(Neuf heures quarante-sept minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du
Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre
(Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau),
par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait, merci.
Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Fédération
des cégeps, M. Daniel Turp, qui est professeur émérite de l'Université de
Montréal, et la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue
aux représentants de la Fédération des cégeps, M. Bernard Tremblay et
M. Sylvain Lambert. Donc, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous
connaissez nos règles, vous êtes des
habitués. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite il y aura des échanges avec les parlementaires. La
parole est à vous.
Fédération des cégeps
M. Tremblay
(Bernard) : Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis Bernard Tremblay, président
directeur de la Fédération des cégeps. Je suis accompagné de M. Sylvain
Lambert, qui est le président de notre conseil des directions générales et
directeur général du cégep Édouard-Montpetit.
Je tiens, évidemment, tout d'abord à vous
remercier de nous avoir invités, et nous sommes ici, vous l'aurez compris, pour
vous présenter le point de vue des 48 collèges publics du Québec, les cégeps.
D'entrée de jeu, je mentionne nos principales
préoccupations, j'y reviendrai, mais, pour être sûr de me pas manquer de temps,
j'insiste sur le fait que nous adhérons au projet de loi n° 96,
qui prévoit une évolution coordonnée du développement des collèges francophones
et anglophones. Toutefois, nous sommes inquiets de l'effet de certaines mesures
proposées et nous souhaitons que ces mesures puissent être révisées dans un
délai de trois à cinq ans. De même, nous
croyons que le projet de loi devrait comporter un pouvoir particulier
permettant au ministre de l'Enseignement supérieur d'adopter des mesures
d'exception au besoin. Nous sommes aussi inquiets des pouvoirs concurrents des ministres de la Langue et de l'Enseignement
supérieur. Finalement, nous nous opposons à l'introduction d'une
deuxième épreuve de langue pour certains étudiants du réseau collégial.
Maintenant, avant d'y aller avec nos
recommandations, je me permettrai quelques remarques générales. D'abord, il
faut rappeler que les 48 cégeps évoluent dans des réalités régionales
différentes, ce qui peut les amener à présenter la même pluralité d'opinions
sur la question de la langue que l'ensemble de la population québécoise. En
tant que membres d'un réseau, les cégeps ont donc recherché les zones de
consensus afin de s'exprimer de manière solidaire sur le projet de loi n° 96.
• (9 h 50) •
Le réseau collégial public se sent concerné au
premier chef par les questions linguistiques. Il reconnaît que le français est
toujours menacé au Québec et que sa situation exige une vigilance constante.
Comme ils sont bien ancrés dans leurs milieux, les cégeps remarquent aussi que
les préoccupations liées à la continuité du fait français au Québec se manifestent de façon particulière sur
l'île de Montréal. Il faut cependant réitérer que tous les cégeps,
anglophones et francophones, sont engagés
dans les efforts visant à assurer la vitalité de la langue commune et la
qualité de la langue écrite et parlée par les personnes qu'ils forment.
Sur l'essence même du projet de loi, vous ne
serez pas surpris de nous entendre exprimer notre soulagement de voir le gouvernement maintenir le libre choix
comme principe général en matière d'enseignement supérieur. Il faut
parfois encore le rappeler, les cégeps font partie de l'enseignement supérieur.
Nous l'avons répété au fil des ans, les cégeps ne font pas partie des menaces
au rayonnement de la culture québécoise et à la vitalité de la langue
officielle du Québec.
À cet égard,
nous croyons qu'au-delà du projet de loi certaines questions se posent. Quelles
sont les motivations qui poussent une certaine partie de la jeunesse
dont l'anglais n'est pas la langue maternelle à vouloir poursuivre ses études en anglais? Quels
sont les éléments qui assureraient auprès des jeunes le prestige du français?
Comment favoriser le développement de
milieux inclusifs et attractifs pour les Québécoises et les Québécois de toute
origine où ils pourront développer leur goût pour le français et la
culture québécoise? À ce sujet, je vous invite à visionner le documentaire Les
Québécois de la loi 101, diffusé sur RDI il y a quelques années. Il
permet de pousser plus loin, selon nous, notre réflexion collective.
Je voudrais maintenant commenter, donc,
certaines mesures du projet de loi, en commençant par la création du ministère
de la Langue française. Si nous saluons le geste symbolique que représente la
création de ce ministère, nous sommes
inquiets de le voir partager autant de responsabilités avec le ministère de l'Enseignement supérieur. Même si notre réseau a fréquemment
démontré son agilité, l'ajout constant de mesures ministérielles d'autorisation
et de contrôle engendre déjà des délais et des retards dans la réponse des
cégeps aux besoins de la société. Il sera impossible au réseau collégial de
maintenir son agilité en devant attendre la concertation de deux ministères,
qui parfois se traduit par Les
12 travaux d'Astérix, vous savez à quoi je fais référence. C'est
pourquoi nous recommandons que les responsabilités du ministère de la
Langue française dans le domaine de l'enseignement supérieur se limitent à la
formulation de recommandations.
Par ailleurs, le projet de loi met de l'avant
des balises au développement futur de la fréquentation des cégeps anglophones
pour assurer un développement mieux coordonné du réseau collégial. C'est une
approche que nous appuyons. Les cégeps
anglophones eux-mêmes ne s'opposent pas à la détermination de l'encadrement de
leur effectif. Ce qui soulève des questions, c'est la mécanique qui
sous-tend la mise en oeuvre de ce principe.
En lien avec la détermination des effectifs, par
exemple, il est important de se rappeler que la gestion du nombre d'étudiantes
et d'étudiants qui fréquentent un collège ne relève pas d'une science exacte.
Elle est influencée par de nombreux facteurs comme le cheminement et la
poursuite des études par les étudiantes et étudiants des années précédentes. Avec leurs 133 programmes
techniques et leurs neuf parcours préuniversitaires, les cégeps doivent
préparer leur rentrée de l'automne dès l'hiver précédent en fonction d'un
processus qui est complexe. C'est pourquoi nous recommandons de prévoir que
l'exercice de détermination des effectifs totaux particuliers se déroule sur
une base pluriannuelle et non tous les ans, comme le prévoit le projet de loi,
et que les établissements soient informés au moins une année scolaire complète
à l'avance de tout changement à leur effectif total particulier.
En raison de la complexité de la gestion des
admissions également, il nous apparaît judicieux de prévoir un processus de
révision des balises prévues dans le projet de loi pour les analyser en fonction
du comportement réel de la population étudiante. Il faut notamment prendre en
considération la diversité des réalités linguistiques régionales sur notre
territoire. Les cégeps anglophones de l'extérieur de Montréal présentent un
profil bien différent de celui des collègues, donc, de la métropole, par
exemple. Nous recommandons donc que le projet de loi prévoie un examen des
dispositions législatives prévues à l'éventuel article 88.0.4 de la Charte
de la langue française par la commission parlementaire
de l'Assemblée nationale compétente en la matière entre trois et cinq ans après
l'entrée en vigueur de la loi.
M. Lambert (Sylvain) : Je
prends la suite.
Par ailleurs, dès le moment où on balise le
développement des effectifs des cégeps anglophones, la question de la
répartition des effectifs entre les cégeps anglophones et les établissements anglophones
privés agréés aux fins de subvention devient centrale. Pour éviter que la loi
vienne rompre le fragile équilibre entre le privé et le public, nous recommandons
de donner préséance aux établissements publics et de préciser que la proportion
des effectifs totaux particuliers des
établissements anglophones privés agréés aux fins de subvention sur
l'ensemble des effectifs totaux particuliers
de tous les établissements anglophones ne doit pas excéder la proportion qu'elle
représentait à l'automne 2019.
Il faut aussi faire en sorte que les cégeps francophones
déjà autorisés à offrir certains programmes en anglais puissent continuer de le
faire, bien évidemment, tout comme on doit conserver la capacité d'adapter
l'offre des cégeps francophones à la
situation précise d'un programme ou des besoins de main-d'oeuvre dans un
secteur particulier.
En cas de dépassement de l'effectif déterminé,
le projet de loi prévoit par ailleurs des conséquences sur le montant des
subventions allouées dans le cas de l'effectif des établissements anglophones
et de l'effectif d'étudiantes et d'étudiants se voyant offrir de l'enseignement
en anglais dans les établissements francophones. En raison, encore une fois, de
la complexité de la gestion des admissions, nous pensons qu'une marge de
manoeuvre doit être prévue en basant les mécanismes des conséquences
financières sur une moyenne pluriannuelle, par exemple.
Nous croyons aussi que la responsabilité de
recommander un règlement qui établit le montant à retrancher de la subvention
des établissements, disons, fautifs donnée au ministère de la Langue française
doit être précédée d'une concertation avec le ministère de l'Enseignement
supérieur et les établissements eux-mêmes. Ce règlement pourrait faire en sorte
qu'un cégep en arrive à refuser des étudiantes et des étudiants dans des
domaines en forte demande en contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Nous
suggérons donc que le projet de loi prévoie un pouvoir discrétionnaire pour le
ministre de l'Enseignement supérieur dans les cas où un collège devrait refuser
un nombre restreint d'étudiantes et d'étudiants dans un programme répondant à
d'importants besoins de main-d'oeuvre.
Par ailleurs, nous nous opposons aux
dispositions du projet de loi qui prévoient l'inscription dans la Charte de la
langue française de l'obligation pour certains étudiants de cégep à se
soumettre à une épreuve destinée à évaluer sa connaissance du français. Imposer
deux épreuves à une partie de la population étudiante est, à nos yeux,
inéquitable. Même si nous jugeons essentiels le maintien et le développement
des compétences en français pour les étudiants qui fréquentent un établissement
anglophone, cette approche nous semble inadéquate. Ce n'est pas la voie à
suivre, pour nous. Nous souhaitons donc que cette mesure soit retirée du projet
de loi.
Enfin, puisqu'il est question de l'épreuve
uniforme de français, nous recommandons la mise sur pied d'un chantier avec le
ministère de l'Enseignement supérieur pour revoir l'intention et la nature de
cette épreuve.
En
terminant, la Fédération des cégeps tient à souligner qu'elle croit au rôle
stratégique des cégeps pour assurer la promotion de la culture québécoise et de
la langue française. Une vaste campagne d'activités culturelles réalisée tant
dans les cégeps francophones qu'anglophones serait de nature à susciter cette
adhésion essentielle des jeunes à ce qui
distingue la nation québécoise et contribuerait à assurer la vitalité du
français au Québec et à promouvoir sa culture riche et unique. Merci
beaucoup.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci beaucoup pour votre présentation.
Donc,
sans plus tarder, nous allons aller avec les échanges avec le ministre. M. le
ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Bon début de semaine.
M. Tremblay, M. Lambert, bonjour. Merci d'être présents en commission
parlementaire.
Écoutez, d'entrée de
jeu, à la lecture de votre mémoire, je peux constater que la Fédération des
cégeps est d'accord qu'il y a un enjeu avec la langue française au Québec et
qu'il y a nécessité pour tous les acteurs de la société de mettre davantage de
l'avant des mesures qui vont promouvoir, protéger la langue française incluant
le réseau collégial. Dans le fond, le réseau collégial public est partie de la
solution.
M. Tremblay
(Bernard) : Oui. Je pense que ce qu'on salue, c'est d'abord le fait
que le projet de loi couvre différents secteurs d'activité. Il y a eu beaucoup
de débats autour des cégeps, effectivement, mais je pense que parfois c'est l'arbre qui cache la forêt. Et
derrière ça, évidemment, il faut se rendre compte qu'il y a
des enjeux surtout dans le contexte du marché du travail, il y a des
enjeux par rapport à nos institutions, il y a des enjeux, oui, aussi par
rapport à la langue d'enseignement, mais que c'est vraiment une multitude
d'actions qui vont permettre de réaliser l'objectif d'assurer la vitalité du
français.
M. Jolin-Barrette : Dans le projet
de loi n° 96, ce qu'on propose,
c'est notamment un plafonnement, dans le fond, des places dans le réseau collégial actuel dans le
secteur anglophone avec une limitation de la croissance, également, du réseau
collégial anglophone. Donc, est-ce que la Fédération des cégeps est d'accord
avec cette proposition-là?
M. Tremblay
(Bernard) : La fédération est d'accord avec l'idée qu'il y a un développement
coordonné des cégeps. On le fait déjà de façon générale pour les 48 établissements.
Vous savez, c'est un réseau qui travaille vraiment en collégialité, c'est le
cas de le dire, et donc on a déjà ce souci-là. Présentement, vous voyez, on se
prépare à l'arrivée d'un nombre important d'étudiants au Québec. Ces
étudiants-là ne seront pas répartis dans l'ensemble du territoire, mais on travaille
de façon concertée pour voir comment notre réseau peut se développer de façon
intelligente.
Et donc face à
l'enjeu de la vitalité du français, que cette approche-là puisse être aussi
appliquée dans une coordination des cégeps, du développement des cégeps
anglophones et francophones, effectivement, on est d'accord avec le principe,
mais on a un souci plus dans la mécanique, comme on le dit dans notre mémoire.
M. Jolin-Barrette :
Mais est-ce que je dois déduire de vos propos que, depuis 1995, dans le fond,
il n'y a pas eu de développement coordonné, dans le fond, du développement des
cégeps du côté anglophone versus le côté francophone? Parce qu'on voit, depuis
1995, que la courbe s'accélère au niveau des places dans les établissements
collégiaux anglophones et la grande popularité de ceux-ci, notamment chez les
francophones, et notamment chez les allophones, pour les études aussi.
• (10 heures) •
M. Tremblay
(Bernard) : Bien, moi, je vous dirais, surtout, les cégeps sont le
reflet du contexte et du contexte social dans lequel ils vivent. Moi, je me
rappelle, il n'y a pas si longtemps, qu'on reprochait à l'Université McGill de
ne pas accueillir assez d'étudiants québécois. Bien, le jour où on met de la
pression sur McGill pour diminuer son acceptation d'étudiants internationaux et
d'augmenter sa part d'étudiants québécois, bien, il faut se poser la question : Quel effet ça a sur les
cégeps? Alors, à cette époque-là, ça ne semblait pas être un problème, et
donc, effectivement, le prisme dans le développement du réseau, il n'était pas
dans une dualité francophone-anglophone. Aujourd'hui, on prend conscience que
ça a un impact et qu'il y a une inquiétude à avoir. Et moi, je répète que,
cette inquiétude-là, on devrait surtout l'avoir en lien avec une adhésion, je
dirais, à la culture québécoise, hein?
Vous avez reçu Guy
Rocher il n'y a pas longtemps. On a des conversations assez régulièrement avec
M. Rocher, évidemment, et il rappelle que la protection du français, c'est
évidemment un vecteur pour protéger notre culture, et, à mon avis, il y a un enjeu
qui est beaucoup plus large donc que simplement la langue d'enseignement.
M. Jolin-Barrette :
Mais donc M. Rocher disait également, premièrement, que c'était une
erreur, en 1977, de ne pas avoir étendu la loi 101 aux cégeps. Mais,
deuxièmement, également, il y a eu plusieurs intervenants qui sont venus puis
ils ont dit : Mais, écoutez, quand vous êtes rendu à l'âge d'étudier au
cégep, au collégial, donc 16... pardon, 17, 18, 19, 20 — il y
en a qui font un doctorat au cégep puis ça se poursuit dans la vingtaine
aussi — bien,
c'est là qu'on vient t'imprégner de la culture. Donc, le fait d'étudier en
français, ça va avoir un effet, également, culturel. Et notamment, lorsqu'on
parle des personnes allophones, des nouveaux arrivants, le fait d'étudier au
collégial en français, ça va être le temps d'avoir une adhésion à la culture
québécoise qui se distingue notamment par sa langue officielle. Donc, le fait
de baigner dans un environnement francophone, ça a une portée culturelle aussi.
M. Tremblay (Bernard) : Oui,
tout à fait, monsieur... Et ça, je pense que, comment dire, ce propos-là, il se
vaut, évidemment, et ce n'est pas pour rien
qu'on a un débat au Québec, présentement. Mais nous, on est profondément
convaincus qu'à 16, 17, 18, 19 ans, comme vous le
dites, ce qui est le plus important, c'est de générer un sentiment
d'appartenance, un intérêt pour la culture québécoise, et ça, ça ne vient pas
simplement avec le fait d'être étudiant dans un cégep francophone, ça vient
avec des mesures plus profondes, ça vient avec un accès à la culture. C'est
pour ça que nous, on propose, au-delà du projet de loi... on pense qu'on a une
opportunité en or, au Québec, de miser sur... avec, en plus, une pandémie qui
se termine, qui a été très dure pour le milieu culturel, miser sur les lieux de
diffusion que sont les cégeps pour faire en sorte que nos étudiants
francophones, et anglophones, et allophones baignent dans la culture québécoise et qu'ils aient donc
peut-être un plus grand intérêt à poursuivre cet intérêt-là ou cette
connaissance-là, je dirais, de la culture québécoise, à défaut de quoi le
simple fait de leur demander d'étudier en français ne générera pas moins
d'intérêt pour Netflix et pour Facebook.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
question sur les cégeps publics que vous représentez. À la page 12 de
votre mémoire, là, vous dites que les cégeps devraient avoir préséance sur les
collèges privés subventionnés dans la répartition des places. Donc, pour
illustrer, exemple, dans le réseau collégial anglophone, là, vous avez Dawson
qui est 100 % public, 100 % de financement public, vous avez
Marianapolis, de l'autre côté, qui est privé subventionné à hauteur, je pense, de 60 %. Donc, ce que vous
proposez, dans le fond, c'est... dans le cadre de la répartition des
places, s'il y avait des places à répartir du niveau collégial anglophone, vous
diriez : Bien, il faut les envoyer à Dawson prioritairement avant de les
envoyer à Marianapolis.
M. Tremblay (Bernard) :
Écoutez, vous prenez deux établissements en particulier. Je dirais, dans une
réflexion où on n'aura pas le choix de coordonner, donc, les places dans les
collèges francophones et les collèges anglophones,
que, dans le cadre de la répartition entre les collèges anglophones, on ait le
souci de privilégier le réseau public nous semble essentiel. C'est quand
même particulier, hein, au Québec, il faut se le dire, d'avoir trois réseaux
d'éducation, là : un réseau public, un réseau que vous qualifiez de privé
mais qu'on pourrait qualifier de semi-public et un réseau entièrement privé non
subventionné. Pour un petit État comme le nôtre, il y a une charge et il y a
des conséquences à avoir une multitude de réseaux d'éducation. C'est la même
chose au primaire, secondaire. Et donc, nous, c'est sûr qu'on vous dit on doit
prioriser le réseau public, là, pour la suite des choses.
M. Lambert (Sylvain) : ...au
fond, le privé subventionné n'est pas soumis à des devis, là, donc, ce qui
n'est pas le cas pour tout le réseau public. Donc, il y a déjà là une iniquité
qui est historique, là, mais je pense qu'il y a quelque chose qu'on peut peut-être
régler là, dans le cadre de la loi actuelle.
M. Jolin-Barrette : O.K., donc,
ça signifie qu'un semi-privé peut grossir de la façon dont il veut.
M. Lambert (Sylvain) : Avec les
règles actuelles, oui.
M. Jolin-Barrette : Avec les
règles du projet de loi n° 96, il va être assujetti.
M. Lambert (Sylvain) : Bien,
c'est ce que j'en comprends.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc,
les seuls qui ne sont pas assujettis, c'est les privés privés au niveau
collégial.
M. Lambert (Sylvain) : Exact.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que
la Fédération des cégeps considère que les privés privés devraient être
assujettis au projet de loi n° 96?
M. Tremblay (Bernard) : La
fédération pense qu'on est mûrs pour une réflexion sur l'ensemble de l'offre de
formation collégiale, et ça inclut les privés non subventionnés, donc d'être
capables de revoir les règles auxquelles chacun des réseaux sont soumis et
s'assurer, évidemment, qu'on regarde l'avenir avec un développement, encore une
fois, coordonné.
M. Jolin-Barrette : Sur la question, là, du rôle du ministère de la Langue française, vous dites... sous
réserve, là, ça se peut que ça soit moi, le ministre de la Langue française,
vous dites : Bien, écoutez, à plusieurs endroits, il y a une opération conjointe entre le ministère de
l'Éducation supérieure, de la Recherche, de l'Innovation, des Études
supérieures et le ministère de la Langue
française, puis là vous dites : Attention, il ne faut pas que le ministre
de la Langue française se mêle, et ça
devrait juste être des recommandations, tout ça. Là, vous amenez des arguments
de lourdeur administrative, tout ça.
Moi, je vous dirais, quand je regarde ça puis quand on a construit le projet de
loi, si on est rendu là, peut-être que le ministère de l'Enseignement
supérieur n'a pas fait ce qu'il avait à faire pour protéger la langue française
et peut-être qu'il n'avait pas les garde-fous nécessaires. Comment ça se fait
que, dans le réseau collégial, les devis n'ont pas été respectés? Comment ça se
fait que ça a explosé au fil des années? Le ministère de l'Enseignement
supérieur avait la possibilité de dire : Bien, c'est le devis qui s'applique,
puis je fais respecter mon devis, mais ça n'a pas été fait.
Vous ne pensez pas opportun qu'il y ait deux
ministres qui vont travailler en collaboration ensemble pour s'assurer qu'il y
ait un poids et un contrepoids, notamment, si jamais il y avait augmentation du
devis en matière de places en langue anglaise, que le ministre de la Langue
française soit interpelé par rapport à ça?
M. Tremblay
(Bernard) : Bien, pour nous, dans notre perspective, effectivement, il
doit être interpelé. La question, c'est
lorsqu'il y a des autorisations qui doivent être conjointes, on arrive à un
niveau, je dirais, de complexité plus
élevée. Alors, c'est pour ça que le fait de parler d'une recommandation, pour
nous, assure cette coordination-là entre les deux ministres sans avoir
nécessairement la lourdeur administrative qui est inhérente au fait d'avoir
deux ministères qui se parlent, parce qu'il y a deux ministres, mais il y a
aussi deux ministères, en conséquence, qui vont se parler.
Et on le sait d'expérience que plus on ajoute
des acteurs du côté gouvernemental, plus on se retrouve avec des délais qui... Encore une fois, il faut se
rappeler, on est... nous sommes des maisons d'enseignement avec des
calendriers à respecter qui sont très serrés pour être en mesure d'offrir des
services à la population, et malheureusement la logique administrative
gouvernementale ne tient pas compte de ces calendriers-là. Et on a beau le
répéter de façon constante, cette réalité-là d'une année qui commence au mois
d'août, une session qui finit en décembre, avec toutes les considérations
d'organisation qui viennent avec ça, c'est immatériel et ça reste une vue de
l'esprit pour beaucoup de fonctionnaires, et donc on est inquiets des
conséquences d'une multiplication des règles administratives.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
suis d'accord avec vous, il y a sûrement des améliorations à apporter au niveau
de la rapidité et de l'efficacité de l'administration publique québécoise, mais
l'objectif, dans le cadre du projet de loi, et ça, je crois que vous le
partagez, c'est la protection de la langue française, et surtout de faire en
sorte que la langue normale des études demeure le français, et soit à l'avenir,
également, le français.
Alors,
l'expérience nous a démontré que peut-être qu'il y avait certains enjeux au
ministère de l'Enseignement supérieur. Et donc moi, je trouve que c'est
prudent, sur un point de vue gouvernemental, d'impliquer le ministre de la
Langue française, parce que la réalité, et les chiffres le démontrent, c'est
qu'au ministère de l'Enseignement supérieur il y a eu des enjeux au cours des
dernières années, et ça n'a pas été contrôlé. Puis je comprends, pour les
clientèles qui font affaire avec leur ministère propre, c'est beaucoup plus
simple de faire affaire avec la clientèle, directement, mais j'émettrais un
bémol, puis je vous exprimerais mon désaccord avec ce que vous proposez, parce
qu'il m'apparaît fondamental qu'en termes d'exemplarité de l'État, le ministre
de la Langue française, le ministère Langue française soient impliqués. Parce
que, c'est ça, dans le fond, tout le monde dit : Ce n'est pas moi, c'est
l'autre qui va s'en occuper, de l'exemplarité de l'État, ce n'est pas moi,
c'est... tu sais... vous savez. Puis l'État québécois au sens large, ça inclut
plusieurs choses, ça inclut les ministères, les organismes, les hôpitaux, ça
inclut les établissements d'enseignement, ça inclut les municipalités. Puis
tous les pouvoirs de l'État aussi doivent être incarnés puis donner
l'exemple : la justice, les pouvoirs régaliens, tout ça. Alors, tout ça
doit être pris en compte pour faire en sorte que tout le monde pousse dans la
même direction. Mais c'est une responsabilité qui est collective, et pour ça,
comme société, on doit se donner des garde-fous, parce que, malheureusement, il
arrive à certains moments où il y a des choses qui se passent puis que le
déclin du français va toujours être un sujet très, très sensible et on doit
toujours être vigilants.
Peut-être une dernière question avant de céder
la parole à mes collègues. Vous avez dit, dans une entrevue, M. Tremblay,
que j'ai des témoignages de directions générales de cégeps anglophones qui me
disent : Le français des anglophones qui ont fréquenté des commissions
scolaires anglophones au Québec est épouvantable, ils ne parlent pas français
ou à peu près pas. Qu'est-ce que ça nous dit sur le niveau d'enseignement du
français dans nos institutions publiques anglophones?
• (10 h 10) •
M. Tremblay (Bernard) : Vous
posez la question, j'ai le goût, presque, de vous la retourner en disant :
Je pense qu'il y a un enjeu, effectivement. Et, vous savez, moi, je suis toujours — peut-être
que, là, je ne l'ai pas été assez — prudent sur le fait de donner
l'impression que je fais porter le blâme sur d'autres, mais je pense que notre
système d'éducation, hein, il débute à la petite enfance puis il se termine au
postdoctorat, et qu'on forme un tout, et qu'on est des acteurs, les cégeps, à
travers ce grand ensemble, et qu'effectivement, sans donner l'impression qu'on
veut faire porter le blâme sur d'autres, qu'il faut que d'autres aussi se
questionnent sur le rôle qu'ils exercent dans le système d'éducation, que ce
soit par rapport à l'apprentissage du français ou l'apprentissage... comme
langue seconde ou comme langue principale.
Alors, je veux faire attention, comme je disais,
pour ne pas avoir l'air de dire : Bien, c'est de leur faute, ou : Que
d'autres s'en occupent, mais en même temps on ne peut pas non plus être les
seuls à s'en occuper. Quand on entend ces témoignages-là, bien, on se
dit : Il y a certainement un effort à faire. Le projet de loi, quand même,
ouvre la porte à donner des services, bon, aux anglophones pour qu'ils
acquièrent un meilleur français. Je pense que c'est un geste qui est très
positif et je pense que c'est un petit peu un angle mort qu'on a eu au Québec
en tenant pour acquis que, bien, évidemment, les anglophones, à partir de
moment où la société est surtout française, bien, vont se bilinguiser. Je pense
qu'ils le sont beaucoup, mais visiblement il y a encore peut-être, là, des
efforts à faire avec certains d'entre eux.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Je
vous remercie pour votre passage en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, ce sera M. le député de Chapleau, deux minutes.
M. Lévesque (Chapleau) :
Excellent. Donc, le petit deux minutes qui me reste... Merci,
M. Tremblay, M. Lambert. Bien heureux de vous voir aujourd'hui. Merci
d'être là pour votre présentation.
Vous avez piqué ma curiosité, d'entrée de jeu,
vous nous avez posé quelques questions. J'aurais envie de vous entendre sur ces
questions-là également, là. Vous avez parlé d'une réflexion collective, vous
nous avez même parlé d'un certain reportage, vous avez
dit : Bon, pourquoi les jeunes, certains francophones, certains allophones
vont choisir, justement, le milieu plus anglophone? Pourquoi, dans le fond, le
prestige du français? Pourquoi la culture québécoise n'attire plus ou n'attire
plus autant ces jeunes-là? J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que
vous avez, de par votre expérience à ces questions-là, à nous dire?
M. Tremblay (Bernard) : J'ai le
goût de vous dire, le documentaire auquel je fais référence met en lumière que
des jeunes, donc, qui sont nés ici ou qui sont arrivés jeunes, qui ont fait
leur parcours dans le réseau francophone à cause de la loi 101 demeurent
un peu ambigus par rapport à leur attachement au Québec ou même ont le
sentiment qui ne peuvent pas se considérer comme Québécois. Alors, je pense que
c'est des questions profondes parce que...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
je ne suis pas en mesure de vous répondre.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
M. Tremblay (Bernard) : C'est
un constat qui était fait dans le documentaire, et je pense que c'est important qu'on se pose la question. C'est une
chose d'obliger un parcours, je ne dis pas qu'il faut revenir sur
l'obligation du parcours au primaire,
secondaire, je pense que c'est tout à fait, évidemment, adéquat, mais de
simplement poursuivre cette mesure-là au cégep en pensant que ça sera... ça
garantira une adhésion à la culture québécoise, je pense que, là, on
fait fausse route, surtout à l'âge clé de 17, 18, 19 ans. Il faut plutôt
créer, selon nous, un goût pour la culture québécoise.
M. Lévesque (Chapleau) : Qu'est-ce
qu'on pourrait faire de plus?
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
c'est pour ça que nous, on propose qu'il y ait des... qu'on déploie une vaste
campagne d'activités culturelles dans les cégeps. Les cégeps sont des lieux
idéaux de diffusion. On en fait, je ne dis pas qu'on n'en fait pas, mais on
pourrait en faire tellement plus. Et plus les jeunes seraient en contact avec
la culture québécoise et plus, peut-être, que ça fera contrepoids à la culture
anglo-saxonne qui est omniprésente, et qui est toute-puissante, et qui a des
capacités que nous, on n'a pas en termes de diffusion.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
...mettre fin — merci — à
l'échange.
Donc, sans plus tarder, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs, M. Lambert, bonjour, M. Tremblay.
Sylvain Lambert est le D.G. d'un des plus gros cégeps du Québec francophone. Un
fleuron, je dirais, cégep Édouard-Montpetit, pour ne pas le nommer, qui possède
une école d'aérotechnique, école nationale, une des quelques rares écoles
nationales dont il faut protéger la compétence et qui a des projets
formidables, comme les cliniques de santé offertes au grand public. Ce sont des
choses que le public ne connaît pas assez, qui sont des liens, entre autres,
avec le ministère de la Santé qui sont extraordinaires. Et je me demande si
vous n'avez pas même une IPS dans votre clinique, une superinfirmière. Ça dit
le niveau de sophistication de services aux citoyens que les cégeps offrent,
dont le cégep Édouard-Montpetit en est probablement un des meilleurs exemples.
Alors, je voulais souligner qu'on a des formidables cégeps, dont des énormes
cégeps francophones.
Maintenant, pour aller un peu dans le sens des questions
du ministre, moi, je voudrais savoir, à la page 2... vous faites, d'ailleurs,
un beau plaidoyer pour la culture, la culture francophone, et vous dites que
les collègues anglophones contribuent pleinement à la société québécoise,
jouent un rôle important dans l'acquisition de compétences langagières en
français. Qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux, de plus dans les cégeps
anglophones? Nous avons déposé une proposition de donner trois cours, non pas
«de» français, là, «en» français dans les cégeps anglophones. Pensons en dehors de la boîte. Est-ce que vous avez des
idées en dehors de la boîte, justement, comme on dit, pour permettre aux
cégeps anglophones d'intégrer plus la culture québécoise, soit anglophone et
francophone?
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
j'ai le goût de vous dire, vous savez, dans les cégeps anglophones, on fait une
semaine du français. Pourquoi on se limite à une semaine du français? C'est
souvent une question de moyens, hein, mais ils sont les premiers à nous
dire : Mais on pourrait faire des semaines du français à toutes les
semaines. Alors, on pourrait, encore une fois, utiliser les espaces de
diffusion, les salles de spectacles qu'on a dans tous nos cégeps pour déployer
des tournées, que ce soit de théâtre, de...
Mme David : Je vous arrête,
M. Tremblay, parce que vous êtes aussi verbal que moi.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme David :
Et puis donc pourquoi pas des mesures structurantes? Je pense que savez ce que
je veux dire. On va aller dans le RREC, là, on va aller dans le Règlement sur
le régime d'études collégiales. Oui, vous allez me dire,
c'est donc compliqué, mais vous le dites dans votre mémoire, il va falloir le
changer, «anyway», le régime, pour l'offre en français, etc.
M. Tremblay
(Bernard) : Oui. En fait, je ne dis pas que le programme de formation
est immuable, au contraire, il doit évoluer, mais cette révision-là, vous le
savez, vous avez été ministre de l'Enseignement supérieur, c'est un exercice
qui est exigeant, qui doit se faire de façon concertée avec les parties
prenantes, avec nos organisations syndicales, parce que c'est lourd de
conséquences, entre autres, au niveau de l'organisation du travail. Ça peut se
faire, mais là, de simplement... dans le cadre d'un projet de loi sur la
langue, de simplement traiter d'un aspect, à notre avis, il y a un risque sur
l'espèce d'équilibre. Vous savez, il n'y a pas si longtemps, on a parlé d'un
cours d'histoire au cégep, tout le monde était d'accord sur le principe; quand
on a voulu l'introduire, on a réalisé la complexité de la chose.
Mme David :
Je sais que tout ça est compliqué, mais je pense que, de toute façon, pour
changer l'épreuve uniforme de français dans
les collèges anglophones, on va le rouvrir, le régime d'études collégiales.
Donc, tant qu'à le rouvrir, ce que
j'entends de vous et ce que je pense qui va arriver, c'est un vaste chantier, un vaste chantier que vous
appelez aussi par rapport aux questions du ministre, un vaste chantier,
peut-être, sur le rôle des collèges privés, la question de l'épreuve uniforme
de français. L'admission pluriannuelle, je vais y revenir, je trouve ça
extrêmement intéressant.
Je veux aller sur une
question qui, pour le commun des mortels, va peut-être être un peu technique,
je la trouve superimportante, et vous êtes la seule... le seul groupe à
l'aborder, les CCTT, centres collégiaux de transfert de technologies. Le ministre
de l'Économie est très, très entiché de ça, avec raison. On en avait annoncé
une dizaine de plus, vous vous souvenez, en
2018. Alors, c'est très important. Maintenant, vous dites... et, sincèrement,
je n'avais pas allumé sur cette question-là, vous dites :
Attention, attention, on confond, ici, formation de la main-d'oeuvre et formation continue. Je veux absolument vous
entendre sur les dangers de l'article qui traite de ça dans le p. l. n° 96 parce que
vous avez peur de ne plus pouvoir donner de la formation de la
main-d'oeuvre — Dieu
sait qu'on a besoin de formation — en anglais pour des groupes particuliers
parce que les CCTT travaillent avec des entreprises.
M. Tremblay
(Bernard) : Oui. Alors, nos centres de recherche, donc les CCTT,
effectivement, ont un mandat qui est complémentaire au mandat des cégeps, hein,
donc de recherche, mais aussi d'accompagnement puis de soutien, donc, aux
entreprises, surtout sur le volet, effectivement, de la formation, et
effectivement de la façon dont l'article en question est rédigé, ça laisse une
certaine ambiguïté. Et donc nous, on pense qu'il faut s'assurer, évidemment,
que nos CCTT qui, dans certains cas, font de la recherche à l'international
avec des partenaires partout à travers le monde, dans certains cas, évidemment,
en anglais parce que, malheureusement, la recherche se fait beaucoup en anglais, bien, il faut encore qu'ils
aient cette capacité-là et il faut qu'ils aient la capacité de faire,
justement, leurs... de déployer leurs activités au Québec auprès des
entreprises sans... en fonction de leur... comment dire, de leur spécialité.
Alors, je pense que, sur ce volet-là, il y a une considération d'écriture de
l'article, là.
• (10 h 20) •
Mme David :
D'écriture, parce qu'il y a aussi des liens avec des universités qui soient au
Québec ou en dehors du Québec.
M. Tremblay
(Bernard) : Tout à fait.
Mme David :
Ils ont droit de postuler à des fonds de recherche avec, par exemple, soit une
université anglophone, francophone ou même de l'extérieur du Québec. Comme vous
l'avez bien dit, c'est l'enseignement supérieur. Là, on parle de recherche, on
parle de professeurs qui ont des doctorats, on parle de liens avec l'École
polytechnique, par exemple, qui donne... qui va même à l'École d'aérotechnique — là, je
fais un lien avec le cégep Édouard-Montpetit
— mais des fois
ça peut... il peut y avoir des choses, des demandes de subvention, des publications qui se font en anglais.
Alors, je vais alerter le... je serai vigilante sur cette question-là.
Une
autre question que je vais être très vigilante... et vous ne serez pas les
seuls, il y a un groupe de consortium de cégeps anglophones qui viennent
cet après-midi parler du pluriannuel. Je trouve ça très important de pouvoir
prévoir au moins trois ans d'avance, quand on sait la complexité des
admissions, quand on sait la complexité d'un réseau d'enseignement comme le
réseau collégial. Je voudrais que vous insistiez, que vous élaboriez sur cette
question.
M. Lambert
(Sylvain) : Bien, je peux la prendre, celle-là. Je pense que c'est
absolument essentiel, pour être dans un
cégep... comme vous l'avez si bien souligné, la question de l'admission, elle
est extrêmement sensible et complexe. Et à partir du moment où on dit,
je ne sais pas : Les étudiants commencent à se comporter autrement,
décident de lâcher en plus grand nombre ou de rester en plus grand nombre, on
n'a plus de marge de manoeuvre. Alors, si on est trouvés fautifs parce qu'une
année x on se retrouve avec une population anglophone — là, je pense aux cégeps
anglophones —
plus importante, bien, il faut donner le temps à l'institution de se corriger,
là, je pense que c'est assez essentiel. On est dans de la mécanique, n'empêche
que cette mécanique-là, elle est extrêmement importante, là, pour assurer que
c'est applicable, ne serait-ce que ça. Sinon, on va se retrouver toujours en
litige, à dire : Bien là, on a dépassé cette année, puis avec des
explications, puis ça va devenir complexe. Alors, je pense que, si on se donne
sur un certain nombre d'années, puis après ça, bien, on peut corriger puis
diminuer le nombre d'admissions, tout dépendant, là, de la tangente que prend
la courbe d'admissions.
Mme David :
C'est tellement évident que j'ose croire que notre ministre de la Langue française,
qui pilote le projet, va accepter cet amendement, parce que c'est impossible de
faire ça année après année. Là, vous seriez déjà rendus dans l'année prochaine
alors que vous n'avez même pas fini le décompte de la première année. Moi, je
le sais, c'est carrément mission impossible. Alors, je pense qu'il y a
peut-être une ministre de l'Enseignement supérieur qui devra lui parler. Il y
en a une ex, mais il y en a une actuelle, aussi, donc on se mettra ensemble
pour convaincre le ministre que c'est un amendement extrêmement important.
Maintenant, je vais
revenir sur l'épreuve uniforme de français. Là, moi-même, je pense que j'étais
un peu mêlée. Vous êtes sous l'impression,
si j'ai bien compris, que l'étudiant francophone ou allophone qui fréquente un
cégep anglophone va avoir deux épreuves à
passer. Moi, je n'avais pas compris ça. J'avais compris que la francophone, que
tu sois à n'importe quel cégep anglophone,
remplace l'anglophone, pas l'épreuve d'anglais à la fin. Est-ce que je me
trompe?
M. Tremblay
(Bernard) : Nous, c'est notre compréhension du projet de loi. Alors,
c'est, je pense, aussi pour ça qu'on est ici, pour clarifier si c'est une
mauvaise compréhension. Mais il reste quand même que, s'il y a, donc, une
épreuve distincte dans les collèges anglophones, distincte pour les étudiants
francophones, allophones et les étudiants anglophones, il y a... l'épreuve en
elle-même, elle est... comment dire, elle s'appuie quand même sur le programme
de formation. Alors, il y a...
Mme David :
Ça, ça va, je vais aller vers ça.
M. Tremblay
(Bernard) : Parfait.
Mme David :
Tout le monde le dit, sauf qu'est-ce que vous pensez qu'ils vont être soumis à
deux épreuves uniformes?
M. Lambert
(Sylvain) : Oui.
Mme David :
C'est votre compréhension.
M. Lambert
(Sylvain) : Oui, c'est notre compréhension.
Mme David :
Donc, l'épreuve de... l'EUF, qu'on appelle communément, l'épreuve uniforme de français,
mais aussi l'épreuve d'anglais, donc, il
faudrait qu'il ait suivi les cours qui mènent à l'épreuve d'anglais puis les
cours, quatre cours, on le dit, qui mènent à
l'épreuve de français. Moi, peut-être dans ma grande naïveté, j'avais pensé
qu'un remplaçait l'autre. Alors, vous soulevez quelque chose d'extrêmement
important.
Moi, je pense que
l'esprit du projet de loi, puis là le ministre me contredira si je me trompe,
ce n'est pas de faire passer l'épreuve uniforme d'anglais aux francophones et
allophones, c'est de faire passer seulement l'épreuve uniforme de français. Je
suis convaincue que, dans sa tête, il n'en passe pas, d'épreuve uniforme
d'anglais. Ça serait contradictoire avec tout l'esprit du projet de loi. Je
peux me tromper, je peux me tromper, mais, si c'est le cas, alors, deux
épreuves, c'est quelque chose.
En plus, on revient à
notre régime... le Règlement sur le régime des études collégiales, ça veut dire
qu'on change le régime. C'est impossible
d'avoir deux préparations extrêmement inégales : cégeps francophones
ultrapréparés, cégeps anglophones pas préparés, puis avec deux épreuves en
plus, selon votre lecture.
M. Tremblay
(Bernard) : Et deux conséquences possibles : dans certains cas,
évidemment, ça aura un impact sur le taux de réussite, mais, dans
d'autres cas, moi, je serais inquiet que ça puisse encore plus valoriser les
cégeps anglophones. S'il y a deux épreuves de langue, ça veut dire qu'il y a un
superdiplôme; il y a un diplôme francophone puis il y a un diplôme anglophone
qui, lui, est un diplôme... un superdiplôme, puisqu'il... d'une certaine façon, l'étudiant qui sort de ce
parcours-là, s'il est francophone, aurait une double compétence, là, vraiment
reconnue.
Mme David :
Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Ça complète l'échange.
Donc, nous allons maintenant
du côté de la députée de Mercier pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente.
Merci, messieurs,
pour votre présentation. Le projet de loi amène le contingentement, là, dans
les cégeps anglophones, et ce que je comprends, c'est anglophones publics et
subventionnés. Je comprends que vous, vous êtes d'accord avec ça.
M. Lambert
(Sylvain) : Le contingentement?
Mme Ghazal :
Oui.
M. Lambert (Sylvain) : Oui,
oui, on est d'accord pour qu'il y ait un contrôle, oui, du développement de la
population étudiante au sein des cégeps anglophones.
Mme Ghazal :
Parfait. Je voulais juste être sûre que vous le disiez. Et la recommandation n° 5, ce que vous proposez... j'essaie juste de voir, dans
le fond, si vous êtes d'accord. C'est ce que le projet de loi propose, mais,
dans la recommandation n° 5, vous dites qu'il faudrait les inclure aussi, faire le contingentement
dans les cégeps anglophones privés, mais c'est déjà le cas. Peut-être
que je ne la comprends pas.
M. Tremblay (Bernard) : Oui,
mais en fait c'est qu'on forme un tout. Quand on regarde, donc, les collèges
anglophones, on forme un tout, en tenant compte des collèges publics et des
collèges privés subventionnés. Et donc l'enjeu qui demeure, c'est la
répartition entre ces deux groupes-là à l'intérieur du tout. Alors, nous,
on dit : Bien, il faut privilégier le réseau public et il faut s'assurer
que le réseau privé n'ait pas une proportion plus grande dans le futur que la
proportion qu'il a présentement.
Mme Ghazal : O.K., O.K., je
comprends, entre les deux. Et, par rapport aux collèges privés, privés privés,
là, c'est-à-dire non subventionnés, est-ce que vous considérez qu'ils
contribuent à l'anglicisation à Montréal, avec tout ce qu'on a entendu, les
étudiants étrangers?
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
écoutez, c'est sûr que, quand on regarde la part des étudiants internationaux
au Québec dans les établissements d'enseignement, la très grande majorité sont
dans les universités. Dans le cas des cégeps, et ça me donne l'occasion de le
rappeler, dans le cas des cégeps publics, on parle de 85 % de ces
étudiants-là qui sont en région et qui sont issus, donc, de pays francophones
en très, très grande majorité. Et donc on ne parle pas, ici, là, de... on parle
souvent des cégeps qui accueillent, donc, des étudiants internationaux
anglophones, c'est un petit nombre par rapport à l'ensemble des étudiants qu'on
retrouve dans le réseau public, c'est plutôt dans le réseau non subventionné
qu'on retrouve ces étudiants-là.
Mme Ghazal : Donc, vous
n'inclurez pas non plus le contingentement pour les non subventionnés.
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
les non subventionnés, ils sont dans une autre logique, mais nous, on appelle
quand même à une réflexion globale en tenant compte de ce groupe-là. Mais
effectivement c'est un peu, je pense, dans notre angle mort, et je pense qu'il
faut le nommer.
Mme Ghazal : Puis, pour
l'épreuve uniforme de français, la FECQ était venue puis nous a dit que c'était
réactionnaire, qu'il ne fallait pas le faire, que ça contribuait peut-être à
l'échec. Vous, ce que vous dites dans votre recommandation, c'est plutôt qu'il
faut un chantier. Donc, vous trouvez que c'est quand même une bonne idée que
les francophones, allophones qui sont dans les cégeps anglais puissent avoir
une telle maîtrise —
c'est une bonne idée? Ce n'est pas une bonne idée? — du français?
M. Tremblay (Bernard) : Non,
non, c'est ça, nous, ce qu'on dit, c'est : On pense que, dans ce projet de
loi là, c'est peut-être prématuré, si on n'a pas fait le chantier en question,
de déjà déterminer que ce sera la mesure qu'on va appliquer.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Donc, M. le député de Matane-Matapédia,
pour votre temps, vous aussi.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente.
Bienvenue en commission. Donc, je comprends que
votre organisation représente à la fois le collège anglophone Dawson, qui
compte 8 000 étudiants, et le cégep de Matane, dans ma
circonscription, qui en compte 800, c'est bien ça?
M. Tremblay (Bernard) : Tout à
fait.
• (10 h 30) •
M. Bérubé : Donc, ça implique
des arbitrages, hein, dans les positions.
Écoutez, vous vous désolez qu'il n'y ait pas
suffisamment d'appartenance à la société québécoise et au français, mais votre
organisation refuse d'en faire plus, c'est-à-dire refuse d'identifier que la
fréquentation du cégep en anglais contribue à cela.
Et j'ai quelques statistiques pour vous. Nous,
on est d'avis que la fréquentation des cégeps en anglais est étroitement liée à
l'anglicisation de la langue d'usage public, de la langue de travail, de la
langue de consommation culturelle :
4,4 % des allophones inscrits au cégep anglais utilisent principalement le
français à la maison, comparativement à 35,1 % des allophones
inscrits au cégep français; 72,9 % des francophones inscrits au cégep
anglais utilisent principalement le français à la maison, comparativement à
99 % de ceux inscrits au cégep français.
Quand je vous livre ces chiffres-là et que je
soumets humblement que de poursuivre son cursus scolaire en anglais, ça a un
impact sur la socialisation, sur l'orientation professionnelle, sur la langue
d'usage, c'est n'est pas un enjeu qui vous touche? Vous préférez le libre choix
pour l'ensemble de vos membres, quels qu'ils soient?
M. Tremblay
(Bernard) : On aurait... comment dire, on a clairement affirmé notre préoccupation
pour la vitalité du français. On est clairement sensibles, évidemment, à des
chiffres comme ceux-là, qui, bon, évidemment, pourraient
être questionnés. Mais au-delà de ça, la conviction que nous avons, c'est que,
quand on arrive avec des jeunes adultes et qu'ils ont ce souhait-là,
travaillons plutôt pour leur montrer l'importance, évidemment, du français et
travaillons surtout pour qu'ils ne se sentent pas obligés d'apprendre l'anglais
pour travailler. Alors, si l'enjeu, c'est le milieu de travail, bien, agissons
sur le milieu de travail. Si l'enjeu, c'est qu'à l'université, même à l'UQAM,
tu dois... tu as des livres de référence qui sont en anglais, bien, travaillons
là-dessus.
M. Bérubé :
On est en profond désaccord, parce que ce n'est pas à l'État québécois, qui
vous finance, à subventionner l'assimilation québécoise. Et ça, je sais que
vous le comprenez, mais je sais qui vous représentez, et vous ne pourriez pas arriver avec une proposition
autre. Alors, vous avez une responsabilité, lorsque vous êtes financé
par le public, de s'assurer d'une cohérence, et les chiffres que je vous
soumets indiquent clairement que ça contribue à une socialisation.
Je vous soumets
d'autres chiffres : depuis 1995, la part des étudiants collégiaux qui
fréquentent les cégeps en anglais et leurs pendants privés subventionnés, c'est
passé de 14,9 % à 19 %, progression du quart. Alors, quand le ministre
propose de contingenter, ce n'est pas suffisant. Vous vous réjouissez de cette
modération, mais ce n'est pas suffisant pour renverser le déclin. Alors, je
vous soumets ça bien humblement, il me semble que... je n'avais pas énormément
d'attentes, compte tenu des arbitrages que vous avez à faire, mais vous passez complètement
à côté.
M. Tremblay
(Bernard) : Bien, moi, je me permettrai aussi de vous soumettre
humblement le fait que...
La Présidente
(Mme Thériault) : Je dois mettre fin à l'échange, malheureusement,
désolée. Donc, merci pour votre passage en commission parlementaire.
Nous allons suspendre
quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 10
h 32)
(Reprise à 10 h 37)
La Présidente
(Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons
poursuivre nos travaux.
Et nous recevons ce
matin le Pr Daniel Turp, qui est professeur émérite à l'Université de
Montréal, mais qui est aussi l'ancien député de Mercier, avec qui j'ai eu le
plaisir de siéger au tout début de mon arrivée ici. Donc, bienvenue à l'Assemblée
nationale. On a deux députés de Mercier; la semaine passée, c'était deux
députés de Chapleau, deux professeurs qui viennent parler avec nous, également,
du projet de loi. Donc, ça fait toujours plaisir de voir des anciens collègues
participer à la vie démocratique encore en exprimant des opinions. Donc,
bienvenue à l'Assemblée, ex-collègue. La parole est à vous. Vous avez
10 minutes pour faire votre exposé et vous savez que, comme présidente, je
vais tenir le temps, comme vous le faisiez à l'époque où vous étiez là.
M. Daniel Turp
M. Turp
(Daniel) : Je compte sur vous, Mme la Présidente, pour m'arrêter quand
il faudra m'arrêter, et je sais qu'il y aura des questions, des échanges qui
permettront d'aller un peu plus loin. J'ai déposé un mémoire il y a quelques
heures et que vous aurez peut-être l'occasion de voir ou que vous avez déjà vu.
Mmes et MM. les
membres de la Commission de la culture et de l'éducation, j'aimerais d'abord
saluer votre présidente, la députée d'Anjou—Louis-Riel, avec laquelle j'ai eu
le plaisir de siéger pendant plusieurs années en cette Assemblée nationale, et
que je félicite d'avoir été, et qui sera, jusqu'à la dissolution de la présente
législature, si j'ai bien compris, et pour reprendre le serment qu'elle a
prononcé en conformité avec la Loi sur l'Assemblée nationale, comme vous et moi
l'avons fait à quelques reprises, loyale envers le peuple du Québec, et qui a
exercé, exercera pour une année encore, moins quelques jours, ses fonctions
avec, et je cite encore cette Loi de l'Assemblée nationale, «avec honnêteté et
justice dans le respect de la constitution du Québec». Et c'est donc de cette
constitution du Québec dont j'aimerais vous parler aujourd'hui, en commentant
l'article 159 du projet de loi sur la langue officielle et commune, le
français, le projet de loi n° 96, qui fait l'objet des présentes
consultations particulières.
• (10 h 40) •
Je vais présenter les
observations sur la validité constitutionnelle de l'enchâssement du statut de
nation québécoise, dont la Loi constitutionnelle, en premier lieu, et je me
pencherai ensuite sur la portée concrète d'un tel enchâssement. Et, si le temps
me le permet, en conclusion, je proposerai quelques ajouts à cet
article 159, suggérer que le temps est venu de légiférer pour que le
français devienne la langue normale et habituelle de l'enseignement collégial, et arguerai enfin pour que les langues
autochtones soient reconnues comme les langues premières du Québec.
Alors, j'espère que j'aurai le temps de passer à ces trois dernières questions.
Si ce n'est pas le cas, bien, vous aurez l'occasion, peut-être, de poser des
questions à ce sujet-là.
Mais
sur la validité constitutionnelle de l'enchâssement du statut de nation
québécoise dans la Loi
constitutionnelle de 1867, cette question fait, vous le constatez, l'objet de
vifs débats. J'ai rendu publique, ce matin, une
note de recherche de l'IRAI, de l'institut de recherche sur l'autodétermination
du Québec, les indépendances nationales, où je fais, avec Maxime
Laporte, une étude vraiment très poussée de cette question de la validité
constitutionnelle de cet enchâssement du
statut de nation québécoise et du statut de langue officielle et commune du
français au Québec, et il y a un certain nombre de questions auxquelles
nous répondons, s'agissant de cette validité.
Mais il y a une question
que je veux aborder particulièrement avec vous, qui est celle où on doit se
poser la question s'il y a des limites à amender la constitution provinciale,
qui est incluse dans le chapitre V de la Loi constitutionnelle de 1867. C'est
une question qui a été abordée dans une grande décision de la Cour suprême du
Canada, dans l'affaire SEFPO et Ontario, Procureur général, où on a exprimé un
certain nombre de limites. On a rappelé qu'on ne peut pas modifier la charge de
lieutenant-gouverneur. On a laissé entendre qu'on ne pouvait pas non plus
modifier des articles relatifs à l'usage du français ou de l'anglais dans une
province, et c'est cette dernière question là qui fait l'objet, vraiment, de
débats. Et à ce sujet-là, ma position, en ce qui me concerne, veut que les
deux articles, 90Q.1, 90Q.2, n'affecteront pas l'article 133 de la
Loi constitutionnelle de 1867 et ne porteront pas atteinte à la
constitutionnalité de ces articles.
À mon avis, on ne pourrait pas conclure dans ce
sens, même quand on lit l'affaire Procureur général du Québec c. Blaikie, parce
que le projet de loi n° 96 a été conçu comme ne portant pas atteinte à l'article
133, et donc on ne peut pas prétendre que ces deux déclarations qu'on
retrouverait dans les articles 90Q.1, 90Q.2 portent atteinte à l'article 133.
Le ministre, de toute évidence, a voulu préserver l'intégrité de l'article
33... 133 en présentant les dispositions du projet de loi n° 96.
Il y a
une autre limite qui a été énoncée par la Cour suprême dans l'affaire
SEFPO, c'est celui qu'on ne pourrait pas faire des bouleversements
constitutionnels majeurs en adoptant des modifications à la constitution
provinciale du Québec. On ne pourrait pas, par exemple, introduire des institutions
politiques étrangères et incompatibles avec le système canadien, nous dit la Cour
suprême.
Mais là, et, encore une fois, avec égard pour
l'opinion contraire, puis il y en a eu, écoutez, les dispositions portant sur
la nation québécoise et la langue française ne créent pas des bouleversements
majeurs et ne créent pas de bouleversements majeurs parce que la Chambre des
communes du Canada a elle-même reconnu l'existence de la nation québécoise dans
une motion. Et la Chambre des communes a récemment, à l'instigation du Bloc
québécois, reconnu, je vous le rappelle, à 281 voix contre deux, une
motion convenant que l'article 45 confère au Québec et aux provinces la
compétence de modifier sa constitution, dans le cas du Québec, et d'y inclure
que les Québécois forment une nation, que le français est la seule langue
officielle du Québec et qu'il est aussi la langue commune de la nation
québécoise, reprenant en cela le libellé même des articles 90Q.1 et Q.2 qu'on
veut inclure dans la Loi constitutionnelle de 1867. Alors donc, on peut
difficilement prétendre que c'est des bouleversements majeurs, quand à la
Chambre des communes elle-même, on a reconnu l'existence de la nation québécoise
et qu'on a reconnu le français comme étant la seule langue officielle du
Québec.
Mais là après la validité, l'importance, c'est
d'essayer de voir qu'elle est la portée concrète du statut de nation québécoise
dans la Loi constitutionnelle de 1867. Je vous en dis quelques mots, vous
pourrez lire tout ce que je dis dans les arguments dans mon mémoire. Mais à mon
avis, et contrairement, par exemple, à Benoît Pelletier, mon collègue, l'ancien
député de Chapleau, moi, je ne crois pas que ça a des effets seulement
symboliques. En tout cas, je ne sais pas ce que Benoît vous a dit, mais il a
écrit qu'il croyait qu'il s'agissait essentiellement des effets symboliques.
Moi, je crois, et on pourra en discuter davantage, que ces
deux articles-là vont avoir une suprématie législative. Quand on lit ensemble, tu sais, l'article 52,
l'annexe, la Loi constitutionnelle de 1867 faisant partie de cette annexe, il est évident que ces deux nouveaux
articles vont avoir une suprématie législative et que, donc, on pourra,
sur la base de ces articles, même déclarer
inopérantes des règles de droit qui sont contraires au statut de nation
québécoise ou qui sont contraires à
l'idée que le Québec... ou que la langue française est la langue officielle et
commune du Québec.
Et, ce n'est pas rien, si cette interprétation
est retenue, je pense qu'elle est bonne, parce que, par exemple, et ce serait,
à mon avis, la chose la plus majeure que constitueraient ces deux modifications
constitutionnelles, bien, on ne pourrait
pas... on ne pourrait plus vouloir que le Québec soit une province bilingue, on
ne pourrait plus faire en sorte qu'une
des langues officielles du Québec serait l'anglais, et là, pour l'avenir, ça
nous protège contre les gouvernements ou des Parlements qui voudraient
bilinguiser le Québec, parce que, si l'on faisait cela, ce serait
inconstitutionnel, ce serait contraire à un article de la Loi constitutionnelle
de 1867 qui enchâsse et qui donne une suprématie législative à cet article-là.
Il y a d'autres effets très concrets. D'ailleurs,
M. le ministre, vous avez dit, vous, que vous croyez que ça avait des
effets concrets, que ce n'est pas seulement symbolique, je le crois aussi,
parce que, lorsqu'il s'agira d'interpréter
le partage des compétences législatives, lorsqu'il s'agira d'interpréter le
contenu, par exemple, des droits et libertés de la Charte canadienne,
lorsqu'il s'agira d'appliquer la clause de limitation de l'article 1 de la
Charte canadienne des droits et libertés,
les deux articles, 90Q.1 et 90Q.2, pourront jouer un rôle significatif dans
l'interprétation du contenu des lois constitutionnelles et l'interprétation ou
l'application de la clause de limitation de l'article premier de la Charte
canadienne.
Alors, en conclusion, puisqu'il me reste
une minute, Mme la Présidente, je suggère de faire quelques ajouts,
M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Moi, j'aimerais bien qu'on réfère
au droit à l'autodétermination du Québec dans un article 90Q.1, paragraphe
deux. Je pense qu'il serait utile, comme l'a suggéré Guillaume Rousseau,
d'ajouter un article 80Q.3 qui affirme le fait que le Québec, que l'État
du Québec est laïque. Et pourquoi ne pas enchâsser dans la Constitution du
Canada le fait que Québec soit la capitale nationale du Québec puisqu'on y
parlera de la nation québécoise?
J'ai un développement sur les collèges. Je
répondrai volontiers à vos questions là-dessus, mais je me permets de
terminer... on parle beaucoup, et avec raison, de la situation des nations
autochtones, et je crois que le Québec est mûr pour dire qu'au Québec il y a la
langue officielle et commune qui est le français, mais qu'on devrait
reconnaitre l'importance des langues autochtones et les qualifier de langues
premières. Et je crois que ça a été une proposition qui a été faite à Ottawa
qu'on n'a pas retenue, un jour, et on devrait la retenir ici, au Québec.
Alors, je suis très
content d'avoir été là, Mme la Présidente, dans la salle Pauline-Marois, qui,
un jour, quand elle était cheffe, m'a même permis de déposer, dans cette
Assemblée, un projet de constitution québécoise, le projet de loi n° 196,
en 2007, parce que je rêve toujours du jour où le Québec aura sa propre
constitution. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Merci, M. Turp.
Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Pr Turp, bonjour.
Merci d'être présent en commission parlementaire.
Écoutez, quelques questions un petit peu plus
techniques pour commencer, parce qu'on a eu quelques constitutionnalistes qui
sont venus, avant vous, témoigner, et du même avis que vous. Il y a le
Pr Taillon, de l'Université Laval, le
Pr Rousseau, de l'Université de Sherbrooke, le Pr Pelletier,
également de l'Université d'Ottawa, qui sont d'accord avec le fait qu'il
est permis, il est légal de modifier la constitution du Québec en vertu de la
formule d'amendement qui est prévue à l'article 45 de Loi
constitutionnelle de 1982, mais qui se retrouvait à l'article 91, je
crois, de la Loi constitutionnelle de 1867. Donc, à l'époque, c'était permis,
dès le départ, dès 1867, de modifier la constitution du Québec.
Le Pr Leclair, la semaine dernière, qui
était de l'Université de Montréal, pour lui, ce n'est pas possible de faire ça,
puis tout ça, mais je comprends que le courant majoritaire des
constitutionnalistes au Québec, c'est le fait de dire que c'est possible de
procéder de la façon dont nous procédons. Et même Justice Canada, par le biais
du ministre de la Justice fédéral Lametti, a reconnu ça. Donc, vous êtes
d'accord avec moi que c'est légal et c'est permis de fonctionner de la façon
dont on fonctionne.
• (10 h 50) •
M. Turp (Daniel) : Tout à fait.
J'ai lu les objections de mon collègue Jean Leclair, là — était-il votre professeur? Moi, je ne l'ai pas été, je n'ai pas
eu le plaisir d'avoir été votre professeur à l'Université de Montréal —
ce n'est pas très convaincant. Et même André Binette, hein, vous avez vu, vous
l'avez entendu, même André Binette... je n'ai pas très bien compris, parce
que c'est tellement évident qu'on peut modifier cette constitution provinciale
que... Il y a aussi Maxime St-Hilaire, mon collègue de l'Université de
Sherbrooke, qui a fait une argumentation de nature un peu textuelle. Mais, si
le ministre de la Justice d'Ottawa et le premier ministre Trudeau affirment que
cela est possible, on devrait les croire.
M. Jolin-Barrette : O.K. Juste
pratico-pratique, là, la formule d'amendement, 41, 42, 43, 44, 45 dans la Loi constitutionnelle
de 1982, lorsque le législateur fédéral, le constituant fédéral décide de faire
ça en 1982, il vient mettre concrètement une disposition qui vient dire :
Les provinces peuvent modifier leur constitution. Donc, généralement, en droit,
là, lorsque le législateur ou le constituant écrit quelque chose, on se fie au
texte. La base première pour interpréter un texte, pour dire ce qu'il est
possible de faire ou non, dans notre droit, c'est ce qui est écrit, ce n'est
pas ce que les professeurs d'université, par la suite, viennent dire : Ah!
bien, cette formule-là, elle est écrite, mais ce n'est pas ça qu'il faut
regarder, il faut regarder tout le reste. La base première en droit,
normalement, c'est le texte écrit.
M. Turp (Daniel) : Bien sûr,
puis c'est son interprétation. Les publicistes ont le droit de contribuer à
l'interprétation d'un texte. Mais, dans ce cas-ci, vraiment, je voudrais
essayer de comprendre et d'être convaincu par l'argumentation des collègues qui
laissent entendre qu'on ne peut pas vraiment ajouter ce que vous voulez
ajouter, mais je ne suis pas convaincu du tout, parce qu'il y a cette
combinaison de la lecture de l'article 52, le paragraphe 2, là, tu sais, qui
dit que la Loi constitutionnelle de 1867 fait partie de la Constitution du
Canada, cette Constitution du Canada permet aux provinces de modifier leurs
propres constitutions, et la constitution provinciale du Québec est dans le
chapitre V de la Loi constitutionnelle de 1867.
Donc, on peut modifier, on peut changer, on peut
le faire de façon implicite, comme on l'a fait pour le Conseil législatif et le
nom de cette Assemblée, et on peut le faire de façon explicite. C'est ça,
peut-être, qui dérange, là, parce que c'est la première fois qu'on le fait de
façon explicite et qu'on invoque ce pouvoir de l'article 45 pour ajouter
quelque chose dans notre propre constitution, qui est dans la Constitution du
Canada.
M. Jolin-Barrette : Et vous
avez commencé votre allocution en faisant référence à la députée d'Anjou—Louis-Riel,
qui a prêté son serment, et que nous avons prêté, et qui fait référence à la
constitution du Québec. Et donc la constitution du Québec, elle existe en soi,
actuellement. Elle n'est pas écrite, elle n'est pas regroupée dans un... elle n'est pas codifiée dans... qu'un seul
document, mais il y a une partie de la constitution du Québec qui
existe. Elle se retrouve en partie dans la Loi constitutionnelle de 1867, mais
elle se retrouve aussi dans les lois de l'Assemblée nationale. Donc, vous, ce
que vous proposez, c'est de mettre tout ça ensemble, de se doter d'une
constitution. Et même cette constitution-là pourrait être inscrite dans la Loi
constitutionnelle de 1867 par le biais de l'article 45 et se retrouver aux
articles 90 et suivants.
M. Turp (Daniel) : Oui, on
pourrait faire ce choix-là. Peut-être ce n'est pas le choix que je ferais, moi,
de vraiment, tu sais, importer ou exporter une loi de l'Assemblée nationale qui
s'appellerait constitution québécoise dans la Loi constitutionnelle de 1867,
d'autant qu'il y a d'autres lois constitutionnelles canadiennes, là, mais on
pourrait, en principe, le faire.
Et, vous savez, juste une
petite anecdote amusante, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, l'annexe, le
serment qu'on a fait mentionne la constitution du Québec avec un petit c minuscule.
Puis un jour il y a un citoyen qui a fait une demande d'accès à l'information
puis il voulait voir la constitution du Québec, et la Commission d'accès à
l'information a dû lui trouver une réponse puis elle lui a dit : Écoutez,
la constitution du Québec à laquelle il est fait référence dans la Loi sur l'Assemblée
nationale, c'est la constitution matérielle du Québec.
Et, comme vous l'avez dit, M. le ministre, c'est
des dispositions de certaines lois qui sont de nature constitutionnelle, comme
notre Charte des droits et libertés, qui est même quasi constitutionnelle, la
Loi sur la laïcité de l'État, maintenant, qui est quasi constitutionnelle, la Charte de la langue française,
qui sera quasi constitutionnelle, si vous adoptez le projet de loi
n° 96, mais des règles de common law, des conventions constitutionnelles
et ce qui est dans la partie V de la Loi constitutionnelle de 1867 qui
concerne le Québec. Tout ça, c'est la constitution, avec un petit c minuscule,
matérielle du Québec. Moi, je voudrais qu'on ait une constitution formelle.
M. Jolin-Barrette : O.K., c'est
bien noté. Je fais un petit détour, avant de revenir à l'article 159 de la
loi, par les dispositions de souveraineté parlementaire ou les dispositions
dites de dérogation que nous utilisons dans le projet de loi n° 96. Quelle
est votre opinion sur le fait que le législateur québécois met dans le projet
de loi n° 96 des dispositions de souveraineté parlementaire?
M. Turp (Daniel) : Moi, je suis
d'accord, parce que c'est un exercice de souveraineté parlementaire qui a comme
but, à la lumière de l'histoire, de l'histoire, aussi, judiciaire du Canada et
où la Cour suprême du Canada a vraiment décidé de mettre à l'écart ce que l'on
considère comme étant des droits collectifs de la nation québécoise, de décider
des choses comme faire du français la langue officielle et commune du Québec ou
choisir que le Québec soit un État laïque.
La souveraineté parlementaire, finalement, donne
le dernier mot, vous donne le dernier mot, donne le dernier mot à ce Parlement,
et inclure une clause de dérogation, comme cela est permis, qui est presque une
condition d'existence de la fédération telle qu'elle a été repensée, reconçue
en 1982, c'est un exercice tout à fait légitime. Et, moi, ce qui me fait toujours
peur lorsqu'on ne met pas de clause de dérogation, c'est la façon dont neuf
juges de la Cour suprême, dont six qui ne sont pas du Québec, vont décider
autre chose et des choses très différentes de ce que voulait décider notre
Assemblée nationale.
M. Jolin-Barrette : Et, lorsque
vous faites référence à notre Assemblée nationale, pour bien traduire vos propos,
quelle est l'importance, dans certains dossiers fondamentaux pour la nation
québécoise, qu'il revienne aux élus de la nation qui ont été élus par des
élections, qui ont une légitimité démocratique de décider quels seront les
paramètres relatifs à la nation québécoise?
M. Turp (Daniel) : Écoutez, je
crois que notre Assemblée nationale est formée dans le temps par un certain
nombre de députés, d'un parti, de plusieurs partis qui peuvent ensemble décider
d'exercer leur souveraineté parlementaire. Et, si on décide que cette
souveraineté n'a pas été exercée de façon correcte, légitime, il y a une autre
élection, il y a quelque chose qui va permettre à un peuple de sanctionner un
Parlement qui aura peut-être, selon certains, abusé de son utilisation du
pouvoir de dérogation qui est inscrit dans notre constitution. Moi, je ne suis
pas gêné de l'idée d'utiliser la clause de dérogation quand il s'agit d'assurer
un équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et les droits
individuels des citoyens et citoyennes du Québec.
M. Jolin-Barrette : ... cette
question-là, pour vous, ça existe, les droits collectifs?
M. Turp (Daniel) : Bien sûr.
Mais, au premier chef, le droit du peuple québécois à disposer de lui-même,
enchâssé dans l'article premier dans la Loi sur l'exercice des droits
fondamentaux et des prérogatives
du peuple québécois et de l'État du Québec, que j'aimerais,
d'ailleurs, inclure dans votre article 159.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi
est-ce qu'on reçoit beaucoup de critiques ou pourquoi il y a beaucoup de gens,
notamment dans le milieu juridique, qui disent... qui nient l'existence des
droits collectifs de la nation québécoise? Pourquoi ce ne sont que les droits
individuels qui sont valorisés dans notre système judiciaire, dans notre
système politique depuis 1982?
• (11 heures) •
M. Turp (Daniel) : Je pense
que... on est à une ère de prérogative des droits individuels. On semble ne
jurer que par les droits individuels, alors que, vous savez, quand on a des
débats sur le droit à l'autodétermination, on dit que ce droit est tellement
important parce que c'est par ce droit collectif qu'on va assurer le respect
des droits individuels. Si on ne respecte pas les peuples, on ne peut pas
respecter les individus qui appartiennent à ces peuples.
Mais, non, ce n'est pas à la mode de... les
droits collectifs. Les droits individuels le sont, mais c'est tellement complémentaire.
Et moi, je trouve, là —
vous avez eu des débats là-dessus — qu'une nation qui exerce son droit collectif
ne sera fière d'elle-même que si elle respecte, par ailleurs, les droits
individuels ou les droits collectifs des minorités,
de la minorité nationale anglophone au Québec et des nations autochtones du Québec.
Et je crois que, là-dessus, même si le Québec n'a pas un dossier
parfait, le Québec est quand même un exemple au monde de respect des droits des
minorités et même des droits collectifs des nations autochtones, bien qu'on
pourrait en faire bien davantage pour respecter de tels droits.
M. Jolin-Barrette :
Et, en termes de droit international, là, est-ce qu'on considère que, dans
d'autres États... parce qu'on parle beaucoup du Québec, puis les droits de la
nation québécoise, puis parfois c'est contesté, par rapport aux droits
individuels, mais, dans les autres États dans le monde, est-ce que les nations
sont titulaires de droits collectifs? Comment ça s'opérationnalise dans les
autres États? Il y a-tu juste au Québec où c'est contesté? Est-ce qu'il y a
d'autres États dans le monde qui affirment les droits collectifs de leurs
nations respectives?
M. Turp (Daniel) :
C'est une bonne question. On y répond, Maxime Laporte et moi, on a fait une
étude, vous allez voir, il y a même une archéologie juridique de la nation québécoise
et du peuple québécois. On est allés examiner, dans toutes les dispositions législatives
adoptées depuis la Conquête, les références aux mots «peuple québécois» et aux
mots «nation québécoise», mais il y a un chapitre, aussi, qui porte sur la reconnaissance
des nations et peuples en droit constitutionnel comparé, et on a constaté qu'il
y a un certain nombre de constitutions nationales qui reconnaissent des
nations, qui reconnaissent des peuples, qui reconnaissent des droits collectifs
à des peuples. Ce n'est pas aussi important qu'on le croyait en termes de
reconnaissance, mais il y en a.
Et là le débat, c'est
de mettre un droit collectif dans la Constitution du Canada, parce que, même si
on n'ajoutait pas la disposition sur le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes... la nation québécoise a le droit ou est titulaire du droit à
disposer d'elle-même, je pense que la référence à la nation dans 90Q.1 comporte
implicitement la question du fait que le
Québec est titulaire de son droit à disposer de lui-même, qu'il s'est battu
pour faire reconnaître, que lui a reconnu la Cour suprême du Canada dans
son Renvoi sur la sécession. Et je vous rappelle aussi que, récemment, le 9
avril 2021, la Cour d'appel du Québec a consacré la validité constitutionnelle
du droit du peuple québécois à disposer de lui-même, ce qui est vraiment
quelque chose d'assez important.
M. Jolin-Barrette :
Peut-être une dernière question avant de céder la parole, rapidement. Je
reviens à l'article 159 du projet de loi, avec les dispositions de 90Q.1,
90Q.2. Donc, pour vous, ça va avoir de véritables effets juridiques, ces dispositions-là,
le fait de les inscrire dans la Constitution.
M. Turp
(Daniel) : Tout à fait, et des effets importants. Et je crois que
c'est vrai que c'est les tribunaux qui vont
décider des effets qui vont leur être donnés, mais n'oubliez pas qu'avant les
tribunaux il y a le Parlement puis il y a le gouvernement qui va vouloir
donner des effets. Et un jour, si on conteste ces dispositions-là, bien là, les
tribunaux vont trancher. Mais un tribunal qui veut respecter la Constitution,
tel qu'elle sera amendée, devra donner des effets à ces dispositions-là. C'est
des déclarations, des dispositions déclaratoires qui vont avoir une importance
majeure et un effet sur la Constitution du Canada.
C'est pour cela qu'en
définitive j'appuie ce projet, parce qu'il va nous amener ailleurs, il va nous
faire avancer au plan constitutionnel, pas avancer là où je veux
nécessairement, parce que moi, je suis encore un indépendantiste qui veut une
constitution québécoise d'un État indépendant un jour, mais je crois que ce projet
de loi fait avancer de façon significative le Québec.
M. Jolin-Barrette :
Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci.
Donc, pour le
prochain intervenant, ce sera le député de Sainte-Rose, et vous avez aussi
deux minutes avant la fin de l'échange.
M. Skeete :
Merci, Mme la Présidente.
Bienvenue. Mes
questions vont être assez brèves et en succession. Je reçois beaucoup de
feed-back de la communauté d'expression anglaise, pour laquelle je suis le
porte-parole pour le gouvernement du Québec, et j'aimerais vous entendre...
vous avez parlé un peu, dans votre introduction, pour dire que la section 133
s'applique toujours, et donc il n'y a pas de
droits, là, qui sont perdus pour la communauté, l'historique de la communauté
anglaise. J'aimerais vous entendre un peu
plus sur la manière que le projet de loi n° 96 va avoir un impact sur,
mettons, la façon qu'on donne les
soins de santé aux anglophones ou l'accès à la justice des anglophones, tel que
c'est écrit, actuellement.
M. Turp
(Daniel) : Bien, écoutez, l'article 133, il faut bien le lire, là,
c'est la langue de la législation et de la justice et la langue devant les
tribunaux. Le projet de loi, lorsqu'il s'agit de la langue de la législation et
de la justice, la langue devant les tribunaux, est tout à fait conforme à
l'article 133. On ne porte pas atteinte à cet article-là. Il ne peut pas être
lu, le projet de loi, comme portant atteinte à l'article 133.
Sur les autres droits
des personnes appartenant à la communauté d'expression anglaise du Québec,
comme la Charte de la langue française les désigne, d'ailleurs, dans le
préambule, bien là, c'est une question, aussi, d'interprétation de la portée
des nouvelles dispositions de la loi. Moi, je les ai lus et je ne crois pas que
ça porte atteinte aux droits de la communauté anglophone. Je crois que ça
consacre des droits qui existaient et ça, peut-être, change un peu la donne
lorsqu'il s'agit des droits des personnes qui ne sont pas de la minorité
historique anglophone du Québec. Ça, je pense que c'est vrai, je pense que c'est
un objectif du projet de loi.
La Présidente
(Mme Thériault) : ...fin à l'échange, malheureusement. Deux
minutes, c'est très rapide.
Donc, Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys, vous avez sept minutes... 11 min 20 s,
pardon.
Mme David : O.K. Merci beaucoup.
Pr Turp, cher collègue de la même université...
M. Turp
(Daniel) : Mme la vice-rectrice.
Mme David : Oui, j'ai l'impression que... je me sens dans un
colloque de constitutionnalistes ou dans deux équipes de hockey. Dans
une équipe, il y a vous, Pr Rousseau — tous des professeurs — Pr Taillon,
Pr Pelletier. Dans l'autre — mais le hockey, c'est plus que quatre,
hein, c'est six, mais ce n'est pas grave, une petite équipe de hockey, quatre
d'un bord puis quatre de l'autre — alors, Pr St-Hilaire, que vous avez
critiqué, Pr Leclair, Pr Binette puis Pr Cyr, qui s'en vient cet
après-midi...
M. Turp (Daniel) : Oui, c'est
vrai.
Mme David : ...vous l'avez
oublié. Donc, pour moi, ça fait quatre contre quatre, donc a deux belles
équipes de constitutionnalistes, comme dans un colloque, d'ailleurs. Si on
pense que la politique est rude, des fois, dans les échanges, il faudrait
qu'ils aillent voir des colloques, justement, d'intellectuels, qu'ils soient constitutionnalistes
ou psychanalystes, comme j'étais, ou d'autres, ça peut frapper très fort. Et
donc moi, je ne vois pas de majorité d'un bord ou de l'autre, je vois des
visions différentes, et c'est normal, et c'est intéressant dans une société.
Maintenant, moi, je n'ai pas lu votre mémoire
parce qu'il vient d'arriver. Et je ne suis pas une constitutionnaliste, mais je
commence à en avoir lu un gros bout là-dessus, et je constate qu'il y a, donc,
loin d'une unanimité, il y a presque égalité dans une approche puis une autre
approche par rapport à la question, justement, un, de la portée de ce fameux article 159, sur la question de la
réserve de l'article 133, sous réserve de l'article 133.
Certains disent... on le verra cet après-midi, on l'a vu avec Pr Leclair,
on l'a fait avec Pr Pelletier, bon, ils ont tous des opinions sur
l'article 133 en disant... et le collègue de Laval, Sainte-Rose, enfin, je
ne peux pas vous nommer...
Une voix : ...
Mme David : ...Sainte-Rose, je
suis désolée, allait vers ça. Donc là, il faut absolument que vous nous disiez
si ça serait, pour vous, parce que je n'ai pas lu votre mémoire donc je n'ai
pas de verbatim, «sous réserve de l'article 133», qu'on pourrait vivre
avec la question, justement, de l'introduction constitutionnelle de «seule la
langue française est la langue officielle du Québec» ou le 90Q.2, là. Alors,
certains disent, et Hugo Cyr complète son mémoire — je ne sais pas si vous
l'avez lu — de
cet après-midi — probablement
pas parce qu'il n'est pas encore publié — qu'à la limite «sous réserve
de» pourrait un peu faire la job, comme on dit, pour peut-être bien protéger.
Ça, c'est ma première question.
M. Turp (Daniel) : Bien,
c'était aussi l'opinion de Patrick Taillon dans son article avec
M. Cauchon, et je crois comprendre qu'il a changé de vue là-dessus. Moi,
je suis d'avis que ce n'est pas nécessaire de mettre «sous réserve de
l'article 133». Ce n'est pas nécessaire.
Mme David : Est-ce que c'est
parce que c'est tellement limpide, ça? C'est ce que dit Benoît Pelletier, c'est
tellement limpide et implicite qu'on n'a pas besoin de le mettre, mais de le
mettre pourrait rassurer les gens qui peuvent être inquiets.
M. Turp (Daniel) : Non, moi, je
ne trouve pas que c'est nécessaire pour rassurer. Et je pense que vos
travaux... et, n'oubliez pas, vous êtes les constituants, votre ministre vous a
donné l'occasion, c'est vous qui tranchez, ce n'est pas moi, ce n'est pas
Benoît Pelletier, c'est vous, le constituant, maintenant. C'est rare qu'on est
le constituant. Vous êtes un des premiers... Assemblée constituante qui amende
la Loi constitutionnelle de 1867. Et, à mon avis, un tribunal, même la Cour
suprême, n'a pas besoin de ce «sous réserve de l'article 133» pour
appliquer l'article 133 tel qu'il est, sans utiliser les articles, 90Q.2
en particulier, pour diminuer la portée des droits des personnes appartenant à
la minorité qui leur sont conférés par l'article 133.
• (11 h 10) •
Mme David : Alors, ce sera à
nous de décider si on est rassurants ou pas.
M. Turp (Daniel) : Oui, oui, je
pense que ça vous appartient.
Mme David : O.K. La portée,
maintenant. Là, on revient au débat du 22 mai, La Presse, samedi
matin, j'en parle souvent, mais c'était là que j'ai comme vu le «clash» — un
autre, parce qu'il y en a plusieurs — sur la question du supralégislatif versus une loi simple. Alors,
vous, vous êtes de la théorie... Je pense, le ministre disait : Il va y
avoir une grande portée à ça. Et encore Benoît Pelletier, qui acceptait... de
répondre aux journalistes, parce que ce n'est pas tous les professeurs,
nécessairement, qui se commettent, comme ça, publiquement, mais il l'a fait, on
doit saluer, qui disait : Non, c'est une loi simple, donc les conséquences
ne seront pas très grandes au niveau de la constitution générale, etc. Alors,
on revient à cette mise en évidence de deux positions. Et, vous, je comprends
que vous êtes du côté de la suprématie législative, donc du supralégislatif
plutôt que la loi simple.
M. Turp
(Daniel) : Tout à fait. Avec tout le respect que je dois pour Benoît
Pelletier et les beaux souvenirs des débats que j'ai eus avec le député de
Chapleau dans cette Assemblée, et les plus beaux moments, en fait, de ma vie
parlementaire l'ont été avec Benoît, un constitutionnaliste que je... beaucoup
de respect, je ne suis pas d'accord avec lui sur cette
question-là, parce que ce n'est pas parce que c'est une loi ordinaire, celle
que vous allez adopter aujourd'hui, qu'elle n'a pas de caractère
supralégislatif à cause de la lecture qu'on doit faire de l'article 52 de
l'annexe et du pouvoir constituant qui vous appartient en vertu de
l'article 45.
Mme David :
Oui, mais une loi simple, là, c'est que nous, on revient au pouvoir en 2022,
là, on peut changer la loi parce que c'est une loi simple du gouvernement du
Québec. Voilà.
M. Turp
(Daniel) : Bien sûr, et parce que le pouvoir constituant s'exerce,
dans ce cas-ci, par une loi de l'Assemblée nationale.
Mme David : Tout à
fait. Donc, c'est dans ce sens-là qu'elle n'est pas nécessairement supra, elle ne demande pas le changement
constitutionnel non plus du 750 ou de l'unanimité comme les enjeux du lac
Meech.
M. Turp
(Daniel) : Non, mais parce que, justement, l'exercice de ce pouvoir
constituant qui vous appartient est distinct des autres modes d'amendement
constitutionnel. Le 750, ou l'unanimité, ou la modification bilatérale.... il
vous appartient de modifier la Constitution, et, quand vous la... du Québec,
provinciale du Québec, et, quand vous le faites, vous lui donnez une suprématie
législative.
Mme David :
Je vais aller sur la dérogation mur à mur, vous dites que vous êtes d'accord.
Ça aussi, ce sont presque des débats théoriques, droits collectifs, droits
individuels. Le Pr Taillon a dit quelque chose qui était une faille, là,
dans la réflexion ou une entrée intéressante, une réflexion, et il a dit qu'il
faudrait exclure la dérogation pour, entre
autres, les fouilles, les saisies et les perquisitions, pouvoirs donnés à
l'OQLF qui sont en dérogation et sans mandat,
donc absolument rien ne peut venir contester ça, il a dit : Ça serait
probablement nécessaire, pour ça, de lever la dérogation. Pourquoi le mur-à-mur? Pourquoi absolument tout ou rien? On
ne peut pas en exclure des bouts qui, vraiment, porteraient atteinte aux
droits et libertés individuels? Puis là ce n'est pas une question
anglophone-francophone, là.
M. Turp
(Daniel) : Non, non, non.
Mme David :
Le droit des individus.
M. Turp
(Daniel) : Tout à fait. J'ajouterais que mon collègue Pierre Trudel,
que j'aime beaucoup et qu'on lit, hein, deux fois par semaine...
Mme David :
Qu'on lit beaucoup, oui.
M. Turp
(Daniel) : ...dans sa chronique, il a aussi suggéré...
Mme David :
Mais il n'est pas venu ici, alors je ne l'ai pas nommé, évidemment.
M. Turp
(Daniel) : ...suggéré que c'est allé trop loin, mais, à mon avis, non,
on ne va pas trop loin. Puis je vais vous dire très franchement, là, la raison
pour laquelle je crois qu'on ne doit pas exclure, faire une liste d'articles
exclus des chartes canadienne et québécoise, là, c'est parce qu'à la fin c'est
la Cour suprême qui va décider, et la Cour
suprême du Canada peut trouver le moyen de déclarer inconstitutionnels des
articles de cette loi, de la Charte de la langue française, en invoquant
d'autres articles de la Charte canadienne. Pourquoi, finalement? Pour faire
prévaloir, tu sais, cette idée que le Canada est bilingue, que le Québec
devrait l'être, que le Canada est multiculturel, que le Québec devrait l'être.
C'est la Cour suprême du Canada qui, en définitive, détient cette compétence,
si on ne la prive pas du pouvoir, tu sais, d'exercer une compétence fondée sur
des articles de la Charte canadienne.
Mme David :
Donc, vous êtes prêt à... parce que je connais vos positions, vous ne vous en
cachez pas non plus, bon, puis que la Cour suprême, elle est indépendantiste,
puis que la Cour suprême doit être forcément biaisée du côté du multiculturalisme,
etc., juges nommés par le fédéral. Mais, quand même, vous êtes en train de dire
que ça doit avoir cet argument-là, primauté sur les droits et libertés
individuelles en regard de fouilles, de perquisitions, etc., que... donc
personne ne pourra contester s'il y a fouille excessive.
M. Turp
(Daniel) : Oui, on pourrait le contester sur la base du droit
administratif québécois. Il y a des recours qui sont permis, il y a des
demandes de contrôle judiciaire, il y a des mandamus, il y a des injonctions.
Et moi, je ne présume pas que notre administration publique, appliquant la Charte
de la langue française, va abuser de ses pouvoirs, je ne le présume pas. Et je
crois qu'il y a d'autres recours que des recours constitutionnels fondés sur la
Charte canadienne qui vont permettre aux gens de préserver leurs droits.
Mme David :
Donc, parce que vous dites qu'il y a d'autres recours, que vous êtes prêt à
brimer les droits et libertés en disant : Ils vont pouvoir prendre un
autre chemin si jamais... parce que le législateur doit tout prévoir, si jamais
il y avait abus. C'est ça que vous dites? Pas besoin d'avoir...
M. Turp (Daniel) : Non, parce
que moi, je ne permets pas de brimer des droits.
Mme David :
Mais c'est ça, mais tout d'un coup...
M. Turp (Daniel) : Non, non, je
ne permets pas de brimer des droits. Je considère que le dernier mot sur cette question
vous appartient, elle n'appartient pas à neuf juges de la Cour suprême,
d'interpréter la charte d'une façon qui pourra mettre en cause ce que notre Charte
de la langue française dit sur ces questions.
Mme David : Donc, vous nous
recommandez que, pour les articles de fouille, etc., nous trouvions, les
législateurs, un moyen d'éviter les abus et d'éviter que les droits et libertés
soient atteints, c'est ça que vous dites.
M. Turp (Daniel) : Je vous
recommande de constater que notre droit québécois, notre droit administratif
permettra d'éviter que des abus soient commis sur ces questions de perquisition
en application de la Charte de la langue française.
Mme David : Donc, il va falloir
nous trouver, dans votre sagesse, les articles ou je ne sais pas quoi, le
chemin à parcourir qui est autre que... Parce qu'il n'y a pas de mandat, qui
est une façon, un mandat d'aller chercher est-ce que c'est pour une bonne
raison qu'on fait ça, ou alors, avec la Charte des droits et libertés, de
pouvoir porter plainte, de pouvoir... Il va falloir trouver d'autres façons si
le ministre ne bouge pas là-dessus.
Vous avez un point en commun avec
M. Pelletier, vous rêvez d'une constitution du Québec.
M. Turp (Daniel) : Et vous aussi,
d'ailleurs, parce que vous avez été rapportée comme disant ça, là, maintenant.
J'étais très content, d'ailleurs, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
parce que vous savez qui a été un des
premiers à proposer qu'il y ait une constitution québécoise?
M. Gérin-Lajoie, le regretté Gérin-Lajoie, en 1967.
Mme David : Oui, mais demandée
par Jean Lesage...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir mettre fin à l'échange.
Donc, Mme la députée de Mercier, à vous de vous
adresser à l'ex-député de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente, de le souligner. Un grand, grand plaisir de vous rencontrer et de
vous écouter. Puis vous ne savez probablement pas, mais, dans mon bureau, j'ai
une photo de vous, comme j'ai une photo de tous les anciens députés de Mercier.
M. Turp (Daniel) : Je le sais,
c'est Amir qui avait fait ça.
Mme Ghazal : Oui, exact. J'ai
complété.
M. Turp (Daniel) : Amir, mon
successeur et celui auquel vous... et pour lequel j'ai un grand respect aussi.
Mme Ghazal : Oui, oui, et lui
aussi pour vous.
Est-ce que... J'ai peu de temps, donc je vais y
aller rapidement. Pensez-vous qu'on peut, avec l'article 45, mettre une disposition
pour éliminer le serment à la reine? Mon collègue le député de Jean-Lesage
avait déposé le projet de loi n° 192. Nous exécrons d'être obligés, comme députés,
de faire ce serment. Je suis sûr que c'était la même chose pour vous. Est-ce que c'est quelque chose de
possible, puis on pourra en profiter, pendant... en travaillant sur le p.l. n° 96?
M. Turp (Daniel) : Je ne crois
pas. Malheureusement, je pense qu'on ne peut pas aller là. Et j'aimerais bien,
en effet, qu'on n'ait qu'à prêter ce serment au peuple et à la constitution du
Québec, mais je crois que c'est.... Ce n'est pas quelque chose qui est visé par
l'article 45, parce que c'est ailleurs dans la Constitution.
Mme Ghazal : Il faudrait aller
ailleurs, puis là on n'a pas le droit.
J'aurais une autre question, parce que vous
dites que ces dispositions-là, de dire qu'on est une nation, la langue
française commune et officielle, c'est supralégislatif. Est-ce qu'on n'est pas
en train de légitimer cette Constitution canadienne, qu'on n'a pas signée, de
conforter les fédéralistes? Vous êtes toujours souverainiste, j'en suis
convaincue. Est-ce qu'on n'est pas en train de faire ça? J'avais posé la
question aussi à M. le professeur Patrick Taillon, puis j'aimerais vous
entendre là-dessus.
• (11 h 20) •
M. Turp (Daniel) : En tout cas,
Benoît Pelletier, mon collègue, l'ancien député de Chapleau, dit, dans son
article dans Le Devoir, qu'on ne légitime pas la Constitution de
1982, puis effectivement on ne la légitime pas. Parce qu'on pourrait aussi
dire, parce qu'on ne l'a pas signée, même si elle nous est imposée puis elle
s'applique à nous, tu sais, ce pouvoir était dans l'article 91 de la Loi
constitutionnelle de 1867. Alors donc, on avait le pouvoir d'une constitution
qui ne nous a pas été imposée de la même façon que la Constitution de 1982. Et
je crois qu'on pourrait même penser qu'il y a une convention constitutionnelle
qui nous permet de nous doter de notre propre constitution, de modifier les dispositions de la Constitution de
1867, donc, sans reconnaître la légitimité de la Loi constitutionnelle
de 1982. Parce que, vous savez, c'est là, le
problème, on modifie la Loi constitutionnelle de 1867, mais la Loi
constitutionnelle de 1982 demeure illégitime, elle nous
est imposée. Et ça, il ne faut jamais oublier de le dire et de le rappeler, au
plan historique, cette condition, nous ne l'avons jamais acceptée, quels que
soient les gouvernements, de quelle couleur qu'ils
aient été. Elle s'applique à nous parce que neuf juges de la Cour suprême ont
décidé qu'elle s'appliquait à nous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, M. le député de Matane, votre tour.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux, à mon tour, de retrouver mon ancien
collègue, Me Turp.
Cher Daniel, le gouvernement fait le choix
politique de modifier la partie québécoise de la Constitution canadienne, qu'on
n'a jamais signée, et que j'espère qu'on ne signera jamais, dans les
conditions. Mais je suis indépendantiste, alors peu me chaut ces questions-là.
Comme il est question de la langue, ici, est-ce
que, selon vous, cette modification aura un quelconque impact sur le déclin
avéré de la langue française au Québec?
M. Turp (Daniel) : Ce n'est pas
l'article en lui-même qui peut avoir ce déclin, c'est les mesures que vous
adopterez, c'est les mesures qui portent sur la langue de l'éducation, la
langue de travail, puis sur l'audace qu'aura cette Assemblée lorsqu'il s'agit
des mesures qui visent à protéger et promouvoir la langue française et trouver
des moyens de mettre fin à ce déclin.
Ce qui me permet, M. le député de Matane, de
vous dire ce que je pense des cégeps. Je vais vous le dire parce que...
M. Bérubé : Bien,
allez-y.
M. Turp (Daniel) : ...quand
j'ai quitté cette Assemblée, quand j'ai quitté cette Assemblée en 2008, quand
mon ami Amir Khadir a gagné ses élections de Mercier et les électeurs m'ont
donné congé, je suis retourné à l'Université de Montréal, je suis retourné dans
ma Faculté de droit, dans la Faculté de droit du ministre, et j'ai vu quelque
chose, j'ai entendu quelque chose qui me bouleversait, que mes étudiants de ma
Faculté de droit parlaient anglais, dans ma faculté, dans les murs de ma
faculté, où on croise, sur le mur, les photos de Pierre Elliott Trudeau, Bernard
Landry et tous ces anciens premiers ministres qui étaient des diplômés de ma
Faculté de droit, où les étudiants francophones parlaient en anglais avec les
étudiants anglophones et allophones.
La langue anglaise est comme devenue une langue
de communication de mes étudiants, à la Faculté de droit de l'Université de
Montréal, et ce n'est pas étranger au fait qu'il y a des étudiants de Dawson
qui débarquent dans ma Faculté de droit. Ils me l'ont dit, ils me l'ont dit,
ces étudiants.
M. Bérubé : Bien,
Me Turp, c'est des choix politiques, ça aussi, de continuer de financer un
projet libéral, que je trouve aberrant, du financement de Dawson, que le
gouvernement de la CAQ poursuit. Je veux dire, il n'y a pas de différence entre
les deux sur plus que des symboles, sur des choix politiques de financement, et
moi, je le regrette, et je suis d'avis que le ministre devra un jour
s'expliquer. Pourquoi il est solidaire de ce choix-là de son gouvernement de faire en sorte qu'un collège de
8 000 étudiants à Montréal poursuive sa progression, ait des
ressources supplémentaires? C'est un choix politique très fort, et ni le premier
ministre ne veut trop l'expliquer ni le ministre. Et ça, à lui seul, ce choix
politique là plombe toute velléité de faire du français une langue importante
et de prestige à Montréal. C'est mon opinion.
Je ne sais pas s'il vous reste du temps pour rajouter...
M. Turp (Daniel) : Je vous
laisse faire vos débats avec le ministre, M. le député de Matane. Mais moi,
j'ai rédigé un article très simple...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement...
M. Turp (Daniel) : ...qui
remplace les articles 88.0.2 à 88.13...
M. Bérubé : Nous
l'avons, nous l'avons, Me Turp.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement... Malheureusement, collègues...
M. Turp (Daniel) : ...parce que
c'est important. M. Rocher vous l'a dit, on aurait dû faire ça en 1977, on
devrait le faire en 2021.
La Présidente (Mme Thériault) :
...je dois mettre fin au débat.
M. Bérubé :
Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Je reconnais que vous avez toujours la fougue
d'antan, M. Turp, mais malheureusement je dois mettre fin au débat.
M. Turp (Daniel) : Oui. Je ne
vous entendais pas, là, je...
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vous remercie de votre présence en commission parlementaire.
Nous allons
suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place en
visioconférence. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 24)
(Reprise à 11 h 32)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos auditions, et nous
recevons présentement la Fédération des chambres de commerce du Québec. Donc,
M. Milliard, je vais vous demander de vous présenter, présenter les personnes
qui vous accompagnent et de nous présenter votre mémoire, par la suite il y
aura des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
M. Milliard (Charles) :
Excellent. Alors, merci, Mme la Présidente. Donc, je me présente, Charles
Milliard, P.D.G. de la FCCQ. Je suis accompagné d'Alexandre
Gagnon, vice-président, Travail et capital humain, à la fédération.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous ne
serait-ce que virtuellement afin de commenter, donc, l'important projet de loi n° 60... 96, pardon, qui est assurément une des pièces
législatives phare, là, de la présente session parlementaire et peut-être même
de la prochaine, si j'ai bien compris.
Alors, pour fin de mémoire, la fédération est un
regroupement à la fois, donc, d'une fédération de chambres de commerce, plus de
130 chambres, 1 200 membres corporatifs qui représentent plus de
50 000 entreprises partout au Québec.
Nous sommes aujourd'hui ensemble en octobre 2021
et nous discutons d'un projet de loi à l'Assemblée nationale du Québec en français.
Je pense que quiconque qui s'intéresse un peu à
l'histoire de l'Amérique et du Canada reconnaîtra
que ce simple fait, qui peut sembler aujourd'hui banal, est le fruit d'efforts incommensurables de
protection et promotion de notre langue par les générations qui nous ont
précédées.
Tout particulièrement, depuis maintenant
44 ans, depuis 1977, la valorisation de notre capital francophone est
devenue un actif inaliénable et indiscutable qui nous permet d'affirmer notre
identité linguistique partout dans le monde et principalement sur le continent
américain.
Aujourd'hui, le projet de loi n° 96 vient
rappeler l'importance de préserver l'usage de notre langue dans les différents
milieux de travail, et c'est pour cette raison que la fédération, moi et
Alexandre, particulièrement, ce matin, sommes fiers d'appuyer les objectifs.
Cette position est par ailleurs soutenue par le
réseau de chambres de commerce au Québec ainsi que par les entreprises qui sont membres de la fédération, qui
nous ont indiqué, lors d'un récent coup de sonde, au printemps dernier,
leur soutien à 70 %, plus de 70 %, au projet de loi actuel,
évidemment, dans les détails qui étaient alors disponibles.
Je profite d'ailleurs de l'occasion pour dire
que la fédération collabore avec l'OQLF sur plusieurs projets depuis de
nombreuses années et que nous sommes engagés dans une série d'initiatives avec
le ministère des Relations internationales et de la Francophonie pour
promouvoir la francophonie économique, oui, canadienne, qui est importante
aussi, mais aussi internationale. Nous sommes d'ailleurs... Je profite de
l'occasion pour dire que nous sommes heureux de voir que le développement d'une
diplomatie économique francophone forte fait partie des priorités du
gouvernement actuel.
Malgré ce fort appui, il faut quand même appeler
un chat un chat, certains articles suscitent des inquiétudes et un certain
nombre de non-dits au sein de nos membres, qui ont été nombreux à nous en faire
part. Alors, on fait le choix aujourd'hui de porter... d'attirer votre
attention de façon constructive sur quelques éléments précis, qui sont parfois
techniques, mais qui nous apparaissent importants pour assurer le succès du
projet de loi.
Alors, premièrement, je pense qu'on doit
absolument reconnaître tous ensemble que le projet de loi n° 96 créera
nécessairement une hausse du fardeau administratif des entreprises, entre
autres dans les pratiques de ressources humaines. Alors, attention, ici, l'idée
n'est pas de dire que ce fardeau est insurmontable, mais plutôt qu'il s'ajoute
à une multitude d'autres complexités administratives qui sont prévues dans
plusieurs projets de loi adoptés récemment. Je fais un petit coucou, ici, entre
autres, au projet de loi n° 59. Certaines mesures du projet de loi
gagneraient à être simplifiées, selon nous, afin de trouver écho dans les
pratiques réelles du marché du travail.
Alors,
clairement, pour nous, un devoir, justement, de clarté s'impose parce que, plus
qu'une simple manifestation d'une volonté politique, ce projet de loi
doit vraiment pouvoir vivre dans nos milieux respectifs.
Par exemple, les modifications proposées à
l'article 36 du projet de loi soulèvent d'importantes questions quant à la
définition des fameux moyens raisonnables que les entreprises devront prendre
avant d'exiger la maîtrise d'une langue
autre que le français. Le caractère vague
de cet article provoque quand
même un certain questionnement
chez nos membres, parce que ceux-ci ne comprennent pas à ce jour comment ils
pourront être convaincus de répondre convenablement aux exigences, notamment
comment la CNESST et l'OQLF prendront en considération les changements
fréquents des opérations d'une même entreprise, mais aussi l'évolution
nécessairement changeante des besoins
linguistiques pour un département ou un poste donné. Alors, conséquemment, nous
pressons le gouvernement d'élaborer un
guide et de prévoir un règlement qui va qualifier les moyens explicites et très
tangibles de respecter ces obligations.
Maintenant, quelques commentaires au sujet des
enjeux de contestation. Alors, au niveau de l'article 37, nous tenons à saluer l'ajout, par le gouvernement, de balises qui concernent les moyens de contestation en
privilégiant notamment le processus de médiation. Cependant, certaines lacunes
de ces processus mériteraient d'être corrigées, selon nous, afin de rendre une
justice plus équitable et plus efficace, particulièrement en référence à l'article
47.3, qui prévoit la défense des travailleurs non syndiqués par la CNESST.
Alors, notre expérience, à la fédération, en lien avec les contestations
relevant des normes du travail, nous amène à proposer que le projet de loi
précise explicitement que la CNESST puisse refuser de représenter un
travailleur dont la cause ne semble pas du tout fondée en fait et en droit.
Également, nous recommandons au gouvernement de prévoir que le Tribunal
administratif du travail puisse rejeter une cause sur dossier lorsqu'une
plainte, encore une fois, est manifestement non fondée en fait et en droit.
Ces ajouts visent simplement à assurer que les ressources
de la CNESST, qui seront, d'ailleurs, largement utilisées dans les prochaines
années, et du tribunal soient utilisées à bon escient et protègent, entre
autres, les petits entrepreneurs, les petits employeurs de recours qui peuvent
être considérés comme abusifs.
De plus, nous vous demandons de porter attention
à la confusion qui est provoquée par l'article 39 du projet de loi. Celui-ci fait
fi des processus usuels qui sont proposés par le Code du travail quant au
devoir, entre autres, de représentation des syndicats. Pour y pallier, la
fédération recommande que le projet de loi fasse référence au processus de
règlement qui est prévu au Code du travail, puisque celui-ci est réputé faire
partie de toute convention collective au Québec. Cela permettrait donc de...
(panne de son) ...de griefs. Vous m'entendez toujours?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, il y a eu une petite coupure. Cela permettrait donc de...
M. Milliard (Charles) :
...d'assurer une cohérence, donc, dans les processus de grief et les mécanismes
de protection des travailleurs syndiqués. Je poursuis?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
• (11 h 40) •
M. Milliard (Charles) : Ça va?
Parfait.
Alors, un autre sujet de préoccupation pour nos
membres porte sur les pouvoirs de l'OQLF et de Francisation Québec. Nous nous
inquiétons des conséquences de l'article 80 du projet de loi, qui octroie des
responsabilités... (panne de son) ...aux comités de francisation. En attribuant
ces obligations aux comités, cet article vient diluer la responsabilité de
l'employeur, ce qui peut mener à des conflits et, selon nous, ne sert personne.
Alors, afin d'éviter ce genre de situation, nous recommandons que l'article 80
du projet de loi soit modifié afin de reconnaître le rôle consultatif du comité
de francisation et vienne ainsi confirmer la responsabilité finale et aussi, on
le reconnaît, l'imputabilité finale de l'employeur.
Au sujet des services d'apprentissage du
français et du certificat de francisation, la FCCQ se questionne quant au
manque de balises de l'article 89, cette fois-ci, qui vise la participation
volontaire des entreprises à une offre de Francisation Québec qui demeure, par
ailleurs, un peu floue à ce moment-ci. Alors, nous demandons que le projet de loi définisse les obligations spécifiques des
employeurs et qu'il soit prévu que Francisation Québec ait l'obligation
d'offrir des formations au moment et dans les... dans les moyens, pardon, les
moins conflictuels avec les opérations et les aspects financiers de
l'entreprise. De plus, nous désirons souligner l'absence, dans le projet de
loi, de recours légaux pour un processus de
contestation d'un employeur qui se voit refuser ou retirer un certificat de
francisation. Alors, à cette fin, pour pallier à ce qui nous apparaît
comme un manque, nous recommandons de prévoir un processus de contestation, de
refus ou de retrait d'un certificat de francisation à une entreprise.
La dernière partie de notre analyse porte sur
l'obligation de l'Administration de communiquer en français. Alors, je vous
propose de débuter, ici, par le dossier des personnes immigrantes. Il faut
vraiment se parler aujourd'hui de la limite
fixée à six mois pour les services gouvernementaux offerts aux personnes
immigrantes dans une autre langue. Cette limitation, honnêtement, nous
semble problématique et souvent irréaliste, particulièrement pour les
travailleurs étrangers temporaires et les
réfugiés. Les derniers mois ont révélé comment le processus est incroyablement
complexe pour les candidats à l'immigration
déjà au Québec, et on pense qu'ils n'ont pas besoin de cet obstacle
supplémentaire, selon nous, à ce stade-ci.
Nous croyons que le délai devrait plutôt être de deux ans, durée normale de la
plupart des permis de travail temporaires, et aussi une période qui
permet une acquisition de compétences suffisantes en français.
Par ailleurs, nous sommes aussi... dernier
point, nous sommes aussi préoccupés par les contrats dérivés de gré à gré et les clauses types, plutôt technique,
mais très important. L'article 44 du projet de loi touche, selon nous,
les fondations mêmes des pratiques commerciales. À titre d'exemple, les
sociétés qui ont recours aux produits dérivés, tels que des contrats, donc, des dérivés de gré à gré, seront grandement
pénalisées par cette disposition. Nous désirons porter à votre attention
le fait que ces contrats sont souvent très volumineux, comprennent des clauses
types qui ont été normalisées pour la plupart, oui, en anglais, afin d'en
assurer la conformité ainsi que l'uniformité dans les pays qui l'utilisent.
Alors, il nous apparaît vraiment contre-productif et très coûteux pour une
société qui entretient des relations commerciales internationales de devoir
présenter un contrat traduit en français dans un premier temps pour que
celui-ci soit par la suite abandonné afin de maintenir la version normalisée
dans une autre langue que le français, encore une fois, qui est souvent l'anglais. Conséquemment,
plusieurs de nos membres recommandent que les modifications apportées à
l'article 44 du projet de loi ne s'appliquent pas à un contrat de gré à gré
dans lequel... potentiel pouvait être librement discuté entre les parties.
En conclusion, nous sommes optimistes que les
présents travaux de la commission permettront de prendre en considération les
préoccupations de nos membres et qu'on atterrira tous ensemble avec un projet
de loi, comme on le souhaite, qui sera cohérent, réaliste, agile et pérenne.
Alors, ça sera un plaisir d'échanger avec vous. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci, M. Milliard. Je vais vous demander de nous transmettre vos
notes de présentation parce qu'il est arrivé à quelques reprises où il manquait
juste un ou deux petits mots, donc, pour être bien sûrs qu'on n'a pas manqué
l'essence de vos propos, dont vers la fin.
Donc, sans plus tarder, je...
M. Milliard (Charles) : Avec
plaisir.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Sans plus tarder, je vais aller avec l'échange avec le ministre. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée
nationale. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission et à la présentation,
aujourd'hui, de votre mémoire de la Fédération des chambres de commerce du
Québec.
D'entrée de jeu, vous l'avez dit, je tiens à
souligner, là, 70 % de vos membres indiquent être favorables au projet de
loi n° 96 et également d'appuyer l'assujettissement des entreprises à la
Charte de la langue française au niveau des entreprises de 25 à 49.
Ce que ça signifie, hein... parce que vous, vous
représentez la Fédération des chambres de commerce, ça veut dire les membres
dans toutes les régions du Québec, qui se disent : Bien, nous, comme
employeurs, hein, des petites, des moyennes, des grandes entreprises, on est
membres de la Fédération des chambres de commerce et on appuie le projet de loi
parce qu'on est du patronat et on veut faire notre part. Alors, ça, je trouve
ça rafraîchissant puis je trouve également que c'est un bon indicateur de dire
qu'au Québec il y a des choses qu'il faut changer.
Et souvent... et je le dis avec beaucoup
d'égards, parfois, on ne veut pas que ça change nécessairement parce que ça fonctionne d'une certaine façon. Et je suis
sensible à vos arguments d'alourdissement du fardeau administratif.
Mais, dans ce cas-ci, vous dites : Nous, on est favorables au projet de
loi, nos membres sont favorables; faites attention au fardeau administratif,
mais, globalement, on est favorables.
M. Milliard (Charles) : Un
excellent résumé de ce que je venais de mentionner.
M. Jolin-Barrette : Bien.
M. Milliard
(Charles) : ...et, je pense,
une belle évolution aussi à plusieurs égards... (panne de son)
...décennie. On est tout à fait en faveur de l'esprit de la loi. Ce qu'on vous
soumet, c'est des petits détails opérationnels, qui ne sont pas des détails,
mais qui le sont dans le cadre de certains articles du projet de loi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
voudrais vous poser une question, parce qu'on a eu beaucoup d'intervenants qui
nous ont dit : Écoutez, le facteur culturel devrait être pris en
considération. Dans la Charte de la langue française, on indique un des
facteurs d'intégration. Puis, je pense, ce qui concerne beaucoup vos membres, notamment, dans les débats actuels, c'est la pénurie de main-d'oeuvre.
Et notamment pour les nouveaux arrivants, on souhaite que, lorsque l'État
québécois, lorsque vos membres, les entreprises font des démarches, notamment
pour accueillir des personnes immigrantes ou accueillir des travailleurs
temporaires, bien, c'est qu'ils demeurent dans l'entreprise qui les a recrutés puis qu'ils contribuent, qu'ils
s'installent dans toutes les régions du Québec. Mais, pour ça,
généralement, ça prend une adhésion en français, à un apprentissage du français,
mais une adhésion aussi aux valeurs québécoises, à la culture québécoise aussi.
Puis je ne suis pas sans savoir que vos membres,
dans les différentes régions à l'extérieur de Montréal, ont des difficultés de
recrutement puis ont de la difficulté à retenir les travailleurs. Alors, est-ce
que le fait de jumeler la langue avec la culture, ça pourrait être une avenue
intéressante pour vos membres, pour les entreprises, pour dire : Bien,
pour être pleinement intégré, il faut adhérer aux deux?
M. Milliard (Charles) :
Excellente question. Je vais laisser Alexandre compléter, mais je vous dirais
que, selon moi, personnellement, ça va effectivement de pair. C'est important,
quand on veut faire une meilleure régionalisation d'immigration, justement,
d'amener l'ensemble du contexte de vie pour une nouvelle personne dans une
région du Québec qui, souvent, sont méconnus, parce que, souvent, le manque
d'intérêt pour la régionalisation d'immigration, c'est une méconnaissance de ce
qui est disponible. Bien là on a un programme avec le ministère du Travail qui
s'appelle Un emploi en sol québécois, qui vise justement à améliorer la
connexion entre les employeurs et les personnes immigrantes. Et justement, dans
la bonification du programme, cette année, on fait des cellules de codéveloppement sur la gestion de la diversité culturelle en entreprise.
Alors, justement, ça va permettre aux employeurs qui, peut-être, ont une certaine méconnaissance, une
certaine ignorance, des possibilités de l'immigration en région de s'améliorer.
Alors, moi,
je suis tout à fait preneur de votre commentaire que ça peut et ça doit
vivre ensemble. Maintenant, dans quel laps de temps on demande aux
personnes immigrantes de s'acclimater ou... — je ne sais pas quel verbe utiliser
— à
cette réalité-là? Entre autres, quand on parle de communication avec le gouvernement,
six mois, moi, ça m'apparaît complètement irréaliste, mais c'est un des
éléments qu'on apporte ce matin. Alexandre, je ne sais pas si tu as d'autres
commentaires.
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, certainement. Évidemment, un des facteurs les plus importants dans
l'intégration des personnes immigrantes, c'est l'emploi, et on le valorise et
on essaie de faciliter cette intégration-là par l'emploi, mais ce n'est pas le
seul. Donc, le meilleur moyen d'intégrer et d'apprendre la culture, d'apprendre
la langue de son peuple d'accueil, nommément
le Québec, bien, c'est en vivant le français,
en vivant le Québec, donc, particulièrement les régions. Donc,
c'est en investissant dans les milieux de vie et en s'assurant qu'il y a une
prise en charge des milieux de vie, également, de ces personnes-là qu'on va y
arriver, avec cette francisation-là, on va leur apprendre à vivre en français
au quotidien. Donc, il faut faire attention également à ne pas tout mettre
le fardeau sur les épaules de l'employeur, il n'est pas le seul responsable
de cette francisation-là et de l'adoption de la culture québécoise non plus,
là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous, ce
n'est pas uniquement votre responsabilité, la responsabilité des
employeurs, c'est une responsabilité partagée. L'État doit faire son bout de
chemin, ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi n° 96,
mais je suis heureux d'entendre qu'également les employeurs veulent participer,
puis je trouve que c'est logique aussi parce que, dans les différentes régions
du Québec, hein, on a besoin de travailleurs, on veut retenir les gens en
région, et donc, nécessairement, pour faire ça, bien, il faut qu'il y ait une
adhésion. Vous dites «des milieux de vie inclusifs», bien, c'est fondamental.
Là où on a un différend, c'est sur le délai.
Vous, vous dites : Six mois, c'est complètement irréaliste. Or, le
projet de loi, ce qu'il fait, c'est qu'il dit : Dès le départ, les
nouveaux arrivants sont accueillis en français, donc ça fait partie de
l'exemplarité de l'État. Donc, le principe de base, c'est en français, comme
dans n'importe quel État dans le monde où c'est la langue nationale qui est
généralement... c'est la langue de service de l'État. Ce qu'on dit, c'est que,
pendant six mois, pour l'accueil, il y a certaines exceptions. On a mis de
l'avant des programmes de francisation, on a augmenté les allocations, tout ça,
mais c'est vrai, c'est difficile, apprendre une nouvelle langue. Mais comment
est-ce qu'on va faire si, avec votre proposition, on laisse deux ans?
C'est déjà difficile de retenir des travailleurs étrangers en région, et, si on
veut qu'ils s'intègrent en région, bien, c'est en français que ça se passe.
Mais, si à la moindre occasion, durant le délai que vous proposez, tout peut se
dérouler en anglais, notamment avec l'État québécois, comment est-ce que la
personne va être incitée à s'intégrer en français? À un moment donné, si on
veut faire en sorte que cesse le 80 % d'immigration à Montréal puis amener
les gens en région, il va falloir prendre des mesures pour dire : On
conserve les personnes immigrantes en région puis...
Quand j'étais ministre de l'Immigration, un des
commentaires que je recevais le plus souvent, c'était de dire : Bien, les
gens, malgré tous les efforts qui sont faits par les communautés d'accueil pour
faire des activités, pour intégrer les enfants, pour intégrer les parents, les
gens, ils se sentent seuls, en région; ce qui est important, c'est de créer des
liens. Puis, écoutez, ce n'est pas facile, là, vous partez de votre pays, vous
ne connaissez personne, vous arrivez dans un nouvel État avec une langue
différente. Ces gens-là, ils sont courageux, là, puis ils viennent travailler,
puis ils veulent le meilleur pour leurs enfants. Mais on a une responsabilité
collective, comme État, mais aussi dans les différentes communautés, les
villes, les entreprises, tout ça, il faut que tout le monde se mette ensemble
pour faire que l'accueil se passe le mieux possible. Parce que, je ne sais pas,
moi, j'irais dans un autre État, je ne connais pas la langue, je n'ai pas
d'amis, je n'ai pas de famille... C'est extrêmement difficile ce qu'ils vivent,
mais il ne faut pas non plus les pousser vers le bilinguisme pour dire :
Bien, c'est en anglais. Puis là, ça va les pousser vers Montréal aussi. Comment
vous recevez ça?
• (11 h 50) •
M. Milliard (Charles) : Bien,
vous... peut-être surpris qu'on n'est pas si éloignés que ça, là, vous et nous,
par rapport à vos commentaires. La différence, c'est que, si quelqu'un
déménage, exemple, à Saint-Georges de Beauce, où on offrait le programme Un
emploi en sol québécois, je peux vous garantir que la vie en français, cette
personne-là va la vivre, parce que ça coule de source, là, dans une ville comme
Saint-Georges de Beauce.
Le point où je ne suis pas d'accord avec vous,
c'est... vous dites : Si, à la moindre occasion, on permet de s'exprimer
dans une autre langue... Moi, des communications officielles du gouvernement,
soit des choses structurantes par rapport à mon statut de vie au Canada, par
rapport à la santé et aux services sociaux qui me sont offerts, ce n'est pas la moindre occasion, c'est des choses qui sont
hyperstructurantes pour ces personnes-là, et je pense que ça serait beaucoup
plus sécurisant et réaliste qu'il y ait des mesures facilitatrices de
communication, parce que le reste de la journée, à Saint-Georges de Beauce,
encore une fois, dans mon exemple, ça va se passer en français.
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux ajouter...
M. Jolin-Barrette : Oui,
allez-y.
M. Gagnon
(Alexandre) : Si vous me permettez... Au niveau du deux ans, on
se base sur vos critères au niveau de l'admissibilité au niveau de la résidence
permanente. Lorsqu'il y a eu des changements au programme d'immigration,
on est venus donner d'ici deux ans. Si vous êtes temporaire, si vous voulez
passer au processus d'immigration permanente, vous allez devoir démontrer que
vous maîtrisez un niveau... suffisamment le français, mais après deux ans. Et déjà
on vous trouvait... plusieurs secteurs, on vous trouvait quand même ambitieux
dans cette demande-là, mais ça a été adopté, ça a été mis en place, et puis on va
de l'avant.
Mais ça va être difficile, exemple, pour un
employé qui rentre temporaire, par exemple, et qui vient travailler au Québec. On dit : Mettons-le dans une classe de
francisation pendant six mois intensifs. Vous aurez raison, peut-être qu'on va réussir à faire quelque
chose, mais l'employeur qui va chercher un travailleur à l'étranger, évidemment,
a un besoin, un impératif de productivité, il veut le faire travailler
également. Donc, on pense que six mois à temps partiel, une journée par semaine,
par exemple, de francisation... peut-être n'atteindra pas le niveau 7, là,
de maîtrise de français qui est demandé dans certains programmes
gouvernementaux. Donc, c'est là qu'on demande un peu de cohérence avec les
programmes d'immigration, avec les principes d'immigration permanente, afin
d'atteindre ces statuts qui sont exigés.
Et puis, si vous me permettez une petite
seconde... La CNESST, notamment, c'est un exemple, donne de la formation puis
de l'information quant à leurs droits au niveau des normes du travail pour ces
travailleurs-là. Donc, ils ont développé une panoplie d'offres de services, notamment
en espagnol, notamment dans diverses langues, afin de pouvoir les informer sur
leurs droits, sur leurs recours en lien avec leur emploi. Donc, ça viendrait peut-être
limiter leur accès à ces informations-là.
M. Jolin-Barrette : Alors, je
suis désolé de vous reprendre, M. Gagnon, mais il y a déjà des exceptions
dans le projet de loi en ce qui concerne la santé et la sécurité des individus.
Donc, à ce moment-là, il y a déjà une exception dans le projet de loi.
Et ce qui est intéressant, c'est que vous faites
référence à la réforme du PEQ, que je connais un petit peu, et là vous
dites : Écoutez, ça prend de la cohérence entre les réformes que vous
faites, tout ça, mais vous oubliez de dire que, dans le fond, la réforme du
PEQ, c'est le Programme de l'expérience québécoise, oui, il y a un
niveau 7 pour passer à travers ce programme d'immigration là, mais ce
n'est pas l'unique programme d'immigration qui existe au Québec. Alors, il faut
donner la réalité. Si la personne immigrante, ici, elle est sélectionnée comme
temporaire et elle souhaite passer par le véhicule d'expérience de travailleur
qualifié, et d'obtenir son CSQ à travers le PEQ, et d'être sélectionnée, effectivement
ça prend un niveau 7, mais il y a un autre volet, également, qui s'appelle
Arrima, aussi. Donc, il y a différents programmes d'immigration. Alors, c'est
faux de dire que tout le monde doit avoir un niveau 7. Et là, après ça, on
pourrait se parler de la procédure de... quel programme est-ce qu'on choisit et
de la capacité d'accueil au Québec
en fonction d'Arrima et en fonction du programme d'expérience québécoise. Là,
c'est intéressant, parce que, lorsqu'on a fait la réforme du PEQ, le
monde nous ont dit : Ne touchez pas au PEQ, puis on veut conserver le PEQ.
Mais vous souhaitez avoir des travailleurs qui n'ont pas de maîtrise, nécessairement,
de niveau 7, alors là on pourrait les passer par Arrima. Mais le fait
qu'il y ait une levée de boucliers sur le PEQ fait en sorte qu'on n'a pas pu
utiliser Arrima d'une façon optimale, aussi.
Alors, à un moment donné, je vous dirais :
La chèvre et le chou ou la laitière, la ferme, le beurre? À un moment donné, il
faut faire des choix. Alors, je trouve ça toujours intéressant de pouvoir
discuter des réformes qu'on a faites en matière d'immigration, mais mon souci,
pour moi, c'est de faire en sorte que les personnes immigrantes qu'on accueille
au Québec puissent venir au Québec, grandir au Québec en français dans toutes
les régions du Québec, et ça, je suis d'accord avec vous sur ce point-là.
Peut-être dernière question relativement au
marché du travail. Pour vous, là, et vous le dites à la page 5 de votre
mémoire, maintenant, les employeurs disent, exemple à Montréal, vos
membres : Nous, là, on embauche tout le monde,
peu importe qu'il ait une connaissance ou non de la langue anglaise, parce
qu'on a des besoins de main-d'oeuvre maintenant. Le Conseil
du patronat nous disait un petit peu le contraire, parce qu'il
disait : Bon, il y a une exigence autre que la langue anglaise. Les études
nous démontrent également que, sur l'île de Montréal, on exige une autre langue
que le français. C'est quoi, le juste portrait, là, de vos membres? Est-ce
qu'ils embauchent même s'ils n'ont pas connaissance d'une autre langue que le
français sur l'île de Montréal?
M. Milliard (Charles) : Tu peux
y aller, Alexandre?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on dit dans notre
mémoire ce n'est pas qu'il n'y a personne qui embauche avec des exigences
d'anglais, ce qu'on dit, c'est qu'un employeur qui viendrait ajouter une
exigence de connaissance de l'anglais alors que ce n'est pas strictement
nécessaire dans une situation de pénurie de main-d'oeuvre et de rareté de
main-d'oeuvre comme on a aujourd'hui, qu'on va connaître pour les prochaines
années, il se tire dans le pied, donc, il connaîtra des enjeux de rareté de
main-d'oeuvre qui vont être à l'avantage de ses concurrents, puisqu'eux vont
aller chercher les employés qui ne maîtrisent que le français, il va réussir à
trouver des bons mécanismes afin de minimiser l'usage de l'anglais et
l'exigence de l'anglais auprès des employeurs. Donc, c'est plus à ce niveau-là
qu'on avait des préoccupations, qu'on vient dire... on vient tirer un petit peu
sur... mettre des obligations supplémentaires, alors que la loi du juste marché
vient déjà corriger un peu cette situation-là également.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je crois que le
député de Saint-Jérôme souhaite vous poser des questions. Merci beaucoup pour
votre présence.
La
Présidente (Mme Thériault) : Oui. Donc, M. le député de Saint-Jérôme, vous avez 2 min 15 s, à peu près.
M. Chassin : D'accord. Merci, Mme la Présidente.
M. Milliard,
M. Gagnon, merci de votre présentation. Je voudrais vous poser une question,
peut-être, d'abord, générale, puis, après ça, une question un peu plus spécifique. Dans les chambres de commerce membres de la fédération, voire dans les entreprises membres des
chambres de commerce, est-ce qu'il y a déjà une habitude de collaboration avec
l'OQLF? Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu de ce qui, déjà,
existe, là, sur le terrain en matière d'accompagnement de l'OQLF puis comment
vous l'évaluez?
M. Milliard (Charles) : Bien,
Alexandre... expliquer, effectivement, qu'est-ce qui en est, mais je profite de
votre présence, M. le député, pour mentionner, quand on parle de fardeau
administratif, vous et moi, on est bien placés pour savoir qu'est-ce qui en
est, avec les travaux qui ont cours, en ce moment, sur l'allègement
réglementaire. Quand on pense, entre autres, à l'ajout du projet de loi n° 59, je pense que vous êtes bien placé pour comprendre un
peu le point de vue qu'on peut avoir en termes de fardeau.
M. Chassin :
Là-dessus, on se comprend.
M. Milliard (Charles) : Oui, on
se comprend là-dessus. Mais, Alexandre, je te laisse aller...
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui. Effectivement, la FCCQ est impliquée avec
l'OQLF, que ça soit dans la promotion, évidemment, du français... dans le cadre
de notre concours, les Mercuriades, on remet un mérite du français auprès des entreprises qui se sont
démarquées afin de favoriser l'adhésion du français. Actuellement,
l'OQLF a mis en place un service d'accompagnement pour les plus petites PME.
Notamment, on peut penser, en prévision du projet de loi n° 96,
afin de faciliter cette transition-là, on encourage et on fait la promotion au
sein de notre réseau, les chambres de commerce de partout au Québec font des
partenariats avec l'OQLF depuis des années afin de mettre de l'avant les bonnes
pratiques. Donc, au niveau de la conscientisation, évidemment, on est très
impliqués, on a un bon support de l'OQLF...
M. Chassin :
Est-ce qu'on pourrait dire, à ce moment-là, que cette habitude de collaboration
avec l'OQLF explique, dans le fond, la position que vous avez de dire :
Bien, dans la loi, il y a un article, ce dont on s'inquiète, c'est davantage de
son application, d'où l'idée de requérir, par exemple, des guides des bonnes
pratiques puis un certain accompagnement que vous constatez déjà auprès de
l'OQLF? Pas tant, donc, de modifier l'article, mais de l'appliquer, de sa mise
en oeuvre concrète, de manière accompagnante et facilitante.
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux me permettre, le projet de loi,
actuellement, ce qui est décrit, c'est qu'il va y avoir un service de
francisation qui va être offert volontairement aux entreprises. Le contenu de
ce service de francisation là, il n'est pas décrit nulle part, donc on ne sait
pas qu'est-ce qui va être exigé de l'employeur, quelles sont les balises de
cette contrainte législative. Parce que ça a beau être écrit «volontaire», les
conséquences de ne pas s'y plier sont extrêmement importantes, donc...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin, malheureusement.
M. Chassin :
...projet de loi, disons. Merci, Mme la Présidente.
• (12 heures) •
La
Présidente (Mme Thériault) : C'est très rapide, deux minutes. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente.
M. Milliard, M. Gagnon, bonjour. Écoutez,
votre échange avec le ministre était fort intéressant sur le deux ans, six
mois. Je pense que vous, vous proposez deux ans, de permettre au nouvel
arrivant puis, bon, là, le ministre tient au six mois. Et j'ai l'impression que
vous avez tous les deux raison, en fait. C'est ça qui va être fort intéressant
à regarder, on fera de la médiation, je m'offre, parce qu'entre le six mois et
le deux ans, il y a peut-être quelque chose d'intermédiaire puis il y a peut-être
des situations particulières aussi. Mais c'est évident... et vous n'êtes pas
les seuls à être venus le dire et je pense que vous ne serez pas les derniers à
dire que six mois pour franciser quelqu'un,
il a beau habiter à Saint-Georges-de-Beauce, là, c'est quand même très
difficile, d'autant qu'un organisme en francisation est venu dire :
Écoutez, ça ne se fait pas le lendemain de son occupation de logement, là; s'il
arrive en octobre, ça peut aller en janvier, le cours de francisation, et ça ne
veut pas dire qu'il va pouvoir être à temps plein, parce qu'il faut qu'il
travaille pour gagner sa vie, pour payer ledit logement. Donc, j'ai
l'impression qu'il va falloir trouver un juste milieu qui répond à la fois aux
angoisses ministérielles de dire : Bien là, ils vont s'habituer à parler anglais, ce qui peut être, peut-être, une
prétention sur laquelle il faut se pencher, mais en même temps, bien, six
mois, bien, c'est à une vitesse absolument rapide.
Mais je vais aller tout de suite, moi, au fameux
article 36, qui est le non moins fameux article 46 sur l'exigence d'une langue
autre que le français à l'embauche. Vous en parlez dès le début et vous dites
que c'est un fardeau administratif important. On sait que, justement, en 2013,
c'est sur des considérations comme celles-là, le fardeau administratif, que la
CAQ n'a pas voulu appuyer, à l'époque, le projet de loi n° 14, qui était
le projet de loi de Mme De Courcy,
souvenez-vous, sur la langue française. Donc, le fardeau administratif, on le
sait, le gouvernement y est très
sensible, et vous, vous venez nous dire : Attention, l'article 36 va
impliquer un lourd fardeau administratif pour démontrer
le respect du critère qu'on a fait toutes les conditions nécessaires pour ne
pas avoir à exiger une langue autre que le français. Il y a le mot «réputé» que
j'ai appris, parce que j'ai fait un cours de droit en accéléré pour préparer ce
projet de loi là, il est marqué «un employeur est réputé ne pas avoir pris tous
les moyens raisonnables si», ta, ta, ta,
trois conditions qui, elles-mêmes, ne sont pas très claires, et vous le dites,
vous, clairement que les conditions ne sont pas très claires. Et donc
comment on fait la démonstration qu'on a analysé les besoins linguistiques
réels? Ce n'est pas objectif, ça. Comment démontrera-t-il qu'il a
restreint au maximum le nombre de postes exigeant une deuxième langue?
Alors, vous posez très bien les questions, vous dites : Ça va être très
difficile à répondre. Mais en langage législatif, le mot «réputé» est beaucoup
plus puissant en termes de fardeau que le mot «présumé». Alors, je veux vous
entendre sur votre inconfort par rapport à ce fardeau administratif et par
rapport à cet article 36 en particulier.
M. Milliard (Charles) : La
mention que vous faites du mot «réputé», je pense que c'est le mot-clé dans votre intervention, justement, c'est que le terme
est beaucoup plus puissant, donc la conséquence est puissante, mais le chemin pour s'y rendre est très sinueux et pas
nécessairement asphalté en ce moment, donc c'est ce qui inquiète les
gens.
Il faut comprendre que, nous, notre travail,
c'est de parler des récriminations ou des inquiétudes de nos membres. Mais
mettez-vous à la place d'un entrepreneur, en ce moment, c'est... comme on dit,
il faut se lever de bonne heure pour dire
publiquement qu'on est contre ce projet
de loi là ou contre certains éléments parce que ça peut être mal perçu,
alors que, comme je vous dis, une très grande majorité des milieux d'affaires
sont en faveur du concept.
Mais il y a des entrepreneurs qui nous appellent
qui sont un peu mal à l'aise de poser la question publiquement, parce qu'ils se
demandent comment on va faire avec nos départements de ressources humaines pour
non seulement s'assurer de rencontrer ces exigences-là, et un coup qu'elles
sont rencontrées, quand la situation dans le
milieu de travail va évoluer, comment on repasse par-dessus ça, et qu'on refait
une analyse sempiternelle, et éternelle, alors c'est ça qui inquiète les gens. Et j'aime penser que les travaux
d'une commission parlementaire, ça sert à préciser des intentions, justement, alors j'espère que, dans le
cadre des travaux, ça va devenir plus clair pour les directions de
ressources humaines comment arriver à être réputées avoir fait le travail en ce
moment.
Mme David : Donc, vous nous
relancez la balle en disant : On est inquiets, des entrepreneurs n'oseront
pas le dire publiquement. Vous, vous les
représentez. Vous êtes, grosso modo, d'accord pour la loi, mais, mais, mais
gros bémol, attention, nos membres peuvent
être très inquiets de l'applicabilité de cet article 35, c'est ça qu'on
doit comprendre, à cause, entre autres, du mot «réputé», dont j'ai
appris le poids légal extrêmement lourd. Quand on est réputé, on ne peut plus
bien, bien se défendre. Mais comment on peut se défendre contre des conditions
qui sont difficilement mesurables? Alors, est-ce que je traduis bien votre
inquiétude?
M. Milliard (Charles) : Oui.
Alexandre, est-ce que... si ça te va, oui?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on dit c'est qu'un
employeur, même de bonne foi et qui prend toutes les démarches pour respecter
les exigences qui sont à l'article 36, en raison du caractère un peu flou de qu'est-ce qui est correct, qu'est-ce qui est
admis, qu'est-ce qui est acceptable, pourrait se retrouver avec une
plainte et tout de même se faire dire qu'il
n'a pas respecté l'essence de la loi. Donc, on peut penser... par exemple, moi, j'ai besoin, pour un poste de travail, d'avoir deux personnes sur 10 qui
maîtrisent l'anglais, mais est-ce que j'ai le droit de présumer et de prendre pour acquis dans ma gestion des risques
que peut-être que, dans ces deux travailleurs-là, il y en a un qui va
être malade, il y en a un qui va partir en vacances, il y en a un qui va
quitter l'entreprise? Donc, finalement, est-ce que j'ai le droit de dire : Je vais en avoir besoin de trois ou je
vais en avoir de quatre pour suppléer à ces situations-là de surplus de travail ou non ou de départ
impromptu? Donc, c'est là qu'un employeur va... C'est ce qu'on écrit
dans le mémoire, on dit : Il va être
obligé de laver plus blanc que blanc afin d'éviter de se placer dans une
situation inconfortable.
Mme David : Donc, selon vous,
il faudrait qu'on retravaille sérieusement cet article-là.
M. Gagnon
(Alexandre) : En fait, ce
qu'on vient dire, c'est : Venez confirmer, donner le pouvoir
réglementaire de venir... ou qui va venir porter plus de précisions quant à
l'application terrain de ces articles-là. Donc, votre loi... les essences, elle
est bonne, mais il faut le préciser.
Mme David : O.K., mais, les
règlements, on ne les passe pas pendant qu'on passe la loi, ça vient après,
d'habitude. Alors, voilà le grand truc, quand on est ministre.
Je vais aller à l'article 44. Alors,
l'article 44, ce n'est pas le plus simple et sexy, mais ça a l'air bien
important. Et j'ai appris des choses — puis on veut toujours
apprendre, dans la vie — alors,
qu'est-ce que c'est que le secteur des dérivés. Alors, on est dans votre champ
de compétence, pas dans le mien, mais vous avez quand même des inquiétudes : «...il nous apparaît
contre-productif pour une société qui entretient des relations d'affaires à
l'étranger de devoir présenter un contrat traduit en français dans un premier
temps pour que celui-ci soit par la suite abandonné afin de maintenir une
version normalisée dans une langue autre que le français», etc.
Alors, qu'est-ce que ça pourrait être, les
conséquences, justement, pour vos entreprises si cet article-là était adopté
tel quel? Parce que, quand même, ça a l'air, ça aussi, d'être une lourdeur
administrative supplémentaire.
M. Milliard (Charles) : Juste
avant de laisser la parole à Alexandre, je veux vous dire que c'est la... vous
avez... dans votre temps de parole, vous avez adressé les deux principales
récriminations qu'on a, en ce moment, donc, préciser
l'article 36 et démontrer l'ampleur des enjeux de l'article 44. C'est
vraiment les deux choses qu'on entend... Alexandre, est-ce que tu veux parler
des dérivés?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, très rapidement, les produits dérivés, ça va
être des produits financiers un peu spéciaux, là, qui sont régis, notamment,
avec les bourses, avec les institutions financières. Donc, ces produits-là,
considérant que l'employé de la banque en question ou l'entreprise financière
est au Québec, même s'il fait des transactions informatiques, exemple, avec la
bourse de New York, donc, le contrat va avoir été réputé avoir été signé au
Québec parce qu'au moment où il était dans son ordinateur, il était au Québec.
Donc, le contrat va devoir être en français, mais, la bourse de New York, on va
leur présenter un contrat en anglais, un contrat qui a été
élaboré par des normes internationales au niveau des produits dérivés avec des
contrats très touffus, très élaborés, avec des normes très strictes. Donc, de
venir traduire ça dans le français va probablement les rendre très
inconfortables, mais avec... en leur disant qu'ils risquent d'avoir des enjeux
législatifs avec ça, avec des exigences par rapport à ça. On s'est fait dire par plusieurs de nos membres, de dire,
bien : Est-ce que je serais avantagé, plutôt, de... pour rassurer nos
partenaires commerciaux, de faire faire ces transactions-là par des employés
qui seraient en Ontario, par exemple, pour faciliter cette transaction-là ?
Donc, ce n'est pas quelque chose qu'on vise, pas quelque chose qu'on veut, non
plus, de nos membres, ce n'est pas ce qu'ils
veulent, mais la complexité supplémentaire, notamment dans un contexte où on...
le contrat en lui-même est élaboré par des normes internationales qui
ont été malheureusement faites uniquement en anglais, bien, on vient
complexifier de façon très importante des situations bipartites où il y a un
des interlocuteurs, qu'on ne peut pas lui exiger une connaissance du français,
là.
• (12 h 10) •
Mme David : Je
vous cite : «Cela forcerait les sociétés québécoises à payer plus cher
pour ce type de contrat. Les éléments
suivants subiront une hausse des coûts : taux de change, taux d'intérêt,
coût des matières premières et prix des marchandises.» Est-ce que ça
pourrait avoir une pression à la hausse, donc, sur le prix de certains services
ou de marchandises pour les consommateurs?
M. Gagnon
(Alexandre) : Bien, le...
M. Milliard (Charles) : Bien
sûr, réponse courte, c'est ce que l'ensemble des membres qui nous ont alertés
sur ce point-là nous mentionnent. Et non seulement contre-productif, mais il y
a un risque d'inflation des coûts, que vous avez mentionné.
Mme David : Et la réponse
longue?
M. Gagnon (Alexandre) :
Si je peux me permettre, c'est que, oui, effectivement, il va y avoir une
hausse des coûts. Du moment qu'on a une complexité administrative
supplémentaire, ça vient nous complexifier. Mais j'aimerais vous... même vous
amener... le gouvernement, dans les notions au niveau de l'administration
publique, vient se donner une certaine dérogation de certaines exemptions dans
les contrats lorsqu'ils font affaire avec une organisation internationale où le
français n'est pas la langue de base. Donc, ils disent : Dans ces
circonstances-là, on permet que le contrat soit en anglais ou dans une autre
langue que le français. Cette exemption-là ne s'applique pas, actuellement, aux
employeurs, aux partenaires privés, là, dans l'essence du p.l. n° 96,
actuellement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci met fin à l'échange.
Donc, nous allons aller du côté de la députée de
Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup
pour votre présentation. Moi, je voudrais vous amener sur la recommandation 7. Vous semblez très inquiets
du fait que la francisation en entreprise ou les services
d'apprentissage de français entrent en contradiction avec les opérations d'une
entreprise, l'efficacité, et tout ça. Vous savez, il y a des entreprises,
aujourd'hui — c'est
même perçu comme un avantage concurrentiel en cette période de pénurie de la
main-d'oeuvre — qui
offrent de façon volontaire des formations en français sur les heures de
travail, et j'essaie de comprendre votre
inquiétude par rapport à ça. Est-ce que c'est vous qui allez payer, etc.? On le
sait, c'est la façon la plus efficace pour les gens d'apprendre le
français, que ça se fasse pendant les heures de travail et non pas les soirs
les fins de semaine, quand les gens ont une
famille. C'est la même chose aussi avec la formation de la main-d'oeuvre, il
y a une loi qui oblige les employeurs à en faire une. La francisation, ça
devrait être la même chose.
Est-ce que vous ne pensez pas que vous avez même
un rôle auprès de vos membres et auprès des entreprises à les sensibiliser sur
l'importance, contrairement aux idées préconçues que, ah! bien, les employés,
ça va être moins efficace, ce n'est pas bon
pour mes opérations? Au contraire, c'est une bonne chose de former les
entreprises, notamment en francisation, sur les heures de travail.
Est-ce que vous avez un rôle là-dessus et pour même le promouvoir?
M. Milliard (Charles) :
Écoutez, on est tout à fait d'accord avec ce que vous dites, puis on l'a
mentionné avec M. le ministre tout à l'heure,
on reconnaît la responsabilité des employeurs pour favoriser la francisation
des employés.
Mme Ghazal : ...le milieu des
affaires dit tout le temps qu'il est d'accord avec le français, mais, quand il
s'agit de poser des gestes, de faire des actions, de mettre un peu d'argent,
ah! là, ce n'est plus votre responsabilité.
M. Milliard
(Charles) : Bien là, la vie est beaucoup plus compliquée que ça, Mme
la députée, là, mais je pense que...
Mme Ghazal : Ah! bien,
expliquez-moi la vie, monsieur...
M. Milliard (Charles) : Je n'ai
pas cette prétention-là. Ce que j'essaie d'expliquer, c'est qu'il y a une
différence entre prendre une mesure de façon volontaire puis avoir un avantage
compétitif — comme
vous l'avez mentionné, oui, certains le font — et d'avoir une certaine imposition
qui vient du gouvernement via Francisation Québec quand on ne comprend pas
encore les règles du jeu. Alors, la question vient plus d'un manque de détails.
Alors, il ne faut pas penser qu'on est
contre qu'il y ait des formations sur les heures de travail ou qu'il y ait des
coûts qui soient défrayés par les employeurs, mais on ne peut pas vous
donner un chèque en blanc, dire qu'on est absolument emballés quand on ne comprend pas exactement qu'est-ce qu'il en retourne
de cet article-là. C'est tout simplement ça.
Mme Ghazal :
Puis, vu que vous êtes pour, est-ce que vous êtes pour que... Même la loi du
1 % de la formation de la main-d'oeuvre, probablement qu'à
l'époque, quand elle a été instaurée, il y avait des gens du milieu des affaires qui disaient que c'était une mauvaise
chose pour leur entreprise, aujourd'hui c'est rendu une chose commune.
Est-ce que vous seriez d'accord qu'on augmente ce pourcentage-là et qu'on y
ajoute la francisation, par exemple?
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux me
permettre, en fait, la majorité... vous n'êtes pas sans savoir, peut-être, qu'on est une organisation qui
demande à réviser la loi du 1 %, évidemment pas dans le sens, peut-être,
que vous le proposez. La majorité des
organisations internationales ont changé leur modèle parce que ça amenait des organisations à investir le
strict minimum. Aujourd'hui, les entreprises qui sont assujetties investissent
1 %, celles qui ne le sont pas investissent, 2 %, 3 %, 4 %.
Donc, on en fait un exercice comptable, là.
Mme Ghazal : Donc,
d'augmenter...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Matane-Matapédia, pour le dernier échange de notre avant-midi.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente.
Bienvenue dans cette commission. Les chambres de
commerce réclament, je dirais, à hauts cris, davantage d'immigrants, davantage
de main-d'oeuvre. Nous, on pose une condition importante, et je vous en fais
part, nous exigeons une connaissance du
français de la part de tous les immigrants économiques et nous souhaitons qu'on
ajuste nos seuils en fonction de notre capacité d'accueil et d'intégration, et
plusieurs autres mesures qu'on a aussi à la hauteur des défis qui sont, quant à
nous, incontournables.
Donc, sur ce premier élément, êtes-vous d'accord
que, pour la réussite de chacune de ces aventures au Québec, de vie
professionnelle en socialisation, on doit exiger le français avant l'arrivée?
M. Gagnon
(Alexandre) : ...
M. Bérubé : Pardon?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, excusez-moi. En fait, non, par le simple
fait qu'on se limite dans le type d'immigrants dans lequel on peut aller
sélectionner et dans lequel on peut faire affaire. Donc, parfois, il y a des
expertises très pointues qui sont nécessaires dans nos milieux de travail, malheureusement,
et on met... On favorise puis on est pour le recours à des exercices de francisation
importants. On est pour, on pousse ça, puis on en fait, de la valorisation,
depuis plusieurs années.
M. Bérubé : D'accord.
M. Gagnon
(Alexandre) : Et, pour... si vous me permettez, pour la
capacité d'intégration, on est pour... on est, évidemment... on est d'accord
avec vous, mais on est encore en attente de savoir comment on va calculer cette
capacité d'intégration là, donc, qui est tant discutée depuis certaines années
au Québec.
M. Bérubé : D'accord. J'ai une
idée là-dessus, moi, puis je vous en fais part, à travers trois mesures :
d'abord, l'idée de régionaliser l'immigration, l'objectif minimal de 50 %,
en donnant la priorité aux immigrants qui s'engagent à s'installer en région,
et s'assurer qu'il y a des incitatifs à y demeurer, et bonifier l'aide
financière offerte aux candidats à l'immigration qui prennent des cours de français
avant leur arrivée au Québec.
Nous sommes d'avis qu'une façon de valider
l'intégration, c'est qu'elle se fasse en français. Et tant mieux si elle se
fait dans le monde du travail, mais le Québec, ce n'est pas l'Ontario, ce n'est
pas la même société, et ça appelle toutes les organisations,
y compris la vôtre, à avoir une sensibilité beaucoup plus grande à l'égard de
notre destin collectif.
M. Gagnon
(Alexandre) : On est d'accord sur plusieurs points que vous
dites. En fait, au niveau de la meilleure façon... puis de régionaliser, c'est
de mettre en lien avec les employeurs en région le plus rapidement possible,
dès qu'ils sont déjà à l'étranger. La majorité des besoins de main-d'oeuvre
sont à l'extérieur de Montréal, donc, si on a réussi à les mettre en lien, naturellement,
avec l'emploi, on va réussir à régionaliser.
Au niveau de l'aide de francisation avant
l'arrivée, évidemment, nous, on veut que l'immigrant soit le plus prêt possible
à intégrer son emploi, à exercer son métier, en français autant que possible,
le plus rapidement possible. Ça, on vous encourage à mettre ça en place, et
c'est d'ailleurs quelque chose qu'on favorise depuis plusieurs années. Donc, on
a cette ouverture que vous réclamez. On l'a, cette ouverture-là, au sein des
employeurs.
M. Bérubé : Parce que vos
membres sont... dans toutes les régions du Québec, notamment chez nous, je peux
vous dire une chose, non seulement on a besoin de main-d'oeuvre, nous aussi,
mais on est capables de bien intégrer l'immigration et faire en sorte que ça se
passe bien, que ce soit une réussite à tous égards, et on y gagne tous. Et des gens heureux, c'est aussi des travailleurs
qui sont fiers, qui sont heureux. Il ne faut pas sous-estimer cet enjeu-là,
d'être fiers d'être Québécois, d'être fiers d'être au Québec, d'apprécier les
opportunités que ça nous apporte, et la moindre des choses, c'est de respecter
notre langue nationale, de l'apprendre et de vivre en français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Donc, merci beaucoup, MM. Milliard et
Gagnon, pour votre présence en commission parlementaire ce matin. Donc, je vous
remercie pour vos précieux conseils.
Et nous allons maintenant suspendre les travaux
jusqu'après la période des affaires courantes. Merci. Bon appétit à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
(Reprise à 15 h 36)
La
Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission
de la culture et de l'éducation reprend ses travaux.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du
Québec, le français, et cet
après-midi nous entendrons la ville de Montréal, le Consortium des
cégeps, collèges et universités d'expression anglaise du Québec, le Mouvement
Québec français et M. Hugo Cyr, professeur et spécialiste en droit
constitutionnel de l'Université du Québec à Montréal.
Donc, je vais
souhaiter la bienvenue aux représentants de la ville de Montréal. Donc, Mme la
mairesse, la parole est à vous, nous présenter la personne qui vous
accompagne, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.
Bienvenue.
Ville de Montréal
Mme Plante (Valérie) : Parfait.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, oui, je suis accompagnée par ma collègue
Cathy Wong.
Alors, je me lance tout de suite, le temps est
compté. Alors, évidemment, je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui
dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 96,
parce que la ville de Montréal est une alliée et un partenaire de premier plan du gouvernement
du Québec dans la valorisation de la langue française. D'emblée, je souhaite réitérer qu'en tant
que mairesse de Montréal j'appuie le projet n° 96. Je
crois qu'avec cette réforme le gouvernement du Québec pose un geste fort pour
assurer le rayonnement de la langue française, qui est notre langue commune.
L'usage du français
comme langue de travail au sein de nos institutions
publiques, ce qui est mis de l'avant dans la réforme présentée par le
gouvernement, est un objectif que nous partageons et que nous priorisons, à la
ville de Montréal. En tant que plus grande
ville francophone d'Amérique, Montréal est et sera une alliée de la loi 101 et
de sa réforme.
Notre administration a consacré beaucoup
d'efforts afin de promouvoir la langue française, une volonté qui s'est concrétisée par l'adoption, en mars dernier,
du tout premier Plan d'action en matière de valorisation de la langue
française de l'histoire de la ville de Montréal ainsi que par la nomination de
la toute première responsable à la langue française du comité exécutif de la
ville de Montréal, Mme Cathy Wong.
Les administrations municipales qui nous ont
précédé auraient dû poser des gestes plus forts et il y a bien longtemps. Malheureusement, elles ont préféré ne
pas intervenir dans le débat, elles ont préféré laisser cette
responsabilité au gouvernement du Québec. Et notre équipe a répondu à l'appel
en travaillant d'arrache-pied pendant notre mandat pour créer un plan d'action
ambitieux qui redonnera toutes ses lettres de noblesse à la langue française,
la langue commune de Montréal et du Québec. Nous avons réfléchi profondément à
la place qu'a et que devrait avoir la langue française dans notre ville. Nous
nous sommes également assurés que notre démarque... notre démarche, pardon,
était ouverte et inclusive. Autrement dit, notre démarche prend en
considération les droits linguistiques de la communauté anglophone et ceux des
nations autochtones. Notre approche en est une de collaboration.
Alors, je laisse maintenant la parole à ma
collègue, Mme Cathy Wong.
Mme Wong
(Cathy) : Merci beaucoup, Mme la mairesse. Alors, bien sûr, dans cette
approche qui était très importante pour nous, nous avons consulté des gens
issus de différentes sphères de la société, le milieu des affaires, des groupes engagés dans la promotion et la
défense de la langue française. On a également parlé avec plusieurs
acteurs des milieux postsecondaires
francophones et anglophones. Et on est très fiers du résultat de tout ce
travail qui se retrouve aujourd'hui dans notre Plan d'action en matière
de valorisation de la langue française. Ce plan d'action contient 25 actions fortes qui vont faire en sorte
d'augmenter la promotion et le rayonnement de la langue française à
Montréal.
• (15 h 40) •
Et donc permettez-moi de profiter de cette
tribune aujourd'hui pour exposer quelques actions fortes de notre
administration en matière de valorisation de la langue française. Premièrement,
bien, vous l'avez sûrement lu, nous avons obtenu l'ensemble des certificats de
francisation dans la ville centre ainsi que de tous ces arrondissements. Le
dernier, Pierrefonds-Roxboro, est en voie d'obtention. C'est une première en
plus de 15 ans, et la ville se doit d'être exemplaire, et nous en sommes fiers.
Et dans les prochains jours, bien, nous allons
procéder à l'embauche de la toute première commissaire à la langue française de
la ville de Montréal. Cette personne va faire le suivi de tous les gestes que
posera la ville de Montréal pour valoriser la langue française et va s'assurer
que la ville adopte les meilleures pratiques à l'intérieur de ses murs
concernant l'usage du français.
On a également annoncé, ce matin, la création du
premier comité de suivi du Plan d'action en matière de valorisation de la
langue française à la ville de Montréal. Ce dernier sera présidé par
Mme Louise Harel, ancienne députée d'Hochelaga-Maisonneuve et ministre
sous différents gouvernements, qui a passé sa vie à travailler pour le
mieux-être de ses concitoyens en plus de travailler activement pour la langue
française. Et donc ce comité va aussi s'assurer que la métropole fasse toujours
mieux en matière de valorisation et de promotion de la langue française.
Nous avons également créé un prix de
reconnaissance qui va souligner la contribution d'une personne ou d'une
organisation montréalaise à la vitalité, au rayonnement et à la promotion du
français comme langue commune à Montréal.
Et donc, comme vous pouvez le constater, la
ville de Montréal, dans le respect des pouvoirs qui lui sont conférés, agit concrètement pour promouvoir le
français dans son développement économique, ses relations
internationales, le rayonnement de sa culture et de son développement social,
et nous appliquons cette vision à Montréal comme dans toutes nos relations
externes au niveau national et international.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la mairesse.
Mme Plante (Valérie) : ...
Une voix : Votre micro.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, je vais vous demander de recommencer, on ne vous a pas entendue.
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup. Oui, bien sûr. Je disais : Merci, Cathy.
Alors, le projet de loi qui est devant nous
réitère clairement que le français, c'est notre langue commune et celle de
l'intégration au Québec. Soulignons également qu'il prend en compte, comme je
le disais, les droits des minorités anglophones et des nations autochtones.
Nous avons ainsi adopté, à la ville de Montréal, une stratégie de
réconciliation avec les peuples autochtones en 2020. Les exceptions qui sont
prévues dans ce projet de loi pour prendre en considération les droits des
peuples autochtones sont donc appréciées.
Montréal est également le choix de résidence des
deux tiers de l'immigration du Québec. De plus, 40 % de la population
active de la métropole provient de l'immigration. Nous sommes convaincus que le
français, la langue française est un liant entre les diverses communautés qui
composent la riche mixité culturelle de Montréal. Cette langue commune fait
notre fierté, elle nous distingue aussi bien à l'échelle nationale
qu'internationale. Pour assurer sa valorisation à long terme, il est essentiel
de mobiliser toutes les communautés. C'est la mission que la ville de Montréal
s'est donnée.
Nous jouons
ici un rôle crucial dans l'intégration des nouveaux arrivants et dans leur
apprentissage du français, mais nous croyons que le rôle de la ville de
Montréal peut encore être plus déterminant que maintenant, avec un soutien
accru du gouvernement du Québec.
Actuellement, nous multiplions les actions en
promotion du français auprès des personnes nouvellement arrivées grâce à notre
Bureau d'intégration des nouveaux arrivants à Montréal, qui s'appelle le BINAM,
et à travers, également, ses partenaires, notamment les cégeps et les
universités. Nous sommes convaincus que tous les nouveaux arrivants désirent ardemment s'intégrer à leur
société d'accueil. Ils comprennent très bien que l'apprentissage du français est
un outil essentiel pour accélérer leur intégration. C'est donc un de nos rôles,
comme société d'accueil, de les accompagner dans cet apprentissage de la
langue française. C'est pourquoi nous appuyons la mise en place d'un guichet
unique québécois qui va aider les nouveaux
arrivants à apprendre le français et ainsi contribuer pleinement à la vie en
société.
Nous accueillons également de façon très
favorable la création d'un ministère dédié à la francisation ainsi que la
création d'un poste de commissaire. Il relève de l'évidence que les objectifs
du gouvernement du Québec en termes de francisation des personnes immigrantes
ne pourront être pleinement atteints sans une participation active de la ville de Montréal. Et, comme l'UMQ l'a si
bien dit, nous croyons que les municipalités doivent être exemplaires en
matière de langue française, autant dans leurs communications orales que dans
leurs communications écrites.
Mais certaines
dispositions du projet de loi soulèvent pour nous des questionnements par
rapport à leur mise en application. Pensons notamment à la disposition dans la
loi qui impose aux villes de communiquer uniquement en français avec les
nouveaux arrivants une fois que ceux-ci habitent au Québec depuis plus de
six mois. Cette disposition comporte des défis. Comme vous le savez, la
ville de Montréal offre de nombreux services directs aux citoyens. La ligne
téléphonique 311 gère une bonne partie de ces demandes. Les téléphonistes qui y
travaillent reçoivent des milliers d'appels de façon quotidienne. L'éventail
des demandes que nous y recevons est très large. Ils peuvent être de nature
informative, pratico-pratique ou financière, mais il arrive également que ces demandes
soient urgentes et qu'elles nécessitent une réaction immédiate, par exemple un
bris d'aqueduc qui inonde des maisons environnantes, un arbre qui menace de
tomber ou encore un avis d'ébullition d'eau qui a été émis à la population.
Comment pouvons-nous répondre à nos citoyens dans de tels cas urgents tout en
respectant entièrement et à chaque fois la
loi? Il est alors difficile, voire impossible de confirmer, preuve à l'appui,
si la personne qui appelle au 311 peut... pour obtenir de l'aide urgente
est au Québec depuis moins ou plus de six mois, alors, si elle est... si elle
est, oui ou non, exclue d'un champ d'application de la loi. Comme gouvernement
de proximité, nous nous assurons d'offrir des services de façon équitable qui
répondent aux besoins de toute notre population, surtout en situation
d'urgence. C'est pour cette raison que nous vous recommandons d'ajouter le
service 311 aux exclusions de la loi.
Ceci étant dit, sachez que, dans toutes les
communications de la ville, la ville s'exprime déjà en français avec les
citoyens et les citoyennes ainsi qu'avec ses partenaires. Comme vous le voyez,
la ville espère pouvoir travailler avec le gouvernement du Québec lors des
consultations en vue de l'adoption de la politique linguistique. Nous pourrons
ensuite moduler nos directives linguistiques à partir de la loi finale.
Enfin, permettez-moi de vous parler d'un
important vecteur d'intégration pour les nouveaux arrivants et qui est, bien
sûr, l'accès à l'emploi. C'est pourquoi plusieurs mesures de notre plan
d'action visent la communauté d'affaires, en collaboration avec divers
partenaires comme PME MTL, les chambres de commerce et les sociétés de
développement commercial. Nous devons encourager nos entreprises, nos PME et
nos commerces à faire du français la langue du commerce à Montréal. Les
organismes d'accompagnement peuvent travailler ensemble pour s'assurer que les
entreprises se créent et se développent en français, que des cours de
francisation soient donnés aux employés ou pour aider une petite entreprise à
franciser ses processus et ses documents de travail.
Finalement, une langue qui est riche, elle
est... bien, elle est riche quand elle est vivante, quand elle s'écrit, elle se
parle et se chante.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et c'est...
Mme Plante (Valérie) : La
promotion de la langue française... Ah! j'ai terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme Plante (Valérie) : Alors,
permettez-moi seulement de vous dire que nous allons continuer à souhaiter à ce
que la fête nationale soit diffusée ici, à Montréal. C'est un spectacle qui est
rassembleur et qui permet à tous les Montréalais, et Montréalaises, et tous les
Québécois de fêter ensemble le Québec et la langue française, notre langue
commune.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Merci, Mme la mairesse.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Mme la mairesse, Mme Plante, Mme Wong, bonjour.
Mme Plante (Valérie) : Bonjour.
M. Jolin-Barrette : Merci de
participer aux travaux de la commission.
Vous me permettrez particulièrement de saluer
Mme Wong, parce que je sais que vous ne vous représentez pas aux
élections. Alors, merci pour ces années dans le cadre du service public. Alors,
je vous souhaite le meilleur pour la suite.
Écoutez, je suis heureux d'entendre le point de
vue de la ville de Montréal parce que la ville de Montréal, c'est un acteur
central dans la promotion et dans la défense du français. Et je pense que votre
témoignage aujourd'hui en commission fait foi de la prise de conscience que
vous... que les élus de la ville de Montréal, que la ville de Montréal, au
cours des dernières années, ont eu, du fait que vous ne niez pas le problème
qu'il y a un enjeu linguistique sur l'île de
Montréal qui excède les frontières de la ville de Montréal, et vous avez
décidé, bon, de mettre de l'avant
plusieurs actions pour redresser la situation.
Et notamment, je me souviens, je crois, au printemps
dernier, vous aviez signé, Mme la mairesse, le front commun pour que la
loi 101 puisse s'étendre aux entreprises de juridiction fédérale. Pourquoi est-ce
que c'est important que la Charte de la langue française s'applique aux entreprises
de juridiction fédérale?
Mme Plante (Valérie) : Bien,
écoutez, comme on le mentionnait pendant... d'entrée de jeu, et je tiens à le réitérer, la ville de Montréal, de par sa
posture unique, c'est-à-dire terre d'accueil, mais également
terre où il se brasse beaucoup d'affaires, on a beaucoup de sièges sociaux,
donc il y a, ici, une grande vitalité tant culturelle et
économique, la notion même d'exemplarité, pour moi, elle
est importante, elle est importante pour la ville. Et, vous l'avez dit vous-même, il
y avait... disons que les... certains
éléments en lien avec l'exemplarité de la ville de Montréal faisaient
défaut, et, lorsqu'on s'est saisis de la question, on s'est dit : O.K., on
avance, on... vraiment, on trouve des solutions.
Alors, pour ce qui est des entreprises... ou
plutôt, excusez-moi, pour le gouvernement fédéral, je pense que la notion
d'exemplarité doit également s'appliquer comme pour le gouvernement du Québec, évidemment.
Ensuite, c'est de voir comment... On dit souvent que le diable est dans les
détails. Quels sont les moyens qui sont mis à disposition? Je pense que c'est
important de le considérer. Mais au final, si on veut que la langue française
soit notre langue commune, il faut
encourager, bien sûr, le secteur, comme je le disais, économique et
autre, mais il faut pouvoir aussi faire preuve d'exemplarité au niveau
des institutions publiques. Mme Wong?
Mme Wong (Cathy) : Je n'ai rien
à ajouter...
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc,
je comprends de votre réponse, Mme la mairesse, que vous êtes d'accord avec
nous qu'il faut étendre la loi 101 aux entreprises de juridiction fédérale. Et notamment,
je vous dirais, vous savez, Montréal, c'est le moteur économique du Québec
aussi, et, vous l'avez dit tout à l'heure, 80 % des personnes immigrantes
choisissent de s'établir dans la grande région de Montréal, et pour
l'intégration des personnes immigrantes,
c'est fondamental qu'elles puissent s'intégrer en français à la société
québécoise, et ce qu'on dit souvent, c'est
que les deux facteurs d'intégration les plus importants, c'est le marché du
travail et la connaissance de la langue.
On a vu, au cours des dernières années, les
études qui ont été publiées, notamment sur l'île de Montréal... l'OQLF, au
niveau notamment des municipalités de l'île de Montréal, les arrondissements,
également, qui exigeaient la connaissance d'une autre langue que le français
dans une forte proportion, plus de 50 %. On a vu également le fait que
parfois c'est difficile d'avoir des services en anglais sur l'île de Montréal.
Alors, il y a un travail à faire, une prise de conscience collective pour
dire : Bien, il faut améliorer le visage linguistique de Montréal. Bon,
dans le projet de loi n° 96, on y va sur la question
de l'affichage, on revient à la nette prédominance. Ça va avoir un impact sur
le visage francophone de Montréal.
Mais, sur la question de l'intégration en
français des personnes immigrantes, vous nous dites, dans... c'est une de vos
recommandations dans le mémoire : Bien, écoutez, six mois, c'est trop
court, il faudrait augmenter. Dans les
exemples que vous avez donnés tout à l'heure, vous disiez : Bien, écoutez,
s'il y a un avis d'ébullition d'eau, s'il y a une question de danger, de
santé et de sécurité... Je vous rassure tout de suite, ces mesures-là sont déjà
prévues par des exclusions, nommément, dans le projet de loi n° 96.
Alors, là-dessus, il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
Mais, sur la question de l'intégration, et on a
eu ce débat-là ce matin avec un autre invité, relativement au délai, le
principe de base du projet de loi n° 96, c'est de
dire : Chaque personne immigrante, on l'accueille dès le départ en
français, c'est le principe général. Il y a une exception qu'on peut aller
jusqu'à six mois pour communiquer avec lui dans une autre langue que le
français. Mais qu'est-ce qui arrive si on fait comme vous le proposez puis on
étend ce six mois-là à une durée plus grande? Pour inciter les gens à adopter
le français comme langue... Parce que je pense que c'est notre défi le plus
grand, à Montréal, de dire : On s'intègre en français sur l'île de
Montréal. Or, on voit que les tendances linguistiques sont difficiles sur l'île
de Montréal. L'adhésion à la langue anglaise, elle est très, très forte. Alors,
si on ne réussit pas à mettre des mesures comme je le propose dans le projet de
loi n° 96, comment est-ce qu'on va réussir clairement
à inviter les nouveaux arrivants à choisir le français?
Mme Plante (Valérie) : Bien, tout
d'abord, permettez-moi, M. le ministre, peut-être certains éléments... je pense
que... pour toutes celles et ceux qui nous écoutent en ce moment. Évidemment,
je suis ici comme mairesse de la ville de Montréal, et, comme on le sait,
Montréal comporte 19 arrondissements. Il y en a seulement un, arrondissement,
qui a un statut bilingue. Par contre, sur l'île de Montréal, il y a 16 autres
villes liées, comme on les appelle, des villes avec leurs champs de compétence et
leur statut, donc la ville de Montréal n'a pas juridiction sur ces villes-là.
Et, sur ces 16 villes liées qui sont sur l'île de Montréal, 13 ont un statut
bilingue. Alors, pourquoi je vous dis ça? Parce que, pour moi, c'est quand même
important que chacun prenne ses responsabilités en fonction de son cadre légal
et de son statut.
Peut-être un autre élément aussi où je me
permets, M. le ministre... Vous avez parlé de la statistique comme quoi
50 % des arrondissements et des municipalités de Montréal affichent des
postes requérant l'anglais. C'est important de savoir que ce n'est pas un poste
sur deux qui demande de l'anglais, on parle ici d'une municipalité sur deux.
Alors, si on calcule le nombre de municipalités, là, il y a Montréal plus les
13 autres. Alors, je veux quand même faire une petite nuance. Et pour vous dire
à quel point, pour nous, c'est important, à la ville de Montréal, sur les
5 000 embauches, en 2019 seulement, sur 5 000 embauches, il y a eu
seulement 180 postes qui ont demandé la compréhension ou un niveau d'anglais.
Alors, je tiens à le mentionner parce que, bien sûr, il y a toujours matière à
amélioration, mais, vous le savez, on disait, le diable est dans les détails,
les chiffres sont importants.
Maintenant, pour ce qui est... je serais très
heureuse, je sais que c'est une période de questions à mon égard, mais, quand
vous dites que, dans le projet de loi, au niveau du... il y a des mesures qui
sont prises concernant... vous m'excuserez, là, je pense que vous faisiez
référence au 311.
M. Jolin-Barrette :
...sécurité, la santé et la sécurité.
Mme Plante (Valérie) : Oui,
c'est ça, je le sais, voilà, exactement. Je pense que ma seule nuance, ce
serait de dire que, pour le 9-1-1, c'est très clair, quand on fait le 9-1-1,
c'est une urgence. La précision que je veux amener et la
préoccupation que j'amène, c'est qu'est-ce qu'on fait lorsque... Le 311 peut
parler autant de collecte de déchets jusqu'à un avis d'ébulation...
ébulation... d'ébullition, excusez-moi, donc c'est juste un spectre très large,
et on veut juste s'assurer que, quand il y a une question qui touche la
sécurité publique, la sécurité civile, on puisse agir rapidement. Et donc
comment est-ce que ça va s'appliquer ou comment on va pouvoir s'assurer de
respecter la loi? Parce que c'est notre souhait.
Finalement, pour ce qui est de la période, vous
comprendrez bien que c'est au gouvernement du Québec de décider quelle est la
période, comment dire, un peu tampon où une personne, un nouvel arrivant doit
apprendre le français. Moi, ce que j'ai surtout envie de vous dire, M. le
ministre, c'est que je veux surtout m'assurer que personne n'est exclu. Et,
comme je disais, je suis convaincue que tous les immigrants veulent apprendre
le français, parce que c'est... ils savent que c'est un outil essentiel pour
pouvoir participer à la vie en société. Mais ce que je trouverais dommage,
c'est qu'un six mois strict, sans équivoque, en vienne à mettre des personnes
de côté.
Et là je nous amène au 311. Qu'est-ce qui se
passe le jour où, le lendemain du six mois, la personne nous appelle parce
qu'il y a un événement urgent? Qu'est-ce qu'on répond? Qu'est-ce que l'on fait?
Et comment est-ce que ça s'applique? Donc, c'est vraiment dans cet ordre-là. Je
comprends vos préoccupations, on a le même objectif. Mais je pense qu'il faut
se donner de la flexibilité, et c'est ce que la ville de Montréal demande,
d'une certaine manière, concernant, en tout cas, le 311.
Mme Wong, je ne sais pas si vous voulez
ajouter quelque chose.
M. Jolin-Barrette : Et donc, au
risque de me répéter, dans le fond, la politique linguistique de l'État, donc,
couvre les ministères, les organismes, incluant les municipalités. Et là, suite
à l'adoption de la politique linguistique, il y aura des directives qui vont être
données par la ville, et notamment certaines exceptions. Donc, les cas que vous
soulevez, notamment au 311, pourront être couverts. Donc, en termes de
prévisibilité pour la ville, tout ça va permettre d'établir clairement les
situations auxquelles vous faites référence, et on pourra les travailler
ensemble, notamment pour être sûrs que, pour les citoyens, ce soit très clair.
Je veux juste qu'on revienne sur le fait... Vous
dites : Il ne faut pas exclure personne. Je suis très d'accord avec vous,
et surtout l'importance que nous avons d'intégrer, au Québec, particulièrement
à Montréal, en français, les personnes immigrantes. Parce que, vous savez, il y
a d'autres études, également, qui sont sorties où on dit : Sur l'île de
Montréal, 63 % des entreprises exigent une langue autre que le français.
Alors, ça, c'est un drôle de message parce que c'est comme... on dit aux
personnes immigrantes qui viennent au Québec, qui viennent à Montréal, on leur
dit : Venez, vous êtes dans un État de langue française, la langue
officielle de la ville de Montréal, c'est le français, la langue officielle du
Québec, c'est le français, mais par contre, si vous voulez travailler, si vous
voulez intégrer le marché du travail, il faut que vous parliez une autre
langue. Alors, déjà là, il y a un enjeu. Il faut faire en sorte que les
Québécois et les Québécoises puissent travailler en français dans la langue
commune. Donc, le message sociétal qu'on doit envoyer, c'est très clair, de
dire : Bien, écoutez, partout au Québec, incluant Montréal, ça se passe en
français. Puis on n'est pas dogmatiques, là. S'il y a des postes qui requièrent
la connaissance d'une autre langue que le français, l'employeur, en vertu de
46, va pouvoir le demander, mais ça ne doit pas être systématique. Donc, il
faut mettre fin au bilinguisme institutionnel.
Ça m'amène à vous poser la question... On a
entendu certains candidats à la mairie dire qu'ils souhaitaient que la ville de
Montréal devienne bilingue et devienne multiculturelle. Est-ce que... Qu'est-ce
que vous pensez de ces affirmations-là?
• (16 heures) •
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Et je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez
dit concernant le français comme langue commune de travail et la langue
d'affaires, et c'est dans cet esprit que, quand
on dit qu'on a beaucoup de véhicules très efficaces à la ville de Montréal,
PME MTL, les chambres de
commerce, vraiment, pour être des acteurs clés de... j'aurais envie de dire,
pour pouvoir propager ou faire de la francisation, mais de faire vraiment de la
langue française notre langue commune, là, de travail. Alors, je partage votre
objectif.
Mais, écoutez,
je suis, comme vous pouvez l'imaginer, avec les efforts qui ont été déployés
par notre administration pour la valorisation de la langue française au
cours des derniers mois, tout à fait en désaccord avec une position comme celle
d'un candidat à la mairie actuel. Je pense qu'on doit plutôt travailler
ensemble.
Encore une fois, le projet de loi, pour moi,
fait... respecte les droits inscrits dans la Charte canadienne concernant les
anglophones et les... pardon, les personnes des communautés autochtones. Et,
pour moi, ça, je pense que c'est important, mais c'est déjà prévu dans la loi.
Mais il faut venir valoriser, toujours mettre
plus de l'avant la langue française en se donnant les moyens, en se donnant les
outils pour être fédérateurs, pour créer de l'adhésion. Moi, c'est beaucoup ça
sur lequel je mise, à Montréal, créer un sentiment d'appartenance. J'aime dire
que le français doit devenir notre liant social, notre colle, et ça l'est quand
même beaucoup, j'ai envie de vous dire, parce qu'on s'en est préoccupé. Ceci
dit, le... on sait qu'il y a 94 % des Québécois qui déclarent être
capables, vraiment, de soutenir une conversation en français. On doit se baser
là-dessus puis aller encore plus loin pour que ça devienne, comme on disait,
notre langue de travail, notre langue quotidienne et puis bien intégrer les
nouveaux arrivants.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie...
Mme Wong (Cathy) : Si je peux
me permettre, en complément de réponse, M. le ministre, vous avez parlé du
multiculturalisme auquel faisait référence un autre candidat à la mairie. Si
vous regardez le plan d'action de la langue française que
nous avons mis de l'avant, ce plan d'action montréalais est réellement dans une
perspective d'interculturalisme où, dans les trois axes que nous présentons, le
troisième axe porte spécifiquement sur la question d'intégration des nouveaux
arrivants dans la langue française. Et, dans les différents projets que nous
avons menés dans la dernière année avec le BINAM notamment, le Bureau
d'intégration des nouveaux arrivants, plusieurs de ces projets se sont faits en
lien avec des projets en langue française de francisation. Et donc notre
approche a toujours été celle de l'interculturalisme, où, pour nous,
l'intégration doit se faire dans la langue commune. Et où on fait le pont entre
non seulement le BINAM, qui a un rôle à jouer dans l'intégration des nouveaux
arrivants en français, mais également lorsqu'on parle de l'importance du
rayonnement et de la promotion de la langue française, mais que ça se fasse
également dans l'intégration des nouveaux arrivants. Alors, ces ponts-là, ils
se font de façon très naturelle dans l'ensemble
de nos approches en lien avec la question de l'intégration des nouveaux
arrivants et de l'interculturalisme, et c'est vraiment la vision que
nous souhaitons mettre de l'avant à travers notre plan d'action sur la langue
française.
La commissaire à la langue française, qui va
rentrer en fonction bientôt, dans les prochaines semaines, portera également, à
travers son mandat, le mandat de faire rayonner la langue française, mais non
seulement à travers, je veux dire, des... à travers la culture, l'économie,
mais surtout auprès des nouveaux arrivants. Et donc c'est dans une perspective
d'interculturalisme que cette personne pourra le faire également.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie, à vous deux, pour votre présence en commission parlementaire. C'est
fort apprécié. J'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions.
Merci beaucoup.
Mme Plante (Valérie) : Merci à
vous.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député de Chapleau, un
peu moins de deux minutes, question, réponse.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente.
Mme la mairesse, Mme Wong, bonjour.
Merci de votre présentation.
Donc, rapidement, peut-être sur le plan dont
vous nous faisiez mention, là, le lien que vous faites, donc, avec l'idée, là, le plan... l'interculturalisme
c'est-à-dire, pardon, et le lien avec la langue, mais aussi la culture
québécoise, donc, vous avez parlé d'intégration par la langue, mais
est-ce que vous incluez également la notion de culture québécoise dans
l'interculturalisme à Montréal? Justement, je pense qu'il y a quand même un
volet qui est essentiel, qui est important. Peut-être, nous éclairer sur ce
plan-là, également.
Mme Wong (Cathy) : Merci pour
question. Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais je vais essayer
de garder ça en une minute.
Alors, bien sûr, ce plan se divise en
trois sections : la première parle de l'exemplarité, de la conformité
de la ville, la deuxième section parle de la valorisation, alors, toutes les
actions que la ville de Montréal mène en lien avec la culture, avec le
développement économique, et la troisième portion porte sur la question de l'intégration
autant au niveau des nouveaux arrivants que des étudiants internationaux, par
exemple.
Et donc, oui, la réponse à votre question,
rapidement, c'est oui, absolument, il y a un lien qui est nécessaire, et nous,
à la ville de Montréal, à travers nos maisons de la culture, par exemple, à
travers nos bibliothèques, nous avons un rôle extrêmement important de faire
rayonner la langue française. Et on sait que ce sont des lieux très importants
pour les nouveaux arrivants, les bibliothèques et les maisons de la culture, et
donc il y a plusieurs actions dans ce sens-là dans notre plan d'action.
Mme la mairesse l'a mentionné dans son discours
également, en lien avec la Saint-Jean-Baptiste, le désir de diffuser ce
spectacle à chaque année parce qu'on sait que c'est un moment fort d'identité,
mais de fierté pour les nouveaux arrivants.
Alors, vous allez retrouver, dans notre plan, là, vraiment cette vision
interculturelle de l'intégration des nouveaux arrivants.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, fort intéressant.
Mme Wong (Cathy) : Merci.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Nous allons maintenant du
côté de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente.
Bonjour, Mme la mairesse, Mme Plante.
Mme Wong, enchantée de vous rencontrer aujourd'hui.
Écoutez, j'aurais voulu... mais je ne vous
demanderai pas de réponse, Mme Wong, parce qu'ici on est beaucoup dans la
différence entre trois concepts, mais je vous dis juste ça comme ça pour dire
que c'est beaucoup déposé dans... parce
qu'il y certains interlocuteurs qui, au lieu de parler du multiculturalisme...
évidemment, on en parle, mais négativement, la plupart du temps,
l'interculturalisme, mais le nouveau concept, la convergence culturelle, qui
n'est pas nouveau, qui existe depuis plusieurs années, mais qui revient, je
dirais, dans plusieurs des mémoires de gens qui pensent que ça serait une
meilleure façon. Alors, juste pour vous dire qu'effectivement c'est... tout ça,
c'est très intéressant, de dire :
Est-ce qu'on fait de l'interculturalisme ou de la convergence culturelle? Mais
je pense qu'on peut résumer en disant qu'on veut beaucoup, beaucoup
favoriser l'intégration des nouveaux arrivants à la culture québécoise.
Alors, là-dessus, je ne veux justement pas vous poser la question, parce qu'on
ferait un grand débat de concepts pendant les quelques minutes que j'ai.
Mais vous avez déposé un plan, effectivement, et
je vais vous amener sur une chose en particulier pour commencer, la question de l'enseignement supérieur, parce que, d'abord,
ça m'intéresse et parce qu'en 2017, quelques mois, probablement, avant votre élection, Mme Plante, Mme la
mairesse, j'avais eu l'occasion de souligner quelque chose
d'exceptionnel avec votre prédécesseur, qui était le fait que Montréal avait
été nommée première ville au monde, ce n'est pas rien, là, de quoi... ça
n'arrive pas tous les jours qu'on est première ville au monde, en termes
d'appréciation par les étudiants internationaux de la ville dans laquelle ils étudient,
ils et elles étudient. C'était... moi, je trouvais que c'était exceptionnel comme reconnaissance, je le trouve encore. Ça
n'a pas nécessairement été le cas après, parce qu'il y a beaucoup de villes, hein, où étudient les étudiants
internationaux, mais tout ça pour dire que Montréal était la ville la
plus appréciée au monde. Et, quand on voit ça, c'est parce que... la qualité
des universités, le fait qu'il y a des universités
anglophones, des universités francophones, et il y a tous les collèges qui font
partie de l'enseignement supérieur.
Alors, à ce moment-là, il avait été créé, si je
ne me trompe pas, un bureau de l'enseignement supérieur où il était... qui
était en plan, mais je pense qu'il a été créé. Pour moi, la question des
étudiants internationaux présents à Montréal, la question des étudiants qui ne
sont pas nécessairement francophones de souche, comme on dit, est une question
centrale à la question de Montréal qui est l'épicentre, je dirais, de la raison
pour laquelle on est réunis ici, c'est-à-dire le projet de loi n° 96, sur
la langue française. Montréal, là, c'est l'épicentre, et dans l'épicentre, il y
a ce formidable atout que constituent les étudiants internationaux. Moi, je
trouve qu'on n'en fait pas assez, et c'est un euphémisme quand je dis ça, on
n'en fait vraiment pas beaucoup pour franciser les étudiants internationaux.
Alors, je
veux avoir votre avis là-dessus. Je veux savoir si le bureau existe encore, je
veux savoir si vous y croyez et si vous êtes capable de travailler plus
avec les collèges, les universités pour dire, un : Restez ici; deux :
On va vous apprendre le français pendant que vous étudiez, et puis vous allez
apprécier, puis vous allez pouvoir répondre en français sur la rue
Sainte-Catherine quand vous avez... quand vous travaillez dans les petits
commerces.
Mme Plante (Valérie) : Alors,
merci beaucoup pour votre question. C'est intéressant, parce que la vision que
notre équipe a pour faire en sorte que Montréal continue d'être une ville très
compétitive à travers le monde, en compétition
avec d'autres grandes villes, c'est sa capacité à attirer des talents, à
attirer des étudiants qui non seulement font vivre l'économie pendant
qu'ils sont ici, mais qui deviennent aussi... qui viennent combler les besoins
au niveau de la main-d'oeuvre. Et les
grandes villes du futur vont être en compétition directe, elles le sont déjà,
pour la main-d'oeuvre qui est disponible, et on la veut de qualité pour
créer de bons emplois également.
Donc, cette question-là est au coeur de notre
vision : Comment on positionne Montréal par rapport aux autres villes du
monde? Et la question, justement, de comment est-ce qu'on attire des étudiants,
bien, oui, ça passe par des établissements postsecondaires de très grandes
qualités. Et, bien que... je dois vous rassurer, Mme la députée, que Montréal
est toujours en tête au niveau de sa qualité, la qualité, l'appréciation des
étudiants à travers le monde. Bien sûr, la COVID a eu un impact, là, c'est
évident, mais la reprise est, somme toute, très, très importante, puis on tire
très bien notre épingle du jeu.
Donc, le travail qui est fait avec les
universités et les établissements postsecondaires est fondamental. Et, dans
notre plan d'action dont ma collègue Mme Wong parlait, on a fait une place
de choix, justement... ce travail de collaboration qui est déjà bien enclenché.
Les universités sont des partenaires avec qui nous travaillons pour s'assurer
que, quand un étudiant arrive ici, il puisse non seulement étudier, ça, c'est
pour ça qu'il est venu ici, mais on veut
qu'il y ait une intégration, parce que, si on réussit très rapidement à
intégrer via le français des étudiants étrangers, bien, il y a des bonnes chances qu'ils restent à
Montréal parce qu'ils se rendent compte qu'à Montréal la qualité de vie
est exceptionnelle, c'est, somme toute, très abordable puis il y a des
opportunités de carrière vraiment intéressantes.
Alors, le français est un élément clé, et le
travail qu'on a fait avec les universités jusqu'à maintenant, c'est des projets
aussi simples que... simples, mais très efficaces, au niveau de la culture.
Quand une personne rencontre le français via, par exemple, la culture et ce que
c'est de découvrir des spectacles, de voir des expositions, d'être vraiment mis
devant notre magnifique culture montréalaise et québécoise, il y a quelque
chose qui se passe. Donc, il y a énormément de projets de cet ordre-là. Et,
dans notre plan d'action, cette place importante à la collaboration avec les
universités, elle est présente.
Pour ce qui est du bureau, le bureau n'existe
pas, mais les collaborations, elles, oui.
• (16 h 10) •
Mme David : Justement, on va voir des collèges tout à
l'heure, on l'a même entendu, les collèges anglophones seraient prêts à
faire plus pour la francisation de leurs étudiants qui ne maîtrisent pas
suffisamment le français. Il y a des
universités anglophones, vous le savez, qui sont très près du centre-ville,
sinon carrément dans le centre-ville, et qui ont des étudiants
internationaux, mais des universités francophones, aussi, avec des étudiants de
partout dans le monde. C'est une main-d'oeuvre exceptionnelle. Vous l'avez dit,
ce sont des gens qui peuvent rester, passer leur vie, tomber en amour, avoir un
travail, être bilingues, être trilingues. Mais nous, on a proposé qu'il y ait
des antennes du ministère de l'Immigration sur tous les campus, sur tous les
campus, pour offrir gratuitement les cours de français, ce qui n'existe pas,
actuellement. Oui, il va y avoir des cours, maintenant, en principe,
accessibles avec le projet de loi, mais comment la ville de Montréal peut faire
plus pour s'assurer que ces étudiants-là soient francisés, à part des choses
plus générales, là?
Mme Plante
(Valérie) : Bien, tout
d'abord, j'aimerais quand même juste... en termes de cadre de gouvernance,
la ville de Montréal, bien sûr, s'occupe de... comment dire, au niveau de sa
fonction publique, hein, plus grand employeur de la
région métropolitaine de Montréal, et les collaborations qu'on fait, soit avec
le milieu des affaires ou encore avec l'université, sont absolument
primordiales.
Moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est qu'on
fait déjà beaucoup, mais on a besoin d'avoir les moyens de nos ambitions. Je
considère que Montréal, via ses différentes collaborations... en fait, c'est
des liens qui sont déjà très forts, on peut aller tellement plus loin. Là où
c'est difficile, c'est qu'on n'a pas nécessairement les ressources pour le
faire. Je vais laisser, bien sûr, au gouvernement du Québec décider quelle
serait la meilleure façon d'implanter, par exemple, des antennes, par exemple,
si c'était une volonté du gouvernement. Je respecte vraiment la juridiction du gouvernement
d'agir dans l'application de la loi.
Mais ce que je peux vous garantir, c'est que
l'expertise qu'il y a à la ville de Montréal, les liens qu'on a avec le milieu
communautaire, avec les premiers arrivants, avec les... comme je disais, avec
le milieu des affaires, l'écosystème, puis là je le fais, c'est très large,
quand on parle du milieu économique, mais également le milieu d'enseignement...
Donc, je pourrais vous donner une quantité de programmes qui existent déjà, de
voir comment on peut les bonifier, mais c'est efficace. Et la force de Montréal,
c'est qu'elle nous offre une grande ville, mais à échelle humaine, et donc ces collaborations-là
sont tout à fait possibles. Et on est au centre, la ville de Montréal est comme
un peu un pivot, mais il faut nous utiliser davantage. Mme Wong.
Mme Wong (Cathy) : Oui, je me
permettrais d'ajouter avec deux exemples concrets, là, sur lesquels nous avons
échangé avec les universités anglophones au centre-ville.
Le premier est en lien avec la possibilité pour
des étudiants internationaux qui arrivent à Montréal de découvrir la culture québécoise
en leur offrant un accès à cette culture québécoise là, parce que, bien, ces
étudiants vivent dans un microcosme, hein, sont comme dans une bulle au
centre-ville et ces étudiants, puis c'est ça que les universités nous ont dit,
ils souhaitent avoir accès à cette culture-là, mais une culture qui est
davantage accessible, qui est davantage vulgarisée et qui leur permettra de
découvrir la culture francophone et québécoise. Et donc on réfléchissait, justement,
avec eux de la possibilité de développer ce parcours-là avec les universités
pour offrir aux étudiants cette possibilité de découvrir la culture québécoise
dans leurs premières années à Montréal et qui pourrait favoriser, justement, la
francisation, la compréhension. En fait, ce que les étudiants nous disent,
c'est : On a envie d'apprendre le français à l'extérieur des classes, on
veut rencontrer des gens, on veut assister à des spectacles et découvrir cette
culture. Donc, ça, c'est un exemple tout simple dans lequel on pourrait
travailler et où on souhaitait justement collaborer davantage avec les universités.
Dans un deuxième temps, lorsqu'on parle de
rétention des étudiants universitaires à Montréal, beaucoup d'entre eux, notamment
à la ville de Montréal, souhaitent trouver un travail, un emploi, et souvent
c'est leur premier emploi, hein, lorsqu'ils graduent de l'université. Et, bien,
nous, nous avons des exigences en lien avec la langue française, ce qui fait en
sorte que, bien, parfois, au niveau de l'embauche, bien, certains de ces
étudiants n'ont pas accès à... en fait, c'est plus difficile pour eux d'avoir
accès à certains emplois. Et donc on avait réfléchi, par exemple, à cette possibilité-là
de créer des stages, à créer des types d'emplois qui permettraient la
francisation des étudiants anglophones ou internationaux qui souhaitent
travailler au sein de l'administration publique et qui pourraient, à travers
cette opportunité d'emploi là, bien, découvrir, apprendre la langue française.
Et donc ça serait un programme, comme un programme de parrainage, qui
permettrait à des étudiants anglophones, internationaux de parfaire son
français tout au long de ses premiers mois de travail comme employé de la
ville, alors, des programmes comme on en fait pour les nouveaux arrivants, par
exemple, mais, cette fois-ci, davantage... en fait, davantage spécifiques aux
étudiants internationaux, de l'international ou anglophones.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Merci. Ça met fin à l'échange
avec la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Donc, Mme la députée de Mercier, pour vos
2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme
la Présidente.
Mme Plante, Mme Wong, merci beaucoup
pour votre présentation. Vous avez raison de souligner que la ville de Montréal
a souffert pendant longtemps d'inaction en matière de protection de... pas de
l'environnement, mais de la langue française, et je suis contente de vous
entendre parler des actions que vous avez mises en place, et tout ça. Donc,
c'est très, très important.
Puis vous en
parlez un peu, il y a beaucoup de choses qui peuvent être difficiles à mettre
en application, notamment les
communications orales. Votre site Internet aussi affiche en anglais. Je me
rappelle, dans le mémoire de Mmes Louise Harel et Louise Beaudoin,
elles disaient que, pour la ville de Montréal, le projet de loi n° 96 est
une révolution.
Donc, je voulais savoir qu'est-ce que vous
avez... Est-ce que vous sentez que vous avez les ressources suffisantes pour
mettre en place les dispositions qui sont dans le projet de loi n° 96?
Vous disiez que vous aviez besoin d'outils, et tout ça. Peut-être plus
précisément, est-ce que c'est quelque chose de faisable ou si ça va prendre
beaucoup, beaucoup, beaucoup de ressources de la part du gouvernement du Québec
pour vous aider?
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup pour la question, elle est très, très pertinente, parce que, je le
disais en introduction, pour réussir cette stratégie, cette réforme de la
loi 101, qu'on salue, il faut vraiment que la ville de Montréal soit
positionnée... il faut qu'on nous donne vraiment le moyen de prendre notre
envol, mais vraiment de contribuer à cette stratégie. C'est vraiment comme ça
je le vois.
Évidemment, le fait que nous allons nommer, dans
les prochains jours, une commissaire qui pourra travailler de concert avec un
ou une éventuel commissaire au sein du gouvernement du Québec sur la question
de la langue française va aider. Mais définitivement, Mme
la députée, je souhaite ardemment que les ressources financières... Je sais
qu'il y a des ressources financières qui ont été données à des organismes pas
plus tôt qu'en début de semaine, d'ailleurs, on s'en réjouit, hein, des
organismes communautaires qui font des merveilles sur le terrain, qui
travaillent sur la ligne vraiment, là, ils rencontrent les gens, ils font un
travail de médiation culturelle incroyable et amènent... favorisent
l'intégration. Mais la ville de Montréal... et, bien sûr, ça se déploie dans
différentes actions, mais ce qui est mis dans ce plan d'action là, c'est du
sérieux, ça a été bien colligé, et on souhaite que le gouvernement du Québec
dise : Montréal, on veut travailler ensemble, on est derrière vous,
aidez-nous à accomplir ce grand objectif.
Mme Ghazal : J'ai peu de temps.
Donc, je comprends que ce n'est pas suffisant, il en faudrait plus. Il y a eu
le Syndicat de la fonction publique du Québec qui... aussi les fonctionnaires
du Québec communiquent directement avec des citoyens au lieu que... pour le
fameux six mois, au lieu de commencer à communiquer avec eux et elles tout
de suite en anglais en pensant que, nécessairement, s'ils ne parlent pas
français, ils parlent anglais, ils ont proposé que le gouvernement du Québec
mette en place un service d'interprétariat dans la langue d'origine de ces
personnes jusqu'à ce qu'elles apprennent le français, et après ça on communique
avec elles en français. Là, c'est six mois, mais on pourra avoir des
discussions pour revoir cette... prolonger un peu cette période-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin...
Mme Ghazal : Est-ce que vous...
intéressée à ce qu'il y ait le même service à la ville de Montréal?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin, donc juste un «oui» ou un «non», parce que je dois céder
la parole à un autre député. Oui, non?
Mme Ghazal : Merci.
Mme Plante (Valérie) : Ah!
oui...
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui? D'accord. Merci.
Mme Plante (Valérie) : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
On va dire «oui». Parfait.
M. le député de Matane,
2 min 50 s.
Désolée, hein, je suis la gardienne du temps.
Désolée.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente.
Mme Plante, Mme Wong, soyez les
bienvenues. Montréal est une ville de la langue française, c'est à l'article 1 de la charte. Ça, on doit toujours
l'avoir en tête. On est en campagne électorale municipale, et moi, je suis d'avis qu'on devrait avoir un grand
débat sur Montréal, ville francophone, entre les candidats à la mairie. Ça ne
semble pas être votre cas, Mme la mairesse.
Ce qui m'intrigue, c'est que vous avez dit...
dans un balado qui s'appelle Corner Booth, une question qui est posée
par l'animateur, qui dit que c'est la dernière chose dont on devrait parler,
vous avez répondu «absolutely». Je suis un peu étonné que vous ne vouliez pas
en faire un enjeu.
Je ne vais pas plus loin parce que c'est
l'élection municipale, mais vous avez dit d'autres choses qui m'intriguent
encore plus. Sur la langue de service, vous avez indiqué que l'ensemble des
citoyens, quelle que soit leur langue,
devraient avoir des services qui sont accessibles, le plus de services possible
en anglais pour accommoder, ça pourrait être en italien, ça pourrait
être en une autre langue. Donc, j'ai de la misère à concilier les ambitions que
vous avez dans votre plan versus le propos
que vous tenez, dans ce cas-ci en anglais, il y a quelques jours à peine.
Pouvez-vous donner des éclaircissements?
• (16 h 20) •
Mme Plante (Valérie) : Oui,
tout à fait. Je vois mal le contexte de la campagne électorale dans cette
position, mais permettez-moi de vous dire que, depuis le début, ce que je dis
devant la communauté francophone est la même chose que je dis devant la
communauté anglophone, c'est-à-dire, quand je vous parle de la difficulté d'appliquer... ou du moins des problématiques
liées à l'application de la loi actuelle pour le 311. Dans des cas
d'urgence, pour moi, ça, c'est important et c'est pour ça que je suis devant
vous, en toute franchise, pour vous parler de cette problématique-là.
M. Bérubé : ...question.
Mme Plante (Valérie) : Donc,
moi, c'est exactement...
M. Bérubé : Ce n'est pas de
ça...
Mme Plante (Valérie) : Bien,
M. Bérubé, je m'excuse, vous avez posé...
M. Bérubé :
J'ai la transcription que je fournirai...
Mme Plante (Valérie) :
...question, je vous réponds. Bien, écoutez...
M. Bérubé : Je fournirai la
transcription à la commission. Ceci étant dit, vous...
Mme Plante (Valérie) : Dans
tous les cas... Bien, je n'ai pas fini ma réponse, donc...
M. Bérubé : J'ai deux minutes,
madame. J'ai deux minutes, madame, mais...
Mme Plante (Valérie) : Bien,
vous me posez une question à développement pour un deux minutes. Permettez-moi
de douter de...
M. Bérubé :
D'accord, je vais en poser qui se répondent par oui ou non, très bien.
Mme Plante (Valérie) : Bien, je
ne pense pas pouvoir répondre à votre question, si elle est aussi longue que la
première, en un «oui» ou un «non», mais allez-y, M. Bérubé.
M. Bérubé : Non,
elle est très courte. Vous avez le député, devant vous, qui est responsable de
la fameuse motion «Bonjour! Hi!», et la volonté, c'était de démontrer que, dans
la langue de service, à Montréal, la langue de la vente au détail, il y avait
un problème. J'espère que Montréal voit ça de façon très sérieuse. Je vous
demande de faire preuve de votre influence auprès d'une organisation que je
connais bien, qui s'appelle Tourisme Montréal, qui a des liens très étroits
avec la ville de Montréal, avec le gouvernement du Québec, pour que le mot-clic
qui est utilisé pour définir Montréal à travers les réseaux sociaux soit autre
chose que #MTLmoments, ce qu'on retrouve depuis des années. Je vous avoue que ça m'agace beaucoup. C'est ce genre de
détail qui n'en est pas un.Alors, il y a une relation très privilégiée
avec la ville de Montréal. Moi, j'aimerais bien que les gens qui viennent à
Osheaga et ailleurs utilisent un autre mot-clic. Ça fait partie de l'identité
qu'on veut donner à Montréal. #MTLmoments, je trouve que ça ne rend pas le service
français...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et malheureusement je dois mettre fin à cette période d'échange. Je suis
désolée, Mme la mairesse.
Mme Plante
(Valérie) : ...qui n'était
pas une question, mais je vous souhaite une belle fin de journée, M. Bérubé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous souhaite également une belle fin de journée.
Nous allons suspendre nos travaux quelques
instants...
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
... —
merci, il n'y a pas de problème —
pour permettre aux autres participants de prendre place. Merci de votre passage
en commission.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 30)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons donc nos travaux et nous recevons le Consortium des cégeps, collèges et universités d'expression
anglaise du Québec, et ça sera M. John McMahon, qui est vice-président
du consortium, qui fera la présentation.
M. McMahon, mesdames messieurs, bienvenue. La parole est à vous pour 10
minutes, après ça je devrai couper votre présentation. Allez-y.
Consortium des cégeps, collèges et universités
d'expression anglaise du Québec
M. McMahon (John) : Merci.
Bonjour à tous et toutes. Merci de nous recevoir. Nous sommes ici aujourd'hui en tant que membres du Consortium des cégeps, collèges et universités
anglophones du Québec. Toutefois, nous tenons à préciser que ce mémoire
ne reflète que la préoccupation du English College Steering Committee, un regroupement
de collèges anglophones qui, depuis plus de 25 ans, s'est réuni régulièrement
pour discuter de dossiers d'intérêt commun. Ce comité est composé des collèges
Champlain, Dawson, Heritage, John-Abbott, Marianopolis et Vanier.
Mon nom est John McMahon, coprésident du
consortium et du English College Steering Committee et directeur général du
Vanier College. L'équipe qui est avec moi aujourd'hui comprend John Halpin,
directeur général du cégep John-Abbott, Diane Gauvin, directrice générale du
collège Dawson, et
Richard Filion, ex-directeur général au collège Dawson et conseiller au
dossier.
Compte tenu du temps
limité pour cette présentation et du fait que les collèges anglophones ont été
la principale cible de critiques dans les médias et lors d'auditions, le
consortium a convenu que ce mémoire reflétera la position des collèges. Nous ne
parlerons donc pas de préoccupations que les universités pourraient ou non
avoir par rapport à ce projet de loi.
Cela dit, il vaut la peine de souligner que la
mise sur pied du consortium, une nouvelle alliance collaborative de neuf
institutions postsecondaires au Québec, soit de six collègues du English
College Steering Committee avec les universités Bishop's, Concordia et McGill,
a été motivée par la nécessité d'entreprendre des recherches sur la migration disproportionnée de diplômés
d'expression anglaise et de remédier à ce problème avec des actions
concrètes. Ce consortium se donne comme mission de soutenir la rétention,
l'emploi et la réussite des diplômés de nos collèges et universités parce que
nous croyons au Québec et à son avenir.
Je me tourne maintenant vers ma collègue du
collège Dawson pour la poursuite de cette présentation.
Mme Gauvin (Diane) : Mme la
Présidente, M. le ministre, distingués membres de cette commission, les
établissements que nous représentons font, depuis maintenant plus de 50 ans,
partie intégrante de l'écosystème d'enseignement collégial. Tout au long de ces
années, nos collèges ont été animés par une mission éducative qui s'est
résolument voulue au service de la société québécoise. L'exercice de notre
mission s'est toujours effectué en ayant à l'esprit l'importance de
l'apprentissage et de l'usage du français dans la formation de nos étudiants.
Cette préoccupation s'est traduite, au fil des ans, non seulement à travers des
cours de français langue seconde, mais aussi par la mise en place de nombreuses
mesures de soutien à l'apprentissage de cette langue et l'offre d'activités
visant à la fois l'exposition à la culture québécoise et à la socialisation en
français.
Nous sommes préoccupés par le fait que ce projet
de loi ait été, en partie du moins, élaboré en fonction d'une prémisse voulant
que nos collèges soient des facteurs d'anglicisation du Québec. Nous contestons
cette allégation. Bien sûr, nous aidons des jeunes Québécois à mieux connaître
la langue anglaise et, oui, nous les aider à développer des compétences qui
pourront leur être bénéfiques dans leur cheminement professionnel et aussi les
ouvrir à d'autres cultures et à d'autres modalités d'appréhender le monde, mais
aussi, par la mixité des mots linguistiques de nos populations, nous aidons à
parfaire la connaissance du français chez ceux pour qui ce n'est pas la langue
maternelle. Nous aidons à une meilleure compréhension de l'autre et nous les
aidons à intégrer la société québécoise.
Malheureusement, on nous a enfermés dans un
narratif dans lequel on nous fait jouer le rôle de vilains, un narratif dans
lequel s'opère un glissement subtil de la notion de bilinguisation à celle
d'anglicisation. Nous ne nions pas l'importance de protéger et de promouvoir le
français, bien au contraire. Nous reconnaissons la nécessité de protéger et de
valoriser le statut du français au Québec et nous adhérons à l'idée de faire du
français la langue commune et la langue de l'intégration et de sensibiliser à
l'importance de cette langue et de la culture québécoise comme liant de notre
société. Nous sommes prêts à en faire plus, si on nous en donne les moyens.
Maintenant, abordons les dispositions du projet
de loi qui nous concernent. Tout d'abord, au sujet de la fixation de
l'effectif, en ce qui a trait aux dispositions particulières de l'enseignement
collégial, les stipulations apparaissant aux articles 88.0.4 et suivants
concernant la fixation de l'effectif étudiant dans nos établissements sont
lourdes de conséquences. La ministre de l'Enseignement supérieur a fait
connaître, en juin dernier, l'effectif attribué à chacun des établissements
collégiaux publics de la grande région de Montréal. Ces effectifs doivent faire
l'objet d'une réévaluation annuelle, considérant la hausse démographique
anticipée. Selon les documents présentés à ces effets par les officiers du
MEES, les orientations fixant ces effectifs totaux pour nos établissements
s'appuient sur le projet de loi n° 96, notamment l'alinéa 88.0.4.
Donc, en principe, cet effectif vaudrait pour l'automne 2021 et pourrait
faire l'objet, à l'instar des autres établissements collégiaux de la région de
Montréal, d'une réévaluation annuelle suivant les données observables. Or, il
s'avère que cette détermination pour les cégeps anglophones sera effective pour
une période de 10 ans, jusqu'en 2029...
(Interruption) Pardon. De deux choses l'une :
ou bien on respecte l'esprit du projet de loi, et l'effectif total peut alors
être révisé chaque année, comme l'indiquent les dispositions 88.0.4, ou
bien on ne les respecte pas, ou on fonctionne selon les orientations présentées
dans le projet de loi, incluant la possibilité d'accroissement prévue au
paragraphe 2° de l'article 88.0.4, ou on ne le fait pas. Comme nous
le recommandons dans notre mémoire, nous demandons donc que la fixation des
effectifs totaux attribués par le ministre de l'Enseignement supérieur se fasse
pour une période de trois ans, soit jusqu'à
l'automne 2024, et que cet effectif soit révisé au terme de cette période,
et qu'en conséquence l'application
des pénalités financières déterminées au projet de loi soit différée
jusqu'au terme de cette période.
Maintenant, pour ce qui est de l'article 4,
l'article 4 vient établir qu'une personne qui a reçu l'enseignement en
anglais au primaire, secondaire et collégial doit avoir acquis les compétences
suffisantes pour utiliser le français comme langue commune afin de pouvoir
interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise et participer à son développement.
Cet énoncé, réitéré dans l'article 62 du projet de loi, les
articles 88.10 et 88.12, louable dans son intention, pose le défi d'identifier
quelles sont ces compétences suffisantes et surtout soulève l'enjeu d'en
distribuer la responsabilité entre les différents ordres d'enseignement. Quel
sera l'égard... pardon, quel sera, à cet égard, le mandat de l'instruction
obligatoire? Est-il légitime de penser qu'à la sortie de l'école secondaire
tout élève recevant son diplôme a atteint ces compétences? Quel rôle devra
alors échoir à l'ordre collégial en pareille instance?
Venons-en à l'article 88.0.12 du projet de
loi, sur lequel nous entretenons de fortes réserves. Pour évaluer la
connaissance du français des non-ayants droit, le projet de loi préconise
l'imposition d'une épreuve terminale de français dont le contenu serait le même
pour les étudiants ayant reçu l'enseignement collégial donné en anglais et en français.
Cette proposition recèle plusieurs difficultés. Signalons que le cursus
collégial est fort différent en ce qui a trait
à l'enseignement du français selon le secteur. Au secteur français,
on parle de quatre cours de langue et littérature totalisant
240 heures, tandis qu'au secteur anglais on retrouve deux cours de français
langue seconde totalisant 90 heures. D'envisager administrer une épreuve
uniforme dont le contenu est le même indépendamment du secteur dans lequel
l'étudiant a fait ses études collégiales est proprement inquiétant. Cela
reviendrait à procéder à une même mesure d'évaluation pour des objets
d'apprentissage radicalement différents. Il y a là manifestement quelque chose
de profondément inéquitable. Nous demandons donc que la
disposition 88.0.12, apparaissant à l'article 58 du projet de loi
n° 96, soit retirée.
Pour ce qui est de la priorisation des ayants
droit, la détermination des ayants droit et la volonté du législateur de leur donner une certaine forme de
priorité dans le processus d'admission de nos collèges soulèvent un
certain nombre d'enjeux. D'abord,
qui sont ces ayants droit? En outre, l'introduction d'un critère sociolinguistique pour l'admission dans les collèges
vient interférer avec le critère normalement utilisé pour donner accès à l'enseignement supérieur, celui de la qualité du dossier académique. Pour
combiner ces deux critères dans une approche équilibrée visant à préserver les
chances de réussite de nos étudiants, il faudra tenir maintes discussions afin
de bien calibrer l'utilisation de ces deux facteurs.
Notre troisième recommandation consiste donc à
demander que l'entrée en vigueur des mesures visant à prioriser les ayants
droit soit repoussée à l'automne 2024. En conséquence, nous souhaitons l'établissement
d'une période de transition de trois ans afin de prendre la juste mesure de
l'impact des dispositions du projet de loi n° 96 une
fois adopté. Nous souhaitons ainsi... aux propos tenus par la ministre McCann,
qui nous a dit plus d'une fois, en juin dernier, qu'on saura prendre le temps
de bien faire les choses. Merci beaucoup.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Pile dans votre 10 minutes.
Donc, sans plus tarder, nous allons aller à la
période d'échange avec... M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente.
M. McMahon, M. Halpin,
Mme Gauvin... je crois que c'est M. Filion, hein, qui n'est pas là...
oui, M. Filion, bonjour. Écoutez, merci de participer aux travaux de la
commission parlementaire.
D'entrée de jeu, là, je comprends que vous
exprimez les points de vue, également, de l'Université McGill, de l'Université
Concordia et de l'Université Bishop's, qui sont membres du Consortium des
cégeps, collèges et universités d'expression anglaise du Québec, c'est bien ça?
M. McMahon (John) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Écoutez, dans un premier temps, est-ce que vous êtes d'accord avec la
limitation qu'on propose au niveau du collégial, le plafond qu'on vient insérer
dans le cadre du projet de loi?
M. McMahon
(John) : Oui, mais, certainement, il y a une distinction à faire, parce qu'en février les trois collèges de
Montréal ont dit : Avec une limitation pour nous autres, pour les trois
collèges dans l'île de Montréal, oui, on sera d'accord avec ça, la limitation,
mais c'est différent pour les autres collèges dans les régions anglophones,
comme Heritage College, comme certains campus de Champlain. Ce n'est pas «one
size fits all». Mais, pour les trois grands collèges
de Montréal, on sera d'accord avec une limitation de notre devis, on n'a aucun,
aucun désir pour «enlargement» des trois collèges dans l'île de Montréal.
M. Jolin-Barrette : Et ça, je comprends que c'est pour toujours? Donc, vous êtes à l'aise qu'on limite ça à
17,5 %.
Une voix : Non.
M. McMahon (John) : «Toujours»,
c'est un mot... La recommandation pour le futur immédiat, oui, mais la
recommandation, c'est pour regarder ça pas en 10 ans, mais peut-être en
deux, trois ans et regarder la réalité de la situation à ce moment-là pour
avoir une politique qui est vraiment répondre au le besoin courant.
M. Jolin-Barrette : Le besoin
courant. Supposons qu'on prend votre hypothèse, là, qu'on réviserait ça dans
deux, trois ans, là, supposons qu'il y aurait des places à ajouter, là, sur
l'île de Montréal, là, la Fédération des cégeps, ce matin, là, est venue nous
suggérer que, si jamais il y avait des places à ajouter dans les établissements
collégiaux anglophones, on devrait prioriser les cégeps qui sont... qui sont
publics, financés à 100 % par l'État. Est-ce que vous êtes du même avis,
qu'on donne davantage de places à Dawson qu'à Marianopolis?
M. McMahon (John) : Oui, mais,
comme M. Tremblay a dit ce matin, la Fédération des cégeps, c'est vraiment
une fédération de 48 cégeps publics. Nous sommes cinq cégeps publics
anglophones, mais on travaille très, très fort, très bien avec nos collègues
francophones dans la Fédération des cégeps. Mais ça, c'est les cinq cégeps
publics. Notre organisation d'English College Steering Committee, c'est bien
compris avec Marianopolis, un collège privé subventionné. La position des
collèges privés, certainement, avec respect, on peut «agree to disagree», mais
le collège privé a une autre position. On respecte ça, mais nous sommes
complètement d'accord avec la Fédération des cégeps concernant les cégeps
publics.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la
question du déclin du français, là, il y a plusieurs auteurs qui disent que le fait qu'il y ait une progression supplémentaire
dans le réseau collégial anglophone, ça fait en sorte que ça a un impact
sur le français en
général au Québec. Vous émettez des doutes, là, par rapport à ça, là, à la
page 3 de votre mémoire, là. Vous émettez des doutes relativement
au fait que, lorsqu'on fréquente un établissement collégial anglophone, on risque
de tendre davantage vers la culture anglo-saxonne, qu'on... également qu'il y a
un facteur d'anglicisation.
M. McMahon
(John) : On va travailler vraiment comme une «tag team», et je demande
mon collègue M. Halpin à répondre.
M. Halpin (John) : Je pense
que, M. le ministre, c'est important de... premièrement, par rapport au déclin
du français, pour nous, c'est clair que... quand on a 7 millions de
francophones habitant dans un continent avec 330 millions d'anglophones,
c'est clair que, pour nous, il y a une grosse pression sur le français. Et,
comme vous avez dit ce matin avec Bernard Tremblay, il y a un enjeu pour le
français, et nous devons tous travailler ensemble pour promouvoir le français.
Donc, de notre point de vue, c'est clair qu'il y a du travail à faire, et on
est prêts à le faire. Nous sommes quand même étonnés, dans le projet de loi
n° 96, qu'il n'y a rien dans le projet de loi pour améliorer le français de nos étudiants anglophones. Nous sommes présentement limités par les règlements, règlements des études collégiales, à
90 heures d'enseignement, français langue seconde. Nous voulons en faire
plus, mais c'est les lois de notre ministère qui nous en empêchent. C'est clair
que...
M. Jolin-Barrette : ...combien
d'heures vous voudriez dans le cursus?
M. Halpin (John) : Ça, c'est quelque
chose qui... ce matin... Parce que, pour augmenter les cours de français, ça va
prendre du courage, parce que ça implique des changements au cursus de
formation générale et au RREC, et il va y
avoir des effets sur les conventions collectives. Donc, c'est clair que ça va
prendre un dossier là-dessus
et une concertation. Mais est-ce qu'on est ouverts à en faire plus? Oui, mais
il faut prendre le temps de digérer comment le faire de la bonne façon, comme
notre ministre nous... Il faut prendre le temps de bien le faire.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
juste pour être clair, là, juste savoir, là, parce que moi, je dois quitter la commission
tout à l'heure, là, à la fin de la journée, puis je veux juste être sûr de
votre position. Donc, pour Champlain, pour Dawson, pour Heritage, pour
John-Abbott, pour Marianopolis et pour Vanier, vous me dites : M. le ministre,
s'il vous plaît, faites changer le règlement sur les études
collégiales et augmenter... dans le cursus pour les cégeps anglophones,
augmenter le nombre de cours de français. Donc, c'est ce que vous souhaitez? Je
vous demande : À combien de cours?
M. Halpin (John) : On est absolument
ouverts à le faire. Si on rajoute deux cours, ça peut avoir un impact sur 100 à
200 emplois, donc ce n'est pas quelque chose qui se fait sans parler au
syndicat, ce n'est pas quelque chose qui se fait sans réviser la formation
générale. Si vous savez l'historique, il y a eu un rapport préparé il y a quelques
années qui parlait de faire un changement à
la formation générale, le rapport Demers. Il y a très peu des recommandations
qui sont sorties du rapport Demers qui ont été implantées justement parce que
ça prend du temps et ça prend du courage à changer le cursus de l'éducation
collégiale.
M. Jolin-Barrette : O.K., mais
je vais vous reposer ma question, là. Puis je comprends qu'il y a les
syndicats, il y a des emplois, puis tout ça, puis ça, on va s'occuper de ça
parallèlement, mais là on est sur la question de la langue, là, l'importance
pour les étudiants qui vont dans vos établissements collégiaux d'avoir une
bonne maîtrise de la langue française. Vous savez qu'on impose l'épreuve
uniforme de français, puis vous avez de fortes réserves, vous dites que ça va entraîner des difficultés, c'est
inquiétant, c'est inéquitable, vous dites que c'est incongru, il n'y a
pas de valeur ajoutée rocambolesque. Bon, je ne suis pas d'accord avec ça dans
votre mémoire, mais je vous demande clairement, là : Combien de cours ça
prendrait, combien d'heures de cours ça prendrait, en fonction des six cégeps
anglophones, pour que les étudiants qui étudient dans vos établissements
d'enseignement collégiaux aient une bonne maîtrise de la langue française?
M. Halpin (John) : Je vais me
permettre une réponse rapide, et puis Diane va continuer. Il faut comprendre
que, depuis 1995, les collègues travaillent avec un programme de compétences.
Bien, comme on dit dans notre mémoire, il faut définir la compétence qu'on veut
atteindre et, après ça, on pourra définir les heures de cours que ça prend,
donc, et c'est plus un travail de longue haleine parce qu'il faut... c'est
quoi, là, quelle compétence qu'on veut atteindre, et après ça on décidera
combien de cours. Si on se base sur ce qui se passe dans...
M. Jolin-Barrette : Bien, moi,
je vous dirais une chose, l'épreuve uniforme de français, là, est dans le
projet de loi, puis, tous vos étudiants
collégiaux, allophones et francophones qui sont dans vos établissements
d'enseignement, afin de pouvoir diplômer puis d'avoir leur D.E.C., il va
falloir qu'ils passent l'épreuve uniforme, ça fait que ça serait le temps d'y
penser pour nous dire combien de cours vous voulez pour faire en sorte que vos
étudiants puissent diplômer adéquatement dans le cadre de leur parcours
scolaire.
Je vous soumets ça. Je vais céder la parole à mes
collègues, notamment le député de Sainte-Rose, qui veut poser des questions,
mais je vous invite à y réfléchir sérieusement sur le nombre de cours que ça va
nécessiter.
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que vous complétez la réponse, Mme Gauvin?
Mme Gauvin
(Diane) : Bien, juste pour vous dire que, quand on regarde pour
s'assurer que les étudiants maîtrisent bien le français, je pense qu'il faut
regarder primaire, secondaire, collégial, il faudrait que ça s'harmonise.
Et ensuite, bien,
pour répondre plus précisément à votre question, ce n'est pas nécessairement ce
que je souhaite. Par contre, les prérequis pour écrire l'examen... l'épreuve
uniforme de français, c'est d'avoir fait trois cours de littérature en français.
Donc, ce n'est pas la réponse, ce n'est pas nécessairement ce que je
recommande, mais ça serait... c'est le prérequis pour écrire l'épreuve
uniforme.
M. Jolin-Barrette :
Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, on va maintenant su côté du député de Sainte-Rose, et vous avez
6 min 15 s.
M. Skeete :
Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi de vous saluer et de vous remercier de
votre présence en commission.
Very
nice to see you again, Mr. McMahon. We had the chance to speak before the
tabling of the bill. I'm very happy that we have the chance to talk today.
The
Minister spoke about the ability and the desire of the college system to do
more, to move the needle, so to speak, in terms of the English Quebeckers' ability to be more proficient in
French. What I'm hearing today is an openness to explore that possibility. I
want to thank you for that openness.
I
was wondering what are your thoughts with regards to the dispositions of the
bill that will give English-speaking Quebeckers first kick at the can when it comes to admission
processes. What are your views in there? Because I'm reading in your memoire that you guys have some
concerns about that. Is it a logistical «how-do-I-go-about-doing-that»
type of concern or is it a principled
«we-don't-think-that-anybody-should-be-cutting-a-line» type of concern?
M. Halpin
(John) : Je pense que, premièrement, nous ne sommes pas des
institutions anglophones, nous sommes des collèges qui servent tous les
Québécois et qui offrent une éducation en anglais. C'est important, cette
différence-là. Quand on a reçu nos lettres patentes, c'était pour offrir
l'enseignement collégial, il n'y avait aucune référence à la langue.
La ministre McCann,
récemment, a lancé un grand chantier et des millions de dollars
d'investissement sur la réussite académique. Donner l'admission en sciences à
un ayant droit avec une moyenne générale au secondaire de 65 pour qu'il soit
ultérieurement refusé à l'entrée, université, n'est pas une définition de la
réussite, d'après nous.
Par contre, nous
allons toujours travailler très fort pour trouver des voies de passage aux
étudiants anglophones, mais, comme nous disons dans notre mémoire, il faut
trouver la bonne façon de le faire pour standardiser les admissions, et donc
nous demandons trois ans pour définir la bonne approche.
M. Skeete :
Si vous me permettez, j'aimerais justement rajouter sur ce point-là, parce que
moi, je reçois de nombreuses plaintes de la communauté d'expression anglaise,
de Québécois qui veulent accéder un réseau qui est fait et fabriqué pour eux,
où est-ce qu'ils peuvent être enseignés en anglais, et ils me disent :
M. Skeete, avec une moyenne de 85, je n'arrive pas à rentrer en sciences
humaines. Pour moi, pour un Québécois d'expression anglaise qui a fréquenté vos
institutions, ça veut dire que moi, je n'aurais pas pu être admis, ça veut dire
que moi, je n'aurais pas pu poursuivre, par la suite, à faire mon université,
par la suite ma maîtrise.
Donc, êtes-vous
concernés par le fait qu'il y a des Québécois d'expression anglaise, avec un
choix limité d'institutions où est-ce qu'on offre des cours en anglais... ne
peuvent pas accéder au réseau parce qu'il y a un contingentement de
francophones qui veulent venir à vos institutions et, par le choix même, il y a
une sélection à la hausse des moyennes pour
ces gens-là? Je comprends que vous ne voulez pas réduire la qualité, là, puis
vous contrôlez les mesures que vous voulez mettre en place pour ça, mais
est-ce que vous trouvez ça normal qu'un Québécois d'expression anglaise avec
une moyenne soi-disant élevée ne réussit pas à être admis à l'intérieur de vos
institutions parce qu'il y a cette compétition-là avec la majorité francophone?
M. McMahon
(John) : Of course, we're concerned by that,
as you and I spoke about back in the Spring. That's
always been a concern. We do not need a law in order for us to be concerned
with that. There have been two periods, really, in the last 15 years, where it has been more a concern than any other, and
one was in 2009, 2010, 2011, and the other just recently.
The
issue is we're institution of higher learning, so there are going to be
programs that are very competitive. And as my colleague had already mentioned,
we serve all students. We don't discriminate on a basis of language, we accept
students who are francophone, allophone, anglophone. The reality is that some
programs in our colleges have become very difficult to get into, and we're very
conscious of that. We are working together, as the English College Steering
Committee, to address that issue. As we said before in this...
M. Skeete : Mr. McMahon, if I may, and my time is limited, I didn't mean
to cut you off, but I just want to follow up on something that you said because
I think... you say that a law is not needed, but English-speaking high schools
throughout Québec have been
raising this as a red flag for years, and the situation has only gotten worse. So, I'm wondering if it's not a bill that
you're proposing that would make a difference to help English-speaking Quebeckers access their network, what else can we do to move the
needle here? Because it's a real issue. We have quality students who simply
cannot get into CEGEPs.
M. McMahon
(John) : As I said, we don't need a bill. However, if there is a bill,
and I'm presuming that this «projet de loi» will continue, our recommendation
is because it is a complex subject, that time is needed for our colleges to
adopt a policy that balances access and excellence. That's what our
recommendation is. Are you willing to accept that recommendation now that we're
in an agreement that something needs to be done and to give us the time, as a
college network of English colleges, to have a policy in place that responds
well to not only the English community, but the Québécois community that we've
been serving for more than 50 years?
M. Skeete : Your concerns are duly noted, and I would agree, I wouldn't want a situation that was described by your
colleague where average or subaverage students are accessing simply on the
basis of language certain highly restrictive programs. That's not the illusion
that we... that's not the vision that we have with this bill. But what we do
have is a very serious problem of disenfranchisement of English-speaking
Quebeckers who have the inability to access their own network. So, there, at
some point, has to be a discussion. I think, what I'm confident is that each
institution will have the ability, with the autonomy that they have within
their charter, to come up with a plan that suits their needs, and we're
optimistic that we're going to
be able to help students access their network.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
M. Skeete : Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je regarde maintenant Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
• (17 heures) •
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Merci à vous tous d'être là. Je trouve la conversation extrêmement
intéressante et importante. Autant le ministre que le député de Sainte-Rose, je
trouve que, là, on est dans le... Sainte-Rose, hein? Décidément, je vais...
Rose, comme votre foulard... votre mouchoir. Donc, très, très important,
on est au coeur des questions qui touchent le réseau collégial, et Dieu sait
que vous le mettez bien en évidence, tout n'est pas si simple dans un
réseau d'éducation.
Alors, la Fédération des cégeps nous rappelle
que juste changer le cours d'histoire ou changer le programme de sciences de la
nature ou de sciences humaines... vous nous avez rappelé le rapport Demers, que
j'avais oublié, mais qui est tellement important, qui proposait beaucoup,
beaucoup de changements. Mais, de toute façon, dans ce projet de loi ci, nous
sommes face à des changements, je le disais ce matin à la fédé, qui vont exiger
l'ouverture du Règlement sur le régime des études collégiales, je pense que
c'est incontournable. Et, pour ouvrir ça, évidemment, je sais que ce n'est pas nécessairement
facile pour le ministre de la Langue française, surtout que c'est un autre
ministre qui va rouvrir ce régime, c'est un
petit peu long. Est-ce que c'est trop long? La réponse, c'est oui. Vous l'avez
condamné depuis des années. Moi-même, je trouvais ça épouvantablement long de
réviser un programme, des années, que ça prend. Là, je ne pense pas que le
ministre, éventuellement, de la Langue française trouve ça intéressant
d'attendre plusieurs années.
Vous demandez trois ans. Mais moi, je vais
répéter la question des deux, et du ministre et du député de Sainte-Rose. Vous êtes ouverts à beaucoup de
choses, vous dites : Nous sommes ouverts. Je vous cite à la
page 10 : «On se serait attendu, au contraire, que des mesures
spécifiques visant à consolider la maîtrise du français auprès de cette
catégorie d'étudiants — donc
les ayants droit — soient
mises de l'avant. Le projet de loi ne contient rien à cet égard.» Vous ouvrez
grande la porte pour dire : Nous voulons faire plus. Vous avez même
dit : Donnez-nous les moyens — et je trouve ça fort
intéressant — donnez-nous
les moyens. Vous avez dit : Nous sommes prêts à en faire plus si l'on nous
en donne les moyens.
Le ministre vous a demandé... mais le ministre, il
parle encore de cours de français, moi, je parle de cours en français.
Peut-être que c'est encore plus exigeant, le mot «en» que le mot «de», parce
que «en français», ça veut dire, oui, changement, ouverture du régime d'études
collégiales, mais, de toute façon, pour l'épreuve uniforme de français, vous
allez êtes obligés de le rouvrir. Donc, qu'est-ce que vous voulez faire?
Qu'est-ce que vous pensez qui pourrait être intéressant? Notre proposition,
oui, le régime, il va falloir le rouvrir. La proposition du ministre des cours
de français, dites-nous... Moi, je pense qu'on peut penser en dehors de la
boîte, on va être obligés de sortir de la boîte, de toute façon, de la boîte de
ce régime d'études collégiales actuel.
M. Halpin (John) : Merci, Mme
la députée. Je pense qu'on a offert dans... au cours des années, plusieurs...
si on prend, par exemple, un programme qui existe déjà... trois collèges ici,
on envoie des étudiants à Gaspé pour une session d'études, là, session
d'immersion pour aider, premièrement, les espaces qu'il y a dans les cégeps de
région, puis en plus pour aider nos étudiants anglophones à une immersion dans
un environnement en région. Il me semble qu'on pourrait en faire beaucoup plus
de ce côté-là. Prenez l'opportunité et puis le financement requis pour aider à
nos étudiants, les étudiants des grands centres d'aller en région, mais il faut
que ça soit fait d'une façon où c'est attractif. On parle beaucoup
d'attractivité de ce temps-ci, il faut que ça soit attractif à nos étudiants.
Si...
Mme David : Oui, je vous
entends bien, M. Halpin, c'est vrai, ce que vous dites, mais ça, c'est
encore de la promotion, offrir des stages, mais tant que ça ne sera pas dans un
régime d'études collégiales, dans la formation générale ou dans la formation
complémentaire, avec des obligations de x heures, soit de stages en français,
d'immersion en français ou des cours en français ou, admettons, des cours de français,
bien, les étudiants ne le feront pas nécessairement. Il va falloir avoir une
mesure que j'appelais, ce matin, avec la fédé, structurante pour pouvoir atteindre, justement, une belle immersion, je dirais, même
intracollèges, intracollégiale, que ça soit à Dawson, à Vanier, à n'importe
quel collège, à John-Abbott, que les étudiants anglophones et francophones
puissent parler français entre eux, qu'ils puissent faire des travaux en français.
Comment vous pouvez voir ça, là, sans les envoyer nécessairement en Gaspésie?
M. Halpin (John) : On a déjà plusieurs
échanges... programmes de même qui sont pilotés, si on prend en exemple
de Vanier—Saint-Laurent,
si on prend l'exemple... nous autres, on a des échanges avec le cégep Gérald-Godin
depuis quelques années, où ils font une session d'un bord et de l'autre. Ils
restent encore chez eux, ils ne sont pas obligés...
ils prennent l'autobus dans l'autre sens pour aller à Gérald-Godin. Donc, il y
a plusieurs programmes de même.
Comme vous avez dit, c'est un travail de longue
haleine pour rajouter des cours au cursus, mais nous sommes ouverts à faire ce
travail-là. Mais ça implique du changement aux conventions collectives, ça
implique des changements par rapport au RREC que vous avez dit. Donc, c'est clair
que c'est du gros travail. Est-ce qu'on est ouverts à le faire? Absolument.
Puis je crois que mon collègue Richard Fillion
voulait en rajouter.
M. Filion (Richard) :
...excusez. Vous m'entendez, oui?
Mme David : Oui.
M. Filion (Richard) : Vous
m'entendez?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Filion (Richard) : Bon,
juste très brièvement, là, la vraie question : Qu'est-ce qu'on fait avec
les étudiants du Québec pour qu'ils puissent acquérir la maîtrise des deux
langues secondes —
pour les francophones, l'anglais, pour les anglophones, le français? Il y a
très certainement nécessité de réfléchir à la manière de modifier la façon dont
on offre l'enseignement collégial pour permettre à ces deux catégories
d'étudiants d'avoir accès à des formations qui sont qualifiantes dans les deux
langues, le français et l'anglais.
Je vais dire que, pour avoir vécu 16 ans au
collège Dawson, et on le dit dans notre mémoire, la mixité démolinguistique favorise l'échange entre les deux
communautés et permet aux jeunes anglophones de se familiariser avec le
français, et je pense que, si on ampute cette possibilité-là, on ne rend
service à personne.
Mme David : Je vais aller sur
l'épreuve uniforme de français, justement. Je sais que vous dites que ça va
être à peu près inapplicable, mais admettons que la loi passe, il va falloir
l'appliquer. Ça fait qu'à partir du moment où il va falloir l'appliquer, il
faut que nous, les législateurs, nous puissions le rendre minimalement
réaliste. Or, vous faites la démonstration hors de tout doute, je trouve, que,
pour l'instant, si on n'apporte pas de précisions et d'amendements, c'est irréaliste. Donc, il va falloir y penser. Il va
falloir y penser avec le ministère de l'Enseignement supérieur, avec la
ministre de l'Enseignement supérieur, 240 heures versus 90 heures,
une ou deux épreuves. Ce n'est pas clair pour moi, si vous fréquentez le cégep
anglophone, si l'étudiant et l'épreuve uniforme de français et l'examen...
l'épreuve uniforme d'anglais, si on veut, à la fin de son collégial. Prenons
pour acquis, là... admettons que cet article de loi là est adopté, combien de
temps, vous pensez, et quelles étapes vont devoir être franchies pour arriver à
quelque chose qui soit réaliste?
Mme Gauvin (Diane) : Bien, peut-être
simplement dire que, pour pouvoir répondre à la... pouvoir écrire l'examen, il
faut avoir fait les cours de littérature en français. À moins que la ministre
change les prérequis, mais pour l'instant, les prérequis, il faut avoir fait
les cours de littérature. Donc, nos étudiants ne se qualifient pas pour
écrire... pour pouvoir faire l'examen de l'épreuve uniforme, c'est là le
problème. Alors, si la loi ne change pas ou le maintien de l'épreuve uniforme...
on se retrouve avec un problème énorme, et là il faudra que nos étudiants ou
non-ayants droit puissent suivre ces cours de littérature. Et puis ça,
ce n'est pas un simple changement, c'est énorme, ça a un impact financier
important, il y a des emplois qui vont être touchés. Donc, c'est assez majeur
comme... Donc, ça va prendre des années, là, je veux dire, je ne pourrais pas
vous dire... mais c'est la seule façon où nos étudiants pourront faire le même
examen de français.
Mme David : Vous demandez, et
je comprends, une période de transition pour mettre ça sur pied, parce
qu'évidemment les gens sont souvent un peu frileux face au changement. Mais des
fois on réussit à faire des changements, ça peut être pour le mieux, des fois
ce n'est pas pour le mieux. Mais vous dites : C'est impossible à réaliser, un, sans quatre cours de langue et
littérature pour les mettre au même niveau que les étudiants qui
fréquentent un cégep francophone, et ça va prendre une période d'implantation
parce que ça va... C'est comme un LEGO, là, on tire sur un morceau puis c'est tout l'échafaudage qui peut être mis en péril.
Donc, vous demandez une période de transition d'au moins trois ans.
Vous demandez... Moi, je trouve ça formidable.
On est rendu à, effectivement... pour les effectifs, pour les effectifs de
croissance ou non, on a trois chiffres qui circulent, effectifs annuels dans le
projet de loi du ministre. La fédération
suggère trois ans, pluriannuel, que vous sachiez d'avance, et la ministre
McCann a parlé d'un gel de 10 ans. Donc, on a trois chiffres qui circulent : un an,
trois ans, 10 ans, deux ministres puis des suggestions du réseau
collégial. Alors, on en est où, d'après vous? Puis quel
serait l'horizon? Parce que vous parlez, vous aussi, de pluriannuel, vous avez
parlé, tout à l'heure... le ministre a demandé : Combien de temps vous
resteriez comme vous êtes là? Vous avez dit deux ans. Admettons que c'est
cinq ans ou... mais ça va prendre du pluriannuel, si je comprends bien.
La Présidente (Mme Thériault) :
À peu près 30 secondes pour répondre.
M. McMahon (John) : Bien, c'est
comme tous les autres sujets, c'est bien complexe, vous le savez. C'est
nécessaire à avoir une consultation très forte avec le ministère de l'Éducation
supérieure, avec la personne qui va continuer à écrire ce projet de loi parce
que, maintenant, nous avons l'impression qu'il n'y a aucune consultation. Parce
que ce n'est vraiment pas réalistique à faire des choses dans le projet de loi
qui est écrit maintenant, et c'est pour ça... travailler ensemble pour assurer
que la loi, éventuellement, réponde bien à nos besoins.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois vous remercier, M. McMahon, pour cet échange.
Donc, Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui, merci. Merci
beaucoup pour votre présentation, madame et messieurs. Vous dites, dans votre
mémoire, que les cégeps anglophones ne sont pas un facteur d'anglicisation à
Montréal, là, ou au Québec, puis là vous expliquez pour quelles raisons, vous
nommez une étude sur le choix des jeunes d'aller en anglais, des jeunes
francophones et allophones. J'aimerais savoir, est-ce que vous avez une
réflexion sur les cégeps privés non subventionnés?
Ils sont peut-être... c'est peut-être peu nombreux, mais ils sont en plein
essor. Est-ce que ces cégeps-là pourraient être un facteur d'anglicisation?
Et est-ce que vous pensez que leurs effectifs devraient être aussi limités,
comme ça l'est avec le projet de loi n° 96 pour les cégeps anglophones
publics et privés subventionnés? Oui.
• (17 h 10) •
M. Filion (Richard) : Vous avez
absolument raison de cibler les collèges privés non subventionnés, madame, et
je pense que, comme dans tout développement d'un cursus collégial, qu'on soit
subventionnés, non subventionnés, publics, il
doit y avoir des parties de la formation qui permettent à ces étrangers, parce
que c'est principalement les
étrangers qui vont dans les collèges subventionnés... des cours de français,
des cours de familiarisation avec la
société québécoise. Ça devrait être obligatoire, et c'est une voie qui pourrait
être explorée avec beaucoup de succès.
Mme Ghazal : ...qu'il faudrait
aussi limiter leurs effectifs, ces cégeps non subventionnés?
M. Filion (Richard) : Écoutez,
c'est difficile parce qu'ils sont non subventionnés. Alors, c'est un peu leur
pain et leur beurre que d'avoir des étudiants qui sont prêts à payer le gros
montant, le fort montant pour avoir accès à des formations collégiales
qualifiantes. Alors, comment... je pense...
Mme Ghazal : Mais, au-delà des
modalités, parce que le gouvernement pourrait peut-être, je ne sais pas par
quel mécanisme, imposer ça, peut-être pas dans le projet de loi n° 96.
Vous, vous êtes d'accord avec le principe?
M. Filion (Richard) : Oui, et
le gouvernement a toute latitude d'autoriser ou non la prestation d'un collège
privé non subventionné.
Mme Ghazal : Puis j'essaie
juste de comprendre, vous dites : Il faudrait seulement, par exemple, le
contingentement, l'évaluer au bout de trois ans. Mais j'essaie de comprendre,
parce qu'en fait on facilite l'entrée dans
les cégeps anglophones des ayants droit anglophones. Ce n'est pas quelque chose
qui devrait être perçu de façon positive par vous. Pourquoi est-ce que
vous dites seulement trois ans? C'est sûr qu'au bout de trois ans on va trouver
qu'il y en a beaucoup plus, des ayants droit
qui vont dans les cégeps anglophones, donc ça devrait être une bonne
chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, il ne reste pas de temps pour la réponse. Donc, je vais vous
inviter à communiquer ensemble après la commission.
M. le député de Matane, la parole est à vous.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Je vous salue, bienvenue dans cette commission. Parmi vos membres,
il y a le collège Dawson, vous m'avez souvent entendu en parler. J'apparais
probablement souvent dans votre revue de presse. Ce n'est pas sans raison, je
trouve que le gouvernement du Québec répond beaucoup plus rapidement quand
c'est votre collège que quand c'est le cégep de Matane, mais c'est une
perception.
Vous dites, en page 3 de votre mémoire...
vous posez la question suivante : Est-ce que la fréquentation d'un collège offrant de l'enseignement en anglais pour
une période, somme toute, relativement courte dans la vie d'un individu favorise l'adoption d'une pratique linguistique
favorisant l'anglais? Bien, elle est là la question. Et moi, j'ai des
éléments de réponse pour vous. La
fréquentation des cégeps en anglais est étroitement liée à l'anglicisation de
la langue d'usage public, de la
langue de travail, de la langue de consommation culturelle. Pourquoi?
4,4 % des allophones inscrits au cégep anglais utilisent
principalement le français à la maison, comparativement à 35,1 % des
allophones inscrits au cégep français; 72,9 % des francophones inscrits au
cégep anglais utilisent principalement le français à la maison, et c'est
99 % pour ceux inscrits au cégep en français. Ça fait une différence. À
cet âge, cette langue de socialisation, cette langue qui nous prépare à la vie
professionnelle va nécessairement marquer le parcours si ça se fait en anglais.
Évidemment, dans les
règles actuelles, c'est le libre choix, mais je vous suggère que le
gouvernement du Québec, avec les fonds
publics, lui, n'a pas à financer notre assimilation ou le déclin du français.
Alors, à votre réponse, quand je vous soumets ces chiffres-là, est-ce
que vous êtes d'accord que ça a un impact la fréquentation du cégep, notamment
chez les allophones?
M. Halpin (John) : Comme nous
disons dans notre mémoire, une étude de l'Université Laval nous démontre
très bien, avec des discussions avec 35 étudiants qui ont fait leur
parcours dans les cégeps anglophones, qu'ils n'ont pas perdu leur lien à leur
culture québécoise. Si... On peut au moins, aussi...
M. Bérubé : Si vous me
permettez, l'échantillon, comment ont été sélectionnés les 35? Moi, je n'en
sais rien, mais je sais qu'il y a un expert qui est venu nous dire que ça ne
reposait pas sur grand-chose de scientifique, là.
M. Halpin
(John) : Nous autres on est en éducation, et, si quelqu'un reçoit un
doctorat de l'Université Laval, je pense qu'on va accepter que
l'Université Laval reconnaît que le travail a été bien fait...
M. Bérubé : C'est un argument
d'autorité, selon vous?
M. Halpin (John) : Si vous voulez
un autre argument, vous devriez regarder tous les autres, les membres de
l'Assemblée nationale, et combien d'eux ont fait leur parcours à Concordia, à
McGill, à Harvard, au London School of Economics. Trouvez... de tous ces
membres de l'Assemblée nationale, est-ce qu'ils ont perdu leur...
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée, je dois mettre fin à l'audition.
Donc, merci, madame et messieurs, de votre
présence en commission parlementaire.
Nous allons suspendre les travaux pour permettre
au prochain intervenant de venir nous rejoindre. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise à 17 h 18)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous reprenons nos travaux, et nous recevons M. Maxime Laporte, qui
est le président de Mouvement Québec français. M. Laporte, 10 minutes
pour faire votre présentation. La parole vous appartient.
Mouvement Québec français (MQF)
M. Laporte (Maxime) : Mme la Présidente, M. le ministre, chers membres de la commission, c'est un honneur pour moi d'être ici...
bien, alors même si je ne suis pas exactement ici, mais
disons que je suis là, là.
Vous savez, Mme la Présidente,
comme président du Mouvement Québec français, je me fais souvent poser
cette question : C'est quoi, le problème? C'est quoi, le problème de la
langue au Québec et au Canada? On dira que le problème du français, c'est qu'il
régresse, c'est le fait que son statut, sa vitalité démographique régressent et
qu'ils continueront à régresser, à l'évidence, à la lumière des projections
démographiques, et que cette régression s'observe quel que soit l'indicateur ou
la méthode qu'on utilise ou presque. Enfin, les quelques-uns qui prétendent le
contraire nous mystifient, disons-le. Mais ça, ce n'est pas le problème, c'est
le constat.
Alors, quel est donc le problème à la source de
ce constat? Pour nous, il est évident qu'il s'agit d'un problème politique, un problème qu'on connaît bien depuis 258 ans,
sept mois, 25 jours très exactement, et plus longtemps encore, un problème qu'on connaît bien
parce qu'on y vit, on y habite, sans jamais l'avoir démocratiquement
voulu.
Ce problème,
nous, en fait, dans le mémoire, on a pris le temps d'y revenir, de le décrire,
chose qui est peut-être rare de nos jours, mais n'en déplaise aux
esprits oublieux qui font désert quand on ose relater, au fond, les causes profondes à l'origine des conséquences qui sont
aujourd'hui au menu de cette commission, cet exercice nous paraissait nécessaire, et il s'inspire directement,
d'ailleurs, de Camille Laurin, qui, dans son livre blanc, commence
précisément par relater le récit de nos défaites et de nos déchéances par la
fausse conciliation, pour citer Henri Bourassa.
C'est ce problème-là, ce problème structurel,
qui fait qu'en dépit de nos plus glorieuses victoires ou demi-victoires du
passé le fait est que nous échouons sur l'essentiel, l'essentiel étant le
minimum, et le minimum étant d'assurer la vitalité démographique du français
dans la durée. C'est-à-dire que, comme l'a indiqué Guy Rocher en cette même
commission, le Québec va rétrécir de plus en plus au sein du Canada.
• (17 h 20) •
Pour autant, n'allez pas croire que... (panne de
son) ...qu'on a fait dans le mémoire, notre but serait de faire croire que tout
fut de tout temps absolument noir pour ce qui est du cheminement du fait français
en ce pays. Bien sûr, des embellies, il y en a eu, des réussites aussi, des
rencontres fécondes, même. On aura même réussi à faire pousser des petites
écoles françaises jusqu'au fin fond du Yukon.
Alors, en ce sens, c'est vrai, après tout, pour
citer René Lévesque, on n'est pas dans un goulag. Mais, si le Canada n'est pas
un goulag, il n'en est pas moins notre tombe, et là je cite le très libéral et
très canadien Wilfrid Laurier, et fut-elle agrémentée d'ornements dorés, une
tombe demeure une tombe. Parce que c'est, pour nous, une évidence,
le problème de la langue chez nous, ça résulte avant toute chose d'un problème
politique, et ce problème a pour nom Canada.
Bien entendu, le processus d'anglicisation au
Québec peut toujours s'expliquer par une foule d'autres déterminants, parmi
lesquels on notera les mutations démographiques, l'hégémonie culturelle
anglo-américaine. Mais ces phénomènes, quand on y songe, sont loin d'être
spécifiques à la réalité québécoise. Alors, vous savez, parmi les sociétés
riches, en Occident et au-delà, qui, un peu comme nous, vivent à l'ombre de
l'empire américain, il n'y en a pas une seule qui ne soit pas confrontée
aujourd'hui à ces défis-là, et pour autant on n'en voit aucune s'angliciser
collectivement à la manière du Québec. Il n'y a qu'ici où, par
exemple, on assiste impuissants à la captation par l'anglosphère de près de la
moitié des substitutions linguistiques des allophones. Il n'y a qu'ici où
l'aliénation linguistique à la langue anglaise, le fait d'être bilingue avec
soi-même, pour paraphraser Gaston Miron, fait figure de norme établie et
indiscutable, apparemment.
À bien y penser, oui, les facteurs migratoires,
culturels, économiques, si aggravants soient-ils en ce qui nous concerne, sont
importants, mais ils n'en sont pas moins secondaires en comparaison du problème
primordial qui est celui que nous décrivons, ce problème primordial pouvant se
traduire par ce que le grand historien Maurice Séguin a jadis théorisé comme
étant une oppression essentielle.
Alors, en
étant réduit à une simple partie de l'ensemble canadien, condamné à la
minorisation, une minorisation
institutionnalisée, le Québec se trouve systématiquement entravé, subordonné
dans son agir. La déliquescence du français, c'est le prix à payer, au
fond, pour l'inachèvement de notre décolonisation. Alors, pour citer, encore
une fois, René Lévesque, dans une société normale, la langue, elle se parle
toute seule, la langue. Alors, voilà. La situation du Québec n'est pas celle
d'une société politiquement normale, et c'est bien là tout l'enjeu. Mme la
Présidente, combien il me reste de temps?
La Présidente (Mme Thériault) :
...
M. Laporte (Maxime) : Alors, je
viens de parler du problème. Je m'attaque maintenant à la question des
objectifs qui devraient animer notre résistance à ce problème.
L'objectif
à atteindre qui permettrait vraiment de régler la plupart de nos problèmes à la source
réside assurément dans l'accession à
la normalité, c'est-à-dire à l'indépendance. Mais, comme notre cher premier ministre, que je salue au passage,
semble avoir oublié ses rêves de jeunesse, comme disait Bourgault, je dois ici
me contenter de parler des objectifs de la résistance provinciale, pour
ainsi dire, même si, pour ma part, à titre personnel, c'est loin d'être mon
choix.
Comme disait un grand esprit, qui n'a pas d'objectifs
ne risque pas de les atteindre. Ces paroles lumineuses, bien, c'est des paroles
qui sont attribuées au grand Sun Tse, et évidemment ce sont des paroles qui
tombent sous le sens. En effet, il n'y a rien de plus élémentaire que ça. Et
pourtant, lorsque vient le temps de sauver l'avenir du français chez nous, un
bon nombre de nos dirigeants semblent étrangement oublier ce sage conseil.
Contrairement à la plupart des politiques
publiques du gouvernement du Québec, qui, elles, font état de cibles claires, question
de saine gouvernance, de reddition de comptes, c'est comme si, sur l'enjeu
particulier du français, de la vitalité du français, bien, on avait des
capitaines de vaisseau qui naviguent plutôt à l'aveugle, sans cap précis et
même dans un océan de bonnes intentions. Ça, il n'y a pas de doute là-dessus.
Mais, bien sûr, on peut quand même déduire du
projet sous étude un objectif qui, à l'évidence, est le même que celui qu'avait
jadis formulé le père de la loi 101, c'est-à-dire faire du français la
langue commune, la langue officielle, la langue normale, habituelle au Québec.
Cette idée en elle-même, elle vaut son pesant d'or puisqu'en effet ce n'est
bien qu'en... aménageant, pardon, un espace linguistique normal que le Québec
français va pouvoir s'épanouir normalement. Mais, à la lumière de ce que je
viens d'effleurer quant au problème primordial qui est le nôtre, on sait à quel
point la notion de normalité s'avère difficilement pensable dans notre contexte
provincial.
Qu'à cela ne tienne, ces cibles qualitatives,
faire du français la langue commune, normale, habituelle, officielle, etc., ces
cibles qualitatives peuvent aisément se traduire sous forme quantitative, étant
posé que le corollaire de la vitalité institutionnelle du français au Québec,
c'est sa vitalité démographique. Le moindre de ces objectifs, qui serait mesurable,
quantifiable, voudrait, par exemple, qu'à compter de la présente décennie
suivant l'adoption de ce projet de loi la vitalité démographique globale du
français comme langue d'usage cesse de régresser relativement à l'anglais, donc
en excluant les langues tierces, et, mieux encore, que cette vitalité croisse.
Donc, il s'agirait, par exemple, qu'au recensement de 2026, cet indicateur se
retrouve au même niveau qu'il était 10 ans plus tôt, en 2016, voire qu'il
progresse de quelques dixièmes de point.
Il y a d'autres approches. Charles Castonguay,
évidemment, insiste beaucoup sur le phénomène de l'assimilation nette...
pardon, de la part du français dans l'assimilation nette des nouveaux
arrivants, des nouveaux immigrants allophones pour être plus précis. On
pourrait se dire que, pour ceux qui arriveront d'ici 2026, alors, qu'on puisse
passer de 55 % à 90 %, conformément à ce qu'a déjà déclaré M. le
ministre lui-même.
Aussi, bon, il y a la question, ma foi, assez
impérative qui est celle de l'anglicisation nette ou de la suranglicisation
nette des francophones dans l'île de Montréal qu'il faudrait ramener à zéro,
c'est la moindre des choses, et surtout chez les jeunes francophones.
Alors, je pense que de telles cibles... il y en
a d'autres, je ne prétends pas détenir la vérité, mais de telles cibles n'ont
rien d'arbitraire. Après tout, je ne vois pas comment on peut accepter de se
faire les complices objectifs, que ce soit
par négligence ou passivement, activement, surtout passivement, les complices
objectifs de la minorisation du français, de la déchéance de son statut.
Je veux dire par là qu'assurer l'avenir de la langue française au Québec ça
relève d'une obligation de résultat...
La Présidente
(Mme Thériault) : Et je dois vous interrompre.
M. Laporte
(Maxime) : ...même de
garantie, pas d'une obligation de moyens et encore moins une obligation
morale.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente.
M. Laporte,
bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Je vous entendais,
dans votre mémoire, tantôt, vous disiez : Nous échouons, hein? Vous
êtes très dur avec la situation du français, collectivement. Alors, je note
chez vous et chez le Mouvement Québec français l'importance et l'urgence d'agir
face au déclin du français.
Pour vous, ce déclin du français là, il est
avéré; pour moi aussi. Comment est-ce que vous qualifiez le fait que certaines
personnes qu'on a entendues ici, en commission parlementaire, ou dans la
société civile mettent en doute qu'au Québec il y a un déclin du français?
• (17 h 30) •
M. Laporte (Maxime) : Je pense
que ces gens-là ont tout faux. Je pense qu'ils nous mystifient. Je pense qu'il y a un consensus scientifique évident quant
au fait du déclin de la vitalité démographique du français. Le français
régresse, il régresse partout au Canada. Les communautés franco-canadiennes,
acadiennes perdent des joueurs d'année en année. C'est assez dramatique. Et, au
fond, les tendances lourdes sont là. Le poids du français au Canada, en
général, le poids du Québec au Canada, son poids politique, enfin, tous les
indicateurs, en général, indiquent une telle régression. Et d'ailleurs
j'oserais même dire qu'à peu près peu importe l'indicateur qu'on choisit, il y
aura une régression. Si on choisit la... en la comparant à il y a 20 ans,
il y aura une régression. Si... bon, peut-être que, pour l'indicateur de la
connaissance du français, il n'y en a pas, il y a à peu près 94,5 % des
gens au Québec qui disent, de manière autodéclaratoire, connaître le français,
mais ça, on sait bien que c'est une donnée passablement... (panne de son) ...la
connaissance d'une langue ne détermine en rien sa vitalité.
M. le ministre, j'aimerais peut-être, si vous
permettez, compléter un peu ma réflexion sur la question des objectifs...
étant, je pense, évacuer les objections à la réalité avérée du déclin du
français. Vous savez, on a beaucoup insisté sur cette question de ces objectifs,
je vous salue, je salue que vous ayez mentionné cet objectif, faire passer
l'apport du français dans l'assignation nette des nouveaux... des allophones,
pardon, de 55 %, environ, à 90 %. En effet, c'est, en principe, la moindre des choses pour assurer le
maintien dans la durée du groupe linguistique francophone. Mais, comme
il n'y a pas eu de livre blanc au soutien du projet de loi et comme il n'y a
pas... au fond, ce projet, cette politique
ne contient pas nécessairement de garantie explicite. Alors, on a réfléchi, ces
derniers temps, à une proposition que... je crois, est assez originale.
Cette proposition consiste à ce qu'on instaure un mécanisme parlementaire de
révision périodique décennale de la Charte de la langue française et de
l'ensemble du corpus législatif afférent au statut de la langue dans la mesure
où le Commissaire à la langue officielle constate... dans un rapport suivant immédiatement la publication de données de
recensement, constate que depuis 10 ans le français, la vitalité
démographique du français a continué à régresser ou encore qu'on a... ou que
l'anglicisation nette des francophones dans l'île de Montréal est supérieure à
zéro, par exemple. Il y a d'autres indicateurs, encore une fois, on ne prétend
pas détenir la vérité, mais l'idée, ce serait qu'on n'ait pas à attendre un
autre 40, 45 ans avant de se réveiller.
M. Jolin-Barrette : Alors, je
pense que c'est une suggestion qui est une bonne suggestion, c'est une
suggestion appropriée. Donc, ce que je comprends de votre suggestion, c'est
qu'il y ait un mécanisme parlementaire de révision, à tout le moins, de l'état
du français. Donc, moi, je trouve que... On va prendre votre suggestion en réserve et on va l'analyser. Je pense que ça
pourrait être une solution intéressante, justement, pour qu'on soit
toujours vigilants, hein, sur la question du français.
Revenons sur la question du projet de loi
n° 96. Il y a plusieurs mesures dans le projet de loi qui étaient
demandées par le biais de Partenaires pour un Québec français. Est-ce que le
Mouvement Québec français est... reconnaît qu'il y a des avancées
significatives dans le projet de loi n° 96?
M. Laporte (Maxime) : Alors,
bien sûr, nous reconnaissons qu'il y a des avancées significatives dans le
projet de loi n° 96. Au plan quantitatif, c'est assez remarquable, au plan
qualitatif, à bien des égards, aussi ce l'est. En effet, plusieurs des
propositions contenues dans la plateforme des Partenaires pour un Québec
français, qui est une table de concertation de syndicats et de groupes de la
société civile qui est coordonnée par le Mouvement Québec français. Plusieurs
de ces propositions ont été retenues, même si je dois préciser, pour dissiper
toute confusion, qu'il faut distinguer les PQF du MQF, puisque les
deux organismes, comme chacun des membres de cette table, donc, n'ont pas
la même plateforme, c'est-à-dire c'est une base de travail minimale, si vous
voulez.
Mais en revanche, vous savez, dans une réunion,
dans une rencontre à laquelle nous participions, vous et moi, ou enfin le
ministre et moi, Mme la Présidente, vous m'aviez demandé quels étaient les
chevaux de bataille à mobiliser pour cette grande lutte, je vous avais répondu
qu'en fait c'est toute l'écurie, c'est toute la cavalerie qu'il faut mobiliser.
Et je pense qu'il faut applaudir le fait que vous ayez su en mobiliser un bon
nombre — et
ça, c'est remarquable — mais
il y en a certains qui n'ont pas été mobilisés, comme on le sait. Charles
Castonguay, Frédéric Lacroix et d'autres ont démontré que les mesures les plus structurantes
pour le renforcement de la langue, au fil du temps, ont été, d'une part, celles
qui concernent la sélection, l'immigration et, d'autre part, les mesures
scolaires de la loi 101.
Les
cours de francisation, évidemment, c'est fondamental. Nous-mêmes, on en fait,
de la francisation en tant qu'organisme de la société civile. Il n'y a pas de
doute, c'est incontournable. Mais, premièrement, je répète que... (panne de son) ...pas sa vitalité, c'est-à-dire le
fait qu'elle soit vécue. Deuxièmement, il n'y a pas de données probantes
quant aux incidences structurantes, au plan démographique, de l'apprentissage
du français par les allophones, même si on peut poser l'hypothèse qu'il y a un
certain effet, mais enfin les données sont trop rares là-dessus.
Pour ce qui est de la
langue de travail, rapidement, bon, Charles Castonguay faisait, encore une
fois, remarquer que, suivant une étude de Virginie Moffet et autres dans les
années 2000, dans les grandes entreprises de 100 employés et plus qui sont
assujetties aux dispositions de la loi 101 en matière de francisation, on
avait observé que l'anglais était bien
souvent une langue commune, en fait. Il suffit qu'un anglophone soit présent
dans une réunion ou encore autour de la machine à café pour que la
langue commune, qui est la langue, au fond, qu'utilisent différents locuteurs
entre eux... que la langue commune soit l'anglais, donc, même dans des
entreprises, des grandes entreprises qui sont assujetties à la loi 101.
Donc, au fond... bon.
Et finalement il y a
l'exemplarité de l'État, et, à ce titre, vous aurez remarqué, dans notre
mémoire, et ça, ce n'est pas une surprise
pour vous, que malgré toute notre reconnaissance des avancées, je dirais,
presque spectaculaires à ce chapitre — félicitations! — il y a lieu d'aller plus loin, notamment de
laisser tomber les exceptions des articles 22.1, 22.2, si je ne m'abuse,
si ma mémoire est bonne.
M. Jolin-Barrette :
Donc, j'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions,
M. Laporte, mais essentiellement ce que je retiens, c'est que vous trouvez
que c'est une avancée qui est tout de même spectaculaire, mais vous souhaitez
qu'on aille plus loin sur différents points, notamment sur la langue des
services dans le domaine de la santé. Ça, je l'ai dit très clairement, on va
toujours conserver la possibilité pour les Québécois d'expression anglaise de pouvoir recevoir des soins de santé
dans leur langue. On a très clairement indiqué que ça ne touchait pas...
le projet de loi n° 96 ne touchait pas l'article 15 de la loi sur la
santé et les services sociaux, je voulais vous le réitérer.
Pour ce qui est du
reste, je prends note de différentes suggestions, on va les analyser, et je
vous remercie pour votre présence en
commission parlementaire. Et donc je cède la parole à mes collègues, Mme la
Présidente. Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui. On m'indique que c'est M. le député de
Chapleau. Il vous reste 7 min 15 s.
• (17 h 40) •
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Ça se peut également
que le collègue de Saint-Jean se joigne à moi pour la suite.
Bonjour,
M. Laporte. Merci beaucoup de votre présentation, merci d'être ici ou là,
là, bon, c'est selon. Vous avez un langage... un langage assez imagé, là, vous
avez dit : On échoue, là, sur le minimum, notamment à assurer la survie et
la vitalité de la langue française. Vous avez parlé également de... le Canada
n'est pas le goulag, mais sera assurément
notre tombe. Également, être bilingue avec soi-même, mobiliser l'ensemble de la cavalerie, assez intéressant.
Vous avez parlé,
donc, des objectifs, faire du français la langue commune, faire du français la
langue normale. J'aimerais peut-être revenir sur certaines pistes de solution
qui sont dans le projet de loi n° 96. Vous avez également parlé d'avoir un
mécanisme de révision de la loi lorsqu'un drapeau est levé par le commissaire.
Donc, allons-y sur le commissaire. J'imagine que c'est une mesure qui... sur la
langue française, c'est-à-dire, c'est une mesure
que vous voyez d'un oeil très favorable, l'instauration d'un commissaire, peut-être également le renforcement à l'OQLF et également Francisation
Québec, qui va venir également appuyer la francisation. Ce sont peut-être des
mesures qui sont intéressantes. Est-ce que vous... Est-ce que c'est ce que vous
préconisez?
M. Laporte
(Maxime) : Pour ce qui est du commissaire, je pense avoir été parmi
les premiers, du moins dans l'ère actuelle, là, à proposer la création d'une
telle charge, un tel poste. Pour revenir sur les propos du ministre, qui sont
cohérents avec ce que vous venez de mentionner, bon, j'ai employé l'adjectif
«spectaculaire» tantôt, mais je tiens à préciser que tout est relatif, c'est-à-dire
qu'après deux décennies de gouvernance libérale et de laisser-aller sur la
langue... désolé si ça fait ciller les oreilles des membres libéraux de cette
commission, mais au fond je dirais que la
barre n'était pas si haute que ça pour satisfaire un peu l'appétit en ce qui a
trait au renforcement du statut de la langue. Mais, vous savez, pour une langue qui, en quelque sorte, meurt de soif,
pour continuer... bien, on ne saurait se contenter de lui offrir une
telle grosse miche de pain, vous savez, parce qu'à vrai dire on continue à
sécher dans ce beau désert nommé Canada. Vous savez aussi, au Mouvement Québec
français, qu'on tient à célébrer la langue et à... par nos écrits et puis dans
nos interventions, parce qu'aussi vivre en français, c'est célébrer l'amour de
la langue.
Mais donc vous avez
énuméré différentes mesures qui sont prévues au projet de loi n° 96
que nous accueillons favorablement, pour plusieurs. Mais, encore une fois, et,
comme le soulignait Charles Castonguay, pour qui j'ai le plus grand respect, on
ne peut pas penser que la langue commune, notamment celle du travail au Québec,
sera consolidée, c'est-à-dire la langue commune, le français, dans la mesure où
la langue de l'apprentissage du travail, de l'apprentissage de la vie, de
l'entrée dans la vie adulte n'est pas suffisamment le français. En ce sens, le professeur Marc Chevrier a très justement parlé du
français au Québec comme d'une langue à statut infantile, c'est-à-dire
que cette langue, c'est bon pour l'enfance, pour le primaire, pour le
secondaire, la maternelle, mais, dès lors que viennent les vraies affaires, dès
lors qu'on arrive dans la vie adulte, qu'on gagne en responsabilité, qu'on
souhaite s'épanouir, qu'on souhaite se
réaliser, alors c'est l'anglais qui, quoi qu'on dise, continue à jouir d'un
véritable prestige au Québec. Ce n'est pas normal.
M. Lévesque
(Chapleau) : D'accord. Et, au-delà de cette solution-là, là, qui est
préconisée par d'autres intervenants qui sont venus en commission, est-ce que
vous voyez d'autres pistes de solution qui pourraient bonifier le projet de loi
n° 96, au-delà de ce qui est proposé?
M. Laporte (Maxime) : Je pense
que notre mémoire renferme au moins peut-être une cinquantaine de propositions
un peu dans tous les...
M. Lévesque (Chapleau) : Mais
que vous voudriez nous parler ici, là.
M. Laporte (Maxime) : Bien,
c'est parce qu'il y en a dans tous les aspects du problème. Donc, par exemple, j'ai souligné qu'au fond les principaux enjeux
structurants quant au statut et à la vitalité de la langue, ça a été
observé que c'était la question de la sélection, de la composition de l'immigration,
la composition linguistique de l'immigration, puis aussi les mesures scolaires,
mesures scolaires, application de la loi 101 au cégep. Vous savez, le Mouvement
Québec français, on s'est fait aller là-dessus depuis, quoi, une décennie et
demie. Au début, c'était une position qui était assez marginale, elle est
désormais appuyée, si je ne m'abuse, par une majorité de francophones au
Québec, voire peut-être par une majorité de répondants, selon le dernier
sondage, je crois, Léger qui a été fait à cet égard-là, comme quoi il y a une
prise de conscience. Alors, en matière d'immigration, il faut que le gouvernement
du Québec reprenne le contrôle. C'est sûr qu'on prône le rapatriement, depuis
longtemps, de toute compétence en matière d'immigration,
voyant, par exemple, que, suivant les travaux d'Anne Michèle Meggs, bon, la
situation des immigrants temporaires qui, d'après elle, selon ses
données, sont au nombre de 160 000 au 31 décembre 2019, ça fait que...
c'est sûr que, dans ce contexte-là, faire du français la langue commune, la
langue d'attraction, la langue d'intégration devient de plus en plus ardu,
surtout qu'il y a la possibilité pour les élèves à statut temporaire d'aller à
l'école publique anglaise, et peut-être, sait-on, à la suite d'une autre décision
judiciaire de la part des tribunaux canadiens,
peut-être que cette fréquentation, ce cheminement se
traduira par ce qu'on appelle un parcours authentique. Je ne trouve pas
ça prudent, je pense que le principe de précaution implique qu'on abandonne ces
dispositions-là. Puis, vous savez, quand on
va... quand on immigre ou quand on se rend dans la plupart des pays dans le
monde, à ma connaissance, je réside depuis un an en Angleterre, vous
savez, on ne peut pas aller fréquenter une école publique, a fortiori, qui a
pour langue une autre langue que la langue nationale, dans la plupart des cas.
M. Lévesque (Chapleau) : Il
reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
À peine cinq secondes.
M. Lévesque
(Chapleau) : Bien, je vous
remercie de votre passage en commission. Merci, Mme la Présidente.
M. Laporte (Maxime) : Je vous
en prie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. On va aller du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bonjour,
M. Laporte. Ici la libérale Hélène David, mais je suis enchantée d'avoir
un échange avec vous, on en a eu plusieurs. Alors, je trouve ça très
sympathique.
Ce que j'aurais trouvé encore plus sympathique,
c'est d'avoir le mémoire un peu avant parce que la moitié de vos 42 pages
sont, évidemment, des pages très intéressantes, pas nécessairement directement
pertinentes au projet de loi n° 96, mais c'est vraiment
des références... votre lecture de l'histoire, mais quand même une lecture de
l'histoire qui peut être fort intéressante à lire. Alors, j'ai hâte de le lire,
mais malheureusement je ne peux pas beaucoup me référer à votre mémoire ainsi
qu'à vos 42 recommandations, parce qu'il y en a 42, mais heureusement
elles sont des reprises de beaucoup de recommandations qu'on a eues en amont de
votre présence.
Donc, j'imagine que vous êtes d'accord avec plusieurs
de vos compatriotes qui sont venus avant proposer toutes sortes de choses liées
au projet de loi n° 96. Mais j'aurais aimé vous
entendre beaucoup plus sur le projet de loi n° 96, mais je ne peux pas commenter vos
20 premières pages parce que je ne les ai pas lues. Il y a des
magnifiques titres, photos, etc., mais il y a un titre... il y a quand même un
titre formidable à la page 21, sur lequel je veux vous entendre, qui
s'appelle Du tripotage aux fesses des données. Je voudrais que vous
m'expliquiez, parce que je n'ai pas pu lire ce qui va avec, je sais que vous
parlez des données, mais d'où... pourquoi ce titre aussi parlant, Du
tripotage aux fesses — tripoter
des fesses, on sait un peu ce que ça veut dire, mais je trouve ça un peu osé
pour un mémoire sur la langue, la langue française — Du tripotage aux
fesses des données?
M. Laporte (Maxime) : Oh! je ne
voudrais pas vous choquer, Mme la députée. D'abord, je récuse cette espèce de
relativisme historique qui voudrait dire qu'au fond toute perspective sur
l'histoire du Québec, et ce, depuis la conquête et au-delà, se vaudrait plus ou
moins. Je pense qu'à tout le moins... depuis les travaux de Lionel Groulx puis
l'abandon de la thèse de la conquête providentielle, je pense qu'il y a un
certain consensus sur le fait que ces événements historiques ont été, ma foi,
fort structurants pour nous amener à la condition politique qui est la nôtre
aujourd'hui, quelle que soit, par ailleurs, notre orientation politique. Au
moins, en passant, je dois dire que de voir... Je vous ai lancé des pierres,
mais de voir le Parti libéral appuyer des motions aux côtés des autres partis
puis qu'il s'en dégage
une certaine unanimité au moins sur les principes, c'est une avancée,
considérant qu'à l'époque votre formation politique s'était opposée au
projet de loi 101, mais ça, on dira que c'est une histoire, peut-être, une
interprétation parmi d'autres.
Mais donc le
tripotage des données... Le tripotage des données, eh bien, c'est-à-dire
qu'Ottawa ne s'est jamais gêné pour tripoter, oui, les chiffres — peut-être
pas les fesses des chiffres, si ça vous gêne, mais disons les chiffres — dans
le but plus ou moins avoué de camoufler le déclin du français. C'est un
comportement politique qui a quand même été largement commenté et documenté. Et
il est arrivé qu'on modifie intempestivement la nature ou l'ordre des questions
posées dans le formulaire de recensement. Aussi, il y a belle lurette qu'on a
cessé de mandater des agents pour réaliser des entrevues à grande échelle avec
les répondants.
Donc, de nos jours,
bon, à peu près toutes les... toutes les données, je crois, colligées résultent
de réponses purement autodéclaratoires. On a élargi sans cesse, par exemple,
les RMR, dont celle de Montréal, ce qui fait que ce référent géographique se
révèle passablement peu utile. Il vaut mieux s'intéresser à la situation dans
l'île de Montréal, là, pour ceux que ça intéresse. On considère que c'est des
interventions indues, même malhonnêtes, dans certains cas, voire immorales dans
le processus scientifique, qui nuisent à la lisibilité de l'évolution des
données à travers le temps.
Et donc c'est sans
surprise que la population en général et même nos journalistes sont nombreux à
se laisser prendre au piège. C'est pour ça que moi, je loue beaucoup le travail
des Charles Castonguay de ce monde parce qu'il replonge dans les données brutes
et s'assure que la lisibilité des données au fil du temps soit adéquate.
• (17 h 50) •
Mme David :
Vous avez parlé tout à l'heure, parce que je prends beaucoup à partir de ce que
vous avez dit, tout à l'heure,
éloquemment... l'hégémonie, vous avez parlé de l'hégémonie culturelle anglo-américaine,
qui n'est pas nécessairement
uniquement au Québec ni à Montréal. Une hégémonie — par définition, c'est assez large — culturelle
anglo-américaine, on combat cela comment quand on est au Québec?
M. Laporte
(Maxime) : Alors, encore une fois, mon propos, c'est de dire que, tant
à ce qui a trait à cette hégémonie ou à cet
impérialisme culturel états-unien qu'aux phénomènes migratoires, ce sont à peu
près des constantes en Occident et
au-delà. Et, pour autant, ce ne sont pas toutes les sociétés... à l'extérieur,
évidemment, du giron du monde anglo-saxon, ce ne sont pas toutes les
sociétés qui s'anglicisent. Le Québec s'anglicise. Le Québec s'anglicise, bien sûr que c'est en partie, à l'évidence, en raison
de ces phénomènes, la difficulté d'intégrer, évidemment, les allophones,
nouveaux immigrants, en raison aussi de cet impérialisme culturel américain,
qui ne concerne pas juste la culture au sens des arts, du théâtre, de la
littérature, de la musique, mais aussi de la façon de penser, la culture
politique. Mais ces phénomènes, au fond, sont aggravés par un problème
sous-jacent que d'autres sociétés, la plupart des sociétés dans le monde...
avec lequel la plupart des sociétés dans le monde n'ont pas à composer, qui est
celui d'être annexé à un ensemble qui, au fond, participe du déclin de la
langue nationale.
Et puis c'est pour ça
qu'on insiste là-dessus, et je sais que c'est peut-être désagréable pour les
fédéralistes, mais moi, je pense que c'est important de ne pas se voiler la
face, parce que, si vous voulez mon avis, à moins qu'on instaure le processus
de révision décennale que nous proposons, ce projet de loi, cet exercice est peut-être
l'exercice de la dernière chance pour ce qui est de sauver l'avenir du français,
et ça, ça veut dire que c'est peut-être aussi la dernière chance pour le camp
fédéraliste de montrer à la population que c'est possible de garantir l'avenir
du français dans le cadre canadien. Le projet de loi, pour nous, est décevant.
Le projet de loi, comme plusieurs l'ont mentionné, ne permet pas d'atteindre
les objectifs minimaux pour ce qui est d'assurer la vitalité démographique du français
dans la durée, donc, pour nous, il y a fort à parier qu'en effet tout ce que je
viens de dire se réalise. Et alors, au fond, la question sera assez
simple : ou bien on en sort, ou bien on s'y laisse enterrer.
Mme David :
Alors, vous avez dit une phrase intéressante, je vous cite : «Vivre en français,
c'est célébrer l'amour de la langue.» Est-ce que vous trouvez que vos
compatriotes, nos compatriotes, les francophones du Québec protègent suffisamment
la langue française et ont l'amour de cette langue?
M. Laporte
(Maxime) : Oui, puisque, évidemment, si vous voulez, je fais un peu,
dans ce mémoire, la photographie, le film, si vous voulez, de nos victoires,
qui attestent précisément de cette fierté et de cette volonté de survivre,
cette volonté de persister dans l'être — je pense que c'est Spinoza — O.K.? Bien
sûr que cela émet... ce film a un négatif, comme en photographie, ce film a un
négatif qui est le récit... pas juste le récit, mais la réalité de nos
déchéances, de nos défaites, comme le disait si bien Henri Bourassa. En tout
cas, lui, il disait ça pour ce qui est de la
période qui commence à partir de la Confédération. D'une certaine façon, cette
altérité nous a poussés à développer des réflexes extraordinaires, que
l'on dira de survivance. Moi, j'aime mieux la vie que la survie, j'aime mieux
l'épanouissement que la survie, mais en effet ces réflexes sont remarquables.
Mais je termine en
disant que le peuple québécois est un peuple comme tous les autres. C'est
anormal qu'on lui impose de se battre à tout instant pour se faire respecter
dans son pays et dans sa langue.
Mme David :
Je vais vous arrêter pour vous dire... Quand vous dites que nous avons beaucoup
de réflexes pour se protéger, et tout ça,
c'est le réflexe, autour de la machine à café, autour d'une table, quand il y a
un anglophone, vous l'avez dit tout à l'heure, et tout le monde se met à
parler anglais, ce sont les francophones qui se mettent à parler anglais. Ce
n'est pas un réflexe de protection.
M. Laporte
(Maxime) : Écoutez, bien sûr, tout le monde est responsable de
l'avenir du français. Comme disait Bourgault
aussi, la langue, là, ce n'est pas un instrument de communication comme tous les autres. Ce n'est pas comme l'ordinateur avec
lequel je vous parle en ce moment ou, je ne sais pas trop, le téléphone que
j'ai ici. C'est un instrument de communication qui est incarné, qui est lié à la
vie, à l'être qu'on est. Donc, bien sûr que défendre la langue, c'est défendre
l'être que nous sommes, bon.
Mais, si tout le
monde est responsable de l'avenir de la langue, en revanche il y a des gens
dans cette société, des gens privilégiés, des élites qui ont une responsabilité
accrue du fait de leur rôle dans la société. Et, à ce titre, je pense que
l'histoire... c'est eux que l'histoire va juger, comme si, par exemple, d'ici
2060, grosso modo, on perd l'île de Montréal, on perd au sens où le français
s'y folklorise comme langue commune.
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, je vais maintenant aller du côté de la députée
de Mercier.
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente.
Merci beaucoup,
M. Laporte, pour votre présentation, votre mémoire.
Je voudrais aller sur
les changements dans la Constitution. D'écrire «nation et culture»... pas
«culture», mais «langue commune et officielle», vous accueillez ça
favorablement, vous dites que c'est une bonne chose. Quoique ça a été bien
accueilli par les fédéralistes, donc il y a peut-être anguille sous roche, mais
vous trouvez que c'est bien et même, dans vos recommandations, vous faites des
ajouts dans la Constitution canadienne.
J'aimerais savoir...
Parce que vous êtes indépendantiste, comme moi, comme le parti qu'on
représente, et c'est la meilleure façon de
protéger la langue française au Québec, c'est de faire l'indépendance. En
faisant des ajouts dans la Constitution de 1867, est-ce qu'on n'est pas
en train de la légitimiser?
M. Laporte (Maxime) : Vous savez, ce régime, on le légitime chaque fois
qu'on va voter au fédéral, a fortiori peut-être lorsqu'on compte
d'appuyer un parti fédéraliste. On le légitime chaque fois qu'on paie des
impôts. Ce régime, en fait, on le légitime du seul fait d'accepter d'y être
sans s'y opposer.
Mais ce que je
voulais dire, c'est que, bon, et je l'ai mentionné, il y a, au fond, deux
dimensions propres au combat indépendantiste : il y a le combat de la
reconquête, au fond, de l'indépendance, de l'émancipation puis il y a le combat
de la résistance. Le combat du français, évidemment, est fondamental dans cet
esprit-là puisque, si on ne se bat pas, si on ne mène pas ce combat de
résistance pour le français, alors l'autre dimension du combat, le combat
d'émancipation politique tombe. Alors, c'est un travail de résistance.
Et
puis, comme des grands révolutionnaires que nous admirons, vous et moi, que ce
soit Mandela, Gandhi, etc... vous
savez, ces gens se sont battus à la fois à l'intérieur du régime et, si vous
voulez, en dehors du régime, c'est-à-dire qu'ils ont formé des critiques
dans le régime et du régime, même si moi, je préfère de loin la critique du
régime.
• (18 heures) •
Mme Ghazal :
Vous dites : En attendant, s'il y a ce moyen-là, pourquoi pas, pour faire
respecter notre langue commune et pour les Québécois, donc. Je comprends, mais
est-ce que... Parce que, les Québécois, on dirait qu'on a besoin de quelque chose pour nous conforter au lieu de faire la
révolution, si je peux dire. Ce n'est pas un moyen de conforter? Je veux
dire, quand même, les Québécois fédéralistes trouvent que c'est une bonne
chose, et ça ne va pas encore... ça va
enlever cette résistance-là ou cette volonté de faire l'indépendance. Ça n'a pas ce risque-là, selon vous?
La Présidente
(Mme Thériault) : Je dois mettre fin à l'échange. Désolée, Mme la
députée, votre question était un petit peu longue, et il n'y a plus de place
pour la réponse.
Mme Ghazal :
Je sais.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député de Matane, la parole est à vous,
2 min 50 s.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente.
Me Laporte, un
plaisir de vous retrouver. Vous vous souvenez, on a eu des échanges avant ce projet
de loi là, et vous disiez : Le gouvernement pourrait bien nous étonner. Il m'a étonné à certains égards, il m'a
déçu sur l'essentiel.
D'abord, l'idée que
ce projet de loi doit être consensuel, ça ne m'apparaît pas un critère
important. Il faut faire ce qui est nécessaire,
et là je vous rejoins totalement. Ça passe notamment par les objectifs
quant à l'immigration francophone. Ça passe par une volonté que le cégep
ne soit pas une brisure dans le cursus français, notamment à un âge où c'est le
parcours professionnel, c'est la socialisation avec les adultes. Ça, c'est
deux enjeux importants. Donc, nous, on est d'avis que le projet de loi ne
va pas renverser le déclin. Est-ce également votre opinion?
M. Laporte
(Maxime) : Ah! oui, oui, c'est ce que je me suis tué à dire ces
40 dernières minutes, bien sûr.
Juste, si vous voulez
— je
pense, ça va vous intéresser aussi — que je réponde très rapidement à votre collègue, vous savez, je viens de publier une
étude à l'IRAI, en fait, en tant qu'avocat, sur la dimension constitutionnelle
de la reconnaissance formelle de la nation québécoise.
M. Bérubé :
J'ai peu de temps, hein?
M. Laporte
(Maxime) : Bon, vous savez,
il faut se fixer des objectifs réalistes dans l'espace et dans le temps,
je ne suis pas encore Sun Tse. On ne peut
pas imaginer, dans la situation actuelle que l'indépendance va se réaliser
demain matin...
M. Bérubé :
Me Laporte, je n'ai que 2 min 30 s. J'aimerais mieux que ça
soit sur mes questions...
M. Laporte (Maxime) : Ah bon.
Bien, allez-y, désolé.
M. Bérubé : Bien, écoutez, moi,
je crois partager avec vous que c'est maintenant ou jamais, c'est là que ça
doit se passer. Si on ne le fait pas...
L'objectif du gouvernement, disons-le, brisons
le tabou, il faut que ça ait l'air nationaliste puis que ça soit consensuel.
Moi, je ne vais pas juger de la force du projet de loi si le parti libéral vote
pour, je vais juger si ce n'est pas une mesure populaire, mais qui est
nécessaire pour renverser le français. Mais c'est un peu votre propos aussi.
M. Laporte (Maxime) :
Absolument, le consensus... J'ai entendu, je pense, le député de La Pinière
a insisté là-dessus, sur cette idée de
consensus. Je regrette, mais le Parti
libéral a très souvent gouverné en
faisant parfaitement fi des consensus et fi, surtout, des consensus
nationaux.
M. Bérubé : Croyez-vous? Alors,
moi, je pense qu'il ne faut pas viser le consensus, il faut viser la nécessité.
Et j'implore les observateurs de ce projet de loi là qui sont au gouvernement
du Québec, d'abord, qu'ils admirent la volonté du ministre et qu'ils soient aussi
convaincus qu'il l'est de la nécessité d'aller plus loin. Je ne veux pas le
gêner, mais je sais qu'il est très sensible à ces enjeux-là. Il reste à
convaincre le premier ministre et ses collègues du Conseil des ministres.
M. Laporte (Maxime) : Je pense
que vous avez bien résumé la situation.
M. Bérubé : Et, quand Guy
Rocher et Christian Dufour sont dans le même camp, c'est assez large.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ça met fin à cet échange, ça met fin à cet échange.
Donc, merci beaucoup, M. Laporte, de votre
passage en commission parlementaire.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants pour permettre au dernier groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 18 h 03)
(Reprise à 18 h 06)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous poursuivons nos travaux, et nous recevons M. Hugo Cyr, qui est
professeur et spécialiste en droit constitutionnel à l'Université du Québec à
Montréal. Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire la présentation,
bienvenue à l'Assemblée virtuelle, et la parole est à vous.
M. Hugo Cyr
M. Cyr (Hugo) : Bien, tout
d'abord, je tiens à vous remercier. Je tiens à remercier la commission pour cet
accueil. Je suis, tout d'abord, très heureux que l'on tente de mettre fin à un
long hiver constitutionnel, et donc c'est avec beaucoup de plaisir que je
reçois ce projet de loi et que je l'ai analysé. Mon témoignage se veut sans
complaisance ni malveillance. Mon objectif, c'est de s'assurer d'offrir à
l'Assemblée nationale des outils techniques pour
qu'elle puisse accomplir ses objectifs, c'est-à-dire mon témoignage va
aller dans le sens de limiter le plus possible les risques
d'invalidation potentielle de son projet de loi une fois qu'il sera adopté.
Donc, mon témoignage portera essentiellement sur
l'article 159 du projet de loi, celui qui prévoit que la Loi constitutionnelle
de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 90, de ce qui suit :
«Caractéristiques fondamentales du Québec
«90Q.1. Les Québécoises et les Québécois forment
une nation.
«90Q.2. Le français est la seule langue
officielle du Québec. Il est aussi la langue commune de la nation québécoise.»
Je vais y
aller tout de suite avec mes conclusions, et puis ensuite on pourra discuter.
En fait, il y a deux... (panne de son) ...conclusions subsidiaires, si
vous n'acceptiez pas les conclusions principales. Donc, mes deux premières
conclusions, c'est que, pour enchâsser les deux premières dispositions de
l'article 159, comme elles traitent de l'usage du français et de l'anglais, la
formule ou la procédure de modification constitutionnelle applicable serait la procédure bilatérale de l'article 43. Donc, il
faudrait à la fois une résolution de l'Assemblée nationale, mais aussi de
la Chambre des communes —
le Sénat, on pourra en discuter, il y a des enjeux techniques qu'on peut peut-être
passer outre — mais une proclamation du gouverneur général, et
il faudrait modifier légèrement le texte pour prévoir... et là vous
verrez dans mon mémoire les spécificités que je vous suggère, là, pour vous
assurer que le projet de loi ne soit pas invalidé.
En suivant ce mécanisme-là, on s'assurerait que les dispositions en question
auraient un effet supralégislatif, ça veut
dire qu'ils seraient protégés contre une invalidation par la Charte canadienne,
et aussi ces dispositions-là ne pourraient plus être modifiées par une
simple loi par la suite. Donc, c'est un enchâssement, à ce moment-là, de la disposition.
Subsidiairement,
si, pour des raisons quelconques, l'Assemblée nationale ne souhaite ou ne peut
pas faire adopter son projet avec... de concert avec les autorités
fédérales, à ce moment-là il y a une possibilité d'adopter une version de cet article-là sous l'article 45, donc, de manière
unilatérale par une simple loi. Par contre, le produit ne sera pas protégé
contre une application de la Charte canadienne et il pourra être modifié par la
suite par une simple loi par le législateur subséquent.
• (18 h 10) •
Si on allait dans cette voie-là, il faudrait
tout d'abord retirer la tentative d'inscrire ces dispositions-là dans l'article
90 de la Loi constitutionnelle de 1867 parce que seule une proclamation du
gouverneur général est capable de venir
modifier le texte de la Constitution du Canada et, deuxièmement, il faudrait
indiquer que le tout est sous réserve de
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l'article 19.1 de la
Loi constitutionnelle de 1982, parce qu'il y a des possibilités que la disposition soit interprétée comme étant
dérogatoire à ces deux articles-là, et, comme la formule de l'article 45 ne permet pas de modifier ni 133 ni
19, ce serait une façon de s'assurer que l'amendement, la modification
ne soit pas invalidée.
Maintenant, certains pourraient dire que la
disposition qui est prévue à l'article 159 en elle-même peut laisser planer des
doutes sur 133 et 19. Par contre, il est possible qu'à la lumière du reste de
la loi, on interprète ces dispositions-là comme signifiant qu'elles viennent
limiter la liberté de choix des parties, incluant les personnes morales, de
plaider et de produire des actes de procédure en français ou en anglais. C'est
un choix, c'est...
La
Présidente (Mme Thériault) : Nous allons suspendre les travaux
quelques instants... des petits problèmes de communication.
(Suspension de la séance à 18 h 12)
(Reprise à 18 h 13)
La Présidente (Mme Thériault) :
Notre petit problème technique est réglé. Donc, nous retournons au Pr Cyr.
Allez-y.
M. Cyr (Hugo) : Donc, si on
optait pour la deuxième voie, la voie par l'article 45, il faudrait
ajouter que les dispositions sont sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle
de 1867 et sous réserve de l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle de
1982 parce que certaines autres dispositions de la loi semblent restreindre le
droit, notamment, de choisir dans quelle langue est-ce qu'on va produire des
actes de procédure. Donc, 133 et 19 prévoient qu'on a le choix entre le français
ou l'anglais, alors que, là, on oblige la production d'une traduction. Et il y
a la question de l'interprétation. En cas de difficulté d'interprétation, on
dit que la version française aurait préséance. Or, c'est loin d'être clair que
l'arrêt Blaikie permettrait une telle chose.
Donc, essentiellement, je vous propose des modifications,
mais, je vous le rappelle, dans le simple but de m'assurer que le projet de loi,
de façon optimale, puisse atteindre son objectif. Et donc ce sont des mesures
que je considère sages, à la lumière de l'ensemble de la jurisprudence.
Et donc je suis maintenant disposé à entendre
vos questions. Le détail de mes positions se trouve dans mon mémoire, donc j'ai
essayé d'être le moins technique possible dans cette présentation.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, sans plus tarder, nous allons débuter l'échange avec M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente.
Bonjour, M. Cyr. Merci de participer aux
travaux de la commission.
Vous avez débuté vos propos par... vous êtes
heureux qu'on mette fin au long hiver constitutionnel. Alors, écoutez, j'en
suis heureux d'amener un peu de chaleur relativement à ce débat. Et je disais à
votre collègue Leclair que j'avais réussi,
je crois, avec ces dispositions-là, à émoustiller les constitutionnalistes québécois, et je suis
heureux qu'on ait désormais un débat. Est-ce que vous êtes toujours là? Oui?
M. Cyr (Hugo) : Oui, je suis de
retour.
M. Jolin-Barrette : Et je suis
heureux, maintenant, qu'on ait un débat sur les dispositions de la Loi
constitutionnelle de 1867, la Loi constitutionnelle de 1982 parce que
semblerait-il que la Constitution est un arbre vivant. Alors, vous, dans votre
mémoire, vous dites... Vous comparez plutôt la Constitution à un édifice avec
le solage et puis sur le fait qu'on ne peut pas utiliser l'article 45 pour
faire en sorte de venir inscrire que les Québécois et les Québécoises forment
une nation et que la langue officielle du Québec est le français. Or, si on est
uniquement en termes de métaphores, pourquoi ne pourrions-nous pas venir ajouter
une annexe, hein, à la maison? Comme... parce que la Cour suprême dit que la
Constitution est un arbre vivant, doit être interprétée largement, tout ça.
Mon précédent collègue de Saint-Laurent aimait
beaucoup parler du fruit qui n'était pas mûr, mais que, finalement, le fruit avait mûri quand il a déposé sa politique Québécois,
notre façon d'être canadiens. Alors, voyez-vous, moi, je crois que
la Constitution nous permet de faire cela. Et d'ailleurs il y a plusieurs de
vos collègues qui sont en accord. Je comprends que vous, vous n'êtes pas en
accord, le Pr Leclair, Maxime St-Hilaire, de l'Université de Sherbrooke,
mais semblerait-il qu'il y ait un espace, alors pourquoi ne pourrions pas
mettre une annexe à la maison que nous n'avons pas choisi d'habiter?
M. Cyr (Hugo) : Premièrement, l'idée de mettre une annexe ou de l'arbre
vivant, j'en suis, je suis entièrement d'accord. C'est comme ça que
notre Constitution s'est développée. On parle d'un arbre vivant qui croît selon
ses limites naturelles. Donc, l'idée, c'est qu'il faut qu'on puisse trouver la
bonne branche à laquelle accrocher les choses.
Maintenant, je n'ai
pas fait de commentaire sur la ligne «les Québécoises et les Québécois forment
une nation» parce que ça, en soi, ça ne pose pas problème en termes de
modification constitutionnelle, cette affirmation-là. La question, c'est de
savoir à quel niveau de la hiérarchie constitutionnelle ça va se trouver. Mais,
si le Québec, dans la constitution de sa province, la constitution du Québec,
souhaite l'affirmer, il peut le faire, et c'est d'ailleurs ce que j'ai
mentionné dans mon mémoire.
Le problème avec «le
français est la seule langue officielle du Québec», c'est qu'il y a un texte...
On peut croître, on peut se transformer, mais on ne peut pas entièrement faire
fi du texte de l'article 45, qui parle bel et bien de... Lorsqu'il s'agit
de l'usage du français ou de l'anglais et qu'on veut modifier les règles
concernant l'usage du français et de l'anglais dans la province, là, la formule
applicable, textuellement, c'est l'article 43 qui prévoit que ça peut se
faire de façon bilatérale entre Québec et Ottawa, et ça, c'est une exception
parce qu'autrement, lorsqu'on veut modifier
les enjeux sur la langue, si ce n'était pas pour la province, ça serait la
formule d'unanimité qui est prévue. Donc,
on prévoit que, pour modifier les enjeux sur la langue, c'est l'unanimité, mais
pour les provinces, pour modifier l'usage, pour modifier la Constitution
du Canada relativement à l'usage du français et de l'anglais, c'est
l'article 43.
M. Jolin-Barrette :
Juste une question pratico-pratique là-dessus, là, parce que, depuis 1977,
l'article 1 de la Charte de la langue
française établit que la langue
officielle du Québec est le français. Or, est-ce que, par vos propos... parce
que ce qu'on fait, c'est qu'on reproduit, on duplique, dans la Loi
constitutionnelle de 1867, cette disposition-là à 90Q.2. Est-ce que, par vos
propos, je dois comprendre que l'article 1 de la Charte de la langue
française, qui est là depuis 1977, est en contravention avec l'article 133
de la Loi constitutionnelle de 1867?
• (18 h 20) •
M. Cyr
(Hugo) : Bien, dans l'arrêt Blaikie, la Cour suprême dit expressément
qu'elle ne se penche pas ou qu'elle n'émet pas d'opinion sur la validité de
cette disposition-là, mais elle dit par ailleurs que... elle a invalidé par
ailleurs d'autres dispositions qu'elle dit découler ou illustrer ce
principe-là. Donc, ce que je vous dis, c'est : Il y a un risque, il y a un
risque. Je ne vous dis pas... mais, je vous dis, cette disposition-là, il y a
un risque.
Maintenant, à
l'époque de Blaikie, on est avant 1982, on est avant l'adoption de la Charte
canadienne, on est avant l'adoption de la loi de 1982, qui modifie les règles d'amendements
constitutionnels. Et, depuis 1982... ce qui n'était
pas le cas avant, hein? En 1976, 1977, ce n'étaient pas les mêmes formules d'amendement qui étaient disponibles. Maintenant, ce qu'on voit depuis 1982,
la formule qui prévaut à l'article 43, elle spécifie pour les modifications
qui touchent les langues dans notre
province, l'usage de la langue dans la province. Peut-être,
pour les fins du... il serait utile que je le mentionne spécifiquement,
là, mais on dit qu'il faut une participation bilatérale pour modifier la
Constitution lorsqu'on parle des dispositions relatives à l'usage du français
ou de l'anglais dans une province. J'aime à croire que, si on veut spécifier
que le français est la langue officielle du Québec, c'est qu'on... (panne de
son) ...sur l'usage du français ou de l'anglais dans la province. Je ne vois
pas, sinon, à quel autre sujet.
M. Jolin-Barrette :
On vous a perdu juste comme 10 secondes. Pouvez-vous répéter votre dernière
phrase?
M. Cyr
(Hugo) : Oui. Si... L'article
43, qui prévoit la formule d'amendement bilatéral, il dit qu'elle s'applique spécifiquement
aux modifications des dispositions relatives à l'usage du français ou de
l'anglais dans une province. Donc, elle porte spécifiquement là-dessus. Donc,
avant 1982, on n'avait pas cette...
M. Jolin-Barrette :
Ça, je comprends, mais ce qui est ironique dans tout ça, c'est qu'il y a une
formule d'amendement constitutionnel auquel le Québec n'a pas adhéré, hein?
Donc, je comprends qu'on est post-1982, mais en 1982, ils n'ont pas demandé
l'avis de l'Assemblée nationale puis de la nation québécoise non plus pour
adhérer. Puis l'enjeu est à l'effet... Oui, il y a Blaikie en, quoi, 1979,
1981, je pense, les deux Blaikie...
M. Cyr
(Hugo) : 1979.
M. Jolin-Barrette :
...mais il y a une marge entre l'article 1 et 133, il y a une cohabitation
entre les deux.
Et, vous savez, moi,
mon questionnement est à l'effet... Tout à l'heure, on parlait d'arbre vivant,
mais, vous savez, un arbre, parfois, si on n'en prend pas soin, ça finit par
mourir. Alors, je serais curieux de savoir qu'est-ce qui arriverait si jamais
les cours invalidaient l'article 1 de la Charte de la langue française. Ou
même, au même titre, là, que ce que nous
faisons, là, dans la Loi constitutionnelle de 1867, en venant insérer que les
Québécois et Québécoises forment une nation puis que la langue
officielle du Québec, c'est le français, je serais curieux de savoir ce qui
arriverait avec l'arbre constitutionnel.
Et d'ailleurs le tout
est fait, et il y a plusieurs constitutionnalistes qui sont venus nous le dire,
en tout respect de l'article 133 et des
droits qui y sont garantis. Parce que ce que Blaikie nous dit, c'est qu'on ne peut
pas venir toucher à 133, mais ce n'est pas ça qu'on fait. Mais entre le
mur-à-mur, il y a une marge, et je crois bien humblement que nous allons dans
cet espace-là qui est disponible pour un partenaire fédératif. Parce que c'est
ça également que Benoît Pelletier nous disait, il nous disait : Les
entités fédérées peuvent avoir une marge à l'intérieur de l'État fédéral.
Et mon questionnement
est à l'effet également que le fédéral, lui, a modifié la Loi constitutionnelle
de 1867. Est-ce dire que la Loi constitutionnelle
de 1867 n'appartient qu'au Canada, qu'au gouvernement fédéral ou elle
appartient également aux entités fédérées qui composent le Canada?
M. Cyr
(Hugo) : Là, il y a plusieurs points, là, dans votre dernier
commentaire. Sur le premier, mon analyse, ici, va se résumer à une analyse
purement technique, constitutionnelle, c'est-à-dire pas sur la légitimité du
statut de la Constitution de 1982, elle est là. Donc, comme analyste, je vous
parle à partir des normes existantes, voilà. Maintenant, on peut être d'accord ou ne pas être d'accord,
il y a des référendums qui se sont faits là-dessus, bon, mais,
présentement, le contexte dans lequel moi, je m'exprime comme juriste...
M. Jolin-Barrette : Mais il n'y
a pas de référendums qui se sont faits sur la Loi constitutionnelle de 1982.
M. Cyr (Hugo) : Non, mais je
parle du référendum de 1995, où, de façon implicite, on avait... on a eu un
référendum sur la question de savoir est-ce qu'on reste à l'intérieur de ce
cadre-là ou pas. Mais ce que je vous dis...
M. Jolin-Barrette : Mais ce
n'était pas la question. Est-ce que vous adhérez...
M. Cyr (Hugo) : ...c'est que
mon analyse ne dépend pas de la légitimité...
M. Jolin-Barrette : La
question... Je n'ai pas voté, mais...
M. Cyr (Hugo) : Je suis
d'accord. Non, non, je ne vous ai pas dit que...
M. Jolin-Barrette : ...ce
n'était pas ça, la question.
M. Cyr
(Hugo) : Non, non, ce que je
vous dis, c'est qu'effectivement, lorsqu'il y a eu le rapatriement, il n'y
a pas eu de référendum, et donc certains des politistes plutôt que des juristes
pourraient nous dire qu'il y a un déficit de légitimité de ce côté-là, soit.
Moi, ce que je vous dis, c'est que mon analyse ne dépend pas de ça, mon analyse
est purement sur le plan juridique, et donc, si on venait qu'à invalider les
dispositions, je peux imaginer que ça aurait un impact important à l'intérieur
du Québec, mais c'est, entre autres, pour ça que moi, je vous propose des
façons d'éviter que ça se présente.
Mais maintenant, sur 133 et 19, je remarque
qu'il y a eu des efforts qui ont été faits pour marcher le plus proche de la ligne possible, et moi, je vous
dis : Il y a un risque fort qu'on ait outrepassé la ligne. Par exemple,
sous 19.1 et 133, on prévoit que
chacun a le droit de choisir entre le français ou l'anglais lors de la production d'actes de
procédure. Or, le projet de loi actuel dit qui... si on est une personne
morale, on a l'obligation de fournir la traduction. Moi, je vous dis :
C'est une obligation supplémentaire qui s'ajoute à 133 et à 19.1 et qui
pourrait être interprétée comme étant... venant limiter l'exercice du droit
prévu en forçant les gens à débourser pour cette traduction-là. Donc, je vous
dis, c'est un risque.
Pour ce qui est de la disposition sur
l'interprétation...
M. Jolin-Barrette : Juste une
question pratico-pratique. Trouvez-vous ça normal que, lorsqu'une entreprise,
donc une personne morale, poursuit une personne au Québec, une Québécoise ou un
Québécois, la personne physique, là, elle reçoive une procédure en français?
Qu'une entreprise étrangère, supposons, qui vient poursuivre un citoyen québécois,
on l'oblige à dire : Vous pouvez prendre votre procédure en anglais, c'est
prévu par l'article 133, mais dire :
Vous allez également fournir une copie traduite en Québécois?
Supposons qu'il y a un litige, là, un travailleur qui serait
congédié, O.K., supposons, sur la Côte-Nord. Il a travaillé 20 ans de sa vie
pour une entreprise, pour 25 ans de sa vie pour une entreprise, une papetière,
supposons, il se fait congédier, puis là il veut avoir des renseignements sur
son fonds de pension, il veut avoir des renseignements sur sa paie, il ne se
fait pas payer, il n'a pas son T4, puis là c'est juste en anglais. Le travailleur
québécois, il est unilingue francophone, puis lui, là, il ne comprend pas les procédures devant les tribunaux. Trouvez-vous ça
normal qu'une multinationale qui fait affaire au Québec, lorsqu'elle
poursuit ou qu'elle agit devant une instance, devant un tribunal québécois,
elle fournisse une copie en français des procédures judiciaires à l'encontre
d'un Québécois ou d'une Québécoise?
M. Cyr
(Hugo) : Vous savez, comme
expertise d'un... comme juriste qui vient vous donner un avis juridique,
ça ne vise pas à évaluer l'opportunité des règles qui seront existantes, moi,
je vous dis les règles comme elles existent. Si
vous n'êtes pas satisfaits, bien, vous êtes les législateurs, vous pouvez le
faire. Par contre... Vous pouvez les modifier. Par contre,
vous devez le faire selon les règles existantes, des règles de modification applicables. Or, pour modifier 133, si vous voulez le faire, ce
que vous venez de me dire, bien, la façon la plus simple, c'est de le faire de
façon bilatérale par... en vertu de l'article 43. Vous pourriez modifier ça
pour le Québec, sauf que l'article 19.1, lui, vous ne pourriez pas le faire,
c'est écrit dans la Constitution de 1982, et, pour la modifier, celle-là, il
faudrait l'unanimité. Donc...
M. Jolin-Barrette : Et, juste
pour expliquer...
M. Cyr (Hugo) : À moins que
vous vouliez prendre votre bâton de pèlerin, mais ça, c'est libre à vous.
• (18 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Juste pour
expliquer aux membres de la commission, 19.1, ça touche les tribunaux fédéraux,
donc la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale, ça ne touche pas les
tribunaux judiciaires québécois. Mais je
comprends de votre propos que 133, il est très, très rigide et il doit y
avoir une... il doit y avoir une interprétation extensive.
Donc, vous le voyez comme un bloc, puis il n'y a pas de marge. Or, quand il y a
eu Blaikie, il y a une marge, parce qu'ils n'ont pas touché à l'article 1. Ils
ont touché à certains éléments de la langue de la justice, de la langue des
lois, mais ils n'ont pas touché à 1.
Alors, c'est
pour ça que je diffère fondamentalement d'opinion avec vous, parce que c'est
comme s'il n'y avait pas d'espace.
Or, à tous les jours, il y a de l'espace. Je donne un exemple, là,
l'article 15, là, dans la Loi constitutionnelle de 1982, là,
relativement au droit à l'égalité, là, bien, écoutez, on dit : «La loi ne
fait [pas] acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont
droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de
toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race,
l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les
déficiences mentales ou physiques.» Or, certains tribunaux ont interprété ce libellé-là comme s'appliquant également à la
discrimination sur la langue. Or, ce n'est pas inscrit dans la
Constitution. Mais il y a une marge, ce n'était pas nommément inscrit, mais
c'est possible. Même chose à 23...
M. Cyr (Hugo) : En fait, ils
n'ont pas besoin de l'avoir nommé explicitement parce que, sous 15, il y a le
terme «notamment» qui explique pourquoi on peut le faire. Je vous dis :
Sous l'article 133... La raison pour laquelle...
Vous me posez la question : Pourquoi, Blaikie, on n'en a pas parlé? C'est
que les tribunaux ont cette habitude d'effectivement
dire : Si on est capable de résoudre le problème sans examiner tous les
autres problèmes, on va y aller de façon limitée, hein, c'est ce qu'on
appelle une vertu passive.
Par contre, ce que je vous dis, c'est :
Compte tenu du fait que vous les mettez en avant comme étant... et c'est un
petit peu comme si vous mettez tous les feux de la rampe sur cette
disposition-là, là, vous invitez directement une contestation directement sur
cette disposition-là.
M. Jolin-Barrette : Mais moi,
je n'invite rien du tout.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à cet échange.
M. Jolin-Barrette : Je ne pense
pas que c'est une bonne idée de contester cette disposition-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à cet échange. Donc, malheureusement, M. le ministre, je
dois mettre fin à l'échange. On voit que les questions soulèvent des passions.
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous
avez 11 min 20 s à votre disposition.
Mme David : Bonjour,
Pr Cyr. Heureuse de vous revoir. Je ne pensais jamais un jour vous
retrouver dans des conditions comme ça et
surtout après une conversation comme ça où, mine de rien, je me mettrais au
même niveau que des juristes qui discutent, comme ça, des deux chartes
et puis des deux constitutions, 1867, 1982, l'article 19,
l'article 133. C'est un vrai cours accéléré constitutionnel. Puis, comme
vous savez très bien, ce n'est pas mon univers d'origine. Mais c'est rendu...
vous dites... le ministre dit : Ça émoustille les constitutionnalistes. Il
a raison, c'est incroyable. C'est fascinant, en fait, de voir ça.
Et ça montre une chose, c'est que, s'il y a
quelque chose qui est subjectif, c'est peut-être le milieu juridique et les
lois. Parce qu'on l'a dit ce matin il y avait comme deux équipes de hockey, il
y en a une qui est pro puis l'autre qui a des réserves sur l'article 133,
l'inscription dans la Constitution. Est-ce que c'est l'article 43? Est-ce
que c'est l'article 45? Est-ce que c'est la nation? Est-ce que c'est la
langue officielle? Est-ce que c'est le mot «seule langue officielle»? Moi, je trouve ça passionnant, parce
que ce sont de vrais débats qui alimentent des arrêts de la Cour
suprême, des... c'est... Il y en a beaucoup, d'avocats, là, sur la terre, là,
puis il y en a beaucoup au Québec, je pense, c'est 25 000, je pense, avocats, puis il y a beaucoup d'étudiants en
droit, vous avez été doyen, vous le savez. Alors, je trouve ça
particulièrement intéressant, mais particulièrement non attractif pour des
non-juristes et non-constitutionnalistes. Vous dites : J'ai fait un gros
effort dans mon mémoire —
que j'ai lu hier soir, parce que, ça, malheureusement, des fois, ils arrivent un peu dernière minute. Je vous
ai trouvé, oui, accessible, mais évidemment c'est du droit, bon, et puis
vous ne pouvez pas parler de tomates puis de laitues, là, c'est du droit, et
puis il faut qu'on essaie de vous suivre.
Et j'étais
passablement déprimée plus ça avançait, parce que je me disais : Mais on
ne s'en sortira pas, on ne s'en sortira
pas. Ça ne marche pas, le 90Q.2. Il nous fait une démonstration, là, que c'est
impossible, que c'est inconstitutionnel, que ça va, bon, être tout de
suite poursuivi en justice, puisque ce n'est pas l'article 43... Penser
que l'article 43, c'est beaucoup plus
exigeant que l'article 45, puis... Oui, vous l'avez bien dit : C'est
supralégislatif, c'est beaucoup plus solide, c'est du béton. Le 45,
c'est peut-être du bois franc, c'est peut-être une maison un peu plus...
puisqu'on est dans les comparaisons architecturales, c'est peut-être un peu
moins solide, mais c'est une simple loi. Ça peut être changé d'un gouvernement
à l'autre, mais c'est quand même quelque chose de possible.
Alors, on se rend à la toute fin, puis, à la toute
fin, là, vous dites : Bien, coudon, si ça ne marche pas, si ça ne marche pas, si ça ne marche pas, allons vers
quelque chose sur lequel, nous, dans nos réflexions, on s'était fait
suggérer, le fameux, entre guillemets, sous réserve de l'article 133 de la
Loi constitutionnelle 1867 et l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle
1982. Ouf! J'ai fini vos 42 pages, ou je ne sais trop, avec ça, exactement
ça, puis là je me suis dit : Bien, il y a peut-être espoir, à ce
moment-là, il y a peut-être espoir que ce «sous réserve» auquel... bon, là,
vraiment, les constitutionnalistes deviennent passionnés. Benoît Pelletier,
c'est vrai, a dit : Ce n'est même pas nécessaire. Jean Leclair a dit autre
chose, puis le contact, on le sait, jeudi, était très mauvais. Je ne sais pas
ce qu'il y a avec les constitutionnalistes qui viennent en commission, mais on
dirait que, des fois, le contact Internet n'est pas très bon, donc ça a été un peu malheureux. Ça a coupé, il a
fallu suspendre, reprendre, puis vous, des fois, ça coupe un petit peu.
Mais
tout ça pour dire qu'il y a des pour, il a des contre. Le ministre, je ne sais
pas comment il va trancher. Moi, je suis encore moins bonne pour savoir comment
trancher ça, évidemment, mais je veux quand même vous entendre sur la fin de
votre mémoire. Vous dites... et vous l'avez redit que, quand même, on peut
mettre ça, «sous réserve de l'article 133», toujours en utilisant le
recours à l'article 45, que ça ne serait pas infaisable — est-ce que
j'interprète bien? —
mais que c'est loin d'être votre premier choix.
M. Cyr
(Hugo) : Bien, en fait, tout à fait. Quand je dis que c'est loin
d'être mon premier choix, c'est que je comprends que l'Assemblée nationale
souhaite enchâsser cette reconnaissance dans la Constitution du Canada, puis,
si elle veut le faire, le moyen pour le faire, c'est l'article 43.
Maintenant, si elle
ne veut pas y aller de manière bilatérale, elle peut quand même, en vertu de
l'article 45, adopter certaines dispositions, mais, à ce moment-là, je lui
suggère de dire qu'on modifie la constitution du Québec, qu'on le dise
clairement, c'est la constitution du Québec qu'on veut modifier, et qu'on mette
«sous réserve des articles 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 19.1
de la Loi constitutionnelle de 1982».
S'il n'y a aucune
atteinte à ces deux dispositions-là, bien, ça ne change rien, ça ne change
strictement rien pour le projet de loi, puisqu'il n'y a pas d'atteinte. Si le ministre
a raison puis qu'il n'y a pas d'atteinte, bien, ça ne lui coûte rien d'ajouter
ça parce que ça ne viendra pas limiter la portée de sa disposition. Si par
contre les juges étaient plutôt d'avis, comme moi, qu'il y a peut-être des
atteintes à 133 et à 19.1, bien là, on vient protéger la disposition pour ne
pas qu'elle soit invalidée, parce qu'on va dire : Bien non, la disposition
s'applique sur tout le reste, mais on ne vise pas à exclure ou restreindre ces
droits-là. Donc, c'est une sorte de police d'assurance. Si on n'en a pas de
besoin, bien, en plus, ça ne nous coûte rien. Donc, si on n'en a pas de besoin,
elle ne sera pas utilisée, mais, s'il y a un risque qui se réalise, bien, au
moins, les dispositions qu'on va avoir adoptées, elles seront protégées puis
elles ne seront pas invalidées. C'est dans ce sens-là que je vous dis...
Mme David :
On pourrait penser...
M. Cyr
(Hugo) : C'est avec bienveillance.
Mme David :
Oui, oui, mais c'est intéressant, votre commentaire. On peut penser que ça
pourrait aussi rassurer la communauté d'expression anglaise, qui est un peu
inquiète par rapport aux lois des tribunaux, par exemple, la langue des
tribunaux, la langue de la justice, la langue des parlementaires, etc. Alors,
vous dites : Ça ne coûte rien. Mais qu'est-ce que... Si vous étiez dans la
tête du ministre, on aura l'occasion d'en discuter avec lui, mais pourquoi il s'opposerait à mettre «sous réserve de
l'article 133», ces petits mots-là de plus? Si ça ne coûte rien, c'est
une protection additionnelle, puis, bon Dieu, ça fait plaisir à bien des constitutionnalistes, la communauté anglophone,
etc., qu'est-ce qui pourrait faire qu'il
résisterait à ces propositions... cette proposition faite par plusieurs
constitutionnalistes?
• (18 h 40) •
M. Cyr
(Hugo) : Pour être franc, ce
n'est pas moi qui pourrai répondre à cette question. Il va falloir
vraiment demander au ministre, mais, sur le plan juridique, ça ne coûte absolument
rien.
Mme David :
O.K., O.K. Il y a quelque chose, quand même, que vous avez dit... non, c'est
même... c'est même le ministre qui l'a dit, j'ai noté, mais moi, je vais
l'appliquer à autre chose, alors, c'est une technique intéressante. Il a dit : Entre le mur-à-mur, il y a
une marge. Bon, lui, il ne parlait pas de la disposition de dérogation,
je le sais, mais moi, je vais essayer de
l'appliquer, cette phrase-là, aux dispositions de dérogation dont vous, malheureusement,
ne parlez pas. C'est... Alors, je sais que
je vais en dehors de votre mémoire, mais je vais quand même poser la question
à quelqu'un qui s'y connaît en matière de droit.
Les fameuses dispositions
de dérogation, parce que ça aussi, évidemment, ça fait couler beaucoup,
beaucoup d'encre, ça et la Constitution, alors qu'il y a 208 articles,
mais, alors, allons-y un peu. Qu'est-ce que... Parce que beaucoup ont
dit : Attention; Pr Taillon, entre autres, qui est aussi un autre
constitutionnaliste, qui a travaillé beaucoup sur ce projet de loi là et qui
dit : Oui, pour certaines choses, dont les pouvoirs d'enquête de l'OQLF,
là, les fouilles, les saisies, bon, il y a dérogation puis il y a... il n'y a
pas de mandat qui est demandé. Qu'est-ce que vous pensez de ça, de lever la
dérogation pour certains articles? Je vous donne cet exemple-là. Il faut-tu du
mur-à-mur ou, comme le dit le ministre, entre le mur-à-mur, il y a une marge?
M. Cyr
(Hugo) : Bien, évidemment, quand on couvre mur à mur, on n'échappe
rien, sauf que parfois on écrase des choses. Et donc, si je fais une
comparaison avec une autre doctrine qu'on utilise en droit, quand on est pour
porter atteinte à des droits, on pose des tests. Et on a des questions qu'on se
pose habituellement, on dit : Est-ce que l'objectif est suffisamment
important? Ici, je pense que les gens, en général, s'entendent, là, que ce n'est
pas un problème. Mais ensuite il y a la question de la proportionnalité. Et là
on se pose la question : Est-ce qu'il y a un lien rationnel? Et puis
est-ce que c'est l'atteinte... Est-ce que c'est les moyens les moins
attentatoires ou l'atteinte la plus minimale au droit pour réussir à atteindre
notre objectif? Est-ce que c'est les moyens les plus... qui portent le moins
atteinte aux droits qui nous permettraient quand même d'atteindre notre
objectif?
Donc, ça, ça peut
être un outil pour évaluer, pour le législateur comme pour les juges, si les
mesures sont appropriées.
Maintenant, pour ce
qui est de la question fouille, perquisition, saisie abusive, là, je sors de
mon mémoire, mais évidemment ce n'est pas aussi clair qu'il y a un lien très
fort entre être capable d'aller faire ces fouilles-là sans mandat et la
protection de la langue française.
Maintenant, c'est vous, les
législateurs... vous devez prendre cette décision d'opportunité là. Mais
évidemment, dans la tradition qui protège les droits et libertés, on tente,
dans la mesure du possible, de limiter les atteintes à ce qui est nécessaire
pour atteindre notre objectif.
Le
Président (M. Lemieux) : En 15 secondes.
Mme David :
Il y a eu beaucoup de dérogations à travers l'histoire depuis cette mesure-là,
1982. Il y en a eu, des mesures dérogatoires, des dispositions, mais souvent
c'était ciblé.
Le
Président (M. Lemieux) : Et voilà. Alors, la période d'échange
avec l'opposition officielle est terminée.
On
passe à la députée de Mercier pour 2 min 50 s, professeur.
Mme Ghazal :
Merci, M. le Président. Merci, M. Cyr.
Écoutez,
c'est vraiment fascinant, là, le droit constitutionnel. Moi, j'ai très, très
hâte qu'on invite tous les constitutionnalistes qui sont venus dans cette
commission quand mon parti, Québec solidaire, on mettra sur pied une assemblée
constituante, comme c'est écrit dans notre programme, après octobre 2022.
Je
voulais... En fait, oui, par rapport à la disposition de dérogation, est-ce
que... Parce que, là, elle est mise partout
dans le projet de loi, pour toutes les dispositions, alors j'aimerais vous
entendre là-dessus. Vous en parlez dans votre mémoire, mais j'aimerais
que vous le résumiez. Ça ne serait pas mieux, par exemple, que le ministre
décide... la clause devrait être utilisée pour quelles dispositions pour éviter
des poursuites en vertu de la charte?
M. Cyr
(Hugo) : En fait, il n'y a pas d'obligation de... pour éviter des
poursuites, ça ne changera rien. Mais idéalement, si on est capable
d'identifier quelles dispositions sont à risque, bien, c'est plus précis et ça
évite de faire du mur-à-mur.
Et
aussi, plutôt que de dire «les articles 2, 7 à 15», c'est-à-dire tous les
articles de la Charte canadienne pour lesquels il est possible de déroger, on
pourrait spécifier quels qui sont importants. Par exemple, je ne suis pas
certain qu'une protection contre... qu'il est nécessaire de déroger au droit
qui protège contre les peines cruelles et inusitées. Pourtant, la disposition,
comme elle est écrite, permet de déroger à ce droit-là.
Mme Ghazal :
Alors qu'il n'est pas touché. Puis pour...
M. Cyr
(Hugo) : Bien non, c'est ça. Qu'on vise la liberté d'expression ou
qu'on vise... ça, c'est correct. Mais, encore là, ça, c'est un choix qui vous
appartient, à vous, ça ne relève pas d'une expertise particulière juridique.
Mme Ghazal :
O.K. Puis, pour l'article 159, je veux dire, du projet de loi, il faut demander
la proclamation du gouverneur général sous le sceau du Canada, autorisée par
des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes. Je veux dire,
politiquement, ce n'est juste pas... c'est impossible à faire. C'est pour ça
que vous donnez cette porte de sortie d'ajouter «sous réserve de l'article 133
et 19»?
M. Cyr
(Hugo) : Bien, impossible, ça, ça reste à voir. Maintenant, le Sénat,
on peut passer outre parce qu'il y a une procédure qui permet de le
faire. Maintenant, si le gouvernement fédéral se dit disposé ou ouvert, ça se
fait de façon bilatérale seulement. Donc, ce sera uniquement avec le
gouvernement fédéral, et pas les autres provinces. Donc, ça, ça fait une
différence, mais ça peut être très difficile à obtenir, j'en conviens. C'est
pour ça que je laisse cette autre porte qui est disponible pour faciliter les
choses.
Le
Président (M. Lemieux) : Et ça conclut cette réponse.
Les
dernières questions posées par le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé :
Merci, M. le Président.
Bonjour,
Me Cyr. Le gouvernement a parlé abondamment de sa volonté d'une modification
constitutionnelle. Depuis le début, je me pose la question : Qu'est-ce que
ça va changer de concret pour le sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire le
déclin du français et renverser ce déclin? On a des opinions très variées,
mais, dans bien des cas, on nous dit :
C'est essentiellement symbolique. Bon, alors, bien, je voulais vous entendre
aussi là-dessus. Est-ce que vous trouvez... Bon, on peut juger de
l'opportunité ou non de le faire, mais ça dépend de la capacité qu'on a de le
faire. Alors, est-ce que vous croyez que les possibilités sont bonnes, moyennes
ou mauvaises?
M. Cyr
(Hugo) : Bien, d'y aller de façon unilatérale sous 45, je pense
qu'elles ne sont pas très bonnes. C'est très risqué.
M. Bérubé :
C'est mauvais?
M. Cyr
(Hugo) : Et le danger, c'est que les dispositions vont avoir
simplement un effet interprétatif pour les autres lois, mais elles ne seront
pas protégées contre la Charte canadienne, ce ne sera pas protégé contre
d'autres enjeux. C'est pour ça que je... Ce
que je comprends, moi, c'est qu'on veut mettre dans la Constitution...
enchâsser dans la Constitution du Canada pour lui donner une force
supérieure.
M. Bérubé :
Oui, mais vous n'êtes pas le seul qui nous indique que c'est symbolique, ça a
peu de chances de réussite et que plus ça avance, plus le ballon dégonfle.
Donc, on revient à l'essentiel, il faut adopter des mesures qui font en sorte
de renverser la tendance. Et, avec le temps qu'il nous reste, quel est, selon
vous, là, l'élément sur lequel il faut le plus insister pour renverser cette
tendance-là négative pour la langue?
M. Cyr (Hugo) : Bien, sur cette
question-là, je n'ai pas une expertise particulière, donc je vais me retenir.
M. Bérubé : Donc,
vous, c'est la Constitution qui vous a intéressé à venir échanger avec nous,
surtout.
M. Cyr (Hugo) : Bien, écoutez, vous
savez...
M. Bérubé :
C'était la diversion voulue, hein?
M. Cyr (Hugo) : Oui, c'est que
les experts... Oui, oui. Non, non, mais les experts...
M. Bérubé : Ça a
marché.
M. Cyr (Hugo) : ...le risque,
c'est qu'on se présente comme étant des experts sur tout.
M. Bérubé :
Surtout des experts aussi.
M. Cyr
(Hugo) : Mais je ne suis pas
un expert sur tout. Puis ce que je... Oui, donc, j'essaie de me limiter sur
ce...
M. Bérubé : Mais,
maître, vous êtes d'accord avec moi qu'on a attiré plein de gens de talent en
droit, mais c'est une diversion magnifique sur l'essentiel, c'est comment
renverser le déclin, et on n'y arrive pas, puis en plus ça a l'air que ce n'est pas faisable. Alors, je nous
suggère de continuer à réfléchir à des données concrètes et à des
mesures concrètes pour renverser le déclin, et on en a un grand nombre, que je
partage avec les membres de la commission. Et j'invite le ministre à réaliser
que, finalement, ce n'était pas si génial que ça. Avez-vous d'autres choses à
ajouter?
Le Président
(M. Lemieux) : En 10 secondes. Oh! Je pense que, là, on l'a
perdu.
M. Bérubé :
J'aurai donc le mot de la fin, M. le Président.
M. Cyr (Hugo) : Bien, c'est
comme je vous dis... expertise.
Le Président
(M. Lemieux) : D'accord. Merci beaucoup, Pr Cyr, pour votre
présentation et d'avoir répondu à nos questions.
La commission
ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 6 octobre 2021 — c'est demain — après les affaires
courantes. Bonne soirée, collègues.
(Fin de la séance à 18 h 50)