(Neuf
heures quarante-six minutes)
La
Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La
commission est réunie afin de procéder à des auditions
publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente : Mme IsaBelle (Huntingdon)
est remplacée par M. Lévesque (Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) est remplacée par M. Barrette (La Pinière); Mme Saint-Pierre (Acadie) est remplacée par
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par
Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par
M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Remarques préliminaires
La
Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci beaucoup. Donc, ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous
entendrons les témoins suivants : l'Office québécois de la langue
française, le Pr Guillaume Rousseau et la Centrale des syndicats du Québec.
Donc,
je cède maintenant la parole au ministre responsable de la Langue française pour ses remarques
préliminaires. M. le ministre, vous disposez de
5 min 34 s. La parole est à vous.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Je souhaite saluer, dans un
premier temps, les collègues parlementaires qui nous accompagnent pour cet important
projet de loi. Également, saluer la présence également des membres du Secrétariat
à la promotion et la valorisation de la langue française qui vont nous
accompagner durant l'étude du projet de loi, et les membres du cabinet, également,
qui nous accompagnent.
C'est aujourd'hui que
débutent les consultations particulières sur le projet de loi n° 96,
Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Ces consultations sont les plus importantes de la présente législature en
termes de nombre d'heures et de groupes entendus. La langue française nous
rassemble. C'est l'expression de notre culture, de notre identité et de notre
fierté, et surtout de notre nation.
Le constat est clair
et factuel, le français connaît un recul inquiétant au Québec, et ce,
particulièrement dans le Grand Montréal. Nous ne le répéterons jamais assez,
quand le français perd du terrain au Québec, c'est la
nation qui perd de sa force. Vous mesurez, tout comme nous, l'importance d'agir
promptement pour protéger, promouvoir et surtout pour assurer l'avenir de notre
langue commune, le français. Une réforme majeure de la Charte de la langue française n'est pas seulement nécessaire, il
s'agit d'une priorité nationale.
Avec le projet de loi n° 96, nous proposons donc la plus importante réforme de cette loi fondamentale
depuis son adoption il y a de cela 40 ans.
Vous me permettrez de
rappeler en quelques mots les grands pans du projet de loi n° 96. Le
devoir d'exemplarité de l'État en matière d'usage du français se trouve au
coeur du projet de loi. Nous formons une société de langue française, et l'État
doit agir comme principal protecteur de ce trait distinctif. Le bilinguisme
systématique doit cesser au sein de l'appareil public. Ainsi le projet de loi
fait de l'usage exclusif du français la norme, sauf dans certaines situations
clairement définies, le tout, bien sûr, en assurant la protection des droits
des Premières Nations et des Inuits ainsi que des institutions anglophones.
Le droit de
travailler en français au Québec doit être mieux protégé. Les Québécoises et
les Québécois ont le droit de gagner leur vie en français au Québec. Et le fait
de travailler dans une entreprise de juridiction fédérale ne devrait rien y
changer. De plus, la connaissance d'une autre langue que le français ne devrait
pas être une condition d'embauche à moins d'être nécessaire. L'affichage
commercial et le service en français sont aussi des priorités. La population a le droit d'être servie et informée en
français. La Québec est francophone, et il faut que cela se voie, que cela
s'entende.
En
outre, ce projet de réforme vise à consacrer le droit pour toute personne
domiciliée au Québec d'apprendre le
français. À cet effet nous proposons la création de Francisation Québec. Ce
nouveau point d'accès unique permettra de
centraliser tous les services d'apprentissage du français, ce qui rendra
l'inscription et l'apprentissage beaucoup plus simple pour tous. En
matière d'enseignement secondaire, vous l'avez souvent entendu au cours des
derniers mois, le français est et doit
demeurer la langue normale des études au Québec. Nous y veillons dans notre
projet de loi. Nous voulons mettre fin aux tendances qui, depuis
25 ans, défavorisent les études en français.
• (9 h 50) •
Afin que toutes ces propositions soient
porteuses pour l'avenir et que la vitalité de la langue française soit une
priorité d'action permanente du gouvernement du Québec, nous prévoyons
également la création d'un ministère de la langue
française ainsi que d'un poste de commissaire à la langue française indépendant
et impartial, nommé par l'Assemblée nationale.
Enfin, le fruit est mûr et les conditions
gagnantes sont réunies. La troisième voie existe, et c'est celle d'un Québec qui s'affirme, d'un Québec qui n'hésitera
plus pour définir ce qu'il est. Ainsi, fière de ce qu'elle est, la nation
québécoise inscrira son existence et son
caractère francophone dans la Loi constitutionnelle de 1867, dans la
Constitution. Nous sommes une grande nation portée par plus de
400 ans d'histoire. Nous n'avons pas besoin de la permission que quiconque
pour exister.
Les murs de l'enceinte de notre Assemblée
nationale ont été témoins de grands débats qui ont façonné notre démocratie et notre histoire. Malheureusement,
dans les dernières semaines, certaines organisations ont tenu des propos
insensés. Ces attaques envers le Québec ne fonctionnent plus. La nation québécoise,
plus confiante que jamais, sait que son action est légitime et
pertinente.
C'est donc avec respect, mais fermeté que nous
réitérons qu'un appel au calme est nécessaire. Nous devons collectivement, tous
ensemble, être à la hauteur de cet important débat. D'autres avant nous ont su
poser les gestes pour assurer l'existence d'une nation francophone en Amérique
du Nord. C'est à notre tour aujourd'hui de reprendre le flambeau de leurs
efforts et de leur engagement.
Au laxisme qui a caractérisé les
15 dernières années, nous proposons l'ambition d'une relance linguistique.
Il y a actuellement consensus historique, au Québec,
sur la question linguistique. L'heure est venue de poser des
gestes forts et concrets pour protéger et valoriser le français, notre langue
officielle et commune. Le français doit être la langue utile, la langue
rentable, la langue indispensable, comme le disait le ministre Camille Laurin
en 1977.
C'est donc avec plaisir que nous lançons les consultations
particulières sur le projet de loi n° 96. Je tiens à remercier tous ceux
et celles qui seront présents aujourd'hui, dans les semaines à venir, et qui
contribueront à faire avancer cet important
débat pour la nation québécoise. Alors, à tous, je vous souhaite de bonnes
consultations. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Donc, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Marguerite-Bourgeoys à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de
3 min 43 s. La parole est à vous.
Mme Hélène David
Mme David : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, tous ceux qui vous accompagnent.
Bonjour, tous les collègues députés. Bonjour, mes chers collègues. Bonjour les
partis d'opposition. On va passer beaucoup de temps ensemble, je l'espère
beaucoup, parce que nous ne voulons pas de bâillons pour ce projet de loi — comme
a dit le ministre, si important. Mais, avant toute chose, je voudrais féliciter
le ministre pour l'agrandissement de sa
jeune famille. Alors, je lui souhaite toute l'énergie nécessaire à mener de
front tous ces aspects de sa vie. Et, dans quelques semaines, il me
félicitera, moi aussi, je l'espère, pour l'agrandissement de ma famille, où je
deviendrai mamie pour la première fois. Donc, voilà, génération oblige.
Je veux donc commencer en disant que c'est un
projet de loi évidemment ambitieux, c'est un projet de loi substantiel avec de très, très, très nombreux
articles qui vont demander de très, très, très sérieuses analyses
particulièrement dans l'applicabilité. Nous aurions aimé, et je l'avais
dit au ministre dès le début, avoir des consultations générales qui auraient été à la hauteur et à la mesure des
enjeux, évidemment, qui sont soulevés. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de
gens ont manifesté leur déception de ne pas être entendus. Il y aura 51, quand
même, groupes qui seront entendus. Nous
allons les lire, les écouter, les questionner avec toute la rigueur et
l'objectivité possibles, mais nous aurions préféré des consultations
générales.
Évidemment, il y a une utilisation, pour
l'instant — on
va en discuter longuement avec le ministre — du recours aux dispositions
de dérogation qui sont sur tous les articles, les 202 articles, et nous
aurons des questions très sérieuses par rapport à ça. Mais, étant donné, justement, le sérieux et l'ampleur de toutes ces
dispositions de dérogation, nous pensons que mettre un bâillon par-dessus tout
ça, ça serait vraiment très difficile et que, si on avait l'assurance
de ne pas avoir de bâillon, ça pourrait
mettre la table pour des consultations
sereines, constructives pour le bien de tout le Québec.
Nous avons nous-mêmes déposé
27 propositions que, malheureusement, je ne retrouve pas toutes dans le
projet de loi du ministre. J'en propose une, et j'espère qu'il pourra regarder
ça attentivement. C'est qu'au lieu de faire le grand schisme entre anglophones
et francophones sur la loi 101 au cégep, etc., nous proposions qu'il y ait
des cours donnés en français dans les cégeps anglophones, trois cours sur
peut-être 32 cours d'un D.E.C. habituel et normal, ce qui pourrait faire
se mélanger ensemble deux cultures autour qui d'un cours en histoire, qui d'un
cours en sciences politiques, qui d'un cours de langue et d'histoire communes,
comme le ministre aime beaucoup employer ce mot. Alors, c'est quelque chose,
vraiment, qui pourrait être très intéressant et constructif au lieu d'être
divisif.
Ça sera notre ligne de réflexion tout le
long : essayer d'être inclusifs. Le ministre nous a promis qu'il serait
inclusif, que son projet de loi n'était pas divisif. Évidemment, il a lui-même
fait référence à des enjeux qui sont ressortis. Je pense qu'il va falloir
regarder ça avec beaucoup de maturité et de responsabilité pour faire... de
sortir de ce projet de loi là non pas divisés mais réunis autour d'un enjeu que
le Parti libéral a toujours trouvé très important, la langue française. Nous
avons proclamé en 1974 que la langue française était la langue officielle du
Québec. Nous n'avons pas changé d'idée. Nous continuons à penser que le projet
de loi est important et nous allons travailler de façon constructive, Mme la
Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant la
porte-parole du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Mercier, à faire
ses remarques préliminaires. Vous disposez de 56 secondes.
Mme Ruba Ghazal
Mme Ghazal : Oh! merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, chers collègues, élus et
employés. Je suis très, très contente d'être ici aujourd'hui avec vous pour
étudier cet important projet de loi.
Le ministre a parlé de consensus. C'est vrai
qu'il y a un consensus dans la société québécoise et ici, à l'Assemblée
nationale, autour de la langue française, notre langue commune qu'on veut
protéger. On s'est beaucoup divisés, dans les dernières années, au Québec, sur
différentes choses : la laïcité, le racisme systémique, etc., et c'est
tout à fait normal, dans une société libre et démocratique, qu'on ne soit pas
d'accord. Puis, ici, c'est la maison du peuple, la maison des débats, c'est ici
qu'il faut qu'on les fasse. Mais la langue française, c'est une opportunité,
ici, de nous unir autour d'elle. Et moi, ma priorité, je l'annonce tout de
suite, ça va être, comme l'a dit, le M. le ministre, il faut que la langue
française soit rentable. Oui, on l'aime, c'est la langue du coeur, mais il faut
aussi qu'elle soit la langue du pain, et pour qu'elle vive, bien, il faut que
tous les Québécois travaillent en français. Merci.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme la députée de Mercier. Donc, sans plus tarder, je regarde M. le député de Matane-Matapédia. Vous
aussi pour une période de 56 secondes.
M. Pascal Bérubé
M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente.
Dans toute l'histoire du Québec, aucune formation politique n'a posé des gestes
aussi importants et courageux, de sa fondation à aujourd'hui, que le Parti
québécois, et nous ne faisons pas exception avec nos propositions. Le gouvernement
veut une proposition rassembleuse, il veut convaincre le Parti libéral du
Québec, il veut convaincre la communauté anglophone, il veut convaincre les
partis fédéraux. S'il y a un déclin, il ne
faut pas poser des gestes qui rassemblent, il faut poser des gestes nécessaires,
des gestes courageux, comme Camille Laurin et le Parti québécois l'ont
fait en 1977, et le gouvernement de la CAQ est loin du compte, n'ayant pas
réussi à convaincre son aile fédéraliste et affairiste d'aller plus loin.
Il faut intervenir avec des mesures courageuses
qui ne feront pas l'unanimité : la fréquentation du cégep, un vrai débat
sur l'immigration, l'exemplarité de l'État, le droit de travailler en français,
la culture, les jeunes, ne pas permettre à des entreprises qui ne respectent
pas le français de faire affaire avec l'État, les municipalités bilingues comme
la municipalité d'Otterburn Park avec 8 % d'anglophones dans la
circonscription du ministre qui va pouvoir permettre... continuer...
Auditions
La
Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à votre 56 secondes, M. le député de Matane. Comme
vous voyez, je serai très rigoureuse sur le
temps qui est accordé, autant aux présentations qu'au droit de parole des
députés.
Donc, sans
plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Office québécois de la langue française,
et j'ai Mme Ginette Galarneau, qui est la présidente-directrice générale,
et Mme Josée Saindon, qui est la directrice générale, relations avec les entreprises et l'administration. Bienvenue,
je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé,
après quoi nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la
commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à procéder à votre exposé.
La parole est à vous.
Office québécois de la langue française (OQLF)
Mme
Galarneau (Ginette) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes
et MM. les députés, la mission de
l'office c'est de veiller à ce que le français soit la langue du travail, du
commerce et des affaires, de faire la promotion de l'usage et de la qualité de la langue française et de surveiller
l'évolution de la situation linguistique. La Commission de toponymie, qui
est rattachée à l'office, a pour mission de s'assurer que le territoire du
Québec est nommé avec justesse.
• (10 heures) •
Les membres de l'office ainsi que le personnel,
nous avons la conviction que forts d'une expérience de plus de 40 ans au service de la population et de
liens de collaboration durables établis
avec les entreprises et les organismes de
l'administration, l'office a les compétences requises pour assumer pleinement
les nouvelles responsabilités qui lui seront confiées avec le projet de
loi.
Toutes les entreprises au Québec ont certaines
obligations à l'égard de la charte, par exemple, celle d'avoir leur affichage
public, leur facture, leur site Web, leurs publications sur les médias sociaux
et les inscriptions sur les produits en
français. Le projet de loi vient préciser qu'aucune disposition de la charte ne
peut être interprétée de façon à en empêcher l'application à toute
entreprise ou à tout employeur qui exerce ses activités au Québec.
De plus, il propose que les entreprises de 25 à
49 personnes soient tenues de s'inscrire et de s'engager dans une démarche
de francisation. Le Québec compte 20 000 entreprises qui emploient de
25 à 49 personnes. Comme c'est le cas
actuellement pour les entreprises comptant 50 personnes et plus, elles
devront démontrer que leur personnel peut travailler en français, que les
communications internes et les outils de travail sont disponibles en français et que des mécanismes sont en
place pour que leurs contacts avec la clientèle soient en français.
Il est certain qu'une
démarche de francisation demande un engagement de la part des entreprises, mais
les efforts investis sont durables et
bénéfiques. Une fois certifiées, 94 % d'entre elles demeurent conformes à
la charte. Dans de très nombreux cas, l'entreprise aura peu de changement à
faire pour obtenir sa certification. Depuis 10 ans, les deux tiers
des entreprises ont été certifiés sans avoir à mettre en place un programme de
francisation.
L'office a établi une relation privilégiée avec
les entreprises. Un sondage qu'on a fait l'hiver dernier auprès de 1 000 entreprises a montré que
87 % d'entre elles étaient satisfaites des services de l'office, un
pourcentage en augmentation par rapport à celui de 2015, qui était alors de
82 %. L'office est persuadé que la relation de confiance établie avec les
entreprises lui permettra d'implanter de manière harmonieuse les modifications
apportées par le projet de loi.
Au
31 mars, c'est 73 % des plaintes qui visaient des entreprises de
moins de 50 personnes. Il est donc essentiel de rejoindre ces entreprises
par d'autres moyens que le traitement d'une plainte. L'investissement de
5 millions de dollars accordé par le gouvernement en 2020 a
notamment permis à l'office de mettre en place des services destinés aux entreprises employant moins de
50 personnes. Regroupés sous le nom de Mémo, mon assistant pour la
francisation, des outils dynamiques
comme une auto-évaluation en ligne, des capsules vidéo sont fort précieux pour aider les entreprises
employant de 25 à 49 personnes dans leur démarche de francisation.
240 entreprises
de compétence fédérale sur les quelques 3 000 situées au Québec
sont inscrites à l'office et 189 d'entre elles, soit 80 %, sont
certifiées. Ces entreprises ont compris la nécessité de servir leur clientèle
en français. Elles ont aussi voulu offrir à leur personnel un environnement de
travail en français. Comme il le fait déjà avec succès, l'office soutiendra les
entreprises de compétence fédérale dans leur démarche de francisation. Il
dispose déjà de l'expertise et des outils requis à cette fin.
Quant aux entreprises de cinq à
24 personnes qui devront déclarer au Registraire des entreprises du Québec
la proportion des salariés qui ne sont pas en mesure de communiquer en
français, le projet de loi prévoit que l'office, en collaboration avec
Francisation Québec, déterminera annuellement les secteurs d'activité où le
français est moins présent. Par la suite, il transmettra aux entreprises de ces
secteurs une offre pour la mise en place de cours de français. L'office collabore déjà avec le ministère de l'Immigration
afin de faire connaître aux entreprises l'offre de services en
francisation du ministère ainsi qu'en mettant à disposition des apprenants des
vocabulaires de divers domaines de travail.
Une plainte
sur cinq reçue à l'office en 2020‑2021 visait l'affichage public. Il s'agit
donc d'une préoccupation importante
de la population. Le projet de loi propose que les mots en français contenus
dans l'affichage soient nettement prédominants lorsque le nom de
l'entreprise ou la marque de commerce n'est pas en français. Ce changement contribuera à assurer le visage français du
Québec. En matière d'affichage public, l'office est très présent sur le
terrain. Par exemple, à l'occasion de la pleine entrée en vigueur du règlement
en 2019, plus de 1 000 entreprises ont été inspectées. Le travail de l'office a fait en sorte que la
majorité de ces entreprises ont apporté les modifications nécessaires sans
qu'aucune démarche juridique ne soit requise. De plus, avec l'ajout des
nouvelles ressources, l'office a mis en place une équipe de surveillance qui a récemment inspecté
l'affichage extérieur de 1 341 entreprises situées dans
10 régions du Québec.
La langue de service est également une
préoccupation importante de la population puisque le quart des plaintes reçues
à l'office portent sur l'incapacité d'être servi en français, ce qui en fait le
second motif de plainte en importance. Le projet de loi permettra à l'office
d'exiger des mesures de correction de la part des entreprises qui font l'objet de plainte alors qu'actuellement il ne peut que les sensibiliser. L'office fait de nombreux rappels relativement aux droits de la clientèle
d'être servie en français. Il mène,
depuis cet été, une opération de surveillance visant à sensibiliser les
commerces ainsi que les sièges sociaux et les franchiseurs des grandes
enseignes de plus de 250 commerces situés sur l'île de Montréal, à Longueuil,
à Laval et à Gatineau.
Du côté de l'administration, en mars dernier,
92 % des quelque 2 000 organismes de l'administration inscrits à l'office détenaient un certificat de conformité,
et 87 % des ministères et organismes gouvernementaux avaient une politique
linguistique approuvée. Présentement, la charte n'oblige pas les organismes de
l'administration, contrairement aux entreprises,
à réévaluer périodiquement leur situation linguistique. L'office a donc mis en
place, depuis deux ans, une approche de suivi afin de s'assurer que les
organismes, une fois certifiés, demeurent conformes à leurs obligations linguistiques. En mars dernier, 73 % des
organismes examinés avaient maintenu des pratiques conformes. L'expérience
menée a confirmé l'utilité et l'efficacité de cette approche que l'on retrouve
dans le projet de loi pour les organismes scolaires et de la santé et des
services sociaux.
L'office assure le traitement de toutes les
plaintes qui sont déposées par les citoyens et les organismes. Elle en a reçu
4 326 en 2020‑2021, soit une augmentation de 18 % par rapport à
l'année précédente, et de 54 % par rapport à 2018‑2019. Les deux motifs
les plus fréquents sont les sites Web et la langue de service. L'augmentation du nombre de plaintes est une expression tangible
de la préoccupation des Québécois quant à la situation du français. Le projet de loi renforce l'importance de tenir le
plaignant informé du traitement de sa plainte, il précise les informations
que celui-ci pourra obtenir. Ces modifications s'inscrivent dans la continuité
des pratiques actuelles de l'office.
Rappelons que, dans le cadre d'une plainte,
l'office se rend dans l'entreprise pour une inspection qui lui permet de
constater s'il y a une contravention, puis il communique avec l'entreprise pour
lui expliquer la nature de la contravention et il lui offre l'accompagnement
nécessaire afin qu'elle effectue les corrections requises dans un délai
raisonnable. Cette démarche permet d'obtenir de véritables résultats tout en
minimisant le recours aux tribunaux. Seul 1 %
des dossiers de plaintes sont transmis en moyenne par année au Directeur des
poursuites criminelles et pénales.
En conclusion, la situation linguistique appelle
à des efforts supplémentaires pour garantir que le français demeure la langue commune au Québec. Cela
implique, entre autres, l'ajout de nouveaux acteurs, l'assujettissement de
plus d'entreprises à la démarche de
francisation et le renforcement de l'exemplarité de l'administration. Les
changements...
• (10 h 10) •
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je vais devoir vous interrompre à ce moment-ci,
Mme Galarneau, malheureusement, parce que le temps est déjà passé.
Désolée. Donc... Pardon?
M. Jolin-Barrette : Ça peut être sur
mon temps.
La Présidente (Mme Thériault) : Ça
va être pris sur le temps du ministre? Pas de problème. Continuez,
Mme Galarneau, on va retrancher les secondes sur le temps du ministre.
Allez-y.
Mme
Galarneau (Ginette) : Effectivement, quelques secondes. Les
changements législatifs proposés s'inscrivent dans l'approche préconisée par
l'office au cours des dernières années et des activités menées auprès des
entreprises, des organismes de l'administration ainsi que des citoyennes
et citoyens pour assurer le respect des dispositions de la charte. Et c'est fort d'une expérience de plus de
40 ans que l'office pourra assumer les nouvelles responsabilités qui lui
seront confiées avec le projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci beaucoup. Désolée pour l'interruption. Malheureusement, je suis
la gardienne du temps, donc merci au ministre d'avoir partagé ses secondes avec
vous.
Dans le bloc qui suit, au niveau des échanges,
nous allons procéder avec la partie ministérielle. Vous avez 15 minutes...
Non, pardon... 16 min 30 s, l'opposition officielle,
11 minutes, les deuxième et troisième groupes d'opposition,
2 min 45 s, plus ou moins, selon le temps qu'on aura coupé.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Galarneau,
Mme Saindon, bonjour. Merci d'être présentes avec nous pour le
début des consultations sur le projet de loi n° 96.
On sait que
l'OQLF est un partenaire important dans l'application de la Charte de la langue
française. Je voulais savoir, d'entrée de jeu... parce qu'on en a beaucoup
discuté au cours de la dernière année, de l'assujettissement des
entreprises de juridiction fédérale à la Charte de la langue française. Le
projet de loi, très clairement, il vient dire que
toutes les entreprises doivent être assujetties parce que, dans le fond, tous
les travailleurs doivent avoir la possibilité de travailler dans leur
langue, en français. Vous disiez, dans votre allocution, Mme Galarneau,
que, déjà, il y avait 240 entreprises de juridiction fédérale qui
s'étaient assujetties volontairement à la Charte de la langue française.
Comment envisagez-vous la capacité pour l'office de répondre à
l'assujettissement de toutes les entreprises de juridiction fédérale?
Mme Galarneau (Ginette) : À la
sanction de la loi, les entreprises de compétence fédérale de 50 employés
et plus devront s'engager dans une démarche de francisation pour obtenir leur
certificat, et celles qui emploient de 25 à 49 personnes auront
trois ans pour le faire.
On compte déployer plusieurs moyens, par
exemple, des campagnes d'information, établir des partenariats avec des
regroupements sectoriels, comme celui, par exemple, du transport routier, dans
lequel on retrouve plusieurs entreprises de compétence fédérale, et évidemment
avoir des communications directes avec les entreprises.
Un grand nombre d'entreprises de compétence
fédérale sont situées dans la grande région de Montréal, et on va y planifier
des activités particulières de sensibilisation pour viser à l'inscription et à
l'insertion dans la démarche de
francisation. Et notre action sera également coordonnée avec celles de nos
10 autres bureaux. Donc, on va offrir un soutien personnalisé aux
entreprises de compétence fédérale qui ont de 25 à 49 personnes pendant la
période transitoire de trois ans. On va les accompagner dans la mise en
place de bonnes pratiques linguistiques avec les outils qu'on a mis en place
avec Mémo, dont j'ai parlé, mon assistant pour la francisation. Donc, il y aura
des moyens qui pourront être déployés. Et il
y en a plusieurs qui sont inscrites, hein, quand on dit un chiffre comme 240,
il y en a qui sont très connues du public, j'ose les nommer, par
exemple, Bell, le Groupe TVA, Telus, les Autobus La Québécoise, les installations
portuaires Rio Tinto Alcan, toutes les banques à charte, les six grandes
banques qui sont présentes au Québec sont
inscrites à l'office, sont certifiées. Alors, ça nous montre que c'est possible
de le faire, qu'on a l'expertise pour
le faire, qu'on a les moyens, les outils pour faire en sorte que le plus grand
nombre d'entreprises, un bien plus grand nombre d'entreprises de compétence
fédérale soient certifiées.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends que vous êtes en mesure de répondre à ce défi-là, puis il n'y a pas d'enjeux pour l'OQLF par rapport à cet élément-là.
D'ailleurs, vous l'avez bien dit il y en a certaines qui s'y assujettissent
elles-mêmes actuellement.
Tout à l'heure, vous avez parlé du processus de
plainte à l'OQLF, et je vais aborder la question de front, souvent, parmi les critiques de l'OQLF, on entend
beaucoup dire : Écoutez, l'OQLF, c'est la police de la langue. Or, ce que
j'ai constaté dans votre allocution, c'est surtout que l'OQLF est en mode
accompagnement des entreprises à partir du moment où il y a une plainte.
Alors, au niveau du processus, là, on vient donner des nouveaux pouvoirs à
l'OQLF pour moderniser la loi, pour s'assurer que la Charte de la langue
française soit respectée et de donner les outils à l'OQLF pour le faire, mais
la logique dans laquelle l'OQLF se situe, là, je dois comprendre que c'est
véritablement un accompagnement des entreprises pour changer les façons de
faire et amener vers la francisation et faire en sorte, dans le fond, que
l'environnement se déroule en français, en conformité avec la charte? Vous y
allez beaucoup avec la carotte pour faire en
sorte d'amener les changements à l'interne au sein des différentes entreprises.
Est-ce que c'est bien ça?
Mme Galarneau
(Ginette) : Oui, absolument, c'est l'approche qu'on adopte. C'est
comme je le précisais tantôt, on se rend
dans une entreprise pour constater l'infraction, mais, dès qu'on sait qu'il
s'agit bien d'une infraction, on
communique avec l'entreprise pour lui expliquer puis lui offrir
l'accompagnement nécessaire, parce qu'on lui demande de faire des
corrections dans un délai raisonnable. Les plaintes ont beaucoup augmenté et,
avec l'ajout de ressources, le nombre d'inspecteurs est passé de quatre à huit,
mais c'est toujours le même rôle qu'ont les inspecteurs, c'est de recueillir de
l'information puis de ne pas exiger de correction immédiatement. Alors,
contrairement à ce qui est dit, l'office ne donne pas de contravention ni
d'amende, au contraire, on est là pour accompagner les entreprises.
Tous nos efforts sont faits, justement, pour
faire en sorte de comprendre leur situation, voir quelle était véritablement l'intention de l'entreprise quand
elle a mis en place tel affichage ou agi de telle manière dans le cas de la
langue de service. Donc, tous nos efforts, puisqu'on a une longue expérience,
qu'on traite avec un ensemble d'entreprises dans des secteurs différents, permettent aux entreprises qui ont... qui
n'avaient pas, je dirais, de solution en tête, de leur en proposer et de
leur donner le temps de le faire dans un délai raisonnable.
On l'a vu avec l'expérience menée dans le cas de
la réglementation qui est entrée en vigueur en 2019, on a fait de grandes
opérations à la fois de sensibilisation auprès de 5 000 commerces, on
est allés également faire des inspections,
on a accompagné les entreprises qui étaient... qui avaient des affichages non
conformes, donc c'est vraiment la pratique de faire en sorte qu'on accompagne
les entreprises, on les soutient, on leur donne des conseils.
M. Jolin-Barrette : Et sur la
question des nouveaux pouvoirs que l'on vient confier à l'office, puisque la
loi a été rédigée il y a 40 ans, c'est nécessaire également de moderniser
les pouvoirs de l'office si on veut que l'Office puisse réaliser pleinement sa
mission?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, nos efforts sont faits pour éviter le plus possible des recours,
des recours par les processus judiciaires. Mais il y a beaucoup de choses qui
ont été dites, et je laisserais Josée Saindon préciser, effectivement, toutes
ces questions-là qui ont trait aux heures de visite, aux manières qui seront
empruntées pour faire les inspections, si vous le permettez.
Mme Saindon (Josée) : Je vous
remercie. Je prends quelques minutes à peine, simplement vous dire qu'effectivement
le projet de loi vient apporter des précisions sur les endroits où pourront se
faire des inspections, les moments où elles
pourront se faire et ce que pourra demander un inspecteur. Donc, à cet
égard-là, c'est fort intéressant. Ce sont des précisions qui sont utiles
aux entreprises, utiles aux plaignants, utiles également à l'office.
M. Jolin-Barrette : O.K. J'aimerais
qu'on revienne sur l'étude qui a été publiée au mois de mars dernier par
rapport à la situation linguistique, là, 2011‑2036, basée sur le portrait de la
langue parlée à la maison, notamment le poids démographique des francophones
dans la région métropolitaine de Montréal, notamment. Pouvez-vous nous rappeler
les grandes conclusions de cette étude-là de l'OQLF?
• (10 h 20) •
Mme Galarneau (Ginette) : Oui, c'est
une étude qui était un complément d'une étude qui avait été menée par
Statistique Canada sur les projections, justement, du nombre de personnes
qui allaient utiliser... qui allaient avoir, par exemple, du côté de la langue
maternelle ou de la langue qui était parlée à la maison ou de la langue qui
était connue, et donc il y avait plusieurs
scénarios qui avaient été soumis par l'office à cette époque-là. Et donc, peu
importe les scénarios qui étaient envisagés, le poids des personnes dont
le français est la langue parlée le plus souvent à la maison, on voit qu'il va
diminuer d'ici 2036 parce que la proportion des francophones passerait de
82 % à autour de 75 %. Dans la RMR de Montréal, la proportion
passerait, elle, de 69 % en 2011 à 61 % en 2036. Et ce n'est pas la seule étude, de toute façon, qui a été menée par
l'office, qui montre qu'il y avait... qu'il y a un recul, par exemple, dans l'utilisation du français au travail.
M. Jolin-Barrette : Donc, les
récentes études démontrent qu'il y a un recul du français, un recul également
de la langue parlée à la maison, également, d'où la nécessité d'agir sur
plusieurs volets de la société, notamment la langue de travail, la langue des
affaires, que ça se passe en français.
Sur la question, là, et ça sera ma dernière
question avant de passer la parole à mes collègues de Saint-Jean et de Chapleau, sur la question de la francisation en
entreprise, il y a un volet du projet
de loi, là, qui aborde ça, comment
l'office envisage son rôle au niveau de la
francisation en entreprise? Il y a beaucoup d'entreprises qui devront être
francisées, pour les employés, justement. Comment est-ce que l'office
envisage ces responsabilités-là?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui. Les
entreprises, donc, de 5 à 24 personnes, dans trois ans, et dès
maintenant, dès la sanction de la loi pour les entreprises de 25 à 49, les entreprises
auront la responsabilité d'inscrire dans leur déclaration annuelle au
Registraire des entreprises la proportion de leurs salariés travaillant au
Québec qui ne sont pas en mesure de
communiquer en français. Les inscriptions, c'est... elles sont fournis à même,
là, des formulaires existants du registraire, et c'est des formulaires
que les entreprises sont déjà tenues de remplir. Puis ce qu'on... l'office
devra faire, c'est que l'office pourra permettre à ses... pourra identifier,
annuellement, les secteurs d'activité qui... où le français est moins présent.
Il fera, en collaboration avec Francisation Québec, une offre aux entreprises
de cours de français. Et donc c'est, pour nous, une occasion d'aller beaucoup
plus loin du côté de la francisation des petites
entreprises, parce
que, déjà, on fait connaître aux entreprises
l'offre de service du ministère en ce qui a trait aux cours de français
et aux aides financières.
M.
Jolin-Barrette : Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme Galarneau. M. le député de Chapleau. Il reste
quatre minutes au bloc.
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et j'en profite également pour remercier le
ministre, saluer les collègues. Merci, Mmes Galarneau et Saindon.
J'aimerais peut-être revenir sur les services
d'accompagnement de l'office, un peu comment... dans le fond, faire un peu, là, un suivi avec vous des étapes
d'accompagnement, comment qu'elles se déploient. Vous avez parlé d'inspections,
vous avez parlé également, suite à l'inspection, d'un certain suivi. Puis, dans
le fond, quels sont ces services-là, donc, par étape, juste pour me donner un
bon portrait, là, d'un cas que vous traitez d'une façon très générique, là?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
L'inspection effectivement c'est à la suite d'une plainte. D'autre part, j'ai
expliqué ce processus-là où, effectivement, l'accompagnement entre en ligne de
compte dès l'instant que l'entreprise est
informée qu'il y a une contravention. Mais, de façon
générale, les entreprises, actuellement, employant 50 employés et plus
doivent s'inscrire à l'office. Donc, quand elles s'inscrivent, on leur demande
de compléter une analyse de la situation linguistique de leur entreprise.
Et c'est fort de cette analyse-là qu'on peut voir avec les entreprises quelles
sont les mesures qui devraient être mises en place.
Comme je l'ai dit, les deux tiers des entreprises
ont des corrections très mineures à effectuer, elles le font et, après correction, obtiennent leur certificat de francisation. Dans le cas des autres entreprises
qui ont plus de mesures à mettre en place, il s'agit donc d'élaborer et
de réaliser un programme de francisation au terme duquel les entreprises
peuvent obtenir leur certification.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci. Vous
avez parlé de... vous avez fait une distinction, c'est-à-dire, entre une mesure
de correction exigée versus suggérée. Actuellement, vous pouvez simplement
suggérer certaines mesures de correction et, avec le projet de loi, vous allez
pouvoir l'exiger. Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce que ça va vous permettre
de faire et quels bénéfices cela va pouvoir... vous allez pouvoir tirer de
cela?
Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement,
il y a une seule mesure dans laquelle l'office ne peut que sensibiliser les
entreprises, ça a trait à la langue de service. Quand il y a des plaintes
concernant un commerce, par exemple, où le français n'aurait pas été utilisé,
ce qui se produit à ce moment-là, c'est que, dans ce cas-là, l'office communique avec l'entreprise, lui communique
l'insatisfaction du client de ne pas avoir été servi en français, et on fait un
rappel de l'importance d'être servi en français. Ce que le projet de loi
introduit, c'est l'obligation avec l'entreprise de trouver un moyen pour corriger de manière durable cette infraction
qui est apparue, c'est-à-dire cette non... le fait que le service
n'avait pas été donné en français à l'occasion où le client s'est présenté.
M. Lévesque (Chapleau) : Et est-ce
que dans les différents cas que vous analysez, que vous voyez, là, au quotidien, est-ce qu'il y a des zones grises que
vous notez, que le projet de loi ne couvrirait pas nécessairement, ou certains
pouvoirs dont vous auriez besoin, ou
certains leviers qui vous seraient nécessaires, justement, pour bien mener à
terme votre mandat?
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Galarneau.
Mme
Galarneau (Ginette) : Oui. On est en présence d'un projet de loi qui
est un projet d'envergure et qui présente des défis extrêmement intéressants.
Je pense que le fait qu'on puisse assujettir les entreprises de 25 à 49, c'est
un pas très important, et c'est un défi important que l'office a bien
hâte de relever.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de l'opposition officielle
avec Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Vous avez 11 minutes
d'échange avec l'Office québécois de la langue française.
Mme
David : Merci beaucoup. Bonjour, Mmes Galarneau et Saindon, je crois. Bonjour. Merci beaucoup de vos commentaires.
Je vais aller directement aux articles 23,
26, 35, un changement majeur dans vos rapports avec l'Office des professions du
Québec. J'ai fait longtemps partie d'un ordre professionnel, j'ai fait des
inspections professionnelles. Il y a le changement majeur, pour ceux qui ne savent pas
à quoi je réfère, c'est le changement du mot «réputer» par le mot
«maintenir». En termes législatifs, «réputer», c'est extrêmement différent du
mot «maintenir», alors on parle de connaissance de la langue française. Alors, jusqu'à
maintenant, les professionnels qui n'avaient pas été, il y a des critères,
formés en français, qui n'ont pas eu de l'éducation secondaire ou universitaire,
etc., avaient donc besoin de passer un
examen de l'OQLF. J'étais même allée vous rencontrer, à l'époque où j'avais des
fonctions du ministre actuel, et on parlait beaucoup des examens
de français pour les professionnels, justement, qui sont soit formés à l'étranger,
soit formés dans des universités
anglophones. Et donc ça, c'est changé, la personne ne sera plus réputée, une
fois pour toutes, à vie, comme on
dit, comme les gagnants à vie de la loterie, gagnant à vie d'être réputée
parler français, elle va devoir maintenir ses compétences
en français.
Ma question : Comment
allez-vous suivre ces professionnels-là? Comment, sur quels critères vous allez
faire le suivi des connaissances linguistiques? Sur quels critères vous allez appliquer la durée des
conditions pour lesquelles ce professionnel sera, donc, réputé connaître
le français?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui, effectivement,
le projet de loi modifie le Code des professions. Le non-maintien d'une connaissance
appropriée, ça constitue un manquement déontologique. Le plaignant serait alors
dirigé vers l'ordre professionnel, et l'ordre professionnel pourrait demander à
l'office de procéder à une évaluation pour s'assurer du maintien de la connaissance
du français. Alors, globalement, ça permet de s'assurer davantage que les membres sont en mesure d'offrir leurs services en français,
et ce, de façon continue. L'office déploie beaucoup
de moyens, effectivement, pour accompagner les membres des ordres professionnels en mettant à leur disposition des vocabulaires
faisant en sorte qu'au moment où ils viennent passer les examens ils ont eu les
outils nécessaires pour s'y préparer.
• (10 h 30) •
Mme David : On ne parle pas juste de
vocabulaire technique lié à la profession, on parle de maintenir le niveau de connaissance
de français. Ce n'est pas clair, pour moi, quel va être le rôle de l'office
dans le maintien tout au long de la carrière. Ça, ça fait 40 ans
facilement, de maintenir le français. Ce n'est pas clair pour moi si ce sont
les inspecteurs de l'Office, les inspecteurs
des ordres professionnels, si on vérifie autant le maintien, la tenue de
dossiers, par exemple, d'un professionnel, et est-ce que ce même
inspecteur, qui est souvent du même métier, et évidemment de la même profession
que le professionnel visé, va devoir faire passer des tests de français, ce
n'est pas clair pour moi ni dans le projet de loi ni, pour l'instant, dans les
indications que vous nous avez données.
Mme Galarneau (Ginette) : Bien, effectivement,
ça va revenir aux ordres professionnels, qui pourront exiger de leurs membres
qu'ils suivent des cours de perfectionnement pour recouvrir au besoin cette
connaissance du français, et ils pourront exiger qu'ils obtiennent
l'attestation de connaissance du français délivrée par l'office.
Mme David : Bien, voilà, ce n'est
pas l'ordre professionnel, c'est donc l'office, vous venez de le dire, qui va
attester de la... du bon maintien du français, le cas échéant, pour un ordre
professionnel où l'inspecteur aurait juré... aurait jugé que le professionnel
ne parlait pas suffisamment bien son français, ce n'est pas du tout clair pour
moi comment ça va fonctionner, et je sais, parce que l'Office des professions
du Québec, c'est beaucoup, beaucoup de professions, ça implique beaucoup, beaucoup
de professionnels, ils sont inquiets et ils veulent avoir des précisions.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, on le sait que les ordres... dans les ordres professionnels, on
ne peut pas délivrer de permis aux personnes qui n'ont pas de connaissance du
français qui est appropriée, donc il y a une
obligation additionnelle que celle de maintenir, et c'est les ordres
professionnels qui pourront constater, à l'occasion d'une plainte ou à
l'occasion d'activités, qu'il y a des personnes qui devront suivre des cours de
perfectionnement et que l'Office, comme il
le fait actuellement, pour obtenir un permis de l'ordre, l'office pourra
attester de la connaissance du français avec les examens...
Mme David : Donc, vous dites à
l'occasion d'une plainte, ou c'est l'inspecteur qui fait des inspections régulières? On sait, à tous les trois, quatre ans,
notre nom est pigé dans les 25 000 professionnels, ou les
10 000, il y a 75 000 infirmières, donc les inspections sont
souvent aléatoires. Là, vous dites ça peut être une plainte, ce n'est pas
ça qui est dit dans le projet de loi.
Mme Galarneau (Ginette) : Bien, ça
pourrait être à cette occasion-là, ça pourrait être très certainement dans
diverses situations. C'est l'ordre professionnel qui pourra en juger.
Mme David : Donc, quelqu'un fait une
dénonciation, ça peut être un collègue, un autre collègue qui dit : Lui,
il ne parle pas assez bien le français? J'essaie de comprendre comment on
maintient, tout au long de la carrière, la compétence en français.
Mme Galarneau (Ginette) :
Effectivement, c'est l'ordre professionnel qui pourra faire en sorte de
réaliser que la personne n'a pas la pleine
connaissance du français qui lui permet d'accueillir et de servir la
clientèle en français.
Mme David : Et l'article 35,
vous avez parlé tout à l'heure des sanctions, alors, je ne sais pas si c'est
vous, directement, là, qui donnez éventuellement les sanctions, mais c'est, selon
le Code des professions, c'est la sanction la plus grave qui peut être donnée,
qui est au niveau d'accusations, de collusions, de corruption, d'abus, de
gestes sexuels, usurpation de titre, etc., si la personne est considérée ne pas
avoir maintenu suffisamment son français. Qu'est-ce que vous dites de ça?
Mme Galarneau (Ginette) : C'est
l'ordre professionnel qui pourra juger de ce qui doit être fait, de la même façon que j'ai dit tantôt qu'il pourrait y avoir
des cours de perfectionnement qui pourraient exiger que cette personne-là
repasse l'examen de français de l'office. Donc, c'est l'ordre
professionnel.
Mme David : Et donc c'est l'office
qui va décider que la personne échoue ou n'échoue pas le cours de français tout
au long de sa vie.
Mme Galarneau
(Ginette) : S'il y a eu l'exigence, effectivement, de l'attestation.
C'est comme ça de toute façon pour près de 2 000 personnes par année
qui...
Mme David : Par année, une fois dans
leur vie.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
Mme David : C'est ça, O.K., merci beaucoup.
Je veux juste, avant de passer la parole à mon collègue, vous demander ce que
vous pensez de notre proposition, il me semble qu'elle était bonne, au Parti
libéral, qu'il y ait un conseil
d'administration à l'office. Il n'y a
pas de conseil d'administration. Le ministre garde donc la... Il y a des membres, mais
il n'y a pas de conseil d'administration au sens de l'IGOPP et de la
gouvernance des conseils d'administration. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Galarneau (Ginette) : Pour
connaître un peu la loi sur les conseils d'administration, très souvent on retrouve cette loi-là qui s'applique à des organismes
qui sont des organismes qui peuvent subventionner, par exemple, des organismes de nature économique. Les organismes
d'application des lois, je pense à l'Office de la protection du consommateur,
je pense à l'Office des professions, c'est des organismes qui sont constitués
de la même façon que l'office. De la même
façon, on rend compte, dans le rapport annuel, à chaque année, des décisions
qui sont prises pour les membres, parce que la loi est très précise sur
les responsabilités des membres, les membres, par exemple, qui...
Mme David : Merci. Ça va, merci beaucoup.
Je voudrais laisser du temps pour mon collègue...
Mme Galarneau (Ginette) :
Excusez-moi.
Mme David : ...le député de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) : Il
vous reste 2 min 25 s.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mmes Galarneau et
Saindon. Moi, j'ai eu le plaisir dans mes vies antérieures
professionnelles d'avoir affaire avec l'office, et c'étaient des entretiens
toujours marqués par du professionnalisme et transparence. Alors, j'en suis
reconnaissant.
Je veux parler des pouvoirs d'enquête. À l'article 174,
on a que «la personne qui effectue une inspection pour l'application de la
présente loi peut :
«1° pénétrer, à toute heure raisonnable, dans
tout endroit, autre qu'une maison d'habitation, où s'exerce une activité régie
par la présente loi ou dans tout autre endroit où peuvent être détenus des
documents ou d'autres biens auxquels elle s'applique».
Bon, on parle de l'ère numérique maintenant et
les pouvoirs accrus nécessaires. Pouvez-vous me parler de trois choses? Dans un
premier temps, les difficultés actuelles, sens et pouvoir dits pas mal
exceptionnels, comment vous allez former vos inspecteurs pour qu'ils puissent
se prévaloir d'un pouvoir assez sensible, et, troisièmement, vous avez parlé vous-même de relation de
confiance, l'efficacité de vos entretiens avec les entreprises,
est-ce que, de votre avis, cette efficacité ne serait
pas compromise par le fait que ces pouvoirs soient à l'abri de la charte
québécoise et canadienne des droits et libertés?
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Galarneau.
Mme Galarneau (Ginette) : Alors, je
vais commencer et je demanderai à Mme Saindon de compléter. L'office, je l'ai mentionné tantôt, c'est un
organisme qui traite toutes les plaintes qui sont reçues à l'office. On a des
défis parfois d'inspection, par
exemple, dans des entrepôts. Il n'est pas possible, puisque ce n'est pas un
lieu accessible au public, de faire des inspections dans les entrepôts,
donc, ça, ça en fait partie, des défis.
Du côté de la formation, je vous dirais que
nos... il y aura tout un programme de formation pour le personnel de l'office à
la sanction de la loi pour faire en sorte, effectivement, qu'à la suite d'avis
juridiques nous assurer d'une interprétation qui est cohérente, qui est
uniforme. On va faire en sorte que les employés, effectivement, soient bien
formés, et...
La Présidente (Mme Thériault) : Ceci
met fin au bloc d'échange, Mme Galarneau, malheureusement,
Mme Saindon. C'est pour une autre fois.
Mme Galarneau (Ginette) : Désolée.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a pas de problème. C'est le temps, c'est comme ça, malheureusement. Mme la députée de Mercier,
2 min 45 s pour vous.
Mme
Ghazal : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation. Donc,
j'ai peu de temps, en 2 min 45 s. Je vais vous poser
deux questions en rafale... ou, si c'est possible, d'avoir votre document déposé, celui que vous
avez lu au début, ça nous aiderait dans nos travaux. Vous avez dit que 73 % des plaintes proviennent d'entreprises qui ont 50 employés et moins.
Est-ce que vous avez le détail? Par exemple, combien des plaintes proviennent d'entreprises
de 10 employés à 25? Est-ce que vous avez ce genre de détail là? Et aussi,
par rapport à la francisation en entreprise,
c'est-à-dire que vous allez avoir les
chiffres dans les entreprises, les employés qui ne parlent pas français
qui sont au Québec dans ces entreprises-là, est-ce que, dans le projet de loi, vous trouvez qu'il y a suffisamment
d'incitatifs pour qu'il y ait de la francisation en entreprise? Et, quand je
dis «francisation en entreprise», je pense, par exemple, à une mère
monoparentale qui travaille le jour. Même si son employeur lui dit : Tu
peux aller suivre une formation dans un
organisme communautaire ou quelque part le soir, ce n'est pas possible. On le
sait, la francisation la plus
efficace, c'est celle qui se fait dans le milieu de travail. Est-ce qu'il y
a... Est-ce que, selon vous, cette possibilité-là... Est-ce qu'il y a suffisamment d'incitatifs pour que la francisation se fasse en entreprise sur les
heures du travail dans le projet de loi n° 96?
• (10 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) : Et
vous avez 1 min 25 s pour répondre aux questions.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui, effectivement,
je considère qu'il y a beaucoup de moyens, en tout cas, qui pourront être mis en place à la suite de
l'adoption des mesures qui sont prévues. Avec Francisation Québec, il faut
mener un certain nombre d'expériences de cours de français, justement,
dans les milieux de travail, faire en sorte que cette offre-là soit accessible aux personnes, par exemple en virtuel, au
moment où les personnes sont disponibles ou sur les heures de travail. On sait qu'il existe déjà
avec... des subventions qui existent, par
exemple, du côté de la Commission
des partenaires du marché du travail, avec
un programme favorisant l'apprentissage en milieu de travail et la
francisation. Donc, il faut tenter de
déployer le plus possible ces moyens-là et d'atteindre les milieux où le
français est moins présent.
Dans une étude qu'on avait réalisée dans le
cadre du dernier programme de recherche, on a été capables de mettre le doigt sur les secteurs, par exemple, les secteurs du commerce de détail, du commerce en gros, du transport,
d'être en mesure de voir que c'est dans ces secteurs-là qu'il faut tenter de
rejoindre le plus grand nombre d'entreprises.
Mme Ghazal : Oui, ça, c'est...
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je dois...
Mme Ghazal : Est-ce qu'il y a des
cibles?
La Présidente (Mme Thériault) : Non,
malheureusement, il ne reste plus de temps. Désolée.
Mme Ghazal : Oui, merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je dois mettre fin à l'échange. M. le député de Matane-Matapédia, vous
aussi, pour 2 min 45 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente.
Le droit de travailler en français. 58,1 % des entreprises ont exigé l'anglais à l'embauche, selon vos statistiques.
Alors, le projet de loi n° 96, est-ce qu'il va assez loin pour contrer
l'exigence systématique de l'anglais à l'embauche? Parce qu'il ne
l'interdit pas. Et, comme vous avez une indépendance face au gouvernement du
Québec, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement,
les études qu'on a menées nous montrent qu'il y a un recul du français
et qu'il y a une utilisation de plus en plus grande du français
avec l'anglais et qu'il y a des exigences qui sont de plus en plus nombreuses de la connaissance de
l'anglais, que ce soit dans les entreprises ou les municipalités. Vous nous
avez...
M. Bérubé : Ce n'est pas ma
question.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui, je
sais.
M. Bérubé : Est-ce qu'il serait
préférable de l'interdire?
Mme Galarneau (Ginette) : On pense
qu'il y a des situations, et ces des situations qui nous sont rapportées, il y a des situations où les entreprises ont
véritablement besoin. Quand elles ont, par exemple, elles ont un siège social
et elles ont des établissements en dehors du Québec, il arrive qu'il y a des
personnes qui ont un rôle à jouer. C'est des
situations où elles ont des fournisseurs qui sont à l'extérieur du Québec. Donc, il y a des situations,
mais on va passer d'une situation où
on va avoir la possibilité de pouvoir nommer la nécessité, il va y avoir toute
une évaluation qui devra être faite par l'entreprise. Avoir évalué les
besoins linguistiques réels...
M.
Bérubé : Merci, madame. En fait, mais j'ai peu de temps, madame. Nous
sommes d'avis qu'il faut interdire. Vous partez d'exceptions pour appliquer la
règle à l'ensemble des entreprises. Selon le Parti québécois, notre
proposition, il vaut mieux interdire à tout le monde et que la règle soit
claire, au lieu de prendre l'exception et d'en faire la règle. Donc, avec les
statistiques que vous avez dévoilées, je suis d'avis qu'il vaudrait mieux
interdire. Ça ne semble pas votre position.
Mme Galarneau (Ginette) : De toute
façon, ce n'est pas la position de l'office. Le projet de loi va loin en disant
que l'employeur devra s'être assuré que les connaissances linguistiques déjà
exigées des autres membres sont insuffisantes et avoir restreint le plus
possible le nombre de postes dans l'accomplissement des tâches qui nécessitent
la connaissance de l'anglais.
M. Bérubé : Respectueusement, nous
n'avons pas la même définition d'aller assez loin en matière de projet de loi. Il m'apparaît que le gouvernement passe à
côté de l'objectif. On interdit ou pas. On ne continue pas de prendre
les exceptions et d'en faire la règle, et, en ce sens, notre position est
diamétralement opposée à celle du gouvernement du Québec.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Donc,
Mme Galarneau, Mme Saindon, merci beaucoup pour votre passage
en commission.
Nous allons
suspendre, maintenant, quelques instants afin de laisser la place aux prochains
intervenants. Merci, bonne journée.
Mme Galarneau (Ginette) : Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 45)
(Reprise à 10 h 49)
La Présidente (Mme Thériault) :
Rebonjour, tout le monde. Donc, nous en sommes rendus au deuxième groupe de la
matinée. Nous avons le Pr Guillaume Rousseau, de l'Université de
Sherbrooke, qui est accompagné de M. Marc-Antoine
Larivée, diplômé en droit de l'Université de Sherbrooke et étudiant à l'École
du Barreau. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous êtes un des rares groupes en
présentiel. Donc, bienvenue. Et, sans plus tarder, vous avez
10 minutes pour faire votre exposé et, évidemment, présenter qui est qui.
Allez-y. La parole est à vous.
MM. Guillaume Rousseau et
Marc-Antoine Larivée
M. Rousseau (Guillaume) : Alors,
bonjour, tout le monde. Je me présente, je suis Guillaume Rousseau. Merci pour
l'invitation à venir vous faire part de nos commentaires sur le projet de loi
n° 96. Je suis accompagné par M. Marc-Antoine
Larivée, qui est étudiant à l'École du Barreau, et qui, comme moi, ici,
aujourd'hui, s'exprime à titre personnel.
Il s'agit de
la troisième fois que je suis invité en commission parlementaire à titre
d'expert, mais je dois avouer que c'est la première fois que je suis invité à
commenter un projet de loi aussi volumineux. Donc, vous allez me permettre,
vu le temps qui nous est imparti, qui est quand même limité, de me concentrer
sur les commentaires généraux, à la fois sur notre
cadre théorique, notre méthodologie, et ensuite sur certains éléments du projet
de loi. Évidemment, on ne pourra pas tous les commenter.
Mais, d'abord, permettez-moi de saluer le
sérieux et la profondeur de ce projet de loi qui touche beaucoup de domaines et qui tient compte, je pense, des
propositions fort pertinentes des différentes formations politiques
représentées à l'Assemblée nationale qui, au cours des dernières années,
des derniers mois en particulier, ont fait des propositions, et on sent que ça
a été repris, là, en partie par le projet de loi. Donc, nous saluons également
ces autres propositions. Et nous soulignons également qu'un projet de loi puise
dans la littérature scientifique en matière de droit linguistique québécois, donc, pour des chercheurs comme nous,
c'est vraiment bien de voir qu'on sent que les travaux de recherche des
dernières années en droit linguistique québécois ont été pris en compte par les
rédacteurs du projet de loi, et c'est évidemment une très bonne pratique.
• (10 h 50) •
Donc, notre mémoire puise dans cette littérature
en matière de droit linguistique québécois, et cette littérature révèle une chose fort importante, c'est que
l'épanouissement d'une langue minoritaire, comme le français au Canada, pour
assurer cet épanouissement-là, il faut vraiment une approche territoriale, donc
il faut une seule langue officielle par territoire. Donc, la littérature
scientifique est très, très claire là-dessus, et c'était d'ailleurs l'approche
qui était à la base de la loi 101 en 1977 et qui a mené à des progrès pour
le français à cette époque-là, dans les années qui ont suivi. Puis ensuite il y
a eu... donc cette approche territoriale dans la loi 101 a connu un
certain nombre de reculs et, avec elle, la
langue française a connu des reculs. Évidemment, il y a d'autres facteurs qui
peuvent jouer, mais n'empêche que
c'est assez frappant. Alors, c'est une des raisons pourquoi, à certains égards,
nous recommandons un retour à certains éléments de la loi 101 de
1977.
En même temps, puisque c'est la première grande
réforme de la loi 101 depuis 1977, bien je pense qu'il faut aussi moderniser cette loi-là en tenant compte des
évolutions survenues au Québec depuis 1977. C'est ce que le projet de
loi cherche à faire, c'est pourquoi nous le jugeons opportun, mais, en même
temps, nous proposons beaucoup de propositions d'amendements, vous en trouverez
plus d'une vingtaine dans notre mémoire, et elles visent toutes, ces propositions-là, soit à accentuer le caractère territorial
de la loi, soit revenir à la version de 1977 ou soit encore à moderniser la
loi 101 en tenant compte d'évolutions récentes.
Donc, si on y va pour
certaines dispositions, donc du projet de loi. D'abord, les modifications au
préambule nous semblent parfaitement
opportunes. On en propose trois autres, dont une sur laquelle je veux insister,
c'est la mention du territoire québécois dans le préambule. Ça peut
sembler symbolique, mais c'est que ça permettrait vraiment de mettre l'accent
sur le fait que la loi 101, c'est une approche de territorialité
linguistique, et c'est important que les personnes appelées à appliquer la loi
aient ça en tête.
Ensuite, au niveau
des droits linguistiques fondamentaux, parce qu'il ne faut jamais oublier, la
loi 101, c'est quoi : le français,
langue officielle, des droits linguistiques
fondamentaux puis, ensuite, plein de dispositions spécifiques qui visent
à mettre en oeuvre ces droits linguistiques fondamentaux, ces droits-là qui
n'avaient pas été revus depuis 1977. Et là,
vraiment, on a des choses intéressantes en matière de droits linguistiques
fondamentaux, notamment un droit à la législation et à la justice
en français. Et on a l'article 5 du projet de loi qui vient vraiment
donner le corps à ce droit-là, entre autres, avec la règle résiduaire de la
primauté de la version française des lois. Cette règle-là est valide, à l'égard de la constitution, surtout si on inclut
dans la constitution l'article 90, Q-2, qui est proposé par le projet de loi. Et à la fois cette règle-là et cet ajout à la constitution sont
tout à fait possibles en vertu de l'article 45 de la Loi constitutionnelle
de 1982, qui permet au Québec de modifier sa propre constitution. C'est un
pouvoir analogue à celui-là qui a permis, par exemple, d'adopter la loi sur le Conseil législatif qui a modifié
l'article 133 de la constitution, hein,
cet article-là parle des deux chambres de la législature de Québec,
ça a été modifié par la loi sur le Conseil législatif, et c'est tout à
fait valide, ça a été confirmé par un jugement dans l'affaire Montplaisir.
Ensuite,
toujours au niveau des droits linguistiques fondamentaux, on propose de
nouveaux droits des technologies de
l'information en français, droit à l'enseignement en français, du CPE, qui
n'existait pas en 1977, jusqu'à l'université, et on propose également
d'élargir le droit fondamental d'exercer ses activités en français. Hein, pour
l'instant, dans la loi, c'est seulement pour les travailleurs, et en 1977 il
n'y avait pas une pertinence à ça. Maintenant, il faut élargir ça, notamment
aux entrepreneurs, on sait qu'il y a plus d'entrepreneuriat, là, chez les
francophones aujourd'hui qu'à l'époque.
Les dispositions du projet
de loi en matière de langue du travail sont également fort bien pensées. On
propose un ajout, c'est-à-dire d'interdire de discriminer un employé parce
qu'il ne parle pas une autre langue, parce qu'il ne parle pas anglais,
généralement, même lorsque c'est requis par le poste de parler anglais, pourvu
que l'employé soit prêt à apprendre cette langue aux frais de l'employeur.
Concernant les
cégeps, on y va d'une proposition pour concilier l'application de la
loi 101 au cégep et la préservation d'un certain libre choix, donc on a
une espèce de proposition de compromis qui permettrait entre autres de garantir
aux anglophones le choix de leur cégep, ce qui n'est pas toujours évident à
l'heure actuelle. Et si jamais le législateur ne nous suit plus, ne nous suit
pas pour cette proposition, on en a une autre, qui est simplement de mettre un
objectif à moyen terme, en termes de réduction des effectifs des cégeps
anglais.
Sinon, toujours en
matière d'enseignement supérieur, et là c'est peut-être le gros oubli du projet
de loi : le français comme langue de recherche. Il faut dire qu'il y a une
étude de l'ACFAS qui est sortie après le dépôt du projet de loi et qui démontre clairement le recul du français comme
langue de recherche. Donc, nous, on vous propose un amendement très,
très détaillé en cette matière.
Ensuite, il y a la
question des langues autochtones. À mon avis, il n'y a rien dans le projet de
loi qui porte atteinte ou qui enlève de quelconque manière des droits relatifs
aux langues autochtones. En fait, il y a juste l'article 68 qui concerne les autochtones, puis il permet de les
accommoder davantage, donc il n'y a pas de problème. Et ce qu'on souhaite attirer à votre attention,
c'est que ce ne serait probablement pas le bon endroit, ce projet de loi là,
et la loi 101, pour adopter des mesures favorables aux langues
autochtones. Parce que la façon dont fonctionne la loi 101, c'est... le
principe, c'est pour le français, et les dispositions sur les autres langues,
c'est des exceptions, donc d'interprétation stricte. Alors, si on veut adopter
des mesures pour les lois autochtones, il faut plutôt les mettre dans une autre
loi, où, à ce moment-là, ce seraient des principes en faveur des langues
autochtones, mais, pour ça, c'est vraiment une autre loi, un autre projet de
loi, là, qui serait le véhicule approprié.
Enfin, concernant la
langue du commerce, on salue les avancées, notamment en matière de marques de
commerce. On souhaite aller plus loin, on souhaite qu'il y ait un droit à avoir
des vêtements, des accessoires en français,
et on souhaite un retour à la règle de l'affichage commercial exclusif en
français, mais seulement pour les grandes, voire les très grandes
entreprises, et on suggère comme seuil 75 employés. Pourquoi? Parce
qu'ailleurs dans le mémoire, on suggère d'abaisser le seuil, pour le comité de
francisation, de 100 à 75 employés. À l'heure actuelle, le projet de loi touche au seuil pour les certificats
de francisation, de 50 à 25, par cohérence, nous, on irait de 100 à 75 pour
l'obligation d'un comité de francisation, et 75 deviendrait le seuil des règles
applicables aux grandes entreprises, notamment l'affichage unilingue au niveau
commercial. Évidemment, ça pourrait être contesté en vertu de la liberté
d'expression des chartes des droits, mais grâce aux dispositions de
dérogations, ce serait protégé et, soit dit en passant, l'usage de la
disposition de dérogation, des dispositions de dérogation dans le projet de loi,
c'est tout à fait conforme à la jurisprudence, à la théorie doctrinale
dominante, à la pratique passée de l'Assemblée nationale, parce que
c'est un usage préventif, mais non rétroactif, expresse et qui est fait pour
les questions d'identité et de progrès social.
Cela dit, même s'il
n'y avait pas de dispositions de dérogation, l'affichage unilingue français
pour les grandes entreprises,
ça passerait le test des chartes, très vraisemblablement.
Et là-dessus je laisse Marc-Antoine développer avec le temps qu'il nous
reste.
M. Larivée
(Marc-Antoine) : Oui. Donc, Mme la Présidente, en passant, bonjour à tous et à toutes, donc, pour faire suite
à la proposition du Pr Rousseau, selon l'avis juridique de 1993 du
Pr José Woehrling, un retour à la règle d'affichage
exclusif en français, donc, comme il l'a mentionné pour les entreprises de
75 personnes et plus, passerait vraisemblablement aujourd'hui les exigences du test de l'article
premier de la charte canadienne, et
ce, pour deux raisons.
Premièrement, la jurisprudence actuelle prévoit
que lorsque le législateur tente de concilier des intérêts, qu'ils soient
politiques, sociaux ou économiques, comme en l'espèce, il faut interpréter le
critère de l'atteinte minimale de manière
souple ou flexible, contrairement à l'interprétation rigoureuse que la Cour
suprême a autrefois appliquée dans certaines décisions telles que
l'arrêt Oakes ou l'arrêt Ford.
Deuxièmement,
la jurisprudence prévoit que des restrictions à la liberté d'expression
commerciale se justifient beaucoup plus facilement au sens de l'article premier
que, par exemple, des restrictions à la liberté d'expression politique parce que la liberté d'expression
commerciale ne s'assimile pas aux valeurs qui sont fondamentalement protégées
par l'article 2b de la charte canadienne. Il est important de souligner que ce
principe a récemment été confirmé par la Cour d'appel fédérale en 2020 dans
l'affaire Canada Inc., Compu.Finder contre Canada.
Finalement,
pour terminer, on propose une modification quant aux traitements des plaintes
de l'office française québécoise. En
fait, on juge que, lorsqu'il s'agit d'une plainte d'intérêt collectif et
général, l'office devrait avoir l'obligation d'informer, un, le
plaignant de sa plainte, deux, les mesures que l'office prend, et, trois, les
mesures que l'auteur du manquement prend, le cas échéant. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. Avec l'autorisation du ministre, les
15 secondes de plus que vous avez prises seront retranchées au temps du
ministre. M. le ministre, la parole est à vous.
• (11 heures) •
M. Jolin-Barrette :
Oui. Merci, Mme la Présidente. M. le professeur Rousseau,
M. Marc-Antoine Larivée, merci de
participer aux consultations sur le projet de loi n° 96. Je tiens à vous
féliciter pour votre mémoire, qui est fort intéressant et très fouillé.
D'entrée de jeu, je
voudrais vous entendre sur la notion de langue commune et de la question de la
culture commune, parce que vous semblez faire un lien entre la langue commune,
la culture commune et la convergence culturelle. Pouvez-vous nous expliquer ce que
vous entendez par là et ce que ça signifie?
M. Rousseau
(Guillaume) : Oui, merci pour cette question. Effectivement, c'est un
des points que je n'avais pas pu aborder dans ma présentation orale, mais qui
est développé dans le mémoire. Donc, je suis content d'avoir l'occasion de développer
ça un peu.
Donc,
la notion de langue commune, d'abord, il faut vraiment rappeler de quoi on
parle. Ça s'inscrit, la notion de
langue commune... c'est arrivé avec la commission Gendron, au début des
années 70, parce qu'à ce moment-là il y avait comme un débat où on
avait, d'une part, le bilinguisme prôné par le gouvernement Trudeau, la Loi sur
les langues officielles, puis, d'autre part,
il y avait l'unilinguisme, avec le RIN, et là c'est comme si on avait ce choix,
soit c'était le bilinguisme, soit c'était l'unilinguisme, ce qui était,
évidemment, un non-sens.
Donc, la commission
Gendron est arrivée à cette notion de langue commune qui disait, dans le
fond : On peut très bien avoir
plusieurs langues au Québec, il peut très bien avoir une communauté
d'expression anglaise, avec des membres de la communauté qui parlent
anglais entre eux, il peut avoir une communauté hispanophone, arabophone,
nommez-les, mais il faut une langue commune. C'est-à-dire que, lorsque vous avez
quelqu'un de la communauté anglophone qui
parle à quelqu'un d'expression française, la langue de communication
interlinguistique, dit-on parfois en
langage technique, ça devrait être le français. Puis, des fois, on allait même
plus loin, on disait : Lorsqu'un hispanophone s'adresse à un anglophone, la langue commune, ça
devrait être le français, parce que c'est la langue que tout le monde
connaît au Québec.
Donc, dès qu'on est
dans un contexte interlinguistique, le français devrait être la langue commune.
Donc, ça permettait de dépasser cette opposition entre unilinguisme et
bilinguisme, et ça a fait consensus. Donc, ça, c'est vraiment... Donc, c'est
extrêmement opportun, à mon avis, que le projet de loi mette ce concept-là dans
la loi, alors qu'avant c'était dans le livre blanc. Donc, on savait que c'était
derrière la tête du législateur en 1977, mais là, vraiment, de le mettre dans
la loi, ça m'apparaît vraiment très opportun.
Et, toujours en 1977,
donc après la loi 101 en 1977, est arrivée, en 1978, la politique de
développement culturel, dans les deux cas, sous la responsabilité de Camille
Laurin, avec Fernand Dumont, Guy Rocher et quelques autres. Et là ce qu'on
disait, c'est que, si vous avez une langue commune, forcément, ça a des
conséquences sur la culture, parce que la façon qu'on conçoit la langue au
Québec c'est, oui, évidemment, un outil de communication, mais c'est aussi un
véhicule culturel, donc, et c'est là que l'approche québécoise diffère de
l'approche fédérale, où, au fédéral, on dit : Il y a le bilinguisme et le
multiculturalisme. Donc, on déconnecte langue et culture. Au Québec, on a
plutôt l'approche de dire : Non, non, la langue c'est très culturel. Donc,
à partir de là, si on fait la promotion d'une langue commune, il faut, en même
temps, faire la promotion d'une culture commune. C'est dans la logique des
choses.
Puis donc, toujours
dans la politique de développement culturel de 1978, on disait : Comment
on peut faire cette culture commune là sachant qu'il y a plusieurs cultures présentes
au Québec? Personne ne nie ça, au contraire, il s'agit de valoriser ça, mais le
concept qui a été mis de l'avant, c'est celui de convergence culturelle,
c'est-à-dire, reconnaissons qu'il y a plusieurs gens avec des bagages culturels
distincts, mais projetons-nous vers l'avenir, convergeons vers le fait de bâtir
ensemble une culture commune à tous, ce qui ne nous empêche pas d'avoir chacun des référents culturels particuliers, mais
convergeons vers une culture commune,
qui, forcément, est la culture québécoise d'expression
française, mais qui est, évidemment, ouverte à des
apports, notamment, provenant des cultures issues de l'immigration. Donc, c'est pourquoi on parle, dans le mémoire, de langue commune,
culture commune, convergence culturelle.
M.
Jolin-Barrette : Et pensez-vous que cette approche-là permettrait,
autant sur la question de la langue commune mais aussi de la culture commune,
d'avoir une meilleure intégration des personnes immigrantes? Parce qu'un des enjeux que nous vivons, un des défis que
nous vivons, pour dès maintenant et pour les prochaines années, c'est d'intégrer les personnes immigrantes en français,
parce qu'on sait à quel point l'anglais est attractif dans l'environnement
nord-américain. Mais, si on veut, comme nation, faire en sorte de pouvoir
continuer de vivre en français, de travailler en
français, bien, il faut que l'ensemble de la société, l'ensemble des personnes
immigrantes, on puisse... on réussisse à les intégrer en français. Il y
a un volet du projet de loi, notamment sur Francisation Québec, qui va toucher
ça. Mais, plus au niveau du fond des choses, sur cet aspect-là, au niveau de la
convergence, de la langue commune, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Rousseau
(Guillaume) : Oui. Donc, très bon, puis vous faites bien de parler de Francisation
Québec, parce qu'une des raisons pourquoi on propose de parler de culture
commune dans le projet de loi, de convergence culturelle, c'est parce qu'on a
l'impression que c'est déjà dans le projet de loi, mais de manière implicite.
Donc, c'est, à la fois, par souci de
transparence, d'explicitation, puis aussi, on appelle ça, en légistique, le
principe de cohérence interne,
c'est-à-dire qu'il faut que les différentes dispositions d'une même loi
soient... forment un tout cohérent. Particulièrement dans notre
tradition de droit civil, c'est extrêmement important. Donc, d'où le fait de
mentionner «langue commune», puisque c'est là, de toute façon, derrière.
Et, effectivement,
vous avez raison, c'est extrêmement important pour nos compatriotes issus de
l'immigration parce que, dans le fond, la culture, ça occupe plus de place
qu'ailleurs, que dans d'autres provinces, au Québec. Les budgets du ministère
de la Culture sont plus grands que dans d'autres provinces, etc. Donc, il faut
se servir de cet extraordinaire véhicule que sont les arts, les lettres,
l'histoire du Québec pour faire participer — hein, intégrer, ça veut
essentiellement dire ça — nos
compatriotes issus de l'immigration, puis ça va dans le sens du projet de loi,
là, il y aura une cohérence.
M.
Jolin-Barrette : ...vous nous invitez à rejeter clairement le
multiculturalisme canadien. Est-ce que ça devrait faire partie du projet de
loi, ça? Parce que, de votre propos, je comprends que, puisque nous avons une langue
commune, puisque nous avons une culture commune, le modèle d'intégration au
Québec, il est distinct du reste du Canada.
Puis les récents événements nous ont démontré, au cours de la dernière campagne
électorale, le... Et on le note depuis des années. Notamment, l'accord
du lac Meech, hein, qui avait été négocié par Robert Bourassa, disait : La
société distincte. On vient inscrire le fait
que le Québec est une nation au sein de la Constitution canadienne. Comment
vous voyez ça, la question du multiculturalisme pour le Québec, comme nation?
M. Rousseau
(Guillaume) : Donc, de deux choses l'une. C'est sûr que le rejet d'un
concept dans une loi, ça peut être difficilement concevable. Ça pourrait
peut-être être dans le préambule, on pourrait imaginer un préambule qui fait
part du fait que le Québec n'adhère pas à la doctrine du multiculturalisme
canadien, donc ça pourrait avoir sa place là. Mais, sinon, je pense que, du
fait de référer à la convergence culturelle, n'importe qui qui connaît un petit
peu la littérature scientifique multiculturaliste, interculturaliste,
convergence culturelle va bien comprendre que le Québec propose un modèle
différent. Alors que, si, au contraire, on parle plutôt d'interculturalisme...
et là il y a une fois le mot «interculturel» dans le projet de loi, puis je
pense que ça ne reflète pas bien l'esprit du projet de loi et que, notamment
pour cette raison-là, on pourrait enlever ce mot-là.
Mais
donc j'irais un petit peu plus loin, peut-être, que vous le faites
explicitement, c'est-à-dire, non seulement je pense que le modèle du
multiculturalisme ne correspond pas au Québec, entre autres, en raison de ce
que je disais plus tôt, c'est-à-dire que langue et culture, au Québec, c'est
lié... Donc, si on a une langue commune, il faut avoir une culture commune. On
ne peut pas adhérer au multiculturalisme.
Et
l'interculturalisme, c'est essentiellement la même chose que le
multiculturalisme. C'est sûr qu'on insiste plus
sur les interactions entre les différentes cultures. Mais, si vous regardez le
jugement, dans l'affaire Hak, qui a été rendu, on dit clairement que
l'interculturalisme est, en gros, la même chose que le multiculturalisme. Il y
a des publications officielles du gouvernement fédéral qui disent exactement
ça. Et je pense que... il y a encore un débat en sciences sociales, là, mais je
pense que, juridiquement, c'est maintenant établi que l'interculturalisme,
c'est un mot québécois pour dire «multiculturalisme», là, avec peut-être
quelques nuances, mais à peine.
Donc, c'est pourquoi
j'irais dans le sens de, oui, mentionner ce rejet du multiculturalisme, mais
sous forme positive, parce que je pense, justement, que la stratégie du Québec,
depuis une quarantaine d'années, de rejeter le multiculturalisme, mais sans
mettre de l'avant un modèle alternatif, ça a ses limites. Donc, ce modèle
alternatif là, qui est vraiment différent du multiculturalisme, c'est la
convergence culturelle. Donc, si on veut non seulement rejeter... mais je pense qu'il faut sortir de la logique du rejet et d'être
dans une logique de proposer un modèle alternatif, et le seul que je
connais, c'est la convergence culturelle, et j'ai différentes publications à ce
sujet-là, dont une, qui s'en vient, dans la revue Droit et société.
• (11 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Rapidement, parce que je veux céder la parole à mes collègues, deux
questions en rafale. Vous êtes constitutionnaliste. Le fait qu'on vienne
inscrire que les Québécoises et les Québécois forment une nation, et que la langue officielle du Québec, c'est le
français, dans la Constitution, y voyez-vous un enjeu? Et, deuxième question,
vous avez abordé la question de l'utilisation de la disposition de dérogation
ou les dispositions de souveraineté parlementaire, voyez-vous un enjeu
relativement au fait de le faire également pour la charte québécoise? Pourquoi
est-ce qu'on le fait? Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas d'autonomisation
de la charte québécoise, le fait qu'on doit utiliser la disposition de
dérogation pour la charte québécoise?
M. Rousseau (Guillaume) :
Oui, donc, rapidement, en ce qui concerne la nation et le français, langue
officielle, dans la Constitution, ça
me semble extrêmement opportun. C'était une vieille revendication du Québec,
mais le Québec avait cherché à l'obtenir de façon multilatérale, ce qui
était beaucoup plus difficile. Donc, de le faire unilatéralement, ce que permet la Constitution canadienne, ça me
paraît opportun. Encore là, on est dans la logique que je disais tantôt,
de ne pas seulement être en opposition ou en rejet, mais de proposer des
choses, proposer un modèle alternatif, donc ça m'apparaît tout à fait
pertinent. Et je pense que les tribunaux n'auront pas le choix d'en tenir
compte et que 90-2Q devra être concilié avec
133, ce qui pourrait laisser une certaine marge de manoeuvre au Québec, notamment
pour établir la primauté de la
version française des lois, quoique, même sans 90-2Q, ça passerait
quand même le test, mais je pense que ça vient
renforcer cela.
Concernant la
disposition de dérogation de la charte québécoise, effectivement, il faut
savoir que la charte québécoise, elle est
interprétée exactement comme la charte canadienne, là, dans la très,
très, très grande majorité des cas. Donc, si on mettait la disposition
de dérogation de la charte canadienne sans mettre celle de la charte
québécoise, clairement, les opposants à la Charte de la langue française
pourraient s'y attaquer. D'ailleurs, c'est ce qui est arrivé dans Ford, pour une des dispositions qui étaient
attaquées dans l'affaire Ford. Il y avait la disposition de dérogation de la
charte canadienne, il n'y avait pas celle de la charte québécoise. Et même
quand les libellés des deux chartes sont très différents, les tribunaux
disent : On applique l'interprétation de la charte canadienne.
Donc,
il n'y a effectivement pas d'autonomie de la charte québécoise. Là, on
peut toujours essayer de la modifier puis d'envoyer des signaux au juge, mais, à la fin
de la journée, il y a une hiérarchie, la charte canadienne est au-dessus
de la charte québécoise, et ce sont des
juges qui décident du détail des rapports entre les deux. Puis, à date, la jurisprudence est extrêmement claire. Donc, je parle même, moi, d'inféodation de la
charte québécoise de la charte canadienne. Donc, c'est extrêmement
important d'avoir la disposition de dérogation de la charte québécoise.
M.
Jolin-Barrette : Je crois que les collègues de Saint-Jean et
Sainte-Rose souhaitent prendre la parole, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) : Il n'y a pas de problème. Dans l'ordre,
je vois que le député de Sainte-Rose me regarde. Donc, M. le député de
Sainte-Rose, la parole est à vous. 5 min 20 s.
M. Skeete :
Merci beaucoup pour votre exposé. J'ai une question. Je vais y aller rapidement
pour sauver du temps pour mes collègues. Est-ce que le projet de loi n° 96 enlève des droits aux Québécois d'expression anglaise
d'être des Québécois d'expression anglaise à part entière, Québécois sur le territoire
du Québec?
M. Rousseau
(Guillaume) : Non, effectivement, il n'y a rien. Quand on parle de
nation au Québec, on l'a déjà fait dans
d'autres lois, puis ça a toujours été interprété comme signifiant tous les
habitants du territoire québécois, puis je ne vois rien dans le projet
de loi qui nous permettrait de dire qu'il y a une cassure avec la tradition de
définir soit «peuple», soit «nation» comme
incluant tous les citoyens, là, canadiens qui résident au Québec depuis un
certain temps.
M. Skeete :
Puis un Québécois d'expression anglaise qui, aujourd'hui, reçoit des services
juridiques, là, il s'en va en cour, conteste un ticket ou, même, dans le
domaine criminel, là, qui veut se présenter en cour, est-ce que le projet de loi n° 96
lui empêche de faire ça après son ascension? Est-ce qu'un Québécois
d'expression anglaise va avoir un service réduit, en matière de justice, suite
au passage d'un projet de loi comme ça? Est-ce que vous avez vu quelque
chose qui enlève ces droits-là?
M. Rousseau
(Guillaume) : Non, mais c'est plus... disons qu'il y a une promotion
du français, on a certaines dispositions pour faire en sorte... bien, comme la
primauté de la version française des lois. On a des choses qui disent : il
faut vraiment qu'il y ait une prépondérance du français, mais tout en
préservant les droits des concitoyens de
langue anglaise. Donc, c'est pour ça que c'est un équilibre qui est subtil.
Puis, des fois, l'aspect
prépondérance du français peut faire craindre pour des droits d'accès à
des services en anglais, mais, quand on regarde le détail du projet de loi, il
y a ce jeu d'équilibre qui me semble, globalement, maintenu, c'est-à-dire, on
renforce un petit peu la promotion du français,
mais tout en s'assurant que ça ne porte pas atteinte à des droits acquis de la
communauté d'expression anglaise.
M.
Skeete : Donc, je vous
entends que ça peut causer des craintes, mais, vraiment, en bout de ligne, il
n'y a rien, dans le projet de loi, qui l'enlève?
M. Rousseau
(Guillaume) : Non. Puis surtout, les craintes que j'ai beaucoup
entendu parler par les compatriotes d'expression anglaise, c'est beaucoup au
niveau du système de santé. Or, le fameux article de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux qui garantit des services aux concitoyens
d'expression anglaise, cet article-là n'est pas touché par le projet de loi.
Donc, c'est vraiment là que ça se passe, comme on dit, là. Si on avait voulu aller très loin dans la promotion des
services en français seulement, pour envoyer des messages, on serait allés là.
Le projet de loi ne va pas là, donc.
M. Skeete :
Donc, c'était ma prochaine question. En matière de santé, donc, aussi, il n'y a
rien qui touche l'accès à la santé d'un Québécois d'expression anglaise?
M. Rousseau (Guillaume) : Non. On a
décidé de ne pas toucher à la loi sur la santé et les services sociaux.
M. Skeete : Finalement, dernière question sur la clause
dérogatoire. Il y a beaucoup d'arguments, là. Là, je pense qu'on est
dans un argument de droits individuels versus des droits collectifs. J'aimerais
vous entendre. Est-ce que c'est... Je sais
que c'est un paradoxe, là, puis je ne suis pas juriste, là, mais on lance
souvent la caricature que ce n'est pas constitutionnel. Je comprends que c'est
dans la Constitution, donc, par définition, c'est constitutionnel, mais je
pense que ce qu'on essaie de dire, quand on dit ça, c'est qu'en enlevant
des droits, peu importe, on brime des droits. C'est quoi, votre opinion là-dessus?
M. Rousseau
(Guillaume) : Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que la façon que
fonctionne la Charte de la langue française, c'est qu'elle garantit des droits
linguistiques fondamentaux : droit de travailler en français, droit de s'exprimer en français, droit à des services, des
biens en français, et tout le reste de la loi, c'est des organismes, des
règles particulières, parfois tatillonnes, ce n'est pas parfait, mais tout le
reste de la loi sert à mettre en oeuvre les droits
linguistiques fondamentaux. Donc, quand quelqu'un vient invoquer un argument de
charte des droits pour venir invalider
une partie de la loi 101, forcément, c'est au droit linguistique
fondamental à des services, à un enseignement, ou quoi que ce soit, en
français qui est atteint. Donc, il faut comprendre qu'il ne s'agit pas de
droits fondamentaux contre autre chose, des intérêts collectifs. Il y a un peu
de ça, parce qu'évidemment le français est un bien commun, puis on peut aussi faire cet argument-là, mais
c'est droits individuels fondamentaux contre droits linguistiques individuels
fondamentaux, puis c'est de trouver un équilibre entre les deux.
Puis la vraie
question, ce n'est pas tant de savoir est-ce qu'on a trouvé le bon équilibre
ici et là. Je veux dire, c'est difficile d'y répondre de manière absolue. La
vraie question, c'est davantage qui doit décider de ça. Là, à la fin de la journée, on veut et des droits linguistiques
fondamentaux à l'usage du français, on veut aussi des libertés d'expression
dans d'autres langues itou. Il faut concilier tout ça. Et c'est qui qui décide
à la fin de la journée? La Constitution canadienne,
la charte québécoise des droits nous dit : Si le législateur veut décider,
veut avoir le dernier mot, il peut le faire en respectant un certain nombre de conditions, qui sont parfaitement
respectées par le projet de loi. Donc, en ce sens-là, ça m'apparaît tout à
fait légitime, pour l'Assemblée nationale, de décider que, sur cette
question-là, qui est au coeur même de l'existence du Québec, de l'Assemblée
nationale, hein... S'il n'y avait pas un français, on n'aurait peut-être pas créé une fédération canadienne, on aurait
peut-être un État unitaire d'un océan à l'autre, tout le monde parlerait
anglais, on n'aurait pas besoin d'Assemblée nationale. S'il y a une Assemblée
nationale, c'est pour qu'elle prenne
des décisions en matière de langue, et, pour prendre des décisions en
matière de langue, il faut utiliser la disposition de dérogation, sinon, l'Assemblée
nationale se trouve être sous la tutelle des juges nommés par le fédéral, qui,
parfois, prennent des bonnes décisions, mais, historiquement, en ont souvent
prises qui ont nui au français au Québec. Donc, on n'a pas le choix de tenir
compte des 43 ans de jurisprudence qui ont fait reculer la protection du
français et le français, bien qu'il y ait d'autres facteurs qui puissent jouer.
M. Skeete :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et cela met fin à l'échange. Il restait
trois secondes. M. le député de Saint-Jean,
vous allez vous reprendre au prochain tour, j'en suis convaincu. Donc, au
prochain tour. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour votre
11 minutes.
Mme
David : Merci beaucoup.
Bonjour, Pr Rousseau. J'ai passé beaucoup de temps avec vous cet été,
beaucoup, beaucoup, beaucoup. J'ai lu énormément, vous, absolument, ainsi que
M. Poirier, évidemment, qui était, jusqu'à tout récemment, votre étudiant au doctorat, qui a passé
brillamment son doctorat en février 2021 ou qui a obtenu son diplôme.
Bravo!
M. Rousseau
(Guillaume) : Je confirme.
Mme David :
Pardon?
M. Rousseau
(Guillaume) : Je confirme.
Mme David :
Je vois qu'on reste en famille. Vous étiez en face pendant des mois, à côté du
ministre, pour la loi n° 21. Là, vous avez dit, tout à l'heure :
On a décidé de ne pas toucher... Je me demande même si vous n'êtes pas resté
très, très près de la rédaction de ce projet de loi là, puisque c'est votre
formidable doctorant qui a écrit un livre, d'ailleurs, sur les 40 ans de
la loi 101, que j'ai lu abondamment aussi. Alors, j'ai l'impression qu'on
est en famille.
Mais le paradoxe,
c'est que je lis votre mémoire attentivement, long mémoire — merci
beaucoup aussi, probablement, à votre
ex-étudiant — et
là je ne comprends plus beaucoup. Vous aviez annoncé, dans Mathieu Bock-Côté,
au mois de juin, le 12 juin, long entretien, vous avez eu ce privilège,
long entretien avec Mathieu Bock-Côté, et je vous cite : «D'un point de
vue politique, je partage, en gros, l'opinion de Joseph-Yvon Thériault, qui,
lors d'une causerie sur le projet de loi n° 96 organisée par Patrick
Taillon — que
nous allons avoir, évidemment, le plaisir d'entendre — a
affirmé que ce projet de loi va aussi loin que la société québécoise est prête
à aller. À mon avis, la société serait prête à ce qu'il aille un peu plus loin,
pas beaucoup plus loin, à moins qu'elle soit convaincue par de nouveaux
arguments.» Et j'ai l'impression que c'est votre croisade, si vous me permettez
l'expression, parce que, quand je lis votre
mémoire, c'est beaucoup d'arguments, effectivement. J'avais tout lu sur votre politique de
convergence culturelle, etc. Je vous
dis, j'aurais été une bonne élève pour vous, aussi. Souveraineté parlementaire,
multiculturalisme. Vous oubliez juste de mentionner «interculturalisme»,
mais je sais que vous en discutez dans vos articles.
La théorie doctrinale
prédominante qu'est le recours aux dispositions de dérogation, il n'y a pas
beaucoup de chiffres qui accompagnent ça, mais je... vous dites, quand même,
avec Henri Brun et compagnie, bon, que c'est ce que pensent la plupart des
constitutionnalistes. Moi, j'en connais qui ne sont pas du tout là-dedans, et
qui sont tout aussi constitutionnalistes, et ont tout autant un doctorat, et
sont tout autant professeurs de droit. Alors, la théorie prédominante, bien, on sait que, nous,
universitaires, professeurs, on est souvent en train de se disputer un peu
là-dessus.
Mais, quand vous déposez, vous, dans votre
mémoire, 24 propositions pour bonifier le projet de loi... vous l'aviez
annoncé à Mathieu Bock-Côté, vous aviez dit : Attention, je vais arriver
avec des propositions pour ramener la loi sur l'esprit d'origine, j'oserais
dire, le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez vraiment, vraiment travaillé
fort pour trouver beaucoup, beaucoup de
choses qui ne vont pas assez loin, selon vous, même si vous dites, par
ailleurs, à Mathieu Bock-Côté, qu'il
ne faut pas aller plus loin, la société n'est pas prête à aller là. Donc, vous
y allez vraiment avec beaucoup, beaucoup de critiques. Vous revenez à
votre concept de politique, convergence culturelle. Vous voulez étendre la
Charte de la langue française, littéralement, du CPE à l'université, gros
débat.
Vous souhaitez alourdir la procédure pour les
municipalités bilingues — vous
n'en avez pas parlé tout à l'heure — pour conserver leur
reconnaissance. Vous souhaitez que la Charte de la langue française modifie la
mission des ordres professionnels. Vous souhaitez que votre gouvernement soit
plus sévère pour les entreprises, pour exiger l'anglais à l'embauche. Vous
souhaitez que le gouvernement impose que les bijoux et accessoires soient
obligatoirement disponibles en français. Vous souhaitez revenir à l'affichage
exclusif en français, vous en avez parlé, l'arrêt... bon. Vous souhaitez des
dispositions sur la langue de la recherche universitaire. Vous proposez un
système privé, que je qualifierais d'élitiste, d'admission au cégep pour les
francophones. Et vous allez vers une modification — tant qu'à faire, 90,
on va l'appeler 3Q — qui
serait concernant la laïcité de l'État. On a déjà une autre proposition de
quelqu'un d'autre qui va venir, en mémoire, pour proposer une autre... un
autre... Alors, j'ai l'impression qu'on est en train d'écrire toute une
constitution à partir de ça.
Bref, devons-nous en comprendre que vous n'êtes
pas tout à fait satisfait du travail du gouvernement concernant le projet de
loi n° 96 et que vous suggérez, je dirais même, presque, de réécrire le
projet de loi? Parce que, cette fois-ci, ce n'est pas vous qui êtes assis avec
le ministre. On dirait qu'il y a comme un... je ne sais pas, le goût d'aller
vous rasseoir là ou d'avoir été beaucoup plus loin que ce que le ministre a
décidé de faire.
• (11 h 20) •
M. Rousseau (Guillaume) : Donc,
beaucoup de choses à votre question. Bien, d'abord, merci pour votre question.
Merci pour vos lectures. J'espère que ça... Ça semble vous avoir nourri, puis
j'en suis bien heureux.
Donc, c'est ça, donc, globalement, dans le fond,
le projet de loi va dans la bonne direction, le projet de loi a vraiment des
fondements très solides juridiquement. Je trouve que, juridiquement, il est
solide au niveau des droits linguistiques fondamentaux, qui sont bonifiés, les
mesures pour assurer le respect de ces droits-là sont bonifiées, les
protections juridiques pour la Charte de la langue française, que ce soit
constitutionnelles, que ce soit dispositions de primauté parlementaire... Donc,
vraiment, c'est très, très solide juridiquement.
Maintenant, est-ce que, vraiment, c'est
suffisant pour faire en sorte que les indices de vitalité linguistique pour le français
au Québec s'améliorent? Et c'est là où ça échappe, en partie, à mon expertise,
donc je m'en remets à Sabourin, Marois, et à d'autres, qui disent que ce n'est
pas suffisant, ce qu'il y a dans le projet de loi. Donc, prenant acte des critiques de certains démographes, je
fais mon travail de juriste, qui consiste à essayer d'améliorer les choses,
sachant qu'une loi ne peut pas changer des grandes tendances démographiques,
mais peut quand même contribuer. Donc, je
pense que c'est comme ça qu'il faut comprendre le mémoire, c'est-à-dire que j'ai pris acte du fait que des gens qui s'y connaissent
encore plus que moi en matière de démographie font ces genres de critiques là.
Et là on essaie de voir, juridiquement...
Puis je suis sûr que mes collègues démographes diraient que c'est largement
insuffisant, ce que je propose. Donc, je ne prétends pas nécessairement
aller jusqu'où ils souhaiteraient aller, mais c'est un peu ça, le sens.
Puis, sinon, moi, ce que je peux faire avec mon
expertise, qui n'est pas celle de la démographie, c'est de remarquer la chose
suivante avec mes études en histoire du droit, c'est que, clairement, en 1977,
dans les années qui ont suivi, il y a eu des améliorations pour la situation du
français au Québec. Évidemment que c'est multifactoriel, mais la loi 101 de 1977 semble avoir réuni un
certain nombre de conditions qui ont permis la progression du français
fin des années 70, début des années 80.
Ensuite, il y a eu des jugements qui sont venus
invalider la loi 101. Il y a aussi eu des projets de loi, des lois qui ont
fait des amendements, qui ont fait reculer la protection du français et,
ensuite, il y a eu un déclin, au niveau démographique, du français. Comme je
vous dis, c'est, évidemment, multifactoriel, mais n'empêche que, moi, la conclusion à laquelle j'arrive, à titre de
chercheur en histoire du droit, c'est, si vous voulez améliorer ces indices-là
eût égard à la vitalité du français,
bien, la version de 1977, je pense que c'est... clairement, à certains égards,
il faut y revenir.
Puis, ensuite, on peut faire plein de nuances,
puis vous voyez que je l'ai fait en proposant, oui, le retour à l'affichage
exclusif en français, mais seulement pour les grandes, voire les très grandes entreprises.
Donc, ensuite, on peut faire toutes les nuances qui s'imposent. Mais je ne
pense pas qu'on puisse échapper à l'interrogation de dire qu'est-ce qui a
marché en 1977 et qui a cessé de marcher. Pourquoi la loi 101 marchait à
la fin des années 70, début 80 et qu'elle a cessé de fonctionner
après? Une fois qu'on pose cette question-là, difficile d'arriver à une
conclusion autre que, bien, peut-être qu'il faudrait revenir, à certains
égards, à la version de 1977.
Mme David : Vous dites, justement,
qu'il y a beaucoup de choses sur lesquelles... et c'est normal, vous n'avez pas
l'expertise, on aura des démographes demain, mais vous vous prononcez quand
même sur un joli paquet de choses dans votre mémoire. J'en ai cité
quelques-uns. Et je me demande, des fois, où vous avez toute cette expertise,
justement.
Puis je vais aller vers la
question de la fréquentation collégiale, parce que vous consacrez au moins sept
pages là-dessus, et, vous le dites, des propositions de votre cru, probablement,
je ne sais pas quoi dire d'autre. Mais là j'ai vraiment beaucoup, beaucoup de
difficulté à vous suivre, je vous le dis sincèrement, là. Vous voulez
l'application de la Charte de la langue française au collégial, première
prémisse, mais vous ne voulez pas diminuer la fréquentation des cégeps
anglophones, vous le dites, à plusieurs endroits, dans les sept pages
qui... Alors, vous aimeriez même que ça s'accroisse, donc il faut trouver des
étudiants. S'il y a la charte, ça veut dire qu'on réduit considérablement la
fréquentation. Alors, vous proposez des dérogations, puis là on dirait que vous
réfléchissez en écrivant. Ah! bien, tiens, il pourrait avoir une autre
dérogation, puis une autre dérogation, puis une autre dérogation. Alors, vous
proposez toutes sortes de dérogations.
Et vous suggérez, évidemment, de ne plus
subventionner ce que vous appelez les non ayants droit,
donc ceux qui sont francophones, allophones, qui ont fréquenté les écoles
françaises, parce qu'ils n'avaient pas le droit, justement, à cause de la
loi 101, d'aller au primaire et secondaire. Donc, les non ayants droit,
bien là, si on ne les subventionne plus... Je me suis demandé si vous aviez
appelé au ministère de l'Éducation, ou si vous aviez regardé les collèges privés non subventionnés pour savoir
combien ça coûte, combien ça coûte, demandé aux pauvres immigrants qui vont dans des collèges privés non
subventionnés et qui font une technique en soins, en hygiène dentaire à
17 000 $ pour une A.E.C, 17 000 $ pour une A.E.C..
Là, vous,
vous parlez de D.E.C complet, 20 000 $, 30 000 $,
50 000 $, 60 000 $. Ça commence à être cher, ça,
pour les francos qui veulent aller... Mais ce n'est pas grave, pour vous, il
n'y a pas de problème, parce que vous dites : Comme ils ont 16 ans et
plus, ils peuvent travailler, ils peuvent travailler pour pouvoir payer leurs
études. Ils vont en travailler, des heures, dans le dépanneur, pour payer
60 000 $ d'études, ou alors, ou alors, l'autre possibilité, ils vont
avoir des parents très, très, très riches, francophones, qui vont décider de
mettre 50 000 $ dans les études de... Ça, si ce n'est pas de
l'élitisme pour les... On dit... Déjà, il y en a qui disent : Ah! c'est
les meilleurs qui vont dans les cégeps anglophones. Alors, ou les parents sont
très riches, ou tu travailles un joli paquet d'heures pour arriver à payer tes
50 000 $, ou alors, un autre exemple qui m'apparaît vraiment
formidable, c'est que l'étudiant, il veut
aller dans un sport d'élite, puis le sport d'élite, il n'existe pas dans un
cégep francophone, donc il va aller peut-être avoir une bourse pour
pouvoir... mais la bourse va peut-être venir de l'État, donc c'est le même
argent, pour payer sa fréquentation du cégep anglophone, pour pouvoir aller où?
Vous le dites textuellement, dans une grande université américaine, et donc on
va envoyer l'étudiant à l'extérieur du Québec pour faire son sport, ou alors,
vous finissez par dire : Il y a peut-être les
parents, pour avoir fait l'enseignement collégial au Canada, donc pour avoir
permis de... pouvoir fréquenter le cégep anglais. Sauf que l'enseignement
collégial au Canada... Les cégeps, c'est pas mal la société distincte, au
Québec. Les cégeps, c'est pas mal une spécificité du Québec.
Alors, moi, je ne comprends pas. En enseignement
supérieur, on admet sur le dossier, d'habitude. Je trouve que c'est des
propositions plutôt très, très élitistes.
La Présidente (Mme Thériault) :
...vous n'avez plus de temps, malheureusement.
Mme David : Alors, voilà, j'ai dit
ce que je pensais de sa proposition.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vous invite à peut-être poursuivre vos échanges en dehors du temps qui
nous est imparti, désolée.
On m'informe
que, pour le prochain bloc d'échange pour la deuxième opposition,
Mme la députée de Sherbrooke
voudrait prendre soin... part à l'audition et se prévaloir du droit de parole
de la députée de Mercier. Est-ce que j'ai consentement?
Des voix : Consentement.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Consentement des collègues, donc, parfait. Mme la députée de Sherbrooke, vous avez 2 min 45 s
pour échanger avec le groupe.
Mme Labrie : Merci de m'autoriser à
remplacer ma collègue, qui devait s'absenter. Bonjour, M. Rousseau. J'ai quelques
petites questions pour vous. La première, c'est... Le projet de loi fait passer
de 50 à 25 le nombre d'employés pour qu'une entreprise soit soumise au processus
de francisation. Est-ce que vous pensez que de réduire ce nombre-là à
10 employés, pour englober plus d'entreprises, ce serait une avenue intéressante?
M. Rousseau (Guillaume) : Merci, merci
beaucoup, et j'en profite pour saluer ma députée et la remercier pour sa question. Donc, c'est une piste
intéressante. Bon, évidemment, on comprend rapidement, là, le contre-argument,
là, à l'effet que c'est des lourdeurs administratives pour des toutes petites
entreprises, et j'avoue être un peu sensible à cet argument-là. À ce
moment-là, ce qui, peut-être, serait une solution envisageable, ce serait que,
peut-être, pour les 10 à 25 employés, on pourrait peut-être imaginer une
procédure simplifiée de certificat de francisation, hein, un peu une logique de
subsidiarité, c'est-à-dire, plus l'organisme est gros, a des capacités, plus on
peut lui en demander; plus il est petit, plus il faut être réalistes dans ce
qu'on lui demande. Ça fait que j'aurais tendance à être d'accord avec vous,
mais ça prendrait un petit peu de travail au niveau technique. Jusqu'à quel
point ce serait possible? Il faudrait regarder avec les gens de l'office de la
langue, là, si ce serait possible de créer ce certificat simplifié pour les 10
à 25 ou 10 à 24 employés, mais c'est certainement une piste intéressante.
Mme Labrie : Merci pour
votre réponse. J'ai une autre question, sur les enjeux du numérique. Le projet
de loi ne fait pas mention de ça. Est-ce que vous, vous pensez que le projet de
loi devrait aborder les enjeux du numérique?
• (11 h 30) •
M. Rousseau
(Guillaume) : Oui, tout à fait. Très bonne question. En fait, il faut
savoir que, de ce côté-là, la jurisprudence a fait évoluer la loi. Donc, dès le
début des années 2000, quand s'est posé la question «est-ce que la
loi 101 s'applique sur Internet?», il y en a qui ont plaidé que non,
l'Internet, c'est transnational, ça échappe aux lois. Rapidement, les juges ont
dit : Non, non, la loi... vous voulez faire un acte de commerce au Québec,
vous faites de la publicité sur Internet, votre publicité devra être disponible
en français. Donc, rapidement, les tribunaux ont quand même fait un peu le
boulot, et, ensuite, il y a eu un certainement nombre de modifications, au fil
des années, notamment après la commission Larose, à la loi 101, donc il y
a deux, trois articles, sur les logiciels, sur... dans l'entreprise, là, le
niveau de francisation, il y a un critère qui a été ajouté à cet égard-là. Ça
fait que j'ai l'impression que ça a été un peu fait au cas par cas, de manière
un petit peu... vraiment par petites touches.
Mais ce qui n'a pas
été fait, c'est au niveau des droits linguistiques fondamentaux. Parce que la
façon que fonctionne la loi 101, je le répète toujours, des droits
linguistiques fondamentaux puis ensuite des dispositions spécifiques qui
mettent en oeuvre ces droits linguistiques fondamentaux. Donc, ce qui n'a pas
été fait, parce que les droits linguistiques fondamentaux n'ont jamais été
retouchés depuis 1977, c'est un droit linguistique fondamental qui viendrait à
des technologies de l'information en français, qui viendrait renforcer à la
fois... qui consoliderait la jurisprudence dont je vous parlais et qui
viendrait renforcer les dispositions qui ont été ajoutées au fil du temps, mais
qui sont un petit peu déconnectées des droits linguistiques fondamentaux,
contrairement aux autres dispositions spécifiques de la loi.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et ceci met fin à l'échange, malheureusement.
Mme Labrie :
Merci.
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, sans plus tarder, M. le député de Matane-Matapédia,
vous aussi pour votre 2 min 45 s.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente. Pr Rousseau, écoutez, vous avez dit tout à
l'heure qu'un des grands oublis de votre présentation, c'est la langue de
recherche. En tout respect, la langue d'enseignement m'apparaît un enjeu beaucoup
plus crucial présentement dans le débat. Ça fait un bout de temps que je vous
suis également. Comme la députée porte-parole de son parti au Parti libéral l'a
indiqué, vous avez eu des propos qui m'intéressent. Vous avez déjà indiqué
qu'un nouvel arrivant qui n'aurait pas étudié en français au primaire et au
secondaire se verrait dans l'obligation de fréquenter un cégep francophone,
vous avez expliqué que cette mesure vise à assurer que la personne a été suffisamment
francisée ou a assez d'éducation en français pour travailler en français, et
vous alliez plus loin, interdire aux francophones et allophones de s'inscrire à
l'éducation aux adultes et à la formation professionnelle en anglais. Mais, de
façon plus générale, vous êtes, comme nous, en faveur qu'on réduise l'accès
dans les cégeps. Alors, est-ce que vous avez toujours cette position?
M. Rousseau
(Guillaume) : Oui. Merci. Merci pour la question, ça me permet aussi
d'en même temps répondre à la porte-parole
de l'opposition officielle.
Donc, en gros, ce que j'ai essayé de faire — puis là, en le faisant, j'ai peut-être compris que c'est à peu près
impossible, mais, bon, j'aurai au moins essayé — c'est de concilier l'application de
la loi 101 au cégep, qui renforcerait... qui aurait des effets
structurants sur le français langue du travail, langue des affaires, sur la
consommation de produits culturels en français, les études de Sabourin sont
très claires là-dessus... Donc, on veut ça,
en même temps, on veut préserver un certain libre choix. Du moins, je comprends
que c'est la volonté gouvernementale. Donc, à partir du moment où on
veut concilier ça, ce n'est pas évident. Donc, moi, ce que je propose, c'est de
définir largement les ayants droit au cégep anglais, donc en prenant tous les
francophones et les allophones qui ont été au cégep anglais des dernières
années, en les définissant comme ayants droit. Ça, personne ne s'est jamais prononcé là-dessus. Qu'on soit pour
ou contre la loi 101 au cégep, je pense que c'est la question qui se
pose : Est-ce que ceux qui ont été au cégep depuis quelques années
deviennent des ayants droit? Moi, je propose que oui puis je propose un
programme de bourses, pour répondre au point de la députée du Parti libéral,
là, Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente (Mme
Thériault) : On va aller à M. le député, parce qu'il a très peu de
temps. Désolée.
M. Bérubé :
J'ai peu de temps. Désolé.
La Présidente (Mme
Thériault) : Allez-y...
M. Rousseau
(Guillaume) : Oui, désolé. Donc, je propose un programme de bourses...
La Présidente (Mme
Thériault) : Allez-y.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente.
M.
Rousseau (Guillaume) : ...pour que les gens de revenus modestes aient
accès au cégep anglais dans certains cas.
M. Bérubé :
Donc, vous avez toujours la même position, qui est celle qui s'apparente à la
nôtre et non celle qui s'apparente au projet de loi n° 96 du ministre.
C'est bien juste?
M. Rousseau
(Guillaume) : C'est ce que je comprends, effectivement...
M. Bérubé :
Merci.
M.
Rousseau (Guillaume) : ...mais avec la nuance, puis j'aimerais
connaître votre position là-dessus, sur le... Est-ce que ceux qui ont
été au cégep...
M. Bérubé :
Ah! bien, c'est moi qui questionne ici, M. le professeur.
M. Rousseau
(Guillaume) : Est-ce que ceux qui ont été au cégep seraient des ayants
droit? C'est une vraie question que je me pose.
M. Bérubé :
J'ai une autre question. Exemplarité de l'État. Je vais prendre un exemple très
concret. Dans les conférences de presse du gouvernement du Québec sur la pandémie,
est-ce que vous considérez que de faire des conférences bilingues, ça respecte
l'esprit de l'exemplarité de l'État?
M. Rousseau
(Guillaume) : Je pense qu'a priori, on serait tenté de dire non. Donc,
ce serait ça, la première réponse. Maintenant, l'esprit de la loi 101,
c'est à la fois une certaine rigueur sur les principes, une certaine souplesse dans l'application. Donc, est-ce que la souplesse
du droit linguistique québécois en matière de santé pourrait nous faire
comprendre que c'est dans son esprit?
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je n'ai plus de temps. Et je n'ai plus de temps, malheureusement.
M. Rousseau
(Guillaume) : Je pense qu'il y a deux interprétations possibles,
mais je vous ai donné ma première réponse, qui me semble la plus évidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Je n'ai plus de temps, malheureusement. Donc, je sais que
les échanges sont assez... viennent nous
chercher, vous êtes des gens qui êtes très convaincus et enflammés, mais, malheureusement, je suis la gardienne du
temps et je n'en ai plus. Donc, je veux vous remercier pour votre passage.
Et
nous allons suspendre pendant quelques instants, le temps de permettre à
l'autre groupe de venir nous rejoindre. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 34)
(Reprise à 11 h 40)
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, bonjour. Bienvenue à la Centrale
des syndicats du Québec. Donc, je vous rappelle que vous avez
10 minutes à votre disposition pour faire votre présentation. Donc, après
votre présentation, nous procéderons à la période d'échange avec les parlementaires. Donc, si vous voulez nous présenter la personne
qui se présente, qui prend la parole et nous présenter la personne
qui vous accompagne, et la parole est à vous.
Centrale des syndicats du
Québec (CSQ)
M. Beauchemin
(Mario) : Oui, puis merci beaucoup. Alors, je me nomme Mario
Beauchemin, je suis le troisième vice-président à la Centrale des syndicats du Québec et je suis accompagné de
Gabriel Danis, qui est conseiller politique à la CSQ.
M.
Danis (Gabriel) : Bonjour.
M. Beauchemin
(Mario) : Alors, pour commencer, pour débuter, j'aimerais quand même
souligner que la Centrale des syndicats du
Québec représente environ 200 000 membres,
240 syndicats composés de 11 fédérations, là, qui évoluent autant en éducation, en enseignement
supérieur, en petite enfance, en santé et dans le milieu communautaire. Il y a aussi l'Association des retraitées et
retraités en enseignement du Québec, qui fait aussi partie... qui compose aussi
la Centrale des syndicats du Québec.
J'aimerais dire que
la CSQ aussi, ça fait plusieurs, plusieurs, plusieurs années que la CSQ
s'intéresse à la pérennité puis à l'importance de la langue française au
Québec. C'est pour cela que l'analyse qu'on fait du projet de loi n° 96 s'appuie sur des positions
historiques, mais des orientations aussi un peu plus récentes que nous avons
prises lors des différents conseils généraux qui ont jalonné nos
dernières années.
En
termes de remarques préliminaires, là, on tient à... c'est-à-dire en termes
d'appréciation globale, on tient à souligner que, d'entrée de jeu, nous sommes
assez et très satisfaits du projet de loi n° 96, on pense qu'il y a beaucoup de propositions, là, qui correspondent à
des avancées importantes. Pensez par exemple, là, à la reconnaissance du
français comme langue commune et officielle, à l'exemplarité de l'État, au
français en milieu de travail et à la création de nouveaux droits linguistiques
fondamentaux. Toutes ces mesures sont accueillies favorablement par la Centrale
des syndicats du Québec.
Évidemment, on est en
commission parlementaire, on a des commentaires et on a aussi
14 recommandations à formuler à la commission parlementaire qui vont s'articuler
autour de six thèmes : le statut de la langue française, l'exemplarité de l'État, la gouvernance
linguistique, la langue du travail et la francisation des entreprises,
Francisation Québec ainsi que la langue des études en enseignement
supérieur.
En ce qui concerne le
statut de la langue française, on pense que l'ensemble des mesures qu'on
retrouve dans le projet de loi, là, pour imposer le français comme langue
publique commune dans les milieux de travail... on accueille ça très, très
favorablement.
En ce qui concerne
l'exemplarité de l'État, par contre, l'article 22.2, là, du projet de loi
nous laisse un peu et pas mal songeurs. Vous le savez, il précise que
l'administration pourrait continuer de communiquer à l'écrit et à l'oral en
anglais avec les personnes physiques avec lesquelles elle communiquait
exclusivement dans cette langue avant la
date de présentation du projet de loi, de même qu'avec des personnes déclarées
admissibles à l'enseignement en l'anglais, conformément à la Charte de
la langue française. Et là ça nous pose quelques questions. En agissant de la
sorte, est-ce qu'on ne vient pas créer un nouveau droit aux services de l'État
en anglais? Est-ce qu'on ne contribue pas à perpétuer l'anglicisation des
services de l'État québécois? De même, en aucun cas les règles qui régissent
l'admissibilité à l'enseignement en anglais n'ont été élaborées afin qu'elles
s'appliquent aux services de l'État québécois.
Par conséquent, sur quelles bases peut-on extrapoler leur portée, comme le fait
le projet de loi n° 96? C'est des... Bien, on n'a pas de
suggestions, de recommandations à cet effet, mais c'est quand même des
questions qui nous apparaissent assez importantes.
En ce qui concerne la
gouvernance linguistique, ça fait longtemps que la CSQ recommande la création
d'un commissaire à la langue. Donc, on accueille évidemment positivement cette
proposition-là. Tant pour la création du ministère que pour le commissaire, la
CSQ salue l'inclusion de ces deux institutions au sein de la Charte de la langue
française. Toutefois, on tient à préciser,
là, qu'il manque peut-être un élément essentiel en suivi linguistique,
c'est-à-dire que, pour nous, la question des transferts linguistiques
des allophones vers le français est un facteur névralgique de la vitalité et de
la pérennité future du français au Québec. Alors, on pense que le ministère de
la Langue française doit fixer des cibles ambitieuses en la matière et doit
confier le suivi de l'atteinte de ces cibles au Commissaire à la langue
française. C'est pourquoi notre première recommandation est à l'effet que le
ministère de la Langue française fixe des
cibles ambitieuses en matière de transferts linguistiques des allophones vers
le français et que le Commissaire à la langue française en assure le suivi.
En
ce qui concerne la langue du travail et la francisation des entreprises, encore
une fois, la centrale accueille positivement la volonté que les entreprises de
25 à 49 personnes soient désormais visées par les dispositions qui
s'appliquent à celles employant de 50 à 99 personnes. Toutefois, on a des
questions sur l'article 39, qui prévoit qu'en présence d'une entente ou
d'une convention collective, le salarié ou la salariée doive faire valoir ses
droits selon les voies de droit que prévoit cette convention ou cette entente.
Or, l'article 39 du projet de loi prévoit aussi que le travailleur ou la
travailleuse peut soumettre directement à l'arbitrage un grief si le syndicat
refuse de le faire. Pour nous, il s'agit d'une règle qui déroge au principe de
l'article 47.2 du Code du travail. C'est pour ça que notre deuxième
recommandation est à l'effet que soit remplacé, à l'article 39 du projet
de loi n° 96, «celui-ci peut le faire» par «celui-ci peut exercer les
recours découlant de l'article 47.2 du Code du travail ou tout autre
recours analogue en vertu d'une autre loi».
Cette
recommandation étant faite, nous saluons quand même le renforcement du droit de
travailler en français et l'accès facilité à des recours en cas de
litige. Ceci dit, les propositions auront peu de portée si elles ne sont pas
publicisées et connues des travailleurs et des travailleuses. C'est pourquoi on
recommande qu'une vaste campagne de
sensibilisation et de publicité sur les droits et les recours linguistiques
accompagne l'entrée en vigueur de la réforme de la Charte de la langue
française.
En ce qui concerne le
prochain thème, Francisation Québec, on doit avouer, là, que c'est peut-être
l'aspect du projet de loi, là, qui nous déçoit le plus. Ce dernier ne fait
aucunement mention du ministère de
l'Éducation tout comme de son réseau, qui constituent pourtant des
partenaires incontournables lorsqu'il s'agit de francisation et d'apprentissage
du français au Québec. On se demande si on ne doit pas comprendre que
le ministère de l'Immigration, de la
Francisation et de l'Intégration
veut, par ce projet de loi, diminuer ou retirer l'offre de francisation au ministère de l'Éducation. C'est une question qu'on se pose. Pour nous, il est
urgent que le MIFI collabore étroitement avec le ministère de l'Éducation afin d'avoir un portrait complet de ce
qui se fait en termes d'apprentissage du français au Québec. C'est pour cela que la CSQ recommande que le ministère de l'Immigration, de la Francisation et
de l'Intégration s'assure que
Francisation Québec travaille en étroite collaboration avec le ministère
de l'Éducation afin de prendre en compte dans l'offre de services
d'apprentissage du français les éléments suivants : les cours de
francisation reconnus par le ministère de l'Éducation qui sont offerts par les
centres de services scolaires du Québec et l'offre de cours de français en
langue seconde. On recommande aussi à cet égard que le ministère de
l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration se ravise en acceptant
les tests de français reconnus par le ministère de l'Éducation et qu'on utilise
donc nos propres tests plutôt que ceux développés par la France, particulièrement.
En
ce qui concerne les écoles passerelles, les modifications proposées par le projet
de loi auront pour effet de limiter à un maximum de trois ans la période
pendant laquelle les enfants de certains ressortissants étrangers en séjour
temporaire au Québec pourront bénéficier de l'admissibilité à l'enseignement en
anglais dans le réseau public ou privé subventionné. Est-ce que le passage de
trois ans de ces élèves pourrait être considéré comme un parcours authentique
leur permettant par la suite d'avoir droit à l'enseignement public en anglais?
C'est une question, là, qui mérite d'être soulevée. C'est pour cela aussi que
la CSQ recommande, d'une part, que le gouvernement brosse un portrait du phénomène
des écoles passerelles et du nombre de demandes d'admissibilité à l'enseignement
en anglais et qu'il rende ces données rapidement publiques et, d'autre part,
dans l'éventualité d'une hausse marquée de ces demandes, que le gouvernement cesse d'accorder l'admissibilité de l'enseignement en anglais aux enfants de ressortissants étrangers dans le
réseau public et privé subventionné.
Finalement, pour
terminer la présentation, on va aborder plus particulièrement, donc, la langue
des études à l'enseignement supérieur, et plus particulièrement dans notre
réseau collégial. La réception du projet de loi, et plus spécifiquement les
dispositions particulières à l'enseignement collégial, ont été... a été assez
positive au sein de nos fédérations et de nos syndicats affiliés. Plusieurs des
dispositions du projet de loi rejoignent les positions adoptées et nos
orientations, sur lesquelles on travaille depuis 2011‑2012. Toutefois, au cours
de ces consultations, certaines préoccupations ont émergé, trois
principalement : préoccupation relativement au potentiel d'amplification
de la concurrence entre les cégeps anglophones, d'une part, et les cégeps
francophones offrant un ou des programmes en anglais, d'autre part;
préoccupation quant à l'applicabilité de l'épreuve uniforme de français au sein
des cégeps anglophones; et, finalement, préoccupation sur le potentiel
d'amplification des obstacles systémiques pour les étudiantes et les étudiants
autochtones.
En ce qui concerne la
détermination des effectifs et notre première série de préoccupations, étant
donné la place qu'occupent le ministère et le ministre dans ce dossier-là,
étant donné aussi le flou qui existe autour des mécanismes de détermination des
effectifs totaux particuliers, la CSQ recommande de clarifier les mécanismes de
détermination annuelle des effectifs totaux, de prévoir un mécanisme de
concertation avec les partenaires du réseau collégial,
de porter une attention particulière au rayonnement des établissements offrant
un ou des programmes en anglais qui répondent aux besoins des
communautés historiques anglophones en région, et, finalement, la CSQ
recommande aussi de prévoir un mécanisme de concertation avec les partenaires
du réseau collégial au sujet des ayants droit afin de favoriser un équilibre
dans le réseau.
En ce qui concerne
nos préoccupations liées à l'implantation de l'épreuve uniforme de français, je
pense qu'il y a plusieurs limitations qui
sont à prévoir dans les cégeps anglophones. On pense aussi qu'il va y avoir la nécessité d'ajouter
des ressources et qu'il faut aussi se préoccuper du cas très particulier des
étudiantes et des étudiants réfugiés. C'est
pour ça que la CSQ recommande au ministère de l'Enseignement supérieur de
consulter les partenaires du réseau collégial
au sujet des éventuels impacts des modifications au Règlement sur le régime des
études collégiales... J'ai terminé?
• (11 h 50) •
La
Présidente (Mme Thériault) : Oui. Je vais vous demander de terminer,
on est déjà sur le temps du ministre. Allez-y rapidement.
M. Beauchemin
(Mario) : D'accord. Enfin, je termine en... qu'il est important aussi
d'ajouter des ressources nécessaires afin d'améliorer des mesures de soutien en français
dans l'ensemble du réseau et enfin, pour terminer, d'exempter les étudiants et les étudiantes
réfugiés accueillis dans les cégeps anglophones à travers le Programme d'étudiants réfugiés, ou PER.
Merci.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Beauchemin. Donc, M.
le ministre, on retranchera
40 secondes.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci, Mme la
Présidente. M. Beauchemin,
M. Danis, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission
parlementaire.
Allons-y par la fin,
là, de votre intervention au niveau des établissements collégiaux. À la
page 15 de votre mémoire, vous
indiquez : «Or, depuis plusieurs années, des intervenantes et intervenants sonnent l'alarme, signalant qu'une
proportion considérable des étudiantes et des étudiants des cégeps anglophones
qui obtiennent un diplôme n'ont pas le niveau de connaissance nécessaire en français
dans un contexte de travail, tant à l'oral qu'à l'écrit, et ce, après avoir
suivi deux cours obligatoires en français langue seconde au collégial. Le CG
statuait en décembre 2020 que l'amélioration du français langue seconde, sujet trop souvent négligé, pourrait
bénéficier d'une attention plus soutenue et de l'introduction de mesures
structurantes, qu'il s'agisse de cours additionnels ou encore d'une épreuve ministérielle qui permettrait de renforcer les compétences linguistiques des
personnes diplômées issues des cégeps anglophones.»
Donc, nous, dans
notre proposition législative, avec le projet de loi n° 96, on propose de
faire en sorte que désormais l'épreuve uniforme de français s'applique aux
étudiants également au niveau collégial anglophone, donc que ça soit pour les francophones et les
allophones, exception faite des ayants droit. Donc, je comprends que la mesure que nous proposons est une mesure dans la bonne
direction.
M. Beauchemin
(Mario) : Tout à fait, effectivement.
M.
Jolin-Barrette : Et vous, vous représentez un des deux syndicats, dans
le fond, affiliés avec la CSQ, un des deux syndicats de professeurs des cégeps également
au Québec.
M.
Beauchemin (Mario) : En ce qui concerne les enseignants, effectivement,
la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep est affiliée chez nous,
mais on a aussi deux autres fédérations du réseau collégial qui sont aussi
affiliées à la CSQ.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Puis ça représente combien de professeurs,
environ?
M. Beauchemin
(Mario) : Chez nous, en termes d'enseignants, c'est 3 000 environ.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous nous invitez à nous fixer une cible notamment
au niveau des transferts linguistiques. Vous dites, bon : Au niveau
de la gouvernance, c'est une bonne chose, le fait de créer un ministère
de la Langue française, le
fait de créer également un commissaire à la langue française. Au niveau
des transferts linguistiques, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs
reprises, pour qu'il y ait un inversement de tendance, c'est important que le
taux de transferts linguistiques soit de
plus de 90 % pour faire en sorte
véritablement que la langue commune, la langue d'usage devienne la langue française. Alors, nous, les objectifs
que j'ai en tête, c'est d'atteindre ce niveau-là. Et, lorsque le Parti
québécois, en 1977, a déposé le
projet de loi avec M. Laurin, on était dans un taux de transferts
linguistiques de moins de 20 %, on est rendu à près de 50 %. Il faut agir. Alors, est-ce que vous nous
invitez à choisir ce taux-là, le taux qui va véritablement avoir un
transfert complet, comme dans le reste du Canada, où c'est 99 point
quelques pour cent vers l'anglais, Nouveau-Brunswick, c'est un petit peu plus
faible également, mais c'est encore vers l'anglais?
M.
Beauchemin (Mario) : Bien, c'est une bonne question. On ne s'est pas
véritablement penchés sur un objectif très clair et très précis, mais on
pense effectivement qu'il faut tendre vers ce pourcentage-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau des autres indicateurs, est-ce qu'il y a d'autres
indicateurs que vous dites : Écoutez,
il faut utiliser ces indicateurs-là pour vraiment mesurer ou constater
l'évolution? Parce qu'il faut le dire, hein, durant des années, les études de
l'OQLF n'étaient pas publiées, hein? Ça a pris... À un moment donné, ça a pris
sept ans, lorsque ma collègue la ministre de la Culture actuelle,
Mme Roy, hein, la députée de Montarville, a rendu publique, à l'époque où
elle était responsable de la charte... donc, en 2018, ça faisait plus de sept
ans que l'étude était prête à l'OQLF, mais qu'elle n'avait pas été publiée. On
s'explique mal comment ça se fait que ces études-là sur la situation
linguistique au Québec n'ont pas été publiées par un organisme gouvernemental
durant toutes ces années-là.
Mais quels sont,
selon vous, là, les indicateurs les plus parlants qui devraient être établis?
Et, dans le projet de loi, on en a mis
certains, là. Désormais, l'OQLF, en collaboration avec le Commissaire à la
langue française, va pouvoir choisir
les indicateurs pour justement avoir un véritable portrait de la situation et
pour ne pas que certains gouvernements cachent la réalité aux Québécois
sur la situation du français. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ça?
M.
Danis (Gabriel) : Bien, effectivement, si je peux répondre,
c'est assez troublant, le suivi de la situation linguistique au Québec depuis plusieurs années. Moi, je suis ça
personnellement à la CSQ avec d'autres collègues, puis c'est extrêmement
difficile d'avoir des données claires, d'avoir un suivi cohérent. On a senti,
là, une certaine forme de politisation
pendant des années de ces études-là, puis c'est extrêmement... Nous autres, ça
nous a beaucoup, beaucoup préoccupés. Et on ose croire, on ose espérer
que cette situation-là va être renversée, qu'il y aura dépolitisation de cette question-là puis un suivi, grâce aux
nouvelles institutions du commissaire, du ministère, qu'il y aura un suivi non
partisan, et que c'est un suivi qui soit facile à faire, qu'on puisse se
retrouver au sein des données, des indicateurs.
Pour répondre
particulièrement à la question, on pense que la... L'indicateur suprême pour
nous, c'est les transferts linguistiques des allophones vers le français.
Évidemment, il y a d'autres indicateurs, puis on peut penser au français comme
langue de travail, penser au français comme langue commune ou comme langue
d'usage public. Mais, pour nous, c'est
mathématique, là, la pérennité du français, la vitalité du français doit passer
par une amélioration du taux
des transferts des allophones vers le français.
M. Jolin-Barrette : Sur la question des... Bien, en fait, justement
sur le transfert linguistique, est-ce
que vous pensez qu'on devrait
en faire une disposition législative dans le projet de loi?
M. Beauchemin
(Mario) : On pense que oui.
M. Jolin-Barrette :
Sur la question de Francisation Québec, là, puis du ministère de l'Éducation,
un des enjeux qu'il y a depuis plusieurs années, c'est qu'il y avait plusieurs
portes au niveau de la francisation. Donc, il y en avait qui se faisait au ministère de l'Immigration, il y en avait qui se
faisait au ministère de l'Éducation puis au ministère du Travail, de
l'Emploi et Solidarité sociale. Alors, l'objectif de Francisation Québec est de
fédérer et de n'avoir qu'une seule porte d'entrée pour ensuite diffuser...
bien, en fait, utiliser la force de l'État québécois pour vraiment mettre en
place des mesures de francisation sur les milieux de travail, notamment pour
les personnes immigrantes, en matière d'intégration. Donc, je vous entends bien
de dire : Ne pas oublier le ministère de l'Éducation, les ressources qui
sont là. Donc, vous nous invitez à dire : Bien oui, il y a Francisation
Québec, mais vraiment intégrer le ministère de l'Éducation. C'est bien ça?
M. Beauchemin (Mario) : Oui,
exactement. Donc, on est contents d'entendre ça, parce qu'à la lecture du
projet de loi, ça, c'est moins évident, puis il y a une expertise sur la
francisation dans le réseau de l'éducation, que ce soit la formation
professionnelle, la formation des adultes, donc c'est important de les mettre à
contribution aussi.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça. C'est l'objectif qui est recherché. Dans le fond, l'entité de
Francisation Québec vient centraliser le tout, mais justement au bénéfice à la
fois des entreprises, mais à la fois aussi des personnes qui souhaitent obtenir
des cours de francisation, et on va offrir cette francisation-là également aux
personnes qui ne sont pas des nouveaux
arrivants, mais qui sont des Québécois et qui souhaitent améliorer et peaufiner
leur connaissance de la langue française également.
Dans votre mémoire, vous abordez la question des
attestations d'études collégiales. Pouvez-vous développer là-dessus? Parce que,
dans le fond, le projet de loi vise notamment les diplômes d'études
collégiales, mais quelle est votre position, là, sur les attestations d'études
collégiales?
M.
Beauchemin (Mario) : Ces propositions-là, on sait qu'elles débordent
un peu le cadre du projet de loi n° 96, mais ça provient... c'est issu des travaux qu'on a effectués en 2011‑2012
à partir de la création d'un comité de travail, là, interfédératif et
avec la centrale, justement, pour voir si on devait appliquer ou non la
loi 101 au collégial. On en était arrivés avec les propositions qu'on
retrouve dans notre présent mémoire. Mais nous, on pense qu'il est important
que des mesures soient mises en place aussi dans les milieux où on retrouve des
attestations d'études collégiales, parce qu'on peut y retrouver aussi une
main-d'oeuvre qui n'est pas une main-d'oeuvre, une... pas une clientèle non
plus, mais des étudiants et des étudiantes qui ne maîtrisent pas très bien le
français. Alors, pour nous, c'est important de ne pas mettre de côté les
A.E.C., qui occupent une place souvent, dans certains collèges, très, très,
très importante.
• (12 heures) •
M. Danis (Gabriel) :
Puis on sait... Si je peux me permettre, si je peux ajouter, on sait que,
particulièrement à Montréal, dans les cégeps anglos, une grande partie des
étudiants inscrits à une attestation d'études collégiales sont des immigrants
récents qui veulent avoir une formation rapide qui leur donne accès rapide au marché
du travail. Et on se tire dans le pied à ne pas profiter de ces étudiants-là
qui sont aux études pour une courte période de temps, pour en profiter pour
offrir des cours de français langue seconde ou d'apprentissage du français,
bien que ça ne soit pas l'objectif des A.E.C. actuellement, mais je pense qu'on
peut modifier la structure puis le fonctionnement des A.E.C. pour aller dans
cet objectif-là.
M. Jolin-Barrette : Et est-ce que
votre proposition de viser les A.E.C. devrait s'appliquer également pour les
collèges non subventionnés qui donnent les cours en anglais? Donc, il y a une
kyrielle de collèges, là, accrédités par le ministère de l'Enseignement
supérieur qui sont non subventionnés, mais qui ont beaucoup une clientèle d'étudiants étrangers qui viennent chercher un
diplôme ici. Alors, pensez-vous qu'on devrait viser le non subventionné, donc le
privé-privé?
M. Beauchemin (Mario) : Notre
réponse est oui, tout à fait.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Juste
avant de céder la parole au collègue de Saint-Jean, vous avez émis des réserves
sur l'article 22.2 du projet de loi relativement aux services offerts en
anglais. Alors, l'objectif, il est très clair, c'est les services de l'État
québécois sont donnés en français, c'est au niveau de l'exemplarité de l'État,
mais, par contre, on vient protéger, dans le fond, les droits acquis des membres de la communauté anglophone, des
membres des communautés autochtones également. Alors, l'objectif est simplement
de faire en sorte que ceux qui recevaient leurs services dans la langue
anglaise puissent continuer de le recevoir, qu'il n'y ait pas de bris de
service pour eux. Donc, je ne sais pas si ça vous explique le tout. Alors, je vais céder la parole, Mme la Présidente, au député de Saint-Jean.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui.
Est-ce que vous vouliez passer un commentaire? Non, ça va? Parfait. M. le
député de Saint-Jean.
M.
Lemieux : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous
avez... Merci de répondre à nos questions. Vous avez parlé, en parlant
des effets pervers de la loi, du projet de loi, entre autres, pour
l'enseignement collégial, vous avez parlé d'une amplification de compétition.
Et vous avez abouti aussi avec ce que vous considérez être un problème
particulier pour la clientèle autochtone. Pouvez-vous m'expliquer ça en
reculant un petit peu pour le mettre en contexte, s'il vous plaît?
M. Beauchemin (Mario) :
Certainement. C'est que, dans le projet de loi, on ne trouve pas vraiment, là,
quand on va stabiliser ou stopper l'augmentation des étudiants et étudiantes
dans les collèges anglophones, on ne retrouve pas, puis c'est peut-être normal
aussi à ce moment-ci de l'étude du projet de loi — des mécanismes.
Comment on va répartir les étudiants, les étudiantes qui auront l'occasion de
s'inscrire dans un cégep anglophone, entre le cégep de Vanier, par exemple, et
le cégep... ou Dawson puis le cégep de Lennoxville, qui est un cégep important
en région? Est-ce qu'il va y avoir un mécanisme de répartition des effectifs,
étant donné maintenant qu'ils seront limités? Alors, c'est ça un peu notre
préoccupation, là, c'est ce qu'on soulève, d'où l'importance pour nous qu'il y
ait une concertation avec les différents partenaires du réseau pour ne pas
exacerber cette concurrence-là, à partir du moment où on fixe une limite,
peut-être que les collèges anglophones seraient tentés de se livrer une
concurrence qui pourrait devenir malsaine. C'est pas mal ça.
M.
Lemieux : D'accord. Tout à l'heure, vous n'étiez pas là mais ce n'est
pas grave, c'est le contexte, l'OQLF était là pour nous parler d'étude
sur le français au Québec, 2011‑2036, avec des chiffres dont parlait le
ministre tout à l'heure, qui sont inquiétants, et vous
sembliez d'accord, dans vos commentaires, avec lui plus tôt. Si, au lieu de
parler de quantitatif avec des statistiques, quand on dit «langue parlée à la
maison», dans le fond, c'est une autoqualification qu'on fait, quand on répond
ça dans un sondage. Vous êtes, vous l'avez dit, très présents dans les écoles
et les cégeps, si on parlait de qualitatif plutôt, sur notre langue, sur ces
années-là qu'on peut voir derrière et qu'on regarde en avant. Je vous prends un
peu... pas à dépourvu, mais je vous prends un peu hors de votre texte, mais ça
m'intéresse beaucoup, ce que vous en pensez, de l'état du français depuis 2011,
puis où on s'en va en 2036, en le plaçant dans le contexte de... c'est vous qui
l'enseignez finalement, c'est vos membres qui l'enseignent.
M.
Beauchemin (Mario) : Écoutez, effectivement, ça sort un peu du cadre
de notre mémoire. Est-ce qu'il y a des efforts à faire pour améliorer la
qualité du français enseigné dans le réseau de l'éducation et dans le réseau collégial, je pense que oui. Je ne peux pas me
prononcer beaucoup pour le réseau scolaire, mais, pour le réseau collégial,
je peux quand même affirmer que je l'ai enseigné avant de m'impliquer
complètement dans le syndicalisme, de 1992 à 2002, et que moi, lorsque souvent
on fait ressortir des cas où ils ont de la misère à conjuguer les participes
passés, et tout ça, là, moi, je me suis aperçu qu'il y avait eu quand même une
amélioration qualitative de la langue écrite et parlée au niveau collégial au cours des 10 années où j'y ai
enseigné. Est-ce qu'il y a encore des efforts à fournir, est-ce qu'on
devrait ajouter un cours de maîtrise de la langue dans le réseau collégial en
plus des cours de littérature? C'est une question qu'il faudrait creuser.
M. Lemieux :
Je n'en ai peut-être pas tellement à essayer de vous faire dire comment on
devrait faire, mais plus comment vous
considérez l'état du français
en 2021, considérant ce qu'on sait de ce que l'OQLF nous donne comme chiffre par rapport à là où s'en va. Dans le fond,
c'est plus la mesure de l'urgence d'agir que je cherche par rapport à ce
que vous constatez sur le terrain du français qu'on parle dans nos cégeps.
M. Beauchemin
(Mario) : Sur la qualité, écoutez, on n'a pas fait d'étude, nous,
là-dessus. Ce qu'on pourrait avancer relèverait un petit peu plus de l'anecdote
et de l'opinion. Donc, on préfère ne pas se prononcer là-dessus.
M. Lemieux :
Merci beaucoup. C'est correct, je ne vous cherchais pas de noise, là,
j'essayais de mettre un peu de couleur autour
de ce que vous nous donnez comme considérations puis comme recommandations, qui sont très précises, là. Et là-dessus, votre mémoire est sans
faute, vous savez ce que vous voulez.
D'ailleurs, vous avez
commencé, puis je vais terminer là-dessus, je pense qu'il faut que je termine, Mme
la Présidente, vous commencez en répondant comme un sondage : Nous sommes
très, ou très, très satisfaits. Vous avez commencé
comme ça. Je pense qu'avec les recommandations que vous nous présentez, il y a moyen de vous rendre
très, très, très satisfaits.
M. Beauchemin
(Mario) : Ah! Bien, ça fait du bien à entendre. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, merci. Sans plus tarder, je vais me tourner du côté
de l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Merci beaucoup. Je ne reviendrai pas sur la qualité de la langue, mais je
remercie quand même le député de Saint-Jean d'aborder cet aspect-là parce que
je pense que c'est un aspect qu'on devrait aborder dans le projet de loi. On aura amplement le temps et je serai toujours une alliée de cette
question-là. On en parlera cet après-midi dans un mémoire qui en parle quand même beaucoup.
Merci beaucoup, Centrale
des syndicats du Québec. J'ai trouvé... J'ai beaucoup apprécié votre mémoire.
Il est fait de façon intelligente, rigoureuse, et on voit bien, quand vous
n'avez pas d'études, vous n'aimez pas trop vous prononcer. Alors, chaque chose
sur laquelle... chaque enjeu est bien étayé. J'en ai quelques-uns, donc, à discuter
avec vous.
Alors, dans
l'applicabilité, parce que vous parlez beaucoup, beaucoup... et j'ai vérifié,
c'est vraiment un mot français, là, de dire «applicabilité», tous les
dictionnaires l'ont, alors votre mémoire fait état de plusieurs
problématiques quant à l'applicabilité du projet de loi tel que libellé actuellement.
J'en ai relevé en francisation, en enseignement supérieur et d'une interférence dans la représentation syndicale. Mais si vous aviez à retenir, là, juste une
problématique qui devrait être absolument corrigée dans l'étude article
par article, j'ai des idées, mais je voudrais vous entendre sur ce serait quoi
la problématique la plus importante?
M.
Beauchemin (Mario) : Bien, je crois qu'on en a, encore là, effleuré le
sujet tout à l'heure avec M. le ministre. Je pense que le transfert linguistique des allophones vers le français
est une de nos principales préoccupations qui parcourt notre mémoire, en effet.
Mme David :
Le projet de loi répond à cette inquiétude ou à cet enjeu, répond à votre goût?
• (12 h 10) •
M. Beauchemin
(Mario) : Non. Non, mais je pense... bien, probablement qu'effectivement,
comme ça a été un petit peu souligné tout
à l'heure, il va falloir être
capable, être en mesure de se fixer des cibles, là, réalistes, là, mais,
en même temps, ambitieuses à cet égard.
Mme David : O.K.
Puis M. le ministre a posé des questions. Alors, là-dessus, je vais passer à la
francisation. On le savait, mais de vous l'entendre... et de vous lire, ça rend
la chose encore plus incompréhensible. Et je ne serais pas étonnée que le ministre
partage mon opinion et votre opinion là-dessus, sur... Vous dites :
«L'ambiguïté, jumelée aux craintes que suscite la création de Francisation
Québec, est la grande déception de ce projet de loi.» On ajoute : «Les
personnes immigrantes qui suivent des cours de francisation au Québec sont
évaluées par — et
je suis gentille — nos
cousins français. Certains embauchent même un professeur en France — et là je ne l'invente pas, c'est vous qui l'écrivez — pour des cours de rattrapage à distance pour
pouvoir reprendre leur examen.» Parce que l'examen est fait en France.
C'est un examen pour des Français. Et avec toute l'estime que j'ai, et même mon
passeport français moi-même, ce n'est pas la même chose que le français au
Québec. Alors, imaginez l'immigrant qui prend des cours d'un professeur de
français en France parce que le professeur sait quelle sorte de question va
être posée, ça me semble une aberration.
Alors, je voudrais vous entendre là-dessus parce que c'est vous qui êtes aux
prises avec ça.
M. Beauchemin (Mario) : On pourrait
faire des blagues, là, mais je n'en ferai pas, du coup. Mais nous, on a été
extrêmement surpris de voir ça, étant donné qu'il existe des tests au Québec
qui sont administrés à tous les jours dans le réseau scolaire et qui peuvent
très, très, très bien faire l'affaire. On ne comprend pas pourquoi il faudrait
aller chercher des tests de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris
Île-de-France. On avoue qu'on ne le comprend pas, celui-là. D'ailleurs, c'est
pour ça qu'une de nos recommandations, là, est à l'effet, justement, de prendre
en considération les tests qui sont réalisés, élaborés et appliqués au Québec.
Mme David : Bien, merci beaucoup,
belle recommandation d'amendement, on prend très, très bonne note. Je vais
revenir à l'enseignement supérieur, parce que vraiment vous mettez tous vos
talents et compétences à bien expliquer les enjeux, puis je vous en remercie.
Alors, évidemment, nous, nous avons, comme parti et comme... on a fait des
propositions de donner des cours carrément en français dans les cégeps
anglophones, un minimum, disons, de trois
cours qui pourraient se passer en français pour mélanger les clientèles et...
On dit beaucoup... Et cet après-midi, il y aura Mmes Beaudoin et
Harel — je
ne sais pas si j'ai le droit de le dire, non ou oui — qui
vont venir parler de ça, de l'importance non seulement de la francisation, de
prononcer des mots en français, mais de la culture. Et donc j'aurais peut-être
voulu vous entendre là-dessus, mais vous n'êtes pas obligé, là, de...
M. Beauchemin (Mario) : Écoutez,
dans les travaux que nous avons effectués en 2011‑2012, c'est une proposition qui
avait été soulevée. Maintenant, il faut voir, encore une fois, dans son
application, quel problème ça peut soulever. Vous savez qu'il y a des
conventions collectives, il y a toute une question d'effectifs, mais, au-delà
de ça puis au-delà des préoccupations que je dirais un petit peu plus
corporatistes, c'est parce que les programmes dans les collèges, ils sont déjà
très, très, très chargés, que ce soit en sciences de la nature, en sciences
humaines, avec ou sans maths, ou dans... puis je ne parle même pas des
programmes techniques. Alors, d'implanter trois nouveaux cours, c'est un
défi colossal. Mais on trouve...
Mme
David : Ce n'est peut-être
pas trois nouveaux cours, mais trois cours donnés en français
plutôt qu'en anglais.
M. Beauchemin (Mario) : O.K.
Mme David : Mais vous avez raison,
ce n'est pas trois nouveaux cours.
M. Beauchemin (Mario) : Mais, à ce
moment-là, c'est...
Mme David : Oui.
M.
Beauchemin (Mario) : O.K. D'accord.
Mais à ce moment-là, effectivement, il y a une question de personnel,
de professeurs, puis d'enseignants et d'enseignantes... Qu'est-ce qu'on fait
avec les conventions collectives?
Mme David : On sait qu'il y a une
grande proportion de professeurs qui parle le français dans les cégeps anglophones. Maintenant, d'imposer l'EUF,
l'épreuve uniforme de français, va demander des changements substantiels,
vous le dites, dans le REC, le régime d'études collégiales, parce qu'un cursus
pour préparer à l'épreuve uniforme de français
n'est pas le même, on le sait, qu'un cursus pour l'épreuve uniforme d'anglais.
Ce n'est pas la même chose, ce n'est
pas la même approche, la même philosophie. Vous vous inquiétez de ça. Quels
changements devraient être apportés au REC?
M. Beauchemin (Mario) : Oh! c'est
une bonne question. C'est une très bonne question. Nous, on pense qu'avant de
proposer des changements au REC, il faut que les partenaires se parlent, il
faut que les syndicats, que la Fédération des cégeps, que les administrations
aussi, locales, avec le ministère, s'assoient à la même table et voient à
comment on pourrait justement mettre en place l'épreuve uniforme de français
dans les cégeps anglophones.
Mme David : Vous parlez...
M. Beauchemin (Mario) : Parce que
ça...
Mme
David : Oui. Je vous écoute. Ça va? Vous parlez de...
M. Beauchemin
(Mario) : ...
Mme David :
Excusez... Vous parlez de... vous parlez, donc de préparation adéquate des
étudiants, c'est sûr, il faut que ça soit équitable français, anglais, vous
parlez de ressources supplémentaires dans les cégeps anglophones, qui vont être
essentielles pour ça, et puis vous parlez de réorganisation scolaire et
structurelle importante. Vous venez de dire
que — on
le sait — les
programmes sont extrêmement denses, extrêmement normés, il y a des... Bon,
alors, comment vous voyez... par quel
angle il va falloir prendre tout ça? Parce qu'avant de voter un article dans ce
sens-là du projet de loi il va falloir être sûr que ça soit réaliste.
M. Beauchemin
(Mario) : Écoutez, on a réussi à l'implanter. Ce n'est pas...
L'épreuve uniforme de français n'a pas toujours existé dans le réseau
collégial, dans les cégeps francophones. Alors, on a réussi à l'implanter, ça a
demandé des changements puis ça a demandé de la mise en place de certains
mécanismes plus précis. Je pense qu'on peut
s'inspirer de l'expérience qui a été réalisée dans les cégeps francophones sans
les copier, on pourrait s'en inspirer pour
intégrer graduellement, sans que ça fasse trop mal, l'épreuve uniforme de
français dans les cégeps anglophones aussi.
Mme David :
On voit votre expérience dans l'implantation de mesures sans que ça fasse trop
mal.
La question des
devis. Alors, vous êtes bien précis sur la question des devis, ça vous
inquiète, compétition entre cégeps anglophones, comment répartir, cégeps en
région, même cégeps montréalais ou plus près de Montréal ou de Québec. Comment
vous voyez ça? Parce que la question des devis a toujours été un immense enjeu
dans le réseau collégial. Puis là on attend 25 000 étudiants,
seulement dans l'île de Montréal, additionnels. Comment vous voyez tout ça?
M. Beauchemin
(Mario) : En fait, nous, on est d'accord, hein, avec une gestion de la
limitation puis le respect des devis, ce qui n'a pas toujours été le cas dans
le passé. Mais, à partir du moment où, comme je l'ai dit tout à l'heure, on met
des limites à l'augmentation des devis dans les cégeps anglophones, il faut
s'assurer que ça ne participe pas, là, d'une concurrence entre les différents
cégeps anglophones pour s'attirer, comme on dit aujourd'hui, de la clientèle
supplémentaire.
Donc, c'est pour ça
qu'on pense qu'il faut qu'il y ait encore une fois ici, là, un mécanisme phare
et durable de concertation entre les
différents partenaires pour éviter cette concurrence-là, qui existe déjà, hein,
dans le réseau collégial et, si vous me permettez l'expression, qui est
une vraie plaie depuis plusieurs années, où on fait la promotion, où on se vole des étudiants et des étudiantes, que ça
soit entre les cégeps francophones, ou entre les cégeps anglophones, ou entre les deux, cégeps francophones et anglophones
aussi. Donc, on pense qu'avec un mécanisme de concertation on va pouvoir atténuer, là, cette concurrence-là qui
mène souvent à des dépenses excessives, en termes, aussi, de promotion.
Mme
David : Merci beaucoup. Il y a une phrase qui a attiré mon attention
dans votre mémoire : «Nous comprenons que la mise en place des mesures cherchant à favoriser l'admission des
ayants droit — donc on
le sait de qui on parle, plus des anglophones — dans
chacun des cégeps anglophones repose essentiellement sur le droit de veto du
ministre de la Langue française.» Dois-je comprendre par cette affirmation que
vous jugez que le futur ministre de la Langue française aura un mot à dire et
plus de pouvoir sur les admissions que le ministre de l'Enseignement supérieur?
M.
Beauchemin (Mario) : C'est la façon dont on a compris l'article du
projet de loi, oui. C'est notre perception.
Mme
David : Donc, ça va passer beaucoup, beaucoup d'étapes, là, des
nouvelles étapes, là, ça va aller... Le ministre de la Langue française,
il va falloir qu'il dise, oui ou non, c'est correct ou pas, la répartition, c'est
ça?
M. Beauchemin
(Mario) : C'est ce qu'on a compris. Présentement, c'est ce qu'on a
compris. Oui.
Mme David :
Ça vous inquiète.
M. Beauchemin
(Mario) : Ça nous inquiète un peu.
Mme David : L'admission des étudiants anglophones,
est-ce que ça va être simple, ça? Sur quelle base on va les
admettre par rapport à des dossiers académiques moins bons ou meilleurs que
d'autres?
M. Beauchemin
(Mario) : C'est toute la question. Bien, encore là, il y a beaucoup de
questions, là, qu'il soulève, le projet de loi, plus que de réponses sur ces questions-là. Mais on cherche entre les lignes, mais on
n'a pas les réponses, nous. On a
l'impression que le gouvernement pellette un peu dans les cégeps cette responsabilité-là sans donner trop de balises pour l'instant.
Mme David :
O.K. Je sens qu'on va avoir beaucoup de travail à faire pour essayer de trouver
les solutions à tout ça. Merci beaucoup. Merci beaucoup.
Une voix : Merci.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Nous allons passer maintenant
à la députée de Mercier pour votre temps de parole. Allez-y, madame.
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation.
J'ai à peu près 2 min 45 s. Donc, ça va aller vite. Évidemment,
vous avez beaucoup parlé des cégeps parce que le projet de loi en parle puis vous représentez aussi des fédérations d'enseignants au cégep, et vous
représentez aussi des enseignants au secondaire et au primaire. Donc,
j'ai envie de vous amener en amont. Je suis moi-même produit des classes
d'accueil dans les écoles à Montréal, et j'avais envie de connaître l'état de
la situation par vous.
Est-ce que, par
exemple, dans nos écoles publiques, il y a suffisamment de classes d'accueil?
Dans les régions où il n'y a pas de possibilités d'avoir de classes d'accueil à
cause... parce que le nombre ne le justifie pas, est-ce qu'il y a suffisamment
de soutien linguistique? Parce qu'on sait que s'il y a un manque de ressources
et de support à ce niveau-là, ça peut mener
à des échecs académiques ou, par exemple, si les enfants parlaient déjà
anglais, ils pourraient aller... pour
favoriser... de continuer leurs études postsecondaires en anglais. Donc, je
voulais vous entendre là-dessus même
si votre mémoire ne portait pas là-dessus. Est-ce que c'est quelque chose sur
laquelle vous pouvez vous prononcer?
• (12 h 20) •
M. Beauchemin
(Mario) : Pas présentement. Bien honnêtement, là, non. On n'a pas
creusé cette question-là, mais sûrement que si vous prenez contact avec
la Fédération des syndicats de l'enseignement, donc, qui est affiliée à la CSQ,
le plus gros syndicat, là, puis qui représente les profs du primaire et du
secondaire, ils ont sûrement des...
Mme Ghazal :
Bien, ça, je voulais assurer aussi votre attention là-dessus, parce qu'avec ma
collègue qui est responsable aussi de l'éducation, la députée de Sherbrooke, on
a rencontré des enseignants en francisation, puis il y a beaucoup, beaucoup de défis aussi en amont. On se
fait dire que la loi 101 permet à ces enfants d'être scolarisés en
français. Évidemment, ils sont
obligés, mais, après ça, est-ce qu'on donne le soutien? Puis ça, c'est quelque
chose dont on ne parle pas suffisamment.
Maintenant,
pour ce qui est... J'aimerais savoir, le... Les mesures qui sont dans le projet
de loi, ce qu'on appelle le
contingentement, là, communément pour le cégep, est-ce que vous n'avez pas
l'impression... Parce que vous dites : Il faut le renforcer, il
faut s'assurer qu'il y ait des transferts linguistiques puis le moyen, un moyen
de le faire, c'est l'enseignement au cégep et d'avoir un contingentement dans
l'enseignement dans les cégeps anglophones. Est-ce qu'il n'y aurait pas
comme... de la façon que c'est mis dans le projet de loi, une inquiétude que
moi j'ai, que le diplôme des cégeps
anglophones ait une valeur plus grande que, par exemple, le diplôme dans les
cégeps francophones? Est-ce que c'est une inquiétude que vous avez avec
les mesures actuelles dans le projet de loi n° 96?
M.
Beauchemin (Mario) : Non, du tout. Non, du tout, parce que le diplôme
d'études collégiales est un diplôme national,
malgré les particularités qui touchent l'ensemble... qui touchent les
différents établissements, donc à partir du moment où le diplôme
national demeure, nous, on n'a pas d'inquiétude à cet égard-là.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Nous allons aller maintenant du
côté du député de Matane-Matapédia, 2 min 45 s vous
aussi, M. le député.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à la commission. On a appris en mai dernier
qu'il n'y a aucune disposition du projet de loi n° 96 du gouvernement qui
concerne l'apprentissage obligatoire du français dans les collèges privés non subventionnés. Puis il y en a beaucoup autour de
Montréal, on en entend parler, alors je voulais savoir si ça vous
préoccupait, puis quel est le regard que vous portez sur l'équilibre
linguistique à Montréal, qui est un déséquilibre, la moitié des étudiants
étudie en anglais, et vous ne vous êtes pas prononcé directement sur la
fréquentation scolaire.
M.
Beauchemin (Mario) : En ce qui concerne votre première question, oui,
effectivement, ça nous préoccupe beaucoup, l'apprentissage du français
dans les collèges privés non subventionnés. Alors, il y aura probablement des mesures à appliquer à cet égard-là, et, sur le déséquilibre,
bien, je vais te laisser aller sur l'île de Montréal, là, je pense
que... bien... le projet de loi tente... de répondre à ce problème-là, mais
encore...
M. Danis (Gabriel) : Pour ce qui est des collèges privés non
subventionnés, on ne représente pas de membres dans ces collèges-là,
donc on a choisi de ne pas aborder cette question-là, mais, effectivement,
c'est très préoccupant, il y a eu plusieurs
articles dans les médias récemment qui démontraient la hausse fulgurante de ces
étudiants-là, de ces collèges privés là, qui, souvent, obtiennent des
accréditations, à rabais, du ministère. Donc, ça, c'est un problème assurément puis il faut améliorer l'apprentissage
du français dans ces formations-là, ça nous apparaît comme étant essentiel.
Ça, c'est une chose.
Pour ce qui est de
l'équilibre, effectivement, je pense qu'on a atteint un point, on n'est plus
dans un point d'équilibre, là, on est dans
un point de déséquilibre sur l'île de Montréal, et on pense qu'à tout le moins
la première chose à faire, c'est le
contingentement qui est proposé par le projet de loi, c'est de diminuer la
hausse. On sait que les prévisions démographiques
prévoient plusieurs milliers de nouveaux étudiants au collégial, on sait que
les prévisions démographiques sont à prendre avec des pincettes parfois, mais
on s'attend tout de même à des hausses importantes, et si c'est... la
grande majorité de cette hausse-là peuvent aller dans les cégeps francos, bien,
on aura quand même fait un bout de chemin sur cette recherche d'équilibre là.
M. Bérubé :
Merci. En tout cas, pour les collèges privés non subventionnés, j'espère que
c'est davantage un oubli qu'un choix parce que, si c'est un choix, c'est
drôlement inquiétant, puis je me demande qui a réussi à ne pas faire appliquer
cette règle-là à ces collèges.
Quant à l'équilibre à Montréal, selon nous — on débat — il
nous apparaît que, si on contingente, il
y a encore des gens qui seront
favorisés, il y a des gens qui seront choisis, eux, pour y aller,
d'autres ne pourront pas. Ça ne nous apparaît pas équitable, alors il
faut une règle pour tout le monde, ou on n'en fait pas. Si l'enjeu est sérieux,
du déséquilibre, il faut agir, même si ce ne sera pas une mesure populaire.
Donc, je comprends que vous êtes d'accord avec la mesure du projet de loi n° 96, mais je vous soumets humblement qu'on
va continuer à avoir une brèche qui ne va pas aider les Québécois.
La Présidente (Mme Thériault) : Et ceci met fin à la séance de ce matin. Donc,
merci pour votre contribution, M. Beauchemin, M. Danis.
Nous allons suspendre les travaux
jusqu'après les affaires courantes.
Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 25)
(Reprise à 15 h 16)
1355
<R>La Présidente
(Mme Thériault) : Donc,
bonjour. Bienvenue à la Commission de
la culture et de l'éducation. Donc, cet après-midi, nous allons entendre
le Syndicat canadien de la fonction publique, Mmes Louise Beaudoin et
Louise Harel, la Confédération des syndicats nationaux et, pour terminer,
M. Christian Dufour.
Donc, nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, sur la Loi sur la langue officielle et
commune du Québec, le français.
Donc, sans plus tarder, je vais céder à la
parole au Syndicat canadien de la fonction publique pour votre présentation.
Vous avez une dizaine de minutes. Si vous voulez vous présenter chacun...
Allez-y.
Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
M. Brisson
(Frédéric) : Bonjour. Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Frédéric Brisson, secrétaire général du
Syndicat canadien de la fonction publique.
Mme Blais (Nathalie) : Bonjour, tout
le monde. Nathalie Blais, conseillère à la recherche au SCFP.
M. Brisson
(Frédéric) : Bien, bonjour, M. le Président, Mme la Présidente, membres du comité. Je vous remercie de
nous avoir invités à donner notre avis sur le projet de loi n° 96.
Notre intervention, vous vous en doutez, portera
principalement sur les dispositions visant le secteur public. Le SCFP Québec
représente en effet environ 70 % des travailleuses et des travailleurs des
municipalités du Québec. Il est également un acteur syndical important dans le
réseau de la santé et des services sociaux, particulièrement dans les
catégories 2, 3 et 4 ainsi qu'en éducation où il représente
majoritairement du personnel de soutien.
C'est un
chantier ambitieux de mises à jour de la Charte de la langue française que vous
entreprenez aujourd'hui, une mission difficile, parsemée d'embûches, mais pour
laquelle il faut garder le cap. L'objectif étant de maintenir le
français comme langue commune de la société québécoise pour les années à venir.
Le SCFP
Québec a parlé du projet de loi n° 96 comme d'une réforme
nécessaire lors de son dépôt au printemps. C'est une analyse que nous
réitérons. Nous appuyons d'ailleurs le mémoire de la FTQ que ses représentants
vous présenteront demain.
D'ici là, nous souhaitons aborder avec vous deux
aspects du projet de loi à renforcer pour assurer le droit de nos membres à
travailler en français et la pérennité de la langue française au Québec. Il
s'agit du bilinguisme au travail et de l'apprentissage du français en emploi.
Mme Blais (Nathalie) : Depuis
quelques années, nos représentants syndicaux rapportent l'affichage d'un nombre croissant de postes bilingues dans les villes et les établissements de santé du Québec.
À la ville de Gatineau, par
exemple, on exige que tous les fonctionnaires
cols blancs aient une bonne maîtrise de l'anglais. Pourtant, la municipalité
n'est pas reconnue comme bilingue en vertu de l'article 29.1 de la loi,
puisqu'elle compte moins de 15 % de citoyens de langue maternelle
anglaise. À Montréal aussi, les postes bilingues sont fréquents. Ce constat est
corroboré par une étude de l'Institut de la statistique du Québec montrant que
plus de 50 % des arrondissements de Montréal font du bilinguisme ou de la
connaissance de l'anglais une condition d'embauche. Dans la santé, on note
également une augmentation des exigences de bilinguisme, particulièrement dans
des fonctions administratives et de bureau.
Comprenons-nous bien, le SCFP-Québec ne s'oppose
pas à l'apprentissage ou à la maîtrise de l'anglais ou d'une autre langue par
la population du Québec ni à l'offre de tout service en anglais. Ce que nous
contestons, c'est la propension qu'ont les
employeurs de l'administration publique, principalement les municipalités, les
CIUSSS et les CISSS, à afficher des
postes bilingues sans justification. Cette attitude a mené à une multiplication
des arbitrages dans certains milieux depuis 2010 environ afin de
préserver le droit de nos membres de travailler en français et de pouvoir
progresser professionnellement dans le secteur public même s'ils ne parlent pas
une langue seconde.
Le projet de loi n° 96 fait un pas dans la bonne direction en modifiant les articles 45
et 46 de la Charte de la langue française.
Ainsi modifiés, ces articles interdisent à un employeur d'exiger la
connaissance d'une autre langue pour des tâches qui ne le nécessitent
pas. Ils obligent également l'employeur à appliquer les critères de la
jurisprudence en amont de l'affichage d'un
poste pour reconnaître qu'il a pris tous les moyens raisonnables afin d'éviter
d'imposer cette exigence. Ces
dispositions viennent sans contredit clarifier les choses. Toutefois, nous
croyons qu'elles n'entraîneront pas à elles seules une réduction à la
source des affichages de postes bilingues et des litiges qui y sont associés
dans le secteur public. Pour y arriver, il faut doter des organismes de
l'administration de comités de francisation, comme c'est le cas dans le privé. Ces comités ont permis d'accompagner des
entreprises dans leur francisation depuis l'adoption de la loi 101
en 1977. Nous pensons qu'ils pourraient maintenant aider les municipalités
ainsi que les secteurs de la santé et de l'éducation à mieux cibler leurs réels
besoins en matière de bilinguisme. Nous recommandons donc que
l'article 238.1 soit reformulé de façon à ce que le comité de francisation
puisse, de son propre chef, donner son avis à l'employeur sur la nécessité de
créer des postes bilingues ou d'exiger la connaissance d'une deuxième langue à
toute personne pour accéder à un poste ou le conserver.
• (15 h 20) •
M. Brisson (Frédéric) : La seconde
problématique que nous souhaitons discuter avec vous est le manque cruel de
ressources d'apprentissage du français pour les nouveaux arrivants. Il faut
comprendre que, contrairement aux enfants, qui sont automatiquement scolarisés
en français dès leur arrivée au Québec, les immigrants adultes, eux, sont
laissés à eux-mêmes. Bien souvent, ils n'ont pas le temps ni les ressources
nécessaires pour apprendre le français avant d'entrer sur le marché du travail.
Ces gens doivent donc occuper un emploi, parfois même deux, pour subvenir à
leurs besoins de leur famille sans avoir les bases de la langue leur permettant
de s'intégrer à la société québécoise.
Nos membres qui sont dans cette situation nous
rapportent que les cours de français actuellement offerts à l'extérieur du
boulot ne tiennent pas compte de leur réalité. Après de longues heures de
travail et après avoir pris soin de leur famille, ils ne disposent souvent plus
de l'énergie requise pour étudier efficacement le français. On peut les
comprendre. Cela les force à reporter l'apprentissage du français, mais tous
les nouveaux arrivants nous confient vouloir l'apprendre pour communiquer avec
leur entourage au travail ainsi que mieux comprendre le Québec et ses
habitants.
Le SCFP-Québec préconise donc l'offre de cours
de français et de culture québécoise sur les lieux du travail et pendant les
heures de travail. La société québécoise y gagnerait doublement. D'une part, le
personnel offrant des services publics serait en mesure d'échanger plus
efficacement avec les citoyens afin qu'ils se sentent non seulement écoutés,
mais compris. D'autre part, cela contribuerait à une intégration plus rapide
des nouveaux arrivants adultes.
Nous sommes heureux de voir que le projet de loi
n° 96 fait de l'apprentissage de notre langue commune un droit
fondamental. De plus, l'État se donne des responsabilités à ce chapitre en
faisant du français la langue d'accueil et d'intégration à la société
québécoise. Il s'oblige ainsi à prendre des mesures pour favoriser
l'utilisation du français par tous et pour assurer la pérennité de la langue
française.
Le projet de loi crée Francisation Québec, un
guichet unique qui a pour but de fournir des services d'apprentissage du
français en classe, en ligne et en milieu de travail à toute personne
domiciliée au Québec et qui n'est pas prise en charge par le système scolaire.
Nous saluons cette initiative. Cependant, il faut clarifier le rôle de
Francisation Québec auprès des organismes publics, car, tel qu'il est rédigé
présentement, le projet de loi n° 96 semble
réserver ces services aux entreprises privées. Pourtant, les besoins
d'apprentissage du français sont criants dans certains secteurs de
l'administration. C'est notamment le cas dans le réseau de la santé, qui
emploie un grand nombre d'immigrants.
Nous encourageons donc le gouvernement à amender
le projet de loi pour donner le mandat à Francisation Québec d'offrir des cours
de français au travail non seulement au privé, mais également dans le secteur
public. Il faut aussi absolument lui allouer un financement supplémentaire afin
que les budgets de fonctionnement des services publics auxquels il vient en
aide ne soient pas amputés par les coûts de la francisation. Ces deux mesures
sont essentielles pour favoriser l'utilisation du français par tous au cours
des décennies à venir.
Ici encore, les comités de francisation que nous
avons proposé d'instaurer dans les organismes publics pourraient avoir leur
utilité en déterminant les milieux où l'apprentissage du français est requis en
les incluant dans le programme de conformité de chaque organisme public et en
faisant rapport sur les résultats obtenus.
On a trop longtemps tenu pour acquis que les
organisations de l'administration avaient un comportement exemplaire dans l'utilisation du français, mais
force est d'admettre que ce n'est plus le cas. La prolifération des postes
exigeant la maîtrise de l'anglais dans des villes qui ne sont même pas
reconnues comme bilingues en est la preuve. Un autre exemple, l'embauche de
personnel dans la santé ne parlant pas français, et parfois même ni l'anglais
ni le français.
Nous ne
sommes plus à l'époque de l'adoption de la loi 101, où la priorité était
de franciser les entreprises privées fonctionnant totalement en anglais.
Nous en sommes à un nouveau moment charnière de notre histoire, celui où il faut s'assurer que les nouveaux immigrants que
nous accueillons sont en mesure de s'intégrer à la société dans notre langue
commune, le français.
Nous vous remercions de votre intérêt et nous
sommes prêts à échanger sur nos propositions avec vous. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) : Merci
beaucoup, M. Blais et Mme Brisson... non, l'inverse, Mme Blais et M.
Brisson. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre. M. le
ministre.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Blais et
M. Brisson, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission
parlementaire sur le projet de loi n° 96.
D'entrée de jeu, je voudrais vous demander... En
ce qui concerne les dispositions du projet de loi relativement à
l'assujettissement des entreprises de juridiction fédérale à la Charte de la
langue française, dans le fond, on a mis un article
pour faire en sorte que tous les travailleurs québécois aient le droit de
travailler dans leur langue et que, dans le fond, ce qui encadre les entreprises de juridiction fédérale
sur la question de la langue, que ce soit la Charte de la langue française.
Qu'est-ce que vous pensez de cela?
Mme Blais (Nathalie) : Bien, en
fait, je crois comprendre qu'on me cède la parole. Donc, le SCFP appuie la position de la FTQ, qui est, en ce qui concerne
les entreprises de juridiction fédérale, de faire en sorte que le gouvernement
québécois ait, en cette matière, la main
haute. Et donc il reviendrait à l'OQLF d'assurer la réalisation de la
francisation des entreprises de juridiction fédérale au Québec. Et, à ma
connaissance, d'ailleurs, ces entreprises, en tout cas, celles avec
lesquelles nous travaillons au SCFP, se conforment, pour la plupart, déjà à la
Charte de la langue française. Donc, je ne pense pas que c'est un effort
déraisonnable à demander.
M. Jolin-Barrette : Et je comprends
que vous, votre syndicat, il a une portée pancanadienne?
Mme Blais (Nathalie) : Oui, le SCFP,
bien, est canadien. Mais je laisse Frédéric compléter là-dessus.
M. Brisson (Frédéric) : Oui, effectivement,
le syndicat... C'est le SCFP, Syndicat canadien de la fonction publique, mais nous, on gère... c'est vraiment par
province. Nous, on est le SCFP Québec en soi, et non pour... On vient ici en tant que Québécois
et en tant que représentants du syndicat québécois de... canadien
de la fonction publique.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Je
crois que votre organisation représente plusieurs travailleurs qui travaillent
dans le milieu municipal. Donc, le projet de loi fait en sorte désormais que
les municipalités qui sont considérées bilingues
en vertu de l'actuelle Charte de la langue française pourraient perdre leur
statut si la population ne constitue pas le seuil qui est prévu, donc le
50 %, à moins qu'ils adoptent une résolution. Pouvez-vous nous parler de
la réalité des travailleurs puis des
travailleuses qui sont dans les municipalités, qui représentent, dans le fond,
les membres de votre organisation?
Comment voyez-vous ça, là, les dispositions entourant notamment également
l'exemplarité des municipalités? Donc, l'exemplarité et la question du
statut bilingue.
M. Brisson
(Frédéric) : Bien, Nathalie,
je vais te laisser répondre, là, municipalités... je vais te laisser répondre
à cette question.
Mme Blais (Nathalie) : D'abord, sur
la question de l'exemplarité, nous, on pense que ça va de soi, les municipalités doivent faire partie de cet effort
d'exemplarité. Et d'ailleurs c'est ce qu'on évoquait dans notre présentation.
Il y a de nombreux litiges concernant des
postes bilingues parce que les municipalités souvent ne justifient pas
l'affichage de postes bilingues et ça empêche de nos membres de
progresser au sein des municipalités. Ça devient difficile pour eux d'accéder à des postes supérieurs si on a une
exigence de bilinguisme qui est démesurée par rapport à la population
d'ayants droit à desservir dans une autre langue.
L'exemple de Gatineau, c'est vraiment celui qui
est le plus frappant. On demande un anglais 4 sur 6 à tous les
fonctionnaires municipaux alors qu'il y a 15 %, un petit peu moins de
15 % de la population qui est de souche anglophone. Donc, c'est une
exigence, à notre avis, qui est démesurée.
Puis l'autre exemple qu'on peut vous donner,
c'est au service 9-1-1 de la même ville, on demande une exigence 5
sur 6, qui est plus élevée que l'exigence de la ville d'Ottawa puisque les gens
qui n'obtiennent pas un poste au 9-1-1 à Gatineau obtiennent automatiquement un
poste à Ottawa. Donc, forcément, la connaissance de l'anglais a un poids plus
grand à Gatineau qu'à Ottawa, qui est de l'autre côté de la rivière. Ça, ça a
complètement... ça n'a aucun sens. Les deux villes devraient avoir la même
exigence. Parce que c'est normal qu'on offre des services de santé notamment en anglais, mais est-ce que
c'est normal qu'une ville anglophone, Ottawa, demande une exigence plus
faible en anglais que la ville francophone juste à côté?
• (15 h 30) •
M. Brisson (Frédéric) : Puis on
trouve ça dommage aussi, là, qu'un francophone... bien, qu'une personne
unilingue, là, francophone, qui travaille dans une municipalité qui est à
20 % ou 15 % anglophone, qui a le statut bilinguisme parce qu'ils
l'avaient... le statut bilingue parce qu'ils l'avaient auparavant, qui est descendu
en bas de 20 %, et un francophone
unilingue se voit empêché de postuler sur des postes à cause, là, des demandes
d'anglais sur certains postes. La plupart, quand qu'on a un statut
bilingue, là, la plupart sont avec un statut... on affiche un poste avec un
statut bilingue, et ça empêche, là, des unilingues québécois d'avoir des bons
emplois.
M. Jolin-Barrette : Et donc pour
vous, les municipalités doivent être considérées comme faisant partie de
l'État, et donc assujetties à la politique linguistique de l'État aussi?
Mme Blais (Nathalie) : Tout à fait.
M. Brisson (Frédéric) : Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : Et pourquoi c'est important qu'ils soient assujettis
à la même politique de l'État en termes d'exemplarité de l'État? Pourquoi les municipalités,
c'est important qu'elles y soient assujetties?
Mme Blais (Nathalie) : Bien, pour
envoyer... En fait, c'est que c'est un message à envoyer, dans le fond, à
toutes les municipalités, de la part du gouvernement. Si on souhaite
effectivement que le français soit pérenne au Québec,
ça ne peut pas uniquement passer par l'administration publique du gouvernement du Québec et les organisations qui en découlent, ça doit aussi
passer par le secteur municipal, qui est en contact direct avec les citoyens.
M. Brisson (Frédéric) :
Effectivement.
M. Jolin-Barrette : Et vous nous
disiez, dans le fond, dans le cas de Gatineau, dans l'exemple que vous citiez, je comprends que certains Québécois
francophones unilingues, leur progression de carrière, elle est freinée en
raison du fait qu'il y a une exigence
démesurée de la connaissance de la langue anglaise pour accéder à des emplois
supérieurs. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Blais (Nathalie) : Bien, pire
que ça. Oui, il y a ça, mais pire que ça, il y a des gens qui ne peuvent pas
accéder à un emploi dans la fonction publique à Gatineau parce qu'ils n'ont pas
un anglais quatre sur six, donc, alors que
le poste dans lequel ils sont embauchés ne requiert pas nécessairement l'usage
de l'anglais. Donc, on est contents de voir que, dans le projet de loi,
à l'article 46, le gouvernement interdit aux employeurs d'exiger une autre
langue que le français quand ce n'est pas nécessaire à l'exercice de la
fonction. Ça, ça vient nous donner de l'argumentation en comité de grief pour
éviter, peut-être, de se rendre à l'arbitrage. Mais ce qu'on voudrait aussi,
c'est qu'il y ait des comités de
francisation dans les villes pour qu'il y ait un dialogue en permanence avec
l'employeur sur la bilinguisation des
postes et sur la situation linguistique de la municipalité. On trouve que le
gouvernement présentement, et l'OQLF, ils sont un peu dans le noir par rapport à ce
qu'il se passe dans les municipalités, dans les hôpitaux, dans les écoles puis
par rapport à ces postes bilingues, mais aussi par rapport à la formation, à la
francisation des gens qui intègrent le réseau public.
M. Jolin-Barrette : Et l'OQLF a
publié, là, au mois d'août 2020, donc l'an passé, une étude relativement à
l'exigence des municipalités du Québec, où on disait que 23,5 % des
municipalités du Québec et des arrondissements de Montréal ont exigé ou
souhaité des compétences en français et en anglais, ou seulement en anglais à
l'embauche. Et sur l'île de Montréal,
c'était 50 % des municipalités et des arrondissements qui ont recherché
des personnes ayant des compétences en français et en anglais ou en
anglais seulement. Comment vous qualifiez cet état de fait là, qui a été
documenté par l'OQLF?
M. Brisson (Frédéric) : C'est
une bonne question. Je viens d'apprendre cette étude-là, là, qui a été... Mais,
Nathalie, tu as peut-être quelque chose à dire là-dessus?
Mme Blais (Nathalie) : Bien, je
vous dirais simplement qu'on n'a pas à avoir... on a n'a pas à commenter, c'est
des faits, là, c'est réel. Il y a vraiment des exigences qui dépassent même
50 % des arrondissements pour des connaissances en anglais, et on a de
nombreux arbitrages, là. J'étais justement en train d'en lire un — je
n'ai pas fini de lire — mais
où l'arbitre fait la liste de tous les postes où la ville de Montréal ou un
arrondissement exigeait l'anglais, et
demande à la ville de retirer ces affichages-là et de refaire ses devoirs, de
retourner à la source voir s'il y a vraiment une nécessité dans tous ces
postes d'exiger l'anglais. Donc, on pense que l'article 46 va tout à
fait... vise exactement au bon endroit, là, en exigeant qu'en amont de son
affichage de poste l'employeur fasse l'exercice et vérifie est-ce que j'ai suffisamment d'employés qui parlent déjà la
langue dont j'ai besoin et est-ce que j'ai réellement besoin d'ajouter
du personnel qui parle cette deuxième langue là.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends de votre intervention que vous êtes en accord avec la modification
qu'on apporte à l'article 46 de la Charte de la langue française. Donc, on
amène une bonification.
Mme Blais (Nathalie) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Sur la question, là... Vous avez abordé la
question des comités de francisation à l'intérieur des municipalités.
Comment vous envisageriez ce genre de comité là? Comment ça fonctionnerait, là,
au sein des municipalités?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
c'est sûr qu'il y a des municipalités de différentes tailles au Québec. On ne
pourrait pas avoir le même type de comité de francisation dans une très petite
municipalité et une très grande comme la ville de Montréal. À Montréal, on peut
imaginer que ça pourrait se passer par arrondissement, alors que, là, dans des
plus petites municipalités, bien, ça pourrait être un comité pour la
municipalité. On a réfléchi aussi un peu à ce qu'il pourrait se passer dans le
secteur de la santé. Je ne sais pas, Frédéric, si tu veux compléter là-dessus.
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
dans le secteur de la santé, moi, je trouve que ça serait très, très important,
là, un comité de francisation. Je viens du domaine de la santé. Je suis un préposé
aux bénéficiaires en salle d'opération. Et de plus en
plus d'immigrants arrivent sur le marché du travail, et ce que je trouve
dommage, c'est que, souvent, c'est qu'ils ont de la misère à communiquer avec
les patients. Donc, je pense qu'un comité de francisation, là, dans le secteur
public, dans le milieu de la santé, ça ne serait que bon pour tous, autant les travailleurs,
autant les patients.
Et j'ajouterais
aussi, je me permets de le dire ici, là, mais j'ajouterais aussi que ça doit se
faire sur le milieu du travail parce qu'on le sait, là, présentement, les
travailleuses et travailleurs du réseau de la santé ont énormément de pression
sur les épaules, font énormément d'heures supplémentaires, du temps
supplémentaire obligatoire également. Quand on arrive à la maison par après,
là, s'occuper de la famille, et on vient de s'occuper de 20 patients au
lieu d'en avoir huit, on n'a plus le temps et on n'a plus la tête pour essayer
d'apprendre le français. Donc, je pense que ça serait très important que ça se
fasse sur le milieu de travail.
M.
Jolin-Barrette : Parfait. Et, juste avant de céder la parole, juste
vous dire que Francisation Québec a été construit
notamment pour la francisation en entreprise,
mais, également, il va pouvoir aller au sein de l'administration publique, effectivement.
Donc, ça va être un guichet unique, et, justement, pour offrir de la
francisation. D'ailleurs, sur les questions des cours de francisation, à
l'époque où j'étais à l'Immigration, on a bonifié de façon substantielle les allocations à temps plein et on l'a créé à
temps partiel également, justement pour répondre à ce que vous dites, pour
faire en sorte que les gens puissent aller apprendre le français et peaufiner
leur connaissance de la langue française. Également, on a couvert les frais de
garde également. Mais je vais céder la parole, Mme la Présidente, au collègue.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. Donc, M. le député de Chapleau,
4 min 30 s pour vous.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour,
Mme Blais, M. Brisson, vraiment un plaisir de vous voir. Merci de
votre témoignage.
J'aimerais revenir
sur le cas de Gatineau plus spécifiquement. Moi, c'est ma ville, et mon comté
s'y trouve, donc c'est certain que ça me
préoccupe, mais ça va quand
même être plus large, là, en termes de débat, puis ça pourra s'appliquer ailleurs aussi, là.
J'aimerais vous
entendre sur ce que vos membres vous disent dans ces cas-là, spécifiquement, du
pourquoi cette obligation-là. Qu'est-ce qu'ils perçoivent, là, dans cette situation-là,
particulièrement?
Mme Blais
(Nathalie) : Bien, dans le cas de Gatineau, ce qu'on me dit, c'est
que, bien que la ville n'a pas un statut de
ville bilingue en vertu de l'article 29.1 de la loi, la ville se déclare
elle-même ville bilingue, et donc souhaite offrir des services en français et en anglais à toute sa population.
Donc, c'est tout simplement ça qui est la base du raisonnement de la
ville et c'est ce qui fait en sorte qu'il y a autant d'exigences de bilinguisme
à Gatineau.
M. Lévesque
(Chapleau) : Vous parlez également de possibilités d'avancement
bloquées pour certains travailleurs. Avez-vous des statistiques? Avez-vous des
chiffres sur ça? Qu'est-ce qui... peut-être,
dans vos membres, un certain nombre
qui n'ont pas pu avancer dans leur carrière ou n'ont pas pu avoir un certain
poste à cause de ces exigences?
Mme Blais
(Nathalie) : Je n'ai pas de statistique précisément là-dessus. La
seule chose que je peux vous dire, c'est
qu'il y a eu tellement de griefs sur ces affichages de postes bilingues que le
syndicat s'est entendu avec l'employeur pour mettre en place un genre de
table de concertation pour discuter de cette question-là. On a mis sur la glace... on a fait un dernier grief qui couvre
tous les futurs affichages de postes pour préserver les droits de tous, et là
on a interrompu les discussions à cette table de concertation en attendant les
travaux de l'Assemblée nationale, en attendant
de voir qu'est-ce qui arrive avec la Charte de la langue française, et comment
la ville devra, à l'avenir, appliquer cette
charte. Je n'ai pas de statistique spécifique sur les problèmes d'avancement.
Par contre, nous, on a l'intention de déposer un mémoire à la commission
dans les prochaines semaines, et je pourrais voir si c'est possible, là,
d'avoir quelques chiffres là-dessus du côté des municipalités.
• (15 h 40) •
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, si vous pouviez le déposer, là, au secrétariat de la
commission, ce serait bien apprécié.
Vous avez également
parlé des villes qui ont actuellement le statut bilingue. Est-ce que, si j'ai
bien compris, tous les postes demandent le bilinguisme, d'entrée de jeu, dans
ces villes-là?
Mme Blais (Nathalie) : À Gatineau spécifiquement, oui. C'est 100 %
des postes de cols blancs pour lesquels on demande le bilinguisme.
M.
Lévesque (Chapleau) : ...n'ont pas le statut de ville bilingue, là,
mais je parle plus pour les villes bilingues, là, celles qui l'ont, le
statut. Est-ce qu'ils le demandent à 100 %?
Mme Blais
(Nathalie) : Ce n'est pas nécessairement 100 % des postes dans
les villes qui sont reconnus bilingues. Ça
dépend de la taille de la municipalité, en fait. Je pense que, plus la
municipalité est grande, plus ça laisse une place à ce qu'il y ait un
pourcentage de gens qui ne parlent pas nécessairement les deux langues. Quand
la municipalité est très petite, parce qu'il
y a beaucoup de petites municipalités, là, dans la liste des 92 qui sont... qui
ont le statut bilingue, à ce moment-là, bien, il y a moins de marge de
manoeuvre, disons.
M. Lévesque
(Chapleau) : Est-ce que je comprends également, là, dans votre propos
que Gatineau ferait du zèle plus qu'une ville à statut bilingue confirmé? C'est
ce que je comprends?
Mme Blais (Nathalie) : C'est ce
qu'on nous rapporte, oui.
M. Lévesque (Chapleau) : Ah,
d'accord! Un autre sujet, là, s'il me reste, Mme la Présidente, quelques...
La Présidente (Mme Thériault) :
50 secondes.
M. Lévesque (Chapleau) :
50 secondes. Rapidement, vous parlez justement de
Francisation Québec, un volet culture aux cours qui seraient offerts.
Pourquoi? Qu'est-ce que vous y voyez, dans ces cours-là, qu'il pourraient apporter,
là, Francisation Québec?
M. Brisson (Frédéric) : Bien, je
peux répondre, Nathalie. On se fait souvent dire par les gens qui aident les
immigrants qui arrivent au Québec qu'ils ne comprennent pas pourquoi que nous,
les Québécois, on peut être frustrés qu'il y ait des gens qui ne parlent pas
bien le français ou qu'on ne se fasse pas comprendre. Ils ne connaissent pas...
En fait, ils ne connaissent pas la culture québécoise. Je pense que ça serait
très, très bien, dans la formation, si on parlait de la culture pour apprendre
pourquoi qu'on réagit comme ça, où est-ce qu'on est rendus aujourd'hui et
toutes les batailles qu'on a vécues dans le passé pour la protection de la
langue française. Je pense que ça serait important de connaître notre culture québécoise,
tout simplement.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) : Merci
beaucoup pour votre intervention. Je me tourne maintenant du côté de
l'opposition officielle pour l'échange... la suite des échanges, avec la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui. Bonjour. Bonjour, tout
le monde. Bien contente de vous voir ici, Mme Blais, M. Brisson.
Alors, écoutez, je vais faire du pouce sur l'intervention du collègue précédent
parce que je voulais aller vers ça moi aussi. On va finir tous ensemble, M. le
député, à coûter bien cher au ministre, mais ce n'est pas grave, c'est pour une
bonne cause.
Alors, quand vous nous proposez de mettre des
cours de français dans les services publics et pas seulement dans le secteur privé, et quand vous décidez...
vous ne décidez pas, mais vous proposez qu'il y ait des cours de français et de culture québécoise, ça m'a
vraiment allumée beaucoup. J'ai trouvé ça extrêmement intéressant. Et on va le
voir dans un mémoire qui s'en vient, qu'est-ce que ça donne d'apprendre des
mots en français si on ne comprend pas dans quelle culture l'on s'inscrit.
Alors, pour moi, là, ça, c'est fondamental, et je vous remercie d'apporter ce
volet-là puis je remercie le député de l'apporter aussi du côté gouvernemental parce
que ça va donner beaucoup plus de sens, d'abord, aux mots qu'ils emploient et à
leur vie, ici, au Québec et dans leurs milieux de travail.
L'autre chose pour laquelle je vous remercie
infiniment, c'est de parler de l'apprentissage du français non seulement en
milieu de travail — on
le sait que c'est fait dans des petites entreprises avec la Chambre de commerce
du Montréal métropolitain. Il y avait un magnifique programme, etc. Mais vous
parlez du secteur public, qui est un secteur dont on ne parle pas assez et vous
m'avez fait réaliser vraiment, là — puis je vous remercie pour
ça — qu'à
l'époque de la loi 101, quand on a adopté ce projet de loi, c'était
vraiment de franciser les entreprises privées, comme vous dites, fonctionnant
totalement en anglais. Les temps ont changé, il y a beaucoup, beaucoup,
beaucoup de nouveaux arrivants, et on le sait — vous le dites très bien — qui
travaillent, et heureusement qu'on les a, dans les services publics pour faire
des emplois... occuper des emplois que beaucoup de monde ne voudrait pas
occuper, qui sont difficiles, des longues heures, et ils n'ont pas le temps
d'aller suivre des cours, ils n'ont juste pas le temps. Alors, de permettre qu'ils soient probablement rémunérés, comme on a eu
dans d'autres secteurs, pour pouvoir faire ça pendant qu'ils sont au
public sur leurs heures de travail, et qu'en plus on en profite pour donner une
sensibilisation à la culture québécoise, j'aimerais vous entendre plus pour ça,
parce que je pense que je vais vraiment la mettre dans mes priorités
d'amendements au ministre.
M. Brisson (Frédéric) : Bien, oui
effectivement. Bien, merci beaucoup, Mme David, pour ces beaux mots. Je
pense que c'est important, vous l'avez dit, là, je pense que c'est important
pour eux d'apprendre la culture québécoise, d'apprendre le français en milieu
de travail. Vous l'avez dit, les gens sont débordés dans le milieu de la santé,
mais il y a aussi, en services de garde, en le milieu scolaire que, de plus en
plus, il y a des immigrants qui vont travailler là. Je peux parler de ma soeur
qui travaillait en milieu scolaire en garderie et qui avait beaucoup de misère,
elle-même, à se faire comprendre avec sa collègue de travail. Donc, imaginez,
des fois, les relations avec les enfants, ce n'est pas toujours évident. Peut-être
que même Nathalie qui me parlait tantôt d'un exemple d'un employé qui a été
suspendu par mauvaise compréhension. Donc, je pense que c'est très important,
là, de leur apprendre la langue française, et je vais insister aussi sur la culture française,
là... québécoise, excusez. Je pense que c'est important. Nathalie,
tu peux peut-être ajouter à ça.
Mme Blais (Nathalie) : Oui.
Bien, c'est ça, je ne sais pas si l'employé dont tu parles a été suspendu, mais
il y a eu une mesure disciplinaire contre une employée dans une école, qui ne
comprenait pas suffisamment le français, et donc qui a
possiblement mal appliqué une règle, et peut-être par rapport à la COVID, peut-être
par rapport à d'autres choses, que sais-je, mais qui a été disciplinée parce
qu'elle ne connaissait pas assez bien le français. Mais l'école était probablement dans une situation où elle ne pouvait... n'avait plus suffisamment de travailleurs qui comprenaient suffisamment bien le français.
Parce qu'on me disait également dans
le secteur de la santé, au CIUSSS—Ouest-de-l'Île, qu'on commence à embaucher des gens qui ne connaissent ni le français ni
l'anglais quand il n'y a plus personne, là, sur les listes de rappel.
Donc, ça commence à devenir une problématique. Et par contre nos gens qui
travaillent dans ce CIUSSS nous disent
qu'ils veulent tous apprendre le français. Ils voudraient mieux comprendre la
culture québécoise, comprendre, comme
disait tantôt Frédéric, pourquoi on tient tant au français. Et ce n'est
absolument pas de la mauvaise volonté de leur part de ne pas maîtriser
la langue. Donc, si on met des mesures en place, nous, on pense que c'est
gagnant-gagnant. On va investir et on va réussir à renverser la tendance
actuelle.
Mme David : Et donc, je vous
lis, là, vous dites : «Il faut clarifier le rôle de
Francisation Québec auprès des organismes
publics, car, tel qu'il est rédigé présentement, le projet de loi n° 96
semble réserver ses services aux entreprises privées».
Mme Blais (Nathalie) : Oui.
Mme David : Je n'avais pas pris
conscience à ce point-là qu'effectivement peut-être qu'on aurait pu penser pas
mal plus aussi au... pas aux entreprises, justement au secteur public. Vous
dites : «Les besoins d'apprentissage du français
sont criants dans certains secteurs de l'administration». Vous nommez la santé,
on rajoute l'éducation, les CPE et on on le sait, un, il y a beaucoup de
pénurie de main-d'oeuvre, puis là ils vont dire : Bien non, donnez-leur
pas des cours de français en plus pendant qu'ils sont au travail parce que...
Bon. Mais, en même temps, vous dites l'inverse de ça. Vous dites, il y a des gens qui peuvent perdre leur emploi parce
que, justement, ils ne maîtrisent pas assez bien le français. Et quoi de mieux que de mettre...
d'ajouter la culture pour, si on
s'occupe d'enfants, savoir un peu dans quelle culture aussi on s'occupe
d'eux puis on les éduque. Alors, encore une fois, je vous remercie de ça.
Je voulais
aller vers la question des griefs, les municipalités. Moi, je voudrais savoir, qu'est-ce que ça a
donné, tous les nombreux arbitrages, parce que je vous écoute, là, puis j'ai
dit : Bien, là, je suis un peu mêlée. Les municipalités, selon
l'annexe I du projet de loi, page 97, troisième alinéa, tiret a,
les municipalités sont soumises à la Charte de la langue française, alors normalement ils sont soumis aux politiques
linguistiques, là. Il y a quelque chose qui m'échappe. Vous sembliez
dire tout à l'heure que les municipalités ne sont pas... vous avez... je pense
le ministre va poser la question : Assujettir les municipalités à la
politique linguistique de l'État, ne sont-ils pas déjà assujettis?
Mme Blais
(Nathalie) : Écoutez, c'est
un «catch-22», je ne peux pas répondre à votre question. Ma compréhension
à moi, c'est que les municipalités étaient déjà assujetties à la politique
linguistique de l'État. La raison pour laquelle on fait des griefs, c'est que, souvent, dans les conventions
collectives, on va, par exemple, déterminer avec l'employeur que, pour tel et tel poste, on a une exigence
d'anglais, et, à ce moment-là, l'affichage comprend cette exigence de bilinguisme. Mais ce qu'on a constaté, dans les
dernières années, là, depuis à peu près 2010, c'est que, sans justification,
sans négociation avec le syndicat, les employeurs affichent les postes
bilingues, et là on a des membres qui disent : Bien, moi, je voudrais
postuler sur ce poste-là, mais s'il est bilingue, je ne peux pas le faire ou je
voudrais...
Mme David : C'est donc la mauvaise
application de l'article 46-1, c'est ça, le problème.
Mme Blais (Nathalie) : Oui, c'est...
exactement.
• (15 h 50) •
Mme David : C'est l'application trop
laxiste ou sans balise nécessaire.
Mme Blais (Nathalie) : Exactement.
Mme David : On y reviendra parce
qu'il y a quand même l'article 46-1, là, nouvellement écrit. On va pouvoir
en parler longuement en étude détaillée. Il y a quand même des conditions qui
sont... dont il va falloir parler, de l'applicabilité et des détails de ça.
Mais ce que je comprends, c'est que vous avec beaucoup de griefs. Mais moi, je
suis curieuse, donnez-moi un exemple de résultat de grief. Là, vous avez
dit : Il y a une sorte de moratoire, mais ça fait 50 ans que vous
vivez avec la loi 101, l'article 46. Alors, comment ça marche, les
griefs? Est-ce que vous les gagnez habituellement, sur la langue, ou non ou
est-ce que ça améliore la situation de l'affichage?
Mme Blais (Nathalie) : Oui, bien,
c'est ça, on est dans une situation où il y a eu quelques griefs qu'on a gagnés
autour de 2014, 2015, et, en 2016, il y a eu une décision de la Cour d'appel
qui a renversé cette décision-là, et depuis c'est pas mal les critères, là,
dans ma compréhension à moi, qui est limitée, mais, quand même, j'ai fait le
tour de quelques arbitrages, mais je ne pourrais pas vous dire, là, que c'est
la jurisprudence complète, mais, en gros, ce que ça dit... ce que la Cour
d'appel est venue dire, c'est que, si l'employeur a une population à desservir
dans une autre langue, il est justifié de demander le bilinguisme, et, à partir
de ce moment-là, ça a rendu très difficile pour nous de marquer des points en
arbitrage et de revenir à un poste où on ne demandait pas le bilinguisme. Par
contre, l'arbitre a dit : Il faut que vous justifiiez la raison pour
laquelle vous demandez que le poste soit bilingue, il faut que ça soit étayé
par des faits.
Donc, l'article 46
dont vous parlez, là, les modifications ont intégré en quelque sorte la
jurisprudence dans la loi, mais en balisant également de quelle façon ça doit
être fait. Donc, ça doit être fait avant l'affichage. On doit s'assurer également qu'il
n'y a pas personne d'autre qui peut faire le travail. Par
exemple, si vous avez un département
avec huit personnes, est-ce que les huit doivent parler anglais si on a 15 %
de notre clientèle à desservir en anglais? Alors, ce n'est pas probablement pas
justifié à ce moment-là. On a besoin peut-être...
Mme David : ...nouveau projet de
loi, là, de 96, les trois conditions.
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
exactement.
Mme David : O.K. O.K. Mais c'est ça
qui n'est pas nécessairement...
Mme Blais (Nathalie) : Oui, oui,
oui, c'est ça. Et présentement ce n'est pas dans la loi, donc, bien, les
employeurs s'essaient. Alors, ils affichent anglais puis ils affichent avec un
poste bilingue, et puis là on doit faire l'arbitrage, et c'est long, vous
savez, les délais avant que ce soit tranché.
M. Brisson (Frédéric) : C'est pour
ça qu'on demande la création d'un comité de francisation, là, dans le municipal
également pour...
Mme David : Bien, c'était ma
dernière puis, comme il me reste quelques secondes, ça a été une autre, un peu,
révélation pour moi, il n'y a pas d'obligation de comité de francisation dans
le secteur public. Autant il y en a dans le
secteur privé à partir d'un certain nombre d'employés, autant ce n'est pas
nécessaire. C'est ça qu'on comprend que vous suggérez de le mettre dans
le secteur public aussi?
Mme Blais (Nathalie) : Oui, parce
qu'on pense que le gouvernement ne voit pas toujours où sont les besoins aussi,
là. Dans un CIUSSS, il y a énormément d'établissements, mais les employés
pourraient, eux, les travailleurs, les travailleuses, dire : Bien, il y a
plus de besoins dans tel établissement que dans tel autre, et prioriser un peu
la francisation.
Mme David : Merci infiniment de
votre prestation. Merci.
Mme Blais (Nathalie) : Merci à vous.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup. Donc, nous allons aller
du côté de la deuxième opposition. Vous avez 2 min 45 s.
Mme
Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre
présentation, c'était très, très intéressant, surtout tout l'aspect
évidemment bilinguisme en milieu de travail, parce qu'on sait, hein, la langue
française, elle va pouvoir survivre et être pérenne dans le temps si elle est
parlée au travail. Et aujourd'hui j'ai déposé une motion, qui a été appuyée à
l'unanimité par les 125 députés de l'Assemblée nationale, à l'effet qu'il
faut renforcer le français en milieu de travail, il faut que les entreprises
fassent leur part, et encore plus, évidemment, les municipalités ou la fonction
publique, donc les employeurs fassent leur part.
J'avais une
question justement pour l'applicabilité de la question d'interdire l'exigence de l'anglais à l'embauche.
Moi, j'avais fait une proposition et je voulais vous entendre là-dessus, sur le fait que de faire la
démonstration de pour quelle raison est-ce que l'anglais est exigé pour
un poste directement dans l'offre d'emploi. Est-ce que c'est une avenue que
vous trouvez intéressante? Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Brisson (Frédéric) : Oui, vas-y.
Mme Blais
(Nathalie) : Est-ce que je
peux vous demander de préciser? Parce que vous voulez dire d'inclure, par
exemple, dans l'affichage du poste, que l'anglais est requis?
Mme Ghazal : Oui, parce que
d'habitude, on dit français, anglais ou bilinguisme requis, et ça fait partie
d'une liste de critères et de compétences, et c'est tout. On ne sait pas trop,
il y a peut-être tout un travail qui a été fait en arrière, mais de l'afficher
puis de justifier, par une phrase ou un paragraphe, pour quelles raisons est-ce
que c'est demandé à l'emploi, peut-être
parce que 100 % des clients sont de l'étranger, admettons, quelque chose
comme ça, par exemple. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée?
Mme Blais (Nathalie) : Bien, ce
n'est pas une mauvaise idée dans la mesure où l'article 46.1 demande... en
fait, du projet de loi va demander à
l'employeur de justifier, avant l'affichage, qu'il a ce besoin. Donc, ça
viendrait prouver effectivement que l'exercice a été fait. De la même...
Par contre, par contre, ça ne voudrait pas dire que l'exercice a été bien fait. Alors, c'est là où je pense que le
comité de francisation entrerait en jeu, c'est-à-dire que, là, il pourrait y
avoir une discussion à l'interne, à
savoir si, oui ou non, on a suffisamment de travailleurs également qui peuvent
déjà accomplir le travail dans l'autre langue.
Mme Ghazal :
Exactement.
M. Brisson (Frédéric) : Bien, je
pense que c'est ça. Excusez. Mais je pense que c'est ça, Nathalie vient de le dire, si c'est bien fait, dans un comité, tout le
monde ensemble, qu'il y a des discussions, je pense que oui, puis ça pourrait
être une bonne solution. Mais, si jamais
c'est une phrase qui est inscrite là seulement par l'employeur, ça va juste
faire des contestations de plus, ce qu'on veut éviter.
Mme Ghazal : Je comprends.
C'est-à-dire que, pour vous...
M. Brisson (Frédéric) : Excusez.
La Présidente (Mme Thériault) :
...mettre fin à l'échange. Donc, merci.
Mme Ghazal : Oui, parfait. Merci,
merci.
La
Présidente (Mme Thériault) : D'accord. Je me tourne, maintenant, vers
le député de Matane-Matapédia, pour 2 min 45 s.
M.
Bérubé : Merci.
Dans un communiqué du 13 mai 2021, vous avez mentionné qu'on pouvait
s'attendre à ce que le gouvernement aille plus loin quant au statut bilingue
des municipalités et, s'il y a des exigences en anglais, c'est parce qu'il y a
des statuts bilingues qui ne sont pas justifiés dans certains cas. Vous y avez
fait référence un peu plus tôt. Je vous donne trois exemples très
concrets : ville Mont-Royal, 18,5 % d'anglophones; Rosemère,
12,1 %; Otterburn Park, 6,8 %. À sa face même, est-ce que vous
considérez que ces municipalités devraient conserver leur statut, et qu'on
devrait aller plus loin que de laisser le libre choix aux conseils municipaux,
et non à la population totale de décider de maintenir ce statut?
M. Brisson (Frédéric) : Bien, j'y
vais, Nathalie?
Mme Blais (Nathalie) : Oui, vas-y.
M. Brisson (Frédéric) : Oui. Oui.
Bien, vous l'avez... Il y a le mémoire de la FTQ, qui va vous être présenté
demain, où on parle aussi, là, d'un statut de 40 %, 20 %, là. Donc,
moi, je considère... nous considérons, plutôt, là, qu'en bas de 50 %... Vous avez nommé trois villes, là, à 18 %,
6 % et 12 %, là, si ma mémoire est bonne des chiffres, là. On pense que, oui, effectivement, elles
devraient perdre le statut bilingue et que ça vienne à la responsabilité, là,
de la municipalité, là, de...
M.
Bérubé : On est
d'accord, votre syndicat et moi. Et je me permets de mettre au jeu notre
proposition de modifier le statut des
municipalités bilingues comptant moins de 33 % de résidents ayant
l'anglais comme langue maternelle, ça serait automatique, et on laisserait
la discrétion au ministre pour le statut des municipalités dont la proportion
oscille entre 33 % et 49 %. Donc, il y a là un automatisme. Si le
gouvernement veut faire preuve de leadership et de courage, ce que je lui demande depuis le début, bien, il prendrait
lui-même la décision, comme le gouvernement du Parti québécois a pris la
décision d'accorder un statut en 1977.
Donc, je
retiens non seulement le droit de travailler en français, mais aussi un
avantage qui a été consenti qui est maintenant anachronique et qui ne
représente pas la réalité des municipalités, et, en ce sens-là, je comprends
qu'on se rejoint là-dessus. N'est-ce pas?
M. Brisson (Frédéric) : N'est-ce
pas, oui.
Mme Blais (Nathalie) : Si je peux
simplement compléter. La proposition de la FTQ, c'est qu'entre 40 % et 50 % de population d'ayants droit
anglophones, il y ait une possibilité de conserver le statut par résolution,
mais qu'en deçà de 40 %, le statut soit perdu.
M.
Bérubé : Au début
septembre, vous avez été... nous avons été avisés d'une situation où des
Québécois ont été incapables de se faire
soigner en français — chroniqueuse
Sophie Durocher. Le ministère de la Santé a répondu : «Les services de traduction en français doivent
être assurés sur le terrain si jamais les employés éprouvent de la difficulté
dans cette langue.» C'est inacceptable. Est-ce qu'on va assez loin?
La Présidente (Mme Thériault) :
...mettre fin à l'échange. M. le député, désolée.
M.
Bérubé : On
s'appellera.
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée.
Mme Blais (Nathalie) : On
s'appellera.
M.
Brisson (Frédéric) : On se rappellera.
La
Présidente (Mme Thériault) : Désolée. Donc, M. Brisson,
Mme Blais, merci pour votre parution en commission.
Nous
allons suspendre les travaux quelques instants, le temps de laisser au prochain
groupe de prendre la place. Merci beaucoup.
M. Brisson
(Frédéric) : Merci à vous, merci.
Mme Blais
(Nathalie) : Merci.
(Suspension de la séance à
16 heures)
(Reprise à
16 h 18)
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, bonjour. Je souhaite maintenant la bienvenue à
Mme Louise Harel et Mme Louise Beaudoin, qui ont été toutes les deux
députées ici, à l'Assemblée nationale, respectivement ministres. Donc,
bienvenue parmi nous. Vous allez avoir une présentation d'à peu près
10 minutes, et, par la suite, on aura des échanges avec les différents partis représentés à l'Assemblée nationale.
Comme vous connaissez bien nos règles, sans plus tarder, je vais vous
céder la parole, vous demander de vous présenter et de procéder à votre exposé.
Mmes Louise
Harel et Louise Beaudoin
Mme Harel (Louise) : Alors, Louise Harel. La présentation a déjà été faite, je crois. Je ne
sais pas si ma collègue, Louise Beaudoin... la présentation ou elle le
fera.
Alors, Mme la
Présidente, M. le ministre, membres de la commission, je vais aller droit au
but, compte tenu du temps imparti que nous avons partagé, ma collègue, Louise,
et moi. Alors, j'aborderai, pour ma part, la première partie de notre mémoire.
En fait, nous déplorons
que le gouvernement ait décidé de passer outre à la présentation d'un livre
blanc, comme l'avait fait le Dr Laurin
en mars 1977 et contrairement à la pratique courante d'avoir un document de
réflexion lorsqu'il y a une pièce législative majeure, comme celle qui
est présentée. Alors... Mais cependant, on peut décoder, des déclarations
publiques du premier ministre et du ministre parrain de la loi, qu'il y a
nécessité de passer de 53 % des allophones qui choisissent le français à
90 % pour assurer le maintien du poids des francophones au Québec, compte
tenu de la natalité.
• (16 h 20) •
Alors, la question
que nous nous sommes posée, c'est la suivante : Le projet de loi permet-il
de se rapprocher d'un 90 % de
substitutions linguistiques des allophones vers le français, qui est la
condition essentielle de la pérennité du Québec français? Et selon nous,
la réponse, c'est non.
Pour se déployer,
pour s'épanouir, la culture québécoise a besoin de la force du nombre et de la
vitalité d'allophones qui font du français leur premier choix et pas seulement
en temps que langue seconde. Le bilinguisme peut
être commun sans que la culture québécoise ne le soit. Aucune mesure n'est
prévue pour remédier à cette dissociation entre francisation et culture
québécoise.
D'autre part, compte
tenu des nombreuses études qui l'ont amplement démontré, l'immigration
francophone et francotrope, là, c'est-à-dire la langue latine parlée dans le
pays d'origine, cette immigration a une importance déterminante sur les
substitutions linguistiques des allophones vers le français. La connaissance du
français avant l'arrivée est presque
capitale. Pourtant, depuis cinq ans, la baisse est constante des résidents
admis par Québec déclarant connaître le français. Cette
baisse, de 8 % en cinq ans, 58,2 % à 49,8 %, est maintenant sous
la barre des 50 %.
À la fin de 2019, il
y avait au Québec 160 000 personnes qui avaient reçu du fédéral un
permis temporaire sans aucune exigence de français, alors que le gouvernement
du Québec sélectionne maintenant et de plus en plus ses propres résidents permanents dans ce bassin de personnes à statut
temporaire. Certes, ces personnes pourront dorénavant bénéficier des
cours de Francisation Québec. Certaines d'entre elles réussiront un test de
français pour recevoir leur CSQ. Mais il est
très hasardeux de croire que ces adultes déjà en emploi qui, incidemment,
peuvent envoyer leurs enfants à
l'école publique anglaise et qui souvent maîtrisent eux-mêmes l'anglais, il est
bien hasardeux de penser qu'elles vont s'engager dans la voie d'une
substitution linguistique vers le français.
En matière scolaire,
les demi-mesures de gel ou de contingentement font toutes deux l'impasse sur la
question essentielle, justement, de la substitution linguistique des étudiants
allophones anglotropes, là, n'est-ce pas, c'est-à-dire qui viennent des pays de
langue anglaise, qui, selon une vaste étude commandée par la Centrale des
syndicats du Québec en 2010, s'inscrivent, à 90 %, au cégep anglais,
poursuivent, à 91 %, leurs études universitaires en anglais et projettent,
à 72 %, de travailler en anglais.
Une des questions qui
était aussi révélatrice dans cette étude concernait les habitudes culturelles
de ces presque jeunes adultes. À la question
de savoir s'ils avaient écouté des films en français, il y en avait moins de
5 %, moins de 5 % des étudiants aux cégeps anglophones qui
répondaient oui, alors que plus de 60 % aux cégeps francophones
affirmaient oui, qu'ils avaient...
Alors, à Montréal, au cours des deux
dernières décennies. La hausse des effectifs étudiants au niveau collégial
préuniversitaire a profité à 95 % aux cégeps de langue anglaise. Les
cégeps de langue française à Montréal peinent à se maintenir au-dessus de la barre du 50 % d'effectif étudiant
total montréalais. Alors, en toute cohérence, le gouvernement doit
décréter l'extension au niveau collégial. C'est le niveau collégial qui, dans
bien des sociétés, est la poursuite, en fait, du secondaire, alors doit
décréter l'extension des clauses scolaires de la loi 101, de la même façon
qu'il doit lever l'exemption de l'examen uniforme du français à la fin du
collégial, une exemption qui est accordée dans le projet de loi aux étudiants
anglophones.
Alors, comment
prétendre à une langue commune si certains se trouvent même exemptés de la
maîtriser? À toi, mon amie Louise.
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin
(Louise) : ...
La Présidente (Mme
Thériault) : Problème de son. Mme Beaudoin, je m'excuse, on ne
vous entend plus, on a perdu le son. Si vous voulez recommencer, on va essayer,
sinon, on va suspendre. Allez...
Mme Beaudoin
(Louise) : Oui.
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui, je vous entends bien, c'est beau.
Mme Beaudoin
(Louise) : Si révolution il y a dans ce projet de loi raisonnable et
modéré, comme ne cesse de le répéter le premier ministre, c'est dans la
section I, aux articles 13 à 23, qu'on la constate.
Cette section
concerne l'exemplarité de l'État dans l'administration au sens large, incluant
les municipalités, du français langue officielle et commune du Québec. Car la
pratique du bilinguisme institutionnel se répand de plus en plus partout dans
les ministères, comme l'a révélé un récent rapport de la Commission de la
fonction publique, mais tout particulièrement à Montréal. Il s'agit d'y habiter
pour le constater. Pour beaucoup à la ville, dont son Conseil interculturel, le
français n'est pas... le français ne serait pas assez inclusif. Dans un récent
rapport, c'est ce que le Conseil interculturel disait. Et pourquoi ne pas,
ajoutait-il, dans ce cas, s'adresser aux Montréalais dans les cinq ou six
langues les plus parlées sur l'île? Alors, pour le gouvernement, de notre point
de vue, le défi sera dans l'application de cette section, car résistance — et
c'est un euphémisme — il
y aura.
Maintenant, le statut
bilingue des municipalités. Le gouvernement, tout en reconnaissant l'absurdité
de maintenir le statut bilingue de certaines municipalités qui n'en ont plus
les attributs, leur donne la possibilité de le conserver par une simple
résolution de leurs élus. Une soixantaine l'auraient déjà fait. Et comme je
l'ai déjà écrit, je prends un 6/49 si une seule y renonce. Voilà donc une
incongruité, une incohérence, de notre point de vue, à réparer.
La qualité de la
langue, bien sûr la langue écrite, sur laquelle le gouvernement peut avoir une
véritable influence, c'est extrêmement
important. Mais il y a aussi la langue parlée qui dépend en partie, bien sûr,
de l'apprentissage de la langue à l'école, mais ça demeure essentiellement,
de la part des locuteurs, leur volonté de bien s'exprimer, de bien parler, de
bien écrire le français.
L'objectif
pour nous, c'est de se faire comprendre par les... Parce que je comprends qu'il
peut y avoir différentes mesures et
différents niveaux de langage. Mais l'objectif, pour nous, c'est de se faire
comprendre par les 200 millions de francophones et francophiles
dans le monde, qui sont disséminés sur les cinq continents. Il faut aussi
comprendre des textes. Parce que j'ai vécu
une expérience, une anecdote, mais je vous la raconte, parce qu'elle m'a
beaucoup frappée : à l'émission La
Voix, Anne Dorval a demandé à un concurrent de lui lire une fable de La
Fontaine qu'elle avait apportée. Le concurrent l'a lue et, en terminant, il a
dit : Je n'ai rien compris de ce que j'ai lu. Et là, Anne Dorval, d'une
toute petite voix, lui a dit :
Pourtant, c'est une des plus faciles et une des plus simples. Alors, ça m'a
beaucoup inquiétée quant au niveau de compréhension qu'on peut avoir en
général, donc, dans la société. C'est une véritable problématique.
Je passe donc sur
l'invraisemblable hypothèse, un temps retenue par la ministre de l'Enseignement
supérieur, de permettre l'utilisation d'Antidote et d'autres correcteurs pour
augmenter le taux de réussite de l'examen uniforme de français au collégial. Je
pense que ce n'est pas la bonne façon, parce qu'il faut d'abord apprendre le
français avant de se servir... correctement le français avant de se servir de
quelque Antidote que ce soit... (panne de son) ...menant directement au
nivellement par le bas est définitivement enterrée.
Le dernier point que
nous abordons, c'est notre responsabilité, en tant que Québécois, le
gouvernement, mais l'ensemble des Québécois, pour nous assurer que le français
demeure une des 10 grandes langues internationales. Défendre le
plurilinguisme linguistique sur la scène internationale, c'est aussi important
de notre point de vue que de défendre la
biodiversité. Notre destin en tant que francophones dans les Amériques en
dépend. Et, en défendant le français sur
la scène internationale, par la même occasion nous défendons toutes les autres
langues. Servons-nous, pour prendre, comme nous l'avons fait pour la diversité
culturelle, le leadership de ce combat pour la diversité linguistique,
de notre présence pleine et entière en francophonie et de notre relation
directe et privilégiée avec la France.
En
conclusion, nous sommes en effet d'avis que le déclin amplement documenté du
français ne sera pas vraiment enrayé
ni les... (panne de son) ...significativement augmentés par ce projet de loi.
Il faudra donc que le ministre fasse preuve d'encore plus de courage
pour y arriver. Merci.
• (16 h 30) •
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci, mesdames, pour votre exposé. Le ministre
vous a offert 1 min 30 s de
son précieux temps d'échange avec vous pour vous permettre de compléter votre
échange. Donc, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Mme Beaudoin et Mme Harel, bonjour. Merci de participer
aux travaux de la commission, c'est un plaisir de vous y retrouver. D'entrée de
jeu, Mme Beaudoin, vous dites : Il faut
y aller davantage, il faut renforcer le projet de loi qu'on a déposé. On agit déjà sur plusieurs volets, là : la langue du travail, les ordres professionnels, la
nette prédominance dans l'affichage des marques de commerce, la gouvernance, un
ministère de la langue française, les pouvoirs supplémentaires à l'OQLF, un
commissaire, on vient affirmer que... la nation québécoise dans la Constitution
canadienne, les droits linguistiques fondamentaux qui deviennent exécutoires également. Je comprends qu'il y a certains
éléments dans le projet de loi que vous souhaitez voir améliorer. Mais, somme
toute, est-ce que vous trouvez que le projet de loi amène des bonifications
substantielles?
Mme Beaudoin
(Louise) : Amène des
bonifications, c'est sûr et certain. D'ailleurs, j'ai dit, l'exemplarité de
l'État, pour moi, c'est fondamental,
parce qu'il y a une dérive, une véritable dérive, et, là, que vous avez
fermement l'intention de corriger, et
vous en aurez tous les outils avec le commissaire, en effet, ce qui est une
excellente, d'ailleurs, initiative que
de créer ce poste de commissaire via l'Assemblée nationale. Alors, oui, je
reconnais qu'il y a des choses intéressantes. Évidemment, on le sait, et je me suis particulièrement attachée aux
choses structurantes qui ne le sont pas suffisamment, justement. Mme Harel
a parlé du cégep. Elle pourrait y revenir, puisque c'est elle qui a travaillé
ce thème-là. Mais, moi, sur les municipalités bilingues, franchement, je
suis tombée en bas de ma chaise, là, ça fait que je trouvais que vous défaisiez dans la même phrase ce que vous tentiez
de corriger. Alors, je ne comprends pas, je ne comprends toujours pas.
Et puis
ajouter une dimension internationale, ça aussi, je pense, c'est extrêmement
structurant, que les Québécois se sentent partie de la grande famille
francophone, comme ils l'ont senti à quelques reprises lors de sommets
francophones qui se sont tenus à
Québec, lors de la Francofête et dans certains moments. Alors, nous, on a une
responsabilité, je voudrais qu'on
prenne le leadership. On l'a déjà pris dans l'autre dossier, celui de la
diversité culturelle, celui du plurilinguisme sur la scène internationale, ça devrait... et ça devrait nous
enthousiasmer comme Québécois d'avoir cette influence-là dans le monde.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter à la demande du
ministre?
Mme Harel (Louise) : Oui,
certainement, oui. Bien, écoutez, il y a certainement des mesures qui sont très
intéressantes. Cependant, il faut comprendre qu'elles sont insuffisantes, et ça
dépend évidemment de l'objectif qu'on se
fixe, là. Si l'objectif est bien celui de faire progresser la substitution
linguistique vers le français par les allophones, alors là, le projet de loi est décevant, ça, il
faut le dire tel quel, parce que
finalement, ces substitutions linguistiques, si on regarde comment on a pu y arriver à 53 % avec
la loi 101, de 10 % à 53 %, bien, les deux mesures les plus
structurantes auront été à la fois l'immigration francophone et
francotrope et puis l'école.
Alors, sur ces deux questions-là, bien, ce qu'on
comprend, c'est que l'immigration francophone est à la baisse. De ce qu'on a
obtenu comme chiffres les plus récents du ministère de l'Immigration, et de la
Francisation, et de l'Intégration, c'est une diminution du nombre d'immigrants
qui déclarent connaître le français avant d'arriver. Et c'est pourtant cette
condition-là qui a permis les succès mitigés, demi-succès, convenons-en, mais
succès de la loi 101, alors que ça...
avec surtout l'immigration temporaire, alors, qui est une immigration qui en
fait relève du fédéral, qui accorde
les permis de... le statut temporaire sans aucune exigence de connaissance du
français, puis on a quelques chiffres
à cet égard, alors c'est évident que, sur ce plan-là, l'immigration
francophone, francotrope et la question de l'école...
La question
de l'école, maintenant, est extrêmement importante, parce que, vous savez...
D'abord, évidemment, on n'a pas abordé encore la question de l'écrémage,
mais, comme vous savez, les cégeps anglais à Montréal font un écrémage considérable qui donne à penser que les
cégeps français sont de seconde zone, si je me permets l'expression, et
les cégeps anglais sont allés chercher le... mon Dieu, 95 % de la hausse
des effectifs au cours des deux dernières décennies.
On en a parlé beaucoup, Louise et moi, parce qu'on se dit qu'il y a un coup de
barre évidemment à donner. Pourquoi?
On se posait la question, mais... et... Parce que, surtout, l'immigration va
s'intensifier, et l'immigration temporaire, avec entre autres l'annonce
faite au mois d'août, là, par Mme la ministre Girault et M. Boulet, cette
immigration temporaire va continuer d'augmenter considérablement. Alors, il
faut simplement le dire, de plus, ces personnes à statut temporaire vont pouvoir envoyer leurs enfants à l'école publique
anglaise. On peut penser que plusieurs d'entre elles vont peut-être suivre...
Moi, je pense, en tout cas... Ce qui est bon dans votre projet de loi, c'est la
francisation, mais c'est une
francisation qui va leur permettre d'être bilingues, mais non pas d'adopter la
culture québécoise, non, même pas de
la connaître, sans doute, et non pas non plus de... bien, en fait, de
progresser vers ce qui peut assurer notre survie en tant que Québec
français.
M.
Jolin-Barrette : Donc, une
question... Mais, en fait, pour répondre à vos interrogations relativement à
l'immigration, notamment à l'entente qui a été conclue par mes collègues
la ministre des Relations internationales et le
ministre du Travail, dans le fond, les immigrants en situation temporaire au
Québec, afin de pouvoir être permanentisés, la majeure partie, là, près
de 90 % au cours des dernières années, sont ceux qui ont été admis par le
Programme d'expérience québécoise, et là il
y a un niveau 7, à l'intérieur du Programme d'expérience québécoise, de
connaissance du français, donc ce sont des candidats francophones pour
la majorité.
Là
où vous avez raison, c'est notamment au niveau du regroupement familial, au
niveau également des réfugiés, donc
l'ensemble de la partie que le Québec ne contrôle pas en termes d'immigration,
où il n'y a pas de possibilité de mettre un niveau de connaissance de
langue, et oui, ça influe, vous avez raison, sur le niveau d'aptitude et de
connaissance de la langue française.
Vous dites également... Sur la question de
l'école anglaise, bien, avant la modification législative que je fais, les personnes en situation temporaire pouvaient
envoyer sans limite de temps leurs enfants à l'école anglaise. Or, on met
une situation de trois ans, maximum, et par la suite... devront intégrer le
cursus francophone. Donc, théoriquement, une
personne en situation temporaire est temporaire et retourne dans son pays, à
moins qu'elle permanentise son statut.
Mais je voulais peut-être vous entendre sur un
autre sujet pour les deux, parce qu'à la fois, Mme Harel, vous avez été députée d'Hochelaga-Maisonneuve durant
plusieurs années, et, Mme Beaudoin, également députée de Rosemont,
auparavant députée de Chambly, mais c'est dans le Grand Montréal également. On
parle beaucoup de l'exemplarité de l'État. Le gouvernement du Québec va prendre
ses responsabilités, et c'est pour ça qu'on a la politique en matière
d'exemplarité de l'État. Je voudrais vous entendre sur le rôle qui est joué par
la ville de Montréal relativement à la promotion et à la défense du français.
Mme Beaudoin (Louise) : Bon. Alors,
moi...
Mme Harel (Louise) : ...à la ville
de Montréal... je vous rappelle que, très récemment, la ville de Montréal, au
mois de juin dernier, le conseil de ville, à l'unanimité, a décidé de la
nomination d'un commissaire pour en fait promouvoir et protéger la langue
française. Je pense que c'était un pas important, je... Moi qui ai déjà siégé à
la ville de Montréal il y a quelques années maintenant, là, je n'aurais pas
imaginé qu'on aurait pu arriver à un vote unanime sur cette question-là. Je
pense qu'il y a une bonne volonté. Il y a un plan d'action, là, qui a été
déposé également par l'actuelle administration, mais je crois que ça fait le
consensus, du moins, certainement, des élus, quel que soit le parti auquel ils
appartiennent, et je pense que, disons, les temps sont favorables à ce qu'il y
ait des changements.
Là où il y aura à opérationnaliser tout ça,
c'est bien sûr qu'en fait les dossiers sont des dossiers... les dossiers des
anglophones, là, sont... de souche, si je peux me permettre l'expression, ce
sont les dossiers d'élèves, alors... Mais
ceux d'entre eux qui n'ont pas d'élèves, qui n'ont pas eu d'élèves, disons, à
l'école anglaise au primaire et secondaire et autres, là, je ne sais pas
comment vous pensiez opérationnaliser le tout.
Mais, si je reviens au fait que vous nous
dites... Moi, je pense qu'il va y avoir... Bien, maintenant, l'offre de cours
de francisation est ouverte aussi, si j'ai bien lu la loi, là, elle est même
ouverte aux personnes qui ont un statut temporaire.
Mais encore faut-il se... Il y aura toujours... En fait, même le niveau 7, dont vous parlez,
là, est-ce que vous pensez, là... vous me dites que vous pensez
sincèrement que ces personnes vont faire un transfert linguistique pour parler
français à la maison?
• (16 h 40) •
La
Présidente (Mme Thériault) :
Avant de laisser le ministre répondre, je vais donner la parole à
Mme Beaudoin. Allez-y, Mme Beaudoin.
Mme
Beaudoin (Louise) : Oui.
Alors, moi, je suis un peu moins optimiste que ma collègue et amie là-dessus, parce que je pense que la ville
de Montréal a pris de bien mauvaises habitudes, comme certains ministères,
d'ailleurs, quand on regarde le rapport de la Commission de la fonction
publique, et, quand on va sur le site Web — et moi, j'aimerais vous poser
justement la question, M. le ministre — de la ville de Montréal,
bien, tout est parfaitement bilingue... (Panne de son) ...problème, et c'est clair, là : «Press nine, English will
follow»... (panne de son) ...ce que ça va changer effectivement à la
ville de Montréal, ce que vous allez imposer? Moi, j'espère fortement qu'en
effet ce sera très... (panne de son) ...différent, non pas pour les... (panne de son) ...justement,
disons des ayants droit, mais pour tous les allophones. Je vois bien que
vous dites que pendant six mois on pourra les accueillir dans d'autres langues,
c'est normal, leur laisser le temps de s'installer et tout, mais qu'au bout de
six mois toutes les communications — ça, ça me fait grandement
plaisir — se
feront donc en français à l'oral et à l'écrit. Mais c'est vrai que, moi aussi,
je me demande comment vous allez appliquer
ça et comment ça va fonctionner. Ça va prendre un peu de temps, ça, je le
conçois. Mais je crois que, là, vous avez dans votre projet de loi
quelque chose entre les mains, en effet, qui est fondamental.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Je sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions également,
alors je pense que je vais céder la parole au député de Saint-Jean, le député
de Beauce-Sud aussi.
La
Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Saint-Jean, vous avez exactement trois minutes
d'échange avec nos deux invités.
M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. Mme Beaudoin, si je ne m'abuse, vous avez...
vers la fin des années 90 — malheureusement, je n'ai pas la date
exacte — vous
êtes intervenue pour ajouter les premières dispositions sur les technologies de
l'information dans la loi 101. Le projet de loi n° 96
s'applique aux entreprises du numérique et plus — pensez à Uber,
pensez... — et
pour les services de l'information en français aussi, les sites Internet.
Jusqu'où vous iriez, vous, si vous aviez le curseur?
Mme Beaudoin (Louise) : Eh bien,
vous savez, je veux juste vous rappeler en effet qu'à l'époque, il y a déjà quand
même 25 ans de ça, là, c'était tout nouveau, hein? Je veux dire, bon,
Microsoft, entre autres, prétendait... (panne de son) ...il fallait attendre que le... (panne de son) ...les réclame,
et que donc on était à la remorque de la France. Alors, j'avais demandé aux dirigeants de Microsoft Canada : Bien, écoutez, non. Là, on n'est plus des colons français,
là, on est des Québécois, là, puis... Bon. Par conséquent, vous allez faire en
sorte qu'il y ait des versions québécoises françaises
avant même que ça traverse l'Atlantique. S'ils sont en retard... (panne de son) ...Alors, jusqu'où il faut aller? Bien, moi, je... (panne de son)...
pour qu'on sente, quand on arrive au Québec puis qu'on prend... Moi, je ne prends
pas ça, Uber, hein, parce que, si je comprends bien, ils n'ont pas encore payé
leurs impôts ici, là, ça fait que le... Peut-être
que c'est fait, là, mais, en tout cas, à l'époque ce ne l'était pas, puis je me suis
permis de ne pas m'abonner à Uber, parce que je ne croirais pas que
c'est des bons citoyens corporatifs. Bon.
Ceci... Cette
parenthèse étant faite, oui, je pense qu'il faut que les réponses au téléphone quand on appelle, que ce ne soit pas
bilingue continuellement, que ce soit en français, c'est ça, les questions puis
les réponses en français.
La Présidente (Mme Thériault) : Il
vous reste 40 secondes. Allez-y.
M. Lemieux : Mesdames, dans votre
mémoire, vous invoquez L'Arlésienne pour parler de la qualité de la langue.
C'est un peu... On n'a pas assez de temps pour aller au bout de ça. Mais il y a
plus que juste la qualité, il y a aussi l'amour, la fierté et tout ce qui va
avec, parce que, si on n'a pas la qualité, c'est probablement qu'il manque ça
aussi, non?
La Présidente (Mme Thériault) :
En 25 secondes, Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Louise) : Bon.
Ça, c'est un débat qui pourrait durer très longtemps. Oui, et puis, moi,
j'étais dans un parti politique qui longtemps pensait qu'il n'y avait que le
statut de la langue qui était important, et non pas sa qualité, qui a pensé ça
pendant un certain temps. Mais vous avez raison, et c'est pour ça que je parle
des 200 millions de francophones, c'est qu'on n'est pas seuls. J'ai cité
Pierre Bourgault... (panne de son) ...français nous isole... (panne de son)
...nous ouvre les portes du monde.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à cet échange, Mme Beaudoin, malheureusement, la
technique m'aidant, puisqu'ils ont à peu près coupé votre son. C'est les joies
de l'Internet, qui n'est pas haute vitesse tout partout au Québec. Donc, je
vais me tourner maintenant du côté de l'opposition officielle, avec Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, encore une
fois, je vais poursuivre sur la lancée du député de Saint-Jean, parce que ce n'était pas dans ma première question,
mais je voulais revenir à L'Arlésienne, moi aussi, et on voit qu'Alphonse
Daudet est convoqué dans notre discussion, et peut-être que les jeunes,
ils ne lisent plus Les lettres de mon moulin, mais de toute évidence
vous vous en souvenez, et c'est là que vous parlez de la qualité de la langue.
Vous dites : C'est L'Arlésienne que l'on
appelle de tous nos voeux, mais qui n'arrive jamais dans aucune politique
linguistique gouvernementale, la qualité de la langue, et on sait... on a
parlé de — et
je vais y venir — culture
et francisation, mais la qualité de la langue, c'est un autre
sujet tellement important. Qu'est-ce qu'on fait, mesdames?
Vous avez tellement
d'expérience en politique, ça fait longtemps que vous y croyez. On a parlé
d'Antidote — je
voulais y revenir — puis
évidemment que l'épreuve uniforme de français avec une béquille comme Antidote,
bien, c'est... vous qualifiez ça carrément d'inacceptable.
Alors, vous égratignez à quelques reprises le projet
de loi, je dois dire, l'improvisation par rapport aux admissions au cégep, un ministre
qui dit : Une croissance, et puis on ne changera pas d'idée, l'autre ministre
qui dit : Non, on gèle pendant
10 ans les admissions, deux mois après le dépôt du projet de loi. C'est tellement, tellement contradictoire qu'on se demande s'il y a
une discussion entre les deux ministres.
Mais, pour revenir à cette qualité de la langue,
on fait quoi pour l'améliorer?
Mme Beaudoin (Louise) : Bien,
je vais répondre, Louise, juste avant de te laisser la parole sur le reste
avec, là, Mme la députée. C'est que je crois que ça commence à l'école, à
l'école, à l'école! À la maternelle! À l'école primaire! Et puis l'enseigner!
Et puis j'ai été à l'Université de Montréal pendant que vous étiez
vice-rectrice, et même au niveau de la maîtrise, il y en a peut-être le tiers
que je ne comprenais pas, qui faisaient des contresens continuellement. Alors, ça
veut dire qu'il faut commencer en amont, il faut recommencer en amont. Ça
prendra une génération, mais il me semble qu'il faut s'y mettre.
Mme Harel (Louise) : Le support...
Par ailleurs, le député de Saint-Jean a bien raison, le support d'une langue
bien parlée, bien écrite, c'est la fierté, c'est vraiment, vraiment la fierté.
Et ça, Mme la députée, là, si je savais comment
on peut s'inoculer de la fierté, là, là, là, vraiment, j'en inoculerais à forte
dose, y compris à mes petits-enfants.
Mme David : Et la bonne chose, c'est
que plusieurs mémoires parlent de ça aussi, comment insuffler cette fierté de
la langue française, et ça ne se fait pas dans une prise de sang ou,
malheureusement, une vaccination. Mais vous abordez des points que peu
d'autres, je soupçonne, vont aborder, et c'est pour ça que je veux vous
remercier pour ça. Vous abordez la qualité
de la langue, la culture des francisations, dont on a parlé ce matin,
l'international, qui est très, très peu discuté, peut-être parce que c'est
moins pertinent dans un projet de loi, mais ce n'est certainement pas
moins pertinent dans une société qui se veut francophone et francophile.
Alors,
vous déplorez l'absence d'un livre blanc. Pour avoir lu beaucoup sur cette
époque-là, puis, entre autres dans la biographie de Camille Laurin, hein, tout
ça est décrit en détail, un livre blanc, ça oriente, ça donne une vision.
Qu'est-ce que vous auriez attendu dans ce cas-ci d'un tel livre?
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme Harel.
Mme Harel (Louise) :
Alors, écoutez, d'abord, ça a toujours été la pratique courante, lorsqu'il y
avait dépôt d'une politique, si vous voulez, majeure et significative, qu'elle
soit accompagnée par soit un livre blanc ou un document, là, de réflexion. La première des choses, c'est l'analyse.
Comment s'est-on rendu de 10 % à 53 %, vous voyez? Parce que,
là, on a un demi-succès, effectivement. Mais ce demi-succès a été rendu
possible grâce à quelles mesures? C'est en fait l'analyse que l'on a faite, en
se rendant compte que ce demi-succès a surtout été possible grâce à une immigration francophone, francotrope préalable à
l'arrivée et aussi grâce aux dispositions de l'enseignement en français
aux niveaux primaire et secondaire. Et donc, c'est...
Le reste du projet de
loi est intéressant, indéniablement. Évidemment, on peut penser qu'il va y
avoir à la fois le ministre, le commissaire et l'office, et il faut bien
s'assurer qu'ils ne se pilent pas trop sur les pieds mutuellement. Mais, vous savez, l'objectif... C'est sûr qu'il y
a du bon à vouloir franciser, mais cette francisation peut être celle
d'une langue seconde. Tant mieux! Langue seconde, langue tierce, tout ça est bon,
là. Mais, en même temps, ce n'est pas ce qui va, si vous voulez, soutenir la pérennité du Québec français et de la culture québécoise. Il
n'y a pas de culture langue seconde, la seule culture québécoise n'a
comme support que la langue française.
Mme David :
Oui. Ma...
Mme Harel
(Louise) : Alors, d'où naît... Excusez-moi.
Mme David :
Excusez, Mme Harel, je ne voulais pas vous interrompre.
Mme Harel
(Louise) : Non, non, je vais vous laisser un peu...
Mme David :
Mais vous m'amenez spontanément vers une question qu'on aborde peu, mais qui me
semble extrêmement importante, en disant : Il faut s'approprier... Tous
les citoyens doivent s'approprier la question du français au Québec. Mais quel
rôle... Vous qui avez tant d'expérience avec et la politique et toutes les
communautés, quel rôle vous voyez que les
Québécois d'expression anglaise peuvent jouer, justement, dans la promotion et
la protection de la langue française?
Mme Harel (Louise) : Ah! ça, c'est vraiment une bonne question. D'abord, il faudrait que
leurs médias cessent, si vous voulez, de les traumatiser, en quelque
sorte, là, parce qu'on ne peut pas dire que les médias anglophones à Montréal, là, favorisent l'ouverture, hein, à
l'égard de la promotion du français. Et donc, souvent, c'est... l'information
va venir aux citoyens de langue anglaise
essentiellement par leurs médias aussi. Alors, vous aimeriez qu'ils jouent un
rôle. C'est ce que je comprends, là, dans votre question, hein? Quel
rôle vous aimeriez...
Mme David :
Oui, je pense qu'ils jouent un rôle, oui. Oui, on a des collègues formidables
qui sont plus dans les communautés anglophones, que ça soit du côté de... Je
vois certains députés, on en a dans notre parti, vous en avez eu, vous aussi,
qui jouent un rôle extrêmement important. Alors, est-ce qu'on peut...
Mme Harel
(Louise) : C'est intéressant, ce que vous me dites.
Mme David :
Oui?
Mme Harel
(Louise) : Oui. Vous avez raison, et je pense qu'il faut qu'ils
plaident aussi pour que leurs institutions, entre autres les cégeps anglais, il
n'y ait pas cet écrémage qui, semble-t-il, est... de plus en plus, exclut des effectifs scolaires des cégeps anglais des
anglophones qui n'ont pas la bonne
cote R, étant donné la sélection qui se base à partir de cette fameuse cote R, qu'aucun
parent ou grand-parent ne peut ignorer maintenant, là. Alors, peut-être peuvent-ils faire valoir que, finalement,
le cégep français, pour les nouveaux arrivants, en fait les enfants de familles
allophones, bien, c'est ce qui en fait se
justifie, hein, dans toute société, alors que leurs propres institutions vont poursuivre et continuer d'exister.
Mme David :
On va passer à l'international, là. C'est ça... Ça aussi est un sujet très peu
abordé, finalement, mais très, très
important, le rôle du Québec dans la francophonie
mondiale. Mme Beaudoin, vous en avez... vous en savez quelque chose,
vous avez été actrice de ce rôle à l'international. Vous trouvez que c'est un
peu absent, hein, dans le projet de loi?
Mme Beaudoin
(Louise) : Oui.
Mme
David : Qu'est-ce qu'on
pourrait prendre comme opportunité dans le projet de loi pour parler du Québec à l'international?
Mme Beaudoin
(Louise) : Bon. Alors, moi, je pense que... qu'en les articles qui
suivent l'article 29, qui concernent justement la francophonie canadienne,
ce qui est extrêmement important... Vous savez, moi, j'ai toujours pensé que
plus on était nombreux au Canada de francophones, mieux on se porterait, là.
Alors, oui à la francophonie canadienne, et on prend des engagements dans ce projet
de loi concernant la francophonie canadienne. Et je voudrais qu'on en prenne
pour la francophonie internationale, c'est-à-dire que la francophonie internationale...
(panne de son) ...il l'a affirmé, mais en tout début de mandat, que le français
devait redevenir le coeur du réacteur francophone et son coeur de métier, parce
qu'on l'a un peu oublié, là, en faisant des millefeuilles, en additionnant à
chacun des sommets des thématiques nouvelles, mais que là on revienne, au
prochain sommet... — est-ce
qu'il se tiendra à Tunis, à Djerba à l'automne? Ce n'est pas évident. Alors, peut-être
qu'il sera encore une fois reporté — mais que le Québec s'affirme
en disant que tout ce qui concerne le français sur la scène internationale, on
doit conserver donc le français comme une des 10 grandes langues internationales,
et qu'on devrait faire à l'UNESCO ce qu'on a fait pour la diversité des
expressions culturelles, s'assurer du plurilinguisme. Si la communauté internationale
est vraiment multilatérale, elle doit aussi être multilingue. Et, par
conséquent, je voudrais qu'on prenne le leadership avec la France, espérons, même
si des fois ils nous désespèrent dans leur défense du français, les Français,
mais que notre alliance franco-québécoise fonctionne à nouveau comme elle l'a
fait pour la diversité des expressions culturelles, et qu'on ait une convention
nouvelle à l'UNESCO qui concerne le plurilinguisme et le multilinguisme sur la
scène internationale, pour que chacun s'y retrouve dans ce multilatéralisme,
présumément, là, qui va s'instaurer, là. Évidemment, j'espère que les Chinois
ne nous écraseront pas tous, là, mais que ça sera un vrai multilatéralisme. Aux
Nations unies, que ça soit au BIT, que ça soit à l'OMS, partout, tout est en
anglais, même à Bruxelles. Je veux dire, le siège des institutions européennes,
c'est tout à l'anglais, qui domine même si les Anglais ont quitté l'Europe.
Alors, il me semble qu'il y a là un beau chantier à entamer pour nos Québécois.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir mettre fin à l'échange sur ces paroles. Donc, je me tourne
maintenant vers la députée de Mercier pour vos 2 min 45 s.
Mme
Ghazal : Merci. Merci beaucoup,
mesdames, pour votre présentation, j'ai vraiment très, très bien écouté,
apprécié beaucoup.
Je veux vous parler de la question de la culture
québécoise, parce que ce que vous dites dans votre mémoire, et c'est tout à fait juste... il ne suffit pas
juste de parler le français, ou les immigrants, qu'ils apprennent les rudiments,
les règles de grammaire et tout ce qu'on a à apprendre pour bien parler le
français, il faut aussi aimer la culture québécoise, et, pour l'aimer, bien, il
faut bien la connaître. Donc, les deux sont liés.
Mme Beaudoin, vous avez été ministre de la
Culture. Si vous étiez ministre de la Culture aujourd'hui, vous connaissant, je
ne pense pas que vous auriez laissé le ministre responsable de la Langue
française aller tout seul avec son projet de loi et le déposer, vous vous
seriez impliquée. J'aimerais savoir qu'est-ce qui manque, qu'est-ce que vous
auriez mis en place, que ce soient des dispositions dans le projet de loi
n° 96 ou en dehors, pour que la question de la langue et... de la culture
soient liées, et de les mettre ensemble? Parce que c'est fondamental, sinon la
langue ne survivra pas sans la culture québécoise.
La Présidente (Mme Thériault) : Il
reste 1 min 45 s pour répondre à la question.
Mme Ghazal :
1 min 45 s.
Mme Beaudoin (Louise) : Tout à fait.
Je pense... Oui, je pense... Oui. Je vais laisser quand même quelques mots à
Louise, parce qu'elle a travaillé ça. Je pense que c'est via la SODEC, le CALQ
et bien sûr le ministère de la Culture qu'il faut arrimer, finalement, ce que
font les uns et les autres. Et tout à l'heure, Lise... Louise a parlé un peu
d'incohérence, là, bon, concernant un autre sujet, mais c'est ça, il faut une
cohérence, et là il faut vraiment que ça se joigne, qu'il y ait une jonction.
Et ce n'est pas pour rien qu'en général la ministre de la Culture est
responsable de l'application de la charte,
n'est-ce pas, en général, pas tout le temps, mais en général. Alors... Mais, en
tout cas, il faut... quoi qu'il en soit, il faut que la jonction se
fasse via la SODEC, le CALQ et tous les instruments que le ministère de la
Culture a à son... Il faut se préoccuper de cette question.
• (17 heures) •
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
Harel, 45 secondes.
Mme Harel (Louise) : Mme la députée,
je dois vous dire que c'est absolument fondamental. Et le Dr Laurin avait publié une politique québécoise
sur la langue française, mais plus tard, une politique,
deux ans plus tard, québécoise
du développement culturel. C'est étroitement lié. Vous avez vu que, dans notre
mémoire, on rappelle les COFI, les centres d'orientation et de formation
d'immigrants, qui permettaient d'avoir accès à l'histoire du Québec, aux choix
collectifs, aux valeurs que l'on partage... Et on déplore, hein, Louise et moi,
là, si c'était qui avions eu à prendre cette décision,
les COFI existeraient encore. Les COFI ont joué dans le passé un rôle
extraordinaire, je ne sais pas, peut-être
les plus récents députés ne les connaissent pas, un rôle d'intégration,
d'accueil, d'intégration culturelle.
La Présidente (Mme Thériault) : Je
dois mettre fin à l'échange. Désolée, je dois mettre fin à l'échange comme gardienne du temps. On va poursuivre
maintenant avec le député de Matane-Matapédia pour son temps, lui aussi,
2 min 45 s.
M.
Bérubé : Merci, chères Louise au pluriel, des parlementaires
remarquables de l'histoire de l'Assemblée nationale. Merci de votre
contribution qui se poursuit.
Vous
avez noté, à juste raison, qu'il faut faire preuve de courage. Vous avez parlé
de la loi 101 au cégep, vous avez parlé de l'immigration. J'espère que le
gouvernement du Québec prend des notes. Vous avez connu René Lévesque. Vous avez connu Camille Laurin. Vous savez de quoi
était fait le débat de la loi 101, comment Camille Laurin n'a pas eu l'unanimité, comment la première règle à
atteindre, ce n'est pas le consensus, c'est l'utilité face au déclin du
français.
Alors, je vous donne
tout le temps qu'il me reste pour que vous puissiez dire au ministre quel est
seul vrai courage dont il devra faire preuve s'il veut vraiment changer le
destin du Québec lorsqu'on pense au déclin de la langue française.
La Présidente (Mme
Thériault) : ...chacune, madame...
Mme Beaudoin
(Louise) : Oui. Alors... Oui. Moi, je pense qu'il est certain que le
Dr Laurin a subi toutes les avanies, toutes les avanies. On était là
toutes les deux, Louise était déjà députée, moi, j'étais dans un cabinet.
Toutes les avanies. Et les avanies qu'on en
a entendues d'ailleurs, là, récemment, du Québec Group, English... English
group, je ne sais pas quoi,
«national», bon... Là, j'ai entendu des horreurs. Et puis le Dr Laurin,
bien, effectivement, il est passé à travers ça de façon imperturbable.
M. Lévesque, c'est vrai, une fois de temps en temps, réfrénait ses
ardeurs, mais, au bout de la ligne, ça a donné cette loi 101, et c'est ce
que je souhaite. Ça ne peut pas être, je conclus là-dessus, un projet de loi
modéré et raisonnable étant donné la situation du français au Québec.
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme Harel, une minute.
Mme Harel
(Louise) : Alors, il faut de l'audace, il faut beaucoup, beaucoup,
beaucoup d'audace. Est-ce qu'il y a eu
d'autres sondages? Mais je sais qu'il y a, avant l'été, là... au début de
l'été, plutôt, il y avait un sondage qui, en fait, faisait valoir que
34 % des francophones croyaient que le projet de loi n° 96
n'allait pas substantiellement modifier le
cours des choses. Et c'est contre ça aussi, c'est contre cette résignation,
c'est contre ça qu'il faut aussi remonter le courant. Moi, ce que je souhaite, parce que je pense qu'il en est
capable, je voudrais que son gouvernement aussi en soit capable, c'est
qu'il soit capable de remonter le courant avec un projet de société.
M.
Bérubé : Et justement, chère dame, j'espère que ce ne sera
pas les sondages qui guideront l'action gouvernementale, mais des
convictions profondes que nous partageons et que nous souhaitons partager avec
le plus grand nombre possible d'intervenants dans le dossier de la langue. Je
vous remercie.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci, mesdames, pour votre passage en
commission parlementaire. C'est toujours un plaisir de vous revoir.
Donc, nous allons
suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 04)
(Reprise à 17 h 08)
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, rebienvenue à notre séance aujourd'hui. Donc, nous
en sommes rendus avec la présentation de la Confédération des
syndicats nationaux. Donc, je vais
vous demander de vous présenter, présenter la personne qui vous
accompagne et, par la suite, de procéder à votre exposé. Vous avez environ une
dizaine de minutes pour pouvoir nous présenter votre point de vue. Bienvenue à
la commission.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
Mme Senneville
(Caroline) : Merci. Alors, je m'appelle Caroline Senneville. Je suis
présidente de la CSN. Je suis accompagnée
d'Anne Thibault-Bellerose, qui est conseillère syndicale, évidemment,
bien sûr, à la CSN, aussi.
Alors, vous ne le
savez peut-être pas, sinon, je vous l'apprends, la CSN, on est riches de 320 000 adhérents,
adhérentes, donc travailleurs et travailleuses, et on est aussi l'organisation
syndicale qui est la plus représentative de l'enseignement supérieur. On a des
travailleurs, des travailleuses, y compris des enseignants et au niveau
collégial et au niveau universitaire. Et
c'est donc ces deux volets-là, le volet du travail et le volet de
l'enseignement supérieur qui seront plus développés dans notre présentation.
Notre mémoire est beaucoup plus complet, mais, comme le temps de
présentation nous est compté, on va cibler. Bien sûr, après ça, s'il y a des
questions sur d'autres aspects de notre mémoire, il nous fera plaisir, à Anne
et à moi, de vous répondre.
• (17 h 10) •
D'abord, j'aimerais
commencer par un énoncé fort important. Si le français n'est pas utile pour le
travail, si on n'a pas besoin du français pour travailler au Québec, tous les
efforts de préserver notre langue risquent d'être des coups d'épée dans l'eau. Pour que le français soit réellement la langue
officielle, la langue d'usage des Québécois et des Québécoises, il faut que
ça s'incarne par le travail. Et pour ça, le travail, bien sûr, c'est important
dans notre vie. On veut tous gagner notre
vie et apporter notre apport à la société, mais c'est un formidable outil
aussi, outil d'intégration.
Donc, malheureusement, on
a vu que l'habitude d'utiliser le vocabulaire technique anglais, que certaines discussions de corridor aussi se font de plus en
plus dans la langue de Shakespeare, cette situation-là a des répercussions
partout, mais aussi sur la langue de service, sur la langue parlée à la maison,
sur la langue d'étude des étudiants au niveau postsecondaire et sur la langue
d'intégration des nouveaux arrivants.
Le Québec, bien, on est une terre d'accueil, on
est fier de ça, on est fier d'ouvrir nos portes aux citoyens et aux citoyennes du monde entier, mais on est
inquiet à la CSN du fait qu'on ouvre nos portes à une immigration temporaire
plutôt que permanente parce que, quand on est ici pour ne pas y rester, les
incitatifs pour apprendre le français, même pour travailler, ils sont beaucoup
moins importants. Je pense que vous en conviendrez avec nous.
On salue le
fait que dans les réformes du gouvernement on ait bonifié les allocations de
participation aux services gouvernementaux de francisation, qui ont
permis d'élargir l'accès à toutes les personnes immigrantes au Québec. La
hausse de fréquentation est là pour en témoigner. Cependant, l'accessibilité
réelle, elle, elle va demeurer limitée pour les
travailleurs étrangers temporaires, surtout lorsqu'ils sont hors des grands
centres, soit pour des raisons de transport, d'accès à des outils
informatiques ou encore à cause des horaires. Mais il faut aller plus loin et
vraiment permettre à tous les nouveaux arrivants de suivre des cours de
français sans devoir les abandonner lorsqu'ils ont un emploi. Vous savez, quand on arrive au Québec, on a beaucoup de
choses auxquelles on doit s'adapter. Ce qu'on prend pour acquis, tu sais, juste aller à l'épicerie, c'est
différent. On commence souvent au bas de l'échelle. Et, si en plus on doit
travailler à l'extérieur pour étudier, se rendre à l'extérieur pour
étudier, ce n'est pas évident, surtout si on est précaire, qu'on ne connaît pas
nos horaires. On ne peut pas s'inscrire à un cours tous les mardis soir, par
exemple, si on ne sait pas d'avance si on
travaille ou pas le mardi soir. Donc, pour nous... Puis c'est le même discours
que la CSN porte, je vous dirais,
pour la formation ordinaire, pour l'alphabétisation. Si on veut
vraiment que ça porte ses fruits, il faut que ça ait lieu sur les heures
et les lieux de travail.
On salue,
pour nous aussi, beaucoup le guichet unique. Pour nous, c'est un
incontournable de la francisation des
immigrants. Vous savez, moi, je suis francophone et je m'y perds entre la
demi-douzaine d'endroits différents entre les
commissions scolaires, les cégeps, le ministère, les centres communautaires.
Une chatte n'y retrouverait pas ses petits. Alors, imaginez quand le
français n'est pas sa langue... notre langue maternelle. Donc, pour nous, c'est
vraiment... ce guichet unique là, c'est vraiment un incontournable.
On va aussi... on veut aussi vous parler des
comités de francisation parce que c'est quelque chose qu'on a salué dès les
débuts de la loi 101, et, pour nous, ça a un rôle crucial dans
l'entreprise et dans le fait de franciser les travailleurs
et les travailleuses. Malheureusement, leur raison d'être s'est un peu étiolée
au fil des années. Par exemple, les
centrales syndicales, on n'a plus l'accès à la liste de nos membres qui siègent
sur un comité de francisation. Plusieurs informations, comme les analyses linguistiques des entreprises, sont
souvent réservées aux représentants des employeurs seulement. Donc, il
est difficile pour nous, comme représentants des travailleurs, de nous
acquitter de nos tâches et de soutenir
efficacement nos membres dans le processus de francisation des entreprises. On
voit donc d'un bon oeil que les
articles du projet de loi améliorent le processus démocratique de nomination
des membres des comités de francisation.
On est ravis — c'est rare que la CSN est
ravie en commission parlementaire, je vous invite à en prendre note — on est ravis des différentes modifications
qui sont apportées aux rôles, aux responsabilités et à la constitution des
comités de francisation. Plusieurs de nos membres se sont plaints, au fil des
années, de la mainmise des employeurs sur la
constitution et le déroulement des actions qui servaient... des actions du
comité qui servent, comme vous le savez, à l'obtention de certificats de francisation. On a même vu de nos
membres voir leur signature apposée frauduleusement à certains certificats de francisation. Donc, les
modifications que vous apportez devraient, à notre avis, régler ces problèmes.
Et on est d'avis aussi que... on est d'accord avec le fait que les documents
rédigés par le comité de francisation soient signés par tous les membres. Et on
est contents également du rôle plus important de l'OQLF auprès des comités de
francisation.
Par ailleurs,
même si on est contents et ravis à plusieurs égards, il y a une petite
amélioration qu'on souhaiterait, que le processus de francisation des
entreprises puisse être élargi aux entreprises de 25 employés et plus,
parce que le Québec est quand même une
économie de PME. On ne va pas mettre la barre trop basse, mais à
25 employés... À 50, ça fait... on en laisse peut-être échapper un
peu trop si on veut être efficaces.
On l'a dit,
on favorise d'abord la francisation du monde du travail. C'est un
outil formidable aussi d'intégration, comme je le disais. Mais on croit qu'il
faille aussi bien sûr encadrer la fréquentation des cégeps anglophones,
mais c'est complémentaire à ce qu'on doit faire au monde du travail. Vous
savez, si on va dans un cégep anglophone, bien, c'est parce qu'on pense que ça
sera utile sur le marché du travail. Donc, il faut qu'on travaille — c'est
un mauvais jeu de mots — sur
ce qui se passe dans le domaine du travail si on veut avoir un effet aussi sur
l'enseignement, la langue d'enseignement au secteur postsecondaire. On est dans
une drôle de situation où, au moment où on se parle, un étudiant anglophone, un
élève anglophone qui aurait... qui est un ayant droit, qu'on appelle, là, qui
étudie en français au primaire ou au secondaire, dans l'état actuel des choses,
il n'est même pas assuré d'avoir une place dans un cégep anglophone, parce que
les cégeps anglophones vont privilégier les étudiants avec les plus hautes
notes lors du premier tour, et c'est ce qui
fait que la proportion d'allophones et de francophones a augmenté et que, quand
on les additionne, tu sais, ces
populations-là, on se rend compte que la population anglophone est minoritaire
dans les cégeps qui sont normalement financés pour leur service. Alors,
je vous dirais, nous, notre première recommandation, ça serait de faire en
sorte que les premiers à être admis dans les institutions postsecondaires
anglophones soient ceux qui ont étudié au
primaire et au secondaire anglophone et qu'ils aient une place. Donc, ça, pour
nous, c'est important.
On pense
aussi que... On appuie la position du gouvernement d'identifier les profils
linguistiques pour chaque établissement
collégial et de faire en sorte de restreindre la portion de l'effectif étudiant
pour les collèges anglophones pour qu'il y ait un plafond à leur
accroissement. On pense que c'est une voie d'avenir aussi. Il faudra faire
attention quelle sera l'année de référence, par exemple,
pour ce faire. Donc, nous, on pense que l'année 2019‑2020 devrait être l'année de référence, c'est la dernière année où
on n'a pas eu le choc de la pandémie. Il faudra faire attention aussi, quand
on va plafonner, de ne pas juste tenir
compte de la population étudiante à temps plein, mais aussi de la formation
continue et de ceux et celles qui fréquentent ces institutions à temps
partiel.
Donc, on pense que c'est une voie qui permettra
de faire en sorte que les services en anglais seront là pour ceux à qui c'est
vraiment dédié et qu'il n'y ait pas un glissement de plus en plus de
francophones vers les réseaux... envers le
réseau anglophone, sans formellement l'interdire non plus, parce qu'on est
quand même dans l'enseignement postsecondaire.
Je vous dirais aussi qu'on est d'accord à ce que
les étudiants et les étudiantes qui fréquentent les institutions postsecondaires en anglais puissent démontrer une
maîtrise suffisante de la langue commune qui est le français. Donc, on
pense que ça, c'est intéressant aussi. On n'est pas sûrs que la voie qui est
présentée là est la meilleure, mais si c'est la voie qui est choisie, là, donc, que ces étudiants-là soient soumis à
l'épreuve uniforme de français des francophones, que c'est clair qu'il
devra y avoir des mesures d'aide pour assurer la réussite de ces élèves-là.
On pense aussi que, quand on parle
d'enseignement secondaire, il n'y a pas juste les cégeps, il y a les
universités. Il faut que les universités francophones maintiennent une preuve
d'exemplarité linguistique et qu'elles ne
puissent pas, elles non plus, se développer sans limite dans des programmes et
des cours en anglais. Donc, on se réjouit de cet aspect-là de la... qui est mis de l'avant, donc, mais, pour ce
faire, les universités sont habituées de fonctionner en collégialité, en consultation avec la population
universitaire, que ce soit les travailleurs, les travailleuses ou les
étudiants, et on pense qu'ils devraient aussi être mis au jeu pour cette
exemplarité linguistique là.
Alors, je pense qu'on est en bas de
10 minutes, je ne sais pas si j'ai droit à une étoile dans mon cahier, mais
ça vous fera plus de temps pour vos
questions. Et c'est bien tant mieux parce que Mme Thibault-Bellerose et
moi-même sommes prêtes à y répondre.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez pris 25 secondes de plus que le ministre vous offre gracieusement.
Ça sera retranché à son temps. Donc, il n'y a pas de problème.
Mme Senneville (Caroline) : Pas
d'étoile.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Mais ce n'est pas grave, c'est une belle présentation. M. le ministre, la
parole est à vous.
• (17 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Mme Senneville, Mme Thibault-Bellerose, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission.
J'ai retenu, entre autres, un élément, que vous dites que vous êtes ravies, en
partie, du projet de loi. Alors, on va prendre les bons mots quand ça
passe, effectivement.
C'est une réforme majeure qu'on a déposée, je
pense que vous le constatez dans votre mémoire, puis vous en faites une bonne
analyse. J'aimerais vous entendre sur la question des cégeps. Vous l'avez
abordé un petit peu tout à l'heure, mais sur
la question, vous avez dit : Il faudrait viser également la formation
continue. Quelle est votre opinion également — on a
eu un groupe tout à l'heure, là... — au niveau des cégeps
entièrement privés? Est-ce qu'on devrait imposer les mêmes obligations, privés,
privés, là, ceux qui sont sans subvention de l'État, là?
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument. Il ne faut pas que ça soit une échappatoire, puis je vous dirais qu'on a vu, et je pèse mon mot, des pratiques
commerciales peu compatibles avec une mission éducative, dans ce domaine-là.
M. Jolin-Barrette : Et de couvrir
également les attestations d'études collégiales, parce que, exemple dans ces établissements collégiaux là, c'est beaucoup...
en fait, ce n'est pas des D.E.C., c'est surtout des A.E.C., des attestations
d'études collégiales, donc autant la formation continue dans le public, autant
les A.E.C. dans le public également, d'être couverts, et dans le privé?
Mme
Senneville (Caroline) : Bien,
je vous dirais que la fréquentation
des cégeps anglophones par les non-anglophones c'est surtout pour le
préuniversitaire, il n'y a pas d'A.E.C. pour les préuniversitaires, que du côté
du public, c'est financé par Emploi-Québec.
En fait, on refuse presque autant de gens dans les A.E.C. du public qu'on
en accepte, peu importe la langue
d'enseignement. Ça fait que c'est peut-être moins problématique dans
l'enseignement public, là, pour les
A.E.C., mais très clairement, dans les institutions privées, surtout celles qui
sont non subventionnées, vous avez raison, très peu offrent des D.E.C.
Elles offrent presque toutes des attestations, donc il faudra y voir.
Puis, ce qu'on dit aussi c'est que, quand on
veut déterminer le niveau de population, si on veut le plafonner, bien, il faut tenir compte de l'ensemble de la
population étudiante d'un établissement et ne pas juste comptabiliser les
personnes, les jeunes qui y étudient à temps plein.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce que
vous dites, c'est de viser également les temps partiels.
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
avez... (panne de son) ...francisation...
Mme Senneville
(Caroline) : Là, monsieur... je suis désolée, on a raté la première
partie de votre question.
M. Jolin-Barrette : Ah, je vais
répéter. Au début de votre présentation, vous avez abordé le rôle des comités de francisation au sein des entreprises, et donc
je comprends que c'est vraiment nécessaire, ces comités de francisation là,
surtout quand, supposons, l'État, dans certains moments de son histoire,
n'était pas là, vraiment, pour défendre la langue française. Alors, la
pertinence des comités de francisation, quelle est-elle?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Oui,
bien, les comités de francisation ont été créés lors de la rédaction de la
charte en 77, et ce qu'on constate, nous, avec nos militants qui sont au sein
des comités de francisation, c'est que non seulement ça permet de faire
connaître la charte auprès des travailleurs, donc, de permettre de s'approprier
la charte, mais ça permet aussi aux entreprises de l'appliquer adéquatement,
parce que les travailleurs connaissent leur milieu, ils connaissent les
particularités, ils connaissent dans quels secteurs il y aurait besoin
d'améliorer ou de franciser certaines choses, puis l'expérience, là, des
militants leur permet aussi de trouver les solutions les plus innovantes,
parfois, pour pouvoir franciser, de manière adéquate, les milieux de travail.
Donc, le fait de pouvoir faire participer les travailleurs au processus de
francisation, là, ça a vraiment plusieurs avantages, là.
M. Jolin-Barrette : Et qu'est-ce que
vous pensez de Francisation Québec? Le fait que, désormais, puis c'était une
recommandation de la Vérificatrice générale, là, il y a quelques années, là, en
2017, je crois, de faire en sorte qu'il n'y ait qu'une seule porte d'entrée,
désormais, pour les services de francisation, à la fois pour, bon, les
personnes migrantes ou les citoyens québécois qui souhaitent améliorer leurs
compétences langagières en français, auparavant vous aviez le ministère du
Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de l'Éducation,
le ministère de l'Immigration, comment vous entrevoyez ça?
Mme Senneville (Caroline) : Bien, on
dit dans notre mémoire, c'est un incontournable. Vous savez, je vous l'ai dit, quand
on veut s'améliorer, là, puis qu'on fait ça en dehors du temps de travail, ça
demande des efforts. Si en plus c'est le parcours du combattant, le parcours de
la combattante pour trouver où aller chercher des services, bien, on ne s'y
retrouvera pas. Donc... Et ce n'est pas la première fois qu'on en parle, mais,
oui, l'offre, elle est multiple, puis elle peut rester multiple, mais il faut qu'il
y ait une seule porte d'entrée parce que, sinon, va vient vraiment toucher l'accessibilité.
M. Jolin-Barrette : Chez vos
membres... Vouliez-vous rajouter quelque chose?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Bien, si je peux me permettre, on avait mentionné dans le mémoire, c'est ça,
l'intérêt de la porte d'accès, là, de Francisation Québec, mais on avait aussi
certains questionnements sur le rôle de leadership que Francisation Québec va
pouvoir jouer dans la francisation parce qu'on sait qu'il y a beaucoup, beaucoup
d'acteurs, mais on espère, on souhaite que Francisation Québec puisse
travailler avec ces différents acteurs là, les différents ministères, différents organismes, pour avoir une
vision commune, là, de la francisation. Donc, on espère que Francisation Québec
va pouvoir jouer ce rôle-là.
M. Jolin-Barrette : Effectivement, c'est un des objectifs recherchés d'être l'agent
centralisateur pour vraiment
coordonner l'action gouvernementale sur ce point.
Chez vos membres, là... On a vu les récentes statistiques,
là, des études de l'OQLF, les exigences au niveau de l'embauche, au niveau, notamment,
des corps publics, là, des municipalités qui exigeaient l'anglais à l'embauche,
des entreprises, également, qui exigent la connaissance ou l'utilisation de la
langue. Qu'est-ce que vous pensez des modifications qu'on apporte à l'article 46
de la Charte de la langue française? Et est-ce que, chez les membres que vous
représentez, il y a des enjeux justement avec l'exigence d'une autre langue que
le français alors que ce n'est pas nécessaire?
Mme Senneville
(Caroline) : Bien, pour
nous, c'est primordial de faire en
sorte que, quand l'anglais est exigé,
ça soit une exigence réelle, nécessaire, puis que ça soit les bons postes qui
soient ciblés.
Vous savez, on a une expérience aussi là-dedans.
On a travaillé longtemps dans le domaine de la santé contre la sexualisation à
outrance des postes, là. Donc, c'est la même chose, on va lutter contre la
bilinguisation à outrance des postes.
Puis, à un moment donné, c'est facile d'écrire,
tu sais, «anglais exigé». Les comités de francisation ont un rôle à jouer là-dedans. Les syndicats
ont un rôle à jouer aussi lorsqu'ils négocient la convention collective puis de
s'assurer de faire en sorte que, s'il y a quelqu'un... que ça ne soit pas un automatisme puis qu'on
s'en va tranquillement vers une bilinguisation sans se poser de
questions.
Mme Thibault-Bellerose
(Anne) : Et le constat de
l'exigence de l'anglais sur plusieurs postes, là, la dernière étude de l'OQLF a
mis ça en lumière, mais on peut dire qu'on le constate au privé et au public.
Donc, ce que le projet de loi propose, là,
d'éclaircir l'article 46, était absolument nécessaire et primordial, là, de mieux encadrer cet article-là.
Parce que la réalité, c'était que les tribunaux, comment
ils interprétaient de plus en plus
cet article-là, c'était : Bien, est-ce que c'est utile pour moi que mon
travailleur puisse parler l'anglais? Bien, oui, c'est utile, et c'était utilisé
comme synonyme de nécessité.
Et là on avait besoin
d'encadrer le terme de «nécessité», parce que ça décourageait, en fait, nos
travailleurs à déposer des griefs, à porter
plainte, parce que c'était vraiment trop difficile de démontrer que ce n'était
pas utile à un poste. Et ça, c'est
dans le privé et dans le public. On le constate entre autres en santé, où de
plus en plus de cadres vont pouvoir aussi demander de connaître
l'anglais, alors que ça pourrait être utile, mais nécessaire? On va pouvoir le
savoir maintenant avec l'article 46.1.
M.
Jolin-Barrette : D'accord.
Je vais céder la parole. Je crois que j'ai mes collègues de Saint-Jean et de
Chapleau qui souhaitent intervenir. Peut-être juste une précision, dans
votre mémoire, j'ai cru voir que vous indiquiez, pour les enfants des personnes en situation temporaire au
Québec, qu'ils peuvent aller... qu'ils peuvent fréquenter l'école anglaise.
Enfin, on vient resserrer cette possibilité-là pour limiter à un maximum de
trois ans. Actuellement, il n'y avait pas de limite,
on pouvait constamment aller à l'école anglaise, une situation temporaire qui
se perpétuait au-delà de trois ans. Donc, on vient mettre une balise
temporelle à ce niveau-là. Mais je vais céder la parole, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, je vais reconnaître le député de Saint-Jean.
Vous avez devant vous 7 min 45 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. La conversation tournait, en tout cas, un petit
peu autour des critères d'embauche et l'anglais, tout ça. Évidemment, pour
l'exemplarité de l'État, dans le grand chapitre de l'exemplarité de l'État, on
s'entend que ça doit occuper une place importante, mais parlez-moi du reste de
l'importance de l'exemplarité de l'État vu de votre position à vous et des gens
que vous représentez.
• (17 h 30) •
Mme Senneville (Caroline) : Bien, je
vous dirais que, pour nous, là, le seul fait que l'État ait communiqué avec
nous une seule fois en anglais, que ça soit suffisant pour que dans le... pour
le restant de nos jours, l'État communique avec nous en anglais, ce n'est pas
tout à fait ce qu'on pourrait trouver d'exemplaire, parce que, disons, on s'est
placé la barre un peu bas.
On comprend que les citoyens de la communauté
anglophone ont droit à des services en anglais, mais, encore une fois, si le
français n'est pas utile dans ma vie de tous les jours, quels sont les
incitatifs que j'aurai pour l'apprendre si je suis un immigrant. Donc,
peut-être trouver... avoir une limite de temps, peut-être faire en sorte que la
version française soit toujours disponible avec une petite phrase qui
dit : Bien, à partir... Est-ce que vous désirez recevoir la communication
en français, par exemple, parce que... pour faire en sorte que le français soit
visible, que ça soit connu et que ça soit exceptionnel, que les communications
soient en anglais. Je pense que ça, c'est... comme je vous dirais, là, la barre
est un peu basse avec une seule communication en anglais, puis ça nous achète
un bon pour le restant de notre existence. L'exemplarité pourrait être une
coche plus élevée.
M. Lemieux : Je ne sais pas si vous
avez discuté avant ou vous avez vu, aujourd'hui, les autres personnes qui sont
venues nous parler, mais, quand il est question de francisation, on se fait
presque toujours dire, en tout cas, par les syndicats, que c'est en entreprise
qu'il faut que ça se passe. C'est important pour toutes sortes de raisons et
c'est important pour les employés, considérant que c'est là où ça se passe pour
eux. Donc, il y a comme un effet direct sur leur travail. Mais, au-delà de ça,
la francisation, c'est, pour beaucoup de monde, plus large, et, là encore, je
réfère à des choses qu'on a entendues plus tôt aujourd'hui, la langue, oui, la
culture aussi. Est-ce que vous avez quelque chose à contribuer à cet égard-là?
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
j'aimerais ajouter un petit grain de sel sur la formation en entreprise. C'est
aussi important en matière de santé et de sécurité au travail. Les instructions
sont supposées être en français, le contremaître parle français, puis, si on
n'est pas capable de comprendre le minimum, le travailleur, la travailleuse
peut mettre sa propre vie en danger puis celle de ses camarades aussi. Donc,
c'est vraiment important que, très rapidement, il y ait une conscientisation,
puis que les entreprises soient aussi de bons citoyens corporatifs et qu'ils
participent à l'effort de francisation.
Et vous avez tout à fait raison pour l'accès à
la culture, mais là, bien, il faut que l'offre culturelle soit disponible et
accessible, puis, bon, que tout concoure, hein, que ce soient les journées
nationales de la culture, que ça soit, bien, tu sais, dans les... souvent,
c'est par le biais des enfants aussi à l'école, mais, effectivement... Et
d'ailleurs on a vu... Puis je dis «culture» au sens large, hein? On a vu des
gens se passionner, des immigrants, par exemple, se passionner pour des matchs
de hockey parce que ça fait quelque chose à jaser avec... Alors, c'est
participer à la vie de la société, et qu'il semble que le français soit utile.
Mais, moi, je dirais que tous les efforts qu'un gouvernement peut mettre dans
la culture, c'est bon pour tout le monde et c'est ça qui donne un sens aussi,
bien sûr, à la langue. Tu sais, là, je vais
citer Winston Churchill, là, qui disait, pendant la guerre, qu'il
répondait à des gens qui voulaient réduire le budget de la culture en temps de
guerre, puis qu'il avait répondu : Bien, si on fait ça, on se bat
pourquoi? Donc, la culture, c'est aussi ce qui coule dans nos veines,
là.
M. Lemieux : C'est une très belle
citation que vous venez de me servir. Et j'ajoute pour compléter sur ce volet-là qu'effectivement
d'expliquer à quelqu'un c'est quoi, la Sainte-Flanelle, ça dépasse le français,
mais ça explique aussi beaucoup de choses. Il y a quelque chose de
particulier là-dedans. Est-ce qu'il me reste...
La Présidente (Mme Thériault) : Il
vous reste 3 min 30 s.
M. Lemieux :
Ah! excusez, je m'attendais...
Mme Senneville (Caroline) : Mais ça
marche en sens inverse aussi, monsieur, hein, parce que, par exemple, on peut... une chanson qui est accrocheuse, à la
radio, bien, si on prend le temps d'expliquer les paroles puis que, bon,
donc c'est une... ça marche dans les deux sens.
M. Lemieux : O.K. Je vais aller...
je vais laisser le député de Chapleau... mais je voulais terminer sur cette
idée de la culture parce que c'est plus que philosophique, là, c'est vraiment
très concret et c'est un peu l'oeuf ou la poule, dans le fond, et chaque représentation
qu'on a eue sur le sujet insiste beaucoup sur pas juste son importance, mais que ça rapporte, c'est-à-dire que ça nous amène
là où on veut aller, même si ce n'est pas ça, l'objectif, au départ.
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument. Absolument. Puis c'est parce qu'en regardant la même émission de
télévision, à un moment donné, tout le monde parle de District 31,
bien, je vais la prendre la demi-heure. Je vais l'écouter, la chanson à la radio, donc, ça fait partie... Une culture
vivante, ça donne le goût d'apprendre une langue aussi.
M. Lemieux : Merci beaucoup. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député de Chapleau.
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Peut-être, rapidement, sur... Merci
beaucoup. Bonjour, et bien heureux de vous retrouver. Merci de votre présentation,
là.
On a parlé
des comités de francisation, puis avec notamment les critères d'embauche dont on a fait mention,
là, avec notamment
la mention sur la langue, donc, anglaise qui pourrait être non pas nécessaire,
mais utile, puis ça devenait presque
exécutoire. Vous dites que ces comités-là pourraient avoir un rôle plus grand, notamment
en termes... un rôle aviseur. On a
entendu ça de d'autres intervenants aujourd'hui. Est-ce
que vous voyez un rôle plus grand ou
autre pour ces comités-là?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Bien, en fait, à la CSN, on fait différentes activités, en collaboration avec l'OQLF, pour la défense et la valorisation de la langue française dans les milieux de travail. Et je crois que la valorisation de la langue française dans
les milieux de travail, ça appartient aussi au comité de francisation parce
qu'on parle de la charte et des droits de
travailler en français, mais il faut aussi être fier de parler français
dans les milieux de travail. Donc, les comités de francisation, je
crois, ont aussi ce rôle-là, d'adopter la langue française en milieu de
travail.
M. Lévesque (Chapleau) : Puis dans
la législation qui est proposée — il ne me reste pas beaucoup de temps, là — mais est-ce
que vous ajouteriez des éléments ou ça semble satisfaire ce dont vous auriez
besoin pour répondre au rôle dont vous parlez?
Mme
Senneville (Caroline) : Moi,
je vous dis, écoutez, il faut le faire. Une fois que c'est dans la loi, c'est
s'assurer que ce soit fait puis qu'il y ait un suivi, ça fait que la loi
ne soit pas que des voeux pieux, là.
M. Lévesque (Chapleau) : Parfait. Merci
beaucoup. Est-ce qu'il me reste du temps encore?
La Présidente (Mme Thériault) :
30 secondes.
M.
Lévesque (Chapleau) : Bon,
il reste 30 secondes. Mais effectivement, donc allons-y. Francisation Québec,
selon votre évaluation, à quel point ça va pouvoir franciser les milieux? On en
a parlé un peu, mais est-ce que vous voyez cela comme un grand outil potentiel?
Mme Senneville (Caroline) : Bien, déjà,
ça nomme la chose, c'est plus clair que des trucs, des programmes, je dirais, pas toujours connus de divers
ministères puis ça place la chose que, la francisation, pour nous, c'est
important, déjà. C'est facilitant en termes d'accès, mais c'est fort en
termes de symbole, aussi.
M. Lévesque (Chapleau) : Ça le
nomme, d'accord.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Ça met fin à l'échange. Donc, nous allons aller du côté de
l'opposition officielle avec M. le député de D'Arcy-McGee. Vous avez
11 minutes à votre disposition.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation, fort intéressant.
Vous avez
parlé d'un incontournable et beaucoup de la francisation des travailleuses et
travailleurs, la formation, la francisation en milieu de travail. Et je
vous cite à deux endroits, parce qu'il me semble que, si je ne m'abuse,
vous restez un petit peu sur votre appétit en ce qui a
trait aux propositions du gouvernement : «Le gouvernement doit
impérativement encourager et développer la formation en francisation dans les
milieux de travail sans perdre de rémunération», une recommandation assez
précise, et, à la page 15 : «Nous croyons qu'il serait intéressant
que Francisation Québec développe, en collaboration avec les différents
acteurs de la francisation, une expertise concrète de mobilisation et de
développement de projets de francisation».
J'ose croire que parmi vous
320 000 membres, il y en a plusieurs issus de la communauté
québécoise de langue anglaise ainsi que des allophones, si je peux... Et
j'imagine que ces genres de recommandations risquent d'être pertinents pour eux
aussi. Et comme je dis, j'ai l'impression que vous n'êtes pas tout à fait
satisfaite par le plan en ce qui a trait à ces mesures dans le projet de loi
actuel. Est-ce que j'ai bien lu votre position là-dessus?
Mme Senneville (Caroline) : Non...
Bien, oui, vous avez tout à fait bien lu. Le Québec n'a pas une belle histoire,
je vous dirais, n'a pas de beaux succès en termes de formation en entreprise,
en termes de responsabilisation des entreprises dans la formation, de façon
générale, je vous dirais. On n'a toujours pas de politique d'éducation des
adultes. Ça fait... la dernière date d'il y a une quinzaine d'années. Donc ça,
c'est pour la littéracie, la numératie, pour l'amélioration de la
main-d'oeuvre, la formation continue de la main-d'oeuvre. On fait vraiment
figure de mauvais élève, je pense qu'on est 10e sur 10 au Canada. Donc, ça se
retrouve en francisation. Alors, moi, je pense que si on est capable
d'insuffler... si Francisation Québec est capable d'insuffler un souffle
nouveau, en termes de francisation, puis on le dit, aussi, d'alphabétisation le
niveau d'alphabétisation, au Québec, n'est pas des plus élevés non plus, ça
peut donner un souffle nouveau pour la formation en entreprise.
Dans un temps où il y a une pénurie de main-d'oeuvre,
bien, il faut prendre la main-d'oeuvre là où elle est puis lui donner les
moyens. Ça, ça augmente la productivité des entreprises. Mais il faut que tous
les secteurs soient au jeu. Il faut que les travailleurs et les travailleuses
en voient l'importance, soutenus par leurs syndicats quand ils sont syndiqués.
Il faut que les entreprises y voient l'importance aussi puis qu'elles voient ça
pas juste comme une dépense puis une perte de temps, mais comme un
investissement dans la main-d'oeuvre puis comme un rôle de citoyen corporatif
aussi. Si c'est la langue commune de tout le monde, bien, c'est aussi la langue
commune des entrepreneurs, des entrepreneuses, pas juste des travailleurs et
des travailleuses. Et moi, je pense que ça aura des bénéfices aussi sur
d'autres types de formations où, clairement, le Québec n'est pas une société
qui est en avance.
• (17 h 40) •
M. Birnbaum : Intéressant. Et là on
parle de la langue commune et son rayonnement sur le terrain, ce qui m'invite à
vous commenter sur un enjeu qui a été mentionné par les deux illustres
ex-ministres devant vous et qui risque d'être abordé souvent, le ministre l'a
abordé lui-même, c'est-à-dire le critère de la langue parlée à la maison. Une
autre fois, je touche à votre membership assez diversifié. Voyez-vous la
pertinence de regarder les données sur la langue parlée à la maison quand,
là-dedans, on verrait, je me permets de le dire, au moins deux, probablement
beaucoup plus que ça, de députés ici, à l'Assemblée nationale qui participent pleinement
dans la francisation, dans la vie française
du Québec et qui transmettent ce voeu à leurs enfants aussi? Je suis curieux.
Voyez-vous, en quelque part, une pertinence,
un indice de la santé et la pérennité du français d'examiner les statistiques sur
la langue parlée à la maison?
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
moi, je vous dirais qu'on n'a jamais assez d'information quand on veut prendre
des décisions éclairées. Après ça, à quel point cette information-là est
importante, comment on peut la confronter à d'autres types d'informations? Puis
cette information-là, comme d'autres types d'informations, on ne peut pas se
baser sur une seule donnée pour une politique publique, mais je pense que c'est
quelque chose qui est pertinent à savoir, puis peut-être être plus souple dans
le type de réponse ou dans les cas où, par exemple, dans un foyer, on parle un
peu les deux, parce qu'il peut y avoir des foyers, par exemple, binationaux.
Bien, je pense que ça serait intéressant de le savoir, peut-être raffiner nos
questions.
Mais moi, en tout cas, je suis une fille de
connaissance, on vit dans une société où on trouve aussi que, pour d'autres
sujets, la science, c'est important, j'aurais de la difficulté, de prime abord,
de dire, bien : Non, c'est une donnée qui n'est pas du tout pertinente. Je
n'irais pas là. Après ça, bien, on peut décider jusqu'à quel point on en a
besoin puis jusqu'à quel point on s'appuie dessus pour les politiques
publiques. Mais de là à l'escamoter complètement, non, je ne pense pas.
M. Birnbaum : Vous avez parlé aussi
de l'accès au cégep et l'idée de limiter ça aux ayants droit. Je suis curieux, parce que plusieurs de vos membres, évidemment,
oeuvrent au sein des cégeps ainsi que les écoles primaires et publiques
anglophones, francophones, tout confondu. Est-ce que vous écartez — moi,
je soumets la réalité — mais
la possibilité que ces établissements, soit au primaire secondaire et les
cégeps de langue anglaise, sont des vecteurs, des agents de la francisation et
pas nécessairement un frein à la francisation?
Je vous offre, comme titre d'exemple, notre proposition
que trois cours de français soient ajoutés au curriculum des cégeps, je vous
soumets les programmes d'immersion française très, très répandus dans les
écoles anglaises publiques. Est-ce que vous
prenez pour acquis qu'un individu, disons, francophone ou immigrant, qui
choisit un cégep anglophone est
perdu, en quelque part, nos efforts collectifs et louables de
francisation des nouveaux arrivants?
Mme Senneville (Caroline) : Bien, d'abord,
on ne souhaite pas que ce soit limité aux anglophones, ce qu'on dit, c'est,
dans la situation actuelle, on peut être un anglophone et ne pas avoir accès à
des études postsecondaires, parce que les places sont prises par des francophones
qui ont des meilleures notes à l'école. On pense que ça, ça ne rend pas service
à la communauté anglophone.
Je
ne pense pas que les cégeps anglophones soient des ghettos effectivement puis qu'il
y a une mixité, mais je peux vous dire qu'on a des membres qui travaillent dans
des cégeps anglophones et qui ont de la difficulté à ce que leur direction leur
parle en français. Ça, on le vit sur le terrain. Il y a des gens, par exemple,
qui sont des francophones qui enseignent le français, et ils ont de la difficulté
à ce que les communications avec leur employeur puissent se faire en français.
Donc, la loi 101 n'est pas toujours respectée. Puis c'est aussi prouvé
que, quand on commence le cégep en anglais, bien, on a plus de chances de
continuer l'université en anglais, de posséder tout le langage de notre métier
en anglais, puis aussi toute une culture autour de notre métier, de notre
profession en anglais.
Alors, bien sûr,
c'est le choix des gens. Mais, à un moment donné, c'est quoi, le point de
bascule? C'est... Alors, c'est quoi le point où on se dit : Oupelaïe! Si
on continue comme ça, bien, nous, on pense que le point de bascule, c'est... on
pourrait dire c'est... Déjà en 2019‑2020, ces cégeps-là accueillaient plus que
la population qu'ils devaient accueillir, puis ça, c'est une règle qui
s'applique à tous les cégeps, y compris les cégeps francophones. Bien, en
réalité, ce qui est à peu près trois fois plus que ce dont les gens ont besoin,
de la communauté en droit ont besoin. Donc,
on pense que c'est une idée effectivement qui est mieux, puis ça permet de
conserver les emplois aussi, là, puis de
ne pas faire immigrer les élèves, là,
dans... vers d'autres institutions où il n'y a pas de place physiquement pour
les recevoir.
M. Birnbaum :
Oui. Et si je peux brièvement parce que j'aimerais laisser un petit peu de
temps pour mon collègue de La Pinière. Vous parlez de privilégier les
ayants droit anglophones pour les cégeps. Deux questions. Est-ce que
c'est votre façon de dire que la Charte de la langue française devrait être
étendue au cégep et, sinon, comment ça serait opérationnalisé, cette idée-là?
Mme Senneville
(Caroline) : Ah! mon doux, c'est facile : dans l'admission. Quand
on s'inscrit au premier tour de cégep, bien, on voit si on vient d'une
institution anglophone, donc on les privilégie, ces gens-là. On prendrait un
anglophone qui a des moins bonnes notes qu'un francophone parce que s'il a
étudié en anglais au primaire et au secondaire et qu'il souhaite étudier en
anglais au collégial... C'est pour ça qu'ils existent, les cégeps en anglais,
hein? C'est pour offrir au premier chef, c'est pour ça, et ils ne remplissent
pas leur mission s'ils disent à un anglophone : Bien, toi, tu n'as pas
assez des bonnes notes puis je vais prendre un francophone qui a des meilleures
notes que toi. Bien, moi, si j'étais de la communauté anglophone, je ne
trouverais pas ça cool.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Il reste 1 min 45 s
au bloc. Donc, M. le député de La Pinière, la parole est à vous.
M. Barrette :
Oui. Alors, très directement, pourquoi est-ce si dommageable d'avoir un grief
déposé par un individu sans passer par le syndicat?
Mme Senneville
(Caroline) : O.K. Ce n'est pas nécessairement dommageable, mais c'est
toujours... C'est parce que le syndicat, habituellement est gardien des griefs,
on est capable de voir si c'est un bon ou si c'est un moins bon grief, et ça
permet aussi au syndicat d'être au jeu et de défendre collectivement. S'il y a
un problème avec un poste, bien, il y a peut-être un problème avec le comité de
francisation, alors ça permet de voir globalement et individuellement. Et puis
si le syndicat refuse de déposer un grief individuel, bien, dans le Code du
travail, il existe un processus où le salarié et le syndiqué peut porter
plainte à son syndicat puis le Tribunal administratif du travail va nous
obliger à le défendre. Alors, c'est toujours intéressant. Quand on est
syndiqué, il y a toujours un volet collectif aux relations de travail, puis on
prend soin de...
M. Barrette :
J'ai compris. Je vous interromps, il me reste à peu près moins d'une minute,
là. Je ne vois pas le problème, là, alors je ne vois pas pourquoi vous demandez
de retirer ça du projet de loi.
Maintenant, vous avez
répété à plusieurs reprises la finalité des comités de francisation, développer
la culture, l'appartenance au français, le
français, et ainsi de suite. Dans le cas du réseau de la santé, pour ce qui est
de ce qui est garanti pour la
communauté anglophone, comment pouvez-vous, avec ce que vous avez écrit dans
votre mémoire, faire en sorte ou
expliquer que les anglophones ne puissent pas prendre ça, ce discours-là, comme
étant une façon de défaire ce qui a été garanti à date par
l'article 29?
La Présidente (Mme
Thériault) : Il reste 15 secondes...
Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Je ne suis pas sûre de comprendre la question.
Est-ce que c'est suite à notre proposition...
M.
Barrette : Je vois votre discours en comité de... Je vois le discours
que vous tenez en comité de francisation comme un cheval de Troie dans
les parties du système de santé...
La Présidente (Mme
Thériault) : Je dois mettre fin à l'échange, monsieur.
M. Barrette :
...qui garantissent des services à la communauté anglophone.
La Présidente (Mme Thériault) : Je
m'excuse, M. le député de La Pinière, je dois mettre fin à l'échange.
M. Barrette :
Je comprends.
La Présidente (Mme Thériault) : Malheureusement,
je ne peux pas vous donner le droit de réplique. Je suis désolée. Donc, je vais
aller du côté du député de Matane... non, excusez-moi, la députée de Mercier,
excusez-moi, la députée de Mercier pour un bloc d'échange de
2 min 45 s.
Mme Ghazal : Parfait. Merci, Mme la
Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation. Et d'ailleurs
félicitations, Mme Senneville, pour votre élection.
Vous dites dans votre mémoire, vous en avec
parlé aussi, que vous êtes en faveur des mesures... dans le fond de
restreindre, là, l'accès aux cégeps anglais. Donc, vous êtes en faveur de ce
que le projet de loi met en place, de contingentement dans les cégeps
anglophones, mais il y a beaucoup de détails, par exemple des détails
importants, là, que vous mentionnez, pour le rendre vraiment applicable puis
que les objectifs soient atteints.
Moi,
j'aimerais vous parler aussi, il y a quelque chose dont on parle un peu moins,
pour que les francophones, allophones aillent plus dans les cégeps
francophones, c'est les cégeps... le financement, et surtout le financement des
cégeps en région. On sait qu'il y a eu un sous-financement incroyable dans les
cégeps francophones en région. Ça les rend moins attractifs pour les jeunes ou
les moins jeunes qui veulent aller au cégep. Est-ce que vous avez évalué les
montants qui manquent dans les cégeps francophones? Et même, parfois, il y a eu
même des compressions, est-ce que vous avez évalué ça? Est-ce que c'est une
question sur laquelle aussi vous vous penchez?
• (17 h 50) •
Mme Senneville (Caroline) : Bien, le
sous-financement des cégeps, c'est chronique, comme, je vous dirais, on s'est rendu compte aussi, pendant la pandémie,
de d'autres endroits où le sous-financement pouvait être chronique et
avoir des effets, je vais dire, délétères. Puis c'est sûr qu'il se fait... Et
ce n'est pas que les cégeps francophones soient moins financés que les cégeps
anglophones, c'est que l'effet du sous-financement se fait beaucoup plus sentir
sur les établissements qui sont petits, puis les établissements plus petits
sont en région.
Alors, effectivement, il y a des cégeps en
région que, s'il n'y avait pas une aide spéciale ou s'il n'y avait pas des
étudiants qui venaient, par exemple, d'ailleurs dans la francophonie, il y a
des cégeps qui fermeraient, là, ou qui seraient, en tout cas, à risque de
fermer. Puis ça, ça crée un effet aussi pervers parce que quand tu as de moins
en moins de financement, bien là, tu vas à la course à la clientèle puis tu
veux absolument remplir ton cégep, et là, bien, tu as toutes sortes de
formules, on va dire, innovantes. Tu ouvres des campus à gauche et à droite
puis tu essaies de... Mais ça, ça ne fait
pas des cégeps forts, ça ne fait pas un réseau fort. Donc, il faut s'assurer
qu'il y ait des financements, y compris pour les populations anglophones
qui sont dans ces régions-là. Je pense à Sept-Îles, je pense à la Gaspésie, je
pense aussi aux populations autochtones, là, dans ces régions-là. Donc, il faut
s'assurer... Si on veut que les cégeps puissent être partout sur le territoire,
bien, il faut les financer de façon adéquate, là.
Mme
Ghazal : Donc, pour... Est-ce que
ça ne devrait pas être surtout ça, le sous-financement des cégeps en région
et partout, le francophone, pour les rendre attractifs, alors qu'on dirait que
c'est l'angle mort, puis on se concentre sur
le contingentement pour les cégeps anglophones? Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça que c'est un angle mort, le sous-financement?
Mme Senneville (Caroline) : Il faut
faire les deux. Mais il faut faire les deux, il faut faire les deux parce qu'à
Montréal les gens ont de quoi, là, puis...
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je vais mettre...
Mme Senneville (Caroline) : ...des
cégeps de Montréal francophones, là.
La
Présidente (Mme Thériault) : Je suis désolée, je dois vous
interrompre. Vous avez passé de 15 secondes. Donc, je vais aller
avec M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci et bienvenue. Dans
votre mémoire et votre présentation, vous parlez de la progression de la
proportion d'étudiants fréquentant un cégep anglophone. Vous avez constaté que,
si la progression se poursuit, la moitié des étudiants seraient inscrits dans
un préuniversitaire anglophone. Ça veut dire quoi? Le préuniversitaire, c'est des anglophones, puis le technique, c'est
les francophones. Alors, on revient à une époque qu'on croyait révolue.
Le gouvernement, c'est ça, et je pense qu'il décide de garder ça quand même de
cette façon-là. J'aimerais ça que vous nous en parliez davantage, parce que,
moi, ce genre de chose là non seulement ça me fait bondir, mais j'ai peine à
croire qu'on va laisser faire ça.
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
c'est pour ça qu'on dit deux choses, c'est pour ça qu'on dit que, là, il faut
arrêter l'hémorragie maintenant puis il faut faire en sorte que les anglophones
aient accès à leurs cégeps. Donc, quand on combine ces deux effets-là, je pense
que ça envoie le bon message. Puis, vous savez, si on mettait fin aux cégeps
anglophones pour les francophones sur l'île de Montréal, bien, il y aurait des
francophones et des allophones qui n'auraient tout simplement pas accès à une
formation collégiale parce que le transfert, là, n'est pas possible.
Donc, on va
travailler à plafonner, on va travailler à soutenir les cégeps pour qu'ils se
francisent. On va travailler à faire en sorte que la connaissance du français
soit suffisante avec un test. On va faire sorte que ce sera les anglophones qui fréquentent prioritairement. Et on pense
qu'on va à ce moment-là... puis c'est pour ça aussi qu'il faut continuer les
effets dans le marché du travail, parce que, si les francophones sentent que
s'ils ne maîtrisent pas assez bien le
français, ça n'ira pas bien pour, même, tu sais, on va dire un professionnel.
Vous parlez... de stage. C'est ça qu'il faut envoyer comme message.
M. Bérubé :
Quant aux solutions, au lieu de l'accès universel à tout le monde, le
gouvernement dit : On va en garder une poignée. Il appelle ça le
«contingentement». Vous connaissez notre position, mêmes règles pour tout le monde. L'équité, c'est une valeur qui nous est
importante. Est-ce que vous croyez que c'est une solution, le contingentement?
Mme Senneville
(Caroline) : Pour l'instant, à court terme, oui, c'est une solution
peut-être imparfaite, mais qui a le mérite d'arrêter l'hémorragie, de faire en
sorte que tout le monde ait accès à un diplôme aussi.
M. Bérubé :
Mais, connaissant bien la CSN et ses valeurs, ça va être seulement une poignée
qui auront accès — sur
quels critères?
Mme Senneville (Caroline) : Bien, dans nos valeurs aussi, ça s'adonne qu'on a
quelques membres qui nous paient des cotisations syndicales et qui
aimeraient bien garder leurs emplois.
M.
Bérubé : Ah! bon, il fallait le préciser, oui. Bien, on partage bien
des choses, notamment, je vous dirais, une considération pour le visage
français de Montréal, et ce n'est pas sans raison qu'on arrive avec cette
solution-là, et merci d'avoir amené cet argument-là du technique versus le
préuniversitaire parce que vous êtes les premiers à l'évoquer de façon si
claire, et nous, ça nous touche beaucoup. Est-ce que les cégeps francophones
vont seulement devenir la voie du technique? On va créer vraiment deux types de
collèges, les collèges de prestige qui choisissent leurs étudiants, les
meilleurs étudiants, qui ont le financement avec des rallonges, et les
francophones, soyez assurées qu'on n'acceptera jamais ça, nous.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je dois également mettre fin...
Mme Senneville (Caroline) : Mais, moi, je vous dirais, 30 % des
techniciens vont finir par aller à l'université, et c'est une des forces
des cégeps aussi.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. Je dois mettre fin à l'échange. Donc, mesdames,
merci beaucoup d'être venues en commission parlementaire.
Nous
allons suspendre les travaux pour permettre aux prochains intervenants de
prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
17 h 55)
(Reprise à 17 h 57)
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, rebonjour, tout le monde. Nous reprenons nos
travaux. Je vais souhaiter la bienvenue à M. Christian Dufour, qui
est... politologue, pardon, j'ai rajouté un mot de trop. Donc, bienvenue. Vous êtes
en présentiel à l'Assemblée nationale, alors vous êtes le deuxième brave
aujourd'hui. Donc, bienvenue à notre Assemblée. Vous avez 10 minutes pour
nous faire votre présentation, puis ça sera suivi par des échanges avec les
parlementaires des différentes formations politiques.
M. Christian Dufour
M. Dufour (Christian) : Merci,
Mme la Présidente. C'est un honneur
pour moi d'avoir été invité à comparaître devant cette commission-là.
C'est toujours impressionnant.
J'ai
rédigé un court texte de quatre, cinq pages, en fait, dans lequel j'ai essayé
d'exprimer mes idées de la façon la plus claire possible, que j'ai
demandé de distribuer aux participants, aux députés membres de cette commission-là.
Donc, ma présentation, c'est vraiment
autour de ce texte-là que j'avais quand
même pas mal travaillé pour que ce
soit clair, surtout.
Donc, je parle de la
claire prédominance du français comme norme de la constitutionnalisation du
modèle québécois d'intégration et de la société distincte, des cégeps, qui est
le coeur manquant du projet de loi, et enfin il y a deux, trois paragraphes sur
le français, seule langue officielle, point d'interrogation.
Donc, j'ai noté,
comme beaucoup de gens, qu'il y a des indicateurs qui montrent une régression
du français au Québec dans plusieurs domaines, ce qui inquiète beaucoup de gens
au niveau québécois, mais même au niveau fédéral, on peut le dire, et je trouve
que ça fait longtemps que le contexte n'a pas été autant favorable à une
réaction. Il y a une opportunité, me semble-t-il, à saisir. Si on la laisse passer, je ne suis pas sûr
que ça va se représenter de sitôt, parce que c'est toujours difficile
d'agir dans ce domaine-là. Donc, je suis très content que le gouvernement ait
décidé d'agir, que le ministre Simon Jolin-Barrette ait déposé ce projet
de loi, qui est intéressant à beaucoup d'égards.
Bon, moi, je commence, dans le texte, en
revenant sur une de mes obsessions, me disent mes amis, la norme de la claire
prédominance du français au Québec sans exclusion d'un anglais dont la présence
n'est pas obligatoire. Ça me semble crucial, surtout si
on regarde plutôt du côté de l'avenir du Québec que du passé du Québec, même si
je suis conscient du fait que cette norme-là peut sembler un peu faiblarde,
faible pour certains nationalistes québécois. Pourtant, il me semble que c'est très,
très important d'affirmer ça dans la loi, pour la première fois, cette norme de
la claire... qu'au Québec,
là, le français est clairement prédominant. Le «claire» est très, très
important, sans exclusion de l'anglais, dont la
présence n'est pas obligatoire.
Bon, notons tout de suite que cette
affirmation-là n'est pas incompatible du tout avec celle que le français est la langue officielle du Québec,
avec laquelle je suis totalement d'accord, là, hein, puis c'est la seule langue officielle
du Québec. Je trouve qu'il y a un côté complémentaire là-dedans parce
que ça renforce la grande affirmation de principe en ancrant la loi dans la
réalité. Parce que, qu'on le veuille ou non, l'anglais est présent dans notre société
depuis 250 ans, hein, depuis la Conquête. À certains égards, c'est une
langue québécoise, et ça va rester présent, puis ça va émerger de différentes façons. Donc, je trouve que ce n'est pas gagnant
que de faire comme si l'anglais n'existait pas, hein, puis de se limiter
à de belles déclarations de principe.
• (18 heures) •
C'est pour ça qu'autant de... au lieu de le nier
ou de l'escamoter, c'est bon de le nommer, parfois, l'anglais, sans lui donner
un statut officiel, l'anglais en a déjà un au fédéral, un statut officiel, mais
en le contrôlant, en ne lui donnant pas la
même importance que le français, sinon, moi, j'ai peur qu'au-delà des
30 déclarations de principes, que, peu à peu, on sombre, dans les faits,
dans un bilinguisme de plus en plus répandu, où le français va être, au mieux,
égal à l'anglais et va être de moins en moins la langue commune de notre
société.
Jusqu'à
présent, c'est révélateur, pour qui connaît un peu l'histoire du Québec, que le
discours ait un peu oscillé entre l'unilinguisme français des
souverainistes, hein, qui voulaient vraiment un Québec entièrement français,
puis le bilinguisme des fédéralistes. Il me
semble que la claire prédominance du français, qui n'a jamais été affirmée
formellement, légalement, par nos
institutions, s'est imposée, dans les faits, dans beaucoup d'établissements
commerciaux, de façon très, très
efficace, de façon tranquille, et je trouve que c'est gagnant, parce que c'est
clair que l'anglais y est, mais c'est une affirmation de pouvoir pour le
français. Le français est clairement prédominant.
Rappelons que
la Cour suprême du Canada a quand même jugé que c'était légitime, pour le
Québec, d'imposer la claire prédominance du français dans le domaine de
l'affichage, et je ne crois pas, non plus, qu'il faut se mettre à mesurer les lettres puis à préciser, normalement,
sauf exception, qu'est-ce que c'est, la claire prédominance du français.
Quand c'est clair, on le sait ou on ne le sait pas, si c'est prédominant, mais
ce qui me semble important, c'est d'avoir un principe, une norme, une boussole,
un message qui est envoyé à notre société, en disant : Au Québec, c'est le
français qui est la langue officielle, puis
que, dans les différents aspects de notre vie publique, le français doit
toujours être clairement prédominant. Ça, il faudrait le dire, et le redire, et
le redire. Donc, je trouve que c'est simple, c'est pratique, c'est opérationnel. Ce n'est pas sexy, si je peux
me permettre cette expression-là, mais il me semble qu'on aurait intérêt que,
dans une loi, on le dise, une fois pour toutes, insister là-dessus. Moi, j'y
crois, c'est vraiment, moi, quelque chose, depuis 30 ans, auquel je crois, que je pousse. Donc, je voudrais
que ce soit dans la loi et, aussi, ce soit dans une disposition
constitutionnelle.
Ce qui m'amène à mon deuxième point, la
constitutionnalisation du modèle québécois d'intégration et de la société distincte. Je trouve que le ministre Simon
Jolin-Barrette a vraiment... je ne veux pas le flatter, là, mais il a réussi,
quand même, un coup de maître avec l'idée, en fait, à laquelle je n'avais pas
pensé, puis je ne pense pas que grand monde avait pensé à ça, là, d'intégrer,
dans des dispositions constitutionnelles canadiennes, le fait que le français
est la langue officielle du Québec. Je pense
que ça a été salué largement au Québec et, même, dans le reste du Canada. On
ne sait pas exactement ce que ça va donner,
c'est difficile, mais, en politique, les symboles sont importants. Une
disposition constitutionnelle aussi, c'est important.
Moi, ce que j'espère, c'est qu'on va profiter de
l'occasion pour parler aussi de la société distincte québécoise, qui se caractérise par une majorité francophone,
puis aussi, pour attirer l'attention sur la différence entre notre modèle
d'intégration, où on reconnaît une société d'accueil, nous, on dit : Il y
a une majorité francophone au Québec. C'est ça, la société distincte, hein?
Moi, je me suis beaucoup intéressé à ça depuis le lac Meech, depuis Robert
Bourassa. La seule définition qu'il y avait,
de la société distincte, c'est que c'est une majorité francophone. Et puis les
nouveaux arrivants, on les invite à s'intégrer à la majorité
francophone, à converger vers la majorité francophone, alors que le
multiculturalisme canadien, qui a été constitutionné en 1982, qui est de plus
en plus sans limites et de plus en plus malsain, à certains égards, je n'ai pas
peur de le dire... Quand on est rendus qu'on brûle des livres, hein, qu'on
brûle des livres, là, puis qu'il y a des
gens qui trouvent qu'il faut comprendre, puis il faut se mettre à la place des
autochtones, on est rendus loin.
Donc, le multiculturalisme canadien ne reconnaît
pas l'existence d'une ou de plusieurs sociétés d'accueil. Je pense que c'est important que le Québec
le dise : Nous, c'est important, il y a une société d'accueil, il y a une
majorité francophone. Et me semble-t-il que ce serait bon de le mettre
avec l'affirmation que le Québec est une nation dont le français est la langue
officielle, d'ajouter ça. Ça renforcerait l'affaire. Il y a un message aussi
que ça envoie au reste du Canada, en disant : Nous, on n'est pas dans le
multiculturalisme, on est dans autre chose.
Donc, la porte est ouverte, il faudrait en
profiter, parce qu'une fois que la porte va être fermée ça va être très difficile de revenir là-dessus. Et, je le répète,
quand je parle de société distincte, quand je parle de claire prédominance
du français, je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas affirmer que le français
est la langue officielle du Québec. Je crois qu'il faut l'ancrer dans la
réalité, il faut le renforcer, il faut en profiter.
Nos cégeps, maintenant, bon, les cégeps, le
coeur manquant du projet de loi. C'est ce que je... Moi, j'ai changé d'idée par
rapport aux cégeps. Pendant longtemps, je trouvais qu'il fallait garder la
liberté de choix au niveau collégial, même si c'est une erreur, me semble-t-il,
historique, lorsqu'on a adopté la loi 101, de ne pas avoir appliqué la loi 101 au niveau du cégep. Si c'était à refaire, il
me semble que c'est ça qu'on devrait faire, là, parce que c'est quand même le
réseau public d'enseignement, on est dans le système public, c'est un âge
crucial, pour les étudiants, de
sociabilisation et d'intégration à la société. Bon, tant que la liberté de
choix ne produisait pas des résultats aberrants et dangereux pour le
français, tant que, autrement dit, la majorité des Québécois de souche et issus
de l'immigration allaient du côté francophone, ça ne me dérangeait pas trop,
comme bien des gens, mais là il y a un équilibre qui semble s'être brisé de
façon assez claire. Il faut quand même être lucides, là, il y a quelque chose
qui a changé.
Et ce n'est pas vrai que faire son cégep en
anglais, c'est une façon, pour les francophones, d'apprendre l'anglais, là,
surtout dans les régions. Moi, je viens du Saguenay, je viens de Chicoutimi. Je
sais que, quand on était jeunes, c'est vrai, on n'en voyait pas un, Anglais,
hein? La première fois qu'il y a une famille anglophone qui s'est installée
dans notre quartier, on est allés les voir avec notre livre, là, «John is a
boy», «Mary is a girl». On n'est plus là-dedans, là, hein? Je veux dire, dans
le monde d'Internet, là, où ça se passe beaucoup en anglais, je crois que les
francophones n'ont pas besoin d'aller au cégep en anglais pour apprendre cette
langue, ça me semble évident. Et là le problème, c'est qu'il y a une espèce de
glissement, qui est inquiétant, qui est tragique quelque part. C'est que le
Québec finance de plus en plus, à grande échelle, de façon un peu masochiste,
le choix d'une grande partie des allophones, qu'on a francisés au niveau
primaire et secondaire, puis une partie croissante des jeunes francophones de
s'intégrer à la communauté anglophone.
J'écoutais, tantôt, les gens qui m'ont précédé,
lorsqu'on parlait, en fait, des façons de contingenter, peut-être, l'accès aux
cégeps anglophones, puis je sais que le projet de loi a choisi cette voie-là.
Moi, je n'y crois pas beaucoup, parce qu'il me semble que ça va causer plus de
problèmes d'essayer de faire ça indirectement que de le faire franchement. Je sais que, si on le fait
franchement, ça va être controversé, probablement, mais, des fois, il faut qu'il y ait
de la controverse un peu. Il faut qu'il y
ait de l'audace aussi, et c'est ce qui manque dans ce projet de loi. En tout respect, je
trouve que c'est un projet dont le coeur manque. Il y a une énergie qui n'est
pas là. Et le cégep, moi, je ne vois pas d'autre dossier que ça dans lequel tu
peux avoir cette énergie-là. C'est un dossier structurant. Parce que le
problème, c'est que tout ce qui est rare a
tendance à devenir précieux. C'est que, si on contingente l'accès aux cégeps
anglophones, ça veut dire que ce n'est pas tous les francophones qui
vont pouvoir y aller, et on peut s'attendre à ce que les meilleurs aient
tendance à aller aux cégeps anglophones, puis que ça devienne une mesure de
promotion sociale qui les incite à poursuivre leurs études universitaires, leur
carrière et leur vie dans cette langue.
Il me semble que c'est le temps où jamais de
donner un coup là-dessus. Je sais que ce n'est pas facile, je sais que c'est très politique. Bon, on nous dit que...
bon, on nous dit, on nous dit... mais, moi, j'espère que le gouvernement
va être capable de faire ce «move» là, si je peux employer cette expression
anglophone là, puis qu'on nous parle, parfois,
de ce que Camille Laurin avait fait avec la loi 101 dans les
années 70. Bon, bien, Camille, 101, il avait brassé la cage pas mal
plus que ça, hein, quand il avait mis fin au libre choix de la langue
d'enseignement pour les Québécois issus de
l'immigration. C'était nécessaire, il l'a fait. Bien là, il me semble que c'est
nécessaire, puis c'est beaucoup moins risqué, même si je ne nie pas
qu'il y aura une controverse. Mais je dirais même que ce n'est pas mauvais, non
plus, qu'il y ait une controverse, que ce
projet de loi, là, soit comme, un peu, intense, que les gens disent : Il
se passe quelque chose, là, tu sais.
En tout cas, moi, je trouve que c'est là qu'on est un peu rendus, comme tels,
puis, si on ne fait pas ça maintenant, on ne le fera jamais. C'est la
dernière occasion qu'on a de le faire. Puis c'est un domaine de souveraineté
exclusivement québécoise, c'est totalement québécois. Puis là on réalise, là,
c'est bien beau, d'être masochistes, mais on réalise qu'au niveau des cégeps,
de plus en plus, ce qui est à la mode, là, c'est de faire son cégep en anglais.
C'est ça, en fait, la réalité. Bon, en tout cas, mon point est assez clair.
Je me suis forcé, à la fin, pour écrire quelques
paragraphes, dans le texte que j'ai fait distribuer, sur le français,
seule langue officielle, entre guillemets, parce que ça m'a beaucoup amené à
réfléchir. J'ai changé d'idée beaucoup, je vous avoue, puis c'est juste une
remarque que je fais. J'ai noté qu'on avait tendance à vouloir rester sur le
fait que le français était la seule langue officielle, ce que je peux
comprendre, parce que, moi, je n'en veux pas d'autre
au Québec, là, comprenez-moi bien. Mais, moi, je me demandais si, dans une
époque où on voit de l'exclusion partout, là, est-ce que c'est vraiment
nécessaire, en fait, d'insister là-dessus que c'est la seule langue officielle,
si ça ne donne pas une image d'une société qui est beaucoup, beaucoup sur la
défensive sur le plan linguistique? Au niveau fédéral, bon, on sait que le français
et l'anglais sont les langues officielles du Canada. On ne dit pas que ce sont
les seules langues officielles du Canada, hein? Donc, moi, c'est une remarque,
là, que je vous soumets en toute candeur. Ça
me semblait que l'affirmation que le français est la langue officielle du
Québec est plus simple et peut-être plus
forte, en définitive. Puis surtout que là, il va y avoir des demandes, ça
commence, là, pour que les langues autochtones bénéficient d'une
reconnaissance au Québec. Là, on est dans un grand mouvement de sympathie à
l'égard des autochtones, de culpabilité à l'égard des autochtones, donc je
trouve qu'il ne faut pas être inutilement provocateurs. En tout cas, c'est un
peu l'élément.
Donc, pour le reste, écoutez, je pourrais
répéter ce que j'ai dit, là, mais je vais recevoir avec plaisir les questions
de... J'ai hâte de voir vos questions, d'ailleurs, vos contestations, et tout
ça.
• (18 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) : Merci
beaucoup pour votre présentation. Le ministre a été très généreux.
2 min 25 s sera retranché à votre temps, M. le ministre, puisque
vous avez pris du temps du ministre. Mais ça va, il n'y a pas de problème.
C'est au ministre. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la
Présidente. M. Dufour, merci d'être là, merci de votre présence en commission
parlementaire. D'entrée de jeu, vous l'avez abordée tout à l'heure, la question
du multiculturalisme canadien, le modèle
d'intégration que nous avons, au Québec, versus le multiculturalisme canadien. Vous, vous
dites : On devrait peut-être en profiter pour
l'inscrire clairement dans la Constitution, pour dire : Nous sommes
distincts, c'est une société distincte, il y a la nation québécoise. Mais
c'était important de marquer notre différence et de dire clairement comment est-ce
qu'on... quel est notre vivre-ensemble, ici, au Québec.
M. Dufour (Christian) : Oui, c'est
ça. C'est que, moi, je ne vous cacherai pas que j'ai eu longtemps une vision
positive du multiculturalisme, mais là j'ai décroché. Je trouve qu'au Canada
c'est devenu sans limites, et c'est devenu souvent toxique et malsain, et c'est
une façon de remettre le Québec à sa place, et je pense qu'il faut que le Québec
réagisse à ça. On n'est pas dans la modération. Donc, le... Je crois que ce
n'est pas très compliqué, en fait, d'affirmer la différence québécoise. C'est
que nous, on reconnaît qu'il y a une société d'accueil. C'est aussi simple que
ça. Quand les immigrants arrivent ici, ils n'arrivent pas dans un territoire
vierge, là, hein? Il y a une majorité francophone qui les accueille, puis on
les invite à s'intégrer à cette majorité-là.
Donc, cette notion-là de bon sens n'est pas du
tout véhiculée au niveau fédéral. Les messages d'intégration ne sont pas assez forts. Je ne veux pas faire de politique
concrète, là, mais quand on a une ministre fédérale, d'origine afghane, qui parle de
nos frères talibans, là, ça veut dire qu'il y a un message d'intégration qui
n'est pas assez fort, là, hein, je veux dire, un ministre fédéral, là, je veux
dire... Puis quand on comprend ça, quand... Donc, c'est pour ça que moi, là,
là-dessus, si on profitait de l'ouverture constitutionnelle, là, pour affirmer
très simplement... moi, je ne suis pas dans l'idéologie... affirmer tout
simplement : le Québec... Puis aussi, ce n'est pas très controversé, le Québec
est une société distincte. Même la supposée modératrice du débat anglais, lors
des élections fédérales, a dit que le Québec est une société distincte, hein?
Donc, à quelque part, on n'est pas dans la révolution. Mais, en même temps, il
y a une majorité francophone ici, puis ça, c'est rendu qu'on a beaucoup de
difficultés à le dire, puis c'est pour ça qu'il serait le temps de le dire dans
un texte constitutionnel, puis de dire : Les immigrants, on les... ils
sont invités à... Juste ça, je trouve ça très important, en fait.
M. Jolin-Barrette : Le projet de loi
touche la langue, mais je comprends qu'il y a plusieurs intervenants qui sont
venus aujourd'hui, avant vous, aussi, dire qu'on devrait aborder également la
culture, la notion de convergence culturelle.
Donc, est-ce que vous êtes également de cet avis-là? Parce que vous dites, bon,
il faut le dire, qu'on est une société distincte, il faut le dire, qu'on
intègre les personnes immigrantes qui choisissent le Québec en français, ce que
nous n'osons pas nécessairement faire, et
que les messages sont contradictoires entre l'État fédéral et l'État québécois
à ce niveau-là. Alors, le concept même de convergence culturelle, qu'en
pensez-vous?
M. Dufour (Christian) : Moi, je
ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire par «convergence
culturelle». Mais la première question... partie de votre réponse, oui, je
trouve qu'il faudrait vraiment le faire, parce que c'est lié à la langue, très clairement, et ça rabaisse le français.
Dans le texte, je donne l'exemple, l'été dernier, quand il y avait les
grands mouvements, là, de lutte contre le racisme, de manifestations contre le
racisme à Montréal, le Black Lives Matter, et puis il y a des francophones qui
s'étaient étonnés ou qui avaient regretté qu'il n'y avait pas beaucoup de français, hein? Tout avait l'air de se
passer en anglais. Et on a répondu : Bien, écoutez, vous êtes mesquins,
hein, il faut être ouverts à l'autre, il faut être dans la diversité,
l'inclusion, et le français n'est pas un élément aussi fondamental que ça. Moi,
j'ai entendu dire ça à ce moment-là. Donc, si on ne fait pas ça, de plus en
plus, je trouve, on va être... on l'est
déjà, d'ailleurs, confrontés au rabaissement du français, sous couvert de
diversité, d'inclusion et de multiculturalisme tous azimuts.
Donc, ce que je trouve, c'est que le Québec est
vraiment justifié de dire : Bien là, là, nous, on a une vision différente,
là, et ce n'est pas la même chose. Et je trouve que, donc, c'est lié au
français, il y a un lien. Ce n'est pas artificiel. D'ailleurs, quand on parle
de la nation québécoise qui a le français comme langue, bien, on est aussi dans
le politique. On n'est pas juste dans le français, on parle de la nation. Donc,
moi, je trouve qu'il y a une opportunité. L'ouverture,
là, l'idée de mettre, dans une disposition de la Constitution canadienne,
certains éléments qui sont spécifiquement québécois, c'est très fort,
ça, puis il faut en profiter.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question des cégeps, vous avez dit : C'est le coeur manquant du projet de
loi. Lorsqu'on regarde le projet de loi, on
touche différents volets : langue de travail, langue des affaires, langue
d'affichage. Il y a une kyrielle de sujets qui sont abordés. Mais on
s'est fait critiquer, justement, sur le fait qu'on vient mettre un plafond pour
la fréquentation collégiale, et, avec le temps, ça va diminuer. Vous, vous nous
dites : J'ai changé d'avis, auparavant, je pensais qu'on devait maintenir le
libre choix. Et maintenant, vous êtes davantage du fait de dire : On
devrait, en fait, faire en sorte qu'uniquement les anglophones puissent aller
au cégep en anglais, les ayants droit. Qu'est-ce qui vous amène à ce
cheminement-là, à dire, bien, c'est ce qui manque au projet de loi? Pensez-vous
que c'est ça qui va faire en sorte que ça va
inverser la tendance démolinguistique, le fait que les étudiants aillent au
cégep en français?
M. Dufour (Christian) : Je
n'irais pas jusque-là. Puis je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que
ce serait une réforme structurante, hein,
parce que c'est au coeur de nos institutions, c'est le système d'éducation. Je
le rappelle, c'est quand même un âge crucial pour les étudiants, pour leur
intégration à la vie adulte. Moi, j'ai changé d'idée parce que j'ai trouvé ça très inquiétant, à un moment
donné. C'est quasiment angoissant,
là, de dire : Bien là, il y a un mouvement, il y a quelque chose qui est en train de se passer. Bon, là, je
comprends qu'on veut faire ça indirectement, en ne touchant pas aux libertés.
Je peux le comprendre, parce qu'enlever une liberté ce n'est pas très populaire
aujourd'hui. Mais, moi, ce que je crains, c'est que, si on le fait indirectement, ça
cause d'autres sortes de problèmes à long
terme, hein?
Et
aussi — beaucoup de gens m'ont dit ça, en fait — ce
projet de loi là, il n'est pas assez audacieux. Le Québec francophone aurait besoin de plus
d'audace, là, un peu d'un coup de barre, et moi, je n'en vois pas d'autre, puis
il me semble que ça justifie... c'est modéré... ça va faire des vagues, c'est
clair, puis je sais que ça ne fait pas l'unanimité, mais ça donnerait comme une
espèce d'énergie, de moteur. Ce projet de loi là, il est très intéressant, il y
a beaucoup, beaucoup de choses, mais il y a vraiment
quelque chose qui manque. Il y a une énergie... Puis on est en politique, là, hein? Il y a une énergie qui manque, là. Je veux dire,
tout le monde... En fait, il est trop consensuel, si jamais j'étais ironique,
là, hein? Bon, tout ça est bien beau, là, mais on passe à l'autre chapitre.
Donc, alors, quand on parle des cégeps, on n'est
pas dans le consensus. Je suis très conscient du fait que ça ne fait pas
l'unanimité, mais Camille Laurin, lui, il l'a donné, le coup, à l'époque.
Pourquoi on n'en donnerait pas un aujourd'hui?
Puis est-ce que c'est si dramatique que ça qu'on se dise : Bon, les
cégeps, désormais, bien, les francophones,
les... issus de l'immigration, bien, ils vont aller au cégep en français?
Est-ce que c'est la fin du monde?
M.
Jolin-Barrette : Et avant de
céder la parole à mes collègues, vous dites : Le projet de loi, il est consensuel. Est-ce que ce n'est pas la démonstration du fait
que tout le monde réalise, au Québec, la nécessité des mesures à mettre en place du projet de loi, du fait qu'on agit sur différents volets dans la société, et on n'a
pas agi durant des années? Alors, ce n'est pas que la société, elle est
mature, justement, pour prendre cette bouchée-là, pour dire : Oui, il faut
protéger notre langue, oui, il faut assurer la pérennité du français?
M. Dufour (Christian) : Oui, parce
que c'est vrai qu'il est consensuel, parce que je pense qu'il y a une prise de
conscience assez large du fait qu'il y a un problème, il y a un danger. Il faut
faire quelque chose. Et même — je sais qu'on est au Québec — même
au niveau fédéral, quand même, il y a eu une certaine prise de conscience de
ça. Tout ça est bien beau, mais on est en politique, puis je trouve que, je me
répète, le projet de loi, il y a quelque chose qui manque, quelque chose de
structurant qui manque. Je ne vois pas... Il y a peut-être autre chose, là. Peut-être
que moi, il y a quelque chose que je ne vois pas, puis je ne dis pas que ça va
tout changer, mais moi, je ne vois pas autre chose.
Parce qu'il y a un message qui sera envoyé à ce moment-là. On donne un
coup, on fait un effort, on prend un risque.
Je dirais que, dans ce projet de loi... Puis
moi, je suis quelqu'un d'assez raisonnable, je l'ai lu, puis il y a beaucoup, beaucoup
de choses, puis il est travaillé, puis, bon, ce n'est pas bidon, là, pas du
tout, mais, à un moment donné, je cherchais quelque chose qui n'y était pas,
là, une espèce de chose qui dit : Ah! ils ont pris un risque.
M. Jolin-Barrette : Je vous remercie
pour votre passage en commission. Je sais que j'ai des collègues qui veulent
vous poser des questions. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Ce sera le tour du député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Avec combien de temps,
Mme la ministre? Parce que je vais partager avec mon collègue.
La Présidente (Mme Thériault) : Avec
6 min 10 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. C'est parti. Bonjour, M. Dufour.
M. Dufour (Christian) : Bonjour.
M.
Lemieux : Je suis ici, dans
le fond, en arrière, à gauche. On partage, vous et moi, à part quelques
entrevues du passé, exactement la même opinion sur ce que vous appelez
le coup de maître du parrain de ce projet de loi par rapport à sa dimension
constitutionnelle. Et j'espère qu'on va en parler beaucoup, à un moment donné,
avec un constitutionnaliste, ce que vous n'êtes pas, malgré tout, n'est-ce pas?
M. Dufour (Christian) : Non, non.
M. Lemieux : Bon. Par contre, vous
êtes politologue, oui?
M. Dufour (Christian) : Oui, oui,
oui.
M. Lemieux : Et c'est pertinent dans
la conversation, parce qu'en ouvrant ce matin, le ministre a senti le besoin de
faire un appel au calme. Dans les circonstances, au Québec, un débat sur la
langue, c'est quand même... ça a déjà été très problématique. Et là vous
arrivez, vous, en disant : Bien, c'est bien trop consensuel, ton affaire,
arrête ça, là, je veux dire, c'est facile. Comment vous la lisez, la situation
politique au Québec, au moment où on ouvre les livres sur la loi 101 et
qu'on va adopter, j'espère, très bientôt, le projet de loi n° 96?
• (18 h 20) •
M. Dufour (Christian) : C'est vrai
que, dans le passé, il y a eu des débats linguistiques qui étaient houleux, qui
ont laissé des souvenirs qui n'étaient pas toujours bons pour tout le monde,
mais, en même temps, ça a donné quelque chose, quand même, hein? Je veux dire,
on a adopté la Charte de la langue française, la loi 101.
Moi, ma lecture, c'est très personnel, je vois
le Québec d'aujourd'hui comme une société très craintive, en fait, très
insécure, qui a peur du risque, beaucoup, puis je trouve ça un peu exagéré.
Puis je ne vois pas en quoi imposer la loi 101 au
cégep, c'est une révolution. Puis je trouve qu'il faut prendre des risques,
hein? Je veux dire... Bon, je n'ai pas lu la... du ministre, là. Puis en même
temps, moi, je suis vieux, donc je suis conscient, il ne faut pas que ça
dérape, il ne faut pas, il ne faut, il ne faut pas, mais on est tellement
là-dedans au Québec, hein? Il faut faire attention, puis, qui sait, puis, peut-être,
puis... mais.... Bien, en tout cas, ce projet-là, moi, j'aimerais ça qu'il
marque l'histoire, en fait, au-delà de toutes les dispositions qui sont là.
Puis, je me répète, il me semble qu'il manque quelque chose. Je ne vois rien
d'autre que ça.
M. Lemieux : Et pour vous, le coeur
manquant, c'est...
M. Dufour (Christian) : Oui, je ne
vois rien d'autre que ça, parce que ce n'est pas bidon, il me semble que ça se
défend, ce n'est pas futile. Je ne vois rien d'autre que ça.
M. Lemieux : Et le ministre vous a
demandé... et j'étais très curieux de votre réponse, quand il disait :
Est-ce que c'est la seule façon d'atteindre l'objectif que d'aller avec le
cégep? Le contingentement, sans qu'on ait encore travaillé sur cette partie-là
de l'histoire, en termes de capacité d'influencer le cours des choses, le
contingentement va faire une part du
travail. Amenez-moi au bout du travail. Est-ce qu'on va toujours
avoir besoin de défendre le français
même en faisant ça, même en faisant plus?
M. Dufour (Christian) : Oui, c'est
clair, parce que le contingentement, le danger... je pense que c'est
M. Bérubé qui y a fait référence tout à l'heure, je n'ai pas pu suivre
tout à fait son raisonnement, là... mais le danger que le cégep en français
devienne un peu une espèce de niveau un peu inférieur, hein, au niveau francophone.
Moi, je crains ça, hein, parce que l'anglais est quand même une langue très
prestigieuse, il y a un attrait pour l'anglais que je peux comprendre, entre
autres, chez les jeunes. Et là
contingenter le cégep en anglais, il
y a quand même... je trouve
que c'est la recette pour, à un moment donné, faire que les meilleurs dans
notre société, les plus ambitieux aillent du côté anglais encore plus. Il me
semble que c'est évident, là. Je veux dire, parce qu'à ce moment-là il n'y aura
pas assez de place, donc, à ce moment-là, il va y avoir un combat, une
compétition. Moi-même, si j'étais jeune, je dirais : Bien, je vais aller
du côté du cégep anglais parce que c'est meilleur.
M. Lemieux : Et l'équilibre dont le
ministre a fait preuve, puisque vous considérez que c'est consensuel, est aussi
basé — puis,
en fait, ça aurait dû être ma sous-question quand on a parlé du climat
politique — beaucoup
sur la différence entre aujourd'hui et il y a 40 quelques années, où le projet
de loi ne va pas contre personne, il va pour le français. Bon, j'aurais pu lire
le sous-entendu dans ma tête : il ne va pas contre l'anglais, il va pour
le français. Moi, c'est ce qui me semble être la grosse caractéristique de cet
équilibre-là, en disant... Puis on fera ce qu'il faut, au fur et à mesure, pour
continuer vers l'objectif, que vous partagez avec moi, là.
M. Dufour (Christian) : Oui, mais le
problème, c'est que je trouve qu'actuellement il y a une inquiétude à l'égard
du sort du français, mais il y a un défaitisme, aussi, de beaucoup de gens, qui
disent : Ah! au fond, c'est irrémédiable, le déclin du français, hein? Je
veux dire, on est en Amérique du Nord, l'anglais est la langue partout dans le monde. Et là cet intérêt-là, cette
inquiétude-là, elle est précieuse puis elle ne durera pas, puis c'est le temps
où jamais. Donc, ce que je crains, c'est que le projet de loi, en dépit
de toutes ses autres qualités, ce soit trop un projet de loi technique, bureaucratique, intéressant intellectuellement, mais
que... je me répète, là, je radote, là, mais qu'il y a une énergie qui
n'est pas assez là.
M. Lemieux : J'entends. Il faut
battre le fer pendant qu'il est chaud. Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Thériault) : Une
minute pour le député de Richelieu, question-réponse.
M. Lemieux : Oui, le député de
Richelieu. Une minute et quelques, c'est ce qu'il m'avait demandé.
La Présidente (Mme Thériault) : Une
minute.
M. Émond : D'accord. Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Dufour, merci pour votre présence et contribution aux travaux de la commission.
Avant d'y aller, j'aimerais dire que, comme législateur, moi, je me réjouis
que vous qualifiiez de consensuel le projet de loi, je trouve que c'est quand
même une belle qualité.
Je vais juste
vous amener pour parler un peu d'exemplarité de l'État, si vous le permettez.
Puis là je vous cite, dans La Presse
de mai dernier, j'ouvre les guillemets, vous parlez du projet comme un «solide
arrimage à la problématique linguistique concrète de 2021 au moyen de
toute une série de détails, d'ajustements». Mais vous semblez avoir une certaine inquiétude quant à savoir à quel point il
sera appliqué efficacement par l'administration publique québécoise. J'aimerais vous permettre d'élaborer un petit peu
plus dans l'application concernant... parce qu'il y a un volet important
sur l'exemplarité de l'État.
M. Dufour (Christian) : Oui, c'est
vrai. Il y a un tas de choses avec lesquelles je suis d'accord, dans ce
projet-là, dont je n'ai pas voulu parler, hein? Je veux dire, dans mon texte,
j'ai focalisé sur les deux, trois thèmes qui me semblaient...
La Présidente (Mme
Thériault) : Je m'excuse, M. Dufour.
M. Dufour (Christian) : Excusez-moi.
La Présidente (Mme Thériault) : Il
n'y a plus de temps pour que vous répondiez à la question. Je suis la gardienne
du temps ici, et, malheureusement, on a déjà passé de 16 secondes
l'échange.
M. Dufour (Christian) : O.K., excusez-moi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je dois mettre fin à votre... J'ai... On coupe votre micro.
M. Dufour (Christian) : Excusez,
rappelez-moi à l'ordre. Je ne suis pas au courant des...
La Présidente (Mme Thériault) : Bien
non, ce n'est pas vous, c'est le député qui a pris du temps. Mais je vais
passer la parole à la députée de l'opposition officielle, la députée de
Marguerite-Bourgeoys, et elle a un bloc d'échange de 11 minutes avec vous.
Mme David : Bonjour, M. Dufour.
Je vais vous poser une question : Est-ce que vous savez si c'est un cégep
anglophone ou francophone dont les étudiants sont les plus forts à l'entrée,
par la moyenne générale au secondaire?
M. Dufour (Christian) : Non, non, je
ne pourrais pas...
Mme David : C'est un cégep
francophone. Parce qu'on dit toujours que les cégeps anglophones sont
contingentés, sont les meilleurs, sont les plus attractifs, mais c'est un cégep
francophone de l'île de Montréal qui a les élèves les plus forts. Donc, le
contingentement, ce n'est pas seulement dans les cégeps anglophones, c'est
aussi dans les cégeps francophones, pour des programmes préuniversitaires,
entre autres. Alors, je dis ça parce qu'on fait... on laisse croire que c'est
des cégeps anglophones qui sont contingentés, mais le SRAM existe pour tout le
monde. Le SRAM, c'est le Service régional
d'admission pour les cégeps à Montréal, M, puis il y a le SRAQ, à Québec, puis
il y en a d'autres. Alors, tout ça est très, très, je dirais, convivial,
et donc les cégeps francophones sont très convoités aussi dans certains
programmes. Je vous donne un exemple, cégep Maisonneuve, en sciences. Demandez
à un étudiant s'il veut aller là. Oui, il
veut aller là. Les étudiants qui vont en médecine, est-ce que c'est contingenté
dans les universités francophones?
M. Dufour (Christian) : Je ne nie
pas ce genre de chose là puis je ne dis pas que les cégeps francophones sont
devenus maintenant des sous-cégeps, c'est la tendance lourde qui est
inquiétante, c'est qu'il y a un glissement. C'est ça, le problème.
Mme David : Il n'y a que trois gros
cégeps anglophones...
M. Dufour (Christian) : Non, mais
les... Moi, je ne suis pas un...
Mme David : ...et puis il y en a
46 francophones.
M. Dufour (Christian) : Excusez, Mme
la députée, oui. Moi, je ne suis pas un... Moi, pourquoi j'ai changé d'idée,
c'est quand j'ai vu certains pourcentages que j'ai trouvé que c'était
inquiétant. Quand j'ai entendu, autour de moi,
des gens qui m'en parlaient, à un moment donné, j'ai dit : Non, là, il y a
quelque chose qui est en train de se passer, c'est le temps de réagir,
il va être trop tard après.
Mme David : Est-ce que vous avez...
M. Dufour
(Christian) : Donc, il ne
faut pas attendre que ce soit vraiment un mode de vie, une nouvelle habitude.
Ça va être impossible à changer. Là, c'est encore possible de le faire, mais ça
va être controversé, probablement, j'en conviens.
Mais c'est le temps de le faire, parce que la tendance lourde, elle est là,
justement, pour ne pas que les cégeps francophones deviennent des
sous-cégeps.
Mme David : Il y a trois gros
cégeps, peut-être trois gros... deux gros, un moyen, anglophones, et il y a 46 cégeps francophones, qui sont très, très
habités, ces cégeps-là. Particulièrement dans la région de Montréal, on attend
25 000 nouveaux étudiants
d'ici 2029. Et avec les propositions, effectivement, de maintenir ou de ne
pas augmenter trop les cégeps
anglophones, ça va faire 25 000 étudiants à reloger dans les cégeps
francophones, où il n'y a même pas de locaux, actuellement, pour tous
les accueillir, tellement il y a d'étudiants, comme au cégep Ahuntsic.
Mais la question que... Je voulais vous amener
sur d'autres questions. Est-ce que c'est possible, selon vous, d'être à la fois
fédéraliste et nationaliste?
M. Dufour (Christian) : Bien sûr.
Mme
David : Bon, ça me rassure.
M. Dufour
(Christian) : Est-ce que vous avez déjà douté que je pensais ça?
Mme David :
Bien, ça me rassure, parce que j'ai l'impression qu'être fédéraliste c'est
être, forcément, multiculturaliste, puis c'est complètement antinomique au fait
d'être nationaliste.
M. Dufour (Christian) : Le multiculturalisme, c'est autre chose. Je crois
profondément que le multiculturalisme canadien — je
parle bien de la version canadienne — il est devenu profondément
malsain, parce qu'il n'a pas de limites, il n'a pas de limites...
Mme David :
On peut être fédéraliste et habiter au Québec.
M. Dufour (Christian) : ...il n'a pas de limites, et c'est pour ça que
j'espère que le gouvernement va affirmer, dans la disposition
constitutionnelle, qu'au Québec il y a une limite, il y a une majorité
francophone. Je regrette, je dis ce que je
pense. Le multiculturalisme canadien, je trouve qu'il est devenu toxique. Il ne
l'était pas au départ. Mais il n'y en a pas, de limites, madame, il n'y
en a pas.
Mme David :
Mais ça fait très longtemps, y compris au Parti libéral, qu'on prône
l'interculturalisme.
M. Dufour
(Christian) : Je le sais.
Mme
David : Là, l'autre
expression, bon, que M. le Pr Rousseau prend beaucoup, c'est la politique
de convergence culturelle. On pourrait faire des débats entre la
différence entre l'interculturalisme et la convergence culturelle, mais ce
n'est pas le lieu, ici. Mais on a toujours eu ça.
Maintenant, je viens,
justement, à la question de la Constitution. Je vous sens tenté, comme peut-être...
Benoît Pelletier travaille là-dessus depuis 20 ans, Jean Lesage a demandé,
en 1962, à Paul Gérin-Lajoie de faire la même chose, travailler sur une
hypothèse de constitution du Québec. Ça ne date pas d'hier, là, ça fait très
longtemps. Là, il y a eu une reviviscence, et il y a eu cet article 45,
qui a été utilisé. Mais Guillaume Rousseau nous parlait, ce matin, de mettre «l'État est laïque», dans la
constitution que le ministre veut ouvrir via l'article 45. Vous, vous
proposez de mettre la société distincte, Benoît Pelletier a toute une
longue liste de ce qu'on pourrait mettre. Mais est-ce qu'on veut vraiment que
le ministre change son projet de loi, avec l'article sur le... 90Q.1., 90Q.2.,
90Q.3., 90Q.4., on va peut-être aller jusqu'à je ne sais pas combien, pour en
faire un projet de loi sur une constitution québécoise?
M. Dufour
(Christian) : Non, votre question est très pertinente, Mme la
députée. Absolument pas, il ne faut pas faire ça. Et je trouve que je me méfie
beaucoup de ceux qui veulent des constitutions québécoises. Moi, dans mon texte, j'attire l'attention sur
deux choses qu'il faudrait mettre dans le texte constitutionnel canadien,
la prédominance du français et la société distincte. C'est juste ça que
je veux qu'on mette. Sinon, vous avez raison, ça va déraper.
Mme David :
C'est parce que d'autres ont des bonnes idées aussi.
M. Dufour
(Christian) : Et, juste pour terminer, ne doutez jamais que, moi, là,
un fédéraliste, je peux être très nationaliste, hein? Je veux être critique
d'un multiculturalisme «canadian».
• (18 h 30) •
Mme David :
O.K. Je vous entends bien. Maintenant, là où je ne comprends pas trop, là, je
ne comprends pas trop, vous dites :
C'est très opérationnel, le mot «claire», plutôt que «nette»
prédominance. En quoi le mot «claire» est si clair que ça dans son
opérationnalisation?
M. Dufour
(Christian) : Bien, ou «nette», écoutez, ce que je... Excusez... Ça
va? Ce que je veux dire, c'est que «nette» ou «claire», c'est la même chose,
là. Ce que je trouve qui est dommage, c'est quand on veut se mettre à mesurer
la clarté puis mesurer la grosseur des lettres. Puis ça, c'est très perdant,
parce qu'on fait mesquin, on fait étroits d'esprit. On le voit, quand le français
est prédominant ou pas, je pense qu'il faut faire confiance à la bonne foi des
gens, au bon sens des gens. Et dans les commerces, moi, ça m'a toujours
fasciné, les gens qui ne sont pas dans la politique, là, dans les établissements
commerciaux, il y a des centaines, il y a des milliers de commerces, là, où on
le fait spontanément. Il y a du
français et de l'anglais, le français
est clairement prédominant, et c'est valorisant pour les francophones, l'anglais a une place. Donc, le clair, c'est important,
par exemple, le clair ou le net, si vous voulez, moi...
c'est qu'il faut simplement que ça soit clair, là.
Mme
David : Mais là, c'est
encore moins clair pour moi, parce que quand on fait une recherche dans le projet de
loi du ministre, il emploie le mot
«nette» prédominance. Claude Ryan, quand la clause nonobstant
n'a pas été renouvelée, après 1988, ça a été la «nette» prédominance
dans l'affichage.
M. Dufour
(Christian) : Bon, je m'excuse, madame, je m'excuse, je me suis mal
exprimé. Pour moi...
Mme David : Alors, si vous dites
qu'un est synonyme de l'autre, là, je suis un petit peu mélangée.
M.
Dufour (Christian) :
Excusez, juste parce que je sais que le temps est tellement
compté. «Claire» et «nette», c'est la même chose, pour moi, là, vous
comprenez, là, il n'y a pas de problème ça, là. Mais l'important, c'est que ce
soit «nette» ou «claire». Je ne vois pas la différence entre «nette» ou
«claire», vous avez raison.
Mme David : O.K. C'est parce que
vous dites que ça fait 30 ans que vous prônez le «claire», mais il existe
depuis 30 ans via le mot «nette», mais...
M. Dufour (Christian) : Si je dis
30 ans, c'est parce qu'on m'a tellement dit : Tu es mollasson, puis
ce n'est pas ça qu'il faut, puis bon, c'est pour ça que je dis ça, moi. Mais
que ce soit «claire» ou «nette», c'est la même chose exactement à mes yeux, il
n'y a pas de problème. Mais il faut que ce soit clair et net, là.
Mme David : Clair et net, bon.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme David : Mais je vous rassure, le
mot «nette» est là depuis très, très, très longtemps. Alors, on va s'entendre
là-dessus. Maintenant, le mot... vous n'aimez pas le mot «seule» langue
officielle. Ça m'a fait réfléchir. Vous dites : C'est exagérément
défensif. C'est comme voyons donc, là, la langue officielle, d'ailleurs, qui
est, depuis Robert Bourassa, en 1974, on a fêté les 40 ans en 2014...
Donc, le français seule langue officielle au Québec, vous trouvez que
l'adjectif est de trop, «seule», c'est exagérément défensif. Alors, j'étais
curieuse de savoir qu'est-ce qui fait que
vous trouvez que c'est trop, c'est comme... trop, c'est comme pas assez, ça
montre une certaine vulnérabilité?
M. Dufour (Christian) : J'ai hésité
beaucoup avant d'écrire ça, hein, puis j'ai beaucoup changé le petit texte.
Mais on dit ce qu'on pense, hein, et je trouve que ça fait défensif quand même,
c'est la seule langue officielle. Au fédéral, on ne dit pas : Le français
et l'anglais sont les seules langues officielles. Et ce n'est pas dramatique,
là, comprenez-moi bien, ce n'est pas un point aussi fondamental que la société
distincte, la prédominance du français puis la constitutionnalisation, mais il
faut quand même tenir compte du fait qu'on vit dans une époque où on a tendance à voir des exclusions partout. Le
multiculturalisme dont on parlait tantôt, là, hein, on exclut. Donc, le «seul», je craignais que, si on
insiste trop là-dessus, là on se fait dire : Oui, le seul, mais il y a aussi
autre chose. C'est juste que j'ai dit ça, hein? Parce qu'en soi, froidement, le
français est la langue officielle du Québec, tout est là, hein? Mais ça, écoutez,
moi, je n'en fais pas une maladie, là, c'est juste que j'attirais l'attention
sur le fait qu'il me semble, sur le plan politique, le français est la seule
langue officielle du Québec, je me demande si ça n'attire pas les
contestations, en disant : Mais oui, mais les autochtones aussi, hein, les
autochtones qui ont été tellement mal traités récemment, dont les langues sont
en voie de disparition. C'est comme le français, vous n'avez pas de sympathie,
pourquoi vous dites que c'est la seule, là? C'est juste ça, mais ce n'est pas
un point fondamental de ma présentation, c'est une remarque pour éclairer le
débat, pour stimuler le débat, pour stimuler le débat.
Mme David : O.K. Je trouve ça très intéressant,
en fait, comme réflexion, c'est une remarque qu'on pourrait retenir ou
reproposer.
Quand vous parlez de multiculturalisme, évidemment,
là, vous allez très loin, puis j'entendais un mot que vous n'avez pas prononcé,
mais qui est dans l'air du temps, là, la définition de ce qu'est être «woke»,
hein...
M. Dufour (Christian) : «Woke»?
Mme David : ...ça m'étonne, je ne
l'ai pas entendu dans votre bouche, mais il y a toutes sortes de choses qui
faisaient référence à ça, puis, des fois, j'étais comme un peu mal à l'aise,
parce que c'est comme si ça faisait, on est «woke» ou on est nationaliste ou on
est... j'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus, sur la définition que tout
le monde donne en ce moment.
M. Dufour (Christian) : Sur quoi?
Mme David : Parce que je dis ça,
parce que c'est comme, je ne voudrais pas qu'il y ait d'incompréhension, là,
sur... il y a tellement de concepts qui sont abordés ici, mais c'est comme si,
ça, c'est opposé au nationalisme, ou on est
nationaliste et puis on est pour la langue
française ou on est dans l'autre
gang, puis l'autre gang brûle des livres. Puis, en tout cas...
M. Dufour (Christian) : Je ne vais
pas me mettre à parler de «woke», là, parce que je trouve que... je crois que c'est un débat public, mais ce n'est tellement
pas l'objet de mon mémoire. Mais ce que je crois profondément, c'est que
le multiculturalisme, lorsqu'il a été adopté, moi, j'ai l'âge pour m'en
souvenir, c'était une façon, en partie, pour remettre le Québec à sa place. Ce
n'était pas juste ça, mais c'était, en partie, ça, parce qu'au départ on était
dans le biculturalisme, vous vous en
souvenez. Dans un premier temps, c'était une idéologie qui était modérée, bon,
comment pouvait-on être contre ça. Ça a progressé, c'est devenu
hégémonique, hein, le Canada, monsieur... non, je ne veux pas nommer de gens, là, mais il y a
des gens qui vont définir le Canada comme essentiellement multiculturel, c'est devenu la nature
du... Et, moi, ce qui me dérange là-dedans, c'est l'intolérance et la
fermeture, c'est tout un paradoxe, parce que ce sont des idéologies qui ne parlent que
d'ouverture et d'inclusion, mais qui sont fermées et qui sont implacables,
je parle d'idéologie, je ne parle pas des individus, qui sont implacables à
l'égard de la différence québécoise, et c'est ça qui m'inquiète beaucoup.
La grande manifestation contre le racisme à Montréal,
le Black Lives Matter, où il n'y avait pratiquement pas de Français, ceux qui ont critiqué se sont fait dire : Écoutez,
vous êtes des mesquins. C'est l'ouverture qui est importante.
Et je me dis : si on n'est pas capable
de critiquer un multiculturalisme canadien sans limites, qui est devenu
toxique, moi, je... C'est nouveau, je ne le critiquais pas avant. Mais
il faut dire les choses, là, quand j'ai vu...
La Présidente (Mme Thériault) : Je
dois vous interrompre.
M. Dufour (Christian) : ...la ministre
d'origine afghane qui a parlé des frères talibans, j'ai dit : Wo! là.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre, malheureusement. On a dépassé de 12 secondes. Donc, Mme
la députée de Mercier, vous avez votre 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Dufour. Vous parlez de société distincte. Vous
trouvez que c'est important de l'ajouter dans la constitution. Donc, vous
trouvez que «nation», ce n'est pas suffisant, et vous définissez «société
distincte» comme étant une majorité francophone vers laquelle on invite les
minorités, les nouveaux arrivants, à s'y
intégrer, tout en gardant leur culture. Moi, c'est drôle, je lis la définition
de l'interculturalisme, comme M. Gérard Bouchard en parle. Et,
justement, M. Bouchard aussi, dans un papier récemment, avait parlé du
fait que dans Black Lives Matter, quand il y avait cette manifestation où
j'étais, il y avait du français, mais c'est vrai qu'il y avait beaucoup d'anglais, il était inquiet de cet amalgame-là
entre : français, c'est l'exclusion, anglais, ça nous inclut tous.
Et je voudrais vous entendre, comment est-ce que vous trouvez que se passe
l'intégration des nouveaux arrivants, au Québec, aujourd'hui? Comment ça se
passe?
M. Dufour
(Christian) : Ah! écoutez,
c'est un gros sujet, hein? Je pense que ça semble s'être bien passé par rapport au passé, parce qu'avant, hein, les francophones étaient seuls puis ils
avaient l'impression que les immigrants s'intégraient systématiquement à
la communauté anglophone. Donc, il y a eu un énorme succès, en fait, du Québec
moderne, où on a intégré beaucoup
les immigrants, bon, avec des problèmes comme ailleurs. Donc, moi, je porte
un jugement assez positif, mais c'est un sujet tellement compliqué et
miné.
Mais je vais
parler de la société distincte, si vous permettez. C'est l'héritage de Robert
Bourassa, c'est vraiment ça. Le Québec est une nation et une société distincte au sein
du Canada. C'est un cadre, une
société distincte. Moi, je suis avocat, hein, et c'est important un
cadre. La seule contenue, c'est une majorité francophone. C'est compatible avec
l'existence du Canada. C'est très puissant la société distincte, tu en fais ce
que tu veux de la société distincte, la seule chose, c'est qu'il y a une majorité
francophone, tout est là.
Mme Ghazal : Mais de dire nation...
M. Dufour (Christian) : Alors que
«nation», c'est fort sur le plan politique, émotif et symbolique, mais à un
certain niveau, «société distincte» est plus fort. Parce que les nations, les
nations autochtones, qui conteste le statut de nation des nations autochtones?
Le Québec est les deux de toute façon, je trouve qu'il faut dire les deux. Mais
«société distincte», moi, j'ai toujours défendu ça, c'est l'héritage de Robert
Bourassa, c'est porteur de pouvoir, c'est un cadre et c'est ce qui nous
distingue du multiculturalisme parce qu'on dit : Il y a une majorité
francophone. Le multiculturalisme n'est pas capable de dire, au Canada :
Il y a une communauté d'accueil. On n'est plus capable de dire ça. On accueille
les gens, on célèbre leur différence puis il n'y a pas de message d'intégration
suffisamment envoyé, ça semble évident. On ne dit pas assez aux gens qu'on accueille puis
on célèbre... Écoutez, faites un effort pour vous intégrer un peu.
Mme Ghazal : J'ai une dernière
question. Je me chicanais avec mon recherchiste. Est-ce que vous êtes
indépendantiste? Parce qu'on se posait la question depuis tantôt, puis là, je
ne le sais pas.
M. Dufour
(Christian) : Moi, j'ai
écrit un livre sur la proportionnelle, qui s'appelle Le Pouvoir québécois
menacé, où j'explique ce que je suis là-dedans. Moi, ce n'est
pas ma tasse de thé, là, la souveraineté puis la... c'est le pouvoir québécois,
mon paramètre. Moi, je défends le pouvoir québécois, c'est pour ça que
d'ailleurs l'intervention de M. Legault,
dans la campagne électorale, sur le pouvoir québécois que tout le monde a
critiquée, moi, je l'ai défendue parce que je trouve qu'il défendait le
pouvoir québécois. Pour moi, là, quand j'étais jeune à Chicoutimi, et je
raconte ma vie, ça me semblait évident que le Québec devait être indépendant,
puis qu'il avait été conquis par les Anglais, parce qu'on était tous des
francophones, bon. Puis, après ça, j'ai réalisé que les Québécois, c'était
plus...
• (18 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) : Je
dois vous interrompre.
M. Dufour (Christian) : Oui?
La Présidente (Mme Thériault) : Je
dois vous interrompre encore une fois. Je m'excuse.
Des
voix : Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme
Thériault) : Je m'excuse. Bon. Le dernier intervenant pour...
M. Dufour
(Christian) : Je vous enverrai mon livre.
La Présidente (Mme
Thériault) : ...encore 2 min 45 s, M. le député le député de
Matane-Matapédia. Je suis désolée de vous interrompre.
M. Bérubé :
Mme la Présidente, cette question-là est réglée pour nous. Le pouvoir
québécois, il passe par l'indépendance du Québec. Et sachez, M. Dufour,
qu'il y a une seule formation politique qui est d'accord avec votre position
sur le cégep en français, et c'est le Parti québécois. Alors, ce que vous avez
dit quant au pouvoir québécois, quant à la nécessité de prendre des décisions
pas consensuelles, nécessaires et difficiles, c'est exactement le propos que
j'ai servi au ministre cet après-midi, et je vous fais grâce de la réponse
qu'il m'a donnée.
Il est possible
d'être fédéraliste, d'être nationaliste, c'est la prétention du gouvernement,
et d'être audacieux. Je le souhaite. C'est la prétention du gouvernement de la
CAQ. Je vous donne le temps, le peu de temps que j'ai, pour essayer de
convaincre le ministre qu'il peut utiliser une occasion historique pour
permettre que le cégep, ça se passe en français pour les francophones, pour les
nouveaux arrivants, et que, sans cette mesure, c'est un projet de loi
relativement faible. Ce n'est pas costaud. Il manque quelque chose d'important.
Et, comme René Lévesque l'a déjà dit, quand on passe à côté d'un vrai destin,
d'une chance historique, c'est perdu. Alors, à vous la parole.
M. Dufour
(Christian) : Bien, écoutez, dans mon texte, dans ma présentation, je
pense que j'ai plaidé le plus que je pouvais pour que le gouvernement fasse
preuve et le ministre fasse preuve d'audace sur la question des cégeps. Et le
projet de loi n'est pas encore adopté, il y a une commission parlementaire.
Moi, je ne désespère pas du tout de ça, qu'au fil d'arrivée le gouvernement
change son fusil d'épaule. Pourquoi ne le changerait-il pas?
M. Bérubé :
Mais c'est parce que l'avantage, chez nous, c'est qu'il n'a personne à
convaincre de la nécessité de défendre la langue, et il faut lui donner des
arguments pour convaincre ses collègues.
M. Dufour
(Christian) : En tout cas, moi, j'essaie de donner les meilleures
frimes que j'ai. Vous me mettez dans une drôle, drôle de position. Mais, non,
mais je salue le Parti québécois d'appuyer cette position-là parce que, moi,
j'en suis rendu là.
M. Bérubé :
On a évolué, nous aussi, là-dessus.
M. Dufour
(Christian) : Il y a beaucoup de gens qui ont évolué, et je tiens à
dire qu'il y a beaucoup, beaucoup de gens qui, sur la question des cégeps, ont
changé d'idée parce que, le glissement, ils l'ont vu, ils l'ont senti, puis ça
les a inquiétés, puis ils ont dit : On est capables d'agir.
Vous savez, souvent
on est dans l'impuissance où on peut dire : Qu'est-ce qu'on peut faire
réellement? Là, c'est un dossier où on peut faire quelque chose.
M. Bérubé :
Et on est en bonne compagnie parce que Guy Rocher va venir dire la même
chose que nous en commission. J'ai hâte d'entendre le ministre lui dire que ce
n'est pas une bonne idée.
La Présidente
(Mme Thériault) : Il vous reste 45 secondes.
M. Dufour (Christian) : Ah!
O.K. O.K. O.K.
M. Bérubé :
Vous avez encore du temps, M. Dufour.
La Présidente
(Mme Thériault) : Il vous reste 45 secondes, M. Dufour,
prenez-les.
M. Dufour (Christian) : O.K. Écoutez, cela dit, moi, par exemple, je
trouve que le projet de loi reste intéressant en lui-même. Il a beaucoup
de choses intéressantes. Quelqu'un m'a parlé, tout à l'heure, de ma méfiance à
l'égard de l'administration publique, jusqu'à quel point on mettrait ça en
oeuvre. C'est vrai que... vous savez, la crise sanitaire, puis tout le domaine
de la santé, à un moment donné, je me suis dit : Oui, jusqu'à quel point
notre gros mastodonte public et parapublic livre la marchandise. Des fois, j'ai
un peu des doutes. Donc, quand j'ai lu le projet de loi de M. Simon
Jolin-Barrette, je trouvais ça très intéressant, mais... la machine va-tu,
va-tu, attendez, il ne faut pas dire ça, il ne faut pas penser ça, mais moi
j'ai des doutes des fois.
M. Bérubé :
Combien de temps?
La Présidente (Mme
Thériault) : Non, une seconde, donc c'est terminé.
M. Bérubé : On finance notre
assimilation en permettant l'accès universel aux cégeps anglophones.
La Présidente (Mme
Thériault) : Malheureusement, c'est terminé.
M. Bérubé : C'est ma prétention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, M. Dufour, je vais vous remercier pour votre participation en
commission parlementaire. Désolé de vous avoir coupé le micro, on va le dire
comme ça. Je suis la gardienne du temps, donc...
M. Dufour (Christian) : C'est
terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est terminé.
M. Dufour (Christian) : Merci
infiniment, hein, vraiment, c'était un beau débat. C'est un grand honneur.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je remercie.
Donc, pour les collègues, évidemment, la
commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 22 septembre, après les
affaires courantes. Merci. Bonne soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 43)