To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education

Version préliminaire

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, September 21, 2021 - Vol. 45 N° 92

Special consultations and public hearings on Bill 96, An Act respecting French, the official and common language of Québec


Aller directement au contenu du Journal des débats

Intervenants par tranches d'heure

  • 9 h 30

    • Thériault, Lise
    • Jolin-Barrette, Simon
    • David, Hélène
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
  • 10 h

    • Thériault, Lise
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Lévesque, Mathieu
    • David, Hélène
  • 10 h 30

    • David, Hélène
    • Thériault, Lise
    • Birnbaum, David
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 11 h

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Thériault, Lise
    • Skeete, Christopher
    • David, Hélène
    • Labrie, Christine
  • 11 h 30

    • Thériault, Lise
    • Labrie, Christine
    • Bérubé, Pascal
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 12 h

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Thériault, Lise
    • Lemieux, Louis
    • David, Hélène
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
  • 15 h

    • Thériault, Lise
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 15 h 30

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Thériault, Lise
    • Lévesque, Mathieu
    • David, Hélène
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
  • 16 h

    • Thériault, Lise
  • 17 h

    • Thériault, Lise
    • Bérubé, Pascal
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Lemieux, Louis
  • 17 h 30

    • Lemieux, Louis
    • Thériault, Lise
    • Lévesque, Mathieu
    • Birnbaum, David
    • Barrette, Gaétan
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
  • 18 h

  • 18 h 30

    • David, Hélène
    • Thériault, Lise
    • Ghazal, Ruba
    • Bérubé, Pascal
    • Dufour, Pierre

 

Journal des débats

9 h 30 (version révisée)

(Neuf heures quarante-six minutes)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.

La commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente : Mme IsaBelle (Huntingdon) est remplacée par M. Lévesque (Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) est remplacée par M. Barrette (La Pinière); Mme Saint-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Thériault) : Parfait. Merci beaucoup. Donc, ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous entendrons les témoins suivants : l'Office québécois de la langue française, le Pr Guillaume Rousseau et la Centrale des syndicats du Québec.

Donc, je cède maintenant la parole au ministre responsable de la Langue française pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de 5 min 34 s. La parole est à vous.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Je souhaite saluer, dans un premier temps, les collègues parlementaires qui nous accompagnent pour cet important projet de loi. Également, saluer la présence également des membres du Secrétariat à la promotion et la valorisation de la langue française qui vont nous accompagner durant l'étude du projet de loi, et les membres du cabinet, également, qui nous accompagnent.

C'est aujourd'hui que débutent les consultations particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Ces consultations sont les plus importantes de la présente législature en termes de nombre d'heures et de groupes entendus. La langue française nous rassemble. C'est l'expression de notre culture, de notre identité et de notre fierté, et surtout de notre nation.

Le constat est clair et factuel, le français connaît un recul inquiétant au Québec, et ce, particulièrement dans le Grand Montréal. Nous ne le répéterons jamais assez, quand le français perd du terrain au Québec, c'est la nation qui perd de sa force. Vous mesurez, tout comme nous, l'importance d'agir promptement pour protéger, promouvoir et surtout pour assurer l'avenir de notre langue commune, le français. Une réforme majeure de la Charte de la langue française n'est pas seulement nécessaire, il s'agit d'une <priorité nationale. Avec le projet de loi...

M. Jolin-Barrette : ... Québec, c'est la nation qui perd de sa force. Vous mesurez, tout comme nous, l'importance d'agir promptement pour protéger, promouvoir et surtout pour assurer l'avenir de notre langue commune, le français. Une réforme majeure de la Charte de la langue française n'est pas seulement nécessaire, il s'agit d'une >priorité nationale. Avec le projet de loi n° 96, nous proposons donc la plus importante réforme de cette loi fondamentale depuis son adoption il y a de cela 40 ans.

Vous me permettrez de rappeler en quelques mots les grands pans du projet de loi n° 96. Le devoir d'exemplarité de l'État en matière d'usage du français se trouve au coeur du projet de loi. Nous formons une société de langue française, et l'État doit agir comme principal protecteur de ce trait distinctif. Le bilinguisme systématique doit cesser au sein de l'appareil public. Ainsi le projet de loi fait de l'usage exclusif du français la norme, sauf dans certaines situations clairement définies, le tout, bien sûr, en assurant la protection des droits des Premières Nations et des Inuits ainsi que des institutions anglophones.

Le droit de travailler en français au Québec doit être mieux protégé. Les Québécoises et les Québécois ont le droit de gagner leur vie en français au Québec. Et le fait de travailler dans une entreprise de juridiction fédérale ne devrait rien y changer. De plus, la connaissance d'une autre langue que le français ne devrait pas être une condition d'embauche à moins d'être nécessaire. L'affichage commercial et le service en français sont aussi des priorités. La population a le droit d'être servie et informée en français. La Québec est francophone, et il faut que cela se voie, que cela s'entende.

En outre, ce projet de réforme vise à consacrer le droit pour toute personne domiciliée au Québec d'apprendre le français. À cet effet nous proposons la création de Francisation Québec. Ce nouveau point d'accès unique permettra de centraliser tous les services d'apprentissage du français, ce qui rendra l'inscription et l'apprentissage beaucoup plus simple pour tous. En matière d'enseignement secondaire, vous l'avez souvent entendu au cours des derniers mois, le français est et doit demeurer la langue normale des études au Québec. Nous y veillons dans notre projet de loi. Nous voulons mettre fin aux tendances qui, depuis 25 ans, défavorisent les études en français.

• (9 h 50) •

Afin que toutes ces propositions soient porteuses pour l'avenir et que la vitalité de la langue française soit une priorité d'action permanente du gouvernement du Québec, nous prévoyons également la création d'un ministère de la langue française ainsi que d'un poste de commissaire à la langue française indépendant et impartial, nommé par l'Assemblée nationale.

Enfin, le fruit est mûr et les conditions gagnantes sont réunies. La troisième voie existe, et c'est celle d'un Québec qui s'affirme, d'un Québec qui n'hésitera plus pour définir ce qu'il est. Ainsi, fière de ce qu'elle est, la nation québécoise inscrira son existence et son caractère francophone dans la Loi constitutionnelle de 1867, dans la Constitution. Nous sommes une grande nation portée par plus de 400 ans d'histoire. Nous n'avons pas besoin de la permission que quiconque pour exister.

Les murs de l'enceinte de notre Assemblée nationale ont été témoins de grands débats qui ont façonné notre démocratie et notre histoire. Malheureusement, dans les dernières semaines, certaines organisations ont tenu des propos insensés. Ces attaques envers le Québec ne <fonctionnent plus...

M. Jolin-Barrette : ... quiconque pour exister.

Les murs de l'enceinte de notre Assemblée nationale ont été témoins de grands débats qui ont façonné notre démocratie et notre histoire. Malheureusement, dans les dernières semaines, certaines organisations ont tenu des propos insensés. Ces attaques envers le Québec ne >fonctionnent plus. La nation québécoise, plus confiante que jamais, sait que son action est légitime et pertinente.

C'est donc avec respect, mais fermeté que nous réitérons qu'un appel au calme est nécessaire. Nous devons collectivement, tous ensemble, être à la hauteur de cet important débat. D'autres avant nous ont su poser les gestes pour assurer l'existence d'une nation francophone en Amérique du Nord. C'est à notre tour aujourd'hui de reprendre le flambeau de leurs efforts et de leur engagement.

Au laxisme qui a caractérisé les 15 dernières années, nous proposons l'ambition d'une relance linguistique. Il y a actuellement consensus historique, au Québec, sur la question linguistique. L'heure est venue de poser des gestes forts et concrets pour protéger et valoriser le français, notre langue officielle et commune. Le français doit être la langue utile, la langue rentable, la langue indispensable, comme le disait le ministre Camille Laurin en 1977.

C'est donc avec plaisir que nous lançons les consultations particulières sur le projet de loi n° 96. Je tiens à remercier tous ceux et celles qui seront présents aujourd'hui, dans les semaines à venir, et qui contribueront à faire avancer cet important débat pour la nation québécoise. Alors, à tous, je vous souhaite de bonnes consultations. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. Donc, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Marguerite-Bourgeoys à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 43 s. La parole est à vous.

Mme Hélène David

Mme David : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, tous ceux qui vous accompagnent. Bonjour, tous les collègues députés. Bonjour, mes chers collègues. Bonjour les partis d'opposition. On va passer beaucoup de temps ensemble, je l'espère beaucoup, parce que nous ne voulons pas de bâillons pour ce projet de loi — comme a dit le ministre, si important. Mais, avant toute chose, je voudrais féliciter le ministre pour l'agrandissement de sa jeune famille. Alors, je lui souhaite toute l'énergie nécessaire à mener de front tous ces aspects de sa vie. Et, dans quelques semaines, il me félicitera, moi aussi, je l'espère, pour l'agrandissement de ma famille, où je deviendrai mamie pour la première fois. Donc, voilà, génération oblige.

Je veux donc commencer en disant que c'est un projet de loi évidemment ambitieux, c'est un projet de loi substantiel avec de très, très, très nombreux articles qui vont demander de très, très, très sérieuses analyses particulièrement dans l'applicabilité. Nous aurions aimé, et je l'avais dit au ministre dès le début, avoir des consultations générales qui auraient été à la hauteur et à la mesure des enjeux, évidemment, qui sont soulevés. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens ont manifesté leur déception de ne pas être entendus. Il y aura 51, quand même, groupes qui seront entendus. Nous allons les lire, les écouter, les questionner avec toute la rigueur et l'objectivité possibles, mais nous aurions <préféré des consultations...

Mme David : ... beaucoup de gens ont manifesté leur déception de ne pas être entendus. Il y aura 51, quand même, groupes qui seront entendus. Nous allons les lire, les écouter, les questionner avec toute la rigueur et l'objectivité possibles, mais nous aurions >préféré des consultations générales.

Évidemment, il y a une utilisation, pour l'instant — on va en discuter longuement avec le ministre — du recours aux dispositions de dérogation qui sont sur tous les articles, les 202 articles, et nous aurons des questions très sérieuses par rapport à ça. Mais, étant donné, justement, le sérieux et l'ampleur de toutes ces dispositions de dérogation, nous pensons que mettre un bâillon par-dessus tout ça, ça serait vraiment très difficile et que, si on avait l'assurance de ne pas avoir de bâillon, ça pourrait mettre la table pour des consultations sereines, constructives pour le bien de tout le Québec.

Nous avons nous-mêmes déposé 27 propositions que, malheureusement, je ne retrouve pas toutes dans le projet de loi du ministre. J'en propose une, et j'espère qu'il pourra regarder ça attentivement. C'est qu'au lieu de faire le grand schisme entre anglophones et francophones sur la loi 101 au cégep, etc., nous proposions qu'il y ait des cours donnés en français dans les cégeps anglophones, trois cours sur peut-être 32 cours d'un D.E.C. habituel et normal, ce qui pourrait faire se mélanger ensemble deux cultures autour qui d'un cours en histoire, qui d'un cours en sciences politiques, qui d'un cours de langue et d'histoire communes, comme le ministre aime beaucoup employer ce mot. Alors, c'est quelque chose, vraiment, qui pourrait être très intéressant et constructif au lieu d'être divisif.

Ça sera notre ligne de réflexion tout le long : essayer d'être inclusifs. Le ministre nous a promis qu'il serait inclusif, que son projet de loi n'était pas divisif. Évidemment, il a lui-même fait référence à des enjeux qui sont ressortis. Je pense qu'il va falloir regarder ça avec beaucoup de maturité et de responsabilité pour faire... de sortir de ce projet de loi là non pas divisés mais réunis autour d'un enjeu que le Parti libéral a toujours trouvé très important, la langue française. Nous avons proclamé en 1974 que la langue française était la langue officielle du Québec. Nous n'avons pas changé d'idée. Nous continuons à penser que le projet de loi est important et nous allons travailler de façon constructive, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Mercier, à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de 56 secondes.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Oh! merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, chers collègues, élus et employés. Je suis très, très contente d'être ici aujourd'hui avec vous pour étudier cet important projet de loi.

Le ministre a parlé de consensus. C'est vrai qu'il y a un consensus dans la société québécoise et ici, à l'Assemblée nationale, autour de la langue française, notre langue commune qu'on veut protéger. On s'est beaucoup divisés, dans les dernières années, au Québec, sur différentes choses : la laïcité, le racisme systémique, etc., et c'est tout à fait normal, dans une société libre et démocratique, qu'on ne soit pas d'accord. Puis, ici, c'est la maison du peuple, la maison des débats, c'est ici qu'il faut qu'on les fasse. Mais la langue française, c'est une opportunité, ici, de nous unir <autour...

Mme Ghazal : ... On s'est beaucoup divisés, dans les dernières années, au Québec, sur différentes choses : la laïcité, le racisme systémique, etc., et c'est tout à fait normal, dans une société libre et démocratique, qu'on ne soit pas d'accord. Puis, ici, c'est la maison du peuple, la maison des débats, c'est ici qu'il faut qu'on les fasse. Mais la langue française, c'est une opportunité ici de nous unir >autour d'elle. Et moi, ma priorité, je l'annonce tout de suite, ça va être, comme l'a dit, le M. le ministre, il faut que la langue française soit rentable. Oui, on l'aime, c'est la langue du coeur, mais il faut aussi qu'elle soit la langue du pain, et pour qu'elle vive, bien, il faut que tous les Québécois travaillent en français. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, Mme la députée de Mercier. Donc, sans plus tarder, je regarde M. le député de Matane-Matapédia. Vous aussi pour une période de 56 secondes.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Dans toute l'histoire du Québec, aucune formation politique n'a posé des gestes aussi importants et courageux, de sa fondation à aujourd'hui, que le Parti québécois, et nous ne faisons pas exception avec nos propositions. Le gouvernement veut une proposition rassembleuse, il veut convaincre le Parti libéral du Québec, il veut convaincre la communauté anglophone, il veut convaincre les partis fédéraux. S'il y a un déclin, il ne faut pas poser des gestes qui rassemblent, il faut poser des gestes nécessaires, des gestes courageux, comme Camille Laurin et le Parti québécois l'ont fait en 1977, et le gouvernement de la CAQ est loin du compte, n'ayant pas réussi à convaincre son aile fédéraliste et affairiste d'aller plus loin.

Il faut intervenir avec des mesures courageuses qui ne feront pas l'unanimité : la fréquentation du cégep, un vrai débat sur l'immigration, l'exemplarité de l'État, le droit de travailler en français, la culture, les jeunes, ne pas permettre à des entreprises qui ne respectent pas le français de faire affaire avec l'État, les municipalités bilingues comme la municipalité d'Otterburn Park avec 8 % d'anglophones dans la circonscription du ministre qui va pouvoir permettre... continuer...

Auditions

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à votre 56 secondes, M. le député de Matane. Comme vous voyez, je serai très rigoureuse sur le temps qui est accordé, autant aux présentations qu'au droit de parole des députés.

Donc, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Office québécois de la langue française, et j'ai Mme Ginette Galarneau, qui est la présidente-directrice générale, et Mme Josée Saindon, qui est la directrice générale, relations avec les entreprises et l'administration. Bienvenue, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Office québécois de la langue française (OQLF)

Mme Galarneau (Ginette) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, la mission de l'office c'est de veiller à ce que le français soit la langue du travail, du commerce et des affaires, de faire la promotion de l'usage et de la qualité de la langue française et de surveiller l'évolution de la situation linguistique. La Commission de toponymie, qui est rattachée à l'office, a pour mission de s'assurer que le territoire du Québec est nommé avec justesse.

• (10 heures) •

Les membres de l'office ainsi que le personnel, nous avons la conviction que forts d'une expérience de plus de 40 ans au service de la population et de liens de collaboration durables <établis avec les...

>


 
 

10 h (version révisée)

<      Mme Galarneau (Ginette) : ...à l'office, a pour mission de s'assurer que le territoire du Québec est nommé avec justesse.

Les membres de l'office ainsi que le personnel, nous avons la conviction que forts d'une expérience de plus de 40 ans au service de la population et de liens de collaboration durables >établis avec les entreprises et les organismes de l'administration, l'office a les compétences requises pour assumer pleinement les nouvelles responsabilités qui lui seront confiées avec le projet de loi.

Toutes les entreprises au Québec ont certaines obligations à l'égard de la charte, par exemple, celle d'avoir leur affichage public, leur facture, leur site Web, leurs publications sur les médias sociaux et les inscriptions sur les produits en français. Le projet de loi vient préciser qu'aucune disposition de la charte ne peut être interprétée de façon à en empêcher l'application à toute entreprise ou à tout employeur qui exerce ses activités au Québec.

De plus, il propose que les entreprises de 25 à 49 personnes soient tenues de s'inscrire et de s'engager dans une démarche de francisation. Le Québec compte 20 000 entreprises qui emploient de 25 à 49 personnes. Comme c'est le cas actuellement pour les entreprises comptant 50 personnes et plus, elles devront démontrer que leur personnel peut travailler en français, que les communications internes et les outils de travail sont disponibles en français et que des mécanismes sont en place pour que leurs contacts avec la clientèle soient en français.

Il est certain qu'une démarche de francisation demande un engagement de la part des entreprises, mais les efforts investis sont durables et bénéfiques. Une fois certifiées, 94 % d'entre elles demeurent conformes à la charte. Dans de très nombreux cas, l'entreprise aura peu de changement à faire pour obtenir sa certification. Depuis 10 ans, les deux tiers des entreprises ont été certifiés sans avoir à mettre en place un programme de francisation.

L'office a établi une relation privilégiée avec les entreprises. Un sondage qu'on a fait l'hiver dernier auprès de 1 000 entreprises a montré que 87 % d'entre elles étaient satisfaites des services de l'office, un pourcentage en augmentation par rapport à celui de 2015, qui était alors de 82 %. L'office est persuadé que la relation de confiance établie avec les entreprises lui permettra d'implanter de manière harmonieuse les modifications apportées par le projet de loi.

Au 31 mars, c'est 73 % des plaintes qui visaient des entreprises de moins de 50 personnes. Il est donc essentiel de rejoindre ces entreprises par d'autres moyens que le traitement d'une plainte. L'investissement de 5 millions de dollars accordé par le gouvernement en 2020 a notamment permis à l'office de mettre en place des services destinés aux entreprises employant moins de 50 personnes. Regroupés sous le nom de Mémo, mon assistant pour la francisation, des outils dynamiques comme une auto-évaluation en ligne, des <capsules...

Mme Galarneau (Ginette) : ... 5 millions de dollars accordés par le gouvernement en 2020 a notamment permis à l'office de mettre en place des services destinés aux entreprises employant moins de 50 personnes. Regroupés sous le nom de Mémo, mon assistant pour la francisation, des outils dynamiques comme une auto-évaluation en ligne, des >capsules vidéo sont fort précieux pour aider les entreprises employant de 25 à 49 personnes dans leur démarche de francisation.

240 entreprises de compétence fédérale sur les quelques 3 000 situées au Québec sont inscrites à l'office et 189 d'entre elles, soit 80 %, sont certifiées. Ces entreprises ont compris la nécessité de servir leur clientèle en français. Elles ont aussi voulu offrir à leur personnel un environnement de travail en français. Comme il le fait déjà avec succès, l'office soutiendra les entreprises de compétence fédérale dans leur démarche de francisation. Il dispose déjà de l'expertise et des outils requis à cette fin.

Quant aux entreprises de cinq à 24 personnes qui devront déclarer au Registraire des entreprises du Québec la proportion des salariés qui ne sont pas en mesure de communiquer en français, le projet de loi prévoit que l'office, en collaboration avec Francisation Québec, déterminera annuellement les secteurs d'activité où le français est moins présent. Par la suite, il transmettra aux entreprises de ces secteurs une offre pour la mise en place de cours de français. L'office collabore déjà avec le ministère de l'Immigration afin de faire connaître aux entreprises l'offre de services en francisation du ministère ainsi qu'en mettant à disposition des apprenants des vocabulaires de divers domaines de travail.

Une plainte sur cinq reçue à l'office en 2020‑2021 visait l'affichage public. Il s'agit donc d'une préoccupation importante de la population. Le projet de loi propose que les mots en français contenus dans l'affichage soient nettement prédominants lorsque le nom de l'entreprise ou la marque de commerce n'est pas en français. Ce changement contribuera à assurer le visage français du Québec. En matière d'affichage public, l'office est très présent sur le terrain. Par exemple, à l'occasion de la pleine entrée en vigueur du règlement en 2019, plus de 1 000 entreprises ont été inspectées. Le travail de l'office a fait en sorte que la majorité de ces entreprises ont apporté les modifications nécessaires sans qu'aucune démarche juridique ne soit requise. De plus, avec l'ajout des nouvelles ressources, l'office a mis en place une équipe de surveillance qui a récemment inspecté l'affichage extérieur de 1 341 entreprises situées dans 10 régions du Québec.

La langue de service est également une préoccupation importante de la population puisque le quart des plaintes reçues à l'office portent sur l'incapacité d'être servi en français, ce qui en fait le <second motif de plainte en importance.

Le projet de loi...

Mme Galarneau (Ginette) : ... 10 régions du Québec.

La langue de service est également une préoccupation importante de la population puisque le quart des plaintes reçues à l'office portent sur l'incapacité d'être servi en français, ce qui en fait le >second motif de plainte en importance. Le projet de loi permettra à l'office d'exiger des mesures de correction de la part des entreprises qui font l'objet de plainte alors qu'actuellement il ne peut que les sensibiliser. L'office fait de nombreux rappels relativement aux droits de la clientèle d'être servie en français. Il mène, depuis cet été, une opération de surveillance visant à sensibiliser les commerces ainsi que les sièges sociaux et les franchiseurs des grandes enseignes de plus de 250 commerces situés sur l'île de Montréal, à Longueuil, à Laval et à Gatineau.

Du côté de l'administration, en mars dernier, 92 % des quelque 2 000 organismes de l'administration inscrits à l'office détenaient un certificat de conformité, et 87 % des ministères et organismes gouvernementaux avaient une politique linguistique approuvée. Présentement, la charte n'oblige pas les organismes de l'administration, contrairement aux entreprises, à réévaluer périodiquement leur situation linguistique. L'office a donc mis en place, depuis deux ans, une approche de suivi afin de s'assurer que les organismes, une fois certifiés, demeurent conformes à leurs obligations linguistiques. En mars dernier, 73 % des organismes examinés avaient maintenu des pratiques conformes. L'expérience menée a confirmé l'utilité et l'efficacité de cette approche que l'on retrouve dans le projet de loi pour les organismes scolaires et de la santé et des services sociaux.

L'office assure le traitement de toutes les plaintes qui sont déposées par les citoyens et les organismes. Elle en a reçu 4 326 en 2020‑2021, soit une augmentation de 18 % par rapport à l'année précédente, et de 54 % par rapport à 2018‑2019. Les deux motifs les plus fréquents sont les sites Web et la langue de service. L'augmentation du nombre de plaintes est une expression tangible de la préoccupation des Québécois quant à la situation du français. Le projet de loi renforce l'importance de tenir le plaignant informé du traitement de sa plainte, il précise les informations que celui-ci pourra obtenir. Ces modifications s'inscrivent dans la continuité des pratiques actuelles de l'office.

Rappelons que, dans le cadre d'une plainte, l'office se rend dans l'entreprise pour une inspection qui lui permet de constater s'il y a une contravention, puis il communique avec l'entreprise pour lui expliquer la nature de la contravention et il lui offre l'accompagnement nécessaire afin qu'elle effectue les corrections requises dans un délai raisonnable. Cette démarche permet d'obtenir de véritables résultats tout en minimisant le <recours aux tribunaux. Seul, 1 % des...

Mme Galarneau (Ginette) : ... la nature de la contravention et il lui offre l'accompagnement nécessaire afin qu'elle effectue les corrections requises dans un délai raisonnable. Cette démarche permet d'obtenir de véritables résultats tout en minimisant le >recours aux tribunaux. Seul 1 % des dossiers de plaintes sont transmis en moyenne par année au Directeur des poursuites criminelles et pénales.

En conclusion, la situation linguistique appelle à des efforts supplémentaires pour garantir que le français demeure la langue commune au Québec. Cela implique, entre autres, l'ajout de nouveaux acteurs, l'assujettissement de plus d'entreprises à la démarche de francisation et le renforcement de l'exemplarité de l'administration. Les changements...

• (10 h 10) •

La Présidente (Mme Thériault) : Et je vais devoir vous interrompre à ce moment-ci, Mme Galarneau, malheureusement, parce que le temps est déjà passé. Désolée. Donc... Pardon?

M. Jolin-Barrette : Ça peut être sur mon temps.

La Présidente (Mme Thériault) : Ça va être pris sur le temps du ministre? Pas de problème. Continuez, Mme Galarneau, on va retrancher les secondes sur le temps du ministre. Allez-y.

Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement, quelques secondes. Les changements législatifs proposés s'inscrivent dans l'approche préconisée par l'office au cours des dernières années et des activités menées auprès des entreprises, des organismes de l'administration ainsi que des citoyennes et citoyens pour assurer le respect des dispositions de la charte. Et c'est fort d'une expérience de plus de 40 ans que l'office pourra assumer les nouvelles responsabilités qui lui seront confiées avec le projet de loi.

La Présidente (Mme Thériault) : Parfait. Merci beaucoup. Désolée pour l'interruption. Malheureusement, je suis la gardienne du temps, donc merci au ministre d'avoir partagé ses secondes avec vous.

Dans le bloc qui suit, au niveau des échanges, nous allons procéder avec la partie ministérielle. Vous avez 15 minutes... Non, pardon... 16 min 30 s, l'opposition officielle, 11 minutes, les deuxième et troisième groupes d'opposition, 2 min 45 s, plus ou moins, selon le temps qu'on aura coupé.

M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Galarneau, Mme Saindon, bonjour. Merci d'être présentes avec nous pour le début des consultations sur le projet de loi n° 96.

On sait que l'OQLF est un partenaire important dans l'application de la Charte de la langue française. Je voulais savoir, d'entrée de jeu... parce qu'on en a beaucoup discuté au cours de la dernière année, de l'assujettissement des entreprises de juridiction fédérale à la Charte de la langue française. Le projet de loi, très clairement, il vient dire que toutes les entreprises doivent être assujetties parce que, dans le fond, tous les travailleurs doivent avoir la possibilité de travailler dans leur langue, en français. Vous disiez, dans votre allocution, Mme Galarneau, que, déjà, il y avait 240 entreprises de juridiction fédérale qui s'étaient assujetties volontairement à la Charte de la langue française. Comment envisagez-vous la capacité pour l'office de répondre à l'assujettissement de toutes les entreprises de juridiction fédérale?

Mme Galarneau (Ginette) : À la sanction de la loi, les entreprises de compétence fédérale de 50 employés et plus devront s'engager dans une démarche de francisation pour obtenir leur certificat, et celles qui emploient de 25 à 49 personnes auront trois ans pour le faire.

On compte déployer <plusieurs...

Mme Galarneau (Ginette) : À la sanction de la loi, les entreprises de compétence fédérale de 50 employés et plus devront s'engager dans une démarche de francisation pour obtenir leur certificat, et celles qui emploient de 25 à 49 personnes auront trois ans pour le faire.

On compte déployer >plusieurs moyens, par exemple, des campagnes d'information, établir des partenariats avec des regroupements sectoriels, comme celui, par exemple, du transport routier, dans lequel on retrouve plusieurs entreprises de compétence fédérale, et évidemment avoir des communications directes avec les entreprises.

Un grand nombre d'entreprises de compétence fédérale sont situées dans la grande région de Montréal, et on va y planifier des activités particulières de sensibilisation pour viser à l'inscription et à l'insertion dans la démarche de francisation. Et notre action sera également coordonnée avec celles de nos 10 autres bureaux. Donc, on va offrir un soutien personnalisé aux entreprises de compétence fédérale qui ont de 25 à 49 personnes pendant la période transitoire de trois ans. On va les accompagner dans la mise en place de bonnes pratiques linguistiques avec les outils qu'on a mis en place avec Mémo, dont j'ai parlé, mon assistant pour la francisation. Donc, il y aura des moyens qui pourront être déployés. Et il y en a plusieurs qui sont inscrites, hein, quand on dit un chiffre comme 240, il y en a qui sont très connues du public, j'ose les nommer, par exemple, Bell, le Groupe TVA, Telus, les Autobus La Québécoise, les installations portuaires Rio Tinto Alcan, toutes les banques à charte, les six grandes banques qui sont présentes au Québec sont inscrites à l'office, sont certifiées. Alors, ça nous montre que c'est possible de le faire, qu'on a l'expertise pour le faire, qu'on a les moyens, les outils pour faire en sorte que le plus grand nombre d'entreprises, un bien plus grand nombre d'entreprises de compétence fédérale soient certifiées.

M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends que vous êtes en mesure de répondre à ce défi-là, puis il n'y a pas d'enjeux pour l'OQLF par rapport à cet élément-là. D'ailleurs, vous l'avez bien dit il y en a certaines qui s'y assujettissent elles-mêmes actuellement.

Tout à l'heure, vous avez parlé du processus de plainte à l'OQLF, et je vais aborder la question de front, souvent, parmi les critiques de l'OQLF, on entend beaucoup dire : Écoutez, l'OQLF, c'est la police de la langue. Or, ce que j'ai constaté dans votre allocution, c'est surtout que l'OQLF est en mode accompagnement des entreprises à partir du moment où il y a une plainte. Alors, au niveau du processus, là, on vient donner des nouveaux pouvoirs à l'OQLF pour moderniser la loi, pour s'assurer que la Charte de la langue française soit respectée et de donner les outils à l'OQLF pour le faire, mais la logique dans laquelle l'OQLF se situe, là, je dois comprendre que c'est véritablement un accompagnement des entreprises pour changer les façons de faire et amener vers la <francisation...

M. Jolin-Barrette : ... pour moderniser la loi, pour s'assurer que la Charte de la langue française soit respectée et de donner les outils à l'OQLF pour le faire, mais la logique dans laquelle l'OQLF se situe, là, je dois comprendre que c'est véritablement un accompagnement des entreprises pour changer les façons de faire et amener vers la >francisation et faire en sorte, dans le fond, que l'environnement se déroule en français, en conformité avec la charte? Vous y allez beaucoup avec la carotte pour faire en sorte d'amener les changements à l'interne au sein des différentes entreprises. Est-ce que c'est bien ça?

Mme Galarneau (Ginette) : Oui, absolument, c'est l'approche qu'on adopte. C'est comme je le précisais tantôt, on se rend dans une entreprise pour constater l'infraction, mais, dès qu'on sait qu'il s'agit bien d'une infraction, on communique avec l'entreprise pour lui expliquer puis lui offrir l'accompagnement nécessaire, parce qu'on lui demande de faire des corrections dans un délai raisonnable. Les plaintes ont beaucoup augmenté et, avec l'ajout de ressources, le nombre d'inspecteurs est passé de quatre à huit, mais c'est toujours le même rôle qu'ont les inspecteurs, c'est de recueillir de l'information puis de ne pas exiger de correction immédiatement. Alors, contrairement à ce qui est dit, l'office ne donne pas de contravention ni d'amende, au contraire, on est là pour accompagner les entreprises.

Tous nos efforts sont faits, justement, pour faire en sorte de comprendre leur situation, voir quelle était véritablement l'intention de l'entreprise quand elle a mis en place tel affichage ou agi de telle manière dans le cas de la langue de service. Donc, tous nos efforts, puisqu'on a une longue expérience, qu'on traite avec un ensemble d'entreprises dans des secteurs différents, permettent aux entreprises qui ont... qui n'avaient pas, je dirais, de solution en tête, de leur en proposer et de leur donner le temps de le faire dans un délai raisonnable.

On l'a vu avec l'expérience menée dans le cas de la réglementation qui est entrée en vigueur en 2019, on a fait de grandes opérations à la fois de sensibilisation auprès de 5 000 commerces, on est allés également faire des inspections, on a accompagné les entreprises qui étaient... qui avaient des affichages non conformes, donc c'est vraiment la pratique de faire en sorte qu'on accompagne les entreprises, on les soutient, on leur donne des conseils.

M. Jolin-Barrette : Et sur la question des nouveaux pouvoirs que l'on vient confier à l'office, puisque la loi a été rédigée il y a 40 ans, c'est nécessaire également de moderniser les pouvoirs de l'office si on veut que l'Office puisse réaliser pleinement sa mission?

Mme Galarneau (Ginette) : Oui, effectivement, nos efforts sont faits pour éviter le plus possible des recours, des recours par les processus judiciaires. Mais il y a beaucoup de choses qui ont été dites, et je laisserais Josée Saindon préciser, effectivement, toutes ces <questions-là qui ont trait...

Mme Galarneau (Ginette) : ...Oui, effectivement, nos efforts sont faits pour éviter le plus possible des recours, des recours par les processus judiciaires. Mais il y a beaucoup de choses qui ont été dites, et je laisserais Josée Saindon préciser, effectivement, toutes ces >questions-là qui ont trait aux heures de visite, aux manières qui seront empruntées pour faire les inspections, si vous le permettez.

Mme Saindon (Josée) : Je vous remercie. Je prends quelques minutes à peine, simplement vous dire qu'effectivement le projet de loi vient apporter des précisions sur les endroits où pourront se faire des inspections, les moments où elles pourront se faire et ce que pourra demander un inspecteur. Donc, à cet égard-là, c'est fort intéressant. Ce sont des précisions qui sont utiles aux entreprises, utiles aux plaignants, utiles également à l'office.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'aimerais qu'on revienne sur l'étude qui a été publiée au mois de mars dernier par rapport à la situation linguistique, là, 2011‑2036, basée sur le portrait de la langue parlée à la maison, notamment le poids démographique des francophones dans la région métropolitaine de Montréal, notamment. Pouvez-vous nous rappeler les grandes conclusions de cette étude-là de l'OQLF?

• (10 h 20) •

Mme Galarneau (Ginette) : Oui, c'est une étude qui était un complément d'une étude qui avait été menée par Statistique Canada sur les projections, justement, du nombre de personnes qui allaient utiliser... qui allaient avoir, par exemple, du côté de la langue maternelle ou de la langue qui était parlée à la maison ou de la langue qui était connue, et donc il y avait plusieurs scénarios qui avaient été soumis par l'office à cette époque-là. Et donc, peu importe les scénarios qui étaient envisagés, le poids des personnes dont le français est la langue parlée le plus souvent à la maison, on voit qu'il va diminuer d'ici 2036 parce que la proportion des francophones passerait de 82 % à autour de 75 %. Dans la RMR de Montréal, la proportion passerait, elle, de 69 % en 2011 à 61 % en 2036. Et ce n'est pas la seule étude, de toute façon, qui a été menée par l'office, qui montre qu'il y avait... qu'il y a un recul, par exemple, dans l'utilisation du français au travail.

M. Jolin-Barrette : Donc, les récentes études démontrent qu'il y a un recul du français, un recul également de la langue parlée à la maison, également, d'où la nécessité d'agir sur plusieurs volets de la société, notamment la langue de travail, la langue des affaires, que ça se passe en français.

Sur la question, là, et ça sera ma dernière question avant de passer la parole à mes collègues de Saint-Jean et de Chapleau, sur la question de la francisation en entreprise, il y a un volet du projet de loi, là, qui aborde ça, comment l'office envisage son <rôle au niveau de la...

M. Jolin-Barrette : ...Sur la question, là, et ça sera ma dernière question avant de passer la parole à mes collègues de Saint-Jean et de Chapleau, sur la question de la francisation en entreprise, il y a un volet du projet de loi, là, qui aborde ça, comment l'office envisage son >rôle au niveau de la francisation en entreprise? Il y a beaucoup d'entreprises qui devront être francisées, pour les employés, justement. Comment est-ce que l'office envisage ces responsabilités-là?

Mme Galarneau (Ginette) : Oui. Les entreprises, donc, de 5 à 24 personnes, dans trois ans, et dès maintenant, dès la sanction de la loi pour les entreprises de 25 à 49, les entreprises auront la responsabilité d'inscrire dans leur déclaration annuelle au Registraire des entreprises la proportion de leurs salariés travaillant au Québec qui ne sont pas en mesure de communiquer en français. Les inscriptions, c'est... elles sont fournis à même, là, des formulaires existants du registraire, et c'est des formulaires que les entreprises sont déjà tenues de remplir. Puis ce qu'on... l'office devra faire, c'est que l'office pourra permettre à ses... pourra identifier, annuellement, les secteurs d'activité qui... où le français est moins présent. Il fera, en collaboration avec Francisation Québec, une offre aux entreprises de cours de français. Et donc c'est, pour nous, une occasion d'aller beaucoup plus loin du côté de la francisation des petites entreprises, parce que, déjà, on fait connaître aux entreprises l'offre de service du ministère en ce qui a trait aux cours de français et aux aides financières.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, Mme Galarneau. M. le député de Chapleau. Il reste quatre minutes au bloc.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et j'en profite également pour remercier le ministre, saluer les collègues. Merci, Mmes Galarneau et Saindon.

J'aimerais peut-être revenir sur les services d'accompagnement de l'office, un peu comment... dans le fond, faire un peu, là, un suivi avec vous des étapes d'accompagnement, comment qu'elles se déploient. Vous avez parlé d'inspections, vous avez parlé également, suite à l'inspection, d'un certain suivi. Puis, dans le fond, quels sont ces services-là, donc, par étape, juste pour me donner un bon portrait, là, d'un cas que vous traitez d'une façon très générique, là?

Mme Galarneau (Ginette) : Oui. L'inspection effectivement c'est à la suite d'une plainte. D'autre part, j'ai expliqué ce processus-là où, effectivement, l'accompagnement entre en ligne de compte dès l'instant que l'entreprise est informée qu'il y a une contravention. Mais, de façon générale, les entreprises, actuellement, employant 50 employés et plus doivent s'inscrire à l'office. Donc, quand elles s'inscrivent, on leur demande de compléter une analyse de la situation linguistique de leur <entreprise. Et c'est...

Mme Galarneau (Ginette) : ...une contravention. Mais, de façon générale, les entreprises, actuellement, employant 50 employés et plus doivent s'inscrire à l'office. Donc, quand elles s'inscrivent, on leur demande de compléter une analyse de la situation linguistique de leur >entreprise. Et c'est fort de cette analyse-là qu'on peut voir avec les entreprises quelles sont les mesures qui devraient être mises en place.

Comme je l'ai dit, les deux tiers des entreprises ont des corrections très mineures à effectuer, elles le font et, après correction, obtiennent leur certificat de francisation. Dans le cas des autres entreprises qui ont plus de mesures à mettre en place, il s'agit donc d'élaborer et de réaliser un programme de francisation au terme duquel les entreprises peuvent obtenir leur certification.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci. Vous avez parlé de... vous avez fait une distinction, c'est-à-dire, entre une mesure de correction exigée versus suggérée. Actuellement, vous pouvez simplement suggérer certaines mesures de correction et, avec le projet de loi, vous allez pouvoir l'exiger. Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce que ça va vous permettre de faire et quels bénéfices cela va pouvoir... vous allez pouvoir tirer de cela?

Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement, il y a une seule mesure dans laquelle l'office ne peut que sensibiliser les entreprises, ça a trait à la langue de service. Quand il y a des plaintes concernant un commerce, par exemple, où le français n'aurait pas été utilisé, ce qui se produit à ce moment-là, c'est que, dans ce cas-là, l'office communique avec l'entreprise, lui communique l'insatisfaction du client de ne pas avoir été servi en français, et on fait un rappel de l'importance d'être servi en français. Ce que le projet de loi introduit, c'est l'obligation avec l'entreprise de trouver un moyen pour corriger de manière durable cette infraction qui est apparue, c'est-à-dire cette non... le fait que le service n'avait pas été donné en français à l'occasion où le client s'est présenté.

M. Lévesque (Chapleau) : Et est-ce que dans les différents cas que vous analysez, que vous voyez, là, au quotidien, est-ce qu'il y a des zones grises que vous notez, que le projet de loi ne couvrirait pas nécessairement, ou certains pouvoirs dont vous auriez besoin, ou certains leviers qui vous seraient nécessaires, justement, pour bien mener à terme votre mandat?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Galarneau.

Mme Galarneau (Ginette) : Oui. On est en présence d'un projet de loi qui est un projet d'envergure et qui présente des défis extrêmement intéressants. Je pense que le fait qu'on puisse assujettir les entreprises de 25 à 49, c'est un pas très important, et c'est un défi important que l'office a bien hâte de relever.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de l'opposition officielle avec Mme la <députée de...

Mme Galarneau (Ginette) : ... les entreprises de 25 à 49, c'est un pas très important et c'est un défi important que l'office a bien hâte de relever.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de l'opposition officielle avec Mme la >députée de Marguerite-Bourgeoys. Vous avez 11 minutes d'échange avec l'Office québécois de la langue française.

Mme David : Merci beaucoup. Bonjour, Mmes Galarneau et Saindon, je crois. Bonjour. Merci beaucoup de vos commentaires.

Je vais aller directement aux articles 23, 26, 35, un changement majeur dans vos rapports avec l'Office des professions du Québec. J'ai fait longtemps partie d'un ordre professionnel, j'ai fait des inspections professionnelles. Il y a le changement majeur, pour ceux qui ne savent pas à quoi je réfère, c'est le changement du mot «réputer» par le mot «maintenir». En termes législatifs, «réputer», c'est extrêmement différent du mot «maintenir», alors on parle de connaissance de la langue française. Alors, jusqu'à maintenant, les professionnels qui n'avaient pas été, il y a des critères, formés en français, qui n'ont pas eu de l'éducation secondaire ou universitaire, etc., avaient donc besoin de passer un examen de l'OQLF. J'étais même allée vous rencontrer, à l'époque où j'avais des fonctions du ministre actuel, et on parlait beaucoup des examens de français pour les professionnels, justement, qui sont soit formés à l'étranger, soit formés dans des universités anglophones. Et donc ça, c'est changé, la personne ne sera plus réputée, une fois pour toutes, à vie, comme on dit, comme les gagnants à vie de la loterie, gagnant à vie d'être réputée parler français, elle va devoir maintenir ses compétences en français.

Ma question : Comment allez-vous suivre ces professionnels-là? Comment, sur quels critères vous allez faire le suivi des connaissances linguistiques? Sur quels critères vous allez appliquer la durée des conditions pour lesquelles ce professionnel sera, donc, réputé connaître le français?

Mme Galarneau (Ginette) : Oui, effectivement, le projet de loi modifie le Code des professions. Le non-maintien d'une connaissance appropriée, ça constitue un manquement déontologique. Le plaignant serait alors dirigé vers l'ordre professionnel, et l'ordre professionnel pourrait demander à l'office de procéder à une évaluation pour s'assurer du maintien de la connaissance du français. Alors, globalement, ça permet de s'assurer davantage que les membres sont en mesure d'offrir leurs services en français, et ce, de façon continue. L'office déploie beaucoup de moyens, effectivement, pour accompagner les membres des ordres professionnels en mettant à leur disposition des vocabulaires faisant en sorte qu'au moment où ils viennent passer les examens ils ont eu les outils nécessaires pour s'y préparer.

• (10 h 30) •

Mme David : On ne parle pas juste de vocabulaire technique lié à la profession, on parle de maintenir le niveau de connaissance de français. Ce n'est pas clair, pour moi, quel va être le rôle de l'office dans le maintien tout au long de la carrière. Ça, ça fait 40 ans <facilement...

>


 
 

10 h 30 (version révisée)

<      Mme Galarneau (Ginette) : ...ils ont eu les outils nécessaires pour s'y préparer.

Mme David : On ne parle pas juste de vocabulaire technique lié à la profession, on parle de maintenir le niveau de connaissance du français. Ce n'est pas clair, pour moi, quel va être le rôle de l'office dans le maintien tout au long de la carrière. Ça, ça fait 40 ans, >facilement, de maintenir le français. Ce n'est pas clair pour moi si ce sont les inspecteurs de l'Office, les inspecteurs des ordres professionnels, si on vérifie autant le maintien, la tenue de dossiers, par exemple, d'un professionnel, et est-ce que ce même inspecteur, qui est souvent du même métier, et évidemment de la même profession que le professionnel visé, va devoir faire passer des tests de français, ce n'est pas clair pour moi ni dans le projet de loi ni, pour l'instant, dans les indications que vous nous avez données.

Mme Galarneau (Ginette) : Bien, effectivement, ça va revenir aux ordres professionnels, qui pourront exiger de leurs membres qu'ils suivent des cours de perfectionnement pour recouvrir au besoin cette connaissance du français, et ils pourront exiger qu'ils obtiennent l'attestation de connaissance du français délivrée par l'office.

Mme David : Bien, voilà, ce n'est pas l'ordre professionnel, c'est donc l'office, vous venez de le dire, qui va attester de la... du bon maintien du français, le cas échéant, pour un ordre professionnel où l'inspecteur aurait juré... aurait jugé que le professionnel ne parlait pas suffisamment bien son français, ce n'est pas du tout clair pour moi comment ça va fonctionner, et je sais, parce que l'Office des professions du Québec, c'est beaucoup, beaucoup de professions, ça implique beaucoup, beaucoup de professionnels, ils sont inquiets et ils veulent avoir des précisions.

Mme Galarneau (Ginette) : Oui, effectivement, on le sait que les ordres... dans les ordres professionnels, on ne peut pas délivrer de permis aux personnes qui n'ont pas de connaissance du français qui est appropriée, donc il y a une obligation additionnelle que celle de maintenir, et c'est les ordres professionnels qui pourront constater, à l'occasion d'une plainte ou à l'occasion d'activités, qu'il y a des personnes qui devront suivre des cours de perfectionnement et que l'Office, comme il le fait actuellement, pour obtenir un permis de l'ordre, l'office pourra attester de la connaissance du français avec les examens...

Mme David : Donc, vous dites à l'occasion d'une plainte, ou c'est l'inspecteur qui fait des inspections régulières? On sait, à tous les trois, quatre ans, notre nom est pigé dans les 25 000 professionnels, ou les 10 000, il y a 75 000 infirmières, donc les inspections sont souvent aléatoires. Là, vous dites ça peut être une plainte, ce n'est pas ça qui est dit dans le projet de loi.

Mme Galarneau (Ginette) : Bien, ça pourrait être à cette occasion-là, ça pourrait être très certainement dans diverses situations. C'est l'ordre professionnel qui pourra en juger.

Mme David : Donc, quelqu'un fait une dénonciation, ça peut être un collègue, un autre collègue qui dit : Lui, il ne parle pas assez bien le français? J'essaie de comprendre comment on maintient, tout au long de la carrière, la compétence en français.

Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement, c'est l'ordre professionnel qui pourra faire en <sorte de...

Mme David : ...un autre collègue qui dit : Lui, il ne parle pas assez bien le français? J'essaie de comprendre comment on maintient, tout au long de la carrière, la compétence en français.

Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement, c'est l'ordre professionnel qui pourra faire en >sorte de réaliser que la personne n'a pas la pleine connaissance du français qui lui permet d'accueillir et de servir la clientèle en français.

Mme David : Et l'article 35, vous avez parlé tout à l'heure des sanctions, alors, je ne sais pas si c'est vous, directement, là, qui donnez éventuellement les sanctions, mais c'est, selon le Code des professions, c'est la sanction la plus grave qui peut être donnée, qui est au niveau d'accusations, de collusions, de corruption, d'abus, de gestes sexuels, usurpation de titre, etc., si la personne est considérée ne pas avoir maintenu suffisamment son français. Qu'est-ce que vous dites de ça?

Mme Galarneau (Ginette) : C'est l'ordre professionnel qui pourra juger de ce qui doit être fait, de la même façon que j'ai dit tantôt qu'il pourrait y avoir des cours de perfectionnement qui pourraient exiger que cette personne-là repasse l'examen de français de l'office. Donc, c'est l'ordre professionnel.

Mme David : Et donc c'est l'office qui va décider que la personne échoue ou n'échoue pas le cours de français tout au long de sa vie.

Mme Galarneau (Ginette) : S'il y a eu l'exigence, effectivement, de l'attestation. C'est comme ça de toute façon pour près de 2 000 personnes par année qui...

Mme David : Par année, une fois dans leur vie.

Mme Galarneau (Ginette) : Oui.

Mme David : C'est ça, O.K., merci beaucoup. Je veux juste, avant de passer la parole à mon collègue, vous demander ce que vous pensez de notre proposition, il me semble qu'elle était bonne, au Parti libéral, qu'il y ait un conseil d'administration à l'office. Il n'y a pas de conseil d'administration. Le ministre garde donc la... Il y a des membres, mais il n'y a pas de conseil d'administration au sens de l'IGOPP et de la gouvernance des conseils d'administration. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Galarneau (Ginette) : Pour connaître un peu la loi sur les conseils d'administration, très souvent on retrouve cette loi-là qui s'applique à des organismes qui sont des organismes qui peuvent subventionner, par exemple, des organismes de nature économique. Les organismes d'application des lois, je pense à l'Office de la protection du consommateur, je pense à l'Office des professions, c'est des organismes qui sont constitués de la même façon que l'office. De la même façon, on rend compte, dans le rapport annuel, à chaque année, des décisions qui sont prises pour les membres, parce que la loi est très précise sur les responsabilités des membres, les membres, par exemple, qui...

Mme David : Merci. Ça va, merci beaucoup. Je voudrais laisser du temps pour mon collègue...

Mme Galarneau (Ginette) : Excusez-moi.

Mme David : ...le député de D'Arcy-McGee.

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste 2 min 25 s.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mmes Galarneau et Saindon. Moi, j'ai eu le plaisir dans mes vies antérieures professionnelles d'avoir affaire avec l'office, et c'étaient des entretiens toujours marqués par du professionnalisme et transparence. Alors, j'en suis reconnaissant.

Je veux parler des pouvoirs <d'enquête. À l'article...

La Présidente (Mme Thériault) : ...2 min 25 s.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mmes Galarneau et Saindon. Moi, j'ai eu le plaisir dans mes vies antérieures professionnelles d'avoir affaire avec l'office, et c'étaient des entretiens toujours marqués par du professionnalisme et transparence. Alors, j'en suis reconnaissant.

Je veux parler des pouvoirs >d'enquête. À l'article 174, on a que «la personne qui effectue une inspection pour l'application de la présente loi peut :

«1° pénétrer, à toute heure raisonnable, dans tout endroit, autre qu'une maison d'habitation, où s'exerce une activité régie par la présente loi ou dans tout autre endroit où peuvent être détenus des documents ou d'autres biens auxquels elle s'applique».

Bon, on parle de l'ère numérique maintenant et les pouvoirs accrus nécessaires. Pouvez-vous me parler de trois choses? Dans un premier temps, les difficultés actuelles, sens et pouvoir dits pas mal exceptionnels, comment vous allez former vos inspecteurs pour qu'ils puissent se prévaloir d'un pouvoir assez sensible, et, troisièmement, vous avez parlé vous-même de relation de confiance, l'efficacité de vos entretiens avec les entreprises, est-ce que, de votre avis, cette efficacité ne serait pas compromise par le fait que ces pouvoirs soient à l'abri de la charte québécoise et canadienne des droits et libertés?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Galarneau.

Mme Galarneau (Ginette) : Alors, je vais commencer et je demanderai à Mme Saindon de compléter. L'office, je l'ai mentionné tantôt, c'est un organisme qui traite toutes les plaintes qui sont reçues à l'office. On a des défis parfois d'inspection, par exemple, dans des entrepôts. Il n'est pas possible, puisque ce n'est pas un lieu accessible au public, de faire des inspections dans les entrepôts, donc, ça, ça en fait partie, des défis.

Du côté de la formation, je vous dirais que nos... il y aura tout un programme de formation pour le personnel de l'office à la sanction de la loi pour faire en sorte, effectivement, qu'à la suite d'avis juridiques nous assurer d'une interprétation qui est cohérente, qui est uniforme. On va faire en sorte que les employés, effectivement, soient bien formés, et...

La Présidente (Mme Thériault) : Ceci met fin au bloc d'échange, Mme Galarneau, malheureusement, Mme Saindon. C'est pour une autre fois.

Mme Galarneau (Ginette) : Désolée.

La Présidente (Mme Thériault) : Il n'y a pas de problème. C'est le temps, c'est comme ça, malheureusement. Mme la députée de Mercier, 2 min 45 s pour vous.

Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation. Donc, j'ai peu de temps, en 2 min 45 s. Je vais vous poser deux questions en rafale... ou, si c'est possible, d'avoir votre document déposé, celui que vous avez lu au début, ça nous aiderait dans nos travaux. Vous avez dit que 73 % des plaintes proviennent d'entreprises qui ont 50 employés et moins. Est-ce que vous avez le détail? Par exemple, combien des plaintes proviennent d'entreprises de 10 employés à 25? Est-ce que vous avez ce genre de détail là? Et aussi, par rapport à la francisation en entreprise, c'est-à-dire que vous allez <avoir les...

Mme Ghazal : ... qui ont 50 employés et moins, est-ce que vous avez le détail? Par exemple, combien des plaintes proviennent d'entreprises de 10 employés à 25? Est-ce que vous avez ce genre de détail là? Et aussi, par rapport à la francisation en entreprise, c'est-à-dire que vous allez >avoir les chiffres dans les entreprises, les employés qui ne parlent pas français qui sont au Québec dans ces entreprises-là, est-ce que, dans le projet de loi, vous trouvez qu'il y a suffisamment d'incitatifs pour qu'il y ait de la francisation en entreprise? Et, quand je dis «francisation en entreprise», je pense, par exemple, à une mère monoparentale qui travaille le jour. Même si son employeur lui dit : Tu peux aller suivre une formation dans un organisme communautaire ou quelque part le soir, ce n'est pas possible. On le sait, la francisation la plus efficace, c'est celle qui se fait dans le milieu de travail. Est-ce qu'il y a... Est-ce que, selon vous, cette possibilité-là... Est-ce qu'il y a suffisamment d'incitatifs pour que la francisation se fasse en entreprise sur les heures du travail dans le projet de loi n° 96?

• (10 h 40) •

La Présidente (Mme Thériault) : Et vous avez 1 min 25 s pour répondre aux questions.

Mme Galarneau (Ginette) : Oui, effectivement, je considère qu'il y a beaucoup de moyens, en tout cas, qui pourront être mis en place à la suite de l'adoption des mesures qui sont prévues. Avec Francisation Québec, il faut mener un certain nombre d'expériences de cours de français, justement, dans les milieux de travail, faire en sorte que cette offre-là soit accessible aux personnes, par exemple en virtuel, au moment où les personnes sont disponibles ou sur les heures de travail. On sait qu'il existe déjà avec... des subventions qui existent, par exemple, du côté de la Commission des partenaires du marché du travail, avec un programme favorisant l'apprentissage en milieu de travail et la francisation. Donc, il faut tenter de déployer le plus possible ces moyens-là et d'atteindre les milieux où le français est moins présent.

Dans une étude qu'on avait réalisée dans le cadre du dernier programme de recherche, on a été capables de mettre le doigt sur les secteurs, par exemple, les secteurs du commerce de détail, du commerce en gros, du transport, d'être en mesure de voir que c'est dans ces secteurs-là qu'il faut tenter de rejoindre le plus grand nombre d'entreprises.

Mme Ghazal : Oui, ça, c'est...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois...

Mme Ghazal : Est-ce qu'il y a des cibles?

La Présidente (Mme Thériault) : Non, malheureusement, il ne reste plus de temps. Désolée.

Mme Ghazal : Oui, merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, je dois mettre fin à l'échange. M. le député de Matane-Matapédia, vous aussi, pour 2 min 45 s.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Le droit de travailler en français. 58,1 % des entreprises ont exigé l'anglais à l'embauche, selon vos statistiques. Alors, le projet de loi n° 96, est-ce qu'il va assez loin pour contrer l'exigence systématique de l'anglais à l'embauche? Parce qu'il ne l'interdit pas. Et, comme vous avez une indépendance face au gouvernement du Québec, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement, les études qu'on a menées nous montrent qu'il y a un recul du français et qu'il y a une utilisation de plus en plus grande du français avec l'anglais et qu'il y a des <exigences qui...

M. Bérubé : ...Et, comme vous avez une indépendance face au gouvernement du Québec, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement, les études qu'on a menées nous montrent qu'il y a un recul du français et qu'il y a une utilisation de plus en plus grande du français avec l'anglais et qu'il y a des >exigences qui sont de plus en plus nombreuses de la connaissance de l'anglais, que ce soit dans les entreprises ou les municipalités. Vous nous avez...

M. Bérubé : Ce n'est pas ma question.

Mme Galarneau (Ginette) : Oui, je sais.

M. Bérubé : Est-ce qu'il serait préférable de l'interdire?

Mme Galarneau (Ginette) : On pense qu'il y a des situations, et ces des situations qui nous sont rapportées, il y a des situations où les entreprises ont véritablement besoin. Quand elles ont, par exemple, elles ont un siège social et elles ont des établissements en dehors du Québec, il arrive qu'il y a des personnes qui ont un rôle à jouer. C'est des situations où elles ont des fournisseurs qui sont à l'extérieur du Québec. Donc, il y a des situations, mais on va passer d'une situation où on va avoir la possibilité de pouvoir nommer la nécessité, il va y avoir toute une évaluation qui devra être faite par l'entreprise. Avoir évalué les besoins linguistiques réels...

M. Bérubé : Merci, madame. En fait, mais j'ai peu de temps, madame. Nous sommes d'avis qu'il faut interdire. Vous partez d'exceptions pour appliquer la règle à l'ensemble des entreprises. Selon le Parti québécois, notre proposition, il vaut mieux interdire à tout le monde et que la règle soit claire, au lieu de prendre l'exception et d'en faire la règle. Donc, avec les statistiques que vous avez dévoilées, je suis d'avis qu'il vaudrait mieux interdire. Ça ne semble pas votre position.

Mme Galarneau (Ginette) : De toute façon, ce n'est pas la position de l'office. Le projet de loi va loin en disant que l'employeur devra s'être assuré que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres sont insuffisantes et avoir restreint le plus possible le nombre de postes dans l'accomplissement des tâches qui nécessitent la connaissance de l'anglais.

M. Bérubé : Respectueusement, nous n'avons pas la même définition d'aller assez loin en matière de projet de loi. Il m'apparaît que le gouvernement passe à côté de l'objectif. On interdit ou pas. On ne continue pas de prendre les exceptions et d'en faire la règle, et, en ce sens, notre position est diamétralement opposée à celle du gouvernement du Québec.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Mme Galarneau, Mme Saindon, merci beaucoup pour votre passage en commission.

Nous allons suspendre, maintenant, quelques instants afin de laisser la place aux prochains intervenants. Merci, bonne journée.

Mme Galarneau (Ginette) : Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 45)

(Reprise à 10 h 49)

La Présidente (Mme Thériault) : Rebonjour, tout le monde. Donc, nous en sommes rendus au deuxième groupe de la matinée. Nous avons le Pr Guillaume Rousseau, de l'Université de Sherbrooke, qui est accompagné de M. Marc-Antoine Larivée, diplômé en droit de l'Université de Sherbrooke et étudiant à l'École du Barreau. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous êtes un des rares groupes en présentiel. Donc, bienvenue. Et, sans plus tarder, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et, évidemment, présenter qui est qui. Allez-y. La parole est à vous.

MM. Guillaume Rousseau et Marc-Antoine Larivée

M. Rousseau (Guillaume) : Alors, bonjour, tout le monde. Je me présente, je suis Guillaume Rousseau. Merci pour l'invitation à venir vous faire part de nos commentaires sur le projet de loi n° 96. Je suis accompagné par M. Marc-Antoine Larivée, qui est étudiant à l'École du Barreau, et qui, comme moi, ici, aujourd'hui, s'exprime à titre personnel.

Il s'agit de la troisième fois que je suis invité en commission parlementaire à titre d'expert, mais je dois avouer que c'est la première fois que je suis invité à commenter un projet de loi aussi volumineux. Donc, vous allez me permettre, vu le temps qui nous est imparti, qui est quand même limité, de me concentrer sur les commentaires généraux, à la fois sur notre cadre théorique, notre méthodologie, et ensuite sur certains éléments du projet de loi. Évidemment, on ne pourra pas tous les commenter.

Mais, d'abord, permettez-moi de saluer le sérieux et la profondeur de ce projet de loi qui touche beaucoup de domaines et qui tient compte, je pense, des propositions fort pertinentes des différentes formations politiques représentées à l'Assemblée nationale qui, au cours des dernières années, des derniers mois en particulier, ont fait des propositions, et on sent que ça a été repris, là, en partie par le projet de loi. Donc, nous saluons également ces autres propositions. Et nous soulignons également qu'un projet de loi puise dans la littérature scientifique en matière de droit linguistique québécois, donc, pour des chercheurs comme nous, c'est vraiment bien de voir qu'on sent que les travaux de recherche des dernières années en droit linguistique québécois ont été pris en compte par les rédacteurs du projet de loi, et c'est évidemment une très bonne pratique.

• (10 h 50) •

Donc, notre mémoire puise dans cette littérature en matière de droit linguistique québécois, et cette littérature révèle une chose fort importante, c'est que l'épanouissement d'une langue minoritaire, comme le français au Canada, pour assurer cet épanouissement-là, il faut vraiment une approche territoriale, donc il faut une seule langue officielle par territoire. Donc, la littérature scientifique est très, très claire là-dessus, et c'était d'ailleurs l'approche qui était à la <base de la loi 101 en 1977 et qui a mené...

M. Rousseau (Guillaume) : ... c'est que l'épanouissement d'une langue minoritaire, comme le français au Canada, pour assurer cet épanouissement-là, il faut vraiment une approche territoriale, donc il faut une seule langue officielle par territoire. Donc, la littérature scientifique est très, très claire là-dessus, et c'était d'ailleurs l'approche qui était à la >base de la loi 101 en 1977 et qui a mené à des progrès pour le français à cette époque-là, dans les années qui ont suivi. Puis ensuite il y a eu... donc cette approche territoriale dans la loi 101 a connu un certain nombre de reculs et, avec elle, la langue française a connu des reculs. Évidemment, il y a d'autres facteurs qui peuvent jouer, mais n'empêche que c'est assez frappant. Alors, c'est une des raisons pourquoi, à certains égards, nous recommandons un retour à certains éléments de la loi 101 de 1977.

En même temps, puisque c'est la première grande réforme de la loi 101 depuis 1977, bien je pense qu'il faut aussi moderniser cette loi-là en tenant compte des évolutions survenues au Québec depuis 1977. C'est ce que le projet de loi cherche à faire, c'est pourquoi nous le jugeons opportun, mais, en même temps, nous proposons beaucoup de propositions d'amendements, vous en trouverez plus d'une vingtaine dans notre mémoire, et elles visent toutes, ces propositions-là, soit à accentuer le caractère territorial de la loi, soit revenir à la version de 1977 ou soit encore à moderniser la loi 101 en tenant compte d'évolutions récentes.

Donc, si on y va pour certaines dispositions, donc du projet de loi. D'abord, les modifications au préambule nous semblent parfaitement opportunes. On en propose trois autres, dont une sur laquelle je veux insister, c'est la mention du territoire québécois dans le préambule. Ça peut sembler symbolique, mais c'est que ça permettrait vraiment de mettre l'accent sur le fait que la loi 101, c'est une approche de territorialité linguistique, et c'est important que les personnes appelées à appliquer la loi aient ça en tête.

Ensuite, au niveau des droits linguistiques fondamentaux, parce qu'il ne faut jamais oublier, la loi 101, c'est quoi : le français, langue officielle, des droits linguistiques fondamentaux puis, ensuite, plein de dispositions spécifiques qui visent à mettre en oeuvre ces droits linguistiques fondamentaux, ces droits-là qui n'avaient pas été revus depuis 1977. Et là, vraiment, on a des choses intéressantes en matière de droits linguistiques fondamentaux, notamment un droit à la législation et à la justice en français. Et on a l'article 5 du projet de loi qui vient vraiment donner le corps à ce droit-là, entre autres, avec la règle résiduaire de la primauté de la version française des lois. Cette règle-là est valide, à l'égard de la constitution, surtout si on inclut dans la constitution l'article 90, Q-2, qui est proposé par le projet de loi. Et à la fois cette règle-là et cet ajout à la constitution sont tout à fait possibles en vertu de l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui permet au Québec de modifier sa propre constitution. C'est un pouvoir analogue à celui-là qui a permis, par exemple, d'adopter la loi sur le Conseil législatif qui a modifié l'article 133 de la constitution, hein, cet article-là parle des deux chambres de la législature de Québec, ça a été modifié par la loi sur le Conseil législatif, et c'est tout à fait valide, ça a été confirmé par un jugement dans l'affaire Montplaisir.

Ensuite, toujours au niveau des droits linguistiques fondamentaux, on propose de nouveaux droits des technologies de l'information en français, droit à l'enseignement en français, du CPE, qui n'existait pas en 1977, jusqu'à l'université, et on propose également <d'élargir...

M. Rousseau (Guillaume) : ...et c'est tout à fait valide, ça a été confirmé par un jugement dans l'affaire Montplaisir.

Ensuite, toujours au niveau des droits linguistiques fondamentaux, on propose de nouveaux droits des technologies de l'information en français, droit à l'enseignement en français, du CPE, qui n'existait pas en 1977, jusqu'à l'université, et on propose également >d'élargir le droit fondamental d'exercer ses activités en français. Hein, pour l'instant, dans la loi, c'est seulement pour les travailleurs, et en 1977 il n'y avait pas une pertinence à ça. Maintenant, il faut élargir ça, notamment aux entrepreneurs, on sait qu'il y a plus d'entrepreneuriat, là, chez les francophones aujourd'hui qu'à l'époque.

Les dispositions du projet de loi en matière de langue du travail sont également fort bien pensées. On propose un ajout, c'est-à-dire d'interdire de discriminer un employé parce qu'il ne parle pas une autre langue, parce qu'il ne parle pas anglais, généralement, même lorsque c'est requis par le poste de parler anglais, pourvu que l'employé soit prêt à apprendre cette langue aux frais de l'employeur.

Concernant les cégeps, on y va d'une proposition pour concilier l'application de la loi 101 au cégep et la préservation d'un certain libre choix, donc on a une espèce de proposition de compromis qui permettrait entre autres de garantir aux anglophones le choix de leur cégep, ce qui n'est pas toujours évident à l'heure actuelle. Et si jamais le législateur ne nous suit plus, ne nous suit pas pour cette proposition, on en a une autre, qui est simplement de mettre un objectif à moyen terme, en termes de réduction des effectifs des cégeps anglais.

Sinon, toujours en matière d'enseignement supérieur, et là c'est peut-être le gros oubli du projet de loi : le français comme langue de recherche. Il faut dire qu'il y a une étude de l'ACFAS qui est sortie après le dépôt du projet de loi et qui démontre clairement le recul du français comme langue de recherche. Donc, nous, on vous propose un amendement très, très détaillé en cette matière.

Ensuite, il y a la question des langues autochtones. À mon avis, il n'y a rien dans le projet de loi qui porte atteinte ou qui enlève de quelconque manière des droits relatifs aux langues autochtones. En fait, il y a juste l'article 68 qui concerne les autochtones, puis il permet de les accommoder davantage, donc il n'y a pas de problème. Et ce qu'on souhaite attirer à votre attention, c'est que ce ne serait probablement pas le bon endroit, ce projet de loi là, et la loi 101, pour adopter des mesures favorables aux langues autochtones. Parce que la façon dont fonctionne la loi 101, c'est... le principe, c'est pour le français, et les dispositions sur les autres langues, c'est des exceptions, donc d'interprétation stricte. Alors, si on veut adopter des mesures pour les lois autochtones, il faut plutôt les mettre dans une autre loi, où, à ce moment-là, ce seraient des principes en faveur des langues autochtones, mais, pour ça, c'est vraiment une autre loi, un autre projet de loi, là, qui serait le véhicule approprié.

Enfin, concernant la langue du commerce, on salue les avancées, notamment en matière de marques de commerce. On souhaite aller plus loin, on souhaite qu'il y ait un droit à avoir des vêtements, des accessoires en français, et on souhaite un retour à la règle de l'affichage commercial exclusif en français, mais seulement pour les grandes, voire les très grandes entreprises, et on suggère comme seuil 75 employés. Pourquoi? Parce qu'ailleurs dans le mémoire, on suggère d'abaisser le seuil, pour le comité de francisation, de 100 à 75 employés. À l'heure actuelle, le projet de loi touche au seuil pour les certificats de francisation, de 50 à 25, par cohérence, nous, on irait de 100 à 75 pour l'obligation d'un comité de francisation, et 75 deviendrait le seuil des règles applicables aux grandes entreprises, <notamment...

M. Rousseau (Guillaume) : ... comité de francisation, de 100 à 75 employés. À l'heure actuelle, le projet de loi touche au seuil pour les certificats de francisation, de 50 à 25, par cohérence, nous, on irait de 100 à 75 pour l'obligation d'un comité de francisation, et 75 deviendrait le seuil des règles applicables aux grandes entreprises, >notamment l'affichage unilingue au niveau commercial. Évidemment, ça pourrait être contesté en vertu de la liberté d'expression des chartes des droits, mais grâce aux dispositions de dérogations, ce serait protégé et, soit dit en passant, l'usage de la disposition de dérogation, des dispositions de dérogation dans le projet de loi, c'est tout à fait conforme à la jurisprudence, à la théorie doctrinale dominante, à la pratique passée de l'Assemblée nationale, parce que c'est un usage préventif, mais non rétroactif, expresse et qui est fait pour les questions d'identité et de progrès social.

Cela dit, même s'il n'y avait pas de dispositions de dérogation, l'affichage unilingue français pour les grandes entreprises, ça passerait le test des chartes, très vraisemblablement. Et là-dessus je laisse Marc-Antoine développer avec le temps qu'il nous reste.

M. Larivée (Marc-Antoine) : Oui. Donc, Mme la Présidente, en passant, bonjour à tous et à toutes, donc, pour faire suite à la proposition du Pr Rousseau, selon l'avis juridique de 1993 du Pr José Woehrling, un retour à la règle d'affichage exclusif en français, donc, comme il l'a mentionné pour les entreprises de 75 personnes et plus, passerait vraisemblablement aujourd'hui les exigences du test de l'article premier de la charte canadienne, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, la jurisprudence actuelle prévoit que lorsque le législateur tente de concilier des intérêts, qu'ils soient politiques, sociaux ou économiques, comme en l'espèce, il faut interpréter le critère de l'atteinte minimale de manière souple ou flexible, contrairement à l'interprétation rigoureuse que la Cour suprême a autrefois appliquée dans certaines décisions telles que l'arrêt Oakes ou l'arrêt Ford.

Deuxièmement, la jurisprudence prévoit que des restrictions à la liberté d'expression commerciale se justifient beaucoup plus facilement au sens de l'article premier que, par exemple, des restrictions à la liberté d'expression politique parce que la liberté d'expression commerciale ne s'assimile pas aux valeurs qui sont fondamentalement protégées par l'article 2b de la charte canadienne. Il est important de souligner que ce principe a récemment été confirmé par la Cour d'appel fédérale en 2020 dans l'affaire Canada Inc., Compu.Finder contre Canada.

Finalement, pour terminer, on propose une modification quant aux traitements des plaintes de l'office française québécoise. En fait, on juge que, lorsqu'il s'agit d'une plainte d'intérêt collectif et général, l'office devrait avoir l'obligation d'informer, un, le plaignant de sa plainte, deux, les mesures que l'office prend, et, trois, les mesures que l'auteur du manquement prend, le cas échéant. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Avec l'autorisation du ministre, les 15 secondes de plus que vous avez prises seront retranchées au temps du ministre. M. le ministre, la parole est à vous.

• (11 heures) •

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, Mme la Présidente. M. le professeur Rousseau, M. Marc-Antoine Larivée, merci de participer aux consultations sur le projet de loi n° 96. Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire, qui est fort intéressant et très fouillé.

D'entrée de jeu, je voudrais vous entendre sur la notion de langue commune et de la question de la culture commune, parce que vous semblez faire un lien entre la langue commune, la <culture commune...

>


 
 

11 h (version révisée)

<15359 M. Jolin-Barrette : ...sur le projet de loi n° 96. Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire, qui est fort intéressant et très fouillé.

D'entrée de jeu, je voudrais vous entendre sur la notion de langue commune et de la question de la culture commune, parce que vous semblez faire un lien entre la langue commune, la >culture commune et la convergence culturelle. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là et ce que ça signifie?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, merci pour cette question. Effectivement, c'est un des points que je n'avais pas pu aborder dans ma présentation orale, mais qui est développé dans le mémoire. Donc, je suis content d'avoir l'occasion de développer ça un peu.

Donc, la notion de langue commune, d'abord, il faut vraiment rappeler de quoi on parle. Ça s'inscrit, la notion de langue commune... c'est arrivé avec la commission Gendron, au début des années 70, parce qu'à ce moment-là il y avait comme un débat où on avait, d'une part, le bilinguisme prôné par le gouvernement Trudeau, la Loi sur les langues officielles, puis, d'autre part, il y avait l'unilinguisme, avec le RIN, et là c'est comme si on avait ce choix, soit c'était le bilinguisme, soit c'était l'unilinguisme, ce qui était, évidemment, un non-sens.

Donc, la commission Gendron est arrivée à cette notion de langue commune qui disait, dans le fond : On peut très bien avoir plusieurs langues au Québec, il peut très bien avoir une communauté d'expression anglaise, avec des membres de la communauté qui parlent anglais entre eux, il peut avoir une communauté hispanophone, arabophone, nommez-les, mais il faut une langue commune. C'est-à-dire que, lorsque vous avez quelqu'un de la communauté anglophone qui parle à quelqu'un d'expression française, la langue de communication interlinguistique, dit-on parfois en langage technique, ça devrait être le français. Puis, des fois, on allait même plus loin, on disait : Lorsqu'un hispanophone s'adresse à un anglophone, la langue commune, ça devrait être le français, parce que c'est la langue que tout le monde connaît au Québec.

Donc, dès qu'on est dans un contexte interlinguistique, le français devrait être la langue commune. Donc, ça permettait de dépasser cette opposition entre unilinguisme et bilinguisme, et ça a fait consensus. Donc, ça, c'est vraiment... Donc, c'est extrêmement opportun, à mon avis, que le projet de loi mette ce concept-là dans la loi, alors qu'avant c'était dans le livre blanc. Donc, on savait que c'était derrière la tête du législateur en 1977, mais là, vraiment, de le mettre dans la loi, ça m'apparaît vraiment très opportun.

Et, toujours en 1977, donc après la loi 101 en 1977, est arrivée, en 1978, la politique de développement culturel, dans les deux cas, sous la responsabilité de Camille Laurin, avec Fernand Dumont, Guy Rocher et quelques autres. Et là ce qu'on disait, c'est que, si vous avez une langue commune, forcément, ça a des conséquences sur la culture, parce que la façon qu'on conçoit la langue au Québec c'est, oui, évidemment, un outil de communication, mais c'est aussi un véhicule culturel, donc, et c'est là que l'approche québécoise diffère de l'approche fédérale, où, au fédéral, on dit : Il y a le bilinguisme et le multiculturalisme. Donc, on déconnecte langue et culture. Au Québec, on a plutôt l'approche de dire : Non, non, la langue c'est très culturel. Donc, à partir de là, si on fait la promotion d'une langue commune, il faut, en même temps, faire la promotion d'une culture commune. C'est dans la logique des choses.

Puis donc, toujours dans la politique de développement culturel de 1978, on disait : Comment on peut faire cette culture commune là sachant qu'il y a plusieurs cultures présentes au Québec? Personne ne nie ça, au contraire, il s'agit de valoriser ça, mais le concept qui a été mis de l'avant, c'est celui de convergence culturelle, c'est-à-dire, reconnaissons qu'il y a plusieurs gens avec des bagages culturels distincts, mais projetons-nous vers l'avenir, convergeons vers le fait de bâtir ensemble une culture commune à tous, ce qui ne nous empêche pas d'avoir chacun des référents culturels particuliers, mais convergeons vers une culture <commune...     

M. Rousseau (Guillaume) : ... Mais le concept qui a été mis de l'avant, c'est celui de convergence culturelle, c'est-à-dire, reconnaissons qu'il y a plusieurs gens avec des bagages culturels distincts, mais projetons-nous vers l'avenir, convergeons vers le fait de bâtir ensemble une culture commune à tous, ce qui ne nous empêche pas d'avoir chacun des référents culturels particuliers, mais convergeons vers une culture >commune, qui, forcément, est la culture québécoise d'expression française, mais qui est, évidemment, ouverte à des apports, notamment, provenant des cultures issues de l'immigration. Donc, c'est pourquoi on parle, dans le mémoire, de langue commune, culture commune, convergence culturelle.

M. Jolin-Barrette : Et pensez-vous que cette approche-là permettrait, autant sur la question de la langue commune mais aussi de la culture commune, d'avoir une meilleure intégration des personnes immigrantes? Parce qu'un des enjeux que nous vivons, un des défis que nous vivons, pour dès maintenant et pour les prochaines années, c'est d'intégrer les personnes immigrantes en français, parce qu'on sait à quel point l'anglais est attractif dans l'environnement nord-américain. Mais, si on veut, comme nation, faire en sorte de pouvoir continuer de vivre en français, de travailler en français, bien, il faut que l'ensemble de la société, l'ensemble des personnes immigrantes, on puisse... on réussisse à les intégrer en français. Il y a un volet du projet de loi, notamment sur Francisation Québec, qui va toucher ça. Mais, plus au niveau du fond des choses, sur cet aspect-là, au niveau de la convergence, de la langue commune, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui. Donc, très bon, puis vous faites bien de parler de Francisation Québec, parce qu'une des raisons pourquoi on propose de parler de culture commune dans le projet de loi, de convergence culturelle, c'est parce qu'on a l'impression que c'est déjà dans le projet de loi, mais de manière implicite. Donc, c'est, à la fois, par souci de transparence, d'explicitation, puis aussi, on appelle ça, en légistique, le principe de cohérence interne, c'est-à-dire qu'il faut que les différentes dispositions d'une même loi soient... forment un tout cohérent. Particulièrement dans notre tradition de droit civil, c'est extrêmement important. Donc, d'où le fait de mentionner «langue commune», puisque c'est là, de toute façon, derrière.

Et, effectivement, vous avez raison, c'est extrêmement important pour nos compatriotes issus de l'immigration parce que, dans le fond, la culture, ça occupe plus de place qu'ailleurs, que dans d'autres provinces, au Québec. Les budgets du ministère de la Culture sont plus grands que dans d'autres provinces, etc. Donc, il faut se servir de cet extraordinaire véhicule que sont les arts, les lettres, l'histoire du Québec pour faire participer — hein, intégrer, ça veut essentiellement dire ça — nos compatriotes issus de l'immigration, puis ça va dans le sens du projet de loi, là, il y aura une cohérence.

M. Jolin-Barrette : ...vous nous invitez à rejeter clairement le multiculturalisme canadien. Est-ce que ça devrait faire partie du projet de loi, ça? Parce que, de votre propos, je comprends que, puisque nous avons une langue commune, puisque nous avons une culture commune, le modèle d'intégration au Québec, il est distinct du reste du Canada. Puis les récents événements nous ont démontré, au cours de la dernière campagne électorale, le... Et on le note depuis des années. Notamment, l'accord du lac Meech, hein, qui avait été négocié par Robert Bourassa, disait : La société distincte. On vient inscrire le fait que le Québec est une nation au sein de la Constitution canadienne. Comment vous voyez ça, la question du multiculturalisme pour le Québec, comme nation?

M. Rousseau (Guillaume) : Donc, de deux choses l'une. C'est sûr que le rejet d'un concept dans une loi, ça peut être difficilement concevable. Ça pourrait peut-être être dans le préambule, on pourrait imaginer un préambule qui fait part du fait que le Québec n'adhère pas à la doctrine du multiculturalisme canadien, donc ça pourrait avoir sa <place là. Mais, sinon, je pense que...

M. Rousseau (Guillaume) : ... de deux choses l'une. C'est sûr que le rejet d'un concept dans une loi, ça peut être difficilement concevable. Ça pourrait peut-être être dans le préambule, on pourrait imaginer un préambule qui fait part du fait que le Québec n'adhère pas à la doctrine du multiculturalisme canadien, donc ça pourrait avoir sa >place là. Mais, sinon, je pense que, du fait de référer à la convergence culturelle, n'importe qui qui connaît un petit peu la littérature scientifique multiculturaliste, interculturaliste, convergence culturelle va bien comprendre que le Québec propose un modèle différent. Alors que, si, au contraire, on parle plutôt d'interculturalisme... et là il y a une fois le mot «interculturel» dans le projet de loi, puis je pense que ça ne reflète pas bien l'esprit du projet de loi et que, notamment pour cette raison-là, on pourrait enlever ce mot-là.

Mais donc j'irais un petit peu plus loin, peut-être, que vous le faites explicitement, c'est-à-dire, non seulement je pense que le modèle du multiculturalisme ne correspond pas au Québec, entre autres, en raison de ce que je disais plus tôt, c'est-à-dire que langue et culture, au Québec, c'est lié... Donc, si on a une langue commune, il faut avoir une culture commune. On ne peut pas adhérer au multiculturalisme.

Et l'interculturalisme, c'est essentiellement la même chose que le multiculturalisme. C'est sûr qu'on insiste plus sur les interactions entre les différentes cultures. Mais, si vous regardez le jugement, dans l'affaire Hak, qui a été rendu, on dit clairement que l'interculturalisme est, en gros, la même chose que le multiculturalisme. Il y a des publications officielles du gouvernement fédéral qui disent exactement ça. Et je pense que... il y a encore un débat en sciences sociales, là, mais je pense que, juridiquement, c'est maintenant établi que l'interculturalisme, c'est un mot québécois pour dire «multiculturalisme», là, avec peut-être quelques nuances, mais à peine.

Donc, c'est pourquoi j'irais dans le sens de, oui, mentionner ce rejet du multiculturalisme, mais sous forme positive, parce que je pense, justement, que la stratégie du Québec, depuis une quarantaine d'années, de rejeter le multiculturalisme, mais sans mettre de l'avant un modèle alternatif, ça a ses limites. Donc, ce modèle alternatif là, qui est vraiment différent du multiculturalisme, c'est la convergence culturelle. Donc, si on veut non seulement rejeter... mais je pense qu'il faut sortir de la logique du rejet et d'être dans une logique de proposer un modèle alternatif, et le seul que je connais, c'est la convergence culturelle, et j'ai différentes publications à ce sujet-là, dont une, qui s'en vient, dans la revue Droit et société.

M. Jolin-Barrette : Rapidement, parce que je veux céder la parole à mes collègues, deux questions en rafale. Vous êtes constitutionnaliste. Le fait qu'on vienne inscrire que les Québécoises et les Québécois forment une nation, et que la langue officielle du Québec, c'est le français, dans la Constitution, y voyez-vous un enjeu? Et, deuxième question, vous avez abordé la question de l'utilisation de la disposition de dérogation ou les dispositions de souveraineté parlementaire, voyez-vous un enjeu relativement au fait de le faire également pour la charte québécoise? Pourquoi est-ce qu'on le fait? Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas d'autonomisation de la charte québécoise, le fait qu'on doit utiliser la disposition de dérogation pour la charte québécoise?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, donc, rapidement, en ce qui concerne la nation et le français, langue officielle, dans la Constitution, ça me semble extrêmement opportun. C'était une vieille revendication du Québec, mais le Québec avait cherché à l'obtenir de façon multilatérale, ce qui était beaucoup plus difficile. Donc, de le faire unilatéralement, ce que permet la Constitution canadienne, ça me paraît opportun. Encore là, on est dans la logique que je disais tantôt, de ne pas seulement être en opposition ou en rejet, mais de proposer des choses, proposer un modèle alternatif, donc ça m'apparaît tout à fait pertinent. Et je pense que les tribunaux n'auront pas le choix d'en <tenir...

M. Rousseau (Guillaume) : ... de façon multilatérale, ce qui était beaucoup plus difficile. Donc, de le faire unilatéralement, ce que permet la Constitution canadienne, ça me paraît opportun. Encore là, on est dans la logique que je disais tantôt, de ne pas seulement être en opposition ou en rejet, mais de proposer des choses, proposer un modèle alternatif, donc ça m'apparaît tout à fait pertinent. Et je pense que les tribunaux n'auront pas le choix d'en >tenir compte et que 90-2Q devra être concilié avec 133, ce qui pourrait laisser une certaine marge de manoeuvre au Québec, notamment pour établir la primauté de la version française des lois, quoique, même sans 90-2Q, ça passerait quand même le test, mais je pense que ça vient renforcer cela.

• (11 h 10) •

Concernant la disposition de dérogation de la charte québécoise, effectivement, il faut savoir que la charte québécoise, elle est interprétée exactement comme la charte canadienne, là, dans la très, très, très grande majorité des cas. Donc, si on mettait la disposition de dérogation de la charte canadienne sans mettre celle de la charte québécoise, clairement, les opposants à la Charte de la langue française pourraient s'y attaquer. D'ailleurs, c'est ce qui est arrivé dans Ford, pour une des dispositions qui étaient attaquées dans l'affaire Ford. Il y avait la disposition de dérogation de la charte canadienne, il n'y avait pas celle de la charte québécoise. Et même quand les libellés des deux chartes sont très différents, les tribunaux disent : On applique l'interprétation de la charte canadienne.

Donc, il n'y a effectivement pas d'autonomie de la charte québécoise. Là, on peut toujours essayer de la modifier puis d'envoyer des signaux au juge, mais, à la fin de la journée, il y a une hiérarchie, la charte canadienne est au-dessus de la charte québécoise, et ce sont des juges qui décident du détail des rapports entre les deux. Puis, à date, la jurisprudence est extrêmement claire. Donc, je parle même, moi, d'inféodation de la charte québécoise de la charte canadienne. Donc, c'est extrêmement important d'avoir la disposition de dérogation de la charte québécoise.

M. Jolin-Barrette : Je crois que les collègues de Saint-Jean et Sainte-Rose souhaitent prendre la parole, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Il n'y a pas de problème. Dans l'ordre, je vois que le député de Sainte-Rose me regarde. Donc, M. le député de Sainte-Rose, la parole est à vous. 5 min 20 s.

M. Skeete : Merci beaucoup pour votre exposé. J'ai une question. Je vais y aller rapidement pour sauver du temps pour mes collègues. Est-ce que le projet de loi n° 96 enlève des droits aux Québécois d'expression anglaise d'être des Québécois d'expression anglaise à part entière, Québécois sur le territoire du Québec?

M. Rousseau (Guillaume) : Non, effectivement, il n'y a rien. Quand on parle de nation au Québec, on l'a déjà fait dans d'autres lois, puis ça a toujours été interprété comme signifiant tous les habitants du territoire québécois, puis je ne vois rien dans le projet de loi qui nous permettrait de dire qu'il y a une cassure avec la tradition de définir soit «peuple», soit «nation» comme incluant tous les citoyens, là, canadiens qui résident au Québec depuis un certain temps.

M. Skeete : Puis un Québécois d'expression anglaise qui, aujourd'hui, reçoit des services juridiques, là, il s'en va en cour, conteste un ticket ou, même, dans le domaine criminel, là, qui veut se présenter en cour, est-ce que le projet de loi n° 96 lui empêche de faire ça après son ascension? Est-ce qu'un Québécois d'expression anglaise va avoir un service réduit, en matière de justice, suite au passage d'un projet de loi comme ça? Est-ce que vous avez vu quelque chose qui enlève ces droits-là?

M. Rousseau (Guillaume) : Non, mais c'est plus... disons qu'il y a une promotion du français, on a certaines dispositions pour faire en sorte... bien, comme la primauté de la version française des lois. On a des choses qui disent : il faut vraiment qu'il y ait une prépondérance du français, mais tout en préservant les droits des concitoyens de langue anglaise. Donc, c'est pour ça que c'est un équilibre qui est subtil. Puis, des fois, <l'aspect...

M. Rousseau (Guillaume) : ... Non, mais c'est plus... disons qu'il y a une promotion du français, on a certaines dispositions pour faire en sorte... bien, comme la primauté de la version française des lois. On a des choses qui disent : il faut vraiment qu'il y ait une prépondérance du français, mais tout en préservant les droits des concitoyens de langue anglaise. Donc, c'est pour ça que c'est un équilibre qui est subtil. Puis, des fois, >l'aspect prépondérance du français peut faire craindre pour des droits d'accès à des services en anglais, mais, quand on regarde le détail du projet de loi, il y a ce jeu d'équilibre qui me semble, globalement, maintenu, c'est-à-dire, on renforce un petit peu la promotion du français, mais tout en s'assurant que ça ne porte pas atteinte à des droits acquis de la communauté d'expression anglaise.

M. Skeete : Donc, je vous entends que ça peut causer des craintes, mais, vraiment, en bout de ligne, il n'y a rien, dans le projet de loi, qui l'enlève?

M. Rousseau (Guillaume) : Non. Puis surtout, les craintes que j'ai beaucoup entendu parler par les compatriotes d'expression anglaise, c'est beaucoup au niveau du système de santé. Or, le fameux article de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui garantit des services aux concitoyens d'expression anglaise, cet article-là n'est pas touché par le projet de loi. Donc, c'est vraiment là que ça se passe, comme on dit, là. Si on avait voulu aller très loin dans la promotion des services en français seulement, pour envoyer des messages, on serait allés là. Le projet de loi ne va pas là, donc.

M. Skeete : Donc, c'était ma prochaine question. En matière de santé, donc, aussi, il n'y a rien qui touche l'accès à la santé d'un Québécois d'expression anglaise?

M. Rousseau (Guillaume) : Non. On a décidé de ne pas toucher à la loi sur la santé et les services sociaux.

M. Skeete : Finalement, dernière question sur la clause dérogatoire. Il y a beaucoup d'arguments, là. Là, je pense qu'on est dans un argument de droits individuels versus des droits collectifs. J'aimerais vous entendre. Est-ce que c'est... Je sais que c'est un paradoxe, là, puis je ne suis pas juriste, là, mais on lance souvent la caricature que ce n'est pas constitutionnel. Je comprends que c'est dans la Constitution, donc, par définition, c'est constitutionnel, mais je pense que ce qu'on essaie de dire, quand on dit ça, c'est qu'en enlevant des droits, peu importe, on brime des droits. C'est quoi, votre opinion là-dessus?

M. Rousseau (Guillaume) : Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que la façon que fonctionne la Charte de la langue française, c'est qu'elle garantit des droits linguistiques fondamentaux : droit de travailler en français, droit de s'exprimer en français, droit à des services, des biens en français, et tout le reste de la loi, c'est des organismes, des règles particulières, parfois tatillonnes, ce n'est pas parfait, mais tout le reste de la loi sert à mettre en oeuvre les droits linguistiques fondamentaux. Donc, quand quelqu'un vient invoquer un argument de charte des droits pour venir invalider une partie de la loi 101, forcément, c'est au droit linguistique fondamental à des services, à un enseignement, ou quoi que ce soit, en français qui est atteint. Donc, il faut comprendre qu'il ne s'agit pas de droits fondamentaux contre autre chose, des intérêts collectifs. Il y a un peu de ça, parce qu'évidemment le français est un bien commun, puis on peut aussi faire cet argument-là, mais c'est droits individuels fondamentaux contre droits linguistiques individuels fondamentaux, puis c'est de trouver un équilibre entre les deux.

Puis la vraie question, ce n'est pas tant de savoir est-ce qu'on a trouvé le bon équilibre ici et là. Je veux dire, c'est difficile d'y répondre de manière absolue. La vraie question, c'est davantage qui doit décider de ça. Là, à la fin de la journée, on veut et des droits linguistiques fondamentaux à l'usage du français, on veut aussi des libertés d'expression dans d'autres langues itou. Il faut concilier tout ça. Et c'est qui qui décide à la fin de la journée? La Constitution canadienne, la charte québécoise des droits nous dit : Si le législateur veut décider, veut avoir le dernier mot, il peut le faire en respectant un <certain...

M. Rousseau (Guillaume) : ...La vraie question, c'est davantage qui doit décider de ça. Là, à la fin de la journée, on veut et des droits linguistiques fondamentaux à l'usage du français, on veut aussi des libertés d'expression dans d'autres langues itou. Il faut concilier tout ça. Et c'est qui qui décide à la fin de la journée? La Constitution canadienne, la charte québécoise des droits nous dit : Si le législateur veut décider, veut avoir le dernier mot, il peut le faire en respectant un >certain nombre de conditions, qui sont parfaitement respectées par le projet de loi. Donc, en ce sens-là, ça m'apparaît tout à fait légitime, pour l'Assemblée nationale, de décider que, sur cette question-là, qui est au coeur même de l'existence du Québec, de l'Assemblée nationale, hein... S'il n'y avait pas un français, on n'aurait peut-être pas créé une fédération canadienne, on aurait peut-être un État unitaire d'un océan à l'autre, tout le monde parlerait anglais, on n'aurait pas besoin d'Assemblée nationale. S'il y a une Assemblée nationale, c'est pour qu'elle prenne des décisions en matière de langue, et, pour prendre des décisions en matière de langue, il faut utiliser la disposition de dérogation, sinon, l'Assemblée nationale se trouve être sous la tutelle des juges nommés par le fédéral, qui, parfois, prennent des bonnes décisions, mais, historiquement, en ont souvent prises qui ont nui au français au Québec. Donc, on n'a pas le choix de tenir compte des 43 ans de jurisprudence qui ont fait reculer la protection du français et le français, bien qu'il y ait d'autres facteurs qui puissent jouer.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Et cela met fin à l'échange. Il restait trois secondes. M. le député de Saint-Jean, vous allez vous reprendre au prochain tour, j'en suis convaincu. Donc, au prochain tour. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour votre 11 minutes.

Mme David : Merci beaucoup. Bonjour, Pr Rousseau. J'ai passé beaucoup de temps avec vous cet été, beaucoup, beaucoup, beaucoup. J'ai lu énormément, vous, absolument, ainsi que M. Poirier, évidemment, qui était, jusqu'à tout récemment, votre étudiant au doctorat, qui a passé brillamment son doctorat en février 2021 ou qui a obtenu son diplôme. Bravo!

M. Rousseau (Guillaume) : Je confirme.

Mme David : Pardon?

M. Rousseau (Guillaume) : Je confirme.

Mme David : Je vois qu'on reste en famille. Vous étiez en face pendant des mois, à côté du ministre, pour la loi n° 21. Là, vous avez dit, tout à l'heure : On a décidé de ne pas toucher... Je me demande même si vous n'êtes pas resté très, très près de la rédaction de ce projet de loi là, puisque c'est votre formidable doctorant qui a écrit un livre, d'ailleurs, sur les 40 ans de la loi 101, que j'ai lu abondamment aussi. Alors, j'ai l'impression qu'on est en famille.

Mais le paradoxe, c'est que je lis votre mémoire attentivement, long mémoire — merci beaucoup aussi, probablement, à votre ex-étudiant — et là je ne comprends plus beaucoup. Vous aviez annoncé, dans Mathieu Bock-Côté, au mois de juin, le 12 juin, long entretien, vous avez eu ce privilège, long entretien avec Mathieu Bock-Côté, et je vous cite : «D'un point de vue politique, je partage, en gros, l'opinion de Joseph-Yvon Thériault, qui, lors d'une causerie sur le projet de loi n° 96 organisée par Patrick Taillon — que nous allons avoir, évidemment, le plaisir d'entendre — a affirmé que ce projet de loi va aussi loin que la société québécoise est prête à aller. À mon avis, la société serait prête à ce qu'il aille un peu plus loin, pas beaucoup plus loin, à moins qu'elle soit convaincue par de nouveaux arguments.» Et j'ai l'impression que c'est votre croisade, si vous me permettez l'expression, parce que, quand je lis votre mémoire, c'est beaucoup d'arguments, effectivement. J'avais tout lu sur votre politique de convergence culturelle, etc. Je vous dis, j'aurais été une bonne élève pour vous, aussi. Souveraineté parlementaire, multiculturalisme. Vous oubliez juste de <mentionner «interculturalisme», mais je sais que vous en... 

Mme David : ...si vous me permettez l'expression, parce que, quand je lis votre mémoire, c'est beaucoup d'arguments, effectivement. J'avais tout lu sur votre politique de convergence culturelle, etc. Je vous dis, j'aurais été une bonne élève pour vous, aussi. Souveraineté parlementaire, multiculturalisme. Vous oubliez juste de >mentionner «interculturalisme», mais je sais que vous en discutez dans vos articles.

La théorie doctrinale prédominante qu'est le recours aux dispositions de dérogation, il n'y a pas beaucoup de chiffres qui accompagnent ça, mais je... vous dites, quand même, avec Henri Brun et compagnie, bon, que c'est ce que pensent la plupart des constitutionnalistes. Moi, j'en connais qui ne sont pas du tout là-dedans, et qui sont tout aussi constitutionnalistes, et ont tout autant un doctorat, et sont tout autant professeurs de droit. Alors, la théorie prédominante, bien, on sait que, nous, universitaires, professeurs, on est souvent en train de se disputer un peu là-dessus.

Mais, quand vous déposez, vous, dans votre mémoire, 24 propositions pour bonifier le projet de loi... vous l'aviez annoncé à Mathieu Bock-Côté, vous aviez dit : Attention, je vais arriver avec des propositions pour ramener la loi sur l'esprit d'origine, j'oserais dire, le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez vraiment, vraiment travaillé fort pour trouver beaucoup, beaucoup de choses qui ne vont pas assez loin, selon vous, même si vous dites, par ailleurs, à Mathieu Bock-Côté, qu'il ne faut pas aller plus loin, la société n'est pas prête à aller là. Donc, vous y allez vraiment avec beaucoup, beaucoup de critiques. Vous revenez à votre concept de politique, convergence culturelle. Vous voulez étendre la Charte de la langue française, littéralement, du CPE à l'université, gros débat.

Vous souhaitez alourdir la procédure pour les municipalités bilingues — vous n'en avez pas parlé tout à l'heure — pour conserver leur reconnaissance. Vous souhaitez que la Charte de la langue française modifie la mission des ordres professionnels. Vous souhaitez que votre gouvernement soit plus sévère pour les entreprises, pour exiger l'anglais à l'embauche. Vous souhaitez que le gouvernement impose que les bijoux et accessoires soient obligatoirement disponibles en français. Vous souhaitez revenir à l'affichage exclusif en français, vous en avez parlé, l'arrêt... bon. Vous souhaitez des dispositions sur la langue de la recherche universitaire. Vous proposez un système privé, que je qualifierais d'élitiste, d'admission au cégep pour les francophones. Et vous allez vers une modification — tant qu'à faire, 90, on va l'appeler 3Q — qui serait concernant la laïcité de l'État. On a déjà une autre proposition de quelqu'un d'autre qui va venir, en mémoire, pour proposer une autre... un autre... Alors, j'ai l'impression qu'on est en train d'écrire toute une constitution à partir de ça.

• (11 h 20) •

Bref, devons-nous en comprendre que vous n'êtes pas tout à fait satisfait du travail du gouvernement concernant le projet de loi n° 96 et que vous suggérez, je dirais même, presque, de réécrire le projet de loi? Parce que, cette fois-ci, ce n'est pas vous qui êtes assis avec le ministre. On dirait qu'il y a comme un... je ne sais pas, le goût d'aller vous rasseoir là ou d'avoir été beaucoup plus loin que ce que le ministre a décidé de faire.

M. Rousseau (Guillaume) : Donc, beaucoup de choses à votre question. Bien, d'abord, merci pour votre question. Merci pour vos lectures. J'espère que ça... Ça semble vous avoir nourri, puis j'en suis bien heureux.

Donc, c'est ça, donc, globalement, dans le fond, le projet de loi va dans la bonne <direction, le projet de loi...

Mme David : ... a décidé de faire.

M. Rousseau (Guillaume) : Donc, beaucoup de choses à votre question. Bien, d'abord, merci pour votre question. Merci pour vos lectures. J'espère que ça... Ça semble vous avoir nourri, puis j'en suis bien heureux.

Donc, c'est ça, donc, globalement, dans le fond, le projet de loi va dans la bonne >direction, le projet de loi a vraiment des fondements très solides juridiquement. Je trouve que, juridiquement, il est solide au niveau des droits linguistiques fondamentaux, qui sont bonifiés, les mesures pour assurer le respect de ces droits-là sont bonifiées, les protections juridiques pour la Charte de la langue française, que ce soit constitutionnelles, que ce soit dispositions de primauté parlementaire... Donc, vraiment, c'est très, très solide juridiquement.

Maintenant, est-ce que, vraiment, c'est suffisant pour faire en sorte que les indices de vitalité linguistique pour le français au Québec s'améliorent? Et c'est là où ça échappe, en partie, à mon expertise, donc je m'en remets à Sabourin, Marois, et à d'autres, qui disent que ce n'est pas suffisant, ce qu'il y a dans le projet de loi. Donc, prenant acte des critiques de certains démographes, je fais mon travail de juriste, qui consiste à essayer d'améliorer les choses, sachant qu'une loi ne peut pas changer des grandes tendances démographiques, mais peut quand même contribuer. Donc, je pense que c'est comme ça qu'il faut comprendre le mémoire, c'est-à-dire que j'ai pris acte du fait que des gens qui s'y connaissent encore plus que moi en matière de démographie font ces genres de critiques là. Et là on essaie de voir, juridiquement... Puis je suis sûr que mes collègues démographes diraient que c'est largement insuffisant, ce que je propose. Donc, je ne prétends pas nécessairement aller jusqu'où ils souhaiteraient aller, mais c'est un peu ça, le sens.

Puis, sinon, moi, ce que je peux faire avec mon expertise, qui n'est pas celle de la démographie, c'est de remarquer la chose suivante avec mes études en histoire du droit, c'est que, clairement, en 1977, dans les années qui ont suivi, il y a eu des améliorations pour la situation du français au Québec. Évidemment que c'est multifactoriel, mais la loi 101 de 1977 semble avoir réuni un certain nombre de conditions qui ont permis la progression du français fin des années 70, début des années 80.

Ensuite, il y a eu des jugements qui sont venus invalider la loi 101. Il y a aussi eu des projets de loi, des lois qui ont fait des amendements, qui ont fait reculer la protection du français et, ensuite, il y a eu un déclin, au niveau démographique, du français. Comme je vous dis, c'est, évidemment, multifactoriel, mais n'empêche que, moi, la conclusion à laquelle j'arrive, à titre de chercheur en histoire du droit, c'est, si vous voulez améliorer ces indices-là eût égard à la vitalité du français, bien, la version de 1977, je pense que c'est... clairement, à certains égards, il faut y revenir.

Puis, ensuite, on peut faire plein de nuances, puis vous voyez que je l'ai fait en proposant, oui, le retour à l'affichage exclusif en français, mais seulement pour les grandes, voire les très grandes entreprises. Donc, ensuite, on peut faire toutes les nuances qui s'imposent. Mais je ne pense pas qu'on puisse échapper à l'interrogation de dire qu'est-ce qui a marché en 1977 et qui a cessé de marcher. Pourquoi la loi 101 marchait à la fin des années 70, début 80 et qu'elle a cessé de fonctionner après? Une fois qu'on pose cette question-là, difficile d'arriver à une conclusion autre que, bien, peut-être qu'il faudrait revenir, à certains égards, à la version de 1977.

Mme David : Vous dites, justement, qu'il y a beaucoup de choses sur lesquelles... et c'est normal, vous n'avez pas l'expertise, on aura des démographes demain, mais vous vous prononcez quand même sur un joli paquet de choses dans votre mémoire. J'en ai cité quelques-uns. Et je me demande, des fois, où vous avez toute cette expertise, justement.

Puis je vais aller vers la question de la fréquentation collégiale, parce que vous <consacrez...

Mme David : ...on aura des démographes demain, mais vous vous prononcez quand même sur un joli paquet de choses dans votre mémoire. J'en ai cité quelques-uns. Et je me demande, des fois, où vous avez toute cette expertise, justement.

Puis je vais aller vers la question de la fréquentation collégiale, parce que vous >consacrez au moins sept pages là-dessus, et, vous le dites, des propositions de votre cru, probablement, je ne sais pas quoi dire d'autre. Mais là j'ai vraiment beaucoup, beaucoup de difficulté à vous suivre, je vous le dis sincèrement, là. Vous voulez l'application de la Charte de la langue française au collégial, première prémisse, mais vous ne voulez pas diminuer la fréquentation des cégeps anglophones, vous le dites, à plusieurs endroits, dans les sept pages qui... Alors, vous aimeriez même que ça s'accroisse, donc il faut trouver des étudiants. S'il y a la charte, ça veut dire qu'on réduit considérablement la fréquentation. Alors, vous proposez des dérogations, puis là on dirait que vous réfléchissez en écrivant. Ah! bien, tiens, il pourrait avoir une autre dérogation, puis une autre dérogation, puis une autre dérogation. Alors, vous proposez toutes sortes de dérogations.

Et vous suggérez, évidemment, de ne plus subventionner ce que vous appelez les non ayants droit, donc ceux qui sont francophones, allophones, qui ont fréquenté les écoles françaises, parce qu'ils n'avaient pas le droit, justement, à cause de la loi 101, d'aller au primaire et secondaire. Donc, les non ayants droit, bien là, si on ne les subventionne plus... Je me suis demandé si vous aviez appelé au ministère de l'Éducation, ou si vous aviez regardé les collèges privés non subventionnés pour savoir combien ça coûte, combien ça coûte, demandé aux pauvres immigrants qui vont dans des collèges privés non subventionnés et qui font une technique en soins, en hygiène dentaire à 17 000 $ pour une A.E.C, 17 000 $ pour une A.E.C..

 Là, vous, vous parlez de D.E.C complet, 20 000 $, 30 000 $, 50 000 $, 60 000 $. Ça commence à être cher, ça, pour les francos qui veulent aller... Mais ce n'est pas grave, pour vous, il n'y a pas de problème, parce que vous dites : Comme ils ont 16 ans et plus, ils peuvent travailler, ils peuvent travailler pour pouvoir payer leurs études. Ils vont en travailler, des heures, dans le dépanneur, pour payer 60 000 $ d'études, ou alors, ou alors, l'autre possibilité, ils vont avoir des parents très, très, très riches, francophones, qui vont décider de mettre 50 000 $ dans les études de... Ça, si ce n'est pas de l'élitisme pour les... On dit... Déjà, il y en a qui disent : Ah! c'est les meilleurs qui vont dans les cégeps anglophones. Alors, ou les parents sont très riches, ou tu travailles un joli paquet d'heures pour arriver à payer tes 50 000 $, ou alors, un autre exemple qui m'apparaît vraiment formidable, c'est que l'étudiant, il veut aller dans un sport d'élite, puis le sport d'élite, il n'existe pas dans un cégep francophone, donc il va aller peut-être avoir une bourse pour pouvoir... mais la bourse va peut-être venir de l'État, donc c'est le même argent, pour payer sa fréquentation du cégep anglophone, pour pouvoir aller où? Vous le dites textuellement, dans une grande université américaine, et donc on va envoyer l'étudiant à l'extérieur du Québec pour faire son sport, ou alors, vous finissez par dire : Il y a peut-être les parents, pour avoir fait l'enseignement collégial au Canada, donc pour avoir permis de... pouvoir fréquenter le cégep anglais. Sauf que l'enseignement collégial au Canada... Les cégeps, c'est pas mal la société distincte, au Québec. Les cégeps, c'est pas mal une spécificité du Québec.

Alors, moi, je ne comprends pas. En enseignement <supérieur, on...

Mme David : ...les parents, pour avoir fait l'enseignement collégial au Canada, donc pour avoir permis de... pouvoir fréquenter le cégep anglais. Sauf que l'enseignement collégial au Canada... Les cégeps, c'est pas mal la société distincte, au Québec. Les cégeps, c'est pas mal une spécificité du Québec.

Alors, moi, je ne comprends pas. En enseignement >supérieur, on admet sur le dossier, d'habitude. Je trouve que c'est des propositions plutôt très, très élitistes.

La Présidente (Mme Thériault) : ...vous n'avez plus de temps, malheureusement.

Mme David : Alors, voilà, j'ai dit ce que je pensais de sa proposition.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, je vous invite à peut-être poursuivre vos échanges en dehors du temps qui nous est imparti, désolée.

On m'informe que, pour le prochain bloc d'échange pour la deuxième opposition, Mme la députée de Sherbrooke voudrait prendre soin... part à l'audition et se prévaloir du droit de parole de la députée de Mercier. Est-ce que j'ai consentement?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Thériault) : Consentement des collègues, donc, parfait. Mme la députée de Sherbrooke, vous avez 2 min 45 s pour échanger avec le groupe.

Mme Labrie : Merci de m'autoriser à remplacer ma collègue, qui devait s'absenter. Bonjour, M. Rousseau. J'ai quelques petites questions pour vous. La première, c'est... Le projet de loi fait passer de 50 à 25 le nombre d'employés pour qu'une entreprise soit soumise au processus de francisation. Est-ce que vous pensez que de réduire ce nombre-là à 10 employés, pour englober plus d'entreprises, ce serait une avenue intéressante?

M. Rousseau (Guillaume) : Merci, merci beaucoup, et j'en profite pour saluer ma députée et la remercier pour sa question. Donc, c'est une piste intéressante. Bon, évidemment, on comprend rapidement, là, le contre-argument, là, à l'effet que c'est des lourdeurs administratives pour des toutes petites entreprises, et j'avoue être un peu sensible à cet argument-là. À ce moment-là, ce qui, peut-être, serait une solution envisageable, ce serait que, peut-être, pour les 10 à 25 employés, on pourrait peut-être imaginer une procédure simplifiée de certificat de francisation, hein, un peu une logique de subsidiarité, c'est-à-dire, plus l'organisme est gros, a des capacités, plus on peut lui en demander; plus il est petit, plus il faut être réalistes dans ce qu'on lui demande. Ça fait que j'aurais tendance à être d'accord avec vous, mais ça prendrait un petit peu de travail au niveau technique. Jusqu'à quel point ce serait possible? Il faudrait regarder avec les gens de l'office de la langue, là, si ce serait possible de créer ce certificat simplifié pour les 10 à 25 ou 10 à 24 employés, mais c'est certainement une piste intéressante.

Mme Labrie : Merci pour votre réponse. J'ai une autre question, sur les enjeux du numérique. Le projet de loi ne fait pas mention de ça. Est-ce que vous, vous pensez que le projet de loi devrait aborder les enjeux du numérique?

• (11 h 30) •

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, tout à fait. Très bonne question. En fait, il faut savoir que, de ce côté-là, la jurisprudence a fait évoluer la loi. Donc, dès le début des années 2000, quand s'est posé la question «est-ce que la loi 101 s'applique sur Internet?», il y en a qui ont plaidé que non, l'Internet, c'est transnational, ça échappe aux lois. Rapidement, les juges ont dit : Non, non, la loi... vous voulez faire un acte de commerce au Québec, vous faites de la publicité sur Internet, votre publicité devra être disponible en français. Donc, rapidement, les tribunaux ont quand même fait un peu le boulot, et, ensuite, il y a eu un certainement nombre de modifications, au fil des années, notamment après la commission Larose, à la loi 101, donc il y a deux, trois articles, sur les logiciels, sur... dans l'entreprise, là, le niveau de francisation, il y a un critère qui a été ajouté à cet égard-là. Ça fait que j'ai l'impression que ça a été un peu fait au cas par cas, de manière un petit peu... vraiment par petites touches.

Mais ce qui n'a pas été fait, c'est au niveau des droits linguistiques fondamentaux. Parce que la façon que fonctionne la loi 101, je le répète toujours, des droits linguistiques <fondamentaux puis, ensuite, des...

>


 
 

11 h 30 (version révisée)

<      M. Rousseau (Guillaume) : ...de francisation, il y a un critère qui a été ajouté à cet égard-là. Ça fait que j'ai l'impression que ça a été un peu fait au cas par cas, de manière un petit peu... vraiment par petites touches.

Mais ce qui n'a pas été fait, c'est au niveau des droits linguistiques fondamentaux. Parce que la façon que fonctionne la loi 101, je le répète toujours, des droits linguistiques >fondamentaux puis ensuite des dispositions spécifiques qui mettent en oeuvre ces droits linguistiques fondamentaux. Donc, ce qui n'a pas été fait, parce que les droits linguistiques fondamentaux n'ont jamais été retouchés depuis 1977, c'est un droit linguistique fondamental qui viendrait à des technologies de l'information en français, qui viendrait renforcer à la fois... qui consoliderait la jurisprudence dont je vous parlais et qui viendrait renforcer les dispositions qui ont été ajoutées au fil du temps, mais qui sont un petit peu déconnectées des droits linguistiques fondamentaux, contrairement aux autres dispositions spécifiques de la loi.

La Présidente (Mme Thériault) : Et ceci met fin à l'échange, malheureusement.

Mme Labrie : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, sans plus tarder, M. le député de Matane-Matapédia, vous aussi pour votre 2 min 45 s.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Pr Rousseau, écoutez, vous avez dit tout à l'heure qu'un des grands oublis de votre présentation, c'est la langue de recherche. En tout respect, la langue d'enseignement m'apparaît un enjeu beaucoup plus crucial présentement dans le débat. Ça fait un bout de temps que je vous suis également. Comme la députée porte-parole de son parti au Parti libéral l'a indiqué, vous avez eu des propos qui m'intéressent. Vous avez déjà indiqué qu'un nouvel arrivant qui n'aurait pas étudié en français au primaire et au secondaire se verrait dans l'obligation de fréquenter un cégep francophone, vous avez expliqué que cette mesure vise à assurer que la personne a été suffisamment francisée ou a assez d'éducation en français pour travailler en français, et vous alliez plus loin, interdire aux francophones et allophones de s'inscrire à l'éducation aux adultes et à la formation professionnelle en anglais. Mais, de façon plus générale, vous êtes, comme nous, en faveur qu'on réduise l'accès dans les cégeps. Alors, est-ce que vous avez toujours cette position?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui. Merci. Merci pour la question, ça me permet aussi d'en même temps répondre à la porte-parole de l'opposition officielle. Donc, en gros, ce que j'ai essayé de faire — puis là, en le faisant, j'ai peut-être compris que c'est à peu près impossible, mais, bon, j'aurai au moins essayé — c'est de concilier l'application de la loi 101 au cégep, qui renforcerait... qui aurait des effets structurants sur le français langue du travail, langue des affaires, sur la consommation de produits culturels en français, les études de Sabourin sont très claires là-dessus... Donc, on veut ça, en même temps, on veut préserver un certain libre choix. Du moins, je comprends que c'est la volonté gouvernementale. Donc, à partir du moment où on veut concilier ça, ce n'est pas évident. Donc, moi, ce que je propose, c'est de définir largement les ayants droit au cégep anglais, donc en prenant tous les francophones et les allophones qui ont été au cégep anglais des dernières années, en les définissant comme ayants droit. Ça, personne ne s'est jamais prononcé là-dessus. Qu'on soit pour ou contre la loi 101 au cégep, je pense que c'est la question qui se pose : Est-ce que ceux qui ont été au cégep depuis quelques années deviennent des ayants droit? Moi, je propose que oui puis je propose un programme de bourses, pour répondre au point de la députée du Parti libéral, là, Marguerite-Bourgeoys.

La Présidente (Mme Thériault) : On va aller à M. le député, parce qu'il a très peu de temps. Désolée.

M. Bérubé : J'ai peu de temps. Désolé.

La Présidente (Mme Thériault) : Allez-y...

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, désolé. Donc, je propose un programme de bourses...

La Présidente (Mme Thériault) : Allez-y.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente.

M. Rousseau (Guillaume) : ...pour que les gens de revenus modestes aient accès au cégep anglais dans certains cas.

M. Bérubé : Donc, vous avez toujours la même position, qui est celle qui s'apparente à la nôtre et non celle qui s'apparente au projet de loi n° 96 du ministre. C'est bien juste?

M. Rousseau (Guillaume) : C'est ce que je comprends, effectivement...

M. Bérubé : Merci.

M. Rousseau (Guillaume) : ...mais avec la nuance, puis j'aimerais connaître votre position là-dessus, sur le... Est-ce que ceux qui ont été au cégep...

M. Bérubé : Ah! bien, c'est moi qui questionne ici, M. le professeur.

M. Rousseau (Guillaume) : Est-ce que ceux qui ont été au cégep seraient des ayants droit? C'est une vraie question que je me pose.

M. Bérubé : J'ai une autre question. Exemplarité de l'État. Je vais prendre un exemple très concret. Dans les conférences de presse du gouvernement du Québec sur la <pandémie...

M. Bérubé : ... C'est bien juste?

M. Rousseau (Guillaume) : C'est ce que je comprends, effectivement...

M. Bérubé : Merci.

M. Rousseau (Guillaume) : ...mais avec la nuance, puis j'aimerais connaître votre position là-dessus, sur le... Est-ce que ceux qui ont été au cégep...

M. Bérubé : Ah! mais c'est moi qui questionne ici, M. le professeur.

M. Rousseau (Guillaume) : Est-ce que ceux qui ont été au cégep seraient des ayants droit? C'est une vraie question que je me pose.

M. Bérubé : J'ai une autre question. Exemplarité de l'État. Je vais prendre un exemple très concret. Dans les conférences de presse du gouvernement du Québec sur la >pandémie, est-ce que vous considérez que de faire des conférences bilingues, ça respecte l'esprit de l'exemplarité de l'État?

M. Rousseau (Guillaume) : Je pense qu'a priori, on serait tenté de dire non. Donc, ce serait ça, la première réponse. Maintenant, l'esprit de la loi 101, c'est à la fois une certaine rigueur sur les principes, une certaine souplesse dans l'application. Donc, est-ce que la souplesse du droit linguistique québécois en matière de santé pourrait nous faire comprendre que c'est dans son esprit?

La Présidente (Mme Thériault) : Et je n'ai plus de temps. Et je n'ai plus de temps, malheureusement.

M. Rousseau (Guillaume) : Je pense qu'il y a deux interprétations possibles, mais je vous ai donné ma première réponse, qui me semble la plus évidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Je n'ai plus de temps, malheureusement. Donc, je sais que les échanges sont assez... viennent nous chercher, vous êtes des gens qui êtes très convaincus et enflammés, mais, malheureusement, je suis la gardienne du temps et je n'en ai plus. Donc, je veux vous remercier pour votre passage.

Et nous allons suspendre pendant quelques instants, le temps de permettre à l'autre groupe de venir nous rejoindre. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 40)

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, bonjour. Bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec. Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes à votre disposition pour faire votre présentation. Donc, après votre présentation, nous procéderons à la période d'échange avec les parlementaires. Donc, si vous voulez nous présenter la personne qui se présente, qui prend la parole et nous présenter la personne qui vous accompagne, et la parole est à vous.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

M. Beauchemin (Mario) : Oui, puis merci beaucoup. Alors, je me nomme Mario Beauchemin, je suis le troisième vice-président à la Centrale des syndicats du Québec et je suis accompagné de Gabriel Danis, qui est conseiller politique à la CSQ.

M. Danis (Gabriel) :Bonjour.

M. Beauchemin (Mario) : Alors, pour commencer, pour débuter, j'aimerais quand même souligner que la Centrale des syndicats du Québec représente environ 200 000 membres, 240 syndicats composés de 11 fédérations, là, qui évoluent autant en éducation, en enseignement supérieur, en petite enfance, en santé et dans le milieu communautaire. Il y a aussi l'Association des retraitées et retraités en enseignement du Québec, qui fait aussi partie... qui compose aussi la Centrale des syndicats du Québec.

J'aimerais dire que la CSQ aussi, ça fait plusieurs, plusieurs, plusieurs années que la CSQ s'intéresse à la pérennité puis à l'importance de la langue française au Québec. C'est pour cela que l'analyse qu'on fait du projet de loi n° 96 s'appuie sur des positions historiques, mais des orientations aussi un peu plus récentes que nous avons prises lors des différents conseils généraux qui ont jalonné nos dernières années.

En termes de remarques préliminaires, là, on tient à... c'est-à-dire en termes d'appréciation globale, on tient à souligner que, d'entrée de jeu, nous sommes assez et très satisfaits du projet de loi n° 96, on <pense que...

M. Beauchemin (Mario) : ...lors des différents conseils généraux qui ont jalonné nos dernières années.

En termes de remarques préliminaires, là, on tient à... c'est-à-dire en termes d'appréciation globale, on tient à souligner que, d'entrée de jeu, nous sommes assez et très satisfaits du projet de loi n° 96, on >pense qu'il y a beaucoup de propositions, là, qui correspondent à des avancées importantes. Pensez par exemple, là, à la reconnaissance du français comme langue commune et officielle, à l'exemplarité de l'État, au français en milieu de travail et à la création de nouveaux droits linguistiques fondamentaux. Toutes ces mesures sont accueillies favorablement par la Centrale des syndicats du Québec.

Évidemment, on est en commission parlementaire, on a des commentaires et on a aussi 14 recommandations à formuler à la commission parlementaire qui vont s'articuler autour de six thèmes : le statut de la langue française, l'exemplarité de l'État, la gouvernance linguistique, la langue du travail et la francisation des entreprises, Francisation Québec ainsi que la langue des études en enseignement supérieur.

En ce qui concerne le statut de la langue française, on pense que l'ensemble des mesures qu'on retrouve dans le projet de loi, là, pour imposer le français comme langue publique commune dans les milieux de travail... on accueille ça très, très favorablement.

En ce qui concerne l'exemplarité de l'État, par contre, l'article 22.2, là, du projet de loi nous laisse un peu et pas mal songeurs. Vous le savez, il précise que l'administration pourrait continuer de communiquer à l'écrit et à l'oral en anglais avec les personnes physiques avec lesquelles elle communiquait exclusivement dans cette langue avant la date de présentation du projet de loi, de même qu'avec des personnes déclarées admissibles à l'enseignement en l'anglais, conformément à la Charte de la langue française. Et là ça nous pose quelques questions. En agissant de la sorte, est-ce qu'on ne vient pas créer un nouveau droit aux services de l'État en anglais? Est-ce qu'on ne contribue pas à perpétuer l'anglicisation des services de l'État québécois? De même, en aucun cas les règles qui régissent l'admissibilité à l'enseignement en anglais n'ont été élaborées afin qu'elles s'appliquent aux services de l'État québécois. Par conséquent, sur quelles bases peut-on extrapoler leur portée, comme le fait le projet de loi n° 96? C'est des... Bien, on n'a pas de suggestions, de recommandations à cet effet, mais c'est quand même des questions qui nous apparaissent assez importantes.

En ce qui concerne la gouvernance linguistique, ça fait longtemps que la CSQ recommande la création d'un commissaire à la langue. Donc, on accueille évidemment positivement cette proposition-là. Tant pour la création du ministère que pour le commissaire, la CSQ salue l'inclusion de ces deux institutions au sein de la Charte de la langue française. Toutefois, on tient à préciser, là, qu'il manque peut-être un élément essentiel en suivi linguistique, c'est-à-dire que, pour nous, la question des transferts linguistiques des allophones vers le français est un facteur névralgique de la vitalité et de la pérennité future du français au Québec. Alors, on pense que le ministère de la Langue française doit fixer des cibles ambitieuses en la matière et doit confier le suivi de l'atteinte de ces cibles au Commissaire à la langue française. C'est pourquoi notre première recommandation est à l'effet que le ministère de la Langue française fixe des cibles ambitieuses en matière de transferts linguistiques des allophones vers le français et que le Commissaire à la langue française en assure le suivi.

En ce qui concerne la langue du travail et la <francisation des entreprises, encore une fois, la...

M. Beauchemin (Mario) : ...C'est pourquoi notre première recommandation est à l'effet que le ministère de la Langue française fixe des cibles ambitieuses en matière de transferts linguistiques des allophones vers le français et que le Commissaire à la langue française en assure le suivi.

En ce qui concerne la langue du travail et la >francisation des entreprises, encore une fois, la centrale accueille positivement la volonté que les entreprises de 25 à 49 personnes soient désormais visées par les dispositions qui s'appliquent à celles employant de 50 à 99 personnes. Toutefois, on a des questions sur l'article 39, qui prévoit qu'en présence d'une entente ou d'une convention collective, le salarié ou la salariée doive faire valoir ses droits selon les voies de droit que prévoit cette convention ou cette entente. Or, l'article 39 du projet de loi prévoit aussi que le travailleur ou la travailleuse peut soumettre directement à l'arbitrage un grief si le syndicat refuse de le faire. Pour nous, il s'agit d'une règle qui déroge au principe de l'article 47.2 du Code du travail. C'est pour ça que notre deuxième recommandation est à l'effet que soit remplacé, à l'article 39 du projet de loi n° 96, «celui-ci peut le faire» par «celui-ci peut exercer les recours découlant de l'article 47.2 du Code du travail ou tout autre recours analogue en vertu d'une autre loi».

Cette recommandation étant faite, nous saluons quand même le renforcement du droit de travailler en français et l'accès facilité à des recours en cas de litige. Ceci dit, les propositions auront peu de portée si elles ne sont pas publicisées et connues des travailleurs et des travailleuses. C'est pourquoi on recommande qu'une vaste campagne de sensibilisation et de publicité sur les droits et les recours linguistiques accompagne l'entrée en vigueur de la réforme de la Charte de la langue française.

En ce qui concerne le prochain thème, Francisation Québec, on doit avouer, là, que c'est peut-être l'aspect du projet de loi, là, qui nous déçoit le plus. Ce dernier ne fait aucunement mention du ministère de l'Éducation tout comme de son réseau, qui constituent pourtant des partenaires incontournables lorsqu'il s'agit de francisation et d'apprentissage du français au Québec. On se demande si on ne doit pas comprendre que le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration veut, par ce projet de loi, diminuer ou retirer l'offre de francisation au ministère de l'Éducation. C'est une question qu'on se pose. Pour nous, il est urgent que le MIFI collabore étroitement avec le ministère de l'Éducation afin d'avoir un portrait complet de ce qui se fait en termes d'apprentissage du français au Québec. C'est pour cela que la CSQ recommande que le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration s'assure que Francisation Québec travaille en étroite collaboration avec le ministère de l'Éducation afin de prendre en compte dans l'offre de services d'apprentissage du français les éléments suivants : les cours de francisation reconnus par le ministère de l'Éducation qui sont offerts par les centres de services scolaires du Québec et l'offre de cours de français en langue seconde. On recommande aussi à cet égard que le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration se ravise en acceptant les tests de français reconnus par le ministère de l'Éducation et qu'on utilise donc nos propres tests plutôt que ceux développés par la France, particulièrement.

En ce qui concerne les écoles passerelles, les modifications proposées par le projet de loi auront pour effet de limiter à un maximum de trois ans la période pendant laquelle les enfants de certains ressortissants étrangers en séjour temporaire au Québec pourront bénéficier de l'admissibilité à l'enseignement en anglais dans le réseau public ou privé <subventionné. ...

M. Beauchemin (Mario) : ...développés par la France, particulièrement.

En ce qui concerne les écoles passerelles, les modifications proposées par le projet de loi auront pour effet de limiter à un maximum de trois ans la période pendant laquelle les enfants de certains ressortissants étrangers en séjour temporaire au Québec pourront bénéficier de l'admissibilité à l'enseignement en anglais dans le réseau public ou privé >subventionné. Est-ce que le passage de trois ans de ces élèves pourrait être considéré comme un parcours authentique leur permettant par la suite d'avoir droit à l'enseignement public en anglais? C'est une question, là, qui mérite d'être soulevée. C'est pour cela aussi que la CSQ recommande, d'une part, que le gouvernement brosse un portrait du phénomène des écoles passerelles et du nombre de demandes d'admissibilité à l'enseignement en anglais et qu'il rende ces données rapidement publiques et, d'autre part, dans l'éventualité d'une hausse marquée de ces demandes, que le gouvernement cesse d'accorder l'admissibilité de l'enseignement en anglais aux enfants de ressortissants étrangers dans le réseau public et privé subventionné.

Finalement, pour terminer la présentation, on va aborder plus particulièrement, donc, la langue des études à l'enseignement supérieur, et plus particulièrement dans notre réseau collégial. La réception du projet de loi, et plus spécifiquement les dispositions particulières à l'enseignement collégial, ont été... a été assez positive au sein de nos fédérations et de nos syndicats affiliés. Plusieurs des dispositions du projet de loi rejoignent les positions adoptées et nos orientations, sur lesquelles on travaille depuis 2011‑2012. Toutefois, au cours de ces consultations, certaines préoccupations ont émergé, trois principalement : préoccupation relativement au potentiel d'amplification de la concurrence entre les cégeps anglophones, d'une part, et les cégeps francophones offrant un ou des programmes en anglais, d'autre part; préoccupation quant à l'applicabilité de l'épreuve uniforme de français au sein des cégeps anglophones; et, finalement, préoccupation sur le potentiel d'amplification des obstacles systémiques pour les étudiantes et les étudiants autochtones.

• (11 h 50) •

En ce qui concerne la détermination des effectifs et notre première série de préoccupations, étant donné la place qu'occupent le ministère et le ministre dans ce dossier-là, étant donné aussi le flou qui existe autour des mécanismes de détermination des effectifs totaux particuliers, la CSQ recommande de clarifier les mécanismes de détermination annuelle des effectifs totaux, de prévoir un mécanisme de concertation avec les partenaires du réseau collégial, de porter une attention particulière au rayonnement des établissements offrant un ou des programmes en anglais qui répondent aux besoins des communautés historiques anglophones en région, et, finalement, la CSQ recommande aussi de prévoir un mécanisme de concertation avec les partenaires du réseau collégial au sujet des ayants droit afin de favoriser un équilibre dans le réseau.

En ce qui concerne nos préoccupations liées à l'implantation de l'épreuve uniforme de français, je pense qu'il y a plusieurs limitations qui sont à prévoir dans les cégeps anglophones. On pense aussi qu'il va y avoir la nécessité d'ajouter des ressources et qu'il faut aussi se préoccuper du cas très particulier des étudiantes et des étudiants réfugiés. C'est pour ça que la CSQ recommande au ministère de l'Enseignement supérieur de consulter les partenaires du réseau collégial au sujet des éventuels impacts des modifications au Règlement sur le régime des études collégiales... J'ai terminé?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui. Je vais vous demander de terminer, on est déjà sur le temps du ministre. <Allez-y...

M. Beauchemin (Mario) : ...réfugiés. C'est pour ça que la CSQ recommande au ministère de l'Enseignement supérieur de consulter les partenaires du réseau collégial au sujet des éventuels impacts des modifications au Règlement sur le régime des études collégiales... J'ai terminé?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui. Je vais vous demander de terminer, on est déjà sur le temps du ministre. >Allez-y rapidement.

M. Beauchemin (Mario) : D'accord. Enfin, je termine en... qu'il est important aussi d'ajouter des ressources nécessaires afin d'améliorer des mesures de soutien en français dans l'ensemble du réseau et enfin, pour terminer, d'exempter les étudiants et les étudiantes réfugiés accueillis dans les cégeps anglophones à travers le Programme d'étudiants réfugiés, ou PER. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. Beauchemin. Donc, M. le ministre, on retranchera 40 secondes.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci, Mme la Présidente. M. Beauchemin, M. Danis, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire.

Allons-y par la fin, là, de votre intervention au niveau des établissements collégiaux. À la page 15 de votre mémoire, vous indiquez : «Or, depuis plusieurs années, des intervenantes et intervenants sonnent l'alarme, signalant qu'une proportion considérable des étudiantes et des étudiants des cégeps anglophones qui obtiennent un diplôme n'ont pas le niveau de connaissance nécessaire en français dans un contexte de travail, tant à l'oral qu'à l'écrit, et ce, après avoir suivi deux cours obligatoires en français langue seconde au collégial. Le CG statuait en décembre 2020 que l'amélioration du français langue seconde, sujet trop souvent négligé, pourrait bénéficier d'une attention plus soutenue et de l'introduction de mesures structurantes, qu'il s'agisse de cours additionnels ou encore d'une épreuve ministérielle qui permettrait de renforcer les compétences linguistiques des personnes diplômées issues des cégeps anglophones.»

Donc, nous, dans notre proposition législative, avec le projet de loi n° 96, on propose de faire en sorte que désormais l'épreuve uniforme de français s'applique aux étudiants également au niveau collégial anglophone, donc que ça soit pour les francophones et les allophones, exception faite des ayants droit. Donc, je comprends que la mesure que nous proposons est une mesure dans la bonne direction.

M. Beauchemin (Mario) : Tout à fait, effectivement.

M. Jolin-Barrette : Et vous, vous représentez un des deux syndicats, dans le fond, affiliés avec la CSQ, un des deux syndicats de professeurs des cégeps également au Québec.

M. Beauchemin (Mario) : En ce qui concerne les enseignants, effectivement, la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep est affiliée chez nous, mais on a aussi deux autres fédérations du réseau collégial qui sont aussi affiliées à la CSQ.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis ça représente combien de professeurs, environ?

M. Beauchemin (Mario) : Chez nous, en termes d'enseignants, c'est 3 000 environ.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous nous invitez à nous fixer une cible notamment au niveau des transferts linguistiques. Vous dites, bon : Au niveau de la gouvernance, c'est une bonne chose, le fait de créer un ministère de la Langue française, le fait de créer également un commissaire à la langue française. Au niveau des transferts linguistiques, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, pour qu'il y ait un inversement de tendance, c'est important que le taux de transferts linguistiques soit de plus de 90 % pour faire en sorte véritablement que la langue commune, la langue d'usage devienne la langue française. Alors, nous, les objectifs que j'ai en tête, c'est d'atteindre ce niveau-là. Et, lorsque le Parti québécois, en 1977, a déposé le projet de loi avec M. Laurin, on était dans un taux de transferts linguistiques de moins de 20 %, on est rendu à près de 50 %. Il faut agir. <Alors, est-ce que...

M. Jolin-Barrette : ...la langue française. Alors, nous, les objectifs que j'ai en tête, c'est d'atteindre ce niveau-là. Et, lorsque le Parti québécois, en 1977, a déposé le projet de loi avec M. Laurin, on était dans un taux de transferts linguistiques de moins de 20 %, on est rendu à près de 50 %. Il faut agir. >Alors, est-ce que vous nous invitez à choisir ce taux-là, le taux qui va véritablement avoir un transfert complet, comme dans le reste du Canada, où c'est 99 point quelques pour cent vers l'anglais, Nouveau-Brunswick, c'est un petit peu plus faible également, mais c'est encore vers l'anglais?

M. Beauchemin (Mario) : Bien, c'est une bonne question. On ne s'est pas véritablement penchés sur un objectif très clair et très précis, mais on pense effectivement qu'il faut tendre vers ce pourcentage-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau des autres indicateurs, est-ce qu'il y a d'autres indicateurs que vous dites : Écoutez, il faut utiliser ces indicateurs-là pour vraiment mesurer ou constater l'évolution? Parce qu'il faut le dire, hein, durant des années, les études de l'OQLF n'étaient pas publiées, hein? Ça a pris... À un moment donné, ça a pris sept ans, lorsque ma collègue la ministre de la Culture actuelle, Mme Roy, hein, la députée de Montarville, a rendu publique, à l'époque où elle était responsable de la charte... donc, en 2018, ça faisait plus de sept ans que l'étude était prête à l'OQLF, mais qu'elle n'avait pas été publiée. On s'explique mal comment ça se fait que ces études-là sur la situation linguistique au Québec n'ont pas été publiées par un organisme gouvernemental durant toutes ces années-là.

Mais quels sont, selon vous, là, les indicateurs les plus parlants qui devraient être établis? Et, dans le projet de loi, on en a mis certains, là. Désormais, l'OQLF, en collaboration avec le Commissaire à la langue française, va pouvoir choisir les indicateurs pour justement avoir un véritable portrait de la situation et pour ne pas que certains gouvernements cachent la réalité aux Québécois sur la situation du français. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Danis (Gabriel) : Bien, effectivement, si je peux répondre, c'est assez troublant, le suivi de la situation linguistique au Québec depuis plusieurs années. Moi, je suis ça personnellement à la CSQ avec d'autres collègues, puis c'est extrêmement difficile d'avoir des données claires, d'avoir un suivi cohérent. On a senti, là, une certaine forme de politisation pendant des années de ces études-là, puis c'est extrêmement... Nous autres, ça nous a beaucoup, beaucoup préoccupés. Et on ose croire, on ose espérer que cette situation-là va être renversée, qu'il y aura dépolitisation de cette question-là puis un suivi, grâce aux nouvelles institutions du commissaire, du ministère, qu'il y aura un suivi non partisan, et que c'est un suivi qui soit facile à faire, qu'on puisse se retrouver au sein des données, des indicateurs.

Pour répondre particulièrement à la question, on pense que la... L'indicateur suprême pour nous, c'est les transferts linguistiques des allophones vers le français. Évidemment, il y a d'autres indicateurs, puis on peut penser au français comme langue de travail, penser au français comme langue commune ou comme langue d'usage public. Mais, pour nous, c'est mathématique, là, la pérennité du français, la vitalité du français doit passer par une <amélioration des...

M. Danis (Gabriel) : ...le français. Évidemment, il y a d'autres indicateurs, puis on peut penser au français comme langue de travail, penser au français comme langue commune ou comme langue d'usage public. Mais, pour nous, c'est mathématique, là, la pérennité du français et la vitalité du français doivent passer par une >amélioration du taux des transferts des allophones vers le français.

M. Jolin-Barrette : Sur la question des... Bien, en fait, justement sur le transfert linguistique, est-ce que vous pensez qu'on devrait en faire une disposition législative dans le projet de loi?

M. Beauchemin (Mario) : On pense que oui.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de Francisation Québec, là, puis du ministère de l'Éducation, un des enjeux qu'il y a depuis plusieurs années, c'est qu'il y avait plusieurs portes au niveau de la francisation. Donc, il y en avait qui se faisait au ministère de l'Immigration, il y en avait qui se faisait au ministère de l'Éducation puis au ministère du Travail, de l'Emploi et Solidarité sociale. Alors, l'objectif de Francisation Québec est de fédérer et de n'avoir qu'une seule porte d'entrée pour ensuite diffuser... bien, en fait, utiliser la force de l'État québécois pour vraiment mettre en place des mesures de francisation sur les milieux de travail, notamment pour les personnes immigrantes, en matière d'intégration. Donc, je vous entends bien de dire : Ne pas oublier le ministère de l'Éducation, les ressources qui sont là. Donc, vous nous invitez à dire : Bien oui, il y a Francisation Québec, mais vraiment intégrer le ministère de l'Éducation. C'est bien ça?

M. Beauchemin (Mario) : Oui, exactement. Donc, on est contents d'entendre ça, parce qu'à la lecture du projet de loi, ça, c'est moins évident, puis il y a une expertise sur la francisation dans le réseau de l'éducation, que ce soit la formation professionnelle, la formation des adultes, donc c'est important de les mettre à contribution aussi.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. C'est l'objectif qui est recherché. Dans le fond, l'entité de Francisation Québec vient centraliser le tout, mais justement au bénéfice à la fois des entreprises, mais à la fois aussi des personnes qui souhaitent obtenir des cours de francisation, et on va offrir cette francisation-là également aux personnes qui ne sont pas des nouveaux arrivants, mais qui sont des Québécois et qui souhaitent améliorer et peaufiner leur connaissance de la langue française également.

Dans votre mémoire, vous abordez la question des attestations d'études collégiales. Pouvez-vous développer là-dessus? Parce que, dans le fond, le projet de loi vise notamment les diplômes d'études collégiales, mais quelle est votre position, là, sur les attestations d'études collégiales?

M. Beauchemin (Mario) : Ces propositions-là, on sait qu'elles débordent un peu le cadre du projet de loi n° 96, mais ça provient... c'est issu des travaux qu'on a effectués en 2011‑2012 à partir de la création d'un comité de travail, là, interfédératif et avec la centrale, justement, pour voir si on devait appliquer ou non la loi 101 au collégial. On en était arrivés avec les propositions qu'on retrouve dans notre présent mémoire. Mais nous, on pense qu'il est important que des mesures soient mises en place aussi dans les milieux où on retrouve des attestations d'études collégiales, parce qu'on peut y retrouver aussi une main-d'oeuvre qui n'est pas une main-d'oeuvre, une... pas une clientèle non plus, mais des étudiants et des étudiantes qui ne maîtrisent pas très bien le français. Alors, pour nous, c'est important de ne pas mettre de côté les A.E.C., qui occupent une place souvent, dans certains collèges, très, très, très importante.

• (12 heures) •

M. Danis (Gabriel) : Puis on sait... Si je peux me permettre, si je peux ajouter, on sait que, particulièrement à <Montréal, dans les cégeps anglos, une grande...

>


 
 

12 h (version révisée)

<      M. Beauchemin (Mario) : ...des étudiantes qui ne maîtrisent pas très bien le français. Alors, pour nous, c'est important de ne pas mettre de côté les A.E.C., qui occupent une place souvent, dans certains collèges, très, très, très importante.

M. Danis (Gabriel) : Puis on sait... Si je peux me permettre, si je peux ajouter, on sait que, particulièrement à >Montréal, dans les cégeps anglos, une grande partie des étudiants inscrits à une attestation d'études collégiales sont des immigrants récents qui veulent avoir une formation rapide qui leur donne accès rapide au marché du travail. Et on se tire dans le pied à ne pas profiter de ces étudiants-là qui sont aux études pour une courte période de temps, pour en profiter pour offrir des cours de français langue seconde ou d'apprentissage du français, bien que ça ne soit pas l'objectif des A.E.C. actuellement, mais je pense qu'on peut modifier la structure puis le fonctionnement des A.E.C. pour aller dans cet objectif-là.

M. Jolin-Barrette : Et est-ce que votre proposition de viser les A.E.C. devrait s'appliquer également pour les collèges non subventionnés qui donnent les cours en anglais? Donc, il y a une kyrielle de collèges, là, accrédités par le ministère de l'Enseignement supérieur qui sont non subventionnés, mais qui ont beaucoup une clientèle d'étudiants étrangers qui viennent chercher un diplôme ici. Alors, pensez-vous qu'on devrait viser le non subventionné, donc le privé-privé?

M. Beauchemin (Mario) : Notre réponse est oui, tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Juste avant de céder la parole au collègue de Saint-Jean, vous avez émis des réserves sur l'article 22.2 du projet de loi relativement aux services offerts en anglais. Alors, l'objectif, il est très clair, c'est les services de l'État québécois sont donnés en français, c'est au niveau de l'exemplarité de l'État, mais, par contre, on vient protéger, dans le fond, les droits acquis des membres de la communauté anglophone, des membres des communautés autochtones également. Alors, l'objectif est simplement de faire en sorte que ceux qui recevaient leurs services dans la langue anglaise puissent continuer de le recevoir, qu'il n'y ait pas de bris de service pour eux. Donc, je ne sais pas si ça vous explique le tout. Alors, je vais céder la parole, Mme la Présidente, au député de Saint-Jean.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui. Est-ce que vous vouliez passer un commentaire? Non, ça va? Parfait. M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Vous avez... Merci de répondre à nos questions. Vous avez parlé, en parlant des effets pervers de la loi, du projet de loi, entre autres, pour l'enseignement collégial, vous avez parlé d'une amplification de compétition. Et vous avez abouti aussi avec ce que vous considérez être un problème particulier pour la clientèle autochtone. Pouvez-vous m'expliquer ça en reculant un petit peu pour le mettre en contexte, s'il vous plaît?

M. Beauchemin (Mario) : Certainement. C'est que, dans le projet de loi, on ne trouve pas vraiment, là, quand on va stabiliser ou stopper l'augmentation des étudiants et étudiantes dans les collèges anglophones, on ne retrouve pas, puis c'est peut-être normal aussi à ce <moment-ci...

M. Beauchemin (Mario) : ... Certainement. C'est que, dans le projet de loi, on ne trouve pas vraiment, là, quand on va stabiliser ou stopper l'augmentation des étudiants et étudiantes dans les collèges anglophones, on ne retrouve pas — puis c'est peut-être normal aussi à ce >moment-ci de l'étude du projet de loi — des mécanismes. Comment on va répartir les étudiants, les étudiantes qui auront l'occasion de s'inscrire dans un cégep anglophone, entre le cégep de Vanier, par exemple, et le cégep... ou Dawson puis le cégep de Lennoxville, qui est un cégep important en région? Est-ce qu'il va y avoir un mécanisme de répartition des effectifs, étant donné maintenant qu'ils seront limités? Alors, c'est ça un peu notre préoccupation, là, c'est ce qu'on soulève, d'où l'importance pour nous qu'il y ait une concertation avec les différents partenaires du réseau pour ne pas exacerber cette concurrence-là, à partir du moment où on fixe une limite, peut-être que les collèges anglophones seraient tentés de se livrer une concurrence qui pourrait devenir malsaine. C'est pas mal ça.

M. Lemieux : D'accord. Tout à l'heure, vous n'étiez pas là mais ce n'est pas grave, c'est le contexte, l'OQLF était là pour nous parler d'étude sur le français au Québec, 2011‑2036, avec des chiffres dont parlait le ministre tout à l'heure, qui sont inquiétants, et vous sembliez d'accord, dans vos commentaires, avec lui plus tôt. Si, au lieu de parler de quantitatif avec des statistiques, quand on dit «langue parlée à la maison», dans le fond, c'est une autoqualification qu'on fait, quand on répond ça dans un sondage. Vous êtes, vous l'avez dit, très présents dans les écoles et les cégeps, si on parlait de qualitatif plutôt, sur notre langue, sur ces années-là qu'on peut voir derrière et qu'on regarde en avant. Je vous prends un peu... pas à dépourvu, mais je vous prends un peu hors de votre texte, mais ça m'intéresse beaucoup, ce que vous en pensez, de l'état du français depuis 2011, puis où on s'en va en 2036, en le plaçant dans le contexte de... c'est vous qui l'enseignez finalement, c'est vos membres qui l'enseignent.

M. Beauchemin (Mario) : Écoutez, effectivement, ça sort un peu du cadre de notre mémoire. Est-ce qu'il y a des efforts à faire pour améliorer la qualité du français enseigné dans le réseau de l'éducation et dans le réseau collégial, je pense que oui. Je ne peux pas me prononcer beaucoup pour le réseau scolaire, mais, pour le réseau collégial, je peux quand même affirmer que je l'ai enseigné avant de m'impliquer complètement dans le syndicalisme, de 1992 à 2002, et que moi, lorsque souvent on fait ressortir des cas où ils ont de la misère à conjuguer les participes passés, et tout ça, là, moi, je me suis aperçu qu'il y avait eu quand même une amélioration qualitative de la langue écrite et parlée au niveau collégial au cours des 10 années où j'y ai enseigné. Est-ce qu'il y a encore des efforts à fournir, est-ce qu'on devrait ajouter un cours de maîtrise de la langue dans le réseau collégial en plus des cours de littérature? C'est une question qu'il faudrait creuser.

M. Lemieux : Je n'en ai peut-être pas tellement à essayer de vous faire dire comment on devrait faire, mais plus comment vous <considérez l'état du...

M. Beauchemin (Mario) : ... est-ce qu'on devrait ajouter un cours de maîtrise de la langue dans le réseau collégial en plus des cours de littérature? C'est une question qu'il faudrait creuser.

M. Lemieux : Je n'en ai peut-être pas tellement à essayer de vous faire dire comment on devrait faire, mais plus comment vous >considérez l'état du français en 2021, considérant ce qu'on sait de ce que l'OQLF nous donne comme chiffre par rapport à là où s'en va. Dans le fond, c'est plus la mesure de l'urgence d'agir que je cherche par rapport à ce que vous constatez sur le terrain du français qu'on parle dans nos cégeps.

M. Beauchemin (Mario) : Sur la qualité, écoutez, on n'a pas fait d'étude, nous, là-dessus. Ce qu'on pourrait avancer relèverait un petit peu plus de l'anecdote et de l'opinion. Donc, on préfère ne pas se prononcer là-dessus.

M. Lemieux : Merci beaucoup. C'est correct, je ne vous cherchais pas de noise, là, j'essayais de mettre un peu de couleur autour de ce que vous nous donnez comme considérations puis comme recommandations, qui sont très précises, là. Et là-dessus, votre mémoire est sans faute, vous savez ce que vous voulez.

D'ailleurs, vous avez commencé, puis je vais terminer là-dessus, je pense qu'il faut que je termine, Mme la Présidente, vous commencez en répondant comme un sondage : Nous sommes très, ou très, très satisfaits. Vous avez commencé comme ça. Je pense qu'avec les recommandations que vous nous présentez, il y a moyen de vous rendre très, très, très satisfaits.

M. Beauchemin (Mario) : Ah! Bien, ça fait du bien à entendre. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, merci. Sans plus tarder, je vais me tourner du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Merci beaucoup. Je ne reviendrai pas sur la qualité de la langue, mais je remercie quand même le député de Saint-Jean d'aborder cet aspect-là parce que je pense que c'est un aspect qu'on devrait aborder dans le projet de loi. On aura amplement le temps et je serai toujours une alliée de cette question-là. On en parlera cet après-midi dans un mémoire qui en parle quand même beaucoup.

Merci beaucoup, Centrale des syndicats du Québec. J'ai trouvé... J'ai beaucoup apprécié votre mémoire. Il est fait de façon intelligente, rigoureuse, et on voit bien, quand vous n'avez pas d'études, vous n'aimez pas trop vous prononcer. Alors, chaque chose sur laquelle... chaque enjeu est bien étayé. J'en ai quelques-uns, donc, à discuter avec vous.

Alors, dans l'applicabilité, parce que vous parlez beaucoup, beaucoup... et j'ai vérifié, c'est vraiment un mot français, là, de dire «applicabilité», tous les dictionnaires l'ont, alors votre mémoire fait état de plusieurs problématiques quant à l'applicabilité du projet de loi tel que libellé actuellement. J'en ai relevé en francisation, en enseignement supérieur et d'une interférence dans la représentation syndicale. Mais si vous aviez à retenir, là, juste une problématique qui devrait être absolument corrigée dans l'étude article par article, j'ai des idées, mais je voudrais vous entendre sur ce serait quoi la problématique la plus importante?

M. Beauchemin (Mario) : Bien, je crois qu'on en a, encore là, effleuré le sujet tout à l'heure avec M. le ministre. Je pense que le transfert linguistique des allophones vers le français est une de nos <principales...

Mme David : ... la problématique la plus importante?

M. Beauchemin (Mario) : Bien, je crois qu'on en a, encore là, effleuré le sujet tout à l'heure avec M. le ministre. Je pense que le transfert linguistique des allophones vers le français est une de nos >principales préoccupations qui parcourt notre mémoire, en effet.

Mme David : Le projet de loi répond à cette inquiétude ou à cet enjeu, répond à votre goût?

• (12 h 10) •

M. Beauchemin (Mario) : Non. Non, mais je pense... bien, probablement qu'effectivement, comme ça a été un petit peu souligné tout à l'heure, il va falloir être capable, être en mesure de se fixer des cibles, là, réalistes, là, mais, en même temps, ambitieuses à cet égard.

Mme David : O.K. Puis M. le ministre a posé des questions. Alors, là-dessus, je vais passer à la francisation. On le savait, mais de vous l'entendre... et de vous lire, ça rend la chose encore plus incompréhensible. Et je ne serais pas étonnée que le ministre partage mon opinion et votre opinion là-dessus, sur... Vous dites : «L'ambiguïté, jumelée aux craintes que suscite la création de Francisation Québec, est la grande déception de ce projet de loi.» On ajoute : «Les personnes immigrantes qui suivent des cours de francisation au Québec sont évaluées par — et je suis gentille — nos cousins français. Certains embauchent même un professeur en France — et là je ne l'invente pas, c'est vous qui l'écrivez — pour des cours de rattrapage à distance pour pouvoir reprendre leur examen.» Parce que l'examen est fait en France. C'est un examen pour des Français. Et avec toute l'estime que j'ai, et même mon passeport français moi-même, ce n'est pas la même chose que le français au Québec. Alors, imaginez l'immigrant qui prend des cours d'un professeur de français en France parce que le professeur sait quelle sorte de question va être posée, ça me semble une aberration. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus parce que c'est vous qui êtes aux prises avec ça.

M. Beauchemin (Mario) : On pourrait faire des blagues, là, mais je n'en ferai pas, du coup. Mais nous, on a été extrêmement surpris de voir ça, étant donné qu'il existe des tests au Québec qui sont administrés à tous les jours dans le réseau scolaire et qui peuvent très, très, très bien faire l'affaire. On ne comprend pas pourquoi il faudrait aller chercher des tests de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris Île-de-France. On avoue qu'on ne le comprend pas, celui-là. D'ailleurs, c'est pour ça qu'une de nos recommandations, là, est à l'effet, justement, de prendre en considération les tests qui sont réalisés, élaborés et appliqués au Québec.

Mme David : Bien, merci beaucoup, belle recommandation d'amendement, on prend très, très bonne note. Je vais revenir à l'enseignement supérieur, parce que vraiment vous mettez tous vos talents et compétences à bien expliquer les enjeux, puis je vous en remercie. Alors, évidemment, nous, nous avons, comme parti et comme... on a fait des propositions de donner des cours carrément en français dans les cégeps anglophones, un minimum, disons, de trois cours qui pourraient se passer en français pour mélanger les clientèles et... On dit <beaucoup... Et cet après-midi, il y aura Mmes Beaudoin...

Mme David : ... nous, nous avons, comme parti et comme... on a fait des propositions de donner des cours carrément en français dans les cégeps anglophones, un minimum, disons, de trois cours qui pourraient se passer en français pour mélanger les clientèles et... On dit >beaucoup... Et cet après-midi, il y aura Mmes Beaudoin et Harel — je ne sais pas si j'ai le droit de le dire, non ou oui — qui vont venir parler de ça, de l'importance non seulement de la francisation, de prononcer des mots en français, mais de la culture. Et donc j'aurais peut-être voulu vous entendre là-dessus, mais vous n'êtes pas obligé, là, de...

M. Beauchemin (Mario) : Écoutez, dans les travaux que nous avons effectués en 2011‑2012, c'est une proposition qui avait été soulevée. Maintenant, il faut voir, encore une fois, dans son application, quel problème ça peut soulever. Vous savez qu'il y a des conventions collectives, il y a toute une question d'effectifs, mais, au-delà de ça puis au-delà des préoccupations que je dirais un petit peu plus corporatistes, c'est parce que les programmes dans les collèges, ils sont déjà très, très, très chargés, que ce soit en sciences de la nature, en sciences humaines, avec ou sans maths, ou dans... puis je ne parle même pas des programmes techniques. Alors, d'implanter trois nouveaux cours, c'est un défi colossal. Mais on trouve...

Mme David : Ce n'est peut-être pas trois nouveaux cours, mais trois cours donnés en français plutôt qu'en anglais.

M. Beauchemin (Mario) : O.K.

Mme David : Mais vous avez raison, ce n'est pas trois nouveaux cours.

M. Beauchemin (Mario) : Mais, à ce moment-là, c'est...

Mme David : Oui.

M. Beauchemin (Mario) : O.K. D'accord. Mais à ce moment-là, effectivement, il y a une question de personnel, de professeurs, puis d'enseignants et d'enseignantes... Qu'est-ce qu'on fait avec les conventions collectives?

Mme David : On sait qu'il y a une grande proportion de professeurs qui parle le français dans les cégeps anglophones. Maintenant, d'imposer l'EUF, l'épreuve uniforme de français, va demander des changements substantiels, vous le dites, dans le REC, le régime d'études collégiales, parce qu'un cursus pour préparer à l'épreuve uniforme de français n'est pas le même, on le sait, qu'un cursus pour l'épreuve uniforme d'anglais. Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même approche, la même philosophie. Vous vous inquiétez de ça. Quels changements devraient être apportés au REC?

M. Beauchemin (Mario) : Oh! c'est une bonne question. C'est une très bonne question. Nous, on pense qu'avant de proposer des changements au REC, il faut que les partenaires se parlent, il faut que les syndicats, que la Fédération des cégeps, que les administrations aussi, locales, avec le ministère, s'assoient à la même table et voient à comment on pourrait justement mettre en place l'épreuve uniforme de français dans les cégeps anglophones.

Mme David : Vous parlez...

M. Beauchemin (Mario) : Parce que ça...

Mme David : Oui. Je vous écoute. Ça va? Vous parlez de...

M. Beauchemin (Mario) : ...

Mme David : Excusez... Vous parlez de... vous parlez, donc de préparation adéquate des étudiants, c'est sûr, il faut que ça soit équitable français, anglais, vous parlez de ressources supplémentaires dans les cégeps anglophones, qui vont être essentielles pour ça, et puis vous parlez de réorganisation scolaire et structurelle importante. Vous venez de dire que — on le sait — les programmes sont extrêmement denses, extrêmement normés, il y a des... Bon, alors, comment vous voyez... par quel angle il va falloir prendre tout ça? Parce qu'avant de voter un article dans ce sens-là du projet de loi il va falloir être sûr que ça soit <réaliste...

Mme David : ...Vous venez de dire qu'on le sait les programmes sont extrêmement denses, extrêmement normés, il y a... Bon. Alors, comment vous voyez par quel angle il va falloir prendre tout ça? Parce qu'avant de voter un article dans ce sens-là du projet de loi il va falloir être sûr que ça soit >réaliste.

M. Beauchemin (Mario) : Écoutez, on a réussi à l'implanter. Ce n'est pas... L'épreuve uniforme de français n'a pas toujours existé dans le réseau collégial, dans les cégeps francophones. Alors, on a réussi à l'implanter, ça a demandé des changements puis ça a demandé de la mise en place de certains mécanismes plus précis. Je pense qu'on peut s'inspirer de l'expérience qui a été réalisée dans les cégeps francophones sans les copier, on pourrait s'en inspirer pour intégrer graduellement, sans que ça fasse trop mal, l'épreuve uniforme de français dans les cégeps anglophones aussi.

Mme David : On voit votre expérience dans l'implantation de mesures sans que ça fasse trop mal.

La question des devis. Alors, vous êtes bien précis sur la question des devis, ça vous inquiète, compétition entre cégeps anglophones, comment répartir, cégeps en région, même cégeps montréalais ou plus près de Montréal ou de Québec. Comment vous voyez ça? Parce que la question des devis a toujours été un immense enjeu dans le réseau collégial. Puis là on attend 25 000 étudiants, seulement dans l'île de Montréal, additionnels. Comment vous voyez tout ça?

M. Beauchemin (Mario) : En fait, nous, on est d'accord, hein, avec une gestion de la limitation puis le respect des devis, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé. Mais, à partir du moment où, comme je l'ai dit tout à l'heure, on met des limites à l'augmentation des devis dans les cégeps anglophones, il faut s'assurer que ça ne participe pas, là, d'une concurrence entre les différents cégeps anglophones pour s'attirer, comme on dit aujourd'hui, de la clientèle supplémentaire.

Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'il faut qu'il y ait encore une fois ici, là, un mécanisme phare et durable de concertation entre les différents partenaires pour éviter cette concurrence-là, qui existe déjà, hein, dans le réseau collégial et, si vous me permettez l'expression, qui est une vraie plaie depuis plusieurs années, où on fait la promotion, où on se vole des étudiants et des étudiantes, que ça soit entre les cégeps francophones, ou entre les cégeps anglophones, ou entre les deux, cégeps francophones et anglophones aussi. Donc, on pense qu'avec un mécanisme de concertation on va pouvoir atténuer, là, cette concurrence-là qui mène souvent à des dépenses excessives, en termes, aussi, de promotion.

Mme David : Merci beaucoup. Il y a une phrase qui a attiré mon attention dans votre mémoire : «Nous comprenons que la mise en place des mesures cherchant à favoriser l'admission des ayants droit — donc on le sait de qui on parle, plus des anglophones — dans chacun des cégeps anglophones repose essentiellement sur le droit de veto du ministre de la Langue française.» Dois-je comprendre par cette affirmation que vous jugez que le futur ministre de la Langue française aura un mot à dire et plus de pouvoir sur les admissions que le ministre de l'Enseignement supérieur?

M. Beauchemin (Mario) : C'est la façon dont on a compris l'article du projet de loi, oui. C'est notre perception.

Mme David : Donc, ça va passer beaucoup, beaucoup d'étapes, là, des nouvelles étapes, là, ça va aller... Le ministre de la Langue française, il va falloir qu'il dise, oui ou non, c'est correct ou pas, la <répartition, c'est ça...

Mme David : ... plus de pouvoir sur les admissions que le ministre de l'Enseignement supérieur?

M. Beauchemin (Mario) : C'est la façon dont on a compris l'article du projet de loi, oui. C'est notre perception.

Mme David : Donc, ça va passer beaucoup, beaucoup d'étapes, là, des nouvelles étapes, là, ça va aller... Le ministre de la Langue française, il va falloir qu'il dise, oui ou non, c'est correct ou pas, la >répartition, c'est ça?

M. Beauchemin (Mario) : C'est ce qu'on a compris. Présentement, c'est ce qu'on a compris. Oui.

Mme David : Ça vous inquiète.

M. Beauchemin (Mario) : Ça nous inquiète un peu.

Mme David : L'admission des étudiants anglophones, est-ce que ça va être simple, ça? Sur quelle base on va les admettre par rapport à des dossiers académiques moins bons ou meilleurs que d'autres?

M. Beauchemin (Mario) : C'est toute la question. Bien, encore là, il y a beaucoup de questions, là, qu'il soulève, le projet de loi, plus que de réponses sur ces questions-là. Mais on cherche entre les lignes, mais on n'a pas les réponses, nous. On a l'impression que le gouvernement pellette un peu dans les cégeps cette responsabilité-là sans donner trop de balises pour l'instant.

Mme David : O.K. Je sens qu'on va avoir beaucoup de travail à faire pour essayer de trouver les solutions à tout ça. Merci beaucoup. Merci beaucoup.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Nous allons passer maintenant à la députée de Mercier pour votre temps de parole. Allez-y, madame.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation. J'ai à peu près 2 min 45 s. Donc, ça va aller vite. Évidemment, vous avez beaucoup parlé des cégeps parce que le projet de loi en parle puis vous représentez aussi des fédérations d'enseignants au cégep, et vous représentez aussi des enseignants au secondaire et au primaire. Donc, j'ai envie de vous amener en amont. Je suis moi-même produit des classes d'accueil dans les écoles à Montréal, et j'avais envie de connaître l'état de la situation par vous.

Est-ce que, par exemple, dans nos écoles publiques, il y a suffisamment de classes d'accueil? Dans les régions où il n'y a pas de possibilités d'avoir de classes d'accueil à cause... parce que le nombre ne le justifie pas, est-ce qu'il y a suffisamment de soutien linguistique? Parce qu'on sait que s'il y a un manque de ressources et de support à ce niveau-là, ça peut mener à des échecs académiques ou, par exemple, si les enfants parlaient déjà anglais, ils pourraient aller... pour favoriser... de continuer leurs études postsecondaires en anglais. Donc, je voulais vous entendre là-dessus même si votre mémoire ne portait pas là-dessus. Est-ce que c'est quelque chose sur laquelle vous pouvez vous prononcer?

• (12 h 20) •

M. Beauchemin (Mario) : Pas présentement. Bien honnêtement, là, non. On n'a pas creusé cette question-là, mais sûrement que si vous prenez contact avec la Fédération des syndicats de l'enseignement, donc, qui est affiliée à la CSQ, le plus gros syndicat, là, puis qui représente les profs du primaire et du secondaire, ils ont sûrement des...

Mme Ghazal : Bien, ça, je voulais assurer aussi votre attention là-dessus, parce qu'avec ma collègue qui est responsable aussi de l'éducation, la députée de Sherbrooke, on a rencontré des enseignants en francisation, puis il y a beaucoup, beaucoup de défis aussi en amont. On se fait dire que la loi 101 permet à ces enfants d'être scolarisés en français. Évidemment, ils sont obligés, mais, après ça, est-ce qu'on donne le soutien? Puis ça, c'est quelque chose dont on ne parle pas suffisamment.

Maintenant, pour ce qui est... J'aimerais savoir, le... Les mesures qui sont dans le projet de loi, ce qu'on appelle le contingentement, là, communément pour le cégep, est-ce que vous n'avez pas l'impression... Parce que vous dites : Il faut le renforcer, il faut s'assurer qu'il y ait des transferts linguistiques puis le moyen, un moyen de le <faire...

Mme Ghazal : ... le soutien? Puis ça, c'est quelque chose dont on ne parle pas suffisamment.

Maintenant, pour ce qui est... J'aimerais savoir, le... Les mesures qui sont dans le projet de loi, qu'on appelle le contingentement, là, communément pour le cégep, est-ce que vous n'avez pas l'impression... Parce que, vous dites, il faut le renforcer. Il faut s'assurer qu'il y ait des transferts linguistiques puis le moyen... un moyen de le >faire, c'est l'enseignement au cégep et d'avoir un contingentement dans l'enseignement dans les cégeps anglophones. Est-ce qu'il n'y aurait pas comme... de la façon que c'est mis dans le projet de loi, une inquiétude que moi j'ai, que le diplôme des cégeps anglophones ait une valeur plus grande que, par exemple, le diplôme dans les cégeps francophones? Est-ce que c'est une inquiétude que vous avez avec les mesures actuelles dans le projet de loi n° 96?

M. Beauchemin (Mario) : Non, du tout. Non, du tout, parce que le diplôme d'études collégiales est un diplôme national, malgré les particularités qui touchent l'ensemble... qui touchent les différents établissements, donc à partir du moment où le diplôme national demeure, nous, on n'a pas d'inquiétude à cet égard-là.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Nous allons aller maintenant du côté du député de Matane-Matapédia, 2 min 45 s vous aussi, M. le député.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à la commission. On a appris en mai dernier qu'il n'y a aucune disposition du projet de loi n° 96 du gouvernement qui concerne l'apprentissage obligatoire du français dans les collèges privés non subventionnés. Puis il y en a beaucoup autour de Montréal, on en entend parler, alors je voulais savoir si ça vous préoccupait, puis quel est le regard que vous portez sur l'équilibre linguistique à Montréal, qui est un déséquilibre, la moitié des étudiants étudie en anglais, et vous ne vous êtes pas prononcé directement sur la fréquentation scolaire.

M. Beauchemin (Mario) : En ce qui concerne votre première question, oui, effectivement, ça nous préoccupe beaucoup, l'apprentissage du français dans les collèges privés non subventionnés. Alors, il y aura probablement des mesures à appliquer à cet égard-là, et, sur le déséquilibre, bien, je vais te laisser aller sur l'île de Montréal, là, je pense que... bien... le projet de loi tente... de répondre à ce problème-là, mais encore...

M. Danis (Gabriel) : Pour ce qui est des collèges privés non subventionnés, on ne représente pas de membres dans ces collèges-là, donc on a choisi de ne pas aborder cette question-là, mais, effectivement, c'est très préoccupant, il y a eu plusieurs articles dans les médias récemment qui démontraient la hausse fulgurante de ces étudiants-là, de ces collèges privés là, qui, souvent, obtiennent des accréditations, à rabais, du ministère. Donc, ça, c'est un problème assurément puis il faut améliorer l'apprentissage du français dans ces formations-là, ça nous apparaît comme étant essentiel. Ça, c'est une chose.

Pour ce qui est de l'équilibre, effectivement, je pense qu'on a atteint un point, on n'est plus dans un point d'équilibre, là, on est dans un point de déséquilibre sur l'île de Montréal, et on pense qu'à tout le moins la première chose à faire, c'est le contingentement qui est proposé par le projet de loi, c'est de diminuer la hausse. On sait que les prévisions démographiques prévoient plusieurs milliers de nouveaux étudiants au collégial, on sait que les prévisions démographiques sont à prendre avec des pincettes parfois, mais on s'attend tout de même à des hausses importantes, et si c'est... la grande majorité de cette hausse-là peuvent aller dans les cégeps francos, bien, on aura quand même fait un bout de chemin sur cette recherche d'équilibre là.

M. Bérubé : Merci. En tout cas, pour les collèges <privés non...

M. Beauchemin (Mario) : ... nouveaux étudiants au collégial, on sait que les prévisions démographiques sont à prendre avec des pincettes parfois, mais on s'attend tout de même à des hausses importantes, et si c'est... la grande majorité de cette hausse-là peuvent aller dans les cégeps francos, bien, on aura quand même fait un bout de chemin sur cette recherche d'équilibre là.

M. Bérubé : Merci. En tout cas, pour les collèges >privés non subventionnés, j'espère que c'est davantage un oubli qu'un choix parce que, si c'est un choix, c'est drôlement inquiétant, puis je me demande qui a réussi à ne pas faire appliquer cette règle-là à ces collèges.

Quant à l'équilibre à Montréal, selon nous — on débat — il nous apparaît que, si on contingente, il y a encore des gens qui seront favorisés, il y a des gens qui seront choisis, eux, pour y aller, d'autres ne pourront pas. Ça ne nous apparaît pas équitable, alors il faut une règle pour tout le monde, ou on n'en fait pas. Si l'enjeu est sérieux, du déséquilibre, il faut agir, même si ce ne sera pas une mesure populaire. Donc, je comprends que vous êtes d'accord avec la mesure du projet de loi n° 96, mais je vous soumets humblement qu'on va continuer à avoir une brèche qui ne va pas aider les Québécois.

La Présidente (Mme Thériault) : Et ceci met fin à la séance de ce matin. Donc, merci pour votre contribution, M. Beauchemin, M. Danis.

Nous allons suspendre les travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 25)


 
 

15 h (version révisée)

(Reprise à 15 h 16)

1355 La Présidente (Mme Thériault) : Donc, bonjour. Bienvenue à la Commission de la culture et de l'éducation. Donc, cet après-midi, nous allons entendre le Syndicat canadien de la fonction publique, Mmes Louise Beaudoin et Louise Harel, la Confédération des syndicats nationaux et, pour terminer, M. Christian Dufour.

Donc, nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, sur la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.

Donc, sans plus tarder, je vais céder à la parole au Syndicat canadien de la fonction publique pour votre présentation. Vous avez une dizaine de minutes. Si vous voulez vous présenter chacun... Allez-y.

Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)

M. Brisson (Frédéric) : Bonjour. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Frédéric Brisson, secrétaire général du Syndicat canadien de la fonction publique.

Mme Blais (Nathalie) : Bonjour, tout le monde. Nathalie Blais, conseillère à la recherche au SCFP.

M. Brisson (Frédéric) : Bien, bonjour, M. le Président, Mme la Présidente, membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à donner notre avis sur le projet de loi n° 96.

Notre intervention, vous vous en doutez, portera principalement sur les dispositions visant le secteur public. Le SCFP Québec représente en effet environ 70 % des travailleuses et des travailleurs des municipalités du Québec. Il est également un acteur syndical important dans le réseau de la santé et des services sociaux, particulièrement dans les catégories 2, 3 et 4 ainsi qu'en éducation où il représente majoritairement du personnel de soutien.

C'est un chantier ambitieux de mises à jour de la Charte de la langue française que vous entreprenez aujourd'hui, une mission difficile, parsemée d'embûches, mais pour laquelle il faut garder le cap. L'objectif étant de maintenir le français comme langue commune de la société québécoise pour les années à venir.

Le SCFP Québec a parlé du projet de loi n° 96 comme d'une réforme nécessaire lors de son dépôt au printemps. C'est une analyse que nous réitérons. Nous appuyons d'ailleurs le mémoire de la FTQ que ses représentants vous présenteront demain.

D'ici là, nous souhaitons aborder avec vous deux aspects du projet de loi à renforcer pour assurer le droit de nos membres à travailler en français et la pérennité de la langue française au Québec. Il s'agit du bilinguisme au travail et de l'apprentissage du français en emploi.

Mme Blais (Nathalie) : Depuis quelques années, nos représentants syndicaux rapportent l'affichage d'un nombre croissant de postes bilingues dans les <villes...

M. Brisson (Frédéric) : ... deux aspects du projet de loi à renforcer pour assurer le droit de nos membres à travailler en français et la pérennité de la langue française au Québec : il s'agit du bilinguisme au travail et de l'apprentissage du français en emploi.

Mme Blais (Nathalie) : Depuis quelques années, nos représentants syndicaux rapportent l'affichage d'un nombre croissant de postes bilingues dans les >villes et les établissements de santé du Québec. À la ville de Gatineau, par exemple, on exige que tous les fonctionnaires cols blancs aient une bonne maîtrise de l'anglais. Pourtant, la municipalité n'est pas reconnue comme bilingue en vertu de l'article 29.1 de la loi, puisqu'elle compte moins de 15 % de citoyens de langue maternelle anglaise. À Montréal aussi, les postes bilingues sont fréquents. Ce constat est corroboré par une étude de l'Institut de la statistique du Québec montrant que plus de 50 % des arrondissements de Montréal font du bilinguisme ou de la connaissance de l'anglais une condition d'embauche. Dans la santé, on note également une augmentation des exigences de bilinguisme, particulièrement dans des fonctions administratives et de bureau.

Comprenons-nous bien, le SCFP-Québec ne s'oppose pas à l'apprentissage ou à la maîtrise de l'anglais ou d'une autre langue par la population du Québec ni à l'offre de tout service en anglais. Ce que nous contestons, c'est la propension qu'ont les employeurs de l'administration publique, principalement les municipalités, les CIUSSS et les CISSS, à afficher des postes bilingues sans justification. Cette attitude a mené à une multiplication des arbitrages dans certains milieux depuis 2010 environ afin de préserver le droit de nos membres de travailler en français et de pouvoir progresser professionnellement dans le secteur public même s'ils ne parlent pas une langue seconde.

• (15 h 20) •

Le projet de loi n° 96 fait un pas dans la bonne direction en modifiant les articles 45 et 46 de la Charte de la langue française. Ainsi modifiés, ces articles interdisent à un employeur d'exiger la connaissance d'une autre langue pour des tâches qui ne le nécessitent pas. Ils obligent également l'employeur à appliquer les critères de la jurisprudence en amont de l'affichage d'un poste pour reconnaître qu'il a pris tous les moyens raisonnables afin d'éviter d'imposer cette exigence. Ces dispositions viennent sans contredit clarifier les choses. Toutefois, nous croyons qu'elles n'entraîneront pas à elles seules une réduction à la source des affichages de postes bilingues et des litiges qui y sont associés dans le secteur public. Pour y arriver, il faut doter des organismes de l'administration de comités de francisation, comme c'est le cas dans le privé. Ces comités ont permis d'accompagner des entreprises dans leur francisation depuis l'adoption de la loi 101 en 1977. Nous pensons qu'ils pourraient maintenant aider les municipalités ainsi que les secteurs de la santé et de l'éducation à mieux cibler leurs réels besoins en matière de bilinguisme. Nous recommandons donc que l'article 238.1 soit reformulé de façon à ce que le comité de francisation puisse, de son propre chef, donner son avis à l'employeur sur la nécessité de créer des postes bilingues ou d'exiger la connaissance d'une deuxième langue à toute personne pour accéder à un poste ou le conserver.

M. Brisson (Frédéric) : La seconde problématique que nous souhaitons discuter avec vous est le manque cruel de ressources d'apprentissage du français pour les nouveaux arrivants. Il faut comprendre que, contrairement aux enfants, qui sont automatiquement scolarisés en français dès leur arrivée au <Québec...

Mme Blais (Nathalie) : ... la connaissance d'une deuxième langue à toute personne pour accéder à un poste ou le conserver.

M. Brisson (Frédéric) : La seconde problématique que nous souhaitons discuter avec vous est le manque cruel de ressources d'apprentissage du français pour les nouveaux arrivants. Il faut comprendre que, contrairement aux enfants, qui sont automatiquement scolarisés en français dès leur arrivée au >Québec, les immigrants adultes, eux, sont laissés à eux-mêmes. Bien souvent, ils n'ont pas le temps ni les ressources nécessaires pour apprendre le français avant d'entrer sur le marché du travail. Ces gens doivent donc occuper un emploi, parfois même deux, pour subvenir à leurs besoins de leur famille sans avoir les bases de la langue leur permettant de s'intégrer à la société québécoise.

Nos membres qui sont dans cette situation nous rapportent que les cours de français actuellement offerts à l'extérieur du boulot ne tiennent pas compte de leur réalité. Après de longues heures de travail et après avoir pris soin de leur famille, ils ne disposent souvent plus de l'énergie requise pour étudier efficacement le français. On peut les comprendre. Cela les force à reporter l'apprentissage du français, mais tous les nouveaux arrivants nous confient vouloir l'apprendre pour communiquer avec leur entourage au travail ainsi que mieux comprendre le Québec et ses habitants.

Le SCFP-Québec préconise donc l'offre de cours de français et de culture québécoise sur les lieux du travail et pendant les heures de travail. La société québécoise y gagnerait doublement. D'une part, le personnel offrant des services publics serait en mesure d'échanger plus efficacement avec les citoyens afin qu'ils se sentent non seulement écoutés, mais compris. D'autre part, cela contribuerait à une intégration plus rapide des nouveaux arrivants adultes.

Nous sommes heureux de voir que le projet de loi n° 96 fait de l'apprentissage de notre langue commune un droit fondamental. De plus, l'État se donne des responsabilités à ce chapitre en faisant du français la langue d'accueil et d'intégration à la société québécoise. Il s'oblige ainsi à prendre des mesures pour favoriser l'utilisation du français par tous et pour assurer la pérennité de la langue française.

Le projet de loi crée Francisation Québec, un guichet unique qui a pour but de fournir des services d'apprentissage du français en classe, en ligne et en milieu de travail à toute personne domiciliée au Québec et qui n'est pas prise en charge par le système scolaire. Nous saluons cette initiative. Cependant, il faut clarifier le rôle de Francisation Québec auprès des organismes publics, car, tel qu'il est rédigé présentement, le projet de loi n° 96 semble réserver ces services aux entreprises privées. Pourtant, les besoins d'apprentissage du français sont criants dans certains secteurs de l'administration. C'est notamment le cas dans le réseau de la santé, qui emploie un grand nombre d'immigrants.

Nous encourageons donc le gouvernement à amender le projet de loi pour donner le mandat à Francisation Québec d'offrir des cours de français au travail non seulement au privé, mais également dans le secteur public. Il faut aussi absolument lui allouer un financement supplémentaire afin que les budgets de fonctionnement des services publics auxquels il vient en aide ne soient pas amputés par les coûts de la francisation. Ces deux mesures sont essentielles pour favoriser l'utilisation du français par tous au cours des décennies à venir.

Ici encore, les comités de francisation que nous avons proposé d'instaurer dans les organismes publics pourraient avoir leur utilité en déterminant les milieux où l'apprentissage du français est requis en les incluant dans le programme de conformité de chaque organisme public et en faisant rapport sur les résultats <obtenus...

M. Brisson (Frédéric) : ... par tous au cours des décennies à venir.

Ici encore, les comités de francisation que nous avons proposé d'instaurer dans les organismes publics pourraient avoir leur utilité en déterminant les milieux où l'apprentissage du français est requis en les incluant dans le programme de conformité de chaque organisme public et en faisant rapport sur les résultats >obtenus.

On a trop longtemps tenu pour acquis que les organisations de l'administration avaient un comportement exemplaire dans l'utilisation du français, mais force est d'admettre que ce n'est plus le cas. La prolifération des postes exigeant la maîtrise de l'anglais dans des villes qui ne sont même pas reconnues comme bilingues en est la preuve. Un autre exemple, l'embauche de personnel dans la santé ne parlant pas français, et parfois même ni l'anglais ni le français.

Nous ne sommes plus à l'époque de l'adoption de la loi 101, où la priorité était de franciser les entreprises privées fonctionnant totalement en anglais. Nous en sommes à un nouveau moment charnière de notre histoire, celui où il faut s'assurer que les nouveaux immigrants que nous accueillons sont en mesure de s'intégrer à la société dans notre langue commune, le français.

Nous vous remercions de votre intérêt et nous sommes prêts à échanger sur nos propositions avec vous. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup, M. Blais et Mme Brisson... non, l'inverse, Mme Blais et M. Brisson. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Blais et M. Brisson, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 96.

D'entrée de jeu, je voudrais vous demander... En ce qui concerne les dispositions du projet de loi relativement à l'assujettissement des entreprises de juridiction fédérale à la Charte de la langue française, dans le fond, on a mis un article pour faire en sorte que tous les travailleurs québécois aient le droit de travailler dans leur langue et que, dans le fond, ce qui encadre les entreprises de juridiction fédérale sur la question de la langue, que ce soit la Charte de la langue française. Qu'est-ce que vous pensez de cela?

Mme Blais (Nathalie) : Bien, en fait, je crois comprendre qu'on me cède la parole. Donc, le SCFP appuie la position de la FTQ, qui est, en ce qui concerne les entreprises de juridiction fédérale, de faire en sorte que le gouvernement québécois ait, en cette matière, la main haute. Et donc il reviendrait à l'OQLF d'assurer la réalisation de la francisation des entreprises de juridiction fédérale au Québec. Et, à ma connaissance, d'ailleurs, ces entreprises, en tout cas, celles avec lesquelles nous travaillons au SCFP, se conforment, pour la plupart, déjà à la Charte de la langue française. Donc, je ne pense pas que c'est un effort déraisonnable à demander.

M. Jolin-Barrette : Et je comprends que vous, votre syndicat, il a une portée pancanadienne?

Mme Blais (Nathalie) : Oui, le SCFP, bien, est canadien. Mais je laisse Frédéric compléter là-dessus.

M. Brisson (Frédéric) : Oui, effectivement, le syndicat... C'est le SCFP, Syndicat canadien de la fonction publique, mais nous, on gère... c'est vraiment par province. Nous, on est le SCFP Québec en soi, et non pour... On vient ici en tant que Québécois et en tant que représentants du syndicat québécois de... canadien de la fonction publique.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je crois que votre organisation représente plusieurs travailleurs qui travaillent dans le milieu <municipal. Donc...

M. Brisson (Frédéric) : ... Québec en soi, et non pour... On vient ici en tant que Québécois et en tant que représentants du syndicat québécois de... canadien de la fonction publique.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je crois que votre organisation représente plusieurs travailleurs qui travaillent dans le milieu >municipal. Donc, le projet de loi fait en sorte désormais que les municipalités qui sont considérées bilingues en vertu de l'actuelle Charte de la langue française pourraient perdre leur statut si la population ne constitue pas le seuil qui est prévu, donc le 50 %, à moins qu'ils adoptent une résolution. Pouvez-vous nous parler de la réalité des travailleurs puis des travailleuses qui sont dans les municipalités, qui représentent, dans le fond, les membres de votre organisation? Comment voyez-vous ça, là, les dispositions entourant notamment également l'exemplarité des municipalités? Donc, l'exemplarité et la question du statut bilingue.

M. Brisson (Frédéric) : Bien, Nathalie, je vais te laisser répondre, là, municipalités... je vais te laisser répondre à cette question.

Mme Blais (Nathalie) : D'abord, sur la question de l'exemplarité, nous, on pense que ça va de soi, les municipalités doivent faire partie de cet effort d'exemplarité. Et d'ailleurs c'est ce qu'on évoquait dans notre présentation. Il y a de nombreux litiges concernant des postes bilingues parce que les municipalités souvent ne justifient pas l'affichage de postes bilingues et ça empêche de nos membres de progresser au sein des municipalités. Ça devient difficile pour eux d'accéder à des postes supérieurs si on a une exigence de bilinguisme qui est démesurée par rapport à la population d'ayants droit à desservir dans une autre langue.

L'exemple de Gatineau, c'est vraiment celui qui est le plus frappant. On demande un anglais 4 sur 6 à tous les fonctionnaires municipaux alors qu'il y a 15 %, un petit peu moins de 15 % de la population qui est de souche anglophone. Donc, c'est une exigence, à notre avis, qui est démesurée.

Puis l'autre exemple qu'on peut vous donner, c'est au service 9-1-1 de la même ville, on demande une exigence 5 sur 6, qui est plus élevée que l'exigence de la ville d'Ottawa puisque les gens qui n'obtiennent pas un poste au 9-1-1 à Gatineau obtiennent automatiquement un poste à Ottawa. Donc, forcément, la connaissance de l'anglais a un poids plus grand à Gatineau qu'à Ottawa, qui est de l'autre côté de la rivière. Ça, ça a complètement... ça n'a aucun sens. Les deux villes devraient avoir la même exigence. Parce que c'est normal qu'on offre des services de santé notamment en anglais, mais est-ce que c'est normal qu'une ville anglophone, Ottawa, demande une exigence plus faible en anglais que la ville francophone juste à côté?

• (15 h 30) •

M. Brisson (Frédéric) : Puis on trouve ça dommage aussi, là, qu'un francophone... bien, qu'une personne unilingue, là, francophone, qui travaille dans une municipalité qui est à 20 % ou 15 % anglophone, qui a le statut bilinguisme parce qu'ils l'avaient... le statut bilingue parce qu'ils l'avaient auparavant, qui est <descendu en bas de 20 %...

>


 
 

15 h 30 (version révisée)

<       Mme Blais (Nathalie) : ...juste à côté?

M. Brisson (Frédéric) : Puis on trouve ça dommage aussi, là, qu'un francophone... bien, qu'une personne unilingue, là, francophone, qui travaille dans une municipalité qui est à 20 % ou 15 % anglophone, qui a le statut bilinguisme parce qu'ils l'avaient... le statut bilingue parce qu'ils l'avaient auparavant, qui est >descendu en bas de 20 %, et un francophone unilingue se voit empêché de postuler sur des postes à cause, là, des demandes d'anglais sur certains postes. La plupart, quand qu'on a un statut bilingue, là, la plupart sont avec un statut... on affiche un poste avec un statut bilingue, et ça empêche, là, des unilingues québécois d'avoir des bons emplois.

M. Jolin-Barrette : Et donc pour vous, les municipalités doivent être considérées comme faisant partie de l'État, et donc assujetties à la politique linguistique de l'État aussi?

Mme Blais (Nathalie) : Tout à fait.

M. Brisson (Frédéric) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Et pourquoi c'est important qu'ils soient assujettis à la même politique de l'État en termes d'exemplarité de l'État? Pourquoi les municipalités, c'est important qu'elles y soient assujetties?

Mme Blais (Nathalie) : Bien, pour envoyer... En fait, c'est que c'est un message à envoyer, dans le fond, à toutes les municipalités, de la part du gouvernement. Si on souhaite effectivement que le français soit pérenne au Québec, ça ne peut pas uniquement passer par l'administration publique du gouvernement du Québec et les organisations qui en découlent, ça doit aussi passer par le secteur municipal, qui est en contact direct avec les citoyens.

M. Brisson (Frédéric) : Effectivement.

M. Jolin-Barrette : Et vous nous disiez, dans le fond, dans le cas de Gatineau, dans l'exemple que vous citiez, je comprends que certains Québécois francophones unilingues, leur progression de carrière, elle est freinée en raison du fait qu'il y a une exigence démesurée de la connaissance de la langue anglaise pour accéder à des emplois supérieurs. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Blais (Nathalie) : Bien, pire que ça. Oui, il y a ça, mais pire que ça, il y a des gens qui ne peuvent pas accéder à un emploi dans la fonction publique à Gatineau parce qu'ils n'ont pas un anglais quatre sur six, donc, alors que le poste dans lequel ils sont embauchés ne requiert pas nécessairement l'usage de l'anglais. Donc, on est contents de voir que, dans le projet de loi, à l'article 46, le gouvernement interdit aux employeurs d'exiger une autre langue que le français quand ce n'est pas nécessaire à l'exercice de la fonction. Ça, ça vient nous donner de l'argumentation en comité de grief pour éviter, peut-être, de se rendre à l'arbitrage. Mais ce qu'on voudrait aussi, c'est qu'il y ait des comités de francisation dans les villes pour qu'il y ait un dialogue en permanence avec l'employeur sur la bilinguisation des postes et sur la situation linguistique de la municipalité. On trouve que le gouvernement présentement, et l'OQLF, ils sont un peu dans le noir par rapport à ce qu'il se passe dans les municipalités, dans les hôpitaux, dans les écoles puis par rapport à ces postes bilingues, mais aussi par rapport à la formation, à la francisation des gens qui intègrent le réseau <public.

M. Jolin-Barrette : Et l'OQLF...

Mme Blais (Nathalie) : ...le gouvernement présentement, et l'OQLF, ils sont un peu dans le noir par rapport à ce qu'il se passe dans les municipalités, dans les hôpitaux, dans les écoles puis par rapport à ces postes bilingues, mais aussi par rapport à la formation, à la francisation des gens qui intègrent le réseau >public.

M. Jolin-Barrette : Et l'OQLF a publié, là, au mois d'août 2020, donc l'an passé, une étude relativement à l'exigence des municipalités du Québec, où on disait que 23,5 % des municipalités du Québec et des arrondissements de Montréal ont exigé ou souhaité des compétences en français et en anglais, ou seulement en anglais à l'embauche. Et sur l'île de Montréal, c'était 50 % des municipalités et des arrondissements qui ont recherché des personnes ayant des compétences en français et en anglais ou en anglais seulement. Comment vous qualifiez cet état de fait là, qui a été documenté par l'OQLF?

M. Brisson (Frédéric) : C'est une bonne question. Je viens d'apprendre cette étude-là, là, qui a été... Mais, Nathalie, tu as peut-être quelque chose à dire là-dessus?

Mme Blais (Nathalie) : Bien, je vous dirais simplement qu'on n'a pas à avoir... on a n'a pas à commenter, c'est des faits, là, c'est réel. Il y a vraiment des exigences qui dépassent même 50 % des arrondissements pour des connaissances en anglais, et on a de nombreux arbitrages, là. J'étais justement en train d'en lire un — je n'ai pas fini de lire — mais où l'arbitre fait la liste de tous les postes où la ville de Montréal ou un arrondissement exigeait l'anglais, et demande à la ville de retirer ces affichages-là et de refaire ses devoirs, de retourner à la source voir s'il y a vraiment une nécessité dans tous ces postes d'exiger l'anglais. Donc, on pense que l'article 46 va tout à fait... vise exactement au bon endroit, là, en exigeant qu'en amont de son affichage de poste l'employeur fasse l'exercice et vérifie est-ce que j'ai suffisamment d'employés qui parlent déjà la langue dont j'ai besoin et est-ce que j'ai réellement besoin d'ajouter du personnel qui parle cette deuxième langue là.

M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends de votre intervention que vous êtes en accord avec la modification qu'on apporte à l'article 46 de la Charte de la langue française. Donc, on amène une bonification.

Mme Blais (Nathalie) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Sur la question, là... Vous avez abordé la question des comités de francisation à l'intérieur des municipalités. Comment vous envisageriez ce genre de comité là? Comment ça fonctionnerait, là, au sein des municipalités?

Mme Blais (Nathalie) : Bien, c'est sûr qu'il y a des municipalités de différentes tailles au Québec. On ne pourrait pas avoir le même type de comité de francisation dans une très petite municipalité et une très grande comme la ville de Montréal. À Montréal, on peut imaginer que ça pourrait se passer par arrondissement, alors que, là, dans des plus petites municipalités, bien, ça pourrait être un comité pour la municipalité. On a réfléchi aussi un peu à ce qu'il pourrait se passer dans le secteur de la santé. Je ne sais pas, Frédéric, si tu veux compléter là-dessus.

M. Brisson (Frédéric) : Bien, dans le secteur de la santé, moi, je trouve que ça serait très, très important, là, un comité de francisation. Je viens du domaine de la santé. Je suis un préposé aux bénéficiaires en salle d'opération. Et de plus en plus d'immigrants arrivent sur le marché du travail, et ce que je trouve dommage, c'est que, souvent, c'est qu'ils ont de la misère à communiquer avec les patients. Donc, je <pense que...

M. Brisson (Frédéric) : ...moi, je trouve que ce serait très, très important, là, un comité de francisation. Je viens du domaine de la santé, je suis un préposé aux bénéficiaires en salle d'opération, et de plus en plus d'immigrants arrivent sur le marché du travail, et ce que je trouve dommage, c'est que, souvent, c'est qu'ils ont de la misère à communiquer avec les patients. Donc, je >pense qu'un comité de francisation, là, dans le secteur public, dans le milieu de la santé, ça ne serait que bon pour tous, autant les travailleurs, autant les patients.

Et j'ajouterais aussi, je me permets de le dire ici, là, mais j'ajouterais aussi que ça doit se faire sur le milieu du travail parce qu'on le sait, là, présentement, les travailleuses et travailleurs du réseau de la santé ont énormément de pression sur les épaules, font énormément d'heures supplémentaires, du temps supplémentaire obligatoire également. Quand on arrive à la maison par après, là, s'occuper de la famille, et on vient de s'occuper de 20 patients au lieu d'en avoir huit, on n'a plus le temps et on n'a plus la tête pour essayer d'apprendre le français. Donc, je pense que ça serait très important que ça se fasse sur le milieu de travail.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Et, juste avant de céder la parole, juste vous dire que Francisation Québec a été construit notamment pour la francisation en entreprise, mais, également, il va pouvoir aller au sein de l'administration publique, effectivement. Donc, ça va être un guichet unique, et, justement, pour offrir de la francisation. D'ailleurs, sur les questions des cours de francisation, à l'époque où j'étais à l'Immigration, on a bonifié de façon substantielle les allocations à temps plein et on l'a créé à temps partiel également, justement pour répondre à ce que vous dites, pour faire en sorte que les gens puissent aller apprendre le français et peaufiner leur connaissance de la langue française. Également, on a couvert les frais de garde également. Mais je vais céder la parole, Mme la Présidente, au collègue.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, M. le député de Chapleau, 4 min 30 s pour vous.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Blais, M. Brisson, vraiment un plaisir de vous voir. Merci de votre témoignage.

J'aimerais revenir sur le cas de Gatineau plus spécifiquement. Moi, c'est ma ville, et mon comté s'y trouve, donc c'est certain que ça me préoccupe, mais ça va quand même être plus large, là, en termes de débat, puis ça pourra s'appliquer ailleurs aussi, là.

J'aimerais vous entendre sur ce que vos membres vous disent dans ces cas-là, spécifiquement, du pourquoi cette obligation-là. Qu'est-ce qu'ils perçoivent, là, dans cette situation-là, particulièrement?

Mme Blais (Nathalie) : Bien, dans le cas de Gatineau, ce qu'on me dit, c'est que, bien que la ville n'a pas un statut de ville bilingue en vertu de l'article 29.1 de la loi, la ville se déclare elle-même ville bilingue, et donc souhaite offrir des services en français et en anglais à toute sa population. Donc, c'est tout simplement ça qui est la base du raisonnement de la ville et c'est ce qui fait en sorte qu'il y a autant d'exigences de bilinguisme à Gatineau.

M. Lévesque (Chapleau) : Vous parlez également de possibilités d'avancement bloquées pour certains travailleurs. Avez-vous des statistiques? Avez-vous des chiffres sur ça? Qu'est-ce qui... peut-être, dans vos membres, un certain nombre qui n'ont pas pu avancer dans leur carrière ou n'ont pas pu avoir un certain poste à cause de ces exigences?

Mme Blais (Nathalie) : Je n'ai pas de statistique précisément là-dessus. La seule <chose...

M. Lévesque (Chapleau) : ...possibilités d'avancement bloquées pour certains travailleurs. Avez-vous des statistiques? Avez-vous des chiffres sur ça? Qu'est-ce qui... dans vos membres, un certain nombre qui n'ont pas pu avancer dans leur carrière ou n'ont pas pu avoir un certain poste à cause de ces exigences?

Mme Blais (Nathalie) : Je n'ai pas de statistique précisément là-dessus. La seule >chose que je peux vous dire, c'est qu'il y a eu tellement de griefs sur ces affichages de postes bilingues que le syndicat s'est entendu avec l'employeur pour mettre en place un genre de table de concertation pour discuter de cette question-là. On a mis sur la glace... on a fait un dernier grief qui couvre tous les futurs affichages de postes pour préserver les droits de tous, et là on a interrompu les discussions à cette table de concertation en attendant les travaux de l'Assemblée nationale, en attendant de voir qu'est-ce qui arrive avec la Charte de la langue française, et comment la ville devra, à l'avenir, appliquer cette charte. Je n'ai pas de statistique spécifique sur les problèmes d'avancement. Par contre, nous, on a l'intention de déposer un mémoire à la commission dans les prochaines semaines, et je pourrais voir si c'est possible, là, d'avoir quelques chiffres là-dessus du côté des municipalités.

• (15 h 40) •

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, si vous pouviez le déposer, là, au secrétariat de la commission, ce serait bien apprécié.

Vous avez également parlé des villes qui ont actuellement le statut bilingue. Est-ce que, si j'ai bien compris, tous les postes demandent le bilinguisme, d'entrée de jeu, dans ces villes-là?

Mme Blais (Nathalie) : À Gatineau spécifiquement, oui. C'est 100 % des postes de cols blancs pour lesquels on demande le bilinguisme.

M. Lévesque (Chapleau) : ...n'ont pas le statut de ville bilingue, là, mais je parle plus pour les villes bilingues, là, celles qui l'ont, le statut. Est-ce qu'ils le demandent à 100 %?

Mme Blais (Nathalie) : Ce n'est pas nécessairement 100 % des postes dans les villes qui sont reconnus bilingues. Ça dépend de la taille de la municipalité, en fait. Je pense que, plus la municipalité est grande, plus ça laisse une place à ce qu'il y ait un pourcentage de gens qui ne parlent pas nécessairement les deux langues. Quand la municipalité est très petite, parce qu'il y a beaucoup de petites municipalités, là, dans la liste des 92 qui sont... qui ont le statut bilingue, à ce moment-là, bien, il y a moins de marge de manoeuvre, disons.

M. Lévesque (Chapleau) : Est-ce que je comprends également, là, dans votre propos que Gatineau ferait du zèle plus qu'une ville à statut bilingue confirmé? C'est ce que je comprends?

Mme Blais (Nathalie) : C'est ce qu'on nous rapporte, oui.

M. Lévesque (Chapleau) : Ah, d'accord! Un autre sujet, là, s'il me reste, Mme la Présidente, quelques...

La Présidente (Mme Thériault) : 50 secondes.

M. Lévesque (Chapleau) : 50 secondes. Rapidement, vous parlez justement de Francisation Québec, un volet culture aux cours qui seraient offerts. Pourquoi? Qu'est-ce que vous y voyez, dans ces cours-là, qu'il pourraient apporter, là, Francisation Québec?

M. Brisson (Frédéric) : Bien, je peux répondre, Nathalie. On se fait souvent dire par les gens qui aident les immigrants qui arrivent au Québec qu'ils ne comprennent pas pourquoi que nous, les Québécois, on peut être frustrés qu'il y ait des gens qui ne parlent pas bien le français ou qu'on ne se fasse pas comprendre. Ils ne connaissent pas... En fait, ils ne connaissent pas la culture québécoise. Je pense que ça serait très, très bien, dans la formation, si on parlait de la culture pour apprendre pourquoi qu'on réagit comme ça, où est-ce qu'on est rendus aujourd'hui et toutes les batailles qu'on a vécues dans le passé pour la protection de la langue française. Je pense que ça serait important de connaître notre <culture...

M. Brisson (Frédéric) : ...ils ne connaissent pas... En fait, ils ne connaissent pas la culture québécoise. Je pense que ça serait très, très bien, dans la formation, si on parlait de la culture pour apprendre pourquoi qu'on réagit comme ça, où est-ce qu'on est rendus aujourd'hui et toutes les batailles qu'on a vécues dans le passé pour la protection de la langue française. Je pense que ça serait important de connaître notre >culture québécoise, tout simplement.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup pour votre intervention. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle pour l'échange... la suite des échanges, avec la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Oui. Bonjour. Bonjour, tout le monde. Bien contente de vous voir ici, Mme Blais, M. Brisson. Alors, écoutez, je vais faire du pouce sur l'intervention du collègue précédent parce que je voulais aller vers ça moi aussi. On va finir tous ensemble, M. le député, à coûter bien cher au ministre, mais ce n'est pas grave, c'est pour une bonne cause.

Alors, quand vous nous proposez de mettre des cours de français dans les services publics et pas seulement dans le secteur privé, et quand vous décidez... vous ne décidez pas, mais vous proposez qu'il y ait des cours de français et de culture québécoise, ça m'a vraiment allumée beaucoup. J'ai trouvé ça extrêmement intéressant. Et on va le voir dans un mémoire qui s'en vient, qu'est-ce que ça donne d'apprendre des mots en français si on ne comprend pas dans quelle culture l'on s'inscrit. Alors, pour moi, là, ça, c'est fondamental, et je vous remercie d'apporter ce volet-là puis je remercie le député de l'apporter aussi du côté gouvernemental parce que ça va donner beaucoup plus de sens, d'abord, aux mots qu'ils emploient et à leur vie, ici, au Québec et dans leurs milieux de travail.

L'autre chose pour laquelle je vous remercie infiniment, c'est de parler de l'apprentissage du français non seulement en milieu de travail — on le sait que c'est fait dans des petites entreprises avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il y avait un magnifique programme, etc. Mais vous parlez du secteur public, qui est un secteur dont on ne parle pas assez et vous m'avez fait réaliser vraiment, là — puis je vous remercie pour ça — qu'à l'époque de la loi 101, quand on a adopté ce projet de loi, c'était vraiment de franciser les entreprises privées, comme vous dites, fonctionnant totalement en anglais. Les temps ont changé, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de nouveaux arrivants, et on le sait — vous le dites très bien — qui travaillent, et heureusement qu'on les a, dans les services publics pour faire des emplois... occuper des emplois que beaucoup de monde ne voudrait pas occuper, qui sont difficiles, des longues heures, et ils n'ont pas le temps d'aller suivre des cours, ils n'ont juste pas le temps. Alors, de permettre qu'ils soient probablement rémunérés, comme on a eu dans d'autres secteurs, pour pouvoir faire ça pendant qu'ils sont au public sur leurs heures de travail, et qu'en plus on en profite pour donner une sensibilisation à la culture québécoise, j'aimerais vous entendre plus pour ça, parce que je pense que je vais vraiment la mettre dans mes priorités d'amendements au ministre.

M. Brisson (Frédéric) : Bien, oui effectivement. Bien, merci beaucoup, Mme David, pour ces beaux mots. Je pense que c'est important, vous l'avez dit, là, je pense que c'est important pour eux <d'apprendre la culture québécoise, d'apprendre...

Mme David : ...priorités d'amendements au ministre.

M. Brisson (Frédéric) : Bien, oui, effectivement. Bien, merci beaucoup, Mme David, pour ces beaux mots. Je pense que c'est important — vous l'avez dit, là — je pense que c'est important pour eux >d'apprendre la culture québécoise, d'apprendre le français en milieu de travail. Vous l'avez dit, les gens sont débordés dans le milieu de la santé, mais il y a aussi, en services de garde, en le milieu scolaire que, de plus en plus, il y a des immigrants qui vont travailler là. Je peux parler de ma soeur qui travaillait en milieu scolaire en garderie et qui avait beaucoup de misère, elle-même, à se faire comprendre avec sa collègue de travail. Donc, imaginez, des fois, les relations avec les enfants, ce n'est pas toujours évident. Peut-être que même Nathalie qui me parlait tantôt d'un exemple d'un employé qui a été suspendu par mauvaise compréhension. Donc, je pense que c'est très important, là, de leur apprendre la langue française, et je vais insister aussi sur la culture française, là... québécoise, excusez. Je pense que c'est important. Nathalie, tu peux peut-être ajouter à ça.

Mme Blais (Nathalie) : Oui. Bien, c'est ça, je ne sais pas si l'employé dont tu parles a été suspendu, mais il y a eu une mesure disciplinaire contre une employée dans une école, qui ne comprenait pas suffisamment le français, et donc qui a possiblement mal appliqué une règle, et peut-être par rapport à la COVID, peut-être par rapport à d'autres choses, que sais-je, mais qui a été disciplinée parce qu'elle ne connaissait pas assez bien le français. Mais l'école était probablement dans une situation où elle ne pouvait... n'avait plus suffisamment de travailleurs qui comprenaient suffisamment bien le français. Parce qu'on me disait également dans le secteur de la santé, au CIUSSS—Ouest-de-l'Île, qu'on commence à embaucher des gens qui ne connaissent ni le français ni l'anglais quand il n'y a plus personne, là, sur les listes de rappel. Donc, ça commence à devenir une problématique. Et par contre nos gens qui travaillent dans ce CIUSSS nous disent qu'ils veulent tous apprendre le français. Ils voudraient mieux comprendre la culture québécoise, comprendre, comme disait tantôt Frédéric, pourquoi on tient tant au français. Et ce n'est absolument pas de la mauvaise volonté de leur part de ne pas maîtriser la langue. Donc, si on met des mesures en place, nous, on pense que c'est gagnant-gagnant. On va investir et on va réussir à renverser la tendance actuelle.

Mme David : Et donc, je vous lis, là, vous dites : «Il faut clarifier le rôle de Francisation Québec auprès des organismes publics, car, tel qu'il est rédigé présentement, le projet de loi n° 96 semble réserver ses services aux entreprises privées».

Mme Blais (Nathalie) : Oui.

Mme David : Je n'avais pas pris conscience à ce point-là qu'effectivement peut-être qu'on aurait pu penser pas mal plus aussi au... pas aux entreprises, justement au secteur public. Vous dites : «Les besoins d'apprentissage du français sont criants dans certains secteurs de l'administration». Vous nommez la santé, on rajoute l'éducation, les CPE et on on le sait, un, il y a beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre, puis là ils vont dire : Bien non, donnez-leur pas des cours de français en plus pendant qu'ils sont au travail parce que... Bon. Mais, en même temps, vous dites l'inverse de ça. Vous dites, il y a des gens qui peuvent perdre leur emploi parce que, justement, ils ne maîtrisent pas assez bien le français. Et quoi de mieux que de mettre... d'ajouter la <culture pour, si on s'occupe d'enfants...

Mme David : ...et on le sait, un, il y a beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre, puis là ils vont dire : Bien, non, donnez-leur pas des cours de français en plus pendant qu'ils sont au travail, parce que... Bon. Mais en même temps, vous dites l'inverse de ça. Vous dites : Il y a des gens qui peuvent perdre leur emploi parce que, justement, ils ne maîtrisent pas assez bien le français. Et quoi de mieux que de mettre... d'ajouter la >culture pour, si on s'occupe d'enfants, savoir un peu dans quelle culture aussi on s'occupe d'eux puis on les éduque. Alors, encore une fois, je vous remercie de ça.

Je voulais aller vers la question des griefs, les municipalités. Moi, je voudrais savoir, qu'est-ce que ça a donné, tous les nombreux arbitrages, parce que je vous écoute, là, puis j'ai dit : Bien, là, je suis un peu mêlée. Les municipalités, selon l'annexe I du projet de loi, page 97, troisième alinéa, tiret a, les municipalités sont soumises à la Charte de la langue française, alors normalement ils sont soumis aux politiques linguistiques, là. Il y a quelque chose qui m'échappe. Vous sembliez dire tout à l'heure que les municipalités ne sont pas... vous avez... je pense le ministre va poser la question : Assujettir les municipalités à la politique linguistique de l'État, ne sont-ils pas déjà assujettis?

Mme Blais (Nathalie) : Écoutez, c'est un «catch-22», je ne peux pas répondre à votre question. Ma compréhension à moi, c'est que les municipalités étaient déjà assujetties à la politique linguistique de l'État. La raison pour laquelle on fait des griefs, c'est que, souvent, dans les conventions collectives, on va, par exemple, déterminer avec l'employeur que, pour tel et tel poste, on a une exigence d'anglais, et, à ce moment-là, l'affichage comprend cette exigence de bilinguisme. Mais ce qu'on a constaté, dans les dernières années, là, depuis à peu près 2010, c'est que, sans justification, sans négociation avec le syndicat, les employeurs affichent les postes bilingues, et là on a des membres qui disent : Bien, moi, je voudrais postuler sur ce poste-là, mais s'il est bilingue, je ne peux pas le faire ou je voudrais...

Mme David : C'est donc la mauvaise application de l'article 46-1, c'est ça, le problème.

Mme Blais (Nathalie) : Oui, c'est... exactement.

• (15 h 50) •

Mme David : C'est l'application trop laxiste ou sans balise nécessaire.

Mme Blais (Nathalie) : Exactement.

Mme David : On y reviendra parce qu'il y a quand même l'article 46-1, là, nouvellement écrit. On va pouvoir en parler longuement en étude détaillée. Il y a quand même des conditions qui sont... dont il va falloir parler, de l'applicabilité et des détails de ça. Mais ce que je comprends, c'est que vous avec beaucoup de griefs. Mais moi, je suis curieuse, donnez-moi un exemple de résultat de grief. Là, vous avez dit : Il y a une sorte de moratoire, mais ça fait 50 ans que vous vivez avec la loi 101, l'article 46. Alors, comment ça marche, les griefs? Est-ce que vous les gagnez habituellement, sur la langue, ou non ou est-ce que ça améliore la situation de l'affichage?

Mme Blais (Nathalie) : Oui, bien, c'est ça, on est dans une situation où il y a eu quelques griefs qu'on a gagnés autour de 2014, 2015, et, en 2016, il y a eu une décision de la Cour d'appel qui a renversé cette décision-là, et depuis c'est pas mal les critères, là, dans ma compréhension à moi, qui est limitée, mais, quand même, j'ai fait le tour de quelques arbitrages, mais je ne pourrais pas vous dire, là, que c'est la jurisprudence complète, mais, en gros, ce que ça dit... ce que la Cour d'appel est venue dire, c'est que, si l'employeur a une population à <desservir dans une autre langue, il est...

Mme Blais (Nathalie) : ...et depuis c'est pas mal les critères, là, dans ma compréhension à moi qui est limitée. Mais quand même j'ai fait le tour de quelques arbitrages, mais je ne pourrais pas vous dire, là, que c'était la jurisprudence complète. Mais en gros, ce que ça dit... ce que la Cour d'appel est venue dire, c'est que, si l'employeur a une population à >desservir dans une autre langue, il est justifié de demander le bilinguisme, et, à partir de ce moment-là, ça a rendu très difficile pour nous de marquer des points en arbitrage et de revenir à un poste où on ne demandait pas le bilinguisme. Par contre, l'arbitre a dit : Il faut que vous justifiiez la raison pour laquelle vous demandez que le poste soit bilingue, il faut que ça soit étayé par des faits.

Donc, l'article 46 dont vous parlez, là, les modifications ont intégré en quelque sorte la jurisprudence dans la loi, mais en balisant également de quelle façon ça doit être fait. Donc, ça doit être fait avant l'affichage. On doit s'assurer également qu'il n'y a pas personne d'autre qui peut faire le travail. Par exemple, si vous avez un département avec huit personnes, est-ce que les huit doivent parler anglais si on a 15 % de notre clientèle à desservir en anglais? Alors, ce n'est pas probablement pas justifié à ce moment-là. On a besoin peut-être...

Mme David : ...nouveau projet de loi, là, de 96, les trois conditions.

Mme Blais (Nathalie) : Oui, exactement.

Mme David : O.K. O.K. Mais c'est ça qui n'est pas nécessairement...

Mme Blais (Nathalie) : Oui, oui, oui, c'est ça. Et présentement ce n'est pas dans la loi, donc, bien, les employeurs s'essaient. Alors, ils affichent anglais puis ils affichent avec un poste bilingue, et puis là on doit faire l'arbitrage, et c'est long, vous savez, les délais avant que ce soit tranché.

M. Brisson (Frédéric) : C'est pour ça qu'on demande la création d'un comité de francisation, là, dans le municipal également pour...

Mme David : Bien, c'était ma dernière puis, comme il me reste quelques secondes, ça a été une autre, un peu, révélation pour moi, il n'y a pas d'obligation de comité de francisation dans le secteur public. Autant il y en a dans le secteur privé à partir d'un certain nombre d'employés, autant ce n'est pas nécessaire. C'est ça qu'on comprend que vous suggérez de le mettre dans le secteur public aussi?

Mme Blais (Nathalie) : Oui, parce qu'on pense que le gouvernement ne voit pas toujours où sont les besoins aussi, là. Dans un CIUSSS, il y a énormément d'établissements, mais les employés pourraient, eux, les travailleurs, les travailleuses, dire : Bien, il y a plus de besoins dans tel établissement que dans tel autre, et prioriser un peu la francisation.

Mme David : Merci infiniment de votre prestation. Merci.

Mme Blais (Nathalie) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup. Donc, nous allons aller du côté de la deuxième opposition. Vous avez 2 min 45 s.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation, c'était très, très intéressant, surtout tout l'aspect évidemment bilinguisme en milieu de travail, parce qu'on sait, hein, la langue française, elle va pouvoir survivre et être pérenne dans le temps si elle est parlée au travail. Et aujourd'hui j'ai déposé une motion, qui a été appuyée à l'unanimité par les 125 députés de l'Assemblée nationale, à l'effet qu'il faut renforcer le français en milieu de travail, il faut que les entreprises fassent leur part, et encore plus, évidemment, les municipalités ou la fonction publique, donc les employeurs fassent leur part.

J'avais une question justement pour <l'applicabilité de la question d'interdire...

Mme Ghazal : ...125 députés de l'Assemblée nationale, à l'effet qu'il faut renforcer le français en milieu de travail, il faut que les entreprises fassent leur part, et encore plus, évidemment, les municipalités ou la fonction publique, donc les employeurs fassent leur part.

J'avais une question justement pour >l'applicabilité de la question d'interdire l'exigence de l'anglais à l'embauche. Moi, j'avais fait une proposition et je voulais vous entendre là-dessus, sur le fait que de faire la démonstration de pour quelle raison est-ce que l'anglais est exigé pour un poste directement dans l'offre d'emploi. Est-ce que c'est une avenue que vous trouvez intéressante? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Brisson (Frédéric) : Oui, vas-y.

Mme Blais (Nathalie) : Est-ce que je peux vous demander de préciser? Parce que vous voulez dire d'inclure, par exemple, dans l'affichage du poste, que l'anglais est requis?

Mme Ghazal : Oui, parce que d'habitude, on dit français, anglais ou bilinguisme requis, et ça fait partie d'une liste de critères et de compétences, et c'est tout. On ne sait pas trop, il y a peut-être tout un travail qui a été fait en arrière, mais de l'afficher puis de justifier, par une phrase ou un paragraphe, pour quelles raisons est-ce que c'est demandé à l'emploi, peut-être parce que 100 % des clients sont de l'étranger, admettons, quelque chose comme ça, par exemple. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée?

Mme Blais (Nathalie) : Bien, ce n'est pas une mauvaise idée dans la mesure où l'article 46.1 demande... en fait, du projet de loi va demander à l'employeur de justifier, avant l'affichage, qu'il a ce besoin. Donc, ça viendrait prouver effectivement que l'exercice a été fait. De la même... Par contre, par contre, ça ne voudrait pas dire que l'exercice a été bien fait. Alors, c'est là où je pense que le comité de francisation entrerait en jeu, c'est-à-dire que, là, il pourrait y avoir une discussion à l'interne, à savoir si, oui ou non, on a suffisamment de travailleurs également qui peuvent déjà accomplir le travail dans l'autre langue.

Mme Ghazal : Exactement.

M. Brisson (Frédéric) : Bien, je pense que c'est ça. Excusez. Mais je pense que c'est ça, Nathalie vient de le dire, si c'est bien fait, dans un comité, tout le monde ensemble, qu'il y a des discussions, je pense que oui, puis ça pourrait être une bonne solution. Mais, si jamais c'est une phrase qui est inscrite là seulement par l'employeur, ça va juste faire des contestations de plus, ce qu'on veut éviter.

Mme Ghazal : Je comprends. C'est-à-dire que, pour vous...

M. Brisson (Frédéric) : Excusez.

La Présidente (Mme Thériault) : ...mettre fin à l'échange. Donc, merci.

Mme Ghazal : Oui, parfait. Merci, merci.

La Présidente (Mme Thériault) : D'accord. Je me tourne, maintenant, vers le député de Matane-Matapédia, pour 2 min 45 s.

M. Bérubé : Merci. Dans un communiqué du 13 mai 2021, vous avez mentionné qu'on pouvait s'attendre à ce que le gouvernement aille plus loin quant au statut bilingue des municipalités et, s'il y a des exigences en anglais, c'est parce qu'il y a des statuts bilingues qui ne sont pas justifiés dans certains cas. Vous y avez fait référence un peu plus tôt. Je vous donne trois exemples très concrets : ville Mont-Royal, 18,5 % d'anglophones; Rosemère, 12,1 %; Otterburn Park, 6,8 %. À sa face même, est-ce que vous considérez que ces municipalités devraient conserver leur statut, et qu'on devrait aller plus loin que de laisser le libre choix aux conseils <municipaux...

M. Bérubé : ...ville Mont-Royal, 18,5 % d'anglophones; Rosemère, 12,1 %; Otterburn Park, 6,8 %. À sa face même, est-ce que vous considérez que ces municipalités devraient conserver leur statut et qu'on devrait aller plus loin que de laisser le libre choix aux conseils >municipaux, et non à la population totale de décider de maintenir ce statut?

M. Brisson (Frédéric) : Bien, j'y vais, Nathalie?

Mme Blais (Nathalie) : Oui, vas-y.

M. Brisson (Frédéric) : Oui. Oui. Bien, vous l'avez... Il y a le mémoire de la FTQ, qui va vous être présenté demain, où on parle aussi, là, d'un statut de 40 %, 20 %, là. Donc, moi, je considère... nous considérons, plutôt, là, qu'en bas de 50 %... Vous avez nommé trois villes, là, à 18 %, 6 % et 12 %, là, si ma mémoire est bonne des chiffres, là. On pense que, oui, effectivement, elles devraient perdre le statut bilingue et que ça vienne à la responsabilité, là, de la municipalité, là, de...

M. Bérubé : On est d'accord, votre syndicat et moi. Et je me permets de mettre au jeu notre proposition de modifier le statut des municipalités bilingues comptant moins de 33 % de résidents ayant l'anglais comme langue maternelle, ça serait automatique, et on laisserait la discrétion au ministre pour le statut des municipalités dont la proportion oscille entre 33 % et 49 %. Donc, il y a là un automatisme. Si le gouvernement veut faire preuve de leadership et de courage, ce que je lui demande depuis le début, bien, il prendrait lui-même la décision, comme le gouvernement du Parti québécois a pris la décision d'accorder un statut en 1977.

Donc, je retiens non seulement le droit de travailler en français, mais aussi un avantage qui a été consenti qui est maintenant anachronique et qui ne représente pas la réalité des municipalités, et, en ce sens-là, je comprends qu'on se rejoint là-dessus. N'est-ce pas?

M. Brisson (Frédéric) : N'est-ce pas, oui.

Mme Blais (Nathalie) : Si je peux simplement compléter. La proposition de la FTQ, c'est qu'entre 40 % et 50 % de population d'ayants droit anglophones, il y ait une possibilité de conserver le statut par résolution, mais qu'en deçà de 40 %, le statut soit perdu.

M. Bérubé : Au début septembre, vous avez été... nous avons été avisés d'une situation où des Québécois ont été incapables de se faire soigner en français — chroniqueuse Sophie Durocher. Le ministère de la Santé a répondu : «Les services de traduction en français doivent être assurés sur le terrain si jamais les employés éprouvent de la difficulté dans cette langue.» C'est inacceptable. Est-ce qu'on va assez loin?

La Présidente (Mme Thériault) : ...mettre fin à l'échange. M. le député, désolée.

M. Bérubé : On s'appellera.

La Présidente (Mme Thériault) : Désolée.

Mme Blais (Nathalie) : On s'appellera.

M. Brisson (Frédéric) : On se rappellera.

La Présidente (Mme Thériault) : Désolée. Donc, M. Brisson, Mme Blais, merci pour votre parution en commission.

Nous allons suspendre les travaux quelques instants, le temps de laisser au prochain groupe de prendre la place. Merci beaucoup.

M. Brisson (Frédéric) : Merci à vous, merci.

Mme Blais (Nathalie) : Merci.

(Suspension de la séance à 16 heures)


 
 

16 h (version révisée)

(Reprise à 16 h 18)

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, bonjour. Je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Louise Harel et Mme Louise Beaudoin, qui ont été toutes les deux députées ici, à l'Assemblée nationale, respectivement ministres. Donc, bienvenue parmi nous. Vous allez avoir une présentation d'à peu près 10 minutes, et, par la suite, on aura des échanges avec les différents partis représentés à l'Assemblée nationale. Comme vous connaissez bien nos règles, sans plus tarder, je vais vous céder la parole, vous demander de vous présenter et de procéder à votre exposé.

Mmes Louise Harel et Louise Beaudoin

Mme Harel (Louise) : Alors, Louise Harel. La présentation a déjà été faite, je crois. Je ne sais pas si ma collègue, Louise Beaudoin... la présentation ou elle le fera.

Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, je vais aller droit au but, compte tenu du temps imparti que nous avons partagé, ma collègue, Louise, et moi. Alors, j'aborderai, pour ma part, la première partie de notre mémoire.

En fait, nous déplorons que le gouvernement ait décidé de passer outre à la présentation d'un livre blanc, comme l'avait fait le Dr Laurin en mars 1977 et contrairement à la pratique courante d'avoir un document de réflexion lorsqu'il y a une pièce législative majeure, comme celle qui est présentée. Alors... Mais cependant, on peut décoder, des déclarations publiques du premier ministre et du ministre parrain de la loi, qu'il y a nécessité de passer de 53 % des allophones qui choisissent le français à 90 % pour assurer le maintien du poids des francophones au Québec, compte tenu de la natalité.

• (16 h 20) •

Alors, la question que nous nous sommes posée, c'est la suivante : Le projet de loi permet-il de se rapprocher d'un 90 % de substitutions linguistiques des allophones vers le français, qui est la condition essentielle de la pérennité du Québec français? Et selon nous, la réponse, c'est non.

Pour se déployer, pour s'épanouir, la culture québécoise a besoin de la force du nombre et de la vitalité d'allophones qui font du français leur premier choix et pas seulement en temps que langue seconde. Le bilinguisme peut être commun sans que la culture québécoise ne le soit. Aucune mesure n'est prévue pour remédier à cette dissociation entre francisation et culture québécoise.

D'autre part, compte tenu des nombreuses études qui l'ont amplement démontré, l'immigration francophone et francotrope, là, c'est-à-dire la langue latine parlée dans le pays d'origine, cette immigration a une importance <déterminante sur les...

Mme Harel (Louise) : ... et culture québécoise.

D'autre part, compte tenu des nombreuses études qui l'ont amplement démontré, l'immigration francophone et francotrope, là, c'est-à-dire la langue latine parlée dans le pays d'origine, cette immigration a une importance >déterminante sur les substitutions linguistiques des allophones vers le français. La connaissance du français avant l'arrivée est presque capitale. Pourtant, depuis cinq ans, la baisse est constante des résidents admis par Québec déclarant connaître le français. Cette baisse, de 8 % en cinq ans, 58,2 % à 49,8 %, est maintenant sous la barre des 50 %.

À la fin de 2019, il y avait au Québec 160 000 personnes qui avaient reçu du fédéral un permis temporaire sans aucune exigence de français, alors que le gouvernement du Québec sélectionne maintenant et de plus en plus ses propres résidents permanents dans ce bassin de personnes à statut temporaire. Certes, ces personnes pourront dorénavant bénéficier des cours de Francisation Québec. Certaines d'entre elles réussiront un test de français pour recevoir leur CSQ. Mais il est très hasardeux de croire que ces adultes déjà en emploi qui, incidemment, peuvent envoyer leurs enfants à l'école publique anglaise et qui souvent maîtrisent eux-mêmes l'anglais, il est bien hasardeux de penser qu'elles vont s'engager dans la voie d'une substitution linguistique vers le français.

En matière scolaire, les demi-mesures de gel ou de contingentement font toutes deux l'impasse sur la question essentielle, justement, de la substitution linguistique des étudiants allophones anglotropes, là, n'est-ce pas, c'est-à-dire qui viennent des pays de langue anglaise, qui, selon une vaste étude commandée par la Centrale des syndicats du Québec en 2010, s'inscrivent, à 90 %, au cégep anglais, poursuivent, à 91 %, leurs études universitaires en anglais et projettent, à 72 %, de travailler en anglais.

Une des questions qui était aussi révélatrice dans cette étude concernait les habitudes culturelles de ces presque jeunes adultes. À la question de savoir s'ils avaient écouté des films en français, il y en avait moins de 5 %, moins de 5 % des étudiants aux cégeps anglophones qui répondaient oui, alors que plus de 60 % aux cégeps francophones affirmaient oui, qu'ils avaient...

Alors, à Montréal, au cours des deux dernières décennies. La hausse des effectifs étudiants au niveau collégial préuniversitaire a profité à 95 % aux cégeps de langue anglaise. Les cégeps de langue française à Montréal peinent à se maintenir au-dessus de la barre du 50 % d'effectif étudiant total montréalais. Alors, en toute cohérence, le gouvernement doit décréter l'extension au niveau collégial. C'est le niveau collégial qui, dans bien des sociétés, est la poursuite, <en fait...

Mme Harel (Louise) : ... à se maintenir au-dessus de la barre du 50 % d'effectif étudiant total montréalais. Alors, en toute cohérence, le gouvernement doit décréter l'extension au niveau collégial. C'est le niveau collégial qui, dans bien des sociétés, est la poursuite, >en fait, du secondaire, alors doit décréter l'extension des clauses scolaires de la loi 101, de la même façon qu'il doit lever l'exemption de l'examen uniforme du français à la fin du collégial, une exemption qui est accordée dans le projet de loi aux étudiants anglophones.

Alors, comment prétendre à une langue commune si certains se trouvent même exemptés de la maîtriser? À toi, mon amie Louise.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Beaudoin.

Mme Beaudoin (Louise) : ...

La Présidente (Mme Thériault) : Problème de son. Mme Beaudoin, je m'excuse, on ne vous entend plus, on a perdu le son. Si vous voulez recommencer, on va essayer, sinon, on va suspendre. Allez...

Mme Beaudoin (Louise) : Oui.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui, je vous entends bien, c'est beau.

Mme Beaudoin (Louise) : Si révolution il y a dans ce projet de loi raisonnable et modéré, comme ne cesse de le répéter le premier ministre, c'est dans la section I, aux articles 13 à 23, qu'on la constate.

Cette section concerne l'exemplarité de l'État dans l'administration au sens large, incluant les municipalités, du français langue officielle et commune du Québec. Car la pratique du bilinguisme institutionnel se répand de plus en plus partout dans les ministères, comme l'a révélé un récent rapport de la Commission de la fonction publique, mais tout particulièrement à Montréal. Il s'agit d'y habiter pour le constater. Pour beaucoup à la ville, dont son Conseil interculturel, le français n'est pas... le français ne serait pas assez inclusif. Dans un récent rapport, c'est ce que le Conseil interculturel disait. Et pourquoi ne pas, ajoutait-il, dans ce cas, s'adresser aux Montréalais dans les cinq ou six langues les plus parlées sur l'île? Alors, pour le gouvernement, de notre point de vue, le défi sera dans l'application de cette section, car résistance — et c'est un euphémisme — il y aura.

Maintenant, le statut bilingue des municipalités. Le gouvernement, tout en reconnaissant l'absurdité de maintenir le statut bilingue de certaines municipalités qui n'en ont plus les attributs, leur donne la possibilité de le conserver par une simple résolution de leurs élus. Une soixantaine l'auraient déjà fait. Et comme je l'ai déjà écrit, je prends un 6/49 si une seule y renonce. Voilà donc une incongruité, une incohérence, de notre point de vue, à réparer.

La qualité de la langue, bien sûr la langue écrite, sur laquelle le gouvernement peut avoir une véritable influence, c'est extrêmement important. Mais il y a aussi la langue parlée qui dépend en partie, bien sûr, de l'apprentissage de la <langue...

>


 
 

17 h (version révisée)

<       Mme Beaudoin (Louise) : ...en général, pas tout le temps, mais en général. Alors... Mais, en tout cas, il faut... quoi qu'il en soit, il faut que la jonction se fasse via la SODEC, le CALQ et tous les instruments que le ministère de la Culture a à son... Il faut se préoccuper de cette question.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Harel, >45 secondes.

Mme Harel (Louise) : Mme la députée, je dois vous dire que c'est absolument fondamental. Et le Dr Laurin avait publié une politique québécoise sur la langue française, mais plus tard, une politique, deux ans plus tard, québécoise du développement culturel. C'est étroitement lié. Vous avez vu que, dans notre mémoire, on rappelle les COFI, les centres d'orientation et de formation d'immigrants, qui permettaient d'avoir accès à l'histoire du Québec, aux choix collectifs, aux valeurs que l'on partage... Et on déplore, hein, Louise et moi, là, si c'était qui avions eu à prendre cette décision, les COFI existeraient encore. Les COFI ont joué dans le passé un rôle extraordinaire, je ne sais pas, peut-être les plus récents députés ne les connaissent pas, un rôle d'intégration, d'accueil, d'intégration culturelle.

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois mettre fin à l'échange. Désolée, je dois mettre fin à l'échange comme gardienne du temps. On va poursuivre maintenant avec le député de Matane-Matapédia pour son temps, lui aussi, 2 min 45 s.

M. Bérubé : Merci, chères Louise au pluriel, des parlementaires remarquables de l'histoire de l'Assemblée nationale. Merci de votre contribution qui se poursuit.

Vous avez noté, à juste raison, qu'il faut faire preuve de courage. Vous avez parlé de la loi 101 au cégep, vous avez parlé de l'immigration. J'espère que le gouvernement du Québec prend des notes. Vous avez connu René Lévesque. Vous avez connu Camille Laurin. Vous savez de quoi était fait le débat de la loi 101, comment Camille Laurin n'a pas eu l'unanimité, comment la première règle à atteindre, ce n'est pas le consensus, c'est l'utilité face au déclin du français.

Alors, je vous donne tout le temps qu'il me reste pour que vous puissiez dire au ministre quel est seul vrai courage dont il devra faire preuve s'il veut vraiment changer le destin du Québec lorsqu'on pense au déclin de la langue française.

La Présidente (Mme Thériault) : ...chacune, madame...

Mme Beaudoin (Louise) : Oui. Alors... Oui. Moi, je pense qu'il est certain que le Dr Laurin a subi toutes les avanies, toutes les avanies. On était là toutes les deux, Louise était déjà députée, moi, j'étais dans un cabinet. Toutes les avanies. Et les avanies qu'on en a entendues d'ailleurs, là, récemment, du Québec Group, English... English group, je ne sais pas quoi, «national», bon... Là, j'ai entendu des horreurs. Et puis le Dr Laurin, bien, effectivement, il est passé à travers ça de façon imperturbable. M. Lévesque, c'est vrai, une fois de temps en temps, réfrénait ses ardeurs, mais, au bout de la ligne, ça a donné cette loi 101, et c'est ce que je souhaite. Ça ne peut pas être, je conclus là-dessus, un projet de loi modéré et raisonnable étant donné la situation du français au Québec.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Harel, une <minute...

Mme Beaudoin (Louise) : ... M. Lévesque, c'est vrai, une fois de temps en temps, réfrénait ses ardeurs, mais, au bout de la ligne, ça a donné cette loi 101.

C'est ce que je souhaite. Ça ne peut pas être, je conclus là-dessus, un projet de loi modéré et raisonnable étant donné la situation du français au Québec.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Harel, une >minute.

Mme Harel (Louise) : Alors, il faut de l'audace, il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup d'audace. Est-ce qu'il y a eu d'autres sondages? Mais je sais qu'il y a, avant l'été, là... au début de l'été, plutôt, il y avait un sondage qui, en fait, faisait valoir que 34 % des francophones croyaient que le projet de loi n° 96 n'allait pas substantiellement modifier le cours des choses. Et c'est contre ça aussi, c'est contre cette résignation, c'est contre ça qu'il faut aussi remonter le courant. Moi, ce que je souhaite, parce que je pense qu'il en est capable, je voudrais que son gouvernement aussi en soit capable, c'est qu'il soit capable de remonter le courant avec un projet de société.

M. Bérubé : Et justement, chère dame, j'espère que ce ne sera pas les sondages qui guideront l'action gouvernementale, mais des convictions profondes que nous partageons et que nous souhaitons partager avec le plus grand nombre possible d'intervenants dans le dossier de la langue. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, mesdames, pour votre passage en commission parlementaire. C'est toujours un plaisir de vous revoir.

Donc, nous allons suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 04)

(Reprise à 17 h 08)

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, rebienvenue à notre séance aujourd'hui. Donc, nous en sommes rendus avec la présentation de la Confédération des syndicats nationaux. Donc, je vais vous demander de vous présenter, présenter la personne qui vous accompagne et, par la suite, de procéder à votre exposé. Vous avez environ une dizaine de minutes pour pouvoir nous présenter votre point de vue. Bienvenue à la commission.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Senneville (Caroline) : Merci. Alors, je m'appelle Caroline Senneville. Je suis présidente de la CSN. Je suis accompagnée d'Anne Thibault-Bellerose, qui est conseillère syndicale, évidemment, bien sûr, à la CSN, aussi.

Alors, vous ne le savez peut-être pas, sinon, je vous l'apprends, la CSN, on est riches de 320 000 adhérents, <adhérentes...

Mme Senneville (Caroline) : ...Caroline Senneville. Je suis présidente de la CSN. Je suis accompagnée d'Anne Thibault-Bellerose, qui est conseillère syndicale, évidemment, bien sûr, à la CSN, aussi.

Alors, vous ne le savez peut-être pas, sinon, je vous l'apprends, la CSN, on est riches de 320 000 adhérents, >adhérentes, donc travailleurs et travailleuses, et on est aussi l'organisation syndicale qui est la plus représentative de l'enseignement supérieur. On a des travailleurs, des travailleuses, y compris des enseignants et au niveau collégial et au niveau universitaire. Et c'est donc ces deux volets-là, le volet du travail et le volet de l'enseignement supérieur qui seront plus développés dans notre présentation. Notre mémoire est beaucoup plus complet, mais, comme le temps de présentation nous est compté, on va cibler. Bien sûr, après ça, s'il y a des questions sur d'autres aspects de notre mémoire, il nous fera plaisir, à Anne et à moi, de vous répondre.

• (17 h 10) •

D'abord, j'aimerais commencer par un énoncé fort important. Si le français n'est pas utile pour le travail, si on n'a pas besoin du français pour travailler au Québec, tous les efforts de préserver notre langue risquent d'être des coups d'épée dans l'eau. Pour que le français soit réellement la langue officielle, la langue d'usage des Québécois et des Québécoises, il faut que ça s'incarne par le travail. Et pour ça, le travail, bien sûr, c'est important dans notre vie. On veut tous gagner notre vie et apporter notre apport à la société, mais c'est un formidable outil aussi, outil d'intégration.

Donc, malheureusement, on a vu que l'habitude d'utiliser le vocabulaire technique anglais, que certaines discussions de corridor aussi se font de plus en plus dans la langue de Shakespeare, cette situation-là a des répercussions partout, mais aussi sur la langue de service, sur la langue parlée à la maison, sur la langue d'étude des étudiants au niveau postsecondaire et sur la langue d'intégration des nouveaux arrivants.

Le Québec, bien, on est une terre d'accueil, on est fier de ça, on est fier d'ouvrir nos portes aux citoyens et aux citoyennes du monde entier, mais on est inquiet à la CSN du fait qu'on ouvre nos portes à une immigration temporaire plutôt que permanente parce que, quand on est ici pour ne pas y rester, les incitatifs pour apprendre le français, même pour travailler, ils sont beaucoup moins importants. Je pense que vous en conviendrez avec nous.

On salue le fait que dans les réformes du gouvernement on ait bonifié les allocations de participation aux services gouvernementaux de francisation, qui ont permis d'élargir l'accès à toutes les personnes immigrantes au Québec. La hausse de fréquentation est là pour en témoigner. Cependant, l'accessibilité réelle, elle, elle va demeurer limitée pour les travailleurs étrangers temporaires, surtout lorsqu'ils sont hors des grands centres, soit pour des raisons de transport, d'accès à des outils informatiques ou encore à cause des horaires. Mais il faut aller plus loin et vraiment permettre à tous les nouveaux arrivants de suivre des cours de français sans devoir les abandonner lorsqu'ils ont un emploi. Vous savez, quand on arrive au Québec, on a beaucoup de choses auxquelles on doit s'adapter. Ce qu'on prend pour acquis, tu sais, juste aller à l'épicerie, c'est différent. On commence souvent au bas de l'échelle. Et, si en plus on doit travailler à l'extérieur pour étudier, se rendre à l'extérieur pour étudier, ce n'est pas évident, <surtout si...

Mme Senneville (Caroline) : ... au Québec, on a beaucoup de choses auxquelles on doit s'adapter. Ce qu'on prend pour acquis... tu sais, juste aller à l'épicerie, c'est différent. On commence souvent au bas de l'échelle. Et, si en plus on doit travailler à l'extérieur pour étudier, se rendre à l'extérieur pour étudier, ce n'est pas évident, >surtout si on est précaire, qu'on ne connaît pas nos horaires. On ne peut pas s'inscrire à un cours tous les mardis soir, par exemple, si on ne sait pas d'avance si on travaille ou pas le mardi soir. Donc, pour nous... Puis c'est le même discours que la CSN porte, je vous dirais, pour la formation ordinaire, pour l'alphabétisation. Si on veut vraiment que ça porte ses fruits, il faut que ça ait lieu sur les heures et les lieux de travail.

On salue, pour nous aussi, beaucoup le guichet unique. Pour nous, c'est un incontournable de la francisation des immigrants. Vous savez, moi, je suis francophone et je m'y perds entre la demi-douzaine d'endroits différents entre les commissions scolaires, les cégeps, le ministère, les centres communautaires. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits. Alors, imaginez quand le français n'est pas sa langue... notre langue maternelle. Donc, pour nous, c'est vraiment... ce guichet unique là, c'est vraiment un incontournable.

On va aussi... on veut aussi vous parler des comités de francisation parce que c'est quelque chose qu'on a salué dès les débuts de la loi 101, et, pour nous, ça a un rôle crucial dans l'entreprise et dans le fait de franciser les travailleurs et les travailleuses. Malheureusement, leur raison d'être s'est un peu étiolée au fil des années. Par exemple, les centrales syndicales, on n'a plus l'accès à la liste de nos membres qui siègent sur un comité de francisation. Plusieurs informations, comme les analyses linguistiques des entreprises, sont souvent réservées aux représentants des employeurs seulement. Donc, il est difficile pour nous, comme représentants des travailleurs, de nous acquitter de nos tâches et de soutenir efficacement nos membres dans le processus de francisation des entreprises. On voit donc d'un bon oeil que les articles du projet de loi améliorent le processus démocratique de nomination des membres des comités de francisation.

On est ravis — c'est rare que la CSN est ravie en commission parlementaire, je vous invite à en prendre note — on est ravis des différentes modifications qui sont apportées aux rôles, aux responsabilités et à la constitution des comités de francisation. Plusieurs de nos membres se sont plaints, au fil des années, de la mainmise des employeurs sur la constitution et le déroulement des actions qui servaient... des actions du comité qui servent, comme vous le savez, à l'obtention de certificats de francisation. On a même vu de nos membres voir leur signature apposée frauduleusement à certains certificats de francisation. Donc, les modifications que vous apportez devraient, à notre avis, régler ces problèmes. Et on est d'avis aussi que... on est d'accord avec le fait que les documents rédigés par le comité de francisation soient signés par tous les membres. Et on est contents également du rôle plus important de l'OQLF auprès des comités de francisation.

Par ailleurs, même si on est contents et ravis à plusieurs égards, il y a une petite amélioration qu'on souhaiterait, que le processus de francisation des entreprises puisse être élargi aux entreprises de 25 employés et plus, parce que le Québec est quand même une économie de PME. On ne va pas mettre la barre trop basse, mais à 25 employés... À 50, ça fait... on en laisse peut-être échapper un peu trop si on veut être <efficaces...

Mme Senneville (Caroline) : ... processus de francisation des entreprises puisse être élargi aux entreprises de 25 employés et plus, parce que le Québec est quand même une économie de PME. On ne va pas mettre la barre trop basse, mais à 25 employés... À 50, ça fait... on en laisse peut-être échapper un peu trop si on veut être >efficaces.

On l'a dit, on favorise d'abord la francisation du monde du travail. C'est un outil formidable aussi d'intégration, comme je le disais. Mais on croit qu'il faille aussi bien sûr encadrer la fréquentation des cégeps anglophones, mais c'est complémentaire à ce qu'on doit faire au monde du travail. Vous savez, si on va dans un cégep anglophone, bien, c'est parce qu'on pense que ça sera utile sur le marché du travail. Donc, il faut qu'on travaille — c'est un mauvais jeu de mots — sur ce qui se passe dans le domaine du travail si on veut avoir un effet aussi sur l'enseignement, la langue d'enseignement au secteur postsecondaire. On est dans une drôle de situation où, au moment où on se parle, un étudiant anglophone, un élève anglophone qui aurait... qui est un ayant droit, qu'on appelle, là, qui étudie en français au primaire ou au secondaire, dans l'état actuel des choses, il n'est même pas assuré d'avoir une place dans un cégep anglophone, parce que les cégeps anglophones vont privilégier les étudiants avec les plus hautes notes lors du premier tour, et c'est ce qui fait que la proportion d'allophones et de francophones a augmenté et que, quand on les additionne, tu sais, ces populations-là, on se rend compte que la population anglophone est minoritaire dans les cégeps qui sont normalement financés pour leur service. Alors, je vous dirais, nous, notre première recommandation, ça serait de faire en sorte que les premiers à être admis dans les institutions postsecondaires anglophones soient ceux qui ont étudié au primaire et au secondaire anglophone et qu'ils aient une place. Donc, ça, pour nous, c'est important.

On pense aussi que... On appuie la position du gouvernement d'identifier les profils linguistiques pour chaque établissement collégial et de faire en sorte de restreindre la portion de l'effectif étudiant pour les collèges anglophones pour qu'il y ait un plafond à leur accroissement. On pense que c'est une voie d'avenir aussi. Il faudra faire attention quelle sera l'année de référence, par exemple, pour ce faire. Donc, nous, on pense que l'année 2019‑2020 devrait être l'année de référence, c'est la dernière année où on n'a pas eu le choc de la pandémie. Il faudra faire attention aussi, quand on va plafonner, de ne pas juste tenir compte de la population étudiante à temps plein, mais aussi de la formation continue et de ceux et celles qui fréquentent ces institutions à temps partiel.

Donc, on pense que c'est une voie qui permettra de faire en sorte que les services en anglais seront là pour ceux à qui c'est vraiment dédié et qu'il n'y ait pas un glissement de plus en plus de francophones vers les réseaux... envers le réseau anglophone, sans formellement l'interdire non plus, parce qu'on est quand même dans l'enseignement postsecondaire.

Je vous dirais aussi qu'on est d'accord à ce que les étudiants et les étudiantes qui fréquentent les institutions <postsecondaires...

Mme Senneville (Caroline) : ... les réseaux... envers le réseau anglophone, sans formellement l'interdire non plus, parce qu'on est quand même dans l'enseignement postsecondaire.

Je vous dirais aussi qu'on est d'accord à ce que les étudiants et les étudiantes qui fréquentent les institutions >postsecondaires en anglais puissent démontrer une maîtrise suffisante de la langue commune qui est le français. Donc, on pense que ça, c'est intéressant aussi. On n'est pas sûrs que la voie qui est présentée là est la meilleure, mais si c'est la voie qui est choisie, là, donc, que ces étudiants-là soient soumis à l'épreuve uniforme de français des francophones, que c'est clair qu'il devra y avoir des mesures d'aide pour assurer la réussite de ces élèves-là.

On pense aussi que, quand on parle d'enseignement secondaire, il n'y a pas juste les cégeps, il y a les universités. Il faut que les universités francophones maintiennent une preuve d'exemplarité linguistique et qu'elles ne puissent pas, elles non plus, se développer sans limite dans des programmes et des cours en anglais. Donc, on se réjouit de cet aspect-là de la... qui est mis de l'avant, donc, mais, pour ce faire, les universités sont habituées de fonctionner en collégialité, en consultation avec la population universitaire, que ce soit les travailleurs, les travailleuses ou les étudiants, et on pense qu'ils devraient aussi être mis au jeu pour cette exemplarité linguistique là.

Alors, je pense qu'on est en bas de 10 minutes, je ne sais pas si j'ai droit à une étoile dans mon cahier, mais ça vous fera plus de temps pour vos questions. Et c'est bien tant mieux parce que Mme Thibault-Bellerose et moi-même sommes prêtes à y répondre.

La Présidente (Mme Thériault) : Vous avez pris 25 secondes de plus que le ministre vous offre gracieusement. Ça sera retranché à son temps. Donc, il n'y a pas de problème.

Mme Senneville (Caroline) : Pas d'étoile.

La Présidente (Mme Thériault) : Mais ce n'est pas grave, c'est une belle présentation. M. le ministre, la parole est à vous.

• (17 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Senneville, Mme Thibault-Bellerose, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission. J'ai retenu, entre autres, un élément, que vous dites que vous êtes ravies, en partie, du projet de loi. Alors, on va prendre les bons mots quand ça passe, effectivement.

C'est une réforme majeure qu'on a déposée, je pense que vous le constatez dans votre mémoire, puis vous en faites une bonne analyse. J'aimerais vous entendre sur la question des cégeps. Vous l'avez abordé un petit peu tout à l'heure, mais sur la question, vous avez dit : Il faudrait viser également la formation continue. Quelle est votre opinion également — on a eu un groupe tout à l'heure, là... — au niveau des cégeps entièrement privés? Est-ce qu'on devrait imposer les mêmes obligations, privés, privés, là, ceux qui sont sans subvention de l'État, là?

Mme Senneville (Caroline) : Absolument. Il ne faut pas que ça soit une échappatoire, puis je vous dirais qu'on a vu, et je pèse mon mot, des pratiques commerciales peu compatibles avec une mission éducative, dans ce domaine-là.

M. Jolin-Barrette : Et de couvrir également les attestations d'études collégiales, parce que, exemple dans ces établissements collégiaux là, c'est beaucoup... en fait, ce n'est pas des D.E.C., c'est surtout des A.E.C., des attestations d'études collégiales, donc autant la formation continue dans le public, autant les A.E.C. dans le public également, d'être couverts, et dans le privé?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, je vous <dirais...

Mme Senneville (Caroline)T : ...dans ce domaine-là.

M. Jolin-Barrette : Et de couvrir également les attestations d'études collégiales, parce qu'exemple dans ces établissements collégiaux là, c'est beaucoup... en fait, ce n'est pas des D.E.C., c'est surtout des A.E.C., des attestations d'études collégiales, donc autant la formation continue dans le public, autant les A.E.C. dans le public également, d'être couvert, et dans le privé.

Mme Senneville (Caroline) : Bien, je vous >dirais que la fréquentation des cégeps anglophones par les non-anglophones c'est surtout pour le préuniversitaire, il n'y a pas d'A.E.C. pour les préuniversitaires, que du côté du public, c'est financé par Emploi-Québec. En fait, on refuse presque autant de gens dans les A.E.C. du public qu'on en accepte, peu importe la langue d'enseignement. Ça fait que c'est peut-être moins problématique dans l'enseignement public, là, pour les A.E.C., mais très clairement, dans les institutions privées, surtout celles qui sont non subventionnées, vous avez raison, très peu offrent des D.E.C. Elles offrent presque toutes des attestations, donc il faudra y voir.

Puis, ce qu'on dit aussi c'est que, quand on veut déterminer le niveau de population, si on veut le plafonner, bien, il faut tenir compte de l'ensemble de la population étudiante d'un établissement et ne pas juste comptabiliser les personnes, les jeunes qui y étudient à temps plein.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous dites, c'est de viser également les temps partiels.

Mme Senneville (Caroline) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez... (panne de son) ...francisation...

Mme Senneville (Caroline) : Là, monsieur... je suis désolée, on a raté la première partie de votre question.

M. Jolin-Barrette : Ah, je vais répéter. Au début de votre présentation, vous avez abordé le rôle des comités de francisation au sein des entreprises, et donc je comprends que c'est vraiment nécessaire, ces comités de francisation là, surtout quand, supposons, l'État, dans certains moments de son histoire, n'était pas là, vraiment, pour défendre la langue française. Alors, la pertinence des comités de francisation, quelle est-elle?

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Oui, bien, les comités de francisation ont été créés lors de la rédaction de la charte en 77, et ce qu'on constate, nous, avec nos militants qui sont au sein des comités de francisation, c'est que non seulement ça permet de faire connaître la charte auprès des travailleurs, donc, de permettre de s'approprier la charte, mais ça permet aussi aux entreprises de l'appliquer adéquatement, parce que les travailleurs connaissent leur milieu, ils connaissent les particularités, ils connaissent dans quels secteurs il y aurait besoin d'améliorer ou de franciser certaines choses, puis l'expérience, là, des militants leur permet aussi de trouver les solutions les plus innovantes, parfois, pour pouvoir franciser, de manière adéquate, les milieux de travail. Donc, le fait de pouvoir faire participer les travailleurs au processus de francisation, là, ça a vraiment plusieurs avantages, là.

M. Jolin-Barrette : Et qu'est-ce que vous pensez de Francisation Québec? Le fait que, désormais, puis c'était une recommandation de la Vérificatrice générale, là, il y a quelques années, là, en 2017, je crois, de faire en sorte qu'il n'y ait qu'une seule porte d'entrée, désormais, pour les services de francisation, à la fois pour, bon, les personnes migrantes ou les citoyens québécois qui souhaitent améliorer leurs compétences langagières en français, auparavant vous aviez le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Immigration, comment vous entrevoyez ça?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, on dit dans notre mémoire, c'est un incontournable. Vous savez, je vous l'ai dit, <quand on...

M. Jolin-Barrette : ... québécois qui souhaitent améliorer leurs compétences langagières en français, auparavant vous aviez le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Immigration. Comment vous entrevoyez ça?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, on dit dans notre mémoire, c'est un incontournable. Vous savez, je vous l'ai dit, >quand on veut s'améliorer, là, puis qu'on fait ça en dehors du temps de travail, ça demande des efforts. Si en plus c'est le parcours du combattant, le parcours de la combattante pour trouver où aller chercher des services, bien, on ne s'y retrouvera pas. Donc... Et ce n'est pas la première fois qu'on en parle, mais, oui, l'offre, elle est multiple, puis elle peut rester multiple, mais il faut qu'il y ait une seule porte d'entrée parce que, sinon, va vient vraiment toucher l'accessibilité.

M. Jolin-Barrette : Chez vos membres... Vouliez-vous rajouter quelque chose?

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Bien, si je peux me permettre, on avait mentionné dans le mémoire, c'est ça, l'intérêt de la porte d'accès, là, de Francisation Québec, mais on avait aussi certains questionnements sur le rôle de leadership que Francisation Québec va pouvoir jouer dans la francisation parce qu'on sait qu'il y a beaucoup, beaucoup d'acteurs, mais on espère, on souhaite que Francisation Québec puisse travailler avec ces différents acteurs là, les différents ministères, différents organismes, pour avoir une vision commune, là, de la francisation. Donc, on espère que Francisation Québec va pouvoir jouer ce rôle-là.

M. Jolin-Barrette : Effectivement, c'est un des objectifs recherchés d'être l'agent centralisateur pour vraiment coordonner l'action gouvernementale sur ce point.

Chez vos membres, là... On a vu les récentes statistiques, là, des études de l'OQLF, les exigences au niveau de l'embauche, au niveau, notamment, des corps publics, là, des municipalités qui exigeaient l'anglais à l'embauche, des entreprises, également, qui exigent la connaissance ou l'utilisation de la langue. Qu'est-ce que vous pensez des modifications qu'on apporte à l'article 46 de la Charte de la langue française? Et est-ce que, chez les membres que vous représentez, il y a des enjeux justement avec l'exigence d'une autre langue que le français alors que ce n'est pas nécessaire?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, pour nous, c'est primordial de faire en sorte que, quand l'anglais est exigé, ça soit une exigence réelle, nécessaire, puis que ça soit les bons postes qui soient ciblés.

Vous savez, on a une expérience aussi là-dedans. On a travaillé longtemps dans le domaine de la santé contre la sexualisation à outrance des postes, là. Donc, c'est la même chose, on va lutter contre la bilinguisation à outrance des postes.

Puis, à un moment donné, c'est facile d'écrire, tu sais, «anglais exigé». Les comités de francisation ont un rôle à jouer là-dedans. Les syndicats ont un rôle à jouer aussi lorsqu'ils négocient la convention collective puis de s'assurer de faire en sorte que, s'il y a quelqu'un... que ça ne soit pas un automatisme puis qu'on s'en va tranquillement vers une bilinguisation sans se poser de questions.

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Et le constat de l'exigence de l'anglais sur plusieurs postes, là, la dernière étude de l'OQLF a mis ça en lumière, mais on peut dire qu'on le constate au privé et au public.

Donc, ce que le projet de loi propose, là, d'éclaircir l'article 46, était absolument nécessaire et primordial, là, de mieux encadrer cet article-là. Parce que la <réalité...

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : ...de l'anglais sur plusieurs postes, là, la dernière étude de l'OQLF a mis ça en lumière, mais on peut dire qu'on le constate au privé et au public.

Donc, ce que le projet de loi propose, là, d'éclaircir l'article 46, était absolument nécessaire et primordial, là, de mieux encadrer cet article-là. Parce que la >réalité, c'était que les tribunaux, comment ils interprétaient de plus en plus cet article-là, c'était : Bien, est-ce que c'est utile pour moi que mon travailleur puisse parler l'anglais? Bien, oui, c'est utile, et c'était utilisé comme synonyme de nécessité.

Et là on avait besoin d'encadrer le terme de «nécessité», parce que ça décourageait, en fait, nos travailleurs à déposer des griefs, à porter plainte, parce que c'était vraiment trop difficile de démontrer que ce n'était pas utile à un poste. Et ça, c'est dans le privé et dans le public. On le constate entre autres en santé, où de plus en plus de cadres vont pouvoir aussi demander de connaître l'anglais, alors que ça pourrait être utile, mais nécessaire? On va pouvoir le savoir maintenant avec l'article 46.1.

M. Jolin-Barrette : D'accord. Je vais céder la parole. Je crois que j'ai mes collègues de Saint-Jean et de Chapleau qui souhaitent intervenir. Peut-être juste une précision, dans votre mémoire, j'ai cru voir que vous indiquiez, pour les enfants des personnes en situation temporaire au Québec, qu'ils peuvent aller... qu'ils peuvent fréquenter l'école anglaise. Enfin, on vient resserrer cette possibilité-là pour limiter à un maximum de trois ans. Actuellement, il n'y avait pas de limite, on pouvait constamment aller à l'école anglaise, une situation temporaire qui se perpétuait au-delà de trois ans. Donc, on vient mettre une balise temporelle à ce niveau-là. Mais je vais céder la parole, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, sans plus tarder, je vais reconnaître le député de Saint-Jean. Vous avez devant vous 7 min 45 s.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. La conversation tournait, en tout cas, un petit peu autour des critères d'embauche et l'anglais, tout ça. Évidemment, pour l'exemplarité de l'État, dans le grand chapitre de l'exemplarité de l'État, on s'entend que ça doit occuper une place importante, mais parlez-moi du reste de l'importance de l'exemplarité de l'État vu de votre position à vous et des gens que vous représentez.

• (17 h 30) •

Mme Senneville (Caroline) : Bien, je vous dirais que, pour nous, là, le seul fait que l'État ait communiqué avec nous une seule fois en anglais, que ça soit suffisant pour que dans le... pour le restant de nos jours, l'État communique avec nous en anglais, ce n'est pas tout à fait ce qu'on pourrait trouver d'exemplaire, parce que, disons, on s'est placé la barre un peu bas.

On comprend que les citoyens de la communauté anglophone ont droit à des services en anglais, mais, encore une fois, si le français n'est pas utile dans ma vie de tous les jours, quels sont les incitatifs que j'aurai pour l'apprendre si je suis un immigrant. Donc, peut-être trouver... avoir une limite de temps, peut-être faire en sorte que la version française soit toujours disponible avec une petite phrase qui dit : Bien, à partir... Est-ce que vous désirez recevoir la communication en français, par exemple, parce que... pour faire en sorte que le français soit visible, que ça soit <connu et que ça...

>


 
 

17 h 30 (version révisée)

<       Mme Senneville (Caroline) : ...Donc, peut-être trouver... avoir une limite de temps, peut-être faire en sorte que la version française soit toujours disponible avec une petite phrase qui dit : Bien, à partir... Est-ce que vous désirez recevoir la communication en français, par exemple, parce que... pour faire en sorte que le français soit visible, que ça soit >connu et que ça soit exceptionnel, que les communications soient en anglais. Je pense que ça, c'est... comme je vous dirais, là, la barre est un peu basse avec une seule communication en anglais, puis ça nous achète un bon pour le restant de notre existence. L'exemplarité pourrait être une coche plus élevée.

M. Lemieux : Je ne sais pas si vous avez discuté avant ou vous avez vu, aujourd'hui, les autres personnes qui sont venues nous parler, mais, quand il est question de francisation, on se fait presque toujours dire, en tout cas, par les syndicats, que c'est en entreprise qu'il faut que ça se passe. C'est important pour toutes sortes de raisons et c'est important pour les employés, considérant que c'est là où ça se passe pour eux. Donc, il y a comme un effet direct sur leur travail. Mais, au-delà de ça, la francisation, c'est, pour beaucoup de monde, plus large, et, là encore, je réfère à des choses qu'on a entendues plus tôt aujourd'hui, la langue, oui, la culture aussi. Est-ce que vous avez quelque chose à contribuer à cet égard-là?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, j'aimerais ajouter un petit grain de sel sur la formation en entreprise. C'est aussi important en matière de santé et de sécurité au travail. Les instructions sont supposées être en français, le contremaître parle français, puis, si on n'est pas capable de comprendre le minimum, le travailleur, la travailleuse peut mettre sa propre vie en danger puis celle de ses camarades aussi. Donc, c'est vraiment important que, très rapidement, il y ait une conscientisation, puis que les entreprises soient aussi de bons citoyens corporatifs et qu'ils participent à l'effort de francisation.

Et vous avez tout à fait raison pour l'accès à la culture, mais là, bien, il faut que l'offre culturelle soit disponible et accessible, puis, bon, que tout concoure, hein, que ce soient les journées nationales de la culture, que ça soit, bien, tu sais, dans les... souvent, c'est par le biais des enfants aussi à l'école, mais, effectivement... Et d'ailleurs on a vu... Puis je dis «culture» au sens large, hein? On a vu des gens se passionner, des immigrants, par exemple, se passionner pour des matchs de hockey parce que ça fait quelque chose à jaser avec... Alors, c'est participer à la vie de la société, et qu'il semble que le français soit utile. Mais, moi, je dirais que tous les efforts qu'un gouvernement peut mettre dans la culture, c'est bon pour tout le monde et c'est ça qui donne un sens aussi, bien sûr, à la langue. Tu sais, là, je vais citer Winston Churchill, là, qui disait, pendant la guerre, qu'il répondait à des gens qui voulaient réduire le budget de la culture en temps de guerre, puis qu'il avait répondu : Bien, si on fait ça, on se bat pourquoi? Donc, la culture, c'est aussi ce qui coule dans nos veines, là.

M. Lemieux : C'est une très belle citation que vous venez de me servir. Et j'ajoute pour compléter sur ce volet-là qu'effectivement d'expliquer à quelqu'un c'est quoi, la Sainte-Flanelle, ça dépasse le français, mais ça explique aussi beaucoup de choses. Il y a quelque chose de particulier là-dedans. Est-ce qu'il me reste...

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste 3 min 30 s.

M. Lemieux : Ah! excusez, je m'attendais...

Mme Senneville (Caroline) : Mais ça marche en sens inverse aussi, monsieur, hein, parce que, par exemple, on peut... une <chanson qui est...

M. Lemieux : ...volet-là qu'effectivement d'expliquer à quelqu'un c'est quoi, la Sainte-FlanelleV, ça dépasse le français, mais ça explique aussi beaucoup de choses. Il y a quelque chose de particulier là-dedans. Est-ce qu'il me reste...

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste 3 min 30 s.

M. Lemieux : Ah! excusez, je m'attendais...

Mme Senneville (Caroline) : Mais ça marche en sens inverse aussi, monsieur, hein, parce que, exemple, on peut... une >chanson qui est accrocheuse, à la radio, bien, si on prend le temps d'expliquer les paroles puis que, bon, donc c'est une... ça marche dans les deux sens.

M. Lemieux : O.K. Je vais aller... je vais laisser le député de Chapleau... mais je voulais terminer sur cette idée de la culture parce que c'est plus que philosophique, là, c'est vraiment très concret et c'est un peu l'oeuf ou la poule, dans le fond, et chaque représentation qu'on a eue sur le sujet insiste beaucoup sur pas juste son importance, mais que ça rapporte, c'est-à-dire que ça nous amène là où on veut aller, même si ce n'est pas ça, l'objectif, au départ.

Mme Senneville (Caroline) : Absolument. Absolument. Puis c'est parce qu'en regardant la même émission de télévision, à un moment donné, tout le monde parle de District 31, bien, je vais la prendre la demi-heure. Je vais l'écouter, la chanson à la radio, donc, ça fait partie... Une culture vivante, ça donne le goût d'apprendre une langue aussi.

M. Lemieux : Merci beaucoup. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le député de Chapleau.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Peut-être, rapidement, sur... Merci beaucoup. Bonjour, et bien heureux de vous retrouver. Merci de votre présentation, là.

On a parlé des comités de francisation, puis avec notamment les critères d'embauche dont on a fait mention, là, avec notamment la mention sur la langue, donc, anglaise qui pourrait être non pas nécessaire, mais utile, puis ça devenait presque exécutoire. Vous dites que ces comités-là pourraient avoir un rôle plus grand, notamment en termes... un rôle aviseur. On a entendu ça de d'autres intervenants aujourd'hui. Est-ce que vous voyez un rôle plus grand ou autre pour ces comités-là?

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Bien, en fait, à la CSN, on fait différentes activités, en collaboration avec l'OQLF, pour la défense et la valorisation de la langue française dans les milieux de travail. Et je crois que la valorisation de la langue française dans les milieux de travail, ça appartient aussi au comité de francisation parce qu'on parle de la charte et des droits de travailler en français, mais il faut aussi être fier de parler français dans les milieux de travail. Donc, les comités de francisation, je crois, ont aussi ce rôle-là, d'adopter la langue française en milieu de travail.

M. Lévesque (Chapleau) : Puis dans la législation qui est proposée — il ne me reste pas beaucoup de temps, là — mais est-ce que vous ajouteriez des éléments ou ça semble satisfaire ce dont vous auriez besoin pour répondre au rôle dont vous parlez?

Mme Senneville (Caroline) : Moi, je vous dis, écoutez, il faut le faire. Une fois que c'est dans la loi, c'est s'assurer que ce soit fait puis qu'il y ait un suivi, ça fait que la loi ne soit pas que des voeux pieux, là.

M. Lévesque (Chapleau) : Parfait. Merci beaucoup. Est-ce qu'il me reste du temps encore?

La Présidente (Mme Thériault) : 30 secondes.

M. Lévesque (Chapleau) : Bon, il reste 30 secondes. Mais effectivement, donc allons-y. Francisation Québec, selon votre évaluation, à quel point ça va pouvoir franciser les milieux? On en a parlé un peu, mais est-ce que vous <voyez cela comme un...

Mme Senneville (Caroline) : ...des voeux pieux, donc.

M. Lévesque (Chapleau) : Parfait. Merci beaucoup. Est-ce qu'il reste du temps, encore?

La Présidente (Mme Thériault) : 30 secondes.

M. Lévesque (Chapleau) : Bon, il reste 30 secondes. Mais effectivement, donc allons-y, Francisation Québec, selon votre évaluation, à quel point ça va pouvoir franciser les milieux? On en a parlé un peu, mais est-ce que vous >voyez cela comme un grand outil potentiel?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, déjà, ça nomme la chose, c'est plus clair que des trucs, des programmes, je dirais, pas toujours connus de divers ministères puis ça place la chose que, la francisation, pour nous, c'est important, déjà. C'est facilitant en termes d'accès, mais c'est fort en termes de symbole, aussi.

M. Lévesque (Chapleau) : Ça le nomme, d'accord.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup. Ça met fin à l'échange. Donc, nous allons aller du côté de l'opposition officielle avec M. le député de D'Arcy-McGee. Vous avez 11 minutes à votre disposition.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation, fort intéressant.

Vous avez parlé d'un incontournable et beaucoup de la francisation des travailleuses et travailleurs, la formation, la francisation en milieu de travail. Et je vous cite à deux endroits, parce qu'il me semble que, si je ne m'abuse, vous restez un petit peu sur votre appétit en ce qui a trait aux propositions du gouvernement : «Le gouvernement doit impérativement encourager et développer la formation en francisation dans les milieux de travail sans perdre de rémunération», une recommandation assez précise, et, à la page 15 : «Nous croyons qu'il serait intéressant que Francisation Québec développe, en collaboration avec les différents acteurs de la francisation, une expertise concrète de mobilisation et de développement de projets de francisation».

J'ose croire que parmi vous 320 000 membres, il y en a plusieurs issus de la communauté québécoise de langue anglaise ainsi que des allophones, si je peux... Et j'imagine que ces genres de recommandations risquent d'être pertinents pour eux aussi. Et comme je dis, j'ai l'impression que vous n'êtes pas tout à fait satisfaite par le plan en ce qui a trait à ces mesures dans le projet de loi actuel. Est-ce que j'ai bien lu votre position là-dessus?

Mme Senneville (Caroline) : Non... Bien, oui, vous avez tout à fait bien lu. Le Québec n'a pas une belle histoire, je vous dirais, n'a pas de beaux succès en termes de formation en entreprise, en termes de responsabilisation des entreprises dans la formation, de façon générale, je vous dirais. On n'a toujours pas de politique d'éducation des adultes. Ça fait... la dernière date d'il y a une quinzaine d'années. Donc ça, c'est pour la littéracie, la numératie, pour l'amélioration de la main-d'oeuvre, la formation continue de la main-d'oeuvre. On fait vraiment figure de mauvais élève, je pense qu'on est 10e sur 10 au Canada. Donc, ça se retrouve en francisation. Alors, moi, je pense que si on est capable d'insuffler... si Francisation Québec est capable d'insuffler un souffle nouveau, en termes de francisation, puis on le dit, aussi, d'alphabétisation le niveau d'alphabétisation, au Québec, n'est pas des plus élevés non plus, ça peut donner un souffle nouveau pour la <formation en entreprise...

Mme Senneville (Caroline) : ...ça se retrouve en francisation. Alors, moi, je pense que si on est capable d'insuffler... si Francisation Québec est capable d'insuffler un souffle nouveau en termes de francisation, puis on l'a dit aussi, d'alphabétisation, le niveau d'alphabétisation au Québec n'est pas des plus élevés non plus, ça peut donner un souffle nouveau pour la >formation en entreprise.

Dans un temps où il y a une pénurie de main-d'oeuvre, bien, il faut prendre la main-d'oeuvre là où elle est puis lui donner les moyens. Ça, ça augmente la productivité des entreprises. Mais il faut que tous les secteurs soient au jeu. Il faut que les travailleurs et les travailleuses en voient l'importance, soutenus par leurs syndicats quand ils sont syndiqués. Il faut que les entreprises y voient l'importance aussi puis qu'elles voient ça pas juste comme une dépense puis une perte de temps, mais comme un investissement dans la main-d'oeuvre puis comme un rôle de citoyen corporatif aussi. Si c'est la langue commune de tout le monde, bien, c'est aussi la langue commune des entrepreneurs, des entrepreneuses, pas juste des travailleurs et des travailleuses. Et moi, je pense que ça aura des bénéfices aussi sur d'autres types de formations où, clairement, le Québec n'est pas une société qui est en avance.

• (17 h 40) •

M. Birnbaum : Intéressant. Et là on parle de la langue commune et son rayonnement sur le terrain, ce qui m'invite à vous commenter sur un enjeu qui a été mentionné par les deux illustres ex-ministres devant vous et qui risque d'être abordé souvent, le ministre l'a abordé lui-même, c'est-à-dire le critère de la langue parlée à la maison. Une autre fois, je touche à votre membership assez diversifié. Voyez-vous la pertinence de regarder les données sur la langue parlée à la maison quand, là-dedans, on verrait, je me permets de le dire, au moins deux, probablement beaucoup plus que ça, de députés ici, à l'Assemblée nationale qui participent pleinement dans la francisation, dans la vie française du Québec et qui transmettent ce voeu à leurs enfants aussi? Je suis curieux. Voyez-vous, en quelque part, une pertinence, un indice de la santé et la pérennité du français d'examiner les statistiques sur la langue parlée à la maison?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, moi, je vous dirais qu'on n'a jamais assez d'information quand on veut prendre des décisions éclairées. Après ça, à quel point cette information-là est importante, comment on peut la confronter à d'autres types d'informations? Puis cette information-là, comme d'autres types d'informations, on ne peut pas se baser sur une seule donnée pour une politique publique, mais je pense que c'est quelque chose qui est pertinent à savoir, puis peut-être être plus souple dans le type de réponse ou dans les cas où, par exemple, dans un foyer, on parle un peu les deux, parce qu'il peut y avoir des foyers, par exemple, binationaux. Bien, je pense que ça serait intéressant de le savoir, peut-être raffiner nos questions.

Mais moi, en tout cas, je suis une fille de connaissance, on vit dans une société où on trouve aussi que, pour d'autres sujets, la science, c'est important, j'aurais de la difficulté, de prime abord, de dire, bien : Non, c'est une donnée qui n'est pas du tout pertinente. Je n'irais pas là. Après ça, bien, on peut décider jusqu'à quel point on en a besoin puis jusqu'à quel point on s'appuie dessus pour les politiques publiques. Mais de là à l'escamoter <complètement, non...

Mme Senneville (Caroline) : ...société où on trouve aussi que, comme d'autres sujets, la science est importante, j'aurais de la difficulté, de prime abord, de dire : Bien, non, c'est une donnée qui n'est pas du tout pertinente. Je n'irai pas là. Après ça, bien, on peut décider jusqu'à quel point on en a besoin puis jusqu'à quel point on s'appuie dessus, pour les politiques publiques, mais de là à l'escamoter >complètement, non, je ne pense pas.

M. Birnbaum : Vous avez parlé aussi de l'accès au cégep et l'idée de limiter ça aux ayants droit. Je suis curieux, parce que plusieurs de vos membres, évidemment, oeuvrent au sein des cégeps ainsi que les écoles primaires et publiques anglophones, francophones, tout confondu. Est-ce que vous écartez — moi, je soumets la réalité — mais la possibilité que ces établissements, soit au primaire secondaire et les cégeps de langue anglaise, sont des vecteurs, des agents de la francisation et pas nécessairement un frein à la francisation?

Je vous offre, comme titre d'exemple, notre proposition que trois cours de français soient ajoutés au curriculum des cégeps, je vous soumets les programmes d'immersion française très, très répandus dans les écoles anglaises publiques. Est-ce que vous prenez pour acquis qu'un individu, disons, francophone ou immigrant, qui choisit un cégep anglophone est perdu, en quelque part, nos efforts collectifs et louables de francisation des nouveaux arrivants?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, d'abord, on ne souhaite pas que ce soit limité aux anglophones, ce qu'on dit, c'est, dans la situation actuelle, on peut être un anglophone et ne pas avoir accès à des études postsecondaires, parce que les places sont prises par des francophones qui ont des meilleures notes à l'école. On pense que ça, ça ne rend pas service à la communauté anglophone.

Je ne pense pas que les cégeps anglophones soient des ghettos effectivement puis qu'il y a une mixité, mais je peux vous dire qu'on a des membres qui travaillent dans des cégeps anglophones et qui ont de la difficulté à ce que leur direction leur parle en français. Ça, on le vit sur le terrain. Il y a des gens, par exemple, qui sont des francophones qui enseignent le français, et ils ont de la difficulté à ce que les communications avec leur employeur puissent se faire en français. Donc, la loi 101 n'est pas toujours respectée. Puis c'est aussi prouvé que, quand on commence le cégep en anglais, bien, on a plus de chances de continuer l'université en anglais, de posséder tout le langage de notre métier en anglais, puis aussi toute une culture autour de notre métier, de notre profession en anglais.

Alors, bien sûr, c'est le choix des gens. Mais, à un moment donné, c'est quoi, le point de bascule? C'est... Alors, c'est quoi le point où on se dit : Oupelaïe! Si on continue comme ça, bien, nous, on pense que le point de bascule, c'est... on pourrait dire c'est... Déjà en 2019‑2020, ces cégeps-là accueillaient plus que la population qu'ils devaient accueillir, puis ça, c'est une règle qui s'applique à tous les cégeps, y compris les cégeps francophones. Bien, en réalité, ce qui est à peu près trois fois plus que ce dont les gens ont besoin, de la communauté en droit ont besoin. Donc, on pense que c'est une idée effectivement qui est mieux, puis ça permet de conserver les emplois aussi, là, puis de ne pas faire immigrer les <élèves...

Mme Senneville (Caroline) : ...tous les cégeps, y compris les cégeps francophones, bien, en réalité, ce qui est à peu près trois fois plus que selon ce dont les gens ont besoin, de la communauté en droit ont besoin. Donc, on pense que c'est une idée, effectivement, qui est mieux, puis ça permet de conserver les emplois aussi, là, puis de ne pas faire immigrer les >élèves, là, dans... vers d'autres institutions où il n'y a pas de place physiquement pour les recevoir.

M. Birnbaum : Oui. Et si je peux brièvement parce que j'aimerais laisser un petit peu de temps pour mon collègue de La Pinière. Vous parlez de privilégier les ayants droit anglophones pour les cégeps. Deux questions. Est-ce que c'est votre façon de dire que la Charte de la langue française devrait être étendue au cégep et, sinon, comment ça serait opérationnalisé, cette idée-là?

Mme Senneville (Caroline) : Ah! mon doux, c'est facile : dans l'admission. Quand on s'inscrit au premier tour de cégep, bien, on voit si on vient d'une institution anglophone, donc on les privilégie, ces gens-là. On prendrait un anglophone qui a des moins bonnes notes qu'un francophone parce que s'il a étudié en anglais au primaire et au secondaire et qu'il souhaite étudier en anglais au collégial... C'est pour ça qu'ils existent, les cégeps en anglais, hein? C'est pour offrir au premier chef, c'est pour ça, et ils ne remplissent pas leur mission s'ils disent à un anglophone : Bien, toi, tu n'as pas assez des bonnes notes puis je vais prendre un francophone qui a des meilleures notes que toi. Bien, moi, si j'étais de la communauté anglophone, je ne trouverais pas ça cool.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Il reste 1 min 45 s au bloc. Donc, M. le député de La Pinière, la parole est à vous.

M. Barrette : Oui. Alors, très directement, pourquoi est-ce si dommageable d'avoir un grief déposé par un individu sans passer par le syndicat?

Mme Senneville (Caroline) : O.K. Ce n'est pas nécessairement dommageable, mais c'est toujours... C'est parce que le syndicat, habituellement est gardien des griefs, on est capable de voir si c'est un bon ou si c'est un moins bon grief, et ça permet aussi au syndicat d'être au jeu et de défendre collectivement. S'il y a un problème avec un poste, bien, il y a peut-être un problème avec le comité de francisation, alors ça permet de voir globalement et individuellement. Et puis si le syndicat refuse de déposer un grief individuel, bien, dans le Code du travail, il existe un processus où le salarié et le syndiqué peut porter plainte à son syndicat puis le Tribunal administratif du travail va nous obliger à le défendre. Alors, c'est toujours intéressant. Quand on est syndiqué, il y a toujours un volet collectif aux relations de travail, puis on prend soin de...

M. Barrette : J'ai compris. Je vous interromps, il me reste à peu près moins d'une minute, là. Je ne vois pas le problème, là, alors je ne vois pas pourquoi vous demandez de retirer ça du projet de loi.

Maintenant, vous avez répété à plusieurs reprises la finalité des comités de francisation, développer la culture, l'appartenance au français, le français, et ainsi de suite. Dans le cas du réseau de la santé, pour ce qui est de ce qui est garanti pour la communauté anglophone, comment pouvez-vous, avec ce que vous avez écrit dans votre mémoire, faire en sorte ou expliquer que les anglophones ne puissent pas prendre ça, ce discours-là, comme étant une façon de défaire ce qui a été garanti à date par l'article 29?

La Présidente (Mme Thériault) : Il reste 15 secondes...

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Je ne suis pas sûre de comprendre la question. Est-ce que c'est suite à notre proposition...

M. Barrette : Je vois votre discours en comité de... Je vois le discours que vous tenez en comité de francisation comme un <cheval de Troie dans les...

M. Barrette : ...de défaire ce qui a été garanti à date par l'article 29.

La Présidente (Mme Thériault) : Il reste 15 secondes...

Mme Thibault-Bellerose (Anne) : Je ne suis pas sûre de comprendre la question. Est-ce que c'est suite à notre proposition...

M. Barrette : Je vois votre discours en comité de... Je vois le discours que vous tenez en comité de francisation comme un >cheval de Troie dans les parties du système de santé...

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois mettre fin à l'échange, monsieur.

M. Barrette : ... qui garantissent des services à la communauté anglophone.

La Présidente (Mme Thériault) : Je m'excuse, M. le député de La Pinière, je dois mettre fin à l'échange.

M. Barrette : Je comprends.

La Présidente (Mme Thériault) : Malheureusement, je ne peux pas vous donner le droit de réplique. Je suis désolée. Donc, je vais aller du côté du député de Matane... non, excusez-moi, la députée de Mercier, excusez-moi, la députée de Mercier pour un bloc d'échange de 2 min 45 s.

Mme Ghazal : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation. Et d'ailleurs félicitations, Mme Senneville, pour votre élection.

Vous dites dans votre mémoire, vous en avec parlé aussi, que vous êtes en faveur des mesures... dans le fond de restreindre, là, l'accès aux cégeps anglais. Donc, vous êtes en faveur de ce que le projet de loi met en place, de contingentement dans les cégeps anglophones, mais il y a beaucoup de détails, par exemple des détails importants, là, que vous mentionnez, pour le rendre vraiment applicable puis que les objectifs soient atteints.

Moi, j'aimerais vous parler aussi, il y a quelque chose dont on parle un peu moins, pour que les francophones, allophones aillent plus dans les cégeps francophones, c'est les cégeps... le financement, et surtout le financement des cégeps en région. On sait qu'il y a eu un sous-financement incroyable dans les cégeps francophones en région. Ça les rend moins attractifs pour les jeunes ou les moins jeunes qui veulent aller au cégep. Est-ce que vous avez évalué les montants qui manquent dans les cégeps francophones? Et même, parfois, il y a eu même des compressions, est-ce que vous avez évalué ça? Est-ce que c'est une question sur laquelle aussi vous vous penchez?

• (17 h 50) •

Mme Senneville (Caroline) : Bien, le sous-financement des cégeps, c'est chronique, comme, je vous dirais, on s'est rendu compte aussi, pendant la pandémie, de d'autres endroits où le sous-financement pouvait être chronique et avoir des effets, je vais dire, délétères. Puis c'est sûr qu'il se fait... Et ce n'est pas que les cégeps francophones soient moins financés que les cégeps anglophones, c'est que l'effet du sous-financement se fait beaucoup plus sentir sur les établissements qui sont petits, puis les établissements plus petits sont en région.

Alors, effectivement, il y a des cégeps en région que, s'il n'y avait pas une aide spéciale ou s'il n'y avait pas des étudiants qui venaient, par exemple, d'ailleurs dans la francophonie, il y a des cégeps qui fermeraient, là, ou qui seraient, en tout cas, à risque de fermer. Puis ça, ça crée un effet aussi pervers parce que quand tu as de moins en moins de financement, bien là, tu vas à la course à la clientèle puis tu veux absolument remplir ton cégep, et là, bien, tu as toutes sortes de formules, on va dire, innovantes. Tu ouvres des campus à gauche et à droite puis tu essaies de... Mais ça, ça ne fait pas des cégeps forts, ça ne fait pas un réseau fort. Donc, il faut s'assurer qu'il y ait des financements, y compris pour les populations anglophones qui sont dans ces régions-là. Je pense à Sept-Îles, je pense à la Gaspésie, je pense aussi aux populations autochtones, là, dans ces régions-là. Donc, il faut s'assurer... Si on veut que les cégeps puissent être partout sur le territoire, bien, il faut les financer de façon <adéquate, là...

Mme Senneville (Caroline) : ...populations anglophones qui sont dans ces régions-là, je pense à Sept-Îles, je pense à la Gaspésie, je pense aussi aux populations autochtones, là, dans ces régions-là. Donc, il faut s'assurer... Si on veut que les cégeps puissent être partout sur le territoire, bien, il faut les financer de façon >adéquate, là.

Mme Ghazal : Donc, pour... Est-ce que ça ne devrait pas être surtout ça, le sous-financement des cégeps en région et partout, le francophone, pour les rendre attractifs, alors qu'on dirait que c'est l'angle mort, puis on se concentre sur le contingentement pour les cégeps anglophones? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça que c'est un angle mort, le sous-financement?

Mme Senneville (Caroline) : Il faut faire les deux. Mais il faut faire les deux, il faut faire les deux parce qu'à Montréal les gens ont de quoi, là, puis...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je vais mettre...

Mme Senneville (Caroline) : ...des cégeps de Montréal francophones, là.

La Présidente (Mme Thériault) : Je suis désolée, je dois vous interrompre. Vous avez passé de 15 secondes. Donc, je vais aller avec M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci et bienvenue. Dans votre mémoire et votre présentation, vous parlez de la progression de la proportion d'étudiants fréquentant un cégep anglophone. Vous avez constaté que, si la progression se poursuit, la moitié des étudiants seraient inscrits dans un préuniversitaire anglophone. Ça veut dire quoi? Le préuniversitaire, c'est des anglophones, puis le technique, c'est les francophones. Alors, on revient à une époque qu'on croyait révolue. Le gouvernement, c'est ça, et je pense qu'il décide de garder ça quand même de cette façon-là. J'aimerais ça que vous nous en parliez davantage, parce que, moi, ce genre de chose là non seulement ça me fait bondir, mais j'ai peine à croire qu'on va laisser faire ça.

Mme Senneville (Caroline) : Bien, c'est pour ça qu'on dit deux choses, c'est pour ça qu'on dit que, là, il faut arrêter l'hémorragie maintenant puis il faut faire en sorte que les anglophones aient accès à leurs cégeps. Donc, quand on combine ces deux effets-là, je pense que ça envoie le bon message. Puis, vous savez, si on mettait fin aux cégeps anglophones pour les francophones sur l'île de Montréal, bien, il y aurait des francophones et des allophones qui n'auraient tout simplement pas accès à une formation collégiale parce que le transfert, là, n'est pas possible.

Donc, on va travailler à plafonner, on va travailler à soutenir les cégeps pour qu'ils se francisent. On va travailler à faire en sorte que la connaissance du français soit suffisante avec un test. On va faire sorte que ce sera les anglophones qui fréquentent prioritairement. Et on pense qu'on va à ce moment-là... puis c'est pour ça aussi qu'il faut continuer les effets dans le marché du travail, parce que, si les francophones sentent que s'ils ne maîtrisent pas assez bien le français, ça n'ira pas bien pour, même, tu sais, on va dire un professionnel. Vous parlez... de stage. C'est ça qu'il faut envoyer comme message.

M. Bérubé : Quant aux solutions, au lieu de l'accès universel à tout le monde, le gouvernement dit : On va en garder une poignée. Il appelle ça le «contingentement». Vous connaissez notre position, mêmes règles pour tout le monde. L'équité, c'est une valeur qui nous est importante. Est-ce que vous croyez que c'est une solution, le contingentement?

Mme Senneville (Caroline) : Pour l'instant, à court terme, oui, c'est une solution peut-être imparfaite, mais qui a le mérite d'arrêter l'hémorragie, de faire en sorte que tout le monde ait accès à un diplôme aussi.

M. Bérubé : Mais, connaissant bien la CSN et ses valeurs, ça va être seulement une poignée qui auront accès — sur quels <critères...

Mme Senneville (Caroline) : ...pour l'instant, à court terme, oui, c'est une solution peut-être imparfaite, mais qui a le mérite d'arrêter l'hémorragie, de faire en sorte que tout le monde ait accès à un diplôme aussi.

M. Bérubé : Mais, connaissant bien la CSN et ses valeurs, ça va être seulement une poignée qui auront accès — sur quels >critères?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, dans nos valeurs aussi, ça s'adonne qu'on a quelques membres qui nous paient des cotisations syndicales et qui aimeraient bien garder leurs emplois.

M. Bérubé : Ah! bon, il fallait le préciser, oui. Bien, on partage bien des choses, notamment, je vous dirais, une considération pour le visage français de Montréal, et ce n'est pas sans raison qu'on arrive avec cette solution-là, et merci d'avoir amené cet argument-là du technique versus le préuniversitaire parce que vous êtes les premiers à l'évoquer de façon si claire, et nous, ça nous touche beaucoup. Est-ce que les cégeps francophones vont seulement devenir la voie du technique? On va créer vraiment deux types de collèges, les collèges de prestige qui choisissent leurs étudiants, les meilleurs étudiants, qui ont le financement avec des rallonges, et les francophones, soyez assurées qu'on n'acceptera jamais ça, nous.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois également mettre fin...

Mme Senneville (Caroline) : Mais, moi, je vous dirais, 30 % des techniciens vont finir par aller à l'université, et c'est une des forces des cégeps aussi.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Je dois mettre fin à l'échange. Donc, mesdames, merci beaucoup d'être venues en commission parlementaire.

Nous allons suspendre les travaux pour permettre aux prochains intervenants de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 17 h 57)

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, rebonjour, tout le monde. Nous reprenons nos travaux. Je vais souhaiter la bienvenue à M. Christian Dufour, qui est... politologue, pardon, j'ai rajouté un mot de trop. Donc, bienvenue. Vous êtes en présentiel à l'Assemblée nationale, alors vous êtes le deuxième brave aujourd'hui. Donc, bienvenue à notre Assemblée. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation, puis ça sera suivi par des échanges avec les parlementaires des différentes formations politiques.

M. Christian Dufour

M. Dufour (Christian) : Merci, Mme la Présidente. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à comparaître devant cette commission-là. C'est toujours impressionnant.

J'ai rédigé un court <texte...

La Présidente (Mme Thériault) : ...bienvenue à notre Assemblée. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation, puis ça sera suivi par des échanges avec les parlementaires des différentes formations politiques.

M. Dufour (Christian) : Merci, Mme la Présidente. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à comparaître devant cette commission-là. C'est toujours impressionnant.

J'ai rédigé un court >texte de quatre, cinq pages, en fait, dans lequel j'ai essayé d'exprimer mes idées de la façon la plus claire possible, que j'ai demandé de distribuer aux participants, aux députés membres de cette commission-là. Donc, ma présentation, c'est vraiment autour de ce texte-là que j'avais quand même pas mal travaillé pour que ce soit clair, surtout.

Donc, je parle de la claire prédominance du français comme norme de la constitutionnalisation du modèle québécois d'intégration et de la société distincte, des cégeps, qui est le coeur manquant du projet de loi, et enfin il y a deux, trois paragraphes sur le français, seule langue officielle, point d'interrogation.

Donc, j'ai noté, comme beaucoup de gens, qu'il y a des indicateurs qui montrent une régression du français au Québec dans plusieurs domaines, ce qui inquiète beaucoup de gens au niveau québécois, mais même au niveau fédéral, on peut le dire, et je trouve que ça fait longtemps que le contexte n'a pas été autant favorable à une réaction. Il y a une opportunité, me semble-t-il, à saisir. Si on la laisse passer, je ne suis pas sûr que ça va se représenter de sitôt, parce que c'est toujours difficile d'agir dans ce domaine-là. Donc, je suis très content que le gouvernement ait décidé d'agir, que le ministre Simon Jolin-Barrette ait déposé ce projet de loi, qui est intéressant à beaucoup d'égards.

Bon, moi, je commence, dans le texte, en revenant sur une de mes obsessions, me disent mes amis, la norme de la claire prédominance du français au Québec sans exclusion d'un anglais dont la présence n'est pas obligatoire. Ça me semble crucial, surtout si on regarde plutôt du côté de l'avenir du Québec que du passé du Québec, même si je suis conscient du fait que cette norme-là peut sembler un peu faiblarde, faible pour certains nationalistes québécois. Pourtant, il me semble que c'est très, très important d'affirmer ça dans la loi, pour la première fois, cette norme de la claire... qu'au Québec, là, le français est clairement prédominant. Le «claire» est très, très important, sans exclusion de l'anglais, dont la présence n'est pas obligatoire.

Bon, notons tout de suite que cette affirmation-là n'est pas incompatible du tout avec celle que le français est la langue officielle du Québec, avec laquelle je suis totalement d'accord, là, hein, puis c'est la seule langue officielle du Québec. Je trouve qu'il y a un côté complémentaire là-dedans parce que ça renforce la grande affirmation de principe en ancrant la loi dans la réalité. Parce que, qu'on le veuille ou non, l'anglais est présent dans notre société depuis 250 ans, hein, depuis la Conquête. À certains égards, c'est une langue québécoise, et ça va rester présent, puis ça va émerger de différentes façons. Donc, je trouve que ce n'est pas gagnant que de faire comme si l'anglais n'existait pas, hein, puis de se limiter à de belles déclarations de principe.

• (18 heures) •

C'est pour ça qu'autant de... au lieu de le nier ou de l'escamoter, c'est bon de le nommer, parfois, l'anglais, sans lui donner un statut officiel, l'anglais en a déjà un au fédéral, un statut officiel, mais en le contrôlant, en ne lui donnant pas la même importance que le français, sinon, moi, j'ai peur qu'au-delà des 30 déclarations de principes, que, peu à peu, on sombre, dans les faits, dans un bilinguisme de plus en plus <répandu...

>


 
 

18 h (version révisée)

<       M. Dufour (Christian) : ...sans lui donner un statut officiel, l'anglais en a déjà un au fédéral, un statut officiel, mais en le contrôlant, en ne lui donnant pas la même importance que le français, sinon, moi, j'ai peur qu'au-delà des 30 déclarations de principes, que, peu à peu, on sombre, dans les faits, dans un bilinguisme de plus en plus >répandu, où le français va être, au mieux, égal à l'anglais et va être de moins en moins la langue commune de notre société.

Jusqu'à présent, c'est révélateur, pour qui connaît un peu l'histoire du Québec, que le discours ait un peu oscillé entre l'unilinguisme français des souverainistes, hein, qui voulaient vraiment un Québec entièrement français, puis le bilinguisme des fédéralistes. Il me semble que la claire prédominance du français, qui n'a jamais été affirmée formellement, légalement, par nos institutions, s'est imposée, dans les faits, dans beaucoup d'établissements commerciaux, de façon très, très efficace, de façon tranquille, et je trouve que c'est gagnant, parce que c'est clair que l'anglais y est, mais c'est une affirmation de pouvoir pour le français. Le français est clairement prédominant.

Rappelons que la Cour suprême du Canada a quand même jugé que c'était légitime, pour le Québec, d'imposer la claire prédominance du français dans le domaine de l'affichage, et je ne crois pas, non plus, qu'il faut se mettre à mesurer les lettres puis à préciser, normalement, sauf exception, qu'est-ce que c'est, la claire prédominance du français. Quand c'est clair, on le sait ou on ne le sait pas, si c'est prédominant, mais ce qui me semble important, c'est d'avoir un principe, une norme, une boussole, un message qui est envoyé à notre société, en disant : Au Québec, c'est le français qui est la langue officielle, puis que, dans les différents aspects de notre vie publique, le français doit toujours être clairement prédominant. Ça, il faudrait le dire, et le redire, et le redire. Donc, je trouve que c'est simple, c'est pratique, c'est opérationnel. Ce n'est pas sexy, si je peux me permettre cette expression-là, mais il me semble qu'on aurait intérêt que, dans une loi, on le dise, une fois pour toutes, insister là-dessus. Moi, j'y crois, c'est vraiment, moi, quelque chose, depuis 30 ans, auquel je crois, que je pousse. Donc, je voudrais que ce soit dans la loi et, aussi, ce soit dans une disposition constitutionnelle.

Ce qui m'amène à mon deuxième point, la constitutionnalisation du modèle québécois d'intégration et de la société distincte. Je trouve que le ministre Simon Jolin-Barrette a vraiment... je ne veux pas le flatter, là, mais il a réussi, quand même, un coup de maître avec l'idée, en fait, à laquelle je n'avais pas pensé, puis je ne pense pas que grand monde avait pensé à ça, là, d'intégrer, dans des dispositions constitutionnelles canadiennes, le fait que le français est la langue officielle du Québec. Je pense que ça a été salué largement au Québec et, même, dans le reste du Canada. On ne sait pas exactement ce que ça va donner, c'est difficile, mais, en politique, les symboles sont importants. Une disposition constitutionnelle aussi, c'est important.

Moi, ce que j'espère, c'est qu'on va profiter de l'occasion pour parler aussi de la société distincte québécoise, qui se caractérise par une majorité francophone, puis aussi, pour attirer l'attention sur la différence entre notre modèle d'intégration, où on reconnaît une société d'accueil, nous, on dit : Il y a une majorité francophone au Québec. C'est ça, la société distincte, hein? Moi, je me suis beaucoup intéressé à ça depuis le lac Meech, depuis Robert Bourassa. La seule définition qu'il y avait, de la société distincte, c'est que c'est une majorité francophone. Et puis les nouveaux arrivants, on les invite à s'intégrer à la majorité francophone, à converger vers la majorité francophone, alors que le multiculturalisme canadien, qui a été constitutionné en 1982, qui est de plus en plus sans limites et de plus en plus malsain, à certains égards, je n'ai pas peur de le dire... Quand on est rendus qu'on brûle des <livres, hein...

M. Dufour (Christian) : ...c'est une majorité francophone. Et puis les nouveaux arrivants, on les invite à s'intégrer à la majorité francophone, à converger vers la majorité francophone, alors que le multiculturalisme canadien, qui a été constitutionné en 1982, qui est de plus en plus sans limites et de plus en plus malsain, à certains égards, je n'ai pas peur de le dire... Quand on est rendus qu'on brûle des >livres, hein, qu'on brûle des livres, là, puis qu'il y a des gens qui trouvent qu'il faut comprendre, puis il faut se mettre à la place des autochtones, on est rendus loin.

Donc, le multiculturalisme canadien ne reconnaît pas l'existence d'une ou de plusieurs sociétés d'accueil. Je pense que c'est important que le Québec le dise : Nous, c'est important, il y a une société d'accueil, il y a une majorité francophone. Et me semble-t-il que ce serait bon de le mettre avec l'affirmation que le Québec est une nation dont le français est la langue officielle, d'ajouter ça. Ça renforcerait l'affaire. Il y a un message aussi que ça envoie au reste du Canada, en disant : Nous, on n'est pas dans le multiculturalisme, on est dans autre chose.

Donc, la porte est ouverte, il faudrait en profiter, parce qu'une fois que la porte va être fermée ça va être très difficile de revenir là-dessus. Et, je le répète, quand je parle de société distincte, quand je parle de claire prédominance du français, je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas affirmer que le français est la langue officielle du Québec. Je crois qu'il faut l'ancrer dans la réalité, il faut le renforcer, il faut en profiter.

Nos cégeps, maintenant, bon, les cégeps, le coeur manquant du projet de loi. C'est ce que je... Moi, j'ai changé d'idée par rapport aux cégeps. Pendant longtemps, je trouvais qu'il fallait garder la liberté de choix au niveau collégial, même si c'est une erreur, me semble-t-il, historique, lorsqu'on a adopté la loi 101, de ne pas avoir appliqué la loi 101 au niveau du cégep. Si c'était à refaire, il me semble que c'est ça qu'on devrait faire, là, parce que c'est quand même le réseau public d'enseignement, on est dans le système public, c'est un âge crucial, pour les étudiants, de sociabilisation et d'intégration à la société. Bon, tant que la liberté de choix ne produisait pas des résultats aberrants et dangereux pour le français, tant que, autrement dit, la majorité des Québécois de souche et issus de l'immigration allaient du côté francophone, ça ne me dérangeait pas trop, comme bien des gens, mais là il y a un équilibre qui semble s'être brisé de façon assez claire. Il faut quand même être lucides, là, il y a quelque chose qui a changé.

Et ce n'est pas vrai que faire son cégep en anglais, c'est une façon, pour les francophones, d'apprendre l'anglais, là, surtout dans les régions. Moi, je viens du Saguenay, je viens de Chicoutimi. Je sais que, quand on était jeunes, c'est vrai, on n'en voyait pas un, Anglais, hein? La première fois qu'il y a une famille anglophone qui s'est installée dans notre quartier, on est allés les voir avec notre livre, là, «John is a boy», «Mary is a girl». On n'est plus là-dedans, là, hein? Je veux dire, dans le monde d'Internet, là, où ça se passe beaucoup en anglais, je crois que les francophones n'ont pas besoin d'aller au cégep en anglais pour apprendre cette langue, ça me semble évident. Et là le problème, c'est qu'il y a une espèce de glissement, qui est inquiétant, qui est tragique quelque part. C'est que le Québec finance de plus en plus, à grande échelle, de façon un peu masochiste, le choix d'une grande partie des allophones, qu'on a francisés au niveau primaire et secondaire, puis une partie croissante des jeunes francophones de s'intégrer à la communauté anglophone.

J'écoutais, tantôt, les gens qui m'ont précédé, lorsqu'on parlait, en fait, des façons de contingenter, peut-être, l'accès aux cégeps anglophones, puis je sais que le projet de loi a choisi cette voie-là. Moi, je n'y crois pas beaucoup, parce qu'il me semble que ça va causer plus de problèmes d'essayer de faire ça indirectement que de le faire franchement. Je sais que, si on le fait franchement, ça va être controversé, <probablement...

M. Dufour (Christian) : ... précédé, lorsqu'on parlait, en fait, des façons de contingenter, peut-être, l'accès aux cégeps anglophones puis je sais que le projet de loi a choisi cette voie-là. Moi, je n'y crois pas beaucoup, parce qu'il me semble que ça va causer plus de problèmes, d'essayer de faire ça indirectement, que de le faire franchement. Je sais que, si on le fait franchement, ça va être controversé, >probablement, mais, des fois, il faut qu'il y ait de la controverse un peu. Il faut qu'il y ait de l'audace aussi, et c'est ce qui manque dans ce projet de loi. En tout respect, je trouve que c'est un projet dont le coeur manque. Il y a une énergie qui n'est pas là. Et le cégep, moi, je ne vois pas d'autre dossier que ça dans lequel tu peux avoir cette énergie-là. C'est un dossier structurant. Parce que le problème, c'est que tout ce qui est rare a tendance à devenir précieux. C'est que, si on contingente l'accès aux cégeps anglophones, ça veut dire que ce n'est pas tous les francophones qui vont pouvoir y aller, et on peut s'attendre à ce que les meilleurs aient tendance à aller aux cégeps anglophones, puis que ça devienne une mesure de promotion sociale qui les incite à poursuivre leurs études universitaires, leur carrière et leur vie dans cette langue.

Il me semble que c'est le temps où jamais de donner un coup là-dessus. Je sais que ce n'est pas facile, je sais que c'est très politique. Bon, on nous dit que... bon, on nous dit, on nous dit... mais, moi, j'espère que le gouvernement va être capable de faire ce «move» là, si je peux employer cette expression anglophone là, puis qu'on nous parle, parfois, de ce que Camille Laurin avait fait avec la loi 101 dans les années 70. Bon, bien, Camille, 101, il avait brassé la cage pas mal plus que ça, hein, quand il avait mis fin au libre choix de la langue d'enseignement pour les Québécois issus de l'immigration. C'était nécessaire, il l'a fait. Bien là, il me semble que c'est nécessaire, puis c'est beaucoup moins risqué, même si je ne nie pas qu'il y aura une controverse. Mais je dirais même que ce n'est pas mauvais, non plus, qu'il y ait une controverse, que ce projet de loi, là, soit comme, un peu, intense, que les gens disent : Il se passe quelque chose, là, tu sais. En tout cas, moi, je trouve que c'est là qu'on est un peu rendus, comme tels, puis, si on ne fait pas ça maintenant, on ne le fera jamais. C'est la dernière occasion qu'on a de le faire. Puis c'est un domaine de souveraineté exclusivement québécoise, c'est totalement québécois. Puis là on réalise, là, c'est bien beau, d'être masochistes, mais on réalise qu'au niveau des cégeps, de plus en plus, ce qui est à la mode, là, c'est de faire son cégep en anglais. C'est ça, en fait, la réalité. Bon, en tout cas, mon point est assez clair.

Je me suis forcé, à la fin, pour écrire quelques paragraphes, dans le texte que j'ai fait distribuer, sur le français, seule langue officielle, entre guillemets, parce que ça m'a beaucoup amené à réfléchir. J'ai changé d'idée beaucoup, je vous avoue, puis c'est juste une remarque que je fais. J'ai noté qu'on avait tendance à vouloir rester sur le fait que le français était la seule langue officielle, ce que je peux comprendre, parce que, moi, je n'en veux pas d'autre au Québec, là, comprenez-moi bien. Mais, moi, je me demandais si, dans une époque où on voit de l'exclusion partout, là, est-ce que c'est vraiment nécessaire, en fait, d'insister là-dessus que c'est la seule langue officielle, si ça ne donne pas une image d'une société qui est beaucoup, beaucoup sur la défensive sur le plan linguistique? Au niveau fédéral, bon, on sait que le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada. On ne dit pas que ce sont les seules langues officielles du Canada, hein? Donc, moi, c'est une remarque, là, que je vous soumets en toute candeur. Ça me semblait que l'affirmation que le français est la langue officielle du Québec est plus simple et peut-être plus forte, en définitive. Puis surtout que là, il va y avoir des demandes, ça commence, là, pour que les langues autochtones bénéficient d'une reconnaissance au Québec. Là, on est dans un grand mouvement de sympathie à l'égard des autochtones, de <culpabilité...

M. Dufour (Christian) : ... remarque, là, que je vous soumets en toute candeur. Ça me semblait que l'affirmation que le français est la langue officielle du Québec est plus simple et peut-être plus forte, en définitive. Puis surtout que là, il va y avoir des demandes, ça commence, là, pour que les langues autochtones bénéficient d'une reconnaissance au Québec. Là, on est dans un grand mouvement de sympathie à l'égard des autochtones, de >culpabilité à l'égard des autochtones, donc je trouve qu'il ne faut pas être inutilement provocateurs. En tout cas, c'est un peu l'élément.

Donc, pour le reste, écoutez, je pourrais répéter ce que j'ai dit, là, mais je vais recevoir avec plaisir les questions de... J'ai hâte de voir vos questions, d'ailleurs, vos contestations, et tout ça.

• (18 h 10) •

La Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup pour votre présentation. Le ministre a été très généreux. 2 min 25 s sera retranché à votre temps, M. le ministre, puisque vous avez pris du temps du ministre. Mais ça va, il n'y a pas de problème. C'est au ministre. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Dufour, merci d'être là, merci de votre présence en commission parlementaire. D'entrée de jeu, vous l'avez abordée tout à l'heure, la question du multiculturalisme canadien, le modèle d'intégration que nous avons, au Québec, versus le multiculturalisme canadien. Vous, vous dites : On devrait peut-être en profiter pour l'inscrire clairement dans la Constitution, pour dire : Nous sommes distincts, c'est une société distincte, il y a la nation québécoise. Mais c'était important de marquer notre différence et de dire clairement comment est-ce qu'on... quel est notre vivre-ensemble, ici, au Québec.

M. Dufour (Christian) : Oui, c'est ça. C'est que, moi, je ne vous cacherai pas que j'ai eu longtemps une vision positive du multiculturalisme, mais là j'ai décroché. Je trouve qu'au Canada c'est devenu sans limites, et c'est devenu souvent toxique et malsain, et c'est une façon de remettre le Québec à sa place, et je pense qu'il faut que le Québec réagisse à ça. On n'est pas dans la modération. Donc, le... Je crois que ce n'est pas très compliqué, en fait, d'affirmer la différence québécoise. C'est que nous, on reconnaît qu'il y a une société d'accueil. C'est aussi simple que ça. Quand les immigrants arrivent ici, ils n'arrivent pas dans un territoire vierge, là, hein? Il y a une majorité francophone qui les accueille, puis on les invite à s'intégrer à cette majorité-là.

Donc, cette notion-là de bon sens n'est pas du tout véhiculée au niveau fédéral. Les messages d'intégration ne sont pas assez forts. Je ne veux pas faire de politique concrète, là, mais quand on a une ministre fédérale, d'origine afghane, qui parle de nos frères talibans, là, ça veut dire qu'il y a un message d'intégration qui n'est pas assez fort, là, hein, je veux dire, un ministre fédéral, là, je veux dire... Puis quand on comprend ça, quand... Donc, c'est pour ça que moi, là, là-dessus, si on profitait de l'ouverture constitutionnelle, là, pour affirmer très simplement... moi, je ne suis pas dans l'idéologie... affirmer tout simplement : le Québec... Puis aussi, ce n'est pas très controversé, le Québec est une société distincte. Même la supposée modératrice du débat anglais, lors des élections fédérales, a dit que le Québec est une société distincte, hein? Donc, à quelque part, on n'est pas dans la révolution. Mais, en même temps, il y a une majorité francophone ici, puis ça, c'est rendu qu'on a beaucoup de difficultés à le dire, puis c'est pour ça qu'il serait le temps de le dire dans un texte constitutionnel, puis de dire : Les immigrants, on les... ils sont invités à... Juste ça, je trouve ça très important, en fait.

M. Jolin-Barrette : Le projet de loi touche la langue, mais je comprends qu'il y a plusieurs intervenants qui sont venus aujourd'hui, avant vous, aussi, dire qu'on devrait aborder également la culture, la notion de convergence culturelle. Donc, est-ce que vous êtes également de cet avis-là? Parce que vous dites, bon, il faut le dire, qu'on est une société distincte, il faut le dire, qu'on intègre les personnes immigrantes qui <choisissent...

M. Jolin-Barrette : ...la langue, mais je comprends qu'il y a plusieurs intervenants qui sont venus aujourd'hui, avant vous, aussi, dire qu'on devrait aborder également la culture, la notion de convergence culturelle. Donc, est-ce que vous êtes également de cet avis-là? Parce que vous dites, bon, il faut le dire, qu'on est une société distincte, il faut le dire, qu'on intègre les personnes immigrantes qui >choisissent le Québec en français, ce que nous n'osons pas nécessairement faire, et que les messages sont contradictoires entre l'État fédéral et l'État québécois à ce niveau-là. Alors, le concept même de convergence culturelle, qu'en pensez-vous?

M. Dufour (Christian) : Moi, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire par «convergence culturelle». Mais la première question... partie de votre réponse, oui, je trouve qu'il faudrait vraiment le faire, parce que c'est lié à la langue, très clairement, et ça rabaisse le français. Dans le texte, je donne l'exemple, l'été dernier, quand il y avait les grands mouvements, là, de lutte contre le racisme, de manifestations contre le racisme à Montréal, le Black Lives Matter, et puis il y a des francophones qui s'étaient étonnés ou qui avaient regretté qu'il n'y avait pas beaucoup de français, hein? Tout avait l'air de se passer en anglais. Et on a répondu : Bien, écoutez, vous êtes mesquins, hein, il faut être ouverts à l'autre, il faut être dans la diversité, l'inclusion, et le français n'est pas un élément aussi fondamental que ça. Moi, j'ai entendu dire ça à ce moment-là. Donc, si on ne fait pas ça, de plus en plus, je trouve, on va être... on l'est déjà, d'ailleurs, confrontés au rabaissement du français, sous couvert de diversité, d'inclusion et de multiculturalisme tous azimuts.

Donc, ce que je trouve, c'est que le Québec est vraiment justifié de dire : Bien là, là, nous, on a une vision différente, là, et ce n'est pas la même chose. Et je trouve que, donc, c'est lié au français, il y a un lien. Ce n'est pas artificiel. D'ailleurs, quand on parle de la nation québécoise qui a le français comme langue, bien, on est aussi dans le politique. On n'est pas juste dans le français, on parle de la nation. Donc, moi, je trouve qu'il y a une opportunité. L'ouverture, là, l'idée de mettre, dans une disposition de la Constitution canadienne, certains éléments qui sont spécifiquement québécois, c'est très fort, ça, puis il faut en profiter.

M. Jolin-Barrette : Sur la question des cégeps, vous avez dit : C'est le coeur manquant du projet de loi. Lorsqu'on regarde le projet de loi, on touche différents volets : langue de travail, langue des affaires, langue d'affichage. Il y a une kyrielle de sujets qui sont abordés. Mais on s'est fait critiquer, justement, sur le fait qu'on vient mettre un plafond pour la fréquentation collégiale, et, avec le temps, ça va diminuer. Vous, vous nous dites : J'ai changé d'avis, auparavant, je pensais qu'on devait maintenir le libre choix. Et maintenant, vous êtes davantage du fait de dire : On devrait, en fait, faire en sorte qu'uniquement les anglophones puissent aller au cégep en anglais, les ayants droit. Qu'est-ce qui vous amène à ce cheminement-là, à dire, bien, c'est ce qui manque au projet de loi? Pensez-vous que c'est ça qui va faire en sorte que ça va inverser la tendance démolinguistique, le fait que les étudiants aillent au cégep en français?

M. Dufour (Christian) : Je n'irais pas jusque-là. Puis je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que ce serait une réforme structurante, hein, parce que c'est au coeur de nos institutions, c'est le système d'éducation. Je le rappelle, c'est quand même un âge crucial pour les étudiants, pour leur intégration à la vie adulte. Moi, j'ai changé d'idée parce que j'ai trouvé ça très inquiétant, à un moment <donné. C'est...

M. Dufour (Christian) : ... Je n'irais pas jusque-là. Puis je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que ce serait une réforme structurante, hein, parce que c'est au coeur de nos institutions, c'est le système d'éducation. Je le rappelle, c'est quand même un âge crucial pour les étudiants, pour leur intégration à la vie adulte. Moi, j'ai changé d'idée parce que j'ai trouvé ça très inquiétant, à un moment >donné. C'est quasiment angoissant, là, de dire : Bien là, il y a un mouvement, il y a quelque chose qui est en train de se passer. Bon, là, je comprends qu'on veut faire ça indirectement, en ne touchant pas aux libertés. Je peux le comprendre, parce qu'enlever une liberté ce n'est pas très populaire aujourd'hui. Mais, moi, ce que je crains, c'est que, si on le fait indirectement, ça cause d'autres sortes de problèmes à long terme, hein?

Et aussi — beaucoup de gens m'ont dit ça, en fait — ce projet de loi là, il n'est pas assez audacieux. Le Québec francophone aurait besoin de plus d'audace, là, un peu d'un coup de barre, et moi, je n'en vois pas d'autre, puis il me semble que ça justifie... c'est modéré... ça va faire des vagues, c'est clair, puis je sais que ça ne fait pas l'unanimité, mais ça donnerait comme une espèce d'énergie, de moteur. Ce projet de loi là, il est très intéressant, il y a beaucoup, beaucoup de choses, mais il y a vraiment quelque chose qui manque. Il y a une énergie... Puis on est en politique, là, hein? Il y a une énergie qui manque, là. Je veux dire, tout le monde... En fait, il est trop consensuel, si jamais j'étais ironique, là, hein? Bon, tout ça est bien beau, là, mais on passe à l'autre chapitre.

Donc, alors, quand on parle des cégeps, on n'est pas dans le consensus. Je suis très conscient du fait que ça ne fait pas l'unanimité, mais Camille Laurin, lui, il l'a donné, le coup, à l'époque. Pourquoi on n'en donnerait pas un aujourd'hui? Puis est-ce que c'est si dramatique que ça qu'on se dise : Bon, les cégeps, désormais, bien, les francophones, les... issus de l'immigration, bien, ils vont aller au cégep en français? Est-ce que c'est la fin du monde?

M. Jolin-Barrette : Et avant de céder la parole à mes collègues, vous dites : Le projet de loi, il est consensuel. Est-ce que ce n'est pas la démonstration du fait que tout le monde réalise, au Québec, la nécessité des mesures à mettre en place du projet de loi, du fait qu'on agit sur différents volets dans la société, et on n'a pas agi durant des années? Alors, ce n'est pas que la société, elle est mature, justement, pour prendre cette bouchée-là, pour dire : Oui, il faut protéger notre langue, oui, il faut assurer la pérennité du français?

M. Dufour (Christian) : Oui, parce que c'est vrai qu'il est consensuel, parce que je pense qu'il y a une prise de conscience assez large du fait qu'il y a un problème, il y a un danger. Il faut faire quelque chose. Et même — je sais qu'on est au Québec — même au niveau fédéral, quand même, il y a eu une certaine prise de conscience de ça. Tout ça est bien beau, mais on est en politique, puis je trouve que, je me répète, le projet de loi, il y a quelque chose qui manque, quelque chose de structurant qui manque. Je ne vois pas... Il y a peut-être autre chose, là. Peut-être que moi, il y a quelque chose que je ne vois pas, puis je ne dis pas que ça va tout changer, mais moi, je ne vois pas autre chose. Parce qu'il y a un message qui sera envoyé à ce moment-là. On donne un coup, on fait un effort, on prend un risque.

Je dirais que, dans ce projet de loi... Puis moi, je suis quelqu'un d'assez raisonnable, je l'ai lu, puis il y a beaucoup, beaucoup de choses, puis il est travaillé, puis, bon, ce n'est pas bidon, là, pas du tout, mais, à un moment donné, je cherchais quelque chose qui n'y était pas, là, une espèce de chose qui dit : Ah! ils ont pris un risque.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie pour votre passage en commission. Je sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Ce sera le tour du député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Avec combien de temps, Mme la ministre? Parce que je vais partager avec mon collègue.

La Présidente (Mme Thériault) : Avec 6 min 10 s.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est <parti. Bonjour, M. Dufour...

M. Dufour (Christian) : ...ils ont pris un risque.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie pour votre passage en commission. Je sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Ce sera le tour du député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Avec combien de temps, Mme la ministre? Parce que je vais partager avec mon collègue.

La Présidente (Mme Thériault) : Avec 6 min 10 s.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est >parti. Bonjour, M. Dufour.

M. Dufour (Christian) : Bonjour.

M. Lemieux : Je suis ici, dans le fond, en arrière, à gauche. On partage, vous et moi, à part quelques entrevues du passé, exactement la même opinion sur ce que vous appelez le coup de maître du parrain de ce projet de loi par rapport à sa dimension constitutionnelle. Et j'espère qu'on va en parler beaucoup, à un moment donné, avec un constitutionnaliste, ce que vous n'êtes pas, malgré tout, n'est-ce pas?

M. Dufour (Christian) : Non, non.

M. Lemieux : Bon. Par contre, vous êtes politologue, oui?

M. Dufour (Christian) : Oui, oui, oui.

M. Lemieux : Et c'est pertinent dans la conversation, parce qu'en ouvrant ce matin, le ministre a senti le besoin de faire un appel au calme. Dans les circonstances, au Québec, un débat sur la langue, c'est quand même... ça a déjà été très problématique. Et là vous arrivez, vous, en disant : Bien, c'est bien trop consensuel, ton affaire, arrête ça, là, je veux dire, c'est facile. Comment vous la lisez, la situation politique au Québec, au moment où on ouvre les livres sur la loi 101 et qu'on va adopter, j'espère, très bientôt, le projet de loi n° 96?

• (18 h 20) •

M. Dufour (Christian) : C'est vrai que, dans le passé, il y a eu des débats linguistiques qui étaient houleux, qui ont laissé des souvenirs qui n'étaient pas toujours bons pour tout le monde, mais, en même temps, ça a donné quelque chose, quand même, hein? Je veux dire, on a adopté la Charte de la langue française, la loi 101.

Moi, ma lecture, c'est très personnel, je vois le Québec d'aujourd'hui comme une société très craintive, en fait, très insécure, qui a peur du risque, beaucoup, puis je trouve ça un peu exagéré. Puis je ne vois pas en quoi imposer la loi 101 au cégep, c'est une révolution. Puis je trouve qu'il faut prendre des risques, hein? Je veux dire... Bon, je n'ai pas lu la... du ministre, là. Puis en même temps, moi, je suis vieux, donc je suis conscient, il ne faut pas que ça dérape, il ne faut pas, il ne faut, il ne faut pas, mais on est tellement là-dedans au Québec, hein? Il faut faire attention, puis, qui sait, puis, peut-être, puis... mais.... Bien, en tout cas, ce projet-là, moi, j'aimerais ça qu'il marque l'histoire, en fait, au-delà de toutes les dispositions qui sont là. Puis, je me répète, il me semble qu'il manque quelque chose. Je ne vois rien d'autre que ça.

M. Lemieux : Et pour vous, le coeur manquant, c'est...

M. Dufour (Christian) : Oui, je ne vois rien d'autre que ça, parce que ce n'est pas bidon, il me semble que ça se défend, ce n'est pas futile. Je ne vois rien d'autre que ça.

M. Lemieux : Et le ministre vous a demandé... et j'étais très curieux de votre réponse, quand il disait : Est-ce que c'est la seule façon d'atteindre l'objectif que d'aller avec le cégep? Le contingentement, sans qu'on ait encore travaillé sur cette partie-là de l'histoire, en termes de capacité d'influencer le cours des choses, le contingentement va faire une part du travail. Amenez-moi au bout du travail. Est-ce qu'on va toujours avoir besoin de défendre le français même en faisant ça, même en faisant plus?

M. Dufour (Christian) : Oui, c'est clair, parce que le contingentement, le danger... je pense que c'est M. Bérubé qui y a fait référence tout à l'heure, je n'ai pas pu suivre tout à fait son raisonnement, là... mais le danger que le cégep en français devienne un peu une espèce de niveau un peu inférieur, hein, au niveau francophone. Moi, je <crains...

M. Lemieux : ...besoin de défendre le français même en faisant ça, même en faisant plus?

M. Dufour (Christian) : Oui, c'est clair, parce que le contingentement, le danger... je pense que c'est M. Bérubé qui y a fait référence tout à l'heure, je n'ai pas pu suivre tout à fait son raisonnement, là... mais le danger que le cégep en français devienne un peu une espèce de niveau un peu inférieur, hein, au niveau francophone. Moi, je >crains ça, hein, parce que l'anglais est quand même une langue très prestigieuse, il y a un attrait pour l'anglais que je peux comprendre, entre autres, chez les jeunes. Et là contingenter le cégep en anglais, il y a quand même... je trouve que c'est la recette pour, à un moment donné, faire que les meilleurs dans notre société, les plus ambitieux aillent du côté anglais encore plus. Il me semble que c'est évident, là. Je veux dire, parce qu'à ce moment-là il n'y aura pas assez de place, donc, à ce moment-là, il va y avoir un combat, une compétition. Moi-même, si j'étais jeune, je dirais : Bien, je vais aller du côté du cégep anglais parce que c'est meilleur.

M. Lemieux : Et l'équilibre dont le ministre a fait preuve, puisque vous considérez que c'est consensuel, est aussi basé — puis, en fait, ça aurait dû être ma sous-question quand on a parlé du climat politique — beaucoup sur la différence entre aujourd'hui et il y a 40 quelques années, où le projet de loi ne va pas contre personne, il va pour le français. Bon, j'aurais pu lire le sous-entendu dans ma tête : il ne va pas contre l'anglais, il va pour le français. Moi, c'est ce qui me semble être la grosse caractéristique de cet équilibre-là, en disant... Puis on fera ce qu'il faut, au fur et à mesure, pour continuer vers l'objectif, que vous partagez avec moi, là.

M. Dufour (Christian) : Oui, mais le problème, c'est que je trouve qu'actuellement il y a une inquiétude à l'égard du sort du français, mais il y a un défaitisme, aussi, de beaucoup de gens, qui disent : Ah! au fond, c'est irrémédiable, le déclin du français, hein? Je veux dire, on est en Amérique du Nord, l'anglais est la langue partout dans le monde. Et là cet intérêt-là, cette inquiétude-là, elle est précieuse puis elle ne durera pas, puis c'est le temps où jamais. Donc, ce que je crains, c'est que le projet de loi, en dépit de toutes ses autres qualités, ce soit trop un projet de loi technique, bureaucratique, intéressant intellectuellement, mais que... je me répète, là, je radote, là, mais qu'il y a une énergie qui n'est pas assez là.

M. Lemieux : J'entends. Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud. Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Thériault) : Une minute pour le député de Richelieu, question-réponse.

M. Lemieux : Oui, le député de Richelieu. Une minute et quelques, c'est ce qu'il m'avait demandé.

La Présidente (Mme Thériault) : Une minute.

M. Émond : D'accord. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Dufour, merci pour votre présence et contribution aux travaux de la commission. Avant d'y aller, j'aimerais dire que, comme législateur, moi, je me réjouis que vous qualifiiez de consensuel le projet de loi, je trouve que c'est quand même une belle qualité.

Je vais juste vous amener pour parler un peu d'exemplarité de l'État, si vous le permettez. Puis là je vous cite, dans LaPresse de mai dernier, j'ouvre les guillemets, vous parlez du projet comme un «solide arrimage à la problématique linguistique concrète de 2021 au moyen de toute une série de détails, d'ajustements». Mais vous semblez avoir une certaine inquiétude quant à savoir à quel point il sera appliqué efficacement par l'administration publique québécoise. J'aimerais vous permettre <d'élaborer un petit peu plus dans l'application...

M. Émond : ... au moyen de toute une série de détails, d'ajustements». Mais vous semblez avoir une certaine inquiétude quant à savoir à quel point il sera appliqué efficacement par l'administration publique québécoise. J'aimerais vous permettre >d'élaborer un petit peu plus dans l'application concernant... parce qu'il y a un volet important sur l'exemplarité de l'État.

M. Dufour (Christian) : Oui, c'est vrai. Il y a un tas de choses avec lesquelles je suis d'accord, dans ce projet-là, dont je n'ai pas voulu parler, hein? Je veux dire, dans mon texte, j'ai focalisé sur les deux, trois thèmes qui me semblaient...

La Présidente (Mme Thériault) : Je m'excuse, M. Dufour.

M. Dufour (Christian) : Excusez-moi.

La Présidente (Mme Thériault) : Il n'y a plus de temps pour que vous répondiez à la question. Je suis la gardienne du temps ici, et, malheureusement, on a déjà passé de 16 secondes l'échange.

M. Dufour (Christian) : O.K., excusez-moi.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, je dois mettre fin à votre... J'ai... On coupe votre micro.

M. Dufour (Christian) : Excusez, rappelez-moi à l'ordre. Je ne suis pas au courant des...

La Présidente (Mme Thériault) : Bien non, ce n'est pas vous, c'est le député qui a pris du temps. Mais je vais passer la parole à la députée de l'opposition officielle, la députée de Marguerite-Bourgeoys, et elle a un bloc d'échange de 11 minutes avec vous.

Mme David : Bonjour, M. Dufour. Je vais vous poser une question : Est-ce que vous savez si c'est un cégep anglophone ou francophone dont les étudiants sont les plus forts à l'entrée, par la moyenne générale au secondaire?

M. Dufour (Christian) : Non, non, je ne pourrais pas...

Mme David : C'est un cégep francophone. Parce qu'on dit toujours que les cégeps anglophones sont contingentés, sont les meilleurs, sont les plus attractifs, mais c'est un cégep francophone de l'île de Montréal qui a les élèves les plus forts. Donc, le contingentement, ce n'est pas seulement dans les cégeps anglophones, c'est aussi dans les cégeps francophones, pour des programmes préuniversitaires, entre autres. Alors, je dis ça parce qu'on fait... on laisse croire que c'est des cégeps anglophones qui sont contingentés, mais le SRAM existe pour tout le monde. Le SRAM, c'est le Service régional d'admission pour les cégeps à Montréal, M, puis il y a le SRAQ, à Québec, puis il y en a d'autres. Alors, tout ça est très, très, je dirais, convivial, et donc les cégeps francophones sont très convoités aussi dans certains programmes. Je vous donne un exemple, cégep Maisonneuve, en sciences. Demandez à un étudiant s'il veut aller là. Oui, il veut aller là. Les étudiants qui vont en médecine, est-ce que c'est contingenté dans les universités francophones?

M. Dufour (Christian) : Je ne nie pas ce genre de chose là puis je ne dis pas que les cégeps francophones sont devenus maintenant des sous-cégeps, c'est la tendance lourde qui est inquiétante, c'est qu'il y a un glissement. C'est ça, le problème.

Mme David : Il n'y a que trois gros cégeps anglophones...

M. Dufour (Christian) : Non, mais les... Moi, je ne suis pas un...

Mme David : ...et puis il y en a 46 francophones.

M. Dufour (Christian) : Excusez, Mme la députée, oui. Moi, je ne suis pas un... Moi, pourquoi j'ai changé d'idée, c'est quand j'ai vu certains pourcentages que j'ai trouvé que c'était inquiétant. Quand j'ai entendu, autour de moi, des gens qui m'en parlaient, à un moment donné, j'ai dit : Non, là, il y a quelque chose qui est en train de se passer, c'est le temps de réagir, il va être trop tard après.

Mme David : Est-ce que vous avez...

M. Dufour (Christian) : Donc, il ne faut pas attendre que ce soit vraiment un mode de vie, une nouvelle habitude. Ça va être impossible à changer. Là, c'est encore possible de le faire, mais ça va être controversé, probablement, j'en conviens. Mais c'est le temps de le faire, parce que la tendance lourde, elle est là, justement, pour ne pas que les cégeps francophones deviennent des sous-cégeps.

Mme David : Il y a trois gros cégeps, peut-être trois gros... deux gros, un moyen, anglophones, et il y a 46 cégeps francophones, qui sont très, très habités, ces cégeps-là. Particulièrement dans la région de <Montréal, on attend...

M. Dufour (Christian) : ... probablement, j'en conviens. Mais c'est le temps de le faire, parce que la tendance lourde, elle est là, justement, pour ne pas que les cégeps francophones deviennent des sous-cégeps.

Mme David : Il y a trois gros cégeps, peut-être trois gros... deux gros, un moyen, anglophones, et il y a 46 cégeps francophones, qui sont très, très habités, ces cégeps-là. Particulièrement dans la région de >Montréal, on attend 25 000 nouveaux étudiants d'ici 2029. Et avec les propositions, effectivement, de maintenir ou de ne pas augmenter trop les cégeps anglophones, ça va faire 25 000 étudiants à reloger dans les cégeps francophones, où il n'y a même pas de locaux, actuellement, pour tous les accueillir, tellement il y a d'étudiants, comme au cégep Ahuntsic.

Mais la question que... Je voulais vous amener sur d'autres questions. Est-ce que c'est possible, selon vous, d'être à la fois fédéraliste et nationaliste?

M. Dufour (Christian) : Bien sûr.

Mme David : Bon, ça me rassure.

M. Dufour (Christian) : Est-ce que vous avez déjà douté que je pensais ça?

Mme David : Bien, ça me rassure, parce que j'ai l'impression qu'être fédéraliste c'est être, forcément, multiculturaliste, puis c'est complètement antinomique au fait d'être nationaliste.

M. Dufour (Christian) : Le multiculturalisme, c'est autre chose. Je crois profondément que le multiculturalisme canadien — je parle bien de la version canadienne — il est devenu profondément malsain, parce qu'il n'a pas de limites, il n'a pas de limites...

Mme David : On peut être fédéraliste et habiter au Québec.

M. Dufour (Christian) : ...il n'a pas de limites, et c'est pour ça que j'espère que le gouvernement va affirmer, dans la disposition constitutionnelle, qu'au Québec il y a une limite, il y a une majorité francophone. Je regrette, je dis ce que je pense. Le multiculturalisme canadien, je trouve qu'il est devenu toxique. Il ne l'était pas au départ. Mais il n'y en a pas, de limites, madame, il n'y en a pas.

Mme David : Mais ça fait très longtemps, y compris au Parti libéral, qu'on prône l'interculturalisme.

M. Dufour (Christian) : Je le sais.

Mme David : Là, l'autre expression, bon, que M. le Pr Rousseau prend beaucoup, c'est la politique de convergence culturelle. On pourrait faire des débats entre la différence entre l'interculturalisme et la convergence culturelle, mais ce n'est pas le lieu, ici. Mais on a toujours eu ça.

Maintenant, je viens, justement, à la question de la Constitution. Je vous sens tenté, comme peut-être... Benoît Pelletier travaille là-dessus depuis 20 ans, Jean Lesage a demandé, en 1962, à Paul Gérin-Lajoie de faire la même chose, travailler sur une hypothèse de constitution du Québec. Ça ne date pas d'hier, là, ça fait très longtemps. Là, il y a eu une reviviscence, et il y a eu cet article 45, qui a été utilisé. Mais Guillaume Rousseau nous parlait, ce matin, de mettre «l'État est laïque», dans la constitution que le ministre veut ouvrir via l'article 45. Vous, vous proposez de mettre la société distincte, Benoît Pelletier a toute une longue liste de ce qu'on pourrait mettre. Mais est-ce qu'on veut vraiment que le ministre change son projet de loi, avec l'article sur le... 90Q.1., 90Q.2., 90Q.3., 90Q.4., on va peut-être aller jusqu'à je ne sais pas combien, pour en faire un projet de loi sur une constitution québécoise?

M. Dufour (Christian) : Non, votre question est très pertinente, Mme la députée. Absolument pas, il ne faut pas faire ça. Et je trouve que je me méfie beaucoup de ceux qui veulent des constitutions québécoises. Moi, dans mon texte, j'attire l'attention sur deux choses qu'il faudrait mettre dans le texte constitutionnel canadien, la prédominance du français et la société distincte. C'est juste ça que je veux qu'on mette. Sinon, vous avez raison, ça va déraper.

Mme David : C'est parce que d'autres ont des bonnes idées aussi.

M. Dufour (Christian) : Et, juste pour terminer, ne doutez jamais que, moi, là, un fédéraliste, je peux être très nationaliste, hein? Je veux être critique d'un multiculturalisme «canadian».

• (18 h 30) •

Mme David : O.K. Je vous entends bien. <Maintenant, sinon, je ne comprends pas trop, là, je ne comprends pas trop. Vous dites : C'est très...

>


 
 

18 h 30 (version révisée)

<       M. Dufour (Christian) : ...C'est juste ça que je veux qu'on mette. Sinon, vous avez raison, ça va déraper.

Mme David : C'est parce que d'autres ont des bonnes idées aussi.

M. Dufour (Christian) : Et, juste pour terminer, ne doutez jamais que, moi, là, un fédéraliste, je peux être très nationaliste, hein? Je veux être critique d'un multiculturalisme «canadian».

Mme David : O.K., je vous entends bien. >Maintenant, là où je ne comprends pas trop, là, je ne comprends pas trop, vous dites : C'est très opérationnel, le mot «claire», plutôt que «nette» prédominance. En quoi le mot «claire» est si clair que ça dans son opérationnalisation?

M. Dufour (Christian) : Bien, ou «nette», écoutez, ce que je... Excusez... Ça va? Ce que je veux dire, c'est que «nette» ou «claire», c'est la même chose, là. Ce que je trouve qui est dommage, c'est quand on veut se mettre à mesurer la clarté puis mesurer la grosseur des lettres. Puis ça, c'est très perdant, parce qu'on fait mesquin, on fait étroits d'esprit. On le voit, quand le français est prédominant ou pas, je pense qu'il faut faire confiance à la bonne foi des gens, au bon sens des gens. Et dans les commerces, moi, ça m'a toujours fasciné, les gens qui ne sont pas dans la politique, là, dans les établissements commerciaux, il y a des centaines, il y a des milliers de commerces, là, où on le fait spontanément. Il y a du français et de l'anglais, le français est clairement prédominant, et c'est valorisant pour les francophones, l'anglais a une place. Donc, le clair, c'est important, par exemple, le clair ou le net, si vous voulez, moi... c'est qu'il faut simplement que ça soit clair, là.

Mme David : Mais là, c'est encore moins clair pour moi, parce que quand on fait une recherche dans le projet de loi du ministre, il emploie le mot «nette» prédominance. Claude Ryan, quand la clause nonobstant n'a pas été renouvelée, après 1988, ça a été la «nette» prédominance dans l'affichage.

M. Dufour (Christian) : Bon, je m'excuse, madame, je m'excuse, je me suis mal exprimé. Pour moi...

Mme David : Alors, si vous dites qu'un est synonyme de l'autre, là, je suis un petit peu mélangée.

M. Dufour (Christian) : Excusez, juste parce que je sais que le temps est tellement compté. «Claire» et «nette», c'est la même chose, pour moi, là, vous comprenez, là, il n'y a pas de problème ça, là. Mais l'important, c'est que ce soit «nette» ou «claire». Je ne vois pas la différence entre «nette» ou «claire», vous avez raison.

Mme David : O.K. C'est parce que vous dites que ça fait 30 ans que vous prônez le «claire», mais il existe depuis 30 ans via le mot «nette», mais...

M. Dufour (Christian) : Si je dis 30 ans, c'est parce qu'on m'a tellement dit : Tu es mollasson, puis ce n'est pas ça qu'il faut, puis bon, c'est pour ça que je dis ça, moi. Mais que ce soit «claire» ou «nette», c'est la même chose exactement à mes yeux, il n'y a pas de problème. Mais il faut que ce soit clair et net, là.

Mme David : Clair et net, bon.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme David : Mais je vous rassure, le mot «nette» est là depuis très, très, très longtemps. Alors, on va s'entendre là-dessus. Maintenant, le mot... vous n'aimez pas le mot «seule» langue officielle. Ça m'a fait réfléchir. Vous dites : C'est exagérément défensif. C'est comme voyons donc, là, la langue officielle, d'ailleurs, qui est, depuis Robert Bourassa, en 1974, on a fêté les 40 ans en 2014... Donc, le français seule langue officielle au Québec, vous trouvez que l'adjectif est de trop, «seule», c'est exagérément défensif. Alors, j'étais curieuse de savoir qu'est-ce qui fait que vous trouvez que c'est trop, c'est comme... trop, c'est comme pas assez, ça montre une certaine vulnérabilité?

M. Dufour (Christian) : J'ai hésité beaucoup avant d'écrire ça, hein, puis j'ai beaucoup changé le petit texte. Mais on dit ce qu'on pense, hein, et je trouve que ça fait défensif quand même, c'est la seule langue officielle. Au fédéral, on ne dit pas : Le français et l'anglais sont les seules langues officielles. Et ce n'est pas dramatique, là, comprenez-moi bien, ce n'est pas un point aussi fondamental que la société distincte, la prédominance du français puis la constitutionnalisation, mais il faut quand même tenir compte du fait qu'on vit dans une époque où on a tendance à voir des exclusions partout. Le multiculturalisme dont on parlait <tantôt, là, hein...

M. Dufour (Christian) : ... Au fédéral, on ne dit pas : Le français et l'anglais sont les seules langues officielles. Et ce n'est pas dramatique, là, comprenez-moi bien, ce n'est pas un point aussi fondamental que la société distincte, la prédominance du français puis la constitutionnalisation, mais il faut quand même tenir compte du fait qu'on vit dans une époque où on a tendance à voir des exclusions partout. Le multiculturalisme dont on parlait >tantôt, là, hein, on exclut. Donc, le «seul», je craignais que, si on insiste trop là-dessus, là on se fait dire : Oui, le seul, mais il y a aussi autre chose. C'est juste que j'ai dit ça, hein? Parce qu'en soi, froidement, le français est la langue officielle du Québec, tout est là, hein? Mais ça, écoutez, moi, je n'en fais pas une maladie, là, c'est juste que j'attirais l'attention sur le fait qu'il me semble, sur le plan politique, le français est la seule langue officielle du Québec, je me demande si ça n'attire pas les contestations, en disant : Mais oui, mais les autochtones aussi, hein, les autochtones qui ont été tellement mal traités récemment, dont les langues sont en voie de disparition. C'est comme le français, vous n'avez pas de sympathie, pourquoi vous dites que c'est la seule, là? C'est juste ça, mais ce n'est pas un point fondamental de ma présentation, c'est une remarque pour éclairer le débat, pour stimuler le débat, pour stimuler le débat.

Mme David : O.K. Je trouve ça très intéressant, en fait, comme réflexion, c'est une remarque qu'on pourrait retenir ou reproposer.

Quand vous parlez de multiculturalisme, évidemment, là, vous allez très loin, puis j'entendais un mot que vous n'avez pas prononcé, mais qui est dans l'air du temps, là, la définition de ce qu'est être «woke», hein...

M. Dufour (Christian) : «Woke»?

Mme David : ...ça m'étonne, je ne l'ai pas entendu dans votre bouche, mais il y a toutes sortes de choses qui faisaient référence à ça, puis, des fois, j'étais comme un peu mal à l'aise, parce que c'est comme si ça faisait, on est «woke» ou on est nationaliste ou on est... j'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus, sur la définition que tout le monde donne en ce moment.

M. Dufour (Christian) : Sur quoi?

Mme David : Parce que je dis ça, parce que c'est comme, je ne voudrais pas qu'il y ait d'incompréhension, là, sur... il y a tellement de concepts qui sont abordés ici, mais c'est comme si, ça, c'est opposé au nationalisme, ou on est nationaliste et puis on est pour la langue française ou on est dans l'autre gang, puis l'autre gang brûle des livres. Puis, en tout cas...

M. Dufour (Christian) : Je ne vais pas me mettre à parler de «woke», là, parce que je trouve que... je crois que c'est un débat public, mais ce n'est tellement pas l'objet de mon mémoire. Mais ce que je crois profondément, c'est que le multiculturalisme, lorsqu'il a été adopté, moi, j'ai l'âge pour m'en souvenir, c'était une façon, en partie, pour remettre le Québec à sa place. Ce n'était pas juste ça, mais c'était, en partie, ça, parce qu'au départ on était dans le biculturalisme, vous vous en souvenez. Dans un premier temps, c'était une idéologie qui était modérée, bon, comment pouvait-on être contre ça. Ça a progressé, c'est devenu hégémonique, hein, le Canada, monsieur... non, je ne veux pas nommer de gens, là, mais il y a des gens qui vont définir le Canada comme essentiellement multiculturel, c'est devenu la nature du... Et, moi, ce qui me dérange là-dedans, c'est l'intolérance et la fermeture, c'est tout un paradoxe, parce que ce sont des idéologies qui ne parlent que d'ouverture et d'inclusion, mais qui sont fermées et qui sont implacables, je parle d'idéologie, je ne parle pas des individus, qui sont implacables à l'égard de la différence québécoise, et c'est ça qui m'inquiète beaucoup.

La grande manifestation contre le racisme à Montréal, le Black Lives Matter, où il n'y avait pratiquement pas de Français, ceux qui ont critiqué se sont fait dire : Écoutez, vous êtes des mesquins. C'est l'ouverture qui est importante. Et je me dis : si on n'est pas <capable...

M. Dufour (Christian) : ...je ne parle pas des individus, qui sont implacables à l'égard de la différence québécoise, et c'est ça qui m'inquiète beaucoup.

La grande manifestation contre le racisme à Montréal, le Black Lives Matter, où il n'y avait pratiquement pas de F rançais, ceux qui ont critiqué se sont fait dire : Écoutez, vous êtes des mesquins. C'est l'ouverture qui est importante. Et je me dis : si on n'est pas >capable de critiquer un multiculturalisme canadien sans limites, qui est devenu toxique, moi, je... C'est nouveau, je ne le critiquais pas avant. Mais il faut dire les choses, là, quand j'ai vu...

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois vous interrompre.

M. Dufour (Christian) : ...la ministre d'origine afghane qui a parlé des frères talibans, j'ai dit : Wo! là.

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois vous interrompre, malheureusement. On a dépassé de 12 secondes. Donc, Mme la députée de Mercier, vous avez votre 2 min 45 s.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Dufour. Vous parlez de société distincte. Vous trouvez que c'est important de l'ajouter dans la constitution. Donc, vous trouvez que «nation», ce n'est pas suffisant, et vous définissez «société distincte» comme étant une majorité francophone vers laquelle on invite les minorités, les nouveaux arrivants, à s'y intégrer, tout en gardant leur culture. Moi, c'est drôle, je lis la définition de l'interculturalisme, comme M. Gérard Bouchard en parle. Et, justement, M. Bouchard aussi, dans un papier récemment, avait parlé du fait que dans Black Lives Matter, quand il y avait cette manifestation où j'étais, il y avait du français, mais c'est vrai qu'il y avait beaucoup d'anglais, il était inquiet de cet amalgame-là entre : français, c'est l'exclusion, anglais, ça nous inclut tous. Et je voudrais vous entendre, comment est-ce que vous trouvez que se passe l'intégration des nouveaux arrivants, au Québec, aujourd'hui? Comment ça se passe?

M. Dufour (Christian) : Ah! écoutez, c'est un gros sujet, hein? Je pense que ça semble s'être bien passé par rapport au passé, parce qu'avant, hein, les francophones étaient seuls puis ils avaient l'impression que les immigrants s'intégraient systématiquement à la communauté anglophone. Donc, il y a eu un énorme succès, en fait, du Québec moderne, où on a intégré beaucoup les immigrants, bon, avec des problèmes comme ailleurs. Donc, moi, je porte un jugement assez positif, mais c'est un sujet tellement compliqué et miné.

Mais je vais parler de la société distincte, si vous permettez. C'est l'héritage de Robert Bourassa, c'est vraiment ça. Le Québec est une nation et une société distincte au sein du Canada. C'est un cadre, une société distincte. Moi, je suis avocat, hein, et c'est important un cadre. La seule contenue, c'est une majorité francophone. C'est compatible avec l'existence du Canada. C'est très puissant la société distincte, tu en fais ce que tu veux de la société distincte, la seule chose, c'est qu'il y a une majorité francophone, tout est là.

Mme Ghazal : Mais de dire nation...

M. Dufour (Christian) : Alors que «nation», c'est fort sur le plan politique, émotif et symbolique, mais à un certain niveau, «société distincte» est plus fort. Parce que les nations, les nations autochtones, qui conteste le statut de nation des nations autochtones? Le Québec est les deux de toute façon, je trouve qu'il faut dire les deux. Mais «société distincte», moi, j'ai toujours défendu ça, c'est l'héritage de Robert Bourassa, c'est porteur de pouvoir, c'est un cadre et c'est ce qui nous distingue du multiculturalisme parce qu'on dit : Il y a une majorité francophone. Le multiculturalisme n'est pas capable de dire, au Canada : Il y a une communauté d'accueil. On n'est plus capable de dire ça. On accueille les gens, on célèbre leur différence puis il n'y a pas de message d'intégration suffisamment envoyé, ça semble évident. On ne dit pas assez aux gens qu'on accueille puis on célèbre... Écoutez, faites un effort pour vous intégrer un peu.

Mme Ghazal : J'ai une dernière question. Je me chicanais avec mon recherchiste. Est-ce que vous êtes indépendantiste? Parce qu'on se posait la question depuis tantôt, puis là, je ne le sais pas.

M. Dufour (Christian) : Moi, j'ai écrit un livre sur la proportionnelle, qui s'appelle Le Pouvoir québécois menacé, <j'explique ce que je suis...

M. Dufour (Christian) : ...On ne dit pas assez aux gens qu'on accueille puis on célèbre : Écoutez, faites un effort pour vous intégrer un peu.

Mme Ghazal : J'ai une dernière question. Je me chicanais avec mon recherchiste. Est-ce que vous êtes indépendantiste? Parce qu'on se posait la question depuis tantôt, puis là, je ne le sais pas.

M. Dufour (Christian) : Moi, j'ai écrit un livre sur la proportionnelle, qui s'appelle Le Pouvoir québécois menacé, où >j'explique ce que je suis là-dedans. Moi, ce n'est pas ma tasse de thé, là, la souveraineté puis la... c'est le pouvoir québécois, mon paramètre. Moi, je défends le pouvoir québécois, c'est pour ça que d'ailleurs l'intervention de M. Legault, dans la campagne électorale, sur le pouvoir québécois que tout le monde a critiquée, moi, je l'ai défendue parce que je trouve qu'il défendait le pouvoir québécois. Pour moi, là, quand j'étais jeune à Chicoutimi, et je raconte ma vie, ça me semblait évident que le Québec devait être indépendant, puis qu'il avait été conquis par les Anglais, parce qu'on était tous des francophones, bon. Puis, après ça, j'ai réalisé que les Québécois, c'était plus...

• (18 h 40) •

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois vous interrompre.

M. Dufour (Christian) : Oui?

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois vous interrompre encore une fois. Je m'excuse.

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Thériault) : Je m'excuse. Bon. Le dernier intervenant pour...

M. Dufour (Christian) : Je vous enverrai mon livre.

La Présidente (Mme Thériault) : ...encore 2 min 45 s, M. le député le député de Matane-Matapédia. Je suis désolée de vous interrompre.

M. Bérubé : Mme la Présidente, cette question-là est réglée pour nous. Le pouvoir québécois, il passe par l'indépendance du Québec. Et sachez, M. Dufour, qu'il y a une seule formation politique qui est d'accord avec votre position sur le cégep en français, et c'est le Parti québécois. Alors, ce que vous avez dit quant au pouvoir québécois, quant à la nécessité de prendre des décisions pas consensuelles, nécessaires et difficiles, c'est exactement le propos que j'ai servi au ministre cet après-midi, et je vous fais grâce de la réponse qu'il m'a donnée.

Il est possible d'être fédéraliste, d'être nationaliste, c'est la prétention du gouvernement, et d'être audacieux. Je le souhaite. C'est la prétention du gouvernement de la CAQ. Je vous donne le temps, le peu de temps que j'ai, pour essayer de convaincre le ministre qu'il peut utiliser une occasion historique pour permettre que le cégep, ça se passe en français pour les francophones, pour les nouveaux arrivants, et que, sans cette mesure, c'est un projet de loi relativement faible. Ce n'est pas costaud. Il manque quelque chose d'important. Et, comme René Lévesque l'a déjà dit, quand on passe à côté d'un vrai destin, d'une chance historique, c'est perdu. Alors, à vous la parole.

M. Dufour (Christian) : Bien, écoutez, dans mon texte, dans ma présentation, je pense que j'ai plaidé le plus que je pouvais pour que le gouvernement fasse preuve et le ministre fasse preuve d'audace sur la question des cégeps. Et le projet de loi n'est pas encore adopté, il y a une commission parlementaire. Moi, je ne désespère pas du tout de ça, qu'au fil d'arrivée le gouvernement change son fusil d'épaule. Pourquoi ne le changerait-il pas?

M. Bérubé : Mais c'est parce que l'avantage, chez nous, c'est qu'il n'a personne à convaincre de la nécessité de défendre la langue, et il faut lui donner des arguments pour convaincre ses collègues.

M. Dufour (Christian) : En tout cas, moi, j'essaie de donner les meilleures frimes que j'ai. Vous me mettez dans une drôle, drôle de position. Mais, non, mais je salue le Parti québécois d'appuyer cette position-là parce que, moi, j'en suis rendu là.

M. Bérubé : On a évolué, nous aussi, là-dessus.

M. Dufour (Christian) : Il y a beaucoup de gens qui ont évolué, et je tiens à dire qu'il y a beaucoup, beaucoup de gens qui, sur la question des cégeps, ont changé d'idée parce que, le glissement, ils l'ont vu, ils l'ont senti, puis ça les a inquiétés, puis ils ont dit : On est capables d'agir.

Vous savez, souvent on est dans l'impuissance où on peut dire : Qu'est-ce qu'on peut faire réellement? Là, c'est un dossier où on peut faire quelque chose.

M. Bérubé : Et on est en bonne compagnie parce que Guy Rocher va venir dire la même chose que nous en commission. J'ai hâte d'entendre le ministre lui dire que ce n'est pas une bonne idée.

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste 45 secondes.

M. Dufour (Christian) : Ah! O.K. O.K. O.K.

M. Bérubé : Vous avez encore du temps, M. Dufour.

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste 45 secondes, M. Dufour, prenez-les.

M. Dufour (Christian) : O.K. Écoutez, cela dit, moi, par exemple, je trouve que le projet de loi reste intéressant en lui-même. Il a beaucoup de choses intéressantes. <Quelqu'un m'a parlé, tout à l'heure, de ma méfiance à...

M. Bérubé : ... Guy Rocher va venir dire la même chose que nous en commission. J'ai hâte d'entendre le ministre lui dire que ce n'est pas une bonne idée.

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste 45 secondes.

M. Dufour (Christian) : Ah! O.K. O.K. O.K.

M. Bérubé : Vous avez encore du temps, M. Dufour.

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste 45 secondes, M. Dufour, prenez-les.

M. Dufour (Christian) : ...non. O.K. Écoutez, cela dit, moi, par exemple, je trouve que le projet de loi reste intéressant en lui-même. Il a beaucoup de choses intéressantes. >Quelqu'un m'a parlé, tout à l'heure, de ma méfiance à l'égard de l'administration publique, jusqu'à quel point on mettrait ça en oeuvre. C'est vrai que... vous savez, la crise sanitaire, puis tout le domaine de la santé, à un moment donné, je me suis dit : Oui, jusqu'à quel point notre gros mastodonte public et parapublic livre la marchandise. Des fois, j'ai un peu des doutes. Donc, quand j'ai lu le projet de loi de M. Simon Jolin-Barrette, je trouvais ça très intéressant, mais... la machine va-tu, va-tu, attendez, il ne faut pas dire ça, il ne faut pas penser ça, mais moi j'ai des doutes des fois.

M. Bérubé : Combien de temps?

La Présidente (Mme Thériault) : Non, une seconde, donc c'est terminé.

M. Bérubé : On finance notre assimilation en permettant l'accès universel aux cégeps anglophones.

La Présidente (Mme Thériault) : Malheureusement, c'est terminé.

M. Bérubé : C'est ma prétention.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, M. Dufour, je vais vous remercier pour votre participation en commission parlementaire. Désolé de vous avoir coupé le micro, on va le dire comme ça. Je suis la gardienne du temps, donc...

M. Dufour (Christian) : C'est terminé?

La Présidente (Mme Thériault) : C'est terminé.

M. Dufour (Christian) : Merci infiniment, hein, vraiment, c'était un beau débat. C'est un grand honneur.

La Présidente (Mme Thériault) : Donc, je remercie.

Donc, pour les collègues, évidemment, la commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 22 septembre, après les affaires courantes. Merci. Bonne soirée, tout le monde.

(Fin de la séance à 18 h 43)


 
 

Document(s) related to the sitting