir l'impact
que cela aura sur la capacité du Québec à concurrencer efficacement sur le
marché mondial. Une étude d'impact sérieuse
et non partisane a-t-elle été réalisée pour évaluer l'effet potentiel des
restrictions à l'usage de l'anglais proposées dans ce projet de loi sur les
populations anglophones vulnérables à l'extérieur de l'île de Montréal?
Quelle définition de la nation québécoise est le
moteur du projet de loi proposé alors que l'esprit sous-jacent de ce projet de
loi est voué au contrôle et au découragement de l'usage de la langue anglaise,
ciblant clairement les citoyens anglophones du Québec comme un problème à
traiter?
Quels sont les délais administratifs anticipés
pour ceux qui devront déposer une demande pour exercer leurs droits à des
services en anglais? Quelles sont les conséquences pour les personnes dont les
parents ne sont plus en mesure de demander le certificat en leur nom?
Qu'en est-il de l'incohérence entre les droits
accordés aux Québécois d'expression anglaise par la loi sur la santé et les
services sociaux et les restrictions imposées par le projet de loi n° 96?
Comment le Québec s'assurera-t-il que la prestation des services restera
accessible aux ayants droit étant donné que le projet de loi comprend plusieurs
propositions qui créeront des barrières et des éléments dissuasifs à la
prestation des services en anglais et au personnel ayant les compétences
adéquates pour les fournir?
As
Lucien Bouchard said in 1996 : «When you go to the hospital, you're
going for a blood test not a language test.»
Invoquer la clause
«nonobstant» pour écarter les chartes fédérale et québécoise des droits et
libertés est un geste qui affecte les droits et libertés de tous les Québécois
en raison de la grande portée des conséquences d'une mesure aussi radicale.
La charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale il y a
46 ans, serait-elle tout simplement mise de côté? Assurément, cette
loi fondamentale du Québec, qui représente un énoncé puissant des valeurs
québécoises, ne peut-elle pas être renversée sans l'approbation unanime de tous
les membres de l'Assemblée, et certainement pas modifiée sans le consentement
unanime?
• (16 h 50) •
Quelles mesures le projet de loi n° 96
prend-il pour s'assurer que la primauté du droit demeure une force constante
dans la prise de décision?
Sommes-nous, en tant que membres de la
communauté anglophone du Québec, censés d'interpréter l'autorité élargie de
l'OQLF comme autre chose que la criminalisation de notre langue maternelle sans
tribunaux pour protéger les citoyens dans une démocratie constitutionnelle?
Pouvez-vous décrire les mécanismes prévus à
l'intérieur du projet de loi n° 96 pour protéger les citoyens contre les
signalements faux, ciblés et malveillants?
Le projet de loi n° 96 lui-même ne fournit pas un aperçu clair des structures
bureaucratiques et administratives qui pourraient être nécessaires pour
contrôler, inspecter et suivre la mise en oeuvre à long terme de cette
législation. Savons-nous quels seront les coûts totaux associés à la mise en
oeuvre du projet de loi, financiers ou autres?
Et, pour
terminer, quelles autres solutions le gouvernement a-t-il explorées pour
améliorer l'usage du français en milieu de travail avant de fixer son
choix sur les dispositions du projet de loi n° 96?
Merci.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et ceci met fin à la présentation. Vous étiez pile dans
le temps. M. le ministre, la parole est à vous pour vos 17 minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la
Présidente. M. Cutting, Mme Hunting, bonjour. Je
salue votre présence à l'Assemblée nationale. Manifestement, ce que je reçois
de votre témoignage, c'est que vous êtes en désaccord avec le projet de loi n° 96, et je respecte ça. Je respecte le fait que votre association
émet de fortes réserves, voire le retrait du
projet de loi n° 96. Mais j'ai été un peu troublé par les propos
que vous venez de tenir à plusieurs égards. Et peut-être que je veux vous rassurer. Je sens beaucoup
d'inquiétude de votre part, et probablement de vos membres, également, puis je
pense que c'est important que je les rassure.
Dans un premier temps, lorsqu'on parle de
nation, pour moi, pour le gouvernement du Québec, la nation, ça inclut tous les
Québécois et toutes les Québécoises, peu importe leurs origines, peu importe
leur langue maternelle. On est ensemble au Québec, on a construit le Québec.
Vous savez, la minorité anglophone a participé à ce qu'est le Québec d'aujourd'hui
dans le passé, actuellement, et dans le futur, comme les nations autochtones,
comme les francophones, comme les nouveaux arrivants également qui choisissent
de venir au Québec et qu'on a accueillis et qu'on accueille. Parce qu'on veut
qu'ils choisissent le Québec et on veut qu'ils s'intègrent au Québec. Alors, l'objectif
du projet de loi, c'est de faire la protection, la promotion de la langue
française, pour le futur, notamment, parce qu'il y a des enjeux, il y a des
lacunes. Mais dans le projet de loi, il n'y a rien, absolument rien qui affecte
les droits des Québécois d'expression anglaise. Et même, on rajoute certains
droits, notamment le fait pour un jeune homme ou une jeune femme d'expression
anglaise au Québec qui étudie dans une école anglaise au primaire ou au
secondaire, bien, on va lui donner priorité pour étudier dans sa langue au
niveau collégial. Ça, ça ne s'était jamais fait et c'est une avancée pour la communauté
anglophone.
Vous avez abordé, tout à l'heure,
Mme Hunting, la question des soins de santé. Ça me préoccupe beaucoup, les
propos que vous tenez, parce que, et je l'ai énoncé dès le moment du dépôt du
projet de loi, la Loi sur la santé et les services sociaux demeure et donc il
ne sera jamais question de retirer des services, et la loi demeure. Alors,
c'est le statu quo pour la communauté anglophone, pour les institutions
anglophones, pour les services qui sont donnés à la communauté anglophone, il
n'y a absolument rien qui change. Et je me suis assuré personnellement,
lorsqu'on a rédigé le projet de loi n° 96, que les droits de la communauté
anglophone allaient être respectés, maintenus. Et ça, c'est très, très clair.
Je comprends, à partir de ce moment-là, que vous
êtes en désaccord avec le projet de loi n° 96 puis vous dites : On ne
devrait pas aller là. Mais par contre, je vous inviterais peut-être à un peu de
modération parce qu'entre la réalité de ce qu'il y a dans le projet de loi
n° 96 et le discours que vous véhiculez, c'est vraiment deux choses
complètement distinctes.
Alors, j'aimerais ça voir avec vous quelles sont
les suggestions que vous avez pour bonifier le projet de loi et qui nous
permettraient d'avoir un dialogue constructif.
M. Cutting (Gerald) : Bon, pour
commencer, il faut comprendre qu'on représente une région où que la population,
depuis un certain nombre d'années, on se prend dans une situation où on est
vraiment minoritaire. Dans notre région, c'est quasiment impossible d'avoir un
emploi sans être capables de fonctionner en français, c'est absolument sûr.
Pour nous, le Québec, la majorité est française et on comprend très bien que
vous voulez assurer à la population majoritaire que vous êtes dans une
position, de fait, de prendre certaines mesures.
Vous posez la question : Est-ce qu'il y a
des gestes que vous pouvez mettre en avant pour nous assurer que c'est vraiment une loi qui nous protège? Un geste,
tout de suite, je vais vous dire, gardez dans la section sur la santé la
loi sur l'accès des services en santé et peut-être vous pourrez aller avec la
clause grand-père, ça veut dire que tous les gens
qui reçoivent des services en anglais présentement, pourront garder ce statut.
Ça, c'est un geste qui pourrait être avancé. Ça va nous donner tout de suite une reconnaissance qu'on est vraiment
une population qui a droit de certains services.
Et on est parfaitement d'accord. Est-ce qu'on
peut travailler ensemble pour trouver des solutions qui ne nous donneront pas
l'image que, le projet de loi, c'est vraiment un projet qui nous vise.
Si vous êtes ici dans ma chaise, c'est difficile
de voir comment je pourrais dire d'autres choses. Ça va prendre des gestes concrets, ça va prendre des compromis. Et on propose
que, dans un contexte de la démocratie, est-ce qu'il y a une façon de
s'assurer, avant que la loi va aller plus loin, qu'on a plus de consultations,
plus de gens qui sont dans la situation anglaise qui pourraient vous exprimer
exactement que ce qu'on comprend par cette loi-là. Et c'est rassurant que vous
êtes ouverts, mais même si vous dites, vous avez pris beaucoup de temps pour
nous assurer, et quand on lit que vous êtes prêt à mettre à côté les deux
chartes, ça ne nous soulage pas du tout parce que qu'est-ce qui est fondamental
dans une démocratie constitutionnelle, c'est qu'on peut toujours avoir accès à
un tribunal, et c'est fermé, la porte est fermée là-dessus complètement.
M. Jolin-Barrette : OK. Two things on that. You know, you just said «We want to have
the assurance that nothing changes about the
health services», section 15 of la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. As I said in French before, Bill 96 doesn't
affect these rights. It doesn't change section 15 of la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. I said it when I tabled that bill
and I say that again and again because that bill applies on the future
legislation that the National Assembly will adopt. So, you don't have to have
any worry about that. It is clear. Nothing changes about that, and I will say
always and always.
After
that, on the notwithstanding clause, you know, Constitution, Federal
Constitution that was adopted without the
willing of the Québec, gives the possibility to take Section 33 on that.
That's what we did because we believe that's
really important to protect French. But, on that, we make the choice, and we're
proud about that to make that choice, that
we guaranty all the rights to the English-speaking community here in Québec
about schools, about hospitals, about services. And I want to be clear
on my message about that. Bill 96 doesn't change nothing.
So, I want to thank you very much to be here at the National Assembly.
I know that the MNA for Sainte-Rose wants to ask you some questions. And I was very pleased to
receive you here.
• (17 heures)
•
M.
Cutting (Gerald) : ...respond to one issue.
When we read in the Bill that, in order to have services in English, you must
hold some form of certification, I myself probably can't find that
certification, because perhaps my parents
give it away, as that I don't have my high school leaving certificate and I
don't think the school commission that was in place at the time has those records.
My
wife, who is an immigrant from the United States, who came specifically to Canada to McGill, to the province of Québec, to study at the age of 18, who's now 74, never wanted to return to
the United States, never wanted
to be any place else. If I read that Bill, I don't see how she's going to get
services in English. So, I think, if you talk about certification...
M.
Jolin-Barrette : I just want to add about
that, when I write that Bill, I put a grandfather clause to be sure that your
wife, that she had received her services in English, will be able to continue
to receive her services in English. That's in the bill.
M.
Cutting (Gerald) : That's in the bill?
M.
Jolin-Barrette : That's in the bill.
M.
Cutting (Gerald) : O.K.
M.
Jolin-Barrette : So, everything is in the
bill, and we can continue to talk about that, but, as I said before, I want to
reassure you, nothing changes about the situation of the members of the English
community. But I know that the MNA for Sainte-Rose wants to ask you few questions.
La
Présidente (Mme Thériault) : M. le député de Sainte-Rose, il vous reste 6 min 15 s.
M.
Skeete : Merci. Welcome, guys. I'm a little
taken aback by your opening statements and the concerns that you have. I've
spent innumerable hours in discussions with various groups, including groups
that represent the Townshippers, to try and reassure them about some of the
aspects of the Bill. I think... I hope hearing it from the minister has made it clear. When it comes to
health care, that is out of scope of this Bill. When it comes to access to
justice, that is out of scope for this Bill.
When it comes to your wife, M. Cutting, everybody who is receiving
English-speaking services at the time of the tabling of the bill is
grandfathered.
Now,
we can talk about Bill 96, but what I'm realizing more and more is really
what we're talking about is Bill 101.
And when I say what we're really talking about is Bill 101, is when people
talk about these exceptions... Well, what
if, you know, an American comes to Québec tomorrow? Well, you know, are they part of the English community? Let's differentiate belonging to the English community.
If an American wants to join the Townshippers Association because they find affinity and community in your organization, of
course, an English-speaking Quebecker or and American who's an immigrant can join and be part of your
community. Does that mean that a person that chooses to immigrate to Québec falls outside of the scope of
Bill 101? They don't, but that's not Bill 96, that's
Bill 101.That was passed before I was born. So, that has nothing to do
with Bill 96, that has to do with whether or not you're an immigrant to Canada and whether or not you're a person in
scope of Bill 101. So, I've tried to reach out, I've tried to say these
things, I hope you'll take us on our word about the changes that apply.
With
regards to the notwithstanding clause, and I've said this in French, but I'll
say it in English this time, because there's this notion that goes that is
branded about that somehow using the notwithstanding clause is
counter-constitutional or counter-legal. But the first thing that we forget,
and the Minister alluded to it before, is that the only reason we have a
charter of rights and freedoms in Canada is because Premiers of enumerable provinces insisted on the
notwithstanding clause being there. Why? Because Canada enjoys a parliamentary system that was inherited from our British
forefathers, where there isn't a Constitution where individual rights are not
an issue, they are well known for respecting individual rights. We inherited
that British tradition in Canada, and parliamentary supremacy, the notion of parliamentary supremacy
is something that has always existed in Canada and, by extension, it's the reason why we find in the Charter of
Rights and Freedoms. But it doesn't apply to everything. The Minister can't
just decide, tomorrow morning, hey! you know what? Notwithstanding clause on
everything. No. What it says is : In certain situations, in certain paragraphs, parliamentary
supremacy will be valid. An interesting point is that it's not valid on
section 133, which is what enshrines the rights of the English community,
with regards to access to justice amongst, other things.
So,
my question is to you : Are we talking about
Bill 101 or we're talking about Bill 96 when you have very grave
concerns that you have said out?
Mme Hunting (Rachel) : I'm talking about Bill 96, I'm not here to talk about
Bill 101, which is also older than I am. Hum, but with respect, if you say
that nothing will change...
Il n'y a
rien qui va changer aux propos de la loi, santé et services sociaux, puis nos
droits d'accès et les prestations de services qui sont déjà disponibles, et ce que nous avions le droit, en ce moment, en anglais. Ce qui est problématique, c'est qu'en
pratique nous n'avons pas tous les droits qui sont sur papier en ce moment. Je
n'ai pas... Je ne peux pas aller, dans ma région, avoir la prestation de
services assurée dans n'importe quel établissement de santé et services sociaux
que j'essaie d'accéder. Je n'ai aucun hôpital «full-service» qui va pouvoir me
donner des services de A à Z en anglais, et il n'y a aucun programme d'accès
qui touche tous les services qui sont offerts dans le système de santé et
services sociaux. Ça fait que, si c'est le statu quo, ça veut dire que je n'ai
pas... je n'ai pas les mêmes droits. Bien...
I still do not have the ability
to exercise the rights I have under the law currently with Bill 96.
M. Skeete : And that...
Mme Hunting (Rachel) : It's the practicality of your legislation.
M. Skeete : On that, we will agree, because we've had, me and your association,
the secretariat and your association, innumerable meetings about addressing
that very gap in services. That's one the reason why the Québec Government funds the Townshippers and other community groups in order to help
us bridge those gaps. So, I agree that are genuine concerns, but how is that
applicable to Bill 96?
Mme Hunting (Rachel) : How is Bill 96 coherent with, you know, «les mesures et
besoins prioritaires retenus par les personnes participantes» in the secretariat's consultation
process in 2019? In the report that was released in
December 2020 : «La consultation visait entre autres à
déterminer les mesures concrètes que pourraient prendre le secrétariat et le gouvernement du Québec pour
améliorer la situation des Québécoises et les Québécois d'expression anglaise.»
Voici un résumé des commentaires. La première,
c'est accès aux services. Puis les mesures que la communauté a exprimées qui
pourraient améliorer l'accès aux services pour les anglophones du Québec...
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je dois...
Mme Hunting (Rachel) : La fonction
publique devrait considérer le bilinguisme un atout.
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je dois mettre fin à l'échange avec le député de Sainte-Rose. Donc, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup. Bonjour.
Bonjour, monsieur, bonjour, madame. Écoutez, on va continuer un petit là-dessus.
Je laisserai la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee après.
Vous savez, j'ai fait partie d'une commission
d'enquête sur la protection de la jeunesse, et il y a tout un chapitre sur les droits aux anglophones, et
effectivement c'est documenté qu'il y a un manque de services aux populations anglophones, particulièrement
en région, et c'est vrai qu'on a un ancien ministre de la Santé qui connaît
bien ça aussi, le gouvernement actuel aussi, le député de Sainte-Rose vient de le dire. Ça, c'est du connu et, malheureusement,
il faut... c'est une situation qu'on déplore, et il faut trouver des façons
d'améliorer des services de protection de la jeunesse, les services d'éducation,
les services de santé, etc., et ça, je pense que nous sommes pas mal tous d'accord
là-dessus. Mais quand on parle de propositions constructives ou, en tout cas,
nouvelles, je trouve quelque chose d'intéressant dans votre présentation, c'est
dans votre mémoire aussi, vous parlez que vous aimeriez avoir, pour votre
communauté, un statut minoritaire. J'entends le «statut» au sens de reconnaissance,
mais c'est la première fois que j'entends ce concept-là, en tout cas, dans un
mémoire pour votre communauté. Pouvez-vous nous expliquer un peu ce que ça
serait, ce statut de minoritaire?
• (17 h 10) •
Mme Hunting (Rachel) : Bien, dans le
fond, ça va chercher la partie du développement identitaire pour les jeunes Québécois d'expression anglaise. C'est très difficile de
grandir, au Québec, comme membre de la communauté minoritaire
linguistique et de vraiment saisir qu'est-ce que ça veut dire quand on ne se
voit à nulle part sur la place publique, quand on n'a pas accès à la culture québécoise
d'expression anglaise.
C'est facile de dire : You
have access to English, because English is, you know, present in the world, but
we don't have access to English-speaking Québec culture and offers from that community, and having a status...
Avoir un statut qui
donne le statut minoritaire, ça veut dire que les Québécois d'expression
anglaise font vraiment partie intégrante de la nation québécoise, que nous ne
sommes pas une problématique ou quelque chose à gérer, que d'autres générations de jeunes anglophones ne se feront peut-être
pas ou moins se faire traiter d'Anglais ou d'anglophones dans les cours
d'école, qui n'auront peut-être même pas les mêmes expériences que, moi, j'ai
vécues en grandissant parce que le statut est là, ça fait partie du discours,
ça fait partie... c'est une façon de vraiment mettre ça concret, et c'est aussi
un fort signal que la communauté francophone au Québec, c'est la communauté
majoritaire au Québec, que la langue française, c'est la langue commune au Québec.
Il n'y a personne, chez nous, chez Townshippers, qui est en désaccord avec ça,
c'est vraiment le manque d'espace pour les Québécois d'expression anglaise dans
cette nation québécoise.
Mme David : Merci beaucoup de vos
précisions. Je vais passer la parole au député de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui. M. le député, huit minutes.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Cutting, Mme Hunting, c'est
un plaisir de vous avoir parmi et d'entendre vos commentaires.
J'ai plusieurs questions. Je vais commencer à
vous inviter de parler un petit peu d'une communauté assez unique que vous représentez, qui a plus que deux
siècles d'histoire de cohabitation, et tout ça. Et la façon que
j'aimerais formuler la question : De votre avis, dans le passé, le présent
et l'avenir, comment la communauté québécoise de langue anglaise de la région
des Cantons-de-l'Est, de l'Estrie voit et elle veut son rôle dans le
rayonnement, la protection et le renforcement de la langue française? Est-ce
que vous êtes, en quelque part, des obstacles ou des atouts et des alliés à cet
objectif que doivent partager les Québécois de toute origine?
Mme Hunting (Rachel) : Si tu poses
la question à nos partenaires, je vous dirais qu'on est un atout, la communauté
d'expression anglaise dans la région des Cantons-de-l'Est. C'est une région qui
a un historique de longue date que les deux communautés linguistiques travaillent
main en main. Mais c'est une région qui comprend la ruralité et la réalité de
la ruralité, et ça ne nous donne pas beaucoup de chance de ne pas travailler
ensemble quand on est en milieu rural.
Alors, pour nous, dans les townships, ce n'est
pas une question de désaccord linguistique ou de tension et division entre les
deux langues, c'est vraiment une question de : Est-ce que nous avons une population
vulnérable dans la MRC? Oui? O.K. Qui sont les joueurs dans le milieu
communautaire, du développement, santé et services sociaux, qui sont les
acteurs du milieu qui vont pouvoir aider dans cet enjeu-là ou qui auront des
solutions à offrir? Qui pourrait collaborer?
Est-ce que c'est une problématique qui est unique à la
communauté de langue anglaise? La réponse, c'est fort probablement que non, mais que les lacunes sont plus grandes
pour la communauté linguistique minoritaire.
Et ce qui nous concerne avec le projet de loi
n° 96 et avec l'accès aux services notamment, c'est qu'il y a des propositions
dans le projet de loi qui sont dissuasives aux gens de faire leur travail dans
la langue anglaise ou pour les employeurs aussi qui vont être obligés de
justifier des postes qui auront une exigence pour une compétence linguistique
qui est autre que le français. Alors, si nous avons déjà des lacunes au niveau
de l'accès aux services et les gens vont avoir une autre occasion ou
opportunité de ne pas parler l'anglais parce qu'ils ne doivent pas ou ils ont
le droit de ne pas le parler, ça nous met à risque d'avoir moins accès aux
services qu'on l'a présentement, parce que, présentement, il n'y a pas ces
propositions dissuasives qui font partie du jeu. Alors, ça fait partie de ce
qui nous préoccupe, puis je pense que ce n'est pas juste dans notre milieu.
M. Cutting (Gerald) : Peut-être je
pourrais ajouter quelque chose dans... pour donner le plus... J'ai le droit de
parler?
La Présidente (Mme Thériault) : Oui.
M. Birnbaum : S'il vous plaît, assez
brièvement parce que j'ai d'autres questions et je n'ai pas grand temps.
M. Cutting (Gerald) : Ah! oui, oui,
c'est ça. Quand on regarde les Cantons-de-l'Est, ça pourrait être une étude
très, très intéressante parce que, depuis un certain nombre d'années, il faut
comprendre que ça faisait partie d'un territoire où que les premiers arrivés,
c'étaient les Américains, les Anglais, les Écossais et les Irlandais. La langue
seconde, pendant un certain nombre d'années, c'était le gaélique. Et qu'est-ce
qui s'est produit? C'est que présentement on
a perdu quasiment toutes nos institutions, le Sherbrooke Hospital, le Perkins
Hospital à Cowansville. Et présentement on est obligés quasiment de se
battre pour avoir l'accès aux services dans les établissements qu'on a bâtis,
les villes qu'on a construites ensemble.
M. Birnbaum : Contrairement au
député de Sainte-Rose, moi, j'ai bien compris que vous êtes en train de vous
focusser sur le présent, sur le projet de loi n° 96. Vous n'êtes pas ici
pour reprendre un débat qui date de 40 ans, alors je vous prends à vos
paroles.
Maintenant, je comprends des grandes
préoccupations, c'est l'accès aux services, et que vous êtes très préoccupés par un libellé qui est très présent,
«les ayants droit». Et juste pour comprendre, les assurances du ministre
n'ont pas l'air d'avoir assuré la communauté plus que ça, ils réfèrent à la
section 22.2, j'imagine, qui est assez limitative.
Deux choses, j'aimerais que vous vous exprimiez,
dans le temps qu'il reste, sur vos préoccupations entre ce qui est un Québécois
de langue anglaise et si «ayant droit», pour vous, vous assure. Deuxièmement,
je vous invite à réitérer une suggestion que le projet de loi se met
explicitement et par écrit... note par écrit que rien ne change en ce qui a
trait à l'accès aux services de langue anglaise. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez une minute pour répondre à la question du député.
M. Cutting
(Gerald) : Je vais vous donner peut-être un exemple. Qu'est-ce qu'il
va se produire dans une situation où il y a une personne qui se présente à
l'hôpital et rencontre une personne au triage, et la personne au triage, la
première question ou la première exclamation, c'est : Est-ce que vous
parlez français? Non. Je n'ai pas le droit de vous parler en anglais parce
qu'il y a les règlements, et les gens agissent... Présentement, il y a des gens
qui nous content des histoires. Ils sont allés à l'hôpital, et la première
question c'était : Do you speak French? Ce n'était pas que ce que vous... pourquoi est-ce que vous
êtes ici présentement. Exactement que ce que M. Bouchard a exprimé
qu'on ne devrait pas le faire. Et quand on a des situations où que les
employés — et
j'ai même parlé avec des infirmières — ils nous le disent :
Sais-tu, on n'a même pas le droit de parler l'anglais sur notre break parce que
les gens vont dire : Non, non, non, ici, on parle français. Ça nous donne
l'impression que c'est... est-ce qu'on est comme un virus. On ne pourra pas
infecter des gens.
M. Birnbaum :
Je n'ai qu'une minute, est-ce que j'ai bien compris que Mme Hunting...
Mme Hunting (Rachel) : I just
wanted to add it doesn't make you feel welcome, it doesn't make you feel like
you're a part of this community.
Pour
quelqu'un qui a 39 ans et qui a grandi ici et que sa famille, que ça fait
900 ans qu'on est au Québec, je me suis fait dire toute ma vie que je ne
suis pas une vraie Québécoise, je ne suis pas une Québécoise de souche, je suis
une Anglaise, je suis une... Anglaise. C'est ça qu'on cherche à avoir avec du
concret dans ce projet de loi, si on est
vraiment protégés comme communauté,
si on est vraiment un atout, si on fait vraiment
partie intégrante. On ne l'a pas trouvée, la clause «grandfatdher». Ce
n'est pas assez évident pour nous. Si on l'a tous manquée, si tous les membres
de la communauté la cherchent et ne la trouvent pas, c'est parce qu'elle n'est
pas explicite.
• (17 h 20) •
La Présidente
(Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Mme la
députée de Mercier, pour...
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente. Merci, madame, merci, monsieur, pour votre
présentation.
Par rapport à ce que
vous dites, ça me touche beaucoup parce que, moi aussi, je ne suis pas née...
bien, pas moi aussi... moi, je ne suis pas
née au Québec, mais un truc, c'est d'affirmer que vous êtes québécoise,
de dire : Je suis québécoise que vous le vouliez ou non. Ça, ça
marche.
Je voulais vous
demander par rapport à la disposition de dérogation, la clause dérogatoire, il
y a eu beaucoup de gens comme vous qui trouvaient que... qui sont venus en
commission parlementaire, qui disent que c'est un peu trop, elle est utilisée
partout, pour tous les articles de la Charte de la langue française et aussi
tous les articles de la charte des droits et libertés. Et j'ai posé la
question, à différentes reprises, à des organisations qui représentent les communautés
anglophones au Québec : Si, par
exemple, le ministre
précisait un peu plus, au lieu de faire ça mur à mur, s'il disait, bien, ce serait telle, telle disposition du projet de loi, pour tel, tel article, puis qu'il le justifiait,
est-ce que vous seriez d'accord avec ça ou vous
dites : Non, pas de clause
dérogatoire sur cette question-là,
jamais, jamais, sur rien? Parce
que vous parlez aussi de compromis, je voulais vous entendre là-dessus. Est-ce
que ça, ce serait un compromis possible?
M. Cutting
(Gerald) : Ce que... Je pourrais peut-être vous répondre en disant
que, pour nous, de s'assurer qu'on est vraiment des Québécois, que ce que ça va
prendre, c'est le statut qu'on est une minorité officielle, ça nous donne tout
de suite un statut. Ça nous donne un statut d'être Québécois de l'expression de
la langue anglaise et qu'on est acceptés. Dans un contexte, si on est tous d'accord
qu'on peut vivre ensemble, on peut travailler ensemble, même, on dit : On peut travailler avec le secrétariat pour construire quelque chose qui va aller plus loin pour démontrer...
Et je pense que ça va prendre plus de débats, plus de dialogues avant qu'on
arrive à ce point-là, mais on est convaincu que c'est possible, c'est possible
d'avoir des gestes concrets qui n'ôtent absolument rien à la population
majoritaire de langue française. Et si on peut se comprendre sur un geste qui
nous donne l'assurance qu'on est vraiment Québécois, c'en est une, c'est ferme,
c'est définitif, et on peut procéder de l'avance.
Les combats entre les
groupes pour avoir la suprématie, ça ne nous amène pas des vraies solutions.
C'est d'être capable de dire : Le
français, c'est la langue commune, oui. Mais est-ce qu'il y a de l'espace pour
les anglophones? Et je vais vous dire : Oui, on a de l'espace et,
si on leur donnait plus d'espace, on va être plus de partenaires, on va être
plus de gens qui peuvent participer.
Mme Ghazal :
Mais vous sentez qu'en ce moment il n'y a pas d'espace ou c'est le projet de
loi, dans le fond? Parce qu'en ce moment les droits des minorités historiques
anglophones sont reconnus.
M. Cutting (Gerald) : Oui. Un projet de loi, c'est une affirmation des valeurs et de vision
du Québec, et notre vision, on est
inclus. Et comme Mme Hunting vous a dit plusieurs fois, et moi, je m'en
souviens, j'allais à la messe avec ma mère, souvent, M. le curé nous
disait : Si vous rencontrez un protestant sur la rue, traversez la rue. Un
protestant, c'est un Anglais. Et, quand on voit le projet de loi, on a
l'impression que l'État a pris la place des curés.
Mme
Ghazal : Ouf! Écoutez,
ça... Mais vous vouliez dire quelque
chose par rapport à la clause de
dérogation.
Mme Hunting
(Rachel) : Pour répondre à ta question, je pense que c'est sûr que la clause
«nonobstant», ce n'est pas l'idéal puis ce n'est pas souhaité, mais l'utilisation
«at large», c'est très problématique. Une utilisation qui serait plus précise,
qui serait justifiée, qui serait bien éclaircie, je pense que oui...
Mme Ghazal :
Il y aurait une ouverture.
Mme Hunting
(Rachel) : ...ça serait un pas dans une bonne direction, parce que ce
n'est pas juste, on va le mettre partout, comme ça il n'y aura pas de question
qu'on pourrait aller devant les cours. Mais, si on explique pourquoi elle est
utilisée, dans quelles instances, avec des éclaircissements, je pense que ça
serait un début, au moins.
Mme Ghazal :
Donc, vous êtes d'accord qu'on peut l'utiliser pour protéger les droits
collectifs?
Mme Hunting (Rachel) : Je ne veux
pas dire ça, non.
Mme Ghazal : Non. Parce que les
droits individuels, c'est fondamental.
Mme Hunting (Rachel) : Les droits
individuels sont quand même très importants, oui.
Mme Ghazal : Bien sûr.
Mme Hunting (Rachel) : Puis je ne
suis pas d'accord à l'utilisation du clause «nonobstant» pour enlever les
droits individuels, dans la manière...
Mme Ghazal : Mais vous disiez que
vous étiez... Parce que j'essaie de trouver un compromis où vous disiez que
vous étiez quand même d'accord, si on définit à... ça serait possible.
Mme Hunting (Rachel) : Bien, je
pense que, si l'utilisation est éclaircie, il y a un essai de la justifier puis
de décrire pourquoi elle est dans certains éléments, c'est déjà mieux que juste
de la mettre partout puis dire : On va l'utiliser, comme ça, il n'y a pas
de question, la loi va passer, puis on n'aura pas d'instance où les gens vont
pouvoir nos amener en cour ou un recours devant les tribunaux par rapport à ce
loi-là.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et ceci met fin à l'échange. Donc, merci
pour votre passage en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension à 17 h 26)
(Reprise à 17 h 35)
La Présidente (Mme Thériault) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux, et le dernier groupe de la journée est la Fédération québécoise des municipalités. Donc, sans plus tarder, M. Soucy, vous
avez la parole. Vous nous faites la
présentation de votre mémoire, et après ça il y aura des échanges avec les parlementaires.
Fédération québécoise des municipalités (FQM)
M.
Soucy (Yvon) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, l'équipe qui vous accompagne ainsi que
les membres de la commission qui sont présents aujourd'hui. Je tiens premièrement
à vous remercier de nous avoir invités à participer à cette consultation très
importante pour nos membres.
Je me présente, je suis Yvon Soucy, préfet de la
MRC de Kamouraska pour quelques semaines et premier vice-président de la FQM.
Je suis accompagné de Me Sylvain Lepage, directeur général de la
Fédération québécoise des municipalités.
Depuis sa fondation en 1944, la Fédération
québécoise des municipalités fait entendre la voix des régions du Québec.
Convaincue que la force du nombre peut faire la différence, la FQM réunit plus
de 1 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire. Elle leur
accorde une priorité absolue et défend avec détermination leur intérêt politique
et économique. Elle favorise l'autonomie municipale, travaille activement à
accroître la vitalité des régions et offre un éventail de services aux municipalités
et MRC.
Mme la Présidente, en tant que porte-parole des
régions du Québec, nous soulignerons aujourd'hui plusieurs dispositions qui
seront bénéfiques pour nos membres et pour l'ensemble des citoyens. En effet,
le projet de loi présenté par le ministre responsable de la Langue française, M. Simon
Jolin-Barrette, mettra en place des changements structurants qui forgeront le
futur du Québec. La fédération appuie donc favorablement la volonté du
gouvernement du Québec de renforcir la position de la langue française au
Québec et son désir d'agir sur plusieurs fronts pour freiner le déclin... son
déclin.
La fédération soulèvera cependant, Mme la
Présidente, certaines préoccupations concernant les mesures touchant
directement le monde municipal et leur mise en oeuvre sur le terrain.
Nos membres sont des partenaires importants pour
renforcer l'usage de la langue française au Québec et pour assurer une saine cohabitation entre leurs
citoyens de différentes langues maternelles au sein d'une même
communauté. Pour atteindre ces objectifs communs, nous souhaitons collaborer
avec le ministre afin de consolider le rôle des municipalités et d'assurer que
celles-ci disposent de tous les moyens nécessaires pour protéger notre
magnifique langue commune qu'est le français.
Le statut d'organisme
municipal bilingue. Parmi les nombreuses mesures envisagées dans cet important
projet de loi, l'article 19 aura certainement un impact majeur dans
plusieurs de nos communautés. En effet, Mme la Présidente, la modification proposée obligerait les municipalités
possédant un statut bilingue, mais ayant moins de 50 % de résidents
de leur territoire de langue maternelle anglaise lors du plus récent
recensement, à adopter une résolution pour conserver leur
statut actuel. Nous avons certaines réserves sur l'application concrète de
cette mesure, et ce, même si les dispositions prévues dans le projet de loi
permettent de maintenir ce statut.
D'abord, la FQM
représente environ 50 des 89 municipalités reconnues actuellement comme
bilingues. Ces municipalités fonctionnent bien, et leurs élus ne constatent pas
de problèmes communautaires liés à la langue. Même si certaines d'entre elles
ont aujourd'hui moins de 50 % de leurs résidents de langue maternelle
anglaise, toutes ces municipalités ont été positivement influencées par cette
diversité linguistique et ont développé une façon de faire qui répond
adéquatement aux besoins de leur population tout en assurant la protection de
la langue française. Ce statut constitue pour elles une reconnaissance
importante de leur contribution des deux communautés linguistiques à la vie de
leur collectivité.
Mme la Présidente,
nous apportons donc notre support à la volonté exprimée par le gouvernement du
Québec, mais nous sommes d'avis que le retrait de ce statut ne constitue pas le
meilleur moyen de concilier la protection et
la promotion du français au Québec et de favoriser l'entente communautaire des
municipalités bilingues. De plus, le
processus établi dans le projet de loi est lourd et peut engendrer des débats
difficiles. La FQM propose donc une formule plus simple : inverser
l'approche proposée à l'article 19 du projet de loi n° 96 pour
respecter les choix de la collectivité. Selon cette proposition, l'office
informerait les municipalités reconnues bilingues, mais dont la majorité des
résidents ne sont pas de langue maternelle anglaise, qu'elles ne respectent
plus les conditions inscrites dans la loi. La démarche pour mettre fin à la
reconnaissance de ce statut serait ensuite à l'initiative de la municipalité,
et non de l'office. La FQM est convaincue
que cette approche respecterait davantage la vie communautaire de la
municipalité, qu'elle éviterait des débats pouvant être acrimonieux et qu'elle
correspondrait aux objectifs du gouvernement en matière de protection et de
promotion du français.
• (17 h 40) •
Donc, la première recommandation :
Que toutes les municipalités reconnues comme bilingues, mais ayant moins de
50 % de résidents de leur territoire de langue maternelle anglaise selon
le plus récent recensement conservent d'office leur statut, mais que l'office
les informe dans un avis officiel de leur situation et de la possibilité de
mettre fin à leur statut de municipalité bilingue en adoptant une résolution à
cet effet.
De plus, Mme la
Présidente, le projet de loi prévoit actuellement que le statut bilingue d'une
municipalité devrait être révisé après chaque recensement, soit aux
cinq ans. Cela signifierait que tous les conseils municipaux concernés
devraient rouvrir ce débat après chaque élection municipale. Ce délai nous
apparaît donc beaucoup trop court. Donc, je vais passer tout de suite à la recommandation,
pour aller au dernier point. Donc, on propose, là, que la révision soit lancée
chaque 10 ans plutôt qu'aux cinq ans, soit après le recensement
effectué au cours des années se terminant par le chiffre 1.
Finalement, la
régionalisation de l'immigration. Pour plusieurs, le Québec des régions a longtemps
été associé à un taux de chômage élevé. Nous retrouvons cependant aujourd'hui
des milliers d'emplois dans nos municipalités en milieu rural qui demeurent non
comblés par un manque de main-d'oeuvre, c'est même criant. Au cours des
dernières années, plus de la moitié des nouveaux emplois ont été comblés par
des personnes immigrantes au Québec, mais peu d'entre elles choisissent de
s'établir en région.
Mme la Présidente,
personne n'est mieux placé pour favoriser l'intégration des nouveaux arrivants
que ceux qui travaillent sur le terrain et qui connaissent la réalité
économique de leur milieu. C'est pourquoi la FQM travaille avec le gouvernement
du Québec pour augmenter le nombre d'immigrants qui s'installent dans nos
régions. Durant nos travaux, nous avons
remarqué que la probabilité qu'une personne immigrante demeure en région est
significativement plus élevée si elle a une appartenance au milieu et si la
disponibilité des services dont elle a besoin est au rendez-vous. Nous sommes
donc favorables à la volonté du gouvernement de s'assurer que le français soit
utilisé par les municipalités pour communiquer avec leurs citoyens et nous
sommes d'avis que les critères en place doivent favoriser l'arrivée et le
maintien des immigrants en région. Il ne fait aucun doute pour la fédération
que la francisation sera facilitée si ceux-ci s'installent en région dans des
milieux dont la vie se déroule en français.
Pour cette raison, le
délai maximal prévu de six mois après lequel il serait interdit de
communiquer dans une langue autre que le français avec une personne
nouvellement arrivée au Québec nous semble trop court pour que les nouveaux
arrivants puissent maîtriser adéquatement le français et faire le suivi de
leurs demandes auprès des municipalités. Nous recommandons donc de prolonger à
un an le délai maximal pour les communications avec les immigrants dans une
autre langue le français afin de faciliter leur intégration.
La fédération est
d'avis qu'il est important d'agir fortement pour renverser le déclin du français
au Québec, notamment en renforçant la Charte de la langue française, et nous
appuyons le gouvernement dans cette démarche. La démarche gouvernementale doit
cependant correspondre aux diverses réalités vécues par les municipalités, leur
laisser l'autonomie suffisante pour déterminer les mesures les mieux adaptées à
leurs milieux et faciliter l'application des
mesures sur le terrain. Selon notre expérience, le gouvernement devrait prévoir
une période d'adaptation suffisamment longue et un accompagnement
adéquat auprès des municipalités pour assurer la mise en oeuvre de cette
importante législation. Nous proposons également au gouvernement notre aide
lors de l'élaboration de la politique linguistique de l'administration pour
nous assurer que les différentes réalités des municipalités soient bien
représentées. En tant que porte-parole de l'ensemble des régions du Québec,
nous continuerons de travailler avec le gouvernement du Québec pour nous
assurer du succès de cette réforme.
Nous sommes maintenant
prêts, Mme la Présidente, à répondre aux questions des parlementaires.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Soucy, Me Lepage,
bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour la présentation de votre
mémoire. D'entrée de jeu, et, je pense, là, c'est ce qui vous intéresse le plus
dans le projet de loi, c'est les municipalités bilingues. Donc, vous nous
faites une proposition dans le mémoire qui indique, dans le fond, que l'office
informerait les municipalités qu'ils n'ont plus 50 % de citoyens de langue
maternelle anglaise. Actuellement, dans la
charte, à 29.1, la municipalité peut déjà le demander, dans le fond, de
retirer son statut. Donc, la différence entre l'état actuel du droit à 29.1,
c'est de dire : Bien, l'office, maintenant, enverra un avis juste pour
dire : Municipalités, sachez que suite au recensement on vous informe que
vous n'avez plus le 50 % requis, et ce n'est qu'un simple avis.
M. Soucy (Yvon) :
Mme la Présidente... puis Me Lepage pourra compléter ou me corriger s'il y a
lieu, là, mais ce que j'en comprends, c'est que l'avis de l'office... avec
l'avis de l'office, la municipalité a l'obligation, donc, d'adopter une
résolution pour poursuivre... maintenir son statut. Nous, ce qu'on dit, c'est
qu'en fait l'office... la municipalité, si
elle souhaite changer son statut, passera une résolution. Donc, ça pourrait
éviter des débats qui pourraient être
pénibles, puis ça fait en sorte également, peut-être... On parle souvent de
gouvernance de proximité, on parle souvent d'autonomie municipale. Donc,
je pense que ça accorde également aux municipalités, là, cette
considération-là. Puis, si le débat n'est pas nécessaire ou s'il n'y a pas
vraiment de problème, que les élus décident qu'il n'y en a pas de problème, puis là on parle dans ce cas-là d'une population
qui serait à majorité de langue maternelle française,
là, si elle a eu l'avis de l'office, donc on pense que ça correspond à
l'ensemble de la volonté de la population également. Donc, écoutez, c'est une disposition,
là, qu'on souhaiterait effectivement, là, voir modifier.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais c'est
juste que sur le fond des choses, là, nous, quand on a construit la disposition,
c'est justement pour faire en sorte de respecter l'autonomie municipale, pour
ne pas dire : Bien, à partir du moment où il n'y a plus 50 % de citoyens
de langue maternelle anglaise, bien, par l'effet de la loi, on enlève le statut
de municipalité bilingue. Ça, c'est ce que souhaite le Parti québécois. Nous,
ce qu'on dit, c'est de dire : Bien, écoutez, par l'effet de la loi, il y a
perte de statut, à moins qu'en tout respect de l'autonomie municipale, les élus
décident de dire non. Pour nous, pour une raison historique ou pour les raisons
qui sont propres au conseil municipal par rapport aux citoyens, dans les
120 jours, il y a une résolution qui a été adoptée par la municipalité.
Donc, moi, je trouve que ça respecte l'autonomie
municipale, parce que c'est un état de fait de dire : Bien, il n'y a plus
50 %, mais les élus municipaux pourront toujours conserver ce statut-là.
Parce que — et
vous me direz si vous êtes d'accord avec moi — les municipalités font partie
de l'État, et l'exemplarité de l'État en matière de protection et de promotion
de la langue française doit inclure également les municipalités, à titre de
gouvernements de proximité. Est-ce que vous êtes d'accord sur ce point-là?
M. Soucy (Yvon) :
Oui, puis je laisserais Me Lepage peut-être poursuivre, là.
M. Lepage (Sylvain) : Simplement, si
vous me permettez, M. le ministre, on est tout à fait d'accord avec le
gouvernement sur le fond des choses, comme vous venez de bien l'expliquer.
Toutefois, il faut comprendre que nous, généralement, on représente des
communautés rurales, des petites communautés. Une communauté de
200 habitants sur la Côte-Nord, une communauté de 600 habitants, on
peut facilement avoir des débats émotifs, alors que... au moment où on doit
adopter une résolution de façon obligatoire, et ce qu'on cherche à faire dans
les petites communautés, c'est d'éviter,
dans la mesure de... de façon raisonnable, là, les débats. Et, comme dans ces
communautés-là, souvent, la communauté se «francisise»... — prendre la bonne expression, je
m'excuse — devient
plus francophone au fil du temps, on
pense que de rappeler à la municipalité : Écoutez, au moment où on se
parle, voici où vous en êtes, vous pourriez demander... tu sais, vous
pourriez demander à cesser de fournir des services en anglais, c'est préférable
pour conserver l'harmonie. On n'est absolument pas, dans les municipalités
qu'on représente, dans une situation où l'anglais
est prédominant ou en voie de le devenir. Alors, c'est essentiellement pour des
raisons, je dirais, de paix sociale, si je peux m'exprimer ainsi, qu'on
pense que de le faire à l'envers, ce serait plus simple et moins divisible pour
les communautés. Mais, sur le fond, vous avez tout à fait raison, le résultat
est le même, et ce que le gouvernement a mis sur la table, effectivement, ça
respecte le principe de l'autonomie, puisqu'ultimement la municipalité pourra
décider, en adoptant une résolution, de conserver, là, son statut de
municipalité bilingue.
M. Jolin-Barrette : Mais, d'un autre
point de vue, le statut du français puis la protection de la langue française,
ça appartient à tout le monde au Québec. Donc, au gouvernement, on a une
responsabilité, moi, j'ai une responsabilité, les ministères, les organismes
ont une responsabilité, les entreprises, les citoyens, mais incluant les
municipalités aussi.
Lorsque vous dites : Bien, on veut éviter
le débat là-dessus, moi, je trouve que c'est plutôt sain d'avoir un débat là-dessus. Puis c'est vrai que la question
linguistique, ça suscite parfois les passions, on le voit avec le projet
de loi n° 96, sauf que le statut de la langue, c'est tout de même
important aussi. Et les municipalités — et on va voir... puisqu'elles
font partie de l'État... vont être assujetties aux politiques linguistiques de
l'État aussi — je
pense qu'elles ont un rôle à jouer
là-dessus. Et, depuis que la Charte de la langue française est là en 1977, à
moins que je me trompe, je pense qu'il n'y a qu'un seul organisme
reconnu qui a demandé de retirer son statut. Alors, on voit que...
M. Lepage
(Sylvain) : Sauf qu'en pratique, M. le ministre, comme on le voit
généralement, les communautés dont on parle sont de plus en plus
francophones. Donc, la langue française, dans l'état actuel des choses... la
Charte de la langue française, pardon, fonctionne,
puisque ces communautés-là sont aujourd'hui plus francophones qu'elles
l'étaient il y a 30 ans.
Alors, nous,
c'est essentiellement ce qu'on dit. Comme on doit vivre ensemble, pourquoi
susciter artificiellement un débat,
alors que ça fonctionne? Puis, évidemment, je le répète, les communautés que la
FQM représente généralement, c'est
les petites communautés. Alors, dans une petite communauté, je le répète, si,
ici, là, on trace une ligne puis on dit : Ça, c'est les francophones, puis ça, c'est les anglophones, le débat,
vous l'avez dit, peut devenir facilement très émotif.
Ça n'enlève pas, comme vous le soulignez, là,
l'importance que l'État, et les municipalités en font partie, effectivement,
là, donne l'exemple, mais de s'assurer que la minorité a un certain service de
base dans sa langue, la langue qu'elle utilise encore, la charte le reconnaît
de toute façon, vous l'avez bien expliqué, là, aux personnes, là, qui étaient
avant.
• (17 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Mais ça, c'est
un point important, là, hein? Ce n'est pas parce que la municipalité perd son
statut bilingue que les Québécois d'expression anglaise, eux, n'auront plus de
services dans leur langue. Ça, il faut le dire. Mais, par contre, où j'ai un
peu de la difficulté à me rallier avec votre position, c'est que vous faites
référence notamment à l'immigration puis à l'importance de doter, dans toutes
nos régions du Québec... que les personnes
immigrantes choisissent de s'installer en région, notamment parce qu'il y a des
besoins de main-d'oeuvre, et,
si on veut bien intégrer les personnes
immigrantes, bien, il faut le faire notamment en région, parce que 80 % de
l'immigration est à Montréal, et il faut réussir, si on veut avoir une société
où on s'intègre en français au Québec, à amener les gens à choisir d'aller dans
les différentes régions. Mais là, si on se retrouve dans une municipalité
bilingue en région, la personne immigrante, là, elle va avoir la possibilité de
communiquer en anglais avec la municipalité. Mais c'est tout ça qu'il faut
changer lorsqu'on parle du bilinguisme institutionnel de l'État, ça touche
également les municipalités. Alors, c'est un drôle de message qu'on envoie
aussi.
M. Lepage
(Sylvain) : Si je peux me
permettre, en toute honnêteté, M. le ministre, généralement,
l'immigration internationale dans les régions, c'est largement, en tout cas à
ma connaissance, puis M. Soucy, qui habite en région, pourra me
contredire, mais c'est largement de l'immigration qui n'est pas anglophone.
Alors, généralement, moi, les rapports que les municipalités me font, là, puis
ce que les gens me disent, c'est que, facilement, après une année, deux années, les gens s'intègrent largement à la
majorité francophone. Ce n'est pas parce que la municipalité a quelqu'un
au comptoir qui est officiellement bilingue que quelqu'un qui a l'espagnol, par
exemple, comme langue d'origine va apprendre l'anglais dans un milieu à
97,7 % francophone, là, tu sais. Moi, je viens de Barraute, Abitibi. Je
peux vous dire qu'à Barraute, Abitibi, ça n'a pas changé en 40 ans, il n'y
avait pas un seul anglophone là, tu sais. Pourtant, en 1976, il y avait un
garage dans le milieu du village qui s'appelait Barraute Motor. Ça, personne ne
comprenait ce que ça voulait dire. Mais, aujourd'hui, les gens qui immigrent
là-bas, hein, ils vont naturellement s'intégrer à la majorité francophone, qui
est non seulement la majorité, mais quasi exclusivement francophone.
Le seul message qu'on veut vous livrer, c'est
que, nous, on pense que dans les communautés que nous représentons, qui sont
des petites communautés, ça se fait actuellement naturellement. Le problème,
nous, on le voit beaucoup plus à Montréal — il y a des députés ici de la
région montréalaise — on
le voit beaucoup dans le West Island, mais on ne le voit pas beaucoup dans les
régions périphériques, puis on représente des gens partout, que ce soit du
Pontiac jusqu'en haut de la Côte-Nord. Il y a peu de gens parmi nos élus qui
nous parlent d'un enjeu, là, d'anglicisation, là, des arrivants qui arrivent.
Je ne vous cacherai pas qu'il n'y a pas beaucoup d'arrivants sur la Haute-Côte-Nord,
pour être honnête, mais...
M. Jolin-Barrette : Sauf que ce
qu'on veut faire, c'est régionaliser l'immigration, puis il ne faut pas que ça
soit juste des candidats francophones qui décident de s'établir en région, il
faut réussir à faire en sorte que les gens...
M. Lepage (Sylvain) : Tout à fait.
M. Jolin-Barrette : ...qui ne sont
pas des locuteurs francophones puissent aller s'installer en région. Mais je
comprends bien votre point de vue.
Je veux céder la parole à mes collègues, mais
c'est bien noté. Je vous remercie pour votre présence en commission
parlementaire.
M. Lepage (Sylvain) : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Saint-Jean, 6 min 30 s
M. Lemieux : Oui. Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Il faut que vous me répétiez le nombre de temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
6 min 15 s maintenant.
M. Lemieux :
6 min 15 s Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Soucy
et M. Lepage.
Il faut que je revienne un peu sur ce qui vient
de se passer, parce que je veux être certain d'une chose. Vous ne voulez pas
provoquer des débats acrimonieux, avez-vous dit, si on a 29.1 avec le principe
que le ministre a placé dans la loi. Mais, s'ils reçoivent la notification de
l'OQLF qui leur dit : Aïe! Vous êtes rendus à 42 %, là, tu sais, vous étiez à 53 %, vous êtes rendus à 42 %, puis
qu'ils se disent dans cette municipalité-là : Bien là, on va demander de
sortir, parce qu'on n'a plus le 50 %, le débat ne sera pas moins
acrimonieux?
M. Soucy (Yvon) :
Bien, écoutez, non, je ne pense pas, là. Si la municipalité souhaite faire le
débat, elle va le faire, là. Mais, s'il n'y en a pas, de problème de
cohabitation, qu'il n'y en a pas, d'enjeu à ce niveau-là, bien, écoutez, nous, ce qu'on dit, c'est qu'à ce
moment-là le statut sera maintenu, là, mais... Donc, elle n'aura pas
l'obligation de passer une résolution pour le maintenir, là.
M. Lemieux : Dans un autre
ordre d'idées, quand vous parliez du six mois, un an...
M. Soucy (Yvon) :
Oui.
M. Lemieux : ...c'est
intéressant, parce que vous avez dit : Nous autres, c'est surtout... pas
beaucoup d'anglais. En tout cas, à Barraute,
ça, c'est clair, il n'y en a pas, là. Mais, ailleurs, il n'y a pas beaucoup
d'anglais dans vos régions, il y a
surtout d'autres langues. Il a été question, pendant la commission, pendant les
consultations, de dire : Bien, si on trouvait une façon
d'interpréter... Puis là on est à Montréal, O.K.? À Montréal, c'est sûr qu'un
immigrant... ou à Québec, un nouvel arrivant, s'il ne parle pas le français,
bien, il y a des gens qui essaieraient de lui parler en anglais, c'est une
langue internationale. Mais, si on lui parlait dans sa langue, ah! là, ça va
aller encore plus vite puis mieux, à quelque part, pour se faire comprendre,
d'un, puis de deux, bien, éventuellement, l'intégration va peut-être être plus
facile, parce qu'il y a comme une ouverture. S'il y avait ces moyens
d'interprétation là dans Kamouraska? Quand quelqu'un arrive, elle ne parle pas
anglais, la madame au comptoir, mais elle ne parle pas chinois non plus, ni
espagnol, peut-être. Mais s'il y avait moyen de lui parler dans sa langue?
Parce que la loi dit «une langue autre que le français». Mais si c'était dans
sa langue?
M. Soucy (Yvon) :
Bien là, je vais vous surprendre, là, parce que je viens d'une MRC qui est à
98 %, 99 % francophone, là, puis on dénombre chez nous
44 nationalités différentes. On les intègre, les immigrants, chez nous
puis on les... francise, pardon, puis avec succès, là, puis c'est ce que...
Dans le fond, c'est le message que je voulais envoyer,
parce qu'on a un cruel besoin de main-d'oeuvre. Actuellement, on a de la
difficulté à emmener les immigrants chez nous, là, ils restent beaucoup
à Montréal. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'on fait des efforts
énormes, je vous dirais même surhumains, là, pour les intégrer, pour faire en
sorte, là... Maintenant, là, les immigrants, là, ils ne viennent plus seulement
pour répondre à un besoin de main-d'oeuvre, là, ils viennent pour enrichir la communauté,
participer au développement de notre communauté, puis je vous dirais, là, que
nos municipalités mettent l'épaule à la roue puis font des efforts, là,
considérables puis... pour bien accueillir ces gens-là puis faire en sorte
qu'ils restent. Peut-être qu'on apprend de nos erreurs. Je vous dirais qu'il y
a 20 ans, bon, malheureusement, on faisait venir des immigrants pour
répondre tout simplement à un besoin de main-d'oeuvre, puis, bon, pas seulement
chez nous, partout c'était ça, puis on a appris de nos erreurs. Mais maintenant,
là, vraiment, on le fait pour qu'ils contribuent au développement puis à l'enrichissement
de nos communautés. Puis, comme je vous le dis, on a 44 communautés
culturelles différentes... 44 nationalités, pardon, différentes chez nous, donc
c'est qu'on réussit à le faire. Puis mon président,
s'il était ici, vous dirait : En plus, on les francise avec un bel accent,
là, hein? Puis donc, bien, c'est peut-être... une partie de la solution
est probablement là, là.
M. Lemieux : Bien, c'est sûr que
l'intégration est plus facile quand tout le monde y met du sien et qu'on a
l'expérience.
Je voulais vous parler des régions. Vous allez
me dire... je suis coupable de ne pas avoir été assez là depuis longtemps, en
tout cas depuis quelques années dans les régions, mais je les ai beaucoup
bourlinguées. Quand on est dans les régions puis qu'on entend parler du français,
on se dit : Ah! À Montréal, c'est terrible! Montréal, là, c'est terrible, ça. Mais, en région, est-ce que
vous croyez, vous aussi, et je ne parle pas de Montréal,
je parle du reste du Québec, que le français a besoin d'être protégé et
que ce projet de loi là, si on ne prend pas tous nos responsabilités, puis le ministre
vous en impose une là-dedans, aux municipalités, il est en déclin, là, et puis Montréal
peut-être avant, là, comme la pointe de l'iceberg, mais éventuellement on n'est
pas sortis de l'auberge, là?
M. Soucy (Yvon) :
Non. Bien, effectivement, on a souligné, là, le dépôt du projet de loi par le
ministre, là, on est conscients qu'on a des efforts à faire. Bon. Chez nous,
écoutez, de la MRC d'où je viens, là, ce n'est pas nécessairement un problème,
là. Je ne vous dis pas que c'est... Ce n'est pas partout le cas, là.
M. Lemieux : Mais permettez, juste
avant que Mme la Présidente me regarde avec des gros yeux parce que j'ai fini,
ce n'est pas un problème, mais il y a des régions, O.K., pas Kamouraska, puis
peut-être pas à Barraute, mais il y a des régions où l'exigence de l'anglais
est pas mal plus présente qu'elle ne l'était avant pour l'emploi. Est-ce que
vous le sentez? Est-ce qu'il y a des gens chez vous qui vous en parlent? Parce
que c'est ça aussi, la loi n° 96, le projet de loi,
c'est d'être capables de tous faire notre part, y compris de ne pas exiger nécessairement
l'anglais quand il n'y en a pas vraiment besoin.
• (18 heures) •
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je pense
que vous avez raison dans la mesure où, on le voit un peu avec la pandémie, il y a de plus en plus de télétravail.
Il y a des... On a des entreprises qui nous disent qu'il y a des
entreprises américaines qui recrutent maintenant dans les
régions. Par exemple, en informatique, il est clair que, si vous êtes en
informaticien... en informatique, vous pouvez peut-être habiter à Barraute,
mais, si vous travaillez pour une compagnie
qui est à Chicago, parce que vous êtes programmeur-analyste, vous allez devoir
apprendre l'anglais, parce que votre vis-à-vis va être là. Vous avez
tout à fait raison qu'il y a une pression sociétale, si je peux m'exprimer
ainsi, qui amène la nécessité d'avoir une bonne connaissance de l'anglais.
La Présidente (Mme Thériault) : Et
c'est terminé.
M. Lemieux : Vous avez vu ses gros
yeux, hein? Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) : Non,
je n'ai pas fait de gros yeux, puis ce n'est pas vous que j'ai regardé non
plus, j'ai regardé nos invités. Donc...
M. Lemieux : ...
La Présidente (Mme Thériault) : Ça a
toujours été... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. M. Soucy, Me Lepage, bonjour. Je voyage, pendant que je
vous écoute, au Kamouraska, en Abitibi. Puis je vais continuer sur la lancée du
député de Saint-Jean, parce que vous avez
dit : On a 44 nationalités différentes. Ce n'est pas
44 personnes, là, c'est 44 nationalités différentes, multiplié
par x personnes, là, bon. C'est fascinant quand on y pense. On n'en parle pas
souvent de ce Québec qui devient multiforme. Même si vous dites : 97,7 %
parlent français, mais il a fallu que ces 44 nationalités apprennent le
français. J'aimerais ça que vous me fassiez un portrait de ce que ça veut dire,
parce la loi n° 96, oui, on parle de Montréal, mais on veut parler du
reste du Québec aussi, ça nous... c'est important.
M. Soucy (Yvon) :
Évidemment, dans ces nationalités-là, il y a des gens qui sont d'origine... de
pays francophones, là, donc on n'a pas tous à les franciser. Mais, bon, je vous
disais, ce qui est différent d'il y a 20 ans, c'est que, maintenant, on
est organisés, en tout cas, de plus en plus, pour les accueillir, bien les
intégrer. À la MRC, par exemple, nous avons
une agente d'accueil et d'intégration qui fait un travail extraordinaire. Nous
avons Place aux jeunes, là, comme partout au Québec, Projektion 16-35
également, là, qui organise des activités d'intégration. On en a eu une,
d'ailleurs, il y a quelques semaines, dans le cadre de la semaine du champignon
forestier, au Kamouraska où on a accueilli, là, une trentaine de nouveaux
arrivants, puis pas de nouveaux arrivants du Québec, là, de l'extérieur.
Donc, on fait beaucoup d'activités d'accueil,
d'intégration.
Au niveau aussi... Ce qu'on nous disait, par
exemple, au niveau de la francisation, les professeurs vont utiliser également,
là, beaucoup, plutôt que les manuels, là, donc, les occasions, là, de
franciser, comme, par exemple, là, l'activité dans le cadre de la semaine du
champignon forestier. Il y a eu des pique-niques d'organisés. Donc, il y a toutes sortes d'activités ludiques,
là, qui sont organisées pour faire en sorte, bien, premièrement, de
développer le sentiment d'appartenance, mais également faire en sorte que
nos... les personnes qui arrivent, là, puissent bien s'intégrer et avoir
l'occasion, également, de connaître des gens puis d'échanger avec eux, là.
Mme David : Mais le portrait... Je
n'aime pas parler de portrait type, mais en tout cas, ce qui est le plus en demande, j'imagine, dans vos régions, ce sont
des... c'est de la main-d'oeuvre pour vos compagnies locales. C'est ça?
M. Soucy (Yvon) :
Oui, oui, absolument, là, nos... Puis ça, c'est triste, là. Moi, c'est ce qui
me désole le plus, c'est qu'actuellement nos entreprises, là, mettent sur la glace des projets
d'expansion, des projets de développement parce qu'elles n'ont pas de main-d'oeuvre,
là. Puis, écoutez, actuellement, c'est le plein-emploi, là, mais ce n'est pas seulement
chez nous, là, c'est partout. On manque cruellement de main-d'oeuvre puis on
fait des efforts considérables pour offrir de meilleures conditions de travail
pour la conciliation, le télétravail, en tout cas. Bien, en fait, toutes les
bonnes pratiques qui se font partout, on les offre nous aussi, là. Mais, oui,
c'est triste un peu.
Mme David : C'est triste, puis si je
comprends bien, vous faites plein, plein d'efforts pour pouvoir recruter, justement,
avec, probablement, le ministère de l'Immigration, avec des nouveaux arrivants
qui... Parce que des gens qui voudraient venir immigrer au Québec, il y en a
des millions, là. Il y a tellement de problèmes sur la planète, là, il y a tellement
de gens moins privilégiés que nous que ça a... C'est triste d'entendre ce que
vous dites, qu'on est dans telle...
M. Soucy (Yvon) :
Oui, bien, si vous me permettez... Mais, en même temps, moi, le message que je
veux surtout porter, c'est que, bien là, actuellement, ils sont principalement...
Là, je n'irais pas à est-ce qu'il y en assez, est-ce qu'il y en a trop, là. Ça,
ce n'est pas à moi de juger ça, là, mais chez nous, il y en manque, là. Puis
ils sont principalement à Montréal, puis, bien, nous... Moi, ce que je vous
dis, c'est que, nous, on a les bras tout grands ouverts pour les accueillir,
là.
Mme David : Oui, et puis donc c'est
la communauté qui se mobilise autour pas seulement de la francisation, autour
de l'intégration aussi?
M. Soucy
(Yvon) : Oui.
Mme David : L'autre sujet dont je
voulais vous parler, c'est les... votre question de l'article 29.1, là, c'est
les municipalités où vous devez passer une résolution. Ça aussi, j'essayais de
m'imaginer... Vous avez même parlé d'une petite communauté qui peut être... à
peu près, tenir dans cette salle-ci, là, et il y aurait une communauté
anglophone minoritaire, souvent, assez minoritaire, très minoritaire.
M. Lepage (Sylvain) : ...le débat
n'aura pas lieu, elle va être bilingue automatiquement, en vertu de la loi.
Mme David : Exactement. Alors, en
bas de 50 %, mais ça peut être 8 %, ça peut être...
M. Lepage (Sylvain) : Ça peut être
8 %, ça peut être 10 %, ça peut être 30 %.
Mme David : Et ce que vous voulez
éviter, dans le fond... Mais je ne suis pas sûre que je comprends votre
solution, parce que, le député de Saint-Jean l'a mis en évidence aussi, c'était
un peu ma question, votre solution, par rapport à celle du ministre, je ne suis
pas sûre que c'est blanc bonnet, bonnet blanc, là, je pense... Vous voulez
éviter la chicane, vous voulez éviter d'avoir à dire : Est-ce qu'on veut
garder le statut bilingue pour 8 % de nos personnes qui sont ici depuis
toujours, qui ont reçu des... C'est un peu ça, dans le fond.
M. Lepage (Sylvain) : Ce qu'on
souhaite faire, c'est que la municipalité fasse le débat quand elle sera prête
à faire le débat. Autrement dit, si on juge que... les élus jugent que le
moment n'est pas opportun de faire le débat, la municipalité conserverait son
statut bilingue, à ce moment-là. Le jour où... Parce qu'on est rendus à 8 %.
Il n'y a plus matière à débat. Et il faut
comprendre que chaque communauté est différente, là. On vous parle de petites
municipalités. Il y a des endroits où est-ce qu'il n'y aura peut-être pas de
débat, puis, simplement, les gens vont décider d'adopter une résolution, puis
ça va être comme : on est rendus là, excusez l'expression. Vous savez, la
société a changé beaucoup depuis le moment
où j'avais 15 ans. Il y a beaucoup de choses qu'on prenait... qu'on
pensait qui n'arriveraient pas, qui arrivent aujourd'hui, là, dans
toutes sortes de domaines. Alors, c'est un peu la même chose.
Ce qu'on dit, c'est : Faisons en sorte que
les gens n'aient pas à poser un acte positif, parce qu'adopter une résolution
c'est poser un acte positif, qu'ils ne souhaitent pas nécessairement poser,
hein? Et M. le député avait tout à fait raison que, le jour où le conseil va
dire : Bien là, c'est le moment de poser la question, bien, il va arriver
avec une résolution, nécessairement. Autrement dit, le statu quo va demeurer,
sans débat, si le pouls des élus, dans leur communauté, est à l'effet que...
passons donc, passons, on en reparlera dans 10 ans.
Mme David : Bien, ce que je
soupçonne, dans ce que vous dites, c'est : Le jour venu, on passera la
résolution — moi,
je continue votre phrase — parce
qu'on sera prêts à demander de perdre le statut bilingue. Parce...
M. Lepage (Sylvain) : Parce que
c'est une question qui ne se posera plus dans cette communauté-là.
Mme David : Bien, en même temps,
vous dites : On ne veut pas mettre le feu dans la communauté. Même si
c'est très minoritaire, la communauté anglophone, ça pourrait quand même...
M. Lepage (Sylvain) : Vous savez, le
feu, une personne...
Mme David : Bien, une personne, oui,
mais, admettons, 10 personnes qui...
M. Lepage (Sylvain) : ...peut mettre
le feu, là. Mais il y a toutes sortes de situations. Vous avez entendu, comme
moi, les gens qui étaient là avant nous, là, qui nous sont fort sympathiques.
Quand on les écoute, on voit que ça peut devenir émotif facilement. Je ne
connais pas leur réalité dans leur communauté, mais il y a des endroits où il
n'y en a pas, de débats comme ceux-là.
Alors, encore là, c'est le rôle des élus de
sentir leur communauté puis, à l'échelle locale, ils détermineront... Il sera
toujours temps de le faire, le débat, comprenez-vous, dans le sens où, si on
pense qu'on doit le faire, bien, les gens le feront. À ce moment-là, ils vont
se poser la question. C'est que là, on oblige à ce qu'automatiquement, à chaque
cinq ans on se repose la question. C'est tout ce qu'on dit.
Mme David : Il y a la question du
cinq ans, puis il y a la question de la procédure aussi. Mais, en ce moment,
vous dites... Il me semble qu'il y a une cinquantaine de municipalités...
M. Lepage (Sylvain) : Nous, on en
représente une cinquantaine sur 89.
Mme David : ...qui ont le statut
bilingue.
M. Lepage (Sylvain) : Il y en a 89
qui ont un statut bilingue.
Mme David : O.K. Donc, vous avez la
majorité des municipalités.
M.
Lepage (Sylvain) : On a la majorité, mais, je le répète, il faut
réaliser que, sur 89... On a toujours en tête les municipalités du West Island,
mais, dans la vraie vie, à 89, vous vous rendez compte qu'il y a plein de
petites communautés dans les régions, là, dans le Pontiac, dans... C'est des
gens où les francophones puis les anglophones vivent
ensemble, imbriqués, puis ça ne semble pas trop difficile, on n'entend pas
parler de grands... hein, il y a la paix linguistique. Ça fait que les
conseils sont comme ils sont, puis les gens sont en mesure de mesurer ce que la
communauté souhaite.
• (18 h 10) •
Mme David :
Mais, depuis que le projet de loi a été déposé, beaucoup de municipalités ont
signé, on voté des résolutions et les ont
envoyées au ministre, ou je ne sais pas à qui, là. Vous, de ce que vous savez
de vos 50, est-ce qu'il y en a plusieurs qui se sont déjà prêtées à...
M. Lepage
(Sylvain) : Honnêtement, je ne connais pas la réponse. Je peux vous
dire qu'on a un représentant, au conseil d'administration, de la communauté
anglophone, des municipalités anglophones, et il y a eu une discussion à
46 élus — le
conseil d'administration de la FQM, c'est 46 élus, quand même, qui
proviennent de partout sur le territoire du Québec — et c'était unanime
que... Puis, évidemment, le représentant de la communauté anglophone a expliqué son point de vue, et,
unanimement, les gens ont dit : Bon, on vient d'en discuter, on a-tu
besoin, à chaque cinq ans, d'avoir à adopter une résolution comme celle-là?
Puis ça a fait l'unanimité assez rapidement. Il y a eu des discussions. Elles
ne sont pas devenues très émotives, si je peux m'exprimer ainsi, mais quand
même, il y a eu des discussions, puis les 46 administrateurs se sont
ralliés à l'idée que, dans le fond, chaque 10 ans, on informera la
municipalité, puis, si elle ne fait rien, bien, ce sera le statu quo.
Mme David :
O.K. Il me reste combien de temps?
La Présidente
(Mme Thériault) : Une minute.
Mme David :
Une minute? Ah! bien, je n'ai pas le temps de vous parler de... Je vais vous
dire de quoi je n'ai pas le temps de vous
parler, c'est du six mois — probablement que ma collègue va peut-être aborder ça — du six mois d'intégration, parce que
vous dites que ce n'est pas assez, puis vous êtes immensément francophones,
alors imaginez d'intégrer en six mois dans
du immensément multilingue montréalocentré. C'était ça, ma question, mais je
lance la perche.
La Présidente
(Mme Thériault) : Bien, vous avez 45 secondes pour commencer
à y répondre.
M. Soucy
(Yvon) : Bien, écoutez, six mois, effectivement, on trouve que
c'est court. J'ai vérifié avec les gens chez nous aussi, là, qui sont sur le
terrain, puis qu'ils trouvent, effectivement, que c'était court.
Mme David :
Même s'il apprend le français par osmose, parce qu'il ne peut pas ne pas parler
français. Tout est français dans vos régions.
M. Soucy (Yvon) : Non, mais, comme je vous dis, on fait des
efforts. Bien, souvent, il y a des gens, également, qui parlent leur
langue. Je pense qu'on met tout en pratique, là, pour que ça... faciliter leur
venue puis, surtout, le fait qu'ils restent, là.
Mme David :
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Donc, Mme la députée de Mercier,
vous avez le dernier bloc.
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai
beaucoup aimé la façon dont vous parlez de l'intégration des immigrants en
région, puis vous avez dit que vous avez appris des erreurs du passé, où la
perception, c'est qu'on va chercher de la main-d'oeuvre de l'étranger pour
combler un poste, et là tout va bien aller,
les gens ont un travail, c'est l'essentiel, puis ils vont rester dans la région
à jamais. Et vous vous êtes rendu compte que ce n'est pas comme ça que
ça se passe. Les gens, ils ont besoin, comme vous le dites, d'avoir un milieu
de vie qui soit accueillant, qui soit enrichissant, pour eux et leur famille,
donc il faut mettre beaucoup plus de choses en place que simplement un emploi.
Donc, vous avez une vision qui est non utilitaire seulement pour l'emploi de
l'immigration, et j'aime beaucoup ça vous l'entendre dire. J'espère que tout le
monde écoute.
Par rapport... Bien,
je vais revenir encore sur le six mois. Puis ma question... C'est ça, vous
dites que ce n'est pas suffisant, vous n'êtes pas le seul à l'avoir dit. Mais
il y en a qui nous disent : Bien, décidez d'une période suffisante pour
que les gens aient appris le français, et tout ça. Et vous, ce que vous dites,
c'est un an, vous avez choisi un an.
Pourquoi un an? Pourquoi pas deux ans? Pourquoi pas trois? Est-ce qu'il y a une
raison où vous avez dit : Bien, le gouvernement propose
six mois, mettons donc un an? Est-ce qu'il y a une raison ou c'est plus
arbitraire?
M. Lepage
(Sylvain) : Non, bien, ce n'est pas arbitraire. Je dirais qu'on
partage l'opinion du gouvernement à l'effet
que toute bonne chose a une fin. On souhaite accueillir les gens, on souhaite
leur donner un délai raisonnable, mais
on pense que, quand ça fait une année que tu habites dans une communauté
purement francophone, il y a de fortes chances
que tu sois en mesure de t'exprimer, tu sais, d'avoir des connaissances
linguistiques minimales pour fonctionner dans une société francophone
puis avoir accès à des services.
Alors, évidemment, on
pourrait faire un grand débat, à savoir c'est-tu trois ans, c'est-tu
deux ans, mais, en même temps, on comprend la volonté du gouvernement de
dire : Écoutez, ça ne peut pas durer éternellement, là, il faut qu'il y
ait une fin claire. Alors, on se dit qu'une année complète de transition, ça
nous semble raisonnable, là.
Mme Ghazal : Puis vous communiquez,
que ce soient les communications écrites, orales, comme... en ce moment, par
exemple, quand ce n'est pas en français, c'est en anglais? C'est ça que vous
faites? Il n'y a pas de... Vous n'avez pas
des gens qui vont venir parler... C'est quoi, l'expérience? Peut-être
qu'elle est diversifiée, dépendamment de la municipalité.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je vous
dirais, tout dépend des réalités de chaque municipalité, là. Donc, je n'ai, malheureusement, pas la réponse, mais je pense que
c'est variable d'une municipalité à l'autre, là, selon la situation, là.
Mme Ghazal : Donc, pas
nécessairement en anglais. Ça peut être... on a des services d'interprètes pour
parler la langue maternelle, comme en espagnol, et tout ça, pour les gens.
M. Lepage (Sylvain) : Oui.
Mme Ghazal : O.K. Puis il y avait
l'UMQ qui avait parlé, dans son mémoire... puis, quand ils sont venus présenter
ça, ils avaient des inquiétudes, pour les contrats pour des projets
d'infrastructure, que ça s'arrête, parce qu'ils ne répondraient pas à des
dispositions du projet de loi, et ils voulaient avoir des clarifications, parce
qu'ils avaient des inquiétudes pour des... Est-ce que vous, vous avez la même
inquiétude? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez regardé ou vous...
M. Lepage (Sylvain) : Oui, bien, on
est assez familiers avec ça. Nous, on transige, à la FQM, avec des assureurs internationaux, parce qu'on gère aussi
un programme d'assurances de dommages, et, évidemment,
comme c'est des assureurs internationaux,
il y a des règles claires, déjà, dans la charte de la langue, puis on est
satisfaits des dispositions qu'on a trouvées. Actuellement, ça ne nous
semble pas vraiment porter à des grandes questions, là, à ce niveau-là.
Mme Ghazal : Très bien, merci. Je ne
sais pas si vous vouliez ajouter quelque chose? J'ai encore deux... Mon Dieu!
je suis vraiment... D'habitude, j'ai à peine trois minutes. Mais, à la fin,
vous dites : Il faut du temps, il faut nous laisser le temps, nous
accompagner, une période suffisamment longue. Ça veut dire quoi, par exemple? Est-ce qu'il y a des choses dans la loi où vous trouvez que c'est trop rapide, ça arrive
trop vite ou c'est juste : ce serait bien de nous laisser le temps?
Est-ce que vous avez quelque chose de plus précis par rapport à ça?
M. Lepage (Sylvain) : Bien, essentiellement,
ce qu'on souhaite, là... puis, actuellement, le gouvernement, en toute
honnêteté, nous a donné un bon coup de main au niveau de l'immigration, mais ce
qu'on souhaite vraiment, c'est qu'il y ait un coup de barre important, de façon
à faire en sorte que l'immigration finisse par arriver véritablement en région. La
perception des régions, quant à moi... puis mon patron, qui est là, peut me
corriger, mais ce que moi, j'entends, c'est que, malgré toute la bonne
volonté, puis, peu importe ce qu'on se fait dire depuis 25 ans, les gens
finissent à Montréal, tu sais. Alors, ce qu'on souhaite, c'est un coup de barre
important pour que, vraiment, en région, on sente une différence au niveau de
l'arrivée de l'immigration. Et on pense qu'à partir de ce moment-là la francisation
va se faire beaucoup plus facilement, pour des raisons géographiques et
socioculturelles évidentes, là.
Mme
Ghazal : C'est ça.
Donc, la régionalisation de l'immigration est un échec, il faut quand même
dire les choses.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je
n'oserais pas dire un échec.
Mme Ghazal : Mais il y a des bonnes
choses, quand même, qui se font, là, comme vous en avez parlé. Puis ça
prendrait plus, comme un coup de barre et une volonté.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, il y a beaucoup...
M. Soucy en a parlé, là, la présence d'agents au niveau de l'immigration, dans les MRC, c'est une décision gouvernementale, c'est financé, à ma connaissance, par le gouvernement. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut continuer
dans cette voie-là et aller encore plus loin, de façon à ce qu'effectivement
les régions accueillent davantage d'immigrants.
Mme Ghazal : Très bien. Merci.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Lepage et M. Soucy, de votre passage en commission parlementaire.
Donc, la commission ajourne ses travaux jusqu'au
jeudi 7 octobre, après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 18 h 18)